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Full text of "La curieuse vie de Marcellin Desboutin, peintre, graveur, poète, [par] Clément-Janin"

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sboutin 


La  Curieuse  Vie 


Marcellin   Desboutin 


ÉDITION    DE    LUXE 

a    l'tr    tiré    do    cet    Ouvrage 
60  Exemplaires  numérotés 
sur  papier  du  Japon. 


_3Hl 


L'HOMME    AU    GRAND    CHAPEAU 


CLÉMENT-JANIN 


La  Curieuse  Vie 


Marcellin    Desboutin 


Peintre  -  Graveur  -  Poète 


henfi  FloutS 

(j 


Paris 
h.  floury  -  éditeur 

2.    Rue   Sainl-Siilpicc  et  4,   Rim^  dr  Condr 
1922 


A 
MONSIEUR 

JACQUES  DOUCET 

Fondateur  de  la 
Bibliothèque  d'Art  et  d'Archéologie 

HOMMAGE 

de  son  ancien  Collaborateur 

reconnaissant 

C.-J. 


Le    rriiiin|)hc'  di-  SilniP  (  l'ilulurr .    /n','// 
Coll.    A.    P.obln 


AVANT- PROPOS 


La  physionomie'  de  Marcclliii  Dcsboiiliii  csl  une  di-s  plus  ciiiifiiscs  .1  .i.s 
plus  attachantes  cjui  soient. 

Lettré,  et  même  érudil,  poète,  dramaturge,  peintre,  i,'raveur.  |>orlraiti>le 
remarquable,  esprit  vif,  eieur  ouvert,  main  lari,'e.  dominant  la  mauvaise 
fortune  trop  fréf|uenle,  par  son  acharnement  au  travail,  bohème  par  cir- 
constance plus  (pie  par  vocation,  rachetant  le  débraillé  de  sa  tenue  par  sji 
distinction    naturelle,    Desboutin    fut.    dans    la    vie.    le    type   «l'une    humanité 


fXceptioiuu-lU'.  dont  K's  s|H-ciiiuMis  anlcrimirs  se  ronconlrent  avec  les  philo- 
soplu-s  cyni(pu's  (rAiilisllu'-iu-  à  \)\n'A^'nc  ci  iW  C.nilôs  à  Monip|)c.  avec  Socrate, 
avec  KpiclMc.  puis,  en  saulaiil  plus  duii  milléuairc,  avec  Villon,  avec  les 
printres  Hruau.lel  el  Ceorijes  Michel,  avec  ce  Neveu  de  Hameau  que  Diderot 
evo.pia  si  |)laisaniMieiil,  enfin,  loul  \nvs  de  nous,  avec  Hallanche,  Gustave 
Planche.  C.  de  Nerval.  IMcire  Dupoul,  Tahar,  Chinlreuil,  Desbrosses,  et 
plus  près  encore,  avec  I  Imri  Pille,  Veilaiue,  Léou  Cladel,  van  (io^h.  de  Sivry 
tt    Toulouse  i.autri'C.  , 

I  )f  ees  Diininaux.  il  y  en  eut  toujours.  Ils  sont  la  satire  vivante  de  leur  temps. 
On  les  ainu'  pour  ce  (pi'ils  synd)oIiseut  de  protestation,  même  involontaire, 
contre  la  servitude,  parfois  iusupi)ortal)le,  des  conventions  mondaines.  Ils 
soûl  les  veuf^eurs  de  ceux  à  (pii  leur  situation  subalterne  ou  leur  timidité  ne 
permet  lent  pas  riudi-pendance  de  l'allure.  Se  vêtir  à  sa  guise,  jouir  d'assez 
(le  proslauce  pour  (pie  nulle  dêfrocpie  ne  semble  ridicule,  avoir  un  ascendant 
personnel.  |)osséder  un  cerveau  meublé  d'idées  orii^inales  et  de  connaissances 
variées,  être  assez  libre  de  préjugés,  pour  dominer,  sinon  son  époque,  du 
moins  son  entourage,  el  assez  martpie  de  genlilhommerie  pour  ne  tenir  à 
l'argent  ([ue  dans  la  nu'sure  où  il  u'imi)li(pie  i)as  la  bassesse,  faire  preuve, 
enfin,  d'un  talent  supérieur  en  ])lusieurs  branches  de  l'art,  voilà  ce  qui,  à 
travers  les  temps,  s'est  rencontré  (juchpiefois,  et  ce  que  Marcellin  Desboutin 
a  réalisé  avec  une  i)uissanci'  (jui  a  laissé  le  souvenir  le  plus  vivace,  et  en  a  fait 
comme  l'hérilier  d'un  genre,  qui  eut  ses  prototypes  en  Benvenuto  Cellini, 
eu  l'.vrano  de  liergerac  et  eu  Casanova.  Si  Desboulin  avait  écrit  ses  mémoires, 
mil  doute  (pi'il  n'eûl  atleinl  à  une  réputation  égale  à  celle  de  ces  illustres, 
avec  plus  de  moralité  cpie  le  dernier  ce])endanl. 

II  y  eut,  eu  Desboulin,  le  conflit  de  deux  races.  Il  élail  bien  de  celle  époque 
où  Saudeau  a  place  MddriiïoisrUr  de  la  Seifilivre  et  Octave  Feuillet  Le  Roman 
d'un  jeune  lunuine  pauvre.  Seulement,  celli'  rivalité  des  Monlaigus  et  des 
l'.apulels  (pii,  après  la  lieslauraliou,  mettait  aux  prises  les  descendants  des 
émigrés  el  ceux  de  la  l)ourgeoisie  dédaignée,  |)our  aboutir,  en  fin  de  compte, 
h  des  unions  cpii  accrurent  h-  nombre,  sinon  des  vrais  nobles,  du  moins  de 
leurs  partisans,  celle  rivalité  Desboulin  la  portait  en  lui.  Sa  mère  était  de 
sang  bleu  el  smi  i)ère  de  sang  rouge.  ]1  tint  de  l'une  ce  mépris  du  qu'en  dira- 
ton,  (ju'elle  |iossédait  comme  une  marcjuise  du  xviii"  siècle  et,  de  l'autre, 
un  besoin  intime  de  régularité  sans  cc^sse  étouffé  i)ar  un  rare  esprit  de  désordre, 
mais  qui  apparaît  d'une  manière  surprenante  dans  les  lettres  d'affaires  que 
nous  avons  eues  sous  les  yeux.  Desboutin  savait  fort  bien  discuter  ses  inté- 

II 


R'Is  ;  il  les  iiictKi  loujoiirs  avoc  uiR-  assez  j»niu(h-  hahili-lé.  Qu'il  s'.inil  .l'""- 
iniiiiiKiiidi'  (le  ri".t:il  (iii  de  l:i  Ville.  (i"iiiic  passr  de  clu-rnln  di-  fiT  a  <.l» 
tle  |)()rlrails  à  exétulor,  d'un  dranu-  a  "  chauffer  .  seluu  sou  rxpn'ssion.  il 
s'eulendail  parfaileiiieul  à  se  servir  «le  ses  <|ualil«'s  de  sédu<lii»u.  ri  iiori 
moins  de  ses  défiiuls.  Sa  eorrespuniiauee.  au  sujet  dfs  fani«-u\  l-raj^nuard, 
de  Grasse,  élahiil,  sans  ré|)Ii(|iie,  qu'il  n'élail  pas  luiniine  à  se  laisser  Irnmprr 
et  qu'on  ne  l'écorchait  pas  sans  (pi'il  poussai  des  cris  ;i  auieuler...  tout  Mout- 
marlre  !  Mais  il  avait  de  uiauvaisi-s  niclliodi-s. 

Les  l-"lorenlins  disaienl  de  lui,  pendant  les  sei/e  aunéi'S  de  sou  séjour  a 
VOinbrellinu,  qu'il  était  uno  bel  liipo.  (x  fut.  en  effet,  un  type.  Il  appartenait 
à  cette  catégorie  d'artistes,  mais  ceux-là  de  médiocrt'  envergure,  (pie  Murger 
a  peints  sous  des  couleurs  (pii  ont  atueiié  à  la  Holiènic  la  sympathie  des 
Bovary  de  tous  les  mondes,  en  même  temps  (|u'ils  déterminaii-nt  de  fâcheuses 
imitations.  Combien  sont  partis  pour  le  royaunu-  de  Bohème  et  ses  sept 
châteaux,  qui  arrivèrent  au  négoce  sauveur  !  Ce  furent  les  heureux.  D'autres 
se  fourvoyèrent  irrémédial)lemeut  dans  l'art  |)our  lefpud  ils  n'étaient  pas 
faits  et  le  reconnurent  trop  tard,  au  rayon  glace  du  noir  soleil  de  la  mé- 
lancolie   »,  fille  de  la  réalité  ! 

Ils  ont  |)U  dire,  avec  Murger,  (pii  \écut  celte  triste  vie,  et  avec  Des- 
boulin,  qui,    vieillissant,    [)ensail   comme   Muiger   : 

...Ccllf  mute  si  ln-lU-, 
Quand  j'y  fis  mes  |)ruiiiit.TS  pav. 
MaiiitcnaïU.  je  la  vois  IcUv. 
Telle  ([u'elle  existe,  liélas  ! 
.Je  la  vois  étroite  et  sombre. 
1^1  déjà  j'entends  les  cris 
•I)^'  mes  eomi)a'4nons,  dans  l'nmtire. 
Qui  marrlienl  les  pieds  meurtris  ! 

Ces  cris,  Desboutiu  lui-même  les  poussa,  à  la  fin  <le  sa  longue  carrière. 

«  Désordre  et  Génie  >,  avait  écrit,  avant  Murger,  .Mi'xaudre  Dumas 
père.  L'un  n'excuse  pas  l'autre,  mais,  à  la  rigueur,  le  fait  passer.  Desboulin, 
qui  fut  toute  sa  vie  un  parfait  honnête  homme.  —  ■  Desboulin,  la  loyauté 
même  «,  écrivait  un  journaliste  (1  ),  —  i-t  (jui  disait  lui-même,  sur  la  fin  de 
sa    vie    «  qu'il    n'avait    jamais    fait    |)enlre    personne    ■.    n'eût  pas  le  grave 


(1)   Ci.   S()Lvi;n  snck  (Pseudonyme  de  .).   (.iir>p.  I'i>jar<>  "Jl 

III 


ilt-s(»nlri'  (iiu-  le  tlr;iin:tliiri;i'  |)rôl:iil  ;'i  Kc;iii,  mais  i!  eut  assez  de  laleiil  pour 
(|u't»ii  lui  |i;u(l(»iiuàl   un  désordre,  surtout   malériel. 

Il  fui  hicu.  si  l'on  veut,  et  puisfiue  lui-nuMiie  se  donna  ce  ([ualificalif, 
un  hn/ii'mr.  mais  un  hnhème  di's  hauts  sommets.  Il  avait,  au  demeurant, 
plus  de  ress»nd)lan(e  a\i'c  (liiarlet,  sou  labeur,  sa  niellée,  sa  causerie  spiri- 
liu-lle  cl  sa  \ali'ni-.  attestée-  de  son  vivant  par  Delacroix,  —  comme  Puvis 
de  (',lia\aniu's  di'\ail  alieslci-  eelii'  de  Desboutin,  -  (pi'avec  les  héros  tapa- 
geurs (In  l'omau  célèbre,  successeui's  de  Cabrion.  Il  fut  l'aigle  parmi  les  moi- 
ni';iii\   Iraucs. 

Nous  juijerons.  au  cours  de  cette  étude,  de  la  vi<»ueur  de  ses  coups 
d'aile,   dans   Ions   les  doniaiiU'S  (pi'il   aborda. 


IV 


Maison  natale  de  Marccllin  Desboutin,  à  C'-riTy  (Allier) 


LES   PREMIÈRES  ANNÉES 


Gilbert-Marcelliii  Deshoulin  naquit  à  Cérilly,  clu'f-licu  de  raiiloii  di- 
l'arrondissement  de  Montluçon  (Allier),  le  2()  août  182i),  k  à  sept  heures  du 
soir  »,  dans  la  maison  de  lïoeliefort-Fonlanges,  son  .grand-père  maternel. 
Cette  maison,  (pii  existe  encore,  forme  l'angle  du  faubourg  triùi-llaut  et  île 
la  place  où  s'élève  la  mairie.  Son  apparence  n'est  point  seigneuriale.  Mlle 
paraît  dater  du  commencement  du  xix*^  siècle  et  représente  bien,  avec  ses 
hautes  lucarnes  à  toits  coniques,  le  type  des  vieilles  demeures  du  bourgeois 
campagnard.  Il  flotte  aujourd'hui  autour  d'elle,  comme  une  odeur  d'humi- 
dité et  de  moisissure. 

L'acte  de  naissance  constate  que  l'enfant  était  le  »  fils  légitime  du  sieur 
Barthélemi   Desboulin,   {propriétaire,   et   de  dame   .\nne-Sopliie-I)alie   l'arges 


1 


,1,-  H..rlu-f(.rl.  (I..mi<-i!ii-s  on  In  ville  .1.'  CcTilly.  Premier  lémoin  :  Pierre-Lazare 
.II-  Koehefurl,  pn.|.riel:iire,  (uule  de  reiilaiil  ;  deuxième  lémoin  :  .loseph- 
Alh.-rt  (iirun.  étudiant,  non  parent  de  l'enlant,  tous  deux  majeurs,  domieiliés 
à  Cérilly.  » 

Telles  sont  les  énoneiatinns  de  rétal-civil.  l-:iles  suflisenl  à  établir,  dès 
r:il)ord.  (|ue  Deshoutin  n'était  pas  baron,  ou  eomle,  ou  marcpiis,  comme 
on  |\-erivit  souvent  et  eomme,  entre  autres.  Le  Fifiaro,  Armand  Silvcstre 
ft  .lost-phin  Peladan  i-n  aeereditèreuL  la  légende.  Celle-ci  dure  encore  et, 
reeernnuMit.  M.  Widor  s'en  faisait  l'écho  sous  la  cou])ole  même  de  l'Institut. 
Il  affirmait  (pu-  le  m  fastutaix  manpiis  de  rîochefort  »,  qui  n'était  {)as  le 
célèbre  pamphlétaire,  était  devenu  ])einlre  et  j^raveur  réputé  sons  le  nom 
de  .Mareellin  Desbontin.  (luil  s'était  ruiné  en  traitant  à  table  ouverte  d'in- 
nombrables i)arasites  et  (pii!  avait  fini,  en  véritable  plébéien,  par  tenir  ses 
assises  dans  les  cafés  du  Houl'  Micli.  Voilà  bien  des  fausses  notes  pour  un 
musicien  !  (1)  Mais  cette  léi^eude  a.  du  moins,  une  source  visible.  C'est  celle 
de  l'ascendance  féminine.  Bien  ((ue.  à  notre  connaissance,  le  bénéficiaire 
n'en  ail  jamais  fait  état,  sinon  deux  fois,  une  première  fois  dans  une  procu- 
ration datée  de  Londres,  l.'i  avril  LS.')!,  où  il  est  dénommé  Desboutin  de 
Rochefort.  sans  aucun  titre  ;  la  seconde  fois  dans  un  acte  sous  seing  privé, 
|)assé  à  (ienève.  et  (pi'a  vu  M.  Ilichard,  avocat  en  celte  ville,  où  il  est  dénom- 
mé (.  baron  de  Hocheforl  ",  il  ne  lui  déplaisait  probablement  pas  outre  mesure 
de  voir  son  nom  cassé  en  deux  (des  Boulins,  avec  un  s,  comme  on  l'écrivit 
parfois)  ou  allongé,  cl  servir  de  su])porl  au  lion  flamboyant  du  blason  mater- 
nel (2).  Ajoutons  (ju'il  \écut,  j)lusieurs  années,  dans  un  pays  et  en  un  temps 
oii  l'on  était  aisément  Lxcellence,  Illustrissime  et  même  Prince,  et  que  le 
titre  (h-  baron  ne  lui  fut  décerné  ([ue  par  la  coutumière  «  amplification  ita- 
liiMine    ,  selon  l'heureust'  t'xpression  de  M.  K.  Delaigue,  l'un  de  ses  biographes. 

Si  Madame  Desboutin  mère  était  de  noble  origine,  le  sjcurBarthélemi  Des- 
boulin n'était  qu'un   bourgeois  notable  de  C-érilly.  M.   Créj)in-Leblond,  qui 


(1)  Séance  des  Cinq  .Vcadémies,  septembre  1920  (élof^e  de  Georges  Lafenestre). 

(2)  I,es  armes  des  (".hauveau.  l)arnns  de  Hocheforl,  sciiincurs  de  Sirieyx,  de  Treignat 
rt  aiUrt's  lieux,  ori<iinaires  du  Limousin-Bourl)ounais,  élaient  d':uijcnl  nu  lion  de  gueules. 
La  famille  l-'arfies,  dont  les  armes  étaient,  suivant  l'Armoriai  manuscrit  de  la  Généralité 
(le  l.imoijes,  de  fjurules  ()  la  ijerbc  (/'or,  hit  substituée  au  nom  et  aux  armes  des  Rochcfort, 
a|i!-és  l'extinction  de  cette  famille,  au  milieu  du  xviii"^  siècle,  jjar  suite  du  mariage  de  Jean- 
Haptiste-, Joseph  Farges  avec  Anne-Marie  de  Chauveau  de  Hochefort  (Comte  dk  Soultrait 

\rmiiri-il  du  liourbuniuiis,  2<'  édit..  t.    11,  Moulins,  André  Paris,  l.S'tO). 

l,a  mère  du  futur  graveur  était  fille  de  Claude- Ignace  I<"anies  de  Hochefort,  qui  portait 
es  armes  ci-dessus  rai)pclées,  d'anjcnt  au  lion  rampant  de  (jueulcs,  et  de  Marie-.Ieanne  Pctit- 


1 
.Jean 


^f 


Henri  ROCHEFORT 

(2'    État) 


a  inihliù  sur  son  cfltl)!-.'  cumpatriolr.  dans  W  liullrlin  ilr  hi  ^...,,1,  <,  nniti.itmn 
du  Bourbonnais  (juin  l'.lO'i).  une  l'hnlc  fort  l)i.-ii  <ln(  innmlrr  i-l  .laltriivantc 
lecture,  que  nous  aurons  souvent  l'occasion  di-  imllrr  a  conlnbutiou.  a  fait 
des  recherches  j)our  savoir  si  Harthi-lcmi  avait  ctt-.  coinru.-  on  I.-  |.n-t.-ndait. 
garde  du  corps  de  Louis  W'III.  ou  si.  coininc  ManclUn  U-  crovail.  il  l'avait 
été  de  Charles  X.  Xous  n'avons  Inaivc  nulle  part,  dit-il,  confirmation  de 
l'une  ou  l'autre  de  ces  assertions.  Les  carions  de  la  Maisc.n  dn  |{oi  sous  la 
Restauration  i  (Arch.  Xal.  série  (i:',)  n'en  offrent  aucune  trace.  De  niéiiir. 
cette  qualité  n'est  pas  nunlionnee.  on  l'a  vu,  dans  l'acte  de  naissance  de 
Marcellin,  non  plus  (pie  dans  l'acti-  de  décès  de  liarllieleini  lui-rnènn-  (i 
21  septembre  1812). 

A  vrai  dire,  ces  origines  n'ont  (piun  intérêt  secondaire.  La  lij^nee  des 
Desboutin  commence  à  .Marcellin. 

Qui  sort  l)itn  son  pays  ua  pas  htsnin  d'aïi-ux  ! 

Poursuivons-donc  cette  biographie  rapide,  l'.lle  est  assez  curi«'Use  pour 
n'avoir  pas  besoin  de  l'éclat  du  passe. 

Desboutin  vécut  d'abord  à  Cérilly,  dont  il  aima  toujours  à  évfiquer 
les  aspects  familiers,  et  où  il  projetait  «le  retourner,  i-n  un  ullinu'  pel»Tinai;e. 
quand  la  mort  le  frappa.  Cérilly,  bour^  clair,  tapi  au  fonil  d'un  pli  de  ter- 
rain, dans  une  plaine  aux  ondulations  douces,  aj»réablement  coupée  de  bt»u- 
quets  de  bois,  de  ruisseaux  et  d'étani»s.  La  forél  di-  Tronçay.  où  se  donnent 
de  grandes  chasses,  à  ipiehiues  kilomètres  de  là,  dondne  la  cité  de  sa  masse 
imposante. 

Vers  sa  dixième  année.  Marcellin  fut  |)lacé  au  Petit  Séminaire  d'V/.eure. 
qu'avait  fondé  Mgr  de  Pons,  et  où  il  se  lia  avec  le  neveu  de  ce  prélat.  Il  v 
fut  brillant  élève.  Il  fallait  cependant  un  stimulant  a  son  travail  :  Maman, 
écrivait-il,  si  vous  voulez  ([ue  je  sois  pri'mi<T  à  la  i-omposition  de  mardi, 
envoyez-moi,  lundi,  une  dinde  rolie.  On  aurail  pu  croire  qu'un  (ïrimod 
de  la  Reynière,  un  Hrillat-.Savarin,  ou  un  de  .Montmaur,  se  j)réparait. 

Mais  non!  Il  était  surtout  ijros  mangeur.  Ltudiant,  il  faisait  K  [..i.. 
qu'il  gagnait,  île  prendre  trois  rejias  successivement  dans  trois  auberges 
réputées  pour  l'abondance  de  leur  table.  \n  collège  Stanislas  où,  de  1X.'W 
à  1811,  il  acheva  ses  éludes  sous  la  direction  liu  Père  (iratry.  .ses  aptitudes 
gastronomicjues  n'ont  pas  laissé  de  trace.  On  n'en  saurait  être  surpris  :  collège 
et  gastronomie,  sont  des  mots  sans  parente.  Par  contre,  il  montra  lies  dis|ïo- 
sitions  particulières  pour  le  ilessin,  pour  la  littérature  et  l'Iiistoire  (il  obtint 


un  3e  accessit  do  version  Inline,  au  concours  général  de  LSll.  ai)rès  avoir 
obtenu,  en  LSIO,  des  accessits  de  vcM'sion  latine,  de  vers  latins  et  de  vers 
grecs),  lui  littérature,  c'était  lui  ([ui  élail  chargé,  dans  les  grandes  circons- 
tances, des  à-propos  poélicpies.  Atin  de  stimuler  son  iiispiralion,  (jn  renfer- 
mait dans  une  salle  avec  de  Tencre,  une  plume,  du  papier  v\...  du  café,  —  la 
méthode  balzacienne  !  VMc  lui  réussissait  comme  à  rauleur  (V lùigénic  Grandet. 
En  dessin,  il  copiait  à  la  |)hinie  les  illustrai  ions  de  Tony  .loliannol,  gravées 
en  bois  par  Tliomi)S()n,  Porret,  l.avieille  ou  Lavoignat,  coupeurs  spiçituels, 
nerveux  et  avertis,  ('e  sont  bien  là  amusements  de  collégien,  car  quel  col- 
légien, un  peu  doué  pour  les  arls  d'imilalion,  n'a  pas  usé  son  encre  de  Chine 
à  reproduire  Irait  [)onr  laille  les  l)ois  du  Mdijdsin  Pilloresqiie,  du  Musée  des 
lùiniillcs  et,  plus  lard,  du  Joiirndl  des  Voiidfics,  de  V Illuslralioii  ou  du  Monde 
Illnslrr  ?  Mais  il  v  a  la  copie  i)énil)le  et  la  copie  aisée.  Desboulin  avait  l'œil 
et  la  main  ;  ses  co|)ies  étaient  des  merveilles  d'exactitude. 

Plus  lard,  étudiant  en  droit,  il  copiera  encore,  —  il  copiera  d'ailleurs 
toute  sa  vie  —  et,  quand  il  aura  à  graver  les  b'ragonard  de  (Irasse,  il  com- 
mencera j)ar  en  exéculc>r  une  copie  peinte  à  la  dimension  de  ses  gravures, 
excellente  méthode,  trop  peu  suivie  des  graveurs  de  reproduction.  Ses  copies 
d'étudiant  portaient  surtout  sur  des  dessins  de  Rembrandt,  et  ce  travail, 
qui  était  pour  lui  un  enseignement,  détermina  l'influence  que  le  maître  des 
maîtres  exerça  sur  lui. 

Que  devenaient  ces  copies  ?  Elles  étaient,  à  ce  qu'il  paraît,  acquises 
par  des  marchands  et  revendues  en  Amérique.  11  ne  serait  pas  impossible 
qu'on  en  retrouvât  dans  (juelques  collections  privées,  sinon  publiciues.  Des- 
boutin,  aux  environs  de  sa  vingtième  année,  ne  s'enquérait  guère  de  ce  que 
devenaient  ses  œuvres  ;  il  ne  voyait,  à  travers  elles,  que  le  sourire  avenant 
de  la  grisette,  le  canotage  à  Asnières,  ou  les  folles  promenades,  pleines  de 
rires  et  de  cris,  sur  les  ânes  de  Montmorency  ! 

iMitre  temps,  il  fit  son  droit,  passa  sa  licence,  se  fit  inscrire  au  barreau, 
fut  plus  ou  moins  un  stagiaire  assidu,  —  et  ne  plaida  jamais.  Que  faisait-il  ? 
Il  pouvait  répondre,  comme  le  donneur  de  sérénades  de  Musset  : 

J'ai  fait   des  vers,  j'ai  fait  l'amour, 

car  la  poésie  continuait  à  être  une  de  ses  passions  et  ((uant  à  l'amour  !... 
Dans  les  loisirs  qu'il  lui  laissait,  il  composait  des  chansons. 


Il 


LE   CHOIX    D'UNE   CARF^IÈRE 


All:iil-il  (lune  se  tourniT  vrrs  la 
lilkTatiMi-  ?  (loMiiiu'  toutes  les  natu- 
res bien  dtiiiées,  il  était  tiraillé  entre 
[liiisieiirs  vocations.  Ce  fut  l'aiilre  (|ui 
paMit  tniil   d'abord  l'emporter. 

|ji  ISI.'».  il  entra  à  laeadéinie  du 
scuipliur  l-.lex.  |)uis.  iii  IX  17,  à  l'ate- 
lier de  1  lioiiias  (foulure,  oii  il  fit  d»iix 
^••jniirs.  le  si-cond  sur  la  fin  de  IM.H. 

Il  [ciniil  na\tiir  fré<iuenté  assi- 
(iiiiiuiit  ni  (lie/  bilex.  ni  chez  Cou- 
lure. .\  (|U()i  bon  ?  .  1,'arl  fait  de 
Iraililiniis,  dont  Coulure  était  un  des 
( orvpliees,  était  arrivé,  d«'  son  temps, 
.1  la  décrépitude  (1)  •.  Sans  être  un 
révolutionnaire  comme  Manet.  (|ui 
lui,  lui  aussi,  inscrit  à  cet  atelier,  de 
lS.')(là  l.S.'iCi,  le  ji-une  homme  avait 
<  rpen<lanl  la  mefiaiut-  des  formules. 
I\spril  indépendant,  il  se  méfiait  aussi 
des  professeurs,  dont  il  ciUltestait 
l'ulilile  et  même,  chose  plus  j^rave, 
la  Inyaule  prnfessioninlle  II  «lisait  à 
son  cousin  de  Hochefort  :  Il  ne  faut 
|)oinl  compter  sur  »ii\  ;  il  faut  arracher  à  larl  ses  secrets,  car  les  pro- 
fesseurs les  garilent   pour  eux  »d   les   cachent   (2)     .    Il  préférait  ;'»  cet   ensei- 


ilanl    ;'i  la    Ta^^ 


(1)    Tll:    DllîKT.    Millirl.   \>.    In  (lloiir>.   i-il.). 
(J)    Kapporlt-  par  .M.  Cki)!!»-!  .il.l«>ii<l.  h>r.  ni 


iJiicnient  hv])()CTiU'  rétiulo  dirrclc  (1rs  iiKulros.  C'est  par  coLLe  élude  que  se 
forment  les  grands  arlisles.  Ils  sciiilciil  1rs  chefs-d'd'uvre,  non  pour  les 
pasticher,  mais  pour  découvrir  le  véritable  ressort  du  ijénie  :  chez  celui-ci  le 
don  spontané,  chez  tel  autre  la  volonté  tenace,  chez  un  troisième  l'esprit  ou 
le  cœur,  chez  un  (piatrième  rà-|)ropos,  rim|)révu  ou  l'invention,  etc.. 

Degas  a  précisément  donné  la  lonnule  de  cette  initiation,  lorsqu'il  a 
proféré  ce  pr()|)os,  plein  de  superbe  :  "  .le  descends  des  maîtres,  maisje  ne 
les  imiti'  j)as  !  » 

En  1(S1(S,  Desboutin  st'  rend  à  Cosiie-sur-r(Kil,  auprès  de  sa  mère,  qui 
y  habitait  le  château  de  Petil-Hois,  de|)iiis  la  mort  de  son  mari,  survenue 
à  Cosne,  le  21   septembre  LSl'i. 

Barthélemi  s'était  tué  d'un  coup  de  pislolcl,  |)our  échapi)er  aux  suites 
des  morsures  de  son  chit'ii,  i'iirai>é.  Ou  le  trouva,  un  nui  tin,  mort  dans  son 
poulailler.  Les  deux  époux  vivaient  sé|)arés,  en  médiocre  intelligence. 

Ce  Barthélemi  Desboutin  ne  se  recommande  à  l'attention  que  par  un 
t'ait  :  il  eût  pour  donu'siicpie  Louis-Pierre  Louvel,  (pii  devait  assassiner  le 
duc  de  Herry.  k'  1.'5  février  1820.  Louvel,  né  à  Versailles,  mais  domicilié  à 
Cusset,  fut  aux  gages  de  Barthélemi  Desboulin,  probablement  sur  la  fin 
de  1(S1.'),  et  ce  serait  sur  la  reconnnandation  de  son  maître  (pi'il  serait  entré 
dans  les  écuries  tlu  l»oi.  On  ra|)porte  (pie  Louvel,  renconlraut  Barthélemi 
quelque  temps  avant  l'attentat,  lui  aurait  dit  : 

—  «  Ah  !  Monsieur,  vous  avez  crû  faire  mon  bonheur  en  me  plaçant 
ici  ;  c'est  mon   malheur  (pic  vous  avez   préparé  ! 

On  sait  (jue  u  l'honune  »,  comme  le  nonnnait  sa  victime  mourante,  pré- 
méditait son  acte  depuis  18L1,  depuis  la  rentrée  des  Bourbons  «  dans  les 
fourgons  de  l'étranger.  »  Ce  jjrojjos  signifierail-il  (pie  l'on  avait  facilité  sa 
|)erte  en  le  rai)prochaiit  du  duc  ? 

Il  se  serait  plaint  aussi  d'avoir  été  cravaché  j)ar  ce  dernier.  Ses  décla- 
rations, au  cours  de  l'inslriKiion  et  à  randience  de  la  Chambre  des  Pairs, 
contredisent  cette  version.  Il  déclara  cpi'il  n'avait  aucun  motif  d'animosité 
personnelle  et  comme  le  président  stigmatisait  son  <(  lâche  attentat  »,  il 
s'écria  :  «  Lâche  !  Lâche  !  (joyez-vous  qu'il  ne  faille  pas  du  courage  pour 
tuer  un  homme  ([ui  ne  vous  a  rien  fait  ?  -)  Il  convient  donc  de  tenir  |)()ur  une 
légende,  ou  une  déformation  de  la  vérité  causée  par  les  passions  d'alors, 
le  propos  de  Louvel  sur  les  sévices  dont  il  aurait  été  l'objet. 

Du  chàleau  i)rimilif,  ou  plutôt  de  cette  construction,  i)lus  ferme  que 
palais,  mais  entourée  d'un  beau  |)arc,  il  ne  reste  (|u'un  corj)s  de  logis  attenant 


à  un  casU'l  reiuiissaiici'  (|ii'iiii  arrliilccl.',  :itiii  <lii  tlt-cor,  «'•difia  a  sa  place. 
Dans  cette  eonstriidion.  i!  eiii>loba  un  Vfslij^e  de  l'ancicnin-  <lffn«-tir<-,  uru- 
vieille  tour,  invisible  tie  ICvii  r  i.  nt ,  .|iii  ..ii   ,i.-  ,;,jjj.  (ri-scalic-r. 


PeLilc  Lspiink-   ( l'cinlitrc.  IHTfit 
(Coll.   I)ur;)ii.l-l<U(l» 


C'est  au  liiàlean  de  l'elil-Hois  i\uc  se  nndil  Mareelliii.  ({uand  la  révo- 
lution. (Idiil  il  ne  Lîoùtail  point  les  ris(|Ufs.  su.rtoul  après  les  journées  d«' 
juin  si  sanglantes,  lui  eût  eonseillé  de  (]uiller  Paris. 

Il  n'était  (las  l'honinu'  des  troubles  dans  la  rue  el  iw  s»-  eomplaisail  «pia 
demi  aux  dangers  ([u'ils  engendrcnl.  \'.u  outre,  il  nainiail  |)a.s  Louis-Plulippi- 


el  moins  encore  la   Hépubliciue.    11  était   légiliniiste,  coninie  ses  parents,  et 
tenait   ferme    pour   Cliambord    : 

l'assiirt'Z-voiis,  mes  niiiis,   je  suis  lihmc, 

dit  le  refrain  d'une  de  ses  chansons. 

11  rentra  à  i^aris,  avec  le  calme,  sur  la  fin  de  1818,  repassa  à  l'atelier 
Couture,  où  il  rencontra  Puvis  de  Chavannes,  avec  cpii  il  ébaucha  une 
amitié  dont  la  pleine  floraison  devait  se  i)roduire  trente  ans  plus  fard.  Puis 
il  profila  d'une  inxilalion  de  son  ami  Armand  de  Pons,  son  ancien  condis- 
ci|)ie  au  séminaire  d'W.eure,  devenu  fonctionnaire  à  Issoire,  pour  se  rendre 
dans  cette  ville  (1819). 

Issoire  était  alors  une  cité  l'iche,  du  fait  de  ses  vignes  qui  donnaient 
un  vin  réputé.  La  société  aisée  se  réunissait  et  se  divertissait  en  des  fêtes 
n()nd)reuses.  On  y  aimait  la  bom])ance.  Le  chemin  de  fer  n'avait  ])as  encore 
nus  Lh'ini()id-l''erran(i  à  une  heure  de  la  s()us-|)réfecture,  el  la  ville  tenta- 
culaire  n'ext-rçail  |)as  encore',  par  ses  industi'ies  el  ses  ])laisirs,  son  action 
pneumalicpie.  Issoire,  (pu  devait  recevoir  un  pi'emier  coup  de  la  création  de 
la  voie  ferrét'.  en  ri-çul  un  st'cond  du  phylloxéra.  Le  dicton  dont  elle  s'enor 
i^neillissaii   : 

Issoire, 
lîuii  \iii  à  ixiiic, 
iic'lirs  l'ilk's  à  VI  ir, 

ne  fut   plus  vrai  (pie  partiellemeiil.   II  y  reste  de  belles  filles. 

Desboulin  n'était  insensible  à  aucun  de  ces  attraits.  Ouehpies  vieilles 
gens  ont  i^ardé  le  souxcnir  de  folles  écpiipées  dont  l'appailement  (pi'il  occu- 
[)ail,  avec  son  and  de  Pons  phice  de  la  1  !é[)ubli(iue,  fut  l'impassible  témoin. 
Mais  d'auli'es  témoins,  moins  impassibles,  se  plai^iureid.  Le  propriétaire  mit 
à  la  polie  (k's  locataii'es  assez  impertinents  poni'  laisser  la  nuit  leurs  fenêtres 
ouN'erles  et  éclairées,  sons  les  regards  avides  de  curieux  (pn  s'amusaient  fort 
du  spectacle,  mais  criaient  au  scandale.  Desboulin  el  de  Pons  allèrent  loger 
chez  un  pharmacien,  qui  avait  un  mauvais  caractère  et   une  jolie  femme. 


8- 


1 1 


D'ISSOIRE   A   L'OMBRI-.l.IJNO 

(.(•llf  fiiiimc  il;iil  l;i;iihI.-  ri 
lorlc,  l)lniuli'.  ;ivi'c  un  sfiiirirt-  iléli- 
ciiux,  (les  yeux  :illir:ints.  Us  traits 
iri^nliiTs  et  un  Iriul  admirai)!»-,  un 
U'inI  (if  flamanilr.  Iransparml  v[ 
lin.  (loni  un  j^rain  ilt-  hi-auti-,  sur  la 
joui'  (Iroitr,  pose  conum-  la  inouclie 
<linu'  (ixincllc  au  Irinfis  d»-  la  l'ara- 
hi-rc.  souii«^nail  la  fraidirur.  i;ilc 
l'Iail  inli-llii^t-nli'.  possédait  un  esprit 
naturri  it  une  voix  a<,'ri'al)l«.'.  \-A\v 
se  taisait  rnltndrr.  aux  r'.'unions  de 
!a  !i<ntr!i  issoiricniu'.  Dcsboutin  aussi 
•hantait.  Ijiiuk'  de  Pierre  Dupont. 
mais  dans  une  toute  autre  eouleur 
;»iilili(pu',  il  interprétait  ses  propre^ 
chansons,  imitées  de  Béranj»er.  - 
;  eellis-là  mêmes  (pi'en  eette  année 
IN.'tJ.  il  publiait  en  un  volume  dédié 
à  son  «ami  Armand  de  l'ons  .  i'.hun- 
sons  et  Cliansoniivllrs  (  1%  poi^raphie  IMon  frères,  .iii.  rue  de  N'aui^irard). 
Une  vieille  dame,  née  en  1<S2<S,  se  souvenait  encori".  en  avril  l'Il."),  de  ees 
fêtes  et  de  ces  chansons.  Mlle  Iredonnait  parfi»is.  de  sa  v«»ix  eassée  d'aïeule,  (pii 
fait  ressembler  la  chanson  à  ces  vieux  sous  usés,  oii  ne  subsiste  plus,  ijc  l'effi^ii- 
souveraine,   qu'un  contour  indécis,  un  couplet  polilique  dont  voici  le  refrain  : 

iJu.iikI  II   Mnntijiiu*  ;uiinulicr.i 

De  Miii   rat. 
r.n>(|iu-lf.  ma  miii-lti'  (1). 


l'cliLc  l-"illo  au  foulard  rou^^'  { l'rinturr,  i  ^' 
Coll.  J.  Desi.oiitiii 


(1)  Cette  chanson  lu"  fi).;nre  pas  dans  le  reruci!  <i  «IcN-n-i. 


M'"c  C...  —  qifiMi  raiiiillc  on  a|)|)elail  la  belle  .Iiisline  —  bien  que  son 
mari  fui  honaparlisle,  on  bien  à  cause  de  cela,  chanlail  aussi  les  airs  léifiLi- 
niisles  de  Desboulin.  Ce  mari  était  surnommé  Pierre  le  Dur.  C'était  une  sorte 
d'ours  ])harmaceulique,  tout  à  ses  bocaux  et  à  ses  juleps,  honnête  homme, 
mais  autoritaire  cl  brutal.  La  vie  en  ménage  n'était  pas,  comme  l'on  pense, 
des  [)lus  agréables.  Aussi,  quand  la  l)elle  .Justine  devint  veuve,  Desboutin 
n'cût-il  point  de  peine  à  en  faire  sa  femme  (début  de  1851).  Ils  partirent 
aussitôt  |)our  r.Vnglelerre,  où  ils  se  trouvaient  encore  le  13  avril  1<S51,  date 
de  la  procuration  x  Desboulin  de  Ixochefort  »  dont  nous  avons  parlé  ])lus 
haut,  t'ne  fille,  Marie,  leur  unique  enfant,  na([uit  sur  la  fin  de  celte  année. 

Mais,  de  1810  à  18.")  1.  il  y  a  c\m\  ans.  b'.st-il  vraisemblable  que  Desboutin 
n'ait,  duiaid  ce  ti'ini)s,  pas  l)ougé  d'Issoire  ?  On  dit  bit'u  ([u'i!  y  fît  des  por- 
traits, mais  nous  n'en  avons  retrouvé  aucun.  1mi  réalité,  il  voyagea.  Il  visita 
la  Belgique,  la  Hollande,  fit  un  assez  long  séjour  à  Amsterdam  et  il  est  pro- 
bable qu'il  alla  une  première  fois  à  Londres.  Il  se  mit,  ici  et  là,  à  la  recherche 
de  tableaux  anciens  et  d'objets  d'art.  Le  conunerce  des  antiqniles  n'avait 
pas  pris  l'extension  que  nous  lui  voyons  aujourd'hui,  où  la  moindre  «  vieil- 
lerie ')  a  une  valeur,  rien  que  parce  qu'elle  est  vieille.  Les  campagnes  n'avaient 
point  encore  reçu  la  visite  méthodique  d'astucieux  marchands  qui  propo- 
saient le  troc,  toujours  accepté,  de  meubles  démodés,  de  boiseries  dont  la 
dorure  s'éraillait,  de  faïences  à  l'émail  craquelé,  contre  des  mobiliers  et  des 
ustensiles  neufs.  Au  cours  de  ces  voyages,  Desboutin  put  donc  amorcer  la 
fameuse  galerie  de  l'Ombrellino. 

Peu  après,  le  couple  se  rendait  en  Italie,  peut-être  pour  la  santé  de  l'enfant, 
car  Desboutin  fut  toute  sa  vie,  comme  \e  pouero  d'Assise,  un  ami  de  «notre 
frère  le  Soleil   »,  et  lui  accordait  toutes  les  puissances  physiques  et  morales. 

En  Italie,  les  voyageurs  ne  dépassèrent  pas  Florence.  Desboutin  ne 
voyageait  pas  pour  le  i)laisir  de  se  déplacer  et  d'admirer,  guide  en  mains, 
des  paysages  réputés  ;  il  voyageait  pour  un  but  :  voir  un  ami  ou  un  musée. 
Cela  fait,  il  s'arrêtait.  Il  racontait  de  lui-même  ce  trait  :  à  dix-huit  ans,  sa 
mère  lui  avait  conseillé  un  séjour  d'agrément,  à  l'étranger.  Le  jeune  homme 
acquiesce  et  on  lui  indique  par  surcroît,  le  i)ays  à  voir.  Il  part,  accomplit  la 
tournée  prévue,  ponctuellement,  sans  flamme,  et  revient  au  logis,  non  pas 
tirant  l'aile  et  traînant  le  pied,  ce  que  l'on  pouvait  attendre  d'un  beau  garçon 
vigoureux  et  plein  de  prest  nce,  mais  rapportant,  au  contraire,  une  forte 
partie  du  viatique  qu'il  avait  reçu.  vSon  voyage  n'avait  été  qu'une  forme 
nouvelle  de  ses  devoirs  d'écolier  ;    la    tache   finie,   il    se   hâtait   de   revenir  1 

10  ' 


X 


^\v' 


^ 


^ 


Alexandre    DUMAS   Fils 

(    I"      tiAl) 


Au  fond,  ce  V()y;ij4.'ui-,  (|ui  iir  parviiil  (|iii'  inoiurntaricmrrit  :i  fixrr  sa 
vie  errante,  n'aimait  [)as  les  v()ya<»es.  Il  ne  Us  entreprit  (jiie  s(nis  le  roup  .Ir 
fouet  de  la  nécessité  et  avic  Tespuir  de  rené. mirer  ri-',deii  ou  ri'.ldoradn  lic 
ses  rêves.  Quand  il  le  rencontra,  a  Tf  )nd)rellino.  il  s'arr»'-l:i.  Mais  rinfi)i  lune 


.M">     Dcsboulii!   I  Miju-  lit   pi,  int'j 
Coll.  Dc.Nltoutin 


vint,  et  il  se  remit  en  marche.  Celle  fois,  son  hul  elail  île  ilevenir  riciie  !  Il 
chercha  la  richesse  à  l'aris.  à  (ienèvi',  a  Niic,  il  la  frôla  parfois,  ni.iis  une 
incroyable  malchance  l'empêcha  de  la  saisir,  l'.n  dehors  di-  celle  préoccu- 
pation b()ur<^eoise,  relevée  par  !e  souci  du  lioidieur  des  siens,  l.-s  \>IU-s.  connue 
les  maisons,   lui  étaient   indifférentes. 


Quand  il  arriva  à  Morciice,  le  hasard  le  conduisil  sur  ceLLe  colline  de 
Bello-Souardo.  (|ut  fail,  face  à  Mesole,  cl  d'où  l'on  a  la  merveilleuse  vision 
de  la  ville  des  Médicis,  étendue  «  dans  une  vascjue  de  niontai^ncs,  comme  une 
figurine  d'art  au  fond  d'une  grande  ai<^uiè.re  (1)  ».  A  (juoi  bon  aller  plus  loin  ? 
L'Ombrellino  était  à  vcMidrt',  il  i'aclu'ta  et  s'y  installa.  Il  ne  visita  pas  le 
reste  de  la  péninsule,  il  connut  Florence  plus  mal  qu'aucun  des  touristes 
français  qu'il  aimait  à  recevoir  avec  tant  de  cordialité.  C'est  Lafenestre  qui 
le  mena,  en  180  1,  dix  ans  après,  à  Santa  Maria  Novella,  voir  les  admirables 
fresques  de  1).  Ghirlandajo.  Il  était  bien  décidé  à  vivre  et  à  mourir  sous  la 
fluide  caresse  de  l'incomparable  lumière  de  la  Toscane  et,  de  fait,  il  lui  fut 
fidèle  tant  qu'il  put. 

(A'tte  «  incuriosité  »,  dont  se  flattait  Montaii^ne,  prouve  une  chose  : 
c'est  que  Uesboutin  était  de  ces  natures  qui  ont  dans  la  vie  une  ou  deux 
passions  et  demeurent  étrangères  à  toutes  les  autres.  Il  n'était  rien  moins 
qu'un  dilettante.  11  aimait  la  i)oésie  et  la  peinture,  mais  il  préférait  en  faire 
plutôt  qu'en  lire  ou  en  voir.  Il  était  essentiellement  un  créateur.  Ce  besoin 
de  création  fut  sa  sauvegarde  et  sa  philosophie.  Avec  la  même  décision 
qu'il  acquérait  l'Ombrellino,  il  s'installera,  vingt  ans  plus  tard,  dans  un 
véritable  taudis.  Non  pas  seulement  par  pauvreté,  moins  encore  par  ce 
mépris  supérieur  des  agréments  de  l'existence  qui  caractérisait  les  philo- 
sophes cyniques,  mais  un  peu  aussi  parce  que  chercher  mieux  eût  été  du 
temps  pris  à  l'art  et  que  le  temps  pris  à  l'art  est  du  temps  perdu. 


(1)  Taine,   Votjauc  (Il   Ihilie,  l.   !I.  p.   Kl'.)  (1  latluilc,   ISCHi). 


12- 


I  \- 


LA   FORTUNL   Di;   DI.SI«;L  I  IN 


l'oni  iU(|iuTir  rnmhrrilimi,  villa 
liislnri(|Uf,  riMi;ir(|ii;ilili-  |»ar  s«>ii  archi- 
Ucliirc.  par  srs  jardins  ri  par  sa  situa- 
linii.    I  )is|)(»iitiii  «-lait   donc   hicii  rirlu"  ? 

♦Ml    la    dit.    on   la   t-«rit.   on   a   fort 
\af>frf. 

l.ui-inOnir  m-  plaisait,  (piand  il  tvo- 

piail    SCS    splendeurs    passées,    a    outrer 

apposition  ciilr»'  sa   fortune  d'autrefois 

et  sa  iiiis«re   présente.    Il   racontait,   par 

e\eni|)le,  a    l'idinond   de   ( loiu-ourl.  (pli  le 

consii<nait    aussitôt    dans    son    Jiiuri\al, 

|iie        sa    nièli'    avait    dou/e    cent    mille 

lianes,  ipi'elle  avait  perdus  en  lui  hiiss;int 

des  dettes  (1)     .  |-".t  ce  |)ro|u)s  était  exact 

dans  sa  sec<»nde  partie,   mais  faux,   pour 

les   neuf  «lixièines,   dans  la  première.  Les 

archives     notariales     sont     la     pour     le 

I.e  l>f  I.au^'iir.  «leCrassi  t  l'iinltirr,lS.SJ  )      prouver. 

(".nll.  r)esl)()utin  ,        ,      .  i      i  >,     i        ,         • 

La   fortune  de   Deshoutin.  |or>c|u  on 

liciuida  la  coinnuinaute  ayant  existé  entre  ses  père  et  mère  et  (|u'oii  lui  eut 

attribué,  en  oulrt*.  sa  part  dans  les  propres  de  son  père.    -  que  l'on  veuille 

bien  excuser  ce  jnrqon  juridi(iue  !  —  s'élevait  à  L'U..'>()7  francs,  rien  de  plus. 

Cela  résulte  dun   procès-verbal  de    tira,i»e   au    sort    du    \2  avril    IS")!.    aux 

minutes    de    M*^'    Honniclioii.    notaire    à    Cosne-sur-lJKil.    où  étaient  situées 

toutes   les    propriétés    du     futur    Liraveur.     Ln    voici    les    dèsigiintiniis    et 

la  valeur  : 


(1)  Journal  îles  (ioncuiirl.  t.  V.  |».  177  a  IS". 


Contenances 

Ancien  château  et  réserve  de  Pelit-Bois, valeur.  21.700  »  i 

Domaine  des  Roubles 30.870  »  /  ITJ  h.  5  a.  65  c. 

Domaine  de  Cachefève 2G.785  » 

Réserve  de  Villaumont 3.700  )>  }  _^^,  .    .^.-      y,. 

Domaine  de  Villaumont 17. /98  »  ) 

Total 130.8.53  » 

A  ajouter  :  Paît  dans  le  mobilier  (Tune  nuuson 

à  Paris 1 .  91 1  ■> 

Total 135.797  » 

A  retraneliei' :  Soulte  à  payer 2.230  » 

.Montant  net  (le  la  succession.    .    .  133.567  » 

Le  lendemain,  13  avril,  le  même  notaire  réi^ularisait  un  emprunt  de 
9.000  francs  pour  la  garantie  (kuiuel  Desboutin  hypothéciuait  le  domaine  de 
Villaumont,  au  profit  de  ses  prêteurs,  qui  étaient  ses  neveux  et  sa  nièce.  Car 
Desboutin  avait  eu  une  sœur,  Virginie-Louise,  née  en  1827,  qui  avait  épousé, 
à  vingt  ans,  .Jean-Baptiste-Théophile-Jacquelin  Dubuisson.  (>ette  sœur  était 
morte,  à  Versailles,  le  6  janvier  1852,  laissant  trois  enfants  mineurs.  La 
présence  de  ces  mineurs  avait  contraint  Madame  Desboutin  mère  à  liquider 
la  succession  de  son  mari,  en  suspens  depuis  1842  (1). 

Mais  il  serait  aventureux  de  fixer  la  fortune  réelle  de  Desboutin  à 
133. 167  francs,  attendu  que  trois  ans  plus  tard,  le  3  novembre  1857,  il  reven- 
dait la  totalité  de  ses  biens  à  sa  mère,  pour  le  prix  net  de  100.000  francs. 
Cent  mille  francs,  augmentés  d'une  somme  de  6.000  francs,  empruntée  le 
23  juin,  mais  diminuée  de  9.000  francs,  remboursés  aux  consorts  Dubuisson, 
le  30  octobre  de  cette  même  année  1854,  il  restait  net  97.000  francs. 

Certes,  pour  l'époque,  c'était  déjà  plus  que  l'aisance.  M.  Auguste,  dont 
Delacroix  parle  dans  son  Journal  comme  d'un  homme  riche,  ce  que  confirme 
Ernest  Cliesneau  dans  ses  Peintres  et  sculpteurs  romantiques,  n'avait  pas 
plus  de  150.000  francs.  M.  Charles  Saunier  l'établit,  pièces  en  mains,  dans 
la  neuve  et  curieuse  étude  qu'il  a  consacrée  dans  la  Gazette  des  Beaux-Arts 
à  cet  artiste  (1910).  Félix  Pyat,  farouche  révolutionnaire,  mais  adroit  in- 
tendant de  ses  deniers,  avait  à  peu  près  la  même  réputation,  avec  le  même 


(1)  Je  tiens  tous  les  rensei<»iienienls  conceriuiiil  !a  fortune  de  Desboulin  île  M.Couderc, 
notaire  à  Cosne,  de  son  prédécesseur,  M.  Bonnichon,  maire  de  Cosne,  et  de  M.  Nouvellon, 
notaire  h  Orléans.  Qu'ils  veuillent  bien  recevoir  ici,  mes  remerciements. 

11 


■^y 


LES  TROIS  AMIS 


pécuK'.  Kriiili"  Aubier,  S(  rilu-,  -  p.irmi  lis  plus  iinloir.s.  s'el:iicnl  laim-s 
dans  la  carrière  des  Icllros  nMiilis  di-  ciiKi  •'  "•'"**•  "''"'"  francs  d«-  rcnt.-s.  »|u«- 
leurs  rivaux  enviaient  fort.  Le  loyer  de  Tar^t-nl  elail  alors  assez  élevé  et 
la  vie  peu  coûteuse.  Kn  Italie  surtout,  on  p(»uvait  vivre  lar^»enient.  en  sacri- 
fiant même  aux  mondanités,  avec  cent  cirupiant»-  francs  par  mois.  I.rs  capi- 
taux se  plaçaient  avantaj,'euseinenl.  Ia-  chan'.;c  était  a  1.")  0  0  sur  Milan. 
i\  2r>  0  0  sur  (iènes,  à  X)  0/0  sur  Xaples.  lu  hoinnie  ilaffaires  v  trouvait 
aisément  son  compte.  Mais  Deshoutin  elait-il  un  lioimne  il  affaires  ?  Nous 
avons  déjà  vu,  dans  notre  préand)ule,  (pi'il  avait  a  ir  liln'  d»s  pnlcnlions. 
en  partie  justifiées.  11  aimait  la  s|)éculation,  comme  les  lioninns  daffair«N, 
et  s'y  ruina,  comme  l)eaucou|)  d'entre  eux  ;  il  avait  l'audace  dans  la  ron- 
ce])tion,  —  tpie  denormes  projets  n'a-t-il  [)as  ré\es  7  d  la  linnditi-  ilaiis 
l'exécution,  —  ses  lettres  à  son  ami  Simonnet  d'ileiine/el,  au  siijrt  d»-  scn 
drames,  en  font  loi  ;  il  sut,  en  oulre,  toujours  sf)rlir  d'embarras  r[  vivrr  dr 
son  art,  ce  (pu  implicpit-  un  certain  esprit  prati(pie. 

A  la  vérité,  cela  ne  prouve  pas  cpie  Desbcnitin  ail  tle  un  homme  d'af- 
faires, —  comme  le  furent,  par  exemple,  N'ietor  IIulîo  ou  .!.-(!.  (hi/.in, 
mais  seulement  qu'il  ait  parfois,  et  même  assez  souvent.  tfnl<-  de  l'être. 
Xond^re  d'artistes  furent  dans  ce  cas,  et  nous  ne  citerons,  |»our  mémoire, 
que  Balzac,  imprimeur,  et  Lamartine,  vii^neron.  Le>.  docnmerds,  tu  tout 
cas,  montrent  que  Desboulin  ne  fut  pas  dt-s  plus  habili-s  dans  la  iiesliuti 
de  ses  capitaux. 

Il  débuta  par  la  gène,  ce  (pie  prouvent  les  deux  (■nq)ruids  hypothécaires 
qu'il  contracta.  Il  est  vrai  cpu'  le  |)remier,  de  *.).(MKI  francs  était  antérieur 
au  partage  et  que  sa  mère,  fort  dépensière,  ne  lui  avait  probablement  [»as 
toujours  compté  ses  revenus  avec  l'Xactitude  ;  le  secoml,  de  r).(MM»  francs, 
était  le  prélude  de  la  vente  (pi'il  allait  faire,  à  prrle,  île  ses  biens  immobiliers 
et  ne  révélait  pas  non  |)lus  une  situation  pécuniaire  exein{)te  d'embarra>«. 
Mais  il  avait  vovagé,  mais  il  avait  commencé  sa  galerie,  mais  il  avait  femme 
et  enfant,  enfin  il  s'était  installe  à  l'Ombrellino,  vraisemblablviiunl  comme 
locataire  avec  promesse  de  vente,  puiscpi'il  ne  (U'vint  propriétaire  (pi'en  l.S.">7, 
et  il  est  présumable  que  les  (i.OOO  francs  de  ce  dernier  emprunt  avaient  pour 
objet  le  paiement  tles  frais  et  des  droits,  comme  la  vente  à  sa  mère  avait 
été  déterminée  par  l'intention  île  jtayer  la  plus  grosse  partie  de  sa  princière 
acquisition.  Ajoutons  (pi'un  fils  ([.li  vend  a  sa  mère  peut  consi-uii  rie 

qu'il  doit  normalement  récupérer  plus  lard  ;   mais.   ici.   l'evein  :  ma 

un  démenti  à  ses  prévisions. 


C'est,  (lu  moins,  ce  (jui  paraît  résulter  de  la  coinpaiaison  des  actes  d'ac- 
quisition et  de  vente.  Il  avaiL  payé,  en  18.')?,  rOnihrellino  l'i.'llcSO  lires  ; 
il  le  revendait  1 12  000  lires  en  187  l,  mais  Timmeuble  était  ijrevé  d'une  liypo- 
thèciue  de  l.'iO.l.'ÎO  lires  60  c.  Il  ne  lui  restait  donc  que  12.000  lires,  déjà 
absorbées  par  les  dettes  qu'il  avait  contractées,  depuis  son  retour  en  l-'rance. 
De  sorte  que,  l'Onibrellino  vendu,  il  ne  lui  restait  rien  de  sa  splendeur  passée, 
rien,  sinon   le   souvenir. 


L'Enfanl  au   Pnpillon    (Peinture,    issi) 
Cnai.  Wichaud 


16- 


\' 


LE    PROBLÈMK    DE    LA    \  ||- 


Nous  virunis  (U-  Voir  (|ue  le 
futur  jiiiish-  u'îivail  vu  pour  tout 
luritiij^c  (\\n-  (|n:ilrr-viiij^l-(lix-M()l 
iiiilli-  fraiiis,  il  <|n"il  avnit  p:i\' 
Iniiil.rtlliii..  rj.i.  1X0  lin-s.  v 
clianm',  1rs  dfUX  soiimihs  s  iijui\;i- 
laiiiil  [irf>t|iic.  Il  III-  m-Ntail  aucun 
nviMiu  à  I  )rs|)iiu(iii,  (|ui  aclu-tait 
ri|H'n(laiil  tli's  u-uvros  d'art,  (|ui 
avait  (Ic-s  liahiludi-s  «le  jjeiu-rtusc 
lins|)ilalilé  l'I  tic  larLjf  aisam-f.  I  )•■ 
<|U(ii  duiic  vivait-il  ".' 

\-'a\  vi-rité.  roniiiii'  il   riiii\  ni 
dix-scpl  aiiN  plus  tartl.     il  tirait  K- 
diabk-   |)ar  la   queue      (I).  occupa- 
tion rré(pieiitf,  dans  hupielli-  il  tlut 
passer    niailrc.    De    plus,    il    avait 
iiiprunté  sur  sa  propriélc  et.  «laiis 
une  appréciable  mesure,  il  tn«-ttait 
à    profil    ses    facultés    d'arlisle.    Il 
faisait    des    copies,    coninie    jadis, 
il  peignait  des  |)ortrails.  il   gravait 
à  leau-forte   et   à    la  poiiile-sî'che. 
I/esl:outill.    nous    l'avons    d'  >  i 
(lit,  avait   le   don    du    fac-siniile.    Il   imitait    a    s'y    mé|)reiidi. 
plume,  les  frottis  ilu  crayon,  les  touches  <lu  pinceau  «le  tel  ou  i<  i  miiii.     >..ii 
d'il  [xnaiit  scruîail  et  discernait  avec  subtilité  les  particularités  île  la  facture. 


Petite-  lille  ;>   li  iiudnillo  i  l'cinlun- 1 
Col).  .1.  L)e>l)(  m  in 


(1)  Lillrv  «lu   lit  ;iiiùl   1S71,  a  Simonml  d'I  |iiit\r/rl  ;        I.    miix  air<  iiliiiiir,  .1. 
d'années,  à  tirtr  k-  diabli-  par  la  (lui'iif.  «iiir  m.i  |i..>iti.>M  |.u•^.■Ill^    i-.<   m.,  ffr.ii.   |..> 


i: 


Il  aurait  pu  èlre  le  Calcar  do  notre  siècle.  Il  se  crsolut  très  vile  à  deinander 
à  son  liabilelé  les  ressources  dont  il  avait  besoin. 

lùnile  Pessard,  qui  fut  professeur  d'harmonie  au  Conservatoire  de  Paris 
et  riiôte  de  Dcsboutin    à  l'Ombrellino,  en  1868,  m'écrivait  : 

(<  Il  avait  constitué  chez  lui  (à  l'Ombrellino)  une  sorte  de  musée  de- 
peinture,  dans  lequel  s'entassaient  des  tableaux  de  maîtres  d'une  grande 
valeur,  et  des  copies  merncillcuscs  laites  par  lui,  et  patinées  si  artisti(iuement 
et  si  l'iilMenienl,  (iiic  les  experts  eiix-nièines  les  eonjoiuhnent  avee  les  originaux  » 

Il  racontait  aussi  ([ue  Dcsboutin,  lors  de  son  voyage  en  Hollande,  avait 
aciieté,  ciiez  les  fripiers,  jilusieurs  vieilles  u  croûtes  »  enfumées,  et  que  s'exer- 
çant  un  jour,  avec  son  gi'attoir,  sur  une  |)einture  qui  s'en  allait  ])ar  écailles, 
il  découvrit  un  i  morceau»  (|ui  hii  lit  pressentir  un  maître.  Il  nettoya  la  toile 
avec  ]irécauti()ii  et  fit  re|)araitre  \\\\  excellent  tableau  de  l'école  hollandaise. 
Le  conservateur  de  la  vieille  Pinacothèque,  de  Munich,  —  à  ce  que  préten- 
dait Pessard,  —  ([ui  se  trouvait  à  Amsterdam,  eut  vent  de  la  découverte 
et  acheta  la   tableau. 

('/était  un  bon  début.  Ce  ne  sont  i)ourtant  pas  de  ces  débuts  qu'il  est 
aisé  de  {poursuivre.  Il  y  faut  l'occasion.  Dcsboutin,  d'ailleurs,  recherchait 
les  vieux  tableaux  par  goût,  par  besoin  d'étude,  non  |)our  en  faire  le  com- 
merce. C'est  i)ourqu()i  il  en  cojiia  tant.  Puis,  la  nécessité,  —  «  quelque  diable 
ausq  le  poussant,  »  —  il  en  vendit.  Sa  curiosité,  toujours  en  éveil,  lui  ])osait 
le  |)r()bK'nr^  des  «  apparences  ».  Il  voulait  à  ses  copies  ces  teintes  i)rofondes 
ou  p  uiois  rancies,  ces  blancs  jaunis,  ce  réseau  de  craquelures,  qui  ajoutent 
du  mystère  à  des  œuvres  qui,  peut-être  —  telle  la  Ronde  de  Xuit  (1),  —  n'en 
eurent  point  dans  leur  nouveau-té. 

Pour  obtenir  ce  résultat,  il  enq)loya  une  multitude  de  procédés.  En 
dernier  lieu,  —  c'est-à-dire  vers  1865,  car  de  retour  à  Paris  il  abandonna 
les  copies  et  ne  fut  plus  que  créateur  (sauf  en  gravures  et  pour  «  nourrir 
la  nichée  »,  comme  il  disait),  —  en  dernier  lieu,  il  s'était  entendu  avec  un 
boulanger  voisin  de  l'Ombrellino,  qui  faisait  cuire  ses  toiles  dans  son  four 
et  les  dorait  comme  ses  pains.  Elles  revenaient  de  chez  ce  fornajo  anciennes 
à  plaisir.  Après  quoi,  il  les  accrochait  dans  sa  galerie. 


(1)  A  propos  de  la  Ronde  de  Nuit,  qui  vient,  h  titre  d'exemple,  sous  notre  plume,  rap- 
pelons que  I^esboutin  fit  une  copie  de  cette  reuvre  célèbre,  et  (ju'ellc  fiîjura  à  son  exposition 
postiuime  (le  1902.  Cette  copie  appartenait  à  .M.  Cliéramy,  qui,  d'abord,  la  croyait  de 
Ricard.  Ce  n'est  que  lorsque  Dcsboutin  visita  la  collection  de  cet  amateur-avoué.  —  dont  il 
grava  le  portrait  —  qu'il  reconnut  son  œuvre  et  en  fit  changer  l'attribution.  Dcsboutin  grava 
aussi  h  la  pointe  sèche  deux  fragments  de  cette  œuvre,  en  format  très  réduit. 

18- 


M""  BOUQUET  DE  LA  GRVE 


Fuis,  vi'iKiiciil   hs  amis,  (|iii  s'rloiiuiiiciil   (|tv:iiil   rr\lr:n»r«liM:iirr  |).'ilini', 
puis  k's  ainaliiiis.  La   Idilc  ne  icslail   |)as  liMiLjIfnips  a  sou  iluii.    Il  \   «  n      .' 
niènu-  iiiir,         si   l'on  iii  croil  une  plaisaiilr  aiuiiiidc,         i|iii    |>rit,   mu  ;: 
son   aiiUuiiti(|iK-  sdur,   iiai,nifi\'    rcssuscilcc   a    .\riislir<lain.    Ii-   rlicrnin    «l'un 
musée  (roulic-l  lliin. 


Etifaiil  :m   iiiiiillol    (  l'tiiiliiir.    1^:,) 
Coll.    Diiiiiiul-I'iiicl 


Desboulin  narrail  lui-nièuie  eelle  aneedole.  de  sa  voix  linibree.  f^russt , 
un  peu  Iraînanle,  pleine  de  eliarnie  cependant. 

Un   tcdi'scho  élail   venu   le   voir  il    lui   avail   demande,   neiîliijemment 

—  (ju'avez-vuus  de  nouveau  el  dv  beau  a  me  montrer  ? 

—  Oh  !  moins  ipie  rien,  avait  repondu  Drsbuulin.  .l'ai  bien  fait  un  peu 
de  peinture,  mais  ce  sont   des  éluiles. 

—  Pas  de  Iruuvailles  ? 

—  Encore    moins.    .le    veux    dire   de   ces    lr<tuvailles   qui    eoinplent. 


ft 


—  C'csL   donc   (iiie    vous    en    avez    fait    d'aulrcs  ? 

—  Quand  on  csL  un  cliasseur  comme  moi,  on  fait  toujours  des  trouvailles. 
Ces  propos  étaient  tenus  dans  le  parc,  et  les  interlocuteurs  se  dirii^eaient 

vers  la  villa.  Ils  pénétrèrent  dans  la  galerie.  Desboutin  se  mit  à  montrer 
ceci,  cela,  une  [)()terie  étruscpie,  un  dessin,  une  tapisserie,  un  tableau  authen- 
ti(|ue  d'un  nuiître  inconnu,  mais  tout  cela  ne  faisait  pas  l'affaire  du  herr 
profcssor,  qui  avait  besoin  de  se  signak'r  par  une  accpiisition  sensationnelle. 
Tout  à  coup,  un  ti'essaillemenl  !  Les  lunettes  d'or  se  fix'ent  près  du 
plafond. 

—  Qu'est  cela  ?  interrogea-t-il,   la  voix  altérée. 

—  Ça  ?  Une  co|He  de...  (mettons  Jordaens). 

—  Une  copie,  vous  croyez  ? 

—  J'en  suis  sûr  I 

—  Peut-on  voir  ? 

—  Hicn  de  plus  facile. 

Le  peintre  approclie  une  échelle,  le  cadre  est  descendu,  remis  aux  mains 
de  rex])ert.  Il  regarde,  compare,  scrute,  médite.  Il  retourne  la  toile  :  elle 
est  très  vieille.  Sa  gorge  devient  sèche.  C^e  tableau,  il  le  connaît,  mais  il  lui 
semble,  si  ses  souvenirs  ne  le  trompent,  qu'il  y  a,  ici,  une  variante. 

—  Alors,  vous  dites  que  c'est  une  co()ie  ? 

—  .T'en  suis  convaincu. 

Une  copie,  soit,  mais  de  la  main  du  maître  en  tout  cas  I  pense  le  profes- 
seur. Et,  s'il  y  a  bien  une  variante,  ce  peut  être  un  premier  projet. 

Il  demande  à  réfléchir  vingt-quatre  heures,  court  aux  bibliothèques, 
retrouve  la  gravure  du  tableau.  Il  ne  s'était  pas  mé[)ris  !  C'est  bien  une  autre 
version.  Là  où  la  gravure  montre  un  ])ilier,  le  tableau  montre  une  figure. 
Il  repart  i)our  l'Ombrellino,  proj)ose  un  nondjre  ajipréciable  de  lires,  enlève 
l'affaire,   cei)endant  que  Desboutin  continue  à   affirmer  : 

—  l^uisque  je   vous   dis   que   c'est   une   copie  1 

Et  voilà  comment  Desboutin,  en  disant  la  vérité,  comme  un  Français, 
mais  avec  une  finesse  tout  ilalit'uiie,  contribua  à  enrichir  une  collection 
allemande.  De  telles  erreurs,  les  musées  allemands  n'ont  malheureusement 
pas  le  monopole. 

L'artiste  vivait  donc  de  ses  copies,  —  ce  qui  ne  saurait  surprendre  dans 
un  pays  oîi  la  copie  est,  en  quelque  sorte,  une  industrie  nationale.  Il  vivait 
également  de  ses  portraits. 

.20 


Un  U'moi<4iiage  or;iI.  de  stci.iiilr  m:iin.  mais  tout  à  fait  di^iic  «le  foi. 
nous  rallcsU".   Il  dalc  ck-  l.HO.S. 

Celle  aniiée-là.  Drshouliii  avait,  a  l-lorciice  iiumiic-,  (iii  iiia^iiifi<|ue  atrlit-r 
où  voiiaieiil  poser  les  clients,  a  (|iii  il  voiilail  éparuner  la  |)i-nil)le  asmisiuii 
de  sa  belle  colline.  Il  existe,  à  Issoire,  un  p(»rlr:iil  de  daine  âf^»-e  (1),  peint  dans 
cet  atelier,  avec  celle  parlieularilé  (pu-  le  visaj^e  esl  monté  en  eoid«-iir.  parce 
que  le  modèle,  ([ui  élail  son  hôtesse  à  r()nd)rellino.  di-scendait  à  l-iorence 
pour  se  faire  iieindre.  \'A  celait  en  |)liin  été!  Sa  fij^ure  prenait,  dans  ce  tra- 
jet, un  incarnai  (pie  le  repos  n'arrivait   pas  à  atténuer. 

Tirail-il  éi,'alement  un  profil  de  ses  L;raviires  ?  .!<•  note  simplement 
que  les  premières  dalelil  de  IN.')!!.  1,S.")<S  (  l-'iinrtif  iirroiidir,  Efjel  du  soir, 
L' Adoration  des  licificrs,  —  Iiu-oiimir  on  inrsoi/r  hmrln',  -  Stn'nis  lisaiil. 
Saint  portant  une  croix),  el  (piune  si  •4rande  ardeur  a  pu  avoir  le  stimulant 
d'un  gain.  Deshoulin  a  peut-être,  même  en  gravure,  cessé  d'ùtre  un  ama- 
teur plus  loi  qu'on  ne  jiense,  puisque  ce  (pii  disliiiHue  le  |)rofessionnel  de 
l'amaleur,  c'est  (pie  l'un  donne  ce  (pie  I'hIi.  ^  ■'<•].  C'est  jjourcjuoi  tant 
d'amateurs  ont  le  désir  de  vendre. 

(1)  C'est  le  porlrnit  do  M"^"-   l'ilUtiiT.  (.iiic    uuim-  ^i\;iit  .ncrompat'n»?  :"!   f'1  • 

octoj^énairc,  .M™»  de  Biauzat,  la  p-(p|>ri'  iiu-ri-  <lc   .M""   I  )is|iiiiiiin.  ((iii  allait    vi'. 
fille.  M""'  l'elUtier  allait,  en  nulr<'.  aijjirendre  à   Drsbmitin  l'art...  d'i-icvrr  les   \ 
Toujours   la  poursuite  de  la  fortune  I  Elle  passa  trois  mois  à  l'i  )inl(rtllino.    Dt-sliMuliii  l.i 
peignit  de  face,  la  fii,'ure  roum.  les  mains  blanches  el  fines  et  Us  d(;tails  :  bniiues,  f>n»iU<. 
broche,  guipure,  très  soignés. 


-M 


^I 


TM  ^ 


^"^ 


Dons  It's  Jardins  de  l'Ombrellino  (Mine  de  plomb) 
Coll.  J.  I)osl)oulin 


L'< 'miuuci.i.ino.      ■  I.i-   l':ivil!()ii 


\   1 


L'OMBRELLINO 


Voilà  donc  l^osboiilin  iiislalli'  à  l'OnihitlIiiH).  sur  l;i  fin  dr  ISf»!.  «t  s;i 
légende  va  s'ébaiuluT.  l^lle  éclora.  lelli'  K-miuK',  de  1S7.>  à  INTfi.  (]uand 
le  châtelain  ruiné  aura  (|uillé  k'  pays  du  soleil  |)i)ur  l'affreux  pays  des  bruinrs 
et  des  glaces  »  et  que  l'on  établira  un  parallèle  entre  la  iniséri"  d'alors  et  le 
luxe  de  jadis,  entre  l'amateur  de  naguère  el  le  lultiur  d'à  présent,  entre 
le  dramaturge  qu'il  fut  et  (pi'il  voudrai!  éln-  enei>re.  et  le  poinle-sérhiste 
qui  se  révèle.  Cette  àme  de  gentilhomme,  (Uii  perçait  sous  la  defnxpie  roman- 
tique de  don  (lésar  de  liazan,  celte  cullnre  ;pn  se  faisait  jour  ilans  une  eon- 
versatio.n  brillante,  dont  s'émerveillait  la  gent  artiste,  alors   uNse/    fruste,  la 


(listiiiclioii  (K's  manières  alliée  à  l'cxistiMicc  la  plus  décousiu'    el    la    plus  sor- 
(li(U',  loul    cela   conlrihua   à   l'éclosion  d'uiu'  noloi'iélé  (pii   ne   laiblil   jamais. 

L'OmhrelliiK),  où  le  couple  |)laula  la  leiile  Tra^ile  de  sou  bonheur  — 
Irai^ile  comme  Ions  les  bonheurs  humains  —  était  une  uia^niricjuc  j)ropriéLé, 
située  à  Hello-Si^uardo.  Ou  s'y  rendait,  en  sortant  de  b'Iorence  par  la  porte 
Homaua.  non  loin  du  |)alais  Pilti  ;  des  voies  en  lactd  moidaienl  jusc[u'au 
souiuiet   de  la  colline.  , 

La  route  était  bordée  de  murailles  et  peu  sûre,  uue  fois  la  nuit  tombée. 
Desboutin,  (pii  n'était  [)oint  d'àme  téméraire  et  ([ui,  en  cas  d'alerte,  avait 
facilement  recours  à  «  lo  sj)a(lone  a  due  gambc  »,  l'épée  à  deux  jambes,  ne 
sortait  le  soir  (jne  ])récédé  d'un  domesti([ne,  c(ui  portait  un  flambeau  et  chan- 
tait des  cauti(pies  !  .Mais  le  [)lus  sûr  daui«er  j)roveuait  de  mâtins  à  demi- 
sauvayes,  redoutables  comme  ceux  de  ('.onstanlin()[)le.  Clrouj)és  autour  d'une 
fontaine  devant  laquelle  il  fallait  passer,  ils  grognaient,  hérissaient  leurs 
poils,  montraient  les  crocs  et  forçaient  souvent  le  visiteur  tardif  a  rebrousser 
chemin  (1). 

I.a  villa  Albizzi,  jadis  la  villa  Seigni,  dont  l'Ombrellino  n'est  que  le  sur- 
nom tiré  d'un  parasol  de  tuiles  rouges  qui  se  trouve  à  une  extrémité  de 
la  terrasst'  et  (|ui  ])araît  avoir  été  édifié  vers  1(S2,').  se  dresse  au  sommet  d'un 
promontoire,  que  l'on  voit  très  nettement  dans  la  fres([ue  du  Vasari,  au 
l^alais  \'ieux  de  Florence.  Cette  fresque,  i)eintc  en  1530,  montre  à  gauche 
la  tour  de  liello-Sguardo  et  la  villa  Seigni  adjacente.  Du  haut  de  ce  promon- 
toire, «  la  vue  embrasse  au  loin  renchevétremeut  pittoresque  des  clochers, 
des  dômes  et  des  palais  florentins  (2)  ».  C'est  un  merveilleux  domaine,  que 
Boccace  a  décrit  «  comme  un  palais,  avec  une  grande  et  belle  cour  en  son 
milieu,  des  terrasses,  des  galeries  et  des  chambres  toutes  ornées  de  peintures 
plus  agréables  les  unes  (jue  les  autres,  un  entourage  de  pelouses  et  de  jardins 
s[)lendides  ;  des  puits  d'eau  fraîche,  des  caves  remplies  de  bons  vins,  un 
l)alais  où  il  mena  la  troui)e  plaisante  de  ses  conteurs  (.'î)  ».  Ce  n'est  pas  là 
pourtant,  c[u'il  conq)osa  sou  fameux  Décamérou,  mais  à  la  villa  Pianzano. 
Si  Boccace  n'y  fit  que  passer,  Galilée  y  demeura.  Il  loua  la  villa,  le 
5  août  1617,  pour  cinq  ans,  à  raison  de  cent  écus  l'année,  avec  droit  à  une 

(1)  C.'o.st  ce  (jui  advint   à  M.   Lalï'iiestrc.  de  cjui  jt'  liens  l'anecdote. 

(2)  LArENKSTRi:.  lor.  cil. 

{'A)  Salvatore  Minocciii,  Bcllasgiiiinln  a  lù'rriizf.  mrnviria  sloriclie  c  lelternrie.  Firenze, 
Tii)i)<^rafia  di  l-'nrico  Arlani,  1902.  Cet  ouvrai^e  est  rempli  de  vues  photographiques  qui 
reiiseit^nent   aliondaninuut   sur  la  beauté  île  ces  lieux  enchantés. 


part  des  proilliils  :  fniils.  hk",  fi-ves,  hntill.s.  pois  r|iirlir>,  tir.  Ct-sl  re  qui 
résullo  tl'inu-  lillrc  ;ml«)i>i:iplic  de  lilliislir  N:iv:inl  (CkILtIjou  M.ii^linhi-- 
cliiana,  Ue  parlk-).  i;t  co  (|ui  miloris:!  s;iiis  (luuli-  (..nrf^rs  I.afrntsUv  a  fain- 
de  Galilée  un  [)hysi(irii  cidlivalciir.  dans  le  ^^^•Iln•  d<-  Ciiicimialus.  Il  ih-diait. 
eu  effet,  à  Deshouliii,  son  pot'inc  ('.iilUnrs  liisranis.  datr  de  rniMbrclliiio, 
mai  IcSiWj,  où  nous  relevons  ees  vers  : 

Sur  Cl-   roc,   (i;ililc?  ccoiiljiit ... 

Ces  ilurs  cypris  l'onl   vu,  fitr  in   s;i   ><iliiiii|<-, 

.1    sa   bt'rhr  tir  frr.  ai>/>iiii(i/il  son  pinl  nuif. 

Ouvrir  d'un  \n\\\^  ri^Mrd  le  loni;  voile  i|.  s  vn\i\  d  i. 

Ce  séjour  du  célèhie  inatlunialieien,  If^io  ImisikIo,  ipii  dtvait  lui  surrc- 
der  dans  les  mêmes  lieux.  ;'i  diiix  siècles  de  dislauti-  (a  la  vrrilé,  c'est  à  la 
villa  voisine,  de  Bello-Si^uiardo.  (|uil  résida),  ne  man(jua  pas.  lui  aussi,  de  le 
chanter. 

Vgo  Foscolo,  le  i^rand  patriote  italiiii.  autiur  di-s  l.tttrts  ilr  .facupu 
Ortis,  que  Lamartine  apprécie  dans  cet  iinou\anl  épisode  des  (lun/idenres, 
qui  a  nom  (iraziclhi,  roman  de  la  jeunesse  étourdii"  et  de  la  jeunesse  antou- 
reuse.  l'go  Foscido  vint  liahiter  sur  la  bille  colline,  non  en  août  ISI'J,  comme 
le  porte  l'inscription  de  1"(  )ml)rellino,  tiravée  en  1X71,  lois  de  la  translation 
des  cendres  du  poêle,  de  rurnliam-(ireen  à  Santa  Croce,  mais  en  avril  l.Sl.'-}, 
rectification  qui  résulte  tl'une  de  ses  lettres. 

L'ouvrage  de  Minocclii  donne  la  succession  des  projiriélaires  et  le  ren- 
seignement est  assez  intéressant  et  court   pour  être  traduit  iii-t:r{tns<>. 

«  En  1763,  la  villa  dei  Seigni  fut  vendue,  pour  le  conq)te  tie  riujpital 
de  Santa  Maria  Nuova,  à  Filip|)o  Shigoli  et,  par  les  fils  de  celui-ci.  en  ISOl. 
à  Pietro  Ciseri.  Les  fils  de  Ciseri  la  vendiienl.  en  LSI.'),  a  la  comtesse  Tcresa 
Spinelli,  veuve  degli  Albiz/.i.  Celle-ci.  à  sa  mort,  en  l.S.'{.{.  laissa  la  villa 
qui,  en  quehpies  années,  avait  pris  le  nom  de  rOinhnllinu,  à  son  neveu  Leo- 
pardo  Spinelli,  qui,  la  luême  année,  la  vemlit  au  cavalier  .\meriiio  de^li 
Albizzi.  En  LS 1 1,  le  seigneur  Alessandro  degli  .Mbiz/.i  la  céda  au  sieur  de 
Rast  de  Faal  et  celui-ci,  en  LSr)7,  au  sieur  Desboutin.  l-'inaUnunl.  en  1.S71. 
elle  fut  acquise  par  Mme   .Maria   Zoubow  ■  et   jiassee  depuis  a  ses  héritiers. 

Desboulin  fut  lionc  l'hole  artiste  d'un  palazzo  de  marbre  el  de  suju-rbcs 
jardins  (pn,   de  ce  fait,   ne   tombèrent   point   entre  des  mains  indignes.   Dci 


(1)   Idylles  el  Chansuns.  (I.cni' rn-.  1S71). 


Soigni  avaient  é(é  écrivains,  int'nil)ros  de  la  célèbre  académie  de  la  Crusca, 
d'autres  avaient  porté  les  armes  ;  il  semble  qu'un  j)eu  de  leur  esprit  soit 
demeuré,  sous  la  loggia  à  quadruple  arcature,  en  compagnie  de  Boccace,  de 
Galilée  et  de  Foscolo,  pour  allirer,  par  une  sorle  de  magnétisme  animique, 
queUpie  étranger  à  leur  pairie,  (pii  l'ut  cependanl  de  leurlamille  intellectuelle. 

Mnlre  la  villa  du  xiv^  siècle  et  celle  (pi'acquit  Desboutin,  il  y  avait  de 
notables  changements.  «  La  villa,  constatait,  Jules  Claretie,  dans  Miss 
M(i(/(lc[i'iu  nouvelle  écrile  vers  18()7  et  dédiée  à  Desboutin,  est  bâtie  dans 
le  style  sobre  des  conslructions  italiennes,  avec  des  murailles  peintes  à  fresque, 
par  des  arlislt>s  (pii  n'onl  |)as  de  nom  et  qui  ont  du  goût  (1).  »  Mais,  dans  les 
modifications  (pie  le  lemps  et  le  caprice  humain  apportèrent,  l'aspect  primitif 
avait  \)v\\  vaiié.  Aussi,  ])our  le  nouveau  propriétaire,  la  demeure  était-elle 
troj)  grande  et  parfois  sonnait-elle  le  vide.  Les  immenses  salles  avaient  perdu 
leur  décoration  murale  et  il  aurait  fallu  un  plus  fastueux  «  seigneur  »  que 
Desboutin  pour  rendre  au  palais  sa  splendeur  abolie.  Mais  il  restait  l'archi- 
tecture, la  noble  ordonnance,  les  jardins,  les  eaux  fraîches  et  la  vue  mer- 
veilleuse !  11  y  avait  aussi,  non  loin  de  la  villa,  une  construction  plus  modeste, 
un  (i  villino  »,  qu'il  ne  faut  pas  regarder  avec  dédain,  car  c'était  une  délicieuse 
résidence,  que  Desboulin  occupera  à  partir  de  18()5,  après  avoir  loué  le 
palais,   par  nécessité,   «   à   des  étrangers  souvent  maudits   (2).  » 

Edmond  Guillaume,  qui  fut,  en  1856,  le  premier  des  grands  prix  de 
Rome  pour  l'architecture,  voyageant,  l'année  d'après,  en  Toscane,  notait, 
dans  son  carnet  journalier,  dont  nous  devons  l'obligeante  communication 
à  sa  fille,  Mme  Lami,  ces  détails  précis  : 

«  5  juillet  1857.  —  Le  cocher  nous  mène,  par  de  longs  chemins  cernés 
de  deux  murs,  à  un  endroit  situé  près  de  la  propriété  d'un  Français,  le  comte 
(sic)  Marcellin  Desboutin,  endroit  nommé  Bello-Sguardo  et  d'oîi  l'on  a,  en 
effet,  la  plus  admirable  vue  sur  Florence,  les  Caséines,  Fiesole,  au  delà  et 
même  Pratolino.  » 

Trois  jours  après,  il  revenait  sur  la  beauté  du  coup  d'œil,  dans  ces  lignes 
intéressantes  à  plus  d'un  titre  : 

«  Rendez-vous,  à  six  heures,  au  café  Doney,  avec  MM.  Lcfèvre,  Pelle- 
cliet,  Daumet,  \'audremer,  Ciiapu,  |)our  aller  à  Bello-Sguardo,  chez  M.  le 
comte  Marcellin  Desboulin.  Bel  effet  de  soleil  couchant.  Nous  arrivons  à  tra- 


(1)  r.cs  belles  lù,li(s  (Drntu,  édit.) 

(2)  l.AFENESTRE,    loc.    cH. 

2G 


M CAMUS  à   rEventail 


vers  prés  et  vignes.  I^arfnit.iiieiil  rt-riis  |.;ir  Monsieur  el  M.ulanie.  nous  mon- 
tons ensuite  sur  le  iuiul  de  l;i  nuiison,  d'où  hi  vue  est  splmilide  «-t  romplèle. 
Nous  descendons  à  la  galerie  de  tableaux,  mais  il  ne  fait  plus  clair  ;  une-  st-uie 
tète  charmante,  sur  un  clirvalcl  mohiU-,  est  visible.  Charmante  p.-litt;  fille  (1). 
Monsieur  et  Madame  veulent  nous  inviter  à  déjeum-r  sur  riierhe.  mais  ces 
messieurs  j)artent  après-demain  ;  (piant  à  moi,  je  reviendrai.  - 

Le  «  déjeuner  sur  liurhe  avait  lieu  [)rès  de  V OiubreUiiw,  le  bizarre 
parasol  de  tuiles  rouges,  (|ui  parait  avoir  été  l'endroit  favori  du  maître  de 
la  maison,  l^dmond  (iuillaume  y  dina  trois  fois.  La  dernière  fois,  il  écrit  ; 

«  Six  heures,  c'est  l'heure  du  dîner,  sur  l'herbe  toujours,  et  en  face  de 
cette  magnifique  vallée  de  l'.Vrno  (pie  dore  bientôt  le  soleil  des  feux  chan- 
geants de  son  coucher...  Sous  l'Ombrellino,  conversation,  visite,  dame  blanche 
(5  août  1857).  » 

Dans  cette  résidence  princière,  iJesboutin.  eu  (ié[)it  des  difficultés  de 
la  vie,  mena  une  existence  enviable,  |)arlagé  entre  les  arts,  les  lettres  et  la 
chaude  hospitalité.  Il  accueillait  tous  les  I-'rançais  de  marque  (|ui  passaient 
par  Florence.  .Vux  noms  cpie  cite  (iuillaume,  le  peintre  .Jules  Lefèvre,  le 
sculpteur  Chapu,  les  architectes  Daumet,  Vaudremer.  Pellechet,  il  faut 
ajouter  ceux  cpie  nous  rencontrons  dans  d'autres  parties  de  son  journal, 
Crauck,  le  statuaire,  (iinain.  autre  architecte,  Boyer  photographe-graveur, 
et,  plus  tard,  Georges  Lafeneslre,  .Jules  (^laretie,  .Iules  Amigues,  le  graveur 
Laguillernice,  Hobert-Fleury  et  son  fils  Tony,  Sully-Prud'homme,  l'/zielli, 
Faure-Dujarric,  Signorini,  peintre  et  écrivain,  lùlmond  Texier,  I''lo(piet, 
Charles  Ilabeneck,  fils  du  chef  d'orchestre,  lui-même  écrivain  de  mérite, 
le  compositeur  ICmile  Fessard,  le  peintre  d'histoire  l'rbain  Bourgeois.  Bol- 
dini,  e  tutti  (/nanti.  Boldini,  jeune  alors,  fit  du  ihàlelain.  vers  l.Stll  ou  1S«»."). 
deux  portraits  :  l'un  est  une  fort  belle  tète  grandeur  nature,  l'autre,  sur 
une  petite  toile,  représente  le  maître  de  la  maison,  en  robe  de  chambre  à 
carreaux  noirs  el  rouges,  fumant  et  regardant  à  ses  pieds  un  chat  (pii  guette 
une  souris.  Il  fit  aussi  une  esfpiisse  peinte  de  Marie,  dont  la  grâce  el  la  viva- 
cité l'avaient  frappé. 

Uesboulin,  on  le  voit,  se  plaisait  dans  une  société  choisie,  mai>.  ....- 
son  insouciance  habituelle,  il  accueillait  l'autre  volontiers.  Nous  le  retrou- 
verons tel  aux  jours  dédorés  du  Café  (iuerbois  et  île  la  Nouvelle  .Mhènes. 
Il  eîit  été  digne,  par  ses  inclinations  et  par  son  esprit,    sinon  par    ■■■:  »,.••.• 


(1)   .Marie,  alors  àgc?  tlo  trois  :iiis. 

27 


iiuiit,  (l\'liv  iiii  floiTiiliii  (iu  U'm|)s  (le  Lamviil  le  Mai^nifique  et  de  Mnrcilc 
l-'iriii.  (Ut  iiii  vi'iiilii'ii  <ie  reiiloiirai^e  du  cardinal  Bembo. 

Il  aiiiiail  à  reeevoir  sans  coiilraiiile,  avec  enjoiieiueiiL  eL  cordialilé.  Il 
ainiail  aussi  à  liavailler,  à  |)eiiidie,  à  .graver,  à  composer  des  poèmes  el  des 
draim-s.  11  peii^iiait  le  jour  el  écrivait  la  iiuil.  De  ce  double  labeur,  pas  trace 
de  falii^ue,  preuve  dune  vilalilé  i)uissanle.  Ce  (pii  avait  trait  à  la  technique 
des  aris  l'inléressail  |)ar[iculièrement.  Le  carnet  d'I^dmond  (inillaume,  que 
nous  ne  saurions  trop  citer,  tout  en  en  déplorant  la  brièveté  (notons  que  les 
deux  lionunes  ne  se  revirent  plus,  même  à  Paris,  sans  doute  parce  que  Des- 
boulin n'allait  jamais  voir  i)ersonne,  Puvis  de  Chavannes  excepté,  et  que 
Ciuillaunu- ne  mettait  jamais  les  pieds  an  cale,  salon  de  Desboutin  !)  le  carnet 
(riùlmonil  Ciuillaumi-,  disons-nous,  rt-nlerme  une  vive  escpiisse  d'une  journée 
de  l'Ombrellino  : 

»  22  juillet  IS")?.  —  J'ai  vu  une  terrible  chaleur  pour  monter  seid  à 
lîello-S.^uardo.  d'v  arrive  entin.  à  (oui  près  de  10  heures  et  demie  et  je  trouve, 
comme  je  le  craii»nais,  "NI.  et  Mme  Marcellin  en  train  de  déjeûner  avec  un 
M.  Hoyer,  pholoi«ra|)he-graveur.  Invité  à  me  mettre  à  table.  Café,  cigare, 
billard,  tableaux,  galerie.  l-Lssai  de  i*ravure  simplifiée.  Arrivée  de  M.  et 
.Mme  Baldimonney,  moldaves.  Conversation,  salon,  calembours,  puis  dîner 
charnumt  et  excellent  sur  les  prés  de  rOndjrellino.  Billard.  M.  Baldimonney 
m'offre  une  place  dans  sa  voiture  et  nous  revenons  à  Florence.  » 

C'est  une  journée  comj)lète,  à  la  vérité  un  peu  exceptionnelle,  puisque 
c'est  une  journée  de  récej)tion.  Ou  ne  travaille  pas  beaucoup.  Pourtant, 
nudgré  la  frivolité  des  passe-temps  et  des  propos,  nous  voyons  que  les 
uns  et  les  autres  tournent  aisément  au  sérieux.  «  Tableaux,  galerie  », 
qu'est-ce  ?  Une  visite  aux  collections,  et  l'on  y  parle  d'art.  «  Essai  de  gra- 
vure simplifiée  »,  qu'est-ce  encore  ?  Uesboutin,  dont  la  première  eau-forte, 
datée  de  sa  main,  porte  la  date  de  185(),  avait  déjà  commencé  la  gravure. 
Ce  M.  Boycr,  «  français,  blond,  à  moustaches,  ingénieur,  jihotographe,  inven- 
teur (1)  >s  sous  l'expression  de  «  gravure  simplifiée  »,  n'initie-t-il  pas  son 
hôte  aux  secrets  de...  l'héliogravure  ?  On  serait  assez  disposé  à  le  croire  et 
l'on  saisirait,  à  cette  date,  le  point  de  départ  d'une  techni(îue  dont  usa  assez 
souvent  l'artiste,  brcinlalis  causa,  sur  la  fin  de  sa  carrière,  mais  dont,  heu- 
reusement, ses  plus  belles  pièces,  ses  pièces  les  plus  vivantes  et  les  plus  libres, 
ne  portent  point  la  trace. 


(1)  N'oie  (lu  5  août  liS')". 
28 


Lin  autri-  jour,  on  s:iiiiiisrr;i  :i  des  iss;iis  dr  cli.imhrf  in»in-  i-l  de  cliariibr».- 
claire.  »  Il  s'ai^il.  vv[[r  fuis,  de  dessin,  iriais  louJKurs  dr  prori-di.-  r.ipidc.  Ceci 
esL  du    I   aoûl.   Le  leiideiiiaiii,  autre  ehauson.  le  terme  est  exaet  : 

«  5  août    IS.")?.  ...    Déjeuner,   suivi   de  ehaiisoris  charfiianli-s.    pleines 

de  verve  et  de  iacilité.  (dMii)osees  et  dites  i»:ir  le  baron  (le  titre  a  r|i;iiii«c  !) 


'l'oiiy    !  îohcrt-Flfii:  \    i    \iinr  .ir  /.(..n/p 
C')ll.  .;.  I)csl)oiiliii 


Il  faut  absolument  que  j'en  dise  (juelques-unes  des  miennes.  Ci^^'art-s.  rafe. 
billard.  Le  baron  fait  sa  sieste.  Nous  lisons,  la  baronne  et  moi,  le  recueil 
imprimé  des  chansons,  parmi  lestiuelles  sont  (|uel(pies  odes,  véritables  poésies, 
légèrement  parfumées  de  léqitimisme  (1).  .\  son  réveil,  le  baron  nous  lit 
une  grande  pièce,  en  vers  nuisseto-bvronii-ns,  sur  les  romanti(|ues  et  les  elas- 


(1)  C'est  le  recueil  de  Chonsaiis  ri  ('.baiisiinnrllr^,  i|<i;it  nous  ,i\'>hn  <li*Jù  parti-  ri  uoit 
le  ton  lé};;iliniiste  (jue  relive  lûlniond  (luilhiume. 


si(|iu's,  |ilciiu'  (k-  viTVi-  l'I  irmulacc  ;  puis,  uik-  pclilc  ode  cliarmanlc,  inlilulée 
PijgiiKilion  (1).  » 

C'est  tMicoro  une  journée  complète,  celle-là  consacrée  aux  lettres  !  Le 
récit  (le  la  matinée  nous  montre  le  «  baron  »  et  son  équipage  :  «  Knfin,  à  dix 
heures  passées,  la  calèclu'  apparaît  |)()iianl  .M""'  la  baronne,  toujours  bonne 
et  aimable  ;  elle  est  venue  amener  Marie  à  son  premier  jour  d'école,  après 
avoir  al  tendu  \c  retour  de  la  domestique,  envoyée  aux  achats  (2).  »  On  le  voit, 
nulle  pose  ;  aucuiu"  vanité  (A).  Son  seul  orgueil,  s'il  en  avait  eu,  lui  sérail 
venu  de  sa  galerie,  l'ormée  par  lui,  moins  à  coups  de  billets  de  banque  que 
par  ce  flair  du  chasseur,  qui  est  aussi  celui  de  l'homme  averti,  devant  l'objet 
dii»ne  de  son  désir. 


Cl)  Ci's  pièces  ne  j>araissent   |);is  avoir  été  publiées  et  ne  se  soûl  pas  retrouvées  dans 
les  nianuscrils. 

(2)   Note  (lu  f)  août. 

Ci)   Madatue  «  la  haroime  o  nv  se  ehai'^'-t-elle  pas  d'aclieler  un  ehajjeau  i)()ur  Ginain, 
malade  ?  (iiu'nie  note,  in  /ine). 


=30 


VII 


LES   GAIJ':RIKS 


Quelle  était  donc  cette  i»alerii'  '.'  Il  est  difficil.-,  ;i  |  h,  nrc  ariu-ili-.  >W\i 
dresser  l'inventaire.  Nous  pouvons  (cpcndanl  tu  reconslitut-r  i]Uf|(|UfS 
éléments,  au  moyen  des  (iDcuiucnls  tt  des  lémoif^na/,'cs  (|ui  nous  ^oul  [lar- 
vcnus. 

