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MANUEL
ANTIQUITÉS ROMAINES
XIX
MANUEL
DES
ANTIQUITÉS ROMAINES
THÉODORE MOMMSEN, J. MARQUARDT & P. KRÙGER
TRADUIT DE l'aLLEMAXD SOUS LA DIRECTION DE
M. Gustave IIUMBERT
Professeur honoraire à la Faculté de Droit de Toulouse, ancien Garde des Sceaux,
ancien Vice-Président du Sénat, premier Président de la Cour des Comptes.
TOME DIX-NEUVIEME
LE DROIT PÉNAL ROMAIN
Par THÉODORE MOMMSEN
TRADUIT DE l'allemand
AVEC l'autorisation DE LA FAMILLE DE l'aUTEUR ET DE l'ÉDITEUR ALLEMAND
J. DUQUESNE
Professeur à la Faculté de Droit de Grenoble
TOME TROISIÈME
IH»»AR»CS
■•«•y«{0^
PARIS
ANCIENNE LIBRAIRIE THORIN ET FILS
ALBERT FONTEMOING, ÉDITEUR
LIBRAIRE DES ÉCOLES FRANÇAISES d'aTHÈNES ET DE ROME
DE l'iNSTITOT français d'aRCHÉOLOGIE orientale du CAIRE
DU collège de fuance et de l'École normale supérieure
4, Rue Le GofF, (V»)
1907
LE
DROIT PÉNAL ROMAIN
Par Théodore MOMMSEN
III
DEDIE
A LA FACULTÉ DE DROIT
DE l'université FRÉDÉRIC-GUILLAUME a BERLIN
PAR
UN DE SES ANCIENS .MEMBRES
LE
DROIT PÉNAL ROMAIN
PAR
THÉODORE MOMMSEN
TRADUIT DE L ALLEMAND
AVEC l'autorisation DE LA FAMILLE DE l'aUTEUR ET DE l'ÉDITEUR ALLEMAND
J. DUQUESNE
PROFESSEUR A LA FACULTÉ DE DROIT DE GRENOBLE
TOME TROISIEME
PARIS
ANCIENNE LIBRAIRIE THORIN ET FILS
ALBERT FONTEMOING, ÉDITEUR
LIBRAIRE DES ÉCOLES FRANÇAISES d'aTHÈNES ET DE ROME
DE l'institut français D ' AH C HÉO LOGI E ORIENTALE DO CAIRE
DU COLLÈGE DE FRANCE ET DE l'ÉCOLE NORMALE SUPÉRIEURE
4, Rue Le Gofif, (V«)
1907
y. ■ "
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DEOIT PÉNAL ROMAIN
LIVRE IV
LES DIFFÉRENTS DÉLITS
(suite)
SECTION VII (705)
ACCEPTATION DE LIBÉRALITÉS ET EXACTIONS DES AVOCATS
ET DES MAGISTRATS
{Crimen pecimiarum repetundarum).
D'après les conceptions romaines, il est indécent d'accepter Gratuité
j,] . 1, !• ijj-' des prestations
un dedommaf,^ement pour 1 accomplissement des devoirs ci- ^^^gg
viques les plus élevés. Le simple soldat reçoit une solde, mais p*"" '« citoyen.
non pas l'officier; l'artisan et le scribe sont payés, mais non
pas le gérant d'affaires et l'avocat; enfin et surtout l'as-
semblée municipale et les magistrats de la cité fournissent
gratuitement leurs services. Lorsqu'au temps de Caton cette
vieille et belle coutume commença à péricliter et fut peu à
peu non pas abolie, mais simplement mise en échec par
d'habiles expédients, on tenta de réprimer par des mesures
législatives l'enrichissement incorrect des avocats et des ma-
gistrats. Nous devons exposer ici les lois promulguées dans
ce but. Si les mesures prises contre les honoraires des avocats
Droit Pénax Romaim. — T. III. ^
2 DROIT PENAL ROMAIN
n'ont eu que peu d'importance politique et ne rentrent pas à
proprement parler dans le domaine du droit pénal, les règles
répressives établies contre les profits des magistrats ont eu
au contraire une importance politique considérable dans les
deux derniers siècles de la République et ont en outre, à cette
époque, été, non pas à raison de leur nature, mais à raison
de leur forme, le point de départ d'une transformation géné-
rale du droit pénal.
Acceptation En oo0/204j ncuf ans avant le consulat de Caton l'Ancien,
te^fvocau' oti vota, sur la proposition du tribun de la plèbe M. Cincius
Alimenlus, une loi qui enlevait toute efficacité juridique à la
promesse de donation faite entre personnes non parentes, mais
laissait subsister en principe la donation pleinement exécutée,
(706) tandis qu'elle prohibait une pareille donation faite à un avo-
cat et organisait pour ce cas une action en restitution (1),
Cette dernière interdiction a été maintes fois renouvelée et
précisée à l'époque impériale, tout d'abord par Auguste en
737/17 (2), puis sous Claude en 49 (3) et sous Néron dans les
années 54 et 38 (4). Cette règle s'est d'ailleurs maintenue dans
(1) Tacite, Ann., 11, o (cpr., 13, 20) : lerjemgue Cinciam flagilant, qiia ca-
vetur antiquilus, ne quis oh cansam oranclam pecuniam donumvc accipiul. Ci-
céron. De senect. 4, 10 et Tite-Lis'e, 29, £0, 11, déterminent l'époque de
cette réforme. Les règles générales sur les promesses de donations et sur
les donations réalisées n'appartiennent pas au droit pénal.
(2) Dion, o4, 18 : to-j; fr,topa; àtx'.ffûi a-jvayops-jciv r^ TîTpa^/.ic-iov ôaov av
),(iow(Jiv êxTtveiv ixéXs'jffs.
(3) Tacite, loc. cit. Le débat se termine ainsi : en cas d'acceptation
d'honoraires supérieurs à 10.000 sesterces (=: 100 aurei = 2.000 marks)
pour le même procès l'avocat tombera sous le coup de la lex repelundariim
(c. 7 : capiendis pecuniis [posait] modum nsque ad dena sestertia, qiiem egressi
repetimdai-um tenerentur). Cela doit être le sénatusconsulte que publie de
nouveau sous Trajan le préteur de repelundae Licinius Nepos et dont il
recommande l'observation (Pline, Ep., b, 9, [21] : suberat edicto senatus
consultum hoc, omiies qui quid negotii haberent jurare prias qaum agerent ju-
bebantur jiihil se ob advocalionem cuiquam dédisse protnisisse cavisse... peraclis
tamrn negotiis penniltebattir pecaniain dumtaxat decem milium dure).
(4) En l'année 54, le Sénat vota la suppression complète dos honoraires
(Tacite, 13, .^ : ne qais ad causant orandam mevcede aut donis emeretur) ; mais
dôjà en l'an 58 on remet en vigueur \u.poena Cinciae legis adversus eos gui
prelio causas oravissent (Tacito, Anu., 13, 42), c'est-:\-dire que lu disposi-
tion de l'an 49 est rétablie. Cette prescription s'applique encore sous Jus-
tinien avec le même maximum (Z>/7., '60, 13, 1, 10-13). Cpr. 0"iiitilien, 12,
ACCEPTATION DE LIBÉRALITÉS ET EXACTIONS 3
la suite avec celte seule modificalioa qu'on reconnut plus lard
à l'avocat le droit de recevoir des honoraires dans les limites
fixées par la loi et qu'on lui garantit dans cette mesure l'as-
sistance de la justice.
Le magistrat qui s'approprie injustement une chose pu- Acceptation
blique ou le bien d'un citoyen ou d'uu non citoyen est lemagutrlt.
exposé à^des actions pénales diverses dont nous parlerons dans
la Section suivante. Si le magistrat reçoit simplement des
dons, son acte est contraire aux convenances (1), non pas
au droit; et, si sous la forme d'une libéralité se cache une exac-
tion ou une corruption, ce fait en lui-même ne tombe pas sous
le coup des lois pénales en vigueur. Peut-être l'ancien droit
doniia-t-il au préteur la possibilité de traiter comme délit (707)
privé l'abus grave des acceptations de libéralité (2) uu même
de casser l'acte par voie de restitutio in integrum (3) ; il n'y
eut là en tout cas qu'un remède peu important en pratique,
étant donnée la preuve requise pour de telles exceptions. Le
peuple de Rome et la confédération italique des cités de l'an-
cienne République avaient à peine besoin, à raison du peu de
complexité de la vie publique à cette époque et de l'indépen-
dance relative des cités unies à Rome, d'une protection juridi-
que spéciale vis-à-vis des magistrats romains; dans les cas
d'abus graves qui se sont certainement produits alors, l'inter-
vention administrative du gouvernement romain n'a pas dû
7, 10 et Pline, Ep., o, 4. 9. 13, où celui-ci rapporte le procès de l'avocat
Tuscilius Nominatus coupable d'avoir enfreint cette régie.
(1) L'ambassadeur romain envoyé auprès du roi Tigrane n'accepte des
riches présents que lui fait celui-ci qu'une coupe d'or, et encore ne le
fait-il que pour ne pas paraître impoli (Plutarque, Luc, 2J). La lex repe-
lundarurn ne s'applique pas aux dons faits par un souverain étranger in-
dépendant.
(2) Bien que les avocats présentent fréquemment, et avec raison au point
de vue moral, l'exaction comme un vol, les sources juridiques séparent
toujours rigoureusement, tant au point de vue du fond que de la termi-
nologie, les repetundae et le fiirtum. Le premier de ces délits suppose un
déplacement de propriété, tandis que le second l'exclut.
(3) La restitutio in integrum ob melum est sans doute antérieure en fait à
son introduction dans l'édit comme institution permanente (II p. 373),
mais elle n'est pas un moyen de procédure ordinaire.
4 DROIT PÉNAL ROMAIN
être sollicitée en vain (1). Des mesures exceptionnelles d'or-
dre législatif ne sont devenues nécessaires contre cet abus de
la fonction publique que plus tard, lorsqu'au cours du vi« siè-
cle de la fondation de Rome les territoires conquis au-delà des
mers furent annexés à la confédération italique des cités et
que les abus inhérents au gouvernement de tels territoires se
firent sentir. La première mesure de ce genre qu'enregistrent
les annales, devenues pour cette époque dignes de créance et
relativement complètes, fut provoquée parles plaintes portées
en 583/171 devant le Sénat contre une série de gouverneurs
romains à raison d'exactions commises dans les deux provinces
d'Espagne. Afin de permettre l'examen de ces plaintes, un pré-
teur chargé de ce soin organisa sur l'ordre du Sénat, pour
chaque magistrat accusé, en groupant toutes les plaintes
formulées contre celui-ci et en suivant les règles de la
procédure civile, un tribunal de récupérateurs composé de
cinq jurés de rang sénatorial (I p. 206 n. 1); les demandeurs
reçurent les avocats de leur choix pris parmi les hommes les
plus en vue du Sénat et au nombre desquels se trouvait natu-
rellement Caton. Ces procès aboutirent au moins en partie à
(708) des condamnations sévères contre les accusés (2). Dans les an-
nées suivantes, une série de procès semblables eurent égale-
ment lieu sur l'impulsion du Sénat (3).
(1) Parmi ces mesures rentre l'intervention énergique du Sénat contre
les mauvais traitements infligés aux Locriens pendant la guerre d'Han-
nibal.
(2) Tite-Live, 43, 2. La dissensio, dont il est question à cet endroit, a
probablement consisté en ce que les quatre patrons ont tout d'abord
conduit le procès ensemble, puis l'ont dirigé deux par deux. Le droit
pour les parties de présenter et de récuser des jurés lors de la nomi-
nation de ceux-ci n'est nullement exclu par le dare du magistrat.
(3) Tite-Live, Ep., 47 pour l'année 600/154 ; aliquot praetores a provinciis
avariliae nomine accusati damnati sunl. Si le Sénat n'avait pas provoqué
ces procès, ils n'auraient pas figuré dans les annales. Naturellement, il
arriva aussi plus tard, lorsque le contrôle de la justice eût été régula-
risé, qu'on portât fréquemment plainte devant le Sénat par voie admi-
nistrative : c'est ce qui eut lieu par exemple en Gi4 contre le gouverneur
de Macédoine dont le père par le sang, T. Manlius Torquutus, proposa
au Sénat de lui confier en première ligne le soin d'instruire l'affaire
ACCEPTATION DE LIBÉRALITÉS ET EXACTIONS 5
Ces actions privées exceptionnelles ont bientôt après, en Les leges
605/149, donné naissance à une commission permanente de ''*^*'"" "'""'"■
jurés présidée par un préteur. Celle-ci fnt établie conformé-
ment à un plébiscite que le tribun de la plèbe, L. Caipurnius
Plson, proposa, certainement à l'instigation du Sénat, pour ré-
primer l'acceptation par les magistrats de libéralités en ar-
gent. Cette création fut le point de départ de la procédure des
quaestiones et par suite de la procédure criminelle de la fin de
la République et de l'Empire (1). Ce plébiscite est sans doute cette
même loi Calpurnia qui en droit civil a étendu aux créances
de toutes sortes l'action personnelle précédemment introduite
pour les créances d'argent (2). La loi Calpurnia fut bien-
tôt suivie d'une loi Junia, dont nous ne connaissons que le
nom (3); puis vint une loi qui nous est parvenue en grande
partie et qui est vraisemblablement la loi Acilia de 631-
632 123-122 (4) et après celle-ci, peu avant 643/111, fut votée (709)
(Tite-Live, Ep., 54 ; Gicéron, De fin.. 1, 7, 24 ; Val. Max., 5, 8, 3) et quel-
ques années plus tard contre Valerius Messala (Aulu-Gelle, 15, 14).
(1) I p. 220. La lex Acilia repetundarum (G. I. L. I^ p. 58 et sv.) nomme à
la lig. 74 comme la première de cette liste la lex, quam L. Caipurnius L. f.
tr. pi. rogavit. Gicéron, Brut., 27, 106 : quaestiones perpetuae... antea nullae
fuerunt; L... Piso tr. pi. legem primas de pecuniis repetumlis Censànno et Ma-
nilio COS. tulit. De même, Gicéron, De off., 2, 21, 75. Verr., 3, 84, 195. 4, 25,
56 et les scolies sur le discours Pro Flacco, p. 233, Orell. Tacite, Ann., 15,
20. Par méprise. Val. Max., 6, 9, 10 (III p. 29 n. !) nomme cette loi lex
Caecilia.
(2) Gaius, 4, 19 : legis actio (per condiclionem) constiluta est per legem Siliam
et Calpu^niam, lege quidem Silia certae pecuniae, lege vero Calpurnia de omni
certa re.
(3) Nous ne le connaissons que par la loi Acilia qui à la lig. 74 nomme
comme suivant la loi Galpurnia et comme précédant immédiatement la
loi Acilia, la lex quam M. Junius D. f. tr.pl. rogavit.
(4) Pour la détermination de l'époque, cpr. G. I. L. I.p. 54. L'antériorité
immédiate de la loi Acilia par rapport à la loi Servilia résulte du seul
texte qui nomme cette dernière : Gicéron, Verr. 1. 1, 9, 26 (cpr. Act. 1, 17,
51) ; l'antériorité de la loi Servilia par rapport à la loi Gornélia est éta-
blie par Gicéron, Pro Rab. Post., 4, 9. L'ordre inverse affirmé par le sco-
liaste mal renseigné des Verrines est depuis longtemps écarté. Il est pos-
sible que le plébiscite, dont le texte nous est en partie parvenu et dont
la date est déterminée, soit distinct du plébiscite Acilien, mais cela est
peu vraisemblable, aussi présentons-nous ce plébiscite gous le nom de
loi Acilia,
6 DROIT PÉNAL ROMAIN
la loi proposée par le IribuQ de la plèbe. C. Sjrvilius Glau-
cia (1). La loi Acilia, votée sous i'inflaence de C. Gracchus, a
fait de l'action en répétition une action pénale, en imposant
l'obligation d'une restitution au double comme en cas de vol,
et a en même temps également aggravé les règles antérieures.
La loi Servilia a, étant donnée la situation politique de son
auteur, nécessairement suivi et accentué la môme tendance ;
elle a établi la peine de l'infamie contre celui qui était con-
damné dans un pareil procès et a soumis les tiers détenteurs
à l'action en répétition. Après la défaite de la démocratie,
la lex repetimdarum de Sylla, promulgée en 673/81 (2), fut
certainement conçue dans un esprit tout différent. La dernière
loi qui ait été promulguée sur ce délit à l'époque républicaine
est celle de César, datant de son premier consulat en 695/59;
elle aggravait de nouveau la répression (3) et est restée la loi
fondamentale en cette matière à l'époque impériale (4).
La fréquence de l'intervention législative en notre matière
(710) a eu pour principale cause les oscillations politiques sur la
question de recrutement des jurés réglée par ces lois spécia-
les et en outre la fréquence et la gravité toujours croissantes
(1) Cicoron Brut., 62, 224. Verr., 1. 1, 9, 26. Pro Rab. Post., 4. 9. Pro Balbo,
24, 54. Asconius, In Scaur., p. 21, éd. Orelli. Val. Max. 8, 1, 8. Ma conjec-
ture d'après laquelle Glaucia, qui périt en 654/100, avait proposé cette loi
en 643, s'appuie sur ce que la table de bronze qui contient la loi Acilia fut
retournée et utilisée pour l'inscription d'un autre plébiscite, ce qui eût
été difficile, tant que la loi Acilia fut en vigueur (C 1. L , I, p. 56).
(2) Gicéron, Pro Mb. Posl. 4, 9.
(3) Gicéron, Pro Sest., 64, 135, avec les Scolies, p. 310; In Vat., 12, 29
avec les Scolies p. 321 ; In Pis., 21, 50. 37, flO ; Pro Rab. Post., 4, 8. 5, 12.
Gaelius, chez Gicéron, Ad. div., 8, 8, où le ch. 101 de la loi est cité. Paul,
5, 28. Cod. Th.. 9, 27 r= C. Jusl., 9, 27 = Dig., 48, 11, de lege Julia repetun-
darum. Cette loi est citée, en dehors de ce titre, aux Diq., 1, 9, 2. tit. 16,
10, 1. 22, 5, 13. 48, 1, 1. 50, 5, 3. Inst., 4, 18, 11. Elle était plus sévère que
la loi Cornélia, car Gicéron le dit, Pro Rab. Post. 4, 8, et la situation po-
litique de Gésar à cette époque l'implique aussi.
(4) Le plébiscite, Die/., 1, 18, 18 : plebi scito contineliir, uti ne quis praesi-
dum munus dontim caperpt nisi esrulentum pot ii lent umve, quod intra dies proxi-
moi prodigaliir, est difficilement une des leges repetimdaruni, étant donné
surtout qu'il ne peut s'agir de la loi Julia qui est une loi consulaire.
Cette régie qui concorde avec celle des leges repetundarum peut aussi avoir
été formulée dans un autre plébiscite.
ACCEPTATION DE LIBERALITES ET EXACTIONS 7
des exactions des magistrats au dernier siècle de la Républi-
que. Ces lois furent manifestement peu efficaces (1). Ce fut
seulement avec l'avènement de l'Empire qu'un pouvoir central
plus fort et un contrôle plus sévère endiguèrent dans une cer-
taine mesure le flot déchaîné des abus. Xous montrerons plus
loin, qu'à la différence des lois républicaines qui se contentè-
rent en principe de réprimer la corruption des fonctionnaires
parune action en répéiilion (repetere), la législation impériale,
dans son désir d'assurer un fonctionnement sérieux du service
de la justice, transforma la procédure en action criminelle et
en dégagea le délit de concussion.
L'action de repetimdae ne s'applique dans la forme de la Limitation sous
quaestio qu'à des personnes déterminées. Quant à la question 'drî-Tcuon"*
de savoir quelles personnes ont le droit d'intenter cette ac- ^'^ repeiundae
à l'ordre
tion, nous ne pouvons l'exposer qu a propos de la procédure, sénatorial.
Peuvent être poursuivis dans cette forme de la quaestio :
1. Le magistrat de la communauté romaine, issu d'une
élection populaire ou assimilé à ceux qui sont ainsi élus, en
descendant jusqu'au tribun de légion ayant rang de magis-
trat (2), à raison des dons reçus pendant sa magistrature ou
sa promagistraturc;
2. le sénateur romain (3), en tant qu'il remplit des fonctions
(1) Gicéron, De off., 2, 21, 7o : nondum cenlum et decem anni sunt, cum de
pecuniis repelundis a L. Pisone lata lex est, nulla antea cum fuissel. At vero
postea tôt leges et proximae quaeque duriores, tôt rei, tôt damnati... tanta sit-
blatis legihiis atque jiidiciis expilatio direptioque sociorum ut imbecillilate
aliorum, non nostra virtute valeamus. Il n'appartient pas au droit pénal
de citer les preuves très nombreuses en ce sens. Q. Calidius, raconte
Cicéron {Verr., act. 1, 13, 38), damnatus (dixit) minoris sestertium tricies
(r=: oOO.OOO marks) praetorium liominem honeste noii posse dnmnnri.
(2) Pour la délimitation, cpr. St. R., 1, 9, [Dr. piibl., 1, 9]. Cette liste se
trouve dans la lex Acilia en tète de l'énumération des personnes soumises
à cette procédure.
(3) Dans la lex AcUia, 1. 2, les mots quojus[ve] paler senator siet manquent
d'un point d'attache nécessaire. Avant eux, il y avait sans doute soit
la formule queive senator siet (rendue vraisemblable par les paroles sui-
vantes, cpr. St. R., 3, 838, n. 2 [Dr. publ., 7, 28, 2], soit la formule queive
in senatu siet (y compris les assesseurs ayant le droit de vote) qui a dis-
paru ; car ce qui est dit des fils doit s'appliquer encore plus aux pères
et, sans cette addition, certaines personnes, par exemple les légats séna-
8 DROIT PENAL ROMAIN
publiques soit comme auxiliaire d'un magistrat, soit par l'exer-
(711) cice de son droit de vote au Sénat (1), soit comme juré (2),
peut-être aussi comme demandeur dans une procédure publi-
que (3) ou comme avocat (4), à raison des sommes reçues
d'un non citoyen pendant l'exercice de ces fonctions;
3. les fils des personnes précédentes, à raison des sommes
reçues pendant les fonctions de leur père (S); les épouses des
toriaux, ne tomberaient pas sous le coup de la loi. Aux Dig., 50, 5, 3 le
sénateur est aussi nommé parmi les personnes que cette loi oblige.
(1) On peut bien conclure de Gicéron, Pro Rab. Post., 3, 6 que ce cas était
déjà visé par la loi Julia, étant donné surtout qu'aux Dig., 48, 11, 6, 2
l'action de repetundae était permise au cas d'acceptation d'argent ob sen-
tentiam in senatu consiliove publico (dans une commission du Sénat : St.
R . 3, 1001 [Dr. publ., 7, 193]) dicendam.
(2) Gicéron, Vo^., ad. 1, 13, 38 : quod P. Septimio senatore damnato (un
des jurés dans le procès de meurtre dirigé par G. Junius) Q. Horlensio
praetore de pecuniis repelundis lis aestimata sit eo nomine, quod ille ob rem
judicandam pecutiiam accepisset. Le même, Pi^o Cluentio, 37, 104 : qua lege in
eo génère (en cas de corruption de juré) a senatore ratio repeti solet, de pe-
cuniis repetundis ea lege acnusatus... est. c. 41, 114. Dans la loi Acilia, on ne
trouve rien et on ne peut rien trouver de pareil, car, d'après la loi de
l'époque des Gracques, les sénateurs ne peuvent pas être jurés. Si Ap-
pien, B. c, J, 22, n'exagère pas par esprit départi, il en ressort que les
leges repetundarum antérieures à cette loi Acilia punissaient en même temps
la corruption des jurés, tandis que cette loi excluait cette répression.
(3) Le fait d'accepter de l'argent ob accusandum vel non accusandum (Dig.,
48, 11, 6, 2) et ob denuntiandum vel non denuniiandwn testimonium (Dig., 48,
11, 6, pr.) tombe sous le coup de la lex Julia repetundarum. Gette loi a dû
restreindre le champ d'application de l'action au sénateur (III p. 9 n. 3),
mais plus tard les Dig., 3, 6, 1, 1, désignent comme soumis d'une ma-
nière générale à la lex repetundarum : qui ob negotium faeiendum aut non fa-
ciendumper calumniam pecuniam accepit. Dans le dernier cas, la peine du
falsum frappe aussi les deux parties (II p. 397).
(4) Nous n'avons pas de preuves pour l'époque de la République; mais
la répression criminelle de ce cas à l'époqae impériale rend vraisem-
blable que, déjà sous la République, l'avocat, lorsqu'il était sénateur,
pouvait être soumis à la procédure de repetundae.
(5) Lex Acilia, 1. 2. Tacite, Ann., 13, 43. La loi de Sylla semble avoir
modifié cette règle ; car en 678/76 la même action dirigée contre G. Anto-
nius, fils de M. Antonius (consul en 655/99), fut intentée devant le préteur
pérégrin (Asconius, //i or. in log. cand. p. 84: Graeci qui spoliati erant edu-
xerunl Antonium in jus ad M. Lucullum praelorem qui jus inter peregrinos
direbat ; altéré chez Plutarquc, Caes., 4). 11 est difficile que dans les cas
où la quarstio était permise, l'action privée ait pu être intentée à sa
place (cpr. III p. 21 n. 3).
ACCEPTATION DE LIBERALITES ET EXACTIONS :'
gouverneurs de provinces no peuvent pas être personnelle-
ment poursuivies à raison des sommes qu'elles ont reçues,
mais, d'après le droit postérieur, le mari est tenu à raison de
ces sommes (1) ;
4. peut-être d'après la hiJulia toute personne qui, sans être (712)
magistrat, exerce des fonctions publiques ou se rapprochant
des fonctions publiques (2).
La République n'est pas allée plus loin; notamment les Extension
, , .. 'Il , sous l'Empire
personnes ayant rang de chevaliers, même si elles apparie- ^^ i-aciion
naient à la suite des magistrats ou fonctionnaient comme iu- ^^ repetundae
° _ aux
rés, n'étaient pas soumises à la quaestio (3). L'extension de fonctionnaires
,, ,, ., ... ,. I _ f en général,
cette procédure à la suile du magistrat a ete proposée en
vain au Sénat en 699/35 (4). Quant à l'extension plus impor-
tante de cette quaestio aux jurés n'appartenant pas à l'ordre
sénatorial, la noblesse de finance ne se la laissa pas impo-
(1) Dig., 1, 16, 4, 2 : senalum Cotta et Messala cos. (20 ap. J. G.) ceiisuisse
futurum, ut si quid uxores eorum (des proconsuls)... delir/uerint, ab ipsis
rit'io et vindicta exigatur. D'après Tacite, en l'an 21, échoua devant le Sé-
nat une proposition qui tendait à interdire aux gouverneurs de province
d'emmener leur femme dans leur ressort (>lnn., 3, 33. 34) ; c'est alors que
fut voté en l'an 24 le sénatus-consulte mentionné ci-dessus {Ann., 4, 20).
(2) Dans l'indication de Marcien, Dig., 48, 11, 1 : lex Julia repetundarum
pertinet ad eus pecutiias, guas qttis in magistralu potestate curatione légations
vel quo alio officio munere ministeriove publico cepit vel cion ex cohorte cujus
eorum est — formule pour laquelle on trouve ailleurs l'expression géné-
rale aliquam potestalem hahere (Dig., 48, 11, 3) ou munus publiée manda tum
(Dig., 48, H, 9) — la seconde moitié, comme nous le montrerons prochai-
nement, est fausse en tant que ce n'est pas la loi Julia ellevnéme, mais
seulement ses extensions à l'époque impériale qui ont soumis à la loi la
suite et les subalternes des magistrats. Pour les curatores et les legali,
même pour ceux qui n'appartiennent pas à l'ordre sénatorial, l'indica-
tion peut être exacte.
(3) Gicéron, Pro Rab. Post., 5, 12: iste ordo (equitum) lege ea (Julia repe-
tundarum) non /ene^M?-. Evidemment, cette remarque n'est exacte que sous
réserve des exceptions qui résultent des explications antérieures ; en
effet, les magistrats inférieurs et les fils des sénateurs appartiennent à
l'ordre équestre.
(4) Gicéron, Pro Rab. Post., 6, 13 : cum... Cn. Pompeio consule (699/55) de
hac ipsa quaestione referente existèrent nonnullae, sed perpaucae tamen acerhae
sentenliae, quae censerent, ut tribuni, ut praefecti, ut scribae, ut comités (c'est-
à-dire comités ex Ilalia : loc. cit., 7, 19) omnes magistratuum hac lege teneren-
tur, vos... huic ordini ignem novum subici non sivistis.
10 DROIT PÉNAL ROMAIN
ser (1) et plusieurs tentatives faites en ce sens à l'époque ré-
publicaine échouèrent (2).
Sous l'Empire, les limites étroites de la procédure républi-
caine de repetundae furent reculées. Depuis lors, celle-ci s'ap-
pliqua également aux personnes suivantes :
(713) o. Aux quasi-magistrats impériaux de l'ordre équestre. Nos
annales ont enregistré peu de procès de ce genre. La cause en
est sans doute que ces personnes ont eu régulièrement à ré-
pondre de leurs fautes devant le tribunal impérial et qu'elles
n'ont été que rarement citées devant le tribunal du Sénat (3).
0. Aux jurés (4), accusateurs (II p. 192) et avocats (5) en gé-
néral ;
7. A ceux qui accompagnent un fonctionnaire, notamment
le gouverneur de province, sans distinction de rang (6);
(1) Lorsque G. Gracchus retira aux sénateurs le droit de siéger dans
les jurys, notamment dans la quaestio repelimdarum, pour le transférer
aux chevaliers, il ne soumit ces derniers à aucun contrôle, en matière
de corruption peut-être même supprima-t-il le contrôle existant (III p. 8
n. 2). Lorsque Cicéron {Verr., act. 1, 13. 38) affirme que pendant les
cinquante ans que durèrent les tribunaux de chevaliers aucun juré fut
soupçonné de corruption, il a du moins raison en ce sens ne qu'à cette
époque il n'y avait pas d'action criminelle prévue pour ce cas et que par
suite aucune ne fut intentée.
(2) En l'année 680/74, le Sénat résolut de faire présenter une loi contre
la corruption des jurés en général (Cicéron, Pro Cluentio., 49, 136 : si qui
suni, quorum opéra factum sit, ut judicium publicum corrumperelur), mais
on ne donna aucune suite à cette résolution {lac. cit. 137). Une proposi-
tion semblable faite en 691/63 eut le même sort (Cicéron, Ad. Alt., \, 17,
8. 2. 1, 8).
(3) Tacitf", Ann., 4, i';, pour l'an 23 : apud (patres) etiam tum cuncta trac-
faliantur, adeo ut procurator Asiac Lucitius Capito accusante provincia causam
dixerif mittjna cum adseveratione principis iioi se Jus ?iisi in servilia et pecunias
familiares dédisse. Dion, 57, 2S. Un procès analogue: Tacite, Ann., 14, 28
(cpr. Ilist., 2, 10).
(4) Le juré proprement dit n'apparait plus dans les compilations de
Justinien, mais Paul 5, 28 = Dig., 48, 19, 38, 10 dit du judex du même
genre (I p. 28!») qui lui a succédé, du judex pedaneus: judices pedanei si pe-
cunia rorrupti dicantur, plerumque a praeside aut curia sumnwvetilur aul in
exilium inilluntur aut ad tetnpus relegantur.
(H) Pline (111 p. 4 n. 2) mentit)iine une procédure de repetundae contre
un avocat.
(6) Nous avons déjà fait remarquer que cette mesure avait été repous-
sée en 699/;)o (III p. 4 n. 9) et que par conséquent elle était attribuée
à tort à hi loi Julia (III p. 1 n. 9). A l'époque impériale, toutes ces
du délit.
ACCEPTATION DE LIBÉRALITÉS ET EXACTMNS 11
8. Aux officiales suballenies (1).
La procédure de repetundac ne s'applique pas, même plus
tard, aux autres particuliers, à moias qu'ils n'aient aidé le
fonctionnaire dans l'accomplissement du délit (2), Celui qui
pour commettre une exaction s'attribue faussement une charge
publique ou une charge publique plus élevée que celle qu'il a
en réalité est frappé d'une peine sévère, mais il ne semble
guère que cet acte soit réprimé comme àéWiàQrepeliindaei^è).
Les leges repetundarum, dirigées au fond contre l'exaction (714)
et la corruption, évitent les difPicaltés de preuve en inter- Eléments
disant aux magistrats en général, par analogie avec les dispo-
sitions de la loi Cincia sur les libéralités faites aux avocats,
d'accepter de VQ.v^Qn\,{pectinias capei'e){k)Qi accordent au do-
personnes furent soumises à la procédure de repetundae {Macer. Dig., 48,
11, 5 : in comités quoque Judicium e.r hac lerje judicium datur; Pline, Ep.,
3, 9) il en fut ainsi même de celles qui occupaient un rang modeste (Pline,
loc. cit., 3, 9, 9). Plus tard, ces personnes s'appellent consiliarii, domestici
(Cad. Jiist., 1, 51, 3, 1. fit. 53, i;3. cpr. C. Th.. 9, 27, 3 = C. Just., 9, 27, 1).
(1) C'est à ces personnes que se rapporte Vofficiiim. ministeriumve (cpr.
St. R., 1, 325 [Dr. pubL, 1, 37i] publicum du texte de Marcien cité III p. 9
n. 2. L'expression relevée de repetundae est le plus souvent évitée ici,
mais au fond il n'y a pas de différence.
(2) Pline, Ep., 9, 3, 14 : horiim (auxiliaires provinciaux du gouverneur
de province, par opposition aux comités ex Italia III p. 9 n. 4) ante quam
crimina ingrederer, necessarium credidi elaborare, ut constaret ministerium
crimen esse. 6, 29, 8 : quaesitum est, an provinciales ut socios ministrosque pro-
consulis plecti oporteret. Gela était donc douteux en droit.
(3) Dig., 1, 18, 6, 3: ilUcita ministeria sub praetextu adjiivantium militares
viras ad concutiendos homines procedentia prohibere et deprehensa coercere
praeses provinciae curet.Cçr. Dig., 3, 6, 8. 47, 13, 2. Paul, 5, 25, 12. {=: édit
de Théodoric, 89) fait rentrer ce cas dans le falsum: qui insignibus altio-
ris ordinis utuntur militiamque con/ingunt, quo quem terreant aut connitiant,
humiliores capite puniuntur, honestiores deportontur. Cpr. II p. 399 n. 4.
(4) Pecunias capere ronciliare est l'expression dont on se sert déjà pour
désigner ce délit dans la première action privée de 583/171 qui a pré-
paré la procédure de repetundae (III p. 4 n. 2) et dans la procédure
de C 14/140 (III p. 4 n. 3). Cicéron, De leg., 3, 20, 46 le qualifie de captae
pecuniae dans l'explication des mots c. 4. H : donum ne capiunto... gerenda...
poteslate. Dans la loi Acilia 1. 3, la formule revient avec l'accumulation
de synonymes fréquente dans la science du droit romain : pecuniam au-
ferre capere cogère conciliare avertere ; Cicéron dans les Verrines (1. 3, 30,
71. c. 40, 91. c. 94, 218) cite comme termes mêmes de la loi Cornélia pecu-
nias capere conciliare ou (3, 84, 194) cogère conciliare ; dans le sommaire de
la loi Julia contenu aux Dig., 48, 11, 1, pr. on trouve pecunias capere. Du
12 DROIT PÉNAL ROMAIN
nateur, pour le cas de contraventico. une action en répétition
(pccunvis repctere) (1). Dans l'exposé qui va suivre, nous ana-
lysons les élémenls de l'accpplation d'argent punie comme dé-
lit de repetimdae, eu tant qu'ils ne résultent pas des règles
sur les conditions requises pour jouer le rôle de défendeur dans
la procédure de repetundae .
Aocepiation 1. Le caractèrc illicite de toute libéralité faite en deçà des
de libéralités, jj^^j^gg précédemment indiquées est le point de départ de l'ac-
tion en répétition (2). Comme libéralité de ce genre, on ne con-
sidère pas seulement tout acte contractuel, qui au fond tend à
une donation (3), mais on va même jusqu'à supposer une do-
(715) nation dans lout achat d'un magistrat et le vendeur a le droit
de réclamer à l'acheteur les choses vendues sans avoir à rem-
bourser le prix (4). Le droit ne prend en considération ni la
bonne foi possible du donateur et du preneur, ni le rapport ju-
ridique qui peut exister entre eux; le gouverneur de province
ne peut recevoir aucune libéralité non seulement des sujets
reste, la phrase n'est pas caractéristique en soi et est fréquemment em-
ployée pour désigner une acquisition légitime.
(1) Pecunias repelere a ce sens technique dans Rhel. ad lier., d, 11, 20 et
chezCicéron, Dirin. in Caec, 5, 17 et fréquemment ailleurs. Pour la forme
ellii»tique repelere je ne trouve à l'époque républicaine aucune autre
preuve que la lettre de Caelius Ad div., 8, 8 ; chez Quintilien, Tacite et
ailleurs on la trouve fréquemment. — Du reste, Gicéron (De l. agr., 2, 22,
59: judicium de pecuniis repetundis) emploie aussi cette expression à pro-
pos du péculal.
(2) Gicéron. De lege., 3, 4, 11 (III p. 11 n. 4) Ulpien, Dig., 1, 16, 6, 3 : man-
datis (dans les instructions impériales pour les magistrats provinciaux)
conlinelur, ne donum vel munus ipse proconsul velqui in alio officio erit acci-
piat. Pline, Ep., 4, 9, 6.7. Dion, 72, 11.— Les livraisons et les prestations
gratuites auxquelles le magistrat a droit comme tel sont légalement
réglées {St. R.. 1, 294 [Dr. publ., 1, 336J).
(3) Dig., 48, H, 8. 1 : lex venditiones localiones ejus rei causa (pour cause
de donation) p/j/ns minorisve fadas in'ilas facil, Cod., 2, 19, 11.
(4) Dig., 18, 1, 46. 49, 14, 46, 2. C. Th., 8, 15, 2. 5. Cod., 2, 19, 11. Si cette
action en répétition n'est pas intentée dans le délai de cinq ans après la
sortie de charge du magistrat, la chose achetée échoit au fisc (C. Th., 8,
15, 5) ; d'après une autre constitution, cette confiscatiot semble même
avoir lieu immédiatement (C. Th., 8, 15, 1). li v a, en outre, des peines
ctal)lies au profit du fisc: d'après Herniogénien, Dig., 49, 14, 46,2 une
peine du simple; d'après Marcien, Dig., IS, 1, 46, citant une constitution
de Septime Sévère, une peine du quadruple
ACCEPTATION DE LIBÉRALITÉS ET EXACTIONS 13
gourais à son gouvernemeat, mais même de toute personne
quelle qu'elle soit. Sont légalement exclus de cette prohibition :
a) Les donations de comestibles, de boissons et d'autres me-
nus objets, dont l'acceptation n'entraîne à proprement parler
aucune augmentation de patrimoine (1). Toutefois, pour em-
pêcher de tourner la loi par cette voie, on fixe le maximum
que la valeur globale des libéralités de ce genre peut attein-
dre pour l'année de charge, de telle façon que dans le cas où
il est dépassé il y a lieu à répression. La quotité licite a été,
au moins à l'époque récente, la même que pour les honoraires
des avocats (111 p. 2 n. 3), c'est-à-dire 10.000 sesterces (2).
L'acceptation de ces menues libéralités est même interdite (710)
aux fonctionnaires subalternes, depuis qu'ils sont soumis à la
loi de repetundae (3).
b) Les dons qui, faits dans un but honorifique, n'enrichissent
pas celui qui les reçoit (4). Cela s'applique notamment aux som-
(1) Le plébiscite en question a déjà été cité (III p. 6 n. 4). Les xejiia
donnent toujours lieu à des scrupules : Pline, Ep., o, 13, 8. Ulpien, Dig.,
1, 16, 6, 3 précise la règle : non in totum xeniis abslinere debebit proconsul,
sed modum adicere, ut neque morose in totum abstineat neque avare modum
xeniorum excédât. Quayn rem divus Severus et imperator Anioninus elegantis-
sime epislula sunt moderati; cujus epislulae verba haec sunt'. « quantum ad
xenia perlinet, audi quid senlimiis : vêtus proverbhun'est : outs itivxa oute
TîâvTOTî où'te Ttapà tvcxvtwv. Nam valde inhumanum est a nemine'accipere, sed
passim, vilissimum est et ornnia avarissimum ».
(2) Loi Acilia, 1. 2 : in annos singolos pequniae quod siet amp[lius sesler-
tium...]. Venuleius Saturninus, Dig., 4S, U, 6, 2 : urbani magistratus (ceux-
ci sont seuls nommés ici à cause de la règle de l'annuité)... ne... plus doni
muneris in anno accipiant quam quod sit aureorum cenlum, où par analogie
avec la loi Cincia Vaureus est mis ici pour 100 sesterces et non pour
1.000 sesterces suivant l'assimilation absurde de Vaureus avec 1.000 ses-
terces adoptée ailleurs (par ex. Inst,, 3, 7, 3) dans le droit de Justinien.
— Comme dans un procès de repetundae de 642/112 la peine ne s'élevait,
d'après un renseignement assez sûr, qu'à 4.000 sesterces (Gicéron, Verr.,
1. 4, 10, 22 ; VelL, 1. 2, 15 ; les 8.000 sesterces indiqués aux Verr., 3, 80, 184
sont peut-être le double de la peine), Ip maximum permis a sans doute
été au début inférieur. Admettre que cette fixation d'un maximum ne
visait que les donations proprement dites, tandis que toute exaction ou
corruption, quelle que fût son montant, était punissable, serait aller à
rencontre de l'intention manifeste du législateur qui était d'écarter toute
recherche sur l'origine plus ou moins licite de l'enrichissement.
(3) C. Th , 11, 11, l = C. Just., U, 53, 2.
(4) Gicéron, Ad Q. fr., 1, 1, 9, 26 : cum... nominatim... lex excipiat, ut ad
14 DROIT PÉNAL ROMAIN
mes d'argent remises aux gouverneurs de province pour per-
pétuer leur souvenir par une œuvre quelconque. Toutefois,
par suite des abus commis dans cette voie, la loi Cornélia
disposa que si les sommes n'étaient pas employées dans les
cinq ans conformément à leur destination, elles devraient
être traitées comme libéralités illicites (1);
c) Les dons de parents, qui du reste sont rarement possi-
bles au regard des foncliouuaires provinciaux, sont exceptés
dans les prohibitions des leges repetundarum, comme dans
celles de la loi Cincia (2).
Appropriation. 2. L'appropriatiou du bien d'autrui renfermant en soi les
éléments du vol (3), peut aussi être poursuivie par l'action
de repetundae ; car, bien que la condiciio suppose par défini-
lion un déplacement de propriété et que celui-ci soit exclu par
le vol, celte action s'étend cependant au voleur (4).
Exaciion. 3. L'cxactiou, qui consiste à provoquer des dons en mena-
çant de certains désavantages celui qui refuserait la libé-
ralité demandée, ne figure pas comme telle dans l'ancien
droit criminel (o) ; la prohibition absolue des libéralités même
volontaires coupe court aux difficultés qu'eut présentées la
preuve de la contrainte et restreint dans une certaine mesure
des débals judiciaires déshonorants pour l'Etat lui-même.
Toutefois, au moins depuis le ii" siècle ap. J.-C, Texaction,
sans êlrc exclue de la procédure de repetundae , est traitée
lemplum et monmnenltim cupere liccrel. Lui-même refuse de tels dons : Ad
AH., 5, 21, 7.
(1) Ueiiseignemciits délaillés dans Verr., 1. 2, o7-69, spécialement c.
bS, iM.
(2) Dif/.. 48, 11, 1, 1 : excipil le.r a (/itibus licel accipere, a sobrinis propio-
rêve f/radu cognalis suis ttxore (plutùt u.rorisve). Pour la loi Cincia cpr.
Frag. Val., 298-307.
(3) Cicéron, Verr., 4, 41, 88 raiijiorte un cas de ce genre.
(4) L'anomalie, coiisislant à permotlre l'exercice de la condiciio contre
le voleur, a vraisemblablement été provoquée, comme nous le montrerons
l'his loin, par le vol entre époux ; lorsqu'on a introduit l'action de repe-
luiidae on a certainem(!nt eu en vue les dons et exactions illicites et non
le délit peu aristocrati(jue du furlinn iiroprenient dit.
(èi) il n'y a pas à tenir compte ici de la resliltitio in integrum ob inelum et
de raction privée quod melus causa.
ACCEPTATION DE LIBÉRALITÉS ET EXACTIONS 15
comme délit indépendant (1) en qualité d'intimidation,, de (717)
concussio {2), d'extorsion de dons ou de prestations (3) par concussion.
abus des pouvoirs de la fonction (4).
4. Pour la raison précédemment indiquée la corruption d'un corruption.
magistrat n'est pas plus que l'exaction un délit indépendant
en droit romain. L'acceptation d'une libéralité de la part d'un
magistrat comme prix de l'accomplissement ou du non accom-
plissement d'un acte de sa fonction (o) n'est atteint par les an-
ciennes lois que par suite de la défense générale d'accepter
de l'argent ; en énumérant une série de cas particuliers (6) de
ce genre, la loi Julia fait plus que le nécessaire ou plutôt elle
fait une œuvre superflue ; car le motif qui a déterminé l'accep-
(1) Macer, Dig., 47, 13, 2 : conçus sionis judiciwn publkum non est.
(2) Concutere (de quatere, à proprement parler secouer) est synonyme de
terrere (Paul, 5, 25, 12: cpr. III p. 11 n. 3. Dig., 47, 13, 1).
(3) Ou aussi de services : C. Th., 11, 11, 1.
(4) De la part de fonctionnaires supérieurs: C. Th., 9, 26, 6. c. 7 =z
C. Just., 9, 27, 4. c. 5. ; de fonctionnaires subalternes :Dig., \, 18, 6, 3. 47,
13, 1; et aussi en cas d'usurpation des pouvoirs d'une autorité publique :
Paul, 5, 2o, 12.
(o) Dlg., 4S, H 4 : quo magis aut minus quid ex officlo suo facerel.
(6) Nomination de jurés (cpr. Cicéron, Verr., 3, 88, 206). Dig., 48, H, 3 :
objudicandum vel non judicandum decernenduinve ; ibid.. 7, pr. : ob judicem
arbitrumve dandum mulandumve jubendumve ut judicet, et aussi ob non dan-
dum non mutandum nonjuhendum ut judicet. — Arrestation : Dig., 48, 11, 7,
pr. : ob hominem in vincula publica coiciendum vinciendum vinciriue juben-
dum exve vinculis dimittendum. — Prononciation déjugeaient : Dig., 48, 11,
7, pr. : ob hominem condemnandum (ou même ob hominem Tiecandum) absolven-
dumve et ob litem aestimandam judiciumve capilis pecuniaeve faciendum vel
non. faciendum. C. Th., 9, 27, 5. c. G = C. Just.. 9, 27, 3. c. 4. Nov., 124,
c. 7. Ce cas rentre aussi pour les deux parties dans la notion de falsurn
(II p. 397 n. 3) et dans certains cas l'action de meurtre elle-même est
possible (II p. 330 n. 2). — Levée de troupes : Dig., 48, 11, 6, 2: ob militem
legendum mittendumve ; la prestation evitandi tirocinii causa est un crimen
concussionis [Cod., 4, 7, 3). — Logement de troupes: Cicéron, Ad. Att., 5,
21, 7. — néception de constructions publiques : Dig., 48, 11, 7, 2 : ne ac-
ceptum feralur opus publicum faciendum... sarla lecla tuenda antequam per-
fecla probata praestila lege erunt. Cicéron, Pro Fonteio, 8, 17. — Remise
d'impôts et de prestations dus à l'Etat. Dig., 48, 11, 7, 2 : ?te acceplum
feratur... frumentum publiée dandum. Cicéron, Verr., 1. 3, 36, 83. — Re-
mise de prestations à faire à une cité sujette : Cicéron, Ad Att., 6, 1,
21, où le fait d'accorder à Caelius ce qu'il demande. Ad div., 8, 9, 4 est
qualifié de pecuniam conciliare, c'est-à-dire de délit de repetundae. — L'in-
demnité pour transfert de charge devait aussi rentrer de plein droit
dans ces cas {Nov. 8 c. 7. 8),
en matière
d'imiiùls.
16 DROIT PÉNAL ROMAIN
tation de l'argent n'augmente pas la gravita du délit. Gela a
été modiûé, il est vrai, dans la suite, lors du développement
du système du dosage des peines. Le point de savoir dans
quelle mesure la faute morale contenue dans toute corruption
est commune aux deux parties n'a pas d'importance en droit ;
(718; s'il plait au corrupteur de confesser son acte, il a le droit de
réclamer du magistral corrompu ce qu'il a donné à tort (i). —
A l'époque postérieure, pendant laquelle l'achat des charges
est devenu en quelque sorte une opération permise^, les lois
ont plutôt blâmé la corruption qu'elles né l'ont punie^, et lors-
qu'elles l'ont réprimée, la peine infligée à été minime (2).
Déiiis 5. L'établissement de nouveaux impôts, lorsque cet acte
n'est pas couvert par le pouvoir discrétionnaire du magistrat,
tombe sous le coup de la lex repetundarum (3). Rentre dans
celte catégorie, d'après la loi Julia, la perception de l'or
coronaire, sauf lorsque le Sénat a accordé le triomphe au
gouverneur de province (4.) La même règle s'applique na-
turellement à toute exagération injuste dans la levée des con-
tributions établies (5). De même, le fait, souvent mentionné
(1) Cette règle est concevable, étant donné que le but de la condiclio
était d'assurer le contrôle des magistrats : la compensation de l'indignité
réciproque, qu'établit le droit civil, du moins celui de l'époque récente
(Dig., 12, 5, 3 ; C. Th., 9, 29, 1), aurait privé la loi de son effet précisément
dans les cas les plus graves.
(2) On trouve bien çà et là dans les constitutions de la dernière période
(C. Th., 6, 22, 1. c. 2. 8, 1, 1. 12, 1, 25. C. Just., 4, 2, 16 et notamment dans
la constitution de Théodose II. C. Just., 9, 27, 6), pour le cas d'achat d'a-
vancement ou d'élévation de rang, la peine de la cassation et aussi d'au-
tres peines, le plus souvent pécuniaires ; mais le droit ne parvint pas à
une répression générale et efficace d'une telle brigue. Bien au contraire,
on vit sortir de là l'institution régulièrement organisée du paiement de
sporlulae pour l'entrée en charge, avec celte réserve naturelle que les
excès furent également défendus ici (Von., 8. c. 1).
(3) Cicéron, l'ro Fonleio, 9, 19.
(4) Cicéron, In Pis., 37, 90. L'or coronaire est donné au général en tant
que représentant de l'État ; si le général ne le remet pas, il est réclamé
par l'État comme l'argent du butin (Cicéron, De l. agr., 2, 22, 59). Cpr.
Mar(|uardt, St. V, 2. 295 [Manuel Anliq. Roin., 10, 372].
(5) Nous avons comme exemples les réciuisitions de céréales de Verres
(Cicéron, ['en:, 1. 3, 81, 188 sv.) et les réquisitions de Flaccus pour l'en-
tretien d'une Hotte (Cicéron, Pro Flacco, 12, 27). Le droit pénal n'a pas à
ACCEPTATION DE LIBÉRALITÉS ET EXACTIONS 17
pour la dernière période^, de réclamations exagérées d'impôts
et de sportulae par le fonctionnaire subalterne chargé de la
perception de ces contributions est un cas du même genre (1).
La condition requise pour tous ces délits est l'enrichissement (719)
personnel du fonctionnaire, base juridique sur laquelle se
fonde la condictio ; les actes identiques accomplis au profit de
l'État ne rentrent pas dans la notion de repetundae (2).
Les délits cités jusqu'ici permettent l'exercice d'une action
en répétition. Mais les leges repetundarum visent encore un
certain nombre d'autres cas qui ne comportent pas l'appli-
cation d'un tel moyen de procédure,
1. Vraisemblablement aussi tôt que pour l'acceptation de interdiction
libéralités (3) on a défendu au fonctionnaire en service dans des affaires.
une province de se livrer, dans l'étendue de son ressort (4), à
des opérations qui ne sont pas absolument réclamées par sa
situation (5) ; le magistrat ne doit nullement s'enrichir dans
établir dans quelle mesure ces réquisitions étaient légitimes ou non.
Appartiennent à cette catégorie les superexactionum vel concussionum
crimina de l'époque postérieure {\ov. Theod. IL, 7, 2, 1).
(1) Vita Marci, iV: dédit curaloribus regionum et'viarum (donc en Italie)
potestatem, ut vel punirent vel ad praefectutn urhi puniendos remitterent eos
qui ultra vectigalia quicquam ab aliquo exegissent. A ce délit correspondent
dans les provinces les ilUcitae exactiones sub'jpecie tributorum. Exemples :
C. Th.,%, 4, 2= C. Just., 12, 57, 1. C. Th., S.'ll =: C.Jusl., 12, 63. C. Th.,
11, 8, 1. c. 2 — C. Just., 10, 20, 1. Il est aussi souvent question de réqui-
sitions exagérées de sportulae de procédure depuis qu'il y en a (Inst., 4,
6, 25., Cod., 3, 2 et dans les différentes taxations de sportulae : Cod., l,
27, 1, n. c. 2, 12. 12, 19. 12. tit. 23, 4).
(2) Sous Auguste, le Gaulois Licinus, percepteur d'impôts, aurait com-
mis des exactions de ce genre (Dion, 54, 21). Toutefois, dans de pareils
cas, par exemple, lors de la levée illégitime de l'or coronaire, l'avantage
propre du fonctionnaire a dû jouer au moins un certain rôle à côté d'au-
tres considérations.
(3) Si Gaton l'Ancien se faisait déjà scrupule d'acheter des esclaves pour
son propre compte dans sa province (Plutarque, Apophthegmata Cat. maj.,
27), il peut avoir obéi à une saine coutume, non à la loi. Mais la défense
de faire des affaires et celle d'accepter des libéralités sont si intimement
apparentées qu'elles sont sans doute aussi vieilles l'une que l'autre.
(4) Dig., 18, 1, 62, pr. 49, 14, 46, 2. Par contre, il est dit au C. Th., 8, 15,
1 : nihil interest, an in suo pago an in alieno comparavit.
(5) La tex Cornelia repetundarum prescrit au gouverneur de province de
n'acheter aucun esclave dans son ressort, sauf pour remplacer celui qui
Droit Pénal Romain. — T. III. 2
18 DROIT PÉNAL ROMAIN
sa circonscription ni par des dons, ni par le commerce ou toute
autre activité (^1). Celle règle, qui s'est appliquée de tout temps
au magistrat, régit aussi plus tard les of/iciales subalternes (2).
Tout acte conclu contrairement à cette prescription peut don-
ner lieu à l'action en répétition (III p. 12 n. 4) ; mais celle-ci
n'est pas possible pour un nombre important d'opérations de
ce genre (3).
(720) 2. On défend encore spécialement au gouverneur de pro-
Autres délits vincc (4) ct Qu sénatcur (5) d'avoir des navires de mer, vrai-
de repetun ae. gg^^j^jablemeut parce qu'ils servent aux opérations commer-
ciales.
3. Le fait de prêter des deniers publics pour son propre pro-
fit rentre comme vol d'une chose publique dans la notion de pé-
culat, mais semble, si l'on peut accorder confiance àCicéron(6)
en cette matière, avoir été aussi embrassé parmi les délits de
repetundae, bien que l'on ne puisse concevoir ici la cité ro-
maine comme co-demanderesse dans une action de repetundae.
4. Le fait pour le gouverneur de dépasser les frontières de
sa province (7).
viendrait à mourir (Cicéron, Verr., 1. 4, 5, 9). Dig., 12, 1, 34, 1 : praeses
provinciae mittuam pecuniam fenebrem sumere non prohibetur (dans un autre
sens à vrai dire, Cod., 4, 2, 16). On blâme même l'adition d'une hérédité
pendant l'exercice de la cliarge (Cicéron, Pro Flacco, 34, 85).
(1) Cicéron, Verr. 1. 3, 72, 169. 4, 4. 5, 5, 18, 46. Dig., 12, 1, 33. 49, 14.
46, 2. C. Th., 8, 16, 1. C. Just., 1, 53, 1, 2. 4, 2, 16. 9, 27, 6. La constitulion
d'IIonorius (perdue) et celle de Valentinien III {Nov., 31) qui permettent
aux magistrats de faire des affaires et même de recevoir des libéralités
n'ont pas été longtemps en vigueur.
(2) Cod., 1, 53, 1. 3. 2, 19, 11. 4, 44, 18.
(3) Cette répression n'est pas possible, par exemple, au cas de prêt con-
tracté par le gouverneur sans nécessité.
(4) Dig., 49, 14, 46, 2. La loi Julia n'est pas nommée à cette occasion ;
mais la prescription rapportée ici se rattache à la suivante.
(5) Dig., 53, 5, 3. Cpr, SI. H., 3, 899 [Dr. publ., 7, 75] pour la cause ori-
ginaire de celte prescription, cause qui ne se rattache pas à la matière
des repetundae.
(6) Cicéron, Verr., 1. 3, 72, 1G8. Les accusations accumulées dans le
ciscours contre Pison. notamment au c. 37, 90, ont si peu de fondement
qu'il ne faut pas attacher grand prix à chacune d'elles, étant donné sur-
tout que toute violation du droit tombe sous le coup de la loi, lorsqu'elle
se fonde sur une corruption.
(7) Cicéron, In Pis., 21, 50 : guae cum plurimae leges veteres ticm lex Corne-
ACCEPTATION DE LIBÉRALITÉS ET EXACTIONS 19
5. Le fait pour le gouverneur de congédier son légat avant
de quitter la province (1).
Les lois sur les repetundae ont donc été utilisées par le lé-
gislateur pour introduire à côté de la répression des exactions
beaucoup d'autres prescriptions relatives aux fonctionnaires
provinciaux ; mais on ne doit pas faire de ces lois une instruc-
tion générale pour ces fonctionnaires. Les abus, auxquels l'en-
voij par les cités sujettes, d'ambassades de remerciement et
d'honneur donna lieu de la part des gouverneurs de province,
provoquèrent la fixation légale, en dehors d'une loi de repe-
tundae, d'un maximum pour indemnités de voyage (2); de
même, il ne semble pas qu'on ait rattaché aux repetundae
les restrictions prises pour remédier aux surcharges qu'on im-
posait aux contribuables en vue des jeux à organiser dans la
capitale et dans les provinces (3). Ici encore, nous retrouvons
la nonchalance et le peu de méthode des législateurs de la fin
de la République ; le délit de repetundae demeure, comme le
réclament son nom et une tradition digne de foi, l'enrichisse- (721)
ment injuste réalisé par des personnes ayant une fonction pu-
blique ou semi-publique.
L'action en répétition pour enrichissement injuste réalisé
par un avocat contrairement à la loi Cincia ou par un magis-
trat contrairement aux leges repetundarum n'est pas autre
chose que la condictio appelée par Gains de omni certa re et
dans nos ouvrages juridiques condictio sitie causa ou ob turpem
causam (4). Celte action tend à faire obtenir la restitution du
lia majeslalis (cpr. I p. 270 n. 1 ; II p. 258 n. 1). Julia de pecuniis repetundls
planissime vetat.
(1) Dlg., 1, 16, 10, 1.
(2) La loi promulguée sur cette matière par Sylla était encore eu vi-
gueur à côté de la lex Julia repetundarum (Gicéron, Ad fam., 3, 10, 6 cpr.
Ep., 8, 2).
(3) Pour les jeux de la capitale, cpr. Marquardt St. V, 3, 205 [Manuel
Antiq. Rom. 13, 255] ; pour les jeux provinciaux: Tacite, Ann., 13, 31 ; C.
Th., 15, 5. C.Just., 11, 1.
(4) On sait que la condictio est une action unique et que les différentes
en répétition
du droit civil.
20 DROIT PÉNAL ROMAIN
montant ou la prestation de l'équivalent des sommes ou des
valeurs injustement acquises.
Lorsqu'un citoyen intente cette action, elle vient devant le
préteur urbain et s'exerce suivant un formulaire qui lui est
spécial et qu'on appelle la legis actio per condictionem (1). La
preuve qu'au début on ne pouvait faire valoir des créances dé
ce genre que par voie d'action privée ordinaire ressort d'une
manière irréfutable de ce fait que le préteur pérégrin, devant
lequel le citoyen romain qui a eu à subir un préjudice de la
part d'un magistrat romain ne pouvait jouer le rôle de de-
mandeur, présida, jusqu'à la promulgation de la loi Acilia, la
cour judiciaire exceptionnelle établie par la loi Calpurnia (2).
Ce mode de répression des repetimdae est resté possible à tou-
tes les époques et pour tous les cas; l'action contre l'avocat
coupable d'avoir demandé des honoraires exagérés n'a pas été
soumise sous la République à la forme de la quaestio et n'a
été assujettie à la procédure de repetundae qu'à l'époque im-
périale (III p. 10 n. o).
Après l'établissement d'une procédure de repetundae spé-
ciale, le citoyen romain n'a pas été juridiquement privé du
droit d'exercer son action suivant cette procédure (3). Si imraé-
(722) diatement après celte réforme le citoyen romain ne porte pas
condicliones de nos ouvrages juridiques, qui se présentent en apparence
comme formellement indépendantes, ne sont ea réalité que des applica-
tions de cette action pour des causes spéciales. Perpeluo Sabinus probavil
velerum opinionem, dit Ulpien {Dig,, 12, 5, 6), existimantium id quod ex in-
jusla causa apud aliquem sit, posse condici. Gela est exact tant pour la
répétition du prêt que pour la condiclio indehlli et les autres condic-
liones citées sous des rubriques spéciales. Pour la condiclio furliva cpr.
III p. 14 n. 4.
(i) Gaius, 4, n a et suiv.
(2) Loi Acilia, spécialement 1, 12.
(3) Le début de la loi Acilia nous est parvenu en mauvais état: [quo
socium no]minisve Laiini exlrrannnve natio?ium, quoive in arbilratu dicione
polestale amicitiav[e popidi Romani...]. Mais il est possible que le citoyen
y ait été nommé et dans la 1. 76 on suppose la possibilité pour le citoyen
d'agir comme demandeur. Gicéron, Pro Cluentio, 37, 104 mentionne l'ac-
tion d'un citoyen romain contre un juré sur le fondement de la lex Cor-
nelia i-epelundarum.
ACCEPTATION DE LIBÉRALITÉS ET EXACTIONS 21
sa condictio devant la quaestio de repetundae (1) et si^ par
suite, celte dernière est désignée comme affectée à la protec-
tion des alliés et des sujets des cités soumises (2), la cause peut
en être, abstraction faite de ce que les magistrats commettent
ces délits surtout contre les non citoyens, que la forme de
l'action collective est souvent incommode pour le citoyen, —
Du reste, le fait que parmi les victimes de repetundae agis-
sant collectivement se trouvent des citoyens romains n'altère
en rien le caractère de la procédure. C'est seulement à l'épo-
que impériale que les concessions de plus en plus larges du
droit de cité et l'extension du droit d'agir en justice ont en-
levé à la procédure de repetundae son caractère d'institution
principalement destinée aux alliés.
Le non citoyen peut certainement faire valoir son droit Particularités
suivant la procédure ordinaire (3), il peut aussi se servir de^u"^MML
d'une autre forme d'action, qui par sa nature appartient éga-
lement au droit privé, mais qui est plus rigoureuse que l'ac-
tion privée ordinaire et qui plus tard se transformera en pro-
cédure criminelle ; c'est de cette dernière forme d'action que
nous allons maintenant nous occuper. Bien que nous ayons
déjà exposé dans le Livre IIl les différentes règles de cette
quaestio qui ont donné d'une manière générale à la procé-
dure criminelle postérieure ses principaux caractères, il nous
semble utile de rappeler ici brièvement les particularités du
procès de repetundae.
1, L'introduction de l'action a lieu, d'après les deux plus an-
(1) Cicéron, Divin, in Cnec, 5, 18: civibus ciim sunt ereptae pecuniae, civilL
fere actione et privato jure repetuntur.
(2) Cicéron, après les mots cités plus haut : haec lex socialis est, hoc jus
nationum exterarum est. De même, Verr., 1. 2, 6, 15, et souvent ailleurs.
(3) L'action prévue dans la loi Acilia 1. 8, qui ne se termine pas, comme
la quaestio, par un paiement à Vaerarium, mais par un paiement direct au
demandeur, est manifestement la condictio régulière du droit privé. Comme
le montre la loi Acilia, cette action privée n'était pas soumise aux dé-
lais incommodes de la quaestio (l. Acilia, 1. 7 ; Varron, chez Nonius, p. 26
V. rapones) et elle pouvait aussi dans certains cas être pratiquement pré-
férable à l'action toujours politique de la procédure publique. Le procès
contre C. Antonius mentionné III p. 8 n. 5 rentre dans cette catégorie.
22 DROIT PÉNAL ROMAIN
ciennes leges repetimdarum, suivant la formule de la legis ac-
tio sacramento,à\oTS d'application générale pour la procédure
(723) civile (1). La troisième lex repelimdarum, la loi Acilia, est la
première qui ait remplacé cette forme par Viyijus vocatio ou
la nominis delatio, c'est-à-dire par l'adduction de l'accusé de-
vant le magistrat (II p. 58 sv.) ou par une dénonciation du
coupable (II p. 54). L'enquête préalable sur les lieux, qui
peut-être éventuellement nécessaire pour la réunion des
moyens de preuve, est faite sous la République par les re-
présentants des victimes et sous le Principat par celles-ci elles-
mêmes (II p. 67 n. 2.)
2. Suivant le précédent établi pour les procès qui ont pré-
paré cette quaestio et où toutes les réclamations de même na-
ture dirigées contre le même magistrat étaient réunies dans
une même instance, cette règle du groupement, divergente
de celles qui régissent la procédure de l'action privée (2), fut
sans doute posée pour cette quaestio par une loi (3). Cette me-
(1) Loi Acilia, 1. 23 : [aut quod cum eo lege Calpu]rnia aut lege Junia sacra-
mento actum siet aut quod h. l. nomen [delatum siet]. L'emploi de cette for-
mule par le préteur pérégrin peut d'autant moins surprendre que Gaius,
eu égard sans doute à la procédure de repetundae elle-même, déclare su-
perflue l'introduction de la legis actio per condictionem par le préteur ur-
bain, cum de eo, quod nobis dari oportet, potuerimus aut sacramento aut per
Judicis postulationem agere. Il va de soi que l'on pouvait agir par legis ac-
tio sacramento devant le préteur pérégrin et Gaius, 4, 31, le confirme. —
Si plus tard l'action de repetundae est encore désignée comme lege agere
(Cicéron, Divin, in Caec. 5, 19), la phrase est ici employée dans son sens
large (Keller, Civilprozess % 12, n. 187. § 46, n. 524»).
(2) D'après les matériaux de droit privé que nous possédons, plusieurs
actions intentées par divers demandeurs contre le même défendeur peu-
vent, lorsqu'elles sont engagées à temps, être renvoyées au même juré,
si tel est l'avis du magistrat {Dig., 40, 12, 9, pr: ad eundem judicem mit-
tetur; Quintilien, 3, 10, 1. 2), mais cela n'est pas nécessaire (Dig., 2, 14,
9, pr.) et ne porte aucune atteinte au droit de chaque partie d'agir en
justice quand bon lui semble (Planck, Die Mehvheit dev Rechtsstreitigkeiten,
p. 126 sv.). La lex repetundarum exige au contraire cette combinaison,
en décidant que l'action pour cause de repetundae ne peut, abstraction
faite d'un délit postérieur, être exercée qu'une seule fois (1. 56).
(3) Cette régie se trouvait vraisemblablement dons la loi Acilia 1. 5.
Noua ne savons pas comment on procédait dans chaque cas particulier
il est possible que l'action ait été introduite par un seul demandeur et
que les autres aient eu la faculté d'adhérer à la procédure.
ACCEPTATION DE LIBÉRALITÉS ET EXACTIONS 23
sure s'imposait; car on ne pouvait en fait organiser autrement
cette longue procédure qui accaparait pour un grand laps de
temps, un certain nombre d'hommes considérables. Celui qui
ne peut pas ou qui ne veut pas s'engager dans cette procédure
a la faculté de se servir de l'action privée (1).
3. On augmenta pour ce procès global le nombre des jurés.
Ceux-ci ne reçurent plus désormais le nom moins relevé de
récupérateurs, mais eurent le titre plus ap^vécié de judices.
Le magistrat devant lequel l'action était portée n'était plus
réduit à organiser le procès, comme cela a lieu dans l'action
privée ordinaire, mais il devait diriger les débats et assurer
le vote. Ce magistrat était, d'après la loi Calpurnia et la loi (72i)
Junia, le préteur pérégrin ; plus tard, en vertu de la loi Acilia
elle-même, un préteur spécial fut affecté à ces procès (2).
4. Le procès de rcpetwidae a, au cours de son évolution,
gardé le caractère d'une action privée en tant que les parties,
c'est-à-dire la victime et l'auteur du dommage, luttent entre
elles, tandis que dans les judicia publica postérieurs il y a
bien apparemment en présence un demandeur et un défen-
deur, alors qu'en réalité il n'y a pas de parties, puisque le de-
mandeur se présente ici en qualité de représentant de la com-
munauté. Toutefois, les victimes s'eiïacent dans le procès de
repetimdae, plus encore que dans l'action privée proprement
dite, derrière leurs représentants; car le groupement des dif-
férentes actions s'étend aussi à la représentation et la nomi-
nation des représentants dépend plus du inagi«lrat président
que des demandeurs (3), de telle façon que les patrons qui
accu.-ienl peuvent aussi être considérés comme représentants
de la cité romaine. Le patron se nomme soit représentant de
(1) Lorsqu'une partie n'a pas pris part à la procédure de la quaeslio, il
lui reste l'action civile ordinaire (1. 7, 8 : ulei privato solvatur, tandis que,
d'après la loi, le condamné paie aupopulus).
(2) G. Claudius Pulcher, consul en 6(52/94 (il peut difficilement avoir été
consul en G2'*/I3i)), est appelé dans son elogium : Judex q(iiaestionis) vene-
ficis, pi'{aetor) repetundis (G. I. L., 1- p. 200).
(3) Loi Acilia, 1. 9 et sv.
24 DROIT PÉNAL ROMAIN
la victime {actor ou aussi cognitor) (1), et cette appellation est
la plus usitée au début, soit représentant delà cité {accusator),
et cette dénomination est habituelle à l'époque récente.
5. La réunion des procès du même genre permet ou des
débats successifs ou un débat global. Il est difficile que les
lois aient posé des règles à ce sujet. L'option pour l'une ou
l'autre méthode à dû être laissée à l'appréciation de l'avocat
et du président ; mais, en pratique, on a, au moins le plus sou-
veut, groupé en une seule réclamation les différentes actions
juridiquement distinctes les unes des autres (II p. 104).
6. La règle de l'action privée, d'après laquelle la condam-
nation doit porter sur une somme d'argent fixe (2), conduit,
(725) en cas de succès du demandeur, dans les actions qui originai-
rement n'ont pas pour objet une somme d'argent, à une double
sentence des jurés : à une réponse affirmative sur la prétention
du demandeur et à une transformation de cette prétention en
une somme d'argent, ou pour me servir des expressions ro-
maines, à une estimation de l'objet du litige, à une litis aes-
timatio {V). Afin de plier la créance de repetwidae, qui peut
porter sur toute espèce d'objet du patrimoine, à la forme de la
condictio introduite par la loi Silia pour les dettes d'argent,
la loi Calpurnia prescrit l'estimation en argent de tout objet
(1) Dans le procès de Verres, Cicéron, avant d'être institué formelle-
ment comme patronus, se donne fréquemment le nom di'actor (par ex. :
Divin., 5, 19. 20, 65) ; il ne le fait plus ensuite que rarement (Acl., 1, 1, 2.
1. 5, 70, 179) ; cognilor avec le sens technique du droit privé ne se trouve
que dans Divin., 4, H, où la question se pose de savoir si le pérégrin qui
agit peut rendre sa situation plus forte au point de vue de la procédure
en cédant formellement sa créance au patron romain.
(2) Gaius, 4, 48 : omnium fo)-mularum... ad pecuniariam aestimationem con-
demnatio concepta est. Itaque et si corpus aliquod petamus... judex non ipsam
rein condemnat eum cum quo actum est, sicul olim fien solebat, sed aestimata
re pecuniam eum condemnat.
(3) Cicéron, Verr., 1. 1, 38, 95. c. 39, 99) rapporte quelques extraits du
procès-verbal dressé sur ce point dans le procès de Gn. Dolabella en
676/78 : de (ou ex) lilibus uestimatis Cn. Dolabellae pr{aetoris) et pro pr[aetore)
pecuniae redactae : quod a eommuni Mi/yadum. — La sentence du juge se
traduisait ici, comme dans la procédure de praevaricatio (II p. 130 n. 2),
par les mots redigam ou non redigam.
ACCEPTATION DE LIBÉRALITÉS ET EXACTIONS 25
{omnis cerla res) (1). — A vrai dire, la différence eulre les
deux procédures est plus accusée eu fait. Dans l'action privée
ordinaire, il n'y a qu'un demandeur, le groupement de plu-
sieurs créances dans un même débat n'est qu'exceptionnel et
l'objet de l'action est toujours défini par la formule; dans la
procédure de repetimdae, au contraire, on réunit les créan-
ces de différents, souvent de nombreux demandeurs, sans les
préciser au préalable, mais les jurés ne votent qu'une fois
sur la question de fait sans viser les différentes créances, par
conséquent affirment ou nient simplement qu'il y a eu accep-
tation d'argent. 11 en résulte que l'estimation, qui par essence
n'est que l'appréciation en argent de la créance reconnue, a
en fait ici pour objet d'établir les différentes créances. Ce vice
inhérent à l'organisation même de la procédure (2) a ordinai-
rement en pratique pour corollaire qu'après la réponse affir-
mative sur la question générale de fait les jurys laissent traî-
ner le second acte du procès, c'est-à-dire le règlement des
différentes créances (3). — D'après le droit de la Républi- (726)
que (4), c'est toujours le même tribunal qui prononce la con-
(1) III p. 5 n. 2. L'action de repetundae n'a jamais été limitée à la con-
dictio cerfae pecuniae, la loi Gaipurnia la conçoit déjà comme condicllo de
omni certa re. Ordinairement, l'action de repetundae a dû apparaître sous
la forme de la condictio incerti que les jurisconsultes romains ont fait
sortir de la condictio certi.
(2) Prise strictement, la « condemnatio « (II p. 128), dans le procès de
repetundae, n'est que la résolution prise par la quaestio de passer à l'exa-
men des créances particulières, étant donné que l'accusé semble être dans
son tort. Il était théoriquement possible que malgré cette décision on ne
trouvât pas de majorité pour chaque créance particulière et que par
suite la condemnatio fût sans objet.
(3) Gicéron, Pro Cluentio, 41, compare lejudicium et la litis aestimalio-
numquam ea diligentia, quae solet adhiheri in ceteris judiciis, eadem reo dam-
nato adhibita est. Les jurés avaient coutume, lorsque la condamnation était
prononcée, de ne plus être aussi scrupuleux quant au règlement des dif-
férentes créances, en partie par antipathie pour le condamné (il faut lire
non inviti admittunt au lieu de non admittunt), en partie par indifférence.
Il semblera peut-être sévère que l'historien qui veut enregistrer les ré-
s iltats pratiques de cette procédure dresse ici un procès-verbal de ca-
Tince ; rien n'est cependant plus exact. Gpr. Gicéron, Verr., Act. 1, 13, 38.
(4) C'est ce que montre la loi Acilia et ce que confirme Gicéron, Pro
Cluentio, 41, 116 et ailleurs.
26 DROIT PÉNAL ROMAIN
damnation et l'estimation. Ce système fut modifié dans les
procès consulaires-sénatoriaux de l'époque impériale, sans
doute parce qu'on ne pouvait pas demander au Sénat de s'oc-
cuper de la fixation des diverses créances. L'estimation fut
ici, après jugement sur la question de fait (1) ou aveu de
l'accusé (2), renvoyée à un tribunal de récupérateurs.
7. Si dans l'action en répétition la sentence est rendue en
faveur des victimes, l'exécution a lieu, comme l'introduction
de l'action, simultanément pour tous les demandeurs et est
prise en mains par la cité romaine. Avant que le tribunal ne
passe à l'estimation, le condamné doit fournir à la caisse de
l'État romain une garantie en rapport avec le montant global
des créances tel qu'il est apprécié provisoirement par le tri-
bunal. Lorsque l'estimation a eu lieu, cette caisse paie aux
différents demandeurs la somme réclamée au condamné (3).
C'est ici surtout que le procès de repetundae se présente comme
l'affaire de la cité romaine; celle-ci se reconnaît jusqu'à un
(727) certain point responsable du dommage causé par ses magis-
trats et épargne aux demandeurs les difficultés de l'exécution
privée, difficultés particulièrement grandes pour l'étranger
isolé.
8. Si le condamné n'est pas en état de fournir une sûreté
(1) I p. 297. Agir en justice s'appelle judices petere (Suétone, Dom., 8 :
auctor et tribunis plebi fuit aedilem sordtdum repetundarum aceusandi judi-
cesque in eum a senatu peleîidi); condamner et être condamné s'appellent
judices dare et accipere (Pline, 4,9, 19: ncgavii congruum esse relinere in se-
natu, cui judices ded rint. 2, 11,2: excessisse Priscum... crimina, c/uihus dari
judices possent ; 6, 29, 10 ijudicibus acceptis). Tacite, Ann., 1, 74, dit que les
judices sont des récupérateurs : de pecuniis repetundis ad recupcralores itum
est. Il n'y a pas lieu d'être surpris que le Sénat ou plutôt les consuls
renvoient à un tel tribunal une action qui est à proprement parler civile.
(2) Le coupable qui avoue demande des judices : Pline, Ep.. 2, M, 2 (cpr.,
4. 6, 29, 9) : Marivs Priscvs accusantibus A fris, guibus pro consule praefuit,
omissa defensione judices petiit.
(3) Loi Acilia, 1. 57 et sv. Les sommes d'argent qui rentrent de cette
nianiore sont gardées d'une façon spéciale dans l'ae/'rtri«m ; elles sont
jusqu'au paiement la propriété de la cité romaine, car la clause quod sine
malo pcqulalu fuit (cpr. la lex Cornelia de XX quaesloribus, 1, 5 [Girard,
p. 64]), habituelle en cas de paiement de deniers publics, se rencontre
également ici (1. 69).
ACCEPTATION DE LIBÉRALITÉS ET EXACTIONS 27
dans les conditions iadiquécs, il est irailë comme débiteur
insolvable. On peut se demander à cet égard si les règles ri-
goureuses de l'ancien droit des obligations, notamment Vad-
dictio et la détention pour dettes, s'appliquaient au dernier
siècle de la République contre un débiteur de la communauté.
Nous n'avons aucune preuve en faveur de l'affirmative (1).
Mais la loi Acilia ordonne certainement la saisie du patri-
moine, sa vente et le paiement des créanciers avec le pro-
duit de cette vente et jusqu'à concurrence du prix obtenu
(III p. 26 n. 3). La même procédure a lieu, lorsque l'accusé
meurt au cours du procès et que ses héritiers n'acceptent pas
rhérédité (I p. 76). Dans ce dernier cas, le patrimoine n'est
pas vendu comme celui d'un failli, mais il e?t réalisé dans
une forme moins déshonorante comme masse héréditaire
abandonnée (2). De même, si l'accusé pour se soustraire au
déshonneur abandonne son droit de cite avant la condamna-
tion (I p. 78), l'ensemble de son patrimoine est vendu par la
cité (3).
La condictio en soi ne fait pas obtenir plus que l'équivalent Peine.
de ce qui a été injustement acquis. La loi Caipurnia et la loi
Junia ont conservé à cette action la même mesure; elles li-
(1) Dans le procès d'amende contre Scipion la détention pour dette joue
encore un rôle (Tite-Live, 38, 58). Elle n'apparaît pas dans les débris de
la loi Acilia qui nous sont parvenus.
(2) Le récit de Valére Maxime, 9, 62, 7 (on lui-même peu diptne de foi :
Drumann, 4, 193) doit, eu égar.i à la distinction de la bonorum possessio
vivi seu mortui (Gaius, 3, 78 sv.), être entendu en ce sens que C. Licinius
Macer, menacé d'être condamné dans un procès de repetundae, attenta
à ses jours en déclarant, se non damnalum, sed reum perire nec sua hona
hastae posse subici, où d'ailleurs les derniers mots disent trop.
(3) Lex repetundarum, 1. 29 (complétée eu égard an reste de la rubrique
du chapitre. . rit aut in exilium abieril) ; [sei is (l'accusé) prias mortuos erit
aut in exilï\um abieril quani ea res \ju]dicata erit, pr{aetor)... eam rem ab eis
(par les jurés) item quaerilo... Déjà, avant l'introduction de la quaestio,
(Tite-Live, 43, 2) on mentionne des exils fondés sur le délit de repetun-
dae et plus tard il en est fréquemment question. Gpr. au Liv. V la Sec-
lion de l'exil.
28 DROIT PÉNAL ROMAIN
mileat l'action à la simple reprise de ce qui a été donné (1),
(728) Caius Graccbus a fait de l'aclioD d'indemnité uae action pé-
nale et a iufligi au condamné pour cause de repetundae la
peine qui frappe le voleur condamné, c'est-à-dire la peine du
double (111 p. 28 n. i). Cette réforme s'explique de la part de
l'adversaire passionné de l'aristocratie et en face de l'excès
de vénalité et da cupidité de cette dernière; mais étant donué
que les éléments du délit n'étaient pas modifiés et que ce délit
embrassait peut-être même la simple acceptalion irréfléchie
d'une libéralité, la passion a ici, comme toujours, fait perdre
de vue la véritable base de l'action.
Quant à la répression postérieure du délit des magistrats,
nous ne sommes, chose surprenante, que peu renseignés.
Aucune preuve n'est nécessaire pour affirmer que la loi Servi-
lia n'a pas adouci la peine établie par la loi Acilia; malgré
la même absence de preuves, il n'est pas non plus douteux
que, lors de la réaction contre le mouvement démocratique
des Gracques, Sylla a rétabli l'indemnité du simple à la place
de la peine du double. Quant à la peine établie par la loi Julia,
tout témoignage nous fait défaut; si les textes de Justinien
ne parlent pas de multiple, la cause en est peut-être à la
transformation totale du délit dans la dernière période de
l'Empire; ce fait est cependant favorable à la conjecture d'a-
près laquelle la peine du multiple aurait cessé d'être en vi-
gueur depuis Sylla.
L'empereur Auguste a prescrit la peine du quadruple con-
tre les avocats qui touclicraient des honoraires supérieurs au
maximum licite (2) et diverses constitutions de l'époque pos-
térieure à Constantin ont posé des règles semblables vis-à-vis
des magistrats (3). Ces dispositions spéciales ne permettent
(1) Loi Acilia, 1. S9 : [quod anle h. l. rof^alam consilio probabilur captum]...
concilialum esse, eas res omnis simpli, cèleras res omnis, quod post fiance ler/em
rocjalam co[nsilio probahil]ur caplum... concilialum... esse, dupli. Cpr. III
p. 13 n. 2.
(i) Dion, o4, 18 pour l'année 737/17.
(3) En dehors de la peine fiscale du quadruple de la valeur du litige,
prescrite par Septimc Sévère à côté de l'action en répétition pour les
ACCEPTATION DE LIBÉRALITÉS ET EXACTIONS 29
pas de conclusions rétroactives au regard de la loi générale
de repetundae.
La diminution de l'honorabilité civique est contraire à la (729)
nature même de la condictio et elle n'a pas été attachée aux
condamnations prononcées en vertu des anciennes lois de re-
petundae (1); une remarque identique peut être faite même
au regard de la loi Acilia(2). Par contre, la loi Servilia prive
le condamné de ses droits politiques (3). Sylla a vraisembla-
blement aboli cette règle, mais César l'a rétablie (4). Au dé-
but de l'époque impériale, la condamnation pour cause de
repetundae n'entraîne pas non plus de peine criminelle pro-
prement dite (o), mais elle engendre l'incapacité de garder
achats faits par les fonctionnaires dans leur ressort (III p. 12 n. 4), on
rencontre la peine du quadruple pour les exagérations de demandes d'im-
pôts dans la constitution de Constance C. Th., 11, 16, 8 =: C. Just., 10, 48,
8, vis-à-vis des officiales (à côté du double pour les magistrats), dans
celles de Valentinien 1" (C. Th., 11. 16, 11 = C. Just. 10, 48, 8, 2), Gratien
(C. Th., 9. 27, 3 z= C. Just., 9, 21. 1 = Edit de Théodoric, 3. 4), Honorius
(C. Th., 11, 7. 20) et Justinien {Cod., 3, 2, 2 ; Inst., 4, 6, 25), de même chez
Gassiodore, Var., 9, 11. 6 ; pour la corruption de magistrats dans celle de
Théodose II. Cad., 9, 2", 6 ; pour la soustraction, dans celle d'Honorius,
Cod., 1, 31, 3, 1, où la moitié de la peine échoit à la victime et l'autre
moitié au fisc. La peine du quadruple, applicable en cas de péculat, a pu
servir de base à ces mesures. Peine du double (peut-être à raison d'une
interpolation de Justinien) Coi., 10, 20, 1, pr. — L'indication confuse de
l'ignorant scoliasfe des Verrines, p. 146 : duae res consequebantuv damna-
tlonem pertinebal qiia {?) vel si)nplex vel duplex vel quadruplntio ducebatur,
altéra e.iilii mérite à peine d'être citée.
