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P"- 71. h s
Harvard Collège
Library
THE OIFT OF
Miss Ellen W. Coolidge
n
ŒUVRES POSTHUMES
DE
F. LAMENNAIS
DANTE
' '. £".
PA&IS. — DCP. C. MA.RPON ET E. FIAMMAEION, RUE AACINE, 26.
DANTE — LAMENNAIS
LA
DIVINE COMÉDIE
TBASU1TB
ET PRÉCÉDÉS D'UNE INTRODUCTION
SUR LÀ VIE, LA. DOCTRINE ET LES GEUTRES DE DANTE
ŒUVRES POSTHUMES DE F. LAMENNAIS
PUBLIEES SELON LE YOEU DE L'AUTEUR
PAR E.-D. FORGUES
INTRODUCTION — L'ENFER
Noiavelle EcLition
PARIS
C. MARPON ET E. FLAMMARION
ÉDITEURS
i6, RUE RÀCINEy PRÈS L'OOéON.
1883
Tous droits réservés.
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INTRODUCTION
I ■'.
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
Le poëme de Dante est toute une époque. Il peint
merveilleusement Tétat de la société et de Tesprit hu-
main, du treizième au quatorzième siècle, dans le pays
sans aucun doute le plus avancé, alors qu^après un
long sommeil agile de rêves terribles, le monde se ré-
veillant semblait pressentir, au milieu des ténèbres
déjà moins épaisses, ses lointaines destinées, et que
ritalie, aidée par d*heureuses circonstances, commen-
çait à se dégager des liens de la barbarie.
Le chaos se débrouillait; des signes précurseurs
annonçaient le lever d*une autre ère, inconnue encore,
mais pleine d'espérance. Pour emprunter cette image
D. L V
t IKTRODUCTIOH.
à Dante, Thorizon $e colorait ffune douce teinte de $ar
phir oriental ^ à mesure qu^on sortait de Vair mort^ de
l*enfer dont l'aspect avait si longtemps contriilé les yeux
et le c(tur *.
Mais, pour bien comprendre cet âge intermédiaire
entre deux civilisations, ses caractères complexes, le ;
bizarre mélange des éléments divers qui y affluent de
sources différentes, et s'y combinent d'une manière '
souvent si étrange, les causes du mouvement et sa di- ^
rection , les contradictions apparentes au sein d'une
unit4 l'éelle de tendance et de vie interne, il faut, se-
couankles préjugés qui enveloppent l'histoire et en
faussent le sens, examiner, dans son origine et ses
phases successives, la transformation qui, au prix de
tant de labeurs et de douleurs, a produit enfin le monde '
présent.
On se représente communément les siècles qui
précédèrent la chute finale de Tempire romain,
comme une époque de dissolution complète de la so-
ciété tombant pièce à pièce et s'ensevelissant sous les
débris des anciennes croyances, des anciennes insti-
i Dolce color d'oriental zafiQro
Che s'accoglieva nel sereno aspetto,
Del aer puro infino al primo giro,
Agli occhî miei ricominciè diletto
Tosto ch'io usci'fuor dell' aura morta
Che m' area contristati gli ocdii e' 1 petto.
Purgat,, cant. I. 5 e 6.
4
INTRODUCTION 3
tutlons et des anciennes mœurs. Rapportant à cette
époque des destructions accomplies plus tard, et par
d'autres causes , et jamais entièrement , on s'ima-
gine que tout périt avec l'État, qu'avec lui disparut
tout ce qu'avait produit la civilisation antérieure, et
que, sur la terre dévastée, il ne resta que des ruines
inertes et des ossements arides. Il fallait, croit-on,
pour que de ces ruines sortit une autre société, une
société vivante, que le christianisme, balayant la pous-
sière de ce passé, enfantât lui seul, par sa propre
vertu, un ordre politique et moral nouveau, et que
des peuples jeunes , pleins de sève et de vigueur,
vinssent du nord de l'Europe et des steppes de l'Asie
ranimer, par l'infusion d'un sang plus pur, le vieux
corps social pourri de corruption.
Tel est le point de vue sous lequel on considère gé-
néralement l'immense révolution qui s'opéra chez les
nations occidentales, à partir du quatrième siècle. Il
n'est certes pas, à plusieurs égards, dépourvu de vé-
rité. Le christianisme provoqua une puissante réac-'
tion morale contre le matérialisme sensuel qui, des
villas des patriciens et de l'antre où gîtaient les Ce- \
sars, avait envahi Rome, et, de proche en proche, les
provinces les plus éloignées. Le germe de cette réac-
tion était, il est vrai, partout, avant même la fin de
la république, car rien dans le monde ne se fait sans
préparation ; mais le christianisme développa ce
4 INTRODUCTION.
germe, et en unissant les hommes disposés à se séparer
ouvertement du désordre presque universel , en formant
d'eux une société, il imprima une forte et salutaire
impulsion à l'humanité. Cette organisation active, née
d'une foi ardente, d'un secret et profond instinct de
vie, fut une des choses qui, quelle que fût son incon-
testable grandeur, manquèrent au stoïcisme, resté à
l'état de doctrine individuelle, et par là même sociale-
ment stérile.
Il est également vrai que les peuples sous la main
desquels s'écroula l'empire, exempts de la mollesse
romaine, avaienten eux une énergie, une plénitude de
vie organique qui contrastaient au plus haut point avec
l'affaissement, l'épuisement des races destinées à deve-
nir leur conquête-
De quelque côté que se portassent les regards, ils
n'apercevaient que des signes trop certains de déca-
dence. Le pouvoir absolu d'un seul au milieu d'une
servitude sans bornes ; l'amour effréné des jouissances ;
l'accumulation des richesses en un centre unique, où
elles corrompirent à la fois le gouvernement et le
peuple ; l'appauvrissement des provinces en proie aux
exactions des proconsuls et des agents du fisc, écrasées
par l'impôt, dévorées par l'usure ; la corruption du
luxe et celle de la misère ; le relâchement des liens de
famille et des liens sociaux; l'extinction de l'esprit
militaire dans les populations énervées ; les armes de-
INTRODUCTION. 5
venues un métier sordide ; la défense de TÉtat aban-
donnée à des mercenaires, souvent même à des étran-
gers, appui toujours douteux du prince qui les achète,
et qu'ils vendent à leur tour : — toutes ces causes en-
semble avaient précipité l'empire sur une pente fu-
neste, impossible à remonter, car il en est des corps po-
litiques comme des corps naturels, qui ont leurs phases
déterminées de croissance et de déclin, et jamais ne
repassent sur les voies parcourues.
Cependant, si malade que fût la société, elle renfer-
mait encore des éléments précieux de civilisation, hé-
ritage des siècles antérieurs. Les progrès de la philo-
sophie , de Thaïes aux Alexandrins , avaient élargi
la sphère de la pensée; la science, telle qu'alors elle
pouvait exister, les lettres, les arts, subsistaient dans
leurs monuments, et si le génie s'était éteint, rensei-
gnement du moins perpétuait la connaissance des prin-
cipes, des règles, des procédés techniques, en même
temps que les besoins de la vie maintenaient la pra-
tique de l'agriculture, des métiers, de la navigation,
du commerce favorisé par des routes dont on admire
encore les restes magnifiques. Et, chose remarquable,
tandis que les mœurs s'altéraient, la morale conçue
par l'esprit, sentie par la conscience, s'était élevée et
puriflée, comme on le voit dansSénèque, dans Epic-
tète et dans Marc-Aurèle, et avant eux dans Cicéron,
qui, par ce seul mot prononcé pour \a \iVC\m\iV'îi,lç5v$»^
ŒUVRES POSTHUMES
DE
F. LAMENNAIS
DANTE
s INTRODUCTION.
Visions, les schismes, la haine persécutrice, entrèrent
dans la nouvelle société et la déchirèrent. L'ambition
des hautes dignités, trop souvent le prix des brigues et
de la violence, compliqua le désordre, et les richesses
devenues un aliment de luxe, les convoitises mondaines
et sensuelles, engendrèrent dans le clergé une corrup-
tion contre laquelle tonnent les Pères , et dont saint Paul
lui-même signale avec une douloureuse anxiété les pre-
miers germes.
Le monde romain en était là lorsque les barbares
apparurent. Leurs invasions durèrent six siècles. Se
poussant les uns les autres et recouvrant le sol comme
une marée toujours montante, ils inondèrent l'Asie ot
l'Europe, des frontières de la Seine au détroit d*IIer-
cule : déluge d'hommes pire que celui des flots.
Tacite, opposant les mœurs des Germains aux mœurs
romaines, loue ce peuple de sa chasteté. Il s'en faut
que tous les barbares méritassent la même louange.
Leur caractère général ressemblait beaucoup à celui
des tribus que nous nommons sauvages : mêmes qua-
lités, mêmes vices. Mais tous, sans exception , dès qu'ils
se furent mêlés aux populations envahies, ajoutèrent à
leurs vices les vices de celles-ci, sans leur communi-
quer aucune des qualités qui tenaient à leur barbarie
même. Ils introduisirent parmi elles de nouveaux élé-
ments politiques et civils, mais aucune vertu, quoi
qu'on en ait dit. On les suivait de ruines en ruines à la
INTRODUCTION.
lueur du glaive et de Tincendie. Le monde se crut près
de sa fin. Les destructions matérielles, toujours répa-
rables, ne furent que le moindre des fléaux. Tout péril
ensemble, propriété, lois, institutions, éducation,
sciences, arts, métiers, langue même. Il fit nuit sur la
terre. Et dans cette nuit, que voit-on? Tout ce que la
violence sans frein, la cruauté, la perfidie, le mépris
calculé des engagements et des serments peuvent en-
fanter de crimes, des mœurs à la fois grossières et dis-^
solues, différentes seulement de celles qu'elles rempla-
çaient en ce que rien n*en voilait la hideuse monstruo-
sité.
Quelquefois appelés par les évêques afin de les op-
poser à des sectes ennemies, les barbares sentirent que
cette alliance leur serait un puissant moyen d'affermir
leur conquête. Indifférents à toute doctrine, faiblement
attachés aux cultes vagues qu'ils apportaient du fond
de leurs forêts, ils adoptèrent sans peine la religion
des vaincus. D'instruction, point: qu'en eussent-ils
fait, également incapables d'écouter et de comprendre?
Le chef converti , c'est-à-dire déclarant qu'il changeait
de dieu, les autres suivaient son exemple: on menait
ces brutes au baptême, comme des troupeaux à l'abreu-
voir. Tels ils étaient auparavant, tels ils restaient, fé*
roces, fourbes, cupides, sensuels. La société entière se
transforma à leur image. Plus d'études, plus de pensée
hors du cercle des choses matérielles; à peine dans les
INTRODUCTION.
masses quelques traces de Tinstinct moral. Cette sorte
de conscience, même inhérente à la nature humaine
au plus bas degré de son développement, menaçait de
s'éteindre dans la superstition entretenue par un clergé
non moins ignorant , non moins corrompu que le peuple.
Nous peignons Tétat général en négligeant les excep-
tions, qui se rencontrent à toutes les époques et n'en
caractérisent aucune.
Un homme d'une grande âme et d'un haut génie,
Charlemagne, entreprit de tirer la société de cet abîme,
de régulariser les rapports politiques et civils, d'orga-
niser la justice publique, de relever l'instruction, de
renouveler enfin la civilisation dont la barbarie avait
presque effacé les derniers vestiges. Mais le temps
n'était pas venu, et les moyens manquaient. Les causes
destructives étaient loin d'ailleurs d'avoir épuisé leur
action. Cette œuvre toute personnelle meurt avec celui
qui l'avait conçue. Le mal reprend son cours, et à tra-
vers des discordes sanglantes, d'effroyables dévasta-
tions, une sorte d'agonie convulsive, la dissolution
atteint son terme extrême, l'anarchie féodale, qui
achève de se constituer au commencement de la troi-
sième race. L'histoire ne présente aucune époque aussi
calamiteuse. Ce fut le règne de la force brutale entre
les mains de milliers de tyrans absolus chacun dans
son domaine, en guerre perpétuelle les uns contre les
autres, opprimant, dévorant de concert un peuple
INTRODUCTION. ■ il
livré sans défense à leurs passions fougueuses que ne
contenait aucune loi, que ne tempérait chez la plupart
aucun sentiment de justice, aucune idée de devoir
réel ; car le serf, le manant^ le vilain, étaient hors de
Inhumanité pour ces chrétiens, comme ils se nom-
maient. Si quelquefois, près de la tombe, la conscience*
semblait se réveiller, un couvent bâti, des legs aux
églises, des dons aux prêtres, dont Tinsatiable avidité
pressurait le peuple déraille manières dans les villes
comme dans les campagnes, apaisaient les remords de
la peur.
Plus tard, rétablissement des républiques italiennes
où se réveilla Fesprit de liberté, les luttes des papes et
des souverains, les interminables disputes sur les
limites de leur pouvoir respectif, ramenèrent à l'étude
du droit. Ce fut le premier lien par lequel les sociétés
nouvelles, plongées dans le double abîme de Tigno*
rance et des abus de la force sans règle, se rattachèrent
à la civilisation antique, et en renouèrent les tradi-
tions. Elles renaquirent encore, lentement, confusé-
ment; dans Tordre moral, par Tinfluence des écrits de?
quelques anciens, Cicéron, Boëce, à la portée, il est-
vrai, d'un petit nombre; et dans Tordre intellectuel
par l'introduction, vers l'époque des croisades, au sein»
des universités qui se fondaient sur le modèle desi
écoles d'Athènes, des monuments de la philosophie
grecque traduits par les Arabes. Ce fut Torigine de la
\1 INTRODUCTION.
scolasLique, par qui se développa i;l en qui se concentra
toute la science rlu Moyen âge. D'autres sources de
savoir et de progrès s'ouvrirent pour l'Italie, en coni-
njunîcation direcle avec l'Orient, d'où, en des temps
reculés déjà, des colonies d'artistes, fuyant les persé-
cutions des iconoclastes, lui avaient apporté les prin-
cipes et les procédés de l'art byzantin, que transforma
postérieurement le génie national . Au douzième et au
treizième siècle, une sourde fermentation agitait les
esprits, ardents à chercher de tous côtés des voies nou-
velles. Les manuscrits tirés de la poussière nourrirent,
le goût des lettres, ranimé par la lecture des anciens
poètes, de Virgile surfout, objet d'une sorte de culte
enthousiaste. Après la prise de Constantinople, les
lumières refluent dans l'Occident, qui salue de ses
acclamations les grands noms de la Grèce, Homère,
Sophocle, Démosthène, Platon. La poésie revêt des
formes plus savantes, plus variées. La philosophie
brise les liens de l'école ; des vides abstractions où elle
se perdait, elle redescend au sein de la nature, qu'elle
étudie dans ses phénomènes, dont elle s'efforce, par la
libre pensée, de découvrir les lois. Ainsi s'ouvre l'ère
d'émancipation qu'on a nommée la Renaissance. Le
mouvement se propage avec une rapidité croissante, et
au seizième siècle il envahit tout. La société, sortant
des marais où elle croupissait depuis de si longs âges,
avait retrouvé son lit, et s'y précipitait avec une force
INTRODUCTION. 13
irrésistible. Les institutions subissaient partout des
réformes fondées sur une notion plus élevée du droit;
la sphère des idées s'élargissait ; la morale publique
s'épurait; la législation moins barbare protégeait
mieux et les personnes et les propriétés; les classes
tendaient à se rapprocher ; le peuple, en voie d'affran-
chissement, voyait peu à peu sa misère s'alléger ; les
mœurs se polissaient ; les arts jetaient un éclat inouï ;
la science, dont la part devait être si grande dans la
transformation du monde, naissait. Comme au lever
du soleil les froides ombres, le Moyen âge s'évanouis-
sait.
L'esprit de l'Évangile, l'esprit d'amour, n'était pas,
certes, étranger à ce prodigieux mouvement, qu'uni
au sentiment de la justice et du droit plus parfaite-
ment conçu, il caractérise même de nos jours dans
Tordre le plus élevé et le plus fécond en bienfaits pour
l'humanité. Mais si l'on excepte l'influence qu'eut la
scolastique sur la métaphysique pure, à laquelle elle
ouvrit quelques perspectives nouvelles, en même temps
qu'elle servit à développer, en les exerçant, les forces
logiques de l'esprit humain, le christianisme théolo-
gique, le christianisme organisé dans l'institution ex-
térieure de l'Église, n'a été pour rien dans cette vaste
révolution. Au contraire, à mesure qu'elle s'opère la
foi s'affaiblit, et plus qu'ailleurs au centre même de
la hiérarchie, autour du trône pontifical sur lequel,
14 INTRODUCTION
au nom du Christ, sacré roi comme dans le prétoire
de Pilate, siège effrontériient Tathéisme.
Des mœurs analogues offrent aux yeux de tous, après
la négation de la foi, la négation de la morale même.
Les mystères orgiaques de la Rome païenne reparais-
sent dans la Rome papale. A la licence se joint Tam-
bition, une ambition que n*arrête aucune loi divine ni
humaine. Des crimes inouïs épouvantent la terre. Pour
remplir un trésor que la guerre, le luxe, les profu-
sions d^une débauche effrénée vident sans cesse, on
fatigue la patience des peuples et leur superstition,
tant de fois mise à Tépreuve. Une réaction éclate. Suc-
cesseur deWiclef et de Jean Huss, Luther sépare de
Rome la moitié de la chrétienté. Les bûchers s'allu-
ment, on y jette à milliers les rebelles. Mais on ne
brûle pas la pensée, on n*étouffe pas la conscience
dans les flammes. Le protestantisme survit à la persé-
cution, se propage et grandit par elle. Inconséquent
par ce qu'il retient d'une doctrine liée dans toutes ses
parties, il contient en soi, bien que voilé, le principe
immortel de la souveraineté de la raison ; et ce prin-
cipe, qui est sa vie secrète, sauve l'esprit humain de
la servitude où il se serait pétrifié sous l'écrasante
pression d'une autorité qui, exigeant de lui une sou-
mission aveugle, une obéissance absolue, et de proche
en proche s'étendant à tout, aurait éteint ses puissan-
ces actives.
INTRODUCTION. 15
Redevenu libre, au moins d'une liberté relative, il
porte de tous côtés ses investigations, examine, discute,
juge. La critique du dogme et des monuments sur les-
quels il s'appuie, de plus en plus hardie, suit le pro-
grès de la science, et, chose plus grave encore, la
conscience se détache d'une partie des croyances en-
seignées comme fondamentales, et qui la heurtent
violemment : le péché qu'on nomme originel, sa trans-
mission avec les conséquences relatives à l'état futur
de l'immense majorité des hommes, les peines éter-
nelles, la sombre maxime : hors de V Eglise point de sa-
lutj et les dogmes connexes. La vieille institution ne
se soutient plus guère que par le secours que lui prête,
pour son propre intérêt, la puissance politique et ci-
vile, c'est-à-dire par la coaction sous différentes for-
mes et à divers degrés, et par son côté pharisaïque et
superstitieux, les cérémonies, les pratiques matérielles;
en un mot, au dehors par ce qui frappe les sens, et au
dedans par la peur, le grand ressort au moyen duquel,
chez tous les peuples, dans tous les temps, on agit sur
les classes ignorantes, et surtout sur la femme, natu-
rellement attirée en outre vers les choses mystérieuses,
vers ce qui offre un vague aliment à l'imagination,
faculté dominante en elle.
Il est à remarquer aussi que, dès l'origine, la science
de la nature inquiéta l'Église, qui, n'en ayant point le
principe générateur, d*un tout autre ordre que ses dog-
16 [NTIiODUCTIOK.
mes abstraits, n'en pouvait non plus avoir la direction.
C'était une puissance nouvelle qui naissait, puissance
redoulable qui dominait la sienne par les càlcs où
elles se touchaient, et contre laquelle nulle défense,
comme l'Église l'éprouva bientôt sur la première ques-
tion débattue entre elles, l'astronomie biblique qu'elle
soutint vainement contre l'astronomie de calcul et
d'observation. Est venue ensuite la géologie, sur les
progrès de laquelle il a fallu régler par des modifica-
tions successives l'interprétation de la Genèse. Une
question d'une plus haute gravité encore, dans ses
rapports avec la doctrine de l'Église, est pendante au
même tribunal. Il n'existe qu'une nature, qu'une es-
pèce humaine, nul doute; mais l'espèce humai ne a l-elle
eu un seul ou plusieurs centres de formation? En
d'autres termes, y a-t-il dans l'humanilé des races
primitivement diverses, ou provient-elle d'un couple
unique? Il est évident que c'est la science qui pronon-
cera sur cette question, et cetle question est le fonde-
ment de toute la théologie dogmatique.
Ainsi, pour nous résumer, vers la fin de la période
que caractérise l'anthropomorphisme païen, qui, né
dans la Grèce, avait succédé aux reli[iicns de la nature,
le christianisme évangélique provoqua chez des peup-
les énervés, en qui la vie des sens étouffait la vie supé-
rieure, une salutaire réaction morale, et prépara de
loin un état plus parfait qu'aucun de ceux qui avaient
INTRODUCTION. / 17
I précédé, par le principe d*égalité et de fraternité hu-
maines, et par Tesprit d'amour qu'il répandit dans le
monde. Mais le christianisme tliéologique , le chris-
tianisme soumis à l'autorité hiérarchique et constitué
par elle, ne contribua en aucune manière au progrès
social, et par les discordes, les persécutions acharnées,
les guerres atroces qu'il engendra, par les prétentions
ambitieuses du corps sacerdotal, l'avarice de ses
membres, leur tendance constante à la domination,
fut au contraire une source de désordres nouveaux et
de calamités nouvelles.
Les barbares n'apportèrent chez les nations qu'ils
envahirent aucun élément civilisateur, aucun principe
d'organisation supérieure et durable. A leurs vices
,natifs, la cruauté, la ruse, la perfidie, la cupidité,
vices communs de tous les sauvages, ils joignirent les
vices des populations subjuguées, qu'ils plongèrent
dans un abîme sans fond de misère, d'ignorance, de
grossièreté brutale, de férocité, d'anarchie, dont le
régime féodal offre le terme extrême.
La société qui sortit de ces ruines, péniblement for-
mée à cause des résistances qu'elle rencontrait de
toutes parts, fut le produit lent d'un travail spontané,
dépendant des lois immuables de la nature humaine,
et dont le fruit se développe à mesure que reparais-
sent les anciennes lumières, que l'ancienne tradition
se renoue, que la civilisation antique, filtrant à travers
I
IH INTRODUCTION.
les décombres, reprend son cours, modifié par ce que
le temps toujours amène avec soi ; et à chacune des
phases de celte évolution vitale, on voit décliner les
Institutions fondées par les races conquérantes s'affai-
blir la puissance du corps sacerdotal et la foi en ses
dogmes imposés en vertu d'une autorité au-dessus de
la raison, et répuléii infaillible.
Voilà ce que montre l'histoire, expression fidèle des
lois supérieures qui président aux destins de l'huma-
nité, et qui la conduisent invinciblement vers sa P
nécessaire et divine.
Dans le mouvement général, l'Italie, comme no-
l'avons dit, devança les autres nations. La Renaissance
date pour elle, au Midi, du règne de Frédéric II ; au
Nord, de la ligue lombarde. Celle-ci marque l'origine
de l'affranchissement politique et civil, par la con-
ception d'un droit également oppose au droit féodal
de la force, et au droit divin, tel que le proclame la
hiérarchie. Du principe nommé depuis la souveraineté
du peuple naissent les républiques italiennes. La li-
berté est semée, elle germera. Quelle que soit désor-
mais la durée du combat entre le despotisme et la
liberté, quelles qu'en soient les vicissitudes, les peu-
pies s'appartiendront, ils cesseront d'être la propriété
d'un seul et de sa race.
L'époque de Frédéric, quoiqu'il ait succombé dans
sa lutte contre la papauté, n'en fui pas moins une
IKTRODUCTTON. Ift
époque de renouvellement, féconde en résultats im-
menses. Elle coïncide avec la naissance de ces grandes
écoles de jurisconsultes dont les efforts persévérants
parvinrent à ruiner la théocratie, et à fonder sur ses
débris l'indépendance du pouvoir civil, La même
époque vit naître la langue vulgaire, la langue vivante,
opposée à la langue morte de la Rome papale, et signe
aussi d'affranchissement. De là le réveil de la pensée,
de Tesprit d'examen, de discussion , de recherche. Le
commerce établit entre l'Orient et l'Occident des rela-
tions qui étendent le cercle des idées, adoucissent les
mœurs en atténuant les préjugés, développent le goût
des arts ; d'où les merveilles de l'architecture à Flo-
rence, à Pise, à Venise, la rénovation de la peinture
parCimabué et Giotto, bientôt suivis de ces artistes
incomparables qui jamais depuis n'ont été égalés; les
progrès de la musique qui aboutissent, après l'inven-
tion de l'harmonie et les chefs-d'œuvre de Palestrina,
à la révolution totale due au génie de Monteverde.
Dante occupe à peu près le milieu de cette grande
époque pleine de sève et de vie, mais, et par cela
même, agitée de violentes commotions. La guerre
était partout, entre le pape et les empereurs, entre le
pouvoir clérical et le pouvoir laïque, entre la tyrannie
féodale, personnifiée dans quelques monstres, et l'es-
prit de liberté fermentant au sein des populations,
entre les républiques rivales, entre les partis dans
10^ INTRODUCTION.
chaque république. On marchait vers l'avenir sur un
champ de bataille avec toutes les passions du combat,
mais avec une foi merveilleuse et une ardeur que ne
décourageaient aucune souffrance, aucun sacrifice.
Où allait-on? Nul ne le savait. Je ne sais quoi d'in-
connu attirait en avant les peuples fascinés par une
sorte d'inspiration divine. Ces temps d'espérance,
d'action instinctive sont, après tout, les grands, les
beaux jours de l'humanité. Aussi restent-ils ineffa-
çables dans la mémoire des hommes, qui, de siècle
en siècle, le regard fixé sur les monuments qu'ils nous
ont laissés, contemplent avec admiration ces œuvres
gigantesques.
La Divine Comédie est une de ces œuvres. Elle vint,
pour ainsi dire, résumer tout le Moyen âge avant
qu'il s'enfonçât dans les abîmes des temps écoulés.
Quelque chose de lugubre enveloppe la . fantastique
apparition. Il y a là des cris désolés, des pleurs, d'in-
dicibles mélancolies, et la joie même est pleine de
tristesse; on croirait assister à une pompe funèbre,
^ entendre autour d'un cercueil le service des morts
dans une vieille cathédrale en deuil. Et toutefois un
souffle de vie, le souffle qui doit renouveler sous une
forme plus parfaite ce qui s'éteint, passe sous les voûtes
et traverse les nefs de l'immense édifice, où, comme
dans le sein d'une femme près d'enfanter, on sent un
secret tressaillement. Ce puëme est à la fois une tombe
INTRODUCTION. 2f
et un berceau : la tombe magnifique d'un monde qui
s'en va, le berceau d*un monde près d*éclore; un por-
tique entre deux temples, le temple du passé et le
temple de l'avenir. Le passé y dépose ses croyances, ses
idées, sa science, comme les Égyptiens déposaient
leurs rois et leurs dieux symboliques dans les sépul-
cres de Thèbes et de Memphis. L'avenir y apporte ses
aspirations, ses germes enveloppés dans les langes
d'une langue naissante et d'une splendide poésie, en-
fant mystérieux qui puise 5 deux mamelles le lait dont
ses lèvres s'abreuvent, la tradition sacrée, la fiction
profane. Moïse et saint Paul, Homère et Virgile. Ce
regard tourné vers la Grèce et Rome annonce déjà Pé-
trarque etBoccace, et les autres qui suivront, en même
temps que la soif de lumière, l'ardent désir de péné-
trer le secret de l'univers, de sa constitution, de ses
lois, présage Galilée. La nuit est encore sur la terre,
mais les lueurs de l'aube commencent à poindre à
l'horizon.
Ces considérations sur Tensemble dos faits princi-
paux que présente l'histoire durant la longue période
qui, de la fin de la république romaine, s'étend jus-
qu'à noî: jours, nous ont paru nécessaires pour que
l'on comprît bien le caractère de l'œuvre de Dante, lié
à celui de l'époque où elle se produisit. Mais elle a
aussi d'étroits rapports avec la nature intime du poëte,
ses opinions, ses passions personnelles et les événe-
22 INTRODUCTION.
ments de sa vie. C'est pourquoi, avant d'examiner
plus en détail la Divine Comédie^ nous^ dirons ce qu'on
sait de Fauteur.
II
VIE DE DANTE
La vîe de Dante a été tant de fois écrite depuis Boc-
cace, Villani etBenvenuto da Imola jusqu'à nos jours,
qu'on ne peut que répéter ce que savent déjà tous ceux
qui se sont un peu occupés de ce grand poëte. Il na-
quit à Florence, au mois de mars 1265, d'Alighiero
degli Alighieri et de sa femme Bella. Son vrai nom
était Durante, dont Dante est l'abréviation. 11 rappelle
lui-même, en s'en glorifiant, Torigine noble de ses
ancêtres*, bien qu'en parlant d'eux il déclare ne vou-
loir pas remonter au delà de Cacciaguida' dont le fils,
Alighiero ou Aligiero, prit le nom de sa mère, de la
famille des Aldighieri de Ferrare, et ce nom d'Ali-
ghieri fut adopté par tous les descendants de Caccia-
guida.
Dante était encore dans l'enfance lorsqu'il perdit
son père. Vers ce temps, une circonstance fortuite fit
* Parad,, ch. xvi, terc. i et 2.
• Jbid,, terc. 15.
INTRODUCTION. Ï3
naîire en lui la passion, si connue, qui eut tant d'in-
fluence sur sa vie entière. Nous empruntons le récilj
de Boccace:
c< C*était en cette saison de l'année où la douceurl
« du ciel orne de toutes ses grâces la terre qui sourit
« dans ses riches vêtements de vert feuillage et de
« fleurs variées, que Dante vit pour la première fois
« Béatrice, le 1" de mai, jour où, selon la coutume,
« Folco Portinari, homme en grande estime parmi ses
« concitoyens, avait rassemblé chez lui ses amis avec
« leurs enfants. Dante, alors âgé de neuf ans seule-
« ment, était du nombre de ces jeunes hôtes. De cette
«joyeuse troupe enfantine faisait partie la fille de
« Folco, dont le nom était Bice^ . Elle avait à peine
<c atteint sa huitième année. C'était une charmante
« et gracieuse enfant, et de séduisantes manières. Ses
« beaux traits respiraient la douceur, et ses paroles
« annonçaient en elle des pensées au-dessus de ce que
« semblait comporter son âge. Si aimable était cette
« enfant, si modeste dans sa contenance, que plusieurs
<i la regardaient comme un ange. Celte jeune fille
« donc, telle que je Tai décrite, ou plutôt d'une beauté
«qui surpasse toute description, était présente à
« cette fête. Tout enfant qu'était Dante, cette image
« se grava soudain si avant dans son cœur, que, de ce
« jour jusqu'à la fin de sa vie, jamais elle ne s'en
* Diminutif de Béatrice.
24 INTRODUCTION.
effaça. Était-ce entre deux cœurs un lien mystérieux
de sympathie, ou une spéciale influence du ciel, ou
était-ce, comme quelquefois Texpérience nous le
montre, qu'au milieu de Tharmoniede la musique
et des réjouissances d*une fête, deux jeunes cœurs
s'échauffent et se portent Ihin vers l'autre? Il n'im-
porte; mais Dante, en cet âge tendre, devint rcsclave
dévoué de Tamour. Le progrès des années ne fit
qu'accroître sa flamme, et tant, que pour lui nul
plaisir, nul confort, que d'être près de celle qu'il
aimait, de contempler son beau visage, et de boire
la joie dans ses yeux. Tout en ce monde est transi-
toire. A peine Béatrice avait-elle accompli sa vingt-
cinquième année, qu'elle mourut'. Il plut au Tout-
Puissant de la tirer de ce monde de douleur, et de
l'appeler au séjour de gloire préparé pour ses ver-
tus. A son départ, Dante ressentit une affliction si
profonde, si poignante, il versa tant et de si amères
larmes, que ses amis crurent qu'elles n'auraient
d'autre terme que la mort seule, et que rie '** nour-
rait le consoler'.»
Ce funeste événement contribua peut-être à déve-
lopper en lui le fonds de mélancolie qu'il semble avoir
apporté en naissant. Quoi qu'il en soit, jamais Béatrice
ne sortit de son souvenir. Il la célébra dans ses pre-
* Le 9 juin 1290.
* Boccac. VUa di Danle,
INTRODUCTION. 25
miers vers pleins d'amour et de douleur, et Timmor-
talisa dans le poëme devenu Timmortel monument
de sa propre gloire.
Brunetto Latini, renomme par ses deux ouv/ages^
le Tesoro et le TesorettOj fut son premier guide dans
l'étude des lettres et de la philosophie. Ce fut à ce
maître, qui jamais ne cessa de lui être cher \ qu'il
dut la connaissance des poètes anciens, objets pour lui
d'une admiration presque religieuse. Il dut aussi
l)eaucoupà Tamitié deGuido Cavalcanti. Le goût de
la peinture et de la musique îe lia également avec
Giotto, avec Oderici da Gubbio, célèbre par ses minia-
tures, et avec Casella, qui mit en chant plusieurs de
ses canzoni. La science ne l'attira pas moins que les
arts et les lettres. Il visita dans sa jeunesse les univer-
sités de Bologne et de Padoue, peut-être durant son
exil celles de Crémone et de Naples, mais certaine-
ment celle de Paris, où il s'appliqua particulièrement
à rétude de la théologie*.
On..' { que, jeune encore, il entra dans l'ordre
des FrJies mineurs, et qu'il le quitta avant d'avoir
lait profession. Mais ce fait, rapporté par un seul
biographe', est plus que douteux.
Pressé par ses amis de se marier, il épousa Gemma
* Enf., cil. XV, terc. 28.
• Benvenuto da Iniola, Comment, in Comœd, Dant.
' Francesco da Buti, Mem. délia vita di danle, § 8.
D. I.
98 IIITnoDrcTION.
de la famille des Donati. Si l'on en croit Boccace, que
d'autres contredisent sur ce point, le caractère fâcheux
de Gemma rendit cette union peu heureuse. Dante eut
d'elle six enfants, cinq fils et une fille, qui reçut le
nom de Béatrice. Elle prit le Yoile dans le couvent
délia Uliva de Ravenne. Trois de ses fils moururent
jeunes. Pierre , l'aîné , acquit quelque réputation
comme légiste, et écrivit, ainsi que son frère Jacopo,
un commentaire sur la Divina Commedia.
En des temps aussi agités que ceux où vivait Dante,
il était impossible qu'il ne prît pas part aux affaires
publiques. Né d'une famille Guelfe, il combattit à
Campaldino contre les Gibelins, auxquels, proscrit
par ces mêmes Guelfes, il s'unit dans la suite. On le
retrouve encore dans la guerre contre les Pisans.
Egalenlent distingué par sa prudence et sa fermeté,
on le consultait avec empressement dans les conjonc-
tures importantes. Suivant quelques-uns de ses bio-
graphes, il fut quatorze fois envoyé comme ambassa-
deur près de différents princes, et, en 1300, du
13 juin au 15 août, on le trouve au nombre des
Prieurs, la première dignité de la république. Ce fut
la source des malheurs de tout le reste de sa vie.
Florence était alors divisée entre deux puissantes
familles, toutes deux Guelfes, les Donati et les Cerchi,
dont la mutuelle animosité remplissait la ville de d
ordres et de rixes sanglantes. La discorde fut encore
■
INTRODUCTION. IT
augmentée parles Noirs et les Blancs de Pistoie, qui vin-
rent à Florence soumettre leur différend à Tarbitrage
du sénat. Les Blancs s'allièrent avec les Cerchi , les Noirs
aveclesDonati. Dans une assemblée secrète tenue par
les Noirs dans l'église de la Trinité, il fut résolu qu'on
prierait le pape Boniface VIII d'inviter Charles de Va-
lois, frère de Philippe le Bel, à marcher sur Florence
pour apaiser les troubles et réformer l'État. Cette dé-
marche irrita justement les Blancs. Ils allèrent en
armes trouver les Prieurs^, et accusèrent leurs ad-
versaires de conspirer contre la liberté publique. Ce-
pendant les Noirs s'étant armés de leur côté, toute la
ville fut en commotion, et un conflit devint imminent»
En ces graves circonstances, délibérant avec ses
collègues sur le parti à prendre, Dante leur conseilla
d'exiler les chefs des deux factions. Ne voyant, en
effet, aucun autre moyen de prévenir des maux ef-
froyables, les Prieurs se rangèrent à cet avis. Les Noirs
furent bannis au delà de la Piave, près de Pérouse, et
les Blancs à Sarzana. Mais les Blancs avant obtenu
quelque temps après la permission de rentrer dans Flo-
rence, lesNoirs, qui attribuèrent cette faveur à Dante,
le taxèrent de partialité. Les haines se rallumèrent,
et la ville fut plus que jamais en proie à la discorde.
Cependant le pape Boniface, craignant que les
Blancs, qui comptaient parmi eux beaucoup de Gibe-
> Ily en avait six. C'étaient les magistrats suprêmes do la république.
58 INTRODUCTION.
lins, ne prévalussent, et que les Noii^s, presque tous
Guelfes, ne fussent exclus du gouvernement, pressa'
Charles de Valois de marcher sur Florence. Il y entra
avec son armée , mais, au lieu de pacifier les dissen-
sions et de réconcilier les partis, il prit possession de
la ville pour son propre compte. Les Blancs furent
désarmés, et les Noirs rappelés. Ils revinrent en triom-
phateurs, ouvrirent les prisons et saccagèrent les mai-
sons de leurs adversaires.
Dante, alors en mission près du pape, pour solli-
citer son intervention amiable, était le principal objet
de leur rage. Une proclamation, publiée le 27 jan-
vier 1 502 , le condamna à une amende de huit mille
livres et à un exil de deux ans, et, à défaut de paye-
ment de Tamende, à la confiscation de ses biens, les-
quels furent saisis. Là ne s'arrêta point la persécution.
Au mois de mars de Tannée suivante, un décret le
condamna, ainsi que quinze autres Florentins, à être
brûlé vif ^
En apprenant le triomphe de ses ennemis à Flo-
rence, Dante quitta Rome immédiatement, irrité
contre le pape qu'il soupçonnait de Tavoir retenu par
de fausses promesses sur les rives du Tibre, tandis
qu'il concertait sa ruine sur les bords de TArno. Il se
rendit d'abord à Sienne, d'où, pleinement instruit des
* Tiraboscbi, Stor. délia Leller. itaL^ t, V, p. 418, donne le texte
de la sentence, écrite en latin.
INTRODUCTION. 29
malheurs qui le frappaient, il alla rejoindre à Arezzo
les aulres exilés, dont le chef, Bossone da Gubbio,
l'accueillit avec une grande joie.
Plus tard, les Blancs tentèrent de rentrer de vive
force dans Florence; ils s'emparèrent même d'une des
portes, mais ils furent finalement repoussés. On a dit
que Dan te faisait partie de cette expédition ; il paraît,
au contraire, l'avoir désapprouvée S et qu'elle fut
Tune des causes qui le brouillèrent avec ses com-
pagnons d'exil.
« Rappelé à Florence, mais sous des conditions hu-
miliantes, il refusa d'y rentrer'.» Sa vie ne fut désor-
mais qu'une suite de courses errantes. Le pauvre
banni s'en allait là où le conduisaient les circonstan-
ces, le besoin qui le pressait, l'inquiétude de son esprit,
l'incurable tristesse de son âme. En 1306, on le voit
àPadoue chez les marquis Malaspina, puis avec son
ami Bossone da Gubbio, ensuite à Vérone, près des
Seal agi eri. De là, reprenant son pèlerinage, il par-
courl, une partie de l'Italie, passe les Alpes, et vient
à Paris chercher dans l'étude un aliment à sa pensée
avide de savoir, et une distraction à ses amers ennuis.
* Parad,, ch. xviii, Icrc. 22.
* CeUe phraso, ajoutée par FÉditeur, est la traduction, aussi restreinte
que possible, d une note au crayon placée par Lamennais à la marge dt
paragraphe ci-dessus. Elle porte simplement : On le rappelle; — S07i
refus.
c\
30 INTRODUCTION.
c< C'était, dit M. Villemain^, diaprés Boccace , vere
c< 1304; beaucoup de monde, clercs et laïques, étaient
c( accourus dans la grande salle de TUniversité pour
« entendre une thèse qui devait être soutenue de qu(h
« libetj — sur tout ce qu'on voudra. Le tenant était
« un étranger, jeune encore, d'une physionomie haute
c( et grave ; il y avait quatorze champions attaquants :
c< chacun présentait sa question et sa difficulté avec
c< tous les arguments que la science du temps pouvait
« fournir. Lorsque ces quatorze chevaliers scolas tiques
« eurent passé, le tenant reproduisit lui-même toutes
« les questions ; puis il les reprit, et avec une infinie
c( variété d'arguments, terrassa chacun de ses quatorze
ce adversaires.»
Il ne laissait pas, durant ces pérégrinations, de con-
tinuer son poëme, commencé avant son exil , sans
qu'on sache à quelle date précise, et terminé pendant
le séjour de l'empereur Henri VII en Italie. Dante et
les autres proscrits avaient espéré qu'il leur rouvrirait
les portes de Florence. Il marcha en effet sur cette
ville; mais, craignant, à ce qu'il paraît, d'échouer
dans cette attaque, il tourna tout à coup vers le
royaume de Naples, et bientôt après mourut, empoi-
sonné, dit-on, à Buonconvento, près de Sienne, au
mois d'août 1513.
Cette mort fut celle des dernières espérances de
* Cours de littérat, française, t. I, p. 296.
INTRODUCTION. 31
Dante. Il se mil de nouveau à errer çà et là, sans néan-
moins s'éloigner beaucoup de Vérone, où, en 1320,
il fit une sorte de cours public sur les deux éléments,
le feu etTeau.
L*accueil qu'il reçut à Ravenne de Guido Novello da
Polenta, qui « sachant, dit Boccace, combien à de
« nobles âmes il est difficile de se résoudre à deman-
« der, prévenait tous les désirs de son hôte\ » l'arrêta
dans celte ville. Guido, poëte distingué, était le père
de l'infortunée Francesca de Rimini. En guerre alors
avec Venise, il envoya Dante comme ambassadeur dans
cette ville pour traiter de la paix. « Mais, remarque
« un de ses biographes', il semble que ce fût la desli-
« née de Dante que chaque honneur nouveau fût pour
« lui le présage d'une calamité. Ses malheurs com-
« mencèrent avec son élection à la dignité de Prieur
« de Florence; son ambassade de Rome marqua l'épo-
« que la plus désastreuse de sa vie; et sa mission à Ve-
« nise se termina par sa mort : car, n'ayant pu obtenir
« audience du sénat de cette ville, il revint à Ravenne
a le cœur brisé, et mourut peu après », à l'âge de cin-
quante-six ans.
Jean Villani rapporte ainsi sa mort : « L'an 1321,
«au mois de septembre, mourut le grand et vaillant
« poëte Dante Alighieri de Florence, dans la ville de
* Vita di Dante.
« Simpson, The Literature of Italy, etc., p. 75.
52 INTRODUCTION.
c< Ravenne en Romagne, après son retour d'une am-
<( bassade à Venise pour le service du seigneur de Ra-
« venne, auprès duquel il demeurait.»
Guido Novello da Polenta lui fit faire de pompeuse?
obsèques. Son corps fut porté à Téglisepar les citoyens
les plus distingués de Ravenne. Guido ordonna qu'un
monument splendide serait élevé à sa mémoire. Mais
la mort de Guido ayant suivi de près celle de son ami,
ce dessein ne fut exécuté qu'en 1583, parRernardo
Bembo, père du cardinal, et alors préteur de Ravenne.
Le tombeau, orné de plusieurs inscriptions, fut res-
tauré en 1692 par les ordres et aux frais du cardinal
Corsini, et remplacé en 1780 par un magnifique mau-
solée que fit construire le cardinal Luigi Valenti Gon-
zaga. Vainement, à diverses époques, les Florentins
réclamèrent les cendres du citoyen que vivant ils
avaient proscrit, du c< poëte souverain S> qui sera à
jamais la plus grande gloire da sa patrie ingrate :
Ravenne, fière à bon droit de ce sacré dépôt, a résolu
de le garder.
Dante était de stature moyenne. Ses traits, souvent
reproduits par la peinture et sur les médailles, étaient
fortement prononcés : un nez aquilin, des pommettes
légèrement saillantes, la lèvre inférieure un peu avan-
cée, d'épais cheveux noirs bouclés, la barbe de même
' Poêla sovrano* C'est le tilre que Dante donne à Homère. Enf,
ch. IV, terc. 50.
INTRODUCTION. 35
couleur, quelque chose de pensif et de sévère dans la
physionomie.
Les premiers chants de la Divine Comédie^ répétés
de bouche en bouche, avaient tellement frappé les
imaginations, que les femmes de Florence se disaient
Tune à Tautre à voix basse ; « Voilà celui qui va en
enfer et en revient. » Il semblait que déjà hors de la
sphère des êtres mortels il fût, aux yeux du peuple,
comme un de ces fantômes qu'il avait évoqués\
Et n'est-ce pas en effet un fantôme, une ombre hu-
maine qu'on voit passer là sur tous les chemins de
l'Italie, de la France, allant, venant, sans aucun re-
pos? Ce repos que jamais il ne devait trouver sur la
terre, était devenu sa seule pensée, son désir unique.
Vers la fin de sa vie, étant par hasard entré dans un
cloître , un religieux lui demanda ce qu'il cherchai I,
il répondi t : Pace I
Ainsi vécut dans la souffrance et la pauvreté, et
mourut dans l'exil, celui dont le nom ne devait jamais
mourir. Sa destinée rappelle la destinée d'Homère, du
Tasse, de Camoëns, de Milton. Ce n'est pas gratuite-
ment que le génie est accordé à l'homme, et si l'on
savait ce qu'il faut le payer, qui se sentirait l'âme
' Une autre note au crayon semble attester que Lamennais avait en
me quelques détails relatifs k Teffet extraordinaire produit par la Di-
vine Comédie. Elle renvoie et nous renvoyons le lecteur au Cours de
lUtéralure de M. Villcmaîn {Moyen Age), tome I", p. 314, cdit. Didier.
34 INTRODUCTION.
assez forte pour accepter ce don formidable, et ne
dirait plutôt comme le Christ : Transeat a me I On parle
de gloire, mais lequel d*entre eux a su qu'il jouirait
de cette gloire, qu'elle projetterait ses rayons sur ta
fosse où il descendait plein d'angoisse? Le vulgaire
cherche à cette angoisse une je ne sais quelle secrète
compensation dans les stériles joies de l'orgueil satis-
fait. Il ignore que plus s'élèvent ces grandes âmes^
plus elles doutent d'elles-mêmes, plus elles se sentent
loin du splendide exemplaire qu'elles contemplent et
qu'elles ne reproduiront jamais. Elles sont, elles aussi,
des victimes saintes de l'humanité dont le progrès,
à divers degrés, est attaché à leur sacrifice. Une voix
interne, puissante, irrésistible, leur crie : « Va ! » et
elles vont : « Monte au calvaire ! » et elles montent.
III
OUVRAGES DE DANTE
Des canzoni et des sonnets, entre lesquels on ne-
saurait établir un ordre chronologique certain, furent
les premières productions de Dante. Et pour la forme
et pour le fond, ils appartiennent à iin genre de poésie
dont il est nécessaire d'indiquer, au moins briève-
ment, l'ongine et le caractère ; car l'intelligence do
INTRODUCTION. S5
l'œuvre entière du grand poète gibelin dépend de cette
connaissance préliminaire, ainsi que Font senti les
interprètes modernes, parmi lesquels on consultera
spécialement avec fruit MM. Delécluse^ Philarèle
Ghasles' et Rossetti*. Ce dernier, néanmoins, doit être
lu avec beaucoup de réserve.
Le chant est naturel à Thomme, et par conséquent
la poésie ou la parole chantée. Aussi est-elle de tous
les temps, et la trouve-t-on chez tous les peuples,
même les plus sauvages : le nègre près des bords du
Niger et de la Gambie, TEsquimau, le Samoyède au
milieu de leurs glaces, l'Océanien sur ses îles de co-
rail ont leurs chants, leur poésie, comme avaient la
leur les fils de Brahroa dans les montagnes et les
plaines de Tlnde, sur leurs riantes collines les enfants
d'Hellen. Sous tous les climats, à tous les degrés d(î
la civilisation et de la barbarie, elle est le retentisse-
ment mélodieux de Tâme humaine.
Si l'on remonte à la source cachée dans la nuit des
âges, d'où s'épancha de proche en proche la bienfai-
* Dante Alighierif ou la poésie amoureuse. Paris, chez Amyol.
« Étude sur Dante, parmi les Éludes sur les premiers temps du chris-
tUmisme et sur le moyen âge. Paris» 1847.
* Sullo spirito antipapaîe, che produsse la Riforma, e suUa sécréta
iofluenza ch^esercitb nella Letteraturad'Ëuropa, e specialmente d'Italia.
come risulta da molti suoi classici, massimè da Dante, Petrarca, Botv
caccio, DisquisizionL Londres, 1852. — LaDivina Commedia di Dante
Aligbieri, con comento analitico di Gabriele Rossetti. Londres, 1827.
5G KTUODIICTION.
santo lumière de la religion, des lois, on en voit sortir
la poésie sous sa première forme, et cette forme est
riiymne. Les Védas ne sont qu'un recueil d'hymnes.
Les chants d'Orphée, de Musée, étaient des hymnes,
^hose bien remarquable, Thomme s'est d'abord, par
jn élan spontané de son être^ porté vers Dieu. Puis,
redescendant en lui-même, au sein de la Nature, pé-
nétré de sa vie, il en chante les merveilles, les secrètes
puissances, ses propres sentiments, ses passions, et
surtout la plus vive, la plus universelle, lamour.
A cette poésie d'amour l'hymne vient se mêler en-
suite par la combinaison, la fusion, qui s'opère dans
les profondeurs mystérieuses de l'âme, de l'amour
humain et de l'amour divin.
La pensée se développant, ce qui n'était qu'instinct
devient plus tard doctrine. On voit naître une philo-
sopliie de l'amour séparé des sens (quoique la poésie
qui le peint emprunte aux sens et aux passions des
sens ses images), et dont l'objet se symbolise dans une
femme idéale, avec les différences produites, chea; les
différents peuples, à des époques diverses, par les
idées religieuses accessoires, les mœurs et le génie
ïMÔmc des races. De là, pour ne pas remonter plus
liaut dans le temps, et ne pas s'enfoncer plus loin ■
dans rOrient, la Sulamite du Cantique des CantiqueSf •
la Diotime du Banquet de Platon^ où Socrate raconte
comment il fut par elle initié à la doctrine de Tamour ;
INTRODUCTION. 37
céleste, la Zuléika et la Léila des Arabes, et tant
d'autres types analogues chez les Persans ; et après les
croisades, chez les peuples occidentaux, où on le re-
trouve jusqu'en Angleterre dans les sonnets de Shak-
speare, visiblement empreints de ce mysticisme tradi-
tionnel. Le symbolisme mystique de Dante et de ses
contemporains se compliqua d*un autre symbolisme
correspondant aux passions politiques des partis entre
lesquels était divisée Tltalic, le parti impérial ou gi-
belin, le parti guelfe ou pontifical, et à la haine plus
générale qu'inspiraient Tambition, Torgueil, l'avarice
de la cour romaine, et ses corruptions parvenues à leur
comble lors du séjour des papes à Avignon.
Ainsi les symboles de l'amour pur, de l'amour
divin, devinrent les symboles d'une doctrine secrète,
religieuse et politique ; les mots prirent des acceptions
nouvelles, obscures pour le vulgaire, connues des
seuls adeptes. On n'en saurait douter en lisant les
poètes gibelins de l'époque de Dante, Guido Caval-
canti, Lappo Gianni , Guittone d'Arezzo , Cione Ba-
glione, Cino da Pistoïa, Giglio Lelli et leurs sonnels
énigmatiques. Sous des formes convenues, mysté-
rieuses, ces fidèles d'amour^ ainsi qu'ils se nommaient
entre eux, se communiquaient leurs pensées , leurs
espérances, leurs craintes, poursuivant le but parti-
culier du parti impérial, et concourant, à divers
degrés, au développement de la vaste conspiration
D. I.
58 INTRODUCTION.
formée dans le Moyen âge contre la Rome papale, ef
qui aboutit à la réforme du seizième siècle. Les Lettres
de Pétrarque, ses Églogues et celles de Boccace, ne
laissent sur ce point aucune incertitude. Quelle que
fût d'ailleurs la multiplicité des doctrines et des asso-
ciations différentes, le même esprit éclate partout ^
avec les mêmes précautions de langage. Les figures
de r Apocalypse, les fictions païennes du Tartare et de
rÉIysée fournissent, tour à tour, des images sur le sens
desquelles aucun initié ne se méprenait. Le Pape est
l'antique serpent, son règne le règne visible de Satan
et de ses anges maudits ; les martyrs revêtus de robes
blanches demandant justice de leurs persécuteurs au
pied du trône de T Agneau, sont les victimes de l'In-
quisition; la ville aux sept collines, Rome, est la pro-
stituée assise sur les eaux, la Babylone, repaire des
animaux immondes, dont on attend la chute certaine,
célébrée par des chants d'allégresse et des cris de
vengeance.
Une telle complication de vagues allégories, d*ex-
pressions volontairement obscures, ne jette pas seule-
ment de la sécheresse et de la froideur dans les poésies
gibelines, mais souvent les transforme en une sorte
de chiffre inintelligible aujourd'hui, et qui le sera
probablement toujours, spécialement en ce qui touche
le côté politique.
Le symbolisme philosophique n'exigeait pas les
i
INTRODUCTION. 30
mêmes précautions ; aussi verrons-nous plus loin que
Dante lui-même fournit des explications très-utiles pour
l'intelligence non-seulement de ses premières poésies,
mais encore de la Divina Commedia^ sans néanmoins
dissiper, à beaucoup près, toutes les obscurités.
Pour ne pas interrompre renchaînement des idées
et des faits qui relient entre eux ses autres ouvrages
et en forment le meilleur et le plus sûr commentaire^
nous parlerons ici de son Traité de la langue vulgaire^
qu'il contribua tant à fixer au degré où elle pouvait
l'être, si près encore de son origine. Ce sujet, en ap-
parence purement littéraire et scientifique, n*était
pas étranger aux intérêts de parti. Les Guelfes et les^
Gibelins avaient chacun leur langue : les Guelfes le
latin, langue officielle connue de la seule classe in-
struite, les Gibelins la langue parlée et entendue de^
tous. Ce n'était pas là, certes, une différence légère,
car elle marquait deux tendances contraires, Tune
vers Tavenir, l'autre vers le passé. La naissance de la
langue vulgaire fut la naissance de l'esprit nouveau.
Quand les peuples eurent leur langue, ils eurent leur
pensée spontanée, vivante.
Dante, selon la méthode du temps, remonte à Tori-
gine<lu langage même, qu'il place en Dieu parlant au
premier homme, et l'homme dut, selon lui, parler
avant la femme en vertu de sa prééminence. Cette lan-
* De vuUjari eloquio.
40 INTRODUCTION.
^ue originelle fut T hébreu ; après quoi vint la confu-
sion de Babel .
11 distingue en Europe plusieurs familles de lan-
gues : les langues slaves et les langues latines, « qui
« n'en font qu'une , dit-il , bien qu'elles paraissent
<c trois. Pour signe d'affirmation, les uns disent oc^ les
« autres otV, les autres si ; ce sont les Espagnols, les
« Français et les Italiens. La preuve de l'origine com-
« mune de ces trois langues est dans le grand nombre
« de mots semblables qu'elles emploient ^ »
Puis il établit la supériorité de la langue d'oil, dans
laquelle écrivaient de préférence les Italiens eux-
mêmes avant que leur propre langue se fût suffisam-
ment développée et polie*. Dante la divise en quatorze
idiomes, « chacun desquels, ajoute-t-il, se subdivise
« lui-même en un si grand nombre, que je porterais à
<( mille tous les dialectes, toutes les variétés de langage
« qui se parlent en Italie. »
M. Villemain fait à ce sujet les réflexions suivantes,
aussi justes, ce nous semble, qu'ingénieuses. « Cette
« multitude même de langages, dit-il , nous expliquera,
«je crois, pourquoi la langue italienne fut si tardive à se
* Traduction de M. Villemain.
> i( Si aucuns demandoit pourquoi chi lisvres est écrit en rouman, pour
•chou que nous sommes ytalien, je diroie que ch'est pour chou que nous
sommes en France, et pour chou que la parleure en est plus délitablo
et plus commune à toutes gens. » Brunetto Latini, en son livre intitulé
le Trésor.
INTRODUCTION. 41
« fixer, à se constater visiblement par des écrits. Tout
ce homme doué de quelque invention voulait être en-
ce tendu au delà des murs de sa ville ; il était tenté de
a choisir, non pas un de ces patois de lltalie, mais
c< une langue durable, vivace : il écrivait en langue
« latine. Ce n'est pas tout; lorsque le souffle du génie
« moderne commençait à dominer, lorsqu'il fallut
« bien se détacher de cette latinité morte, ou qui ne
c< vivait plus que dans les églises et dans les greffes, les
« premiers hommes qui, en Italie, sentirent en eux
a quelque talent poétique, pour rendre en langue vul-
a gaire les émotions du cœur, cherchèrent un autre
c< idiome moderne qui leur offrît ce caractère d'unité
a qu'ils ne trouvaient pas en Italie : le provençal devint
« pour eux la langue littéraire. Cette influence que la
c< langue des trouvères obtenait en Angleterre par la
« conquête et Tenvahissement politique, la langue des
a troubadours l'exerça sur l'Italie du nord par le seul
« pouvoir du goût et de l'harmonie \ o
Il y aurait aussi à tenir compte dans le Midi de l'in-
fluence que dut exercer la conquête du royaume de
Naples par Charles d'Anjou. Celle des Normands ne
paraît pas avoir, à cet égard, laissé de traces sensibles.
La Vie nouvelle marque en effet dans la vie de Dante
comme une époque de transition, déterminée par la
mort prématurée de Béatrice. La passion si constante
* Cours de littérature françaisey tom. I, p. 300.
42 INTRODUCTION.
et si vive que, dès Tenfance, lui avait inspirée celte
jeune fille se transforma, et sembla depuis lors flotter,
en quelque sorte, entre l'objet réel ravi à son amour
terrestre, et un type idéal où se concentrait tout ce que
le poëte concevait de plus haut dans ses contempla-
tions religieuses et philosophiques. La femme devint
symbole sans cesser d'être femme, et toujours, dans le
ciel même, au sein du mystère qui l'enveloppe, elle
apparaît sous ce double aspect.
L'ouvrage singulier où Dante peint si vivement les
amères douleurs d'une perte irréparable et la transfor-
mation qu'elle opéra en lui, est en même temps une de
ces œuvres où, en l'enveloppant de symboles familiers
aux adeptes, et clairs pour eux seuls, les Gibelins,
comme nous l'avons dit, cachaient le secret de leurs
pensées et de leurs passions politiques. 11 commence
ainsi :
a Dans cette partie du livre de ma mémoire, avant
« laquelle il y aurait peu de choses à lire, se trouve
« une rubrique qui dit : Ici commence la vie nouvelle.
« Sous cette rubrique, je trouve beaucoup de choses
« écrites, et des paroles que j'ai l'intention de rassem-
« bler dans ce livre, sinon textuellement, au moins
« quant au sens\ »
Il raconte ensuite de quelle manière, lorsqu'il ac-
complissait sa neuvième année, lui apparut la glo-
' Traduction de M. Delécluse.
INTRODOCTIOTf. <5
rieuse dame de sa pensée, à laquelle, dit-il, c< beau-
ce coup de personnes ne sachant comment la nommer,
« ont donné le nom de Béatrice. »
Neuf ans après, il la rencontre « vêtue d'un habit
« de blancheur éclatante, et placée entre deux nobles
« dames un peu plus âgées qu'elle. Elle le salue d'un
<c salut si doux^ qu'il croit toucher au terme de la béa"
« titude »
Rentré chez lui, il a une vision à la quatrième heure
de la nuit. Récit de cette vision, bizarrement allégo-
rique :
c< J'en ressentis, ajoute-t-il, une si vive angoisse de
« cœur, que mon sommeil, qui n'était que léger, fut
« interrompu , et je m'éveillai. Aussitôt je repassai
<c dans mon esprit ce qui m'était apparu, et je pris
« la résolution de faire connaître ce que j'avais vu à
« plusieurs personnes, qui alors étaient des trouba-
c( dours fameux ; et comme déjà j'avais fait expérience
« de dire des paroles en rimes, je décidai de composer
« un sonnet dans lequel je saluerais tous les Fidèles
« d'amour. Les priant donc de juger ma vision, je leur
« écrivis ce qui m'était apparu pendant mon sommeil,
« et commençai ce sonnet :
« A chaque âme éprise, à tout noble cœur à qui ce
« sonnet parviendra, afin qu'ils en disent leur avis,
« salut ! au nom de leur seigneur, c'est-à-dire Amour.
« Le tiers des heures pendant lesquelles les étoiles
44 INTRODUCTION.
« sont le plus brillantes était passé, quand Amour
« m'apparut tout à coup ; Amour dont Tessenee me
« remplit de crainte quand j'y repense.
c< Amour me semblait gai , tenant mon cœur dans sa
c( main, et soutenant dans ses bras une dame endormie
a et enveloppée dans un voile.
« Puis il la réveillait, et faisait repaître humble-
« ment la dame épouvantée, de ce cœur si ardent;
« après, je le voyais fuir en pleurant ^ »
Guido Cavalcanti, Cino da Pistoïa, Dante da Maïano,
Davanzati, Orlandi, Doni, répondirent à ce sonnet par
d'autres sonnets plus obscurs encore. Tous étaient des
hommes graves. S'amusaient-ils à échanger entre eux:
des énigmes inintelligibles? il est impossible de le
penser. Ces images, ces allégories, si sérieuses à leurs
yeux, recouvrent évidemment quelque secret perda
pour nous, probablement un secret politique.
Chaque sonnet est accompagné d'une glose qui eiE
marque les diverses parties, par une sorte d'analys<3
subtile, suivant la méthode scolastique , mais sans jeter
aucune lumière sur le fond de la pensée.
Retenu au lit par une maladie grave, le poète a pen-
dant le sommeil une vision où la mort de Béatrice lui
est annoncée. Le récit plein de tristesse et de tendresse
que, suivant sa coutume, il en a d'abord fait en prose, il
el reproduit dans des vers touchants. La réalité domine
* Traduction de M. Deiccluse.
INTKODUCTIOÎi 45
îcî ; on sent vibrer les fibres du cœur, on voit couler de
vraies larmes. Depuis lors la jeune fille, reçue parmi
les bienheureux, devient une sorte d'apparition cé-
leste, un être à demi réel, à demi symbolique. f.e
poëte a devant soi un modèle idéal où rien de mortel
ne subsiste plus. Enfin ses chants s'arrêtent, mais,
comme il le fait pressentir, pour recommencer avec
plus d'éclat lorsque son génie, dans la plénitude de sa
force, lui permettra d'élever le monument qu'il des-
tine à celle dont le souvenir ne devait jamais s'effacer
de son âme , ni , grâce à lui , de la mémoire des
hommes.
a Après avoir, dit-il, terminé ce sonnet, j'eus une
« vision extraordinaire pendant laquelle je fus témoin
« de choses qui me firent prendre la résolution de ne
« plus rien dire de cette Bienheureuse jusqu'à ce que
ce je pusse parler tout à fait dignement d'elle. Et pour
« en venir là, j'étudie autant que je peux, comme elle
« le sait très-bien. Aussi, dans le cas où il plairait à
ce Celui par qui toutes choses existent, que ma vie se
c( prolongeât, j'espère dire ce qui n'a jamais encore été
c< dit d'aucune autre ; et ensuite qu'il plaise à Celui
c( qui est le seigneur de la courtoisie que mon âme
c( puisse aller voir la gloire de la Dame, c'est-à-dire de
« la bienheureuse Béatrice, qui regarde glorieusement
a en face celui qui est per omnia sœcula benedu tus
a LausDëo. i)
iO TNTT?0T)I1CTI0N.
Ainsi finit la Vita nuova.
Le Convito ou le Banqvet est un commentaire sur
des Canzoni, qui devaient être au nombre de quatorze;
mais Touvrage , incomplet par rapport au dessein
primitif de l'auteur , n'en contient que trois. c< Les
f< viandes de ce Banquet, dit-il, seront servies de qua-
<c torze manières différentes, c'est-à-dire en quatorze
« canzonij dont l'amour et la vertu seront le sujet:
« lesquelles viandes sans le pain que j'offre avec, ne
« seraient pas exemptes d'obscurité, et plairaient à plu-
« sieurs moins à cause de leur utilité que de leur
« beauté. Mes commentaires seront la lumière qui en
« découvrira le vrai sens à tous. »
On doit, selon Dante, « distinguer dans les écrits
« quatre sens différents : le sens littéral, le sens allé-
« gorique, le sens moral et le sens anagogique. »
C'était la méthode appliquée dans les écoles de
théologie à l'interprétation de l'Écriture. c< Par le sens
<( allégorique, j'entends, ajoute Dante, la Vérité ma-
« nifestée par le moyen de la Fable. Ainsi quand Ovide
« dit qu'Orphée charma les bêtes sauvages, et mut au
« son de sa lyre les arbres et les rochers, il voulait faire
<c entendre que l'homme sage, par ses raisonnements,
c< règle et adoucit les plus sauvages passions. Les théo-
« logiens interprètent ce sens différemment ; mais icC
a je ne parle que de poésie, et je me borne à montrer
« comment l'interprètent les poètes. Le sens moral
INTRODUCTION. 47
<c consiste dans le bénéfice que le lecteur retire pour
« soi-même de ce qu'il lit. Le sens anagogique est Tin-
« terprétation spirituelle de ce qui signifie les su-
ce prêmes objets de réternelle gloire.»
Nous reviendrons sur ce sujet, avec Dante lui-même,
lorsque nous parlerons de la Divine Comédie. Mais le
passage suivant doit être aussi remarqué :
« Je dis que par le ciel j'entends la science, et par
<c les cieux les sciences, à raison de trois similitudes
« que les cieux ont avec les sciences, principalement
<c par Tordre et le nombre en quoi ils paraissent con-
« venir. La première est la révolution de Tun et de
« l'autre autour de son point immobile ; car, comme
•« chaque ciel tourne autour de son centre , ainsi
« tourne chaque science autour de son sujet. La se-
« conde similitude est la puissance d'illuminer, pro-
<i pre à l'un et à l'autre; car, comme chaque ciel
« illumine les choses visibles, ainsi chaque science les
c< intelligibles. Et la troisième similitude est de con-
« duire à la perfection les choses qui y sont disposées * . »
En écrivant le Conxnto^ Dante était, comme on le
Toit , principalement préoccupé de l'idée philoso-
phique, de tout ce que comprenait la science de son
temps, laquelle fut aussi une de ses passions ; et par
ce côté il représente encore la société contemporaine,
que tourmentait intérieurement un vague besoin de
* Convito, II, XI?.
' «
■ (
18 INTRODUCTION.
savoir. Ce n'est pas, néanmoins, qu'il ne se trouve
dans le même ouvrage beaucoup de traits propres à
répandre une utile lumière sur les secrètes pensées
' de l'auteur, par rapport à l'état de l'Italie, aux fac-
tions qui la divisaient, aux causes des maux dont elle
gémissait : si l'homme intellectuel, embrassant l'uni-
vers, planait dans ses espaces immenses, s'élevait de
ciel en ciel jusqu'à la source infinie, éternelle, du
Vrai et du Beau, l'homme de ce monde fugitif, ra-
mené sur la terre par la réalité des choses de la vie»
ses souffrances et ses espérances, par l'amertume des
regrets, les passions de parti, la colère, la haine, en
nourrissait son âme, théâtre permanent d'un drame
terrible qui se dénoue dans une fosse à Ravenne.
Lors de l'entrée en Italie de l'empereur Henri Vil,
une sorte de fiévreuse activité saisit cette âmé ardente.
Il écrit à l'empereur, aux princes, aux peuples, aux
Gibelins, aux Guelfes, à l'Italie entière; il se fait le
suppliant de la paix publique, conjurant les factions
d'oublier le passé, d'abjurer leurs fatales dissensions,
de ne plus former qu'une seule famille unie autour
du sceptre impérial, à ses yeux le symbole de l'ordre
et le gage du salut. Ce fut alors qu'il publia son livre
de Monarchiâj où il expose avec beaucoup de netteté
sa théorie sociale. Il y établit la nécessité, pour le
maintien de l'unité, de la justice, de la concorde,
d'une monarchie ou d'un empire universel, de l'em-
INTRODUCTION. 49
pire que déjà, dans le ComntOj il avait dit avoir atteint
sa perfection sous Octave Auguste*. Par une disposi-
tion divine, cet empire appartient au peuple romain >
et ne dépend immédiatement que de Dieu. Nous
aurons bientôt occasion d*examiner cette théorie, qui
se rattache aux plus hautes questions discutées encore
aujourd'hui, et avec non moins de chaleur qu'au
treizième siècle. La Rome pontificale, après avoir si
longtemps combattu pour se subordonner l'empire,
n'en pouvait admettre la pleine indépendance. Le livre
de Dante souleva tout le parti papal. Le cardinal Bel-
tramo di Poggetto, légat du pape en Lombardie, or-
donna qu'il serait brûlé comme contenant des doc-
trines hérétiques, et défendit de le lire sous peine
d'excommunication; l'auteur, menacé du même sort,
s'enfuit, non sans difficulté, des Légations avec l'aide
de quelques amis*.
Durant ces jours de persécution, errant de lieu en
lieu sans trouver nulle part un coin de terre où se
reposer, Dante ne laissait pas de continuer son Poëme,
où se trouve rassemblé tout ce que l'étude, la réflexion,
les événements d'une vie si troublée avaient accumulé
*■ H mondo non fu mai ne sara si perfettamente disposto, corne
allora, che alla voce d'un solo principe del Roman popolo e comanda-
tore fu ordinale Ë per6 pace universale era per tutto, che mai più
non fu ne sia : la nave délia umana compagnia dirittaroente per dolcti
cammino al débite porto correa. ConvitOy p. 167.
* Pino délia Tosa et Ostagio di Polenta, suivant Boccace.
5vi INTRODUCTION.
•de connaissances diverses, dépensées, d'émotions, de
tristesses et de joies (hélas I celles-ci trop peu nom-
breuses) dans ce vaste esprit et cette grande âme.
Avant de pénétrer dans les splendides ombres de ce
.isanctuaire , d'essayer de soulever quelques-uns des
voiles qui en recouvrent les mystères, un nouveau tra-
vail est indispensable. Il faut connaître Dante tout en-
tier pour connaître son œuvre.
IV
DOCTRINES DE DANTE
Tout homme est de son siècle. Quels que soient son
!génie, sa puissance personnelle, il se meut toujours, à
bien peu près, dans la sphère des idées reçues, aspi-
rant au delà, il est vrai, et, àTaide d'une vue plus
perçante, montrant à ceux qui le suivent quelque per-
spective jusqu'alors cachée, un terme encore lointain
vers lequel désormais, pleins d'un désir inquiet, ils ne
cesseront de marcher, incapables de repos jusqu'à ce
qu'ils l'atteignent. Ainsi va se modifiant l'état de l'es-
prit humain, ainsi de proche en proche s'accomplit
le progrès; et ce mouvement qui n'est que la loi même
d'évolution de l'humanité, il n'est pas plus possible
de l'arrêter, que de le hâter par la suppression des
INTRODUCTION. 51
points întermédiaires. De là, dans la société , une
double tendance, Tune à conserver ce qui est, l'autre
à le détruire en le transformant, car rien ne naît sans
germe, et, de quelque manière qu'il y soit enveloppé,
le germe de l'avenir est dans le présent, qui lui-même
eut le sien dans le passé.
Au siècle de Dante, la théologie dominait toutes les
autres sciences \ et avec raison en un sens, puisqu'elle
en est la plus générale, qu'elle part de la cause pre-
mière, universelle et absolue, pour descendre aux cau-
ses dérivées et particulières. Indépendante, à ce point
de vue, des religions diverses et de leurs dogmes va-
riables, elle se confond néanmoins de fait avec ces
religions chez les différents peuples dont elles déter-
minent les croyances, sur tant de points opposées entre
elles. Ainsi, dans le cours des âges se produisirent les
théologies égyptienne , brahmanique , mazdéenne,
juive, musulmane, chrétienne. Celle-ci dut être néces-
sairement la théologie de Dante, né chrétien, et qui
vécut chrétien sincère.
Pour bien comprendre Tesprit de son temps et ses
opinions propres, on ne doit pas oublier que la reli-
gion chrétienne se compose d'une doctrine qui est
l'objet de la foi exigée, et d'une institution extérieure,
*• Aussi le titre de « théologien » est-il le premier donné k Dante dans
l'inscription inscrite sur son tombeau :
Theologus Dantes, nullius dogmatis expers.
52 INTRODUCTION.
d'un corps sacerdotal dépositaire de cette.doclrîne, et
préposé au gouvernement de la société qui la pro-
fesse, société qu'on appelle TÉglise. Constitué hiérar*
chiquement, le sacerdoce, sous sa forme définitive,
eut pour chef le pontife romain, dont la puissance,
accrue par une suite d'entreprises hardies et patien-
tes, et aussi par une conséquence logiquement rigou-
reuse du principe de l'institution, avait d'abord lutté
avec gloire, et au bénéfice de l'humanité, contre le
pouvoir temporel, qui, d'une part, tendait à tout
absorber en soi, et, d'une autre part, à éteindre dans
le despotisme de la force brutale et dans un matéria-
lisme grossier tout ce qui restait de lumières et la
morale même devenue le jouet de ses caprices les plus
effrénés. Ce fut l'époque brillante et vraiment grande
de la papauté, aidée, dans le combat à outrance qu'elle
eut à soutenir, par l'infaillible instinct des peuples.
Mais, selon la pente inévitable de la faiblesse hu-
maine, après avoir arrêté les envahissements, re-
poussé la domination du pouvoir temporel qui aurait
plongé la société dans l'abjecte servitude de la brute,
elle s'efforça de se substituer à lui, de l'absorber dans
son propre pouvoir, de constituer enfin une théocratie
absolue, non moins destructive de la hberté, de
l'homme intellectuel et moral. Alors les peuples, par
h même instinct infaillible où elle avait d'abord
trouvé un invincible appui, se tournèrent contre elle;
INTRODUCTION. 5S
ils finirent même par la prendre en haine à cause de
ses oppressions, de ses exactions, de son avarice in-
satiable et de ses corruptions de tout genre. De là^
surtout dans les classes relativement instruites, une
vive opposition qu'elle crut dompter par les supplices;
mais elle ne réussit qu'à la rendre secrète, à la refou-
ler au fond des âmes où bouillonnaient les passions
ardentes comme la lave en fusion dans les entrailles,
d'un volcan. Rien de plus vrai que ce que dit à cet
égard M. Rosselti, et les preuves qu'il allègue, déjà
connues, au reste, de quiconque a sérieusement étudié
cette période de l'histoire, sont en général sans ré-
plique ; seulement il n'apporte pas toujours assez de
critique dans le choix de ces preuves, confondant
quelquefois des choses très-diffcrentes et même en-
tièrement disparates. Ainsi, bien que les Albigeois
aient pu avoir quelques liaisons avec d'autres ennemis
de la Rome papale, ils n'en formaient pas moins une
secte tout à fait à part, imbue des doctrines orientales
d'un manichéisme analogue à celui de plusieurs gno-
stiques, et qui n'empruntaient au christianisme, dans
un but de propagande plus facile, que certaines for-
mes extérieures du culte et les dénominations verbales
du sacerdoce hiérarchique. Il est vrai aussi que, en
dehors de cette secte radicalement antichrétienne, la
foi aux dogmes s'était ébranlée avec la foi au sacer-
doce conservateur du dogme, et cela naturellement,
5i INTunnlSCTIOK.
comme aussi à divers degrés; do sorte q
langage symbolique au moyen duquel s'entendaient
entre eus les adversaires de la Rome papale, langage
habituellement tiré des figures de l'Apocalypse, il est
souvent très-difficile de distinguer les sentiments réels
de ceux qui l'emploient, leurs idées précises, et de
fixer les bornes dans lesquelles se renferme leur
«royance ou leur incroyance.
Pour ce qui est de Dante, il nous paraît, lors même
que sa parole est la plus empreinte d'amertume, s'in-
digner uniqncment contre les abus de la papauté, son
ambition, sa rapacité, ses dissolutions scandaleuses,
«n respectant l'institution et la puissance, à ses yeux
d'origine divine, qu'il reconnaît lui appartenir dans
l'ordre spirituel.
Nous croyons, avec M. Ozanam, que sa théologie
strictement orthodose, était la pure théologie alors
-enseignée dans les écoles, la théologie de saint Tho-
mas et des autres docteurs. On ne saurait même, en
Je lisant, s'empêcher de remarquer le soin particu-
lier qu'il apporte, lorsqu'il traite de ces matières, à
ne rien dire qui ne soit rigoureusement exact, non-
seulement quant au fond de la pensée, mais encore
•quant à l'expression. Quelques déviations apparentes,
dont nous aurons à parler ailleurs, n'infirment point
cette observation, incontestable, ce nous semble, dans
sa généralité.
INTRODUCTION. 5b
La philosophie naturelle , à proprement parler,
n'existait pas encore. Au lieu de rassembler et de
classer les faits pour remonter ensuite aux lois qui les
enchaînent, elle suivait la méthode directement con-
traire, substituant Thypothèse à Texpérience, et au
monde réel un monde abstrait, produit fictif de vues
à priori et de conceptions arbitraires. Elle procédait
delà métaphysique étroitement liée à la théologie de qui
elle dépendait, et à laquelle l'école s'efforçait de ra-
mener les idées d'Aristote, mal compris et dont Tauto-
rité ne laissait pas d'être souveraine * : d'où une double
interprétation du dogme par le philosophe grec, et du
philosophe grec parle dogme.
Très-inférieures à ce qu'elles avaient été chez les
anciens et même plus tard chez les Arabes , la science
du calcul et la géométrie, indispensables aux besoins
de la vie dans les civilisations les moins avancées, sub-
sistaient et se perpétuaient par un enseignement prin-
cipalement fondé sur les livres de Boèce et d'Euclide.
En astronomie , Ptolémée régnait exclusivement , et
dans l'explication des phénomènes célestes , nul ne
songeait ni n'eût osé songer à s'écarter de son système
traditionnellement consacré.
Mais à l'astronomie se reliait tout un ordre d'idées
à la fois philosophiques et théologiques , dont l'en-
* Il gran maestro di color che sanno.
(Inf. Vf.)
I
'56 INTBODUCTÎON.
semble constituait ce qu'aujourd'hui on appellerait la
physique du monde, la science de la vie dans tous les
êtres, de leur organisation variée , des causes des-
quelles dépendent les aptitudes diverses, les inclina-
tions, et, en partie, les actes de Thomme, ses destinées
individuelles, et les événements mêmes de l'histoire.
Le poëme de Dante est plein de cette doctrine domi-
nante alors, et c'est pourquoi il est nécessaire de sa-
voir comment il la concevait.
Tout émane de Dieu, de la trine unité de son être;
il a tout créé, et la création- embrasse deux ordres
d'êtres : les êtres immatériels, les êtres corporels.
Bien que tous ces êtres, qui existent dans le temps,
aient entre eux des relations de temps, ces relations,
dépendantes de leur mode fini d'existence, n'ont de
rapport qu'à eux. La création du monde des esprits
et celle du monde des corps furent, quant à Dieu, si-
multanées , car sa durée est indivisible. Comment
d'ailleurs comprendrait-on l'être spirituel séparé de
sa puissance motrice actuellement en acte , laquelle
en est le complément, et, pour ainsi parler, l'achève-
ment essentiel ' ?
De ces purs esprits se composent les neuf Chœurs
de la hiérarchie céleste. Comme autant de cercles con-
centriques, ils sont rangés autour du Point immobile,
(le l'Etre un, dans un ordre que détermine leur per-
* Paradis , ch. xxix, terc. 15.
INTRODUCTION. 57
feclîon relative, les Séraphins d'abord, puis les Ché-
rubins, et les autres jusqu'aux simples Anges. Ceux
du premier cercle reçoivent immédiatement du Point
immobile et la lumière et la vertu qu'ils communi-
quent à ceux du second; et ainsi de cercle en cercle,
comme des miroirs se renvoient l'un à l'autre les rayons,
affaiblis par chaque réflexion, d'un point lumineux.
Les neuf Chœurs, emportés par l'Amour, tournent sans
cesse autour de leur centre en des cercles de plus en
plus larges, à mesure qu'ils s'en éloignent plus, et
c'est par eux que le mouvement et l'influx divin sont
transmis à la création matérielle.
Celle-ci a au-dessus d'elle l'Empyrée, le ciel do la
jmre lumière^. Au-dessous est le Premier mobile, le
plus grand corps du ciel^y comme l'appelé Dante, parce
qu'il enveloppe tous les autres cercles, et termine le
inonde matériel. Puis vient le ciel des étoiles fixes,
puis, en continuant de descendre, les cieux de Sa-
turne, de Jupiter, de Mars, du Soleil, de Vénus, de
Mercure, de la Lune, et enfin, au point le plus bas^ la
Terre, dont le noyau compacte et solide est entouré
des sphères de l'eau, de l'air et du feu.
Comme les Chœurs angéliques tournent autour du
Point immobile, les neuf Cercles matériels tournent
autour d'un Point fixe, mus par les purs esprits qui
* ParadLso, ch. xxx, terc. 15.
« Ibid.
58 INTRODUCTION.
leur transmettent, réfléchie de cercle en cercle, la h
mière qu'ils reçoivent du Point immobile, et les va
tus informatrices, qui impriment en chaque être
caractère de sa nature propre, image imparfaite •
participation limitée de ce que renferme en soi, au
degré infini, TÊtre infini.
Ainsi, aux deux extrémités de ce grand Tout, det
points immobiles, Tun créé, l'autre créateur : en b{
la Terre ou la partie la plus matérielle de la créatioi
en haut le Principe universel subsistant de soi en d(
hors du temps, ou Dieu caché dans les ténèbres de s
lumière impénétrable; entre ces deux points extrêmes
Tun en immensité, Tautre en petitesse, l'un plénitud
do Tétre, l'autre dernier terme du moindre être, 1
Cri^atiou, de l'ange au grain de sable déployant se
merveilles ordonnées en deux hiérarchies symétrique
ment correspondantes : celle des esprits et celle de
corps animés et inanimés.
Selon ces idées, Tenchainement des phénomène
dans Tunivers dépend d'un enchaînement semblabl
d'influences émanées do TÊU^ infini, et se modifiai]
de ciel en ciel suivant la nature de chacun d'eux et I
nature des êtres qui les rei^oivent; de sorte que, cou
nues en elles-mêmes ainsi que dans leurs combinai
sons, les effets j^r Ies4|uel3 elles se manifestent sur 1
planète que nous habitons, pourraient étix?. prévu
avec une certitude égale à la connaissimcc qu'oi
INTRODUCTION. 5Î>
aurait de leurs causes. On voit que cette doctrine est
le fondement de Tastrologie judiciaire, science très-
réelle aux yeux de Dante, et objet d*une croyance
longtemps répandue dans le monde entier. Nul pays,
nul siècle où, jusqu'à nos jours presque, on n'ait cru
à l'influence des astres, et cette influence, dans un
certain ordre de faits et en de certaines limites, est en
effet incontestable; car toute erreur enveloppe quelque
vérité cachée. L'attraction lie dans un système de
mouvements solidaires les corps flottants au sein de
l'espace à des distances immensurables ; les grands
agents physiques, la lumière, la chaleur, l'électricité^
établissent entre eux de mutuelles communications, et
y apparaissent comme les conditions nécessaires, les
principes premiers de toute production organique et
inorgahique, de toute vie. Mais que, de Tordre phy-
sique transportées dans l'ordre moral, ces influences
y deviennent la cause effective des destinées des
hommes, de leurs aptitudes, de leurs propensions et
des actes qui en dérivent, comment le comprendre?
Comment comprendre que tout ce que sera, tout ce
que fera un individu humain, tout ce qu'il éprouvera
d'heureux ou de malheureux, que la trame entière de
son existence, soit déterminée par la position relative
des astres à sa naissance? Et cependant cette opinion
hizarrement étrange, on la retrouve, après Dante ^
en Italie dans Machiavel ; en France dans Montai-
60 INTRODUCTION.
gne*, Bodin', à la cour de Louis XIII; en Angleterre
sous Charles P"^', et, à la fin du dix-septième siècle,
Dryden, lui-même, en était imbu*.
Une curiosité maladive, le désir inquiet de savoir
et de prévoir ce qui, d'un si vif intérêt pour nous, se
dérobe à noire vue dans l'obscurité de Tavenir, telle
est la racine naturelle de l'astrologie. Mais ce qu'il
n'est peut-être pas indifférent de remarquer, c'est
qu'il n'est point de système de fatalité et de nécessité
dont elle ne sorte comme une conséquence rigoureuse,
et que nul matérialiste ne saurait logiquement la ré-
jeter. Car, si tout est matière, et si tout est lié dans
une suite éternelle de causes et d'effets s'engendrant
l'un l'autre selon des lois physiques, immuables, né-
eessaires, rien dans les phénomènes de tous les ordres,
rien dans les événements dont se composent la vie des
individus et celle des peuples, qui, de proche en proche,
ne remonte, comme à sa cause originaire, aux grands
•corps circulant dans l'espace; rien qui ne subisse leur
influence plus ou moins directe, et n'en soit l'effet
fatalement prédéterminé.
La philosophie de Dante et de son temps se propo-
' Essais, liv. U, ch. xii.
* Républ.y liv. IV, ch. II.
' Lorsque, retenu prisonnier dans le château de Carishrook, il tenta
«de s'*en évader, un astrologue fui consulté sur Theure la plus favorable
"k cette évasion. — Johnson. Life of Butler,
Ibid.
INTRODUCTION. 61
sait un autre problème que se sont également proposé
toutes les philosophies ; car, en ce qui touche l'uni-
vers, il n'en est point de plus général ni de plus fon-
damental ; et lorsqu on vient à y regarder attentive-
ment, on est surpris de voir combien se ressemblent,
au langage près, les solutions qu'on en a données.
Dans ce que la nature présente à notre vue on re-
connaît d'abord deux choses essentiellement distinc-
tes : un fond commun étendu, divisible, que la pensée
peut séparer, de toute détermination spécifique et dif-
férentielle; des êtres déterminés, et différents les uns
des autres par des qualités et des propriétés spécifique-
ment diverses. D'où la nécessité de conserver deux
principes, qui, sous quelque nom qu'on les désigne,
correspondent à ce que les Scolastiques, dont la doc-
trine éstcelle de Dante, appelaient matière * et forme, La
matière homogène, inerte, recevait dans chaque sphère
les vertus qui, transmises par les sphères supérieures,
^informaient^ c'est-à-dire produisaient, en s'unissant
à elle, les formes diverses ou les êtres divers que spé-
cifient ces formes ; ou, comme on parlait encore, ces
causes [ormelles de la configuration extérieure et de la
nature intime de chaque être
Chez les anciens, quelques sectes philosophiques
avaient cherché à expliquer la variété dans l'univers,
sans recourir à deux principes distincts. Elles n'ad-
* L'uXyi des Grecs.
62 INTRODUCTION.
mettaient que la seule matière dont les parties infini*
ment petites, animées d'un mouvement primitif, for-
maient en se combinant les innombrables corps de
figures et de qualités diverses, lesquels, dès lors,
composés d'atomes similaires, ne différaient entre eux
que par l'arrangement de ces atomes. Mais cette hypo-
thèse, sujette à des difficultés insolubles, était rejetée,
chez ces mêmes anciens, par d'autres philosophes, et
notamment par Aristote, dont les idées à cet égard
sont au reste fort obscures. On sait combien on a dis-
puté sur ses fameuses entéléchies, identifiées par les
Scolastiques à leurs vertus informatives.
Chez les modernes, deux écoles ont renouvelé ces
deux solutions du problème général des choses. L'une,
supposant que la matière et le mouvement suffisent
pour rendre compte de tous les phénomènes, nie que
la diversité des formes ou des natures dépende d'un
principe spécial, et nie par conséquent les espèces es-
sentielles, immuables. L'autre admet des espèces im-
muables, essentielles, et par conséquent une cause de
cet effet, et par conséquent un principe, quel qu'il
soit, de diversité. Qu'on l'appelle forme ou de tout
autre nom, ce principe est en réalité le même que
celui des Scolastiques : tant est restreint le nombre
des conccplions possibles en ce qui touche les causes
nécessaires et primordiales.
A ce sujet, il est à remarquer encore que, dans la
INTRODUCTION. 63
science de l'organisation, le mot germe ^ opposé aux
qualités occultes des anciens et du Moyen âge, n'a au-
cun sens , ne représente aucune idée saisissable, si
l'on n'y joint celle d'une détermination primitive, et
conséquemment d'un principe ou, comme on s'exprime
aujourd'hui, d'une force productrice de cette déter-
mination, et cette détermination même essentielle. De
sorte que, d'une part, dans la théorie d'un seul prin-
cipe homogène, des déterminations sans causes déter-
minantes ; et, d'une autre part, dans la théorie des
germes ou forces spécifiques, des causes déterminantes
se résolvant dans un principe général et premier de
détermination ou de diversité, certain s'il n'est point
d'effet sans cause, mais inconnu en soi, et, pour le
moins, ressemblant en cela beaucoup aux qualités oc-
cultes, proscrites par une science qui les reproduit de
fait sous de nouvelles dénominations. Et c'est que ce
mot occulte ne marque en effet que la limita de la
connaissance, le point où elle est parvenue, et au delà
duquel les ténèbres commencent.
De ce qui vient d'être dit il résulte que Dante n'eut
point de philosophie propre ; il adopta, sans innover,
celle alors admise dans l'école, impuissante à créer la
science de l'univers, qui ne pouvait naître et se dé-
velopper qu'à l'aide d'une méthode directement in-
verse de la sienne. L'une, fondée sur l'observation,
remonte des faits aux causes qu'ils impliquent; l'autre,
1
Ci INTRODUCTION.
partant d'hypothèses logiques, descend des causes sup-
posées aux faits qui s'en déduisent et doivent s'y plier :
d'où, au lieu d'un système de connaissances réelles,
un système fantastique d'abstractions. A chaque siècle
son œuvre. L'astronomie attendait Copernic et Kepler,
la physique, Galilée et Bacon. Toutefois, deux choses
sont à remarquer dans la philosophie si poétiquement
exposée par Dante, le caractère d'unité qu'elle pré-
sente, et le lien qu'elle établit entre le monde spiri-
tuel et le monde matériel. Que ce lien, tel qu'on le
concevait, fût fictif, que les rapports intimes de ces
deux mondes fussent mal définis, là-dessus nul doute.
Mais ridée première n'en était pas moins vraie, et le
vide qu'à cet égard offre la science actuelle, la scission
complète effectuée par elle entre deux ordres insépa-
rables de causes et d'effets, en la privant d'un de ses
éléments, qu'il fut peut-être utile de négliger d'abord,
l'enviroïlne comme d'un nuage, lui prescrit des bor-
nes arbitraires, et ne peut désorm^ais qu'en retarder
les progrès.
SOITB
DOCTRINES POLITIQUES DE DANTE
La renommée noétique du chantre de l'Enfer, du
Purgatoire et du Paradis, semble avoir absorbé tous
INTRODlir.TrON. 05
les rayons de la gloire dont la postérité s'est plu à
couronner cette grande figure du Moyen âge. Qui,
hors un petit nombre, connaît Dante autrement que
par rœuvre éclatante qu'a consacrée le suffrage des
siècles? Cependant le génie du poëte n*estpas tout ce
qu'offre à l'admiration cet homme doué de tant do
dons divers. Lorsqu'on l'étudié avec soin, une des
choses en effet qui frappent le plus, c'est l'étendue de
ce vaste esprit, c'est qu'il n'est pas une voie de la
pensée où la sienne n'ait laissé des traces, qu'il ait
touché toutes les hautes questions qui préoccupaient
de son temps et préoccupent encore aujourd'hui la
raison humaine. On l'a vu pour la science du monde
et de la nature ; on va le voir pour la science de la so-
ciété.
Mais, avant d'exposer et de discuter sa théorie, fai-
sons remarquer un caractère général de ses concep-
tions, comme aussi de celles de l'école, au sein de
laquelle s'était opérée sa propre évolution : nous
voulons parler d'une certaine correspondance symé-
trique entre les idées de différents ordres, dont la
raison se trouve en partie dans la tendance à l'unité,
en partie dans la méthode alors reçue, méthode pure-
ment logique, suivant laquelle, de principes abstraits
posés d'abord on déduisait des séries de conséquences
également abstraites, procédant l'une de l'autre selon
ies invariables lois de la forme syllogistique. Mais cet
«e INTRODUCTION.
enchaînement de syllogismes dépendant chacun d'un
principe particulier qui en ast la majeure, supposait
et appelait, en remontant toujours, un principe plus
universel, expression et fondement de l'unité de la
science, duquel les autres tiraient toute leur valeur;
de sorte que, ce principe premier étant donné, toutes
les branches de la connaissance venaient s'y rattacher
et se ranger symétriquement autour, comme les ra-
meaux autour de la tige dont ils ne sont que le déve-
loppement et l'épanouissement progressif.
Ainsi, comme Dante s'est représenté premièrement
Dieu au-dessus de tout et principe de tout, puis l'uni-
vers sous la double notion d'esprit et de matière,
celle-ci subordonnée dans Tordre de perfection à l'es-
prit qui l'informe, mais subsistant distincte de lui et
indépendante de lui selon son essence et ses lois
propres, il se représente, dans la société. Dieu d'a-
bord, de qui elle émane comme de son principe, vers
qui elle tend comme à sa fin ; puis un ordre spirituel
et un ordre temporel, distinct de l'ordre spirituel,
subordonné à lui en ce qui touche la vie spirituelle,
mais indépendant de lui dans la sphère de son
existence distincte et de ses lois propres. Au point de
vue général et théorique le parallélisme est com-
plet.
Mais la réalité force bientôt à descendre, de ces
hauteurs de l'abstraction, dans la sphère des faits, et
INTRODUCTION 67
à ramener la théorie à des applications pratiques. Les
papes et les empereurs se disputaient l'Italie, en proie
à une guerre civile permanente par l'opposition réci-
proque des deux grands partis guelfe et gibelin, que
divisaient encore en eux-mêmes les intérêts particu-
liers des différents États, et, dans chaque État, les
rivalités de factions, de classes, de familles, pour la
possession du gouvernement, dont la forme, sans cesse
modifiée selon les intérêts qui prévalaient momentané-
ment, n'offrait rien de stable. Tour à tour vainqueurs
et vaincus dans ces luttes intestines, qui rarement se
terminaient sans des conflits sanglants, les partis, par
leur triomphe même, préparaient leur défaite future,
inévitable suite de l'oppression et des proscriptions. Le
lendemain de chaque victoire les routes se couvraient
de bannis ardents à la vengeance, en épiant le jour, et
le trouvant tôt ou tard.
Mais le pire effet de ces dissensions était de rendre
l'exercice de la justice impossible , les passions de
parti se substituant au droit et à l'équité impartiale :
ce qui obligea, chose inouïe ! à appeler du dehors des
étrangers pour remplir une fonction inhérente au
pouvoir public en toute société. De là l'institution des
Podestats, faible remède au mal qu'on cherchait à
guérir; car trop souvent le Podestat, acheté par un
parti, en devenait l'instrument le plus dangereux.
Néanmoins, malgré tant de désordres et tant de souf-
68 TNTRODUCTTON.
frances, la liberté enfantait des merveilles au sein des
cités agitées, mais animées d'une vie puissante. L'in-
dustrie y créait la richesse ; le commerce y faisait affluer
celle de tout le monde alors connu. Les arts, cultivés
avec passion, couvraient de splendides monuments le
sol de chaque ville. Les lettres dissipaient les ténèbres
de la barbarie.
Pour comprendre cette époque pleine de contrastes,
son caractère propre , sa liaison avec les époques qui
suivirent, et comprendre en même temps les questions
à la fois théoriques et pratiques dont se préoccupaient
si vivement les contemporains, il est nécessaire de con-
sidérer quelle fut, sur rétat et le développement social,
rinfluence des Pontifes romains.
Deux opinions se sont produites au sujet de la Pa-
pauté dans ses rapports avec la liberté de lltalie. Y
a-t-elle été nuisible ou favorable? Cette question, que
bientôt nous examinerons historiquement, est étroite-
ment liée à une question plus générale et de pure
logique. A quel point la constitution de l'Église catho-
lique et les principes sur lesquels elle repose sont-ils
compatibles avec la liberté dans tous les ordres ?
Sans nous engager dans une discussion étendue que
ne comporte pas ce travail sur Dante, dont il a pour
but d'éclaircir les doctrines, nécessaires à connaître
pour bien entendre son poëme, nous ferons remarquer
seulement que, selon la théologie catholique, l'homme
V
TNTROnrCTTON. Cl>
déchu de son premier état, de Tétat d'innocence dans
lequel Dieu Tavait créé, eût été à jamais séparé de lui,
à jamais perdu si, par Tincarnation du Verbe et la
rédemption de Jésus-Christ, il n^avait été gratuitement
relevé de sa chute et rétabli en grâce avec le Créateur,
dont le péché du premier Père, transmis à tous ses
descendants, le rendait ennemi, sans aucun acte de sa
volonté, dès qu'il commençait d*être. Mais, pour pro-
fiter du bienfait de la rédemption, il est nécessaire
qu'il croie, d'une foi ferme et absolue, certaines véri-
tés au-dessus de la raison et révélées surnaturellement,
(lesquelles TÉglise est dépositaire, qu'elle enseigne et
qu'elle interprète avec une autorité infaillible ; d'où
la maxime fondamentale : Hors de l'Église point de
salut. La foi qu'elle exige sous peine de damnation
étemelle est donc, dans les limites du dogme qu'elle
commande de croire, la négation môme de la liberté
de la raison.
Mais ce dogme, en soi et par ce que contiennent les
livres où il est consigné, livres sacrés comme la parole
de Dieu même, embrasse de proche en proche, ou
directement, ou par voie de conséquence, tout ce qui
peut être l'objet de la pensée humaine. Que si Ton
avoue en général qu'en dehors de la révélation il existe
un ordre de choses dépendantes de la pure raison dont
elles forment le domaine, on soutient aussi, et trcs-
ogiquement, qu'il n'appartient qu'à l'Église seule de
70 INTRODUCTION.
déterminer quelles sont ces choses lUrrées à la dispute
des hommea, et qu'ainsi, quand TÉglise a prononcé un
jugement quelconque, il est certain dès lors que la
chose jugée est de son ressort, et qu'une pleine sou-
mission est due à son jugement. Ici donc encore,
négation de la liberté, puisque Tesprit n'est libre
qu'autant qu'on lui permet de l'être. Une autorité
sans contrôle arrête la pensée là où, arbitrairement,
elle veut qu'elle s'arrête. Comme le Créateur à la mer,
elle lui dit : Tu viendras jusquHci^ et n'iras pas au
delà.
Ce n'est pas tout ; par l'ordre extérieur de son gou-
vernement, l'Église, de tous côtés, touche à la société
politique et civile. Dans cette sphère elle ne réclame
point le même genre d'infaillibilité que dans la sphère
du dogme, mais elle rcclafne une obéissance en droit
et en fait non moins entière, parce que, selon ce
qu'elle oblige à croire, elle est, dans l'exercice de son
pouvoir de gouvernement, également assistée, inspirée
de l'Esprit saint; sans quoi, faillible en sa conduite,
abandonnée aux hasards de l'erreur, comment rempli-
rait-elle sa fonction divine? comment serait-elle sûre
de sa durée? Voilà donc l'homme lié dans ses actes
comme dans ses croyances. Et alors que reste-t-il de
libre en lui? Une inexorable nécessité logique le con-
damne à cette servitude absolue; car, dénouez un de
ces liens, il échappe à l'autorité, il redevient maître
INTRODUCTION. 71
de lui-même, et Tinstitution n'a plus aucun sens.
L'Église l'a bien senti , et aussi , d'accord en cela
avec les pouvoirs despotiques, même les plus ennemis
d'elle à d'autres égards, réprouve-t-elle toutes les
libertés , les déclarant incompatibles avec sa doctrine
et son existence même. Un journal catholique s'en
était fait, il y a quelques années, le défenseur. Rome
le condamna, et le cardinal Pacca, organe en cette
I occasion du souverain pontife, écrivait en son nom aux
rédacteurs du journal condamné, ces paroles péremp-
toires :
« Je vais vous exprimer franchement, et en peu de
« mots, les points principaux qui, après l'examen de
« \ Avenir y ont déplu davantage à Sa Sainteté. Les voici :
« D'abord elle a été beaucoup affligée de voir que
« les rédacteurs aient pris sur eux de discuter en
«présence du public, et de décider les questions les
« plus délicates qui appartiennent au gouvernement de
« l'Église et de son chef suprême, d'où a résulté néces-
« sairement la perturbation dans les esprits, et surtout
« la division parmi le clergé, laquelle est toujours nui-
« sible aux fidèles.
c( Le Saint -Père désapprouve aussi , et réprouve
« même, les doctrines relatives à la liberté nvile * et
«politique, lesquelles, contre vos intentions sans
! « doute, tendent de leur nature à exciter et propager
*Tous les mots imprimés ici en italiques sont soulignés dans l'uriginaL
72 INTRODUCTION.
« partout Tesprit de sédition et de révolte de la p;
« des sujets contre leurs souverains. Or cet esprit <
c( en ouverte opposition avec les principes de TÉva
« gile et de notre sainte Église, laquelle, comme vc
c( savez biçn, prêche également aux peuples Tobé
ce sance, et aux souverains la justice.
a Les doctrines de l'Avenir sur la liberté des cul
<x et la liberté de la pressey qui ont été traitées a\
« tarit d'exagération et poussées si loin par MM. '.
Ci rédacteurs, sont également très- répréhensibles et
« opposition avec renseignement, les maximes et
<c pratique de TÉglise. Elles ont beaucoup étonné
« affligé le Saint-Père ; car si, dans certaines circo
« stances, la prudence exige de les tolérer comme i
« moindre mal, de telles doctrines ne peuvent jami
« être présentées par un catholique comme un bien •
« comme un état de choses désirable.
« Enfin, ce qui a mis le comble à l'amertume <
c< Saint-Père, est VAcie d'union proposé à tous ce
« quiy malgré le meurtre de la Pologne, le démembi
« ment de la Belgique et la conduite des gouvernemei
Ci qui se disent libéraux , espèrent encore en la libei
Ci du monde et veulent y travailler Sa SainU
« réprouve un tel acte pour le fond et pour la forme
c( Voilà, monsieur, la communication que Sa Sai
« leté me charge de vous faire parvenir, etc. ^ »
* Affaires de Rome, p. 153 et suiv., éd. in-18.
INTRODUCTION. :3
Liberté et catholicisme sont donc deux mots qui
s'excluent radicalement l'un l'autre. L'Église, par le
principe de son institution, exige et doit exiger de
l'homme une obéissance aveugle, absolue dans tous les
ordres: obéissance dans l'ordre spirituel, puisque le
salut en dépend; obéissance dans l'ordre temporel, en
tant que lié à l'ordre spirituel, puisque, si elle souf-
frait qu'on attaquât, à un degré et d'une manière
quelconque, soit la foi nécessaire au salut, soit l'auto-
rité qui l'enseigne, elle conniverait au plus grand
crime qui puisse être conçu, le meurtre des âmes. De
là aux mesures répressives, à l'Inquisition, à son code
sanglant, la conséquence est rigoureuse.
Quelles que soient les anomalies apparentes, les
faits exceptionnels dépendants de circonstances parti-
culières et d'intérêts du moment, l'ineffaçable carac-
tère du principe des institutions se manifeste toujours
clairement dans l'ensemble de ses conséquences; et ces
conséquences, à l'égard delà Papauté, apparaissent à
chaque page de l'histoire. Comme Bossuet l'a très-bien
montré, la monarchie de l'Église a pour terme corré-
latif la monarchie politique, et elle l'engendre naturel-
lement; d'où cette formule banale, mais profondément
vraie : le trône et V autel. Le roi et le prêtre trouvent
dans cette union la garantie de leur autocratie. Ils ont
senti que pour que l'homme soit enchaîné au trône, il
faut qu'il le soit à l'autel, et que pour Têtre à l'autel,
0. I.
74 INTRODUCTION.
il faut qu'il le soit au trône. Ame et corps, tout leur
appartient; Técueil est le partage, et plus encore la
puissance souveraine de la nature et de ses lois. Toute-
fois l'alliance ne cesse jamais de subsister au fond. Si
le monarque spirituel, dans la plénitude de sa force et
favorisé par les conjectures, tenta de se subordonner
le monarque temporel, de le transformer en un simple
instrument de son propre pouvoir, de renouveler enfin
chez les nations chrétiennes Tantique théocratie des
premiers âges, il n'en fut pas moins constamment
l'allié fidèle des rois contre les peuples. Loin de venir
en aide à ceux-ci lorsque l'excès de la souffrance les
poussait à secouer le joug de la tyrannie, toujours à
ses yeux le droit était du côté des tyrans, pour peu
surtout qu'ils humiliassent leur orgueil à ses pieds,
ou satisfissent sa cupidité. Longtemps même il fit des
nations la monnaie courante d*un trafic exécrable.
Les exemples abondent. Quelques-uns seulement,
au hasard.
Sur la promesse d'étendre à l'Irlande le payement
annuel du denier de saint Pierre, le pape Adrien
livre à Henri II ce malheureux pays, pour y répandre
rinstruclion et extirper les vices qui déshonoraient^
(lisait-on, la vigne du Seigneur. Telle fut Torigine
d'une oppression de sept siècles.