Re[)orlons-noiis.   en    prciiiicr   lieu,   à   uur   très  précieuse   note  d'Kdrnoud 

(iuillaume  (l'historien  doit  bénir  cis 
inlilliiii-nces  observatrices,  iiiiiiu- 
tieuses  et  réglées,  ([ui  C()nsij»iieijt 
pour  elles  et.  par  la  suite  jxuir  lui, 
tout  ce  (pii  les  frappe  dans  le  cour> 
de   leur  vie  !)   : 

'  l.'i  juillet  l.S.')7.  -.le  nie  diri^^e 
\eis  liello-SjLîuardo...  Le  baron  n'y 
ist  pas  ;  il  est  avec  sa  famille  à 
l'Ionnce  it  va  revenir.  .le  l'atlemls 
en  examinant  sa  f,'alerie.  Son  Paul 
Véronèse.  Ln  frninic  adultère,  est 
une  très  belle  chose  ;  le  (iiorgioijc. 
en  face,  sur  le  nu''nu'  sujet,  est  aussi 
1res  i)eau  ;  sa  p/tite  tète  de  fenitne. 
de  Haphael.  ou  de  tout  autre. 
est  uiu'  orii,'inale  et  charmante 
liosi'.  Belle  tête  de  Christ,  galerie 
(1  en  bas...'  Voilà  une  première 
précision. 

Jules' Clarelie,'' qui  signait  (i.  .Souvenance,  un  chaud  article  dans 
le  Figaro  du  21  mai  ISS.'Î,  parle  d'un  Heiubrandl  vendu  à  Merlin  . 
Voilà  donc,  cinq  tableaux  -  ce  (jui.  eu  vérité,  est  insuffisant  pour  f«)r- 
mer  ce  qu'on  nomme  une  galerie,  ternu'  «pu  im|)li(pu'  la  quantité  au  moins 


Coll.  l'aul  Largy 


;:i 


aiit:iiil  ([lie  1.1  ([iialiU-.  VA  (■«•si  iW  (/nlrrirs  au  pluriel  !  ([uc  nous  eiilrelicnt 
l-:<lni(.ii(l  CuiliauMU'  :  ctlli'  il'vn  haut  cl  crllc  (Tcn  bas  !  In  arcliitocLe  ne  se 
lroin|)i'|)assur  la  (lisliii)uli()n  d'uiu'  maison.  (1.  Souvenance  les  évo([UC,  lui  aussi, 
ces  ^'alcrics,  ([uand  il  rappclli'  «  ces  i»ran(les  stalles  de  sluck  et  de  marbre  », 
tuais  sans  donner  d'indication  sur  leur  contiini.  Il  avait  une  raison.  Quand  il 
li-s  visita,  vu  LSlili,  elles  étaient  déjà  dé.tîarnics.  11  les  voit  «  troj)  vastes,  trop 
vides,    sonnant    le    crt'ux    ■.    n'uiplies    seulement   par   la  faconde  du  maître. 

M  C'est  là  (pfil  ['allait  entendre  Desboutin,  al(»rs  épris  fortement  de  l'art 
des  prititilijs,  -  énaïuoure  d'Orcai^nia,  de  Mlippo  Lip|)i.  trouvant  déjà  le 
Péru!4in  membre  de  l'Institut  et  Ha|)baël  un  bon  élève  delà  classe  de  dessin  — 
dévilo[)per  ses  lliéories,  peindre  vraiment  avec  des  mots  ses  sensations,  ses 
aspirations   originales,    curieuses,    paradoxales   et    honnêtes.    » 

C.i-s  ajji'rçus  crili(pies,  qui  i)imenlérent  toujours  la  conversation  de  Des- 
boutin. nous  renseiiînent  sur  les  préférences  de  l'artiste,  —  ajoutons-y, 
d'après    M.    lioldini.    W'atteau,  mais   semblent   les   mettre   en   désaccord 

avec  ce  <|ue  nous  saxons  de  sa  collection.  Chrentend-on  par  primitifs  ?  Dela- 
croix en  a\ait  uua'  définition  lartje  :  «  Les  prais  primitifs,  ce  sont  les  talents 
orit^Mnanx  (1).  <<  A  w  vomplv,  il  y  vu  eut  à  toutes  les  éî)oques  !  Desboutin 
n'était  ]»as  si  compiéhensif  dans  son  pro])os.  Pour  lui,  les  priniilils  étaient 
b's  artistes  antérieurs  à  la  lienaissance.  l^ncore,  les  aimait-il  à  des  dei^rés 
divers.  11  ne  Coûtait  |)as  en  eux  ce  ([ue  les  idâilisles  et  les  néo-mystiques  y 
j^'oùteri'ut  tri'ute  ans  plus  tard,  ((uand  ils  s'éjjanouirent  avec  la  Rose-Croix 
v[  K's  salons  du  .Sai'  Peladan.  Xt'  nous  étonnons  !)as  trop  que  Desboutin, 
dont  les  tendances  étaient  diamétralem^-nt  opposées,  ait  cependant  participé 
à  ces  salons.  Il  y  avait  droit  d'entrée,  en  (jualité  de  i)ortraitiste  du  mage, 
^'rand  i)i-étre  (h'  la  cha|)elle,  ipii  lui  rendait  sa  politesse  en  rai)pelant  mar- 
quis. On  lrou\'e  de  t(uit  dans  les  ])rimi[ifs  :  ini«énuité,  effort  vers  la  vérité, 
sentiment  naïf,  crédulité,  ])iété,  i^aucherie,  mais  aussi  un  al)solu  respect  de 
la  nature,  (pii  les  ])()usse  à  multiplii'r  h's  |)()rtraits  et  à  ne  rien  corriger  du  mo- 
dèle, là  où  le  sujet  ne  l'exige  pas.  (l'est,  ne  nous  y  trompons  pas,  ce  côté 
rciilistc  des  primitifs  (pii  charmait  Desboutin,  et  c'est  ce  qu'explique  fort 
bien  Creorges  Lafenestre,  ([uand  il. écrit  : 

'<  A  b'Iorence,  dans  les  fresques  des  (pialtrocentistes,  il  ne  regarde  que 
les  purs  naturalistes  :  Masaccio,  Filippo  Li])pi,  Crozzoli,  (ihirlandajo  ;  encore 
n'y  regarde-t-il  (pie  les  tètes  et,  parmi  les  tètes,  les  portraits  contemporains  ; 


(1)  Journal  ilr  Dr'acrvix,  t.   HT.  p.  271. 


Irur    lîL'nic    (riiivciilion    |i(.rli(iiir.    dr    .r.iiipov.ilioii    iinrnitivf    nii    .I.Toritr. . 
lu-  k'  IoucIk-  pas.  Il  Iroiiv.'  fia  .\ii,i,'.li<<.  trop  a«-ri.ii  .•!  lioltirrlli  I: 
Il  lui  faul  une  U'cliiii(|U('  plus  rohusic.  plus  savant»-  à  la  fois  .1 
il  adori-  les  I^spaiînols,  il  a  (pidcpi,-  fail.lr  punr  Carava^,'.-.  il  n.-  : 


Iltudi's  de  tètes  et  main   (  Mine  de  [)l<>mb) 
Coll.    F)esl>nutiii 

certains   bolonais  et   florentins   y\n   xvii*'  siéelc,  iiralicieiis   liartlis  ou   >ul»lils. 
dont   il  copie  des  morceaux,  s'essayanl   à  leur  \irlui>site  (I). 

Rappelons,  en  l)assant,  ce  (pie  nous  a\ous  dit  des  copies  de  I)esl)ou- 
lin.  Mais  soulignons,  ici.  w  (pie  M.  I.afeiirstre  énonce  de  sa  pré<Ulertioii 
pour  les  I^spa^iuds.  certains  liolonais  et.  dune  manière  tjeliérah'.  pour  l«»ut 
jieintre  à  la  \  isioii  directe  et  ;'i  la  teciiiii(pie  ^>  robuste    .  C'est   bien  le  cas  de 


(1)  LAi-ENESTni:,  l'n'facL'  au  C.alaloijnc  de  l' I-lxpusilioii  i/« 


Wrom-sr    .K.  (.iu,-io,u..   .1.   lU.nl.ra.ull.  cl    de   1^m,.Iku-1.  le   Hn,)haël   dos 

,arlons  vii-oinvux  .1.  S.mtl.  Krnsini^lon  ri  <ir  lanl  «Ir  porlnuls  du  palais 
PHli  rt  dailK-iiis.  ■  Tuul  (T  (|iii  rsl  iKTVc-iix,  vivanl,  caiaclcnse,  sans  joliesse 
„i  ..K.uieiv  esl  .le  llaphael  :  le  resle.  de  ses  élèves,  »  affirmait  Alphonse  Legros, 
aussi  prof..nd  eoi.naissrur  (pie  grand  arlisle.  Desboulin  pouvait  doue  possé- 
der dfs  ifuvres  de  ees  maîtres,  ([uoi- 
([u'ils  ne  fussent  pas  des  primitifs,  pare? 
([u'ils  repondaii'iil  à  ses  goûts.  Néaii- 
Mioius.  malgré  raffirmalion  de  (luil- 
laume,  je  penelierais  pour  des  eopies  ou 
pour  des  i)i-inlures  d.'  leur  éeole  et  dans 
leur  manière.  Les  noms  sont,  en  vérité, 
li-o|)  grands,  pour  (fue  rieii  de  ])récis  ne 
nous  soit  i)arvenu  à  leur  sujet.  A  coté 
des  chefs  de  file,  il  y  avait  les  autres, 
les  minores,  les  «  dédaignés  »  de  ce 
XVI if*  siècle  italien,  étouffé  par  les  trois 
siècles  de  gloire  ([ui  l'ont  précédé  ;  il  y 
avait  aussi  les  l-'spagnols,  les  l'xjlonais, 
etc..  v[.  cette  fois-ci,  c'est  lui-même  ([ui 
nous  rensi'igne. 

Car  nous  avons  sur  '^  ses  galeries  » 
son  j)ropre  témoignage.  Ce  sont  ses 
graNiuH's.  l*uis([u'il  i)ossé(lait  une  collec- 
tion cl  (pi'il  s'essayait  à  la  gravure, 
n'élait-il  pas  naturel  (pi'il  gravai  les  tableaux  (ju'il  avait  sous  la  main  ? 
Ia'  contraire  eut  été  surprenant.  Pourtant  nous  ne  rencontrons  dans  ces 
planches  ni  Hemhrandt,  ni  Haphaël,  ni  (Vibrgione,  ni  Véronèse,  —  et  c'est 
dommage  !  Hecounaissons  toutefois  (pic  cette  absence  de  gravure,  qui  nous 
laisse  tout  iit)tre  doute,  n'é(piivandrait  à  une  preuve  que  si  Desboutin  avait 
gravé  la  (olalilr  des  tableaux  de  sa  collection,  alors  ([u'il  n'en  grava  qu'un 
[ici il  nombri'.  La  plupart  (k'  ces  tableaux  sont  catalogués  sous  le  nom  de 
ce  fécond  hjiiolo.  ([ue  l'on  renconlre,  avec  des  variantes  (rorthogra})hc, 
dans  les  |)lus  grands  musées  du  monde. 

Si  l'on  examine  ces  gravures  à  la  faveur  de  la  tradition  orale  ((ue  nous 
ont  transmise  les  fils  de  l'artiste,  voici  ce  (pCelles  nous  apprennent  de  la 
collection  qu'elles  reflètent. 


Type  de  Ni(,-i)ise  (Peinture.,  18S7) 
Coll.  .J.  IJesboutiu 


•M 


Duchesse  COLONNA 

(4     Eut) 


C'e'sl  (i'al)()r(l  iiiu'  Xdlii'ilr  ou  Adoralidii  dis  hirtjrrs.  <l.-  slvlr  h(ilhnrlf>- 
ilalicn  du  xviiic  sicrli".  avt-c  Irs  jeux  de  hunirre  rjui-  Silialk.n  ,-1  (n-rard 
Dow  avaient  mis  vn  si  i,'raii(i  liomuur  ;  puis,  un  Gutrcrl,  de  Nirolo  lYanj»!- 
l»ani  (xvie  siècle),  seène  pleiiu-  <ir  <,'aiilé.  où  ce  piinlrr.  ori>,Mnairr  di-  l'adouc 
ou  l)ien  dUdine,  fait  soni^nr,  un  siècle  d'avance,  aux  jovi-ux  vacarnirs  de 
Jean  Steen  ;  un  Stiinl  m  Mrililulion  rappelle  [tar  ses  oppositions  ènerK'i'(nes 
Zurbaran  ou  son  écoK'  ;  l'ia/./etla,  venilieii  du  xviii"  siècle  (\i'>Ki-l7:)\), 
du  siècle  de  Tie|)olo,  de  C.analello,  de  (iiiardi  et  de  Lonj^lii,  mais  loin  d'eux 
par  roriginalitè.  s'inspire  du  (iuercliin  ou  du  (laravage  dans  ses  Saiiils  lisunl, 
que  Deshontin  grava  deux  fois.  De  la  même  inspiration  ((ue  le  Sainl  m  mddi- 
lalion  est  le  Siiiixl  [j/irlanl  sa  croix,  (\u\  <lul  être  dènielié  dans  (pielrpie  oratoire 
franciscain  ;  enfin,  une  Vicrf/c  à  l'IùifunL  dont  une  épreuve  est  datée  de 
rOmbrellino,  octol)re  18J8,  a  une  grâce  corrègieniie  des  plus  sensible. 

Voilà  tout  ce  que  nous  savons  des  peintures.  Desixmtin  «^e  doutait-il. 
en  les  gravant,  ([ue  le  niélier  (piii  aeipièrail  lui  ouvrirait,  élargi,  simplifié, 
api)rofondi,  les  jjorles  de  la  célébrité  '.'...  .Mais  cette  cidiection  ne  comptait 
pas  que  des  peintures. 

Dans  son  Journal,  le  (1  février  1.S7.").  l-jlmond  de  Cioncourl  note  (ju'il 
est  allé  chez  Desbonlin,  invité  par  larliste  à  fairi-  faire  son  [)orlrait  à  la 
pointe-sèche. 

('  L'atelier,  écrit-il,  est  dans  la  cour  d'une  grande  cité  ouvrière  (1). 
bruyante  de  toutes  les  industries  du  bois  et  du  fi-r.  Il  ist  construit  en  planches 
mal  jointes  ([ue  recouvrent  au  dedans  ditnnu'nst's  tapisseries  ra[tportées 
d'Italie,  re[)résenlant  la  Mort  d'Anloinc,  la  (juislnnlion  dr  C.arlhmjr  et  met- 
tant au  mur,  en  leurs  verdures  fanées,  dans  une  couleur  haillonneuse.  un 
monde  pâle  et  effacé  de  guerriers  farouches  à  l'ajiparence  s|)ectrale.  » 

Ajoutons   donc   les   tapisseries  aux  peintures,    l-'st-ce   tout  '.' 

Le  23  décembre  1<SS0,  I^esboulin  fit  uiu-  vente  à  l'Hôtel  Drouot  de  ses 
œuvres  propres,  tableaux  et  gravures.  |)lus  ,">.')  numéros  cotnprenanl  «les 
meubles,  —  dont  ses  chevalets,  car  il  partait  [)our  Nice.  —  et,  ajoute  le  cata- 
logue, des  armes  orientales,  des  faïences  italiennes  el  françaises,  enfin,  une 
importante  série  de  »  bronzes  anciens  pour  la  |)lupart.  statuettes  des  xvi«. 
XYii^,  et  xviii*^  siècles.    > 

Mais  cette  dernière  i)artie  ne  jM-ovenait  pas  de  Desboutin.  Le  catalogue 


(1)  Rue  des  Daines.  ;52. 


iiuluisMil   m  rrivur  \v    liTtnir   sans    nK'fKUWv.    Les    armes,    les    faïences,  les 
slahiclles   itntwnaicnt    <l"iin   autre   tond   (1). 

Nous  avons  donc  un  aperçu  sommaire  des  colleclions  de  TOmbrellino. 


M;iric  Dcsboutin   ( M inc  de  plomb) 
Col!.  I)arl)our 

Lil)re  à  l'imatîinalion  de  les  c()m[)léLer  selon  la  vraisemblance,  en  n'oubliant  pas, 
loiilefois,  que  ces  "  vastes  salles  »  ne  furent  sans  doute  jamais  suffisamment 
reni])lii's.  comme  le  dit  (1.  Souvenance,  sinon  [)ar  les  cojjies  issues  du  (ornajo 
voisin. 


(1)  Qu'on  lise,  en  effet,  avec  soin  ce  titre  du  calaloi^ue  : 

■  Vente  du  jeudi  2.'}  décendire  IcSSO,  pour  cause  i!e  départ.  Tableaux,  études,  eaux- 
fortes,  par  .Mareelliu  Desboutin.  Bronzes,  faïences,  meubles  anciens,  ol)jels  divers.  Préface 
de  .Jules  Claretie.  i>  Cette  dernière  énuniération  ne  se  rattache  à  la  première  que  par  une 
ambi^'uité  cju'il  n'est  i)as  interdit  de  su])poser  voulue. 


36 


l/OMIUU.I.I.ISn 


I.i-   I';ir;isul 


\1   I  I 


LA    VIE    A    L'OMBRELLINO 


Elle  était  varier,  ^aic.  ainsi  ([iic  toute  vir  ([lu-  uiiiromhriiil  |M»iul  1rs 
soucis  matériels.  c[uc  l'on  peul  cousacnr  aux  arts  il  aux  travaux  <lr  l'ïu- 
telligeucc.    Deshoulin    recevait    beaucoup,  dans   ce   heaucou|i,   il   v   avait 

du  mélange!  -  mais  surtout  des  artistes  et  des  écrivains,  ses  «•onfreres. 
Sa  femme  et  sa  fille  l'aidaient  à  faire  li-s  lioniieur-..  sa  femme  aux  cheveux 
gris,  aimable  et  accueillante,  ([ui  eut  porte  avec  grâce  la  collerette  classinue 
de  Mierevell  ou  de  l""ran/.  liais,  et  sa  fille,  cliaraiante  et  spirituelle,  ipii  «otu- 
plétait  le  trio  de  la  famille,  ou  la  vie  de  l\'sprit  tenait  la  première  place. 
Ces  lignes  sont  d'un  témoin,  M.  nicliard.  avocat  à  (ieiievi-.  (|ui  vécut  à 
Florence  de  18(J.S  à  lN7n.   Il  «unuut  et  frecpienta  beaucoup  |)esl»outiii. 

.t: 


Mûrie  DesboiiUii  Griindc-diu-hcssc  Marie 

Coll.  J.  nesl/oulin  (Sanf/ninc) 

A  celle  ép()f[iu',  pas  de  fasle.  Y  en  eiil-il  avant  ?  C'est  peu  probable  et 
les  noies  criùhnond  (iuillaunie  nous  renseignent  suffisamment  à  cet  égard. 
-Mais  Texislence  y  élail  large,  tout  en  demeurant  simple,  et  si,  parfois,  le 
niaîlre  se  départait  de  cette  simplicité,  c'est  que  l'occasion  l'y  avait  poussé  ! 

Il  racontait,  avec  bonhomie,  une  occasion  de  ce  genre. 

Un  soir,  un  de  ces  beaux  soirs  d'été,  toujours  les  mêmes,  mais  toujours 

as 


IIcMiiUT  (  l'oinlc  srclie) 

lion  (lu  savaiil.  ni  k'  ivvv  du  |)()i'li'. 
Des  nuisicu'iis  étaient  iiinutés  à 
Ik'llo-Sguardo,  en  doimaul  dos  con- 
certs le  long  de  la  routi'.  Ils  denian- 
dèrent  au  maître  de  l'Oiubrcllino  à 
se  faire  entendre.  Cela  tombait  à 
merveille.  Deshoutin  (|ui,  pour  ce 
gala,  avait  engagé  des  ex t ras  peu 
coûteux,  accueillit  a\'ec  faveur  les 
miisici.  Ils  n'augmenteraient  guère  la 
dépense,  se  contentant,  si-lon  l'usage, 
d'un  fiasco  de  chianti  ou  dr  ([urNpies 
l)aïo<[ues.  C'était  de  la  magnifict'uce 
à  bon  marché.  Heureux  temps! 
Deshoutin,  en  homme  qui  visait 


différents,  tant  la  naliin-  rsl  diviTse 
en  ses  ré|télitions.  la  tablr«-lait  mis.-. 
l)ruu-  un  cerlaiii  nondirr  d'ariiis.  près 
de  rOinbr.Miuu.  I.;i  vue  s'élt-inJail. 
plus  bille  cncor»'  «pie  de  coulUMic, 
sur  la  vallée  de  i'Arno,  drs  .\pi-ii- 
nins  aux  montagnes  di-  Lu(<pj«s.  !,«• 
ciel,  ou  déjà  scintillaient  les  étoiles, 
send)lait  se  pencher  sur  la  terre, 
comtiu-  pour  l'inviter  à  join-r  avec 
les  |)i»'rreries  de  ses  coilslcllalious, 
jfii    <|ui-    ne    refusent    ni    l'ohserva- 


^^^  ^00*^1 


(  lùiii  /urtt  fl  pointe f 


.!".• 


an  llu-àlri-  cl  iiU'iKii,'c'ait  st-s  rfft'ls.  (lisi)()sa  k's  imisicions.  — •  (jiii  irélaient 
rii'ii  moins  i|nr  iH'nx  lic  la  Pcr.^ola  !  -  (liTritTc  un  massif,  (.'l  leur  ivcommaiula 
(II-  ne  partir  ([n'a  son  si^'nal. 

Ia's  amis  arrivi'rcnl.  La  laide,  sur  la  Icrrassc,  monlrail  son  ar^enlorie 
ol  si's  crislanx  parmi  les  t'irnrs  cl  la  vcrdnrf.  Dans  le  pondroiemcnl  des  der- 
niers lenx  du  jonr.  J-'IoriMiee  dressait  si's  dômes,  ses  tours  et  ses  cam])aniles 
d'or.  On  allait  [>assi'r  à  table,  ([uaiid  \v  porlicrc  introduisit  deux  visiteurs. 
Cela  naxail  rien  d'anormal  :  on  visitait  rOmbreilino  comme  les  jardins 
lloboli.  Mais  K's  étrangers,  eraignanl  de  troubler  la  fêle,  s'excusèrent,  en 
se  nommant  :  rarihidueliesse  Marie  de  lîussie  et  son  époux.  Desboutin  se 
fil  II'  eiei'rone  du  couple,  émerveillé  (K'  la  beauté  du  lieu  et  conquis  par  le 
charme  autant  ipu'  par  les  manières  du  châtelain.  \''A  lorscjue,  au  geste  de  ce 
dernier,  k-s  cordes,  les  cuivres,  les  bois  et  les  Noix  s'élevèrent,  la  princesse 
enthousiasmée  ne  i)ul  retenir  une  exclamation  : 
-  \\\  !  l'idéal  de  la  \ie  est   ici  ! 

l-'.lle  y  re\int  et  un  délicieux  portrait  à  la  sanguine  témoigne  de  ses  visites. 

Desboutin  racontait  avec  plaisir  cette  anecdote.  Elle  fait  comprendre 
la  nostalgie  (ju'il  eût.  tout  le  reste  de  son  existence,  de  ce  coin  de  terre  enchan- 
teur,  (piand   il   eut    perdu   et   sa   fortune  cl   rOnd)rellino. 

11  api)r()chait  à  cette  épo([ue  de  la  ([uarantaine.  Lafenestre  nous  l'a 
déi)eint  dans  son  allure  liabitutdle  : 

«  liien  bâti,  vigouriaix,  basané,  haut  en  couleur,  un  ])eu  traînant  dans 
sa  marche,  toujours  coiffé  d'un  vaste  feutre  noir  et  mou  qui  s'agitait  de 
travers  sur  une  tignasse  énorme,  toison  ébouriffée  de  boucles  noires  et  fri- 
santes, il  terrifiait  et  ravissait,  par  les  roulements  rapides  de  ses  gros  yeux 
de  braise  ardente,  les  Anglaises  vai)oreuses.  De  loin,  on  le  prenait  pour  un 
brigand  ronuinti((ue  ou  un  condottiere  en  disponibilité  ;  de  près,  répouvantail 
n'était  ([u'un  agniau.  Ou  vit  rarement  tel  contraste  entre  la  sauvagerie  d'un 
mascpu'  et  la  douceur  réelle  de  l'àme.  (".eux  ou  celles  (]ue  ce  farouche  visage 
avait  d'abord  effrayés,  ne  tardaient  pas  à  être  j)lus  surpris  encore,  et  bientôt 
tout  à  fait  ravis,  lorsque,  de  cette  étrange  face,  en  partie  immobilisée  par 
une  ancienne  paralysie,  mais  d'autant  plus  mobile  à  l'entour,  jaillissait  l'éclat 
d'une  intelligence  nette,  puissante  el  vive,  en  même  tem])s  que  l'attrait  d'une 
bonté  profonde  et  d'une  candeur  presque  enfantine.  Avec  quelle  tendresse 
ces  yeux  de  feu  se  noyaient  en  des  rêveries  insondables  et  lointaines  !  Avec 
quelle  finesse,  ces  fortes  lèvres,  aisément  crispées,  laissaient  glisser  les  paroles 
pénétrantes,    lorsque   .ses   compagnons   ou   ses   interlocuteurs  laissaient  à  sa 

40 


BOLDIM.  —  PORI  KAl  r  DK  MAKCI.LLIN  Dl-SBOLTIN 

(vers    1867) 


|)i'iisé«'  simple  cl  tnimlir  l:i  IiIkiIc  (|iii  lui  dail  iiéc4'ssain'  pour  pn-iwlrr  luni 
sou  vol  !  nutlic  (•\ui)tniu(r  iilois  d'idèi-s  et  «rt-xpri-ssions  orij^iualrs  !  Ouc-ll.- 
riclu'ssc    niilunllr    (i'i'lo(|ucu(i'    tiauclic    ••!    iiiuij,»»-»-.    fniiirhr   :i    la    (ran 
inuitJ[éo  ;i  lilalicuiu'.  sur  tous  les  sujets  doul  il  t-lail  pU-in.  la  po.-  ■      '  ' 
turc  !  (1)    ■ 

Tel  élail  riloiuinc.  h!  élail  le  loj,'is.  lels  élaielit  les  hoirs.  Ouxm-i  tretahMil 
pas  toujours  traités  avee  ret  éclat,  mais,  cpu-ls  cpi'ils  fussi-nl.  riio>pilalitr 
qu'ils  recevait-nt  était  j^éuéreusc.  Dcshuuliu  avait  conservé  la  Iradilioii  «le 
nos  provincis  françaises,  où  rien  n"est  jamai>  trop  lu-au  pour  lion«»rer  «-elui 
qui  vous  fait  liionneur  de  s'assioir  à  votre  foyer.  Quand  le  Nisiteur  pr<riail 
congé,  souvent  il  em[)orlait  son  portrait,  ou  tout  autre  tableau  du  uiailre 
de  la  maison,  et  portrait  ou  taldean  était    toujours  remis  rielu-meiil  eiu'adré. 

(Vêtaient  là  d'e.\(pnses  manières  !  Mlles  n'empêchaient  |)oint,  <railleur>, 
celui  qui  les  avait  d'aller  chercher  ses  provisions,  ménu'  la  viande.  ch«'z 
le  boucher  de  la  Porta-Romana.  Cette  simplicité  excluait  toute  nu)rj4ue  i-l 
ra|)|)rochait  les  mieurs  domestiquis  de  l'i  )ml»rellino  de  celles  d'ila(|ue  ou  d«- 
l'île  des  Phéaciens.  La  comparaison  n'eût  pas  déplu  au  romanlifpie  Deshoiilin. 

En  18<JG,  l'Italie,  alliée  à  la  Prusse  et  p(mssée  j)ar  elle,  avait  déclare  la 
guerre  à  sa  vieille  enminie  iWutrielu'.  afin  de  récupén-r  les  territoires,  objets 
des  plus  ardentes  aspirations   irmlciitislts.    Ou'allait-il   sortir  de  ce  conflit? 

Pour  être  plus  i)res  des  événements,  les  grands  journaux  île  Paris  avaient 
délégué  à  Florence  leurs  meilleurs  corres|)orulants  :  hMoquet.  j-jlmond  Texier. 
Charles  Habeneck,  .Iules  Claretie.  etc..  etc..  et  .luh-s  .Vmigues.  'i'ous  se  délas- 
saient des  journées  brûlantes  de  la  capitale.  -  car  l-'loreiu-e  était  capitale 
depuis  deux  ans!  —  sous  les  fraîcheurs  de  l'Ombrelliiui.  Ils  y  attendaient, 
avec  plus  de  patience,  la  fin  de  la  guerre  (2). 

Georges  Lafeiu-stre  fit  les  présentations.  Il  en  rap|>elle  le  souvenir  .i.i>.- 
sa  belle  préface  au  Catalogue  de  rexi)osition  posthume  de  son  ami.  en  même 
temps  qu'il  évoque  ces  inoubliables  spectacles  de  la  Toscane,  dont  Desboutin 
fut  toujours  hanté,  l'xilé  ([u'il  était  sous  .  les  soleils  nmnillés  de  ces  ciels 
brouillés   '>,   ([u'affectionnait   le   j)aradoxal   liaudi-laire   : 

«  Je  me  souviendrai  toujours  d'un  diner  à  l'Ombrellino.  par  une  adnu- 
rable  soirée  de  juin.  Durant  li'  repas,  le  soleil  s'était  éteint,  mais,  tandis  qu'a 


(1)  Lnc.  cil.,  p.  G  t'I  7. 

(2)  Oïl  sait  que  les  aiiiiis  iiilniiiiiN  m  luniil  point  iicuniiMs  ;■»  ('.iisloz/.i.  m  .i  i  inn.i. 
Cepi'iiilaïU.  la  vieloire  prussiiiuu-  (h-  Sadowa  ni. il. lit  li->  aff.iiriN  .Ir  l.i  l'ciiiiisiilc.  I.i-  tr.iUé 
de  Vifiiiu-  ccila  la  Nï-iiélie  a  l'IJnpinur  il<s   I  i  .n.  us,  «pii  tii  fit  .l<>ii  j  l.  Il.ilu-. 


l'Horizon  liO.lc  hOsilaiciit  à  poiiuire  les  premières  étoiles,  une  élrangc  lumière 

plus  vive,  plus  proehe.  seiulillanle  et  voltigeaule,  s'élail  de  tous  côtés  allu- 

méi-  sur  le  sol.  daus  les  gazons  du  jardin  et  sur  les  pentes  des  collines  ;  c'était 

eonune  un  immense  lapis,  mouvant  et  léger,  d'éclairs  en   fleurs.  Aucun  des 

parisiens  ne  connaissait  eiu'ore  ces 

illuminations  des  luiils  luéridionales 

par  la  levée  en  masse  des  lucioles.  Ce 

fut   llabiiuck,  je   crois,   (pii  sortit 

Ir  premier  ;  il  se  retourna  et  poussa 

un  grand  cri  dadmiration,  bientôt 

suivi  d'un  vivat  général.  (1)  » 

Tille  était  la  belle  vie  que 
Desboutin  menait  h  l'Ombrellino. 
La  peinture,  la  gravure,  le  dessin, 
la  poésie,  des  hôtes  de  qualité  et 
souvent  éminents,  une  pro{)riété 
magnifique,  des  espérances  de  for- 
tune par  sa  mère  dont  il  ignorait 
la  dissipation,  comme  l'on  com- 
prend ses  regrets  quand  les  heures 
sombres  furent  venues  !  .Juscpi'aux 
derniers  jours  de  sa  vie,  il  soupirera 
après  (i  les  splendeurs  i)aradisiaques 
de  l'Ombrellino  (2)  »,  et,  quand  il 
achètera  une  maison  à  Nice,  ce  sera 
avec  la  pensée  de  retrouver  en  petit  ce  qu'il  avait  possédé  jadis,  «  quelques 
centaines  de  mètres  de  terrain,  pour  des  milliers,  une  petite  maison-villa, 
basse  et  humble,  toute  en  bois,  au  bord  du  littoral,  pour  cette  historique  villa 
Albizzi,  sur  sa  fière  colline,  dominant  la  Toscane  et  Florence  !  (3)  »  Mais 
rii-n  se   retrouve-t-il  jamais  de  ce  que  l'on   a   une   fois   perdu  ? 


.\ssunta  (Peinture,  1S65) 
Coll.  Michaud 


(1)  Lafenestre,  loc.  cil.,  p.  9. 

(2)  Lettre  h  Claretie,  5  juillet  1891. 

(3)  Au  même.  3  juillet  1882. 


42 


I  x 


MAURICE    DE   SAXE 


I)«-  (flic  rriiiiiiiii  forliiiti-  «le  rliro- 
.ii<[iuurs.  allait  sortir  pour  Dislioutiii 
un  sitifJîuli.r  avantaj^c  :  il  allait  «Icv»-- 
iiir  auteur  (lramati(|ur  !  Nous  voulons 
<lirt'  auteur  (iraiiiali(|Ue  joiu'.  et  joué. 
où  cela  ?  A  la  (!otnc«lic-I-'rau<,-aisc  !  Il 
s'iii  fallul  (le  peu  i(u"il  ne  «i«'vînt  un  pro- 
fessionnel (les  lettres,  en  nièrne  temps 
(ju'uii  [)rofessionncl  des  arts.  Mais  ce 
peu,  en  matière  théâtrale,  (juanil  il  s«- 
nomme  l'esprit  d'inlrij^uc  (ce  n'est  pas 
fie  celui  (pie  l'on  ni'  I  <l  «ns  I. ->  i.i.-.  .  v 
([uil  s'a«,Ml),  est   tout 

Il  avait  si  sérieusement  pense  a 
celle  ilualité  île  professions  (pi'il  écrivait 
à  .Iules  lllarelie.  le  .")  décembre  IXJiG, 
de  Pisloie,  où  il  se  trouvait  :  .  Pour 
mon  compte,  l'exercice  simultané  de 
deux  arls  (jui  représentent  ces  deux  j^enres  (le  plasli(pie-realisme  et  l'idéal), 
l'étude  de  la  peinture  et  de  la  lilléralure  m'a  bourré  à  ce  sujet  d'un  tas  de 
théories  et  d'idées  fixes  dont  il  me  tarde  de  soumet  Ire  le  bai^a^e  à  In  vérifi- 
cation de  votre  sonde,  à  mon  passage  sur  la  frontière  du  monde  des  produc- 
teurs. Cette  rentrée  dans  le  monde  des  vivants  est  subordonnée,  vo 
sentez,  à  la  réussite  du  drame  ipic  j'ai  fait  en  collaboration  d" Amigues  et 
dont  il  a  déjà  ijrésenlé  la  plus  j,'rosse  pM''-  ■  '•  '  ■""■  •!'■  I'ran(;aise, 
encouragé  et  dirigé  par  vos  bons  conseils. 

Ce  drame  était   Maurirc  de  Sa.vf.    Durant    les  soirées   do  lOnibrellino. 
Desboutin  avait  lu  à  ses  visiteurs,  ses  drames  en   ■    "       V  ■  ' f{olami.  le 


.luK 


('.(inliinil  Dithiiis  cl   Mmiricr  tic  Save,   Ions  siijt'ls  lires  de  riiistoire.  L'iiomme 
iiiiir  iTsUiil   l'idclr  ;iii\   pirililrclioiis  dr  réfolicr. 

Mdurin'  (le  Saxe  traitpa  .hili's  Aini.mios.  11  k-  frappa  à  ce  point  qu'il 
proposa  à  son  liôti'  sa  (•()liai)oratioM,  lanl  pour  donner  à  sa  pièce  l'aplomb 
sii'ni(pu'  (pii  lui  uKUKjuaiU  (jue  ])our  la  faire  recevoir  au  Théâtre  Français. 
Desitoulin,  |)eu  honiiiu'  de  cour.  acce|)ta  la  i)rop()silion.  Jules  Aniigues  revint 
à  Paris.  a\fc  le  dessein  bien  arrêté  de  ne  i)as  doiuier  trop  longlepips  la  séré- 
nade aux  soeielaires.  devant  des  jjorles  récalcitrantes,  ({ui  n'offrent  pas 
l'aj^'réini'nt  de  celles  de  (iliiherti.  Dés  la  fin  de  l'année,  certains  résultats 
étaient  déjà  ol)lenus.  Claretie  en  était  le  confident  dans  cette  lettre  du  5  dé- 
cruibre  l.SdC)  dont  nous  venons  de  citer  un  passage  : 

I  .\nii,i,nies  a  ohleiui,  coiniue  vous  le  savez,  une  lecture  contradictoire 
l)res  de  .M.  (laillard  c[  Thierry  (l'administrateur)  lui  a  rendu  de  cette  formalité 
le  nu'illeur  ténuiignage,  lui  disant  qu'il  pouvait  dès  lors  regarder  l'inscription 
comme  jnise  et  lui  doniuinl  droit  à  un  tour  de  faveur.  » 

.Inlrs  .\mii.;nes  était,  à  ce  nu)ment,  «  un  grand  beau  garçon  (jui  n'avait 
jias  atteint  la  cpiarantaine.  noir  de  cheveux,  noir  de  barbe  suj)erbe,  avec  une 
belle  \dix  gutturale  et  méridionale,  une  carrure  d'alhléte,  un  port  de  tête 
de  tribun  (1).   » 

II  fit  les  démarches  nécessaires  ;  il  obtint  une  lecture  (8  décembre  1868). 
Sa  part  de  collal)oration  a  été  esquissée  par  .Jules  (".laretie,  dans  L'Opinion 
.\ation<il(\   du  (i  ju.in    1870  : 

(i  .lamais  honunes  ne  se  rencontrèrent  mieux  faits  pour  marier  leurs 
deux  talents,  mâles  l't  \ibrants.  Si  jamais  collaboration  devait  être  bonne, 
t'était  la  leur.  Dnn  es|)rit  ])lus  lu't,  aussi  vigoureux,  aussi  hardi,  M.  Amigues 
(h'\ait  être  le  pondérateur,  en  même  temps  (pie  \v  créateur  dans  l'associa- 
tion (le  ces  t-sprits.  C'est  nn  talent  passionné  anssi  cl  singulièrement  vivant 
et  fort  (pie  le  sien.  On  n'a  (pi'â  le  voir  |)our  deviner  juscproù  il  ira,  se  laissera 
em|)orter,   montera   d'un   bond.   » 

.lustpi'ou  il  alla  ?  Il  alla  justpi'au  bout  et  ce  bout  ne  fut  pas  aisément 
atteint.  Sarcey  a  raconté  les  péripéties  de  cette  course  à  la  représentation  : 

((  La  Comédie  ne  Noulait  pas  recevoir  la  ])ièce  (pii  devait  entraîner  pour 
elle  beaucoup  de  frais  (  t  (pii  était  un  drame  historique.  Mais  elle  venait  de 
refuser    l .Xjjntnchi.    île    Latour    Saint-^'bars    et    le     (kitlenberg,    d'Edouard 


(1)  ('..   S(>i'vi;\.\\c.i;  (.hili's  C.hiri'lic),    Un  oriqinal.   Fiqaro.  21    mai  18S;{.    I.o  portrait 
(r.\iiii;,'in.'s  par  Disl.oiUiii  (pciiUure),  figura  au  Salon  de  l'SGi). 


Foiiinicr,  (I.Mil   les  ailleurs.  l.,iis  .|,ii\  j<.iini:.lisl,-s.  m..!,:,!..,!»   mm.-  vi%. 
pagne  (.•outre  la  coiniia^iiif. 

«  Cc'llo-ci,  alors.  rc(;ul  Matirin-  dr  Save  ru  .-..i,,,...  , .,, ,.,,.  c     n.i,      Mm;^,..  s. 
qui,  lui  aussi,  ùlail  pnH  à  iii.Hri-  au  vtiil  sa  |)liUMr  <!.•  joiirMalisl.-. 

«  La  pièce  reriic,  il  faliail  la  jouer.  Coiiinu-  i-IK-  lu-  lui  plaisait  ((u'a  .li-im. 


^^>\ 


N 


Première  Fcninu-  de  l'Auteur,  nu  Fcniiiic  accouiléc  f  l'oinlr-sêchef 

la  Comédie  offrit  di-  ])ayer  un  détlit.  Les  auteurs  refusèrent.  .Mors,  ce  fut  à 
qui  de.s  sociétaires  n'accepterait  pas  de  rôle.  On  monta  enfin  la  pict-o,  au 
petit  bonheur  des  volontés  suspectes,  mais,  au  cours  des  répétitions,  il  lui 
arriva  une  heureuse  fortune.  Oot  avait  [)ris  un  pitit  rôle,  celui  du  curé  liri- 
faut.  Seveste  avait  le  grand  r»')K',  celui  de  Favart.  Mais  si  (lut  était  excellent, 
on  n'en  pouvait  dire  autant  de  Seveste.  .Mors,  huit  jours  avant  la  pr.  i 
il  y  eut  permutation  :  (lol  devint   I-'avart  et  Seveste  «loni  Itrifaut  (I) 

Toute   la    peine    qu'il    s'était    donnée,    fit-elle   ouhlier   à    Jules    Aiuiiîues 


(1)  Lr  Temps,  G-7  juin  1870. 


{|u'il  :iv:iil  un  .ollahoialciir  ?  On  If  pourrait  siii)ii()si'r.  l)csl)()ulin  clail  si  loin, 
/<7)//;.s-  ,s//^...  Ombrcllirw,  ou  occupé  de  tant  d'affaires,  qui  n'avaieul  f^uère  de 
rapi)orls  a\  ec  Mniiricr  de  S<i.rc  !  Le  fait  est  que,  un  beau  jour,  Georges  Lafenestre, 
(jui.  en  sa  (|ualilé  de  poêle,  avait  aidé  Amigues  de  ses  conseils,  rencontrant 
(■.(xiueliu  aine.  ap|)n'nd  di'  lui  (jue  la  Comédie  réi)était  un  drame  en  vers. 
Il  interroge   : 

De  qui  ce  drame  ? 

—  De  .Iules  Amigues. 

—  11  a  jxiur  litre  ? 

—  Mdiiricc  (le  Saxe. 

--  Mdurice  de  .So.rc  ?  Favart,  Conli,   la  Heaumesnard,  lîriffaut  ?... 

—  Vous  connaissez  donc  la  pièce  ? 

l)e|)uis  au  moins  un  lustre!  I^lle  est  de  Marcellin  Desboutin,  un 
français  de  L^lorence.  Jules  Amigues  l'a  entendue  i)our  la  i)remiére  fois,  en 
ma  préseiu-e,  et  devant  des  témoins  que  je  puis  appeler.  Amigues  n'est  qu'un 
collaborateur. 

—  Alors,  il  n'a  pas  le  droit  de  signer  seul  ? 

—  Kvidemment,  à  moins  de  conventions  ])arliculicres.  Je  vais,  de  ce 
pas,  télégraphier  à  l'auteur.  La  cane  qui  couve  un  œuf  de  poule  ne  peut 
pas  se  préteuflre  l'unique  mère  du  poussin. 

Desboulin,  i)révenu,  arriva  incontinent.  Il  descendit  chez  son  ami 
Emile  Pessard,  et  ses  droits  furent  rétablis.  Mais  il  existe  deux  attesta- 
tions de  ce  «  tirage  à  soi  de  la  couverture  »,  si  fréquent  dans  les  associations 
(pielles  (]u'elles  soient  :  la  première  est  aux  archives  mômes  de  la  Comédie 
française  :  la  i)ièce  y  fut  ])résentée,  i)uis  lue  le  8  décembre  1868,  sous  le  nom 
de  .Iules  Amigues  ;  la  seconde  est  une  éi)reuve  de  la  brochure,  portant 
ce  même  nom  seul.  Cette  épreuve  fut  achetée  sur  les  quais,  par  M.  Georges 
Saint-René-Taillandier,  notre  ancien  ambassadeur  au  Maroc,  et  fils  de  l'his- 
torien de  Maurice  de  Saxe  (Michel-Lévy,  1863),  ouvrage  dont  s'était  serv^ 
Desboutin.  Le  Journal  d'Edmond  Got  fournirait  aisément  une  troisième 
preuve,  s'il  en  était   besoin.  L'ancien  sociétaire  note,   en  effet,  ceci  : 

(  2  juin  1870.  —  Ce  soir,  aura  lieu  la  première  re])résentation  de  Mau- 
rice de  Saxe,  grand  drame  en  cinq  actes,  en  vers  et  à  spectacle,  de  M.  Jules 
Amigues  et  Marcellin  Desboutin,  paraît-il,  après  coup  (1).  »  Le  dialogue  que 


(1)  Journal  d'Edmond  Got  (Pion,  1910),  p.  97. 
46 


nous  venons  (k-  r;i|»|i()rtii- 
éclaire  d'une  luniiéri'  \'\\v  c.v 
«paraît-il»,  toul  d'abord  assez 
énigmalique. 

Desboulin  assista  aux 
dernières  répétitions  et  même 
à  la  répétition  générale,  à 
côté  de  M"ie  Jules  Ainigues. 
Mais  il  avait  i)eine  à  recon- 
naître son  œuvre  et  l'on 
prétend  qu'il  s'endormit  au 
second  acte.  Il  alla  attendre  la 
chute  du  rideau  au  café 
voisin. 

Que  fut  cette  première? 
Médiocre.  Sarcey  dit  même 
«  exécrable  ».  Le  Tout-Paris 
parut  s'y  ennu\er.  .Mauhan, 
le  Maréchal,  était  indisposé; 
Victoria  Lafontaine,  Madame 
Favart,  était  également  souf- 
frante. L'un  hurlait,  l'autre 
n'articulait  pas.  Dans  les  Dé- 
bats,  Jules  .Janin  constatait 

que  la  pièce  avait  été  jouée  «  avec  beaucoup  de  zèle  et  fort  [»iu  de  InK-nt  •. 
Catulle  Mendés,  alors  débutant  dans  Lr  Diable,  fi-uille  oubliée.  u'aNail  (pu' 
duretés  pour  l'œuvre  et  ses  inler[)rétes.  Le  Fii/dm.  selon  son  habitude,  se 
répandait  en  échos.  Il  notait  ([u'à  la  [)remiére  de  .M<iiirict'  de  Saxe,  -  -  une  |)itTi' 
fragile,  —  (il  y  eût  beaucoup  de  mots  de  cette  force  dans  les  f»azelles).  on 
n'avait  d'yeux  et  de  lorgnettes  que  pour  deux  aiadémiciens  fraiilieinent 
nommés  Emile  Ollivier  et   .Iules  .lanin. 

1/ Indépendance  belge,  du  1  juin,  donnait  aussi  sa  nol»-  persifleuse.  S4ius 
la  signature  d'Henri  de  Pêne  :  '  On  a  rencontré  M.  Lniile  Ollivier  et  ses 
lunettes  dans  les  corridors  de  la  ConuMiie  bVanraise.  à  la  i)renuere  représen- 
tation de  Maurice  de  Saxe. 

—  Tiens,  fit  quel([u'un.  Ollivier  ii.i\;ui  -hmm  i-,i>  promis  à  .Vmijiuos 
d'assister  à  sa  première,  {(u'il  y  est  venu  ? 


•le    .Ir    1, 


f  l'rinliiri 


Mais  le  (innlc  (les  Scraiix  avait  sans  doute  promis  à  son  ami  Amigues, 
s"il  vi-nail,  dv  ivstrr  jiisciiià  la  fin.  car  il  est  parti  an  Iroisièmc  acte.  » 

Pourtant,  .yidiiricr  dr  Saxe  ne  fut  pas  un  four  !  «  On  s'attendait  cà  une 
dcfaiti'.  à  une  ciuite  et  tout  s'est  terminé  par  des  fanfares  et  des  bravos  », 
constatait  f.lii'nne  Arai,'o,  dans  l'ADcnir  XalionaL  du  <S  juin.  C'est  souvent 
le  sort  des  pronostics.  Cette  aventure  du  vainqucuu-  de  iMmtenoy  qui  s'amou- 
rache de  Mme  I"'avarl,  la  comédienne,  et  se  fait  l)erner  par  elle,  de  tiers  avec 
son  mari  et  la  troupe  dont  il  est  le  Molière  et  dont  elle  est  l'éloili^,  ne  parais- 
sait pas  un  sujet  digne  du  héros.  Les  Dclxils  imprimaient  : 

((  Comment  nos  deux  auteurs  n'ont-ils  i)as  vu  que  plus  ils  entassaient 
les  [xtlmicrs  sur  les  huiricrs,  les  f/loircs  sur  les  nicloircs,  i)lus  le  héros  s'en 
allait  en  fumée  '!...  Ils  ont  i,nand  tort,  les  deux  j)aladins  du  nouveau  drame, 
([uand  ils  nous  montrent  le  terrible  maréclial  devenu  le  jouet  de  mesdames 
et  de  messieurs  de  la  Comédie  et  livré  aux  moqueries  de  la  i)etitc  Lamothe 
et  de  la  Ljrande  Hi'aumesnard.  Nous  nous  refusons  à  ces  j)laisanleries  mal- 
séantes et  ceux-là  sont  bien  mal-api)ris  (jui  vont  se  nKxjuant.  jns({u'en  son 
chàleau  de  Chambord.  du  vaincfueur  de  Laufeld,  de  l-'ontenoy  et  de  Ro- 
coux  (1).  ■'  Toutefois,  le  Prince  des  (jiUijues  reconnaissait  la  parfaite  véracité 
du  dénouemenl.  cette'  mort  inattendue  du  maréchal,  tué  dans  un  duel  mysté- 
rieux. |)ar  le  [)rince  de  Conti,  ([ui  le  jalouse,  l'envie  et  le  hait. 

Sarcey.  lui,   tapait  à  c()U[)s  de  poings  : 

«  Comme  il  y  a  ])eu  (res|)ril  dans  le  dialogue,  malgré  tout  le  désir  qu'ont 
les  jiersonnages  d'eu  montrer  toujours  !  One  ce  style  est  incorrect  et  rocail- 
leux !  Que  ces  vers  sont  maladroits  !  VA  ([uelle  langue,  mes  amis,  quelle 
langue  !  c'est  à  faire  frémir  la  iialure  !  (sic.  Quelle  est  la  langue  de  la  nature  ?) 
Mais  il  ajoute,  ce  ([ni  rachète  l'excès  de  ces  sévérités  : 

<'  Et  ])ourtant.  nous  nous  sonunes  amusés  de  ce  s|)ectacle  ;  il  reluisait 
à  nos  yeux  comme  une  \ieilli'  pièce  d"or  remise  à  neuf.  On  sentait  dans  tout 
cela  un  certain  mouvement,  ce  je  ne  sais  7//0/.  r/;//  (il  n'y  a  i)as  (pie  le  style 
du  drame  de  rocailleux  !)  au  théâtre,  vaut  mieux  (\uv  toutes  h^s  (puUités  du 
monde  et   (pu  s'ap])elle  la  vie.   » 

11  signalait  la  scène  II  du  prt'mier  acte,  entre  b'avart  et  sa  femme, 
comme  "  mieux  ([ue  belle,  neu\  e,  absolument  neuve  »,  le  dételage  de  la  voi- 
ture du  maréchal  à  la  fin  du  deuxième  acte,  la  scène  des  comédiennes  chez 
le  curé,  au  troisième  acte  ;  il  blâmait  les  deux  derniers  actes  et  concluait  : 


(1)  Jules  Janin,  Feuilleton  des  Débats  du  20  juin  1870. 


|)r:iiiif   liiul    plriii   (I,    i|ii;iliU's  suixTii-iirt-s  j-t   i\v  |irit«lii»i«ti 
rifiucs.    (le    Iniils    de    t,ii    d    (rin((iii»-lault's   ohsruritrs.    Il    tii:iiM|iii- 
[);ir  le  slyU'.  L;i  hulule  est  iii«L|;ilc,  l)i/.:irrr.  loulc  iioirc  «h-  srorir 
(|iu'  U-  \vrs  loulc  (Us  ("lilloiix  (|ui  se  liriirlnil.   I-i  s«-iisntiMii  «si 
nihic  (1)    '. 

Iiilis  ('.lart-lif,  (Imms  n)j)iiii()n  S'ulionalr,  ou  il  a\ail  prrsriilr  au  publu 
lis  (li'ux  autours,  analysait  le  tliaiiic  au  |>niut  <l«-  vm-  |>sv^llo|ll^«M|ut•.  |).s|hiu- 
lin  aimait  à  rappi'lcr  ci-  fi-uilklcui.  ilu  f»  juin  ISTn.  «pii  rar<-v^ail  sa  Irt^'ituiK- 
fiortô   L'I    le   sacrait    honitnc   df    tluàlr. 

"  ...  Lf  ^'rand  luiTilc  de  Irur  draim-  i  st  d\lrr  liuniaïu.  Il  nous  monlrr. 
non  (les  pantins,  mais  des  linmmcs.  non  des  ficcllts.  ruais  ijrs  filirrN.  Ilumnit', 
I-"avart  si-  dOliat  à  la  fois  ((nilrc  la  jalnusii-,  cuiiln-  la  rnisiTi'.  coiilri'  1rs  sou- 
M'uirs  du  cahutina^i'.  ((uilrc  la  Icutalicui  ik*  lumhcr,  contre  le  sorl  ri  cjjnlrt* 
lui-mèiiu'. 

"  Honmu',  .Mauricr  de  Saxe,  pris  iiitrr  sa  folii-  df  f»loiri-  »-l  sa  folie  «raniour. 
étouffant  dans  Ir  monde  cpiil  dominr.  <  lurihaul  un  uiiiviTs  pour  y  lojjrr 
si's  rôvi's,  affamé  d'idéal  it  di'  repos,  se  déhat  contre  l'obsession  de  ses  douitles 
ambitions  d'amoureux  et  de  sublime  déclasse.  l-"emm«-.  .Iiisliiu-  (Chantilly. 
aimant  son  mari,  baisse  pourtant  les  yeux,  fascinée  devant  le  héros.  I/aire 
tlo  l'aigle  l'attire  et  le  nid  de  la  basse-cour  la  relieiil.  I'".l  voilà  ^•^■  qui  est  char- 
mant, voilà  ce  (pii  est  vrai,  s<'il  '  '■  ""i  'sl  nouveau,  voilà  •  ••  '<><'  • -•  f"'-^ 
dans  celte  (ruvre... 

—  Quelle  espèce  de  rôle  ave/-\ous  \oulu  écrire  là  ".'  denian<iait-<Mi  a 
M.  Jules  .Vmigues.  In  grand  |>remier  rôle  ?  In  troisième  rôle  ?  l'rj  traître  ? 
-  Ivsl-ce  ([ue  je  sais,  repondit-il.  .l'ai  voulu  faire  un  /"■""".  .1  v..il. 
tout. 

«  La  langue  est  fiere  et  forte.  Le  vers  a  des  enjambements  trop  (re(|uent.s 
(pii  l'alléri-nt.  Parfois  la  couleur  s'y  fait  papillotant»-  et  «riarde.  Mais  la 
marciue  ilistinctive  est  l'énergie,  la  force  ;  cela  est  plein  de  seve.  plein  «le 
sang,  plein  de  fer.  •' 

Amédée  .Vchard.  <laus  le  Miinilriir  Ciuiwrsrl,  (pr.\migues  venait  île 
(piiller  pour  fonder  La  Ktpuhliinic  (juillet  l.Sb'.»).  dont  le  Préfet  «le  polnv 
refusa  le  titre  (.Vmigues.  es|)rit  frondeur,  était  républicain  sttus  l'Knipire. 
mais  devait    redevenir   bonapartiste  smis  la   Hépubli(|ue  !),   .Vineilt-e  Achartl 

(1)  Le  Tenifis,  t-7  juin  l.s7o. 


t'iail  fort  i'lo.i,'iiu\.  lui  aussi.  A  peine  fait-il  qut'i.fues  réserves  :  la  pièce  est 
un  peu  lon.^ni',  \v  sujet  un  ])eu  ininee,  le  earaetere  du  maréchal  un  peu  simple» 

le  lion  rn^'it  toujours,  —  mais  il  y  a  de  la  jeunesse  et  de  la  poésie.  Dans 

ces  (lou7.e  colonnes,  jias  une  fois  le  nom  de  Desboutin  n"esl  cité  ;  tout  l'hon- 
lU'ur  de  la  i)ièce  est   rendu  à  son  collahoraleur  (1). 

Dans  les  couloirs,  par  conlre,  on  disait  :  «  Jules  Amigues  a  signé,  mais 
la  l'ièce  est  de  Desboutin  !  »  On  transporlait  à  ce  cas  particulier  le  plemmque 
jit.  Il  y  avait  erri'ur  et  injustice  de  part  et  (Tautre,  mais  Amècfée  Achard» 
(]iii  jiouvait  se  renseigner,  était  i)lus  eoui)al)le  de  sacrifier  Desboutin  que 
le  i)ul)lic  de  sacrifier  Amigues. 

I/essentiel  était  ([ue  la  pièce  tînt,  et  la  pièce  tenait.  A  la  lire,  aujourd'hui, 
sait-on  dans  <pielle  catégorie  elle  se  range  ?  Dans  la  catégorie  des  drames  ou 
des  comédies  où  la  tendresse,  l'esprit,  la  vaillance,  la  timidité,  l'audace,  la 
rondeur,  la  mélancolie,  la  force  et  la  gaieté  forment  un  harmonieux  mélange, 
pièces  dont  le  [y\)v  i)arl'ait  s'est  trouvé,  près  de  vingt  ans  i)lus  tard,  avec 
Cjjrniio   de   licryrrdc  ! 

Nous  ne  voulons  i)as  dire  que  le  vers  de  Desboutiu,  même  corrigé  par 
Amigues,  ait  l'allure  désinvolte  de  celui  de  Hostand.  Nos  auteurs  n'antici- 
paient point.  Ils  auraient  pu  suivre  Ponsard  ou  Augier,  mais  Desboutin, 
dans  ses  drames  histori([ues,  au  moins,  avait  un  autre  modèle  :  Victor  Hugo. 
Ku  voici  un  exemple,  que  l'on  pourra  comparer  avec  la  scène  des  portraits, 
de  Hcrnani,  ou  avec  le  monologue  de  Ruij  Blas.  C'est  le  même  procédé  :  le 
détail  historique  ai)puyé  sur  des  chiffres,  l'ènuméralion  minutieuse,  le  vers 
rompu.  renjaud)ement  : 

Les  .Maures  de  Grenade  avaient  fait  prisonnier 

Le  comte  Alvar  Giron,  .son  ami.  iMais  mon  père 

Prit,  pour  l'aller  chercher  six  cents  hommes  de  guerre. 

dit   Hugo,  et  ailleurs  : 

...Nous  avons,  (le])uis  l'iiilippe  (juatre, 
Perdu  le  Portugal,  le  Brésil,  sans  combattre, 
Hn  .\lsace,  Brissach  ;•  Steinfort,  en  Luxembourg, 
VA  toute  la  Comté,  jusqu'au  dernier  faubourg, 
Le  Roussillon,  Ormuz,  Goa,  cent  mille  licuea 
De  côles... 


(1)  Moniteur  Universel,  G-7  juin  187U. 
50 


Voici.    inaiiiltiKiiil,    D.shoiilin.  ,:,f   1;,    iir:i.|.-    miiv;ii.I.-  |.:,i:,îi    |„.r. 

èliT  (le  I)i-sl)()uliii  seul   : 

ACI  !•:   1.  S.i.NK  V 

t:oNTi 
Alors,  f|iu'  nous  viux-lu  ? 


Vous  (lin-  si'iilnnciit. 
Messieurs  du   Ixl  esprit,  (|Ue  cet  ours  :illrrii:in<l 
Que  le  royal  liàlard  de  la  comtesse  Aurore, 
Ne  fiH-il  rien  de  plus,  serait  assez  encore  !... 
F.e  nom  de   Kœnif^smarek  est  un  nom   glorieux 
Qui  rayonne  ;\  côté  des  noms  de  vos  aïeux... 
Le  cinq  mai  scizi-  ctril  qiiarante-cinij,  Turenne, 
A  Worms....  en  «ranil  péril  qu'on  l'écrasi-  ou  le  prenne, 
list  sauvé  par  le  vieux  Kfi'ni<.'smarck,  un  routier 
A  qui  Gustave-.\dol()he  enseigna  le  métier... 
l'n  autre,  Otto-Williem,  à  .Masirieht,  en  Hollande, 
lîst  maréchal  de  camp  sous  Turenne  et  commamlr 
Le  lional-Llranger,  qui  fut  formé  par  lui... 
Après  Sénef,  le  roi...  (|uon  re;;relle  aujourd'hui. 
L'honora  d'une  épée  !...  Or,  pendant  (|u'en  Tnrtpiie 
Le  comte  Otto-Wilhem  allait  jouer  sa  vie, 
L^n  autre   Kccnif^smarck,  le    comte  Cliarles-.Iean. 
.Meurt  sous  les  nuirs  d'.\rf.'os.  harras^é,  le  péaid. 
Par  l'effort  surhumain  de  ses  coups  homéri(iues... 

L'inspiration  paraît  évidente. 

Il  ne  re.ste,  du  nianuscril  priiiiilif  de  Desltonliii,  (initn  seul  acte,  le  (jua- 
trièmc.  Encore  est-ce  un  hrouilloti  et  lOn  ne  saurait  dire  à  (piel  étal  d"a\an- 
ccnient  du  travail  il  se  rapporte.  Il  nous  senihle  pourlaiil  conli-mporain 
de  la  collaboration  et  nous  doniit',  par  coiiseiptiiil,  la  versimi  définitive 
du  premier  auteur. 

La  part  de  Deshoiitiii  apparaît  ])re])(»iideraiite.  i!ii  eunfnuilanl  ce  ma- 
nuscrit avec  la  copie  impriniée,  on  constate,  non  siiilement  (|Ue  toutes  les 
scènes  ont  été  imaginées  par  l)es])oiitin  ce  (pii  établit  son  aptitude  au 
théâtre  —  mais  encore  cpie  sur  7)1  \  mis  (pii  composent  cet  acte,  "Jl.")  sont  de 
Desboutin,  entièrement,  et  nombre  d'autres  parliellemeiit.  Si.  nh  iino  disce 
omnes  est  un  a[)horisme  ap|)licable  en  resj)éce  -  et  pour<pioi  pas  V  -  la 
preuve  que  Desboutin  fut  bien  l'iiuUur  de  Maurice  de  Sair  et  .Vmij^ues  IntUip- 
iatcur,  est  faite. 


Il  MU'  |);ir;iil  imlispciisablc  di-  citer  (|iicl([ii{'s  passai^U's  caiacléristiqiics. 
Voiri  oi'i  vu  l'sl  raclioii.  lorstiuc  le  rideau  sr  le\c  sur  le  ([iialrièiue  acte.  Le 
iiKiréelial  (le  Saxe  \ieiil  de  i^ai,'iier  la  halaille  de  liaucoux;  le  lloi,  eu  léiiioi- 
f^'iKiLje  de  1,'iatilude,  lui  a  donné  le  domaine  de  Cliauiboi-d,  mais  Maurice  veut 
da\anlai!e.  Il  \eut  l'ainour  de  .liisline  T'avarl.  la  t'omédieinu\  v[  un  royaume, 
ful-ee  à  .Madaiîasear,  ou  ([uel(|ue  pari,  u'imporle  où,  avec  les  Hébreux  recons- 
titués iMi  peuple.  Malheureusement,  Justine  aime  son  mari  et  écliap[)e  aux 
piéi*es  connut'  à  la  \iiileuce.  \\\\v  a  fui.  Dans  son  ('.liambord,  ou  il  attend 
K'  roi,  Maurice  traite  ses  officiers  et  la  Iroupe  de  l-'avarL,  veuve  de  son  étoile. 
Tout  le  inonde  t'st  i^'ai.  lui  seul  esl  mélancolique.  Voici  les  passages  du  manus- 
crit  (pii  se  retrouvent  dans  la  pièce  : 

m:   l'iusi;,   clxuiUutl 

Aulrffdis  (le   ViTsailIc 
.\itiis   \('ii:iil   le    bon    lioùt  ; 
Aiijounriiu!   la   caiiaillr 
lU'.uno  rt    lionl    If    haut    bout. 
Si    Paris   se    ia\alc, 
!  )i'   (juoi    s'ét<)!iiu'-l-<>n  '.' 
\"('sl-rf    i)as   (le   la    I  lallc 
Ouc  nous  vicnl  lo  poisson  ? 

(Rire  des  convdiens.) 

i..\  ui;.\iTMi:sN.\uo   (Gubé.  dans  la  pièce) 
Bravo  !  mon  ln'au  l'Iianl'HU'  ! 

MAUiuci:,  bourru,  à  de  Frise 

Ail  !  ea,  va  s- tu  le  taire, 
.\vi'c  ta   l'onipadour...    i'.llc   fait   son  affaire 
C.oiunie  lu   fais  la  tienne  en  eiUonnanl  mon  vin  !  (1) 
Belle,  elle  rè.L'ne  autant  de  jjar  le  ilroil  divin 
Que  notre  roi   Louis,  lui-même  (2)... 

MDNTMDHiN  (dans  lu  piccc.   FrouUnj) 

Rude  lâche 
D'égayer  un   héros   réduit  à  la   cravache 
ICn  |)lace  île  l'éiiée... 


(1)  Vers  refaits  dans  la  brochure  : 

.\vec  la  l'onipadour...  C'esl  son  mélier  de  iilaire 
Laisse-la  donc  tranquille  cl  cuve  en  paix  mon  vin  ! 

(2)  Vers  refait   : 

Que  notre  seigneur  roi  lui-même. 

52 


iu;i.i,i;(;.\iti)i;  {Urauvvitii.  ihms  la  jiii'cc) 

,  .,       ,  l-t  s"it  tlil  fil  i);iss:iiil. 

Quand  il  a  le  vin  triste... 

.MAUHic.K,  sombre,  à  lui-niérnr 

On  devrait  eu  naissant 
Htre  inscrit  quelque  part  (1),  ehaeun  sur  un  ^'rand  livre. 
Pour  sa  part  à  manger  et  pour  son  temps  a  vivre. 
Parqué  dans  son  destin,  comliien  de  crève-cœurs 
L'homme  s'éparytierait  I 

(i  Habasli 

Va    presser    mes    i)i<iueurs  ! 
.le  veux  faire  hurler  des  chiens  dans  les  clairières. 
Grogner  des  sangliers,  hètes  franches  et   fières, 
Au  lieu  d'enleiidre  ici  glousser  la  basse-cour. 

On  le  voit,  dans  ce  [)roniicT  éclianlillon,  il  y  a  des  incorrections,  du  laissi-r- 
aller,  mais  de  la  verve  el  du  souffle.  Le  dernier  vers  a  belle  allure  cl  (|uand 
on  lit  cet  hémistiche  : 

Parcjué  dans  son  dcslin... 

on  com])rt'iid  qu'Ed.  Cadol  ail  écril,  dans  son  feuilleton  du  Soir,  du  X  juin 
1870  :  «  J'entendais  dire  autour  de  moi  de  ces  vers  :  -  On  dirait  ([uils  sont 
commencés  i)ar  Corneille  et  ((ue  personne  ne  les  finit. 

Voici,  maintenant,  une  autri'  scène.  C'est  reiitrevue  ties  rabbins  cl  du 
maréchal.  Elle  parut  inattendue  et  bizarre  à  la  représentation,  mais  l'Iiis- 
toire  a  de  ces  surin'ises  et  le  vrai  peut  quel([uefois  n"étri'  pas  xraisendihible  : 

MAURIC.K,    ()    ll'irt 

Aux  autres  parias...  à  mes  juifs,  maintenant. 

(fl(ïiil) 
Messieurs,  ai)]iroclu'Z-vous  (2). 

(Les  ruhhins  s'iti)pr(nhenl.  rexpcdiieiix  et  (^hahis) 
Il  vous  semble  étonnant 


(1)  Répétition  évitée  : 

F.tre  inscrit  et  coté... 

(2)  Ce  vers  et  cet  hémistiche  sont  remplacés  dans  la  jiièce  par  (jualre  vers  : 

Il  me  reste  ces  juifs...  Y  faut-il  avoir  foi  '! 

Ces  hommes  sont   hardis,  entreprenants,  avares... 

Ils  ont  tenté  parfois  des  fortunes  bizarres... 

Qui  sait  ?  Puis  tout  me  man(]ue... 

Eux    seuls    sont    maintenant    mon    va-loul. 


53 


Quand  vous  voyez  ce  monde  et  ce  luxe  et  ces  fêles, 

Ces  canons,  ces  drapeaux,  ces  hulans,  dont  les  têtes 

S'inclinent  sur  ma  trace  et  qui,  de  leurs  hourrahs. 

Vont  réveiller  au  loin  mes  chenils,  mes  haras... 

11  vous  semble  étonnant,  avouez-le,  mes  maîtres, 

One  je  veuille  quiller,  connue  un  chasseur  ses  >juêlres, 

Cet  I-:den  de  Chamhord,  pour  aller  transplanter 

Des  juifs  dans  les  forêts  d'.\mérique,  et  tenter 

Dans  un  nouveau  désert  le  rôle  de  Moïse,  ' 

Fn  quête  des  douceurs  de  la  Terre  Promise  ? 

pniîMiHR  RAnniN 
l-'ranchement,  Monsei^^neur,  c'est  à  quoi  nous  songions. 

DEUXlf^MIC     HABHIN' 

Il  faut  nous  pardonner,  si  de  vous  nous  jugeons 

Par  nos  nia-urs  et  nos  ^oiUs...  nous  avons  jjour  maxime 

Qu'un  tiens  vaut   mieux  ([ue  deux  tu  l'auras  ! 

MAUHICK 

C'est  le  crime 
De  votre  race  h  vous  d'avoir,  chacun  à  part, 
Creusé  dans  cliaque  ville  une  fosse  à  l'écart, 
Pour  enfouir  de  l'or  jusqu'à  ce  qu'on  enterre 
L'enfouisseur  dans  son  trou,  sous  la  fange  ou  la  pierre.  (1) 
Voyons  !...Me  voulez-vous  pour  guide  vers  des  cieux 
Où  de  vierges  terrains  s'ouvrent  devant  vos  yeux... 
Où  vos  ongles  crochus,  jaunis  j)ar  l'or  inerte 
S'usent  contre  la  pioche  en  cette  mine  ouverte, 
Où  vos  bras  affranchis  deviennent  les  ressorts 
De  la  libre  industrie,  artère  des  grands  corps  ? 
—  Troupeau  qui  sous  le  vent  du  destin  tourbillonne. 
Me  voulez-vous  pour  chef,  qui  vous  masse  en  colonne, 
Qui,  du  gueux  Laquedem  sorte  des  bataillons, 
VA  qui  de  vos  cinq  sous  fasse  des  millions  ? 

Los  ral)biiis  rofiisenl  cl  Ion  coiiipreiid  ([u'ils  n'aient  rien  trouvé  de 
bien  convain([uanl  dans  le  disconrs  filandreux  et  hautain  mis  dans  la  bouche 
du  maréchal  ])ar  Desboutin  et  conservé  par  Amigues.  A  l'objection  d'un 
rabbin  que  le  peuple  d'Israël  attend  un  Messie,  Maurice  réplique,  plus  ner- 
veux, mais  un  peu  moins  insolent  : 


(1)  Vers  de  treize  pieds,  mais  sujet  ù  correction. 
54 


Mais  il  n'est  pas  dit  cjuil  vienne  de  Hussie 

Et  Pologne,  et  qu'il  doive  apparaître  à  cheval 

En  bottes  d'écuyer,  chapeau  de  Maréchal  ! 

C'est  là  ce  qui  vous  fait  louelur  sous  vos  besicles 

Casuistes  maudits  !...  articles  par  articles, 

Ergotez,  alignez  des  textes,  des  décrets, 

Empilez  les  écus  dans  vos  coffres  secrets, 

Pesez  au  trébuchet  l'or  sous  votre  œil  avide, 

Pillez,  faites  suer  la  matière  livide... 

Allez  1...  c'est  votre  rôle  !  Un  Messie,  ah  I  vraiment  (1), 

C'est  celui  qui  vous  parle,  ici,  dans  ce  moment. 

Vous  le  faut-il  issu  d'un  grand  roi  ?  Je  m'en  vante  ! 

Faut-il  qu'il  ait  au  loin  répandu  l'épouvante  ? 

De  la  Vistule  au  Rhin,  du  Rhin  à  l'Océan, 

Tout  redit  mes  exploits  !... 

PREMIER  R.^BBIN 

Vous  êtes  un  géant 

DEUXIÈME    RABBIN' 

Un  bras  de  l'I^Iternel  !... 

MAURICE,  s' échauffant 

Le  Messie  !  Eh  !  bélîtres. 
Que  lui  demandez-vous,  pour  marques  et  pour  titres  ? 
Qu'il  ait  un  cœur  aimant  et  souffrant  ?  Enfoncez 
Vos  verres  scrutateurs  sur  vos  sourcils  froncés  ! 
Approchez!...  Dans  mon  flanc,  fourrez  vos  doigts  rapaces 
L'amour  des  opprimés  remplit  tous  les  espaces. 
Que  le  contact  des  cours,  des  heureux,  des  mondains, 
A  fait  vides  et  noirs  à  force  de  dédains... 
Un  tel  roi,  qui  jamais  ne  naîtra  de  vos  femmes. 
En  vous  faisant  un  corps,  vous  eût  donné  des  fîmes 
Mais  le  sort  d'un  .Messie  est  d'être  méconnu. 
De  mourir  sur  la  croix,  et  vous,  sur  le  sol  nu  ! 
Allez  !... 

Les  trois  avaiit-dcriiiers  vers  rachélonl.  i)ar  kur  irIIcIô,  ci-  que  tout 
ce  dialogue  a  d'hésitant  et  de  boursouflé.  Du  rapproehemenl  que  |)erinel 
le  manuscrit,  entre  les  passages  qui  sont    de    Deshoulin    et    eeux   qui    sont 


(1)  Ce  vers,  et  les  six  qui  jirécèdent,  sont,  dans  le  mamiscrit,  d'une  écriture  autre  que 
celle  de  LJesboulin. 


d'Aini.mu'S.  il  sriiihlc  i-ésiiIttT  (iiir.  di'S  deux  collahoi;!  Unis,  le  st'iil  ([iii  fui  poêle, 
inégal  cl  |)ar  relais,  riait  I  )i's])()ulin.  Ainii^iics  a|)|)artii'iil  |)iul(')l  à  la  calé- 
iior'w  (li's  viTsini'aU'urs  cl  pas  nièiiu'  à  la  caléiforic  (K's  vcrsilicaU'iirs  habiles,- 
car  si  le  vers  de  Dcshoulin  roule  parfois  des  cailloux,  celui  (rAinii,nies  en 
esl  une  véritable  carrière  (l).  On  comprend  (fu"il  ail  fait  ap[)el  à  la  censure 
de  M.  (leori^es  Lafeneslre  cl  Ton  rei,n-cl!c  (pi  il  n"v  ail  pas  l'ail  a|)pel  |)lus 
souvent. 

Nous  n"irons  |)as  plus  avant  dans  celle  comi)araison  des  éléinenls  d'un 
(lualrièine  acte,  ([ui  n'i'st  pas  le  meilleur  de  la  pieci'.  Mais,  si  surprenante 
que  soil  ])arfois  cetU-  langue,  elle  a  du  moins  toujours  de  la  verve,  de  la  cha- 
leur, cl.  iMi  déi)il  de  (fuekfues  Irivialilés,  elle  ne  p;u'aîl  jamais  basse.  Elle  est 
K'  refk'l  de  son  principal  auU'ur  vl  justifie,  une  fois  de  {)ius,  Taphorisme 
de  Buffon. 

L'affiche  porta  Maurice  de  Saxe  jusqu'au  24  juillet.  Ce  jour-Là,  Got 
arriva  très  en  relard,  à  plus  de  huit  heures.  11  avait  eu  une  peine  inouïe  à 
trouver  un  fiacri-.  On  commença  la  rt-présentalion  à  neuf  lu'ures  moins  \ingt, 
devant  une  salle  aux  trois  (piaiis  xide.  La  guerre  avec  l'Allemagne  était 
déclarée  depuis  neuf  jours  !  Les  représentations  furent  arrêtées  définitive- 
ment. «  Hélas,  disait  la  reine  Marie  Lec/.inska,  —  en  api)renant  la  mort 
du  maréchal,  ({ui  était  proleslanl,  -  (fuel  dommage  que  nous  ne  puissions 
pas  dire  un  De  profundis  pour  ([ui  nous  a  tant  fait  chanter  de  Te  Deum  !  « 
Pas  plus  celte  fois  ([ue  l'autre,  il  n  y  i-ùt  de  De  profundis  à  la  mort  scénique 
du  vain([ueur  de  ]''ontenoy.  On  avait   d'autres  larmes  à  verser. 

Treize  ans  j)lus  tard.  Desboulin  devait  pourtant  en  verser  —  sur  son 
collaborateur  !  11  était  ri'sté  sans  rancune  du  tour  qu'avait  voulu  lui  jouer 
Amigues.  Que  dis-je  ?  11  l'excusait  même,  en  termes  pleins  d'humour  et  plus 
encore  de  noblesse  d'àmi'!  .V  C.lart'lie  (jui  lui  avait  annoncé  la  mort  d'Amigues 
(.'5U  avril  1(S<S.')).  en  lui  demandant  des  notes  sur  leur  différend,  il  avait  répondu  : 

<(  Quant  à  mes  débats  avec  Amigues,  aux  temps  de  notre  collalxiration, 


(1)  Snas  compler  les  incorrections,  leg  cnjambcnieiils  excessifs,  les  chevilles,  etc.,  Voici, 
à  titre  d'échantillon,  quelques  vers  d'Amit^ucs  : 

I-'avart  devrait  ici  ]>rcndre  le  dialoi^ue... 
...Aujourd'hui  même,  il  devance  la  (^our, 
//  l'a  promis  du  moins,  pour  jxjrfrr  la  réponse 
Du  minisire... 

lUim  1  le  chien  (|ui  lâche  jjour  londire  sa  tarfinel... 
Oii  !  (|ui  <l(i/)r  d(ins  mon  âme  a  versé  ce  poison. 
Qui  (loue,  (/ui  m'ouvrira,  dans  cette  voie  impure. 
Une  jjûle  cspcrance,  une  lumière  ohseure  '.' 

'56 


je  vous  (lirai,  mon  l)on  ami.  (|ik'  la  ciiosc  »  ùl-dlc  rxislr.  le  plus  siniplf  rts|nt  l 
de  sa  fin  si  récente  m'inspirerait  cetti'  |)U(icnr  ilr  n'en  point  profiler  pour 
révéler  ees  tristes  tiraillements.  prescpie  inséi)araliles  de  toute  rollahoratiou 
artistique  et  littéraire.  —  Mais,  au  fait,  il  n'y  a  jamais  eu  de  ih-hnls  cnlre 
nous.  Quelques  prétextes  ([ue  j'eusse  pu  avoir  à  réclamer  rt,  à  leur  défaut, 
mon  bon  i*oùt  (fruit  de  Téducation  -  |)eut-étre  !)  et  mon  apalliii'  et  insou- 
ciance (par  le  fait  des  habitudes  et  du  li'mpérameiil  !)  m'eussent  fait  m'i-n 
abstenir  avec  répulsion.  I.a  grosse  part  (la  jxirl  du  lion)  (pr.\nn,i,'ues  a 
semblé  s'attribuer  dans  le  succès  de  Mduricr  de  Snxc,         n'était   pas  volée. 

«  Je  ne  me  suis  jamais  dissimulé  (|ue,  sans  lui,  jamais  cputtri'  li.iînts  écrites 
de  ma  main  de  peintre-graveur,  n'auraii'ut  été  récitées,  même  par  une 
doublure  du  Théâtre  l'rançais.  —  Quel(|ue  nombnux  et  Inifjr  ([n'ait  i)u  être 
mon  apport  dans  ce  drame  de  la  deriuére  heuie  ^\\\  dernier  llnipire.  .Vmigues 
a  pu  très  bien  arriver  à  se  |)ersuader  (pi'il  avait  IduI  fuil,  ayant  seul  à  le  pré- 
senter, seul  à  le  lire,  seul  à  le  faire  mettre  en  scène,  seul  à  lui  faire  subir  tcjus 
les  changements  et  corrections  (pii  l'oid  métamor|)liosé  pour  la  représentation, 
—  et  cela  pendant  que  je  me  chauffais  béatement  au  grand  soleil  de  l'Om- 
brellino.  —  Vous  comprenez  du  reste  ([u'aux  prises  avi-c  cette  rude  besogne, 
il  eut  fini  par  compter  i)our  peu  de  chose  un  miislr  collal»orateur  peintre, 
dont  il  avait  dû  —  si  souvent  -  corriger  les  fautes  d'orthographe  et  les 
fautes  de  français  !  —  et  arriver  à  dire,  en  toute  conscience,  au  comte  d'Ide- 
ville  :  «  Ce  diable  de  Desboutin.  je  lui  dois  les  meilleures  idées  et  les  meilleurs 
«  passages  de  mon  •<  Maurice  de  Saxe  !  "  (1  mai   18<S.'j). 

Desboutin  était  un  brave  homme  ! 


(ieorges  Lafencslrc   (Peinture,  ISfiC) 
Appartient  à  jM""'  G.  l.afcncstrc 


^58 


X 


LA   RUINE 


Il  n'avait  pas  at- 
Iciidu  la  fin  flis  rcprè- 
siii  la  lions  (11-  Maurice 
lie  Sd.if  [)(iur  n-prciulre 
le  clitinin  (If  rilalif. 
Il  (piilhiil  Paris,  le 
.'1  juillit  an  malin,  vn 
m  voyant  à  Clarctic 
son  |)oi'nu'  Lis  Purrurs, 
cpic  (k\ait  «liiX'  Didier 
Scvfstr  (1).  Il  avait  à 
l'iorcnct.'  dis  intérêts 
pins  |)r«.'ssants  cpie  rue 
df  Hiclulitu.  Tout  ce 
(pii  Ini  restait  était  eii- 
j^ai^é  dans  des  affaires 
anssi  hrillanU's  (juin- 
laillibles  !  Il  avait  spé- 
culé sur  les  terrains.  Il 
en  faisait,  (piekpies  an- 
nées plus  lard,  la  confi- 
dence à  Mdniond  de 
Goncourl,  que  celui-ci  rapportait  dans  son  Jounuil  :  Il  avait  acijuis  des 
terrains  à  Florence  et  une  partit-  de  ces  terrains  lui  était  acludee  "_;.")().()()()  francs 
pour  le  percement  d'un  boulevard,  quand  le  Iransféremenl  de  la  cajulale 
de  l'Italie  à  Rome  a  fait  abandonner  le  projet  (2).  >' 


M""-  Desboulin  aux  lunellcs    (Mine  de  plomb) 
(^oU.    Darbour 


(1)  Lettre  à  M"'?  Clarelic  mère,  datée  :   <  l'aiis.  3  juillet,  matin  de  mon  dépar»  pour 
l'Italie.  » 

(2)  Journal  des  Goncourl.  t.  V,  p.  177  à  180. 


59 


Il  n'i'lail  pas  seul  à  spéfiikM".  Toulo  la  noblesse  florenline,  à  laquelle 
le  H  baron  l)es])outin  de  IJochelOrl  »  tenait  par  la  conimnne  renommée,  avait 
été  |)rise  de  la  inènu'  fièvre.  On  voulait  faire  de  b'iorenee.  si  belle  avec  ses  palais 
sombres  pareils  à  des  forteresses,  ses  sculjjtures,  ses  places,  son  Ponlc  Vccchio, 
ses  éi^'lises.  ses  eanipaniles.  une  ville  moderne,  aux  larges  avenues  dans  des 
([uartii'rs  lU'ufs,  capable  de  faire  oublier  la  capitale  bistoricfue,  cette  Rome 
intangible  mais  toujours  ri'greltée.  vers  la([uelK'  se  tournaient  les  regards 
v\  montaient  les  soupirs.  Homi'.  dernier  vestige  du  i)ouvoir  temporel  de 
la  pa[)auté.  ])rolégé  |)ar  le  <iu(>s  cf/o  de  Xai)oléon  111.  I."lMn|)ereur,  qui  avait 
tant  contribué  à  Tuiuté  de  1" Italie,  voulait  ((ue  cette  unité  se  brisât  contre 
cettt'  enclave,  (".onunent  résister  à  une  volonté,  dont  une  garnison  française 
assurait  le  respect  et,  derrière  cette  garnison,  toute  rarniée  impériale  ?  Il 
n"y  a\ait  ({u";i  se  résigner  et  à  se  contenter  du  Lys  rouge  à  défaut  de  la  Louve. 

(".onime  le  siège  du  gouvernemenl  dans  une  ville  entraîne  l'établissement 
de  ministères,  de  trou|)t's,  (rassemblées  délibérantes,  d'ambassades,  etc.,  il 
était  certain  ([ue  Morence  allait  se  dévtdopper  prodigieusement.  Les  habiles 
({ui  auraient  su  se  uaidir  à  temps  de  terrains  devaient  réaliser  des  fortunes 
considérables. 

Desboutiu  crut  être  de  ci's  habiles.  Poussé  par  ce  besoin  de  richesse  ([ui 
le  hanta  toute  sa  \ie,  -  les  ])ohèmes  ont  de  ces  rêves  !  —  il  spécula  lui  aussi. 
lui  même  temps,  — -  comme  les  folies  vont  en  troupe,  —  il  entreprit  l'élevage 
des  vers  à  soie  !  Les  vers  à  soie  lui  donnèrent  ses  premières  déce|)tions. 
Peut-être  la  spéculation  immobilière  aurait-elle  réussi,  si  le  temps  n'avait 
pas  marché. 

.Mais  l'a\Tiiir  n'est    à  i)t'rsnnnc', 

et     le     temps,     en   marchaid.    amena     1<S7(). 

Dés  (|ue  ri^mpire  fut  tombé,  les  Italiens  sentirent  renaître  leurs  espoirs. 
Le  20  se|)tembre.  après  une  brève  caimnnade,  les  hcrsiif/lirri  entraient,  par 
la  bi'éche  de  la  Porta  Pia,  dans  la  Ville  Kternelle  et,  du  même  couj),  ruinaient 
Florence  capitale,  les  si)éculateurs  et  Desboutiu. 

Cette  fois,  ('■était  la  fin.  Sa  mère  était  morte,  ruinée  elle  aussi,  le  21)  avril 
de  cette  année  funeste,  l^lle  était  morte  à  Cdermont-Ferrand.  10,  place  d'Es- 
pagne, dans  une  belle  maison  ([u'elle  pouvait  encore  avoir  l'illusion  de  croire 
sienne,  alors  (pTelle  n'y  était  ([ue  tolérée  i)ar  ses  créanciers,  qui  ne  voulaient 
pas  jeter  à  la  rue  une  vieille  femme,  toujours  im])osante  et  fière,  âgée  de 
soixante-neuf  ans.  \-'A\v  axait  dissipé  tout  son  avoir  de  vingt  façons,  au  cours 


I 


M"'"    Hector  de  CALLIAS 

(  1"    Planche  ) 


Jr-» 


/ 


d'iiiir   txisltiuc  [['X\ivv   (|iii,    |i;is   mic   fuis.    !r,in;iili;i    un   til/iiiir  ;i   smi   Iih     II 
n'ij^'iiorail  lini,  s:nil  l'cssciili.  |  :  la  (lissi|»;ili()ii  du  |i:il  l'iriiniiii  .  mais  m    mhiI.hI 
pas  st'   (li'paiiir  de  siui  icspcd    filial   cl    sa  iiu-if  flail   rraillnns   f<iiiii 
rien  écoiiliT.    Créaliiic,    dlr    aussi,    siiiL;iilirir  !    i:ilr    a\ail     lor^mil 
ascriKlaiicr,   v[    Irailail    d'rijal  avec    loiitc  la  iiuM.-ssf   di-   la   rrLjiMii.    \    l'ilil- 
l'ois.  où  vWv  a\ail    iiivilc 
Mgr    de    Drnix -lirt'zc, 
cvèquo    de    .Moulins,     ([ui 
la     riMiicrciail     jtar    sa 
présence   de   sur|)|is    ueul's 
donnés     aux     entants     de 
chœur,  comme   elle   savi- 
sait  de  conseiller  le  prélat  : 

—  Oh  !  .Madame, 
interi'ompit  s|)  iri  t  n  el  U'- 
menl  celui-ci.  se  souxe- 
nanl  d'un  mot  de  h'Iechier. 
—  j'ai  api)ris  à  o])éir  aux 
Fores  de  ri\glise.  mais  non 
à  ses  Mères  !... 

Agitée,  im|)ulsi\-e,  tou- 
jours en  routi'.  elle  a\ail 
la  manie  de  la  construc- 
tion, hàtissait  là  où  il  lui 
plaisait,  revendant,  au 
mieux  ou  au  pire,  dés  cpu' 
le  goût  lui  était  passé.  De 
telles  opérations  sont  rare- 
ment fructueuses.  l'.lle 
avait    également    la    main 

large  ouverti',  comme  son  fils,  id,  sur  la  fin  de  sa  vie.  r\U-  s'était  lourn».' 
sinuiltanénu'ut  xcrs  les  leuxies  pies  et  vers  le  jeu.  Crlui-ci  aeheva  de  lui 
dévorer  ce  ([Ut-  lui  a\aient  laissé  celles-là.  Le  27  septeMd)ri'  ISTn.  Deslmulin 
renonçait  à  la  succession  di- sa  mère;  il  faisait  celle  renoneialinu  le  di'rnier, 
comme  à  regret,  après  les  enfants  de  sa  sieur,  cl  mui  sans  avoir  conlracli- 
lui-même,  au  nionunt  des  ol)sé<|Ues.  une  dette  (|ui  le  gêna  fnii.  et  au  sujet 
de   la((uelle.  un   an    plus    tard,   il  écrivait    à   son  ami   Simoun^  i    .il  I.  hm.    i  1 


t 


N'icilk-  l'i'iHim' fiilihmt  son  :iiuiiillf  (Mim    tic  phirnh  > 
Coll     Darhoiir 


«.Jo  suis  Opuisc'.  mis  à  sec,  par  colle  niaudilc"  cU-llc  de  2.500  francs  de  Cler- 
inonl,  (pie  j"ai  dû  i)ayer  en  mai  dernier,  car,  avec  les  frais  de  prolèl  et  les 
amendes  pour  non  en'regislrement  des  billets  et  insuffisance  du  timbre,  ce 
])illel  m'est  relourné  avec  r)00  francs  de  frais  »  (10  août  1871). 


^1^- 


'^ 


M.  William  Brackcii  (Mine  de  plomb) 
Coll.  Darboiu 


<)2 


XI 


DERNIERS    SOUBRESAUTS 


Il  ne  restait   plus  au  ciiàli-lain  de  rOmbrellirin  '[m-  ur   -i(i-,s,s    ci.ii.s. 

des   terres  de  spéculation,   (pn-kines   f)ieces   di-   sa   collerlion,   son   talent   (!«• 

peint  ri"  et  ses  rêves  de  théàlrr.  (ir 
pouvait  eneore  être  un  actif  irn|»or- 
lanl.  si  la  ciiancc  s'i-n  inrlail. 

llllc  parut  tout  d'abord  lui  sou- 
rire, l'n  riche  An^'lais  <lc  vinj,'t  ans. 
son  voisin  de  Hillo-Sj,niardo,  fit  deman- 
der sa  fille  en  niaria.i»i-.  Marie  était 
fort  jolii',  mais  lu-  savait  pas  un  mot 
d'aiii^lais;  William  était  fort  dislint,«ué, 
mais  ne  savait  pas  un  m(»t  de  français. 
.Seiitendireiit-ils  en  italien,  ou  seu- 
lement par  les  yeux  ?  On  ne  sait. 
Quoicpiil  en  soit.  Marie,  très  courtisée. 
se  décida  pour  le  jeune  .Vntîlais,  écar- 
tant ainsi  loules  sorli-s  de  ^ens  entre- 
prenants {pii  tournaient  autour  >]•■  ^'•- 
seize  ans. 

Le   mariai^e,    décidé  en   principe. 

un    Ljros   obstacle   était    à   surmonter. 

Desboulin  avait  promis   une   d«il 

de  trois  cent  mille  francs,  escomptant 

la    venti'    de    ses    terrains.    Son    rêve 

détruit,  il  reprit  honnélemenl   sa   parole,   m.iis  son  futur  <jendre  la  lui  rendit. 

et  il  s'en  montra  justement   satisfait. 

«  Sans  cet  heureux  mariage,    -  écrivait-il  dans  la  lettre  citée  plus  haut  (1). 


La  toiielLe  (Peinture  i- 
Coll.  I)r  Robin 


(1)  Lettre  inédite. 


—  nia  |)()sili(Hi  iiouvail  iMrr  |)iri\  dans  ci-ltr  Diaudilc  aiuirc  où  j'ai  vu  avorter 
mon  avenir  (lraniali(iue  el  l'esjioir  de  la  vi-nte  de  mes  inxlercs  (fermes  ou 
lerres)  au  eas  prévu,  dans  resj)aee  de  deux  ans,  |)our  le  passage  du  nouveau 
boulevard,  interrompu  par  le  transfert  de  la  eapilale  à  Home. 

«  Si  le  eiel  veut  (pu-  nu-s  loyers  (ceux  de  r()nd)reliino,  loué)  se  main- 
tiennent où  ils  sont  jus(iu"à  fin  octobre,  je  pourrai  me  soutenir  jusqu'à  ce 
(\uv  je  fasse  une  vente,  soit  des  jwdcrcs,  soit  de  la  villa  elle-même,  —  mais 
pour  eela  il  faut  attendre  encore  quelques  années,  afin  (jue  la  panique,  (jui 
réij[ne  aujoindliui  sur  Florence,  soit  enfin  jiassée,  et  que  cette  pauvre  ville 
ail   retrouvé  (piebpie  crédit.  » 

Ce  répit  de  (lueUjues  années,  il  ne  pouvait  l'obtenir.  Alors,  il  jiroposa 
à  la  mère  de  son  gendre  d'accpiérir  |)our  son  fils  r()nd)relliiio.  î^es  négociations 
furent  entamées,  mais  la  famille  firacken  (c'était  \v  nom  (\u  gendre)  s'effraya 
de  la   dette  : 

«  Quant  à  l'argent  (pi'elle  devait  donner,  ])our  assurer  entre  les  mains 
du  ii()u\eau  ménagi',  la  |)ro|)riélé  di'  r()nd)rellino.  elle  (la  mère)  n'a  pu  obtenir 
de  la  société  indivise  où  elle  est  avec  ses  s(xnirs  aînées,  d'abord  (fue  l.").00()  fr. 
qui  constituent  les  intérêts  arriérés,  j)lus  .'i.OOO  francs  qu'elle  a  donnés  en 
avance.  VA\v  a  donc  reculé  devant  l'avance  de  r).()()0  francs  environ,  ([u'il 
eût  fallu  verser  au  gouvernement  italien,  pour  transférer  la  j)ropriété  sur  la 
tète  de  son  fils,  et  ses  sieurs  se  sont  d'ailleurs  effrayées  de  l'idée  de  voir  le 
jeune  liomme  cbargé  d'une  dette  de  cent  mille  francs,  remboursable  après 
(piin/.e  ans.  » 

On  comprend  cet  effroi.  Tn  ])eu  plus  tard,  il  pensa  réussir  i)ar  une 
autre    voie  : 

«  On  m'écrit  de  l'Ondireilino  (pi'uiie  société  d'drcof/litori  (accoglitor, 
celui  qui  recueille,  le  |)rofilt'ur),  ceux  même  qui  ont  fait  le  viale  Poggi,  va 
continuer  le  fameux  boulevard,  interrompu  par  le  départ  de  la  capitale  (sic). 
El  dans  ce  cas  ((pii  paraît  assez  assuré,  puisqu'ils  n'attendent  jilus  que  l'auto- 
risation de  la  commune),  la  vente  des  trois  (juarts  de  mes  podrrcs  (1)  me 
permettrait  d'acquitter  touti's  mes  dettes,  grosses  et  petites  et  me  procurerait 
au  moins  une  existence  assurée,  (iuoî([ue  modeste,  dans  ce  lieu  de  délices.  » 
(Au   même,   21   mars   1872). 


(1)  (1  Dans  k'ur  mapiiificiue  iiuli^i'iuc.  les  spirituels  descendants  des  romains 
nomment  quatre  acres  de  .terrain,  avec  une  cliaumière  au  milieu,  un  pouvoir,  «  podere  ». 
QueMe  puissance  !  »  Phil.  Charles,  Eludes  sur  le  XV I^  siccte  en  Fran.-c  (Charpentier, 
1876),  p.  406. 

64 


IV'lilc  Fille  au  Ijoiiiict  hlaiu'  ^;^^.'y 
Coll.    .1.  Desboutiii 


C.e  noiiNH'aii  projel  sombra.  Il  en  avait  souliailé  le  succès,  disait-il,  pour 
«  écarter  la  pers|)cctivc  de  la  gène  »,  non  pour  lui  «  qui  la  supporte  vaillam- 
ment, en  vrai  bohème  !  mais  pour  sa  pauvre  vieille  compagne,  à  laquelle 
il  aiu'ail  pourtant  bien  nouIu  i)rocurer  uiu'  fin  d'existence  moins  dure  (fue 
les  ))rèmisses  »  (Même  lettre). 

Il  ])araîl  avoir,  à  ce  nH)ment,  fait  fleclie  de  tout  bois  cl,  notamment, 
des  derniers  débris  de  sa  collection.  Saint-Pétersbourg  les  aurait  recueillis, 
lui  laissant  entre  les  mains  une  somme  (fui  ne  [)ou\ait  combler' le  gouffre 
de  ses  dettes. 