(1) Le consul de l'année 598/156, L. Lentulus, fut, après une condamna-
tion pour cause de repetundae, élu censeur en 601/147 {Val. Max., 6, 9, 10).
(2) Malgré les lacunes, cela est assez certain.
(3) Rhet. ad Her., 1, 11, 20 : lex (celle-ci ne peut être que la loi Servilia,
étant donnée l'époque à laquelle cet ouvrage fut rédigé) vetat eum qui de
pecuniis repelundis damnatus est in contione orationem habere. Gelte inter-
diction appartient manifestement à une liste comme celle que rapporte
la table de Bantia (G. I. L. I, p. 45; cpr., St. R., 1, 201 [Dr. publ., \. 229j)
et il est vraisemblable qu'on y trouvait l'exclusion du Sénat.
(4) Di^., 1, 9, 2 : Cassius Longinus non putat ei permillendum, qui propter
turpitudinem senatu motus nec restitutus est, judicare vel testimonium dicei'e,
quia lex Julia repelundarum hoc fierit vetat. Suétone, Caes., 43 : repetundarum
convictos etiam senatu movit, ce qui, d'après le texte précédent, doit être
rapporté à la loi consulaire.
(5) Lorsque dans un procès de repetundae on condamne à l'exil, on a
soin d'ajouter que la condamnation embrasse d'autres délits (Tacite,
30 DROIT PÉNAL ROMAIN
OQ d'obtenir des charges et des sacerdoces (1), de siéger au
(730) Sénat (2), de fonctionner comme juré (3) ou comme repré-
sentant judiciaire (4) ou de se produire publiquement comme
témoin (o). Par exception, le Sénat, qui n'est pas lié par les
lois, s'est abstenu, tout en condamnant, d'infliger cette pri-
vation de l'honorabilité civique (6).
Pour les délits assez nombreux, qui tombent sous le coup de
la loi de rcpctmidae, mais pour lesquels l'idée d'indemnité
n'est pas applicable, nous ne connaissons pas d'autre répres-
sion que cette peine politique.
La procédure de repetundae a été régie par ces règles sous
la République et au premier siècle de l'Empire. En droit strict,
la condamnation n'engendra pas à proprement parler les con-
séquences habituelles en matière de délit; elle n'en anéantit
pas moins ordinairement, même lorsqu'elle s'élève simple-
ment à l'indemnité du simple, la situation sociale du coupa-
ble. De bonne heure, il s'est agi dans ces procès non pas de
simples inconvenances ou d'injustices de peu d'importance,
mais d'exactions de grande envergure qui créaient des patri-
moines colossaux lorsqu'elles réussissaient, mais qui, en cas
d'échec, ruinaient le coupable, même s'il n'était condamné
qu'à une indemnité du simple. Cette conséquence n'a pas été
engendrée par la peine elle-même, mais par la faillite qui est
Hist., 4, 45 : damnatus lege repelundarum et ex'dio ob saevitiam. Pline, Ep.,
6, 29, 9). Ce que dit Pline (n. 1) sur un condamne pour cause de repe-
tundae conQrnie aussi que l'exil n'atteignait pas ce dernier.
(1) Pline, 2, H, 12 : stabat modo consularis modo septemvir epulonum, jam
neulrum. Peut-être le damnum cum infamia des Dig., 48, 19, 8, pv. se rap-
porle-t-il aux repetundae.
(2) En dehors des textes cités III p. 29 n. 4. Tacite, Ann., 14, 48 (cpr. 13,
33), Hist., 1, 77. Suétone, Ol/io, 2. Pline, Ep., 2, 11, 20. Ep., 12, 4, 9, 16-19.
(3) Di(/., 1. 9, 2, (III p. 29 n. 4). 48, 11, 6, 1.
(4) Difi-, 48, 11, 6. 1.
(5) Paul, Dig., 22, 5, lo, pr. : repetundarum damnatus nec ad testamentum
nec ad teslimonium adhiberi polest, 48, 11, 6, 1. Ulpien, Dig., 28, 1, 20, 5 ne
l'admet pas comme témoin en justice, mais comme témoin dans les testa-
ments. Cpr. Il p. 78.
(6) Nous savons que devant le Sénat siégeant comme tribunal on atta-
qua comme inadmissible la forme de jugement salva dignitale Judices dan-
dos, mais que cette rédaction triompha (Pline, Ep., 4, 9, 16-19. 6, 29, 10).
ACCEPTATION DE LIBÉRALITÉS ET EXACTIONS 31
ea fait la suite habituelle de cette peine. La sortie, en appa-
rence volontaire, du peuple de la cité souveraine et en consé-
quence la perte de l'evislence politique ont déjà été provoquées
parles sentences de récupérateurs antérieures à la loi Calpur-
nia (1^ et sont devenues dans la suite la conséquence normale
de la condamnation pour cause de repetundae (2).
Vers le milieu de l'époque impériale, le caractère de la pro-
cédure se modifie. La faculté pour les tribunaux suprêmes de
fixer la peine à leur gré s'exerce vraisemblablement surtout
pour ces délits de fonctionnaires (3). Peu à peu la libre fixa- (73i)
tion de la peine devient ici générale et le délit de repetundae
est, soit sous son vieux nom (4), soit comme nous l'avons
indiqué plus haut (111 p. lo), en cas d'exaction proprement
dite, sous le nom d'intimidation, de concussio, réprimé, abs-
traction faite de toute règle, par une peine en général notable-
ment plus grave, principalement par le bannissement et la
confiscation du patrimoine (o). Une telle peine ne laisse plus
(1) Tite-Live. 43, 2, 10.
(2) Tant dans le procès de M. Aquillius, consul en 653/101 (Gicéron, De
or., 2, 47, 194), que dans celui do Verres (Gicéron, Verr , 1. 2, 31, 16), le
maintien au nombre des citoyens (relinere in civitale) dépend de la sentence
des jurés. La même remarque s'applique à l'afTaire de Rabirius Postu-
mus (Gicéron, Pro Rab. Post., 5, 1 1 : poleslis tollere ex civitate quem vuLlis),
bien que celui-ci ne fût pas accusé pour cause de repetundae, mais pût être
seulement acculé à la faillite par une sentence du tribunal le condam-
nant à payer une indemnité. Je n'enregistre pas les nombreuses preuves
qui nous attestent l'exil de tels condamnés (même pour l'époque impé-
riale : Juvénal, 1, 47). — Le scoliaste des Yerrines (III p. 28 n. 3} se
trompe ici comme à l'habitude.
(3) La lettre de Pline 4, 9, citée en ce sens, montre pour un procès glo-
bal de ce genre une gradation de la peine qui va de la déportation (celle-
ci également chez Dion, GO, 23) jusqu'à la relégation pour deux ans. Un
avocat se voit, à la suite d'une demande d'honoraires exagérés, privé de
l'exercice de sa profession pour cinq ans (Pline, 5, 13, 6). VUa PU, 10 : si
guos repetundarum damnavit, eorum liberis bona paterna restituit, ea (amen
lege, ut illi proinncialibus redderent cjuod parentes acceperant.
(4) Macer (sous Alexandre), Dig., 48, 11, 7, 3 : hodie ex lege repetundarum
extra ordinem puniuntur.
(3) Macer, après les paroles citées (n. 4) : et plerumque tel exilio pu-
niuntur vel eliam durius, prout admiserint. La confiscation du patrimoine
apparaît comme peine régulière en cas de repetundae tant dans la Vita
PU, 10 (n. 3) qu'aux Dig., 48, 2, 20.
32 DROIT PÉNAL ROMAIN
place à la vieille action en répétition. Dans ces conditions,
nous nous abstenons de rapporter les nombreuses prescriptions
pénales spéciales du Bas-Empire, où il n'est pas rare de ren-
contrer la peine de mort (1).
Aciio.i contre La posslbllité de diriger l'action en répétition contre les
les beniiers. jj^pjjjgpg ^q (,gl^^^ qjjj g ^eçu de l'argent, lorsque celle-ci n'a
pas été intentée contre ce dernier (2), est en parfaite concor-
dance avec la nature de la condictio, à la condition qu'il s'a-
gisse seulement de l'indemnité du simple. Si, d'après le droit
de la dernière période, l'action en répétition avait lieu pour
un multiple, ce qui est douteux (III p. 28), la faculté d'inten-
ter cette action à un multiple (3) contre les héritiers doit être
considérée comme une particularité de l'action de repetwidae.
Action contre Cette procédure présente encore cotte originalité que le lé-
gislateur, s'écartant de la notion de condictio et d'action de
repetimdae, l'a permise contre les personnes auxquelles l'en'
richisscment injuste était parvenu (4). Celte extension ne se
(732) rencontre pas encore dans les trois premières legesrepetiinda-
rum, elle n'a été réalisée que par la loi Servilia (o). Elle n'a
lieu que si l'insolvabilité du condamné est établie et a pour
but de procurer la somme manquante (6) ; elle est dirigée
(1) Constantin I, C. Th.., 8, 4, 2, := C. Jusl., 12, 51, 1. Valentinien, C. Th.,
11, 11, 1. Gratien, C. Th., 9, 27, 5 =r C. Just., 9, 27, 3 (celle-ci moins ri-
goureuse). Arcadius, C. Th., 11, 8, 1 =: C. Just., 10, 20, 1, 1. Honorius, C.
Th., 11,7, 20. Justinien, Cod., 1, 27, 1, 20. Edit de Théodoric, 4, menace
l'insolvable de la peine de la correction.
(2) Loi Acilia, 1. 29. Pline, Ep., 3, 9, 6 : liaelica etiam in defuncli accusatione
perstubat : provisum hoc legifjus, intermissum tamen et posf longam inlercape-
dinem tune reductum. Dig., 48, 2, 20. lit. 11, 2. tit. 13, 16. til. 16, 15, 3.
Cod., 9, 27, 2. Au contraire, la constitution de Diocléticn, Cad., 4, 17, 1,
limite à l'enrichissement réalisé, tant d'une manière générale (cpr. Cod,
Uevmog. 2) que spécialement pour la concussion, l'action donnée contre
riiérilier.
(3) On peut faire valoir en ce sens l'assimilation du procès de repelundae
et du procès de poculat chez Papinien (III p. 80 n. 1) et les textes des
Dig., 48, 2, 20. lit., 11, 2; ce dernier texte limitant quant au temps
l'exercice de l'action contre les héritiers.
(4) Quo ea pecunia pervenil: Gaolius, Ad fam., 8, 8, 2 ; Cicéron Vro Rah,
Posl., 4, 8 et sv.
(5) Cicéron, Pro Rab. Post., 4, 9.
(6) Cicéron, Pro Rab. Post., 4, 8. 13, 37.
1
ACCEPTATION DE LIBÉRALITÉS ET EXACTIONS 33
contre toute personne, à laquelle sont parvenues pour une rai-
son quelconque des sommes provenant du patrimoine de l'ac-
cusé et est même possible contre les créanciers que celui-ci a
satisfaits (1). Si l'insolvabilité du débiteur principal se révèle
soit pendant le procès, soit après, l'action en répétition est in-
tentée contre le tiers devant les jurés mêmes qui ont tranché le
procès principal. Cette action n'est d'ailleurs pas traitée comme
un procès de l'epetimdae, son exercice n'est soumis à aucune
limitation provenant de considérations de classe et elle n'en-
traîne pas en cas de condamnation une restriction de l'hono-
rabilité civique (2). On peut citer comme ayant quelque con-
nexité avec cette procédure la règle d'après laquelle la chose
acquise contrairement à la lex repetundarum est, comme l'objet
volé, soustraite à l'usucapion et peut par la revendication être
reprise à toute personne, même au possesseur de bonne foi (3).
L'action en répétition n'est soumise à aucune prescription Prescription.
spéciale; c'est seulement le droit du Bas-Empire qui prescrit
d'intenter l'action dans le délai d'un an à partir de la sortie
de charge du fonctionnaire (4), Mais contre les héritiers elle
doit être exercée dans l'année qui suit la mort du coupable (5).
(1) Pline, Ep., 3, 9, 17: additum est, ut pecuniae, quas crédita ribus solve-
rat, revocarentur. Lorsque le délit de repelundae est puni de la peine de la
confiscation du patrimoine, tous les actes juridiques accomplis par le
condamné postérieurement au délit sont, d'après Dig., 48, 2, 20, rescin-
dés, exactement comme au cas de procès de lèse-majesté (II p. 299). Il
semble qu'il y ait là une aggravation de peine réalisée récemment, mais
qu'on peut rattacher à l'action de repetundae contre les tiers.
(2) Cicéron, Pro Cluentio, 41, 116. ; Pi'o Rab. Post., 4; Gaelius, Ad fam.,
8, 8, 3. Elle n'est pas un proprium judicium ((^.icéron, Pro Rab. Post., 13,
37), mais une appendicula causae judicatae {loc. cit., 4, 8) ; elle est toujours
renvoyée aux mêmes jurés, même si elle n'est intentée que postérieure-
ment à l'année de charge (Gaelius, loc. cit.). Il en résulte aussi que réguliè-
rement cette action subséquente est déjà entrevue lors de la litium aesti-
matio du procès principal, mais il ne s'ensuit aucunement qu'elle dépende
juridiquement de cette estimation du litige, comme Cicéron veut le faire
croire dans un discours prononcé pour une personne accusée de ce chef.
(3) Paul, 48, 11, 8,p/'. : quod contra legem repetundarum proconsuli vel prae-
tori donatum est, non poterit usucapi. Egalement, ibid., | 1, C. Th., 8, 15, 5, 2.
(4) Valentinien I, C. Th., H, 11, 1 = C. JusL, M, 35, 2. Théodose I, C.
Th., 9, 27, 7 =r C. Just., 9, 27, 5. Valentinien III, Nov., 32, 1.
(o) Dig., 48, 11, 2.
Droit Pénal Romain. — T. III. 3
(733) SECTION VIII
APPROPRIATION DU BIEN D'AUTRUI iFURTUM)
L'appropriation délictuelle du bien d'aulrui, le furtum des
jarisconsultes romains, que nous ne pouvons pas appeler au-
trement que vol, bien qu'elle ne corresponde qu'approxima-
livement à la notion actuelle de vol et embrasse également le
détournement, doit être exposée ici en distinguant les catégo-
ries suivantes :
4. Vol en général et spécialement vol de la cbose d'un par-
ticulier.
2. Vol entre époux {aclio rerum amotarum).
3. Vol d'un bien des dieux {scicrilcgium) ou de l'Etat {pecu-
latus).
4. Vol de moissons.
5. Vol qualifié de l'époque impériale.
6. Vol d'bérédité.
Le vol commis avec violence, la rapine, n'est pas traité par
le droit romain comme délit indépendant, mais, sans être com-
plètement exclu de la théorie du vol, il est aussi rattaché Foit
à l'action de meurtre comme vol commis sur les grands che-
mins (II p. 344 sv.), soit, en le réunissant au dommage cau«îé
avec violence à la chose d'autrui, au délit de violence (Il p. 380
sv.). — L'usurpation de la dominica potestas, le rapt d'hom-
mes (plagium), délit apparenté au vol, mais que ce der-
APPROPRIATION DU BIENId' AUTRUI 35
nier n'embrasse pas, est placé dans la présente Section à titre
d'appendice.
1. Vol de la chose d'un particulier.
Fur, en grec ®cop, littéralement « celui qui emporte » (1),
et furtum qui désigne le fait d'emporter et la chose emportée se
rapportent dans leur acception exclusivement délictuelle à (734)
l'appropriation injuste du bien d'autrui. L'emploi de ces ex- voideia chose
. .1 1-1 . , . 5 11 • d'un particulier.
pressions se restreint dans le langage technique a 1 appropria-
tion du bien d'un particulier; toutefois l'appropriation du
bien des dieux, techniquement le sacrilcgmm, et celle du
bien de l'État, techniquement \e peculatus, ne se distinguent
guère du furtum privé qu'au point de vue de la nomencla-
ture des délits (2) et il n'est pas rare que le péculat soit dési-
gné comme furtum pecuiiiae publicae (3). Ici, nous avons à
exposer tout d'abord les dispositions légales relatives au vol
de la chose d'un particulier.
Cette action délictuelle, comme l'ensemble des délits du Dispositions
droit privé, a été législalivement organisée d'abord par la loi
des XII Tables, puis par la réglementation des actions
qu'opéra le préteur urbain romain; d'autres règles, notam-
ment l'importante prohibition de la prescription acquisi-
tive. ont été ajoutées par des résolutions des assemblées
populaires, des prescriptions du Sénat et par l'empereur.
Nous aurons à revenir plus loin sur les détails de cette légis-
lation, notamment à propos de la procédure et de la peine.
Nous devons analyser maintenant les éléments caractéristi- Eiémeni»
du délit.
(1) Les anciens font déjà très exactement venir ce mot de ferre et le com-
parent avec le terme grec correspondant (Aulu-Gelle, 1, 18; Paul, Dig.,
47,2, 1, pj-.rr Inst., 4,1, 2). Ailleurs, le mot est rattaché à furvus (Varron,
chez Aulu-Gelle, loccit.; Labéon, chez Paul, loc. cit., scolies sur Virgile, •
Aen., 9, 348; Georg., 3, 407 ; Isidore. 5, 26, 19), et à fraus (Sabinus. chez
Paul, loc. cit.).
(2) Dans l'usage, on oppose habituellement sacrilegium à furtum ; sacra-
rum reriim furtum ne se trouve que chez Isidore 5, 26, 12.
(3) Cicéron, Verr., 3, 72. 168 ; Dig., 48, 13, S, pr. 1. 11, 2 ; on trouve aussi
furtum puhllcum chez Festus, p. 213,
36 DROIT PÉNAL ROMAIN
ques du délit, tels qu'ils se présentent dans le vol de la chose
d'un particulier et tels qu'on les rencontre aussi en substance
dans toutes les autres catégories de vol; en d'autres termes,
nous avons à exposer ici en détail en quoi consiste le fait de
prendre une chose mobilière appartenant à autrui pour s'en-
richir personnellement au détriment d'autrui (1).
Contrectado. Le fait de prendre une chose pour soi est désigné dans la
langue juridique comme l'acte de toucher : attrectare, con-
trectare, attingere (2); ces expressions ne sont pas appliquées
au vol dans le langage courant. Celui-ci se sert pour exprimer
le vol en général des mots amovere, auferre, tollere, expllare,
(735) compilare\ pour le vol avec violence, de rapere; pour l'appro-
priation secrète, en dehors de clepere disparu, de subripere,
subtrahere, sublegere ; et notamment pour le détournement
d'intercipere, intervertere, avertere, in rem suam veriere (3).
Aucun de ces termes n'a de valeur technique, il n'est donc
pas nécessaire de rechercher les nuances, indifférentes au point
de vue juridique, qu'il peut y avoir entre eux; d'autant plus
que ces mêmes expressions sont aussi usitées en partie pour
d'autres actions, comme auferre et avertere par exemple qui
sont également employées en matière de repetundae (4). Les
(1) Le reliquat dû par le comptable de deniers publics (pecuniae residuae)
ne rentre pas dans cette notion; ce cas ne rentre pas non plus dans le
péculat, mais est simplement traité en même temps que lui. Le furlum
des orateurs romains (III p, 3 n 2) est une notion purement morale,
beaucoup plus large que la notion juridique.
(2) Comme terme technique pour désigner l'acte de voler, on trouve
dans les définitions légales : attrectare chez Sabinus (Aulu-Gelle, 11,18, 20 ;
cpr. Paul, 5. 27); fréquemment contrectare (Gains, 3, 195.209 ; Paul, 2, 31,
1 ; Difj.. 47, 2, 1, 3 = Insl. 4. 1, 1 et ailleurs); ou attingere, Dig., 47, 2, 46,
7. On rencontre également contaminare (dans son sens originaire comme
dans conlagium et tangere) chez Julius Victor, Ars rhelor., 16, 3.
(3) C'est avec raison que Paul, 5, 27 (cpr. Dig., 30, 51) met dans cette
liste mutare, changer, car la substitution d'un objet à un autre n'empêche
pas l'enrichissement. Toutefois, s'il s'agit d'objets fongil)les et d'égale
valeur, l'échange n'est pas un vol, parce qu'il n'y a pas de dommage.
(4) ÎII p. 11 n. 4. Les expressions capere et conciliare (III p. !1 n. 4), qui
sont les termes techniques pour désigner le délit de repetundae, sont évi-
tées à propos du furlum. Cicéron, Pro Cluentio, 42, 120, met à côté l'un
de l'autre le judicium furli et \e judicium captarum pecuniarum.
APPROPRIATION DU BIEN D'AUTRL'I 37
jurisconsultes ont substitué 1' c< attouciiement » à 1' « enlève-
ment », parce que le droit ne punit pas la tentative de vol
comme telle et qu'il a par conséquent paru utile d'avancer le
moment où le délit devait être traité comme consommé (1).
On applique à la notion d'attouchement les règles générales en
vigueur pour la possession et la détention, de telle sorte qu'on
assimile par exemple à l'attouchement le fait que des trou-
peaux paissent les fruits du champ d'autrui, le dépôt de la chose
dans la maison du voleur (2), d'une manière générale toute
acquisition de la simple détention (3) ; mais on exige toujours
un acte constitutif de la possession, de telle façon que celui qui
a déjà la possession ou la détention de la chose pour une autre
cause ne peut être considéré comme voleur que s'il saisit de
nouveau la chose avec une intention délictuelle (4). Tout
nouvel attouchement de la chose volée, présentant les carac- (736)
1ères précités, est considéré comme une répétition du vol, ce
qui peut avoir de l'importance notamment pour le calcul de la
valeur de la chose (o). — Comme contrectatio, on ne consi-
(1) Le vol est consommé, même si le voleur se dessaisit de l'objet ap-
préhendé et ne l'emporte pas {Dig., 47, 2, 21, pr.).
{■>) La loi des XII Tables, (8. 8. SchôU [= 8. 9 Girard]) traite comme
vol de moissons l'acte de celui qui fait paître frauduleusement les
fruits du champ d'autrui par ses troupeaux. La réception de paiement
faite par un faux créancier est considérée comme vol et ce délit est com-
mis même lorsque le débiteur trompé paie à un tiers sur l'ordre et en la
présence du faux créancier. (D/^ç., 47, 2, 43, 2).
(3) Le propriétaire et même le possesseur commettent un vol en por-
tant atteinte à une détention légitime, c'est ce qui peut avoir lieu, par
exemple, de la part du bailleur vis-à-vis du locataire, et, dans certains cas
aussi, de la part du commodant vis-à-vis du commodataire. Dig., 47, 2,
15, 2: Si ob a/iquas impensas, quas in rem commodatam fecisti, relentionem
ejus habueris, etiam ciim ipso domino, si eam subripiat, habebis furti actionem,
quia eo casu quasi pignoris loco ea 7-es fuit. Dig.. 47, 2, 60.
(4) Gela s'applique notamment en cas de détournement. Paul, Dig., 41,
2, 3, 18. Si rem apud te depositam furli faciendi causa con'.rectaveris, desino
possidere. Sed si eam loco non moveris et infitiandi animum haheas, plerique
veterum el Sabinus et Cassius recle responderunt possessorem me manere, quia
furtum sine contrectatione fieri non potest nec animo furtum admittalur. Dig.,
16, 3, 29, pr. 47, 2, 1, 2. 1. 52, 7. 1. 68, pr.
(5) Si la contrectatio fraudulosa n'engendre pas l'action de vol par suite
des liens qui unissent le voleur et le volé, par exemple, parce que l'acte
s'est produit entre un maître et un esclave ou entre époux, l'action ds
38 DROIT PÉNAL ROMAIN
dère pas seulement roccupation d'une chose pour l'enlever à
son juste détenteur, mais aussi la violation délictuelle des
limites du droit d'usage (1), ce qui a notamment lieu, lors-
que le propriétaire a accordé à un tiers la possession ou la dé-
tention d'une chose et que le détenteur n'observe pas les limi-
tes arbitrairement fixées ou naturelles de son droit d'usage (2).
/'737) — Au contraire, lorsqu'il n'y a pas contrectatio de la chose
d'autrui, il n'y a pas vol (3); celui-cine se rencontre donc pas,
vol est possible pour toute autre contrectatio commise postérieurement à
la disparition de ces liens {Dig., 13, 1, 15. 47, 2, 17, 1). Lorsque l'action de
vol est déjà née, toute autre contrectatio est considérée comme une répé-
tition du furtum et sert de base à la régie que le voleur en cas de varia-
tion dans la valeur de la chose doit toujours être condamné d'après la
plus haute valeur que la chose a eue à un moment quelconque depuis la
première contrectatio (Dig., 47, 2, 6. 1. 50, pr.). Mais d'autres jurisconsultes
ne considèrent pas la répétition de la contrectatio comme une répétition
du vol (Dig., 47, 2, 9, pr. : ei qui furti actionem habet, adsidua contrectatione
furis non magis furti actio nasci potest, ne m ici quidem, in quod crevisset
postea res subrepla) et rattachent l'obligation pour le voleur de payer la
plus haute valeur de la chose à sa mora perpétuelle (Dig., 13, 1, 8, 1. 1. 20),
ce qui est plus logique et aussi plus efficace, étant donnée la contingence
de la contrectatio.
(1) Paul, Dig., 47, 2, 1, 3 zi: Inst., 4, 1, 1 : furtum est contrectatio... vel ipius
rei vel etiam tisus ejua possessionisve (chez Théophile : ï) TtEpl aùxô tô 7tpây(ia
T| Ttep"! TT)v y_ç>r\<Jiv a-jTO'j r) uepi vo(j.f,v) suivant qu'il y a appropriation ou de
la chose d'autrui ou de la simple possession (par exemple, lorsque la
chose est enlevée au possesseur de bonne foi : Dig.. 47, 2, 75. cpr. 47, 4,
1, 15, ou lorsque le propriétaire soustrait au créancier la chose donnée
en gage) ou suivant que le vol consiste dans le simple abus de la chose.
La division n'est pas complète ; car il arrive fréquemment que le simple
détenteur ait l'action de vol (III p. 47), bien qu'on ne puisse pas décem-
ment lui attribuer la possessio.
(2) Le simple détenteur, qui n'a pas le droit d'usage, s'expose par tout
usage de la chose à l'action de vol ; il en est ainsi pour le dépositaire
(Scaevola chez Aulu-Gelle, 6, 15, 2 ; Gains, 3, 195 = Inst. 4, 1, 6) et le créan-
cier gagiste (Dig., 47, 2, 55, pr.). Lorsqu'il y a eu concession du droit
d'usage, la question de savoir si un usage constitue un vol dépend de la
volonté exprimée ou sous entendue du concédant (Dig., 47, 2, 40 : gui.,
aliéna re invita domino usas est, furtum facil. 12, 4, 15). Cette remarque s'ap-
plique notamment au louage de chose et au commodat. Val. Max., 7, 2, 4
(à sa suite ■ Symmaque, Ep., 7, 2, 4) ; Gains, ô, 196 ;= Inst., 4, 1,6; Dig.,
47, 2, 48, 4. 1. 55, 1.
(3) Ulpien, Dig., 47, 2. 52, 19 : neque verho neque scriptura quis furtum fa-
cit ; hoc enimjure utimur, ut furtum sine contrectatione non fiât. — C'est sur
cette idée (et peut-être aussi en même temps sur les considérations d'hu-
manité relevées III p. 49 n. 2) <jue se fonde sans doute aussi la distinc-
APPROPRIATION DU BIEN D'AUTRUI 39
lorsque par dol on attribue à une chose des qualités qu'elle n'a
pas (1), lorsqu'on contraint une personne à fournir des servi-
ces ou à contracter une obligation (2), lorsqu'on emploie con-
trairement à leur destination des deniers et des valeurs qui
sont passés dans le patrimoine de Vaccipiens par la volonté de
l'ancien propriétaire (3), lorsqu'une exaction a été commise (4).
— La forme dans laquelle le délit est accompli n'a pas
d'importance au point de vue du droit. Celui-là est « fur »
qui s'empare d'une chose par violence ou clandestinement et
à l'insu du propriétaire (5), Il est vrai que, déjà à la fin de la
République, le moi furtum ne s'applique plus dans le langage
ordinaire qu'à l'appropriation non violente (G) et que cette no-
tion se rapproche ainsi de notre vol moderne ; mais la science (738)
tion subtile d'après laquelle l'esclave qui s'enfuit vole les choses qu'il
emporte, mais ne se vole pas lui-même (Dig.. 47, 2, 36), distinction qui à
vrai dire ne concorde pas avec la règle excluant l'usucapion au regard
de l'esclave lui-même.
(1) Dig., 13, 7, 36, pr. 47, 2, 20, pr.: cum aes pignon daliir, etiamsi aurum
esse dicitur, turpiler fit, furtum non fit. Par contre, une substitution de ce
genre opérée au regard de l'objet donné en gage rentre dans la notion
de furtum.
(2) Dig., 47, 2, 76.
(3) Lorsqu'un débiteur paie son créancier par un intermédiaire et que
celui-ci garde l'argent, on distingue, suivant que, d'après la volonté du
tradens, l'intermédiaire devait remettre les deniers mêmes qu'il avait reçus
ou prendre d'abord l'argent pour lui et faire seulement ensuite le paie-
ment ; dans le premier cas il y a vol, dans le second cas l'accipiens est
devenu débiteur du tradens. Cpr. III p. 41 n. 1.
(4) La contrainte indirecte, notamment l'exaction, ne rentre pas dans le
furtum; car ici le déplacement de propriété a lieu avec le consentement
de la victime, encore que ce consentement ne soit pas libre. Sans doute,
le législateur est porté à faire rentrer l'exaction dans le furtum et nous
avons pu reconnaître cette tendance dans la lex Aciiia repetundarum
(III p. 6); il n'y a toutefois pas eu confusion.
(5) La langue ancienne distingue voler et ravir en opposant les mots
clepere et rapere (Gicéron, De leg., 2, 9, 22) ; mais le droit n'a jamais fait
usage de cette distinction. Si le furtum excluait la rapine, cette dernière
ne serait pas visée par le droit des XII Tables ; car celui-ci ne connaît
ni clepere ni rapere. Le premier mot, philologiquement parent de clam et
correspondant au terme grec xASTctsiv, a disparu de bonne heure et ne se
rencontre en proseque dans les sources anciennes (Tite-Live, 22, 10, 5).
(6) La raison donnée pour faire venir furtum de furvus est quod clam et
obscuro fiât (Labéon, III p. 35 n. 1) et Gicéron, Pro Tullio, | 50 commente
le fur de la loi des XII Tables, qui use de violence, par ces mots : lioc est
40 DROIT PÉNAL ROMAIN
du droit n'a pas suivi cet usage du langage et a toujours traité
l'appropriation violente comme vol (1), même après que celle-
ci eût été également réprimée comme violence (II p. 380 sv.).
Par contre, on peut se demander si originairement la notion
de vol n'impliquait pas un déplacement de l'objet. On peut in-
voquer en ce sens non seulement le nom du délit, mais
encore les dispositions contenues dans la loi des XII Tables
sur le détournement de sommes d'argent déposées ou des
deniers d'un pupille et établissant pour ce cas une peine
spéciale identique à celle du vol ordinaire (2). Le droit posté-
rieur a cependant fait rentrer dans la notion de vol non seule-
ment le détournement des deniers confiés (3), mais aussi la ré-
praedo aut latro. Aulu-Gelle, H, 18, 19, ne quis eum solum furem putet, qui
occulte tollit aut clam subripit.
(1) Les jurisconsultes nomment fur improbior le brigand qui se rend
coupable de rapine (II p. 381 n. 4). Nous avons bien pour x)iiiTr,i; (Nov.,
134, C. 13 : v.lèT^-:txç hï xa).oij(XEv xouç ).i6pa xat ave-j onXwv xâ ToiaOïa 7tXr||ji(jLE-
XoûvTac), mais non pas pour fur, une définition qui exclut le brigand cou-
pable de rapine, mais cette définition elle-même n'est pas exacte pour
le dernier état du droit (III p. 43 n. 3).
(2) Loi des XII Tables, 8, 19 z= Paul, Coll. 10, 7, 11 : ex causa depositi
lege XII tabularum in duplum actio datur, edicto praetoris in simplum. Loi
des XII tables, 8, 20 zr Dig.., 26, 7, 55, 1 : Si ipsi tutores rem pupilli furati
sunt, videamus, an ea actione, quae proponitur ex lege XII tabularum adver-sus
iutorem in duplum, singuli in solidum teneantur. Ces actions, ainsi que
la suite du commentaire sur le second texte le prouve malgré le terme qui
y est employé pour désigner l'acte du tuteur, ne se confondent pas plei-
nement avec l'action de vol, parce qu'elles n'exigent pas la contrectalio ;
mais cette distinction est due à l'interprétation postérieure des juriscon-
sultes. Il est manifeste que le droit des XII Tables, qui n'a ni l'action
de dépôt ni l'action de tutelle du droit postérieur, a dû organiser suivant
le modèle de l'action de vol les moyens de procédure qu'il établissait.
Quant à la question de savoir si ces dispositions doivent être considérées
comme des applications particulières de l'action de vol ou comme des
actions analogues, elle ne peut être résolue et elle est d'ailleurs de mi-
nime importance. Le fait que l'action en destitution du tuteur infidèle
est également rattachée à la loi des XII Tables {Dig., 26, 10, 1, 2 =: Inst.,
{, 26, pr.) pourrait bien s'expliquer en ce sens qu'il s'agirait ici de l'ac-
tion de tutelle précédemment mentionnée, intentée comme action popu-
laire avant l'expiration de la tutelle et entraînant exceptionnellement
en dehors de la peine pécuniaire la destitution du tuteur.
(3) On trouve des détournements de ce genre notamment dans le dépôt
{Dig., 13, 1, 16. 16, 3, 29, pr.), le commodat i^Dig., 13, 1, 16), la société {Dig.,
17, 2, 51, pr.) et vis-à-vis du patrimoine du pupille {Dig., 27, 3, 1, 22. 1, 2,
APPROPRIATION DU BIEN DAUTRUI 41
ceptioa d'un prêt ou d'un paiement par une personne qui n'était
pas qualifiée pour un tel acte (1); d'une manière générale, il a (739)
embrassé dans cette notion tout acte dans lequel se rencon-
trent la contrectatio délictuelle et les autres éléments requis
par le droit pour le délit de vol.
2. Le furtum n'est possible que vis-à-vis des objets mobi- Limitaiion
,. ^, .1., 1 !•« • . I. r f r ^, • à la propriété
liers (2), il s étend aux objets qui ont été sépares d un immeu- mobilière.
ble (3) et aux hommes libres qui, d'après l'ancienne concep-
tion juridique, étaient soumis à un droit de propriété et qui,
d'après la conception juridique récente, sont simplement sous
une puissance domestique (4). La notion de furtitm n'est pas
applicable à tout ce qui ne peut pas faire l'objet d'un droit de
propriété ou même simplement à tout ce qui n'est pas actuel-
lement dans la propriété d'une personne (5): comme la femme
qui n'est soumise à aucune puissance et comme tous les ob-
jets sans maître, choses abandonnées ou appartenant à une
1). Dans tous ces cas, il y a cumul de l'action non délictuelle avec l'ac-
tion délictuelle.
(1) Dig., 13, 1, 18. 17, 1, 22. 7. 39, 5, 25. 46, 3. 38, 1. 47, 2, 43. 1. 52, 16. 21.
1. 67, 3. 4. 1. 81, 6.
(2) Gaius, 2, 51. Ulpien, Dig., 47, 2, 23, pr. : verum est quod plerique prc-
bant fundi furti agi non posse. Dig., 41, 3, 38 = Inst,, 2, 6, 1.
(3) Dans cette catégorie rentrent les arbres abattus (Paul, 2, 31, 24 ;
Dig.. 47, 2, 23, 2), les matériaux séparés du sol {Dig., 47, 2, 52, 8. 1. 58), et
surtout les fruits des champs pour lesquels la loi des XH Tables impose
encore spécialement la peine du double tant au possesseur de mau-
vaise foi (12. 4. Schôll [= 12, 3 Girard]) qu'au voleur (8. 8 SchôU [= 8, 9
Girard]). On peut également citer ici la défense faite par cette même loi
de faire paître sur le terrain d'autrui (8, 6 [rr 8, 7 Girard] =: Dig., 19, 5,
14. 3).
(4) Gaius 3, 199 (rr: Inst., 4, 1, 9) etiam liberorum hominum furtum fit, veluti
si guis liberorum nostrorum, qui in potestate nostra sinl, sive etiam uxor, quae
in manu nostra sit, sive etiam judicatus vel auctoratus meus subreptus sit. Dig.,
47, 2, 14, 13. Le refus des actions de propriété dans ce cas (Paul, Dig., 47,
i, 38, 1 : liberarum personarum nomine, licet furti actio sit^ condictio tamen
nusquam est), tandis que l'action de vol y est admise, est une conciliation
entre l'ancienne et la nouvelle conception du droit à cet égard. L'idée
que l'action de vol appartient à celui pour lequel l'objet a de l'intérêt
peut avoir contribué à la faire admettre ici ; mais cette solution n'est
pas logique. L'action de vol n'est possible que vis-à-vis de choses sou-
mises à un droit de propriété et, lorsque ce droit n'est pas possible, il
ne peut pas être remplacé par l'intérêt.
(5) Dig., 47, 2, 43, 5 : 7ion enim furtum fit, nisi sit cui fiât.
DROIT PENAL ROMAIN
hérédité qui n'a pas encore été acceptée (1). — L'exclusion
du furtum au regard des immeubles est irrationnelle ; car
l'appropriation injuste des immeubles est théoriquement et
pratiquement aussi possible que celle des meubles et le droit
civil n'a pas, pour la réprimer, de moyen de procédure ana-
logue à l'action de vol. Eu cas de dépossession violente de
biens immobiliers, on trouve déjà anciennement, mais non
dès le début, une protection juridique dans l'interdit pos-
sessoire prétorien (2). La possession immobilière a-t-elle
été enlevée sans violence, il n'y a pas, même dans le droit
(740) de la dernière époque, de protection possessoire; l'exis-
tence d'un interdit parallèle à l'interdit de vi et qui serait
donné en cas de perte de possession sans violence est plus que
douteuse (3) et la proposition de Masurius Sabinus d'étendre
au moins dans ce cas la notion de furtum aux immeubles n'a
pas triomphé (4). 11 en est de même en droit religieux et en
(1) Gpr. la Section relative au vol d'hérédité {III p. 87). Dès l'instant où
un non propriétaire est possesseur ou détenteur, par exemple comme
usufruitier ou commodataire, d'une chose actuellement sans maître, il a
"le droit d'intenter l'action de vol (W^., 41, 3, 35. 47, 2, 69-71).
(2) II p. 372. Gpr., Dig., 47, 2, 14, 11 : cum non est... civilis actio,... ideo...
interdictum necessarium visiim est.
(3) 1^' interdictum de clandestina possessione, mentionné incidemment dans
un seul texte (Dig-, 10, 3, 7, 5), est une proposition faite par Julien pour
combler la lacune; il ne peut pas avoir été d'une application générale,
car nos sources juridiques en feraient plus fréquemment mention.
(4) Aulu-Gelle, 11. 18, 13, cite comme affirmation surprenante {vulgo ino-
pinatinn), contenue dans la monographie de Sabinus de furtis: non hominum
tantiim neqite rerum movenlium, quae aitferri occulte et subripi possunt, sed
fundi quoque et aedium fieri furtum. L'exemple donné (condfmnatum furti
colonum, qui fundo quem condu.verat vendito possessione ejus dominum inter-
vertisset), montre que, sous l'influence de l'usage du langage qui restreint
déjà à cette époque la portée du mot furtum à la soustraction clandes-
tine (III p. 39 n. 6), on songe visiblement ici à la dépossession non
violente, donc à celle qui ne tombe pas dous le coup de l'interdit de vi.
Toutefois, on pouvait ol)jecter avec raison à la proposition de Sabinus
qu'en droit le furtum embrassait aussi les actes de violence et que par
conséqiient, d'après la conception proposée, l'acquisition violente de la
possession d'immeubles rentrait aussi dans le furtum, solution que Sa-
binus n'a certainement pas eue en vue. Sa proposition n'a pas triom-
phé (III p. 41 n. 2). Gelsus a adopté une autre voie pour arriver au
même résultat (Dig., 13, 3, 2. 47, 2, 25, 1). Il a fait rentrer l'enlève-
ment clandestin de possession d'un immeuble dans le furtum possessionis
à
APPROPRIATION DU BIEN D'aUTRUI 43
droit public. L'appropriation des objets mobiliers qui garnis-
sent un tombeau rentre dans le sacrilegium ; pour le cas
beaucoup plus important d'appropriation injuste d'un lieu de
sépulture, il n'y a pas d'action civile et le préteur a été le
premier à donner ici une protection. Le vol d'objets appar-
tenant à l'État a reçu son nom des troupeaux, de la cité;
l'appropriation injuste du sol public ne donne lieu, malgré
son importance pratique extraordinaire, à aucune action
pénale (1). — La cause de cette restriction du furtum aux (741)
meubles, que l'étymologie du mot nous indique comme re-
montant aux origines, doit être sans aucun doute chercliée
dans ce fait qu'à l'époque où s'établissait le droit romain on
ne connaissait pas encore la propriété privée des immeubles;
les règles du furtum, d'origine très ancienne, montrent net-
tement, comme beaucoup d'autres particularités du droit ro-
main (2), qu'au début la propriété se limitait « aux esclaves
et aux bestiaux ».
3. L'appropriation doit avoir lieu pour l'enrichissement in- Proût
1 1 • -, • /r.N • • • 1 i- 1) .du voleur.
juste de celui qui s approprie (3), mais ici la notion d enri-
(III p. 38 n. 1) et donna au moins clans ce cas la condktio furlioa; on a
argumenté ici comme pour l'usucapion des immeubles (Gaius, 2, 59).
Toutefois de ce fait qu'en matière mobilière la simple possession peut
être objet du vol, il ne s'ensuit pas que la notion de meuble qui n'est
nullement négative puisse être étendue à la possession d'un immeuble.
En outre, d'après cette conception, l'action de vol devrait pouvoir être
dirigée également contre le possesseur qui s'est emparé par violence
d'un immeuble.
(1) Cette absence d'action pénale était à vrai dire bien calculée. Si la
cité romaine avait protégé son sol contre des empiétements délictuels,
comme elle l'a fait pour ses bestiaux et son aerarium, elle n'aurait pas
pu faire fonctionner pour Vager publicus son système d'abandon, c'est-
à-dire, pour nous servir des expressions romaines, sa procédure d'occu-
pation. Ij'aeterna aucLoritas a suffi aux agrariens romains jusqu'à Gaius
Gracchus ; la protection possessoire eût agi autrement.
(2) St. R., 3, 22 et sv. [Dr. PubL. 6, \, 23 et sv.],
(3) Les définitions légales du furtum expriment cette idée par la phrase
lucri faciendi causa (ou gratia) : Sabinus, chez Aulu-Gelle, 11, 18, 21 ; Paul,
Dig., 47. 2, 1, 3. Cette même condition est aussi exprimée par une péri-
phrase (Sabinus, chez Aiilu-Gelle, 11, 18, 20 : cum id se iiwilo domino facere
judicare deherel) ou remplacée par la formule générale dolo malo (Paul,
2, 31, 1 ; cpr. Gaius, 3, 197 : furtum sine dolo malo non committitur). L'ad-
causé au volé.
44 DROIT PÉNAL ROMAIN
cliisseraent est prise dans un sens très large (1). Cette condi-
tion du dol punissable caractérise le vol et le distingue des
deux autres délits privés, le dommage causé à tort à la chose
d'autrui {damnum injuria) (2) et l'atteinte à la personne {in-
juria). On ne voit pas apparaître dans les textes Tidée que
l'appropriation serait parfois permise, comme cela a lieu
pour la mise à mort et pour la violence et comme on pourrait
le concevoir ici pour le cas de nécessité (3). Lorsque, même
(742) par suite d'une erreur, celui qui s'approprie la chose d'autrui
n'a pas conscience de commettre une injustice, il n'y a pas
da vol (4); par contre, le délit existe, si l'auteur a eu cons-
cience de son tort, mais ne connaissait pas la personne dont
il lésait les droits (5).
Préjudice L'appropriation, qui présente les éléments du vol, n'est pu-
nissable qu'autant qu'elle cause un préjudice au patrimoine
d'un tiers. L'action de vol, qu'elle concerne le bien d'un par-
dition de l'épithéte fraudulosa à contre clatio, qui ne se trouve que dans
le droit de Justinien (Dig., 47, 2, 1, 3 zz Inst.. 4, 1, 1, chez Tiiéophile
xax;(TTr| 'I/ï(),âyr|(T'.<;), ne doit avoir pour but que de renforcer la même idée
et non d'indiquer une opposition inconnue du droit romain entre le vol
clandestin et la rapine.
(1) Lorsque quelqu'un enlève une esclave dans le but de satisfaire sa
passion, on admet qu'il y a vol, si cette esclave n'est pas merelrix (Dig., 47,
2, 83, 2 = Paul, 2. 31, 31). S'il n'y a pas vol, lorsque l'enlèvement porte sur
une prostituée (Dig., 47, 2. 39 ; le texte contraire de Paul 2, 31, 12 est con-
sidéré comme interpolé), cela résulte bien plutôt de ce fait qu'il n'y a
pas de dommage causé, de même que l'action de vol est refusée, lors-
qu'une personne a utilisé l'animal d'autrui pour la monte (Dig., 47, 2,
52, 20).
(2) I p. 8 n. 1. Le parallélisme des deux délits relatifs à la propriété,
tel qu'il est formulé par exemple aux Dig., 9, 2, 41, 1. 19, 5, 14, 2, appa-
raît déjà dans la terminologie de la loi des XII Tables (12, 3 Schôll [12,
2 a Girard]) : si servus furtum faxil noxiamve no[x]it, tandis que, dans l'usage
postérieur du langage (même dans la paraphrase du texte de la loi des
XII Tables chez Ulpien, Dig., 9, 4, 2, 1), la noxa embrasse le furliim.
(3) La règle de l'édit du préteur, Dig., Il, 5, 1, pr., qui refuse à celui
qui permet un jeu de hasard dans sa maison l'action de vol à raison des
objets qui lui ont été enlevés pendant ce jeu, procède d'une autre idée.
(4) Paul, 2. 31, 27. Dig., 47, 2, 43, 6. 10. 1. 46, 7. 1. 84, pr.
(5) Sabinus chez Aulu-Gelle, U, 18, 21 (= Dig., 47, 2, 43, 4) : qui alienum
jacens lucri faciendi causa sustulil, furti obstringilur, sive sait cujus sit sive
nescit. Dig.,i\, 1, 9, 8. 1. 31, 1.
APPROPRIATION DU BIEN D'iAUTRUI 45
ticulier, celui des dieux ou de l'État, ne se fonde pas sur une
faute morale du voleur, mais sur une lésion du patrimoine
qui se produit contrairement à la volonté de la personne lé-
sée (1), elle est donc exclue, tant que ce préjudice n'a pas eu
lieu ou lorsqu'il a eu lieu à la connaissance de la personne
que ce dommage atteint en première ligne (2). Par contre, le
préjudice qui résulte de la contreciatio subsiste en droit,
malgré le recouvrement de la chose, même si celui-ci a lieu
sur le champ (3).
Comme le délit suppose un dommage, la simple tentative Tentative.
ne tombe pas sous le coup de la loi contre le vol (4), bien que
cet acte puisse contenir un délit d'm/wWa (5). Mais il faut ici (743)
(1) C'est ce qui a lieu, lorsqu'on s'empare de sa propre chose, à la con-
dition qu'aucun tiers ne soit lésé par cet acte (Paul, 2, 31, 36). 11 en est
donc ainsi au cas d'enlèvement de la chose déposée par le déposant, car
le dépositaire n'a aucun intérêt juridique à la continuation du dépôt
(Paul, 2, 31, 21) ;ordinairement aussi au cas d'enlèvement de la chose prê-
tée, par le commodant, car le préteur a ici la faculté de reprendre sa
chose à toat moment {Dig., 47, 2, lo, 2. 1. 60) ; en outre, au cas de reprise,
par l'ancien possesseur, de la chose transférée par voie d'aliénation fidu-
ciaire, lorsque la fiducia correspond au fond à une opération de dépôt
(Gains, 3, 201 ; cpr. 2, 59. 60) ; et également au cas d'enlèvement de la chose
achetée par un acheteur qui a déjà payé le prix (Di;/., 47, 2, 14, 1). L'ac-
tion de vol n'est possible en cas de détournement d'une lettre qu'autant
que cet acte a causé un préjudice d'ordre économique {Dig.. 47, 2, 14, 17).
(2) Gains, 3, 198 (=: Inst. 4, 1, 8) : si credat aliquis invilo domino se rem
contrectare, domino autem volente id fiât, dicitur furtum non fieri. Justinien
a modifié cette règle {Cod., 6, 2, 20).
(3) On ne peut pas faire que le préjudice causé n'ait pas eu lieu ; l'ac-
tion de vol est encore possible même après la restitution de la chose {Dig.,
47, 2, 66).
(4) Dig., 47, 2, 1, 1 : sola cogitatio (d'après l'explication donnée I p. 111
n. 4, non seulement la prise de résolution, mais la préparation en géné-
ral) furti faciendi non facit furem. Dig., 50, 16, 225 : fugilivas est non is gui
solum consilium fugiendi a domino snscepit, licet id se factiiriim jactaverit...
fugitivum... non secundum propositionejn solam, sed cum aliquo aclii intellegi
constat.
(5) Paul. 2, 31, 35 : qui furandi animo conclave effregit vel aperuit, sed nihil
abstulit, furti actione conveniri non potest, injuriarum potest. Dig., 'kl, 2, 21,
7. On pourrait déduire le contraire de Julius Victor, Ars. rhet., 6, 3 : Si
omnino venisse in templum furandi causa jam sacrilegium est, quia non exitu,
sed conatu maie facta existimanlur, quanto magis e templo quodcumque abstu-
lisse? et en soi il est concevable que le conatus soit traité autrement en
cas de crime public qu'en cas de délit privé. Mais, comme les orateurs
mêlent constamment les conceptions morales et les conceptions juridiques.
46 DROIT PENAL ROMAIN
tenir compte de ce que, suivant une remarque déjà faite, le
droit considère le délit comme déjà consommé, dès qu'un
objet a été non pas enlevé, mais simplement touché, et que
l'acte présente par ailleurs tous les éléments du vol.
Les parties. L'actlou de vol pcut être dirif^ée contre toute personne qui
se rend coupable d'une appropriation présentant les carac-
tères indiqués ci-dessus, même contre le propriétaire ou le
possesseur, si ceux-ci ont, par celte appropriation, lésé un
droit réel (1) une possession de bonne foi (2) ou un simple
droit de détention (III p. 38 n. 1). Elle peut être intentée
par toute personne que cette appropriation lèse. Il en résulte
qu'elle compète fréquemment à plusieurs personnes en
même temps (3). Ont par suite le droit d'exercer cette action,
parce que le vol leur a causé un préjudice (4), les personnes
suivantes (5) :
a) le propriétaire de la chose volée que le vol lèse ordi-
(744) nairement en première ligne. (0) Toutefois l'intérêt et par
il n'est pas permis de bâtir sur ce texte une conjecture aussi importante.
On ne peut pas non plus la déduire du texte certainement défectueux
aux Dig., 48, 13, 13 (III p. 70 n. 6).
(1) Action de vol contre le propriétaire en cas d'usufruit : Dig., 47, 2,
15, 1. 1. 20, 1 — en cas de fiducie ou de pigmis: Gains, 3, 200 (zr InsL, 4,
1, 10). 204. Paul, 2, 31. 19. Dig., 47. 2. 12, 2. 1. 14, 1. 1. 19, 5. 6. 1. 20, pr. A
l'inverse, le propriétaire peut intenter l'action de vol contre l'usufrui-
tier: Dig., 47, 2, 46. 6.
(2) Gaius, 3, 200. lUg., 47, 2, 20, 1.
(3) Dig., 47, 2, 75 : diiobus poena fiirli praeslabiluv, quippe cum ejusdem rei
vomine praestetitr, emplori ejus possessionis, domino ipsiiis proprielatis causa
praestanda est. De même, en cas de propriété et d'usufruit. Dig.,^i, 3, 35.
47, 2, 46, 1. 2 ; en cas de propriété et de pigvus : Dig., 47, 2, 46, 4. 5.
(4} Dig., 47, 2, 14, 17 : ciijics interfuit. Gaius, 3, 203. Paul, 2, 31, 4 et sou-
vent ailleurs.
(5) Ija définition légale romaine exprime l'idée de lésion par la formule
invilo domino (Sabinus, chez Aulu-Gelle, 11. 18, 20; Gaius 3, 195. 209) et
on y -indique souvent qu'il s'apit d'une res aliéna (Sabinus. loc. cil. ; Paul,
2, 31, 1). Dans une pareille définilion on envisape exclusivement et d'une
façon à proprement parler incorrecte le préjudice du propriétaire ; il en
résulte que le cas de vol commis sur sa -propre chose est traité dans les
ouvrages juridiques comme exceptionnel, ce qui ne correspond nullememt
à la réalité.
(6) Si postérieurement an vol le droit de iiropriété se déplace, par exem-
ple en vertu d'un legs, le droit d'intenter l'action passe au nouveau pro-
priétaire (Dig., 47, 2, 47).
APPROPRIATION DU BIEN' D'AUTRUI 47
suite le droit d'agir du propriétaire disparaissent, lorsqu'un
tiers solvable est responsable du vol vis-à-vis du propriétaire
et que celui-ci se prévaut de cette responsabilité (1).
b) Celui qui a un droit réel sur la chose volée, lorsqu'il
est lésé, donc l'usufruitier et le créancier gagiste (2).
c) Le possesseur de bonne foi sous la même condition (3).
Le possesseur de mauvaise foi est également lésé par le vol,
mais Faction lui est ordinairement refusée (4).
d) Le détenteur de la chose volée, lorsque la détention lui
procure un avantage (5) ou lorsque la perte de la chose lui
cause un préjudice (6).
e) Celui qui a droit à la livraison d'une chose individuelle-
ment déterminée. Celui-ci peut ou intenter d'emblée l'action
contre le voleur ou du moins exiger de celui auquel l'action
de vol compète la cession de cette dernière (7).
(1) En cas de dépôt, le propriétaire a l'action de vol, car la responsa-
bilité du dépositaire n'est pas si étendue que celui-ci soit tenu à raison
du vol des choses déposées (Gains, 3, 207 =r Inst., 4, 1, 17 ; Dig.., 47, 2, 14,
3) ; de mémo, en cas d'insolvabilité de la personne responsable {Diq., 47.
2, 12, pr. 1. 14, 17 fin. 1. 52, 9) ; de même, lorsque la personne responsa-
ble a été libérée (,Dig., 47, 2, 91, pr. Cod., 6. 2, 22).
(2) Dig., 47, 2, 14, 5-7. 1. 13. 1. 20, 1 et ailleurs. On se demande si le créan-
cier gagiste, en cas de solvabilité du débiteur, a intérêt à l'action de
vol, mais on répond affirmativement à cette question {Dig., 47, 2, 12. 2^.
(3) Dig., 47, 2, 20, 1. 1. 52, 10. Gpr. III p. 38 n. 1.
(4) Dig., 47, 2, H : tum is cujus interest furli ha^>et acUonem, si honesta causa
interest. Dig., 47, 2, 12, 1. 1. 14, 3. 4. 8. 9). Cette règle n'est toutefois pas
étendue au fiirlum usus (Dig., 47, 2, 48, 4) et l'action est aussi donnée ail-
leurs, lorsque son refus ne ferait que procurer un profit à un autre vo-
leur (Paul, 2, 31, 19. Dig., 47, 2, 68, 4).
(5) Cette règle s'applique ordinairement au fermier volé {Dig., 47, 2, 14,
16. 1. 26. 1); cependant l'action est aussi donnée aux deux parties {Dig.,
47, 2, 83, 1) ou bien le bailleur est contraint de la céder au fermier {Dig.,
47, 2, 52, 8). Ces hésitations se rattachent à la question de savoir si le
fermier acquiert les fruits par la séparation {Dig., 47, 2, 26, 1) ou seule-
ment par la perception.
(6) Par l'impossibilité où il est désormais d'exercer son droit de réten-
tion (III p. 37 n. 3) ou à raison de l'obligation d'indemnité qui prend
naissance à sa charge (Gaius, 3, 205. 206. Dig., il, 2. 10. 1. 12. pr. 1. 14, 15,
1. 52, 9. 47, 5, 1, 4). Lorsque la personne tenue de l'obligation d'indemnité
n'a pas personnellement droit à l'action de vol, elle peut en réclamer la
cession {Dig., 47, 2, 54, 3).
(7) Si une chose promise vient à être volée avant qu'elle ait été livrée.
48 DROIT PÉNAL ROMAIN
(745) Le furlxim peut être commis par plusieurs personnes. La
Complicité, formule d'action, usitée à propos du furtian et visant « l'acte
et le conseil » (1), s'applique non seulement à l'instigateur et
à l'aide, mais au?si vraisemblablement à l'auteur proprement
dit du délit (2). En général, on applique à la complicité la règle
fondamentale d'après laquelle le délit est comme tel indivisi-
ble (3) et la répression s'opère aussi suivant cette règle,
comme nous le montrerons plus loin.
le créancier a l'action de vol lorsque le débiteur n'est pas tenu de l'in-
demniser {Dig., 47, 2, 13). Si une chose achetée est volée antérieurement
à la livraison, on impose au vendeur l'obligation de céder à l'acheteur
ou le produit de l'action ou l'action elle-même {Dig., il, 2, 14, pr, 1. 81,
pr.) ou bien les deux parties sont admises, bien entendu à titre alterna-
tif, à intenter l'action (Paul, 2, 31, 17).
(i) La formule ope consilio (en abrégé o. c. ; cpr. mon édition des notae
jur. civ. dans Keil, Lat. gr., 4, 297. 325) ou ope consiliove (ainsi Gaius, 4,
37 ; ope consilioque : Gicéron, De d. n., 3, 30, 74) se trouve chez Cicéron,
loc. cit. ; Gaius, 3, 202. 4, 37. Dig., 9, 2, 27, 21. 11, 3, 11. 2. 13, 1,6. 47, 2, 36,
pr. I 2. 1. 50, 1. l. 52, pr. 47, 5, 1, pr. Inst., 4, 1, 11. Elle appartient à l'ac-
tion de vol, bien que les jurisconsultes l'emploient aussi à propos du
crime d'Etat (Paul, .j, 29, 1 ; Dig., 48, 4, 10) et de l'adultère {Dig., 48, 5, 15,
pr.) D'après le commentaire donné aux Dig.. 50, 16, 53, 2 (de même: Dig.,
47, 2, 50, 2. 3. 1. 52, 19), les deux notions doivent être séparées, mais post
velerum auclorilalem eo pervenlum est, ut nemo ope videatur fecisse, nisi et
consilium malignum habuerit, nec consilium hahuisse noceat, nisi et factum se-
cutum fuerit. Nous avons traité de ces notions dans le tome I p. 116.
(2) Il n'est pas douteux que la formule soit entendue dans nos sources
juridiques comme o assistance et conseil i> ; je n'attache aucune importance
à l'exception apparente contenue aux Dig., 9, 2, 27, 21. Mais il est bien
surprenant que cette même formule apparaisse dans deux textes chez Gi-
céron, loc. cit., et chez Gaius, 4, 37, où l'action de vol est mentionnée à
titre d'exemple et où il n'y avait aucune raison pour nommer l'aide au
lieu du voleur lui-même. D'après le sens originaire — ope ne doit pas
être séparé d'opus et consilio est synonyme de clolo malo (I p. 100 n. 1)
— la formule pourrait bien se rapporter à l'auteur et signifier plutôt i en
œuvre et en intention », de telle faron que les mots, comme le veulent
d'ailleurs les textes, devraient être entendus non pas alternativement,
mais cumulativement. Pratiquement, il était en tout cas préfora])le de ne
pas exprimer dans la formule de l'action la distinction, souvent difficile
et rendue juridiquement inutile par l'identité des peines, entre le co-au-
teur et l'aide ; si cette opposition y avait été insérée, nos sources juridi-
ques s'en seraient occupées en détail. Si celles-ci, sous l'empire de l'usage
postérieur du langage, comprenaient par erreur la formule traditionnelle
comme « assistance et (ou) conseil» et l'employaient cependant contre le
voleur lui-même, les jurisconsultes romains ont pu se tranquilliser en
pensant que ce qui est juste pour l'aide est aussi équitable pour l'auteur.
(3) Dig. , 47, 2, 2 1 , 9 : iiefjue eniut potesl dicei-e pro parle furtum fecisse singulos.
APPROPRIATION DU BIEN D AUTRUI 49
1. En cas de coopération de plusieurs personnes, il n'est pas
nécessaire que l'acte de chacune présente tous les caractères du
délit, pourvu que ces caractères se rencontrent dans l'opération (746)
d'ensemble (1). Cette règle ne s'appliqua toutefois pas d'une
façon absolue à ceux qui coopéraient à la fuite d'un esclave (2).
2. L'instigation et l'assistance ne sont, en l'absence de con-
treciatio proprement dite, punissables que comme le furtum
lui-même, c'est-à-dire qu'autant que celui-ci est consommé (3);
mais elles sont réprimées, même si un obstacle juridique
s'oppose à l'exercice de l'action contre le voleur (4). Quant à
la détermination des actes qui sont considérés comme consti-
tuant une instigation ou une assistance, c'est plus une question
de fait qu'une question de droit (5).
(1) Par exemple, plusieurs voleurs emportent unelpoutre trop lourde
pour chacun d'eux [Dig., 9, 2, 31, 2. 47, 2, 21, 9), bien qu'on puisse ici, il
est vrai, recourir à l'idée de contvectatio. Celui qui par inimitié prête son
appui à un vol commet aussi un vol {Diq., 47, 2, 50, 1).
(2) Celui qui détermine un esclave à échapper à son maître n'est, d'après
Ulpien, Dig., 47, 2, 36, considéré comme ayant donné son concours à l'ac-
complissement d'un vol qu'autant que l'esclave est passé en la possession
d'une autre personne ; cette décision se fonde sur ce que l'esclave ne peut
pas se voler lui-même (III p. 38 n. 3). D'après Paul, 2, 31, 33; Inst., 4, 1,
11 (12) ; Cod., 6, 2, 4 ; cette personne n'est jamais considérée comme com-
plice d'un vol. Aulu-Gelle lui-même considère comme inconcevable (inopi-
nabile) que Sabinus (chez Aulu-Gelle, H. 18, 14) traite comme complice
celui qui par compassion aide l'esclave dans sa fuite. Etant donné que
le fugilivus était absolument traité par ailleurs comme res furtiva, la lo-
gique juridique exigeait incontestablement qu'on admit dans l'hypothèse
rapportée qu'il y avait eu assistance prêtée à l'accomplissement d'un
vol ; mais il me semble que la jurisprudence romaine s'est efforcée d'é-
carter plus ou moins directement cette conséquence plutôt par des con-
sidérations d'équité que par une argumentation logique. On conçoit que
cette conception plus douce ne se soit pas étendue au recel de l'esclave en
fuite (III p. 51 n. 1).
(3) Dig., 47, 2, 52, 19: opem ferre tel consilium dare tune nocet, nuin secuia
contrectalio est.
(4) Lorsqu'un esclave vole son maître, celui-ci n'a aucune action contre
le voleur, mais il en a contre ceux qui ont aidé ce dernier dans l'accom-
plissement du délit {Dig., 47, 2, 36). En cas de vol entre époux, celui qui
prête son concours à l'acte est également puni comme voleur {Dig.. 47, 2,
52, /?>•. I 1), à la condition du moins qu'il paraisse bien avoir été com-
plice et que tons les éléments du vol se rencontrent chez lui {Dig., 23,
2, 21, 1).
(5) I. p. 113 sv. On punit pour assistance prêtée au vol : celui qui four-
Droit Pénal Romaix. — T. III. 4
^0 DROIT PÉNAL ROMAIN
3. Lorsqu'un délit est commis par un esclave sur l'ordre de
soQ maître, tous deux sont considérés comme agents princi-
(747) paux du délit; lorsque l'esclave a commis ce délit au su de son
maître^ ce dernier est à partir d'une certaine époque considéré
comme coupable, s^il a eu la possibilité d'empêcher ce délit
et ne l'a pas fait (1 p. H9 n. 1).
4. Lorsqu'un fiirlum a été commis de concert par plusieurs
esclaves du môme maître, celui-ci peut se libérer de l'action
noxale possible contre les différents auteurs en payant une
seule fois à la victime le montant de la peine pécuniaire
(Ip. 119 n. 2).
5. Lorsqu'un vol est commis sur un navire ou dans une
auberge par un des employés, le maître du navire ou l'au-
bergiste peut être poursuivi soit à la manière ordioaire par
voie d'action noxale, lorsque l'auteur est son esclave, soit
comme complice, si l'auteur est une personne libre ou l'es-
clave d'autrui (I p. 119 n. 4).
6. Lorsque les esclaves d'un publicain sont accusés de vol,
le maître doit, à la réquisition du demandeur, exhiber les ac-
cusés, s'ils sont vivants, et s'il ne le peut pas ou ne le veut
pas, il perd le droit de se libérer par l'abandon noxal (1).
7. Le recel (2), la dissimulation et la réalisation de l'objet
volé ne rentrent pas dans la notion de complicité, telle qu'elle
fut fixée au début (3). En effet, la loi des XII Tables a séparé
nit aux voleurs l'outil dont ils ont besoin pour l'effraction, même s'il
n'a pas concouru à titre principal à la préparation du délit par ses con-
seils {b'icf., 47, 2, 55, 4) ; celui qui poursuit un animal domesticjue échappé,
de telle façon que celui-ci tombe entre les mains d'un voleur (Gains, 3,
202 ; DtV/., 47, 2, 37. 50, 4) ; celui qui en citant par dol devant le tribunal
le conducteur d'un attelage l'oblige à abandonner ce dernier, à la con-
dition que l'attelage soit volé {Diçf., 47, 2, C7, 2) ; celui qui détermine un
esclave à raj'er son nom d'un contrat d'achat et rend ainsi plus difficile
au maître la preuve de sa propriété (Dii?., 47, 2, 52, 23). — La simple
connaissance de l'accomplissement du crime n'est pas punissable (Di^.,
47. 2, 48, 1).
(1) T)\fj., 39, 4, 1, -pr. 1. 12. 1. 13, 1. 2.
(2) 11 n'y a pas de terme technique pour désigner ce délit ; le mot usité
pour receler est celare.
(3) I p. H7. Aucun des textes où la formule ope consllio est commentée
n'indique le recel.
APPROPRIATION DU BIEN D'AUTRUI 51
la complicité du vol et, en en limitant la répression au cas où
l'objet volé a été trouvé dans uno perquisition domiciliaire so-
lennelle, ill'a traitée comme délit indépendant sous le nom de
c( bien volé saisi » {furtum conceptum). Ce sont d'ailleurs là
des points sur lesquels nous aurons à revenir à propos de la
procédure et de la peine. Mais comme, déjà dès cette époque
ancienne, le nom de vol avait été étendu au moins au recel
solennellement établi, et, comme celui-ci, lorsqu'il était cons-
taté d'une autre manière, pouvait bien rester impuni dans le
vieux droit municipal où l'on s'attachait au caractère nette-
ment manifeste du délit, mais non dans le droit pénal plus
affiné de l'époque postérieure, le recel fut à, partir d'une cer-
taine époque considéré et puni comme assistance prêtée à l'ac-
complissement du vol, bien que nous n'ayons à cet égard
qu'un nombre insuffisant de témoignages exprès (1).
Nous allons nous occuper maintenant de la procédure et de (748)
la répression du vol de la chose d'un particulier. Il ne s'agit
pas dans ce délit, comme dans la perduellion et le meurtre,
de la répression d'une faute morale, mais d'une satisfaction à
fournir à la victime, soit en admettant la vengeance, soit au
moyen d'une transaction et d'une indemnité.
La perquisition domiciliaire faite dans le but de découvrir Perquisition
l'objet volé est préalable au procès de vol et constitue une par- '^°'"""'"""^-
ticularité de ce délit. Cette recherche, pour laquelle l'objet à
trouver doit toujours être indiqué auparavant avec précision (2),
(1) Aula-Gelle, 11, 18, 14 : Sabinus dicit furem esse hominis judicatum, qui
cum fiigitivus praeter oculos forte domini iret, obtentu togae tamquam se ami-
ciens ne videretur a domino obstiLisset. Ulpien, Dig., il, 4, 1, pr.: is qui fugi-
ti'ium celavil fur est. 47, 2, 48, 1 : qui celât hoc ipso tenetur. Garacalla, Cod.,
2, 11, 8. Dioclétien, Cod., 6, 2, 14 : eos, qui a servo furlim ablata scientes
susceperinl, non tanlum de susceptis convenire, sed etiam poenali furti actione
potes. Le même, Cad., 9, 20, 12. Inst.. 4, 1, 4 : manifeslissimum est, quod om-
nés, qui scientes rem furtivam susceperint et celaverint, furti nec manifesti
obnoxii sunt. Gela est également dit par rapport à la rapine (C. Th., 9,
28, 2 = C. Just.. 9, 12, 9) et au péculat {Cod. 9, 28, 1).
(2) Paul, 2, 31, 22 : qui furtum quaesiturus est, antequam quaerat, débet
dicere, quid quaerat et rem suo nomine et sua specie designare. Dig., 11, 4,
1, 8 a.
52 DROIT PÉNAL ROMAIN
se fait suivant un vieux rite qui apparaît déjà dans la loi des
XII Tables. Le volé, vêtu seulement d'une ceinture {licium)
et tenant à la raain un plat [lanx), pénètre dans la maison où
il présume que l'objet perdu se trouve et y commence la per-
quisition (1). A côté do cette procédure, qui avec quelques
modifications paraît avoir été encore employée à l'époque im-
périale (2), il est d'usage pendant la dernière période que la
])erqnisition domiciliaire soit demandée au magistrat et que
(749) celui-ci adjoigne au chercheur un agont subalterne du tribu-
nal (3). L'opposition faite à la perquisition (4) et le refus de
(1) Loi des XII Tables, 8, 14 Schôll [8. 15 b. Girard] (Gaius, 3, 192; Aulu-
Gelle 11, 18, 9 et les autres textes cités à cet endroit). On prescrivait
de ne porter qu'une ceinture pour empêcher l'apport de l'objet volé (acte
qui était d'ailleurs frappé d'une peine spéciale). Le plat était sans doute
prescrit comme signe matériel de l'intention d'emporter l'objet, si on le
trouvait. Je ne reproduis pas les folies anciennes et nouvelles qui ont
été énoncées sur ce sujet. — Les termes de la loi des XII Tables, 8, l.S
Schôll = Gaius, 3, 186 : conceptum furtum dicitur, cum apud aliquem testi-
bus praesentibus furfiva res qiiaesita et inventa est ne peuvent pas avoir visé
une autre forme de perquisition domiciliaire que celle lance Ucioque ex-
posée immédiatement après; c'est précisément pour ce motif que les
XII Tables n'ont pas formulé expressément la peine d'un multiple pour
le furtum conceptum, mais ont simplement assimilé ce dernier au furtum
manifestum (III p. 54 n. 6).
(2) Dans la perquisilion domiciliaire faite à l'occasion de la fuite d'un
esclave décrite par Pétrone, c 97. 98, le chercheur paraît dans un vêtement
aux couleurs variées {vestis) et tenant dans les mains un plat d'argent;
c'est à peu prés l'ancienne forme, car sous le nom de vestis on a dû
penser au vêtement de dessous et le plat n'a sans doute pas été néces-
sairement d'argent, mais devait seulement être d'un brillant qui frappe
les yeux.
(3) Chez Pétrone, lor. cit., h la perquisition domiciliaire se lie la publi-
cation de l'objet volé avec promesse de récompense pour le dénonciateur
(II p. 196); c'est pourquoi le cherclieur porte dans son plat la récompense
promise (indicium), et aussi, semble-t-il, la cautio pénale par laquelle il
s'oblige à tenir secret le nom du dénonciateur (fides). Le chercheur est
accompagné d'un héraut et d'un serviis puhlicus qui ouvre les portes de
force, lorsque cela est nécessaire. Chez Plauto (Merc, 3, 4, 78 z= 663), on
loue des praeconex pour la perquisition domiciliaire et on demande au
préteur des inquisitores in vicis omnibus. D'après Ulpien {Dig., 11, 4, 1, 2.
1. 3), le préteur donne pleins pouvoirs au chercheur en cas de recherche
d'esclaves fugitifs et lui adjoint, si c'est nécessaire, un serviteur du tri-
bunal (apparitor).
(4) Gaius, 3, 188 r= Inst. i, 1,4: est eliam prohihili furli [actio] advcrsus
eum qui furtum quaerere volenlem prohiôuerit. 192 : prohibiti (furli) actio
quadrupli est ex edicto praetoris introducta.
APPROPRIATION DU BIEN D'aUTRUI 53
resliluer l'objet trouvé (1) ont été assimilés pour la répression
par l'édit du préleur au vol et même à la forme du vol la plus
grave que connaisse le droit privé. Plus tard, ces actions pri-
vées sont tombées en désuétude (2) et ont été remplacées par
des peines pécuniaires publiques (3).
Le vol commis vis-à-vis du patrimoine d'un particulier est Procès de voi.
traité comme un délit qui n'est poursuivi qu'à la réquisition
de la personne lésée. Le premier acte de l'instance est l'intro-
duction de l'action par la victime devant le préleur suivant les
règles du droit privé, c'est-à-dire au début par une déclaration
orale (4) au moyen du sacramentum personnel (5), plus tard
par une formule écrite (6). Le procès se continue par l'orga-
nisation de l'action qu'opère le magistrat et par la litis co7i- (750)
testatio (7). 11 s'achève par la sentence soit de Vunus judex,
soit dos récupérateurs (I p. 206). Tout ce qui à cet égard mé-
rite d'être noté se rattache soit à la réquisition de peine, soit
à la peine.
(1) Inst., 4, 1, 4 : poena constiluitur edicto praetoris jjer aclionem furti non
eahibili aclversus eum, qui furtioam rem apud se quaesilam et invenlam non
exhibuit.
(2) Inst., loc. cit.; Gaius. 3, 190. 191. 4, 173 et Paul, 2, 31, 14 traitent ces
actions comme étant encore usitées.
(3) Ulpien, Dig., 11, 4, 3. Les magistrats municipaux sont frappés d'une
amende de 100 sous d'or, lorsqu'ils ne donnent pas un appui convenable
à la poursuite des esclave» fugitifs {Dig., 11, 4. 1, 2).
(4) (Mcéron, De d. n., 3, 30, 74 nous donne la formule par laquelle on
introduisait oralement l'action : illa actio : ope consilioque (originaire-
ment, ope consilio : III p. 48 n. 1) tuo aio furtum factum esse.
(5) L'action de vol, même lorsqu'elle tendait à Yaddictio et non à une
condamnation au montant de la composition pécuniaire, ne pouvait pas
commencer par la formule d'exécution iper manus injectionem). Celle-ci
est à sa place, lorsque le demandeur affirme que le défendeur n'est pas
lihre, donc contre le débiteur condamné, en tant que le jugement con-
tient une adjudication conditionnelle ; mais le voleur ne perd la liberté
que par la sentence.
(6) Gaius, 4, 37 (cpr. 45) donne le début de la formule comme exemple
de l'extension au non citoyen d'une action créée pour le citoyen : Judex
esto. Si pai-et [L. Titio ope] consiliove Dionis Hermaei filii furtum factum esse
pateiue uureae, quam ob rem eum, si civis Romanus esset, pro fure damnum
decidere oporteret. Cpr. III p. 56 n. 1.
(7) Dig., 47, 6, 1, 3.
54 DROIT PÉNAL ROMAIN
Procès capital. De même que le vol commis vis-à-vis du patrimoine d'un
particulier est puni de mort d'après le droit de la guerre de
l'époque républicaine (1), de même cette peine s'applique
aussi en général à ce délit dans le droit civil primitif (2). Le
droit des XII Tables connaît encore à cet égard une double
procédure et la plus sévère est capitale (3).
On considère comme la forme la plus grave du vol. d'après
la terminologie technique, comme « vol manifeste yi,furtum
manifestum (4)/celui où le voleur est saisi et arrêté avant qu'il
ait porté à destination l'objet volé et étant encore en posses-
sion de celui-ci (o). Légalement, on lui assimile celui où l'objet
volé est trouvé dans la maison du voleur au cours d'une per-
quisition domiciliaire solennelle {furtum conceptym) (6). La
cause pour laquelle il y a dans ces deux hypothèses une peine
plus rigoureuse, bien que les circonstances du délit n'impli-
quent pas une faute morale plus grave, réside sans doute dans
(751) ce que le voleur est ici personnellement en présence du volé
et que la justice privée, dont la procédure délictuelle du droit
(1) Gaton, chez Frontin 4, 1, 16. Polybe 6. 37. 9.
(2) Si la disposition de la loi des XII Tables 8, 13 Scbôll [8, 14 Girard]
/^^ Aulu-Gelle, 11, 18, 8 et autres textes) relative au fiirlum manifestum :
(decemviri) liberos verherari addicique jusserunt ei cui fuvtum factum esse t a.
été au début d'une application générale, ce qui ne peut être mis en doute,
la règle que la pecuniaria aestlmatio est étrangère à l'action privée primi-
tive (Gaius, 4, 48) trouve également ici sa confirmation.
(3) Gaius, 3, 189. 4, 111. Scolies sur Virgile, Aen., 8, 205. Isidore 5, 26, 19.
(4) Ce mot vient visiblement de manus et fendeve := heurter (cpr. defen-
dere, offendere, infestas): littéralement manifestas éveille l'idée d'un choc
de la main, d'une appréhension par la main.
(5) Sabinus, chez Aulu-Gelle, 11, 18, 11. Paul, 2, 31, 2. Gaius. 3, 184.
Dig., 22, 1, 24, 2. 47. 2, 3. 1. 4. 1. 5. 1. 7. Nous pouvons omettre les contro-
verses peu importantes sur le point de savoir à quel moment le vol cesse
d'être manifeste. Il n'y a pas à rechercher comment et par qui le voleur
a été pris. La perception directe du délit par la victime, par exemple,
si celle-ci. d'une cachette, en voit l'accomplissement (Dig.. 47. 2, 7. 1).
ne rend pas le vol manifeste. A vrai dire, Papinien, Dig., 47, 2. 81, 3 con-
tredit cette opinion : cum raptor omnimodo furtum facit, manifeslus fur
existimandus est; mais nous avons déjà montré (Il p. 382 n. 1) que cette
conception contraire à la notion de vol manifeste n'a pas triomphé.
(6) Loi des XII Tables, 8, 14 = Gaius, 3. 192 et ailleurs.
APPROPRIATION DU BIEN D'aLTRUI 55
privé n'est que la réglementation, trouvait ici son applica-
tion la plus naturelle et la plus libre (I p. 70). Le juré
statue-t-il sur un vol manifeste, le voleur encourt, s'il est es-
clave, la peine capitale et la forme d'exécution de cette der-
nière qui consiste à confier au volé le soin de faire battre
le coupable de verges et de le faire précipiter du haut de la
roche Tarpéienne (1), montre, comme nous l'exposerons dans
le Livre suivant, qu'il s'agit ici d'une peine privée. Si le vo-
leur est un homme libre, le vieux Code des XII Tables ne pres-
crit pas l'exécution capitale, mais Vaddictio. Celle-ci n'est
pas Vaddictio du droit des obligations qui ne touche pas au
droit de cité et qui suspend seulement la liberté personnelle ;
il s'agit ici d'une perte véritable de liberté, c'est-à-dire d'une
exclusion de la communauté des citoyens et d'une servitude
formelle (2). La peine est donc capitale même contre les per-
sonnes libres.
Toutefois la peine capitale du droit privé, appliquée au vol,
est fondamentalement distincte de celle qui frappe les crimes
publics. La peine capitale publique ne peut pas être écartée au
cours de la procédure par un changement de peine ; quant à
la peiiie capitale privée, non seulement le demandeur qui a
triomphé peut y renoncer, mais le but véritable et originaire
donné par l'Etat à l'action privée est même d'amener la vic-
time à consentir à l'acquittement de l'accusé moyennant une
compensation estimée convenable par le tribunal (3). Le fait
(1) Loi des XII Tables, loc. cit. : servos furti munifesti prensos verberihus
affici et ex saxo praecipitari.
(2) Oa discutait sur le point de savoir si le voleur addlctus était esclave
ou in causa mancipii (Gaius, 3, 189 : utrurn servus efficeretur ex addictione an
adjudicatl loco constitueretur, veteres quaerebant); mais l'opinion la plus
rigoureuse, qu'adopte aussi Aulu-Gelle, 20, 1, 7, est la seule logique,
comme nous le montrerons dans le Livre suivant à propos des peines pri-
vatives de liberté. De même qu'en cas de crime international la cité livre
le citoyen coupable en propriété à la cité lésée (I p. 7 n. 8), de même,
en cas de crime grave commis au sein de la cité, le citoyen coupable est
livré en propriété à la victime.
(3) Dlg., 2, 14, 1, 14 : de furto pacisci lex (des XII Tables) permittit. 1. 17,
1 : quaedam actiones per paclum ipso jure lollimlur, ut injuriarum, item
furti.
56
DROIT PENAL ROMAIN
que le procès de vol devait au début provoquer une véritable
transaction est cause que le procès a gardé plus lard la forme
de la transaction, même lorsque l'acceptation de la compen-
sation ne dépend plus de la volonté du demandeur (1).
(752) Le développement postérieur de la procédure de vol tend
Procédure à uu adoucisscment, principalement par la transformation de
corn otition ^^ tcutative judiciairc de conciliation en un procès proprement
dit, indépendant de la volonté du demandeur. Peut-être a-t-il
été longtemps d'usage, lorsque le voleur était prêt à rendre la
cbose volée ou à donner l'équivalent de sa valeur ou à payer
plusieurs fois cette valeur, de décider dans la procédure ar-
bitrale le volé demandeur à accepter cette rançon. La loi des
XII Tables prescrit déjà, peut-être sous l'influence de la légis-
lation athénienne, l'acceptation de la composition pécuniaire,
lorsque le voleur n'est pas pris en flagrant délit et offre le dou-
ble de la valeur de l'objet volé (2). En continuant dans cette
voie, le préteur urbain a, par son édit, étendu le système de
la composition obligatoire en élevant le taux de la composition
au quadruple tant au cas de furtiim manifestum (3) qu'à celui
de furtum conceptum (4). Toutefois, dans cette dernière hy-
pothèse, celui chez qui la chose a été trouvée obtient, s'il
prouve qu'elle y a été apportée de mauvaise foi par un tiers,
contre celui-ci une action furti oblati identique à Vaclio fiirti
(1) D'après Gaius (III p. 53 n. 6), la formule est ainsi conçue: quam ob
rem eum pro fure clamnum decidere oportebit. Dig., 47, 2, 42, 1. 1. 46, 5. 62, 2.
Damnum (formation participiale de dure, cpr. I p. 13 n. 1) est la pres-
tation et est employé en droit pénal, comme nous l'exposei'ons au Livre V
à propos des peines pécuniaires, pour toute amende pécuniaire pu-
blique ou privée. Le mot reçoit ici une acception plus précise par l'addi-
tion pro fure. Decidere est, comme on sait, synonyme de transigere {Cod.,
6, 2, 13 : post decisionern furti leges agi prohibent. Quod si non transegisli et
autres textes). L'origine de cette action, issue de la composition volon-
taire, se manifeste nettement dans la rédaction de la formule.
(2) Loi des XII Tables, 8, 16 [ul. Girard] (= Gaius, 3, 190 : nec manifesti
furti poena per legerii XII tabularum dupli irrogatur.
(3) Gaius, 3, 189.
(4) Loi des XII Tables, 8, 15 [id. Girard] (=r Gaius., 3, 191). Aulu-Gelle,
11, 18, 12. Gaius, 4, 173. Paul, 2, 31, 14 (à restituer approximativement
comme suit) : furti concepti actiu tripli est poena et ipsius rei repetitio, ad-
versus eum qui obtulit tripli.