L'Angleterre arrache sa grande charte à un monstre
couronné; mais ce monstre se reconnaissait tributaire
INTRODUCTION. 7S^
du pape : le pape prend sa défense, annule le traite
qu^il avait juré, le délie de ses serments, et repousse
sous sa dent le peuple qu'il dévorait.
Le mouvement d'où sortit, au prix de tant d'efforts,
raffranchissement des communes en France, fut-il à
aucun degré secondé par cette Rome qui prêche égale^
rtient aux peuples l'obéissance, et aux rois, la justice?
— Les derniers serfs affranchis sous Louis XVI appar-
tenaient au chapitre de Saint-Claude, dans le Jura.
Quand les communes flamandes, opprimées par
leurs ducs, protestèrent les armes à la main contre la
violation de leurs droits , trouvèrent-elles un appui
dans les pontifes romains? Intervinrent-ils, même
après la défaite, pour arrêter les atroces vengeances^
de leurs oppresseurs? — demandez-le à Thistoire.
Le pays de l'Europe le plus catholique, le plus sou-
mis à Rome, ne perd-il pas toutes ses franchises à
l'instant où se consomme l'union des deux pouvoirs,
où la royauté de Philippe II s'allie à l'inquisition de
Torquemada? Mais au même instant commence aussi
la décadence de ce grand peuple, l'extinction de Tin-
dustrie, de la science, des arts ; dans l'ordre intellec-
tuel et moral, dans l'ordre même de la prospérité ma-
térielle, quelque chose qui ressemble à la mort.
Après que, sur le don que le pape lui en fit, il eut
conquis, asservi, dévasté l'Amérique, on vit renaître^
eu des proportions gigantesques, l'esclavage ancien;
78 INTRODUCTION.
des races entières y furent dévouées. L'Église réclama-
t-elle? Comment Teût-elle pu, comment aurait-elle
interdit Tesclavage dont elle proclame dogmatique-
ment la légitimité, soutenue par Bossuet même, qui
déclare qu'on ne la peut nier sans ébranler toute la
tradition?
Dans la question de la liberté italienne, on doit dis-
tinguer la liberté intérieure de chaque Etat, et la liberté
de ritalie entière en tant que nation.
A Rome, où Tesprit de la Papauté doit apparaître
le plus clairement, que voit-on? Une tendance conti-
nuelle à absorber tout le gouvernement, toute la puis-
sance municipale, à détruire peu à peu tout ce qui
pouvait opposer quelque résistance au pouvoir absolu
du pape, à constituer enfln, politiquement comme
spirituellement, une monarchie théocratique sans con-
trôle, sans limites. Les antiques libertés de la Ville
éternelle, réduites à la dérision de je ne sais quel Sé-
nateur grotesque, vinrent s'éteindre sous sa toge de
pourpre devenue le suaire du Peuple-roi. I^ combat
fut long, de Crescence à Portinari, mais finalement les
pontifes vainquirent.
Durant leur séjour à Avignon, cloaque d'avarice et
de luxure où s'écoulaient les immondices de tout le
monde chrétien, qu'on se rappelle ce que firent leurs
légats en Romagne. Je ne parle pas des violences, des
cruautés, des vols, du mépris effronté de toute justice
INTRODUCTION. 77
divine cl humaine, mais de leur acharnement à pour-
suivre la liberté, à la détruire en chaque cité, de leur
haine contre Florence surtout, centre glorieux de la
démocratie. Us préparaient de loin la voie à Charles-
Quint et aux Médicis. Rome a-t-elle depuis lors dévié
des siennes? — Interrogez les ruines sanglantes sur
lesquelles, en ce moment même, s'élève le trône ponti-
fical.
Ennemis de la liberté dans leurs propres États,
bien que forcés quelquefois de la tolérer, — comme à
Bologne, où néanmoins, progressivement ruinée, elle
avait fini par n'être plus qu'une vaine forme, — com-
ment les papes.s'en seraient-ils faits les promoteurs au
dehors?
Mais la destruction de la liberté en chaque État
était la destruction de la liberté de lllalie entière, de
son indépendance et de son unité ; car elle ne pouvait
ni devenir une, ni s'appartenir réellement qu a la con-
dition de s'organiser sur le principe de la souveraineté
nationale, collective ou démocratique.
Le but constant des papes fut d'y étendre leur do-
mination, d'y recréer à leur profit l'ancien Empire,
sous la forme nouvelle de la théocratie chrétienne.
Mais trop d'obstacles s'y opposaient, et, l'un des
plus puissants, ils avaient eux-mêmes contribué à le
susciter par la création du Saint-Empire romain,
comme on le nommait, qui commença en Charle-
T8 INTIiOiiHr.TION. ^H
inagne, et passa de lui chez les ÂllemaDds. Les droits
respectifs n'ayant point été et n'ayant pu être originai-
rement définis, ils devinrent bientôt une cause perma-
nente de discordes et de conflits. L'empereur, d'aboi'd,
s'attribua le pouvoir de confuiner, à la mort des pon-
liFes, l'élection de leurs successeurs. Plus tard, les
pontifes réclamèrent celui de confirmer l'élection de
l'empereur. De part et d'autre on se disputait la sou-
veraineté. Le pape serait-il, au temporel, dépendant
de l'empereur? l'empereur serait-il dépendant du
pape? Ce fut pour résoudre cette question, qui ne fut
jamais résolue en droit, qu'une guerre de trois siècles
désola les plus belles contrées de l'Europe.
Confinés au centre de l'Italie, les papes craignaient
toujours d'y voir naître une puissance assez forle pour
mettre en danger leurs possessions. D'où leur atten-
tion continuelle à prévenir la formation d'une pareille
puissance, soit par l'exercice libre du pouvoir impé-
rial, soit par la conquête étrangère, soit par la prépon-
dérance d'un des nombreux Etals entre lesquels l'Italie
était partagée. Nécessité dès lors d'entretenir parmi
eux la division, d'exciter leurs défiances mutuelles,
leur ambition même au besoin ; de nouer, à l'aide de
traités menteurs, des ligues dissoutes par d'autres
ligues, sitôt que le succès faisait présager un vain-
queur. De là une politique versatile, de ruse et de
fourberie, qui altéra profondément le sens moral des
INTRODUCTION. 79
peuples, et bannit la justice, la loyauté, la sincérité,
des transactions publiques : véritable origine de h
diplomatie moderne, qui en a conservé tous les carac-
tères.
Jamais les papes ne se départirent de ce système
politique pratiquement athée, et qui fut une des
sources de l'athéisme dogmatique si répandu au quin-
zième siècle, et hautement professé au Vatican môme.
Gomme ils avaient jadis opposé aux Lombards Pépin et
son fils, créé par eux empereur d'Occident, ils oppo-
sèrent à ses successeurs tout ce qui, république ou
prince, aspirait à se soustraire à la domination impé-
riale. Or la tendance à cet affranchissement était par-
tout celle des communes, alors naissantes. Us durent
donc, quel qu'en fût le principe, favoriser ce mouve-
ment dont l'effet immédiat leur était si utile. Mais
lorsque, plus tard, la splendeur de quelques-unes des
républiques qu'avait fondées l'esprit de liberté éveilla
leur ombrageuse défiance, ils se firent leurs implaca-
bles ennemis, et dans toutes on les voit invariablement
provoquer, seconder le passage de la démocratie à
l'aristocratie, de l'aristocratie au pouvoir d'un seul,
jusqu'à la finale destruction du régime populaire, que
marqua la chute de Florence sous Charles-Quint.
Selon le même système d'équilibre, tantôt Rome
appelle les Français, tantôt, inquiète de leurs succès,
elle soulève contre eux les puissances italiennes ; sans
80 INTHODUCTIOX
autre vue dans ses alliances, dans sesacles publics ou
secrets, que de maintenir, i)our se conserver, le frac-
tionnement de la Péninsule et d'en empêcher l'unité,
impossible tant qu'elle possédera la portion de terri-
toire qui la coupe comme en deux tronçons. Elle ne
servit donc pas la liberté quoiqu'elle prêtât quelquefois
son appui aux Étals libres : elle futmême, comme l'a
très-bien vu Machiavel, la cause première et principale
de la servitude, aujourd'hui parvenue à son terme,
de la triste Italie, qui, dans l'élEt de morcellement
contre nature où elle la retint, ne put jamais s'élever
à l'existence nationale.
Qu'on nous permette ici deux courtes réllcxions
utiles peut-être, à l'Italie particulièrement. Il ressort
de toute son histoire que le régime libre des petits
États, où la population est à la fois et très-active et
très-aggloméréc, manque d'un contre-poids que në-
cessile la liberté individuelle, qui, à cause de la faci-
lité de l'usurpation en ces sortes d'Etals, a pour efTet
de conduire par l'anarchie à la tyrannie : et ce contre-
poids nécessaire n'est iiutrc que la liberté générale,
la liberté socio/e organisée dans la sphère plus large
de l'iinilé d'un grand peuple, où la liberté de tous,
par l'opposition même des intérêts divers, est à la
fois la garantie et la limite infranchissable de la
liberté do chacun.
L'histoire de l'Italie montre encore, ce nous semble,
INTRODUCTION. g|
que la supériorité relative d'un certain état intermé-
diaire de civilisation peut devenir un obstacle à la
civilisation môme, et une cause de ruine pour les
peuples qui s'y arrêtent. Le système celtique du clan
était certainement supérieur à l'organisation élément
taire de la gau chez les Germains. Mais ceux-ci, par
cette raison même, furent mieux disposés à se for-
mer en corps de nation, et par la force de l'unité
ils subjuguèrent l'un après l'autre, en Ecosse, en
Irlande, les clans divisés, tour à tour vaincus séparé-
ment, et souvent même par l'aide que leurs animo-
sités mutuelles les portaient à prêter à l'ennemi com-
mun. Ainsi ritalie séduite par l'éclatante supériorité
de sa civilisation, de ses institutions républicaines
et municipales, ne comprit que la cité, y renferma
son patriotisme, et ne s'éleva ni à l'idée, ni au senti-
ment de la nationalité. C'était se condamner à la mort,
car la cité n'est qu'un élément de la nationalité, une
des phases de son développement, et tout être qui
cesse de se développer selon sa nature, qui arrête en
soi le travail de la vie, y détruit la vie même.
Les Gibelins eux-mêmes, pour la plupart, ne
voyaient dans le Pouvoir impérial qu'un moyen d'a-
paiser les dissensions intérieures, de gai'antir la
sécurité de chaque État particulier, de réprimer l'am-
bition de Rome, que ses oppressions, ses corruptions,
ses exactions avaient rendue Tobjet d'une haine souvent
82 INTRODUCTION.
partagée par les Guelfes mêmes, que ralliaient à elle
les seuls intérêts politiques soit des princes, soit des
factions dans les républiques. Au milieu des discordes
où ritalie était plongée, des effroyables maux qu'elles
-enfantaient sans cesse, nulle pensée d*unité nationale,
je dis nulle pensée active, efficace, pratique. Les
esprits portés vers la spéculation bâtissaient des sys-
tèmes, des théories abstraites, utiles seulement pour
éclairer et développer Tidée du droit, pour ouvrir,
même en se trompant sur leur direction, les voies où
devait marcher la société future.
Le livre de Monarchiâ en offre un exemple. Il n'est
pas douteux que le gibelinisme de Dante ne se liât
étroitement à ses passions de parti, à sa position de
proscrit, à l'impatient désir de rentrer dans sa ville
ingrate et pourtant toujours chère. Mais, suffisants
pour le vulgaire, ces motifs personnels n'auraient pu
seuls légitimer aux yeux de Dante ses actes comme
homme et comme citoyen . Il dut les rattacher à un prin-
cipe plus haut, à ridée éternelle du droit, à un type
immuable de Tordre conçu par l'intelligence affrati-
chie des intérêts du temps. Son ouvrage de la MonaV"
çhie, publié durant le séjour de Henri VII en Italie,
contient le résultat de ses méditations sur ce grave
sujet, la théorie qu'il s'était formée, et que, pour
l'appuyer d'un raisonnement plus rigoureux, il y
expose selon la méthode scolastique.
INTRODUCTION. 83
II serait trop long de le suivre à travers les détails
d'une argumentation aride. Ea résumé, il établit que
le développement du genre humain, dans Tordre
interne de Tintelligence et dans Tordre extérieur
deTaction, ou dans Tordre spirituel et Tordre tem-
porel, dépendant de la tranquillité que maintient la
justice, la paix universelle est le premier des biens
ordonnés pour notre béatitude*. D*où il conclut que
Tunité étant la condition nécessaire de la paix. Dieu a
préposé un chef unique à chacun de ces ordres : à
l'ordre spirituel^ le Pape, dont la fonction est de gou-
verner souverainement les âmes; à Tordre temporel,
l'Empereur, dont la fonction corrélative estdegouverner
souverainement la société politique et civile, laquelle
toutefois peut se partager, sous sa juridiction suprême,
en divers États constitués sous différentes formes.
Le droit qui ramène le genre humain à Tunité en
le soumettant à un seul chef, TEmpereur le possède
comme héritier' du Peuple romain, qui le possédait
lui-même en vertu d'un décret divin immuable.
Ainsi Rome, reine et maîtresse de toutes les na-
tions, est le siège des deux Pouvoirs destinés à régir
le genre humain spirituellement et temporellement,
et, en ce sens, le Centre du monde, au-dessus duquel
ces deux Pouvoirs s'unissent en Dieu.
Le pouvoir spirituel, d'une nature supérieure,
* De Monarchiây lib. 1.
■ t
84 INTRODUCTION.
éclaire, dirige le pouvoir temporel, quant à la fin spi-
rituelle de rtiumanité, mais non quant à sa fin tem-
porelle, qui n^est pas de son ressort, de sorte que ces
deux pouvoirs sont réciproquement indépendants Tun
de l'autre, chacun dans son ordre.
Telle est, en peu de mots, la théorie de Dante; théo-
rie , premièrement , destructive de la liberté , que
Dante, au contraire, voulait affermir, et dont il voyait
la garantie, du côté des Pontifes, dans leur exclusion
de toute puissance temporelle, et du côté des Empe-
reurs, dans la plénitude de leur puissance même, qui,
ne pouvant plus s'accroître, ne leur laissait d'autre
intérêt que celui de la justice et du bien général, en
cela semblables au Tout-Puissant, qui ne peut vouloir
rien que de bon et de juste. 11 oubliait les passions hu-
maines, et dans Tordre même où elles régnent avec le
plus d'empire. Il y a ici comme un reflet des idées
orientales. Chaque monarque asiatique ne manque
pas de s'attribuer, dans ses titres pompeux, celui de
souverain de tous les autres monarques, usage que
les Mogols introduisirent, après leur conquête, en
Russie \ où ce germe a tellement fructifié que, dans
' Boris prélendit accoutumer la nation russe à le vénériT comme un
dieu sur la terre, et lui-même il composa une formule de prière qui de-
vait être récitée dans chaque famille aux heures des repas : « Pour le
salut du corps et de Tâmc de Tunique monarque chrétien de runivers,
que tous les autres souverains servent en esclaves, dont Tesprit est un
abime de sagesse, et le cœur rempli d'amour et de magnanimité. »
Mérimée. Les faux Démétriiis, p. 53.
introduction' ' «5
le catéchisme dont le tzar ordonne renseignement, il
s'offre lui-même au culte de ses sujets, et, non con-
tent d*être à la fois leur pape et leur souverain, se fait
encore leur dieu. Cette conséquence est si naturelle
que, dans les discussions qui eurent lieu à Bologne
entre quatre professeurs de jurisprudence de TUniver-
sité, au sujet de savoir si Tempereur était le Seigneur
de toute la terre * , au même sens que le Roi des Rois
et le Seigneur des Seigneurs^ de l'Apocalypse, deux
d'entre eux, principalement Martin Goria, soutinrent
l'affirmative avec tant de chaleur (jtt'i/s faisaient^ dit
Ciampi ', un dieu de V empereur; « sentiment qui eut,
ajoute-t-il, un grand nombre de sectateurs, même
dans les siècles suivants. »
Tous les anciens despotes se faisaient adorer.
L'empereur de la Chine, fils du Tien et son repré-
sentant sur la terre, y exerce, suivant la croyance des
peuples, son pouvoir souverain de telle sorte qu'il est
responsable de Tordre des saisons, de la pluie et de la
sécheresse, des bonnes et des mauvaises^ récoltes, etc.
Même principe et mêmes conséquences chez les nè-
gres d'Angola. « liCs rois de Loango sont, dit Battel,
« respectés comme des dieux. Ils prennent le titre de
^(Jamba et de PangOj qui signifie dans la langue du
* Orbis terrae Dominus.
^Rex regum, et Dominus dominantium. Apoc, XIX, 16.
^ Dùcorso premesso aile Rime di Messer Cino, Pisa, 1815.
igô INTRODUCTION.
« pays : Dieu ou Divinité. Leurs sujets sont persuadés
« qu'ils ont le pouvoir de faire tomber la pluie du
ce ciel. Ils s'assemblent au mois de décembre pour les
« avertir que c'est le temps où les terres en ont besoin;
a ils les supplient de ne pas différer cette faveur^ et j
« chacun leur apporte un présent dans cette vue. »
[Hist. gén. des Voyages^ t. IV, p. 595.)
En second lieu, la théorie que nous examinons est
irréalisable. Elle implique deux choses également
impossibles : un pape et un monarque reconnus uni-
versellement sur la surface du monde entier. Et ce
mon'irque fût-il reconnu, comment, à des distances si
grandes, sans moyens de contrainte, ni souvent de
communication, exercerait-il son pouvoir de gouver-
nement? Comment, sous des climats si divers, tant de
peuples différents de langage, d'idées, de mœurs, de
•coutumes, offrant tous les degrés du développement
humain, depuis l'état sauvage jusqu'à la civilisation
la plus avancée, pourraient-ils être régis selon des
principes de droit politique et civil uniformes, orga-
niser un tout, une société obéissant à une législation
commune, si générale qu'elle fût? On ne discute
point de pareilles rêveries.
Mais, en restreignant même aux nations chrétiennes
l'application du système adopté par Dante, qu'on se
figure deux souverains indépendants, l'un dans l'or-
dre spirituel, l'autre dans l'ordre temporel, l'un
INTRODUCTION. 87
maître des âmes, l'autre des corps, Tun commandant
à la volonté dépendante des croyances, l'autre aux or-
ganes qui ne peuvent être mus que par cette volonté :
qu est-ce que cela, sinon rafGrmation simultanée des
contradictoires, sinon le chaos absolu? D*une part,
une pensée et une volonté sans action, de Tautre, une
action sans pensée et sans volonté qui appartiennent
à l'être agissant. Car, en a-t-il qui lui soient propres ?
déterminant lui-même alors celles qu*il juge de son
ressort, il échappe au pouvoir spirituel, il devient,
quant à soi, ce pouvoir même ; — lui est-il, au con-
traire, soumis dans la sphère de Tintelligence ? il n'est
plus en ses mains qu'un instrument matériel , aveugle.
L'histoire confirme ici l'enseignement de la pure
raison. Cette réciproque indépendance, laquelle brise
l'unité sociale comme briserait l'unité humaine l'in-
dépendance mutuelle du corps et de l'esprit, qu'a-
t-elle produit alors qu'admise théoriquement, elle for-
mait en Europe la base du droit public? Une lutte
violente pour reconstituer l'unité brisée, des guerres
atroces, un débordement de fléaux pareils à ceux qu'a-
mena l'invasion des Barbares. Tels furent les effets
permanents de ce que l'on appelait la concorde dn
sacerdoce et de rempire, espèce de pierre philoso-
phale de la théologie, dont le gallicanisme, dans ses
espérances aussi naïves qu'infatigables, n'a cessé d(
poursuivre la recherche.
88 INTRODUCTION.
A cette théorie les papes en opposaient une autre,
admirablement résumée par Boniface VIII, en ces
termes :
« La foi nous oblige de croire et de professer que la
ce sainte Église catholique et apostolique est une...
a C*est pourquoi l'Église une et unique n'est qu'un
« seul corps ayant, non pas deux chefs, chose mon-
cc strueuse, mais un seul chef, savoir : le Christ et
c< Pierre, vicaire du Christ, ainsi que le successeurde
c< Pierre... Qu'il ait en sa puissance les deux glaives,
« l'un spirituel, Taulre temporel, c'est ce que TÉvan-
« gile nous apprend ; car les apôtres ayant dit : Void
« deux glaives ici, c'est-à-dire dans l'Église, puisque
« c'étaient les Apôtres qui parlaient, le Seigneur ne
« leur répondit pas : C'est trop, mais : C'est assez. Ger-
ce tainement, celui qui nie que le glaive temporel soit
« en la puissance de Pierre méconnaît cette parole du
ce Sauveur : Remets ton glaive dans le fourreau. Le
c< glaive spirituel et le glaive matériel sont donc,
(t l'un et l'autre, en la puissance de l'Église; mais
c< le second doit être employé pour l'Église, et le
« premier par l'Église. Celui-ci est dans la main
c< du prêtre. Celui-là dans la main des rois et des
« soldats, mais sous la direction et la dépendance
c< du prêtre. L'un de ces glaives doit être subordonné
ce à l'autre, et l'autorité temporelle doit être soumise
c< au pouvoir spirituel. Car, suivant l'Apôtre, toute
INTRODUCTION. 89
« puissance vient de Dieu. Celles qui existent sont or-
« données de Dieu ; or, elles ne seraient pas ordon-
« nées, si un glaive n'était pas soumis à Tautre glaive,
« et, comme inférieur, ramené par lui à Texécution
«de la volonté souveraine. Car... c*est une loi de la
« Divinité que ce qui est infime soit coordonné par des
«intermédiaires à ce qui est au-dessus de tout. Ainsi»
«en vertu des lois de l'univers, toutes choses ne sont
« pas ramenées à Tordre immédiatement et de la même
«manière; mais les choses basses par les choses
« moyennes, ce qui est inférieur par ce qui est supé-
« rieur. Or, la puissance spirituelle surpasse en no-
« blesse et en dignité la puissance terrestre, et nous
« devons tenir cela pour aussi certain qu'il est clair
c< que les choses spirituelles sont au-dessus des tempo-
ce relies. C'est ce que font voir aussi non moins claire-
ce ment l'oblatipn, la bénédiction et la sanctification
« des dîmes, l'institution de la puissance et les condi-
ce lions nécessaires du gouvernement du monde. En
ce effet, d'après le témoignage de la vérité même, il
a appartient à la puissance spirituelle d'instituer la
c< puissance terrestre, et de la juger si elle n'est pas
a bonne... Si donc la puissance terrestre dévie, elle
c< sera jugée par la puissance spirituelle. Si la puis-
c< sance spirituelle d'un ordre inférieur dévie , elle
c< sera jugée par son supérieur. Si c'est la puissance
a suprême, ce n'est pas l'homme qui peut la juger.
-90 • INTRODUCTION. i
«maïs Dieu seul... Or cette puissance qui, bien
n qu'elle ait été donnée à riiomme et qu'elle soit exer- j
c( cée par T homme, est non pas humaine, mais plutôt ^^
« divine, Pierre Ta reçue de la bouche divine elle- :
<i même, et Celui qu*il confessa Ta rendue, pour loi \
<i et ses successeurs, inébranlable comme la pierre... ]
<< Donc, quiconque résiste à cette puissance ainsi o^ j
« donnée de Dieu, résiste à Tordre même de Dieu, â-;
<c moins que, comme le manichéen, il n'imagine deux ;
« principes, ce que nous jugeons être une erreur et ;
« une hérésie... Ainsi, toute créature doit être sou- .
c< mise au Pontife romain, et nous déclarons, définis-
ce sons et prononçons que cette soumission est absolu-
« ment de nécessité de salut*.»
D le faut reconnaître, cette doctrine frappe par sa
grandeur et sa simplicité; elle est nette, liée dans
toutes ses parties, et incontestable dans sa base. Car,
^n dehors de Tapplication qui la ramène et la circon-
scrit dans le cercle particulier de la théologie catho-
lique, que dit le Pape? Qu'il existe au sein de Puni-
vers deux principes distincts : Pesprit et la matière?
la raison et la force aveugle ; que Pun et Pautre de
<^s principes sont des conditions nécessaires de Pexis-
tence des choses, de Pexistence de Phomme et de la
société; mais que, dans Perdre de perfection qui dé-
* Bulle dogmatique de Bonifacc VIII, confirmée par Clément V, et in-
sérée dans le Corps du droit canonique.
INTRODUCTION. Ui
termine leurs rapports mutuels, l'esprit est au-dessus
de la matière, la raison au-dessus de la force aveugle
qu'elle doit diriger vers les fins conçues par Tintelli-
gence, et qui lui est dès lors essentiellement subor-
donnée. Niez cela, supposez la force indépendante de
la raison, vous établissez deux principes égaux réci-
proquement libres et qu'aucune loi n'ordonne entre
eux : le principe matériel de la force aveugle ou le
principe du mal, le principe spirituel de la raison ou
le principe du bien ; vous affirmez le dualisme, vous
êtes manichéens.
Nous ne pensons pas qu'on puisse se refuser à l'évi-
\ dence de ces maximes : les énoncer, c'est les prouver.
Jusque-là donc, nulle difficulté. Mais le Pape ne dit
pas seulement que la force doit être subordonnée à la
raison, lui obéir, être dirigée par elle ; il dit encore :
La raison j c^est moi, et il doit le dire dans le système
catholique, selon lequel la raison suprême, qui est
Dieu, se manifeste, pour le salut du genre humain,
par Jésus-Christ toujours présent à son Eglise dans la
personne de Pierre et de ses successeurs, revêtus de
son autorité infaillible. Dieu, donc, ayant parlé pre-
mièrement par la bouche du Christ, et continuant de
parler par la bouche de Pierre et de ses successeurs,
vicaires du Christ, la raison de Pierre, la raison du
Pape est la raison du Christ, la raison de Dieu même.
Ce qu'il enseigne doit donc être cru d'une foi divine
ITîTRODTICTIOîî.
OU absolue. Et œmme la docirine enseignéq enveloppe,
de proche en proche tout ce qui peut être l'objet de la
raison humaine, la raison humaine, tout entière aussi,
vient s'absorber dan s la raison dont le Pape est Torgane; l
de sorte que, appliqué au catholicisme, le système ^
exposé par Boniface VIII se résout dans cette proposi- '
tion : Etant donné le genre humain, le Pape est Tes^
prit, la raison, — le reste est la matière, la force ; A
conséquemment tous les hommes, quels qu'ils soient,
doivent être régis par lui, et obéir aveuglément à ses
volontés souveraines. Or cela, qu'es. <;e, sinon la pure .
théocratie ? D'où ces deux conséquences : que les Papes
durent nécessairement tendre à constituer la théocra-
tie ; et que la théocratie, abstraitement conçue, impli-
que chez l'homme la destruction de toute pensée, de
toute volonté libre, conséquemment la destruction du
principe moral même. Elle ravale la plus noble créa-
ture de Dieu à la condition de la brute irresponsable,
au rang des animaux incapables de bien et de mal, de
mérite et de démérite, puisqu'ils le sont de tout choix.
Tel est en effet le caractère que présentent dans
l'histoire toutes les théocraties, qu'elles aient pour
origine soit l'absorption du pouvoir temporel par le
spirituel, soit, comme en Russie, l'absorption du pou-
voir spirituel par le temporel. Dans les deux cas, elle
est également la négation des lois de l'humanité et de
la nature même de l'homme, une exécrable tentative
INTRODUCTIOTÎ. 03
de meurtre contre le genre humain, un défi jeté à
iDieu qui a voulu et veut qu'il vive.
'{ Qu'au Moyen âge les Papes eussent vaincu, où en
I serait l'Europe? L'état de l'Espagne sous l'Inquisition
n'en offre qu'une faible image ; car, là même, le par-
tage du pouvoir imposait certaines bornes à celui du
[ roi et à celui du prêtre. Mais qu'on les suppose réu-
\ nis, il ne reste plus à la vie aucun refuge. Partout
' l'ignorance et le silence, l'apathie, la langueur, la
décadence de la culture, l'extinction de l'industrie,
' nul autre but que l'assouvissement des appétits sen-
suels, le Pouvoir lui-même attiré au fond de la ma-
tière, et s'y putréfiant.
Qu'aujourd'hui la Russie vainquît, niêmes consé-
quences : dans une nuit sinistre, les mystères de
Ténfer et l'orgie de la mort. Telle qu'un glacier qui
glisse sur sa base, on la verrait s'étendre sur la terre
dévastée, ténébreuse, muette, et y couvrir de son froid
linceul les peuples râlant sous les ruines de la civili-
sation écroulée. Mais au Tzar-Dieu, comme au Pape-
Dieu, il a été dit : Tu ne prévaudras point! au-dessous
de Ion trône impie, moi, le seul Dieu, j'ai creusé ta
fosse.
Si la théorie d'un pouvoir unique, à la fois spirituel
et temporel, et celle de deux pouvoirs indépendants
l'un de l'autre sont également inadmissibles, égale-
ment funestes à l'humanité par leurs conséquences,
94 INTRODUCTION.
quelle est donc la vraie théorie sociale? et en esti)
une? Oui, sans doute, puisque Thomme a des lois. |
Mais, au lieu de la chercher dans ces lois, on n*a guère |
fait qu'ériger en doctrine leur violation même.
Observons d*abord que les deux systèmes dont j
nous venons de montrer la fausseté dangereuse re-
posent sur un principe commun. Supposant possible
et nécessaire la possession de la vérité absolue, pour
le salut de Tâme, et Taction permanente, par voie de
commandement, de la justice absolue pour le salut j
du corps ou de la société extérieure, Torgane du juste
et Torgane du vrai dans Thumanité doivent, dès lors,
être élevés au-dessus de l'humanité même, laquelle
n'admet rien d'absolu. Le pouvoir spirituel et le pou- ^
voir temporel sont donc forcément conçus comme de
purs instruments passifs, au moyen desquels Dieu .
gouverne immédiatement le genre humain. Or, quoi
que suppose la théorie, ces pouvoirs sont, de fait, des -
hommes semblables aux autres hommes , doués comme
eux d'une activité, d'une volonté propre, sujets aux î
mêmes erreurs, aux mêmes passions. D'où il suit,
d'une part, qu'en tant qu'organes de Dieu, vérité in- i
fînie, justice infinie, une obéissance infinie aussi leur j
est due; et que, d'une autre part, cette obéissance/
dans Tordre de la pensée et dans Tordre de l'action,
devient l'obéissance à tout ce qu'ordonnent, en tant
qu'hommes, ces organes supposés de Dieu. Car, si
INTRODUCTION. 05-
f Von établit que le devoir d*obéir comporte, à cet
égard, une distinction, on se déclare soi-même prati-^
quement juge de cette distinction, juge dès lors de ce
qui est de Dieu et de ce qui est de Thomme dans les
choses commandées, juge de la vérité infinie, de la
justice infinie, — et le système croule par sa base.
Que si, au contraire, on Taccepte avec ses consé-
quences nécessaires, il en résulte la consécration ab»
solue, divine, de tout ce qui peut monter de plus
monstrueux dans Tesprit et dans le cœur des hommes
préposés aux peuples pour les conduire. Le principe
commun à ces deux théories, en transformant Tordre
de la nature dans un ordre surnaturel , nie donc les
conditions de la société humaine, et la détruit par une
confusion des lois essentielles de l'Être infini et de
celles de TÊtre uni, laquelle aboutit logiquement à la
déification de Thomme.
fie plus. Tune d'elles brise son unité en établissant
) Tindépendance mutuelle de Tesprit et du corps, qui
[ ne peuvent subsister qu*unis; et Tautre, par une
fausse vue d'unité, en s'efforçant d'absorber le corps
dans l'esprit, ce qui serait l'abolition de la vie ter~
restre, tend, par l'invincible besoin de vivre, à l'ab-
sorption de l'esprit dans le corps.
II s'en faut beaucoup que ces doctrines, d'une ab-
surdité si funeste, aient cessé de régner ; elles sont,
au contraire, encore aujourd'hui le fondement et la
^ INTRODUCTION.
règle de la société chez les nations chrétiennes, et j
produisent les mêmes effets qu'elles ont produits dans
tous les lemps. Cependant les peuples s'en sont lassés.
Partout ils s'agitent pour sortir du cercle infernal delà
double sei^vitude où ils gémissent depuis tant de siè-
cles, pour briser les portes de Tenceinte où roisel
prêtres les ont, comme un vil bétail, tenus jusqu'ici
parqués. Un secret instinct, puissant, irrésistible, les
attire vers un monde nouveau, une société nouvelle.
Que sera cette société? que doit-elle être? Essayons de
répondre à cette question , considérée seulement à un
point de vue général et philosophique.
Si l'on élimine l'hypothèse pleine de ténèbres etd(
contradictions, qui, transportant l'homme dans un
ordre au-dessus de la nature, y place le principe im-
médiat de sa vie, soustraite dès lors à l'empire à&
lois naturelles, si on rentre dans celle-ci et qu'on s';
renferme, la lumière aussitôt reparaît.
Tout être est nécessairement un ; tout être fini in
telligent, par cela même qu'il est fini, a des borm
nécessaires, ou se compose nécessairement d'esprits
de corps; et, par cela même qu'il est un, l'esprit et 1
corps doivent être ramenés à cette unité, conditic
essentielle de son existence, à laquelle ils concoure]
également, quoique d'une manière divei^e. Détruis
un de ces éléments, l'être entier est détruit ; il ces
d'exister individuellement dans le monde des réalil
INTRODUCTION. 97
extérieures à Dîeu ; il redevient une pure idée divine.
Mais si l'esprit et le corps s'impliquent réciproque-
ment comme des conditions nécessaires de l'être in-
telligent fini, le corps, inférieur à l'esprit, lui est
subordonné, et ses lois propres sont et doivent être
subordonnées aux lois de l'esprit qui les dirige à ses
fins supérieures.
Ainsi que l'homme individuel, le genre humain est
«n, puisque la nature humaine, dont il est l'expres-
sion, est une, et, dans son développement continu , il
tend sans cesse à une plus parfaite unité par révolu-
tion continue aussi et simultanée de l'esprit et du
<îorps, ou le perfectionnement progressif de la société
<lans l'ordre spirituel et Tordre corporel.
Et comme l'ordre spirituel est au-dessus de l'ordre
«orporel, il existe entre eux une subordination néces-
saire. L'esprit commande au corps, et dirige à ses
propres fins son action aveugle.
Chaque société particulière représente la société du
genre humain ,^ dont elle forme un des éléments, comme
«Ile-même a pour éléments les individus dont elle se
compose. Soumise aux mêmes conditions d êlre, elle
subsiste en vertu des mêmes lois. Esprit et corps, le
tOTfs en elle est l'organisation politique, civile, éco-
Homique, domaine du pouvoir temporel, distinct du
pouvoir spirituel comme le corps est distinct de
l'esprit, subordonné au pouvoir spirituel comme le
98 INTRODUCTION.
corps est subordonné à Tesprit dans l'unité humaine^
possible seulement par cette subordination.
Le pouvoir temporel, expression du corps dont il
résume Taction, appartient radicalement à tout le
corps, dont toutes les parties solidairement liées con-
courent* toutes à la fin commune, ne forment toutes
ensemble qu'une même unité, de laquelle on ne sau-
rait exclure une seule partie sans qu'elles pussent
toutes successivement être exclues au même titre, ce
qui serait la destruction du corps même. Ainsi, dans
le corps social, le pouvoir radical, ou comme on le
nomme encore, la souveraineté est universelle, une et
indivisible.
Le pouvoir spirituel, bien que lié au pouvoir tem-^
porel qu'il doit diriger, n'admet par sa nature aucune
organisation analogue à celle dont le pouvoir tempo-
rel résume l'action ; de même que l'esprit, bien que
lié au corps, ne peut être conçu sous un mode d*orga-
nisation corporelle. Ce qu'il est dans Thomme, il Test
également dans la société : quelque chose au-dessus
des sens, la pensée, la raison finie et progressive,
sujette à l'erreur, mais pénétrant toujours plus dans
le vrai
Dans la société, donc, le pouvoir spirituel, étranger
à l'organisation du corps social ou de l'État, en dehors
d'elle, supérieur à elle, n'est que l'esprit, la raison
libre de toute entrave : d'où, par la communication
INTRODUCTION. 90
sans obstacle des pensées qui se modifient les unes les
autres, naît une pensée commune, une volonté com-
mune, dominant, dès qu'elle s'est formée, toutes les
pensées, toutes les volontés particulières; de sorte
que, sans moyens de contrainte, sans juridiction poli-
tique ni civile, la raison libre, impersonnelle, incor-
porelle, constitue le Pouvoir spirituel dans lequel
réside la suprême puissance de gouvernement ; — car
gouverner, c'est réaliser au dehors une volonté cor-
respondante à une pensée qui la détermine.
Et comme le faux s'évanouit d'autant plus prompte-
ment qu'il est soumis à un examen et plus général
et plus libre, comme l'injuste n'est jamais qu'un
intérêt particulier opposé à l'intérêt de tous, ce que
tous pensent est toujours relativement ce qu'il y a
de plus vrai ; ce que tous veulent, ce qu'il y a de plus
juste.
Élargissez le cercle : représentez-vous les peuples
divers coordonnés dans le genre humain, comme les
individus dans chaque peuple, y soutenant les mêmes
rapports, y remplissant les mêmes fonctions, l'huma-
nité vous apparaîtra sous la forme que lui assignent
ses lois naturelles, comme un seul être animé d'une
seule vie dans son unité complexe, se développant
selon tout ce qui est, selon sa double nature spiri-
tuelle et corporelle, et par un progrès continu, éter-
nel, s'approchant toujours plus de Dieu, de l'Être
100 INTRODUCTION.
infini, infiniment un, sans jamais cesser d'être àuiie
distance infinie de lui.
Ainsi donc, les systèmes qui supposent le Pouvoir
directement institué de Dieu et son représentant sur
la terre, obligent à le concevoir sous une double no-
tion qui se résout dans celle de la force pure et de la
raison absolue. Or, séparées, la raison absolue et la
force pure, simples abstractions deTesprit, ne consti-
tuent aucun être, n'ont aucune existence réelle; unies^
ridée de pouvoir se confond avec Tidée de Dieu, à la
fois raison infinie et puissance infinie. Immédiate-
ment soumise à ce pouvoir exercé par un homme,
organe de la raison divine, instrument de la volonté
ou de la puissance divine, la société humaine n'est
plus qu'un assemblage d'êtres sans pensée, sans vo-
lonté, sans action propre, quelque chose au-dessous
de la société des brutes, que dirige du moins l'instinct
inhérent à chacune d'elles.
Réduit à ses termes les plus simples, tel est le droit
qui a longtemps régi l'humanité et la régit encore. 11
renferme, avec la négation de la liberté, la négation
de l'homme intelligent et moral, de Thomme phy-
sique même, qui n'a pas en soi seul son principe de
conservation ; et conséquemment sa tendance est une
tendance directe à la mort. Mais l'homme veut vivre ;
il a donc toujours résisté à ce droit impie, mon-
strueux, qui jamais n'a pu s'établir d'une manière
INTRODUCTION. I(H
complète et durable. La société, à l'époque présent?^
ne lutte pas seulement contre' ses conséquences, elle
l'attaque en soi, elle s'efforce'd'en extirper jusqu'à la
racine. Nul repos désormais qu'elle n'y ait substitué
un autre droit, le droit fondé sur la nature, et par cela
même le vrai droit divin. Il a pour caractère, pour
expression la liberté, que détruit radicalement le droit
contraire. Et qu'on ne l'oublie jamais, c'est la liberté,
la liberté sans autres limites pour chacun que l'égale
liberté d'autfui, qui résoudra tous les problèmes
sociaux, constituera l'ordre véritable, ouvrira à cha-
que peuple, au genre humain, la voie par où l'im-
pulsion spontanée de ses secrètes puissances le gui-
dera, voyageur immortel, vers le terme inconnu de
ses destinées mystérieuses. Que dans cette voie sacrée
il rencontre des obstacles, qiie, pour le repousser au
sein des misères et des ténèbres du passé, se dresse
devant lui le génie du mal, qu'importe?
Tu ne code malis, sed contra audentior ito.
VI
LA DIVIKE COMÉDIE
Nous laissons aux critiques le soin de discuter si la
Divine Comédie est ou n'est pas une épopée. La môme
<s.
i02 INTRODUCTION.
question fut, comme on sait, agitée en Angleterre â
Toccasion du Paradis perdu. A ceux qui lui refusaient
le nom d'épopée, on répondit : Ce ne sera pas, si vous
voulez, un poëme épique; ce sera un poème divin.
Nous n'examinerons pas non plus si Dante a em-
prunté, et à qui, le cadre et la forme de son poème :
les voyages allégoriques, les visions de l'autre monde
étaient une donnée commune de son temps*, mais
son génie n'est qu'à lui.
Malgré les indications générales fournies par le
Poète lui-même pour l'interprétation de son œuvre,
elle n'en reste pas moins enveloppée, dans quelques-
unes de ses parties, d'une obscurité jusqu'à présent
impénétrable, au jugement des plus habiles même,
Perticari, Monti, Viviani, Dionisi, Ugo Foscolo. Après
tant d'inutiles travaux, M. Rossetti a cru pouvoir ré-
pandre une lumière inattendue au sein de ces ténè-
bres. Malheureusement, le sien manque trop souvent
d'ordre et de méthode, de réserve et de choix, de cette
critique sévère sans laquelle les recherches les plus
' On la retrouve jusque chez les Nègres de Juda « Ils mettent, dit
Bonnau, Tcnfer dams un lieu souterrain, où les méchants sont punis par
le feu. Cette opinion avait été confirmée parmi eux depuis quelques
années, par l'arrivée d'une vieille sorcière, qui faisait des récits fort
étranges de Tenfer. Elle y avait vu, disait-elle, plusieurs personnes de
sa connaissance, et, particulièrement, Tancien ministre du roi, qui y
était cruellement tourmenté. » Hist, génér. des Voyages, tome IV,
page 301 .
I INTRODUCTION. 103
savantes, les plus curieuses, les plus variées, ne pro-
duisent qu^une sorte de vain éblouissement. On y ren-
contre trop souvent des rapprochements forcés, de
longues suites d^inductions faiblement liées entre
elles ; des conjectures au lieu de preuves ; des preuves
qui n'en sont quelquefois que pour sa vive imagina-
lion. Cependant, si Ton peut justement le taxer
d'exagération, son livre n'en contient pas moins des
vérités, selon nous certaines, et propres à jeter un
nouveau jour sur l'ouvrage du Poëte florentin. Il offre,
ce nous semble, deux aspects principaux et comme
deux poèmes entrelacés, unis et distincts : un poëme
historique et politique, un poëme philosophique
et religieux. Telle est même la complexité de cette
composition sans modèle, que, dans chacun de ces
poèmes, où, des deux sujets que l'auteur y traite, Tun
sert de voile à l'autre, on doit encore distinguer plu-
sieurs sens, ainsi que Dante lui-même en avertit dans
son Épître dédicatoire à Can Grande, chef de la ligue
gibeline.
c< Pour comprendre les choses qui seront dites, il
« faut savoir que le sens de cet ouvrage n'est pas
« simple, qu'on peut dire plutôtqu'il a plusieurs sens:
c< puisque autre est le sens qui se tire de la lettre,
« autre celui qui se tire des choses signifiées par la
ce lettre. Le premier s'appelle littéral, le second allé-
« gorique et moral. Ceci entendu, il est manifeste que
1(W INTRODUCTION,
« double doit être le sujet autour duquel courent les
« sens alternatifs. C'est pourquoi il faut d'abord con-
« sidérer le sujet de cet ouvrage selon la lettre, puis
« le sujet conçu allégoriquement. Pris à la lettre, le
« sujet de tout Touvrage est donc simplement Tétai
c< des âmes après la mort ; car l'ouvrage tout entier
« traite de cela et tourne autour de cela. Mais si on le
« prend allégoriquement, on peut induire des mêmes
o paroles que, selon le sens allégorique, le poëte traite
« de cet enfer dans lequel, accomplissant comme des
« voyageurs notre pèlerinage, nous pouvons mériter
« et démériter.»
Deux sujets, donc : Tun dont la scène est bors de c
monde, l'autre dont la scène est ce monde même que
Dante appelle enfer. Pourquoi enfer? Est-ce à cause
des maux, des désordres, des vices, triste apanage de
Thumanité dans tous les lieux, dans tous les temps?
Mais, à côté des vices, il s*y trouve aussi des vertus ; à
côté des désordres et des maux, un ordre maintenu
par des lois divines, et les biens que cet ordre produit
naturellement. Le séjour où l'homme peut mériter et
démériter j le lieu d'où partent deux routes conduisant,
Tune au ciel où les justes reçoivent leur récompense,
l'autre à l'abîme où les coupables subissent leur châti-
ment, ce lieu intermédiaire sanctifié au milieu des
temps par la vie et la mort du grand Rédempteur, ne
saurait être nommé en fer ^ en un sens général. Autre
INTTÎODUCTION. 105
est donc la pensée de Danle. A la sombre époque où
il écrivait, au milieu des calamités, des crimes qu'en-
ktait la lutte acharnée des deux puissances qui se
lisputaientr Empire, des ardentes passions des partis
e combattant en chaque cité, il répète le cri universel
es contemporains. « Les poètes, dit Léon Hébreu,
ppelèrent Tltalie : Enfer *. » Pétrarque appelait
ome r Enfer des vivants. C'étaient là des expressions
3çues. Dans la bouche du Poëte gibelin, r Enfer de ce
\onde c'est doncTItalie, et Rome surtout, usurpatrice
es droits que l'Empereur tenait de Dieu même, cor-
3mpue, corruptrice, « /owt;6 avide , insatiable*,»
)mme la nommaient ses adversaires, qui voyaient en
lie la grcmde Prostituée et la Babylone de l'Apocalypse,
[ais le pouvoir redoutable dont elle était armée, et
uquel l'auteur de la Monarchie n'échappa que par
ne prompte fuite, obligeait à d'extrêmes précautions
ans les attaques contre elle. 11 fallait, pour se dérober
ses implacables vengeances, prendre des voies dé-
mmées; user d'un langage emblématique, à double
îns; cacher sa vraie pensée, inintelligible à quicon-
*Difl/. d'Amor,, p. 75. Venez. 1565.
'Sur TaTarice de la cour papale et ses dissolutions, on peut consulter,
itre autres écrits du temps, les Epist. sin. tilul. de Pétrarque. « IJna
lutisspes in auro es^, dit-il: auro placdtiir Rex férus; aiiro immane
onslrum vincitur, auro tristis janitor mollititr, atirocœlum pan-
tur, auro Christus vendùur: » Ep. 8. ^VbiDeus spernitur, adoratur
mmvs. » Ep. 2.
i06 INTROnrCTIOH.
que s'arrêtait à la simple lettre. Et Dante lui-mêm
n'en a-t-ii pas averti ses lecteurs?
«Vous qui avez l'intelligence saine, regardez la d(N
«trine qui se cache sous le voile des vers étranges,:
Quelle doctrine? Il laisse à chacun le soin de la d^
couvrir. Mais ailleurs, mais plus tard, près de mouri
au sein de Texil, il explique clairement le but de soi
œuvre :
« Parcourant les sphères, les bords du Phlégétoi
c< et des lacs, j'ai chanté les droits de la monarchie
« autant que l'ont voulu les destins*.»
Suivez, en effet, le Poëte à travers ces régions mj»
térieuses, partout apparaissent en opposition Rome e
l'Empire, celui-ci type du bien, celle-là type du ma
sur la terre, de sorte néanmoins que de ce contraste!
ne ressorte rien d'hostile à l'autorité purement spiri-
tuelle des Pontifes romains, que Dante, en cela diflK
rent de beaucoup d'autres adversaires de la papauté i
cette époque, respectait sincèrement. Mais nul pla
que lui n'abhorrait la domination temporelle de Rome
destructive en ce qui constituait, selon lui, le droi
fondamental, le droit divin dé la société, ou le Pouvoii
impérial, duquel dépendait la paix et la félicité de
monde. Aussi, à ses yeux, le plus grand des crimes
était-il d'attaquer ce Pouvoir nécessaire. Voilà pour
* c Jura Monarchiae, superos, PUegetonta, lacusque
Lustrando, cecini, voluerunt fata quousque. f
lïïTRODUCTIOH. 107
quoi il place au fond des cercles infernaux Brutus et
Cassius, meurtriers de César, et, en un autre de ces
cercles, BonifaceVIII et Clément V, tandis qu'il montre
dans le ciel un trône préparé pour Henri Vil, repoussé
par eux de Tltalie, et mourant, empoisonné peut-être,
au moment où ses armes paraissaient près d'assurer
le triomphe de TEmpire. Il n'est pas jusqu'à l'excom-
munié Manfred, mort aussi en combattant pour la
même cause, qui ne doive, après un temps passé dans
le séjour où se purifient les âmes, siéger parmi les
Bienheureux. En tout cela le but du Poëte, sa pensée
iatime, se manifestent clairement.'
Mais si de ces généralités l'on descend aux détails,
là on se perd. On est réduit à conjecturer sans données
suffisantes, à fouiller sous les mots, à deviner ce qui
se dérobe sous le voile d'images obscures, d'emblèmes
équivoques et d'allusions énigmatiques ; et c'est qu'il
fallait à la fois être entendu des uns et ne l'être pas
des autres, parler un langage au moyen duquel le sens
secret, compris seulement des initiés, fût comme re-
couvert d'un sens apparent qui ne pût blesser le Pou-
voir dont on ne provoquait pas impunément les colères
formidables, ou du moins qui ne fournit pas de prise
à des accusations de ce genre de délits que punissaient
les bûchers des inquisiteurs.
De là des ténèbres aujourd'hui, le plus souvent,
impénétrables. Assez peu importent, après tout, ces
■• ' ' -' .. I
108 IHTRonucriO!!.
obscuiilGs de détail, l'idée principale étant connue.
On sait, en général, qu'un des sujets du poëme, le sujet
politique, est tout ensemble une gloriflcationde lamo-
narchie impériale et une satire épique contre la Rome
papale; que faut-il de plus? Ce qui pour nous reste
un mystère Tctait également pour les contemiiorains,
Le sujet que le Poëte appelle « littéral » t;sl loin lui-
même d'offrir un sens simple. Jacopo di Dante, i^Ie^
prête, dit-il, de la pensée de son père', veut que IEd-
fer, le Purgatoire, le Paradis, ne soient que des figures
représentant l'homme sur la terre, ou enseveli dans
le vice, ou travaillant à s'en purifier, ou confirmé dans
la vertu, par laquelle l'âme, en possession de la féli-
cité, s'élève à une hauteur d'où il lui est permis de
découvrir le souverain bien. Nous avons cité un pas-
sage remarquable du Coiimlo, lequel s'applique autant
à la Divina Commedia qu'aux autres poésies de Dante.
Il y distingue trois sens : le sens que présente la lettre,
le sens allégorique et le sens anagogique ; de sorte
que, selon le sens allégorique, on doit par w le ciel» en-
tendre u la science, » et par les cieux, les sciences, à
raison de certaines similitudes qu'il explique, et ce sens
se complique encoredu sens anagogique: d'où des dif-
ficultés nouvelles, source inépuisable d'interprétations
difTérentes, plus ou moins hasardées, plus ou moins
aiiiitraires; et d'où aussi ces bizarres singularités de
■ Jacopo di Uanle. Manuscrit ii° 776S de la Biblioliiêque.
I INTRODUCTION. 109
langage, résultat du travail du Poète pour trouver des
images, rapprocher des mots qui convinssent égale-
ment aux idées diverses à la fois présentes à son es-
prit, et dont Feffet trop fréquent est de joindre à Tob-
scurité de la pensée l'obscurité du style.
Quoi qu'il en soit, le poëme entier, sous ses nom-
breux aspects, politique, historique, philosophique,
théologique, offre le tableau complet d'une époque,
des doctrines reçues, de la science vraie ou erronée,
du mouvement de l'esprit, des passions, des mœurs,
delà vie enfin dans tous les ordres, et c'est avec rai-
son qu'à ce point de vue la Divina Commedia a été
^ appelée un poëme encyclopédique. Rien, chez les an-
ciens comme chez les modernes, ne saurait y être
comparé. En quoi rappelle-t-elle l'épopée antique, qui ,
dans un sujet purement national, n'est que la poésie
de l'histoire, soit qu'elle raconte avec Homère les lé-
gendes héroïques de la Grèce, soit qu'avec Virgile elle
^ célèbre les lointaines origines de Rome liées aux des-
tins d'Énée? D'un ordre différent et plus général, le
Paradis perdu n'offre lui-même que le développement
d'un fait, pour ainsi parler, dogmatique : la création
de l'homme, poussé à sa perte par l'envie de Satan, sa
désobéissance, la punition qui la suit de près, l'exil
del'Édcn, les maux qui, sur une terre maudite,
seront désormais son partage et celui de ses descen-
dants, et, pour consoler tant de misère, la promesse
e
n. L
110 INTRODUCTION. ^H
d'une rédemption future. Qu'ont de commun ts».
poèmes, circonscrits en un sujet spécial, avec le poëme-
immense qui embrasse non-seulement les divers étals
de l'homme avant et après la chute, mais encore, par
l'influx divin qui de cieux en cieux descend jusqu'^
lui , l'évolution de ses facultés, de ses énergies de tous
genres, ses lois individuelles et ses lois sociales, ses
passions variées , ses vertus, ses vices, ses joies, ses dou-
leurs; et non-seulement l'homme dans la plénitude ds
sa propre nature, mais l'univers, mais la création et spi-
rituelle et matérielle, mais l'œuvre entière de laToute-
Puissance, de la Sagesse suprême et dcl'Éternel Amour?
Dans cette vaste conception, Dante toutefois ne
pouvait dépasser les limites où son siècle était en-
fermé. Son épopée est tout un monde, mais un monde
correspondant au développement de la pensée et de la
société en un point du temps et sur un point de la
terre, le monde du Moyen âge. Si le sujet est uni-
versel, l'imperfection de la connaissance le ramène
en une sphère aussi bornée que l'était, comparée à la
science postérieure, celle qu'enveloppaient dans son
étroit berceau les langes de l'École. En religion, en
philosophie, l'autorité traçait autour de l'esprit un
cercle infranchissable. Des origines du genre humain,
de son état primordial, des premières idées qu'il se
fit des choses, des premiers sentiments qu'elles éveil-
lèrent en lui, des antiques civilisations, des religions
INTRODUCTÎON. ' iH
primitives, que savait-on? Rien. L*Asie presque en-
tière, ses doctrines, ses arts, ses langues, ses monu-
ments, n'étaient pas moins ignorés que la vieille
Egypte, que les peuples du nord et de Test de l'Eu-
rope, leurs idiomes, leurs mœurs, leurs croyances,
leurs lois. On ne soupçonnait même pas Texistence de
la moitié du globe habité. Le cercle embrassé par la
vue déterminait Tétendue des cieux. La véritable
astronomie, la physique, la chimie, Tanatomie, Tor-
ganogénie étaient à naître : il faut donc se reporter à
Tépoque de Dante pour comprendre la grandeur et la
magnificence de son œuvre.
Nous avons expliqué les causes des obscurités qui
s'y rencontrent, causes diverses auxquelles on pour-
rait ajouter encore les subtilités d'une métaphysique
avec laquelle très-peu de lecteurs sont aujourd'hui
familiarisés, et dont la langue même, pour être en-
tendue, exige une étude spéciale et aride. Mais, en
laissant à part le côté obscur, il reste ce qui appartient
à la nature humaine dans tous les temps et dans tous
les lieux, l'éternel domaine du poète, et c'est là qu'on
rçtrouve Dante tout entier, là qu'il prend sa place
parmi ces hauts génies dont la gloire est celle de
l'humanité même. Aucun n'est plus soi, aucun n'est
doué d'une originalité plus puissante, aucun ne pos-
séda jamais plus de force et de variété d'invention,
aucun ne pénétra plus avant dans les secrets replis de
m INTRODUCTION.
Tame et dans les abîmes du cœur, n'observa mieux et
ne peignit avec plus de vérité la nature, ne fut à la
fois plus riche et plus concis. Si Ton peut lui repro-
cher des métaphores moins hardies qu'étranges, des
bizarreries que réprouve le goût, presque toujours ,
comme nous l'avons dit, elles proviennent des efforts
qu'il fait pour cacher un sens sous un autre sens, pour
éveiller par un seul mot des idées différentes et par-
fois disparates. Ces fautes contre le goût, qui ne se
forme qu'après une longue culture chez les peuples
dont la langue est fixée, sont d'ailleurs communes
à tous les poètes par qui commence une ère nou-
velle. Ce sont, dans les œuvres de génie, le^ fâches
dont parle Horace :
Ubi plura nitent in carmiile, non ego paucis
Offcndar maculis.
Elles ressemblent à l'ombre de ces nuages légers
qui passent sur des campagnes splendidcs.
Lorsque après l'hiver de la barbarie le printemps
renaît, qu'aux rayons du soleil interne qui éclaire et
réchauffe, et ranime les âmes engourdies dans de
froides ombres, la poésie refleurit, ses premières
fleurs ont un éclat et un parfum qu'on ne retrouve
plus en celles qui s'épanouissent ensuite. Les pro-
ductions de l'art, moins dépendantes de l'imitation et
des règles convenues, offrent quelque chose de plus
INTRODUCTION. 115
personnel, une originalité plus marquée, plus puis-
sante. Dante en est un exemple frappant. Doublement
créateur, il crée tout à la fois un poème sans modèle
et une langue magnifique dont il a garde le secret ;
car, quelle qu*en ait été Tinfluence sur le développe-
ment de la langue littéraire de Tltalie, elle a néan-
moins conservé un caractère à part, qui la lui rend .
exclusivement propre. La netteté et la précision, je ne
sais quoi de bref et de pittoresque, la distinguent
particulièrement. Elle reflète, en quelque façon, le
génie de Dante, nerveux, concis, ennemi delà phrase,
abrégeant tout, faisant passer de son esprit dans les
autres esprits, de son âme dans les autres âmes, idées,
sentiments, images, par une sorte de directe com-
munication presque indépendante des paroles.
Né dans une société toute formée, et artificielle-
ment formée, il n'a ni le genre de simplicité, ni la
naïveté des poètes des premiers âges, mais, au con-
traire, quelque chose de combiné, de travaillé, et
cependant, sous ce travail, un fond de naturel qui
brille à travers ses singularités même. C'est qu'il ne
cherche point l'effet, lequel naît de soi-même par
l'expression vraie de ce que le Poète a pensé, senti.
Jamais rien de vague : ce qu'il peint, il le voit, et
son style plein de relief est moins encore de la pein-
ture que de la plastique.
Lorsque parut son œuvre, ce fut parmi ses con-
114 INTRODUCTION.
Imporains un cri unanime d'étonnement et d^admi-
ration. Puis des sièdesw ni,sw.iii ^ danBtlaqpeb jpea
à peu s'discarcît oetle grande renmamée. Le aens du
poème était perdu, le goût rétréd et dépraré par l'in-
fluence d*une littérature non moins vide que factice.
Au milieu du dix-huitième siècle, Voltaire écrivait à
Bettinelli : « Je fais grand cas du courage avec le-
« quel vous avez osé dire que le Dante était un
« fou, et son ouvrage un monstre. J'aime encore
« mieux pourtant, dans ce monstre, une cinquan-
« taine de vers supérieurs à son siècle, que tous les
« vermisseaux appelés soiietti, qui naissent et qui
« meurent à milliers aujourd'hui dans Tltalie, de
«Milan jusqu'à Otrante\ »
. Voltaire, qui ne savait guère mieux l'italien que le
grec, a jugé Dante comme il a jugé Homère, sans les
entendre et sans les connaître. Il n'eut, d'ailleurs,
jamais le sentiment ni de la haute antiquité, ni de
tout ce qui sortait du cercle dans lequel les modernes
avaient renfermé Tart. Avec un goût délicat et sûr, il
discernait certaines beautés. D'autres lui échappaient.
La nature l'avait doué d'une vue nette, mais celte vue
n'embrassait qu'un horizon borné.
L'enthousiasme pour Dante s'est renouvelé depuis,
et comme un excès engendre un autre excès, on a
voulu tout justifier, tout admirer dans son œuvre,
* Lettre du mois de mars 1761.
INTRODUCTION. îib
faire de lui, non-seulement un des plus grands génies
qui aient honoré rhumanité, mais encore un poëte
sansdéfauts, infaillible, inspiré, un prophète. Ce n'est
pas là servir sa gloire, c'est fournir des armes à ceux
qui seraient tentés de la rabaisser.
Un des reproches qu'on a faits à son poème est
l'ennui, dit-on, qu'on éprouve à le lire. Ce reproche,
qu'au reste on adresse également aux anciens, n'est
pas de tout point injuste. Mais, pour en apprécier la
valeur véritable, il faut distinguer les époques. Ce
qui ennuie aujourd'hui, les détails d'une science
fausse, les subtiles argumentations sur les doctrines
théologiques et philosophiques de l'École, rendent,
sans aucun doute, cette partie du poème fatigante et
fastidieuse même. Mais elle était loin de produire' le
même effet au quatorzième siècle. Cette science était
la science du temps, ces doctrines, fortement em-
preintes dans les esprits et dans la conscience, for-
maient l'élément principal de la vie de la société,
et gouvernaient le monde. Voilà ce qu'il faudrait
ne point oublier. Lucrèce en est-il moins un grand
poëte, parce qu'il a rempli son poème des arides
doctrines d'une philosophie maintenant morte? Et
cette philosophie, dans Lucrèce, c'est tout le poème ;
tandis que celle de Dante et sa théologie, n'occupent,
dans le sien, qu'une place incomparablement plus
restreinte. Qui ne sait pas se transporter dans des
«6 INTItODCCTIOS.
sphères d'idées, de croyances, de mœurs, différentes
de celles où le hasard l'a fail naître, ne vil que d'une
vie imparfaite, perdue dans l'océan delà vie progres-
sive, multiple, immense, de l'humanité.
Dante, au reste, a conçu son poëme comme ont él*
conçues toutes les épopées, et spécialement les plu
anciennes. Celles de l'Inde, si riches en beautés d*
tout genre, ne sont-elles pas, au fond, des poëme:
ihéologiques? Que serait VIliaile, si l'on en retran.
chait les dieux partout mêlés à la contexture de la
fable? Seulement la Grèce, au temps d'Homère, avaî
déjà rompu les liens qui entravaient le libre essor d«
l'esprit. Sa religion, dépourvue de dogmes abstraits
ne commandait aucunes croyances, et, dans son cull£
vaguement symbolique, ne parlait guère qu'aux sens
et à l'imagination. Il en fut de même chez les Ro-
mains, à cet égard fils de la Grèce. Avec îe christia-
nisme, un changement profond s'opéra dans l'état reli-
gieux. La foi en des dogmes précis devint le fondement
principal de la religion nouvelle ; d'où l'importance
que Dante, poëte chrétien, dut attacher a ces dogmes
rigoureux, à cette foi nécessaire. Aujourd'hui que les
esprits, entrevoyant d'autres conceptions obscures en-
core, mais vers lesquelles un secret instinct les attire,
se détachent d'un système qu'a usé le progrès de la
pensée et de la science, i) a cessé d'avoir pour eux l'in-
térêt qu'il avait pour les générations antérieures. Mais,
INTRODUCTION. 147
quelles que puissent être les doctrines destinées à le
remplacer, elles seront, durant la période qu'elles ca-
ractériseront à leur tour, la source élevée de la poé-
sie, dont la vie est la vie de Tesprit, et qui meurt sitôt
qu'elle s'absorbe dans le monde matériel .
La Divine Comédie se divise en trois Cantiques, '
l'Enfer, le Purgatoire et le Paradis. Diverses de ton
comme de sujet, on doit, pour s'en faire une idée
exacte, considérer chacune d'elles en particulier.
VII
L'ENFER
Du sentiment naturel à l'homme d'une existence
future, combiné avec celui du bien et du mal, du
vice et delà vertu, et avec l'idée de justice, est née
celle d'une dispensation de peines et de récompenses
dans la vie qui succède à cette vie passagère. Nulle
croyance plus universelle. Mais ce mode futur d'exis- ,
tence, qu'est-il? Nous l'ignorons, car l'expérience seui€
pourrait nous en instruire, et Texpérience nous man-
que entièrement. Nous serons; notre être véritable
survivra aux organes auxquels il est présentement lié;
un invincible instinct nous l'apprend, mais il ne nous
apprend que cela. IjC comment nous échappe ; nous
118 INTRODUCTION.
ne distinguons, nous ne découvrons rien à travers les
ténèbres de la tombe.
Appuyée sur Tinstinct, la raison en confirme l'en-
seignement; elle établit une relation conçue par l'es-
prit entre la foi naturelle et ce que nous savons, ce
que nous sentons de nous-mêmes. En nous sont des
puissances diverses, susceptibles d'un développement
indéfini. Quel que soit le développement actuel de
notre intelligence, de notre amour, de notre vertu
active, chacune de ces puissances peut se développer
davantage; nous pouvons toujours plus connaître,
aimer, vouloir efficacement, par une évolution à la-
quelle on ne saurait assigner aucun terme. Donc, ou
nous avons en nous des énergies stériles, des causes
qui jamais ne produiront leur effet, d'où résulterait
dans notre nature une contradiction radicale, ou notre
nature implique, sous des conditions ultérieures igno-
rées de nous, un développement indéfini, une évolu-
tion sans terme assignable.
Mais l'homme, esprit et corps, a des lois physiques
et des lois morales; en violant ces lois, il porte en soi
le désordre ; le désordre moral engendre le désordre
physique, la maladie, et conséquemment la souffrance :
nul péché, donc, qui ne traîne nécessairem.ent après
soi sa peine, et, dès lors, l'état immédiat de l'homme
après la mort étant le même que celui où la mort l'a
trouve, le sentiment de cet état est sa punition ou sa
INTRODUCTION. 4J9
récompense. Mais si la souffrance était éternelle, la
maladie dont elle est la suite le serait aussi, parconsé^
quent le mal moral, et ce mal éternel constituerait, en
opposition au principe du bien, au bon Principe, le
principe mauvais des systèmes dualistes. On serait forcé
de le concevoir comme indépendant, comme subsis-
tant de soi, ou d'admettre quelque chose de plus mons-
trueux encore, car s'il n'était pas de soi, s'il dépendait
delà volonté divine, Dieu serait Tauteur direct du mal.
Dans toutes les phases de son évolution, il faut,
pour que l'homme soit, qu'il se compose d'esprit et
de corps. Si, dans Tune de ces phases, l'esprit seul
subsistait, ce ne serait plus le même être, ce ne serait
plus même un être, mais, hors du monde des êtres
réels, une simple idée divine.
La perpétuité de la vie implique donc la continuité
de l'être vivant, sous des conditions corporelles d'exis-
tence, il est vrai, diverses, mais néanmoins toujours en
harmonie avec sa nature, et déterminées par elle.
Ainsi, les conditions de la vie de l'enfant dans le sein
de sa mère diffèrent profondément des conditions de
la vie de l'homme en rapport immédiat, par ses sens
et par son action, avec le monde extérieur où il se dé-
veloppe; et cependant l'homme et l'enfant sont le
même être, leur vie est la même vie, leurs lois sont
les mêmes lois. Entre l'état présent et l'état futur,
entre les deux phases d'existence dont ce qu'on appelle
*<
m INTRODUCTION.
la mort est le lien, la difTérence, quoique plus grande^
au moins en apparence, est de même ordre.
Ce qu*à Torigine suggère le pur instinct^ se rap-
proche beaucoup plus des vues de la raison que les
idées théologiques des âges postérieurs. Avant que la
pensée abstraite ait créé, en dehors de la nature et de
ses lois, un monde fantastique, F homme se repré-
sente la vie future comme un prolongement de la
vie présente, changée seulement en quelques-unes de
ses conditions. Le corps devient une forme légère,
aérienne, mais cependant sujette, en une vague me-
sure, aux mêmes besoins, mue par les mêmes pen-
chants, les mêmes désirs, les mêmes affections. Le
pauvre sauvage, au séjour des ombres, continue de
poursuivre sur le bord des lacs, à travers les hautes
herbes, le daim agile, le bison, Télan : moins éloigné
de la vérité, dans ses songes naïfs, que l'inspiré dont
le cerveau ardent crée ce qui, en aucune manière, ne
peut être. C'est ce qu'ont fait plus ou moins, et tou-
jours avec des conséquences funestes, les religions sa-
cerdotales. Étendant un voile noir sur les destinées
humaines, elles ont obscurci les vraies notions des
choses, environné une frêle créature encore au berceau
de terreurs chimériques, faussé sa raison. Car, en ce
' L'opinion des Nègres est quo la mort n'est qu'un passage, qui les
conduit dans un pays éloigné, où ils doivent jouir de toutes sortes de
plaisirs. liisL génér, des Voyages, t. lU, p. 616.
INTRODUCTION. i2l
qui touche ]es peines y dont nous devons ici principale-
ment parler, est-il rien qui la choque davantage, par
tous les genres d'impossibilités, et par ce qu'ils ont
d'opposé à la véritable justice et à la bonté essentielle
de rÊtre infini, que ces supplices atroces, inventés
bien plus pour gouverner les hommes par la crainte
que pour satisfaire à Tinslinct profond de la con-
science, qui ne saurait admettre qu'un même sort at-
tende, dans le monde mystérieux où tous entrent un
jour, l'innocent et le coupable? Le christianisme Ihéo-
logique s'est surtout complu dans ces doctrines som-
bres, a surtout pris à tâche d'effrayer, par ces images
terribles, l'imagination des hommes, de les prosterner
par la peur au pied du prêtre, et ce fut en effet tou-
jours le ressort le plus puissant de son autorité, le fon-
dement le plus assuré de sa domination sur les peuples.
L'enfer chrétien est à la fois le séjour des damnés
et des démons qui les tourmentent. Ces êtres mauvais
flottent dans la croyance comme je ne sais quels fan-
tômes hideux d'une nature vague, indéfinie. Si la
théologie fait d'eux de purs esprits, le peuple, à
l'exemple de la Bible, leur prête, ainsi qu'aux anges
fidèles, des formes sensibles, et naturellement des
formes rapprochées de celles qu'il connaît. Par un
mélange singulier d'idées, Dante les identifie avec
les personnages de la Fable, les Gorgones, les Cen-
taures, les Harpies. Dans ses cercles matériels, tous,
122 INTRODUCTION.
comme les damnés, apparaissent avec une puissam
de réalité égale à celle des corps véritables, et ce ré
lisme donne à ses tableaux un relief, à sa poésie uj
vigueur d'effet qu'on ne retrouve au même degré dai
aucun poète. Il croit à ce qu'il peint comme on croit
ce qu'on voit, à ce qu'on touche, et le lecteur partaj
sa croyance, tant cette forte imagination subjuga
entraîne, fascine : ut magus.
Au dedans de la terre s'ouvre un vaste cône, doi
les affreuses spirales, demeures des réprouvés, vîei
nent aboutir au' centre où la divine Justice retien
enfoncé jusqu'à la poitrine dans la glace, le chef d<
anges rebelles, V Empereur du Royaume douloureux
Tel est l'enfer que Dante décrit dans sa première cai
tique, suivant une donnée généralement admise a
Moyen âge. Milton, en un sujet qui l'obligeait à s'c
écarter, place le sien, hors de la création accompli
déjà, au sein du chaos, de l'abîme ténébreux. Il i
contient encore que les anges tombés, puisque so
drame commence avant la chute de l'homme. Ses d<
mons, d'une nature équivoque, intermédiaire, sai
formes déterminées, ne représentent guère que \i
vices abstraits, excepté le vice spirituel, l'Orgueil
dont Satan est le type suprême. Cette conception
étroite dans ses détails, et monotone dans son ensem
bleS n'a rien de commun avec celle de Dante. Mais 1
* Dans une note au crayon, placée en marge du texte de Tlntroductin
INTRODUCTION. 123
caractère de Satan, la plus haute, la plus belle des
premières créatures, cette superbe indomptable, cet
âltier défi jeté à la Toute-Puissance, cette sombre joie
d'une étemelle révolte au sein d'un supplice éternel,
jamais le génie humain n'a rien produit de plus grand.
Le Lucifer de Dante, agitant au centre du cône in-
fernal ses larges ailes de chauve-souris, serrant dans
ses trois gueules Brutus, Cassius, Judas, du reste pu-
rement passif, est certes bien au-dessous. Ce n'est pas
que le poète florentin n'ait compris, lui aussi, ce su-
prême caractère du mal, cet orgueil opiniâtre que
rien ne peut courber, car il l'a peint dans Capanée, à
sa manière, en quelques traits d'une énergie terrible.
Traversant une campagne de sable embrasé, où les
damnés gisent sous une pluie de feu, l'un d'eux sur-
tout frappe ses regards.
«Maître, dit-il à Virgile, quel est ce grand qui
a semble n'avoir souci du brasier, et gît si fier et si
m dédaigneux, que la pluie ne paraît pas l'amollir?
« Celui-là même, s'étant aperçu que de lui j'inter-
« rogeais mon guide, cria : — Quel je fus vivant, tel
« je suis mort.
« Quand Jupiter fatiguerait encore son forgeron, de
« qui, dans son courroux, il prit le foudre dont il me
■
« frappa le dernier jour ;
Lamennais fait remarquer que i les démons de Milton se bornent à
discourir. »
iU INTRODUCTION-
« Et quand, tour à tour, il fatiguerait les autres
« dans la noire forge du Mongibel, criant : Yulcain^
« à l'aide! àTaide!
c< Comme il fit au combat dePhlégra, et que contre
ce moi il rassemblerait et tous ses traits, et toute sa
<c force, il n'aurait pas la joie de la vengeance * ! »
Voilà bien le Satan de Millon, se dressant sur le lac
de feu pour braver encore celui qui Ty précipita. Mais
là s'arrête la ressemblance. Les deux poètes ont cha'
cun, en des sujets divers, un but différent. La pre-
mière cantique est surtout une satire, satire gigan-
tesque, épique, comme nous l'avons nommée. Et c'est
là ce qui explique certains contrastes étranges : le mé-
lange de sérieux et de grotesque qui serait ailleurs si
choquant. Dante a pu prendre tous les tons, parce
que la satire les admet tous. Il a pu peindre le mal
sous une de ses faces, laquelle n'en est pas la moins
remarquable, par son côté bas, laid, ignoble, je dirais
presque ridicule. Il a pu imiter les grands artistes du |
Moyen âge, qui sur les corniches de leurs magnifiques ;
cathédrales, jetaient ici et là de hideuses figures de^
démons, et des emblèmes humains de ce que le viee|
abject a de plus rebutant. S
La passion, la haine de parti préside le plussouvestj
au choix des personnes qu'il place dans son Enfer, 3
ainsi qu'à la distribution des peines. La féconde io* '
• Enfer ^ ch. xiv, terc. 16 etsuiv. 1
I
INTRODUCTION. 125
^ntion qu'il y déploie le rend encore, par excellence,
le poète d'une époque où la chaire sacrée ne cessait de
retentir de menaces et de voix d'épouvante. Dans ses
ressentiments terribles, il dépasse tout ce que jamais
conçut la vengeance. L'heure finale, ce serait trop
attendre; il damne les vivants, il arrache du corps
l'âme maudite, et la précipite dans l'abîme ; à sa place
il met un démon, et l'on voit ce corps aller, venir,
tf manger, boire, agir comme auparavant. Les hommes
tf croient converser avec un homme, l'homme qu'ils ont
connu, et ils conversent avec un esprit infernal.
C'était en 1300 que le Poète, au milieu du chemin
ie la vie^ c'est-à-dire âgé de trente-cinq ans, parcou-
rut en esprit les trois royaumes des morts. Perdu
dans une forêt obscure, sauvage et âpre, il arrive au
pied d'une colline qu'il s'efforce de gravir. Mais Irois
m animaux, une panthère, un lion, une louve maigre et
-A affamée, lui ferment le passage; et déjà il redescen-
m dait là où le soleil se tait^ dans les ténèbres du fond
de la vallée, lorsqu'à lui se présente ou une ombre,
ou un homme, il ne sait. Cette forme humaine, de qui
un long silence avait éteint la voix, c'est Virgile,
qu'envoie pour le secourir et pour le guider, une
dame céleste, cette Béatrix, objet de son amour, à Ja
fois être réel et idéalité mystique.
Il n'est pas douteux que sous ces images se cache
une double allégorie, les deux sujets dont parle Dante
9
le
\^
126 INTRODUCTION.
dans son ëpître à Can Grande. Ainsi, la louve est certei
nement Temblème de Tavarice en un sens général, i
Temblème de la Rome papale, qu'à diverses reprisée
dans la suite, il caractérise par ce vice abjecl. Maia
comme nous Tavons expliqué, on chercherait vaini
ment à dissiper les obscurités qui, sur ce point, enic
loppent pour nous la pensée du Poète. Il vaut miea
ne s'arrêter qu'à ce qui, dans son œuvre, étemdli
ment vrai, montre la nature humaine telle qu'elle esl
telle (Qu'elle fut, telle qu'elle sera toujours. QuéÙ
étonnante variété de tableaux, quelle profondeur d'al
servation! quelle vigueur de pinceau! quel relid
quelle vie I Gomme en quelque mots il sait dérouk
tout un drame ou terrible ou tendre, susciter au fcm
de l'âme la complète vision de ce quen*a point ei
primé la parole, ouvrir à l'œil interne des perspective
sans bornes !
Entrons avec lui dans le royaume sombre. Âu-def
sus des Limbes, séjour de ceux qui, avant Jésus-Chrisl
ayant vécu moralement bien, furent privés de la foi a
Rédempteur à venir, est un lieu assigné pour demem
à cette race d'hommes dont le monde est plein, qui
par égoïsme ou par lâcheté, déserteurs du devoil
évitent de se commettre, cherchent un milieu entre I
bien et le mal, sans autre souci que celui d'eux-mêmes
de leur repos, de leurs intérêts. Pour eux, rien d
vrai, rien de faux, rien de juste, rien d'injuste, on
iVnODUCTION. i27
, f|iie leur importe? ces hommes abondaient
\nfï milieu des dissensions de lltalie, comme ils abon-
dent encore de nos jours ; car, quel est le temps où
les égouts de nos tristes sociétés ne regorgent de cette
boue? Séparés des bons, des mauvais, hors de Thu-
manité, repoussés également du Ciel et de TEnfer, où
Dante placera-t-il ce$ malheureux qui ne furent jamais
woants? que dira-t-il d'eux? Écoutez :
« Là, dans Tair sans astres, bruissaient des soupirs,
tdes plaintes, de profonds gémissements, tels qu'au
t commencement j'en pleurai.
« Des cris divers, d'horribles langages, des paroles
« de douleur, des accents de colère, des voix hautes
t et rauques, et avec elles un bruit de mains,
(c Faisaient un fracas qui, dans cet air à jamais té-
t nébreux, sans cesse tournoie, comme le sable roulé
« par un tourbillon.
a Et moi, dont la tête était ceinte d'erreur, je dis :
t — Maître, qu'entends-je? et quels sont ceux-là qui
^li « paraissent plongés si avant dans le deuil?
« Et lui à moi : — Cet état misérable est celui des
« tristes âmes qui vécurent sans infamie ni louanges.
« Mêlées elles sont à la troupe abjecte de ces anges
« qui ne furent ni rebelles, ni fidèles à Dieu, mais
« furent pour soi.
« Le Ciel les rejette pour qu'ils n'altèrent point sa
« beauté ; et ne les reçoit pas le profond Enfer, parce
r?
128 INTRODIiCTION.
o que les damnés tireraient d'eux quelque gloire.]
« Et moi : — Maître, quelle angoisse les fait se la-
« menter si fort? H répondit : — Je te le dirai ti'ôs-
« brièvemen!
<i Ceux-ci n'ont point l'espérance do mourir, et leul
« aveugle vie est si basse, qu'ils envient tout aiitrt i
« sort.
« Aucune mémoire le monde ne laisse subsisl
« d'eux; la Justice et la Miséricorde les dédaigneal.)
« Ne discourons point d'eux, mais regarde et passée
Quelle indignation, quelle colère pèserait sur
damnes d'un poids égal à celui de ce mépris
Le touchant épisode de Francesca de Rimini,
quel a fourni à l'un de nos peintres le sujet d'une
ses plus belles œuvres, est dans toutes les mémo).
Tendresse, ingénuité, grâce ravissante, mélancolie
doux souvenirs, que ne s'y Irouve-t-il point? l^es di
amants qu'emporte et roule dans son cercle él
l'infernal ouragan, s'arrêtent à la prière de
Francesca lui fait le récit de leurs infortunes. Coi
l'effet en est différent de ce qu'il serait si le F<
l'avait mis dans la bouche de celui (^ui jamais <£
ne sera séparé. Un poète vulgaire n'y eût pas man*^
que; il aurait cru répandre ainsi sur l'amante sileit^
cieuse un certain charme de modestie pudique : etafl
contraire, outre l'exquis sentiment de délicatesse passi
' £H/'er, di. m, tcrc. SelBuiv.
L
lîlTRODUCTIOIf, 12^
>nnée par lequel elle semble se rendre propre une
•mmune faiblesse, c'est en l'avouant elle-même qu'elle
excuse, c'est parla vive expression de l'amour qui la
iscîne encore, qu'elle imprime à cet amour qui sur-
it au corps, qui réside dans l'âme seule, je ne sais
ael caractère chaste d'où nait la pitié douloureuse et
îndre qu'inspirent ceux dont il fera, au fond d'une
3ie secrète, l'immortel tourment.
Rien ne contraste plus que cette scène et œlle où
pparait, au dixième chant, la grande figure de Fari-
lata. Chef des Gibelins à Florence, deux fois il en
hassa les Guelfes, et fut enfîn défait par eux à Monte-
Lperto, près de l'Arbia. Dante peint en lui, avec la
ierté aristocratique*, l'inflexible orgueil, la haine '
ipiniâtre de parti, la passion politique dominant, ab-
lorbant toutes les autres passions. Et comment les
peint-il ? C'est ici qu'il faut admirer le génie du Poëte, -
ïasune réflexion; quelques larges coups de pinceau,
Èi bref dialogue dont chaque mot met à nu le fond de -
Ime, et le tableau est complet. Mais de quelle ma- "*
ifere, tout d'abord, il éveille l'attention et prépare
fefiet! Nous sommes dans une campagne lugubre^
>
* ^mh furent tes ancêiresl C'est la première question qu'il adresse
i fisoite : et, à ce sujet, dous observerons que Dante n'avait nullement
itt sentiments démocratiques que quelquesHjns lui ont prêtés. Il rappelle
>vec. complaisance l'origine nuble de ses aïeux, et afTecte un profond dé»
^in pour les familles sorties du peuple et pour le peuple lui-même.
TEmpire impliquait une hiérarchie naturellement liée à l'esprit féodaK ^
i90 NTRODUGTION.
couverte de tombeaux rougis par le feu; subitement ,
de l'un d'eux sort une voix qui invite Dante à s'arrê-
ter. Il s'effraye et se rapproche de Virgile :
c< Que fais-tu? lui dit celui-ci; tourne-toi ! Vois II ^
Farinata qui s'est levé : tu le verras tout entier de la
ceinture en haut. »
Que doit être celui dont Taspect émeut ainsi Virgile, ^
le Guide qui, dépouillé de la mortalité, passe impas-
sible à travers ces régions désolées? Ne voit-on pas
Farinata, séparé du vulgaire des morts , se lever *"
€omme une apparition formidable, gigantesque? ^
Dante poursuit :
ce J'avais déjà mes yeux fixés sur les siens; et lai
« de la poitrine et du front se dressait, comme. s'îIâe,
« eût eu l'enfer à grand mépris. »
L'ombre altière l'interroge sur les siens. 1er
nomme.
ce Cruellement, reprend l'ombre, ils furent enne-»;;;
« mis et de moi et de mes aïeux ; aussi les chassai-jeif,^
« deux fois. »
La réponse non moins fière part comme un trait :
« S'ils furent chassés, de toutes parts ils revinroit
«et Tune et l'autre fois ; mais les vôtres n'apprirent
c< jamais cet art. »
Ici la scène s'interrompt soudain, et tout à l'heurS
i on verra Teffet de cette interruption par rapport ao
' dessein principal du Poëte.
I9TR0DUCTI0N. IM
Lentement, timidement, une autre ombre s'est le-
iée : c'est celle de Cavalcante de' Cavalcanti, père de
inidoCavalcanti, ami de Dante. Il a reconnu la voix
le. celui-ci , et il espère que son fils l'accompagne.
Trompé dans cette espérance, il s'écrie en pleurant ;
« Si à travers cette sombre prison tu vas par gran-
de deur d'âme, mon fils où est-il? pourquoi pas avec
K toi ? »
Quelle louange, et comme elle sort naturellement
l'an cœur paternel ! Ce père ne conçoit pas que, là
DÙ éclate la grandeur d'âme, son fils n'y soit point.
Sur un mot équivoque de Dante, il croit ce fils
mort, jette un cri de douleur, et tombe à la renverse
m fond du sépulcre embrasé.
Plus cette scène est touchante, plus elle fait ressortir
le caractère de Farinata. Elle n'a point existé pour lui :
il n'a rien vu, rien entendu, absorbé tout entier dans
l'amer sentiment qu'ont réveillé en son âme superbe
les paroles de Dante : mais les vôtres n^ apprirent ja-
mis cet art.
Et continuant le premier discours : a Qu'ils aient
«mal appris cet art, dit^il, cela me tourmente plus
<^qQe cette couche. »
Voilà son enfer : près de ce supplice de l'orgueil,
la tombe brûlante où il gît n'est rien.
Il faut lire le reste dans le poëme même ; il y faut
^ir avec quel art le Poëte, sans altérer le caractère
^p
133 ISTRODUCTIOR. ,
'de Farinata, en tempère Tâprale, en montrant, dans
l'homme de parti, dans le chef de faclion, quelque
chose de plus fort encore que la haine : le doux, le
saint amour de la patrie. Dante lui a reproché te car-
nage quirougil t'Arbia.
«Après avoir en soupirant secoué la tête: — A cela,
« dit-il, je ne fus pas seul, et ce n'eût pas certes été
« sans cause qu'avec les autres je m'y fusse porté ;
« Mais quand tous consentaient à détruire Flo-
« renée, seul en face je la défendis. »
Si ce ne sont pas là des beautés égales à tout ce
que fa poésie offrit jamais de plus beau , qu'est-ce
donc?
Le grand gibelin toscan offre un de ces types pri-
mordiaux, d'oil dérive ensuite une multitude d'imita-
tions directes ou indirectes. Quelles que soient les
nuances, les modifications secondaires, on l'y recon-
naît toujours, et toujours il conserve je ne sais quoi
de plus vaste, de plus profond, de plus puissant.
C'est de lui que Byron s'inspirait en peignant le
Giaour et plusieurs autres de ses personnages. Ils
procèdent de Farinata comme les rejetons naissent du
pied de l'arbre ; même sève d'orgueil, de haine, de
vengeance; mais, de ces rejetons, aucun n'atteint la
hauteur de la fige primitive.
Longin définissait le sublime, le son qiie rend une
grande âme. Il semble que ce mot ait surtout été dit
INTRODUCTION. 1S5
pour Dante. Mais rame du poète ne doit pas rendre
seulement un son ; elle doit vibrer au souille des pas-
sions les plus opposéesi des sentiments les plus divers,
et dans sa divine harmonie, reproduire Tharmonie si
variée de la nature et du cœur de Thomme. Par ce côté
encore, Dante, autant qu'Homère, peut être nommé le
poète souverain. Tout le frappe, tout Témeut, et, des
plus petits aux plus grands objets, il se transforme
pour tout peindre avec une égale vérité, une égale
perfection. A l'étroit dans la nature même, il crée, il
fait d'une vision fantastique quelque chose de réel et
de vivant, entraînant la croyance à la suite de sa puis-
sante imagination. Et dans ces poétiques créations,
quelle originalité, quelle force d'invention propre,
alors même que l'idée première, suggérée d'ailleurs,
semble devoir le rendre imitateur! Au treizième chant,
il emprunte à Virgile celle d'arbustes animés par les
ombres humaines : voilà tout ce qu'ils ont de com-
mnn. Le reste appartient uniquement à Dante. Il est
arrivé à la seconde enceinte du septième cercle, où
sont punis les suicides :
« Nous entrâmes dans un bois où nul sentier n'était
« tracé.
'< Point de feuillage vert, mais de couleur sombre;
«point de rameaux unis, mais noueux et tordus,
« point de fruits, mais sur des épines des poisons.
« N'ont point de halliers si épais et si âpres ces
D. 1.
%
154 TNTRODUCTIOll.
c( bétes sauvages qui, entre Cecina et Corneto, haïssent
« les lieux cultivés.
« Là font leurs nids les hideuses Harpies, qui chas*
« sèrent des Strophades les Troyens, avec la triste an-
ce nonce du futur désastre.
ce Elles ont de vastes ailes, et des cols et des visages
^cc humains, et des pieds armés de griffes, et des plu-
|c< mes à leur large ventre :
j c( Elles se lamentent sur les arbres étranges. »
Ce dernier trait si simple achève le tableau de cette
immense désolation.
Là les désespérés qui loin (Teiuc rejetèrent leurs
âmes^j gémissent sous Técorce des buissons, ou^ tels
que les bêtes des forêts, sont chassés par des meutes
infernales. Pour satisfaire le désir de Dante, Virgile
interroge Tun d'eux :
ce Qu^il te plaise de nous dire comment Tâme est
« liée à ces arbres noueux, et, si tu le peux, dis-nous
« si quelqu'une jamais se dégage de tels membres. »
ce Alors fortement souffla le tronc, puis le souffle se
c< changea en cette voix : — Brièvement il vous sera
<e répondu.
Cl Lorsque Tâme féroce quitte le corps dont elle s'est
ce elle-même arrachée , Minos l'envoie à la septième
ce bouche,
ce Elle tombe dans la forêt, non en un lieu choisi,
* Qui, lucisperosi, projecère animas. Viro.
I!iTR0DDCT10II. 135
(( mais où le hasard la jette. Là, elle germe oonmie vu
« grain d*épeautre.
« S'élevant, elle devient une tige et un arbre sil-
((vestre. Les Harpies, se repaissant de ses feuilles,
(( ouvrent un passage à la douleur qu'elles lui font
« ressentir.
« Comme les autres nous viendrons rechercher nos
«dépouilles, mais cependant aucun ne les revêtira;
«car il n'est pas juste que Thomme recouvre ce que
«lui-môme il s'est ravi.
« Ici nous les traînerons, et dans la lugubre forêt
«nos corps seront suspendus, chacun au tronc de sa
« triste ombre. »
Ces corps éternellement suspendus devant leurs
âmes éternellement séparées d'eux, ces débris d'une
nature à jamais nautilée, cette mort dans la mort,
n'est-ce pas là un spectacle étrange qui saisit
l'imagination et l'enveloppe comme d'un crêpe fu-
nèbre?
Tout d'un coup la scène change :
«Nous demeurions attentifs, croyant qu'il voulait
«dire encore autre chose, quand nous suqiril un
« bruit
(( Semblable au fracas des bêtes et des branchrfff
« cpi'entend celui qui voit venir le sanglier et ia rneijfo
« qui le suit.
« Et voilà, vers la gauche, deux damnés nun et dé*
i
i36 INTRODUCTION.
«chirés, fuyant de telle vitesse, qu'à travers la forêt
« ils brisaient tout obstacle.
« Celui de devant : Accours, accours, ô mort! Et
« l'autre, à qui trop il paraissait tarder : — Iiappo, si
« prudentes ne furent pas
c< Tes jambes aux joutes de Toppo*. Et puis, l'ha-
c( leine lui manquant peut-ètre% de soi et d'un buis-
ce son il fit un seul groupe.
c( Derrière eux la forêt était pleine de chiennes lu
« noires, affamées et courant comme des lévriers qu'on
« vient de détacher.
a Dans celui qui s'était tapi , elles enfoncèrent les
« dents et le déchirèrent pièce à pièce, puis empor-
« tèrent ces lambeaux palpitants. »
A ces sombres horreurs succèdent des sentiments
qui reposent l'âme et l'attendrissent. Sur une berge
à l'abri des flammes, Dante traverse une plaine où, en 1^
longue file, courent les pécheurs que frappent des m^j
traits de feu. Il est reconnu avec étonnement par son i>j^
ancien maître, Brunetto Latini, qui d'en has l'arrêle ^^
par le pan de sa robe, et s'écrie : — merveilleM
^ Lappo, de Sienne, au combat de Toppo, où les Siennois furent dé-
faits par les Arétins, se jeta en désespéré au milieii des ennemis» et se
fit tuer.
* Gomment Thaleine peut-elle manquer à une ombre? C'est précisé-
ment pour cela, que cette circonstance, immédiatement, fait de Lappou*
personnage vivant, et que, pour le lecteur comme pour Dante, la ecèoe
s'empreint d'un caractère saisissant de réalité, et devient si dramati^u^
> Chant IV.
li
(inè
v^
INTHODIICTION. 137
a Lorsque vers moi il étendit le bras, sur cette face
« grillée par le feu je fixai tellement mon regard, que
c< le visage brûlé n'empêcha point
« Mon entendement de le reconnaître; et, vers sa
«face abaissant la maiil, je répondis: — Êtes-vous
«ici, ser Brunetto?
« Et lui : — mon fils, ne te déplaise qu'un peu
«en arrière avec toi reste Brunetto Latini., et laisse
« aller la file.
« Je lui dis : — Autant que je peux, je vous en prie;
« et si vous souhaitez qu'avec vous je m'asseye, je le
«ferai, s'il plaît à celui avec qui je vais.
« — mon fils, dit-il, qui de ce troupeau s'arrête
«un instant, gît ensuite cent années sans se mouvoir
« sous le feu qui le frappe.
« Va donc, et je t'accompagnerai; puis je re-
« joindrai ma bande qui va pleurant son dam éter-
«nel.
« Je n'osais descendre de la berge pour marcher
« près de lui , mais je tenais ma tête baissée comme
«un homme qui chemine humblement.
« 11 commen(;a : — Quelle fortune ou quel destin
«t'amène ici -bas avant le dernier jour? »
Dante l'instruit en peu de mots de ce qu'il désire
savoir ; après quoi Brunetto, rappelant ce que jadis il
avait prédit de ses destinées glorieuses, l'encouragea
poursuivre son voyage. Puis, l'avenir s'ouvrant à ses
««
138 INTRODUCTION.
yeux, il lui annonce les rudes épreuves auxquelle
mettra sa constance le peuple ingrat et méchant qui
à cause de son bien' faire ^ se fera son ennemi. Dant
lui répond :
« Si exaucée eût été ma demande, vous ne série
c< point encore banni de la vie humaine.
ce Car dans ma mémoire est gravée, et mton cœu
a conserve votre chère et bonne et paternelle image
« alors que, dans le monde, souvent
« Vous m'enseigniez comment T homme s'éternise
a et combien j'en ai de gratitude, il convient que
« pendant que je vis, ma langue le manifeste.
« Ce que de mes destins vous racontez, je l'écris el
« le réserve pour que l'interprète , avec un autre
« texte, une dame (Béatrice) qui le pourra si jusqu'à
« elle j'arrive.
c< Sachez seulement ceci , que pourvu qu'aucun re-
c< proche ne me fasse ma conscience, quoi que veuille
« la fortune, je suis prêt. »
Cette reconnaissance du maître et du disciple, ces
souvenirs d'une vie qui a fui à jamais, ce mutuel
échange de vœux et de tendresses en un tel lieu, em-
pruntent de ce lieu même je ne sais quel charme sin-
gulier de douceur et de tristesse. Et, à ce sujet, nous
remarquons que Dante rarement montre les damné
en proie au désespoir, aux fureurs de la haine ; qu'il
les représente , au contraire, liés encore aux vivant
INTRODUCTION. 13»
parleurs affections antérieures, de sorte que Tamour
n'est point banni de l'enfer môme. Si, lorsqu'il parle
d'eux d'une manière générale, sa parole s'empreint
de toutes les terreurs du dogme théologique, lorsque
ensuite, durant son passage à travers ces régions dé-
solées, il rencontre les personnes mêmes, converse
avec elles, il oublie le dogme, il rentre dans l'ordre
des sentiments que la nature inspire ; quelque mor-
telle que soit la chute, elle laisse subsister le carac-
tère originel de Têtre dégradé, mais non entièrement;
et sous le damné on retrouve encore l'homme. Qui
aurait pu supporter, sans cela, l'affreux récit de tous
ces supplices? U n'eût produit qu'une impression de
dégoût et d'horreur, et le livre serait tombé des
mains.
Non-seulement le Poëte exclut des sombres de-
meures qu'il dépeint l'idée du mal pur, non-seule-
ment il a soin de réveiller partout celle de la vie hu-
maine, telle à peu près qu'elle s'offre à nos yeux sur
la terre, mais, avec un art merveilleux, quelquefois il
s'incarne lui-même dans ses fictions, il les anime de
son propre esprit et de l'esprit de son âge, que tour-
mentait la soif de connaître, qu'attirait vers les lieux
où le soleil se couche, au delà des vastes mers, le
vague pressentiment d'un monde inconnu, du monde
où deux siècles après aborda Colomb. Ulysse, qu'il
trouve dans le huitième bolge, lui raconte comment, ,
140 INTRODUCTION.
après avoir quitté Circé, il commença ses coursej
rantes \
« Ni la douce pensée de mon fils, ni la piété en
« mon vieux père, ni lamour dû qui devait êtr
«joie de Pénélope,
« Ne purent vaincre en moi Tardeur d'acquéri
« connaissance du monde, et des vices des homme
« de leurs vertus.
ce Mais sur la haute mer de toutes parts ouvr
« je me lançai avec un seul vaisseau , et ce ]
« nombre de compagnons qui jamais ne m'abam
« nèrent.
c< L'un et Tautre rivage je vis, jusqu'à TEspagi:
«jusqu'au Maroc, et Tîle de Sardaigne, et les au
« que baigne cette mer.
« Moi et mes compagnons nous étions vieux et
« pesantis quand nous arrivâmes à ce détroit ress'
« où Hercule posa ses bornes,
« Pour avertir l'homme de ne pas aller plus av
« Je laissai Séville à main droite; à l'autre déjà &
« m'avait laissé.
« — frères, dis-je, qui, à travers mille péi
« êtes parvenus à l'occident, suivez le soleil, et à
« sens
«A qui reste si peu de veille, ne refusez pas 1
« périence du monde sans habitants ;
* Chant XXVI.
îNTROnUCTîON. IH
«Pensez à ce que vous êtes; point n'avez été (ails
« pour vivre comme des brutes, mais pour rechercher
« Ja vertu et la connaissance.
«Par ces brèves paroles, j'excitai tellement mes
« compagnons à continuer leur route, qu'à peine on-
«suite aurais-je pu les retenir. ; .
« La poupe tournée vers le levant, des rames nous
« fîmes des ailes pour follement voler, gagnant tau-
« jours à gauche. i'
« Déjà, la nuit, je voyais toutes les étoiles de Taulre
« pôle, et le nôtre si bas que point il ne s'élevait au-
« dessus de Tonde marine.
« Cinq fois la lune avait rallumé son flambeau, et
«autant de fois elle l'avait éteint depuis que nous
« étions entrés dans la haute mer,
«Quand nous apparut une montagne, obscure à
«cause de la distance, et qui me sembla plus élevée
« qu'aucune autre que j'eusse vue :
« Nous nous réjouîmes, et bientôt notre joie se
«changea en pleurs, de la nouvelle terre un tourbil-
«lon étant venu, qui par-devant frappa le vaisseau.
« Trois fois il le fit tournoyer avec toutes les eaux ;
* «àla quatrième, il dressa la poupe en haut, et en bas
«il enfonça la proue, comme il plut à un autre,
« Jusqu'à ce que la mer se refermât sur nous. »
Pas un mot après ce dernier mot; ie chant finit
^udain : on ne voit plus, on n'entend plus que le
143 IHTRODtICTION.
flot qui passe au-dessus du vaisseau englouti dans l'é-
ternel silence de l'abîme.
La puissance souveraine de l'art dérive de ses rap-
ports mystérieux avec ce quelque chose d'infini que
recèle l'âme humaine. S'il ne pénètre à celte profon-
deur, il ne produit que des effets vulgaires, n'éveille
aucun de ces longs échos, qui, comme les ondes d'un
vaste océan, vont se perdre au loin dans l'espace inh
mense. C'est beaucoup moins par ce qu'il exprime que^
le poëte est vraiment poêle, créateur', que parles
pensées, les visions internes qu'il suscite. Et ces vi-
sions, diverses pour chacun selon sa nature, le carac-
tère de son esprit, sa sphère propre d'idées, de senti-
ments, sont par cela même inépuisables. Quoi de plut
simple que le récit d'Ulysse? Et qui pourrait l'ea-,
tendre sans émotion, sans voir flotter vaguement de-
vant soi tout un monde, on ne sait quel monde, mais
agrandi encore par le mélange des ombres. Plus les
contours en sont indécis, plus il fascine l'imagina-
tion. Ce monde, au fond, ce n'est que l'homme même,
son éternelle aspiration à un « au delà » sans terme, son
mouvement éternel à iravers les réalités passagères,
vers ce que ne borne ni le temps ni l'espace, vers
l'Être infini qui éternellement attire à soi toutes sa
créatures. Près de lui, qu'est-ce que le resie? Près de
la joie de s'en approcher, qu'est-ce que les joies de
^ INTRODUCTION. 145
celte vie terrestre, qu'est-ce que cette vie même? Dé
là l'insatiable besoin de lumière, de connaître tou-
jours plus, pour aimer toujours plus, pouvoir et agir
tOQJaors plus; de là, dans un travail sans repos, le
mépris des obstacles, des fatigues, des souffrances,
oette irrésistible impulsion qui force l'homme, jeté
sur une mer inconnue, au milieu des écueils, des
tempêtes, d'obéir à la voix qui lui crie: Va, suis le
iK)leil !
De ces hautes régions où le Poëte, comme par quel-
ques paroles magiques, vous a transportés, il redes-
cend sur cette terre où, dans leurs passions insensées,
s'agitent tristement les mortels misérables. 11 est dans
le cercle des damnés qui, enveloppés d'une flamme
qui les cache à la vue, expient, sous ces vêlements de
feu, la ruse maligne, l'imposture, la fourbe*. Tout à
coup, une voix :
« Si récemment dans ce monde aveugle tu es tombé,
«de cette douce terre latine d'où j'ai apporté toute
« ma coulpe ,
« Dis-moi si lesRomagnols ont la paix ou la guerre;
« car je fus des monts, là, entre Urbino et la montagne
«d'où sort le Tibre*.
« — âme là- dessous cachée! répond Dante, la
* Chant XXVII.
* Monie-Feitro.
m INTRODUCTION.
a Romagae n'est ni ne fut jamais sans guerre dans le
« cœur de ses tyrans. »
Quelle tristesse dans ce seul mot! et comme, di.
cœur de ces tyrans, on voit se déborder tous les maus
sur cette contrée calamiteuse !
Après avoir avec plus de détails satisfait à la de-
mande du damné, Dante, à son tour,, lui en: adresse
une :
« Maintenant, je te prie de nous dire qui tu es ; ne
« sois, pas plus dur que d'autres ne Tout été, et que
« ton nom se conserve dans le monde ! »
Ici se déroule une des scènes les plus étranges, les
plus terribles, les plus fantastiques. La haine du gi-
belin flétrit, à la fois, et le fourbe auquel il fait ra-
conter ses honteux méfaits, et le pape qui le poussa
dans l'infernal. abime. Il y a des moments où Ton croit
entendre le sifflement du fer rouge appliqué sur le
front du pontife prévaricateur •
Dante a cru complaire 5 Gui de Montefeltro en sou-
haitant que son nom se conserve dans le monde. Le
réprouvé le détrompe, et, sans y songer, dévoile ainsi
lui-même son supplice secret, le sentiment de sa tur>
pitude.
<cSi je croyais répondre à quelqu'un qui dût ja-
(c mais retourner dans le monde, cette flamme cesse-
ce rait de se mouvoir ;
a Mais puisque jamais, si ce qu'on dit est vrai, nul.
INTBODDCTIO?. 145
le retourna vivant de ses profondeurs, sans crainte
['infamie je te réponds :
c< Je fus homme d'armes, et puis cordelier, croyant,
îH me ceignant ainsi, expier mes fautes, et certes
1 en aurait été entièrement comme je le croyais,
« N'ieût été le Grand-Prêtre*, à qui mal en prenne,
jui me replongea dans mes premiers méfaits : com-
ment et pourquoi, je veux que tu Tentendes.
« Pendant que je fus la forme d'os et de chair que
ma mère me donna, mes œuvres ne furent pas d'un
lion, mais d'un renard;
« Les sourdes pratiques et les voies couvertes je les
sus toutes, tellement que le bruit en parvint jus-
qu'au bout de la terre.
« Quand je fus arrivé à ce point de mon âge où cha-
cun devrait abaisser les voiles et serrer les cor-
dages,
« Ce qui premièrement me plaisait, alors me pesa;
repentant et confès je me fls : et bien, hélas ! m'en
serais-je trouvé, pauvre misérable!
« Le Prince des nouveaux Pharisiens avait la guerre
près de Latran', et ni avec les Sarrasins ni avec les
luifs ;
c( Étaient chrétiens tous ses ennemis, et aucun n'a-
> Boniface YII[.
' A^ec les Colonne qui habitaient près de Saint-Jean-de-Latran, et à
i appartenait la ville fortifiée de Palestrina, dans le Toisinage de Rome.
D. I. tt
i4a INTRODUCTIOW.
c( vait aidé à prendre Acre ou trafiqué dans la ter
a du Soudan*
« Ni l'office suprême, ni les ordres sacrés il ne r
«garda en soi, non plus qu'en moi le cordon q
« jadis amaigrissait ceux qui s'en ceignaient.
c( Mais comme Constantin manda Sylvestre d'au d
« dans du Siratti pour guérir sa lèpre, ainsi n
« manda-t-il, comme médecin,
a Pour guérir sa fièvre de superbe. Il me demand
c< conseil, et je me tus, ses paroles me paraissat
« ivres.