Ce  qui  lui  coûtait  le  plus  était  de  se  sé|)arer  de  son  cher  ()ml)rellino. 
»  Comment  voule/.-vous,  disait-il  à  ses  amis,  (fuand  déjà  les  nuages  s'amonce- 
laient dans  son  ciel,  ([ue  je  ([uitte  une  si  l)i'lk'  demeure  vi  un  tel  panorama  ?  » 
Et.  de  son  bras  étendu,  il  montrait  la  vue  sjjlendide,  dont  ii  n'était  point  las. 
Aussi,  lorsque  la  vtMite  fut  conclue  (début  de  1874),  en  éprouva-t-il  un  vif 
chagrin.  »  .h'  ne  |)uis  m'accontuîner,  -  écrivait-il,  —  à  ce  dernier  et  définitif 
déracinement  de  tout  mon  passé,  à  la  perte  du  dernier  coin  de  terre  qui  cons- 
tituât mon  doiiicile,  une  base  dans  la  vie  de  famille.  Bien  que  prévu  depuis 
si  longtemp-;,  vv  cou])  a  ap|)orté  une  étrange  désorganisation  dans  mon  exis- 
tence, et  il  m'a  fallu  d'assez  longs  jours  |)()ur  retrouver  mon  équilibre  »  (2  avril 
l(S7l).  Quel([ues  jours  plus  lard,  il  r.nenait  sur  le  même  sujet,  disant  que 
le  travail  si'ul,  n  un  vei'tige  de  travail  »  le  sortait  un  peu  de  ses  «  rêveries  rètros- 
pectivi's  >  et  "  parait  U-  coup  du  passé,  ([ui  lui  retombait  de  haut  et  en  bloc 
sur  le  cd^ur  ».  Mais  il  confessait  qu'il  était  «  désormais  seul,  bien  seul,  avec 
ses  regrets  et  ses  souvenirs  »  (17  avril  1<S74).  Plus  de  vingt  ans  après,  il  par- 
lait encore,  avec  la  niènu'  émotion.  «  du  milieu  féeri([ue  de  son  séjour  à  l'heu- 
reux  Ombrellino.   » 

Lorsqu'il  avait  senti  ({ue  le  pays  du  soleil  lui  échai)pait.  ([ue  c'en  était 
fait  de  la  vie  mouvementée  mais,  en  fin  de  compte,  facile,  qu'il  y  avait  menée, 
il  était  revenu  au  '  sombre  pays  des  ])rum.es  »  contre  lequel  il  devait  pester 
jusqu'à  sa  dernière  heure.  Plus  rien  ne  jjouvait  le  retenir  sur  les  bords  de 
l'Arno,  puisqu'il  lui  fallait  gagner  sa  vie,  celle  d'une  nouvelle  femme  et 
celle  d'un  nouvel  enfant. 

Car,  de  même  qu'il  n'avait  pas  attendu  la  vente  de  l'Ombrellino  pour 
repasser  les  Alpes,  de  même  il  n'avait  pas  attendu  la  mort  de  sa  première 
fennne  pour  vu  jjrendre  une  seconde.  Une  fraîche  paysanne  de  Bello- 
Sguardo,  la  filK'  d'un  de  ses  fermiers,  avait  accueilli  ses  hommages  et  un 
fils  était  né  (1870).  Vxl  événement  ne  contribua  pas  à  lui  rendre  agréable 

m 


un  intérieur,  où  tant   de  soucis  malériels  .-l  tant  (h-  d.'boins  aval. •ut 
leurs  ferments  (1). 

Il  quitta  l'Italie  aussitôt  a|)rès  le  rnariaj,'.-  <!•■  s:i  filli-  (août  1.S71),  iiwvr- 
tain  de  ce  qu'il  devait  faire,  ne  sachant  quille  carrirn-  etiln-preudr.-.  mais 
bien  décidé  à  user  de  toutes  les  corries  de  son  arc  :  drame  et  [loùsie.  d'abord, 
peinture  et  gravure,  ensuite.  hYagonard  aimait  à  répéter  ([ue  la  naturt-  lui 
avait  dit,  en  le  poussant  à  la  vie  :  "  Tire-toi  d'affaire  comme  tu  |)ourras  !  ^ 
C'est  ce  que  Desboutin  pouvait  se  dire,  à  son  tour,  ntais  il  ne  naissait  qu'à 
la  misère,  et  il  a\ail   quarante-luiil  ans  ! 


(1)  Sa  première  femme  mourut  subitement,  un  miiiiti  de  l'iiiver  «le  \H~ 
\Ime  Bractcen,  eu  sortant  d'un  jja!,  M^^  Marie  Hrael<en  lialjilail  avec  sou  ruar 
à  Florence. 


hi 


XII 


A  GENÈVE 


L'incerliliuk'  est  iiiu'  cliosc.  le  ItcsDUi  en  est  uiic  aiilrc  (|iii  s';icf(»mriMMlf 
mal  de  la  i)rcniicrc.  Ayanl  (léjà  lire  df  iinl;il)lrs  profits  de  son  |iimi;iii.  |)<s- 
boutin  jugea  jirofilable  d'y  recourir  à  Mou\t;m. 

11  ne  viiU  pas.  tonl  d'abord,  à  P;iris.  (ui  iir  sait  trop  poiir(pioi.  A  l'iiicotilrf 

de  tant  iJarlisUs  (pii  m-  rèvi-iil  (pu- 
de  Paris.  Desboiiliii.  lui,  rêva  d»-... 
(il  iirvr  !  Il  doit  y  avoir  à  crlt»-  siii- 
ijuiarilé  une  raison  (pu  nous  (Mliappr. 
Di'sboulin  tut.  à  dtux  reprises,  allin- 
par  la  belle  rite,  enchâssée  coinnie 
une  pierii'  |Mécieuse  à  la  pointe  du 
Leinan.  cl  cliaipu-  fois  il  crut  y 
trouver  ce  ([u'il  n'y  rencontra  pas  : 
le  nioven  d'y  \  ivre  dans  l'aisance 
par  ses  |)ointes  ou  ses  pinceaux. 

Il  n'est,  sans  doute,  pas  lutrs  de 
|)ropos  de  noter  ([ui-  la  .Sidsse.  -- 
mais  Zurich  an  lieu  de  (ieueve. 
avait  déjà  eu  s(»n  1  )tsboutin...  au 
xviii^'  siècle  !  Il  se  nouunait  Salotuon 
Ciessiier  (U'""  avril  17.' 10-2  mars  IT.SS). 
et  avait  été.  lui  aussi,  peintn-.  .gra- 
veur, poète.  .\  rencontre  di*  la  muse 
de  Deslxtutin,  (pii  était  historiipu', 
celle  de  Cressner  était  élégiaifUL' ,  mais,  connue  Desbontin.  (iessner  était 
meilleur  en  peinture  et  en  gravure  (pieu  jioésie. 

Desboulin  arriva  à  (ienéve  à  l'automne  de  1.S71.  Le  désenchauti'ment 
ne  se  fit  pas  attendre  :  il  tomba  malade.  ciiose  nouvelle  dans  sa  vie  .  Il 
avait  contracté  ><  une  sorte  de  fièvre  des  marais,  dans  ci't  iid'eit  climat  il'hiv»  r 


Aiycli»)   au  f.iiieu  (  l'tiiUuie,  1-^'>UJ 
Coll.  MirluuMl 


I .'  » 


genevois  »  où  il  était  resté  «  deux  mois  dans  le  brouillard  sans  voir  le  soleil  ». 
Que  cela  devait  être  pénible  à  ses  yeux  avides  de  clarté,  accoulumés  à  cette 
lumière  {]n  midi,  ([ui  |)orle  le  regard  jusqu'au  fond  de  l'horizon  !  Il  avait 
loué,  ])our  sa  l'aniilie,  «  dans  la  maison  Bellami,  en  face  le  pré  Lévèque,  aux 
r^aux-N'ives,  route  de  (".haîne,  toute  une  enfilade  de  ])iéces  au  troisième  étage 
pour  'M)i)  francs  '  (1)  et.  i)our  lui,  «un  grand  atelier,  au  rez-de-chaussée  d'une 
grande  maison,  sur  les  bords  du  lac  et  sur  la  grande  promenade ^des  étran- 
gers en  été.  "  Il  y  faisait  de  la  peinture  avec  une  facilité  qui  inspirait  «  une 
sorti'  de  fanatisme  aux  artistes  et  aux  ([uel((ues  amati'urs  de  la  ville  »  (2). 
Mais  ce  fanatisme  se  bornait  à  être  un  mouvement  violent  de  l'âme  et  ne 
déterminait  aucun  mouvement,  même  modéré,  de  la  main  à  la  poche  !  A 
peini'  l'xécutait-ii,  dv  ci,  de  là,  ([uelques  i)ortraits,  «  pour  alimenter  sa  pauvre 
sou|)e.  »  Il  aurait  voulu  pouvoir  offrir  à  son  ami  L'rédéric  Raisin,  avocat, 
l'esquisse  peinte  qu'il  avait  faite  de  lui,  mais  sa  gêne  l'obligea  à  en  demander 
50  francs  ! 

Pourtant,  le  milieu  ne  tarda  pas  à  l'inléresser.  Il  écrivait  à  ce  même 
Raisin,  le  2  janvier  1(S7I  :  «  Au  milieu  du  trouble  de  cette  vie  vertigineuse 
et  insaisissable  de  Paris,  mes  yeux  fatigués  et  mon  esprit  ahuri  se  re[)ortent 
toujours,  comme  repos  dans  le  ])assé  et  dans  l'avenir,  vers  la  bonne  ville  de 
Genève.  —  Oui,  c'i'st  bien  là  (pie  je  plaçais  le  lieu  de  ma  retraite  laborieuse, 
c'est  vers  cette  grande  maison  de  Socrate  (jue  je  tendais  j)ar  mon  travail, 
cherchant...  à  me  rendre  digne,  par  quelque  succès  à  Paris,  d'y  figurer  un 
jour  avec  honneur,  d'y  ac(iuèrir  droit  de  cité  et  de  mériter  d'être  alors  le 
centre  d'un  mouvement  artisti([ue,  au([uel  je  crois  la  plus  grande  des- 
tinée. » 

Ce  «  faisceau  d'iiommes  et  d'amis  d'élite  »  ({u'il  avait  grouj)é  et  qui  se 
dispersa  à  son  déj)arl,  aurait  pu  lui  valoir  une  carrière  de  professeur,  d'au- 
tant i)lus  que  des  élèves  se  présentaient.  Mais  ce  qu'il  devait  accepter  plus 
tard,  il  ne  voulait  pas  l'accepter  alors,  non  point  que  son  opinion  sur  les 
{)rofesseurs  l'i-mbarrassât  (ce  qu'ils  savent,  ils  se  gardent  bien  de  l'ensei- 
gner !)  car  il  eût  fait  excei)tion  à  la  règle,  mais  il  ne  voulait  pas  laisser  se 
distendre    une   autre   corde,    la    corde   littéraire. 

I)ei)uis  Maurice  de  Saxe,  et  quoiqu'il  en  dît,  elle  lui  semblait  le  plus  sûr 
débouché  vers  la  gloire  et  surtout  vers  la  fortune.  Et  quelle  littérature  !  La 


(1)  Lettre  à  Fréd.  Raisin,  9  janvier  1888. 

(2)  Lettre  du  24  mars  1872,  à  Siinonnet  d'IIenuezel. 


70 


DURANTV 

(  2'    Etal  ) 


littérature  en  vors  :  ks  draiius  hisl()ri([ius  rt  les  lon^js  pfn^nu-s,  ri  la  tra<liir 
tion,  en  vers,  du  Don  .Juan  de  Hyrou  ! 

Pendant  ses  dernières  luures  de  Mnrence,  où  il  sentait,  pour  ainsi  dire. 
rOmbrellino  s'échai)per  de  ses  mains,  il  trompait  ses  an^^oisses  m  rimant 
des  poèmes  d'actualité.  Versailles  et  le  Tilrfiraphe  (1).  Il  envoyait  le  premier, 
à  la  date  du  10  août  1.S71.  au  moment  du  maria^'e  de  sa  fille,  a  son  ami  .Si- 
monnct,  sollicitant  conseils  et  corrections  :  -  J'ai  tant  besoin.  —  ajoulail-il. 
—  de  gagner  quelque  chose,  (jue  je  voudrais  maccrucher  fie  (juehjue  façon  a 
la  carrière  lillèraire,  la  seule  (pii  nu-  soit  immédiatement  ouverte.  Je  tficlie 
de  faire  quelques  pièces  détachées,  en  l'absence  de  tout  succès  |)robable  au 
théâtre,  où  je  crois  qu'on  n'aura  pas  de  sitôt  un  [)nl)lic  d'élite,  capable  de 
faire  un  succès  à.  des  pièces  de  littérature,  (eunres  il'arl.   ■ 

A  Genève  donc,  il  reprend  concurremment  sa  boite  à  couleurs  et  sa 
plume  de  poète.  11  écrit,  c'est  certain,  aussi  vite  (pi'il  peint,  l'ne  romédie, 
en  trois  actes  est  couchée  sur  le  papier.  <lans  le  court  temps  (|u'il  passe  dans 
la  ville  de  Calvin  (2).  Cette  comédie,  dont  il  ne  donne  pas  le  titre,  est  ■  d'une 
verve  incontestable  et  dans  toutes  les  conditions  du  succès,  au  dire  de  gens 
comme  Marc  Monnier  (3).  »  Il  retouche  en  même  temps  ses  autres  drames. 
Le  Cardinal  Dubois,  Madame  Roland,  car  il  remet  voloutiers  l'ouvrage  sur  K- 
métier.  Il  en  agira  de  même  pour  ses  pointes-sèches.  Les  corrections  nom- 
breuses sont  la  contre-partie  de  la  facilité. 

Genève  ne  répondant  pas  à  son  attente,  il  ispere  trouver  mieux  a 
Paris.  L'écrivain,  comme  le  i)eintre,  y  auront  un  jibis  large  champ  d'action. 
Il  quitte  donc  la  ville  de  l'Escalade  et  se  dirige  sur  Paris,  en  passant  par  Lyon 
et  en  s'arrètant  quinze  jours  à  lM)ntaine-lez-Dijon.  chez  son  ami  Simonnet 
d'Hennezel,  dans  la  vieille  maison  de  camj)agne.  à  l'allure  de  château  avec 
sa  tourelle  d'angle,  qu'il  nomme,  à  l'italienne,  l'ilhi. 

Est-ce  à  l'aller,  est-ce  au  retour,  (ju'il  faut   [)lacer  l'anecdote  suivante. 


(1)  Versailles,  poème  par  .M.\RrELLiN  Desroltin.  Genève,  Hioluinl,  et  l'aris,  I.eiiurre. 
1872,  in-8"  de  32  p.  Rcpul)lié,  nprès  la  mort  de  l'auteur,  dans  Vrrsailli%  illustré,  nuiiu^ros  d- 
décembre  1902  et  janvier  l\n\'A.  Desboulin  envoyait  son  poème  à  Clarelie.  le  IH  décembre 
1871,  «  comme  simjjle  moyen  de  rajjpel  de  son  obscure  personnalité,  après  le  naufra'.:e  de 
ce  pauvre  Maurice  de  Saxe,  dont  les  représentations  ont  sombré  les  premières  dans  la  grande 
débâcle  et  par  anticipation  ». 

Le  Téléf/raphe  aurait  paru,  daprès  une  lettre  de  Desboulin.  dans  Le  Soir,  "ii  nous  ne 
l'avons  pas  retrouvé.  Il  fut  reproduit,  dans  le  l'elil  'Lcnu's  de  fivrier  l'.'ii-j.  puis  dans  le 
Petit  Xiçois,  du  23  février  suivant. 

(2)  D'octobre  (?)  1871  au  IT)  juillet   1S72. 

(3)  Lettre  à  Simonnet,  déjà  citée,  du  21  mars  1.S72. 

71 


rapporléo   par  G.   SouNcnaiicc.   dans   le   lugiiro  du   21    mai    188.3  ?  L'auteur 
la  place  au  ri'lour.  I^lle  vient  donc,  ici,  à  sou  ordre  ein'()iu)l()gi([ue. 

u  Lorscpiil  \inl  de  Genève  à  Paris,  drapé  dans  son  manteau  et  son  feutre 
à  l'oreille,  sur  le  (puii  de  la  gare,  à  Lyon,  il  apereul  le  général  Bourbaki  entouré 
de  ses  officiers.  Son  œil  profond  s'arrêtait  sur  la  figure  du  soldat,  l'étudiait, 
la  scrulail.  A  la  fin.  les  officiers  de  l'étal-major  se  demandèrent  ce  (jue  pou- 
vait bien  vouloir  an  général  ce  grand  gaillard  planté  là-bas.  IJn  capitaine 
se  détacha  du  groupe  : 

\'ous  regarde/,  le  général  avec  une  persistance  singulière,  Monsieur  ? 

—  Oui,  capitaine.  .le  suis  pt'intre.  .b'  cherche  un  modèle  de  l)ravoure. 
.le  l'ai  trouvé. 

Il  s"a\ança  vers  IJourbaki,  ôta  son  large  chajjeau  et  ajouta  : 

—  Et   je  le  salue  !    • 


XI  I  I 


A    PARIS 


LES    DRAMRS 


Le  voilà  donc  à  Paris  (août  1(S72).  Son  |»rrmicf  soin  n'«sl  pris  tU-  iln-r- 
cIkt  un  loi'is  convi'iiahK'  ;  de  tes  ((intin^mi-cs  il  n'a  ruvr  !  mais  <lf  s"iMrn|)<r 
de  ses  pièces.  Le  pnl>lic.  amateur  d'  tenvics  dail  lln-.àlralfs,  dont  il  duiilail 
il  y  a  un  an.  s'esl-il  donc  tout  à  eou|)  déeouvcil  ?  lit-las.  non.  cl  il  n'v  parailni 

que  trop  dans  ses  Itltifs  !  Mais  il  n'est 
|)as  homme  à  ne  pas  essayer  de  vio- 
ItiiItT    la    clianct'.    I-",n   mèm»-    tem[is 
(|n'il  s'occnpc  de  placer  Lr  C.iinliiMil 
/>f//)o/.s  au  riuàlre  français,  il  achevé 
Minhinir   linlund  et    cnln-   en   pour- 
parlers  a\'ec  ('.lareli<'  pour  un  drame 
siii-  la  Liijiir.  Il  hii  demande  le  \  olume 
de   .MicheU'l.   sur  cetli-  période   luToï- 
ronncpu-   di'   noire   histoire,  (.larelie, 
i|u"il  aime  Itien  et  (juil  <l»-finil  curieu- 
Minent       une  ma<  liine  à  va|)enr  lit- 
leraire    .    lui   a\ait    enli-ndu    parler 
le   cette    e|)o(pie.    '.  .le    lui    avais    dit 
jui-  j'v   vovais  un  splendide   drame 
liislori(pu'.  frisant  notre  situation  et 
notre  épocpie.  |)ar  îles  allusions  earae- 
teristi(pies  et    pit toresipies.  ■  .Mais  il 
ne  voulait  pas  s'exposer  à  jouer  dere- 
chef le  rôle  de   Haton.  et  à  tirer  les 
marrons   du   feu.    Il  lu-  refuse  pour- 
tant i)as  la  collaboration  offerte  et   l'on  devine  |.ounpioi.      .le  redoute,  expli- 
quc-t-ilà  son  ami  Sim(Hinet.  la  sul.jecliviti-   dans   la(pn-Ile  j'ai   dû   me   placer 
avec  Aniinues,  et  si  j-aceei)te.  (•'est   i-ousse  i)ar  la  nécessite  de  faire  (lUeUiiio 
chose  (iinalwutisse  d  rapporte  (7  janvier  ISTi?).  »  Touj<.urs  la  même  antienne  ! 


(.11.   lii^iut    (  Pniitte-srchrj 


Sous  raiguillon  de  colle  lu-ccssilé,  il  sr  i)reiul  i\  craindre  que  Claretie  «  manque 
de  persévérance  »,    —  c"esl  d'ailleurs  ce  qui  arriva. 

INIais  (".larelie  défaillani,  un  autre  K'  renij)lace.  «  J'ai  lail  la  connaissance 
d'un  composileur  de  niusitpie  Davin  Duvivier,  auteur  dun  opéra-comi(iue 
représenté  en  18()*.),  Déborah,  qui  ma  chargé  de  faire  un  livret  pour  un  grand 
opéra  et  a  choisi  La  Coupe  et  les  Lèvres,  d'A.  de  Musset...  Je  crois  que  dès 
la  si'uiaine  prochaine,  je  pourrai  me  mettre  il  l'œuvre,  espérant 'encore  par 
là  courir  la  chauci>  d'un  dividende  dans  les  bénéfices  de  droits  d'auteur,  » 
(Même  lettre). 

1mi  attendant,  pour  subsister,  il  fait  de  la  [)einture.  Durand-Ruel,  avec 
(]ui  il  \ienl  d'entrer  eu  rt'lations,  est  dis])osé  à  lui  acheter  «une  étude  d'fiomme, 
faite  à  l^lorence,  '  à  kupielle  il  met  la  dernière  main.  Ses  camarades  l'en- 
gagent à  rexjK)ser  au  Salon  (1).  Va\  même  temj)s,  il  envoie  trois  toiles  à  l'ex- 
position de  Ciand  et  il  commence  »  par  le  coffre  à  bois  »,  la  décoration  du  salon 
de  son  ami  Simonnet,  à  Fontaine-lez-Dijon.  Nous  voyons  également,  à  cette 
date  de  1873,  apparaître  la  gravure  de  portraits  à  la  pointe-sèche,  qu'une 
fâcheuse  bronchite  catarrhale  vient  interrom[)re.  «  Cela  m'a  pris  par  une 
grijjpe  bénigne,  au  plus  ])eau  nu)ment  de  mes  travaux  de  gravure,  la  semaine 
où  j'avais  en  persjjective  le  portrait  de  la  duchesse  Colonna  et  celui  du  papa 
Victor  Hugo.  »  (A  Simonnet,  22  mars  1873). 

Contentons-nous  de  noter  cette  reprise  de  la  pointe-sèche  et  de  mettre 
un  signet  à  celte  page  des  occupations  du  j)oèle.  Son  état  d'esprit,  à  cette 
heure,  est  ([u'il  voudrait  enfoncer  les  portes  du  théâtre,  mais  qu'il  pressent 
fort  bien  qu'il  ne  les  enfoncera  pas.  On  n'a  pas  toujours  sous  la  main  un 
bélier  comme  Amigues  (un  bélier  qui  voulait  manger  le  berger),  non  plus 
que  le  hasard  des  circonstances  favorables.  Alors,  sagement,  en  homme  de 
bon  sens,  —  car  il  en  eut  toujours  et  plus  qu'il  n'y  parut,  —  il  cultive  et 
améliore  son  jardin,  c'est-à-dire  la  profession  dont  il  vit. 

Ecrire  des  drames,  des  comédies,  «  s'en  tirer  à  son  honneur,  n'est  pas 
la  difficulté.  La  difficulté,  reconnaît-il,  est  tout  entière  dans  le  lancer.  »  Et 
il  expose  très  clairement  les  moyens  de  parvenir,  qui  ne  sont  pas  les  siens  : 
«  Pour  réussir,  il  faudrait,  une  fois  la  chose  achevée,  se  transformer  en  un 
hommes  d'intrigues  et  de  manœuvres  mondaines,  s'assujetir  à  des  démarches 
aussi  compliquées  que  celles  d'un  littérateur  (jui  vise  à  l'Académie,  se  créer 


(1)  Kst-ce  le  l'ortrail  de  M.  R.  en  costiune  florentin,  qui  figura  au  Salon  de  1873  ? 
74 


Hereld    DUMAS 


un  (oiilro  i\v  ivlalioiis  illiislics  et  iiiîlii.-iitcs.  se  fain-,  <!.•  .|inl(iii,-s  rnaiMiin 
donnant  \v  Ion  au  Paris  arlislicin.-  i-i  liuùrairi'.  un  fort  avancé,  dou  Ion 
bâtirait  iii  brrclir  cctlc  citadrll..  du  riK-àtri'  français.  Ilùlas!  CVst  ti  partir 
de  ce  moment  et  à  re  point  de  vue,  ([ue  je  sens  toute  mon  infériorité.  •  (A 
Simonnet,  août   1(S72). 

Kt  tant  (juil  n'aura  pas  niioiicc  au  llu'-fdri-.  il  reviendra  sur  relie  im- 
possil)iiité  de  sa  nature.  l*our  arrivi-r  a  pnndre  le  départ,  il  m.-  faudrait 
être  de  ces  liommes  qui  savent  se  poser,  connue  Ifs  .\uLîicr.  K-s  Sardou,  et  les 
Dumas  fils...  Mais  l)ridé,  serré  comme  je  le  suis  ici  par  la  ,i,'éne  ((|ui  va  juscjuaux 
vêtements),  ahuri  |)ar  vini.;!  années  d'une  vie  solitaire  et  prcs(|uc  .sauvaf|e, 
dans  une  campai,'ne  à  l'étranger,  je  nu-  sens  tout  à  fait  incapable  de  me  faire 
jour  et  de  me  poser,  |)ar  moi-même,  dans  le  milieu  parisit-n.  où  il  fau<lrait  se 
présenter  et  se  faire  valoir  avec  aplond).  »  (Lettre  à  Simonnet.  du  2  octobre 
1874).  Fallait-il  qu'il  eut  le  cieur  gros,  pour  médire  ainsi  de  son  >  cher  ()(nbrel- 
lino  !  »  l'ne  campagne  !  ('/est  bien  la  seule  fois  d'ailleurs  (jue  l'amertume 
l'ait  rendu  injuste  pour  son  radieux  séjour  d'autrefois. 

Où  donc  en  soid-ils,  ces  drames  ?  L'un,  Lr  C.nniiiuil  Dubois,  est  arrivé 
jusqu'au  cabinet  du  directeur  de  la  Comédie-b'rançaise.  Sarcey  lui  a  valu 
cette  aubaine.  11  lui  a  mandé  ((ue  Perrin.  nouvi-Ilement  nonnué,  serait  ■  heu- 
reux d'avoir  une  pareille  représentation  à  grand  elTet  .  VA  Perrin  n-çoil 
l'auteur,  lui  parle  avec  éloges  de  Maurice  de  Save,  n'est  point  elTrave  de  la 
possibilité  d'un  scandale  (à  cause  du  sujet  et  des  rapprochements  (jue  l'on 
pourra  faire),  au  contraire  même,  il  y  lrou\e  un  attrait  [)our  la  pièce  et  une 
raison  de  succès.  11  désire  seulement  (|ue  le  scandale  -  ue  casse  [)as  trop  les 
vitres  ».  Desboutin  fait  copier  son  drame,  le  porte  à  la  Clomédie  et  attend. 
Perrin,  «  contrairement  i\  l'usage  a  xoulu  lire  alli-nlivement  les  cin(|  actes 
et  donner  lui-même  son  avis,  avant  lecture  au  Comité.  'Le  bon  billet  !  Perrin 
est  sollicité  par  Sarcey,  par  C.laretie.  Il  ne  tiil  ni  oui.  lù  non,  il  fait  un  mot 
assez  anmsant,  qui  n'interdit  j)as  l'espoir  : 

—  L'hiver  s'annonçant  rigoureux,  on  est  prié  de  faire  monter  Dubois 
à  la  Comédie  I-^rani^-aise  ! 

Pourtant  ce  Dubois  a  été  «  chautTé  h  blanc  >  ;  '«  bon  nond)re  de  rha- 
psodes en  récitent  déjà  des  tirades  et  le  (piarlier  des  lù-oles  s'en  émeut  par 
avance...  »  C.laretie,  très  enthousiaste,  en  fait  son  alTaire.  Si  le  I-* nuirais  se 
montre  récalcitrant,  <  il  croit  pouvoir,  sans  hésitation,  le  faire  passer  comme 
pièce  d'ouverture  de  représentations  (lramati([ues  de  la  salle  Ventadour.  |)our 
alterner  avec    les    opéras.   C'est    Humaine   (pu   en    va   être    le  directeur    et 

7;i 


Claretie  dit  [)oiiv()ir  lui  imposiT  Dubois  ».  (A  Simonnet,  5  septembre  1872). 
Autant  en  enipoiie  le  veut  !  Quatre  mois  se  passent  et  Perrin  ne  donne 
pas  signe  de  \ie.  C.laretie  non  plus.  Desbouliu.  (pii  ['ivu[  à  la  scène  de  la  rue 
Richelieu,  voudrait,  à  défaut  du  drame,  lire  au  Comité  cette  comédie  écrite 
à  ("renève.  el  ([ui  paraît  a\'oir  eu  i)our  titre  Eloa.  comme  le  poème  d'.\.  de  Vigny, 
l-'.lle  m  (lilTciail  ci'i-liiiiu'menl  par  le  sujet,  si  Ton  en  juge  par  ces  deux  vers, 
demeurés  dans  la  mémoire  de  (piehpies  amis  du  i)oète,  et  qui  étaient  passés 
à  l'état  de  u  scie   '  d'alelit'r  : 

Moi,  ji-  ni'  fais  danser  que  ina  candidature 

Au  (Conseil  général.  --  Wivn  de  plus,  je  l'assure. 

Mais  on  lil  rt'Uiarcpier  à  l'auteur  «  ([ue  le  Comité  étaii  |)res(pie  entièrc- 
iiienl  bonapartiste  et  (pie  la  pièce  passerait  pour  une  satire  de  cette  épcxjue  ». 
(A  Simonnet,  2   avril  1874). 

Qui  eût  cru  les  pièces  de  Desboutin  si  subversives? 

Il  se  raccrocha  alors  à  Madame  Roland.  Il  cou  liait  ses  espérances  à  son 
vieux  camarade  de  collège,  dans  cette  même  lettre  dont  nous  venons  de  citer 
un  j)assage  : 

<(  Cette  (ruvre  commence  à  préoccu|)('r  et  à  empoignt'r  les  f[uel([ues  connais- 
sances conipéliMiles  aux(pielles  j'en  ai  fait  part,  au  fm*  et  à  mesure  que  j'en 
termine  les  scènes. 

«  Le  côté  le  plus  pratique  el  le  j)lus  positif  de  leurs  espérances  est  la  cou- 
leur polit i([ue  (pi 'ils  constatent  dans  ce  drame,  c[ui  est  dans  un  esprit  à  pou- 
voir p!ut(')t  fiai  1er  la  censure  (pie  refiaroucher.  L'esprit  en  est  essentiellement 
neutre  et  im|)arlial.  An  nom  même  du  caractère  français,  on  peut  dire  r{ue 
l'idée  ré|)ublicaine  y  est  un  peu  roulée,  tombée.  Le  dialogue  de  Dumouriez 
el  de  la  Roland  est  une  i)ièce  rare  dans  ce  genre.  Le  4^  acte  entre  Dumouriez, 
Robespierre  el  Saint-, Just  \enge  le  bon  sens  el  la  modération,  des  maximes 
ratlicales  et  féroces  de  ces  deux  emballés.  » 

Ilélas  !  Madame  Roland  n'eût  pas  un  meilleur  sort  !  Malgré  les  conseils 
de  Sinu)nnet  et  de  Charles  i>igot,  journaliste  et  écrivain  d'une  certaine  répu- 
tation, qu'il  remercia  i)ar  un  excellent  i)ortrait  à  la  pointe-sèche,  le  drame  ne 
parvint  pas  à  triompher  de  l'indifférence  directoriale.  Il  avait  pourtant  été 
écrit  avec  cette  i)assion  (pie  Desboulin  mettait  en  toutes  choses,  d'abord  à 
Genève,  puis  à  Paris  dans  son  taudis  de  la  rue  d'Arcet,  où  il  lui  arrivait  de 
dicter  ses  vers  à  son  ami  Herald  Dumas,  tandis  ({ue  lui-même  préparait, 
dans  un  placard  qui  lui  servait  de  cuisine,  des  moules  marinières,  —  Caresme 

7(1 


Il    Mn5ii;illlc  (  i'itliiutf   i^i  i 
.Musée  lie  Moulins 


sur  l'ik-licoii  !  -  Il  avait  eu  pdiiitaiiL  cv  (Iraiiu-,  l'Iiouiicur  di'  citadons  dans 
les  journaux,  apirs  une  conférence  de  Charles  BigoL  à  la  salle  des  Capucines 
(2C)  février  LS?.')).  Celui-ci  lui  avait  amené,  en  renfort,  «  le  journaliste 
lùlniond  Texier.  et  un  <les  lionmies  de  Paris  les  i)lus  au  fait  du  théâtre  depuis 
l.S;5(>  et  le  plus  eu  relations  avt'c  les  acteurs  et  les  directeurs  littéraires  de  la 
capitale  <.  tout  ce  hruil  s'éleii,'nit  avant  d'avoir  atteint  l'enipyrée  de  la  rue 
lîichelieu.  Cet  insuccès  in([uiéte-l-ii  Charles  l'>i,iVot.  (pii  rêvait,  lui  aussi,  de 
droits  d'auteur  ?  lîitjot  a  recours  alors  à  l'arbitre  suprême,  à  celui  ([ui  doit 
raffermir  ou  détruire  à  tout  jamais  ses  esp,()irs,  à  sa  femme  !  C'est,  pour 
eomi)le  de  comi([ue.  une  aniéricaini',  dans  hupielle  il  a  la  plus  ifrande  confiance, 
|)arce  (pi'elle  résunu'  pour  lui  ro|>inion  (pie  la  partie  féminine  d'une  salle 
pourrait  avoir  de  la  représentation.»  Deshoulin  lil  sa  pièce:  l'efîet  en  est 
prodi;4ieux,  et  le  lendemain  Hiffol  lui  déclare  »  (jue  jamais  son  américaine 
n"a  été  aussi  fortement  impressionnée,  —  même  i)ar  le  côté  sensible  et  i)as- 
sionnel  de  la  chose.  >>  VA  le  brave  honune,  -  c'est  Desboulin  ([ne  je  veux 
dire,  —  ajoute,  candide  :  »  Ce  ([ui  est  une  rude  victoire  j)our  moi  !  »  (A  Simon- 
net,  S  octobre  1(S71). 

Victoire  domesticpie  !  11  jx'ut  dire  de  M(i(laii}c  liohmd  ce  (pi'il  disait  du 
CdrdinrtI  Dubois  :  u  elle  semble  dcNoir  être  le  |)lus  beau  rossii,niol  (pii  ait 
jamais  chanté  dans  les  rayons  poudreux  d'un  placard,  sur  le([uel  on  aura 
mis  les  scellés  ad  œlcrnum.  ■<  (Au  même,  21  mars  1(S72). 

h.l,  douze  ans  plus  tard,  lors(jue,  Claret  ie  devenu  administrateur  gênerai 
du  premier  Théâtre  l-'rançais,  il  lui  remettra  le  manuscrit  de  cette  infortunée 
Madame  Roland,  il  se  trouvera  (]ue  l'administrateur  a  oublié  les  enthousiasmes 
de  l'ami.  Alors  l)esl>outin,  sans  élonuement,  sans  mauvaise  grâce,  un  peu 
désillusionné,  —  moins  toutefois  (jue  ses  véritables  amis  (jui  esj)éraient  de 
Claret  ie  au  moins  une  réception  à  corrections,  —  envoie  à  Herald  Dumas, 
qui  lui  fut  toujours  fidèle,  cette  lettre,  du  14  août  188(),où  sa  fierté  se  cache 
sous  la  raillerie  : 

...  <  Claretie,  à  qui  j'ai  remis  Madame  Roland,  pendant  mon  séjour  à 
Paris,  m'écrit  de  Viroflay  ({u'il  ne  l'a  pas  encore  lue.  .le  n'en  crois  rien  !  C'est 
un  tampon  mis  entre  moi  et  son  refu!>.  Du  reste,  je  n'ai  fait  cette  présenta- 
lion  (jue  par  ac(piit  de  conscience,  (>l  sans  couper  jamais  dans  le  fol  espoir 
de  la  voir  réussir.  Les  temps  ne  sont  i)as  encore  mûrs  pour  les  pièces  graves 
et  simples.  Je  suis  Irop  grand  pour  mon  siècle  !  (llein?  Hugo  lui-même  n'au- 
rait pas  trouvé  ça  !  Son  om])re  doit  frémir  de  jalousie  jKjslhume,  ([n'en  dites- 
vous  ?)  » 

7.S. 


Cet  échec,  fie  l(S<Sr),  trouvait  un  lioiiiinc  ([ui  avait  déjà  rciioucé,  sauf 
dans  quelque  re[)li  profond  de  sou  r(ru\\  ou  survivait  cette  attente  de  la 
«  veine  »  qui  ne  se  décourage  jamais,  ^  à  la  carrière  draniatifiue.  Mais  en  1871, 
alors  qu'il  frappait  du  front,  ici  et  là,  pour  pouvoir  vivre,  quels  cou[)s  pénibles 
que  ces  aternioieiiients,  a\aiil-cour('urs  <\vs  non  possiimiis  !  Pourtant,  il  ne 
s'abandonne  pas.  Il  ne  cède  pas  au  sort.  Il  lui  op|)ose  ([uebiurs  luaiédictions 
bien  coni])réliensibles,  sa  ])hilosopliie  et  son  labeur. 

Chose  grave  !  Durant  ces  années  crilicpu-s,  alors  (ju'il  sentait  plus  lourd 
le  poids  de  la  misère,  il  semble  bien  ([u'il  ait  aspiré  au  renoncement,  (ju'il 
ait  voulu  s'asseoir  à  son  tour  sur  la  chaise  de  Procuste,  où  toute  individualité 
expire,  des  fonctions  maigrement,  mais  régulièrement  rétribuées.  Il  écrivait, 
en  août  1872:  «  Je  me  donne  encore  un  an  d'essai,  de  lutte  contre  le  sort.  Au 
bout  de  ce  temps,  si  je  n'ai  pas  réussi,  j'aviserai  à  me  faire,  loin  d'ici  et  pour 
jamais,  une  autre  existence,  celle  d'un  gaçine-pain  rcfiulicr  et  assuré.  J'aurai 
fait  des  privations  une  assez  rude  exi^érience,  pour  que  le  i)lus  mince  salaire 
du  plus  nwdeste  emploi  me  semble  une  vraie  fortune. 

Rendons  grâces  aux  dieux  f|ui  écartèrent  ce  présage  !  Faut-il  leur  rendre 
grâces  aussi  de  n'avoir  point  permis  que  Desboulin  (|uillàt,  pour  la  plume, 
burins  et  pinceaux?  On  ne  saurait  se  prononcer  en  connaissance  de  cause. 
Il  ne  nous  reste  des  manuscrits  originaux  ([u'un  amas  de  brouillons  incom- 
plets. Desboutin  n'avait  pas  plus  de  soin  d'eux  que  du  reste  de  son  œuvre. 
Il  est  probable  cpie  s'il  a\ail  consenti  à  les  pulilier,  comme  le  lui  proposait 
son  ami  Crépin-Leblond,  il  aurait  été  très  embarrassé.  Mais  ce  n'est  j)as  cette 
raison  qu'il  donne  de  son  refus.  Celle  qu'il  allègue  est  plus  intéressante,  en  ce 
qu'elle  montre  la  persistance  des  illusions.  N'oici.  en  elTet,  ce  qu'il  écrivait, 
le  1"  juillet  1805  : 

«  Quant  aux  oeuvres  dramalicpies,  mes  amis  conservent  encore  assez 
d'espoir  de  trouver  un  joint  de  représentation,  i)our  fpi'ils  m'interdisent 
toute  publication  anticipée  de  ces  drames  en  vers,  notamment  de  Madame 
Roland  et  du  Cardinal  Dubois.  » 


XIV 


LES  ANNÉES    DIFFICILES 

Nous  avons  vu  Desljoulin,  lorscjuil  déharcjua  à  Paris,  vn  ce  mois  d'août 
1872,  se  préoccuper  fort  peu  de  son  iot^is.  Il  coniniença  par  demander  asile 
à  son  ami    l-jnile   Pessard,  le   eom|)()sileur   applaudi  du    ('.(ij)il(nnv  I-'nirassr, 

qui  habitait  rue  de  Xa|)les,  lO.  l'ne 
lettre  à  Simonne!,  du  f)  septembre 
suivant,  porte  cette  adresse.  Km.  Pes- 
siird  avait,  par  ciTlains  détails, 
const'rvé  le  souvenir  de  ce  séjour 
de  l'artislt'  sous  sou  toit  de  L,'arçon. 
La  nuit  \ cnue  et  la  chandelle  éteinte, 
tous  (\vu\  couchés  dans  la  même 
cluunbre,  Desboutin  pérorait  et  fu- 
mait. Pessard,  au  ronron  des  disserta- 
tions ])hilosophi(pies,  ne  tardait  |»as  à 
perdre  le  lil,  et  à  s'endormir.  Soudain 
révt'il  l)rus(pu',  {[u'étail-ce  ?  .Moins 
(pie  rien,  Desboutin,  crachant  au  pla- 
fond, avait  nianipié  de  souffle  et  le  jet 
était  parabolicpu'nu'ul  retombé  sur 
le  nez  du  dormeur. 

Peu  de  temps  après,  lailisti'  sins- 

lallail  10,  rue  d'Arcet-Hatiitnolles  (1). 

dans  une  mansardt', aussi  peu  nu'ublée 

que  possible,   et  dont    le    meuble    le    plus    iuijiénieusement    utilisé    était    un 

escabeau  à  quatre   marches.    Sur   celle  du    bas,   il   posait  .sa   palette,   sur  la 


M"""  Cornereau  (Pcinlure,  ISSO) 
Musée  (lu  I.uxonibourfi 


(1)  La  rue  Darcet  actuelle,  qu'habitait  Desljoulin.  venait  de  reini)lacer  la  rue  du 
Boulevard  ;  la  rue  qui,  autérieurenieiU,  portait  ce  nom  de  l^arcet  est  devenue  la  rue  l'uleaux. 
i.a  subslitulion  .s'est  faite  tout  au  début  de  1<S7."{. 

Voici,  d'ailleurs,  la  liste  de  ses  domiciles  : 

Après  la  rued'.Vrcet,  10,  et  la  rue  des  Dames,  .'52,  vituenl  la  rue  Bréda.  21,1a  rue  de  I.a 


SI 


di'iixiriiu',  si's  livres  i-l  ses  niaimscrits.  sur  la  Iroisième  sa  nourriture  et  sa 
vaisst'llr,  sur  la  (lualrièiue  le  litre  de  vin,  son  tabac,  ses  pipes  et  son  argent. 
Le  tonneau  de  Dioijène  au  sixième  étaj^'e  !  C'est  là  qu'il  convoquait  son 
secrétaire  bénévole,  son  ami  Herald  Dumas,  par  de  courts  billets,  de  ce  genre  : 

-  Cher  petit,  \ene/.  donc  ce  soir  prendre  un  bock  à  (iuerbois  entre  9  heures 
l't  '.)  h.  1  2,  -  -  nous  rentrerons  ensemble  nous  coller  à  la  co|)ie  et  à  l'intrigue 
(de  Madame  lîolaïul)  >'. 

L'année  suivante,   il  était   rejoint   par  sa  femme  et  par  son  fils,  Mycho, 

—  dont  il  orthographiait  alors  le  nom  Michaud  —  et  il  transportait  ses  peu 
encombrantes  pénates,  quehiues  pas  plus  loin,  32.  rue  des  Dames. 

Là,  il  occupait  un  atelier,  au  premier,  au  fond  (rune  cour,  où  il  succédait 
h  un  plomI)ier.  Au  rez-de-chaussée,  il  avait  pour  voisin  un  collègue  de  profes- 
sion et  de  misère,  le  peintre  de  fleurs  Cauchois,  cpii  vendait  ses  tableaux  deux 
francs  et  les  signait  du  nom  du  mois  où  il  les  avait  peints.  Les  mar- 
chands les  re\endaienl  couramment  cent  francs.  Le  logis  n'était  i)as  luxueux, 
('/était  un  l)ara{iuement.  Une  poussière  noirâtre  imprégnait  les  cloisons  et 
rendait  o|)a((ue  le  \ilrage.  Tout  autre  eût  fui  ce  misérable  relais;  Desboutin 
racce])ta.  Insouciance?  Peut-être.  Désignation?  C'est  |)robal)le.  Pauvreté? 
C'est  certain.  L'enragé  fumeur  ([u'il  était  n'en  était-il  pas  réduit  à  mélanger 
à  son  tabac,  par  économie,  du  varech  ({u'il  extrayait  du  matelas  de  son  enfant  ? 
Il  déclarait  d'ailleurs  le  mélange  excellent.  Pour  vivre,  il  faisait  des  tableau- 
lins  dont,  faute  de  modèles,  il  copiait  les  jx'rsoimages  sur  des  gravures  de 
mo(h's.  Il  ne  les  signait  pas  et  comme  son  voisin  Cauchois  les  vendait  cent  sous. 

iMlmond  de  Concourt  l'a  connu  dans  ce  campement,  plus  sale,  mais 
toutefois  plus  meublé,  (pie  la  mansarde  de  la  rue  Darcet.  Il  en  a  fait  une 
description  troj)  colorée  ])our  {pi'on  ne  la  cite  pas  : 

(  (')  février  LS?.")...  Je  vais  le  trouver  aux  Dalignolles  avec  Burty.  L'atelier 
est  dans  la  cour  d'une  grande  cité  ouvrière  bruyante  de  toutes  les  industries 
du  bois  et  du  fer.  Il  est  construit  en  |)lanches  mal  jointes,  que  recouvrent 
au-dedans  dimmenses  tapisseries  rai)p()rLées  d'Italie,  rei)résentant  la  mort 
d'.Vntoine,  la  construction  de  Cartilage,  et  mettant  au  nmr,  en  leurs  verdures 
fanées,  dans  une  couk-ur  haillonneuse,  un  monde  pâle  et  efïacé  de  guer- 
riers farouches  à  ra])parence  spectrale.  D'un  côté  du  mur,  la  vieille  tapisserie 


Rochefouriuild.  :i8,  la  rue  de  1m;uu-c,  171»,  à  Ni<-e,  de  rcclicf  la  rue  l^ocliefhouarl,  :{8,  à  Parus, 
la  rue  de  l'Iù-nle,  !t,  aux  l'aquis,  à  Genève,  iini)asse  de  (aielnui.  5,  à  l^iris,  cité  Véron,  9, 
rue  IJréda,  5,  puis  15,  villa  .Mossa,  puis  rue  Sainl-I-rançois-de-I'aule,  ces  deux  derniers  domi- 
ciles, à  Nice.  Il  mourut  dans  ce  dernier. 


H2 


iH'inme  cousant   (J'cinliirc,   l>s7J) 
Coll.  J.  Dcsl.oiitin 


83 


fait  la  portion'  (l'iiiir  autre  pièce,  dans  laquelle  on  euleiul  des  cris  d'enfants. 

»  l'U  ])art()ut.sur  le  ton  sordide  et  jaunâtre  de  la  laine  déteinte,  pendent  à  des 
elous  des  châssis  montrant  sur  les  genoux  et  les  ])ras  d'une  mère  des  nudités 
d'enfants,  de  petits  ventres,  de  petits  culs  au  coloris  rose  et  gris  des  esquisses  de 
1  .epicie  :  l'elal  d'uni'  chair,  dans  hupielk-  on  si'ut  les  entrailles  d'un  peintre-père. 
l":i  partout  dans  l'atelier  sont  épars  des  joujoux  et  du  linge  reprisé.  Kt  deux 
petits  chiens.  iu)uveau-ués.  gros  comme  des  rats,  se  tiennent  fraternellement 
dans  les  pattes  l'un  (U'  l'autre,  se  mordillant  leurs  petites  gueules  entr'ouvertes. 

((Deshoutiu  nie  l'ait  asseoir  dans  un  grand  fauteuil  de  velours  vert,  le  meuble 
d'apparat  du  logis.  Il  enduit  d'huile  une  planche  de  cuivre  pour  en  enlever 
le  brillant  et  se  met  à  crayonner  sur  son  genou. 

«Soulevant  la  portière,  une  Italienni'.  sa  feninu',  est  entrée  dans  l'atelier, 
l)romenant  sur  les  bras,  de  long  en  large,  une  j)etite  tille.  Fuis,  est  a|)i)aru 
sous  la  i)ortière.  à  cpiatre  pattes,  un  joli  gamin  tout  frisotté,  qui,  ai)rès  ([uel- 
(pu-s  instants  d'hésitation,  s'i'st  décidé  à  venir  à  nous.  I-'.t  là-(k'ssus  est  rentrée, 
toute  joyeuse  de  sa  ])romenade  dans  la  cour,  la  mère  des  petits  chiens.  » 

Dans  ces  années  1  (S72,  187.')  et  1874,  qui  furent  celles  où  son  avenir  de 
liointe-sècliiste  et  de  peintre  se  décida  (Goncourt  n'aurait  pas  posé  pour  le 
premit'r  venu),  l'ai'tisle  vécut,  c'est  tout  ce  (pie  l'on  peut  dire.  «  Je  continue 
toujours  mon  petit  conunerce  de  lal)leaux,  (jui  me  fait  à  i)eu  prés  mon  entre- 
tien. De  |)lus,  j'ai  eu  la  chance  de  trouver  un  ])ortrait  de  200  fr.,  puis,  j'ai 
\eii(lu  à  (îenéve  un  pi'tit  tableau  (pu*  j'y  avais  envoyé  et  ([u'on  m'a  l)ayé 
'JOO  fr.  aussi.  —  Ciràce  à  ci'  petit  courant,  je  puis  pa>'er  mou  loyer  de  ce 
trimestre  et  me  suffire.  Do  ce  côté,  et  en  cela,  ma  situation  commence 
donc  à  s'améliorer  un  \)vu.  Il  me  faudiail,  pour  me  jui'tlre  complètement  à 
fini,  un  ci'rtaiii  succès  an  Salon,  amenant  la  \ente  de  mon  tableau,  et  sitôt, 
je  pourrais  gaîmeul  vi  d'un  esprit  libre,  aller  |)ren(lre  près  de  toi  mes  vacances 
de  morte-saison,  me  retrenq)er  dans  le  sein  de  Ion  intimité,  en  donnant  ])rès 
de  loi  et  avec  toi,  la  dei  iiière  nuiin  à  mou  drame  de  MmUimc  lioUunl,  dont  je 
suis  en  train  de  fairi'  le  1^'  acte,  (pii  est  le  dernier,  puisipu'  le  5^  est  à  jieu  près 
fait,   i  (.V   Simonnet,   2  avril    1871). 

Ce  succès  au  Salon,  il  l'étayait-  sui"  un  .Joueur  de  violon,  cpii  ne  fut  pas 
admis.  Ii\(k  inv.  «  b'igure-toi  ((ue  sur  trois  tableaux  ipu'  j'avais  envoyés  à 
l'exposition,  ce  polisson  de  jury  m'en  a  refusé  deux  et  n'a  reçu  justement 
(pie  le  portrait  de  femme,  la  [)lus  insigniliante  de  ces  trois  œuvres  et  la  moins 
l)r()pre  à  faire  connaître  l'originalité  de  mon  talent.  Ils  m'ont  refusé  mon 
Joueur  de  Violon,  le  tableau  sur  le(piei  je   c()iii])tais  légitimement  pour  la  vente, 


y 


Hippolyte    BABOU 

(  Premier   Etal  ) 


le  tableau  qui  avait  été  déjà  roconimaiidé  à  de  forts  acheteurs  (|iii  s'étaient 
engagés  à  l'acquérir  si,  à  l'exposition,  il  leur  paraissait  répondri'  :'i  léloi/e 
fastueux  ([ui  leur  en  avait  été  fait  (1). 

«  Ils  m'ont  refusé  le  petit  portrait  en  pied  que  j'avais  fait  de  l'acteur  de 
La  Roche,  du  Théâtre  l'''raiu;ais,  dans  le  rôle  de  Fabrice  de  L' Aiicnluriirc, 
et  que  tous  les  artistes  ([ui  l'ont  vu  avaient  proclamé  partout  c(untne  un 
des  plus  nerveux  [)elils  [lorlraits  costumés,  faisant  à  la  fois  liihK-au  di-  genre  ('!). 
En  un  mot,  une  série  d'articles  étaient  tout  préparés  ])ar  des  criticpu-s  influents, 
j)our  me  chauffer  un  succès  à  ce  Salon  et  voilà  (pie  ces  pignoufs,  ces  rapins 
passés  à  l'état  de  i)ontifes,  dont  on  a  com[)()sé  le  jury,  nu'  font  [jcrdri-  le  fruit 
de  cette  campagne  !  Je  suis,  du  reste,  en  large  et  noml)reuse  conq)agnie. 
Ces  messieurs  pour  faire  du  zèle  et  de  la  police  autoritaire  dans  le  sens  de  l'école 
ont  sacrifié  de  nombreuses  toiles  de  la  plus  sérieuse  importance  artisti(jue, 
—  entre  autres  un  Sarnson  et  Dalila  de  mon  camarade  Darier,  une  œuvre 
qui  avait  fait,  cette  année,  une  vraie  révolution  à  Genève,  où  plus  de  .'J.OOO  per- 
sonnes ont  été  la  visiter  à  l'Athénée.  »  Par  contre,  on  a  reçu  "  cinq  cents 
croûtes,  du  niveau  le  plus  bas.  ■)  (A  Simonnel,   17  avril  1(S71.) 

Il  certifie  pourtant  à  son  ami  Simonnet,  sur  le  ton  d'un  écolier  pris  trop 
souvent  en  faute,  qu'il  «  n'a  rien  négligé  dans  ses  tableaux  >.  et  ((u'il  "  a  fait 
toutes  les  démarches  possibles  pour  s'assurer  des  [)rotections  !  »  .Mais  tous  ses 
amis  furent  défaillants  :  Lafenestre,  Robert-Fleurv,  ;  dont  il  avait  soigné  le 
fils  pendant  un  mois,  à  l'Ombrellino  »,  Plenner,  (  aucpiel  il  avait  fait  a\oir 
de.s  commandes  en  Italie,  à  une  époque  où  il  était  simi)le  petit  pensionnaire 
à  Home  !  »  Et,  ])our  coiuble  de  déce])ti()n.  il  maiu(ue  le  païuieau  du  salon  de 
son  ami  Simonnet,  jiour  s'être  «  laissé  aller  à  troj)  de  verve  >  et  avoir  oublié 
le  «  point  de  vue  fort  juste  de  la  sévérité  et  de  la  décence  d'un  salon  de  réceiJ- 
tion.  )'  (8  octobre  1874.) 

S'il  accuse  les  autres  de  son  échec,  c'est  lui-même  (pi'il  morigène  piuu- 
son  manque  de  tact  dans  la  décoration  du  salon  de  son  aiui  !  l-^t  il  n'y  va 
pas  de  main-morte,  ce  pénitent  de  la  Bohème,  qui  ne  i)eut  i)ourtant  jamais 
rompre  ses  vœux  : 

«  C'est  encore  le  résultat  de  cette  vie  excentrique,  en  dehors  de  toute 


(1)  I.e  Joueur  de  Violon  dut  l'Ire  rcpOché.  car  il  ist  mciUinniié  sur  le  livret  du  Salon  di- 
1874,  sous  le  litre  de  //  .^Jusicante.  Ce  tableau.  aetuelUimul  au  musée  de  Miuiriiis.  e>l  le  por- 
trait de  son  ami  Herald  Dumas. 

(2)  Le  catalouue  i)orte  :  Porlruit  de  .1/""^  IL  L'année  d'avant,  il  avait  exposé  le  l'irrtnvl 
de  M.  li.  en  costume  floreidin.  .Malgré  les  initiales,  il  ne  s'aj^it  doue  pas  dclaeleur  La  Roche. 

S.") 


Petite  fille  nu  chien    (Peinture.    Tsst) 
Coll.   .Michaïul 


86 


couveiitiou  sociale,  où  depuis  lant  d'années  je  m'enferme  dans  une  indi- 
vidualité tout  artistique.  Elle  me  rend,  je  le  sens,  impossible,  et  bien  souvent 
d'une  impossibilité  choquante,  au  milieu  de  i^ens  comme  il  faut,  vivant  de 
la  vie  sociale  et  régulière  !  (Comme  on  voit  (pi'il  y  asj)ire  !) 

«  Hélas  !  bien  des  fois,  dans  mon  séjour  chez  toi,  dans  ce  bienheureux 
milieu  où  je  renaissais  à  la  vie  de  famille,  je  me  sentais  tomber  dans  des  {)an- 
neaux,  tirant  la  langue  et  détonnant  parmi  cette  société  décente  et  de  bon 
goût,  que  mes  tristes  habitudes  de  bohème  artisti([ue  poussaient  au  ton 
malotru  et  ridicule  de  la  licence  et  de  la  gaminerie.  » 

C'est  un  mcd  culpa  sans  réserve  et  il  prévoit  sa    [)énitence  : 

«  Je  m'en  veux  mortellement  et,  si  je  ne  [)uis  me  corriger  (à  mon  âge, 
chose  difficile  !)  je  devrai  me  condamner  à  la  solitude,  dans  hupielle  on  fait 
bien  de  laisser  certaines  vieilles  brutes,  auxffueiles  on  |)eut  reconnaître  le 
talent  et  le  mérite  de  Tesprit  des  oeuvres,  mais  ([ui  sont  franchement  impos- 
sibles dans  le  monde.  »  (Mèrne  lettre.) 

Cela  dit,  et  ces  verges  données,  il  ne  faut  pas  (jue  son  ami  s'y  trompe  : 
l'artiste,  en  dépit  de  l'erreur  commise,  est  supérieur  à  i'homnn'  !  11  entonne, 
là-dessus,  un  éloge  de  lui-même,  à  la  fois  adr(ut  et  pitpiant. 

Simonnet  avait  dû  lui  reprocher  une  influence  de  Manet,  sous  ce  couvert 
que  Manet  ne  savait  pas  peindre.  Desboutin  riposte  : 

«  Manet,  ou  l'école  qu'il  représente,  est  en  possession,  même  si  tu  veux 
à  l'état  d'exagération  et  de  charge,  des  vrais  principes  d'art  et  de  peinture 
dont  je  me  suis  aperçu  ((ue  je  manquais,  à  mon  retour  d'ilalie  et  de  Suisse.  » 

Puis  il  continue,  après  cette  afiirmalion  calégoricpie.  dont  nul  aujour- 
d'hui ne  conteste  la  vérité  : 

«  Quand  au  fonds  esthétique  de  l'art,  (pie  tu  crains  être  o])liléré  vu  moi, 
faute  d'études  préliminaires  classiques,  correspondant  à  celles  ([ue  j'ai  pu  faire 
en  littérature,  je  peux  te  rassurer.  Car,  d'abord,  je  passe  ici,  aux  yeux  des 
Henner  et  des  Robert-Fleury  père,  pour  un  des  i)einlres  les  i)lus  en  posses- 
sion du  métier,  tel  qu'il  est  enseigné  à  l'école  et,  d'autre  part,  le  goût  (pii  peut 
me  diriger  en  littérature,  ne  i)eut  me  faire  défaut  dans  les  arts.  Les  essais 
que  tu  m'as  vu  faire  en  pochades,  n'ont  aucune  influence  sur  le  fond,  qui  ne 
s'altérera  jamais  et  pourront  tout  bonnement  (et  i)ourraienl,  si  je  n'étais 
pas  si  vieux),  m'aider  à  donner  plus  d'extension  et  plus  de  vérité  à  ma  facture. 
J'ai  besoin  d'une  année  peut-être  pour  me  compléter  dans  ce  sens,  et  j'espère 
te  prouver...  qu'on  peut  s'inspirer  de  la  nouvelle  école  et  faire  quelque  chose 
de  complet  et  de  classique.  »  (Même  lettre.) 

87 


XV 


LE  CAFÉ   GUERBOIS 

Il  écrivait  cela,  presque  à  l'heure  où  se  vendait  l'Ombrellino.  Hormis 
la  plainte  qu'il  épanchait  dans  le  sein  de  son  fidèle  Sinionnel.  il  pariait  peu 
de  sa  splendeur  passée.  Par  dignité,  peut-être,  par  philosophie,  sans  doute. 
Puisque  nous  savons  qu'il  n'oubliait  pas,  croyons  à  sa  philosophie,  c'est-à- 
dire  à  ce  que  l'on  désigne  connu uné- 
nieiit  par  ce  mot  :  l'acceptation  des 
conditions  matérielles  et  morales  de 
la  vie.  Cette  philosophie  pratique  n'est 
pas  plus  fréquente  que  l'abstraite, 
sur  notre  globe  terraqué. 

Pourlanl  une  fois,  —  et  vrai- 
seinl)la])leinenl  vers  cette  date  de 
1871,  —  il  fut  ol)ligé  de  s'en  ouvrir 
à  deux  de  ses  amis,  à  Manet  et  à 
Armand  Silvestre.  Il  avait  choisi  les 
plus  représentatifs  de  ceux  avc" 
lescpiels  il  fréquentait  quotidien- 
nement, ([ui  étaient  ceux  aussi  vers 
lecjuels  il  se  sentait  le  plus  attiré 
par  des  goûts  seml)lal)les,  ici  la  i)ein- 
ture,  là,  la  j)oésie  jointe  à  la  verve 
bon  (Tonne  et  à  la  gaîté  ! 

C'est  Armand  Silvestre  ([ui  conte 
l'anecdote,  —  Armant!  Silvestre,  nar- 


Ed.   MaueL  ( l^uintc-scche) 


rateur    d'histoires    épicées,    mais    poète  et  ajjpréciateur    d'art   pénétrant  : 

«  Ce  fut  un  hasard  qui  nous  rappela,  à  Manet  et  à  moi,  que  notre  ami 
avait  été  un  grand  seigneur.  Il  nous  pria,  en  effet,  un  jour,  de  l'accompagner 
chez  un  notaire  [)our  y  dresser  l'acte  de  vente,  devant  témoins,  d'une  dernière 


89 


parcelle  de  sa  propriéié,  dont  il  se  dépouillait  pour  éteindre  ses  dernières 
dettes.    Vn   morceau   de   terrain    valant    deux    ou    trois    cent    mille    francs, 

«  Le  notaire  était  ahuri  de  \()ir  un  homme  aussi  romantiquement  vêtu 
parler  d'une  li-lle  s(unme  a\"ee  une  superbe  ([ui  frisait  le  dédain.  Mais 
nous  ne  fûmes  j)as  moins  surpris  que  lui,  quand  Desboulin  nous  apparut, 
sur  cet  acte  authentique,  où  il  avait  signé  avec  nous,  pourvu  (fune  baronnie 
et  d'un  nom  illustre  dont  il  ne  nous  avait  jamais  parlé.  I>e  malheiyreux  tabel- 
lion se  croyait  de  plus  en  plus  dans  une  féerie,  et  les  i)etits  clercs  ricanaient 
comme  si  cela  n'eut  été  qu'une  grande  mystification.  Quand  on  nous  demanda 
nos  j)rofessions,  Manet  me  dit  à  l'oreille  :  «  N'avouons  pas  que  nous  sommes 
artistes,  on  ne  i)rendrait  plus  rien  au  sérieux  !  »  11  se  déclara  donc  :  proprié- 
taire aisé  et  moi,  i)our  ne  j)as  demeurer  en  reste,  je  me  dénonçai  :  rentier  à 
son  aise.  Ayant  repoussé  d'un  coup  de  |)ied  son  dernier  lopin  d'opulence, 
Desboutin  sortit  de  l'étude  avec  une  crànerie  de  matamore  et  lit  au  café 
Guerbois,  en  notre  compagnie,  une  entrée  conq)arable  à  celle  d'Agamemnon 
dans  ses  Etats  (1).  » 

Ramenons  ce  récit,  rehaussé  de  couleurs  vives  et  conventionnelles,  à 
ses  lignes  sinq)les  ;  il  en  résulte  (pie,  en  1(S74,  Desboutin  donnait  procuration 
par  devant  notaire,  pour  réaliser  la  vente  de  l'Ombrellino,  et  qu'il  racontait 
à  ses  témoins,  quelques  détails  de  son  existence  florentine.  I.à-dessus,  ils 
entraient  tous  trois  au  café  de  l'avenue  de  Clichy,  voisin  du  Père  Lathuile, 
où  l'artiste  aimait  à  passer  de  compagnie,  les  heures  qu'il  ne  consacrait  pas 
au  travail,  —  et  c'était  un  rude  travailleur  1  --  le  café  Guerbois. 

Le  café  Guerbois  a  disi)aru.  Sa  notoriété  fut  brève.  Il  en  doit  la  plus 
grande  i)arlie  à  Manet,  d'abord,  qui  le  fréquentait  dès  1867,  amenant  avec 
lui  son  cortège  de  novateurs,  ])uis  à  Desboutin. 

Desboulin  était  un  causeur  brillant,  plein  d'idées  originales,  et  possédant 
des  clartés  de  tout.  Il  avait  cette  curiosité  des  choses  de  l'intelligence,  qui 
décèle  riiomme  cultivé.  Autour  de  lui  se  constitua  rapidement  un  groupe 
d'interlocuteurs,  ou  plutôt  d'auditeurs,  car  le  monologue  ne  lui  déplai- 
sait pas.  Il  eût  fait  un  excellent  conférencier. 

On  l'écoutait.  Des  gloires  ascendantes  l'entouraient  :  Zola,  Degas,  Ma- 
net (2),  A.  Silvestre,  i)arfois  l'^antin-Latour  ;  des  notoriétés  en  herbe  :  Léon 


(1)  A.  Sii.vESïiŒ,  Au  paijs  des  Souvenirs.  Le  Café  Guerbois,  p.  16.3  et  s. 

(2)  Manet,  déjà  célèbre,  mais  d'autant  plus  critiqué,  venait  surtout  le  vendredi.  Le 
vendredi  était  pour  ainsi  dire  «  jour  d'abonnement  »,  et  les  habitués  y  manquaient  fort  peu. 

90 


y 


'        ..Us 


DEGAS  au  Chapeau 


(2'   Ei«i 


Cladel,  Jean  Béraud,  Wilk'lk'  ;  d'autres,  plus  ou  moins  passées,  mais  (jui 
reviendront,  comme  Duranty,  méditant  sa  Nouvelle  Peinture,  (1870),  af)rés 
avoir  écrit  les  Malheurs  d'Henriette  Gérard,  illustrés  d'eaux-fortes  de  Legros, 
le  sagace  critique  Philippe  Burty,  Hippolyte  Babou,  Vignaux,  Zacharie 
Astruc,  brillant  causeur,  lui  aussi,  Belot,  le  graveur,  dont  le  Ijou  liork  de 
Manet,  reproduit  la  rabelaisienne 
figure,  et  toute  une  cohorte  de 
jeunes  rai)ins,  fiers  de  se  frot- 
ter aux  chefs  du  combat  pour 
la  liberté  de  la  littérature  et  de 
l'art. 

Au  café,  Desboutin  se  reposait 
de  son  travail  de  galérien.  Le  café 
était  pour  lui  comme  un  salon, 
surtout  en  comparaison  de  son 
atelier.  Celui-ci  aurait  tenté  la 
verve  du  poète  d'Albertus.  ("."était 
le  plus  étonnant  capharnaiim,  où 
les  objets  les  plus  divers  prenaient 
un  aspect  d'unité  sous  leur  manteau 
de  poussière. 

Sur  la  table,  les  outils  et  les 
ustensiles  du  graveur  voisinaient 
avec  les  casseroles,  les  savates  et 
les  pots  (tous  ceux  que  l'on  vou- 
dra), mais  l'artiste  s'y  retrouvait. 
II  possédait  un  flair  qui  lui  faisait 
mettre  la  main,  du  i)remier  cou{), 
sur  ce  qu'il  cherchait,  alors  même  que  telle  i)laque  calait  le  pied  d'une 
armoire  ou  qu'une  roulette  était  passée  dans  les  outils  de  Mycho,  féru  de 
mécanique. 

11  ne  consacrait  guère  au  café  que  les  dernières  heures  de  la  journée. 
Il  y  arrivait  d'habitude  à  huit  heures  et  demie  et  en  partait  à  onze.  Il  causait 
beaucoup,  fumait  davantage  et  buvait...  un  bock  !  La  légende  qui  a  fait 
de  Desboutin  un  pilier  de  cabaret  est  fausse.  Le  cabaret  n'était  que  son  lieu 
de  repos,  où  il  rencontrait  ses  amis.  Ce  sont  là  mœurs  de  partout,  même  de 
Florence.  «  Dès  qu'on  a  un  petit  revenu,  écrit  Taine,  on  se  drape  dans  son 

91 


ÉducaLion  de  Policliiaellc 
(Fointe-sèclie) 


rnaiiloaii  el  on  va  l)avard(T  au  café  (1).  »  A  Paris,  ce  goûL  du  café  dale  de  la 
Régence  el  on  le  coni prenait  alors  comme  le  comprenait  Desboutin  (2), 
Diderot  n'était  point  un  pilier  de  cabaret,  parce  qu'il  allait  à  la  I^égence 
voir  ((  pousser  le  bois.  » 

Mais  V  a-l-ii  rien  de  i)lus  indéracinable  (pi'une  légende,  surtout  fâcheuse? 
Kt  celle  dont  est  victime  Desboutin,  vaut  celle  (\m  stigmatisa  ce  pauvre 
Faret,  honnête  écrivain  et  de  bonnes  mœurs,  dont  le  nom  rimait  /trop  bien 
avec  cabaret,  ])our  les  épigrammatistes  du  xvii^  siècle.  Desboutin  a  un  accu- 
sateur public  dans  un  très  beau  tableau  du  Louvre,  de  la  collection  Camondo. 
Le  tableau  ne  prête  guère  à  la  confusion  :  une  lille  en  blanc,  devant  un  verre 
d"al)sinllu\  Desboulin  près  d'elle,  avec  un  ma/.agran.  La  hlle  lourde,  empâtée, 
l)èle  de  la  tète  aux  pieds,  ([ui  ne  sont  pas  des  pieds  de  danseuse  —  même 
de  l'Klvsée-Montmartre  !  —  Desboutin,  le  feutre  jeté  de  travers  .sur  la  toison 
énorme,  la  pipe  aux  dents,  l'avant-bras  posé  sur  le  marbre,  immobile,  d'une 
immol)ilité  qui  couvre  un  intense  remue-ménage  de  ])ensées.  Cela  se  voit  à 
son  œil,  i)erçanl  comme  celui  d'un  cow-boy,  bien  fait  pour  tenter  l'auteur  du 
tableau,  Degas,  le  peintre  des  yeux  !  Cet  œil  regarde  un  personnage  invisible, 
et  l'écoute,  car  on  écoute  par  la  vue  autant  que  par  l'ouïe.  Pourquoi  faut-il 
((ue  ce  chef-d'œuvre  soit  catalogué  :  L'Absinthe.  Portrait  de  Marcellin  Des- 
boutin (3).  Ce  titre  prête  à  une  confusion  déplorable  et,  de  plus,  il  est  inexact. 
Ce  n'est  i)as  Desboutin  qui  prend  la  boisson  aux  belles  couleurs  et  aux  désas- 
treux idets  :  c'est  la  fille,  (jue  le  hasard  a  placée  près  de  lui  (ou  le  peintre, 
l)our  son  elTet,)  et  à  laquelle  il  tourne  presque  le  dos.  Il  faudrait  dire  :  La 
Buveuse  d'absinthe  et  Marcellin  Desboutin,  ce  qui  désignerait  plus  complè- 
tement le  sujet  et  ne  prêterait  pas  à  l'ambiguïté. 

Parfois,  les  propos  de  Desboutin  prêtaient  à  l'interprétation  erronée. 
11  disait  au  sculpteur  Jean  Danqit,  —  un  florentin,  lui  aussi,  de  l'école  de 
Donatello  et  de  Mino  da  Fiesole  : 

—  Vous  n'allez  jamais  au  café? 

■ —  Non. 

— -  Vous  devez  bien  vous  ennuver  ! 


(1)  Voijagn  en  Italie  (Haflieltc,   hSOli),  t.    Il,  p.   121. 

(2)  0  Sous  la  Hé.L'eiu'e,  les  cafés  devinrent  des  lieux  de  discussion,  des  rendez-vous 
d'oisifs,  de  littéraleurs,  de  critiques,  de  nouvellistes.  »  G.  Renard,  Méthode  scientifique  de 
l'Histoire  littéraire,  p.  291. 

(3)  Musée  du  Louvre.  Catalogue  de  la  Collection  Isaac  de  Camondo,  n"  164,  avec 
reproductions. 

92 


VERLAINE 


Puis  il  se  mettait  à  parK-r  de  Miehcl- Aiiffc,  disant  ([tic  cï-lait  un  ivrogne, 
qu"]i  tenait  le  fait  de  doeunienls  jiassi's  cnlfc  ses  mains,  etc. 

Cette  boutade  et  cette  affirmation  donnent  l:i  noie,  souvent  [)arad()xale. 
de  ses  propos.  Mais,  sur  ce  (ju'il  pensait  réellement  (\i\  café,  et,  [)ar  surcroît, 
du  milieu  où  son  indigence  le  forçait  à  vivre,  nous  avons  son  propre  aven, 
en  lettre  autographe  : 

• —  «  Oh  !  le  café  (luerhois,  ses  littérateurs  et  ses  [)eintres,  (|url  mondi'. 
comparé  à  la  société  d'élite  qui  se  presse,  les  soirs,  sur  le  perron  de  ta  villa, 
ou  circule  dans  les  allées  de  ton  jardin  !  I-:i  la  foule  (pii  défile  sur  l'avenue  de 
Cliehy,  et  les  noces  échevelées  (jui  hurlent  dans  les  salons  de  .VX)  couverts, 
en  face,  chez  Wepler,  Boivin,  ou  au  Père  Lalhuile.  puis,  au  ri'tour,  dans  la 
maison  Dutrou,  les  re[)asseuses,  K's  cordonniers,  les  plombiers,  et  la  clientèle 
du  marchand  de  vins,  quel  trou  d'oi)li([ue  pour  regardt-r  au  travi'rs.  dans  mes 
souvenirs  et  dans  les  replis  de  mon  cœur,  cette  société  élégante  et  distinguée, 
qui  a  passé  sous  mes  yeux,  i)endant  ces  deux  dernières  semaines.  Félins 
quitus  est  jortuna  peracta  !  ("/est  une  étrange  loi  ([ue  celle  ([ui  condamne, 
en  vue  d'une  production  excenlricpie  et  incertaine,  certains  êtres  connue 
moi  à  une  vie  et  à  un  milieu  étrangers  à  leur  caractère  et  à  leurs  goûts.  >  (.\ 
Simonnet,  août  1(S7'2.) 

Six  mois  plus  lard,  son  jugement  ne  s'était  pas  modifié.  Il  écrivait  à  ce 
même  ami,  le  7  janvier  187;^,  ces  lignes,  (jui  révèlent  un  psyciiologue  et  un 
observateur  que  l'on  ne  dui)e  pas  aisément  : 

«  Ces  gens-là  sont  les  adorateurs  du  seul  succès,  si  bien  cpraucun  n'a  le 
courage  de  vous  chercher  vn  vous-même,  pour  vous-nième.  mais  ïhùw  uni- 
quement en  vous  la  valeur  que  vous  avez  ])our  le  public.  •> 

C'.est  bien  là  la  marque  ([ui  distingue  cette  société  ])arisienne.  avide  de 
jouissances,  et  pour  kuiuelle  le  succès  est  le  seul  critérium  du  mérite. 

Ces  haut-le-cœur  sont  assez  typiques.  On  les  ra|)proche.  en  pensée,  du 
cri  de  Murger  expirant  :  «  Pas  de  bohème,  surtout  pas  de  bohème  !  ■  Mais  il 
en  est  des  habitudes  comme  de  la  mauvaise  réputation,  on  n'arrive  jamais  à 
s'en  défaire.  l)es])outin  vomissait  la  société  du  café  Ouerbois,  nuiis,  ([uand 
il  quitta  ce  dernier,  il  l'entraîna  tout  entière  à  la  Nouvelle  .Mhènes. 


Portrait  d'enfanl  f Pointe-sèche) 


94 


w 


LA  NOUVELLE   ATHÈNES 


I.a  XouvclK'  Allicnes  était  situt-c  à  l'arii^k'  dr  la  nie  J.a  lîochcfniicînilil. 
Le  café  existe  encore,  mais  il  a  perdu  son  nom  ;  il  s't-st  transformé  en  un  har 
anonyme,  Pallas  Athenè  n'ayant  plus  rien  à  voir  avec  les  conversations  cpii 

s'y  tiennent  et  les  boissons  qu'on  y  flé- 
l)ite.  Mais  la  dis|)osition  inlfricurr  a  été 
conservée. 

Deshonlin.  l()rs([u'il  s"v  transporta, 
avait  choisi,  près  dv  l'entrée,  un  riidroit 
où  il  n'y  avait  de  place  c[ue  pour  (piatrr 
tables,  l't  si  étroit  et  si  resserré,  (ju'on 
l'axait  baptisé  V Omnibus.  La  place  du 
maître  était  mar([uée  au  mur  par  une 
demi-douzaine     de    pipes,    dont     deux 
énormes.  C'étaient  ses  armes...  fumantes  ! 
Avait-il    choisi    cet    t'udroit    pour    ;i'\ 
admettre  que  ses   amis   et    écarter    les 
"  raseurs  »  ?  C'est  possible.  Mais  il   ne 
put     se    protéi^er    longtenqis    dans    ce 
retrait.  .\ux  transfuges  du  café  (iuerbois. 
de  nouveaux  venus  s'étaient   ajoutés  : 
Camille    Pissarro,    l-'orain.    Zan    Domi- 
neguî,    Adol])he   Vautier.    Haffaëlli,   le 
poète   Ciustave  Mathieu,  Paul  Klenck, 
Pajot,    commissaire    de    police    de    Bel- 
leville  et    peintre  amateur,  Michel  Pelloutet,  en  art   Michel  de  l'ilay,  Huperl 
Carabin,  Dnbois-Pillet,  Carrier-Belleuse,  llem-i  Pille,  etc..  et   même  (.h.  Mo- 

quet  !  .      .  ,   •       . 

Mallarmé  aussi  v  fréquentait,  mais  i)our  Mauet.  Mallarme,  séduisant  cau- 
seur, devait  d'autant  .uoins  adn.irer  la  verve  de  Desboutin  que  leurs  idées 


Jules  Jacquemart,  aquafortiste 
(F  ointe- sèche) 


étaient  à  l'opposito.  Ils  u'auraiiMil  pu  coiniminier  (|iie  dans  leur  aversion  des 
Parnassiens,  mais  leurs  raisons  d'haïr  étaient  si  dissemblables  !  L'auteur  de 
L'Après-midi  d'un  Faune  combattait  le  Parnasse  ])aree  que  ses  images  étaient 
trop  visuelles  et  pas  assez  syniboliques,  l'auteur  de  Maurice  de  Saxe,  parce 
qu'il  «  corrompait  le  goût  pul)lic  »  dont  il  découvrait  le  canon  dans  le  roman- 
tisme. Il  s'en  ouvrait,  à  Simonnet,  le  24  mars  1872,  et  tirait  de  sa  constatation 
des  conséquences  politiques  qu'en  un  autre  temps,  Charles  X,  son  roi,  n'avait 
pas  voulu  admettre  : 

«  Cette  séquelle  des  Parnassiens,  qu'on  a  érigée  en  corps  d'élite,  et  qui, 
au  nom  de  la  forme  et  de  la  facture,  a  relégué  dans  les  ganaches  les  logiciens 
de  la  pensée  et  du  cœur  humain,  cette  aristocratie  byzantino-chinoise  a 
vraiment  perverti  le  goût  public  et  fait  fust>r  le  naturel  et  le  bon  sens  en  miè- 
vreries et  en  puérilités  malsaines. 

«  C'est  en  considérant  ce  déplorable  phénomène  qu'on  en  vient  à  com- 
prentire  la  nécessité  d'un  gouvernement  fort,  s'imposant  et  se  faisant  sentir 
jus(iue  dans  la  tournure  de  l'esprit  et  du  goût.  » 

Onze  ans  plus  tard,  il  avait  encore  les  mêmes  idées  et  vitupérait  le 
gouvernement  dans  une  lettre  à  H.  Dumas,  du  29  mars  1883  :  «Je  vous  dirai 
qu'à  moins  d'être  plongé  dans  le  marais  littéraire  parisien,  de  façon  à  coudoyer 
les  Catulle  Mendès  et  C'^  dans  les  antichambres  Damala-Sarah-Bernhart, 
je  ne  vois  aucun  moyen  de  fourrer  ma  note  sévère  et  historique  dans  le  concert 
fantaiso-hystérico-adultéro-pornographique  qu'il  faut  aux  nerfs  de  notre 
Directoire  républicain.  )> 

Revenons  à  la  Nouvelle  Athènes. 

L'Onuiibus,  chaque  soir,  refusait  du  monde.  Desboutin  passa  alors  au 
Cénacle,  sorte  d'amphithéâtre  dans  le  fond  de  la  salle,  auquel  on  accédait 
par  une  marche.  Il  occuj^a  la  table  présidentielle,  celle  du  milieu,  contre  la 
muraille,  pérorant,  fumant,  et  recevant  la  réplique,  tantôt  de  Jean  Béraud, 
habile  à  exciter  la  verve  de  son  ancien,  tantôt  de  Michel  Pelloutet,  spirituel, 
vif,  s'exprimant  en  un  argot  amusant  ([ui  faisait  rire  aux  larmes  la  galerie 
et  Desboutin  lui-môme. 

Sur  ce  public  d'artistes  intelligents,  apte  à  tout  comprendre,  avide  d'idées 
et  de  paradoxes,  encadré  par  la  masse  bovine  des  l)uveurs  et  des  joueurs, 
Desboutin  prit  un  rapide  ascendant. 

Il  affectionnait  les  systèmes,  qui  sont  des  miroirs  où  la  vérité  se  déforme, 
mais  où  elle  semble  apparaître  dans  toute  son  étendue.  C'est  pourquoi  les 
systèmes  sont  si  séduisants.   Il  s'en  servait,  vieux  royaliste,  pour  défendre 

96 


Judith   (Pointe  sèche) 


î»7 


Chanibord  et  la  royauté.  Tl  ne  dédaignait  pas  non  plus  la  fléchette  de  la  «  ros- 
serie», bien  qu'il  n'eût  pas  l'àine  méchante,  la  rosserie  cette  «  façon  »  pari- 
sienne de  la  critique.  Ihie  phrase  picpianle,  courte,  partiellement  juste, 
voilà  la  recette,  ('/est  ainsi  cpi'il  surnomma  ('azin  «  le  Pu\is  de  C.havannes  des 
salons  »,  ce  qui  définit  malicieusement,  mais  en  jirofondeur,  le  peintre  subtil 
de  Judith  ou  du  Soir  de  jêlc  au  M  Juillet,  et  que  deux  artistes,  Osberl  et  Séon, 
demeurés  les  disciples  trop  fidèles  du  maîti*e  décorateur,  furent  ^qualifiés, 
certain  jour  où  Fà  peu-j)rès  avait  droit  de  visite,  de  «  ])irates  de  la  ...  Cha- 
vanncs  ....  n  On  ne  se  privait  j)as  de  rire  au  Cénnelr,  où  l'on  dis|)uLait  sur 
l'art,  non  plus  qu'à  l'Omnibus,  où  l'on  dissertait  surtout  de  littérature,  les 
sujets  de  conversation  suivant  l'ordre  des  préoccupations  de  l)cs])oulin. 

C'est  de  la  Nouvelle  Athènes  ([ue  s'envola  sa  popularité.  Elle  rayonna 
d'a])ord  sur  .Montmartre,  qui  ])réludait  à  peine  à  sa  gloire  tapageuse,  et  «  des- 
cendit »  ensuite  sur  Paris  et  sur  la  b'rance. 

On  rapporli'  ce  fait,  qui  montre  comment  la  notoriété  passe  des  connais- 
seurs à  la  foiUe  moutonnière. 

lîuhot  et  Norbert  ("rœneutte,  —  ajoutons  ces  noms  aux  précédents,  ■ — - 
frécpientaient  eux  aussi  la  Nouvelle  Athènes.  Un  jour,  y  pénétre  un  étranger, 
({ui  frappé  de  l'allure  i)articuliére  des  trois  graveurs  et  surtout  de  celle  de 
J^esboutin,  s'informe  : 

—  .Ce  sont  d'illustres  artistes  !  répond  le  voisin  interrogé,  qui,  voyant 
l'air  du  gobe-mouches,  entame  un  j)anégyrique  proche  de  l'hyperbole. 

A  quelque  temps  de  là,  le  même  béjaune,  qui  avait  fixé  dans  sa  mémoire 
les  traits  des  trois  illustres,  les  rencontre  sur  le  boulevard  de  Clichy.  Il  les 
signale  à  un  passant,  celui-ci  à  un  autre,  qui  en  parle  à  un  troisième.  Paris 
est  fertile  en  badauds.  Jiientôt  se  forme  une  escorte,  et  la  Butte,  apprend, 
sans  excès  d'éLonnement  du  reste,  qu'elle  donne  asile  à  trois  demi-dieux  de 
plus. 

De  tous,  Desboutin  fut  le  plus  populaire.  La  popularité  tient  à  d'autres 
causes  que  le  talent.  Le  talent  fait  la  notoriété,  rarement,  tout  seul,  la  popu- 
larité. Si  Chevreul  est  devenu  populaire,  ce  n'est  point  parce  qu'il  était  chi- 
miste, mais  parce  qu'il  avait  cent  ans.  Les  souverains,  les  généraux,  les  grands 
écrivains,  sont  jiopulaires,  moins  jiar  leur  gouvernement,  leurs  victoires  ou 
leurs  œuvres,  que  par  leurs  images  qui  «  reluisent  à  toutes  les  murailles  », 
sur  le  métal  des  monnaies,  ou  sur  le  papier  des  journaux.  Mais  un  bon  moyen 
de  se  faire  accepter  de  la  foule  est  d'être  excentrique.  Les  excentriques  ont 
toujours   eu   ses   faveurs.    Elle   se  retournait  jadis   quand   Chodruc-Dulcos, 

98 


Léon  MAILLARD 


«  l'homme  à  la  longue  barbe  »,  traversait  le  Palais-Royal,  plein  (i'aiiiiiialion 
sous  le  règne  de  Charles  X.  Ce  bohème  avant  la  lettre  était  salué,  malgré 
ses  haillons  que  devait  acheter  Frédérick-Lemaître  pour  son  Robert  Macaire, 
par  des  hommes  respectés,  comme  le  poète  Michaud,  qui  n'a  laissé  fpio  le 
titre  d'un  livre  (c'est  déjà  quelque  chose  !),  Le  Printemps  d'un  proscrit  ; 
comme  Martignac,  le  ministre  de  la  Restauration;  comme  le  l)on  et  érudit 
Charles  Nodier  (1).  Elle  regardait  di-  même,  avec  une  curiosité  un  peu  étonnée, 
ce  dernier  tenant  de  paganisme,  Louis  Ménard,  qui  se  promenait  avec  solen- 
nité au  vernissage,  coilTé  d'un  chapeau  de  paille  décousu  ;  ou  l'honorable 
M.  iMichou,  f{ui  fut  dé|)ulé  et  que  l'on  v(\vait  aux  ré(H'|)lions  du  Président 
de  la  Chambre  en  habit,  comme  l'exigeaient  l'éticjuette  et  l'huissier  de  ser- 
vice, mais  avec  une  chemise  au  ])lastron  moucheté  j^ar  les  rejaillissements 
des  diverses  boissons  dont,  de])uis  ([uin/.e  jours,  il  s'était  al)reuvé.  b'aul-il  citer 
encore  le  statuaire  Just  Becc[uet,  Médaille  d'Honneur  du  Salon  et  l)on  violon- 
celliste, qui  se  rendait,  comme  membre  du  jury,  aux  concours  de  musi([ue, 
avec  un  habit  dont  les  taclies  innombraljles  formaient  une  voie  lactée 
sur  les  revers  décolorés,  ou  ICniile  Faguet,  prince  de  la  négligence  ?  On  se 
souvient  encore  de  l'intérêt  ([ui  s'attachait  aux  pourpoints  de  velours  de  feu 
Josephin  Péladan,  du  temps  ({u'il  était  Sar,  ainsi  (pi'au  justaucorps  et  au 
chapeau  crénelé  de  I"!  loinnu-  des  Calliédrales. 

Marcellin  Desboulin  a  tous  les  droits  de  |)rendre  place  dans  cette  galerie. 
Le  châtelain  sans  ])o.se  de  rOm])rellino  a  fait  place  au  bohème.  Peut-être 
exagère-t-il  à  dessein  le  débraillé,  mêlé  au  pittorescjue,  de  sa  tenue  ;  [)eut-ètre, 
au  contraire,  ce  débraillé  n'esl-il  cpie  l'enseigne  de  son  indifférence  pour  les 
choses  extérieures  ;  peut-être  y  a-t-il  de  l'un  et  de  l'autre,  c'est-à-dire  affec- 
tation d'une  négligence  à  laquelle  il  ne  j^ouvait  remédier. 


(1)  Jules  .Tanin,  Hialoire  de  la  Lilléralure  dramniiqiie.  t.   IV.  p.  2.")7. 


m 


XVII 


SES  PORTRAITS 

Le  voulez-vous  voir  ?  Ce  ne  sont  pas  les  portraits  (pii  inaiH|uent.  Il  s'est 
lui-même  représenté  à  d'innombrables  exem])laires,  ~  mais  seulement  quand 
l'âge  eut  commencé  à  pétrir  sa  tête  pleine  de  caractère  et  à  y  placer  de  vigou- 
reux accents.  Peinture,  dessin,  gravure,  rien  n'y  manque,  et  nous  avons  même 
des  photographies  !  Ce  n'était  point  chez  lui,  nous  le  saNons,  elïet  de  narcis- 
sisme, mais  besoin  de  peindre,  même  aux  heures  perdues,  et  avec  le  modèle 
gratuit  qu'il  avait  à  sa  disposition.  Ce  n'est  pas  davantage  pour  une  autre 
raison  qu'il  donna  tant  d'elTigies  de  sa  femme  et  de  ses  enfants. 

Ses  confrères  aussi  le  peignirent.  Nous  avons  déjà  parlé  des  deux  por- 
traits que  Boldini  fit  du  châtelain  de  rOmbrellino,  puis  vint  Ricard,  vers 
1870,  portrait  qui  appartient  à  M.  Gaston  .Joliet,  de  Dijon.  Ce  fut  ensuite 
le  tour  de  de  Xittis,  vers  1(S7.'>,  puis  de  Manet,  Poilrail  d'Arlisle  (ISTH), 
et  une  tête  seule,  ensuite  de  Degas,  avec  L'Absinthe  de  la  collection  Camondo 
(1877)  et  Desboutin  gravant  avec  le  comte  Lepic,  (vers  la  même  date),  du 
musée  du  Luxembourg,  plus  un  crociuis  lithographicpu'  et  un  nionolyiJe  au 
caractère  goguenard  et  caricatural.  Nous  reviendrons  tout  à  Tlieure  sur  les 
portraits  de  Degas  et  de  Manet. 

II  faut  encore  signaler  un  portrait  de  M.  Albert  et  trois  ceuvres  de 
Léandre  :  un  beau  dessin,  actuellement  au  Petit  Palais.  L'Homme  à  la  pipe, 
reproduit  dans  le  livre  de  M.  H.  Lapauze,  Le  palais  des  Beaux-Arts  de  la  ville 
de  Paris  (page  8),  un  autre  publié  dans  le  Journal  amusant,  n"  87,  souvi-nir 
de  la  dernière  visite  du  vieil  artiste,  à  Paris,  et  (pii  le  représente  chevelure 
et  barbe  blanches  et  abondantes,  calotte  sur  la  tête,  pipe  à  la  main,  conseil- 
lant un  jeune  esthète  :  «  Mon  petit,  i)our  un  jeune  homme  de  bien  et  qui  veut 
vivre,  il  est  indispensable  d'avoir,  parmi  ses  amis,  d'abord  un  médecin,  puis 
une  sage-femme,  un  financier,  un  commissaire  de  police  et  un  huissier  du 
ministère...  avec  ça  on  peut  marcher  !  »  Il  ne  faudrait  pas  jurer  que  ce  propos 
n'ait  pas  été  entendu  par  le  charmant  et  hn  humoriste.  Knlin  la  troisième 
œuvre  consacrée  par  Léandre  à  Desboutin  est  une  peinture,  donnée  par  fau- 

101 


teur  à  une  tombola  de  guerre,  où  le  vieux  lutteur  assis,  son  lils  aîné  (U'bout 
derrière  lui,  est  représenté  vêtu  etcoilTô  de  rouge,  comme  un  cardinal,  avec 
son  beau  front,  son  œil  vit,  sa  toison  grise,  le  «  descendu  »  de  sa  joue  jadis 
paralysée,  sa  moustache  peu  fournie  et  sa  courte  barbiche.  11  existe,  en 
outre,  un  certain  nombre  de  charges,  i)ar  divers,  et  une  gravure  en  couleurs  de 
M.  .laccjues  N'illon,  peu  connue,  i)ar  ce  qu'elle  fut  peu  tirée. 

.\  côté  des  portraits  peints,  dessinés,  ou  gravés,  il  y  en  eut  de  littéraires. 
Ils  ne  sont  pas  les  moins  explicites.  Nous  avons  cité,  au  cha[)itre  de  la  vie  à 
r()nd)reliin(),  le  vivant  j)ortrait  ([u'a  ti'acé  Oeorges  Lafenestre,  voyons  les 
autres. 

((  {'nv  tète  originale,  une  tète  à  la  (iiorgione,  une  tète  toute  cahoteuse 
de  méplats  et  de  rondeurs  turgescentes  ;  une  tète  de  foudroyé  »,  —  écrit 
Edmond  de  Goncourt,  dans  son  Juiirnal  (1).  «  Toujours  la  pipe  aux  dents, 
coiffé  en  toute  saison  à  la  turque,  d'une  large  chéchia  rouge,  et  les  pieds 
jKTdus  dans  des  savates  éculées  ;  »  (2)  —  «  tète  puissante,  pensive  et  fiére, 
dont    l'expression  dédaigneuse    rappelle  celle   de  Barbey  d'Aurevilly  ;  »  (3) 

—  «  cette  figure  d'indépendant,  cette  tète  d'homme  pétrie  par  la  vie,  bronzée, 
cuivrée,  avec  de  grands  yeux  étonnés  h  la  fois  et  scrutateurs,  des  yeux  d'en- 
fant candide  et  de  |)enseur,  une  l)arbe  frisée  et  de  longs  cheveux  noirs  striés 
d'argent,  bouclés  et  toml)ant  comme  ceux  d'un  florentin  de  Masaccio  ;  »  (4) 

—  «  grand,  mince,  une  véritable  toison  noire  foisonnant  au-dessus  d'un  front 
large  et  tourmenté  ;  des  yeux  comparables  à  des  charbons  mal  éteints,  tant 
ils  étaitMit  noirs  et  chaudement  éclairés  à  la  fois  ;  uiw  bouche  très  irrégulière, 
mais  très  expressive  et  une  barbe  d'adolescent  (ju'il  tortillait  toujours  entre 
ses  doigts,  des  doigts  effîlés  et  intelligents,  éloquents  et  adroits  tout  ensemble, 
...  Il  portait  d'assez  méchants  habits,  avec  une  cravate  blanche  largement 
nouée  au  cou  et  les  manchettes  d'une  chemise  non  empesée  cachant,  avec 
un  eirdochement  de  dentelle,  ses  mains  de  marquis  ;  sous  cet  accoutreiîient, 
qui  ne  sentait  pas  la  richesse,  l'homme  sentait  à  plein  nez  son  gentilhomme 
et  don  Cézar  de  Bazan  ne  portail  pas  autrement  sa  défro([ue  dépenaillée,  m  (5) 
Félicien    Champsaur,    dans    un    roman    à    clef,    escpiissa    la    vie    de    notre 

(1)  Journal  des  Goncourt,  l.  V,  ]>.  177  à  IcSU. 

(2)  Thikb.vut-Sisso.n".  Le  Temps,  20  février  1902. 

(3)  Frantz  Jourd.\in,  Les  Décorés.  Ceux  qui  ne  le  soiiL  pa.s,  Figaro,  suppl.  liltér., 
16  septembre  1893. 

(l)  G.  SouvENANCF-,  Uii  orii^iiuil.  Figaro,  21   mai  1883. 

(5)  A.  SiLVKSTRF,  Au  pays  des  Souvenirs  :  Le  Café  Giierbois,  p.  103  et  s. 

102 


Degas.   —  La  Eiuveuse  d'absinthe  et  Marcelliii  Desboutiii  (Fcinlun  , 
Musée  du  Louvre 


artiste  avec  assez  d'exactitude  dans  les  grandes  lignes,  sous  le  nom  de 
.Tacciues  Brière. 

K  Jacques  Brière,  une  cravate  de  dentelle  autour  du  col,  la  barbe  ainsi 
que  saujioudrée  de  grésil,  la  i)ipe  aux  dents,  le  regard  bienveillant,  les  cheveux 
épais  et  bouclés,  uni-  to([ue  posée  crânement  en  arriére,  [)arle  avec  animation, 
et  |)arfois  souligne  d'un  geste  dans  l'air  du  café,  les  mots  ([ui  saillent.  13rière, 
excellent  jiortraitiste,  sait  avec  son  burin  attraper  l'individualité  du  modèle 
et  retenir  la  \  le,  dans  la  justesse  des  contours,  sous  le  flou  des  chairs  et  des 
ond)res.  )i  (1) 

(les  diverses  touches  dépeignent-elles  assez  le  personnage  ?  Il  suffira, 
pour  achever  le  portrait,  tel  ([u'il  se  complétera  quelques  années  plus  tard, 
de  monirer  l)esl)outin  i)ringue-ballant  ses  pipes  sur  sa  poitrine,  comme 
des  décorations,  et  couvert  d'une  éternelle  houi)pelandc  sous  laquelle,  en 
été,  il  n'avait  ([ue  sa  chemise  qui  débordait  de  la  ceinture  du  pantalon.  Et, 
toujours,  pour  raclieter  cette  dégaine,  des  gestes  et  des  mots  dignes  d'un 
maréchal  de  Richelieu. 

Willette,  ([ue  ses  Pierrots  et  tant  de  pages  de  souriante  satire,  mèneront 
à  la  postérité,  a  conservé  le  souvenir  d'une  petite  scène  qui  montre  le  carac- 
tère de  l'homme. 

«  Nous  nous  réunissions,  —  dit-il,  —  l'été  venu,  à  la  terrasse  de  l'auberge 
du  Clou,  d'où  l'on  i)longeait  sur  la  rue  des  Martyrs.  Les  camarades  nous  appa- 
raissaient d'abord  par  le  chapeau,  puis  par  les  épaules,  puis  par  le  torse, 
et  cette  ascension  lente  nous  donnait  tout  loisir  jjour  «  chiner  »  l'arrivant. 
Beaucoup,  qui  redoutaient  nos  lazzi,  faisaient  un  détour  pour  ne  pas  aborder 
de  front  le  redoutable  retranchement. 