APPROPRIATION DU BIEN D'aUTRUI 57
concepti (1). Ces peines d'un multiple furent certainement
considérées comme comprenant l'indemnité du préjudice
causé, plus un élément pénal, de telle façon que le voleur qui
rendait l'objet volé n'avait à payer que le simple en cas de
vol ordinaire et le triple en cas de furtum manifestum, tandis
qu'il avait à fournir le double ou le quadruple de la valeur de
la chose, s'il ne la rendait pas. Cette conception s'affaiblit tou-
tefois dans la suite et on tendit de plus en plus à traiter ces
condamnations à un multiple comme ayant un caractère ex- (733)
clusivement pénal (2). A la suite de ces réformes, il était in-
dubitable que l'action capitale privée était complètement écar-
tée pour ce délit; depuis lors, l'esclave était soumis dans ce
cas à la procédure noxale, l'homme libre à l'obligation de
payer la composition et c'était seulement au cas où il était in-
solvable qu'on prononçait contre lui Vaddictio qui d'ailleurs
lui laissait désormais ses droits personnels. — La procédure
judiciaire, en cas de procès fondé sur la loi de la composition
obligatoire, consiste en ce que le tribunal tranche d'abord la
question de fait et que si la sentence donne droit au deman-
deur, le défendeur a encore la possibilité d'obtenir son acquitte-
ment (3) en fournissant à son adversaire une satisfaction, donc
(1) Loi des XII Tables, loc. cit. Les quatre catégories de furtum qu'on
arrive ainsi à distinguer : manifestum, nec manifeitum, conceplum, obla-
tum, n'ont pas la valeur d'un classement systématique; cette distinction
se base uniquement sur les quatre actions de vol que nomme la loi des
XII Tables.
(2) Le fait qu'en cas de furtum manifestum on réclame le quadruple et
en cas de furtum conceplum le triple en outre de l'objet trouvé que l'on
garde, tandis que d'après les XII Tables ces deux espèces de vol sont
réprimées d'une manière identique (111 p. 56 n. 2), s'explique par cette
considération que dans le premier cas le recouvrement de l'objet n'est
pas aussi évident qae dans le second. — A propos de l'action de rapine,
dont le quadruple se rattache à celui du vol (II p. 382J n. 1), on discuta
sur le point de savoir si elle comprenait ou non l'indemnité à raison de
la chose prise (Gains, 4, 8) , la première opinion triompha de telle façon
que le triple seul fut considéré comme peine. Lorsque Paul dans un texte
(Coll., 11, 6) taxe la peine de Vabigeatus au duplum vel quadruplum et ail-
leurs {Sent., 5, 18, 1. 3) au duplum mit triplum, il pense dans le premier
texte à l'opposition du furtum manifestum et du furtum non manifestum et
dans le second à celle du vol et de la rapine (II p. 381).
(3) Gains, 4, 114 ^ Inst. Just., 4, 12, 2 : omniajudicia absolutoria esse. Le
58 DROIT PÉNAL ROMAIN
en faisant en quelque sorte une transaction (1). Si le défen-
deur ne peut pas ou ne veut pas offrir cette transaction, la
lids aestimatio a lieu (2). On tient compte pour celle-ci de
la plus haute valeur que la chose a eue depuis le vol (III p. 37
(754) n. 5), sans s'attacher ordinairement à l'intérêt que la victime
pouvait avoir à ce que le vol ne se produisit pas (3). Puis, ap-
ph'quant le multiple légal, on prononce formellement la con-
damnation pécuniaire (4). Par suite de l'indivisibilité juridique
du délit, on rend, lorsque plusieurs personnes ont pris part
à l'accomplissement du vol, une condamnation au montant
intégral de la peine contre chacun des coupables (o). — La
procédure d'exécution est celle qui a ordinairement lieu en
droit privé ; en cas de paiement, comme en cas d'insolvabilité,
le voleur n'est plus traité autrement qu'un débiteur quelcon-
fait qu'en cas de vol et d'autres délits du même genre l'infamie s'attache
non seulement à la condamnation, mais aussi à la transaction (III p. 59
n. 2), porte à croire qu'il s'agit ici de la transaction qui a lieu lorsque
l'existence du délit est judiciairement établie ; car, en cas de transaction
extrajudiciaire, la certitude juridique que le délit a été commis fait défaut.
Gela n'exclut pas d'ailleurs que dans certains cas, notamment lorsque
l'accusé paie une indemnité {D'ig., 3, 2, 6, 3), la transaction ait l'infamie
pour conséquence.
(1) Dig., 4, 4, 9, 2 : si poluit (minor) pro fure damnum decidere magis quam
aclionem dupli vel quadrupli pati, ei subvenielur. A cette idée se rattache
aussi, du moins en partie, l'admission de la transaction sur le furlum
dans la loi des XII Tables (III p. 55 n. 3) et l'assimilation de la tran-
saction et de la condamnation au point de vue de l'infamie (III p. 59
n. 2k Dans la procédure postérieure, la transaction ne procurait plus
d'avantage véritable au voleur, mais il en fut autrement aussi long-
temps que la condamnation le priva do la liberté.
(2) Julien, Dig , 25, 2, 22 pr, : gui litis aeslimalionern sufJerL, emploris loco
habendus est. Dig., 47. 2, 9, 1. 1. 85. tit. 6, 1, pr. Cpr. III p. 78 n. 4.
(3) Ulpien, Dig., 47, 2, 50, pr. : in furti actione non quod inlerest qi/adrn-
plahitur vel duplahitur, sed rei verum pretium (cpr. 47, 8, 2, 13). Cette règle
ne s'applique pas aux titres contenant une reconnaissance de dette (Dig.,
47, 2, 27. 1. 32. Paul, 2, 31, 32). La disposition est surprenante et se fonde
peut-être seulement sur ce fait que le multiple de la valeur paraissait
embrasser les dommages et intérêts. Ce n'est toutefois pas le lieu d'a-
border cette question qui appartient essentiellement au droit civil.
(4) Gaius, 4, 48.
(5) Dig., 47. 4, 1, 19. Cod., 4, 8, 1. La multiplication peut avoir lieu de
manières différentes: l'auteur peut être puni pour vol manifeste et l'auxi-
liaire pour vol simple (Dig.. 47, 2, 34).
APPROPRIATION DU BIEN D'AUTRUI 59
que de somme d'argent. Il est toutefois vrai qu'en fait celui
qui encourait Vaddictio pour cause de vol était régulièrement
jeté dans la prison des esclaves (1).
La condamnation pour cause de vol a de tout temps été infamie.
considérée comme infamante, lorsque le condamné est le
voleur lui-même (2). Celte règle s'étend à la transaction con-
clue sous forme de rachat de la condamnation (3). Cette infa-
mie a notamment pour conséquences: l'impossibilitéde briguer
des charges d'État (4) et des charges municipales, l'incapacité
de siéger au Sénat et d'être docurion (5), et également l'inca-
pacité de représenter d'autres personnes en justice (6).
Pour la question de la transmissibilité héréditaire de l'o- (755)
bligation. le vol commis vis-à-vis du patrimoine d'un particu- Exclusion
lier est soumis à la règle générale (7). Toutefois, celui qui, sans iransmissibiiiié
être aucunement complice du délit, en a retiré un profit (8), héréditaire
. .' . ^ ' . . et de la
peut être contraint par une condictio de restituer à la victime prescription.
l'enrichissement injuste qu'il a réalisé (9).
Au point de vue de la prescription, ce déht n'offre également
aucune particularité (10); l'action, d'après l'ancien droit,
(1) Caton, chez Aulu-Gelle H, 18, 18; fures privatorum fiirtorum in nervo
atque compedihus aetatem agunt. Cette règle se rattache à la loi Publilia
d'après laquelle l'homme libre addictus ne pouvait être mis dans les fers
qu'autant qu'il était un criminel. Tite-Live, 8, 28, 8 : ne qui {7iexus) nisi
qui noxammeruisset.donec poenamlueret, in compedihus aut in 7iervo teneretur.
(2) Dig., 47, 2, 64 : non potent praeses provinciae efficere, ut furli damnalum
non sequatur infamia. 48, 19, 10. 2. Gaius, 4, 182,'= Inst., 4, 16, 2. Paul, 2,
31, 15.
(3) Parmi les personnes notées d'infamie figure dans la lex Julia muni-
cipalis, 1. 110 et en termes presque identiques dans l'édit du préteur,
Dig., 3, 2, 1 celui quei furtei, quod ipse fecit fecerit, condemnatus pactusve
est erit.
(4) Gicéron, Pro Cluentio, i2. 110. 120.
(5) Lex Julia municipalis, 1. 109.
(6) Dig., 3. 2, 1. Gaius, 4, 182.
(7) Dig.. 47, 1, 1, pr.
(8) Cela peut avoir lieu, abstraction faite du cas de succession, lors
d'un vol entre époux (III p. 65 n. 3) et, lors du délit d'un fils de famille
et d'un esclave, si l'action noxale n'est pas applicable {Dig., 15, 1, 3, 12.
Cad., 3, 41, 4).
(9) (Condictio) ex injusta causa: Dig,, 25, 2, 6, 5.
(10) Gaius, 4, 111 : furti manifesti actio, quamvis ex ipsius praetoris juris-
60 DROIT PÉNAL ROMAIN
ne s'éteint par l'écoulement d'aucun laps de temps, elle ne
s'éteint, d'après le droit du Bas-Empire, que par l'expiration
d'un délai de trente ans.
On peut dilTicilement attribuer le caractère d'action noxale à
la procédure que nous avons précédemment indiquée comme
applicable à l'esclave convaincu d'un vol manifeste. Mais de-
puis que le vol donne lieu à une composition obligatoire, il
est traité suivant les règles de l'action noxale: lorsque le délit
a été commis par un enfant en puissance ou par un esclave,
le père ou le propriétaire peut échapper l'action ou à la con-
damnation, à la condition de livrer le coupable à la victime en
quasi-propriété ou en véritable propriété (1). En cas de vol
commis par un groupe d'esclaves, les adoucissements précé-
demment indiqués (ïll p. 49 50) se produisent. L'action con-
tre le maître sommeille, si celui-ci n'est pas actuellement en
possession de l'esclave accusé (2), elle est anéantie par la mort
du coupable.
Il nous reste à exposer le fonctionnement respectif de l'ac-
tion qui sanctionne le droit de propriété du volé et de l'action
délicluelle et à traiter de l'action personnelle non délictuelle
donnée à une époque récente au volé. A ces deux points de
vue nous rencontrons de véritables anomalies.
Revendication La reveudication de la chose volée appartient de plein droit
et à tout éj)oque au })ropriétaire, lorsqu'elle n'est pas para-
lysée par une prescription acquisitive. Les dispositions de li
(736) loi des XI l Tables sur ce point sont incertaines (3), mais il est
dictione proficiscalur, perpetuo dntui-, et merifo, cum pro capitali poena pecu-
nlaria conslitiila sil.
(1) Diçi.. 47, 2, 42, pr. 8. 62, \. 2.
(2) Paul, 2, 31, 37. Dig., 9. 4, H. 1. 21, 3. 47. 2, 17, 3. H en est autrement
en cas dédommage causé à la chose d'autrui {Dig., 9, 2, 27, 3); peut-être
veut-on dire seulement que le maître peut faire la noxae dedilio, même
si l'esclave est fu^'itif.
(3) Loi des XII Tables, 8. 17 ScliôU [id. Girard). La prohibition de l'u-
sucupion de la chose volée est rattachée ])ar Julien {Dig., 41, 3, 33, pr.)
et par les Institutes de Jnstinien {i, P, 2) aux XII Tables ou à la loi
Atinia; tandis que Gains (2, 45. 49) ne cite que la loi des XII Tables.
D'après Aulu-Gelle, 17, 7. 1, la loi Atinia aurait été ainsi conçue : quod
J
APPROPRIATION DU BIEN D'AUTRUI 61
sur que, d'après le plébiscite Alinien du dernier siècle de la
République, la chose volée peut être réclamée à toute époque,
même au possesseur de'^bonne foi (1). Toutefois cette revendica-
tion n'aurait dû être admise en droit qu'autant que ce n'était
pas par l'action de vol que le volé obtenait satisfaction. A rai-
son du caractère arbitral de l'instance, la procédure de com-
position a tout d'abord pour objet la restitution de l'objet volé
à laquelle s'ajoute comme supplément pénal le paiement de
l'équivalent et le doublement n'a lieu que si la restitution n'est
pas opérée. Même dans ce dernier cas, l'équité réclame qu'on
écarte la revendication ; le vol de choses non fongibles serait,
en effet, plus durement réprimé que celui de l'argent ou d'au-
tres choses du même genre qui échappent aisément à la re-
vendication, si le propriétaire gardait pour celte première
catégorie de choses la revendication, et si, par consét{uent, eu
pareil cas le voleur était évincé de la chose volée. On trouve
aussi des traces de celle conception non seulement dans ce
fait, qui n'tsl d'ailleurs pas général, que les actions de vol à
un multiple embrassent l'indemnité du préjudice causé (III
p. 57 n. 2), mais encore dans cet autre fait que le paiement de
la litis aesiimatio au propriétaire de la chose volée fait ces-
ser l'impossibilité de l'usucapion pour le voleur qui possède (2).
Néanmoins, cette conception rationelle n'a pas triomphé (3);
subreptum erit, ejiis rei aeterna auctoritas esto. Ces termes de la loi n'ont
pas pour but de renouveler une prescription antérieure, ainsi que le
prouve la controverse des jurisconsultes du dernier siècle de la Républi-
que sur l'effet rétroactif de cette disposition. La conjecture la plus vrai-
semblable est que la défense de la loi des XII Tables n'était dirigée que
contre le voleur possesseur — ce n'est vraisemblablement que plus tard
qu'on a exigé la bonne foi comme condition de la possession extinclive
de la revendication — et que la loi Atinia, en excluant la prescription
extinctive, donna la faculté d'exercer la revendication contre tout pos-
sesseur de la chose volée.
(\) Gaius, 4, 8. 111. Paul. 2, 31, 13. Inst., 4, 1, 19. tit. 6, 18. Dig., 11, 3,
11, 2. 13, 1, 7, 1. 47, 2, 55, 3. Cod., 6, 2, 12 et souvent ailleurs.
(2) Paul. Dig., 47, 2, 85 : quamvis res furtlva, nisi ad dominum redierit,
usucapi non possit, tamen si eo nornine lis aestimata fuerit vel fari dominas
eam vendiderit, non interpellari jam usucapionis jus dicendimi est.
(3) Les jurisconsultes donnent même comme motif de cette anomalie
furliva.
62 DROIT PÉNAL ROMAIN
(757) les actions de vol au double ou au quadruple ont été ordinai-
rement considérées comme des actions purement pénales, à
côté desquelles les actions qui sanctionnent le droit de pro-
priété restent possibles (III p. 57 n. 2).
condictio Le droit romain est allé encore plus loin en étendant à tout
volé la condictio apparue, comme nous le montrerons plus
loin, à propos du vol entre époux (1). Accorder l'action non
délictuelle donnée contre l'acquéreur d'un enrichissement
injuste, lorsque le magistrat refuse l'action de vol pour des
liens d'affection qui unissent le voleur et le volé, c'est là
un fait anormal, puisque le voleur n'acquiert pas, mais un
fait explicable ; il est par contre difficile de comprendre que
cette même condictio ait été donnée à tout volé, non pas
comme une action qu'il peut à son choix exercer aux lieux
et places de l'action délictuelle, mais comme une action
qu'il peut intenter en même temps que cette dernière. Du
reste, cette condictio, pour laquelle on ne tient aucun compte
du délit commis, est complètement traitée d'après les règles
des créances non délictuelles et se sépare par conséquent es-
sentiellement de l'action de vol. Tandis que celle-ci appar-
tient à toute personne lésée par le vol, la condictio ne com-
pète qu'au propriétaire de la chose volée (2) ou à celui qui
a un droit réel sur celte dernière (3), exactement comme si le
vol avait déplacé, la propriété. On agit sous cette fiction pour
la vaKur de la chose, y compris les fruits et les dommages
odio fururn quo tnngis pluribus acUonibus ieneantur (Gaius, 4, 4 = Inst. 4, 6,
14]. A Trai dire, l'application correcte de cette idée aurait conduit à des
longueurs ; le demandeur, vainqueur dans l'action de vol, n'aurait obtenu
que le simple de la valeur de l'objet, s'il avait auparavant intenté la re-
vendication avec succès, et il aurait dii céder l'objet au voleur, lorsque
la revendication n'avait pas été intentée.
(1) Gaius, 4, 4 =: InsL., 4, G, 14 : receptum est, ut extra poeitam dupli atit
quadrupli rei recipiendae noinine fures etiam liac actione Ieneantur « si paret
eos dure oportere ». Dir/., 13, 1, 7, pr. 25. 2, 21. 5. 47, 2, 48, pr. 47, 6, 2 et
souvent ailleurs.
(2) Dif/., 13, 1, 1. 47, 2, 14, Ifi. Si le propriétaire de l'objet volé dispose
volontairement de sa propriété, par i'xouii)le. par un legs, la condictio est
refusée à l'ayant cause (Dig., 13, 1, 11).
(3) Dig., 13, 1, 12, 2. 25, 2, 17. 3.
APPROPRIATION DU BIEN D'AUTRUI 63
et intérêts (1), que la chose soil encore en la possession du
défendeur ou non, qu'elle existe encore ou non (2). Comme
action d'indemnité, elle peut êlre intentée pour son montant
intégral contre chacun des auteurs proprement dits du vol (3),
mais, l'indemnité une fois fournie, l'action ne peut pas être
dirigée contre les autres coupables (4) ; la restitution de l'objet (758)
volé (5) ou tout autre dédommagement (6) produit le même
effet; de même, si le voleur lui-même possède l'objet volé, la
revendication, possible d'après ce que nous avons précédem-
ment dit^ ne peut pas êlre intentée à côté de cette condictio (7).
La conséquence de beaucoup la plus importante de cette trans-
formation des effets juridiques du vol a été l'extension de l'ac-
tion d'indemnité aux héritiers du voleur (8). Cette extension
se justifiait d'ailleurs pratiquement : si le créancier du de eu-
jus a, vis-à-vis des héritiers de celui-ci, absolument les mêmes
droits que ceux qui lui appartenaient contre son débiteur pri-
(1) Dig., 13, 1, 3. 1. 8, 2. 25, 2. 21, 4. Cod., 9, 32, 4, 2.
(2) Dig., 13, 1, 8, pr. 25, 2, 17, 2.
(3) Dig., 13, 1, 6 : etsi ope consilio alicujus furtum faclum sii, condictione
non tenebitur, etsi furti tenelur. Le motif pour lequel la condictio n'est pas
donnée coutre ceux qui ont simplement aidé à l'accomplissement du délit
réside peut-être dans ce fait que Vattvectatio furtica fut conçue comme
une tentative d'acquisition de propriété et remplaça celle-ci dans la liste
des conditions d'exercice de l'action. Toutefois, en cas de vol entre
époux, la simple assistance prêtée fonde la condictio (Dig., 25, 2, 19. 1. 20,
47, 2, 52. 2).
(4) Dioclélien, Cod., 4, 8, 1 : furti quidem actione singulos quosque in soli-
dum teneri, condictionis vero nummorum furtim subtractorum electionem esse
ac tum demum, si ab uno salisfacturn fuerit, ceteros liberari.
(5) Dig.. 13, 1, 8, pr. 1. 10, pr. 47, 2, 55, 3. Telle est probabltiment aussi
la régie que vise Paul, 2, 31. 34.
(6) Par exemple par voie d'actio lulelae : Dig., 27, 3, 2, 1.
(7) Dig., 25, 2, 22, pr. il, 2, 9. 1.
(8) Dig., 47, 1, 1, pr. : condictio adversus eos [heredes furis) competit. 12, 2,
13, 2. 13, 1, 2. 1. 7, 2. 1. 9. Cette règle est également appliquée au vol en-
tre époux : Dig., 25, 2, 6, 3 : hères mulieris ex hac causa teyiehitur sicut con-
dictionis nomine ex causa furliva. Dioclétien n'a pas laissé subsister cette
disposition rigoureuse {Cod., 5, 21, 3 : rfe rébus, qiias divortii causa quondam
uxorem iuani abstulisse proponis, reruni amotarum actione contra successores
ejus non in solidum, sed quantum ad eos pervenit... uli non prohiberis) ; car
on ne peut guère songer ici à des ayant cause à titre particulier comme
dans les cas cités III p. 59 n. 8.
64 DROIT PÉNAL ROMAIN
mitif, il eût été choquant que celui qui avait été volé par le de
cnjiis n'eût pas, au point de vue de la créance d'indemnité, les
mêmes droits vis-à-vis des héritiers du voleur. — Quant à l'in-
famie, qu'on a voulu précisément éviter en créant cette action,
il n'est pas incontestable, mais vraisemblable, qu'elle est écar-
tée, même lorsque la condictio u'esl pas intentée entre époux.
Le système juridique qui traitait le vol commis vis-à-vis
du patrimoine d'un particulier comme un délit qui ne pouvait
être poursuivi qu'à la réquisition de la partie lésée cadrait
mal avec la vie plus complexe de la dernière période du droit
romain et l'exposé soigné et subtil, que nous donnent les sour-
ces juridiques, des actions privées fondées sur le vol est cer-
tainement plutôt emprunté aux développements d'école qu'aux
données de la pratique (1). Toutefois, à maints égards, no-
(759) tainment pour le détournement et pour les vols si fréquents
d'esclaves, cette forme d'action n'est nullement impropre; la
possibilité (2), et même dans certains cas la nécessité (3), de
l'action privée sont encore relevées dans les compilations de
Justinien. La seule limitation de cette faculté est que les tri-
bunaux ne doivent pas être importunés avec les petits vols do-
mestiques (4).
(1) Aulu-Gelle, 11, 18, 10 indique déjà que l'action civile [jure, alque or-
dine) pour cause de vol n'est pas usitée Presque tous les textes relatifs
au furtum sont empruntés à la littérature du droit civil; très peu aux
commentaires de l'édit prétorien; presqu'aucun ne provient des responsa
priidentium. Des controverses comme celle sur la consommation du fur-
tum manifestum (III p. 51 n. 5) auraient été très rapidement éteintes, sila
pratique s'en était occupée.
(2) Ulpion. Dig., 47, 2, 93 : si qui velit, polerit civiliter nqere. Julien, Dig.,
i7, 2. 57, 1.
(3) Ulpien, Coll., 7, 4, 1 : furea ad forum remil/endi sunt diurni. Dig., 47,
17, 2 : ai interdiu furtum fecerunt, ad jus ordinarium remitlendi sunt. Tandis
que l'ahir/ealus est réprimé par une procédure criminelle, on dit du simple
voleur de bestiaux aux Dig., 47, 14, 1, 4 : ad examinalionem civilem remitten-
dus est et la mémo rèplo est posée pour le cas où le vol de bestiaux a eu
lieu an cours d'un i)rocés (Paul, .'i, 18, 3 = Coll., 11, 6, 2).
('») Dig., 47. 2, 90 : si libertus patrono vel cliens velmercennarius ei qui eum
conduxerit furtum faciel, furti aclio non nascilur.
APPROPRIATION DU BIEN D'AUTRUI 65
2. Vol entre époux {actio rerum amotarum).
Par égard pour les liens du mariage les mœurs ne permet- voi
. ,., , ,,.. ,,. 1,. entre époux.
teut pas a 1 époux ou a son héritier d intenter contre 1 autre
époux, même après la dissolution du mariage par le divorce
ou par la mort (1), les actions infamantes de vol (2) pour en-
lèvement d'un objet appartenant au premier époux ou, si
celui-ci est en T^uissa.Qce, à. son paterfamilias. Toutefois, comme
on ne peut pas équitablement refuser un dédommagement
pour le bien volé, on accorde au volé ou à ses ayants cause
et à son paterfamilias une action personnelle en répétition (3) (760)
de même nature que celle qui compète au créancier contre le
(l) L'action est donnée à la condition, d'une part, que le vol ait été
commis pendant le mariage et, d'autre part, que le mariage soit dissous.
Mais on traite aussi de la même manière le vol commis antérieurement
au mariage vis-à-vis d'une personne dont l'époux a hérité ou vis-à-vis
de cet époux lui-même {Dig., 25, 2. 3, 2) et l'action peut être intentée même
pendant le mariage [Dig., 25, 2, 25, cpr. 1. 6, 5). Cette opinion n'est pas
contredite par ce fait que dans ce cas l'action est désignée comme condic-
tio fondée sur l'absence de justa causa (Dig., 25, 2, 25) ou comme actio de
damnoin factum (Cod., 5, 21, 2) ou comme condictio furtiva {Dig., 25, 2, 3, 2),
car la condictio est une action en répétition pour cause d'enrichissement
injuste, toujours la même dans tous les cas, et toutes les dénominations
qui viennent d'être rapportées ne sont, comme celle à'actio rerum amota-
rum elle même, que des termes qui servent à désigner des cas d'applica-
tion différents d'une même action. Comme conséquence logique, on ne
restreint pas le domaine de Vactio rerum amotarum aux objets volés, mais
on l'étend aussi aux choses consommées sans droit (Dig., 25, 2, 3, 3 : etiam
cas res, quas divortii tempore mulier comederit vendiderit donaverit qualibet
ratione consumpserit, rerum amotarum judicio contineri ; de même 1. 23).
(i) En dehors de Vactio furti, il faut également citer ici le crimen expila-
tae hereditatis{Dig., 47, 19, 5. Cod., 9, 32, 4). Les actions noxales pour cause
de vol commis par un esclave sont naturellement permises (Dig., 25, 2, 3,
1.1. 21, 2. 47, 2, 52, 3).
(3) Dig., 25, 2, 6, pr. Toutefois, l'action de vol n'est refusée au détenteur
de la puissance, en cas de vol de choses dotales, qu'autant que le père a
qualité pour réclamer ces choses comme dotales; cette règle ne s'appli-
que pas lorsque la belle-fille vole un autre objet appartenant au beau-
père. Si l'époux accusé de vol est en puissance, l'action de vol elle-même
peut être intentée contre celui qui a la puissance jusqu'à concurrence du
pécule du fils ou de la fille; car le défendeur n'est pas le coupable lui-
même et par conséquent l'infamie n'est pas encourue. Du reste, le pater-
familias n'est tenu que de restituer l'enrichissement qu'il a retire éven-
tuellement du délit. Dig., 15, 1, 3, 12. 25, 2, 3, 4. 1. 5. 1. 6. 1. 15, 1.
Droit Pénal Romain. — T. IIL 5
66 DROIT PÉNAL ROMAIN
débiteur dont la dette est échue et, d'une manière générale, à
toute personne lésée par une acquisition injuste contre l'ac-
quéreur — par exemple contre les avocats et les magis-
trats comme sanction d'une créance de repetundae (1). Le vol
est ici ignoré eu égard aux personnes entre lesquelles il se
produit et pour celte raison l'action reçoit le nom d'actio re-
rum amotarum {'!). Les éléments du délit qui fonde cette ac-
tion sont les mêmes que ceux du furtiim (3) et les conséquences
de ce délit sont, abstraction faite de l'action pénale, identi-
ques à celles du fiirtum (4). Gomme cette co?idictio qui com-
pète à l'époux n'est pas distincte, selon toute apparence, de
celle qui fut plus tard accordée à tout volé, nous pouvons ren-
voyer ici aux explications que nous avons données à propos
de cette dernière. '
3. Vol commis vis-à-vis du patrimoine des dieux \»acrileginm)
et de l'Etat {peculatus).
Le sacj'ilegium est, au sens littéral du mot (o) comme d'a-
près l'usage du langage (G), le furlum d'un bien appartenant à
(1) Le furlum est aussi compris dans l'action de repetundae (III p. 14).
(2) Dig., 25, 2, 26 : rerum amotarum actio condictio est. La diversité de
nom s'explique par ce fait que dans l'édit du préteiir la rerum amotarum
actio est traitée à propos du droit matrimonial et la condictio f'urtiva à
propos du vol. Ce n'est que dans les compilations de Justinien que la
condictio furtiva a été groupée avec les formes de coJidictio naissant du
mutuum et d'autres causes.
(3) Dig., 25, 2, 29 : veritate furlum fit. De même 1. 1.
(4) Actio rerum amotarum contre la femme à raison d'instigation ou
d'assistance dans un furlum : Dig., 25, 2, 19. I. 20. 41, 2, 52, 2. Exclusion
en cas de prescription : Dig., 25, 2, 29. Effet noxal : Dig., 13, 1, 4. Eva-
luation de la valeur : Dig., 25, 2, 29.
(5) Sacrilegium s'est formé comme spicilegium; pour la seconde moitié du
mot, cpr. les scolies sur Virgile, Egl., 9, 21, suhlegere = subripere. Ce
terme correspond philologiquement et au point de vue du sens au mot
grec hpotj-jXioL.
C6) Cicéron, De leg., 2, 9, 22 explique sacrilegus par ces mots sacrum sa-
crove commendalum qui cleperit rapsitqur et interprète loc. cit., 16, 49 sa-
crilegium par sacrum aiiferre. Ces deux mots se rencontrent fréquemment
dans cette signification : Plaute, Rud,, 706 et Sénèque, De benef., 1, ~l, 1-4;
Quintilien, 7, 3, 10; Julius Victor, 3, 3, c. 16. Les jurisconsultes des Pan-
j
à
APPROPRIATION DU BIEN D'AUTRUI 67
la divinité (III p. 35 n. 2), comme le peculatus est le furtum (76i)
d'un bien appartenant à l'État (III p. 35 n. 3). Malgré la diver- Les lois sur
. 1 • 7 • 1 7 1^ sacrilegium
sité de noms, le sacrilegium et le pecuiatus ont, sans aucun ^ix^pecuiaus.
doute, toujours appartenu, en ce qui concerne leurs règles de
fond, au même groupe; car les lois romaines distinguaient,
plutôt par habitude que dans un intérêt juridique, le patri-
moine des dieux de l'Etat et celui de l'Etat lui-même (1).
Nous ne savons pas si ces délits ont fait à l'époque ancienne
l'objet d'une réglementation législative : ils peuvent avoir
été visés par la loi des XII Tables, mais nous n'avons aucun
témoignage certain en ce sens. La procédure de la quaestio
dectes ne l'emploient que dans ce sens. Mais, en outre, à partir de Plaute,
sacrilegus apparaît parmi les injures courantes (par exemple, Tertullien,
Apol., 2 : nomen homicidae tel sacrilegi vel incestl vel publici hostis, ut de nos-
tris elogiis loquar) ; cet usage peut avoir contribué à dénaturer le sens du
mot et, en faisant abstraction de la seconde partie du mot, à substituer à
l'acception concrète et réelle la signification plus vague d'impiété. Lors-
que Cornélius Nepos, Alcib., 6, dans son récit des profanations des mys-
tères commises par Alcibiade, traduit la condamnation pour cause
d'à(7é6£'.a par condamnation pour cause de sacrilegium, il fait sans doute
très correctement allusion à la spoliation des sanctuaires. Mais, lorsque
Tertullien, Apol., 28, désigne comme sacrilegium et comme crime de lèse-
majesté la violation du devoir qui incombe aux Romains de jurer par les
dieux nationaux autant que par le génie de l'empereur, il y a là, comme
nous l'avons déjà exposé (II p. 272 n, 1) une traduction incorrecte et, selon
toute vraisemblance, particulière à cet auteur du terme grec àOeoTT;;, pour
lequel les Romains n'ont pas d'expression correspondante. Le nom de
sacrilegus, que le biographe de Marc-Aurèle, c. 18, donne à celui qui
n'expose pas l'image de l'empereur est tout au moins imprécis. Dans la
dernière période, la signification du mot devient flottante même dans les
ouvrages juridiques. Abstraction faite de ce que, dans un langage impré-
cis, ce terme est appliqué à tout crime grave, il est employé, semble-t-il,
dans le langage technique pour désigner le délit de religion chrétienne
(II p. 310 n. 2). Avec beaucoup de maladresse, on a, dans le Gode de Jus-
tinien, fait de la vieille rubrique {Dig,, 48, 13) ad legem Juliam peculatus et
de sacrilegis et de residuis, où le sacrilegus est l'auteur d'un vol commis
au regard Id'un temple, deux rubriques 9, 28, et 9, 29 de crimine peculatus
et de crimine sacrilegii et on a rangé sous cette dernière quelques fautes
légères contre la religion et la puissance impériale qui ne constituent
pas une catégorie propre de délits.
(1) St. R., 2, 47 [Dr. publ,, 3, 53]. La vieille formule (C. I. L., I, 185. 186)
aut sacrom aut poubllcom locom ese montre clairement que ces deux expres-
sions constituent l'opposition àprivaium. et que la division tripartite ha-
bituelle n'est pas correcte.
68 DROIT PÉNAL ROMAIN
a certainement, si cela n'a pas eu lieu auparavant, été éten-
due à ces délits depuis Sylla et elle doit en cette matière avoir
fait l'objet de lois plus anciennes (l) ; mais les seuls points qui
soient prouvés à cet égard sont qu'une loi Julia, qui d'après
son nom date de César ou d'Auguste, a fixé les règles de procé-
(762) dure pour le vol des biens des divinités et de ceux de l'État (2),
et qu'une loi qui s'appelle également Julia, différente semble-
t-il de la première, a été promulguée sur les reliquats de
comptes (rf«? residuis)(3). Ces lois sont restées en vigueur dans
la suite. — En outre, les ieges templorum (4) et les lois mu-
nicipales ont maintes fois réglé, pour leur cercle restreint, la
procédure relative à ces délits.
Notion Rentre surtout parmi les biens des dieux tout ce qui a été
"*°'" ''^'"'"' consacré aux dieux de l'État conformément au droit romain
{res sacrae) (5). Peu importe en droit que ces objets se trou-
(1) Dans le dialogue De deorum nalura, placé dans les années 676/18 à
678/76, Cicéron, 3, 30, 74 oppose la quaeslio peculalus à la quaestio testa-
mentaire introduite lege nova. Nous ne savons pas si la présidence de ce
jury avait déjà été conliée auparavant à un préteur spécial ou si elle
avait été assurée d'une autre manière ; en tout cas, il est certain que de-
puis Sylla un des préteurs préside cette quaestio (Cicéron, Pro Cluentio,
34, 94. 53, 147. Pro Mur., 20, i2. St. R., 2, 201, n. 3 [Dr. publ., 3, 230, n. 4]).
(2) Aux Dlg., 48, 13 (cpr. 22, 5, 13. 48, U \), par lesquels seuls nous con-
naissons la loi, il est question de la lex Julia peculatus et de sacrilegis et
de résidais, mais la lex Julia de residuis était peut-être une loi distincte
(n. 3). La loi principale embrassait, comme le confirment les dispositions
particulières, tout à la fois le sacrilegium et le peculatus. Isidore range le
péculat dans le sacrilegium en s'attachant au vol de deniers de l'empereur
(5, 23, 3 : sic judicatur ut sacrilegus quia fur est sacrorum). — En faveur de
l'attribution de cette loi à César, on peut invoquer le silence de Suétone,
Aug., 34.
(3) La loi apparaît comme distincte aux Inst., 4, 18, 11 et aux Dig., 48,
13, 2. 1.^5, pr., si la rédaction est correcte.
(4) La dedicatio du temple de .Jupiter dans le vicus de Furfo datant de
696/38 (C. /. L., IX, 3513 = Bruns, Fontes*', p. 260) pose la régie sui-
vante : sei qui heic sacrum surupuerit, aedilis multatio esto, quanti volet ; id-
que veicus Fur/\ensis) m[a]y[ocJ pars fifeltares (?) sei apsolvere volent sive con-
demnare, liceto. Dans la disposition de la vieille loi sur le bois sacré de
Spoléte (Bruns, p. 260 : neque ervehilo ncqiie esferlo quod louci siet), c'est
bien aussi au furtum qu'il est fait allusion.
(5) On exige donc quf la dedicatio soit accomplie (Sénèqui', De benef.,1,
7 : dis dedicata). L'extension de la notion aux res religioni destinatae (Gor-
dien, Cod., 9, 19, 1) est un élargissement postérieur.
APPROPRIATION DU BIEX D'AUTRII 69
vent dans ua lieu saint ou non (1). Quant à la question de sa-
voir si les choses des particuliers qui sont gaidées dans un
sanctuaire rentrent dans les res sacrae et si renlèvement de
ces objets constitue un sacrilegium ou un furtum, elle était
controversée (2). La dedicatio privée du simple citoyen ne (763)
peut pas en général faire rentrer un bien dans le patrimoine
des dieux (3) ; il n'y a d'exception que pour les sépultures qui
ont fait l'objet d'une dedicatio aux mânes des ancêtres {res re-
ligiosae) (4). Les biens des divinités d'autres cités, raème de
cités amies, ne peuvent Atre assimilés (o) au patrimoine des di-
vinités romaines que par nn privilegium (6).
(i) Sans doute Cicéron, Deinv., 1, 8, 11, pose le dilemme : si quis sacrum
ex priva lo surripuerit, an sacrilegus sit Judicandus ; mais la réponse ne peut
être douteuse.
(2) Dig., 48, 13, 6 : divi Seoerus et Antoninus... rescripserunt res privatorum
si in aedem sacvam depositae suhreptae fuerint. furti actionem, non sacrilegii
esse. Cicéron, (De leg., 2, 16, 40) se prononce en sens contraire, lorsqu'il
assimile le sacrum au sacro commendatum et Dig., 48, 19, 16, 4 : locus facit,
ut idem vel furtum vel sacrilegium sit concorde avec Cicéron. C'est là une
controverse aimée des rhéteurs (Quintilien, 3, 6, 38. 40. 4, 2, 8. 68. 4,4, 3.
5, 10, 39. 7, 3, 10. 21-24). Pratiquement, cette question a de l'importance
parce qu'on déposait souvent dans les temples des deniers et des docu-
ments privés (Cicéron, De leg. 2, 16, 41 et autres textes ; Marquardt,
Handb., 3, 217 [Manuel Antiq. Rom., XII, 261]). En tout cas, Vaedituus ré-
pond de ces objets conformément au droit civil comme dépositaire {Dig.,
43, 5, 3, 3; 48, 13, 11. 2).
(3) Dig., 48, 13, H, 1 : qui privala sacra vel aediculas incustoditas temptave-
runt, amplius quam fures, minus quam sacrilegi merentur.
(4) La lex mumcipii Tarenlini (1. 1) prescrit l'exercice de cette action pé-
nale, s'il y a soustraction de quidquid ejus municipi peguniue publicae sacrae
religiossae est erit et la loi pénale Julia s'étend aussi à la pecunia religiosa
(Inst., 4. 18, 9. Dig., 48, 13, 1, pr. 1. 4, pr. 1, 11, 2. Insl.. 4, 18, 9 cpr. Dig.,
48, 13, 5, 3). En cas d'enlèvement de statues ou d'autres objets mobiliers
appartenant à un tombeau, il n'est toutefois pas question de sacrilegium
{Dig,. 47, 12, 2).
(5) Cicéron qualifie de péculat l'enlèvement des œuvres de sculpture
laissées ou placées par les généraux romains dans les temples de Sicile
(cpr. Verr., 1. 4, 2). parce qu'elles proviennent du butin romain (\'err., 4,
41. 88) et appartiennent en fait au peuple romain {Verr., act. 1, 4. 11) ; par
ailleurs de telles œuvres ne tombent donc pas sous la protection de la loi
pénale romaine.
((i) C'est ce que firent Auguste et Agrippa pour les Juifs (.losèphe, 16,
6, 2. 4) : quiconque vole leurs livres saints ou des deniers appartenant à
leurs temples doit être considéré comme kpôo-yXoç et son patrimoine est
70 DROIT PÉNAL ROMAIN
Le vol commis vis-à-vis du patrimoine des divinités muni-
cipales est assimilé par les statuts locaux au vol d'un bien de
la cité (III p. 69 n. 3).
Les éléments constitutifs du furtum se retrouvent dans le
sacrilegium: l'attouchement (1), la restriction aux objets mo-
biliers (2), l'intention de réaliser un enrichissement injuste (3),
le dommage causé à la divinité intéressée.
du péculat.
P
(764) Le vol d'un objet mobilier appartenant à l'État s'appelle
Notion depeculatus ou peculatus publicus (4), d'ordinaire simplenaent
peculatus (5). Ce furtum est ainsi nommé, parce qu'avant le
début de l'économie de monnaie le bétail destiné aux sacriâ-
ces constituait l'élément le plus important du patrimoine mo-
bilier de la communauté et parce que c'était lui surtout qui
pouvait faire l'objet d'un vol.
A l'époque historique, on rencontre le vol d'un objet de
l'État dans les cas suivants :
confisqué pour l'aerarium romain ; les voleurs sont même privés de la
protection des asiles et livrés aux Juifs pour être punis i)ar eux.
(1) Julius Victor, Ars. rhet., 6, 3 : si commovisse aliquid eorum, quae in
templo eranl posita, aut contaminasse (cpr. III p. 36 n. •!) sacrilegium vide-
tur, quanto magis eo crimine tenetur aliquid de templo sustulisse.
(2) C'est ce qu'indique le soin avec lequel, conformément à la loi Julia,
on appuie sur la pecunia sacra religiosa (III p. 69 n. 4). Si la violation des
sépultures était rentrée dans le sacrilegium, nous en trouverions des tra-
ces. Relativement à Vager publicus cpr. III p. 43 n. 1.
(3) Julius Victor, Ars. rhet., 6, 1 : quilucri faciendi causa in templum venit,
sacrilegus est... si non ut lucrum facerem. sed ad ornatvm commendarem (prêt
pour décoration), detraxi aliquid de templo, non est sacrilegium.
(4) Varron, Del.L., o, 93 (appellarunt a pecude) peculatum publicum primo
ut (ainsi dans le manuscrit), cum pécore diceretur mulla et id esset coactum
in publicum, si erat aversum.
(5) Festus, Ep., p. 75 : depeculatus a pécore die i tur ; qui enim populum,
fraudât, peculatus poena tenetur. Le même, p. 213 (cpr. p. 237) : peculatus
est nunc quidem qtialecumque publicum furtum, sed inductum est a pécore. Il
ne résulte pas do l'expression malus peculatus de la langue légale (loi
Acilia, 1. 69; loi Cor nùha de quaestoribus, i, 5) que le terme peculatus n'ait
pas eu à l'origine par lui-même un mauvais sens ; mais peculatus doit
être entendu, dès le début, conlme équivalant à dolus malus (1 p. 102
n. 1). L'àppeiiâtloh furtum publicae pecuniae ou furtum publicum (III p. 35
n. 3) est correfcle, mais n'est pas technique.
APPROPRIATION Dr BIEN D'AUTRUI 71
i . La soutraction de métal ou de monnaies vis-à-vis de
Vaerarium du peuple romain ou d'une autre caisse publique (1)
est de beaucoup la forme la plus importante et la plus fré-
quente du péculat. Ce sont surtout les magistrats et leurs su-
balternes qui sont à même de commettre ce délit (2). Le dé-
tournement, qui ici, comme dans le furtum privé, est traité
de la même manière que le vol (3), apparaît surtout à propos
du péculat (4). C'est ainsi notamment qu'on se sert de l'action
de péculat pour réclamer au comptable de deniers publics le
reliquat du à Vaerarium après reddition de compte {pecuniae (765)
residuae) (o). En vertu d'une disposition plus douce de la loi
Julia sur les pecuniae residuae, la somme que le comptable
reconnaît dans son compte devoir à Vaerarium est traitée pen-
dant un an à partir du compte comme une simple, dette d'ar-
gent du détenteur; après cette année, ce comptable peut être
poursuivi, sinon par l'action de péculat, du moins par une ac-
tion publique et il est tenu de payer à titre de peine en plus
de sa dette un tiers de la somme due (6).
(1) Dig., 48, 13, 13 : qui perforaverit muros vel inde aliquid abstulerit, pecu-
latus actione tenetiir. Le texte, comme le prouve le mot inde, n'est pas com-
plet; il ne se rapporte nullement au crime commis contre les murs de
la ville (II p. 263 n. 4).
(2) Gicéron, Pro Mur. 20, 42 : sors tristis atrox : quaestio peculalus, ex al-
téra parte lacrimarum et squaloris, ex altéra plena catenarum alque indicum.
Sous le nom de catenae, il faut penser aux esclaves employés au service
de la caisse que l'accusateur, en cas de fraude commise, force à déposer
comme complice ou comme témoin.
(3) Lorsque Gicéron qualifie de peculalus le fait par une personne d'em-
ployer à son propre avantage les deniers destinés au paiement de la solde
( Verr., 1. 3, 76, 177) et de prêter à intérêts à son propre profit les deniers de
l'État (pecuniae publicae feneratio : Verr., 1. 3, 72, 168i, l'élément juridique-
ment décisif dans les deux cas est l'appropriation de l'argent d'autrui.
(4) La lex municipii Tarentini désigne le péculat par les mots fraudare et
arertere et la dernière expression, employée aussi par Varron (III p. 70
n. 4), est ici usitée de préférence.
(5) G'est à raison de ces pecuniae residuae (ainsi Gicéron, Pro Cluenlio,
34, 94 et De lerj. agr., 2, 22. S9, où elles sont aussi nommées pecuniae repe-
tnndae: cpr. III p. 12 n. 1) qu'un procès de péculat fut intenté en 688/66
contre les héritiers du dictateur Sylla (Gicéron, loc.cit.). Gette action s'éten-
dait égalemeflt aiix deniers prélevés sut- lès caisses publiques (Asconius,
p. 72) et à ceux qui provenaient du butin (Gicéron, De leg.agr., 1, 4, l2).
(6) Dig.. 48, 13, 11, 6.
72 DROIT PÉNAL ROMAIN
2. On s'est également demandé ici si l'objet mobilier pu-
blic, qui ne se trouve pas dans les caisses publiques, doit être,
en cas de soustraction, réclamé par l'action de péculat ou par
l'action de vol (1); c'est incontestablement la première opi-
nion qui est exacte. Cette règle s'applique notamment au bu-
tin de la guerre (2); celui-ci n'appartient pas moins à l'État
que les objets déposés dans Voerarium. Le magistrat qui le
rapporte chez lui peut en disposer librement et n'est pas, en ce
qui le concerne, soumis à une reddition formelle de compte
comme pour les deniers de Vaerarium qui lui ont été confiés,
mais il n'a pas le droit de le conserver ni de l'employer à son
profit. Toute partie de butin trouvée en la possession particu-
lière du général est considérée comme volée (3), tout profit
que celui-ci a retiré de l'utilisation du butin est traité comme
un détournement (4) et l'action de pecuniis residuis est éga-
lement possible ici (o).
(766) 3. On a fait rentrer dans ce délit toute fraude commise vis-
(1) Dans la Rhet. ad lier., 1. 12, 22, la question de savoir si le vasa av-
gentea piihlica de loco privato sustidisse est un péculat ou un furtum appa-
raît comme controversée.
(2) Diq., 48, 13, 15 : is qui praedam ab hostibus captam suhripuit, lege pecu-
latus tenetur et in quadruplum condemnatur. Gpr. III p. 69 n. 5.
(3) Telle est la règle sur laquelle se fondent le plus ancien procès de
péculat que nous connaissions, celui du dictateur Camille en 363/391 —
car le récit, provenant d'une source compétente, s'appuyait sans aucun
doute sur l'affaire des portes de bronze [aerata ostia) du butin de Véies
(Pline, N h., 34, 3, 13 ; Plutarque, Cam., 12) et ne mentionnait qu'accessoi-
rement l'usage que Camille avait fait de chevaux blancs pour son triom-
phe — et le procès intenté en 668/86 contre le fils de Cn. Pompeius Strabo
à raison de pièces du butin d'Asculum qu'il avait utilisées pour sa mai-
son (Plutarque, Pomp., 14; Cicéron, Brut., 64, 230). C'est précisément ce
délit que vise Gaton chez Aulu-Gelle, H, 18, 18.
(4) J'ai exposé dans ma dissertation sur les procès des Scipions {Rom.
Forsch., 2, 444 sv.) la diversité pratique des règles applicables aux deniers
de Vaerarium et aux sommes provenant du butin et leur relation avec le
péculat.
(5) C'est surtout à ces pecuniae residuae que se rapportaient les procès
de péculat intentés contre les liéritiers de Cn. Pompeius Strabo (III p. 12
n. 3) et du dictateur Sylla (III p. 71 n. 5). Le recouvrement général de
toiles créances de Vaerarium, ordonné par la loi agraire de Servilius (Ci-
coron, De leg. agr., 2, 21 et ailleurs), n'était que la réitération d'une pres-
cription ancienne.
à
APPROPRIATION DU BIEN D'AUTRUI 73
à-vis des caisses publiques, même si elle ne se produit pas par
enlèvement de deniers, mais simplement, par exemple, par fal-
sification de titres, et ne présente pas les véritables caractères
du furtum (1). Les cas suivants, que nous relevons spéciale-
ment, ne sont que des applications particulières de cette idée
générale.
4. La remise injuste d'une créance appartenant à la cité
faite par le magistrat chargé de la recouvrer (2), de même que
l'encaissement d'une créance de ce genre par une personne
non compétente (3).
5. Le fait de diminuer la valeur de monnaies frappées dans
des officines publiques en leur faisant subir un alliage illé-
gal (4).
6. La frappe de monnaies publiques au delà du mandat
reçu en faveur des fonctionnaires chargés de ce service (5).
7. Vraisemblablement aussi la manipulation (6) ou la sup-
(1) La lex municipii Tarentini fait rentrer dans le péculat, à côté de l'fl-
vertere de la pecunia piiblica, le pitblicum pejus facere per lilleras publicas
fraudemve, par exemple donc le mandat de paiement illégal, ou peut-être
même falsifié, adressé à une caisse publique.
(2) Gicéron, Yen-., 1. 3, 36, 83.
(3) Dig., 48, 13, 11, 3 : privatam (pecuniam) crimen peculatus facere, si guis
quod fisco debetur simulans se fisci credilorem accepit. Il faut bien supposer
que, par suite de quelques circonstances accessoires, le lise est dans l'im-
possibilité d'agir contre celui qui a payé à tort; sans cela, il ne subirait
pas de préjudice.
(4) Dig., 48, 13, 1 : leqe Julia peculatus cavetur... ne guis in aunim argen-
tum aes publicum guid indat neve immisceat... sciens dolo malo quo id pejus
fiât. L'altération même de monnaies de cuivre à l'aide d'étain ou de plomb
a lieu fréquemment.
(5) Dig., 48, 13, 8, pr. : qui cum in moneta publica operarenlur, extrinsecus
(en dehors de l'officine) sibi (pour leur propre compte) signant pecuniam
forma publica... videnlur... furlum publicae monetae fecisse. On pense dans
ce texte à une fabrication de pièces de monnaies pour une valeur supé-
rieure à celle du métal.
(6) Gicéron, De d. n., 3, 30, 74 parle d'un procès criminel contre L. Aie-
nus, qui transcripserit tabulas publicas ou, comme il est dit plus loin, gui
chirog raphum se.r primorum (c'est-à dire des chefs des scribes de l'aura-
rium romain) imilatus est. Il s'agit sans doute d'un acte falsifié peut-être
par un employé de Vaerarium et se présentant comme extrait officiel des
livres de caisse romains ; ce délit peut avoir été un péculat, bien que la
falsification des livres publics soit également citée à propos de la lex
majestatis (II p. 259 n. 2) et à propos du falsum (II p. 394).
74 DROIT PÉNAL ROMAIN
(767) pression (1) illégale des livres de caisse publics, et même, d'a-
près un sénalusconsulte postérieur, la permission illégalement
donnée de prendre connaissance de ces livres (2).
8. Il n'y a pas en soi de péculat, lorsque les deniers publics
sont passés, du consentement de l'État, mais en vue d'un but
déterminé, dans la propriété d'un particulier et qu'ils n'ont
pas été. employés conformément à leur destination (3). Tou-
tefois la loi Julia sur les peciiniae residuae, déjà mentionnée,
a également établi, pour la réclamation des deniers de l'Etat
qui n'ont pas été employés conformément à leur destination,
une action publique comprenant comme supplément pénal un
tiers de la somme due (4).
9. Peut-être a-t-on fait aussi rentrer dans le péculat la perte
dolosive ou simulée d'un navire au préjudice de la caisse de
l'État (5).
A l'époque impériale, le patrimoine de l'empereur a été, en
substance, traité au point de vue pénal comme le patrimoine
de l'État (G).
Le péculat municipal, le détournement de deniers munici-
(1) C. Curius, un parent de G. Rabirius, fut accusé de peculatu facto et
de tabulario incenso (Gicéron, Pi^o Rab. ad pop., 3, 7); un chevalier romain
de Picenuni, homme notalile, Q. Sestius, fut accusé d'avoir mis le feu à un
tabularium (Gicéron, De n. d. 3, 30, 74). Il n'est pas certain, mais n'est
pas invraisemblable, qu'il s'agit ici de la même affaire et que les textes
appartiennent à notre matière.
(2) Dig., 48, 13, 11, 5.
(3) Diçi., 48, 13, 11, 4.
(4) Diç/., 48, 13, 2. 1 5, pr. 1. 2. Gette règle ne peut s'appliquer aux cho-
ses non fongibles, même s'il y a obligation de fournir une indemnité.
(5) Il y a doute sur le point desavoir, si le préjudice causé à Vaerarium,
en provoquant par dol ou en simulant un sinistre maritime entraînant la
perte des oi^jets achetés pour les besoins de l'armée, préjudice sur lequel
so fonde l'accusation capitale dirigée en 542/212 par voie de procédure
tribunitienne-comitiale contre le fournisseur M. Postumius (Tite-Live
25. 3, 10. 11), doit être considéré comme un crime de lèse-majesté ou
comme un péculat. La première opinion est plus vraisemblable, parte
que l'action est tribunitienne et que les éléments du délit indiquent plu-
tôt un damnum qu'un fuHuin; le fait que l'accusé n'est pas un magistrat
n'est pas un argument décisif contre cette opinion (II p. 260 h. 6). Cpr.
III p. 79 n. 2.
(6) Paul, 5, 27. Dig., 48, 13, 8. 1.
J
APPROPRIATION DU BIEN D'AUTRII 75
paux (1) et la falsification des livres et des titres de la cité (2)
ont été traités comme délits conformément aux règles posées
dans le? différents droits municipaux. Ceux-ci contiennent
aussi des dispositions spéciales sur les pecwiiae residuae; d'a-
près la lex Malacitana, l'administrateur de deniers publics ou
son héritier doit, dans un délai de trente jours à partir de la (768)
cessation de l'administration, rendre compte à la caisse muni-
cipale et lui acquitter le reliquat dû (3). — Ces actes malhon-
nêtes commis vis-à-vis des patrimoines municipaux n'ont cer-
tainement pas été, à l'époque ancienne, traités par le droit
romain comme péculat ; la jurisprudence postérieure a, non
pas, à vrai dire, sans hésitation, assimilé le péculat municipal
à celui qui est commis vis-à-vis de l'État (4).
Les éléments constitutifs du furtum se retrouvent aussi dans
le péculat tel qu'il était originairement délimité : ce sont l'at-
touchement (5), la restriction aux objets mobiliers (6), l'inten-
tion de réaliser un enrichissement injuste, le dommage causé
à la communauté. Ces éléments ne se rencontrent pas dans les
extensions du péculat, notamment dans les peciiniae residuae.
(1) La lex municipii T avenlini éinhWi pour ce cas une action populaire au
quadruple qui doit être portée devant des récupérateurs (I p. 263 n. 3).
(2) Gicéron, Pro Cluenlio, 14, 41. 44, 125 : qui tabulas publicas municipii
manu sua corrupisse judicatus sil. On trouve des dispositions semblables
dans des droits municipaux non romains : Gicéron, Verr., 1. 2, 37, 90.
(3) Lex. Col. Mal., c. 67.
(4) Papinien, Dig., 47, 2, 82 : ob pecuniam civitati sublractam actione furti,
non crimine peculaius tenetur. En sens contraire, Marcellus, Dig,, 48, 13, 5,
4 : sed et si de re civitatis aliquid sub>ipiat[ur]. constitutionibus principum di-
vorum Trajani et Hadriani cavelur peculaius crlmen committi, et hoc Jure
ulimur. Il n'est pas possible de concilier ces deux textes; peut-être les
constitutions citées ne visaient-elles que des cas particuliers et les juris-
consultes se séparaient-ils sur le point de savoir si elles étaient d'une
application générale ou non.
(5) Paul, 5, 27 : si quis fiscalem pecuniam attrectaverit subripiierit mutave-
rit (cpr. III p. 36 n. 3) seu in suos usus converterit, in quadruplum ejus pe-
cuniae quam sustulit condemnatur. Dig., 48, 13, ï : lege JuHa peculaius cave-
tur, ne quis ex pecunia sacra religiosa publicave auferat neve intercipiat fieve
in rem suam vertal.
(6) G'est ce que montre l'emploi du mot peculaius et l'importance toute
particulière donnée au mot pecunia dans la loi.
I
76 DROIT PÉNAL ROMAIN
Procédure La natuTB même du délit implique que le vol d'un objet
capitale en , . . i > /■> • ' ' 3 x ,. x '
cas de apparlenant aux dieux ou a 1 Etat ait ete de tout temps re-
saciiegiurati primé d'officc commc le crime d'État (l) et les renseignements
de pecutatus.
peu abondants qui nous sont parvenus à cet égard confirment
que ces deux délits rentraient originairement dans la compé-
tence des questeurs pour meurtre. C'est certainement en s'ins-
pirant de l'ancien d^oit que Cicéron, dans sa constitution ima-
ginaire, range le sacrilegium dans la notion procédurale du
meurtre (2), et le plus ancien procès de péculat que mention-
(769) nent les annales fut, d'après la meilleure version, porté par les
questeurs devant les comices (3). — On ne peut ni affirmer
ni nier avec certitude que cette procédure ait été plus tard
remplacée par le procès d'amende tribunitien. On peut en fa-
veur de l'affirmative faire valoir que la procédure des ques-
teurs, qui ne connaît vraisemblablement pas d'autre peine que
la peine capitale, ne cadre pas avec les tendances de la fin de
la République et que la communauté est aussi directement in-
téressée à la répression, en cas de sacrilegium eidepecidatus,
que dans les accusations à raison d'un crime d'Etat; mais tout
ce que nous savons par ailleurs sur la répression de ces dé-
(1) J'ai méconnu ce iioint dans mes Rom Forsch., 2, 447. Si le sacrilegium
et le peculaius avaient été uniquement réprimés suivant les règles de
l'action privée comme fitrtum rei sacrae ou m publicae, la science du droit
romain n'aurait nullement mis à part ces catégories de délit.
(2) II p. 222. Gicéron, De leg. agr., 2, 9, 22 : sacrum qui cleperit rapsilque,
parricida esto. Comme le mot parricidium n'a jamais été appliqué aux
délits contre la propriété, l'expression parricida esto peut seulement si-
gniûer que ce délit vient devant les guaeslorcs parricidii.
(3) Sur le procès de péculat du dictateur Camille {III p. 72 n. 3) nous
avons deux versions: d'après l'une (Pline, H. n., 34, 3, 17, vraisemblable-
ment empruntée à Pison ; cpr. 0. Hirschfeld dans Feslschrifl fiir Friedlun-
der, p. 131), l'action est intentée par le questeur Sp. Carvilius; d'après
l'autre, (Tite-Livo. 5, 32. 8 et les écrivains qui s'inspirent de lui) par le
tribun de la plèbe L. Appuleius. Tandis qu'une action d'amende tribuni-
tienne ne se conçoit pas l)ien à cette époque ancienne et que le nom dé-
magogique de l'institution révèle une origine tardive, on peut conclure
de la première version, bien qu'elle ne soit pas plus confirmée que la se-
conde, que des annalistes bien renseignés font rentrer le i)éculat dans la
compétence des questeurs.
APPROPRIATION DU BIEN D'AUTRUI 77
lits est dans l'ensemble défavorable à une telle conjecture (1).
Xous avons la preuve pour le sacrilegium (2) et en quelque
sorte aussi pour le péculat que la peine était originairement
capitale (3\ Mais il est certain que cette peine n'a pas disparu (770)
beaucoup plus tard pour le vol public que pour le vol commis
vis à-vis du patrimoine d'un particulier. Gomme nous l'avons
déjà dit, nous n'avons pas de preuves suffisantes que cette
peine ait été remplacée par une procédure d'amende crimi-
nelle (4) et il est bien possible qu'on se soit plus tard contenté
à cet égard de la procédure d'indemnité rigoureuse dont
nous allons maintenant parler.
(1) En dehors de la version plus récente du procès do péculat dirigé
contre Camille (III p. 76 n. 3), on peut citer ici le procès de péculat in-
tenté contre les Scipions et qui se termina par la condamnation de L. Sci-
pio à une amende pécuniaire (AuluGelle, 4, 18. 6, 19. Tite-Live, 38, 56, 8;
pour plus de détails : Rom. Forsch., 2, 466 sv.). Mais le fait que ce pro-
cès fut intenté nullo exemplo enlève toute force à cette preuve.
(2) Sénèque, De benef., 1, 7 : [Dion) omnes (sacrilegos) de saxo dejecturus
est, sans aucun doute eu égard à la règle du droit romain. Julius Victor,
Ars rhet. 3, 15 : fur quadruplum solvat, sacrilegus capite puniatuv. Claudius
Saturninus, Dig., 48, 19, 16, 4 : loeus facit, ut idem vel furtum vel sacrile-
gium sit et capite luendum vel minore supplicia.
(3) D'après Diodore, 29, 21 = Excerpta Vatic, p. 70, L. Scipio est me-
nacé de la peine de mort à raison du péculat qui lui est imputé (xa-rriyo-
poûjjisvo; {itt' a-JTôJv — les tribuns qui accusent — Ssivô) 6avâ9a)), renseigne-
ment qui a sans doute été emprunté à Polybe. On peut vraiseml)lable-
ment citer aussi en ce sens les procès intentés par les Génois contre les
Vituriens qui, au dire des premiers, poussaient à tort leurs troupeaux sur
la campagne génoise. D'après la sentence arbitrale de 637/117 (C. I. L., V,
7749 := Bruns, Fondes 6, p. 358), les Génois devaient dans un délai déterminé
rendre la liberté à ceux qui ob injourias judicati aut damnatl si/nt, sei guis
in vinculeis ob eas res est. Il semble qu'on pense ici à des condamnations
capitales {judicati) et à des condamnations d'amendes [damnati) qui con-
duisirent à un emprisonnement, parce que la peine de mort ne fut pas
exécutée et que l'amende ne fut pas payée. La notion générale d'injuria
devra donc, selon les circonstances, être appliquée au préjudice causé à
la propriété publique, donc à des délits du même genre que le péculat.
(4) D'après la loi du village de Furfo, en cas de vol d'un objet appar-
tenant à un temple (I p. 262 n. 3), 1> chef du village a le droit d'infliger
une peine pécuniaire dont il fixe arbitrairement le montant, sous réserve
de l'appel à l'assemblée du village. Si l'on remplace le chef du village
par le magistrat et l'assemblée du village par le peuple, cette procédure
concorde parfaitement avec son modèle; la procédure d'amende peut très
bien avoir pris ici la place de la procédure capitale e.xclue dans cette
quasi-autonomie.
78 DROIT PÉNAL ROMAIN
Procédure A côlé de l'aclioD pénale publique pour cause de sacrile-
e'n cas de çïuni ^^ de peculatiis^ la communauté lésée a dû avoir à sa
sacriiegium (t\, disposilJon uue procédurc d'indemnité, car le préjudice subi
de peculatus.
n'est nullement réparé par la peine capitale, et si la procédure
d'amende a été permise dans ce cas, l'amende ne pouvait pas
être regardée en droit comme une indemnité (1). Il y a sans
doute eu de tout temps dans ce but une forme de procédure
analogue à l'action privée de vol (2), que nous rencontrons
dans les lois municipales comme judicium publicum, tantôt
avec limitation au magistrat du droit d'intenter l'actiou, tan-
tôt sous la forme d'une action populaire (3). C'est de ce procès
qui se déroule dans la forme d'une action délictuelle privée
(771) et non de la procédure à proprement parler criminelle qu'est
issue au dernier siècle de la République la quaestio spéciale
au sacrileghini et au peculatus. La procédure de la quaestio,
pour laquelle on mentionne aussi la litis aestimatio (4). ne
peut pas avoir é;é essentiellement distincte de celle de l'ac-
tion de vol. Elle tend ordinairement, d'après le droit ro-
main comme d'après les droits municipaux, à faire obtenir le
quadruple du montant du vol ou de la valeur des objets vo-
(1) On ne peut recourir dans ce but ni à la confiscation du patrimoine
qui se lie à la perduellion, car le voleur d'un objet de la communauté
n'est pas ■perduellis (Appien, B. c, 3, 54); ni à la réglementation consu-
laire-censoriale des rapports patrimoniaux entre la cité et le citoyen, car
cette institution ne s'étend pas à la matière des délits.
(2) En faveur d'un procès civil par voie de représentation de la cité, on
peut faire valoir qu'à raison des fraudes commises par les fournisseurs
de l'armée pendant la guerre d'Hannibal (III p. 74 n. 5) une dénonciation
fut faite au préteur url)ain M. ^Emilius (ou M. Atilius) et que celui-ci,
après un débat sur l'affaire devant le Sénat, ne donna pas suite à cette
dénonciation (Tite-Live, 23, 3, 12). Une procédure du même genre se trouve
sans doute aussi servir de base au récit du procès des Scipions chez Va-
lère d'Antium [Rom. Forsc/i., 2, 445. 471).
(3) La lex municipii Tavenlini, 1. 4, donne, en cas de péculat, une action
civile au quadruple qu'elle réserve au magistrat : qunnli ea res erlt, qua-
druplum rnultae eslo eamque pequniam municipio dure damnas esio, ejusque
pequniae magistralus queiquomqtiein municipio eril, petitio eraclioque esto \\a.
loi de Malaca, c. 67, donne l'action civile au double à tout citoyen : q(uanti)
e[a) r{es) eril, tanlum el allerum lanliim niunicipibus ejiis inunicipi d{are)d(am-
nas) e{sto) ejusque pecuniae... qui volet., aclio pelilio perseculio eslo.
(4) Cicéron, /Vo Mur.. 20, 42.
APPROPRIATION DU BIEN D'AUTRUI 79
lés (1); mais, dans les cas les moins graves, la condamnation
ne s'élève qu'au double (2) ou ne comprend même qu'un sup-
plément pénal du tiers (III p. 71 n. 6, III p. 74 n. 4). Pen-
dant un certain temps, la vieille procédure capitale et l'action
d'indemnité se sont maintenues à côté l'une de l'autre dans
la théorie, comme le procès comitial de perduellion a sub-
sisté à cùté de l'action de lèse-majesté ; c'est pour cela que le
sacrilegium a encore été traité longtemps, au moins nomina-
lement, comme crime capital (III p. 76 n. 2). Mais on vit
alors apparaître dans la procédure de quaestio des peines cri-
minelles proprement dites pour le délit principal : la loi Julia
introduisit vraisemblablement le bannissement hors de l'Italie
et l'interdiction (3); celle-ci fut remplacée, suivant l'évolution
ordinaire, par la déportation pour les personnes de condition et
par les travaux forcés pour les petites gens (4). A côté d'elles,
la peine du quadruple pouvait subsister, car riulerdiclion ne
privait pas le condamné de son patrimoine et pratiquement
la déportation ne s'appliquait vraisemblablement que comme
peine maxima.
Pendant la dernière période de l'époque impériale, le vol
d'un objet appartenant à un temple fut rangé parmi les vols
qualifiés et nous aurons à en reparler à propos de ces der-
niers (III p. 85). Quant au péculat des magistrats, les empe-
reurs, en vertu de leur pouvoir répressif illimité, l'ont fré-
(1) La lex municipii Tarentini 1. 4 (III p. 78 n. 3), Paul, 5, 27 rz Edit de
Théodoric, 115. Dig., 48, 13, 8, 1. 1. 15. Indemnité du quadruple en cas d'ac-
ceptation d'un prêt d'argent sur les fonds des caisses publiques : C. Th.,
10, 24. 1 rr C. Just.,lQ, 6, 1. Par contre, il suffit ici, lorsqu'il y a plusieurs
coupables, d'une seule prestation du quadruple (Dig., 49, 14, 46, 9 : si mulli
fisco fraudem fecerint, non ut in aclione furli singuli solidum, sedomnes semel
quadrupli poenam pro virili portione debent. Sane pro non idoneis qui sunt ido-
nei conveniuntur).
(2) Telle est la règle posée par le droit municipal de Malaca pour le
cas où les pecuniae residuae ne sont pas acquittées à temps (III p. 78 n. 3).
(3) Nous n'avons pas de témoignage en ce sens, mais il est vraisem-
blable que la déportation s'est également ici substituée à l'interdiction.
(4) Dig., 48, 13, 3. 1. 8, 1. Le vol d'un bien appartenant à un temple est
puni de la même manière (III p. 83).
80
DROIT PÉNAL ROMAIN
(772)
Action
de péculat
contre
les héritiers.
Prescription
de raclioQ
de péculat.
querament réprimé plus sévèrement et même parfois frappé
de la peine capitale (1).
La règle générale, d'après laquelle le délit s'éteint par la
mort du coupable et l;i peine ne peut être réclamée des héri-
tiers qu'autant que le procès a été engagé du vivant de l'ac-
cusé, a été écartée en cas de peculatus et sans doute aussi en
cas de sacrilegium. Nous avons déjà mentionné les procès in-
tentés dans la forme de la quaestio contre les héritiers de Cn.
Pompeius Strabo (III p. 72 n. 3) et du dictateur Sylla (III
p. 71 n. ;j), et même, d'après les témoignages de l'époque
postérieure, les actions de ce genre ne se sont pas limitées à
la réclamation de l'enrichissement ou de l'indemnité du sim-
ple, mais elles ont été permises contre les héritiers dans la
même mesure que contre le coupable lui-même (2). II n'y a
pas de principe qui justifie cette procédure exceptionnelle, on
ne peut que l'excuser au nom de l'intérêt public (3).
Par exception, ou fixa un délai de cinq ans pour la prescrip-
tion de l'action en matière de péculat (4).
Vol
de moissonâ.
4. Vol de moissons.
La loi des XII Tables, à notre connaissance, ne frappe d^une
peine publique le vol d'objets appartenant à des particuliers
que dans une seule hypothèse: en cas de vol de moissons sur
[)i('d, lorsqu'on le commet la nuit en faisant pacager les récol-
P^
(1) C. r/i.,9. 28, 1 — C.Jusl. 9. 28, 1. Gpr. C. Th., 9, 27, 5 (adoucie, C. Jusl.,
9, 27. 3). C. Th,. 10, 24, 2 = C. Just., 10, C, 2. On signale des mesures sé-
vères contre le péculat de la part d'Aurélien (vila, 39) et de Valens {Amm.,
31, 14, 2).
(2) Cela est dit de la manière la plus nette dans le droit municipal de
Malaca (III p. 78 n. 3). De même, le langage de Papinien Dig., 48, 13. 16:
jjublica jiidkia peculatus et de rexiduis et repelundarum similiter adversus lie-
redem exerrenlur ne peut pas être interprété dans le sens d'une simple
obligation de restituer l'enrichissement.
(3) Lorsque Papinien, toc. cit., poursuit : nec immerito, cum in lus quaci^lio
pr/ncipalis afjlatue pecuniae moveatur, cela ne peut s'appliquer au supplé-
ment pénal et pourrait être dit avec autant df raison de l'action privée
de vol.
(4) Dig., 48, 13, 9.
APPROPRIATION DU BIEN D'AUTRUI 81
tes par des troupeaux ou en les coupant (1), ou encore lorsqu'on
le réalise au moyen de sortilèges (2). La cause de cette règle
spéciale est que le possesseur n'est pas en état de se défendre
contre ces deux sortes de préjudice. La preuve que ce délit (773)
est réprimé comme délit public résulte non seulement de son
groupement avec le meurtre, mais aussi de Idi sacratio (3). Cette
procédure est certainement tombée rapidement en désuétude;
nos sources juridiques, dans leurs mentions fréquentes du vol
de moissons, ne font jamais allusion à la vieille prescription
pénale. Il y a également eu, d'après la loi des XII Tables, en
cas de vol de moissons, une procédure d'indemnité ; toutefois
les dispositions du droit romain à cet égard ne nous sont pas
connues d'une façon suffisamment claire (4).
5. Vol qualifié de l'époque impériale.
11 est naturel que de tout temps les chefs de la cité romaine voi qualifié
, . . . 1 , . de l'époque
soient intervenus par voie administrative contre les catégories impériale.
de voleurs qui ne causent pas seulement un préjudice aux par-
ticuliers, mais qui mettent aussi en danger la sécurité publi-
que. Le gouvernement romain ne se laisse guère arrêter par
des scrupules juridiques dans son intervention administrative
arbitraire, qui se produit surtout vis-à-vis des couches inférieu-
res de la population de la capitale. Le manque de continuité
(1) Pline, H. n., 18, 3, 12 (= Schôll 8, 8 [Girard. 8, 9]) : fruqem aratro
quaesitam fuvtim noctu pavisse ac secuisse puberi XII tabulis capital o'at sus-
pensumque Cereri necari jubeianl rjravhis quam in homicidio convictum , impu-
bem praetoris arhitratu verberari noxlamve diiplionemve decerni.
(2) Scholl, 8, 1 [Girard, 8, 8]. On interdit alienos fructus excantare (Sé-
nèque, N. q., 4, 1 ; presque dans les mêmes termes : Pline, H. n., 28, 2, 17)
ou frttges aliénas veneficiis pellicere (Pline, H. n., 18, 6, 41, de même Servius
sur Virgile, Ef/L, 8, 99) sous peine du supplicium (Gicéron, chez Augus-
tin, De c. d., 8, 19). Cette action est encore portée à une époque relative-
ment tardive devant le tribunal du peuple dans la forme d'une procédure
d'amende édilicienne (Pline n. h. 18, 8, 41-43).
(3) Sur la conception de la peine publique comme sacrifice et sur son
exécution par crucifiement cpr. le Liv. suiv.
"(4) Le passage cité n. 1 parait ordonner, pour le cas où le coupable
est un impubère en puissance, la procédure privée, c'est-à-dire l'action
de vol noxale.
Droit Pénal Romain. — T. III. 6
82
DROIT PÉNAL ROMAIN
(774)
de ce régime et la mollesse qui s'est manifestée dans son ap-
plication ont été les principales causes qui l'ont empêché d'as-
surer l'ordre et la sécurité; il n'y a aucun doute sur ce point.
L'avènement de la monarchie a opéré un changement à cet
égard, du moins dans une certaine mesure; mais cette réforme
eut plutôt lieu par un accroissement de la répression admi-
nistrative que par une modification de la loi pénale. Les nou-
veaux fonctionnaires de la capitale, dépendant immédiatement
de l'empereur, notamment le préfet de la Ville et le préfet des
vigiles, ont inauguré une administration de la justice très
énergique et sommaire, et un mouvement analogue eut lieu
dans une certaine mesure pour les provinces où l'action du
pouvoir central provoqua un fonctionnement plus rigoureux
de la police de sûreté. Cette réaction eut surtout lieu à l'égard
des délits contre la propriété.
Nous ne trouvons de prescriptions de droit pénal en ce sens
qu'à partir du second siècle de l'ère chrétienne ; depuis lors, il
peut être question quant au fond — car il n'y a pas d'expres-
sion spéciale à cet égard — d'un vol qualifié, c'est-à-dire d'une
répression criminelle de certaines catégories de vols dési-
gnées comme délits extraordinaires. 11 leur manque à tous
d'être formellement réprimés sur le fondement de vieilles
lois; de là vient leur nom de délits extraordinaires (1), mais
au fond ils appartiennent à l'administration régulière de la
justice (III p. 64 n. 1) et sont traités comme tels par la science
du droit. La fixation du taux de la peine est ici encore beau-
coup i)lus arbitraire que pour les délits ordinaires de cette
époque, (2) toutelois, lorsqu'il n'y a pas de circonstances par-
(1) Rigoureusement cette appellation signifie seulement que le magis-
trat examine cette alïaire en dehors de l'ordre fixé par le rôle {Coll., 7, 4,
1 : fures ad forum reynillendi suiit diurni, nocLurnique extra ordinem audiendi),
mais cela revient au sens indiqué au texte. Pour les délits ordinaires, la
loi qui les concerne indique l'ordre précis à suivre pour l'examen des
afTaires; cette base fait défaut pour les délits extraordinaires. On oppose
à ces derniers le judicium publicmn. Dig., 47, 14, 2 : abir/eatus crimen publici
judicii non est, quia furtum magis est. Difj., 47, 2. 93.
(2) Ce qui est dit des e.vpilatores : nulla spccialis poena rescriplis principa-
I
APPROPRIATION DU BIEN D'âUTRUI 83
liculièrement aggravantes, notamment lorsqu'il n'a pas été
fait usage d'armes, on ne dépasse pas la relégation pour les
personnes de condition et les travaux forcés pour les petites
gens (1). En outre, la peine publique ne peut pas être cumulée
avec la peine privée (2). Ces délits sont principalement répri-
més par voie de cognitio ; toutefois, bien qu'ils ne rentrent
pas dans le champ d'application des judicia publica, on leur
applique aussi parfois la procédure d'accusation (3). La seule
restriction est qu'il ne faut pas importuner les tribunaux
dans cette forme avec des vols de peu d'importance (4). Nous
devons maintenant dresser la liste de ces catégories de
vols qualifiés qui se rattachent, pour partie, à certaines
particularités du milieu de la capitale, et pour partie, comme
l'abigeat, à des états de choses spéciaux au milieu provincial. (775)
Dans l'ensemble, ils offrent plus d'intérêt pour les sciences
sociales que pour le droit; en outre, maints détails restent
obscurs.
1. Lorsqu'un délit contre la propriété est commis à main
armée, le droit pénal ne le réprime pas comme tel, car cet acte
tombe sous le coup de la loi sur le meurtre. Toutefois, s'il n'y
libus imposita est ; idcirco causa cognita liberum erit arbitviumJïstatuendi ei qui
cognoscit (Ulpien, Dig., 47, 18, 1, 1) s'applique à toutes les catégories.
D'après une constitution d'Alexandre Sévère {vita, 15), on interdit, par
voie administrative, au voleur de séjourner dans les villes.
(1) Ulpien, Dig., 47, 18, 1, 2: oporlehit aeque et in effractores et in ceteros
supra scripfos causa cognita statui, prout admissum suggerit, dummodo ne quis
in pleheio operis publici poenam vel in honestiore relegationis excédât.
(2) Paul, 5, 18, 1. Dig., 47, 2, 57, 1.
(3) Ulpien, Dig., 47, 2, 93 : meminisse oportebit nunc'^furti plerumque crimi-
nalité)' agi et eum qui agit in crimen subscribere, non quasi publicum sit judi-
cium, sed quia visum est temerilatem agentium etiam extraor dinar ia animad-
versione coercendam. La procédure d'accusation est également mentionnée
ici à propos du vol d'hérédité {Dig., 47, 19, 1) et à propos de l'abigeat et
n'y est nullement considérée comme une anomalie, ainsi que cela res-
sort de l'extrait inexact {Cod, Just., 9, 37, 1) de la constitution correc-
tement rapportée au C. Th., 2, i, 8, 1.
(4) Marcien. Dig,, 48, 19, 11, 1 : furta domestica si viliora sunt publice vin'
dicanda non sunt nec admittenda est hujusmodi accusatio, cum servus a domino
vel liberlus a patrono, in cujus domo movatur, vel niercennarius ab eo, cui ope-
ras suas locaverat, o/fertur quaestioni.
84 DROIT PÉNAL ROMAIN
a pas eu de blessure causée, le délit est aussi traité comme
vol grave (1).
2. Les aubergistes, qui font profession de donner abri aux
brigands et aux voleurs {receptores ou receptatores) (2), sont
frappés au criminel d'une peine que le droit ne détermine
pas (3). On s'attache ici principalement au fait de recevoir des
criminels, mais on tient également compte de la réception des
biens volés, c'est-à-dire du recel (4).
3. Le ravisseur de bétail [abigeus) est traité comme voleur
qualifié, lorsqu'il a chassé le bétail de la prairie (5) ou même
de l'écurie (6), à la condition qu'il enlève au moins un éta-
lon ou deux juments ou deux vaches ou cinq porcs ou dix
moutons ou dix chèvres (7). Les principales circonstances ag-
gravantes sont l'emploi d'armes, l'accomplissement du délit
en bande (8), la répétion du délit (9) et aussi la fréquence
(776) de ce délit au même endroit (10). On rencontre ici la peine de
(1) Coll., 7, 4, 2 = Dirj.. 47, 17, 1.
(2) Paul, 5, 3, 4 : receptores adgressorum itemque latronum eadem poena
adficiiintur quaipsi latrones. Ulpien, Diq., i, 18, 13 jor. : (praeses) et sacvilegos
latrones plagiarios fiires conquirere débet... receptoresque eorum coercere, sine
quitus latro diutius latere non potest. De même, Dig., 1, 15, 3, 1. 47, 16, 1.
C. Th.. 9, 29, 2= C. Just., 9, 39, 1, 1. Callislrate, Dig., 47, 14, 3, 3: recepto-
res abigeorum.
(3) Sous le nom de receptatores , on pense surtout à ceux qui donnent
l'hospitalité aux voleurs de grand chemin ; mais étant donné que chez
Paul, loc. cit., comme au titre des Dig., 47, 16 de receptatoribus, il en est
question à propos de la liste des crimes extraordinaires, il m'a paru
plus convenable de n'en traiter ici qu'à propos du vol de grand chemin.
(4) Dig., 47, 9, 3, 3. Les deux choses se confondent quand on donne abri
à un esclave fugitif.
(5) Paul, Coll., 11, 2: de stabulo vel de pascuis. Ulpien, Coll., 11, 8, 1 r=:
Dig., 47, 14, 1, 1 : ex pastu et ex armentis.
(6) Paul. loc. cit. Dig., 47, 14, 3, 1.
(7) Paul, 5, 18, 1, cpr. Coll., H. 3. Gallistrate, Dig., 47, 14, 8 indique des
chiiîres un peu différents.
(8) Paul, C<dl., 11, 2 : aut ferro aut conducla manu.
(9) Paul, Coll., 11, 2: (ou il faut rayer vel avant si) ; Gallistrate, Dig.,
47, 14, 3, 2. Rechute : Coll., 11, 7, 2. Profession : Coll., 11, 8,
(10) Hadrien, Coll., 11,7: puniuntur ilurissime non ubique, sed ubi frequen-
tiiis est hoc genus malnficii. Gela semble avoir été notamment le cas dans
la Bétique ; Virgile {Georg., 3, 408 avec les scolies) le dit déjà et les cons-
titutions d'Hadrien et d'Antonin le Pieux (Coll., 11, 6. 7), relatives à cette
APPROPRIATION DU BIEN D'aUTRUI 85
mori, notamment lorsque le voleur s'est servi d'armes (1). Or-
dinairement, ce délit est réprimé, chez les personnes de
condition, par la relégation et la perte de la situation honori-
fique (2), et., chez les petites gens, abstraction faite de la
correction, par les travaux forcés à temps ou à perpétuité (3).
4. Le vol d'un bien appartenant aux dieux apparaît main-
tenant comme vol qualifié. On ne retrouve pas ici la res-
triction formelle du sacrilegium aux sanctuaires du peuple
romain; mais la peine s'élève si le préjudice atteint un sanc-
tuaire public et fréquenté (III p. 69 n 3.) En général, les vo-
leurs de temple sont punis de la déportation, s'ils appartien-
nent aux meilleures classes, et des travaux forcés, si ce sont
de petites gens. Le vol a-l-il eu lieu la nuit avec effraction et
en bande, on condamne à une peine de mort rigoureuse (4).
0. Le voleur avec effraction {effractarius, effractor){"j), no-
tamment si le délit est commis la nuit (6). Il peut aussi être
poursuivi à raison de la violence commise (II p. 381). On men-
tionne incidemment l'application de la peine de mort au regard
catégorie de délits, sont faites pour ce pays. Il est intéressant de signaler
que Valentinien I, pour remédier aux vols de bestiaux dans l'Italie cen-
trale et inférieure, y défendit l'usage des chevaux aux personnes qu'il
n'exceptait pas de sa prohibition (C Th. 9, 30).
(1) Coll., 11, 8, 4 rz: Dig., 47, 14, 1, 3: Romae etiam besliis subici ablgeos
videmus, et sane qui cum gladio abigunt, non inique hac poena adficiuntur.
Coll., li, 2. 6. Dig., 47, 14, 2. En général, la peine de mort est critiquée et
le mot gladius dans une constitution bizarrement rédigée d'Hadrien est
au moins interprété comme ne désignant que la condamnation aux com-
bats de gladiateurs (Coll., 11, 7). Edit de Théodoric 56-5S.
(2) Coll., il, 8, 3 zr Dig., 47, 14, 1, 3 : aut relegandi erunt aut removendi
ordine. Les receptores sont relégués pour dix ans dans les provinces :
Dig., 47, 14, 3, 3.
(3) Metallum ou opus publicum : Coll., 11, 2. 7 zr Dig., 47, 14, 1, 3.
(4) Paul, 5, 19 : qui noctu manu facta praedandi ac depopulandi graiia tem-
plum inrumpunt, bestiis obiciuntur ; si vero per diem levé aliquid de templo
abstulerint, vel deporlantur honestiores vel humiliores in metallum damnanlur.
Ce texte montre déjà combien les vols dans les temples étaient nom-
breux au cours de la dernière période de l'Empire ; les instructions des
empereurs recommandent notamment aux gouverneurs de province de
punir sévèrement les sacrilegi{Dig., 1, 18, 13, pr. 48, 13, 4, 2. 1. 7. 1. il, pr.).
(5) Effractarius : Sénèque, Ep., 69, 4; ailleurs effractor.