« Il reprit : — Que ton cœur ne craigne point ! de
« à présent je t'absous; enseigne-moi comment je jel
c< terai bas Palestrina.
« Je puis, comme tu sais, ouvrir et fermer le ciel
« car doubles sont les clefs qui point ne furent chèrei
« à mon prédécesseur*.
« Alors me poussèrent les graves arguments là oi
« se taire me parut le pis, et je dis : — Père, puisque
« tu me laves
« De ce péché où je dois maintenant tomber, longtK
ce promesse et court effet* te fera triompher sur k
« haut siège.
« Ensuite, quand je fus mort , François me vini
* Célestin V, qui abdiqua la papauté.
* Beaucoup promettre et tenir peu.
at
INTRODUCTION. UT
«chercher; mais un des anges noirs lui dit : — Ne
« l'enlève point, ne me fais pas tort ;
« En bas, parmi mes serfs il doit venir, parce qu'il
« donna le conseil frauduleux, depuis quoi je le tiens
« aux crins.
« Absous ne peut être qui ne se repenl, et à la fois^
«vouloir et se repentir ne se peut, à cause de la con-
«Iradiclion qui point ne le permet.
« malheureux ! comme je tressaillis lorsqu'il me
« prit, disant : — Tu ne pensais pas que je fusse lo-
« gicien?
«Il me porta devant Minos ; et celui-ci, après avoir
«huit fois roulé sa queue autour de son dos endurci^
«et se Têtre mordue de rage,
« Dit : — Ce pécheur est de ceux que le feu dérobe.
«Par quoi, là où tu vois, perdu suis-je, et ainsi vêtu,
« gémissant je vais. »
N'est-ce pas là tout un drame? et comme l'action
en est rapide ! et comme, dans sa rapidité, on est ému
successivement des sentiments les plus divers ! Pas un
Irait qui ne réveille une longue suite de pensées, qui
ne présente à l'imagination un tableau qu'elle déve-
loppe et complète d'elle-même. Et quel naturel ! quelle
vérité dans le retour que fait sur lui-même, sur Tir-
réparable passé, ce perdu, alors qu'i/ était la forme
(Pos et de chair que sa mère lui donna. Cette forme
d'os et de chair, c'est tout l'homme. Quelle que soit
448 INTRODUCTION.
5a superbe, il n'a que cela. Mais non : il a encore c
que, dans les illusions de ses jeunes années, il oublie
une âme. Plus tard, trop lard, il se souvient d'elle
c( Quand je fus arrivé à ce point de mon âge a
c( chacun devrait abaisser les voiles et ser^'^.r les co:
<( dages ,
«Ce qui, premièrement, me plaisait, alors m
« pesa; repentant et confès je me fis : et bien, hélas
« m'en serais-je trouvé, pauvre misérable ! »
Cette réflexion, qui coupe son récit, et qui, loul
d'un coup, ramène au dedans de soi ce pauvre mûé"
rable, ajoute encore à ses tourments celui d'un regret
éternellement vain. Ce qu'il eût pu être aggravé le
poids de ce qu'il est désormais pour toujours.
La voix de ce spectre a quelque chose de sépulcral
qui fait frissonner comme celle du père d'Hamlet.
Appelé par le grand Prêtre^ qu'en passant il maudit,
le voilà seul, face à face, avec ce Prince des nouveaut
Pharisiens, qui Ta mandé pour guérir sa fièvre à
superbe.
On croit voir apparaître l'Ange d'orgueil. La tenta*
tion commence. Ce que dit le Pontife, il ne le redi
point. Que serait-ce auprès de ce mot : Je me tus^ séi
paroles me paraissant ivres? Le Pape a remarqué oi
silence d'étonnement et d'effroi ; il rassure le raoim
consterné, l'éblouit du pouvoir qui lui est commis, «I
l'absout d'avance du péché auquel il lé pousse* 14
\
INTRODUCTION. 149
malheureux hésite, pèse de part et d'autre /ex graves
arguments^ et enfin succombe. 11 a raisonné avec sa
conscience; à sa mort TAnge noir raisonne à son tour,
et remporte en se raillant de lui : Tu ne pensais pas
({ueje fusse logicien?
« Par quoi, là où tu vois, perdu suis-je ; et ainsi
« vêtu, gémissant je vais. »
Ce lugubre je vais ne se prolonge-t-il pas dans les
cavernes infernales comme un écho deTéternité?
Parvenus au fond du cône où la glace enchaîne à
jamais Lucifer, Dante et Virgile, dépassant le centre
de la terre, remontent péniblement le long d'un ruis-
seau dont le bruit les guide au milieu de l'obscurité,
et retrouvent, la lumière en arrivant à la surface de
Paulre hémisphère, au-dessus duquel s'élève un mont
que les eaux entourent de toutes parts : — Ce mont
est le Purgatoire, et la deuxième Cantique commence.
VIII
PURGATOIRE
La permanence de l'être humain après le phéno*
mène appelé mort, la diversité pour chacun de Tétat
qui la suit, selon qu'il a vécu moralement bien ou mal,
ces deux croyances, inhérentes à notre nature, sont
150 INTRODUCTION,
universelles ; mais dans le développement des idécj
qui y correspondent, la raison, abusée par de fausse*
^analogies ou égarée par d'autres causes d'erreurs, t
souvent altéré les simples enseignements de la con
science native. Ainsi, glissant, à son insu môme, sui
îa pente d'un anthropomorphisme dangereux, e\h
«'est représenté le souverain Être distribuant les peine
et les récompenses futures, comme sur la terre le
juges les distribuent par une libre détermination d
leur volonté propre, arbitrairement en ce sens que l
peine et la faute n'ont entre elles aucun lien néces
saire, tandis qu'en réalité elles sont liées de la mêm
manière que la cause et l'effet, dont l'intime relatioi
résulte de leur essence et dépend d'elle, directement e
uniquement. La peine sort de la faute comme la souf
france de la maladie, selon des lois premières, im-
muables, qui sont les lois mêmes de la vie.
On s'est également persuadé que la peine renfer-
mait en soi une vertu expiatrice, — en d'autres
termes, que la souffrance guérit la maladie, — ce
qui a conduit à cette opinion exécrable que Dieu se
complaît dans la peine ou dans la souffrance de l'être
puni.
De là le zèle persécuteur, de là ce débordement de
cruautés infernales au moyen desquelles, chez tant de
peuples, une frénétique piété a cru satisfaire à la jus-
tice divine. La législation même, imbue de cette pen
TNTBODTTCTION l".!
sée funeste, en a étendu les conséquences aux délits
de tous ordres et à leur châtiment, transformé en ime
sorte de culte expiatoire et de sacrifice humain.
D une autre part, Tidée de Tabsolu, née des ab-
straites spéculations de la métaphysique, se combinant
avec celle du mal, on se figura qu*il existait des pé-
chés inexpiables, éternels dès lors, et dès lors aussi
entraînant après soi une punition éternelle. D'où, à
J'égard de ces péchés infinis en durée, infinis par le
caractère de celui qu'ils offensent, le dogme effroya-
ble de Téternité des peines :
Sedet, xternumque sedebit
Infelix Theseus^.
( Ainsi, trois états de l'homme après la mort : l'état
<le béatitude éternelle pour les justes, l'état d'éternel
châtiment pour les pécheurs fixés dans le mal, enfin,
pour les pécheurs susceptibles de recouvrer la santé
de l'âme, l'état de purification passagère.
Sur ce point, la doctrine chrétienne n'a rien qui la
distingue des doctrines antérieures. On la retrouva
r| tout entière dans Platon, et, chose remarquable, en
des termes pareils à ceux de l'Évangile :
à « La mort n'est, à ce qu'il me semble, que la sé-
[à ^^paration de l'âme et du corps... Après cette sépara-
jijl^tion, Tâme demeure telle qu'elle était auparavant;
1^1 '£neU.\\b,yi.
152 INTRODUCTION.
« elle conserve et sa nature et les affections qu'elle i
« contractées pendant cette vie. Quand donc les mort
c< arrivent devant le Juge, il examine Tàme de chacun
i< sans avoir aucun égard au rang qu'il occupait su
« la terre. Mais bien souvent, considérant Tâme di
« grand roi des Perses, ou d'un autre roi, ou de quel
« que autre homme puissant, il n'y découvre rien d
«sain; au contraire, les parjures et les injustice
« dont elle s'est rendue coupable la couvrent comm
« d'autant de meurtrissures et de plaies ; elle est toul
« défigurée par l'orgueil et le mensonge ; il n'y
«rien de droit en elle, parce qu'elle n'a point él
« nourrie de la vérité. Maîtresse de suivre ses pei
« chants, elle s'est plongée dans la mollesse, la d^
« bauche, l'intempérance, dans des désordres de toui
« espèce, de sorte qu'elle regorge d'infamie : ce qu
« voyant le Juge, il l'envoie ignominieusement dar
« la prison où elle doit subir les supplices qu'elle
«mérités ; car il convient que celui qui est puni ju;
« tement, le soit afin d'en tirer de l'avantage en d^
cî venant meilleur, ou pour servir d'exemple aux autr^
« et les porter à se corriger par la crainte que so
« châtiment leur inspire ^ Or, ceux que les dieux <
' Virgile met la même doctrine dans la bouche d'un des mnlhcure^
qu^i place en son enfer.
• Discite justitiam moniti, et non temnere divos. »
JEneid. lib. VL
INTUOIVUCTION. i55
«les hommes punissent afm que leur punition leur
«soit utile, sont les malheureux qui on! commis des
« péchés guérissables : la douleur et les tourment.
« leur procurant un bien réel , car on ne peut être au-
«tremenl délivré de l'injustice. Mais pour ceux qui,
«ayant atteint les limites du mal, sont tout à fait in-
« curables, ils servent d'exemples aux autres, sans
« qu'il leur en revienne aucune utilité, parce qu'ils
« ne sont pas susceptibles d'être guéris ; ils souffri-
«ront éternellement des supplices épouvantables...
«C'est pourquoi, méprisant les vains honneurs et ne
« regardant que la vérité, je m'efforce de vivre et de
« mourir en homme de bien ; et je vous y exhorte,
«ainsi que tous les autres, autant que je puis. Je vous
« rappelle à la vertu, je vous anime à ce saint combat,
«le plus grand, croyez-moi, que nous ayons à soute-
«nirsur la terre. Combattez donc sans relâche, car
« vous ne pX)uvez plus vous être à vous-même d'aucun
« secours, lorsque, présent devant le Juge, vous atten-
« dez votre sentence tout tremblant et saisi de ter-
«^eur^ Cette sentence rendue, le Juge ordonne aux
«justes de passer à la droite et de monter aux cieux;
« il commande aux méchants de passer à la gauche et
« de descendre aux enfers*. »
* Platon Gorgias, Oper., tom. IV, p. 166 et seq. edit. Bipont.
*De Repiibl. lib. X, Ibid., tom. Vil, p. 525.
9.
154 IMHOni'CTJON
Suivant Pythagore \ les âmes de ceu>^ qui, s'é
plonj'és dans les voluptés du corps et s'en étant i
dus esclaves, ont violé le droit divin et humain, i
roulées autour de la terre, et ne reviennent au
qu'après avoir été ainsi emportées durant beauc
de siècles. Virgile décrit, d'après la même doctr:
les peines que subissent ces âmes malades, jusqu'i
qu'elles soient purifiées de leurs souillures ^ C
tous les peuples on retrouve des croyances analogi
Elles sont comme la voix de la conscience universe
* Cicer. Somn. Scip., ch. ii, p. 22.
• yuin et» supremo quum luinine vita reliquit,
Non lamen oinne tnaluin miseris nec funditùs omnes
Corpon-ae excodunt pestes; |ienitùsque necesse est
Multa diù concreta modis inolescere miris.
Ergo cxercentur poenis, veterumque malorum
Supplicia cxpendunt : aliic panduntur inanes
Suspens» ad ventos : aliis sub gurgite vasto
Infectuiii eluitur scelus, aut cxuritur igni :
Quisque suos patimur mânes. Exindè per amplum
Mittimur Ëlysium, et pauci IreJa arva tenemus :
Donec longa dies, perfecto temporis orbe
Ooncretam exemit labcm, purumque reliquit
iElbereum sensuin, atque aurai siniplicis ignem,
flas ornnes, ubi millii rolain volvêre per annos,
Let' seum ad fluvium deus evocat agniine magno,
Scilicet immomores supera ut convexa revisant,
Rursùs et incipiant in corpora vello reverti.
^neid. lib. VF.
Il est curieux de comparer k cette description, ce que le même su
inspiré k un autre grand poëte, Shakspcare. On trouvera peut-être q
peut hés.lcr, du moins quant à la force de l impression produite, enl
INTRODUCTION 155
qui, unissant Tidée de souffrance à Tidée de désordre,
et l'idée de pureté à celle de béatitude, a dû rendre,
pour les pécheurs , la possession de celle-ci dépen-
dante d'une puriCcation préalable, comme la santé
perdue ne se retrouve qu'après un temps de convales-
<ieDce plus ou moins pénible.
L'opinion toute métaphysique de châtiments éter-
nels, ou de Tétemité du mal, n*a pu naître, nous le
sereine élégance du cygne de Mantoue, et Ténergie sauvage du barde
•anglais :
CuDDio. Death is a fearful thing !
IsABELLA. And shamed life a hateful.
^ CuuDio. Ay, but to die, and go we know not where;
To lie in cold obstruction, and to rot;
Tbis sensible warm motion to become
A kneaded clod; and the deligbted spirit
To batbe in fiery floods, or to réside
In thrilling régions of thick-ribbed ice;
To be imprison'd in the viewless ^inds
And blown with restless violence round about
The pendent world; or to be worse than worst
Of those, tbat lawless and incertain thoughts
Imagine bowling! — His too horrible!
GiADDio. La mort est une affreuse chose !
JsABELLA. Et la vie déshonorée, une haïssable.
Claudio. Oui. Mais mourir, et aller nous ne savons oii. Être là, couché
•dans un trou froid, et pourrir; le corps chaud qui sent et se meut, devenir
*me motte de terre pétrie; et Tesprit, tout à Theure plein de joie, se bai-
gner dans des flots de feu, ou habiter des régions hérissées d'épaisses
cotes de glace; être emprisonné dans des vents invisibles, et emporté avec
une violence sans repos autour du monde suspendu ; ou bien être pis
-ifuele pire de ceux que nous montrent, hurlant, des pensers effrénés,
'4e vagues rêves ! — C'est trop horrible !
Measure for Measure, acte m.
150 INTRODUCTION.
répétons, qu'à des époques où le raisonnement abs-
trait, substitué aux natives inspirations de la con-
science, altéra dans Thomme le sentiment de ses iois
véritables. Mais, parmi les aberrations où la jeté, â
cet égîird, une fausse théologie, il n'en est point di
plus effrayantes que celles de quelques sectes chrélieii
nés qui, niant le Purgatoire ou un état de purificatioi
après la mort, n'admettent que l'Enfer, et, en cela
tirent une juste conséquence d'un autre point de leuJ
doctrine, suivant laquelle l'homme est prédestiné d<
toute éternité au salut ou à la damnation, en vertu
d'un décret immuable de la pure volonté divine. Ce
décret absolu impliquant la nécessité non moins ab-
solue de son accomplissement, il est clair qu'au mo-
ment o{\ l'homme passe de cette vie dans l'autre, ses
destinées sont fixées à jamais, et qu'il ne peut dès lors
exister pour lui de demeure que le ciel éternel ou
l'enfer éternel, sans que le choix entre l'un et l'autre
ait pu, à aucun degré, être en sa puissance, dépen-
dre de l'usage de son libre arbitre, que la même doc-
trine détruit radicalement, et avec lui le principe mo-
ral inséparable de la liberté. De tous les blasphèmes
contre Dieu, il n'en est point que celui-ci ne surpasse
en impiété.
Dante a conçu sa seconde Cantique d'après les idées
catholiques conformes à celles de Platon. Mais il a dû
développer ce sujet, l'orner de détails qui représen-
INTRODUCTIO». 157
tassent à rimagination, et, en quelque manière, aux
sens mêmes, ce que propose à la seule pensée le dogme
théologique; créer un monde, et le peupler d'êtres
réels : — ul pictura poesis.
Du milieu des eaux, dans T hémisphère opposé au
nôtre s'élève une montagne de forme conique. Autour
régnent des corniches, séjour des âmes qui doivent s'y
purifier. Le paradis terrestre en occupe le sommet, et
au bas, sur les premières rampes, ceux, en grand
nombre, qui différèrent leur conversion jusqu'aux
approches de la dernière heure, attendent, durant un
temps plus ou moins long, selon que leur négligence
a été plus ou moins coupable, qu'il leur soit permis
de monter dans le véritable purgatoire, dont, plus
haut, un ange garde l'entrée. Il se compose de sept
corniches, chacune desquelles est consacrée à l'expia-
tion d'un des sept péchés capitaux. La disposition en
est, comme on voit, pareille à celle de l'enfer, mais
en sens inverse. Des deux cônes, le sommet de l'un
correspond à l'état de l'homme descendu le plus avant
dans le mal, le sommet de l'autre à l'état de l'homme
pleinement régénéré. Nous avons fait remarquer, déjà,
que Dante se complaît dans ces correspondances sy-
métriques.
Le ton de cette Cantique contraste profondément
avec celui de la précédente. Il a quelque chose de doux
et de triste comme le crépuscule, d'aérien comme le
158 ÏNTRODUCTION.
réve. Les violents mouvements de Ta me se sont apai-
sés. Les peines matérielles y ressemblent à celles de
l'enfer, et Timpression en est toute différente. Elles
éveillent une tendre pitié , au lieu de la terreur et
d*une âpre angoisse. L*âme souffrante, non-seulement
les accepte parce qu'elle en reconnaît la justice, mais
elle les désire parce qu'elle sait qu'elle guérira par
elles, et que, dans la douleur passagère, elle pressent
une joie qui ne passera jamais. De là je ne sais quoi
de tranquille, de calme, de mélancolique et de serein.
Otez de la vie présente Tincertitude, le doute, la
crainte, laissez-y seulement avec ses misères Tespé-
rance qui les adoucit, et une pleine foi d'atteindre le
but que Tespérance nous montre, ce sera le Purgatoire
tel que Dante le peint. Et c'est qu'au fond le Purga-
toire, lEnfer, le Ciel, au degré où nous pouvons en
avoir et l'idée et le sentiment, ne sont que les divers
états de l'homme sur la terre, le monde où nous vi-
vons, mélangé de vertus et de vices, de jouissances et
de souffrances, de lumières et de ténèbres, et qu'en
réalité l'autre monde n'en est que l'extension dans une
sphère plus élevée et plus large. Séparez du bien et du
mal l'absolu impossible, il ne reste que ces choses,
héritage commun des êtres imparfaits et indéfiniment
perfectibles. Notre enfi^r, notre purgatoire, notre ciel,
c'est nous-mêmes, selon l'état de l'âme, duquel dépend
radicalement celui du corps, et, si bas que soit le point
INTRODUCTION. 159
d'où elles parlent, toutes âmes montent au ciel, toutes
y arriveront avec plus ou moins de labeur, parce que
Dieu les attire toutes à soi, que Dieu est amour, et
que V amour est plvn fort que la mort.
En sortant du gouffre infernal, et le visage encore
souillé par ses noires vapeurs, Dante, tout à coup,
revoit la lumière :
«Une douce teinte de saphir oriental, qui, jus-
«qu'au premier cercle, nuançait l'aspect serein de
«Tair pur,
« Rendit à mes yeux le plaisir, dès lors que je fus
«hors de la morte atmosphère qui m'avait contristé
« la vue et le cœur.
« La belle planète qui invite à aimer ', voilait les
«Poissons qui la suivaient, et, par elle animé, tout
« l'orient souriait *. »
Le même sujet a inspiré à Milton les beaux vers par
lesquels s'ouvre son troisième chant:
« Salut, lumière sacrée, fille du ciel, née la pre-
« mière, ou de l'Éternel rayon coéternel ! ne puis-je
« pas te nommer ainsi sans être blâmé? Puisque Dieu
« est la lumière, et que, de toute éternité, il n'habita
(c jamais que dans une lumière inaccessible, il habita
a donc eïi toi, brillante effusion d'une brillante es-
« sence incréée. Ou préfères-tu t' entendre appeler
* Vénus.
• Purgat.f ch. i.
160 INTRODUCTION.
« ruisseau du pur Éther? Qui dira ta source? Avani
« le soleil, avant les cieux, tu étais : et, à la voix de
« Dieu, tu couvris, comme d'un manteau, le monde
« s'él.evant des eaux ténébreuses et profondes : con-
« quête faite sur l'infini vide et sans forme.
« Maintenant je te visite de nouveau d'une aile plus i
« hardie, échappé du lac Stygien, quoique longtemps
« retenu dans cet obscur séjour. Lorsque, dans mon
« vol, j'étais porté à travers les ténèbres extérieures et .
« moyennes, j'ai chanté, avec des accords différents
« de ceux de la lyre d'Orphée, le Chaos et l'éternelle
« Nuit. Une muse céleste m'apprit à m'aventurer dans
« la noire descente et à la remonter, chose rare et pé-
« nible ! Sauvé, je te visite de nouveau, et je sens ta j
« lampe vitale et souveraine. Mais toi, tu ne reviens
c( point visiter ces yeux qui roulent en vain pour ren-
« contrer ton rayon perçant, et ne trouvent pas d'au-
c< rorc * . »
Cette apostrophe a certainement de la grandeur et
de la majesté. Peut-être désirerait-on plus de mouve^
ment, moins de pensées incidentes; peut-être Tespèa^ }
de raisonnement par où elle commence est-il un peu
froid. Mais comme, bientôt, le poète se relève:
« Avant le soleil, avant les cieux, tu étais : et, à ht
« la voix de Dieu, tu couvris, comme d'un manteattj j
a le monde s'élevant des eaux ténébreuses et profoD-
* Paradisperdn, ch. in,vers1-2i.Traductioui^îM. <le Chateaubriaat
INTRODUCTION. i&t
o des : conquête faite sur Tinfini vide et sans forme.»
Le dernier Iraii, ce retour du pauvre aveugle sur
lui-même, le regret de cette belle lumière refusée à
ses yeux, qui roulent en vain pour rencontrer son
rayon perçant, et ne trouvent point dC aurore; ce sen-
timent si vrai, plein d'une mélancolie si profonde et
si calme, touche, émeut comme tout ce qui sort spon-
tanément du cœur de l'homme. Toutefois, en se tenant
plus près de la nature telle qu'elle apparaît, quand
fuient les ombres, à nos sens ravis, Dante, croyons-
Dous, dans la même peinture , l'emporte par l'image,
la fraîcheur et l'éclat.
Au pied du mont, sur la rive, il rencontre un vieil-
lard, digne ^ à le voir^ de tant de révérence que plus à
ion père n^en doit aucun fils. Ce vieillard est Caton
d'Utique, préposé à la garde du Purgatoire pour en
repousser les damnés qui, fuyant V éternelle prison^
tenteraient d'y entrer.
Dante, ici, dominé par un sentiment plus fort '
(pi'elle, paraît oublier la théologie et son dogme ri-
gide, et il n*est pas, à beaucoup près, le seul qui, sur
ce point , eût opposé à l'autorité la voix de la con-
science. Saint Justin, au second siècle, d'autres, plus
lard, alors qu'Aristote régnait souverainement dans
l'École, ont cru au salut des anciens qui avaient ob-
servé fidèlement les préceptes de la loi naturelle. Or,
Jes plus illustres de ses contemporains, et spéciale-
«62 INTRODUCTION.
ment les poètes, si admirés de Dante, s'accordent à
montrer dans Caton le juste par excellence, et le type
même de la vertu. Ce que Lucain dit de lui rappelle
le mot de Cicéron : charitan generis hnmam^ et révèle
ïe progrès immense accompli dans Tidée morale:
Cl Nul excès, suivre la nature, vivre pour la patrie,
« $e croire né non pour soi, mais pour le monde entier^
« telle était la règle, la loi inébranlable du sévère
« Caton *. »
Les barrières qu'élevait entre les peuples. le prin-
cipe égoïste, le sentiment étroit des nationalités et des
races, s'abaissent devant le grand dogme de l'unité
du genre humain proclamée avec les devoirs qu'elle
impose. Combien, déjà, Ton était loin des temps où
le même mot signifiait étranger et ennemi I
Se souvenant peut-être des vers magnifiques où Ho-
race peint le monde entier soumis, hors Vâme indomp-
table de Caton ^^ Dante voyait encore en cet héroïque
^ fli mores, hsec duri immola Catonis
Secta fuit, servare modum, finemquc tencre,
Natiiramque sequi, patriaeque impendcre vitam,
Nec sibi, sed loti genitum secredere mundo,...
Justitiîc cultor, rigidi servator lionesli :
In commune bonus.
Pharsal. lib. IL
• Audire magnos jam videor duces
Non indecorM pulvere sordidos,
Etctmcta terrarum >ubacl:i,
Prxter atrocem anitnum Caionis.
Carm. lib. Ilod. i.
INTRODUCTION. li
Romain le martyr de la liberté qu*il aima plus que
la yie même. Aussi est-ce au nom de cet amour im-
mortel et sacré que Virgile prie Tauslère vieillard
d'être favorable à celui dont le ciel a voulu qu'il fût
le guide à travers les royaumes des morts.
c< Qu'il te plaise d'agréer sa venue: il va cherchant
a la liberté qui est si chère, comme sait celui qui pour
c< elle la vie refuse.
c< Tu le sais, pour elle ne te fut point amère la mort
c< à Utique, où tu laissas le vêtement qui au grand jour
« sera si brillant ^ »
Nulles paroles plus simples, et que de pensées, que
de sentiments elles éveillent au fond de l'âme émue!
Hélas! en tous les sens, que sommes-nous, que de
pauvres misérables qui vont cherchant la liberté, la
liberté de Tesprit asservi aux préjugés et à l'igno-
rance, la liberté du cœur esclave des passions, la li-
berté du corps livré aux caprices de maîtres insolents,
la liberté dans tous les ordres, dans Tordre intellec-
tuel, l'ordre moral, l'ordre politique. Qu'est-ce que
nos sociétés, qu'est-ce que le monde, sinon un noir
sépulcre où la tyrannie, sous mille formes hideuses,
nous enchaîne avec des ossements?
Les deux voyageurs voient venir rapidement sur les
eaux, guidée par un Ange resplendissant de lumière,
une légère nacelle pleine d'âmes qu'elle dépose sur la
*Puryat, ch. i, terc. 24 et 25.
164 INTRODUCTION.
plage. L'une d'elle est Casella, musicien renomr
alors, lequel, ami de Dante, avait mis en chant pi
sieurs de ses canzoni \ Tandis que, regardant aiitoi
comme celui qui examine des choses neuves^ elles s'e
quièrent du chemin qu'elles doivent suivre pour mo
ter, et que Virgile leur répond : Nous sommes peleri
comme vous^ s'apercevant, à la respiration de cel
qui l'accompagne, qu'il est encore vivant, elles so
prises d'un grand étonnement. La scène qui s'ouv
ici vous transporte dans un monde vaporeux, aérie
réel à la fois et fantastique, où, de la terre que l'an
a quittée, il ne subsisle que ses tendresses, ses lie
mystérieux avec les autres âmes, et ses ravissantes ha
monies. Laissons parler le Poëte :
« Je vis l'une d'elles s'avancer pour m'embrass
« avec tant d'affection, qu'elle me mut à faire la mên
« chose.
« Hélas! ombres vaines, excepté d'aspect! Trois fo
« autour d'elle j'étendis les bras, et trois fois je les r
a menai sur ma poitrine.
c< L'étonnement, je crois, se peignit en moi, st
« quoi l'ombre sourit et se retira; et moi, lasuivanl
c< au delà d'elle je passai.
a Souèvement elle me dit de cesser; alors je la rc
* Iste Casella fuil FlorentinuSy et optimus inlonator cantilenarur]
qtiipluries intonavit cantUenas auciorù, et fuit optimus canlalo
dit Fauteur des l^ostilles du manuscrit du Mont-Cassin.
INT1\0DUCT!0N. iG3
a connus, et la priai que, pour me parler, elle s'ar-
« rêtât un peu.
« Elle me répondit : — Comme je t'aimai dans le
«corps mortel, dégagé de lui je t'aime; à cause de
«cela je m'arrête; mais toi, pourquoi vas-tu?
« — Mon Casella, pour retourner de nouveau là
« d'où je suis venu, je fais ce voyage; mais toi, pour-
« quoi cette terre si désirable t'était-elle déniée? »
Casella répond vaguement qu'il n'a pu se plaindre
de ce juste délai ; puis Uante reprend :
« Si une loi nouvelle ne t'ôte point la mémoire ou
« l'usage de l'amoureux chant qui apaisait tous mes
« soucis,
« Qu'il te plaise d'en consoler un peu mon âme, qui,
« venant ici avec le corps, est si affaissée.
c( — Amour ^ qui discours en mon âme\ commença-
«t-il alors, si souèvement que la douce mélodie en
« moi résonne.
« Le Maître et moi, et la troupe qui l'accompagnait,
« étions si ravis que chacun paraissait avoir toute au-
« Ire pensée en oubli.
« Attentifs à ses chants et absorbés en eux, nous al-
« lions, quand tout à coup le vieillard vénérable : —
« Qu'est-ce que cela, esprits lents?
«Quelle négligence, quel tarder est-ce là? Courez
' Amor che nella mente mi ragiona. La canzone qui commence
ainsi est regardée comme une des plus beUes du Dante.
166 IKTRODUCTiON.
« au mont pour vous dépouiller de Técorce qui empê-
« che que de vous Dieu ne soit vu *. »
Pour peindre la puissance de Tharmonie, les Grecs,
de tous les anciens peuples le pi us sensible à Tart, imagi-
nèrent le mythe d'Orphée. L*Enfer chrétien, soumis à
une loi inexorable, absolue, éternelle, ne permettait pas
au Poëte d'y introduire cette antique fiction. Mais, sous
une autre forme, transporté dans le Purgatoire, l'effet
principal en est le même, et la reconnaissance des deux
amis au séjour des ombres, cette tendresse à la fois de
la terre et hors de la terre, dans laquelle se confon-
dent et la vie et la mort, y ajoute je ne sais quoi d'idéal
et de mystique. Suspendues au chant de Casella, les
âmes oublient tout, le lieu où elles sont, celui vers le-
quel tout à l'heure encore les hâtait le désir de se pu-
rifier pour voir Dieu ; et Ton ne s'en étonne point, et
l'on se sent fasciné comme elles, comme elles absorbé
dans la mélodie de ces vers ravissants :
Amor, che nella mente mi ragionUf
Gomincio cgli allor si dolcemonte,
Giie la dolcezza ancor dentro mi suona.
A la voix de Caton courroucé, les ombres sortent de
leur extase, se dispersent et courent vers le mont. Ar-
rivés au pied, Dante et son guide trouvent le rocher si
mille, qu'ien vain les jambes les plus agiles essayeraieai
de le franchir.
* Purgat.y ch. ii, ter. 26 et suiv.
INTRODUCTION. 167
c( Maintenant, dit le Maître en s'arrêtant, qui sait
« par où la cote s^abaisse, de sorte qu'on puisse mon-
« ter sans ailes?
c( Et tandis qu'il tenait la tête inclinée, examinant
« en esprit le chemin, et que moi en haut je regardais
« autour du rocher,
« A main gauche m'apparut une troupe d*âmes qui
ce s'avançaient vers nous, et il ne le paraissait, tant
a elles marchaient lentement.
« — Maître, dis-je, lève les yeux : voilà, là bas, qui
« nous donnera conseil , si tu ne le peux de toi-même.
« Alors il me regarda, et d'un air assuré répondit *
«—Allons vers eux, car doucement ils viennent; et
« toi, cher fils, raffermis en loi Tespérance.
«Cette troupe était •encore, je dis quand nous eûmes
® fait mille pas, à la distance d'un trait de pierre lan-
« cée par une main habile,
« Quand tous se rangèrent contre les dures parois
^ "^ la haute rive, et restèrent immobiles, comme qui
^^ ^^ doutant s'arrête pour observer.
^^ — - vous dont bonne a été la fin , esprits déjà
« elu^ I commença Virgile, par cette paix que, je crois,
^^ ^^Us attendez tous,
J ïiites-nous où la montagne est telle que possible
^ " ^citde monter, car, perdre le temps, à qui plus
''^^it plus il déplaît.
^^ Comme les brebis sortent de Tétable, une, puis
168 INTROniTCTlON.
« deux, puîs trois, et les autres se tiennent, toutes tî-
« mides, Toeil et le museau à terre,
c< Et ce que fait la première, les autres le font, se
« serrant derrière elle si elle s'arrête, simples et tran-
« quilles, et le pourquoi elles ne le savent.
a Ainsi vis-je mouvoir, pour venir, la tête de ee
« troupeau alors fortuné, pudique de visage, modeste
« en sa démarche.
« Loreque ceux-ci virent, à ma droite, la lumière
« rompue à terre par devant, de sorte que mon ombre
« atteignait la grotte,
c( Elles s'arrêtèrent et se retirèrent un peu en ar-
« rière, et toutes les autres, ^jui venaient après, en fi-
« rent autant ^ »
Qui a vu les brebis sortir du bercail, les revoit dans
les vers qu'on vient de lire. Ils offrent un exemple de
l'admirable vérité des peintures de Dante, à qui, dans
l'observation delà nature, aucun détail n'échappe, et
qui les reproduit aussi fidèlement qu'un miroir réflé*-
chit les objets. Jamais rien de faux, rien de vague, ja-
mais non plus rien d'inutile; pas un trait, pas une
circonstance qui ne concoure à l'effet. Et remarquez
quel calme, quelle tranquille lumière matinale ces
images champêtres répandent sur des lieux cependant
consacrés aux pleurs, et comme l'innocence de ces
simples et douces et placides créatures se reflète sur
* Purgat., ch. m, ter. 18 et suiv.
INTRODUCTIOK. i69
les âmes encore malades, encore souffrantes, mais as-
surées désormais de posséder, au sein d*une éternelle
paix, le bien immuable. Ce sont ces secrets rapports,
qu'on sent, qu'on n'exprime point, tant les nuances en
sontet délicates et fugitives, qui font le charme inépui-
sable des œuvres du vrai génie.
Mais le génie, comme la nature, sait aussi varier
ses tableaux pour en rendre l'impression plus vive
par les contrastes. Dante et Virgile se joignent à ces
pèlerins du monde des ombres, qui s'offrent à les gui-
der vers le passage qu'ils cherchent. L'un d'eux, en
déminant, demande à Dante s'il le vit jamais sur la
terre : « 11 était blond el beau, et de noble aspect;
c( mais un coup avait divisé l'un des sourcils. » Dante
«'ayant de lui aucun souvenir : « Maintenant, vois! »
reprit-il ; et il lui montra une blessure au haut de la
poitrine. Puis, souriant, il dit : c< Je suis Manfred. »
. On connaît son histoire. Clément IV, poursuivant
•en lui un descendant de Frédéric U, après l'avoir ex-
•eeinmunié, appela Charles d'Anjou pour le chasser du
royaume de Naples, dont l'archevêque de Cosenza
avait offert, au nom du Pape, l'investiture à ce prince
^unbîtieux. Manfred périt dans la bataille livrée près
de Bénévent. Son corps, selon les lois de l'Église, ne
pouvant reposer en terre sainte, Charles ordonna de
J'ensevelir au bout du pont de Bénévent. Chaque soldat
jeta une pierre sur sa fosse. On appelait mora cette
170 INTRODUCTION.
sorte d'amas de pierres, vague souvenir des anciens
liiinulus. Mais l'arclievêque de Cpsenzane permit point
que les os de Manfred restassent enfouis sous quelques
pelletées de terre pontificale. Il les fît transporter près
du fleuve Verde, avec Tappareil lugubre en usage i
regard des excommuniés, en silence et les cierge»
éteints.
L'ombre continue :
c( Après que mon corps eut été percé de deux coupfe
« mortels, pleurant je m'en allai vers celui qui vo-
« lontiers pardonne.
c( Horribles furent mes péchés; mais de si grand»
ce bras a la Justice infinie, qu'elle y reçoit tout ce qui
« revient à elle.
c( Si le toasteur de Cosenza, qu'en chasse de moi eiK
c< voya Clément, avait alors en Dieu bien lu cette page,.
« Les os de mon corps seraient encore au bout dii
(c pont de Bénévent, sous la garde de la pesante mora.
(( Maintenant les baigne la pluie et les roule le vent
c< hors du royaume, le long du Verde, où il les transK-
« porta à lumière éteinle^ »
Manfred raconte et ne se plaint point : que lui im-
portent, à présent, ces choses de la terre? MaislePoêto'
gibelin, par la pitié qu'inspire ce roi puissant la veillOi
et le lendemain privé même d'une fosse, a atteint SOV"
but ; il a flétri le persécuteur, il a rendu exécraU
* Purgat.f ch. m, tore. 40 et suiv.
INTRbDUCTION. 171
US sa vindicte atroce, sa haine qui ne pardonne
[)ïnt alors même que déjà Dieu a pardonné.
L'espace que les âmes en attente occupent dans le
urgaloire comprend plusieurs cercles, et les plus lar-
es, puisqu'en s'élevant le mont se rétrécit. On pour-
ait, au premier abord, s'étonner de l'étendue de cet
îspace intermédiaire, et du nombre de ceux qui, plus
m moins longtemps, doivent y séjourner avant d'être
idmisdansle heu où s'accomplira leur purification.
Hais il y a là une pensée profonde. Qu'est-ce, en effet,
ipe cette foule, sinon celle au milieu de qui nous vi-
trons, légère, futile, sans attache réfléchie au mal,
sans amour efficace du bien, la foule de ceux au sujet
desquels, dans l'étonnement de sa grande âme, Bos-
suet s'écriait : « Quoi ! le charme des sens est-il
â fort, que nous ne puissions rien prévoir ! » Ou-
blieuse de l'avenir, ondoyante aux brises du présent,
tout entière à ce qui est et passe, jamais à ce qui sera,
elle s'ouvre, comme la fleur des champs, pour recueil-
lir chaque gouttelette de rosée, chaque rayon de soleil,
jusqu'à ce que l'hiver ou un soudain orage la détache
^sa tige pour toujours. Cet état d'indolence morale,
dont la paresse du corps est l'image et souvent l'effet,
Dante l'a placé sous nos yeux avec cette vérité pitto-
^que qu'on ne se lasse point d'admirer dans toutes
^peintures si variées, si vivantes.
Virgile encourage son compagnon, las déjà de la
172 INTRODUCTION.
route, car le mont est rude à monter; et, ce travail ac-
compli, il lui promet le repos de sa fatigue.
a Après qu'il eut dit cette parole, une voix toul
« près se fît ouïr: — Peut être auparavant auras-tu
ce besoin de t'asseoir.
(c Au son de cette voix, nous nous retournâmes, et
« nous vîmes, à main gauche, un grand rocher que ni
ce lui ni moi n'avions aperçu d'abord.
et Nous nous y traînâmes : là étaient des gens qui
« se tenaient à l'ombre derrière le rocher, comme par
c< nonchalance on se pose.
c( Et l'un d'eux, qui me paraissait las, élait assis
« et embrassait ses genoux, la tête entre eux baissée.
c< — mon doux Seigneur, dis-je, regarde celui-
(c là qui se montre plus indolent que si la paresse
c< était sa sœur.
a Lors, prenant garde, vers nous il se tourna, la-
ce vant les yeux seulement au-dessus de la cuisse, et
ft dit : — iMonte, toi qui es vaillant!...
c< Je le reconnus alors, et la fatigue qui encore un
«peu hâtait ma respiration, ne m'empêcha point
c< d'aller à lui;
a Et quand je fus près, à peine souleva-t-il la tête,
« disant : — As-tu remarqué comme le soleil à gauche
c( conduit son char?
c< Son lent mouvoir et ses courtes paroles amc-
INTnOnUCTION. 17^
«nèrcnt un peu le rire sur mes lèvres; puis je com-
« mençai : — Belacqua, plus maintenant
«Je ne te plains^; mais, dis-moi, pourquoi ici cst
«tu assis? Attends-tu une escorte? ou as-tu repris t^
«vieille habitude?
«Et lui : — frère, monter, qu'imporlc? pnis-
«qu*aux peines ne me laisserait point aller Toiscau'
« de Dieu qui garde Thuis.
i « Il faut que hors de ce seuil s'accomplissent pour
ccmoi autant de révolutions célestes que ma vie eut
« de durée, parce que je différai jusqu'à la fin les
ftbons soupirs*. »
N'est-il pas là, vivant sous vos yeux, ce type de la
paresse, la tête nonchalamment baissée entre ses cuis-
ses, et la soulevant à peine pour laisser tomber, avec
une langueur apathique, quelques brèves paroles qm
amènent le rire sur leis lèvres. Voilà le côté ridicule
du vice, comme le Poëte, dans TEnler, en a montre
le côté bas, ignoble et grotesque. Mais cet aspect re-
buterait bien vite, en un sujet si grave pour le .fonds.
Aussi, après avoir quelques moments fait sourire Tes-
prit, Danle se hâte de l'élever de nouveau dans l'or-
dre des sévères pensées, des émotions tendres et pro-
fondes.
' Parce que sou salut est désormais assuré.
* L'ange ailé.
5 Purgat.y ch. iv, terc. 35 et suiv.
\^.
m INTRODUCTION.
Quelquefois, par un court récit, où se mêlent deux
inondes, il Iransporte rimagination en une sphère
tout ensemble réelle et fantastique, pleine de tristes-
ses étranges. Échappé du combat, un pauvre blessé,
est venu expirer sur le bord d'un fleuve*. Le démon
veut saisir son âme; Fange de Dieu la lui enlève.
«De celui-ci, dit le démon, tu emportes ce qui est
« éternel, à cause d^ine petite larme qui me la ravit;
«mais autre chose ferai -je du reste. » Aussitôt la
vallée se couvre de brouillards, Tair s'épaissit, on
entend la pluie tombant du ciel noir, et, dans le loin-
tain, le bruit des torrents qui se précipitent des mon-
tagnes. Le fleuve gonflé déborde, entraîne le corps
glacé, le roule parmi les débris que ses eaux charrient,
et Tensevelit dans le limon au creux du ravin, où
nul jamais ne saura qu'il repose'. Puis tout à coup,
eommc un vague rêve où les visions se succèdent sou-
dain, une voix plaintive et quelques paroles mysté-
rieuses qui font frissonner :
c( Ah! quand tu seras de retour dans le monde, et
« reposé de ton long voyage, souviens-loi de moi, qui
a suis la Pia ; Sienne me fit, me défit la Maremme : le
« sait celui qui auparavant m'avait, en m'épousant,
« mis son anneau de gemme*. »
* Buonconte, fils de Gui de Montefeltro.
* L'An^hiano.
* Purijat.y ch. v, terc. 32 et suiv.
* Ibid., terc. 44 et 45.
INTR0Î>1TCTI05. TS
Dans sa fuite éternelle, le temps emporte rapide-
ment la vie. Chaque heure, donc, est précieuse pour
en atteindre le vrai but. Aussi Dante et son jriiide se
hâtent-ils d'accomplir leur voyage symboliciue; ils
arrivent en un lieu où l(* mont l(Mir cache le soleil.
Difficile est le chemin, et inconnu d eux.
«Vois là, dit Virgile, une âme qui, retirée à Té-
«cart, seule, toute seule, regarde vers nous; elle nouî
«enseignera la voie la plus courte.
«Nous vînmes à elle. âme lombarde, qu'altièrc
«et dédaigneuse éiait la contenance, et le mouve-
«ment de tes yeux digne et lent !
«Elle ne disait rien, mais nous laissait aller, re-
« gardant seulement, comme le lion lorscju'il n»pose.
« Cependant Virgile s'approcha d'elle, la priant de
«jious montrer la plus facile montée. Elle ne répon-
«dit point à sa demande;
« Mais elle s'enquit de notre pays et de notre vie ;
«et comme le doux Guide commençait : — Man-
«toue, ..... l'ombre, tout enfoncée dans la solitude
«d'elle-même,
« Surgit vers lui, du lieu où elle était, disant : —
«OMantouan, je suis Sordello, de ton pays; et ils
«s'embrassèrent l'un l'autre*.»
La solitude de celte ombre retirée à l'écart, sa con-
tenance altière, le lent mouvement de ses yeux, saisit
* Piirgat.f ch. vi, terc. 20 et suiv.
176 INTRODUCTION.
d*abord rimagination, et le tableau s'achève par ce
trait :
«Elle ne disait rien, mais nous laissait aller, re-
C( gardant seulemeni , comme le lion lorsqu'il repose.»
N'y a-l-il pas dans ce regard quelque chose qui fas-
cine? Et comme la grandeur formidable de cette appa-
rition solitaire, muette, est pathétique, quand, au
seul nom de Mantoue^ Tombre, soudain s'élançaal
vers Virgile, s'écrie :
« Mantouan, je suis Sordello, de ton pays; et ils
« s'embrassèrent l'un l'autre. »
Quoique dans un ordre de sentiments un peu dif-
férent, cette scène rappelle celle où Joseph, seul aussi
en terre étrangère, plein encore des souvenirs du doux
pays natal, des premières émotions, des premières
tendresses de son cœur d'enfant sous la tente, se fait
reconnaître de ses frères :
« Et il dit à ses frères : Je suis Joseph, que vous
«avez vendu pour l'Egypte... Et se penchant sur le
« cou de Benjamin, et l'embrassant, il pleura ; et lai
ce pareillement se pencha sur le cou de Joseph en
« pleurant. Et Joseph baisa tous ses frères, et sur
« chacun d'eux il pleura*. »
Le récit de la Genèse vous transporte au milieu de
la famille patriarcale et de ses affections. Dans Iç ré-
cit de Dante éclate un autre amour, plus général et
* Genès. xlv, 4, 14 et 15.
INTRODUCTION. Ml
non moins profond, Tamour de la patrie. Il déborde
de l'âme du Poëte, et lui inspire quelques-uns de ses
accents les plus passionnes.
« Hélas ! Italie, séjour de douleur, navire sans pi-
(dote dans une grande tempête, non maîtresse de
«provinces mais bouge infâme.
« Au seul doux nom de sa patrie, ainsi fut prompte
«cette noble âme à accueillir son citoyen :
(( Et en toi maintenant jamais ne sont sans guerne
«tes vivants, et se dévorent Tun Tautre ceux qu*cn-
« ferment un môme mur et un même fossé.
« Cherche, malheureuse, sur les rivages que bai-
«gnent tes mers, puis regarde, en ton sein, si de to^
« aucune partie jouit de la paix ^ » i
Peignant à grands traits les désordres auxquels elle
est en proie, il en accuse l'empereur qui, retenu loin
d'elle par ravidité d'acquérir là^bas^ Tabandonne aux
factions que ne contient aucun frein. Dans une apo-
strophe véhémente, il mêle la prière, Tinveclive; il
rijure, il supplie, il montre au monarque infidèle
«sa Rome qui pleure, veuve, seule, et jour et nuit
«rappelle : Mon César, pourquoi me délaisses-tu*?»
Si jdésolés sont ses accents, si profondes ses an-
gwsses, qu*on le prendrait lui-même pour une de ces
âmes en peine qui peuplent les royaumes sombrea.
^Purgat., cli. vi, terc. 20-29.
• Purgat., ch. vi, terc. 58.
178 INTRODUCTION.
Emportée comme la feuille que roule un tourbillon^
sa pensée fiévreuse parcourt en tous sens Tllalie, et
partout n'y voit que des tyrans. Alors, Tespérance dé-
feillant en lui, il jetle un cri vers Dieu, il lui demande
si ses regards sont tournés ailleurs^ ou si, dans l'a-
bîme de se^ conseils^ tant de maux seraient la prépara-
tion de quelque bien entièrement hors de notre pré-
voyance. Puis, tout à coup, voilà que sa Florence lui
apparaît. Avec un rire amer, il la félicite des biens
dont elle jouit, justice, richesse, paix, intelligence, et
dans la poitrine oppressée d'où sortent ces poignantes
ironies, ces sarcasmes aigus comme la lame d'un poi-
gnard, on sent palpiter le cœur du citoyen, les re-
grets, les colères, le» tendresses désolées du pauvre
banni.
Ces passions de la terre dans le séjour des morts,
en variant le ton du poëme, soutiennent Tintérêl et
ramènent l'esprit à ce sujet caché sous la lettre^ qui,
dans la pensée de l'auteur, de l'homme de parti, do
proscrit, était le principal, peut-être.
Poursuivant sa route, il arrive vers le soir au bord
d'un vallon, où, dans l'attente de la patrie à laquelle
elles aspirent, se reposent, en chantant des hymnes
pieux, quelques âmes pèlerines. Rien n'égale la sua-
vité, l'harmonie ravissante des vers où le Poète, com-
parant ce qui se passe en ces âmes élues à ce que res-
sent loin des siens le voyajjeur, lorsqu'au déclin du
I
I
INTRODUCTION. ♦?(>
jour peu à peu les objets se voilent, peint le calme
mélancolique et doux des lieux, de l'heure, des sou-
venirs, des désirs qu'elle réveille.
Era già V ora cbe volge il disîo
A navi^anti e intenerisc(î'I cuore,
Lo di c ban detto a' dolci amici addio
E cbe lo nuovo poregrin d'amore
Punge, se ode squilla di lontano,
Cbe paia il giorno pianger cbe si muore :
« U était déjà Theure qui des navigants attendrit le
« cœur, et tourne le désir vers le jour où ils dirent à
« leurs doux amis adieu ,
« Et d'amour aiguillone le voyageur nouveau, si
« dans le lointain il entend la cloche qui semble pleurer
«le jour mourant *. »
Parvenus à la porte du Purgatoire, Dante et son
guide y trouvent un ange ayant à la main une épée
nue, et sous sa robe deux clefs, l'une d'argent, l'autre
d'or. « Que voiliez- vous? leur demande-t-il ; ouest
votre escorte? » Sur la réponse de Virgile, il leur ouvre
l'entrée, après a voir auparavant tracé sept P sur le front
de Dante avec la pointe de l'épée. Ces P représentent
les sept péchés mortels punis dans les sept cercles qu'il
va traverser. A mesure qu'en montant il sort d'un de
ces cercles, un des P disparaît de son front, de sorte
* Purgat., cb. vm, terc. i et 2.
180 IKTRODUCTÎON.
que î JUS sont effacés lorsqu'il arriva au sommet d
mont, où est situé le Paradis terrestre.
Dans le premier cercle, les orgueilleux se traîner
sous de lourdes pierres dont le poids les courbe jus
qu*à terre, A la vue de ces infortunés, le Poète s
demande avec étonnement de quoi Tâme peut se gou
fier, au point que, dans sa folle admiration de lui
même, l'homme oublie entièrement sa conditiôi
réelle, ce qu'il est, ce qu'il sera, alors qu'après sa trans
fJDrmation il comparaîtra devant la justice inévitabl
» et inexorable.
« chrétiens superbes, malheureux, débiles, qui
a infirmes de la vue de l'esprit, vous fiez aux pas rc
c< trogrades,
« INc savez-vous donc point que nous sommes de
« vers nés pour devenir Tangélique papillon qui
« sans que rien l'en défende, vole devant la Justice
c< De quoi gonflée votre âme en haut flotte-t-elle
« Qu'êtes-vous, que des ébauches d'insectes, sembla
« blés au ver en qui avorte la transformation ? »
Toutes les fois que l'homme se regarde attentive
ment, ce vide l'effraye : l'être a fui de toutes part^
Qu'est-il donc? Une ébauche de ver ? moins que cela
Une ombre? moins que cela. Le rêve (Tune ombre*.
nioins que cela encore. « Oh 1 que nous ne somme
* Purgat., ch. x, terc 41-45.
• 2xiâ; ôvap. Pindar.
il;
al
C
INTRODUCTION. 181
rien! » s'écrie Bossuet, laissant Tesprit chercher, au-
dessous du rien même, un néant plus profond.
Le contraste de ce néant avec Torgueil humain est
surtout ce que Dante, aux lieux où cet orgueil reçoit
soD châtiment, s'attache à faire ressortir. Ces morts,
au milieu desquels il chemine, s'étonnent devoir un
vivant. L'un d'eux lui raconte ce qu'il fut dans le
monde, et le sujet de sa punition.
« Pour écouter je baissai la tête, et l'un d'eux, non
«celui qui parlait, se tordit sous le poids qui le près-
« sait;
« Et il me vit, et me reconnut, et m'appelait, tenant
« avec fatigue les yeux fixés sur moi , en se traînant
« avec les autres tout courbé.
« — Oh! lui dis-je, n'es-tu pas Oderisi, l'honneur
«d'Agobbio, et l'honneur de cet art qu'enluminure
«on appelle à Paris?
« — Frère, dit-il, plus sourient les cartons que
« peint Franco de Bologne : maintenant l'honneur est
«tout sien, et mien seulement en partie.
« Point n'eus-je été aussi courtois tandis que je vé-
«cus, par le grand désir d'exceller où aspirait mon
«cœur. '
« D'une telle superbe se paye ici la dette , et ici
«même ne serais-je point, n'était que, pouvant encore
«pécher, je me tournai vers Dieu.
« vaine gloire du génie humain ! combien peu
D. I. VV
i4«2 INTRODUCTION.
ce de temps verdit la cime, si nesurvieniifint des kgî
« grossiers !
« Gimabaé crnt, dans la peinture, étre^ maître di
'(cxhamp;; et aujourd'hui Giotto a pour lui le cri. pu
^coblic, en sorte -que lai renommée de celai<-là est4>k6
•« corcie.
« Ainsi Tun desCruido a ravi à l'autre la gloire "dt
« la langue, et peut-être est ne celui qui tous den^'te
«chassera du nid.
« N'est autre chose la mondaine rumeurqn'mi souf-
« fle de vent qui vient ores d'ici, ores de là, et change
« de nom en changeant de* côté.
c< Que vieux tu te dépouilles de la chair, ou que lu
« meures balbutiant encore : pappo et dindi *, qà'im-
« portera pour ta renommée,
c( Avant que soient mille ans? durée plus courte,
c< près de réternelle, qu'un mouvement des sourcibj
« près du cercle qui, dans le ciel, le plus lentement
«tourne. '
« Celui qui si peu de terrain gagne là devant mm
« toute la Toscane retentit de son nom, et maintenais
« à peine le murmure-ton à Sienne,
c( Où il était seigneur quand fut brisée la rage flo*
« rentine, superbe alors, comme à présent vénale.
« Votre renommée ressemble à l'herbe dont la cott*
^Mots alors du langage de renfance, chez les Florentins.
lîlTRODUCTION. 183
«'leur vient et s'en va , et que flétrit celai par qui
«fraîche elle sort de la 'terre*. »
Oderisi ne dit point notre renommée , mais voire re-
wimnée. Qu'est-ce pour lui, maintenant, que la gloire
terrestre, si fugitive, si vaine? Dans le monde où il
se purifie avant de monter vers Dieu, le monde qu'il
a quitté ne le touche plus; il le voit ainsi que le ver-
dit un habitant d'uiie autre sphère, sans passion et
iMis illusion, avec une pitié calme; et ce calme, au
nilieu de souffrances désirées, aimées comme la con-
ftion nécessaire du bien infini qui les suivra, forme le
iractère principal de l'état des âmes en cette région
itermédiaire. Un seul mot a suffi pour marquer la
iparation de deux modes de vie si étroitement liés, et
dissemblables. Tout à l'heure le Poëte le marquera,
$ nouveau, en quelques paroles aussi simples que
nchantes.
Au-dessus du cercle des Superbes est celui des En-
ienx. Recouverts d'un grossier ci lice, la paupière
ercée et cousue avec un fil de fer, ils s'appuient l'un
ttitre l'autre et contre le rocher, a tellement tour-
iffflentés de l'horrible f couture, que de pleurs ils bai-
«gnent'leurs joues. » Se tournant vers ces pievses cm"
^es^ Dante leur dit :
« âmes sûres de voir la lumière d'en haut, seul
«*rf)j^ de votre désir !
' Purg,, ch. xi, terc. 25 et suiv.
.'à
184 INTRODUCTION.
c< Que bientôt de votre conscience la grâce nettoie
c( l'écunie, de sorte qu'en elle descende limpide le
« fleuve de Tosprit !
ce Dites-moi (ce me sera une faveur précieuse) si
« parmi vous ici est une âme Latine : peut-être loi
« sera-t-il bon que je la connaisse. »
Une des ombres répond : I
« mon frère ! chacune d'elles est citoyenne d'une
« vraie cité; mais tu veux dire qui dans Tltalie ait vécu
« pèlerine *. »
Si naturels sont ces derniers mots, quel' attention i
peine s'y arrête; et cependant l'on est, par eux, tout
d'un coup transporté d'une vie dans une autre vie. D^
ces traits presque inaperçus résulte la vérité, d'où dé-
pend rcffet général. Qui les cherche, ne les trouH
jamais : le génie les inspire aux grands poètes.
Le chant qui suit, presque entièrement histori
et politique, montre avec quel soin Dante entre
les deux sujets de son poëme. Une ombre, après avcî
dépeint les vices divers des habitants du val d'A
annonce, en un langage mystérieusement vague,
désastres futurs, et à la corruption, à la bassesse
mœurs dégénérées, oppose le charme et la pureté di
anciennes mœurs. La douleur qu'elle ressent de
contraste l'empêche de continuer, a Va, dit-elle, Ti
c< can ! car trop plus maintenant me délecte le pi©
* Purgat.f ch. xiii, tcrc. 29-52.
. ^^^ i
INTRODUGTIQN. i85
le parler, tant mon pays m'a seiré le cœur\ »
voyageurs reprennent leur route. Sur la rampe
re on voit le Toscan, tout à ce qu'il vient d*en-
5, cheminer enseveli dans ses réflexions :
orsque ayant avancé nous fûmes seuls, sembla-
au foudre lorsqu'il fend Tair, de devant nous
une voix :
'e tuera quiconque me rencontrera M — Et elle
fuit comme s'éloigne le tonnerre qui subite-
it déchire la nuée*. »
Jésert, le silence, puis soudain ce cri sinistre et
uite invisible; qui ne tressaillerait? Ne croit-on
i, tout près, sentir passer le fantôme du meurtre?
cercle des Envieux, Dante monte en celui con-
au châtiment de la Colère. Ceux qu'y retient
ine justice sont plongés dans une fumée épaisse
e qui ne laisse rien voir, et ne permet pas même
îux de s'ouvrir. Le Poëte rencontre, parmi les
is, celle d'un de ses amis. A l'occasion des maux
alie, et de la corruption des temps qu'ils déplo-
3US deux, l'ombre, à la prière de Dante, en ex-
I la cause, et, pour cela, remonte jusqu'à celle
rgat., ch. xiv, terc. 42.
itque Caïnus ad Dominum : Major est iniquitas mea quam ut T6-
;rear. Ecce ejicis me hodiè à facie terrse, et à facie tuâ abscon-
sro vagus et profugus in terra : omnis igitur qui invenerit me^
ne. Gènes. IV, Y. 13 et 14.
gat., ch. xvy terc. 44, 45.
186 INTRODUCTIOWi
du mal, qu'on ne doit point chercher dans Pinflii
des astres, bien que d'eux viennent les premiers!
vements, mais dans le libre vouloir de Thomme q
claire une lumière intérieure, sans quoi ce poin
c< serait-ce justice de recueillir pour le bien la;
a pour le mal les pleurs. »
a Si donc, ajoute Tombre, le monde présent di
« en vous en est la cause, en vous doitrelle être (
« chée ; et je vais te* la découvrir.
» De la main de Celui qui en elle se complaît s
« qu'elle soit, comme un petit enfant qui rit et pic
ce et ne sait pourquoi,
c< Simplette sort l'âme, qui ne sait rien, sinon
a mue par Celui qui Ta créée pour la joie, volon
c< elle se tourne vers ce qui l'amuse.
« D'un léger bien d'abord' elle sent là saveur
c< se trompant, elle court après, si' un* guidô 01
« frein n'infléchit son amour;
« D'où il convient qu'il y ait des lois pour imj
« un frein, et un roi, qui de là vraie citédiscem
c< moins^la tour*.
ce II y a des lois, mais qui les pnend en mains?
«sonne; parce que le Pasteur qui précède run
ce peut, mais n'a pas les ongles fendus ^ »
* Ce qu*il y a de plus capital et de plus éminent dans la soci
ustice.
* Le « Pasteur qui précède » est le Pape, lequel possède le poinro
et Ce pourquoi le peuple, qui ¥oit soni guide recher-
« cher le seul bien dont iL est avide^^ s*ea. repaît,, et ne .
« demande rien de plus.
«Bien penx-tu voir qu'être' mal régi est lia cause
«qui a rendu le monde criminel, et non la nature»
« corrompue en vous.
«Rome, qui au bien ramena le monde, avait cou
«tume d'avoii: deux soleils, qui montraient les deux
«roates, celle du monde et celle de Dieu.
«L'un a atteiflt Fautre, et Tépée est jointe à la
«crosse, et mal convient-il que par vive force ils aillent
«ensemble \
« Parce que, joints, l'un ne craint pas l'autre; si tu
«ne me crois, regarde à Tépi, car toute plante se
« connaît par sa graine.
« mon Marc, répond Dante, bien tu raisonnes; et
«à présent je comprends pourquoi les fils de Lévi
« furent exclus de l'héritage '. »
L'auteur du livre de Monarchiâ rei^rodiiii ici sa
doctrine de deux puissances, l'une spirituelle, l'autre
temporelle, séparées de droit divin. Dans leur réunion
enire les mains du Pape, il voit la cause des maux de
ilucl, figuré, selon les interprètes de l'Écriture, ^zt\& ruminer, mais,
on l(i pouvoir temporel, que figurent les ongles fendus.
* Les biens matériels.
' Que la violi'nce les réunisse en une même mam.
s PurgaU, ch. xvi, terc. 28 et suiv.
\l
m INTRODUOirON.
sa patrie et de la corruption générale du monde
se justifie ce que, plus tard, il disait de lui-mêi
Jura Monarchiae, superos, Phlegetonta, iacusque
Lustrando, cecini, voluerunt fata quousque.
Cette question , agitée avec tant de chaleur au
âge, durant la longue lutte des Pontifes et des
reursî est encore aujourd'hui la question prii
pour la malheureuse Italie. L*empire n'existe
les vents en ont dispersé la poussière ! Mais Rome
serve son pouvoir temporel, incompatible avec
et la liberté de la Péninsule; et ce pouvoir, qui
au mouvement du monde politique, réagit égal
à des degrés divers, sur les destinées de tous 1
pies catholiques, en faisant d'elle l'alliée nature
puissances dont le droit, supérieur au droit na
est radicalement absolu, dès lors, et supposé •
tulion divine immédiate. Son autorité spirituel
en lui soumettant la raison, la conscience, et;
servitude dans le fond même de l'âme, form(
que nous l'avons montré, un obstacle non mo
vincible au progrès de l'humanité dans tous
dres. Dante ne remonta point jusqu'à cette eau
mière des désordres dont il se plaignait; pour
comprendre, il fallait un travail nouveau de la
et de nouvelles leçons de l'histoire. N'est-ce
sujet de méditation profonde que de voir, à six
INTRODUCTION. i89
de distance, comment se préparent, comment se déve-
loppent les manifestations de la vie dans le genre hu-
main, et les lois de sa croissance?
La Paresse s^expie dans le cercle suivant, où une
course rapide et sans repos emporte les pécheurs, que
celle peine acceptée par l'amour rétablit en grâce avec
Dieu. Une sorte d'exposition des doctrines de l'École
sur la volonté et les causes qui la meuvent, sur le libre
arbitre, la matière et les formes substantielles, inter-
rompt le récit. Puis les voyageurs passent dans les
cercles plus élevés, séjour de ceux que souillèrent l'A-
varice, la Gourmandise et la Luxure. Près d'entrer
dans le cercle des Avares, Dante est pris de sommeil,
et, dans ce sommeil, il a la vision d'un être fantasti-
que, emblème de ces trois vices.
« M'apparut en songe une femme bègue, aux yeux
«louches, courbée sur ses jambes torses, mutilée des
«mains, et de couleur blafarde.
« Je la regardais; et comme le soleil ranime les
« froids membres engourdis par la nuit, ainsi mon
«regard délia sa langue,
«Puis, en peu d'instants, la redressa tout entière,
«et colora, comme le veut l'amour, son visage dé-
« fait.
« Lorsque ainsi elle eut le parler libre, elle se mit
« à chanter, de telle sorte que je n'eusse pu qu'avec
«peine détourner d'elle mon attention.
1!;0 ÎNTRODTrnTîOîr.
« — Je suis, chantait- elle, je suis là douce sirène
« qui, au milieu de la mer, égare les mariniers, tânl
ce de m 'ouïr le plaisir est grand.
« De sa route errante j'attirai Ulysse à mon chant :
« qui s'accointe avec moi rarement me quitte, si plei-
c( nement je le satisfais.
c< Sa bouche n* était pas encore refermée , quand
c( soudain près de moi apparut une femme sainte \
« pour la confusion de celle-là.
c — Virgile, Virgile, qui est celle-ci? vivement
c( dis-je; et lui venait, les yeux fixés seulement sur
« cette femme pudique:
c( Il prit l'autre, et fendant ses vêtements, il la dé-
« couvrit, et me montra le ventre : la puanteur qui
« s'en exhalait me réveilla '. »
Les pécheurs que renferme le cinquième cercle, lié$
et pris des pieds et des mains, sont étendus à terre, im-
mobiles et la face en bas. L'un d'eux se fait connaître
à Dante, il lui apprend qu'il est le pape Adrien V, dont
rame tout avare fut misérable et séparée de Dieu,
jusqu'à ce que, détrompé enfin des illusions de la vie
terrestre, il s'enflamma d'amour pour l'autre vie.
Dante s'agenouille par révérence, et, comme il com-
* Autre personnage allégorique : la Prudence, ou la Philosophie
morale.
* Purgat , ch. xix, tcrc. 5-11.
INTRODUCTION. 401
mençait de parler, le pape c< s'étant aperça* à rouîo^»
«seulement de son acte respectueux:
« — Pourquoi, dit-il, ainsi te courbes-tu ? El moi à
« lui : — Parceque m'en presse ma droite conscience,
« à cause de voire dignité.
« — Redresse tes jambes et lève-toi , frère ! répon-
«dil-il; ne me trompe point: comme toi et comme
«les autres, d'une seule puissance je suis le servi-
ce leur'. »
Naguère l'orgueil des grandeurs humaines, à cette
heure Fégalité de la tombe; entre deux, quoi ? dans
un instant insaisissable, un désir vide que rien u^a
pu remplir.
« — Va maintenant, ajoute Tombrc, je ne veux pas
«que tu t'arrêles davantage, car ta présence gène le
«pleurer avec lequel je mûris ce que tu as dit. »
Ce mort a laissé sur la terre une famille illustre,
riche, puissante : en quoi cela le touche-t-il? De ceux
<|ui furent ses proches, aucun ne lui est présentement *
^ftrien, aucun ne l'aidera, hors peut-être sa nièce
Alagia; bonne de soi, povrvu^ dit-il, que lU^xcmple de
^^olre maismme la rende pas mauvaise.
« Elle seule m'est restée là '. »
Quelle tristesse dans ce mot simple, bref, qui ter-
^ Piirgat. fCh. xix, 1ère. 43-45.
*/^w/.,terc. 47el48.
188 ISTIIOniKlTION.
sa patrie et de la corruption générale du monde. Ainsi
se justifie ce que, plus tard, il disait de lui-même :
Jura Mouarchiie, supcros, PhlcgcLonla, Ucusque
LuGtrjDilo, ceciai, vuluerunt b\a quousque.
Cette question, agitée avec tant de chaleur au Moyen
âge, durant la longue lutte des Pontifes et des Empe-
reurs! est encore aujourd'hui la question principale
pour la malheureuse Italie. L'empire n'existe plus;
les vents en ont dispersé la poussière! Mais Rome a con-
servé son pouvoir temporel, incompatible avec l'unil^ ]
et la liberté de la Péninsule; el ce pouvoir, qui la mêle ^
au mouvement du monde politique, réagit également,
à des degrés divers, sur les destinées de tous les peu-^
pies catholiques, en faisant d'elle l'alliée naturelle des
puissances dont le droit, supérieur au droit national,
est radicalement absolu, dès lors, et supposé d'il
lulion divine immédiate. Son autorité spirituelle qui,
en lui soumettant la raison, la conscience, établit
servitude dans le fond même de i'àme, forme,
que nous l'avons montré, un obstacle non moi
vincible au progrès de l'humanité dans tous
dres, Dante ne remonta point jusqu'à celle caui
mière des désordres dont il se plaignait; pour
comprendre, il fallait un travail nouveau de \a
et de nouvel' 'e l'histoire. N'est-
I Bujel
que de ^
t-cc pa:
de distance, c^imnifiil >f [«ri'iiiuriil. rniiini«*!iî ^•- «li'\i--
loppeiU le< inanirr>t«itiriii^ tir l.i \\r J.nis |,- ;,i ni-., lu,,
main, et les lui> <!«• >a (l'iii^Niiicr?
La Pare>se s\'X|iii* daii^ If c* nlr sin\;inî. ..ù une
course rapide et sin> repnseiri|Mirtf 1»-^ |.tT|ii'iii^. i|iif
• celle peine acceptéi* par l'aninur rrlaMit n. lt.h»' hwc
Dieu. Une sorte rrex|Miî!.itii»n i\v> «loitrim-N .|r I KniK-
. sur la volonté et le< causes qui la nH'u\i*iil. -ur U- li lin-
arbitre, la matière et les furines suhMantiflli-?. intiT-
rompt le récit. Puis les Yoyajr«»urs pa^M*nl «laii^ U-s
cercles plus élevés, séjour île ceux (|ue >nuillrrfnl 1' \-
varice, la Gourmandise et la Luxure. Pri*N lirnln'i
'dans le cercle des Avares, Dante e>t pri^^ de snniuïril,
et, dans ce sommeil, il a la vision d'un être fantasti-
que, emblème de ces trois vices.
«M'apparut en songe une femme hè'.Mie, aux \«*ux
«louches, courbée sur ses jambes torses, nHitilérd«*s
\ a mains, et de couleur blafarde.
« Je la regardais; et comme le soleil raninu* les
« froids membres engourdis par la nuit, ain^i mon
«regard délia sa langue,
«Puis, en peu d'instants, la r«Mlres.si tcMil rntièrr,
«et colora, comme le veut Tamour, son \i>a^iMlé-
a Lorsque ainsi elle eut le parler libre, ellt* se mit
tfâ chanter, de telle sorte que je n'eusse jiu qu avec
«peine détoamer d'elle mon attention.
11.
\
\
191 INTRODUCTION.
« et lui : — Des ombresqui peut-être se vont dégageai
a (lu lien de leur dette.
« GoHime: des voyageurs peiïsifs, rencontrant e
c( chemin des gens inconnus, vers eux se toumeatsai
« s*arrêter^
« Ainsi derrière nous, revenant avec vitesse et ai04
c< dépassant, étonné je regardais une! troupe d'à»
a silencieuse et dévote.
ce Toutes avaient les yeux ténébreux et caves, laf»
c< pâle, et le corps si décharné que sur les os la;pea
Cl se collait \ »
Perpétuellement elles tournent dans le cercle o<
tourmentées de la soif et de la faim, passant et repa
sant devant rarbre chargé de fruit et arrosé d'une ei
limpide, leur désir excité toujours, jamais satisfai
est la peine qui les purifie du péché; de gourma
dise.
Reconnu de Forese, un de ses amis mort depu
peu, Dante le reconnaît à son tour, malgré son visa]
défait, et sans cesser d'aller ils s'entretiennent e
semble : Forese lui nomme plusieurs ombres. L'ui
d'elles est Buonagiunta, un des rénovateurs de la po
sie vulgaire, effacé bientôt par des poètes plus récent
parmi lesquels il désigne Dante lui-même. Il veut s
voir pourquoi ni lui ni Guittone n^ atteignirent jamc
ce doux atyle nouveau. Dante lui explique la cause
* Ibid,, ch. XXIII, terc. -M.
introduction; 195
subsiiluant la recherche de l'esprit aux expressions
du cœur, ils manquèrent de naturel et de yrtvilé.
« — Qui outre-passe pour plaire davantage, répond
«Buonagiunta, plus ne reconnaît la ditTérenoe de
«l'un à l'autre style. Et, semblant satisfait, il se
ft tut ' . »
Notre dessein en rappelant cet épisode, singulier
peut-être en un tel lieu, est de montrer combien Dante
asurépandre la variété dans son poëme, qui embrasse
toutes les connaissances, toutes les idées du siècle où
il vécut, depuis les théories philosophiques et scienti-
fiques, jusqu'aux principes de Tart et aux préceptes
du goût.
Après cette digression vient une scène de tendresse
entre les deux amis, pleins, là encore, du vif souvenir
delà patrie, et attristés des maux qui la menacent.
Forese en accuse surtout le chef des Noirs, Corso Do-
nati, qui, plus tard, fuyant la fureur du peuple, tomba
de cheval et périt, traîné par Tanimal fougueux.
Celle mort future, prédite en la région des ombres,
a, dans la peinture qu'en fait le Poëte, quelque chose
du rêve, et n'en est que plus terrible. On est à la fois
sur la terre, en enfer; on voit passer comme deux fan-
tômes la cavale et celui qu'elle traîne; on entend' le
galop précipité de la bêle^ qui va toujours^ toujours
flmvitô^ emportant le damné vers la vallée où ne s-ef-
*PurgaL, ch. xxiv, terc. 21.
196 INTRODUCTION.
face nulle coulpe. Là reste le corps hidensement
broyé, et Tâme s*abîme dans le gouffre éternel.
« Gomme les oiseaux qui hivernent vers le Nil,
« quelquefois se rassemblent en troupe, puis volent
c( avec plus de hâte à la suite Tun de Tautre;
c( Ainsi toute la gent qui était là, se tournant hâta
« le pas, légère par maigreur et par vouloir.
ce Et, comme celui qui est las de courir laisse aller
ses compagnons, et doucement va, jusqu'à ce que la
poitrine ait cessé de haleter,
ce Ainsi Forese laissa partir le saint troupeau , et
« derrière moi il venait, disant: — Quand te rever-
a rai-je ?
« — Je ne sais, lui répondis-je, combien j'ai à vi-
ce vre; mais ne sera, certes, si prompt, que par mon
« vouloir plus tôt je ne sois à la rive;
« Car le lieu où pour vivre je fus mis, de jour en
«jour plus maigre de bien, paraît près d'une triste
« ruine.
« — Or, va, dit-il; celui à qui le plusen est la faute,
« je le vois à la queue d'une bêle, traîné vers la vallée
a où jamais ne s'efface la coulpe;
c< La bête à chaque pas va plus vite, et toujours
a plus vite, jusqu'à ce qu'elle le brise, et laisse le
ce corps hideusement broyé * . »
Au-dessus de ce cercle est celui où les âmes, dam
* Purgat.y ch. xxiv, terc. 22-50.
' INTRODUCTION. 197
le fm et la soifj expient le péché de Luxure. Avant
d'aller plus loin, il faut que Dante lui-même traverse
le feu purificateur, et, comme saisi de crainte, il hé-
site; Virgile Tencourage, en disant : « Mon fils, entre
«Béatrice et toi est ce mur K » Puis, le précédant et
priant Stace de le suivre, ils entrent dans la flamme
qui brûle sans consumer.
« Quand je fus dedans, dit le Poëte, je me serais
«jeté dans du verre bouillant pour me rafraîchir, tant
« Tardeur était là sans mesure *. »
Guidés par une voix qui chantait: Venez ^ bénin de
mon Père *, les voyageurs arrivent là où Ton mortait.
La voix les averti t de ne se point arrêter, mais de h iter
le pas, tandis que P Occident ne se noircit pas encore.
Toutefois, malgré leur diligence atteints par la nuit,
chacun d'eux se fait nn lit d'un des degrés de l'escalier
taillé dans le roc, de sorte qu'entre les parois on ne dé-
couvre qu'un espace resserré du ciel. Pendant que, par
cette étroite fente, il regarde les étoiles, c< plus bril-
«lantes et plus grandes que d'ordinaire elles ne le
«paraissent, » Dante est pris de sommeil, et voit en
songe une dame jeune et belle, cueillant dans une
prairie des fleurs pour en faire une guirlandç. Elle
se nomme elle-même dans un chant plein de grâce et
*Purgat.f ch. xxvii, terc. 12.
* Ibid., terc. 17.
' Venite, bencdicti Patris mei. — Matt. xxv, 54.
19. ÏKTROOT'CTIOBr.
do douceur : c^est Lia, symbole de 1-actioiï, commesa
iiœuT Hachel Test de la vie conteinpiative; Cependant
le jour approche, et Dante se réveille^
c< Déjà devant les lueurs de Taube^ d'autan t. plus
ce douces aux voyageurs que moins lointils sonl.deJa
« patrie où ils reviennent,
«Fuyaient de tous côtés les ténèbres > et a vee.elieË
mon sommeil; pourquoi je n>e levai ^ voyast lee
c( grands Maîtres déjà debout i
c( — Ce doux fruit, que, sur tant d6;ranieauxy va
c( cherchant le souci des mortels, aujourd'hui apaisera
<( ta faim.
« Ces paroles m'adressa Virgile^, et jamais don n£
« fit un plaisir égal.
c( Tant désir sur désir il me vint d'être en haat,
c< qu'à chaque pas ensuite, pour voler, je me sentais
« croître les ailes.
ce Lorsque tout l'escalier, au-dessous de noius, e»i
c( été parcouru, et que nous fûmes sur la dernière
c< marche, Virgile sur moi fixa ses yeux,
<c Et dit : — Tu as vu, mon. fils, le feu temporel et
c( Tétemel, et tu es parvenu en un lieu où par moi*-
« même plus rien je ne discerne^
« Par industrie et par art ici je t-ai amené; prends
« maintenant ton bon plaisir pour guide; tu es hors
c( des routes escarpées, hors des voies étroites.
a Vois le ciel qui reluit devant toi; vois Therbe, les
ÎNTRUDUCTION. 19î>
K fleurs et les arbustes que cette terre produit d'elle-
a même.
c< Tandis que vers toi viennent les beaux yeux dont
a les larmes meJBrent venir à toi, tu peux t*asseoir>
Cl et ensuite aller à travers ces campagnes.
c( N'attends plus mon dire ni mon signe; droit et
(( sain est ton libre arbitre, et ce serait une faute que
« de ne pas agir suivant son jugement.
« Ce pourquoi, souverain de toi-même je te coû-
te ronne et te mitre *. »
Dante a péniblement traversé deux mondes : le
monde inférieur, où le crime sans remords engendre
une souffrance stérile; le monde intermédiaire, où la
souffrance unie au repentir relève l'être déchu. De
tous ses labeurs, quel sera le prix? La liberté. Désor-
ïnais souverain de lui-même, il est roi, pontife, il ne
dépend que de soi dans ses actes comme dans ses
Pensées. Magnifique symbole de Ihumanité , du but
qu'assignent à son développement les éternelles lois
de Tordre éternel.
Ici se termine la mission de Virgile. Il a conduit
Daate au sommet du mont, à l'entrée de la demeure
primitive de l'homme, d'où l'exclut lui-même un ir-
révocable décret. Dante, du front de qui les sept P
tracés par l'ange ont été effacés, peut maintenant y
pénétrer seul, sans craindre de s'égarer.
^Purgat.y ch. xxvii, leic. 57-47.
I r
' m ^ INTRODUCTION. <
<c Désireux de reconnaître, au dedans et autour, la
c< divine forêt épaisse et verdoyante qui aux yeux tem-
« pérait le jour nouveau,
« Sans plus attendre je laissai le sentier, et lente-
ce ment, lentement je pris par la campagne qui allait
« s'élevant, et d*où s'exhalait une suave senteur.
a Un léger souffle, toujours le même, me frappait
« le front, pas plus qu'un doux vent,
c< Par lequel les rameaux agités se courbaient tous
c( du côté où le saint mont projette sa première
« ombre.
a Tant néanmoins ne s'inclinaient-ils, que les petits
<c oiseaux cessassent d'exercer tous leurs arts sur les
« cimes;
ce Mais avec des chants de joie, ils recueillaient les
« premiers souffles entre les feuilles , qui tenaient le
« bourdon dans leurs concerts,
c< Tel que celui qui se forme, de rameau en rameau ,
a dans la forêt de pins, sur le rivage de Ghiassi, quand
« le scirocco se déchaîne au dehors ^ »
Près d'un ruisseau dont tes petites ondes ployaient
Hierbe croissante sur ses bords y il rencontre
ce Une dame, qui seulette allait chantant, et cueil-
c< lant, çà et là, des fleurs dont était diapré son che-
c< min *. »
* Purgat. , ch. xxviii, terc. 1-7 .
* Ibicl.y terc. 14.
INTRODUCTION. 201
Celte dame est Mathiide, celle qui dota TÉglise ro-
maine (le ses vastes possessions dans Tllalie centrale.
De Tautre côté du ruisseau, Dante engage avec elle un
entretien où se trouvent exposées, à propos de la terre
telle qu*elle est, et telle qu'elle élait avant le péché, les .
idées reçues alors en physique.
Cette campagne sainte, pleine de toutes semences,
a en elle un fruit qui ne se cueille point ici, le fruit
de Tarbre de vie. Elle est arrosée par les eaux d'une *
source qui se renouvelle d*elle-même, et se divise en
deux fleuves appelés Léthé et Eunoé. Le premier pos-
sède une vertu qui ôte la mémoire du péché; l'autre
rend celle du bien qu'on a fait.
ce Les antiques poètes qui chantèrent Tâge d'or et
« ses félicités sur le Parnasse, songèrent peut-être de
« ce lieu .
a Innocente ici fut l'humaine racine; ici un prin-
ce temps perpétuel et toutes les sortes de fruits: ce
ce fleuve est le Nectar dont tous parlent \ »
Cela dit: c< chantant comme une femme éprise d'a-
ce mour : Beati quorum tecta sunt peccata % »
a Elle se mut remontant le fleuve le long de la rive,
c< et moi comme elle, dit le Poète, à petits pas suivant
c< ses petits pas;
Cl Et entre les siens et les miens il n'en était pas
* Piirgat.f ch. xxviii, terc. 47 et 48.
« Heureux ceux dont les péchés ont été couverts. — PB, xxxi.
■Î02 INTROnUCTIOK.
t( cent, lorsque les bords également se t^urbèrent , de
« sorte que je marchai vers le Levant.
« Longtemps ainsi nous n'avions pas cheminé ,
<( quand la Dame vers moi se tourna, disant : — Mon
« frère, regarde et écoute!
et Et voilà que, soudain, traversa déboutes paris la
<ît grande forêt une lueur telle que je doutai si ce n*é-
« tait pas un éclair.
c( Mais comme l'éclair brille <et s'éteint au même
« instant, et que cette lueur durait, resplendissant de
«plus en plus, en mon penser je disais : — ^Qu'est ceci?
ce Et dans l'air lumineux s'épandait une doucemé-
« lodie, d'où, pris d'un juste zèle, je gourmandai la
c< hardiesse d'Eve, pensant
« Que là où obéissaient la terre et le ciel, une fem-
« melette seule, et qui venait d'être créée, ne souffrit
« pas d'être enveloppée d'un voile,
« Sous lequel si, pieuse, elle était restée, je joui-
« rais de ces ineffables délices, goûtées une première
«fois et bien d'autres fois.
c( Tandis que, ravi, j'allais à travers tant de pré-
« micas du plaisir éternel, et désirant plus de joies
«encore,
« Devant nous l'air devint tel qu'un feu ardent, sous
«les verts rameaux; et déjà comme un chant le doux
« son était entendu '. »
* Purgat., ch. xxix, terc. 1-12.
' s
ihtrodugtioi!. ,m
On vient de lire les dernières lignes tracées par ia plume
cloquenle de Lamennais. Au seuil de la seconde Cantique
et<de la troisième, s'arrête, scellé pour jamais des mains de
la mort, le plus magniGque conmientaire que la Trilogie
Dantesque ait dû à ses innombrables interprètes.
Fallait-il laisser inachevé, tel qu'il était resté dans les
niains glacées du laborieux ouvrier, ce monument impéris*
sablé? Et, si on voulait, non certes le parfaire,mais du moins
€n marquer jusqu'au bout le dessein primitir,en indiquer le
plan, — comme font les adeptes dans l'art de Yitruve et de
Panadio,quand ils restituent un édifice partiellement exhumé,
^à quel successeur demander le complément d'un travail
<Hi«'est si fortement empreint le génie d*un maître? Telles
ont été les questions qui se posaient devant nous.
2tt4 INTRODUCTION,
Nous aurions accepté la première des deux alternative
si nous nous étions senti le droit d'espérer que notre re
pect pour l'œuvre magistrale ne nous serait reproché p
personne comme une négligence coupable, un oubli (
devoirs sacrés.
La seconde nous plaçait en face d'une tentative que,poi
notre compte personnel, nous eussions regardée comn
une espèce de sacrilège.
Un moyen terme s'est offert, qui, s'il n'est pas approu'
de tous, ne saurait en aucun cas mériter à l'éditeur d
Œuvres posthumes de Lamennais^ ni le reproche d'avo
négligé sa tâche, ni celui d'avoir trop présumé des droi
que le choix d'un ami semblait lui donner.
Parmi les nombreux ouvrages consultés par Lamennai
est un volume anglais sur la Littérature de Vltalie depu
r origine de la langue italienne jusqu'à la mort de Boccaa
L'auteur, M. Léonard-Francis Simpson, a essayé, lui-ausi
une analyse détaillée du poëme de Dante. Son travail, bi(
moins étendu que celui de Lamennais, embrassé d'une vi
moins haute, nourri d'une science bien moins variée, €
cependant une œuvre consciencieuse et d'utile emploi.
Ainsi l'avait jugé Lamennais. Cette approbation nous (
une garantie qu'en plaçant ici la portion de l'analyse a
glaise qui nous conduit, pas à pas, jusqu'aux derniers chat
* Nous traduisons littéralementle titre de ce volume, publié à Londn
en 1851 , chez Téditeur Bentley.
INTRODUCTION. 205
de l'épopée italienne, nous ne commettons, envers la mé-
moire de notre illustre ami, aucune irrévérence que, vivant,
il eût désapprouvée. Nous espérons également que M. Simp-
son voudra bien nous excuser de réunir ainsi, — non sans
)éril, mais non sans gloire pour lui, — un fragment de son
ivre à V Introdtiction de Lamennais.
Le public enfin, juge en dernier ressort de nos intentions
)i de nos actes, devra comprendre et nos scrupules et le
)arti qu'ils nous ont fait adopter.
E. D. F.
LE PURGATOIRE
(suite)
... Le Poète croit distinguer dans Tespace, au loin,
sept arbres d'or, mais il constate que ce sont sept can-
délabres , à ce point resplendissants qu'ils semblent
ïttlanl de lunes. Des personnages vêtus de blanc, sept
arcs-en-ciel tracés sur l'azur, vingt-quatre vieillards
du plus noble aspect couronnés de fleurs de lis, quatre
Minimaux mystiques décorés de feuillages verts et dont
chacun a six ailes couvertes d'yeux (symbole pour
l'explication duquel Dante renvoie au livre d'Ezéchiel) ,
escortent un char triomphal traîné par un griffon , à
la fois oiseau et quadrupède. Le char de Phœbus est
"906 INTRODUCTION.
éclipsé par les splendeurs de celui-ci. Trois femmi
dansent à sa droite , quatre s'ébattent à* sa gauche :
« Trois dames venaient dansant en rond du côté (
« la roue droite ; Tune si rouge , que dans le fcn
« peine la discernerait-on ;
c< L'autre , comme si les chairs et les os eussentéi
a d'émeraude; la troisième, semblable à 'la neige qi
« vient de tomber • »
a A gauche, quatre autres, velues defiouFpre, nu
« naient leur danse à la suite de l'une d'elles qui
« la têle avait trois yeux. »
Suivent deux vénérables vieillards dont l'un port
une épée, puis quatre personnages d'humble apps
rence ; puis un vieillard seul (saint Jean) plongé dan
un sommeil extatique S
Au sein d'un chœur éclatant, entonné par ceo
messagers d'amour qui chantent, en jonchant le sol d
fleurs , leur hymne de joie , et parmi la pompe de c
magnifique cortège, apparaît enfin Béatrix appelée i
guider le Poëte, du Paradis terrestre qu'il vient à
dépeindre, au véritable Paradis, ciel des cieux, empj
rée divin.
On a reconnu , sous ce langage figuré , le tableai
tracé par Dante de l'Église et de ses formes essentiel
les. On a vu qu'il puisait à pleines mains dans leî
Révélations de saint Jean. Les sept candélabres reprc
* Le sommiùl de TÂpocalypse.
INTRODUCTION. 207
entent, ou les sept églises d'Asie , ou les sept grâces^
leTËsprit saint. Les vingt-quatre vieillards sont les
ingtrquatre livres de TÂncien Testament; on suppose
ne le char est le trône de saint Pierre; les quatre ani-
oaux mystiques symbolisent les quatre évangélistes.
adouble nature du griffon est une allusion à la dou-
le nature de THomme-Dieu qui sau^a le monde. Les
Pois nymphes de droite sont les verlus théologales;
a&quatre de gauche , les vertus cardinales , marchant
aos la direction de la Prudence. Suivent saint Luc et
aint Paul , Tun sous le costume de médecin , Tautre
tnné d'une épée , pour montrer que la Clémence et la
ttstice doivent servir d'étais au trône de saint Pierre-
mimè au trône de Dieu lui-même. Enûn viennent,
es grands docteurs de l'Église précédant Béatrix -—
m la Théologie.
Cette dernière apparition et l'élan passionné que-
Atnte ressent devant elle , les souvenirs de jeunesse
piefait refleurir en lui l'aspect de cette forme adorée,
constituent ui| des plus beaux fragments de tout Id!
poëffle.
ft J'ai vu au point du jour l'orient tout» rose, et le-
(n reste du ciel orné d'une douce sérénité,
« Et le soleil naître voilé d'ombres , de sorte que.
ft l'œil pouvait longtemps en soutenir l'éclat tempéré,
«parles vapeurs.
ft Ainsi dans une nuée de fleurs qui s'épanchaient.
208 INTRODUCTION.
« des mains angéliques et retombaient en bas, dedans
a et dehors,
« Sous un voile blanc, couronnée d*olivier, m'ap-
« paraît une dame revêtue d'un vert manteau et d'une
« robe couleur de flamme vive.
« Et mon esprit qui depuis si longtemps déjà n'avait,
« tremblant , éprouvé la stupeur que me causait sa
« présence,
« Sans davantage la reconnaître des yeux, par une
« vertu occulte qui d'elle émana, de l'ancien amour
« sentit la grande puissance.»
Dante, alors, jette un regard en arrière, espérant
revoir Virgile; mais son Guide a soudainement dis-
paru. Béatrix lui adresse des reproches de négligence
qu'il faut interpréter dans un double sens : le premier,
ayant traita la théologie dont il a délaissé l'étude; le
second , à son premier amour dont il a outragé le sou-
venir en se mariant après la mort de celle qui en était
l'objet. Cependant, Béatrix pardonne. Cette dame (Ma-
thilde) qu'il avait vue sur l'autre bord du courant
mystique, Timmerge dans les eaux du Léthé, — car
c'est bien le Léthé qui les séparait naguère, — et ce
bain précieux lui ôte jusqu'à la ressouvenance du pé-
ché. Elle lui fait boire les eaux de l'Eunoé , dont 1^
goût ravive en lui la mémoire du bien, qu'il avait per
due en se plongeant dans le fleuve d'oubli. Purifié,,
rajeuni grâce à ces eaux saintes,
INTRODUCTION. fM
« Je revins, dit-il, de la très-sainte onde, renouvelé
«comme des plantes qu'une vie nouvelle a revêtues
«d'un nouveau feuillage,
« Pur et préparé à monter aux étoiles. »
Donnant à entendre par là que la confession du pé-
ché, accompagnée d'un vrai repentir, peut seule con-
duire l'homme à la contemplation des choses célestes.
LE PâBADIS
Du sommet du Purgatoire — sommet où se trouve
le Paradis terrestre — pour arriver au Paradis céleste,
lePoëte n'a besoin que d'un coup d'aile. En un instant
il se trouve transporté dans cette fortunée région, di-
visée en dix cercles ou sphères. La Terre est immobile
et forme le centre de l'univers, ce qui est, par paren-
thèse, en contradiction avec la description donnée par
Dante, dans sa première Cantique , du centre de notre
planète. Il visite d'abord les sept planètes (la Lune ,
Mercure, Vénus, le Soleil , Mars, Jupiter et Saturne).
Le huitième cercle est formé par les étoiles fixes; le
neuvième est l'Empyrée; le dixième est le séjour de
Dieu^
* Le dénombrement de M. Simpson n'est pas tout à fait celui que
d'autres commentateurs ont donné, et que voici: la Lune, Mercure,
Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter, Saturne, la Sphère des étoiles fixes, le
dernier Mobile, TEmpyrée.
«0 INTRODUCTION.
Le Paradis de Dante est à la fois historiffue, phi —
losophique, mélaphysique , allégorique. On y constat
une élude et une science profondes de rastronomie
de la physique en général ; mais il faudrait un liv
tout entier à remplir pour se risquer à en faine Tàna—
lyse.
Dante et Béatrix pénètrent dans la planète lunai
comme un rayon de lumière s'introduit dans um
masse d'eau.
« Il me sembla que nous couvrait une nuée épaisse,
« dense et polie , telle qu'un diamant que le soleil
a frapperait.
c< Au dedans de soi nous reçut la perle éternelle ,
« comme Teau, sans se diviser, reçoit un rayon de 1»-
« mière. »
La Lune est le séjour de ceux qui , après avoir Ésiit
vœu de chasteté , se sont vus contraints à y renoncer*.
Béatrix explique les taches lunaires. Dante apprend
aussi que , répartis en différentes sphères , les élus
n'en jouissent pas moins , les uns et les autres , d'u»
bonheur identique. 11 demande s'il est possible d'es-
pérer la rupture des vœux solennels. Béatrix lui répond
en ces termes :
c< Que les mortels ne se jouent point du vœu : soyez
ft fidèles, mais à ce faire non imprudents , comme fut
« Jephlé en sa première promesse,
« A qui plus il convenait de dire : c< J'ai mal fait, »
IMTRODVGTIOl^; Slf
:< qu*ear la gardant faire pis; et aussi insensé tu trou-
:< veras le grand chef des Grecs,
« D*oâ Iphigénie pleura son beau visage , et sur soi
K fit pleurer et les fous et les sages, qui ouïrent parler
< d'un pareil culte.
« Soyez , chrétiens , plus pesants à vous mouvoir ;
X ne soyez point comme une plume à tout vent , et ne
^< croyez pas que toute eau vous lave.
« Vous avez le Vieux et le Nouveau Testament, et le
c< Pasteur de TÉglise pour vous guider. Cela suffît à
« votre salut. »
Le Poète et sa sainte Amie pénètrent ensuite dans lai
planète Mercure, séjour de ceux qui, sur la terre, n'onti
eu en vue que la renommée et Thonneur. Dante y.
écoute, de la bouche de Justinien, un rapide sommaire'
des hauts faits d'armes qui firent rayonner le nom des
Césars, et ne néglige pas cette occasion de se montrer*
bon Gibelin en payant un large tribut d'éloges à l'Em-
jpereur, duquel dépendait, selon lui, la régénération
italienne. Béatrix explique la Rédemption du monde,
par la mort du Sauveur. Ils montent ensuite au troi^
sième ciel, la planète Vénus. Dans ces transitions d'un
cercle à l'autre, le sourire et la physionomiede Béa-
rix deviennent de plus en plus radieux; changement
iraduel qui s'explique en ce sens qu'une gloire et une
}ree toujours accrue sont le partage de l'intellect hu-
lain adonné à l'étude des choses divines.
• t
212 INTRODUCTION.
Vénus est le séjour des amants qui , d'abord coi
blés, ont finalement épuré la passion dont ils éta
consumés, et Tout fait tourner au profit de la ve
Par un caprice poétique assez étrange , Dante , c
tout ce chant , dévie de la théologie chrétienne
semblait devoir être ici son unique source d'insp
tions, et recourt, dans le choix de ses exemples,
mythologie grecque.
Le Soleil que Dante, en vers sublimes, décrit aii
a Le plus grand ministre de la nature, qui de la V(
du ciel empreint le monde, et avec sa lumière r
mesure le temps, » est la quatrième planète oi
conduit Béatrix. Elle est le séjour des grands thé
giens , flambeaux de TÉglise : saint Thomas d*Âq
y raconte au Poëte Thistoire de saint François, et
sont certains doutes que Dante avait conçus relat:
ment à Tétat de l'homme après sa mort.
Dans la planète Mars , ou le cinquième ciel , résid
ceux qui ont vaillamment combattu pour la cause
la vraie Foi . Leurs corps lumineux dessinent une ci
flamboyante, emblème de la crucifixion du Sauve
Un de ces esprits, Cacciaguida , Tancêtre de Dan
lui raconte son histoire, et compare Florence t
qu'il l'a connue à la Florence actuelle , expliqu
son ancienne élévation et sa décadence présente pa
pureté primitive et la corruption graduelle des mœ
privées et civiques. Cacciaguida prédit au Poëte qi
INTRODUCTION. 215
sera banni , et lui annonce qu*il trouvera un refuge
chez Jes seigneurs de la Scala. C'est par cette prophétie
après coup que Dante paye sa dette de gratitude, et rc-
coDDaît rhospitalité qu'il reçut, à Vérone, d'AIboïno
et de Can Grande. Godefroy de Bouillon et d'autres
guerriers illustres sont cnumérés parmi les habitants
de la planète Mars.
Un changement soudain dans la physionomie de
Béalrix apprend à Dante qu'il vient d'entrer dans la
planète Jupiter. Ici les corps lumineux répandent au-
tour d'eux un éclat argenté ; ils dessinent la forme
d'un aigle. Une des pupilles de cet aigle d'argent est
l'esprit du roi David. D'autres souverains, renommés
pour leur justice, habitent la même planète. Avec eux
se discutent plusieurs points de la foi chrétienne ou-
verts à la controverse : par exemple, la possibilité du
salut pour ceux qui n'ont pas eu la vraie foi; l'ineffîca-
citéde la foi sans les œuvres, etc. L'avis solennel donné
aux hommes, de ne pas cherchera sonder l'origine
impénétrable des décrets divins, couronne ces recher-
ches ardues.
Le septième ciel , ou la planète Saturne , est la ré-
sidence de ceux qui ont passé leur vie dans la retraite
et la contemplation des vérités religieuses. Là, sur
une échelle d'or si haute que son sommet se dérobe
à la vue, montent et descendent incessamment les es-
prits glorieux.
914 IKTRODUGTIOn»
« .... Parce qu'elle (la dentière sphère) n'est point
« dans le lieu et n*a point do pôles, et jusqu'à eUfc
a atteint notre échelle , d'où vient qu'à ta vue elle se
c< dérobe. Le patriarche Jacob l'a vue jadis avancer
« jusque-là ses degrés chargés d'anges lumineux. »
Dante, ici , censure en termes acerbes la vie de
luxe et d'indolence que mènent quelques pasteurs efl
quelques prélats; — il lance une invective éloquente
contre la corruplion des ordres monastiques.
Le Poète , encore guidé par Béatrix , s'élève dans h
huitième ciel y celui des étoiles fixes. Une fois là , si
sainte Amie lui ordonne de jeter un regard au-dessou:
de lui, sur l'univers dont il embrasse l'ensemble. Pla^
sur la constellation des Gémeaux, Dante contemple le
planètes qu'il a traversées, et sourit devant la petitesa
de ce globe terrestre, « ce petit point qui nous rends
orgueilleux. » C'est là un des passages du poëme o'
le souffle puissant du génie se fait le mieux sentie
C'est une grande conception que l'immensité de l'e^
pace, telle que Dante l'a comprise et décrite. Son rc
gard , de la terre qu'il abandonne , se reporte sa
Béatrix , dont les yeux plus que jamais resplendir
sent^
c< Vois, s'écrie ce Guide céleste, le cortège triompha
du Christ , ces légions d'âmes bienheureuses , et le^
Splendeurs animées qui entourent la Vier^re-Mère. ^
* Poscia rÎYolsi gli occhi agli occhi beUi.
IRTHODUCTIOIf. il5
&8 splendeurs éblouissent les yeux du Poète. La joie
)ai rayonne sur le front de Boairix possède un éclat
4nt aucune parole humaine ne saurait donner l'idée^
Divers points de foi sont encore discutés avec saint
l^ierre, saint Jacques et saint Jean. Saint Pierre ne
iHanque pas de récriminer avec vigueur contre Tavi-
«Uté des successeurs qui l'ont remplacé sur le trône
pontifical.
Béatrix accompagne ensuite Dante dans le neuvième
delf où TEssence divine est encore dérobée à sa vue
par les neuf hiérarchies angéliques. La céleste beauté
dont resplendit Béatrix arrivée à cette région suprême,
est décrite par Dante avec une ardeur qui montre
attez à quel point son premier amour s'était profon-
dâtnent enraciné dans son âme. Ébloui par les magni-
fiœnœs qui Tentourent, le Poêle baigne ses paupières
dans Tonde lumineuse d'un fleuve qui prend sa source
tu pied du trône de Dieu. Doué par là d'une force
Maille, car « Une lumière est là-haut qui rend visi-
«ble le Créateur à cette créature qui dans sa vue
«seule trouve sa paix, » il peut enfin contempler en
îace les gloires de l'Empyrée. Sur des millions de
ti^oes, rangés en cercles infinis , sont assis les esprits
' Pareami, che ' 1 suo yiso ardesse tutto
E gli occhi avea di letizia si pieni,
^,| Che passar mi convien senza costrutto.
(Paradiso, cant. xxiii, terz. 22.)
«16 INTRODUCTION.
bienheureux. Béatrîx lui montre un trône vacant , le-
quel est préparé pour Tempereur Henri VII^
Puis elle le quitte pour aller prendre place sur un
des trônes, et de là, du haut de sa gloire impérissable,
elle laisse tomber sur lui un doux et bienveillant sou-
rire. C'est le dernier qu'elle accorde à ce qui est ter-
restre. Et désormais son regard se fixe vers la source
de l'éternelle clarté.
Saint Bernard montre alors au Poëte la Vierge Marie
sur son trône , et les âmes des Bienheureux dont le
nom est mentionné dans l'un ou l'autre des deux Tes-
taments. Enfin, il est permis au Poète de jeter un re-
gard sur le plus grand des mystères , l'union hypo-
statique de la nature humaine et de l'être divin con-
fondus en la personne du Christ. Il se trouve ainsi
parvenu aux dernières limites du savoir que peut am-
bitionner l'intelligence humaine,
(( Mais point n'auraient à cela suffi mes propres
« ailes, si mon esprit n'eût été frappé d'un éclair par
« lequel s'accomplit son désir. »
* Dante compare l'Empyrée à une rose éternelle, du blanc le plaspaTi
dont les feuilles se disposent en cercle autour de ses pétales.
I
L ENFER
t'INFERNO
C I.
'i
/^/K>7hl' ^
ne.. lUu. U}C>^^^i^
.Jk
L'ENFER
CHANT PREMIER
1. Au miUeu du chemin de notre Yie% ayant perdu la
droite voie, je me trouvai dans une forêt obscure *.
2. Ah I.que chose dure est de dire combien cette forêt
était sauvage, épaisse et âpre, dans la, pensée cela renou*
vêlant la peur.
3. Si amère elle était, que guère plus ne Test la mort ;
mais, pour parler du bien que j'y trouvai, je dirai les autres^
choses qui m*y apparurent*.
4. Commentj'y entrai, je ne le saurais dire, tant j'étais
plein de sommeil quand j'abandonnai la vraie voie.
L'INFERNO
CANTO PRIMO
*^^ tiMno del eammin ifi nostra tita
^J^^trovai per uns telva oscura,
^«è la diriua Tia era smarrita.
Q*^ qnaolo a dir quai em è cosa dnra
Ck^^^ selva sèhras^ ed aspra e forte,
s.Tanto^ra ainara, €h« poco è più moii»
Ma per trattar del ben cli' i' vi tiUTai,
Dirô deU* altre cose, ch* io ▼' ho scorte.
4.r non so ben ridir com' io t' entrai;
Tant' era pien di sonno \ti s\x ^\»\ \^viG&A,
Che la verace ^îa abbaaDâAxoà.
L^r*
no l'ENFER.
5. Mais, arrivé au pîed d une colline, là où se termina:
ccttte vallée qui de crainte m'avait serré le cœur.
6. Je levai mes regards, et je vis son sommet revêtu dé^
des rayons de la planète qui fidèlement guide en tout sec
tier *.
7. Alors apaisée un peu fut la peur qui jusqu'au fond (!
cœur m'avait troublé, la nuit que je passai avec tant d'aa
goisse. '
8. Et comme celui qui, sorti de la mer, sur la rive hala
tant se tourne vers l'eau périlleuse, et regarde ;
9. Ainsi se tourna mon âme fugitive pour regarder
passage que jamais ne traverse aucun vivant'.
10. Quand j'eus reposé mon corps fatigué, je repris ra
route par la côte déserte , de sorte que le pied ferme ét^
le plus bas '.
11. Et voilà, presque au pied du mont, une panthère açi
et légère, couverte d'un poil tacheté '.
12. Elle ne s'écartait pas de devant moi, et mecoup3
tellement le chemin que plusieurs fois je fiis près de f*
tourner.
13. C'était le temps où le matin commence, et le sol^
montait avec ces étoiles qui l'entouraient, quand le divi
Amour
B'Ma poi ch' io fui appiè d' un colle giunto,
Là ove terminava quella Talle,
Cbe m'avea di paura il cor compunto,
6.Guardai in alto, e vidi le sue spalle
Yestite già de' raggi del pianeta,
Ghe mena dirilto altrui per ogni calle*
7.AIlor ta la paura un poco quêta,
Che nel lago del cor m' era durata
La notte ch' i' passai con tanta piéta.