«  Desboutin  ne  |)renait  pas  cette  i)récaution.  On  le  voyait  grimper  la 
jiente,  sa  houppelande  sur  son  épaule,  les  pieds  dans  ses  savates  et  uniquement 
soucieux  d'épargner  à  ses  pipes  des  heurts  affligeants. 

((  On  le  «  blaguait»  lui  aussi!  Pourquoi  le  «père  Desboutin»,  comme  nous 
l'appelions,  aurait-il  échappé  à  notre  irrévérence  ?  Mais  un  jour,  qu'il  nous 
api)araissait  j)lns  dé])raillé  encore  (pie  de  coutume  et  que  nous  étions  plus  en 
verve,  voilà  qu'il  atteint  la  terrasse  du  café  au  moment  même  où  une  voiture 
s'y  arrêtait.  Une  dame  du  monde,  cjui  venait  en  visite  dans  la  maison,  ouvre 
la  portière,  va  i)our  descendre  et  hésite,  devant    ces  yeux  qui  la  «  fusillent  », 


(1)   Félicien  Cuampsaur,  Dinali  Samuel  (OHendorff,  1882),  p.  29i  et  s. 

lu'» 


L'HOMME   A   LA    PIPE 


et  ces  apostrophes   de    rapins,  évidemment    des    hommages,   mais   traduits 
dans  le  style  de  Montmartre,  auquel  elle  n'était  pas  iiabituée. 

«  Alors  Desl)outin,  retirant  son  feutre  et  s'inclinant,  lui  tend  la  main  d'un 
geste  si  noble,  si  aisé,  empreint  d'un  tel  respect,  que  la  dame  accepte  son 
assistance,  saute  à  terre,  sourit  et  disparaît.  —  «  Bravo  !  Bravo  !  »  crions- 
nous.  Mais  le  vieux  chevalier  : 

—  Croyez-vous  que  ce  soit  pour  rien.  Messieurs,  que  j'ai  traduit  Don 
Juan?  » 

Ceci  se  passait  au  moment  de  sa  grande  vogue,  et  il  transportait  dans 
les  milieux  les  plus  raffinés  ses  allures  dégagées. 

A  la  duchesse  Colonna,  —  en  art  Marcello,  —  il  avait  dit,  en  pénétrant 
dans  son  salon,  pour  graver  son  portrait  : 

—  J'ai  là,  mon  principal  instrument  de  travail. 

—  Votre  pointe? 

—  Non,  duchesse  !  Ma  pipe. 

Et  chez  Labiche,  où  il  venait  pour  la  première  fois  (1),  afin  d'exécuter 
le  portrait  qui  devait  accompagner  le  Théâtre  du  fécond  auteur  comique,  il 
demandait  tout  s'abord  : 

—  On  peut  la  fumer  ? 

La,  c'était  toujours  elle,  la  pipe,  la  pipe  qui,  droite  ou  courl)ée,  en  écume, 
en  bois  ou  en  terre,  l'accompagne  dans  presque  tous  ses  [)ortraits,  comme  elle 
l'accompagna  dans  la  vie.  On  ne  s'offusquait  point  de  ses  manières,  parce 
qu'il  avait  la  manière,  parce  qu'il  savait  être  libre  sans  familiarité,  dédaigneux 
de  certaines  contingences,  sans  que  sa  négligence  semblât  triviale.  En  un  mot, 
sa  bohème  ne  le  déclassait  point,  parce  que  l'artiste  dominait  le  bohème. 

Au  fond,  ce  laisser-aller  était  dans  sa  nature.  Il  l'appliquait  à  tout.  Il 
ne  connaissait  pas  la  fausse  honte  :  on  le  rencontrait,  le  matin,  faisant  son 
marché  avec  un  cabas  de  bonne  femme,  et  achetant  des  marchandises  défraî- 
chies pour  les  payer  moins  cher. 

Un  jour,  il  était  invité  à  déjeûner  dans  un  grand  restaurant  ;  il  l'oublie: 
on  va  le  chercher.  Il  était  à  son  chevalet. 

—  C'est  vrai,  dit-il,  je  n'y  pensais  plus  1 

Il  décroche  son  feutre  gris  de  poussière,  le  campe  sur  sa  tignasse  et,  en 


(1)  «  Degas  vient  de  me  dire  :  Labiche  veut  son  portrait  gravé  par  vous,  d'après  nature 
(pour  en-tête  de  ses  œuvres,  je  crois).  Faites-vous  donner  une  lettre  d'introduction  par 
Glaretie.  »  Lettre  à  Claretie,  22  mars  1879. 

105 


savates,  sans  se  laver  les  mains,  \a  s'asseoir  à  la  lai)l('  opulenlt',  sous  les  regards 
surpris  des  larbins  ! 

11  élaiL  bohème  si  marqué,  qu'un  jour  le  garçon  d'un  café  où  il  entrait 
le  prit  par  le  bras  pour  le  mettre  dehors,  en  lui  disant  :  —  «  On  ne  chante  pas 
ici  !  ))  et  ((ue  la  bonne  de  Jules  Claretie,  une  autre  fois  qu'il  venait  pour 
déjeûner  chez  son  ami,  n'osa  le  laisser  seul  dans  l'antichambre,  craignant 
qu'il  n'emportât  quelque  objet.  ^Madame  Ingres  avait  bien  pris  pour  un  modèle 
italien  lillustre  François  Rude  et  sa  barbe  de  fleuve  ! 

(larde-toi,   tant   que    lu    vivias, 
De  jii,ger  les  gens  sur  la  mine  1 

Clette  insouciance,  ce  dédain  du  ([u"en-(lira-t-on,   il  les  portait  partout. 

((  A  Florence,  dit  encore  Taine,  on  ne  s'inquiète  ni  de  ses  enfants,  ni  de 
ses  parents,  ni  de  personne  »  (1).  Il  resta  toujours  florentin.  Il  avait  appris 
à  lire  à  sa  première  fdle,  dans  Rabelais,  comme  la  Vivian  Bell,  du  Lys  rouge, 
d'Anatole  France,  avait  appris  le  français  dans  le  Pantagruel  et  Villon.  Plus 
lard,  il  eut  d'autres  enfants  et  ne  les  éleva  pas  mieux.  Tout  petits,  ses  fds  le 
suivaient  au  café  et  ils  grandissaient  dans  la  promiscuité  que  ce  lieu  entraîne. 
«  INles  fds,  gouaillait-il,  s'élèvent  dans  la  rue.  C'est  parfait,  tout  le  monde 
s'occupe  d'eux  !  «  Ils  ont  fait  des  hommes,  ce  qui  prouve  que  l'éducation  n'est 
j)as  tout  et  (jue  l'exemple  produit  parfois  des  efïets  contraires.  Ils  ont  l'hor- 
reur de  la  bohème.  On  raconte  que  l'un  d'eux  eut  pour  berceau  une  boîte  à 
sucre  !  Cela  jirouve  uniquement  que  Desboutin  ne  pouvait  faire  les  frais  d'un 
meuble  ]dus  a])i)roprié  à  sa  destination. 

Amoralité,  pensera-t-on?  On  ne  se  trompera  pas.  Desboutin  avait  sur 
la  moralité  courante  les  indulgences  des  pays  chauds.  Cette  moralité-là  est 
en  rapport  direct  avec  le  vêtement.  Sous  le  soleil  ardent,  ([ui  met  du  feu  dans 
les  veines,  riial)it  est  lâche  et  la  morale  aussi. 

L'excuse  de  Desboutin,  s'il  a  besoin  d'une  excuse,  était  (nous  l'avons 
déjà  dit,  mais  il  faut  y  revenir),  dans  l'inénarrable  désordre  de  son  intérieur. 
Effet  de  rindifïérence,  de  la  négligence  italienne  et  plus  encore  de  la  pauvreté  ! 
La  mère  de  famille  était  impuissante,  seule,  à  tenir  son  mari,  sa  maison  et 
les  enfants  qui,  chaque  année,  lui  tombaient  du  ciel.  Desboutin  ne  pensait 
pas,  comme  le  Philosophe  sous  les  toits,  que  le  désordre  constate  «  l'inaptitude 


(1)  Taixe,  Voilage  en  Italie,  t.  II,  p.  120  (éd.  Hachette,  ISGB). 
llMi 


DESBOUTIN    (Lithographie) 


à  la  vie  intérieure  »  ;  il  afTinnail,  au  coutraire  :  «  Le  désordre,  c'est  ma  joie  ! 
Faisait-il  pas  mieux  que  de  se  plaindre? 

Il  disait  aussi,  avec  fierté  :  "  Ma  ffiiunc  me  dontif  di-  beaux  enfants  !  » 
Il  en  eut  neuf,  —  sans  eonipltT  Marie.  dont  trois  survivent.  l-',t  connu»- 
l'artiste  ne  perd  jamais  ses  droits,  il  sCmpressail  de  les  dessiner,  «le  les  j^raver 
ou  de  les  peindre.  Il  arriva,  hélas  !  {pie  des  entants  moururent.  Il  les  peij^nit 
morts,  après  les  avoir  i)eints  vivants.  Telle  est,  du  moins,  la  lé;,'.-nde.  (piil  ne 
faut  accepter  que  sous  bénéfice  d'inventaire.  I-",lle  veut  même,  cette  légende. 
qu'un  jour  il  ait  oublié  un  de  ces  petits  corps  dans  un  tiroir,  et  qu'il  ait  eu 
quelque  peine  à  se  tirer  de  cette  violation  di-s  reiLîlemeids.  N'en  crovons  rien  ! 
Un  pareil  oubli  ne  serait  pas  dun  [)éri',  et  iJesboutin.  toutes  ses  lettres  en 
font  foi,  adorait  ses  enfants.  Il  n"a\ait  pour  eux  (|ue  ten<lresse.  orgueil  et, 
au  total,  faiblesse. 

On  ne  prête  (pfaux  riches;  Desbouliii.  en  fait  (rexceiitricilé,  mais  là  seule- 
ment, pouvait  prétendre  à  ropulence  !  Ouand.  en  l.S.Sl.  il  acheta,  à  Nice, 
une  villa  cpi'il  voulait  louer  en  nu'ublé  aux  ani,'lais.  anus  de  la  netteté  et  du 
confort,  il  la  faisait  \isitei'  telle  (pielle,  et  l'on  pouvait  voir  un  lit  de  camp 
dans  le  salon,  des  savates  au  milieu  des  chambres,  des  caisses  défoncées  un 
peu  partout,  dont  les  enfants  faisaient  des  voitures,  des  siéi,'es.  des  tréteaux  et. 
bien  en  vue,  pour  qu'on  ni'    la  cherchât  jamais  lonijlenqis. 

wtU"  uriu' 

DoiU    ilia(|iu'   luiinaiu   se   sert   pour   un   Ixsoin    iKu-liinu', 

et    qu'on    reinarcpia     toujours     dans    les    (li\ers    loijis    <le    Desboulin. 

Il  n'arrivait  pas  à  louer,  et  s'en  montrait  surpris  !  Il  fallut  le  tremblement 
de  terre  de  l.S.ST.  (jui  éi)ari,nia  son  (piartier,  j)oiir  lui  amener  des  locataires 
que  le  cataclvsme  avait  chassés  dv  chez  eux  et  rendus  |)réls  à  tout  accepter. 
«  La  cataslro[)he  a  eu  cela  de  bon.  écrivait-il  à  liaisin  {in  mars  1.S.S7).  tpie  ma 
maison  a  pris  de  la  valeur  et  s'est  louée  entièrement...  Mais  j'y  ai  perdu  de 
1.500  à  2.000  fr.  de  portraits  I  " 


ti»7 


Ricard.    —    Desboutin 
(Peinture,  vers  1S70) 
CoUect.  Joliet,   Dijon 


108 


\  V  I  I  I 

LE  TRAVAILLEUR  -  LES  AMIS 

Ces  défauLs,  est-il  nécessaire  de  le  dire,  avaient  ixmt  coiilr.-parlic  d'admi- 
rables qualités.  Dcsboutin  était  serviable,  plein  de  nrnir;  s'il  n'hésitait  j)as  à 
recourir  h  ses  amis  pour  des  recommandations  «  en  haut  lien  >,  il  n'hésitait 
pas  davantage  a  s'entremettre  pour  faire  arriver  ceux  de  ses  confreies  à  qui 
il  croyait  du  talent  (1).  Mais,  de  toutes  ses  qualités,  la  plus  frappante  était 
son  amour  du  travail.  11  travaillait  fantastiquement.  —  ce  (|ui  n'est  quere 
compatible  d'ordinaire  avec  la  vie  de  café,  f'.'est  cet  acharnement  au  travail 
qui  séduisit  Emile  Zola  et  il  le  dit  expressément  dans  sa  préface  au  catalogue 
de  l'exposition  de  1889  : 

«  Mais,  ce  qui  me  toucha  davantage,  ce  fut  f[ue,  chez  Desboutin.  sous 
cette  allure  d'ancien  chef  de  bande,  il  y  avait  un  travailleur  acharné,  un  ar- 
tiste convaincu  et  d'une  absolue  bonne  foi.  >  (2)  Le  formidable  romancier, 
dont  le  labeur  fut  énorme,  n'était  pas  homme  à  se  méprendre  sur  la  |)uissance 
de  travail  d'autrui. 

Desboutin  lui-même  se  reconnaissait  celle  aptitude  et  il  lii^nit  [xMirquoi 
il  l'avait  acquise  : 

«  Pour  moi,  il  ne  s'agit  plus  malheureusement  de  chasse-[)(uu>uite  de 
la  gloire  littéraire,  comme  j'ai  pu  le  rêver  vers  67-70  !..  mais  le  slruggk  for  life 
intense,  acharné,  depuis  bien  des  années,  ne  me  fait  plus  viser  qu'à  la  valeur 
démon  outil  et  au  rapport  de  mon  métier,  par  gain  et  salaire.  (Il  désirait, 
à  cette  époque,  être  mis  hors  concours  au  Salon  et  dispensé  <  de  la  périlleuse 
et  humiliante  nécessité  de  se  soumettre  au  jury.  »  Xaturellement.  il  avait 
trop  de  mérite  et  pas  assez  d'intrigue  i)our  réussir.  Il  n'obtint  qu'une  mention!) 
Tout  le  reste  est  mort,  —  bien  mort  et  enterré  chez  nu)i,  au  fond  de  moi.  — 


(1)  Le  17  octobre  1882,  il  recommande  à  Clarelic,  avec  une  belle  chaleur,  le  peintre 
Rerolly  (?)  que  Baud-Bovy  et  lui  ont  découvert.  Il  s'occupe  aussi  des  peintres  Lambert, 
Albert,  et  d'autres. 

(2)  Chez  Durand-Ruel.  Cette  préface  a  été  inlét'ralenunt  repr.i.init.-  ,n  tête  du  Cata- 
logue de  l'Exposition  posthume,  h  Nice,  en  19U2. 


sous  d'ùpaisscs  (■(Uiclu's  (1(^  rÔNolulioiis  gôologirfuos.  Aussi,  a\cc  (|U('lk>  héati- 
tudc\  avec  ([ui'l  charuic  (l"al)s()Iu  rcnonotMiieul,  je  vais  «lilalanl  cl  étiraut 
mes  mcmhros  de  couvalescenl  au  i^rand  soleil  asei-ndaul  de  noire  lilloral, 
aux  heuri's  où  je  \ais  re])oser,  sur  la  Piouieuade  des  An.^lais  ou  sur  la  colline 
Sainl-Philil)])e  (jui  domine  ma  in'lile  villa,  la  brtc  de  sonunc  ijui  luiiinc  Ui  roue 
du  moulin  à  gnwuir  cl  à  prinlurr  au  jond  de  mon  (délier.  »  (12  août  1<S8().) 

Celle  l'xislenee  de  «  ])èli'  de  somme  ',  pour  re|)rcndrc  son  (expression, 
(pu  n"cst  pas  1res  juslc.  car  s'il  lia\aillail  lrénéli({uemcid,  il  Iraxaillail  avec 
joie,  —  il  la  mena,  ji'  crois  bien,  loule  sa  \ie,  mais  surtout  à  pai'lir  de  sa  décon- 
fiture. Du  jour  ou  il  se  trou\a  en  face  du  problème  du  pain  ([uotidien,  il 
chercha  à  le  résoudre  pai-  le  ti'avail. 

n'auli'es,  plus  habiles,  auraient  fait  jouer  leurs  relations,  |)our  déni- 
cher la  sinécure,  ou  rem])loi,  —  la  sinécure  parait  toujours  préférable,  — 
(pu  les  aurait  fait  vi\re  sans  les  déclasser.  Desboutin  ne  songea  pas  un 
inslanl  à  ce  mo\'en  ;  il  avait  un  nu-lier,  il  \  i\rait  de  son  métier,  théàlre  ou 
peinture. 

A  Clené\-e,  à  Paris,  dans  les  débuts,  il  se  «  débrouilla  »,  connue  il  put. 
Nous  avons  louché  du  doigt  sa  ndsére.  Il  Tallénuail  i)ar  (piehpies  ouvrages 
de  peinlure,  et  notannuent  i)ar  des  portraits  de  gens  du  commun,  (jui  lui  étaient 
pavés  quarante  ou  cin(puinle  francs.  Ingres  en  avait  fail  pour  moins  que  cela, 
mais  ceux  de  Desboutin,  étaieid...  à  l'huile  !  b'.t  ([u'on  ne  croie  pas  qu'ils 
étaient  ((  bâclés  »,  enlevés  du  l)out  du  ])inceau  !  Desboutin  avait  en  art  une 
solide  conscience.  Il  n'admellait  pas  (pron  acceptât  de  faire  le  i)ortrait  de 
(juekju'un  sans  être  à  peu  i)res  sûr  de  lui  donner  son  expression  habituelle, 
(pu  constitue  la  plus  grande  partie  de  la  ressend)lance,  et  il  proNoquail 
celle  exjjression  en  faisant  parler  le  luodéle  sur  sa  ])rofession.  .M.  Léonce 
Hénédile,  tout  jeune,  assista  un  jour  à  une  séance  de  ])ose  d'un  boucher  ; 
le  peintre  l'iideri-ogeait  sm-  le  prix,  la  (pialité,  la  pesée  de  la  viande,  i'  Il  faut 
loujours  faire  parler  les  gens  de  ce  (pu  les  intéresse  »,  ré])ondit  le  peintre,  à 
rinlerrogation   étonnée  du  jeune   homme. 

Tant  (pie  dura  son  espoir  de  se  faire  une  situation  dans  les  lettres,  il  ne 
demanda  guère  à  la  peintm'c  (pie  riiidisj)ensa])le.  11  consacrait  à  ses  drames 
le  i)lus  de  temps  ((u'il  j)ouvail,  et  souvent  une  ])arlie  de  ses  nuits.  Ses  repos 
même  étaient  encore  du  travail.  Durant  l'été  de  1873,  après  la  season  de  Londres 
où  l'avait  emmené  de  Nitlis,  et  où  il  a\-ail  dessiné  les  portraits  de  Watts, 
de  Leighlon,  de  Millais  et  d'Alma-Tadéma,  il  traduisait,  tout  en  iH'chant  h 
la  ligne,  le  Don  Juan  de  Byron,  en  plus  de  trente  mille  vers  ! 


110 


Léonci'  Bcnéditt.-    ( Peinliin-.   lf>7Ti 
Coll.  I..  nén(:'dilo 


III 


Au  sujet  de  ec  voyage,  nous  ne  résistons  pas  au  plaisir  de  citer  cette 
curieuse  lettre  à  Simonnet,  du  22  mars  1873  : 

«  Serai-je  assez  remis  (d'une  bronchite  qui  l'a  tenu  quinze  jours  au  lit) 
pour  pouvoir  faire  la  saison  à  Londres,  pour  laquelle  je  trouve  une  merveil- 
leuse occasion,  dans  le  séjour  que  va  faire  là,  pendant  six  semaines,  mon 
camarade  italien  le  peintre  de  Nittis,  qui  va  y  faire  un  tableau  :  Les  Cabs  de 
Piccndilly,  qui  lui  est  commandé  et  payé  22  000  fr.  !!  Pour  exécuter  oette  toile, 
il  va  ])rendrc  toute  une  maison  dans  lacfuclU'  il  puisse  faire  entrer  des  voi- 
tures et  les  faire  poser  tout  attelées.  Il  m'a  gentiment  offert  une  chambre 
chez  lui,  et  ce  serait  pour  moi  un  grand  avantage  que  d'éviter  la  solitude. 
Ajoute  à  cela  l'influence  qu'il  a  sur  les  amateurs  et  critiques  d'art  comme 
peintre  merveilleusement  lancé  à  Londres  où,  l'an  dernier,  il  a  fait  pour 
(iO.OOO  fr.  d'alTaires.  » 

C'est  cela  qui  met  l'eau  à  la  bouche  du  villonneux  Desboutin  !  «  Tant  l'on 
crie  Noël  qu'il  vient.  » 

Vers  1875,  il  se  résigna  à  ne  plus  être  que  peintre,  graveur  et  dessinateur. 
D'avoir  coupé  résolument  une  des  deux  cordes  de  son  arc,  ne  diminua  pas  son 
travail  de  moitié.  Tout  l'effort  fut  reporté  sur  la  corde  restante,  effort  sans 
cesse  accru  par  la  nécessité  qui  croissait,  elle  aussi,  avec  la  famille. 

Les  livrets  du  Salon,  où  il  exposa  tous  les  ans,  ne  donnent  aucune  idée 
de  sa  production.  Les  Salons  ne  sont  qu'une  foire  d'échantillons.  Tant  qu'il 
appartint  aux  Artistes  français,  et  qu'il  fut  étranglé  par  le  règlement  de  cette 
société,  il  ne  put  guère  laisser  soujiçonner,  sinon  en  gravure,  sa  fécondité.  Il 
montra  dix  pointes-sèches  au  Salon  de  1875,  douze  au  salon  de  1877;  dix-sept 
au  salon  de  1879;  sept  en  1880.  C'est  la  grande  période,  la  période  ascendante. 
Par  la  suite,  grâce  à  la  liberté  que  lui  donna  la  Société  Nationale,  il  remplit 
son  ])anneau  annuel  de  peintures,  —  et  toujours  de  portraits  ou  de  compo- 
sitions qui  étaient  encore  des  portraits,  car,  de  sa  vie,  à  quelques  exceptions 
près,  il  ne  fit  autre  chose. 

Les  peintures,  qui  en  saura  jamais  le  nombre?  M.  Crépin-Leblond  pense 
qu'il  y  en  a  de  1.500  à  2.000.  L'exposition  de  1902  en  comptait  194. 
Les  gravures  s'élèvent  à  297.  Les  dessins  sont  légion.  Rien  que  ceux  qui 
représentent  ses  enfants  endormis,  rempliraient  plusieurs  cartons,  dit 
Lafenestre. 

Il  ajoutait  à  cela  une  correspondance  abondante,  et  des  cahiers  de  notes 
sur  tous  les  sujets.  J'en  ai  un  sous  les  yeux.  Il  contient,  pêle-mêle,  des  poésies, 
des  recettes  photographiques,  des  pensées  sur  la  littérature,  des  aphorismes 

112 


Jean    RICHEPIN 


philosophiques,  des  croquis!  Cerveau  toujours  m  (1)1111111.111,  rnairi  toujours 
prête,  Deshoutin  ne  pouvait  pas  ne  pas  réussir  à  Paris,  la  Villc-Luniiere. 
mais  plus  encore  la  Ville-Fournaise,  ou  le  succès  est  fils  d.-  l\-ITort  associé 
au  talent. 

Et,  de  fait,  il  réussit  très  vite.  Si  la  sinj^ularilé  de  liiidividii  y  contribua, 
la  valeur  de  l'artiste  y  eut  cependant  la  [)art  prépondérante.  Ceux  rpii.  naguère, 
l'avaient  connu  à  l'Ombrcllino,  se  portertiil  ijarants  fie  cette  valeur.  .\u  sur- 
plus, il  ne  pouvait  être  le 
premier  venu,  après  Mau- 
rice de  Saxe,  et  les  peintres 
se  souvenaient  d'avoir  vu 
au  Salon  de  1809,  le  j)or- 
trait  de  son  collaborateur 
.Iules  Amigues  et  deux  gra- 
vures d'après  Rembrandt 
(Portrait  du  Bourfjmestre 
Six  et  de  sa  femme).  Puis, 
de  nouvelles  amitiés  lui 
vinrent:  Degas  (tiu'il  a\ail 
peut-être  déjà  entrevu  à 
P'iorence,  en  ISf)?),  Manet. 
A.  Silvestre,  et  les  autres, 
qui  fréquentèrent  au  Café 
Guerbois  ou  à  la  Nou- 
velle Athènes.  En  outre. 
il  «  soignait  »  beaucoup  la 
presse,  en  la  puissance  de 
laquelle  il  avait  une  con- 
fiance enfantine.  Il  y  1 
croyait,    comme    à    la 

royauté  !  Il  avait  donc  des  amis  journalistes,  de  tous  les  bords  :  des  rc<i;H- 
teurs  financiers,  des  courriéristes  parlementaires,  dis  échotiers.  di-s  pamphlé- 
taires, comme  son  «cousin»  Henri  Rochefort  (pii  lui  promit  sur  U-s  Fragonard 
de  Grasse  des  articles  qu'il  n'écrivit  jamais. — enfin  des  crilicpies  d'art.  -  et 
là,  on  ne  peut  que  le  louer.  Il  a  raison,  en  187;{.  détre  enchanté  d»-  ce  i\\\v  le 
critique  parisien  Philippe  Burty  prépare  la  saison  de  Londres,  qu'il  tioil  faire 
avec  de  Nittis,  «par  une  espèce  de  notice  biographicpie  et  artistique  sur  l'eau- 


iia 


foiiislc  ci  II'  pi'iiitrc  '.  (li'stiiu'T  à  une  revue  aui^'laise  (1  ),  car  ]Miili|)|)i'  Burly  est 
(11'  ceux  (|ui  coinpleiil  dans  la  criliciui'  d'arl  de  noire  temps.  Il  le  remercia 
par  deux  poinLcs-sèches  ;  son  porlrail  et  celui  de  sa  fille  Madeleine,  depuis 
Madame  Haviland. 

C'est  par  ses  ])orlrails  à  riuiile  et  i)ar  ses  poinles-sèclies  que  nous  con- 
naissons ses  amis.  Ils  onl  tous  posé  devant  son  œil  ])erçaiit  et  sous  sa  main 
rapide.  Le  calaloi«ue  de  ses  i^ravures  est  en  majeure  ])artic  le  répertoire  de 
ses  amitiés.  Nous  n'y  rencontrons,  il  est  vrai,  ni  IJoldini,  ni  Ilicart,  ni  de  Xitlis, 
mais  M""'  de  Nitlis  y  iigure  sous  le  titre  de  Sortie  de  Bal,  et  De<ras  et  Manet,  et 
Renoir  et  Silvestre  et  Herald  Dumas  et  Georges  Lafenestre  et  Richard, 
de  Genève,  et  Durauly  et  Lepic  et  Zola  et  Rochefort  et  Puvis  de  Chavanncs, 
son  ami  le  ])lus  cher,  et  tant  d'autres  ! 

Les  artistes,  nous  l'avons  dit  plus  haut,  aimaient  à  peindre  sa  figure 
pillores([ni'  et  «foudroyée».  Nous  devons  revenir  sur  les  plus  illustres,  Degas 
v[  Manct.  Puvis  ne  paraît  pas  s'être  servi  du  modèle  vraiment  unique  que 
lui  tournissait  son  ami.  Manct,  lui,  le  représente  dans  deux  tableaux  dont 
l'un  est  célèbre  sous  le  nom  de  L'Artiste.  Desboutin  est  en  pied,  de  face, 
\clu  i\v  noii,  le  chapeau  sur  la  tète,  son  chien  blanc  derrière  lui  ;  il  bourre 
sa  pipt'  dans  sa  blague  en  \essie  de  ])orc  (2)  ;  l'autre  ])cinture  n'est  ([u'une 
es({uissc,  un  buste  (\v  trois  (fuarts  à  droite,  ])iiic  à  la  l)ouche,  tenue  de  la  main 
droiti\ 

Ces  portraits  ont  la  picmière  ([ualité  des  portraits  :  la  vie.  On  a  raconté 
(pu-  -Manct  avait  offert  L'Artiste  à  Des])outin  et  cpie  celui-ci  n'en  a\ail  |)oint 
voulu,  peu  satisfait  de  l'œuvre.  Nous  savons  par  la  lettre  h  Simonncl,  citée 
plus  haut  (.■)),  ce  que  Desboutin  ])ensait  de  INIanet,  et  cela  seul  suffirait  pour 
rendre  ce  refus  invraisemblable,  si,  d'antre  i)art,  Desboutin  n'avait  eu  tro|) 
dcdiu'ation  jiour  blesser  un  ami.  La  légende  a  probablement  confondu.  Elle 
a  du  placer  entre  Des])outin  et  .Manct  le  différend  qui  se  serait  élevé  entre 
Manet  et  Degas.  Degas  aurait  exécuté  le  double  portrait  de  Manet  et  sa  femme 


(1)  Xous  n'avons  pas  retrouvé  cet  article. 

(2)  Ce  portrait,  refusé  au  Salon  avec  d'autres  envois,  fut  exposé  par  Manct  dans  son 
atelier.  4,  rue  de  Saint-Pétersbourg,  du  15  avril  au  !«■■  mai  1876.  Cette  exposition  compre- 
nait :  Le  bon  Bock,  —  Femme  occupée  à  laver  du  linge  dans  un  jardin,  —  et  le  portrait  de 
Desboutin,  sous  cette  désignation,  dont  l'absolu  devait  lui  plaire  :  l'Artiste.  On  le  revit  à  la 
Cen-tennale  de  1900  ;  il  passa  aux  mains  de  M.  Pellerin,  figura  à  une  exposition  chez  Bernheim, 
et  fut  acquis  par  un  amateur  de  Munich.  Reproduit  dans  l'excellent  Manet  de  Th.  Durf.t 
(Floury,  édit.). 

(3)  Page  87. 
114 


•4 


Ilyac'.iUhc    Lny^oii    rWin- (;■•   i>i"nM< 


Suzanne  Lcehnoff,  pianiste  de  talent,  et,  selon  son  habitude,  aurait  souligné 
ce  que  M^^  Manet  avait  de  défectueux,  son  embon])oinl.  Manel  dit-on, 
coupa  la  toile  en  deux  et  fit  encadrer  son  portrait  seul.  (1) 

De  tous  ses  amis,  Puvis  de  Chavannes  fut  celui  vers  lequel  Desboutin 

se  sentit  le  plus  attiré.  Pendant 
sept  ans,  le  graveur  monta  chaque 
matin  chez  son  illustrç  confrère 
et,  dit  un  témoin  de  leurs  entre- 
tiens, «  je  ne  me  rappelle  pas 
sans  émotion  les  dialogues  qu'ils 
échangeaient,  où  il  n'était  pas 
question  de  leurs  contemporains, 
ces  dialogues  étincclants  où  tous 
deux,  en  un  fraternel  abandon, 
pensaient  tout  haut  et  remuaient 
ce  qui  fut  la  joie  de  toute  leur 
vie,  les  souvenirs  des  chefs- 
d'œuvre  rencontrés,  évoqués  et 
rêvés.  »  (2) 

Desboutin  avait  ])our   Puvis 
plus  ([ue  de  l'admiration.  Visitant 
le  musée  de  Marseille,  il  écrivait  : 
«  .le  me  suis  pâmé  devant  les 
deux    Puvis    de    Chavannes  :    La 
Marseille  moderne  et  la  Marseille 
(les  Phocéens.  Cette  dernière  sur- 
tout a   pour  terrain   de    fond   et 
pour  ciel  le  morceau  de  peinture 
de    la    plus    grande    poésie    que 
j'aie  jamais   contemplé  et  m'aie 
jamais  fait  rêver,  même  dans  les  chefs-d'œuvre  des  grands  vénitiens  et  des 
l)riniitifs  toscans.  Ce  diable  de  Chavannes  est  décidément  un  grand   poète 


Labiche   ( Poinle-sèche) 


(1)  Le  fait  est-il'  exact  ?  Nous  ne  nous  en  portons  pas  garant.  Nous  ne  connaissons 
pas  cep)itrait  de  Manet  qui  ne  devait  pas  être  flatté,  si  nous  nous  en  rapportons  aux  !ïra- 
vures  que  Degas  fit  du  peintre  de  l'Olympia,  et  c[ui  le  roiirésentent,  lui  l'élépant  et  le  fier, 
hirsute  et  louche  comme  un  mendiant. 

(2)  RoGER-MiLÈs,  L'Eclair,  février  1902. 


116 


Phillippe  BURTY 

(2    Etal) 


aillant  qu'un  grand  peintre,  Nous  pouvons  (Mrc  fiers  d'un  parti!  artiste  ! ..  (1) 
Desbouliu,  consacra  à  la  glorilicalioii  de  son  ann  son  labUau  le  plus  com- 
plet et  l'une  de  ses  meilleures  peintures.  ■  Cette  toile  —  écri\ait  M.  Albert 
Sarraut,  dans  L'Aiiislc  (Avril  1895)  —  est  moins  nn  portrait  (piun  docu- 
ment {)sychol()gi({ue,  ([u'une  synthèse  morale,  (pie  la  divulgation  d'un  carai- 
tère...  L'artiste  a  tenté  l'ardue  et  délicate  tâche  de  faire  dire  à  ce  visagt-  les 
vastes  pensers  (pril  reflète  aux  heures  de  solitude  et  de  vie  intérieure.  » 
En  voici  le  sujet  :  le  peintre  est  assis  et  médite,  le  coude  gauchi-  au  bras  du 
fauteuil,  la  joue  api)uyée  sur  la  main.  Il  vient  fie  sus[)endre  son  travail 
et  a  gardé  la  blouse  blanche  de  l'atelier.  Ce  (pi'il  [jcignait,  on  le  voit  d»-rriere 
lui  ;  c'est  l'admirable  fresque  du  musée  de  Lyon,  les  Muses  auprès  du  bois 
Sacré  !  De  ce  tableau,  actuellement  au  musée  d'Amiens,  il  existi-  une  hélio- 
gravure retouchée  j)ar  Desl)outin  à  la  i)ointe,  selon  un  procédé  frécpienniunl 
employé.  Il  fit  aussi  deux  autres  portraits  de  Puvis  :  un  crayon,  nnne  de 
plomb,  profil  à  gauche,  également  reproduit  j)ar  l'héliograMire  et  une  p(unte- 
sèche,  tête  de  face,  inclinée  à  droite  (1870). 

Ce  sont  là  autant  d'hommages.  Il  lui  en  rendit  un  dernier  et  intime 
quand  le  grand  artiste  mourut  : 

«Vous  avez  api)ris,  sans  doute,  écrivait-il  à  -M""-'  Simoniut  d'Ilen- 
nezel,  le  12  septembre  1898,  le  triste  événement  de  la  mort  de  mon  meil- 
leur, de  mon  uniipie  ami,  M.  Puvis  de  Chavannes  !  C'est  pour  moi,  à  mon 
âge,  une  perte  irréparable  et  toute  une  seconde  vie  intime  qui  me  fera 
défaut  quand,  l'an  i)rocliain,  je  rentrerai  à  Paris.  » 


(1)  A  M.   John   Grand-Carterel,   27  juillet,   188G. 


117 


Hy;u'inllio  Loysou    (l'ciiilmc  IS77) 
Coll.  .T.  Desboutiii 


118 


XIX 


NOUVEL  EXODE  —  LE  REIOUR  AU  SOLEIL 

De  187.")  à  1880,  la  procliu'lioii  de  Deshmiliii.  Miiioul  en  },'ravuri-,  fut 
aboudaiile  cL  de  rare  qualilé.  Les  belles  pièces,  je  \eiix  dire  les  piens  sans 
dessous  (riiéliogravure,  daleiil  de  eelte  période  :  llippolyle  IJahou.  .M"-^"  I5i- 
rend,  M'"e  Bouquet    de    La    Grye,    BoavIs.    William    Bracken,    .M""-    liracki  n 


Bords  (le   Seine    (  l'einlurc,  i  v^  V 
CoU.  J.  Desbouliii 


(Marie  Desl)ouliu  el  son  iils  Robert),  M"'-'  Madeleinr  linrtv.  Philipi.e  liurly. 
Mme  Hector  de  Callias,  Jules  Clarelie,  1  leury  Cohen,  le  bibiio.uraiihe.  auteur  du 
Guide  de  V Amateur  des  liures  illustres  du  xviir'  sicclr,  —  la  duehesse  (:.)l()nna. 
l^:mma  Dauvilliers,  RalTaëlli,  Uei,ms.  Desehanip,  Dumas  Iils.  n-.nfaut  :j  la 
Tasse  (une  pièce  exquise),   Norbert  (iœneutte,   I-:<1.  de   Goneourt.    Haas,    le 


11'.' 


Comte  Lopic,  Mariet,  Marllirlol,  Ilayem,  Héluis,  Monselet,  M^e  Alice  Ritter, 
Monteliore,  Borthe  Morisot,  Henri  Rochefort,  Henri  Rouart,  Emile  Zola 
et  d'autres,  qui  constituent  une  galerie  de  premier  ordre  pour  l'iconographie 
et  de  premier  mérite  pour  la  valeur  d'art.  Il  faut  ajouter  à  cette  liste  abrégée, 
ses  propres  {jorlraits,  tant  peints  que  gravés,  dont  le  célèbre  Homme  à  la 
Pipe,  médaille  de  3^  classe  en  1879  et  médaille  d'honneur  à  l'Exposition  de 
1900,  une  prestigieuse  pointe-sèche,  pleine  d'aisance,  de  vie,  de  pittoresque, 
d'accent,  et  de  maîtrise  dans  la  distribution  lumineuse,  comme  dans  le  jeu 
des  noirs  ;  puis  les  portraits  peints  et  les  innombrables  croquis  de  ses  enfants 
fait  le  soir  à  la  lampe  sur  le  papier  du  boucher  ou  de  l'épicier,  —  des  mer- 
veilles de  sensibilité  et  de  justesse  pour  la  plupart,  et  qui  furent  fort  admirés, 
à  l'exposition  posthume  de  1902. 

Ce  fut  une  belle  période,  très  utile  à  la  réj)utation  de  l'artiste,  qui  prit 
de  profondes  racines,  mais  une  période  de  germination.  Les  fruits  ne  venaient 
pas  encore  et  les  finances  restaient  précaires.  La  plupart  de  ses  portraits, 
nous  l'avons  dit  déjà,  étaient  des  portraits  d'amis  et  il  vivait,  au  jour  le  jour, 
de  ceux  qui  lui  étaient  payés. 

Il  y  en  avait.  Il  y  avait  les  séries  commandées  par  Rouquette,  par  Georges 
Petit,  par  Jouaust.  Il  y  avait  les  portraits  d'enfants,  de  banquiers,  de  collec- 
tionneurs, de  diplomates,  de  littérateurs,  d'auteurs  dramatiques.  Il  y  avait  aussi 
les  portraits  de  bourgeois.  Ceux-là  lui  étaient  antipathiques.  Il  l'avouait 
à  Raisin  :  «  A  part  les  portraits  dits  de  contemporains,  qu'on  ne  considère 
et  n'épluche  qu'à  l'état  de  types,  je  suis  furieusement  dégoûté  du  portrait 
de  bourgeois  ou  particulier,  en  pointe-sèche  manière  croquis,  abrupte  ou  char- 
bonnée,  dans  laquelle  nos  braves  gens  ne  se  voient  jamais  ressemblants.  J'ai 
eu  avec  ce  genre  des  déboires  de  toutes  sortes  »  (10  Octobre  1886). 

Si  nous  en  jugeons  par  le  prix  que  paya  Héluis,  chaque  portrait  lui  pro- 
curait 200  francs. 

Ce  début  permettaitl'espoir.  Il  ne  fallait  que  persévérer.  Pourquoi  fallut- 
il  que,  à  l'heure  fugitive  où  le  succès  se  décide,  où  la  notoriété  conquise  va 
amener  avec  elle  une  certaine  aisance,  Desboutin  se  trouvât  contraint  de 
quitter  Paris? 

La  raison,  certes,  était  des  moins  discutables  :  il  y  allait  de  la  santé  de 
son  jeune  fils,  Chiquine,  alors  âgé  de  dix-huit  mois,  qui  venait  d'être  atteint 
d'une  bronchite  grave  (1).  Marie  Bracken  avait  contribué  à  le  sauver  en  se 


(1)  Chiquine,  c'est   François.   François,  en  italien    Francesco,  par  diminutif  Frances- 
120 


..-c^ 


^ 


5v> 


Vue  ^-'éaiTale  de  Grasse  (Peinlnit\  /  ■>  ' 
Coll.  .).   DesbDiiliii 


IIM 


chargeant  des  frais  du  médecin  et  du  pharmacien  !  Mais  l'hiver  était  venu 
et  un  soleil  plus  ardent  que  le  pâle  soleil  de  Paris  était  nécessaire  j)our  réta- 
l)lir  délinilivement  le  [)etit  malade.  De  son  côté,  Desboutin  et  sa  femme 
n'étaient  pas  fâchés,  eux  aussi,  de  retrouver  le  ciel  brillant  de  l'Italie,  auquel 
le  ciel  de  Nice  ressemble  comme  un  frère.  Desboutin  était  l'homme  des  dé- 
cisions prom])tes.  Il  ramassa  tout  ce  qu'il  avait  dans  son  atelier  et  fit  une 
vente  aux  enchères,  à  l'hôtel  Drouot.  Ce  pouvait  être  le  fiasco  et  le  discrédit. 
Ce  fut  le  succès.  Desboutin  était  déjà  trop  connu,  pour  que  sa  vente  ne  piquât 
pas  la  curiosité,  et  il  donnait  trop  d'espérances  pour  que  la  spéculation  ne 
s'en  mêlât  j)as.  Il  sut  d'ailleurs  aider  sa  veine  !  Une  anecdote  que  contait 
Chaîne,  plus  tard  marchand  de  tableaux,  alors  second  de  l'expert  Lechat, 
en  porte  le  témoignage. 

A  l'exposition  qui  précéda  la  vente,  Desboutin  remarqua  un  Anglais 
qui  annotait  le  catalogue  de  prix  nombreux. 

Il  faudrait,  lui  dit  Chaîne,  savoir  quels  sont  les  prix  qu'il  marque. 

—  S'il  entre  dans  un  restaurant,  répond  l'artiste,  je  m'en  charge. 

L'Anglais  s'en  va,  Desboutin  le  suit.  Il  pénètre  dans  un  restaurant, 
Desboutin  fait  de  même.  Il  accroche  son  pardessus  à  un  porte-manteau, 
au  même  porte-manteau  l'homme  à  la  pipe  suspend  sa  houppelande. 
L'Anglais  enfin  va  s'asseoir  à  une  table,  mais  Desboutin  s'attarde.  Il  fait 
signe  au  garçon,  lui  dit  quelques  mots,  lui  met  dans  la  main  une  pièce  blanche, 
puis  va  s'asseoir  à  son  tour,  à  une  place  hors  de  la  vue  de  l'Anglais.  Le 
garçon  prend  alors  dans  la  ])oche  du  pardessus  le  catalogue  annoté,  qu'il 
porte  à  Desboutin  ;  celui-ci  y  relève  les  prix  indiqués  et  fait  remettre  le 
document  à  sa  place.  Le  lendemain  l'Anglais  avait  la  satisfaction  d'acquérir 
tous  les  tableaux  qui  lui  avaient  plu  au  chiffre  qu'il  avait  fixé,  ce  qui  lui 
donna  une  très  haute  idée  de  ses  connaissances  en  estimations  de  peintures 
modernes. 

Ce  tour  d'adresse  n'avait  pas  été,  heureusement  pour  la  \aleur  de  l'ar- 
tiste, l'unique  cause  du  succès.  Claretie  avait  cautionné  le  j^eintre  dans  la 
préface  du  catalogue.  Il  y  disait  : 

«  M.  Des])outin  fait  songer  parfois  aux  intimités  puissantes  des  frères 
Lenain.  D'autres  fois,  dans  la  traduction  du  visage,  du  rire  humain,  des 
violences  de  la  chair,  il  a  la  verve  et  le  coloris  d'un  Frans  Hais.  » 


chino,  par  abréviation  Cecchino,  par  francisation  Chiquine  ou  Tchùiuine.  Aujourd'hui,  Jean 
Desboutin.  .Michaud  ou  Mycho,  l'ainé,  c'est  André. 

122 


^ , 


Coll.  J.  Desboutiii 


IK'iiivuscnuMil  encore,  le  plus  inij)orlant  aeheteur  ne  fui  pas  l'Anglais, 
mais  un  niareliand  de  tableaux,  \v  lanceur  de  rinii)ressionnisnu\  Durand- 
Huel.  «  Il  avoue  aimer  Ix'aueoup  ma  peinlui\'  et  ses  .£*ros  aelials  vers  <S1  me 
Tout  sul'lisammenl   prouvé,  "  éerivait  l'artiste  à  Alhoi/e,  le  .)()  Janvier  1(S<S!). 

(".elle  vente,  si  l)ien  ser\iepar  les  eireonslanees,  produisit  18.147  fr.  Aus- 
sitôt Desboutin  j)arlit  pour  le  midi,  soigner  son  enfant  et  s'enivrer,  comme 
une    cii^ale.    de    lumière    et   de 

-  '  A    ce    moment,    le    bour- 

geois de  la  \  ieille  France  repa- 
rut sur  le  bohème  échappé  de 
sa  misère.  Son  premier  soin  fut 
d'accpiérir  une  villa.  Et,  comme 
la  leçon  des  erreurs  passées 
n"a\ait  ])as  éteint  en  lui  le 
goût  (k's  entreprises,  il  arrêta 
son  choix  sur  nnv  i)ropriété 
pro(die  de  la  promenade  fies 
Anglais,  dont  il  comptait  tirer 
(rapj)réciables  l)énérices. 

Cette  propriété  était  située 
179,  rue  de  France  et  se  com- 
l)osait,  ■ —  rei)renons  le  jargon 
de  la  basoche,  en  nous  rap- 
])elanl  tpie  Stendhal,  pendant 
(pi'il  écrivait  la  Chartreuse  de 
Parme,  lisait  deux  ou  trois 
pages  ih\  C.odr  ci\il,  pour  se  donnei'  un  bon  modèle  de  ])récision, —  cette  i)ro- 
priélé,  disons-nous,  consistait  en  <'  bâtiment  élevé  sur  terre-plein  d'un  rez- 
de-chaussée  et  deux  étages  et  d'un  jardin  aboutissant  à  un  passage  commun 
au  midi,  le  tout  d'une  superficie  de  446  mètres  et  cadastré  sous  les  numéros 
r)l  1,  515,  515  et   51.S  p.  Section  l\  confrontant,  »  etc.  (1). 

L"ac([uisition  fut  faite  le  '.)  octobre  1(S<S1,  moyennant  33.000  fr.  dont 
5.000  fr.  seulement  comptant,  le  surplus  exigible  le  fer  octobre  18cS7,  avec 
intérêts  à  5  0  0. 


i. 'atelier  de  gravure  (Peinture,  J8S''>) 
Coll.    .1.   Dcshoutin 


(1)  Désignation  prise  dans  l'afficlu-  de  la  vente  du  Hi  décembre  KS91. 


Berthe   MORISOT 

(  2.''    État  ) 


L'avenir  se  Irouvail  ainsi  lonrflcinciil  t,'rcvc.  Il  h-  fut  [ihis  l'ncore,  (iiiaiid 
l'artiste  fit  construire  an  tond  du  jardin,  sur  le  passai^'e  a[)i)e]é  Passaf,'e  du 
Commerce,  une  petite  maison  avec  ali-lier.  Cela  fait,  il  emprunta  .'iO.OOO  fr. 
au  Crédit  foncier.  |)()ur  75  ans.  lesfiuels  .iO.OOU  fr.  [)asserent  dans  la  poche 
du  vendeur,  à  peu  |)rès  entièrement. 

four  payer  les  amiuifés  (U-  cet  emprunt,  et  jiour  vivre.  Dcshoutin 
avait  son  talent,  sa  renonunée.  son  savoir-faire.  On  prétend  ([u'il  rlécora 
une  éi^lise  de  la  réi^ion.  mais  nous  ne  savons  larpielle  :  il  ouvrit  un  atelier 
de  peinturi'  et  donna  des  leçons,  il  |)t'iifnit  des  paysages,  des  chiens,  des 
anglais,  tant  à  l'huile  qu'à  la  pointe  ;  et,  en  1<S<S:>.  riaal  lui  acheta  un 
tableau,  qui  lui  fut  payé  800  fr..  Porlrail  de  femme,  ou  la  Juive  à  la  Four- 
rure ;  enlin,  en  1<S(S.'),  il  se  livra  à  une  nouvelk'  s])éculalion,  arlisti(pie  celle 
fois,  ({ui,  si  elle  lui  procura  heaucouj)  d'ennuis  et  un  niinei-  |)rolil.  accrut 
du  moins  sa  réputation  de  graveur.  Nous  voulons  |)arler  de  la  gravure  di's 
fameux  Fragonard  de  Grasse  (1). 


(1)  «  M.  Deslioutin,  à  tout  événeim-nt.  les  .uiavc  en  ce  moment  à  la  pointe-sèche;  ce 
que  nous  en  avons  vu  nous  promi't  une  inlerprélation  à  la  fois  ori^'irmle  et  fidèle  ».  Bar"n 
R.  l'onT.M.is,  Cazrttc  des  lirau.tArls,  '2<-  ]  .-riode.  l.  XXX  il  (l,S,s5),  ]-.  493. 


1 


leunc  fille  au  chat  (Peinture.  lS7ô) 
Coll.  Durand-Ruel 


12H 


XX 


LES    FRAGONARD    DE    GRASSE 

Rappelons,  en  quelques  mots,  ce  quétak-nl  ces  l-ragonard  fie  Grasse  ■, 
comme  on  les  désignait  couramment. 

En  1771,  Mme  Diibarry,  ({ui  venait  de  recevoir  de  son  royal  amant  le 
pavillon  de  Louveciennes,  qu'achevait  d'édifier  l'architecte  Ledoux,  comman- 
dait à  Fragonard  la  décoration  de  son  "  troisième  salon  ■.  lille  voulait  i  une 
idylle  en  peinture,  inspirée  par  elle,  une  histoire  de  l'amour  juvénile  et  vir- 
ginal, qu'on  s'étonnerait  de  rencontrer  en  un  tel  lieu,  si  la  sensibilité  du  temps 
n'en  expliquait  le  choix.  »  (1)  Fragonard  se  mit  à  l'œuvre.  Il  exécuta  les 
panneaux  commandés  avec  une  rare  fraîcheur  d'inspiration  et  de  coloris. 
On  y  voyait  un  jeune  homme  escaladant  un  mur  bas  et  une  jeune  femme 
effrayée,  non  de  l'audace,  mais  de  l'imprudence  —  si  quelqu'un  venait  !  — 
c'est  La  Surprise  :  puis,  dans  un  autre  endroit  du  parc  ombreux,  la  même 
jeune  femme,  sans  émotion  cette  fois,  regarde  le  même  jeune  homme  qui  fran- 
chit à  nouveau  le  mur,  pour  lui  apporter  une  rose,  tandis  que  la  soubrette 
écarte  les  bras  dans  un  geste  de  protection  et  d'étonnement.  C'est  Le  Rendez- 
vous.  Et  toujours  dans  ce  même  parc  à  la  française,  au  pied  de  la  statue  de 
Vénus,  les  deux  amoureux,  tendri-ment  enlacés  se  disent  des  douceurs,  c'est 
La  Confidence,  que  suit  bientôt  une  allégorie  montrant  que  tout  ce  petit  jeu 
a  eu  sa  conclusion  habituelle,  l'amoureux  à  genoux  devant  l'aimée  qui  pose 
sur  sa  tète  la  couronne  fleurie,  symbole  des  derniers  abandons.  «  L'attitude 
est-elle  bien  ainsi?  >  semble  demander  la  favorite  cà  Fragonard  lui-même 
qui.  dans  un  coin  du  tableau,  dessine  la  scène  de  V Amant  Couronne? 

Qu'est-ce  qui  ne  plut  pas,  dans  cette  galante  composition,  à  la  capri- 
cieuse maîtresse?  On  ne  sait  trop.  Le  fait  est  quelle  n'en  décora  point  son 
troisième  salon.  Elle  dédommagea  Fragonard  par  une  indemnité  de  IS.OOd 
livTes  et  lui  abandonna  son  œuvre. 


(1)  P.  DE  NoLHAr,  Honoré  Fragonird  (Mnnzi.  .Toyaiit  et  d',  in-So,  lOlS).  p.  115. 

127 


Cliché  Renaissance 


11.   l'HAGOXARD.  —  La'Surprise. 


Le  U'mps  jiassa.  Le  Honian  d'amour  de  la  Ji'uncssr,  roulé,  relégué  dans 
un  débarras,  altendail  des  joins  meilleurs,  lorscpic  la  i'.i'volution  survint. 
Tout  l'art  léger  et  charmant  qui.  de  Watleau  à  l*>agonard,  et  à  Deburourt, 
qui  clôt  le  cycle,  avait  représenté  la  vie  élégante  et  sensuelle  d'une  société 
aristocratique,  fui  balayé,  emporté  par  la  tempête,  anéanti,  put-on  croire, 
à  jamais.  On  ne  voulut  plus  (pie  Tauslérilé  romaine,  une  [)einlure  roifle 
dérivée  de  la  statuaire  et  des  has-reliefs  anti(pies.  Fragonard,  aini  de  David, 
était  dans  les  idées  nouvelles  et  allié  à  Maximin  Isnard,  If  futur  |)résidcnt 
de  la  Convention.  Il  jugea  ceiiendaiil  opportun,  en  171)(».  ilc  (piittcr  Paris 
et  de  se  réfugier  à  Grasse,  sa  ville  natale,  avec  sa  femme  et  sa  belle-sœur, 
Marguerite  Gérard. 

Il  descendit  chez  son  cousin  Honoré  .Maubt-rt.  (pii  habitait  "  une  jtetite 
maison  toute  sim()le.  une  maison  de  curé,  au  l)out  d'une  allée  trmlïue  (1)  •- 
dont  il  loua  la  partie  qu'il  occupa  un  an.  du  12  février  1790  au  12  février  17'.)1. 
Cette  maison,  bien  située,  possédait  un  vaste  escalii'r,  {[u'il  commença  par  orner 
de  bustes  et  d'attributs  révolutionnaires,  après  quoi,  il  s'avisa  (pie  le  grand 
salon  conviendrait  i)arfaitement  à  ses  laissés  pour  com|)le  de  la  Dubarry. 
Il  les  j)rop()sa  à  Maul)ert  (fui.  homme  de  goût,  s'empressa  d'accepter.  Le  10 
mars  1791.  Frago  donnait  (piil lance  à  son  cousin  du  prix  de  ii.tiOO  li\  res, 
pour  la  décoration  tout  entière,  cpii  comprenait  beaucou[)  plus  ([ue  les  quatre 
panneaux.  Comme  un  cin(piième  emplacement  réclamait  son  décor,  il  es(piissa 
sur  place  une  cin(|uième  composition,  conclusion  désenchantée  des  quatre 
précédentes  :  L'Abandon.  La  })auvre  amoureuse,  est  seule,  et  se  lamente, 
assise  contre  une  haute  colonne  que  surmonte  un  Amour  le  doigt  levé,  (|ui 
semble  fredonner  la  chanson  de  .M"'®  de  Fomiiadour  :  ■  Vu  n'iras  plus  au 
bois,  les  lauriers  sont  coupés  !  >'  Cette  es(piisse,  restée  inachevée,  est  déli- 
cieuse, en  sa  grisaille  satinée  et  légère.  Le  jieintre.  pour  com|)lèler  rensemble, 
peignit  encore  deux  dessus  de  i)()rtes.  un  trumeau  et  une  Apolhnisr  de  l'Amour, 
demeurée  inaclievèe.  elle  aussi,  lùilre  ciia(pie  pamuaii,  il  tendit  une  magni- 
fique suite  de  tapisseries  de  Heauvais.  (pii  i)rovenaient  de  la  \'enle  du  duc 
de  Penthiévre.  Les  panneaux  étaient  sans  cadres  et  mesuraient  .".'"f)!)  de 
hauteur  sur  2"i-10  de  large.  La  décoration  de  ce  sahui  rectangulaire,  dont  la 
vue  donnait  sur  la  campagne,  était  harmonieuse  et  riche,  une  décoration 
d'un  goût  parfait. 

Tel  Fragonard   l'avait   disposé,   tel  ce  salon   demeura.   La   maison  était 


(1)  X.  Z.,  Les  Fraqounnl  de  Grasse.  Quinzaine  bnurhonnaisr,  l.S'JS,  p.  91. 


Cliclié  Renaissance 


H.    FRAGONARD.  —  Le  rendez-vous. 


d'un  accès  difficile  ;  un  «  dragon  provençal  >,  romme  Desboutin  qualifie 
son  propriétaire,  en  défendait  l'entrée.  Les  Goneourl  n'en  parlent  que  par 
ouï-dire  au  chapitre  consacré  h  Fragonard,  dans  leur  Arl  du  18e  siècle  (\). 

Quand  Honoré  .Maubert  mourut  (1806),  la  peinture  de  Fragonard  était 
tombée  dans  un  profond  discrédit.  Si  nous  en  croyons  un  récit  plein  d'humour 
qu'aurait  fait  Victorien  Sardou,  mais  qui  semble  avoir  été  rapporté  avec  plus 
d'esprit  que  d'exactitude,  les  héritiers  de  Maubert  ne  pouvant  s'entendre  sur 
le  partage,  auraient  fait  appel  au  juge  de  paix.  Biaise  Sardou,  le  cousin  du 
futur  auteur  des  Pâlies  de  Mouches.  Ce  dernier  racontait  ainsi  ce  ((ui  se  passa. 

«Biaise  Sardou  donne  à  l'un  les  meubles,  à  l'autre  les  instruments  ara- 
toires, au  troisième  les  peintures.  Celui-ci,  Malvilan,  se  fâche.  Il  aurait 
préféré  les  meubles  ou  les  instruments.  <  Que  \oulez-v()us  tpie  je  fasse  de 
ces  peintures  ?  A  combien  les  estimez-vous? —  Cincj  cents  francs  !  »  dit 
Biaise,  qui  exagère  un  peu  sur  l'estimation,  afin  de  radoucir  l'héritier.  Celui-ri 
se  résout,  mais  cesse  de  saluer  le  juge  de  |niix  l()rs([u'il  le  rencontra.  Cinq 
cents  francs,  ces  vieilles  peintures  !...  »  (2) 

Quand  Malvilan  rencontra  Dest)outin,  il  y  avait  déjà  longtemps  que  le 
goût  des  jolies  choses  du  xviii^  siècle  était  revenu.  Desboutin  s'enthousiasma 
pour  le  Roman  d'amour  de  la  Jeunesse  et  proposa  de  le  reproduire  ;i  la  pointe- 
sèche,  en  cinq  grandes  planches  de  format  in-folio.  Malvilan  sul)odora  une 
bonne  affaire,  enfarina  Desboutin  dans  un  traité  ad  hoc.  et  le  travail  com- 
mença. 

Ah  !  ce  traité,  ([ue  de  soucis  il  causa  au  graveiu".  f[ue  de  malédictions, 
en  langage  imagé,  il  provoqua  !  La  moindre  était  (\uv.  italianisant  K-  nom 
de  son  adversaire  il  faisait  de  Malvilan,  Maie  villano,  mauvais  paysan.  Inno- 
cente vengeance  d'un  artiste  aux  prises  avec  un  propriétaire  rapace  !  Des- 
boutin, lui,  malgré  ses  constants  soucis  d'argent,  envisageait  d'abord  l'inté- 


(1)  Edition  Cliarpentier,  t.   III,  p.  2S1. 

(2)  Si'ARKLETT,  Lc  trottoir  roulant.  Echo  de  Paris,  22  .^vril  1907. 

Ce  Malvilan  QUchel-Louis,  1815-1903)  était  cousin  au  huitième  dei^ré  du  iieintrc. 
Son  père  {1780-185.3\  était  le  fiis  de  Marie-Anne  Maubert  et  avait  épousé  Marie-Thérèse 
Delphine  Court,  arrière  petite-fille  elle-même  d'Honoré  Maubert  (1719-1801),  qui  après  avoir 
fait  sa  fortune  dans  la  parfumerie  et  la  ganterie,  avait  acquis  la  décoration  de  son  cousin 
issu  de  germain,  Honoré. 

Les  deux  branches  étaient  donc  parentes.  C'est  Delphine  Court  qui  hérita,  en  1S27. 
de  la  maison  Maubert.  Elle  épousa  son  cousin  au  septième  degré,  Jacques-Jean  Malvilan. 
dont  elle  eut  deux  enfants,  une  fille  et  un  fils,  l'aîné,  Michel-Louis,  qui  recueillit  pour  sa 
part,  dans  la  succession  maternelle,  la  maison  de  Grasse  et  son  précieux  contenu. 

Ces  renseignements  précis  sont  dus  à  M.  Martin,  l'érudit  et  dévoué  secrétaire  de  la 
Société  Fragonard,  à  Grasse,  qui  a  démêlé  l'imbroglio  d'une  généalogie  très  touffue. 
D'après  elle,  Maubert  n'avait  pas  trois  héritiers,  mais  seulement  deux. 


.  ^  W\s; 


CliiKé  Renaissance 


II.   I-"RAGONAÎU).  —  La  Confidence. 


rêt  do  son  œuvre  el  sa  propn'  ir|)ulali()n  :  Malvilaii  ne  voyait  (|iic  le  t»aiii. 
Il  se  serait  parfaileiiuMil  coiilciilé  d'une  i^ravurc  faite  <Vuu  jet.  ayant  de  l'd-il. 
mais  qui  n'aurait  nécessité  ni  retouelies.  ni  surtout  tant  d'é|)reuves  d'essai. 
Il  ne  voulait  entrer  ni  dans  les  frais  des  désaeiéra.ifes  orcasionnés  [)ar  les 
corrections,  ni  dans  ceux  des  couvertures  de  la  série  des  cin(|  planclus.  ni 
même  dans  celui  du  prospectus,  et  moins  encore  dans  les  dons  à  la  |)resse. 
C'était  bien  le  i>illanovu\nûv  el  disputant  |)our  la  moindre  dépense  non  prévue 
au  traité  !  Xolaniment  pour  la  presse.  l-'Jle  devait  Irompelter  l'ceuvre  et 
rasseml)ler  les  amateurs,  cprimporle  !  Il  sr  montrait  intraitable.  Dieu  s;iit. 
j)ourtant.  cond)ien  Deshoutin  y  a])portait  de  modération.  Il  prévovait.  rn 
tout  et  |)our  tout,  cpiatre  séries  à  ([ualre  crilif[ues  ! 

Il  écrivait  à  son  ami  Alboi/.e.  directeur  de  VAilislc.  le  'lA  octobre  l.S.SC)  : 
(i  Du  reste,  je  ne  liens  j)as  à  l'induire  dans  de  grands  sacri lices,  n'i'stin:anl 
pas  à  plus  de  (luatre  grands  critiques  influents,  le  nombre  de  lanceurs- 
écrivains,  qu'il  faut  séduin'  à  laide  des  présents  d'Artaxerces.  Ces  (pialre 
crilicpies  influents  doublés,  ne  l'oublions  |)as.  de  lantH-urs-écrixains.  étaiiiil 
Paton,  rédacteur-financier  des  JJébals  •<  pour  la  P)()urse  et  les  P)an{|ues  /• 
(19  nov.  188(),  au  même),  I>ochefort,  A.  Silveslre  et  J.-L.  l>i-o\vn.  le  peintre. 

Pour  les  autres,  pour  les  amis  (pii  devaient  rabattri'  les  souscripteurs 
et,  selon  sa  pittoresc[ue  exjjression.  faire  le  Itois  .  il  s'en<^ai^eait  à  ])rendre 
sur  ses  propres  épreuves,  le  tirai^e  étant  parfaire  en  deux  parties  égales.  D'ail- 
leurs, il  ne  prodiguait  pas  non  j)lus  ces  épreuves-là  !  Il  recommandait  à  .\ll)oi/.e, 
son  (diargé  d'alTaires  à  Paris  et  son  ami.  de  mettre  de  côté  les  épreuves  niai 
tirées  «pour  dons  à  faire  aux  journalistes  ou  camarades-artistes»  {2'.'>  sept.  IS.Sti). 
Il  s'entendait  à  payer  en  monnaie  de  singe  la  viande  creuse  des  éloges,  dont 
il  était  pourtant  friand  !  Mais  il  est  habituel  de  montrer  (\n  dédain  j)our  la 
publicité,  quitte  à  ressentir  du  dépit  fpiand  cellt^  prostituée  semble  à  son  tour 
vous  dédaigner. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  fallut  tout  le  deNouement  d'.Mboi/.e  et  la  loyauté  du 
représentant  de  Malvilan,  M.  .Vstier,  pour  cpie  le  traité  reçut  une  application 
acceptable,  au  moment  même  où  les  assignations  lancées,  les  tribunaux  allaient 
décider.  Mais  Desboutin  garda  rancune  à  Malvilan.  ce  sinistre  personnage  >■, 
ce  «sauvage  »,  ce  «  père  Grandet  provincial  s  ce  m  corsaire,  impatient  (K-  son 
dividende  »  (1),  et  autres  aménités,  et  ne  lui  pardonna  jamais. 

Comme  bien  l'on  pense  la  sj)éculation  fut  meilleure  i)our  l'associé  que  j^nir 

(1)  1  cttrcs  à  Raisin  el  à  All)oize.  Toutes  les  lellres  lie   Desboutin  ;i  Allmize  oui  été 


Clirlii-  Renaissance 


H.  FRAGONARD.  —L'Amour  couronné. 


le  graveur.  Les  planches  elairoiiiiées,  céléhrées.  i-xi)o.sées.  attirèrent  lattcn- 
tion  du  monde  entier  sur  les  originaux.  On  réclama  ceux-ci  pour  le  Louvre. 
Les  journaux  annoncèrent  l'intention  de  Malvilan  d'en  faire  don  à  notre  grand 
musée.  Son  intention  n'était  pas  cela.  Il  désirait  hien  (lu'ils  entrassent  au 
Louvre,  mais  moyennant  trois  cent  mille  francs.  Le  prix,  f)our  l'ipoque 
était  un  très  gros  prix.  C'était  l'avis  de  Desboutin  cl  a-  fut  dr  même  l'avis 
du  Conservateur  d'alors,  Georges  Lafenestre.  Plus  tard,  il  advint  «pu-  l'Amé- 
rique  se  «  mit  >>  sur  les  Fragonard  et  en  fit  hausser  le  cours,  l'n  marchand  d.- 
Londres,  acheta  tout  le  salon  et  le  revendit  1.2.50.000  fr.  à  M.  Pi.rpc.nt  Mor- 
gan. Après  la  mort  de  ce  dernier,  ces  panneaux  furent  accjuis,  en  février  r.H.J. 
par  M.  Frick,  pour  L425.000  dollars,  soit  7.38L000  fr.  au  change  normal. 
Les  cinq  cents  francs  de  Biaise  Sardou  avaient  fait  des  petits  ! 

Desboutin  s'attela  avec  sa  furia  ordinaire  à  ce  travail,  faisant  d'abord 
des  copies  peintes  avant  de  commencer  à  graver.  Peintures  en  grisailles 
qui  lui  donnaient  les  valeurs  de  sa  gravure.  Travail  préparatoire  et  travail 
définitif,  le  tout  lui  j)ril  trois  années  (1884  à  1887).  Ce  fut  le  bon  temps,  quoi- 
qu'il le  qualifiât  de  «  travail  de  i)risonnier  sur  noix  de  coco  »  (A  Raisin,  10  oc- 
tobre 188G).  ]\Iais  l'œuvre  accomplie,  il  fallut  la  lancer.  Il  y  employa  ses  élèves  : 
Alliou,  Cuvillier,  Bérend  ;  ses  amis  :  Paton,  Silvestre,  .J.-L.  Brown,  Rochefort, 
Alboize  et  Gaston  Latouche  (ju'il  remercia  par  une  épreuve  de  L'Homme  à 
la  Pipe.  A  Genève,  il  pense  naturellement  à  se  servir  de  Raisin,  qui  ne  ménage 
pas  sa  peine.  «  Le  15  janvier  il  doit  exposer  les  trois  épreuves  (|u'il  a  fait  enca- 
drer pour  le  wSalon  Suisse  (les  deux  dt-rnières  planches  n'étaient  pas  encore 
terminées),  et  de  ce  côté-là  il  espère  encore  «harponner  c|uel([ues  saumons  de 
son  lac  »  (A  Alboize,  31  octobre  1886).  Il  les  har])onna,  en  effet.  A  Bàle, 
il  entre  en  relation  avec  un  marchand  d'estampes,  Georg,  parce  que  ^  les 
braves  banquiers  allemands  sont  très  friands  des  belles  gravures  et  ])articu- 
lièrement  des  gracieusetés  du  xviii^  siècle  »  (/6iV/.).  Enfin,  à  Paris,  Durand- 
Ruel  devient  son  dépositaire.  Et  ce,  sans  compter  les  expositions  sinmltanées 
au  musée  des  Arts  décoratifs  de  Genève,  aux  Vingt  de  Bruxelles,  aux  Peintres- 
Graveurs  et  chez  Durand-Ruel,  à  Paris,  ces  quatre  expositions  en  1889, 
et  l'an  d'après  au  Salon  de  la  Société  Nationale,  alors  dans  toute  la  vogue 
de  sa  nouveauté,  sans  compter  non  plus,  les  arlicU's  de  Bazire.  dans  r/n//(;n- 


acqulscs  par  M.  Jacques  Doucct,  pour  l'admirable  Bibliothèque  d'Art  el  d'Arciiéolofrie  qu'il 
a  fondée.  Ces  lettres  forment  le  fonds  le  plus  abondant,  eciinu  jusqu'ici,  d'autographes 
de  Desboutin.  .Nous  y  avons  lar£iement  puisé,  ainsi  qu'aux  collections  Haisin,  Claretic 
J.  Grand-Carterct   Slmonnet  d'Hennezel.  Massicot,  etc. 

135 


Cliché  RenaisEance 


11.  FllAGOXARD.  —  L'Abiuidon, 


sigeani,  de  Martack',  dans  \v  Figaro  (2r)  sc|)lc-ml)rc  188())  i-xlrails  «l'un  aiiln- 
article  d'A.  SilvesLri'.  dans  la  Hcuur  (irnmilr,  du  1.')  septcnibrc  |)réréd('nl. 

11  y  eut  nièinc,  -  -  ce  dut  être  un  c(»u|)  (h-  MaKilan,  -  un  article  dans 
L'Art,  où  l'on  vantait  l'Yagonarfl,  en  i)assant  sous  silence  son  inter[)rete,  el 
où  l'on  aflirniait  même  ((ue  les  panneaux  de  Grass»"  n'avaient  jamais  été 
reproduits.  <•  .resjiére,  écri\ait  le  i^raveur  à  Alhoi/e,  rpie  vous  all</.  pouvoir 
tirer  au  clair  l'étrange  histoire  de  l'article  de  L'Art  sur  les  l-"rago  el  en  neutra- 
liser l'influence  par  l'article  que  vous  avez  bien  fait  de  différer.  jusf|u'à  ce 
grand  moment  décisif  du  lançage...  » 

En  dépit  de  ces  etforts,  les  (\vu\  cents  épri'uvcs,  a  cent  francs 
l'épreuve,  se  vendaient  péniblement.  11  pensait  as'oir  coidre  lui  les  gra\eurs 
Institutifs,  --  lisez  de  l'Institut  !  —  «  horripilés  par  la  liberté  de  sa  manière 
et  cettt'  rupture  en  visière  a\'ec  les  traditions  recto-linéaires  des  eau-forlisti-s 
de  tous  les  temps  »  (A  Raisin,  12  déc.  1<S(S()).  I.e  baron  Alphonse  et  la  baronne 
Xathaniel,  (fui  avaient  souscrit,  ce  qui  remplissait  de  fierté  le  graveur,  ne  se 
pressaient  ()as  de  payer,  ce  (fui  navrait  l'éternel  «  impécunieux  ■  (fu'il  était. 
L'Etat,  f)ar  tloger  Marx,  secrétaire  du  directeur  des  Beaux-Arts,  (lastagnary. 
et  par  Bazire,  (fui  fut  l'intermédiaire  utile,  actfuérait  bien  (fuatre  collections  des 
cinq  planches,  mais  en  exigeait  une  cinquième  à  titre  gracieux  (.V  .Mboize, 
ô  mars  1888).  Pour  comf)enser  cette  {)erle  de  500  fr.,  l'artiste  faisait  profxjser 
aux  Beaux-Arts  »  quatre  autres  épreuves  de  gravures  originales.  >  A  Londres. 
Alphonse  I^egros,  «  un  vieil  ami,  ne  s'est  engagé  à  f)arler  à  aucun  des  ama- 
teurs, qu'un  seul  mot  de  lui  déterminerait  o  (au  même.  2o  avril  1888).  Enfin,  couj) 
de  massue,  Malvilan,  cet  alîreux  Malvilan...  Mais  laissons  [)arler  Desbouiin  : 

...  i<  .Je  n'ai  vrannent  pas  de  chance  !  Figurez-vous  (fue  l'iùnpereur  du 
Brésil  est  ici,  ])rès  de  Cannes,  en  villégiature.  Xaturellemeiil.  Orasse  étant 
dans  son  voisinage,  il  a  été  mené  à  la  maison  Malvilan,  |)our  voir  les  Fra- 
gonard.  Après  avoir  payé  son  tribut  d'admiration,  il  a  annonce  à  Malvilan 
son  intention  de  prendre  chez  le  graveur  Desboutin  quehfues  collections  de 
l'œuvre,  qu'il  savait  être  faite  et  terminée  f)ar  lui.  Immédiatement,  le  .MaKi- 
lan s'est  posé  comme  seul  possesseur  et  dépositaire  de  ces  gravures  et  en  a 
poussé  cinq  collections  à  cet  illustre  souscripteur  !  Je  tente  bien,  par  une 
mienne  connaissance  de  faire  savoir  à  cette  Majesté  (fuOn  l'a  empêchée 
par  cette  rouerie,  d'exercer  envers  un  honnête  artiste  militant,  le  protectorat 
qu'il  professe  dans  tous  les  lieux  où  il  marque  son  i)assage  par  des  encourage- 
ments et  des  bienfaits,  mais  je  ne  me  monte  pas  le  coup,  et  c'est  à  jamais 
une  belle  occasion  perdue...  n  (A  Alboize,  23  avril  1888). 

i:iT 


Petit^>  amours  dans  le  i) arc  ( Pcinlure  lf>S-',) 
Coll.  J.  Desbout  in 


138 


XIX 

NOUVEAUX  DÉBOIRES 

LE  TREMBLEMENT  DE  TERRE  DE  NICE 

EXPOSITION   MANQUÉE 

RETOUR  A  PARIS,  PUIS  A  GENÈVE 

Lariiiéi'  1887  nv  coninK'iiça  |)as  trop  mal.  Le  vieil  artiste  l'écrivait  à 
Alboize,  le  21  février  : 

u  C'est  une  vraie  série  qui  m'est  arrivée  tout  d'un  coup,  depuis  à  peu 
prés  un  mois.  Après  le  grand  portrait  de  femme  que  je  crois  \ous  avoir  signalé 
et  qui  m'a  heureusement  procuré  un  millier  de  balles,  cpiatre  portraits  me 
.sont  arrivés,  portés  les  uns  par  les  autres  ;  deux  nouveaux  sont  en  perspec- 
tive... Serait-ce  un  peu  de  chance  qui  me  reviendrait?  Je  suis  depuis  si  long- 
temps étrillé  par  le  sort,  (pi»'  je  ne  crois  à  aucun  revirement  de  la  mauvaise 
fortune. 

Son  pressentiment  lU'  le  tromj)ait  pas  :  à  [leine  cette  lettri'  était-elle 
partie,  que  la  terre  niçoise  tremblait  et  détruisait  les  quartiers  neufs  de 
la  ville,  ceux  hal)ités  |)ar  les  étrangers,  ses  clients  (2;')  février).  Heuri'usement 
son  quartier  est  éi)argné.  Sa  maison  n'a  pas  même  une  lézarde.  .Mais  il  perd 
de  I.ÔOO  à  2.()()0  fr.  de  portraits,  ses  modèles  ayant  fui.  Ceux  qui  restent,  bra- 
vant les  fâcheux  pronostics  d'un  allemand  cpii  annonce  de  nouvelles  secousses, 
louent  sa  maison,  ce  c(ui  est  une  compensation.  11  en  a  une  autre,  qu'il 
annonce  à  Raisin,  le  10  mars  : 

Il  J'ai  réussi  pourtant,  à  faire  c[uek[ue  argent  et  tpiekpies  bonnes  choses, 
entre  autres  le  portrait  d'un  monsieur  (tètt'  de  vieux  ligueur),  ((ui  a  eu  le 
bon  esprit  de  se  faire  peindre  dans  sa  robe  de  chambre  écarlate  et  en  chemise 
de  nuit.  »  Serait-ce  le  portrait  de  M.  Kigny.  qui  ligura  au  Salon  de  cette 
année  ? 

Mais    Nice    lui    ollre    dorénavant    d'insuffisantes    ressources.    Il    revient 

139 


à  Paris,  où  il  it'lroiivi'  \'\\n\\  pour  le  lermc  d'avril  1887.  son  ancien  alclior 
du  38  de  la  rue  Hochechouarl,  «  lo  grand  local  du  fond,  contigu  à  celui  où  je 
reloucliais  mes  cnixres.  "  Il  le  loue  pour  un  an,  y  est  alleinl  d'artliritisme 
au  i)ouce  droit,  ce  ([ui  le  giMie  forl  dans  la  rei)rise  de  sa  quatrième  plaque 
des  l''rai»o.  laciuelle.     au  |)remier  coup  de    i)resse,  a  manifesté,  dans  les  deux 


l.c  pcliL  inoilcli'  (l'cinluic,  Ji^J J 
Coll.  .1.  Desbout  iii 

tètes  i)rincipales,  des  avarii's  (pu-  deux  corrections  successives,  même  i)ar  i)la- 
nage  radical,  n'ont  fait  (pi'aggraver  »  (A  Raisin,  18  juin,  1887).  Le  médecin 
lui  interdit  tout  tra\ail.  et  mènu'  l'ècritui'e,  mais  il  n'est  pas  au  bout  de  ses 
tracas,  lui  juillet,  il  a  une  congestion  : 

«  Pas  plus  tard  qu'hier,  on  a  dû  mv  faire  rentrer  de  la  rue  cluv.  un  phar- 
macien, leijuel  m'a  fait  accompagner,  |)ar  un  docteur  inconnu,  jusqu'à  mon 
atelier,  où  on  a  victorieusement    combattu  la   congestion  par  des  sinapismes 


140 


l/D 


Y\ 


'^ï^' 


w 


Durancl-IUicl  /  l'ointr-scrhr) 


'il 


aux  mollets  et  des  friclions  à  la  téréhcnthiiu'  sur  la  colonne  vertébrale... 
fl'est  le  premier  coup  de  pioche  à  rédifice...  (îare  de  dessous  !  •  (A  Raisin, 
7  juillel  1887).  L'édifice,  heureusemenl.  était  solide,  et  le  coup  n'était  dû, 
il  le  constate  lui-même,  «  ipi'à  ce  dial)k'  de  climal  «  parisien.  <  pnistpi'à  Xice, 
en  janvier,  il  n'a  jamais  rien  senti  de  semblable.  .' 

Il  passe  donc  toute  son  année  à  Paris,  avec  l\'spoir  d'une  i-xposilion 
chez  Rernheim  jeune,  pour  hupielle  il  est  (pu'stion  d'un  calalo.mje,  analogue 
à  celui  di"  l'c^xposition  Ribot,  où  les  tableaux  a\aienl  été  reproduits  par 
la  gravure  sur  bois.  Lui,  on  le  conçoit,  reproduirait  les  siens,  par  la  pointe- 
sèche.  Il  rexf)licpie  à  Raisin,  avec  sa  truculence  romanlicfue  habituelle  : 

«L'exposition  doit  avoir  lieu  en  mars  88.  D'ici  là,  une  fois  mes  faits  et 
gestes  bien  convenus  avec  nies  barnunis,  mes  tableaux  transportés  de  Nice 
à  Paris,  et  le  choix  fait  de  ceux  à  reproduire  pour  mon  catalogue,  je  n'aurai 
qu'à  emporter  avec  moi  les  photographies  desdits  tableaux  et  à  les  truquer 
à  la  plume.  scciiiKliim  iioviini  melhodicurn  mcum,  prés  de  vous,  à  Genève, 
et  à  les  envoyer  successivement  à  Paris  pour  être  héliogravés  et  mis 
en  magasin  jusqu'à  fin  janvier,  où  je  passerai  quelque  lemi)s  à  en  faire  tirer 
des  épreuves  d'essai,  leur  laissant  le  soin  de  tirer  l'édition  et  de  la  mettre  en 
brochure....  Si  les  Rernheim  aboulent  les  balles  du  petit  capital  anticijjé,  ({u'ils 
me  présentent  comme  appoint  désormais  certain,  il  ne  serait  pas  impossible 
que,  c|uelque  beau  jour,  je  vous  porte  moi-même  mon  ])elit  stock  de  gravures 
et  que  nous  puissions  nous  mettre  enstinble  à  r<L'U\i-e  dn  montage  de  coup.  » 
(31  (sic)  septembre  1887). 

Ce  «  montage  de  coup  ^  a\  ait  pour  objet  une  autre  exposition  à  Genève, 
(pii  eut  lieu.  OuanI  à  celle  projetée  par  Hernheim.  il  écrivait,  le  9  octobre, 
à  ce  même  Raisin,  cpii  lui  fut  toujours  utile  et  dé\(nié  : 

«  Les  Rernheim  m'ont  crac[ué  dans  la  main,  au  moment  on  il  fallait 
abouler  les  balles  nécessaires  à  la  campagne  dv  mon  exposition  générale, 
imaginée  par  eux  cl  à  lancer  jxir  eux.  L'inct'rtitude  des  temps  ])olitiques  autant 
que  la  façon  déplorable  dont  s'annoncent  les  alTaires  des  Reaux-Arts  à  cette 
rentrée,  les  font  reculer  devant  les  frais  à  faire  immédiatement  pour  moi 
conmu'  graveur  du  catalogue  (dont  il  faut  jjayer  au  moins  le  temps  de  près 
d'une  demi  année  à  consacrer  exclusiveinent  à  ce  travail),  et  les  frais  d'im- 
pression, sans  com])ter  ceux  de  l'emballage  de  ma  galerie  et  de  son  transport 
de  Nice  à  Paris,  .le  dois  vous  avouer  que  je  n'ai  été  ([u'à  moitié  navré...  » 

Il  retourne  à  Nice  (12  janvier  1888),  a  lin  de  «  tirer  [)arti  de  sa  propriété  « 
de  ramener  sa       petite  famille  >.    Il  l'avait  laissée  au  soleil,   sur  les   conseils 

142 


Emile  Zola  à  la  bij*natiire  (Pointc-sùche} 
EpreuAc  avant  la  siynaliire 


H-i 


du  Dr  Baréty  (dont  il  avait  fait  le  portrait  peint,  exposé  au  Salon  de  1886, 
puis  une  poinle-sèehe),  à  cause  de  «  l'état  valétudinaire  de  son  pauvre  garçon  », 
André,  qui  avait  un  épanchenient  de  synovie.  Il  croyait  ne  rester  à  Nice  que 
peu  de  temps,  et  pouvoir  arrêter  à  Genève,  «  l'épouxantable  roulis  de  sa  ba- 
raque de  saltimban(jue  »,  mais  il  comptait  sans  «  ]'inil)r()iflio  de  ses  créanciers  ». 
Il  en  jirofita  pour  <■  reposer  son  cerveau  ".  v[  quand  t-nlin,  il  eut  trouvé  un 
locataire  de  1.200  fr.  pour  Tatelier  et  une  partie  de  la  maison  (A  ^Alboize, 
27  mai  1(S88),  il  s'empressa  de  Hier  sur  la  Suisse. 

11  arriva  à  Genè\(',  le  li  juillet.  Il  com])tail,  cet  éternel  illusionné,  sur 
une  nombreuse  clienteK'.  cprattirerait  son  talent,  appuyé  sur  une  renommée 
accrut',  et  (pie  lui  «  rabattiaienl  ses  amis  -  Haisin,  I^icbard,  avocats,  Vuillet. 
médecin.  Darier.  ])eintre.  Salmson.  sculpteur,  etc.  Il  comptait  aussi  sur  rexj)o- 
sition  de  ses  (ruvres,  pour  laquelle  il  avait  promesse  du  musée  des  Arts  Déco- 
ratifs. 

Il  commença  par  s'installer,  aN'ec  son  insouciance  coutumiére,  9,  rue  de 
''Kcole,  aux  Paquis,  et  il  raconte  à  .Mboizt-.  les  péripéties  de  son  installation  : 

«  Je  n'entreprendrai  pas,  ici.  de  nous  décrire  par  le  menu  les  travaux 
lierculéens  et  les  combinaisons  di'  casse-lète  cbinois  par  les([uelles  il  nous 
a  fallu  passer  pour  arriver  à  coUoquer  dans  un  petit  atelier  de  II  métrés  de 
profondeur  v[  de  .')  métrés  seulement  de  lari^eur,  dans  un  a[)])artemenl  de  trois 
|)iéces(dont  une  cuisine),  tout  le  matériel  (\c  peintre,  tons  les  tal)leaux,  es([uisses 
et  gravures,  tons  les  meubles  et  etïets  à  usagt',  ({ui  garnissaient  à  Nice  tout  un 
étage  de  la  grande  maison  ;le  la  rue  de  France,  plus  mon  double  atelier  du 
jardin,  plus  trois  pièces  de  re/.-de-cbaussée  (Ticelui  !  bjilin,  ça  y  est  !  Tout 
est  colloque,  excepté  quel([ues  pièces,  ([ui  nous  sont  inntik's  comme  mobilier 
et  que  nous  nous  pr()j)()sons  de  vendre. 

«Mon  atelier  est  tout  à  fait  convenable!  lue  vraie  lrou\aille,  tpii  n'a 
d'autre  inconvénient  (\nv  rcvccntricitr  du  ([uartier.  11  consiste  en  deux  arcades 
de  bouticpies,  converties  en  atelier,  grâce  à  leur  situation  en  plein  nord,  — ■ 
avec  l'espace  libre  d'une  place  devant.  Sa  profondeur  est  de  14  mètres, 
dans  lesquels,  par  un  galandage  en  bois,  (|ue  j'ai  trouNe  mol)ile  sur  place, 
je  me  suis  réservé  un  atelier  de  gra\iire  tout  aussi  bon  (pie  celui  de  Nice, 
moins  le  jour  du  liant.  an([uel  je  pourrai  siip|)léer  par  un  châssis  incliné.  » 
(5  août  1888). 

('et  atelier  de  fortune  ne  conserxa  pas  longtemps  ses  avantages.  .Vu  mois 
de  septembre,  «  une  bâtisse  de  l.j  mètres  de  hauteur,  »  s'élevait  sur  la  place 
libre  et  lui  enlevait  sa  lumière  !  Desboutin  résilie  son  bail,  se  met  à  la  recherche 

144 


\  \ 


Emma  DAUVILLIERS 

(2     État) 


friiii  autre  local,  linil  par  en  décoiurir  un.  occu|)é  par  uu  (lc|tot  dr  niaduuis 
(ce  ([ui  (lut  lui  rappek-r  ralclit'r  de  la  rur  «les  Daines),  et.  en  allendant  la 
fin  (lu  procès  ([uil  engage  contre  son  hailleui-.  il  |)répare  son  exposition. 
Ce  n'est  pas  une  mince  besogne,  il  travaille  à  la  relouche  de  ses  |)elits 
cuivres.  <  qu'il  n'avail  pas  vériliés  par  la  presse  depuis  huit  ans  ..  et  ([ui 
avaient  été  «saignés  à   blanc   ■  par  Cadarl.   (\    Alboi/.c.    17  iio\  (•iid)rr  l.S.SX). 

L'exposition  s'ouvrit  le 
30  décembre  1888.  Imi  janvier 
1889,  avait  lieu  l'exposition  di's 
Peintres-graveurs,  à  Paris,  chez 
Durand-lUiel,  et  le  1*^'  févriei'. 
à  Bruxelles.  celU'  des  Vin;/!.  A 
ces  deux  dernières  inanil'esta- 
lioiLS  d'art  graphique,  Desboutin 
avait  les  honneurs  de  rinxila- 
tion.  Si's  pairs  le  rt'connais- 
saienl  pour  un  maître.  -  Il  paraît 
(|ue  Braciuemond,  l^esnardet  moi 
avons  été  les  trois  rois  de  la 
fêle  »,  -  écrit-il  le  .'>()  ian\ier 
1889  à  .Mboi/A'.  sur  rexj)ositiou 
tles    Peintres- (irdpt'urs,  k  et 

Durand-Kuel  s't'st  rt'|)ris  |)oui- 
moi  d'un  renouveau  de  zélé  et 
d'offres  de  services,  lise  fait  fort 
de  mejilacer  des  épreuscs  de  nu's 
poiiiLes-sèches.  un  ci'rtain  nom- 
bre par  mois,  si  je  \-eux  bien  lui 
conliei'     un     poi'tt't'euille.    .h'     le 

ferai  volontiers,  mais  sans  grande  illusion,  car  ji'  nu'  rappelle  (pie.  eu  huit 
années  cpi'il  a  eu  entre  les  mains  un  stock  de  mi's  meilleures  épreuves,  il  n'a 
pas  trouvé  nmyen  d'en  placer  une  seule. 

L'Exposition  des  \'in(/L  où  il  a  vingt-(piatre  cadres  <repreu\es  (d'au- 
tres lettres  i)orlent  dix-sept)  sur  ciiui  à  six  métrés  de  cimaise,  lui  donne 
toute  confiance,  surtout  ])our  l'écoulement  de  ses  fameux  l-Vagonard. 

Quant  à  son  ex[)Osilion  à  Genève,  il  s'en  déclare  absolunu-nt  satisfait. 
Il  y  avait  envove  -  son  (cuvre  complet  en  gravure,  cent  (pialre-vingts  pièces 


Tt'lo  (le  r-'eminc  (  Pciiiliirr,    /  ^  s  sV 
Coll.  Durand-Hucl 


145 


t'iiviroii  .  (1)  et  la  foule  était  accourue  au  musée  des  Arts  Décoratifs  : 
.laniais  concours  plus  sympathique  ne  s'était  fait  dans  ce  froid  pays, 
autour  de  lenvoi  d'un  artiste  étranger.  Plus  de  500  amateurs  l'ont  visité; 
les  i^azetles  de  toutes  les  nuances  en  ont  chanté  les  louanges  sur  tous  les 
modes  et  tons  !  \i[  le  journal.  V llliistrdlion  suisse,  s'est  emparé  de  mon  por- 
trait, [)our  le  faire  paraître  demain  soir  en  grand  format,  avec  biographie  et 
article  criti([ue.  ^ 

«  Le  résultat  financier  n'a  été  c[ue  de  ([uelques  centaines  de  francs,  mais  la 
réclame,  à  mou  début  dans  celte  ville.  (>st  d'une  portée  incalculable,  qui  me 
donne  bon  espoir  de  portraits  (au  moins  de  portraits  gravés),  dès  que  j'aurai 
pu  trouver,  au  centre  de  la  ville,  un  att'Iier  a])ordal)le  pour  le  client.   ' 

l'",nlr"  temps,  «  il  faisait  lui-même  son  marché.  coilTé  d'une  petite  calotte 
rougt".  et  marchandait  chez  les  fournisseurs  de  son  ([uartier.  »  (2) 

La  réalité  déçut  encore  une  fois  les  espérances,  toutes  les  es[)érances, 
hélas  !  de  l'iidortuné  graveur.  Malgré  la  ])ublicité  de  V Illuslralion  suisse, 
l'exposition  de  (ienéve  ne  donna  ([ue  les  maigres  résultats  que  nous  venons 
fie  voir,  obtenus  surtout  |)ar  la  \-ente  de  son  portrait  "  le  dernier,  de  face, 
au  grand  chapeau  '.  (pii  s'est  xendu  à  unv  di/aine  d'exemplaires.  Mais  ce 
petit  succès  ne  fut  suivi  d'aucun  autre.  .\nx  Peintres  (/rdveurs  ce  fut  ])is  encore. 
"  Pas  un  seid  amateur  n'a  demandé  k'  |)rix  d'une  seule  {)lanche  !  »  Pourtant 
L'Homme  au  (jrimil  chapemi,  son  poi'ti'ait  cpii  avait  tant  ])lu  aux  genevois, 
avait  été  reproduit  en  première  page  de  V Art  jrançais:  il  avait  «  hguré  toute  une 
semaine  dans  tous  les  kios(jues  ;  »  (d  cette  rèclanu'  n'a  ])as  «  renvoyé  un  seul 
acheteur  à  la  gravure  originale  ».  Quant  aux  Vinf/t.  '•  malgré  un  article  à 
tout  casser  de  ce  brave  Ainiand  .Silvestre  ».  résultat  ideiditpie.  C'est  la 
guigne  noire.  Elle  le  suit  au  delà  de  la  Manche,  sedef  atrn  cura  : 

«  A  Londres,  où  j'avais  fait  au  Xoir  et  lilane  un  magnifi({ue  envoi  de  cadres 
d'élite,  le  Comité  n'a  pas  voulu  m  "admettre,  comme  tro])  eiu'ombré  lui-même 
[)ar  l'apport  des  sociétaires.  A  Glasgow,  malgré  l'appui  d'un  mien  ami, 
acadéiuicien  d'iulimbourg,  mes  cadres  n'ont  obtenu  que  de  vagues  mentions, 
et  l'Académie  d'LMlind)ourg,  à  laquelle  ont  été  présentés  mes  Frago,  a  conclu  — 
à  n'en  rien  ])rendre  !  »  (A  Alboize.   1  février  et  14  mars  18(S0). 

Ces  échecs  successifs  ne  le  découragent  pas.  Sa  vaillance  a  été  mise  à 
de    plus   rudes    épreuves.   A  l'opposé  de  l'amant   de   Philis,   il    ne  désespère 

(1)  n  n'y  a  pas  eu  de  catalogue  imprimé. 

(2)  NisiAH,  cité  par  Willy,  la  Suisse.  1')  septembre  1  92(i. 

146 


Emile  SOLDI 

(2'   Étal) 


pas.  alors  même  qu'il  nVsporc  plus.  Il  f;iil  um-  tiouvcllc  exposition  chez 
Durand-Huel  (1).  il  envoie  a  ri-;\[)()silioii  Iiii\erselle  d  arct-ptc  le  principe 
d'une  exposition  à  Lausainn  . 

Puis,  en  1(S90,  la  SociOlé  Nationale  se  loiulr.  Deshnulin.  (|ui  na  pn  venir 
à  Paris,  faute  d'argenl.  ni  |)our  son  exposition  |»arliculiere  ehe/.  Durand-Huel. 
ni  pour  TKxposition  l'niverstdle.  ou  il  avait  tenté,  en  vain,  d'envover  "  s;j 
meilleure  épreuve  de  L'Homme  à  la  Pipe  .  d  ou  il  ne  lii,Mira  ((u"avee  le  por- 
trait de  Leclaire,cn  peinture.  v[  celui  du  Comir  L<j)iv  .n  «.'raviirc.  se  décirla. 
au  terme  de  cette  fâcheuse  année,  à  regagner  la  capitale. 

(1)  r.ataloiiuc  avec  préface  dl-:milc  Zola,  reproduii,-  p;ir  Ir  l-n/'im  du  ,s  juillet  et  dans 
les  Annalfs  bourbonnaises  (p.  2.'39)  qui  s'excusent  atipnv  de  ltur>;  lecteurs  de  leur  donner 
du  Zola  ! 


147 


I)r  Clionnof  (  l'einlarc.  l<SSô) 
Coll.  H'  J.  Landau 


148 


XXII 


NOUVEAU    SÉJOUR  A    PARIS 
LA    DÉCORATION 


D' Robin  (C.rayun  Conté  rehaussé  de  sanguine) 


>iin  iiiUiilioii  rlail  de  pas- 
ser ;i  Paris.  jiisU-  li-  toinps  «i'ar- 
ian<^i'r  srs  afTairi's,  après  quoi,  il 
SI'  riiiistalk'rail  à  Xitc.  ou  il 
avait  déjà  l'Xpédié  ses  nu-ubli-s 
cl  sa  gak'rio  .  k-s  (jurk|Uf 
deux  iiMits  tableaux  qui  consti- 
lufiit  son  fonds  ft  son  héritage. 
ne  laissant  à  (ieneve  que  l'in- 
dispensahle.  -     et  sa  famille. 

C.elle-ei  devait  t|uitter  la 
Suisse,  sans  esprit  de  retour,  la 
Suisse  au  climat  brumeux, 
g  la  ce,  marécageux  et  surtout 
|)luviiux  et  neigeux,  en  même 
temps  quil  céderait  lui-même 
à  la  force  et  à  la  férocité  d'appel 
du  soleil.  (1)  Il  loua  à  Paris 
un  logement  jtour  trois  mois, 
puis  il  prolongea  de  trois  mois, 
puis  de  trois  autres  mois  encore, 
et  ainsi  de  suiti'  pendant  sept  ans  ! 
Dans  rinler\alle.  cela  va  sans 
dire,   sa   famille   lavait    rejoint. 

Le    revoilà    tionc    à    Mont- 


martre. Ci)  Il  est  iialurellrmenl.  lui,  le      militant    .  avec  ceux  (lui  se  séparent 


(1)  .\  AlliOi/.f,  14  niMrs  IXX'J. 

ri^  5,  impasse  .le  Gudina  (1890-1891).  puis  cité  Véron.  9  <  189-J- 189.5).  rue  Hreda.  .. 