(6) Dig., 1, 15, 3, 1. 2. Coll., 7, 4 = Dig., 47, 17, 1, 2. tit. 18, 2. 48, 19, IG, 6.
86 DROIT PÉNAL ROMAIN
des esclaves (1), mais on ne l'approuve pas (2). Régulièrement,
on condamne ici, comme en cas d'abigeat, les personnes de
condition à la relégation (3) et à la perte des droits honori-
(777) fiques (4), et les petites gens, en dehors de la correction (5),
aux travaux forcés qui dans certains cas sont infligés à per-
pétuité (6).
6. Celui qui commet un vol dans un établissement de bains
{fur balnearius) (7), qu'il soit un employé des bains (capsa-
rius) ou une autre personne (8).
7. Le voleur au sac {sacculariiis), terme sous lequel on sem-
ble embrasser les fraudes commises dans le remplissage ou
par l'ouverture des sacs de marchandises et d'argent (9).
8. Le voleur de nuit (10).
9. Le voleur de grande envergure [expilator) (11).
Cette énumération semble n'avoir dans les écrits juridiques
que la valeur d'une direction donnée aux magistrats intéres-
sés; ceux-ci doivent, lorsqu'ils découvrent une circonstance
(1) Dig.. 12, 4, 15.
(2) Dig., in, 18, 1, 2.
(3) Coll., 1. i = Dig., 47, 17, 1. tit. 18, 1, 2 où la relégation est détermi-
née d'une manière plus précise comme exclusion du ressort du pays
d'origine, mais où l'on ajoute qu'elle peut avoir lieu dans une forme plus
rigoureuse.
(4) Ordine ad tempus moveri: Dig., 47, 18, 1, l.
(5) Dig., 47, 18, 2.
(6) Coll., 7, 4 =r Dig., 47, 17, 1. Dig., 47, 18, 1, 1.2. 1. 2.
(7) Gloses, 2, p. 255, Goetz : liaXavox^éTiTr,? z= fur balnearius ; Catulle, 35 ;
Tertullien, De persecut. 13, ApoL, 44. Ce vol doit avoir été tenu pour par-
ticulièrement abject, car le soldat qui s'en rend coupable est exclu de
l'armée (Dig., 47, 17, 3).
(8) Coll.. 7, 4 = Dig., 47, 47, 1. Dig., 1, 15, 3, 5. Paul. 5, 3, 5 range
les fiires vel raptores balnearum parmi les criminels qui opèrent en turba
(II p. 382).
(9) Dig., 47, 11. 7 : saccularii qui velilas in sacculos artes exercenles parlem
subducunt, partem subtrahunt. Cette explication ne convient guère aux vo-
leurs à la tire (manticularii, Festus, p. 132 éd. Millier; Tertullien. ApoL,
44); par contre, subducere pourrait l)ien signifier le détournement dans l'en-
sachcment et subtrahere le détournement par voie d'ouverture du sac. On
pense ici surtout au sac d'argent, au folUs, qui circulait souvent fermé.
(10) Coll., 7, 4. 1 =r Dig., 47. 17, 1.
(11) L'expilator (Dig., 47, 18, 1, 1. 48, 19, 16, 6) ne semble se distinguer
du voleur ordinaire que par la grande importance du délit.
APPROPRIATION IH lUE.N I) AUTRUI 87
aggravante dans un vol, réprimer celui-ci au criminel, et non
pas renvoyer l'affaire à un tribunal civil. Ils ont en fait le
droit de frapper d'une peine publique tout voleur dénoncé (1)
et ils peuvent aussi, pour les cas de peu d'importance, lors-
que !e voleur a rendu la chose, le renvoyer en lui donnant un
simple avertissement (2).
6. Vol d'hérédité.
Lorsque l'hérédité échoit à des personnes qui, au moment
de la mort du défunt, étaient en sa puissance, les rapports ju-
ridiques qui constituaient le patrimoine du défunt passent (778)
d'office et sans interruption aux héritiers et dans ce cas
la mort n'a aucune importance pour la théorie du vol. Mais,
comme dans les autres cas la mort supprime d'abord les droits
patrimoniaux du défunt et laisse ainsi sans maître les objets
dont il était propriétaire, aucun vol ne peut, suivant la remar-
que faite III p. 42, être commis vis-à-vis des éléments de cette
« hérédité jacente » {hereditas jacens) et toute personne a le
droit de s'emparer de ces objets comme d'une pièce de gibier
ou d'un bien de l'ennemi et en acquiert la pleine propriété sui-
vant les règles d& la prescription acquisitive(3). Si cette pre-
mière règle relative à l'hérédité jacente résulte de l'essence
même de la construction juridique romaine, on ne peut pas
en dire autant des autres règles relatives à cette matière, d'a-
près lesquelles la possession d'un objet héréditaire ne fait pas
acquérir par prescription ce seul objet, mais la qualité même
d'héritier (4); la prescription d'un an, ex(;lae pour les im-
(1) C'est ainsi qu'en cas de vol de bétail rentrant dans la catégorie de
l'abigeat on laisse à l'appréciation du magistrat le soin ou de soumettre
l'affaire aux règles de la répression civile ou d'infliger au voleur la peine
de la correction et celle des travaux forcés légers pendant un an (Paul,
b, 18, \]. On rencontre aussi une peine publique ailleurs, même pour des
cas peu graves (Dig., il, 2, 71, 1. 1. 93).
(2) Dig., 47, 2, 57. 1.
(3) En droit civil, la pleine propriété ne s'acquiert jamais par la sim-
ple occupation, même sur un bien sans maître.
(4) Gains, 2, 54. Par conséquent, on appelle usucnpio pro lierede la près-
88
DROIT PÉNAL ROMAIN
(779)
meubles, s'applique à l'hérédité, même si celle-ci comprend
des immeubles ; et la bonne foi requise pour la prescription
n'est pas supprimée par la connaissance que le possesseur ac-
quiert non seulement des réclamations de personnes qui se pré-
tendent héritières, mais même de l'adition faite par un héritier
véritable. Ces prescriptions irrationnelles qui n'existent que
dans l'ancien droit civil ont sans doute pour seule explication
que la corporation au sein de laquelle le droit romain s'est formé
et développé avait en même temps la haute surveillance de la
vie religieuse des Romains et s'efforçait, surtout en matière
d'hérédité, d'assurer en fait la continuité des sacra p7'ivata {i) .
Youlait-on rattacher fermement ces derniers et en même
temps aussi les dettes du défunt au patrimoine et réagir effi-
cacement contre la tentative très possible des héritiers ab in-
testat de se soustraire aux charges de l'hérédité en occupant
simplement en fait l'actif du défunt, il fallait absolument lier
les obligations qui résultaient de l'adition d'hérédité à la
prise de possession des objets individuels de cette hérédité, et,
cription acquisitive d'une chose qu'on a appréhendée croyant avec rai-
son qu'elle faisait partie d'une hérédité (cas qu'il faut distinguer de
celui où un héritier possède une chose qu'il croit à tort appartenir à
l'hérédité : Dig., 41, 5, 3; Cod., 7, 29, 4). Les théoriciens du droit protes-
tèrent contre cette règle (Sénèque, De henef., 6, 5 : juris consultorum istae
ineptiae siint acutae, qui heredltalem nrf/ant usucapi posse, sed ea [peut-être
posse, posse ea\, quae in lieredilate sunt, tamquam quicquam aliitd sit heredi-
tas quam ea quae in heredilale sunt) et cela avec raison ; mais les con-
séquences de la régie attaquée avaient été jadis admises par le droit :
quamvis postea credilum sit, dit Gains, ipsas hereditates usucapi non posse,
tamen in omnibus rébus heredilariis , etiam quae solo tenentur, annua usucapio
remansit.
(1) Cicéron, De ler/., 2, 19, 48, expose en détail que la préoccupation
d'assurer la perpétuité des sacra qui incombaient aux familles (familiae)
avaient poussé les pontifes à formuler la règle zit ne morte palris familias
sacrorum memoria occideret, iis essent ea adjuncta, ad quos ejusdem morte pe-
cunia pervenerit. Gains, 2, 5o : quare autern omnino tam improba possessio et
usucapio concessa sit, illa ratio est, quod voluerunt veteres maturius heredita-
tes adiri, ut essent, qui sacra facerent, quorum illis temporibus summa obser-
vatio fuit, et ut creditores haberent, a quo suum consequerentur. On alla mémo
si loin dans cette voie du rattachement de la charge des sacra au patri-
moine qu'en cas d'insolvabilité de la masse on imposa cette charge aux
créanciers qui perdaient le moins.
APPROPRIATION DU BIEN D'AUTRUI 89
étant donné qu'il n'y avait, abstraction faite de prescriptions
parliciilières, aucun délai fixé pour cette adition, transfor-
mer rapidement en succession par un court délai de prescrip-
tion celte occupation de fait qui^ au regard des immeubles,
ne pouvait guère tarder à se produire. Par nature, cette usu-
capion, dont l'exposé plus détaillé appartient à la théorie de
l'hérédité, n'était donc, comme l'adition d'hérédité elle-même,
que la reprise non seulement des droits, mais aussi des obli-
gations du défunt ; Viisucapiens n'était même pas absolument
libéré de ces dernières, lorsque l'adition avait eu lieu(l). Il est
vrai cependant que, si l'héritier fait adilion, cette usucapion
privilégiée est ordinairement superflue (2), et c'est pour cette
raison qu'elle fut supprimée par un sénatus-consulte sous Ha-
drien (3). Il n'en résultait nullement que l'action de vol du
droit civil fût étendue aux objets héréditaires (^4). Ce fut seule-
ment pendant le règne de Marc-Aurèle que, sous l'empire de
la tendance alors dominante à réprimer le vol au criminel, un
autre sénatus-consulte fit rentrer l'appropriation injuste d'ob-
jets héréditaires, comme crimen expilatae hereditatis, dans la
liste des délits formellement extraordinaires (5). Les éléments
de ce délit sont les mêmes que ceux du furtum{<o) ; cette action (780)
pénale vient uniquement combler la lacune précédemment in-
diquée.
(1) D'après l'exposé de Gicéron, les sacra lui incombent, s'il acquiert au
moins autant que tous les héritiers ensemble. Mais les créanciers ne
peuvent dans ce cas s'adresser qu'aux héritiers.
(2) C'est pourquoi cette usucaplo s'appelle lucrativa (Gai., 2, 06. 57. Dig.,
47, 2, 72, 1) ou improba (Gai., 2, 55).
(3) Gai., 2, 57. 3, 201. Cod., 7,29, 1.
(4) Paul, 2, 31, H. Dig.. 25, 2, 6, 6. 47, 4, 1. 15. tit. 19, 2, 1. 1. 6. Si d'au-
tres personnes que l'héritier ont à l'objet héréditaire un intérêt qui leur
donne droit à l'aclio furtl, ils ont naturellement la faculté d'exercer cette
action (Dig., 41, 3, 33. 47, 2, 69-71)
(5) Dig., 47, 19, 1.
(6) Dig., 47, 19, 2. L'appropriation d'un objet qui appartient en réalité
iï l'hérédité, tandis que celui qui se l'approprie la considère comme ne
faisant pas partie de l'hérédité, n'est pas plus un vol {Dig., 47, 19, 6) que
l'appropriation d'un objet non héréditaire qui est considéré comme hé-
réditaire par celui qui s'en empare. {Dig., 47, 2, 84, yr.).
90 DROIT PÉNAL ROMAIN
Appropriation du pouvoir dominical {Plagium).
Notion La loi Fabia, certainement promulguée avant la fin de la Répu-
u p agmm. j^] j^^^ ^^-^^ j^^^jg ^^^^ |^ ^^^^^ ^g^ p^j. aiHeurs incertaine, prohibe
\q plagium — ainsi nommé, semble-t-il, du mot grec TiT^âyioç,
oblique au sens moral du mot (2) — c'est-à-dire l'appropriation
dolosive de la puissance dominicale soit sur un citoyen romain
ou sur l'affranchi latin ou pérégrin déditice (3) d'un citoyen ro-
main, lorsqu'elle a lieu contre la volonté de celte personne (4),
soit sur l'esclave d'une de ces personnes, lorsqu'elle a lieu con-
tre la volonté du maître (o). Par contre, l'appropriation du
pouvoir dominical sur l'homme libre pérégrin, y compris le
Latin, ou sur l'esclave d'un pérégrin, ne tombait pas sous le
coup de la loi (6). Cette loi a été provoquée par l'anarchie
sociale qui régnait on Italie à la fin de la République. Elle
avait pour but de réprimer le délit de rapt d'hommes et de
soustraction d'esclaves (7), devenu alors fréquent et princi-
(1) Cicéron, Pro Rab. ad. pop. 3, 8 : de spvvis alienis contra Ipgem Fahiam
retentis. Apulée, met., 8, -J4 cile pour ce délit, sans doute par méprise, la
loi Gornélia : crimen logis Corneliae incitrrens, si civem Romanum pro servo
tihi vendidero.
(2) Isidore, 10, 221 : plagiator ànb toO Tt/ayio-j, kl est ah obliqua.
(3) Ulpien, Coll.., 14, 3, 4 : civem Romanum eitmve qui in Italia liheratus est.
Paul, Coll., 14, 2, 1 : civem Romanum ingenuutn libertinumve. Cette protec-
tion s'étendait donc à tous les airranchis du citoyen romain, même aux
latins et aux pérégrins déditices. Lorsque la loi fut promulguée, sans
doute après la Guerre Sociale, il n'y avait vraisemblablement plus en
Italie d'autres latins que les affranchis latins, et, en dehors de l'Italie,
les citoyens romains étaient si peu nombreux qu'on pouvait ne pas tenir
compte de ceux de leurs alfranchis qui étaient privés du droit de cité.
(4) Diff., 48, 15, 6. 2.
(5) Cette règle est contenue dans le deuxième chapitre de la loi. Ul-
pien, Coll., 14, 3, 5. Cicéron (n. 1). Paul, Coll., 14, 2, l.
(6) La loi ne réprimait donc pas le rapt d'hommes dans les provin-
ces, aussi y était-il encore pratiqué au m" siècle de l'ère chrétienne
Celte restriction a disparu dans le droit de Justinien.
(7) Les mesures prises par Auguste à la fin des guerres civiles nous
montrent comment les choses allaient à cette époque. Suétone, Aug., 32 :
rapli per agros viaiores sine disrrimijie liberi servique ergastiilis posse.'iSQrum
supprimehantur et plurimae f'acliones litiilo collegii novi ad JiuUius non faci-
noris societalem coibanl... ergaslula recognovil.
du plagium.
APPROPRIATION DU BIEN D'AUTRII 91
paiement commis, semble-t-il, par des sociétés qui faisaient de
pareilles opérations une véritable entreprise (1), Peu impor- (781)
tait en droit de quelle manière l'appropriation avait lieu (2) ;
peu importait aussi, en cas de plagium d'esclave, si le plagia-
tor agissait contre la volonté de ce dernier, ou si, comme cela
était fréquent, il opérait d'accord avec lui (3). Naturellement,
quiconque sachant qu'il y avait eu appropriation injuste du-
pouvoir dominical acceptait cependant la transmission de ce
dernier, encourait la même peine que le premier plagiator (4).
Par suite des nombreux abus commis par les personnes qui ac-
cueillaient les esclaves fugitifs, on prohiba plus tard tout dé-
placement de propriété vis-à-vis de l'esclave tant qu'il était
en fuite et toute tentative de réaliser une aliénation de ce genre
entraîna pour les deux contractants la peine du plagium (5).
L'ancien droit n'accordait pas contre une usurpation de ce Peine
genre d'autre protection que l'attribution à la personne libre,
traitée à tort comme esclave, de la revendication privilégiée de
liberté devant les décemvirs, et la reconnaissance, au profit du
maître de l'esclave soustrait, de l'action de vol dont les condi-
tions d'exercice coïncidaient en principe avec les éléments du
(1) Si la loi punit comme complice celui qui. in eam rem socius fuerit
{Coll., 14, 3, 4. Dig., 48, 15, 6, 2), cette expression ne convient pas à la
complicité ; on pense sans doute ici aux societates de publicains qui ont
toujours joué le premier rôle dans le rapt d'hommes. L'extension de l'a-
mende élevée à chaque sociétaire, impossible sans une prescription spé-
ciale, était ici ordonnée. Gpr. Suétone, Aug., 32 (III p. 90 n. 7).
(2) Le vincire vincfumve habere vise l'appropriation violente (Coll., 14, 2,
1. c. 3, 4). Dig., 48, 15, 1, parle de l'achat de l'homme libre. Ordinaire-
ment l'appropriation est désignée par les mots : celare (Coll., loc. cit., et
ailleurs), supprimere (Suétone, III p. 90 n. 7. Dig.. 47, 2, 83, 2. 48, 15, 3. L
6, 1. Cod., 9, 20, 5), suhfrahere (Coll.,Ai, 2, 3).
(3) Fréquemment le plagiator donne abri à l'esclave en fuite et le ca-
che (Dig., 48, 15, 3. Cod., 9, 20, 2) ou bien même il décide l'esclave à fuir
(Coll., 14, 3, 5. Dig., 48, 13, 6. 2). Le simple fait d'occuper des esclaves
fugitifs ne suffit pas à prouver qu'il y ait eu plagium. (Dig., 48, 15, 6, 1).
(4) C'est ce cas que vise le vendere, comparare, emere. Coll., 14, 2, 1. 3.
c. 3, 4, Il en est de même de toute autre aliénation (Dig., 48, 15, 4).
(5) Fr. de jure fisci, 9. Paul, 1, 6 A, 2. Dig., 48, 15, 2. Cod., 9, 20, 6. Il
est vraisemblable que le plagiator cherchait fréquemment à déterminer
le volé à consentir une aliénation à bas prix.
92 DKOIT PÉNAL ROMAIN
plagium d'un esclave (1). Pour les deux cas, la loi Fabia éta-
(782j blissait, semble-lil, une aclion populaire. Chaque citoyen
pouvait se présenter devant le préteur comme demandeur et
une amende de oO.OOO sesterces par personne frappait celui
qui était convaincu de la faute ou son associé (111 p. 91 n. 1).
Celte somme, certainement après déduction d'une quote-part
pour le demandeur, tombait dans Vaerarium (2). Lorsqu'un es-
clave se rendait coupable d'un tel crime, il ne pouvait pas être
affranchi pendant un délai de dix ans (3). Plus tard — cette
réforme fut vraisemblablement l'œuvre de Garacalla (4) —
on prescrivit, pour le délit principal (o), une répression cri-
minelle (6) et la peine fut en mêmetemps aggravée. Depuis
lors, on condamnait ordinairement les personnes de condi-
tion à la relégation avec confiscation de la moitié du patri-
moine et les petites gens aux travaux des mines ou même
à la peine de mort (7). Par suite, dans le droit romain pos-
(1) D'après la constitution C. Th., 9, 20, 1 r= C, Jusl., 9, 31, 1, on peut, en
cas de vol d'esclave, agir au civil par l'action de vol ou au criminel par
l'action fabienne. Hadrien, [Big., 48, 15, 6 pr.), dit, il est vrai, que tout
vol d'esclave n'est pas un plagium; mais, quant aux éléments du délit, la
seule dilYérence à signaler est que le furtum usus n'est pas compris dans
le plagium (Dig., 41, 2, 83, 2 : qui ancillam non meretricem libidinis causa su-
brifmit, furti actione ienebituv, et si suppressit, poena legis Fabiae coercetur ;
cpr. III p. 44 n. 1).
(2) Coll., 14. 3, 5. Fr. de jure fisci, 9. Paul, 1, 6 A, 2 (où l'on a remplacé
avec raison quingenta par quinquaginta). La peine échut tout d'abord au
populus {Coll., loc. cil,), c'est-à-dire à Vaerarium, plus tard au fiscus (Fr.
de j . f., loc. cit. : quae liodie fisco vindi[catur]}.
(3) Dig., 40, 1, 12 : Ipge Fabia prohibetur servus, qui plagium admisit, pro
quo dominus poeiiam intulil, intra decem annos manumitti. 49, lo, 12, 16.
Lorsque le maitre ne voulait pas payer l'amende, une peine criminelle
frappait l'esclave.
(4) Ulpien, Coll., 14, 3, 3 dit à la vérité simplement que cet empereur
avait confié à titre exceptionnel la connaissance de cette action capitale
au procuralor qui ne remplissait pas les fonctions de gouverneur de pro-
vince; mais cela a eu seulement lieu, parce que l'action d'amende anté-
rieure était aussi fréquemment et non moins abusivement portée devant
les procuratores .
(5) Pour l'achat cl la vente de l'esclave fugitif, les peines pécuniaires
ont subsisté (Cod., 9, 20, 6).
(6) Cod., 9, 20, 3 : ut legis Fabiae poena deheatur, in crimen subscriplio et
accusalio et senlentia neccssaria est. Cod., 9, 20, 13
0) Coll., 14, 2, 2. 3. Dig.. 48, 15, 1. 1. 7. Cad.. 9, 20, 7. Edit de Théodoric,
APPROPRIATION DU BIEN D'AUTRLI 93
té rieur, le plagium a eu sa place dans la liste des crimina.
La vente de l'enfant en puissance par son père ne rentre pas vente
dans \q plagium. D'après Tancien droit, un tel acte est justifié
par le droit de propriété qui appartient au père. Il ne peut pas
enlever à l'enfant la liberté politique, mais il le met sous une
sorte de puissance dominicale conformément au droit privé.
Plus tard, lorsque cette vente d'enfant fut désapprouvée, elle
fut tout au plus considérée comme un abus de la puissance pa- (783)
ternelle (i). La vieille conception de cette puissance était à
cette époque encore si vivante qu'on ne pensa pas à punir une
telle vente comme rapt de liberté.
83 (où les peines sont modifiées). Constantin avait prescrit la peine de
mort d'une manière générale (C. Th., 9, 18, 1= C. Just., 9, 20, 16); Justi-
nien, Insl., 4, 18, 10 limite son application aux cas graves. Le passage
de Paul, 5, 6, 14 lege... Fabia aut eliam poena nummaria coercetur est altéré.
(1) Gpr. sur cette question Mitteis, Reichsrecht und Volksrecht, p. 359 sv.
Le puer ingenuus (ô âXsûOîpo; dans la traduction grecque) Cod., 3, 13, 2
ne désigne pas un fils ingénu, mais un jeune ingénu quelconque.
(784) SECTION IX
ATTEINTE A LA PERSONNALITÉ (INJURIA)
7«>na dans le Au dfoit, jiis, iioQ pas au sens éthique du mot, mais dans
angageusue. j^ signification qu'il reçoit au point de vue sociologique, on
oppose le tort, injuria. C'est sur cette étymologie que se fonde
l'acception générale de ce mot injuria, restreinte il est vrai
aux rapports de la vie sociale, mais essentiellement néga-
tive (1). Par contre, le langage technique l'emploie dans un
sens restreint et positif pour désigner la lésion du corps (2)
ou de la chose d'autrui, par opposition à l'appropriation injuste,
au furliim. Tout en respectant cette opposition, Vinjuria s'est,
dans le développement postérieur du droit, divisée en atteinte
à la personnalité, Vinjuria pure et simple, et en dommage
causé injustement à la chose d'autrui, le damnum injuria (3).
(1) L'acception générale du mot est d'une clarté transparente et on la
trouve, chez les jurisconsultes comme ailleurs, à côté du sens restreint
(Paul, Coll., 2, 5 ; Ulpien, Dig., 47, 10, 1, -pr. ; Inst., 4, 4, pr.). Ce qui a lieu
indépendaiiunent de la volonté ne rentre pas dans V in juri a, iwéme au sens
large du mot, et il en est de même de la simple perversité morale. L'in-
juria dans sou acception générale ne se limite pas précisément au dol,
mais elle exige un fait contraire au droit engageant la responsabilité
d'une personne.
(2) Le fait que dans la loi des XII Tables l'atteinte corporelle la plus
légère est appelée injuria n'exclut pas de la notion à'injuvia les atteintes
corporelles graves qui ne reçoivent pas dans la loi de dénomination spé-
ciale.
(3) Nous exposons cette terminologie au début de la Section relative au
dommage caasé à la chose d'autrui.
I
ATTEINTE A LA PERSONNALITÉ 95
La cause de cette séparation a été que, dans le premier cas, il
n'est question que d'une peine; tandis que dans le second il y
a tout d'abord lieu d'assurer l'indemnité du préjudice. C'est
sur ces distinctions que repose la division tripartile des délits
privés. Nous tiendrons certainement compte dans cette Sec-
tion de la vieille et large notion, mais nous nous attacherons
principalement à Vinjuria dans le sens restreint où elle ne (785)
désigne que l'atteinte à la personnalité et exclut le dommage
causé injustement à la chose d'autrui.
Ici, comme pour les autres délits privés, la loi des XII Tables Législation
1 r» • 1 5 11 . . , sur l'iDJure.
a fait œuvre de codification et les règles qu elle a ainsi reu-
nies nous sont parvenues dans ce qu'elles ont d'essentiel (1).
Abstraction faite d'une loi proposée par Sylla et modifiant la
composition du tribunal pour certains cas d'injure (2), la lé-
gislation postérieure ne s'est pour ainsi dire pas occupée de ce
délit, l'évolution du droit à cet égard s'est opérée sur la base
de la loi des XII Tables par la coutume et, ce qui est identi-
que, par l'édit du préteur (3). L'Empire lui-même s'est con-
tenté ici de modifications de procédure (4).
L'injuria est l'atteinte intentionnelle et injuste à la person- Atteinte
nalité d'autrui. Par suite, nous avons tout d'abord à exposer persoanaiité.
(1) Loi des XII Tables, 8, 2. 3. 4 Scholl [id. Girard]. Dans le passage
de Paul que nous allons citer immédiatement, ces règles constituent
le fondement lege de l'action d'injure.
(2) Nous ne connaissons la lex Cornelia de injuvlis (cpr. I p. 236) que par
les ouvrages juridiques : Paul, 5, 4, 8 ; Dig.. 3, 3, 42. 1. 47, 10, 5, pr. 1. 37,
1. 48, 2, 12, 4. tit. 5, 23, 2. Inst., 4, 4, 8. Elle n'apparait pas dans la
liste des lois spéciales rendues pour les judlcia publica et elle n'est pas
considérée en général comme fondant une action : injuriarum actio, dit
Paul, 5, 4, 6-8, aut lege aut more aut mixto Jure inlroducla est... mixlo jure
actio injuriarum ex lege Cornelia constituitur, c'est-à-dire que l'action se
fonde sur la coutume, même dans les procès d'injure qui tombent sous '
le coup de la loi Cornelia ; à cette dernière revient seulement la fixation [
des règles sur la formation da jury. Application de cette loi par analo- |
gie à l'injure prétorienne : Dig., 47, 10, 5, 8. ;:
(3) More, comme dit Paul loc. cit. par rapport à l'actio injuriarum aesti-
matoria qui s'applique seule en matière d'injures après la transforma-
tion des peines de la loi des XII Tables. i
(4) Abstraction faite de la répression criminelle de l'injure qualifiée, il
n'y a pas eu à cette époque d'innovations essentielles. ji
96 DROIT PÉNAL ROMAIN
ce qu'il faut entendre sous la notion très souple d'atteinte à la
personnalité; puis, nous aurons à rechercher ce qu'on exige
pour qu'il y ait intention illégale de commettre une atteinte de
ce genre, c'est-à-dire pour qu'il y ait le dolus indispensable
à l'existence de ce délit.
Notion La personnalité, dont la lésion est une injure, est la per-
i.ersonnaiiié. sounallté physiquc telle que nous l'avons définie dans le Li-
vre I (I p. 74) (1). La mort anéantissant cette personnalité,
(786) un vivant peut bien subir indirectement une injuria de la
part d'un mort, mais celui-ci ne peut faire l'objet d'aucune
injuria (2) ; toutefois, en cas d'hérédité jacente, la fiction de la
survivance de la personnalité est étendue à la matière de Vin-
juria (3). De même, bien que l'injure puisse être commise
contre plusieurs personnes simultanément, elle n'est pas pos-
sible contre des associations, à moins que l'acte commis ne
vise des individualités du groupe, ni surtout contre l'Etat
(II p. 2G9') ou autres personnes crées par une fiction juridi-
que. D'autre part, la notion de personne ne doit pas être en-
tendue dans un sens politique, elle embrasse ici l'étranger et
aussi l'esclave, en tant que l'injure commise contre ce der-
nier est traitée comme atteignant le maître (4). On exige en-
core moins la capacité de fait de la personne; le fou et l'impu-
bère eux-mêmes peuvent faire l'objet d'une injuria (5). — Les
(1) Dig., 47, 10, 13, 9. Si incertae personae convicium fiât, nnlla execiitio est.
La connaissance du nom n'est naturellement pas nécessaire (Dig., 47, 10,
18, .3. .5). En cas d'injure indirecte, l'offense n'atteint, d'après la théorie
dominante, que celui que l'auteur veut injurier (III p. 112).
(2) Par exemple, par la profanation de la sépulture d'un proche (Dig.,
Il, 7, 8, pr. 47, 10, 27).
(3) Dans cette catégorie rentrent non seulement les injures contre les
esclaves de l'hérédité, mais aussi celles qui sont commises lors de l'inhu-
mation du défunt. {t>ig-, 47, 10, 1, 4. 6).
(4) Servo ipsi quidetn, dit Gaius (3, 222), nulla injuria intellegitur fieri, sed
domino per eum fieri videtur. L'injure faite à l'esclave est considérée en
fait comme une injure commise vis-à-vis du maître. Gela ressort de ce
que l'action n'est pas donnée à l'esclave, même après l'affranchissement
(Dig., 47, 10, 30, p;-. cpr. 29), et de ce que l'injure faite à l'esclave s'éteint
par la mort du maître, comme celle commise vis-à-vis de ce dernier. (Di^.,
47, 10, 13. pr.).
(5) Dig., 47, 10, 3, 1. 2.
ATTEINTE A LA PERSONNALITÉ 97
atteintes à la personne du magistrat de la République et plus
tard de l'empereur rentrent dans la notion d'injure, mais ne
sont pas soumises aux règles du droit privé sur l'injuria^ car
l'injure prend ici le caractère d'un crime d'État (1).
Comme atteinte à la personne fondant une action, le plus injure
. physique du
ancien code des Romams semble n'admettre que 1 attemte au droit des
corps d'autrui. La notion de Vinjuriades XII Tables, même si ^" '^^^'®'-
l'on fait abstraction de son extension au dommage causé à la
chose d'autrui que nous exposerons dans la Section suivante,
est fondamentalement distincte de celle du droit postérieur :
la première est l'atteinte au corps d'autrui dans la mesure
où l'auteur en est juridiquement responsable, la seconde est
l'atteinte dolosive à la personnalité ; la première notion est (787)
donc pour partie plus étendue que la seconde, en tant qu'elle
embrasse l'atteinte portée par simple faute au corps d'autrui
(III p. 109), et pour partie plus étroite, en tant qu'elle ex-
clut l'atteinte à la personnalité ne lésant pas le corps. Car
des trois degrés que nous indiquerons à propos des peines et
qui sont établis par la loi des XII Tables : la rupture d'un
membre, la fracture d'un os et Vinjuria pure et simple (III
p. 94 n. 2), la dernière parait désigner les voies de fait légè-
res. Sans cela, il faudrait admettre l'absence de délimita-
tion des éléments du délit, ce qui serait peu en harmonie avec
la tendance positive du vieux code romain (2). En outre, la
(1) II p. -87 et sv. Quintilien 5, 8, 39 : injuriam fecisti, sed quia magistra-
tuiy majestatis actio est. Le fait qu'à l'époque impériale l'offense faite au
magistrat n'est punie que comme injure grave (II p. 287 n. 3) montre que
la souveraineté s'est déplacée. — Il ne faut pas perdre de vue cette re-
marque, lorsqu'on recherche quelle a été la notion romaine d'injuria'',
celle-ci s'étend beaucoup plus loin que le champ d'application de l'action
privée d'injure.
['2) Lorsqu'on interprète l'injuria des XII Tables dans le sens large ad-
mis à l'époque postérieure, la prescription positive ordonnant de la traiter
dans tous les cas comme un délit est aussi incompréhensible que l'égalité
et la modicité de la peine elle-même ; tandis que, dans la procédure posté-
rieure, la répression n'a lieu qu'à la suite d'une sélection rigoureuse et
s'opère avec une très grande diversité. La disposition de la loi des XII
Tables ne peut se comprendre qu'en restreignant l'injuria aux coups
sans blessure.
Droit Pénal Romain. — T. III. 7
98 DROIT PÉNAL ROMAIN
seule injure non physique que nous rencontrons dans ce code
y apparaît sous le nom à'infamia (1 1. Enfin, la seule applica-
tion de celte loi pénale que nous connaissons se rapporte à
une affaire de coups (2).
Atteinte à la Le droit romaiu ne s'en est pas tenu là; la coutume a élargi
dans le droit i^OD pas la uotion d'injuTC elle-même, mais le champ d'appli-
postérieur. cation de l'action d'injure (3). Après cette extension, la per-
sonnalité peut être lésée à trois égards : ou dans son corps^, ou
dans sa condition juridique, ou dans son honneur. Il n'y a pas
de termes techniques pour désigner ces différentes catégories.
La notion & injuria n'a, comme nous l'avons vu^, embrassé pri-
mitivement que les atteintes au corps d'autrui ; mais après
l'extension indiquée il n'y a plus d'expression technique qui
corresponde à notre injure par voies de fait (4). Pour la se-
conde catégorie, toute dénomination spéciale fait défaut, bien
(788) que cette espèce d'injure se présente d'une manière très dis-
tincte (^o). Pour l'atteinte à l'honneur, le terme convicium, dont
(1) Les formules injuriam facere alteri (III p. 110 n. 3) et infamiam facere
alleri (III p. 106 n. 6), empruntées vraisemblablement au Gode des XII
Tables, paraissent corrélatives.
(2) Nous pensons ici à l'anecdote connue des soufflets qu'un citoyen ro-
main, peu etïrayé par la tarification de chaque injuria à 25 as, distribuait
dans la rue (Aulu-Gelle, 20,1, 13).
(3) La souplesse de l'expression employée par la loi des XII Tables a
vraisemblablement contribué à cette extension.
(4) La Rhel. ad Her., (4, 25, 35 : injuriae sunt, guae aut pidsatione corpus,
aut convicio aures aut aliqua turpitudine vitam cujuspiam violant) et Paul
(Coll., 2, 5, 4) divisent les injures en trois groupes : attaques contre le
corps d'autrui, attaques eu paroles et attaques en actions ; ailleurs le
même Paul (5, 4, 1) les divise en deux groupes : attaques in corpus et at-
taques extra corpus. Cette seconde classification est meilleure, parce que
la distinction des paroles et des actes est juridiquement sans valeur.
Labéon {Dig., 41, 10, 1, 1) distingue les injures re, et par là il entend
celles qui se réalisent par des voies de fait, et les injures uei-bis (donc
nos injures réelles et verbales), ou les injures in corpus et les injures par
des actes qui portent atteinte à la dignité (dignitas) ou causent le déshon-
neur (infamia). En fait, la division en deux catégories est la seule utili-
sable, mais elle n'a qu'une valeur négative comme celle des res mancipi
et des res nec mancipi.
(5) C'est pour cela (jue Gaius, 3, 220, évite de rapporter cette division
purement apparente, mais il n'oublie pas de citer parmi les exemples le
cas de la proscriptio bonoruin.
ATTEINTE A LA PERSONiNAL ITÉ 99
Dous exposerons plus loin (III p. lOG) le sens originaire plus
restreint, est notamment employé, lorsque cette offense a lieu
oralement, tandis que le mot contumelia embrasse bien l'at-
teinte à l'honneur réprimée par le droit, mais a, conformément
au sens que lui donne la morale, une portée beaucoup plus
grande (1). Quant à la restriction de l'injuria romaine aux
atteintes à l'honneur, elle est inexacte, car cette conception
ne s'accorde ni avec le sens transparent de ce mot, ni avec
les applications les plus importantes et les plus anciennes de
ce délit (2) et d'autre part l'extension de l'action d'injure à ce
cas n'eut vraisemblablement lieu qu'au cours du développe-
ment du droit romain.
Tandis que le droit des XII Tables donne sans restriction Limitation de
une action à la victime d'une injima physique, le préteur n'a dintenie" «ne
nullement étendu d'une manière générale cette règle à l'in- ^"^'^^ dinjure
dans le droit
jure non physique. Bien au contraire, le tribunal a. dans une postérieur.
large mesure, joui pour la répression de ce délit d'un pouvoir
arbitraire (3),, et les magistrats, par la crainte très compré-
hensible d'abus probables, notamment dans l'exercice de
poursuites judiciaires pour cause d'injure, n'ont, en dehors de
l'injure par voies de fait susceptible de fonder une action d'a-
près le droit des XII Tables, promis l'action que pour quel-
ques cas particulièrement importants; en dehors de là, ils la
(!) La contumelia {de contemnere) consiste à traiter quelqu'un d'une fa-
çon méprisante, elle est l'atteinte à la personnalité au sens moral du
mot, même si le fait n'est pas suffisant pour fonder une action (Sénéque,
An injuriam, c. 10). Lorsque les jurisconsultes interprètent injuria par
contumelia (Coll., 2. 5, 1. 3. Dig., 47, 10, 1. pr. 1. do. 46. Paul 5, 4, 22, à
côté (ïinjuria), il n'y a pas à vrai dire de synonyme plus proche, )aais
il n'y a pas là en réalité un synonyme.
(2) On ne peut pas faire rentrer dans la notion d'atteinte à l'honneur
les blessures et la perturbation de la paix domestique sans faire subir
à la notion une extension inadmissible. La chose n'est pas plus aisée
pour l'injure faite à l'enfant impubère ou à l'esclave.
(3) Il y a lieu de tenir compte aussi à cet égard de ce que nous dirons
plus loin sur l'intervention du préteur dans la solution des cas concrets
par voie d'examen oculaire (III p. 117 n. ±) et de fixation arbitraire de
la peine (III p. 117). Ce sont là deux particularités qu'on ne retrouve
dans aucune autre partie du droit.
i BIELIOTHECA |
^->
100 DROIT PÉNAL ROMAIN
(789) doQuèreut ou la refusèrent suivant les circonstances (1). Cette
inégalité ne se rencoi-tre à propos d'aucun autre délit ; tout vol
et tout dommage causé injustement à la chose d'autrui fondent
une action, mais il n'en est nullement de même pour toute
injure. A cette particularité se rattache la distinction établie,
non par l'édit, mais par la jurisprudence, entre l'injure grave
{injuria alrox) i2) et l'injure légère {injuria levis). Dans la
première catégorie rentrent toutes les injures physiques (3) et,
en outre, celles qui sont aggravées par des circonstances de
temps et de lieux (4) et surtout par des liens d'aiïection ou
des différences de rang entre les intéressés, comme l'injure
commise par un esclave contre une personne libre (o), par un
affranchi contre son patron, par un fils contre son père (6).
Sous l'empire de considérations analogues, la répression ju-
diciaire n'est permise, en cas contraire, par exemple en
cas d'injure faite à l'affranchi par le patron, que dans des
cas spécialement graves. L'injure grave est (7) donc celle pour
(1) Le pouvoir arbitraire du magistrat était 'Jéjà mentionné dans le
générale edictum injuriai^um, comme Labéon le nomme {Dig., 47, 10, lo, 26 ;
Aulu-Gelle, 20, 1, 13 : praeLores... injuriis aestumandis recuperatores se da-
turos edixerunt), mais était encore affirmé spécialement pour les injures
faites aux personnes libres : ne quid infamandi causa fiai ; si quis adversus
ea fecent, proul quaeque res eril, animadvertam [Dlg., 47, 10, 15, 25) — dis-
position que Labéon, toc. cit., déclare superflue en présence de la men-
tion de l'édit général — et pour celles commises vis-à-vis des escla-
ves : |34 ilem si quid aliud faclum esse dicetur, causa cognita judiciumdabo.
(2) A vrai dire, Vatrocilas en tant que circonstance aggravante d'un
délit est une notion surtout chère aux rhéteurs (Quintilien, G, 1, 15-17)
et peut, au point de vue moral, s'appliquer à chaque délit ; dans la science
du droit, elle n'apparaît qu'à propos de l'injuria.
(3) Gains, 3, 225 = Insl., 4, 4. 'J. Dig., 47, 10, 7, 2. 3. 1. 8.
(4) Gains, toc. cil., Paul, 5, 4, 10. Dig., 47, 10, 7, 8. 1. 9. Cod., 9. 35, 8. 11
faut également citer ici l'olfense faite aux magistrats (II p. 288 n. 2) et
aux clercs dans l'exercice de leixrs fonctions (Cod , 1, 3, 10. 9, 35, 4 Nov.
123, c. 31).
(5) Dig., 47, 10, 17, 3.
(6) Dig., 47, 10, 7, 8. La parenté produit généralement une aggravation
de peine (Dig., 48, 19, 28, 8).
(7) L'action d'injure n'est donnée qu'exceptionnellement aux enfants et
aux affranchis contre les père et mère et les patrons (Dig.. ;>7, 15, 2 pr.
47, 10, 7, 2. 1. 11, 7). Cette particularité ne peut pas, pour l'atlranchi, être
ATTEINTE A LA PERSONNALITÉ 101
laquelle le tribunal doit donner l'action confor(nément aux lois
ou tout au moins ne la refuse pas facilement (1), l'injure lé-
gère est celle pour laquelle le préteur a la faculté d'accorder (790)
ou de refuser l'action suivant les circonstances. La ligne de
démarcation entre ces deux catégories est pour partie établie
par la loi, pour partie fixée tout au plus dans une certaine
mesure par la pratique judiciaire (2).
Si nous nous attachons maintenant à établir non pas ce que Différents cas
les Romains ont entendu sous le nom d'injuria — le domaine pouia^i
beaucoup plus large embrassé par cette notion correspond donner ueu
^ ^ ° ^ . ' . à une action.
plutôt à celui de l'action de lèse-majesté dans ses applications
vis-à-vis de l'empereur qu'à celui de l'action privée d'injure
— mais dans quels cas on peut intenter une action pour cause
d'injuria, il faut pour chaque catégorie d'injwia rechercher
avant tout si elle est citée dans une loi qui s'impose au préteur
ou si du moins elle a pris place dans l'cdit du préteur ou s'il
résulte simplement des ouvrages juridiques que les préteurs
donnent dans ce cas l'action d'injure et que la théorie ap-
prouve celte pratique. Il y a peu de chapitres du droit privé
qui aient été traités avec autant de finesse d'abstraction et de
sens pratique et il y en a peu qui aient été aussi respectés par
le vandalisme juridique de l'époque impériale.
Déjà, d'après le droit des XII Tables, l'homicide d'un homme
libre ou d'un esclave ne rentre pas dans li notion d'injuria;
la destruction de la personne n'y est pas considérée comme
une simple atteinte à celle-ci. Si cet acte a lieu intentionnel-
rattachée à la vieille servitude, depuis longtemps disparue, des membres
de la domus en puissance (I p. 9:2). Le même point de vue fut sans doute
adopté aussi pour les clients et, d'une manière générale, pour toutes les
personnes sous une dépendance quelconque. — La question de savoir si
les époux peuvent, pour cause d'injure, exercer une action l'un contre
l'autre n'est nullement soulevée.
(1) C'est à vrai dire du pur arbitraire, lorsque le gouverneur de pro-
vince dispose dans son édit : si guis eum pulsasset, sese judicium injuriarum
non daturum (Cicéron, Verr., 1. 2, 27, 66), mais le véritable pouvoir se ma-
nifeste aussi par les abus.
(2) Le droit postérieur traite Valrox injuria comme une catégorie fixe
et y rattache des aggravations de peine (CoiZ., 2,2. Dig,, 47, dO, 35. 1. 40).
102 DROIT PÉNAL ROMAIN
lemenl, il tombe, qu'il soit accompli ou simplement tenté,
sous le coup de la loi sur le meurtre ; s'il n'est pas intention-
nel, mais s'il y a faute de l'auteur, il est traité comme dom-
mage causé à la chose d'autrui.
2. La blessure corporelle faite à un homme libre ou à un
esclave constitue V injuria des XII Tables, sans qu'il y ait à
distinguer si cette blessure a été causée intentionnellement
ou résulte simplement d'une imprudence coupable (III p. 109).
D'après le droit postérieur, l'action d'injure n'est permise qu'en
cas de blessure corporelle intentionnelle (1). ou que si l'acte
a causé une perturbation mentale chez la victime (2); quant
à la lésion corporelle non intentionnelle, il en sera traité à
propos du dommage causé à la chose d'autrui. En cas de bles-
sure corporelle faite intentionnellement à un esclave, l'action
(791) d'injure n'est pas impossible d'après le droit prétorien, mais
elle n'est pas spécialement citée dans l'édit pour cette hypo-
thèse, parce que celle-ci est ordinairement traitée comme
dommage causé à la chose d'autrui (3).
3, Les voies de fait contre la personne libre qui n'occasion-
nent pas de blessure, ou, d'après le langage technique, le fait
de pousser {pulsare) et de frapper {verberare) (4) donne l'ac-
tion d'injure (5), d'après le droit des XII Tables et également
(1) Gicéron, De inv., 2, 20 (II p. 346 n. 2). Gai., 3, 225. Coll., 2, 2, 1.
Dig.. il, 10, 7, 2. 8. 1. 8.
(2) Dig., 41, 10, 15, pr.
(3) Pour le fonctionnement respectif de l'action d'injure et de l'action
legis A(/uilUae en cas de blessure faite à un esclave, cpr. la Section sui-
vante (III p. 149 n. u).
(4) Pulsare désigne déjà l'injure par voies de fait dans la Rliet. ad He-
rennium, antérieure à Sylla (III p. 98 n. 4); pulsare verberareve se trouvait
dans la loi Gornélia (Dig.. 47, 10, 5 pr. ; de même, Gicéron, Verr., 3, 12,
31) ; cela doit provenir du transport des dispositions de la loi des XII Ta-
bles dans l'édit du préteur. On explique {Dig., 47, 10, 5, 1) pulsare par
sine dolore caedere et ve.rherare par cum dolore caedere ; ces mots signifient
donc pousser et frapper.
(5) D(<7. 47, 10, 5 pr. Gette loi n'atteint pas l'injure f:iite à un esclave,
la mention de ce cas dans l'édit complcnienlaire du préteur le prouve
(III p. 103 n. 2) ; des Dig., 48, 2, 12, 4, il résulte qu'elle n'embrasse pas
non plus l'injure commise par un esclave.
ATTEINTE A LA PERSONNALITÉ 103
d'après la lex Cornelia de injuriis. Cette règle s'étend aussi à
la menace de voies de fait (1).
4. L'édit du préteur promet que l'action d'injure sera ordi-
nairement accordée, lorsqu'il y a eu contre un esclave des voies
de fait graves qui n'ont pas causé de lésion corporelle dura-
rable ou de diminution de valeur persistante, notamment en
cas de torture (2).
5. Celui qui par corruption pousse une personne libre ou un
esclave à mener mauvaise vie (3). est exposé à l'action d'in-
jure de la part de celui qui a la puissance sur la victime ; tan-
dis que cette action est refusée à la personne séduite, lors-
qu'elle a donné son consentement à la séduction (4).
G. Les sources ne nous permettent pas d'établir depuis quand
et dans quelle mesure on a fait rentrer l'impudicité dans le
délit privé d'injuria. Le viol contre des personnes de l'un ou (792)
de l'autre sexe échappe à la notion à' injuria telle que nous l'ex-
posons ici, parce qu'au moins à l'époque pour laquelle nous
sommes renseignés ce délit fait l'objet d'une répression crimi-
nelle (o). — Les relations sexuelles avec une femme ingénue,
mariée ou non mariée, qui y consent, rentrent sans aucun
(1) Dig., 47, 10, 15, 1.
(2) Edit Dig., 47, 10, 15, 34 : qui servum alienuin adversus bonos mores ver-
beravisse deve eo injussu domini quaestionem habuisse dicetur, in euni judlcium
dabo. L'absence de pulsare et la clause restrictive adversus bonos mores ne
doivent pas passer inaperçues. On peut dans ce cas agir aussi au cri-
minel pour cause de violence (Dig., 48, 7, 4, 1 ; cpr. II p. 376 n. 1). — La
correction d'un esclave par le magistrat, lorsqu'elle est provoquée par
une dénonciation injuste, donne au maître le droit d'intenter l'action
d'injure contre le dénonciateur {Dig., 47, 10, 17, 2).
(3) Dig., 47, 10, 25 : si stuprum serua passa sit, injuriarum aclio dabitur.
Dig., 47, 10, 9, 4 : sed et si servi pudicilia atlemptata sit, injuriarum locum
habet.
(4) Dig., 47, iO, 26. Cette application de l'actio injuriarum cadre en subs-
tance avec celui de l'action pour cause de corruption d'esclave dont il
sera traité à propos du dommage causé à la chose d'autrui ; elle a été
également étendue aux enfants (III p. 169).
(5) II p. 383. Paul, 5, 4, 4, cite le viol (car il semble que c'est ce délit
qui est visé par les mots pulsatio pudoris) à propos de l'injuria, mais le
fait qu'il indique pour ce cas la peine de mort montre que ce juriscon-
sulte ne compte pas en pratique le viol parmi les cas d'injuria.
1
104 DROIT PÉNAL ROiMAIN
doute, au regard du mari et du détenteur de la puissance, dans
la notion d'injure, et, si la loi des XII Tables s'est difficilement
étendue à ce cas, le préteur de la République a vraisemblable-
ment donné dans celte hypothèse l'action d'injure (II p. 416).
Mais ce délit s'est séparé de Vinjuria, lorsqu'une loi d'Auguste
introduisit la répression criminelle du stupriim et de l'adul-
tère. — Il en fut de même vraisemblablement pour la pédé-
rastie après la promulgation de la loi Scantinia (II p. 431). —
Par conséquent, il ne reste pour l'action d'injure que l'impu-
dicité avec un enfant ingénu d'un âge où l'on ne répond pas
encore de ses délits (1), et surtout, comme les lois précitées
frappaientjseulement le délit consommé, que la tentative d'ame-
ner à un tel délit une femme ou un garçon libres et de bonne
conduite (2). Cette action s'étend même à tout acte qui porte
atteinte à l'honneur des femmes honnêtes (3). On mentionne
spécialement comme tels dans l'édit du préleur les actes qui
blessent en même temps la décence publique, comme l'accom-
pagnement inconvenant sur la voie publique (4), le fait d'a-
dresser en public des paroles licencieuses à une personne (o),
le fait d'éloigner les gens de la suite d'une personne (6).
(793) 7. Pour la violation de domicile, lorsqu'elle a lieu avec vio-
(1) Cet abus ne rentre pas dans le stupnnn (II p. 4:20 n. :2) et il ne reste
par conséquent que l'injure. Nos sources ne mentionnent pas ce cas.
L'abus d'vin esclave impubère rentre dans le damntim aquillien (Paul. 1,
13 A. ^.Dig., 47, 10,25).
(2) II p. 4:22. Paul, 5, 4, 5 = l>i(]-, ^1, Hj 1, P''- •' sollii-Hatores alienarum
nuptiarum itemque matrimoniorum interpellatores et si e/feclu sceleris poliri
non possint, propler voluntatem perniciosae libidinis extra ovdinem puniuntiir.
Paul, 5, 4, 14 : qui mulierem puellamve inteiyellaveril. Les mots o, 4, 4, aut
de stupro interpellatitr doivent être rayés.
(3) Attemptare pudirALiam (Dig., 47, 10, 1, 2. 1. tO. Inst., 4, 4, 1 : impiulicos
facere attemptare : Dig. 47, 10, 9, 4 ; pudiciliam corrumpere : Paul, 5, 4, 14)
doit avoir ligure dans l'édit comme les expressions suivantes. Naturelle-
ment.la peine s'étend à tout acte d'assistance. Paul, 5, 4, 14 : qi/i domum
(non pas donum] praebuerit preliumve quo id persuadent dederit.
(4) Adsectari : Dig. 47, 10, 15, 19. 22. 23. De même, vis-à-vis de jeunes
garçons : Gains, 3, 220.
(o) Appellare : Dig. 47, 10, 15, 19. 23. Des lurpia verha suffisent déjà pour
l'action: Dig., 47, 10, 15, 21.
(6; Comilem abdurere : Paul, 5, 4, 14. Dig., 47, 10, 1, 2. 1. 15, 16-18.
ATTEINTE A LA PERSONNALITÉ 105
lence. et. peut-on ajouter, lorsqu'elle est commise par une
personne libre, la loi Coruelia prescrit l'application d'une pro-
cédure pénale rigoureuse (1). On assimile à celui qui trouble
la paix de la demeure celui qui s'y introduit furtivement (û?e-
rectarins) (2). Ua?iirmis furandi, qui pousse ordinairement le
coupable à cet acte, ne peut pas être puni comme vol (3).
8. La molestation dans la jouissance d'une maison, par exem-
ple en corrompant l'eau qui l'alimente, surtout lorsque l'in-
térêt public est lui-même en cause (4).
9. Le fait de traiter un concitoyen comme s'il ne jouissait pas
de droits égaux, par exemple, en méconnaissant sa liberté (o)
ou les privilèges attachés à sa condition (6), en l'incarcé-
rant (7), en le privant de l'exercice des droits qui appartien-
(1) Big., 47, 10, 5, ipr. : lex Cornelia de injuriis competU ei, gui... domum
suam vi introitam esse dicat. Cette règle s'applique même lorsque l'irrup-
tion a lieu pour citer un adversaire à comparaître en justice (Dig., 47, 10.
23; cpr. I p. 54 n. 3). On assimile à l'irruption le fait d'empêcher une
personne de rentrer chez elle (Cicéron, Pro Caec, 12, 35).
(2) Sont derectar'd d'après Ulpien (Dig., 47, 11, 7) ceux qui in aliéna ce-
nacula se dirigunl furandi animo ; de même chez Paul, 5, 4, 8, où cette
règle est incorrectement rattachée à la loi Gornélia elle-même. Avec
moins d'exactitude, les derectarii sont rangés parmi les voleurs quali-
fiés : Dig., 47, 18, 1, 2.
(3) Paul, 2, 31, 33. Dig., 47, 2, 21, 7.
(4) Paul, 3, 4, 13 =z Dig., 47, 11, 1, 1 : fit injuria contra bonos mores, veluti
si guis fimo corrupto aliquem perfuderit, caeno luio oblinierit, nquas spurcave-
rit, fistulas lacus quidve aliud in injuriam publicani contamiîiaverit : in quos
graviter anidmadverli solet. Javolenus (Dig.. 47, 10, 44) donne l'action con-
trairement à Labéon, si inferiorum dominus aedium superioris vicini fumi-
gandi causa fumum faceret aut si superior vicinus in inferiores aedes quid aut
projecerit aut infuderil, à la condition que ces molestations aient eu lieu
intentionnellement.
(5) Dig., 47, 10, 11, 9. 1.2*. Cod., 9, 33, 9. c. 10. Si cette méconnaissance
a uniquement lieu pour éviter une éviction, le dol nécessaire pour l'in-
jure fait défaut (Dig., 47, 10, 12). Dioclétien, Cod.„ 7, 16, 31, nous dit que
la contestation de liberté peut aussi provoquer l'application d'une peine
criminelle extraordinaire.
(6) Exclusion au théâtre des places affectées aux sénateurs et aux che-
valiers : Quintilien, 3, 6, 18.
(7) L'iocarcération n'est pas mentionnée expressément à propos de l'in-
jure; mais la permission donnée de retenir pendant vingt heures la per-
sonne coupable d'adultère (III p. 111 n. 4) implique l'existence d'une
règle contraire.
106 DROIT PÉNAL ROMAIN
nenl à tous sur le sol public (!>, en prenant possession de
son patrimoine (2), en l'entravant dans le libre usage de sa
(794) propriété (3) ou par toute attitude tendant à faire croire qu'il
n'est pas solvable (4). La publication prématurée donnée à
des dispositions de dernière volonté est traitée comme une
atteinte malveillante à la personnalité (o).
10. La chanson diffamatoire {carmen famosiim) dite en pu-
blic est sévèrement punie par le droit des XII Tables (G). Le
convicium au sens originaire du mot,, c'est-à-dire l'outrage fait
à une personne devant sa maison avec attroupement, ne se dif-
férencie pas essentiellement du carmen famosum (7). Lorsque
(1) Big., 43, 8, 2, 9. 47, 10, 13, 7. 1. 14.
(2) Dig., 47, 10, 15, 31 : si guis bona alicujus vel rem unam per injuriam oc-
cupaverit.
(3) Dig., 19, 1, 25, pt-. 47, 10, 13, 7 : si guis re mea uti me non permittat.
1. 24 : si guis proprium servum distrahere prohibelur.
(4) Comme applications de cette idée, on peut citer l'engagement de la
procédure d'exécution sur les biens contre une personne solvable (Gains,
3, 220 ; cpr. Cicéron, Pro Quinctio, 6, 23) ; l'apposition sur une maison
d'une marque indiquant qu'elle est soumise à la procédure d'exécution
{Dig., 47, 10, 20) ; l'offre publique de vente d'un objet donné en gage (Dig.,
47, 10, 15, 32) ; la sommation faite dans une séance publique du tribunal
(Dig., 47, 10, 13, 3) ; la sommation faite aux cautions {Dig., 47, 10, 19) ; le
refus d'un cautionnement suffisant {Dig., 2, 8, 5, 1) ; la demande injusti-
fiée d'une sûreté [Dig., 42, o, 31, 5).
(5) Dig., 9, 2, 41, pr. 16, 3, 1, 38.
(6) Loi des XII Tables 8, i ScbôU [id. Girard] = Cicéron, De re p., 4,
10, 12 : noslrae duodecim tabulae cum perpaucas res capile san. rissent, in his
hanc guogue sanciendam putaveruul, si guis occentavisset sive carmen condidis-
set, guod infamiam faceret flagitiumve alleri. — Carmen famosum, chez Sé-
nèque, Contr. o. G, et dans les ouvrages juridiques (Paul, 5, 4, G. 15 ; Dig.,
22, 5, 21, pr. 28, 1, 18, 1), malum carmen, chez Horace, Ep., 2, 1, 133. Sat.,
2. 1, 82, et Arnobe, 4, 34.
(7) Convicium, terme juridique embrassant les cas où la responsabilité
est juridiquement engagée, mais employé parfois {Dig., 28, 2, 3 pr.) en
dehors de ces cas, est avant tout, d'après l'etymologie vraisemblable-
ment exacte (=r convocium de vox chez Festus, Ep., p. 41 et Dig., 47, 10,
13, 4. à côté de l'autre étymologie, a vicis, chez Festus, loc. cit., et Nonius,
p. 67), rinjure commise avec tapage public; dans son application juridi-
que, cette notion (employée alternativement avec le terme non technique
maledictum Paul, 5, 4, 19. 20. Dig., 47, 10, 13, H. 44. Cod., 2, 6, 6) corres-
pond à peu près, si on la généralise et la simplifie, à notre injure « ver-
bale ». Coll., 2, 5, 4 : verhis, dum convicium palimur. Paul, 5, 4, 1. 18. tit. 35,
3. Rhet. ad lier. 4, 25, 35 (III p. 98 n. 4). Gains, 3, 220. 222. Dig., 37, 14, 1.
ATTEINTE A LA PERSONNALITÉ 107
la publicité s'opère de plus en plas par des écrits, on voit ap-
paraître, à côté da carmen famosum et même avant lui, l'écrit
diffamatoire {libellus famosus) (1). Sont punissables dans la
même mesure : la composition, la récitation et la diffusion d'un
écrit diffamatoire (2L Le fait de publier l'écrit diffamatoire
sous le voile de l'anonymat ou d'un pseudonyme constitue une
circonstance aggravante (3); les productions de ce genre fu-
rent l'occasion de graves abus, notamment pendant la dernière (79o)
période de l'Empire; aussi Constantin et ses successeurs frap-
pèrent-ils des peines les plus rigoureuses tout concours prêté
à leur confection et à leur diffusion, même lorsque les accu-
sations qu'elles contenaient étaient vraies. — Ce délit, pour
lequel l'élément juridiquement décisif n'est pas la qualité de
l'offense, mais la publicité résultant de ce fait que le chant
passe de bouche en bouche ou que l'écrit circule de main en
main, a été traité et puni dans la loi des XII Tables, non comme
une atteinte à la personne d'un particulier, mais comme un
danger public. Cette conception n'a pas disparu dans la suite,
comme nous l'exposerons plus loin à propos de la procédure et
de la peine. Toutefois le préteur, en rangeant dans son édit,
au cours de son œuvre d'extension et de modification de la loi
des XII Tables, le convicium parmi les cas qui fondent l'ac-
tion d'injure, a fait rentrer le chant et l'écrit diffamatoires
dans le délit privé d'injuria (4).
47, 10, 3, 1. 1. 34. 49, 1, 8. Toutefois, ce terme est également appliqué à
des actes (Paul, 5, 4, 21).
(1) Famosus libelliis, Suétone., Aug., 55 ; Paul, 5, 4, 17 et ailleurs.
(2) Ulpien, Dig., 47, 10, 5, 9 : si quis libriun ad infamiam alicujus peiiinen-
tem scripserit composuerit ediderit dolove malo feceril quo quid eorum fieret.
Inst., 4, 4, 1.
(3) Ulpien, loc. cit., ajoute : eliamsi alterius nomme ediderit, vel sine no-
mine. Les constitutions, à partir de Constantin, C. Th., 9, 34 rr C. Just., 9,
36, sont dirigées contre les libelli famosi anonymes.
(4) L'édit {Dig., 47, 10, 15, 2) : qui adversus bonos mores convicium cui fecisse
cujusve opéra factum esse dicetur, quo adversus bonos mores convicium fieret,
in eumjudicium dabo emploie sans doute, comme les commentateurs eux-
mêmes le reconnaissent, le terme dans son sens originaire, et est pré-
cisément provoqué par la mission qui incombe au préteur d'assurer l'ap-
plication de la loi des XII Tables. Le magistrat se réserve d'ailleurs ici,
108 DROIT PÉNAL ROMAIN
11. Les autres injures peuvent, comme nous l'avons déjà
indiqué, fonder une action d'injure en vertu du pouvoir arbi-
traire du magistrat, lorsque des circonstances aggravantes de
lieu, de temps et de personnes augmentent l'offense (1). Au
lieu de citer les différents cas particuliers qui nous ont été
transmis et parmi lesquels il convient de relever celui où le
(79G) nom d'une personne vivante est prononcé sur la scène (2), il pa-
raît plus utile, dans un exposé juridique de l'action d'injure,
de signaler la diminution d'importance de l'otTense commise
par des discours diffamatoires ou par d'autres actes du même
genre. Sans doute, comme le fait déjà prévoir l'élargissement
du sens de convichtm, à la suite duquel cette expression em-
brasse toute injure verbale au lieu des seules injures verbales
commises avec bruit et en groupe, de telles otl'enses ne font pas
complètement défaut parmi les cas d'application de l'action
d'injure (3); mais, lorsqu'il n'y a pas une certaine publicité et
un certain danger pour l'ordre public (4), il semble qu'en rè-
par la clause adversus bonos mores, la possibilité de refuser éventuelle-
ment l'action (Di.9., 47, 10, 15, 5).
(1) On cite encore dans nos sources juridiques le fait de provoquer par
malveillance iine inspection relativement à la grossesse d'une femme di-
vorcée {Dig., 25, 4, 1, 8), le soulèvement de l'opinion pulilique contre une
personne, par exemple, lorsqu'on fait soupçonner un maître de traiter
cruellement ses esclaves en déterminant ceux-ci à fuir auprès d'une sta-
tue de l'empereur (Dig., 47, il, 5 ; C. Th., 9, 44, 1 = C. Just.. 1, 25, 1), cas
dans lequel une répression publique est également possible, ou lorsqu'on
prenant le deuil comme futur accusé on fait soupt^onner une autre per-
sonne de vouloir intenter contre soi une action criminelle {Dig., 47, 10, 15,
27 ; cpr. 1. 39). Il ne faut d'ailleurs pas perdre de vue que les écrits juridi-
ques romains parlent, à côté de l'action civile, de l'action criminelle pos-
térieure pour injures qualifiées, et que, là où cette dernière est possible,
par exemple on cas d'olfense commise contre le juge de première ins-
tance dans l'écrit d'appel, l'action civile n'est pas nécessairement admise.
(2) La lUtet . ad lier., 1, 14, 24. 2, 12, 19 mentionne comme controverse
juridique la question de savoir si l'acteur, qui nomme sur la scène le
poète (Accius)ou plus généralement un écrivain quelconque, commet une
injure.
(3) Action d'injure contre celui qui reproche un meurtre : Cod., 9, 35,
5 ; ou l'exercice du métier de délateur : Cod., 9, 35, 3.
(4) Paul, 5, 4, 21 : convicium contra bonos mores fieri videtttr, si obscaeno
nomine aut inferiore parte corporis nudatus aliquis inseclatus sit (donc publi-
quement) ; (fuod factum contemplalione morum et causa publicae lionestatis
ATTEINTE A LA PERSONNALITÉ 109
gle générale l'action soit refusée (i). D'ailleurs, les sources
observent un silence éloquent sur les offenses commises dans
les relations entre particuliers ou par voie de correspondance
privée (2).
D'après le droit postérieur, le préteur devait, en exécution Attribution
11 ^•r^ r ji»- u'de l'action par
de la loi des XII Tables modihee, accorder 1 action en cas d in- i^ magistrat.
jure par voies de fait et par outrage commis en public et avec
bruit; en outre, il avait 5 la donner, d'après la lex Cornelia,
en cas de violation brutale du domicile. Pour quelques inju-
res peu nombreuses, notamment lorsqu'une femme honnête
était victime d'un outrage public, l'édit promettait l'action
d'une façon absolue. Dans tous les antres cas, le préteur se
réservait le droit d'accorder ou de refuser l'action suivant
la nature des faits affirmés par le demandeur.
Après avoir ainsi déterminé la nature de l'atteinte à la per- Laction
sonnalitéqui constitue Vinjuria, attachons-nous au second élé- "^^qaeli'
ment re(iuis pour l'existence de ce délit, à savoir à l'intention i'a"einteàia
' _ _ . personnalité
injuste (le commettre une atteinte de ce genre. L'injure de la dautrui est
loi des XII Tables réclame-t-elle une telle intention? Cela est '°t«°''°°°e"«-
plus que douteux. A vrai dire, la blessure causée accidentelle- (797)
ment échappe dès cette époque, par analogie avec les règles
sur la mort donnée involontairement, à toute répression ; mais \
il est difficile que^, dans une application du droit pénal qui se ^
laissait uniquement guider par des considérations extérieures,
on ait alors distingué entre l'offense commise par dol et celle
qui résultait d'une simple faute. Nous excluons cette dernière
de notre exposé et la réservons pour la Section [suivante. —
vindictam extraordinariae idtionh expp.ctat. Ibid. 19 maledictum itemqur con-
vicium publiée factum ad injuriae vindlctam revocatur.
(1) Lorsque l'édit refuse l'action pour une injure faite pendant un jeu
de hasard à celui qui tient la banque (III p. 1!1 n. 1), il n'est question
que de coups ; la même solution va de soi, lorsqu'il s'agit d'injures ver-
bales.
(2) Par contre, l'action est admise à raison d'une injure commise con-
tre des tierces personnes dans un écrit adressé aux autorités (Dig., 47,
10, 15, 29 : Si quis libello dalo vel principi vel alii eut famam alienam xnsecLa-
tus fuerit, injuriarum erit agendum : Papinianus ail).
110 DROIT PÉNAL ROMAIN
D'après le droit postérieur, l'injure ne peut être commise par
simple faute, il faut l'inlenlion de violer le droit. Par suite,
l'action d'injure est exclue dans les cas suivants :
1. Pour tous les actes accomplis par des irresponsables :
fous, impubères (1).
2. Pour tous les actes qui ne sont pas accomplis dans le but
de violer le droit (2). Il est permis de dévoiler des faits qui
entachent la réputation d'une personne, lorsqu'on poursuit par
là un autre but que celui de l'offenser (3).
3. Pour tous les actes permis par le droit, par exemple, en
cas de correction infligée en vertu d'un pouvoir domestique,
et. d'une manière générale, en cas de correction infligée chez
soi (4), ou en cas de punition ordonnée par le magistrat, lors-
que celui-ci a agi dans les limites de sa compétence (3). Même
si dans l'une de ces hypothèses une erreur se produit, par exem-
ple, si la correction est infligée à un homme libre que l'on
croyait esclave, il n^y a pas d'injure (G). 11 faut également ci-
ter ici l'exercice de la justice privée dans les cas où elle est
admise. Quant aux actes qu'on doit considérer comme consti-
tuant l'exercice d'une pareille justice, c'est aux mœurs et dans
(1) Paul, 0, 4, 2. Dig., 47, 10, 3.
(2) Par exemple par plaisanterie {Dig., 47, 10, 3, 3). Une culpa quelcon-
que ne fonde pas l'injure.
(3) Paul, Dig., 47, 10, 18 pr. : cum (j<ii vocenlem infamavit, non esse honum
et a^'qitum ob eam rem condemnari ; peccata enim nocenliiim nota esse et opor-
iere et e.rpedire. Dioctétien, Cod., 9, 35, o : si non conincd conslUo te aliqiiid
injiiriosum dixisse prohure pôles, ftdes verl a calinmda le défendit. L'intention
d'olîeiiser existe ici, mais elle est soustraite à toute répression à raison
d'une autre intention qui se manifeste à ciUé d'elle. A parler strictement,
il peut en être ainsi dans certains cas, même lorsqu'on n'arrive pas à
prouver la vérité des faits avancés.
(4) Dig., 48, 19, 16, 2. Le fait de dépasser dans ce cas la mesure conve-
nable peut donner lieu à une action pour cause de dommage causé à la
chose d'aulrui, mais non pas pour cause d'injure (Dig., 19, 2, 13, 4).
(5) Dig., 47, 10, 13, 1. 2. 1. 13, 39. 1. 33. 48, 19, 16. 2. Lorsqu'on se trompe
dans l'accomplissement d'actes publics, on peut aussi ne pas avoir l'in-
tention d'olfensor la personne qui soulTre de cette erreur (Dig., 47, 10. 13,
îj. 6). Au contraire, l'action d'injure est fondée, lorscju'un dépasse sciem-
ment les limites de sa compétence (Dig., 47, 10, 32).
(6) Dig., 47, 10, 3, 4. Quintilien, 7, 4, 14.
ATTEINTE A LA PERSONNALITÉ 111
chaque cas concret aux interprètes de ces mœurs, c'est-à-dire
aux magistrats compétents, qu'il appartient de les déterminer. (798)
C'est sur cette idée que se fonde le refus d'action en cas de
voies de fait exercées pendant un jeu de hasard sur la personne
de celui qui tient la banque (1). Cette même idée explique
aussi notamment que celui qui se rend coupable d'un adul-
tère soit pour ainsi dire dépourvu de toute proteciion juridi-
que en cas d'injure commise contre lui. Sous laRépublique, les
atteintes corporelles les plus graves commises dans ces cas sont
impunissables (2), et le droit impérial pose également la règle
que toutes les fois où l'adultère légitime l'homicide (II p. 339)
toute espèce de mauvais traitements est égalemonl permise (3) .
En outre, la loi d'Auguste sur l'adultère autorise expressé-
ment l'offensé à retenir pendant vingt heures celui qui est
surpris en flagrant délit d'adultère (4).
4. Le consentement de la victime, dans la mesure du moins
où il y a à tenir compte de cette victime elle-même, exclut l'ac-
tion (5).
(1) Edit du préteur : Dif/ , 11, 5, 1, pr. : si quia eum, ap'ud quem aléa lusum
esse dicetur, verheraveril... judicium non dabo, ce qui d'après le | 2 doit
s'appliqxier non seulement pour la durée du jeu, mais encore à toute épo-
que et en tous lieux [ubiciimque et quandociimque).
(2) Val. Max., 6, 1, 13 ; par exemple la castration, qui n'est d'ailleurs
pas admise dans ce cas par tous les jurisconsultes (Horace, Sat., 1, 2, 46).
(3) Dig., 48, 5, 23, 3 : quioccidere potest adulterum, multo magis contumelia
poterit jure adficere.
(4) Paul, 2, 26, 3. iJlg., 48, o, 20.
(o) Dig., 47, 10, 1,0". nulla injuria est, quae in volentem fiât. 1. 26. L'in-
capacité de fait n'équivaut naturellement pas à un consentement (III p. 96
n. 4). — Rentre dans ce cas la promesse par serment (auctoramentum)
exigée de l'homme libre, lors de son entrée à l'école de gladiateurs, et par
laquelle il s'engage à accepter le traitement propre à la profession de gla-
diateur : brûlures, enchaînement, coups, mort(M/'i vinciri verberari fer roque
necari : Pétrone, U7 ; Sénéque, Ep., 37, 1). On comprend que les objections
juridiques qui viennent naturellement à l'esprit dans ce cas disparaissent
au regard de Vhomicidium publicum. — L'k'yYpacpov xoniôspixta; (xoTtiôspji^'a ;
d'après la glose gréco-latine, 2, p. 198 Gotz tinni so [expression inconnue
par ailleurs] ^ -/.oTriospi^oçy, qu'on rencontre pendant la dernière période,
paraît voisin de l'hypothèse précédente; c'est une sorte d'entrée volon-
taire dans l'esclavage que défendit l'empereur Anastase (Malalas, 16,
p. 401 éd. Bonn).
112 DROIT PÉNAL ROMAIN
Injure indirecte. Peu impcFle 611 droit que l'intention d'offenser se manifeste
contre l'offensé personnellement ou contre un intermédiaire.
Cet intermédiaire peut être un objet, par exemple en cas d'ou-
trage à une efflgie 1 1), ou une personne, en tant que l'offense
commise contre l'épouse, le fils ou le serviteur, peut être diri-
(799) gée en même temps et même principalement contre le mari
le père ou le maîlre (2). On exige toutefois dans ce cas que
l'offenseur ail connu le lien en question, donc qu'il ait su que
l'offense atteignait en même temps les personnes précitées (3).
Si cela n'a pas eu lieu, donc s'il n'y a pas d'injure indirecte (4),
l'ancien droit accorde difficilement l'action d'injure au mari,
au père ou au maître (o).
Action dinjure Eu cas d'iojure commise vis-à-vis d'un homme libre en puis-
^le"^"'^ sance ou vis-à-vis d'un esclave (III p. 96 n. 4), on a, comme
la puissance, ^es persoDucs sout dépourvues de la capacité requise pour in-
tenter une action, accordé l'action d'injure au détenteur de la
puissance en qualité de représentant (G). Toutefois, on a per-
(1) Quintilien,4, 2, 100, mentionne comme injure fondant une action la
flagellation de la statue d'une personne (d'un débiteur banqueroutier,
semble-t-il). On sait le rôle que jouait l'effigie de l'einpereur dans l'ac-
tion de lèse-majesté (Il p. :î9i). Rentre également dans ce cas la viola-
tion de la sépulture d'un parent (III p. 96 n. 2).
(2) Dif/., 47, 10, 15, 35: si quis sic fecit injuriam servo, ut domino faceret,
video dominum injuviarum agere posse suo nomine. Lorsque le fils se laisse
volontairement corrompre, l'action d'injure lui est refusée, mais elle est
accordée au père (/>/.7., 47, 10, 1, 5). Lorsque le père et le fils ont été oll'en-
sés par le même acte, les deux actions suivent leur cours indé|iendam-
ment l'une de l'autre et l'estimation peut être différente dans chaque cas
(Dig., 47, 10, 30, 1), L'offense faite à la fiancée est considérée comme une
injure commise envers le fiancé (0((/., 47, 10, 13, 24).
(3) Dig., 1, 12, 1, 10. 47, 10, 1, 3.
(4) Celte solution est donnée pour les femmes et les fils de famille chez
Paul, 5, 4, 3, et LHg., 47, 10, 18, 4, et aussi pour les esclaves, Dig., 47, 10,
15, 45 : non caesiirus eum si meum scisset. 47, 10, 26.
(5) Le contraire est dit, à vrai dire, aux l>ig., 47, 10, 1, 8 : site sciât (juis
filium meum esse vel uxorem m.eam sive ignoraverit, habere nie tneo nomine ac-
tionem Neralius scripsil. Pratiquement, il convient de considérer les injures
faites à la femme comme atteignant le mari : les Inst. 4, 4, 2, en modifiant
comme suit le passage do Gaius (n. 6) : itemper uxorem suam, id enim mu-
gis praevaluil, indiquent qu'il y avait controverse sur les régies applica-
bles en cas d'injure faite à ime femme mariée.
(6) Gains, 3, 221 : pati aulem injuriam videmur non solum per nosmet ipsos.
ATTEINTE A LA PERSONNALITÉ 113
mis au fils de famille, dans certaines circonstances, d'exercer
l'action personnellement (III p. 118 n. 3).
Lorsqu'il y a simple tentative, sans consommation de délit. Tentative.
Hnjure est impunie (1).
L'instigation et l'assistance sont ici assimilées en droit au complicité.
délit principal (2). Lorsque l'esclave commet le délit sur l'or-
dre du maitre, tous deux sont traités comme co-auteurs (I p. 89
n. 5).
cas de chanson
diffamatoire.
Dans l'ancien droit pénal, les seuls cas d'injure rangés parmi (800)
les crimes publics sont la chanson et l'écrit diffamatoires et Procédure
1 j '• y p • pénale
encore ceux-ci, comme nous 1 avons deja tait remarquer publique en
(III p. 107), ne sont-ils pas alors réprimés comme injure, mais
comme violation d'un devoir civique. Le carmen famosum doit
donc en droit avoir été soumis à la procédure des magistrats
et des comices, toutefois nous n'avons aucun témoignage
attestant l'application de cette procédure dans ce cas ; il est
possible qu'elle soit ici tombée rapidement en désuétude. Même
dans la transformation de la procédure' criminelle au dernier
siècle de la République, ce délit n'a été renvoyé à aucune
quaestio, mais le préteur l'a réprimé par une action privée
(III p. 107). C'est seulement un sénatus-consulte de l'épo-
que d'Auguste qui, revenant à la conception ancienne du
délit, range la chanson et l'écrit diffamatoires parmi les actes
qui fondent l'action de lèse-majesté (3).
sed eliam per libéras nostros (juosin poteslate hahemus. Hem per uxores tiostras,
cum in manu nostra sint. Il n'est pas permis de modifier les derniers mots
pour leur faire dire le contraire, car la restriction de l'injure indirecte
aux enfants en puissance implique une limitation du même genre vis-à-
vis de la femme mariée.
(1) Dig., 47, 10, 15, 17.
(2) Paul, 5, 4, 20. Dig., 47, 10, M, pr. 3-6. 1. 15, 2. 8.
(3) Cpr.II p. 267. Tacite, 4n/i., l, 12 :primus Augustus cognitionem de faiJiosis
lihellis specie legis ejiis (majestalis) tractavit, commotus Cassii Severi lihidine,
qua viras feminasque inlustres pracucibus scriplis diffamaverat. Ce texte vise
l'ordre donné en l'an 12 ap. J. G. de brûler des écrits de ce genre et la
punition infligée à leurs auteurs (Dion, 56, 27). Suétone, Aug., 55 : censuit
cognascendum poslhac de lis, qui libellas aut carmina ad infamiam cujuspiam
Droit Pénal Romain. — T. III. 8
114 DROIT PÉNAL ROMAIN
RépressioQ La peine fixée par les XII Tables pour ce crime est la peine
de la chanson -xi/ix 11 11,. i-i-» /rw < « t
diffamatoire. Capitale (1) Bt BQ oulre cbIIb de linteslabilite (2), c est-à-dire
la perte da droit de prêter témoignage ou dB recevoir une
prestation de témoignage, donc aussi du droit dB tester. Quant
à la question de savoir si cettB dBrnièrB pcinB était établie
pour le cas où la première ne s'exécutait pas, ou, si elle se rat-
tachait, comme la perte du droit de cité en cas de perduBl-
lion, au délit lui-mêmB, de IbIIb façon qu'Blle opérait rétroac-
tivement en cas de condamnation, il faut la laissBr irrésoluB.
(801) Lors du rétablissBment de la procédure capitale, on étendit à
ce délit les peines du crime de lèse-majesté; toutefois jusqu'à
Constantin la répression ne dépassa pas la relégation et cer-
tainement pas la déportation (3). Les empereurs postérieurs
ont prescrit la peiuB de mort pour les écrits diffamatoires
anonymBS (4). L'intBStabilité BllB-même est encore indiquée
sub alieno nomine edant, avec restriction peu précise aux publications ano-
nymes. Le motif de cette réforme ne fut pas seulement de rendre la pro-
cédure plus rigoureuse en y admettant les délateurs au lieu des victimes
elles-mêmes, mais aussi, comme les Dig., 47, 10, 6 1e relèvent, de répri-
mer les écrits diffamatoires qui ne nommaient pas expressément la per-
sonne attaquée et qui par suite rendaient difficile l'application de la pro-
cédure civile.
(1) Gicéron, De re p., 4, 10, 12 (III p. 106 n. 6). C'est elle que vise aussi
la. fo)-mido fustis chez Horace, £p., 2, 1, 154 ; toutefois il ne faut pas penser
ici avec le scoliaste au siipplicium fustianum militaire, mais aux verges
des licteurs qui servaient dans l'exécution more majonnn encore en vi-
gueur d'après le droit strict.
(2) Dig., 22, 5, 21, pr. 28, 1, 18, 1. 47, 10, 5, 9. Ulpien, dans le troisième
texte, rattache l'intestabilité à une Icv, et, dans le second, à un sénatus-
consulte : cette loi est sans doute celle des XII Tables et c'est à elle que
Gains, Dig., 28, 1,26 doit penser; le sénatus-consulte doit être celui par
lequel Auguste rétablit l'ancien droit.
(3) Cassius Severus, dont les écrits provoquèrent le sénatus-consulte
d'Auguste, fut banni, et sa peine fut aggravée sous Tibère par suite de
récidive (Tacite, Ann., 4, 21). D'après l'indication intercalée chez Paul,
5, 4, lo (il est impossible que cette indication vienne de Paul, car celui-
ci traite le même cas 5, 4, 16) un sénatus-consulte — qui est difficilement
celui de l'an 12 — établissait pour ce cas la peine de la déportation.
D'après Paul, 5, 4, 16. 17, qui traite l'écrit diffamatoire comme injure
qualifiée, la peine va usrpie ad relegalionem insulae.
(4) C. Th., 9, 34, 1 (constitution non reprise par Justinien). C. Th., 9,
34, 12 = C. Jtisl., 9, 36, 2. Cpr. pour la répression des dénonciations ano-
nymes II p. 4 D. 1.
ATTEINTE A LA PERSONNALITÉ 115
dans les œuvres juridiques de Justinien comme subsistant
en droit dans ce cas (1).
En dehors de l'action publique de lèse-majesté, l'action pri-
vée d'injure est également possible eu cas d'écrit diffama-
toire (2), mais, dès que l'une ou l'autre de ces procédures a eu
lieu, l'autre n'est plus permise.
Abstraction faite de l'écrit dififamatoire, l'injure, d'après l'an- AcUon privée
cien droit, est réprimée par voie d'action privée (3) tant en ^ ^^'°*'
vertu de la loi des Xll Tables que de l'édit du préteur et de
la loi Gornélia. L'action qui ne peut être réipersécutoire, puis-
qu'il n'y a pas ici de préjudice patrimonial, tend seulement à
faire prononcer une neine, que celle-ci consiste en une amende
pécuniaire ou en quelque autre mal infligé au coupable (4).
D'après le droit des XII Tables, la procédure débute ici, (802)
comme pour les autres délits privés, par une tentative de con- oaprès
ciliation que la loi mentionne seulement à vrai dire pour les xii "rlbie"
catégories les plus graves (t. III p. 116 n. 1). Nous n'avons pas
connaissance que ce procès ait présenté des particularités. —
(1) Peut être dans la dernière période ne vise-t-on par là que la perte
du droit de cité liée à la déportation ; Dion 57, 22 qualifie de privation
du droit de tester la transformation du bannissement en déportation. Au
C. Th., 16, o, 7, pr. (de même 16, 5, 36), la même peine supprime aussi la
testandi ac vivendijure Romano facultas.
(2) Horace, Sat., 2, 1, 82 : si mala condiderit in quem guis carmina, jus est
judiciumque, témoignage qui, rien que par sa date, ne peut pas être rap-
porté à la procédure publique, Dig., 47, 10, 6. La nécessité déjà signalée
d'inteuler l'action publique en cas d'attaques contre des personnes qui
ne sopt pas expressément nommées n'existe naturellement qu'en fait; en
droit, aucun obstacle ne s'oppose dans ce cas à l'exercice de l'action ci-
vile.
(3) Cod., 9, 35, 7 : injuriarum causa non publici judicii, sed privati continet
querelam. Ibid., c. 11.
(4) Cette conception apparaît de la manière la plus nette dans le talion
des XII Tables. Cicéron (Pro Caec, 12. 35) dit exactement par rapport à
une violation de domicile : actio injuriarum... dolorem imminutae liberlatis
judicio poenaque milirjat. Si un dommage se produit ici, il peut faire l'ob-
jet d'une poursuite distincte {Dig., 47, 10, 15, 46 : si quis servo verberaio
injuriarum egerit, deinde posiea damni injuriae agat, Labeo scribit eandem
rem non esse, quia altéra actio ad damnum perlineret culpa datum, altéra ad
coutume Uam ; cpr. III p. 149 n. 5.- La déclaration contenue au Cod., 9,
35, 8, d'après laquelle les termes de l'édit de injuriis tenaient aussi
compte du préjudice causé, est surprenante.