S.E corne quel, che con lena affannata
Uscito fuor del pebgo alla riva,
Si volge air acqua perigliosa, e guata;
9, Cosi V animo mio, che ancor fuggiTa,
8i Tolse indietro a rimirar lo passo,
Che non lasciô giamraai persona viva.
10. Poi ch' ebbi riposato il corpo luaot
Ripresi via per la piaggia diserta.
Si che il pi J fermo sempre era il più 1
11. Ed ecco, qiusi al cominciar dell* erta,
Una lonxa leggiera e presta molto,
Cbe di pel maculato era coverta.
IS.E non mi si partia dinansi al volto;
Anxi impediva tanto il mio cammino,
Ch' i' fui per ritomar più voUe tAIIo.
lS.Temp' era dal principio del mattino:
E il Sol montava in su con quelle sldl<^
Ch' eran con lui, quaudo rAmor divine
CHANT PREMIER. . 221
14. Mut primitivement ces beaux astres; de sorte qu'à
l>iea espérer me conviaient le gai pelage de cette béte
feiuve •,
15. L'heure du jour et la douce saison: non toutefois que
ne m'effrayât la vue d'un lion' qui m'apparut.
16. II paraissait venir contre moi, la tête haute, avec une
telle rage de faim que Tair même semblait en effroi.
17. Et une louve ^® qui, dans sa maigreur, semblait por-
ter en soi toutes les avidités, et qui bien des gens a déjà
fait vivre misérables.
18. Elle me jeta en tant d'abattement, par la frayeur
qu'inspirait sa vue, que je perdis Tespérance d'atteindre le
sommet.
19. Tel que celui qui désire gagner, lorsque le temps
amène la perte, pleure et s'attriste en tous ses pensers ;
20. Tel me fit la bête sans paix ^^, qui, peu à peu
s'approchant de moi, me repoussait là où le soleil se
tait ".
21. Pendant qu'en bas je m'affaissais, à mes yeux s'of-
frit qui *' par un long silence paraissait enroué.
22. Lorsque, dans. le grand désert, je vis celui-ci : —
Aie pitié de moi, lui criai-je, qui que tu sois, ou ombre
d'homme, ou homme véritable.
^ Voue da prima quelle oose belle :
Si che a bene sperar m' era cagione
IM qneUa fera la gaietia pelle,
^L' ora del tempo, e la doice stagione :
Va non si, che paura non mi desse
U visla, che mi appanre, d' un leone*
^QoesU parea, che contra me venesse
Con la test' alta e con rabbiosa famé,
Si ehe parea che 1' aer ne temesse :
^"^'Bd ana lupa, che di lutte brame
Sembiara carca nella sua magrezza,
Smoltegenti fe già viver grame.
^Qwsta mi porse tanto di gravezza
Con la paura, ch* uscia di sua vista ;
Ch' i' perdei la speranza dell' altezza.
19. E quale è quei, che volentieri acquista,
E guinge H tempo, che perder lo face, [ta;
Che *n lulti i suoi pensier piange e s'attriH
SO.Tal mi fece.la bestia senza pace,
Che, venendomi incontro, a poco a poco
Hi ripingeva là, dove '1 Sol tace.
ti . Mentre ch' io ruinava in basse loeo,
Dinanzi agli occhi mi si f u offerte
Chi per lungo silenzio parea fîoco.
tS'Quando vidi costui nel gran diserte,
Miserere di me, gridai a lui,
Quai che tu sii, od ombrai, cA >aa(BA cieA»
522 L'ENFER.
23. n me répondit : <c Homme ne suis*^, jadis borom
je fus, et mes parents étaient Lombards, et tons deux eo
rent Mantoue pour patrie.
24. « Je naquis stû) Jtdio ^^, bien que tard , et vécus
Rome sous le bon Auguste, au temps des dieux faux c
menteurs.
25. c( Poôte je fus, et je chantai de ce juste fils d'Anchisi
qui vintxie Troie, après Tincendie du superbe llion.
26. d Mais toi, pourquoi retournera tant d'ennui ?.Potti
quoi ne gravis-tu point le délicieux mont, principe .et sourii
de toute joie? »
27. — Serais-tu ce Virgile, cette fontaine d'où coi»
un si large fleuve du parler ? lui répgndis-je, la rougeur £
front.
28. des autres poètes honneur et lumière ! que me se
compté le long désir et le grand amour qui m'a fait ch(^
cher ton volume.
29. Tu es mon maître et mon père : à toi seul je dois
beau style qui m'a honoré.
30. Vois labéte à cause de qui je me suis retourné : sag
fameux, secours-moi contre elle, qui fait frémir mes vein-
€t mon pouls.
31 . « Il te faut prendre une autre route, répondit-S
me voyant pleurer, si tu veux sortir de ce lieu sauvage;
S5. RUjMwerai : Non nom ; «on» f& fui ;
Bli parenti miei fimm Lombtu'di,
B Manlovani per palria ambedui.
t%. Nacqui sub Julio, ancorchë fosse tandi
B vissi a Roma sotto il buono Âugusto,
Al tempo degli Deî falsi e bujpardi.
SS.Poeta fui, e cantai di quel giusto
Fij^iiuol d'Aiichise, che venne da Troia,
Poichë il superbo liion fu combtisto.
sCMa tu perché rilorni a tanta noia?
Perché non sali il diletloso monte,
Ch' é priiicipio e cagiun di lutta gioia ?
thO ! se' t» quel Virgilio, e qneUa Iweà^
Che spande di parkr si hrgo fioiae t
Risposi hii oon rergogaen fl<oM«.
S8.0 degli altri pocti onore e lume,
Vagiiaroi il lungo studio e fl gtande
Che in' han falto cerear k( tu»v«|inM.
29. Tu se* lo mio maestro e il mJ9aotore:
Tu se' solo colui, da cui f o tolu
Lo bello stije, che m* ha fatio «inoM.
30. Vedi la bestia. per cui i» mi ««Isi :
Aiutami da lei, famoso saggio,
cir elia mi fn tremar le vene e i poM.
51. A le ccnvien tenere altra TÏaggio,
Rispose, poi che lacrimar mi vide,
Se vuoi canpar d'eslo loeoiselvagJs<o;
CHANT PREMIER. 223
32. c Car la bête qui excite tes cris ne laisse aucun passer
par sa voie, mais tellement l'empêche, qu'elle le tue.
33. a Et si méchante est sa nature, et si farouche, que
Jamais son appétit n'est rassasié, et qu'après s'être repue,
elle a plus faim qu'auparavant.
o4. « Nombreux sontles animaux avec qui elle s'accouple,
et plus le seront-ils encore, jusqu'à ce que yienne le Lé-
'vrier *• qui tristement la fera mourir.
35. a Celui-ci ne se nourrira ni de terre ni d'argent^*,
mais de sagesse et d'amour et de vertu, et sa patrie sera
«nlre Feltre et Feltre ".
36. c( n sera le salui de cette humble Italie^* pour qui,
blessés, moururent la vierge Camille, Euryale, et Tumus
et Nisus.
37. « De partout il chassera la louve, jusqu'à ce qu'il
''ait remise en enfer, d*où premièrement la tira l'envie.
38. « Je pense donc et juge que pour toi le mieux est de
^^ suivre, et je serai ion guide, et hors d'ici je te conduirai
pv un lieu étemel,
39. c Où tu ouïras les hurlements du désespoir et verras
les antiques esprits désolés, dont chacun à grands cris ap-
pelle une seconde mort :
40. a Et ceux qui dans le feu sont contents ^*, parce
S^'ils espèrent venir un jour parmi les bienheureux,
^S-Chë qnesta bestia, per la quai tu gride,
^ bscia allnii passar per k aua via,
^i tamo lo impedisce, che V uccide :
^Ed ha natura si malvagia e ria,
^be mai non empie la bramosa voglia,
Bdopo U pasto ha più famé che pria.
^^'^olii son gli animali, a cui s' ammoglia,
^piùsaranno ancora, infin che il Veltro
'^c'ii, che la fari morir di doglia.
^Querti non ciberâ terra ne peltro,
^* sapienza e ainore e virtute,
i^suanazion sarà Ira Feltro e Feltro*
^Diqueil' umile Italia Ha salute,
Per cui mori b vergine Camilla,
Euriak», aTumo, e Niso di ferute :
37. Questi la caccerà per ogni villa,
Fin che l' avrà rimessa neil' infemo.
Là onde invidia prima dipartiUa.
S8. Ond* io per lo tuo me' penso e discerno,
Che tu mi segui, ed io sarù tua guida,
Ë trarrolti di qui per loco etemo,
S9.0v' udirai le disperate strida,
Vedrai gli antichi spiriti dolenti,
Che la seconda morte ciascun grida ;
40. E vederai color che son conlenti
Nel Tuoco, perchù speran di venire,
I Quando che sia, aile bea\e %«q\\*.
M4 L'ENFER.
41. « Vers qui ensuite, situ veux monter, te guidera
Ame plus digne de cela que moi. Avec elle en partant je
laisserai,
42. a Parce qu'à sa loi ayant été rebelle, le Roi quirègi
là-haut ne veut pas que par moi Ton vienne en sa cité.
45. « Partout il commande, et de là ^ il régit : là est
demeure et son trône sublime. Heureux celui qu'à ce séjour^
il a élu ! »
44. Et moi à lui : — Poëte, afin que je fiiie ce mal et i
des maux pires '^, je te demande, par ce Dieu que tu a'as
point connu,
45. De me conduire là où tu viens de dire, pour que j®
voie la porte de saint Pierre, et ceux que tu représentes ^
tristes.
Alors il se mut, et je le suivis.
il. Aile qua' poi se tu voirai salire.
Anima fia a ciô di me più degna ;
Con lei li lasccrô nel mio partira :
il.Chè quello Imperador, che lassù régna,
Perch' i' fui ribellante alla sua legge,
Non vuol che in sua città per me si vegna.
45. In tutte parti impera, e quivi regge,
Quivi è la sua cittade e 1' alto seggio :
felice colui, cui ivi eleggel
44. Ed io a lui : Poetâ, V M richieggio
Per quello Iddio che tu non cou
Accioch' io fugga questo maie e
45. Che tu mi meni là doT'or dic«&ti,
Si ch* io vegga la porta di San
E color che tu fai cotanto mestL
Allûr si mosse, ed io gU team
. N..
I
I
L ENFER
t'INFEKMO
O L
13
I
^ i ' L'EMrEB.
12. Une certaine analogie entre les sensations perçues par les dtrers sens,
a introduit dans toutes les langues des locutions semblables. On trouve chei
les Latins : Clarescunt sonituSy rumore accensm amaro, voîvitur ater odor^
•etc. Nous disons aussi une voix sourde^ un doux rayons une brillante har-
monUy une teinte chaude.
13. Dans notre vieille langue si libre et si riche, comme dans l'italien,
qui s'employait pour quelqiCun quiy et nous avons encore certaines locutions
analogues. Les vers suivants expliquent pourquoi le Poëte a dû se servir
d'une expression vague pour désigaer Virgile.
14. Sous Jules César.
15. Gan Grande délia Scala. Can, cane, signifie chien. D'autres pensent
^u'il s'agit d'Uguccione délia Faggiola.
16. Il faut se souvenir que c la louve » représente l'avarice. .
17. Les interprètes diffèrent sur la situation de ce lieu, suivant qu'ils
voient dans a le lévrier » Gan délia Scala, ou Uguccione deila Fuggiola.
18. La partie basse de l'Italie, près de la mer, autrefois appelée JuUium^
19. Les âmes du Purgatoire.
20. c De sa cité, » c'est-à-dire du Ciel.
21. Le « mal qu'il veut faire, > ce sont les vices représentés par Iftfoi'èl.
sauvage, épaisse et âpre, où il est engagé; les <( manz pires, » sont
châtiments éternels auxquels ils le conduiraient
1
t
L ENFER
t'INFERMO
D L
228 L'ÉNPER.
7 . A l'égard de celai qui de Tauguste Rome et de son em-
pire fut élu père dans le ciel;
8. Laquelle et lequel furent, à dire vrai *, établis
pour être le lieu saint où siège le successeur du grand
Pierre.
9. Durant ce voyage dont tu le glorifies '^, il entendit
des choses qui furent cause de sa victoire et du manteau -
papal.
10. Puis y monta le vase d'élection ^, pour en rapporter
confort à cette foi, principe de la voie du salut.
11. Mais moi, pourquoi y viendrais-je ? ou qui le per-
met? Je ne suis ni Énée, ni Paul : digne de cela ni moi ni
aucun autre ne me croit.
12. Si donc je me résous à venir, je crains que folle ne
soit ma venue. Tu es sage et m'entends mieux que je ne
discours.
13. Et tel que celui qui ne veut plus ce qu'il voulait, et
par nouveaux pensers, changeant de dessein, renonce à
commencer,
14. Tel devins-je sur cette côte obscure, abandonnant, en
y pensant, l'entreprise si vite commencée.
15. « Si j'ai bien entendu ta parole, répondit cette omr
bre magnanime, ton âme est atteinte de lâcheté :
T.Hon pare indegno ad uomo d'inlelletto :
Ch' ei fu dell' aima Roma e di suo impero
Nell* empireo Ciel per padre eleito :
8. La quale, e il quale (a voler dir lo Tero)
Fur stabiliti per lo loco santo,
Q'siede il succetsor del maggior Piero.
t. Per quett' andata, onde gli dai tu Tanto,
Intese cose cbe furon cagione
Di sua Ttttoria e del papale ammanto.
10. Andovri pui lo Vas d' elezione,
Per recame eonforto a queUa fede,
Ch' è principio alla via di salvazione.
il. Ma io perché TeninriT o chi '1 concède T
lo non Enea, io non Paolo tono :
Me degno a ciô né io né altri crede.
it. Perché, se del venire i' m* abbaadooo,
Temo che h venuia non sa folle :
8e' savio, e intendi meP ch* io ixm ragioMb
18. B quale ë quoi, cbe dismol ciô che ^oBi^
E per noTï pensier cangia propoela.
Si cbe del cominciar tutto si toUe;
li.Tal mi fec' io in quelle oscura coala :
Perché, pensando, consumai la impnm,
Che fu nel cominciar cotanto tosta.
18. Se io ho ben la tua parola intese,
Rispose del Magnanime quell' oinbra«
L' anima tua é da viltade offese :
CHANT DEUXIÈME. K9
16. c LaqneOe souvent, oppressant Thomme, le détourne
d'une noble entreprise, comme une fausse vision l'animal
ombrageux.
17. a Pour te délivrer de cette crainte, je te dirai pour-
quoi je suis venu, et ce que j'entendis quand premièrement
j'eus pitié de toi.
18. «J'étais parmi ceux qui sont en suspens*, lorsque
m'appela une femme bienheureuse, et si belle que de com-
mander je la requis*
19. a Ses yeux brillaient plus que le soleil, et d'un parler
suave et calme, avec une voix angélique, elle me dit :
20. <c — âme courtoise du Mantouan, dont la renom-
mée dure encore dans le monde, et autant que le monde
durera :
21. « Le mien ami, et non de la fortune, est, sur la pente
déserte, tellement empêché dans le chemin, que de peur il
s'est retourné :
22. « Et je crains que si égaré il ne soit déjà, que tard
je me sois levée pour le secourir, sur ce que j'ai de lui en-
tendu dans le ciel.
23. a Va donc, et avec ta parole ornée, avec tout ce qui
sera de besoin pour qu'il échappe, aide-le, de sorte que je
sois consolée.
tt.La quai moUa fiate l' uomo incwnbra
Si, che d' onrata impresa lo rivolve,
Gome biao Tader bestia, quand' ombra.
IT.Db queita tema acdoecbè tu ti sohre,
Krotti poxh' io Tenni* • quel ch' io 'ntesi
lel priiBM punto die di te mi doive.
IlLIo era ira eolor cbe ion Mapesi,
I donna mi dûamô beata e beUa,
1U ebe di cooiandare io la richiesi.
iULneevan g^ occhi auoi più che la Stella :
E conrindommi a dir aoave e piana,
Coq ai^eliea voce, in sua ftreUa :
tO. anima eortete ManlOTana»
Di cui la fama ancor nel monde dura,
S durera quanto il monde lontana,
tl.L'amico mio, e non della ventura,
Nella diserta pbggia è impedito
Si nel cammin, che Tolto è per paura
5IS*E temo che non sia già si smarrito,
Ch' io mi sia tardi al soccorso levata,
Per quel ch' i' ho di lui nel cieb udito.
SS.Or muovi, e con la tua parola omata,
B con cid c* ha mestien al suo campare,
L' aiuta si ch' io ne sia consolata.
iiSO L'ENFER.
24. <ïMoi qui l'envoie, je suis Béatrice : je viens d'un
lieu où retourner je désire : m'a mue Tamour qui me fait
parler.
25. <i Quand je serai devant mon Seigneur, à lui souvent
je me louerai de toi. » Alors elle se tut ; puis, moi je com-
mençai :
26. « femme de telle vertu**, que par toi seule l'hu-
maine espèce s'élève au-dessus de tout ce que contient ce
ciel dont les cercles sont plus étroits**;
27. «Si agréable m'est ton commandement, que l'obéir,
<léjà fût-il, me serait tardif : pas n'^st besoin de m'ouvrîr
ion vouloir davantage.
28. (( Mais dis-moi pourquoi tu ne crains pas de des-
cendre en ce centre infime, de l'ample lieu où tu brûles
de retourner.
29. c( — Puisque si à fond tu veux savoir pourquoi ki
dedans je ne crains pas de venir brièvement, je te le dirai,
•me répondit-elle.
50. « On ne doit craindre que les choses qui ont puissaoe»
de nuire : les autres, non ; en elles, nul sujet de peur. .
31 . c( Par sa grâce ainsi Dieu m'a faite que votre misère
ne m'alteint pas, et que ne m'assaille point la fianune te
cet incendie".
S4. r son Béatrice, che ti faecio andare :
Vegno di loco ove tornar diiio :
Anior mi mosse, che mi fa pariare.
SS.Quando larô dinanzi al Signor mioT
Di te mi loderô sovente a lui*
Tacelte allora, e poi coiiiinda' io :
f6.0 donna di virtû, sola per cai
L' umana spezie eccede ogni contento
Da quel ciel, c'ha minori i cerchi sui :
17. Tanto m' agfçrada luo comandamenlo,
Che r ubbidir, se gH fosse, m' è tardi;
Più non t' è uopo aprirmi il tuo talento.
tS.lla dimmi Ui cagk», dit aan li
Dello scender quai^giaao in
Dali' ampio loco, ove tomar to
29. Da che tu toi lapor eotanto
Dirolti brevemente, mi rispaae,
Perch' io non temo di vanir. qm
80. Temer si deye sol di qneSe ooaa
C hanno potensa di fara akrmk
Dell' akre no, che non aoa pa
SI. l' son fatta da Dio, sua mereè,
Che la vostra miseria noa mi t.
Hè fiaauna d* ealo «a ftn diff mm
t
4
„ -■
CHANT DEUXIÈME. 351
32. «Dans le ciel est une femme bénigne ^, qu'émcnt de
tant de pitié Tempôchement où je t'enyoie, qu'elle a brisé
là-haut le dur jugement.
55. «Celle-ci, s'adressent à Lucia^^, Ta priée, disant :
•— Maintenant a besoin de toi ton fidèle, et je te le recom-
mande.
34. « Lucia, ennemie de tout ce qui est cmd, vint au lieu
où j'étais assise avec l'antique Rachel.
35. c< Elle dit : — Béatrice, vraie louange de Dieu", que
ne secours-tu celui qui t'aima tant que par toi il sortit de
la troupe vulgaire ?
36. «N'entends-tu point l'angoisse de sa plainte? Ne vois-tu
point la mort qui le poursuit sur la rive des eaux débordées,
l^s terribles que la mer?
37. «Nul au monde si prompt ne fut jamais à faire son
bien et à fuir son mal, qu'après ces paroles
38. « Je le fus à venir ici-bas de mon heureux séjour,
rine fiant au sage parler qui t'honore et ceux qui Tout ouï...
I 39. « Lorsque ainsi elle eut dit, pleurant elle tourna vers
I moi ses yeux brillants ; ce pourquoi plus encore je me hâtai
de venir :
40. « Et je vins h toi comme eUc le voulait, et te retirai
de devant cette béte qui du beau mont te fermait le plus
court chemin.
[HOonoa è g«itil nel del, che ti compiange
Bi questo impedhoento, ot* io ti mainlo,
l Si die doro giudkîo lanù firaage.
^ ^Qu^ chiese Liicia in suo diinando,
E disse : Or abbisogna il tuo fedeie
i Bi te, ed io a le io necoaiuido.
r U>Liicia nimica di ciascun crudeie
Si mosse, e venne al loco dov' io era,
Clieim sedea con l' aiitica Racheté.
iBOttse : Béatrice, loda di Dio vera,
Che non soccorri quel che t' amù tanto,
Ch* asdo per te délia volgare schiera ?
pilon odi tu la piéta del suo pianto?
Non vedi tu 1» morte dM '1 combatte
Su la fiumana, ov' il mai* non ha vanto ?
S7.A1 mondo non fur mai personc ralte
A far lor pro, ed a fuggir lor danno,
Com' io. dopo cotai parole faite,
SS.Vanni quaggiù dal niio beato scanno,
Fidandomi nel tuo parlareonesto,
(j'h' onora te e quei che udito 1' lianno.
39.Poscia che m' ebbe ragionalo qiiesto,
GH occhi lucenli lagrimando volse ;
Perché mi fuce del venir più presto :
40.Ë venni a te cosi, cum' ella vobe;
Dinanzi a quelia fiera ti levai,
Che del bel monte il corto andar U IûVm.
232 L'ENFER.
41. «Qu'est-ce donc? Pourquoi, pourquoi t'arrétes-tu?
Pourquoi héberges-tu tant de lâcheté dans ton cœur? Pour-
quoi manques-tu d'ardeur et de courage,
42. a Quand trois telles dames bénies ont souci de toi
dans le ciel, et qu'un bien si grand te promettent mes pa-
roles ? »
43. Comme les tendres fleurs inclinées et fermées par la
gelée nocturne, lorsque le soleil blanchit relèvent leur tige
et s'ouvrent :
44. Ainsi fut-il de mon courage lassé, et une ardeur si
vive me revint au cœur, qu'avec hardiesse je dis :
45. — compatissante celle qui m'a secouru ! et toi
courtois, qui as si vite obéi à ses paroles vraies !
46. Tu m'as, enflammant le désir, tellement par tes pa-
roles disposé le cœur au venir, que j'ai repris mon premier
dessein.
47. Va donc; à tous deux est un seul vouloir : toi guido,
toi seigneur, et toi maître I... Ainsi lui dis-je, et lorsqu'il
se mut.
J'entrai dans le chemin profond et sauvage.
il.Dunque che ë 7 perche, perché ristaïT
Perché Unta viltà nel core ailette ?
Perché ardire e franchezza non hai,
4t.Po8cia che tai tre donne henedette
Curan di te nella corte del cielo,
E il mio parbr tanto ben t' impromette T
4S.Quale i fioretti dal notlnmo gelo
Chinati e chiusi, poi che M Sol gl' imbianca.
Si drizzan tutti aperti in loro stelo ;
44.Tal mi fec' io di mia virtute stanca :
8 tanto buono ardire al cor mi corM,
Ch' i' eominciai corne penona franca :
iB.0 pietosa colei che mi •occone,
E tu cortese ch' ubbidisti tofto
Aile vere parole che ti porte !
i6.Tu m' hai con deaderio cor
Si al Tenir, con le parole tue,
Ch' io son tomato nel primo
47.0r va, chè un toi toléra è d*
Tu duca, tu ngnore e ta maetir».
Gosi gli ditsi, e pokbè motso Am,
Entrai p«r Io cammiB> aMo • iiliMUi*
CHANT DEUXIÈVE.
S."»
NOTES DU CHANT DEUXIÈME
1. Les fatigues du chemin, et les angoisses de la pitié que lui inspireront
les tourments qu'il verra.
2. Qui représente fidèlement les choses vues.
3. Énée.
4. Dieu.
5. Uhomme d'intelligence comprend qu'il n'y a rien là qui ne soit digne
de la Sagesse suprême.
6. Ces mots indiquent le but final des faveurs accordées à Énée, et de
tout ce qui fut accompli par lui & savoir, l'établissement futur du Siège apo-
stolique. « Rapporté à ce but, rien qui ne se comprenne, dit le Poëte, rien
foi ne soit digne de Dieu. »
7. La descente d'Ënée aux enfers, dans le sixième chant de l'Enéide.
8. Saint Paul qui fut, comme il le raconte lui-même dans ses Épitres, ravi
m troisième Ciel.
9. Ceux qui, ni sauvés ni damnés, sont comme suspendus entre le Ciel
et l'Enfer.
10. Quelques-uns pensent que Béatrice est ici le symbole de la Sagesse
dinne.
11. Le Ciel sublnnaire, plus étroit que tous les autres par lesquels il est
fioveloppé.
12. Les flammes de l'Enfer, à rentrée duquel sont situés les Limbes oi!i
ibiteTirgile.
13. La Clémence divine, selon les commentateurs ; — t empêchement ok
k tenwne, c'est-à-dire les empêchements qui arrêtent Dante, au secours
àe qui elle l'envoie.
14. Sainte Lucie, vierge et martyre, qu'on retrouve ensuite dans le Ciel,
assise en face d'Adam. — Parad. xxxu, ierc. 46. Elle parait être ici le sym-
bole de la grftce divine.
15. Comme Dieu ne peut être parfaitement connu que par sa propre in-
telligence, sa sagesse, que figure Béatrice, il ne saurait être dignement loué
que par elle.
^4
l'ErrFER.
CHANT TROISIÈME
1 . Par moi ron va dans la cité des pleurs ; par moi îon
va dans V éternelle douleur ; par moi Vom va éke% la rm
perdue.
2 . La Justice mut mon souverain Auteur : me firesU U
divine Puissance, la suprême Sagesse et le premier Amm.
3. Avant moi ne furent nuUes choses créées, mm ait
nelles^ et éternellement je dure : laissez toute espérmat^
vous qui entrez!
4. Ces paroles vis-je écrites en noir au-dessus d'une
porte ; ce pourquoi je dis : — Maître, douloureux m'en est
le sens.
5. Et lui à moi, comme personne accorte : «Ici l'on doit '
laisser toute crainte ; toute faiblesse doit être morte ici.
6. « Nous sommes venus au lieu où je t*ai dif que tu
verrais les malheureux qui ont perdu le bien de risteHh
agence. »
CANTO TERZO
i. Per me H V naïAdMà dolmUj
Per metivê. tulV tUsm dolorCt
Per me ii va ira la yerdula genXe.
s. Gitatiiia mosse il mio aUo fattore :
Fecemi la diiHna potealate.
La somma sapienza e il primo amore.
s.Difianzf a me non fur cose créait,
Se non eterne, ed io eterno duro :
lAUciiUe ogni spiranza, voi che enlrtUe.
A. Qaesttf parole di c«Ibm
Vid' io scriUe al somoM d* ana porta; i
Perch' io : Maestro, H senao Itr n^è don»
5. Ed egli a me, corne persona aoeorfa
Qui si convien lasciare ogni aospetio;
Oj(iii viUà convien che qui sia morta.
6. Noi sem venuti al loco ov' io t* ho <ieUe
Che tu vedrai le genti doloroae,
G' hanno perdulo il ben deU* mtffrttf
CHANT TROISIÈME. 235
lyant posé sa main sur la rniennc, d'un visage se-
mé ranima, il m'introduisit au dedans des choses
dans Tair sans astres, bruissaient des soupirs, des
de profonds gémissements, tels qu'au commence-
i pleurai.
cris divers, d'horribles langages, des paroles de
les accents de colère, des voix hautes et rauques,
Iles un bruit de mains,
isaient un fracas qui, dans cet air à jamais téné-
ns cesse tournoie, comme le sable roalé par un
1.
moi, dont la tète était ceinte d'erreur *, je dis : —
u'entends-je? et quek sont ceux-là qui paraissent
i avant dans le deuil?
lui à moi : « Cet état misérable est celui des tristes
vécurent sans infamie ni louange.
fêlées elles sont à la troupe abjecte de ces anges
ent ni rebelles, ni fidèles à Dieu, mais furent pour
iC ciel les rejette, pour qu'ils n'altèrent point sa
t ne les reçoit pas le profond enfer, parce que les
reraient d'eux quelque gloire*.
ma roano aUa mia pose,
Mo, Mid' io mi cootortni,
Iro aUe segreUî cote.
, pianti ed alli gtini
»r r .\er sciiza stelte,
»)iainciar ne \agntasn.
iCt orribih favelle,
lore, aceenli d' ira,
Khe, e suon di tnan con elle,
tnmnlto, il quai s' aggira
jeir aria senza tempo tinta,
qoaado il turbo spira.
11. Ed io. eh* av€i d* error la lesta ehrta,
Dissi : Maestro, che è quel cb* i* od»f
E cbe gent' è, che par nel duoi si Tinta t
I iS.Ed egfi a me. Questo misero modo
Tengon ranime triste di coloro
Cbe visser seiua mfamn • senza lodo.
13. Miscliiate sono a quel catlivo euro
Degli angeli che non furon ribcIU,
Mè fur fedeH n Dio, m» p«r se Toro.
li.Cacciarli i ciel per non esser men beUi,
Ne Io profondo infemo %U meN«^
Che alcuiut f^orà i m «n«\jb«c <S «âKi.
236 ^ L'ENFER.
15. Et moi : — Maître, quelle angoisse les fait se la-
menter si fort? Il répondit : « Je te le dirai très-briève-
ment.
16. « Ceux-ci n'ont point Tespérance de mourir, et leur
aveugle vie est si basse ' qu'ils envient tout autre sort.
17. « Aucune mémoire le monde ne laisse subsister
d'eux : la Justice et la Miséricorde les dédaignent. Ne dis-
courons point d'eux, mais regarde et passe ! »
18. Et je regardai,et je vis une bannière qui, en tournant,
courait avec une telle vitesse, qu'elle me paraissait condam-
née à ne prendre aucun repos.
19. Et derrière elle venait une si longue suite de gens,
que je n'aurais pas cru que la mort en eût tant défait.
20. Lorsque je pus en reconnaître quelqu'un, je vis et
discernai celui qui par lâcheté fit le grand refus ^.
21. Aussitôt je compris et fus certain que cette bande
était celle des lâches, en dégoût à Dieu et à ses ennemis.
22. Ces malheureux, qui ne furent jamais vivants ^
étaient nus et cruellement piqués par des taons et deî
guêpes
23. Qui sur leur visage faisaient ruisseler le sang, lequel,
tombant à terre mêlé de larmes, était recueilli par des vers
immondes.
15. Ed io : Maestro, che è tanto grève
A lor, che lamentar gli fa si forte ?
Rispose : Dicerolli molto brève.
l6.Que8ti non hanno speranza di morte
E la lor cieca vita è tanto bassa,
Che invidiosi son d' ogni altra sorte •
l7.Fama di loro il monde esser non lassa;
Misericordia e Giustizia gli sdegna :
Mon ragioniain di lor, ma guarda e passa.
l8.Ed io, che riguardai, vidi un' insegna,
Che girando correva tanto rattn,
Che d' ogni posa mi pareva indegna :
».E dietro le venia si lunga traita
Di gente, ch* io non averei creduto,
Che morte tanta n' avesse disfatta.
SO.Poscia ch' io v' ebbi alcun riconosciatOt
Guardai, e vidi 1' ombra di colui
Che fece per viltate il gran rifiuto.
SI. Incontanente intesi, e certo fui,
Che quest' era la setia dei cattivi
A Dio spiacenli ed a' nemid sui.
SS. Questi sciaurati, che mai non for vhi,
Erano ignudi, e stimolati molto
Da mosconi e da vespe ch' erra ivi.
SS. Elle rigavan lor di sangue il volto,
Che mischiato di lagriine, a' lor piedi
Da fastidiosi verrai era ricolto.
CHANT TROISIÈME.
237
24. Ayant ensuite regardé au delà, je vis des gens pres-
sés sur le bord d'un grand fleuve; ce pourquoi je dis : —
Vaitre, je te prie
25. Que je sache qui sont ceux-là, et pour quelle cause
Is ont tant de hftte de passer, comme je Taperçois à cette
aible lueur.
26. Et lui à moi : « Ceci te sera dit, quand sur les tristes
rives de l'Acbéron s'arrêteront nos pas.»
27. Alors, confus et les yeux baissés, craignant que mon
9ire ne lui eût déplu, je m'abstins de parler jusqu'au fleuve.
28. Et voici venir vers nous, dans une barque, un vieillard
blanchi par de longues années, criant: « Malheur à vous,
âmes perverses I
29. « N*espérez pas voir jamais le ciel ; je viens pour vous
mener à Tautre rive, dans les ténèbres étemelles, dans le
teu et la glace.
30. a Et toi que voilà, ftme vivante, sépare-toi de ces
morts !'D Et voyant que je ne m'en allais pas :
31. « Par d'autres chemins, dit-il, par d'autres bacs, tu
viendras à la plage pour passer; il convient que te porte une
oef plus légère, d
32. Et le Guide à lui : ce Caron, ne te courrouce point :
il est ainsi voulu, là où se peut ce qui se veut; ne demande
rien de plus. »
14.E poi che a riguardare oitre mi diedi,
Ykii geate alla rÎTa d' un gran fiumc :
Perch' io disâ : Maestro, or mi concedi
ES.Ch* io sappia quali sono, e quai costume
Le fa parer dl trapoSsar si pronte,
Com' K) discemo per Io fioco lume.
W. Ed egli a me : Le cose ti fien conte,
Quando noi fermerem li nostri passi
Sulla trista riviera d'Acheronte.
7. Allor con gli occhi vergognosi e bassi,
Temendo no 1 mio dir gli fusse grave,
Infino al flume di parlar mi trassi.
B.Éd eceo verso noi venir per nave
Un Tecchio bianco per antico peloi
Gridando : Guai a voi, anime prave t
fi9.Mon isperaie mai veder Io cielo :
I' vegno per menarvi ail' altra riva,
Nelle ténèbre eteme, in caido e in gelo:
SO.E lu che se' costi, anima viva,
Partiti da cotesti che son morti.
Ha poi ch' ei vide ch' io non mi partiva,
SI. Disse : Per altre vie, per allri porii
Verrai a piaggia, non qui : per passare,
Più lieve legno convien che ti porti.
52.E il Duca a lui : Caron, non ti crucciart;
Vuolsi cosi cola dove si puote
Ciô che si vuole, e più non dimandare.
238 L'EMFER.
35. Alors se dégonflèrent les joues laineuses au nodier
du marais livide, qui autour des yeux avait des cercles eor
flammés.
34. Mais ces âmes tristes, &tiguées et nues, changèrent
de couleur, et leurs dents claquèrent sitôt qu'elles ouïrent
les sévères paroles.
35. Elles blasphémaient Dieu et leurs parents,'la' race hu-
maine, le lieu, le temps où elles naqiiirent, la semence de
laquelle elles germèrent.
36. Puis, toutes ensemble^ elles se retirèrent près de
la rive maudite où vient tout homme qui ne craint pas
Dieu.
37. Caron, d*un signe de ses yeux de braise, les rassem-
ble toutes, et frappe de sa rame quiconque s'attarde.
38. Comme, Tune après Tautre, en automne, les feuilles
se détachent afin que le rameau rende à la terre toutes ses
dépouilles,
39. Pareillement, au signe du nocher, comme Toiseau à
rappel, se jetaient de la rive, une à une, les âmes mauvaises
de la race d'Adam.
40. Ainsi elles s'en vont par Feau noirâtre, et avant
quelles soient descendues sur Fautrebord, sur celui-ci se
rassemble encore une nouvelle troupe.
SS.Quinci for quête le lanose gote
Al nocchier délia Ihrida palude,
Che 'ntomo agli occbiavea di fiamme rote,
Si. Ma queir anime ch* eran laase e nude,
Gangiar colore, e dibattero i denli,
R .tto cite 'nieser le parole crude.
«
SS.Besteramiavano Iddio e i lor parenti.
L' umena specie, il luogo, il tempo, e il
Di lor semenza e di lor nascimenti. [sene.
36.Poi si rilrasser tiitte quanle insieme.
Forte piangendo, alla riva malvaglia.
Ch' attende ciascun uom che Dio non teme<
ST.Caron dimonio con oeefai di br^ia,
Loro accennando, tutte le raccoglie;
Batte col remo qualunque s* ad^ia.
SS.Come d'aulunno si levan le foglie
L' una appresso dell' altra inOn cbe 1 twê^
Rende alla terra tulte le sue spogbe;
59. Similemenle il mal semé d'Adamo :
Gillansi di quel lito ad una ad una
Per cenn,i com' augel per suo richiaino.
iO.Cosi sen vanno su ppr 1* onda bmiu»
Ed avanii che sian di là diseese.
Anche di qua nuova schiera s' aduna.
ghânt troisième.
939
41« a Mofl fils, dit le Maître courtois, tous ceux qui meu-
rent dans rire de Dieu, il faut qu'ici de toute contrée ils
Tiennent :
42. «Et tant de hâte ils ont de passer le fleuve, parce que
tellement les point Taiguillon de la justice divine, que la
crainte se change en désir.
45. « Par ici jamaÎB ne passe aucune âme pure : d'où, si
Caron se plaint de toi, tu peux maintenant comprendre le
sens de ses paroles. »
44. Cela fini, la sombre campagne trembla si forte-
ment que le souvenir de mon épouvante me baigne encore
desHeur.
45. De la terre trempée de larmes sortit un tourbiUoD
ùllonaé d'édairs d'une luenr rouge, lequel m'6ta tout sen-
tlMBt,
& je tombai comme un homme pris de sommeil.
H.r^aol mio, disse il Maestro cortese,
QmUI che muoion nell' ira di Dio
l Totti convegnon qui d' ogni paese ;
pl'Eprootiaono a trapassar lo rio,
Chè h divina giustixia li sprona
Si, che la tema si volge in disio.
tt*Q«iiaâ non passa mai anima buona ;
E p«'6 se Caron di te si lagna,
^ pQoi saper omai che '1 suo dir suona.
I 4I.Finito questo, la buia campsgna
Tremô si forte, che dello spavento
La mente di sudore ancor mi bagna.
45.La terra lagrimosa diede vento,
Che balenô una luce vermigiia,
La quai mi vinse ciascun sentimento ;
E caddi, come 1' nom cui sonno piglÎA
i
■I ;.
f . .
SM t'ENFER.
NOTES DU CHANT TROISIÈME
1. Erreur a ici le sens de stupeur et d'ignorance.
2. Parce que les damnés éprouYeraient quelque sentiment d'orgiu
se comparant à ces misérables.
3. c ... Leur obscure vie est si abjecte. »
4. L'opinion la plus commune est qu'il s'agit ici de Pierre Morone, ei
et ensuite pape sous le nom de Gélestin Y. Circonvenu par des ioti
pleines de mensonge et de fraude, il abdiqua la papauté ; et son succe
Bonirace YIII auteur de ces intrigues, le fit enfermer dans une prise
1 mourut
CHANT QUATRIÈME.
24i
CHANT QUATRIÈME
i tonnerre horrible rompit dans ma tète le profond
1, de sorte que je revins à moi comme quelqu'un ré-
î force:
levé debout, je mus alentour mes yeux reposés, et
dais fixement pour connaître le lieu où j'étais.
.y de vrai, je me trouvai sur le bord de Tabime de
, où retentit le tonnerre d'infinis hurlements.
obscur était'il, et profond, et sombre, que jetant
ards au fond, je n'y discernais aucune chose.
Voilà que nous descendons dans le monde téné-
iit le Poëte tout pâle : je serai le premier, et tu
second ^ »
moi qui de sa pâleur m'aperçus, je dis : — Com-
û-je, si tu t'épouvantes, toi, l'ordinaire confort de
intes ?
CANTO QUARTO
r alto lonno nella testa
tuono, si ch' io mi riscossi,
sona che per forza è desta;
riposato intorno mossi,
ito, e tiso riguardai
icer lo loco dov' io fossi.
e in su la proda mi trovai
i d' abisso dolorosa,
) accoglie d' inliniti guai.
«.Oscura, profond' era, e nebulosa
Tanto, che per ficcar Io viso al fonde,
V non vi discemea veruna cosa.
5. Or discendiam quaggiù nel cieco monde,
Incominciô il Poeta tutto smorto :
Io sarô primo, e tu sarai seconde.
6.Ed io, che del color mi fui accorto,
Dissi : Corne verrô, se tu i^seivVx
Che suoli al mlo dubbvaxe essev cotv1nT\^1
Kk
i
912
l'EKTER.
7. Et lui à moi : « L* angoisse de ceux qui sont e»
empreint mon visage de cette pitié que lu prends pou
la frayeur.
8. «Allons! la longue route nous presse. » Ce disant, î
tra et me fit entrer dans le premier cercle qui ceint Tabî
9. La, selon qu'en jugeait l'ouïe, point de gémisseme
mais des soupirs dont frémissait Taîr éternel.
10. Et ces soupirs venaient de la tristesse, toutefois
souffrances *, que ressentaient des troupes nombreuse
d'enfants, et de femmes, et d'hoddmes.
11l Le bon Maître me; dit: a Tu ne demandes f
qui sont ces esprits que tu vois? Or, avant d'aUer plus 1
je veux que tu saches
12. m Qu'ils ne péchant point.: mais, si leurs œv
furentbonnes, cela ne suffit, parce qu'ils ne reçurent [
le baptême, qui est la porte de la foi que tu crois.
15. « Ayant vécu avant le christianisme, ils a adoré
point Dieu dûment, et je suis moi-même de ceux-là.
14. c( Pour ces choses qui nous ont manqué, non ]
autre crime, nous sommes perdus, et notre seule peine
de vivre dans le désir sans espérance. »
15». Une grande tristesse me prit au cœur lorsqu
l'entendis ; car je reconnus des gens de haute valeur s
suspendus '.
7. Ed egli a me •' L' angoscia delle genti
Che son quaggii'i, nel viso mi dipigne
Quella pietu, che tu per tema sentL
S.Andiam, che la via lunga ne sospigne.
Cosi si mise e cosi mi (e entrare
Nel primo cerchio che V abisio cigneu
9. Quivi, secoMdo ebe p«r aseokare,
Non avea pianlo ma che di sospiri,
Che r aura eterna face van tremare :
lO.E ciâ avveniva di d«ol senia martîri,
Ch'avean le lurbe, eh' eran moite e grandi,
£ d' infanti e di femmine e di viri.
iULo buon Maestro a me : Tu aon dimandi |
Che spiriti son questi che tu vedi?
Or vo' che sappi, innanzi che più a
iS.Cb' ei non pecearo : e s' elli hanno dm
Hoir basta, percb' ei non ebber bat
Che è porta délia Fede che tu cred
iS.E se furon dinanzi af <
Non adorar debitamenie IMo :
E di questi cotai son io
14. Per tai dtTetrf, e non per allM n»
Semé perduti, e sof di taurte
Che sei»a speme vitenn m
15. Gran duolmi prêt* al eor <
Perocchè-Ronic di la^o mUra
Gonobbà che in qad tebo ena m
CHAMT QUATRIÈME. ÎI5
16. — Dis-moi, mon Maître, dis-moi, Seignem*, com-
'neDçai-je, voulant être certain de cette foi qui vainc toute
erreur :
47. Aucun jamais, par ses mérites ou les mérites d'au-
Imi, sortit41 d'ici pour être heureux ensuite?
18. Et lui, qui comprit mon parler couvert, répondit :
*«iJ'étais nouveau en ce lieu, lorsque j'y vis venir un Puis-
sant, couronné du signe de la victoire ^.
i|9. « Il en tira l'ombre du premier père, d'Abel son fils,
cdle de Noé et celle de Moïse, législateur et obéissant;
30. « Le patriarche Abraham et le roi David ; Israël, et
im père et ses enfants, et Rachel pour qui tant il fit ' ;
21. «Et beaucoup d'autres, et les fit heureux; et je veux
fK'tu saches qu'auparavant les âmes humaines n'étaient
ftt sauvées. »
22. Nous ne cessions point d'aller pendant qu'il parlait,
■ais nous traversions la forêt, je dis l'épaisse forêt des
«prits.
23. Nous n'avions pas encore descendu beaucoup au-
fosoos du sommet, quand je vis un feu rayonnant autour
ton- hémisphère de ténèbres.
24. Nous en étions encore un peu loin, mais non pas
tM que je n'y discernasse en partie qu'une gent illustre
occupait ce lieu.
M*DiaB|i, iMititi mi», ilinran. SigiMMv,
f w i i atf io, per ▼oler tmer certo
Di qoeUa fade «he viaoe ogni arrora :
n'OMuoe mai alcano, o per svo merto,
Aferdtnri, che poi fosse beatoT
S 9« ^e *iAese il mio parlar corerto,
IS.liipMe : lo en nuovo in queato sUlo,
QuÛKio ci vidi venire un Possente
Cca i^jao di vittoria iocorooato.
*>'ftiMadf eaa h r a dd primo parante,
•V Abal MO ficlîo, e queUa di Hoè,
K Mêlé Jefiitta e Abediente;
•ilbrampalriarâi, e DrodTC,
brael cm •«• pedre, e eoP auoi nali,
B «on Raebele, per oui tanto fe,
Sl.Ed altri moHi; e feceli beat! :
E vo' che sappi che, diiianii ad east,
Spirili nnani sm» eran salvati.
fl.Mon laaciavam Fandiir, percb' ei dieess*.
Ma passavam la selva tuttavia,
La selva dico di spirili spessi.
S5.Nen era lunga auor la so^tra via
Di qua dal soramo, quand' io vidi un fuoco,
Gh' emisperio di ténèbre vincia.
tk.m lungi n* eravamo ^incora un poco,
Ma non si ch' io non discernessi ia ^«xV&«
Che orretol feiAe ^«se^tBL c^asW^tn.
214 L'ENFER.
25. — toi, qui honores toute science et tout art, qui
sont ceux-ci que sépare des autres Thonneur qu'on leur
rend?
26. Et lui à moi : « Leurs noms glorieux, dont retentt
le monde où tu vis, leur acquièrent dans le ciel la faTev
qui tant les élève. »
27. Lorsque j'entendis une voix : «c Honorez le gmi
Poète! son ombre qui était partie revient *. x>
28. Lorsque la voix se tut, je vis quatre grandes ombfM
venir à nous; elles ne semblaient ni tristes, ni joyeuses.
29. Le bon Maître me dit : « Regarde celui qui, Kf»\
cette épée en main, marche comme seigneur devant kl
autres.
30. « Celui-là est Homère, le poète souverain, et Fautn,
qui vient ensuite est Horace le satirique; Ovide est le troi-'
sième, et le dernier, Lucain.
31. «Quoiqu à chacun d'eux, comme à moi, convienne b
nom qu'a prononcé la voix seule '', ils m'honorent et es
cela ils font bien. »
32. Ainsi je vis se rassembler la belle école du roi def
chants élevés ^, qui au-dessus des autres vole comme Taigla*
33. Lorsqu'ils eurent ensemble un peu discouru, ils se
tournèrent vers moi, me saluant du geste, et mon Haitrfj
en sourit :
fB.0 tn, che onori ogni scienza ed arte,
Qoesti chi son c' hanno cotanta orrania,
Che dal modo degli altri li diparte?
U.E quegli a me; L' onrata norainanza,
Che dt lor suona su nella tua vita,
Grazia acquisia nel ciel che si gli avanza.
ST.Intanto voce fu per me udita :
Onorate 1' altissimo Poeta :
L' ombra sua toraa, ch' era dipartita.
SS.Poicbè la voce fu restata e quêta,
Vidi quattro grand' ombre a noi venire :
Sembianza avevan ne trista né lieta*
29. Lo buon Maestro comindommi a dire :
Mira eolui oon q[ueUa spadaia
Che vien dinansi i^ tre d ooœe
SO. Quegli è Omero poeta soTraao»
L' altro è Orazio satire che Tiene,
. Ovidio è il terzo, e V ultime è
Sl.Perocchè ciascun meco si connene
Nel nome che sonô la voce sola,
Faimomi onore, e di dô fanao beat
SI. Cosi TÎdi adunar la bella scDob
Di quel signor dell* altiasimo canton
Che sovra gU altri com' aqofla ^roli.
SS.Da ch' ebber ragionato intieme
Tolsersi a me con sahitevol o«— .
B il Doio Maeitro sorriM di taou».
CHANT QUATRIÈIfE. S»
34. Et plus d'honneur encore ils me firent, me recevant
lans leurs rangs, de sorte que je fus le sixième parmi ces
[randes intelligences.
. 35. Ainsi allftmes-nous jusqu'à la lumière', parlant de
lioses qu'il est bien de taire, comme il était bien là d'en
nrler.
36. Nous vînmes au pied d'un noble château, sept fois
^i de hautes murailles, et entouré d'un gracieux petit
leoye.
37. Nous le passâmes comme une terre ferme : j'entrai
Mr sept portes avec ces sages, et nous arrivâmes dans une
nrairie d'une fraîche verdure.
38. Là étaient des gens aux regards lents et graves, de
grande autorité dans leur apparence : ib parlaient peu et
l'une voix douce.
39. Nous nous retirâmes à part, en un lieu ouvert, lu-
nineux et haut, de sorte que tous se pouvaient voir.
40. Là, devant moi, sur le vert émail, me furent mon-
rés les grands esprits, et de leur vue encore en moi-même
e m'exalte.
41. Je vis Electre ^^, accompagnée de beaucoup d'au
très, parmi lesquels je reconnus Hector, et Énée, et César
mné de ses yeux d'épervier.
I^K piA d* onure anconi aisai mi fenno,
Qi' eni mi fecer detta loro ichien,
Sieh'io foi seslo tra ootanto senno.
' 'Coria'aadammo Infino alla himierat
' 'Vlttdo coae, che il tacere è bello,
Sieott* en il parlar cola dov' era.
ll'Tcoiiaao appiè d' un nobile casteUo,
^*^ îoHe cerchiato d' alte mura,
IKbio intonio d' un bel fiumicello.
'•HûMopaisamino corne terra dura,
^ Mtte porte û^rai con questi savi :
fl^gaaMno in prato di fresca verdura.
SS.Genti ▼* eran con occhi tardi e gravi,
Di grande autorità ne' lor sembianti :
ParlaTan rado, con voci soavi.
89.Traemmoci cosi d' ail un de' canli
In luogo aperto, luminoso ed alto.
Si che Teder si potën tutti quanti.
iO.Golà diritto, sopra il verde smaltOf
Mi fur roostrati gli spiriti magni,
Che di vederli in me atesso m' eiaUo.
4i.Io vidi Elettra con molti compagni.
Tra' quai conobbi ed Ettoie ed Enea,
Gesare armato con occhi grifagni.
u.
42. Je vis Camille" et Penthésilée^de rautrecôté; je
vis aussi le roi Latinus assis avec sa fiile Lavime.
43. Je vis ce Brutus qui chassa Tarqtun, Lucrèce,
Jolia ^*, Marzia ** et Cornelia ", et, seul à Técart, Safa-
din".
44. Puis ayant levé un peu plus les yeux, je vis le nidtre'
de ceux qui savent ", assis au mîUea de la famille phikh
•ophique.
45. Tous l'admiraient, tous lui rendaient honneur. Là
je vis Socrate et Platon, qui se tiennent plus près de lui que
les autres ;
46. Démocrite, qui soumet Tunivers au hasard; Ko-
gène, Anaxagore et Thaïes; Empédocle, Heraclite et Ze-
non;
47. Et je vis celui qui si bien décrivit les vertus des
plantes, je veux dire Dioscoride ; je vis Orphée, Tullius et
Livius ^®, et Sénèque le philosophe moral;
48. Euclide le géomètre, Pto lamée**, Hippocrate, Avi-
cenne ^ et GaUen, Averroès " qui fit le grand CommeO'
taire.
49. Je ne saurais les nommer tous, car tellement me
presse mon long sujet, que maintes fois le dire reste en
arrière des choses.
4t.Vidi GamiOa e la Pentegilea
Dair allra parte; e vidi il re Latino,
Che con Lavinia sua figlia sedea.
ISiTidi (|uel fimto che caccià Tarquino,
Luci ezia, Julia, Marzia e Corniglia,
B solo in parte vidi il Saladino.
4.Pui che innalzai un poco più le ciglia,
Vidi il Maestro di color che sanno,
Seder tra lilosofica famiglia.
4B. Tutti Tammiran, tutti onor gli fanno.
Quivi vid' io e Socrate e Platane,
Che iniianzi agli altri più presso gli stanno.
I 46. Democrito, che '1 mondo a caso pone,
Dio^enes, Anas&agora e Taie,
Empedocles, Eraclito e Zenone.
47. Ë vidi il buono accojilitor del qnale»
Dioscoride dico; e vidiOrieo,
Tuilio e Lino e Seneca morale :
48. Euclide georoétra e Tolomineo,
Ippocrate, Aviceiina e Galieno,
Averrois, che il gran comento feo.
49. Io non posso ritrar di tutti appicao,
Perocchè si mi caccia il lungo iema,
Che moite volte al fatlo il dia vioi i
CHANT QUATRIËME. 347
La troupe des six en deux se sépara : le sage Guide,
le autre route, me conduisit, hors de Tair tranquille,
air qui frémit »
le vins en un lieu où rien ne luit.
la eompupiia m duo ê\ scemi : i Pdor delta quela netP mra «he tréma:
n via mi mena il unrio Duca, I
veojto in parte, ove non è che Inca.
V» L'SNFER.
NOTES DU CHANT QUATRIÈME
1. «Je te précéderai et tu me suivras, b
S. Ce que les théologiens appellent la peine du dam.
5. Dans un état intermédiaire entre le salut et la damnation.
4. Le Christ triomphant.
5. Pour l'obtenir de son père Laban, Jacob» comme le raconte la GonèiSi
le servit pendant quatorze ans.
6. A la prière de Béatrice, Virgile, comme on l'a vu, avait quitté Iv
Limbes pour aller au secours de Dante.
7. Le nom de poète.
8. Homère.
9. Le feu dont il a parlé plus haut.
10. Fille d'Atlas, laquelle eut, de Jupiter, Dardanus, fondateur de Troift
11. Fille de Métabus, roi des Volsques. — - Voyez ch, i, tere. 36.
12. Reine des Amazones, tuée par Achille.
13. Fille de César et femme de Pompée.
14. Femme de Caton d'Utique.
15. Fille de Scipion l'Africain, et mère des Gracqnes
16. Soudan de Babyione.
17. Aristote.
18. Cicéron et Tite-Live.
19. Astronome et géographe, connu par le système du monde qui ^
ton nom.
20. Médecin arabe qni florissait vers le milieu du onzième siècle.
21 . Averroès, philosophe arabe, et célèbre commentateur d'Aristote
CHAUT CINQUIÈME.
219
CHANT CINQUIÈME
1. Ainsi descendis-je du premier cercle dans le second,
qui enserre moins d'espace et plus de douleur, et telle que
ses pointes arrachent des cris.
3. Là siège Minos, d'horrible aspect et grinçant des
dents : il examine les fautes à l'entrée, juge et envoie au
Heu qu'il désigne en se ceignant.
3. Je dis que quand Tâme mal née vient en sa présence,
pleinement elle se confesse; et ce juge des péchés
4. Voit quel lieu de Tenfer lui est destiné : il se ceint de
sa queue autant de fois qu'il veut qu'elle descende de degrés.
5. Toujours devant lui il en est beaucoup : chacune à
son tour va au jugement : elles parient, elles écoutent, puis
sont poussées en bas.
6- Suspendant, lorsqu'il me vit, l'exercice de sa haute
fonction : « toi, me dit Minos, qui viens en la demeure
douloureuse.
CANTO QUINTO
'•^ discesi del carchio primaio
^aiiel lecondo, che men loco cinghia,
E t^Dto più dolor, che punge a guaio.
'•otani Wnos orribilniente, e ringhia :
«xiùna le eolpe nell' entrata,
«iudica e manda, seconde che a^vinghia.
S>IMco, che quando T anima mal nata
Li Tien diiianzi, totla si confessa;
S qud conoscitor délie peccata '
4. Vede quai loco d* inferno ë da essa:
Cignesi colla coda tante voile,
Quantunque gradi vuol cbp %ià sia m<
5.Sempre dinanzi a lui ne sta^no moite :
Vanno a vicenda ciascuna ul giudizio;
Dicono, e odono, e poi scn giù voile.
6. lu, che vieni al doloroso ospisio,
Gridô Minos a me, quando mi vide*
Lasdando T alto di cotanto ufdzio,
.' ■>
250
L'EKFER.
7. c( Regarde bien comment tu entres, et à qui tu te fie
que ne t*abuse point Tampleur de Tentrée.» Et mon Gui
à lui : « Pourquoi grondes-tu?
8. «Ne t'oppose point à son aller fatal : ainsi est vou
là où se peut ce qui se veut. N*en demande pas davantage!
9. Lors commençai-je d*entendre les accents plaintif
lors de grands pleurs frappèrent mon oreille.
10. Je viens en un lieu muet de toute lumière*, q
mugit comme la mer pendant la tempête, lorsqu'elle e
battue des yeais contraires.
i 1 . L'infernal' ouragan, qui Jamais ne s'arrête,, empor
les esprits dans sa course rapide, et, les. roulant, les firoi
saut, les meurtrit.
42. Lorsqu'ils arrivent au bord escarpé, là les cris, et 1(
gémissements, et les hurlements; là ils bl^hèment i
puissance divine.
15. J'entendis qu'à ce tourment étaient condamnés k
pécheurs charnels, qui soumettent la raison à la convoitise
14. Et comme, dans la froide saison, le vol des étour
neaux les emporte en bandes épaisses et larges, ainsi a
souffle emporte les esprits mauvais.
15. D'ici, de là, en haut, en bas, jamais ne les conforta
aucune espérance, non^seulement de repos, mais d'an(
moindre peine.
T.Guarda com' eutri, e di eut tu ti fide ;
Non l' inganni l'ampiezza dell' entrare.
E ii Duca mio a lui : Perche pur gridef
8. Non hnpedir lo suo fatale andare:
Vuoisi cosi roià, dove si puote
Ciô che si xuole, e piû non dimandare.
•uAra iacDHinctan le dolearti aete
A (armisi sentire : or son tenuto
Là dove mollo pianio nu percote.
10. r venni in loco d' egni luce mato,
Che mugghia corne fa mar per tempesta,
Se da.coMtrari venti c combattuto.
11. La b uffera inlerul, che mai non mU,
Mena gK spirti con la sua rapina,
Vollando e percotendo Ii molesta.
iS.Quando giungon davanti alla ruina,
■ Qaivi le strida. il compianto e il hantn/i^
Beslemmian quivi la virtù divina.
ISwIntesi che a cosi (atte tormealo
Eran dannati i peccetor eannfi,
Che h ragian senMmettéM» al t a ieMl o »
14. E cerne gli stornei ae fKMflan l' ali,
Nel rreddoléiii{#o« a achier»Jarga e p**^
Ceci quel tialo gli «piriti anli :
15. Di qiMa^ di là, di giù, di su gli men«;
Nulbi speranza gli conforta mai,
Non elle di posa, ma di ■
CHAUT GIftQUIÈME. iM
16. Et comme les grues Yont chantant leur lai, se for-
mant dans Tair en une longue ligne; ainsi vis-je venir,
poussant des cris,
17. Les ombres emportées par ce tourbillon. Ce pour-
quoi je dis : — Maître, quelles sont ces âmes qu ainsi châtie
Tiir noir?
18. K La première de celles dont tu fenquiers, ine dit-
il alors, fut reine de beaucoup de langues ';
19. « Dans le vice de luxure elle fut si plongée, que^ par
sa loi, ce qui plait elle le fit licite^ pour échapper à l'infamie
où elle était conduite.
20. c( C'est Sémiramis, de qui on lit qu'elle fut épouse de
Nious et lui succéda; elle possédait la terre que régit le
Soudan.
21 . a L'autre est celle qui, infidèle aux cendres de Sichée,
se tua par amour' ; puis vient la lascive Cléopâtre. »
22. Je vis Hélène, cause de tant de maux, et je vis le
grand Achille qui par l'amour enfin périt.
23. Je vis Paris, Tristan*; et plus de mille ombres il
M nomma et me montra du doigt, qu'amour fit sortir de
notre vie.
24. Lorsque j'eus ouï mon Maître nommer les femmes
vitiques et les cavaliers, je fus pris de pitié et comme
éperdu.
K-E coiM i fni rm cantando lor lai,
Fiieendo in aer di se hmga riga ;
Cosi vid' io venir -traeado guai,
^7.0iid)re portale dalla detta briga :
f^reh'io dissi : Maestro, cbi son quelle
Genli, clie 1' ner nero si gastiga ;
*'-U prima di color, di cm uo/eUe
Tu wuû saper, mi dis«e quegli allottat
Vn imperathce di molle faveliç.
**•& Tiiio di lassuria fu si rotta,
Cbe libilo fe licite in sua iegge,
^vtorre il biasmo, in che era condotta.
*-Ql' è SeaBirenis, di cai si Iegge,
Che sucoedfltte a Nino, e fii sua sposas
Tmum la terra» ehe '1 Soldan corregge.
tl.L' altra è oolei, ebe s* ancise amorosa,
E ruppe fade al cener di Sicheo;
Poi è Cleopatràs lussuriosa.
SI. Elena vedi, per cui lanto reo
Tempo si volse, e vedi il grande Achille»
Che con amore al fine combatleo.
23. Vedi Paris, Tristano... e più di niifle
Ombre mostrommi, e nominoUe, a dito,
Ch' amor di noslra viia dipartille.
Si.Poscia ch* i* ébbi il mio Dottore udîlo
Nomar le donne antiche e i cavalieri,
PieU ni vinse, e ftii (^uaai vmaKnUu
J2S3
L'EI9PER.
25. Je commençai : — Poète, volontiers parlerai-je à
deux qui vont ensemble ^ et paraissent si légers au venl
26. Et lui à moi : « Attends un peu qu'ils soient ]
près de nous ; prie-les alors par cet amour qui les empor
et ils viendront. »
27. Sitôt que le vent les amène vers nous, j'élèv
voix : — âmes en peine, venez nous parler, si un ai
ne le défend!
28. Comme les colombes que le désir appelle, les a
déployées, et d'un vol ferme traversant les airs, vienn
au doux nid ;
29. Ainsi ces deux âmes sortent de la troupe où
Didon, et viennent à nous par Tair malin; si fort fut le
aflectueux :
30. « gracieux et bon, toi qui, à travers lair noirâi
viens nous visiter, nous qui teignîmes le monde de sang
31 . « Si nous était ami le Roi de Tunivers, nous le pi
rions de te faire paix, à toi qui as pitié de notre tri
sort.
32. «Nous écouterons ce que vous voulez dire, et v
dirons ce qu*il vous plait d* entendre, tandis que le v
se tait.
33. « La terre où je naquis borde la mer où descem
Pô, pour s'y reposer avec son cortège '.
r .V cominciai : Poêla, volentieri
Parlerei a que* duo, che insieme vanno,
E paion^si al vento esser leggieri.
S . Ed egli a me : Vedrai quando saranno
Più presse a noi ; e tu allor li prega [no;]
Per quell' amor cbe i mena; e quei verran-
27. Si tosto come il vento a noi ii piega,
Uossi la voce : anime affannate,
Tenile a noi parlar, s* altri noi niega.
SS.Quali colombe dal disio chiamate,
Con r ali aperte e ferme, al dolce nido
Volan, per l' aer dal voler portate ;
S9.Cotali Qscir délia schiera ov' è Dido,
A noi venendo per l' aer maligno.
Si forte fu 1* afléltuoso grido.
50. animal grazioso e benigno,
Che visitando vai per l' aer perso
Moi che tignemmo il mondo di sangi
Si. Se fesse amico il Re dell' universo,
Noi pregheremmo lui per la tua pac*
Poi c* bai pietà del nostro mal perv*
51. Di quel clie udire e cbe parlar ti pis
Noi udif emo e parleremo a vui,
Mentre che '1 venio, come fa, si tace
53.Siede la terra, dove nala fui,
SuUa marina dove il Po discende
Per aver pace co' seguaci sui.
CHAKT GINQUIËHE.
34. « L'amour qui si vite s'empare d*un cœur tendre,
éprit celui-ci du beau corps qui m'a été enlevé; et la ma-
nière m'est encore amère.
55. « L'amour qui ne permet point à l'aimé de ne pas ai-
mer, m'éprit pour celui-ci d'une passion si forte que main-
tenant même, comme tu le vois, elle ne m'abandonne
point.
56. « L'amour nous conduisit à une même mort : Caîna '
attend celui qui éteignit notre vie. » D'eux nous furent por-
tées ces paroles.
37. Lorsque j'ouis ces âmes blessées, je baissai la tète,
et la tins baissée jusqu'à ce que le Poète me dit : « Que
penses-tu?»
38. Je répondis: — Hélas! que de doux pensers, quel
ardent désir a mené ceux-ci au douloureux passage I
39. Puis me tournant vers eux, je parlai et dis : —
Francesca, tes souffrances me touchent et m'attristent jus-
(p'aux larmes.
40. Mais dis-moi : Au temps des doux soupirs, à quoi et
comment amour te fit-il connaître les douteux désirs?
41 . Et elle à moi : « Nulle douleur plus grande que des
temps heureux se ressouvenir dans la misère; et cela ton
Maître le sait •.
S^Amor, ehe al cor gentil rattot'!q>praule,
^f^ cottai délia bella persona
Che mi fa (oita, e '1 modo ancor m*offende.
'^AoM», ch* a nullo amato amar perdona,
V prose del costui piacer si forte,
^, corne vedi, ancor non m' abbandooa.
S^Amor c(mdasse noi ad nna morte :
^^ attende cbi in vita ci spense.
Queste parole da lor ci fur porte.
''•^a che io intea quelle anime offense,
Chinai il viso. e tanto il tenni basso,
Fiochè '1 Poeta mi disse : Che pense?
SS.Quando rispoei, eomineiai: lasso^
Quanti dolci pensier, quanto disio
Menô costoro al doloroso passe I
SO.Poi mi rivolsi a loro, e parla' io,
E comindai : Francesca, i tuoi martiri
A lagrimar mi fanno tristo e pio.
40.11a dimmi : al tempo de' doici sospir^
A che e corne concedette Amore,
Che oonoscesle i dubbiosi desiri?
41. Ed ella a me : Nessnn mag^ior dolore^
Che ricordarsi del tempo felice
Nella miseria-, e c\6 lai'VVxxo I^XXora*
A A
V^
i.- -:
254
L'E»FER.
42. (c Mais puisque tant tu désires conualtre de n<
amour la première racine, je le dirai, comme qui di
pleure.
43. c< Un jour, par plaisir, nous lisions de Lancelot, o
ment Tamour Tenserra de ses liens; nous étions seul
sans aucune défiance.
44. « Plusieurs fois cette lecture mut nos regards et d(
lora notre visage; mais un seul moment nous vainquit.
45. «Quand nous lûmes comment les riantes lèvres d
r«es furent baisées par un tel amant, celui-ci, qui jan
de moi ne sera séparé,
46. « Tout tremblant me baisa la bouche : Galeotto ^® p
nous fut le livre et qui récrivit; ce jour nous ne lûmes
plus avant. »
47. Pendant qu'ainsi parlait Tun des esprits, Tai
pleurait tellement que de pitié je défaillis, comme si je
mourais ;
Et je tombai comme tombe un corps mort.
4 2. Ma se a conoscer la prima radice
Del nostro amor lu hai cotanto affetto,
Faro corne colui clie piange e dice.
.Noi leggevaino un giorno per diletto
Di L<'<ncillollo, coiiie araor lo strinse:
Soli eravamo e senz* alcun sospetto.
4i.Per più fiale gli occhi ci sospinse
Quella lettura, e scoloi occi il viso :
Ma solo un punto fu quel che ci TinM.
ié» Quando leggeouno il disiato riso
Bsser bacialo da cotanto amante,
Questi, che mai da me non fia divisi
46. La bocca rai baciô tutlo Iremante:
Galeotto fu 1 libro e chi lo scrisie:
Quel giorno più non vi leggemmo a
47.1lenlre che V uno spii-to questo ditsi
L' altro piangeva si, che di pietade
l' venni men cosi com' io moriste;
E caddi, corne corpo morto cadt.
CHANT CINQUIÈME.
3S5
m
NOTES DU CHANT CINQUIÈME
i. Voyez ch. h terc. 20, note 1.
2. Allusion à Babel, où s'opéra, selon la Bible, la confusion des langues
et la séparation des peuples.
3. Didon.
4. Neveu de Haro, roi de Gornouailles, et le . premier des chevaliers
errants qu'Arlbus, roi de Bretagne, avait rassemblés à sa cour. S'étant épris
d'Isotta, femme de Marc, celui-ci les surprit ensemble, et frappa en trahison
Tristan, qui mourut de sa blessure peu de jours après.
5. Francesca Halalesta et Paul Malatesta, soa beau-frère. Francesca,
remarquable par sa grande beauté, était fille de Guido da Polenta, seigneur
de Ravenne, et mariée à Lanciotto ou Lancillolto, fils de Malalcsta, seigneur
deRimini. Lanciotto avait de la valeur, mais il était laid et contrefuil; tandis
<iae son frère, au contraire, était doué de tous les dons extérieurs. Epris
poar sa belle-sœur d'un amour partagé, ils furent surpris par le mari, qui
les tua tous deux d'un seul coup.
6. Par cet amour pour lequel ils sont condamnés à être éternellement
emportés par le tourbillon.
7. Ses alTluents.
8. Lieu de l'Enfer, oCi sont punis, avec Gain, les fratricides.
9. Yirgilc, jadis heureux dans le monde, sentait, lui aussi, avec tristesse,
^ privation du Ciel.
iO. Galeolto, dans le roman, fait l'office d'entremetteur entre Lancetot
^ GineTra,
256
L'ENFEB.
CHANT SIXIÈME
1 . Quand mon esprit, tout absorbé dans la pitié i
deux cognats, et troublé de tristesse, risvint à soi,
2. De nouveaux tourments et de nouveaux tourmenl
je vis autour de moi, partout où j'allais, et me tourna
et regardais.
3. Je suis au troisième cercle de la pluie étemelle, ma
dite, froide, pesante : toujours la même, toujours e
tombe également.
4. Des averses de forte grêle, et d'eau noire, et
neige, traversent l'air ténébreux ; fétide est la terre qui
reçoit.
5. Cerbère, bête cruelle et de forme monstrueuse, a^
trois gueules aboie contre ceux qui sont là submergés ^
6. Il a les yeux rouges, la barbe grasse et noire,
ventre large, les mains armées de griffes : il déchire
esprits, et les écorche, et les dépèce.
CANTO SESTO
1. Al toroar délia mente, che si chiuse
Dinan<i alla pieUi de' duo cognati,
Che di trislizia tulto mi confuse,
t.Nuovi lormenli e nuovi tormentati
Mi veggio inlornu, corne cii' i' mi moTa,
E coma cli' i' mi volga, c ch* i* rai guali.
S. r sono al icrto cercliio délia piova
Eterna, inaiedetla, l'redda e grève :
Regola e qualità mai non l' ë nova.
4. Grandine grossa, e aqua tinta, e mt(
Per r aer tenebrosa si rÎTersa :
Pute la terra che questo riceve.
5. Cerbero, fiera crudele e diversa,
Con tre gole caninamente latra
Sovra la génie che qnivi è sommersa
6. Gli occhi ha vermigli, e la barba untaed
E il ventre largo, e unghiate le tauÀ,
Graftia gli spirli, gli scuoia, ed isqusti
CHANT SIXIÈME. 257
7. La pluie les fait hurler comme des chiens : faisant
d'un de leurs côtés un abri à l'autre % fréquemment se tour-
nent les malheureux profanes*.
8. Sitôt que Cerbère, le grand ver, nous aperçut, il
ouvrit ses gueules et nous montra ses crocs : pas un de ses
membres qui ne frémît.
9. Mon Guide étendit les mains, prit de la terre, et à
pleines poignées la jeta dans les gosiers affamés.
10. Tel que le chien avide qui aboie, et s'apaise lorsqu*il
mord la proie, ne songeant à combattre que pour la dévorer,
11. Ainsi fut-il des sales mâchoires du démon Cerbère,
qui étourdit tellement les âmes qu'elles voudraient être
sourdes.
12. Nous passions sur les ombres qu abat la pesante
pluie, et nous posions les pieds sur leur vide apparence
qui semble une personne.
13. Elles gisaient à terre pçle-méle, hors une qui, se
soulevant, s* assit, lorsqu'elle nous vit passer devant elle.
14. « toi qui traverses cette région de TEnfer, me
dit-elle, reconnais-moi, si tu le peux! tu naquis avant que
je ne mourusse *.o)
15. Et moi à elle : — L'angoisse que tu ressens t'ôte
peut-être de ma mémoire, de sorte qu'il ne me semble pas
l'avoir vu jamais.
^•Ilrlar gli fa la piofÇRia corne cani :
M' un de* lati fanno aU* allro schermo;
Tolgonsi spesso i miseri profani.
iQnando ri scorse Cerbero, il gna vermo,
l«bocche aperse, e moslrocd le sanne :
^n atea membro cfae tenetw fermo.
^BlDoea roio, distese le sue spanne,
^n» la (erra, e eon piene le pugna
U gUt6 dentro aile bramose canne.
M'Qiial ë quel cane che abbaiando ngugna,
K si raequeta poi che '1 paato morde,
^ solo a divcKrarlo intende e pugna;
UtCotai si liecer qudle facce lorde
DeUo dimonio Cerbero che introna
L' anime si ch' esser vorrebber sorde .
iS.Noi passavam su per l' ombre che adona
La grève pioggia, e ponevam le piante
Sopra lor vanità che par persona.
15. Elle giacién per terra tulle quante,
Fuor d' una ch' a seder si levd, ratto
Ch' ella ci vide passarsi davante*
14.0 tu, che se' per qucsto Infemo tratto,
hÎ disse, rtconoscimi, se sai :
Tu fosti, prima ch' io disfatto, fatto.
15. Ed io a lei : L' angoscia che tu hai
Forse ti tira faor deVVa ttÔA Tn,«oiL%
Si, che non pur g\i^ \o \\ '^«àasà tD»w.
kt.t
258 l'ENFER.
16. Mais dis-moî qui tu es, ce qui t*a plonge dam
de douleur et dans une peine telle que, s'il en est
grande, il n'en est point de plus dégoûtante.
17. El lui à moi : « Ta ville, qui est si pleine
que déjà la mesure déborde, fut ma demeure durai
sereine.
18. «Vous, ses citoyens, m'appeliez Ciacco • : à ci
la griève coulpe de gourmandise, je suis, comme tu
brisé sous la pluie.
19. «Et moi, triste âme, je ne suis pas seule; toi
autres, pour la même faute, subissent la même peir
il n*ajouta pas une parole.
20. Je lui répondis : — Ciacco, ta souffrance me
tant, qu'elle me tire des larmes; mais dis-moi, si tu
où en viendront
21 . Les citoyens de la ville divisée ; s'il en es!
de juste : et dis-moi pourquoi tant de discordes 1
saillie.
22. Et lui à moi : « Après de longs débats ils e
dront au sang, et le parti sauvage ^ chassera l'aut
beaucoup d'offense.
23. « Puis il faut que celui-là tombe, et que l'autre
trois soleils '', l'emporte par la force de celui ' qui i
nant flatte*.
16. Ma dimmi chi tu se' , che 'n si dolente
Luogo se' messa, ed a si fatta pena,
Che s' altra è maggio, nuUa è si spiacente.
t7. Ed egli a me : La tua uittà ch' è piena
D' invidia si, che giâ trabocca il sacco,
f Seco mi tenne in la vita serena.
18.Voi cittidini mi chiainaste Ciacco :
Per la dannosa colpa délia gola,
Corne lu vedi, alla pioggia mi fiacco ;
19. Ed io anima trisla non son sola,
Chè tutte quesle a simil pena stanno
Per simil colpa : e più non fe paro\a-
SO. Io gli risposi : Ciacco, I tuo a
Mi pesa si, che a lagrimar m'
Ha dimmi, se lu sai, a che ver
21. Li ciUadin délia citlà partita:
S' alcun v' è giusio : e dimmi I
Per che 1' ha tanla discordia as
SS.Ed egli a me : Dopo lunga tenz<
Verranno al sangue, e la parte
Caccerâ 1' allra con molta offer
SS.Poi appresso convien che ques
Infr.'i tre Soli, e che 1' allra soi
Caw Va Cv\ria di tal che icstv pi:
CHANT SIXIÈME. 259
24. « Il tiendra longtemps le front haut, tenant Tautre
sous un lourd poids, quoiqu'il en pleure et s'en in-
digne.
25. «Il y a deux justes, mais on ne les écoute point. La
Isiiperbe, Tenvie et Tavarice sont les trois étincelles qui ont
■embrasé les cœurs. »
I 26. Ici prit fin son dire lamentable. Et moi à lui : — Je
Séreux que tu m'inslruises encore, et que de plus de paroles
tn me fasses don.
27. Farinata et le Tegghiaio, qui furent si dignes, Jacopo
Rusticucci, Arrigo et le Mosca *®, et les autres qui appli-
quèrent leur esprit à bien faire,
28. Dis-moi où ils sont, et fais que je les reconnaisse^
car un vif désir me presse de savoir s'ils ont en partage les
douceurs du ciel, ou les poisons de Tenfer.
29. Et lui : « Us sont parmi les âmes les plus noires;
le poids de fautes diverses les entraine au fond. Si jusque-
Ilàtu descends, tu pourras les voir.
30. a Mais quand tu seras dans le doux monde, je te prie
de me rappeler au souvenir d' autrui". Plus ne te dis et
plus ne te réponds. »
51. Lors, de travers tournant les yeux, il me reganla
^ peu, puis baissa la tête, et tomba parmi les autres
aveugles.
I^Aho terrà lunfo tempo lo fronti,
fenwdo V aitra sotto gravi pesi,
^ine che di ciô pianga, e che n' adonti.
lS.Giustigon duo, ma non vi sono intesi:
SQp«rliia, invidia ed avarizia sono
^ Ire faville c' hanno i cori accesi.
^'Qui pose fine al lacrimabil suono.
M io a lui : Ancor vo' die m' insegni,
B cbe di più parlar rai facci dono.
S8. Dimini ove sono, e fa ch* io li conosea ;
Chè gran desio mi spinge di sapere.
Se '1 ciel gli addolcia o lo 'iiferno gli attosca.
29. E quegli : Ei son tra le anime più nere;
Di versa colpa giù gli grava al fondo:
Se tanto scendi, gli pnlrai vedere.
50. Ma quando lu sarai nel doice monda,
Pregoti ch' alla mente allnii mi recbi :
Più non ti dico, e più non ti rispondo.
ST.Parinata e il Tegghiaio, che fur si degni, 5t. Gli diritti occhi torse allora in biechi
Jacopo Rusticucci, An igo e il Mosca. Guardommi un poco ; e poi chinù la testa:
K gb aliri ciie a ben far poser gl' ingegni, ■ Cadde con essa a p \t de^Vv 9N\.n vÀv^Ocà.
/ENFER.
32. Et le Guide à moi : « Plus ne se réveillera-t-il ai^
le son de la trompette de Fange, quand lui a pparaitri
Puissance ennemie.
33. «Chacun reverra la triste tombe, reprendra sa cb
et sa figure, entendra ce qui retentit dans l'éternité. »
34. Ainsi traversâmes-nous, à pas lents, le sale mélar
des ombres et de la pluie, conversant de la vie future.
35. — Maître, dis-je, ces tourments croîtront-ils api
la grande sentence? ou reviendront-ils moindres? ou seroi
ik également cuisants?
36. Et lui à moi : « Retourne à ta doctrine^*, qui vc
que plus Tètre est parfait, plus il sente le bien, et aussi
douleur.
37. c( Bien que jamais ces maudits ne doivent atteindre
vraie perfection, plus parfaits néanmoins s'attendent-ils
être après qu'avant ^*. »
38. Nous suivîmes cette route circulaire, parlant debi
plus de choses que je n'en redis. Nous vînmes au point
elle descend :
Là nous trouvâmes Pluton, le grand ennemi.
Q.E '1 Duca disse a me : Più non si desta
Di qua dal suon deil' angelica tromba.
Quando verra la nimica podesla,
n.Giascun ritroverà la trista tomba,
Ripiglierà sua came e saa figura,
Udirà quel che in etemo rimbomba.
M.Si irapa^samo per sozza mistura
Deir ombre e délia pioggia, a passi lenti,
Toccando un poco la viia futura :
S5.Perch* io dissi Maestro esti iormenti
Crescerann' ei dopo la gran soitensa,
iien minori, o saran si cocenti?
S6. Ed egii a me : Ritoraa a tua sciensa*
Che vuol, quanto la cosa è più peiftli
Più senta '1 bene, e cosi la doglienu.
ST.Tuttochè questa gente maledetta
In vera perfesion giammai non Tada,
Di li, più che di qua, essere aspetta.
S.Noi aggirammo a tondo quelle strada,
Parlaudo più assai ch' i' non ndico :
Veoimmo al punto dove si digrada :
Quivi trovammo Pluto il grao nemico.
CHART SIXIBHB. SOI
NOTES DU CHANT SIXIÈME
1. Les Gonnnands.
S. Opposant an de leurs côtés à la tempête de ploie et de grêle, ce côté
fonne à l'autre un abri.
3. Pécheurs.
4. Littéral. Avant que Je fkne dé fait ^ tu fks fait,
5. En langage florentin, eiaeco signifie pourceau. On ignore qui était le
personnage ainsi surnommé.
6. Le parti des Blancs ou des Gibelins. — Il rappelle c sauvage, » disent
les commentateurs, parce qu'il prit naissance dans les bois du val de Sieve.
7. Trois révolutions du soleil, c'est-à-dire, trois ans.
8. Charles de Valois, qui se tourna du côté des Noirs ou des Guelfes.
9. c Qui maintenant trompe les Florentins par des paroles flatteuses. »
10. Nobles florentinsj que le Poëte retrouvera plus tard.
U. c De ceux qui sont encore dans le monde des vivants. >
12. La philosophie d'Aristote.
13. c Après qu'avant Ut grande sentence^ ou le dernier jugement. > Ut se»
NDtpIus parfaits, parce que le corps etTftme se seront réunis; mais leurs
tovmenls croîtront en pcoportioii.
* V
W
2G2
L'ENFER.
CHANT SEPTIÈME
1. «Pape satan, Pape satan, AleppeM» cria Pluton
d'une voix rauque ; et ce Sage alTable qui sait tout,
2. Dit pour m' encourager : « Prends garde que ta peur
ne te soit à dommage. Quelque pouvoir qu'ait^celui-ci, il ne
t'empêchera point de descendre cette ravine. »
3. Puis, vers cette lèvre enflée il se tourna, et dil:
c( Tais-toi, méchant loup! consume ta rage au-dedans de toi.
4. « Non sans cause celui-ci va-t-il au fond du gouffre.
Ainsi est-il voulu là-haut, où Michel vengea le superbe
adultère*. »
5. Comme les voiles gonflées par le vent tombent pêle-
mêle lorsque le mât se brise, ainsi à terre tomba la bête
cruelle.
6. Nous descendîmes dans le quatrième gouiîre, péné-
trant de plus en plus dans la lugubre enceinte qui enserre-
le mal de tout l'univers.
CANTO SETTIMO
l.Pape Salàn. pape Satan aleppe,
Gominciù Pluto coll;i voce chioccia ;
E quel Savio gentil, cbe lutto seppe,
S. Disse per confortarmi : Non ti noccia
La tua pnura, cliè, poder ch' egli abbia,
Non ti loiTÙ lo scender (|uesta i-occia.
S.Poi si rivolse .i quell' entiata labbia,
E disse : laci, malt>deito lupo:
Consuma dealro te con la tua rabbia.
4. Non è senza caçion 1* andare al cupo:
Vuoisi neir alto là dove Michèle
Fe la vendetta del superbo strupo.
5. Quali dal vento le gonfiate vêle
Cagginno avvolte, poich - l'alber fiacca;
Tal cadde a terra la liera crudele.
6.Cosi scendemmo nella quurta Ucca,
Preiidendo prù délia dolente ripa,
CVv« \\ tiva\ àAtVV >xtAMer80 tuUo insacca.
CHANT SEPTIÈME. 263
7. Ah! justice de Dieu, que de peines nouvelles et de
tourments je vis! et que grièvement notre coulpe est
châtiée I
8. Comme Tonde qui, au-dessus de Charybde, se brise
contre Tonde qu'elle heurte, ainsi faut-il qu'ici' les damnes
mènent leur ronde.
9. Ici sont-ils plus nombreux qu'ailleurs; séparés en
deux bandes, ils poussaient en hurlant des fardeaux avec la
poitrine :
10. Ils se heurtaient à leur rencontre, puis retournaient
en arrière, criant : « Pourquoi amasses-tu? » et : « Pour-
quoi dissipes-tu*?»
11. Ainsi des deux côtés, par le sombre cercle, retour-
naient-ils au point opposé, se jetant leur honteux re-
frain.
12. Et, arrivée au milieu de son cercle, chaque bande
revenait à une nouvelle joute. Moi qui avais le cœur comme
brisé,
15. Je dis : — Maître, apprends-moi qui sont ceux-là,
et si furent clercs tous ces tonsurés que je vois à notre
gauche.
14. Et lui à moi : « Tous furent si aveugles d'esprit
pendant la vie première, qu'avec mesure aucun ne dé-
pensa.
'^Abi giustizia di Dio, tante chi stipa
Nuove travaghe e peno, quanle io viddi?
£ perché aoslra colpa si ne stipa
SGome fa 1' onda là sovra Cariddi,
Cbesi frange coii qiiella in cui s' intoppa:
Cosi convien che qui la gente riddL
••Qui vid' io gente più che allrove Iroppa.
Bd'una parte e d'altra, con grand' urli
Voltando pesi per forza di poppa.
(^•Percolevansi incontro, e poscia pur li
Sirivolgea ciascun, voltandu a relro,
(kidando : Perché lieni? e perché burli?
11. Cosi tornavan per Io cerchio tetro,
Da ogni mano ail' opposite punto,
Gridando seinpre in loru ontoso metrcK
It.Poi si volgea ciascun. quand' era giunto,
Per Io suo inexzo cerchiu, ail' .«lira giosira.
Ëd io ch' avea Io cor quasi coinpunto,
15. Di&si : Maestro mio, or mi dimosira
Che gente ù quesia, e se tutti fur chères
Questi chercuti alla siiiistra nostra.
14. Ed egli a me : Tutti quanti fur guerci
Si délia mente in 1j viia primaia^
Che con misurai uuWo %V'<^v\à\Q V^cciv.
364 L'ENFER,
15. «Assez clairement l'aboie leur bouche, lorsqu'ils
viennenl aux deux points du cercle, où les sépare une i'aule
contraire.
i6. «Ceux-ci, dont la tête est nue de cheveux, farenl
clercs, cL Papes, et Cardinaux, en qui souTerainement do-
mina l'avarice. »
i7. Et moi : — Mailre, parmi eux je devrais bien recon-
naitre quelques-uns de ceux qui furent atteints de ce mal
immonde.
18. Et lui à moi : a Une vaine pensée t'abuse. La vie
obscure qui les souilla, maintenant les dérobe à la con-
19. «Eternellement ils viendront se heurter de la sorte.
Les uns, en sortant du sépulcre, ressusciteront la main f^
mée; et les autres, la tête rase.
20. a Mal donner et mal retenir leur a ravi le beau monde'
et les a conduits à celte ri\e : ce qu'elle est, je le dis sam
l'orner de paroles.
21 . « Maintenant, mon fib, tu peux voir si la courte mo-
querie des biens commis à la fortune vaut que tant les
hommes s'en tourmentent.
22. « Tout l'or qui est et fut jamais sous le ciel ne pour-
rait, à une seule de ces âmes fatiguées, procurer de repos. »
CHANT SEPTIÈME. 965
23. — Maître, lui dis-je, dis-moi aussi : Cette fortune
que tu viens de nommer, qu*est-e11e, que dans ses mains
elle ait ainsi tous les biens du monde?
24. Et lui à moi : a créatures stupides ! que profonde
est Totre ignorance! Je veux que de moi tu apprennes
ceci • :
25. « Celui dont la science s'élève au-dessus de tout, a fait
les deux et leur a donné qui les conduise, de sorte que sur
chaque partie resplendisse chaque partie ^,
26. ce Distribuant également la lumière. Pareillement, aux
splendeurs mondaines il a préposé un chef et ministre
général,
27 . a Pour transférer de temps en temps les biens fragiles
de nation à nation, d'une race à Fautre, quoi que puisse
bire pour s*y opposer Tindustrie humaine.
28. ccC'est pourquoi une nation domine, et une autre lan-
^t, selon le jugement de celle-ci', lequel est caché comme
le serpent sous l'herbe.
29. « Votre savoir ne peut rien contre elle : elle prévoit,
^e, et poursuit son règne comme les autres Dieux *, le
leur.
30. « Nulle trêve à ses changements : la nécessité hâte
sa course, d'où vient que si fréquentes sont les vicissi-
tudes.
B-Iaeili«, disn Uii, or mi dl anche :
Qoesta Fortana, di cbe lu mi tocche, [ch«7]
Che i, ehe i ben del roondo ha si tra bran-
U.EqiiegU a ma : créature sciocche,
Wnta ignoranxa è quella che ▼' offende I
Or TOT ehe m mia senlenza ne imbocche.
tt.Colui, lo coi saver tutto trascende,
'^ li deli, e diè lor chi conduce,
Si che ogm parle ad ogni parte iplende,
^Utfiibaendo ugualmente la luce:
''■ttUenente a^ splendor mondani
fT.Che permutaaae a tempo li ben vani,
Di gente in gente e d* uno in altro sangue,
Oltre la difension de* senni umani :
S8. Perché una gehte impera, ed altra langue,
Seguendo lo giudicio di costei,
Che è occullo, corne in herba 1' angue.
99*Toitro saver non ha contrasto a lei
Ella provvede, giudica, e persegue
Suo regno, corne il loro gii aliri Dei.
50. Le sue permutazion non hanno trie%|iM
Nécessita U fa esser N«\ocft\
<Mhi6 gênerai ministn e duee, i Si spesso nea (îd Ntettu^ai ««dm.^^»
266 L'ENFER.
51. « C'est là celle que tant mettent en croix *^, qui h
devraient des louanges et qui à tort la blâment et la mai
dissent.
52. « Mais elle subsiste, heureuse, et n'entend rien d
cela; avec les autres créatures premières*^, joyeuse ell
roule sa sphère, et jouit en soi de sa félicité.
55. «Maintenant nous descendons là où s'émeut un<
plus grande pitié. Déjà les étoiles qui montaient quand j<
partis s'abaissent, et défendent de trop s'arrêter. »
54. Nous passâmes à l'autre bord du cercle, près d'uw
fontaine qui bouillonne et se dégorge par un fossé dém<
d'elle.
55. L'eau était d'une teinte plutôt sombre que noire; et
nous, en suivant les brunes ondes, nous entrâmes par ui
autre chemin dans ces basses régions "•
56. Descendu au pied de ces malignes pentes grises, c(
triste ruisseau y engendre un marais nommé Styx.
57. Et moi qui regardais, attentif, je vis dans ce bour
hier des gens tout nus, couverts de fange, le visage cour
roucé.
58. Non pas seulement avec la main, mais avec la tête
avec la poitrine et les pieds ils se frappaient, et en lan
beaux se déchiraient avec les dents.
31. Quest' è colei, ch' ë tanto posta in croce
Pur da color, che le dovriaii dar Iode.
Dandole liiusino a torto e mala voce.
32. Ma olla s' ù be.ita, e ciô non ode:
Con r allre prime creaturo lieta
Volve sua spera, e beata si gode.
ô3. Or discendiaiiio oiuai a inaggior piûla.
Uiù ogni Stella c.idt', che siiliva
Quatido uii mosai, e 1 troppo star si vicia.
54.Noi ricidemino il cerchio ail' allra riva
Sovra uiia foitle, ciit* holle. e riversa
Per un fussàto che da lei diriva.
r.s.L'acqua era buia molto più che pers^i
E noi in compagnia dell' ondu bigt>
Ëntrammo giù per una via diversa.
56.Una palude fa, c' ha nome Sli<;e,
Quesio tii«io ruscel, quand' è disceso
Appiù délie maligne piagge grige.
57. Ed io, ch' a riinirar mi stava inteso,
Vidi genti langose in quel |)antano.
Ignude lulle e cuii senibiante oiTe^o.
38.Quesli si percolean. non pur con mur*
Ma con la testa e col pettu e en' piedi^
iToucandusi coi deuti a brauo a bian»
CHANT SEPTIÈME. ' 867
59. Le bon Maître dit : « Tu vois les âmes de ceux que
vainquit la colère, et je veux aussi que pour certain tu
tiennes
40. « Qu^il en est, sous Teau, dont les soupirs produi-
sent ces bulles à la surlace, comme l'œil te le montre, où
qu'il se tourne.
41. «Enfoncés dans le limon, ils disent : Malheureux
iûmes-nous dans le doux air que réjouit le soleil, ayant au
dedans de nous une fumée pesante I
42. « Maintenant nous nous attristons au fond de la
bourbe noire... Dans leur gosier ils murmurent cet
hymne, dont ils ne peuvent prononcer une parole entière. »
43. Ainsi nous parcourûmes, entre la rive sèche et le
milieu, un grand arc du sale marais, les yeux tournés vers
ceux qui engloutissent la fange :
Au pied d'une tour nous vînmes enfin.
V.Lo biion Maestro disse : Figlio, or vedi
L* anime di color cui vinse l' ira :
Ed anche vo' che tu per certo credi,
^■Che sotto r acqua ha gente che sospira
Kfimno pnUuIar quest' acqua al sommo,
Gome l' occliio ti dice u' che s* aggira.
M.Fkii ad limo dicon : Tristi fuinmo
HelPaer doice che del Sol s' allegra*
'orlando dentro acadioso fummo :
49. Or ci attristiam nella belletta negra<r
Quest' inno si gurgrgiiaii nella strozza,
Chà dir nol posson con parola intégra.
45.Go8i girammo délia lorda pozza
Grand' arco, tra la ripa secca e '1 mezzo,
Con gli occhi volti a chi del fango ingozza :
Tenimmo appiè d' una torre al dassezzo.
tB» L'EN FER.
NOTES DU CHANT SEPTIÈME
1. Inteijection de colère, sur le sens préds de laquelle Ttrient les coor
mentateurs. <
2. Dante, nourri de l'Écriture, en emploie souvent le langage ; et rien de
plus commun, dans l'Écriture, que les mots d'adultère et de fornication,
appliqués à l'infidélité contre Dieu. — Quelques-uns pensent que sfrt(|)0 si-
gnifie multitude, bande, troupe. Alors il faudrait traduire: oU Michel tan-
vengeance de la troupe superbe*
3. Le cercle des Prodigues et des Avares.
4. Dans le choc des deux bandes, les Prodigues crient aux Avares : Pmt'
quoi amaeses-tu? et les Avares aux Prodigues : Pourquoi dissipee-tu?
5. Le ciel. j
6. Au lieu de che tu mia sentenza ne imbocche, d'autres lisent cke tutU ^
mia sentenza imbocche^ « Que tous apprennent de moi ceci, i Imbocoan
signifie proprement mettre, ou recevoir dans la bouche.
7. De sorte que chaque hémisphère célesle brille successivement nir
chaque hémisphère terrestre.
8. De la fortune.
9. Les Esprits préposés au gouvernement du monde, appelés aussi Dieux
dans l'Écriture.
10. Accusent, outragent.
il. Les anges.
12. Le cinquième cercle, où sont les Colères et les Négligents.
i
CHANT HUITIÈME.
S60
CHANT HUITIÈME
Dntinuant, je dis que longtemps avant que nous fus-
i pied de la tour, nos yeux se dirigèrent versle sommet,
ttirés par deux petites flammes que nous y vîmes
et à ce signal répondit une autre tour, si lointaine
ine le regard pouvait la discerner,
t moi, vers la mer de tout savoir ^ me tournant, je
Que veut dire ce feu? et que répond l'autre? et qui
IX qui font ce signal?
it lui à moi : « Sur les ordes ondes, déjà tu peux
*ir ce, qu'on attend, si point ne te le cachent les va-
u bourbier. »
unais corde ne lança, à travers les airs, de flèche
pide qu'une petite nacelle
ue je vis venir vers nous sur cette eau, conduite par
1 nautonier, qui criait : a Te voilà donc arrivée,
onne? »
CANTO OTTAVO
^nitando, ch' assai pnma
ussimo al piè dell' alta torre,
noslri n' anJar suso alla cima,
iammette che i vedemnio porre,
a da lungi render cenno
8 appena il potea F occhio torre.
dUo al mar di lutto il senno
eslo che dice? e che risponde
foco? e cbi son quei ch'J feoBO ?
4.Ed egli a me : Sa per le sucide onde
Già scorgere uuoi quello che s' aspetta.
Se il fummo ciel pantan nol ti naaconde.
5. Corda non pinse nui da se saelta,
Che si corresce via per 1* aère snella,
Corn' io vidi una nave piccioletla
6. Tenir per l' acqua verso noi in queUa«
Sotto il govemo d' un «A ^'«àAtii^.
Che gridava : Or ttf ||uuiV%, wcàsD» l^ùo^
270 L'ENFER.
7. «Phlégias, Phlégias*, tu cries en \ain cette foi
dit mon Seigneur ; tu ne nous auras que le temps de pass
le marais. »
8. Comme celui qui reconnaît avoir été déçu; et qui s'e
chagrine, tel devint Phlégias tout gonflé de colère.
9. Mon Guide descendit dans la barque, puis m'y fit ei
trer après lui, et lorsque je fus dedans, alors seulement ell
parut chargée*.
10. Dès que le Guide et moi nous fûmes dans la nef, lai
tique proue va sillonnant Teau plus profondément qu'ell
ne le fait avec les autres.
11. Tandis que nous traversions le lac stagnant, devai
moi se leva un damné tout couvert de fange, lequel dit
« Qui es-tu, toi qui viens avant Theure *? »
12. Et moi à lui : — Si je viens, je ne reste point. Mai
toi, qui es-tu, qui t'es ainsi souillé?... Il répondit : «T
le vois, JQSuis un qui pleure. »
13. Et moi à lui : — Avec tes pleurs et avec ton deuil
esprit maudit, demeure I je te reconnais, si bourbeux qu
tu sois.
14. Alors il étendit ses deux mains vers la barque; c
pourquoi le Maître prudent le repoussa, disant : « Va
avec les autres chiens I »
T.Piegiis, Flegiàs, tu gridi a vuoto,
Disse lo mio Si^nore. a questa voUa :
Piû non ci avrai, se non passando il loto.
8. Quale celui che grande inganno ascolta
Che gli sia falto, e poi se ne lammarca,
Tal à fe Flegiàs nell* ira accolta.
9.Lo Duca mio discese nella barca,
E poi mi fece enlrare appresso lui,
E soif quand' i' fui dentro, parve carca.
lO.Tosto che 'I Duca ed io nel legno fui,
Secando se ne va V anlica prora
Dell' acqua p:ù che non suol coo altrui.
11. Mentre noi correvam la morta gora,
Dinanzi mi si fece un pt'en di fango,
E disse : Chi se' tu che vient ami ora^
IS.Ed io a lui : S' i' vegno. non rimangoi
Ma tu chi se*, che si sei fatto bruUoI
Dispose : Vedi che son an che piango.
IS.Ed io a lui : Gon piangere e oon lutto,
Spirito maledetto, ti rimani,
Gh' io ti conosco, ancor aie lord« lulto
U.Allora stese al legno ambe le mani :
Per che '1 Maestro accorto lo srspin<e,
Dicendo : Via costi con gh' akri caaL
!V
CHANT HUITIÈME.
27t
^uis, de ses bras me ceignant le col, il baisa mon
ît dit : « Âme noble, bénie soit celle dont le sein
f
Celui-ci fut dans lemonde plein d'orgueil; rien de bon
a mémoire : aussi son ombre est-elle ici furieuse.
Combien là-haut s'estiment de grands rois, qui se
comme des porcs dans la bourbe, laissant de soi
les mépris. »
ît moi : — Maître, très-désireux serais-je de le
iger dans cette boue, avant que nous ne sortions
■ .
1'
Ht lui à moi : « Tu ne verras point le rivage que tu
atisfait; il convient que tu jouisses de ce désir. »
^eu après je vis la gent fangeuse se ruer sur lui de
ie, que j'en loue encore et en remercie Dieu,
'ous criaient ; « A Philippe Argcnti'^! » etcetes-
intin, dans sa rage, se déchirait lui-même avec les
là nous le laissâmes, et plus n'en parlerai. Mais des
oureux frappant mon oreille, je portai en avant un
ttentif.
It le bon Maître dit : « Maintenant, mon fils, s'ap-
a cité nommée Dite, avec ses coupables citoyens
en foule. »
\
'',
■'
)i cou le braccia mi cinse,
1 volto, e disse : Aima sdegnosa,
colei cbe in te s' incinse.
mondo persooa orgogliosa ;
ë che sua memoria fregi :
ibra sua qui furiosa.
mgon or lassù gran régi,
iranno come porci in brago,
mdo orribili dispregi !
stro, raolto sarei vago
attu&re in questa broda,
Dol uscissimo del lago.
ne : Aranti cbe la proda
Ti si lasd Yeder, tu sarai saxio :
fH tal disio converrà che tu goda.
50. Dopo ciù poco, vidi quello strazio
Far di costui aile fangose genti,
Che Dio ancor ne lodo e ne ringrazio .
51. Tutti gridavano : A Filippo Argenti.
Lo fiorentioo spirilo bizzarro
In se raedesmo si vo.gea co* denti.
Sâ.Quivi'l lasiiamino, cbé più non ne narro
Ma negli orecchi mi percosse un duolo,
Perch* io avanli intento P occhio sbarro.
23. Lo buon Maestro disse : Ornai, Ugliuolo,
S' appressa la città c' ha nome Dite,
Co* gravi dttadio, col grande sluolo.
N
272 L'ENFER.
â4. Et moi : — Maître, déjà clairement je vois dan
vallée leurs mosquées rouges comme si elles sortaient
feu.
25. Et lui me dit : « Le feu éternel qui les embrase
dedans les fait paraître rouges, comme tu le vois dam
bas enfer. »
26. Nous arrivâmes dans les fossés profonds qui ent
rent cette ville désolée. Les murs me semblaient de fer.
27. Non sans de grands détours, nous vînmes en
endroit où le dur nocher nous cria : « Sortez, voici Y
trée I »
28. Je vis sur les portes plus de mille de ceux que le <
fit pleuvoir •, lesquels avec colère disaient : « Qui est
lui-ci, qui, sans être mort,
29. Va dans le royaume des morts? » Et mon sage Mai
fit signe de vouloir leur parler secrètement.
30. Alors un peu se calma leur grand courroux, et
dirent : « Viens seul, et que s'en aille celui-là, qui fut
hardi que d'entrer dans ce royaume.
31 . « Seul qu'il s'en retourne parla folle route '^; qu'il
saye s'il pourra : toi qui à travers cette contrée obscure I
accompagné, tu demeureras ici. »
32. Pense, Lecteur, si je me déconfortai au son de
paroles maudites, croyant ne m'en retourner jamais.
}
M.Ed io : Maestro, già le sue meschite
lÀ entro certo nella valle cerno
Termiglie, corne se di fuoco uscite
tS.Fossero. Ed ei mi disse : Il foco eterno,
Ch' entro le aiToca, le dimosira rosse,
Corne tu vedi in questo basso infemo.
S6.Noi pur giugnemmo deniro ail' alte fosse,
Che vallan quella terra sconsolata :
Le mura mi parea che ferro fosse.
f7.Non senza prima far grande aggirata,
Venimmo in parte, dove il nucchier, fortei
Uscile, ci gridô, qui è V entrata.
i8,ïo vidi più di mille in sulle porte
Dal ciel piovuti, che stizsosamente
Dicean : cbi è costui, che senza moHi
t9.Va per lo regno dclla morta gente?
E il savio mio Maestro fece segno
Di voler lor parlar segrelamenle.
50. Aller chiusero un poco il gran disdeg
E disser : Vien tu solo, e quel sen va
Che si ardito enlrô per questo regno
51. Sol si ritomi per la folle strada :
Provi, se sa ; cbè lu qui rimarrai,
Che scorto l' hai per si buia contrada
St. Pensa, Lettor, s* i' mi disconfortai
Kel suon délie parole maledette;
Ch' i' non credetti ritomarci oiai.
GHAItT HUITIEME. S73
35. — mon cher Guide, qui plus de sept fois m'as
rendu la sécurité, et tiré d'autres périls menaçants,
34. Ne me laisse point, dis-je, en cette détresse; et si
l^aller plus avant m'est dénié, revenons vite ensemble sur
nos pas.
35. Et ce Seigneur qui m'avait conduit, me dit : a Ne
crains point : nul ne peut nous fermer le passage que nous
a ouvert un si grand*.
36. «Mais attends-moi ici, et conforte et nourris dune
bonne espérance ton esprit abattu ; je ne te laisserai pas
dans le monde bas. »
37. Ainsi s'en va, et là m'abandonne le doux père; et
moi je demeure en suspens, le oui et le non se combattant
dans ma tête.
38. Je ne pus ouïr ce qu'il leur dit ; mais il n'eut guère
été avec eux, que tous coururent préparer la défense au
dedans.
39. Nos adversaires fermèrent les portes devant mon
Seigneur qui resta debors, et revint vers moi à pas lents,
40. Les yeuxà terre et le front morne, soupirant il disait:
«cQui m'a refusé l'entrée des demeures douloureuses? »
41. Et il me dit : « Quoique je me courrouce, ne t'ef-
Fraye point : je vaincrai dans ce combat, quelle que soit au
dedans la défense.