149 


hruyamiiu'iil  de  la  Société,  trop  routinière,  Irop  poncive,  trop  académique  à 
leur  i^ré.  dos  Artistes  français.  Il  marche  du  même  pas  que  Meissonier,  que 
|{odin,  que  Carrière  et  que  son  ami  Puvis  de  C.havannes.  dont  l'influence 
est  grande.  Là.  au  moins,  on  n'est  plus  étranglé  |)ar  un  règlement  ((ui 
limite  à  deux  le  nond)re  des  cadres  !  Aussi,  la  première  année  (1890) 
exi)ose-l-il  Ions  ses  1^'ragonard,  plus  trois  autres  gra\urt's  d'après  P'rans  Mais 
(ou  Donu'nico  l-'eli)  c[  lU-mbrandt,  et  dix  peintures!  (lelles-ci  sQut  bien 
accueillies  par  la  criticpie.  (pii  décon\ri'  I  )t'sl)oulin,  [)i'inli'e,  et  ce  succès  l'en- 
courage. (",ha([ue  année  il  en  exposera  autant  (pie  faire  se  pourra,  voulant 
rpie  son  paniu-au  ne  soi!  pas  moins  abondant  (pie  celui  de  ses  émules.  Et 
cluupie  fois,  des  |)eisonnages  connus,  -  on  (pii  le  de\iendronl,  — -  se  ren- 
contrent sous  son  pinceau  :  l'.lig.  Lal)i(die  et  Léonce  l'éiiédite.  en  1890  ; 
.l()sé])hin  Péladan.  en  189!  ;  Lrik  Satie  et  Lipmann.  en  189.'}  ;  miss  Maud 
Gone  et  Amilcare  Cipriani.  en  1891  :  Puvis  de  ('.ha\annes,  on  1895  ; 
Willette,  en  189(1:  lùigeiic  l'onrniei-e  et  Pierre  Handin.  en  1897;  Maurice 
Barrés,  en  1898.  (1)  et.  pi\'s(pie  tous  les  ans  aussi,  son  propre  portrait, 
dans   une   expression    inxaiiable    de    sérieux.  jamais  il   ne   se  représente 

riant,  comme   b'rans  Mais  !  mais  dans   toutes  les  attitufles  et   axcc    toutes 

ses   pipes  ! 

Il  ne  négligeait  pas.  pour  cela,  la  graxnre.  1/b^tal  lui  commandait,  en 
189.'J,  sa  grande  î)ointe-sécho  Fiimt'ur  (illimuinl  s<i  pipe  et.  en  1896.  la  Ville 
de  Paris,  La  Fcininc  nu  (Hud. 

Il  était  devenu  un  personnage.  11  appartenait  a  la  catégorie  de  ceux  qu'il 
lui  plaisait  d'appeler,  non  sans  un  soupçon  d'ironie,  »  les  illustres  ».  Mais  la 
célébrité  ne  compassait  pas  ses  manières  ;  elles  imprégnaient  trop  l'homme, 
dont  elles  constitnaienl  an  demeurant  une  partie  de  Toriginalité,  pour  ({u'il 
lui  fut  ])()ssil)le.  malgré  (pi'elles  l'eussent  gêné  naguère,  de  les  déposer  connue 
un  inas(pie.  On  le  connaissait  mainlenant,  et  |)ers()nne  ne  se  montrait  clnxiué. 
Pas  même  M.  le  Directenr  des  licaux-Arts  !  On  raconte,  —  mais  il  y  a  dans 

(1894-189."))  l't  rue  Hic'-da,  1,')  (189G).  Mais  il  ciuiiiiîcnil  (l'apparleiin'iit  dans  la  iia'iiie  maison, 
ne  chercliant  jamais  de  lo^jcment  et  p'-cnant,.à  la  derniîTe  heure,  ce  qu'il  tnjuvait. 

(1)  M.  .Maurice  Barrés  ne  fui  pas  salisfail  de  son  portrait.  Cela  arrive  aux  jjortraitistes 
les  plus  r(.'i)ut(''s.  Le  rhdisme  de  Deshoutin  s'accommodait  mal,  sans  doute,  de  l'impression 
i()mi)le.\e  el  myst('riei!se  d'un  visa.Lie  de  psyclioloffue  artiste,  (pieut  mieux  senti  un  (barrière. 

"  Il  faiU  avouer,  m'(;'crit  M.  Alauricc  Barrés,  que  ce  portrait  est  affreux  1  El  je  désire 
bien  sa  ilestruction.  AvaiU,  je  serai  heureux  de  causer  avec  vous,  et  d'écouter  les  injurieux 
reproclies  (pie  vous  ne  manquerez  pas  d'adresser  à  mes  instincts  de  vandalisme. 

«  Nous  serons  d'accord  pour  dire  cpie  Desboutin  était  un  rare  et  très  attrayant  artiste, 
de  la  plus  belle  espèce. 

«  Barrés.  » 

150' 


L-^àë 


y 


<v, 


,?' 


Tètes  d'étude;.   /Dessin  a  la  plume) 
Coll.  J.  Desbouliii 


151 


ce  récit  une  lionne  pari  de  fantaisie!  -  que  ce  dernier  lui  ayant  com- 
mandé une  i«ra\ure  d'après  un  lal)leau  du  musée  de  lîouen,  Ld  Clémence  de 
Traiim,  de  Delacroix.  l)esl)oiiliu  le  pria,  comme  d'une  chost-  naturelle,  de 
l'aire  envoyer  l'original  chez  lui,  alU'udu  cpie,  d'uiu'  jiarl,  il  ne  pouvait 
se  déplacer,  vu  son  âge,  et  que,  d'autre  pari,  il  ne  sérail  pas  digiu-  de  l'Etat 
ïrançais  ([ue  la  gravure  lui  exécutée  d'aj)res  une  pholographie.  Ce  en  quoi  il 
a\ail  raison.  J.e  Direcleur,  lui  (lénu)nlra  l'inqiossibililé  où  il  élail  de  sous- 
Iraire  ce  lableau  au  public  cl  de  l'enlreiioser  chez  un  particulier  où  il  courrait 
des  ris(pu^s.  Desboulin  feignit  de  se  rendre  à  ces  raisons,  mais  il  se  déclara 
conlrainl  en  loule  hounèlelé,  de  renoncer  à  la  gravure,  en  dépit  de  la  situation 
()récaire  de  ses  linances.   11  élail  louchanl. 

—  Qu'à  cela  ne  liemu'.  concéda  le  Direcleur,  avez-\()us  wnv  aulre  (eu\re 
à  me  proposer  '.' 

—  Cerlaint'menl,  mon  cnjanl  ! 

Desboulin  a|)pi'lail  tout  k'  monde  :  mou  enfaid.  11  imilail  Louis  WIIl 
([ui,  lui  pourlanl,  ne  doimait  ce  lilre  familier  qu'au  duc  Decazes. 

—  Qu'esl-ce  ? 

—  Mon  portrait  !  .le  sais  cpu'  le  Luxend)ourg  n'esl  pas  les  UlYizzi  ;  il 
n'achète  pas  les  pori rails  des  j)einlres  par  eux-mèmi's,  mais  vous  l'accfuerrez 
comme  le  porlrail  de...  ma  pipe  ! 

Le  DirecU'ur  souril,  ne  dit  pas  non,  et  chargea  un  inspecleur  des  Heaux- 
Ai'ls  de  \()ir  le  chef-d'd'uvre.  Le  rap|)orl  ayanl  été  favorable,  l'achat  eut  lieu 
cl  Desboulin  s'en  vint  remercier  rb'.xcellence.  .\u  coui's  de  la  visite,  il  avança, 
eu  cligna  ni  (k-  l'œil  : 

Vous  savez,  mon  enfant  !  pour  le  même  prix,  ]v  |)ourrai  nous  fournir 
le  peudanl  :  le  |)orlrait  de  M"'*^  Desboutin  ! 

Mais  cette  fois,  le  Direcleur  n'eut  [)lus  le  sourire. 

La  vérité,  —telle  du  moins  ({u'elle  ressorl  du  dossier  conser\é  aux  Heau.x- 
Arls,  —  est  un  i)eu  dilferenle.  Desboulin  n'y  ai)paraît  pas  sous  cet  aspect 
Lruculeul,  nuus  les  dossiers  olliciels  ue  conlienneut  pas  la  phonoi/raphie  des 
conversations.  Desboulin  y  a  meilleure  grâce,  je  vi'ux  dire  meilleures  manières. 
Il  avait  d'abord  demandé  à  reproduire  L'Entrée  des  Croisés  à  Constanlinople, 
puis  ai)prenant  que  Bracquemond  avait  fait  la  même  demande  eu  1879  (on 
était  alors  en  1890),  il  s'était  spontanément  elTacé  devant  son  confrère,  et 
avait  sollicité  le  remplacement  de  cette  œuvre  par  celle  que  le  Musée  de  Rouen 
])ossède  du  même  peintre  :  La  Justice  de  Trajan.  Plus  tard,  ■ —  ici,  peut-être, 
la  légende  côtoie  la  vérité,  —  il  demanda  une  seconde  réversibilité,  cette  fois, 

452 


Comte    LEPIC. 

(  y   Etat  ) 


non  plus  sur  uiir  œuvre  de  reproduction,  mais  sur  une  œuvre  originale  : 
Portrait  dWrtistc.  L'autorisation  lui  fut  accordée  le  2".)  juillet  1.S93,  sous  la 
condition  habituelle  qu'il  donnerait  le  dessin  original  en  même  temps  qu<-  la 
planche  (Ij.  Armand  Silvestre,  alors  inspecteur  des  Heaux-Arts,  avait  écrit 
une  fort  belle  lettre  à  son  directeur  et  ami,  Henry  lioujon,  afin  de  le  décider 
à  faire  celte  commande  (n'oul)lions  i)as  que  l'on  était  à  cette  épof[ue,  dans 
tout  le  feu  de  la  lutte  entre  les  reproducteurs  et  les  originaux).  Cette  lettre 
honore  autant  celui  qui  l'a  écrite  que  celui  qui  la  motiva  et  que  le  haut  desti- 
nataire, jugé,  à  bon  droit,  capable  du  beau  geste  qu'on  lui  demandait.  Voici 
les  passages  essentiels  de  cette  lettre  inédite  : 

'  5  juillet  18H3. 

...  «  Desboutin  avait  d'abord  pensé  à  faire  revivre,  dans  une  conqiosition 
à  la  fois  moderne  et  légèrement  allégorique,  les  images  des  principaux  roman- 
ciers de  ce  temps,  ce  qui  donnait  à  un  cuivre,  probablement  destiné  à  la 
célébrité,  une  valeur   documentaire. 

X  Mais  jnon  illustre  ami  qui  a,  par  l'indépendance  aussi,  les  allures  d'un 
maître,  a  fait  le  rêve  de  s'immortaliser  lui-même,  et  comme  projet  de  ce  qui 
lui  est  commandé  |)ar  l'Ltat,  il  m'a  montré  un  jxtrtrail  de  lui,  un  portrait 
nouveau,  plus  merveilleusement  intéressant  encore  cpie  ceux  i[ue  l'on  connaît 
déjà...  Ce  sera  la  plus  grande  pointe-sèche  qui  ait  jamais  été  entreprise,  une 
œuvre  qui,  réussie,  donnerait  à  l'art  français  un  équivalent  des  plus  belles 
de  Hem])randt. 

X  Ce  n'est  pas  seulement  un  portrait,  mais  un  vrai  tableau.  ])ar  l'arrange- 
ment des  mains,  très  ingénieusement  occui)ées,  par  l'intérêt  tlu  fond,  repré- 
sentant l'atelier  de  l'artistt'.  Quehfue  chose  comnu'  le  Bon  fiork,  qui  n'est 
pas  seulement  un  portrait,  non  plus. 

"  ...  .Je  suis  convaincu  (pu-,  comme  moi.  nous  serez  ému  de  ce  seîitiment 
uobk'  et  naît  d'un  vrai  maître,  qui  voudrait  laisser  de  ses  propres  trail^  une 
image  consacrée,  déliant  le  lemiis,  le  vengeant  dans  l'avenir  des  indilïérences 
du  présent. 

«Pour  qui  connaît  l'ab.sence  complète  de  vanité  de  ce  graïui  artiste,  chez 
cpii  le  caractère  égale  le  talent,  il  y  a,  je  vous  assure,  une  certitude  de  bien  faire, 
une  ambition  de  se  surpasser  soi-même,  qui  sont  connue  un  cri  de  la  conscience, 
et  qui  méritent  d'être  pris  eu  sympathique  considération. 


(1)  Le  desshi  a  été  attribué  au  LuxiMiibouri:  le  (î  novembre  l.syâ. 


.  Vous  me  pardonnerez.  Monsieur  le  DirecU'ur,  d'adresser  ces  lignes  à 
l'ami  bien  plus  qu'à  mon  su|)érieur  hiéraielii([ue  el  d'y  mettre  un  peu  de  ce 
([ui'  je  sens  d'admiration  |)our  un  homme  dont  je  suis  les  travaux,  dont  je 
|)énètre  les  hautes  tendances  artisli([ues  (U'puis  vingt  ans,  envers  ([ui  le  respect 
m'interdit  tout  sentiment  de  camaraderie,  dont  je  ne  |)ark'  jamais  ({u'en  fai- 
sant acte  de  foi.  Je  vous  assure  que  ce  sera  une  gloire  pour  vous  ((ue  de  l'avoir 
mis  sous  toutes  les  formes,  à  sa  Nraie  place,  celle  du  maître  de  (^e   tem])s.  » 

Ouehpies  mois  après,  la  conunande  ayant  été  faite,  Armand  Sihestre 
axait  à  juger  le  tlessiu.  Il  le  taisait,  comme  bien  Ton  |)ense,  vn  lernu's  élo- 
gieux  : 

(1  (a'  dessin,  (jui  est  à  l'échelle  définitive,  est  le  j)ortrait  de  M.  Desboutin 
lui-juème  et  dilTère  absolument,  par  la  grandeur  et  par  la  pose  de  ceux  (jui 
ont  beaucoup  contribué  à  sa  renommée,  à  l'étranger  surtout,  où  il  est  consi- 
déré comme  un  di-  nos  maîtres.  La  gravure  sera,  ])ar  ses  dimensions,  un  échan- 
tillon uni(iue  du  procédé  dans  lequel  il  est  demeuré  sans  rival,  celui  de  l'inter- 
|)rétation  directe  à  la  pointe,  maniée  comme  le  crayon.  Le  sujet  a  été  conçu 
(le  façon  à  mettri'  une  très  vi\e  pointe  de  lumière,  -  le  feu  d'une  pi|)e  s'allu- 
mant,  -  -  au  centre  même,  et  si  I\L  Desboutin  est,  comme  tout  le  fait  supposer, 
en  pleine  ])()ssession  de  ses  moyens  ordinaires,  il  donnera  là,  par  les  opposi- 
tions de  lumière  et  d'ombre,  un  effet  à  la  Rembrandt,  dont  la  tradition  n'appar- 
tient actuellement  ([u'à  lui. 

"  Tout  fait  donc  prévoir  une  œuvi'e  absolument  intéressante  et  il  y  aura 
lieu  de  s'apjjlaudir  d'avoir  laissé  maître  et  inspirateur  du  sujet  qu'il  avait  à 
graver,  un  artiste  d'une  originalité  aussi  j)uissanle  el  (fui  est,  en  même  temps 
(jue  graveur,  un  peintre  de  mérite...     (1) 

Si  k'  talent  ser\ait  l'artiste,  l'homme  était  desservi,  auprès  du  monde 
olliciel,  [)ar  ses  apparences.  Sa  bohème  invétérée  retarda  de  plusieurs  années 
sa  décoration,  (larnot,  qui  abhorrait  le  manque  de  tenue,  faisait  à  toutes  les 
|)ropositions  une  opposition  irréductible.  Puvis  jiourtant,  correct  el  tlistant 
comme  le  Président   lui-même,  axait   beau   plaider  pour  son  ami.  assisté  de 

(1)  A  la  fin  de  son  r;i])|)oii.  A.  Silvcslri-  inciUioniu'.  parmi  los  travaux  |)ii'j)aiatoircs  de 
ce  portrait,  «  une  peinture  à  riuiile,  dans  les  nuMnes  dimensions,  étude  très  inti^re'jsante  et 
très  poussée.  »  Le  titre  de  la  gravure  e^t  Fumeur  allumant  sa  pip''. 

Xous  devons  la  conununieation  de  ces  documents  à  MM.  Sé.auin  et  .MouUé,  celui-ci 
ayant  succédé  au  ])remie.'  dans  les  fonctions  de  chef  du  bureau  des  Beaux-Arts  à 
l'Administration  de  la  rue  de  Valois,  el  nous  les  remercions  tous  deux  de  leur  obligeance. 

154 


\   \  K 


Armand  Silveslre  ( Pointe- sèche I 


membres  du  Comité  de  la  Société  Nationale,  parmi  lesquels  M.  Jean  Béraud 
chaudement  insistant,  il  n'obtenait  du  Président,  dont  Caran  d'Ache  a  immor- 
talisé la  raideur,  que  cette  protestation  : 

—  Il  est  trop  sale  1 

Desboutin  reconnaissait  d'ailleurs  la  justesse  de  cette  critique,  qui  n'avait 
point  empêché  Villemain  d'être  ministre.  —  autres  temps,  autres  mœurs  I  — 
et  il  confessait  à  son  confrère  Hector  Leroux,  dans  l'atelier  d'Her^ner  : 

—  «  Trois  choses  me  ferment  les  portes  de  la  Légion  d'honneur  :  ma  pipe, 
ma  redingote  et  mon  indépendance  I  » 

Dans  le  même  ordre  d'idées,  il  disait  à  Jules  Claretie,  qu'il  voyait  enle- 
ver des  taches  de  bougie  sur  une  cheminée. 

—  Vous  suj)primez  les  taches?  Moi,  je  les  collectionne  ! 

Le  grand  jour  arriva  néanmoins,  puisque  tout  arrive,  —  à  ce  que  j)réten- 
dent  les  optimistes.  Desboutin  fut  décoré,  sous  le  ministère  Lockroy,  en  1895. 
L'événement  fit  sensation.  On  aimait  le  «  père  Desboutin  »,  dont  le  vêtement 
pouvait  être  négligé,  mais  dont  la  vie  était  propre,  et  le  talent  avéré.  Puis 
cet  événement  survenait  à  une  époque  où  il  y  avait  des  revues  de  jeunes 
({ui,  à  l'occasion,  se  donnaient  l'originalité  de  fêter  le  vieux.  La  Plume  avait 
l'entreprise  de  ces  solennités.  P^Ue  célébra  tour-à-tour  Verlaine,  Rodin,  Puvis 
de  Chavannes,  Octave  JMirbeau,  Paul  Adam,  etc.  Pour  ceux  qui  sont  encore 
en  marche,  les  «  vieux  »  sont  ceux  qui  sont  arrivés. 

Desboutin  éprouva  une  grande  joie.  Le  8  juin  1895,  deux  cents  convives 
se  groupèrent  autour  de  lui  et  de  Puvis  de  Chavannes,  qui  avait  accepté  la 
présidence  du  banquet.  Le  peintre  de  Ludus  pro  patria  parla  avec  chaleur 
de  son  vieil  ami,  «  ligure  légendaire  »,  «  âme  que  rien  n'a  jamais  souillée  »,  et 
termina  son  toast  profondément  afl'ectueux  par  ces  mots  :  «  Mon  cher  Desboutin 
je  vous  embrasse,  je  suis  fier  de  vous  embrasser  !  »  Après  quoi,  Armand  Sil- 
vestre  lut  ce  beau  sonnet  : 


Marcellin  Desboutin,  peintre,  graveur,  poète, 
Grand  artiste  en  trois. arts  qu'on  aurait  cru  rivaux, 
l.e  temps  sera  fidèle  à  te«  nobles  travaux 
Et  (l'un  triple  laurier  couronnera  ta  tête. 

Le  public  aujourd'hui,  tout  entier  te  fait  fête. 
Mais  dans  leurs  cœurs  jaloux  et  leurs  saines  cerveaux 
Tes  amis  seulement  savent  ce  que  tu  vaux, 
Doux  philosophe  ïi  l'ï^me  orgueilleuse  et  discrète. 


156 


:y.  ^^^:^ 


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FUMEUR   A   LA    FOURRURE 


Ilninnie  de  vertu  rare  et  d'espril  |)réciciix. 

Ou  ne  t'admire  bien  qu'en  te  connaissant  mieux 

Florentin   de   l'aris.  quan.l   Paris  est  Athènes, 

Fils  d'Iiomcre,  conteur  au  lanfja^^c  doré, 
Dont  le  lont;  souvenir,  h  l'art  seul  consacre-. 
Rejoint  les  temps  nouveaux  ef  les  >»loires  lointaines  ! 

Puis,  ce  fuR'iil  J.  de  Marthold  cl  P.aniil  Gineslc  f|iii  lurent,  le  premier 
une  ballade,  le  second  un  sonnet,  et  Desboulin  (lui  répondit  à  tous  ces  com- 
pliments en  prose  et  en  vers,  par  une  allocution,  oii  il  reporta  sur  l'ensemble 
des  artistes,  dont  il  n'était  que  le  doyen,  l'bonneur  qui  lui  était  fait.  Il  but 
«  aux  disparus  :  à  Edouard  INIanet,  dans  la  peinture,  à  Cliabrier,  dans  la  nin- 
siqiie,  à  Villiers  et  à  Duranty,  dans  la  littérature.  »  Il  n'oubliait  |)as,  on  le 
voit,  ses  amis  du  Café  Guerbois  et  de  La  Nouvelle  Athènes  ;  il  n'en  avait 
oublié  que  les  importuns,  et  remerciait  Armand  Silveslre  fi'avoir  conservé 
le  souvenir  des  autres  dans  ses  écrits.  (1) 

L'artiste  est,  à  cette  beure,  presque  heureux.  11  jouit  de  sa  notoriété, 
de  son  talent  reconnu,  d'une  existence  plus  facile.  Ses  fds  ont  débuté  dans  la 
carrière  paternelle,  —  qu'ils  devaient  plus  tard  abandonner,  peut-être  pour 
y  revenir  un  jour,  —  et  ils  ont  eu  des  succès  qui  ont  gonflé  d'un  légitim»- 
orgueil  son  cœur  de  père.  Une  seule  ombre,  —  mais  est-ce  bien  une  oml)re? 
il  se  brouille  avec  Degas.  Voici  comment  les  choses  se  i)assèrent  : 

Degas  plaisantait  son  ami  sur  son  ruban  rouge,  tout  éclatant  i-ncore 
de  fraîcheur.  Déjà,  il  avait  dit  :  «  Desboutin  décoré  ?  Ça  lui  fera  une  tache 
de  plus  !  »  (2)  Cette  fois,  il  voulait,  selon  son  habituelle  tournure  d'esprit, 
ridiculiser  l'emblème  et  amoindrir  la  joie.  Travers  agaçant,  irritant,  ([uoitpie 
excusable  chez  un  maître,  qui  avait  vu  toutes  les  médiocrités  de  son  tenq)s 
recevoir  cette  distinction,  que  Iroj)  lard  on  lui  avait  offerte  et  ((u'il  avait 
refusée,  en  disant  :  "■  Je  n'ai  d'ordre  à  recevoir  de  jiersonne  !  »  Desboutin  y 
discernait  le  désir  d'être  lilessant  ;  il  écoutait  cette  parole  dont  il  aurait  accepté 
l'amertume,  mais  dont  il  ne  pouvait  tolérer  le  mépris  ;  sa  colère  grandissait 
et  soudain  : 

—  Degas  !...  Vous  voulez  liafouer  ma  décoration'?..  .Te  ne  le  soufTrirai 
pas.  Tenez-vous  le  pour  dit  ! 


(1)  La  Plume,  dans  son  numéro  du  15  juin  189.'.,  a  donné  le  compte  rendu  du  bancjuet. 
avec  les  discours,  les  poèmes,  une  lettre  de  J.  Clarctie  et  les  noms  des  principaux  con\nvcs. 

(2)  On  prête  aussi  le  mot  au  peintre  Emile  de  Spetch  et  nu  poète  C.ustave  Mnthieu. 


En  même  temps,  il  se  dressait  et  sa  haiile  taille  dominait  De^t^as.  Celui-ci 
battit  en  retraite. 

—  C'est  qu'il  avait  l'air  de  vouloir  coitner  !  disait-il  (|uel(|iu\s  jours 
|)lus  tard,  eu  raeoutaul   l'incideiil.   l-'.t  il  est  encore  solide,  le  uiàliu  !  » 

Les  deux   hommes  ne  se  rexirenl    plus. 


î.c   !)■■  Albcrl  lîobin  (Peinlun:  7<?r,<?; 
Coll.   .!.  Deshoutiii 


l=),S 


XXII 


RETOUR  A  NICE  -  LES  DERNIERS  MOMENTS 

En  1896,  il  roiitiiiiiail  sur  Nice  \v  xoya^'i'  nilrcpiis  sept  ans  aiiparavanl. 
Sa  propriété  avait  été  vendue  (1<S91).  cl  il  avait  loué  une  autre  villa,  la  villa 
.Mossa,  route  du  Var,  près  du  pont  Ma^nan.  Il  y  retrouvait  son  mobilier.  (|ui 
avait  été  expédié  de  (renéve.  lorscpie  lui-niènu-  en  était  |)arli.  Mais  dans 
quel  état  !  Il  donnait  à  une  amie  (1)  dinténssanls  détails  sur  sa  réinslalla- 
tion  au  pays  du  soleil. 

«...  lùi  fait  de  grève,  je  viens  d'en  tiler  une  toriiiidahlr  1  Pour  la  prcmii-rc 
fois,  en  2()  ou  .30  ans,  je  suis  resté  im|)roduetif,  ou  prcstjue.  deiuiis  mon  départ, 
ou  plutôt  mon  arrivée  dans  cet  azur  soporiforme  !  D'ailleurs,  je  ne  sais  trop 
où  j'aurais  pu  exercer  mes  petits  talents  de  jirestidigitateur  artisticjue.  I-jitre 
la  formidable  dégringolade  des  innombrables  épaves  de  notre  [pauvre  mobi- 
lier et  de  tout  mon  matériel  d'atelier,  dislocjué  et  <iétra(iué  par  l'incurir 
d'un  dépositaire  infidèle,  et  l'encombrement  de  l'arrivée  de  .■)•)  rolis  portés 
de  la  rue  Bréda  à  la  villa,  je  ne  savais  où  nu-  réfugier,  refoulé  de  eluimbre 
en  eliambre  dans  (fuehiue  coin  on  j'avais  à  |)eiiu'  la  place  d'un  li\i-e  et  de 
ma  pipe  ! 

«  Enfin,  par  des  prodiges  d'ingéniosité  et  de  \rais  tours  de  force,  mon 
jeune  atbléte  Cecchino  a  fini  ])ar  dresser  tous  les  tableaux  ou  éludes  les  plus 
importants,  le  long  des  murs  de  mon  atelier  (([u'il  a\ail  coinini-ncé  par  re- 
peindre à  lui  tout  seul).  Il  a  réussi  à  en  faire  un  i>nii  rmisi-c.  an  milieu  du(|ue! 
je  me  prélasse  dans  la  gloire  de  nmn  ])assé  artisti(iue  i-t  me  simule,  par  antici- 
pation, les  honneurs  d'uni'  petite  galerie  La  ("aze.  dans  un  petit  Louvri-,  qui 
serait  situé  entre  les  contreforts  des  Alpes-Maritimes  et  les  Itord^  de  In  Médi- 
terranée. 

»  ...  .l'ai  vraimenl  tout  ce  (pi'un  ;irtiste  puisse  le  plus  e\cepliomiellenn-nl 
rêver  comme  installation.  Modeste,  si  vous  la  comparez  à  certains  palais  r|c 

(1)  M"°  Solange  .Massicot    ([iii  a  liien  viulii  nous  ooininimifiuer  les  k-llrcs  que  lui  écrivit 
Desboutin. 

I.V.» 


certains  princes  de  l'art,  dans  les  quartiers  princiers  de  Villiers-Monceau, 
mais  enchâssé  dans  une  nature  et  éclairé  par  un  soleil  que  toutes  les  merveilles 
de  l'industrie  parisienne  ne  pourront  jamais  produire  !  Tel  que  c'est,  il  y  en 
aurait  au  l)as  mol  pour  (•in([  ou  six  mille  de  loyer,  à  la  (iislauce  du  c(LHir  de 
Paris  où  nous  sommes  du  cœur  de  Nice.  » 

Dans  ce  petit  Louvre,  il  ne  tarde  pas  à  se  remettre  au  travail,  avec  une  ar- 
deur rajeunie.  Plus  une  heure  de  repos  !  Comme  il  arrive  aux  graveurs  vieillis- 
sant, la  peinture  le  requiert  pres([ue  tout  entier.  11  faut,  pour  la  gravure,  des 
yeux  qui  ne  se  fatiguent  pas  et  tous  les  graveurs,  à  un  certain  âge,  supi)ortent 
mal  la  tension  visuelle  qu'exige  le  maniement  du  burin  ou  delà  pointe  et  le 
reflet  douloureux  du  cuivre  étincelaut.  Pourtant,  Deshoutiu  n'abandonne  pas 
sa  gravure.  Il  incise  encore  quelques  portraits  :  le  Docteur  B..  (aréty)  1899, 
le  sien,  par  habitude  ;  il  interprète  quelques  autres  de  ses  tableaux,  comme 
La  Marguerite  (1(S08)  (1),  car  composition  ou  ])ortraits  ne  sont  plus  gravés 
directement  d'après  nature.  Mais  c'est  la  peinture  qui  le  passionne.  «  Il  passe 
sa  vie  dans  sa  boîte  à  couleurs  !  »  raille  affectueusement  Chiquine.  F.t.  du 
matin  au  soir,  le  vieil  homme  s'acharne  à  peindre,  découvrant  chaque 
semaine  quelque  <(  manière  définitive  »,  heureux  de  se  sentir  encore  si  ]dein 
de  verdeur  et  les  oreilles  fermées  au  bruit  désobligeant  de 

La  mort  dniis  l'escalier,  (]ui  ninnte  :'i  pas  pesants. 

Il  ne  regrette  nullement  Paris.  Il  s'applaudit  au  contraire,  de  s'être  «  thé 
de  la  fange  morale  et  matérielle  dans  lacpielle  on  \a  jxatauger  de  plus  en  plus, 
par  relâchement  de  la  voirie  et  de  la  morale.  «  Paris,  ])ourtant,  lui  est  utile. 
Xice  ne  lui  a  pas  procuré  «  grande  clientèle  »,  car  il  n'est  plus  «  dans  l'âge  et  dans 
l'entrain  des  fréquentations  mondaines»  —  comme  s'il  avait  jamais  connu  cet 
âge-là  !  —  et  il  vit  «  dans  une  sorte  de  retraite  laborieuse,  tout  entier  à  l'art, 
sans  distraction  du  moins,  s'il  est  sans  grand  profit.»  (A  la  même,  10  janvier 
1898,  7  janvier  1899.) 

Au  fond  cela  lui  demeurait  pénible  de  penser  (pi'il  ne  \errait  pas  couronner 
sa  carrière,  par  une  de  ces  fortunes -qu'étalent  si  orgueilleusement  les  «  princes 
de  Villiers-Monceau  !  "Vanité,  non  !  mais  conscience  de  sa  valeur,  de  l'équité  du 
sort  qui  le  ferait  riche,  ressouvenir,  jamais  aboli,  de  l'aisance  de  sa  jeunesse  ! 
Et  voilà,  qu'il  crut,  un  jour,  son  tour  de  chance  venu. 


(l)  Il  la  grava  deux  fois. 
160 


I    1^ 


I 


Vidlle  femme  cous^ml    fiJessin  à  la  p/um.-) 


Il  passait  dans  la  rue.  l'iic  voilure  s'arrête,  (ii  monsieur  fort  élégant 
vu  descend  et  l'aborde   : 

N'êtes-vous  pas  M.  .Mareeiliu  Deshoulin  ? 

-    Lui-même. 

iMichanté,  cher  maître  !  Je  suis  aiualeur  de  peinture,  de  bonne  [)einture 
.le  veux  acheter  de  la  vôtre.  Voulez-vous  que  nous  allions  ensemble  à  votre 
atelier  ? 

Le  vieil  artiste  est  émerveillé  :  il  monte  dans  la  voituri'  de  celui  (ju'ij 
nonune  déjà  in  petto  son  .Mécène  cl  qui  a\ait  décliné  son  nom  et  sa  (jualité  : 
X.  I).  (i.,  l)anquier  à  Amiens.  (1) 

Lelui-ci  pénétre  dans  râtelier,  \a  des  murs  aux  chexalets,  a|)précie,  choisit, 
Xul  besoin  de  l'exciter.  11  aiiue  tout,  il  s'extasie  sur  tout,  il  achète  presque  tout. 
Le  Marcliand  d'Oii/noiis  le  ravit.  Ce  sera  la  ])erle  de  sa  tfalerie.  Quand  il  se  retire, 
il  a  ac{[uis  ()our  cpiinze  mille  francs  de  peinlui'es,  (pi'il  \a  solder  à  bref  délai  et 
(pie  rartisl(>  lui  exj)édiera  aussitôt. 

Quinze  mille  !..  Desboutin  lâche  la  bride  à  son  imagination,  comme  Per- 
rette.  Il  n'a  pas  fini  de  brodei'.  que  survient  un  second  monsieur,  aussi  correct 
(pie  le  premiei-,  ([ui  se  présenle.  lui  aussi:  tuleur  du  bancfuier  !  L'achat  n'était 
|)as  valable.  Mécène  était  intei'dit,  mais  pas  ])lus  certainemenl  que  le  ven- 
deur à  ce  moment-là. 

Si  la  décoiuenue  fut  vive,  elle  dura  |)eu.  La  même  année,  il  vendait,  pour 
(pialrc  mille  francs,  son  Marchand  d'Oignons  delà  Riviera  h  \a\i\lc  de  Pixvh  (2) 
(lettre  du  .'U  juillet  1898,  à  Mme  Simonnet  d'Ilennezcl),  et  ce  fut  un  excellent 
lopi(pu'.  Il  était  d'ailleurs,  de  ceux  à  (uii  l'espérance  tend  toujours  un  rameau 
\'erdoyant.  l'no  (wulso,  non  dcjicii  altcr,  dil  un  vieil  adage,  souvent  reproduit 
sur  les  médailles  et  les  jetons  ;  u  une  de  i)erdue,  dix  de  retrouvées,  »  traduit 
librement  un  proverbe  français.  Il  écrivait  le  7  janvier  LS99.  à  W^^  Massicot  :- 

"  IhHUH'usement,  ipielques  affaires  avec  Paris  me  maintiennent  à  flot,  nmi 
et  ma  petite  famille  et.  en  ce  luomenl  encore,  j"es|)ére  réaliser  la  grosse  affaire 


(1)  Le  même  banquier  avait  acheté,  à  beaux  (ienieis  coiiii)laiUs,  cette  fois,  toute  la 
l'Outi(]ue  du  «  père  Bonne  ». 

Le  père  Bonne  était  un  original  de  Montniart'-e,  précurseur,  si  l'on  veut  et  à  sa  façon, 
lies  siraiids  spéculateurs  de  l'art.  Pour  des  prix  variant  de  cinq  à  dix  francs,  il  achetait  aux 
artistes  en  mal  d"impécimiosité  leurs  tableaux,  et  l'on  cite  un  peintre,  devenu  assez  notoire, 
(lui,  aux  heures  sombres,  sautait  dans  une  voiture  et  durant  le  trajet  qui  séparait  son  domicile 
de  la  boutique,  brossait  une  toile,  dont  il  recevait  le  jirix  au  débarcpié.  Bonne  achetait  aussi 
au  «  marché  aux  puces  »  les  chefs-d'œuvre  inconnus  qu'il  y  rencontrait,  mais  ne  les  payait 
pas,  ceux-lù,  plus  de  0  fr.  50  à  1  franc. 

(2)  .\ctuellement  à  la  mairie  du  xviii«  arrondissement. 
162 


DEGAS    LISANT  (1873) 


d'un  portrait  ((lu-  j'ai  expose  en  05  du  cher  et  pauvre  vieil  ami  Puvis  de  Clia- 
vannes,  la  seule  effigie  d'après  nature  ([ui  reste  de  ce  grand  homme  »  (1).  .le 
poursuis  en  même  temps  la  eommande  d'un  grand  travail  de  graxiin-  pour 
l'Hôtel  de  Ville,  pour  lecfuel  je  suis  aj»puyé  par  de  bons  amis,  restés  e«)nseillers 
municipaux    . 

Tel  était  le  lameaii  !  Il  n'en  [uil  lieii  saisir.  Xi  sente  ni  commande.  \nx 
gravures  d'un  maître.  l'Hôtel  de  Ville  préféra  des  photographies  !  Par  contre, 
la  maladie  !  Sa  santé  commençait  à  fléchir.  La  dernière  cpiin/aine  de  189S 
avait  été  marquée  par  une  rei)rise  de  bronchite  eatarrhale  (pii  lavail  beaucoup 
tourmenté,  puis,  la  prostate  s'était  enflammée  et  l'avail  cloué  sur  un  lit  fl'hôtel. 
à  Paris,  où  il  était  revenu  pour  affaires.  Il  le  (piitle  cet  affreux  Paris,  dont  la 
carapace  de  brumes  et  de  glaces  ne  laisse  filtrer  aucun  rayon  de  soleil  "(2).  le 
20  novembre  el  rentre  à  Xice  où  il  semble  bien  (pTil  sente  ap|)r()clier  l'échéance 
fatale.  Il  revit  ses  jours  d'enfance,  ce  C.érilly  ou  il  n'est  |dns  retourné  depuis 
1848,  il  l'évoque  dans  une  lettre  du  8  jauN  ier  11>()(),  a  .M""  .Massicot,  sa  compa- 
triote  : 

'»  X'olri'  chère  Ici  tri'  i.\{\  jour  de  l'an  t'st  le  seul  el  dernier  sniirenir  cpu  luo 
vienne  de  mon  pays  de  naissance  el  d'autant  plus  cliei'  et  charmant  |iour  moi. 
qu'il  porte  le  doux  nom  de  Soldiifjc,  le  plus  musjcalemeul  si  u'imental  (lui  ail 
charmé  nu's  oreilles  d'eufaid,  et  réveillé  a  lui  sru\  lous  les  échos  du  pays  si 
lointain  et  de  mon  |)assè  presque  séculaire. 

Les  souffrances  ne  lui  font  pas  ITudier  le  lra\ail.  son  besoin  et  sa  joie.  coiUiue 
il  est  \v  besoin  et  la  joie  de  Ions  ceux  (pu  ont  (pu'Upu'  chose  là.  Il  (eu\re.  dèclarc- 
t-il.  "  coiume  un  vieil  i'iiii)loyé.  ■'  Il  projette  aussi  un  ullime  voyage  afin  de 
visiter  la  «fatidi(pu'  Lx|)osition,  di'  se  mêler  nue  dernière  fois  a  la  vi»-  parisienne, 
surtout  montmartroise,  et  de  se  ndreniper  dans  le  sein  vivifiant  de  (jueUpies 
amis,  dont  je  puis  conqiter  le  nombri'  lout  au  plus  p;ir  celui  des  doigts  de  la 
main  (pii  nous  écrit.      (Même  lettre). 

La  maladie  retarde  encore  l'exècutiou  de  ce  piojel.  b.n  mai.  il  est  obligé 
d'aller  consulter  un  oculiste  a  Monaco,  à  cause  de  son  d'il  droit  atteint  de 
conjonctivite  el   dont   la  \isiou  (ie\  ieiil   de  plus  eu  |i|us  trouble  et   pénible.    ■ 

(1)  Acquis,  après  la  iiu»r!  (k-  Dt-sljoulin,  par  le  Mum'i'  <l'.\miiiis.  Ce  n'est  pas  la  seule 
effiaic  de  Puvis.  Tl  v  a  aussi  'c  portrait  de  [{ounal,  el  le  buste  de  Hoilin.  Desboutin  décrivait 
ainsi  le  portrait  deBounal  :  Il  l'a  représenté  cravaté,  rolleté  et  en  liihit  lie  ville,  connue 
un  député  à  la  tribune  de  la  Chambre,  —  illusion  coini)létée  par  un  verre  d'eau  qui  (i;:urait 
sur  la  table  contre  laquelle  il  s'appuyait,  comme  à  la  barre  d'uiu'  tribune.  Lettre  ;"!  M""  Si- 
monnet  d'Hennezel,  22  novembre  1898. 

(2)  Lettre  du  20  novembre   1899,  ;"i  M"'^'  Solau^^e  M^ssicot. 

163 


TvC  praticien  le  reconnaît  atteint  de  cataracte,  a  de  telle  façon  qu'après  deux 
on  trois  ans  au  plus,  une  opération  deviendra  nécessaire  «  (1). 

(',e  n'est  que  le  29  août  qu'il  demande  à  son  ami  M.  Crépin-Lehlond, 
(iirecleur  du  Courrier  du  Centre,  à  Moulins,  pour  lequel  il  vient  de  graver  le 
Maréchal  de  Villars.  d'ai)rès  Hyacinthe  Rigaud,  «  le  permis  qu'il  lui  a  promis  », 
mais  le  i)ermis  reçu,  nouvel  obstacle  :  sa  fille  Marie,  fort  éprouvée  par  des  cha- 
grins de  famille  et  le  décès  de  suu  mari,  meurt  subitement,  à  Rad-Nauheim  ; 
(septembre).  Chiquine  qui  revenait  de  Paris,  après  y  avoir  peint  La  Rue  des 
\afions,  dont  son  père  faisait  grand  cas,  repart  le  même  jour  pour  Florence,  où 
avaient  lieu  les  obsèques.  Le  vieil  homme  est  ému  de  cette  fin  inattendue, 
[lourlanl  prc^ssentie.  dans  C(>lte  ville  d'eau  lointaine  de  la  menteuse  Allemagne. 
Mais  il  est  non  moins  tourmenté  ])ar  la  pers|iective  de  son  déménagement,  car 
le  bail  de  la  villa  Mossa  est  ex|)iré  et  il  a  loué,  au  centre  de  la  ville.  «  un  bel 
appaiiemenl,  avec  terrasse  d'où  l'on  voit  la  mer,  i"ue  Saint-François-de-Paule.» 
(',lii([uiiu'  sera-t-il  de  retour  à  temps  ? 

Oui,  et  cela  le  soulage  d'une  inquiétude.  Mais  novembre  est  arrivé.  L'Expo- 
sition est  prolongée.  Il  vient  passer  quinze  jours  à  Paris,  chez  son  fils,  Mycho, 
et  son  cerveau  (\sl  k  pneumatisé  par  ces  quinze  journées  de  brumes,  de  pluie  et 
de  froide  bise,  coupées  par  deux  seules  matinées  de  pâle  soleil  «  (2).  Cette  cigale 
n'aura  décidément  jamais  aimé  que  le  sanctus  deus  sol,  comme  le  qualifie  une 
médaille  du  temps  d'Héliogabale,  le  saint  dieu  Soleil  !  Et  cette  dépression  men- 
tale s'aggrave  d'une  dépression  physique  :  une  nouvelle  et  violente  crise  de 
proslatite,  à  laquelle  l'a  laissé  arriver  «  l'ignorance  et  l'incurie  des  médecins  de 
Nice  ».  Il  SI'  met  entre  les  mains  du  D''  Albarran,  dont  il  avait  gravé  le  portrait 
cin(i  ans  auparavant.  L'illustre  chirurgien  «  ne  lui  laisse  aucun  répit  »,  qu'il 
n'ait  quitté  Paris,  «  dont  le  climat  est  délétère»,  et  il  regagne  Nice,  ayant 
adjoint  à  sa  maladie  une  rechute  de  bronchite. 

Il  se  rétablit,  tant  bien  (\uv  mal,  et,   la  crise  passée,  il  écrit,  infatigable  : 

<'  Enfin  !  Tant  que  l'état  de  ma  \'ue  et  de  ma  main  me  j)ermettront  de 
tenir  et  de  conduire  encore  mes  cliers  pinceaux  et  mon  burin,  je  serai  mal 
venu  de  me  plaindre,  à  un  âge  où  les  rares  survivants,  sont  en  j)resque  majori- 
té réduits  à  la  vie  oisivi-  et  routenip.làtive...  »  (A  Crépin-Leblond  1900).  Et  il 
accepte  la  commande  de  quatre  grands  portraits  en  pied,  le  père,  la  mère  et 
deux  fils,  qu'il  parvient  à  exécuter  au  prix  de  véritables  tortures,  mais  qui  lui 


(1)  Lettre  h  M.  Crépin-Lel)lond,  2ô  mai  1900. 

(2)  A  M.  Crt^pin-Lebload,  20  novembre  1900. 

164 


sont  payés  iuiil  mille  Iraiics.  11  coiit'esst.'  iicaiiiiKjiiis  ([uc  ■(  leur  i-xéculion  se  res- 
sent de  son  état,  au  moins  pour  la  lenteur  et  aussi  poiu"  l'énergie  de  la  facture.  " 
(A  iM°ie  Simonnet  d'Hcnnezel,  26  mars  1901). 

C'en  est  fini,  cette  fois,  des  voyages  «au  long  cours  m;  adieu  Dijon,  adieu 
Cérilly  !  Une  visite  à  son  bourg 
natal  le  tentait,  depuis  qu'il  en 
avait  évoqué  l'image  dans  la  lettre 
plus  haut  citée  ;  en  outre,  le 
Bourbonnais  revendiquait  son  glo- 
rieux fils  et  il  savait  que  dans  ce 
pèlerinage  il  serait  fêté,  u  Par 
avance,  il  s'en  réjouissait,  décri- 
vait à  Chicpiine  telle  \allée  om- 
breuse où  s'égarèrent  ses  pas 
d'enfant,  tel  ruisseau  où  il  avait 
jadis  péché  à  la  ligne,  et  la  loui- 
carrée  de  l'église  d'Yzeure,  l'I  le 
quartier  de  cavalerie  au([uel  con- 
duisent les  treize  arches  jadis 
fameuses  du  pont  de  Régemf)rtes... 
Hoc  erat  in  votis  !  »  (1)  Il  ne  reverra 
rien  de  tout  cela,  non  plus  que  le 
château  transformé  et  méconnais- 
sable de  Petit-Bois,  non  plus 
qu'lssoire  et  sa  place  rectangulaire 
au  rude  pavé,  restée  pareille  à 
elle-même,  non  plus  ([ue  l'Ombrel- 
lino  fabuleux,  auquel  il  songe  tou- 
jours. 

11  s'appuie  sur  ses  deux  fils, 
Myciio  et  Chiquine,  et  toutes  ses 
lettres  témoignent  de  sa  grande 
tendresse  pour  eux,  ainsi  que  pour  sa  fille  .Jeanne,  et  de  leur  réelle  piété  filiale. 
Enfin,  un  autre  voyage  se  prépare  où  les  souvenirs  n'ont  plus  de  rôle  :  Mar- 
cellin  Desboutin  succombe  le   18  févTier    1902,   «  à   six   heures  et  demie  du 


L'honiine  à  l'épée  (l'cinlurc.  Jinj 
Coll.  Duraiul-Ruel 


(1)  Crépin-Leblond,  loc.  cit.,  p.  130. 


165 


soir,  après  iiiic  xcrilabU'  agonir  (rnii  mois  et  une  résistance  dr  son  \  igourcnx 

organisme  dont   les  médecins  elaienî  surpris.      (1) 

Nice,  (pii  i"a\ail  adopté  et  (pii  était  fiére  *\v  Ini.  entoura  de  pompe  son 

cercueil.  Sur  la  place  Masséua.  il  y  eut  ■  une  halte  diipothéose    .  el  des  discours 

pleins  (K-  l'hunme  et  de  cœur 
furent  prononcés  (2).  Le 
8  mars  suivant,  u«e  expo- 
sition posthume  s'ouvrait 
à  l\4/7/.s7/7//r,  avt'c  ((uatre- 
\ingl-(ii\-huit  ])eintures  et 
ciucpianle  t>ra\in"i's.  Le  ca- 
talogue, reproduisait  les 
appréciât  ions  élogieuses  des 
principaux  journaux  pari- 
siens et  la  pi'éface  (i"l'"mile 
Zola. 

Les  journaux  el  revues 
de  Paris,  k's  principales 
feuilles  des  départements, 
celles  de  lU'lgique,  di' 
Suisse  ('[  d'Italie,  consa- 
crèrent des  articles  nécro- 
logiques au  maître  disparu. 
Si  cette  mort  n'avait  pas 
(  oïncidé  a\-ec  les  fêtes  don- 
nées en  riiouneur  du  cen- 
tenaire de  Victor  Hugo,  nul 
doute  c[ue  les  articles  n'eus- 
sent été  encore  plus  nom- 
breux et  plus  importants. 
Son  portrait  fut  toutefois 

l.e  n.aiel.aua  .loinnons   de  la   \Uy\,y^(  Prinlnrr.   I.^US)  .^..    ^,,^^^^    ^^^.^^^^^^       ,^,.^^^ 

Maine  (!u  XVIlIe  Arr',  Pans  '  ■ 


(1)  l.cUn-  (le  ('.lii(|uine  à  M-'"^-  Sinioimel  (rilemiei'.el.  du  !•'  lévrier  1902.  Deblioutiii 
suceomba  à  une  crise  de  i)rostaLile  el  à  un  œdème  pulmonaire.  11  mourut  dans  son  nouveau 
domicile  de  la  rue  Saint-Frauçois-de-Paule. 

(2)  Notamment  par  M.  Sauvau,  maire  de  Niée. 
!66 


FUMEUR  ALLUMANT  SA  PIPE 


cliques  (1)  et  lorsque  h'  hruil  i)arul  s'apaisiT.  il  repril  de  plus  hell.-  :i\.c 
la  magistrale  étude  de  (icorges  Lafeneslic  el  la  suiierhe  .-xposilioii  a 
l'Ecole  des  Beaux-Arts  du  11  au  ."il  décembre  r.)0'_!.  l-:ik-  coniprenail.  cell.- 
expositiou,   177  gravures  ou  étals,  ;;i   dessius  .-t    l'.M   peiulures  !  ('-!) 

l'^t  depuis.  Tassoupissemeul  s'est  i)roduil.  I, 'obscurité  |)araît  plus  |)rofoiide 
quaud  le  boucpiel  du  feu  d'artifice  est  éleiut.  Toute  mémoire  subit  celte 
éclipse.  Les  regrets  el  les  euthousiasmes  (pii  accompagneiil  la  mori,  comme 
jadis  les  pleureuses,  feraieut  croire  (pu-  jamais  la  cendre  de  l'oubli  ur  n-couvrira 
le  nom  :  mais  elle  ne  tarde  i)as  à  tomber,  cette  cendre,  d'on  ne  sait  (piel  nuage 
d'indifférence,  d'intérêt  ou  den\ie,  l'I.  a[)res  le  cuips.  c'est  l'esprit  lui-même 
([ui  semble  a|)i)elé  à  mourir.  Dur  moment   ! 

I.t-  tiiiips  (|ui  siii-  huili'  ciiiihif  fil  \iTse  mu-  ]>hl^  tidirt' 

\a-l-il  enfermer  le  sou\enir,  non  pas  "  dans  le  linceul  de  pourpre  ou  dorment 
les  dieux  nu)rts  •,  mais  dans  l'incolore  tissu  ou  gil  l;i  foule,  restituée  ;i  l'ano- 
nymat,  des  insignifiants  acteurs  de  la  \  le   V 

C'est  la  jjostérité  (pii  juge  !  C'est  elle  (pii  casse  ou  (pii  confirme  les  arrêts  des 
contemporains.  Mlle  ne  pèse  pas  les  Ames,  comme  l;i  dixinité  ég\ptienne.  mais 
la  valeur. 

Xe  redoutons  jjas  son  jugi'ment.  I-Jle  s'est  déjà  montret'  bien\  cillante  pour 
Desboutin.  Ses  (inivies  n'ont  jam;us  sul)i  la  défawur  affligeante  ipii  atteint 
la  production  de  tant  de  »  polilicpies  v  de  l'art,  dont  le  savoir-faire  supplée  le 
talent.  L'ascendant  j)ersonnel  deDesboutin  a  disparu,  nuiis  il  conserve  présent 
l'ascendant  de  sa  force.  Son  probe  i-t  fécond  labeur  |)arle  |)our  lui.  Il  était  un 
voluptueux  (h\  travail.  La  recherche  actuelle  dont  il  i-st  rol)jel,  linlroduclion 
de  ses  poiutes-séches  dans  le  sévère  cabinet  d'I^stamiies  modernes  de  la  Biblio- 
thèque d'Art  et  d'.\rchéologie,  merveilleux  outil  de  travail  fondé  par  M..lac([ues 
Doucet.  sont  la  l'écompense  de  son  dédain  de  l'habileté,  de  son  amour  du  \  r:M. 
(le  son  mépris  pour  le  cabotinage  artisti((ue.  autant  cpie  de  son  intelligeiu-e, 
de  sa  science,  de  sa  sensibilité. 

La  |)lace  envial)le  i[ui  leur  est  faite,  sm-tout  dans  la  gravure  i-onlempo- 
raine  où  il  a  son  rang  imirqué  ])armi  les  portraitistes  originaux,  cpii  ne  furent 
pas  nombreux  dans  notre  pays,  l'utre  Ciaillard,  Bracqueimuid,   Legros,  cpii 


(1)   ReiHie    Euaiclopédiiiui-,    Moiule    Jllustrr    n\u\    irlclir;iil    I)cs|.nii|i:i    coninK'    liiaviur 
sur  bois  I)  Pet't  Bleu,  de  lîiuxclii's.  etc. 

(,2)    1!  fut  éfjnlemciit   «iiicstioii  d'iitit.'  expusUioii  :i   Munich,   .^l:li^  clli-  iitiU  i>;i>  liiii. 

167 


le  i)récèdorenl,  llclleu,  Besnard,  qui  lui  succédèrent,  est  l'équitable  rémuné- 
ration de  sa  loyauté  en  toutes  choses  et  de  son  culte  exclusif  de  l'art.  L'œuvre 
accomplie  est  souvent  un  miroir  où  la  netteté  de  la  conscience  se  reflète.  Elle 
n'aurait  ni  celte  finesse  d'expression,  ni  celte  distinction,  ni  cette  tranquillité, 
si  l'àme  du  scripteur  était  trouble.  Desboutin  brûla  toute  sa  vie  pour  ce  qui 
ennoblit  la  nature  humaine;  il  a  eu  la  flamme,  il  est  juste  qu'il  ait  le  rayon  ! 


Desboutin  ii  la  lourruif  {feintiire.   I6i>4) 
Coll.  l.andau 


168 


XX  IV 


LE    PEINTRE 

L'artiste,  en  Uesboutin,  se  montre  sous  trois  aspects  :  le  peintre,  le  gra- 
veur, le  poète.  Xous  ne  nous  occuperons  plus  de  ce  dernier.  Il  tut,  t-n  quelquf 
sorte  épisodique  et  nous  lui  avons  fait  sudisanle  mesure.  Tout  homme,  a 
un  moment  de  sa  vie,  se  trouve  à  une  croisée  de  chemins.  Le  fait  qu'il  s'en- 
gage dans  l'un  pour  se  raviser  ensuite  et  s'avancer  résolumenl  dans  l'autrr. 
ne  saurait  imposer  à  l'historien  l'obligation  de  suivre  à  son  tour  le  premier 
et  d'y  maintenir,  au  risque  de  fausser  l'impression,  l'attention  du  kcteur. 
Que  Desboulin  ait  i)ensé  au  théâtre  après  Maurice  de  Saxe,  qu'il  ail  écrit, 
dans  cette  intention,  et  son  Cardinal  Dubois  et  sa  Madame  Roland,  rien  de 
plus  exact,  et  rien  de  plus  naturel.  Mais  nous  le  voyons  vile  renoncer  à  cette 
carrière,  inabordable  pour  lui,  depuis  qu'Amigues  n'était  plus  là  pour  enfoncer 
les  portes.  C'est  à  peine,  s'il  tente,  nonchalamment,  en  1881).  à  la  faveur 
d'une  amitié,  vieille  déjà  de  vingt  ans,  de  glisser  Madame  Roland  à  Claretie, 
nommé  administrateur  de  la  Comédie  française.  Ses  amis  furent  plus  que  lui 
déçus  de  l'insuccès.  Il  déclarait  dans  la  lettre  jointe  au  manuscrit,  «  qu'il 
était  le  dernier  à  y  mettre  de  l'amour-propre  >  et  i[u'il  n'attachait  dorénavant 
à  son  œuvre  «  ({u"un  intérêt  d'argent  pour  les  ])etils  siens.  /  .\e  nous  montrons 
donc  pas  plus  royalistes  que  le  roi  et  ne  revenons  pas.  (pid  ([ue  soit  k-ur  inériti'. 
sur  des  essais  qui  n'eurent  jias  de  lendemam. 

Par  contre,  l'œuvre  du  peintre  et  plus  L'iicore  l'œuvre  tlu  graveur,  sont 
d'une  particulière  importance.  Joignons-y  l'œuvre  du  dessinateur  qui  ne  le 
cède  point  aux  deux  autres. 

.Vu  temps  de  sa  jeunesse.  Desboulin  avait  fréquenté  chez.  ICte.x  et  chez 
Couture.  Xous  ne  savons  guère  ce  qu'il  y  aNait  appris,  mais  nous  savons, 
par  sa  lettre,  déjà  citée,  à  Simonnet  d'Hennezel,  cju'il  n'y  avait  pas  a|)pris 
grand  chose.  Il  reconnaissait  n'avoir  point  fait,  en  peinture,  des  études 
classiques  analogues  à  celles  (ju'il  avait  faites  en  iitleiature  et  (ju'il  •  man- 
quait des  vrais  principes  d'art  (pie  .Manel  possédait  jusqu'à  1  exagération.  • 
C'est  donc  que  l'enseignement  qu'il  avait   iii  n  ne  hii  naraissail  pas  le  vrai. 

IG9 


qu'on  ne  lui  avail  rnsiMifiié  (jue  dos  recel  les  doiileiises,  relies  qui  faussent  la 
vision  et  im-llenl  à  la  main  des  formules.  D'ailleurs  les  jjrofesseurs  ne  lui 
(lisaient  rien  de-  bon.  mais  il  pensait  différemment  des  maîtres,  de  eeux 
([ui  ne  [)arleiit  plus  ([u'a\H'C  la  persuasion  de  leurs  (ruvres.  Ceux-là,  il  ne 
se  lassait  pas  di-  les  étudier  et  i)lus  encore  de  les  admii'er.  ("e  n'est  ])as 
qu'il  en  eut  beaucoup.  11  reposait  volontiers  sa  léte,  (pTil  faisait  si  bien, 
sur  le  d(uix  id  mol  ort'illei'  de  l'insouciance  et  de  l'incuriosité.  Du  jour  où  il 
avail  connu  Rembrandt,  Hubens,  b'rans  Mais,  c'est-à-dire  aux  premiers 
émois  de  sa  jeunesse  vib-rante,  son  enthousiasme  s'était  fixé,  ('es  trois  demi- 
dieux  formaient  sa  sainte  trinilé.  l-^l,  comme  tous  les  croyants,  il  ne  cherchait 
pas  à  savoir  si,  sur  d'autres  autels,  il  n'y  avait  pas  d'autres  divinités.  Ainsi, 
lorsqu'il  s'arrêta  à  Florence,  en  1854,  il  parcourut  d'un  i)as  rapide  les  musées  et 
ne  visita  (pie  ])eu  les  églises,  —  ces  musées  où  l'art,  mis  à  sa  place,  déveloj)pe 
toute  son  expression.  Peut-être  vit-il  les  Carminé  et  l'admirable  fresque  de 
Masaccio,  à  cpii  i)hysi(piement  il  ressemblait.  Mais  il  fallut,  dix  ans  plus 
lard,  la  venue  de  Georges  Lafenestre,  pour  qu'il  allât  voir  L'Hisfoire  de  la 
\'ier(ji\  de  Domenico  (ihirlandajo,  et  tant  de  i)ortraits  merveilleux,  dont  la 
signora  J>enci  mène  le  chd'ur,  à  Santa  Maria  Novella.  Naturellement,  il  s'en- 
flamma, car  il  n'était  pas  une  àme  sèche,  et  il  semble  que  ce  soit  sous  l'influence 
du  maître  florentin  (|u'il  ail  exécuté  le  i)()rtrait  de  son  cicérone,  —  dont  l'éru- 
dition rélonnail  (1). 

11  admirait  aussi  le  C.aravage  et  les  Bolonais,  pour  leur  réalisme,  ainsi 
(pie  les  {)orlrailisles  anglais  du  xviiie  siècle,  parce  qu'ils  étaient  de  la 
filiation  de  Rubens.  Kn  b>ance,  pour  la  même  cause,  Watteau,  puis  Fragonard 
(pi'il  rattachait  à  (iainsborougli.  Parmi  ses  contemporains,  il  dislinguail 
Ricard,  Degas,  Manet  et  Puvis  de  Chavannes. 

On  retrouve  ces  diverses  influences  dans  l'œuvre  de  Desboutin.  L'îlumme 
à  la  Pipe  se  ressent  de  Ricard  :  c'est  la  jnéme  distribution  lumineuse  ;  Degas 
lisant  se  rattache  sans  difficulté  à  Manel  ;  Le  Rémouleur  descend  en  droite 
ligne  du  Roman  (V Amour  de  la  Jeunesse  ;  L'Homme  à  VEpéc,  c'est  F'rans 
Hais  ;  \ingt  })ortraits  de  lui,  c'est  Rembrandt  ;  telle  esquisse  maîtresse, 
de  Mijiho  enfanl,  où  les  Nermillons  s'exaltent,  c'est  Rubens;  le  jeune  garçon 
tenu  sur  le  bras  di-oit  de  sa  mère,  dans  Une  bonne  bêle,  c'est  Revnolds. 


(1)  Lafenestre  est  représenté  de  faee,  la  tèle  inclinée  sur  l'éjjaule  droite  et  surmontée 
d'une  masse  de  cheveux  cliûtains.  Il  est  vêtu  d'un  veston  «^ris.  sur  lecjuel  se  détache  une 
cravate  i\  petits  carreaux  noirs  et  blancs,  du  ])Uis  heureux  effet.  Ce  portrait  est  typique, 
chaud  et  harmonieux.  (Heproduil  page  5<S 

170 


a  liiinno  bêle  (Peinture.  I^S'J) 
Petit  Pillais 


171 


C'est  tout  cela,  mais  c'est  avant  tout  ])esl)oulin.  Le  pi'inlre  avait  trop 
de  personnalité  ))our  ne  pas  déborder  ses  modèles.  Puisque  tout  homme 
procède  de  quelqu'un,  il  était  utile  d'indiciucr  de  (pii  procédait  le  maître 
bourbonnais,  quels  avaient  été  les  «  pères  de  sa  pensée  y,  i)our  enijjloyer  le  mot 
d'Alfred  de  Vigny.  Mais  cela  dit,  il  faut  bien  se  convaincre  que  Desboutin 
est  avant  tout  lui-même,  et  que  si  parfois  la  lanq)c  qui  l'éclairc  est  tenue 
par  Rembrandt,  l^icard  ou  Manet,  cela  ne  l'empcche  pas  de  faire^  son  œuvre 
[)ersonnelle,  a\ec  son  inspiration  proiire,  sa  vision  bien  à  lui  et  son  réalisme 
en  quelque  sorte  congénital.  Ce  seul  caractère,  (jui  le  rapproclie  de  Frans 
Hais,  suffit  à  le  différencier  de  tous  les  autres. 

Parlant  du  peintre,  un  critique  a  \ni  écrire,  avec  heaucou])  de  justesse, 
à  notre  avis,  qu  «  il  était  un  petit  maître.  »  (1)  Grand  éloge,  dont  Desboutin 
lui-même  eût  été  lier  !  Un  petit  maître,  peut  s'entendre,  d'une  personnalité  à 
qui  la  variété  a  fait  défaut.  Tel  est  le  cas  de  Desboutin,  peintre  presque  exclusif 
de  portraits.  Un  petit  maître  est  également  un  bon  peintre,  mais  dont  l'œuvre, 
a  sa  place  dans  l'histoire  de  l'art  plus  que  dans  son  évolution.  Pratiquer 
un  art  avec  honneur  et  le  faire  évoluer  sont  deux  choses.  David,  Gros,  Dela- 
croix, Corot,  Ingres,  Courbet,  Millet,  Manet,  Puvis  de  Chavannes,  Claude 
Monet,  Cézanne,  Toulouse-Lautrec  ont  créé  des  courants  que  leurs  confrères, 
moins  originaux,  ont  suivis,  parfois  avec  le  plus  grand  talent.  Eux  seuls  sont 
les  maîtres,  au  véritable  sens  du  mot.  Ils  sont  les  pater  d'un  chapelet  dont  les 
autres  sont  les  aue.  C'est  encore  une  élite  qui  compose  ces  ave. 

Pourtant  la  réputation  de  Desboutin  peintre  n'atteint  pas  à  celle  de  Des- 
boutin graveur.  Pourquoi?  Parce  qu'il  n'a  pas  innové  en  peinture  comme  en 
gravure  et  parce  que  le  peintre  est  moins  connu. 

On  ne  le  jugeait  que  sur  les  Salons  ;  deux  toiles  chaque  année,  jusqu'en 
1889  1  Encore  le  jury  ne  lui  permettait-il  pas  toujours  d'exposer  ces  deux 
toiles,  ni  la  meilleure  des  deux.  Quand  la  Société  Nationale  fut  fondée,  il 
[)ut  montrer  plus  d'abondance,  mais  rien  ne  vaut,  pour  juger  un  artiste,  une 
exposition  d'ensemble,  où  l'on  peut  suivre  ses  variations  et  où,  dans  l'unité 
de  sa  production,  les  caractères  primordiaux  se  détachent  comme  en  relief. 
On  voit  tout  de  suite  si  l'on  a  affaire  à  un  coloriste  ou  à  un  dessinateur,  à 
un  imaginatif  ou  à  un  réaliste,  à  un  sanguin  ou  à  un  nerveux,  à  un  intellectuel 
ou  à  un  sensitif,  à  un  fougueux  ou  à  un  pondéré,  à  un  esprit  qui  se  surveille 
ou  à  une  nature  qui  s'abandonne... 


(1)  Tristan  Leclère,  Salons  de  1900  à  1904,  p.  108. 
172 


Henri   ROUART 

(r    Etat) 


On  vit  toutccla,  àlCxpositinn  flo  1880  <•!  surtout  à  l\-x|)osition  posthuni'' 
de  1902.  Il  apparut  que-  l'artiste  était  aussi  coloriste  .pie  dessinateur.  [Au^ 
réaliste  qu'Imaginatif,  plus  sanguin  qur  ii.-r\(ux.  aussi  intelN-rtuel  qur 
sensitif.  plus  fougueux  que  calme  et  malgré  cela,  doué  d'un  sens  crilirpic 
nettement   afTirmé. 

Comment  se  fait-il  qui',  en  règle  générale,  le  peintre-graveur  soit  tantôt 
plus  peintre  (pie  graveur  vi  tantôt  plus  graveur  ({ue  peintre?  Quelle  anti- 
nomie existe-t-il  donc  entre  les  deux  arts,  |)our  f|u'il  soit  difTicile  à  un  même 
homme  d'exeeller  a  la  fois  et  au  même  degré  dans  l'un  et  dans  l'autre  ? 
S'il  est  surfout  peintre,  vous  êtes  à  peu  prés  certain  qu'il  aura  une  tendance 
à  couvrir  sa  planche,  à  multiplier  les  valeurs,  à  "en  mettre,  cà  en  mettre  ", 
comme  disait  lîracquemond,  et  à  poser  les  tailles  à  peu  près  au  hasard  ;  si. 
au  contraire,  il  est  surtout  graveur,  vous  le  verrez  peindre  dans  une  gamme 
courte,  résumer  le  modelé  en  quelques  accents  synthéticpies.  colorer  avec 
une  finesse  pres([ue  timide,  (pii  semble  vouloir  retourner  au  blanc  et  noir 
dont  elle  sort.  Ceci,  avec  toutes  les  corrections  que  comporte  rintelligence 
de  l'artiste,  qui  connaît  son  défaut  et  le  corrige,  ici  par  des  affirmations  de 
couleur,  là  par  d'excessives  simplifications.  Il  est  évident  que  Corot  est  plus 
peintre  que  graveur  et  .\lphonse  I.egros  plus  graveur  que  peintre.  Carrière, 
en  peinture,  demeure  un  lithographe.  Goya,  graveur  en  ses  picmicrs  états 
est  peintre  dans  les  suivants.  Manet,  qui  suit  Goya,  n'est  que  peintre.  Rembrandt 
lui-même,  malgré  tant  d'admirables  pages,  et  notamment  les  Si/ndics 
des  Drapiers,  où  l'on  voit  ce  tapotage  de  la  bourse  que  tient  le  person- 
nage de  droite,  fait  a\ec  le  manche  du  pinceau  pour  rendre  le  granité  di*  la 
broderie,  qui  est  d'un  métier  étonnant.  Piembrandt  est  |)lus  gra\'eur  que 
peintre  !  La  Ronde  de  .Vu/7  est  certainement  d'un  peintre,  par  la  tache  ((ue 
fait  la  petite  fille  et  son  jîoulel,  mais  comme  elle  est  \ue  par  un  (eil  de  gra- 
veur, où  tout  se  construit  par  masses  de  lumière  et  d'ombre  !  .Mais  laissons 
Rembrandt,  qui  est  un  dieu  et  comme  tel  écli:ip|ie  aux  clnssilications.  —  et 
revenons  à  Desboulin  (fu'il  inspira  souvent. 

Desboutin  était  un  graveur  !  Il  a.  en  gravure,  des  audaces,  une  virtuo- 
sité et  une  couleur,  cpii  sont  d'un  maître,  —  1 1  non  [)lu>  d'un  petit  mnîfre. 
Quant  au  peintre,  il  s'en  fallut  peut-être  de  peu,  ipiil  ne  jtai vînt  ;i  une  égale 
rnaîtrise.  Si  nous  faisons  ab.straction  du  sujet.  i»our  ne  considérer  que  les 
pratiques  du  pinceau,  il  est  certain  que  Desl>outin  était  de  la  grande  lignée. 
Il  a  des  pochades  ex([uises.  des  frimousses  d'enfants  enlevées  de  vi't  ve  et  chaudes 
comme  des  Renoir  ou  même  des  Watteau.  Il  a  aussi  de  la  peinture  noirâtre, 

17:^ 


moins  |)hiisanli'  :  ('"i-sl  colle  (|iril  lit  •")  Paris.  Son  d'il  inipn^ssioniialilo,  son 
tempérament  réaliste,  ne  lui  peiincllaii'ut  ])as  de  corriger  ce  cpTil  voyait. 
Sons  nn  ciel  oii  la  Inmiére  \il)rail  faibleinenl,  dans  nn  alelici-  froid,  il  ))eignait 

sans  éclat  et  sans  chaleur.  Mais 
lrans])orlez-le  à  Nice  on  à  (irasse, 
sa  ])aletle  se  réveille,  vibre,  et 
donne  toute  sa  i)uissanee. 

11  faut  hien  distinguer  ces  deux 
influences.  A  Pans,  à  (lenève,  dans 
les  climats  »  de  ])roni!lards  et  de 
hi'umes  »,  comme  il  disait,  il  n'est 
pas,  sauf  excepliounellemenl,  colo- 
riste'. 11  aime,  à  é\()luer  dans  les 
gris  on,  quand  il  en  sort,  à  user 
de  tons  ])nissants,  voulus,  cherchés. 
C.c  n'est  ])as  le  jaillissement  spon- 
tané (|ui  fait,  ])ar  exem|)le,  d'une 
|)ochade  de  Jordaens  une  fanfare, 
c'est  le  raisonnement  ou  le  souvenir 
cpii  guide  ou  cpii  agit.  Son  fameux 
lloiniur  à  l' hlpve,  ins])iré  de  Frans 
liais,  est  monté  de  tons,  à  ]>eu  près 
dans  le  genre  de  la  composition 
d'Ingres,  Françoise  de  Riniini,  qui 
ia|)pelle  les  enluminures.  N'exagé- 
rons rien  toutefois  et  bornons  là  le 
rapprochement.  Il  n'est  ([u'nn  terme 
de   comi)araison. 

■Mais  ce  qu'avait  excellemment 
Marcellin  Desbonlin,  c'était  un  maniement  de  la  l)rosse  d'une  vivacité  spiri- 
tuelle, un  modelé  vigoureux,  nn  dessin  serré,  nerveux  et  distingué. 

Il  connaissait  son  métier  à  fond',  bien  ([u'il  l'éludiàt  toujours.  Il  le  savait 
assez  i)our  i)révoir  ce  que  deviendrait  sa  ])einture.  (juand  le  temps  aurait 
passé  dessus  :  «  .Te  p(>ins  quatre  ans  à  l'avance,  >*  expliquait-il  à  1\1.  Léonce 
P>énédite.  dont  il  venait  de  faire  le  j)orlrail,au  jour  anniversaire  des  ses  dix- 
huit  ans  (1(S77),  et  (jui  s'étonnait  du  ton  plâtreux  du  tableau.  En  effet,  ce 
ton  plâtreux  a  fait   |)laci'  à  un  ton  doré,  et  tout   s'est  enveloppé  dans  une 


M'"'  .Jdst'phine  ClniboL  (J'eiuliirc.  isss) 
Coll.  Durand-Riicl 


patine  délicate  !  C'est  un  petit  portrait  eliarniaiil,  exériité  en  une  matinée. 
Ces  hautes  qualités,  |)r()(lnites  par  cil  .•flort  infatigable  vers  le  mieux, 
dont  témoignent  ses  lettres,  font  de  ses  tableaux  des  œuvn-s  dignes  de 
recherche.  Xous  tenons  pour  des  toiles  remarquables  le  portrait  de  Georges 
Lafenestrc  (18r>())  ;  ce- 
lui de  Mme  Pelletier 
(1869),  Dailly  dans 
Mes  Boites  (187(3), 
Mme //.Dumas (1875), 
Mlle  Rea(l(\Hm),  Pou- 
ponne (188:^),  L'fùi- 
funhni  papillon  (1881), 
Xus  d' enfants  (1882), 
Assunta  (18().")),  La 
Man/uerile  (188(3),  Le 
Dr  Laugier  (18'.H)), 
Femme  étendue  sur  un 
canapé.  Il  Musicante, 
Mme  Cornere<ui  (  1  S7i)), 
Le  Di-  Landau  (1893), 
tant  de  portraits  de  lui- 
même,  et  cent  scènes 
d'enfants  délicieuses, 
et,  enfin,  cet  «  austère 
portrait  de  femme  ". 
(Juive  à  la  fourrure) 
exposé  au  Salon  de 
1883.  et  ac({uis  par 
l'l-:tal.  C'est  de  celte 
toile  que  Paul  Mantz 
disait,  dans  le  Temps 
du  27  mai  1883,  — appréciation  ({u'aimail  à  rap|ieler  Desboutin  :  Sauf 
l'exéculion.  ([ui  n'est  pas  celle  du  xvii'-'  siècle,  sauf  le  costume  (pii  est 
d'hier,  elle  fait  songer  à  ces  portraits  de  religieuses  pâles,  (pii  sous  le  pin- 
ceau de  Ph.  de  Chanq)aigne,  sont  la  traduction  vi\ante  d'une  pensée  ou 
d'une  soulîrance.  .M.  Di'sboutin  est  presque  seul  à  chercher  ci-tle  noie  intinu- 
et  profonde.  » 


D^    Laiulau  (Peinture,  IS9-3) 
V.nll.   I.;ind:ui 


1") 


*    * 


Des  portraits,  des  portraits,  toujours  des  portraits  !  Oui.  ce  fut  jirosque 
là,  on  peut  le  dire,  comme  de  vau  Dyek,  runi([ue  i«enre  de  Desboulin.  11 
n'exposa  jamais,  dans  les  Salons  annuels,  {\uv  des  portraits  (1),  vl  s'il  fit 
([uclqnes  compositions  autres  et  (juckines  paysages,  cela  compte  [)cu  dans 
son  (LMure.  est  noyé  sous  la  vague  ])uissanle  des  portraits. 

lue  seule  exception  (\uï  mérite  d'être  signalée  :  la  décoration  du  salon 
de  son  ami  Simonnel  d'Ilennezel.  à  r^Mitaine-lez-Dijon. 

A  l'entrée  même  du  village,  formant  coin  entre  deux  rouies,  une  grande 
pro])riété.  clôturée  de  murs,  toute  ombragée  de  vieux  arbres,  d(>scend  en  ter- 
rasses vers  la  ville.  A  l'extrémité  opposée,  s'élève  la  maison,  belle  vi  vaste 
construction  moderne,  faite  pour  l'habitation  confortable,  durant  les  mois 
d'été,  particulièrement  chauds  dans  la  région  dijonnaise. 

Dans  celte  maison,  ([ue  Desboutin.  par  application  d'une  dénomination 
italienne,  vulgarisée  par  la  suite,  mais  peu  répandue  alors,  appelait  une  «  villa  '\ 
il  y  avait  un  jieau  salon  carré,  dont  les  panneaux  semblaient  attendre  une 
décoration  jx'inte.  Il  la  proposa  et  on  Taccepta.  Il  i)rit  ses  mesures  et,  de  retour 
à  Paris,  se  mit  à  l'œuvre,  avec  son  ardeur  accoutumée. 

Le  travail  était  nonvi>au  ]K)ur  lui.  Il  le  réussit  j)arfaitemenl.  Il  s"y  avère 
peintre  gracieux  et  adroit.  La  gamme  claire  et  chantante'  de  sa  palette, 
s'harmonist'  au  mieux  avec  les  panneaux  blancs  dans  lestpiels  elle  est  encas- 
trée. Ce  sont  cinq  comjiositions  en  hauteur,  à  ])ans  coupés  et  incurvés,  un 
trumeau  au-dessus  de  la  glace  de  la  cheminée,  un  plafoiui  el  un  colTre  à  bois. 
Le  tout,  sauf  le  plafond,  est  i)eint  sur  reps,  jjour  donnei-  aux  peintures  un 
«  mouvement  »  de  tapisserie.  Cette  pré(>ccupation  iuditjue  le  ton  général  de  la 
décoration.  Quant  à  la  composition  elle  est  nettement  dans  le  goût  du 
xviii^  siècle.  C'est,  à  Ndlonte,  le  souvenir  de  Watteau,  d'Hubert  Robert,  de 
Boucher  et  même,  huit  ans  a\ant  qu'il  ne  les  connût ,  des  frondaisons  à  la 
Fragonard,  —  le  Fragonard  de  drasse. 

Le  sujet  est  La  Coincdie  italienne.  Si  le  décor  est  ins])iré  des  scènes  ga- 
lantes du  tem])s  de  «  la  Parabère  el   de  la  Pompadour  >,  les  typt-s  viennent 


(1)  Exception  faite  pour  les  salons  de  1884  :  Chiens  à  vendre;  de  1897,  Bannière  au 
Carnaval  de  Nice  ;  de  1898,  /.a  poule  au  pot,  natnrc  morte  ;  de  1901,  Un  rémouleur.  D'autre 
part,  Jm  Marf/iierite,  Marchand  d'oignons,  L' homme-orchestre,  malgré  leurs  titres,  sont  encore 
des    portraits. 

Ht) 


de  moins  loin.  Ils  sont,  ponr  certains.  eni|)runlés  anx  i^crsonnages  dessinés 
par  .Manrice  Sand  dans  son  onvrage.  Mas(iucs  cl  Boujions,  et  gravés  par  A.  Man- 
ccau,  avec  nn  coloriage  à  la  i)onpée  (2  vol.  .Michel-Lévy,  18(i()).  C'est  proba- 
l>leinent  même  la  lecture  de  cet  ou \ rage,  (pie  jiossédail  son  ami  Simonnct 
d'ilenne/.el.  (pii  lui  dicta  son  suji't.  .Mais  d(>  ces  éléments  emjirnnlés,  Desboii- 
tin  a  su  faire  une  (eu\i-e  cajjtivante.  (s(>pleml)re  et  octobre   1871). 

D'ajirés  M.  (loriureau.  membre  de  l'Académie  de  Dijon  v[  neveu  de 
•M.  Simomu't.  cpii  a  ])ienvouln  conti"{')ler  sur  place,  avec  le  livre  de  Maurice  Sand 
les  ligui'es  de  l)esl)outin.  Noici  (pielles  sont  leurs  dilTérences  et  (juelles  sont 
leui's  ressemblances:  «1"  Panneauà  droite  de  la{)orled'enlrée,  PoUicinella  (vol.  I, 
p.  l.'V7).  seml)lal)le  à  la  gravure  :  //  rapilan  Spavcnio  (xol.  T.  p.  170)  un  peu 
modifié.  Il  parle  à  une  fenmie  descendant  l'escalier  et  son  ern'e  a  été  sup])ri- 
mée.  -  2"  Panneau,  à  gancbe  dv  la  poiie.  Coralinc  (\'ol.  1,  ]).  22ri),  un  peu 
mofifié  :  (".oraline  est  représentée  avec  un  [)ersonnage  Lâindre  (\'ol.  I.  p.  317) 
(pii  lui  prend  le  menton  ;  îiisecfilicsc  vs[  semblable  à  la  gravure  :  Fritellino 
(\t)l.  2.  p.  21)1)  es!  cacbé  i)ar  les  personnages  |)récédents,  on  ne  voit  (pie  la  tête 
a\-ec  le  grand  chapeau.  —  .")"  Panneau,  prés  de  la  fenêtre,  PdiUdlone  (vol.  II, 
j).  I),  il  (loKorc  lUiloardo  (vol.  11,  p.  27)  sont  semblal)les  aux  gravures.  La  Can- 
Idlricr  (\()1.  11,  p.  .').'))  est  un  peu  modifiée,  elle  baisse  la  tète  en  regardant 
son  éxcntail  et  semble  écouter  Panliilonv  (pii  lui  i)arle.  » 

Il  est  à  rcmar([uer  (}ue  les  scènes  de  Desboutin  sont  animées,  alors  que 
les  peisonnages  de  Maurice  Sand  sont  isolés  et  s'a])parenlent  tout  <à  fait  à 
ceux  dont  Bayai d  illustra  les  (liuvics  de  lUuniiudichais.  Vax  outre,  les  deux 
derniers  panneaux  sont  entièrement  de  sa  composition. 

I>e  trumeau  de  la  cheminée  s'accorde  avec  le  plafond,  dont  il  est  question 
plus  loin.  11  représente  le  Triomphe  d'Aniphitritc.  Notons,  encore,  sur  le  palier 
du  |)remier  étage  deux  trophées,  peints  en  camaïeu  :  L'Arcliiteclurc  et  La 
Musique. 

Une  lettre,  du  1.")  ocl()})re,  annonçait  {"arrivée  de  la  décoration,  et  cette 
ra])idité  lui  méritait  des  compliments.  Mais  il  eût  un  mécompte.  Il  s'était 
trompé,  non  sur  les  dimensions,  non  sur  les  coloris,  mais  sur  le  sujet  !  Il  a\ait 
été  trop  libre  ;  il  axait  tro])  songé  à  la  Régence  ou  aux  contes  de  Crébillon 
le  fils;  (pie  n'a\ ait-il  ])lut<)t  relu  Marmontel!  Il  écrivait  à  son  ami,  le  8  octobre  : 

«  .le  suis  désolé,  navré,  de  n'avoir  |)as  réussi  à  nous  contenter  avec  ces 
diables  de  panneaux,  ([ne  justement,  je  croyais  d'un  superbe  cfTet  !  .J'étais 
si  bien  dominé  |iar  cette  idée  de  donner  de  l'unité  à  ton  salon  et  de  justifier 
la  décoration  commencée  par  la  (Comédie  italienne,  en  abondant  dans  ce  sujet 

178 


i^ 


REPOS  DE  BÉBÉ 


{  1  "    Etat  ) 


pour  on  fnire  un  ensemble  pittoresque,  que  je  me  suis  laissé  aller  à  trop  de 
verve,  sans  me  mettre  au  point  de  vue  fort  juste  de  la  sévérité  d  de  la  décenee 
d'un  salon  de  réception  »  —  et  de  Conseiller  à  la  Cour  !  pouvons-nous  ajouter. 

Près  d'un  demi-siècle  passé  sur  cette  erreur  l'ont  corrigée.  Les  mmurs 
ne  sont  plus  aussi  rii^'ides  (pfelles  pouvaient  l'être  alors  et  la  peinture  «le 
Deshoutin  est  restée  aussi  fraîche  (pi'au  premier  jour.  C'i-st,  au  fond,  l'essentiel. 

l/artiste  avait  commencé  par  peindn-  le  eollre  à  bois,  i)uis  le  [)laf<uid. 
Il  s'en  expiicpie  ainsi,  dans  une  lettre  du  .'>  septend)re  : 

"  .J'ai  (pour  le  coiTre  à  l)ois)  eomposé  exprés  deux  sujets  :  sur  le  e<tuvercle 
est  un  Polichinelle  (pii  [)ousse  Colombine  dans  un  traîneau,  sur  la  glace 
d'un  bassin  de  parc  royal.  La  |)aroi  de  fac(-  représente  Pierrot  enveloppant 
Colombine  de  son  mauli'au  de  théâtre,  et  tous  deux  s'approehant,  au  milieu 
d'une  camjiagne  neigeuse,  vers  un  feu  allumé  par  (\vu\  petits  amours.  Sujets 
d'hiver,  appropriés  à  l'usage  d'un  coffre  à  bois. 

«  l-JiHn.  la  semaine  dernière,  j'ai  conHuencé  ton  plafond.  .Lai  composé 
tout  exprés  une  ronde  de  huit  petits  amours,  se  sus[)i'n<lant  à  des  guirlandi's 
de  feuillage,  cjui  se  détachent  d'une  couronne  centrale  enroulée  autour  du 
lustre. 

«  Malheureusement,  j'ai  à  cond)attre  a\H'c  uni'  tr)ile  trop  lisse  et  trop  fraîche 
d'impression  et  j'ai  peur  de  tenir  le  ton  de  la  décoration  moins  pâle  et  moins 
vaporeux  que  tu  le  souhaites  et  que  je  conçois  qu'il  eût  fallu  l'avoir  pour  don- 
ner plus  de  peispectiw  à  ci'  travail.  On  ne  fait  i)as  ce  cpi'ou  veut,  la  première 
fois  qu'on  s'essaie  tlans  un  genre,  (car  pour  les  autres  décorations  verticales, 
je  pourrai  me  livrer  impunément  à  toute  l'intcniation  de  ma  palette).  Ls[)érons 
que,  en  définitive,  l'effet  ne  sera  pas  trop  lourd,  car  je  crois  la  chose  f(»rt  déco- 
rative. » 

Telle  est  l'excei)ti()ii.  fort  intéressante,  dans  la  carrière  de  Desbouliu. 
Tout  le  reste  est  portraits.  Ne  nous  en  plaignons  pas.  »  Mxer  sur  la  toile  ou  sur  le 
cuivre  l'image  d'un  être  hunuiin,  non  par  sa  ress(,'nd)lanee  fortuite  et  acciden- 
telle, mais  en  devinant  les  traits  qui  sont  vraiment  lui-même,  cela  me  parait  le 
but  le  plus  élevé  et  le  dernier  mot  de  l'art.  Lu  portrait,  en  effet,  exige  de  son 
auteur  une  pénétration  ou  une  intuition  (pie  \)vu  d'artistes  possèdent...  Le 
portraitiste  doit  être  doublé  d'un  psychologue,  ca[)able  de  comprendre  la  signi- 
fication intime  des  traits  et  des  formes  et  de  la  traduire.  Cette  tâche  devient 
plus  difficile  à  mesure  ([ue  la  physionomie  devient  plus  complexe,  comme 
c'est  le  cas  de  notre  temi)s...  Le  portraitiste  modi'rne  a  pour  modèles  des  gens 
du  monde,  des  gens  de  lettres  ou  d'affaires,  extrêmement  occupes,  (jui  lui  mar- 

ITlt 


rhandenl  leurs  séances,  et  donl  les  attitudes  dans  la  vie  ne  ressemblent  jamais 
aux  poses  de  l'atelier.  S'il  se  contente  de  les  asseoir  dans  un  fauteuil  ou  de  les 
mettre  debout  devant  son  chevalet,  il  ne  les  connaîtra  i)as  et  ne  les  fera  pas 
connaîlr(\  Il  faut  qu'il  les  voie  exister;  et  {[uand  il  les  a  compris,  quand  il  a 

saisi  sur  leur  front,  dans  leurs 
yeux,  dans  les  ]ilis  de  leurs 
lèvres,  dans  les  i^estes  cpi'ils 
éliauchenl  et  n'achèvent  ])as 
toujours,  le  j>assai^e  des  fui^i- 
lives  pensées  si  nombreuses 
et  si  contradictoires  qui  agi- 
[vn[  sans  cesse  l'homme  mo- 
derne, il  faut  qu'il  arrive  à  les 
fixer  et  à  les  traduire.  C'est  si 
difficile,  ({n'en  un  moment 
où  les  bons  peintres  a])on(ient. 
les  bons  portraitistes  sont  plus 
rares  que  jamais.  » 

Ainsi  s'exjirimait  Mdouard 
Rod,  écrivant  sur  Marcellin 
Desl)outin.  (1)  Il  aurait  pu 
ajouter  à  cette  fine  analyse 
que  Desboutin,  par  ces  qua- 
lités de  perspicacité  si  bien 
mises  en  évidence,  se  ratta- 
chait aux  grands  portrai- 
tistes de  l'école  française,  des 
Clouet  à  Rigault,  de  Largil- 
liére  à  La  Tour,  (ie  David  à 
François  Gérard.  C'est  d'eux 
(|ue  l'on  a  |)n  dire  :  «Les  témoignages  d'une  ])enétration  singulière,  une  intelli- 
gence profonde  de  la  physionomie  et  du  caractère  des  modèles,  l'expression  en 
un  mot  de  la  vérité  morale,  voilà  ce  qui  recommande  et  distingue  les  por- 
traits  de    l'école    française,    à    quelque    époque    (pi "ils    aj^j^arlieunent.  »    (2) 


^]me  Desboutin  en  décollelé  (Aquarelle) 
Coll.    Landau 


d)    Gazelle  des  Beaux- Arts,  l'^'   janvier  1890. 

(2)  H.   Delaborde,  Eludes  sur  l,'s   Beaux- A  ris  eu   I-'rance  et  à  l'Elranqrr  (Renouaid. 
18(vt),  t.  IT,  p.  212. 


IcSO 


C'est  aussi  ce  qui  distiu^uail  Desboulin.  Il  élnlL  en  cela  servi  jjar  un  dé- 
(iouhkiuenl  curieux  de  sa  personnalité.  Il  n'avait  en  peinture  aucune  imagi- 
nation ;  cette  faculté  était  entièrement  réservée  à  la  littérature.  Il  peignait  ce 
qu'il  voyait  et  comme  il  le  voyait,  en  réaliste,  mais  en  réaliste  (pii  sait  choisir, 
entre  les  mille  expressions  qui  s'enchevêtrent  sur  une  face  humaine,  celle  (pi'il 
faut  retenir  parce  (pi'elle  décèle  sa  i)ersonnalité  ! 

Il  était  admirablement  lijpique.  Son  pinceau,  son  crayon  ou  sa  {)ointe 
définissent  sans  la  moindre  ambiguïté  le  caractère.  Il  est  prescjue  inutile  de 
savoir  les  noms  des  personnages  pour  leur  attribuer  leur  profession,  elle  est 
écrite  sur  leur  figure  :  ici  un  intellectuel,  là  un  ouvrier,  plus  loin  un  nn^ndain. 
ailleurs  un  penseur,  un  artiste,  un  savant.  Celte  vieille  dame  en  mantille,  :i 
autant  de  noblesse  que  de  finesse  et  de  bonté,  cette  autre,  l'st  également 
de  bonne  naissance,  mais  elle  fut  une  sensuelle  et  elle  est  restée  gourmande  ; 
quant  à  celle-là,  elle  doit  aimer  la  médisance,  non  moins  que  celle-ci  la  gaîté! 
La  Marguerite  est  une  jolie  fille  sentimentale,  (pii  fait  des  heureux  avec  sa 
beauté,  Judith  sorL  du  ruisseau  et  y  rentre.  Tout  cela  est  ex|)rimé  par  FJesbou- 
tin  avec  la  i)lus  grande  netteté.  Il  lit  sur  un  visage  comme  on  lit  dans  un  livre 
et  nous  le  lisons  comme  lui,  après  lui.  On  comprend  que  l'on  ait  |)u  dire  devant 
Puvis  de  Chavannes  qui  i)artageait  cet  avis  :  Desboulin  tst  le  plus  grand 
peintre  de  portrait  du  siècle  !  »  (1). 

Réaliste,  il  ne  corrige  pas  la  nature,  par  conséquent  ne  la  trahit  i-a-.  i.c 
qui  est  gracieux,  il  le  rend  gracieux,  ce  qui  est  laid  il  le  rend  laid.  Son  appa- 
reil physiologico-artistique  tient  dans  son  œil  v[  dans  sa  main.  Son  cerveau 
lui  sert  exclusivement  à  choisu'  entre  les  données  de  la  nature,  mais  celles-ci 
déterminées,  il  les  traduit  comme  il  les  voit. 

Peint-il  un  Guignol  en  janiille  ?  (2)  Les  cin({  |)ers()nnages  sont,  comme  on 
le  pense,  cinq  portraits  :  ses  trois  enfants,  sa  femme  et  la  sœur  de  celle-ci,  qui 
rit  d'une  bouche  édentée.  Pourquoi  n'avoir  pas  ajouté  cette  lienl  et  bouche 
ce  trou,  qui  est  affreux  ?  Parce  que  le  modèle  était  ainsi,  [)arce  tiue  l'absence  de 
cette  dent  révélait  l'indifférence  de  la  fenune  en  matière  de  cotpiellerie.  et  (piil 
importait  fort  à  l'artiste  que  ce  caractère  fût  bien  marque. 

Cette  dépendance  du  peintre  à  l'égard  de  l'apparence  explique  même  sa 
couleur.  Tant  qu'il  est  à  Genève  ou  à  Paris,  dans  cette  lumière  sans  vigueur, 
sous  ce  ciel  si  souvent  voilé,  il  ne  perçoit  rien  de  brillant  ni  de  vif  ;  cju^il  se  Irans- 


(1)  RoGEK  .Miles.  Eclair,  2.')  février  1902. 

(2)  C.oUect.  Desboutin. 


ISl 


porte  à  Nice,  et  aussitôl,  il  va  user,  voire  même  alniser  des  tons  [)iiissants, 
nolaniinenl  des  rouges  qu'il  paraît  affectionner. 

l'n  autre  caractère  de  la  ])einture  de  Desboutin  est  la  i)assion. 

Desbouliii  l'u  peignanl.  lU'  pai'aft  pas  obéir  à  uiic  icK-c.  mais  à  un  Ix'soiii  i\v 
sa  nature,  à  un  instinct.  ManiiT  des  brosses  id  des  [)iiu-eau\,  taire  surgir  sur  la 
toile  le  spcidacK'  (pTil  a  sons  It's  yeux,  c'est  là  tonte  sa  joie.  Il  peignait  d'abord 
pour  lui.  C'est  vc  cpii  fait  (pu'  rien  i\v  ce  (pi'il  a  produit  n'est  indifférent  on 
fr()i(l.  La  joie  de  l'exécntioii  est  pour  Ix'auconp  dans  la  (pialité  de  l'd'uvre 
d'art. 

Quand  il  avait  revu  la  secousst'  féconde,  il  fallait  ([u'il  peigint.  l'u  jour,  à 
Cirasse,  il  l'eniarcpie  un  léinouleui'  dans  sa  cave,  à  plat-ventre  devant  ses 
(\cu\  nu'ules.  prescpu'  au  luxcau  du  sol  en  tei're  battut'.  C.^s  meules  sont 
actioniu''es  par  nue  roue  à  aubes,  (|n'on  ne  voit  pas,  et  l'ouvrier  (pti  les  a  mon- 
tées, ne  s'est  pas  mis  eu  frais  d'imagination  pour  permettre  au  rémouleur  de 
tia\ailler  dans  des  conditions  plus  commodes.  \  cette  éijocjue,  l)es])onlin 
copiait  les  b'ragonard  de  la  maison  .Maubert.  11  est  frapi)é  par  le  côté  Irayo  de 
l'c  sujet  et  le  voilà  (pii  peint  ce  rémouleur  en  cotte  bleue,  avec  des  dégradations 
et  des  blain  liiemeuts  dans  les  lumières,  cpii  rappellent  les  cassures  de  la  soie 
v[  du  satin.  Cependaid,  la  coltt'  apparaît  bien  en  toile.  On  voit  ici  dans  quelle 
mesure  l)es])ontin  s'inspir;dt  d'un  maître.  Cela  n'allait  pas  au  didà  d'un  certain 
voisinage  de  facturt- ;  tout  le  reste,  sujet,  caractère,  esprit,  appartenait  bien 
à  rexécutant. 

11  y  avait,  c'est  l'occasion  de  le  noter,  entre  Frago  et  Desboutin.  des  ana- 
logies de  tempérament.  Elles  exi)liqnent  ]iour(iuoi  celui-ci  s'éprit  si  vile  du 
HoriKin  (l'anionr  dv  celui-là.  Ils  étaient  l'un  et  l'antre  ûvs  jd  presto  ;  ils  avaient, 
l'un  et  l'autre,  l'impétuosité  et  le  jet.  Le  portrait  de  La  lîretèche,  au  Louvre^ 
jxude  de  la  main  du  peintre  tpi'il  fut  exécuté  par  lui,  I  lonoré  Fragonard,  en 
une  lu'ure  de  temps  (17<iî)).  Desboutin  n'a  sou\ent  guère  mis  (hnantage,  sur- 
tout dans  st's  j)ro])res  portraits. 

lùitri'  les  deux  lionunes,  il  y  a  encore  celte  ressemblance  qu'ils  furent 
tous  k's  di'ux  des  peintres  et  des  cU'ssina leurs  d'enfants  ;  Fragonard,  les  en- 
fants de  tout  le  nujutle,  (jin  de\euaient  u  les  enfants  de  son  génie,  petits  dénu)ns 
libres,  épanouis,  rayonnants,  nn)ntrant  des  genou.x  de  Cupidons  entre  leur 
culotte  et  leurs  bas  roulés,  enfants  gâtés  du  lionheur  et  de  la  canij)agnc,  de 
l'amour  et  de  la  nature,  bâtards  bénis  des  bergères  et  des  grands  seigneurs  (1)  » 


(1)  E.  cl  .1.  DK  (ioNCOiiHT,  L' A  ri  du  XVHI-  siècle,  Cliarpcnlirr,  1S.S2,  t.   III,  p.  3Ul 
182 


Maïu'l  ;u'cou(lé  (  l'niiitr-sirlif) 


is: 


Dcsboutin,  ses  enfants  propres,  dans  leurs  jeux;  leur  espièglerie,  leur  sommeil, 
en  tant  de  ])einlures.  de  dessins  el  de  poinles-sèchcs  (jue  leur  eatalogue  rempli- 
rait un  volume. 