116 DROIT PÉNAL ROMAIN
Pour le cas le plus grave d'injure que vise la loi des XII Tables,
c'est-à-dire pour la rupture d'un membre d'un homme libre,
la peine est celle du talion (talio) (i) ; pour la fracture d'un os,
une amende fixe de 300 as (■= 60 marks?), s'il s'agit d'uue
personne libre, de 150 as s'il s'agit d'un esclave (2); pour toutes
les autres injures, c'est-à-dire suivant l'intention vraisemblable
du législateur, pour toute injure physique faite à une personne
libre, une amende fixe de 25 as {:= 5 marks?) (3).
D'après redit. Ccs règles ne cadraient plus avec l'état postérieur de la civi-
lisalion romaine. A vrai dire, on prononçait encore la peine du
talion, mais celte sentence avait certainement cessé de bonne
heure de donner libre champ à la vengeance privée; considé-
rant que cet arrêt ne pouvait être exécuté, le tribunal lui subs-
tituait immédiatement un équivalent en argent (4). On ré-
prima ainsi par des peines pécuniaires non seulement les autres
injures mentionnées dans la loi des Xll Tables, mais encore
toutes celles pour lesquelles on admit plus tard l'action d'injure.
La loi Cornélia n'a pas établi non plus de peine supérieure aux
peines pécuniaires (o). Les amendes fixes du vieux code, par
suite d ;s changements dans les conditions de la vie sociale et en
(1) Loi des XII Tables. 8, 2. Scholl [ici. Girard] (= Festus, p. 363, et
autres textes) : si membrum rupsil, ni cum eo pacit (plutôt pagit), talio esto.
Comme cette régie n'a pas pu s'appliquer aux esclaves, la mutilation a
dû être pour eux assimilée à la fracture d'un os.
(2) Loi des XII Tables, 8, 3, SchôU [id. Girard] {= Coll., 2, 3, 5 et au-
tres textes ; il n'est pas certain que les termes rapportés soient ceux-là
mêmes de la loi des XII Tables) : si os freçiit libero, CGC, si servo, CL poenam
subito scslerliorum. Les termes de Vorigiiium l. IIII, de Caton (chez Pris-
cien, 6, 69 : si quis mtinbrum riipit aitt os fregit, talione prnximus cugnatus ul-
ciscilur) sont vraisemblablement (I p. 13 't) empruntes à un droit muni-
cipal latin encore en vigueur à l'époque de Caton ; il n'est guère douteux
que l'obligation d'accepter une composition en cas d'os fractum est le ré-
sultat d'un adoucissement du droit et qu'elle a été précédée par la peine
du talion.
(3) Loi des XII Tables, 8, 4, Scholl [id. Girard] [Coll. 2, 5, 5. et autres
textes ; rédaction modernisée quant aux termes) : qui injuriam alteri facil,
XXVseslerliorum poenam subito.
(4) Aulu-Gelle, 20, 1, 38 : si 7-eus, qui depecisci noluerat , judici talionem
imperanti non pnrebat. aesfitnala Ute judex hotninem pecuniae damnabat.
(5) Chez Paul et aux Digesla, on ne trouve aucune trace d'une peine
propre à l'action Coraélia d'injure, et comme ces deux sources traitent
ATTEINTE A LA PERSOxNNAL ITÉ 117
présence de la très grande inégalité des fautes naorales qu'on
trouve à la base du délit d'injure, ne se sont pas maintenues plus (803)
que l'institution du talion. Dans les prescriptions postérieu-
res, on ne rencontre des amendes de ce genre qu'à titre isolé,
par exemple, dans l'édit du préteur pour la citation en jus-
tice du patron par l'affranchi (1) ; régulièrement, le montant
de l'amende est fixé dans chaque cas concret.
C'est au demandeur qu'il appartient en droit de proposer le influence
taux de l'amende qui doit être considéré comme l'équivalent su'!- ÎT ûwUoa
de l'offense. Toutefois, dans les cas les plus graves, on demande "^^ montant
de l'ameade.
au préleur de fixer à son gré, et, si c'est nécessaire, après ins-
pection (2i, le montant de la caution de comparution (vadimo-
nium) à exiger du défendeur, et le demandeur intente alors pon
action pour une somme égale à celle de la caution (3), de
telle sorte qu'il a ici pour ainsi dire une autorisation du ma-
gistrat. Pour les affaires de peu d'importance, le demandeur
propose directement à son gré le taux de l'amende qu'il ré-
clame (4).
Le tribunal, étant donné que la procédure doit être rapide, Le jury,
se compose ordinairement de récupérateurs (5). Toutefois, pour
les injures par voies de fait, lorsque les deux parties sont des
personnes libres (III p. 102 n. 4), et pour la violation de domi-
cile (III p. 105 n. 1), sans doute avec la même restriction, la
cette action comme fonctionnant encore en pratique, il faut en conclure
que la peine générale de l'injure s'appliquait dans les deux actions.
(1) 5000 Sest. = 50 aurei : Dig., 2, 4. 12. 1. 24. 1. 25.
(2) On peut s'adresser au préteur dans ce ))ut, même pendant les va-
cances judiciaires {Dig., 2, 12, 2).
(3) Gaius, 3, 224 : cum atrocem injuriam praetor aeslimare soleat, si simul
constilueril, quantae pecunlae eo nomine fieri debeal vadimonium, hac ipsa quan-
lilale taxamus formidam. Edit, Coll., 2, 6 : qui... injuriarum agit... taxatio-
nem ponat non minorem quam quanti vadimonium fuerlt. La correction non
majûrem n est pas à approuver; il s'agit vraiseml)lablement ici en pre-
mière ligne de l'action de la loi Gornélia et celle-ci pouvait bien être do-
minée par l'idée que le consilium ne devait fonctionner que pour des amen-
des élevées et irréductibles, de telle façon que le demandeur était placé
dans l'alternative ou d'obtenir une peine sévère ou de perdre son procès.
(4) Nous savons que pour un coup de pied la transaction s'éleva à
50.000 sesterces (Suétone, vit., 7).
(5) Gicéron, De inv., 2, 20, 60. Aulu-Gelle, 20, 1, 13.
118 DROIT PÉNAL ROMAIN
loi Cornélia a confié la connaissance du procès à un consilhim
(804) présidé par un quasi-magistrat (1) et a ainsi rapproché l'ac-
tion d'injure de la procédure criminelle (2); elle l'a fait encore
en admettant ici comme demandeur le fils de famille, réguliè-
rement incapable d'intenter une action civile (3). Malgré cela,
l'action est considérée comme privée, car on ne trouve pas
ici l'élément essentiel du judicium publicum, le droit général
d'accusation ; la faculté d'agir n'appartenant ici qu'à la vic-
time (Il p. 36). La présidence de ce consilium a été confiée ou
au préteur civil qui instruit l'affaire, ou plus vraisemblable-
ment, comme dans le procès de violence, à un chef des jurés
qui lui est substitué. La loi exclut pour ces injures la procé-
dure des récupérateurs et c'est pour ce motif qu'elles sont
passées sous silence dans l'édit du préteur ; toutefois une cons-
titution de Septime Sévère a admis pour ces catégories d'in-
jures l'action prétorienne à côté de la procédure de la loi
Cornélia (4).
(1) La disposition de la loi Cornélia, ut non judicet, qui ei qui agit gêner
socev vitricus privignus sobrinusve est propiusve eorum quemquem ea cognatione
adfinilateve attinget quive eorum ej'us parentisve cujus eorum patronus erit
(Dig., 47, 10, 5 pr.) est manifestement, malgré la mutilation, le reste d'une
loi relative à la composition du consilium et ne peut se rapporter, non pas
il est vrai dans l'esprit de Tribonien, mais encore dans celui d'Ulpien,
qu'à la formation d'un jury à la manière des quaestiones.
(2) L'action d'injure de la loi Cornélia est, il est vrai, opposée à l'actio
civilis (Dig., 47, 10, 7, 6. 1. 37, 1; ailleurs: Dig., 47, 10, 5, 6, l'opposition a
lieu entre l'actio injuriarum legis Corneliae et Yactio injuriarum praetoria) et
l'on emploie à son égard l'expression reum recipi (Dig., 48, 2, 12, 4). C'est
pour cela que Gains la passe sous silence dans son exposé du procès
d'injure. Mais elle s'appelle toujours acii'o, jamais accusatio, et comme Paul
noua dit qu'elle repose en partie sur la coutume, c'est-à-dire sur l'édit,
et en partie sur la loi (III p. 95 n. 2), elle est par essence une action
civile modifiée quant à la composition du jury. Paul, Dig., 3, 3, 42, 1 :
ad actionem injuriarum ex lege Cornélia procurator dari potest, nam etsi pro
publica utilitate exercelur, privata tamen est.
(3) Dig., 47, 10, 5, 6. Il faut aussi tenir compte à cet égard de ce que
l'édit du préteur promet au fils de famille, sous certaines conditions,
l'action ordinaire d'injure Dig., 2, 14, 30 pr. 3, 3, 8 pr. 47, 10, 17, 10. 11).
(4) Ulpien, Dig., iTi. 10, 7, 6 : posse hodie de omni injuria, sed et de atroci
civiliter agi imperator nosler rescripsit. Marcien, Dig., 47, 10, 37, 1 : etiam ex
lege Cornélia aclio civiliter moveri potest condemnatione aestimatione judicis fa-
cienda.
ATTEINTE A LA PERSONNALITÉ 119
Les conclusions du demandeur portent toujours sur une Peine
somme d'argent déterminée. Celles-ci lient le tribunal en cas p^"^""'*'""®'
d'action de la loi Cornélia ; le jury ne peut ici qu'acquitter ou
condamner conformément aux conclusions du demandeur (1).
Le motif en est que devant un consilium la procédure d'estima-
tion est rendue beaucoup plus difficile. Cet inconvénient n'existe
pas pour le judiciwn recuperatorium. Toutefois, lorsqu'ici
le préteur a influé sur l'estimation du demandeur, le tribu-
nal adopte toujours dans sa condamnation la taxation ainsi
faite (2). Par contre, lorsque le jury ne se trouve en présence
que d'une évaluation du demandeur, il use librement de
son pouvoir d'appréciation pour la réduire (3). La distinction (805)
de la litis aestimatio et de la condamnation disparait en cas
d'action d'injure et la sentence porte simultanément sur la
question d'existence du délit et sur le montant de la peine.
En dehors de l'amende, le condamné est également frappe infamie.
d'infamie (4). Il faut d'ailleurs se rappeler à cet égard que
l'action n'est pas donnée d'emblée à toute victime d'une in-
jure. L'infamie s'applique aussi au cas où les parties ont usé
de la faculté de transiger (o) et ont ainsi convenu du paiement
(1) Marcien, loc. cit. exclut nettement dans l'action de la loi Cornélia
l'estimation judiciaire.
(2) Gains, 3, 224 : judex quamvis possit vel minoris damnare, pJerumque
tamen propter ipsii/s praetoris auctoritatem non mulet minuere condemnationem.
(3) Gains, 3, 224 : permittitur nobis a praetore ipsis injiinam aestimare et
judex vel tanti condemnat, quanti nos aestimaverimus, vel minoris, prout ei
visum fuerit.
(4) Fragment d'Esté, 1. 3 (Bruns, p. 103 [Girard, p. 77]). Lex Jidia muni-
cipalis, 1. 111. Edit du préteur : Dig., 3, 2, 1. Gaius, 4, 182 = Inst., 4, 16,
2. Paul, o, 4, 9 : injuriarum civiliter damnatus ejusque aestimafionem inferre
jussus famosus efficitur. Ibid. 18. 19. 20, Dig., 47, 10, 7 pr. 1. 42. Cod., 2, 11, 5.
c. 18. Cet effet se produit même en cas d'injure commise vis-à-vis d'un
esclave {Cod., 2, 11, 10). Il n'y a pas lieu de croire que cette règle ne s'ap-
pliquait pas à l'action de la loi Cornélia. L'expression damnum cum in-
famia (Dig., 48, 19, 8, pr.) convient à l'action d'injure comme au furtum.
— Exclusion de l'ordre des décurions pour cause d'injures graves :
Dig., 47. 10, 40.
(5) Dig., 2, 14, 27, 4. Lorsqu'un esclave est convaincu d'injure, on doit
tenter, en le soumettant à la correction devant le tribunal, c'est-à-dire
par voie de coercition du magistrat, de déterminer le demandeur à re-
noncer à poursuivre la condamnation Dig., 47, 10, 17, 6).
120 DROIT PÉNAL ROMAIN
d'une indemnité pécuniaire (1). — Celui qui intente l'action
d'injure par esprit de chicane ne tombe pas en droit sous le
coup de l'action criminelle de calumnia, mais est puni avec
une rigueur analogue (2).
En cas de complicité, chaque coupable est tenu de payer le
montant intégral de l'amende (3). — Si l'injure est commise
par un esclave, celui-ci est soumis aux règles de la noxa (4).
La mort du coupable éteint l'action (o).
La tendance à diminuer le plus possible les actions d'injure
ne s'est pas seulement fait sentir dans les règles restrictives
pour l'admission à l'action, on la voit percer aussi dans les rè-
gles qui régissent le fonctionnement même de cette action. Le
préteur exigeait pour délivrer son instruction au jury qu'on
groupât les injures connexes (6) et qu'on désignât d'une ma-
(806) nière précise l'injure pour laquelle on agissait (7). On permet-
tait au demandeur de déférer le serment au défendeur (8);
en outre, l'action était refusée en cas de pardon, même si ce-
lui-ci ne se manifestait que tacitement (9). Elle était encore
refusée aux héritiers de l'offensé, à moins que ce dernier ne
l'eût déjà conduite jusqu'à la //^?.s contestatio (10). Dans l'action
prétorienne d'injure, mais dans ce cas seulement, le demandeur
(1) Dig., 3, 2, 1 (cpr., 2, 14, 27, 4). Cod., 2, 11, 18. Gpr. III p. 117 n. 4.
(2) II, p. 187. Paul, 5, 4, 11 : exilii vel insulae relegalione aut ordinis amis-
sione. Die/. 41, 10, 43 : quiinjuriarum actionem per calumniam institiiit, extra
ordinem damnatur , idesl exilium aut relegationem aut ordinis arnolionem pa-
tiatur.
(3) Dig., 47, 10, 34.
(4) Dig., 47, 10, 17, 4. 7. cpr. 36.
(o) Dig., 2. H, 10, 2. 47. 10, 1, 3 pr. 1. 15, 14.
(6) Dig., 47, 10, 7, 5.
(7) Gaius, 4, 60. Coll., 2, 6. Quintilien, 6, 3, 83 (texte en apparence dé-
fectueux) : colaphum tihi ducam et [excipiam, si] formulam scribes, quod caput
durum habeas.
(8) Dig.. 47, 10, 5, 8. Cod., 2. 10, 18.
(9) Dig., 47, 10, 11, 1.
(10) Dig., 2, H, 10, 2. 47, 1, l, 1. tit. 10, 13, pr. 1. 15, H. 1. 28. Cette règle
n'est pas plus dans la logique du droit que celle d'après laquelle, en cas
d'injure commise vis-à-vis d'un esclave appartenant à plusieurs pro-
priétaires, ceux-ci n'ont l'action d'injure que proportionnellement à leur
part de propriété {Dig., 47, 10, 15, 49. 1. 16).
ATTEINTE A LA PERSONNALITÉ 121 IS
qui succombait était frappé dans l'action contraire {judicium
contrarium) d'une amende du dixième de la somme qu'il avait
réclamée (1). Uactio injurianmi était soumise au bref délai
prétorien de prescription (2), bien qu'on put presque avec au-
tant de raison que pour Vactio furti manifesii la rattacher à
la loi des XII Tables. On facilitait aussi, pour le cas de con-
damnation, les moyens d'écarter l'infamie qui en résultait
en droit (3).
Dans la dernière période, le délit d'injure a été traité comme
celui du /wr/wm : l'action privée reste possible, mais, dans de
nombreux cas, on voit fonctionner une procédure pénale publi-
que, toujours appelée extraordinaire malgré la fréquence de ses
applications, et qui se présente (4) au fond comme une action
pour injures qualifiées (5). Abstraction faite de la profanation
d'église et du blasphème (II p. 307), il en est surtout ainsi (807)
lorsque l'injure est commise contre un magistrat (6) ou dans un
écrit remis à une autorité, notamment lorsqu'elle est dirigée
(1) Gaius, 4, 118.
(2) Cod., 9, 35, S. Cpr. Dig., 47, JO, 17, 6.
(3) Il est surprenant que le défendeur ait pu dans l'action privée
échapper à l'infamie en se faisant représenter [Dig., 3, 2, 6, 2. 37, 15, 2,
Tpr.) ; car, en autorisant la représentation dans ce cas, on rendait la peine
de l'infamie illusoire pour toutes les personnes qui étaient en état de
rétribuer un représentant. Mais ce résultat a vraisemblablement été
voulu ; car on aurait difficilement pu assurer ici efficacement les consé-
quences de l'infamie.
(4) Par rapport à la contestation de liberté, Dioclétien [Cod., 7, 16, 31)
distingue sous les noms A'injuria et de cahimnia le délit privé et le délit
public : si tibi servitutis improbe moveatuv quaesUo, sollemnibus ordinatis de
calumnia velinjuria, prout vindictae viam elegeris... sententiam postulare po-
tes. On ne peut pas en conclure à un usage ferme du langage ; calumnia
est ici employé dans son sens large. (Il p. 180 n 3).
(5) Inst., 4, 4, 10 : in summa sciendum est de omni injuria eum qui passus est
posse vel criminaliter agere vel civililer : et si quidem civiliter agatur, aesli-
rn.atione facta... poena imponitur ; sin autem criminalité)', officia judicis e.r-
traordinaria poena reo irrogatur. Hermogénien, Dig., 47, 10, 45 : de injuria
nunc extra ordinem ex causa et persona statui solet.
(6) Dig., 47, 10, 15, 30 : (Papinianus) ait eum, qui evenlum sentenliae velut
dalurus pecuniam vendidit, fustihus a praeside ob hoc castigatum injuriarum
damnatum videri. L'infamie peut donc avoir aussi lieu en cas de procé-
dure criminelle.
122 DROIT PÉNAL ROMAIN
dans l'acte d'appel contre le juge de premièreinstance(l). Cette
procédure se rencoQtre aussi, lorsque raction privée n'est pas
possible ou ne donnerait pas de résultat, par exemple, lorsque
ce délit a été commis par une personne de basse condition sans
fortune (2) ou par un esclave dont le maître est absent (3).
Font encore l'objet d'une répression criminelle, parmi les cas
d'injure précédemment cités, l'offense commise par des enfants
vis-à-vis de leurs parents (4), la contestation delà liberté d'au-
trui (III p. lOo n. 5), la perturbation de la paix conjugale
(III p. 104 n. 2), la violation du domicile (III p. 105 n. 2), la
détérioration des aqueducsetautres délits semblables (IIIp. 105
n. 4), le fait de déterminer l'esclave à fuir dans un lieu d'a-
sile (III p. 108 n. 1) et en général toutes les fois qu'il y a
scandale public (III p. 108 n. 4), ainsi que le prouve notam-
ment le classement à cette époque de la chanson diffamatoire
parmi les cas d'application de cette procédure (III p. 114 n. 3).
On réprime aussi de la même manière au criminel, par ana-
logie avec la calumnia de la procédure publique, le fait d'in-
tenter l'action d'injure par esprit de chicane (III p. 120 n. 2).
Uinjw'ia atrox du vieux droit n'apparaît pas comme telle dans
ces différents cas, auxquels il n'est d'ailleurs fait allusion qu'in-
cidemment. Dans le droit de Justinien, l'action criminelle d'in-
jure est permise d'une manière générale à côté de l'action
privée (III p. 121 n. 5), c'est-à-dire qu'on laisse dans chaque
cas au magistrat la faculté de se servir de cette procédure cri-
minelle. Même, lorsque l'autorité compétente ne punit pas à
raison d'une connaissance propre qu'elle a eue du délit, mais
en vertu d'une dénonciation, la procédure est le plus souvent
(1) Paul, 5, 4, 18 =r Diq., 47, 10, 42 : convicium j udici ab appellatoribiis fieri
non oportet; alioquin infamia notantur. Paul, 5, 35, 3. Dig., 49, 1, 8. La men-
tion spéciale de l'infamie s'explique ici par ce fait que la répression a
lieu dans ce cas en dehors de tout procès formel.
(2) Diq., 47, 10, 35,
(3) Dig., 47, 10, 9, 3.
(4) Dig., 37, 15, 1, 2 : si films matrem aut patrem... conlumeliis adficit vel
impias manus eis infert, praefectus urhis deliclum ad publicam pietatem perli-
nens pro modo ejus vindicat. Cod., 8, 46, 4,
ATTEINTE A LA PERSONNALITÉ 123
sommaire; l'accusation en forme n'est pas impossible ici (1),
mais elle y est rare. Abstraction faite de l'écrit diffamatoire
anonyme, la peine se restreint ordinairement, pour les per-
sonnes des meilleures classes, au bannissement à temps, ou, (808)
dans certains cas, à l'interdiction d'une profession (2); pour
les petites gens, à la correction (3) ; pour les esclaves, à la
fustigation (4). Il y a cependant eu aussi des condamnations
plus sévères (o).
(1) En effet, une constitution de l'empereur Zenon (Cod., 9,33, 11 ; Inst.,
4, 4, 10) donne aux personnes de la première classe, qu'elles soient de-
manderesses ou défenderesses, le droit de se nommer, dans l'action crimi-
nelle d'injure, des procuratores.
(2) Di^., 47, 10, 43.
(3) Dig., 1, 12, 1, 10. tit. 16, 9, 3. 47, 10, 13, 30. 1. 43.
(4) Paul, 5, 4, 22 : setwiis... flagellis caesus sub poena vinculorum tempora-
lium domino restiluïlur. Dig., 47, 10, 9, 3. 1. 43.
(5) Contre celui qui s'introduit furtivement dans une demeure : exilium
aut metallum aut opus publicum ; Paul, o, 4, 8. Contre des esclaves et des
affranchis, coupables d'injures graves, la peine du travail dans les mi-
nes : Paul, 3, 4, 22. Dig., 1, 12, 1, 10. — On trouve aussi par contre une
simple remontrance : Dig., 1, 12, 1. 10. tit. 16, 9, 3.
(809) SECTION X
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE D'AUTRUI
Dommage Les atteintes à la propriété peuvent revêtir deux formes :
causé à la
chose d'autrui
OU celle de l'appropriation ou celle de la destruction et del'en-
endroii dommagement. Ces deux notions sont également applicables
public et en .
droit privé, aux bieus des dieux, à ceux de l'Etat et à ceux des particu-
liers ; mais, tandis qu'au point de vue de l'appropriation le
sacrilège commis vis-à-vis des biens d'un temple et le péculat
commis vis-à-vis des biens de l'Etat correspondent au vol des
objets appartenant à un particulier, nous ne trouvons dans
les sources, à côté du dommage causé à un patrimoine privé,
aucune notion juridique générale symétrique au sacrilegium
et au péculat. Le terme violatio semble cependant avoir été
technique dans l'ancien droit |)our désigner le dommage causé
à des objets religieux (1), et, l'étyraologie de ce mot prouve que,
dans ce domaine, comme vis-à-vis du patrimoine d'un particu-
lier, le dommage causé à la chosed'autrui a été, en droit pénal,
considéré surtout comme un acte de violence. Certes, il ne
(1) Violare est une expression technique non seulement pour la viola-
tion des sépultures, mais aussi pour celle des biens des dieux ; la très
vieille loi sur le bois sacré de Spolète (Bruns, Fontes, p. 260) commence
ainsi : honce loucom ne quis violalod et Gicéron, Pro Rah ad pop., 2, 7 dit :
de locis 7'eligiosis ac de lucis, quos ab hoc violatos esse di.risli. Etymologique-
ment.Dio/a/JO signifie la violenceen général ; l'usage postérieur du langage
a étendu ce terme à tout délit, mais la restriction du sens de ce mot dans
le langage technique est au moins aussi justifié que pour le mot injuria.
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE D'AUTRUI 135
manque pas dans les sources de dispositions sur les domma-
ges causés à tel temple en particulier, à telle roule (1), à
tel aqueduc (2) et sur des violalions analogues du droit; mais (810)
il n'y a pour ainsi dire pas de dispositions générales sur les
dommages causés aux biens des dieux et à ceux de l'Etat, si
l'on excepte les règles sur les tombeaux qui, dès une époque
reculée de la République, ont dû être rang ''es dans le droit
privé, bien qu'elles ne lui appartinssent pas à proprement
parler. Cet état de droit a sans doute moins pour cause la jus-
tice administrative des censeurs et des magistrats du' môme
genre, exclusive de toute procédure contradictoire, que la
législation spéciale qui accompagne la fondation de toute œu-
vre publique. Le droit pénal ne peut ni négliger ce domaine,
ni construire à l'aide de détails insuffisants des théories fan-
taisistes; nous tenterons do grouper ici les renseignements
que les textes nous donnent à cet égard.
Nous plaçons dans la présente Section l'examen de la lé-
sion corporelle et de l'homicide d'un homme libre, en tant que
ces actes ne rentrent pas dans l'injure et dans le meurtre. Ce
classement se fonde sur ce que les règles du droit pénal appli-
cables à ces cas se rapprochent surtout de celles qui régissent
les dommages causés à la chose d'autrui.
1. Dommages causés aux temples.
La dedicatio d'un sanctuaire au nom de l'Etat a fréquem- Dommages
ment été réalisée, comme celle"de toute construction publique. °!"^^^
' • t ^ ^5 aux temples.
dans la forme d'une loi ; mais elle a peut-être eu, en tant
qu'elle posait des règles contre les soustractions et les domma-
ges, force obligatoire, même lorsqu'elle se présentait sous
(1) Le préteur dans ses interdits traite les chemins jirincipalenient au
point de vue de l'intérêt qu'a le particulier à la jouissance du sol pu-
blic ; les rapports de l'État avec celui qui endommage le chemin ne
sont effleurés que ça et là.
(2) Les régies qui leur sont appliquées sont particulièrement instructi-
ves pour la question qui nous intéresse ici (III p. 142).
126, DROIT PÉNAL ROMAIN
l'aspect d'une simple dedicatio (1). Chaque temple fit l'objet
d'une telle réglementation (2), mais on prit l'habitude dans
les actes de ce genre de renvoyer à la vieille dedicatio du
temple de Diane sur l'Aventin (3), de telle manière que cette
loi parait avoir été considérée comme généralement applicable
en matière religieuse. De cette loi rien ne nous a été con-
servé. Nous savons par ailleurs qu'en droit religieux le dom-
mage, conformément à la nature des choses, fut entendu plus
rigoureusement qu^'en droit privé : non seulement toute souil-
lure du sol consacré fut punissable (4), mais il en fut de
(811) même pour toute construction ou toute autre utilisation de ce
sol contraire au but religieux du sanctuaire (5). La peine qui
suppose toujours un acte intentionnel el qu'on distingue expres-
sément de l'expiation {piacuhun) requise en cas de profana-
tion involontaire (6), a dû être, dans les cas graves, la peine
capitale, et faire, comme au cas de sacrilegium, l'objet d'un dé-
(1) Le tableau le plus net d'un acte de ce genre nous est donné par la
loi du village de Furfo de 696/58 (I p. 262 n. 3 ; III p. 68 n. 3) ; celle-ci ne
se fonde pas sur l'autonomie municipale, mais sur l'autonomie collé-
giale, elle prononce cependant la multatio d'une manière générale.
(2) Festus, p. 189 : hiijiis {l'Ops) aedis lex nulla extat neqiie lemplum ha-
beat necne scitur.
(3) Dedicaliones de Narbonne en l'an 11 ap. J. G. (G. I. L. XII. 4333 =:
Bruns, p. 261) et de Salone en 137 ap. J. G. (G. I. L. III, 1933 =r Bruns,
p. 263) : ceterae leges hiiic arae tilulisque (manque dans la Ded. de Sal.)
eaedem sunto rjuae sunt arae Dianae in Avenlino {Av. monte diclae dans la
Ded. de Sal.U Le litre est cité chez Festus p. 165 sous le mot nesi.
(4) Lex rivi (inscription de Savoie, G. I. L. XII, 2426 =: Bruns, p. 265) :
si quis in eo mi[n)xserlt spurcili(am) fecerlt, in tem{plu7n) Jovis d... (denariutn)
I d(ato). Inscription de Luceria (G. I. L. IX, 782 = Bruns, p. 260 [Gi-
rard, 25]): in lioce loucarid stircus ne quis fundatid neve cadaver projecitad
rteve parenlatid. Qu'on compare avec ces textes la conception de la cor-
ruption à propos du dommage causé à la chose d'un particulier: Dig.,
9, 2, 27, 14.
(5) Dig., 43, 6. 1, pr. (it. 8. 2. 19.
(6) La loi sur le bois sacré de Spolète (III p. 124 n. 1) disiingue à pro-
pos de la contravention {sei quis iriolasit) celle qui est accidentelle et
celle qui est intentionnelle {scies dolo malo) ; dans les deux cas une ex-
piation est nécessaire (Jove bovid piaclum dalod), dans le second il y a en
outre une amende de 300 as (ejus piacli moltaique dicator[ei] exactio esl[od].
La /ex coloniae Genelivae, c. 73 prescrit aussi, en cas d'inhumation à l'in-
térieur de la ville, une amende et une expiation.
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE D'AUTRUI 127
bat dans une action publique. Toutefois, comme ni les écrits
ni les inscriptions, sauf pour ces dernières des exceptions iso-
lées, ne remontent à l'époque où les croyances des Romains
étaient sérieuses, nous ne devons pas être surpris de manquer
ici totalement de preuves (1). Pour les délits moins graves, la
peine est pécuniaire et se présente sous une double forme : ou
comme amende prononcée arbitrairement par le magistrat (2),
et non par le prêtre, soit en deçà du taux de la provocation,
soit au delà de cette limite, mais sous réserve de la provoca-
tion; ou comme amende fixe, déterminée par la loi du temple,
susceptible d'être réclamée par tout citoyen au moyen d'une
action civile dans la forme rigoureuse de la procédure d'exécu-
tion {pro judicato) (3) et destinée pour partie au demandeur
qui triomphe (4).
2. Violation de sépulture (5). (812)
Si chaque temple consacré au nom de la communauté re- Protection
des tombeaux
dans le très
ancien droit.
(1) Le fait qu'on impute à Rabirius, même simplement à titre acces-
soire, une violation de ce genre est favorable au classement de cette vio-
lation parmi les crimes publics proprement dits. Les interprètes du droit
romain ont peut-être étendu la portée du mot sacrilegiinn au-delà de sa
signification véritable de vol d'un bien des dieux (III p. 66 n. 6) pour
l'appliquer à la destruction et à la profanation de ce même bien ; mais
nous n'avons pas de preuve directe en ce sens. L'emploi, dans certains
cas, de sacrilegium pour la profanation de sépulture (C. I. L. VI 10120 :
fodere noli, ne sacrilegium committas) est sans importance, étant donnée
l'acception vague du mot [loc. cil.).
(2) Inscription de Luceria (III p. 126 n. 4) : seive macisteratiis volet mol-
tare, licetod. La loi de Spolète ne pose pas cette alternative.
(3) Inscription de Luceria : [»i] jum (— eum) qiiis volet pro joudicatod
n(ummum) 1 (plutôt L) muniim inject[i]o estod. La loi sur le bois sacré de
Spolète: a{ses) CGC moltai suntod... moltaique dlcator[ei] exactio esl[od]. Le
dicator est vraisemblablement le magistrat qui faisait la dedicatio et cette
expression embrassait aussi ceux qui lui avaient succédé dans. sa charge.
(4) Lex rivi (III p. 126 n. 4) : del[atoris) pars dim(idia) esto. Nesi (= sine)
l. p. u. (inexpliqué).
(o) La dissertation de Gustave Hirschfeld sur le^ inscriptions sépul-
crales grecques qui établissent des peines pécuniaires (Kônigsberger Stii-
dien, i, 83 sv.) et celle de Ferd. Wamser, De Jure sepulcrali Romanorum
quid tituii doceant (Darmstadt, 1887) nous présentent la masse considéra-
ble des inscriptions dans un aperçu d'ensemble méthodique.
138 DROIT PÉNAL ROMAIN
cevait un règlement, dont l'observation était juridiquement
obligatoire, et si, par suite, il devenait pour ainsi dire inutile
de faire une loi pénale générale, il est possible qu'originaire-
ment, lorsque les sépultures appartenaient exclusivement aux
gentes (1), celles-ci aient eu, à raison de l'autonomie relative
dont elles jouissaient au sein de la cili', la faculté d'opérer une
dedicatio aux mânes ayant force de loi et de poser en même
temps des prescriptions de droit pénal pour protéger la sé-
pulture. Mais, à l'époque historique, où l'institution des sé-
pultures privées se développe en même temps que la propriété
individuelle, la dedicatio faite par les particuliers aux mâ-
nes des défunts, même si comme cela est vraisemblable (III
p. 129 n. 1) certaines faveurs juridiques étaient accordées au
fondateur d'une sépulture qui se dépouillait de sa propriété
dans ce but, ne pouvait cependant pas établir diiectement un
système de protection juridique obligatoire pour tous et fonder
une action délictuelle pénale. Cet effet pouvait encore moins
résulter de la loi des piacida en vigueur jusqu'à une époque
tardive (2). Une réglementation d'État pour la protection des
tombeaux est déjà impliquée par ce fait que la loi des XII Ta-
(1) La sépulture romaine, au sens juridique du mot, n'est pas toute
place affectée à un mort, mais une catéfïorie de la propriété du sol ;
celle-ci appartient soit comme bien de l'Elat au peuple (loci/s puhliciis) ou
aux dieux de la cité (locus sacer), soit comme bien particulier à un citoyen
romain vivant {lociis privatus) ou aux mânes des défunts (locus religiosus).
Celui qui ne peut pas être propriétaire, par exemple l'esclave, ne peut
pas avoir une sépulture en propre et l'homme libre n'acquiert une telle
sépulture que comme propriétaire du sol. Donc, aussi longtemps que la
propriété sur le sol appartint à la gens et non à l'individu, il n'a pas pu
y avoir de sépultures privées ; et même, à l'époque postérieure, les seuls
détenteurs de sépulture sont à parler strictement les propriétaires du
sol. Toutefois, la régie rigoureuse du droit que seul le propriétaire du sol
peut avoir un tombeau est adoucie par la faculté qui appartient à celui-ci
d'admettre dans la séfiulture des tierces personnes. Ce point a été plus
longuement développé dans ma dissertation Zum Romischen Grahrecht dans
Z. S. St., R. Abt., 16, 203 sv.
(2) En cas de translation des corps, on exige le piaculum G. I. L., VI,
1884 et dans le décret pontifical de Terracine : G. I. L., X, 8259 = Bruns,
p. 237. Paul, 1, 21, 1 exige les sacrificla. Chez Paul, 1, 21, 4. 12, il est éga-
lement question à ce propos du piaculum. Ici s'applique aussi la remar-
que faite III p. 120 n. C.
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE D'AUTRUI 139
bles prohibait l'usucapion des sépultures (1), tandis que les
immeubles des particuliers n'ont jamais joui delà même pro-
tection juridique. Nous pouvons néanmoins faire cette consta- (813) À
tation négative que, d'une part, la procédure civile originaire
n'offrait pas de moyen de répression contre les violations de
sépulture {2), et que, d'autre part, on ne peut pas découvrir un
délit public dans lequel rentraient ces dommages (3). Il est
possible, comme pour les dommages commis vis-a-vis des
temples, que dans les cas graves la procédure capitale se soit
appliquée et que dans les cas les moins graves il y ait eu, soit
une amende arbitraire du magistrat, soit une amende légale-
ment fixée; mais toute preuve fait ici défaut.
Les tombeaux n'ont reçu une protection juridique dont L'acuon
,,. .. , , i./i'i r prétorienne
1 existence puisse être prouvée que dans 1 edit du préteur par pour violation
l'action privée que celui-ci introduisit vraisemblablement de de sépulture.
bonne heure pour les violations de sépulture (4). Sous le nom
de violation, on comprend, comme l'indiquent les œuvres juri-
diques et d'innombrables inscriptions en substance concordan-
tes, en dehors de la destruction et de la détérioration directes
du tombeau pour lesquelles aucune explication n'est néces-
(i)Loi des XII Tables, 10, 11 Schôll [Girard, 10, 10] z= Gicéron, De kg.,
2. 24, 61.
(2) A propos de l'action de la loi Aquillia, qui serait la plus indiquée
pour une protection de ce genre, on remarque expressément qu'elle n'est
pas applicable à la violation de sépulture {Dig., 47, 12, 2, pr.); elle exige
une propriété privée. L'action d'injure n'est donnée que pour l'offense
faite à un vivant, éventuellement, mais non nécessairement, contenue
dans la violation de sépulture (III p. 96).
(3) D'après l'exposé de Gicéron (n. 1), il n'est pas douteux que la loi des
XII Tables ne parlait pas d'une action pénale pour violation de sépul-
ture. Il ne faut attacher aucune importance aux paroles de Julien C. Th.,
9, 17, 5 zr: C. Jusl., 9, 19, 5 : {sepulcrum violare) proximum sacrilegio majores
semper hahuerunt. Gpr. pour le sacrilegium III p. 127 n. 1.
(4) La violation de sépulture {sepulcrum violatum) apparaît chez les ju-
risconsultes classiques et encore dans les Pandectes au nombre des dé-
lits privés et est traitée à leur occasion; c'est seulement dans les ou-
vrages juridiques postérieurs (C. Th., 9, 17; C. Jiist., 9, 19) qu'elle est
classée dans les délits donnant lieu à une poursuite criminelle. Il est
même à remarquer que les renseignements fournis par ces codes concer-
nent principalement l'action privée, tandis que l'action criminelle n'y
est visée qu'accessoirement.
Droit Pénal Romain. — T. III. 9
130 DROIT PÉNAL ROMAIN
saire (1), soit l'inhumation dans la sépulture de personnes
autres que celles admises par le fondateur (2). soit le traite-
ment des sépultures comme propriété privée par leur orga-
(814) nisation en habitation (3) ou par achat, vente et autres actes
semblables (4). Le préteur promet une action pour le cas de
violation tout d'abord aux personnes intéressées à la conserva-
tion du tombeau, et, si celles-ci ne se présentent pas, à toute
personne (o). L'action tend à faire prononcer au profit du de-
mandeur une condamnation à une amende de 10,000 sester-
ces (2,000 marks) (6) ; cette peine peut d'ailleurs s'élever dans
certains cas à une somme supérieure, lorsque l'action est in-
tentée par une personne intéressée (7). La condamnation en-
traîne en outre l'infamie (8).
Amendes H n'y a pas eu, jusqu'au cours du second siècle de l'ère chré-
sénulcrales .. j, , , r>. i ^,
deiEmpire. ^lenue, Q amcude prononcée au profit de 1 aerarinm pour pro-
fanation des sépultures (9). Mais, sous Marc-Aurèle et Verus,
(1) Enlèvement de matériaux de construction : Paul, \, 21, 5. 8. — Des-
truction des inscriptions : Paul, 1, 21, 8; et fréquemment dans les ins-
criptions, par exemple : C. /. L. YI, 24799 : quisqids hoc monumentum
violaverit aut titulum deasciaverit aliove quo nomine inscripseril, dabit in aera-
7ium p. R. IIS. XX m. n.; autres exemples chez Wamser, p. 31. Nous con-
naissons aussi un procès qui fut intenté à ce sujet et pour lequel le do-
cument nous est parvenu : C. 1. L., X, 3334 m Bruns, p. 361.
(2) Paul, \, 21, 6. 9. Dig., ;47, 12, 3, 3. Nombreuses preuves dans les
inscriptions, cpr. Wamser p. 21 et suiv.
(3) Diq., 47, 12, 3 pr. % 6. Paul, 1. 21, 12. L'action tendait dans ce cas à
une condamnation à 20.000 sesterces.
(4) Les amendes destinées à Vaerarium que nous mentionnerons plus
loin sont surtout dirigées contre le fait de vendre ou d'acheter des sépul-
tures comme s'il s'agissait d'un bien privé ; le procès mentionné n. 1
roule également sur ce sujet. Parfois la rédaction est encore plus géné-
rale; c'est ainsi qu'au C. I. L., VI, 7788 on menace d'une amende, si guis
hiiic monumento post me aliquam controversiam facere votuerit.
(b) Dir/., 47, 12, 3 pr. 1. 6.
(6) Dig., 47, 12, 3 pr.
(7) Dig., 47, 12, 3, 8. cpr. 1. 6. 1. 10. Une indemnité au sens juridique du
mot n'est pas ici possible, car le tombeau n'appartient même pas à celui
qui a un intérêt à sa conservation.
(8) Dig.; il, 12, 1.
(9) Le fragment de Tuder, C. I. L. XI, 4632 = Bruns, p. 135 : [qiiae poenae
cautiim jure Qui]ritium comprehmsumve est uli dentiir p{opulo) R{omano), u[li
eaedem deniur colonis ejus coloniac jus esta] paraît se rapporter aux lois sé-
pulcrales, car on trouve ensuite les mots : eorum gui quoque anno infe-
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE D'AUTRUI 131
peut-être déjà sous Antonin le Pieux (1), la violation de sépul-
ture a été, difficilement dans tout l'empire, mais tant à Rome
riarum sacri...; mais on ne voit pas clairement à quelles prestations au
profit de la communauté il est[ici fait allusion. D'autre part, dans une loi
sépulcrale, un Lingon de distinction, sans doute de la fin du i'^'' siècle ap.
J.-C, C. I. L., XIII, 5708 :=z Bruns, p. 275, impose à ses héritiers l'obliga-
tion de payer une amende à la cité pour le cas où ils violeraient ou né-
gligeraient la sépulture et les charge d'obliger de la même manière leurs
héritiers et les héritiers de leurs héritiers, puis ajoute, à titre de consé-
quence juridique, semble-t-il, les mots suivants : haec poena [ab] omnibus
dominis hiijus possessionis in perpettium inferatuv. Ce titre montre que son
rédacteur n'avait à sa disposition aucun moyen juridique pour établir
pour tous les temps et pour toutes les personnes l'amende dont il vou-
lait menacer toute violation de sépulture. S'il avait eu un tel moyen, il
aurait substitué la simple clause pénale à ces prescriptions détaillées qui
n'atteignent même que les possesseurs du principal fonds de terre. La
logique juridique exige aussi qu'une loi de ce genre obligatoire pour
tous et pour tous les temps ne puisse pas être établie par un acte privé ;
si le droit l'avait admis par exception, les amendes que nous indiquerons
plus loin se présenteraient partout et auraient existé de tout temps,
tandis que nous ne les trouvons que pendant la dernière période du droit
romain et dans certaines parties de l'empire.
(1) Les nombreuses inscriptions latines et grecques dans lesquelles
nous rencontrons les amendes sépulcrales, paraissent commencer à peu
près à la même époque, quels que soient la langue, le bénéficiaire de l'a-
mende et le lieu ; notamment, les amendes de Vaerarium n'apparaissent
nullement, comme je l'avais conjecturé autrefois, avant les amendes pon-
tificales. Je n'ai pas pu trouver d'inscription de ce genre qui put être
placée avec certitude avant le milieu du ii^ siècle. Les plus anciennes de
date certaine qui me soient connues sont l'inscription latine d'Antium de
167 (C. /. L., X, 6706 : 20.000 sesterces à Vaerarium p. R.) et l'inscription
grecque de Philadelphie en Lydie, datant de l'an 249 de l'ère de Sylla =r
169 ap. J.-G. {Athen. Mitth., 6, 371 : xw Taixîw ^ ^ 9). L'inscription C. /.
L., VI, 29289 accuse une nomenclature de l'époque de Trajan ; on ren-
contre aussi plusieurs fois des P. Aelii (C. 1. L.,YÏ, 10693. 10724. 22518)
une inscription concerne un affranchi d'Antonin le Pieux (C 1, L., VI,
8518), mais il est bien possible que toutes ces pierres n'aient été posées
qu'à l'époque de Marc-Auréle. Les inscriptions de Thessalonique que
G. Hirschfeld met en 119 et 121 ap. J.-G. doivent certainement être clas-
sées d'après l'ère moderne d'Auguste en 249 et 251 ap. J.-G. Le procon-
sul T. Statius Quadratus de l'inscription de Magnésie, C. I. Gr., 3410 est
maintenant ordinairement placé en 155, il le serait peut-être plus exacte-
ment en 166. C'est également une question irrésolue de savoir si le pro-
consul Gatilius Severus de l'inscription de Thyatire, C. I. Gr., 3507 est le
consul de l'an 120 ou le contemporain d'Alexandre Sévère. Les inscrip-
tions C. /. L., VI, 9485. 10238 paraissent plus anciennes, mais les paie-
ments qui y sont ordonnés ne répondent pas aux règles du droit posté-
rieur. La substitution faite au profit de Vaerarium, dans le cas d'un legs
133 DROIT PÉNAL ROMAIN
(815) et ea Italie que dans une partie des provinces orientales (1),
rangée dans la liste des procédures pénales où l'amende tom-
bait pour le tout ou en grande partie dans les caisses publiques.
Dans les renseignements que nous possédons pour l'Italie
nous ne trouvons nulle part l'indication de la base juridique
sur laquelle repose ce système (2j ; pour les provinces orienta-
(816) les on cite à cette occasion des constitutions impériales (3). Ce
adressé d'abord à un collège sous la charge d'une parentatio à perpétuité
(C. /. L., VI, 1925), n'a rien de commun avec l'amende.
(1) On rencontre fréquemment ces amendes dans la ville de Rome. Il
faut en outre pour l'Italie signaler spécialement à cet égard Ostie, Pouz-
zoles et Aquilée ; toutefois on en trouve aussi ailleurs et il est possible
qu'elles aient été admises partout. G. Hirschfeld a montré qu'une institu-
tion semblable existait déjà avant la conquête romaine en Lycie et en
Carie. L'inscription lycienne, C. /. Gr. 4259 se place longtemps avant
l'époque romaine et d'après la communication que me fait Benndorf il
en est de même, d'après la langue et l'écriture, de deux autres inscriptions
lyciennes C. /. Gr., 4300 2 et Benndorf, Reisen im S. W. Kleinasiens, 2. 56
N. 108. Quant à la formule xaôâTiep èy SixT)?, qu'on rencontre dans les
deux derniers titres nommés, et quant à son équivalent la formule w; èx
xaTaS'xr,; d'une inscription carienne de l'époque romaine (Lebas-Wad-
dington 1639) elles appartiennent aussi, comme Mitteis (Helchsrecht und
Volksrechl, p. 401 sv.) l'a très élégamment démontré, aux lois helléniques
et non aux lois romaines, bien que, vraisemblablement en vertu d'une
coutume très ancienne, elles correspondent en substance à la procédure
romaine projudicato. Mais l'établissement d'amendes de ce genre est un
fait si naturel que les vieilles pratiques grecques et les prescriptions ad-
ministratives de l'emiiire romain peuvent être nées indépendamment les
unes des autres ; il n'est cependant pas impossible que des dispositions
locales de ce genre aient poussé les gouverneurs romains des provinces
orientales, et peut-être aussi le Sénat romain, à adopter cette institution.
En tout cas, celle-ci, telle qu'elle se présente à nous, appartient à l'admi-
nistration impériale du second siècle. Elle est restée complètement inu-
sitée dans tout l'Occident (Espagne, Gaule, Bretagne) et de 'même dans
les provinces extrêmes de l'Orient (Syrie, Egypte), bien qu'elle ait été
également pratiquée à titre isolé dans ces pays (par exemple en Breta-
gne, C. I. L., VII, 922) dans la dernière période.
(2) Pour l'accès permanent des sépultures, quelques inscriptions sépul-
crales de Rome (C. /. L., VI, 9404. 10235 de l'an 149) invoquent la le.r pu-
bliai ou la lex (ihld., 19949), exactement comme cela a lieu dans la formule
d'institution d'héritier (Gaius, 2, 104) et peut-être aussi dans la disposi-
tion sur le droit d'association (Dig., 47, 22, 2). Or, de même que cette ex-
pression vise dans les derniers cas la loi des XII Tables, elle doit être
entendue de la même manière dans les inscriptions sépulcrales. Dans les
amendes sépulcrales, bien qu'elles soient fréquentes, on ne trouve rien
de pareil.
(3) Antiphellus eu Lycie, C. 1. Gr., 4300 p. 1128 : èàv Se Ttî •toA[xr,(T[ri]
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE D'AUTRUI 133
système de répression fut vraisemblablement introduit tout
d'abord par un sénatus-consulte rendu pour Rome et l'Italie,
comme cela fut le cas par exemple pour le sénatus-consulte
Hosidien relativement à la démolition de constructions urbai-
nes. Puis, corollairement à ce sénatus-consulte, des règlements
semblables furent établis dans diverses provinces par des
constitutions impériales et des édits des gouverneurs de pro-
vince et surtout par l'exercice de l'autonomie municipale (1).
Le silence des sources juridiques — nous ne connaissons cette
constitution que par des inscriptions nombreuses — et les
divergences que l'on constate suivant les lieux dans la ma-
nière dont se présentent ces amendes et dans leur application
ne permettent pas d'admettre l'existence de lois d'empire à
cet égard ; toutefois, ces amendes sont si répandues qu'il nous
sera permis d'enregistrer ici les renseignements essentiels que
nous possédons à leur égard.
L'amende publique qui prend place à côté de l'amende
prétorienne — car l'action délictuelle prétorienne ne fut nul-
lement supprimée — n'est pas considérée comme imposée par
le magistrat, mais, suivant ce qui a lieu aussi en matière
d'injure, elle est une taxation faite par le fondateur de la sé-
pulture en vertu d'une permission légale, c'est pour cela qu'on
ne l'appelle jamais midta, mais poena, en grec TCpocTipv.
ÈxxYiôcOffat T[tva, ÛttJeuôijvo; é'ffxai toï; 8tà twv 6ecwv Sia[TaY](J5v wpta[iévoi;.
Tralles en Asie, Bull, de corr. hell., 1881, p. 345 : ûiteOôuvoî ïaxa: toïç ts
2iaT(iY(j.ao-t xat toïç Ttaxpîotç vo(AOi[i; xat] àuoT£c(T(XTw tÎ) TtoXet... Aphrodisias en
Carie, C. I. Gr., 2834, 2850 c. p. 1118 : napi xà StaTETaypiÉva. Toutefois, ces
constitutions peuvent se rapporter à la peine criminelle de la TU[xêwpij-/:a.
(J) Depuis que nous connaissons le règlement sur le change, élaboré
par la ville de Mylasa à l'époque de Septime Sévère (I p. 133 n. 1) et
dont la principale disposition pénale consiste, en dehors de la confisca-
tion au profit du fermier du change des sommes ayant fait l'objet d'un
change, dans l'établissement de trois amendes : l'une de 500 deniers en
faveur du fiscus, l'autre de 200 pour la caisse de la cité, la troisième de
100 au profit du dénonciateur et correspond donc d'une manière précise à
l'institution des amendes sépulcrales asiatiques, il ne peut plus être mis
en doute que le fondement juridique de ces amendes sépulcrales doit être
cherché tout d'abord dans l'autonomie municipale, et, lorsque celle-ci ne
peut être invoquée, dans des statuts locaux émanés des fonctionnaires
romains.
134 DROIT PÉNAL ROMAIN
Il est vraisemblable que le fondateur de la sépulture ne pou-
vait l'établir qu'après une dénonciation préalable faite à l'au-
torité qui avait à décider plus tard si l'amende était encourue,
(817) donc, d'après ce que nous dirons plus loin, à Rome après dé-
nonciation au collège des pootifes (1), hors de Rome après
dénonciation aux autorités de la cité intéressée (2). Ces autori-
tés peuvent avoir exercé une action pour la fixation du taux
des amendes, très variable dans les inscriptions (3) ; mais il
semble qu'il y ait eu partout des fixations de maximum, en-
core que les prescriptions sur lesquelles repose cette institu-
tion ne fixent pas partout le même chiffre ; car les amendes
en Italie, sauf des exceptions insignifiantes, ne dépassent pas
le taux de 100.000 sesterces = 20.000 marks (4), tandis que
dans les provinces elles vont rarement au delà de 5.000 de<-
niers = 4000 marks (5).
(1) Nous n'avons pas de preuve directe en ce sens, mais de nombreuses
inscriptions font entrevoir que déjà pour rétablissement des sépultures
la coopération du collège des pontifes était requise ou tout au moins pos-
sible. C. I. L., VI, 10812: T. Aelius Victorinus vivo se ex arca pontificum corn-
pai'avit. VI, 14413 : empta olla ah arka publica. VI, 10673 : hoc cepolaphiiun
muro cinctum cum sua jure omni ex aucloritate et Judicio po?itificum possède'
runt. VI, 29909 : ne veneat, ne fiduciare liceat, nec de nomine meo exire liceat
secundum sentenlias pontificum ce. vv. s(?/pm) s{cripias) (le commencement
manque). Il est possible que les authentica du fragment d'Ostie (C. /. L.,
XIV, 1828) se rapportent à cette question. Cpr. C. Th., 9, 17, 2.
(2) Dans les titres de l'Asie Mineure, le dépôt, dans les archives de la
ville, du titre relatif à la fondation de sépulture, joue un rôle important
qu'il ne nous appartient pas d'étudier ici.
(3) Lorsque dans une inscription de Cyzique (C. 7. Gr., 3692 on dit :
•)iaTaa-/;£6r,o'£Tat T<ii wpiff|j.Éva) irpoCTTSiixo) to-j Tafieiou ^ Pi £ti Se xai Tri; itôXeu); ^
ces règles fixes doivent être rapportées à un statut local.
(4) Les différents chiffres sont relovés chez Hirschfeld, p. 136 sv. et chez
Wamser, p. 40 (où Grut. 749, 4 — Kaibel, Inscr. Gr. liai. 2273 est à rayer).
Dans les trois sommes littéralement les plus élevées (200000 sesterces :
Ostio, C. /. L., XIV, 1153 — 300000 deniers : Pola, C. 7. L.. V, 121 —
1200000 deniers : Rome, C. I. L., V, 4057), on se demande encore s'il ne
s'agit pas du denier de la dernière période.
(5) Les 200000 deniers d'une inscription de Byblos de l'an 317 ap. J.-G.
(Renan, Mission en Phénicie, p. 255) doivent nécessairement être entendus
comme étant des deniers de la dernière période et la même remarque
s'applique aux sommes d'une inscription de Brousse {Arch. epigr. Mitth.
uns Oesterreich, 7, 173) qui impose une amende de 500000 deniers à l'orga-
nisateur et une de 250000 au tailleur de pierres et à celles d'une inscrip-
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE D'aUTRUI 135
L'amende tombe soit daus la caisse de l'État, soit dans une
caisse municipale, soit dans celle du collège des pontifes,
1. Partout où cette amende est usitée, elle peut être attri-
buée à l'État romain. Elle tombe de plein droit, suivant la règle
applicable à toutes les peines pécuniaires, non au fiscus, mais
à Vaerarium (1); en effet, ce dernier est ordinairement men-
tionné pour l'Italie et apparaît çà et là dans les inscriptions (818)
provinciales (2). Si les inscriptions italiques récentes et la plu-
part des inscriptions des provinces orientales parlent du fiscus,
cela s'explique d'autant mieux que, déjà au ii" siècle ap. J.-C,
la distinction de Vaerarium et du fiscus (3) tend à disparaître,
que dans les provinces notamment l'administration impériale
des finances perçoit aussi les sommes destinées à Vaera-
rium (4) et que dans chacune d'elles il n'y a qu'une caisse
centrale (o).
2. L'amende peut en second lieu être attribuée non seule-
ment à la cité dans le ressort de laquelle se trouve la sépul-
ture (6 ), mais à toute cité quelle qu'elle soit (7). Cette amende
tion de Gallipolis [Alhen. Mitth., 6, 259) qui exige 3 [millions de deniers
pour le fiscus et 1 million pour la ville.
(1) St. R., 2, 1020 [Dr. pnbL, 5, 316].
(2) L'èpâp'.ov StiIxou 'PwiiaJwv est nommé comme bénéficiaire dans l'ins-
cription de Sniyrne (Lebas-Waddington 25). Le Ta[j.£Ïov Twixatwv de l'ins-
cription d'Hiéropoiis en Phrygie de l'an 216 {Bull, de corr. helL, 1882,
p. 518 : 'Pwjiaîwv Taiicsw Soiae'. 8to-/e(Xta -/puaâ xal -/pYicry) iraTptSc 'lepoudXec
-/ciXia -/p-jo-â ; de même dans celle d'Aphrodisias, C. /. Gr., 2834) et le lr\\Loç
'Pwfiaîwv d'une seconde inscription de Smyrne (C. 1. Gr., 3335) ne peu-
vent pas être entendus autrement.
(3) Il est tantôt désigné par le terme latin, tantôt comme Ta[x.(i)£ïov;
dans ce dernier cas il n'est pas rare qu'une addition (par ex. Aphrodisias,
C. I. Gr., 2830 : to tsptÔTaTOv xapiEiov toù -/cypiou aCiroxpaTopo; Kaîcrapoç) indi-
que qu'il s'agit de la caisse impériale.
(4) St. B., 2, 1017 [Dr. piibl.. 5, 312].
(5) C'est pourquoi on parle fréquemment ici de Tafxieîov sans addition.
Nulle part, pas même dans les inscriptions des provinces sénatoriales,
il n'est fait mention d'une double caisse d'État.
(6) Les inscriptions latines parlent généralement de la caisse de la ville
(res publica), les inscriptions grecques citent aussi, en dehors du 6t;[io; ou
de la iTÔAi;, les corporations municipales, la pou/ii ou la yspo-jo-ia.
(7) L'inscription d'Auximum, C. 1. L.. IX, 5860 nomme à côté l'une de
l'autre la caisse municipale des deux cités de Firmum et de Piicina et il
est bien possible que la loi fondamentale se soit ici exprimée en termes
136 DROIT PÉNAL ROMAIN
au profit de la cité peut se cumuler avec celle de l'État (1).
3. Enfin, dans le rayon affecté aux sépultures de la ville de
Rome (2), l'amende peut être attribuée soit à la caisse pontificale ,
soit à celle des Vestales (3) qui n'est distincte de la première
qu'en fait. Hors de Rome, on ne rencontre pas d'assignation
(819) de ce genre (4). Il n'y a là en réalité qu'une seconde forme
de l'amende au profit de l'Etat ; car la caisse pontificale n'est
séparée qu'en fait de celle de l'État (o). Fréquemment, l'a-
mende est assignée pour partie à l'État et pour partie à la
caisse pontificale (6),
On ne rencontre pas en Italie d'autres bénéficiaires de cette
amende (7) et on en rencontre très rarement dans les provin-
ces (8). Cette constatation montre nettement que ces peines
généraux. Autres preuves chez Buresch, Aus Lydien, p. 34. G. Hirschfeld
p. 126 sv. n'aurait pas dû le contester, car il est évident que régulière-
ment l'amende est assignée à la ville à laquelle appartient la sépulture.
• (1) Aerarhim et Ostie : C. 1. L,, XIV, 166. Fiscus et Portus prés de Rome :
Kaibel, Inscr. Gr. Ital., 943. Fiscus et JFirmum et Ricina : C. /. L.. IX,
5860. Dans les inscriptions provinciales, on rencontre fréquemment ce
cumul d'amendes.
(2) La question de savoir quelle était l'étendue de ce territoire reste
indécise; car la ville de Rome se termine à cette époque à la première
pierre milliaire et est sans territorium {St. R., 3, 783 [D)\ pubL, 6, 2, 429
et sv.])
(3) L'attribution est tantôt faite « aux deux caisses » des pontifes
(C. 2. L., VI, 10682), tantôt i aux pontifes ou aux vestales » sans partage
de somme (C. 1. L., VI, 14672. 17965 a), tantôt à l'une ou à l'autre seule-
ment.
(4) Les inscriptions (C. I. L., V, 4057. VI, 16445) sont transportées à un
lieu auquel elles n'appartiennent pas, d'autres [C. I. L., XIV, 333*. 384*)
sont falsifiées. L'inscription qui se trouve à Ostie, C. I. L., XIV, 1644 ne
concerne pas nécessairement cette ville.
(5) St. R., 2, 68 [Dr. PubL, 3, 77].
(6) Pontifes elaerarium : C. I. L., VI, 10.219. — Pontifes et fiscus : C. I. L.,
VI, 8518. — Vestales et aerarium : C. 1. L., VI, 10848. 13618. 13822.
(7) La caisse de la stalio castrensis (C. /. L., VI, 10682) n'est pas autre
chose qu'une caisse impériale séparée, il en est de même de l'arca de la
slatio des cuisiniers impériaux sur le Palatin (C. /. L., VI, 7458, 8750).
Pour le collège de Til)ur, C. 1. L., VI, 9485 cpr. III p. 131 n. 1.
(8) Nous rencontrons ici à titre isolé des amendes sépulcrales au profit
de collèges (ainsi à Salone à un decurio du collegiurn fabrinn C. 1. L., III,
217; à un collège de vétérans C. 1. L., III, 14250») et à des temples
(G. Hirschfeld, p. 115; Wamser, p. 44). Mais ici un usage local plus an-
cien a également fait sentir son influence (III p. 132 n. 1). Dans la der-
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE D'aUTRUI 137
exceptionnelles reposent sur une base légale et Je fait que
les divinités païennes sont ici complètement négligées atteste
clairement l'origine tardive de ces peines.
Ces amendes sont au point de vue procédural diversement
traitées.
A Rome, c'est le collège des pontifes qui statue sur l'a-
mende par voie de procédure administrative. Ici, comme
dans la procédure prétorienne, c'est à l'intéressé qu'il appar-
tient tout d'abord de faire la dénonciation (1), mais, à défaut
de proches, toute dénonciation suffit. Il n'y a pas en cette
matière de procès proprement dit, ni de récompense pour
l'accusateur (2). Cette procédure a lieu non seulement pour
les amendes destinées à la caisse pontiflcale, mais aussi vrai-
semblablement pour celles qui doivent aller dans la caisse
de l'Etat ; car, dans les cas fréquents où il y a cumul des deux
sortes d'amendes, il n'est guère possible qu'on ait rendu plus
d'une sentence.
Hors de Rome, l'amende est réclamée par voie d'action
populaire privée (3) avec récompense pour l'accusateur (4) et (820)
nière période, l'attribution est faite maintes fois aux vétérans et souvent
à l'Eglise.
(1) C. I. L., VI, 10284 : sit facuUas cuiciimque ex famiUa nostra adeundi
per querellam pontifices ce. vv. VI, 10791 : compellabilur a pontifices (ainsi)
poenae nomine Js XXK n.
(2) L'absence de récompense pour les dénonciateurs dans les inscrip-
tions qui appartiennent certainement à la ville de Rome (C. /. L., VI,
22609 peut bien être d'Ostie) n'est pas accidentelle, étant donné le grand
nombre de ces inscriptions. En outre, la procédure administrative com-
porte bien une dénonciation, mais non une accusation.
(3) Dans l'inscription d'Aquilée, C. /. L., V, 8305, on donne contre la
violation de sépulture persecutio cidlihet de populo. En Lycie, il est déjà
dit dans une inscription antérieure à la domination romaine (C. I. Gr.,
4259) ; £^£(7Th) T(5 po-jXoalvtp irZiy.i'^B'rQx'. uspl to-jtmv et de même dans de nom-
breuses inscriptions plus récentes la npilu; xai ■Kpoaay{Ey.îix (ainsi C. 1. Gr.,
4293 ; Inscription de Samos, Athen. Mitth., 9, 263 : ï\ka-(x> Zï tû 6é).ovTt
xaTriYopvî[t]v ; nombreuses mentions analogues dans les inscriptions) est
permise à toute personne.
(4) Celle-ci apparaît à Ostie : C. /. L., XIV, 166 : is autem qui detulerit
accipere debebit sum(mae) s{upra) s{criptae} quartam; XIV, 850 : delalor
quartas accipiet, et aussi C. /. L., VI, 26609 — à Antium : C. I. L., X,
6706 : delator accipie[t quavtam] — à Aquilée : C. I. L., V, 952 : delator
138 DROIT PÉNAL ROMAIN
l'action est sans doute portée devant les magistrats de la cité
au profit de laquelle l'amende doit être prononcée. La fré-
quence du cumul des amendes au profit des cités avec celles
au profit de l'État porte à croire qu'on a également statué
dans ce procès municipal sur les amendes destinées à l'État.
Nous n'avons aucune trace certaine que ces dernières aient été
directement perçues par les fonctionnaires de l'État (1); la
connaissance du procès semble plutôt, tant à Rome qu'en
dehors de Rome, avoir été complètement attribuée aux auto-
rités locales, d'autant plus que l'affaire ne pouvait guère être
tranchée sans un examen des lieux ; la recette des sommes
revenant à l'Élat a donc dû incomber au collège des pontifes
et aux autorités municipales.
Répression L'aggravatiou générale des peines, qui eut lieu plus tard,
dgs"7oTaUoDs atteignit tout particulièrement les crimes contre les tombeaux,
de sépulture commis cu plus grand nombre et avec plus d'audace au cours
dans r O 1
la dernière de Cette période de désordres (2). L'amende parut alors insuf-
penode. ggantg. Nous avons déjà signalé (3) que les jurisconsultes
avaient à la fin du ii*" siècle fait rentrer le crime contre les
tombeaux dans le délit de violence; une pareille interprétation
(821) forçait la portée de la loi Julia, mais celte application détour-
quart{am) accip{iet) — à Philippes en Macédoine : C. /. L., III, 684 : et de-
lalori quavlam. En Lycie, les anciennes inscriptions attribuent à l'accu-
sateur la moitié de l'amende (par ex. C. 1. Gr., 4244), les inscriptions plus
récentes et celle d'Aphrodisias en Carie lui en accordent le tiers (par ex.,
C. /. Gr., 4247). A Hiéropolis en Phrygie (C. /. Gr., 3913), l'amende est
fixée à trois fois 2500 deniers, une fois pour le fiscus, une fois pour la ville
et une fois pour l'accusateur. Dans une inscription de Smyrne (Revue
Arch., 1875, t. 30, p. 51). on alloue à la ville 2000 deniers et 1000 à l'ac-
cusateur (tw èS£A£yTO|j,[Év(i)]). Dans une inscription de Termesse (Lanc-
koronski, Pamph. und Pisidien, 2, 216, 147), on attribue à la pouATi 8000
deniers, au fiscus 6000, à l'accusateur (tw £y.;r,TT|<7avT'.) 2000.
(1) Il faut cependant mentionner le fragment d'inscription d'Attaleia
(Lanckoronski, loc. cit., 1, p. 171) : [àjvyEïov xaTe(i[x£Ûac7£... iiz]\ xpt|xao-tv
ÈinTpô[itoy — eê]a<7T0-j.
(2) Nov. Valentinianl III, 22 ; Cassiodore, Var., 4, 18. Les clercs se dis-
tinguèrent dans ce genre de délits.
(3) II p. 386 n. 4. C'est pour cette raison que la violation de sépulture
est classée dans le Code Théodosien (9, 17) comme dans celui de Justinion
(9, 49) parmi les délits publics.
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE D'AUTRUI 139
n<^,e de la loi, justifiable peut-être en pratique, a passé dans les
Digesta de Justinien. Avec plus de raison, le crime contre les
tombeaux fut rangé parmi les délits extraordinaires (1), et c'est
vraisemblablement à cette réforme que se rattache l'action
criminelle pour cause de TU[i.[îtopuy îa fréquemment mentionnée
à côté des amendes dans les inscriptions de l'Asie Mineure (2).
Cette procédure n'exclut toutefois pas le procès d'accusation (3) .
La peine est différente suivant les cas. Le procès est capital,
s'il y a eu emploi d'armes et attroupement (4); en cas d'ex-
humation du cadavre^, les personnes des meilleures classes
sont condamnées à la déportation et les petites gens à la
mort (5). En général, les premiers sont punis de la déporta-
tion ou de la relégation, les seconds des travaux forcés du
premier ou du second degré (6). Après Constantin, l'amende
subsiste à côté des peines plus graves (7) et reprend de nou-
(1) Paul, 1, 21 et Dig., 47, d2 traitent ainsi la violation de sépulture.
Gardien, Cod., 9, 19, 1 qualifie ce délit de crimen laesae religionis.
(2) On rencontre fréquemment la menace de l'action pour cause de
T'JiJLowpyyta nettement séparée de la menace d'amendes qui est faite en
mémo temps (par exemple Aphrodisias : C. 1. Gr., 2824;Smyrne : ibid.,
3266; Cyzique : ibid., 3692. 3694). Les mots àf^Boriz et kpoayXo? alternent
avec rj[A6top-j-/;o;, ainsi i/jeêr^!; xa\ ceooo-jXo; Sidyma : Benndorf, Reise in
Lykien, 1,78; àusêri; 9cOÎ; xaTa-/8ov;oi; Termesse : C. I. Gr., 4207; ï^oyoç
ê'ffTa'. àffïossa Aphrosidias : Lebas-Waddington, 1639; lepôduXo; Antikragus :
C. I. Gr., 4224 d p. 1119; lEpôff-jXo; Bsoïç oOpavioiç xai xaTa/6ov£otç Pinara :
C. I. Gr., 4253; ëvoyo; so-rai Trj eîç toÙ; ■xaxotxoiJi.Évou; âffeêsîa Termesse :
Lanckoronski, loc. cil., 2, 216, 147. Nulie part, la notion n'est déterminée
d'une manière plus précise. La formule équivalente d'une inscription
d'Adana en Gilicie C. 7. Gr., 4441 : ),ôyov •jçâ^sTat (ainsi) tyj è^o-jaia indique
une répression criminelle. Les inscriptions latines de la meilleure époque
n'ont pas de formules analogues; cependant l'inscription grecque d'Ostie,
Inscr. gr. liai., p. 943 cite à côté de l'amende, la pXaiJ'tTâçou xôXaat; elles
inscriptions de Goncordia (n 7.) disent la même chose.
(3j II p. 11 n, 4, Inscription de Milet, Lebas-Waddington, 220 :
i^éffTw ôi 7tavT\ Tô) Pou).o[i£va> aysiv aÙTov xyfiêwpy/i'aç. Nov. Val. III, 22, 7.
(4)i)t£r- 47, 12,"3, 7.
(o) Dig., 47, 12, 11. Valentinien III menace l'esclave de la peine de mort
(Nov.. 22, 3) ; Théodoric fait la même menace pour toute personne (EdicL,
110).
(6) Paul, 1, 21, 4. 5. 12. C. Th., 9, 17, 1 = C. JusL. 9, 19, 2. Nov., Val. III,
22. Dans la constitution de Constantin, C Th., 3, 16, 1, on permet à la
femme le divorce pour l'un des trois délits suivants commis par le mari :
meurtre, veneficium et violation de sépulture.
(7) Dans l'inscription de Gorcordia de la fin du iv^ ou du commence-
140 DROIT PÉNAL ROMAIN
veau le premier rang (1). L'ancien maximum de 100.000 ses-
terces réapparaît ici dans le taux de 20 livres d'or.
(822) 3. Dommages causés à la propriété publique.
Procédure Eq cas dc dommagc causé à la propriété publique, cas dans
capitale en cas ii. .1 it.- ii-
de lequel rentre aussi le manquement aux obligations que la loi
déplacement i^pose vis-à-vis du sol Dublic aux particuliers propriétaires
de bornes ^ r r r r
d'après le très dc fonds y attenant, les autorités interviennent ordinairement
ancien droit. ^^^ ^^j^ ^^ coutrainte administrative et le particulier le plus
atteint par cet acte peut recourir aussi à la procédure non dé-
lictuelle de l'interdit. Parmi les nombreux cas particuliers
qui se présentent ici — il n'y a pas de dispositions générales
en celte matière — nous devons examiner dans ce paragra-
phe le défrichement des chemins publics, le déplacement des
bornes publiques et la dégradation des aqueducs publics.
La législation foncière romaine (2) repose sur cette règle
qu'entre les agri limitati de \a.gens ou des individus les ban-
des séptfratives affectées à la circulation restent propriété de
la communauté. Si en labourant on recule la limite et sous-
trait ainsi une partie du passage à sa destination, il y a, d'a-
près le très ancien droit, un crime capital et le paysan et son
attelage doivent être mis à mort (3). Aucune application de cette
ment du v» siècle, C. /. L., V, 8761 (de même 8762, 8768) il est dit : qui eam
arca{m) aperire vohierit, jure ei 7nanus precidentur aut fisco inférât libra{m)
tina'm).
(1) Constance, en l'an 349, C. Th., 9, 17, 2= C. Just., 9, 19, 3 : factura so-
litum sanrjuine vindicari multae inflictione co}'rigi)7}us. Les 20 livres d'or qui
sont ici fixées font dans un calcul plus précis 18280 marks, tandis que
100000 sesterces font 21750 marks.
(2) Le déplacement de bornes entre particuliers donne lieu, comme on
sait, à un jirocès civil.
(3) Festus, Ep., p. 368 : Nurna Pompiliiis statuit eum, qui ienninum (la
limite et non pas la borne) e.rarasset, et ipsum et boves sacros esse. Denys,
2, 74 : eî SÉtiç àyavîo-esEv r, [xsTaÔîtri toÙç opou;, lepbv ivofxoôéTriffev elvat toû 9eoO
Tov toOtwv Ti S'.airpa^ijiîvov. Naturellement, cette répression;suppose comme
toute sac/-a/io un procès et une condamnation. La punition des bœufs doit
sans doute être considérée comme un piaculum (I p. 299 n. 1) et non pas
être envisagée comme une application des règles de Id^pauperies.
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE D'AUTRUI 141
vieille règle ne nous est transmise pour l'époque historique. Procédure
Plus tard, lorsqu'une limite fut fixée par l'Etat, opération enTaTd!
qui eut ordinairement pour effet de faire traiter la bande se- déplacement
de limite.
parative comme route publique, et lorsque des bornes furent
placées, des amendes purent être dues à la cité intéressée à
raison de certains actes contraires à l'opération de bornage.
Ces amendes, formellement prescrites, semble-t-il;, par une
loi spéciale faite dans chaque cas particulier,*' mais au fond
d'une application générale, s'élèvent à 4000 sesterces pour tout
acte tendant à rendre les limites incertaines et à 5000 sesterces
pour tout déplacement ou toute suppression de borne (1). Si le
délit est commis par un esclave, la peine encourue est celle
de la mort (2). L'action est populaire et est portée devant l'au- (823)
torité municipale compétente, à moins qu'il n'y ait un magis-
trat spécial chargé de ces affaires. Le magistrat saisi établit
un jury de récupérateurs. Hadrien a remplacé l'amende par
une peine proprement dite criminelle, qui est, en cas de dé-
placement intentionnel de bornes, celle de la relégation à
temps pour les personnes des meilleures classes et celle des
travaux forcés pendant deux ou trois ans pour les petites gens,
et, en cas d'enlèvement de bornes, par simple faute, une
peine corporelle (3). Dans la suite, le taux de cette peine a été
élevé : les personnes des meilleures classes ont été frappées de
la relégation à perpétuité et de la perte du tiers de leur patri-
moine; les petites gens, des travaux forcés ; et les esclaves, de
la peine du travail dans les mines (4). — Ces règles appartien-
(1) La première règle se trouve dans la loi agraire de César de 695/S9,
c. 54 faite tout d'abord pour Gapoue {Grom., p. 263 = Bruns, p. 97 [Girard,
p. 69]); elle est reproduite en substance dans des termes identiques par
la lex coloniae Genetivae, c. 104 de l'époque de César (Bruns, p. 134 [Girard,
p. 98]), mais le taux de l'amende y est diminué et Callistrate, Dig., 47,
21, 3, 2 la formule en termes concordants; la seconde règle apparaît dans
la première loi agraire, c. 55, et se trouve rapportée d'après celte loi par
Galistrate, Dig., il, 21, 3, pr.
(2) C'est ce que dispose une loi agraire de Nerva, Dig., 47, 21, 3, 1.
(3) Coll., 13, 3 = Dig., 47, 21, 2. Cpr., Dig., 10, 1, 4, 4.
(4) Paul, 5, 22, 2 (= Grom., p. 290 = Ed. Theoderici, 104) cpr. 1, 16 —
Coll.. 13, 2. Dig.. 10, 1, 4, 4. 47, 21, 1. Cod.. 9, 2, 1.
142 DROIT PÉNAL ROMAIN
nent au droit d'empire et concernent les routes d'empire. La
première d'entre elles, qui vise les actes tendant à rendre
une limite incertaine, réapparaît comme prescription munici-
pale dans le statut promulgué à l'époque de César pour la co-
lonie espagnole de Genétiva; mais le taux de la peine est ici
de 1.000 sesterces au lieu de 4.000 (III p. 141 n. 1).
Détérioration Nous sommcs, grâcc surtout à l'excellent écrit de Frontin,
es aque ucs. pQp|_j(.y|i^rg jjjgQj j^jgjj renscignés sur la protection donnée par
le droit aux aqueducs de la ville de Rome. IS'ous y voyons qu'à
l'instar des temples publics chaque aqueduc — le plus ancien
est, comme on sait, celui d'Appius de 442/312 — fut doté
d'un règlement spécial par un vote du peuple (1), jusqu'à ce
qu'Auguste fit opérer la condensation de ces lois par une série
de sénatus-consultes de 743/11 et par une loi de 745/9 (2). Ces
prescriptions nous sont en grande partie parvenues. Elles se
ramènent en substance à la défense de dégrader l'aqueduc et
à l'ordre de laisser des deux côtés une bande de terrain d'une
certaine largeur, libre de plantations et de constructions. Des
lois plus anciennes prohibent aussi tout acte tendant à corrooi-
(824) pre l'eau amenée par l'aqueduc (3). Toute personne a le droit
d'intenter l'action. Le procès est tranché par le curateur des
aqueducS:, qui, d'après les lois du Principat, prend en celte
matière la place du censeur, et par ses deux auxiliaires (4).
Le cas échéant, si ces personnes font défaut, la décision ap-
partient au préteur pérégrin. Le magistrat qui statue dispose
(1) Frontin, 9i : ler/es de singidis aquis latae.
(2) Frontin, 99 : cum res {in reque au lieu de cum res dans le manuscrit)
usque in id iemptis quasi poteslate (par Auguste lui-même) acta certo jure
equisset, senalus consulta fada siint (rapportés en abrégé c. 100. 104. 106.
108. 125. 127 z^ Bruns p, 185) et lex pvomuU/ata (rapportée c. 129, mais il
parait difficile qu'il y ait là une citation intégrale =:i Bruns, p. Ho). Ou
bien ces actes énumorent un à un les aqueducs de la ville alors existants
(ainsi cliap. 125, où la mention de la virgo s'est sans doute perdue), ou
bien ils formulent la règle dans une forme générale.
(3) Frontin, 97 : ne quis aquam oleluto dolo malo, uhi publiée salie l '. si quis
oletaril, HS x mulla eslo.
(4) St. R., 2, 1044 et suiv. [Dr. pitbl.. 5, 344 et suiv.].
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE DAUTRUI 143
des moyens de coatrainte de la juridiction (1). Toute dégra-
dation de l'aqueduc lui-même par vol entraîne d'après la loi,
en dehors de la réparation du préjudice causé, l'amende éle-
vée de 100.000 sesterces (20.000 marks) contre l'auteur du
vol, ou éventuellement contre son maître, s'il est esclave.
Tout empiétement sur les chemins latéraux fait encourir d'a-
près les sénatus-consultes une amende de 10.000 sesterces
et d'après la loi une amende de 100.000 sesterces. La moitié
de la peine échoit au demandeur qui triomphe (2). Cette pro-
cédure, qu'on qualifie d'accusation (3), a déjà dû être suivie
en substance sous la République par les censeurs ou par les
autres magistrats compétents pour les aqueducs, bien que le
magistrat intéressé ait également exercé à cet égard, dans
les limites du pouvoir de coercition, son droit de multae dic-
tio (4). La convocation de jurés pour l'exercice de la justice
administrative est en général facultative et devait paraître
ici peu désirable, étant donnée l'importance des intérêts en
jeu ; il n'est toutefois pas impossible qu'à l'époque ancienne
les amendes fixées par la loi aient pu être réclamées par
une action que le magistrat intéressé ou un citoyen quelcon-
que intentait devant le préteur. Ce procédé est encore suivi
à titre isolé au début de l'Empire : d'après les dispositions
du règlement d'Auguste sur l'aqueduc de Venafrum, en cas
de contravention, un représentant de la ville, nommé par
l'assemblée municipale de Venafrum, intente une action d'a-
mende pour 10.000 sesterces devant le préteur pérégrin ro-
main et la sentence est rendue par un tribunal de récupéra-
(1) Dans la loi, il est dit : curalovi... eo nomine cogendl coercendi miillae
dicendae sive pianoris capiendi jus poteslasgue esto.
(2) Telle est la disposition du sénatusconsulte c. 127 ; la loi, dans la
mesure où elle nous est conservée, ne formule pas cette règle.
(3) Frontin, c. 127.
(4) Relativement aux peines de l'époque républicaine, Frontin, 97, dit :
agi-i, qui aqua publica contra lejein essent inrigali, publicabantur , mancipi
quoque (à l'entrepreneur de la réparation), si cum eo quem [constaret] adver-
sus legem fecisse, muUa dicebatur.
144 DROIT PÉNAL ROMAIN
teurS;, nommés par ce préteur (1). — On conçoit que ces lois
(825) aient disparu de la législation de Constantinople; mais les
prescriptions de Justinien relatives aux aqueducs n'en sont
pas essentiellement différentes. Le délit consiste également
ici dans la dégradation de l'aqueduc et dans l'empiétement
sur les chemins latéraux (2). Les actes législatifs nouveaux
ont même une portée plus grande que les anciens : ordinaire-
ment faits pour des aqueducs particuliers (3)^ ils contiennent
cependant des prescriptions d'application générale (4). Nous
ne pouvons exposer ici ni les détails de ces lois, ni les dis-
positions qui leur sont apparentées, notamment celles qui
concernent les ouvrages publics du Nil (5).
Nous possédons encore des renseignements sur différentes
actions pénales du même genre tendant à protéger la pro-
priété publique, par exemple les rues, contre des acte? de
malpropreté, auquel cas on paraît avoir appliqué la procédure
d'exécution (6), ou bien les affiches officielles contre des actes
de dégradation (7). Le droit pénal ne peut accorder de place
à l'exposé de prescriptions particulières de ce genre et il pa-
rait difficile qu'il y ait eu à cet égard des règles générales.
(1) G. I. L. X, 4842 = Bruns, p. 238. Auguste réglementa même par un
édit les concessions personnelles de prises d'eau consenties sur les aque-
ducs de la capitale (Frontin, c. 99).
(2) C. Th., 13, 2= C. Just., 11, 43.
(3) Rome : C. Th., 15, 2, 8 . c. 9. — Constantinople: C. Th., 15, 2, 3 et
ailleurs. — Antioche : C. Th., 15, 2, 2. — Campanie : C. Th., 15, 2, 8.
(4) Théodose II : Cod. 11, 43. 5. Anastase : Cod., 11, 43, 11.
(3) Dig., 47, 11, 10. C. Th., 9, 32 = C. Just.. 9, 38.
(6) Le sénatusconsulte relatif au pagus Montanus (G. I. L. VI, 3823 —
Bruns, p. 181 [Girard, p. 102]) paraît ordonner la nianus injectio ou la pi-
gnons capio en cas de jet d'immondices ou de terre dans un lieu ouvert
à la circulation.
(7) Dig., 2, 1, 7, pr. : si quis id, quod jurisdiclionis perpeluae causa, non
quod prout res incidit, in albo... proposilum eril, dolomalo corrupcvil, dalur in
eum guingentovum aureorum (=z 50.000 sesterces) judicium, quod populare
est. Paul, 1, 13 A, 3 : in eum qui album raseril corruperil sustideril mutaverit
quidoe aliud proposilum edicendi causa turbaiur, extra ordinem animadver-
tilur (Manuscrit : punilur). Le délit a déjà été mentionné à propos du faux
(II p. 394 n. 7).
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE D' AUTRUI 145
4. Dommages commis vis-à-vis de la propriété privée. Le dommage
[Damnum injuria). causé à la
chose d'autrui
D'après le droit des XII Tables, il y a comme délit privé à droTprivé.
côté de l'appropriation, du furtum, le dommage causé au corps
ou à la chose d'autrui. Ce délit est vraisemblablement compris,
comme nous l'avons exposé dans la Section précédente, tant
au point de vue du fond que de la terminologie, sous le nom
d'injuria, de même que la très ancienne notion juridique de
pauperies embrasse également le dommage causé par un ani-
mal au corps ou à la chose d'autrui. Philologiquement, le mot
« injuria » convient également aux deux sortes de dommage.
Lors de la séparation qui eut lieu plus tard entre les deux caté- (S26)
gorieS;, les deux délits ont gardé dans une certaine mesure l'an-
cienne dénomination : en droit postérieur, l'atteinte à la person-
nalité qui s'est dégagée de l'atteinte au corps d'autrui est nom-
mée simplement « injuria », tort; tandis que le dommage
causé à la chose d'autrui est désigné dans le langage technique
comme « prestation à raison d'un tort », damnum injuria (1).