BS.0 caro Duca mio, che più di lette
Votte m' hai sicurtà renduta, e tratto
V alto periglio che incontra mi stette,
^%< KoQ mi lasciar, diss' io, cosi disfatto ;
B se r andar più oltre c' è negato,
Ritroviam l' orme noslre insieme ratto.
II.B quel Signor, che II m' avea menato,
Mi disse : Non temer, che il noslro passo
K<m ci pu6 torre alcun : da tal n' è dato.
^•Va qui m' altendi; e lo spirito lasso
Conforta e ciba di speranu buona,
Ch' i* non ti lascer6 nel mondo basso.
^1<Coii len va, e quivi m' abbandona
Lo doice padre, ed io rimango in forse;
Ghè il no e il si nel capo mi tenzona.
SS.Udii* non pote' quello ch' a lor porse:
Ma ei non stette là con essi guari,
Che ciascun dentro a praova si ricorse.
S9.Chiuser le porte que' nostri aTversari
Nel petto al mio Signer, che fuor rimase»
E rivolsesi a me con passi rari.
40. Gli occhi alla terra, e le ciglia avea ras*
D' ogni baldanza, e dicea ne' sospiri :
Ghi m* ha negate le dolenti case?
41. Ed a me disse : Tu, perch' io m* adiri.
Non sbigottir, ch' io vincerô la pruova,
Quai ch' alla difensiou detAxt» tf ^^skV»
^74 L'ENFER,
42. « Cette arrogance ne leur est pas nouvelle; i
trèrent jadis à une porte moins secrète*, dont la s<
encore brisée.
43. «Au-dessus, tuas vu Tinscription de mort ;
l'autre côté, descend la pente, passant sans esco
vers les cercles,
« Tel par qui la ville s'ouvrira. »
4t.QaBita lor tracotanu non è nuoTa,
Cbè gii r nsaro a mea ségreta porta,
La quai aensa aerrame aneor si trova.
-M^toir' iMi tadeitù la acriUa morta:
E gtt di 9ua da lei discend
Paasando per li c«rchi senz
Ial,eiMperlniQefialat«
CHANT HUITIËMB.
275
i
NOTES DU CHANT HUITIÈME
1. VirgUe.
2. Purieax contre ApoUoD, ({oi atait violé sa fille, Phlégias brûla le tem*
pie de ce dieu, à Delphes, el fut pour cela condamné à TEnfer, où Dante feint
4° il est le nocher chargé de conduire les ftmes mauyaises â la cité de Dite.
^- Parce que Dante seul avait an corps dont le poids faisait enfoncer la
e.
*' Avant d'être mort.
^* Homme riche et puissant, très-colère.
. ^- Plus de mille des esprits rebelles, qui, chassés de leur premier se»
J^iu*) tombèrent da ciel, comme la pluie tombe des nuages.
'• Par la route où il est entré follement.
°' Dieu même.
.^> La première porte de l'Enfer, dont il est parlé an commencement du
l'^oisièine chant, et dont le Christ força Ventrée, lors de sa descente dans les
limbes
'. /
S76
L'BNFBR.
CHANT NEUVIÈME
1 . Cette couleur, dont le découragement au dehors i
peignit^ lorsque je vis mon Guide revenir, fit qu'il se hâ
de renfermer en soi ses émotions nouvelles.
2. Attentif, il s'arrêta comme un homme qui écoui
Tœil ne pouvant atteindre au loin à cause de Tair obsci
et du brouillard épais.
3. c< Il nous faudra vaincre dans ce combat, dM
sinon... tel à nous s'est offert. Ohl qu'il me tarde qu
l'autre arrive ici*l »
4. Je vis bien que la suite amendait le commencemeoi
les paroles différant des premières.
5. Cependant son dire m'inspira de la peur, parce qo
peut-être tirais-je le discours tronqué à un sens pire (f
son sens véritable.
6 . — En ce fon d de la triste conque , aucun descend-il jai0^
du premier degré, où la seule peineestlemanqued'espéraoc
CANTO NONO
l.Quel color che viltà di fuor mi pinse,
▼eggendo '1 Ouca mio tornare in Tolta,
Piu tosto dentro il suo nuovo ristrinse.
S.Âttento si fennô com'uom che ascolta;
Cbè r occhio nôl potea menare a lunga
Per 1' aer nero e par la nebbia folta.
S. Pur a noi converri vincer la punga,
Cominciô ei : se non... tal ne s'ufferse.
Oh quanto tarda a nne ch' altri qui giungal
4.Io yidi ben s! com* ei ncoperse
Lo cominciar con i* altro che poi
* Che fur parole aile prime diverse.
5. Ma nondimen paiira il suo dir dien^*'
Perch' io traeva U parola tronca
Forse a peggior sentensia ch* ei noc» *
6. In questo fondo délia trista conca
Discende mai alcus del primo grad^
Che sol per pena ha la speranza tiiO^
CHANT NEUVIÈME. 277
7. Demandai-je. Et lui répondit : « Rarement arrive-
l-^l qu'un de nous parcoure le chemin par où je vais.
8. ((Une autre fois je fus, il est vrai, forcé de descendre
ici-bas par les conjurations de la dure Érichtone, qui rap-
pelait les ombres en leurs corps*.
9. (( J* étais depuis peu dépouillé de ma chair, lorsqu'elle
me fit entrer au dedans de ces murs, pour tirer un esprit
du cercle de Judas.
10. « Ce lieu est le plus bas et le plus sombre, et le plus
loin du ciel qui entoure et meut tout\ Je connais bien la
route; ainsi tranquillise-toi.
11. «Ce marais, d'où s'exhale une vapeur fétide, ceint
la cité de douleur, où désormais nous ne pouvons entrer
sans ire*. »
12. D'autres choses il dit; mais je n'en ai pas le sou-
venir, parce que mes yeux m'avaient attiré tout entier vers
la haute tour au sommet ardent,
13. Où tout d'un coup je vis debout trois furies infer-
nales teintes de sang, qui avaient des membres et un port
de femme,
14. Des ceintures d'hydres vertes, et pour cheveux des
cérastes et des serpents, dont leurs tempes affreuses
étaient liées.
'Queita question fec' io. E quci : Di rado
'ocontrn, mi rispose, cht» di nui
'%cia il cammino alcun per quale io vado.
•Jer « ch* allra fiaia qua;(f;iù fui
^J'^gnirato dn quell^i Eriton cruda,
*^e ricliiamava i* ombre a' corpi sui. '
pJ^ ern di me la carne nuda,
~* ella mi fece entrar dentro a quel mure,
'^•' trame un spirlo dei cerchio di Giuda.
^'?^' i il piùbasso loco e il più oscuro,
^più lonlan dal ciel che tutlo gira:
"CDso il cammin : perô ti fa securo.
il.Questa palude, che il gran puizo spir%
Cinge d' intorno la cittâ dolente,
U' non potemo entrare omai senx' ira.
19. Ed altro disse, ma non 1' ho a mente;
Perocchë 1' occhio m* avea tutto tratto
Vkf V alla torre alla cima rovente,
IS.Ove in un punto furon dritte ratto
Tre furie infernal di sangue tinte,
Che membra femminili avieno ed atto ;
14. E con idre verdissime eran cinle :
Serpentelli e céraste avean per crino.
Onde le liere lempie enuo viNUvVe.
f
.^78 L»ENFER.
15. Et lui qui bien reconnut les servantes de la rei
des pleurs éternels' : « Regarde, me dit-il, les féroc
Erynnis I
16. « Celle-ci à gauche est Mégère; celle qui se lament
droite est Alecto ; Tisiphone est au milieu. » Et cela d
il se tut.
' 17. Chacune d'elles se déchirait la poitrine avec les oi
\ gles; elles se frappaient des mains, et jetaient de si hau
cris, que de crainte je me serrai contre le Poète.
18. « Viens, Méduse! nous le ferons de pierre',
criaient-elles toutes, regardant en bas ; c< mal nous ven
geâmes l'attaque de Thésée'* »
19. — « Tourne-toi en arrière, et ferme les yeux; ca
si la Gorgone se montrait et que tu la visses, jamais d'ic
tu ne remonterais. »
20. Ainsi dit le Maître ; et lui-même me tourna, et ne »
fiant point à mes mains, des siennes encore il me couTri
les yeux.
21. vous qui avez l'intelligence saine, contemplez fc
doctrine cachée sous le voile des vers étranges*.
22. Déjà sur les ondes troubles venait avec fracas un sor
plein d'épouvante, dont tremblaient les deux rives.
23. Il ressemblait au vent impétueux qui, durant lesar
deurs pernicieuses, secoue la forêt, et, sans que jrien rarrête,
15. E quei, che ben conobbe le mescbine
Deila regina dell' eterno pianto,
Guarda, mi disse, le feroci Erine.
18. Quesia è Megera dal sinistro canto :
Quella, che piange dui deslro, è Aletto :
Tesifone ë nel niezzo : e tacque a tanto.
IT.Goli' unghie si Tendea ciuscuna il petto;
Balteiinsi a palme, e gridavan si alto,
Gh' i' mi strinsi al Poeta per sospetto.
; iS.Venga Médusa, si il farem di smalto
(Gridavan tuUe ri<>uardundo in giuso);
Mal non vengiammo in ïeseo 1' assalto.
19.Volgili indietro, e lien lo viso chiuso;
Che se il Gorgon si moatra, e ta 1 veden
Nulla saiebbe del tornar mai soso»
SO.Gosi disse il Maestro; ed egli stessi
Mi volse, e non si tenne aile mie dD""*
Che con le su« ancor non mi chiudes»*
21.0 voi, ch* av0te gl' intelletti said,
Mirate la dgltrina che s'^asconde
Sotto il vel|ine degli Tersi strad.
2t. Ë già veoja su per le torbid' onde
Un fracatso d' un suon pien di tfUttf^
Per cm tremavano ambedue le tpooà^'
25. Non iillrimenti faUo che d' un veoU)
Imoetuoso per gli awersi ardori,
Gbe lier la selva, e seiua alcHD nHUf^
CHANT NEUVIÈME.
279-
24. Brise, abat les rameaux, et les emporte au loin.
Poudreux et superbe il s'avance, et fait fuir les animaux e
les pasteurs.
25. n^^ me rouvrit les yeux et dit : « Dirige maintenant ta
vue sur cette antique écume, là où plus acre est la fumée. »
26. Comme les grenouilles, devant la couleuvre enne-
mie, fuient à travers Teau jusqu'à terre où chacune d'elles
se ramasse en éoi;
27. Ainsi vis-je plus de mille âmes ruinées fuir devant
un qui, marchant, passait le Styx à pieds secs.
28. Il éloignait de son visage cet air épais, portant sou-
vent sa main gauche en avant, et de cette seule gône pa-
raissait fatigué.
29. Bien m'aperçus-je qu'il était envoyé du ciel, et Je
me tournai vers le Maître, et il me fit signe de garder le
dence, et de m'incliner devant lui.
30. Ah! qu'il me semblait plein de courroux! Il vint »
la porte et l'ouvrit avec une petite verge, sans que rien la
retînt :
31. «0 chassés du ciel, bande abjecte! commença-t-ik
surThorrible seuil, d'où tant d'audace en vous?
32. « Pourquoi regimbez-vous contre cette volonté qu»
ne saurait jamais ne pas atteindre sa fin, et a plusieurs fois
accru vos angoisses?
S4.Li rami scbianU, abatte e porta fori,
Koanzi polveroso va superbo,
E h fuggir le iiere e li pastori.
iS-Gliocebinu sck)l8e,e disse: Ordrizzail ner^
^ viso su per quella schiurna anlica, [bo]
l^r indi ove quel fununo è più acerbo.
^Come le rane innanzi alla nimica
liiscia per 1* acqua si dileguan tulte,
Fin che aUa terra ciascuna s' abbica;
^- ^id' io più di mille distruUe
^gir cosi dinanzi ad un, che al passe
^ssava Slige colle pianle asciutte.
^•Oal velto rimovea queU' aer grasso.
Meuando la sinistra innanzi spesso;
E sol di quel!' angoscia parea lasso.
29. Ben m'accorsi ch' egli era del ciel messo,
E volsimi al Maestro : e quel fe segno,
Ch' io stessi cheto, ed inchinassi ad esso.
SO.Ahi quanto mi parea pien di disdegno!
Giunse alla porla, e ton uua veriihetta
L'aperse, chè non v' ebbe alcun rilegno.
51.0 cacciati del ciel, gente dispelta,
Comiiiciû egli in su l' orribil soglia,
Ond' esta ollracolanza in voi s'alletta?
S2. Perché ncalcilrate u quella voglia,
A cui non puote in lin mai esser mozzo,
E che più voUe v' b^L cre^vuVjL ^ct^vt.t
280 L'ENFER.
35. «Que sert de se heurter contre les destins? Voire
Cerbère, si bien vous en souviejfit, en a encore le menton
et la gorge pelés".»
34. Puis il s'en retourna par la route bourbeuse, et ne
nous dit pas un mot ; mais il ressemblait à un homme
qu*aiguillonne et presse un autre souci i
35. Que de ce qui est devant lui : et nous, tranquilles'
après les paroles saintes, nous nons acheminâmes vers
la ville.
36. Nous y entrâmes sans nul conflii et moi qui désirais
voir ce que renferme une telle forteresse",
37. Quand je fus dedans, je jetai mes regards alentour,
et je vis, de tous côtés, une vaste campagne pleine de deuil
et daffreux tourments.
38. Comme près d'Arles, où le Rhône devient stagnant,
commeàPola*', près duQuarnaro", qui ferme Tltalieet
en baigne les limites,
39. La plaine est toute bosselée de tombes; ainsi en
était-il ici, mais d'une façon plus triste,
40. Entre elles des flammes étant éparses, qui les embra-
saient tellement qu'aucun art n'exige que le fer le soit plus.
41. Tous leurs couvercles étaient soulevés, et d'au de-
dans sortaient des cris si lamentables, que beaucoup parais^
saientiis de malheureux dans les tourments.
ï
SS.Che giova nelle fata dar di cozzo?
Cerbero voslro, se ben vi ricorda,
Ne porta ancor pelalo il mento e il gozzo.
Si.Poi si rivolse per la strada lorda,
E non le motto a noi : ma fe serabianle
D' uomo, cui altra cura siringa e morda,
SS.Che quella di colui che gli è davante.
B noi movemmo i piedi in ver la terra,
Sicuri appresso le parole santé.
36.Dentro v*entrammo senzaalcuna guerra:
Ed io, ch' avea di riguardar disio
La condizion cbe lai fortezza serra,
37.Gom' io fui dentro, l' occhio intorno invio;
E veggfo ad ogni man grande campa g»* ^
Piena di duolo e di tormento rio.
58. Si cdme ad Arli, ove '1 Rodano eUigOA^
Si cbme a Pola presso del Quamaro,
Che Italia chiude e i suoi termini
S9.Panno i sepolcri tutlo il loco Taro;
Cosi facevan quivid'ogni parte,
Salvo che '1 modo v' era più aioaro;
iO.Chè Ira gli avelli fianune erano sparte*
Per le quali eran si del tutlo accesi,
Che ferro più non chiede venin* arte»
41. Tutti çli lor coperchi eran sospesi,
£ Tuor n'uscivan si duri lamenti,
Che ben perean di miseri e d' offiesi.
CilAST îfEUTlÊaS 281
42. Et moi : — Maître, qui sont ceux-là qui, du fond des
sépulcres, font entendre ces douloureux soupirs?
43. Et lui à moi : a Ici sont les hérésiarques avec leurs
disciples de toute secte, et les tombes en sont bien plus
combles que tu ne crois.
44. Ici le semblable est enseveli avec le semblable : les
tombeaux sont plus ou moins brûlants. » Et, après avoir
toomé à main droite,
Mous passâmes entre les tourmentés et les hautes mu-
railles.
*iBd io : llaestn»» qnai ion quelle gaoti,
Ghe seppellHe dentro da quell* arche
Si fuk sentir oon gli soepir dolenti ?
K.Bd e|^ a me : Qui son gli eresiarche
Co' Im* seguaci d' ogni selta, e molto
Kà ebe non oredi, son le tombe cardw*
U.8ûmle qui coo simile à sepolto»
B i monimenti son più, e men caldi.
B poi ch' alla man désira si fu toU'
Panammo Irai nuurtiri e gli altiq»aldi.
Vt^
182 L'ENFER.
NOTES DU CHANT NEUVIÈME
i. La pftleur par laquelle se manifesta sa frayear.
2. Ce passage obscur à fort exercé les commenta leurs. Se parlant et t^
répondant à lui-même intérieurement, Virgile ne prononce que des inot#
entrecoupés, qui ne forment aucun sens suivi. On devine seulement qui
attend avec impatience quelqu'un qui lui a promis secours. Dante lui-même
ne àait quel est le sens véritable du discours tronqué de «on Guide. Il f
avait entre les Gibelins un langage convenu, mystérieux, dont on troavo
plus d'une trace dans ce poënie, et encore plus dans les autres ouvrages do
l'auteur, surtout dans ses Canzoni. Les mots tal et altri paraissent appar^
tenir à ce langage, dont le secret probablement est à jamais perdu. Quel-
ques-uns conjecturent qu'ils désignent l'empereur Uenri de Luxembourg
impatiemment attendu par les Gibelins, alors abattus par le parti contraire*
et qui fondaient sur sa venue, plusieurs fois annoncée, de grandes espé--
rances.
3. Sorcière de Thessalie, qui, à la prière de Sextus Pompée, tira, par^
force de ses enchantements, une âme de TEnfer, pour savoir quelle seru^
'issue de la guerre civile entre César et le grand Pompée, père de Seitu»-
— Lucain, Pharsale^ liv. VI.
4. Le Premier Mobile, ou le ciel le plus élevé, qui enveloppe et men^
tous les autres cieux.
5. a Sans que le courroux de celui qui va venir ne dompte la résistane^
des esprits rebelles qui nous en interdisent l'entrée. »
6. Proserpine, femme de Pluton, roi de l'Enfer.
7. « Nous le changerons en pierre. »
8. « Nous tirâmes une trop faible vengeance de l'attaque de Thésée. » -**
Descendu aux Enfers avec Pirithofls pour enlever Proserpine, celui-ci fu*
dévoré par Cerbère, et Thésée seulement retenu prisonnier. Suivant un*
interprétation différente et plus littérale, — car le texte ne dit pas malvcfr
giammo, mais mal non vengiammOj — il faudrait traduire ma/ noti^n^v^
gedmes, nous ne punîmes pas mal l'attaque de Thésée. Ce serait une soite
de louange que se donneraient à elles-mêmes les Furies. Ce sens, toutefob,
ne se lie pas aussi bien avec ce qui précède.
CHANT HEUVIfiME. 283.
9. Dante semble ici confirmer lui-même le fentiment des interprètes,
il est parlé dans la note sur le tercet 3.
10. Virgile.
11- Sous l'image de Cerbère, disent les interprètes, il faut entendre l'es-
prit infernal, qui , lors de la descente du Christ en Enfer, ne pouvant lui
opposer de rébblance, s'arracha de rage le poil du menton, et se meurtrit
le visage et la poitrine.
12. Le sixième cercle.
15 Ville d'Istrie.
14. Golfe qui baigne Tlstrie, où finit Tltalie, et la sépare de la Croatie.
' ■ • ' ,
SSi
L*EK^£R.
CHANT DIXIÈME
1 . Maintenant, par un étroit sentier, entre le mur (
la ville et les tourmentés, va mon Maître, et moi derrièi
lui.
2. — vertu suprême^ dis-je, qui, comme il te plai
me conduis par les tristes circuits, parle-moi et satisfa
mes désirs.
3. La gent qui git dans les sépulcres, la pourrait-(
voir? Tous les couvercles sont levés, et nul ne fait garde.
4. Et lui à moi : « Tous seront scellés, quand de Jos;
phat ils reviendront ici avec les corps qu'ib ont lais»
là-haut.
5. « De ce côté ont leur cimetière, avec Épicure, tous a
sectateurs, qui veulent que Tâme meure avec le corps.
6. « Au reste, de là dedans on satisfera bientôt ta de
loande, et aussi le désir que tu me tais, d
GANTO DEGIMO
\'
l.Ora sen va per uno stretto calle
Tra 'I muro deila terra e li raartiri
Lo mio Maestro, ed ie dopo le spaUe.
S.0 TÏrlù somma, che per gli empi giri
Mi Tolvi, cominciai, com' a te piace,
Parlami, e soddisfammi a' miei desiri.
3. La gente. che per li sepolcri giace,
Potrebbesi veder? gii son levati
Tutti I coperchi, e nessun guardia face.
k, Ed egU a me : Tutti saran lerrali,
Quando di Josafli qui tomeranno
Coi corpi che lassù hanno lasdali.
5. Suo cimitero da questa pnrte hanno
Con Epicuro tutti i suoi segnad.
Che i' anima col corpo morta lanno.
6. Perô alla dimanda che roi faci
Quinc' entro soddisfatto sarai tosto,
E al disio ancor che tu mi taci.
GHAHT DIXIÈME. 285
7. Et moi : — Bon maître, si je ne te découyre pas tout
3n cœur, c est pour être bref comme déjà auparavant tu
y as induit.
8. <c Toscan, qui t'en vas, vivant, par la cité du feu
isi sagement parlant, qu'il te plaise t'arréter en ce lieu I
9. « Ton langage montre que tu es né dans cette noble
trie* à laquelle peut-être fus-je trop rude. »
10. Subitement celte voix sortit d'une des tombes : de
loi eiïrayé, je me rapprochai un peu de mon Guide.
il. Et lui me dit: « Que fais-tu? Tourne-toi. Vois là
rinata qui s'est levé : tu le verras tout entier de la cein-
re en haut. »
12. J'avais déjà mes yeux fixés sur les siens, et lui de la
itrine et du front se dressait, comme s'il eût eu l'enfer à
and mépris.
13. Les mains promptes et hardies du Maître me pous-
sent vers lui à travers les sépulcres, disant : « Que tes
rôles soient nettes ^ ! »
14. Et quand je fus au pied de sa tombe, il me regarda
i peu, puis d'un air hautain me demanda : « Qui furent
8 ancêtres? »
15. Moi qui d'obéir étais désireux, je ne les lui celai
)int, mais je les nommai tous : sur quoi il éleva un peu
8 sourcils,
Kd 10 : Buon Dnea, non t«gno naseoilo
A t« mio cor, se non per dicer poco ;
B tu m' hai non pur mo a ciô dispotto.
•0 Tosco, ebe per la ciltà del foco
Vivo ten vai cosi pariando onesto,
^iacciati di ristare in questo loco.
■|^ tualoquela U fa maniresto
"^ «Nia nobil patria naiio,
Alla quai forse fui troppo molesto.
■Subitamcnte questo suono uscio
^ una deir arche : peru m' accostai,
T<!<neodo, no poco più ai Duca mio>
Uei mi disse : Tolgiii: che fai?
▼edi là Farinata che s' è drilto :
Dalla cintob in su tulto il vedrai.
It.Io avea già il inio viso nel suo fitto ;
Ed ei s' ergea col petto e colla fi onte,
Com' avesse lo Infemo in gran dispilto
1S.E le animose man del Duca e pronte
Mi pinser tra le sepoiture a lui,
Dicendo : Le parole tue sien conte.
li.Toslo ch' al piè delki sua tomba fui,
Guardomini un poco, e poi quasi sdegnoso.
Mi dimandù : Chi fur li maggior tui?
15. lo, ch' era d' obedir desideroso.
Non giiel celai, ma tutlo gliel' apcrti :
Ond' ei lev6 le cig,UaL\ui^cAm«MA\
16. Puis dit : « Cruellement ils furent ennemis <
moi, et de mes aïeux, et de mon parti ; aussi les chassai
deux fois. »
17. — S'ils furent chassés, répondis-je, de toutes pai
ils revinrent et Tune et l'autre fois; mais les vôtres n'a
prirent jamais cet art.
18. Lors, se 9iontrant à découvert,, surgit une ombr
qui seulement au menton de Tautre atteignait; elle s'étai
je crois, levée sur les genoux.
19. Elle regarda autour, comme désirant voir si un aui
était avec moi; et après qu'en elle Tespérer fut entiàn
ment éteint,
20. Pleurant elle dit : « Si, à travers cette sombi
prison, tu vas par grandeur d'âme, mon fils où est-il? pou
quoi pas avec toi? »
21. Et moi à lui : — Je ne viens pas de moi-même; n
conduit en ces lieux celui qui attend là, et que votre Guic
eut peut-être à dédain*.
22. Ses paroles et le genre de la peine m'avaient déj
de celui-ci appris le nom : ce pourquoi la réponse fut
pleine.
23. Soudain se dressant, il s'écria : « N'as-tu pas dit
n eut? Ne vit-il plus? La douce lumière ne frappe-t-ell
plus ses yeux? »
16. Poi disse : Fieraniente furo arversi
A me e a* nriiei priini e a mia parte.
Si cbe per duo tiale gli dispersi.
17.8' ei fîir cacciati. ei tornar d' ogni parte,
Risposi lui, e l'una e l' altra fiata ;
Ma i vo&lri non appreser ben quell' arte.
IS.Allor surse alla vi&ta scopercbiata
Un* ombra lungo questa inflno al mento :
Credo che s' era inginoccbion levata.
!•• Dintorno mi guardô. come talento
Avesse di veder s' altri era roeco ;
Jb pot cbe il sospicar fu luUo speoto,
SO.Piangendo disse : Se per questo ueco
Carcere vai per allezza d* ingegno.
Mio figlio ov* é? o percliè non è teeo?
SI. Ed io a lui : Da me siesso non vegoo :
Celui, cbe attende li, per qui roi meaa«
Forse cui Guido Tostro ebbe a disdegno
22* Le sue parole e il modo délia pena
M' avevan di costui già letto il nome :
• Perô fu la risposta cosi piena.
as.Di subito drizxato gridô : Conie
Dicesli egli ebbe ? non viv' egli ancon *
Non llere gli occbi suoi lo dolce lorae?
CHANT DIXIÈME. 281
IToyant qu'un peu je tardais à répondre, à la ren-
retomba, et ne parut plus au dehors.
ffais cet autre magnanime, à la demande de qui je
arrêté, ne changea point de visage; sa tête, son
stèrent immobiles.
li continuant le premier discours : « Qu'ils aient
ris cet art, dit-il, cela me tourmente plus que cette
( Mais de la Dame qui règne ici^ le flambeau ne se
rallumé cinquante fois, que tu sauras ce que coûte
Et si jamais tu retournes dans le doux monde ^, dis-
irquoi ce peuple, en toutes ses lois, est si cruel
2s miens? »
li moi à lui : — Le massacre et le carnage qui rou-
ia'' fait faire une telle oraison dans notre temple*.
Lprcs avoir en soupirant secoué la tète : a A cela,
i ne fus pas seul, et ce n'eût jpas certes été sans
Tavec les autres je m'y fusse porlé ;
: Mais quand tous consentaient à détruire Florence,
'ace je la défendis. »
- Ah 1 si jamais les vôtres recouvrent le repos, lui
îvez, je vous prie, le voile dont vous avez enveloppé
ence
».
accorse d'alcuna dimora
va dinanzi alla risposU*,
dde, e piu non parve fuora.
)l(ro ina;;nan'mo, a cui posta
' era. non inulù aspelto,
collo, ne piegô sua costa.
inuando al primo detto,
neU'arle, disse, maie appresa,
menta più cbe questo letto.
nquania vclle fia raccesa
itUla donna ctie (|ui regge,
jrai quanto queil' arte pesa.
d nel dolce mondo regge,
Dimmi, perché quel popolo è si empio
Incontro a' miei in ciascuna sua legge ?
t9. Ond' io a lui : Lo slrazio e 'i grande sceno-
Che fece TArbia coloraia in rosso, [pic
Taie orazion fa far nei nostro t empio.
SO.Poi ch' ebbe sospii-ando il capo scosso,
A ciô ncn fu* io soi, disse, ne certo
Senza cagion sarei con gii aitri roosso
SI. Ma fu' io sol, cola, dove sofTerto
Pu per dascuno di tor via Fiorenza,
Colui che la difese a viso aperto.
SS.Deh, se riposi mai vostra semenza,
Prega' io lui, solveterni quel nodo,
Che qui ha 'nxilu^v^Xa maL^tûL^toa.
288 L'ENFER.
33. Car, si je Tentends bien, il semble que, le prés^i
vous étant caché, vous voyez au delà ce que le temps amèi
avec lui.
34. c( Nous voyons , dit-il , comme on voit avec m
mauvaise vue, les choses qui sont loin, autant que les éclaii
le souverain Maître.
35. « Quand elles s'approchent, ou sont déjà, toute noti
intelligence s'évanouit; et si quelque autre ne vient ici noi
en instruire, nous ne savons rien de votre état humain.
36. «Ainsi, tu peux comprendre que pour nous moun
toute connaissance, de ce moment où sera fermée la por
de l'avenir**. »
37. Alors, comme contrit de ma faute : — Maintenan
dis-je, vous direz à ce tombé *^ que son iils est encoi
parmi les vivants.
38. Et si, tardant de répondre, je demeurai muet, faite
lui savoir que ce fut parce que j'étais encore dans Terrei
dont vous m'avez tiré**.
39. Déjà mon Maître me rappelait, ce pourquoi je prii
l'esprit de se hâter de me dire qui était avec lui.
40. Il me dit : « Ici je gis avec plus de mille; là-deî
sous est le second Frédéric, et le cardinal*' : je me tais de
autres.
83. E' par che voi Teggiate, se ben odo,
Dinanzi quel che '1 tempo seco adduce,
£ nei présente tenete allro modo.
SV.Noi veggiam, corne quei c' ha mala luce,
(.e cose, disse, che ne son lonlano :
Colanto ancor ne splende il somme Duce :
S5.Quando .s' appressano, o son, tuttoèvano
Moslro inlelletto; c, s'allri nol ci apporta,
Nulla sapem di voslro stato umano.
SC.Perô compiender puoi, che tuttn morta
Fiu nuslra conoscenza du quel punlo,
Che del future lia chiusa b porta.
57. Allor corne di mia colpa compunto,
Dissi : Or direle dunque a quel cadoto.
Che '1 suo nato ë co' vivi ancor congionl
58. E s' io fui dianzi alla risposta moto,
Fate i saper che '1 fei, perché peonti
Già neir error che m' a vête soluto.
59. E già *l Maestro raio mi richiarnava :
Percli' io pregai Io spirito più aTacciOi
Clie rai dicesse chi con lui si stava.
40. Dissemi : Qui con più di mille giacdo:
Qua enlro ù Io seconde Federico,
Ë '1 Cardinale, e degli aUri mi tacdo.
CHANT DIIIÈHE. i89
41. Puis il s'enfonça : et moi vers l'antique Poêle je
•urnai mes Das, repensant aux paroles qui me semblaient
énaçantes.
42. Lui se mut, et ainsi allant, il me dit : « Pourquoi
htu si troublé? » Et moi je satisBs à sa demande.
45. c( Que ta mémoire conserve ce que tu as entendu
mtre toi, me commanda ce Sage ; maintenant regarde ici I »
t il leva le doigt ^^.
44. (( Quand tu seras devant le doux rayon de celle
ont le bel œil voit tout^', par elle tu connaîtras le voyage
8 ta vie.»
45. Il tourna ensuite à main gauche : nous laissâmes le
lur, et vînmes vers le milieu par un sentier qui aboutit à
ne vallée
Dont, jusque d'en haut, l'on sentait la puanteur.
Lladi 1*880086 : ed io in Ter I* aalieo
Fwta vobi i passi, ripensando
A quel parlar che mi parea BÎmico.
tEgli si mosse ; e poi cosi andando,
li disse . Perché sei tu si smarrito ?
E io U soddisfeci al suo dimaiido.
I.La mente tua conaenri quel che udito
Bsi contra te, mi comandô quel Saggio,
iora attendi qui : e driuô '1 diUk
U*Qoando saraidinanii ai doke raggio
Di queil.1, il cui beil' occhio tutto vede,
Ua lei saprai di tua vita il viaggio.
4S.AppressoTolse a man sinisira il piede ;
Laâciammo il jnuro, e gimroo iji ver Io mex-
Po* un sentier ehe ad una valle fiede, [zo
Cbe 'nfin lassu Imm spiacer suo lesao.
9. U
VI
. ' '- ■
■ <.... '. I
290 ' l'ESFER.
NOTES DU GHâNT DIXIÈME
1. Virgile.
2. Florence, patrie de Farînata degU Uberti, lequel, uni aux Gîbete
Sienne, exerça de grandes sévérités contre ceux de ses • concitoyens qui i
partenaient au parti guelfe.
3. Le sens paraît êlre : « Tu peux parler librement, hardiment. » Gepe
dant C(?/z/e peut aussi signifier brèves^ et ce sens s'accorderait mieux a?ee
que dit Dante plus loin : « Déjà mon maitre me rappelait. »
4. Guido Gavalcanti, fils deGavalcante de' Gavalconti, avait abandoaoé
poésie pour s'appliquer à la philosophie.
5. La Lune.
6. Cette tournure, empruntée des anciens, et qui se retrouve plus bu
tercet 52, exprime une sorte de souhait conditionnel : — a Dis-mirij i
qiC ainsi puisses-tu retourner dam le doux monde. — »
7. Loi's de la défaite des Guelfes près de ce fleuve.
8. De telles lois, disent les commentateurs, qui entendent par tit^
le (ieu où s'assemblaient les magistrats. Ce mot, joint à celui d'ovaziêM
nous parait, dans la pensée du Danle, trop d'accord avec les ardentes jMf]
sions politiques du temps, ériger la vengeance en une sorte de culte. 1
9. Dante, inquiet de ces paroles obscures et menaçantes de FarioiUl
Tu sauras ce que coûte cet art, le prie de s'expliquer plu& clairement.
10. Après le Jugement dernier, où il n'y aura plus d'avenir, parce qu'il b'
aura plus de temps.
11. Cavalcanle de' Gavalcanti.
12. a Parce que je eroyais, à tort, que les damnés connaissaient les cbo^
présentes. »
15. Le c:irdinal Ottaviano degli Ubaldîni, si pa-'sionnément attaché
parti Gibelin, qu'il disait : a S*il y a une âme, je l'ai perdue pour les G
lins. » — Voilà pourquoi il est mis ici parmi les horrliqnes.
14. Peut-être pour indiquer le ciel où il verra Béatrice, laquelle, cor»
il le dit plus bas, lui fera connaître le voyage de sa vie, — l'instruira «le
qui doit lui arriver plus tard.
15. Béatrice.
CHAWT ONZltME.
SJI
CHANT ONZIÈME
1. Sur le bord d'une haute rivière que forme un cercle
I pierres brisées, nous vînmes au-dessus d'un amas de
urments plus cruels.
2. Et à cause de rhorrible puanteur qu'exhale le pro-
nd abîme, nous nous retirâmes derrière le couvercle.
3. D'un grand tombeau, où je vis une inscription qui
isait : « Je garde le pape Anastase, que Photin * détourna
e la vraie voie. »
4. « 11 convient de retarder notre descente, afin qu'ac-
outumés un peu à l'infecte vapeur, elle nous soit ensuite
loins pénible. »
5. Ainsi le Maître. Et moi : — Trouve, lui dis -je, quel-
|ue compensation, pour que le temps ne soit pas perdu,
ftlui : « Tu vois que j'y pense.
6. « Mon lils, dit-il, au dedans de ces rocs sont trois pe-
tits cercles, de degré en degré, comme ceux que tu quittes.
I
CANTO DECIMOPRIMO
\' !• In n 1' estnmita d' ira' alU ripa,
Che beevan gran piètre rette in eerehio,
< Yninmo sopra più enuiele stipa ;
*• B quW pér V orribile «operchio
I)«i^zzo,ebe il profondo abis<o çUta,
Cl Ttecostammo dietro ad an eopereliio
'* ^' U) grande avello, ot' io vidi una seritta
Qiedicen : Anasta»io]tapo gnardo
^ ÎMal troase Fotin délia via dritta.
4. Lo nottro scander eonrien esser tardo.
Si ehe s' aasi prima ua poeo il saaso
Al tristo fiato ; e poi non fla rignardo.
6. Co<i 'I Maestro, ed io : Alcun compenso.
Dissi Ini,trova, cbe 'I tempo non passi .
Perduto : cd eçli : Vodi che a ciô penso.
6. Figliuol mio, dentro da cotesti raw,
Cominciô pol a d\r, son \ve ccTtVvaVVX
Di grade in grado, comè cjun fcV«i W>\i
. I
89S LfiNFiHa.
7. « Tous sont remplis d*esprits maudits : mais, p
qu'ensuite la vue te suflSse, entends comment et pourq
ils sont dans la gône.
8. « De toute malice qui attire la haine du ciel, la
estrinjure; et toute pareille fin offense autrui ou pai
force, ou par la fraude.
9. a Mais, parce que la fraude est le mal propre
rhomme, elle déplsdt davantage à Dieu : c'est pourq
les artisans de fraude gisent plus bas, et plus de doul
les point.
10. a Tout le premier cercle est des Violents; n
parce qu'on fait violence à trois sortes de personnes,
construction le divise en trois enceintes distinctes.
11. « A Dieu, à soi, au prochain on peut faire violen
je dis aux personnes et aux biens, comme tu vas Tenten
clairement.
12. « La violence donne la mort au prochcdn, e1
blesse ; elle l'atteint dans son bien par les rapines, les
cendies, les exactions.
13. (( Dans la première enceinte sont donc tourmeo
les homicides, ceux qui frappent à tort, les ravageurs
tous les voleurs, par bandes séparées.
14. « L'homme peut porter une main violente sur so
sur ses biens : ainsi dans ia seconde enceinte, il convi*
que sans fruit se repente
7. Tntti son pien di spirtl roaledettl :
Ma perebè poi ti basti pur la vlsta,
Intendi eoine e perché son costretti
8. D' ogni malizla ch' odio in eielo aequlsta,
Inglurlà è il fine, ed ogni fin cotala
G oon fona o eon frode altrui eontrista.
9. Ma perebè frode è deli' nom proprio nale,
Pift spiaei a Dio ; e perô stan di sutto
Gli rrodolentl,e più doior gli assale.
tO. Dl Tiolenti il primo cereblo è tutto ;
Ma perebè si ili forza a tre persone,
In tre girom è distinto e costratto,
11. A Dio, a se, al prossimo si
7ar fona '^ dico in loro ed In lor
Com' udirai eon aperta ragione.
13. Morte par fona et femte dof liose
Ne! prossimo si danno, e neJ tno^ a«
Ruine, Incen^ e collette dannose;
13. Onde omicide e eiasenn ehe mal fiait
Guaslatori e predon, tutti tormenta
Lo giron primo p«r dhrerse sehitre.
14. Puote uomo averp In se man violenta
E ne' suoi béni t e perè ne! seceodo
Giron convien che sensa pro si peata
CHANT ONZIÈME. M3
15. « Quiconque se prive de votre monde', joue et dis-
e son bien, et se crée une peine de ce qui devait être
joie.
16. « On peut faire violence à la Divinité en la niant au
ians de soi et la blasphémant, en méprisant la nature
sa bonté '•
17. « Ainsi la plus étroite enceinte marquée de son signe
Sodome et Gahors ', et qui, discourant en son cœur,
éprise Dieu.
18. « La fraude, qui toujours blesse la conscience •, on
ut en user contre qui a fiance, et contre qui ne Ta pas.
19. « Cette dernière sorte de fraude détruit absolument
lien d*amour formé par la nature; d'oti, dans le second
rcle, ont leur nid.
30. « L'hypocrisi, la flatterie, la sorcellerie, la fourbe-
e, te larcin, la simonie, les commerces infâmes, la bar-
irie, et pareilles ordures.
21. « Par l'autre sorte de fraude s'oublie l'amour que
ïrme la nature, et celui qui s'y surajoute et crée la foi
pédale ''.
Î2. « Ce pourquoi, dans le plus petit cercle, 1^ où est le
îentre de l'univers, au-dedans duquel sise est Dite, éter-
nellement le traître est consumé. »
16. Qnalnaque prita tè del Toslro moodo,
Kicaiu e fonde U rat faeulude,
B ^tB^ là doT* esMr dee gioeondo.
^ Paairi tir font nella Qeitade,
Col «or Bflgando e be&temmiaodo qoella,
E lyngiando natnra e sua bootade :
'^' E pari lo minor giron ttigf ella
Dtl wgno «no e Sodoma e Caona
K cU, apregiando Dlo» eoi cor faTelIa.
'L La frodOt ond' ognl eonselenza 6 mona,
PdA i' nomo nsare in colui ehe si fida,
£ ta qnello ehe fidanxa non imbona.
f 19. Qnesto modo dl rétro par ehe neeida
Par lo Tineol d' amor ebe fa natnra t
Onde nel eercbio seeoodo s'annida.
SO. Ipoerisia, Insingbe e ehi affattnra,
Falcità, ladraneeeio e simonia,
Ruffian, baratti, e simile lordura,
21. Per r altro modo qnell' amor s' obblit
Che fa notura, e quel eh' d poi aggiunto.
Di che la fede spezial si cria :
29. Onde nel eercbio minore, ov' é 1 pnnto
Dell' UniverfO, in su ebe Dite siede,
El unque trade in etemo è eosunto..
«W LENFEB.
23. Et moi : — Maître, trèsK)tairement pr
discours, et bien distingue-t-il ce gouffre et le
l'habite.
24. Mais, dis-moi : ceux du marais fangeux <
emporte et que bat la pluie, et qui se heurten
paroles si âpres,
25. Pourquoi dans la cité du feu ne sont-ils
si Dieu les a en ire? Et si en ire il ne les a pas
sont-ils en telle angoisse?
26. Et lui à moi : « D'où vient, dit-il, que
s'égare ainsi contre sa coutume, ou qu'ailleurs
mémoire?
27. « Ne te souviens-tu point de ce que dit toi
traitant des trois dispositions que le ciel réproi
28. « L'incontinence, la malice, l'aveugle be:
comment l'incontinence offence moins Dieu,
moins de blâme?
29. « Si tu considères bien cette sentence et t
quels sont ceux qui, hors d'ici, plus haut, suh
peine *,
30. « Tu verras aisément pourquoi ils sont
ces félons, et pourquoi avec moins de courrou:
justice les mar telle? »
S8. E io : Maestro, assai eharo procède'
La tua ragiooe, e assai ben dislingue
Questo barattro e il popol cbe possiede.
2f. Ma dimmi ; quel délia paiude pingue
Che mena il Tenlo e che batte ta pioggia.
C che s' incontran con si aspre lingue,
2'6. Percbd non dentro délia eittà roggia
Son et punitif se Dio gli ba in ira?
E se non gli lia, perché sono a tal foggia ?
26. Ed egli a me : Perehè lanto dolira,
Disse, Io 'ngegno too du quel eh' el suole?
Ovrer la mente tjia altrove min T
27. Non ti rimembra di que
Con le quai la tua Etica
Le trc disposizion, che
28. Inrontinenza, malizia, e
Besiialitade? e corne ïno
Men Dio oCTende e men 1
29. Se tu riguardi ben quesl
E reciiiti alla menle chi
Che ?u di fuor sostengor
.30. Tii vedrai ben perehè da
Sien dipartiti, c perché
La divina giustizia gli m
CHANT ONZIÈME. 2U&
• soleil, qui guéris toute vue troublée, tu me sa-
ement, lui dis-je, quand tu dénoues les difficultés^
loins que savoir, douter m'est agréable.
tourne encore un peu en arrière, à ce que tu as dit
, qu'elle blesse la divine bonté, et délie ce nœud.
La philosophie, à qui l'écoute, enseigne, me dit-
is d'un endroit, comment la Nature, dans son
}cède
[)e la divine intelligence et de son art propre**; et
ien la physique", tu trouveras, dès les premières
ne votre art suit, autant qu'il peut, celui-là, comme
i suit le maître, de sorte que votre art est, pour
er, petit-fils de Dieu.
e ces deux **, si lu te rappelles le commencement de
, il convient que l'homme tire sa vie et son progrès.
Et parce que l'usurier tient une autre voie, il mé-
ature, et en soi, et dans l'art qui la suit, puisqu'on
se il met son espérance**.
Mais suis-moi : l'aller m'agrée, maintenant que les
glissent à Thorizon, que le Chariot se montre au-
Coro '%
là, plus loin, le rocher devient moins abrupt*
■i ogfà vista tnrbata,
nti si quando tu solvi, [graU.
ni che saver, dubbîar m' ag-
»0CD indietru ti rivoivi,
ove di, che ustira offende
mtade. e il gropiK) svolvi.
disse, a chi la intende,
re in una soia p <rle,
I la suo corso prende
ntelletto e da*su' arte :
la tua Fisica note,
non dopo moite carte,
ostra quelia» quanlo puote.
Segue, oMiie il maestro fa 'I discenle.
Si che vostr'artea lAo quasi è nipotê.
S6.Da queste due, se tu ti rechi a mente
Lo Genesi dal principio, conviens
Prender sua vita, ed avanznr la genlc.
S7.K perché l'usurière allra via tiene,
Per se natiira, e per la !>ua seguace
Dispregia, poichè in allro pon la spene.
38. Ma seguimi oramai, chèil ^ir mi piace;
Cbè i Pesci guizzan su per 1' orizzonta,
E il Carro tutto sovi-a '1 Loro giace ;
E il baizo via là oltre si dismonta.
i
L'ENFER.
NOTES DU CHANT ONZIÈME
1. Hérésiarque du quatrième siècle, qui niait la di?inité de Jésns4!l]
2. Les Violents contre eux-mêmes, les Suicides.
3. En abusant des biens que nous tenons de la nature, et en mépri
ses lois.
4. Les trois enceintes qui divisent en trois cercles plus, petits le c*
des Violents, vont se rétrécissant i mesure qu'elles descendent plus bas
5. Gahors, au temps de Dante, était un repaire d'usuriers.
6. Liitéralement : a La fraude dont toute conscience est mordue. 1
peut s'entendre en plusieurs sens ; nous suivons celui qui nous parait le
naturel, et le mieux lié avec ce qui suit.
7. La première sorte de fraude rompt les liens par lesquels la ns
a uni généralement les hommes entre eux ; la seconde rompt en outn
liens plus étroits de la parenté, de l'amitié, etc., d'où naît une confi
mutuelle plus grande.
8. L'éthique d'Aristote, de grande autorité alors dans les écoles.
9. Voyez, ch. vu, terc. 8 et suiv.
10. Tout ce que produit la Nature a premièrement sa cause dans l'inl
gence divine, et ensuite dans l'action de la Nature même, dans son
propre, dont le principe est en Dieu.
il. La physique d'Aristote.
12. De ces deux arts, celui de la Nature et le vôtre.
13. Parce qu'il veut retirer du fruit de ce qui n'en produit ni. nature
ment, ni par Tart humain, c'est-à-dire de l'argent, stérile de lui-même.
14. Le Coro, ou le Courus des Latins, est le vent du nord-ouest.
. /
CHANT DOUZIÈME.
,» I
S97
CHANT DOUZIÈME
1. Si âpre était le lieu où nous vînmes pour descendre
la rive^, qu'à cause de celui que nous y trouvâmes, il n'est
point de vue qu'il ne rebutât.
2. Telle qu'au-dessous de Trente, cette ruine qui frappa
de flanc l'Adige lorsque, par un tremblement de terre ou
le manque d'appui, elle s'écroula,
3. Forme, du sommet de la montagne jusque dans la
plaine où elle roula, un talus de roches, lesquelles ouvrent
trn chemin à qui serait en haut :
4. Telle était la descente de ce précipice; et, sur la
pointe abrupte du gouffre, gisait l'infamie des Cretois,
5. Qui fut conçue dans la fausse vache*. Lorsqu'il nous vit,
Ose mordit lui-même, comme dévoré de colère au dedans.
6. Mon sage Guide lui cria : « Crois-tu peut-être qu'ici
soit le roi d'Athènes', qui là-haut dans le monde te mit
à mort?
GÂNTO DEGIMOSEGONDO
Lin lo loco, OTê a scender la nva [anca,
Tenionno, alpestro, e, per quel ch* ivi er*
Til, ch'ogni tista ne larebbe schiva.
IQaal è quella ruina, che nel fianco
K qva da Trento l'Adice percossa
pier tremoto o per aostegno manco;
|.Cbe da cima del monte, onde si moïse,
Al piano, è si la roccia discoscesa,
Gh'atcuna nu darebbe a clii su fosM ;
«.Cotai di quel bonato era la
E in su la punta délia rotta laeea
L' infamia di Creti era distesa,
SiChe fu concetta nella falsa Taeea :
K quando vide noi, se stesso morte
Si come quoi, cui 1* ira dentro fiaota.
•.Lo Savio roio in Ter lui gridA : Forse
Tu credi che qui sia '1 duca d' Atene,
GlM su nel moodo la morte ti porset
I
i
17.
298 L'ENPBn.
7. « Va-t'en, bête brute ! celuMîi ne vient pasinsiruiipar
la sœur; il vient pour voir vos peines. »
8. Comme letaureau qui rompt sesliensaumomentoùil vient
de recevoir le coup mortel, aller ne sait, mais çà et là sautille,
9. Ainsi faire vis-je le Minotaure. Et le Maître prudent
cria : « Cours au passage! il est bon que tu descendes
pendant sa furie. »
10. Et descendant, nous prîmes notre roule par cet ébou-
lement de pierres, qui souvent roulaient sous nos pieds, à
cause du poids nouveau\
11. Je m'en allais pensif, et lui me dit : «c Tu penses
peut-être à ces ruines que garde la colère bestiale que je
viens de réprimer.
12. c< Or, je veux que tu saches que, lorsque, l'autre fois,
je descendis dans le bas enfer, cette roche n'était pas en-
core écroulée.
13. « Mais, si je juge bien, peu avant la venue de celui
qui enleva à Dite la grande proie du cercle supérieur"',
14. (i De toutes parts la profonde et sale vallée trembla
tellement, que je pensai que l'univers sentait l'Amour par
lequel il en est qui croient
15. «Que plusieurs fois le monde fut ramené dans le
chaos*; et, à ce moment, cette vieille roche, ici, et ailleurs
encore plus, s'écroula.
T.Partili, bestia, chè quesU non viene
Ammaestralo dalla tua sorella,
Ma Tassi per veder le vostre pêne.
9. Quai ë quel toro che si slaccia in quella
C ha ricevulo.già'l colpo morlale,
Chc gir non sa, ma «pu e là sallella ;
9. Vid' io lo Minotauro far colale.
E quegU aa'oiio grid&. Corri al varco;
Menire cb'è in furia, é buon che tu U cate.
10. Cusi prendemnw via pu per lo scareo
Di quelle piètre, che spesso rooviensi
Sotio iuiiei piedi per lo nuovti carco.
ii.Io gia penaando ; eqtiei disae :Tm panai
Forse a questa rovina, ch' è guardata
Da queir ir.-i bestial ch' io ora spensi.
12. Or vo'che sappi, che l'ahra tiata
Ch'i'discesi quaggiù nel liasso infemo,
Questa roccia non era ancor cascata.
13. Ma certo, pnco pria, se ben discerne,
Che venisse Colui, che la gran preda
Levô a Tiile del cerchio supemo,
14. Da tutte parti 1* aha \aï\e frda
Tremo si, ch' io pensai che l' Universo
Sentisse ainor, per lo quale è chi creda
15. Più volte il mondo in cnos converso
E in quel punto questa vecchia roccia
Qui ed allrove tal fece riverso.
CHANT DOÏÏZIÈMC. 299
is fixe tes regards sur la vallée; noiis approchons
mg' où bouillent ceux qui, par violence, ont nui
reugle cupidité, ô folle colère, qui tant nous in-
\i la courte vie, et ensuite, durant l'éternelle,
3 en un si affreux bain !
s une large fosse qui, comprenant toute la partie
)ntournait en arc, comme l'avait dit mon Guide,
e elle, et le pied de la ravine couraient à la file
•es armés de flèches, comme ils avaient coutume
chasse dans le monde.
s voyant descendre, chacun d'eux s'arrêta, et
3 trois se détachèrent, avec des arcs et de petits
ièrement éprouvés.
un d'eux cria de loin : « A quel supphce venez-
qui descendez la côte? Parlez d'où vous êtes,
; l'arc. »
i Maître dit : « Nous répondrons là de près à
on dam ton vouloir fut toujours trop prompt. »
, me touchant, il dit : « Celui-ci est Nessus, qu
ir la belle Déjanire, et se vengea lui-même*,
celui du milieu, qui regarde sa poitrine, est I
>n, le nourricier d'Achille; cet autre est Pholas
ein de colère.
Iii a valle ; ché s' approcda
an|<ue, in la quai bolle
lultfiiza in altnii noccia.
ia, ira folle,
nella vila corta,
oi si mal c' iinmoUe !
a fossa in arco torla,
e tuitu il piano abbraccia,
a det^o la mia scorta :
I ripa ed essa, in tracda
ri annati di saette,
l inoado andare a caccia.
r, ciascnn ristette,
E délia schiera ti e si dispartiro
Con archi ed asticciuole prima elette .
tl. E r un gridô da luiigi : A quai inartiro
Yenite voi, cbe scendeti; la costa ?
Ditel costinci ; se non, Parco (iro.
22. Lo mio Maestro disse : La risposta
Farem nor a Chiron coslà di presso :
Mal fu la voglia tua sempre si tosta.
25. Poi mi tenlô, e disse : Quegli <■ Nesso,
Che mori per la bella Oeianira,
E fe di se la vendetta egli stesso.
2i.E quel di mezzo, che al petto si mira^
è il gran Chirone, il qu* al nudri Achille
Qiieir altro ë Folo, che f» si pim d*in.
j
300 , L'ENFER.
25. a Autour de l'étang par milliers ils vont, lançant des
. flèches contre toute ombre qui se soulève, au-dessus do
sang, plus que ne le permet sa coulpe. »
26. Nous nous approchâmes de ces animaux agiles; Ghi-
ron prit un trait, et avec la coche il repoussa sa barbe des
mâchoires.
27. Lorsqu'il eut découvert sa large bouche, il dit à ses
compagnons : « Remarquez-vous que celui d'arrière meut
ce qu'il touche?
28. « Ainsi n'ont pas coutume de faire les pieds des
morts. )) Et le bon Maître, qui déjà était près de sa poitrine,
où se joignent les deux formes*,
29. Répondit : « Bien est-il vivant, et ainsi seul je dois
lui montrer la sombre vallée : la nécessité l'y conduit, non
le plaisir.
30. «Telle*^ suspendit ses chants d'alIeluia pour venir
me commettre cet office nouveau ; il n'est point un larron,
ni moi une âme noire.
31 . « Mais, par cette vertu par qui mes pieds se meuvent
sur une route si âpre, donne-nous un des tiens, qui, nous
accompagnant,
32. «Nous montre le gué, et porte en croupe celui-d,
qui n'est pas un esprit qui aille par les airs. »
IS. Dintomo al fosso vanno a mille a mille,
Saettando quai' anima si svelle
Del sangue più» che sua colpa sortille.
M. Roi ci appressammo a quelle liere snelle:
Ghiron prese uno strale, e con la cocca
Face la barba indietro aile mascelle.
tr. Quando s* ebbe scoperta la gran bocca.
Disse ai compngni : Siete voi accorti,
Che quel di retro roove ci6 ch* e' tocea t
M.Cosi non soglion fare i piè de' morli.
B 1 mio buon Duca, che già gli era al pet-
Ovê le duo nature son consorti, [tOt
M.Rispose : Ben : è tItOi a si •oletto
Mostrargli mi convien la valle buk :
Nécessita M c' induce, e non dilello.
80. Ta! si parti da cantare illeMét
Che mi commise quest' uflicM nnofo i
Non è ladron, né io anima fuia.
SI. Ma per quella Tirtù, per cui io moov*
là passi mici per si selvaggia atrada, C^
Danne un de* tuoi, a cui noi siarao a pra^
St.Che ne dimostri U ovê si guada,
-E che porti costui in su la groppa,
Che non è apirto cbe per 1*
CHANT DOUZIÈME. SOI
hiron, se tournant à droite, dit à Nessus : « Be-
st guide-les, et si une autre bande vous arrête,
I »
ors, avec Tescorte fidèle, nous suivîmes les bords
âge fosse bouillante, où les brûlés poussaient de
ris.
en vis d'enfoncés jusqu'aux sourcils, et le grand
I dit : « Ce sont les tyrans qui s'assonvu^ent de pil-
e sang.
Ici se pleurent les ravages accomplis sans pitié ;
Uexandre et le cruel Denys, à qui dut la Sicile des
louloureuses.
Et ce front au poil si noir est Âzzolino^^ et cet
md est Obizzo d'Esti", qui vraiment'* fut
[ Là-haut, dans le monde, tué par son fils.» Alors
)umai vers le Poète, qui dit : « Que celui-ci main-
3 soit le premier, et moi le second^*. »
fn peu plus loin le Centaure fixa ses regards sur
}-uns qui, jusqu'à la gorge, paraissaient sortir, de
bouillant.
I nous montra une ombre, seule à Técart, disant :
;i", dans le sein même de Dieu, perça le cœur que
imise on honore encore. x>
r<^ in sulk destra poppa,
Xesso : Toma, e si li guida,
r, s' altra schiera v' intoppa.
remrao colla scorta fida
iroda del bollor vermiglio,
ti focean allé strida.
lie sotto infino al cigb'o :
lentauro disse : E' son tiranni,
tel sangue e nell' aver di piglio.
angon li spietati danni :
etsandro, e Dionisio fero,
ilia HTer dolorosi anni :
87. E quella fronte c' ha 'I pel cosi nero,
E Azxolino; e quel!' altro, ch' è biondo
Ê Obiuo da Esti, il quai par yero
88. Fu spento dal Ugliastro su nel mondo.
Allor mi volsi al Poeta ,* e quel disse :
Quesli U sia or primo, ed io secundo.
89.P0CO più oltre il Centauro s' aflGsse
Sovra una gente che 'nfino alla gola
Parea che cU quel bulicame uscissa.
40.Nostrocci un' ombra dall' un canto sola,
Dicendo : Colui fesse in grembo a Dio
Lo cor che *n val Tamig< ancor si cola.
ZOi L'ENFER.
41 . Puis j'en vis qui, au-dessus de Tétang, levaient 1
tête, et d'autres tout le buste : et de ceux-ci j'en reconnu
beaucoup.
42. Ainsi de plus en plus baissait ce sang, jusqu
ne couvrir que les pieds ; et ce fut là que nous passâme
le lac.
45. « Cofnme de ce côté tu as vu le sang diminuer tou
jours, dit le Centaure, je veux que tu croies
44. c< Que de cet autre côté le fond se creuse de plus ei
plus, pour rejoindre Tendroit où il convient que la tyranni
gémisse.
45. « De ce côté'*, la divine justice point cet Attila qi
fut le fléau de la terre, et Pyrrhus, etSextus*'', et trai
éternellement
46. « Les larmes qu'éternellement renouvelle la bril
lante douleur en Régnier de Corneto et Régnier Pazzo "
qui tant infestèrent les chemins. »
Puis, se retournant, il repassa le gué.
41.Poi vidi gente che di fuor del ho
Tenean la lesta ed ancor tullo '1 casto
E di costoro assai riconobb' io.
42. Cosi a più a più si facea basso
Quel s;mgue si, che copria pur li piedi :
E quivi fu del fosso il nostro passu.
iS.Siccome tu da quesia parle vedi
Lo bulicaine che sempie si scema,
Disse il Centauro, voglio che tu crédi,
Che da «jocsl' altra a pià a più già prana
Lo fondo 8110, infin ch' et si raggioigi
Ove Id tirannia convien ebe genia.
45. La divina giustraa d! qua pung*
Quell' Attila che fu Hagello in temit
£ Pirro, e SesAo; ed in eterno maMi
46. Le lacrime, che col boltor
A Rinier da Corneto, a Rinier Pano^
Che fecero aile strade tanta guerra.
Foi si rivobe, e hpaiaoaii il
CHANT DOrziÈME.
3'05
NOTES DU CHANT DOUZIÈME
1. Septième cercle.
2. Le Minotaure fut engendré par un taureau, auquel se livra Pasiphaé,
cnfennée dans une vache de bois.
3. Thésée, qui, instruit par Ariane, sceur du Minotaure, tua le monstre
qui devait le dévorer.
4. Le poids de Dante, revêtu de son corps.
5. La venue de Jésus-Christ, qui tira des Limbes les âmes des Justes.
6. Empédocle croyait le monde engendré par la discorde des éléments, et
^ue, lorsqu'elle cessait, lorsque la concorde, ïamour, unissait le semblable
>u semblable, le monde retombait dans le chaos.
1. Première enceinte, ou girone du septième cercle.
8. Nessus, ayant tenté d'enlever Déjanire, fut tué par Hercule, avec des
flèches trempées dans le sang de l'Hydre. Pour se venger, il fit don de sa
l'obe ensanglantée à Déjanire, en lui disant qu'elle avait en soi une vertu
<iui empêcherait son mari d'aimer d'autres femmes. Elle le crut, et donna
« robe à Hercule, qui, après s'en être revêtu, embrasé d'un feu intérieur,
entra en furie, et mourut.
9. Oiî finit la ferme humaine et commence la forme de cheval.
10. Béatrice.
^i. Ëzzelino di Romano, vicaire impérial de la marche de Trévise, et tyran
àe Padoue, où il exerça d'efl'royables cruautés.
12. Marquis de Fcrrare^et de la marche d'Ancônc. Non moins cruel qu'Rz-
selino, il fut étouffé par son fils : dal figliastro, dit Dante. Notre langue
maoque de ce mot, dans un sens analogue à celui de marâtre.
i3. Chiron dit : fut vraiment, parce que le fait du parricide n'était pas
avéré, mais soupçonné seulement là-haut dans le monde.
14. c G*est maintenant Nessus qui te guidera et t'instruira le premier. »
15. Gui de Hontfort, pour venger la mort de son père Simon, exécuté à
Londres, poignarda dans une église de Viterbe, au moment même de Téléva-
tiofl de l'hostie, Henry, neveu de Henry III, roi d'Angleterre. Yillani rap-
■' . t
304
L'EKFER.
porte que, son corps ayant été transporté à Londres, son cctUT fut plae^ â:
une coupe d'or à l'entrée du pont de la Tamise, pour rippeler ce naeurtre
aux Anglais.
16. Du côté où le lac redeyient plos profond.
17. Sextus Tarquin.
18. Bandits qui infestaient les plages maritimes d» Rome, an tonps de
Dante.
5.
i^>
4.
K31
la
il
43s
CHANT TREIZIÈME.
805
' /
CHANT TREIZIÈME
dessus n'avait pas encore regagné l'autre bord, lors-
is entrâmes dans un bois où nul sentier n'était tracé,
oint de feuillage vert, mais de couleur sombre; point
leaux unis, mais noueux et tortus ; point de fruits,
ir des épines des poisons.
î'ont point de hàlliers si âpres et si épais ces bêtes sau-^
[ui, entre Cecina et Cornelo*,haïssentles lieux cultivés,
jà font leurs nids les hideuses Harpies, qui chas-
des Strophades* les Troyens, avec la triste annonce
ir désastre.
illles ont de vastes ailes, et des cols et des visages
is, et des pieds armés de griffes, et des plumes à
'ge ventre ; elles se lamentent sur les arbres étranges.
ît le bon Maître : « Avant de pénétrer plus loin,
me dit-il, que tu es dans la seconde enceinte', et
CANTO DECIMOTERZO
ancor di là Nesso arrivato,
noi ci mettemmo per un bosco,
nessun sentiero era segnalo.
ndi verdi, ma di color fosco,
ni scbietli, ma nodosi e invoItK
ni v' eran, ma stecchi con tosco.
1 si aspri sterpi ne si folti
iere seivagge, che in odio hanno
ioa e Corneto i luoghi colti.
A.Quivi le brutte Arpie lor nido fanno,
Che cacciar délie Strofade i Troiani
Con tristo annunzio di futuro danno*
5< Aie hanno late, e colli e visi umani,
Piè con artigli, e pennuto il gran ventre
Fanno lamenti in su gli alberi strani.
6. E 'I buon Maestro : Prima che più tain,
Sappi che se* nel secondo girone,
Mi cominciô a dire, e sarai, mentre
306 t'ETîJFER.
7. « Tantqwclu chemineras dans Thorrible sablon. Iz^c-
garde bien, et tu verras des choses qui rendront mes ^gpa-
roles croyables*. »
8. Déjà, de toutes parts, j'entendais pousser des gé-
missements, et ne voyais personne; de sorte que, troublé;
je m'arrêtai.
9. Je crois qu'il crut que je croyais^ que cette foule de
voix, sortant d'entre les troncs, venait de gens qui se
cachaient de nous.
10. Ce pourquoi le Maître dit : « Si tu romps quelque
branche d'un de ces arbres, rompues aussi seront les pen'
sées que tu as*. »
H. Lors, avançant un peu la main, je cueillis un petit
rameau d'un épais buisson, et le tronc cria : a Pourquoi me
mutiles-tu? »
'1 '^. Puis, devenu tout noir de sang, il cria de nouveau :
« Pourquoi me brises-tu? N*as-tu aucun sentiment de
pitié?
13. « Hommes nous fûmes, et maintenant sommes buis-
sons. Ta main devrait être plus pieuse, eussions-nous eu
des âmes de serpents. »
14. Comme le bois vert allumé par un bout, gémit de
l'autre, l'air sortant en sifflant;
7. Che tu verrai nell' orribil sabbione.
Perô riguarda bene, e si vedrai
Cose che davan Fede al mio sermone.
8.Io sentia d'ogni parte tragger guai,
E non vedea persona che '1 facesse ;
Perch' io tutto smarrito m' arrestai.
9. V credo ch' ei credelte ch' io credesse,
Che tante Toci uscigst r tra. que' bronchi
lia geote che per noi si nascondes^e.
iO. Perô, disse il Maestro, se tu troncbi
Qualche fraschetta d' una d' este piante,
Li pensier c' hai si Tiran tutti monchi.
il. Aller porsi la mano un poco avante,
E coisi un raino&cel da un gran pruno :
E '1 tronco sno grid6 : Perché mi schiante ?
12. Da che fatto Tu poi di sangne bruno,
Ricominciô a gridar : Perché mi soerpi ?
Non hai tu spirto di pietate alcuno ?
15. Uomini fummo ; ed or sem falti sterpi ;
Ben dovrebb' esser la tua man più pia.
Se State fossim' anime di serpi.
14> Corne d' un slixxo verde, ch' arso sia
Dali' un de' capi, che dall' altro geme,
E cigola per vento che va via ;
CHANT TREIZIÈME. ' r>07
i5. Ainsi, de ce tronc, sortaient ensemble des paroles
et du sang, sur quoi je laissai tomber le rameau, et de-
imeurai comme un homme qui craint.
16. u Ame blessée, répondit mon sage Guide, si au-
paravant il avait pu croire ce qu'il a vu seulement dans
nacs vers,
17. « Il n'aurait pas ^r toi porté la main. Mais ce que la
chose a d'incroyable m'a fait le pousser à un acte dont je
ni' afflige moi-même.
18. « Mais dis-lui qui tu fus, afin qu'en guise d'amende,
il rafraîchisse ta mémoire dans le monde où il lui est per-
mis de retourner. »
19. Et le tronc : « Tant me séduit ton doux parler que
je ne me puis taire, et souffrez qu'un peu m'alentisse le
charme de discourir.
20. « Je suis celui qui tint les deux clefs du cœur de -
Frédéric"^, et ouvrant et fermant, si souèvement je les
tournais,
21. a Que de son secret j'éloignai tout autre. Tant fus-
je fidèle au glorieux office, que j'en perdis le pouls et le
sommeil.
22. a La courtisane* qui du palais de César jamais ne
détourna ses yeux effrontés, perte de tous, et des cours
le vice.
lB.Cod di qodla «cheggia usciva insieme
Parole e tangae : oiid* io Ixsciai la cima
Cadere, e stetti come l' uom che terne.
16. S'egU avesse polulo creder prima,
Uspose il Savio mio, anima lésa,
Ci6 ff Jm vediUo, pur coUa mia rima,
n,WoawteniÀm in te la man distesa;
Ma la «osa iaereditnle nd fece
Iiuiari»ad ovra, eh' a mestesso pesa.
18. Ma dilti dd tu fosti, si che, in vece
D'akima amtuenda, tua lama rinfreschi
Hd nxMido au, dove.tornar gli lece.
19. E 'hronco : Si col doice dir m' adesclh.
Cil' io non posso lacera ; e voi non {yravi
Percir lu un poco a ragionar in'iiiveschi.
20. r son cohii, che tenni anibo le chiavi
Del cor di Federico, e che le volsi
Serrando e disserrando si soavi.
SI. Che dal segreto suo quasi ogni uom tolsi :
Fede portai al gloiioso ufizio.
Tanto ch' io ne perdei le vene e i polsi.
Sf.La meretrice, che mai dall' ospizio
Di Cesare non torse gli occhi piitti,
Morte comune, e délie cofii vizio,
308 L'ENFER.
23. a Enflamma contre moi toutes les âmes, et cem
qu'elle enflammait enflammèrent tellement Auguste, que
' les joyeux honneurs se changèrent en un triste deuil.
24. c( Mon âme indignée, croyant en mourant fuir le mé
pris, me rendit injuste contre moi juste.
25. « Par les nouvelles racines de ce bois, je vous jmt
que jamais je ne violai la foi à mon seigneur, qui d'hon-
neur fut si digne.
26. « Et si l'un de vous retourne dans le monde, qu'i
relève ma mémoire, encore abattue du coup que lui porb
l'envie. »
27. Il se tut, et le Poète attendit un peu, puis il m(
dit : « Ne perds pas le temps, mais parle et interroge-le,
si plus tu désires savoir. »
28. Et moi à lui : — Demande-lui encore ce que tu
croiras devoir m'agréer; je ne le pourrais moi-même, tani
mon cœur est ému de pitié.
29. Il recommença donc : « Si celui-ci libéralement
Raccorde ta prière, esprit emprisonné, qu'il te plaise aussi
30. « De nous dire comment l'âme est liée à ces arbres
noueux ; et, si tu le peux, dis-nous si quelqu'un jamais se
dégage de tels membres. »
31. Alors fortement souffla le tronc, puis le souffle se
changea en cette voix : « Brièvement il vous sera répondu.
SS.InfJammô contra me gli animi tutti,
K gr intiammati inliammar si AugustOi
Ghe i lieli onor tornaro in tristi lutti.
14> L' animo mio, per dlsdegnoso gusto,
Credendo col morir fuggir disdegno
Ingiusto fece me contra me giusto.
tS.Per le nuove radici d' esto leguo
Vi giuro che giammai non ruppi fede
Al mio signor, che fu d' onor si degno.
SO. E se di voi alcun nel mondo riede,
Conforli la memoria mia, che glace
Ancor del colpo che invidia le diede.
27. Un poco attese, e poi : Da ch' ei si tace,
Disse il Poeta a me, non perder V ora ;
Ha paria e chiedi a lui se più li place*
18. Ond' io a lui : Dimandal tu ancora
Di quel che credi clie a me soddisfaccia ;
Ch' io non poirei : tanta pieli m' accora.
29.Perô ricominciô : Se l' uom ti faccia
Liberamenle ci4 che 1 tuo dir prega»
Spirito incarcerato, ancor ti piacci>
50. Di dirne corne 1' anima ni lega
In quesli nocchi; e dinne, se tu puoi,
S' alcuna mai dn lai membra si spiega.
Si.Allor softio Io tronco forte, e poi
Si converti quel vento in cotai voce :
Brevemente sarà risposto a voi.
CHANT TREIZIÈME. 309
«
32. « Lorsque Fâine féroce quitte le corps dont elle
s'est elle-même arrachée, Minos Tenvoie à la septième
bouche ;
33. « Elle tombe dans la forêt, non en un lieu choisi,
mais où le hasard la jette : là elle germe comme un grain
d'épeautre ;
34. a S* élevant, elle devient une tige et un arbre sil-
vestre. Les Harpies, se repaissant de ses feuilles, ouvrent
un passage à la douleur qu'elles lui font ressentir '.
35. « Comme les autres nous viendrons rechercher nos
dépouilles, mais cependant aucun ne les revêtira ; car il
n est pas juste que Thomme recouvre ce que lui-même il
s'est ravi.
36. c( Ici nous les traînerons, et dans la lugubre forêt
nos corps seront suspendus, chacun au tronc de sa triste
ombre. »
37. Nous demeurions attentifs, croyant qu'il voulait dire
encore autre chose, quand nous surprit un bruit
38. Semblable au fracas des bêtes et des branches,
qu'entend celui qui voit venir le sanglier et la meute qui
le suit.
39. Et voilà, vers la gauche, deux damnés nus et déchi-
ï*és, fuyant de telle vitesse, qu'à travers la forêt ils brisaient
»ut obstacle.
. Qaaodo si parte 1* anima féroce
Dal corpo ond' eila «tessa s'è disvelta,
Minos la manda alla setlima foce.
• Cade in la selva, e non le è parte scella;
Ma là dove forluna la bakfstra,
Qoivi germoglia corne gran di spelta;
- Surge in vermena ed in pianta silveslra :
Le Arpie, pascendo poi délie sue foglie,
Fanno dolore, ed al dolor fineslra.
.Corne Tallre, verrem per nostre spoglie,
Ma non per6 ch' alcuna sen rivesia :
Chèifon è gittslo aver ci6 ch* uou si loglie.
S6. Qui le slrasdnèremo, e per la mesta
Selva saranno i nostri corpi appesi,
Ciascuno si prun deir ombra sua molesta.
ST.Noi eravamo ancora al Ironco aliesi,
Gredendo ch' aitro ne voiesse dire;
Quando noi fummo d'un rumor sorpresi,
SS.Similemente a colvii, che venire
Seule il porco e la caccia alla sua posta,
Ch' ode le bestie e le frasche stormire.
S9. Ed ecco duo dalla sinistra costa,
Kudi e grartiali fuggendo si forte,
Che delta selva rompiéno ogni rosta.
310
L'£MFER.
40. Celui de devant : « Accours, accours, ô Mort!
l*autre, à qui trop il paraissait tarder, criait : « Lapp
prudentes ne furent pas
41 . « Tes jambes aux joutes de Toppo **. » Et j)uis, I '
leine lui manquant peut-être, de soi et d*un buisson il
un seul groupe.
42. Derrière eux la forêt était pleine de chiennes noiffô
affamées et courant comme des lévriers qu'on vient à
détacher.
43. Dans celui qui s'était tapi elles enfoncèrent les dents,
et le déchirèrent pièce à pièce, puis emportèrent ces lam-
beaux palpitants.
44. Alors mon Guide me prit par la main et me condui-
sit au buisson, qui, à cause des blessures sanglantes, en
vain pleurait :
45. « Jacopo de Saut' Andréa ^\ disait-il, que t'a servi
de te faire de moi une défense ? En quoi suis-je coupable
de ta méchante vie ? »
46. Quand le Maître près de lui se fut arrêté : « Q^
fus-tu, dit-il, toi qui, par tant de plaies, souffles avec l^
î^ang des paroles douloureuses ?»
47. Et lui à nous? «0 âmes qui êtes venues po^
voir l'indigne saccage qui m'a ainsi dépouillé de t^^
feuilles.
40. Quel dinanzi :Ora accorri, accord morte.
K l'aliro .1 ciii pareva tardar troppo,
Gridava : Lappo, si non Furo accorte
41. Le gimbe tue aile giostre del Toppo.
E poiciiè Torse gli fallia la lena,
Di se e d* un cespuglio lece un groppo-
48. Direlro a loro era la sel va piena
Di nere cigne bran rose e correnti,
Come veitri ch' uscisser di catena.
43. In quel che s' appiatiù miser li denli»
V. (|uel dilaccraro a brano a brano,
Poi sen portar quelle membra dolenli.
44.Presenii allor la mia Scorta per man^*
E menommi al cespuglio che piange^
Ver le rotlure sanguineiilî. invano.
45. Jacopo, dicea, da Sant* Andréa,
Che t' è giovato di me f.ire schermo ^
Che co.ipa ho io délia lua viia rea ?
46.Quando '1 Maestro fu sovr' esso ferm^*
Disse : Chi Tusli, che per tante puni^
Softi col sangue duloroso sermo?
47. E quegli a noi : anime, che giunte
Siele a veder Io sira^o disonesto,
C ha le mie frondi si da me disgiunt^'
CHANT TREIZIÈME. StI
lecueillez-les au pied de la tige. Je fus de la cité
tua Baptiste à son premier patron " ; ce pourquoi ^ *
Lvec son art Taffligera toujours*' : et n'était qu'au
î TArno, de lui se voient encore quelques restes **,
]es citoyens, qui de nouveau la fondèrent sur les
issées par Attila, auraient vainement fait travail-
\ maison je me fis un gibet *'.»
al pië del tristo cesto :
ilâ ehe nel Batiste
o padrone : ond' ei par qoasto
' arte sua la farà Irista.
te che \ti aul passo d'Amo
■ djlui alcuna vista;
M. Qoeidttadin, eh* poi It rifondama
Sona 1 eener che d'Atifla rimaae,
An«bber fritu» tevorare indamo.
lo fei gibetto a uw délie mie
. »
91S L'EHFER.
NOTES DU CHANT TREIZIÈME
i . CecitiOf fleuve qui se jette dans la mer, à une demi-journé(
Tourne, du côté de Rome. Cometo, château du patrimoine de saint
Cette parlie de la Maremme est couverte de bois et de buissons, pe
daims, de chevreuils et de sangliers. (Yenturi.)
2. Iles de la mer Ionienne. (Voyez Enéide, liv. III, v. 254 et si
3. Celle des Suicides.
4. <z Qui rendront croyable ce que je raconte de Polydore, que
corps avait cru un arbuste, les rameaux duquel, arrachés par Énée
dirent du sang. » (Enéide, liv. III.)
5. Le même jeu de mots se retrouve dans l'Arioste :
lo credea e credo, e creder credo il vero.
Orlando, cant. IX, oct. IS.
6. cTu seras désabusé de la pensée que tu as, que ces voix vien
gens cachés entre les troncs. i>
7. Pierre des Vignes, né à Capoue, devint chancelier de Frédéi
posséda toute sa confiance. Accusé pur des envieux d'avoir révélé
Innocent les secrets de son maître, Tempereur, trop crédule, le dép<
ses dignités et lui lit crever les yeux. Pie pouvant supporter Tinfan
traitement si injuste à la fois et si barbare, Pierre des Vignes se bris
contre les murs d'une église.
8 L'envie.
9. Lorsqu'on brise un de leurs rameaux, ces malheureux rc;
une douleur qui leur arrache des cris, lesquels sortent par l'ouveri
rameau brisé.
iO. Lappo, de Sienne, grand dissipateur, voyant l'armée siennoisc
par les Arétins près de la Pieve del Toppo, se. ji:ta en désespéré ai
des ennemis et se fit tuer.
11. Gentilhomme de Padoue qui, ayant dissipé tout son bien, se
désespoir.
12. Florence, auparavant dédiée à Mars, prit pour patron saint Je
liste, lorsqu'elle devint chrétienne.
CHAHT TREIZlÈilE.
313
Lit piédestal aui' lequel ai
13. " Lui snscitara loujuurs des guc
U. A l'cnirée du PoiileT(ic<^hia, on t
tiefaU, était une slslne de Mars.
15. Quelques-uns croitnl que Dïute parle ici de Rocco de' Miai qui,
, ajenl dissipé de grandes rïctiesaes, se pendit pnur échapper b lu pauvreté :
d'autres, it a'agil de LaUo Degli Agli, qnï ss pendit de remardb d'uvaïr
I Todu une aenlenro injuste. Boccace pense que l)ante n'a voulu désigner
m persannage parlioulier, mais eu ïénfral tout eeux qui, dans ce temps-
I b, U wkidèreal i Floreuee.
5U
L'ENFER.
CHANT QUATORZIÈME
1. Ému de l'amour du lieu natal, je recueillis les feuiOe
éparses, et les rendis à celui dont la voix déjà s*étai
gnait.
2. De là nous vînmes là où se sépare la seconde en
ceinte de la troisième, et où de la justice se voit un hor
rible art.
3. Pour bien représenter ces choses nouvelles, je &
que nous arrivâmes dans une plaine qui de soi rejetti
toute plante.
4. La forêt douloureuse forme autour une guirlande
comme autour de celle-là le triste fossé! Sur la lisièrt
nous affermîmes nos pieds.
5. Le sable était un sable aride et pressé, pareil à celo
que foulèrent les pieds de Caton *.
6. vengeance de Dieu, combien doit te craindre qiï
conque lit ce que virent mes yeux I
CANTO DEGIMOQUARTO
1. Polcbè la carità del natio loco
Mi strin$e, raunai le fronde sparte
K rende' le, a colui ch' era già fioeOi
2. Indi venimmo al fine, ovo ^i parte
Lo secondo giron dal terzo, e dove
Si ^ede di giustizia orribil' arte,
3. A bon nianirestar lo eose nuove,
Dico cbe arrivammo ad una landa^
Cbe dal suo lelto ogni planta rlmnove.
4. La dolorosa ^elm le è ffairlanda
Intorno, coma il fosso tristo ad essa s
Quivi Termammo i piedi a randa a rao^
5. Lo spazzo era un' arena arida e i^pess^
Non d'altra Toggia fatta cbe ooleli
Cbe fu da' piedi di Caton soppressa.
6. O vendetta di Dio, quanto tu dei
Esscr temuta da ciascun cha legge
Ciô cbe Tu oianiresto agli oecLi miei!
CHANT QUATORZIÈME. M5
7. Je vis de grands troupeaux d'ombres nues, qui toutes
gémissaient misérablement, et une loi diverse paraissait
leur être imposée.
8. Quelques-unes sur le dos gisaient à terre ; d'autres,
ramassées en soi, étaient assises, et d'autres marchaient
continuellement.
9. Plus nombreuses étaient celles qui marchaient, et
moins, celles qui gisaient sous le tourment; mais leur
langue à la plainte était plus déliée.
10. Partout, sur le sable, lentement pleuvaient de
larges flocons de feu, comme, d'un temps calme^ la neige
snr les Alpes.
{{. Telles que les mèches de flamme que, dans Tes
chaudes contrées de l'Inde, Alexandre vit tomber sur son
armée,
12. Ce pourquoi par ses troupes il fit fouler le sol, parce
que mieux s'éteignait la vapeur lorsqu'elle était s^ule *;
13. Telle descendait l'éternelle ardeur; et, comme l'a-
madou sous le briquet, le sable s'embrasait pour doubler
la douleur.
14. Sans repos était le mouvement des misérables
ïûains, d'ici, de là, secouant la flamme nouvelle.
15. Je commençai : — Maître, toi qui vaine toutes
choses, hors les farouches démons qui sortirent contre
nous à l'entrée de la porte,
1 D'uime nnda vidi moite gngv^t
Che piangean talte assai misaramente;
E pana pocu lor divena legge.
t. Sapin fiaeeva in terra alanna geste;
Aleant si Mdea (at!a raeeolta,
^ >itia aodava eontinuamente.
9. Q elht ehe gfta Intome era ptù molta,
E qnellt men, ehe giaeeva al tormento,
Va più al dnolo avea la Hngaa seiolta.
M. SoTTt tntlo 1 sabbion A' nn eader lento
Picman A fboco dilatate falde,
Corne dl neve in alpe senza vente.
11 Qaaii Aleseandro in quelle parti calde
D' India idde sevra le suo staolo
Flamme eadere infino a terra salde ;
12. Pereh' e1 prorvldde a ^ealpifar lo <:uolo
Con le sue sehiere, percioccbè 'I vapore
Me' si stingueva mentre'ch' era solo,
13. Taie scendeva 1' eternale ardore,
Oode r arena s' aeeendea, corn' esoo
Sotto il focile, a doppiar k» dolore.
14. Senza riposo mai era latresea
Delle misère mani, or qnindi or quînci
Iscoteodo da se 1' arsnra fresea.
15. lo cominciai : Maestro ta ehe ytnci
Tutte le eose, fuor ehe i Dlmon darl,
Che ail' entrer délia porta incontro uscinl,
S16 L'ENFKa.
16. Quel est ce grand, qui semble n*ayoir souci
sier, et gît si fier et si dédaigneux que la pluie n
pas l'amollir?
17. Celui-là même s'étant aperçu que de lui j';
geais mon Guide, cria « Quel je fus vivant, tel je sui
18. « Quand Jupiter fatiguerait encore son foi
de qui, dans son courroux, il prit le foudre aigu,
me frappa le dernier jour;
19. a Et quand tour à tour il fatiguerait les
dans la noire forge du mont Gibel ', criant : Vu
l'aide! à l'aide!
20. « Gomme il fit au combat de Phlégra *, et qu<
moi il rassemblerait et tous ses traits et toute sa
n'aurait pas la joie de la vengeance. »
21. Alors, mon Guide, avec plus de force qi
l'avait encore entendu s'écrier : « Gapanée', ta :
qui ne fléchit point.
22. «Accroît ton supplice; aucun tourment ne
sans ta rage, un complet châtiment de ta fureur. )
23. Puis se tournant vers moi, d'une lèvre moinî
il dit : « Gelui-ci fut un des sept rois qui assi
Thèbes ; il eut et paraît encore avoir
24. « Dieu à dédain, et semble le priser peu
comme à lui je l'ai dit, ses outrages ont dans s
même leur digne prix.
16. Cbi è qnel grande ehe non per ehè enrl
L' inceodio- e giaee dispettoso e torto
Si ehe la pioggia non par che 't martnri ?
17. E quel medesmo, eb« si Tne aeeorto
Ch' io dimanduva il mio Daea di lai,
Gridô : Quai t' fui Tivo, tal son morto-
18. Se Giove stanchl il suo fabbro, da eai
Crueciato prese la folgore acnta,
Onde 1' uitimo di percosso Tui ;
19. s' agli stanebi gli altri a muta a muta
In Mongibello alla fuceina negra,
Gridaodo : Buon Vnicano, aiuta, aiutal
SO. Si eom'ai feiee alla pugna di Fiegra,
E me saetti di tutta sna forza
Non ne potrebbe aver Tendet
31. Allora il Dnea mio parlô di fo
Tanto, cb' io non 1' avea si fo
O CapanM, in ei6 eba non $'
22. La tua superbia, m' tn più pu
NuUo raartirio, fuor cbe la tu
Sarebbe, al tuo, furor dolor e<
23. Poi si rivolse a me con roiglic
Dicendo : Quel fa 1' un de' se
Cb'assiserTebe; ad ebbba^e pt
24. Dio io disdegno, e poco par efa
Ma, com' io dissi lui, li soi dli
Sono al suo petto assai dabiti
CHANT QUATORZIÈME. ^17
25. ir Maintenant suis-moi, et garde-toi de poser les
pieds sur l'arène brûlante ; mais tiens-les toujours près du
l)oisI »
26. Silencieux nous vînmes là où, de la forêt, sourd un
petit fleuve dont la rougeur me fait encore frissonner.
27. Comme du Bulicame sort le ruisseau qu'entre elles
ensuite partagent les pécheresses *, ainsi à travers le sable
coulait celui-là.
28. Le fond, les deux pentes, et de chaque côté les
l)ords étaient de pierre, d'où j'avisai que là était le pas-
sage.
29. a De tout ce que je t'ai montré depuis que nous en-
trâmes par la porte dont le seuil à nul n'est dénié ',
30. a Tes yeux n'ont rien vu de si notable que ce fleuve
sur lequel s'éteignent toutes les flammes. »
31. Ainsi parla mon Guide; sur quoi je le priai de m' ac-
corder la pâture dont il m'avait donné le désir.
32. a Au milieu de la mer, dit-il alors, est un pays
dévasté qu'on appelle la Crète, sous le roi duquel, autrefois,
le monde vécut dans l'innocence.
33. fit Là s'élève une montagne nommée Ida, jadis riante
et d'eaux et de verdure, et maintenant abandonnée comme
^ne chose usée.
S.Or ni nen dielrOr.e guarda che non metti
incar li piedi neU' arena aniceia ;
ib lempre al bosco li riiieni stretti.
^luaMlo dhenimnio là 've spiccia
hw délia aelva un picciol tiumieello,
Lo cai rossore ancor mi raccapriccia.
^•Qoale del Itolicame esce il nucello,
Che parten poi tra lor le peccalrici,
Tal per l' arena giù sen giva quello.
^Lo fondo suo ed ambo le pendici
FMt'eran pietra, e i roargim da lato;
hrch* io o^ aocorsi che '1 passo era lici.
^fn totto Ifaltro ci* io t' ho dimostrato,
I
Posciacbè noi entrammo per k porta,
Lo cui sogliare a nessuno è negato,
50. Cosa non fu dagli tuoi occhi scorta
Notabile, coin' è '1 présente rio,
Che sopra se tutte iiammelle ammorta.
SI.Quesie parole fur del Duca mio :
Perché '1 pregai, che mi largisse il pasto
Di cui lar gito m' aveva il disio.
51. In me»o M mar siede un paese guasto,
Diss' egli allora, che s'appella Creta,
Sotte 'I cui rege fu già 1 mondo casto.
SS. Una montagna v' è, che già fu lieta
ly acque e di fronde, che si cbiaraa Ida;
Ora è diserta corne cosa vieta.
iS.
318
L'ENFER.
34. « Rhéa** la choisit pour être le sûr berceau ae son
fils; et afin de le mieux cacher lorsqu'il pleurait elle y faisait
faire des clameurs".
55. «Au dedans du mont, debout, est un grand vieillard",
qui tourne le dos à Damiette, et regarde Rome comme son
miroir*'.
36. « Sa tête est d'or fin'*, ses bras et sa poitrine d'ar-
gent pur, puis jusqu'à Tenfourchure, son corps est d'ai-
rain,
37. (( Et de là en bas, de fer choisi, hors le pied droit qui
est de terre cuite, et sur ce pied plus que sur l'autre il se
tient debout.
38. « Chaque partie, excepté celle de l'or, est rompue, et
pnr la fissure découlent des larmes qui, s'unissant, ont percé
la grotte.
39. « Tombant de roche en roche, elles prennent leur
cours dans cette vallée, où elles forment TAchéron, le Styï
et le Phlégéton; puis, par cet étroit canal,
40 « Se rendant là où finit la descente, elles engendrent le
Cocyte. Quel est ce lac? tu le verras; par quoi n'en parle-
rons ici.»
41 . Et moi à lui : — Si ce ruisseau vient de notre monde ,
pourquoi nous apparaît-il seulement sur ces bords?
l4.Rea la scelse gii per cuna fida
Del suo figliuolo, e, per celarlo meglio,
Quando piangea, vi facen far le grida.
SS.Dentro dal montH sta driito un grnn veglio
The tien volte le spalle in ver Dam*ata,
E Roma guarda si corne suo speglio.
S6. La sua testa è di fin' oro formata,
P. puro argento son le braccia e '1 petto,
Pui è di rame iniino alla forcata :
37. Da indi in giuso è tulio ferro eletlo,
S.ilvo cbu '1 deslro piede è terre cotia, [to.
K sta in su quel, più che 'n su 1' altro,eret-
SS.Ciascuna parte, fîior che 1* oro, è rotta
D'una fessura che la^i ime goccia.
Le quali accolte foran quella. grotta.
S9. Lor corso in questa va lie si diroccia :
Fanno Achtronle, Stige e Flegetonta,
Poi sen van giù per (|uesta siretia doccia
40. Infiii lu ove più non si dismonta:
Faiiiio Cocilo; e quai sia queilo stagno.
Tu '1 vederai , perô qui non si conta.
il.Eil io a lui : se '1 presento rigagno
Si dei iva cosi dal nostro ntondu,
l'crchè ci appar pur a quésto vivagno?
CHANT QUATORZIÈME. 519
42. Et lui à moi : « Tu sais que ce lieu est rond*'^; et
ûen que déjà tu t*y sois avancé beaucoup, descendant de
)lus en plus à gauche vers le fond,
43. « Tu n'as pas encore parcouru tout le cercle. Si donc
l t'apparaît quelque chose de nouveau, Tétonnement ne
loit pas se montrer sur ton visage. »
44. Et moi encore: — Maître, où se trouvent le Phlégé-
ton et le Léthé? Tu te tais de Tun, et tu dis de l'autre qu'il
est formé de cette pluie.
45. « Tu me plais, certes, en toutes tes questions, répon-
dit-il; mais le bouillonnement de l'eau rouge devait bien
résoudre l'une de celles que tu me fais^*.
46. « Tu verras, mais hors de ce gouffre, le Léthé, où les
âmes vont se laver lorsque après le repentir la coulpe a été
remise. »
47. Puis il dit : « 11 est temps de s'éloigner du bois.
Aie soin de venir droit après moi : une route offre les bords,
qui ne sont point embrasés,
« Et sur lesquels toute vapeur s'éteint. »
**.WegKa me : Tu sai che il luogo è tondo,
E Uiito che lu sii venulo mollo
^r a sinistra giù calando al foodo,
tt.Son se' ancor pcr tuUo il cercliio volto ;
wihè, se cosa n'apparisce nuova,
^M dee addur maraviglia al tuo volto.
♦*• M io ancor : Maestro, ove si Irova
Flegelonle e Leté, ché dell' un taci,
•'' !«ltro dl chè si fa d' esia piova?
«•IniDttetue question certo mi piaci,
Rispose ; ma il bollor deir ncqua rossa
Dovea ben solver Tuna che tu faci.
46.Lelè vedrai, ma fuor 4i quesia (bssa.
Là ove vauno 1' anime a iavarsi.
Quando la colpa pentuta è rimossa.
47. Foi disse : Omui è tempo da scostarsi
Dal bosco : fa che diretro a me vegne:
Li margini fan via, che non son arsi,
E sopra luro egni vapor si spegne.
.\.^'. : ■
320 L'ENFER.
NOTES DU CHANT QUATORZIÈME
1. Lorsque, à la télé des débris de Tarmée de Pompée, il trarersa la Ll^
bye pour se réunir à Juba, roi de Numidie.
2. A mesure que ces mèches enflammées tombaient, Alexandre les (àu-
sait fouler aux pieds par ses soldats, parce qu'on les éteignait plus facilemeiB^
lorsqu'elles étaient seules^ c'est-à-dire avant que d'autres mèches ne fusseii <
▼enues s'y ajouter. Ce fait, que ne raconte aucun historien, se trouve dans Là
lettre apocryphe d'Alexandre à Aristote. Il y est dit, non pas c qu'il fit fouler
le sol par ses soldats, » mais qu'il opposa au feu leurs vêlements. 11 pourrai^
être question du simoun, dont on atténuait les effets en s'enveloppanl le corp^
et la tête.
3. Yulcain.
4. Les Gyclopes.
5. L'Etna, sous lequel on croyait qu'étaient les forges de Vulcain.
6. Vallée de la Thessalie, où Jupiter foudroya les Géants, en guerre
contre lui.
7. Stace l'appelle Superûm contemptor et sequi, contempteur des Dieo^
€t de la justice.
8. On donnait ce nom, qui signitie source d^eau bouillante j a un petit hm
situé i deux milles de Yiterbe. Il en sortait un ruisseau que les pécheresses^ ::
les courtisanes, partageaient entre elleSy c'est-i-dire qu'elles en tiraient^
pour l'amener chez elles, la quantité d'eau nécessaire à leurs besoins. Elle^
affluaient en ce lieu, à cause du grand concours qu'attiraient les bain^
chauds.
9. La première porte de l'Enfer.
10. Femme de Saturne et mère de Jupiter.
11. Un grand bruit de cymbales et autres instruments, afin que Saturne,
qui avait coutume de dévorer ses enfants, n'entendit pas les cris de Jupiter.
12. Le Temps.
13. Rome est le miroir du Temps, parce qu'elle doit, selon la pensée da
Dante, développée dans son livre de Monardùâf durer autant que lui.
- *
CHANT QUATORZIÊVe:. m
14. Tout ceci est éridemment une imitation de la vision de Daniel.
15. L'Enfer, selon Dante, a la forme d'un c6ne qui se rétrécit à mesure
lu'on descend.
16. c Au bouillonnement de Teau rouge, tu aurais dû reconnaître le
Phlégélon. » — Ce nom vient en efTet d'un mot grec qui signifie brûler.
i
522
L'EKFER.
CHANT QUINZIÈME
1 . Maintenant nous porte l'une des deux berges solides ^
et la fumée du petit fleuve d'au-dessus, adombrant les le^
vées et Teau, les garantit du feu.
2. Comme entre Gand et Bruges, les Flamands craignant-
le flot qui vers eux se précipite, construisent des digues
pour repousser la mer ;
5. Et comme à la Brenta les Padouans en opposent, pouV
défendre leurs villes et leurs châteaux, avant que le Chia—
rentana * sente la chaleur; ,
4. Ainsi, quoique ni si hautes ni si larges, étaient faites
ces levées, quel que fût le maître qui les fit.
5. Déjà nous étions si loin de la forêt, que, me tournan
en arrière, je n'aurais pu voir où elle était,
6. Lorsque nous rencontrâmes une troupe d'âmes ve
nant le long de la digue, chacune desquelles nous regar
dait, comme le soir
lu
Ui
CANTO DECIMOQUINTO
I.Ora cen porta 1* un de* duri inargini,
E il fummo del ruscel di sopra aduggia
Si, che dal fuoco salva Tacqua egli argini.
S. Quule iFiamniingh: traGuzzanteeBruggia
Teuiendo '1 iioUo che in ver lor s' avvenla,
Fjnno lo scherrao, perché '1 mar si Tuggia;
S.Equale i PadoTan lungo la Brenta,
Per difender lor ville e lor casleili,
Anzi che Chiarentana il caldo senta ;
4. A taie imagin eran fatti quelli,
Tultochè ne si alti ne si grossi,
Quai clie si fosse, lo maestro felli.
S.Già eruvam dalla selva riinossi
Tanio, uli'io non avrei visto dov*era,
Perch' io indietro rivolti mi fossi,
8-Quando inconlfammo d'animé una schie-
Che venia lun<,'0 V argiue, e ciascuna [ra.
Ci riguardava, corne suoi da sera
CHANT QUINZIÈME. 525
7. On se regarde l'un Taulre à la nouvelle lune*; et vers
nous elles tendaient les yeux comme le vieux tailleur sur
le chas de l'aiguille.
8. Ainsi regardé par cette bande, un d'eux me reconnut,
et m'arrciant par les bords de ma robe, il s'écria : a
merveille I »
9. Lorsque vers moi il étendit le bras, sur cette face
grillée par le feu je fixai tellement mon regard, que le vi-
sage brûlé n'empêcha point
10. Mon entendement de le reconnaître ; et vers sa face
abaissant la main*, je répondis : — Êtes-vous ici, ser Bru-
netto?
11. Et lui : <x mon fils, ne te déplaise qu'un peu
en arrière avec toi reste Brunetto Latini \ et laisse aller
la file ! »
12. Je lui dis : — Autant que je peux je vous en prie;
et si TOUS souhaitez qu'avec vous je m'asseye, je le ferai,
s'il plaît à celui-ci avec qui je vais.
lo. « mon fils, dit-il, qui de ce troupeau s'arrête un
instant, gît ensuite cent années sans se mouvoir sous le feu
qui le frappe.
14. « Va donc, et je t'accompagnerai; puis je rejoindrai,
nia bande, (jui va pleurant son dam étemel. »
''•Guardar 1* un l' altro aoUo ouova luna;
E si ver noi agiizzavan la ciglia,
CoiDe vecehio sarlor fa nella cruna.
^•Coti adocchiato da cotai famiglia,
PQ) conosciulo da un, che mi prese
l^erlolembo^egridô : Quai maraviglia?
'Edio, quando 'Isuo braccio a me distese,
fiocai gli occhi per lo cotto ospetlo
Si, che '1 vise abbruciato non difese
lO.La conoccenza sua al mio intelletto ;
E chSnando la mia alla sua faccia,
Rtiposji : Siete voi qui, ser BrunelloT
11. E quegli :0 figliuol mio, non ti dispiaccia.
Se Brunelto Latini un poco teco
Ritorna iodietro, e lasda andar la traccia.
11. lo dissi lui : Quanto posso ren preco ,
E se volele che con voi m' asseggia,
Farùl, se piace a costui, chè vo seeo.
13. Ggliuol, disse, quai di quesia greggia
S* arresta punto, giace poi cent' anni
Senza arrostarsi quando 'I fuoco il feggia.
U.Perô va oitre : i* ti verrô a' panni,
E poi rigiugnerô la mia masnada,
Che va piangendo i suoi eierniikami.
3S4 L'EiNFER.
15. Je n'osais descendre de ia berge pour marcher pn
de lui ; mais je tenais ma tète baissée, comme un homn
qui chemine humblement.
i6. Il commença : « Quelle fortune ou quel dest
t'amène ici-bas avant le dernier jour ? et quel est celui q
le montre le chemin ? »
17. — Là-haut, lui répondis-je, dans la vie serein
je m'égarai en une vallée, avant que mon ftge fut s
compli '.
18. Hier matin, je retournais en arrière : celui-ci m'a
parut comme je redescendais, et il me reconduit dans
mien monde par ce sentier.
19. Et lui à moi : « Si tu suis ton étoile, tu ne pe
manquer le glorieux port, autant que furent vraies mes pi
visions durant la belle vie * :
20. « Et si ma mort n'avait pas été si hâtive, te voya
le ciel ainsi favorable, à l'œuvre je t'aurais encouragé.
21. « Mais ce peuple ingrat et méchant qui descei
dit de Fiesole'', et tient encore de la montagne et du r
cher,
22. (X A cause de ton bien faire se fera ton ennemi :
c'est raison; car, entre les âpres sorbiers, pas ne convie
que le doux figuier fructifie.
l8,Ionoa osanra scender délia ttrada
Per andar par di lui : ma '1 capo chino
Tenea, com'uom che rivèrent e vada.
16. Ei cominciô : Qu;il fortuna o destino
Anzi 1' ultinio dî quaggiù ti mena?
E chi è questi che moatra *1 camminoT
ll.Lassù di lopra in la vita terena,
Riapoi' io lai, mi smarri' in ana valla,
Avuiti cbe r eU mia fosse pieoa.
18.Pnr ier naUina e volsi le spaOe :
Qnesti m* appanre, lomand* io in quella ;
B ridocMni a ca per qnasto calle.
J9.Ed egli a me : Se tu segui tua Stella,
Non puoi fallire a glorioso porto.
Se ben m' accorsi neUa vita tiella.
10. Ë s' io non fossi si per tempo morto,
Veggendo il cielo a te cosi benigiio,
Dato t' avrei ail' opéra conforto.
11. Ma quell' ingralo popolo maligne,
Che discese di Fiesole ab aniico,
E tiene ancor del monte e del macigni
11. Ti si farâ, per tuo ben far, nimico.
Ed è ragion ; chè tra li lassi sorbi
Si disconvien fruttare il dolce fico.
CHANT QUINZIÈME. 325
25. (X Une vieille renommée dans le monde les appelle
aveugles*; gent avare, envieuse, superbe : décrasse-toi de
leurs mœurs.
24. « La fortune te réserve tant d'honneur, que Tun el
l'autre parti * auront faim de toi ; mais Therbe sera loin de
la bouche*®.
25. a Que les bêtes Fiesolanes fassent fourrage d elles-
mêmes, et ne touchent point à la plante, s'il en surgit en-
core de telle dans leur fumier,
26. « En qui revive la semence sainte de ces Romains qui
la demeurèrent, quand fut fait le nid de tant de malice>\ x>
27. — Si, lui répondis-je, exaucée eût été ma de-
mande, vous ne seriez point encore banni de la vie hu-
maine;
28. Car dans ma mémoire est gravée, et mon cœur con-
serve votre chère et bonne et paternelle image, alors que,
dans le monde, souvent
29. Vous m'enseigniez comment l'homme s'éternise ; et
combien j'en ai de gratitude, il convient que, pendant que
je \is, ma langue le manifeste.
30. Ce que de mes destins vous racontez, je l'écris et le
rfeerve, pour que l'interprète, avec un autre texte ", une
ï^ame qui le pourra, si jusqu'à elle j'arrive.
B.TMdiîa fana nel mondo li ebiama orbi :
^te «van, iniidiosa e saperba ;
I^' br costumi fa che tu ti forbi.
^^tnafortuna tanto onor ti s^rba,
^ l' oaa parte e 1* altra avranno famé
Dite : ma hingi fia dal becco 1* erba.
^•Factian le besUe Ftesolane strame
tt lor medesmet e non tocchin la plantai
8' aleona aurge ancor nel lor letame,
l^bci^ riviva la aementa ganta
iXoMt Boman, c^ ti rimaser, qnando
h atto il Bido di ouliiia tanti..
•b I.
17. Se fosse pieno tutto 1 mio dimandoi
Risposi lui, voi non sarcste ancora
UelC umana natura posto in bando:
iS.Chè in la meute m'è fitta, ed or m' accora,
La cara e buona imagine patema
Di voi, quando nel mondo ad ora ad ora
19. M' insegnavate come V uom s* eterna:
E quant' io V abbo in grado, metr lo vivOf
Gonvien che nella mia lingua ei scei na*
50. Ciô che narrate di mio coi-so scrivo,
E serbob a chiosar con altru teslo
A donna che 1 saprà, a' a l&i arri/j.
V^
336 L'BUFÎR.
51 . Sachez seulement ceci : pourvu qo'foem reprodi
ne me fasse ma conscience, quoique wnille kt fortane, f
suis prêt.
52. Un tel présage n'est pas nouteau à mes oreiHos
mais qu'à son gré la fortune tourne sa roue, et le Vilnk
manie son boyau '*.
55. Mon Maître alors, se retournant à droite, me re
garda, puis dit : « Bien écoute, qui bien note ^^. »
54. Cependant je continue d'aller toujours pariant acvei
ser Brunelto, et lui demande quels de ses compagnons sont
les plus notables et les plus éminents.
55. Et lui à moi : a Parler de quelques-uns est bon;
des autres mieux iFaut se taire : le temps serait trop court
pour un si long récit.
56. c( Sache, en somme, que tous forent deres et grands
lettrés, et de grande renonmiée, et tous dans le monde
souillés du même péché.