Si  Desboulin  fit  surtout  des  portraits,  c'est  par  don,  nous  venons  de  le 
voir,  mais  aussi  par  nécessité.  Le  portrait  est  le  seul  genre  qui  «  rapporte  » 
avec  quelque  régularité,  quand  le  nom  est  connu.  Dcsboutin  avait  besoin  de 
gagner  sa  vie  et  n'avait  i)as  le  loisir  de  se  lancer  dans  des  compositions,  pour 
lesquelles  d'ailleurs,  il  se  sentait  mal  préparé. 

Nous  avons  \  u  (|ui'  son  œuvre  i)résente  cependant  quelques  exceptions. 
En  sus  de  la  décoration  du  salon  de  son  ami  Simonuet,  à  Fontaine-lez-Dijon, 
Fcninu'à  la  cuisine,  La  C'on.s-a//rt//on,  LMnu/Zcur  le  rattachant  auxintimistes  hol- 
landais ;  deux  natures-mortes  Pommes  de  ferre  et  panier  et  le  Canard  au  ventre  rose 
à  demi  déplumés  évoquent  Chardin  ;  une  Ronde  d'amours  dans  un  parc,  avec  des 
petits  culs  nus  fouettés  de  vermillon,  semble  descendre  d'un  cadre  de  Boucher  . 
enfin,  ([uehfues  j)aysages,  de  valeur  inégale,  où,  à  côté  d'un  Bord  de  Seine 
(Argenteuil,  1875)  léger,  délicat,  fluide,  à  côté  de  certains  aspects  de  Nice, 
lumineuse,  de  Grasse,  joliment  verte  et  rose,  on  trouve  une  Vue  de  Menton, 
pour  laquelle  il  semble  avoir  emprunté  la  palette  groseille  et  lie  de  vin  du 
Renoir  des  dernières  années.  Toutes  ces  œuvres  prouvent  néanmoins  qu'en 
d'autres  circonstances  Dcsboutin  aurait  pu  apporter  une  contribution  inté- 
ressante en  des  branches  de  l'art  qu'il  n'aborda  que  fortuitement. 

Il  faut  revenir,  toutefois,  à  cause  de  son  importance,  sur  la  série  des  en- 
fants. Elle  date  de  Paris  et  de  Nice.  La  série  de  Paris  est  généralement  dans  la 
gannne  des  gris,  des  gris  Stevens,  disait-on  ;  celle  de  Nice  est  reconnaissable 
au  carreau  rouge  du  parc[uet,  qui  était  celui  du  «  i)etit  ombrellino  »,  la  villa  de 
la  rue  de  France,  au  pont  INIagnan. 

U  exécutait  ces  peintures,  dans  la  journée,  à  n'imjxjrte  quelle  heure,  dans  ses 
moments  de  réjnt,  entre  deux  travaux.  C'était-là  ses  repos.  Il  croquait  les 
occupationsetlesjeuxde  ses  enfants, en  faisait  d'esquises  notes  de  fantaisie,  d'in- 
génuité, de  vivacité  :  Enfant  au  panier.  Enfant  au  chien.  Le  petit  modèle.  Enfant 
au  polichinelle,  Petit  lion  en  cage,  (comprenez  :  dans  un  lit  cage)  et  d'autres, 
dont  les  titres  significatifs  sont  inscrits  au  catalogue  de  l'Exposition  de  1902. 

Tout  ceci  montre  à  quel  degré,  avec  quelle  passion,  Marcellin  Dcsboutin 
était  peintre.  En  vieillissant,  cette  i)assion  sembla  s'exaspérer.  Il  ne  vécut 
plus  que  pour  son  art.  Il  fallait  toujours  qu'il  eût  au  bout  des  doigts  un  pinceau, 
un  crayon,  ou  une  pointe.  Comme  le  réaliste  qu'il  était  ne  pouvait  se  passer  de 
modèle,  à  défaut  de  ses  enfants,  grandis  et  parfois  récalcitrants,  il  se  peignait 

-184 


lui-nièmc.  Voilà  pourciuoi  nous  avons  taiiL  (k-  portraits  <io  sa  main,  ces  portraits 
qu'il  faisait  en  une  courte  séance  et  «ju'il  léj^uail,  non  à  la  i)ostérit(:'  —  il  n'ùtait 
pas  si  prétentieux  — mais  au  tiroir!  Ces  prestes  escpiisses  ont  encore  leur  inté- 
rêt :  elles  montrent  la  sûreté  du  dessinateur  et  la  virtuosité  du  j)eintre.  Parffjis 
une  oreille  est  indiquée  d'un  seul  coup  <ie  pincean,  dans  sa  valeur  et  dans  sa 
forme.  Il  se  qualifiait  de  «  prestidigitateur  artistique  -,  d  il  y  avait  de  cela  dans 
sa  pratique.  Quelqu'un  qui  l'a  vu  au  travail,  ne  cachait  pas  son  étonneriient 
d'une  telle  virtuosité  : 

«  Sous  rattouchement  iiicessanl  et  preste  du  pinceau,  l'image  se  précisait 
avec  une  rapidité  vertigineuse.  Cela  venait  comme  par  nuigie.  On  eut  cru  par 
instants  que  l'œuvre  définitive  existait  déjà  sur  la  toile  et  ({ue  le  peint'-,  re- 
faisait qu'effacer  graduellement  des  teintes  qui  la  voilaient.  »  (1) 

Cals,  ou  le  bonheur  de  peindre,  a  dit  un  crili({ue.  L'expression  pourrait 
s'appliquer  à  Desboutin. 

Et  cette  frénésie  aux  api)roches  de  la  mort,  alors  que  le  vieil  artiste  était 
tourmenté  par  les  infirmités  de  la  vieillesse  !  Si  la  cataracte  dont  il  était  menacé 
était  arrivée  à  son  terme,  il  n'aurait  pas  résisté  à  ce  coup  et  serait  mort  de 
chagrin. 

Xi  son  creur,  ni  son  cerveau,  ni  sa  main  ni'  sul)issaient  les  atteintes  de  l'âge. 
Ils  restaient  toujours  actifs,  toujours  jeunes.  Le  besoin  de  se  jK-rfectionner  ne 
se  figeait  pas  en  lui..  Des  scènes  comiques  naissaient  de  ce  noble  tourment. 

Parfois,  sur  ïe  soir,  quand  déjà  latelier  était  sombre  et  ne  permettait 
plus  le  travail,  le  vieil  artiste  allumait  une  l)ougie  et  appelait  son  plus  jeune 
fils,  dans  les  dispositions  artisticiues  duquel  il  avait,  ainsi  (pie  Puvis  de  (^havannes, 
la  plus  grande  foi. 

— •  Chi(iuine,  viens  voir  I 

Chiquine  arrivait.  Son  père,  masquant  la  flamme  de  sa  (nain,  le  menait 
vers  son  chevalet,  éclairait  soudain  la  toile  et  proférait  : 

—  Voilà  la  vraie,  la  définitive  manière  de  peindre  ! 

—  Je  la  connais,  répondait  Chiquine,  incrédule.  Il  y  a  huit  jours,  tu  avais 
déjà  trouvé  la  manière  définitive,  et  tu  as  changé. 

—  Oh  '  cette  fois,  protestait  Desboutin.  ce  n'est  pas  la  même  chose.  Je 
sens  que  ça  y  est.  Et  ça  y  est  si  bien,  que  je  vais  prendre  l'engagement  par  écrit, 
entends-tu  bien  ?  par  écrit,  de  ne  plus  peindre  différemment  ! 


(1)  Gabriel  BEtiN.\RD,  Pelil  Niçois,  1  décembre  1899. 


El  Desboulin,  effcu-livciiicn!,  pnMiail  la  i>luiue  vl  ('•crivail  à  son  fils  Clii- 
(luiiK'  : 

«  Je  m'engage  à  peiutîre  (loréna\anl  de  lelle  el  lellc  niaiiière.  > 

Il  signait  cl  dalail,  poncluellenient.  Puis,  quelque  temps  après,  l'histoire 
reeonimençait,  même  enthousiasme  de  l'artiste  qui  croit  avoir  découvert  la 
formule  magique,  même  engagement,  même  sourire  scepli<[ui'  el  affectueux 
de  son  fils. 

Il  eut,  comme  cela,  cin([  ou  six  manières  dcfinili\cs,  sans  compter  i-elles 
(pii  ne  le  furent  pas. 

Xe  rions  pas  de  ces  travers.  Ils  sont  la  rançon  de  l'amour.  «  Toute  la  vie 
pour  apprendre  !  >>  affirmait  le  Titien  et  Chardin,  et  Delacroix  et  Chevreul. 
Desboulin  pouvait  prendre,  lui  aussi,  cette  devise  pour  cri  d'armes  de 
son  blason  d'artiste.  C'est  celte  ])oursuite  du  jnieux  qui  le  c!-is[)ail  à  son  che- 
valet. Que  ne  se  contentait-il  d'un  paisible  repos  sur  les  lauriers  acquis  ?  Tant 
d'autres  se  seraient  contentés  de  refaire  L'Homme  à  la  pipe  !  Ne  fut-ce  pas  le 
cas  d'IIenner  et  de  Ziem,  pour  ne  citer  que  des  morts  ?  Mais  Desboutin  était 
unv  aulre  nature  !  Il  aurait  volontiers  contresigné,  s'il  l'avait  connu,  cette 
déclaration  de  racadémicien  Viennet,  poète  plus  châtié  mais  plus  froid  que  lui  : 

u  Je  n'ai  eu  qu'une  passion  violente  dans  ma  vie,  c'est  celle  du  théâtre. 
Dans  les  canq)s,  dans  les  chambres,  au  milieu  des  honneurs,  je  n'ai  eu  que  cette 
pensée.  Tout  le  reste  m'était  indifférent.  »  (1). 

II  n'y  a  qu'à  remplacer  théâtre  par  peinture,  pour  que  l'auteur  oublié 
(VArboydslc  et  de  La  Franciade  ait  exprimé  la  pensée  de  Desboutin. 

Nous  n'aurions  {)as  parlé  suffisamment  du  peintre,  si  nous  passions  sous 
silence  le  matériel  dont  il  se  servait.  Ce  matériel  allait  de  pair  avec  l'homme. 
De  même  qu'il  dessinait  sur  le  j)ai)ier  du  boucher  ou  de  l'épicier,  de  même  ce 
papier,  ou  tout  aulre,  ou  le  premier  nu)r('eau  de  carton  venu,  lui  servait  de 
supî)ort.  Il  le  préparait  à  la  colle  Dantin,  ou  à  la  gélatine,  et  l'enduisait  de  blanc 
de  Meudon  ou  même  de  blanc  d'I*',spagne.  Il  préparait  de  façon  analogue  les 
bandes  de  calicot  dont  il  faisait  ses  toiles.  Les  bons  ouvriers  ont  toujours  de 
suffisants  outils!  Quant  à  sa  palette  et  à  ses  pinceaux,  ils  n'étaient,  comme 
lui,  jamais  nettoyés  ! 


(1)   l.et.Lri'  iiiéditf  à  .luU's  .lanin,  du  '.t  srptcnibrc   18,')(i.   N'it'iiml  avait  alors  soixante- 
treize  an^. 


186 


Deshouliii  lut  donc  un  peintre  doue,  avec  de  la  science  et  le  goût  du  tra- 
vail. Il  lut.  répétons-le,  un  petit  maître.  S'il  avait  découvert  une  formule 
un  éclairai^'e.  une  présentation,  il  aurait  eu  en  peinture  la  même  notoriété 
qu"en  gravure.  Mais  il  n'eut  jamais  le  loisir  des  méditations,  des  rêveries,  des 
flâneries,  qui  sont  la  genèse  de  rillumination  créatrice.  Il  n'envisagea,  en  pein- 
lure,  (jue  la  poursuite  du  métier,  de  toujours  plus  de  métier,  montrant  en  cela, 
un  esprit  digne  du  qiuillrocento. 

Au  |)()int  de  renommée  où  il  était  parvenu  ])ar  son  seul  talent  et  en  l'ahs- 
cence  de  toute  brigue,  avec  son  beau  bagage  de  portraits,  il  ne  lui  a  manqué, 
pour  s'imposer  tout  à  fait  et  se  placer  à  son  rang  parmi  les  «  illustres  »,  qu'un 
léger  coup  de  pouce  du  Destin. 

Ce  coup  de  i)ouce, cette  chance,  qu'il  invoquait  dans  ses  lettres,  il  l'obtint 
[)our  ses  pointes-sèches.  '. 


TtHf  d'i-iifaiil  ( l'eittture) 


is- 


Ravel,  ingénieur  (Peinture,  1892) 
App.  à  M.  Maurice  Ravel 


188 


XXV 


LE    DESSINATEUR 


.Madame  D.  endormie  (Dessin  à  la  plume) 
Coll.  Darbour 

A\nnt     fie     parler     des     pointes-sèches,     occupons-nous    des    dessins. 

Le  dessinateur,  en  Desboutin,  apparaît  dans  toutes  ses  œuvres.  II  était 
précis,  nerveux,  souple  et  sobre  à  la  fois.  Mais  nous  voulons  parler  ici,  des 
dessins  proprement  dits,  tantôt  préparation  de  ses  gravures,  tantôt  portraits 
exécutés  sans  autre  raison  que  celle  que  nous  avons  déjà  indiquée,  son  inces- 
sant besoin  d'activité. 


189 


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Petite  (loniieuro    (Mine  de  plomb) 
CoU:  .T.  Desboutin 


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Petits  dormeur^    (Mine  de  phmb) 
Cul!.    ,1.    DesbouUn 


Nous  ne  reviendrons  pas  sur  les  dessins  de  sa  jeunesse,  copies  adroites 
mais  qui  ne  sauraient  eonipler  à  son  actif  (1).  Nous  indiquerons  hrièvement 
que  dans  les  dessins  faits  à  l'Ombrellino,  il  aimait  à  modifier  sa  facture,  — 
sinon  toujours,  du  Tuoins  souvent,  —  selon  la  matière  employée.  Il  s'inspirait 
d'Ingres,  s"il  dessinait  à  la  mine  de  plomb,  de  Rembrandt,  s'il  dessinait  à 
ja  plume,  des  quattrocenlistes.  s'il  maniait  la  san£,niine.  Il  ne  reste  malheu- 
reusement, de  celle  épo([ue.  ([u'un  j)etit  nomlu-e  de  crayons  et  un  all)um 
mutilé,  mais  dont  la  plupart  des  24  dessins  qui  demeurent  sont  d'une  déli- 
cieuse qualité.  Ah  !  les  charmantes  sanijuines  d'ai)rés  sa  première  femme, 
sa  fdle  Marie  enl'anl,  les  visiteurs  de  rOmbrellino  !  On  y  retrouve  aussi  deux 
copies  réduites  à  la  plume  d'api  es  des  eaux-fortes  de  liembraudt,  et  elles 
montrent  la  sensibilité  et  rintelli^ence  du  C()j)iste  .11  n'y  a  qu'un  maître  pour 
en  sentir  ainsi  un  autre,  pour  le  rendre  avec  une  telle  dévotion. 

Plus  tard,  à  Paris,  et  surtout  à  Nice,  de  1881  à  1887,  il  dessinera  ses  enfants» 
modèles  commodes,  dont  Prudhou  avait  naguère  usé.  Desboutin  n'allait  pas 
au  café,  (piand  il  habitait  Nice  ;  à  ix'ine  se  distrayait-il  dans  «  un  bout  de 
causclle  »  avec  ré})icier  voisin  et  ses  clients.  Alors,  pour  occuper  ses  soirées, 
il  dessinait  l'adorable  sjx'ctacle  qu'il  axait  s(nis  la  lampe  :  les  mioches  endor- 
mis, la  tète  lombée  sur  le  bras,  aplatis  sur  la  table  dans  toutes  les  poses  ! 
Comme  ils  dorment  !  Il  n'y  a  pas  une  représentation  supérieure  de  la 
l)remière  enfance,  pour  le  rendu  de  la  chair,  l'abandon  musculaire,  la  vérité 
des  attitudes,  ou  la  maîtrise  de  l'exécution,  chez  Carrière  ou  chez  Mary  Cassatt. 
L'enfant  que  peii^nit  Rembrandt  dans  la  Sainte  Famille  de  la  Vieille  Pina- 
cothèque, à  ^lunich,  ne  dort  pas  mieux,  n'a  pas  une  jieau  plus  flexible  et  plus 
douce,  que  Mycho,  Chicpiine  ou  Jeanne,  dans  cent  croquis  de  Desboutin. 
C'est  le  sommeil  de  l'innocence  que  les  trompettes  du  .Jugement  dernier  ne 
troubleraient  pas.  Et  leur  mère  aussi,  entraînée  par  l'exemple,  dort  profondé- 
ment sous  le  crayon  de  son  mari. 

Mais  sur  quels  papiers  sont  faits  ces  dessins  !  Papier  de  la  viande,  du 
macaroni  ou  du  beurre,  papier  enveloppant  les  pâtés  niçois  (c'est  celui  qu'il 
préférait),  tout  lui  était  bon,  pour  ne  i)as  dire  précieux.  Georges  Michel, 
n'était  pas  plus  dilllcile,  cpiand  il  déroulait  les  cornets  de  tabac,  pour  jeter  sur 
leur  surface  commune  les  délicats  croquis  de  Montmartre  —  du  Montmartre 
de  1820,  avec  ses  vignes,  ses  enclos  et  ses  moulins  à  vent  I 

Mais  le  papier  dont  usait   Desboutin  était   pire.  La  baryte   de  plomb 


(1)  Voir  chapitre  premier 
192 


X 


>•  -, 


X^ 


M"^'  Daisy  BEREND 


qu'il  contient  le  rend  friable  et  il  tombe  en  poussière  si  l'on  ne  prend  pas  soin 
de  le  conlrecoller  sur  un  suiiport  plus  résislanl.  Heureux  sommes-nous, 
quand  ces  merveilles  se  rencontrent  sur  un  morceau  de  papier  lui^res  de 
couleur,  repris  au  panier  où  l'avait  envoyé  un  des  élèves  de  l'atelier  que 
l'artiste  avait  ouvert  à  Xice  !  Sur  cette  couleur,  il  pose  de  si  justes  et  si  fines 
lumières,  par  quel([ues  touches  de  blancs  !  Ici,  du  moins,  la  matière  est  solide. 
Mais,  quelque  soit  le  i)apier,  la  série  des  Petits  dormeurs  est  un  des  plus  beaux 
titres  de  gloire  du  \ieiix  maître  disparu. 

.\  côté  de  ces  morceaux,  si  plein  de  sincérité  et  de  naturel,  Desbou- 
tin  a  exécuté  beaucoup  de  dessins  en  vue  de  ses  portraits  à  la  pointe-sèche. 
Il  procéda  ainsi  particulièrement  dans  les  dernières  années,  alors  qu'il  deman- 
dait à  l'héliogravure  le  secours  d'un  pi-emicr  travail  de  mise  en  place.  Le 
Fumeur  allumant  sa  pipe,  commandé  par  l'I^tal,  la  Femme  au  Chat,  comman- 
dée par  la  Ville  de  Paris,  sont  dans  ce  cas. 

On  ne  rencontre  dans  son  (X'uvre  aucune  composition  «de  chic  ou  de  sou- 
venir ».  Il  se  déclarait  incapal)le  d'en  faire  de  tels  (à  (irand-f'.arlerel. .")  décembre 
1885)  et  cela  ne  nous  surprend  pas. 

Desboutin  tira  rarement  profit  de  ses  dessins,  sauf  ([uaml  ils  figurèrent 
dans  le  prix  d'une  connuande.  Ils  étaient  sa  distraction,  connue  elle  est 
celle  de  beaucoup  dv  peintres  ;  il  ne  les  exjjosait  pas  et  ce  fut  une  révélation 
quand  l'exposition  de  1902  en  montra  une  trentaine.  Aujourd'hui,  ils  ont 
pris  rang  parmi  ses  meilleurs  ouvrages  et  on  les  recherche  au  même  titre 
que  les  tableaux  et  les  pointes-sèches.  —  (pfils  égalent  souvent  et  dépassent 
parfois. 


19;:; 


Drtias.  —  Dcsboutin  cl  le  Comte  Lepic  <iravnnt. 
Miisco  (lu  I  uxcmbouri; 


194 


LE   GRAVEUR 

Deslioulin  comiin'iiça  à  graver  fiés  les  preniicri's  aniu'cs  de  son  st-ioiir  a 
rOiiihrellino.  Sur  la  Frnunr  au  corsdge  hrnrhr,  iiric  mciiliou  de  la  main  nu"'nic 
de  l'artiste.  -  f|ui  avait  la  louable  habitude  des  dates  dans  ses  annotations 
manuscrites  et  ses  lettres,  mais  qui  datait  plus  rarement  ses  planehes. 
nous  fixe  à  la  lois  sur  l'ordre,  le  lieu  et  !"épo(|ue  dv  celte  (inivre  :  Mo  premii rc 
gravure,  Florence,  1856.  C'est,  nous  l'avons  \u  par  les  notes  d'Edmond  ("ruil- 
laiime,  dans  cette  même  année  cfu'il  se  faisait  initier  par  un  M.  Boyer,  photo- 
i^ra])hc,  à  des  procédés  de  «  graxiirc  simplifiée  .  (f)  La  gravure»  l'intéressait 
donc,  soit  partout  inné,  soit  par  relTct  de  conversations  oii  s(>s  visitenrs  artistes 
avaient  pu  lui  jiarler  du  mouvement  (jui  entraînait  la  gravure  vers  de  nouvelles 
destinées.  \"t'st-ce  pas  <à  l'Exposition  universelle  de  18.")."),  fjue  Méryon  avait 
exposé  y  Abside  de  i\otre-I)(imc  et  (|ue  P>rac(piemond  avait  débuté  avec 
éclat? 

-Aussi,  la  i)remiére  pointe-séche  originale  de  Taulenr  ne  tarde-t-elle  pas 
à  paraître.  Xous  n'en  connaissons  pas  la  date  précise,  mais  cette  Femme 
accoudée  la  main  sur  la  bouche,  ejjet  du  soir,  a  été  très  \raisemblal)lenu'nl 
faite  \ers  cette  même  année  IH7)(\. 

Par  contre,  sa  toute  première  pointe-séche,  mais  non  originak'.  celU'-l;'i. 
paraît  bien  être  de  cette  année,  (|ui  fut  une  année  fie  recherches  et  d'essais. 
Il  s'agit  de^  Saints  lisant,  d'après  Piazzella.  lîien  qu'une  annotation,  qui 
n'est  pas  de  la  main  de  l'artiste,  indiciue  la  date  de  18()(),  la  tradition  conservée 
dans  la  famille  veut  que  cette  pièce  soit  de  quatre  années  antérieure.  Et  ••ette 
antériorité  est  bien  évidente  si  ces  Saints  lisant  sont  efTectivement  le  premier 
essai  de  pointe-sèche  de  Desboutin,  puisque  la  Vierge  à  l'enfant,  (jui  n'est 
pas  ce  premier  essai,  est  dédicacée  et  datée  par  Desboulin  lui-même  :  Ombrel- 
lino,  octobre  1858. 

On  le  voit:  à  l'exception  d'une  planche,  qui  est  originale,  Desboutin  n'ap- 
prend, dans  ces  primes  années,  la  gravure  ([ue  par  la  reproduction.  La  gravure 

(  1  )    Voir  chapitre  V  1 11. 

195 


d'interprétation  d'alors,  avait  encore  des  maîtres  :  Boucher-Desnoyer,  Mer- 
curi,  Calamatta,  Jules  François,  et  le  plus  illustre  de  tous,  Hcnriquel-Dupont. 
Desboulin  n'alla  pas  loin  pour  trouver  les  originaux  de  ses  gravures  ;  il 
les   prit    dans   sa  propre  collection. 

Kn  général,  ce  n'est  pas  une  mauvaise  discipline  que  la  dépendance 
envers  un  chef-d'œuvre  :  elle  oblige  le  cerveau  à  analyser,  la  volonté  à  résoudre 
et  la  main  à  obéir.  Le  graveur  doit  le  respect  à  l'œuvre  qu'il  interprète,  mais 
il  lui  est  loisible  d'affîrmer  sa  personnalité  dans  la  manière  dont  il  effectue 
la  transposition,  en  valeurs  lumineuses  de  blanc  et  noir,  des  valeurs  colo- 
rées et  des  Ions  du  tableau.  Certains  y  ont  de  l'audace  cl  de  la  justesse  ;  ce 
sont  les  bons  ;  d'autres  sont  incapables  de  résumer  et  copient  tous  les  dégra- 
dés de  la  pholograpliie  dont  ils  usent  ;  ce  sont  les  mauvais.  Ils  ont  i)arfois  de 
l'adresse  maïuielle,  mais  t'Ile  ne  suffit  pas  à  compenser  ce  qui  leur  manciue. 
Ils  ont  porté  le  plus  rude  coup  à  leur  art  ;  celui-ci,  d'ailleurs,  ne  j)eut  j)lus  être 
aujourd'hui,  en  face  de  la  chambre  noire,  qu'un  procédé  d'exception. 

Desboutin.  avec  plus  de  métier,  aurait  été  dans  les  bons.  Il  savait  composer 
sa  gravure,  c'est-à-dire  en  distribuer  la  lumière  et  les  ombres,  —  ce  qui  est 
la  première  qualité  d'un  graveur.  11  savait  dessiner  et  comprendre  une  œuvre 
dans  son  esprit.  Il  lit  une  cin([uanlaine  de  gravures  de  reproduction,  qui  se 
ré|)arlissent  à  ])eu  i)rès  sur  toute  sa  carrière  Mais  il  n'était  pas  graveur  de 
métier  v[  l'improvisation  ])rillanle  n'a  ])as  de  place  dans  le  travail  de  l'inter- 
prète. 

Néanmoins,  il  a  laissé  une  œuvre  de  re])roduction  célèbre  :  les  Fragonard 
de  Grasse.  Nous  avons  raconté  leur  genèse  (1).  Nous  avons  vu  que  la  gravure 
seule,  demanda  trois  années,  et  ce,  non  compris  le  temps  passé  à  exécuter 
une  co[)ie  peinte  des  originaux,  puis  une  grisaille  en  «  hachures  de  graveur  » 
de  ces  copies.  Car  Desboutin  était  un  consciencieux,  comme  tous  les  vrais 
artistes.  Il  savait  qu'il  n'y  a  de  bonne  gravure  d'interprétation  que  si  le 
graveur  est  bien  pénétré  de  son  modèle,  et  il  n'en  peut  être  bien  pénétré  que 
s'il  l'a  dessiné,  en  vue  de  sa  gravure.  Il  y  a,  dans  le  fait  de  graver  une  œuvre 
peinte,  tout  un  art  de  transposition  des  couleurs  en  valeurs,  que  seules  l'intel- 
ligence et  la  main  du  graveur  peuvent  elïectuer.  La  photographie  n'opère 
cette  transposition  qu'en  apparence.  Elle  donne  bien  un  blanc  et  noir,  —  ou 
plutôt  un  gris  et  noir,  d'une  composition  en  couleurs,  mais  avec  des  transpo- 
sitions à  elle,  qui  souvent  sont  à  contresens.  Malgré  les  plaques  orthochroma- 


(1)  Voir  chapitre  XIX. 
196 


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Henry  Giiérard,  aquafortiste  (Pointe-sèche) 


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li(juc's.  frrtaiiu's  rouk'urs  claires  deviendront  foncées  cl  vicc-versa.  Un  bean 
jaune,  formant,  par  liypothèse,  la  base  lumineuse  du  tableau  comme  ebez  le 
Corrège  ou  cbez  Hubens.  cessera  dans  la  reproduction  pbotograpbique 
d'êtnMine  lumière.  Par  contre,  un  bleu  sombre  s'éclaircira.  (  )n  \)v\\[  atïirmer, 
(pie  si,  à  notre  é|)o(pie.  la  gravure  d'interprétation  a  per(hi  tout  intérêt,  c'est 
à  sa  st'rvilité  envers  la  pbotograpliie  tprelle  k'  doit.  Le  graveur  ne  va  plus 
soir  le  cbef-d'œuvre  (pi'il  interprète,  il  se  contente  d"a(dieter  une  pbotographie 
et    de  faire  marcber  Toutil.    Il  interprète   d'après  une  interprétation  ! 

Desboutin.  pour  les  Fragonard,  tie  Grasse.  \'isail  plus  liant,  (tétait  la 
première  fois  que  Ton  reproduisait  cet  admirable  lioinan  d'mnour  de  la  Jeu- 
nesse, —  il  n'a  d'ailleurs  jamais  été  regravé  depuis  et  il  voulait  en  faire  une 
(l'uvre  digne  de  Fragonard  et  digne  de  lui.  Il  s'entoura,  pour  cela,  de  toutes 
les  précautions,  c'est-à-dire  cpi'il  s'assujettit  :'i  un  long  travail  préparatoire. 
Il  ècri\ait  à  Claretic,  le  2  janvier  1884  :  »  J'ai  ra[)porté  les  ([ualre  [)rincipaux 
carions  (pie  j'ai  dessinés,  «  en  hachures  de  qraneur  »,  d'après  les  originaux  de 
l-'ragonard,  après  les  avoir  copiés  en  peinture,  pour  me  donner  le  ton  et  l'aspect, 
lorsque  je  Unirai  de  les  gra\er  dans  mon  atelier,  où  je  serai  |)rivé  du  secours 
des  originaux.  - 

Xous  savons  comment,  ensuitt-,  il  procéda.  Il  lit  reporter  sur  cuivre, 
par  riiéliogra\urt'.  ces  cartons,  et  ce  re|)ort,  qui  lui  économisait  du  temjis, 
lui  donnait  en  outre  les  d(>ssous  qu'il  recherchait.  Il  écrivait  encore,  le  19  janvier 
1884,  à  (".laretie,  dont  il  es|)érait  des  articles,  et  vis-à-vis  de  qui  il  se  montrait 
|)rodigue  de  détails,  pour  nous  fort  intéressants,  (les  lettres  de  Desboutin 
sont  du  reste  toujours  abondantes  et  remplies  de  renseignements)  : 

(■  Mes  cartons  sont  partis  j)our  Paris  dans  la  fin  d'octobre,  pour  être 
ébauchés  sur  plaque  de  cuixrt'  i)ar  la  reproduction  béliographique  du  procédé 
le  plus  récent  et  le  plus  parfait.  Mais,  hélas  !  la  chose  ne  va  pas  aussi  vite 
ni  aussi  facilement,  ni  surtout  aussi  correctement  que  je  l'aurais  cru  et  souhaité, 
lui  efl'et,  pour  nie  dispenser  de  copier  ces  infiniment  petits  détails  dans  le 
miroir,  j'ai  crii  Invn  faire  (pie  d'exécuter  un  carton  sur  papier  cakpie,  de  fac^'on 
à  n'avoir  qu'à  retourner  la  chose  pour  avoir  exactement  mon  dessin-modèle 
à  cojiier  à  l'envers.  .Mais  il  |)araît  que  le  papier-calque  a  des  luisants  qui  rendent 
la  reproduction  héliographi(jue  très  com[)lexe  et,  malheureusement,  très 
incomplète,  de  façon  (pi'an  commencement  de  janvier,  j'en  suis  encore  à 
attendre  un  résultat  incertain.  »  b'.nlin,  il  reçut  son  premier  cuivre  «  avec 
ébauche  héliographique  Dujardin.  coût  l.ôOO  fr.  »  mais  il  trouva  «  que  la 
facilité  acquise  était    telle,   au   moyen   de   l'exactitude   de  ce   premier  tracé  » 

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(jifil  Ile  riu'LLrail  '  cfiruii  mois  par  plaque  au  lit-ii  de  trois,  s'il  eût  dû  crùer 
la  chose  (li  planta  sul  ranic  niido  .  (dircfU'iueiit  sur  le  cuivre  nu).  11  y  iniL 
beaucoup  [)lus  de  temps.  Ce  diable  de  travail  di-vient  pour  moi  la  toile  de 
Pénélope.  I.a  nécessité  de  faire  tirer  de  mes  plaques  150  à  200  épreuves, 
m'entraîne  dans  des  travaux  de  retouche  et  remaniements  incessants,  quj 
ne  sont  rien  quand  on  les  exerce  sur  de  petites  plaques,  mais  qui  mangent  les 
mois,  comme  les  autres  les  jours,  cpiand  il  s'agit  de  cuivres  de  ô.'jxTô.  Je  vous 
avoue  que  si  j'avais  prévu  rénorinité  du  tra\ail,  je  ne  m'y  serais  pas  engagé, 
mais  aujourd'hui,  une  fois  dans  la  filière,  il  faut  y  passer  tète  et  corps  !  » 
(A  Claretie  2  janvier  188,"))  «  Je  n'ai  pu,  dans  le  jeu  de  raquette  où  je  suis 
le  volant,  entre  la  rue  \'a\in  (Dujardin)  j)our  la  remorsure  de  mes  plaques, 
la  rue  de  l'Hôtel-Colbert  (Eudes)  où  l'on  m'imprime  tout  vif,  et  la  rue  Roche- 
chouart,  où  je  i-etouche,  trouver  un  moment  pour  le  pèlerinage  de  l'amitié.  »  {X 
Herald  Dumas,  22  avril  188G).  Commencées  en  janvier  ou  février  1884,  les 
gravures  ne  furent  achevées,  pour  les  trois  premières  planches,  que  dans  les 
derniers  jours  de   1880  et  i)our  les  deux  autres,  en  1887  seulement. 

C'était  néanmoins  un  tour  de  force.  Armand  Silvestre  le  célébrait,  dans 
L'Indépendance  Ik'hjc,  du  G  décembre  188G  : 

,  «  ...  C'est  à  ces  cinq  compositions  que  M.  Desboutin  s'est  attaqué,  ten- 
tant, ce  ([ui  n"avait  januiis  été  essayé  à  la  pointe-sèche,  celle-ci  n'ayant  guère 
servi  jusque  là  qu'à  de  légers  croquis. 

«  ...  Fragonard  revit  tout  entier  dans  ces  traductions  magnifiques,  avec 
les  relations  savantes  de  ses  valeurs,  avec  le  charme  i)énétrant  de  ses  tonalités, 
avec  la  grâce  voluptueuse  de  son  dessin.  Il  y  revit  tout  entier  et  un  grand 
artiste  y  \it  à  côté  de  lui.  dans  une  fraternelle  et  mystérieuse  étreinte.  Jamais 
deux  esprits  ne  se  nuiriérent  plus  heureusement,  pour  le  rajeunissement  d'un 
chef-d'œuvre.  Tel  Virgile  dans  Corydon,  ressuscita  dans  la  nmsi({ue  latine 
certain  vers  entier  du  Pohjphhne  de  Théocrite,  qu'André  Chénier  devait 
ressusciter  une  seconde  fois  dans  notre  langue. 

X  ...  Quelle  maestria  dans  la  main  !..  Pour  les  fonds,  ces  jolis  fonds  [)seudo- 
mythologiques  faits  de  grands  arbres  se  profilant  dans  le  ciel  et  de  statues 
émergeant  di'  buissons  de  ro.ses,  l'artiste  est  arrivé  à  donner  l'impression 
large  et  savoureuse  du  fusain.  C'est  puissant  et  c'est  transparent  tout  en- 
semble, vigoureux  et  aérien.  Les  ligures  sont  traitées  dans  un  sentiment 
vraiment  exquis,  (\\.\\  est  tout  esprit    et  toute  élégance. 

«...  Une  des  plus  belles  et  plus  durables  pages  de  la  gravure  française 
vient  d'être  écrite...  pour  le  nom  désormais  glorieux  de  Marcellin  Desboutin.  » 

199 


Lorsqu'il  fiilrcprit  les  Fragonard,  Dcsboutiii  était  déjà  un  vieux  routier 
de  la  pointe-sèche  !  "Niais  surtout  en  gravure  originale.  11  n'abandonnait  pas 
toutefois  la  gravure  de  reproduction.  Elle  était  une  corde  de  plus  à  l'arc  avec 
lequel  il  chassait  l'amaleur,  pour  subvenir  à  ses  besoins.  Il  en  faisait  peu, 
mais  il  voulait  pouvoir  profiter  des  occasions  d'en  faire.  En  1876,  il  avait 
gravé  pour  .Jouaust.  huit  portraits,  d'après  photographies,  pour  L'Opéra, 
eaux-fork'S  et  (luatnnns.  En  1887,  Le  Bon  Vin,  de  Théodule  Ribot  illustra  le 
catalogue  des  œuvres  de  ce  maître  exposées  chez  Bernheim  jeune.  En  1889, 
il  grava  pour  Georges  Pi'lit  des  portraits  de  peintres  et  L'/:n/rcc  des  Croisés 
à  Constanlinople,  destinés  à  un  ou\rage  Les  Maîtres  chi  Siècle,  qui  n'a  jamais 
paru.  V.n  1890,  ce  fut,  pour  un  amateur,  un  Joueur  et  une  Joueuse  de  flûte, 
qu'il  attribue  à  l'Yans  Mais,  qu'il  aimait  fort,  et  que  leur  possesseur  attri- 
buait à  Doinciiico  Feti  ;  la  même  année,  il  reproduisit,  pour  Durand-Ruel, 
en  in-folio,  le  Portrait  d^un  homme  de  (/uarante  ans,  de  Rembrandt,  (notons 
qu'au  salon  de  1 8()9,  il  avait  exposé  les  portraits  du  bourgmestre  Six  et  de  sa  femme, 
et  (pie  cet  admirateur  passionné  de  Rembrandt,  ce  disciple,  grava  donc  en 
tout  et  pout  tout,  trois  cjcuvres  de  son  maître,  plus  deux  cuivres  minus- 
cules d'après  des  tètes  de  la  Ronde  de  Nuit  !  )  ;  enfin,  la  dernière  planche 
qui  devait  sortir  de  ses  mains  fut  le  Maréchal  de  Villars,  d'après  Hyacinthe 
Rigaud,  pour  V Histoire  de  Moulins  de  M.  Henry  Faure.  Là  encore,  bien  qu'il 
s'agisse  plus  d'une  héliogravure  retouchée  à  le  pointe,  que  d'une  gravure  pro- 
prement dite,  l'artiste  honnête  envers  son  art  se  retrouve  :  comme  il  n'avait  à 
sa  disposition  cprune  médiocre  photograpliie,  il  la  redessina  en  l'agrandissant 
au  format  et  en  la  précisant.  C'est  ce  dessin  qu'il  envoya  à  l'héliogravure. 

Ainsi  donc,  Desboutin  aura  toute  sa  vie  mené  de  front  les  deux  genres, 
offrant  de  la  sorte  un  terrain  de  conciliation  aux  âpres  combattants  qui, 
de  1890  à  1900,  s'invectivaient  et  se  proscrivaient  au  nom  des  deux  formules. 
Mais,  comme  il  se  tenait  loin  de  la  mêlée,  personne  ne  songea  à  jeter  son  nom 
et  son  exemple  dans  la  discussion.  On  se  contenta  de  celui  de  Bracquemond. 

Peut-être  en  eût-il  été  autrement,  s'il  avait  exécuté  la  commande  de 
l'Etat,  en  gravant  La  Justice  de  Trafan,  dont  nous  avons  précédemment 
parlée  (1).  Mais  cette  reproduction  fut  remplacée  par  un  original  :  Fumeur 
allumant  sa  pipe,  dénommé  d'abord  Portrait  d'artiste  (29  juillet  1893). 


(1)  Henry  Havard..  inspecteur  des  Beaux-Arts,  s'était  montré  favorable  à  la  commandai 
mais  avec  des  restrictions.  Il  doutait  que  l'artiste  possédât  les  qualités  nécessaires  pour 
graver  le  tableau  de  Delacroix,  «  aucun  de  ses  ouvrages  ne  piîrmettant  de  se  former  une 
opinion  I  »  H.  Havard  ignorait  les  Fragonard,  parus  pourtant  trois  ans  auparavant. 

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Quel  que  soit  riutérèt  d'oriyinalilé  de  la  plu|)iirL  des  interprétations 
de  Desboutin,  c'est  la  gravure  entièrement  originale  (fui  constitue  ses  titres 
de  noblesse.  Au  début,  il  ne  s'en  doutait  même  |)as,  tout  à  sa  peinture,  et 
plus  encore  à  sa  poésie. 

Il  fallut  une  circonstance,  prescpie  un  hasard,  pour  lui  révéler  sa  vocation 
C'était  en  1872.  Jean  Béraud,  Degas  et  de  Xiltis  étaient  allés  voir  leur 
ami,  dans  son  atelier  de  la  rue  des  Dames.  Tout  à  coup,  Béraud  tombe  en 
arrêt  devant  une  plaque  de  zinc,  sur  laquelle  on  voyait  cette  Femme  accoudée, 
la  main  sur  la  bouche,  qui  n'est  autre  que  le  [xyrlrait  de  la  première  femme 
de  l'artiste. 

—  Mais  c'est  très  bien  !  Voyez  donc,  Degas. 
Degas  prend  la  plaque  : 

—  Parfait.  Vous  êtes  graveur,  Desboutin  ;  vous  êtt's  surtout  cela  ! 
ajoute-t-il  avec  son  «  mordant  »  habituel,  en  jetant  un  coup  d'œil  circu- 
laire sur  les  toiles  des  murs  et  des  chevalets. 

Mais  Desboutin  ne  retient  que  l'approbation.  Manel  la  confirme.  De  ce 
jour,  il  se  livre  à  la  gravure  avec  une  fièvre  croissante  ;  le  graveur  est  né, 
et  l'année  d'après,  il  écrivait  à  son  ami  Simonnet  d'Hennezel  :  «  Il  faut,  je 
t'assure,  un  rude  tempérament,  pour  résistera  ce  petit  exercice  de  la  gravure, 
le  plus  énervant  qui  soit  au  monde,  quand  on  y  joint  surtout  la  nécessité 
de  i)rendre  les  gens  et  d'abattre  leur  portrait,  comme  on  casse  des  poupées 
au  pistolet  dans  un  tir.  »  (22  mars  1873).  La  |)()inte-séche  demeure  son  procédé 
favori.  Il  dessine  avec  elle,  —  et  c'est  ce  qui  l'enchante.  L'eau-forte  ne  lui 
plaît  aucunement,  d'abord  parce  qu'il  n'est  ])as  patient,  ensuite  parce  qu'il 
est  d'une  maladresse  inimaginable.  Cet  homme  aux  mains  de  marquis  ne  sait 
pas  s'en  servir.  De  plus,  il  est  fermé  aux  sciences,  complètement,  un  bou- 
chage à  l'émeri  !  Reconnaissant  son  inaptitude  à  comprendre  leau-forte. 
il  s'en  venge  par  un  mot  :  «  C'est,  dit-il,  de  la  gravure  dans  le  cataplasme  !  ' 

Il  adopte  donc  la  pointe-sèche.  Il  possède  d'ailleurs  la  force  de  poignet 
nécessaire  pour  enfoncer  dans  le  métal  ce  léger  outil,  dont  le  maniement 
est  plus  fatigant  qu'on  ne  pense.  «  Toute  la  fermeté  de  ma  gravure  vient  de 
là  1  »  disait-il,  en  montrant  son  bras  vigoureux.  Et  cela  l'amuse  de  dessiner, 
lui  qui  sait  dessiner.  La  pointe  est  un  stylet,  le  cuivre  la  tablette  ;  l'artiste 
grave  comme  Cicéron  écrivait.  Un  médiocre  dessinateur  ne  sera  jamais  un 
bon  aquafortiste  et  encore  moins  un  bon  pointe-sèchiste.  .Si  Ingres  l'avait 
voulu,  avec  sa  prodigieuse  sûreté  de  main  et  son  aptitude  à  ne  rendre  que  le 
significatif,  il  eût  été  le  i)rince  de  la  pointe-sèche.  Son  eau-forte,  le  portrait 

201 


de  Mi»r  tU'  Prcssigny,  jiioJiLrc  ce  (ju'il  aurait  pu  faire  en  ^ra\  ure.  (Ja  pourrait 
s'étonnor  que  Ferdinand  Gaillard,  qui  préparait  ses  planches  à  la  pointe  non 
éharbée  (1).  nail  jamais  poussé  jusqu'au  boni  ce  procédé,  si  l'on  ne  savait 
(|ue  le  tunudl(>  de  ses  |)réparations  allait  à  l'enconlre  mènie  du  caractère  de 
la  [)oinle-séclie.  Celle-ci  réclame  la  spontanéité,  elle  vaut  d'autant  plus  (ju'elle 
paraît  |)lus  aisée.  Les  meilleures  pièces  de  Desboutin  sont  celles  ([ui  sont 
enlevées  sur  le  genou  !  (2) 

bldniond  de  Cloncourt  n'a  ])as  manqué  de  rajjporter,  dans  le  fragnu'ut 
(le  son  Journal  (pie  nous  avons  déjà  cité,  comment   travaillait  Desboutin  : 

Samedi,  b  février  1875.  ■ —  Un  arliste  nommé  Desboutin,  que  je  ne  connais- 
sais i)as,  a  apporté  chez  Burty,  jeudi,  deux  ou  trois  portraits  à  la  pointe-sèche  : 
des  j)lanclu's  suprêmement  artistiques.  Je  les  ai  admirées,  ces  pointes-sèches  ! 
Il  m'a  offert  de  me  i^raver,  et  rendez-vous  a  été  jiris. 

«  ...  Desboulin  a  atlatjué  avec  la  pointe  le  cuivre  à  vif,  passant  à  tout  mo- 
ment l'euxers  de  son  petit  doigt,  chargé  de  noir,  pour  se  rendre  compte  de 
son  trawiil,  cherchant  en  même  temps,  ainsi  (ju'il  le  disait,  la  couleur  et  le 
dessin,  et  laissaid  transpirer  son  mépris  ])our  l'eau -forli-,  (ju'il  appelle  de  la 
gravure  dans  un  ealaplasine. 

«11  travaille  api)li(pié  td  ner\'eux,  jetant  di's  mots  italiens,  dans  une  into- 
nation tendre  à  sa  femme,  jetant  des  seccalore  au  bt'au  i)etit  garçon  qui  devient 
trop  familier,  jetant  des  porclieria  à  la  chienne  Mouchetle,  dont  la  gaîté  se 
j)ren(l  j)ar  moment  à  aboyer.  Et  je  pose  jusqu'à  la  nuit,  charmé  par  le  tableau 
quv  j'ai  sous  les  yeux  ». 

C'était  là  la  manière  directe,  »  la  poupée  de  tir  cassée  au  pistolet  »,  et 
celle  qu'entre  toutes  il  préférait,  du  moins  justpi'au  jour  où  il  introduisit 
dans  ses  planches  des  éléments  picturaux  :  les  fonds,  les  modelés,  la  recherche 
de  l'effet  »  peintre  ».  Mais,  comme  il  n'axait  j)as  toujours  à  sa  disposition 
un  modèle  aussi  complaisant  ([ue  l'auteur  de  Manetle  Salomon,  il  usait  d'un 
antre  procédé  plus  expéditif.  Il  silhouettait  le  portrait  sur  la  placpie  au  crayon 
litliograi)lii(iue  et  n-passait,  sans  abandonner  le  modèle,  le  contour  à  la  pointe. 
Dès  le  [)remier  encrage,  le  crayon  disparaissait.  .Vprès  (juoi,  il  poussait  l'œuvre 
jusqu'à  son  achèvement.  C'est  ce  .qu'il  a])pelait,  d'un  terme  pittoresque  : 
«  enfoncer  le  clou  ! 


(1)  Voir  une  excellente  (■liide  sur  Ferdinand  (iaillard.  de  M.    I.dys   Ukltkii,,  l'Estampe 
el  l'Afliche,  2'-  année,  1898. 

(2)  Ceci  n'est  point  une  niélapliore.  Desljoutin  «gravait  .son  cuivre  posé  sur  un   ^enou. 
Degas  l'a  représenté  ainsi  dans  le  portrait  du  Luxenii)ourg,  où  il  voisine  avec  le  comte  t>epic. 


202 


Femme  au  métier 


203 


Qu'il  procède  par  aUa(|iU'  dirccti'  du  cuivre  nu.  ou  j)ar  un  dessin  préa- 
labU'  au  cravon  lilliographique,  sur  le  niélal,  ou  encore  qu'il  iJrave  d'après 
un  dessin  iéii;èrt'nienl  rt'|)()rlé  sur  la  |)lanclu'  par  l'héliogravure,  il  n'en  est  i)as 
iiKiiiis   un  ai)s()lu    poinle-sechisU'.   C'est  en   vvïu.   ([u'il  est    novateur. 

Avant  lui,  et  surtoul  dans  la  gravure  d'inlerprétation,  les  graveurs  ne 
se  servaient  (\v  la  pointe  (pie  comme  d'un  moyen  rapide  d'achèvement.  Au 
wiii'"  siècle.  Le  Jias  en  l'ii  un  large  emploi,  mais  toujours  de  comi)lèment. 
Pourtant  les  |)i-écè(leuls  ne  mancpiaient  pas  de  pointe-sèchistes  connus  et 
admirés,  mais  ("etaienl  des  originaux,  .\lhert  Durer  et  Reml)randt,  [)our 
ni'u  nommer  ipie  (U'ux.  l'ne  importante  partie  de  l'œuvre  de  Rembrandt 
est  à  la  i)ointe-seche.  Des  c()ntem|)orains  même  de  Desboutin  avaient  produit 
d'intéressantes  et  nombreuses  pointes-sèches  :  Charles  .lacque,  Whistler, 
Sevmour  Haden,  .lames  llssot,  Legros,  etc..  et  tout  près  de  lui  Henri 
Sonnn,  Haffaëlli,  Hesnaid,  l.essorre,  Duez,  Degas,  Jeanniot,  (ïaston  la  Touche, 
1  lenri  Dt-louche,  et  cet  excjuis  ilelleu,  I^aganini  de  la  pointe,  dont  le  fin  dia- 
mant aura  conservé  la  fleur  de  la  beauté  féminine  de  notre  temps  —  et 
leur  maître  à  tous  Auguste  Hodin. 

Ce  procédé,  avons-nous  dit.  \aut  surtout  par  ses  qualités  de  [)rime- 
saul.  11  est  ])arfait  pour  un  croquis,  pour  une  chose  enlevée  en  une  seule  ou  en 
un  tout  petit  nombre  de  séances  ;  il  convient  moins  aux  œuvres  de  longue 
haleine,  ([uoicpie  M.  Muirhead  Houe,  eu  Angleterre,  ait  produit  une  admirable 
suite  de  planches,  aussi  poussées,  aussi  puissantes  et  aussi  variées  que  des 
eaux-fortes. 

Mais  ce  m-  peut  guère  être  qu'un  nu)yen  d'exce|)tion.  Un  de  nos 
maîtres  actuels,  M.  Gustave  Leheutre,  écrit:  «La  pointe-sèche  est  souvent  la 
gravure  des  artistes  cjui  ne  savent  pas  graver,  qui  s'miaginent,  bien  à  tort,  qu'il 
est  plus  sinq)le  et  j)lus  facile  de  ])rocéder  ainsi  ;  c'est  aussi  la  gravure  des  artistes 
(pii  ont  i)lus  de  sj)ontanéité  et  de  sensibilité  impatiente,  que  de  volonté  réflé- 
chie, amoureuse  des  combinaisons  savantes  de  l'eau-forte,  et  de  ses  lenteurs 
exaspérantes.  Quoiqu'il  en  soit,  c'est  un  procédé  séduisant,  mais  limité,  dans 
ses  moyens  d'expression  et  donnant  des  résultats,  entre  des  mains  habiles, 
sensiblement  les  mêmes  toujours,  et  peu  propres  à  mettre  en  évidence  la  per- 
sonnalité de  celui  (jui  l'emploie  exclusivement. 

«  C'est  un  procédé  un  peu  artificiel  et  factice,  en  ce  sens  que  le  cuivre 
gravé  par  ce  procédé  présente  cette  particularité  singulière  de  mettre  entre 
les  mains  de  l'ouvrier  qui  en  doit  tirer  des  épreuves,  une  gravure  à  la  fois  en 
relief  et  en  creux.   En  effet,  lorsque  la  pointe  entre  franchement  dans  le  métal, 

204  ' 


M"''^  VALENTIN 


^T   Ét.in 


matière  liante  et  souple  au  possible,  elle  ne  le  brise  pas  sous  son  artion.  mais 
le  déchire,  le  déplace  simj)lemeiit,  eL  laisse  au  bord  de  son  passage  un  bourrelet 
métallique,  que  l'on  a[)pelle  la  barbe.  C'est  contre  cette  barbe  cpie  viendront 
se  buter,  tout  à  l'heure,  ces  amas  d'encre  ffui.  habilement  amenés  l;i  par  la 
paume  de  la  main,  donneront  ces  t^H'os  traits  \-eloutés  et  gras  qui  procurent 
à  la  (  belle  épreuve  „  d'une  [)oiide-sèche,  sa  couU'ur  accentuée  et  sa  richesse. 
--  excessive  toujours,  dans  les  états  d'une  pointe-sèche  non  terminre,  avant 
que  le  graveur,  armé  de  l'ébarboir,  ait  fait  tond)er,  çà  et  là,  l'excès  des  barbes 
qui  couvrent  toute  la  i)lanche,  en  les  usant  |)ar  place,  en  les  amoindrissant 
de  façon  à  montrer  sur  l'épreuve,  au  bon  endroit,  l'entaille  fine,  nette  et  grisi-, 
de  la  pointe-sèche  conq)létement  ébarbée. 

»  De  tout  ceci,  il  résulti',  pour  l'impression  d'une  planche  ainsi  traitée, 
des  soins  ei  des  attentions  parliculiéres.  l.ors([ue  la  planche  a  été  débarrassée 
an  chiffon  de  la  bouillie  noire  (jue  le  lanq)on  de  l'imprimeur  force  à  entrer 
iuscpi'an  fond  des  tailles  et  sous  lat[uelle,  tout  d'abord,  le  cuivre  dis[)araîl 
entièrement,  lorsqu'il  s'agit,  ])our  parfaire  l'enivre  di'  passer  doucement 

la  paume  de  la  main,  d'effleurer  savamment  la  surface  du  cuivre,  pour  la 
nettoyer  sans  vider  la  taille  de  l'encre  dont  elle  t'st  pleine,  la  barbe,  (jui 
n'existe  pas  dans  l'eau-forte,  ajoute  une  difficulté  di-  |)lus.  l-'Jle  ri^li/iidra  l'tMicre, 
si  l'action  de  la  main  se  fait  sentir  [)erpendiculairement  à  la  direction  de  la 
taille,  mais  elle  ne  retiendra  rien  du  tout  si  l'action  de  la  main,  au  contraire, 
est  parallèle  à  cette  direction,  car  l'encre  alors  ne  trouve  pas  d'obstacle  contre 
le([uel  elle  vienne  buter. 

(  Pour  é((uilibrer  les  (dioses  et  donner  à  l'épreuve  toute  son  harmonie, 
il  convient  donc,  d'al)ord,  (K'  ne  pas  essuyer  la  planche  par  [)arties.  mais  h'u'n 
d'ensemble,  sans  hâte,  |)arlout  à  la  fois,  sans  s'éni'r\er  et  vouloir  bruscpier  les 
(dioses  en  essuyant  d'abord  les  parties  non  graxées,  (imbécillité  ([ue  font  d'ins- 
tinct tous  les  imprimeurs,  sans  qu'il  soit  facile  de  leur  en  fain-  conq)rendre 
l'ineptie);  ensuite,  il  faut  t-ssuyer  la  |)lanche  en  la  faisant  tourner  dans  tous  les 
sens,  sous  l'action  de  la  main  (pii  l'éclaircil,  de  façon  à  enq)ècher  l'eiu-re  de 
»  filer  »  le  long  de  la  taille,  tout  d'un  cote,  ce  qui  est  fort  laid  a  ré[)reuve.  et 
fort  délicat  à  éviter,  liref.  il  faut  avoir  affaire  à  un  ouvrier  intelligent,  amou- 
reux de  son  travail,  et  fort  liabile  dans  son  métier,  pour  avoir  de  belles  épreuves 
et  sensiblement  <•  suivies.-  d'un  bout  à  l'autre  d'un  tirage,  même  limité.  Géné- 
ralement les  ouvriers  ne  se  sentent  à  l'aise.  |)our  obteinr  ce  résultat  tpie  lorsque 
les  barbes  sont  déjà  affaissées,  à  moitié  usées  des  les  premières  épn-uves,  et 
([ue.  la  planche  ne  donnant  plus  ([ue  du  gris  assez  veule  el  incolore,  il  devient. 

205 


facik'  de  lui  faire  (ioiincr  rv  i^ris  cl  cette  incdincritc  d'accent.  —  indéfininicnl 
e(  en  toute  trancjuillité  d'esprit,  en  piMisant  à  autre  cliose.  Ml  ceci  est  Vident 
de  tous  les  imprimeurs  ! 

a  Mais  ne  les  accusons  pas  injuslemeul.  l.orscpie  l'artiste  poinle-sèchisle 
api)orte  une  planclie  (pii,  n'avant  |)oint  encore  tiré,  a  déjà  pei'du.  par  suite 
d'un  excès  de  traxail  incertain,  nud  ctuieu,  mal  conduit,  et  déiuu'  de  cette 
décision  sponlaru'c  qui  est  le  charme  de  ce  i^U'ure  de  i,;i"a\ure.  toute  fleur,  toute 
fraîcheur,  toute  virginité,  l'imprimeur  \\v  peut  èlrt-  rendu  responsable  de  ce 
(fui  est  le  fait  des  maladrt-sses  et  des  insuffisances  du  uraxi'ur.  La  planche  esL 
défunte  a\aid  d'aNoii'  vécu.  •■ 

Nous  axons  tenu  à  donner  la  plus  grande  [)arlii'  de  cette  lettre  inédile,  si 
intéressante,  en  pixaiuer  lieu.  ])arce  ([u't'lle  entrait  dans  le  cadre  de  celle  étude. 
vu  second  lieu,  parce  ([u'elle  fournil  sur  le  procédé  des  détails  lechni([ues. 
(pie  seul  un  praticien  aussi  expériiuenlé  (pu'  .M.  l.ehenlre.  cl  a\issi  éj)ris  de  la 
«  ])elle  é|)reu\('  ,  pou\ail  a|)porter  a\'ec  une  compéleiice  indiscutable.  11  est  à 
remarquer,  en  outre,  (pie  les  traités  de  i^n-avure  ])arlenl  foil  peu,  e!  toujours 
accessoiremenl,  comme  eu  passant,  de  la  pointe-seclie,  (pii  mériterait  une 
enquête  plus  approfondie,  i-é\élat rice,  j'en  ai  l;i  conviction,  de  heancou])  de 
choses  uouxelles  relatives  à  son  importance  dans  la  i>'ra\  ure.  A  celle  eiupièle, 
la  lettre  de  M.   l.ehenlre  apportera   une  première  c(mlribnlioii. 

HcNcnons  à  Desbout  in.  Nous  saxons  pour  (pielles  raisons  phiisiijucs  il 
axait  adopté  la  poinle-séche  de  préférence  à  tout  antre  mode  :  axcrsicm  pour 
ce  qu'il  nommait  -la  mairie  noire  de  l'eau-foide,  et  par  c(mtre,  vigueur  (le  son 
poiîjuet.  J  .es  vérila])les  causes  des  actions  humaines  dérixenl  ])i\'S(pu'  toujours 
du  tempérament.  On  fait  une  (diose,  pai'ce  (pie  l'on  a  en  soi  les  moyens  de  la 
faire.  parfois  aussi,  (pioi(pie  ])lns  l'arement.  parce  (pie,  ces  mox'ens  faisant 
défaut,  on  \ ont  laisser  croire  (pToii  les  a  ;  (»u  !)ien  encore  parce  (pie  l'on  est  en- 
traîné par  l'exemple,  l'hérédité.  Vidée. 

Vous  axons  \  n  éi^alemeul  pouixpioi  l)esl)outiii  fil  de  la  i>rax  lire  :  il  x  fiil 
déterminé  par  l'approbalion  de  Deoas,  de  Maiiel,  de  .lean  lîéraud.  a  une  épocpie 
oii  la  vie  lui  était  très  difficile  et  on  il  chercliail  au  boni  de  cpiel  sentier  il  trou- 
verait la  pâture.  Sa  disposition  naturelle  xonlut  (pi'il  eut  le  tempérament 
i^raveur  et  cela  dexail  serxir  à  merxeille  sa  réputation.  Mais  au  fond,  ce  n'est  pas 
la  gravure  (pi'il  aimait  !  Il  écrixail  à  son  ami  .Mboi/.i',  le  l  féx  rier  1<S89,  ces 
lignes  où  perce  son  désenchanlemeiit  de  n'être  pas  seulenu'nl  un  peintre  : 

«  JJcpuis  reiigouemenl  progressif  pour  les  écoles  {Viris(di()ii  lithochrouio- 
coloristes,  aujourd'hui  j)alronuées  et    lancées  par    les  Goupil,  ces    écoles  ont 


206 


iviidu  iniiilelli.qihlcs  et  répulsives  aux  amateurs  les  peintures  faites,  comme  les 
miennes,  toutes  de  valeurs  de  clair-obscur,  ou  mieux  de  valeurs  de  tons  de 
dessin  (1).  Laissons  donc  couler  l'eau,  quoique  je  désespère,  à  l'àye  où  je  suis 
parvenu,  de  la  voir,  de  mon  vivant  du  moins,  venir  à  mon  moulin.  et  lâchons 
de  tirer  de  celle  (ihsiraclion  ai)pelée  la  «ravure  eu  pointe-séche.  la  plus  «Grande 
somme  possible  de  bénéfices  ([u'elle  |)uisse  retirer  de  ce  (prelle  lient  de  ma  pein- 
lure.  dont  elle  n'est  qu'une  abréviation  moins  choquante  |)our  le.i^oùt  du  jour.» 

Ainsi,  pour  Desboutin.  la  i*ravure  n'est  qu'un  [)is  aller.  Celle  abstraction 
n'est  ((u'une  abréviation  de  sa  peinture  -.  Qui  ne  prévoit  que  moins  cette  abré- 
viation sera  sensible,  plus  l'artiste  sera  satisfait.  Dr.  comment  une  gravure 
peut-elle  se  rapi)roclier  de  la  peinture  ?  Par  les  fonds.  j)ar  les  modelés,  par  la 
diversité  des  noirs,  des  gris,  |)ar  les  valeurs  des  blancs.  C'est  ([uand  elle  ■•  sug- 
gère )),  —  nous  n'écrivons  pas  :  ([uand  elle  réalise,  —les  variétés  de  la  peinture, 
que  l'on  dit  d'une  gravure  monochrome  (ju'elle  est    colorée. 

Cela  s'obtient  tantôt  facilement,  tantôt  difficilement,  avec  la  pointe,  l'é- 
choppe ou  le  burin.  Il  y  suffit  parfois  d'un  trait,  d'un  volume  de  blanc,  opposé, 
dans  la  direction  et  à  la  j)lace  voulue,  à  un  masse  sombre,  voyez  la  Pièce 
(iii.v  cent  florins  !  --  jionr  cpie  tout  vibre,  s'intensifie  et  fcinfarc  !  D'autres  fois, 
mille  travaux,  mille  tiaits  gras,  maigres,  croisés.  iu\tai)osés.  reliés  par  des 
points,  renforcés,  redoublés,  etc.,  n'amèneront  ([ue  confusion,  mollesse  et 
insignifiance.  Cela,  avec  l'eau-forte,  mais  à  plus  forte  raison  avec  la  pointe- 
séche  !  Et  surtout  dans  les  planches  de  grandes  dimensions,  qui  abondent 
dans  l'œuvre  de  Desboutin.  Or.  encore  une  tendance  curieuse  des  graveurs  !  - 
aucun  ne  se  résigne  à  ne  faire  que  des  planches  moyennes.  ])our  lesquelles  la 
gravure  semble  créée.  «  Il  faut  proportionner  à  la  finesse  de  l'outil,  la  surface  à 
couvrir  )>  enseignait  Whist  1er.  .Mais  le  tour  d(>  force  •  séduit  les  plus  sages,  et 
ils  sont  entraînés  à  faire  grand  par  la  nécessité  d'élre  vus  au  .Salon. 

Desboutin  était  poussé  de  plus,  par  le  besoin  de  si-  rap|)rocher  de  la  pein- 
ture. Ne  voulant  employer  l'acide,  il  eut  recours  à  toult's  sortes  de  succédanés  : 
la  roulette,  le  jiapier  de  \erre.  la  pierre-[)once.  les  fonds  monotv[)és  ;  il  égrati- 
gna  sa  plaque  avec  tout  ce  qui  i)ouvait  servir  à  cet  objet.  et  l'on  sait  cpie  les 
artistes  sont  fort  ingénieux  en  ces  sortes  de  découvertes.  La  c(ualité  spécifique 
de  la  pointe-sèche  s'atténua.  On  peut  se  demandei-  cv  (\u"\\  y  a  sous  La  Femme 


(1)  Il  est  évident  ([lU'.  !);n-  icllc  définition  môme.  De.sboiitin  iinnivc  (lu'il  i'>l  plus  tlessi- 
nateur  et  graveur  que  peintre.  (",e  (|ui  les  distinijue.  en  effet,  c'est  (|ue  le  peintre  joue  de.s 
tons  colorés,  en  sus  des  valeurs  de  clair-obscur,  tandis  (lue  le  L'iaxcur  ne  dispose  f|iie  de  ces 
dernières. 

L'OT 


au  Chai,  sous  le  Fumeur  allumant  sa  pipe,  sous  les  Trois  amis,  etc.  On  n'y 
retrouve  plus  la  franchise  du  Rochefort,  {hi  Dumas,  de  V Homme  à  la  Pipe,  celic 
merveille  !  poui-  eonii)arer  les  i^randes  pièces  entre  elles.  Nous  sommes  plus 
loin  encore  de  la  saxtui-  de  \ina  de  Villarl.  (VHippohjie  Babou,  de  Berihe  Mo- 
risot,  de  Legendre,  de  Monlejiore,  dv  Degas  en  pied,  de  Renoir  et  de  ciiuiuanle 
autres  petites  el  moyennes  pièces,  qui  sont  des  chefs-d'œuvre  d'esprit,  de  viva- 
cité et  de  décision. 

Il  arriva  bientôt  ce  qui  devait  arriver.  La  mise  en  place  de  ces  importants 
dessins  préalables  aurait  pris  un  temps  énorme;  ne  valait-il  pas  mieux  recourir  à 
un  moyen  mécani({ue,  prescjue  instantané  et  plus  sûr  ([ue  la  main  ?  L'hélio- 
i^ravure.  dont  il  avait,  selon  toute  proliabilité.  accpiis  la  notion  à  Florence, 
lui  offrait  sa  facilité  tentante  :  elle  va  devenir  sa  collal)()ratrice  assidue.  Tl 
croyait  d'ailleurs  avoir  découvert  un  procédé  nouveau,  -  comme  si  Rops  ne 
le  prati((uait  ])as  déjà!  et  s'applaudissait  de  sa  trouvaille.  11  l'expliquait 
ainsi  :  <■  l,e  mode  de  t^ravure  est  pointe-sèehe  à  base  hiiioqraphi<iue,  d'aj)rès  des 
dessins  à  la  phnne  exécutés  |)ar  moi  sur  pa|)ier  et  reportés  sur  cuivre  par  les 
liéli()gra})hes  de  la  maison  Foirel. 

«Mais  l'utre  k-  dessin,  (pii  est  rcruxTe  vivante  et  individuelle  de  l'artiste  et 
k's  travaux  innombrables  de  pointe-sèche,  (pii  harmonisent  et  finissent  la 
morsure.  ;7  ne  reste  rien  de  meecmiijue  à  cette  ceuure,  cpie  je  me  propose  de  c(mi|)lé- 
ler  par  la  rej)r()dncti()n  par  le  même  système,  de  mes  études  peintes  les  |)lus 
pittoresques  et  les  plus  intéressantes.   >  (,\.  Raisin,  !•?'  mai  1898). 

C'est  l'eni^renage.  Il  est  pris.  Mais  on  lui  faisait  des  objections,  et  il  y  ré- 
pondait : 

«  Votre  re|)i()che  de  tranau.r  i>ieilliss(nit  le  sujet  par  surcharge  de  Vhélio- 
graimre.  n'est,  en  effet,  ])as  sérieux,  puisque^  cette  héliogravure  n'est  qu'une 
pâle  ombre  de  calque  i)holographi(pie,  un  imperceptible  saupoudrage  équiva- 
lant à  peini-  au  retroussis  d'une  jilanche  encrée,  tel  que  le  donne  rimj)rimeur 
avec  sa  mousseline,  et  que  toute  la  gravure,  dans  son  corps  comme  dans  ses 
moindres  traits  de  détails,  est  entièrement  le  résultat  delà  pointe  aussi  fournie, 
aussi  conduite  (pie  si  j'eusse  opéré  sur  le  cuivre  un  et  sur  simple  calque  à  la 
sanguine. 

u  Rncore  une  fois,  l'opération  héliographique  n'a  fait  là  que  fixer  et  régler 
la  ressemblance  et  donner  aux  travaux  un  lien  ambiant  qui  les  harmonise 
sans  les  dénaturer  ])lus  que  ne  le  fait  le  cou])  de  chiffon  de  l'ouvrier,  dont  elle 
peut  dispenser  au  besoin,  au  grand  bénéfice  de  l'unité  des  épreuves  d'un  tirage  » 
(A  Raisin,  21  juin  1889). 

208 


---.ijf*?  ""-,* 


GLlGNuL   L.\    lAMlLLE  (1880) 


Chose  étrange  !  Ce  sont  ces  œuvres  hybrides,  on  la  main  n'est  plus  seule, 
qu'il  préférera  ;  ce  sont  ces  gravures  ([u'il  exécutera  quand  il  les  fera  pour  son 
plaisir  et  à  son  gré,  —  je  veux  dire  quand  il  reproduira  les  tableaux  ou  les  fles- 
sins  dont  il  sera  satisfait  (La  Marçiuerite,  Jeune  fille  à  la  feuille  de  chou,  le 
Capitan,  oie.)  Ce  ne  sont  point  celles  qu'affectionnera  le  plus  l'amateur,  dont  le 
choix  ira  aux  pointes-sèches  pures,  car  il  y  a  plus  de  sensibilité  dans  le  tracé 
direct  de  la  pointe,  que  dans  le  re[)ort  ph()tograi)hi(|ue  du  plus  sensible  dessin. 

Néanmoins,  même  là,  Desboutin  s'avère  artisli'.  Sur  ces  dessous  couverts, 
il  le  dit  et  c'est  exact,  il  savait  raviver  les  lumières,  intensifier  les  noirs,  jeter 
en  un  mot  le  manteau  diapré  des  valeurs.  Car  il  avait  au  plus  haut  point 
le  sentiment  de  Vordre,  dans  ses  gravures,  s'entend  !  Ce  n'était  pas  lui  qui 
laissait  les  barbes  se  placer  au  y)etit  bonheur,  et  il  n'était  pas  de  ceux  ((ui 
pensent  qu'un  noir  de  pointe-sèche  est,  n'importe  où,  le  bien  venu!  11  lui  assi- 
gnait son  rang  et  sa  fonction.  La  planche,  dans  sa  position  riormaU-.  riscpiail- 
elle  de  lui  fournir  une  barbe  contraire  à  l'effet  voulu,  il  faisait  faire  demi-tour 
à  sa  planche  et  la  travaillait  la  tète  en  bas. 

De  même,  quand  le  tirage  ne  l'avait  pas  satisfait,  il  corrigeait  les  épreuves  à 
la  main  :  «  Je  suis  depuis  (|uinze  jours,  écrit-il  à  Alboize,  le  23  septembre  IS.sr). 
au  sujet  des  Fragonard,  à  les  éplucher  au  gratloii-  et  au  crayon  sanguine  et 
j'espère,  d'ici  le  commencement  d'octobre,  vous  expédier  un  stoc!<  de  vrai 
nanan,  revêtu  de  ma  griffe  !  lue  des  trois  surtout.  l.'Esralade  au  rendez-i'ous, 
me  donne  un  tintoin  du  dial)le,  car  je  dois  enle\H'r  des  blancs  à  la  gomme, 
pour  arriver  à  soutenir  l'effet  des  deux  autres.  Mais  bah  !  peine  île  \  ilain  ne 
compte  pour  rien.  • 

l'n  peu  plus  tard  (le  10  octobre),  il  se  faisait  rt-nvoyer  le  cuivre  pour  faire 
<(  au  brunissoir  et  à  la  [)()inte  les  corrections  nécessaires  à  la  régularité  <le  l'im- 
pression.«Après  quoi,  il  n'attendait  plus  ({ue  le  résultat  de  celle  grande  ba- 
taille rangée,  qui  pouvait  être  aussi  bien  son  .Vusterlitz  cpie  son  Waterloo.» 
(Au  même.   12  novembre  1886). 

A  côté  de  ces  armes  de  correction,  il  y  avait  celles  de  l'exécution.  Desbou- 
tin, comme  on  peut  le  supposer,  n'avait  pas  besoin  d'un  matériel  bien  compliqué. 
Le  graveur  n'était  pas  plus  exigeant  que  le  peintre  ou  le  décorateur.  Sa  |)ointe 
était  une  aiguille  de  machine  à  coudre,  sa  tal>le.  son  genou.  Quand  il  s'adressa 
à  l'héliogravure,  et  notamment  pour  les  gravures  d'interprétation,  soit  d'après 
les  maîtres,  soit  d'après  ses  œuvres  propres,  le  travail  devint  i)lus  complexe. 
Il  faisait  d'abord  photographier  l'original  au  formai  de  sa  planche:  puis  il  en 
décalquait  le  contour  sur  papier  bleu  ou  gris,  redessinait  au  crayon  on  an  fu- 


sain,  posait  des  rehauts  de  blanc  pour  les  lumières  et  envoyait  enfin  à  Thélio- 
gravure.  Une  seule  morsure  lui  suffisait,  pour  la  mise  en  place  et  les  dessous, 
après  quoi  le  graveur  repreiKiil  lous  ses  droits  et  attaquait  le  métal  avec  sa  fou- 
gue coutumière. 

Les  corrections  minutieuses  des  Fragonard,  dont  témoignent  ses  nom- 
breuses lettres,  laisseraient  croire  que  des  mains  de  l'artiste  ne  sortaient  que 
(les  épreuves  parfaites.  Il  n'en  est  nialheurinisemeiit  rien.  11  circule  nombre 
d'épreuves  médiocres  et  le  pis  est  (jue  Desboutin  lui-même  ne  rejetait  i)as,  à 
priori,  une  épreuve  défectueuse:  il  la  réservait,  nous  l'avons  vu  au  chapitre 
XIX,  pour  ses  amis  ! 

0  Le  tirage  des  b'ragonard  est  d'une  assez  grande  unité,  sauf  quelques 
é|)reuves  maigres  et  blanches,  (]ue  vous  mettrez  à  part  pour  journalistes  ou 
camarades  artistes».  (A.  Alboize,  23  septembre  1886).  Il  conseillait  au  même, 
le  10  octobre,  en  lui  t-nvoyant  ([uatre  épreuves  (2  du  Hcndrz-i'oiis  et  2  des  Con- 
lidences),  «  trop  blanches  et  dégarnies  |)our  avoir  été  essuyées  trop  à  chaud  », 
de  les  garder  ■  pour  cadeaux  futurs  à  des  camarades.  »  Les  bons  billets  !  Il 
faut  se  méfier  des  épreuv  es  données,  au  moins  dans  la  série  des  Frago. 

Ajoutons  (|ue  l'on  ne  sa\ait  guère  imprimer  la  pointe-sèche,  de  1876  à 
1890.  A  Texi-eplion  dArdail.  (fui  connaissait  toutes  les  ressources  et  toutes 
les  (c  ficelles  >  rie  son  métier,  à  part  Delattre  père,  qui  était  un  imprimeur  de 
première  force.  :i  |)arl  Leroy  (pu-  Desboulin  avait  formé,  la  plupart  des  ou- 
vriers avaient  conservé  les  liabiludesprises  a  l'impression  des  burins.  Ils  tiraient 
((  en  carte  de  visite  "  et  essuvaient  la  planche,  sans  ménagements. 

La  pointe-sèche  souffrait  de  ce  traitement.  Elle  devenait  glabre.  Plus  de 
barbi's,  partant  |)lus  de  puissanci-  î  La  planche  grise  et  maigre  paraissait  vidée. 
Il  y  a  des  Da/as  ini  chapeau  rner\n'illeux  et  d'autres  ramenés  à  un  contour  ténu 
el  sec,  comme  une  gravure  de  lléveil  ou  de  Landon. 

Mais  (piel  tirage,  si  surveillé  fut-il  |)ar  l'artiste,  et  cet  artiste  fut-il  un  amou- 
reux de  la  belle  épreuve,  cpii  ne  donne  lieu  à  un  choix  ?  Ce  choix  est 
même  un  des  plaisirs  de  l'amateur  ;  il  y  contrôle  son  goût,  sa  science  des  tech- 
ni(}ues,  la  finesse  de  son  œil. 

L'amateur  de  Desboutin  peut  exercer  son  jugement  sur  des  pièces  nom- 
breuses. Cela  ne  veut  pas  dire  (ju'il  l'exercera  avec  facilité.  Il  hésitera  souvent 
entre  un  état  et  un  tirage.  Uétat  comporte  des  retouches  dans  la  gravure  ;  le 
tirage  peut  donner  des  épreuves  différentes  par  le  seul  encrage.  N'oublions  pas 
que  Desboutin  «  trijiotait  »  beaucoup  ses  planches  et  qu'il  était  l'ami  du  comte 
Lepic,  le  i)arrain  de  Veau-forte  mobile.  I/eau-forte  mobile,  c'est  l'art  d'utiliser 

210 


■lA-î 


lu  noir  ai-fOiKlé    ( Fuinti-si-rlrr 


L'Il 


le  "  coup  de  torchon  )^  c'est-à-dire  d'enlever  |)liis  on  nu)ins  l'encre  qui  se  trouve 
hors  des  tailles  et  de  varier  ainsi  les  effets. 

T>"eau-forte  mobile,  c'est  presque  une  e()nii)inais()n  de  la  gravure  et  du 
inonotvpe.  Or,  en  matière  d'impression,  eau-forte  ou  pointe-sèche,  c'est  tout 
un.  avec  cette  différence  toutefois,  que  la  pointe-sèche  offre  d'elle-même,  par 
ses  l)arbes,  une  partie  des  effets  que  recherchait  le  comte  avec  son  torchon. 

Deshoutin  ne  tomba  jamais  dans  les  fantaisies  de  son  ami.  —  même  lors- 
qu'il en  i^rava  le  portrait.  —  une  de  ses  plus  nerveuses  incisions.  Cependant, 
il  ne  pouxait  dédai;*ner  le  secours  qu'apporte  une  impression  adroite  à  une 
planciie  (pii  commence  à  faiblir.  De  là,  certaines  variations  d'une  épreuve  à 
l'autre,  qui  font  poser  la  (pu'stion  habituelle  :  «  Kst-ce  un  état  ?  Est-ce  un  ti- 
rajre  ?  - 

On  répondra  assez  souNcnt  :  (".'est  un  tiraj^e  ;  |)lus  souvent  encore  : 
("est   un  état. 

("ar,  rien  n'est  mobile  reprenons,  dans  un  autre  sens,  le  mot  de  Lepic,  — 
comme  une  pointe-sèche  de  Desboutin.  On  découvre  presque  autant  d'états 
que  dèprt'uves.  Si  vous  comparez  deux  de  ces  dernières,  d'aspects  semblables, 
aussitôt  les  différences  apparaissent.  Ici,  (t'est  une  ombre  allégée  (Babou) 
là,  une  piniiie  au  chapeau  augmentée  de  volume  {Duchesse  Colonna),  ailleurs, 
une  touffe  de  barbe  arrondie  (L'homme  à  la  pipe).  Un  fond  ajouté  ou  retranché, 
une  robe  assoml>rie,  un  accessoire  déplacé,  parfois  une  |)lanche  recommencée, 
et  la  dixersité,  la  mobilité  s'accroissent  !  Le  portrait  du  comte  Lepic  comporte 
cinq  états  nettement  différenciés,  depuis  celui  qui  montre  un  dessin  encadré 
derrière  la  tète  dumodèle,  jnstju'à  celui  qui  n'en  montre  plus,  en  passant  parcelui 
qui  étale  ce  même  dessin,  non  encadré  et  cloué  au  mur.  à  une  autre  place. 
Mais  d'éi)reuve  à  épreuve,  en  étudiant  trait  par  trait,  il  y  a  presque  autant 
d'états  qut"  d'ext'mplaires.  L)e  même  i)our  VHomme  à  la  p//>e,  de  même  pour 
la  scène  enfantine  intitulée  Les  premiers  pas.  L'enfant  ([ui  tient  le  toutou  est 
d'abord  tout  près  de  sa  s(enr.  \ers  le  milieu  de  la  pla([ue.  puis  au  3^  état,  il 
s'en  éloigne,  reculé  vers  la  droite.  Xaturellement,  ces  modifications  ne  vont  pas 
sans  plusieurs  états.  Là,  encore,  on  n'en  compte  pas  moins  de  cinq.  Et,  comme 
si  ce  n'était  pas  assez,  il  y  a  une  planche  supi)lémentairt>  de  petit  format  ! 

La  recherche  de  ces  états  révèle  l'inquiétude  d'un  esprit  toujours  en 
([uête  du  mieux,  l^lle  révèle  aussi  parfois,  la  nécessité  de  faire  revivre  certains 
cuivres  ou  zinc  abiniés,  ainsi  ({u'il  résulte  de  la  lettre  suivante,  à  Alboize  (27  mai 
1888)  : 

^<  Tous  les  petits  cuivres-sujets  ont  été  saignés  à  blanc  par  l'affreuse  mai- 

212 


A.  BRUANT 


son  Cadarl.  si  bien  (lu'a  i,francrpt'inc',  j'ai  pu  diTMieroiiu-nl  les  retirer,  ju>l. 
pour  quekpies  épreuves,  en  vue  des  demandes  que  pourra  m 'al  tirer  l'exposition 
de  mon  œuvre  gravé,  dans  une  des  salles  du  musée  de  Genève.  •■  E[  le  17  no- 
vembre suivant,  il  annonçait  au  même  correspondant  :  •'  Mis  en  mesure  de 
pouvoir  vérifier,  épreuve  par  épreuve.  elia([ue  cuivre  ou  zinc  comjjosant  ma 
collection,  j'ai  dû  misérablement  reconnaître  et  constater  que  la  plupart  ont 
été  é[)uisés  pour  avoir  été  tirés  à  outrance  dans  cette  maison  de  (ici.  un  qua- 
lificatif que  nous  ne  pouvons  rei)roduire),  où  on  a  fait  comnu-rce  de  mes  gra- 
vures, sans  que  j'en  aie  jamais  tiré  d'autre  profit  (pie  le  paiement  de  (pielques 
factures  atrocement  enflées.  Dès  lors,  dej)uis  plus  de  deux  mois,  a  commencé 
pour  moi  un  travail  de  galérien  à  la  roue  !  .J'ai  dû  retoucher  presque  toutes 
mes  plaques  à  fond,  et  en  remanier  à  nouveau  quelques-unes,  bien  que  sur  les 
mêmes  cuivri-s,  et  ce  tra\ail  de  chinois  sans  inspiration,  m'a  coulé  des  j(jurs  et 
des  jours. 

1!  (lit.  dans  un  autre  passage  de  la  même  lettre,  (ju'il  a  ilû  >  retoucher 
quarante  à  i-iiupiante  planches  ». 

Que  d'éiuts  !  et,  par  contre-C()U|),  que  d'épreuves  !  Combien  Cadait  en 
a-t-il  tiré  de  ces  (juaranlc  ou  cinquante  ])etites  planches,  abandonnées,  pendant 
huit  ans.  à  son  indistrélion  ?  On  ne  le  saura  januiis.  Notons  (jue  Cadart  — -le 
fils  —  devait  y  ap[)orler  d'autant  moins  de  scrupule,  que  ses  affaires  ne  nuir- 
chaient  pas  et  (juil  allait  être  bientôt  contraint  de  partager  son  matériel 
entre  ses  ouvriers.  [)our  les  i)ayer  de  ce  (pii  leur  était  dû  II  se  i)eut  aussi  que 
le  tirage  frauduleux  n'ait  pas  été  considérable,  mais  exécuté  sans  soins,  ce 
qui  aurait  suffi  à    épuiser  la  ])lanche. 

Desboutin,  d'ailleurs,  ainsi  (pie  nombre  de  ses  confrères,  essayait  volon- 
tiers de  payer  ses  imprimeurs  en  épreuves.  Comme  il  savait  par  expérience  que 
les  factures  du  retardataire  sont  toujours  majorées,  il  avait  pour  habitude 
de  réduire  de  moitié  la  note  ([u'on  lui  présentait  et  d'offrir  des  épreuves  pour 
solde  de  cette  moitié  !  l-'aute  de  pouvoir  obtenir  autre  chose,  l'imprimeur 
acceptait  et  re\  endait  ces  estampes  au  mieux.  Tout  cela  fait  un  certain  nombre 
d'épreuves  en  circulation,  qu'il  est  parfaitement  impossible  de  chiffrer. 

Là  même  où  il  s'était  engagé  à  limiter  le  tirage  il  se  |)erd  dans  le  nombre 
des  épreuves  d'essai  !  Lisez  ce  (pi'il  écrit  à  .Mboize.  le  '2'.'>  septembre  18(Sl),  au 
sujet  de  son  désaccord  avec  l'imprimeur  lùides.  sur  le  tirage  des  trois  [.«remieres 
planches  des  Frago  : 

«  Tout  d'abord,  sur  la  première  facture  de  ô\7  fr.  70.  il  me  compte  124 
épreuves  d'essai,  quand,  à  mon  compte,  je  n'ai  fait  tirer  que  tout  au  plus, 

213 


une  6(K  d'épiviivcs,  soit  Sô  que  j'ai  apportées  avec  moi  à  Nice  et  20  ou  25  (pie 
j'ai  laissées  à  Paris,  pour  service  des  cniiiarades,  épreuves  avariées.  »  {\) 

Ou  \()il  l"iiu"ertitu(li'.  L'iiupriimur  pose  un  chiffre  précis  :  124  ;  Desboulin 
répond  pai-  une  énoncialion  \  a^ne  :  une  soixantaine.  Qui  pourra  jamais  s'y 
reconnaître  !  Quand  il  \viu\  une  épreuve  de  son  Homme  à  la  pipe,  il  s'exprime 
ainsi  ;  •'  Le  prix  de  cette  épreuve  est  de  cent  francs.  |)rix  maintenu  [)ar  moi 
|)our  tous  les  l'xeinplaires  de  celli'  planche,  ([ui  a  été  tirée  ;'i  un  nombre  irès- 
lestreinL  et  dont  K's  rprcuNcs  très  rares  l'ont  aujourd'hui  prime  sur  notre 
place   de    Paris     .    (2) 

Qu'on  nous  jjardonnt'  l'expression  :  ce  n'esl  pas  de  la  précision,  c'i'st  du 
honiment    ! 

Toutefois,  ce  (pi'il  dit  est,  dans  son  ensemble,  exact.  Il  est  certain  qu'il  y  a 
peu  d'épreuNcs,  i-nlendez  de  bonnes  épreuves,  — •  de  L'Homme  à  la  Pipe  — 
connue  du  |)lus  iirand  nombri'  de  ses  autrt's  pointes-séches.  qui  pour  la  plu[)art, 
ne  furent  |)as  aciérees. 

Sa  manière  de  procéder,  ici  conuiu'  ailleurs,  se  rt'ssentait  dv  ce  désordre 
incorrigible,  ([ui  fut  sa  marque  particulière.  Quand  uiu'  |)lanche  était  amenée 
au  ])()int  ([u'il  désirait,  il  en  faisait  tirer  ([uekjues  épreuves  et  remettait  le  ti- 
rage définitif  à  |)lus  tard.  Ce  |)lus  tard,  soit  oubli,  soit  faute  d'argent,  soit 
perte  ou  détérioration  de  la  phuiue,  n'arrivait  jamais. 

Car  la  jeunesse  tnrbuk'iite  cpii  formait  sa  famille.  n'a\ail  pas  un  respect 
religieux  des  tra\anx  i)aternels  !  L'un  se  servait  des  cuivres  pour  y  édifier 
les  constructions  en  papier  qu'il  architecturait  à  grand  renfort  de  colle  ;  l'autre, 
|)lus  physicien  et  chimiste  que  son  auteur,  les  découpait  subrepticement  pour 
alimenter  ses  piles  électri([ues.  Quant  à  Desboulin  lui-même,  eh  bien,  il  lui 
ai-ri\ait  sou\ent  de  faire  planer  une  plaque  ([ui  n'avait  presque  pas  tiré,  afin 
d'en  rei)rendre  le  cui\ri'.  On  |)eut  con;',tater,  sur  le  remar(iual)le  portrait  de 
Norbert  (iœiu'utte.  la  trace  d'un   motif  antérieur,  insuffisanmient  effacé. 

Donc,  impossibililé  prescpie  absolue,  sauf  exci-ption,  de  déterminer,  à 
riienre  actuelle,  l'importance  des  tirages.  Le  peut-on  davantage  f)our  Rem- 
brandt, dont  il  existe  encore  des  cnixres  authenticjues  ? 

.Vu  fond,  (|u'imj)orte  :  c'est  une  sottise  de  notre  temps  de  faire  passer  la 
rareté  d'uiu'  pièce  avant  sa  (pialilé.  Ce  qui  com|)te,  c'est  la  bonne  épreuve, 
c'est  l'éjjreuve  à  fleur  de  cuivre,  avec  ses  l)arl)es  bien  placées,  quand  il  s'agit 

(1)  !,es  pauvres  camarades  qui  ont  cru  recevoir  de  l)oniu's  épreuves  ! 

(2)  Lettre  sans  date,   mais  très  proljablemcnt   de    19(10.  écrite  à   un   amateur  nantais 
(H.  A.  A.). 

'2Pi 


di'  i)())iitc'-sèchc.  l'A  (le  CCS  r|)rcu\rs-|;t.  le  ii.nnhrf  n'csl  jamais  hii-ii  j^'raïuJ  ! 
Il  Ile  peut  |)as  V('\rv.  pour  les  raisons  (pu-  nous  avons  dites,  cl  qui  se  réfèrent  a 
la  fragilité  des  préeieux  copeaux  de  métal.  Dune  |)oinl(-sc(hc  n>,n  ucirrrr, 
on  ne  peut  guère  obtenir  plus  de  six  ou  sept  épreuves  vraiment  belles  cl  celles-là 
même,  si  on  [)()uvail  les  aligner  les  unes  à  côte  des  autres,  on  constaterait 
que  leur  qualité  diminue  au  fur  et  à  mesure  cpic  liur  nombn-  grandit,  .\pres  la 
vingt-cinquiènn'  ou  la  trentième  épreuve,  la  pointe-scclic  \\i'  donne  plus  rien 
de  bon.  (1) 

C'est  pour  maintenir  un  tirage  un  peu  suiri  (pie  Desboulin  retraxailiail 
sa  planche  sur  la  presse  et  la  rivivifiait  |)ar  (pn-hpies  coups  de  i)oiide  (pii  mul- 
tipliaient les  états,  ('."est  plus  encore,  peul-èlre.  afin  de  perfectionner  son  ieu\ Te 
qu'il  la  retravaillait  ainsi. 

Et  voilà  ([ue  si'  post"  uut'  ipiestion  plus  impoilanle,  au  regard  de  la  cri- 
tique, que  la  question  des  états  et  di's  tirages  :  (pielle  t'sl  la  valeur  d'art  des 
portraits  gra\és  de  Desbout  in  ? 

Elle  n'est  pas  iid'èrieure  à  celle  des  |jorlrails  jieinls  vi  comme  eux.  ces 
effigies  sont  typiques. d'un  dessin  magistral,  d'une  parfaite  dislinclion.  Ce  sonl, 
de  plus,  de  magnificjues  pages  de  gravure,  aussi  souples  ([ue  fiiim-s,  aussi  intel- 
ligentes c[ue  décidées,  aussi  complètes  tjue  sobres.  Le  succès  (|ui  a  accueilli 
ces  feuilles  n'était  point  usurpé.  .Jules  Laforgue  donnait  ce  conseil.  l'U  juin 
1883,  à  Max  Klinger,  cpii  iirojelait  un  voyage  à  Paris  :  .;  Tàclie/,  de  connaitrc 
le  graveur  en  pointe -sèche  Desboutin  et  l'extraordinaire  Rrac([ueniond. 
Feuilletez  les  albums  (U' .laccpicmart...  (2).  Le  subtil  K'cteur  di'  rim[)ératrice 
Augusta  mettait  Desboulin  en  bonne  compagnit-.  (".larclic  écrivait  :  \'u  mo- 
ment viendra  où  ces  portraits,  \raimenl  hors  de  jtair.  seront  recherches. 
poursuivis,  j)ayés  à  [)rix  d"or.  C.etle  heure  n'est  pas  loin  de  sonner.     (A) 

Mais  la  (piable  gra\t'ur  ■  ne  fra])|)e  pas  la  foule.  L'art  de  la  gravure  est 
un  art  herriiéticpie  [)oui-  k'([uel  il  faul  uiu-  initiation.  Le  public  ne  conq)rend 
rien  à  la  gravure  !  -  confesse  M.  Waltner,  il  ne  peut  donc  la  goûter  cpie  pour  des 
qualités  qui  lui  soient  accessibles  :  la  ressemblance,  le  caractère,  la  distinction. 

La  distinction  est  vv[[c  ([ualité  indéfinissable  tpii.  en  art.  comme  dansla  \ie. 


(1)  On  raconte  cependant  <jue  Cliarles  .laeiiue.  (luuul  il  avait  fait  lirer.  suu;,  .ses  yeu.N. 
vingt  à  vingt-cinci  épreuves  de  ses  pointes-sèches. faisait  don  «le  sa  planche  à  Délai  Ire  qui. grâce 
à  son  tour  de  main  et  à  son  sentiment  d'artiste,  —  car  il  était  artiste  !  —  tirait  une  nouvelle 
série,  égale  à  la  première,  en  nombre  et  en  beauté. 

(2)  Exil,  Pocmes.  Spleen  (La  Connaissance.  1921». 

(3)  Un  original.  Fiqaro,  21   mai  1883. 


s'()i)|)()Sf  au  trivial  ot  au  commun.  Klle  est  un  don.  r)csi)outin  le  possède.  11  n'y  a 
pas  plus  dr  l)assi'ssi"  dans  sa  pointe,  son  crayon  ou  son  pinceau,  que  dans  son  ànie. 

Il  sait,  en  outre,  choisir  dans  une  figure  ce  (pu  i-sl  permanent  et  écarter 
raecidtntei.  ("est-à-dire  déifai»er  le  caractère,  autre  importante  qualité.  Dégager 
le  caractère  est  évidemmeid  le  plus  impérieux  devoir  dii  portraitiste.  Le  ca- 
ractèri"  ne  se  confond  pas  avec  la  ressemblance.  On  |)eut  faire  ressemblant, 
sans  saisir  le  caractère,  telle  la  photographie  ;  on  peut  souligner  le  caractère  et 
ne  pas  taire  resseml)lant.  telle  la  caricature.  Un  bon  portraitiste  obtient  les 
deux.  I".xeniple.  Ingres  dans  son  Berlin  l'ainé,  la  plus  magistrale  effigie  du 
xix^'  siecK'. 

Mais  certains  pt'iidres,  id  non  des  moindres,  portent  en  eux  une  sorti' 
d'idéal  ((pu  |)ourrail  bien  n'être  souveid  (pi  une  habitude  de  l'œil  et  de  la  main), 
et  donnent  aux  personnes  les  i)lus  dissemblables  par  leurs  origines,  leur  classe 
ou  leur  nationalité,  un  air  de  famille.  Ils  ont  une  fa('on  de  dessiner  la  bouche, 
ks  veux,  les  mains,  qui  api)arente  tous  leurs  modèles.  Desbout  in  ne  tomba 
jamais  dans  ce  défaut,  —  (\u\  ne  nuisit  d'ailleurs  ni  à  la  réi)utation  de  Van 
l)\ ck,  ni  à  celle  de  La  Tour!  Pour  lui.  le  modèle  était  le  modèle  ;  en  sa  présence 
il  i)erdait  le  souvenir  dvs  théories  et  des  systèmes  ;  il  demeurait  le  sincère  tra- 
ducteur de  ce  qu'il  avait  sous  les  yeux.  On  ne  connaît  pas  de  lui  un  seul  dessin, 
inu'  siule  gravure,  une  seule  peinture  de  chic. 

Il  donnait  à  la  fois  la  ressemblance  et  le  caractère.  Pourtant,  aliquando 
honus  durmilal  Honicrus.  Il  avait  dormi  au  j)ortrait  de  Barrés.  <'  Pas  ressem- 
blant 'dit  une  annotation  d'IIenri  Kouart.  au  bas  d'une  épreuve  de  son  por- 
trait.cpn  appartient  au  ("abinel  des  Estampes.  De  même  Héluis  se  plaint,  dans 
son  journal  inédit,  dont  M.  Moreau-Nélaton  a  bien  voulu  me  transcrire  une 
page,  de  n'être  pas  ressi'nd)lant.  Cela  n'empêche  pas  ces  pointes  d'être  de 
|jrenner  ordre. 