L'addition de « prestation » qui est commune au dommage
causé à la chose d'autrui et à l'autre délit contre la propriété,
c'est-à-dire au vol (2), caractérise exactement ces deux délits
comme donnant naissance à des créances d'indemnité, taudis
que l'atteinte à la personnalité ne met pas en jeu l'idée d'in-
(1) Cicéron, Pro Q. Roscio 11, 32. 18, 54 emploie damnum injuria et c'est
aussi cette forme qui domine dans les œuvres juridiques : damnum inju-
ria dalum n'est ni fréquent (Gains, 3, 217. Dig , 9, 2. 41, 1 ; damnum culpa
dalum Dig., 47, 10, 1 pr.), ni technique. Damnum ivjuriae, qui est à vrai
dire une forme défectueuse, est constamment employé par Gains (3, 210.
4, 9. 171. Dig., 9, 2,32 pr.) et se trouve aussi fréquemment ailleurs {Coll.,
2. 5, 1 ; Dig., 9, 2, 27, 21. 1. 29, 4. 1. 41 pr. % 1. tit. 3, 1, 4. 19, 5, 14, 3. 47,
10, lo, 46 et autres textes).
(2) Au pro fure damnum decidere (III p. SG n. 1), c'est-à-dire au fait
d'établir la prestation qui incombe au voleur, s'oppose vraisemblable-
ment dans la formule de l'action pour dommage causé à la chose d'au-
trui le pro injuria damnum decidere (Cicéron, fro Q. Rose, com. 11, 32:
magno tu iuam dimidiam parlem decidisli), et cette dernière expression donne
la forme substantive damnum injuria.
Droit Pénal Romaix. — T. III. 10
146
DROIT PENAL ROMAIN
(827)
Condilion
de l'acUon :
Atteinte à li
propriété.
demnité et ne donne lieu qu'à l'application d'une peine. —
Les prescriptions générales de la loi des XII Tables sur le
dommage causé à la chose d'autrui ne sont pas parvenues
jusqu'à nous (1); la loi fondamentale en cette matière a été le
plébiscite Aquillien, voté avant 678/76 (2) et peut-être beau-
coup plus tôt (3). Le nom de ce plébiscite sert assez fréquem-
ment à caractériser le délit lui-même. La législation posté-
rieure n'a manifesté qu'une faible activité dans ce domaine;
par contre, la jurisprudence et la science du droit ont élargi
par une sage interprétation le champ d'application de celte
loi, qui ne tenait compte pour sa répression que de crité-
riums purement externes et avait une rédaction trop étroite.
Le dommage causé à la chose d'autrui, le damnum injuria,
est la destruction ou la détérioration illégale de la propriété
d'autrui. D'après celle définition, il y a lieu, d'une part d'ex-
poser ce qui rentre dans la notion de propriété, d'autre part
de fixer les actes qui doivent être considérés comme une des-
truction ou une détérioration, et, en troisième lieu, de déter-
miner la notion d'injustice applicable dans ce délit et d'une
portée beaucoup plus grande ici que partout ailleurs en droit
pénal.
Conformément à l'essence du délit privé, le dommage causé
(1) Dlg., 9, 2, 1. Des dispositions spéciales relatives aux immeubles
nous sont parvenues (III p. 147).
(2) Cicéron, Pro Tullio, 9, (cpr. II p. 380). Dans les ouvrages juridiques,
la loi est appelée lex Aquillia ; les monnaies, de même que les fastes ca-
pitolins et d'une manière générale les meilleurs documents, ne connais-
sent que la forme Aquilliiis. — Chez Cicéron, Briiliis, 34, 131 : (L. Caesnle-
num) aiidivi jam senem (vers l'époque de Sylla), cum ah. L. SabcUio niultam
lege Ac/uiHia de juslllia pelivlsset. on a coutume de changer les mots inin-
telligibles de jusiitia en damni injuria. Toutefois cette modification n'est
pas vraisemblable en soi, car il est difficile que cette formule ait éto en-
registrée quelque part et encore moins dans un écrit non juridique, et,
d'autre part, elle ne supprime pas la difficulté, car ce que nous savons
par ailleurs de la loi Aquillia est tout à fait étranger à la procédure de
mulla. Peut-être n'est-ce pas do la même loi Aquillia qu'il est ici question.
(3) La disposition sur l'adstipulation (III p. 160) porte à croire qu'elle
est plus ancienne que les actions qui sanctionnent les contrats consen-
suels.
Action du
propriétaire.
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE DAl TRUï 147
à un objet n'est pris en considération par le droit qu'autant
que cet objet est dans la propriéfé d'une personne; pris stric-
tement, le délit ne consiste pas dans le dommage causé à
la chosCj mais dans celui qui atteint la personne à laquelle
celle-ci appartient. Les biens sans maître ne peuvent donner
lieu à ce délit; toutefois, l'action a été étendue, non sans
scrupules, aux choses héréditaires (1). En dehors du proprié-
taire, elle a été, par analogie et aussi après des hésitations (2),
donnée à tout sujet d'un droit réel (.3). Il est vraisemblable
que d'après la loi des XII Tables l'action ne s'appliquait
qu'aux objets mobiliers : cela résulte non seulement de l'ana-
logie existant entre ce délit et le délit corrélatif de vol
(III p. 41), mais aussi des dispositions spéciales contenues dans
la loi des XII Tables sur l'incendie (III p. 159), le pacage (III
p. 156), l'abattage d'arbres fruitiers (TU p. 157). Ces disposi-
tions dont nous parlerons plus loin paraissent combler la
lacune laissée par l'absence d'action pour le dommage causé
aux immeubles d'autrui. Les termes de la loi Aquillia sem-
blent viser en première ligne les meubles; toutefois, déjà sous
la République, cette loi a été appliquée au dommage commis
vis-à-vis d'immeubles (4).
Sont qualifiés de dommage d'après la loi Aquillia le fait de Dommage
luer des êtres animés et celui de briser ou de brûler des objets
(1) Dif)., 9, 2, 13, 2. 1. 15, pr. 1. 43, pr. Les considérations d'intérêt pra-
tique l'emportent ici sur les motifs d'ordre théorique, qui sont assez
faibles.
(2) Difj., 9, 2, 11, 6 : legis AquilUae aclio ero competit, /toc est domino. 1. 43 pr.
(3) En droit strict, le propriétaire est seul à pouvoir agir à raison du
dolnmage causé à un objet, de même que l'action pour abattage d'arbres
est refusée à l'usufçuitier {Dig., 47, 7, 5, 2). Toutefois, si l'action de la loi
Aquillia est étendue à l'usufruitier : Dig., 9, 2, 11, 10. 1. 12. 1. 17 ; au
créancier gagiste : Dig., 9, 2, 17. 1. 30, i ; au titulaire de servitude : Dig.,
9, 2, 27, 32 ; au possesseur de bonne foi : Dig., 9, 2, 17, ces actions n'ont
été données que par extension de la loi (utiles ou iti factum). On com-
prend par suite que les limites du champ d'application de cette action
soient un peu flottantes ; on accorde l'action pour cause de pauperies au
commodataire [Dig., 9, 1,2, pr.), on lui refuse l'action de la loi Aquillia
[Dig., 9, 2, 11, 9).
" (4) Ciccron, Pro Tullio, 9. Dig., 9, 2, 27, 7. 31. 32. 1. 45, 5. 1. 50. 47. 7. 1,
pr. 1. 5, 1, 1. 11.
148 DROIT PÉNAL ROMAIN
(o^3) inanimés (1). Les interprètes du droit sont arrivés, en éten-
dant par voie d'analogie le champ d'application de l'action (2),
à briser les barrières établies par la rédaction trop étroite de
la loi Aquillia. C'est ainsi que, tout en faisant, il est vrai, vio-
lence aux mots, ils ont entendu donner la mort dans le sens
d'occasionner la mort (3), briser dans le sens de corrompre (4),
et ont fait tomber sous le coup de la loi toute voie de fait dom-
mageable : blessure (o), souillure (6), placement de l'objet
dans un endroit qui rend le recouvrement impossible (7). Il
ne nous parait pas nécessaire d'énumérer les différentes appli-
cations de cette interprétation libre et libératrice; il y a seu-
lement lieu de relever encore la répression de toute entreprise
faite avec des forces ou des connaissances insuffisantes : tel
(1) Occidere, rumpere, franqere, tirere sont les expressions employées
dans la loi. Les XII Tables n'ont peut-être visé, à propos de dommage
causé à la chose d'autrui, que le rumpere ; les mots de cette loi cités chez
Festus p. 264 (cpr. Schôll, p. 96) rupit in (ms. rupUias) XII significat dam-
Hum dederit sont assez vraisemblablement authentiques et visent proba-
blement le dommage causé à la chose d'autrui, mais non pas le dommage
causé au corps d'autrui.
(2) La différence procédurale entre Yaclio iu fuclum ou l'actio ulilis d'une
part et l'actio legis AquiUuie directe d'autre part doit avoir consisté en ce
qu'on trouvait dans cette dernière, après l'indication du dommage, les
mots suivants : quidquid paret ob eam rem Numerium Nerjidium Aulo Agerio
dure facere oportere, tandis que dans les premières on disait simplement .
quanti ea res est en évitant l'allusion à la prescription légale contenue
dans les mots dare facere oportere.
(3) Dig., 9, 2, 51, pr. : lege Aquilla is demum teneri visas est, qui adliibita
vi et quasi manu causam mortis praebuisset. La science juridique substitue
à Voccidere l'expression générale causam mortis praebere {Dig., 9, i, 1, 7.
tit. 2, 7, 3. 6. 1. d.pr. §2. 3. 1. 11, 1. 5. 1, 37, pr. 1. i9, pr. 1. 51, pr. H, 3,
4). Celui qui lors de l'homicide tient la victime et celui qui n'administre
pas personnellement la substance nocive au malade rentrent dans la
seconde catégorie.
(4) Rumpere est pris dans le sens de corrumpere et ce dernier embrasse
comme sous espèces frangere et urere (Gains, 3, 217. Coll., 2, 4. Dig., 9,
2. 27, 5).
(5) Dig.. 9, 2, 27, 17.
(G) Dig., 9, 2, 27, 14.
(7) Submersion dans l'eau : Dig., 9, 2, 27, 21. 19, 5, 14, 2. 41, 1, 55. Mise
en liberté du gibier pris : Dig., 41, 1, 55, ou de l'esclave enchaîné ; Dig.,
4, 3, 7, 7. Insl., 4, 3, 16. Poursuite des animaux domestiques ayant occa-
sionné le vol : Gains, 3, 202. Il est également dit dans ces cas que l'action
est donnée par voie d'extension.
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE D'aUTRUI 140
est le cas, par exemple, du porteur qui se charge au-dessus de
ses forces (1), du cavalier ou du coiiducteur inhabile (2), du
médecin ignorant ou négligent (3). Môme, lorsque l'acte dont
on se plaint est en rapport avec la destination de l'objet, donc
lorsque c'est moins la chose que le propriétaire qui subit un
dommage, l'action aquillienne n'est pas complètement écartée,
s'il n'y a pas d'autre recours possible (4). Mais tout usage (829)
de la chose d'autrui, qui ne diminue pas la valeur de celle-ci,
ne donne pas lieu à l'application de cette loi (5). Le moment,
auquel le dommage se manifeste, est sans importance pour
l'attribution de l'action (6).
(1) Dig.. 9. 2, 7, 2.
(2) Dig., 9, 2, 8, 1.
(3) ColL, 12. 7, 7. Dig., 9, 2, 7, 8. 1. 8, pr. 1. 9, pr. § l. Inst., 4, 3.6. 7. Il
s'agit toujours ici de soins donnés à un esclave.
(4) Les règles applicables à ces cas sont très diverses. La moisson d'une
récolte étrangère et la vendange des raisins d'autrui sont traitées comme
vol, lorsqii'elles ont lieu suivant les pratiques d'une administration ré-
gulière, tandis qu'on les range dans le damnum injuria, lorsque les épis
et les raisins ne sont pas mûrs {Dig., 9, 2, 27, 25-27). Il en est de même
pour la coupe d'arbres destinés à l'abattage, mais ici l'action de la loi
des XII Tables (III p. 157) et l'action de vol concourrent (Dig., 9, 2, 27,
26.) L'abus d'une esclave appartenant à autrui fonde l'action de la loi
Aquillia, lorsque cette esclave est impubère (Paul, 1, 13 A, 6) ; cette action
est écartée, lorsque l'esclave est pubère (Paul, 2, 26, 16) ; mais dans ce der-
nier cas l'action pour cause de corruption morale peut être admise {Dig.,
d, 18, 21. 11, 3, 2). — La solution est autre lorsqu'une personne a fait
paître ses bestiaux sur le sol d'autrui (Paul, 1, 15, 1 ; cpr. III p. 156 n. 5)
et en cas de consommation de denrées appartenant à d'autres {Dig., 9, 2,
30, 2 : si quis alienum vinum tel fnimentum consumpserit, non videtur dam-
num injuria dare ideoque utilis danda est aclio).
(5) Coll., 2, 4 =z Dig., 9, 2, 27, 17 : si in nullo serviim prelio viliorem dele-
rioremve fecerit (en lui infligeant une correction), Aquillia cessât injuriarum-
que erit agendum. Cette règle tout à fait logique ne se concilie pas bien
avec l'admission de deux actions en cas de flagellation d'un esclave (III,
p. 115 n. 4), étant donné que, partout ailleurs où cette question est trai-
tée [Dig., 9, 2, 5, 1. 44, 7, 34, pr. 47, 10, 7, 1. 1. 15. 1. 46), on ne distingue
pas entre la correction inoffensive et celle qui cause un dommage, et
même, si l'on interprète ces derniers textes comme ne visant que la der-
nière espèce de correction, il reste toujours que manifestement le mon-
tant de l'estimation dans les deux actions diffère seulement parce que.
pour l'action de la loi Aquillia, on tient compte rétroactivement dans cer-
taines limites de la plus haute valeur que la chose a eue dans le passé.
Pratiquement, une double estimation était ici presque irréalisable,
(6) Si les conséquences de l'acte n'apparaissent complètement qu'après
150 DROIT PÉNAL ROMAIN
i,oius ou Enfin, dans ce délit on considère comme faute morale non
"^ quîcaule"' sculement le dommage voulu et prévu, mais aussi celui qu'on
le dommage, aurait dù raisonnablement prévoir; cela veut dire en d'au-
tres termes, pour nous servir des expressions usitées dans le
langage technique, que l'auteur du dommage ne répond pas
seulement de sa mauvaise intention, de son dol, mais aussi de
son manque de prévoyance, desac;<//>a(^aquillienne)(l).Le fon-
dement moral de toutes les prescriptions pénales, à savoir le
manquement à une obligation morale qui incombe à tout mem-
(830) bre de la communauté, se rencontre également ici (2). L'État
exige que chacun s'abstienne de causer intentionnellement un
dommage à la propriété d'autrui; en outre, sans imposer au-
cun acte en faveur de tierces personnes, ce qui ne peut être
juridiquement exigé qu'en vertu d'une obligation Spéciale,
ordinairement contractuelle, il réclame qu'on s'abstienne de
tout acte, dont on eut pu en réfléchissant prévoir les consé-
quences dommageables pour la propriété d'autrui. Tandis que
le manquement à l'obligation contractuelle, la culpa contrac-
tuelle, présente, à raison de la diversité de son fondement, des
degrés divers; le manquement au devoir vis-à-vis de l'État,
la culpa vis-à-vis de l'État, est la même pour tous les mem-
bres de la communauté et n'est pas susceptible d'une diffé-
renciation graduée (3). Etant donnée sa position intermédiaire
entre le dol et le cas fortuit, la culpa a vraisemblablement
l'exercice de l'action, celle-ci peut, en égard à l'unité du délit, être re-
nouvelée. Dig., 9, 2, 46. 1. 47 : si viihierafo servo lege Aqtnilia acUnn sit, postea
morluo ex eo vulnere ar/i leqe Aqiiillia nihilo minus potesl, sed... doininus...
exceplione doit mali opposila compelletur, ut ex utroque judicio niliil amplius
conseqiiatur, quam consequi deberet, si initio de occiso homine egisset.
(1) Dig., 9, 2, 30, 3 : in hac... actione dolus et culpa punit ur. Gaius, 3, 2H.
Dig., 9, 2, 32, pr. : cum interdum levior (comme furtum) sit haec causa delicli,
veluti si culpa et non dolo damnalum daretur. Dans leur terminologie, nos
sources ne distinguent pas l'une de l'autre la culpa contractuelle de celle
vis-à-vis de l'Etat.
(2) Nous avons déjà exposé cette idée I p. 101 sv.
(3) Mucius Scaevola, Dig., 9, 2, 31 : culpam esse, quod cum a diligente
provideri potuerit, non esset provisum. 1. 44, pr. : in lege Aquillia et levissima
culpa venit. 1. 28, i.
DOiMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE DAUTRUI 151
déjà élo contenue dans le droit des XII Tables, bien que ce
soit seulement la science postérieure du droit qui ait porto
celte notion à son complet développement (1).
L'injustice du dommage disparait, non seulement lorsque Absence
celui-ci résulte d'un cas fortuit (2), mais encore dans les cas responsabilité.
suivants :
1. lorsque l'auteur du dommage n'a pas la capacité de
fait (3), car dans ce cas il n'y a pas de manquement possible
au devoir;
2. en cas d'actes accomplis par l'auteur du dommage en tant
que magistrat ou préposé (4) ;
3. en cas de légitime défense, par exemple, lorsqu'on tue un
agresseur esclave (5), ou en cas de vengeance privée permise,
par exemple lorsqu'on tue l'esclave adultère (6) ;
4. en cas de nécessité, lorsqu'on ne peut écarter le danger
qui menace son propre patrimoine et éventuellement sa vie
qu'en détruisant une chose appartenant à autrui (7) ;
5. en cas de dommages provoqués par la faute de la victime (831)
elle-même (8), hypothèse dans laquelle on fait rentrer le dom-
mage causé à l'occasion d'un jeu de hasard à celui qui lient la
banque (9);
6. dans une certaine mesure, en cas d'acte accompli avec le
(1) Nous y revenons à propos de l'incendie mis par négligence.
(2) Exemples : Dig., 9, 2, 5, 2. 1. 52, 4. Inst., 4, 3, 4. 5.
(3) Cette régie s'applique aux aliénés et à l'enfant irresponsable. Dig., 9.
2, 5. 2.
(4) L'abus de cette faculté ne fonde pas l'action d'injure car l'inten-
tion d'offenser fait défaut (III p. 110), mais elle conduit à l'action de la
loi Aquillia, notamment lorsque cet acte cause un dommage à un es-
clave {Dig., 9, 2, 5, 3. 1. 6. 1, 7, pr. 1. 29, 7).
(o) II p. 334. Dig.. 9, 2, 4, J>r. 1. 5, pr. 1. 45, 4. I, 52, 1.
(6) II p. 339. Dig.. 9, 2. 30, pr.
(7) Dig., 9, 2, 49, \ : qui... justo metu ductus, ne ad se ignis perveniret, vi-
cinas aedes inlercidit... sive pervenit ignis sive anle extinclus est, (Celsus) exis-
timat legis Aquilliae aclionem cessave. 1. 29, 3 : Laôeo scribit, si, cum vi vento-
rum navis impulsa esset in fanes ancoraruin alterius et naulae funes praecidis-
senl, si nullo alio modo... expUcare se potuil, nullam actionem dandam. C'est
cette idée qui justifie le jet à la mer.
(8) Exemples : Dig., 9, 2, 9, 4. I. 11 pr.
(9) Edit du préteur, Dig., 11, 5, 1, pr.
Tentative .
Complicité.
Procès.
152 DROIT PÉNAL ROMAIN
consentement de la victime (1), ce qui s'applique notamment
aux luttes qui entraînent un danger pour le corps (2).
La tentative de causer un dommage à la chose d'autrui ne
rentre pas dans le domaine d'application de Vactio legis Aquil-
liae, dès qu'elle n'a pas entraîné une diminution de valeur de
l'objet (3), mais elle peut dans certain cas être poursuivie par
l'action d'injure comme empiétement sur la propriété d'au-
trui (III p. 106).
Lorsque plusieurs personnes coopèrent au dommage causé à
la chose d'autrui, il faut autant que possible déterminer la
part de responsabilité de chacun et les punir en conséquence ;
lorsqu'on prouve qu'elles ont agi ensemble, ou, lorsqu'il est
impossible de déterminer la part que chacun a prise à la
réalisation de l'acte dommageable, on apphque la règle de
l'indivisibilité du délit (4). L'incitation au délit et l'assistance
prêtée sont mises sur la même ligne que la faute principale.
En cas de coopération du maître et de l'esclave (I p. 119) ou
de plusieurs esclaves du même maître (I p. 119), on applique
les règles générales.
Le procès se déroule pour le dommage causé à la propriété
comme pour le vol avec ces seules différences que la faute mo-
rale étant ici moins grave la procédure capitale est écartée et
que la victime est absolument obligée d'accepter la composi-
tion. Le procès se divise également ici en deux parties : le juré
établit d'abord le fait et l'étendue du dommage, puis, comme
la loi Aquillia tout au moins ne connaît pas de tarif fixe, il
évalue le dommage en argent. Si le coupable reconnaît son
(1) La fixation de la limite est ici une question de fait. Lorsque l'objet
à travailler peut facilement être détruit au cours des manipulations, la
responsabilité est aussi limitée {Dig., 9, 2, 27, 29).
(2) En cas de combats publics, toute responsabilité disparait à condi-
tion que les règles des jeux soient observées. Il en a été de même pour
les luttes privées auxquelles un esclave a pris part avec la permission
de son maître (Dig., 9, 2, 7, 4).
(3) Cette remarque est faite expressément à propos de la corruption
d'esclave (Gains, 3, 198).
(4) Dig., 9, 2, H, 2, 4. 1. ."1, 1. Cpr. I p. 113 et sv.
DOMMMAGE CAUSÉ A L\ CHOSE DAITRUI 153
tort, la procédure judiciaire se limite à l'estimation (1). Comme (832)
en cas de vol, les parties gardent la faculté de transiger môme
après la première décision et la transaction entraîne l'acquit-
tement formel de l'accusé (2).
Une peine légale fixe, telle que la loi des XII Tables en éta- Peines.
blit pour les atteintes au corps d'autrui, se retrouve dans
cette même loi pour l'action spéciale donnée à raison d'abat-
tage des arbres fruitiers (III p. lo7), et il est possible qu'il y ait
^u d'autres dispositions semblables, disparues pour nous. La
loi Aquillia ne connaît pas cette sorte de peine et fut peut-
être faite principalement pour la supprimer dans notre ma-
tière. Cette dernière loi prend simplement comme base de
la répression le montant du dommage causé dans chaque cas
concret ; toutefois cette prestation est considérée comme abso-
lument pénale, ainsi que le prouvent notamment les règles
appliquées à la complicité et l'intransmissibilité héréditaire
de l'action (3). Pour déterminer le montant de ce dommage,
on compte d'après la loi Aquillia (4), en cas de destruction de
l'objet, la pleine valeur d'échange de ce dernier (o); et en cas
de détérioration, la partie de cette valeur qu'il a perdue (6);
(1) Les Big., 9, 2, 2o, 2, ne s'expriment pas tout à fait exactement lors-
qu'ils disent in hac actione, quae adversus confitentem datw, judex non rei
judicandae, sed aestimandae datur, nam nullae partes sunt judicandi in con-
fitenles. 1. 26. Le juré n'a pas pu être privé, même dans ce cas, du droit de
condamner.
(2) Dans le Judidurn damni injuria pour cause de mort donnée à un es-
clave, dont parle Cicéron, Pro Q. Roscio., 11, 32, les parties s'entendent
après la lilis contestatio sur le montant de l'indemnité et cet accord est
qualifié de transaction (decidere). On ne voit pas bien si la transaction a
lieu après la sentence du jury ou si elle rend cette sentence superflue ;
ce point est d'ailleurs sans importance au point de vue juridique.
(3) Les textes insistent sur ce point: cum sit poena Dig., 9, 2, H, 2.
(4) En cas de dommage causé par des animaux et d'incendie mis par
négligence, la loi des XII Tables impose simplement l'indemnité du pré-
judice.
(5) L'intérêt d'affection, c'est-à-dire la valeur que le propriétaire attri-
bue personnellement à l'objet, n'entre pas ici en ligne de compte (Dig.,
9, 2, 33, pr.)
(6) En cas de corruption d'esclave, le demandeur a la faculté ou de ré-
clamer la diminution de valeur de l'esclave, ou, en cédant celui-ci au dé-
fendeur, d'exiger la valeur intégrale antérieure {Dig., 11, 3, 14, 9).
154 DROIT PÉNAL ROMAIN
on y ajoute en outre la valeur des fruits dont la victime a pu
être privée et le montant des frais qu'elle a pu faire (1); d'une
manière générale, on évalue complètement le dommage que
cette personne a subi à raison du délit (2). La valeur d'é-
change de l'objet est même déterminée rétroactivement
d'après celle qu'il a eue dans l'année antérieure au délit, en
cas de mort d^esclave ou d'animaux vivant en troupeaux (3), ou
dans le mois qui a précédé le délit s'il s'agit de tout autre
(833) dommage (4). Le demandeur a ainsi la faculté de choisir
pour base de l'évaluation un moment quelconque dans cet
intervalle. Les créances qui naissent du délit au profit de la
victime dépassent donc fréquemment plus ou moins le mon-
tant effectif du dommage, et il en est toujours ainsi, lorsque
plusieurs personnes ont participé à l'accomplissement du dé-
lit, parce que dans ce cas chaque complice est tenu pour le
montant intégral du dommage (5). En outre, il y a double-
ment de la somme réclamée, si le défendeur nie à tort le
damnum injuria (6).
Procédure L'action noxale, donnée lorsque le délit a été commis par
un fils de famille ou un esclave, suit les règles générales (7),
abstraction faite des restrictions légales qui s'appliquent au
cas où plusieurs esclaves ont coopéré à l'accomplissement du
délit (I p. 119 n. 2).
Intransmissibilité L'aclion pour dommage causé à la propriété d'autrui, do
héréditaire, j^^^j^^ g^g loutcs Ics autrcs actious analogucs dont il va être
(1) Dig., 9, 2, 7. pr. cpr, 9, 3, 7.
(2) Uifi., 9. 2, 7, pr. 1. 21, 2. 1. 22. 1. 23, pr. 1. So. 47, 7, 8, pr. Inxl., 4, 3,
10. En cas de corruption d'esclave, une indemnité peut être réclamée pour
les délits qui en sont résultés et leurs conséquences (lUfi., 11. 3, 10. 1. 11.
1. 14, 6).
(3) Dig., 9. 2, 2, pr. 1. 21, pr. 1. 23, 3. Inst., 4, 3, 9.
(4) Dlg.. 9, 2. 27, 5.
(5) Action de loi Aquillia, l>ig., 9, 2, 11, 2 ; si cnm uno agcilur, ceterl non
liherantur, nam ex lege Aquillia quod alius praesUlit, alium non relevai. —
Action pour abattage d'arbres, Dig., 47, 7, G, pr.:si plitres candetn arborcm
f'iirtim ceciderint, curn singulis in solidiun ageliir. Cpr. III p. 152 n. 4
(6) Gai., 4, 9. 171. Dig., 9, 2, 2, 1. 1. 23, 10.
(7) Dig., 9, 1, 1, 13. Il faut en conséquence supposer aux Dig., 9. 2, 37,
1 (cpr. Dig., 9, 1, 1, 10) que la litis conleslalio a déjà eu lieu.
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE D'âUTRUI 155
question dans la présente Section, s'éteint par la mort du cou-
pable et ne passe pas contre ses héritiers (1).
La prescription de Vactio legis Aquilliae, de même que celle Prescription.
de toutes les actions groupées dans la présente Section, fus-
sent-elles môme prétoriennes par la fixation de la peine (2) ou
à raison de leur origine (3), est la prescription générale qui est
ordinairement de trente ans ; seules les amendes fixes, pré-
toriennes et édiliciennes, mentionnées plus loin, sont soumi-
ses à la prescription d'un an (4).
5. Actions analogues pour cause de dommage.
Il nous reste encore à parler d'une série d'actions délic-
tuelles, qui ne rentrent pas dans le domaine du dommage
aquillien, mais qui présentent plus ou moins d'analogie avec
l'action de la loi Aquillia. Ces actions concernent les délits
suivants :
1. Dommage causé par des animaux d'après la loi des (834)
XII Tables;
2. Abattage d'arbres fruitiers d'après la loi des XII Tables ;
3. Homicide d'un homme libre commis par négligence,
d'après le droit honoraire;
4. Blessure corporelle causée à l'homme libre par négli-
gence, d'après le droit honoraire;
5. Incendie d'après la loi des XII tables;
6. Abus de Vachtipulatio d'après la loi Aquillia ;
7. Corruption morale des alieni juris d'après le droit ho-
noraire;
8. Dommage causé par des animaux dangereux que l'on
tient en garde, d'après le droit honoraire ;
(1) Action de la loi Aquillia: Dig., 9, 2, 23, 8. Inst., 4, 3. 9. — Action
pour abattage d'arbres: Dig.. 47, 7, 7, 6. — Action pour corruption d'es-
clave: Dig., H, 3, 13, pi'. — Action de e/jfusis et dejeclis : Dig., 9, 3, 5, 5.
(2) Action pour abattage d'arbres: Dig., 47, 7, 7, 6.
(3) Action pour corruption d'esclave: Dig., 11, 3, 13, pr. — Action de
effusis et dejeclis : Dig., 9, 3, 3, 5.
(4) Dig., 9, 3. 5, 5.
156 DROIT PÉNAL ROMAIN
9. Dommage causé par jet et versement, d'après le droit
honoraire ;
10. Atteintes au corps d'autrui et dommages causés à la
chose d'autrui qui sont traités comme délils qualifiés par
le droit impérial.
Dommage 1. Le dommagc causé par l'animal d'un particulier (1) ne
''TJmàT' rentre pas d'après le droit des XII Tables (2), ni même d'après
le droit postérieur, dans la notion du « tort », de ]'injuria{3),
mais est, sous le nom de pauperies (4), « fait de laisser paître »,
traité comme délit à l'instar de Vinjuria. Cette notion, comme
cela a eu lieu originairement pour Vinjuria, embrasse le
dommage causé au corps et à la chose d'autrui (III p. 94). L'a-
nimal est absolument traité comme s'il était soumis à la loi
sociale à l'égal de l'homme ; il s'expose à une peine, s'il
paît d'une façon illicite (5); si dans un combat entre deux
C835) animaux l'un d'eux cause ou subit un dommage, la question
de punissabililé se résout d'après celle de savoir quel est
celui des deux animaux qui a commencé (6). Lorsque l'ani-
(1) La loi ne parlait que des quadrupèdes, mais elle a été étendue par
voie d'arpuments d'analogie à tous les autres animaux qui sont dans la
propriété d'un particulier (Diq., 9, !, J. 2. 1. 4); les animaux sauvages
ne sont exceptés de la loi qu'autant et qu'aussi longtemps qu'ils sont
sans maître {l>ig., 9. 1, 1. 10). La loi Pesolania (?) concernait spéciale-
ment les chiens (Paul, 1, 15, 1).
(2) T)ig., 9, \, 1, pr.
(3) IHg., 9, 1, 1, 3.
(4) Pauperies, (dont la seconde moitié doit certainement dériver A'opi-
parus] pourrait bien être entendu au point de vue étymologique dans le
sens de i laisser paître » ; le lien qu'on établit ordinairement entre ce
mot et paucus conduit à la notion de diminution, qui n'est pas conforme à
l'usage du langage. 11 est douteux que la loi des XII Tables ait employé
ce mot, elle parait bien plutôt avoir étendu à l'animal domestique la no-
tion de noxa, c'est-à-dire du délit commis par un être en la puissance
d'un tiers et dont répond le détenteur de la puissance {Dig., 9, 1, 1. pr.).
(5) D'après ce que nous venons de dire (n. 4), le fait de laisser paître
ne peut être consiiléré comme pauperies, qu'autant que cet acte se rap-
porte à des moissons à récolter. L'action de pastu pecoris donnée spécia-
lement par la loi des XII Tables (8, 6 SchoU [8, 7 Girard] = Dig., 19, 5,
14, 3) pourrait bien se rapporter au fait de pousser ses bestiaux sur les
p:\turages d'autrui.
(5) Ilig., 9, 1. 1, 8. 11.
DOMiMAGE CAUSÉ A LA CHOSE DAl TRUI 157
mal est conduit par un homme, celui-ci est seul considéré
comme responsable (1). L'action est nécessairement noxalc et
s'éteint par la mort de l'animal (2). Toutefois, si le proprié-
taire nie qu'il ait l'acimal en sa possession, il perd la faculté
de se libérer de l'action en faisant l'abandon noxal (3). Aux
autres points de vue, l'action suit les règles de l'action de la
loi Aquillia (4).
2. La loi des XII Tables a vraisemblablemeot établi l'ac-
tion pour abattage d'arbres fruitiers (o) parce qu'elle res
treignait à la propriété mobilière la notion de dommage causé
à la chose d'autrui (III p. 147) ; mais bien que dans la suite on
ait reconnu la possibilité d'intenter dans ce cas l'action de la
loi Aquillia (III p. 138 n. 1), l'action pour abattage d'arbres
s'est maintenue à côté de celte dernière et a subsisté comme
action privée délictuelle indépendante jusque dans la dernière
période. Les éléments de l'acte sur leîjuel se fonde cette ac-
tion ne diffèrent de ceux requis par la loi Aquillia (6) qu'en
un point: ils supposent que l'acte a été accompli par dol(7).
L'amende, fixée par la loi des XII Tables à 23 as par arbre, a
Action pour
abattage
d'arbres
fruitiers.
(1) Dig., 9, d, 1, 5. 6,
(2) D'après les fragments d'Autun du pseudo-Gaius (cpr. Dig. ,9, 1, 1, 13 ;
Gaius, 4, 81), dans l'action noxale, lorsque l'animal meurt, le corps doit être
livré au demandeur, comme cela est également de règle pour la noxa du
droit public (Tite Live, 8, 39, 14). [Correction de Mommsen, Strafvechl, p.
XXIV : Les fragments d'Autun qui me parviennent pour la première fois
au complet ont montré que si le fils de famille ou l'esclave mourait après
la condamnation dans l'action noxale le cadavre devait être livré en to-
talité ou en partie au demandeur, règle qui ne fut pas étendue au cas de
dommage causé par un animal].
(3) />(>/.. 9, 1, 1, 13.
(4) Les actions analogues {utiles et in factum) sont ici données de la
même manière {Dig., 9, 1, 4. 19, 5, 14> 3).
(3) Loi des XII Tables, 8, 10 [Girard, 8, 11]. La loi ne parlait que des
arbres (Gai., 4. 11); mais on comprit sous cette expression les pieds de
vigne (Pline, //, iV., 14, 1, 9 ; Dig., 47, 7. 3, pr.)
(6) Dig, 47, 7, 5, 1 : ejus actionis eadem causa est quae est legis Aquilliae.
Ce délit ne contient pas nécessairement un vol {Dig., 47, 7, 7, 1. l. S, 2)
bien que Paul 2, 31, 24, tende à faire rentrer ce délit dans le vol.
(7) On peut déduire cette règle du nom de l'action arborum furtim caesa-
rum et de la peine infligée.
158 DROIT PÉNAL ROMAIN
été transformée plus tard, vraisemblablement par le préleur,
en une peine du double du dommage causé (1).
r.omicidede 3. D'après le droit des XII Tables,, l'homicide de l'homme
,uomme i re. jjj^j.^^ lorsqu'il ne peut pas ôtre puni comme meurtre, n'en-
traîne qu'une expiation religieuse (2). Celte règle a sans
(83G) doute eu pour cause le refoulement de l'organisation consti-
tutionnelle basée sur l'institution des gentes et la suppression
de la vengeance sanglante; lors de l'établissement de la pro-
cédure publique de meurtre qui a pris la place de cette der-
nière, il a pu paraître malséant de faire rentrer l'homicide
par négligence dans les délits privés. A l'appui de cette exclu-
sion, les ouvrages juridiques font valoir qu'il n'y a pas d'é-
quivalent pour la vie humaine (3); mais un pareil motif vau-
drait aussi pour le dommage causé au corps d'autrui et il
parait difficile que l'ancienne législation se soit laissé guider
par ce motif. Plus tard, d'après le droit honoraire, l'homicide
non intentionnel, mais impliquant une faute de la part de son
auteur, entraîne une amende de 2,000 sesterces (4), s'il a eu
pour cause la détention d'animaux sauvages dans des condi-
tions illicites, et une amende de 5.01)0 sesterces, s'il est résulté
du versement d'un liquide ou d'un objet (5).
Dommage 4. Le dommage causé à tort au corps d'un homme libre
causé au corps . ij-ij -viinii.i •• l )•!
d'unhomme ^^*' P^"^ P^'" ^® dpoit dcs XII lablcs commc injure, iorsqu il
libre. ne tombe pas sous le coup de celle même loi comme tentative
de meurtre (II p. 342), et est vraisemblablement réprimé, qu'il
ait élé causé intentionnellement ou par imprudence (6). Le
(1) l'if]., 47. 7, 7, 7. Cette action peut être intentée après l'action de la
loi Aquillia pour le supplément ([u'elle peut donner [Dig., 47, 7, 1).
(2) C'est ce que signifie la phrase connue, contenue tant dans les lois
royales que dans la loi des XII Tables (8, 24 SchôU [Ul. Girard]), sur le
Itéiier offert aux membres de la rjens. Cpr. 1 p. 99 n. 1.
(3) /'(,7., 9, 3, 1,5: in liomini' libero nulla coi^poris aeslimalio fieri polcst. 1. 7.
(4) Dir/., 21, d, 42. h'aureiis ou solidiis est ici et plus lard compté pour
100 sesterces, ce qui est l'équation exacte appliquée aussi au cas de dé-
jdacement de borne.
(îi) Di(j., 9, 3, 1. pr. InsL, 4, o, t. 1/artion est populaire : Dif}., 9, 3, 5, 5.
(li) A vrai dire, nous ne pouvons jjas ]irouver d'une manière positive
que l'injuria des XII Tables embrasse lu ctilpa et on liésite à admettre l'ap-
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE D'AITKUI 159
droit post(îrieur n'admet plus l'aclion d'injure dans ce cas, et,
en droit strict, il n'y a pas plus d'action civile ici que pour
l'homicide par négligence; mais on étend à celte hypothèse les
actions pour cause de dommage à la propriété : l'action de la
loi Aquillia(l), l'action de 'pauperic{%), l'action pour détention
d'animaux sauvages dans des conditions illicites (3) ou l'ac-
tion de effusis et dejcctis {i).
5. Le fait que la loi des XII Tables considère l'incendie al- incendie
,,,.,, 1 1 • I d'après le droit
lume par malveillance comme mettant en danger des vies nu- des xii Tables,
mairies et le range à ce titre dans le délit de meurtre ne fait
pas obstacle à la répression de l'incendie en général comme
dommage causé à la propriété d'autrui et il exclut d'autant (837)
moins cette répression que l'action de meurtre ne procure pas
d'indemnité à celui qui subit un préjudice par suite d'un incen-
die. Il est vraisemblable qu'une disposition spéciale de cette loi
a, au cas d'incendie comme au cas d'abattage d'arbres, prescrit
de fournir l'indemnité du préjudice causé, mais il faut laisser
indécise la question de savoir si cette disposition visait unique-
ment l'incendie mis par malveillance ou si elle s'étendait aussi;,
ce qui est plus probable, à l'incendie causé par une négli-
gence coupable (5). Nous reviendrons plus loin sur les règles
applicables à l'incendie d'après le droit postérieur.
plication du talion en cas de simple ciilpa. Mais il faut remarquer, d'au-
tre part, qu'à cette époque la répression est dirigée contre le fait lui-
même et qu'il ne sied pas d'attribuer ici à la question de cause d'autre
effet que celui d'exclure toute peine, lorsque le dommage est résulté d'un
cas fortuit qu'on ne pouvait nullement prévoir. Gpr. n. 5.
(1) Dig., 9, 2, 13, pr. : liber liomo suo nomine iililem AquilUae hahet adionem ;
diyectam enim non liabct, quoniam dominus memhrorum stiorum nemo videlur.
(2> Dig.. 9, 1, 3.
(3) Dif/.. 21, 1, 42.
• (4) Dig., 9, 3, 1. pr. 1. 7. Inst.. 4, 5. 1.
(5) La solution de cette question dépend du passage emprunté à la par-
tie du commentaire de Gains sur les XII Tables qui traitait des disposi-
tions de cette loi sur l'incendie mis par malveillance (II p. 30* n. 0) : si vero
casii, id est neglegenlia, aut îio.riam sarcire Juhetur aut si minus idoneus sit,
levais easligatur. Si casu et levius castigare n'ont pas pu se trouver dans
la loi des XII Tables, no.riam sarcire lui est certainement emprunté et il
est vraisemblable que les premières expressions ont été mises dans le
160 DROIT PÉNAL ROMAIN
A'Lisde 6. La loi Aquillia, a, non sans raison, assimilé l'abus dans
\a...xpu 10. Y^f^giipni^iiQ r^^ Joiximage causé à la chose d'aulrui (i). k vrai
(838) dire, l'exercice du droit de créance ne peut causer de préju-
dice à des tierces personnes ; mais, lorsque le créancier, réel-
lement intéressé dans l'affaire, place sur le môme rang que
lui par un mandat un autre créancier, qui n'est tel que dans
la forme, la remise de delte faite par ce dernier, qu'on ap-
texte, à la place de termes sj-nonymes, par les interprètes du vieux Code
ou même parles compilateurs; quant au sens, elles sont en parfaite con-
cordance avec la loi des XII Tables. Même l'explication de casus par ne-
glegenlia est inattaquable; le t cas fortuit » exclut l'intention, mais em-
brasse aussi bien l'accident causé par témérité ou imprévoyance que le
pur « cas fortuit ». La mort causée par» l'arme qui a échappé à la main
plutôt qu'elle n'a été jetée j>, ce qui est l'expression de la loi des XII Ta-
bles pour l'homicide qui n'est pas punissable comme meurtre, est une
notion qui embrasse indubitablement l'homicide par imprudence. A l'épo-
que postérieure, on oppose aussi d'une manière absolue voluntas à casus
(Coll., 1. 10, 1 ; Dig., 48, 8. 1, 3), fraus à casus (Coll., 1. 9, 1), consullo à casu
(Coll., 1, M, 3= Dig., 48, 19, S, 2), tandis qu'on met sur la même ligne
casu et imprudenter (Coll., 1,7, 1); dans tous ces textes (de même aux
Inst , 4, 3, 3) casus doit-étre entendu dans son sens large, où il n'exclut
pas la culpa. On trouve même chez Paul, Coll., 12, 6, 1 (où casu ne peut
pas être modifié en casam — chaumière — surtout parce qu'insulam com-
prend Voppido déjà mentionnée) la division tripartite de l'incendie prae-
ilae causa ou ex inimiciliis, de l'incendie casu et de la forluita incendia, où
casus est précisément la neglegentia par opposition au cas fortuit, exclu-
sif de la responsabilité. Ailleurs (Coll., 12,2, 3), le même jurisconsulte op-
pose à l'incendie mis par malveillance la forluila incendia, qui comprend
l'incendie né par incuvia et celui qui est né casu venli furenlis. Le cas
foj'tuil n'est donc pas chez les jurisconsultes romains une notion ferme-
ment arrêtée, il faut dans chaque cas rechercher, d'après le contexte, si
elle comprend ou exclut la culpa. Il n'y a pas lieu de croire, surtout si
l'on considère les règles applicables à l'homicide involontaire d'après le
droit des XII Tables, qu'à cette même époque on nit lié la répression
au fait matériel de l'incendie sans se préoccuper de la cause de ce der-
nier; d'autre part, il est également peu admissible que l'obligation d'in-
demniser du préjudice causé par l'incendie ait été subordonnée à la preuve
de la malveillance. Cette question ne peut-être résolue avec certitude,
mais le droit des XII Tables est vraisemblablement tel que nous le pré-
sente Gaius.
(1) Gaius, 3, 215. 216. Si ce jurisconsulte ajoute que cette action n'est
pas nécessaire parce que le créancier principal a l'action de mandat con-
tre Vadslipulalor, il faut bien plutôt en conclure que la loi Aquillia est
antérieure à la création des actions qui ont fait du mandat un contrat.
A partir do cette dernière réforme, cette application de l'aclio leyisAquilliae
disparait (Uig., 9, 2, 27, 4).
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE D'aUTRUI
161
pelle adstipidator, anéantit la créance du véritable intéressé. •• '
Or. comme à l'époque où la loi Aquillia fut faite, le mandat
ne fonde vraisemblablement pas encore d'action, cet acte
cause au créancier principal un préjudice analogue à celui
qui résulte du dommage causé à la propriété d'autrui. C'est
pour ce motif que la loi Aquillia donne au mandant contre le
mandataire une action d'indemnité.
7. La corruption {corrumperé) d'un esclave, c'est-à-dire corruption
tout acte de démoralisation qui en diminue la valeur d'échange,
fonde^ d'après l'édit du préteur, au profit du maître une ac-
tion au double du préjudice (1), analogue à Vactio legis Aquil-
liae (2). Une action semblable est également donnée au cas
de corruption d'un enfant en puissance (3).
8. L'édit des édiles curules donne contre celui qui garde des Détention
. . 1 • 1 d'animaux
bêtes dangereuses à proximité d'endroits ouverts a la circula- dangereux,
tion, lorsque ces animaux ont causé un dommage au corps ou
au patrimoine d'autrui, une action au double du préjudice (4).
Nous avons déjà mentionné l'action pénale donnée dans ce
même cas, lorsque ces bêtes ont causé la mort d'une personne.
9. Le dommage que l'on cause en versant ou en jetant quel- Dommage par
quelque chose d'une maison ou d'un navire (5) sur un lieu de et jet.
passage (6) tombe sous le coup de la loi Aquillia, lorsque cet
(1) Dig., 11,3, 1 71/-. 1. 5, 2. 1. 9, 2. 1. 14, 5. L'époux n'est tenu qu'à four-
nir l'indemnité du simple {Dig., H, 3, 17).
(2) Tombe notamment sous le coup de cette action celui qui détermine
l'esclave à s'enfuir (Paul, 2, 31, 33. Dig., 47, 2, 36 pr.), acte qu'il n'a pas
paru possible de comprendre dans le vol (III p. 49 n. 2). L'édit vise en
première ligne le fait de recevoir chez soi l'esclave fugitif (O/.9'., 11, 3, i,
pr. 1. 9, pv.) qui sans contredit donnait réellement à l'esclave la qualité de
fugilivus et à ce titre consommait pour ainsi dire la corruption. L'élé-
ment tout à fait décisif en droit est la diminution de la valeur d'échange
{Dig., 11,3, 9, 3. 1. 11, 2. 1. 14, 1. 8.).
(3) Dig., 11, 3, 14, 1. 11 n'y a pas de diminution de patrimoine en cas de
corruption d'un enfant en puissance. C'est par analogie que l'action est
ici donnée pour l'intérêt qu'avait le chef de famille à ce que son enfant
ne fût pas corrompu.
(4) Paul, 1, 15, 1 a. b. Dig., 21, 1, 40-42. Inst.. 4, 9, 1.
(0) Dig., 9. 3, 6, 3.
(6) Dig., 9, 3, 1, pr. : quo vulgo iter fiet vel in quo consislelur. Lorsque la
circulation est interrompue à ces endroits pendant la nuit, la défense
Droit Pénal Romain. — T. III. \ 1
162 DROIT PÉNAL ROMAIN
(839) acte peut être imputé à une personne déterminée (1). Ce dom-
mage engage, en outre, la responsabilité de tout détenteur de
l'habitation (2), mais on ne considère pas comme tel celui qui
n'habite que passagèrement ou sans payer de location ou comme
sous-locataire d'une partie peu importante delà demeure (3).
L'action est donnée ici au double du préjudice; mais, lorsque
ce double a été une fois payé, elle n'est plus possible contre
les autres personnes également obligées à ce paiement (4).
Nous avons déjà mentionné l'action pénale donnée, lorsque
l'acte, dont il est ici question, a entraîné la mort d'un homme
libre. — En cas de simple menace d'un dommage du même
genre, on donne contre le détenteur de l'habitation une action
pénale populaire, dont le montant est de 1000 sesterces (5).
10. Comme en matière de vol et d'injure, différents cas, ren-
trant dans le domaine des dommages causés au corps ou à
la chose d'autrui, ont été traités sous le Principat comme dé-
lits extraordinaires exigeant la cognitio du magistrat. Il y a
là un nouvel exemple (II p. 376) du transfert dans le droit pé-
nal public nouveau des règles anciennes du droit privé en
matière de délits.
cesse do s'appliquer pendant ce temps. {Dig. 9, 3, d, 2. 1. 6, 1). — Il n'est
pas nécessaire que l'endroit ouvert à la circulation soit à proprement par-
ler public (Dig., 9, 3, 1, 2).
(1) Dig.. 9, 3, 1, 9. ]. 5. pr. 5. d. 2. 3. 44, 7, 3, 5 = Inst., 4, 5, 1.
(2) L'idée que la culpa du maître de maison n'est pas nécessaire do-
mine ici {Dig., 0, 3, 1, 8), et c'est pour ce motif que ce cas est rangé parmi
les obligations quasi ex deliclo {Inst., 4, 5). Toutefois, on voit à côté de
cette opinion se manifester l'idée que le maître du logis est tenu de
faire le possible pour empêcher de pareils actes (Dig.. 9, 3, 1, 4) ; c'est à
raison de la même idée que les esclaves, qui se rendent coupables de
tels actes, sont soumis à la peine de la correction {Uig., 9, 3, 1, 8), — Lors-
qu'il y a plusieurs détenteurs de l'habitation, l'action est ordinairement
donnée contre chacun d'eux (Dig., 9,3, i. 10. 1. 2. 1. 3. 1. 4), mais peut
dans certains cas n'être accordée que contre l'un d'eux (Dig.., 9, 3, 5, 2). —
L'action est noxale [Dig., 9, 3, 1, pr., avec lequel le | 4, à vrai dire, ne
concorde pas pleinement).
(3) Dig., 9, 3, 5, 4. 12. Le maître du logis, tenu de Vaclio de effusis et de-
jectis, peut recourir contre celle de ces personnes qui serait la véritable
coupable (Dig., 9, 3, 5, 4),
(4) D,-^., 9,3. 1, P-. g4.
(5) Dig., 9. 3, 5, 8 et suiv.
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE D'AUTRUI 1G3
a) L'homicide d'un homme libre, résultant d'une culpa, Homicide causé
n'est, comme nous l'avons déjà fait remarquer, nullement ré- daprLTe droit
primé par voie de procédure ordinaire (1). Toutefois, différents postérieur,
cas d'homicide de ce genre sont, d'après les sources, punis au
criminel. Ce sont :
1. la remise par imprudence de substances vénéneuses,
frappée par un sénatus-consulte de la peine de la loi Cornélia
sur le meurtre (2);
2. l'homicide non intentionnel, causé par extravagance (3),
ou survenu pendant une lutte (4);
3. L'homicide d'un homme libre par négligence du méde- (840)
cin (5);
4. L'homicide d'un homme libre, causé par le jet imprudent
d'un objet du haut d'un arbre (6).
Le fait que ces différents cas sont traités à propos de la loi
sur le meurtre, la gravité des peines appliquées et l'extension
de la lez Cornélia de veneficiis au premier cas semblent favo-
rables au classement de ces délits dans la catégorie du meur-
tre. Mais il convient de n'attacher aucune importance au pre-
mier cas, car on a étendu d'une manière irrégulière la notion
de veneficium à tous les actes connexes accomplis par une
(1) D'après le droit de la guerre, l'homicide par imprudence est un dé-
lit réprimé par voie disciplinaire {Coll., 1, 8, 1 =: Cod., 9, 16, 1 pi\)
(2) Dig., 48, 8. 3, 3.
(3) Hadrien, Coll., 1, 11, 1 = Dig., 48, 8, 4, 1. La punition est la reléga-
tion temporaire.
(4) Un rescrit d'Hadrien, d'après lequel un tel cas no doit pas
être traité comme meurtre (Coll., 1, 6, 1 ; de même Paul, 5, 23, 3 :=:
Coll. 1, 7, 1) est présenté dans la rédaction des Dig., 48, 8, 1, 3 comme
prescrivant qu'une peine criminelle plus légère soit appliquée dans ce
cas ; il n'est pas nécessaire d'admettre qu'il y a eu ici interpolation.
(5) Dans ce cas, dont Pline, Hist. n., 29, 1, 18, dit : nulla lex, quae pu-
niai insciliam eam, capitale nullum exernplum vindictae, on condamne, d'après
les ouvrages juridiques (Paul, 5. 23, 19. Dig.. 1, 18, 6, 7. 29, 5, 5. 3), les per-
sonnes de condition élevée à larelcgation, et les petites gens à des peines
qui vont même jusqu'à la mort.
(6) Paul, 5, 23, 12: si putator e.t arboi'e cum ramum deiceret, non pro-
clamaverit, ut vitaretur, atque ita pi'aeieriens ejusdem iclii perierit, etsi in
legem non incurrit, in melalluin datur. De même, Dig., 48,8, 1. Le texte sem*
blable Dig., 9, 2, 31 se rapporte à l'esclave.
164 DROIT PÉNAL ROMAIN
personne à titre de profession (II p. 352 sv.). En outre, il faut
remarquer, en ce qui concerne les cas d'homicide, que la
condition de l'intention est certainement exigée pour la notion
de meurtre, même de la part des jurisconsultes de l'Empire,
et que, d'autre part, il est dit expressément à propos du qua-
trième cas, qu'il ne tombe pas sous le coup de la loi sur le
meurtre. Il nous paraît donc préférable de ne pas faire ren-
trer ces cas dans la catégorie du meurtre et de les ranger
parmi les délits extraordinaires non prévus par une loi. Tels
qu'ils se présentent à nous, on peut seulement en conclure
que le droit pénal impérial a, dans des cas graves, étendu
la procédure de la cognitio à l'homicide causé par culpa. —
On rencontre aussi en cette matière une indemnité pécuniaire
que le coupable doit payer aux parents sans fortune de la
victime (1).
Incendie b) L'inccudie, comme cela avait déjà eu lieu vraisembla-
poTérLr!" blement dans le droit des XII Tables (III p. lo9), est certaine-
ment traité par les jurisconsultes de l'Empire à deux reprises,
suivant qu'ils le considèrent comme mettant en danger la vie
d'autrui ou comme causant un dommage à la propriété d'au-
trui : ils en parlent d'abord à propos du meurtre (II p. 364),
puis, en tant que dommage qualifié à la chose d'aulrui (2), à
(8^1) propos des délits extraordinaires; dans le premier cas on ne
s'occupe que de l'incendie mis par malveillance et dans le se-
cond de tout incendie. Pour la répression, on dislingue :
aa) l'incendie mis par malveillance à l'intérieur de la ville,
ordinairement puni de mort (3). Vis-à-vis des petites gens,
(1) Hadrien, Coll., 1, U =: Dig., 48, 8, 4, 1.
(i) Le titre de naufrar/is el bicendiariis (Coll. 12. 5, 1) dans le livre 8 du de
of/icio proconsulis d'Ulpien et le titre de incendiants (Coll., 12, 2, 1) des
senlentiae de Paul (où la restitution, quoique vraisemblablement exacte,
est cependant conjecturale) rendent impossible l'incorporation de ces
sections dans la matière du meurtre, et les paroles mêmes d'Ulpien con-
firment cette opinion. En outre, l'incendie est mentionné à propos des
délits de violence parmi ceux qui sont commis au cours d'une sédition
(II p. 38i' n. 4).
(3) Paul, 5, 20, 1 (= Coll., 12, 4, 1). Coll.. 12, 6, 1. Dig., 48, 8, iO.
DOMMAGE CAUSÉ A LA CHOSE D'.U'TRUI 165
cette peine est ordinairement appliquée dans une forme rigou-
reuse (1); vis-à-vis des personnes des meilleures classes, la
répression peut ne consister que dans la déportation (2);
bb) l'incendie mis par malveillance hors de la ville, qui en-
traîne pour les personnes de condition l'internement et pour
les petites gens la peine du travail dans les mines, ou celle
des travaux forcés à perpétuité ou l'internement (3) ;
ce) l'incendie mis par imprudence, qui n'est puni qu'en cas
de négligence grave et qui dans ce cas n'est réprimé que par
une peine publique modérée (4).
dd) L'action d'indemnité, c'est-à-dire l'action de la loi Aquil-
lia, est également possible ici et obéit à ses règles ordinai-
res (5).
c) Les délits commis à l'occasion d'un naufrage ont été à Dommages
l'instar de l'incendie soumis assez tôt h l'application des pé- t^TolîT^viirli.
nalités de la loi Cornélia sur le meurtre (Il p. 365 n. 1), et,
comme corollaire, des cas de ce genre ont été, sous l'Empire,
réprimés comme délits extraordinaires à l'instar de l'incen-
die (6); toutefois, on ne peut, ni dans le premier cas ni dans
le second, déterminer suffisamment les éléments de ces délits.
Régulièrement on trouvera dans les délits qui ont lieu à pro-
pos d'un naufrage le crime de violence commis en cas de
calamité publique (II p. 382).
(1) Mort par le feu: Callistrate, Dig., 48, 19, 28, 12. — Exécution dans
une fête populaire : Ulpien Coll., 12, 5 1. — Incendie mis au cours d'une
sédition : peine de mort dans sa forme la plus rigoureuse {summum sup-
plicium) : Paul, 5, 3, 6.
(2) Ulpien, Dig., 47. 9, 12, 1 (= Coll., 12. 5. 1).
(3) Paul. 0, 20, 2 {= Coll., 12, 2, 1). 5 {= Coll., 12, 3, 2). Dig.. 48, 19, 28, 12.
(4) Marcien, Dig., 47, 9, 11 : si fortuito incendium factum sit,venia indiget,
nisi tam lata culpa fuit, ut luxuria aut dolo sit proxima. Ulpien, Coll., 12,
5, 2 ; eis qui non data opéra incendium fecerint, plerumque ignoscitur , nisi in
lata et incauta (peut-être nisi in causa lata) neglegentia vel lascivia fuit.
Callistrate, loc. cit. : modice vindica[n]tur'. Coll., 12, 6, 1 (cpr. pour le sens
du mot casu, III p. 159 n. 5).
(5) Callistrate, loc. cit. Paul, 5. 20, 3 (= Coll.. 12. 2, 2). Coll.. 12, 6, 1. —
Lorsqu'il y a en outre sédition, l'action est au double (Paul, 5, 3, 6).
(6) C'est ce que montre la rubrique de naufragis et incendiariis (III
p. 164 n. 2).
166 DROIT PÉNAL ROMAIN
(842) d) Lorsque l'abattage d'arbres fruitiers a lieu la nuit et
avec attroupement, il est réprimé au criminel (1).
e) Le fait de garder ou de promener des animaux dange-
reux entraîne aussi dans certains cas une répression publi-
que (2).
(1) Paul, 5, 20, 6 : qui noctu frugiferas arbores manu facta ceciderint, ad
tempus plerumque in opus publicum damnantur aut lionestiores damnum sar-
cire coguntur vel curia submocentur vel relegantur. Gaius est encore plus sé-
vère, Dig., 47, 7. 2 : sciendum est eos qui arbores et maxime vîtes ceciderint,
etiam tamquam latrones (cpr. II p. 346 n. 3) puniri.
(2) Paul, 1, 15, 2, après avoir indiqué la défense de l'édit, ajoute : et
ideo, sive ab ipsa {fera bestia) sive propter eam ab alio alleri damnum datum
sit, pro modo admissi extra ordinem actio in dominum vel custodem detur,
maxime si ex eo homo penerit. Le même jurisconsulte Dig., 47, H, H, range
parmi les extraordinaria crimina le cas suivant : in circulatores, qui ser-
pentes circumferunt et proponunt, si cui ob eorum metum damnum datum est,
pro modo admissi actio dabitur.
SECTION XI (843)
ABUS DES DROITS
Nous traitons dans cette Section sous le nom d'abus des Abus
1. • ii,r-.T^ 'ij'i'. • des Droits.
droits appartenant aux sujets de 1 Etat Romain les délits sui-
vants qui étaient punissables au criminel :
1. empiétements sur la propriété publique;
2. inobservation des devoirs incombant aux propriétaires
fonciers;
3. usure;
4. accaparement de céréales et autres marchandises;
5. abus des droits de l'industrie et du commerce;
6. abus que fait une personne de son état;
7. appropriation d'un faux état ;
8. infractions aux lois de la République sur les mœurs;
9. gain au jeu ;
10. divination;
11. abus de la brigue électorale;
12. abus du droit d'association ;
13. abus de la dénonciation fiscale;
14. autres contraventions.
L'acceptation de libéralités par l'avocat ou le magistrat
rentre aussi à vrai dire dans cette liste, mais elle en a été ex-
clue, d'une part, parce qu'elle est passée en partie dans l'exac-
tion de la part des magistrats, et, d'autre part, parce que les
règles procédurales qui lui sont appliquées ont été le point de
168 DROIT PÉNAL ROMAIN
départ et sont la clef de la procédure des qiiaestiones perpe-
tuae. — Sont naturellement exclues de la présente Section
toutes les lois répressives qui n'appartiennent pas au droit
pénal proprement dit, tant celles du droit civil, parmi les-
quelles rentrent notamment presque tous les interdits, que
les lois simplement coercitives, comme les nombreuses lois
romaines sur le luxe. Nous n'avons fait d'exception que pour
le septième paragraphe où le cas le plus important, l'appro-
(844) priation du droit de cité romaine, ne donne pas lieu à une
condamnation, mais simplement à la constatation d'un fait.
Toutefois ce cas peut prétendre à une place en droit pénal,
comme le praejudicium peut en réclamer une en droit civil ;
il doit même en avoir une en droit pénal romain.
Ce groupement et sa dénomination générique peuvent don-
ner lieu à d'importantes critiques ; peut-être leur seule justi-
fication est-elle que ces délits doivent avoir leur place en droit
pénal, mais ne se plient pas à un classement systématique.
On peut cependant trouver une certaine homogénéité dans
ce groupe et certaines excuses peuvent être invoquées en fa-
veur de la rubrique: abus des droits. La ligne très nette de
démarcation entre ce qui est moralement juste et ce qui est
moralement injuste (1), que nous avons trouvée à la base de
tous les délits dont nous avons parlé jusqu'ici, est difficile à
établir pour l'usage et l'abus du droit. Le vol et l'usure sont
également condamnables au point de vue moral, le premier
est même assez souvent plus excusable que le second; la cons-
cience fixe dans un cas comme dans l'autre la limite entre ce
qui est juste et ce qui ne l'est pas; mais tandis qu'en cas de
vol elle fait cette délimitation suivant une loi fixe, exclusive
de tout arbitraire, elle doit en cas d'usure tenir compte d'ap-
préciations individuelles forcément arbitraires et la loi pénale
(1) La loi morale évolue et sa traduction en lois d'Etat est encore plus
changeante; le stupnim. d'abus qu'il était auparavant, devint un véritable
tort depuis Auguste et il en fut de même pour la divination depuis l'é-
poque chrétienne.
ABUS DES DROITS 169
doit dans Jes deux cas suivre les indications de la conscience.
Il en résulte que la conscience de commettre un tort:, le dolus
romain, base véritable de toute répression, est, dans le do-
maine dont nous nous occupons actuellement^, jusqu'à un cer-
tain point fictive (l p. 105), elle ne s'y rencontre que grâce à
un autre fondement (I p. 106), qui n'est pas pleinement con-
forme à l'essence du droit pénal, mais qui est établi par l'État :
l'obligation de connaître la loi pénale. L'application de ces
idées se montre notamment dans la répression de l'assistance
prêtée à un délit: la corruption électorale, par exemple, est
toujours un délit au regard du candidat, elle n'en est pas un
pour le corrompu et elle n'en est un pour l'agent électoral que
dans certains cas déterminés par la loi positive, tandis que
de telles distinctions n'apparaissent pas, lorsqu'on ne s'attache
qu'au fondement moral de ce délit.
Une autre raison qui justifie le groupement de ces divers
délits sous la même rubrique est qu'ils donnent lieu à l'ap-
plication de la même procédure, à celle qui relève des ma-
gistrats et des comices. Tandis que les délits qui reposent
véritablement sur les données de la morale mettent en mouve-
ment les différentes magistratures compétentes pour la haute
trahison et le meurtre, les délits dont nous nous occupons ici
sont, tout au moins en fait, exclusivement réprimés par les
édiles (I p. 182 et sv.), ce qui s'explique parfaitement, étant
donné qu'ils se rattachent de la manière la plus étroite au droit (843)
municipal et à la police des mœurs. On peut prouver qu'il en
fut ainsi pour l'appropriation du sol public, pour l'usure et
l'accaparement de grains, pour l'immoralité et peut-être même
encore pour d'autres cas.
La législation positive, provoquée par les conditions spécia-
les de lieu et de temps, joue naturellement ici un rôle beau-
coup plus grand que dans les délits, dont le fondement est pu-
rement moral et qui se retrouvent ordinairement partout dans
des conditions uniformes. En outre, la plupart des délits ren-
trant dans notre catégorie ne peuvent être exposés d'une façon
suffisante qu'en les rattachant à des particularités de l'histoire
170 DROIT PÉNAL ROMAIN
du peuple romain qu'on ne peut pas décrire en droit pénal.
C'est ainsi, par exemple, que les abus commis dans les élec-
tions ne peuvent être compris qu'à la condition de connaî-
tre l'organisation des comices ; cette connaissance doit être
supposée quand on s'occupe de droit pénal. L'exposé du droit
pénal en vigueur chez un peuple aussi éminent par ses apti-
tudes et son histoire que le fut le peuple romain sera toujours
d'un haut intérêt pour le jurisconsulte; mais les délits et con-
traventions que nous groupons ici ne peuvent susciter que
faiblement sa curiosité. Il nous a paru par suite indiqué non
seulement de renoncer à faire de ces délits un exposé com-
plet, aussi irréalisable que sans intérêt, mais de traiter le plus
brièvement possible dans les treize premiers paragraphes les
différents cas les plus notoires et de réunir dans un dernier
paragraphe supplémentaire une série de cas moins impor-
tants.
1, Empiétements sur la propriété publique.
Empiétements La jouissaucc du sol public appartient à tout citoyen et
*"'"^'*|î^°^'['^^^ môme, dans la mesure où l'exigent les relations sociales, à
tout non citoyen, sous la double restriction d'observer les con-
ditions imposées par la destination de chaque partie du sol ou
par l'État lui-môme et de ne pas porter atteinte aux droits
existants des tiers. Parmi les contraventions qu'on rencontre
à cet égard, celles qui se produisent dans la jouissance des
chemins publics ne font pas l'objet d'une répression pénale, à
moins que, comme empiétements sur les fonds riverains ou
comme déplacement de bornes, elles ne rentrent dans la caté-
gorie des dommages causés à la propriété d'autrui (IIÏ p. 140) ;
ordinairement, il y a simplement rétablissement de l'état an-
térieur par des moyens de procédure populaires (1). La partie
(1) Edit (lu préteur, Diij., 43, 8, 2, 35, quod in via puhlica ilinereve puhlico
fnclum immissum hahes, f/uo ea via idve iler delerius sit fiât, reslituns. Il en
est à peu près do mémo pour les voies fluviales {Dig., 43, 13, 1, 11).
ABUS DES DROITS 171
du domaine public apte à produire était mise à la disposi- (846)
lion des citoyens, soit pour qu'ils y menassent paître leurs
IroupeauX;, soit, après établissement d'une clôture, pour l'agri-
culture ou l'horticulture. Dans ce dernier cas, comme dans le
precarium du droit privé, l'occupant était protégé contre les
tiers (1), tandis que l'Etat avait en droit la faculté de repren-
dre à toute époque cette partie du domaine public. Sur cette
dernière et importante forme de jouissance du sol public, qui
a été la principale cause des luttes de classe à Rome, nous ne
savons guère que deux choses : d'une part, que la loi Licinia de
387/367 et d'autres lois semblables ont fixé'une limite maxima
pour le nombre de tètes de bétail que l'on peut faire paître et
pour l'établissement de clôtures (2), et que, d'autre part, des
amendes élevées sont infligées aux contrevenants par voie de
procédure édilicienne-comitiale (3). Lorsque peu à peu le sol
public devint objet de propriété privée par suite de partages ou
fut soustrait à la jouissance commune des citoyens par suite
d'affermage ou autrement, les dispositions précitées cessèrent
de s'appliquer pour le peuple romain. Les différents statuts
municipaux de l'époque postérieure nous présentent encore des
règles analogues pour Vager municipal. C'est ainsi que la lex
coloniae Genetivae, d'une part, interdit à tout magistrat munici-
pal sous peine d'une amende de 20.000 sesterces de tirer di-
(1) Il faut avoir grand soin de ne pas étendre les interdits possessoires
du droit privé à l'ager publlcus.
(2) Appien, B. c. 1, 8, à propos de la loi Licinia : ^YUAcav- œptdav. Gaton,
chez Aulu-Gelle, 6, 3, 37; si quis plus cjuingenta jugera habere voluerit (mis
à titre d'exemple dans une forme incorrecte pour habueril), tanta poena
esto ; si quis majorem peconim numerum habere voluerit (également au lieu
de habueril), tantum damnas esto.
(3) Tite Live, 7, 16, 9, pour l'année 397/357 : C. Licinius Stolo a M. Popil-
lio Laenate sua lege decem milibus aeris est damnatus, quod mille jugerum
agri cum filio possideret emancipandoque fîliuni fraitdem legi fecisset. 40, 13,
14, pour l'année 456/298 : plerisque dies dicta ab aedilibus quia plus guam quod
lege finitum erat agri possiderent. Autres preuves, St. R., 2, 494 [Dr. Publ. 4,
188]. Le montant de la peine était vraisemblablement déterminé dans
chaque cas particulier par les édiles, en tenant compte naturellement
de la gravité de la contravention ; dans le passage de Gaton on peut
sous-entendre quantae pecuniae aedilis eum multaverit.
172 DROIT PÉNAL ROMAIN
rectemenl OU indirectement UQ profit du sol public (1), et, d'au-
tre part, défend de vendre les terres publiques ou de les affernaer
pour plus d'un lustre et frappe d'une amende de iOO sesterces
par jugenim et par an celui qui a usé à titre exclusif du sol
public (2).
(847) Inobservation des obligations qui incombent aux propriétaires
fonciers.
Obligations des La propriété foncière privée (3), que les Romains dans leurs
^'7onc^err' couceptions jurldlques rattachent généralement à des assigna-
tions de terres faites par la cité, est légalement limitée par
l'interdiction et par la prescription de certains actes. Ces li-
mitations donnent naissance à différentes actions pénales:
inierdiciion de 1. Pour écartcr les causes d'incendie, la loi des XII Tables
la crémation ^^^^^^ ^^ ^^^^^^ j^^ cadavros à l'iutérieur de la ville (4) et
la fabrication exigc Que le bùcher funèbre soit établi au moins à 60 pieds de
des briques i » i i •
dans la ville, toutc habitation (5). Cette défense s adresse, non pas exclusi-
vement, mais principalement, au propriétaire du sol. En cas
de contravention, le magistrat a sans doute recours à des
moyens de coercition. — Le droit municipal de Genetiva défend
également de brûler les cadavres à l'intérieur de la ville (6) et
d'établir, dans la ville et dans un rayon de cinq cents pas, des
lieux de crémation ; il prescrit pour le cas d'infraction une
amende de 8.000 sesterces (7). Il prohibe, en outre, l'établisse-
ment de grandes briqueteries dans la ville, sous peine, sem-
ble-l-il, de confiscation du terrain affecté à cette installation (8).
(1) Lex col. Gen., c. 93.
(2) Lex col. Gen., c. 82.
(3) Sous cette expression, nous comprenons tant la propriété origi-
naire des génies que la propriété individuelle d'apparition plus récente.
(4) Loi des XII Tables, 10, 1 SchôU [id. Girard] = Cicéron, De leg., 2,
23, 58. Paul. 1, 21, 3.
(5) Loi des XII Tables 10, 10 Schùll [10. 9 Girard] = Cicéron, De leg.,
2, 24, Cl.
(G) Lex col. Gen.^ c. 73.
(7) Lex col. Gen., c. 74.
(8) Lex col. Gen., c. 76.
ABUS DES DROITS 173
2. Il n'a pas été interdit de tout temps d'inhumer et d'éta- inierdicUon
blir des sépultures dans les villes (1), mais la prohibition est ^es sépultures
déjà contenue pour Rome dans la loi des XII Tables (2). La dans les viiies.
plupart des droits municipaux ont consacré la même règle et
Hadrien l'a formulée en termes généraux pour toutes les villes
de l'empire (3). Quant à la peine applicable, elle a été, à l'o-
rigine, la même qu'en cas d'iucinération. Le droit municipal
de Genetiva, en dehors de la suppression de la sépulture^, éta-
blit une amende de 8.000 sesterces au profit de la caisse
municipale, et donne pour la réclamer une action civile popu-
laire (4). Hadrien prescrit, en dehors de la suppression de la
sépulture et de la confiscation du sol, une amende de 4.000 (848)
sesterces au profit du fiscus (o). Dans la dernière période, toute
infraction à cette règle est réprimée au criminel par voie de
procédure extraordinaire (6).
3. Les démolitions de maisons dans les villes, lorsqu'elles Resiriction
n'ont pas lieu dans le but et sous la garantie d'une reconstruc- deVmoUr
tien, font déjà sous la République l'objet de mesures léga- '^^ maisons.
les restrictives de la part des cités italiques en déclin. C'est
ainsi que d'après le droit municipal de Tarente de la fin de la
République, d'après celui de Genetiva du temps de César et
d'après celui de Malaca de l'époque de Domitien, une pareille
démolition n'est possible qu'autant qu'elle a été approuvée
par l'assemblée municipale (7). Sous Claude, on exige en Ita-
lie pour la vente de maisons à démolir une autorisation préa-
(1) Cpr. Marquardt, Privatallerth. p. 3G0 [Manuel Antiq. Rom., XIV, 422J.
Le motif de cette prescription est sans doute d'assurer la liberté de la
circulation dans la ville ; des motifs religieux ont difficilement pu exer-
cer une influence à cet égard et les considérations sanitaires n'eussent
empêché ni l'inhumation des cendres, ni l'établissement d'un monument
funéraire.
(2) Loi des XII Tables, 10, 1.
(3) Ulpien, Dig., 47, 12, 3, 5, soulève la question de savoir si les dispo-
sitions contraires de certains droits municipaux ont été supprimées par
la constitution d'Hadrien et la tranche affirmativement.
(4) Lex. col. Gen., c. 73.
(5) Dig., il, 12, 3, o.
(6) Paul, 1, 21, 2. 3.
(7) Lex Tarenlini, 1. 32 et suiv. Lex col. Gen., c 73. Lex Mulac, c. 62.
174
DROIT PÉNAL ROMAIN
lable du Sénat (1). Dans la dernière période, toute destruction
de maison dans l'empire implique le consentement préalable
d'un organe de l'Empire : en Italie, du sénat; dans les provin-
ces, du curator rei publicac ou du gouverneur de province (2).
Nous ne pouvons nous occuper ici des règles si souvent diver-
gentes que contiennent les divers statuts locaux (3). La peine,
en cas de vente d'une maison à démolir, est, en général,
semble-t-il, outre l'annulation du contrat, la punition du ven-
deur par la confiscation de l'immeuble au profit de Vaerarium
et la punition de l'acheteur par une amende à verser à Vae-
rarium et dont le montant est égal au prix (4), D'après les
droits municipaux de Tarente et de Geneliva, le propriétaire
doit payer à la caisse municipale une somme égale à la valeur
de la maison démolie (o). D'après le droit postérieur, la cons-
(849) truction détruite est rétablie aux frais du propriétaire ; il peut
même y avoir éventuellement confiscation du patrimoine (6).
Obligation des 4. L'entretien des voies urbaines et rurales non seulement
^HverlinT^ incombc dans une large mesure, d'après la coutume romaine,
de contribuer ^^x propriétaires des fonds riverains, mais ceux-ci, lorsqu'ils
à l'enlrellea
des routes.
(1) Sénatus-consalte Hosidien de 44/46 et sénatus-consulte Volusieii de
56 (en abrégé : Dig., 18, 1. 52) Bruns, p. 190 [Girard, p. 124].
(2) Dig., 1, 18, 7. 39, 2, 46. Cod., 8, 10, 3.
(3) J'ai trailé ces dispositions en détail dans mes commentaires sur le
droit municipal de Malaca p. 480 et sur celui de Genevita, Eph. epigr., 3,
p. 111. Il faut également mentionner ici la faculté accordée d'acquérir
])ar occupation en les reconstruisant les terrains de la capitale aban-
donnés par leurs propriétaires (Suétone, Vesp., 8).
(4) Le prix lui-même est rendu à l'aclieteur par le vendeur {Dig., 18, 1,
52); la confiscation n'est pas expressément indiquée, mais elle doit cire
admise; car sans elle le vendeur demeurerait impuni. En outre, la con-
travention doit faire l'objet d'un ra|)port au sénat (idicjue de eo nihilomi-
nus ad senalum re ferretur) ; la possibilité d'une plus grande répression est
donc réservée.
(3) L'action établie par le droit municipal de Genetiva est donnée au
quanti ea res est et celle du droit municipal de Tarente au quanti id aedi-
ficium fuerit. Dans ce dernier cas, la moitié du montant de la condamna-
lion doit être utilisée au profit de la caisse municipale, l'autre moitié
pour des jeux; il n'est donc pas question ici de rccon.structioii.
(6) Telle est la solution qu'imi)liquent en substance les textes cités
n 2.
ABUS DES DROITS 175
manquent à celte obligation, ont fréquemment à acquitter, en
dehors de l'indemnité du préjudice, un supplément qui a le ca-
ractère d'une peine (1).
3. Usure.
La faculté, dont le créancier jouit logiquement en droit, usure.
de fixer à son gré les conditions du prêt, a été, à raison des
abus qu'elle entraînait, restreinte par la limitation du taux de
l'intérêt, opérée pour la première fois par la loi des XII Ta-
bles (2), croyons-nous, puis par d'autres lois; la perception
d'intérêts a même été pendant un certain temps complète-
ment prohibée. L'exposé de ces lois appartient à la théorie du
patrimoine ; ici, nous n'avons à nous occuper que de la répres-
sion pénale des contraventions h ces lois. Celte répression se
présente d'abord sous une double forme : ou bien le magistrat
intervient contre l'usurier par voie de procédure édilicienne-
comitiale et lui inflige une limita grave, ce qui n'a vraisem-
blablement lieu que dans les cas présentant un danger spécial
pour la communauté (3) ; ou bien l'on donne contre l'usurier à
toute personne qui se présente une action pénale privée au qua-
(1) D'après la lex Julia municlpalis , 1. 32 et sv., lorsqu'un propriétaire
riverain a négligé d'entretenir la partie de la route dont le soin lui in-
combe, le travail à faire est donné à forfait par l'édile compétent et l'en-
trepreneur a, si le propriétaire riverain ne lui paie pas dans le délai de
30 jours le prix du forfait, contre celui-ci une action semblable à celle
qu'il aurait à raison d'une créance de prêt et qui contient en plus un
supplément de la moitié de la somme due. La contravention elle-même
est donc établie par voie de procédure administrative. En cas de dom-
mage ou de péril résultant pour les voies urbaines de constructions rive-
raines, les magistrats compétents (vraisemblablement les lUIcirl viarum
curandarum de la ville de Rome: St. R., 2, 603 [Dr. publ., 4, 312j) inter-
viennent d'après hig., 43, 10, 1, 1. ^2. par voie de muUae dicliu, c'est-à-
dire par voie de coercition. Ces remarques suffisent pour le droit pénal;
la question ne peut être complètement étudiée qu'à propos du régime des
routes.
(2) Loi des XII Tables, 8, 18 Scholl [id. Girard] rr Tacite, Atin., G, 16.
(3) Les Annales qui nous sont parvenues mentionnent la prononcia-
tion d'une viulla par les édiles contre des feneratores pour la première
fois en 410/344 (Tite-Live, 7, 28) et pour la dernière fois en 562/ 19i (Tite-
Live, 35. 41). St. R., 2, 493 [Dr. publ., 4, 187].
176 DROIT PÉNAL ROMAIN
druple des intérêts iDJustement perçus (1), auquel cas le de-
(8o0) mandeur acquiert au moins une partie des amendes. Celte ac-
tion était naturellement donnée à celui qui était le plus lésé
par l'acte d'usure, et elle lui était accordée de préférence en cas
de concours de plusieurs demandeurs; nous ne savons pas ce
qui advenait lorsqu'un autre l'avait devancé. Apparemment,
comme nous l'avons déjà fait remarquer (I p. 208), cette action,
une fois organisée par le préteur, venait pour recevoir sa solu-
tion non pas devant des jurés nommés pour chaque cas parti-
culier, mais devant les triumvirs nommés dans les formes ap-
plicables aux magistrats et soumis à la règle de l'annuité qui
régit les magistratures. L'exercice par profession de cette ac-
tion et d'actions semblables, c'est-à-dire la quadruplatio, doit
avoir été, au début de la République et jusqu'au milieu du
sixième siècle de la fondation de Rome (2), d'une importance
considérable; à l'époque postérieure, mieux connue de nous,
celte institution, sans doute par suite des abus qu'elle a pro-
voqués, a été supprimée (3) et remplacée par une action en
répétition, rigoureuse, mais limitée au simple des intérêts in-
dûment perçus (4). Le dictateur César paraît avoir ordonné
la répression criminelle de l'usure par voie de procédure de
(1) Gaton, De r. ?•. 3 a : majores nostri sic haôuerunt et in legibus posuerunt
furem diipli condemnari, feneratorem qiiadrupli . Festus, Ep., p. 259 : qîiU'
druplatores dicebantur, qui eo qwieshi se tuebantur, ut cas res persequerenlur,
quarum ex lefjibus quadrupli erat aclio. Le scoliaste sur les Yerr., Div.,
1, 2i, p. IJO (cpr. 1. 2, 1, 21 p. 208) donne du mot, à côté d'une explica-
tion impossible, l'explication suivante qui paraît puisée à bonne source :
alii dicunl quadrnplalores esse eoram reorum accusalores, qui convicii qua-
drupli damnari soleunt, aut (mieux ut) aleae aut pccuniae gravioribus usu-
ris feneralae quam pro[plcr le/jes licet] aut ejusmodi aliorum criminum.
(2) La mention du quadruplalor chez Plante (III p. 178 n. i) montre qu'à
l'époque de ce dernier ces peines de l'usure étaient encore on vigueur.
, (3) Telle est la conclusion à laquelle conduit le fait que Cicéron (Divin,
in Ca<;c., 7, 24. 21, 69 et ailleurs) et les écrivains postérieurs emploient ce
mot dans un mauvais sens, analogue à celui qui s'attache au terme ré-
cent de delalor.
(4) Gaius, 4, 23 : lex Marcia (constiluit actionem) advcrsus feneralores, ut si
usuras exeqissenl, de his reddendis per manus injectionem cum eis ageretur.
On ne peut déterminer l'époque de cette loi, peut-être cette action a-t-elle
pris la place de la quadruplaiio pour cause d'usure.
ABUS DES DROITS 177
qiiaestio et celle-ci a certainement fonctionné en pareille ma-
tière sous les premiers empereurs (1). Peut-être la qiiaestio
pour accaparement de grains, dont il sera question dans le
paragraphe suivant, a-t-elle statué aussi sur l'usure. Il est
probable que la peine dépassait l'indemnité du simple, mais
nous n'en avons aucune preuve. — La répression criminelle
de l'usure a vraisemblablement été abolie ou est tombée en dé-
suétude peu de temps après. La limitation du taux de l'intérêt (851)
subsiste alors, mais toute contravention à cette règle donne
seulement au débiteur le droit de déduire du capital le mon-
tant des intérêts illégalement payés et éventuellement de ré-
clamer le surplus ; abstraction faite de l'infamie qui atteint l'u-
surier (2), celui-ci n'est soumis, d'après les lois de l'Empire, ni
à une action civile à un multiple (3), ni à une répression cri-
minelle, bien que parfois dans des cas graves l'empereur ait
renvoyé au préfet de la Ville une plainte déposée contre un
usurier (4). Le tout puissant capital a donc su se créer libre
carrière dans la Rome impériale.
4. Accaparement de céréales et autres marchandises.
Les renseignements que nous possédons sur l'accaparemeat
de céréales et plus généralement sur l'accaparement de mar-
chandises (o) ne sont pas nombreux. A propos du commerce en
(1) Tacite, Ann., 6, 16 : magna vis accusatorum in eos inrupit, qui pecunias
fenore aucUtahant adversum legem diclatoris Caesaris, qiia de modo credendi
possidendique intra Italiam cavelur omissam olim... sed tum Gracchus praetor,
cui ea queslio evenerat (le tirage au sort s'appliquait donc dans ce cas)
multitudine pericUlantium subactus reltulit ad senalum. Nous ne savons rien
de plus précis à cet égard.