57. « Avec cette troupe misérable Priscien" ya, et aussi
François d'Accorso ^* ; et si d'une telle teigne " tu avais étc
avide, tu aurais pu voir
58. c( Celui *® <]ui, par le Serviteur des serviteurs *•, hx
transféré de TArno au Bacchiglione, où il laissa ses nerf
mal tendus.
si.Tanto vogl* io che ri sia manifeslo.
Pur che mia cosaenza non mi garra,
Oh' alla fortuna, corne vuol, son presto.
52. Non è nuova agli orecchi miei tal' arra :
Perù giri fortuna la sua rota
Come le piace, e il \iilan la sua marra.
53. Lo mio Maestro aUora in sulia goia
U«stra si volse indietro, e riguantoanm:
Poi disse : Bene ascolta chi la nota.
S^.Né per tanto di mcn parlando tùman
Con ser Brunetto, e dimaadlo thh sono
Li suoi compagni più noti e più soauat.
SS.Bd egli a me : Saper d* alcnno ë baoïu^
Degli alth fia laudabile il tacerci,
Cbè '1 tempo saria corto a tanto sooao.
56. In somma sappi, che tutti fur cherci,
E letterati 'grandi e di gran Csma,
D' un medesmo peccato al mondo lerci.
57. Prisi ian le.i va con quella turba grama».
£ Fiancesco d'Accorso anco, e vedanri,
S' avessi avuto di tal tigaa brama,
53.Colui potei che dal Senro de' Servi
Fu trasiiiulato d'Arno in Bacchigli4MMs,
Ove lasciô li nvil prolesi nervi.
CHANT QUINZIÈME.
327
'39. « De plusieurs autres je parlerais, mais Taller ni le
discours ne peuvent être plus longs, car du sable je vois,
là, s élever une nouvelle fumée.
40. a Des gens viennent avec qui je ne dois pas être.
Que te soit recommandé mon Trésor **, dans lequel encore
je vis : rien de plus je ne demande. x>
41. Puis -il se retourna, et semblait être de ceux qui,
dans la campagne, à Vérone, courent la bannière verte'*,
6t de ceux-là il paraissait être
Celui qui vainc, ci non celui qui perd
ti
S*Di ji^dvd; ma il «enire e il sermoue
Kù lango esser non puô, perô ch' io veggio
Làrtnrger nuovo-ftinnno dal sabbiorie.
M.Geate vien con la quale esser non dcggio:
Sieti raccomandato il mio Tesoro, [gio.
le! quale io vivo ancora ; e più noii cheg-
U.Poi si rivolse, e parve di colore
Che corrono a Verona il drappo verde
Fer la eampagna; e parve di costoro
Quegli che vince e non colui che perd*.
X
- •
7>iè L'ENFEB.
NOTES DU CHANT QUINZIÈME
i . Montagne neigeuse où la Brenta prend sa source.
2. Au temps de la nouvelle lune, qui ne donne que peu de lumiè
5. Dante est sur la berge; par conséquent il est obligé d'abais
main pour l'étendre vers ser Brunetto.
4. Il avait été le maître de Dante.
5. Avant quUl eût accompli sa trente-cinquième année, disent le
mentateurs.
6. Brunetto Latini était adonné à l'astrologie judiciaire.
7. Les Florentins étaient originaires de Fiesole, ville très-ancieni
tuée sur une colline à trois milles de Florence ^
8. Les Florentins furent ainsi appelés, dit-on, parce que, de deux
que leur offrait la ville de Pise en reconnaissance d'un service rendu
portes de bronze et deux colonnes de porphyre endommagées par le
couvertes d'écarlate, ils choisirent les colonnes. Antoine Papadopoli i
ce fut à cause de l'imprudente confiance qu'ils eurent en Attila, à qui
vrirent les portes de leur ville.
9. Les Noirs et les Blancs.
10. Locution proverbiale.
11. a Qu'ils ne touchent point au citoyen, s'il en est encore, qui, de
de ces Romains qui habitaient Florence, nouvellement fondée, et d<
depuis le nid de tant de malice^ conserve encore une âme romaine.
12. La prédiction que lui a faite Farinata.
13. Dante, comme on l'a vu déjà, use volontiers de locutions p
biales , le tercet suivant en offre un autre exemple.
14. d Qui bien imprime dans son souvenir ce qu'il a entendu. »
15. Célèbre grammairien du sixième siècle, né à Gésarée de Capp
16. Jurisconsulte florentin, fameux en son temps.
17. D'un spectacle si dégoûtant.
18. Andréa de' Hosxi, qui, de Tévêclié de Florence, situé sur 1
CHANT QUINZIÈME. «M»
Dsfôré à celui de Ticence^ où passe le Bacchiglione, mourut dans cette
oière ville. •
9. Le Pape, qui s'intitule le Serviteur des semUeurs de Dieu*
0. Titre d'un ouvrage de Brunetto Lalini.
1 . La bannière verte se courait anciennement, à Vérone, le premier di-
icfae de Carême.
2. Le Poète indique par cette image la rapidité de sa course.
./»
350
L*£iNF£R«
CHANT SEIZIÈME
i . Déjà j'étais en un lieu où s'entendait, semblable ai
bourdonnement d'une ruche, le bruissement de Teau tofl)
bant dans l'autre enceinte,
2. Quand trois ombres, en courant, se détachèrent en
semble d'une troupe qui passait sous la pluie de Tâpr
martyre.
3. Elles Tenaient vers nous, et chacune d'elles criait
« Arrête, toi qui, à tes yêtements, nous parais être de noti
ville perverse ! »
4. Hélas! que de plaies récentes et vieilles je vis si
leurs membres sillonnés par les flammes! J'en pleure er
core, quand le souvenir m'en revient.
5. Mon Maître, attentif à leurs cris, vers moi tourna h
yeux, et dit : « Attends I avec ceux-ci il faut être courtoif
6. « Et n'était le feu qui darde sur le sol, je dirais qi
la hâte te convient plus qu'à eux. »
CANTO DECIMOSESTO
l.Gia era in loco ore s' udia il rimborabo
Dell' acqua che cadea nelP aitro (pro,
Simile a quel che Tarnie fanno rombo;
S.Quando tre ombre insierae si pariiro,
Correndo, d' tina tonna che passn.va
Sotto la pioggia dell' :ispro martiro.
3. Venian ver noi ; e ciascuna gridava :
Soslati tu che ail' abito ne sembri
Essere alcun di nostra terra prava.
4. Aimé, che piaghe vidi ne'Ior membri
Recenti e vecchie dalle iiainine incese !
Aiicor men duol, pur ch' io me ne rimenib
5. Aile lor grida il mio DoUor s'attese,
Volse il viso ver me e : Ora aspetta,
Disse ; a costor si vuole esser corlese :
6.E se non fosse il fuoco che saetta
La natura del luogo, i' dicerei,
Che megho stesse a te, che a lor, la fret
CHANT SEIZIÈME. 331
7. Quand nous nous arrêtâmes, ils reoommeno&rent leur
antique gémissement, et arrivés près de nous, tous, trois
firent de tsoi une roue \
8. Et comme, avant de se saisir et de se frapper, les
athlètes oints et nus avisent où la proie leur offrira le plus
d'avantage ;
9. Ainsi chacun d'eux, en tournant, dirigeait vers moi
son visage, de sorte qu'au mouvement du cou celui dés
pieds continuellement était contraire*.
10. c( Si la misère de ce bas lieu et notre face noire et
dépouillée attirent le dédain sur nous et nos prières, com-
mença l'un d'eux,
H . « Que notre renommée ploie ton âme à nous dire qui tu
es, toi qui, vivant, meus sans danger tes pied« dans l'Enter.
12. « Celui-ci, dont tu me vois suivre les traces, et q^i
tout nu et pelé va, fut d'un rang plus élevé que tu ne crois :
13. « U fut petit-iils de la bonne Gualdrade; Guidognerra '
était son nom, et durant sa vicv beaucoup il fit avec la tête
et avec 1 epée.
14. « L'autre qui foule le sable après moi, est Togghiajo
Aldobrandi ^, dont le nom devrait être cher dans le monde.
15. a Et moi, qui avec eux suis en croix, je fus Jacopo
Rusticucci ^, et, certes^ plvs que tout m'a nui ma femme
wvêche. »
^- Ricominciar, come noi ristemmo, ei
L'amicoTeno; « qoando a noi fiir ghinti,
Fenn» vm rvom di se latti e irei.
* QinltDolai i campion tar nndi ed unti,
ArtiniMlo kr presa e lor vantaggio,
^liuni cbe sien tra lor bailuti e punti ;
'■' ^ rolndo, ciascuna il visagipo
lliiiava a me, si cbe in contrario il coUo
Facevaa' piè contiauo viaggio.
'û.I'eii, s« misaria d' eslo loco soli >
' f nde in dispetto noi e nostri pre^lii,
^^Mniociô r uiio, e 1 (iiilo aspello e brollo;
A dime chi tu se*, che i vivi pjedi
Cosi sieuro per io Iiiferno freghi.
ll.Que8ti, r orme di cui pestar nu vedt,
Tutio che nudo e dipelato vadn,
Fu di grado maggior che tu non credi
■ S.Nepote fu délia buona GualdmdH :
Gaidoguerra ebbe nome, ed in sua vita
Fece col senno assai e con la spada.
U.L' aitro ch' appresso me 1* arena Irita,
È Tegghiaio Aldobrandi, la cui voce
Nel mondo su duvrebije esser gradila.
IS. E io, che posto son con loro in croce,
lacopo Rusticucci fui : e certo
lULa&mt nostra iltuo aniiiio pie;;hi. i La tiera moglie più ch' altro mi nuoce.
552 L*ENFER.
16. Si j*eusse été à Tabri du feu, je me serais jeté enb
parmi eux, et je crois que le Maître Teût souflert :
17. Mais, parce que je me serais brûlé et grillé, la pe
vainquit le bon vouloir qui de les- embrasser me rend
avide.
18. Puis je commençai : — Non du dédain, mais u
douleur si grande que tard s'éteindra-t-elle, m'inspira vo
condition,
19. Lorsque le Maître me dit des paroles par lesquel
je compris que venaient des gens tels que vous.
20. Je suis de votre pays; et toujours vos œuvres et'
noms honorés j'écoutai et me rappelai avec amour.
21 . Je laisse le fiel, et vais pour les doux fruits ' à i
promis par le Guide véridique ; mais jusqu'au centre il t
avant que je plonge.
22. « Que longtemps l'âme conduise tes membres,
pondit alors celui-là, et qu*après toi luise ta renommée.
25. « Mais dis-nous si la vaillance et la courtoisie coi
nuent d'habiter notre ville, ou si tout à fait elles en si
parties.
24. « Guillaume Borsieré '^j qui depuis peu gémit a
nous, et avec les autres s'en va là, nous a, par ce qu'il n(
en a dit, centristes beaucoup. »
16. S' io fussi stato dal fuoco coverto,
Giltato mi sarei tra lor disotto;
E credo che M Dottor 1* avria sofTerto:
IT.Ma perch* io mi sarei bruciato e cotto«
Vinse paura la mia buona voglia,
Che di loro abbracciar mi facea ghiotto.
18. Poi cominciai : Non dispetto, ma doglia
La vostra cundiiion dentro mi fisse
Tanto, che tardi tutta si dispoglia,
19.Tosto che questo mio Signor mi disse
Parole, per le quali io mi pensai,
Che, quai voi siele, tal gente venisse.
SO. Di Tostra terra sono; e sempre mai
V orra di toi e gli onorati nomi
Con affezion ritrassi ed ascoUai.
ll.Lascio Io fêle, e vo pô dold pomi
Promessi a me per Io verace Duca;
Ha finoal centre pria convien ch'io t
tl. Se lungamente V anima conduca
Le membra tue, rispose quegli allora
E se la fama tua dopo te luca,
SS.Cortesia e valor, di, se dimora
Nella nostra citti si corne suole,
se del tutto se n' è gilo fuora?
14.Chè Gugliehno Borsieré, il quai si du
Con noi per poco, e va là coi compa{
Assai ne crucia colle sue parole.
CHANT SEIZIËNE. 553
25. — La gent nouvelle et les gains subits ont, ô Flo-
rence, engendré en toi tant d'orgueil et d'excès, que déjà
tu en pleures I
26. Ainsi m*écriai-je, la face levée; et les trois qui ouï-
rent cette réponse se regardèrent l'un l'autre, conune on
regarde à l'aspect du vrai.
27. a Si à chaque fois, répondirent-ils tous, il t'en coûte
si peu pour satisfaire autrui, heureux es*tu de pouvoir
ainsi parler à ton gré.
28. a Cependant si tu sors de ces sombres lieux et revois
encore les beaux astres, quand joyeux tu diras : Je fus là,
29. « Fais qu'en ton discours nous soyons... » Lors ils
rompirent la roue, et, fuyant, leurs jambes agiles sem-
blèrent des ailes.
30. Avant qu'aman on eût pu dire, ils avaient disparu :
sur quoi le Maître jugea bon de partir.
31 . Je le suivais, et peu encore nous avions marché, quand
le bruit de l'eau devint si proche, qu'à peine eussions-nous
pu nous entendre parler.
32. Comme ce fleuve qui, par son propre chemin, coule
d'abord du mont Yiso vers le Levant*, à gauche de l'A-
peimin,
33. Et qui s'appelle Acquacheta avant de descendre
dans son Ut inférieur, puis change de nom à Forli *,
^U gtnte BQOva, e i mbiti guadagni,
Orgoglio e dimiaura han generata,
Korensa, in te, si cbe tu giàien piagni.
^Cosi gridai edla foeda levata :
B i tre ei6 intaaer per risposta,
QaOa fun V altro, coin* al ver si guala.
''•Se P allrc volte si poco U eosta,
Bisser tutti, il soddisfiarc altrai,
Fdice te. che si paili a tua posta*
ti-Hrù so campi d' esti luoghi bui,
£ tomi a riveder le belle stelle,
Qnando ti gioverâ dicere : lo f ui ;
Util die di noi alla gente favelle:
Indi nipper la ruota, ed a fbggirsi
Aie sembiaron le lor gambe snelle*
50. Un ammen non saria potuto dirai
Tosto cosi, com' ei furo spariti :
Per cbe al Maestro panre di parlirsi.
St.Io lo seguiva, e poco eravam iti,
Che '1 suon dell' acqua n' era si vicino,
Che per parlar saremmo appena udili.
51. Corne quel fiume, c' ba proprio cammuo
Prima da monte Veso in ver levante
Dalla ûnistra costa d'Apennmo,
SS.Cbe si chiama Acquacheta suso, avaiUe
Cbe si divalli gtù nel basse letto»
E a Forli di quel nome è vacante,
19.
534
L'ENFER.
34. Bruit en tombant des Alpes, au-^dessus de Sàn-
Benedelto*®, où mille devraient trouver une.demeure;
35. Ainsi, en tombant d'une roche escarpée, cette eau
noire bruissait tellement, q«eii peu deiemps l'oreillt en
serait Uessée.
36. J'étais ceint d'une corde avec laquelle j'avais pte
d'iunc fois eu la pensée de prendre la panthère au poil
tacheté*^
37 . Après l'avoir détachéede moi, comme mel'avait comr
mandé mon Maître^ je la lui tendis rassembléeet roulée :
38. Et lui, s'étant détoutné à droite, la lança un pc»
loin du bord, dans le profond gouffre.
39. — 11 convient, certes, disais-je en moi-même, que
quelque chose nouvelle réponde à ce nouveau signal
quainsi deTceil seconde le Maître ^^.
40. Ohl que circonspects devraient être les hommes
avec ceux qui ne voient pas* seulement Tacte, mais don^
l'intelligence découvre au dedans les pensées !
41 . Il me dit : « Tout à l'heure, en haut, va venir c<
que j'attends et ce que songe ta pensée : il convient qu<
bientôt ta vue l'aperçoive. »
42. Toujours autant qu'il peut, l'homme doit clore se^
lèvres à ce vrai qui ressemble au mensonge; car, sans faute
aucune, il attire la honte :
Si.Rimbomba là sovra San Bunedetlo
Dall'Alpe, percadere ad una scesa,
Ove dovria per mille esser ricetto;
SS.Gosi, giù d'un» ripa discoscesa,
Trovammo risonai* quell' acqua tinta,
Si che in poc' ora avria V orecchia offesa.
S6. lo avea una corda intorno cinta,
E con essa pensai alciina volta
Prender la lonza alla pelle dipinta.
57.Poscia che T ebbi tulta da me sciolta,
Si corne '1 Duca m* avea comandalo,
Porsila a lui aggrpppata e rawulta.
S8. Ond' ei si volse in ver lo destro lato»
E alquanto di lungi dalla sponda
La gittô giuso in quell' alto burrato.
S9.E pur convien che uoviiù rispomla,
Dicea fia me roedesmo. al nuovo cenno
Che '1 Maestro con 1' occhio si seconda.
40. Ahi quaato cauti gli uomini esser denm
Presso a color, che non veggon pur l' opra
Ma per entro i pensier iiiiran col senno !
il.Ei disse a me: Tosto verra di scpra [gn
Ci6 ch' io altendo; e che il tuo pensier so
Tosto convien ch' al iuo viso si bcopra.
4S.Sempre a quelverc'hafaccia diinenzogn
De' l'ucmchiuderlelabbrn quanCei puoU
Perô che senza colpa fa vergogna;
CHANT SEIZIÈME.
335
43. Mais ici je ne puis le taire, et par les vers de cette
Comédie'', par mon désir que longtemps ils plaisent, je te
jure, lecteur,
44. Qu'à travers Tair épais et sombre, je vis monter,
nageant, une figure qui aurait troublé le cœur le plus
( jrme ; «
45. Semblable à celui qui, ayant plongé pour dégager
l'ancre retenue par un rocher ou quelque autre empêche-
ment caché dans la mer ,
Étend les bras et le corps, ramenant à soi les pieds.
U Ma qni tacer nol posso : e per le note
Di questa Commedia, lettor, ti ghiro,
S' elle nen sien di lunga gnm vote,
U.Ch'io vidi per quel!' aer grosso e scuro
Venir notando una figura in suso,
■erarigliosa ad ogni cor sieuro;
4S.Si corne toma colui che v.t pfiiiso
Talora a solver incora, ch' aggrafipa
scogUo od allnt che nel mare è chiuso,
Che *n fu si stende, e da piè si mttnppa.
• ^- ■■ , x'
336 L'ENFER.
NOTES DU CHANT SEIZIÈME
i. c Tournèrent en cercle, » parce qu'il leur était défendu de s'arrêter ^
seul instant.
2. Les pieds se portant en avant, et le cou en arrière, pour Toir Dante ^
pour lui parler.
3. De Gualdrade et du comte Guido naquit Ruggieri, et, de RuggieH
Guidoguorra, qui, à la tête de quatre cents Guelfes de Florence, décida 1
victoire que Charles I*' remporta dans la Fouille sur Hanfred.
4. De la famille des Adimari de Florence, t Son nom devrait être cher
sa patrie, » parce que si les Florentins avaient écouté son conseil de ne ps
combattre contre les Siennois, ils n'auraient pas éprouvé la défaite d'Ârbis
ou de Mont-Âperti.
5. Riche Florentin qui, ayant une femme acariâtre, la quitta et se jeU
dans d'infâmes débauches.
(). c Je ne fais que traverser ces lieux amers, pour aller où se cueillenl
les doux fruits; » dans le Paradis, où Virgile a promis de le conduire.
7. Boccace parle de Guillaume Borsieré comme d'un cavalier plein de va<
eur, d'enjouement et de vivacité.
8. Qui, pendant qu'il coule dans son propre lit, avant de se jeter daii« V
Pô, se dirige vers le Levant.
9. Où il prend le nom de Montone.
10. Riche abbaye située près de la chute du Montone, et qui aurait dû êtn
la demeure de mille religieux, au lieu du petit nombre que la mauvaise ad-
ministration des revenus permettait d'y entretenir. D'autres disent doveva
au lieu de dùvria^ et, sur l'autorité de Boccace, pensent qu'il s'agit d'uj
vaste château que les Gonti, seigneurs de cette partie des Alpes, avaient ei
dessein de faire bâtir, et dans Tenceinte duquel ils devaient transporter le
habitants de plusieurs villages. Hais, l'auteur de ce projet étant mort, il resl
sans exécution.
11. On raconte que, dans sa jeunesse, Dante prit l'habit de saint François
tt que, l'ayant quitté, il resta néanmoins, jusqu'à sa mort, du tiers ordre de
GHÀNT SEIZIÈME. 887
Vraneiseains. Cette tradition admise, la corde dont il parle ici serait le
cordon ayec lequel il ayait espéré vaincre « la panthère, » figure de Tappétit
sensuel.
\% Gomme le Joueur pousse, en quelque façon, et dirige de Tœil la bonle
qu'il Tient de lancer.
13. La Divina Commedia, nom donné par Dante h son poème, et que
Vnsage a consacré»
V
.138
L'fiiNffrfi.
GEANT DIX-SEPTIÈME
1. «Voilà la bête* à la queue affilée, qui traverse les
montagnes, brise les murs et les armes : voilà celle qui
infecte le monde entier. »
2. Ainsi mon guide commença de me parler, et il lui fît
signe d'aborder aux rochers où nous marchions.
3. Et cette difforme image de la fraude atterrit de
la tête et du buste, mais sur la rive elle ne tira point la
queue.
i. Sa face était celle d'*un homme juste, si bénigne en
était l'apparence, et le corps en bas était d'un serpent.
5. Elle avait, au-dessous des aisselles, des pattes velues;
sur le dos, la poitrine et les deux côtés, des lacs peints e^
des boucliers.
6. Jamais les Tar tares et les Turcs ne couvrirent iiO'
étoffe de tant de couleurs, dessus, dessous, et jama^
Arachné ne tendit de telles toiles.
GANTO DECIMOSETTIMO
1. Eeco la fiera con la coda agazza
Cbe passa i monti, e rompe mura ed arml ;
Ecco colei che tutto '1 monde appuzza.
2. Si cominciô lo mio Duca a parlarmi,
Ed accennolie che veoisse aproda,
Vioino al fin de' passcggiati marmi:
8. Ë quella !=ozza imagine di froda,
Sen venne, ed arrivô I* testa e '1 btuto ;
Ma in su la riva non trasse la eoda.
4. La faccia sua era facela d' uom giii«to ;
Tante benigna avea di fuor la pelle;
E d' un serpente tutlo 1' altro Tusto.
5. Duo brandie avea piloee infin 1' ascellet
Lo dosso e '1 petto ed ambedue le coste
Dipinte avea di nodi e di rotclle.
6. Con più color somme^^^e e soprapposie
Non fer mai in drappo Tar ta ri ne Turcbi
Ne fur tai teJe per Aragne imposte.
CHANT DlK-SfiPTlÉME. 330
7. Comme quelquefois les barques staiionneot sur le
rivage, partie dans Teau, partie à terre, et comme, chez
les Allemands gloutons,
8. Le castor se dispose pour sa chasse'; ainsi la bête
mauvaise s'étendait sur le bord .des rochers qui enserrent
le sable ;
9. Elle aiguisait sa queue dans le vide, tordant en haut
la fourche vénéneuse, armée de dard comme celle du
scorpion.
iû. Le Maître dit : « Il convient que maintenant notre
route se détourne un peu vers cette méchante bête cou*
ciiée là. »
11. Pour cela, nous descendîmes à droite, et fîmes dix
pas le long du précipice pour éviter le sable et les flammes.
12. Et quand nous fûmes arrivés à elle, un peu plus loin
sur le sable, je vis des gens assis près du gouiîre.
13. Ici le Maître : « Afln que tu remportes une pleiae
coimaissance de cette enceinte, vas, me dit-U, et vois leur
état.
14. « Que là tes entretiens soient brefe : en attendant
ton retour, à celle-ci je parlerai, pour qu'elle nous prête
ses fortes épaules. »
15. Ainsi, encoreenhaut,surrextrêmelimiteduseptième
cercle, tout seul j'allais là où assise était la gent triste ^,
''' Come tal volU stanno a riva i barchi,
Cbe parte sooo.in acqaa e parte in torra;
E come là tra H Tedeschi lurchi
^' Ia bevero s' aseetta a Tar soa goarra ;
Gosi la fiera pessima si stava
Stt r orlo che, di pietra, il sabbiou serra.
9' Kel vane tntta sua coda guizzava,
Tereendo in su la yeneno^a força
Che a guisa di scorpion la punta artnava.
10. La Dnca disse : Or convien che si torca
La Dostra via un poco inflno a quella
Bettia maivagia cbe eolà si corw.
11' Pirà scendnnmo alla destra mammella,
E dieci passo femme in sullo stremo
Perben cessar la renae la fiammella;
12. E quando noi a lei venuti semo,
Poco più oitre vcg-g^o in su la rena
Gente seder propinqua al luoço scerao.
13. Quivi '1 Maestro : Acciocobë tutta piena
Esperienza d' este giron porti,
Bii disse, or va, e vedi la lor mena.
14. Li tuoi ragiooamenti sien là corti,
Bientre che terni parlera con questa,
Cbe ne concéda i suoi omeri forti.
15. Conai aneor sa per la strema testa
Di quel settimo cercliio, tutto solo
Andai, ove sedea la gente mesta.
540 * L^ENFEa.
16. Par les yeux au dehors éclatait leur douleur : d*ici,
de là, ils s'abritaient avec les mains, tantôt contre le souf-
fle embrasé, tantôt contre Tardeur du sol,
17. Gomme avec les pieds et le museau en été font les
chiens, quand ils sont mordus par les puces, les mouches
ou les taons.
18. Ayant fixé les yeux sur le Tisage de quelques-uns
sur qui tombait le feu cuisant, je n'en reconnus aucun.
19. Mais j'avisai qu'au cou de chacun pendait une
bourse diverse de couleur, et marquée d'un signe divers :
et leur œil semblait s'en repaître.
20. Et comme en regardant parmi eux j'allais, dans une
bourse jaune je vis en azur ce qui avait la face et le port
d'un lion *.
21. Puis, continuant de regarder, je vis une autre
bourse, rouge comme du sang, montrer une oie plus blan*
che que le lait '.
22. Et un qui, dans un sachet blanc, avait pour sign^
une grosse laie azur *, me dit : « Que fais-tu dans cette fosse ?
23. « Va-t'en I et puisque encore tu vis, sache que mot^
voisin Yitalien ^ s'assiéra ici à ma gauche.
24. « Parmi ces Florentins, je suis Padouan. Souvent:^
ils m'assourdissent les oreilles, criant : Vienne le cavaliei^
souverain,
IC Per gl oeebl ftaorl Moppltn lor doolo ;
Dl qoa, di là, ao«eorrien eon le man! ;
Qnando a' tapoii, a quando al ealdo snolo.
17. Non altrlmantl fkn dl sUU i eani,
Or eol eeffOi or «ol plè, quando ton norai
G da puld ff da moscbe o da tafanl.
11. Poi ebo nel tIm a eorll f li oeelii ponl,
No' qnall 11 doloroao ftaoeo eaaca,
Non no eœnobbl aloun ; ma lo m' aioonl
tt. Cbo dal «ollo a etafonm pondoa ana taaoo,
Ck' avoa eorto colora o corfe aogno,
B qvindi p«r oho 11 lora ooohlo d
10. I ooa' lo rignardando lim lor vogne,
In naa borta glalla vidl azsnrro,
Cho dl Mono avea faeeia e contegno
SI. Poi proeadendo di mio tguardo II enrro,
Vidine ol' altra più che sangue rossa
Mottrare nn' oea bianea più ebe burro*
IS. Ed un, ebe d'nna serofk aziorra o frosH
Segnato area lo too sacebetto blaneor
Ml disse : Cbo fal tu in questa ffossa I
II. Or Une Ta t e perebè se* tIio aaeo,
Sappi ebe 1 mlo Tiein Vitaliano
Soderà qui dal mio sinistro fianeo.
M. GoB qnoflU Florentin son Padovano;
Spoaso flato m' intronan g I! oreoebl,
Gildaado t Vegna 11 earalier sovnao,
CHANT DIX-SEPTIÈME. Sil
25. « Qui apportera la bourse aux trois becs' I Ensuite
il tordit la bouche et tira la langue, comme un bœuf qui
lèche ses naseaux.
26. Et moi, craignant que rester plus longtemps ne
courrouçât celui qui m'avait averti de peu m'arrêter, je
m'éloignai de ces âmes misérables.
27. Je trouvai mon Mdtre qui déjà était monté sur la
croupe de l'horrible animal ; il me dit : « Maintenant, sois
foFl et hardi 1
28. « On descend désormais par cet escalier : monte
devant ; je veux être au milieu, pour que la queue ne te
puisse faire de mal. »
29. Tel que celui qui est si près du frisson de la fièvre
quarte, que déjà ses ongles sont pâles et qu'il tremble à
l'attente seule du froid,
30. Tel devins-je après ces paroles; mais ce qu'elles
avaient de menaçant m'inspira cette honte, qui devant un
maître intrépide, rend un serviteur courageux.
31. Je m'assis sur ses larges épaules ; et comme je vou-
lus dire : « Soutiens-moi ! » la voix ne vint pas, ainsi que
ie croyais.
32. Mais lui, dont la force d'autre fois, en haut, m'a-
vait secouru, dès que je montai m'entoura et me soutint
de ses bras.
SS. Cht ndieii Ii UsM «ol tre baeebl t
Qoindl stona la bocea, e dl fbor truM
La Uagna, coma bue ehe 1 naso leeebl.
26i Bd io, tamendo ool più star ernedasM
Lui ebo di poeo star m' araa ammonito,
Toma' mi iodiatro dall' anima lassa.
97. Ttvnï lo Duea mio eh' ara sallto
QXk snlla groppa del flero animalei
it dlssa a ma I Or sia forte ad ardito*
tt> Ornai si sainda par si fatte seale :
MoBta dinansi, eh' io Toglio esser mexxo,
Si ehe la eoda non possa far maie.
19. Qoala eolid, ah' è si prasso al rlprezso
Della qoartana, a' ba già l' nnghie smorta
E triema tntto par goardando il rezzo ;
aO> Tal divenn' io aile parole porte ;
Ma Teigogna mi far le sue minaeee,
Cha innansi a bnon signor h. serro forte.
Si. Io m' assattai insu quelle spallaee :
Si ToUi dtr, ma la Toee non venna
Gam' io eredetti : Fa ehe tu m' al)braMa.
3S. Ma esso eh' altra Tolta mi sovvenne .
Ad altro, forte, tosto ch' io montai,
Con la braeefa m'atrinae e tal «mxkkda
342 LVENf^R.
33. Puis il dit : « Gérion^ vas, maintenant! Que les
cercles soient larges, et que la descente soit douce; pense
à la charge nouvelle que tu portes. »
34. Comme d'un lieu étroit sort la nacelle, peu à.pen
.reculant ainsi de là il sortit; et. lorsqui^ ensuite il se sentit
{tout à fait libre,
35. Où était la poitrine il touma la queue, etallongeant
celle-ci, coautte uneaignilte ilâ6inut,.&Tecles pattes ra-
menant Tair à soi.
36. Quand . Phaéton abandonna les rênes, . par quoi le
ciel, comme il parait «encore *, s'enflamma; .
37. Ni quand le malheureux Icare sentit ses reins se
dépouiller de plumes, à cause de la cire qui fondait, son
père lui criant : « Tu tiens une mauvaise route.1 »
38. Je ne crois pas que la peur ait été plus grande qae
ne fut la mienne lorsque je me vis de toute part. dans
Tair, sans découvrir autre chose que la bête.
39. Elle s'en va nageant, doucement, doucement, tourne
et descend, et point ne m'en aperçois-je, si ce n'est au
vent qui monte et me frappe le visage.
40. Déjà j'entendais au-dessous de nous, à main droite,
l'horrible fracas de l'abîme; ce pourquoi en bas avecia
tête j'avance les yeux.
33. E disse : Gerion, moTlti ornai ;
La rnote largka, a io aaejider sia poao t
Pensa la naova Muna eb« ta baL
:t 1. Come la navicella esee dl ioco
In dietro in dietro ; si qoiadi si tolae ;
B poi cb' al tutto si senti a ginooo,
•t."). Là "vera' il petto, la coda rivoise,
E quella tesa, eome angvilla. mosse,
E con le branefae l' aefe a se nracolse.
36. Maggior paora non credo che fosse,
Quando Fetonte abbandonô H freni,
Percbà 1 eiel, come pare ancor, si eosse:
S7. Ne quand' learo misera le reni
Senti spennar par la sealdata cara,
Gridando il padre a lai : Blala Tia tie<* *
38. Che fti la mim, qoaado Tfdi eh' f era
KM' aer d' Ofol parts, e ^di qieata
OgBi vedoU, faar ebe dalla iara.
39. Ella sen va notando lenta lenta ;
Ruota e diseende, ma aoa ma n' aeeor|r^^ '
So non cb' al visa, e di s<rtto uà veata.^
40. l'sentfa già dalla man destra il goi^
Far sotto noi un orriblla etroncis, ^^.
Perebèeon^ oeehi in ffn la teela sior^'^'
CHANT DIX'BEPTIEME, 5iS
41. Alors plus de crainte m*inspHra le gouffre, voyant
des feux et entendant des pleurs, d*oii tout tremblant je
me raccroupis.
42. Et je vis, ce qu'avant je ne voyais pas, le descendre
et le tourner, par les grands maux qui de divers côtés s'ap-
prochaient.
43. Gomme lé faucoR qui, sans avoir ni <lèurre ni oiseau
ayant longtemps volé, fait dire au fauconnier : Hélas ! tu
baisses !
44. Descend fatigué de là où, agile, il décrivrit cen\
i^ercles, et, triste et chagrin, se pose loin du maître,
45. Ainsi, dans le fond, au pied.de la roche escarpée^
nous déposa Gérion, et de nous s' étant déchargé,
S'éloigna comme la flèche de la cocde.
41. Alior fti io pMltjHtd* alto Mowlo t
Perroch' io vidl fuoehl, e santii pianti :
Ond' io tremando tutto mio raoeoseio.
Kl. E Tldi poi, elle noi Todea davaotif
Le seendere a'I girar, par li fra* owK
Che s 'appressavao da direni caati^
13. Gome '] faieon eh' è sUto assai «aU'ali,
Chfl, sanza veder iogoro o uecello,
Fa dira al falconiere : Oimè lu eali :
44. DlMrade laaao, ondtf si nraoTOrMoIl»
Par joeato raola, e da laagl «Lpone
Dal sno maestro disdegnoso e fello
45. Cosi ne pose al foBdo Geriena
A piede a piè délia stagiiaia roecar
E, discareate le no^tre per«ono,
Si dlleguô, eome da corda coeea.
su L'ENFER.
^■"■■■"■^
NOTES DU GHâNT DIX-SEPTIEME
!• Gérion, symbole de la fraude.
2. On croyait que le castor, lorsqu'il se préparait à chasser sa
étendait dans Teau sa queue huileuse, laquelle attirait les poissons.
3. Les usuriers.
4. Armoiries de la famille des Gianfigliacchi, de Florence.
5. Armoiries de la famille des Ubbriacchi, de Florence.
6. Armoiries de la famille' des Scrovigni, de Padoue.
7. Vitalien del Dente, de Padoue.
8. Jean Bujamonte, le plus infâme usurier de ee temps-là, qui
pour armes trois becs d*oiseau«
9. Selon la Fable, la Voie lactée apparut lorsque le char du Sole
guidé par Phaéton, enflamma cette partie du ciel.
CHANT DIX-HUITIÊHS.
84$
CHANT DIX-HUITIÈME
1. Il est en enfer un lieu appelé Malebolge ^ tout de
)ieiTe couleur de fer, comme le cercle qui l'entoure.
2. Droit au milieu de la campagne maligne, s'ouvre
m puits large et profond, dont, en son lieu, on dira la
tructure.
3. L'espace, de forme ronde, entre le puits et la haute
ive solide, était, en descendant au fond, divisé en dix re-
ranchements.
4. Tels que les châteaux autour desquels on creuse,
»our la défenee des murs, de nombreux fossés, qui rendent
ûre la partie qu'ils ceignent.
5. Tels paraissaient là ces retranchements ; et comme,
m de pareilles forteresses, des seuils * à la rive sont de
petits ponts,
6. Ainsi du pied du précipice partent des rochers, qui
[coupent les remparts et les fossés jusqu'au puits, où tron-
qués ils s'arrêtent.
GANTO DECIMOTTAVO
!• Lnogo è Infinno, detto Malebolge,
Totto dl pietra di eolor ferrrignOi
Come la eerebla ebe d'intorno il Tolfa.
S. Nel drûto mezxo del eampo maligno
Vaneggia an pozzo assai largo ei profondO|
Di eai sno loeo dieerô 1' ordigno.
)• Quel eingbio eho rimane adunqno è tondo
Tra '1 pozzo e 1 plà dell' alla ripa dora.
Ed h« disUnto in dioel Talli il fodon.
4. Quale, doTO par gnardia delle mnra
Plu e pin fossi cingon H eastelli,
La parte dov' ei son rende figura ;
5. Taie imagine quivi facean quelli.
E come a tai fortezze dai lor sogli
Alla ripa di fuor son ponticelli ;
6. Cosi da imo dalla roeela scogli
Hovlén, che recidean gli argini e 1 fossi
Infino al pozzo, ebe 1 tronea e raceogll.
M6 L'ETTFER.
7. S«cottés da dt» tie Gértoii, nous nous trouvâmes en
ce lieu. Le Poëte prit à gauche, et derrière lui je marchai.
8. A main droite, je vis avec une nouvelle pitié des
tourments nouveaux et de nouveaux tourmenteurs, dont
la première bolge était pleine.
9. Au fond étaient les pécheurs nus rdn milieu, d*an
côté, ils venaient le visage vers nous; de l'autre, ils al-
laient comme nous, mais à plus grands pas ' :
iO. Gomnoe les Romains, à cause de la feule, rannée du
Jubilé, ont réglé la manière de passer sur le pont, —
il. Tous, d'un côté, ont te front yers le château, et
vont à Saint-Pierre, et de Fautre côté vers le mont *'; —
12. D'ici, de là, sur les noirs rochers, je vis des démons
cornus qui, avec de grands fouets, les frappaient cruelle-
ment par derrière.
13. Ah! comme, aux premiers coups, ils les faisaient
lever les jambes! Aucun n'attendait ni les seconds 'ni les
troisièmes.
14. Pendant que j'allais, mes yeux rencontrèrent Fan
d'eux, et aussitôt je dis : — Ce n*est pas la première fois
que je vois celui-ci.
15. Ce pourquoi je m'arrêtai pour le regarder, et mon
doux Maître avec moi s'arrêta, et consentit à ce qu'un peu
je retournasse en arrière.
7. In qaesto luogo, dalla sehiena seossi
Di Gerfon, troTammoci ; 6 II Potta
Tenne a «Inistra, e io dietro mi moflsl.
8a Alla maa deftra vidi nuova piéta;
Ntiovi tormanti e aoovi fhistatori,
Di e .0 la prima boigia era repkfU.
9. Nel fondo erano ignadi i peaoalori :
Dal meuo in qua ci Tanian wrso 'I toHo,
Di le coD noi ; ma eon panai maf gtori :
10. Comme \ Roman, per 1' esercifo molto,
L' anno del Giubbileo, sa per io ponta
Hanno a paM>ar la gente modo tolto;
11. Che dair un lato tatti banao lafreata
Verso 'I eastello, e Tanne a Sanfo Pielr*
Dali' attra spanda Tanno verso i monts.
18. Di qua. di là, su per Io sasso tetro
Vidi diiMn coTBiiUaoB.fffaB flsma
Che 11 battflon aradalnoala di nlra.
18. Abl «aoa toin lorlavar le tone
Aile prime pereosM I a già neaanM
Le seconde aspettava ai le taixa.
14. Mentr' io andava, gli oeoh! miel in
Furo scontrati ; ed io si tasto dissi t
fiià di vedar aestai nan son diginat.
15. Persià a Igorario piadl arOstii :
E 1 doiea Dnea mmco si rlstatta,
E assanti eh' alquanto indletro gisd.
CHANT DfX-HUlTIÉME. 517
j fastigé croyait se celer en baissant la tête, mais
ervit : — Toi, lai dis-je, qui fixes Tœil à terre,
tes traits ne sont point menteurs, tu es Yene-
cianimico*. Mais qu'est-ce qui te vaut de si cui-
sines?
: lui à moi : « Mal volontiers le dis-je ; mais m'y
t ton clair langage *, qui me fait souvenir du
ncien.
Je fus celui qui induisit la belle Ghisola à faire ce
ait le marquis, quoi que dise une fausse rumeur''.
Et je ne suis pas le seul Bolonais qui pleure ici :
en est si plein, qu^il y a maintenant moins de
exercées
A dire sipa " entre la Savène et le Reno ; et si de
veux un témoignage certain, rappelle-toi notre
ire. »
)mme il parlait ainsi, un démon le frappa de sa
et dit : « Va, ruffian, il n'y a point ici de femmes
trafique! »
rejoignis mon Guide, et en peu de pas, nous re-
à où de la rive partait un rocher,
icilement nous montâmes, et, tournant à droite
I roche escarpée, de ces cercles étemels nous sor-
astato eelar si endette
*1 Tiso, ma poco gl! Taise :
isi ; Tu che l' oeehia a terra gette
oa cba portl non son false,
se' tu Caccianiroico ;
mena a sf pungenti salse?
BM : "UaX Tolcatier le Aeo ;
mi 1« tua ebiara. favcUa,
i sevrenir del mondo antico.
lii che^ la CrUseha bella
a Car In wgUa del Mardieae,
-aoeai la aeeocia aoveJla.
r to qui pianga Bcicgnese ;
Anzi B % qaesto Inogo tanto pieho.
Che tante Ungne non son ora apprese
21. A dieer sipa tra Savena e 'I Reno ;
E se dl eiô Taoi fede o testimonio,
Reeati a mente il nostro avare seno.
22. Cosi parianno il percosse un demonlo
Délia sua scorriada, e disse : Via,
Ruffian, qui non son féminine da eoala.
23. lo mi raggiunsi ton la seonta mia :
Poscia con pocfai passi divenimmo,
Dove. uno scoglio délia ripa uscia.
24. Assal le^ gieramente quel salimmo,
E voit! a destra sopra la sua scheggia,
Da quelle cerchie eterne ci partimrao.
S48 ^ L'ENFER.
25. Quand nous fûmes à l'endroit où en dessous se (ai
un vide^ pour donner passage aux fustigés, le Maître dit
V Arrête toi, et que tes regards se portent
26. « Sur ces autres mal nés, dont tu n*as pas encor
vu la face, parce que avec nous ils allaient *.. »
27. Du vieux pont, nous regardions la bande quivena
vers nous de Tautre c6té, et que pareillement le fouet d(
chire.
28. Et le bon Maître, sans aucune mienne demandera
dit : a Regarde ce grand qui vient, à qui la douleur n'ai
rache pas une larme :
29. « Quel royal aspect il conserve encore 1 C'est Jasoi
qui, par force et par ruse, ravit aux Golchidiens la Toisoi
30. « Il passa par Lemnos, après que les femmes, ha
dies et sans pitié, y eurent mis tous les hommes à moi
31. « Avec des gages et de décevantes paroles, il trom]
la jeune Hypsipyle **, qui avait la première trompé tout
les autres"; .
32 « Et là, toute seule, enceinte il la laissa. Uni
crime le condamne à un tel supplice, et de Médée aus
s'accomplit la vengeance.
33. « Avec lui vont ceux qui usent de la môme fraud(
Pas n'est besoin d'en savoir plus de la première enceinte
et de ceux qui sont tourmentés. »
96. Quando nol fummo là, dov' el ^tneggla
DI sotto, per dar passo agli sfanati,
Lo Duea disse : Attend!, et fa ebe feggla
86. Lo Tiso in te di questi altri malnatl,
A' quali ancor son redesti la faoeia
Perrochë son coi noi ioaienne andati.
S7. Dal Teecbio ponte gnardavao la traeeia,
Gbe venii verso noi dali' altra banda,
E ebe la fana simiimente seaeeia.
t8. II baon Maestro, senza mia dimanda,
Mi disse : Guarda qnel grande ebe "^eoe,
E per dolor non par lagrlma spanda :
29. Qnanto aspetto reale aoeor ritienne 1
Qoelli è Jason, ehe par eoore a par i'"'
Li Colcbi del monton privait fene.
30. Egli passô per 1' isola di Lanao,
Poi ebe le ardite feramine spietata
Tutti li maschi ioro a morta diennat
91. It! ton segni a eon parole oniata
Islâla ingannô, la gtovinetta.
Cba prima 1' altra avaa totta tagaanat*
3S, Laseioila qnlvi gravida a solatta t
Tal eolpa à tal martirio lui eondaïufi
Ed anche di Medaa si fa Taadatla.
33. Con ini sen va chi da tal parla iogaai'
E qiiasto basti délia prima valla
Sépare, a di ook>r eba In se aasaaaa.
CHANT DlX-HUITIÊME. Si9
jà nous étions là où Tétroit sentier croise le se-
ipart, et forme une voûte d'une arche à Tautre.
nous ouïmes la gent qui gémit dansTautre bolge ^*,
le, et se déchire de ses propres mains.
> rives, par Thaleine qui d'au-dessous monte et
lit, étaient recouvertes d'une croûte moisie, qui
3 yeux et le nez.
avant est le fond, que d'aucun lieu on ne le peut
monter sur le haut de l'arche, où le rocher est le
nous vînmes, et de là, en bas dans la fosse, je vis
plongés dans une mare d'excréments qui des
mblaient être tirés.
pendant que de l'œil je cherche dans cette fosse,
n dont la tête était si salie d'ordures qu'on ne
econnaître s'il était laïque ou clerc.
ondant, il me dit: « Pourquoi plus avidement
des-tu que les autres souillés? » Et moi à lui : -
e, si bien m'en souviens-je,
t'ai déjà vu avec des cheveux secs, et tu es Alexis
ei *', de Lucques; pour cela, je te regarde plus
utres.
lui alors se frappant le crâne : « Ici bas m'ont
s flatteries dont ma langue jamais ne fut lasse. »
1 là "re lo ftretto ealle
ine secondo s' ineroccieebia,
ello ad an allr' arco ^palle
itimmo gente ebe si uiccbia
bolgia, et che col inuso sbuffa,
sma eon le palme picebia.
an grommate d'un muffa
dl più ebe t1 tl appasta,
li occbi e col oaso facea zuffa«
t enpo 8i| ebe non cl basta
1 teder senza montare al dosso
ore lo scogiio più sovrasta.
mmo, e quindi giù nel fosso
Vidi gente attuffata In unoitereoi
Che dagli aman privati parea mosao.
39. E mentre eb' io laggiQ eon 1' oecbio eereo,
Vidi an col eapo si di merda lordo,
Cbe non parea s' era laico o eberco*
40. Que! mi fgridô : Perche se' tu ingordo
Di rigardarpiù me che gli altrl bruttlT
E io a lui : Perebè, se ben rlcordo,
41. Già t' bo Teduto coi capelli asciutti,
E se! Alessio Interroiuei da Lucca t
Pero t' addocebio più che gli allri tutti.
4S. Ed egli allor, battendosi la zueca :
Quaggiii m' banno sommerso le lufinghe,
Ond' io non ebbi mai la lingua stucet.
A
\
43. Après cela, le Maître : « Porte ta vufivi^O'dit-ilt^
peu plus avant, de sorte que tes yeux discernent bien
figure
44. (( De cette sale servante '^ écheveîée, qui là s'égi
ligne avec ses ongles embrenés, et 'tantôt s'accronpii, t:
t6t se tient debout :
45. « G*est Thaïs, la courtisane, qui, lorsque son ami
lui dit: Ne me dois-ta pas de grandes geàceB? lui rép(
dit : De merveilleuses, même ^'.
a Que de cette enceinte noUce vue soit rassasiée,.»
4?» Appresso ei6 lo D^ea : ?• ebe pinf he.
Mi disse, un poeo il Tiso più aTante,
Si cbe la faeeia ben eon gli occbi atlingUa
44. Di qaella sozza scapif liala fante,
Gbe là-si graffia eon i' nnyhle manloae,
Bd or a' Mcoscia, ed ora è in piede sUmta.
41. Talda i, la pattaaa, ehe ritpoie
Al drndo suO) quaodo disse : Ho io |i
Grandi appo «al AjuI meraiAflioMi>
I qolasi sita le aosU« Tiate m^
CHANT DIX-HDITIÉHB. 3Sf
NOTES DU CHANT DIX-HUITIEME
HauTaises bolges. Bolge, bolgia, signifie proprement bissac. Dante
e ainsi les diTÎsions du huitième cercle, à cause de leur forme étroite
fonde.
les portes.
Il faut se représenter deux bandes de pèeheurs occupant chacune une-
de la largeur de la bolge. Une de ces bandes allait dans la direction
k à celle de Virgile et de Dante, et par conséquent le visage tourné
iix; l'autre bande allait dans la même direction qu'eux, mais k plus
ipas.
liOrs du jubilé de l'an 1300, le pape Boniface fit établir une séparation
lien du pont du Ghftteau-Saint-Ange, et ordonna que d^un côté passe-
les pèlerins (pii allaient h Saint^Pierre, et de l'autre ceux qui en rêve-
, lesquels alors avaient devant eux le mont Giordano, situé en face de
me chftteau.
Bolonais qui, pour de Targent, livra sa sœur k Obizzo d'Esté, seigneur
rrare, lui ayant fait croire qu'Obizzo l'épouserait ensuite.
( Tes paroles qui montrent clairement que tu me reconnais. »
Parmi le& divers bruits qui couraient k oe sujet, il y en avait de favo*
i k Caccianimico.
Les Bolonais disent sipOj au lieu de si,
K Farce qu'ils aUaimt'daiis le nsteiesens que nous. »
Lui promettant de l'épouser.
En leur faisant croire qu'elle avait mis k mort son père Thoas, qu'elle
caché.
Bolge des flatteurs.
Noble Lucquois, adulateur outré.
Il l'appelle servante, parce qu'elle était au aerviea.de tous.
Ointe met dan» la bouche de Thaïs elle-même la réponse que, dans
^ueùe Thérenoe, fait k Trason l'entremetteur Gnaton, chargé par lui
^ k Thaïs une jeune esclave, qui était son amant déjguiaé.
553
L'ENFER.
CHANT DIX-NEUVIÈME
•3
jaa
1. Simon le magicien! 6 misérables qui suivez ses
traces ! vous dont la rapacité prostitue, pour de l'or et
pour de Targent, les choses de Dieu,
2. Épouses^ destinées aux bons; il convient que pour
vous sonne maintenant la trompette, puisque vous êtes
dans la troisième bolge '.
3. Déjà nous étions montés à Tautre arche, en cette pa^
tie du roc qui surplombe exactement le milieu de la fosse.
4. suprême sagesse ! combien grand est Fart que ta
montres au ciel, sur la terre et dans le monde mauvais,
et combien sont justes les dispensations de ta puissance!
5. Je vis, sur les côtés et au fond, la pierre livide pleine
de trous d'une égale largeur, et chacun était rond.
6. Ils me semblaient ni plus ni moins amples que, dans
mon beau saint Jean, ceux qu'on a creusés pour les bap-
tisants '.
GANTO DECIMONONO
1. Simon mago, o misaii segaad,
Che le eose dl DIo, ebe di bonUt«
Deon essere spose, a toI rapad
2. Per oro a par argento adultarate ;
Or eonvien ebe per Toi suoni ia tromba,
Parroehé nella tena bolgla state.
t. Glà eravamo, alla teguente tomba
MoDtati,dello scoglio In quelle partes
Cb' appunto sovra mezzo 1 fosso plomba.
4. O lomme eapiaiin, quanta è fkrtt fM
Oie mostrl In eielo, Interra • ne mal U^i
E quanto glosto tuà virta eompartal
5. lo vldl per le eeate e per lo fonda
Plena la plein Uvida dl fort
D'un largo tutti, e elaseono, ara tondei
6. Non roi parén mono amp< ne mafffaii*
Che quel che ion nel n l«l»«l San GlonUl
Fattl per Inogo de' ballezftaiorl ;
CHANT DIX-NEDVIÉME. S55
7. L*im desquels je brisai, il y a peu d'années, pour
auver un enfant qui se noyait : et que, parce témoignage,
Dut homme soit détrompé*.
8. De la bouche de chacun sortaient d'un pécheur les
ûeds et les jambes jusqu'au mollet, et le reste était de-
lans.
9. Tous avaient les plantes des pieds embrasées ; par
}uoi si fortement se contractaient les jointures, qu'elles
auraient rompu cordes et liens.
10. Tel à la surface des choses ointes est le mouvement
de la flamme; tel était-il là, des talons jusqu'au bout des
doigts.
11. — Maître, dis-je, quel est celui qui, dans son an-
goisse^ frétille plus que ses compagnons, et que suce une
flamme plus rouge ?
12. Et lui à moi : « Si tu veux qu'en bas je te porte par
cette rive d'au-dessous, tu sauras de lui-môme qui il est,
et qu'elles furent ses fautes. »
13. Et moi : — M'est bon tout ce qui te platt; tu es mon
Seigneur, et sais qu'en rien je ne m'écarte de ton vouloir,
toi qui connais même ce qu'on tait...
14. Alors nous vînmes sur le quatrième rempart ^^ et,
tournant, nous descendîmes à main gauche, dans le fond
itroit et percé de trous.
'* ^*vu da^H qntU, suor bod è molt'aïuil,
Eapp' lo per an ebe dentro V aantgavat
H 9a«to dmMgf ol oh' ofnl nomo tguoL
^ h»t dtlla biMa a etaiena soptrchiava
^'na pMaator 11 pledl, e dtlla gamba
bfao al grosso, • l' altro dentro stanu
' U plante erano a tatti aeeese intrambe ;
^ sbe si forte gviasatan le glunte»
Chs tpeuato aterian rttorte e stramlM.
10. Qm] gnele II flammegglar dalle eose ante
Uwnnà pur sa per l'estrema bncela;
lu era U da' ealaagal aile ponte.
11. Chl ê eolnl, Kaestroi ehe si ameelat
Golzxando plù ehe gll altrl saoi eonsortly
Diss' io, eut plù rossa fiamma suoelaT
12. Ed egll a me : Se ta yoï eh' !o tl porti
Laggiù per qaella ripa ebe più glace,
Da Inl sapral dl sA e de' suot torti.
18. Ed lo : Tanto m' è bel, qnanto a te plaee
Ta se' rignoro, e sal eh' io non ml parte
Dal tno tolère e salqael ebe si taee.
14. Aller venlmmo in sa I* argine quarto ;
Volgemmo, e diseendemmo a mano stanea
Laggiù nel fonde foraeebiato e arto.
îô.
15. Et le bon Maître ne me déposa point de aa hanche,
qu'il ne m'eût porté jusqu'à celui qui tant se lamentait
avec les jambes.
16. — toi qui, planté comme un pin, as en dessus ce
qui devrait être en dessous, qui que tu sois, âme triste,
commençai-je à dire, parle, si tu le peux ! ...
17. Je me tenais comme le frère qui confesse le perfide
assassin, et que, déjà dans la fosse, celui-ci rappelle poir
retarder la mort*.
18. Et lui cria : «Es-tu là debout déjà? là debout est4a
déjà, Boniface''? L'écrit m'a menti de plusieurs années*1
19. « Est-tu si tôt rassasié de ces richesses à l'aide des-
quelles tu n'as pas craint de t'emparer frauduleusement
de la belle Dame •, qne tu as ensuite saccagée ? »
20. Tel que ceux qui, ne comprenant point ce qu'on
leur dit, demeurent comme moqués, et ne savent que ré-
pondre, tel fus-je.
21. Lors Virgile: « Dis-lui vite : Je ne suis pas celui,
je ne suis pas celui que tu crois ! » Et je répondis comme
il m'était prescrit.
22. Sur quoi le damné tordit les pieds; puis soupi-
rant et d'une voix plaintive, me dit : « Que démandes-tu
donc?
16. E '1 baon Blaestro, aneor dalla sua wêm.
Non mi dispose» aln m! ^unse al rotto.
Di quel ebe se pingew con la zanca-
16' qaal ehe se' cbe 'I disa tien di sotio,
Anima trJsta, corne pal commessa,
Goromincia' io a dir, se pnoi, fa motto.
17. Io stava corne '1 frate che confessa
• Lo perfide assassin, ctie poi ch' è fltto,
Ridiiama lui, per ebe la morte cessa.
18. Ed ei gridô : Se' tu gi& costi ritto,
Se' ta g\k costi ritto, Bonifazio I
Di pareeehl anni mi menti lo scritto.
19.. Se- ta si tosto di qnell* «vtr aasio,
Ptr lo q«al non temesti terre a lagaW
La bella Donna, « di poi fane straiiot
20. Tal mi fee ' io, qoal son eolor ebe st«Bi*i
Per non intender dô eb' è lor ripostSf
Qnasl seornati, e risponder non.aaa**-
SL Âllor Virgiiio dîne ; Dilli tosto.
Non son eolni, non son eolal titB ertA I
Ed lo ri!>posi eome a me fa imposte,
S2. Fer ehe io spirto tutti storae i piedl:
Poi sospirando, e con voce di pianto,
Mi disse : Dnnqoe ebe a mt itebiodLt
CHANT D(X-NHUV1ÉM£.
(V Si de savoir qui je suis tu as tant de souci- que tu
>ur cela parcouru ces rives, sache que je fus revêtu
nd manteau **.
a Je fus vraiment ms de TOurse^S et si avide que,
nrichir les oursons; je mis là-haut For, et ici moi-
dans la bourse.
(( Tirés par la fente de la pierre, sous ma tête sont
is les simoniaques qui me précéderont.
« Là aussi je tomberai, quand viendra celui que je
ais être, lorsque je fis la soudaine demande.
« Mais plus de temps il y a déjà que mes pieds brû-
que j'ai été ainsi renversé, qu'il ne le sera lui*
et que ses pieds ne brûleront :
:< Car, souillé de plus laides œuvres, après lui vien-
Gouchant un pasteur sans loi ", tel que lui et moi
ient qu'il recouvre.
( Il sera un nouveau Jason duquel parlent les Ma-
s, et comme à celui-là flexible fut son roi, à celui-ci
le roi qui régit la France ". »
fe ne sais si je fus bien sensé, lui répondant en
Drte : — Eh î dis-moi quel trésor
*ïotre-Seigneur exigea de saint Pierre, avant de rô-
les clefs en son pouvoir? Certes, pour toute de-
il lui dit : Suis-moi !
per ebi io 8ia ti cal cotanto,
ibbi perô la ripa seorsa,
' io foi Testito del gran manto :
leote foi figliuol dell' ersa,
d per avanzar gli orsatti,
' avère, e qui me mis! in bor;a.
al capo mlo son gli altri tratti
sedetter me simoneçgiando,
tssnra della pietra piatti.
ascberô io altresi, quando
loi eb' io credea che tu fossi,
Mo feci ii subito dimando,
t '1 tempo gih ebe i pid mi eossi,
E ob' io son stato eosi softosopra,
Cb' ei non star& piantato e eoi pid rossl
28. Che dopo lui verra di piii laid' opra
Di Ter ponente un pastor senza legge,
Tal ebe convien che lui e me ricopra.
29. NuoTo lason itarà di cul si legge
Ne' Maccal)ei : e com' a quel fa molle
Suo re, cofi fia a lui chi Francia regge.
30. Io non so s' i' mi fui qui troppo folle,
Ch' io pur rlsposi lui a questo métro :
Deh or mr d, quanto tesoro voile
31. Nostro Signore in prima da San PietrOi
Che ponesse le cbiavi in sua balia?
Certo non ebiese se non : Viemmi dietr
556 L^ENFER.
32. Ni Pierre ni les antres n'exigèrent de Mathias de
l'or ou de l'argent, quand par le sort il fut élu à l'office
qui perdit l'âme criminelle ^^
33. Reste donc là, car justement es-tu puni, et garde
bien les deniers mal perçus, qui contre Charles te rendi-
rent hardi".
34. Et n'était que, même ici, me le défend le respect
pour les clefs souveraines que tu tins pendant la douce
vie,
35. J'userais de paroles encore plus rudes : car votre
avarice attriste le monde^ foulant aux pieds les bons, et
élevant les mauvais.
36. Ge fut vous, Pasteurs, qu'eut sous les yeux l'Évan-
géliste, quand avec les rois il vit forniquer celle qui est
assise sur les eaux ",
37. Celle qui naquit avec les sept tètes et eut les dix
cornes pour signe *', tant que la vertu plut à son époux".
38. Vous vous êtes fait un dieu d'or et d'argent ; et, en-
tre vous et l'idolâtre, quelle différence, sinon qu'il en prie
un, et vous cent?
37. Ah ! Constantin, de combien de maux fut mère, non
ta conversion, mais cette dot que reçut de toi le premier
Père enrichi "...
3S. Né Pler né gli altri ebiesero a MaitU
Oro argenlo, quando fu sortito
Nel luogo cho perde 1' anima ria.
53. Perô tl sta, chë tu se' ben punito ;
E guarda ben la raal tolta moneta,
Cb' esser ti fece contra Carlo ardito.
54. E se non fosse eh' aneor lo mi vieta
La reverenza délie somme cbiaTi|
Cbe tn tenesti nella vita liela,
86. I' nrarel parole ancor più gravi :
Cbè la Tostra avarizia il mondo attrista,
Caleando i buoni e solIeTando i pravl.
86. DI vol, Paator, s' Meorte il Vangelltta,
Qnando eolel, ehe siede soTra 1' aeqii«,
Pattaneggiar eo' reggt a lai fa vista :
87. Qaella cbe eon le sette teste aaeqnt,
E dalle dieee coma ebbe argomento.
Fin ebe Tirtute al soc marito piaeqve.
38. Fatto ▼' «Tête Dio d'oro e d'aifeato :
E ehe «Itro è da vol tir idolâtra,
Se non cb* egli nno, e Toi n* orate mbIo?
39. AU, Constantin, di qnanto mal fa natre.
Non la tua eonvenion, na qoella dota
Cbe da te prese II primo rtcoo pâtre 1
I i
GHàNT DIX-NEnYIÉMS. S$7
pendant qu'à lui je chantais de telles notes, soit
)it conscience qui le mordît, il remuait fortement
pieds.
crois que cela plaisait à mon Guide, tant, d'un
ntent,il écoutait les paroles empreintes de vérité,
pendant il me prit avec les deux bras, et, quand
* sa poitrine, il remonta par où il était descendu,
ne se fatigua point de me tenir serré contre soi,
le porta sur le sommet de Tarche qui forme le
quatrième au cinquième rempart,
doucement il posa la douce charge sur le rocher
brupt, qui serait aux chèvres un dur passage
3 découvris un autre bastion.
) gll eantava eotai notai
seienza ehe '1 mordeuti
iTa eon ambo le piote.
a eh' al mio Duca piacesse,
mta labbia sempre attesa
le parole vere espreue.
ibo le braeeia roi prese,
tlo su ml %' ebbe al petto,
r liTiaonda dUetie;
43. Né si ttaoeô d* «Terml a sA ristretto.
Si mi porto sovra 'I colmo del)' arco,
Cbe dal quarto al qoint' argine à tragetto,
44. QalTi soaTemente spose il careo
SoaTe, per lo seoglio sconeio ed erto.
Che sarôblM aile câpre daro varco.
ImSL va «lira nllon mi fa seoTorto*
'■7\
SSS L'BNFfia.
NOTES DU CHANT MX-NBDYIÈME
1. Dans le langage ecclésiastique, les églises sont les épouses des pastitf^
qui y sont préposés.
2. Bolge des simoniaques.
3. Dans l'église de Saint-Jean, k Florence, on avait creusé autour d^^
fonts baptismaux quatre espèces ,de niches, afin que les prêtres qui bapti'
saient fussent plus près de l'eau.
4. « Qu'on n'attribue pas cet acte à un autre motif. »
5. Bolge des simoniaques.
6. Comparaison tirée d'un supplice atroce alors en usage. On creusait o0
trou profond, et l'on y descendait le criminel la tête en bas ; puis les bouf'
reaux y jetaient peu à peu de la terre. D'ordinaire le patient, pour retarder
la mort, rappelait le confesseur; alors les bourreaux s'arrêtaient, et le prêtre
se penchait sur la fosse pour entendre la confession.
7. Le pape Nicolas III. lequel est le damné kqui Dante Tient d'adress^i*
la parole, le prend pour Boniface VIIF, et s'étonne de le voir arriver si tôt*
8. Allusion à une prophétie qui annonçait, pour l'an 1303, la mort à^
Boniface*
9. L'Église.
10. Du manteau papal.
11» Nicolas III était de la famille des Orsini.
12. Qément V.
13 Au temps de la domination des rois de Syrie en Judée, Jason fat f»^^
souverain pontife par Antiochus, que rendit flexible le don d'une gros$^
somme d'argent. Clément V parvint de la même manière à la papauté, as^
moyen d'un pacte simoniaque avec Philippe le Bel.
14. Judas.
15. Le Poète paraît ici faire allusion k l'argent que Nicolas III reçut de
Jean de Procida pour favoriser la conjuration ourdie contre les Français dans
la Sicile, alors au pouvoir de Charles II, de la maison d'Anjou,
16. Fene, ostendam tibi damnationem meretricis magnœ, qiue sedet
^\
CHANT DIXIIKUTIEME.
super aquas mulias^ cum qud fomicaii sunt reges terrm,,, Habentem
eapita septem et comua decem, {Apocalypse^ chap. xvii.)
17. L'application que fait Dante, k la Rome papale, des sept tètes et des
dix cornes est entendue par les interprètes en des sens si divers, que les
uns voient les sept péchés capitaux Ik où les autres voient les sept sacre-
ments; les premiers pensent que, dans ce passage, le mot argomento, que
nous traduisons par signe^ signifie frein.
18. L'époux de. Rwie,i ou de KÉgiiie romand^, eBtile souverain Pontife.
19. Le premier pape. Papu signifie pèra»
N,
860
L'ENFER.
CHANT VINGTIÈME
i . Il convient que mes vers racontent un nouveau sup-
plice, et qu'il soit le sujet du vingtième chant de la pre-
mière Cantique consacrée aux submergés.
2. J'étais déjà tout disposé pour regarder le fond, main-
tenant à découvert, que baignaient des pleurs d'angoisse.
3. Quand, par la ronde enceinte, des gens * je vis venir
en silence et versant des larmes, du même pas que les
processions en ce monde.
4. Lorsque plus bas sur eux ma vue descendit, chacun
d'eux me parut étrangement transposé du menton ao
commencement du buste.
5. Ayant le visage tourné vers les reins, il leur fallail
aller en arrière, parce qu'ils ne pouvaient voir par devant.
6. Peut-être en est-il que la force de la paralysie ail
ainsi totalement retournés; mais je n'en ai point vu, et je
ne crois pas qu'il y en ait.
CANTO VENTESIMO
1. Di nnova pena mi eonYien far TersI.
E dar materia al ventesimo eanto
Deica prima canzon', ch' è de' sommenl.
2. lo era già disposte tutto quanto
A risguardar neilo scoverto fonde,
Che si bagnava d' angoseioso pianto :
3. E vidi gente per lo vallon tondo
Venir, tacendo e lagrimando, al passe
Cbë fanco le letane In qnesto monde.
4. Corne '1 viso mi stese In lor piS basse.
Mirabiimente apparre esser tntToIto
Ciascun dal mento al prindpio del easso:
5. Che dalle reni era tomato il rolto,
E indietro venir gli convenia,
Perché M veder dinanzi era lor tolto.
6. Forse per forza già di parlasia
Si travolse cosi alcun del tutto;
Ma io noi vidl, né eredo che sia.
CHANT YINGTIËHB. 901
Dieu permet, lecteur, que de cette lecture tu retires
^ pense toi-même si d'un œil sec
pus voir de près notre image tellement déformée,
; yeux coulant le long du dos, les pleurs baignaient
B.
rtes, appuyé contre un fragment du dur rocher,
leurais que mon Guide me dit : « Es-tu, toi aussi,
les autres insensés?
[ci vit la pitié, lorsque bien elle est morte*. Qui plus
I est que celui qu'émeut de compassion le jugement
Dresse, dresse la tête, et vois celui pour qui s'ouvrit
lux yeux des Thébains, de sorte que tous criaient :
j, Amphiaraùs'?
Pourquoi laisses-tu la guerre?... Et, de ruine en
ns s'arrêter, il tomba jusqu'à Minos, qui se saisit
Vois comme son dos est devenu sa poitrine : parce
I en avant il voulut voir, il regarde en arrière et
i reculons.
Vois Tirésias ^, qui changea de semblance, lorsque,
3res se transformant, d'homme il devint femme :
Et illui fallutdenouveaufrapperdesa verge les deux
entrelacés, avant de recouvrer les plumes du mâle*
ici, leltor, prender frutto
ne. or pensa per te stesso,
ea lener lo viso ascîutto,
lostra imagine da presso
I, che 'i pianio degli occhi
bagnava per lo fesso.
ngea, poggiaload un de' rocchi
:oglio, si che la mia Scorta
ncor se' tu degli altri sciocchi ?
pielà quando è ben morta.
celerato di coiui
cio divin passion porta?
sta, drizxa, e Yedi a cui
8* aperse, agli occhi de* Teban, b terra,
Per che gridavan tutti : Dove mi,
If.Antiarao? perché lasci la guerraf
E non i*estd di ruinare a v.ille
Fino a Minôs, che ciascheduno afTerra.
15. Mira, c' ha falto petto deile spalie :
Perché voile veder troppo davaate,
Dirietro guarda, e fa rilri:so calle.
14.Vedi Tiresia, che mutd semblante,
Quando di mascliio Jemiuina divenne,
Cangiandosi le menibra tutta quanta ;
15. E prima poi ribatter le convenna
Li duo serpenti awolti colla verga,
Che riaTeaae le niaschili penne.
il
mi
5oe
l'EHFClU
lô*: « Celui qui s'adosse à. son ventre * est Arons *, leqael
dans les monts de Luni, où sarele le Cairarois qui habit
au-dessousy
17. c( Eut pour demeure la grotte creusée dans les blanc
marbres, d'où, sans que rien lui coupât la vue, il poova
observer les étoiles et la mer;
18. « Et celle-là qui, de ses tresses dénouées, recouvr
son sein que tu ne vois pas, et qui, au^^essous, a toute 1
peau velue,
19. a Fut Manto 7, qui^rra par beaucoup de pays, pd
s arrêta là où je naquis : ce pourquoi il me plaît que tu ni^ ^
coûtes un peu>.
2(^. c( Après que son> père eut quitté la vie, et que serv
fut devenue la cité de Bacchus^, elle s en alla longtemp
par le monde.
21. c(Làrhaut, dans la belle Italie^ s'étend^ au pied de
Alpes, un lac qui borne rAllemagne, au-dessus du Tyrol, e
a nomBena^ro.
22.. «Par mille sources et plus,, je crois, est baigné L
pays entre Garda et Val Camonica, et l'Apennin, des eauJ
qui dorment dans ce lac.
23. « Là, au milieu', est un endroit où le pasteur d4
Trente, et celui de Brescia, et celui de Vérone, pourraient
bénir ^^, s'ils suivaient ce chemin.
10. Aronta è qiiei ch' al ventre gli s'atterga,
Che nei monti di Luni. dove rooca
Lo Carrarese che di suUo alborga»
17> Ebbe tra bianchi marmi la spelonca
Per sua dimora; onde a guardar le^ stde
Ë '1 mar non gli era la veduta tromab
18. E quella che ricopre le mammeUe,
Che tu non vedi» con le trecce scioîte,
B ha xli là ogni pilota pello,
19. Manto fa, che cercô per terre molle)
Poscia » pose là dove nacqn.' io t
Onde un poco mî piaaa-che nf aa«itSi-
I fO.Posdachë il padre suo di vita
E venne serva la città di Baco,
Questa gran tempo per Io monde gio.
Sl.Suso in Iialia bella giace un laco
Appiè deir alpe, che serra Lama|^
Sovia Tiralli, ed ha nome Benaco.
tt.Per mille fonti, credo, e più, si
Tra Garda e Val Camonica, I^euaiaa
Dell' acqua che nel dette lago
ts.Luo^ è nel meizo la dove 1
Pastore, e quel di Brescia, e '1 ? ._
Segnar potria, se fesM quel Tfttni*^
CHANT VINGTIÈME.
865
24. « Peschîera, beau et fort rempart pour faire face aux
Brescians et aux Bergamasques, est sise au lieu où autour
la rive descend le plus.
25. « Là, il faut que tout ce que le Benaco ne peut con-
tenir prenne son cours à travers les vertes prairies.
26. «Dès queTeau commence à couler, non plus Benaco,
mais Mincio elle s'appelle, jusqu'à Govemo, où elle tombe
dans le Pô.
27. <K Elle n'a encore que peu couru, lorsqu'elle trouve
tme plaine basse où elle s'cpand, et dont elle fait un maré-
cage^ et alors en été elle devient dangereuse ^^
28. a Par ces lieux passant, la vierge sauvage ^* vit, au
^milieu de la bourbe, un endroit sans culture et nu d'ha*
bitants.
29. c< Là, fuyant tout commerce humain^ elle s'arrêta,
avec ses serviteurs, pour exercer son art, et y vécut, et y
laissa son corps inanimé.
30. a Ensuite les hommes épars à Tentour se rassemblè-i
Kq( en ce lieu, fort par le marais qui l'environnait de toutes
parts;
31. « Et, sur ces os de mort, bâtirent une ville, qu'à cause
' Je celle qui la première avait choisi le lieu, sans autre scru»-
iin, ils appelèrent Mantoue.
^^ «BMiiiera, beHo e forte arnese
g fiiC É Pgf iM'Breiciam e BergaaMscU,.
VI» k riva intorno più diuese.
^Ivittonrien che tutto quanto caschi
Ciô che in grembo a Benaco star non pnô,
S Uaà fiume giù po Terdi paschi.
^•Xoitoiclie r actfOM » corner mette co,
Aon piàBenaco» ma Mincio si chiama
PilKM GoTiiBO, dove eade in Po.
^.Hon naoihrha eorwj cbe trota una lama,
MÊÊMpul ri diatandt e la Ynpahida,
£ SDol-di «tate Udora esscr graraa.
SS.Quindi passaado la Tergine crudai
Vide terpa nel meuo del pantano,
Senza.coltura, e d' abilanti nuda.
29. Là, per- fnggire ogni consorzio umano,
Ristette coi suoi sef vi a far sue arli,
E yisae, e vi lasciù suo corpo vano.
SO.GIi uomini poi. che intorno erano sparti»
S' accolsero a quel luogo, eh' era forte
Per lo paotan ch' avea da tutte parti:
31. Fer la città sovra quell' ossa morte;
E per colei, che il luogo prima eiesse,
Mantova 1' appeUar senz' altra sorte.
V.
364 L'EKFER.
52. «Plus nombreux autrefois en furent les habitan
avant que ia folie de Casalodi n'eût été trompée par Pic
monte **.
33. «Ainsi favertis-je, afin que, si jamais tu enten
donner à ma patrie une autre origine, aucun mensonj
n'altère la vérité. »
34. Et moi : — Maître, tes discours me sont si certains*
tellement s'emparent de ma foi, que les autres me seraiej
des charbons éteints **.
35. Mais, parmi la gent qui s'avance, dis-moi si tu vo
quelqu'un digne de note, car à cela seul mon esprit vise.
36. Lors il me dit : a Celui dont la barbe descend si
ses brunes épaules, quand la Grèce tellement se dépeupi
de mâles
37. <( Qu'à peine restèrent ceux au berceau ", fut augun
et, avec Calchas, donna en Aulide le signal de couper I
premier câble.
38. « Il eut nom Euripile, et ainsi le chante ma haut
Tragédie ^® : tu le sais bien, toi qui la sais tout entière.
39. « Cet autre si fluet fut Michel Scotto ", qui vraimen
sut les fraudes magiques.
40 . « Vois Guido Bonatti *', vois Asdente *•, qui maintenas
voudrait ne s'être mêlé que de cuir et de ligneul ; mais tar
il se repent.
5f.Già fur le genti sue dentro più spesse,
Prima che la mattia di Casalodi
Oa Pinamonte iuganno ricevesse.
S3.Per6 1' assenno che, se tu mai odi
Origioar la roia terra altrimenti,
La verità nuUa menzogna frodi.
S4. Ed io : Maestro, i tuoi ragionamenti
Mi son si cerli, e prendoii si mia fede,
Che gii allri mi sarian carboni spenti.
35. Ma dimmi délia gente che procède,
Se tu ne vedi alcun degno di nota ;
Chè solo a cid la mia mente riliede.
36. Ailor mi disse : Quel, che dalla gota
Porge la barba in sulle spalle bnuie,
Fu, quando Grecia fu di maschi Tota
87. SI, che appena rimaser per le cune,
Augure, e diede il punto con Calcaola
In Auhde a tagUar la prima fune.)
38. Euripilo ebbe oome, e cosi *1 canta
L* alla mia Tragedia in alcun loco,
Ben lo sai tu, che la sai tutta (juanta.
39. Quell' altro che ne' Uanchi ë cosi poco,
Michèle Scotto fu, che veraniente
Délie magiche frode seppe il giuoco*
iO.Vedi Guido Donatti, vedi Asdente,
Che avère inleso al oioio ed allô spago
Ora vorrebbe, ma tardi ai peote.
CHANT YINGTIÊVE. 365
41 . « Vois les malheureuses qui laissèrent Faiguille, la
navette et le fuseau, et se firent devineresses ; elles com-
posèrent des charmes avec des herbes et des images.
42'. «(Mais viens I déjà Gain et les épines '^ occupent les
confins des deux hémisphères, et se couchent dans Tonde
au-dessous de Séville,
43. a Et hier, déjà, la lune était ronde : bien dois-tu te
souvenir qu'une fois elle ne te nuisit point dans la forêt
profonde. x>
i
.
Ainsi me parlait-il, pendant que nous allions.
U.Yedi le triste cbe Usdaron 1* ago,
La tpola e 1 fuso, e feœrsi indoTÎne;
Fecer malle con erbe e con imago.
*^Ki viemie ornai, chè gi& tiene '1 confina
^ ambeduc gii emisperi. e tocca Y onda
lotto Sibilii Gaino e le apine.
45. E gi& iernotte fu la luna tonda :
Ben ten dee ricordar, che non li nocque
Alcuna tolta per la selva fonda.
Si mi parla?a« ed andavamo introcquc^
[
3M LrSHFER.
NOTES OU CHANT VINGTIÈME
1 DeTins.
2. Ici la pitié est de n'en avoir aucune; parce que, avoir compassi^
de ceux que punit la Justice divine, ce serait un crime contre cette Justi
même.
3. Un des sept rois qui assiégèrent Thëbes. Il était devin, et, prévop
qu'il mourrait dans cette guerre, il se cacha en un lieu connu de ^a femra
seule. Mais, corrompue par le don d'un joyau que lui offrit Argia, femmes
Polynice, elle découvrit la retraite de son mari, qui fut conduit à l'arma
Pendant qu'il conibuUait, la terre s'ouvrit sous lui, et il tomba jusqu'à*
Enfers.
4. Autre «levin, nnlif de Thcbes. Ayant, d'une verge qu'il avait en mai
frappé deux serpents, il devint femme. Sept nns après, ayant rencontré ^
mêmes serpents, il les frappa de nouveau, et redevint homme.
5. Au ventre de Tirésias.
6. Devin toscan, qui habitait les monts Luni, au-dessus de Carrare.
7. Devineresse thébaine, fille de Tirésias. Après la mort de son |mV
elle erra en beaucoup de pays, pour fuir la tyrannie d( Créonte. Elle «ni -*
fleuve Tiberinus, qui s'était épris d'elle, un fils appelé Œnus, lequel fumia
ville que, du nom de sa mère, il nomma MantovOf ou Mantoue.
8. Thèbes, où était né Bacchus.
9. Au milieu du rivage qui borde le lac.
10. C'est-à-dire où les évêques de Trente, de Brescia et de Vérone o-
juridiction.
11. A cause des exhalaisons du marais.
12. Ou, selon quelques-uns, cruelle, parce qu'elle troublait les ombr^
des morts, et, dans ses conjurations, se souillait de sang humain.
15. Pinanionte de' Buonacossi, de Mantoue, per^uada au comte AlberC-
Casalodi, seigneur de celte ville, de reléguer dans les châteaux voisins plu
sieurs gentilshommes qui faisaient obstacle à sa propre ambition. Cela iait:
Pinamonle, ayant usurpé par la faveur du peuple la seigneurie du comte .M'
berto, iii uicltre ù mort une partie des nobles, et baniiii les autres.
CHART *VIN6TrÈMB.
'5(57 '
ié, c Ne feraient pas sur mon esprit plus d'impression que, sur mn vue,
àes charbons éteints. »
i5. Lorsque tons les Grecs en état de porter les armes partirent pour le
iiége de Troie.
i6, Voyes Enéide^ liv. II, ▼. il4 et suivants.
17. michel Scotto exerçait Tart de la divination au temps de l'empereur
FMdéric II.
18 . Astrologue de Porli, cher au cemte de NoDiefeltro .
19. Savetier de Parme, autre astrologue.
20. Ui lune. Suivant la croyance vulgaire, les taches de celte planète indi-
quent Gain qui lève avec une fourche un fagot d'épines.
. I
ses
L'ENFER.
CHANT VINGT-UNIÈME
1. Aiosi de pont en pont, parlant d'autres choses que
ma Comédie n'a souci de chanter, nous allions, et nous
avions atteint le faite, quand
2. Nous nous arrêtâmes pour voir Tautre crevasse da
Malebolge, et les autres pleurs vains; et je la vis étrange-
ment obscure.
3. Telle que, l'hiver, dans l'arsenal de Venise, bout une
poix tenace, pour espalmer les vaisseaux délabrés ;
4. Qui ne peuvent naviguer; de sorte que l'un remet i !
neuf son navire, l'autre calfeutre les flancs de celui quia
fait plusieurs voyages ;
5. Qui, radoube la proue; qui, la poupe : d'autres font
des rames, d'autres tordent des cordages, d'autres réparent
les voiles d'étai et d'artimon :
6. Telle, non par le feu, mais par un art divin, bouillait
une poix épaisse, qui, de tous côtés, enduisait la rive.
GÂNTO YENTËSIMOPRIMO
I.Cosi di ponte in ponte, altro parlando
Cbe la mia Commedia cantar non cura
VeninuDO, e tenevamo 'I colmo, quando
S.Ristemrao per veder V altra fessura
Di Malebolge, e gli altri pianti vani;
B vidiJa mirabilmente oscura.
S.Quale neir Anani de' Viniziani
BoUe 1* inverno la tenace pece
A rimpalmar li legni lor non sani,
4.Che navicar non ponno, e *n queOa .
Chi fa 8U0 legno nuuvo, e chi ristoppa
Le coste a quel che più viaggi fece;
B.Ghi ribatte da proda, e chi da poppa;
Altri fa remi, ed altii volge sarte;
Chi teneruolo ed artimon rintoppa :
fl.Tal, non per fuooo, ma per divin*
Bollia laggiuso ona pegola spena,
Che inviscava la npa d* ogni
CHANT VIHGT-UNIËME. 369
7. Je la voyaiâ, mais je ne voyais dans elle que les
bulles soulevées par le bouillonnement, lesquelles se gon-
flaient et retombaient comprimées.
8. Pendant qu'en bas mes yeux étaient fixés, mon
Guide disant : « Regarde, regarde! » à soi me tira du lieu
où j'étais.
" 9. Lors je me tournai comme l'homme à qui il tarde
de voir ce qu'il doit fuir, et que déconcerte la peur su-
bite,
10. De sorte que pour voir il se hâte d'aller; et, der-
rière nous, je vis venir un diable noir courant sur le ro-
cher.
11. Ahl que d'aspect il était farouche I et qu'avec ses
ailes déployées, il me paraissait cruel dans sa contenance,
et léger de pieds!
12. La pressant des deux hanches, un pécheur chargeait
son épaule élevée et pointue, et lui le tenait agrippé par le
nerf des pieds.
15. a Gardien de notre pont S dit-il, 6 Malebranche%
voici un des anciens de Santa-Zita'; enfonce-le dessous;
moi, je retourne pour d'autres
14. En cette ville, qui en est bien fournie : tout homme
y est faussaire, hors Bonturo ^; pour de l'argent, on y fait
de oui, non. .
T.P vedea Iri, ma non Tedeta m êfia
Ib ehe le bdle clie 1 boUor leTa^a,
B gonflar tntta, e rideaer comprena.
t'Hentr* io Itffffù fisamente miraTa,
Lo Duca mio dieendo : Guarda, guinrda
U traafe a aè dal loco doT* io stata.
t.AOor mi tolsi eome l' nom cui tarda
\k "wAtat quel ehe gK convien fugg^ire,
B cid prara aubita sgagliarda,
MiChe per veder non indugia 'J partire:
B tidi «fietro a noi on diavol nero
Cww do m per lo icogUo venire.
ll.Ahi qnanto egli era nell* aspetto fierai
E quanto mi parea nelP atto acerbo,
Con l' aie aperte, e sovra i piè leggiero
It.L' omero suo, ch' era acuto e superbo,
Carcaya un peccator con amb9^4*>Hche|
Ed ei tenea de' piè ghermito il nerbo.
13. Del nostro ponte disse : o Malebranche,
Ecco un degli anzian di Santa f ita:
Hetletel sotto, ch' io tomo per anche
14. A qiiella terra ehe n' è ben fomita:
Ogni uom y' è baratlier. fuor ehe Bonturt
Del no, per li denar, vi ai fa ita.
Vi.
570 L'ENFER.
15. Dans la fosse il le jeta, et«'«n mtonrna par ledur
rocher, et jamais on ne vit mâtin détaché ponrooivre avec
tant de vitesse le voleur.
' '16. Celui-là plongea, puis revint en h«ut à «la renverse;
'mais les démons que le pont poeonvrait crièrent * « ià,
point de Santo-Volto *?
17. a Ici Ton nage autrement que dans le^Serchio* :
si tu ne veus pas sontir nos* griffes, «nei sers «pas .>de Ja
poix. »
48. Puis ils le mordirent' ervecfilus de»Jaaille> crocs di-
sant : (( n faut qu'ici couvert tu' daBses;iœt,! si to peas,
grippe en cachette. »
19. Non autrement les euisiniers. -tent ^r leurs 'aides
enfoncer, avec 4es «rochets, la chair ^ane k'inamîte'paor
qu'elle ne flotte pas.
20. Le bon Maître : « Afin, dit*il,' q«'t)n ne slaper-
^ive pas que tu es ici, :tapis4oi <derrière on rodier ipn-te
défende ;
21. « Et, quelque offense' qui ime ^soit «faite,' ne cfains
^point; ceci m'est connu, m'étant une 'autre fais trouvé "0"
telle conteste. »
22. Ensuite il passa le pont, et s'avança au delà, et,
'oomme il arrivait sur la sixième rive, -besoin eut-il d^avoir
un front assuré.
154aggiù '1 batlô, e per lo soof^ dui'O
Si Tolse, e mai non fu mastino sciolto
Con tanta fretta a seguitar lo furo.
16.Quei s' attuffo, ë tornô su convollo;
. Mai- démon, che del ponte avean coverchio
Gridar: Qui nun balwogo il sanlo rolto;
n.Qui si nuota altnmenti che nel Serchio;
Perà, se lu non vuoi de' lUMtrt grafli,
Non far sovra la pegola soverchio.
IS.Poi Taddentar con più di cenio rafli,
y Aisser : Coverlo coavien cbe qui balli,
Si che, se puoi, nascoaaaiente accafti.
19. No«^UrinMnli iKaMchi a* lor •
Fanno attuffieure in.meu»ki «aldaia
La-earne eoglioacin^ penehè-aon ^alU-
20. Lo buoB Maestro :.:4àceiMelià non ai^p^
Cbe Hx ci. sii« mi idiiee, giù t' ae^oalla .
Dopottno9dbM^gio»icfa> «Icua scbnwM' ^
SI- E |»er nulla-offiension ch' a ma-sia fatUf
Jion.leiner tu, ch' î'-Jm le.aosa cantet
Perché altra «olla-fuiaitaL baratta.
22. Paacia passô di là dal«o-dal panta,
E com' ei gignse ia&allariparsaata,
Mestier gli£a d'<ivar.»iCTiw foanta.
CHANT YIRGT-UMÈME 3^1
23. Avec la même fdreur, avec lamème impétuosité que
s^élancent les chiens contre le pauvre qui soudain s' arrête
et demande,
24. Ceux-là s^élancèrent de dessous le fient, et tournè-
rent contre lui les crocs; mais il cria : a Qu'aucun de vous
ne soit félon I
25. <c Avant que votre croc me touche, qu'un de vous
s'avance et m'écoute, et qu'après il me gaffe, s'il l'ose I » ,
26. Tous crièrent : « Va, Malacoda M » Et, pendant que
les autres s'arrêtaient, l'un d'eux, s' avançant, vint à lui,
disant : « Qu'y a-t-il? »
27. tf Crois-tu, Malaeoda, dit mon >Maitre, qu'ici ie sois
venu on sûreté contre toutes vos attaques,
* 28. « Sans le vouloir divin et le destin favorable? Laisse-
moi aller; car au ciel il est voulu que Je montre à un autre
t^t âpre chemin. »
':29. Alors si abattu fut- son oi-gueil, qu'il laksa tomber
le croc à ses pieds, et dit aux autres : « Qu'on ne leifrappe
•point! »
* 30. Et mon Gruide à moi : « toi qui entre les roehes.du
pont es tapi, avec assurance maintenant reviens à moi I n
'31 . Lors me levant, vite je vn>s iî lui çf'et'tous ies diables
s'avancèrent; de 'sorte qa& je oraignais qu'ils ne Unssent
point le pacte.
Ch' wcopo i oani addouo al poverello,
Ghe di tabiU» dûede uve s' arreata,
t4.0ieiron qoei di sotto il pontieello,
B Yober contra loi tutti i ronrigli :
Ma ei gridô : Meaaaiii di voi sia feilo.
IS.Ionaiizi che V uncin vostro mi pigli,
Tragpasi avant i 1* un di vol cbe m' oda,
E poi" di roncigliarmi si consigli.
S6.1ùtti gridaroD : Vada Mnlacoda; [mi;]
Fer che ud si musse, e gii altri steitei* fer-
B venne a lui diceodo : Cbe ti approda?
S7.Gradi tu» Malafodiiu qui vedenni
Baser venuto, disse '1 miolfaestro,
Securo gi& da tutti i vostri sctaermi,
SS.Senxa voler divino e fato desiro?
Lasdami andar.cbè nel ciek> è volute (irê.1
Ch' io mostri ahmi questo cMiuiha siltes-
29- AUor gii fu 1* orgoglio si cadiito,
Che si lasciA cascar l' uadao «•<pi«di«
E disse agli ahri ; Ornai non sia/enito.
30. B 1 Duca mio a me : tu. che'eiedi '
Tra gli seheggion del ponte quatt^ quatto,
Sicurainente oinai a me ti riedi.
St. Per ch'iomi niwsi, ed a lui veiuu«*MltOi
. E i diavuU ai fecer tutti avanti.
Si ch* io temetti non tenesser patto.
■^^
972 L'ENFER.
32. Ainsi vis-je autrefois les fantassins qui, dans Ca.-
prona', avaient capitulé, craindre en se voyant au milieu
de tant d'ennemis.
35. Je me serrai de tout mon corps près de mon Guide,
ne cessant de regarder leur mine, qui n'avait rien de bon.
34. lis abaissaient les crocs : n Et veux-lu, disait l'un k
l'autre, que je le touche sur la croupe? » El iU répondaient:
u Oui, accroche-le par ià. »
35. Mais le démon qui discourait avec mon Guide se
tourna vite et dit : « Paix, paix, Scarmiglione'! u
36. Puis il nous dit : a Aller plus loin par ce rocher ne
se pourra, parce que la sixième arche gît au fond, toule
brisée.
37. « Si plus avant vous voulez aller, prenez parcettfi
grotte ; auprès est un autre rocher, où s'ouvre un passage.
58. « Hier, cinq heures plus tard que l'heure présente,
s'accomplirent douze cent soixante-six années *°, depuii que
la route fut rompue.
39. H J'envoie là quelques-uns des miens, pourvoirai
aucun n'y prend l'air " : allez avec eux ; nul mal ils ne voui
feront.
40. « En avant, Alicliino " et Calcabrina " I commen{a-
t-il à dire, et toi, Cagnazzo ", et que Barbariccia " con-
duise la dizaine.
Ch' uicivan piiIlcKgùili di Ciprom,
Tïggendu >c in nsniu coUnti.
SCQglio nPB li pcUl. pOTMcU (kCA
H.I0 m- gccotml con luiu la peruiu
DiUt Kmhiir^u l<^. ch' era'^iioa bunna.
H.U cliliiivai] eU "IH. e. VuDi ch' io ■! lacchj
Preud è un allro Koglia clu •!■ Utm.
W. 1er, più ûli™ rinqu- org cl» quut' tm,
im. compiér. clia qui b .» Ai «Ita.
B ctaf andian : Si, h che g\itU accocchl.
H.roi diiK a nui : »iO Dltra Blldu per ^alD
H.lo raanJo .a«) li di iftieul miâ
i riguanjar l' iJcuzl te ne KioriiH ;
W.Tfall. amnli, Alkhino <■ (Wcahrlia.
E BarbariLcia guidi la daciu.
h
CHANT VINGT-UNIËMK.
973
41 . « Que Libicocco ^* aille aussi , et Draghignazzo ",
Griatto ^* aux dents de sanglier, et Graffiacane ^*, et Far-
farello**, et Rubicante*^ le fou.
42. « Cherchez autour de la poix bouillante! Que ceux-ci
soient saufs jusqu'à l'autre roche, qui tout entière passe
au-dessus des tanières ''. »
43. — maître, dis-je, qu'est- ce que je vois? Si tu sais
par où aller, allons seuls sans cette escorte; pour moi, je
ne la demande **.
44. Si aussi attentif tu es que d'ordinaire, ne vois-tu
pas comme ils grincent des dents, et des sourcils me me-
nacent?
45. Et lui à moi : « Je ne veux pas que tu t'effrayes;
laisse-les grincer à leur guise; cela ils font pour les mal-
heureux bouillis. »
46. Mous tournâmes par le rempart à gauche ; mais au-
paravant chacun avait, en manière de signe *\ serré avec les
dents la langue tirée vers leur chef.
Et lui de son derrière avait fait une trompette.
M.Lil»eoceo vegna ollre, e Dragbignazio,
Qriatto sanooto, e GrafliacaiM,
BFkrfiirdlii, e Rubicante pauo,
4lGereale intorao le boUenti pana,
Ckwtor nen lalvi intino aU' aliro scheggio,
Chc tutu» intero va sopra le Une.
4l.0iDè! MaetlrOi che è quel che io ve^of
Dits' io : deh 1 sensa toorta andiamci aoU,
8e tu sa' ir, cb* io par me non la clieggio.
M.8e ta M* ai accorto eome raoli.
Koa Tedi tu ch' ei digrignan li den t
B coUe dglia ne minaccian duoUT
4ft. Ed ^i a me : Non to' che tu paYonti:
Lasdali digrignar pure a lor senno,
Ch' ei fanno ciù per li lésai ddenti.
M.Per Targine sinistro volta dienno:
lia prima avea ciascun la liiif^iia strettt
Co* denti verso lor duca per cenno;
Bd egli avea del cul fatto trombetUu
374 L'XKPSa.
NOTES DD GHANT VINGT jDNIÈME
1. c De notre bolgâf > celle des faussaires, barattierù
2. Ce nom, qui signifie Méchante-griffe , est une espèce de sobriqu
imreil à ceux des autres démons qui seront nommés plus loin.
3. On appelait ainsi les magistrats de ta ville de Lueques^qui avait po^
patronne sainte Zitta.
4. Ceci est dit ironiquement. Bonturo Bonturi, de la &mille des Da*
était le faussaire le plus infâme de Lucques.
5. Image du Christ, devant laquelle se prosternaient le& Lucquois^'
implorer le secours dont ils avaient besoin.
6. Fleuve qui passe près des murs de Lucques
7. Mauvaise-Queue.
8. Château sur les bords deVArno, que leâ Lucqaois, 'qui le défbidine]
furent, par le manque d'eau, forcés de rendre aux Pisans, à la conJ'^'
qu'ils auraient la vie sauve. En traversant les troupes ennemies pour se reti
à Lucques, ils entendaient tout autour d'eux crier : a Qu'on lespende! "^
les pende ! » De sorte que leur frayeur fut extrême.
9. Ébouriffé, Mal^-peiigné.
10. Celte date correspond à celle de la mort du Christ.
11. Ne sort du lac bouillant.
12. Aile-Basse.
13 Foule-Givre.
14. Face-de-Chien.
15. Barbe-Rousse.
16. De libicOf Libyen. Les déserts de Libye passaient pour être peul
de démons.
17. Laid-Dragon.
18. D'un mot grec qui signifie porc,
19. Griffe-Chien.
20. Farfadet.
CHANT T1NGT-0NIËME. SI5
ougeaud.
a fosse où sont les damnés, comme les bétes sauvages dans leurs
n signe de moquerie de ce que Virgile» trompé lui-même, avait dit
pour le rassurer.
Avait donné le signal du départ. > La manière est d'accord avec le
cette scène grotesque.
'j.
376
L'ENFBR.
CHANT VINGT-DEUXIÈME
1 • J'ai vu des cavaliers lancés dans la carrière pour com-
mencer le combat, et pour la montre % et quelquefois pour
se sauver;
2. J'ai vu des coureurs sur vos terres, 6 Arétins ; j*ai vu rô-
der des fourrageurs, ouvrir des tournois , et courir des joutes,
3. Au son tantôt des trompettes, tantôt des cloches 'et
des tambours, ou aux signaux faits des châteaux', avec des
choses en usage chez nous ou au dehors ;
4. J'ai vu des navires guidés par des signes soit de terre,
soit d'étoile^; mais je ne vis jamais à si étrange chalumeau
se mouvoir cavaliers, ni piétons, ni vaisseau.
5. Nous allions avec les dix démons (ah I la terrible com-
pagnie!) : mais « dans l'église avec les saints, à la taveroe
avec les goinfres ^. »
6. Cependantje regardais attentivement la poix, pourbieO
connaître la bolge, et l'état de ceux qui brûlaient dedans*
GÂNTO YENTESIMOSEGONDO
l.r Tidt già cavalier mover campo,
E cominciare stormo, e far lor mostra,
E talvolta partir per loro scampo :
t. Corridor vidi per la terra yostra,
Aretini, e vidi gir gualdane,
Ferir torneamenti, e correr giostra,
I. Qnando con trombe e quando eon campane,
Con tamburi e con cenni di castella,
B con cote noitrali « con iitrane:
4. Ne già con si diversa cennamela
Cavalier vidi mover, né pedoni^
Né uave a segno di terra o di atalli.
B.Noi andavam con Ji died dimoni;
Àhi fiera compagnia ! ma nella chiesa
Co* santi, ed in lavema co* ghiottoni.
6. Pure alla pegola era la mia intesa,
Per veder délia bolgia ogni contegw»,
B deUa gente ch' entro v* era inceia.
GUÂlNT VINGT-DEUXIEME. 377
7. C!omme les dauphins, quand, de leur dos arqué, ils
font signe aux marins d'aviser à sauver leur vaisseau,
8. Ainsi alors, pour soulager sa peine, quelque pé-
cheur montrait le dos, puis se cachait, plus rapide que
Téclair.
9. Et comme, dans un fossé, sur le bord de Teau se
tiennent les grenouilles, le museau dehors, cachant les
Ipieds et le reste du corps ;
10. Ainsi, de tous côtés, se tenaient les pécheurs : et,
quand Barbariccia s'approchait, ils rentraient dans la poix
bouillante.
11 • J'en vis un (et mon cœur en frémit encore), attendre
en cette posture, comme il arrive qu'une grenouille de-
meure tandis que l'autre plonge.
12. Et Graffiacane, qui le plus près de lui était, l'accro-
cha par ses cheveux empoissés, et le tira dehors : j'aurais
cru voir une loutre.
13. De tous déjà je savais le nom, l'ayant noté quand
ils furent choisis, et depuis ayant fait attention lorsqu'ils
s'appelaient l'un l'autre.
14. « Rubicantc, enfonce -lui tes grands ongles
dans le dos et l'écorchel » criaient tous ensemble les mau-
dits.
7. Corne i delfini, qnando fanno segno
Ai marinar con V arco délia schiena,
Che s* argomentia di campar lor legno;
t.Talor coti ad alleggiar la pena
MostraTa alcun dei peccatori U dosto,
B nascondeva in men che non balena.
9.E corne ail' oiio deir acqua d* un fosso
Stan li ranocchi pur col musc fuori,
Si clw œlano i piedi e P altro grosso;
lO.Sl staTan d* ogni parte i peccatori:
Ha come s* appressava Barbariccia,
Cosi si ritraean sotto i boUori.
ll.Io vidi, ed anche il cuor mi s* accapriccia,
Uno aspettar cosi, «om* egli incontra
Gh' una rana rimane, e 1* altra spicda.
1S.E Graffiacan, che gli era più di contra.
Gli arroncigliô le impegoûle chioine,
E trassel su, che mi parve nna iontrtu .
lS.Io sapea già di tutti quanti il nome,
S! U notai, quando ftiron eletti,
E poi che si cbiamaro, attesi come.
14.0 Rubicante, fa che tu li metti
Gli unghioni addosso si che tu lo scuoi:
Gridavan tutti insieme i maladetti.
v(
M
378
L'ENFER.
15. El moi : — Maitre, saches, si. tu !c peux,* qui est le
misérable tombé aux mains de ses' ennemis.
16. Mon Guide s'approcha de lui, et lui demanda d'où il
était; et celui-ci répondit : « Je suis né dans le royaume de
Navarre®.
17. « Ma mère, qui m'avait eu d'un ribaud, destrueteur
de soi et de ses biens, me mit au service d*un seigneur.
18. « Puis je fus domestique du bon roi Thibaud : là, je
m'adonnai aux Grandes dont je rends compte dans ce feu. »
19. Et Ciriatto, à qui sortait, des deux côtés de la bou-
che, une défense comme au sanglier, lui fit, de l'une,
sentir comment elles déchirent.
20. Parmi de méchantes chattes était venue la souris;
mais Barbariccia l'enferma (Jans ses bras, et dit : « Tenez-
vous à l'écart, tandis que jeTenfourche. »
21. Et vers mon Maître il tourna la face : « Interroge-le
encore, dit-il, si de lui plus tu désires savoir, avant qu'on
le dépèce. »
22. Le Maître : « Maintenant, donc, parle des autres
coupables. En connais-tu, sous la poix, quelqu'un qui soit
Latin? » Et lui : « Je viens
23. « D'en quitter un qui n'était pas de loin delà-
fussé-je encore avec lui couvert ', je ne craindrais ni ^
ongles, ni les crocs. »
15. Ed io : Maestro mio, fa, se tu puoi,
Che tu sappi chi à Io sciagurato
Venuto a inan dagli avversari suoi.
16. Lo Duca mio gii s' accostô allato,
DornandoIIo ond' ei fosse, e quei rispose i
V fui del Regno di Navarra nato.
17. Mia inadre a servo d' un signor nri pose»
Chè in'avea generalo d'un ribaldo
Distruggitor di se e di sue cose.
IS.Poiifui famiglia del buon re Tebaldo:
Quivi rai misi a far baratteria,
Di che rendo ragione in questo caldc
19. £ Ciriatto, a cui di bocca uscia
D' ogni parte una sanna corne a porco *
Gli fe lenlir corne l' una «drucia.
20. Tra maie gatte «ra teauto il mrco;
Ma Barbariccia il chiuse eon le bnc<^^^'
E disse : State 'n là, menlr' io lo 'nfo^^ '
21.Ed al Maestro mio volse la faccia:
Dimandal, disse, ancor, se piùdisii
Saper da lui, prima ch' altri '1 disfaccf ^
ît;Lo Duca : Dtmque or di degli altri rii i
Conosci tu alcun che sia Latine
Sotto la pece'^ B qucgh*: Io mi partii
23. Poco è da un, che fu di là, Ticino :
Cosi foss' io ancor cou lui c^erto,
Chè io non temaiviunghia, né uacmo.
CHANT YIHGT-DEUXIÈME. 579
94. Et Libioocco : « Nous avons trop patienté, » dit-il.
Et avec le croc il hn prit le bras, et le déchirant, il en em-
porta un lambeau.
35. Dragfaignazzo aussi voulut Tatteindre en bas par les
jambes ; de sorte que leur décurion se tourna tout autour
d'nn air courroucé.
26. Lorsqu'ils fiu*ent un peu apaisés, à celui qui en-
core regardait sa blessure mon Guide sans tarder de-
manda:
27. «Qui fut celui qu'à ton dam tu quittas, dis-tu,
pour venir au bord? » Et il répondit : « Ce fut frère Go-
mita*
28. (( De Gallura, réceptacle de toute fraude, qui eut en
mains les ennemis de son maître, et les traita de façon que
chacun d'eux s'en loue :
29. « Il tira d'eux de l'argent , et les laissa comme il dit,
en plaine ' ; et, dans ses autres offices aussi, fourbe il fut
non médiocre, mais souverain.
30. « Avec lui converse Michel Zanche *•, seigneur de
logodoro ; et de parler de la Sardaigne leurs langues ne se
sentent point fatiguées.
31 • « moi 1 voyez l'autre qui grince des dents ! je par-
lerais encore, mais je crains qu'il ne s'apprête à me gratter
la peau. »
ti.E UUmcoo : Droppo avem sofferto.
JMhs; e praMgli i braeeio col rundglio,
■81 alie,alraoeiaiulo, ne porto un taeerto.
%-firaglHfiM2so anche i voile dar di pigUo
Giù datte ganbe ; onde il deourio loco
8i toise iiitomo intorno cen mal pig Uo.
16. Quand' ti^ un poeo rappaciati foro,
A loi che aneor mirava sua f«rita,
Dûnando '1 Doca mio acnxa dimoro :
ST.Chi fa càkait da eui roala partita
Di ftm-ÙKtsti par Tenire a proda?