La  galerie  au  surplus,  est  d'une  \ariètè  étonnante.  La  distance  qui  sé- 
pare une  mai([uise  d'Haut))oul.  une  duchesse  Colonna,  une  ]Mme  Camus,  une 
.MmeH()U(piet  delaCirye.  d'une  .ludilh,  d'une  Moumou, d'une  Emma  Dauvilliers 
est  socialement  considérable  et  se  trahit  par  des  allures  i)articulières.  Cette 
distance  on  la  perioit  dans  les  gravures  du  maître.  De  même  un  Leroy  tout 
u  beau  ■  (pi'il  soit,  n'est  tout  de  même  pas  de  la  même  race  que  Puvis  de  Cha- 
vaiines  et  cela  se  retrouve.  On  fera  la  même  remarque  en  comparant  Legendre, 
marchand  de  tableaux  et  IlippolyteBabou,  avec  sa  pipe;Babou,  malgré  sa  pipe, 
est  un  intellectuel,  comme  Banville,  au  fin  \isage,  comme  Monselet,  dont  la 
grasse  figure  à  double  menton  pétille  d'esprit,  comme  Hochefort,  si  nerveux 

216 


dont  il  semble  que  l'on  sente  mouvoir  les  traits,  comme  Zola,  pensif,  comme 
Richepin  désinvolte. 

Belle  i^alerie,  en  vérité,  d'un  art  (jui  ne  cherche  pas  son  idéal  dans  une 
stylisation  ai)i)auvrissante,  mais  dans  la  vérité.  Et  cette  vérité,  pour  ([ui  sait  la 
percevoir,  contient  tout  l'idéal  nécessaire,  je  veux  dire,  parlant  de  portraits 
toute  la  définition  du  caractère.  Bruant,  par  Deshoutin,  a  été  l'incarnation  de 
la  chanson  argotique,  qui  célébrait  la  basse  pègre,  aux  environs  de  1890,  Mme 
Gaillard,  l'héroïne  de  la  Maison  de  la  Vieille  de  Catulle  Mendés,  est  la  philan- 
thrope bonasse  et  rusée,  comme  il  y  en  a  tant,  etc. 

Parmi  ces  [)ortraits  de  la  noblesse,  de  la  grande  bourgeoisie,  de  la  science 
et  des  lettres,  figurent.  —  et  ce  ne  sont  pas  les  moins  typicjues,  plusieurs  [)or- 
traits  d'artisans  : 

Leroy,  Marthelot,  Alfred  Cadart,  imprimeurs  en  taille  douce,  Bridault, 
planeur,  etc.  Ils  étaient  ses  auxiliaires  et  il  avait  pour  eux  de  l'affection.  Ils  la 
lui  rendaient  en  dévouement  et  en  déférence.  Ils  aimaient  à  le  voir  travail- 
ler, à  écouter  sa  parole  nourrie,  à  s'instruire  de  ses  propos.  Il  axait  le  prestige 
d'une  force  supérieure  et  d'une  exemplaire  conscience  artistique.  C'est  de  leur 
frétiuentation  quasi  quotidienne  et  de  leur  sympathie  réciproque  que  sont  nés 
ces  portraits. 


1/œuvre  gravé  de  Uesboutin  est,  en  fin  d'analyse,  entièrement  original. 
Je  n'en  excepte  point  les  gravures  d'interprétation  (sauf  une  vingtaine  de  pièces, 
surtout  de  la  fin),  puisque  toutes  il  les  grava  d'après  un  dessin  de  sa  main.  Il  y  a 
originalité  quand  la  personnalité  de  l'interprète  s'aperçoit.  Mais,  si  nous  nous 
en  tenons  à  ses  i)ortraits  ad  uiinim,  exécutés  directement  d'après  nature,  à 
cette  soixantaine  de  k  chefs-d'œuvre  par  la  hardiesse  et  la  sou|)lesse  du  faire, 
chefs-d'(euvre  par  la  vivacité  et  l'acuité  de  l'observation  »  (Lafenestre).  ils 
sont,  de  toute  évidence,  ses  sûrs  répondants  devant  la  postérité. 

Us  auraient  placé  sa  gloire  sur  une  plus  solide  assise,  si  d'autres  soins  les 
avaient  préservés.  Mais  le  désordre  est  l'accompagnement  de  la  bohème.  L'ar- 
tiste qui  laisse  se  détruire  son  œuvre  est  coupable  envers  lui-même,  et  envers  la 
collectivité  qu'il  fruste  d'œuvres  qui,  une  fois  sorties  de  ses  mains,  deviennent 
le  patrimoine  de  tous,  pour  la  beauté  (pfelles  répandent.  Mais  l'artiste  paie 
sa  négligence.  Que  serait  la  renonunée  de  Desboutin,  si  ses  poinles-seches 
avaient  constamment  frappé  les  yeux  des  amateurs,  dans  la  condition  où  des 
épreuves  de  cette  valeur  auraient  dû  se  trouver  ? 


15 


Et  cei)(.'n(laiil.  ccLU'  reiioiiiniéc  ne  lui  a  pas  fait  défaut  !  L'oeuvre  supérieure 
s'impose,  malgré  Loul.  ]in  vain,  le  Parthénon  saute  !  Les  statues  mutilées 
de  Phidias  alLeslenl  encore  son  génie.  A-t-on  vraiment  besoin  de  tant  de 
lémoignages  \)m\v  discerner  la  maîtrise  '?  Un  profil  effacé,  sur  une  monnaie  de 
Syracuse,  suffit. 

Desboulin  laisse  plus  que  cela.  Son  œuvre  gravé  comprend  près  de  300 
luunéros,  dont  plus  d'une  centaine  circulent  constamment,  en  tous  états,  en 
lous  tirages,  ("e  soiil  aulanl  de  hérauts  qui  proclament  son  talent. 

11  n'en  faut  pas  davantage  pour  faire  inscrire  son  nom  au  Temple  de 
Mémoire  et  l'adjoindre  à  la  liste  brève  des  graveurs  dont  on  doit  se  souvenir. 

Y  en  a-t-il  eu  cinquante  dans  le  siècle  auquel  il  a  appartetm  ? 


lid.  de  Cioncoiirt  (Pointe-sèche  —   Épreuve  d'artiste) 


218 


CATALOGUE 

DES 

GRAVURES 


REMARQUES  GÉNÉRALES 


DIMENSIONS. —  Les  dimensions,  sauf  indications  contraires, 
sont   prises  au   coup   de   planche. 

TIRAGES.  —  Quand  le  nombre  dépreuves  n'est  pas  indi- 
qué, on  peut  considérer  qu'il  n'en  a  guère 
été  tiré  qu'une  vingtaine.  Les  épreuves  d'état 
sont  encore  moins  nombreuses  car,  à  l'époque 
où  gravait  l'artiste,  les  états  n'étaient  faits  que 
pour  renseigner    le   graveur. 

CUIVRES.  —  Les  cuivres  ou  zincs  ont  généralement  été 
envoyés  au  planeur  après  ces  faibles  tirages. 
Nous   mentionnons   ceux    qui    existent    encore. 


Ce  travail  est  extrait  du  Catalogue  de  l'Œuvre  gravé  de  Marcellin 
Desboutin,  avec  reproductions  de  toutes  les  planches,  préparé  à  la  demande 
de    la    Société'   pour    l'Etude    de    la    Gravure    Française. 


220 


1  ALBARRAX,  Chirurjiîien,  (vers  1895) 

0.395, <  0.318 

roio  ^^  ^^r^'  ^ête  légèrement  inclinée  vers  la  droite,  cheveux  crépus  divisés  nar  une 
raie  au  milieu  du  front,  moustache  tombante  relevée  aux  pointes    Rare.  ^ 

2  ANGLAISE   INCONNUE  (1888) 

0.275x0.195 

Hpr«i^H"<ii'i"'*'^'H*''"'"r'^^  ^^  ^'"^  ^^"  '^  '^'■o'te,  coiffure  sur  les  cheveux,  un  éventail  à 
demi  déployé  dans  la  main  gauche.  D'après  nature.  t^Ntmaii  a 

3  AUGIER  (Emile)  (1878) 

0.120x0.080 
De  face,  tête  légèrement  tournée  à  gauche 
«nf  P""  portrait  fait  partie  de  la  suite  exécutée  pour  le  libraire  Rouquette.  Les  planches 

Il  existe  quelques  épreuves  avant  aciérage  et  lettres,  qui  seules  sont  rares 
fc.u^^î^l^       K^"^'^  ^^^  ^'■.^^^^  ^"^  ^^^  ^'^^^^"s  de  l'artiste  d'après  des  documents 
lures  originàîc's'         ^^'''  Photographie.)  Ils  ont  donc  le  droit  de  figurer  dan'TsJra: 

Cuivres  conservés. 

L'ASSOMMOIR,  Voir  BAL  DEBRAY.  petite  pièce. 


4  BABOr  (Hippolyte)    (1875) 

0.257x0.108 

De  face,  tête  légèrement  tournée  vers  la  droite.  Il  fume  une  pipe  (inil  tient  de  la 
main  gauche.  Directement  d'après  nature.  ' 

3    états,    assez    voisins. 
50  épreuves. 

5  BAL  DEBRAY  en  1875,  ou  LE  BAL,  ou  LE  MO  CI  IN- 
DE LA  GALETTE,  grande  pièce. 

0.235x0.158 

Tn  canotier  est  accoudé,  debout  et  penché,  sur  un  guéridon  de  café,  près  d'une 
grande  fille  debout  en  cheveux  et  les  bras  nus  croisés.  Au  fond,  des  comptoirs  et  des  con- 
sommateurs, dont  un  en  complet  jaquette  et  en  chapeau  haut  de  forme.  Pièce  signce 
au  bas,  à  gauche  du  monogramme  .M),  et  datée  1878 

2  états. 

6  BAL  DEBRAY  en  1875.  ou  LE  BAL,  ou  L'ASSOMMOIR. 
Ce  dernier  titre  app]ical)Ie  à  cette  petite  pièce  seule  ou 
encore  :  SCENE  DE  BRASSERIE,  petite  pièce,  (1886) 

0.140x0.091 

Réduction  de  la  pièce  ci-dessus,  exécutée  pour  le  livre  de  M.  .John  Grand  Qirteret 
Raphaël  et  Gambrinus.  30  ox.  de  ce  livre  ont  été  tirés  sur  japon. 

221 


7         BANVILLE  (Théodore  de)   (1891) 

0.176x0.134 
Surface  gravée  :  0.143x0.098 
Ue  face,  avec  fond. 

Publiée  par  L'  Artiste,  en  avril  1891,  avec  lettre  :  Marcellin  Desboutin,  Théodore 
(le  Bannillc:  en  f>ravure  industrielle.  (Hielque.s  épreuves  avant  lettre,  l'n  second  tirage 
a  été  fait  pour  le  tome  II  de  ['llisloirc  <lv  Maiilins,  de  .M.  Henry  I"'aure,  avec  le  mono- 
graninie  M).  Pour  ce  tirage,  l'artiste  a  niofiifié  le  fond  de  sa  planche,  dont  la  surface 
gravée  mesure  alors  0.147  <  0.092. 

Cuivre  conserve.  Appartient  à  .M.  Crépin-I.eblond,  imprimeur  à  Moulins. 

,S         BARBIKR    (Auoiiste)    (1878) 

0.120x0.078 

De  trois-quarts  tourné  vers  la  droite. 
Collection  Rouquette  (voir  n"  3). 

V)         BARÉTY,    Docteur,    (vers    1899) 

0..537X  0.413 

Pointe-sèche  et  roulette,  sur  fond  d'iiéliogravure,  d'après  une  peinture  de  l'artiste. 
.V  mi-corps,  de  face,  tète  inclinée  siu-  l'épaule  droite,  la  main  droite  tenant  une 
canne  et  la  gauche  un  chapeau. 

10  BARROIS,  (entre  1886  et  1889) 

0.119x0.075 
De  face.  Cheveux  droits,  moustache  et  barbe.   D'après  nature. 

BATAILLE,  Voir  OPÉRA. 

11  BAin)KLAIRE. 

0.143  :0.10S 

Collection  Houquctte  (voir  n°  3). 

Quelques  épreuves  avant  le  monogramme  ftD. 

BAUX  (M'i^),   Voir  OPÉRA. 
BEAUGRAXD,    Voir  OPÉRA. 
\'2         BÉCHEVET    (Comte),  (vers  1896) 

0.343x0.243 

De  face,  fumant  et  tenant  sa  pipe  de  la  main  droite,  calotte  noire  sur  la  tète,  toute 
la  barbe.  Rare.  Quelques  épreuves  en  noir  et  on  sanguine. 

i:-|         BÉRENI),    P,niHitiier,   (1879) 

0.470    '0.3.'')5 

De  face,  tourné  vei-s  la  droite.  Front  dégarni,  toute  la  bai'bi'  blanclio,  longue  et 
arrondie. 

1  1         BÉRENI)    (M'if'    Daisy).    depuis     Baronne     d'Estournelles 
de   Constant,   (vers    1879) 

0.273x0.195 
De  face,  toque  et  col  de  fourrure.  D'après  nature. 

15         BÉRENI)   (E(hvard),   (1879) 

0.240x0.158 

De  face.  (Cheveux  rejetés  en  arrière,  moustache  naissante.  D'après  nature,  (.f^rère 
de  la  précédente  et  élève  de  Desboutin). 

222" 


K'         BIGOT   (Charles),    (1877) 

0.15«  --0.120 

De  face.  Cheveux  droits,  barbe  divisée  en  deux  pointes,  inoustaclie  tombante  et 
relevée  aux  pointes.  D'aprrs  nature. 

BLOCH  (Rosine),    Voir  OPÉRA. 

17  BOREL   (Petrus),   (1878) 

O.119,-JJ.07.S 

De  face.  Tète  longue  et  mince,  front  haut,  moustache  rejoignant  la  barbe  taillée 
en   pointe. 

Collection  Houquctte  (voir  n"  '.i). 

BOUDOURESQUE,   Voir  OPÉRA. 

18  BOUQUET  DE  LA  GRYE  (M^e)  ([e  profil  ;,  droite,  (1879) 

0.214x0.198 
Agée,  portant  une  coiffure  sur  ses  cheveux  en  bandeaux,  vue  à  mi-corps,  l'avant- 
bras  droit  posé  sur  le  bras  d'un  fauteuil  à  peine  intliqué.  D'après  nature. 

19  BOUQUET   DE    LA    GRYE   (M'^o)  assise  et  totiriiée  vers 
la  gauche,  (1879) 

0.'237x  0.158 

Le  visage  est  presque  de  face,  la  joue  appuyée  sur  la  main  droite,  la  main  gauche 
reposant  naturellement  sur  la  jupe.  Pèlerine  sur" les  épaules.  D'après  nature. 

•2(1         BOWLES,    Critique  d'art  anglais,  (1875) 

0.250x0.151 

Assis,  tourné  à  droite,  tète  nue,  cheveux  avec  raie  au  milieu,  moustaclie  tombante, 
sans  barbe,  redingote  boutonnée  II  tient  de  la  main  gauche,  appuyée  sur  un  genou, 
sa  canne  et  son  chapeau.  D'après  nature. 

21  BRACKEX   (William),    (vers    1879) 

0.240x0.100 

Mari  de  la  fille  du  graveur.  II  est  assis  dans  un  fauteuil  à  haut  dossier.  pres([ue  de 
face,  les  deux  mains  aux  doigts  croisés  posées  sur  ses  genoux.  D'après  nature. 

22  BRACKEN  père,  (vers  1872) 

0.170x0.130 

.\  mi-corps,  tête  de  face,  légèreiuent  tournée  vers  sa  gauche,  entièrement  rasée, 
lunettes,  traits  creusés  par  l'âge,  sinus  accentué  du  menton,  cravate  ruban,  vêtement 
et  fond.   D'après  photographie    J'ointe-sèche  sur  héliogravure. 

2:i         BRACKEN  (M^^e)  et  SON  EILS  ROBERT,   ou  LA  1-ILLL 
DE  DESROUTIX.  cm  MA  FILLE  (vers  1879) 

ti.214  ■  0.200 

Une  jeune  femme  au  visage  charmant  et  doux,  se  tient  debout  et  appuie  contre 
son  épaule  un  petit  garçon  assis  sur  un  support  indistinct,  assezélevé  pour  que  les  che- 
veux du  bambin  touchent  la  joue  droite  de  sa  maman.  Sur  un  dessin  fait  d'après  pho- 
tographie. 

24         BRIDAlT/r,   Planeur  sur   métaux,  (vers    1878) 

0.445  x<l.,'M7 
De  face,  légèrement  tourné  vers  la  droite,  cheveux  bien  peignés,  moustache  cirée, 
col  droit  ;  tête  de  sous-officier.  D'après  nature. 

223 


•>ô        BRUANT   (Aristide),  Chaiisoiuiier,    (1<S95) 

0.417x0.329 

Pointe-sèche  sur  héliogravure,  d'après  la  peinture  eNi)osée  à  la  Société  Nationale, 
en  1895. 

C'est  le  Bruant  du  Mirlilon,  avec  son  grand  feutre  rejeté  en  arrière,  son  niac- 
farlane  et  son  fameux  caclie-nez  rouge. 

•2(^         BRUANT    (Aristide)    (189;)) 

o.:mo  ■  o.2;?.s 

l.ithograpliie. 

Tirage  ordinaire  sur  papier  mécanique,  portant  celte  indication  :  /ni/;.  I.rinrrrirr, 
Paris,  et  ces  cpiatre  vers,  tirés  de  Philosophe,  la  pièce  initiale  de  J^ans  la  Hue  : 

Et  pis  après,  c'est  la  grand' sorgue. 
Toi,  tu  t'en  iras  chez   Maquarl, 
Moi,  j'irai  p't'rt'ben  à  la  Morijue. 
Ou  ben  ailleurs,  ou  ben  (uit'part. 

\.    HRUANr. 

Quelques  épreuves  sur  .Japon,  avec  les  vers,  mais  sans  la  mention  d'imprimeur. 

•,>7         BURTY  (Mlle  Madeleine,  deptii.s  :\l'"<^  Ilaviland),  (1875) 

0.210  -,  0.1. 5.S 
De  face,  chignon  haut,  col  masculin  aux  IjouIs  recoinhés.  D'après  nature, 

^.>S         BURTY  (Pliilij)pe),  Critique  d'art,  (1875) 

0.291x0.218 

Assis  de  face,  la  jacpietlc  ouverte  rejetée  en  arrière,  la  main  droite  posée  sur  la 
cuisse,  le  bras  gauche  ])assé  derrière  le  dossier  de  la  chaise  et  ne  laissant  voir  que  la 
main  fermée  qui  gesticule.  Travail  arrêté  à  mi-mollets.  D'après  nature.  Hare. 

2  états.  Dans  le  l<'',  le  vêtement  n'est  ])as  ombré  et  le  pan  droit  de  la  jaquette 
est  à  peine  amorcé. 


?9         CADART   (Alfred),    Imprimeur   en    taille   donee,    (1875) 

0.158x0.120 

De  face,  tête  tournée  du  côté  gauche,  cheveux  ondulés,  moustache  courte  tom- 
bante. D'après  nature. 

:îO         CAILLET,  Chef  de  bureau  dans  un  Ministère,   (vers   1878) 

0.150;:  0.107 

Vieil  homme  à  la  figure  chagrine,  cheveux  gris,  moustache  grise,  barbe  en  pointe, 
presque  blanche,  de  face  accoudé  sur  une  table  invisible,  les  deux  mains  croisées. 
D'après    nature.    Rare. 

'M  CAUJAS   (Mme  Hector  de),  pièce  aj)pelée  aussi  NINA  DE 

VILLART  (1879) 

0.2.37x0.158 

.\ssise,  coiffée  d'une  toque  foncée  à  plume  blanche,  la  tète  appuyée  sur  la  main 
droite,  un  griffon  lilanc  sur  les  genoux.  D'après  nature.  Hare. 

n  y  a  quelques  épreuves  ])ortant  en  remarque  au  bas,  à  droite,  un  petit  Desboutin 
en  grand  chapeau,  mais  tête  à  droite,  au  lieu  de  tête  à  gauche. 

224 


32         CALLIAS  (M""'  Hector  de),   (Inixirinc   phnidu'.  (1X79) 

0.196-  0.147 

La  pose  esl  redressée,  mais  le  costume  et  raltilude  sont  restés  les  mêmes.  I.e 
toutou  est  plus  poussé,  coiiuiie  si  on  ;ivait  demandé  à  l'artiste  de  faire  aussi  le  por- 
trait du  chien. 

(A'tte  iilanche.  moins  vive  que  la  précédenle,  doit  a\<iir  élé  exécutée  a|)rès  coup, 
sur  un  dessin. 

:VA         CAMUS  (Mn^e)  (1873) 

().2;^!i    (1.1  m 

Assise,  la  tèle  de  face,  le  buste  tourné  à  droite  e(  les  mains  croisées  sur  son  niron. 
D'après  nature.  Hare. 

3  états. 

34  CAMUS  (M'"e)  A   L'KVENTAIU  (1872) 

0.200  ;■:  0.1  17 

.\  peu  près  même  expression  et  même  attitude  (pie  ci-dessus,  mais  |;i  main  droite 
tient  un  éventail  de  plumes.  D'après  nature.  I^are. 

Nous  connaissons  une  épreuve  avec  fond  noir  m()noly|)é. 

CAHON,   Voir  OPÉRA. 

35  CARRIEH-BELURUSK,   Statimire,   (enlrc    l.SSC,  vi   1889) 

0.1  (ili  -rO.l'J.'l 

De  face,  tcte  légèrement  tournée  sur  sa  franche.  l{x|)ression  énerj^ique.  I)'a(>res 
nature.   Rare. 

36  CHABOT  (M^e),   Daiiseusc  de  rOpcni.  ou  .liaXl-:  l-^LLK 
AU    CHIEN    (1888) 

0.200  •' 0.1:51 

Pointe-sèche  avec  dessous  d'héliogravure. 

Assise  sur  un  fauteuil,  corsage  décolleté  et  bras  nus.  une  médaille  sur  la  poitrine, 
elle  tient  un  petit  chien  noir  sur  ses  genoux  :  nn  boimet  léger  recouvre  ses  cheveux. 
D'après  une  peinture. 

.3  états,  dont  le  dernier  avec  fond  noir  mom)lypé. 

37  CHANTEURS  DES  RUES,  graiulo  pièce,   (1872) 

0.30.^)  >  0.217 

Une  grande  fennne  sèche  avec  un  panier  au  bras  droit,  im  gamin  en  képi,  jouant 
du  violon  à  l'ilaliemie,  chantent.  I""ond  de  maisons  de  la  place  C.licln.  a\ec  une  station 
de  fiacres. 

4  états,  dont  les  trois  jiremicrs  avant  le  fond  de  maiso:is  et  les  fiacres. 

38  CHANTEURS  DES  RUi^S,  petite  pièce,   (1872) 

0.11. s  ■  0.700 

Même  disposition  des  personnages,  avec  des  différences  de  détail  assez  sensibles. 
.\u  fond,  une  maison  avec  une  porte  et  une  fenêtre  aux  volets  ouverts. 

39  CHANTEUSE  DES  RUES,  (vers  1887) 

0.'2.')2     0.1-1  S 

Femme  en  cheveux,  l'air  conunun  et  d'un  dessin  médiocre.  Il  est  probable  ipic 
cette  pièce  n'est  ])as  de  Desljoutin,  mais  .M.  Béraldi  l'a  attribuée  à  cet  artiste  sous  le 
n'  152  de  son  catalogue,  au  mot  Desboutin,  dans  ses  Graveurs  du  XI X'  siècle. 


10  CHASSAING.   Docteur,   (1880) 

0.136x0.089 

De  face,  jeune,  front  dégagé,  barbe  courte  rejointe  par  la  moustache.  D'après 
nature. 

11  CHÉRAMY,   Avoué  et   Collectioiiiieur,   (1890) 

0.200x0.210 

Poinle-sôche  sur  héliogravure. 

De  face,  binocle,  cheveux  avec  raie  au  milieu  du  front,  favoris  partant  de  la  com- 
missure des  lèvres.  Indication  des  bras  croisés. 

Il  y  a  des  épreuves  en  sanguine  et  des  épreuves  en  noir. 

4-2         CHERFILS  (1877) 

0.197x0.151 
Assis  dans  un  fauteuil  tourné  à  droite,  le  visage  et  le  buste  presque  de  face.  Le  bras 
gauche  est  posé  sur  le  bras  du  fauteuil  et  les  deux  mains  s'enlacent.  Moustache  et  barbe 
taillées  en  pointe  ;  cheveux  séparés  par  une  raie  à  droite.  D'après  nature. 

CHIEN  ET  CHAT,  Voir  TROIS  AMIS  (LES). 
i;;         CIIONNOF,  Docteur,   (1885) 

Debout,  tourné  à  gauche,  appuyé  sur  sa  canne.  D'une  dimension  exceptionnelle. 

1  I         CHOPIN  (Louise),  (vers  1895) 

0.310x0.280  (à  la  gravure) 

Tète  de  face,  un  peu  tournée  vers  sa  droite,  les  cheveux  pendants  séparés  par  une 
raie  au  milieu,  les  mains  aux  doigts  croisés  ramenés  vers  la  gauche,  contre  le  menton. 
D'après  nature. 

Fort  peu  d'épreuves. 

45         CIRASSE,   Imprimeur,  (vers   1895) 

0.197  X  0.1.3.5 

De  face,  tète  très  légèrement  tournée  à  droite.  Cheveux  un  peu  en  broussailles, 
moustache  toml)ante,  barbe  rasée,  front  plissé,  type  du  prolétaire. 

U>         CLARETIE   (Jules),    Littérateur,  (1878) 

0.120x0.080 

Tète  seule,  d'après  une  photographie,  de  trois-quarts  h  droite, 
("ollection  Rouquette  (voir  n°  2). 

17         CLARETIE,  (vers  1886) 

0. 227  :■  0.148 

Assis  de  face,  la  jambe  droite  croisée  sur  la  jambe  gauche,  la  main  droite  posée  sur 
la  cuisse  droite,  le  bras  gauche  sur  l'appui  du  fauteuil,  la  main  pendante.  La  tête  est 
seule  ]iousséc,  le  vêtement  n'est  qu'indiqué.  D'après  nature. 

IS         CLARETIl-:,  (vers  1880) 

0.185  X  0.115  (à  la  gravure) 

De  face,  le  corps  un  peu  tourné  vers  la  droite,  les  doigts  de  la  main  droite  appuyés 
sur  les  pages  d'un  livre  ouvert  sur  les  genoux.  Fond.  D'après  nature. 

l'Ji  cet  état,  la  pièce  est  médiocre,  la  main  étant  manquée.  Peu  d'épreuves. 
Du  premier  état,  tête  seule,  il  y  a  également  fort  peu  d'épreuves. 

226 


49         COHEN  (Henry),    auteur  de   VAmalrur    de   livres    illustrés 
au  xixe  siècle,  (1878) 

0.118x0.080 

De  face,  lète  longue,  chauve,  moustache  courte,  nez  et  lèvre  inférieure  sémites, 
physionomie  spirituelle.  D'après  nature. 

Exécuté  pour  Pvoiupu'tle.  mais  en  dehors  de  la  suite  désignée  au  n"  .3. 

5(1         COLLIN,  Docteur,  médecin  des  Fnlies-nerf/êre,  (1879) 

0.199x0.170 
Assis,  le  corps  tourne  à  droite,  les  mains  croisées  sur  le  ventre,  la  tôte  de  face, 
chauve,  avec  des  favoris  et  une  moustache  encore  noirs.  Lunettes.  D'après  nature. 

ni         COLONNA  (Princesse,  née  d'Affrv),  en  art,  MARCELLO» 
snilpteiir,  (1873) 

0.228  xO.ie.'i 

Assise  (le  iirofil  à  droite,  les  mains  aux  genoux,  la  tète  coiffée  d'un  chapeau  avec 
plumes  et  rubans,  robe  et  corsage  de  soie  à  larges  ravures  verticales.  D'après  nature. 

l'"'  état,  tète  seule  (3  épreuves)  ; 

2®  état,  le  col  du  corsage  est  fait, 

.3"  état,  le  corsage  juse^i'au  dessous  de  la  gorge  est  achevé.  Il'v  a  une  épreuve  en 
bistre. 

4«  état,  la  planche  est  achevée.  Il  y  a  une  épreuve  avec  fond  monotype. 

5«  état,  corrections  au  chapeau,  à  la  robe,  fond  derrière  les  hanches,  signature  en 
toutes  lettres. 

52         COQUELLN   CADET,   de  la  Comédie-Erançaise,  (1881) 

0.472x0.355 
Tête  seule  de  trois-quarts  tournée  vers  sa  droite,  grandeur  nature. 

5:^»         COURBET  (Gustave),  Peintre,  (1878) 

0.1  (il  X  0.108 

De  face,  à  mi-corps,  le  buste  tourné  vers  la  droite.  D'après  la  dernière  photogra- 
phie de  l'artiste. 

A  paru  en  tète  de  GusUive  Courbet  cl  son  œuvre,  par  Camille  Lemoiinier.d.emerre. 
1878),  signé  du  monogramme  .YD,  et  indication  de  VImp.  Cndurl. 

Quelques  épreuves  avant  aciérage,  le  monogramme  et  la  lettre. 

54  CROQUIS  (planche  de),  (vers  1889) 

0.210x0.290 

De  haut  en  bas  :  Marine  ;  Desboutin,  assis  et  fumant  ;  3  tètes  d'enfants  :  petit 
profil  de  Desboutin  à  droite  ;  un  moulin  ;  un  chien  :  un  portrait  d'homme  (Soldi  ?). 
Planche  en  collaboration  avec  le  Comte  Lepic.  Sur  une  épreuve  cpii  apjiartient  à 
.M.  Moreau-Nélaton  et  qui  ])rovient  de  Hurly.  celui-ci  a  noté  :  ■  Les  tètes  d'enfants  et  la 
tète  d'homme  sont  de  Desboulin  ;  le  reste  est  de  M.  Lepic  Cette  attestation  est  exacte 
et  conforme  à  ce  que  révèle  la  facture.  Mais  on  a  parfois  attribué  le  Desboutin  fumant 
à  Guérard,  la  marine  et  le  moulin  à  Buhot  et  le  chien  à  Michel  de  l'IIay.  .\utant 
d'attributions  fantaisistes. 

55  CROQUIS  D'ENFANTS,  (vers  1875) 

0.1-12x0.198 

Cinq  croquis  d'.Vndré  (Mycho),  de  .Fean  (Chiquine),  et  de  leur  petite  sœur,  enfants 
de  l'artiste.  L'un  est  sur  un  cheval  de  bois,  l'autre  joue  au  soldat  avec  un  casque  de 
papier  et  un  sabre  de  bois,  la  troisième  est  dans  sa  chaise  d'enfant.  Rare. 

907 


nfi         CUISINIÈRE  (LA),   (vers   1875) 

0.096x0.077 
Près  de  son  fourneau,  au-fiessus  duquel  pend  une  louche,  la  cuisinière  est  debout 
de  profil  à  droite,  la  tète  presque  de  face. 

:>7         CUVILLIER  (Eugène),  Peintre,  élève  de  Dcshoutiii,  (1889) 

0.159x0.110 
Tète  seule,  de  trois-quarts  à  droite.   Front  dégarni,   visage  long,    nez   retroussé, 
barbe  et  moustache.  D'après  nature. 
Quelques  épreuves  en  sanguine. 


r>S         DAILLY,  (Uni.s  MES  BOTTES,  de  V Assommoir,  (1876) 

0.181  xO.lOfi 

Debout  à  mi-jambe,  veston  ouvert  sur  la  chemise,  pantalon  de  toile,  casquette 
en  arrière  de  la  tète  ;  il  coupe  en  riant,  un  morceau  du  pain  qu'il  tient  sous  le  bras. 
D'après  le  tableau  de  l'auteur. 

DAME  A  LA  MANTILLE,  Voir  RAISIN  (M'^e). 
r)V)         DAUDET  (Alphonse),  Écrivain  (1878) 

0.120x0.078 
Tète  seule,  de  face,  légèrement  tournée  à  droite,  avec  ses  cheveux  al)ondants  et  sa 
l)arbe  peu  fournie.  Collection  Houquette  (Voir  n"  3). 

r.O         DAUVILLIERS      (Emma)      on       UNE      PARISIENNE, 
(vers  1889) 

0.390x0.257 

A  mi-corps,  tournée  vers  hi  droite,  un  chapeau  cloche  sur  la  tête,  visage  riant,  les 
mains  sur  la  jupe,  la  gauche  tenant  un  éventail  ferme.  D'après  nature. 
2  états. 

61  DEGAS  (Edgar),   Peintre,  (1876) 

0.090  >:  0.074 
Tète  seule,  de  profil  l'i  droite.  D'après  nature. 

6-2    DEGAS  ALT  CHAPEAU,  ou  DEGAS  EN  RUSTE  (1876) 

0.225     0  144 

l"  état.  En  pied,  portant  la  redingote,  la  main  gauche  au  creux  de  la  hanche, 
le  chapeau  haut  de  forme  rejeté  en  arrière,  Degas  semble  regarder  quelque  chose  ou 
écouter  quelqu'un,  l.'rci!  ne  suit  jias  la  direction  du  corps,  tourné  vers  la  gauche.  D'après 
nature.  Rare. 

■2<'  état.  -  Les  jambes  étaient  trop  courtes.  L'artiste  les  a  effacées  à  un  centi- 
mètre au-dessous  de  la  redingote. 

Une  vingtaine  d'épreuves. 

DEGAS  LA  MAIN  SUR  LA  BOUCHE 

Deux  pièces,  l'une  entièrement  de  profil  à  droite,  l'autre  de  trois-quarts  seulement 
à  droite. 

Ces  deux  ])ointes- sèches  sont  assez  fréquemment  attriituées  à  Desbontin,  mais, 
selon  toutes  probalités,  elles  sont  du  peintre  de  Nittis. 

22S 


DESBOUTIN     PAR     LUI-MÊME 

Tous  les  poiliails  que  Desboulin  ;t  lails  de  lui-ineiiie  unt  élé  gravés  d'après  des 
tableaux  et  des  dessins.  11  se  prenail  coiislamnieut  i)our  mod(Me  et,  dans  le  même 
temps,  se  peignait  et  se  dessinait.  La  meilleure  peinture  était  généralement  envoyée 
au  Salon.  I!  y  envoya  aussi  des  gravures:  L'Homme  ù  la  pipe,  en  1879;  L'Homme  au 
grand  chapeau,  en  1889  ;  Desbouliii  tenant  sa  pipe  de  la  main  gauche,  1897  ;  Fumeur 
au  grand  chapeau,  1898,  toutes  pièces  désignées  aux  livrets  sous  ces  dénominations  : 
«  Mon  portrait  ou  portrait  de  l'auteur.  « 

6::!         L'HOMME  A  LA  IMPE  (1879) 

0.450x0.375 

C'est  la  pièce  maîtresse  et  la  plus  réputée,  lille  est  d'ailleurs  superbe  de  vigueur 
et  de  décision.  L'artiste  se  montre  de  trois-quarts  à  droite,  les  cheveux  abondants  et 
bouclés  couverts  d'une  calotte  plantée  en  arrière,  la  barbe  courte  et  noire  rejointe  par 
les  moustaches  qui  laissent  passer  la  pipe  en  terre  au  court  tuyau.  -  L'allure  est  magni- 
fique de  puissance.  Cette  tète  qui  vous  regarde,  en  fumant  sa  pipe,  respire  et  s'anime,  et 
elle  est  exécutée  avec  une  carrure  I...  <  (Iluysmans,  L'Art  moderne.  Le  Saion  de  1879.) 

On  compte  5  états  de  cette  planche,  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  Desboutin 
retouchait  presque  toujours  ses  cuivres  en  cours  de  tirage  et  que  ces  corrections  inces- 
santes, la  plupart  du  temps  légères,  n'en  constituent  i)as  moins  autant  d'états.  En  ce 
qui  concerne  L'Homme  ù  la  pipe,  nous  n'avons  jamais  rencontré  deux  épreuves  abso- 
lument semblables  ;  nous  nous  bornons  à  indiquer  les  plus  sensiblement  différentes. 

1'='^  état.  ■ —  Non  signé.  La  chemise  ainsi  que  la  cravate  sont  très  claires.  Il  y  a  des 
lumières  entre  la  calotte  et  les  cheveux,  une  autre  lumière  sur  le  devant  de  la  calotte. 
Les  trois  pointes  de  la  barbe  sont  nettes  et  foncées,  de  même  que  les  cheveux  à  droite. 
Les  travaux  du  vêtement  qui  semble  léger,  sont  exécutés  par  petites  masses.  A  l'angle 
gauche  inférieur,  la  gravure  est  arrêtée  par  quelques  traits  verticaux.  Il  y  a  également 
quelques  traits  verticaux  dans  le  blanc  de  gauche,  derrière  le  cou. 

M.  Ed.  Sagot  a  eu  en  sa  possession  une  épreuve  de  cet  état. 

Une  épreuve  intermédiaire  entre  cet  état  et  le  deuxième  a  passé  dans  la  vente 
Beurdeley-,  (18  mars  1921),  cataloguée  l'"'  état.  -     Voici  les  différences  : 

Aux  trois  pointes  de  la  barbe,  quelques  traits  ont  été  ajoutés  pour  donner  du 
vaporeux,  et  les  traits  verticaux,  qui  arrêtaient  la  gravure  à  l'angle  gauche  inférieur, 
ont  disparu. 

Cette  épreuve  s'est  vendue  40U  fr.,  plus  17.  5U  U/U. 

2«  état.  —  Signé  du  monogramme  M),  au  bas  à  droite.  Il  y  a  une  lumière  nue  au 
sommet  du  front,  à  gauche  (droite  du  spectateur).  Les  boucles  des  cheveux  sont  com- 
pactes et  très  chargées  de  barbes.  L'une  d'elles,  un  peu  plus  haut  que  l'arcade  sour- 
cilière,  se  termine  par  une  courte  mèche  roide,  composée  de  deux  traits.  La  lumière 
étroite,  au-dessus  de  la  moustache  c|ui  rejoint  la  pil^c,  consiste  en  une  réserve  blanche, 
coupée  d'imperceptibles  hachures.  Le  fond  de  la  calotte  est  relativement  clair, de  même 
que  le  vêtement,  d'aspect  gris  foncé.  Quelques  traits,  comme  d'essai  de  pointe,  der- 
rière la  nuque,  ù  2  centimètres  du  bord.  Il  y  a  enfin,  au-dessus  de  la  tête,  une  ligne  hori- 
zontale, qui  a  disparu  dans   les  états  postérieurs. 

Une  épreuve  de  cet  état,  qui  a  passé  dans  une  vente  du  30  mars  1916,  portait  au 
crayon  n°  16. 

3e  état. —  Monogramme.  La  lumière  au-dessus  du  front  est  atténuée  par  quelques 
légers  traits.  La  courte  mèche  de  deux  cheveux,  au  dessus  du  sourcil,  s'accompagne 
de  plusieurs  autres.  L'étroite  lumière  au-dessus  de  la  moustache  est  nettement  coupée 
de  hachures  verticales  ;  le  fond  de  la  calotte  est  moins  clair,  le  vêlement  de  même, 
et  il  y  a  de  nouvelles  hachures  verticales  sur  le  plastron  de  la  chemise.  Lnfin,  le  trait 
horizontal  au-dessus  de  la  tête  et  les  traits  derrière  la  nuque  ont  été  effacés. 

Une  épreuve  de  cet  état  faisait  partie  de  la  collection  Jules  Claretie  et  lui  était 
dédicacée. 

229 


Il  existe  des  épreuves  de  eel  état  (el  pcut-êlre  des  autres)  où,  probablement  par 
suite  de  l'essuyage,  le  niouograuuue  u'est  pas  veau. 

40  état.  —  INlouogramiue.  Le  vêtement  a  été  éclaircl  par  de  larges  coups  de  grat- 
toir, obliques  et  horizontaux,  qui  ont  enlevé  les  barbes.  Le  modelé  du  visage  a  été 
retravaillé  et  on  remarcpie  une  ligne  verticale  qui  part  du  milieu  de  l'oeil  droit  jusqu'à 
la  moustache. 

5c  étaL  -  iMonogranune.  La  i)lanche  est  l'aliguée  et  le  vêtement  a  perdu  de  sa 
vigueur.  Mais  la  figure  a  été  retouchée,  notanunent  sur  le  nez  et  la  paupière  inférieure 
gauche.  En  cet  état,  la  planche  est  plus  dépouillée,  mais  plus  nuancée. 

Une  é])reuve  de  cet  élat,  (jui  ap])artient  au  Dr  Landau  porte  (juelques  retouches 
au  burin,  notanunent  prés  de  l'œil  gauche. 

Nous  ne  pouvons  savoir  combien  d'épreuves  ont  été  tirées  de  cette  planche  ma- 
gistrale. M.  Béraldi  croit  qu'il  n'existe  pas  plus  de  cinq  à  six  épreuves  parfaites,  c'est-à- 
dire  avec  de  belles  masses  d'ombre  d'un  noir  velouté,  encadrant  le  visage,  car  la  planche 
n'a  pas  été  aciérée.  Il  ajoute  :  «  Desboutin  va  la  retoucher  ». 

Cette  retouche,  connue  nous  l'avons  dit,  a  été  constante,  presque  pour  chaque 
épreuve.  De  là.  les  états.  Mais,  en  comprenant  les  épreuves  d'essai  «  que  je  me  réserve 
exclusivement  «écrivait  l'artiste  à  M.  J.  Grand-Carteret,  le  4  août  LS88,et  dont  il  don- 
nait des  exemplaires  à  son  élève  Maurice  AUiou,  à  Gaston  Latouche,  à  Claretie,  à 
Silvestre,  à  (piel  chiffre  ont  pu  s'élever  les  tirages  ?  car  il  y  en  eut  plusieurs  (au  moins 
deux,  en  1879  et  en  1888)  ?  Desboulin  n'en  savait  rien  lui-même.  Il  écrivait  à  un  ama- 
teur de  Nantes,  vers  1900  :  «  Le  prix  de  cette  épreuve  est  de  cent  francs,  prix  maintenu  par 
moi  pour  tous  les  exemplaires  de  cette  planche,  qui  a  été  tirée  à  un  nombre  très  res- 
treint, et  dont  les  épreuves  très  rares,  font  aujourd'hui  prime  sur  notre  place  de  Paris.  » 
Mais  cela  c'est  un  peu  du  boniment,  ce  ne  sont  pas  des  chiffres.  Nous  ne  croyons  pas 
([u'il  y  ait  plus  de  trente  à  quarante  épreuves  en  circulation  et  le  cuivre  est  perdu. 

L'Homme  à  la  pipe  a  obtenu  une  médaille  de  3'^  classe  au  Salon  de  1879  et  une 
Médaille  d'honneur  à  la  Gentennale  de  l'Exposition  universelle  de  1900.  Légitime 
récompense  attribuée  à  un  chef-d'œuvre. 

(Vl         L'HOMME  A  LA  PIPE,  petite  plaïulie,  (vers  1895) 

0.114x0.077 
Simple  croauis,  sans  doute  fait  d'après  la  célèbre  planche,  ou  d'après  un  dessin  de 
cette  épocpie,  lequel  a  été  reproduit  en  tête  du  sonnet  dit  par  A.  Silvestre  au  banquet 
offert  à  Desboutin  à  l'occasion  île  sa  nomination  dans  la  Légion  d'Honneur.  Le  dessin 
n'est  pas  absolument  sendilable  à  cette  petite  pointe-sèche. 

():>         LE  CAPrrAN,   (vers   1895) 

0.395  y  0.292 

Pointe-sèche  sur  héliogravure. 

Tète  seule,  de  trois-quarts  à  gauche  (spectateur) toque, sur  les  cheveux,  l'air  fiera 
bras.  Le  dessin  à  la  plume,  rehaussé  d'un  lavis  à  l'encre  de  chine,  qui  servit  de  base  à 
l'hélio,  fut  exécuté  par  l'artiste  d'après  une  photographie  de  son  fils  aîné. 

ce.  DESBOUTIN    DE    FACE,   TENANT    SA    PIPE   DE   LA 

MAIN  DROITE,  ou  FUMEUR  A  LA  FOURRURE,(1898) 

0.515x0.375 
Encore  une  très  belle  pièce  1  L'artiste  vieilli  s'est  représenté  de  trois  quarts  à 
droite,  la  lumière  frappant  le  visage  sous  le  feutre  mou  ainsi  que  la  main  qui  tient  la 
pipe,  une   main  superbe. 

r>7         DESBOUTIN  TENANT  SA  PIPE  DE  LA  MAIN  GAUCHE 
ou  L'AUTEUR  FUMANT,  A  MI-CORPS,  (1897) 

0.199x0.159 

A  mi-corps,  assis  de  face,  le  chapeau  planté  sur  la  gauche  de  la  tête,  celle-ci  inclinée 
également  à  gauche  et  tournée  aux  trois-quarts  du  même  côté.  Il  tient  sa  pipe  de  la 
main  gauche,  l'autre  main  posée  sur  sa  cuisse.  Fond. 

2  états.  —  Dans  le  l""^,  le  fond  ne  couvre  pas  toute  la  planche. 

230 


68  DESBOUTliN  ÂGÉ,   (vers   1898) 

0.446x0.350 

Pointe-sèche  sur  héliogravure. 

Tète  seule,  de  trois-c|uarls  à  gauclie.  l'eutre  et  iiiaiiU-aii  avcv-  cul  de  fourrure.  La 
figure  est  vieillie  et  fatiguée  ;  ce  n'est  plus  le  ■  .Masaccio  de  riloininc  :'i  la  pipe.  D'apnS 
un  portrait  peint  qui  appartient  au  Df  .Joseph  Landau. 

69  DESBOUT IX.   lith()grai)hie   (1894), 

0.300     0.2LS 

Tète  seule,  de  trois-cjuarts  à  droite,  le  regard  de  face. 

Publication  des  Peiiilres-Lillwf/rdphcs.  alhum  trimestriel. 

Il  y  a  des  épreuves  sur  Japon  fort,  avec,  en  reniar(iue,  une  ])ii)0  de  hruscre,  jiour 
les  exemplaires  de  luxe  de  la  même  i)ul)lication. 

Ce  portrait  et  le  portrait  de  P>ruaiit  (n"2i>)  sont  les  seules  littiograpldes  de  Des- 
boutin. 

70  FUMEUR  ALLUMANT  SA  PIFE  (1895) 

0.620x0.400 

Pointe-sèche  et  roulette,  sur  zinc. 

En  buste.  La  tète  nue,   de    face,  un   peu    inclinée   sur    ré[)aule    gauche,   l'artiste 
allume  sa  pipe,  dont  il  tient  le  fourneau  de  la  main  gauche. 
Commande  de  l'Etat. 
Dans  un  1«""  état,  les  travaux  sont  arrêtés  au-dessous  de  la  main  droite. 

71  FUMEUR  AU  GRAND  CHAPEAU  (1888) 

0.2.50x0.192 

Coiffé  d'un  vaste  chapeau  mou,  aux  larges  ailes.  Desboutin,  de  profil  à  gauche, 
assis  dans  un  fauteuil,  fume  une  pi])e  au  tuyau  courbé.  Une  quinzaine  d'épreuves  con- 
nues. 

72  L'HOMME  A  LA  PALETTE  (1885) 

0.235x0.160 
Pointe-sèche  sur  zinc. 

En  buste.  De  face,  visage  un  peu  tourné  vers  sa  gauche,  pipe,  chapeau  rejeté  très 
en  arrière,  palette  et  pinceaux.  D'a])rès  un  portrait  fait  à  Florence,  vers  1865. 
Très  rare. 

73  L'HOMME  AU  GRAND  CHAPEAU,  oraiide  planche,  (1888) 

0.244x0.187 
Pointe-sèche  sur  hélio. 

Assis,  tourné  vers  la  gauche,  la  tète  presque  de  face,  et  le  grand  cha])eau  de  cette 
époque  sur  les  cheveux,  vêtement  boutonné  et  jabot  blanc. 

2  étals  fort  peu  différents.  Dans  le  deuxième,  le  vèlemenl  est  renforcé  par  des  traits 
verticaux  el  d'autres  obliciues,  de  gauche  à  droite,  sur  la  poitrine. 
Pièce  réputée  et  assez  rare. 

Le  catalogue  du  salon  de  1888  i)orte  :  eau-forte  et  pointe-sèche.  Mais  le  terme  eau- 
forte,  comme  ailleurs  celui  de  morsure,  doit  s'entendre  d'un  dessous  héliogravé. 

74  L'HOMME  AU  GRAND  CHAPEAU,  petite  plnnche,  (1890) 

0.200x0.160 

Réduction  par  l'héliogravure  de  la  planche  précédente,  avec  retouclies  à  la  pointe- 
sèche 

Pm     Publiée  par  L'Arlistc  (Avril  1890),  les   Annales  bourbonnaises  (octobre  1890)    et 
La  Quinzaine  bourbonnaise  (30  décembre  1893). 

Toutes  les  épreuves  portent  en  gravure  industrielle  :  Mnrrrllin  I>rslhnilin,  par 
lui-même.  Imp.  Nys. 

231 


On  peut  joindre  à  cette  liste  la  pièce  suivante  : 

DESHOUTIN   (1901) 

0.180  X  0.079 

lin  busle,  à  droite,  la  ligure  presque  de  face,  son  grand  chapeau  d'artiste  planté  sur 
ses  cheveux  en  révolte. 

Héliogravure  pure,  par  Arents,  d'a|)rès  une  photographie  de  Chiquine,  publiée 
dansle  numéro  de  juin  1002,  du  linÙclin  de  lu  Sorirlr  ({'  lùjuilalion  et  des  Beaux-  Arts  du 
Bourbonnais. 


75         DESBOUTIN  (Andrù),  dit  MYCHU,  à  huit  ans,   (1878) 

O.llGx  0.088 
En  buste.  La  lèle  seule  faite,  de  face,  souriante  et  les  cheveux  en  l)roussaille.  L'en- 
fant est  appuyé  sur  une  table,  les  bras  croisés.  D'après  nature. 
Fort  jolie  pièce.  Kare. 

7f)         DICSHOUTIN  (André)  ou  TÊTE  D'ENFANT,  (vers   1875) 

0.140x0.100 

Tète  seule,  de  face,  l'air  un  peu  boudeur,  les  cheveu.x  peignés  avec  une  raie  à 
droite  et  retombant  sur  le  front  en  lourdes  boucles. 

77  DESBOTTIX  (M'»e),  ou  TÊTE  D'ÉTUDE,  (vers  1890) 

0.1-11   -,  0.006 
Tète  seule,  de  face  un  peu  tournée  vers  sa  droite,  les  yeux  baissés.  Croquis  d'après 
nature. 

Mue  é|)reuve  connue.  Collection  Moreau-Nélalon. 

78  DESBOl'TIN,   Cecchino   ou    Chiquine   (.Jean),   (vers    1888) 

0.520    o.;iy2 

Héliogravure  retouchée  à  la  jxjinte. 

De  face,  un  chapeau  mou  de  forme  haute  sur  ses  cheveu.x  frisés.  Figure  riante. 

Le  dessin  original  appartient  à  la  Bibliothèque  d'Art  et  d'.\rchéologie. 

Quelques  épreuves  dédicacées  et  signées  par  l'auteur. 

Dans  la  gravure  le  dessin  est  inversé. 

79  DESHOUTIN  (Jean),  petit  iorniat,  (vers  1888) 

0.270  X  0.201 
Même  description,  mais  la  tète  est  dans  le  même  sens  que  le  dessin. 
Le  fond  d'hélio  est  léger  et  la  pièce  reste  grise. 

80  DESBOU-ITN   (Marie),   ou    ÉTUDE   DE   JEUNE    FILLE 
APIHJYÉE  SUR  UNE  CHAISE,  (vers  1878) 

0.160x0.118 
lin  l)uste,  assise,  tournée  vers  sa  droite,  le  visage  long  et  jeune  presque  de  face,  un 
peu  incliné  vers  l'épaule  gauche.  Cheveux  relevés  et  retenus  par  un  nœud  de  rubans,  à 
la  naissance  de  la  natte  pendante.  Bras  croisés.  Proliablement  d'après  un  dessin  plus 
ancien,  fait  à  l'Ombrellino,  vers  1867. 

81  DESCHAMPS,  Marchand  de  tableau.v  à  Londres,  (vers  1875) 

0.220  <  0.132 

l'ète  seule,  de  face,  les  cheveux  abondants  et  frisés,  la  moustache  fine, les  cols  de  la 
chemise  et  du  vêtement  faits.  1-ond.  D'après  nature. 

Ce  i)orlrait  i)asse  parfois,  à  tort,  pour  être  celui  de  Léon  Cadart,  fils  d'.\lfred 
t-adart,  inq)rimeur  en  taille-ilouce. 

2  états.  -  Le  [)renuer  avant  le  fond  el  les  travaux  du  col  et  du  vêtement.  Une 
épreuve  avec  fond  monotype. 

232 


8-2         i)ESCllAMi\S,  (même  date) 

0.148/0.110 

Tèle  seule,  de  face,  inclinée  sur  l'épaule  gauche  ;  clieveuK  houclés,  petite  mous- 
tache, mouche  sous  la  lèvre  inférieure.  D'après  nature. 

DESGRANGES    (M"^^),    Voir    HITTEl^. 

DEUX    SCEURS,    Voir    LASSUS    (Les    dctix    sœurs). 

8:i         DUJARDIN-BEAUMETZ,     Iiii^ôiiieur,    Irùre    de    l'homme 
politique  (vers  1888) 

0.159,.  0.11 '.t 
Tèle  seule,  de  face.  Clieveux  abondants  relevés  en   toupet,  raie  à  droite,  mous- 
tache tombante,  rejoignant  la  barbe  au  menton.  D'après  nature. 

2  états.  Le  dossier  du  fauteuil,  indiqué  dans  le  i)remier  état,  a  disparu  dans  le  second. 

84  DmiAS  FILS,  i^i-ande  pièce,  (1896) 

0..377  ,<  0.28(j 

Le  célèbre  dramaturge  est  assis  à  mi-corps  en  costume  de  travail,  sorte  de  vareuse 
boutonnée  jusqu'au  col,  la  tète  tournée  de  trois-quarts  vers  sa  gauche,  le  bras  droit 
accoudé  sur  le  bras  d'un  fauteuil,  la  main  gauche  à  demi-fermée  appuyée  sur  la  cuisse. 
D'après  un  document.  Très  belle  œuvre. 

2  états.  Dans  le  premier,  la  vareuse  n'a  pas  reçu  tous  les  travaux. 

85  DUMAS   FILS,    petite   pièce,    (1878) 

0.119X0.077 
Tête  seule  de  face. 
Collection  Rouquette  (Voir  n°  3). 

86  DUMAS  (Herald)  (1874) 

0.226x0.148 

Assis,  tourné  à  droite  à  califourchon  sur  une  chaise,  les  bras  posés  sur  le  dossier  et 
les  mains  se  rejoignant.  La  tète  chevelue,  à  la  barbe  et  à  la  moustache  peu  fournies,  est 
presque  de  face.  La  composition  est  arrêtée  à  mi-jambes.  D'après  nature. 

87  DURAXD-RUEL,  Marchand  de  tableaux,  (1882) 

0.197x0.147 

Tête  inclinée  vers  l'épaule  gauche,  presque  de  face.  Visage  souriant.  Vêtement 
jusqu'à  mi-poitrine.  D'après  une  œuvre  de  l'auteur.  .Monogramme. 

88  DURANT  Y,  Critique  d'art,  (vers  1876) 

0.227x0.147 
De  face,  front  légèrement  dégarni,  barbe  et  moustaches.  Fond.  D'après  une  pein- 
ture de  l'auteur. 

2  états.  Le  V  avant  le  fond. 

Le  dessin,  inversé,  existe  dans  la  collection  Desboulin. 


8'J         ÉDUCATION    \)K    POLICHINELLE,    ou    ENFANT    AU 
POLICHINELLE,  ligure  tournée  vers  la  droite,  (vers  1878) 

0.295  X  0.227 
.\ndré,  fils  aine  de  lauleur,  fait  gesticuler  un  polichinelle.    11  est  représenté  assis, 
à  Uil-corps,  la  veste  ouverte  sur  la  chemise  déboutonnée  au  col. 

233 

16 


*l()         ËDUCA'l'ION   1)]^:   POLICHINELLE,  figure  tournée  vers 
la  gauche^ 

Mêmes  dimensions  cl  date. 

La  composition  est  entièrement  différenlc.  L'enfant  toujours  assis,  sermonne  le 
polichinelle  qu'il  menace  du  doigt. 

91         ENFANT  A  LA  TASSE,  ou  MYCHO  BOIT,  (1879) 

0.120x0.080 

Un  enfant  vu  de  dos,  la  jambe  gauche  d'équerre  avec  la  jambe  droite,  les  coudes 
sur  un  guéridon,  boit  une  tasse  de  lait.  D'après  une  peinture.  Charmante  pièce. 

9-.>         ENFANTS  DESBOUTIN  A  LA  VOLfURE  ou  LE  PETIT 
CHARIOT,  ou  FRÈRE  ET  SŒUR,  (vers  1875) 

0.220x0.200 

iMycho,  un  genou  à  terre,  montre  à  une  petite  sœur  dans  sa  voiture,  un  polichi- 
nelle dont  elle  s'émerveille.  Fond  d'arbres.  (Cette  petite  fille,  l'un  des  neuf  enfants  de 
l'artiste,  est  morte  en  bas  âge.) 

9:^         ENFANTS     DESBOUTIN     A     LA     VOITURE,    format 
réduit,  (vers  1875) 

0.200x0.174 

Le  fond  est  moins  l'ait  (jue  dans  la  pièce  précédente  et  les  figures  des  enfants  sont 
moins  grandes  de  2  m/m. 

91         ENFANT  AU  CHIEN 

0.200x0.280 

Petit  garçon  à  terre,  s'appuyant  sur  un  gros  chien  couché,  tous  deux  tournés  vers 
la  droite.  Vague  fond  de  paysage.  Une  épreuve  dans  la  collection  Beurdeley. 

ENFANTS     DE     L'AUTEUR,     Voir    PREMIERS    PAS. 

ÉTUDE,    Voir    FEMME    ACCOUDÉE. 

ÉTUDE  DE  FEMME,  d'après  un  modèle  de  Montmartre, 
Voir  JUDITH. 

9.)         ÉTUDE  DE  NU  FÉMININ,  (vers  1887) 

0.306  X  0.070 

l'enune  nue  debout,  le  corps  presque  de  face,  la  tète  de  profil   li   droite,   les   deux 
mains  réunies  appuyées  sur  un  bâton. 
Une  épreuve  connue. 


FAMILLE  (MA),  Voir  PREMIERS  PAS. 

9C.         FEMME    ACCOUDÉE    LA    MAIN    SUR   LA   BOUCHE, 
EFFET  DU  SOIR  (1856) 

0.125x0.103  (à  la  gravure) 

De  face,  à  mi-corps,  accoudée  sur  une  table  (?)  la  main  droite  couvrant  la  bouche, 
la  gauche  allongée  sur  le  support.  Vif  éclairage  de  droite.  D'après  nature. 

-234 


La  première  pointe-sèche  de  l'auteur.  Remarquée  dans  l'atelier  de  Desboulin  par 
Degas,  .Jean  Béraud  et  de  Nittis,  elle  fit  sacrer  Dcsboutin  graveur  par  Degas. 

97  FEMME    ACCOUDÉE,     ou     LA     PREMIÈRE     FEMME 
DE   L'AUTEUR,    ou  Étude,   (1882) 

0.113   :  0.14(3 

A  mi-corps,  de  face,  les  bras  posés  sur  une  table,  le  buste  en  avant,  la  tète  inclinée 
sur  l'épaule  droite. 

3  états.  Le  premier  avec  la  signature  et  la  date  1882  est  seul  rare.  Deuxième  état, 
signature  effacée  et  planche  reprise.  Troisième  état  publié  par  V Artiste,  avril  1880, 
avec  la  signature  gravée  industriellement  et  le  titre  Etude. 

98  FEMME  AU  CHAT  (1895) 

0.620x0.440 
\ue  à  mi-corps,  la  tète  de  face,  inclinée  légèrement  sur  l'épaule  droite,  les  mains 
tenant  un  chat  maintenu  debout. 

Flanche  acquise  par  la  Ville  de  Paris,  200  épreuves  avec  lettres. 
Quelques  épreuves  d'artiste,  avant  lettre  (10  environ),  sur  Japon. 

99  FEMME  AU  CORSAGE  BROCHÉ  (1856) 

0.128x0.084 

En  buste,  presque  de  profil  à  droite,  mais  le  visage  légèrement  tourné  vers  le 
spectateur,  de  façon  à  montrer  l'œil  droit  et  un  peu  de  la  joue. Cheveux  coiffés  en  ban- 
deaux. Corsage  à  palmettes  brochées  avec  étroits  rubans  de  velours  noir  autour  du  col 
échancré  et  de  l'emmanchure.  Fond.  Hau-forte  et  pointe-sèche.  D'après  un  tableau 
italien  C?)  Deux  épreuves  connues.  Celle  de  la  collection  de  l'auteur'  porte  ;  .  .Ma  pre- 
mière gravure.  Florence,  1856.  •> 

100  FEM:\IE  au  métier,  (vers  1889) 

0.163x0.120 
Jeune  femme  assise,  tournée  à  droite  ;  la  tète  presque  de  profil  est  appuyée  sur  le 
bras  droit,  posé  sur  un  métier  à  broder.  Coques  de  rubans  dans  les  cheveux,  Vêtement 
esquissé.  D'après  nature. 

loi        FEMME  AU  TOUTOU,  ou  AU  CHIEN,  (vers  1878) 

0.1-20x0.078 

A  mi-corps,  assise  dans  un  fauteuil,  la  figure  de  face,  le  buste  tourné  vers  la  droite 
appuyant  contre  sa  poitrine  un  caniche  qu'elle  tient  des  deux  mains.  D'après  un  tableau 
de  l'auteur,  avec  reprise  sur  nature. 

3  états,  pr  état,  traits  verticaux  dans  le  visage,  presque  disparus  dans  le  2*  état, 
complètement  enlevés  dans  le  3^. 

10-2        FEMME     COIFFÉE     D'UNE     FEUILLE     DE     CHOU, 
Type   de    Niçoise,    (1899) 

0.518x0.387 
De  façe,tètelégèremcnt  inclinée  vers  l'épaule  gauche,  rieuse,  une  fcuilledechou  sur 
les  cheveux,  des  anneaux  d'or  aux  oreilles.  D'après  un  tableau  de  l'auteur  :  Bouque- 
tière niçoise.  (Salon  de  1890).  Pointe-sèche  sur  héliogravure. 

I0:i        FEMME      DU     PEUPLE     METTANT     SON    CARACO, 

(Vers  1895) 

0.300  X  0.237 
Elle  a  déjà  passé  la  manche  gauche  et  va  enfiler  la  manche  droite.  La  chemise  gros- 
sière découvre  le  cou  et  l'épaule.  Ses  yeux  baissés  regardent  ce  qu'elle  fait  et  la  main 
gauche  tient  le  col  du  vêtement  pour  l'empêcher  de  glisser.  Rare. 

2a^. 


lui        ]<EMMK   ÉTENDUE  SUR  UN  CANAPb:  (1874) 

0.160x0.275 

Jeune  femme,  le  busle  nu,  à  demi  relevé  contre  le  dossier  d'un  canaj)é  et  le  coude 
gauclic  posé  sur  un  coussin,  la  lête  de  profil  à  droite. 

Celte  ])iècc  est-elle  de  Dcshoutin  ?  Oui,  d'après  une  annotation  de  Burty  :  Des- 
boutin.  dccembre  1875,  de  la  collection  Moreau-Nélalon,  et  son  attribution  à  l'artiste 
par  le  cabinet  des  Estampes  de  la  Bibliothèque  nationale.  Non,  d'après  Degas,  qui  la 
déclarait  de  de  Nittis.  Il  est  certain  (ju'elle  est  d'une  facture  plus  mièvre  et  moins  colorée 
(pie  celle  de  Desboutin,  mais  d'autre  part,  M.  Uurand-Ruel  possède  une  peinture  qui 
se  rapproche  l)eaucoup  de  cette  gravure.  La  jeune  femme,  dans  la  peinture,  travaille  à  un 
ouvrage  de  dame  au  lieu  de  rêvasser. 

i^'EMMES.     Pour  toutes  celles   qui   ne  sont  ])as  désignées 
ci-dessus,  voir  INCONNUES. 

lo:.        b^EUILLET    (Octave),    de    l'Académie    Française,    (1878) 

0.118x0.078 
De  face,  front  dégarni,  barbe  et  moustache.  D'après  une  photograpliie. 
Collection  Houquette  (voir  n"  3). 

lOC)        FEYDEAU     (Ernest),     Écrivain,     (1878) 

0.118x0.079 

De  face,  tète  légèrement  tournée  vers  sa  droite,  moustache.  D'après  une  photo- 
graphie. 

Collection  Houquette  (Voir  n"  3). 

FILLE    (MA),     Voir    BRACKEN    (M'"^)    et    SON    FILS 
ROBERT. 

FILLETTE  RIANT,   Voir  LASSUS  (M^e). 

FILS  DE  DESBOUTIN  (LES),  Voir  GUIGNOL  EN 
CHAMIiRE. 

1(17        FLEUR  Y  (Marquise  de),  née  d'Hautpoul,  (1880) 

0.275x0.195 
l'2n  buste,  de  face,  les  mains  jointes  au-dessous  du  corsage,  la  tète  légèrement 
inclinée  sur  rèi)aule  gauche,  une  coiffure  de  rubans  sur  les  cheveux  ondulés.  D'après 
nature. 

ION       FOURNIER,   Peintre,  élève  de  Desboutin,  (1888) 

0.119x0,080 
Tèle  seule,  de  trois-([uarls,  à  droite,  cheveux  rudes,  plaqués  sur  le  front  en  dents 
irrégulières,  nmustache  courte,  menton  qui  avance.  D'après  nature. 

FRANÇOIS  (MON   PETIT),   Voir    NOUVEAU-NÉ. 

FRÈRE  ET  SŒUR,  Voir  ENFANTS  DE  DESBOUTIN 
A  LA  VOITURE. 

FUMEUR  (UN),  Voir  l'un  des  portraits  de  Desboutin 
fumant,  cette  désignation  :  Un  Fumeur,  se  rencontrant  sur 
différentes  pièces. 

230 


GAILHARI),  Voir  OPËRA. 
1(19       GAILLARD  (M"^e^,  (vers   1895) 

0.123x0.080 

De  face,  la  tète  entourée  d'une  capeline.  D'après  nature. 

Une  épreuve,  rlédicacée  au  modèle  et  qualifiée  d'  ■  épreuve  unique  •  par  Desboului. 
appartient  à  la  Bibliothèque  d'Art  et  d'Archéologie,  qui  a  réuni,  au  temps  où  .M.  .Jacques 
Doucet  en  était  le  fondateur-propriétaire,  le  plus  important  nuvre  gravé  qui  soit  de 
Desboutin. 

110  GENTIL,  (vers  1895) 

0.160x0.119 
Tète  seule,  de  face,  avec  un  binocle. 

111  GŒNEUTTE   (Norbert),    Peintre,    (1876) 

0.235x0.156 

Etendu,  plus  qu'assis,  sur  une  chaise,  les  jambes  allongées,  les  mains  dans  les 
poches  du  pantalon,  le  chapeau  en  arrière  sur  les  cheveux  -  à  l'artiste  -.  D'après  nature. 

2  états,  avant  et  après  les  travaux  du  vêtement.  Une  fort  jolie  i)ièce.  pleine  de 
vivacité,  en  son  premier  état. 

ll-.>       GONCOURT   (Edmond   de),    Littérateur,   (1875) 

0.157x0.120 
Tète  seule  de  face.  D'après  nature. 
Voir  une  curieuse  note  dans  le  Journal  des  Goncoiirt  (6  février  1875). 

li:i       GOUDEAU  (Emile),  Poète,  (vers  1883) 

0.395x0.315 
Jeune.  Tête  seule,  tournée  de  trois-quarts  à  droite,  cheveux  abondants  avec  une 
grosse  mèche  sur  le  front,  barbe  arrondie,  moustaches  en  croc. 

114  GRAND-CARTERET  (Victor),  (vers  1886) 

0.242x0.161 
Tête   seule   de   face.    Cheveux    blancs   abondants,    moustaches  et  favoris    blancs. 
D'après  une  photographie. 

Une  annotation  sur  l'épreuve  de  la  Bibliothèque  nationale  porte:  10  épreuves. 

115  GUÉRARD  (Henri),  Peintre-Grnveur,  (vers  1876) 

0.219x0.133 

Tête  seule,  de  face,  un  peu  inclinée  sur  l'épaule  droite.  I.e  bras  gauche  appuyé  sur 
le  haut  dossier  du  fauteuil  et  relevé  à  la  hauteur  des  yeux,  l'avant  i.r  i^  ri.ti.mhànt  et 
la  longue  main  pendante.  D'après  nature. 

l"^'  état  :  décrit. 

2^  état,  la  partie  gauche  est  indiquée  et  la  main  gauche  posée  sur  la  cui-s.se. 

116  GUIGNOL    EN    CHAMBRE,  ou    LES    FILS    DE    DES- 
BOUTIN (1879) 

(i.ll0x(».lJ9 

Le  fils  aîné  de  l'artiste,  Mycho  (à  gauche  du  spectateur),  fait  mouvoir  ic  guignol  du 
petit  théâtre  posé  à  terre,  tandis  que  de  l'autre  côté,  le  jeune  Mélaiidri  bal  du  tambour. 
D'après  un  tableau  de  l'auteur. 

2  états.  Dans  le  l''^  les  mains  de  Mycho  sont  vagues  ei  le  visage  du  jeune  .Mélandri 
fort  indécis. 

Le  catalogue  de  V  Fxposilioii  de  l'œiirre  i/nnu-  de  MunclUn  /)e.<;i)o(;///i.  chez  Durand - 
Ruel,  en  1889,  indique  3  états,  mais  nous  n'en  connaissons  f[ue  deux. 

237 


117       HAAS   (Charles),    Collectionneur,   (1877) 

0.160x0.120 

Assis  dans  un  fauteuil,  les  mains  appuyées  sur  une  canne,  le  tout  à  l'état  d'esquisse, 
sauf  la  tête.  D'après  nature. 
2  états.  Le  l".  tête  seule. 

I IS       HALËVY  (le  fils  de  Ludovic),  assis  dans  un  fauteuil,  (1879) 

0.217  X  0.1 9<S 

Le  garçonnet  est  assis,  de  face,  sur  un  large  fauteuil  capitonné.  Ses  jambes 
demi-nues  dépassent  à  peine  le  siège.  Il  s'appuie  du  bras  droit  sur  le  montant,  il  a  la 
tête  nue  et  porte  encore  la  robe.  D'après  nature. 

MU        IIALI^VY  (le  fils  de   Ludovic),  assis  sur  une  chaise,  (1879) 

0.193x0.174 

L'enfant.  i)rcsque  de  face,  à  mi-corps  dans  une  pose  un  peu  nonclialante,  s'appuie 
de  la  main  sur  le  siège  de  la  chaise,  l'autre  main  ramenée  sur  sa  cuisse.  D'après  nature. 
2  états.  Dans  le  premier,  la  chaise  n'est  pas  indiquée. 

12(1        HAY  (iMichel  de  L') 

Nous  n'avons  pu  trouver  aucune  épreuve  de  cette  pointe-sèche  qui  figurait  au 
Salon  de  la  Société  Nationale  de  1891. 

121  HAYEM   (Charles),    Collectionneur,   (1877) 

0.197x0.149 

Assis,  le  corps  à  droite,  la  figure  de  face,  la  main  gauche  dans  l'ouverture  de 
la   jaquette,    la  droite  posée  sur  la  cuisse.  D'après  nature. 

Très  rare.  11  y  a  quelques  épreuves  tirées  avec  un  cache  sur  la  main  droite,  mal 
venue. 

122  HELinS    (Emile),    Bibliophile    et    Collectionneur,   (1878) 

0.244x0.16:5 

Assis,  tourné  à  droite,  le  visage  de  trois-quarts  à  droite,  vu  à  mi-cuisses,  la  main 
droite  appuyée  sur  le  pommeau  d'une  canne,  la  main  gauche  par-dessus  le  poignet 
droit.  Rare. 

Portrait  exécuté  en  .3  séances,  d'après  le  journal  d'IIéluis,  inédit,  communiqué  par 
M.  Moreau-Nélaton. 

12:^>       IIENNER,    Peintre,   (1878) 

0.160x0.118 
Tête  seule,  de  face,  légèrement  tournée  à  droite. 

HOMME  A  LA  PIPE,   Voir  DESROUTIN. 

124       HOSCHEDÉ    (E),    Collectionneur   et   Critique   d'art,  (vers 
1875) 

0.163x0.121 

Tête  seule,  de  face,  cheveux  rares,  une  mèche  sur  le  front  et  moustaches  courtes. 
D'après  nature. 

2'W 


( loo2) 

n.240x<).15fi 
A  mi-corps,  tète  presque  chauve,  toute  la  harbe,  la   joue  droite    innnvée  ^iir  l>. 
ma.n  droite  repliée,  l'index  seul  allongé.  D'après  nature    CnoRramme'^^ 

Un  certain  nombre  d'épreuves,  tirées  chez  Lcmercier  sont  d'une  encre  plus  pâle. 

1->G        IDEVILLF.    FII.S   (André)   (1882) 

0.159x0.120 
Tête  d'enfant  tournée  vers  la  droite,  avec  un  col  marin 
l^preuvcs  en  noir  ou  en  sanguine. 


INCONNUS 

C'est  une  série   assez   importante,   dont   nous   avf)ns 
désiiîné  les  individus  par  leurs  ({iractéristicpies. 
1-27       INCONNU  A  LA  HARBE  KOU\E  (vers  1870) 

0.08.5  X  0.06(i 

Tête  seule,   de  face,   presque  chauve,   mais  avec  une  épaisse  barbe  noire      iM.e 
énergique.  >.   u  «n  i.     i  \  pc 

Cette  pièce   parfois  attribuée  à  Desboutin,  est  probablement  de  de  Xittis    1  ;,  fu- 
ture parait  être  la  même  que  celle  du  Degas  la  main  à  la  bouche. 

12H       INCONNU  A  LA  BARBE  SOIGNÉE  (vers  1886) 

0.162x0.122 
Tête  seule,  légèrement  tournée  vers  la  droite,  le  regard  de  face,  cheveux  ave<-  une 
raie  presque  au  milieu  du  front,  barbe  se  divisant  en  deux  pointes,  moustaclie  tombante. 

V2[)       INCONNU    A    LA   BARBE    DEMI-LONGUE 

0.118x0.078 
Tète  seule,  de  face,  légèrement  tournée  vers  la  gauche.  Cheveux  encore  abondants 
barbe  fournie,  tombant  sur  l'échancrure  du  gilet.  Figure  intelligente  et  décidée. 

130  INCONNU  AUX  GROS  YEUX 

0.200x0.145    à  la  gravure) 
Tête  et  buste  de  trois-quarts  à  gauche,  cheveux  plats,  barbe  et  moustaches    les 
yeux  saillants  sous  les  paupières  lourdes.  Vêtement  et  fond. 

131  INCONNU  A  LA  GRANDE  BARBE  ET  A  L  \  I  ONGUE 

MOUSTACHE 

0.157  ■  0.120 
Tête  seule,  tournée  de  trois-quarts  vers    la  gauche.  Cheveux  bien  neignés    barbe 
longue  et  moustache  droite,  filant  obliquement  en  flèche,  vers  le  sol. 

132  INCONNU  AUX  YEUX  INQUIETS 

0.298x0.210^ 
Tête  seule,  tournée  de  trois-quarts  vers  la  droite.  Cheveux  avec  une  raie,   barbe 
taillée  assez  court  et  moustaches,  sourcils  contractés  et  une  certaine  iiuniiétude  dans 
le  regard. 

2.S9 


l:r,       INCONNU    DE    CINQUANTE   ANS 

0.114  V  0.087 
Tète  seule,  de  profil  à  fjauche,  elicvcux  l()ii<îs,  l)arbe,  mouslaehe  et  eravale  lavallière. 

r.W        INCONNU  AU  COL  DROIT 

0.1S0^  0.120 

Tète  .seule,  de  l rois-quarts  à  gauelie,  clieveux,  luoustaehes  et  barbe,  col  droit  avec 
cravate  en  rul)an. 

i:;:.     inconnu  aux  cheveux  blancs 

0.264x0.188 

En  busle,  tète  prescjue  entièrement  de  profil,  à  gauche,  cheveux  droits  et  neigeux, 
front  plisse,  barbe  et  moustaches  fjrisonnantes,  vêtement  et  fond. 

Passe  parfois,  mais  inexactement,  pour  être  le  portrait  de  Philippe  Hurty. 

i:'.()       INCONNU  VIEILLARD  CHAUVE  ET  GLABRE 

0.120x0.080 

Tête  seule,  de   face,  large  calvitie  avec  deux  touffes  de  cheveux  au-dessus    des 
oreilles.  Homme  d'environ  7.'i  ans. 


INCONNUES 

VM       INCONNUE    AVEC    UNE    COIFFURE     EN    BONNET 

0.226x0.187 

En  buste,  de  trois-(]uarts  tournée  vers  sa  droite,  le  visage  un  peu  souriant  et,  sur 
les  cheveux  en  bandeaux,  un  bonnet  de  dentelles.  Pièce  ovale. 

i:{«   INCONNUE  A  L'AIR  LANGOUREUX 

0.1.52  : 0.1 20 

En  buste,  de  face,  tète  inclinée  et  tournée  de  trois-fiuarls  vers  sa  droite.  l<"igure 
grasse  et  les  yeux  levés  avec  langueur. 

V\\)       INCONNUE  LES  MAINS  CROISÉES 

0.235x0.157 

De  face,  assise  le  corps  légèrement  tourné  vers  la  droite  du  s])ectateur,  les  mains 
croisées  sur  le  bras,  assez  indistinct,  d'un  canapé  ou  d'un  fauteuil. 

1  K»        INCONNUE    AUX    CHEVEUX   «    A   LA    CHIEN    », 
(vers   1880) 

0.235x0.158 

Presque  entièrement  de  face,  le  bras  droit  écarté  du  corjis,  le  coude  apjiuyé  sur  un 
meuble,  la  main  venant  rejoindre  la  nuiin  gauche  sur  le  giron.  Figure  encore  jeune,  avec 
la  frange  de  cheveux  coupés  sur  le  front,  à  la  mode  de  1880. 


Ml        JACQUEMART  (.Iules),   Graveur,   (187fi) 

0.160-^0.122 

b'.n    buste,    sans  les  mains,    le  front  tourmenté,    la   barbe  longue   divisée    en  deux 
pointes,  le  vêtement  entièrement  ombré. 

Quelques  épreuves  avant  lettre  et  un  l^r  état  avant  le  vêtement. 

240 


Publiée  par  la  Gazelle  des  Beniix-Arls  avec  lettre  (numéro  du  1"  mars  1876).  puis 
dans  le  volume  de  Louis  Gonsc.  constitué  par  la  réunion  des  articles  de  la  Gazette  ; 
L  Œuvre  de  Jules  Jacquemart,  et  tiré  à  GO  exemplaires,  dont  10  contiennent  une  épreuve 
avant  la  lettre.  ' 

JEUNE  FILLE  AU  CIIIEX.  Voir  M^^  CHAHOT. 

14-2       JUDITH,   modèle,   ou    p::TUI)E    DE    P^EMME,    D'APHÈS 
UX  MODÈLE  DE  MONTMARTRE  (1879) 

0.197x0.148 

Tête  seule,  presque  de  face,  légèrement  inclinée  sur  l'épaule  gauche,  chapeau  avec 
plume  blanche,  accroche-cftur  sur  les  tempes. 


ITi       KARR    (Ali)honse),    Littérateur,    (1878) 

0.117   : 0.078 
Tète  seule,  de  trois-quarts  à  droite.  D'après  photographie. 
Collection  Rouquette  (Voir  n"  3). 

144        KATZENSTEIN,   Rauquier  à    Francfort,   (1882) 

0.237  X  0.1. ')8 

Tête  et  amorce  du  buste.  Presque  de  face.  Front  dégarni  barbe  blanche,  mous- 
tache grise,  air  souriant.  D'après  un  portrait  de  l'auteur. 

2  états.  Le  deuxième  a  des  ombres  à  remmancluire  de  l'épaule. 


145  LABICHE  (Eugène),  Auteur  dramatique,  (vers  1886) 

0.120x0.080 

A  mi-poitrine,  de  face,  tète  légèrement  tournée  vers  sa  gauche,  figure  grosse  et 
rasée  avec  des  cheveux  plats.  D'après  nature. 

146  LABICHE  (Eugène),  (même  date) 

0.138x0.089 

Tête  un  peu  plus  relevée,  nez  plus  pointu,  bouche  plus  pincée.  Dans  le  fond,  à 
hauteur  de  l'oreille  droite,  deux  traits  horizontaux,  qui  peuvent  indiquer  un  dossier  de 
siège  ou  une  boiserie.  D'après  nature. 

147  LABICHE  (Eugène),  (même  date) 

0.138x0.189 
Tête  tournée  à  gauche  et  presque  de  profil.  D'après  une  photographie. 
2  états,  le  2«  avec  le  monogramme  .^D. 

148  LAFENESTRE   (Georges),  Poète   et   Écrivain  d'art,  (vers 
1884) 

0.180x0.135 

De  face,  les  cheveux  encore  noirs  relevés  sur  les'oreilles.  la  barbe  arrondie  et  blanche. 
Fond. 

2  états.  Le  premier  est  d'aspect  général  gris  ;  le  deuxième  est  renforcé  et  encadré 
d'un  ovale  coupé  sur  les  côtés. 

241 


149  LA  PERRINE  D'HAUTPOUL  (Comte  de),   (vers  1880) 

0.237x0.158 
Tctc  seule,  de  face,  front  haut  couronné  de  cheveux  rejetés  en  arrière,  moustache 
et  impériale,  col  droit  aux  bouts  recourbés,  largement  ouvert. 

150  LA  PERRINE  D'HAUPTOUL  (Comtesse  de),  (Même  date) 

0.235x0.159 

De  face,  avec  un  grand  chapeau  qui  encadre  sa  tête,  frange  de  cheveux  sur  le  front, 
broche  au  col,  en  forme  de  médaillon.  D'après  nature. 

151  LAMBERT-LASSUS  (M^e),  (1879) 

0.120x0.080 

Tète  avec  un  peu  de  buste,  de  face,  légèrement  tournée  vers  sa  gauche,  cheveux 
avec  de  nombreux  ■  boudins  '  sur  le  sommet  et  retombant  en  catogan.  Large  nœud  de 
ruban  au  col.  D'après  une  photographie.  Monogramme. 

15-2       LAMBERT-LASSUS  (M^^),  assise,   (1879) 

0.160x0.120 

Assise,  de  trois-cpiarts  à  gauche,  la  main  droite  posée  sur  une  table,  la  gauche  sur 
sa  robe.  Le  corsage  est  entièrement  fait,  ainsi  que  la  chaise  à  colonnes  torses.  D'après 
nature. 

2  états.  Dans  le  premier  la  chaise  n'est  qu'indiquée. 

153  LASSUS  (Enfants)  (1879) 

0.159x0.120 

l^n  jeune  garvon  et  une  fillette,  à  mi-corps.  Le  petit  frère,  très  sérieux,  tient  sa 
sœur  par  la  taille  et  la  fillette  rit.  en  appuyant  sa  tête  sur  celle  de  son  frère.  D'après  une 
photographie. 

3  états.  Dans  le  premier  les  tètes  seules  faites  et  vêtements  indiqués.  Dans  le 
deuxième  vêtements  et  mains  terminés.  Dans  le  troisième,  monogramme. 

154  LASSUS  (M"e)  ou  FILLETTE  RIANT  (1879) 

0.120x0.080 

A  mi-corps,  les  mains  serrant  le  dossier  d'une  chaise  de  velours,  la  fillette  rit. 
D'après  une  photographie. 

2  états.  Le  premier  légèrement  esquissé  à  !a  pointe,  les  mains  à  peine  indiquées. 
Deuxième  état,  planche  complétée  et  monogramme. 

155  LASSUS  (LES  DEUX   SŒURS)   (vers   1879) 

0.160x0.122 

Deux  fillettes  à  mi-corps.  Celle  de  droite,  de  face,  a  les  mains  appuyées  sur  une 
sorte  de  balustrade,  celle  de  gauche,  de  trojs-quarts  à  droite,  a  les  cheveux  pendants 
dans  le  dos.  et  un  nd'ud  de  ruban  au  col.  Monogramme. 

2  états.  Dans  le  premier,  le  coussin  sur  lequel  la  fillette  de  face  appuie  ses  mains 
n'est  qu'indiqué. 

156  LASSUS  (LE  JEUNE  LAMBERT) 

Nous  n'avons  pas  trouvé  d'épreuve  de  cette  pièce  qui  figura  au  Salon  de  1889 
(Société  Nationale). 

242 


157  LEGENDRE,   Courtier  en   tableaux,   (1879) 

0.220  X  0.200 

Ami-corps,  tourné  de  tiois-quarts  à  droite,  assis  dans  un  fauteuil,le  bras  droit  appuvé 
sur  le  bras  du  siège,  la  tète  couverte  d'un  feutre  mou.  D'après  nature. 

2  états.  Premier,  tète  seule  faite, vêtement  esquissé.  On  ne  voit  ni  les  mains,  ni  le 
bras  du  fauteuil. 

158  LEGRANI)  (M'^e)  (vers  1887) 

0.227x0.107 
Assise  à  mi-corps,  tète  presque  de  face,  cheveux  en  l)andeaux  séparés  par  une  raie 
au  milieu  du  front,  mains  se  rejoignant  sur  la  robe. 

159  LEIGHTON  (Sir  Frcrléric),   Peintre  an^flais,  (vers   1880) 

0.29.5  ■0.218 
A  mi-corps,  assis,  la  tète  de  face,  inclinée  sur  l'épaule  droite,  les  doigts  croisés, 
barbe  grise  et  cheveux  frisés.  D'après  un  dessin  de  l'auteur,  de  187.'?. 

160  LEMAITRE  (M^e  Claire),  Peintre  de  fleurs,  (1886) 

0..306X  0.215 
Assise  mi-corps,  la  tète  presque  de  face,  inclinée  sur  l'épaule  gauche,  un  chapeau 
à  larges  bords  auréolant  son  front,  le  bras  gauche  accoudé  et  la  main  pendante. 

161  LEMAÎTRE  (M'"-^  Claire),  2^  planche,  (1886) 

0.270x0.182 
Assise  de  face,  le  buste  droit,  sans  les  bras,  dans  un  ovale  sur  un  rectangle   mal 
effacé.  Même  chapeau. 

Epreuves  en  noir  et  en  sanguine. 

162  LEPIC  (Comte),  Graveur,  (1876) 

0.121x0.080 

Tête  seule,  légèrement  tournée  à  gauche.  D'après  nature. 

Publiée  en  tète  du  volume  :  Les  eaux-fortes  de  Lepic.  Comment  je  devins  graveur. 
(  Vve   Cadart,  1876,  in  4")  et  dans  l'édition  in  8",  de  la  même  année,  sans  les  eaux-fortes. 

163  LEPIC    (Comte),    grande    planche,    (1876) 

0.315x0.2;}!» 

Assis  de  face,  les  jambes  croisées,  le  genou  droit  remonté  à  la  hauteur  de  la  poi- 
trine et  tenu  dans  les  deux  mains  croisées,  l'n  chevalet  au  premier  plan,  à  gauche  ; 
un  tableau  représentant  un  caniche,  derrière  la  tête.  Tètejde  caniche,  en  remarque,  au 
bas  du  cuivre,  à  droite.  D'après  nature. 

7  états. 

1°  Sans  le  tableau  derrière  la  tète,  ni  la  remarque. 

2°  Le  même,  avec  indication  d'un  parquet. 

3°  Avec  le  tableau  et  la  remarque. 

4°  Le  tableau  est  effacé. 

5°  Il  est  rétabli  sous  forme  de  papier  fixé  à  la  muraille  où  le  caniche  est  visible 
presque  en  entier.  La  redingote  est  boutonnée. 

6°  Même  description  avec  en  plus,  un  fond,  à  partir  de  l'épaule  droite.  Cet  état  est 
celui  publié  dans  l'ouvrage  du  comte  Lepic,  cité  au  imméro  i)récédent. 

7»  La  planche  coupée  ne  mesure  plus  que  0.192-0.140,  et  tout  le  bas  des  jambes 
ainsi  que  le  chevalet  ont  disparu.  Publié,  en  cet  état,  par  f.' .\rtistc,  (.luin  1876)  sous  ce 
titre  :   Un  portrait  d'artiste. 

164  LÉPINE,  Écrivain,  en  littérature   QUATRELLES.  (1888) 

0.169x0.127 
Tête  seule,  de  face,  inclinée  sur  l'épaule  gauche,  cheveux  plats,  barbe  en  pointe 
grisonnante,  moustache  encore  noire.  D'après  nature. 


]i^'^       LEROY.     Imprimeur    d'eaux-fortcs,    (1875) 

0.2;)5  <  0.209 

Debout  ;i  sa  presse,  en  veste  de  travail  aux  manches  retroussées.  D'après  nature. 

3  états. 

1°  Tète  seule  faite.  Vêtements,  bras  et  mains  indiqués. 

2"  La  veste  est  ombrée. 

3'^  La  planclie  est  complétée.  La  main  droile  lient  la  planche  de  bois  qui  supporte 
le  cuivre,  la  jjauclie  soulève  l'épreuve.  Le  volani  de  la  machine  est  fait  et  le  fond  de 
l'atelier  est  occupé  par  des  estampes. 

ir.()        LKYRAULT   (Edmond),    Violoncelliste,    (1876) 

0.235x0.159 

.\  mi-jambes,  un  |)eu  tourné  à  droite,  il  joue  de  son  instrument.  D'après  un  dessin 
de  l'auteur,  qui  inversé  par  le  tirage,  fait  (pie  l'artiste  tient  son  archet  de  la  main  gauche 
1  état.  Le  bas  du  violoncelle  n'est  pas  fait  et  le  fond  à  gauche  est  à  peine  ombré, 

ir.7        LOCHAHI).    Photographe,   (1877) 

0.179x0.153 

A  ini-corps,  assis,  la  tète  de  face,  le  buste  tourné  à  droite,  les  mains  croisées  sur  les 
cuisses,  tète  chauve  et  barbe  blanche.  D'après  nature. 

1G8       LYONNET  (.\natole).  Chanteur,  (vers  1890) 

0.135     0.095 

Tête  seule,  de  face,  légèrement  tournée  à  droite,  cheveux  rejetés  en  arrière,  figure 
rasée.  D'après  un  dessin. 


169  MAILLARD  (Léon),  Écrivain,  (1894) 

0.189x0.1.39 

Kn  buste,  la  tèle  de  face  inclinée  sur  l'épaule  droite,  le  gilet  montre  le  dépassant. 
Fond.  D'après  un  tableau. 

2  tirages,  l'un  à  25  épreuves,  dont  deux  en  sanguine  et  deux  en  bistre  sur  hollande  ; 
l'autre,  pour  la  revue  La  Plume,  fort  médiocre  et  portant  le  monogramme  AD.  dans  le 
blanc  de  la  marge  inférieure  droite.  Planche  perdue.  Pointe-sèche  sur  héliogravure. 

170  MANET  (Edouard),   Peintre,   (1876) 

0.165x0.133 

Tète  seule,  de  face,  souriante.  «  D'après  nature  en  une  seule  séance  »,  note  de  l'au- 
teur sur  une  épreuve  qui  ap]i  irtient  au  D""  Landau. 

Cette  tète  a  été  gravée  siu'  le  même  ci)ivre  où  Manet  a  gravé  sa  Bulle  de  Savon 
( Mfircau-Nélaton,  3()).  Il  existe  une  épreuve  de  cette  planche,  avec  les  deux  sujets,  à 
la  Kunsthalle,  de  Brème. 

171  MANET  ACCOUDÉ  (1876) 

0.219  ;  0.13? 

A  ini-corps,  de  face,  la  tête  inclinée  vers  l'épaule  droite  et  appuyée  sur  son  poing 
fermé.  Lu  chevalet  est  esquissé  à  la  gauche  du  modèle.  D'après  nature. 

172  MARGUERITE  (LA)  ou  PAS  DU  TOUT  (1898) 

0.140x0.332 

l'ne  jeune  fille,  la  figure  en  jileine  lumière  tournée  vers  la  droite,  effeuille  entre  ses 
doigts  une  marguerite.  D'après  un  tableau  qui  figun;  au  Salon  de  la  Société  Nationale 
de  1895. 

244 


LEROY,    Imprimeur  en   taille -douce 
(  2"  Éui  ) 


173  MARGUERITE  (LA),  petite  planche,  (vers  1899) 

0.175x0.128 
L'expression  de  la  bouche  est  plus  attristée. 

174  MARTHELOT,    Directeur   de    l'Imprimerie  Cadart.  (1X77) 

<i.2inx0.1GU 
A  iiii-corps,  mais  la  tète  seule  faite,  le  vèlenienl  et  les   nuiins  indiqués.  De  face, 
cheveux  qui  i   fuient  »  en  dégarnissant  le  front,  barbe  conjiée  en  rond  et  moustaclie 
D'après  nature. 

175  MÉLANDRI  (Achille),  Écrivain,  (vers   1888) 

0.104x0.125 

Tête  allongée,  de  face,  cheveux  rejelés  en  arrière,  barbe  terminée  par  deux  pointes 
que  rejoint  et  dépasse  à  droite  la  longue  moustache.  Monogramme.  D'après  nature. 

17G       MÉRIMÉE  (Prosper),   de  l'Académie   Française,   (1878) 

0.112x0.075 

Tète  seule,  de  trois-quarts  à  droite.  D'après  une  photographie. 
Collection  Rouquette  (voir  n°  3). 

2  états.  Le  deuxième  a,  de  plus  que  le  premier,  une  cravate  noire  faisant  le  tour 
du  cou. 

MICHAUD    ou    MYCHO    BOIT,      Voir    ENFANT    A    LA 
TASSE. 

177  MILLET    (Jean-François),    Peintre,    (vers  1889) 

0.170x0.120 

Tète  seule,  de  trois-quarts  à  droite  ^spectateur),  une  forte  masse  de  noir  sur  la 
barbe.  Vêtement  amorcé.  Rare. 

178  MONSELET  (Charles),   Écrivain,   (1879) 

0.120x0.080 

A  mi-corps,  de  profil  à  droite.  D'après  nature. 
2  états.  Le  premier  avant  le  monogramme. 

179  MONTEFIORE  (Edward-Lévi),  Collectionneur  et  Graveur 
amateur,  (1875) 

0.270x0.180 

De  face,  un  peu  tourné  vers  la  droite.  Tête  seule,  barbe  fournie  sur  les  joues,  assez 
courte  au  menton  et  divisée  en  deux  touffes  arrondies.  Front  qui  se  dégarnit.  D'après 
nature. 

2  états.  Dans  le  premier,  on  voit  l'oreille  droite  presquen  entier  et  un  trait 
échappé  dépasse  nettement  l'épaule  droite. 

Dans  le  deuxième,  l'oreille  droite  n'apparaît  plus  que  dans  sa  partie  inférieure,  le 
trait  échappé  est  à  peine  visible,  l'épaule  droite  qui  s'évasait  trop  a  été  ramenée  à  son 
juste  dessin  et  une  ombre  puissante  et  courte  indique  l'extrémité  d'un  col  de  velours 
noir  à  gauche  de  la  figure  (droite  du  spectateur). 

180  MORER.  Compositeur  de  musiciue,  (1887) 

0.099  X  0.079 
Tête  et  demi-buste.  De  face,  un  peu  tournée  à  droite.  Grands  cheveux  •  à  l'artiste  » 
autour  d'une  calvitie  précoce,  barbe  rasée,  moustache  en  crocs.  D'après  nature. 

245 


181        MORISOT  (Berthe),  peintre,  (vers  1876) 

0.260x0.175 

Assise,  de  face,  dans  un  fauteuil  tourné  de  côté,  la  tête  coiffée  d'une  sorte  de  tur- 
ban,  tenant  tians  ses  mains  un  éventail  jai)onais.   D'après  nature, 
l"'  état,  tète  seule  faite,  le  reste  au  trait  ; 
2»^  état,  tète  reprise  et  poussée,  vêtement  entièrement  fait, 
lipreuves  sur  hollande,  quelques-unes,  rares,  sur  wtiatman  et  sur  japon. 

18-.>       MOU-MOU  (Mlle),  modèle,  (1880) 

0.280x0.201 

Tête  seule,  de  trois-quarts  à  droite.  Petite  bouche  sur  un  double  menton.  (Cheveux 
reteims  par  un  ruban  clair,  en  diadème.  D'après  une  étude  peinte. 

Nom  :  Mou-mou  dans  la  i)artie  f^jauche  supérieure  et,  au  bas  à  droite,  monogramme, 
qui  n'est  pas  le  monoj'rainme  habituel.  L'.M  a  les  jambages  recourbés  en  crochets  et  le 
D,  s'inscrivant  en  plus  petit  sur  le  jambage  de  droite,  forme  un  1^. 

Parue  dans  l'album  :  L' Eau  jorle  en  18S0,  publiée  par  Cadart,  avec  cette  légende  : 
M.  Desboulin  pinx  et  se.  —  Mlle  Mou-mou.  — ■  \  ue  A.  Cadart,  Edit.  Jmp.,  56,  boulevard 
Ilaussmann,  Paris. 

Quelques  épreuves  avant  le  nom,  mais  avec  le  monogramme. 


18:*.        NIEDERKORN,   Docteur,  (vers   1886) 

0.159x0.122 

Tète  seule  avec  un  peu  de  buste.  Front  découvert,  barbe  demi-longue  divisée  en 
deux  touffes,  moustache  courte.  D'après  nature. 

181       NITTIS  (M'ïie  Je)  ou  SORTIE  DE  BAL  (1873) 

0.285x0.199 

Debout,  de  profil  à  droite,  tète  nue,  avec  un  haut  chignon,  elle  ramène  sur  elle  sa 
sortie  de  bal  de  couleur  foncée  qui  laisse  à  découvert  au-dessous  de  la  ceinture,  une 
robe  claire  garnie  de  volants.  Dans  le  fond,  une  table  à  étagère.  Grande  ombre,  à 
droite. 

185       iNOUVEAU-NÉ  (LE)  ou  MON  PETIT  FRANÇOIS  (1879) 

0.100x0.115 

L'enfant,  tout  nu,  gesticule  des  pieds  et  des  mains  sur  un  coussin.  D'après  une 
étude  peinte. 

4  états. 