(2) Dioctétien, Cod., 2, 11, 20.
(3) Théodose I. établissait pour le cas où le taux légal des intérêts avait
été dépassé une action au quadruple {Cod. Th , 2, 33, 2) ; mais Justinien
n'a pas admis cette constitution dans son Code.
(4) Hadrien (Dosithée, sent. Hadriani, 5) répond à une plainte de ce
genre : vir clarissimus praefeclite meus (donc le préfet de la ville) de ea re
exculiet et renuntiahitmihi.
(a) Le pi-aefectus annonae est qualifié chez Dion, 52, 24 giï\ to-j cyÎToy Tf|;
TE àyopâç •:•?,; >vOtTif,ç. De même, l'activité des dardanarii ne se restreint nul-
lement au commerce des grains (III p. 178 n. 3).
Droit Pénal Romain. — T. III. 12
178 DROIT PÉNAL ROMAIN
gros des céréales nous trouvons des allusions à des entraves mi-
ses à l'importation de grains (i) et à la formation de sociétés
pour provoquer une hausse des prix (2); nous connaissons
aussi la mauvaise réputation des intermédiaires qui s'occupent
de la vente de marchandises de toutes sortes,, mais surtout de
denrées, et qu'on appelle dans la dernière période, nous igno-
rons pourquoi, dardanarii (3). Sous la République, la procé-
dure édilicienne-comitiale d'amende est appliquée contre l'ac-
capareur aussi bien que contre l'usurier (4). Puis, une loi Julia
(852) contre l'accaparement, datant vraisemblablement du dicta-
teur César (5), a établi, pour les procès criminels d'accapare-
ment et probablement aussi pour les faits d'usure (III p. 176),
une qnaestio spéciale (6), qui garda sa place dans la liste
des jiidicia piiblica jusque dans la législation de Justinien.
Nous no savons pas si la présidence de cette qnaestio était
confiée à un préteur spécial, ni quelles autres règles furent
(1) Dig., 48, 12, 2, 1. 2.
(2) Plaute, n. 4. Dig., 48, 12, 2, pr. Des constitutions générales ont été
rendues contre les sociétés d'accaparement et les monopoles par Léon et
Zenon, Cod., 4, 59.
(3) Nous ne rencontrons le terme dardanarii que dans les ouvrages juri-
diques (Ulpien, Dig., 47, 11, 6, pr. ; Paul, Dig., 48, 19, 37) et dans les glo-
ses, où les gloses latines-grecques (Gôtz, 2, p. 37) expliquent dardanarius
par TtavTOTvwXT);, iTavTO(j.eTâ6o),o;, <7:ToxâTrr|),o; et les gloses gréco-latines (Gôtz,
2, p. 368) rendent |ji£Tâ6oAo; par dardanarius, cociona/or (plutôt cocio ou cuc-
tio). arillator. Ces deux dernières expressions correspondent à peu près,
selon Festus, Ep., p. 20. 51, à notre revendeur. Cette signification générale
s'accorde avec ce fait que la principale cause de la punition des dardanarii
est l'emploi de fausses mesures {l^ig., 48, 19, 37) et avec la prescription
dirigée contre les intermédiaires, ne dardanarii ullius viercis sint {Dig.,
47, 11, 6, pr.)
(4) Plaute, Capl., 3, 1, 32 zr 492, mentionne la loi pénale sur laquelle
repose cette répression : nunc barharica lege ceriumst jus meum omnc perse-
gui ; qui concilium inire, quo nos viclu et vita prohibeant, is diem dicam, irro-
gabo mullam, ut 77ii/ii renas decem meo arbilratii dent, cum cara annona sit.
Tite-Live, 38, 35 mentionne pour l'année 505/189 une condamnation de ce
genre ob annonam compressam. Une certaine connexité doit exister entre
cette répression et le fait que l'action de la loi des XII Tables pour in-
cantation des récoltes (III p. 81 n. 2) est intentée par un édile.
(5) Lex Julia de annona. Dig., 48, 1, 1. tit. 12. Insl., 4, 18, 11.
(6) En vertu de cette loi Dig., 48. 2, 13, tandis que les dardanarii sont
punis par voie extraordinaire Dig., 47, 11, G. 48, 19, 37.
ABUS DES DIlOITS 179
appliquées à cette procédure. Celle-ci n'a vraisemblablement
pas tardé à être supplantée par l'administration impériale
de la justice. Auguste a pris en mains le service des céréales
de la capitale, et, après avoir supprimé les fonctionnaires
sénatoriaux qu'il avait au début utilisés dans ce but, il trans-
porta dans les dernières années de son gouvernement la direc-
tion de ce service à un représentant pris dans l'ordre équestre,
auquel il délégua lajuridiction impériale tant pour les procès
civils que pour les actions pénales (1); dans les provinces, au
contraire, la haute surveillance sur ce service appartint au
gouverneur (2). C'est devant ce mandataire impérial pour le ser-
vice des céréales dans la capitale que furent portées les dénon-
ciations de contraventions à la législation romaine en cette
matière, et, par considération pour l'intérêt public, on permit
aux soldats, aux femmes et aux esclaves de faire ces dénon-
ciations (3); la procédure a dû être la môme que pour les dé-
nonciations portées devant le préfet de la Ville. La peine varia
suivant la nature de la contravention; en général, elle fut pour
les personnes de condition élevée l'interdiction de leur com-
merce ou la relégation, pour les petites gens celle des travaux »
forcés (4); on infligea aussi des amendes (5) et même la peine
capitale (6).
5. Abus de la liberté de l'industrie et du commerce. (853)
Les mesures restrictives prises par l'Etat au regard de Pin- Fraudes
dustrie et du commerce, telles que l'établissement de monopo-
les et de douanes, les défenses d'importation et d'exportation,
la fixation d'un maximum pour le prix des marchandises n'ap-
(1) I p. 321. Diçi., 48, 2, 13. tit. 12, 3, 1.
(2) Dig., 47, 11, (j, pr.
(3) Dig., 48, 2, 13. tit. 12, 1, 7>r. 1. 3, 1.
(4) Dir)., 47. 11, 6, pr.
(5) Amende do 2000 sesterces dans le cas où l'on a retenu dos vaisseaux
chargés de céréales : Dig., 48, 12, 2, 1. 2.
(6) A l'époque de Constantin, le praefectus amionaé a eu pendant un
certain temps la juridiction capitale (I p. 321 n. 3).
180 DROIT PENAL ROMAIN
partiennent pas en principe au droit pénal. Les contraventions
relèvent des autorités financières, non des tribunaux, et les
peines sont réglées en conséquence ; seule, l'exportation de mar-
chandises qui peut être considérée comme assistance prêtée à
l'ennemi rentre dans la notion de crime d'Etat (II p. 240 n. 5).
Mais, au cours de la dernière période, dans l'effondrement gé-
néral de toutes les barrières légales, celle qui séparait les pei-
nes d'ordre financier et les peines criminelles disparut. Dio-
clétien fixa en l'année 301 un maximum de prix pour toutes
les marchandises et le travail et en ordonna l'observation
sous peine de mort; bien du sang fut répandu au nom de
cette loi avant qu'on reconnut dix ans plus tard qu'elle était
inapplicable (1). Dans la réglementation du commerce inter-
national entre les Romains et les Perses, on frappa toute con-
travention de la confiscation du patrimoine et du bannisse-
ment à perpétuité {2). 11 suffit de mentionner ici ces délits
qu'on a fait rentrer tard et par abus dans le droit pénal.
6. Abus qu'une personne fait de son état.
Tandis que d'après le droit de l'époque républicaine l'état
d'une personne, juridiquement établi, ne peut être détruit
que par une condamnation criminelle entraînant la perie de
la liberté, les lois du Principat enlèvent par voie d'action dé-
licluelle privée l'ingénuité ou la liberté dans une série de cas
qu'il n'est pas possible de désigner comme crimes capitaux,
mais qu'on caractérise assez bien quand on les présente comme
abus qu'une personne fait de son état. Ces cas sont les sui-
vants :
Perte de uberié 1. Lorsquc l'aCfranchi pérégrinde condition infime {dediticio-
pour infracUon
à une
inter.liclion
de séîour
(1) L'inlit (2, 19) menace rie la i)eine capitale l'acheteur connue le ven-
deur. Sur les suites do cet ûdit et son abolition cpr. Lactance, De mort,
per.fec. 7, 6. 7 (ouvraj^'e écrit après 313).
(2) Cod.,i. 63, 4. 6. Cpr. d'une manière générale sur les réglementations
qui ont eu lieu à cet égard ; Murquardt, Uandb., 1, 563. 2, 271 [Manuel
Antiq. Rom., t. 9 p. 594; t. 10 p. 342].
ABUS DES DROITS
181
(Soi)
pour
participalion
à une veule
dolosive.
rum numéro) manque à l'obligation qui lui est imposée par la
loi Aelia Sentia de l'an 4 ap. J. G. de ne pas séjourner à Rome
ou dans un rayon de 100 milles autour de Rome, il est réduit
en esclavage et vendu avec son patrimoine au nom de la com-
munauté, et si, dans la suite, il est de nouveau affranchi, il de-
vient servus puhlicus (1). De même, lorsqu'un esclave a été
aliéné sous la condition de ne pas séjourner en un lieu déter-
miné et qu'il pénètre ensuite dans ce lieu comme affranchi,
il est, du moins d'après le droit postérieur, privé de la liberté
au proGt du fiscus et est vendu par celui-ci avec interdiction
de l'affranchir (2).
2. L'homme libre,, âgé de plus de vingt ans, qui simulant Perte de iiben
l'esclavage, se laisse vendre comme esclave par un tiers pour
obtenir après recouvrement de la liberté une partie du prix (3)
ou pour se procurer une position qui n'est accessible qu'à un
esclave (4), se voit refuser en vertu d'un sénatu<;-consulte, du
temps de Claude (5) semble-t-il, l'action en réclamation de li-
berté qui compète à tout homme libre, tenu à tort pour es-
clave, de telle façon qu'il demeure esclave de son acheteur.
3. En vertu d'un sénatus-consulte rendu sous Claude en l'an Perte de
ii"£\ //->\ 11' ' 'â • 1 «• • • liberté pour
52 (b), 1 ingénue, citoyenne romaine ou latine, qui, en connais- concubinai
d'une femme
libre avec
(1) Gaius, 1. 27; cpr. 1, 160. "° ^''"*^«-
(2) Papinien, Vat. fr.,6 : mulier servam ea lege vendidit, ut, si redisset in
eam civitatem, iinde placuit exportari, manus injectio esset . . post mnmimis-
sionem . . si redierit, in perpeluam servitutem sub eadem lege publics distraite-
fur. Sept. Sévère, Cod., 4, 55, i. 2. Alex. Sévère. Cod., 4, 55, 3.
(3) Pomponius, Dig., 40, 13, 3 : eis qui se passi sint,venive, ad liber latem
proclamandi licentiam deneqari. Dig., 1, 5, 21. 28, 3, 6, 5. Cod., 7, 16, 5, 1.
tit. 18, 1. Inst.. 1, 3, 4. tit. 16, !. Commis par un soldat, ce crime est capi-
tal : Dig., 48, 19, 14.
(4) Par exemple, si la simulation a lieu })Our acquérir la position, inac-
cessible aux personnes libres, à'aclor d'un poiens : Dig , 28, 3, fi, a.
(o) L'inscription de Dig., 40, 13, 5 et le renvoi à des sénatus-consultes
parlent en faveur de cette opinion. Le Quinlus meus, dont Paul, Dig., 40,
12, 23, p?'. cite ici l'opinion, ne doit pas être modifié en Quintus Mucius,
mais doit être entendu comme visant Q. Cervidius Scaevola, que Paul
dans les autres passages de ses écrits appelle Scaevola nosier.
(G) Tacite, Ann., 12, 53 (III p. 182 n. 6). Lorsque Suétone, Vesp., 11 attri-
bue cette mesure à Vespasien, il vise sans doute un renouvellement de
la prescription. Nous n'avons indiqué ici que les grandes lignes de cette
183 DROIT PÉNAL ROMAIN
sance de cause ou, lorsqu'elle est en puissance paternelle, avec
l'agrément de son père (i), contracte avec l'esclave d'autrui (2)
une union de fait semblable au mariage et reste dans ces liens
(855) malgré la défense trois fois répétée que lui en fait le proprié-
taire (3), devient ordinairement esclave de ce dernier (4), Si
cette ingénue conclut cette union avec l'agrément du maître
de l'esclave, elle devient l'affranchie de ce maître (5). Il en est
de même pour l'affranchie qui s'unit dans ces conditions à un
esclave, au su de son patron ; si elle le fait à l'insu de ce dernier,
elle retombe sous la dominica potestas de celui-ci et ne peut
plus ôlre affranchie (6). La servitude de la mère s'étend aux
enfants issus de cette union (7). — Constantin a atténué les
institution, pour laquelle il y a eu de nombreux flottemonts dans la lé-
gislation ; elle a été traitée en détail par Mitteis, Rekhs redit un d Vollcsvechl,
p. 364-372).
(1) Paul., 2, 21 A, 9. 10 cpr. 18.
(2) On ne considère pas comme esclave d'autrui celui qui appartient en
propre à la femme (Paul, 2, 21 A, 1), ni celui d'un de ses alTranchis (Paul,
2, 21 A, 13), ni celui de son fils (Paul, 2, 21 A, 16), ni celui de son patron,
lorsqu'elle est une affranchie (Paul, 2, 21 A, 11).
(3) Paul, 2, 21 A, 17 : tribus denuniiationibus conventa etsi ex senatus coii-
sullo facta videatur ancilla, domino tamen adjudicala citra aiicloritalem in-
terposai per praesidem decreti non videtur. Des constitutions postérieures
exigent aussi une triple dénonciation. En cas de contubernium avec un
esclave municipal (Paul, loc. cit., 14), temporairement aussi en cas de
contubernium avec un esclave du fiscus (G. Th., 4, 11, 6 ; cpr. 10, 20, 10),
la perte de liberté a lieu sans dénonciation ; la constitution de 331, C. Th.,
4, 11, 5 étend même ce régime à toutes les espèces de contubernia.
(4) Si le livre syro-romain, comme l'expose Mitteis, loc. cit., laisse à la
femme elle-même, mais non à ses enfants, la liberté, lorsqu'elle a mené-
avec un esclave la vie de ménage, non pas chez elle, mais dans la mai-
son du maitro, il n'y a là qu'un développement de la législation romaine
en tant que le fait de vivre dans la môme maison que le maitro sui)pose
qu'il a donné son consentement à l'union sexuelle, mais cette règle s'é-
carte cependant des solutions du droit romain, en tant ([ue les enfants
de la femme deviennent ici esclaves (cpr. n. 8).
(3) Gaius, 1, 91. 160. Ulpien, 11, 11. Tacite. Ann., 12, 53 : refert ad patres
de poena feminarum, quae servis conjunç/erentur, staluiturque, ut ignaro do-
inino ad id prolapsae (prolnpso ms.) in servitiile, sin consensisset, pro libertis
habo'vntur. Cette dernière clause n'est pas mentionnée ailleurs, il n'y a
pas lieu d'y apporter la modilication ja/'o liberis.
(6) Paul. loc. cit., 6. 1.
(7) D'après le sénatus-consulte de Claude, les enfants sont esclaves,
même si la mère reste li))re à raison de l'agrément donné par le maître
ment pour
cause
d'ingratitude.
ABUS DES DROITS 183
sanctions du droit pour le contubernium d'une ingénue avec
un esclave impérial (1); Juslinien a supprimé ce cas de perte
de liberté (2). — Quant à la répression criminelle du contu-
bernium de la femme libre avec son propre esclave, organi-
sée par Constantin, nous en avons parlé à propos des délits
sexuels (II p. 411).
4. L'ancien droit a maintes fois tenu compte, notamment
en matière d'hérédité et pour l'action d'injure, de l'obligation
morale de reconnaissance qui incombe à l'affranchi vis-à-vis (8o6)
de son ancien maître, Auguste a également donné ou plutôt Révocation
laissé à celui qui affranchit le droit d'interdire à l'affranchi de
séjourner à Rome et aux environs de Rome (I p. 18 n, 3).
Mais le droit romain ne connaît, ni sous la République, ni au
début de l'Empire, la révocation d'un affranchissement valable
pour cause d'ingratitude. Les décisions contraires, rendues par
l'empereur Claude (3), nepeuvent pas être considérées comme
une application du droit existant et une proposition en ce sens,
présentée au Sénat sous Néron, ne fut pas adoptée (4). La pre-
mière mesure de ce genre est une constitution de l'empereur
Commode (5), d'après laquelle l'affranchi, qui délaisse son pa-
tron dans le besoin, doit être rendu comme esclave à ce patron,
ou même, si cela est nécessaire, vendu au profit de celui-ci
par le soin dos autorités. Depuis lors, le patron peut obtenir,
pour cause d'ingratitude, la révocation de l'affranchissement
par voie de cognitio (6) d'un magistrat statuant arbitraire-
aux relations; Hadrien déclare que dans ce cas les enfants seront éga-
lement libres (Gaius, 1, 84.)
(1) C, Th.. 4, 11, 3.
(2) C, J., 7, 24. liist., 3, 12, 1.
(3) Marcien, Dig., 37, 14, 5 et Dion 60, 13 rapportent que Claude rendait
à lear ancien maître comme esclaves les affranchis qui avaient joué le
rôle de délateurs contre leur patron, lorsqu'il ne les punissait pas lui-
même. C'est vraisemblablement à tort que Suétone généralise, Claud., 25:
{JLiberlinos) ingralos et de quibus patroni quererenlur revocavit in servituiem,
(4) Tacite, An7i., 13, 26. 27,
(5) Dig,. 23, 3. 6, 1,
(6) Garacalla, Cod., 6, 7, 1 : extra ordijiem. Constantin, C. Th., 4, 10, 1 =
C. Jiisl., 6, 7, 2: in judicio vel apud pedaneos Judices.
184 DROIT PÉNAL ROMAIN
ment (1). Des constitutions postérieures ont accordé ce droit
aux héritiers du patron et contre les enfants de l'affranchi (2).
Révocation de 5. L'cufant émancipé est tenu de la même manière d'une
"p'^urcaulT" obligation de reconnaissance vis-à-vis de son père et peut,
dingratiiude. (J'après Ic droit postérieur, être remis sous la puissance pa-
ternelle, s'il manque à cette obligation (3).
7. Appropriation d'un faux état.
Tandis que l'usurpation de parenté ou de rang a été rangée
(857) dans le délit de faux (II p. 398), il n'en a pa^s été de même
pour l'appropriation d'un faux état. L'esclave, qui se pré-
sente comme homme libre, l'affranchi qui se donne comme
ingénu et le pérégrinqui agit comme citoyen peuvent être
replacés dans leur condition véritable par le particulier ou le
magistrat, au regard duquel on invoque ce faux état ; mais
c'est seulement dans une mesure restreinte que la procédure
pénale ou une procédure analogue a été appliquée à de telles
usurpations.
Usurpation Lorsqu'uu csclavc se soustrait à la puissance de son maître
et s'attribue l'état d'homme libre, on laisse au maître, s'il
n'y a pas de circonstances aggravantes (i), le soin de faire ren-
trer l'esclave sous sa puissance, et, s'il lui plaît, de le punir
pour usurpation de liberté. En même temps, l'homme libre
qui a prêté son concours à cette entreprise de l'esclave peut
être poursuivi pour vol (III p. 49)ou plagium (III p. 91). Cette
(1) Ulpien, Dig., 4, 1, 6. 40, 9, 30, pr. Paul, Biq.. 4, 2. 21, pr. 50, 16. 70. pr.
(où les mots in lege Aelia Sentia doivent être expliqués à l'aide de l'ins-
cription du texte contenu aux Dig., 40, 2, lo). In$/., 1, 16, 1. Donat sur ïé-
rence, Andr., i, 1, 13: secundum jus, qiiod advcrsus lihrrloa ingrates est, ut
in servilutem reiocentur.
(2) Cod. Th.. 4. 10, 2 = C. Just., 6, 1. 3. C. Tli., 4, 10, 3 = C. Jitst., 0, 7. 4.
Valentinien III (i\ov. 24) a enlevé ce droit aux héritiers du patron.
(3) Constitution de Valentinien J, C. r/j.,8, 14,1= C.Jiist., 8, 49, 1. Nous
n'avons pas les lois plus anciennes sur lesquelles s'appuie la constitution.
(4) Constantin, Cod., 6, 1,3: si fugitivl servi deprehenduntur ad barl)aricitm
trmiseiinles, aut pede ninpuinto debililentur aut métallo dentiir nul qunlibet alia
poena adficianlur. C'est un cas de relations coupal)les avec l'ennemi 111
p. 244.
de liberté.
ABUS DES DROITS 185
répression a lieu sans aucun doute dans l'intérêt public (1) ;
une peine frappe quiconque entrave les perquisitions du pro-
priétaire qui, muni d'une légitimation officielle, recherche
son esclave (2), ou quiconque n'exhibe pas au propriétaire
ou au magistrat l'esclave qui s'est réfugié chez lui (3). Mais
les autorités n'interviennent qu'exceptionnellement dans la
punition de l'esclave que le maître recouvre (4^.
L'aflfranchi, dont le status pouvait par le praejudicium usurpation de
.... r ^ ^• 1) , •■ ' 1 i 1 • r ■ Tingénuilé.
civil être établi avec 1 autorité de la chose jugée au moms
entre les parties (5), encourait-il une peine d'après le droit
de l'époque républicaine, lorsqu'il usurpait l'ingénuité ? C'est
une question que nous devons laisser irrésolue. Celle-ci se po-
sait surtout lors des jeux publics en cas d'usurpation de pla-
ces réservées (6). Sous Tibère, une des dernières leges votées
par le peuple, la loi Yisellia de l'an 24 ap. J.C, établit pour (858)
réprimer cette usurpation une procédure criminelle, dont la
forme et la sanction pénale nous sont inconnues (7).
(t) Sur la punition de l'esclave fugitif par le maître, ordinairement par
des stigmates et souvent même plus sévèrement, cpr Marquardt, Privat-
altevt. p. 84 [Manuel des Antlq. Rom., XIV, 215-216].
(2) Dig., 11, 4. 1, 2. 1. 3.
(3) Dig., 11, 4, 1, pr.
(4) Callistrate, Dig., 11, 4, 2: fugilivi simplices dominis reddendi sunt ; sed
sipro libero se gesserint, gravius coerceri soient. Cpr. 1 p. 349; III p. 51 et sv.
(5) Gaius, 4, 44 cpr. Inst., 4, 6, 13.
(6) Quintilien,3, 6, 19 parle de l'accusation theatrali lege contre celui qui
prend place sans droit sur les bancs réservés aux chevaliers. Cpr. l'ins-
cription provenant de l'amphitéàtre flavien C. I. L. VI, 32098 a :. . . [qu]ib{us)
in thealr{o) lege pl(ebi)ve [scito sedere] licet p{edes) XII.
(7) Dioclétien, Coi., 9, 21, 1, (d'après cette constitution, Valens, Cod. Th.,
9, 20, l ^ C. Just., 9, 31, 1): qui liber liniis se dicil ingenuum, tam de open's ci-
vililer quam etiam lege Visellia criminaliter poterit perurgueri. Pour la fixa-
tion de la date de la loi, SI. H., 3, 424 [Dr. publ., 6, 2, 6]. Le sénatuscon-
sulte romain promet en outre une récompense au dénonciateur {Cad.,
7, 20, 2). Lorsque l'empereur Claude réduisit au rang d'esclaves de la
communauté des affranchis qui s'étaient attribués la qualité de chevaliers
(Suétone. Claud., 25 : liberlinos, qui se pro equilibus Romanis ge^serant, publi-
cavit), il fit un acte de pur arbitraire. On rapporte que 400 personnes au-
raient été accusées sur le fondement de cette loi le même jour devant cet
empereur. (Pline, //. 7i., 33, 2, 33: cpr. St. R., 3.424, n. 4 [Dr. publ.. 6,2, 6,
n. 4]. Dion, 78, 13 nous parle d'une accusation du même genre pour l'é-
poque de Septime Sévère.
18C DROIT PÉNAL ROMAIN
Usurpation du L'usurpation de beaucoup la plus importante est celle du
droit de cite.
droit de cité. Bien que celte question dût être fréquemment
discutée et tranchée dans des hypothèses concrètes par voix
judiciaire ou administrative, il semble qu'il n'y ait pas eu
dans le droit primitif pour la résoudre de procédure générale
applicable dans tous les cas. Les plaintes, que les cités ita-
liques, alliées de Rome, ne tardèrent pas à faire entendre
sur l'émigration de leurs sujets vers Rome^, que ceux-ci fas-
sent ou non dans les conditions requises pour acquérir la
qualité de citoyen romain, provoquèrent non seulement la
restriction de la liberté de migration et des expulsions fré-
quentes de non citoyens hors de Rome, elles conduisirent aussi
vraisemblablement à une réglementation tout au moins ad-
ministrative de la question d'aptitude à devenir citoyen ro-
main (1 ). Déjà, au sixième siècle de la fondation de Rome,
ceux qui affirment qu'on les réclame ou les expulse à tort,
peuvent porter leur plainte devant un préteur romain (2). Au
siècle suivant, sous l'influence de la procédure des quaestiones,
une cour judiciaire spéciale fut établie pour l'examen de ces
affaires. Cette réforme fut vraisemblablement déjà réalisée
par des lois antérieures à 659/9o (3); elle date certainement
au plus lard de la loi Licinia Mucia de cette année, qui en
ordonnant l'expulsion des non citoyens suscita la Guerre So-
ciale (4), et fut encore complétée plus lard par la loi propo-
(859) sée en G89/65 par le tribun de la plèbe, M. Papius (3). Cette
quaeslio est présidée par un préteur, qui n'est probable-
ment pas nommé exclusivement pour la connaissance de ces
(1) st. «., '2, 139. 3, 637 et sv. [Dr. pubL, 3. 159. 6, 2, 261 et sv].
(2) Tite Live, 39, 5. 41, 8. 9 : quaestio, qui ita non redissent, L. Mummio prae-
tori décréta est. 4:2, 10; Val. Max., 3, 4, 5.
(3) St. H. 3, 200 [Dr. publ. 6, 1. 225].
(4) Asconius, l?i Cornet., p. 67: cum sutnma cupiditate civifatis Romanae lia-
/ici popiili tencrentur et o/j id mar/ua pars eorum pro civibus Romntiis se r/ereref,
nece?s(iria ter (Licinia Mucia) visa est, ut in suae quisquc civitaiis j us rediqeretur .
Cicéron, Pro Halbo, 21, 48: acerrima de civitate quaestio le.ge Liciniaet Mucia.
Brut., 16, 63.
(5) Dion, 37, 9. Cicéron, De off., 3, 11, 47.
ABUS DES DROITS 187
procès (1) ; la sentence est rendue par des jurés (2). Le rôle
de demandeur est joué par la communauté qui conteste la qua-
lité de citoyen romain (3) ou par quiconque veut se charger
d'intenter cette action (4) ; celui de défendeur appartient par
conséquent à toute personne qui prétend avoir le droit de
cité romaine. A notre connaissance, il n'y a pas de de-
mande de peine ; il est vraisemblable que la procédure tend
à la manière des praejudicia du droit civil, à la recon-
naissance ou à la négation du droit de cité (5). La sentence
doit avoir force de chose jugée non seulement vis-à-vis
des parties, mais à l'égard de tous (6). Cette procédure
fonctionne encore sous l'Empire (7); mais nous savons qu'à
(1) Cicéron, l'vo Arcli., 2, 3: in r/uaesiione légitima et in jiidicio publico,
cinn res agatur apud praeloreni popuii Romani. De même, Cicéron, Pi-o Balbo,
23, 57. 28, 63. D'après le membre de phrase dans le discours Pro Balbo,
23, 5-: judices, qui hiiic qiiaestionl pntefiierunt, ce préteur a sans doute pu
se faire représenter dans la présidence.
(2) Les deux discours prononcés par Cicéron dans des procès de ce genre
pour Archias et pour Balbus sont tous deux adressés aux judices. Cicéron,
Ad Att., 4, 18, 4 mentionne un troisième procès de ce genre. — Le procès
(Cicéron, Pro Cliientio, 15) qui s'élève relativement à la liberté des Mar-
tiales de Larinuni entre le représentant de ces derniers et la communauté
de Larinumest une adsertlo in libertalem et non un conflit relatif au droit
de cité. Cette dernière affaire est intéressante, parce qu'on y débattait
l'importante question de savoir si les hieroduli nommés par une cité de
citoyens romains devaient être considérés comme esclaves, ainsi qu'il en
était pour les Venerii romauo-siciliens, ou si l'affectation d'un esclave au
service d'un temple contenait affranchissement.
(3) Cicéron, Pro Balbo, 17, 38. 23, 52 : Judices cum prae se ferrent palamque
loquerentur, quid essenl lege Papia de M. Cassio Mamerlinis repelentibus judi-
caturi, Mamertini publiée suscepla causa destiterunt.
(4) L'accusateur de Balbus agit contre la volonté de la cité d'origine de
l'accusé (Cicéron, Pro Balbo, 17,38); il semble d'ailleurs que lui-même ait
succombé dans un procès du même genre, et que par conséquent il ne
soit pas citoyen romain (c. 14, 32).
(.5) Du moins, dans les procès que nous venons de citer, nous ne trou-
vons pas de trace d'une peine proprement dite; la poena et le danger de
perdre le caput {Pro Balbo, 3, 6. 7, 18. 19) peuvent très bien être trouvés
dans la négation du droit de cité qu'on prétendait avoir. La cité d'ori-
gine, lorsque la sentence lui était favorable, pouvait difficilement con-
traindre le condamné à rentrer dans sa patrie, mais les autorités romaines
pouvaient alors expulser l'étranger.
(6) Cette règle doit avoir été formulée dans les lois en question, bien
entendu sous réserve du cas de prévarication.
(7) Suétone, Claud., 13 : peregrinitatis reus.
188 DROIT PÉNAL ROMAIN
celle époque il y a aussi dans ces cas des condaranalions pé-
nale? (1).
(8G0) 8. Infractions aux lois de la République sur les mœurs.
Nous avons déjà parlé de la loi sur le proxénélisme, men-
tionnée chez Plaute (Il p. 41G n. 2) et de Tintervention des
édiles en cas de séduction de femmes dl p. 416) et de pédé-
rastie (II p. 431). L'avorlemcnt et la supposition de part
sont également, chez Plaute, rapprochés de la quadruplatio (2),
et il est bien possible qu'il y ait eu au début de la République
des aclions pénales de ce genre pour de tels actes. Dans la
dernière période de la République, la loi Scantia fit rentrer
la pédérastie dans la liste des délits proprementdils (II p. 431)
et on en fit autant sous Auguste pour l'adultère et la séduction
d'une fille (II p. 417;. Ces délits ont été exposés à leur
place.
9. Jeu.
Jeu. La législation de la République a réprimé avec vigueur les
jeux de hasard (3); toulefois nous ne savons à cet égard qu'une
seule chose: c'est que trois lois, les lois Titia. Publicia et Cor-
nélia. ont été rendues à ce sujet (4) et qu'une loi de ce genre
était déjà en vigueurau milieu du sixième siècle de la fondation
de Rome (5). On aulorise l'enjeu pour les luttes et celui-ci peut
même être réclamé par une action, lorsque la promesse a été
(l)Snélone, C/aiid., 25: civilalem Bomanam j/surpanles in campo Esquilino
sectiri percu!:sit. Arrien, Epict., 3, 21, 41 : o; r?,; 'Pw[i.ai!ov ::o)iT£ia; Y.t-:ix-lfjZ6\is-
vo'. y.o/.âCovrai T'.xpi»;.
(3) Plante, Truc, 4, 2, 49 =r 762: poslid ego te mamim iniciam guadnipuli
{quadrupiis ms.), venefica, s^ipposlrlx pueruni, ego edepol jam lua probra ape-
ribo omnia.
(3) Sur les jeux mêmes cpr Marquardt, PrivalalleHh., p. 847 et sv. [Ma-
nuel Anliq. r.om., XV, o21 et sv.],
H) Dig.. 11. ."i, 3.
(5) Plaute, Mil., 2, 2. D r: 164 le vieillard exige un conviciitm xine talis, ut
ne legi fraudem faciatil aleariue (ainsi le ms. de la Inltliolhcque Ambroi-
sienne, autres ms. : lalariae.)
ABUS DES DROITS 189
faite dans les formes du droit civil (i). En dehors delà, les jeux
avec mise {aléa) sont défendus (2) et la dette de jeu n'est
sanctionnée par aucune action; la répétition est même per- (861)
mise, lorsque le demandeur n'est pas complice du jeu, donc
notamment lorsqu'il s'agit de pertes faites au jeu par des fils
de famille et des esclaves (3). Les magistrats, surtout les
édiles, ont réprimé les jeux de hasard par voie de coercition (4),
ceux-ci ont également donné lieu parfois à une procédure pé-
nale proprement dite. A vrai dire, on ne peut pas prouver que
la quadruplatio se soit appliquée dans ce cas (3) et nous ne
savons pas s'il y a eu des amendes coraitiales infligées pour ce
délit; en tout cas, il y a eu dans les derniers temps de la Ré-
publique sous une forme quelconque une procédure pénale pos-
sible contre la pratique de jeux défendus et conduisaut vraisem-
blablement au bannissement(6). Pour l'époque impériale, nous
no trouvons pas, si nous faisons abstraction do mesures pri-
ses au regard des clercs (7), de preuve établissant avec certi-
(1) Dig„ It, 5, 2, 1. 1. 3 : Senatus consultum vetuit in pecuniam ludcve, prae-
terquam si quis certet hasta vel pilo jaciendo vel currendo saliendo luclando
pugnando quod virtutis causa fiât, in quibus rébus ex lege Titia et Fublicia et
Cornelia eliam sponsionem facere licet ; sed ex aliis, ubi pro virtule certamen
non fit, non Ucjt. Les jeux, pour lesquels Justinien [Cod., 3, 43, 1) permet
l'enjeu (réduit, il est vrai, à un soUdits) à savoir le (xovôêoAov =r Spôixoç,,
c'est-à-dire la course et quatre autres jeux, sont tous du même genre.
{i) L'alea correspond dans l'usage du langage à notre jeu de hasard,
mais embrasse juridiquement tout jeu avec mise qui est défendu, même
lorsque le gain dépend de l'adresse du joueur. Elle est souvent mentionnée
comme acte défendu, ainsi chez Horace, Od., 3, -''t, 58 et Suétone, Aug., 71.
(3) Dig., 11, 5, 4. Justinien, Cod., 3, 43, 1 permet la répétition d'une ma-
nière générale.
(4) Martial, 5, 84. 14, 1. Il est surprenant que l'édit du préteur ait me-
nacé de la coercition — amende ou emprisonnement — ceux qui exerce-
raient une contrainte pour forcer à prendre part à un jeu de hasard
[Dig., 11, 5, d, 4); car la connaissance de ces affaires rentre dans la com-
pétence de l'édile et non dans celle du préteur urbain.
(5) Le témoignage du scoliaste des Verrines (III p. 170 n. 1.) n'est pas
d'une valeur absolue.
(6) La restitution accordée par Antoine à Licinius Denticula, condamné
pour cause à'alea (Gicéron, PhiL, 2, 23, 56 et d'après lui Dion, 45, 47) ne
peut guère s'expliquer qu'à la condition de supposer que la peine avait
consisté dans l'exil.
(7) Nov. 123, 10 : suspension de 3 ans.
190 DROIT PÉNAL ROMAIN
tude qu'on ait intligé en cette matière des peines criminel-
les (1).
10. Divination.
Divination La peclierche des choses futures ou encore cachées (2) par
punissable. , . i , ^ i • i j • •
des moyens qui ne sont pas naturels, c est-a-dire Ja divina-
tion, est pratiquée par les Romains pour l'administration des
affaires de l'Etat et la conduite de leur vie privée et apparaît
chez eux sous les formes les plus diverses. Pour les affaires
publiques, il est d'usage, avant d'entreprendre un acte, de s'in-
former, s'il doit être profitable ou non ; souvent aussi un si-
gne des dieux met en garde contre un danger menaçant et
évitable. Ici, la divination apparaît sans la forme de l'obser-
vation des oiseaux {augures) {2). de l'inspection des entrailles
des victimes {haruspices) (i). de l'explication des signes divins
(862) spéciaux et de la conduite à tenir vis-à-vis d'eux {prodigia),
de l'interrogation des oracles, ordinairement, d'oracles étran-
gers. Pourles actes de la vieprivée, on retrouve l'interrogation
des dieux dans des formes analogues (o) ; mais le procédé le plus
important est celui de la recherche quasi-scientifique des des-
tinées futures de l'homme au moyen de l'horoscope ou de la
nativité par des savants qu'on appelle le plus souvent dans
(1) Ambroise, In Toh.. 11, dit, il est vrai : qui apud judicem damnanlur,
apud illos (chez les joueurs) ffloriosi sunl ; qui apud illos damnanlur (on at-
tend laudantur ou dominanlur), apud judicem criminosi sunt.
(2) Par exemple, lorsqu'on a recours à la divination pour connaître le
lieu où séjourne un esclave fugitif (n. 5).
(3) Cette forme de la divination est encore mentionnée chez Lactance,
Jnst., 2, 16 et C. Th., 9, 16,4. 6 zr C. Jusl., 9. 18. o. 7, mais elle a vraisem-
blablement cessé beaucoup plus tôt d'être usitée.
(4) Constantin en 321 prescrit encore de recourir au nom de l'État à
l'art des aruspices en cas de dommage causé à un édifice pul)lic par la
foudre (C. Th., !G, 10, 1, constitution à laquelle se rapporte sans doute
Zosime, 2, 29).
(5) Augustin, De civ. Dei, 10, 11 parle de la conversalio cum diis . . ob in-
veniendum fur/ilivum tel praedium comparandum aut pvopter nuptias vel mer-
raturas vel quid hujusmodi. Le recours à l'art des aruspices pour les actes
de la vie privée était autorisé par Constantin (n. 4) et encore par Valen-
tinicn I, lorsque cet art était exercé d'une manière (innocente) (C.
Th., If^ 16, 9, constitution non admise par Juslinien).
ABIS DES DROITS 191
l'ancien temps Chaldaei (1) et qu'on désigne ordinairement
plus tard sous le nom de mathematici (2), mais qu'on nomme
parfois aussi astrologi (3) ou genethliaci (4). A côté d'eux, on
mentionne les conjurateurs (arioli, mca?ita toiles) (o) et les pro-
phètes {vaticiiiatoi-es) (6). Cette recherche de l'avenir occupe le
premier rang comme importance ; auprès d'elle apparaît au se-
cond plan l'action exercée sur la marche de l'avenir, c'est-à-dire
la direction de l'avenir par des causes faciles à découvrir. Cette
dernière espèce de divination est cependant pratiquée et elle ne
soulève aucune critique, lorsqu'elle est usitée pour détourner
un événement défavorable ou pour en déterminer un favora-
ble (7). Il est permis de porter des amulettes (8) et également
de provoquer la pluie ou le beau temps (9). Cette divination, (8G3)
(1) C'est ainsi que Gicéron {De die, 2, 47, 98) parle de l'horoscope de
la ville de Rome dressé par un Romain, instruit des sciences chaldéen-
nes (chaldaicis 7-ationibus erudilits). Cette appellation est fréquente à la bonne
époque, on la trouve rarement dans la suite (Ulpien, Coll., 15, 2,1; C. Th.,
9, 16, 4).
(2) Mathematicus, qu'on rencontre déjà dans ce sens chez Tacite et qui
depuis lors est généralement usité dans cette acception, est, d'après
Auln-Gelle {, 9, 4, l'appellation vulgaire du Chaldaeus. Ulpien (Coll., 15, 2, 1),
dans son écrit de ofjxcio proconsulis, intitule le titre en question de malhe-
malicis et vaticinatoribus ; ici les mathemalici représentent la divination en
général.
(3) Aulu-Gelle, lA. 1, J8. TertuHien, De idoL, 9 et ailleurs.
(4) Aulu-Gelle, 14, i, 1. Jérôme, /w Dan., vol. 5, p. 627 Vallarsi : in Chal-
daeis yîVEÔXtaAOYou; significari puto, quos vulgus matliematicos vocal.
(5) Paul, :;, 21, 3. Ulpien, Coll., !5, 2, J. C. Th.. 9. 16, 4. 6. Jérôme, loc.
cit. : quos nos ariolos, céleri (plutôt Graeci, c'est-à-dire la version des Sep-
tantes) èTcaoïSoùç interprctati sunt, id est incantatores, ergo videntur mihi in-
cantatores esse qui verbis rem peragunt. Plus tard, on rencontre dans ce cas
la peine de mort, si guis . . anile incanlamentum ad leniendum adhibnisset
dolorem (Ammien., 16, 8, 2). A la meilleure époque, on les appelle sacrifi-
culi {et) vates (Tite-Live, 23, 1, 8. 35, 48. 13. 39, 8, 3. c. 16, 8).
(6) Paul, 0, 21, 1 (cpr. n. 2) : vaticinatorcs (aussi vates, C. Th., 9, 16, 4)
qui se deo plenos esse adsimulant. Ulpien, Coll., 15, 2, 3.
(7) Pour l'opposition du charme permis et du charme défendu et pour
les appellations, cpr. II p. 356 n. 4.
(8) Par exemple. Vit. Carac., 5. Elle est encore permise expressément
dans la dernière période du droit (C. Th., 9, 16, 3 — C. JusL, 9, 18, 4).
Constantin, il est vrai, la punit même dans ce cas (Ammien, 19, 12, 14).
(9) Constitution de 32i : C. Th., 9, IG, 3, qui a été aussi introduite dans
le Gode de Justinien, 9, 18, 4.
192 DROIT PÉNAL ROMAIN
permise en principe et maintes fois ordonnée, trouve au début
comme plus tard sous des formes variables des partisans zélés
et de bonne foi. Firmicus (i), sous Constantin, traite le tireur
d'horoscope comme grand prêtre de la nature et réclame de
lui la moralité la plus élevée. D'autre part, le danger de ces
pratiques, plus encore que leur inanité, s'est fait jour de bonne
heure. Celui qui peut amener la pluie ou le beau temps peut
aussi user de sa puissance d'une manière nuisible. L'art de
causer le mal par voie surnaturelle, l'enchantement ou la ma-
gie, a, vraisemblablement déjà sous la République, certaine-
ment sous l'Empire, été assimilé légalement au veneficium et
nous en avons traité précédemment à côté de ce dernier dé-
lit (Il p. 3uG sv.). Le caractère irrationnel et presque toujours
secret de ce commerce avec les dieux et les esprits rend diffi-
cile la fixation d'une ligne de démarcation sûre entre ce qui
est permis et ce qui est défendu à cet égard (2); on découvre
un effort de la part du droit romain pour trouver en cette ma-
tière des éléments du délit extérieurement perceptibles aux-
quels on puisse rattacher la punition à appliquer. La divina-
tion qui a lieu la nuit ou avec d'autres circonstances aggra-
vantes est rangée dans la magie et punie comme telle
(II p. 3o9 sv.). Elle est également punissable si elle a lieu en
secret (3) ou si elle tend à déterminer l'époque de la mort de
personnes vivantes (4). On punit comme trouble causé à l'or-
dre public la vaticinalio, c'est-à-dire l'apparition en public de
(1) Math., 2, 38.
(2) TertuUien, De idol., 9 : scimus magiae et aslrologiae inier se societatem.
Paul, 5, 21, 4 (n'est pas à sa place) : non lanlum divinatione quis, sed ipsa
scienlia ejusque liôris )nelius fecerit abslinere.
(3) Suétone, Tibère, 63 : haruspices secreto ac sine testibiis consuli vetuit.
Dion, 56, 23 (n, 4). Constantin prohibe sous peine de mort les pratiques
des aruspices qui n'ont pas lieu en public, notamment celles auxquelles
on se livre à l'iiitérieur dos maisons (C. Th., 9, 16, 1. 2).
(4) Dion. 56, 23 : toï; jiâvTîo-iv à7tT|YOp£'j6r, p.r,T£ xaxà (tova; Ttvl (Ar|T£ iztçX
Oavâro-j (iy,ô' av a),Ao; o-jjj.-apiùçrtv r/t -/pàv. C'est aussi cette hypothèse que
vise la seconde jihrase chez Ulpien, Coll., 15. 2, 3 : r/i« de principis salute
consitluerunt, capitc ptinili sunl vel qua alia pocna graviore affecti, qui de sua
suorumque, levius.
ABUS DES DROITS 193
prophètes faisant des prédictions (1). La répression est sur-
tout dirigée contre ceux qui font profession de la divination
en soi permise (2). Déjà, sous la République et à l'époque d'Au-
guste, on expulsa de Rome les personnes, pour la plupart (864)
étrangères^ qui faisaient de cet art une industrie (3). Depuis
Tibère, la divination en tant que profession est réprimée au
criminel à Rome et en Italie et entraîne, en dehors de la con-
fiscation du patrimoine, le bannissement (4). Depuis lors, d'a-
près le dire de Tacite, (o) cette règle aurait été constamment
formulée, mais n'aurait jamais été appliquée. Au troisième
siècle, le droit romain prescrit une fois pour toutes le ban-
nissement hors du territoire de la cité, et, en cas de récidive,
des peines privatives de liberté plus graves pouvant aller jus-
qu'à la déportation (6).
Dioclétien le premier a prohibé d'une manière générale tout Prohibition de
la divinalion.
(1) Ulpien, Coll., Ib, 2, 3. Paul, o, :»!, 1.
{±) Ulpien, Coll., 15, 2, 2 : fuit quaesiliim, utrum scientia hujusmodi homi-
niim {malkeinalicorum) punialur an exercilio (écrire exercitio et ou exercitii)
professio, et quidem apud veleres dicehatur professionem eorum, non notiliam
esse prohibilam (cela vise l'exception da bannissement, formulée par Ti-
bère, Suet., 36 au profit du mathematicus pour le cas où celui-ci aban-
donne son ars) poslea variatum. TertuUien, De idol., 9 suit la conception
I)lus rigoureuse : eadem poena est exilii (non pas exitii) discipulis et magis-
tris.
(3) L'expulsion de Rome et de l'Italie que le préteur pérégrin prononce
en 615/139 (Val. Max., 1, 2, 3) contre les Ghaldéens de profession (ce ca-
ractère se révèle par le quaestus) est une simple mesure de police ; les
dispositions analogues de l'époque d'Auguste (Dion, 49, 43 ; Anaxilaus
Pijthagorkus et magiis chez Jérôme Chron. Ann. ab Abr. 1989 d'après Sué-
tone) n'ont dû atteindre que des étrangers et n'appartiennent pas au
droit pénal. ■
(4) Ulpien, Coll.. lo, 2, i et Suétone, r«i., 36 nous renseignent sur le sé-
natus-consulle de l'an 17 (16 d'après Tacite) avec plus de précision que
Tacite, Ann., 2, 32 et Dion, o7, 15, qui étendent inexactement la portée du
sénatus-consulte jusqu'aux maqi (II p. 358 n. 4).
(5) Hist., 1, 22.
(6) TertuUien, De idol., 19 : urbs et Italia interdicitur malhematicis.
Paul, 5, 2!, 1 : vaticinatores . . primum fustibus caesi civitate pellunlur, per-
sévérantes auteni in vincula publica coniciuntur aut in insulum deportantur
vel certe releganlur. Yilellius, irrité par la réplique des niathematicik son
décret d'expulsion, les condamna à mort (Tacite, Hist. 2, 62. Suétone,
Vit., 14. Dion, 57, 1. Zon., 11. 10).
Droit Pénal Romain. — T. III. J3
194 DROIT PÉNAL ROMAIN
au moins les horoscopes {{); celte prohibilion fut principale-
ment provoquée par cette défiance du souverain vis-à-vis des su-
jets, dont l'intensité va toujours croissant au fur et à mesure
que la décadence de l'Etat s'accentue. Constantin a expres-
sément permis l'art des aruspices et l'a même utilisé (III
p. 190 n. 4), il a tout au moins toléré la divination en général ;
Magnence a mêine accordé la liberté des cérémonies de nuit
(il p. 3o9 n. 2), Mais, lorsque Constance eût triomphé de
cet adversaire, la divination fut expressément interdite sous
peine de mort, quelle que fût sa forme (2). Julien a de nouveau
(863) levé cette défense et Valentinien I a dans une constitution
curieuse tout au moins protégé les vieilles pratiques des arus-
pices (3). Après la christianisation de l'empire, la divination,
inconciliable avec la nouvelle religion d'Etat, fut définitivement
prohibée (4). Depuis lors, elle fut traitée comme délit ; elle fut
toujours distinguée de la magie et moins sévèrement répri-
mée qu'elle (5).
11. Abus de la brigue électorale {amlitus, sodalicia.)
Ambitus. La recherche des voix dans les élections — le droit péna
(1) Cod., 9, 18, ù : arlem geomelriae cliscere algue exerceri publiée inlersit,
ars aulem matliematicu damnahilis inlerdicta est.
(-2) C. Th., 9, 16. i= C. Just., 9, 18, o de l'an 3.j7, Libanius, VU., p. 21
Itoiske : xatToi vô(ioç ye e'pYe *''»'i ''i^ '^i Sîxyi tw to).[iwvti OàvaTo;. La loi men-
tionnée ici se place vraisemblablement à une époque antérieure. Am-
mien, 16. 8, i' (III p. 191 n. 3). 19, [-2, 14 (III p. 191 n. «).
(3) C. Th., 9, 16, 9 (non admise par Justinien) : haruspicinam ego nullum
cum maleficiorum causis hahere consortium judico neque ipsam aut ali<juarn
praeterea concessam a majoribus reliqionem r/enus esse arbilror criminis. Dans
l'Empire d'Orient, Valens a encore du vivant de son frère prescrit comme
Constance la peine de mort contre la divination (C. Th., 9, 16, 8) et statué
d'après celte régie (Ammien, 2^, 2, 6).
( i) Il n'est pas question d'autres lois contre la divination ; mais la cons-
titution de 3:;7 est [>assée dans la législation de Justinien (III p. 194 n. 2).
Les pratiques comme celles qui consistent à porter des amulettes (III
p. 191 n. 8). ou à provoquer la pluie (III p. 191 n. 9), dérogeant moins
nettement aux principes de la religion chrétienne, demeurent permises.
(5) Cette distinction se manifeste notamment dans ce fait que les deux
délits sont traités différemment dans les abolitiones (II p. 361).
ABUS DES DROITS 195
romain ne traite comme délit indépeudant que l'abus de cette
brigue électorale et non pas toute captation de charge (1) —
est un élément inhérent à toute constitution républicaine, il
y est aussi un mal nécessaire. Le pire des abus inévitables en
cette matière, l'achat des voix, a été classé par le vieux droit
républicain parmi les crimes capitaux et nous l'avons déjà cité
dans la Section du Faux (II p. 390 n. 3). Mais la législation pro-
hibitive, dont nous avons à parler ici, n'a pas eu ce crime pour
point de départ, elle a bien plutôt été provoquée par les prati-
ques choquantes de la campagne électorale. Les chroniqueurs
romains, sentant bien que la plus puissante République que le
monde ait vue portait en elle même, par suite des abus élec-
toraux, son germe de mort, ont relevé avec une profonde pé-
nétration d'esprit, qui ne leur est pas habituelle, les modestes
débuts des mesures législatives prises pour réprimer ce mal;
c'est ainsi qu'il nous ont gardé le souvenir d'une prescription
déjà adressée en 322/432, donc peu d'années après la loi des (866)
XII Tables, aux candidats, de ne pas se signaler comme tels
à leurs concitoyens dans leurs sorties en public en donnant à
leurs vêtements une couleur brillante particulière (2), et qu'ils
nous citent également une autre loi proposée en 396/358 par
le tribun de la plèbe, C. Poetelius, et interdisant aux candidats
de parcourir les bourgs et les villages (3). Il est intéressant
(1) Modestin (Uig., 48, 14, 1 pr.) dit très exactement : lex (Juîia ambilus)
in urbe hodie cessât, quia ad curarn principis mayistruLuiim crealio perlinet,
non ad populi favorem. Il n'y a d'ambitus que pour la collation des char-
ges par une majorité obtenue dans un scrutin. La captation d'une cliarge
donnée par la décision d'une seule personne, donc sous la République
celle de la plupart des fonctions militaires, sous l'Empire celle du consulat
par exemple, depuis que celui-ci était conféré par l'empereur (Tacite,
Hist., 2, 60. S/. R., 2,924 \Dr. pubL, 5. 208], ne tombe pas sous le coup des
règles de l'ancien droit pénal. Les dispositions peu nombreuses édictées
en cette matière par le droit postérieur et où le mot ambilus est parfois
employé abusivement, ont été groupées et indiquées à propos des repe-
/«ndae(IIIp. 16n.2).
(2) TiteLive, 4, 25: necui album in vcstimenlum addcrp pctitionisUceret causa.
Cp. St. R. 1. 479 [Dr. PubL, 2. 126].
(3) Tite Live, 7, 16. Lorsque cette loi est désignée comme la première
loi deambitu, ce dernier mot doit être pris dans son sens véritable, comme
le montre le texte lui même {nundinas et conciliabula adiré), et non dans
196 DROIT PÉNAL ROMAIN
de remarquer comme preuve caractéristique de l'inégalité de
la lutte livrée ici par l'honnêteté contre la corruption (1) que
les deux actes, dont nous venons de signaler l'interdiction par
des lois, ont donné leur nom àlabrigue électorale couramment
usitée à l'époque postérieure et considérée alors comme irré-
prochable; c'est du vêtement brillant autrefois interdit que
vient le nom de candidatus employé encore aujourd'hui dans
toutes les langues des peuples civilisés pour désigner celui
qui sollicite des suffrages, |et l'usage des tournées électorales a
donné les mots d'ambitio (2) et d'ambitus qui s'appliquent à la
recherche même de ces suffrages. Plus tard, la forme ambitus
n'a plus été usitée que pour la brigue illégale (3).
Prohibitions Les plébiscitcs que nous venons de citer relativement au
*'°*^*" costume et aux tournées des candidats peuvent difficilement
être considérés comme des lois pénales proprement dites; ils
n'étaient probablement que des avertissements donnés aux ci-
toyens et des iDJoQCtions adressées aux édiles d'user en cette
matière de leur pouvoir de coercition, ou bien ils n'établis-
saient tout au plus que des amendes modiques. Parmi les lois
répressives postérieures, il y en a deux, celle de 573/181 (4)
et celle de 593/159 (5), qui se placent avant l'époque de lapro
(8G7) cédure des quaestiones. Celle-ci a été étendue à Vambitiis avant
640/114, sans doute par une loi dont le nom ne nous est pas
son sens dérivé où il désigne la brigue électorale prohibée. St. R., 1, 478,
n. 3 [Dr.publ, 2, 125, n. 1].
(1) Plaute., Trin., 4, 3, 26 = 1033: ambilio jammore sancta est, libéra est,
a legibus. Plaute (ou un écrivain postérieur) mentionne aussi Yambilus
prohibé: Amph., prol., 74.
(2) Varron, De l. Lat., 5, 28 : qnipopulum candidatus circumit, ambit. Cette
idée est souvent exprimée. Sf. R., l, 478 [Dr Publ., 2, 124].
(3) Ambitio est assez souvent employé simplement pour petilio (Gicéron,
Pro Sulla, 4, Il ; Pro Plancio, 18, 45 ; Ad Att., 1, 1, 4 ; Ded.in Sallustium, 2),
il est assez fréquemment usité dans un mauvais sens pour ambition ;
mais le droit pénal ne connaît que Yambilus.
(4) Tite Live, 40, 19 : Irgem (ou leges) de ambilu consules (P. Cornélius
M. Baebius) ex auctoritate senatus ad populum tulerunt. Peut-être les discours
de Caton (Jordan, Calonis quae extanl, p. 52) de ambitu et ne lex Baebia dero-
garctur se rapportent-ils à cotte question.
(5) Tite Live, Ep., 47; lex de ambilu lata. Pour l'an 588 166, les Anna-
les mentionneat (pbseq., 12) : comitia cum ambillosissime fièrent.
ABUS DES DROITS 197
parvenu (1). Dans la dernière période de la République, on
voit, symptôme incontestable de l'agonie de la grande cons-
titution et de l'impuissance de la législation contre le terrible
mal, les lois contre Vambitus se succéder les unes aux autres
avec une rapidité inquiétante: ce sont la loi Cornélia de Sylla
de 673/81 (2), la loi Calpurnia de 687/67 (3), la loi TuUia de
681/63 (4), la loi Licinia de 699/53 dirigée seulement con-
tre une catégorie déterminée d'amôitiis, contre le crimen so-
daliciorum (III p. 203 n. 2) : enfin, sous la quasi-dictature
de Pompée, la loi Pompéia de 702/32, (5) qui, au dire des écri-
vains postérieurs, mit fin à Yambitus (6), affirmation exacte
en ce sens que la République elle-même prit fin trois ans plus
tard. A l'époque impériale, on trouve sous Auguste en 736/18
une loi Julia contre Vambitus (7). Plus tard, lorsque les élec-
tions furent faites par le Sénat et lorsque par suite les intri-
gues électorales s'adressèrent à ce dernier, l'empereur Trajan
rendit un édit en cette matière (8). Toutes ces lois concernent
(1) Le plus ancien procès à'ambilus qui se déroula suivant cette procé-
dure concerne la brigue de Marius pour les deux édilités (Plutarque.,
Mar., 5), laquelle se place entre 635/119 et 640/114. La loi de Marius de
635/119 sur le vote (Plutarque, Mar., 4) ne rentre pas dans la liste des
lois sur Vambitus.
(2) Schol. Bob. sur Cicéron, Pro Sull., 5. 17, p. 361 : superioribus temporibus
(avant la loi Calpurnia) damnati lege Cornélia hoc genus poenae ferebant,
ut mar/istratuum petitione per decem annos abstinerent. La loi Cornélia, qui
établissait cette peine, est difficilement la loi Cornelia-Baebia de 573/181 ;
car entre celle-ci et la loi Calpurnia il doit y avoir d'autres lois et il est
aussi peu probable que la peine soit restée la même un siècle durant.
(3) Dion, 36, 38. 39. Asconius, M Cornel; p. 68 ; In or. pro tog. cand. p. 89.
Cicéron, Pro Mur., 23, 45. 32, 67.
(4) Dion, 37, 29. Cicéron, Pro Mur., 2, 3. 3, 5. 32, 67. In Vat., 15, 37. Pro
Sesiio, 64, 133. Pro Plancio, 34. 82.
(5) Appien. B. c. 2, 23. Asconius, In mil., p. 37. Plutarque, Cat. min., 48.
Cicéron, Ad AIL, 10, 4, 8. César, B. c, 3, 1.
(6) Velleius, 2, 47. Pline, Paneg., 29.
(7) Dion, 54, 16. Les troubles graves provoqués par les élections con-
sulaires de l'année précédente, notamment par le candidat M. Egnatius
Rufus (cpr. mon édition du Mon. Ancyr. p, 28 sv.) ont suscité cette loi,
qui depuis lors est demeurée l'acte fondamental pour cette quaesiio. Dig.,
48, 1, 1. tit. 14. C. Th., 9, 19, 4. tit. 26 — C. Just. 9, 26. Inst., 4, 1, 11.
Tacite, ^nji., 15, 20,
(8) Pline, Ep.,<à, 19 décrit les manœuvres électorales qui eurent lieu alors
de Vambitus,
198 DROIT PÉNAL ROMAIN
(868) les charges d'empire; Vambitus municipal était visé par les
lois municipales (1).
éléments On nc pcut déterminer les actes traités par les lois comme
ambitus punissable que pour la dernière période de la Répu-
blique. A cette époque, vraisemblablement depuis l'établisse-
ment d'un jury spécial pour ce délit, le crime d'achat de
voix, autrefois capital, et un certain nombre d'actes tendant à
influencer indirectement les élections ont été réunis et soumis
à une répression uniforme. Le fait de se laisser corrompre n'a
jamais été, que nous sachions, rangé dans ce délit et la sim-
ple assistance donnée à l'accomplissement du délit est égale-
ment, sauf des exceptions insignifiantes, restée impunie, ainsi
que nous l'avons déjà fait remarquer ((II p. 169) ; la brigue
prohibée n'est un délit que pour le candidat lui-même. Au
point de vue des actes en général permis, mais interdits aux
candidats, on fixe formellement, tout au moins dans la lé-
gislation récente, la durée de la candidature aux deux années
du calendrier qui précèdent immédiatement l'entrée en
charge (2). La question de savoir si le candidat a obtenu ou
non la majorité est sans intérêt pour la répression (3).
et qui amenèrent le Sénat à solliciter l'intervention de [l'empereur, inter-
vention qui se produisit du reste : sumptus candidatorum foedos illos et in-
fâmes ambitus lege restrinxit. Nous savons aussi par ailleurs que le jour
où le pouvoir électoral passa du peuple au sénat, les abus persistèrent ce-
penilant (Tacite .4«rt., 1, 81.2, 34) sous la forme du senatorius ambitus (Ta-
cite, j4«m., 4, 2) qui ne se distinguait de Vambitus antérieur que par une pu-
blicité moindre et par les dangers moins graves qu'il présentait pour la
communauté.
(1) Lex Julia municipalis, 1. 89. Droit municipal de Oenetiva, c. 132.
(2) Ce délai s'applique aussi pour la loi Tullia (Cicéron, /« Vat., 15, 37 :
hiennio quo quispetat petllurusve sit); pour plus de détails, v. St. R., 1, 478,
n. 4 [Dr. publ., 2, 125 n. 2]. Par contre, le droit municipal de Genetiva,
c. 132 fixe un délai d'un an : ineo anno,quo quisque anno petilor kandidatus
jnar/islratum petet petiturusve erit et plus loin : in eo anno [quo] magistratum
petat. Il fallait dans ces défenses faire abstraction du moment où la can-
didature commencerait à être formellement posée et fixer le délai d'une
manière al)Solue de fa<,'on à empêcher qu'on les tournât en retardant la
déclaration de candidature; c'est pour cela qu'on nomme à côté du petens
le petiturns.
(3) Le plus ancien procès de ce genre, qui soit connu de nous, était di-
rigé contre le candidate. Marius qui succomba dans la campagne qu'il fit
ABUS DES DROITS 199
La loi réprime les actes qui tendent à influencer le résultat
des élections soit par voie de faveurs faites aux électeurs, soit
par l'emploi de formes d'association prohibées, bien, qu'il soit
permis de s'associer dans un but électoral comme dans d'au-
tres buts. L'ambitiis romain, du moins celui de l'époque ré-
publicaine pour lequel nous sommes plus particulièrement ren-
seignés, a pour caractère propre l'iniluence exercée directement
sur des masses; la corruption d'un seul homme influent a dû
tomber aussi sous le coup de la loi pénale, mais elle n'est
nulle part mentionnée dans les applications de cette loi.
1. Au premier rang des actes punissables se place l'achat (869)
direct desVoix, ou, pour nous servir de l'euphémisme courant,
la donation faite aux électeurs (1). La réalisation de cette opé-
ration se heurtait à des difficultés graves; car, si le corrup-
teur payait d'avance, il pouvait très bien ne pas obtenir la voix
achetée et si l'électeur acheté lui faisait crédit, celui-ci pouvait
facilement être frustré de la somme promise (2); aussi dans la
pour les deux édilités (III p. 197 n. 1). En 645/109, à la suite des élections
consulaires qui avalent eu lieu pour l'année suivante, le candidat mal-
heureux, P. Rutilius Rufus, accusa d'ambitus son concurrent victorieux,
M. Aemilius Scaurus, puis celui-ci intenta à son tour une action identi-
que contre le premier (Gicéron, Brut., 30, M3).
(l)Loi municipale de Genetiva, c, 132: neve quis pelilor kandidatus doniim
munus aliudce quit det largialur petilioais causa sciens]dolo malo. Pline Ep.
6, 19 : candidali... ne mitlant (aux sénateurs dans leur maison) mimera.
Ghez les Grecs, la corruption s'appelle aussi S(opo5o-/;a (par ex., Appien,
B. c, 2, 23. 24) ; on trouve à côté de cette expression le terme Sixauixô;,
déjà employé parfois dans l'ancien temps, mais surtout usité pour dési-
gner le genre de corruption qu'on rencontre chez les Romains. Si ce der-
nier mot ne remonte pas à une forme accessoire de ùiyù\yix:, mais vient
de ÔExiî (les gloses gréco-latines, 2, p. 267 expliquent ÔExaafjio; par decu-
matio \?], amb'Uio), la décuriation a déjà été chez les Grecs, comme plus
tard chez les Romains (III p. 202 n. 4), un moyen de corruption. Aucune
trace ne révèle une conuexité de fond entre les mauvaises pratiques ro-
maines et les abus grecs.
(2) On peut citer comme caractéristique en ce sens la proposition faite
pour supprimer Vambilus de déclarer impunie la promesse d'argent, lors-
qu'elle n'était pas tenue (Gicéron, Ad Alt., 1, 16, 13: novi est in lege hoc, ut
qui nummos in tribus pronuntiaril, sinon dederit, impiine sit.) Il ne nous pa-
rait pas nécessaire de grouper ici les nombreux renseignements que nous
possédons sur différentes tentatives et ditférentes formes de corruption;
il suffit d'établir ici d'une manière générale les éléments de ce délit.
200 DROIT PÉNAL ROMAIN
défiance réciproque bien légitime qui animait les deux parties
n'était-il pas rare que la prime promise fût déposée chez une
personne de confiance, chez un sequester (1). Comme dans les
votes du peuple la décision résultait non de la majorité des voix,
mais de celle des circonscriptions qu'on appelait tribus ou des
sections de tribiis, c'est-à-dire des centuries, la corruption électo-
rale, lorsqu'elle prenait de grandes dimensions, était également
organisée par circonscriptions et les personnes qui faisaient
profession de répartir au bas peuple les émoluments qui leur
venaient alors fréquemment de fondations ou de largesses volon-
taires, les divisores des tribus (2), étaient les agents tout dési-
signés pour l'opération peu honorable d'achat des voix dans
(870) les tribus (3). Déjà, lors de l'aggravation de la loi contre Vam-
bitus en G87/G7, on indiqua que le seul moyen efficace de
(1) Par exemple, Gicéron, Pro Plmicio, -16, '38. 19, 47, De là, Pline, Ep., 6,
19 : candidati... ne pecunias deponant. Par contre, des candidats, qui s'obli-
geaient réciproquement à s'abstenir de toute corruption d»''posaient une
somme d'argent à titre de peine éventuelle chez un arbitre et cette somme
était perdue pour celui d'entre eux qui, d'après la sentence de l'arbitre,
avait manqué à sa promesse (Plutarque, Cat. min., 44 ; Dion 53, 5).
(2). Le métier de divisor est selon toute apparence légitime en soi, il
est parfois mentionné sans aucune idée de critique (Cicéron, Ad Att., 1,
18, 4 ; St. R., 3, 196 [Dr. publ., 6, 1, 221]) et môme avec égards (Gicéron chez
Marc. Gapclla, 5, 492 Kopp : repuçfnare, ut divisores, cjuos [C Cornélius] ho-
noris sut ministros esse voluerat, lege amhitus vellet affligere), mais il est or-
dinairement présenté comme une profession basse et méprisée (Gicéron,
Verr., 3, 69, 161 ; De har. 7'esp. 20, 42 ; Suétone, Aug., 3), dont les revenus
recevaient le plus souvent un mauvais emploi. Ge ne sont évidemment
pas des fonctionnaires subalternes, mais vraisem])lal)lement des inter-
médiaires volontaires, tout d'abord chargés de répartir les largesses légi-
times de diverses espèces, qui n'étaient pas faites à des individus et pour
le partage desquelles on prenait la tribu pour liase. Des legs aux ditVéren-
tes tribus, tels que Gésar et Auguste en firent d'importants, devinrent peut-
être liabituels pendant la période de décadence de la République. De même,
la proposition faite d'imposer à titre de peine à celui qui est convaincu
d'a7nhitus l'obligation de paver sa vie durant une somme de 3.000 sesterces
à chaque tribu (Gicéron, Ad Alt., 1, 16, 13) et la difficulté de faire parve-
nir ces libéralités aux membres de la tribu qui n'étaient pas territoria-
lenient groupés et qui n'avaient pas de caisse commune, indiquent les
conditions dans lesquelles cette profession a fait son apparition. Gelle-
ci a disparu avecl'oclilocratio.
(3) Gpr. par exemple Cicéron, Ad Att. 1, !0, 12. Pro Plancio, 23. 55.
ABUS DES DROITS 201
réagir contre Vambilus était d'élen ire la peine aux divlsores{{);
cette proposition fut alors rejetée, mais elle passa quatre ans
plus tard dans la loi Tullia (2).
2. On assimila aux libéralités les banquets offerts au peu-
ple ou à des parties du peuple (3).
3. On assimila également aux libéralités le fait d'offrir des
divertissements publics, notamment des combats de gladia-
teurs, ou, lorsque ces jeux étaient offerts par des tiers, la dis-
tribution de places en masse (4).
4. II était de tradition que le candidat, lorsqu'il arrivait à (871)
Rome, était reçu solennellement par ses amis et apparaissait,
partout où il se montrait en public, entouré de ceux qui sou-
tenaient sa candidature et qui la recommandaient par là au
reste du peuple. Le nombre des personnes qui pouvaient faire
partie de cette escorte était limité par une loi Fabia qui n'est
(1) Gicéron, chez Asconius. In CorneL, p. 74 cum hoc populus R. videret
et cum a tribunis pi. doceretur, nisi poena accessisset in divisores, extingui [am-
bltum] nullo modo posse. Par suite do la vive résistance dos divisores, la loi
Galpurnia fut votée sans une telle clause (Asconius, p. 75).
{'2) La i peine plus grave contre les plébéiens » (Gicéron, Pro Mur., 23, 47)
est précisément celle qui est dirigée contre les cZiuisores (Gicéron, Pro Plan-
cio, 23, 55.)
(3) En 691/63 le Sénat décida prandia si vulgo fada essent, contra legem
Calpurniam factum videri (Gicéron, Pro Mur., 32, 67. 34, 72. 35, 73) ; cette
règle a sans doute été formulée alors dans la loi ïullia. Dans le droit
municipal de Genetiva, c. 132, les prescriptions à cet égard sont plus pré-
cises: le candidat ne peut pas, pendant la période électorale légale, avoir
à sa table plus de neuf invités et faire donner par d'autres des festins
à l'occasion de sa candidature. Chez Pline, Ep., (>, 19, le sénat exige can-
didati ne conviventur.
(4) Le sénatus-consulte précédemment cité a fait aussi tomber ce cas
sous la loi Gali>urnia (Gicéron, Pro Mur., loc. cit.), puis la loi Tullia a
expressément interdit ces largesses pour le temps de la candidature, à
moins qu'un testament n'ait imposé au candidat l'obligation d'offrir à
jour fixe de pareilles réjouissances (Gicéron, Pro Ses<., 64, !33. /n Vat., 1.5,37).
Il est également question ici des tribus, car la vieille coutume, en vertu
de laquelle les personnes de qualité offrent aux membres de leurs tribus
des places dans les jeux, fut utilisée par les amis du candidat pour tour-
ner la loi (Gicéron, Pro Mur., loc. cit.). Dans l'amphithéâtre Flavien
(C. /. L., VI, 32 908 f.), on trouve des places assises cUent(ibus). Gicér.in
considère comme une tentative de tourner la loi le fait de donner des
chasses au lieu de combats de gladiateurs (Gicéron, Pro Sest., 64, 135 avec
les scolies p. 307).
202 DROIT PÉNAL ROMAIN
pas connue autrement (1) et la loi ïullia a qualifié de corrup-
tion électorale le paiement d'une rémunération aux personnes
faisant partie de cette escorte (2).
o. S'il n'était pas défendu au candidat lui-même de se livrer
à la propagande électorale consacrée par l'usage en prenant
contact avec les électeurs, en leur serrant la main, en les sa-
luant par leur nom, en sollicitant leur voix, il a tout au moins
été reconnu par le Sénat que des tierces personnes ne pou-
vaient pas par de tels actes travailler l'opinion en faveur du
candidat (3).
Association. 6. Lc droit d'association qui, d'après le droit de la Républi-
que, n'était soumis à aucune restriction fut naturellement sur-
tout utilisé dans un but élecloral, sans que ceux qui prenaient
part à de tels groupements encourussent aucun reproche. Le
droit permit aussi la coition, c'est-à-dire l'association de plu-
coition. sieurs candidats — naturelle dans le système de collégialité
qui dominait la magistrature romaine — pour l'obtention en
commun du succès dans une élection . Chaque candidat avait cou -
tume d'avoir à ses côtés une clientèle électorale personnelle
et étant donné qu'il disposait aussi par ces clients d'autres voix,
il était tout indiqué qu'il s'entendit avec un concurrent pour
faire échange d'escortes. L'association et la coition, effets et
même aggravations de l'individualisme qui minait la constitu-
tion républicaine, ont, dans les derniers temps de la Répu-
blique, élevé l'achat des voix au rang d'une organisation cri-
minelle et contraire à l'ordre public. Les associations, formées
au sein des différentes tribus dans un ordre bien arrêté — dccu-
(872) riatio (4) — et composées de ces tribulcs, qui mettaient leurs
(1) Gicéron, Pro Mur.. 34, 71, montionno, la lex Fabia rjuae est de nutnero
sectalortnn.
(2) Lf sénat foriiuila éKal<^mont on 091/63 la règle suivante : si mercede
conducti ubviam candidatis issent, si conducli seclarcntui' . . . conlra lef/em Cal-
purnium factum videri (Gicéron, l'ro Mur., 3J, 07. 33. 34. 3.")). Gette règle
est sans doute passée égalonient dans la loi TuUia.
(3) Plutarque, Cat. min. 49.
(4) Le crimcn tribuariuîn sodaliciorum (Gicéron, Pro Plancio, 19, 47) repose
les sodalicia.
ABUS DES DROITS 203
voix à la disposition des chefs d'association et qui devaient avoir
contact entre eux et être dans une certaine mesure soumis à
une direction commune, (1) concluaient avec le candidat, ou
plutôt grâce àlacoition avec les paires de candidats, les pactes
utiles. Une association de cette importance garantissait dans
une certaine mesure que les voix promises seraient données
et que la somme d'argent, ordinairement déposée à l'avance. Loi sur
serait payée. Ce sont ces pactes d'achat de voix et leur réali-
sation que visa la loi Licinia de 699/55. Ce délit acquérait
ainsi comme crimen sodaliciurum une indépendance formelle
en droit pénal à côté de Yambitus ordinaire et même avant
lui (2). 11 est disparu à l'époque postérieure avec d'autres ex-
croissances du régime démocratique.
7. Lorsque dans le droit postérieur on frappa de la peine
de Vambitus le fait pour l'accusé de pénétrer dans la demeure
sur cette decuratio tribulium {loc. cit. 18, 45. 19, 47), sur le izl-rfiovct 8£xao-(i6;
(Appien, B. c. 2, 24).
(!) La dissolution des collèges dangereux pour l'Etat (Asconius : colle-
gia quae aduersus rem publicam videbantur esse. Dion : ■za. âTaipixà'xoXXriyca
èizi-/u>pl(i)i xa).o'j[j.cv«) par un sénatus-consulte en 690/64, contre lequel réa-
git la loi Glodia de 096/38 (Cicéron, In Pis., 4, 8 |et sur ce passage Asco-
nius p. 7. 8 ; Cicéron, Ad Alt., 3, io, 4; Pro Sest., 2o, 53; Dion, 38, 13) est
une mesure dont la portée se trouve précisée, d'une part, par l'indication
que le sénatus-consulte de 690/64 avait été provoqué par le développement
des hétéries (Asconius In Cornet., p. 73 : fréquentes tum — en 689/63 —
etiam coetus factiosorum fiominum sine publica auclorilate malo publico fiebant),
d'autre part, par le sénatus-consulte de 698/36 qui reprend manifestement
les dispositions de celui de 690/64 et décide ut sodalitates decuriatique disce-
derenl lexque de Us ferretur, ut qui non discessissent poena quae est de vi le-
nerentur (Cicéron, Ad Q. fr., 2, 3, 3) ; il semble qu'ici comme chez Dion
la formation et le maintien d'une hétérie soit considérée comme une vio-
lence. L'année suivante, la loi Licinia était promulguée.
(2) Schol. Bob. in Plane, p. 233 : M. Licinius Crassus . . pertulit, ut severis-
sime quaereretur in eos candidatos, qui [aliosf] sibi conciliassent, ut per illos
peeuniam tribuUbus dispertirent ac sibi mutiio eadem suffrugationis emptae
praesidia communicarent . Dion, 39, 37 : TiixpoTspa ciiiTi(j.ta toïî 6ExâÇoua-i ttvàç
èTtSTa^av, ôti où -/pritiac-iv, àXXà pîa Tr,v àçt'/ry etAriÇEdav «[AapxôvTe;. Dans le
premier texte on semble relever exclusivement la coitio, dans lo second la
violence; ces conceptions étroites ne reçoivent pas d'autre confirmation.
Chez Cicéron {Pro Plancio, 13, 36. 19, 47. 20, 49), le délit se présente comme
un ambitus grave que l'on oppose à Vambitus communis. Gpr. encore Cae-
lius. Ad fam., 8, 2. Nous n'avons pas de définition juridique précise du
crimen sodaliciorum.
204 DROIT PÉNAL ROMAIN
du juré (1) et l'imposition de contributions illégales (2), on
ne fit nullement rentrer pour cela ces cas dans la notion du
délit à!arnbitiis.
(873) Au point de vue de la procédure, les anciennes lois sur
Procès. Yambitiis ne nous offrent, dans l'état actuel de nos connais-
sances, aucune particularité importante (3). Tout au moins
depuis Sylla, il y a pour ce délit un préteur spécial (4). Par
faveur pour l'accusé, on lui permet à lilre d'exception dans
cette quaestio de se faire représenter dans l'instruction prépa-
ratoire par une personne qu'on adjoint au demandeur (o) et
on lui accorde aussi le droit, ordinairement réservé au deman-
deur, de citer'des témoins (G). Xous avons déjà exposé plus haut
(1 p. 2o2) la composition du jury établie par la loi Licinia de
699/55 sur les sodalicia et qui mettait le tribunal presque
exclusivement dans la main du demandeur; il en est de même
(1) Dig.,ii, 14, 1, 4.
(2) Dig., 48, 14, 1, 3.
(3) Lorsqu'en 093/61 le consul M. Pison fut accusé d'abriter chez lui les
divisores qui agissaient pour l'élection d'Afranius, le sénat permit une
perquisition domiciliaire chez les magistrats (Cicéron, Ad Alt., 1, 16, 12 ;
cpr. Drumann 4, 483). — L'indication de Plutarque (^Cat. min... 42) qu'il
devait y avoir entre l'élection et l'entrée en charge un intervalle légal
afin de permettre d'intenter l'action pour cause de corruption électorale,
parait provenir de ce que cet auteur a mal compris le rejet de la propo-
sition faite en 699/35, pour l'élection des préteurs qui devait avoir lieu
cette année même, de fixer exceptionnellement un intervalle de ce genre
(Cicéron, Ad Q. fr., 2, 7, 3 ; Drumann, 3, 279). M. Messalla, consul en 701,
ne fut cité en justice, tout d'abord pour cause à'amhitus, puis pour cause
de sodalicia, qu'en 703 après l'administration de sa charge (Cicéron, Ad
Q. fr. 3, 8, 3 ; Ep. 9, 3 ; Caelius, Ad fam., 8, t ; Val. Max., 3, 9. i>). — Sur
la proposition de Caton, le sénat décida que les candidats élus, sans
attendre une accusation, devaient se laver du soupçon d'ambilus (Plutar-
que, Ca^. >«i/i., 44); mais il est difficile de concevoir comment ce sénatus-
consulte a pu être efficacement appliqué. Peut-être veut-on dire seule-
ment que les élus doivent donner l'assurance par serment qu'ils ne se
sont pas servis pour leur campagne électorale de moyens punissaljles.
(4) I p. 236. SI. R., 2, 20!, n. 2 [Dr. pubL, 3, 230, n. 3]. Les procès de
sodalicia ne forment pas plus une quaestio indépendante que ceux de vio-
lence {St. IL, 2, 584, n. 2 [Dr. publ , 4, 290, n. 3]).
(5) Cette disposition, dont on ne peut soutenir l'application générale
(II p. 67 n. 1 ), a bien pu être en vigueur dans la matière de Vambilus à
propos de laquelle elle est mentionnée (Plutarque, {Cal. min., 21).
(6; II. p. 80 n. 7. Pline, Ep. 6, 5, 2.
ABUS DES DROITS 205
des aggravations de procédure encore plus profondes de la loi
de Pompée de 702/52 : exclusion de l'ampliation (II p. 103 n. 4)
limitation des débats à un certain nombre de jours (II p. 113
n. 1). réduction du temps accordé pour les plaidoiries (II p. 108
n. 1), exclusion des témoins de moralité (II p. 122), reddition
de la sentence par un petit nombre de jurés, désignés par le
sort immédiatement avant le scrutin dans la foule de ceux
qui ont été convoqués (I p. 251; II p. 105.)
Nous avons déjà indiqué que, d'après l'ancien droit, l'achat Peine.
des voix était un crime capital, et que les plus anciennes lois
rendues contre les actes inconvenants de brigue, si elles ont
établi des peines fixes, n'ont pu prescrire que des amendes
modiques. Quelle fut la peine établie pour ces "délits très iné- (874)
gaux par eux-mêmes, mais traités comme égaux dans la pro-
cédure de la quaeslio, lorsqu'un jury spécial fut établi pour
eux? xSous ne le savons pas. Plus tard la loi de Sylla, adoucis-
sant vraisemblablement la peine existante, a réprimé Vambi-
tus par l'interdiction de briguer une charge pendant dix ans
(III p. 197 n. 2), la loi Calpurnia a prescrit dans ce cas l'exclu-
sion du Sénat (1), ce qui entraine juridiquement l'interdiction
permanente de la candidature aux charges (2), et en outre une
peine pécuniaire (3). D'après la loi Tullia, la peine est le ban-
nissement hors de Rome et de l'Italie pour dix ans (4). La loi
sur les sodalicia de 099/55 (5) et la loi de Pompée de 702/52 (G)
ont aggravé ces peines et ont vraisemblablement permis d'aller
jusqu'à l'exil à perpétuité. Le dictateur César a fait rappeler
par un vote du peuple ceux qui avaient été condamnés à raison
(1) Dion, 36, 38. 37, 2;j. Sidoine Apollinaire, Ep., i, 3.
(2) Dion, loc. cit. Schol. Bob., p. 301. Cicéron, Pro Sulla, 22, 63, parle
d'une tentative infructueuse de rétablir la vieille peine plus douce.
(3) Dion, 30, 38. Schol. Bob., p. 301. Le bannissement n'était pas pres-
crit : Cicéron, Pro Sulla, 26, 74.
(4) Cicéron, Pro Mur., 22, i'.j. 23, 47. 41, 89. Pro Plane, 3, 8. 34, 83, avec
les scolies, p. 269. Schol. Bob., p. 362. Dion, 37, 29, est le seul à limiter le
bannissement à dix ans.
(5) Dion, 39, 37 (III p. 203 n. 2) Caelius, Ad fam.. 8, 2.
(6) Asconius, in Mil., p. 37 : poena gravior. Plutar:iue, Cal. Min., 48 :
âuiTtiita xatvâ.
\
206 DROIT PÉNAL ROMAIN
de CG délit, notamment en vertu de la dernière loi (1); les do-
cuments ne nous disent pas que le dictateur ait adouci la peine
pour l'avenir; il est cependant vraisemblable qu'une telle me-
sure a eu lieu, car Auguste dans sa loi de 730/18 se contente
de réprimer Vambitus par l'interdiction d'être candidat pen-
dant cinq ans (2). La monarchie avait sans contredit de bon-
nes raisons de se comporter ainsi: la chute de la République
avait mis fin brusquement à l'âpre poursuite des charges et
le mal contraire, c'est-à-dire l'indifférence vis-à-vis des fonc-
(87S) tiens publiques, se fit sentir à tel point qu'il fallut faire revivre
le principe oublié de l'obligation aux charges publiques. —
Nous ne trouvons aucune trace de peines infligées di\i\divisores.
Les différents droits municipaux organisèrent sur le modèle
de la procédure de la capitale une procédure municipale con-
tre les abus dans la brigue des charges (III p. 198 n. 1). Tou-
tefois, pour Vambitus municipal, la peine n'a jamais été supé-
rieure à une amende. Le droit municipal de Genevita fixe
celle-ci à 5000 sesterces et l'attribue à la caisse municipale (3) ;
un sénatus-consulte, passé dans la législation de Juslinien,
l'établit [d'une manière générale au double de celte somme
pour les magistratures et sacerdoces municipaux (4). L'amende
est réclamée par un judicium rccupcratoriian populaire de-
vant le tribunal municipal (5). En outre, le condamné encourt
l'infamie (6).