Bd eianpwe : Ftalirale Qomita,
tS.Qrnl di GeUura, vasel d' ogni froda,
Ch' ebbe i nimici di suc donne in mano^
E fe lor si, che ciascun se ne loda :
29. Denar si toise, e lasciolli di piano,
Si cora* ei dice : e negli altri ufici anche
Barattier fu non picciol, ma sovrano.
SOt Usa con esso donno Michel Zanche
Di Logodoro; e a dir di Sardigna
Le hngue lor non si sentono atanche.
Sl.Oroè! vedete 1' allro che digrigna :
r dira anche : ma io teriio ch' ello
Non ^^parecchi a grattarmi la tigna.
380 L*ENFER.
32. Elle grand préposé*^, se tournant yers Farfarello
qui roulait les yeux, prêt à frapper, dit : « Au large, mé-
chant oiseau I »
53. « — Si vous voulez, reprit Teffrayé, voir ou entendre
des Toscans ou des Lombards, j'en ferai venir.
34. « Mais qu*un peu à Fécart se tiennent les Halebran-
che, de sorte qu'ils ne craignent point leurs vengeances.
Et moi, m asseyant en ce lieu même,
35. « Pour un que je suis, j'en ferai, bien le sais-je,
venir, sept quand je sifflerai, comme nous avons coutume
de faire lorsqu'un de nous se hasarde dehors. »
36. A ces paroles, Cagnazzo leva le museau en secouant
la tête, et dit : « Oyez la malice que, pour se jeter dessous,
il a imaginée I »
37. Et lui, qui avait des lacets en grande abondance,
répondit : « Trop malicieux suis-je, en effet, quand j'attire
sur les miens plus de douleur. »
38. Alichino ne se contint pas, et, à Topposé des au-
tres ", il lui dit ; « Si tu plonges, je ne viendrai pas à toi
au galop ;
39. (c Mais sur la poix je battrai des ailes. Qu*on laisse le
bord, et que derrière la berge on se retire, pour voir si
seul tu vaux mieux que nous. »
st. E '1 gran proposto volto a Farfarello,
Che stralunava gli occhi per ferire,
Disse : Fatli 'n costi, malvagio uceeUo.
n.Se voi voleté vedere o udire,
Ricominciù lo spaurato appresso,
Toschi o Lombardi, io ne farô venire.
M.Ma stien le Halebranche un poco in cesse,
Si che non teman délie lor vendette ;
Ed io, seggendo in questo loco stesso,
85. Per un ch' io son ne farô venir sette,
Quando sufolerù, com' è nostr' use
Oi fare allor che fuori alcun si metta.
M.Cagnasso a cotai motto leva '1 mose»
Crollando '1 capo, e disse : Odi malizia
Gh' egli ha pensato per gittarsi giuso>
S7.0nd* el ch* avea lacciuoli a gran diviili,
hispose : Malizioso son io troppo,
Quando procure a' miei maggior tristiiil*
SS.AKcbin non si tenue, e di rintoppo
Agli altri, disse à lui : Se tu li cali,
r non ti verrô dieiro di galoppo,
S9.]la batterô sovra la pece l' ali:
Lascisi '1 collo, e sia la ripa scudo,
A veder se tu sol più di noi valu
CHAUT YIRGT-DBUXIÊME. 38!
40. toi qui lis, tu vas entendre parler d*un jeu nou-
veau. Vers l'autre côté chacun tourna les yeux, et, le pre-
mier, celui à qui le plus il coûtait de le faire ^'.
41. Le Navarrais prit bien son temps : il affermit les
pieds à terre, et en un clin d'œil il sauta, et à leurs desseins
se déroba.
42. De quoi chacun soudain fut contrit; mais celui-là
plus qui de la faute était cause. Pourtant il s'élança, criant :
« Je le tiens I x>
43. Mais peu lui servit ; les ailes ne purent devancer la
peur : celui-là dessous s'enfonça; et celui-ci, volant au-
dessus, dressa la poitrine,
44. Comme le canard, quand le faucon s'approche, tout
à coup plonge, et lui s'en va courroucé et défait.
45. Irrité de la moquerie, Calcabrina vola derrière Ali-
chino , désiï*eux que l'autre échappât, pour venir aux
prises **,
46. Et quand le larron eut disparu, il tourna les griffes
contre son compagnon, et sur la fosse ils s'assaillirent.
47. Mais l'autre à le griffer bien se montra épervier
Bxpert, et tous deux tombèrent dans l'étang bouillant.
48. Le feu soudain les fit se lâcher; mais se relever ils
^e pouvaient, tant leurs ailes étaient engluées.
^0 ta, ch« leggi, udirai nuovo ludo.
Giascun dall' altra costa gli occbi volse;
Quel prima, ch* a dû fare era più crado.
»l.Lo IfaYarrese ben suo lempo colse,
Ferro& le piante a terra, e in un punto
Saltù, e dal proposto ior si sciolse.
^2.Di che ciascun di colpo fu compuntOt
Ha quei più, che cagion fu del diletto;
Perô ai mosse, e gridô : Tu se' giunto.
3. Ma poco Talso : chù 1* aie al sospetio
Non potero avansar : quegli andà sotto,
E quei drizz6, yolando, suso il pelto :
i.Hon altrimenli V anitra di botto,
Quando *1 falcon s* appressa, giù s'atUiflk
Ed ei ritoma su cnicciato e rollo.
iS.Irato Calcabrina dellii buffa,
Volando, dietro gli tenue, invaghito
Che quei campasse, per aver la zuflk.
46. E come '1 barattier fu disparito,
Cosi volse gli artigli al suo compagne,
E fu con lui sevra 'i fosso gliermito.
47.Ma Taliro fu bene sparvier grifagno
Ad artigliar ben lui, ed ambedue
Cadder nel mezio dU bollente stagne.
48. Lo caldo sghermitor subito fue :
Ma perd di levarsi era niente,
Si avieno inviscale 1* aie sue.
WÈ L'ElVTBft'
49. Non moins dépité que les autres, Barb
l'autre côté, en fit voler quatre avec tous les l
très-prestementy
50. D'ici, de là, ils descendirent au poste : i
rent les crocs vers les empoissés, qui déjà étaieni
la croûte.
Et nous les laissâmes ainsi empâtés.
49.Barbariccia con gli altri suoi dolente
Quattro ne fe Tolar dall' altra costa
Con totti i rafi, ed asaai prestamenle
^ iO.OiqiMdiUdiKMeroalb|iofta:
Porser gli undni terso (
Gh' eran già cotti dentn
Bnoilnamwlirooil
CHANT TINOT-PEUXIÈME.
NOTES DU CHANT VINGT-DEUXIÈME
I. Pourpifser la reTne.
!. Ui Florentins sTjûeni couiume de porter i U giierr«, pour diriger
«> DSiiieniGiit!! de leunt Iroofic»,. ane cloche «UBpendue dans uns tour de
Ixùpos^tfar un cliur.
3. Le jour avec do la fum'e. et arec de* feut, lo nuit.
'' Se (lirigeiiit mr rindii;atioii de signaux faiti i terre, ou sur celle dea
5, Locution proierbiale.
i. Son nom i^taït Gisinpolo, ou Ciampolo.
"!■ ( Coureil de h poix, ■ soui la paîi.
i. Hume BBrde qui, devenu le Divarî de Nino, doï Viscooli de Piie, abusa
M «a tueur pour InBquef de» dignité et dea emploi», et commettre beau-
■WP Autre» fruudea.
3. En liberté. Di piano, locution sarde, diiuiviut au deptatw des Lilins.
W, Sjnécbol d'Enio, roi de Sardai^ne, Après la mort d'Eulo, il fpousa
P"f Ihmlasa ïBure Adeli^ia, cl, de cette inoniÈre, devint seigneur do Logo-
'**". yritage d'AdeluM^i,
J'. Burbnncci!!, chef des dii dénioiif.
■ï'Qu no ToultiieaL pas e'exposeri Tolereurla poii, de peur d'y engluer
«Ufs ùles.
13. C'eil-J'dire Cagnaizo, qui se défiait de Gooiita et de ses ruses.
.'f ' Détireui que Gomila écbappSt ù Alicbioo, pour leoir aux prises »we
k
\.
384
L'ENFER.
CHANT VINGT-TROISIÈME
1. Silencieux, seuls, sans compagnie, nous allions
Tun devant et l'autre après, comme vont les frères mi-
neurs.
2. La présente rixe me faisait penser à la fable d'Ésope
ou il parle du rat et de la grenouille ^ :
3. Mo et issa * ne sont pas plus pareils, que ne le sont
lun et Taulre, si Fesprit en lie bien le commencement et
la fin.
4. Et comme d*une pensée en surgit une autre, ainsi de
celle-ci en naquit une qui redoubla ma première peur.
5. Ceux-là, pensai-je, à cause de nous ont été joués, et
avec tant de dommage et de moquerie que je crois bien
qu'ils s'en ressentent.
6. Si au malin vouloir la colère s'ajoute, ils nous pour-
suivront, plus cruels que le chien ne Test au lièvre que ses
dents saisissent.
CANTO TENTESÏMOTERZO
l.Taciti, soli, .«enza compagnie,
N' andavam l' un dinanzi e T altro dopOt
Corne i frati minor vanne per via.
S.VoIto era in su la favola d' Isopo
Lo mio pensier per la présente rissa,
Duv' ei parlô délia rana e del topo :
5.Cbe più non si pareggia mo e issa,
Che r un coir altro fa, se ben s* accoppia
Principio e fine con la mente lissa.
4.E corne t' un pensier dell* altro scopP***
Cosi nacque di quelle un altro poii
Che la prima paura mi fe doppia.
5. lo pensava cosi : Questi per noi
Sono scbemili, o con danno e con bv''
Si fatla, ch' assai credo cbe lor nH-
6. Se r ira sovra '1 mal voler s'aggoeA
Ei ne verranno dielro più cruddi.
Che cane a quella lèvre ch' egU
^
CHANT VINGT-TROISIÈME. 385
7. Je sentais déjà tous mes poils se hérisser de frayeur,
t, derrière, attentif je me tenais, quand je dis : — Maître,
promptement
8. Toi et moi tu ne caches, je crains les Malebranche : à
otre poursuite ils sont déjà; et si vivement je me les ima-
îne, que déjà je les sens.
9. Et lui : « Si j'étais de verre étamé, ton image exté-
eure plus vite en moi ne se refléterait pas, que ne s'y re-
ste celle de dedans.
10. « Tes pensées présentes sont si conformes et si sen>
ables aux miennes, que des unes et des autres je fais un
ul conseil.
11 . «S'il se trouve que la côte à droite soit telle que nous
lissions descendre dans l'autre bolge, nous échapperons à
chasse que tu appréhendes. »
12. n n avait pas achevé d'expliquer son dessein, que non
n je les vis venir, les ailes déployées, pour s'emparer de
us.
Vo. Comme la mère que le bruit réveille, et qui près
elle voit les flammes allumées,
14. Pi*cnd son (ils et fuit, et point ne s'arrête, ayant
lus de soin de lui que de soi, jusqu'à se vêtir seulement
une chemise ;
'•Giàioi sentia tutto arricctar li peli
^ paoraf e stava indielio inienlo,
Q*Kuul' io dissi : Maestro, se non celi
'•Te e me tostameute, i' ho pavento
^ Valebranche : noi gii avem già dietro :
^^ si' imagino si, che già gli sento.
>.B quei : g» jq fog^i d* impiombalo vetro,
^ùnagine di fuor lua non Irairei
"^ù tostoa me, clie quelJa d'entro irapetro.
"■nir iQo Tenieno i tuoi pensier Ira* miei
^ limil alto e con simile faccia,
Si che d' eatrambi un sol consi^lio fei.
11. S' egU è che si la destra costa giaccia,
Che noi possiam netrallra bolgia scendere,
Noi fiiggirem l' imaginata caucia>
11. Già non compio di tal consiglio rendere,
Ch' io gli vidi venir con l' ali tese,
Non molto lungi, per volerne prendere.
18. Lo Duca mio di subito mi prese,
Come la madré ch' al romore è desta,
E vede presso a se le liamme accese,
14. Che prends il figlio e fugge, e non s'arres-
Avendo più di lui. che di se cura, [ta^\
Tanto che solo uua cam\m n««\a.
Ai,
VL
386 L'ENFBR.
15. Smidain mon Guide me prit, et, du haut de la dare
rive, le dos contre terre, s'abandonna suc la penie escarpée
de la roche qui sépare une des bolges de Tautre..
16. Jamais par un canal, lorsqu'elle approche le plus
des aubes, l'eau ne courut si vite pour faire tourner la roue
d'un moulin,
17. Que mon Maître par cette pente, me portant sut sa
poitrine comme son fils, non comme son compagnon.
18. A peine fûmes-nous arrivés au fond, qu'eux furent
sur le col au-dessus de nous ; mais ils n'étaient plus i
craindre,
19. La haute Providence, qui voulut faire d'eux les mi-
nistres de la cinquième bolge, leur ayant à tous ôté le pou*
voir d'en sortir.
20. Là, nous trouvâmes une gent', peinte, qui, autour
de la fosse, à pas très-lents, allait pleurant, et paraissait
lasse et rendue. ^
21 . Ils avaient des chapes avec les capuchons abaissé»
devant les yeux, taillées comme celles qui se font à Cologne
pour les moines.
22. Elles sont dorées au dehors, tellement qu'on en est
ébloui, mais de plomb- au dedans^ et si pesantes, que de
|)aille, auprès d'elles, étaient celles que faisait porter Fré-
déric *.
15. B giù dal coilo delh rip» dura
Supin si diede ail.i pendenle rocda,
Cbe r un dei lati ail' allra bolgia Inra.
16. Non corse mai si tosto acqua per doccia
A volger ruola di mulin terriigiio^
Quand' elia più verso le pale approeda ;
17. Corne '1 Maestro mio per quel Tivagno^
Portandosene me sovra '1 suc petto,
Corae suo liglio, e non come compagne.
18. Appena furo i piè suoi giunlî al lelto
Del fonde giù, ch' ei giunsero sul colle
Sovresao noi : ma non gli era tospelto ;
IS.Chè l'alta proTidends dielervoHe
Porre minislri délia foraa qutata,
Poder di partirs' indi a tutti toUe.
tO.L:<ggiù trovammo una génie dipintii
Che giva intorno assai con lenti ptaa
Piangendo, e nel seotbianttt atancteviiO
Sl.Egli aveaa cappe con cappucd banî
Dinanii agli occlii. fatle délia tagli*
Che per li inonaci in Cologna bm-
SS.Di fuor dorate son, ai ch'egli abbagii**
Ma dentro tutte piombo, e gravi Itf'^
Cbe F^dtthoo le lueltea <ii paglit*
CHANT VINGT-TROISIÈME. 387
23. manteau éternellement accablant I Cependant avec
jx nous tournâmes à gauche, attentifs à leurs tristes
laintes.
24. Mais, à cause du poids, cette gent lasse allait si len-
iment qu'à chaque- pas nous avions une compagnie nou-
ille.
25. Lors je dis à mon Maître : « Fais en sorte d'en
ouver quelqu'un dont les faits et le nom soient connus, et
nsi allant, regarde tout autour!
26. Et Tun d'eux, qui entendit la parole toscane, der-
ère nous cria : « Arrêtez, vous qui si vite courez à travers
lir obscur !
27. (( Peut-être auras-tu de moi ce que tu demandes. x>
u* quoi le Maître se tourna, et dit : « Attends I Et ensuite
arche à son pas ! »
28. Je m'arrêtai, et j'en vis deux sur le visage desquels
: montrait le désir qui les pressait d'être avec moi ; mais
B retardaient la charge et le chemin étroit.
29. Quand ils furent arrivés, de leurs yeux louches beau-
)up ils me regardèrent sans parler; puis, se tournant Tua
its l'autre, ils se dirent entre eux :
30. « Au mouvement de la bouche, celui-là semble vi-
int; et, s'ils sont morts, par quel privilège vont-ils sans
Ire vêtus de la lourde robe?
.0 m et«rBo< fotMoao manto i
Mcï volgeimBO anoor pure a man manca
Coo loro insieme, intenti al tristo pianto :
•-M'pO' kl peso quella gente stanca
^Màà si pian, cfaie Boi eravam nuovi
Di oompagnia ad ogni muover d' anca.
•flereh^ io al Duca mio : Va cbe tu trovi
•UcoB, di' al (alto o al nome si conosca,
i- ^ oochi si andiindo intorno muovi.
• £d Qo che intese la parola tosca,
''%alffo • Jioi gridà : Tenete i piedi,
Voi, che correle «i per 1' aura fosca :
fT.Forse ch' avrai da me quel che tn 4:hiedi.
Onde '1 Duca si volse, e disse : Aspetta,
E poi seconde il suo passo procedi»
t8.BisletU, e vidi duo mostrar gran frelta
Dell' animo, col nso, d' esser meco ;
Ha tardavali '1 carco e la via slretta.
SO.Quando fur giunti, assai con l' occhio b'eoo
Mi rimiraron senza far parola :
Poi si volsero in se, e dicean seco :
SO.CoMui par vivo ail' atto délia ^ola :
E s' ei son niorti, cet (\\aV ^v\^\\&^<(^
Vanne scovetlv deWsi ^vi<à %\o\a.1
588 L'ENFER. '
51 . « Toscan! venu dans le collège des tristes hypocrites,
ne dédaigne point de dire qui tu es ! »
32. Et moi à eux : — Je suis né et j'ai cru sur le beau
fleuve d'Arno, dans la grande ville, et j'ai le corps que
j'eus toujours.
33. Mais vous dont les joues, autant que je vois, de dou-
leur tant dégouttent, qui êtes-vous? et quelle peine produit
en vous cette ardeur ?
34. Et lun d'eux me répondit : « Ces chapes orange'
sont de plomb, et si épaisses, que leur poids fait ainsi sif-
fler les balances •.
35. « Nous fûmes des frères Godenti de Bologne'', moi
Catalano, et lui Loderingo, nommés; ta ville tous deux nous
prit,
36. « Comme se prend de coutume un homme solitaire,
pour conserver sa paix ; et nous fûmes tels qu'encore il se
voit autour du Gardingo. »
37. Je commençai : — frères, vos maux... Mais pas
plus je ne dis, à mes yeux étant apparu un malheureux
cloué en terre avec trois pieux.
38. Lorsqu'il me vit, il se tordit de tous ses membres,
soufflant dans sa barbe et soupirant. Et le frère Catalano,
qui de cela s'aperçut.
Sl.Poi diss«rmi : Tosco, ch' al collegio
Degl' ipocriti Irisli se* venuto,
Dir chi tu se' non avère in dispregio.
SS.Ed io a loro. V fui nato e cresciuto
Sovra 1 bel fiurae d' Arno alla gran villa,
E son col corpo, ch' i' ho sempre avulo.
53. Ha voî chi siete, a cui tanto distilla.
Quant' io veggio, dolor giù per le guance,
E che pena i in voi, che si sfavilla?
Zk. E r un rispose a me : Le cappe rance
Son di piombo si grosse, che li pesi
Pan eo«i dgolar le lor bilance.
S5. Frati Godenti ftimmo, e Bolognesi,
Io Catalano, e coslui Loderingo
Nomati, e da tua terra inaieme preÀ
86. Corne suol esser tolto un nom soGogo
Per conservar sua pace ; e fummo tâK<
Ch' ancor si pare intomo dal Cardingo*
S7.I' cominciai : frati. i vostri mali—
Ma più non dissi ; che agli occhi ai (^
Un, crociiisso in terra con tre paii*
58. Quando mi vide, tutto si distorse,
Sofliando nella barba, co' sospiri:
E 1 frate Catalan, ch' a ciô s' acc«»
V
GnÀNT YIN6T-TR0ISIÈHE. 389
39. Me dit: « Ce crucifié que tu regardes*, aux Phari-
siens conseilla qu'un homme fût, pour le peuple, envoyé au
supplice.
40. m En travers etnu^ comme tu vois, il git sur le che-
min, et il faut qu'il sente combien pèse quiconque passe.
41 . « Et pareillement pâtit dans cette fosse son beau-
père ', et les autres du conseil qui fut pour les Juifs une
mauvaise semence *•. »
42. Je vis alors Virgile s'étonner à l'aspect de celui qui
si vilement était étendu sur la croix, dans l'éternel exil.
43. Ensuite il adressa ces paroles au frère : « Qu'il ne
vous déplaise point, si cela vous est permis, de nous dire
s'il est à main droite quelque ouverture
44. c(Par où, tous deux, nous puissions sortir, sans
forcer des anges noirs à nous tirer de ce gouffre. »
45. Il répondit : « Plus près que tu ne Tespères est un
rocher, qui part du grand cercle et traverse tous les af&reux
remparts;
46. <x Si ce n'est qu'étant rompu, il ne les recouvre pas
entièrement. Vous pourrez monter par la ruine qui gît là, et
s'élève au-dessus du fond. »
47. Le Maître se tint un peu la tête baissée, puis dit :
« Mal contait la chose celui qui, là-haut, avec les crocs,
déchire les pécheurs. »
U.lfi disM : Quel confitto, ehe tu miri,
CooBfl^A i Farisei, che conyenia
Porre on uom per lo popolo a' martiri.
MiAUrarersato e nudo è per la yia,
Corne tu vedi, ed è mestier, ch* e* senta
Qodunque passa, com' ei pesa pria :
U.B ■ talVnodo il soocero si stenta
In qnesta fossa, e gli altri del concilie
Che fil per li Giudei mala sementa.
41AUor vid* io maravigliar Virgilio
Sopra celui ch' era disteso in croce
Tanto Tilniente ueil' etemo esilio.
4l.Poicia drixzA al frate cotai Toce :
Non n dispiaccia, se TÎlece, dirci
8' alla man destra giace alcuna foce,
44. Onde uoi ambedue posciamo uscird
Senza costringer degli angeii neri,
Che vegnan d' eslo fondo a dipartird.
45.Itispose adunque : Più che tu non speri
S'appressa un sasso, che dalla gran cercLl
Si muoye, e varca tutti i vallon ferii
46. Salvo ch' a questo è rotto e nol coperchia
Montar potrete su per la ruina,
Che giace in costa, e nel fondo soperelûa.
47. Lo Duca stette un poco a testa china,
Poi disse : Mal contava la bisogna
Colui, che i pecc&lov <^ V».vnk&vDeà,.
'IV
I
48. Et le frère : « J'ai om dire à Bologne que le diable a
bien des idces, et, entre autres^ 4{u'il est menteur et père du
mensonge. »
49. Après cela, le Maître à grands >pas s'en alla, en son
visage un peu troublé de colère j et moi, laissant les autres
80US leur charge,
Je suivis les traces des pieds chéris.
U.1 1 tnA» : r udi' gii dire a Bdogna
Od diavol na^ assai, in' qaali udi',
Gl^ agli è bugiardo, e padre di mansogu.
JlA l f f Mio , U Paca a gran paasi laa gi.
Tarbato un pooo d*int ael
tted'itf daff iuearaaU mi partf
Oietfo alla poata dalla araiiuMii
CHANT TfNGT-TROISIËHE. S8«
NOÏKSI Dff CHANT .?HÏGT-TR0IS1ÈME
1. tsope; tjbn» cette fable; 'raconte qu'une grenouille; vovhint noyer un
pour le manger après, loi proposa de le prendre surdon dos et .do. le
rter au delà d'un fossé. Au moment où la grenouille cniralhaii en pion-
mt le rat qui se débattait, un milan fondit sur eux, et les dévora -tous
IX.
2. Ces deux mots ont exactement la même signification : l'un et l'autre
oifient maintenant^ à présent.
3. Hypocrites.
4. Frédéric II faisait recouvrir les criminels de lèse-majesté d/ épaisses
illes de plomb. Jetés ensuite dans un vase sous lequel on allumait du feu,
y périssaient en d'affreux tourments, à mesure que le plomb fondait.
5. c De couleur orange, a c'est-à-dire dorées.
6. « Qu'elles nous font gémir, comme les poids font sifDer les balances. »
7. Ordre de ebevaleiie institué ^ers l'an 1^0, à Bologne; sons le nom
Frères de Sainte-Marie, pour protéger, i titre de procureurs, les. veuves,
pupilles, les étrangers, les pauvres. Ils furent ensuite nommés Frères
knti ou Gaudenti, à cause de la rie agréable et commode (font ils jouis-
snt, grâce à de nombreux privilèges, comme de na point aller A.latguerre,
ne remplir aucune charge communale, etc. Déchirée par les partis guelfe
^belin, Florence appela pour la pacifier deux de ces frères Godenti, mes-
LLoderingo degli Andalo et messer.Gatalano Gatalani, le premier Gibelin,
itre Guelfe. Investis du gouvernement, ils se laissèrent tous deux cor-
opre par le parti guelfe; de sorte que les Gibelins furent chassés de
ville, et les maisons des Uberti, chefs de ce parti, brûlées et détruites.
es étaient situées dans la rue dite du Gardingo.
8. Caîpbe, qui conseilla la mort du Christ, disant : Expedit ut unus nuh
itur homo pro populo, il 'convient qu'un 'homme meure pour le peuple,
îan, XI, 50.)
9.,. Le grand prêtre Anne, beau-père de Caïphe.
lOi) {««enence' des maux qu'ils eurent à souffrir plus tard.
302
L'ENFER.
CHANT VINGT-QUATRIÈME
1. A cet âge du jeune an, où le soleil, sous le Te^
seau, tempère ses rayons, et où déjà la nuit est égale an
jour;
2. Quand la gelée matinale reproduit sur la terre, mais
pour peu de moments, Timage de sa blanche sœur *,
3. Le villageois à qui le fourrage manque se lève, el
regarde, et voit toute la campagne blanchir, et se bat le
flanc:
4. n rentre dans sa cabane, et de ça, et de là, va se plai-
gnant comme le pauvret qui ne sait tpie faire ; puis il re-
tourne, et sent renaître l'espoir,
5. Voyant qu en peu d'heures la terre a changé de fiice,
et prend sa houlette, et chasse les brebis dehors à la pâ-
ture;
6. Ainsi m'effraya le Maître, lorsque je vis son front si
troublé, et aussi vite au mal vint le remède.
CANTO VENTESIMOQUARTO
l*In quella parte- del giovinetto aiino,
Cbe *1 Sole i crin sotto V Aquario tempra,
B già le notti al mezzo di !>en vanno :
S.Quando la brina in su la terra assempra
L' imagine di sua sorella bianca,
Ma pôc^ dura alla sua penna tempra ;
S.Lo villanelk), a cui la roba manca,
Si leva e guarda, e vede la campagna,
BiancheffRiar tulta, ond' ei si batte 1* anca :
4.Ritoma a casa, e qua e là si lagna*
Corne '1 tapin che non sa cbe si ftecii^
Poi riede, e la sperània ringavi^na
5.Teggendo '1 mondo aver cangiata têtiôft
In poco d' ora, e prende suo vincastro»
E fuor le pecoreile a pascer caccia :
C.Cosi mi fece sbigottir lo mastro,
Quand' io gli vidi si turbar la firontc,
E cosi tosto al mal gionse lo *mpitftlf •
CHANT tINGT>QUATRIÈlIE. 393
7. Mon Guide, quand nous arrivâmes au pont rompu,
s' étant tourné vers moi avec cette douce contenance qu'en
lui premièrement je vis au pied du mont,
8. Il ouvrit les bras, et, après avoir un peu tenu conseil
în lui-même, regardant bien d'abord la ruine, il me prit;
9. Et comme celui qui agit avec précaution, et semble à
tout penser d'avance, ainsi, me levant vers la cime
10. D'une grosse roche, et avisant un autre rocher, il me
lit : c( Accroche-toi ensuite à celui-là; mais auparavant
^saye s'il peut te porter. »
11. Ce n'était pas un chemin pour un vêtu de chape, lui
éger, et moi poussé, pouvant à peine monter de pierre en
îierre;
12. Et n'eût été que de cette enceinte plus que de l'au-
Ire la côte était courte, lui, je ne sais, mais moi j'aurais été
raincu.
13. Mais, parce que tout le Malebolge penche vers l'en-
rée du plus bas puits, de chaque vallée la structure
14. Est telle, qu'une côte monte et l'autre descend :
lous, cependant, nous parvînmes à l'extrémité, sur la
K>inte d'où la dernière pierre s'éboula.
15. Quand je fus là, mon haleine était si épuisée, que,
le pouvant aller plus loin, à cette première station je
l'assis.
iCbê eome noi Yenimmo al gtiasto ponte,
Lo Dnca a me si volse con quel piglio
Ooice, ch' io vidi in prima a piè del monte.
.Le braccia apene, dope alcun consiglio
Eletto seco, riguardando prima
Ben la minai e diedemi <u piglio.
>B eome qoei che adopera ed istima,
Che aempre par che innanzi si provreggia,
Sod, lerando me su Ter la cima
•D'un ronchione, awisava un^altra scheggia
Dieendo : Sopra queUa poi t' aggrappa ;
Ma tenta pria se è tai ch' ella ti reggia.
•Hon en tia da restito di cappa,
Chè noi appena, d lieve, ed io soepinto,
Poteyam su montar di chiappa in chiappa.
1I.E se non fosse, che da quel precintu,
Più che dall' altro, era la costa corta,
Non so di lui, ma io sarei ban vinto.
IS.Ma perché Malebolge in yer la porta
Del bassissimo pouo tutla pende,
Lo sito di ciascuna valle porta,
14. Che r una costa surge e Paîtra scende.
Noi pur veiiimmo alfine in su la punta
Onde r ullima pietra si scoscende.
15.La lena m' era del polmon si munta
Quando fui su, ch' io non potea più ohre
Anzi mi assisi BslULa px'vtusi ^\^v\&.
m
l'ENFBR.
16. « Maintenant il convient, dit le Maître, que tu^^
coues toute paresse : ce n'est point couché sur la plume, ni
80U8 la couverture, qu'on acquiert la renommée
17. c( Sans laquelle celui qui consume sa vie, laisse de
8oi, sur la terre, le même vestige que la fumée dans l'air
et récume dans l'eau.
18. « Lève-toi donc, et que la fatigue soit vaincue par
Tâme, qui vainc àans tout combat, si, sous le poids du
corps, elle ne s'&bat point.
19. « Il faut monter un plus long escalier : avoir quitté
ceux-là ne suffit pas; si ta m'entends, his que maintenant
cela te serve. »
20. Lors je me levai, plus en haleine qu'auparavant je
ne me sentais, et je dis : — Vat j'ai de la force et du cou-
rage.
21. Nous primes notre route parle haut du rocher, qui
était raboteux, étroit et malaisé, et beaucoup plus escarpé
que le précédent.
22. Parlant j'allais, pour ne pas paraître faible, quand de
l'autre fossé sortit une voix dont on ne pouvait former des
paroles.
23. Je ne sais ce qu'elle disait, quoique déjà jeiusse sur
le dos de l'arche qui traverse là; mais celui qui parlait
eemblait ému de colère.
coovien die ta eosi ti spoltre
1 Maestro,' chè, seggendo in pUima,
Ib tena non si vien, né sotto coUre :
iT.8nia la quai chi sua vita consuma,
Ootal Yestigio in terra di se lascia,
Qui Ibmo in aère od in ac({ua la icbiUtt.
1S»I perô leva su, vinci l' ambascia
Goo f anime che vince ogni battagUa,
80 ool soc grave corpo non s' accasda.
IMIft Innga scala convien che ri aagliat
' In b«rta da oostoro eaaer parlito :
•• ta or iHlaBdi, or fil il dM aiasUi.
fO.IievaP mi aUor mortrandomt Ibmito
Meglio di lena ch' i' non mi lentia;
E dissi : Ta, ch' P son forte e ardUo*
Sl«Sa per lo scoglio prendemmo la 'via,
Ch' era ronchioso, stretto e malageTol9«
Bd erto più assai che quel di prâu
tItParlando andava per non parer fieToto#
Onde una Yoce uscio dall' altro foato,
A parole fonnar disconvenerole.
lS.llon ao che disse, ancor che sorra 1 ào0
Foad dell* arco già che Tarca quivi:
Ha chi parlava ad ira parea moaaob
CHANT VINGT-QUATRIÈME. 395
24. Je m'étais baissé ; cependant, à cause de Tobscurité,
mes yeux tendus ne pouvaient atteindre le fond. Ce pour-
quoi je dis : — Maître, fais que, descendant du mur,
25. Nous arrivions à Tautre enceinte; car, comme d'ici
j'ouïs et n'entends pas, ainsi en bas regardant, rien ne dis-
tingue.
26. « D'autre réponse, dit-il, je ne te fais que l'agir
même ; l'œuvre, en silence, doit suivre la sage demande. »
27. Nous descendîmes du pont par l'extrémité oii il se
joint à la huitième rive, et alors la bolge se découvrit à
moi:
28. Et je vis dedans un terrible amas de serpents, et
d'espèce si diverse, que le souvenir m'en fige encore le
sang.
29. Point ne se vante la Libye de produire dans ses sables
plus de Chersydres, et de Ghélydres, et de Jets, et de Pha-
rées, et de Cenchris, et d' Amphisbènes ;
50. Ni tant de bêtes pestilentes, ni si méchantes elle ne
montra jamais, avec toute l'Ethiopie, et toutes les contrées
au-dessus de la mer Bouge.
51. Au miheu de cette foison de cruels et odieux rep-
tiles, couraient des gens nus et pleins d'épouvante \ sans
aucun espoir de refuge, ni d'héliotrope ■.
^V en Tolto in i^ù : ma gli occhi vivi
lioB potean ire al fondo per 1' oscaro :
Poch' io : Haeslro, fa che tu arrivi
^IMl'altro cinghio, e dismonliam lo muro;
Chi eoia' i' odo quinci, e non intendo«
Coù giù veggio, e niente afliguro*
^•AUrt rispoftta, disse, non ti rendo,
fie Ma lo Car : che la dimanda onesta
Si dee t^uir con 1' opéra taeendo.
''•Roidiseendemmo il ponte dalla testa,
Ove s' aggiunge coll' otlava ripa,
B pd mi iù la bolgia manifesta :
t8.E TidiTÎ entre territHle stipa
Di serpenti, e di si diversa mena»
Che la memoria il sangue ancor mi seipa.
S9.Più non si vanti Libia con sua rena;
Cbë, se cbelidri, iaculi e faree
Produce, e cencri con anfesibena;
30. Ne tante pestilenzie ne si ree
Hostrô giammai con tutta 1' Etiopia,
Ne con ci6 cbe di sopra il mar rosao aa*
sl.Tra questa cruda e tristissima copia
Correvan genti nude e spaventate,
Senza sperar ^Tiot|>Q o «V^x^^in^.
396 L'ENFER.
32. Leurs mains étaient liées par derrière avec des ser-
pents ; et ceux-ci dans leurs reins enfonçaient la queue et
la tcte, et se nouaient devant.
33. Et voilà que sur Tun d'eux, qui était près de la même
rive que nous, s'élança un serpent qui le piqua là où le col
s'articule aux épaules.
34. Jamais ni 0, ni J ne s'écrivit aussi vite qu'il s'en-
flamma, et brûla tout entier, et tomba réduit en cendres.
35. Et lorsque ainsi détruit il fut gisant à terre, la pous-
sière aussitôt se rassembla, et d'elle-même redevint le même
corps qu'auparavant.
36. Ainsi, au dire des grands sages, le Phénix meurt et
ensuite renaît, lorsqu'il approche de sa cinq centième année.
37. Il ne se nourrit, durant sa vie, ni d'herbes ni de
grains, mais de larmes d'encens et d'amome; et le nardetia
myrrhe sont ses derniers langes.
38. Tel que celui qui tombe et ne sait comment, que la
force du démon l'ait jeté à terre, ou un autre mal qui lie
l'homme, ♦^
39. Quand il se relève regarde autour, troublé par la
grande angoisse qu'il a soufferte, et, regardant, soupire:
40. Tel était le pécheur, après s'être relevé. Oh! que
sévère est la justice de Dieu, dont la vengeance frappe de
tels coups I
Sl.Gon serpi le man dietro avean legate:
Quelle ticcavan per le ren la coda
E '1 capo, ed eran dinanzi aggroppate.
TiS. Ed ecco ad un, ch' era da noslra proda,
S' avventô un serpente, che '1 Iralisse,
Là dove il coUo aile spalle s' annoda.
Si.più si tosto mai, ne I si scrisse,
Corn' ei s' accese e arse, e cener tutto
Convenne che cascando divenisse :
S5.E poi che fu a terra si distrutto,
La cener si raccolse per se siessa,
In quel medesmo ritomo di butto :
SO.Cosi per li gran savi si confessa,
Che la Fenice muore e poi rinasce,
Quando al cinquecentesimo anno appress'
ST.Erba ne biada in sua vita non pasce :
Ma sol d' incenso lagrime, e d' amomo»
E nardo e mirra son l'ultime fasce.
58. E quai ë quel che cade, e non sa como.
Per forza di démon ch' a terra il lira,
d' altra oppilaiion che lega V uoibo,
59. Quando si leva, che intorno si mira.
Tulto smarrito dalla grande angoscia
Gh' egU ha sofferta, e guardando sospiT*
40. Taie era il peccator levato poscia.
giustizia di Oio quant' è several
Che cotai coipi per vendetta croscîa!
CHANT YINGT-QUATRIËME. 397
41 . Le Maître alors lui demanda qui il était ; il répondit :
( Depuis peu de temps, je suis tombé de la Toscane dans
îette gueule cruelle.
42. (( Me plut une vie bestiale, et non humaine, comme
i un mulet que je fus : je suis Yanni Fucci la brute, et Pistoie
ut ma digne tanière '. »
43. Et moi au Maître : — Dis-lui de ne pas biaiser, et
lemande-lui quel crime Fa poussé dans cette fosse ; car je
'ai TU homme de sang et de colère.
44. Et le pécheur, qui m'entendit, ne feignit point, mais
ouma vers moi son âme et son visage, où se peignit une
néchante honte ;
45. Puis il dit : « Plus chagrin suis-je que tu m*aies sur-
pris dans la misère où tu me vois, que je ne le fus quand
l'autre vie me fut ôtée.
46. c( Je ne puis refuser ce que tu demandes; si bas
ai-je été envoyé parce que ce fut moi qui volai de la sacristie
les beaux ornements.
47. a Et cela fut faussement imputé à un autre. Mais,
pour que de m'avoir vu tu ne te réjouisses pas, si jamais tu
sors de ces sombres lieux,
48. « Ouvre Foreille et écoute ce que je t'annonce I Pis-
toie s'amaigrit des Noirs *, puis Florence renouvelle hommes
€t choses *.
U.Lo DQca il dimandft poi chi egli era :
rerch'ei rispose : I' piovTi di Toscana,
roco tempo è, in questa gola fera.
^^jte bestial mi piacque, e non umana,
S> corne a raul ch' i' fui : son Vanni Fucci
''stia, e Pistoia mi fu degna tana.
*^B io al Duca : Dilli che non mucci,
BdiioaQda quai colpa quaggiù '1 pinse;
^'io Indiuom già di sangue e di connicci.
**>£ 3 peeealor, che intese, non s' infinse,
aa driziô Terso me 1' animo e *1 voilo,
B ditn^ ^ergogna si dîpinse ;
45. Poi disse : Più mi duo! che tu m' haï colto
Ifella miseria, dove tu mi vedi,
Che quand' i' fui deil' altra vita tolto :
46. r non posso negar quel che tu chiedi:
In giù son roesso tanlo, perch' io fui
Ladro alla sagrestia de' belli arredi i
47. E fals^'^^ente già fu apposlo altrui.
Ha p^«,(iè di tal vista tu non godi,
Se mai sarai di fuor de' luoghi bui,
48.Âpri gli orecchi al mio annunzio, e odL
Pistoia in pria di Neri si dimagra,
Poi Firenze rinnova genli e raodi.
B. I.
*i^
i
SOS
L'E!fFER.
49. c Du Tal de Magra, enveloppé de nuages orageni,
Mars attire la vapeur, et, avec la furie d'une tempête impé-
tueuse,
50. « Sur les champs Picéniens on combattra; et subite-
ment la nuée crèvera, et tout Blanc sera frappé *.
« Et je Tai dit parce qu'il doit t'en douloir. »
49.1r«gge Marte vapor di val di Hagra,
Ch' è di Urbidi anvoli inrohiio,
E coo tenpctU imp«lacMa ed agra
OBd'«irB|Mai« wpnmtàhmàttui
Sid^agm Bianeo ne aarè féruto :
B értte » IIP, p«cU 4olw t» debUk
CHANT VINGT-QDATRIËHE. 399
NOTES DU CHANT VrNGT-QUATRIÊME
1. La blanche sœur du Soleil, la Lune.
2. Larrons.
5. Les anciens croyaient que la pierre nomnée Jiélictrope rendait înin-
les ceux qui la portaient.
4. Yanno Fucci était bâtard de masser Fuccio de' Lazzari, de Pistoie, et
st pourquoi il eet ici appelé mulet. Il aecna son ami Yanni délia Kona
lyoir cadié dans sa maison les ornements volés par lui, Fucci, dans la
mstie delà cathédrale de Pi4toie, et Yanni fut peudu^sur cette accusation.
5. a C'est-à-dire chasse ceux du parti I^oir. » La diriBion -en Biancs eft
Ers commença, à Pistoie, Tan 1501 ; et peu après les Blancs chassèrent
i Soirs.
6. « RappéRe les Noirs bannis par les Blancs, et change son gouverne-
lent.» Cette prédiction, ramenée à son sens historique, signifie que, du jfal
îHagra, ou delà Lunigiana supérieure, sortira, comme la foudre, le marquis
Marcello Halaspina, qui combattra les Blancs et les défera dans les cBainps
ioénieM.
400
L'ENFER.
CHANT VINGT-CINQUIÈME
i . Lorsqu'il eut fini de parler, le voleur éleva les mains,
et des deux fit la figue, criant : a A toi, Dieu, prends-la!»
2. Depuis lors m'ont été amis les serpents, un d'eux à
son cou s'étant enroulé, comme s'il eût dit : c( Je ne veux
pas que tu en dises plus. »
5. Et un autre à ses bras, que, se rivant lui-même par
devant, il lia de telle sorte qu'avec eux il ne pouvait don-
ner de secousse.
4. Ah ! Pistoie, Pistoie ! que n'en finis-tu de toi, te ré-
duisant toi-même en cendres, puisque les tiens dépassent
toujours plus leurs ancêtres dans le mal?
5. Dans tous les sombres cercles de TEnfer, je ne vis
point d'esprit si superbe contre Dieu, non pas même celui
qui tomba des murs de Thèbes^
6. Il s'enfuit sans dire un mot déplus; etje vis un Centaure
plein de rage venir, criant : «Où est-il, où est-il, l'obstiné? •
CANTO VENTESIMOQUINTO
1. Al fine délie sue parole il ladro
Le mani alzô con ambeduo le fiche,
Gridando : Togli, Dio, chè a te le squadro.
S.Da indi in qua rai fur le serpi amiche,
Perch' una gli s' avvolse allora al coHo,
Corne dicesse : V non vo' cbe più diche :
3. Ed un' altra aile braccia, e rilegollo
Ribadendo se stessa si dinanzi,
Che non potea con esse dare un croUo.
4. Ah Pistoia, Pistoia I chè non slanii
D' incenerarti, si che più non duri,
Poi che in mal far lo seine tuo avanii^ .
S.Per tutti i cerchi dell* inferno oscuri
Spirlo non vidi in Dio tanto superbOt
Non quel che cadde a Tcbe giù de*!!!*^
6.E si fuggi, che non parlô più verbo :
Ed io vidi un Gentauro pien di rabbiP
\eu\r fyvdmdo : Ov' è, ov» è l'acerbo'
CHANT VINGT-CINQUIÈME. 401
7. Je ne crois pas que, dans la Maremme, soient autant
e couleuvres qu'il en avait depuis la croupe jusque-là où
dmmence la face.
8. Sur ses épaules, derrière la nuque, s'étendait, les ailes
éployées, un dragon qui embrase tout ce qu'il heurte.
9. Mon Maître dit : «Celui-ci est Cacus, qui, sous
( rocher du mont Aventin, maintes fois fit un lac de
mg.
iO. (X II ne va point avec ses frères par le même chemin*,
cause du vol que, par fraude, il fit du grand troupeau
oisin de lui';
11. <x D'oii eurent leur fin ses œuvres louches, sous la
lassue d'Hercule, qui cent fois peut-être le frappa, et il ne
î sentit pas dix *. »
12. Pendant qu'il parlait ainsi, l'autre rapidement passa,
t trois esprits vinrent au-dessous de nous, sans être aper-
çus ni de moi ni du Guide,
13. Sinon lorsqu'ils crièrent : « Qui êtes-vous? » Sur
[uoi le récit fut mterrompu', et à eux seuls nous fîmes
ittention.
14. Je ne les connaissais pas; mais il arriva, comme
ouvent il arrive par hasard, que l'un d'eux en nomma un
utre.
non cred' io ehe tante n* abbia,
Qoante bisce egli avea su per la groppa,
Infin doTe comincia nostra labbia.
»8<q>ni le spalle, dietro dalla coppa,
Gon r aie aperte gli giaceva un draca,
8 qneUo afÊoca qualunque s* intoppa.
•lo mio Vaestro disse : Quegli ô Caco,
Ghe totto '1 888SO di monte Aventino,
ttm^oe feee spesse volte laco.
ta co^ suai fratd per un cammino,
Ht lo forar frodolente ch' ei fece
ttUgmideaniieiito, ch' egli ebbe a yfcino :
il. Onde eessar le sue opère biece
Sotto la raazza d' Ercole, che forse
Glierie diô cento, e non senti ie diece.
It.Mentre che si parlava, ed ei trascorse,
B tre spiriti venner sotto noi,
De' quai ne io ne *1 Duca mio s' accorse:
iS>Se non quando gridar : Chi siete voi?
Perché nostra novella si ristette,
E intendemmo pure ad essi poi.
14. r non gli conoscea, m^ ei seguette,
Gome suol seguitar per alcun caso»
Che 1* un nomare ail' altro coaveofiUftt
■\
4Ô2 . L'ENFER.
15. Disant : a Où sera resté Clanfa *? » Loi-s, pour que le
Maître fût attentif, je leTaî le doigt et le posai du meaïm
au nez
16. Si maintenant, lecteur, tu es lent à cvoire ce que je
dirai, ce ne sera merveille, puisqu'à peine le erotsp-jev dm
qui le vis.
17. Comme fixement je les regardais, un serpent à m
pattes s*élança sur l'un d*cux, et tout entier s'attachaiità
hii,
18^. Avec les pattes du milieu> il lui lia le ventre, et svee
celles de devant il saisit ses bras, puis enfonça les (knte
dans Tune et l'autre joue ;
19. 11 étendit les pattes de derrière sur les cuisses, entre
lesquelles il darda la queue, la ramenant par derrière en
haut sur les reins.
20. Jamais lierre ne serra si étroitement un arbre, qu'aux
membres de Taulre riiorrible bête enlaça les siens.
21 . Puis ils se collèrent comme s'ils eussent été de cire
fondue, et leurs couleurs se mélangèrent : déjà de Tun et de
Tautre l'apparence était incertaine :
22. Comme, exposé au feu, le papier prend en -dessus
une teinte brune; il n'est pas noir encore, et le blaîi«
meurt.
IS.Dicendo : Gianfa dove fia rimaso?
Ferch' io, acciocchè '1 Duca stesse attente,
Mi posi i dito su dal inento al naso.
16. Se lu sei or, lettore, a creder lento
Ciù ch' io dirô, non sarà maraviglia,
Chê io, cbe '1 vidi, appena il mi consento.
1~. Coin* r tenea levate in lor le ciglia;
K un serpente con sei più si lancia
Dinanzi nlV uno, e tuttoa lui s' appiglia,
l^.Co' più di mezzo gli avvinse la pancia,
K con gli anterior le braccia prese;
Poi gli addentù e Puiia e l' aifra guanci:i :
19. Gli diretani aile cosce distese,
K iniseli la coda tr' amendue,
E dietro per le ren su la ritese.
20. Ellera abbarbicala noai non fue
Ad aibur si, comi» P orribil 6era
Per r altnii meinbra awilicchiô le su«î
Si.Poi s' appiccar, coine di calda cera
Fossero stati, e niischiar lor colore:
Kè r un ne Tallro già parea quel ch'er3*
22. Corne procède innanzi dall'ardore
Per lu papiro suso un coior bruiio,
Clie non è i;ero .uicoraje il bianco niuoi*-
CHANT VINGT-CINQUIÈME. 403
3S deux autres le regardaient, et chacun d'eux
Oh I Agnel % comme tu changes I Vois, déjà tu
Bux ni un. »
38 deux têtes n'en faisaient plus qu'une, lorsqu'y
nt deux figures mêlées sur une face devenue celle
perdus*.
î quatre pièces se firent les deux bras; les cuiases
ambes, le ventre et le buste, devinrent des mem-
m ne vit jamais.
)ut avait là dépouillé son premier, aspect ; la forme
;e était celle de deux et. n'était celle d'aucun, et
s'en allait à pas lents.
)mme, sous l'ardeur des jours caniculaires, le lé-
ingeant de haie, traverse, pareil à l'éclair, le che-
insi, s' élançant vers le ventre des deux autres, pa-
jn petit serpent irrité, livide et noir comme un
poivre.
l'un d'eux il piqua cette partie^' par où nous pre-
;re première nourriture, puis tomba étendu devant
e piqué le regarda, et ne dit rien; mais, s'arrêtant,
issait sur ses pieds, il bâillait comme si )e sommeil
Te l'eût assailli.
X ■
10 riguardavano, e ciascuno
) me, Agnél, corne ti muli!
;ià non se' né duo ne uno.
i duo cipi un divenuti,
apparver duo figure miste
cia, oV eran duo perduli.
raccia duo di qualtro liste;
:olle gambe, il ventre e '1 casso
membra cho non fur mai viste.
aio aspetto ivi era casso :
sun r imagine pr'rversa
il sen gia con lenlo passe.
ST.Come '1 ramarro, sotto la gran forsa
De' di canicular, cangiando siepe,
Folgore pare, se la via attraversa :
S8. Cosi parea, venendo verso V epe
Degli altri due un serpentello acoeso,
Livido e nero corne gran di pepe.
29. E quella parte, donde prima è preso
Nostro alimento, ali' un di lor trafisse;
Poi cadde giuzo innanzi lui disteso.
50. Lo tratitto il mirô, ma nulla disse:
Ânzi co' piè fermati sbadigliava,
Pur come sonno o febbre V assafine.
404
L'ENFER.
31 . Il regardait le serpent, et le serpent lui : Fun forte-
ment fumait par la plaie, Fautre par la bouche, et les fu-
mées se rencontraient.
32. Que désormais Lucain se taise; qu'il ne parle plus
(lu malheureux Sabellus et de Nasidius ^\ et qu'il écoute ce
qu'à présent je raconte !
33. Que de Cadmus et d'Aréthuse se taise Ovide "! Si,
poétisant, il change en serpent celui-là, et celle-ci en fon-
taine, point ne l'envie.
34. Jamais Tune dans Tautrc il ne transforma deux na-
tures, de sorte que promptes fussent les deux formes à
échanger leur matière.
35. Tellement elles se correspondirent, que le serpent fen-
dit en fourche sa queue, et que le blessé mitles pieds ensemble.
36. Jambes et cuisses si bien se pénétrèrent, qu'en peu
il ne parut aucune trace de jointure.
37. La queue fendue prenait la forme qui se perdait là;
sa peau s'amollissait, et celle de l'autre se durcissait.
38. Je vis les bras rentrer sous les aisselles, et les deux
pieds de la bétc, qui étaient courts, s'allonger autant que
ceux-là se raccourcissaient.
39. Ensuite, tordus ensemble, les pieds de derrière de-
vinrent le membre que Fhomme cache, et le malheureux ^^
le sien se transformer en deux pieds.
fl. Egli il serpente, e quei lui ri(|;uardava :
L' un per la piaga, e 1' allro per la bocca
Fumavan forte, e '1 fumo s' incontraYa.
S2. Taccia Lucano ornai, là dove tocca
Del niisero Sabello e di Nassidio,
E attenda a udir quel cU' or si scocca.
SS. Taccia di Cadmo e d' Aretusa Ovidio :
Chë se quello in serpente, e quella in fonte
Converte poetando, io non l' invidio :
Si.Chè duo nature mai a fronte a fronle
Mon trasmutô, si ch' arabedue le forme
A cambiar lor raaterie Tosser pronte.
SS.Insieme si risposero a tai norme,
Che il serpente la coda in força fesse»
E il feruto ristrinse insieme 1* orme.
56. Le gambe con le cosce seco stesse
S' appiccar si, che in poco la giuntul^
Non facea segno alcun che si paresse.
ST.Togliea la coda fessa la figura,
Che si perdeva là, e la sua pelle
Si facea molle e, quella di là dura.
S8.r vidi entrar le braccia per 1' ascelle,
E i duo pie délia liera ch' eran corti,
Tanto allungar quanto accorciavan quel
S9.Poscia li più diretro msieme atlorii,
Diventaron lo menibro che V uom cela,
E il misero del suo n' avea duo porli.
CHANT VINGT-CINQUIÈME. 405
40. Tandis que la fumée les revêt d'une couleur nouvelle,
recouvrant celui-ci de poil, et dépilant celui-là,
41. L'un se leva, et l'autre tomba, sans détourner les
yeux impies au-dessous desquels la face changeait.
42. Celui qui était debout retira le museau vers les tem-
pes, et par le trop de matière qui vint là, des joues élargies
saillirent les oreilles.
43. De ce qui ne se porta pas en arrière et resta, de ce
surplus un nez se fit à la face, et les lèvres se grossirent
autant qu'il convenait.
44. Celui qui gisait à terre chassa le museau en avant,
et retira les oreilles dans la tête, comme la limace fait de
ses cornes.
45. Et la langue, une auparavant et preste à parler, se
fendit; et dans Tautre la fourche se referma, et cessa de
fumer.
46. L'âme, devenue bête, s'enfuit en sifflant par la val-
lée, et l'autre derrière lui en parlant crache.
47. Puis à celui-là il tourna les épaules nouvelles, et dit
à Vautre ^' : « Je veux que Buoso ** coure à quatre pattes,
comme je l'ai fait, par ce sentier. »
48. Ainsi vis-je le septième lest ** muer et transmuer ; et
que la nouveauté m'excuse si ma plume a erré en quelque
chose.
M'Ientre ehe 1 fumo l' ano e l' ahro vêla
K eolor naoTO, e gênera il pel suso
fer r nna parte, e dall' altra il dipela,
^tL'oa ri lerô, e 1' altro cadde giuso,
RoD torcendo perô le luceme empie,
Sotto le quai ciascun cambiava muso.
^•Qoel ch'era dritto il trasse 'n ver le tempie,
B di troppa materia che in là venne,
Dsdr gh orecchi délie gote scempie :
tt.Ciô che non corse in dietro, e si ritenne,
U qoel soverchio fe naso alla faccia,
E le labbra ingrossô quanto convenne :
^(hiel che giaceva, il muso innanzi caccia.
B gli orecchi ritira per la testa.
Corne face le corna la lumaccia :
45.E la lingua, nh'aveva unita e presta
Prima a parlar, si fende, e In forcuta
NelP altro si richiude e il fuiino resMu
46.L' anima eh' era fiera divenuta,
Si fugge sufolando per la valle,
E r altro dietro a lui parlando sputa.
47Poscia gli volse le novelle spalle,
E disse ail' altro : V vo' che Buoso corra
Com' ho fait' io, carpon per questo calla
48. Gosi vid' io la settima zavorra
Mutare e trasmutare ; e qui rai scusi
La novità, se fior la penna aborra.
23.
7
406
L'ENFER.
49. Quoique ma vue fût un peu confuse et mon
étonnée, ceux-là, en fuyant, ne purent si bien se celer,
50. Que je ne reconnusse Puccio Sciancato ; et, des troi^
compagnons qui vinrent d'abord, il était le seul qui ne fû
pas transformé.
L'autre ^* était celui à cause de qui, Gavillé, tu pleures"
49. Bd avvegnacbè gli occM miei confusi
Foaeero alquanto, e 1* aniino smagato,
Hon poter quei fuggirsi tanlo chiusi,
lO.Ch' io non scorgessi ben Puccio Sciancato :
Ed era quei cbe sol de' tare compagni,
Cbe Tennor prina, non era mutato :
L' altro «n quel cbe ta, GaviAe, piagm.
■ (
CHANT VIWGT-CIKCÎJIÈME. « 407
NOTES DU CHANT VINGT-CINQUIÈME
1. Capanée. Au moment où, sur les murs de Thèbes assiégée, il insultait
défiait Jupiter, frappé de la foudre, il fut précipité au pied de ces tnêaieïv
urs.
2. Avec les autres Centaures, dans le Cercle des Violents.
3. Le troupeau de quatre taureaux et de quatre vaches superbes qu'Her-
le, après les avoir enlevés à Gérion, roi d'Espagne, faisait pûtre près du
)nl Aventin. (y ojez Enéide, liv. vu.)
4. Étant mort avant d'avoir reçu le dixième coup.
5. Le récit que Virgile faisait à Dante.
6. On conjecture qu'il était de la famille des Donati de Florence. On
rra tout à l'heure qu'il avait été change en serpent, ce qui explique la
estion de celui qui ne le voit plus : a Où sera-t-il resté f »
7. Geste par lequel on recommande le silence.
8. Agnello Brunelleschi, Florentin.
9. L'homme et le démon sous la forme de serpent, tombés tous deux,
rdus tous deux. On peut aussi entendre que les deux formes se confon-
ient, se perdaient l'une dans l'autre.
10. Le nombril.
11. C'étaient deux soldats de Caton, lesquels, traversant la Libye, furent
qaés par des serpents venimeux. Sabellus, intérieurement brûlé par le poi-
n, tomba en cendres ; Nasidius enfla tellement, que ^a peau se rompit.
^harsale, liv. ix.)
12. Métamorphoses, liv. ra et liv. v.
13. A celui des trois qui n'avait pas subi de transformation, Puccio Scian-
'lo, qu'il nomme plus loin. j
14. Buoso degli Abati, changé en serpent. •
15. Le septième lest, ce sont les pécheurs de la septième bolge, que 1^
06le compare aux ordures qui remplissent la sentine d'un vaisseau,
16. Celui qui, sous la forme de serpent, piqua Bnoso au ventre.
1*7. Messer Guercio Cavalcante, Florentin. Il fut tué dans un village dul
^1 d'Arno, nommé Gavillé, cl sa mort fut vengée par celle de beaucoup^
'habitants de ce village.
408
L'ETSFEK.
CHANT VINGT-SIXIÈME
1 . Réjouis-toi, Florence, d'être si grande que, sur terreet
sur mer, battent tes ailes, et qu'en Enfer ton nom est répandu!
2. Parmi les larrons, je trouvai cinq de tes citoyens^;
j'en ai honte, et à toi peu d'honneur en revient.
3. Mais si, près du matin, vrais sont les songes, tu sen-
tiras d*ici à peu de temps ce que Prato, sans parler des
autres, te souhaite '.
4. Et si déjà c'était, ce ne serait pas de trop bonne
heure. Que n'est-ce dès à présent, puisque cela doit ctrel
Plus je vieillirai, plus le poids m'en sera lourd.
5. Nous partîmes, et, par les pierres saillantes qui nous
avaient d'abord servi d'escalier pour descendre, mon Guide
remonta, me tirant après lui.
6. El, suivant la route solitaire à travers les escarpements
et les rochers du précipice, le pied sans la main ne se dé-
pêtrait pas.
CANTO VENTESIMOSESTO
l.Godi, Fiorenia, poi che se' si grande,
Che per mare e per terra batti l' ali,
E per lo Infemo il tuo nome si spande.
S.Tra li ladron trovai cinque cotali
Tuoi cilladini, onde mi vien vergogna,
E tu in grande onranza non ne sali.
S.Ma se presso al mattin del ver si sogna.
Tu sentirai di qua da picciol tempo
Di quel che Prato, non ch' altri, t' agogna.
4. E se già fosse, non saria per tempo.
Cosi foss' ei, da che pure esser deel
Chè più mi gravera, com' più m' attempo
S.Noi ci partimn)o, e su per le scalee,
Che n' avean fatte i borni a scender prii,
Rimontù M Duca mio, e trasse roee.
6. E proseguendo la sol<nga via
Tra le scheggie e tra' rocchi dello scogiiOi
Lo piè senza la man non si spedia.
CHANT VINGT-SIXIÈME. 40g
7. Alors je m'attristai, et maintenant encore je m'attriste,
quand je reporte mon souvenir sur ce que je vis, et plus
que d'ordinaire, je retiens mon esprit,
8. Afin qu'il ne coure point sans que la vertu le guide,
et que si une bonne étoile, ou une autre chose meil-
leure', a mis en moi le bien, je ne me l'envie pas à moi-
même.
9. Alors que celui qui éclaire le monde tient le moins de
temps sa face cachée ^, autant le villageois qui, lorsque la
mouche cède Tair au cousin *,
10. Se repose sur le tertre, voit de lucioles dans la vallée,
là peut-être où il vendange et laboure ;
11. D'autant de flammes resplendissait toute la huitième
belge, comme je l'aperçus quand je fus là d'où l'on décou-
vrait le fond.
12. Et tel qu'à celui qui se vengea par les ours • apparut,
au partir, le char d'Élie, quand se dressant vers le ciel les
chevaux s'élevèrent,
15. Et que, le suivant de l'œil, il ne pouvait discerner que
la flamme seule qui, comme une petite nue, montait,
14. Telle chacune de celles-là se mouvait à la bouche de
k fosse : nulle ne montre le larcin ''; et chaque flamme en-
veloppe un pécheur *.
^•Allor mi doiti, ë ora nu* ridogUo,
Q<Huido drino la mente a ciô ch' io vidi ;
B più Io 'ngegno affreno chMo non soglio,
'•I|ereliè non corra, che virtù noi guidi;
^che se Stella buona, o miglior cosa
*^ba dato il ben, ch'io stesso nol m' invidi.
"•Qmnte il villan, ch' al poggio si risposa,
^d tempo che colui, che 1 monde schiara,
U facda sua a noi tien meno ascosa,
**>CoBie la mosca cède alla xanzara,
*^ Ineciole giù per la vallea,
'^coU dove vendemmia ed ara;
11. Di tante flamme tutta risplendea
L' ottava bolgia, si com* io m' accorsi,
Tosto che fui la 've 1 fondo parea.
11. E quai colui che si vengiô con gli orsi,
Vide il carro d' Elia al diparlire,
Quando i cavalli al cielo erti levorsi;
iS.Ghe nol poteasi con gli occhi segutre,
Che vedesse altro che la fiamma sola,
Si corne nuvoletta, in su salire :
14.Tal si movea ciascuna per la goia
Del fosso, che nessuna mostra il furto,
B ogni fiamma un peccatore ia'<K^\a..
4ia L/ENFBR.
15. Debout sur le pont, je m* étais si ayancé pourvoir,
que si à une saillie je ne me fusse retenu, je serais tombé
sans qu'on me heurtât.
16. Et le Guide, qui me vit si attentif, dit : « Au de-
dans des feux sont les esprits ; chacun se revêt de ce qui k
brûle. »
17. — Maître, répondis-je, Touïr de toi m'en rend plus
certain ; mais déjà je m'étais aperçu qu'ainsi en était-il, et
je voulais te demander
18. Qui est dans ce feu, si divisé à son sommet qu'on
dirait qu'il s'élève du bûcher sur lequel Étéocle fut mis
avec son frère'?
19. Il me répondit : « Là dedans sont tourmentés Ulysse
et Diomède ^° ; ils sont ensemble emportés par la vengeance,
comme ils le furent par la colère.
20. « Au dedans de leur flamme se pleure rembûchedn
cheval qui fut la porte d'où sortit des Romains la noble se-
nience **;
21. «Et s'y pleure aussi l'artifice par lequel Déidamie
morte déplore encore le destin d'Achille ^*, et du Pallailium
s'y porte la peine *'. »
22. — Si, au miHeu de ces étincelles, ils peuvent parler,
dis-je, je t'en prie, Maître, et t'en prie encore, et que \^
prière en vaille mille I
15. lo slava sovra M ponte a veder surto.
Si ctie s' io non avessi un ronchion preso,
Cadiito sarei giù senza esser urto.
16. E il Duca, che mi vide tanto alleso.
Disse : Deiilro da'fuochi son gli spirti ;
Ciascun si fascia di <juel ch'egii è inceso.
17. Maestro mio, lisposi, per udirti
Son io |>iù certo : ma già m' era avviao,
Che cosi fusse, e già voleva dirti :
IS.Chi è in quel fuoco, che vien si divise
Ik sopra, che par surger délia pira,
Ov' Eltôcle col iralel fu miso?
19.1tispo8en)i : Là entre si martira
Ulisse e Dioinede, e cosi insieme
Alla vendetta corron com'all' ira:
20. E dentro dalb lor Caniiiia si gerae
L' aiîuato del caval, che le la porta
Ond' usci de' iiomani il gentil seine-
ai.Piangevisi entro 1' arte, perché luort^
Deidamin ancor si duoi d' Achille,
E del Palladio pena vi si porta.
Î2.S' ei posson denlro da quelle faville
Parlar, diss' io, Maestro, assai ton prî^
E ripriego che '1 priego vaglia mille,
CHANT VINfrT-SIXÏÈMK.
411
23. Ne me refuse point d'arrêter jusqu'à ce qu'ici vienne
la flamme double; vois, de désir je me ploie vers elle.
24. Et lui à moi : « De beaucoup de louange la prière
est digne, et ainsi je l'accepte. Mais fois qu'en repos ta
langue se tienne î
25. c( Laisse-moi parler : j'ai compris ce que tu veux, et
peut-être^ ayant été Grecs, auraient-ils à dédaia Ion lan-
gage. »
26. Lorsque la flamme fut venue près de nous, et qu'à
mon Guide il parut que c'était le moment et le lieu, je l'en-
tendis parler de la sorte :
27. « vous qui êtes deux dans un seul feu, si je mé-
ritai de vous pendant que je vivais, si beaucoup ou peu je
méritai de vous
28. « Lorsque dans le monde j'écrivis mes hauts vers **,
arrêtez-vous ! et que l'un de vous dise où, par lui-même
perdu, il alla mourir. »
29. La plus grande corne de l'antique flamme, pareille à
c«lle que fatigue le vent, commença de s'agiter, murmu-
rant;
50. Puis ça et là mouvant sa cime, comme si ce fût
la langue qui parlât, au dehors émit une voix, et dit :
«Quand
^Cjie aoa rai fecd detl' attender niego,
f ioohè la fiainnia cumula qua vegna :
Vedi che del desio ver lei mi piego.
^•Bd egli a me : La tua pregliiera e degna
^ moUa Iode, ed io perû V acceito ;
^9 fa che la tua lingua si sostegna.
^''[«•eia parlare a me, ch' i' ho concetto
Cloche tu vuoi; ch'e' sarrebbero schivi,
PerchV fur Greci, forse del tuo detlo.
''•hichè U fiamma fu Yenuta quivi,
^t panre al miô Duca tempo e ioco,
^ «lâesta forma lui parlare audivi :
87.0 voi, che siete duo dentro da un fuoco,
Sf i' méritai di voi inenlre eh' io vissi,
S' i' méritai di voi assai o poco.
28.Quando nel mondo gii alti versi sorissi,
Non vi movele: ma V un di voi dica
Dove per îui perduto a inorir gissi.
29. Lo maggior cot no della fiamma antica
Gominciô a croUarsi morwiorando,
Pur come quella cui vento afiatica.
50. Indi la cima <]ua e là menando,
Come fosse la Ungua cne paiia&se,
Gitto voce di fuori, e disse : Quando
412 L'ENFER.
31. c< Je quittai Circé, qui me retînt caché plus
an, là, près de Gaëte ^^, avant qu'ainsi Énée la i
mât *«,
52. « Ni la douce penâée de mon fils, ni la piété en
mon vieux père, ni Tamour qui devait être la joie de F
lope,
33. « Ne purent vaincre en moi l'ardeur d'acquér
. connaissance du monde, et des vices des hommes, e
leurs vertus*''.
34. c( Mais, sur la haute mer de toutes parts ouverte
me lançai avec un seul vaisseau, et ce petit nombre de c
pagnons qui jamais ne m'abandonnèrent.
35. « L'un et l'autre rivage je vis jusqu'à l'Espagn
jusqu'au Maroc, et File de Sardaigne, et les autres que
gne cette mer,
36. a Moi et mes compagnons nous étions vieux et a|
santis, quand nous arrivâmes à ce détroit resserré où 1
cule posa ses bornes,
37. « Pour avertir l'homme de ne pas aller plus avî
je laissai Séville à main droite; à l'autre déjàSepta** r
vait laissé.
38. « frères, dis-je, qui, à travers mille périls,
parvenus à l'Occident, suivez le soleil, et à vos sens
SI. Mi diparti* da Girce, che sottrasse
Me più d' un anno là presso a Gaeta,-
Prima che si Bnea ia Dominasse ;
S2.Nè dolcezza di figlio, ne la piéta
Del vecchio padre, ne il debito amore,
Lo quai dovea Pénélope far lieta,
SS.Vincer pntero dentro a me l' ardore
Ch' i' ebbi a divenir del mondo esperto,
E degli vizj umani e del valore :
S4.Ma misi me per l'alto mare aperto
Sol con un legno e con auella compagna
Picdola, dalla quai non rui déserte.
S5. L' un lito e V altro Tidi insin la Spa
Fin nel Marrocco, e V isola de' Sard
E le altre che quel mare intomo ba
S6.I0 e' compagni eravam vecchi e tai
Quando venimmo a quella foce stre
Ov' Ercole segnô li suoi riguardi,
S7. Acciocchè l' uom più oltre non si m
Dalla man destra mi lasciai Sibilia,
Dair alira già m' avea lasciata Setta.
S8. frati, dissi, che per cento milia
Perigli siete giunti ail* occidente,
A questa tanto piccioia vigilia
CHANT VINGT-SIXIÈME. 415
qui reste si peu de veille, ne refusez Texpérience
sans habitants".
ensez à ce que vous êtes : point n avez été faits
comme des brutes, mais pour rechercher la vertu
lissance.
Par ces brèves paroles j* excitai -tellement mes
[is à continuer leur route, qu'à peine ensuite
u les retenir.
a poupe tournée vers le levant, des rames nous
ailes pour follement voler, gagnant toujours à
éjà, la nuit, je voyais toutes les étoiles de l'autre
nôtre si bas, que point il ne s'élevait au-dessus
narine.
nq fois la lune avait rallumé son flambeau, et au-
s elle l'avait éteint, depuis que nous étions en-
a haute mer,
îuand nous apparut une montagne, obscure à
distance, et qui me sembla plus élevée qu'aucune
j'eusse vue.
ous nous réjouîmes, et bientôt notre joie se chan-
irs, de la nouvelle terre un tourbillon étant venu,
vaut frappa le vaisseau.
si, ch' è del rimanenle,
legar V esperienza,
, del mondo senza gente.
k vostra semenza :
î a viver corne bruli,
' virtule e conosceuza.
igni fec' io si acuti,
azion picciola, al cammino,
iscia gli avrei ritenuti.
a poppa nel mattino,
nmo aie al folle volo,
stando del lato mancino.
45 Tutte le stelle g\k dell* altro polo
Vedea la notle, e '1 nostro tanto basso,
Che non surgeva fuor del marin suolo*
4&.Cinque volte racceso, e tante casso,
to lutne era di sotto dalla luna,
Poi ch' entrati eravain nell' alto passo,
45. Qiiando n' apparve una montagna bruna
Per la distanza, e parvenri alta tanto,
Quanto veduta non ne aveva alcuna.
46. Noi ci allegrainmo, e tosto tornô in pianto
Chè dalla nuova terra un turbo nacque,
E percosse del legno il primo canto.
4t4 I,*BNFER.
47. « Trois fois il le fit tournoyer avec toutes les eaux; à
la quatrième, il dressa la poupe eri haut, et en bas il en-
fonça la proue, comme il plut à un autre,
« Jusqu'à ce que la mer se refermât sur nous. »
47.Tre volte ilftginrGOii tutte Tacque, | B la prora ire in giù, eom' altrui jûicqiMi
Alla quarta ierar la poppa in suso, I
Infia che '1 mar fu sopra noi richiuio.
/' .
CHANT VIWGT-STXIÈME. 415
NOTES DU CHANT VINGT-SIXIÈME
Gianfa, Agnello Brunelleschi, Buoso degli Âbati, Puccio Sciancato et
isco Guercio Gavalcante, nommés dans le chant précédent.
Dante est supposé accomplir son voyage en 1300, et ce fut plus tard
ivèrent les malheurs dont il feint d'avoir eu la vision prophétique, et
rent la chute du pont de la Garraia, l'incendie de dix-sept cents mai-
't les cruelles discordes entre les Blancs et les Noirs, lesquelles eurent
ins Tannée 1504.
La grâce divine.
Dans les plus longs jours.
Quand vient le soir.
Le prophète Elisée, de qui la Bible raconte, que des enfants s'étant
s de lui, il les maudit, et qu'à sa malédiction deux ours sortirent d'un
>isin, et mirent en pièces quarante-deux de ces malheureux enfants.
8 Ne laisse voir le pécheur que la flamme enveloppe. » Nous dirions
! même sens : qu'elle dérobe à la vue.
Conseiller frauduleux.
Stace raconte, dans son poëme, que les corps des deux frères ayant
s sur un même bûcher, la flamme se divisa, comme si leur haine
ncore duré après la mort. (Thébàtde, xii, 430 et 431.)
Tous deux grands artisans de fraude.
Le cheval de bois, introduit par les Grecs dans Troie, et qui fut cause
erte, fut aussi celle de la venue d'Énée en Italie, et ainsi les Romains
ent leur origine.
Un oracle ayant déclaré que jamais Troie ne serait prise sans Achille,
parvint à le séparer de Déidamie, en lui cachant que le même oracle
ait qu'il mourrait devant cette ville.
Le Palladium était, comme on sait, une statue de Minerve, à laquelle
attachées les destinées de Troie. Ulysse et Diomède ayant pénétré
dans le temple où elle était gardée, l'enlevèrent, après avoir tué les
is.
VÉnéide.
416 L'ENFER.
15. Prés du mont Gircio ou Circello, situé entre GaSte et le cap d'Ântiam.
16. Du nom de sa nourrice, qui y fut ensevelie.
17. Il y a ici un souvenir d'Horace :
Qui... multoram proTidus urbes,
Et mores hominum inspexit; latumque per asqnor,
Dttm sibi, dum sociis reditum parât, «spera molta
Pertulit,
dit le poète latin, en parlant d'Ulysse. (ÉpitreSf liv. I, ép. 2.)
18. Â.ujourd'hui Geuta.
19. « Vous, à qui désormais il reste si peu de temps à vivre, ne refusez
pas de voir et de connaître cette partie du monde que le soleil éclaire aprèt
s'être couché pour nous. » Les anciens la croyaient inhabitée.
CHANT VINGT-SEPTIÈHfi.
417
CHANT VINGT-SEPTIÈME
Déjà la flamme droite et en repos avait cessé de parler^
signait de nous, avec la permission du doux Poète,
Lorsqu'une autre, qui venait derrière, attira mes re-
par un son confus qui sortait de sa cime,
uomme le taureau de Sicile qui premièrement, et ce fut
!, mugit les plaintes de celui dont la lime l'avait fa-
■ ?
Transformait la voix du tourmenté en mugissements,
te que, quoique d'airain, il semblait ressentir la dou-
Unsi, au commencement, ne trouvant dans le feu ni
i ouverture, les paroles douloureuses s'y changeaient
i propre langage*.
lais, lorsque montant elles eurent pris leur route par
ite, qui leur imprimait, au passage, les mêmes vi-
is qu'auparavant la langue,
CANTO VENTESIMOSETTIMO
dritta in su la fiamma e quêta,
1 dir più, e già da noi sen gia
licenzia del dolce Poeta ;
) un' altra, che dietro a lei venia,
I volger gli occhi alli sua cinia,
confuso suoa che fuor n' uscia.
bue Cicilian, che muggbiô prima
nto di colui (e ciô fu dritto)
vea temperato con sua lima,
4. Mugghiava con la voce dell' afflito.
Si che, con tuito ch' e' fosse di rame^
Pureel pareva daldolor Irafilto;
S.Cosi, per non aver via, né forarae
Dal principio nel fuoco, in suo linguaggio
Si convertivan le parole grame.
6. Ma posda ch' ebber colto lor vinggio
Su per la punta, dandole quel %ulvua
Che dalo aNea\aL\\n%\)A.YcvVïc ^^^'s.aa.^^Q.,
418 TENFEB.
7. Nous entendîmes ces mots : « toi, à qui ma voix
s'adresse, et qui parlais tout à l'heure lombard, disant :
— Maintenant, val de toi je ne désire rien de plus.
8. « Quoique un peu tard peut-être je sois venu, qu'il ne
le déplaise de t'arrêter et de parler avec moi ; vois, à mo»
cela ne déplaît, et je brûle.
9. «Si récemment dans ce menée aveugle tu es tombé de
cette douce terre latine, d'où j'ai apporté toute ma coulpe,
10. « Dis-moi si les Romagnols ont la paix ou la guerre;
car je fus des monts, là, entre Urbino et la montagae d'où
sort le Tibre '. » *
1 1 . J'étais encore baissé et regardais en bas, lorsque mon
Guide me toucha le côté, disant : « Parle, toi ; celui-ci est
Latin. »
12. Et moi, qui avais déjà la réponse prête, sans retard
je commençai de parler : — âme là-dessous cachée,
15. La Romagne n'est ni ne fut jamais sans guerre dans
le cœur de ses tyrans ; mais d'ouverte, aucune n'y ai-je
laissée.
14. Kavenne est ce qu'elle a été depuis maintes années;
là couve l'aigle de Polenta *, recouvrant Cervia de ses ailes.
15. La cité** qui jadis soutint la longue épreuve, et de
Français fit un monceau sanglant, est toujours sous les pat-
tes vertes • ;
T.Udimmo dire : tu, a cui io drizzo
L.1 voce, che parlavi rao lombardo,
Dicendo : Issa ten va, più non t' aizzo :
8. Percir io sia giunto Torse alquanto tardo,
Non t' incresca rislare a parlar raeco :
Vedi che non incresce a me, e ardo*
9. Se tu pur mo in quest» mondo cieco
Cadiito se' di quella doice terra
Latina, onde nnia colpa tutta reco ;
10. Dimmi se i Romagnuoli ban pace, o guerra;
Ch' i' fui de' monti la intra Urbino
E '1 giogo di che lever si disserra.
It.Io era ingiuso ancora attento e chino,
Quando '1 mio Duèa mi tentô di costa,
Dicendo : Parla tu, questi è Latino.
11. Ed io ch' avea già pronta la risposta,
Senza indugio a parlare inrominciai :
anima, che se' laggiù nascosta,
is.ltomagna tua non ë, e non fu mai,
Senza guerra ne' cuor de' suoi tiranni;
Ma palese nessuna or ven lasciai.
iVKavenna sta, corn' è staia moJt' anni :
L' aquila da Polenta la si cova.
Si che Cervia ricopre co' suoi vanni.
18. La terra che fe già la lunga prova,
E di Franceschi sanguinoso mucchio,
Sotto le branche verdi si ntrova.
CHANT VINGT-SEI'TIÈMÊ. 41»
16. Et le vieux Mastino, et le nouveau de Verrucchio ',
i cruels envers Montagna ^, enroncent encore les dents où
Is les enfonçaient.
17. La ville de Lamone et celle de Santerno • régit le
ionceau du nid blanc *•, qui change de parti de l'été à
hiver.
18. Et celle dont le Savio baigne le flanc ", comme entre
i plaine et le mont elle est sise, vit entre la tyrannie et la
Iberté.
19. Maintenant je te prie de nous dire qui tu es ; ne sois
»as plus dur que d'autres ne l'ont été, et que ton nom se
onserve dans le monde !
20. Après qu'à sa manière le feu eut un peu mur-
luré, la pointe aiguë d'ici et de là se mut, puis émit ce
9ufQe :
21 « Si je croyais répondre à quelqu'un qui dût jamais
etoumer dans le monde, cette flamme cesserait de se mou
oir.
22. « Mais puisque jamais, si ce qu'on dit est vrai, nul
e retourna vivant de ces profondeurs, sans crainte d'infa-
lie je te réponds.
23. « Je fus homme d'armes, et puis cordelier, croyant,
nme ceignant ainsi, expier mes fautes, et certes il en au-
ait été entièrement comme je le croyais,
•E iHastin vecchio, e 1 nuovo da Verruo-
Chefecerdi Montagna il malgoverno, [chio,
Là, doTe soglion, fan de' denti succhio.
• Le cittâ di Lamone e di Santerno
Conduce il lioncel dal nido bianco,
Che muta parte dalla state al verno :
- E quella a cui il Savio bagna il fianco,
<^osi com* eUa siè ira '1 piano e '1 monte,
Ira lirannia si vive e stato ft-anco.
>. Ora chi se' li prego che ne conte :
KoQ esser dure più ch' altri sia stato,
Se '1 nome tuo nel mondo tegna fronte.
SO.Poscia che '1 fuoco alquanto ebbenigghiato
Al modo suo, l' aguta punta mosse
Di qua, di là, è poi diù cotai iiato :
SI. S' io credessi che mia risposta fosse
A persona che mai tornasse al mondo,
Questa fiamma staria senza più scosse :
SS.Ma perciocchè giamraai di questo fondo
Non tornù vivo alcun, s'i'odo il vero,
Senza tema d'infaihia ti rispondo.
SS.rfui uom d'arme, e poi fu'cordigliero,
Credendomi, si dnto, fare ammenda:
E certo il creder mio veniva intero;
420 L'EIIFER.
24. « N*eût-ce été le grand Prêtre ", à qui mal en
prenne, qui me replongea dans mes premiers méEûts:
comment et pourquoi, je veux que tu l'entendes.
25. « Pendant que je lus la forme d'os et de chair que
ma mère me donna, mes œuvres ne furent pas d'un lioo,
mais d'un renard.
16. (( Les sourdes pratiques et les voies couvertes, je te
sus toutes, tellement que le bruit en parvint jusqu'au boBt
de la terre.
27. « Quand je fus arrivé à ce point de mon âge, où ciia-
cun devrait abaisser les voiles et serrer les cordages,
28. « Ce qui premièrement me plaisait, alors me pesa;
repentant et confes je me fis : et bien, hélas 1 m'en serais^
trouvé, pauvre misérable!
29. « Le prince des nouveaux Pharisiens avait la guem
près de Latran ^', et ni avec les Sarrasins, ni avec ki
Juifs :
30. « Étaient chrétiens tous ses ennemis, et aucun n'a-
vait aidé à prendre Acre, ou trafiqué dans la terre di
Soudan^*.
31. « Ni l'office suprême, ni les ordres sacrés il ne re-
garda en soi, non plus qu'en moi le cordon qui jadis amai-
grissait ** ceux qui s'en ceignaient.
24. Se non fosse il granPrete, a cui mal prenda,
Che mi rimise nelle prime colpe;
E corne, e quare voglio che m'intenda.
SS.Mentre ch' io forma fui d' ossa e di polpe,
Che la madré mi die, 1' opère mie
Non furon léonine, ma di volpe.
S6.Gli accorgimenti e le coperte vie
Io seppi tutle ; e sf menai lor arte,
Ch' ai iine délia terra il suono uscie.
27. Quando mi vidi giunto in quella parte
Di raia età, dove ciascun dovrehbo
Caiar le vêle e raccogtier le sarte;
SS.Ciô che pria mi piaceta, alU»' m'iacrekK
E pentuto e confesse mi rendei,
Ahi miser lasso ! e giovato sarebbe.
S9.Lo Principe de* nuovi Farisei
Avendo guerra presse a Latemo
(E non cen Saracin, né con Giadd;
30. Ché ciascun sue nemico era GristiaBOb
E nessuno era stato a vinccr Acri.
Né mercatante in terra de SoMano).
Si. Ne somme ufîcie, ne ordini saeri
Guardô in se, ne in me quel capaM
Che solea far li suoi cinti più
'<
i: .
CHANT yiNGT>SEPTIÈME. 421
32. c( Mais comme Constantin manda Sylvestre d'au de-
ans du Siratti^*, pour guérir sa lèpre, ainsi me manda-t-il
omme médecin,
33. « Pour guérir sa fièvre de superbe. Il me demanda
onseil, et je me tus, ses paroles me paraissant ivres.
34. « Il reprit : — Que ton cœur ne craigne point; dès à
résent je t'absous. Enseigne-moi conunent je jetterai bas
alestrina *''.
35. « Je puis^ comme tu sais, ouvrir et fermer le ciel;
w doubles sont les clefs qui point ne furent chères à
ion prédécesseur **.
36. « Alors me poussèrent les graves arguments là oà
i taire me parut le pis, et je dis : — Père, puisque tu me
ves
37. a De ce péché, où je dois maintenant tomber, longue
*omesse et court effet ^' te fera triompher sur le haut
ége. —
38. a Ensuite, quand je fus mort, François me vint cher-
ler ; mais un des anges noirs lui dit : — Ne l'enlève point,
i me Dais pas tort ;
39. « En bas, parmi mes serfs, il doit venir, parce qu'il
)nna le conseil frauduleux, depuis quoi je le tiens aux
'ins. »
Ib corne Costantin ehiese Silvestro
Iteotro SiraUi a goarir délia lebbre;
Coii mi ehiœ questi per maestro
A gnarir délia sua superba febbre :
Doinandommi consiglio, ed io tacetti,
Pnchè.le sue parole parver ebbre.
B poi mi disse : Tuo cuor non sospelti:
PiiMHr t' assolvo, e tu m' insegna fare
Si corne Penestrino in terra gelti.
Lo ciel posa* io serrare e disserrare,
Come tu sai; perô son duo le chiavi,
Cite il mio antecessor non ebbe care.
S0.A]]or mi pinaer g^i argomenti gravi
Là 'Te 'il tacer mi fu awiso il peggio
E dissi : Padre, da che tu mi lavi
87. Di quel peccato, ove mo vader deggio
Limga promessa con l' attender corto
Ti fari trionfar neU' alto seggio.
SS.Francesco venne poi, com io fu' morto
Per me; ma un de' neri Gherubini
Gli disse : Nol portar; non mi far torto.
S9. Venir se ne dee giù tra' miei meschini,
Percbè diede il consiglo frodolente,
Dal quale in qua slato gli sono a' crini:
». I.
^1^
42;
L'ENFER.
40. « Absous ne peut être qui ne se repenl, et à la f
vouloir et se repentir ne se peut, à cause de la contrad
tion, qui point ne le permet. —
41. c( malheureux! comme je tressaillis lorsqu'il i
prit, disant : — Tu ne pensais pas, peut-être, que je fa*
logicien...
42. « Il me porta devant Minos; et celui-ci, après av(
huit fois roulé sa queue autour de son dos endurci, et
l'être mordue de rage,
43. « Dit : — Ce pêcheur est de ceux que le feu dérobée
Par quoi là où tu vois perdu suis-je, et ainsi vêtu, gémi
sant je vais. »
44. Lorsque de la sorte il eut achevé son dire, la flamni
douloureuse s'en alla, agitant «t tordant sa fiammeaigoc
45. Mon Guide et moi nous passâmes outre, par-dessu
le rocher, jusque sur l'autre arche, qui recouvre la
où payent leur dette
Ceux qui, en semant la division, chargent leur âme.
O.Ch' assolver non si puô, chi non si pente;
N - pentere e volere insieme pvossi,
Per ia contraddizion che aol oonaente.
41.0 me dolente! corne mi riscossi
Quando rai prese, dicendorai : Forse
Tu non pensavi ch'io loico fossi!
41. A Hinos mi portù : e quegli attorse
Otto volte la coda al dosso duro;
Ë, poichè per gran rabbia la si morse,
43. Disse : Questi è de' rei del fuoco furo:
Perch' io là dove vedi son perdulOi
E si vesiito andando ni rmenrt*
44. Quand' «gli ebbe il mo diroosi
La tiamma dolorando si pertio,
Torceado e dibatlendo 1 eoivo ap^
45.Noi passamro' ollre ed io e il DadM*
Su per Io scoglio inlino in lO r«lr'«'*
Cbe copre '1 fusse, in che si (Mf* '*
Aquei che scommettendo, acqoiit»^
' I ■ .'
CHANT VINGT-SEPTIÈME. 4Ï3
NOTES DU CHANT VINGT-SEPTIÈME
1. Le taureau d'airain de Pbalarîs, où le tyran fit brûler TAthénien Pé>
iy qui Tavait fabriqué et lui en avait fait don.
3. Se confondaient avec le murmure de la flamme elle-même.
5. a De cet endjroit des monts, situé entre Urbino et la source du Tibre, »
it-à-dire de Monte-Feltro.
4. La famille de Polenta, quk rait un aigle dans ses armoiries, et pos-
tait Ravenne et Cervia.
5. Forli. Après un long siège qu'elle soutint contre une armée envoyée
: Martin lY, et composée en majeure partie de Français, le comte Guido
Kt les assiégeants avec un grand carnage.
6. « Appartient toujours aux Ordelaffi, » qui avaient pour armes un lion
rt.
7. Les deux Malatesta, père et fils, seigneurs de Riniini. Ils sont ici
pelés Mastini, mâtins, à cause de leur cruauté, et dits « de Verrucchio^ d
irce que ce château fut donné par les Rirainiens au premier des Malatestu.
8. Ils le firent mettre à mort, comme chef des Gibelins dans le pays.
9. Faénza, située près du Lamone, et Imola, près du Santerno.
iO. Mainardo Pagani, dont les armes étaient un lionceau azur en cbanip
anc.
^1. Césène, baignée par le fleuve Savio.
12. Boniface VIII.
^3. Était en guerre avec les Colonne, qui habilaienl près de Saint-Jean
e Utran.
14. Ne s'était joint aux Sarrasins qui assiégeaient Acre, ou ne leur avait
*ndu des vivres et des armes.
15. A cause de l'austérité de leur vie.
^ '6. Le pape saint Sylvestre, fuyant la persécution suscitée contre les
chrétiens, s'éUiit leachc dans une caverne du monl ^\WiV\\, «^\v\o\yc^\v\\\\^
424
L'ENFER.
mont Saint-Oreste, d'où, suitanl la léj^cnde, Constantin le fit venir pour gaéhr
sa lèpre.
47. L'ancienne Préneste, qui appartenait aux Colonne.
18. Gélcstin V, qui, en abdiquant la papauté dont les doubles clefs sont
le symbole, montra qu'il tenait peu à cette haute dignité.
J 19. Beaucoup promettre et tenir peu.
i 20. Dérobe i Iff tue, cache en les enveloppant.
nt
■«•r
CHiLNT VINGT-HUITIÈME.
425
CHANT VINGT-HUITIÈME
1. Qui, même en prose, et dans un récit plusieurs
m répété, pourrait dire tout ce que je vis de sang et de
laies?
2. Aucune langue qui ne défaillit, à cause des bornes et
e notre idiome, et de Tesprit, trop étroits pour tant con-
înir.
5. Si on rassemblait tous ceux qui jadis dans la malheu-
îuse terre de Fouille pleurèrent leur sang versé
4. Parles Romains, dans la longue guerre^ où des dé-
ouilles fiit fait un si haut amas d* anneaux *, comme l'écrit
ivius, qui n'erre point;
5. Et tous ceux qui des blessures ressentirent la dou-
înr en combattant contre Robert Guiscard'; et les autres*
ont on recueille encore les ossements
6. A Ceperano', où chaque Pouillois fut menteur •, et à
agliacozzo, où sans armes vainquit le vieil Alard'^;
CANTO VENTESIMOTTAVO
^•Chi poiiia mai pur con jparole sciolte
^eer del saogua • délie piaghe appieno,
^' i* ora Tidi, per narrar.più volte?
'•Ogoilingua percerto verria meno
'çr lo nofttro sermone e per la mente,
V hanno a tanto comprender poco seno.
••8e l' idunasse ancor tutla la gente,
Che gii in su la fortunala terra
NPoglie fu del suo sangue dolenla
4. Per li Romani, e per la lunga gnerra
Che dell' annella fe si alto spoglie,
Corne Livio scrive, che non erra ;
5. Con quella che senlio di colpi doglie,
Per contrastare a Roberto Guiscardo;*
E l'altra, il cui ossame ancor s' accoglie
6. A Ceperan, là dove fu bugiardo
Ciascun Ptigliese, e li da Tagliacozzo
Ove senz' arme vinse il vecchio Alardo ;
24.
426
L'ENFER.
7. Et que l'un montrât ses membres percés, l'autre mu-
tilés, ce ne serait rien près de ce qu'offre d'horrible la neu-
vième bolge.
S. Nul tonneau, fuyant parla barre ouïes douves, n'est
aussi troué qu'un damné que je vis, fendu du menton jus-
que là d'où les vents s'échappent.
9. Entre les jambes pendaient les boyaux : à découvert
était la courée*, et le dégoûtant sac où en excréments se
transforme ce qu'on mange.
10. Tandis que sur lui je tenais mes yeux fixés, il me re-
garda, et avec la main s'ouvrit la poitrine, disant : « Vois
comme je me déchire.
1 1 . c( Vois comme dépecé est Mahomet : devant moi
Ali' va pleurant, le visage fendu du menton jusqu'à la che-
velure.
12. « Tous ceux qu'ici tu vois furent, de leur vivant, Je^
semeurs d(3 scandale et de schismes ; et pour cela sont-il^^
fendus de la sorte.
13. « Là derrière est un diable qui cruellement ainsi
nous schismatise*'^, remettant chacun de nous au tranchant
de l'épée,
14 « Lorsque nous avons parcouru le triste circuit le?
blessures se refermant, avant que nous revenions devant
lui.
7. E quai Tomto suo membro, e quai mozzo
Mosirnsse. d' iigguagiiar sarebbe nuUa
ii modo délia nona bol<;ia sozzo.
8.Già veggia, per mezzul perdere o lulla,
Com' io vidi un, cosi non si pertugia,
Rolto dal nnento insin dove si truila.
9.Tra le gambe pendevan le minugia ;
La corata pareva, u M tristo sacco
Che^erda fa di quel che si trangugia.
. Mentre che tutto in lui veder m' attacco,
Guardommi.e con leman s'aperse il petto,
Dicendo : Or vedi, eome io mi dilacco:
ll.Vedi corne storpiato è Maomelto.
Dinanzi a me sen va piangendo Ali
Fesso nel vollo dal mento al'ciuffetto:
12. E tutti gli altri, che tu vedi qui,
Seminator di scandalo e di soisma
Fur vivi, e perù son fessi cusi.
15. Un diavolo i* qua dieiroche n' accism*
Si crudelroente, al l.igliu dfila spada
Riniettendo ciascim di quesia nsina,
14. Quando avotii voit;i la dolente strada;
Peroccbè If ienie son richiu$«'
Prima ch" altri dinariM II nvad.t.
CHANT VINGT-IIUITIÈME. 427
( Mais qui es-tu, toi qui là-haut t'arrêtes sur la
Deut-être pour retarder le supplice auquel le jijge-
ononcé sur toi te condamne d'aller? »
— Ni la mort, répondit mon Maître, ne Ta encore
ni pour être tourmenté aucune coulpe ne l'amène;
in qu'il en ait une pleine connaissance,
< Je dois, moi qui suis mort, le conduire à ti*avers
de cercle en cercle, jusqu'au fond : et cela est
ai qu'il l'est que je te parle. »
I y en eut plus de cent qui, lorsqu'ils l'entendirent,
cnt dans la fosse pour me regarder, par l'étonne-
straits de la souffrance.
Or donc, toi qui bientôt peut-être reverras le
s à fra Dolcin ^^ que, s'il ne veut pas prompteuient
e ici,
II se pourvoie de vivres, de telle sorte que la neige
ne donne pas au Novarais la victoire, autrement
e. »
iprès avoir, pour s'en aller, levé un pied, Maho-
dit ces paroles ; puis, en avant le posant à terre,
\n autre qui avait le gosier percé, et le nez coupé
-dessous des sourcils, et une seule oreille,
e' chc in su lo scoglio muse»
ndugi;u" d'ire .-dla pena,
cal.i in su le lue accuse?
giunse aiicor, ne colpa ii mena,
nio Maestro, a tormentailo ;
* lui esperienza pieua,
morlo son. couvien menarlo
no quai:<,'nj di giro in giro:
ver cosi coiit'io li pariu.
eento clie (|uandi) i'iidiro,
n nel fosso a riguardarmi,
{lia obliando il luartiro.
19. Or di a fra Dolcin dnnque che s'armit
Tu che forse vedrai il soie in brève,
S'egli non vuoi qui losto seguilarmi,
20. Si di vivanda, cbe stretta di neve
Non rechi la vittoria al Nuarese,
Cir altriinenti acquistar non saria levé.
SI. Poirhè l' un piè per gir.<iene sospese,
Maometlo mi disse esta parola ;
Indi a parlirsi in terra lo dislese.
22. Un altro che fonda avea la gola,
E Ironco '1 naso inlin sotto le ciç^lia,
E non avea ma che un' oreccliia sola;
i
428 L'ENFER.
23. Et que l'étonnement avait retenu avec les autres
pour me regarder, avant les autres ouvrit le tuyau " qui
de toute part en dehors était rouge,
24. Et dit : « toi qu'aucune coulpe ne condamne, el
que déjà j'ai vu là-haut, dans la terre latine, si ne me
trompe une grande ressemblance,
25. « Souviens-toi de Pierre de Medicina ", si jamais
tu revois la douce plaine qui de Verceil à Marcabo d&
cline ** !
26. a Et aux deux meilleurs de Fano, messer Guido et
Angiolello, fais savoir que, si la prévision ici n'est pas
vaine,
27. « Ils seront jetés, une pierre au cou, hors de leur
vaisseau, près de la Cattolica, par la trahison d'un cruel
tyran**.
28. « Entre Vile de Chypre et celle de Majorque, jamai?
Neptune ne vit si grand crime commis, ni par des pirates,
ni par des gens de l'Ârgolide.
29. « Ce traître, qui ne voit que d'un œil, et en son pou-
voir a la terre, que tel qui est ici avec moi voudrait n'avoir
jamais vue,
30. « Les fera venir pour conférer avec lui, puis fera en
sorte qu'ils n'aient besoin ni de vœu, ni de prière coatre
le vent de Focara*'. »
SS.Re8Uto a riguardar per maraviglia
Gon gli altri, innanzi agli altri apri la canna,
Ch'era di fuor d'ogni parte vermiglta:
t4. E disse : tu, cui colpa non condanna,
E cui già vidi su in terra latina,
Se troppa simiglianza non m'inganna»
tB.Rimembriti di Pier da Medicina,
Se mai torni a veder lo doice piano,
Cbe da Tercello a Marcabô dichina.
S6.Efa sapere a' duo miglior di Fano,
A messer Guido ed anche ad Angiolello,
Che, se l'anti^eder qui non i Yano,
f T.Gitlati saran fuor di lor Tasdlo,
E nuuserati presse alla CattoÛkâi,
Per tradimento d' un tiranno feUo.
SS.Tra r isola di Cipri e di Maioliea
Non vide mai si gran fallo Nettmo,
Non da Pirati, non da gente ArgoKea.
19. Quel tradiior cbe Tede pnr con Vm»,
E tien la terra, che tal è qui raeco
Yorrebbe di vedere esser digiuBO,
SO.Fari venirti a parlamento seco:
Poi farà si, ch' al vento di Focara
Non fari lor mestier toco né preeo.
CHANT VINGT-HUITIÈME. 429
Et moi à lui : — Si tu veux que de toi là-haut je
louvelle, dis-moi quel est celui à qui de cette terre
a été amère, et montre-le-moi.
Alors il mit la main sur la mâchoire d'un de ses
;nons, et la lui ouvrit, criant : « C'est celui-ci, et il
e point :
a Ce chassé étouffa le doute en César "^ affirmant
férer nuisait toujours à qui était prêt. »
combien Curion consterné me paraissait, avec
^e coupée dans le gosier, lui qui à parler fut si
Et un autre, mutilé des deux mains, levant les moi-
dans Tair obscur, de sorte que le sang lui souilla la
Cria : « Ressouviens-toi aussi de Mosca *', qui dit,
Fin a chose faite; ce qui, chez les Toscans, fut la
ise semence... »
J'ajoutai, moi : — Et la mort de ta race... Sur quoi,
sur pleurs versant, il s'en alla comme une personne
e sens à force de tristesse.
Je restai, moi, à regarder la bande, et je vis
lose que seul, sans preuve, je n'oserais racon-
Ini : Dim(M|trami e dichiara,
ch' io porti su di te novella,
idui dalla veduta amara.
»e la manu alla mascella
no compagno, e la bocca gli aperse
Io : Questi ô desso, e non favella :
seacciato, il dubitar sonunerse
re, affermando che il fornilo
I con danno V attendcr sofferse.
to mi parera sbigottito,
lingua tagliata nella strozza,
ch' a dieer fa cosi ardilol
85. Ed un ch' avea 1* una e 1* altra man mozsa»
Lerando i moncher in per l'aura fosca.
Si che '1 sangue facea la faccia sozza,
Sô.Gridô : Ricordera' ti anche del Mosca,
Che dissi, lasso! Capo ha cosa fatta:
Che fu il mal semé délia gente tosca*
ST.Ed io v'aggitmsi : E morte di tua schiatta;
Perch' egli accumulando duoi con duolo,
Sen gio coma persona trista e matta.
58. Ha io rimasi a riguardar Io studo
E vidi cosa ch' io avrei paura,
Senxa più pruoNSui À\ cnttXaxSa. WkVk\
430 yENFIÇR.
39. Si ne me rassurait la conscience, cette bonne com-
pagne qui, se sentant pure, sous cette cuirasse rend rhomme
courageux.
K Je vis certainement, et il me semble encore le voir,
un buste sans tête aller comme allaient les autres du triste
troupeau.
41 . Avec la main il tenait, par les cheveux, la tête pen-
dante, en façon de lanterne, et la tête nous regardait et
disait : « moi ! »
42. Il se faisait de soi-même une lampe, et ils élaienl
deux en un, et un en deux ^*. Comment cela se peut, le sait
celui qui ainsi Tordonnc.
45. Quand il fut droit au pied du pont, en haut ave(
le bras il leva la tête, pour rapprocher de nous ses |)a-
rôles,
44. Qui furent : « Vois la peine cruelle, toi qui, vivant,
vas regardant les morts ; vois s'il en e$t aucune aussi grande
que celle-là.
45. « Et pour que de moi tu portes nouvelle, sache que
Je SUIS Bertrand de Bornio ^ , celui qui donna au roi Jean
les encouragements mauvais.
' 46. « Je rendis ennemis le père et le fils : d*Absalon el
David ne fit pas plus Achitophel par ses méchantes insu
gâtions.
39. Se non ciie cooscienaa m' assicura, [gia,]
La buona compagnia che l' uotn firancheg-
Sotto l'osbergo delaenliisi pura.
kO.V vidi certo, ed ancor par ch* io 'I veggîa.
Un busto senza capo andar, si come
Andavan gli altri délia tri^a greg^a.
ii.Ë il ca{vo tronco tenea par le cbioine
Pesol con mano a guisa di lanterna,
E quei mirava noi, e dicea : me !
42* Di se faceva a se stesso lucema,
Ed eran due in uno, ed uno in due :
Com' easer puù. Quei sa che &\ ^oNeTtA.
4S.Quando dirittoappiè del ponte 6»,
Levù '1 braccio alto con tuUa la testa»
Per appressarne le parole sue,
ii.Che furo : Or vedi la pena molesta
Tu che, spirando, vai ve<:g(>ndo i moc^
Vedi s* alcuna è grande cum« (|uesla*
45. E peix:hê tu di me noveil.i porii,
Sappi ch' i* sun Berlrani dal Boruiu^ q *
Ch' al Ke Giovane diedi i um conforti
46. le feci '1 padre e '1 figlio in se ribelJi -
Acliitofel non fe più d' AI)salone
V\d\V\A\id co' malvagi pungelli.
CHANT VINGT-HUITIÈME. -431
47. « Pour avoir divisé des personnes si proches, je
»rte, malheureux, mon cerveau séparé du principe de sa
e, qui est dans ce tronc.
« Ainsi en moi s'observe le talion. »
Percii' io ptrtii cosi niuiile penoaa, i Bal tuo prindpio, eh* è \i %omU> troneoM.
Partito porto il ado cerebro, lasso f |
Coti s* «Merva in me lo contrappasso.
432 L'ENFER.
NOTES DU CHANT VINGT -HUITIÈME
1. La seconde guerre Punique.
2. Après la bataille de Cannes.
5. Robert Guiscard, frère de Richard, duc de Normandie, chassa les Sar-
rasins de la Sicile et de la Pouille après de sanglants combats.
4. Ceux qui périrent dans la première bataille entre Manfred et Charles
d'Anjou.
5. Lieu situé sur les confins de la Campagne de Rome, près du Hoot-
Cassin.
6. Manqua de foi au roi Manfred.
7. Charles d'Anjou, combattant à Tagliacozzo, château de TAbrozze ulté-
rieure, contre Conradin, neveu de Manfred, dut la victoire à un conseil que
lui donna A lard de Yaléri, lequel ainsi a vainquit sans armes. »
8. Le mot couréCy en italien corala, appartient à notre ancienne laogae,
et est encore en usage dans quelques provinces, notamment en Bretagne, où
Ton dit : une courée de bœuf, de veau, de mouton, etc., c'est-à-dire le cœur,
le foie, les poumons; en un mot les viscères supérieurs.
9. Meveu de Mahomet, dont les sectateurs se séparent des autres mu-
sulmans.
10. Nous conservons ce mot pittoresque, créé par Dante pour peindre le
châtiment des auteurs de schismes. On sait que le mot schisme signifie divi"
sion, séparation.
11. Ermite, qui prêchait la communauté des biens, et des femmes mêm®/
Suivi par plus de trois mille hommes, il vécut longtemps de pillage. Rédti^^
enfin à s'enfermer dans les montagnes du Novarais, dépourvu de vivres* ^^
assiégé par les neiges, il fut pris et brûlé avec Marguerite, sa compagne.