1°  Enfant  seul  esquissé  ; 

2»  Le  coussin  et  le  fond  supérieur  droit  sont  faits  ;  à  l'angle  inférieur  droit,  des 
hachures. 

3°  Ces  hachures  renforcées  forment  une  tache  noire  ; 

4°  La  tache  a  été  ébarbée  et  le  travail  redevenu  clair.  Le  fond  est  complètement 
achevé. 


OPÉRA    (L*),  Eaux- fortes  d  Quatrains,  (1876) 

(Jouaust,  1870,in-12,  500  ex.  sur  hollande,  avec  lettre;  150  ex.  sur  chine,  sans  lettre). 
Série  de  huit  pointes-sèches,  d'après  des  photographies  de  Pierre  Petit,  dessinées  par 
l'artiste,  pour  illustrer  cet  ouvrage  anonyme,  dû  à  Henrv  (".ohcn.  L'ouvrage  renferme 
d'autres  gravures  de  différents  artistes. 

Toutes  ces  pointes-sèches  mesurent  0.120x0.080.  Il  v  a  quelques  épreuves  sur  hol- 
lande, hors  format  et  signées  à  la  main  par  l'artiste. 

246 


186  BATAILLE 

187  BAUX   (M"e) 

188  BEAUGRANl),    Danseuse 

189  BLOCH   (Rosine) 

190  BOUDOURESQUE 

191  CAROX,    Baryton 

192  GAILHARl)  (Pedro) 


19:^ 


SANGALLI    (Rita),   Danseuse,    d'après    unu    jjlioto^raphie 
de    Luckhardt. 


PETIT    CHARIOT,     Voir    ENFANTS    DESBOUTIN     A 
LA   VOITURE 

194  PETITE  FILLE  AU  CHIEN  (1890) 

0.528  xO.^U5 

La  fille  de  l'auteur,  Jeanne,  vue  à  mi-corps,  tournée  a  droite,  vêtue  d'une  chemise 
qui  laisse  nus  son  col  et  ses  bras.  Elle  tient  en  riant  un  petit  chien,  qui  n'a  pas  l'air  de 
s'amuser.  D'après  un  tableau  de  l'auteur,  qui  appartient  au  Dr  I.andau.  Dessous  d'hé- 
liogravure. 

195  PIE   IX,  grand  format,  (1878) 

0.445x0.346 

Le  pape  est  de  face,  assis,  les  mains  sur  les  montants  de  son  trône,  la  tête  cou- 
verte de  la  calotte  blanchC;  et  en  soutane  également  blanche.  D'après  une  photographie. 
Monogramme  et  date  :  78.  Indication  de  l'imprimerie  Cadart.  prés  de  la  marge  infé- 
rieure droite. 

Quelques  épreuves  sans  ces  lettres. 

196  PIE   IX,  petite  pièce,  (1878) 

0.107x0.0(55 
Tête  seule,  avec  indication  de  la  soutane.  D'après  une  photographie. 

197  PIET  (Alfred),  Bibliophile,  (1878) 

0.180x0.1-23 

En  buste,  presque  de  face,  la  tête  un  peu  à  droite,  légèrement  renversée  en  arrière, 
cheveux  avec  une  raie  à  droite,  moustache  et  barbe  grises,  celle-ci  divisée  en  deu.x  pointes. 
D'après  nature. 

Exécutée  pour  le  libraire  Rouquette  et  non  mise  dans  le  commerce. 

198  PORTALIS   (Baron    Rooer),  Bibliopliile  tt  Écrivain  d'art 
(1884) 

0.147x0.110 

Tête  seule,  de  trois-quarts  à  droite,  ronde,  front  dégarni,  joues  rasées,  barlie  en 
touffe  au  menton  et  moustaches  grises.  Col  du  vêtement.  Signature,  lieu  et  date  gra- 
vés à  la  pointe,  au  bas,  à  gauche  :  M.  Desboiilin,  A/re,  fcorier  81. 

Exécutée  pour  le  iibraire  Rouquette  et  non  mise  dans  le  commerce. 

247 


\\)\)        PREMIERS  PAS  (LES)  ou  ENFANTS  DE   L'AUTEUR, 
ou  EAMILLE  DE  L'AUTEUR  (1879) 

0.280x0.198 

Myclio,  en  bras  de  chcMuise.  s'avance  vers_sa  ])eLile  s(i;ur,  (iiii  leiul  les  bras  pour 
saisir  le  luulou  (lu'il  lui  apporle.  l.a  fillelle  est  dans  un  support  conique  en  osier.  D'après 
nature. 

5  étals. 

1°  Le  fond,  chaises,  placard,  vaisselle,  etc.  n'est  ([u'indiqué  ; 

2"  I,e  fond  est  plus  poussé.  .Myclio  se  détache  sur  une  sorte  de  tapisserie  et  der- 
rière la  fillette  est  un  jouet,  un  tonneau  d'arrosage  attelé  à  un  cheval. 

3"  Mycho  a  été  effacé,  assez  mal  et  l'on  aperçoit  encore  ses  jambes  au  bas  d'une 
large  tache  grise.  Puis,  il  a  été  remis  derrière  la  chaise  du  premier  plan  à  droite,  sur  la- 
quelle se  prélasse  un  fox,  les  pattes  pendantes. 

4"  La  tache  a  été  nettoyée  et  le  paysage  de  la  tapisserie  précisé. 

5'^  Toulo  la  planche  retravaillée  et  mise  à  l'effet,  notamment  le  cercle  d'osier  de 
la  fillette. 

De  toute  rareté. 

'>()()        PREMIEiiS  PAS  (LES),  petite  plauche,   (1879) 

0.07GX  0.156 

Le  sujet  est  inversé,  la  fillette  est  à  droite  et  Mycho  à  gauclie.  C'est  la  reproduction 
du  deuxième  état  de  la  planche  précédente.  La  partie  droite  du  cuivre  n'est  pas  cou- 
verte. 

2  états. —  Dans  le  premier,  toute  la  planche  est  claire  et  le  parquet  n'est  pas  ombré. 

'201        PUAUX,  Pasteur,  (vers  1886) 

0.140x0.088 
Tète  seule,  de  face  légèrement  tournée  à  droite,  rasée.  Homme  d'environ  60  ans. 
D'après  nature. 

•>()-2        PU  VIS  DE  CHAVANNES,  Peintre  (1876), 

0.157x0.118 
Tète  seule,  presque  de  face,  inclinée  sur  l'épaule  gauche. 
QueUpies  épreuves  avant  le  monogramme  et  la  date  :  76. 

Publié  avec  le  monogramme  et  la  date  dans  l'édition  de  luxe  de  La  Plume  (Janvier 
1895)  et  par  la  revue  //'  Artiste,  avec  le  nom  de  Puvis  de  Chavannes  gravé. 

•20:i        PUVIS  DE  CHAVANNES,  Peintre,  (1895) 

0.245x0.174 

Pointe-sèche  sur  héliogravure. 

De  profil  à  gauche,  la  tète  un  peu  renversée  en  arrière,  sortant  de  la  blouse  d'ate- 
lier. Signature  au  bas  à  droite. 

Le  dessin  appartient  à  la  Bibliothè(iue  d'Art  et  d'Archéologie.  Il  en  existe  un  autre, 
au  trait  dans  la  collection  Desboutin. 

'204        PUVIS  DE  CHAVANNES,  portrait  et  composition,  (1895) 

0.240x0.157 
Pointe-sèche  sur  héliogravure,  d'après  un  tableau  de  l'auteur,  au  Musée  d'Amiens 
L'artiste,  en  blouse  de  travail,  assis  dans  un  grand  fauteuil,  médite,  la  tête  appuyée 
sur  la  main  gauche.  Derrière  lui,  se  déroule  le  fragment  de  droite  du  Bois  Sacré  (Lyon). 
Publié  par  L'Artiste  (Avril  1895). 


My       RAFFAELLI,    Peintre-graveur,  (vers  1877) 

0.116x0.80 
Tête  seule,  de  face,   un  peu  tournée  vers  la  gauche,  cheveux  abondants  et  frisés 
avec  raie  à  gauche,  barbe  noire  fournie,  col  de  fourrur?. 

248 


206  RAISIN  (M"'<^)  ou   DAME  A  LA  MAXTlLiJ':  fl898) 

0.205x0.194 

En  busLc  de  Lrois-quaiLs  à  droite,  coiffure  de  detUelle  reLombiiiiL  sur  le  derrière 
de  la  tête,  Ijoucle  de  clieveu.K  venant  prescjne  rejoindre  le  sourcil  droit,  ^ros  diamant  à 
l'oreille.  D'après  une  pIio4ographie. 

207  RENOIR  (P.-A.),   Peintre,  (1877) 

0.103x0.117 

lùi  buste,  assis  à  califourchon  sur  une  chaise  au  dossier  de  laquelle  il  appuie  ses 
bras,  le  gauche  soutenant  la  tète  tournée  vers  l'épaule  droite.  D'après  nature. 

208  RENOIR   LES  JAMBES   CROISÉES  (1877) 

0.234x0.155 

Assis  dans  un  fauteuil  à  haut  dossier,  au  bras  duquel  il  s'accoude,  la  main  gauche  sup- 
portant le  menton,  l'illustre  peintre,  au  grand  corps  i  dégingandé)  comme  le  qualifie 
Silvestre,  a  passé  sa  jambe  gauche  par-dessus  la  jambe  droite  et  médite.  Portrait  d'un 
naturel  parfait.  D'après  nature. 

209  REPOS  DE  BÉBÉ    (1881) 

0.298x0.199 

L'enfant  (Mycho)  s'est  assis,  son  petit  chariot  près  de  lui.  contre  sa  maman,  elle 
même  assise  et  la  tète  reposant  sur  les  bras  appuyés  sur  une  balustrade.  Fond  de  jar- 
din. D'après  un  tableau  de  l'auteur  de  1880.  {Repos  au  square). 

3  états.  —  Le  premier  sans  le  fond  de  jardin,  le  deuxième  avec  le  fond,  et  le  troi- 
sième avec  cette  légende  :  M.  Desboutin  pinx.  et  se.  Le  Repos  de  Bébé.  Vve  .\.  Cadart., 
56,  boulevard  Haussmann.  Paris. 

210  RICHARD  (de  Genève),  Avocat-général,  (1888) 

0.256x0.183 

Face  michelangesque,  chevelue  et  barbue,  avec  un  vif  éclairage  sur  les  chairs. 
D'après  un  dessin  fait  sur  nature.  Dessous  d'héliogravure. 

211  RICHARD,  grand  format,  (même  date) 

0.410x0.310 

Tête,  plus  droite  avec  moins  d'oppositions.  D'après  nature. 

4  états. —  Premier,  modelé  du  visage  un  peu  brutal,  vêtement  indiqué;  deuxième, 
modelé  adouci,  vêtement  plus  indiqué,  notamment  l'angle  du  revers  gauche  ;  troi- 
sième, fond  entièrement  fait,  le  vêtement  terminé,  essai  d'un  ovale  autour  de  la  tête. 

212  RICHEPIN  (Jean),  de  l'Académie  Française.  (1877) 

0.178  :<  0.123 

Tète  seule,  de  face,  corps  tourné  vers  la  droite.  D'après  nature. 
Collection  Rouquette  (voir  n°  3). 
Quelques  épreuves  d'essai. 

2i::5       RITTER   (Alice,   M^^^  A.   DESGRANGES)   (1875-1877) 

0.398x0.197 
Assise,  de  face,  la  tête  légèrement  tournée  vers  la  droite,  la  main  droite  posée  sur 
le  poignet  gauche,  en  chapeau.  D'après  nature. 

3  états.  —  Le  premier  date  de  1875.  Il  ne  porte  pas  de  signature;  le  deu.xième  aie 
monogramme  suivi  de  77  ;  le  troisième,  cuivre  coupé,  qui  ne  mesure  plus  que 
0.288  X  0.190.  Le  tirage  est  faible,  le  monogramme  et  la  date  à  peine  visibles. 

249 
17 


21  I        ROCHEFORT   (Henri),   journaliste,    (1880) 

0.278x0.198 

En  buste,  de  face,  la  main  gauclie  à  demi  allongée  sur  la  joue  ([ue  creuse  l'index, 
le  toupet  blanc,  en  flamme  de  punch,  .sur  le  front  élevé.  D'après  un  dessin.  Très  belle 
pièce. 

:i  états.  —  Premier  avanl  le  monogramme;  deuxième,  avec  le  monogramme  nui  a 
la  même  forme  (pie  dans  Mlle  Mnii-inou  :  troisième,  indication  d'un  fond. 

215  ROUART  (Henri),  Peintre  et  Collectionneur,  (1875) 

0.272  X  0.200 

Assis  à  califourchon  sur  une  chaise,  de  profil  à  droite,  la  main  droite  sur  la  cuisse, 
la  gauche  sur  le  dossier  de  la  chaise.  D'après  nature. 

U'f  état.  —Tête  seule. 

2"  état.  —  Tète  reprise,  allongée,  rendue  plus  ressend)lante  et  planche  achevée 
selon  la  description  ci-dessus. 

216  ROUQUETTE,    Libraire-Éditeur,   (1878) 

0.120x0.080 

En  buste,  tète  de  face,  légèrement  penchée  en  avant.  D'après  nature. 
Exécutée  pour  l'éditeur.  Non  mise  dans  le  commerce. 

217  ROUQUETTE,  2^  planche,  (1878) 

0.161x0.120 

Tête  seule  de  trois-quarts  à  droite.  D'accent  moins  vif  cpie  la  précédente. 
Exécutée  pour  l'éditeur.  Non  mise  dans  le  commerce. 

218  ROUQUETTE  fils  (1878) 

0.160x0.120 

.leune  garçon,  de  face.  D'après  nature. 
1"  état.  —  Tête  seule. 
2«  état.  —  Vêtement  fait. 
Cuivre  conservé. 

21V)       ROZEN,   Peintre   suisse,    (vers    1888) 

0.112x0.099 

En  buste,  tête  à  demi  tournée  vers  la  droite,  figure  jeune,  barbe  divisée  en  deux 
pointes,  moustaches  retroussées. 


220  SALOMÉ  (Emile),  Peintre,  (vers  1888) 

0.215x0.155 
En  buste,  tète  de  trois-quarts  à  droite,  binocle  dont  le  cordon  descend  le  long  de  la 
joue  gauche,  barbe  rare  sur  les  côtés,  moustache,  cheveux  rejetés  en  arrière.    Dessous 
d'héliogravure.  D'après  photographie. 

221  SALMSON,    Sculpteur  genevois,   (vers  1889) 

0.238x0.155 
Assis,  le  corps  tourné  à  droite,  le  visage  de  face,  déjà  âgé,  le  cheveu  rare,  la  courte 
moustache  tombante,  la  main  gauche  appuyée  au  bras  du  fauteuil,  la  droite  à  peine 
amorcée. 

250 


22-2       SAXI)  (George)  (1878) 

0.117  •  U.07.S 
•  IcHine,  à  mi-corps  et  louriiée  à  droite-,  la  l.He  nrcsaiic  de  fice  t-l  li  m-.in  ,i,v>ii<. 

Quelques  épreuves  avant  aciérage. 

22:;        SAiNDEAU  (Jules),  de  l'Acadoinic  I-Vanciiisc    (187!») 

0.120.   O.OT'.i 
rilriftu    miMullîpVr^^'î'''"''"'''"^'  \'  '.'''°'^^'  '^'"'"^■^''  "^«'"^^^'^'h-  l.la,.ciu-.  col  de  chemise- 
"'1?onJ;.Uo";  ltouTamc^'l^;?rS3)".  ^'^""^'"^  '-''''■  '^■•'"^^^•^  ""^'  l"-">g-P'^ie. 
l1ns<M'iptio,M^;rS.-;X/!^  mo»ogrannne  et  dautres  avec  le  n.onogran.n.e  et 

SANGALLI,   Voir  OPERA. 

224  SICHEL,   Antiquaire,    (1887) 

0.159x0.121 

225  SILVESTRE    (Arniund),    Littérateur    (188G) 

0.198x0.149 
Assis    lourné  vers  la  droite  et  iticliné  en  avant,  la  main  gauciiu  pendante  sur  le 
genou,  la  droite  appuyée  sur  la  cuisse,  la  figure  presque  de  facc^  D'après  nature. 

22G       SOLDI  (Emile).  Statuaire,   (vers  187G) 

0.200x0.150 
Debout    tourné  à  droite    il  modèle  une  figure  posée  sur  une  selle.  D'après  nature 

il  est  enUèremènt  f'olïé!"'"'  '^'  ^"'''""'^  "''  ^"'"^  '^^"^  ^""  """"'^'^  =  '^-^  "^  ^-■^'^"-' 

227  SOMM  (Henri),  Dessinateur,  (1891) 

0.144x0.098 
Tète  seule,  presque  de  face,  légèrement  tourné  vers  la  droite.  Chauve,  barbe  courte 
et  moustache  retroussées,  lîinocle.  D'après  nature. 
Le  cuivre  appartient  à  .M.  Nys. 

SORTIE  DE  BAL,  Voir  XITTIS  (M"ie  ^je). 

228  SORTIE  DE  BÉBÉ  (LA)  (1878) 

0.276x0.198 

L'enfant  (Chiquine)  est  endormi  dans  sa  voiture,  sa  mère  (Mme  Desboutiti)  le 
regarde  en  arrangeant  sa  couverture,  son  jeune  frère  (.Mvclio),  debout,  s'apprête  à  nous- 
ser  le  léger  véhicule.  '  r^  p  u:> 

D'après  un  tableau  de  l'auteur. 

2  états.  —  Premier  état,  le  jeune  garçon  n'est  qu'indiqué  ;  deuxième  état,  la  planche 
est  terminée. 

En  cet  état  elle  a  paru  dans  V Eau-jorlc  en  1897.  G---  année,  avec  cette  lettre  • 
M.  Desboiitin  pinx.  et  se.  Lu  Sortie  de  Bébé,  Vve  A.  Cadarl,  Edit.  Imn.,  5G  Bnulerard 
Haussmann,  Paris. 

229  SPETCH  (Emile  de),  Peintre,  (1886) 

0.161x0.117 

Assis  de  travers  sur  une  chaise,  dont  le  dossier  se  présente  face  au  spectateur,  le 
bras  droit  appuyé  sur  ce  dossier,  le  gauche  naturellement  posé  sur  la  cuisse,  la  tète 
encore  jeune,  aux  cheveux  bouclés  et  à  la  barbe  frisée,  presque  île  face.  D'après' nature 

Epreuves  en  sangu'ne  et  en  noir. 

2ôi 


'?:*.()        STENGER  (Gilbert),  Écrivain  IxJiirboniiais,  (1898) 

0.130x0.19;') 
1)0  face,  cheveux  el  inouslaclies  presque  hlaiies,  col  droil  eL  cravate  blanche, 
l.a  peinture  orifiinale  appartient  à  la  Société  des  Gens  de  lettres. 
Foiiite-séclu'    sur    liéliof^ravure. 


■r.W         lÈ'VK  ])E  FEMME,  croqtiis,  (vers   188'.)) 

0.090x0.124 

Presque  eutièrenienl  de  profil  à  gauche,  et  baissée  :  haut  ciii^iioii.  D'après  nature. 
Paraît  être  le  même  modèle  que  celui  de  Femme  an  m^licr. 

-r.Vl        TÈTI^   \)\i  VIEILLARD  (1888) 

0.117  X0.07S 

En  buste  de  trois-tiuarls.  à  gauche,  chauve  avec  une  grande  barbe  blanciie.  Fond. 
D'après  nature. 

-rX)       TROIS  AMIS  (LES)  ou  CHIEN  ET  CHAT  (1880) 

0.501  -.0.46,') 

Un  jeune  garc^on  (.Myclio)  assis,  la  tète  appuyée  sur  sa  paume  droite,  tient  dans 
son  bras  gauche  un  jeune  ciial  vers  lecpiel  le  chien  du  cabaret  La  Nouvelle  Alhènes, 
avance  le  museau. 

3  états.  —  Premier  état,  les  cheveux  forment  une  masse  blanche  ;  deuxième,  les 
clieveux  sont  ombrés,  mais  une  lumière  persiste  sur  les  deux  boucles  du  sommet  ; 
Iroisième,  les  cheveux  forment  une  masse  noire  et  l'ombre  de  gauche  est  faite  de  traits 
(le  roulette  sur  un  frottis  de  papier  de  verre,  surchargés  de  coups  de  pointe  obliques  et 
verticaux. 


•?:M        VALENTIN   (Mme)  (igyg) 

0.237x0.159 

Assise,  de  profil  à  droite,  la  lète  tournée  vers  le  spectateur  la  main  gauche  près 
du  menton  el  le  bras  se  dégageant  d'une  large  manche  à  volants  ;  le  modèle  est 
accoudé  sur  le  bras  du  fauteuil,  la  nuiin  droite  étendue  sur  la  robe  et  tenant  une  lettre. 
Les  cheveux  sombres  se  déroulent  sur  les  épaules,  sous  une  i)etite  capote  claire. 

3  états.  —  Premier,  tète  seule,  le  reste  esquissé  à  la  pointe,  signature  ;  deuxième, 
planche  terminée,  avec  la  signature  à  l'envers,  et  date  ;  troisième,  travaux  dans  le 
vêlement  et  le  fauteuil,  la  signature  a  disparu. 

lintre  le  deuxième  et  le  troisième  état,  nous  connaissons  une  épreuve  qui  ren- 
ferme de  nombreuses  retouches  ù  la  pointe  pour  rafraîchir  la  planche,  mais  qui  font 
autant  de   petites  taches. 

•>:{:>       VALLOIS  (1875) 

Nous  n'avons  pas  trouvé  d'éiircuvc  de  cette  figure  tpii  fut  ex])osée  au  Salon  de 
1X75  de  la  Société  Nationale. 

•,>:'»<•,       VERLAINE,   Poète,   (1896) 

0.372  X  0.284 

l",n  busle   jirescpie  de  face,  la  tête  socratic|ue  engoncée  dans  un  col  épais,  tenant  de 
la  nuiin  droite  un  manuscrit  et  de  la  gauche  son  pince-nez. 
2  états.  —  Le  premier  avant  les  ombres  du  vêtement. 


2:>,7 


VERT  (Renée,  M"i^  Alfred  Albkrt)   (vers  1880) 


0.230x0.191 
Pointe-scche  sur  héliogravure. 

De  face,  tète  inclinée  «ur  l'épaule  ilroite,  haut  chignon,  corsage  broché,  épaules 
remontantes. 

Travaux  de  roulette  et  tle  pointe. 
Très  peu  d'épreuves. 

VIEILLARD  CHAUVE  ET  GLABRE.  Voir  IXCONNLS. 
VILLART   (Nina   de).    Voir   CALLIAS. 
288       VILLIERS  DE  L'ILSLE-ADAM,  P>crivaiii,  (1802) 

0.1.38x0  099 
Pointe-sèche  sur  héliogravure. 

De  face,  d'après  un  dessin  qui  appartient  au  musée  de  Saint-Brieuc. 
Publié  en  tête  du    Villiers  de  l' Islr-Adam.  de  Stéphane  Mallarmé  (FSruxelIcs,  La- 
comblçz,  1892). 

?:W       VIOLANIE   SONNIO 

0.155x0.127 
Pointe-sèche  sur  hélio. 

De  face,  les  cheveux  séparés  au  milieu  par  une  raie  et  s'échappant  de  chaque  cAté 
en  mèches  indisciplinées.  Corsage  indiqué  à  sa  partie  supérieure.  Très  rare. 

•240        VOGT  (William)  (vers  1888) 

0.117x0.087 
Pointe-sèche  sur  héliogravure. 

En  buste,  tourne  à  gauche,  figure  de  face,  cheveux  -  nature  ■,  menton  rasé,  mous- 
taches courtes. 


•211        WILLETTE  (Adolphe),  Peintre,  (1896) 

0.2.30  <  0.138 

l)ei)out,  en  Pierrot,  le  poing  sur  la  hanche,  un  chat  noir  se  frottant  ajirès  ses  jambes. 
D'ajircs  une  peinture  exposée  au  salon  de  la  Société  Nationale  en  180tî. 
Publié    par    V Artiste,    numéro    de    mai    1896. 
La  signature  à  la  pointe,  au  bas,  à  droite,  est  presque  illisible. 
Quelques  épreuves  d'essai. 


•24-2        ZH:LIA(1883) 

Nous  n'avons  pu  trouver  d'épreuve  de  cette  pièce,  qui  fut  exposée  au  Salon  de 
1883  (.\.  F.).  l'Ile  figure  peut-être  dans  les  Inconnues. 

■24:\        ZOLA.  LA  .MAIX  AU  MENTON  (1875) 

0.137x0.088 
l",n  buste,  de  trois-quarts    à  gauche,  sans  binocle,  la  main  au  menton,  avec  l'in- 
dex et  le  médius  allongés  vers  l'oreille.  D'après  nature. 
Très  peu  d'épreuves. 


24i       ZOLA,  DE  FACE  (1875) 

0.120x0.080 
•Jeune,  (le  face,  tête  seule,  sans  binocle   D'après  nature. 
Planche  vendue  au  libraire  T^ouquette,  en  1878.  Cui>  re  probablement  perdu. 

•.>^:)        ZOLA,  LI<:S  BRAS  CHOISËS  (1875) 

0.i;?8:()  089 
l'.ii  busie,  de  l'ace,  sans  binocle,  les  bras  croisés  appuyés  sur  le  dossier  d'une  chaise. 

•>1('>        ZOLA.  A  LA  SIGNATURE  (1879) 

0.1G4-  0.116 

TcMe  seule,  firossc,  penchée,  le  Iront  apiniyé  sur  la  main  gauclie,  aux  doigts  écarlés, 
le  binocle  aux  yeux.  l,a  signature  de  l'écrivain  est  fac-similée  en  travers  de  la  poitrine. 
D'après  nature. 

La  jiluparl  des  épreuves  (12  ont  été  données  à  Zola)  portent  l'indicalion  de  l'ini- 
prinierie  Vrc  A.  (ladart,  )nais  il  existe  (piehpies  éi)reuves  avant  le  fac-similé  de  la 
signature  et  l'indication  de  l'imprimeur. 


Ilnlaiil  un  endormi' ^-^ '''"/"'■'',   1SH4) 


254 


LISTE    DES 
GRAVURES  DE  REPRODUCTION 


1  AMAlU^KinS   (LKS),    d'après    Israëls. 

■2  BOX    VIX   (LE),   (l"ai)rès    Hihot. 

:\  CIIRISI"  V:i  LA  FiaiME  ADILIÈHI-:.  d'apK-s  iiicomiii. 

1  C()NCl^P.r   (Li).   daprès   Fraiiojpaïu. 

5  KCrIXl-:    V:V   .iriMri-:i^,   d'après   (rrciizc. 

f)  1^:XTRÉK  DES  CROISÉS  A  COXS TAXTIXOIM.E.  d'après 

Delacroix. 

7  l'"El    TÏSTl^   (LE),   d'après  Er.  Hais  ou    plus   j»i-ol)al)li'iiK'ut 

d'ajirès  Oonieuico  Feti. 

.S         FLUTISTE  (LA),   d'après  le  mémo. 


LES    FRAGONARD    DE    GRASSE 

'.I         LA     SURLRlSi:. 

1(1  LE  Ri:xi)i-:z-vors. 

11  L.v  (:oxi'di)i-:x(:E  ou  li-:s  sorvi-.xip.s. 

1?  LWM.vxr  c.orRoxxi':. 

\:\  i;.viL\xi)ox. 

l'ianclu's  in-folio,  tiratii-  l'ii  saiisuiiu-.  ;i  "JnO  i'|)ri'iivis  luiiiuToti-fs,  plus  une  soixan- 
taine d'essais.  11  y  a  aussi  de  très  rares  épreuves  d'étals. 


\i  liOMMI-:     TRISri^,    d'après  inconnu. 

15         LI^B1-:AL    (M'"'^   .Jules),   d'après   Friaiil. 


1()  LECTURE  (LA),  d "après  Fragoiiard. 

17  MÉDITATION,  d'après  inconnu. 

LS  MUSIQUE  (LA),  d'après  Fragonard. 

19  NATIVITÉ  (LA),  d'a))rès  inconnu. 

•20  PORTRAIT  D'UN   HOMME   DE  40  ANS,  d'après  Rem- 
brandt. 

•.M  RONDE  DE  NUIT  (2   pièces  miiuiscnlcs),    d'après  Rem- 
brandt. 

-r^  SAINT  PORTANT  UNE  CROIX  (Ecole  italienne). 

•r.\  SAINT  SÉRASTIEN,  d'après  Zurbaran. 

24  SAINT  LISANT,   d'a])rès   Piazzetta. 

?:>  SAINT  LISANT,  petite  planche. 

•je.  I^OURGMESTRE  SIX,  d'après  Rembrandt. 

V7  ROURGMESTRE  SIX  (sa  femme),  d'après  Rembrandt. 

•i.S  VIEILLARD  A  LA  LONGUE  RARRE,  d'après  inconiui. 

■>0  VIERGE  A  L'ENFANT,   d'après  inconnu   (1858). 

:'.0  VILLARS  (Maréchal  de),  d'après  H.   Rigaud. 


LES    MAITRES    DU    SIECLE 

(Collection  entreprise  par  (ieorges  Petit,  en  1889,  et  ai)an(lonnée.  Desboutin  exécutn 
les  portraits  suivants  sur  des  liélio^ravures  (l'a])rès  des  peintures  ou  des  photograpiiies. 
Il  n'y  a  pas  eu  de  tirat;e.  mais  seulenienl  (|uel(|ucs  ('preuves  d'essai.  Les  enivres  sont 
conservés. 


?>\ 

RAUDRY  (Paul). 

1)2 

ROILLY  (2  planches). 

:*»:{ 

COIGNET  (Léon). 

:u 

C0R04'  (copie  du  Corot  (k 

'  l)i)(()iirt) 

:i') 

COUTURE. 

;{6 

DAUMIER. 

'M 

DAVID. 

256 


:5«  DECAMPS. 

39  DELACROIX. 

tO  FRAGONARD. 

H  GÉRARD    (Baron    François). 

4-2  HOUDON. 

4:i  INGRES. 

44  ISABEY. 

45  MONNIER  (Henri). 

46  PAJOU. 

47  PRUD'HON. 

4.S  ROBERT  (Hubert). 

41)  TROYON. 

VIGÉE-LE  BRUX  (AP"*?^   peioiiant. 

VIGÉE-LE  BRUN  ET  SA  ITLLE  (M^^c). 


:>() 


PIECES  FAUSSEMENT  ATTRIBUÉES 

BAZIRE  (Edmond),  Journaliste. 

De  face,  cheveux  abondants  et  rebeUes.  rnoiistacbe  courte,    col    droit    à     i)oiiites 
recourbées,  vêtement  indiqué. 

Cette  ^'ravure,  dan.s  la  niauiÎMc  du  père,  est  d'.Vndré  Desboutin. 

CHANTEUSES  DE  RUES 

De  iH-ofil  à  gauche,  tête  renversée  et  inclinée  sur  l'épaule,  haut  chignon,    chiens, 
sur  le  front,  mains  dans  les  poches  du  caraco. 

PLANCHE  DE  CROQUIS 

Tète  d'âne  mangeant  des  chardons.  Trois  petits  i)ersonnages,  une  femme  et  deux 
hommes  esquissés  dans  la  partie  gauche. 

Voir,  en  outre,  au  catalogue  des  gravures  originales  : 

DEGAS  LA  MAIN  SUR  LA  BOUCHE  (2  pièces), 
(voir  catalogue  à  ce  nom). 

PIÈCE    DOUTEUSE 

INCONNU  A  LA  BARBE  NOIRE  (voir  ii"  127j. 

257 


Myclio  au  chien    (Peinture) 


25S 


ESSAI     D'UNE 

LISTE   DES   PEINTURES 

PAR   DATES  APPROXIMATIVES  DE  PRODUCTION 
ET  AVEC  LES  NOMS  DES  POSSESSEURS  ACTUELS 


Le  nom  d'un  marchand  de  tableaux  parmi  les  propriétaires 
n'est    que    l'indiGation    que    l'œuvre    a    passé    par    ses    mains. 

Les  peintures  exposées  aux  Salons  (Artistes  Français, 
jusqu'en  1889,  Société  Nationale,  à  partir  de  1890),  sont 
indiquées  en  tête  de  chaque  année  et  précédées  du  mot  : 
Salon. 

1860 

LE    TRIOMPHE    DE    S1LÈXI-: D^    All.orl    Hohin 

Mme  n    KT  SON  1-:XFANT '«'lui    Dr;i(kcn 

L-AUTELu  .iiaxi': 

SAINTE   .MADEEi:iXI-: 

UN    ARTISTE - 

1863 

L'HOMME    A     LA    PALETTE    (porlrail     de 

Dcsboutin) J-     H^shoutin 

ENFANT  ITALIEN  (lêto  crùludo)  (S.  1892)   .         X... 

2f)9 


1864 

LE    GHETTO    DE    FLORENCE,  figures   par 

DesbouLin,  paysage  par  Signorini M"""    Uarbour 

1865 

ASSUNTA Michaud 

FLORENTINE  AU  SEIN  NU Paul   Largy 

d»  (réplique) M^^  Darbour 

1866 

LA  RONDE  DE  NUIT  (d'après  Rembrandt)    .  C^"     Chéramy 

G.  LAFENESTRE M^e  Lafenestre 

1867 

TÊTE  DE  BLONDE X... 

UN  INDUSTRIEL  ITALIEN  (S.  1875)  .    .    .    .  X... 

1868 

M.  CASSIOLI J.   Desboutin 

1869 

Salon  :  JULES  AMIGUES Famille  Amigues 

]\lme    PELLE^TIER Daveziers    (Issoire) 

FLORENTINE  (tête  voilée)  (S.  1890).   ....  X... 

FLORENTINE  (étude)  (S.  1892)        X... 

TÊTF  D'ITALIENNE  (toile  ovale) I.    Desboutin 

1873 

Salon  :  M.  R.,  en  costume  florentin M.  R. 

TÊTE  DE  JEUNE   GARÇON D-"  A.    Robin 

HERALD    DUMAS J.   Desboutin 

ANDRÉ    DESBOUTIN - 

260 


LA  C.IIAISK  ABÉliK Durnnd-Ruel 

ITALIKXXE  PEIGNANT  SON  ilM-AXT 

ENFANT  AI"  MAILLOT  fdans  uiir  corbeilkO  .  - 

MftRE  ALLAITANT  SON   EN  I- A  NT  ....  X... 

M.    GRISON j      Desboiitin 

LA  TOILETTE  (Ire  peinture) l)r  Hobin 

BÉBÉ X... 

BÉBÉ  JOUANT X... 

TENDRESSE  .ma'1'i-:rni:lle X... 

ÉTUDE  DE  FEMME X... 

TÊTE  D'ENFANT  (étude) X... 

LE  BERCEAU X... 

1874 

Salon  :  IL  MLSICASTH Musée  de  Moulins 

DÉCORATION  D'UN  SALON,  à  Eoiilaine  lez- 
Dijon,  et   autres  peintures  murales Sinionriet  dTIennezel 

PETITE  FILLE  ACCOUDÉE X... 

ÉTUDE  DE  PETITE  FILLE N... 

UN  CHAT  EN  CAGE Durand-Rue! 

ENFANT    AU    CHIEN    BLANC    DANS    UN 

FAUTEUIL    VERT - 

LECLAIRE  (S.    1877) Famille    Ledaire 

L'HOiMMEALAPIPE Jean  Desboutin 

JEUNE  HOMME  AU  MONOCLE Ch.  G'ron. 

ENFANT  RIANT,   A    LA  MÉDAILLI-:    .    .    .  J.  Desboutin 

LE  BAIN  DE  PIEDS X.  . 

LA  TOILETTE  (2^  peinture) X... 

BÉBÉ X... 

LA  COUTURE X... 

LA  MÈRE X... 

2C.I 


1875 

Salon:   UN  IXDUSTRJEL   /7ML/EA' (1897)  X... 

Salon  :   Mme   I) Héral.l    Dumas 

LA  LKCTUHi:  (2^  i)eiiilure) X... 

ÉTUDIA  \)\-:  FKMMK X... 

FEMME  COUSANT J.     Desboutin 

LES  POMMES  DE  TEUHE Michaud 

ENFANT  EN  ROBE  BLEUE  (un  mouchoir  sur 

la  tête) — 

LEVRAULT,  (violoncelliste) M^e     Debierre 

ENFANT  AU  POLICHINELLE Fleischmann 

Mme  RIVALS,  (de  l'Odéon) Munier 

LE  BAL  DEBRAY  en  1875 X... 

DEGAS  LISANT J.     Desboulin. 

LA  MÈRE  ET  L'ENFANT Durand-Ruel, 

ENFANTS  JOUANT  AVEC  UN  MASQUE  .    .  - 

FEMME  SE  PEIGNANT - 

ÉTUDE  DE  JEUNE  GARÇON - 

JEUNE  FILLE  AU  CHAT - 

L'ENFANT  AU  MASQUE Bernheim  jeune 

JULES  DE  MARTPiOLD de  Marthoîd. 

LE  CARNAVAL X... 

DESCHAMPS,  marchand  de  tableaux  à  Londres  M^^^    Darbour 

LA  REPRISE X... 

LE  COSTUME X-- 

LA  GRAND'MÈRE X-- 

1876 

Salon  :  M.   G X... 

Salon  :  M.  A X... 

262 


PETITE    ESPII>(iLE Durand-Ruel 

LA   C0RRE(:TI(3N -  - 

L.    WARCOLLIER Warcollier 

ENFANT  AUX  LAMPIONS Hcniheim  jt-uiie 

FEMME  ÉTENDUE  SUR  UN  CANAP1-:  .    .    .  I)iiraiicl-l-{ii.| 

TÊTE   DE  FE^LME  EN  COIFFURE  liOUR- 

GUIGNONNE - 

FEMME  AU  TOUTOU  . (,;illiiii;u<l 

LA  PART  DU  TOUTOU  (sconc  d'intérieur)  .    . 

Mme  cOPvNEREAU Mustr  du  LuxeiuhourK 

Mme  CORNEREAU  (réplique) Cornereau,  ;i    Dijon 

JEUNE    FEMME     AU     CHIEN    SUR     LES 

GENOUX \... 

VIGNAUX X... 

1877 

Salon  :   LÉOX    LECLAIHE     (1871,  réexposé 

à  la  Cenlennale  de  1889) FaniilK-    Leclaire 

MÈRE   ET   ENFANT Jean     Desbout  in 

DESBOUTIN - 

do  copie  exécutée  eu    1(S97    ....  Crépi n-Lehlond 

EUGÈNE  LABICHE  (S.   1890) Jean  Desboutin 

Général    CHARETTE - 

Hyacinthe  LOYSON Famille   Loysou 

Hyacinthe  LOYSON  (élude  de  tète) Jean     Desboutin 

Mme   Hyacinthe   LOYSON Famille  Loyson 

LE  CHEVAL  MÉCANIQUE Durand-Ruel 

MtnG  CORNEREAU    JEUNE  (esquisse)    .    .    .  Cornereau 

Léonce  BÉNÉDITE Léonce   Bénéditc 

Félicien  CHAMPSAUR Ténicr 

L'ÉDUCATION  D'AZOR X... 

LE  MARTYRE  D'AZOR X... 

263 


NOURRICK  SUR  PLACI-: X... 

uéjeuni!:r  du  matin x... 

LE  BUVEUR   X... 

Li:  SAVONNAGE   X... 

Ll<:  PETIT  PORTEUR  1)'1<:AU X... 

LE  REPASSAGE X... 

ENFANT  AU  TABLIEli X... 

NATURE  MORTE X... 

1878 

Rien  au  Salon. 

L'AMATEUR X... 

LES  MARIONNETTES  ET  MYCHO DM^obin 

MYCHO  SE  RP:NDANT  A  L'ÉCOLE - 

MYCnO    MONTRANT    UN    CHAT    A    CHI- 
QUINE Duraiid-Ruel 

MYCHO     AU      PORT      D'ARMES      ou     LE 

VOLONTARIAT _ 

L'HOMME  A  L'ÉPÉE - 

L'HOMME  A  L'ÉPÉE  (réduclion) - 

BÉBÉ  DANS  UNE  CHAISE - 

BÉBÉ  DANS  UN  PANIER  D'OSIER  ....  - 

SORTIE  DE  BÉBÉ _ 

EN   VOITURE - 

ENFANT _ 

COMTE  D'IDEVILLE J.    Desbouliu 

Dr  Albert  ROBIN - 

LE  FRÈRE  NOURRICIER   .    .    .' - 

LE   NOURRISSON _ 

LE    SOMMEII _ 

LA  GAMELLE _ 

LES  PREMIÈRES  LAR.MES  ......  - 

264 


UX  COIN  D'ATKLll-l'v  i    i>    i      ,• 

ÉTLDI-:  DU  CAllÇOX 

LA  TRICOTKUSH 

LE  HLVJ':iL  \)K  BKRK 

LA  PHK.MIKLvK  DKXT 

RÈVEHIK 

PREMIÈHK  LECOX   DÉQUITATIOX 

CHIEXETCHAT 

GOUTER  A  LA    PORTl-:  1J|-;  LÉCOLl-:  ... 

1879 

Salon  :   Mme  B X 

Salon:  DMLLY  DAX  S  MES  BOTTES  {\>^H\)  .J.  Uesboulin 

DAILLY  DAXS  .MI-:S  L,()T'ri-:s  (iNTt;).    .    .    .  Daillv 

^°  ....  Dr  Landau 

^'*^  (étu(k').  .F.    (rrand-CarUTct 

M'"e  ROBLX.  (mère) Dr  Hobin 

WAGXER    _ 

Mme  WAGXER 

L'AMI  CAUCHOIS X... 

BÉBÉ  ET  MAMAX  COURAXT Durand-Ruel 

xouRRicE  i:t  XOURRISSOX 

LE  LEVEE,  DE  CES  MllsSIEURS - 

LA  COXVERSATIOX _ 

AU  PIED  DU  Mi:i\ _ 

COXFIDEXCES _ 

LE  PHILOSOPHE _ 

A  TABLE  

LE  EAVORI _ 

LE  TRAVAIL  (2e  peinture) ^ 

CET  AGE  EST  SAXS  PITIÉ 

265 


L1-:  BIHi:iU)X Dunmd-Uucl 

];affai\ii^ 

LA  siKS'n-: - 

l'ii.i.i-.iri-:  i-:r  sa  poiji'KI': 

>n(:iu)  LAriu':A'i"     - 

I/ACHOBATI-: 

Li:  .IiaJNI-:  PHINTHI'. 

1880 

Sîiloii:  Mme  C.  (Conifrcau)  IcSTC Musée  du Luxeinbourf^ 

Salon  :   LA    FAMILLE  L()\ SOS M""'    II.    Loyson 

JELNK  (.ARÇON  DANS  UN   (xHANl)  FAU- 

TKl'lL  (tenanl  un  chien) J.     Df.s])uulin 

.M\(:ii()  AI    (.iiii<:n — 

JEUNE   (lAHC.ON   DANS  UN  (iHAND  FAU- 
TEUIL  . U'    Hobiii 

M'"e  DESI^OUTIN  EN  DÉCOLLETÉ   ....  Duraiid-Huel 

]-:NFANT  jouant  (assl.s  sur    un    lapis    dans 

l'cnibrasurr  d'une  |)oile) J.  Desboulin 

AMOURS — 

ENFANTS  .JOUANT  (donl  un  dans  une  eliaise)  — 

LA  CHAISb:  PERCÉE Baniathan 

S(.ÈNE  MATINALE  (nieieel  2  enfants).    .    .    .  J.  Desboulin 

L'HEURE    DE    LA    SOIPE    (2  enfanls    assis 

par  terre  el  niangeanl) — 

GUIGNOL  b:N  FAxMILLE — 

LESBAINS  (tI-:()RGES,  A  NICb: - 

BÉBÉ  AU  CHAT  (dans  une  pelilc  chaise)  .    .    .  lîarnathan 

SCÈNE  MATINALE  (mère  el  enfant) — 

I  E  (JIARIOT  D'OSIER J.  Desboutin 

M"e  MOU-MOU X... 

NATUBb:  Moiun-: X- • 

SOBTII-:   1)1-:  BÉBÉ X-- 

2li(i 


FILLETTE    AU    CHAPEAU    GRIS    {\^^A) 


intkhii-:l'p> X-- 

COLLET  L^L  FOLi^lURI-:  (portrait  de  ffiiim.-)  Musca-  de  .M<.uliiis 

Mlle   VVOXXi-:  (, Cornereau 

.Mlle  A\XE-.\L\H1L  ( _ 

Mlle  Jl-.AXXK    (. _ 

(l<j  _ 

KXFAXT  AL  .lOLKT I'.   Hubi.iuel 

.JEUN1-;   1-lLLL X... 

REPOS  AL  SQLARE X... 

1881 

Salon  :  M.  C X... 

Salon  :    DURAS  TV X... 

LA  COXSLLTATIOX  AL  CHAT L  Desboutin 

ENFAXT  AL  POLICHIXELLE _ 

LE  PETIT  MODÈLE 

(lUIGXOL  i:X  FAMILLE - 

CHIQLLXE  EX  CHAPEAL  BLAXC    .... 

L'ÉCOLIER    MODÈLE .Michaud. 

LES    PREMIERS   PAS  "(bébé  se   tenant  à  une 

chaise) .  ,1.  Desboutin 

ÉTUDE    D'EXFAXT .Michaud 

ENFANT  AU  PAPILLON - 

FEMME    AMUSANT    SON    ENFANT   .VVEC 

DES  MARIONNETTES .\rbogast 

MÈRE  PEIGNANT  SON  ENFAXT J    Desbouim 

L'ENFANT  AU  LAPIN — 

LE  LIT  CAGE  (bébé  endormi) — 

UN  PETIT  TRAINEAU  (chaise  renversée)  .    .  Arbogasl 

PETITE  FILLE  A  LA  CHEMISETTE  ROSI-:  .         Barnalhan 

1882 

Salon   :  ALASSOMÈRH I-":irnille  Alassonière 

267 


ENFANT  CIIFA'Al'CriANT  UNE  CANNE.    .         Arbogast 
MARTI  lA X... 

NUS  ])"i:N]^\\Nrs X... 

i>ETiri-:  Niçoisi-: x... 

poiriiîAir  iriio.MMi': X... 

VIEILLI^  I)AM1<:  DANS  UN  FAUTEUIL  .    .         Barnalhnn 

MATERNITÉ Micliaud 

LA     BONNE     l^ÈTI':    (femme    ])()rtaiil    deux 

enfants) Pelil  Palais 

1^I-:HI':     griffonnant     (assis    à     lerre,    en 

chemise) Arbogast 

TÈTE  DE  JEUNE  Fl^lALMli X... 

FRÈRE  ET  SŒUR J.  Desboutin 

ÉTUDE  DE  PETlTb:  FILLE  (assise,  en  chemise 

blanche) J.  Desboutin 

FILLETTE  AU     CHAPEAU     BLANC     AUX 

RUBANS  NOIRS ArbogasL 

1883 

Salon  •  JiJVE  A  LA   FOUJiRlUiE.    .    .    .         A((|uis  par  TÈlaL 

PbyriTE  FILLE  AU  CHIEN  (S.  de  1890).    .  .1.   Desboutin 

Pb/ITTE  FILLE  AU  POLICHINELLE   ...  — 

b:NFANT  NU  ENDORMI - 

NICE  (vue  de  la   fenêtre  de  l'artiste)    ....  — 

VUE  DE  NICE — 

VUE  DE  NICb: - 

DEUX    ENFANTS  JOUANT   (assis   dans   un 

bosquet Michaud 

PETITE  FILLE  AU  RUBAN  BLANC T.  Desl)outin 

PETITE  FILLE  AU  PANIER  NOIR   ....  Barnathan 

ENFANT  BUVANT  A  LA  CRUCHE - 

UN  JEUNE  VIRTUOSE - 

268 


ENFANTS    I)\NS    T'N  FAUTEfIL  (nvc^-  un 

petit  chai  noir) Arhotjasl 

FILLETTE  ASSISE  LES  HHAS  NES  (ctiuk) 

TÊTE  DE  JEUNE  FILLE .1.  I)('sl.f)Ulin 

TÊTE  DE  JEINE  NIÇOIS  (de  |)runi)  .    ... 

TÊTE  DE  FE.M.MI-:  LEVANT  LES  YEEN  .    . 

ENFANT  ASSIS  LEVANT  LA  TÊTE  (élude). 

NIÇOIS  AU  BÉRET  ROUGE Scliallat 

PETITE      FILLE     AU     CHAPEAU     A     LA 

PLUME  DE  PAON  (étude) Ail.oi,»asi 

ENFANT  AU  PP:TIT  THÉÂTRE - 

UNE  GRANDE  REPRÉSENTATION  ....         J.   Deslx.uliii 

ÉTUDE  D'ENFANT,  (épaule  nue) 

FEMME  ACCOUDÉE  (élude) Mieliaud 

DESBOUTIN  A  LA  BLOUSE J.    Deshoulin 

D^  LAUGIER,    de   Grasse — 

ENFANT  AU  CHAPEAi:  DE  FEUTRE  ET 

A  LA  FOURRURE — 

ENr^-VNT  DÉGUISÉ  (eosluiiie  blanc  cl  rouge)  .  — 

d°  ,     répii(pu'  (le   l.S'.l?    ...  Créi)in-L(bl<»nd 

ENFANT  BUVANT  (sur  la  margelle  d"un  |)uils)  Arhogasl 

LA  LECTUR1-:  INTERROMPUE — 

JEUNE    FILL1-:    ACCOUDÉE    (au\    cheveux 

épars) Mieliaud 

ENFANTS  AU  MIROIR I.    DcsI.ouliii 

LALEÇONDECOUTUFvE Arhogasl 

JEUNE  GARÇON  AU  CHAPEAU  DI-:  PA1LLI-: 

(profil) X... 

PETITEFILLi:  AU  CHAPEAU  NOIR J.  DeslM.ulin 

L1-:S      l'RAGONAlil)      Dl".      «.IIASSI-:.      riiui 

l)ochadcs  peintes,    dont   .'l   perdues  cl  2  à      .  .1.    Deshoutin 

do  copies  peintes  en   réductinu   .  X... 


21  >9 


1884 

Salon  :  CHIENS  A    VENDRE 

CMAT  SUR  UNP:  CHAISE  (pochade)  .... 

KNFANT    AU  POLICHINELLE    DANS    UN 
FAUTEUIL 

ENFANT  AU  PANIEH 

LA  FEMME  AU  CHIEN  NOIR 

UN  PETIT  SUISSE  DE  CATHÉDRALE    .    . 

LA  MÈRE  JAQUONE 

LE  CHEMIN  DE  L'ÉCOLE 

TÊTE  D'ENFANT  (au  col  plat) 

ENFANT  MENAÇANT  SON  POLICHINELLE 

Ph/riTE  FILLE  AU  CHIEN 

ENFANT  AU  CHAPEAU  BLANC 

LA  POULE  ET  LE  POT 

PETITE  FILLE  AU  CHIEN  POSÉ  SUR  UNE 
CHAISE 

FILLETTE  AU  CHAPEAU  GRIS  (avec  ruban 
de  velours  marron) 

ENFANT  NU  COUCHÉ  SUR  LE  GAZON  .    . 

ENFANT    AU    CHAPEAU    GRIS    (dans    un 
fauteuil  à  fleurs) 

ENFANT  AU  BONNET  ROUGE,  RIANT  .    . 

ÉDUCATION  DU  POLICHINELLE  ..... 

ENFANTS  AUTOUR  D'UNE  TABLE  RONDE 

ENFANT  AVEC  UN  CHIEN  .lAUNE  .... 

1885 

Salon  :  ÉTUDE  POUR  UNE  PROCESSION 
DES   ENFANTS  D'UN  ASILE,  A  NICE 

VUE   GÉNÉRALE  DE  GRASSE 

l-N   RÉMOULEUR    (S.    1901) 

PETITE  FILLE  A  LA  MÉDAILLE  (Nice)   .    . 

270. 


X... 

.1.  Deshonlin 

d« 

do 
Bernheim     jeune 
Durand-Rue! 
.Musée     de     Nice 
Miehaud 
Hariuilhan 
Michaud 

Barnalhan 
.1.    Deshoutin 


Michaud 

.1.  Desboutin 

Arbogast 

Michaud 
Barnathan 
.1.   Desboulin 


X... 

.1.  Desl)oulin 


1)1 

iiraiul-I-'iii 

irl 

D' 

Laiulau 

Al 

Ixif^asl 

.). 

I)(Sl»()lll 

in 

X 

... 

.1. 

Dcshoul 

in 

M 

icliainl 

.1. 

DcsIh.uI 

lin 

B: 

irnalli  111 

.1. 

DL'sboul 

in 

AMOLRS  DANS   CN   1>\1;(.  ((.rass.) I.    Di-sl.unlin 

MYCllOTAOriXAN'l"  I.I-:  C.IIIIA  l'.l.iol     .    .  ^ 

L'ATELIl^H  I)K  (rnAVri{|-;,  a  Nier — 

joueur  1)k  vikli.i-: 

i>  chonnof 

lazzahoxp: 

LAZZAHOM-:    (arcondé.    un     Inas    liois    ik-    la 
chemise) 

JOUFXîH  \)E  F] A  TE      

PETITE     FTLLE    AU     l-OULAP.I)     ROUdl". 
(S.    1800)       

FEM.ME  AU  CORSAdE  HLAXC 

DEUX  SŒURS  (élude) 

DESBOUTIX  A  LA  T0QI:E  XOIRE 

ENFAXT  A  LA  CRl'CHE 

LE  MARCHAND  DE  CHATS - 

VIEUX     MEXDLXXr    APPUYE    SUR    SOX 
BATOX Micliand 

1886 

Salon   :    in    n Bart-lN.  Députe 

Mii«   Louise    RlvXD Loui^i-  \\ciM\ 

M'"e  DESBOUTIX  (Xiee) M"""   Do.sh)ulia 

LA  MAR(xUI-:Rrri-: '•   Desh.mlin 

JEUXE    XK.OIS Dnrand-F^nrl 

CAXoTAdi-:  i-;t  pp.osrrn  tiox x-- 

Deux  études   pour    c,'    lahiran X-  • 

VIEILLE  AXCrLAlSl-:  l-.X  l'.LAXC  (élude)   .    .  liainallian 

DESBOUTIX   AU  lîAXDEAU Micliand 

LA  LESSIVE '•  Desboulin 

ENFAXT  JOUAXT  AVEC   IX  CIIII.X.  (dans 

un  fauteuil  à  fleurs) .Mieliaud 

271 


1887 

Salon  :    lUC.NY Hig'iv 

JEUNE  EILLE  AU  CHIEN !)••  Robin 

PORTRATI'    DE   EEM.ME  (Nice) X-- 

PORTHAir  DIIOM.ME  (lèlc  do  vieux  iii,nieiii)  X-. 

1888 

Salon  :  LK  FILS  DE  LAITFA'R  (Mycho).    .  X-.- 

Salon   :  Mme  M Darleyre   (Nice) 

JOSÉPIIINh:    CHABOT Uuraiul-Rnel 

DESBOUTIN  AU  VESTON  BLANC Barnalhan 

ANCIENS  REMPARTS  D'ANTIBES    ....  J.  Desbontin 

.JEANNE  D'ARC  (étude) X-. 

ClIIQUINE  AU  CHAPEAU  GIHS  (datée  PJOl)  Cre|)ni-Lebl()nd 

1889 

Salon  :  L  HOMME  Ql  l  RIT X-.- 

DESBOUTIN  DANS  LA  PÉNOMBRE J.  Desbontin 

DURAND-MORIMBAU David 

CANARD  (nature  morte) Michaud 

DESBOUTIN  (sur  loile  à  gros  grain) Barnathan 

1890 

Salon  :   CA'  FUMEUR  (Desbontin) X-- 

Salon    :  EUdÈNE  LABICHE  (1877)  ....  X--- 

Salon   :  Mme  M X... 

Salon  :   PETITE  FILLE    AU   CH lEX  (\HH?,)  ]y   Landau 

d"  réplique  de   1(S*.)7 Crépin-Leblond 

Salon   :  PETIT   CARÇOX   EX  PITRE.    .    .  X 

Salon  :   UXE  ROXXE   BUTF  (1882)       .    .    .  Petit  Palais 

Salon  :     BOUQUETIÈRE    XIÇAJISE   (.leune 

fille  coiffée  d'une  feuille  de  chon) X-- 

272 


Salon   :   FfJ)I{i:.\ri\i-:  (lC-[v  v..ik-c)  (18»;'.»)    .  X... 

Salon  :    POl  P().\\E     (ftude  <!.•   i.'t-  -l.- netiU' 

fille)  (1885) X... 

Salon   :  L/^OAT/-    /;/^\7^/;/ 77:  ,1877).    .    .  la-onci' Bcnédite 

•lOSÉPIIIX  PÉLADAX  (S.    18'.il) >!"•«  K-ladan 

PF/riTH  FILLK  ACCOlDHi;  (,K.  fare) J.  Di-sboulin 

1891 

Salon  :  JOSEPH IS    PÉPAbAS   {18!i(»).    .    .  Mme    pùladan 

Salon   :  niATIiE  ï-yilDES X... 

Salon    :     AQIARKIJJ-]      D'APRES       FI{\- 

(iOXAPI) X... 

MiieB MUeB. 

ÉTUDE    DE    EE.M.ME.  (la    lèle    appuvo,"    sur 

'^    "lai") \rl)(.i,'ast 

CHIQUIXE  PEIfxXAXT I.  Deshoulin 

LAFEMME  Ar(:iIAT(S.  189^) d" 

PUVISDECHAVAXX1-:S  (rorn|)osilion)    .    .    .  Musi-u    d'Aniions 

ETUDE  (Porirail   de  .Maicfllin   Drshoulin)  .    .  .Musée. lu Liixi'niboiirg 

1892 

Salon  :  Mlle  DE   (7 M"^    de    G. 

Salon  :   E\EA.\T     ITAUES     (lèLe  d'éludé) 

(1863) X... 

Salon  ;    RA  V EL,    Ingviiicur .Maurice   Ravel 

Salon  :   L'AI' TEC  H   (pastel  vi  peinture).    .    .  Musée   de  .Moulins 

Salon  :  UAL'THl'R X-. 

Salon  :  FLORES  LISE   (étude    1869).    .    .    .  X... 

M"e  C.  G Mtne  Glace. 

ARISTIDE  BRUAXT  (  S.  1869) I.  Deshoulin 

ARISTIDE  BPvUAXT  (réplique) A.  Bruant 


Mme   FOULÉ 

LA  MARGUKHITK  «  Pas  du  tout  » 

DESBOUTIN       A       LA      TOQUE      NOIRE 
(sans  pipe) 

PREMIER  PRIX  L)I^  SAGESSE 

.Iia^XE  FILLl^  (élude) 

LA  PROMENADE     

LES  CORNES 

EILLI':TTE  (étude) 

LES  premi1':rs  pas     

L'ÉCOLE      

El<:    TRAVAII.  (U^^  peinture) 


1893 

Salon    :    ARISTIDE    BRVANT  (réexposé 
à  la  Centennale  de  1900) 

L/sO\  MAILLARD 

ERIK  SATIE 

Mme  E 

Mme  H 

POSSARI) 

COMTE  DE  R 

Mlle  X 

Mme  DE  S  ROI' TIN 

LIPMASS 

BORDS  DE  SEINE 

PRIÈRE  (étude  de  femme).    ....... 

Dr  LANDAU 

ENFANT  JOUANT  AVEC  UN  CHAT  .  .  . 

1894 
Salon  :  A//.S'.S'  MAUD   (iOWE 


Salon 
Salon 
Salon 
Salon 
Salon 
Salon 
Salon 
Salon 
Salon 


Foulé 
Rarnathan 

Michaud 
X 
X    . 

X ... 

X 

X. 

X 

X 

X... 


.1.    Desboutin 
L.    Maillard 
Erik  Satie 
M'"^    F. 
M'"''   R. 
p^ois  Ponsard 
C'«     de    H. 
X 

X ... 

Lipmann 

.1.   Desboutin 
Rarnathan 
D'"  Landau 
Grciisamer 

M"'e  Mac  Rride 


274. 


Salon   :    ÉTIDE   DE   l'EMME X... 

Salon:    EEMMi-l   M       r.7/.r/'  (  l.S'.ll  ) .    .    .    .  X-- 

Salon  :   Mlle   DE   E MUe  de  li. 

Salon  :   AMIECAE  CU'HI.WI X... 

TÊTK  Di:  .li:rXl-:   IUAA: Iules  Panis 

DESBOUTIN  A  LA  FOlîRHUKE 1)^  Landau 

1895 

Pas  de  peinture  au    Salon. 

PIERRE  HAl'DIX  (S.  1X97) 

MAURICE    SARHAIT 

FUMEUI^  ALLL.MAXT  SA  PIPE  (mônic  suj.t 
que  la  i^ravure.  |)ortrail   de  Desboulin)    .    .    . 

DESBOUTIN  EN  GRISAILLE 

1896 

Salon  :    WIEEEITE.  en   Pienol 

Salon  :  Mlle  X 

1897 

Salon   :   LA    DAME  Al     TOITOV X... 

Salon  :    USE     EASSIEHE     DHOWErH 

AE    CARXAVAE    !)E     MCE X... 

Salon  :   L'Ai'TEEK MuséeiJ'J Luxembourg 

Salon  :    AEEKEl)    MOHTIEE Mortier 

Salon  :   EU  G.    EOE  liSIÈRE Famille   l-'ournière 

Salon   :   PIERRE   H  Al  DIS  (l.S'.)l) M"'<'  P.  Hau.lin 

L'H()MMi':-()P.(;iii-:sri{i-:  (S.  i899) x... 

1898 

Salon  :  .\L\R(:nAM)    iy()Ii,.\(>\S  DE  EA  Mairie  du  18e  Arr' 

RI  V  1ER  A (Paris) 

275 


M"ie  H. 

Baudin 

Maurice 

Sarraut 

.1.    Deshoutin 

Clément - 

Janin 

X 

M"'^     X 

Salon  :   DAME  MILA\AISE(oyi\\c).    .    . 

Salon  :   MAIRICE  BARRES 

Salon  :  M.  B 

Salon  :   LA  POVLE  AU  POT  (nalurc  morte 
GILHiavr  STRNGER 


1899 

Salon   :   L' Il OMM E-ORCII ESTRE  (1897) 

1900 

Pas   de    Salon. 
A  la  Décennalr   : 

BRUANT  (1892) 

Mme  c.  (1876) 

PUVIS  DR  CHAVAXXES  (composition)  . 

1901 


X... 

.Manrice   Barrés 

X  .. 

X ... 

Société  des  Gens  de 
Lettres 

x... 


Salon 
Salon 
Salon 
Salon 


TA'  RÈMOLLEUR  (1885) 

MATERMTÉ 

LES  PREMIERS  PAS  . 
L AUTEUR 


J.  Desboutin 

Musée  (lu  Luxembourg 
Musée  d'Amiens 

,).    Desboutin 

X... 

X... 

X... 


276 


INDEX    DES    NOMS    CITÉS 

A   l'exception    de  ceux  contenus  dans    le    Catalogue   des    Qravures, 
fait    par   ordre  alphabétique,   et  de  ceux   compris   dans  la    Liste  des  Peintures. 


Acliard    lAiiK'déf).   —   'l'J. 

Adam   (Paul).  —    l'iG. 

Adoration  des  bergers.  —  21.   ;{.'>. 

Albarraii    (Dr).  —    16'.. 

Albert    (poinlr.).   —    lui,    Kl'.). 

Albizzi.  —  24   cl   suiv. 

Alboizo.  —   124,    133  ft  suiv..   2(i(;. 

Alliou.  —   135. 

Aima- Tadcina.   -—    llO. 

Aniigues    (.Iules).     —   27,  41,  44,   4.'>   et 

suiv.,   î)\,   .")6,   7.5. 
Annales   bourbonnaises.   —    1,')U. 
Antistliène.  —    II. 
Arago    (Etienne).  —  48. 
Art   (L').  —  137. 

Art  et  Archéologie  iBibl.  d).  -    (i'i.  H'.7. 
Art   (L' )  français.  —   14 G. 
Artistique   (L).   —  166. 
Astier.  133. 

Aslruc    (Zacharie).  —  91. 
Aiiofier   (Kniile).     -     1ô.   ôU,   75. 
Aujiiuste    (Morisieui-).   ---    14. 
Avenir  National   (ij.  48. 


Babou   (llipp.).  '-  91.    110. 

Baldimonney.  —  38. 

Ballanche.  —   II. 

Balzac.  —  15. 

Baréty.     -  144,  160. 

Barrés   (Maurice) .  — 

Baud-Bovy.  —   109. 

Baudelaire.  —  41. 

Baudin    (l'ierro) 

Bazire.  —  135, 

Becquet    (Just). 

Bellosiîuardo.  - 

Belot.  —  91. 

Bénédite    (Léonce).    -    110.    l.">(»,    174. 

Béraud    (Jean).  —  90,   96,   2Ul. 

Bérend.  —   135. 


150. 


1.50. 
137. 
—  99. 
-   23   et   suiv. 


l!eiii;ird    («iabriel).  IS.5. 

1  iernlieim    jeune.  I  'l  2. 

iJerry    iduc   de).  16. 

Hesnanl   lAlberlJ.  —  l'i5.   168.  20'i. 

liiauzat    (de).   —   21. 

Bi'.'ot   iCiiarirs).  —  76.   78. 

Boecace.   —   24. 

Holdiiii.   -      27,    'i2,    Kil. 

lione    Muirhead).  2l)'i. 

Honiial.  163. 

HoiUie     lie    |)ère).  162. 

Bonnielion.  l.'i. 

liollieejji.   -     43. 

l50Ul]Uel     de     la    (iiN  e.  !  l'.i. 

Bourbaki.  72. 

Bour<îeois    (Urbain).   —   27. 

Boyer.  —  27,   28,    195. 

Hràcken    (W.).  —  63. 

Bracken    (Marie).  ^      12ii. 

Bract|ueniond     i'elix  .  145.    152,    167, 

195.   215. 
Bridault.  217. 

Brown    i.I.-L.).   —    133. 
Bruandet.   —    il. 
Buhol   (Félix).  —  98. 
Bulletin    de    la    .'Société    d' Eniulatiuu    du 

Bourbonnais.  '.\. 

Burly.   —   91,    113.    11'..    119. 
Burty   (Madeleine).  1  19. 

Byron.  —  70,    1  H». 

Cadart.  —  213.   217. 

Cadol   (Kdouard).  —  53. 

Calcar.   —    17. 

Callias  (Mme  H.  d.).  -    119. 

(larabin    (lluperli.      -  95. 

C.aravafîe.   —   4.3. 

(  ardinal    Duhnis    (Le),    drame.    —    71. 

72.  73  et  suiv.   169. 
(.a mot    iSadil.  154. 

(  ^arrier-BelIeuse.   -■-   95. 


Casiinova 

— 

~   II. 

Caucliois. 

— 

82. 

Cazin 

(J. 

-C.) 

.  — 

15, 

U8 

Ct'llini 

-  6 

CéiilK 

0 

,  3. 

ig;{ 

Cézani 

le. 

— 

172. 

Cliabr 

IT 

(El 

iinaïuiL'l 

.   - 

(lliaîiH 

122. 

!.■)■ 


Cliinlieuii.  11. 

Cliampaigiie  (Pliil.  de).  ITâ. 

Cliaiapsaur.  1U2,    lU'i. 

Cluuusuns  et   Cliansonnt'lles.    ---   '.>.    21). 

Chapu.       -  2(i. 

Chardin.     -     18».    1 8G. 

Cliarkl.  IV. 

Cliéramv.     -     18. 

(^hesncau    (Krnesl).  l'i- 

Clievrcul.     -  98. 

Chi(iuiiie.    -    12U,  l.'i'.»,  H',().  Ki'i,  IGâ,  18.") 

Cliodruc-Diiclo!*. 

Cipriaiii    (Amilcarc 

Cladel    iLcon) 


-      15U. 
II.   W. 

Clarctic    (Juli-s).  --   III,  27. 
'l'i,  VJ,  56.  5'.»,  l'A,  7'i,  75. 


;iG, 

78. 


'i3, 
1U2, 


iiy,  12U,  i;i5,  15 

(^lcriiionl-l''erra  1  id . 
Cohen    (Henry).     ll'J 
(.olonna   (Duidie.sse). 
(  'oiinaissance   (La) . 
(.orneille.  —  53. 
(iurnerean.   —    178. 
Corot.     -     172,    173. 
Cosue-sur-1  QmI. 


IU8. 
60.    6 


/  I . 
215. 


6,    13    el   siiiv. 


Coudcro.    —    l'i. 

Courbe L           172. 

Cuuture.      -  5,   8, 

169. 

Cratès.  —    11. 

Crauck.   —   27. 

Crédit   Foncier  de 

Franc 

1'. 

12.' 

Crépin-Leblond. 

2,    6 

79 

112 

Cnslozza.  —   'il. 

C.uvillier.   -      135. 

Cyrano   de    Herperac. 

II. 

ItiV 


Danipl    (Jean).   —   92. 

Darier.  —  85. 

Daunita.    -      26,   27. 

Daiivilliers    (iMiuna).  119. 

David.  —  172. 

Davin-Duvivicr.   —   1^. 

Débals   (Journal  des).  47,    'i8. 

Degas.  —  16,  90    92,  101,  114,  119.  157. 

170,   201,   204. 
Delaborde    (Henri).   —   181. 


I\. 


42,  i; 


210,   215. 

).  --  202. 
119. 
|15arthélenii; 
(.Mme)    mère 

(.Mme,'    ^e    le 


mmc  de).  — ■ 
10.    1 
120 


19, 
63,   120, 


passirn. 


Delacroix.  - 

Delaigue.  — 

Delatire.   — 

Delteil    (Loy 

Dcscham|). 

Deshoulin    (  Harthélenii).  2,    6. 

Desboiitin    (.Mme)    mère.   —  2,   60. 

Dosl)outin 

37    et   sniv.,    I  19. 
Dcsboiilin    (.Marie). 

164. 
Desboulin    (les    lils) 
Deshrosses.    —    11. 
Detouche    (Henri).      -   20^ 
Diable   (Le).  —  47. 
Diderot.     -^   11. 
Diogène.    -—   11. 
Domiciles    de 
Doucel     (.lae(| 
Drcux-lirézé 
Dubarry    (la). 
Dubois-Pillel. 
Duhuisson.    — 
Duez.       -  204 
Dujardin. 
Duniaine.   —   75. 
Dumas    (.\.),    père.     -    III. 
Dumas    (A.),    lils.   --    119. 
Dumas   (Herald).  —  76,  82,  84,  114 
Dupont    (Ficire).  —   11,   9. 
Duraiid-Uuel.  —  74,  122,   135,   200 
Durauty.   -—  91,   114,   157. 
Durrt    l'i'ii.i.  —  5,   114. 

Eclair   (L  ).     -    181. 

Edimbourg.   —    146. 

Eloa,   poème.  —   76. 

l^pictète.   —    II. 

Estampe  ( L' )  ri  ï  Ajjirhc.  —  202. 

Etex.   —  5,    169. 

Eudes.      -    199. 


Des 

hou 

lin. 

-   8 

1. 

•  es) 

-    - 

44 

135, 

16 

Mgi 

•    de 

.   - 

-  61. 

— '■ 

127 

et 

suiv. 

— 

95. 

14 

1 99 

aguet    (himiie). 
antin-Ealour.   — 
aure    (Henry).     - 
aure-Dujarric. 


99. 
90. 
200. 
27. 


eiiuiie  accoudée.    —   21. 
emine  au  chat   (La).   - 


150. 
200. 


150, 
11. 
-  111,  2.  31.  47, 


eti  (Domenico).  — 
eudlct  (Octave).  — 
''igaro  (Le),   journal. 

i50,   215. 
Floquot   (Ch.).         27,  41.  51,  95. 
Florence.  —  12.   (Voir  Umbrellino),  59. 


278 


ISd. 

l'.l. 


170. 


l"oiilaiiii-l(/-Diji)ii.         7  1     " ',     171,     1^', 
l'orain.   — ■   y.i. 
Foscolo    (Ujîo).       -  ;{."). 
Fouriiièr<-   (lùiif^èm-).  i:,(j. 

Fraïoiiard.   —    1J7   <■{    stiiv.,    1 7n      Is-J 

18'..    196.   2U(),    -JIU.      . 
Frtuigipaiii    1  .Nictjlo).     —   30. 
Frédérick-LL'iiiaîlrr.          '.i",i. 
Friek.          13,^. 
Fumeur   (illunnuil   .\a    in/te.    1  .jU. 


(iaillani    (FiTd.).  Kw,    lîDJ. 

Gaiiisborough.  170. 

Galilée.  —  2/.. 

Gazette  des  Beaus-Aits.  12 

Genève.  ^  2,  10,  iV.K   1  :(."..   l'.'i 

GessiKT.   —   69. 

Ghirlandajû    (Doin.).   —    12,   '«: 

Ginain.   —  27,   30. 

Giueste   (Raoul).     —    l.')7. 

GiorgioiK!.  —  31. 

Giron.  —   10. 

Glascow.  —   l'i(). 

Gœneutte    (Norixrli.     — 

Gogli    (Van).  —   II. 

Goncourt    (Ed.   de). 

102,  119,   184.   202. 
Gone   (Maud).  150. 

Got.  —  45,  46,   56. 
Goupil.      -  206. 
Goya.  173. 

Gozzoli.  42. 

Grand-Carteret    (.Joliii). 
Grasse.  —  129  et  suiv. 
Gratry   (le   P.).  —  3. 
Gros.   —   172. 
Guerbois    (Café).  —  89 
(iuillaunie  (Edmond).  — 
•i^.    195. 


98,    119. 


13, 


135.    193. 


l    >ui \  . 
26,  28. 


Haas.  119. 

Habeneck   iCh.).  27,  41.   51. 

lladen    (Sevniour).  —  204. 

Hais   (Franz).  —   122.    150,    170.   200. 

Havard    (Henrv).  —  200. 

Ilaviland    (:\Ime).  —  112.    119. 

Hav    (Mieliel   de   L').   —   95. 

Havem.  —  120. 

Helleu   (Paul).  —   168.   204. 

Hftiuis.     -   120. 

Henner.  —  85,   87,    156. 

Hernani.  —  50. 

Homme  à   In   pipe.  146,   213,   21'!. 

Homme  au  grand  chapeau.  —   146. 


llii^o    iN'iilor).  15,   50,   74,   78,    166 

Idi/Ufs  et   (luiii.Hons.       ■    25. 

lilHstratiiit(    Suisse.       -    14  6. 

I nronnuf   au   riirsa'^e   bror/ié.  21. 

I ndrprndiinre    helf^e.  'i7. 

In-n-,.    —     172.     174,     201.  216. 

Ingres  i.Mine).  I06, 

Issoirr  iPu\-d.-l)ôni.).         8,  21. 


.lacijuf    (Charles).      -    2(J'i.    215. 

.Jac(|ueniart   (.Jules).  215. 

.Janih   i.lules).      -  47,  48,  99,   186. 

Ji-annirit    (Georges).  2'>'i. 

.Icdirl    i(;as(on).  lOl. 

.louaii>l.  120,    2011. 

.lourdain    (l'rant/.).  102. 

■  fouriial   des    (iniiruiirl.        \i>ir  Goncourt. 


Klenck.   — ■  95. 
Klinger    (.Max). 


215. 


I.ai>iclie    (Eug.).  I(l5.    1 5n. 

LatVnestre    (George>|.   —    12.    24,    26   et 

sniv.,  32.  40,  56,  85.  I(t2,  1  11.  135.  167. 
Lafonlaini-    (N'icloriai.  'i7. 

Laforgue    I Jules).    — -   215. 
Laguillerniie.  — -  27. 
Lamartine.   —   15,   35. 
Lambert    (peintri).      -    109. 
Lami    (.Mme).  26. 

Lapauze    (II.|.      -    lOl. 
La    Hocb.-.     -     85. 
La  Touche   (Gastoni.  I.35,   204. 

La   Tour.   —  216. 
Léandre.  —    101. 
Ledairc.    —    147.    172. 
Lec/.inska    (Mariel.  56. 

Leenhoff   (Suz.|.     -    116. 
L.-févre.    —  26. 
Le^ros  (Alph.).         3'i.   '1'..  91.   137.   167, 

i73,    204. 
Leheutre    (Guslavii.  ln\. 

Liigiilon    (Frédérici.  I  1". 

L.pic    ^Comte).    ^    114.    119.    1 'i7.    2 In. 
Leroux    (Hector).  156. 


Leroy,  imprimi'ur. 
L<îSsorre.    —  204. 
Ligue   (La),   drain. 
Lipmann.  150. 

Lippi    iFilippo). 
Lissa.    —   41. 
LoiiM-l    I  Pii-rre  . 


210.   217 


279 


Madagascar.  —  52. 

Madiiine  Roland,  drame.  —  71,  73,   76, 

78,    169. 
Maîtres  du   Siècle   (Les).  —  200. 
Mallarmé    (St.).  —  1)5. 
Malvilan.   —  131,   137. 
Maiict.  —   15,  87,  89,  90.  95.   101,   112, 

116,    120,   157,    169.   170. 
Mantz  (Paul).  —  175. 
Marcadc.  —  137. 
Marie  de   Russie.  - —  40. 
Marthelot.  —  120,   217. 
Marthold   (Jules   de).  —  157. 
Martin   (de  Grasse).  —   131. 
Marx   (Roger).  —  137. 
Masaccio.  —  42,   170. 
Massicot   (Mlle).  —   135.    159. 
Mathieu   (Gustave).   — -  95,    157. 
Mauban.  —  47. 
Maubert.  —  129  et  suiv. 
Maurice  de  Saxe,  drame.  —  43  et  suiv., 

75  et   passij». 
Ménard    (Louis).  —  99. 
Mendès   (Catulle).  —  47,   96. 
Ménippc.  —  IL 
Méryon.  — ■  195. 
Michaud  ou  Mycho 

et  passim. 
Michaud    (historien).   — 
Michel    (Georges).  —   II 
Michel-Ange.  —  93. 
Michou   (député).    —  99. 
Miles   (Roger).  —  11  G,   ISl. 
Millais.  —  110. 
Millet.  —  172. 
Minocchi   (Salv.).  —  24,  25. 
Mirbeau   (Octave).  —  156. 
Monde  Illustré   (Le).   —  167. 
Monet    (Claude).  —  172. 
Moniteur   Universel  (Le).  —  49. 
Monnier   (Mare).  —  71. 
Monselel.   —   120. 
Montefiore.   —   120. 
Moreau-Nélaton.   —  216. 
Morisot   (Berthe).  —  120. 
Moullé.  —  154. 
Murger   (Henri).  —   III,   93. 
Musset   (A.   de).  —  74. 

Napoléon   III.  —  59. 

Nerval    (Gérard   de).  —   IL 

Nice.  —  1,  24,  139,  166,  192. 

Niçois  (Le  Petit).  —  71. 

Nisiar.  —  146. 

Nittis   (de).  —  101,   110,    113,   201. 


82,  91,  164,  165 

99. 
192. 


Nittis   ^Mme  de).  —  114. 
Nodier   (Charles).  —  99. 
Nolhac   (de).  —  127. 
Nouvelle  Athènes   (La).  —  95. 

Ollivier  (Emile).  —  47. 

Ombrellino   (I').  —  10  et  suiv.,  15,  23  et 

suiv.,  47  et  suiv.,  89,  192. 
Opinion  Nationale    (L').  —  49. 
Orcagna.  —  45. 
Osbert.  —  98. 


Pajot.  —  95. 

Paton.  —  133. 

Paveurs  (Les),  poème.  — 

Péladan  (Joséphin).  —  2, 

Pellechet.  —  26. 

Pellerin   (Auguste).  —  114 

Pelletier   (Mme).  —  21. 

Pelloutet   (Michel).  —  95, 

Pêne    (Henri  de).  —  47. 

Perrin.  —  75. 

Pérugin.  —  31. 

Pessard  (Emile).  —  18,  27, 


59. 
99. 


96. 


81. 


Petit   (Georges).  —  120,   200. 

Petit- Bleu    —  167. 

Petit-Niçois.  —  185. 

Piazetta.  —  35,  195. 

Pierpont-Morgan.  —  135. 

Pille   (Henri).  —  IL 

Pinacothèque   (vieille). 

Pissarro   (Camille).  —  95. 

Planche   (Gustave).  —   II. 

Plume  (La).  - —  156. 

Pointe-sèche   (sur  la).  —  204. 

Pons   (de).  —  3. 

Ponsard.  —  50. 

Portails   (baron  Roger).  —  125. 

Prud'hon.  —  192. 

Puvis  de  Chavannes.  —  IV,  8,  28,  114 

116,  117,  154,  156,  163,  170.  172. 
Pyat   (Félix).  —  15. 
Pygmalion,  poème.  —  30. 

Quinzaine  bourbonnaise.  —  129. 

RaffaëUi.  —  95,   204. 

Raisin  (Fréd.).  —  70,  106,  135. 

Raphaël.  —  31,  34. 

Rembrandt.  —  4,  31,  170,  173,  200,  204. 

République  (La),  journal.  —  49. 

Revue   Énci/clopédique.  —  167. 

Reynolds.  —  170. 


•J(M». 
170. 


8ô. 


18U. 
\C>:i.   20'.. 

Mopif-   di;   l;ii. 
50. 


IS. 


liiliol      'riH-o.lonl. 
P.i.iir.l.      -     18.    loi 
Hii'liiinl    idf  Goiièvc).  -J,  ." 

I!i<j;uul    lllviKintlicl.       -    IC/i. 
nohrrt-FIciiry.  27,   s."),   87 

Hol(crt-f leury   Trony).  27 

l'ioclicl'orl    d'il  rri-L;iy;iic   »|i|. 
Kochcforl     (F;h'<.'cs    (le).  2. 

Rocliclort-lVjiiian'rcs  (de,.     -    1. 
Rochcfort    (IJoiiri).    —     1  1  :{      M; 

\:vs,  156 

l^od    (Kdou.ird) 
Rodin.  —   156. 
Roiiio.  —  60. 
Biiiide  (le   .\  uii 
Rosliuid    (iMaiiriicl.    - 
Rothschild.  I;57. 

Rouart    I  Henri).  120. 

Roujoii    (lIcMiy).  15:{ 

Rouqiicllc.      —    120. 
Rubciis.    -      170. 
Rud(>    (Fraiicois).  10(i 

riiii/Phis.    -       50. 


Sadowa.  'il. 

Sailli  en   nii'dilulioii.  .■{5. 

Saint  poilitiil   une  crois.  21.   ."35. 

Saints  lisant.   —   21.   ;J5. 

Saiiit-lîciié  Taillandif-r  (<li;or^cs).  — 

Sand    (.Matirieo).   -—  178. 

Sandean   (.Iules).  —   îl. 

Sativan.   —    166. 

Sarah   Rcinhardt.   —  96. 

Sarcev   (Francisque)    —  'l'i.   'i7.   'i8. 

Sardou.  —  75,    131. 

Sarrau t   (Albert).     -     117. 

Satie    (Frik).  150. 

Saunier   (Charles).     —    Ki. 

Scribe.  —  15. 

Séon    (Alexandre).  —  !(8. 

Séguin.  —  15''i. 

Seveste.  —  45,    59. 

Signorini.     -     27. 

Silvestre    (Armand). 

133,  l-'.6.  153.  156.   19!l. 
Sinionnet  d'Ilennezel.  pu 

70,   85,    176. 
Sivry   (de).  —   II. 
Sfiir   (Le).  —   53.   71. 


120. 


46. 


;'.•.   !MI.    102, 
iia  e  t  5  '( . 


S|.arkleit.    _    131. 
S|elel,    (de).    —    1.57. 
Stanislas    (Coll.-ije).   —   .j. 
Suisse   (La),   journal.  146. 

.Sullv-I'rud'hornine.  27. 


Tab^.r.  II. 

laine.    —    12,   92,   106. 
Ti'li'-<iraplie   (Le),    poème. 

Temps   (Le  petit).   —  71. 

l'exier  (Kdmond).  27.  41. 

Thiél>aut-Sisson.  —   102 
Tissot   (James).  —  204. 
Titi.n.   —   186. 
Toulouse-Lautrec    (II.    d.|. 


.1.  7K. 


li,    172 


Uzzelli.    —  27. 

Vasari.  —  34. 
Vaudretner.   —  26. 
Vente  de   1880.  —  36 
Verlaine.     -   II,   156. 
Véronèse.   —  31. 
Versailles,    poème.   — 
X'iennel.   —    186. 
Vierge  à  VEninnl.   — 
Vifrnaux.   --   91. 
Villars    i. Maréchal   de).    — 
V'illeinain.   —    156. 
Villiers   de   rish-Adam. 
Villon.   —    II. 
Villon    i.Iae(|ues|.  102 


15. 


164 
15 


215. 
'.'1 


Waltner. 
Wattiau. 
Watts.   —    110. 
Whistler.   —  204. 
Widor.  —  2. 
Willette.   -  -   90.    Kl', 
Willv.  -     146. 


07 


Yzeure. 


11.    18. 


Zaïi    Dnininegui.   -7-   95. 
Zola.    —    90.    1(19.,  120..  \^^. 
Zoubow    (Mme).  —  .35. 


1».. 


>;| 


Étude  de  nu  (Pointe-sèche) 


2H2 


TABLE  DES  PLANCHES  HORS-TEXTE 


Marceiliii  Deshoiitiii.  par  liii-iiuMiic  ( AV;/^/r,  Miiséedu  LuxnnhDunj) 
Couverture. 

L'Homme  au  grand  chapeau.  —  Portrait  de  Desboutiii  (Pniule- 
sèche),  2e  état,  1888)  Frontispice 

Norbert  Gcjeueutte   {Pointe-sèche  originale) II 

Henri  Hochefort  (2^^  état) 2 

Alexandre  Dumas  lils  (le""  état) 10 

Les  trois  Amis  (Poi/i/e-.sèc/zc,  3e  état,  1880) M 

MmeBouquet  de  la  Grye 18 

La  Femme  au  toutou  {Pointe-sèche  originale) 24 

Mme  Camus  à  Téventail  {Pointe-sèche  avec  fond  monotype,  d'après 

la  seule  épreuve  connue) 2ii 

Duchesse  Colonna,  née  (TAttry,  en  sculpture,  Marcello  (4^  étal).    .       34 
BoLDiiNi.  —  Portrait  de  Marcellin  Desboutin  {Reproduction  en  cou- 
leurs)         U) 

Desboutin  dit  à  la  bavette  (Pot/z/e-sèc/if  ort^ina/e) 48 

Mme  Hector  de  Callias  (Nina  de  Villart)  U^  planche ȔO 

Duranty,  écrivain  et  critique  d'art  (2^  état) TU 

Herald  Dumas 74 

Puxis  de  Chax'dnnes  {Pointe-sèche  originale) 78 

Hippolyte  Babou,    littérateur,  un  des  Tondateurs  de  la  Société  des 
Aquafortistes,  en  1862 84 

283 


Degas  au  chapeau  (2^  étal) 90 

Verlaine  ('Pom/e-sèc/je,  2e  é/a/  1896; 92 

Léon  Maillard,  homme  de  lettres  et  critique  d'art 98 

L'Homme  à  la  pipe.  —  Portrait  de  Desboutin  (3^  état,  1879) .    .    .  104 

Desboutin  (Lithographie,  1894) 106 

Jean  Richepin 112 

Philippe  Burty,  critique  d'art,  exécuteur  testamentaire  d'Eugène 

Delacroix  (2e  c/a/) 116 

Berthe  Morisot  (2e  é/aO 124 

Emma  Dauvilliers  (2^  état) 144 

Emile  Soldi,  sculpteur  et  écrivain  d'art  (2e  (7a/) 146 

Comte  Lepic  (5e  é/a/) 152 

Fumeur  à  la  fourrure.  —  Portrait  de  Desboutin  (Pointe-sèche,  1898  156 

Degas  lisant  (/^eproduc/ion  en  couZeors) 162 

Fumeur  allumant  sa  pipe.  —  Portrait  de  Desboutin  (Pointe-sèche, 

lere/a/,  1895) 166 

Henri  Rouart,  peintre  et  collectionneur  (2e  é/a/) 172 

Repos  de  bébé  (1er  é/a/) 178 

Mlle  DaisyBérend,  depuis  Bo'i'^e  d'Estournelles  de  Constant  .    .    .  192 

Les  premiers  pas.  - — Enfants  de  l'Artiste  (1er  é/a/) 198 

Les  premiers  pas.  —  Enfants  de  l'Artiste  (5e  é/a/) 200 

Mme  Valentin  (2e  état) 204 

Guignol  en  famille  (Reproduction  en  couleurs) 208 

Aristide  Bruant  (Pom/e-séc/ie,  1895) 212 

HenoÏT  (Pointe-sèche  originale) 216 

Leroy,  imprimeur  en  taile-douce  (2e  é/a/) 244 

Fillette  en  chapeau  gris  (Reproduction  en  couleurs) 266 


284 


TABLE  DES  ILLUSTRATIONS  DANS  LE  TEX  FE 


l'aees 

Le  Triomphe  (le  Silène  (Pr/n/z/re  1860) I 

Maison  natale  de  Mareellin  Desboutin,  à  Ccrilly  (Allier) 1 

Enfant  à  la  tasse  (Pointe-sèche) 5 

Petite  espiègle  {Peinture,  1876) 7 

Petite  fille  au  foulard  rouge  (Pei/?/»re.  1885) 0 

Mme  Desboutin  (.l/i/jedep/om6) 11 

Le  Docteur  Laugier,  (le  Grasse  (Pej/î/nrt',  1883) V^ 

L'Enfant  au  Papillon  (Pef/î/ure,  1881) 16 

Petite  Fille  à  la  Médaille  (PezVî/wre) 17 

Enfant  au  Maillot  (Pem/ure,  1873) 10 

Dans  les  Jardins  de  rOmbrellino  (,"l7z/zt' (/e /j/o////^) 22 

L'Ombrellino.  —  Le  Pavillon 23 

Tony  Robert-Fleury  (."l/i/?e(/ep/ooi6) 20 

Florentine  au  sein  nu  (Pem/izre,  1865) 31 

Etudes  de  têtes  et  main  {Mine  de  plomb) 33 

Type  de  Niçoise  {Peinture,  1887) 31 

Marie  Desboutin  {Mine  de  plomb) 3(> 

LOmbrellino.  —  Le  Parasol 37 

Marie  Desboutin.  —  Grande-Duchesse  Marie  {Sanguine).    ...  38 

Henner  (Poin/e-sèc/ie) 39 

Femme  au  Corsage  broché  (fîau-/or/e  e/poz/î/e) 30 

Assunta  {Peinture,  1865) 42 

Jules  Claretie  {Pointe-sèche) 13 

Première  femme  de  l'Auteur,  ou  Femme  accoudée  (Pointe-sèche)  15 

Tête  de  blonde  (Pezn/zzre,  1867) 47 

Georges  Lafenestre  (Peinture,  1866) 58 


Mme  Dcsboiitin  aux  lunettes  (A/i/?e  de  p/omô) 59 

Vieille  femme  enfilant  sou  aiguille  (A///îe  de  p/o/7î/)) 61 

M.  William  Bracken  (.l/me  de  p/om6) 62 

La  Toilette  (Pez/7/n/T,  1873) 63 

Petite  fille  au  bonnet  blanc  (1882) 65 

Mycho  au  chien  (Pc{/7/»/T  1880) 69 

Ch.  Bigot  (Poinle-si'che) 73 

Il  Musicante  (Pei/?/77rc,  1874) 77 

Mme  Cornereau  (Pe//7/î//e,  1880) 81 

Femme  cousant  (Pc/n/j/rc,  1875) 83 

Petite  fille  au  chien  (P('t/7/f7/-e,  1884) 86 

Ed.  Manet  (Pointe-sèche). 89 

Education  de  Policliiiicllc  {Poiiitc-sèche) 91 

Portrait  d'enfant  (Pointe-sèche) 94 

Jules  Jacquemart,  aquafortiste  (Pointe-sèche) 95 

Judith  (Poinle-sèclie) 97 

Degas.  —  La  buveuse  d'absinthe  et  Marcellin  Desboutin  (Pein- 
ture)       103 

Ricard.  —  Desboutin  (jPc7/?/77re,  vers  1870) 108 

Léonce  Bénédite  (Peinlnre.  1877) 111 

Degas  (Poinie-sèctie) 113 

Hyacinthe  Loyson  (Mine  de  plomb) 115 

Labiche   (Poinle-sèclie) 116 

Hyacinthe  Loyson  (Peintnre,   1877) 118 

Bords  de  Seine  (Pc7/7/77re,  1888) 119 

Vue  générale  de  Grasse  (P^7/?/7/7r,  188.3) 121 

Deux  tètes  d'enfants  (C/a7/o/7  Co/7/é) 123 

L'atelier  de  gravure  (Pei/7/77/'e,  1885) 124 

Jeune  fille  au  chat  (Pe7/7/77/c,  1875) 126 

H.  Fragonard.  —  La  Siir))rise 128 

H.  Fragonard.  —  Le  Rendez-vous 130 

H.  Fragonard.  —  La  Confidence 132 

H.  Fragonard.  —  L'Amour  couronné 134 

H.  Fragonard.  —  L'Abandon 136 

286 


Petits  amours  dans  le  parc  (Pr//?/«rc,   1885) 138 

Le  petit  modèle  (Pe//?/arp,  1881) 140 

Durand-Ruel  (Pom/e-.sà7je) 111 

Emile  Zola  à  la  signature  (Po////e-.s<!c/ie) 113 

Tête  de  femme  (Pem/uT-e,  1888) 145 

Docteur  Chonnof  (Pem/ure,  1885) 148 

IJocteur  Roh'iu  {Crayon  Conté  rehaussé  de  sanguine) 149 

Têtes  d'études  (De,s-.s{/î  rt/rt  p/nme) 151 

Armand  Silvestre  (Pof/7/e-.sèc/ie) 155 

Docteur  Albert  Robin  (Pem/wre,  1878) 158 

Vieille  femme  cousant  (Dc.v.sz/Mif /r/ p/f /me) Itil 

L'homme  à  l'épèe  (Pcf7?/i/re,  1878) 1J)5 

Le  Marchand  d'oignons  de  la  Hiviera  (Pc//?/ure,  1898) 1<)«) 

Desboutin  à  la  fourrure  (Peinture,   1894) KxS 

La  bonne  bète   (Peinture,  1882) 171 

Mlle  Joséphine  Chabot  (/^em/wz-c,  1888) 174 

Docteur  Lanrlau  (Pcz/z/n/T,  1893) 175 

La  Comédie  Italienne  (Pez/ï/t/n'  déeorative,  187!) 177 

Mme  Desboutin  en  décolleté   (Aquarelle) 18(1 

Manet  accoudé   (Pointe-sèelie) 183 

Tête  d'enfant  (Peinture) 187 

Ravel,  ingénieur  (Pei/i/z/rc,  1892) 188 

Vieilles  fenunes  endormies  (De.s.sî/j  à /</ />/u///c) 189 

Petits  dormenrs  (3/i/îe  (/c/)/o/n/)) 19U 

Petits  dormeurs  (3////C  rfep/om//) 191 

DECiAS.  —  Desboutin  et  le  comte  Lepic  gravant 191 

Henry  Guérard,  acjuafortiste  {Pointe-sèche) 197 

Femme  au  métier  {Pointe-sèche) 203 

Renoir  accoudé  (Poi/?/e-.sèc/2e) 211 

Ed.  de  Concourt  (Poi/?/e-sèc//e) 218 

Enfant  nu  endormi  (Pezn/ure,  1884) 254 

Mycho  au  chien  (Peinlure) 258 

Etude  de  nu  (Pointe  sèche) 2X2 

Les  enfants  de  M.  de  Lassus  (Poz/î/e-sèc/ie,  l^^  état) 28.S 

2^7 


^^jfe. 


Les  Enfants  de  M.  de  Lassus  (Pointe-sèche) 


288 


TABLE  DES   MATIÈRES 


Avant-Propos I 

I.         Les  premières  années 1 

II.         Le  choix   d'une    carrière 5 

III.         D'Issoire  à  l'OmbrelIino 9 

iV.         La  fortune  de  Desboutin 13 

V.         Le  problème  de  la  vie 17 

VI.         L'OmbrelIino 23 

\'II.         Les  Galeries 31 

VIII.         La   vie  à   rOmbrellino 37 

IX.         Maurice   de  Saxe 43 

X.         La   ruine 59 

XI.         Derniers  soubresauts 63 

XI L         A    Genève 69 

XIIL         A   Paris.  -   Les    Drames 73 

XIV.         Les  années  difficiles 81 

XV.         Le  café  Guerbois 89 

XV L         La   Xouvelle-Athènes 95 

XVIL         Ses   portraits 101 

XVIII.         Le  travailleur.  -  Les  amis 109 

XIX.         Nouvel  exode.   -  Le  retour  au  soleil 119 

289 


XX.         Les  Fragonard  de  Grasse 127 

XXI.         Nouveaux  déboires.  -  Le  tremblement  de  terre  de 
Nice.    -     Exposition    maïuiuéc.    -     Retour    à 

Paris,  ])uis  à   Genève 139 

XXIL         Nouveau  séjour  à  Paris.  -  La   Décoration     ...  149 

XXllL         Retour  à  Nice.  -  Les  derniers  moments   ....  159 

XXIV.         Le  peintre 169 

XXV.         Le  dessinateur 189 

XXVI.         Le    graveur 195 

Catalogue  des  gravures 219 

ESSAI    D'UNE    LISTE    DES    PELNTURES    par   dates    ap])roxi- 
matives   de    production   avec   les   noms    des    possesseurs 

actuels 259 

INDEX    DES    NOMS    CITÉS 277 

TABLE    DES    PLANCHES    HORS-TEXTE 283 

TABLE    DES    ILLUSTRATIONS    DANS    LE    TEXTE 285 


290 


Cet   Ouvrage   a   été   achevé    d'imprimer 

le    25    Novembre    1922 

par    riMPRlMERIF.    LAURENT. 

La    rotogravure    par    les    FlLS    de   VICTOR    MICHEL. 

Les   phototypies   par    LEON    MAROTTE. 

Les   eaux-fortes   par    LOLIS    FORT. 


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Clement-Janin,  Noël 

La  curieuse  vie  de 
Marcellin  Desboutin 


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