12. Le tuyau de la gorge ensanglanté au dehors.
13. Lieu situé dans le territoire de Bologne.
14<. A partir de Verceil dans une longueur de plus de deux cents mill^'
la plaine de la Lombardie va s'abaissant jusqu'à Marcabo, à l'emboucb^'^
du Pô.
15. Messer GuidodelCassero, et Angiolello da Cignano, engagés par l'abo^**
nable tyran de Rimini, ^aVaVe^Va, «ln^uvc çaw^^tt'c vi<î,c lui à la Cattolica, cl*^'
Cïlk'ST TINGT-HUITIËME. 453
i yoisin de Ri mini, et s'y rendant par mer, furent noyés sur Tordre de ce
istrc de scélératesse.
6. Mont situé près de la Cattolica, et d'où sortent des vents si impé-
ax, qu'ils sont fréquemment pour les mariniers une occasion de vœux et
prières.
7. Gurion, banni de Rome, décida César, qui hésitait encore, à passer le
)icon.
8. De la famille des Uberti, d'autres disent des Lamberti. Buondelmonte
Buondelmonti, séduit par les flatteries d'une femme de la famille des
lati, épousa sa fille, manquant ainsi à rengagement qu'il avait pris d'en
luser une autre de la famille des Âmidei. Ceux-ci le firent tuer pour ven-
cet affront, et ce fut Mosca qui conseilla et exécuta le meurtre. Il y
ida les Âmidei par cette espèce de dicton que Dante rappelle : Capo ha
a fatta. « Fin a chose faite. » Ce meurtre « chez les Toscans fut la mau-
se semence, » c'est-à-dire la semence des discordes civiles qui bientôt
es désolèrent Florence divisée en deux partis, le parti Guelfe et le parti
tel in.
19. Deux en un, parce que les deux parties séparées ne faisaient qu'un
nme; un en deux, parce que cet homme unique était séparé en deux
rlies.
20. Gouverneur de Jean, fils de Henri, roi d'Angleterre; pendant le s^
u de ce jeune prince à la cour de France, il le poussa à se soulever contre
o^re.
** ^Ji
434
L'ENFER.
CHANT VINGT-NEUVIÈME
1 . La gent nombreuse et les plaies diverses avaient tel
ment enivré mes yeux, que vivement je désirais m'arri
pour pleurer;
2. Mais Virgile me dit: « Que regardes-tu? Pourquoi ta
là en bas, ta vue se fixe-t-elle sur les tristes ombres mutiléi
3. « Tu n'as pas ainsi fait dans les autres bolges. Si
crois les compter, pense que vingt-deux mille toumeiitdî
la vallée.
4. « Déjà la lune est sous nos pieds : peu reste dcsorDU
du temps qui nous est accordé, et autre chose, que tu i
vois pas, est à voir encore. »
5. — Si tu avais, répondis-je aussitôt, considéré poo
quoi je regardais, peut-être m'aurais-tu pardonné de m'ai
réter.
6. Cependant il s'en allait, et derrière lui j'allais, ains
répondant au Guide, et ajoutant : — Dans cette cave,
CANTO VENTESIMONONO
I.La molta gente e le diverse piaghe
Avean le luci mie si innebriate,
(ihe dello stare a piangei-e eran vaghe.
{.Ha Virgilio mi disse : Ghe pur guate?
Perché la vista tua pur si sofTolge
Laggiù tra l'ombre triste smozzicate?
S.Tunon hai fatto si ail' alire bolge :
Pensa, se tu annoverar le crrdi.
Cbe miglia ventiduo Jo valle volge;
4. E già la luna ë sotto i nostri piedi :
Lo tempo è poco ornai cbe n' è coMtA
Ed altro è da veder che tu noa ^eà
5. Se lu avessi, rispos' ioappresso,
Atleso alla cagion perch' io KoardtiL
Perse m'avresli anoor loslar "" ""
6. Parte sen gia : ed io relro gli màtf*»
Lo Ducj, già faccendo la lisposia,
Esoggiuu'iiendo : Dentro a qudiacaa
CHA5T T15GT.5EUVIÈÎIE.
Cft
7. OÙ si attaché je tenais mes yeux, je crois qu'un es-
iprit de mon sang pleure la coulpe, qui là coûte si cher.
8. Lors le Maître dit : « Ne fatigue {H>int de lui plus
longtemps ta pensée^; porte sur uu autre ton attention, et
laisse-le là ;
9 . a Car, au pied du pont, je l'ai vu te montrer, et fortement
te menacer du doigt, et je l'ai ouï nommer Geri del Bello\
10. <c Tu étais lors si occupé de celui qui eut en garde
Altaforte', que de ce côté lu ne regardas point, jusqu'à oo
qu'il fut parti. »
H. — Maître, dis-je, sa mort violente*, non encore
vengée par quelqu*un de ceux qui en partagent la honte,
12. L'a courroucé; à cause de cela, je présume, il 8>n
est allé sans me parler : et ce faisant, il m'a pour lui rendu
plus pitoyable.
13. Ainsi discourômes-nous jusqu'au premier lieu où^
du haut de la roche, on découvrirait l'autre vallée jusqu'au
fond, s'il y avait plus de lumière.
14. Quand nous fûmes au-dessus du dernier cloitre du
Malcbolge, de sorte que ses convers notre vue pouvait dis-
cerner,
15. Des cris divers et lamentables me frappèrent comme
ies traits dont la pointe blessait de pitié ; par quoi, avec Ich
mains je me couvris les oreilles.
<-
t
^•IH>v'io tmeva agli oeebt liposta,
Cradoehe un spirto dd mio samnie pianga
U floipa clie lâggîù cotanlo cotia.
S-AHor disM 1 MMstro : Ron M franica
^tQO|MBiierda «pu'juaaxi sovr'dlo;
AteuU ad altro, edaî liatriiMHiga.
•iUi'io ndi hû a pië dd poMiedlD
Koitnrti. e mmaedar forte col dito,
E Qdi' 1 DooMnar Geri dd B«ilo.
t
10. Tu eri allar si dd tutio impediio
tovra colni die gâ tame Alialwt«r.
Che BOB guardaili n là, lî fu partiio.
liO Ouea mio, la fiobla floorte
Che non gli b vandfeata ênettr, db*' k»,
Per aJcun cbe d«U' oiila »ia inmttortti,
II.Fece lui ditdegWMo: oimIh wn nh,
Senza parUrtm, «I kmh' lo «iinio,
Kd m ci6 m' ba «I fait» « m |«iii ji^>
IS.Cofti pailanimo intino «I lii/»Ko fittiwi
Ch« ddlo«C'»gU<» TaHr» vall#t m/Mir»,
Un pf6 himi vi foM«, totio «d ttrut.
P<4i:an par«f« alb v«f<lMti iMHkifj,
t.lm di PKI4 Uitt »it imuM %h Mrall:
436
L'ENFER.
16. Telle que serait la douleur, si des hôpitaux deVal-
dichiana^, entre juillet et septembre, et de la Maremme, et
de la Sardaigne, les maux
17. En une seule fosse étaient tous rassemblés, telle
elle était là ; et il s'en exhalait une puanteur semblable à
celle des membres pourris.
18. Nous descendîmes sur le dernier bord du long ro-
cher, à main gauche, et alors ma vue pénétra
19. Plus avant vers le fond, où, minisire du haut Sei-
gneur, l'infaillible justice punit les falsificateurs, que là elle
registre*.
20. Je ne crois pas que plus triste à voir ait été, en
Égine', le peuple tout entier malade, — quand Tair devint
si pernicieux,
21. Que les animaux, jusqu'au plus petit ver, périrent,
et qu'ensuite, comme les poètes le tiennent pour certain,
l'antique population
22. Se reproduisit de la semence de fourmis, — que triste
était de voir, dans cette obscure vallée, languir les esprits,
amoncelés çà et là.
23. Tel sur le ventre, tel sur les épaules d'un autre gi-
sait, et tel à quatre pattes se traînait par le triste sentier.
24. Pas à pas ils allaient sans parler, regardant et écou-
tant les malades qui ne pouvaient se lever.
16. Quai dolor fora, se de^U spedali
Di Valdichiana ti a 'I iuglio e 'I settembre,
E di Maremma e di Sardigna i mali
IT.Fossero in una fossa tutti insembre;
Tal era quivi, e tal puzzo n' usciva,
Quai suole uscir délie marcite membre.
i8.Noi discendemmo in su I' ultima riva
Del lun<;o scoglio, pur da man sinistra,
E allor fu la mia visla più viva
19. Giù ver lo fondo. dove la ministra
Oeir allro Sire, inrallibil giusli^ia,
Punisce i falsator che qui rcgistra.
20. Non credo ch'a vedermaggior tristizia
Fosse in Egina M popol tutto inArmo,
Quando fu 1* aer si pien di malifia,
Sl.ChegU animali, iniino al picciol Teroo,
Cascaron tutti, e poi le genti anticbe,
Secondo che i poeti hanno per fermo,
Jî.Si ristorar di semé di formichei
Ch'era a Teder per quella oscuni fale.
Languir gh spii ti per diverse bicbe*
f 5. Quai sovra '1 ventre, e quai sovra le spA
L' un dell' altro giaccei, e quai carpoiM
Si trasmutava per lo trislo calle.
Si.Passo passo andavam sema sennoM,
Guardando ed ascoltando gli anunalati.
Che non potén levar le lor persooe.
CHANT VINGT-NEUVIÈME. 437
25. J'en vis deux assis, appuyés l'un contre Tautre,
comme s^appuient des bassines à tenir chaud, et, de la
tête aux pieds, souillés de croûtes.
26. Jamais je ne vis valet que son maître attend, ou
celui qui mal volontiers veille, mouvoir Tétrille
27. Aussi vite que chacun de ceux-là mouvait sur soi le
tranchant de ses ongles, à cause de la rage du prurit de-
venu insupportable :
28. Et les ongles en bas raclaient la gale, comme le cou-
teau les écailles du scardove, ou d'un autre poisson qui en
ait de plus larges.
29. « toi! dit mon Maîlre à Tun d'eux, qui te dé-
chirés avec les doigts, et parfois en fais des tenailles,
30. « Dis-nous si parmi ceux d'ici dedans est quelque
Latin ; et que les ongles éternellement te suffisent à ce tra-
vail! »
31 . « — Nous sommes Latins, nous deux que tu vois si
déformés, répondit lun d'eux en pleurant. Mais toi, qui
es-tu, qui t'enquiers de nous? »
32. « — Je suis un qui descend de précipice en précipice,
avec ce vivant, pour lui montrer l'Enfer. »
35. Alors, cessant de se prêter un mutuel appui, chacun
d'eux, tremblant, se tourna vers moi, avec les autres vers
qui la voix avait rebondi.
SS.P vidi duo sedere a se poggiati, [ghia.]
Come a scaldar s'appoggia tegghia a teg-
Dal capo a' piè di scbianze maculati :
S6. B non vidi giammai menare stregghia
Da ragaszo aspettato d;il signorso,
Né da celui che mal volentier vegghia;
yr.Comeciascun mena va spesso il uiorso
Dell' unghie sovra se par la gran rabbia
Bel pizzicor, che non ha più soccorso.
S8.Esi traevan giù 1* unghie la scabbia,
Come collel di scardova le scaglie,
O d'allro pesée che più larghe 1' abbia.
19.0 tu che colle dita ti dismaglie,
Cominciô M Duca mio ad un di loro,
E che fai d' esse talvolla tanaghe,
SO.Dimmi s' alcun Laimo è Ira costoro
Che son quinc' enlio, se V unghia ti basti
Eternalmente a cotesto lavoro.
Si. Latin sem noi, che tu vedi si guasti
Qui atnbodue, rispose T un piangendo:
Ma tu chi se', che di noi dunandasli?
52. E 'I duca disse : F son un che discendo
Con questo vivo giû di balzo in balzo,
E di moslrar i' Inferno a lui intendo.
SS.Ailor si ruppe lo cumun rincalzo,
E treniandu ciascuno a me si volse
Con allri che l' udiron di rimbalzo.
438 L'ENFER.
34. Tout près de moi le bon Maître s'approcha, disant :
« Deniandc'4eur ce que tu voudras. » Et lorsqu'il se fv^^ret
tourné, je commençai :
35. — Que votre souvenir, dans le premier monde^ ne
s'envole point de la mémoire des hommes, mais.qu'ii.yvive
durant maintes années!
36. Dites-moi qui vous êtes et de quelle nation : necrai*
gnez point, à cause de votre peine hideuse et dégoûtaaU,
de vous découvrir à moi.
37. « Je fus d'Arezzo, répondit l'un d'eux*, et Alberto
de Sienne me livra au feu; mais ce pourquoi je moums,
n'est pas ce qui m'a conduit ici.
38. « Bien est-il vrai que je lui dis, par manière de jeu,
que je pouvais m'enlever dans Pair en volant; et lui, qui
avait beaucoup de désir et peu de sens,
39. « Voulut que je lui montrasse cet art; et seulement
parce que de lui je ne Gs pas Dédale, il me fit brûler par
tel qui le tenait pour son fils.
40. « Mais à la dernière des dix bolges, à cause de l'al-
chimie que je pratiquai dans le monde, me condamna Mi-
nos, qui ne saurait se tromper. »
41. Et moi, je dis au Poëte : — Fut-il jamais gens si
vains que ceux de Sienne? Certes, à beaucoup près, ne le
sont autant les Français.
Si. Lo baon Maestro a me tutto s' accolse,
nicendo : Di a lor ciô che tu vuoli :
VA io incominciai, poscia ch' ei volse;
o:i. Se la vosira memoria non s' imboli
>'el priii:o raondu dall' umane menti.
Ma s' ella viva sotto molti soli,
S6. Ditemi chi voi siele e di che genti:
La vostra sconcia e fasiidiosa pena
bi palesai vi a me uoil vi spavenlt.
37. r fui d'Arezzo, e Albero da Siena,
Rispose r un, mi fe metlere al fuoco;
Ma quel perch' io mori' qui non au mena,
38. Vor* è ch* io dissi a lui, parlando a giuoco:
r mi saprei levar per 1' aère a volo:
E quei cli' avea vaghezza e senno peco,
33. Voile ch' io gh mosirassi Tarte, e sola
Perch' i' nol feci Dedalo, mi fece
Ardere a lai che i' ave aper ligliuolo.
40. Ma neir ullima bolgia dalle diece
Me per alcliimia che nel uiondo usaii
Dannù Minos, a cui faliir non lece.
41. Ed io dissi al Poeta : Or fu giamnuD
Gente si vana coine la Sanese?
Certo non la l'rancesca si d* assai.
CHANT VINGT-NEUVIÈME. 43»
J. Sur quoi, l'autre lépreux, qui m'entendit, répondit à
dire : « Hors le Stricca, qui sut modérer ses dépenses %
5. « Et Niccolô, qui le premier inventa la riche cou-
î** du girofle, dans le jardin" où une pareille semence
aent prend racine ;
î. « Et hors la bande parmi laquelle Caccia d'Asciano **
pa vignes et bois, et TAbbagliato*' montra ce qu'il
de sens.
). « Mais pour que tu saches qui est celui qui ainsi
re les Siennois te seconde, aiguise ta vue de façon que
visage clairement te réponde ;
). (( Tu verras que je suis l'ombre de Capocchio**, qui
ilchimie falsifiai les métaux, et, si bien je te remets,
)is te souvenir
Combien de la nature je fus bon singe
15
e r altro lebbroso ahe m' tntese,
ose al detto mio : Tranne lo Stricca,
seppe far le temporale spese;
ccolo, che la costuma ricca
p^arofunu prima discoperse
' orto, dove tal semé s'appioca;
anne la brigata, in che disperse
ûa d' Ascian la vigna e la gr:m Fronda,
Ibbagliato il suo senno prof«rsa.
i5.Ma perché sappi ehi si ti teomda
Contra i Sanesi, aguzza ver me V occhi»'
Si che la faccia mia ben ti risponda:
46. Si vedrai ch* i* son 1* ombra di Capocchiow
Che falsai li raetalli con alchincia ;
E ten dee ricordar, se ben t' adocchio»
Gom' i' fui di natura boona twûnia.
440 L'ENFER.
NOTES DU CHANT VINGT-NEUVIÈME
i. On peut aussi traduire : a Ife f apitoie pas plus longtemps sur M.^
2. Frère, ou, selon d'autres, fils de Messer Gione Alighieri, homme de 1 CC
méchante vie et instigateur de querelles. | f(
5. Forteresse donnée en garde à Bertrand de Ëomio par le roi Jean.
4. Il fut tué par un Sacchetti.
5. L'i Yaldechinna, ainsi nommée à cause de la Ghiana qui la traverse,
est située entre Ârezzo, Cortone, Ghiusi et Montepulciano. La fièvre des mi'
rais y fait de grands ravages vers la fin de Tété, comme dans la Maremme el
dans une partie de la Sardaigne.
6. Alchimistes et faux-monnayeurs.
7. Petite île voisine du Péloponcse. Au temps d'Ëaque, une peste, causée
par l'infection de l'air, y fit périr tous les hommes et tous les animaux. Seloa
la Fable, Jupiter, à la prière dlÈaque, transforma en hommes les fourmis
d'Égine ; d'où vint que les nouveaux habitants de cette île furent appelés
Myrmidons.
8. On dit que celui-ci est l'alchimiste Triffolino, qui se vantait d'avoir
le secret de voler dans l'air. Il promit de l'enseigner à un Siennois nommé
Alberto, qui le crut d'abord, et qui ensuite, s'étant aperçu de la tromperie,
l'accusa devant l'évcque de Sienne, lequel tetiait Alberto pour son fils; et
révéque fit brûler GritTolino comme magicien.
9. Ceci est dit ironiquement. Ce Stricca avait dissipé tout son bien.
10. Im riche coutume était alors une expression consacrée pour désigner
le girofle et les autres épices dont les riches usaient dans l'apprêt des mets,
et particulièrement des perdrix, des faisans, etc.
11. La ville de Sienne.
12. Jeune Siennois qui dissipa toute sa fortune en foUeà dépenses. Asciano
est un château au-dessus de Sienne.
15. Oi) ignore quel était cet Abbagtiato.
14. Siennois qui avait étudié la philosophie naturelle avec Dante, et s'était
ensuite appliqué à l'art de falsifier les métaux.
15. c Avec quelle perfection j'imilaisU nature.»
t>
GHÂ19T TRENTIÈME.
411
CHANT TRENTIÈME
1. Au temps où, à cause de Sémélé^ Junon était irritée
contre le sang thébain, comme plusieurs fois elle le fit
?oir,
2. Adamante si fou devint', que voyant sa femme aller,
portant ses deux fils, un sur chaque bras,
3. Il s'écria : « Tendons les rets, pour prendre au pas-
sage la lionne et les deux lionceaux ; » puis, allongeant ses
ongles impitoyables,
4. Il saisit Tun d'eux, qui avait nom Léarque, et, le fai-
sant tournoyer, le broya contre une pierre ; et celle-là,
chargée de Vautre, se noya*.
5. Et quand la Fortune abaissa Torgueil des Troyens, qui
tout osait, de sorte que royaume et roi ensemble s'éva-
nouirent,
6. Hécube triste, misérable et captive, lorsqu'elle eut vu
Polixène morte, et que, sur le rivage de la mer,
CANTO TREiNTESIMO
f .Nel tempo che Giunone era crocciata
Per Semele contra 'I sangue tebano,
Come moslrù giâ una ed altra fiata.
LAtamante divenne tanto tnsano,
Che veggendo la mnglie co' duo figli
Andar carcala da cîascuna mano,
S.Gridô: Tendiam le reti, si ch' io pigH
La lionessa a i lioncini ai varco :
E poi distese i dispielati artigli,
4.Prendendo 1* un ch* avea nome Learco,
E rotollo, e percosselo ad un'sasso,
. Equella s' anneg6 con l' altro incareo.
5.E quando la fort una volse in basso
L' aliezza de' Troian che tutio ardiva,
Si che insieme col regno il re fa casco;
6.Ecnba trisia misera e catliva»
Poscia che TÏde PoUsena morta,
E del suo PoUdoro in su la ma
12b.
41) L'ENFER.
#
7 . Elle fit de son Polydore la funeste rencontrei, forcft»
née, elle aboya comme un chien, tant la douleur lui tordit
l'esprit.
8. Mais ni à Thèbes, ni à Troie, jamais en aucun on ne
vit autant de furie, ni si cruelle à déchirer, non des mem-
bres humains, mais des animaux même,
9. Que j'en vis en deux ombres pâles et nues qui, en se
mordant couraient, comme le porc lorsqu'on ouvre l'é-
table.
10. L'une se jeta sur Capocchio, et au nœud du cou en-
fonçant les dents, elle le tira de manière qu'elle lui fit grat-
ter le ventre contre le fond solide.
11. Et TArétin*, qui demeura tremblant, me dit.: « Ce
follet* est Gianni Schicchi"', qui, dans sa rage, va ainsi
accoutrant les autres. »
12. — Oh! lui dis-je, que sur toi il ne mette point la
dent^, et qu'à fatigue il ne te soit pas de. me dire qui est
l'autre, avant qu'il parte d'ici.
13. Et lui à moi : « C'est l'antique âme de l'exécrable
Myrrha^, qui, hors du légitime amour, devint Tamie de son
père.
14. « A pécher ainsi avec lui elle parvint, en simulant'
la forme d'autrui, comme l'autre qui s'en va là osa.
7. Del mar si fu la dolorosa accorta,
Forsenn.'ila latrô si. corne cane;
Tanto il dolor le fe la mente torU.
S. Ma où di Tebe- furie nèTroiane
Si vider iu.m in alcun tanto crude,
Nun pungerbeslie, aoncheinembraumane,
9- Quant' io vidi due ombre smorte e nude,
(^lie niordt'iido coirevan di quel modo,
Cheii porco quaudo del porcU si schiude.
lO.L' una giunsuo Capocchio, et in sul nodo
Del collu riisstiniio, si clie, liiando,
Grailar gli ieue '1 veiilre &l fondo sodo.
It.E r Aretin. che r mase treraando.
Mi disse : Quel fulletto è G*anni Scbiccbi,
E va rabbioso altrui cosi conciaudo.
I2.OI1, diss* io lui, se 1' allro non li ficcU'
Li denli addosso. non ti sia fatica
A dir obi è, pria che di qui si spicchi.
15. Ed egli a me : Quell' ù 1' anima antica
' Di Mirra sceleiata, che divenne
Al padre, fuor del drilto ainore, aimea.
li.Qupsta a peccar con esso cosi venne,
Falsilicando se in allrui forma;
Corne r allro, che in là son va,
ClUNT TRENTIÈME.
445
Pour gagner la Dame du troupeau, falsifier en soi
nati, testant, et mettant le testament en règle. »
. après qu'eurent passé les deux enragés, sur lés-
ais l'œil fixé, je tournai mes regards vers les autres
m vis un qui aurait eu la forme du luth, si Tâmc
onquée à Tendroit où Thomme se bifurque.
i lourde hydropisie, qui, avec l'humeur que mal
crtit, disproportionne tellement les membres que
au ventre point ne répond,
li faisait tenir les lèvres ouvertes, comme fait l'é-
i de soif abaisse l'une vers le menton et relève
) vous qui, sans aucune souffrance (et je ne sais
), êtes dans le monde désolé, nous dit-il, regar
nsidcrez la misère de maître Adam *^.
/ivant, j'eus à profusion ce que je voulais, et main-
alheureux, une goutte d*eau je désire!
jes ruisselets qui, des vertes collines du Casentin,
nt dans l'Arno, mollement sur leur lit roulant
îhes ondes,
Toujours sont devant moi, et non en vain, leur
altérant beaucoup plus que le mal qui décharné
lar la donna délia tornaa,
D se Buoso Donati,
dando al test.unento norma.
duo rabbiosi fur passati,
i io avea 1' occliio tenuto,
uurdar gli nltri malnati.
tto aguisa di liuto,
avesse avula l' anguinaia
atu ciie 1' uoino ha forcuto.
opisia clie sî 'Hspaia
con r umor che mal converte,
lun rispoadti alla veiilnia,
ener le labbra ap«rte,
Gome r etico fa, che per la sete]
L' un verso *1 mento e l' altro in su riterte*
20. voi, che senza alcuna pena siete
( E non so io perché ) nel inondo graino«
Diss' egli a noi, guardate e attendetu
SI. Alla miseria del maestro Adaino:
Io ebbi Yrvo assai di quel' ch' i' volK»
E ora, lasso! un gocciol d' acqua bramo»
SS.Li ruscelletti, che de' verdi colli
Dei Casontin discendon giuso in An»,
Fdcendo i lor canali e freddi e molli,
2S. Semprc mi stanno innnn^i, e non indaiDO
Che l' imagine lor via più m' asciuga,
Che '1 maie ond' io nel volio mi discarno.
444
L'Ehfpk;
24. « La sévère Justice, qui me fustige, pour moi tait
sourdre, du lieu où je péchai, une plus abondante source
de soupirs.
25. <x Là est Romena, où je falsifiai le métal à l'effigie
de Baptiste^', ce pourquoi j'ai là-haut laissé mon corps
brûlé.
26. « Mais si j'eusse vu ici la misérable âme de Guido,
ou d'Alexandre", ou de leur frère, pour la fontaine de
Branda^* je n'en donnerais pas la vue.
27. « Ici dedans est déjà Tun d'eux, si les ombres enra-
gées qui vont autour disent vrai. Mais que me sert, à moi
qui ai les membres liés?
28. « Si j'étais seulement encore assez léger pour, en
cent ans, avancer d'un pas, je me serais déjà mis en
route
29. (( Pour le chercher parmi la gent hideuse, quoique
onze milles de circuit ait la bolge, et de largeur pas moins
de la moitié.
30. « Pour eux suis-je dans une telle famille : ils m'in-
duisirent à frapper les florins qui avaient trois carats d'al-
liage. »
31. Et moi à lui : — Qui sont les deux malheureux qui
fument, comme en hiver une main mouillée, et gisent ser*
rés l'un contre l'autre, à ta droite?
14* La rigMa giustizia che mi fruga,
Tragge cagion dol luogo ov' io peccai,
A metter più gli miei sospiri in fuga.
lS.Ivi è RoniAna, là dov' io falsai
La Icga suggelbta del Balisia,
Perch' io '1 corpo suso arso lasciai.
M. Ma s' io vedessi qui V anima trista
Di Guide, d' Alessandro, o di lor frate,
Per Fonte Branda non dard la vista.
IT.Dentro c' ë Tuna già, se 1' arrabbiate
Ombre che vanne intorno dicon vero:
Ha che mi val, c' ho le membra legate?
18. â' io fossi pur di tante ancor leggiero. ^
Ch' i' polessiin cent'anni andare un'oocii
Io sarei messo già per io senliero,
t9.Cercando lui tra questa gente sconda,
Con tutto ch' elia volge undici mi^ia, i
E men d' un mezzo di traverso non ci bt.
80. Io son per lor tra si falta famîglia :
Ei m' indussero a batlere i fiurini,
Ch' averan tre carati di mcndiglia.
Si.Ed io a lui: chi son li duo tapini,
Che fuman corne man bagnala il Temo,
Giacendo stretti a* tuoi destri confiait
CHANT TREIVTIËME. 445
Si!, a Ici les trouvai-je, répondit-il, quand je tombai dans
cette sentine, et depuis ils n'ont bougé, ni, je crois, ne
bougeront éternellement.
33. «L'une est celle qui accusa faussement Joseph ^^;
l'autre est Sinon", le Grec fourbe de Troie : une fièvre
ardente fait que d'eux sort cette fumée infecte. »
34. Et l'un d'eux, qui peut-être fut chagrin de s'en-
tendre nommer si honteusement, du poing lui frappa la
dure panse.
35. Celle-ci sonna comme un tambour; et avec la main
maître Adam lui frappa le visage, qui ne parut pas moins
dur,
36. Lui disant: «Quoique je ne puisse remuer mes mem-
bres à cause de leur poids, j'ai le bras dispos pour une telle
besogne. »
37. A quoi l'autre répondit : a En allant au feu, tu ne
l'avais pas si agile ; mais oui bien, et plus, quand tu battais
monnaie. »
38. Et l'hydropique : « Tu dis vrai en cela; mais tu ne
fus pas si véridique, lorsqu'à Troie on requit de toi la
vérité. »
39. c( — Si mon dire fut faux, tu as, toi, falsifié la mon-
naie, dit Sinon, et je suis ici pour une seule faute, et toi
pour plus qu'aucun autre démon. »
St.Qtiili tnnrai, e poi voita non dierao,
Rispose, quando piowi in questo greppo,
E non cr^o che dieno in sempiterno.
8S.L* una ë la falsa che accusô Giuseppo ;
L* altro è il fjalso Sinon greco da Troia :
Per febbre acuta gittan tanto leppo.
^.B r un di lor che si recô a noia
Forse d* esser nomato si oscuro.
Col pugno gli percosse 1* epa croia :
SB.QwlIa sonô, come fos^e un tamburo:
B mastro Adamo gli percosse il volto
Col JMacciosuo, che non panre men duro.
se.Dtcendo a lui : Ancor che mi sia tolto
Lo muover per le membra che son graTλ
Ho io '1 braccio a tal mestier disciolto.
ST.Ond' ei rispose : Quando tu andavi
Al fuoco, non V avei tu cosi presto ;
Ma si e più l' avei quando coniavi.
SS.El* idropico : Tu di ver di queslo;
Ma tu non fosli si ver testiuioniot
Là 've del ver fosti a Troia richiesto.
U.S'io dissi falso, e tu falsasti il conio
Disse Sinone, e son qui per un fallo,
■ E tu per più ch' alcûa allvo <to»voàA«
441)
L'ENTER..
40. « — Souviens-toi du cheval, parjure ! répondiii»lni
qui avait le ventre enflé ; et qu'à tourment te suii que tout
le monde sache ton crime !
41 . c( — Et qu'à toi, dit le Grec, à tourment soit la soif
dont te crève la langue, et l'eau pourrie qui fait de ton
ventre une haie devant tes yeux l »
42. Alors le monnayeur : « Ta bouche, comme d'ordi-
naire, se disloque pour mal dire : quesi j'aîsoif, etqae
d'eau je sois gonflé,
45. (( Tuas, toi, la fièvre qui te brûle, et le mal de tête;
et pour t'inviter à lécher le miroir de Narcisse", point ne
faudrait beaucoup de paroles. »
44. J'étais tout, entier appliqué à les écouter^ quand
mon Maître me dit : « Regarde donc^^! à pea-.lient que
contre toi je ne me fâche.»
45. Lorsque avec colère j'entendis mon Maître mcpar-
Jer, je me tournai vers lui si honteux, qu'encore en ai-jele
souvenir présent.
46. Et comme celui qui songe quelque sien dommage,
et songeant souhaite que ce ne soit qu ua songe, de sorte
-qu'il désire ce qui est, comme s'il n'était pas,
47. Ainsi, ne pouvant parler, je désirais m'excuser,
et je m'excusais réellement, et ne croyais pas que je le
fisse.
40.Ricordili, spergiuro, del cavallo,
Rispose quei ch' aveva inûata l*epa;
E sieli reo, che tutto '1 mondo sallo..
41. A te sia rea la sete onde li crêpa,
Disse '1 Greeo, la lùigua, e l' acqua marcia
Che '1 ventre innanzi gli occbi si't' assiepa.
42. AUora il monetier : Cosi si squarcia
La bocca tua per dir inal coine suole;
Chè s* i' ho sete, ed umor mi rinfaruia,
43.Tu bai 1' arsura, e il capo clie ti duole*
E per ieccar lu S)iecchiu di Narcisse,
Noa vorresti a iuvitar moite pari le.
44. Ad ascoUarli er* io del tutlo fisst,
Quando 1 Maestro mi disse : Or pur min
Che per poco-.è che teco noa ai rissQ.
45. Quando' io '1 senti' a me parlar con ira,
Volflimi verso lui cou tal vergogna,
Ch' ancor per la memoria lui si gin.
46. E quale è quei che suc dann»ggio sogna.
Che sognando disidera sogiiare,
Si elle quel ch'è, couie nou fusse, agPgBS,
47. Tal mi Tec' io, non potendo pariare,
Chè disiava scusarmi, e scuaava
Me tullavia, e nol mi credia tare.
CHANT TREKTIÈME.
447
48. c( Moins de honte, dit le Mailre, lave une faute
is grande que la tienne ; secoue donc toute tristesse !
49. « Et s'il advient de nouveau que, parmi des gens qui
nt de tels débats, la fortune te conduise, pense que tou-
irs je suis près de toi.
« Vouloir ouïr cela est un Las vouloir, d
[aggior difetto men vergogna lava,
isse '1 Maf stro. che '1 luo non è stato;
erù d' ogiii trislizia ti disgrava :
: fa ragiou ch' i' ti sia semij^e allato,
Se più avvien che fortuna t' accoglitr
Dove sien genti in siiuigliante piato;
Chè voler ciô udire è bassa voglia.
448 L'ERFEB.
NOTES DD CHANT TRENTIÈME
1. Jeune Thébaîne aimée de Jupiter» qui eut d'elle Bacchus.
2. Dans sa haine contre les Thébains, Junon frappa de folie furieuse Adi-
mante, roi de Thèbes, de sorte que, rencontrant sa femme Iné qui portait
dans ses bras ses deux jeunes fils, Léarque et Méiicerte, il la prit p<>iir one
lionne, et s'écria : c Tendons les rets, etc. »
3. Se jeta dans la mer où elle se noya.
4. Lorsque, après le sac de Troie, Uécube était conduite en captivité dtni
la Grèce, elle rencontra sur les rivages de la Thrace le corps de son 61$ h-
lydore,que Polymnestor avait tué; et, à cet aspect, saisie d'une douleur force-
née, elle poussa des cris lamentables que le Poète compare aux aboiementi
d'un chien. Une expression de Juvénal pourrait faire croire que, selon k
Fable, elle fut en eiïct métamorphosée en chienne :
Torva canino
Latrarit rictu,
dit-il, Satire X^ fiîij vers.
5. Griffolino, d'Ârezzo.
6. a Ce furieux. » Les follets étaient des esprits qu'on croyait répandas
dans Tair.
7. Gianni Schicchi, Florentin, fameux par son talent de contrefaire les
personnes. Buoso Donati étant mort sans laisser de testament, ce qui privait
d'une partie de ses biens son fils Simon Donati, celui-ci pria Schicchi de se
mettre au lit, d'y contrefaire Buoso malade, et de dicter un testament en a
faveur. Schicchi y consentit, mais à la condilion de se léguer à lui-même une
jument blanche, appelée la donna délia tormOt la Dame, la Reine du troa-
peau.
8. Formule appréciative dont on a déjà vu des exemples : c'est le tk
des Latins.
9. Fille de Cinyre, roi de Chypre. Étant devenue amoureuse de son père,
elle parvint, en se dégui>ant, à satisfaire sa passion criminelle.
10. Brescian, qui, à la prière des comtes de Romena, lieu situé près des
collines du Casentino, falsifia la monnaie, et pour ce crime fut brûlé vif.
CHANT TRENTIËAE. Uf>
1. Le florin d'or/ qui portail l'elGgie de saint Jean-Daptiste, patron deFk>-
ce, et sur l'autre une fleur de lis. De flore y fleur, est venu le nom de fUh
9j florin.
[2. Comtes de Bomena ; on dit que leur frère s'appelait Âghinolfo.
13. C'estri-dire c pour la joie de me désaltérer à la fontaine de Brenda. »
tait une fontaine de Sienne, célèbre pour Tabondance et la limpidité de ses
X.
4. La femme de Putiphar.
15. Celui qui, trompant les Troyens par ses parjures, fut cause de la perte
Troie.
t). L*eau où Narcisse, voyant son image, devint amoureux de lui-même.
.7. c Continue de regarder, sans perdre le temps à écouter ceux-là. »
«50
L'ENFER.
CHANT TRENTE-UNIÈME
1. Une même langue d'abord me mordit, de manière
que rougirent Tune et l'autre joue, et ensuite m'appliqua
le remède.
2. Ainsi ai-je ouï dire que la lance d'Achille et de son
père*, tour à tour était cause de tristesse et de joie.
3. Nous tournâmes le dos à ce val de misère, traversant,
en silence, par-dessus la berge qui tout autour le ceint.
4. Là, il n'était ni nuit ni jour, desorte qu'en avant peu
s'étendait la vue; mais j'entendis un cor sonner si forte-
ment,
5. Que le bruit du tonnerre il aurait étouffé : et à ren-
contre du son, je dirigeai mes regards vers le lieu d'où il
venait.
6. Après la déroute douloureuse*, quand de Charlema-
gne fut ruinée la sainte entreprise, si terriblement ne sonna
pas Roland.
CANTO TRENTESIMOPRIMO
1. Una roedesma lingua pria mi morse,
Si cbe mi tinse 1' una e 1' altra guancia,
Ë poi la medicina mi rlporse.
2. Cosi odo io, cbe soleva la lancia
D*Actiil!e e del suo padre e>ser cagione
Prima di trisla e poi di buona roancia.
3. Noi demmo '1 do-so al mii^ero vallone.
Su phT li ripa clic 'i cinge dintorno,
Attraversando senza alcun sermoae.
4. Quivi era m en ehe ootte e men cbe giorno
Si cbe '1 vise m' aodava innanzi poeo :
Ea io senti' sonare un alto como,
5- Tanto ch' avrebbe ogni tuon Tatto fioeo.
Cho, contra se la sun via seguilaado.
Dirizzô gli occbi miel tutti ad un loco-
6. Dopo la dolorosa rotta, qnando
Cailo Msgno perde la fania ^o<ta,
Non sonô si lerribilmente Orlando-
CHANT TREÎfTE-UNIÈME. 451
7. A peine de ce côté eiis-je tourné la tête, qu'il me
embla voir plusieurs hautes tours, sur quoi : — Maître,
îs-je, quelle terre est-ce là ?
8. Et lui à moi : « Parce que trop d'espace parcourt
a vue à travers les ténèbres, tu te méprends ensuite en ce
[oe tu imagines.
9. « Si tu approches, tu verras combien les sens nous
rompent de loin; cependant hâte-toi un peu plus! »
10. Puis affectueusement il me prit par la main, et dit :
Avant que plus près nous soyons, pour que le fait le
•araisse moins étrange,
H . « Sache que ce ne sont point des tours, mais des géants,
t, autour de- la berge, tous sont dans le puits, du nombril
nbas. »
12. Comme, lorsque le brouillard se dissipe, le regard
>eu à peu distingue ce que celait la vapeur qui trouble Tat-
losphère,
13. Ainsi perçant Tair épais et obscur, et m'approchant
eplus en plus du bord, l'erreur fuit de moi, et en moi
augmenta la peur.
14. Car, comme au-dessus de sa ronde enceinte, Monte-
3ggione' se couronne de tours; ainsi, sur le rivage qui
ntoure le puits,
Poco portai in là volta la testa,
Ciie mi panre veder moite alte torri;
Ond' io : Maestro, di, clie terra è qiiesta?
Ed egli a me : Perô ctie tu trascorri
Par ie ténèbre Iroppo dalla lungi,
Avyien cbe poi ne! maginare aborri.
Tu vedrai ben, se tu là li congiun<i;i,
(^anto ilsenso s' ioganna di lonlano:
Perû alquanlo più le stesso pungi.
Poi caramenle mi prese per mano,
g disse : Pria che lioi siam più avanli,
kcciocciij 'i fdtto oien li paia strano,
ll.Sappi che non son torri, ma giganti
F son nel pozzo iniorno dalla ripa
Dairumbilico in giuso tutti quanti.
iS.Come, qunndo la nebbia si dissipa,
Ln sguardQ a poco a poco laftigura
Ciô clie cela'l vapor che l' aère stipa;
lô.Gosî, forando V aura grossa e scura,
Più e più appressai'do in ver la sponda,
Fiiggéini errore. e giiignéiiii paura.
14. Perocchè corne in su la cerchia fonda
Moiiteifcggiun di lurri si corona;
Cosi la proda, clie '1 pozzo ciicoada.
452 L'ENFER.
15. S*élevaîent comme des tours les horribles géants,
que du ciel encore Jupiter menace quand il tonne.
16. De quelques-uns, déjà je découvrais la face, les
épaules, la poitrine, une grande partie du ventre, et les
deux bras pendants le long des côtes.
17. Quand la nature abandonna Fart de former des ani-
maux pareils, elle fit bien, certes, afin d'ôter à Mars de
tels exécuteurs ;
18. Et si des éléphants et dés baleines elle ne se re-
pent, qui bien y regarde plus en cela la juge et juste et
prudente ;
19. Car, lorsque le raisonnement de l'esprit* se joint
au mauvais vouloir et à la force, nulle défense pour per-
sonne.
20. Sa face paraissait longue et large comme la pomme
de pin de Sainl-Pierre à Rome'* et les autres os étaient en
proportion ;
21. De sorte que la portion laissée à découvert par le
bord, qui le ceignait du miheu en bas, était d*une hauteur
telle, que d'atteindre jusqu'à la chevelure
22. Trois Frisons se vanteraient vainement ; puisque j'en
voyais trente grandes palmes, d'en bas à Tendroit où s'a-
grafe le manteau.
IS.Torreggiavan dî mezza la persona
Gli orribiii gig.mli, cui minaccia
Giove del cielo ancora, quando luona.
16. Ed io scorgeva già d* atcun la faccia,
Le spalle e il pelto, e del ventre gran parte,
E per le cosle giù ambj le braccia.
n.Natura certo. qnnndo lasciù l' arte
Di sifaiti animali, assni Te hene,
Per tor cotali esecutori a Marte.
l8.Es' ella d' elefanti e di balene
Non si pente ; ciii guarda sottilmente,
Più giusta e piii discreta la ne tiene;
19.Chë dove 1* argomento délia mente
S' aggiugne al mal volere ed alla poM
Nessun riparo vi puû far la gente.
20. La faccia sua mj parea lunga e gros».
Corne la pina di s.in Pietro à Rome ;
E a sua proporziou eraii V altr' ossa.
Si. Si che la ripa, ch'era perizoma
Dal mezzo in giù, ne roostrava ben taato
Di sopra, che di giugnere alla chioma
îî.Tre Frison s' averi.-in dalo mal ranto;
Perroch'io ue vede;i IrenU gran palmi (t»}
Dal luogo in giù, dov* uoin s' aftibbia ilM^
• l.
CHANT TRENTE-UNIÈME. 453
23. « Raphegi, mai, amech, irabi almi% }> commença de
irier la bouche cruelle, à laquelle point ne convenaient de
ftius doux cantiques.
24. Et le Guide à lui : « Ame stupide'', tiens-t'en au cor,
i soulage-toi avec, quand t* étouffe la colère ou une autre
lassion.
25. « Cherche à ton cou, tu trouveras la courroie à laquelle
1 est lié, âme honteuse, et vois-le en travers de ta large
lôitrinel »
26. Puis il médit : « Il s'accuse lui-même. Celui-ci est
îembrod, par la mauvaise pensée^ duquel point ne s'use
lune seule langue dans le monde.
27. c( Laissons-le là, et ne parlons pas en vain; car à lui
3ut langage est ce qu'aux autres est le sien, que nul ne
onnait. »
28. Nous poursuivîmes donc notre voyage, tournant à
auche, et, à un trait d'arbalète, nous en trouvâmes un
utre beaucoup plus farouche et plus grand.
29. Quel fut le maître qui le ceignit je ne saurais le dire ;
lais, le bras gauche derrière, et le droit devant, il l'avait
eint
30. D'une chaîne qui le tenait lié du cou en bas, autour
u corps à découvert® se repliant cinq fois.
'•Rapbegi. mai, amech, irabi almi,
Cominciù a gridar la fiera bocca,
Cui non si convenien più doici salmi.
• B'I Duca mio ver lui : Anima sciocca,
Tienti col corno, e con quel ti disfoga,
Quand' ira o altra passion ti tocca.
Cercati al collo e troverai la soga
^he '1 tien legato, o anima conrusa,
Ë vedi lui che '1 gran petto ti doga.
^oi disse a me Egli stesso s' accusa ;
Quesli è NemkrcMo, per lo cui mal cote
^ur un linf^uaggio nel mondo non s' usa.
IT.Lasdamlo stare, e non parliamu a veto :
Cbè cosi è a lui ciascun linguaggio,
Come il suo ad altiiii, cb' a nuUu è noto*
IS.Facemmo adunque più lungo viaggio
Volli a sinisira; ed al trar d* un balestro
Truvammo Taltro assai più iiero e maggto.
S9. A cinger lui, quai che fosse il maestro.
Non so io dir, ma ei lenea succinto,
Dinanzi l' altro e dietro il braccio destro,
50. D* una catena che '1 teneva avvinto
Dal collo in giù, si che *n su lo scoperlo
Si ravvolgeva inlvuc\ 'aV ^o q^\w\q.
154 L'ENFER.
7)1. c( Ce superbe voulut essayer sa force contre le grand
Jupiter, dit mon Guide, et il en a ce qu'il méritait.
52. « Son nom est Éphialtes, et il fit son épreuve cpund les
Géants effrayèrent les Dieux : les bras qu'il agita plus jamais
ne se mouveront. d
53. Et moi à lui : — S'il se peut, je voudrais que me»
yeux vissent Ténorme Briarée.
54. Il me répondit : « Près d'ici tu verras Aatée;il
parle, et n'est pas lié, et nous portera dans le fond delout
maP*.
55. c( Celui que tu veux voir est là plus loin; il estlié
comme celui-ci, et lui ressemble, excepté que de visage il
paraît plus féroce. »
56. Jamais ne fut de tremblement de terre si terrible^
ni qui secouât si fortement une tour, que soudainement
Éphialtes se secoua.
57. Plus que jamais je craignisila mort, et jamais iplo^
n'eûi-elle été à craindre, sijen avais vu les liens.
58. Nous avançâmes et vînmes à Antée, qui bien de cinq
brasses, sans la tête, s'élevait au^essusde la caverne.
59. « toi qui, dans la vallée fortunée à laquelle Sci-
pion acquit un héritage de gloire, lorsque Annibal fuit avec
les siens ^*,
r>i.Questo superbo voU' essere sperto
Di sua potenza contra '1 sommo GioTe»
Disse il mio Duca, ond' egU ha cotai merto:
ss.Fialte ha nome; e fece le gran prove,
Qiiando i giganli fer paura ai Dei :
Le bracciu ch' eimenô, giammai noniiMOve.
33.Ed io a lui : S' esser puote, i' Yorrei
Che dello smisurato Briareo
Esperienza avesser gli occhi miei*
Si.Ond' ci rispose : Tu vedraiAnleo:
l'ressu di qui, che parla, ed è disciolto,
r.he ne porrà nel londo d' ogni reo.
35. Quel che tu vuoi veder, piu là è inolto,
Ed è legato e fatto corne questo,
Salvo che più féroce par nel volto.
56. Non fu tremoto già lanto mbesto,
Che seotesse una torre cosi férié*
Corne Fialte a scotersi fu presto.
S7.AUor temetli più che mai la morte;
E non v' era iiiestier piu che la dottSi
S' i' non avessi viste le ritorte.
S8.Noi procederamo più aTanti alloua)
E venimmo ad Antéo, che ben dnqo'a''*'
ftenza la testa, uscia fuor delta groi*'-
59.0 tu, che nella foriunata vi«Ue.
Che fece Scipion di gluria reda.
Quand' Annibàl co' suoi diede le spai'^'
CHART TRKSTE-UNIÈME.
455>
40. ce Apportas en butin plus de mille lions ; toi de qui Ton
tarait croire encore que si, a^ec tes frères, tu eusses été à
1 haute guerre",
41. « Les fils de la terre auraient vaincu; porte^non&fen
>as (et qu'à dégoût cela ne te soit pas!), là où le froid
lurcit le CocUe.
42. a Ne nous oblige point d'aller à Titius ouàTiphus^' :
elui-ci peut donner ce qu'ici Ton désire*^ ; baisse-loi donc,
it ne détourne point la tète.
45. « Il peut renouveler ton souvenir dans le monde, car
1 vit, et attend une vie longue encore, si la grâce, avant le
emps, ne Fappelle à soi *'. »
44. Ainsi dit le Maître; et celui-là, en hâte, vers mon
ruide qu'elles saisirent, étendit les mains dont Hercule
Bntit la forte étreinte.
45. Virgile, lorsqu'il se sentit saisir, me dit : « Appro-
lie-toi, que je te prenne ! » Puis il fit en sorte que lui et moi
B fussions qu'un seul faix**.
46. Telle que la Carisenda ", à qui la regarde de dessous
côté où elle incline, paraît, quand un nuage passe sur
le, pencher en sens contraire,
47. Tel me parut Antée. J'attendais de le voir incliner,
il y eut tel moment où j'aurais voulu aller par un autre
lemin.
^ecasti già mille lion per preda :
S che se fossi stalo air alla guerra
^ tuoi fralelli, ancor par ch' e' si creda,
«h* avrebber vinto i figli délia terra;
tettine giuso (e non ten venga schifo)
^ve Cocito la Treddura serra.
ion ci far ire a Tîzio, né a Tifo :
îuesli puô dar di quel che qui si brama :
^«rù li china, e non torcer lo grifo.
^neor li puô nel mcndo render famn ;
^4i* ei vive, e lunj^a vila cincora uspetln,
&« innanzi tempo grazia a se nul chiama.
44.Cosi disse il Maestro; e quegli in firetla
Le man distese, e prese il Duca mio,
Und' Ercole senti già grande stretta.
45.yirgiIio, quando prender si sentio.
Disse a me: Fatti 'n qua.si ch*io ti prendat
Poi fece si, ch' un fascio er' egii ed io.
46. Quai pare a riguardar la Gai isenda
Sotto il chinato, quand un nuvol vad.i
Sovr* essa si, ch' eila in contrai io peiulav
47.Tal parve Antno a me che slava a hada
Di vederlo chinare, e fu tal* ora
Cil* i' avrei volulo ir per allra strada.
456 L'EU FER.
48. Mais, légèrement, au fond qui dévoré Lucifer et Ju-
das^* il nous déposa ; et ainsi baissé il ne resta point,
Mais comme le mât d*un navire il se releva.
M. Ma lieteniente al fondo, che dÎTora i Né si ehioato li fece dimora,
Ludfero con Giuda, ci potd ; I
B com* albero in nate si levd.
CHANT TRERTE-UNlfeME. 457
NOTES DU CHANT TRENTE-UNIÈME
Les poctcs disent q*JC !a lance d'Achille, laquelle avait auparavant
tenu à son père P61ée, avait la vertu de guérir les blessures qu'elle
'ailes.
La défaite de Roncevaux.
Château qui appartenait aux Siennois.
Lequel manque aux baleines et aux éléphants, ce pourquoi la nature
ustement et prudemment, les laisser subsister.
La grosse pomme de pin en bronze, autrefois placée sur le môle d'A-
et transférée de là sur le campanile de Saint-Pierre de Rome, d'où,
sée par le tonnerre, on la transporta dans le jardin du Vatican, près
ridor du Relvédère, où on la voit encore aujourd'hui.
D'autres écrivent ainsi ces mots qui n'ont aucun sens : hafel mai
zabè almiè.
Dnntc suppose que Dieu troubla l'esprit dQ Nembrod, lorsqu'il entre-
'élevcr une tour jusqu'au ciel. Il lui dit de laisser là sa langue in-
^ible, et de s'en tenir à donner du cor; et comme le géant semble ne
où le prendre. Virgile l'avertit qu'il trouvera à son cou la courroie par
e il est suspendu en travers de sa large poitrine,
Coto. Les interprètes assignent divers sens, tous plus ou moins sub-
ce mot. Le plus simple nous a paru le plus vrai.
Autour de la partie du corps qui était à découvert, c'est-à-dire du
Dans le fond de l'Enfer.
Lucain, dans son poëme, feint que le lieu où Scipion vainquit Annibal,
trei'ois le royaume d'Antée.
Lorsque les géants tentèrent d'escalader le Ciel.
}eux autres géants.
)n a déjà pu remarquer, plusieurs fois, que Dante suppose dans
î tous les morts, le désir d'être rappelé à la mémoire des vivants.
)i Dieu, par grâce, n'abrège le temps de son pèlerinage terrestre,
ppelerà soi.
». ». 26
408
L'ENFER.
10.
Qu'Antée pût les embrasser tous deux ensemble»
17. fit! Cari senda ou Garisenda est une tour de Bologne, ainsi appelée di
nom de celui qui fa fit bfttir. Çlle est fortement inciinée, de sorte qu'à celai
qui. «rcn t>.is, du côté où elle pencbe, verrait un nuage passer au-desss
d'elle, le nuu^e paraîtrait immobile, et la tour se mouvoir, par conséquent
pencher en sens contraire.
18. Neuvième cercle divisé en quatre autres enceintes circulaires.
^
CUANT TRENTE-DEUXIÈME.
450
CHANT TRENTE-DEDXIÈME
1. Si j'avais des rimes *■ âpres et rauques, comme il con-
viendrait à raffrfiux trou sur lequel s'appuient tous les autres
cercles,
2. Plus pleinement j'exprimerais le suc de ma pensée;
mais n'en ayant pas, non sans crainte je me hasarde dans
mon récit :
3. Car entreprendre de décrire le fond de tout Tumvers;,
point n'est-ce unjeu^ ni d'une langue quilialbulie mamma
et babbo^.
4. Mais qu'aident mon vers celles ^ qui aidèrent Amphion
à clore Thèbes, de sorte que du fait le dire ne diffère pas.
5. vous, la lie du peuple maudit, qui êtes dans le lieu
dont il est douloureux de parler, mieux vous aurait valu être
■Cl ou brebis, ou chèvres.
6. Lorsque nous fûmes dans le sombre puits, plus bas<
fe beaucoup que les pieds du Géant* et lorsque encore je
"^gardais les hautes murailles,
CANTO TRENTESIMOSECONDO
-*^^io avessi le rime e aspre e cbiocce, <
Cocne si eonverrebbe ai iristo buco,
^n*a '1 quai pontan tutte l' altre rocce,
^1^ premerei di inio concetto U suco
^iù ptenamenle; ma percb' io non V abbo,
Non senza tema a dictir mi conduco.
VChè non è irapresa da pi^Iiare a gabbo»
Oescriver fondo a tutlo l' universo,
S« da iingua cbe cbiarai mamma o babbo. I
4. Ma quelle Donne aiutino iJ mio versa»
Ch' aiutaron Antione a chiuder Tebe»
Si ehe'dal falto il dir non sia diverao
5. Oh aovra tutte mal crédita plèbe,
Chp stai nel looo, onde parlare è duro»
Me' foste state qui pécore o lebe.
6. Corne noi fununo giù nel pozzo scuro
Solto i piè del giganle, assai più ba&s
Ed io rairava ancora ail' alloxauro.
460 L'ENFER.
7. J'entendis qu'on me disait : « Prends garde comment
tu passes, et à ne point fouler les têtes des pauvres miséra-
bles frères*. »
8. M' étant retourné, je vis devant moi, au-dessous de
mes pieds, un lac qui, à cause du gel, ressemblait plus à du
verre qu*à de Teau.
9. Ni le Danube chez les Autrichiens, ni le Tanaïs, sous
le froid ciel, ne cachent en hiver leur cours sous un voik
aussi épais,
10. Qu'épaisse était la croûte de ce lac: dessus serait
tombé le Tambernicchi', ou la Pietrapana'' , que les bords
mêmes n auraient pas craqué.
11 . Et comme pour coasser se tient la grenouille, le mu-
seau hors de Teau, alors que souvent la villageoise songe
qu'elle glane,
12. Livides jusque-là où se peint la honte, étaient les
ombres dolentes dans la glace, claquant des dents comme
craquètent les cigognes.
13. Chacune tenait le visage baissé : la bouche, du froid,
et les yeux, de la tristesse du cœur, en elles rendent témoi-
gnage.
14. Après qu'autour mes regards eurent un peu enré, à
mes pieds je les arrêtai; et j'en vis deux tellement serrés,
que se mêlaient les poils de la tête.
T.Dicere udi' mi : Guarda, corne passi;
Fa si, che hi non c»lclii con le piante
Le teste de' fratei miseri lassi.
8. Perch' io mi voisi, e vidirai davante
E solto i piedi un lago, che per gielo
Avea di vetro e non d' acqua semblante.
9. Non fece al corso suo si grosso velo
Di verno la Danoia in Austericch
Ne 1 Tanai là sotto '1 freddo delo,
lO.Com' ern quivi : clie, se Tabernicch
Vi fosse su caduto, o Pietrapana,
Non avria pur dall' orlo fatto criée h.
ll.E come a gracidar si sta la rana
Col muso fuor deii' acqua, quando sogn
Di spigoiar sovente la viUana;
12. Livide insin là dove appar vergf^ina,
Eran l'ombre dotent i nella ghiRCcia.
Hettendo i demi in noia di cicogoa.
IS.Ognuna in giù tenea voila la facda : pràlt
Da bocca'il freddo, e dagli occhi '1 cflor
Tra lor testimoiiianza si procaoda.
14. Quand' io ebbi d' intomo alquanto visto,
Volsimi a' piedi, e vidi due si stretti,
Che '1 pel del capo avieno insieme miito»
CUANT TRENTE-DEUXIËMB. 461
15. — Vous, dis-je, dont les poitrines tant s'ctreîgnent,
dites-moi qui vous êtes. Ceux-ci ployèrent leurs cous', et,
après que sur moi ils eurent levé la vue,
16. Leurs yeux, auparavant humides seulement en de-
dans, dégouttèrent sur les lèvres, et la gelée, durcissant les
liirmes entre les paupières, les referma.
17. Jamais bande de fer ne lia si fortement bois à bois :
par quoi, comme deux boucs, ils se cossèrent, si emportés
furent-ils de colère.
18. Et un autre, qui par le froid avait perdu les deux
oreilles, la face baissée, dit : a Pourquoi tant nous re-
gardes-tu?
19. «Situ veux savoir qui sont ces deux, la vallée que
descend le Bisenzio', appartient à leur père Alberto *• et
à eux.
20. «Ils sortirent d'un même corps^^; et toute la Caïna^*
tu pourras fouiller, sans y trouver d'ombre plus digne d'être
plongée dans la gélatine^' :
21 . « Non pas même celui de qui la main d' Arthus perça
d'un seul coup la poitrine et l'ombre ^\ non pas même Fo-
caccia ", non pas même celui dont la tête
22 « M'encombre tellement, qu'au delà je ne vois rien,
«t qu'on nommait Sassol Mascheroni*'. Si tu es Toscan,
bien sais-tu maintenant qui il fut.
As.IMtemi toi, che si slringete i petU,
Diss'io, chi sète. E quei piegaro i coUi;
E poi ch* ebber li visi a me eretU,
t<.Gli occhi lor, ch'eran pria pur dentro molli,
Gocciar su per le bbbra, e '1 geio strinse
Lelagrime tra essi, e rtserroUi:
^TLegno con legno spranga mai non cinse
Porte cosi; ond' ei, corne duo becchi,
Couaro insieme : tant' ira li vinse.
^9.Ed un, ch' avea perduii ambo gli orecchi
Per la freddura, pur col viso in giue
Disse : Perché cotanto in noi ti specchi?
19. Se vuoi saper chi son cotesti due,
La valle, onde Bisenzio si dichina,
Del padre loro Alberto e di lor fue.
10. D' un corpo usciro : e tutla la Gaina
Potrai cercare, e non troverai ombra
Degna più d' esser (itta iii gelalina :
11. Non quelli a cui fu rotto il petto e l'ombra
Con esso un colpo, per la man d* Artù :
Non Focaccia : non questi che m' ingombra
IS.Coi capo si, ch' i' non veggio oltre più,
E fu nomato Sassol Maschei*oni :
Se Tosco se', ben sa' omai chi fu.
«Mcfc
4i1i>
L'ENFER.
23. « Et pour qu'en plus de discours point tu ne m'en-
gages, sache que je suis Camicion des Pazzi^^, et j*attends
qu'ici Carlin*® me disciripe. »
24. Je vis ensuile mille faces livides de froid : d'om
vient et viendra toujours que les gués gelés me donnent le
frisson.
25. Pendant que nous allions vers le centre où tend tout
ce qui pèse, et que dans le froid étemel je tremblais,
26. Si ce fut vouloir, ou destin, ou fortune, je ne sais :
mais en marchant à travers les têtes, fortement, au visage,
j'en heurtai une du pied.
27. Pleurant elle me cria : « Pourquoi me froisses4u7
Si tu ne viens pas pour accroître la vengeance de
Mont'Aperti*', pourquoi me tourmentes-tu? »
28. Et moi : — Maître, attendsrmoiici, que je sorte d'un
doute où m'a mis celui-là ; puis tu me hâteras autant quatu
voudras.
29. Le Guide s'arrêta; et moi, je dis à ce damné qui
violemment blasphémait encore : — Qui es-tu, toi qui ainsi
réprimandes autrui?
30. « Et toi, qui es-tu, répondit-il; qui, à travers TAn-
teuora ^, vas heurtant les joues des autres, tellement que
trop serait-ce si tu étais vivant*^?»
SS*E perché non mi metli in più sermoni»
Sappi chi' i' fui il Camicion de' Paui,
Ed aspelto Carlin che nii sca^'ioni.
Sl.Posciajrid' io mille visi cagnazzi
Patli per freddo : onde mi vien ribrezzo
Ë verra sempre, de' gelati guazzi.
S5.K mentre ch'andavamo in ver Io mezzo,
Al quale ogui (:ravezza si raura,
Ëd 10 tremava nell' elemo razzo;
16.Se voler fu, o destino, o fortuna,
Kon su : ma pa^seggiando tra le teste.
Forte percossi il pie nel viso ad une.
ST.Piaogenilo nii sgrid6: Perché mi peileT
Se tu non vieni a cresœr ia vendetta
Di Hont' Aperti, perché mi moleste?
28. Ed io : Maestro mio, or qui m'aspetta,
Si ch' i' esca d' un dubbiu per costui:
Poi mi farai, quantunque vorrai, frelta.
39. Lo Duca stette ; ed io dissi a colni
Che besleiumiava duramenieancora.
Quai se' lu che cosi raïupogni alirui?
50. Or tu chi se', che vai per l' Antenon
Percolendo, rispose, aitrui le gote
Si, che se fossi vivo, Iroppo lurt?
L .
CHANT TRENTE-DEUXIÈME. 46â
31. — Vivant suis-je, ce fut ma réponse; et si à la re-
ummée tu aspires il pourrait te plaire que je joigne ton
om aux autres que j'ai notés.
32. Et lui à moi : a Du contraire j'ai le désir. Ya-Ven
ici, et ne me fatigue pas davantage I mal sais-tu flatter
ins cette fosse. »
33. Alors je le pris par le chignon, et dis : — Il faudra
le tu te nommes, ou que pas un poil ici-dessus ne te
stc.
34. Lors, lui à moi : a Pourquoi me pcles-tu le crâne?
t ne te dirai qui je suis, ni ne te l'indiquerai, quand mille
is tu me foulerais la tête. »
35. Je tenais déjà ses cheveux roulés dans ma main, et
lui en avais arraché plus d'une mèche, lui ahoyant les
iux tournés en bas,
36. Lorsqu'un autre cria : « Qu'as-tu, Bocca? Ne te
iffit-il point de claquer des mâchoires, si encore tu n'a-
Mes? Quel diable te touche? »
37. — A présent, dis-je je ne veux plus que tu parles,
échant traître ; à ta honte, je porterai de toi des nouvelles
aies.
38. « Va, répondit-il, et conte ce que tu voudras. Mais,,
tu sors d'ici, ne te tais point de celui qui tout à l'heure
eu la langue si prompte.
fno son io, e caro eswr It puote,
Pu mia risposla, se domahdi farna,
Ch* io meUa '1 nome tuo Ira l' altre note.
lùd egli a me : Del conlrnrio ho io brama:
Levati quinci eiion ini d;ir più lagna;
Chè mat tai lusin<;ar per questa lama.
àdor le presi per la culicn^a,
K dîssi : E' coiiverrâ che tu li nomi,
9 cbe. capel qui su non ti rima^na-
Dnd' egiia me : P^rriii tu-roi discbiMni
Né ti Uirû cln io si», uè moslrerolti,
Se mille liaie in sul capo lui tomi.
35. Io avea già i capelli in mano avvolti,
h', tratli {^iien avea pin d' una ciocca,
Latrando lui con gii occhi ingiù raccolti;
56.Qiiando un altro gridi't : Che hai tu, Bocca?
Non li basta sonar con le mr«scelle,
Se lu non lati i ? quai diavol ti locca ?
37. Ornai, diss' io, non vo' che tu f'avello,
Halvagio traditor, ch' alla tua onta
Io porterô di te verre novelle.
53. Va via, rispose, e ciô clie tu vuoi, conta;
Ma non tacer, se tu di quacnti'eschi.
De quel ch'ebbe or co&i lu Uu<^v\a \^v<^vi\:4l.
54 L'EKFER.
39. « Il pleure ici l'argent des Français : j'ai vu, pow h*-
ras-tu dire, celui de Duera **, là où les pécheurs sont au lirais*
40. a Si on te demande quels autres étaient là, tu as à
côté de toi leBeccaria **, à qui Florence coupa la gorge.
41 . a Gianni del Soldanier*\ je le crois là plus bas avec
Ganellon ^ et Tnbadello^ qui ouvrit Faenza pendant qu'on
dormait. »
42. Nous avions déjà quitté celui-ci, quand je vis dans
un trou deux gelés, disposés de manière que l'une des têtes
à l'autre scivait de chapeau.
43. Et comme l'afTamé mange le pain, celui de dessus
dans l'autre enfonça les dents, là où le cerveau se joint à la
nuque.
44. Non autrement Tidée, dans sa fureur, rongea les
tempes de Ménalippe*^, que celui-ci rongeait et le crâne et
ce qui est dedans.
45. — toi, dis-je, qui par un acte si bestial montres
ta haine contre celui que tu manges I dis-moi le pourquoi,
à cette condition
46. Que, si de lui à raison tu te plains, sachant qui vous
êtes et sa faute, dans le monde d'en haut encore je te le
rende".
Si cette langue qui te parle ne sèche point
39. Et piange qui 1' argento de* Franceschi:
r vidi, poirai dir, quel da Duera,
Là dove i peccatori stanno freschi.
40. Se fossi dimandalo altii chi v' era,
Tu hai da lato quel di fieccheria,
Di cui segù Fiorenza la gorgiera.
41. Gianni del Soldanier civdo che sia
Più là con Ganellone e TribaldfUo,
Gh* apri Faenia quando si dormia.
*t.Noi eravam parti! i già da ello,
Ch' i' Tïdi duo ghiacciali in una buca,
Si che V un capo ail' allro era cappeUo:
4ft>B com* r pan per lame si manduca.
Cosi 1 sovran li denti ail* altro pote
Li 'Ye '1 cervel s' aggiunge colla nues*
44. Non altrimenli Tideo si rose
Le tempie a Menalippn per disdegnoi
Che qiiei faceva '1 teschio e 1* allre cote.
45. tu che moslri per si bestial s^no
Odio sovra celui che tu ii mangi,
Dimrai '1 perché, diss' io, per tal convegr
46* Che se tu a ragion di lui ti piangi,
Sappiendo chi voi siele, e la sua pecc<
^el mondo suso ancor io te ne cangi,
Sa quella con ch* io puio, non a sac
CHANT TneNTE-DEUXIËME. 4C5
NOTES DU CHANT TRENTE-DEUXIÈME
i. Le mot rime signifie ici vers^ poésie, et c était aussi une des acceptions
du mot a rimes » dans notre ancienne langue, à laquelle les Italiens l'ont
emprunté. Aucun autre ne rendrait exactement la pensée de Dante.
2. Maman et papa.
3. Les Muses.
4. Première enceinte.
5. a Frères » se rapporte ou à tous les damnés de cette enceinte, ou aux
deux frères Âlberti, l'un desquels est celui qui parle.
6. Haute montagne de la Sclavonie.
7. Autre montagne trôs-éievée en Toscane, près de Lucques, dans le terri-
toire appelé la Graflugnana.
8. Les relevant en arrière.
9. Falterona, vallée de la Toscane, que le Biscnzio traverse pour se jeter
dans l'Àrno.
10. Alberto degli Alberti, noble florentin.
11. Ils eurent une même mère.
12. Une des quatre enceintes du neuvième Cercle, laquelle tire son nom
de Gain, et où sont punis les traîties envers leurs parents.
15. Ironiquement pour la glace. \
14. Mordrec, fils d'Arthus, roi de la Grande-Bretagne, s'étant embusqué
pour tuer son frère, celui-ci l'aperçut et le frappa de sa lance. Un rayon de
soleil passa, dit la légende, à travers la plaie, de sorte que, d'un seul coup,
Artiius perça la poitrine et V ombre projetée par le corps.
15. Focaccia de' Canccllieri. Il coupa la main d'un de ses cousins et tua
son oncle, ce qui fut l'origine des factions des Noirs et des Blancs ù Pistoie.
16. Florentin qui tua son oncle.
17. Messer Camicione de' Pazzi de Yaldarno, qui tua en trahison Messer
Ubertino, son parent.
18. Messer Garlino de' Pazzi, de la faction des Blancs, livra pour de l'ar-
gent, aux Noirs de Florence, le château de Piano di Trevlgna. Camicianc
attend qu'il vienne le disculper; c'est-à-dire que son crime fasse paraître
le sien moindre.
L'EHFER.
19. Celui qui parle est Bocca de^Ii A bâti, Florentin du parti Guelfe, p*^
h trahison de qui quatre mille Guelfes furent tués près de Mont' Aperti
20. Autre enceinte, ainsi nommée d'Anténor, qui, selon Dictys de Crète
et Darès le Phrygien, trahit Troie, sa patrie.
21. Bocca, qui croit Dante une ombre, s'étonne que ses pieds heurtent
les joues de ceux gisants là, comme si c'étaient les pieds d'un Tivanl.
22. Buoso da Duera de Crémone : il vendit au comte Gui de Monlfort,
commandant de Parmée française, le passage par où celui-ci entra dans la
Fouille.
23. Il était de Pavie, et abbé de Vallombrtose. Envoyé par le Pape légat à
Florence, il y trama, de concert avec les Guelfes, un complot contre les Gibe-
lins, lequel ayant été découvert^ on lui trancha la tête.
24. Giovanni Soldanieri, du parti Gibelin. Les Gibelins voulant enlever le
pouvoir aux Guelfes, il les trahit, se joignit aux Guelfes, et se fit chef du nou-
veau gouvernement.
25. Le traître dont il est tant parlé dans l'histoire fabuleuse de Cbarie-
magne.
26. Il était de Faensa, et ouvrit de nuit, en trahison, les portes de celte
ville aux Bolonais.
27. Tidée, tils d'^ée,' roi de Calydonie, et Ménalippe^ Thébain, coni'
battant l'un contre l'autre près de Thèbes, furent tous deux mortellement
blessés. Tidée, qui survécut à son ennemi, se fit apporter sa tête, et la ron-
g^ de rage.
28. c A cette condition, qu'en échange de ce que tu me diras, je publierai
dans le monde le crime de celui que tu ronges, et la justice de ta vengeance.»
CHANT TREKTE-TROISIËME.
467
CHANT TRENTE-TROISIÈME
\ . De l'horrible pâture ce pécheur souleva la bouehe,
Tessuya aux cheveux de la tête que par derrière il lamait
oyée.
2. Puis il commença : « Tu veux que je renouvelle la
uleur désespérée qui, seulement d'y penser, m'oppresse
cœur, avant que je parle.
5. c( Mais si mes paroles doivent être une semence d'oà
lueille l'infamie ce traître que je ronge, tu me verras pieu-
et parler tout ensemble.
4. « Je ne sais qui tu es, ni comment tu es venu ici-bas ;
is à t'entendre, bien me parais-tu Florentin.
5. « Sache que je fus le comte Ugolin^, et celui-ci est
'chevêque Roger : tout à l'heure je te dirai pourquoi je
suis un pareil voisin.
S. c( Que, par l'effet de ses méchantes pensées, me fiant à
, je fus pris, et ensuite mis à mort, pas n'est besoin de le
CANTO TRENTESIMOTZRZO
bocca soUevô dal fieno pasto
lel peccator, forbendola a' capelli
1 capo ch' egli avea di rétro guasto.
i comiiiciô : Tu vuoi ch' io rinnovelli
iperato doLcr che '1 eor rai preme,
I pur pensando, pria ch' i' ne favelli.
se le mie parole esser den semé,
e frulti infamia al traditor ch' i' rodo,
'lare e lagrimar vedrai insieme.
4. r non so chi tu sie, ne per che modo
▼enuto se' quaggiù; ma FiorNitino
Mi sembri veraraente quand' i* t' odo.
5. Tu dèi saper, ch' i' fui '1 Conte UgolinOy
Ë questi l' Arcivescovo Knggieri:
Or ti dirô perch' i' son tal vicino.
6. Che per l' efletto de' suu' mai pemierir
Fidandomi di lui, io fossi çrem
E po&ôamoTlo^ dis tum^toctiàn^
lis L^£5FEft.
7. « Mais ce que tu ne peni; zTolr appris, combien ma
mort fut cruelle, lu Tentendras, et tu sauras si par lui je
(us ofTensé.
8. « Un étroit pertuis est dans la mue* à cause de moi
ar pelée de la Faim, et où il faut que d'autres encore soient
enfermés.
9. « n m'avait^ par son ourerlure, déjà montré plusieurs
fois la lune, quand je tombai d^ns le mauvais sommeil, qui
le voile de Tavenir pour moi déchira.
10. ff Celui-ci me paraissait maître et seigneur, et chas-
sait le loup et les louveteaux vers les monts qui empêchent
les Pisans de voir Lucques :
11. a Avec des chiennes maigres, agiles et bien dres-
sées, devant lui il avait posté Gualandi, et Sismondi, et Lan«
franchi.
12. « Après une plus longue course, fatigués me parais-
saient le père et le fils, et il me semblait voir les deots
aiguës leur ouvrir les flancs.
15. « lorsque avant le matin je fus réveillé, j'entendis
mes fils, qui étaient avec moi, se plaiudre en dormant et
demander du pain.
11. « Bien cruel es-tu, si déjà tu ne t'attristes, pensant
à ce qui s'annonçait à mon cœur; et si tu ne pleures pas, de
quoi pleureras-tu?
T.Perô. quel che non puoi avère inteso,
Cioë, corne h m^rte tnia fu cruda,
Udiiai, e Mprdi se m' ha offeso.
8. Brève perlugio dentro dalla muda,
La qu;<l per me ha '1 liiol délia famé,
t in che conviene ancorcb'altri t>i chinda,
9. M' avea raosirato per lo suo forante,
Più lune già. quand i' feci 't mal sonne,
Che del future mi S'iuarciô '1 velanie.
10-Quesli pareva a me maestro e donno,
Caccinndo il lupo e i lupicini al monte,
fer che i Pisan vedev Lucca non voQQO.
il.Conca^eniagre, studiose e crnte,
Gualandi con Sismondi e coa Lanfrandù
S' avea messi dinanzi dalla fronte.
11. In picciol corso rai pareano stanchi
Lo padre e i ligli, e con t agut e scaae
Mi parea lor veder fender li fiancbL
IS.Quando fui desto innanzi la dimane,
Pianger senti' fra 'i sonno i miei lîglioA
. Ch* eran con meco, e dimandar del pu».
14. Ben se' crudel, se tu giâ non ti duoli,
Pensando ciô che 1 mio cor s* annunaifi»
E se non piangi, di che pianger suolif
il
\
CDANT TRENTE-TROISIÈME. 4^0
15. « Déjà ils étaient éveillés, et Theure approchait où,
de coutume, la nourriture on nous apportait, et, à cause de
son rêve, chacun était en anxiété.
16. « Et j'entendis en bas sceller la porte de l'horrible
tour, et de mes fils je regardai le visage, sans rien dire.
17. a Je ne pleurais pas, tant au-dedans je fus pétrifié :
ils pleuraient, eux ; et mon petit Anselme dit : — Père,
comme tu regardes I Qu'as-tu?...
18 « Cependant je contins mes larmes, et ne répondis
point, ni de tout ce jour, ni la nuit d'après, jusqu'à ce que
le soleil se fût de nouveau levé sur le monde.
19 a Lorsqu*un faible rayon eut pénétré dans le triste
cachot, et que sur quatre visages je vis mon propre as-
pect',
20. c( De douleur les deux mains je me mordis; et ceux-là,
pensant que c'était par l'envie de manger, soudain se le-
vèrent,
21 • a Et dirent : — Père, bien moins de peine nous se-
rait-ce, si de nous tu mangeais ; tu nous as revêtus de ces
nisérables chairs, et toi aussi dépouille-nous-en I...
22. a Lors je me calmai, pour ne pas les affliger plus. Ce
^ur et le suivant, nous demeurâmes muets. Ah 1 terre bar-
)are, pourquoi ne t'ouvris -tu point?
s. Già eran desti, a F ora trapassaya,
Che '1 cibo ne aoleva essere addotto,
E par suo aogno oiascun dubitata:
••Bd io aentii chiavar l' uscio di sotto
AU' orribilé torre ; ond' io guardai
Nel viso a' mid figliuoi, senia far motto.
7.Io non piangera : ai dentro impietrai:
Piangeran elli : ed Anselmuccio mio
Disse : Tu guardi si, padre : che bai?
8*Perô non lagrimai, ne rispos' io
TuUo quel g^rno» ne la notte appresso,
lalln che l' altro Sol nel mondo uado.
it.Come un poco di raggio si fù mesao
Nel doloroso carcere, ed io scdrsi
Per quattro Tisi il ado aspetto stesao;
SO.Ambo le mani per dolor mi moni.
E quei, pensando ch' io H feasi per toglia
Di manicar, di subfto levorsi,
11. E disser : Padre, assai ci fia men dogUa,
Se tu mangi di noi : tu ne testisti
Queste misère cami, e tu le apoglia.
IS. Quêta* mi aUor per non farli più tristi:
Quel di' e l' altro stemmo tutti mnJLv*.
ihi dura lenai, p«ccYil^ tmi^ %9Mâ^
AI,
na
470 L'EBFKR.
23 . a Quand nous t&mes au quatrième jour, Giiadâo tomba
étendu à mes pieds, disant : — Père , pourquoi ne me
secours-tu?...
24. « Là il mourut : et, comme tu me vois, je vis les
trois autres tomber, un à un, entre le cinquième jour et le
sixième; et moi,
25. « Déjà aveugle, de Tun à l'autre à tâtons j'allais;
trois jours je les appelai après qu'ils furent morts. .. Puis,
plus que la douleur, puissante fut la faim. »
26. Cela dit, il tourna les yeux, et renfonça les dents
dans le crâne misérable, qu'il broya comme le chien broie
les os.
27. Ahl Pise, honte des peuples du beau pays où sonne
le 5i*, puisqu'à te punir tes voisins sont lents,
28. Que la 'Gapraia et la Gorgona* se meuvent et barrent
TAmo à son embouchure, de sorte qu'en toi tous soient
noyés.
29. Si le comte Ugolin était soupçonné d'avoir en tra-
hison livré tes châteaux, tu ne devais pas infliger à ses fib
un pareil tourment.
30. Nouvelle Thèbes, l'âge nouveau rendait innocents
Uguccione et le Brigata*, et les deux autres que plus haut
nomme ce chant.
SS.Posciachè fummo al quarto di' venuti,
Gaddo mi ri gittô disteso a' piedi,
Oicendo : Padre mio, che non m* aiuti?
14.Quivi mori : e corne tu me vedi,
Vid' io cascar li tre ad uno ad uno
Tra 'Iquinto di' e '1 sesto : ond' io mi diedi
SS.Già cieco a brancolar sovra ciascuno,
E due di' li chiamai poich' e* fur morti:
Poscia, più che '1 dolor, potè il digiuao.
26. Quand* ebbe detto ciô, con gli occhi torli
Riprese il teschio misero co' denti,
Che furo air osso. corne d' uu can, totlx.
rr.Âhi Pisa, vituperio délie genti
Del bel paese là dote 1 «i suona,
Poichè i vicini a te punir son leoti,
SS.Movasi la Capraia e la Gorgona,
B faccian siepe ad Arno in su h foce,
SI ch* egli annieghi in te ogm' penou.
SS.Chë se '1 Conte Dgolino aveva Yoce
D' aver tradita te délie casteDa,
Non dovei tu i figliuoi porre a tal crocfr
SO. Innocent! facea I* etii novella,
Novella Tebe» Uguccigne e il Brigita,
E ^Ualtri duo che il canto suso appdi*-
Uû
CHANT TRENTE-TROISIÈME. 471
31. Passant outre, nous vînmes en un lieu où durement
la glace en enveloppe d'autres, étendus, non le visage en
bas, mais à la renverse.
32. Là les pleurs mêmes empêchent do pleurer ; sur les
yeux trouvant un obstacle, ils rentrent en dedans pour ac-
croître Tangoisse,
33. Parce que les premières larmes se congèlent, et
comme des visières de cristal, au-dessous des cils, remplis-
sent toute la coupe.
34. Quoique le froid eût, comme un cal, privé mon
visage de tout sentiment,
35. n me semblait sentir un peu de vent; sur quoi je dis -
— Maître, qu'est-ce qui le produit? Ce lieu n'est-il pas vide
de toute vapeur?
36. Et lui à moi : « Tu seras bientôt là où, voyant la
cause de ce souffle, l'œil à ta question répondra. »
37. Lors un des malheureux qu'enveloppe la froide
croûte nous cria : « âmes si cruelles que la demeure la
plus basse vous est assignée,
38. «Otez-moi du visage les durs voiles, que je puisse
un peu exhaler la douleur dont mon cœur est plein, avant
que les pleurs regèlent. )»
39. Et moi à lui : — Si tu veux que je te soulage, dis-moi
qui tu es; et si je ne te dégage, que j'aille au fond de la glace I
Sl.Noi passamm' dtre, là 're la gelata
Ravidamente un* altra gente fascia,
JUm volta in giù, ma lutta riveraata.
St.Lo inanto stesso li pianger non lascia,
E '1 duol, che truoYa in su gli occhi rintoppo,
8iT(rive in entroa far crescer i'ambascia:
lS.Chë te lacrime prime fanno groppo,
E, si eome lisière di cristallo,
Biempion sotto '1 ciglio tutto il coppo.
'H*Bd arfegna che, si come d' un callo,
Per la freddura ciascun sentimento
Cessato avesse del mio viso stallo,
U,&k mi parea sentire alquanto vento;
Perch' io : Maestro mio,que8to chi muoye?
Non e quaggiuso ogni vapore spento ?
S6.0nd' egli a nie : Avaccio sarai dove
Di ciô ti farà 1' occhio la risposta,
Veggendo la cagion che U fiato piove.
S7. Ed un de* tristi délia fredda crosta
Gridô a noi : anime crudeli
Tanto, clie data v' è i' ultime posta,
38.Levatemi dal viso i duri veli, [pregna,]
Si ch' io sfoghi il dolor che '1 cor m' im-
Un poco, pria che '1 pianto si raggeli.
59. Perch' io a lui : Se vuoi ch' io ti sovvegna,
Diinmi chi se'; e s' io novi V\ d\<&V^x\%<(^,
Al (ondo deWa fO^\acc\aL\r vcv\ caun^^bga..
42* c Td ert le priiîlége de cette
fot fine 5 tombe aiaot que Ft
43« c Et afini|iieplBiVQloiitîefstMiBeiiclesdBvis^ele8
bnnef defeones lem, ndie qoTaBBilit qae Tiiiie tnhît,
44. < Cornue je Ta fidt, on dénoB fTcnfiare de soo
eorpi, etensoite legoaienie, jaaqpia eeqœ «w temps soit
45. « Elle tmbe dans eettecafenie ; et peut-être qu'en-
core lâ'baut se Toît le carfs de eehii qui, là detnère moi,
grelotte.
46. c Ta dois le saTOÎr, a tu ne Eus que d'arriiFer ici :
c'est ser Branca d'Oria", et plusieurs années ont passé déjà,
depuis qu'il fut ainsi enserré. »
47. — Je oroiSy lui dis-je, que tu me trompes ; Bnmca
d'Oria n'est nullement mort : fl mange, et boit, et dort, et
se vét.
48. a Plus haut, me dit-il, dans la fosse des Halebran-
cbi, où bout la poix visqueuse, n'était pas encore venu Hi-
ebel Zancbe,
M. BifpOM ââtinque : V son Frate Alberigo:
lo êfiit quel dalle frotte del mal orto,
Che qui riprendo dattero per iigo.
4 1. Oh, diMi lui, or M* tu ancor morto?
Kd egli a me : Coro« U roio corpo stea
N«l inondo au« nuUa idenzia porto.
il'OHal Tantagf io ba quetta Tolomea,
Uhe apetie volte 1' anima ci cade
limanti ch' AtropAs moaia le dea.
4S.E perchA tu più volentier mi rade
Le invetriate iagiîme dal volto,
tappi ctie toeto che l' anima trade,
U, Comê fec' io, U corpo tuo l' i toUo
Da on dimonîo, ebe posda il gorema
Mentre che 1 tempo suo tutto sia voho.
45. Ella ruina in si faite cistema:
E forse pare ancor lo corpo auso
Dell' ombra che di qua dletro mi vema.
40. Tu '1 dêi aaper, ae tu yien pur roo giuao:
Egli è Ser Branca d* Oria, e son più anni
Poscia passati ch' ei fu ai racchiuso.
47 -F credo, dias'io lui, che tu m' inganni;
Chè Branca d' Oria non mon unquanche,
Ë mangia, e bee, e dorme, e veste panai.
48.Mel fosso su, diss' ei, di Malebrancbe,
Là dove belle la tenace pece,
Non era giunto ancora Michel Zanche,
CHANT TRENTE-^TROISIËME.
473
49. c< Que celui-ci, à sa place, laissa un diable dans son
corps, aussi bien que son parent^* qui avec lui commit la
trahison.
50. a Mais, maintenant, ici étends la main, et ouvre-moi
' les yeuxl » Je ne les lui ouvris point; et ce fut courtoisie
que de lui être discourtois.
51 . Génois, hommes de mœurs à part, et pleins de
tous vices, que de vous le monde n'est-il délivré?
52. Tels étes-vous, qu^avec le pire esprit de la Romagne je
trouvai Tun de vous, dont, à cause de son œuvre, Tâme se
baigne dans le Cocyte,
Tandis qu'encore, en haut, le corps parait vivant.
49.Che questi lasciô un diavolo in sua Teee
Nel corpo suo, e d' un suo prossimano,
Che '1 tradimento insieme con lui fece.
SO.Ma distendi oramai in qua la mano :
Aprimi gli occhi : ed io non giiele apeni,
B cortesia fa lui esser villano.
tl.Ahi Genoveâ, uornini diverti
D' ogni oostnme, e pien d' ogni magagna.
Perché non siete voi del mondo spersi?
51. Che col peggiore spirto di Romagna
Trovai un tal di voi, che per su' opra
In anima in Cocito già si bagna,
Ed in corpo par vivo ancor si sopra»
«..
474 L'ENFER.
NOTES DU CHANT TRENTE-TROISIÈME
i. Ugolino, comle de la Gherardesca, noble Pisanda parti Gnelfe. D'accord
avec l'archevêque Ruggieri degli Ubaldini, il chassa de Pise son nevea Nino,
et se fit Seigneur de la \ille i sa place. Mais, par envie et par haine de parti,
l'archevêque, aidé des Gualandi, des Sismondi et des Lanfranchi, souleva le
peuple contre le comte, fit prisonniers lui, ses deux Gis Gaddo et Uguccionei
et ses trois petits-fils, Ugolino, surnommé il Brigata, Ârrigo et Ânselmuccio,
les enferma dans la tour des Gualandi, dite des Sept-Voies; puis, afin qu'on
ne pût leur porter d'aliments, en fil jeter les clefs dans l'Âmo.
2. La tour où on l'enferma, comme on enferme les poulets dans une mue,
et qui depuis lors lut appelée la Tour de la Faim.
3. c Lorsqu'en voyant ces visages défaits, je compris combien je l'étais
moi-même. »
4. Du pays où se parle la langue italienne.
5. Deux petites îles situées près de l'embouchure de l'Àrno.
6. L'un fils, l'autre pelitr-fils d'Ugolin.
7. Âlberigo des Hanfredi, seigneur de Faenza, se fit Frère Gaudente.
S'étant brouillé avec quelques-uns d'eux, il feignit de se réconcilier, et les
invita à un repas somptueux. Au moment où il ordonnait d'apporter les fruits,
ce qui était le signal convenu, des sicaires apostés se ruèrent sur les con-
vives, et en tuèrent plusieurs.
8. < Pour le mal que j'ai fait, je reçois mal plus grand. »
9. Troisième enceinte du neuvième Cercle, ainsi nommée ou de Ptolomée,
roi d'Egypte, qui trahit Pompée après sa défaite à Pharsale; ou de Ptolomée,
prince des Juifs, qui tua en trahison son beau-père et deux de ses cousins.
10. Celle des trois Parques qui tranche le fil de la vie.
11. Génois qui tua en trahison Michel Zanche, son beau-père, que Dante
met aussi en enfer, parmi les artisans de fraude, ch. XXII.
12. Ou dit qu^ c'était un de ses neveux, qui l'aida à commettre le meurtre.
CHANT TRENTE-QUATRIÈME.
475
CHANT TRENTE-QUATRIÈME
1. « Vexilla régis prodeunt Infemi^ de noire côté : De-
vant donc, dit le Maître, regarde si tuTaperçois. »
2. Tel que, quand passe un nuage épais, ou que la nuit
se fait dans notre hémisphère, paraît dans le lointain. un
moulin que le vent fait tourner,
ô. Quelque chose de pareil alors je crus voir. Puis, à
cause du vent, je me réfugiai derrière mon Guide, n'ayant
point d'autre grotte.
4. Déjà (et avec peur je le raconte dans mes vers), j'étais
là où les ombres sont toutes recouvertes, et apparaissent
comme un fétu dans le verre transparent :
5. Les unes sont couchées, les autres debout ; celle-ci la
tète, celle-là les pieds en haut; d'autres ont les pieds el la
face courbés en arc.
6. Lorsque nous fûmes assez avant pour qu'il plût à mon
Maître de me montrer la créature qui d'aspect fut si belle,
CANTO TRENTESIMOQUARTO
i.f exilla régis prodaat Infemi
Verso di noi : perù dinaïui mira.
Disse *1 Haeslro inio, se tu '1 discerni.
ftCome, quando una grossa nebbiaspira,
quando V emisperio nosiro annotta.
Par da lungi un miilin che '1 vento gira;
S.Teder mi parve un t.il dilicio allotta :
Poi per lo vento mi rislrinsi relro
Al Duca niio; chè non v' era allra grotla.
4. Già era (e con paura il metto in naetro)
Là, dove 1' ombre tulte eran coverte,
E trasparén corne festuca in <?etro.
S.AUre stanno a giacere ; altre slanno- er*e,
Quella cul capo, e quflla colle piaiite;
Aitra, corn' arco, il voltu a' piedi inirerte.
6. Quando noi Tummo fatti tanio nvante,
Cb' al mio Maestro piacqtie di mostrarini
La creatura cb' ebbe il bel secabia&iA.
476 ,1'ENFEB.
7. Il passa devant moi, et m'arrêta, disant : — Voilà
Dite, et voilà le lieu où il faut que tu t*armes de courage.
8. Combien je me sentis frissonner et défaillir, ne le
demande, lecteur I point ne Técris, parce que toute parole
serait faible.
9. Je ne mourus point, et ne demeurai point vivant:
pense maintenant toi-même, si tu as quelque entendement,
quel je devins, privé de lun et de Tautre.
10. L'Empereur du royaume douloureux, depuis le mi-
lieu de la poitrine sortait de la glace : et plus de proportion
ai-je avec un géant,
11. Que n'en ont les géants avec ses bras : vois donc ce
que doit être le tout, pour correspondre à cette partie.
12. S'il fut aussi beau qu'il est maintenant hideux, après
avoir élevé ses sourcils contre son Créateur, bien doit de lui
procéder tout deuil.
15. Ohl quelle merveille ce me fut, quand je vis trois
faces à sa tête : Tune devant, et celle-ci était rouge ;
14. Des deux autres qui s'y joignaient au-dessus du
milieu de chaque épaule, et s'unissaient à l'endroit de la
crête,
15. La droite paraissait entre jaune et blanche: et la
gauche à la vue était telle que ceux qui viennent des lieux
d'où le Nil descend.
T.Dinanzi mi si toise, e fe ristarmi,
Ecco Dite, dicendo, ed ecco il loco
Ove convien ctie di fortezza t' armi.
8. Corn' io divenni allor gelato e (ioco,
Noi dimandar, letlor, ch' i' non lo scrivo,
Perô ch' ogni parlar sarebbe poco.
9. Io non morii, e non rimasi vivo:
Pensa oramai per te, s' hai fior d' ingegno,
Qual'io divenni, d' uno e d* altro privo.
10. Lo 'mperador del doloroso regno
Damezzo '1 petto uscia fuor délia ghiaccia ;
E più con un gigante io mi convegno,
li.Che i giganti non fan con le sue braccia:
Vedi oggimai quant* esser dee quel tatt»
Ch' a cosi fatta parte si confaccia.
11. S' ei fu si bel com' egli è ora brulto,
E contra '1 suo Fattore alzù le cigiia,
Ben dee da lui procedere ogni lutlo.
13.0 quanloparve a me gran meraviglia,
Quando vidi tre facce nlla sua lesta I
L'una dinanzi,e quella era vermiglia;
14. Dell' altredue, che s' aggiugnénoa queiti
Sovresso 'i mezzo di ciascuna spalla,
£ si giugnéno al luogo délia cresta,
15. La destra parea tra bianca e gialla;
La sinistra a veder era tal, quali
Vengon di là, onde '1 Nilo s' avvalia.
CHANT TRENTE-QUATRIÈME.
477
Vu-dessous de chacune sortaient deux grandes ailes
ionnces à un tel oiseau : jamais sur la mer je ne yis
lies voiles.
îlles étaient sans plumes, et ressemblaient à celles
ives-souris; de leur battement s'engendraient trois
ît tout le Cocyte en était gelé. De six yeux il pieu-
sur trois mentons, goutte à goutte, tombaient les
!t la bave sanglante.
)e chaque bouche, avec les dents, comme broie la
un pécheur il broyait, de sorte qu'ainsi il en tour-
trois.
i celui de devant la morsure n'était rien près des
'échine parfois restant tout entière dépouillée delà
( Celte âme qui, en haut, souffre la plus grande
it mon Maître, est Judas Iscariote, qui a la lête de-
ît dehors agite les jambes.
[ Des deux autres qui ont la tête en bas, celui de qui
noire chevelure, est Brutus : vois comme il se tord,
1 dire.
( L'autre qui parait si membru, est Cassins. Mais la
eut, et il est temps de partir, maintenant que nous
ut vu. »
:una usdvan duo grand' ali,
conveniva a tanto uccello :
ir non vid' io mai cotali.
1 penne, ma di vipisirello
3do ; e quelle svolazzava,
venti si movién da ello.
nto tutto s' aggelava :
chi piangeva, e per tre menti
pianto e sanguinosa bava.
)cca dirompea co' denli
)re a guisa di maciuUa,
ne facea cosi dolenti.
fO.A quel dinaczi f! mordere era nulla
Verso r graftiar, chë talvuiia la schiens
lUmanea deila pelle tutta bruUa.
St.Quell' anima lassù che ha maggior pena,
Disse '1 Maestro, è Giuda Scariotto,
Che ilcapo ha dentro, e l'uorlegambemeni.
SS.Degli altri duo c' hanno il capu di sotto,
Quei che pende dal nero ceilo è Briito:
Vedi corne si storce, e non fa moito :
25. B r altro è Cassio, che par si membruto.
Ha la notte risurge; e oramai
Ê da pariiT» cYvè VviWo «iscm ^i^^^oXa*
478 L'EKFER.
24. Comme il iui plut j'embrassai son cod ; et loi, cboî-
8i!>saDt le moment et le lieu, lorsque les ailes fureut en-
tièrement ouTertes,
25. Se prit aux côtes yelues, puis de poil en poil il des-
cendit, entre Tépaisse fourrure et les parois glacées.
26. Quand nous fûmes là où la cuisse tourne surlasfil-
lie de la hanche, le Guide, et avec angoisse,
27. Porta la lêteoù il avait les jambes, et s'accrochaao
poil comme quelqu'un qui monte, de sorte que je croyais
retourner en Enfer.
28. «Tiens-toi bien, dit le Maître, haletant comme nn
homme épuisé de fatigue ; il faut que, par cet escalier, nons
quittions le séjour de tant de maux. »
29. Puis, par Touverture d'un rocher, il sortit, et me
déposant sur le bord, il m'y Gt asseoir; et près de moi il
posa son pied prudent.
50. Je levai les yeux, croyant voir Lucifer comme je
l'avais laissé, et je le vis les jambes en haut.
51. Si alors je fus en peine, le pense la gent épaisse
qui ne se représente pas quel est le point que j'avais dé-
passé.
52. « Lève-loi^ dit le Maître; la route est longue, elle
chemin mauvais, et déjà le soleil revient à mi-tierce*. »
M.Gom' a lui pi: cque, il collo gli avvinghiai;
Ed ei presse di tempo e loco poste :
E, quando 1' aie furo aperte assai,
tB>AppigIi(') 8.- aile velltHe coste:
bi velio in veilo giii diicese poscia
Tra '1 (ollo pelo e le gelat£ croste.
|6.Quando noi fumnio là dove la coscia
Si volge appunto in sul grosso deli' anche,
Lo Duca con fatica e coii angoscia
gf.Volse la testa ov' egli avea le zanche,
£d agi;t appussi al pel coin' uom che sale,
Si che in lulerno i' cicdea lornar anche*
ff .itlienti ben, chè per colaii «cale.
Disse '1 Maestro ansando com' uom lassAi
Conviensi dipartir dj tanto maie
S9.Poi usci fuor per )o foro d'un sasso,
£ pose me in su V orlo a sed«re:
Appresso porse a w.e l' accorto passo.
50. r levai gli occlii, e ciiedetli vedere
Lucifero com* io V avea la&cialo,
E vidiii le gainbe in >u lenere :
51. E s' io divenni allora irav.igiialo,
La gente grossa il pensi, che non ved«
Quai era '1 punto ch" io avt-a passai).
SS.Levali su, disse 1 M.^estro, in piede:
La via é lunga, e il caminino è malvagio»
B già il Sole a inezxa terza riede.
CHANT TRENTE-QUATRIÈME. 4/0
33. N'était pas une salle de palais le lieu où nous étions,
mais un cachot naturel, dont rude était le sol, et où la lu-
mière manquait.
34. — Avant que je me dégage de Fablme, dis-je quand
je fus debout, avec moi. Maître, discours un peu pour me
tirer d'erreur.
35. Où est la glace? et celui-là \ comment est-il ren-
versé? et comment, en si peu de moments, le soleil a-t-il du
8oir au matin accompli le trajet?
36. Et lui à moi : a Tu t'imagines être encore de l'au-
tre côté du centre où je m'accrochai au poil de l'horrible
ver qui perce le monde ^.
37. a Tu as été là aussi longtemps que j'ai descendu :
quand je me retournai, tu dépassas le point où tend tout
ce qui pèse.
38. a Et maintenant tu es arrivé à Thémisphère opposé
à celui que recouvre le vaste aride*, et au milieu duquel
39. Consommé'' fut l'homme qui naquit et vécut sans
péché. Tu as les pieds sur la petite sphère qui forme l'autre
face de la Giudecca*.
40. « Ici il est matin, quand là il est soir : et celui dont
le poil nous a servi de degrés, est dans la position où il
était d'abord.
R.Hon en «ammiiMiU di pala;{H>
Là V eranun, ma natural burdla
Ch* avM mal luolo, e di lume disagio.
34. Prima chlo dell* abbso mi divella,
Maestro mio, diss* k> quando fii' driUo,
A trarmi d'erro un poco mi favella.
S5«0v' è la gbiacda? e quesd com' è fitto
81 sottoiopra? e come 'n si poc' ora,
DiB sera a mane ha fatto il sol tragittoT
M.Bd egU a me : Tuimmagini ancora
Dresser di là dal centre, or* io m'appresi
Ai pei dd vermo reo che '1 monde fora.
S7.Di là festi eolanto, quant' io seesi:
Quando mi <?olsi, tu passasti il punt»
Al quai si traggon d*ogni parte i pesi :
S8.E se' or soUo l' emisperio giunto
Ch'ë contrapposto a quel che la gran secca
Coverchia, e sotto '1 cui colmo consunto
S9.PU r Uom che nacque e visse sensa pecca:
Tu hai i piedi in su picciola spera
Che l' altra faccia fa délia Giudecca.
40. Qui è da man, quando di là è sera :
B questi che ne fe scala col pek>,
Fitto è ancora, si come prim* era.
L'EtlFEIL
41. € De ce o6lé 9 tomba du cid, et la terre qui aupan-
Tint surgissait, par l'effiroi qu'elle eut de lui, se fit de h
mer un ToOe,
42. c Et se remontra dans notre hémisphère* ; et peuUtre
que, pour le fuir, elle laissa vide l'espace qui apparaît là,
et en haut se retira**, ji
43. Là en bas** est un lieu éloigné de Belzébub autant
que la tombe s'étend** : Tindique, non la vue, mais lebrmt
44. D un petit ruisseau, qui descend par la fente d'un
rocher que son cours a rongé, et autour duquel il coule par
une faible pente.
45. Le Guide et moi nous suivîmes ce chemin obscur
|)our retourner dans le monde lumineux; et sans avoir
souci d'aucun repos,
46. Nous montâmes, lui le premier, moi le second, tant
qu'enfin, par un trou rond, j'apergus les belles choses que
le ciel porte,
Et de là sortant, nous revîmes les étoiles.
41.0i questa parte cadde giù dal cielo :
Bla terra che pria di qua si sporse,
Hr paura di lui fe del mar vdo,
4t. B venne air emisperio nostro; e forse
Par fuggir lui lasciô qui il luogo voto
Qaella che appar di qua, e su ricorse.
41. Luogo è laggiù da Belzebù rimoto
Tanto* quando la tomba si distende,
Chê non per vista, ma per suono è noto
% .O^w ruacdletto cbe quivi discende
Per la buca d* on sasso ch' egli ha roM
Col corso ch' egU avrolge, e poco pende.
45. Lo Doca ed io per quel cammino ascoso
Entrammo a ritomar nel chiaro mondo:
E senxa cura aver d* alcun riposo
46.Salimmo su, el primo ed io seoondo,
Tanto ch'io vidi deUe cote belle,
Che porta il Ciel, per on perlugio tonds:
E quindi uscimmo a riveder le ilella.
CHAI«T TRENTE-QUATRIÈME. 481
NOTES DU CHANT TRENTE-QDATRIÈME
1. c V étendard du roi de t Enfer t^avance ver» «m». » Ce ven que
Dante applique à Lucifer, en y ajoutant le mot infèmit est le premier d*une
hymne de l^glise en l'honneur de la Croix.
3. Dans la gueule de Lucifer.
S. Le jour étant divisé en quatre parties égales, tierce, sexte, none
vesper ou le soir, mi-tierce est la huitième partie du jour. Un peu aupara-
vant, Virgile avait dit que la nuit commençait à se faire; mais, comme au
moment où le soleil se couche dans un hémisphère, il se lève dans l'autre, il
Bst naturel qu'il soit déjà élevé sur rboriaoo de celui où les voyageurs ae
UtHivent maintenant.
4. Lucifer.
5. Qui en traverse le centre.
6. Expression empruntée à la Genèse, où la c terre sèche, a c'est-à-dire
non couverte par les eaux, est appelée V aride.
7. Allusion au cansommatum est de l'Évangile.
8. Dante appelle Giudecca la quatrième et dernière sphère du neuvième
Cercle où est Judas, et qui s'étend, des glaces du Gocyte, jusqu'au fond du
puits. La partie de l'autre hémisphère correspondante à cette enceinte est
la petite ^tiêre qui fbrme Vautre ftice de la Giudecca. Il est clair qu'après
avoir dépassé le centre, c'est la première que Virgile et Dante aient dû ren-
contrer.
9. La terre, qui originairement s'élevait au-dessus des eaux, s'enfonça
dessous, et s'en fit comme un voile quand Lucifer tomba, et en même temps
elleserenumtrat elle s'éleva dans l'autre hémisphère.
10. Pour former la montagne que, dans l'autre Cantique, on verra être
Celle du Purgatoire.
11 . Dante adresse ici la parole au lecteur.
12. Ce passage n'est pas sans difficulté. Selon les commentateurs le sens
serait : éloigné de Belzébub de toute la profondeur de VEnfer, et alors, pour
^ux, le lieu dont parle Dan le est, comme ils rex]))k[uent, la superficie de
''hémisphère opposé au nôtre. Mais, !• lAQÇiih «fctifcVe ^i^vgaec \t\v«îi.K^
4S2 L'ENFER.
Virgile et Dante étaient en ce moment, c'est-à-dire la petite sphère q»
fbrme Vautre face de la Giudecca (tercet 59) ; 2« la surface de la terre esl
partout visible, et ainsi twn per viita nota ne se comprendrait pas; 3* d'où
et comment le ruisseau descendrait-il à la surface de la terre? Nous penson»
que, soit que le mot tombe signifie, ce qui nous semble mieux d'accord avec
le contexte, tout l'Enfer, ou seulement le fond du cône où Lucifer est plongé
dans la glace, le sens est qu'au delà de < cette tombe, p et à partir du point
iusqu*oU elle tfitend^ c'est-à-dire où elle se termine, est un lieu obuntr,
puisqu'il est situé près du centre de la terre où le jour ne pénètre point, et
que dans ce lieu descend un petit ruisseau, dont le brvit indique à Virgile
et à Dante la route qu'ils doivent suivre dans l'obscurité, pour monter josqoe
là où ils reverront la lumière.
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A fine of flve cents a day is mcurred
by retaining it beyond the specifled
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Flease retum promptly.