(1) II p. J71 n. 2 L'opinion que les partisans de César se faisaient de la^
conduite de Pompée après le meurtre de Gloduis nous est révélée par les
plaintes de ces partisans que Gicéron, Ad Ait., 9, 14 reproduit : ad amhi-
tionem, guiùus cxilii poena superioribus legibus {l'cxilium de la loi Tullia n'é-
tait pas à peri)étuilé) no« fuisset, [ejeclos], palriae proditores de crilio reduc-
ios esse. La dernière plainte se rapporte peut-être à L. Billienus, le vieux
satellite de Sylla, qui avait été condamné après la mort de son clier(As-
conius. In iog. catui., p. 02), (st qui, rappelé sans doute par Pompée, jouait
de nouveau un rôle parmi les partisans de ce dernier (Gaelius, Ad. fani.,
8, 15).
(2) Dion, 54. 16.
(3) Lex col. Gen., c. 132.
(4) Diff., 48, 14, 1, i : cenlum auvei.
(5) Le.v col. Gen., c. 132.
(6) Dig., 48, 14. 1,1.
ABUS DES DROITS 207
12. Abus du droit d'association.
Le droit d'association a été expressément reconnu par la loi Prohibition
- ,1,1 j'x-i- 1 1 j des associations.
des XII Tables, a la condition, bien entendu, que les statuts de
l'association ne soient pas en contradiction avec le droit com-
mun (1). La dissolution de sociétés qui violent ou semblent
violer cette prescription a dû être assez souvent ordonnée ; une
mesure de ce genre priseenoGS/ ISGcontre toutes les associations
formées pour le culte de Bacchus { f aider atei), non seulement
pour le peuple romain, mais pour toute l'Italie, nous prouve
que des catégories entières de sociétés ont aussi été interdites
(II p. 283). Sous la République, le droit d'association n'a
subi aucune restriction fondamentale, les sénatus-consultes
de G90'G4 et de 698/oG, commentés dans le paragraphe pré-
cédent (III p. 203 n. 1), ne visaient que les clubs électoraux,
dont l'utilisation pendant la période électorale fut immédiate-
ment après frappée par la loi pénale, et le plébiscite Clodien
qui réagit contre le premier sénatus-consulte n'a eu égale- (876)
ment pour premier objet que de supprimer les dispositions
d'exception contenues dans celui-ci (2). Mais les abus considé-
rables qu'engendrait alors la liberté illimitée d'association,
non seulement en matière d'élection, mais aussi pour le délit
alors si répandu de rapt d'hommes et pour d'autres buts ana-
logues directement criminels (3), provoquèrent déjà de la part
(1) Loi (les XII Tables, 8, 28 = Diq., 48, 22, 4 : his [sodalibus] polestatem
facit lex pactlonem quam velint sibi ferre, dum ne c/uid ex publica ler/e corrum-
panl. L'affirmation (Denys, 4, 43) que le dernier roi avait dissous toutes
les sociétés religieuses (ayvôSoyç (TU[A7tdc(7ac xwsatjtwv y) cpparptaffTwv îq yeitôvwv
Êv TE TV) TiôÀct xal iizi Twv àYpwv iç' ispàxal Ouata; àiiâo-i xoivâ;) s'impose dans
une description de la tyrannie, mais peut bien provenir de diatribes an-
ticésariennes.
(2) On peut parfaitement concilier avec cette conjecture et il n'est pas
invraisemblable (Cicéron, In Pis., 4, 8 : collegia non ea sola, quae senatus
suslulerat resliluta, sed innumerabilia quaedam nova ex omni faece urbis ac
servitio concitala; de même, Pro Sest.. 25, 55) que la loi Clodia ait élargi la
liberté d'association, l'ait peut-être accordée expressément aux esclaves
et ait restreint la faculté du magistrat de dissoudre les sociétés par voie
administrative.
(3) Suétone, Au(j., 33 : vlurimae facUoncs titulo coUegii rwvi ad tiullius non
208 DROIT PÉNAL ROMAIN
du dictateur César une limitatioQ générale du droit d'associa-
tion (1), et il est vraisemblable que sous Auguste (2) la liberté
présumée d'association fut supprimée par un vote du peu-
ple (3). Depuis lors, les classes élevées de la société furent sou-
mises à la règle suivante : les corporations anciennes étaient
maintenues, mais la fondation de nouvelles associations était
subordonnée à une autorisation spéciale du gouvernement
suivant une réserve que l'on avait déjà faite lors du mouve-
ment de réaction contre les sociétés fondées pour le culte de
Bacchus; l'autorisation devait en principe être demandée, pour
l'Italie et pour les provinces sénatoriales, au sénat en sa qua-
lité d'organe législatif le plus élevé ; mais l'empereur avait le
droit de la donner pour toute l'étendue de l'empire (4). Les
classes inférieures de la population, y compris les esclaves,
avaient, si l'on fait abstraction de la défense absolue relative
aux soldats (o) et vraisemblablement aussi à la capitale (6),
facinoris societatem coibant. Cpr. III p. 90 n. 7. Un exemple nous est donné
par les associations qui prennent part à la lutte entre les deux villes
voisines de Pompéi et de Nuceria et qui provoquent des troulîles notam-
ment dans les fêtes populaires (III p. 209 n. 4).
(1) Suétone, Caes., 42 : cuncla colleqia praeter antiquitiisconsfilula dislraxit.
Josèphe, Ant., !4, 10, 8= 215 : Fâio; Kaïcap dv tw SiaTayiJ-aTt xwaÛwv Otâ-
o-ou; «T-jvâyEffOat xaTa TtôXiv, texte d'après lequel il semble ({u'un édit spécial
ait été encore rendu contre les sociétés urbaines. Cpr. III p. 208 n. 6.
(2) Suétone, Auq., 32 : collegia praeter antiqua et légitima dissolvll.
(3) C. ï L. VI, 2193 = 4416 : collegio symphonia:orum, qui sacris publias
praestu sunt, quilnis senatus c {oire) (convenire) dogi) permisit e lege Julia ex
auctoritale Aiiq(usti) ludorum coi/sa. Asconius, /« CorneL.^.l'y.postea (après
l'année 689/65, cpr. III p. 203 n. 1) ex s. c. et pluribus legibus sunt sublala
praeter pauca atqite certa, qiiae iitHilas civitatis desiderassel, qualia sitnt fabro-
rum liticiniimque {litlorumque dans le manuscrit; cpr. St. R., 3, 287, n. 3.
[Dr. Publ. 6, 1,326, n. 1]). Dig., 50,6,6, 12: collegia vel corpora, quibus jus
copundilege permissum est. De ces diverses lois, nous ne connaissons que
la loi Julia proposée plutôt par Auguste que par César.
(4) Dig., 3, 4, 1, pr. 47, 22, 3, 1. St. H. 2, 886. [Dr. Publ. 5, 1G4.]
{'6) Dig., 47, 11, 2. tit. 22, i, pr. En elTet, nous ne rencontrons pas do
collèges de soldats dans les inscriptions, sauf des exceptions insignifiantes.
(G) Dans la ville de Rome, le gouvernement a, du moins au début, pro-
cédé avec une iirudence particulière. Le collège des boulangers n'a été
autorisé pour l;i première fois à Rome que par Trajan (Victor. Caes., 13.
cpr. C. I. L.,X1V, 2213 de l'an 100 : pislor Roynaiiiensis e.v reg[ionibus] XIV),
d'autres collèges n'ont été permis que par Alexandre Sévère (Vila, 33).
ABUS DES jtRorrs 209
la liberté de s'associer, si le groupement, ordinairement cons- (877)
titué sous la forme d'une société cultuelle fondée pour honorer
une divinité déterminée, se formait comme caisse mortuaire,
et à la condition que les membres, en dehors des cérémonies
cultuelles, ne se réunissent pas plus d'une fois par mois (1) et
qu'aucun d'eux n'appartînt à plus d'une société de ce genre (2).
Comme aucune mesure publique n'était prise pour l'inhuma-
tion et comme on ne pouvait cependant pas se dispenser d'une
organisation générale à cet égard, la disposition législative
dont nous nous occupons ici paraît avoir eu essentiellement
pour but d'assurer ce service; l'admission des esclaves dans
ces sociétés et la défense d'appartenir à deux d'entre elles ap-
puient cette conjecture. — Le manquement à ces prescrip-
tions rentre dans le crime de violence publique, lorsque les
éléments de ce délit sont réunis (3); si ces éléments font défaut,
l'association peut naturellement être dissoute. En outre, il
n'est pas douteux, bien qu'on ne puisse pas le prouver directe-
ment, qu'une répression extraordinaire fut admise ici (4). La pro-
cédure d'accusation put également avoir lieu pour ce motif (o).
(1) Les règles fondamentales à cet égard sont posées par un sénalus-
consiilte, dont la disposition principale est contenue dans les statuts
d'un collège de Lanuvium, fondé en d36 et rentrant dans cette catégorie
(C. l. L.. XIV. 2112 = Bruns, p. 345 [Girard, Textes'^ p. 829], en abrégé :
Dif)., 47, 22, 1) : quib[us coireco]nvenire collegiumque habere liceat. Qui sfipem
inenslruam con ferre volen[t in fun]era, in it colleç/ium coeant neqiie sub specie
ejus coliegi nisi semel in mense c[oeant co\nferendi causa, unde defuncti sepe-
liantur. La disposition, Dif/., 47, 22, 1, 1: religionis causa coire non prohi-
henlur, ne déclare pas libres les sociétés religieuses en général, mais
autorise les sociétés permises à se réunir aussi souvent que le réclament
les exigences du culte.
(2) Dig., 47, 22, 1, 2.
(3) III p. 203 n. 1 et 2 et à propos de la violence, II p. 382. Peine de
l'exil : Tacite, Ann., 14, 17.
(4) Les collegia illicila, (Dig., 47, 22, 1, pr. 1. 2) sont encore distingués
des collegia sodalicia [Dig., 47, 22, i, pr.), sans doute sur le fondement de
la loi Licinia. De cette espèce sont les collèges qui furent dissous par
suite de la guerre que se firent entre elles sous Néron les cités voisines de
Poinpéi et de Nuceria (Tacite, Ann., 14, 17 ; C. /. L., IV, 1293) et les faclio-
nes de Nicomédie, qui provoquèrent les hésitations de Trajan (Pline, E/j. 33.
34) à permettre dans cette cité un collège de la catégorie la plus élevée.
(5) Accusation devant le préfet de la Ville : Dig., 1, 12, 1, 14.
Droit Pénal Romain. — T. III. 14
210 DROIT PÉNAL ROMAIN
13. Abus de la dénonciation fiscale.
L'abus du droit qui apparlieot à toute personne de susciter
une procédure pénale publique et les mesures répressives per-
(878) mises contre Vindex (II p. 187) et contre Vaccusator (II p. 181)
en cas de fausse dénonciation ou accusation forment la contre-
partie des primes accordées pour juste dénonciation ou juste
accusation ; nous en avons par suite parlé dans la procédure
pénale à propos de ces récompenses. D'ailleurs, cet abus ren-
tre principalement dans la liste des délits proprement dits
qui ont un fondement moral et non pas dans la présente Sec-
tion. — Il nous reste à parler ici de la dénonciation faite à
l'Etat d'une créance patrimoniale née à son profit. Elle a cer-
tainement du se produire à l'époque républicaine, mais ne s'y
manifeste pas d'une manière particulière (1); elle n'a acquis
d'importance que dans l'administration financière plus rigou-
reuse du Principat et grâce notamment à la législation succes-
sorale d'Auguste (2). Celle-ci a pour principal objet — les dé-
tails de cette législation ne peuvent être exjiosés en droit pénal
— premièrement, d'appeler l'Etat en dernière ligne comme
héritier, lorsqu'un citoyen romain meurt sans héritiers légiti-
mes (3), et, en second lieu, d'attribuer h. l'État les hérédités
(1) Des dénonciations de ce genre, par exemple pour usurpation de Va-
er ptiblicus ou pour fraude en matière de douanes, ont dû se produire
sous la République (Gaius, 4, 28; Gicéron, Verr., l. 2,70, 171); mais on
peut plutôt reprocher au gouvernement de cette époque de négliger les
droits financiers de la communauté que de commettre des exagérations en
sens contraire et il n'y a certainement pas eu à cette époque de récom-
pense pour de telles dénonciations.
(:2) Tacite, Ann., 3, 28, (cpr. 25) rattaclie l'apparition de la fiscalité
(acriora e.r eo vincla) et di'S délateurs d'hérédité à l'ctalilissement du Prin-
cipat par les lois de 720/28 : inditi custodes et ler/e Papia Poppaea (an 9 ap.
J.-G.) praemiis iridiidi, i/t, si a priviler/iis parentwn cessnreliir {c'est-;\-dire
si l'on ne se prémunit pas là contre par le mariage et la paternité) velut
parens omnium populus vacanlia teneret.
(3) Ulpien, 28, 7 : .si nemo sit ad qiiem bonorum possesisio pertinere possit
aiit sit quidem, sed jus snum omiserit, populo bona deferuntur ex Icf/e Julia
caducuria. Tacite, Ann., 2, 48. Gelto règle a été transportée plus tard de
l'hérédité aux autres objets sans maître, bien que la conception origi-
ABUS DES rnoiTS 211
et les legs, lorsque les acquisitions à cause de mort sont nulles,
notamment par suite des lois d'Auguste sur les gens non ma-
riés et sur les gens mariés sans enfants. — Ces nouveaux reve-
nus de l'Etat provenant des biens successoraux sans maître
{hona vacaniia) ou caducs {bona caduca) ont pour corollaires
de nombreux autres revenus du môme genre, mais de moindre
importance, qui échoient pour partie au sénat et pour partie à
l'empereur (1) ; tels sont, par exemple, les dispositions de der-
nière volonté faites au profit de l'Etat ou do l'empereur et les
trésors trouvés, dans la mesure où ils deviennent choses pu- (879)
bliques d'après les lois de l'époque impériale. L'encaissement
des émoluments qui compétent ainsi à l'État est en général réa-
lisé par les préfets de Vaerarium (2) ; quant à l'empereur, il fait
percevoir les émoluments qui lui sont destinés par ses agents
des finances, par exemple, en Egypte, par Vidiologus (3). De
tels débiteurs pouvaient, lorsqu'ils ne se faisaient pas connaître
eux-mêmes à l'autorité compétente, non seulement être dénon-
cés par un tiers; mais on accordait môme à toute dénonciation
convenablement appuyée sur des preuves et couronnée de
succès une récompense, qui semble avoir été élevée au début
et qui fut depuis iVéron du quart de l'avantage procuré (4).
Lorsque la prétention à.&Vacj^arium était contestée, la décision
appartenait en droit à un ou plusieurs^agents des finances, qui
naire, d'après laquelle la chose sans maître peut être occupée par toute
personne et acquise par usucapion, ait toujours subsisté en principe.
(J) Gallistrate, Dirj., 49, 14, 1 nous en donne un aperçu d'ensemble. Les
causes de délation et par conséquent la délation elle-même ne peuvent
être exposées en droit pénal.
(2) A Rome et en Italie, ces délations vont ordinairement à Vaerarium
de la communauté (cpr. par ex. Pline, Pan. 36; Dig. 40, 5, 4, 20). Les
préfets dont il est question ici sont ceux que l'empereur Marc-Auréle,
dans un procès d'hérédité, désigne aux. avocats du fisciis commoi Judices
vestri {Dif/., 28, 4, 3) et ceux qui sont poursuivis dans de tels procès sont
les rei qui apiid aerariuni pendent (Suétone, Dom., 9).
(3) Strabou, 17, 1, 12 p. 777 : ô itpoo-ayope-jôixïvo? (S'.oAÔyo;... xwv àSîTiroTwv
xal Tôiv £Îç Kafcrapa Tctntciv ô:pc'.).6vTwv sIsTaTTriÇ èdTt. ,
(4) Suétone, Ner., tO : praemia delatorum Papiae legis ad quartam redegil.
On rencontre aussi cette quarte à propos de la délation criminelle comme
prime donnée aux accusateurs (II p. 202 ; III p. i'ôl).
212 DROIT PÉNAL ROMAIN
pouvaient renvoyer l'affaire à des jurés, mais qui ordinaire-
ment la tranchaient eux-mêmes (1). Les prétentions analogues
du fiscus impérial devaient en droit aller devant le préteur et
des jurés et celte procédure fut suivie dans une certaine me-
sure; toutefois ces réclamations furent de plus en plus liqui-
dées par voie administrative (2).
Cette dénonciation faite à l'administration des finances est
la délation proprement dite (3) ; l'abus effrayant qui en fut
fait, notamment en matière héréditaire, exige qu'on accorde
à cette matière une place en droit pénal. Lorsque la dénoncia-
tion fiscale a lieu dans uneintentiou de lucre, elle est assimi-
lée au fond et dans la terminologie à l'action criminelle in-
tentée dans le môme but, et, dans les récits historiques, on ne
distingue pas le plus souvent entre la délation criminelle et la
(880) délation fiscale (4). Au fond, l'abus de celte dernière a vrai-
semblablement causé plus de tort à la communauté que celui
de l'accusation. A vrai dire, la procédure de calumnia, possi-
ble contre l'abus de la délation criminelle, n'a jamais été ap-
pliquée à la délation fiscale; celle-ci n'en a pas moins été très
fréquemment réprimée par voie de procédure criminelle. La
délation fiscale faite à tort fut ordinairement (3) réprimée
comme délit grave par les souverains qui ne se laissèrent pas
entraîner aux excès de la fiscalité ; elle fut souvent punie du
bannissement (G) et ceux qui faisaient profession de ces dénon-
(1) SI. fi., 1, 169 et sv. 2, 463. 1020 et sv. [Dr. Publ.. 1, 193 et sv. 4,
154. 5, 315 et sv.].
(2) St. R.. 2. 1021 et suiv. [Dr. Publ., 5, 317 et sv.j.
(3) Nos sources juridiques visent d'une manière absolue la délation
fiscale; ici le mot n'est pas pris dans un sens odieux, ainsi que le montre
notamment la mention fréquente de la délation de soi-ménif. Dans le lan-
gage des historiens, notamment de ceux de la dernière période, le mot
désigne principalement la délation criminelle.
(4) La longue diatribe de Pline, Paner/., 34-36 contre les délateurs vise
principalement les délateurs d'hérédité {nulla jam testamenta recura) ; mais
la stigmatisation pour cause de calumnia. qui a dû s'appliquer ici, ne
peut se rapporter qu'à l'abus de l'accusation.
(5) Pour excuser une délation sans fondement, on exige qu'il y ait copni'
Ho et abolilio {Duj., 49, 14, Ij, pr.).
(6) Domitien (Suétone, Do)n., 9 ; d'après lui Dion 67, 1) prescrivit, sans
ABUS DES DROITS 213
cialions furent frappés d'infamie, même lorsque leurs délations
étaient exactes (1). Le gouvernement a pendant un certain
temps prohibé la délation fiscale, tout au moins théoriquement,
en la menaçant d'une peine (2) ; on est même allé jusqu'à
frapper de la peine de mort celui qui faisait une troisième dé-
nonciation, même si celle-ci était exacte ou pouvait l'être (3).
Toutes ces mesures n'ont cependant pas abouti à faire donner
une définition juridique de ce curieux délit.
14. Autres contraventions.
Les dispositions pénales que nous réunissons ici sont diri-
gées contre des abus commis dans l'exercice d'une magistra-
ture ou dans le service du jury ou dans d'autres fonctions pri- (881)
vées ou publiques. Issues pour la plupart d'un état de choses
passager et adaptées à cet état, elles appartiennent, plus encore
doute seulement pour la reprise de procès de Vaerarium perdus, ut accu-
satori, qui causam non teneret, exiliinn poena esset et procéda avec la même
rigueur ou même avec une rigueur plus grande contre la délation dans
des procès du fiscus. Trajan, qui exila les délateurs en masse (Pline, Pa-
7ieg.. 34. 35), Macrin (Vita, 12) et Aurélien (Victor, Caes., 13 ; Vita, 39) agi-
rent de même. A vrai dire, toutes ces mesures ont le caractère de mesu-
res extraordinaires prises en cas de nécessité ; l'institution des délateurs
est en elle-même de nature si perverse que les moyens réguliers du droit
ne suffisent pas à réprimer les abus et que le droit strict doit être ici
violé par un acte injuste en droit strict.
(1) Le biographe de Macrin poursuit [delatores) si probarent, delato pecu-
niae praemio infâmes dimisit. Dans le même sens, on peut citer le fait de
Septime Sévère qui accorde à un délateur de ce genre la récompense,
mais lui retire en même temps pour cause d'indignité le legs qui lui a
été fait (Dig., 34, 9, 1). On fait pour cette raison spécialement remarquer
que la délation peut avoir lieu aussi pour d'autres motifs que le propre
intérêt du délateur (Dig., 49, 14, 2, pr. 1. 44). Autres preuves pour l'infa-
mie qui s'attache à la délation : Dig., 34, 9, 5, 13. Cod., 9, 35, 3.
(2) On peut rapporter au gouvernement d'Alexandre Sévère, l'empereur
de la bonne volonté et des pieux désirs, ce que Paul dit dans son Précis
(dont on ne peut fixer la date d'une manière absolue) 5, 13, 1 : omnes oin-
nino déferre allerum et causam pecuniariam fisco nuntiare prohibentur, nec
refert, mares islud an feminae faciant, servi an ingenui a7i libertini, an suos
an extraneos; omni enim modo puniuntur.
(3) C'est ce que décident relativement à la dénonciation de fonds sans
maîtres des constitutions de 380 et 418 (C. TA., 10, 10, 13. 28).
214 DROIT PÉNAL ROMAIN
que celles qui ont été exposées jusqu'ici dans cette Section
(III p. 468), à la législation positive et l'idée d'un dol criminel
passe chez elles complètement à l'arrière-plan. En outre, notre
documentation, qui malheureusement dépend trop souvent du
hasard, est ici tout à fait subordonnée aux caprices de ce der-
nier. Toutefois, les renseignements que nous possédons con-
cordent pour nous permettre au moins cette constatation né-
gative que toutes ces dispositions n'ont pas été comprises dans
la systématisaiion du droit pénal et que manifestement la
science du droit ne s'est jamais efforcée de les faire rentrer
dans les catégories fondamentales de ce système. Le crime
d'État, qui est en principe un crime capital, n'embrassant que
les cas les plus graves de violation des devoirs incombant au
magistrat ou au citoyen (II p. 266. 269), un grand nombre des
actions que nous avons à mentionner ici se présentent comme
complétant la répression du crime d'Etat. Comme l'absence
de fondement moral ne permet pas l'application de peines gra-
ves, la punition consiste ordinairement en amendes, qui peu-
vent, il est vrai, entraîner aussi la ruine de l'existence civique.
Dans leur ensemble, ces actions constituent un facteur appré-
ciable de la procédure pénale romaine. Cela tient notamment
à ce que dans la dernière période de la République la coercition
arbitraire du magistrat a été fréquemment remplacée par des
procédures d'amendes, qui sont parfois soumises à la décision
des comices, mais qui sont ordinairement tranchées par des
jurés; ces actions ont donc ainsi une importance considérable
pour la restriction progressive des pouvoirs du magistrat. Ces
actions, disparates comme toujours, peuvent prétendre à une
place dans un exposé du droit pénal romain, tout au moins
sous forme d'exemples (1). Pour les règles de procédure appli-
(1) Diverses actions de ce genre ont déjà été examinées à i)ropos des
différents délits principaux; telles sont celles qui résultent des idébisci-
tes votés avant le développement du crime de faux contre la falsification
de la monnaie (II p. 395) et contre l'établissement de fausses mesures et
de faux poids (II p. ;$'J9). — Nnus avons laissé de côté comme une invention
tardive et maladroite l'indication inconciliable avec les règles sur les
ABUS DES DROITS 215
csibles h ces ?nult(/e, nous devons renvoyer au Livre suivant. —
Les cas particuliers qui sont ici cités sont principalement em-
pruntés, d'une part, à la tradition républicaine, d'autre part,
aux lois municipales de la fin de la République et du commen-
cement de l'Empire. Nous ne songeons nullement à être com-
plets; il nous a paru superflu d'enregistrer, même en nous
limitant à des exemples, les prescriptions pénales analogues,
dirigées contre les fonctionnaires et le plus souvent aussi con-
tre leur personnel de bureau, qu'on rencontre en grand nom-
bre dans les constitutions de la dernière période,
I. Irrégularités dans l'exercice d'une magistrature.
1. Les contraventions commises dans la présentation des lois
conduisent à des procès répressifs soit en vertu de la loi Aci-
lia et de la loi Fufia en cas de manquement aux règles reli- (882)
gieuses (1), soit en vertu de la loi Licinia Junia de 692/62,
lorsqu'on néglige de déposer le projet de loi dans l'aéra-
rium (2). Le procès a la forme de la quaestio; (3) la peine
n'est pas connue.
2. La clause finale des lois (sanctio) non seulement libère
ordinairement de la peine établie par celles-ci les person-
nes qui pour les observer violent une autre loi (4), mais elle
frappe aussi fréquemment d'une peine, le plus souvent d'une
milita, ceux qui sans enfreindre une des règles spéciales, objet
principal de la loi, agissent à l'encontre des dispositions plus
générales qui y sont contenues (5). Il faut donc citer ici
spécialement à côté des menaces de peine dirigées contre l'a-
mullae, d'après laquelle en 386/368 Camille, après sa nomination comme
dictateur, aurait été frappé par un plébiscite d'une amende de 500,000 as
pour chaque acte accompli dans l'exercice de ses fonctions (Tite-Live, 6,
38, 9).
(1) S/. R., 1, Ml, [Dr. Publ., 1, 127].
(2) St. /}., 2, 546. 3, 371. [Dr. Publ., 4, 246. 6, 1, 426].
(3) Cicéron, In Vat., !4, 33. Ad AU., 4, 16, 3.
(4) St. R.. 3, 362. [Dr. Puhl.. 6, 1. 415].
(5) On ne peut pas comprendre autrement l'action prévue par la 1. 56
de la lex Acilia repelundarum et résultant de la sanc/io (perdue) de cette loi.
216 DROIT PÉNAL ROMAIN
bolition de la loi, les prescriptions fréquentes qui imposent
aux magistrats (1), pour l'époque postérieure à leur entrée en
fonctions, et aux sénateurs (2), l'obligation de s'engager par
serment à l'observation de la loi et frappent d'une peine pé-
cuniaire ceux qui négligent de prêter ce serment.
3. La violation des règles de l'intercession, telles que Sylla
les a établies (3), est punie d'une amende grave réclamée
devant le préteur par voie d'action civile (4). De même, d'a-
(883) près le droit municipal de Malaca, celui qui empêche la coer-
cition par une intercession encourt une amende de 10.000 ses-
terces (5).
4. Tenue irrégulière des registres (G).
5. Le magistrat qui admet au partage des céréales dans la
capitale une personne qui n'y a pas droit est frappé de l'a-
mende élevée de oO.OOO sesterces pour chaque mesure indû-
ment attribuée (7).
(1) st. R., 1, 621, n. G [Dr. publ., 2, 293, n. 4] où nous avons inexactement
rapporté l'amende qui fait l'objet du procès deC. Junius en 680/74 à la loi
sur le meurtre que celui-ci avait précisément à appliquer comme magis-
trat ; les mots de Cicéron, Pro Cluentio, 34, 02 : si in aliqaam ler/em cdiqtiando
non juraverat montrent qu'on peut penser à toute loi munie de la clause
du serment. Les paroles de Cicéron {ihid., 33, 01 : quae ves nemini iimquam
fraudi fuit) prouvent en outre que cette prestation de serm.ent était une
formalité indiiïérente. — Lorsqu'une loi prononce, contre celui qui refuse
de s'engager par serment à l'observer, la perte de la fonction {St. R.. 1, 621
[Dr. publ., 2, 293]), ou du siège sénatorial {St. R., 3, 883 [Dr. piihl., 7, 59]),
celte conséquence ne peut être considérée comme une peine au sens ju-
ridique du mot, de même qu'on ne peut considérer comme telles les me-
sures législatives restreignant par de nouvelles conditions la capacité
requise pour être magistrat ou sénateur.
(2) D'après la loi Appuléia, le sénateur qui refuse de prêter ce serment
non seulement perd son siège de sénateur, mais est encore frappé d'une
amende de 12000 sest. (Appien., B. c, 1, 29).
(3) St. R., 2, 308 [Dr. publ., 3, 354].
(4) Cicéron, Verr.. 1. 1, 60. 155.
(5) Lex Malac, c. 58.
(6) Cicéron, l'ro Cluentio, 33, 91 : quod C. Verres praetor urbanus . . sitbsor-
titionem ejus (c'est-à-dire le recrutement complémentaire du jury provo-
qué par le président) in . . codice non haberct. Cette action et celle qui est
mentionnée III p. 216, n. 1 sont intentées eadem fere lege et crimine (Cicé-
ron, Pro Cluentio, 37, 103), c'est-à-dire sur le fondement de la loi de Sylla
relative au jury.
(7) Lex Julia municipatis, 1. 18 : quoi aduei'sus ea eorum quoi frumentum de-
ABUS DES naoïTS 217
6. D'après les droits municipaux, les magistrats encourent
des amendes, s'ils négligent de prêter le serment qu'ils doi-
vent fournir après leur entrée en fonctions (1), s'ils omettent
les sacriûces obligatoires (2), s'ils négligent de faire prêter
serment à leurs subalternes (3), s'ils permettent à des per-
sonnes qui n'y ont pas droit de briguer une charge (4), de
prendre place dans l'assemblée municipale (o), de devenir pa-
tron de la cité 1^6) ou d'occuper une place privilégiée au théâ-
tre (7).
n. Irrégularités dans le service du jury.
1. Défaut sans excuse suffisante (8).
2. Le fait de siéger dans un jury en dehors de l'ordre lé-
gai (9).
3. Retard apporté dans le vote (10).
III. Contraventions diverses. (884)
1. Nous ne savons pas jusqu'où la brigue ou acquisition
d'une magistrature en l'absence des qualités requises était
deril, is in Irilici m(odios singulos sesterllum quinquaqena milia) populo dure
damnas esto ejusque pecuniae quel volet peliiio eslo.
(1) Lex Salpensana, c. 26 : 10 000 sest.
(2) Lex col. Gen., c. 128 : 10 000 sest.
(3) Lex col. Gen., c. 81 : 5 000 sest.
(4) Lex Julia municipalis, 1. 98 et sv. 134 et sv. : 50 000 sest.
(5) Lex Julia municipalis, 1. 105 et sv.
(6) Lex col. Gen., c. 97 : 5000 sest. ; lex Malac, c. 61 : 10 000 sest. Si ce-
lui qui a été choisi à tort comme patron de la cité est un sénateur romain,
l'amende s'élève à 100 000 sest. : lex col. Gen., c. 130.
(7) Lex col. Gen., c. 125. 126 : 5 000 sest.
(8) La clause de la loi ïullia sur Vambitus, d'après laquelle morbi excu-
sationi poena addila est (Gicéron, Pro Mur. 23, 47) ne peut pas s'appliquer
à l'accusé (comme cela a eu lieu à tort II p. 71 n. 6), car elle est « désa-
gréable pour beaucoup » [volunlas offensa multorum) ; mais elle s'entend
très bien des jurés.
(9) Gicéron, Pro Clueniio, 37, 103 : miilia petita, quod non suae decuriae
munere neque ex lege sedisset.
(10) II p. 103 n. 3. La lex Acilia repetundarum 1. 48 établit une peine de
5 000 sesterces, quotiensquomque « amplius » bis in uno ju[dicio pronontialum
fuerii].
218 DROIT PÉNAL ROMAIN
punie par les lois de la République. L'usurpation d'une magis-
trature par un esclave était punie de mort et rangée pour celte
raison dans les cas de perduellion (II p. 2G6). Quant à la ré-
pression des cas moins graves, par exemple de la violation de
la loi de l'annalilé, nous n'avons pas de renseignements. La
brigue d'une charge municipale sans les qualités requises est
frappée de l'amende grave de oO.OOO sesterces par la loi Ju-
lia (1). Pendant la dernière période de l'Empire, alors que les
fonctions subalternes devaient se succéder dans un ordre hié-
rarchique fixe, il était interdit sous peine grave de briguer
deux fois la même charge (2) ou de briguer sans droit une
charge de la première classe {'S).
2. 11 en est de môme pour le fait de siéger au sénat sans
avoir qualité pour cela; les prescriptions relatives à Rome,
telles que nous les connaissons, ne prononcent aucune peine
pour ce cas; la lex Julia mimicipalis établit ici la même peine
que dans le cas précédent (4).
3. Lorsqu'un membre d'une assemblée municipale ne pos-
sède pas dans la cité en question une maison d'au moins
1500 briques qui lui appartient en propre, il paie à la caisse
de la cité une amende annuelle (5).
4. Refus de se charger d'une légation municipale (6).
5. Refus de passer dans une colonie latine nouvellement
fondée par l'Etat (7).
6. Lorsque l,a mémoire du dictateur César eût été consacrée,
celui qui refusait de prendre part à la célébration de l'anni-
versaire de naissance du dictateur était frappé d'une amende
(1) Lex Julia municipalis, 1. 29.
(2) C. Th., 9, 26, 2 (rr C. Jttst., 9, 26. 1). 4. Cela est appelé amhitus con-
trairement à l'ancien usage du langage.
(3) C. Th.. 9, 20, 1.
(4) Lex Julia municipalis, 1. 108 et sv.
(5) Lex Tarentina, 1. 26 et sv. Peine de 5 000 sest.
(6) Lex col Gen., c. 92. Peine de 10 000 sest.
{!) Cicéron, Pro Caec, 33, 98 : in colonias Lalinnti . . 7wstri cives . . aul
sua vnluntate aut legis mulfa profecli sunt, quam multam si su/ferre vuliiissent,
matière in civitale poluiasenC. Cpr. Phil., 8, 1, 4.
ABUS DE^ DROITS 219
grave d'un million de sesterces, s'il était sénateur ou fils de
sénateur. En outre, ce même refus était traité d'une manière (885)
générale comme crime d'Etat et frappé de la peine capitale
(II p. 270 n. 4). On voit apparaître nettement ici l'opposition
des deux systèmes de pénalités et l'inefficacité des mesures
répressives lorsqu'on les sanctionne par une peine grave, tan-
dis que la menace d'une amende est efficace.
7. Lorsqu'on proteste sans droit contre Vabductio du débi-
teur insolvable de la communauté faite par le représentant de
la cité dans la procédure d'exécution, le droit municipal
frappe le falsus vindex d'une amende de 20.000 sesterces (1).
8. A l'époque impériale, on punit sévèrement celui qui s'en-
richit injustement en faisant miroiter aux yeux des particu-
liers l'appui qu'il donnera à leurs sollicitations auprès de
l'empereur (2) ; toutefois, il s'agit plutôt là d'une répression
domestique exercée vis-à-vis des serviteurs de l'empereur que
d'une procédure à proprement parler criminelle.
9. Lorsqu'une personne désobéit au magistrat qui exerce la
juridiction, celui-ci peut, abstraction faite de son pouvoir de
coercition, établir un jury chargé de prononcer une amende
convenable (3) ; il évite ainsi \ appellatio possible en cas de
miiltae dictio (I p. GO).
(1) Lex col. Gen., c. 61.
(2) Les ouvrages de droit ne parlent pas des fumi vendilores, comme on
a coutume d'appeler les gens de cour plus ou moins influents. Les ren-
seignements que nous donnent à cet égard des ouvrages littéraires d'or-
dre inférieur (Martial, 4, 5: Vita Pli.W, Elag.. \, Alex., 23. 35. 67) parais-
sent, dans la mesure où ils correspondent à la vérité, devoir être classés,
soit parmi les actes de discipline domestique, soit parmi ceux de pure
violence. La rémunération promise pour l'appui à donnera une demande
adressée au gouvernement peut, d'après une constitution de Théodose I,
être réclamée par une action, quand la demande est agréée (C. Th., 2, 29,
1 = C. Just., 4, 3, 1).
(3j Ulpien, DUf., 2, 3, 1 : omnibus magislratibus, non tamen duumvirissecun-
dum jus potestatis suae concessum est jurisdictionem suam defendere poenali
jndicio .. hoc judicium . . quanti ea res est concluditur : et cum meram poe-
nam conlineat, neque post annum neque in heredem datur. Le magistrat ro-
main peut contre celui qui ne se soumet pas à sa sentence se servir soit
de son pouvoir de coercition, soit introduire sur la base de l'édit du
préteur un judicium recuperatorium d'amende, de telle façon que lui-même
220 DROIT PÉNAL ROMAIN
10. Le muiuuni conclu entre un préleur romain et le re-
présentant envoyé à Rome par une cité sujette est réprimé
(886) par la loi consulaire Gabinia de 69G/o8; cette loi dépouille ce
prêt de la sanction d'une action et inflige aux deux parties
une peine, qui est vraisemblament une amende fixe (1).
11. Les magistrats municipaux, qui ne prêtent pas leur con-
cours, pour la recherche des esclaves fugitifs, au propriétaire
muni d'une légitimation convenable, encourent d'après un
sénatus-consulte une amende de 10.000 sesterces (2). Nous
avons déjà fait remarquer précédemment (III p. 53 n. 3) qu'en
pareil cas le particulier est puni d'une manière analogue.
ou un citoyen quelconque se présente comme demandeur. Le magistrat
municipal n'a que la coercition (I p. 44).
(1) Cicéron, Ad. Alt., 5, 21, 12.6, 2, 7. L'exception établie par un séna-
tus-consulte pour un cas particulier : utneve Salaminis neve quieisdedisset
fraudl essel, ne permet pas de reconnaître la nature de la peine ; mais on
ne peut songer qu'à une muUa fixe.
(2) Dig., 11, 4, 3 ; centum aurei.
SECTION XII
(887)
CONCOURS DES ACTIONS DÉLICTUELLES
Nous avons déjà exposé dans le Livre IH (Il p. 48 sv.) les concours
,.-,. j'VJ ^^^ actions
règles qui s'appliquent à la reunion de plusieurs délits dans déiictueiies.
un même procès. Mais un même délit (1) peut fonder plu-
sieurs actions. Si celles-ci naissent au profit de personnes dif-
férentes, elles suivent chacune leur cours les unes à côté des
autres et aucune explication spéciale n'est nécessaire dans ce
cas (2). Au contraire, lorsque le délit a été commis contre une
seule personne ou lorsqu'on sa qualité de crime public il n'at-
teint pas une personne déterminée, on peut se demander s'il
ne fera l'objet que d'un débat judiciaire ou s'il y a lieu d'au-
toriser plusieurs actions à son occasion.
Le même acte ne peut, par voie de procédure pénale, donner Le concours
lieu qu'une seule fois à l'application do la notion délictuelle *{or'mesde
procès n'est
pas admis.
(1) La perpétration successive de différents délits ne change naturelle-
ment rien à la répression de chacun d'eux : qui hominem subrîpi/it, dit
Ulpien {Dif/., 47, 1, 2, 1) et occidit, quia subripuit, fiirti, quia occidit, Aquilia
tenelur, neque altéra harvm actionum alteram consumit. Lorsque plusieurs
personnes agissent en commun, il y a autant de faits punissables qu'il
y a de personnes qui ont coopéré à l'acte, et comme le droit pénal ne
connaît en principe l'indemnité du préjudice que comme mesure de la
peine à appliquer (I p. 14 n. )), la poursuite d'un de ces délits n'entraîne
pas ordinairement l'extinction des autres actions.
(2) Lorsque par exemple la même injure atteint le mari, la femme et
le fils, elle donne naissance à trois actions et le père agit tant pour lui-
même que comme représentant de son fils [Uiri., 47. 10, i, 9. 1. 18, 2. 1. 41).
222 DROIT PÉNAL ROMAIN
fondamentale établie par la loi ou par cette autre source du
droit qui lui est équivalente, par la coutume; les différentes
formes de procédure, qui sont éventuellement possibles, ne
peuvent être exercées qu'au choix. L'action pour cause de
crime d'Etat peut être portée au début devant les tribus ou
les centuries,, plus tard devant les comices et devant la quaes-
(888) tio, mais ne peut pas venir successivement devant les deux
tribunaux (1). Celui qui a obtenu le double de la valeur par
Vactio fiirti ne peut pas renouveler l'action en se fondant sur
ce que le fwlum était manifestum (2). Celui qui a porté l'ac-
tion d'injure devant des récupérateurs ne peut pas agir en
vertu de la loi Cornélia (3). En cas de vol ou de dommage
causé à la chose d'autrui par l'aubergiste ou le maître du na-
vire, la victime a le choix entre l'action ordinaire et l'action
spéciale donnée par le préteur; mais l'exercice de l'une rend
l'autre impossible (4). Aucune action ne peut être renouvelée
afin d'y ajouter la clause noxale(o).
Pour déterminer les règles fondamentales qui sont ici appli-
cables, il ne faut pas perdre de vue que l'admission d'un acte
dans la catégorie d'un délit grave l'exclut des catégories infé-
rieures (6). Ainsi, le meurtre du magistrat étant réprimé comme
perduellion. il est difficile qu'il ait été compris dans le domaine
(1) A vrai dire nous n'avons pas de pi-euves à donner en ce sens ; mais
Kabirius n'a pas pu être poursuivi deux fois. Il faut bien entendu ne
pas perdre de vue qu'il n'y a pas d'acquiltonient formel dans les procès
relevant exclusivement du magistrat (II p. 132).
(2) Cela ne résulte à vrai dire que de la logique et du silence des
sources.
(3) Les InsL, 4, 4, 10 ne permettent pas d'en douter pour le droit ré-
cent; l'ancien droit sépare les champs d'application dilïéronts de ces
deux formes de procédure (III p. j 18 n. 4).
(4) lUf]., 4. 9,6,4. Très voisine est la proposition d'Ulpien (l>ig., ^0, 17,
43, 1) : quotiens concurrimt plures actiones ejusdem rei nomine, una fjuis e.rpe-
riri rlchet, qui, comme le montre la rubrique, se rapporte aux actions
naissant d'un contrat conclu par un gérant d'affaires pour celui-ci et
pour le maître de l'affaire.
(.•5) Dig.. 9, 4, 4, 3.
(6) On ne rencontre pas chez les Romains la conception d'après la-
quelle, lorsque {dusieurs peines sont encourues à raison d'un mémo acte,
la plus forte absorl)0 la plus faible.
CONCOURS DES ACTlOXs DÉLICTUELLES 223
d'application de la loi sur le meurtre (1). L'action d'injure
n'est pas possible, lorsque l'acte injurieux est punissable
comme crime d'Etat (H p. 97 n. 1) ou comme adultère (II p. 4 IG;
III p. 103). Le caractère subsidiaire de l'action de vol civile
ou criminelle (II p. 401 sv.) est expressément affirmé.
Mais lorsqu'un môme fait juridique fonde plusieurs actions,
que l'une d'elles soit délictuelle et l'autre non délictuelle, ou
que plusieurs soient délictuelles, on applique les règles sui-
vantes.
1. Lorsqu'un même fait donne naissance à une action dé- concours
lictuelle et à une action non délictuelle. toutes deux sont en
elles-mêmes indépendantes l'une de l'autre (2) et elles le sont
délictuelles
et des actions
non
également pour l'ordre dans lequel elles peuvent être exer- déiiciueiies.
cées. La pétition d'hérédité peut être intentée contre le dé- (889)
tenteur de l'hérédité qui s'est rendu coupable d'une falsifica-
tion de testament (3), l'action du contrat (4) ou l'action de
tutelle (5) peut être exercée en cas de divertissement. D'une
manière générale, il est permis de faire valoir par toute action
non délictuelle la créance fondée sur un délit (G). En outre, le
demandeur est libre d'intenter l'action non délictuelle avant
(1) Les sources sont muettes sur ce point.
(2) Lorsqu'Ulpien (Vig., 27, 3, 1, 22) justifie cette règle de la manière
suivante : nec eadem est obligatio furli ac tutelae, ut qia's dicat plures esse
actiones ejusdem facti, sed plures obligaliones, Videm faclum est entendu non
pas comme désignant le même acte, mais comme désignant le même fait
sur lequel reposent les actions.
(.3) C. Just., 9, 22, 9. 16. C. Th., 9, 19, ^= C. Just., 9, 22. 23. C. Ji/st., 9,
22, 24. La question de falsification du testament peut également être sou-
levée dans l'interdit de tahulis exhihendis. Dig., 4, 3, 9, 2. 43, 5, 3, 6. C. Th.,
9, 20. i — C. Just., 9, 31, 1.
(4) Actio pro socio : Dig., 17, 2, 4j, où l'on ajoute : nec altéra aclio alteram
totlit. — Dépôt : Uig.. 16, 3, 23, pr. — Gommodat: Dig., 13. 6, 5, 8. — Man-
dat : Dig., n, 1, 22, 1.
(o) Dig.. 27, 3, 1, 22 (III p. 223 n. 2). 1. 2, l : altéra (aclio) alteram non
ta m t.
(6) Nous avons parlé III p. 60 et sv. du concours de la revendication
avec l'actio furli et la condiclio furtiva. — Violence et revendication : Cod.,
9, 12, 7, pr. — Exaction et condictio fondée sur l'enrichissement injuste :
Cod., 4. 7, 3. — Usurpation de l'ingénuité et aclio operarum: C- Th., 9, 20,
1 rr C. Just., 9, 31, 1. — Actio de arborihus siiccisis et actio locati : Dig., 47,
7, 9. — Actio legis Aquillio.e et actio commodati: Dig.. 13, 6, 7, 1.
224 DROIT PÉNAL ROMAIN
l'action délictuelle ou de suivre l'ordre inverse (1). La seule
restriction consiste en ce qu'il n'est pas possible, tant que le
procès d'adultère est pendant, de poursuivre dans l'action de
dot les conséquences d'ordre patrimonial du délit d'adul-
tère (2). Mais, si les deux actions tendent à faire obtenir une
prestation en argent, il n'y a ordinairement que la somme la
plus élevée qui doive être payée. Donc, si l'action la moins
importante est intentée la première, l'autre ne peut être
exercée que pour la différence (3).
Concours 9^ ^^^ même règle régit le concours de plusieurs actions dé-
Hes actions 00 j.
déiictueiies dont lictuellcs, lorsque le délit rentre dans des catégories criminel-
mo^raust^'i^égai. les dlstinctes au point de vue moral (^4). Ce principe s'applique
(890) tant au concours de plusieurs actions déiictueiies publiques (5)
qu'à celui de plusieurs actions déiictueiies privées. Toutefois,
lorsque deux actions de ce genre, qui ne sont pas également
justifiées au point de vue moral, tendent à faire obtenirla pres-
(1) Cette règle est reconnue d'une manière générale au C. Th., 9, 20, 1
r= C. Jiist., 9, 31, 1 ; pour le crime de faux en matière de testament : Cod.,
9, 22, 16.
(2) C. Th., 9, 7, 7= C. Just., 9, 9, 32. C. Th., 9, 20, l = C. Jusl., 9, 31,
2 : cum una excepta sit causa de morihiis.
(3) Dly., 47, 7, 41, 1 : si ex eodem fado diiae competant acliones, posteaju-
dicis potius (écrire judir.anlis) parles esse, ni quo (écrire quod) plus sit in
reliqua aclione, id aclor ferai, si tanlundem aut minus, id consequatur (ici, il
faut remplacer id par nil ou bien supprimer les mots ferai si l. a. m. id).
Application à l'action de vol et à l'action pro socio (Dig., 17, 2, 47, pr.); à
l'action lef/is Aquilliae et à l'action commodati (Dig., 13, 6, 7, 1).
(4) LHg., 44, 7, 32 : cum ex uno deliclo plurrs nascunlur acliones, sicul eve-
nil cum arbores furlim caesae dicuntur, omnibus experiri permitli post magnas
varielales ohlinuil. Dig., 47, 1, 2, pr. : numquam plura delicta concurreniin
faciunl, ul uliius impunilas detur; neque enint delictum oh aliud deliclum mi-
nuit poenam. Cod., 9, 2, 9, 1 : si ex eodem fado plurima (écrire plura) cri-
minu nas'untur et de uno crimine in accusationem fuerit deduclus, de allero
non prohibelur ab alio deferri. Dig., 44, 7, 60 =50, 17, 130 = Inst., 4, 9, 1 :
numquam acliones praeserlim poenales (on vise ici tout d'abord les actions
pour dommages causés par des animaux et les actions édiliciennes de fe-
ris) de eadem re (ou pecunia) concurrentes alla aliam consumil.
(5) Inceste et adultère : Dig.. 48. 18, o (II p. 408 n. 3). Meurtre et vol
do grand chemin : Cod., 9, 2, Il (II p. 346 n, 4). Rien ne s'oppose à ce que
ces deux délits soient renvuyés à la \\\è\\\e quaestio. — Justinien, (Cod., 9,
13, 1, 1 a) ne dit pas que l'enlèveiiient peut être puni comme rapine et
comme adultère, mais seulement que cet acte comme duplex crimen con-
tient en soi des éléments de ces deux délits.
CONCOURS DES ACTIONS DÉLICTUELLES 225
tation d'uae somme d'argent, ce qui est toujours le cas pour les
actions délictuelles privées, toutes deux sont permises, mais il
suffit que la peine la plus élevée soit fournie, de telle façon
que si l'action la moins importante est exercée la première,
on ne peut réclamer par la seconde que le supplément. C'est
ainsi que sont traitées l'action de vol et celle de rapine, l'ac-
tion de la loi Aquillia pour dommage causé à la chose d'autiui
et l'action de arboribus succisis de la loi des XII Tables. Il en
est de même, d'après l'opinion qui a finalement triomphé, de
toutes les actions de ce genre (1).
3. Lorsque deux actions délictuelles ont un égal fondement Exclusion
moral, elles ne peuvent être intentées toutes deux ; celle qui desIciTns
est exercée la première rend la seconde impossible. Ce principe déiictucues
avaût UQ égal
s'applique notamment dans le cas peu rare, étant donnée 'fondement
l'habitude de la législation pénale romaine de viser par ses ™°'^''''
prescriptions une série de cas particuliers, où le même fait
est rangé dans plusieurs catégories de délits, ainsi que cela a
lieu pour la fomentation d'une révolte, délit visé par la loi sur (891)
le crime de lèse-majesté, par celle sur le meurtre et par celle
sur la violence. L'inadmissibilité de plusieurs actions délic-
tuelles à raison d'un même fait a été légalement formulée
par un sénatus-consulte sous Titus (2). — Mais le principe
(1) Vol, rapine, dommage causé à la chose d'autrui : Dig.^ 47, 8, 2, 10.
26. — Vol et rapine : Dig., il, 8, 1. — Vol et abattage d'arbres : Dig., 47, 7,
8, 2. — Vol, dommage causé à la chose d'autrui, injure (enlèvement d'une
esclave non encore nubile) : Dig.. 47, 10, 15. — Vol et dommage causé à
la chose d'autrui : Dig.. il, J, 2, ! (III p. 222 n. 1). — Vol et corruption
d'esclave : Dig., 11, 3, 11, 2 : altéra (aclio) alteram non minuit. Cod., 6, 2,
20 rz Inst., 4, 1, 8, où Justinien tranche la question par voie législative.
— Dommage causé à la chose d'autrui et abattage d'arbres : Dig., 47, 7,
1. 11 (cpr. III p, 137). — Dommage causé à la chose d'autrui, injure, cor-
ruption d'esclave, Dig., 48, 5, 6. — Dommage causé à la chose d'autrui et
injure (flagellation d'un esclave ; à vrai dire des hésitations sont ici pos-
sibles, cpr. III p. 223 n. 4). — Dommage causé à la chose d'autrui par des
animaux et détention d'animaux dangereux à proximité de la voie pu-
blique (III p. 224 n. 4). — Le fait que pour plusieurs de ces cas on peut
légitimement se demander, s'il n'y a pas eu plusieurs actes successifs et
non pas un seul acte, n'ébranle pas la règle.
(2) Suétone, Tit., 8 : vetuit de eadem re pluvibus legibus agi. Paul, Dig.,
48, 2, 12 : senatus censuit, ne quis ob idem crimen pluribus legibus reus fieret.
Droit Pénal Romain. — T. III. 15
226 DROIT PÉNAL ROMAIN
était plus facile à poser qu'à appliquer; car, sur la question de
savoir si l'on peut trouver dans un même délit un double fon-
dement moral, ou si, au contraire, les lois pénales ont conçu
de manière différente le même fondement moral, la réponse
sera fréquemment très douteuse (1). Les jurisconsultes ro-
mains eux-mêmes ont été sur ce point maintes fois hésitants
et finalement se sont dans le doute prononcés pour le concours.
Concours 4. Lorsqu'unc action délicluelle privée concourt avec une
des aclions i-j'i- ii ii- ^ i
déiiciueiies action delictueile publique, toutes deux peuvent s exercer
publiques avec cumulativemeut . car l'expiation du tort commis contre la
celles ' *■
du droit privé, commuuauté et celle du tort commis vis-à-vis du particulier
ne se confondent pas. Mais, en vertu d'une vieille règle du
droit républicain, on ne peut par la sentence rendue dans
l'action privée créer un préjugé pour la décision qui doit in-
tervenir dans l'instance criminelle; donc, aussi longtemps que
le procès criminel est pendantoupeut ôtreintenté, l'action civile
est écartée (2). Cela s'applique notamment à l'action d'injure
dans ses rapports avec le procès de meurtre (3). C'est seule-
Modestin, Dig., 44, 7, 53 : plura delicta in una re phwes admillunt acliones,
sed non passe omnibus uti probnlum est ; fuan si ex una obligalione plures ac-
liones nascantur, una tantummodo 'non omnibus ulendum est. L'interprétation
restrictive d'eadem /-es, idem crimen, una res, expressions qu'on peut en-
tendre dans des sens très divers, est justifiée par l'exposé qui va suivre.
(1) Lorsqu'on agit pour cause de parricidium et qu'on ne parvient à éta-
blir que l'existence d'un simple meurtre (II p. 362 n. 1), d'après le prin-
cipe posé au texte, l'acquittement pour cause de parricidium ne mettrait
pas à l'abri de l'action de meurtre, car tout meurtrier n'est pas un par-
ricida; par contre, comme tout parricida est un meurtrier, il en résulte
que l'acquittement dans le procès de meurtre devrait au contraire rendre
impossible l'accusation pour caiise de parricidium. Toutefois, les sources
ne nous donnent aucun point d'appui pour formuler de telles solutions.
Le fait que Milon et ses compagnons furent poursuivis pour cause de
violence, tant en vertu de la loi spéciale faite à cause du meurtre de Glo-
dius qu'en vertu de la loi générale, ne nous donne pas d'autre résultat,
car les deux actions ont très biim i)u viser des délits différents.
(2) Cola a lieu par l'insertion dans la formule de l'exception extra quant
in reum capilis praejudicium fiât (Gicéron, De inv., 2, 20). Cette dernière
ne pouvait être écartée que par l'exercice de l'action criminelle de la
part (le la victime ; car il n'y a pas de moyen pour garantir le non exer-
cice de la poursuite criminelle.
(3) Gicéron, loc. cit.
des peines
criminelles
extraordinaires
avec les
CONCOURS DES ACTIONS DÉLICTUELLES 337
ment au cas de dommage causé à la propriété que l'ordre
d'exercice des actions est libre (1). Il en est ainsi notam-
ment (2) pour les actions privées fondées sur une prise vio- (892)
lente de possession ou sur la rapine par rapport à l'action
criminelle de violence (3) et pour l'action fondée sur le dom-
mage causé à la chose d'autrui vis-à-vis de l'action de meur-
tre (4).
5. Pour le concours de l'action délictuelle privée avec la concours
peine criminelle extraordinaire de la dernière période, on ne
peut pas poser de règles fixes, étant donné l'arbitraire qui
règne dans l'application de ces peines criminelles (5). A plu- actions privées.
(1) Paul, Dig., 48, 1, 4 : interdum evenit, ut pvaejudicium [per privatum
judiciuiri] judicio publico fiât (suivent les exemples cités plus loin) : nam
in his de re faniiliari agitur. Valens, C. Th., 9, 20, i =: C. Just., 9, 31, 1 \ a
plerisque prudentium generaliter definitinn est, quoties de re familiariet civilis
et crimiitalis competit actio, utraque licere experiri, nec, si civiliter fuerit ac-
lum, criminalein posse consequi (suivent les exemples). La régie est posée
pour les actions privées en général, sans distinguer les actions délictuelles
des actions non délictuelles.
[i) Paul, loc. cit. : sicut in actione... furli, pense sans doute au concours
de l'action de vol avec la poursuite criminelle pour cause de plagium.
(3) Paul, loc. cit. : sicut in actione... vi bonorum raptorum et interdicto unde
vi. Dig., 47, 8, 2, 1 (cpr., 48, 9, 1, 1). Cod.. 9, 12, 7, 1. C. Th.. 9, 20, 1 =:
C. Just., 9, 31, 1. Cette solution avait été autrefois contestée {Dig., 47, 8,
2, 1 : neque debere publico judicio privala actione praejudicari quidam putaiit) ;
sous la République, l'action publique a sans doute eu la priorité dans une
plus large mesure.
(4) En cas d'homicide d'un esclave commis par dol, on peut intenter
tant l'action de meurtre que l'action de la loi Aquillia {T)ig., 19, 3, 14, 1,
où c'est sans doute cette dernière qui est visée sous le nom à'aclio in fac-
tum); la possibilité d'exercer cette dernière avant que la première ne soit
intentée est admise tant par Paul [loc. cit. : sicut in actione legis Aquiliae)
que par Ulpien, Dig., 47, 10, 7, !, qui, pour justifier son opinion, repousse
le motif invoqué par Labéon, d'après lequel ce délit ne contient pas d'at-
teinte à l'ordre xjublic (neque enim utique hoc, inquit, intefiditur, quod publi-
cam habet animadversionem) et s'appuie plutôt sur ce que l'idée de dom-
mage causé à la propriété prédomine ici {ibi principuliter de damno agitur,
quod domino datum est). Un autre texte d'Ulpien, {Dig., 9, 2, 23, 9) : si
dolo malo servus occisus sit, et lege Cornelia agere dominum posse constat et si
lege Aquilia egerit, praejudicium fieri Corneliae non débet, veut sans doute
simplement dire que la sentence rendue dans l'action privée ne doit pas
constituer un préjugé pour le tribunal appelé à statuer sur la question
de meurtre.
(3) La disposition générale aux Dig., 47, 1. 3 : si quis actionem, quae ex
maleftciis oritur, velit exequi, si quidem pecuniariler agere velit, ad Jus ordi'
328 DROIT PÉNAL ROMAIN
sieurs reprises^ celles-ci n'apparaissent que comme un supplé-
(893) ment qui s'ajoute à l'action privée (1); ordinairement, l'emploi
d'un de ces modes de répression rend l'autre impossible (2).
narium remillendus erit nec cogendus erit in crimeti subscribere ; enbnvero si
extra ordinem ejus rei poenam exerceri velit, tune subscribere eum in crimen
oporlebit prouve seulement la faculté de choisir ; toutefois on pourra y
trouver, quoique cela ne soit pas dit expressément, que le choix d'une des
voies de procédure implique renonciation à l'autre.
(1) Tel est le caractère de la punition extraordinaire infligée en cas de
perception d'impôts avec violence dans ses rapports avec l'action de ra-
pine (Dig., 39, 4, 9, 5 : per vim exortum cum poena tripli restituitur, amplius
extra ordinem plectuntur ; allerumenim utililas privatorum, alterum vigorpu-
blirae disciplinae postulat) et de la peine extraordinaire appliquée en cas
d'abus du droit d'asile au regard de l'action pour corruption d'es-
clave (Dig., 47, 11, 5).
(2) Dig., 47, 2, 57, 1 : qui furem deducit ad praefectum vigilibus vel ad
praesidem, exislimandus est elegisse viam, qua rem persequeretur et... videtur
furti quaestio sublata,... etsi nihil amplius quam furtivam rem reslituere jus-
sus fuerit. Cette procédure comprend donc la réparation du préjudice
causé et la renonciation à Vactio furti et à la condictio. Il semble bien
qu'il ait été de règle, bien que cela ne soit pas dit expressément, que
l'exercice de l'action civile rendait la poursuite criminelle impossible.
LIVRE V
SECTION I
(897)
LA PEINE
La peine est le mal imposé par un jugement rendu au nom Notion
de l'État en vertu d'une règle légale ou coutumière à une ^ *p^'°^-
personne comme expiation du délit que celle-ci a commis.
Sans un jugement rendu au nom de l'Etat contre une personne
déterminée, il n'y a pas de peine, bien que la sentence du
maître de la domus infligeant un mal quelconque à la per-
sonne qui lui est soumise ait également servi à cet égard de
modèle pour la loi de TÉtat. La sentence rendue, non pas
d'après une règle légale, mais en vertu de l'arbitraire du ma-
gistrat, ne peut pas non plus établir de peine au sens juri-
dique du mot; la notion de peine implique un délit positif et
une loi de l'État réglant le procès.
Le droit pénal n'a pas à s'occuper des pouvoirs illimités du
magistrat, notamment de ce droit de coercition, qui, d'après
la théorie du droit public caractérise d'une manière absolue
les débuts de l'État romain (I p. 38) et s'exerce pratique-
ment contre le non citoyen. L'arbitraire permis par la loi ne
cesse pas pour cela d'être l'arbitraire. Plus tard, lorsque le ma-
gistrat perd la faculté d'infliger à son gré la peine de mort, il
Coercition
et juridiction.
230 DROIT PÉNAL ROMAIN
garde cette même liberté pour les autres répressions. Le déve-
loppement de la liberté civique n'amène pas la suppression
de la coercition, mais provoque la délimitation du domaine
dans lequel Vimpcrium évolue à sa fantaisie sans être lié par
une détermination légale du délit et de la peine. Dans l'Etat
développé, on trouve l'un à côté de l'autre deux systèmes de
répression ayant le même fondement moral et la même im-
portance pour l'État et tous deux fonctionnent simultanément
dans la mesure où leur application concomitante est possi-
ble en fait. L'acquittement prononcé au profit de la Yestale
(898) dans le procès domestique à l'occasion d'un inceste qui lui est
reproché ne la met pas à l'abri de la procédure pénale pu-
blique (1 p. 229). Il n'y a nullement à tenir compte en droit,
' ' dans les actions pénales privées ou publiques contre le fils de
famille ou l'esclave, des mesures qui ont été prises contre eux
par d'autres voies.
utilisation de En pratique, cette règle ne s'est toutefois appliquée que dans
'domeIuTe° ^'^^ mcsure restreinte, notamment au cas de délits publics
'^''"^ commis par des esclaves. Dans ce dernier cas. le propriétaire
le domaine . , . ^ , . ,
du droit de l'esclave peut, au lieu de punir lui-même ce dernier, le
pénal public, liypgp au magistrat (1); cet acte peut être considéré comme
une dénonciation et exige au moins en théorie que le magis-
trat tranche la question de culpabilité (2). Le procédé inverse
très fréquent par lequel le magistrat, en cas de peine publique
encourue par un esclave, livre celui-ci à son maître pour que
ce dernier lui inflige la peine convenable, est anormal (3).
(1) Dig., 13, 7, 24, 3.
(2) La livraison de l'esclave que le maître destine, à raison d'un délit
commis, à être exécuté dans une fête populaire, n'est permise par la loi
Pétronia, que si le tribunal reconnaît aussi la culpabilité de l'esclave
(III p. 264 n. 2). On devait sans doute procéder ainsi jiartout où le pro-
priétaire sollicitait l'intervention de la justice publique contre ses escla-
ves; mais cela n'a certainemont ou lieu qu'exceptionnellement.
(3) La fixation de limites à la répression du maître n'est pas conciliable
avec l'essence de la servitude, elle eut cependant lieu à titre isolé à l'é-
poque récente, lorsque les liens de l'esclavage commencèrent à se relâ-
cher. L'esclave qui affirme avoir acheté de son maître la liberté, mais
succombe dans le procès intenté à cette occasion, n'est pas remis sans ré-
LA PEINE 231
On a recours à ce moyen anormal pour des motifs divers ; le
plus important est de beaucoup la tendance à réprimer les
délits des esclaves en ménageant le plus possible les intérêts
du propriétaire. Ces ménagements pour la propriété ont con-
sidérablement favorisé les brigandages des esclaves et par
suite leurs révoltes (1), on les retrouve encore fréquemment
sous le Principat malgré la meilleure organisation des rapports
sociaux. Dans d'autres cas, l'esclave est remis au maître pour
être puni par lui, afin de ne pas restreindre le libre pouvoir de
disposition du maître ou pour décharger les représentants de
l'État du soin de procéder à la répression. Le premier motif (899)
se rencontre notamment, lorsqu'il s'agit de délits dirigés contre
le maître lui-même (2). C'est en vertu du second motif qu'on
confie au maître le soin d'appliquer la peine de la correction
prononcée par l'autorité contre l'esclave (3) ou surtout que
l'esclave est fréquemment remis à son maître, lorsque celui-ci
y consent, pour être incarcéré et soumis au travail des cachots.
En effet, l'État romain n'avait de prisons que pour la déten-
tion pour dettes et la détention préventive. Dans la quasi-
justice domestique, la détention répressive était largement
appliquée vis-à-vis des esclaves. Celle-ci pénétra même indi-
rectement dans le domaine du droit pénal public, lorsque
les magistrats eurent recours à la justice domestique pour
faire appliquer cette peine; c'est là un point sur lequel nous
serves à son maître, il lui est livré pour recevoir une punition propor-
tionnée au délit (Dig., 40, 1, 5, pr. : utiqun non majorem ex ea causa poenam
constiturus. Dig. 48, 19, 38, 4).
(1) Tite-Live (33, 36, 3) nous dit de ceux qui furent faits prisonhiers
lors de la répression d'une révolte d'esclaves qui eut lieu en Etrurie en
5Ô8/196 : alios verberaios cvucihus adfixit, qui principes conjurationis fuerant,
alios dominis restiluit. Cette remarque s'applique surtout aux guerres
d'esclaves en Sicile. Diodore, 34/5, 2 sv. Mommsen, Romische Geschichte.
2. 79 [liist. Rom., trad. Alexandre, 5, 18-19].
(2) L'empereur Claude punit en partie les esclaves qui dénoncent leur
propre maître et abandonne en partie aux propriétaires le soin de les
punir (Dion, 60, 13).
(3) C. Th., 13, 3, 1 : servus... flacjelUs debeat a siio domino verberari coram
eo, cui injuriam feceril.
232 DROIT PÉNAL ROMAIN
reviendrons dans la Section relative à la peine de la prison.
Exclusion Lorsque nous exposerons les peines, notamment celles du
des moyens , -j'i • . o ■ - 1
de coercition. ^^68 ancicn droit, nous aurons mainles fois a nous rappeler que
Vimperium légalement limité est sorti d'un imperium origi-
nairement illimité, c'est-à-dire que le droit pénal est issu de
la coercition. Le procès des Vestales et l'affaire d'Horace,
lorsqu'on les examine tous deux rigoureusement, appartien-
nent au domaine de la coercition, mais font époque dans le
développement de la juridiction. Il n'est pas moins nécessaire
d'exclure du droit pénal développé les manifestations de la disci-
pline domestique, pontificale et militaire. Les actes d'arbitraire
dans l'administration de la justice aux esclaves, la relégation si
fréquente vis-à-vis du fils de famille, les peines arbitraires in-
fligées par le général, dont quelques-unes, notamment la peine
capitale appliquée suivant le hasard du sort, constituent un
outrage direct au caractère essentiellement moral du droit
pénal, sont aussi permises légalement que toutes les répres-
sions du droit pénal, sans qu'il soit cependant possible de
les faire rentrer dans ce dernier.
Au point de vue de la terminologie, nous avons déjà exposé
dans le Livre I (I p. 12) que la très ancienne langue du droit
n'a pas de terme caractéristique pour désigner la notion géné-
Terminoiogie: rlquo de peine. Plus tard, le mot poena, d'origine grecque,
^°*"''' employé au début pour désigner la composition en cas d'of-
fense corporelle, servit, peut-être à raison même de son man-
que de transparence, à désigner la peine en général. Il n'y a
jamais eu de terme technique embrassant simultanément la
peine publique et la peine privée.
(900) Le droit pour la communauté d'infliger une peine publique
Fondement rcposc, daus sa fomic la plus ancienne, sur la notion fonda-
pei'^e'pubiiquc, mentale du droit public romain, sur l'absence de droits chez
droit pour l'individu Qul n'appartient pas à la communauté et sur la né-
la communauté t i i
de cessilé de se défendre contre l'ennemi de la patrie. Le mem-
se faire justice ,11 l' • . < ■ • • ■!
à elle-même. *^re dc la coiumunaute, qui par ses actes s associe ou s assimile
à un ennemi de la patrie, ne se voit pas dépouillé de sa qua-
lité de citoyen par la communauté, mais cette qualité lui est
LA PEINE
233
enlevée de plein droit par le seul accomplissement d'un de
ces actes; c'est d'ailleurs \h un point que nous avons exposd
à propos du crime d'Etat (II p. 297). La sentence du magis-
trat prononçant la suppression du droit de cité et celle des
comices qui la confirme ont le caractère de simples déclara-
tions et établissent seulement le droit ou plutôt le devoir Fondement
de traiter le coupable comme ennemi de la patrie. Auprès deirdiscîl)line
de cette conception du crime d'Etat, remontant manifestement morale analogue
à la discipline
aux débuts de la société romaine et jamais abandonnée, on domestique.
vit apparaître plus tard, par suite du complet développement
de la puissance publique, une nouvelle idée qui consistait à
transférer au magistrat agissant dans les limites fixées par la
loi la plénitude des pouvoirs qui appartenaient au chef de la
domits sur les personnes soumises à sa puissance (I p. 68).
C'est sur cette idée que repose la répression du meurtre et
d'une manière générale de tous les crimes qui ne sont pas di-
rectement dirigés contre la communauté ; le meurtrier n'est
pas conduit à la mort comme ennemi de la patrie, mais comme
citoyen (II p. 370 n. 1). C'est sur cette même base que se fonde
l'intervention de l'Etat comme arbitre dans la matière des
délits privés (I p. 70). Celle-ci ne fut probablement au dé-
but qu'une tentative de conciliation, elle se transforma en-
suite en une instance de transaction dans laquelle le tribunal
avait le pouvoir de contraindre les parties à transiger.
Au point de vue de la forme, la punition du délit commis
contre la communauté apparaît.'"dès le début dans le régime
de la coercition et plus tard dans celui de la juridiction, comme put'ique
une sacratio (1), et de même que la responsabilité du délit s'at-
Forme
religieuse
de la peine
(1) Parmi \q?, sacvallones, qui sont mentionnées à cette occasion, il y en
a certainement plusieurs dont on peut contester le classement dans le
droit pénal public : des exécrations, comme celles qui ont lieu en cas de
violation des devoirs des enfants vis-à-vis de leurs parents (Il p. 267) ou
des devoirs du patronat (II p. 2 j8), peuvent être considérées comme lais-
sées uniquement à l'exécution des dieux. Il est toutefois vraisemblable
que dans l'organisation originaire de l'Etat, où le chef de la cité était
revêtu du caractère religieux qu'il a perdu plus tard et où la notion de
crime d'Etat était entendue dans un sens encore plus large qu'à l'époque
234 DROIT PÉNAL ROMAIN
tache à l'auteur en tant qu'homme (II p. 74), tout coupable
(901) est voué au sacrifice, peu importe qu'il soit libre ou esclave,
citoyen ou étranger. — L'observation de formes religieuses,
déjà requise pour la confection de la loi pénale (1), l'est égale-
ment pour l'exécution de la peine publique(2'). Condamner une
personne à une peine équivaut à la livrer à une divinité (3).
C'est pour cela que les Romains dans la langue technique ap-
pellent lex sacrata (4) la loi parfaite et sanctio la disposition
pénale par laquelle la loi réprime toute contravention à ses pres-
(902) criptions (5.) Le caractère essentiellement religieux de la puni-
historique, la sacratio a été traitée comme embrassant nécessairement
l'exécution par le magistrat en même temps que celle par les dieux. C'est
pourquoi nous avons fait rentrer toutes ces dispositions dans le Livre IV
en indiquant qu'elles ne subsistent probablement plus dans le droit pénal
laïque de l'époque historique. Du reste, ces hésitations sont sans impor-
tance au point de vue des principes ; car, même pour les lois qui don-
nent incontestablement lieu à une exécution laïque, nous sommes cer-
tains de l'existence tant de la sacratio abstraite que de la sacratio à des
dieux déterminés.
(1) D'après Tite-Live, 3, 55, 6, l'inviolabilité tribunicienne est rétablie
relalis qnibiisdara ex magno intervallo caerimoniis.
(2) Nous le prouverons dans la sect. suivante pour la forme très an-
cienne de l'exécution par la hache ; cela est en outre établi pour la bono-
rum consecratio plébéienne (I p. 53 n. 2). Gicéron, De domo, 47, 123 :
C. Alinius... hona Q. Metelli... consecravit foculn posito in rostris adhibitoque
iibicine et plus loin 47, 124 : capite velato, coiitione advocata, fociilo posito
bona... Gaôinii... consecrasti,
(3) Festus, p. 318, v. sacer mons : homo saceris est, quem popiilus judicavit
ob maleficiiim. Dans le premier passage où Denys traite de la sacratio
(2, 10, à propos des devoirs du patronat), il relève également qae celle-ci
atteint le condamné (âXôvxa). D'après une conjecture que rien n'appuie,
mais généralement admise, la sacratio exclut la juridiction ; la première
est plutôt la forme originaire de la seconde. La notion romaine de sacrum
et la notion grecque d'àvââïi|j.a correspondent en tant qu'elles impliquent
toutes deux la translation de l'objet dans la propriété particulière de la
divinité ; peut-être se rencontrent-elles aussi en ce qu'elles ont toutes
deux donné naissance au regard de quelques personnes à l'exécration.
(4) Nous avons groupé II p. 251 n. 4 les preuves relatives à la lex sa-
crata et nous y avons montré que cette appellation convient à toute loi
contenant la formule de sacratio, bien que cette expression soit surtout
employée pour désigner les lois constitutives de la plèbe.
(5) Sandre, à proprement parler consacrer, est employé dans un sens
dérivé pour désigner l'ordre donné dans une loi (la lihet. ad Her., 2, 10, 15
distingue la contrainte juridique, le cogère, et la permission légale qu'elle
appelle sanctio et permissio), parce que la notion de loi s'est tout d'abord
LA PEINE 235
tion personnelle se manifeste encore en ce que, comme nous
le montrerons dans la prochaine Section, la forme la plus an-
cienne de la peine de mort correspond aux rites du sacrifice et
qu'elle a été sans aucun doute considérée au début comme un
sacrifice humain; ce même caractère s'affirme aussi dans ce fait
qu'il se rencontre seulement dans l'exécution capitale fondée
strictement sur une loi et accomplie par les magistrats du peu-
ple, tandis que la même exécution opérée sur la base de lois
plébéiennes est simplement traitée comme un homicide échap-
pant à toute répression (1). — Vidée de sao^atio apparaît d'une
dégagée à propos de la loi pénale et parce que celle-ci contient toujours
une sacratio. Cette extension de sens apparaît dans l'emploi technique du
substantif plus nettement encore que dans cette généralisation de sens
du verbe; la sa/ictio Icgis est, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer
III p. 215, la clause finale par laquelle une loi établit une peine pour toute
contravention à ses prescriptions et en même temps soustrait à toute
punition l'acte qui, accompli en exécution de ses dispositions, violerait
d'autres lois. Ulpien, Dig., l, 8, 9, 3 : interdum in sanciionibiis adicitur, ut
qui ibi — dans un locus sanctus — aliquid commisit, capite punialtrr. Cicéron,
De rep., 2, 31, 54 : ner/ue leges Porclae... quicquam pt'aeler sanctionem attu-
lerunt novi. Le même, Pro Balbo, 14, 33 : sanctiones sacrandae sunt aut gé-
nère ipso aut obtestatione et consecratione legis mit poenae, cum caput ejus qui
contra fecerit consecratur. Sur ces textes difficiles à expliquer, cpr. St. R.,
2, 303, n. 2 [Dr.pubL, 3, 349, n. 2]. Verr., 4, 66, 149. Les peines prescrites
dans la loi elle-même pour des cas particuliers ne rentrent pas dans cette
sanctio (Papinien, Dig., 48, 19, 41 : sanctio leguni, quae novissime certam
poenam irrogat his, qui praeceplis legis non oblemperaverint, ad eas species
pertinere non videlur, quibus ipsa lege poena specialiter addita est) et c'est
vraisemblablement par suite de cette distinction que la lex Acilia repe-
tundaruml. 56, permet, lorsque l'action principale est terminée, l'exercice
de l'action de sanctione fiojusce legis. Pour la seconde moitié de la sanctio
qui apparaît encore sous ce titre dans la lex de imperio Vespasiani, c'est-
à-dire pour le caput tralaticium de impunilate (Cicéron, Ad Att., 3, 23, 2),
cpr. St. R., 3, 362, n. 1 [Dr. publ., 6, 1, 415, n. 1].
(1) Festus, après les mots cités III p. 234 n. 3 : neque fas est eum immo-
lari, sed qui occidit, parrii;idii non damnatur, nain lege tribunicia prima cave-
tur, I si quis eum qui eo plebei scito sacersit, occiderit, parricida ne sit. » Cette
opposition entre l'exécution dirigée par un magistrat et accomplie par
voie d'imtnolatio conformément au fas et celle que réalisent les chefs de
la plèbe ou les particuliers par voie de justice privée sans intervention
du magistrat apparaît aussi dans les récits quasi-historiques que nous
groupons III p. 277 n. 6 et p. 278 n. 1, mais s'y présente certainement
sous une forme quelque peu altérée. Elle est pleinement confirmée par
l'exposé des différentes formes d'exécution capitale que nous ferons dans
la prochaine Section.
236 DROIT PÉNAL ROMAIN
manière encore plus nette et plus durable pour les biens at-
teints par la peine. La forme complète de la peine capitale
originaire comprend à côté de la sacrotiode la personne celle
du patrimoine (1). La confiscation de tout le patrimoine, qui
se produit d'une manière indépendante dans la coercition plé-
béienne, est toujours traitée comme une conseci'atio (Ip. 54),
Les biens qui échoient au peuple par voie répressive sont uti-
lisés pour des buts religieux (2). Les amendes pécuniaires in-
fligées dans la procédure pénale des comices échoient de plein
(903) droit aux temples (3). En particulier, on assimile, pour les
amendes édiliciennes, comme nous l'exposerons dans la Section
relative aux a.mendes, le judicare in sacrum au multare. Les
peines très anciennes qui dans l'action privée frappaient la
partie perdante ont servi à fournir les animaux destinés aux
sacrifices publics ou à couvrir les frais de ces sacrifices (4). —
La personne ou le bien atteint par Idisacratio échoit toujours
à une divinité déterminée (o) ; celle-ci est parfois désignée
par la loi ou la coutume, elle l'est souvent aussi par le pouvoir
arbitraire de l'autorité compétente. Les dieux qui sont ici
(1) Festus, p. 318, sacratae leges sunt, quibus sanclum est, qui quid adversus
eas fecerit, sucer alicui deorum [sif] sicuf familia peciiniaque. Tite-Live, 2, 8, 2,
pour le renversement de la constitution, sacrando curn bonis capite. 3, 55, 7,
pour violation des privilèges de la plèbe : ut... ejus capiit Jovi sacrum
esset. familia ad aedein Cereris Liheri Liberaeque venum iret ; de même, De-
nys, 6, 89 : è'iiiji'j-:^ ïazta y.où rà ypritiaTa aOtoO Ar|îj.ir,Tpo; tspà. Denys, 9, 17-:
eavâro) !;r|[i'.o-jaO(D xai xà -/prijiaTa a-jToû ïepà k'crTw. Tito-Live, 8, 20, 8 (cpr.
Gicéron, De domo, 38, 101): bona (d'un perdiiellis exécute) Semoni Sango
censuerunt consecranda.
(2) Cicéron, De domo, 38.
(3) Chez Denys, 10, 52, les consuls refusent la remise des amendes qui
leur ont été infligées, parce que celles-ci ont déjà été consacrées aux
dieux.
(4) S/1. /?., 2, 68 sv. [Dr. publ., 3, 77 et sv]. Le sacramentum est certaine-
ment considéré comme une amende encourue à raison d'un procès intenté
à tort; il appartient à l'époque où l'on ne recherchait pas le tort en lui-
même, mais où l'on admettait son existence d'après des indices extérieurs
par voie de présomptions juridiques et où par suite on ne le réprimait
que dans ses manifestations externes.
(5) Festus (III p. 230 n. 1) : alicui deorum. Denys, 2, 10 (III p. 237 n. 1).
LA PEINE
237
nommés sont surtout les dieux infernaux (1), Cérès (2), Gérés
en même temps que Liber et Libéra (3), Jupiter (4) et Semo
Sancus i^o), et plus tard, à côté de Jupiter^ le dictateur César,
lorsqu'il eut été divinisé (6). Si le coupable est gracié par le
peuple, comme cela eut lieu sous le roi Tulluspour P. Horace,
meurtrier de sa sœur, les dieux ne sont pas satisfaits et Rome a
besoin d'être parifiée (7 ), Le peuple romain ne cherche pas, (904)
d'après les lois primitives, et cela noa seulement d'après les lois
patricieunes, mais également d'après les lois plébéiennes, à
faire des bénéfices avec les peines qui sont infligées : la personne
est sacrifiée aux dieux, les biens échoient aux temples ; le gage
n'est pas vendu pour le compte du peuple, mais détruit (I p. 59).
Si donc toute peine publique, notamment la plus grave de sacratio
toutes et la seule connue à l'origine, la peine de mort, doit être pl,QJssabJ.
conçue comme une purification nécessitée par la souillure dont
le peuple est entaché et réalisée au moyen d'un hommage
rendu aux dieux et notamment du plus grand hommage, du
(1) Denys, 2, 10 (cpr. III p. :234 n. 3): tôv Sa àXôvca t(o pouXoixévw xTsîvetv ôdtov
Tjv ôii 9û[Aa ToO xa-a-/9ovîo'J A;o;" iv gôei yàp 'Pco[Aaio'.;, offou; iooûXovTo vr|Tto:v\
Tîôvàva'. Ta to-jtwv awjj.aTa 9îûv otw Sr, T'.vt, [iâX'.aTa 6k toTi; xatayBovîoi; xaiovo-
[AdtÏE'.v. Plutarque, Rom., 22 les nomme également à propos de la vente de
l'épouse : à7roûô|j.£vov yjvaïxa O'jeo-Ôai -/ôovîoiç Qsot?. Les divi parentum, aux-
quels sont consacrés d'après les lois royales le fils et la belle-fille qui
frappent leurs parents (Festus, p. 230), sont aussi les mânes.
(2) La loi des XII Tables 8, 8 attribue à Gérés la personne du coupable
en cas de vol de récoltes commis la nuit : suspensum Cereri necari. On
trouve une consécration du patrimoine à cette divinité en cas de viola-
tion des privilèges plébéiens d'après Tite-Live, 3,55, 7 (III p. 236 n. 1) et
Denys d'Halicarnasse, 6, 89 (III p. 236 n. l); 10, 42; et en cas de perduellion
dans l'all'aire de Sp. Gassius, tant d'après la tradition qui rattache la pu-
nition de ce dernier à une répression publique que d'après celle qui la
rattache à une répression domestique (jRom. Forsch., 2, 174. 177). D'après
une autre référence, on rencontrerait une consécration de la moitié du
patrimoine en cas de divorce (Plutarque, Rom., 22).
(3) Tite-Live, 3, 55, 7 (III p. 236 n. 1).
(4) Loi royale, chez Festus, Ep., p. 6 v. aliida et p._,3l8, v. sacer mons ;
Tite-Live, 3, 55, 7 (III p. 236 n. 1). Le conscrit en retard est également
voué à Jupiter (I p. 49 n. 1).
(5) Tite-Live, 8, 20, 7 (III p. 236 n. 1).
(6) Dion, 47, 18.
(7) Tite-Live, 1, 26, 13 : quibusdam piacularibus sacrificiis faclis. Festas,
p. 297, V. sororium.
238 DROIT PÉNAL ROMAIN
sacrifice humain, on ne peut pas par contre tenir tout sacri-
fice pour une expiation. Il arrive, en effet, que le vieux droit
public romain prescrive la purification publique capitale pour
d'autres causes. C'est ainsi que la naissance d'un monstre
étant considérée comme attirant le malheur sur le peuple, on
ordonne régulièrement une purification publique, procuration
lorsque le bruit d'une pareille naissance se répand, et on
impose au père l'obligation de faire disparaître le monstre
(II p. 332 n. 3); il n'est d'ailleurs pas dit que celte suppres-
sion du monstre ait lieu au nom de l'Élat. Mais il est certain
que les êtres, regardés comme hermaphrodites, sont jetés
dans la mer sur l'ordre des consuls ; toutefois cette pratique
ne date peut-être que d'une superstition qui apparaît sous
une influence étrusque à l'époque d'Hannibal (i). Pouvait-on, en
outre, d'après le droit religieux originaire, sacrifier aux dieux
des hommes qui n'avaient commis aucun délit et qui par na-
ture n'étaient pas des monstres? Les sources, ne fournissent
aucune preuve en ce sens, ni en sens contraire. A l'époque his-
torique, il en fut certainement ainsi dans quelques cas (2).
MaiSj dans l'ensemble, le droit romain en se développant a de
bonne heure restreint au cas de crime la purification capi-
tale du peuple et défini en conséquence la notion de la peine
publique.
(903) Le droit pénal privé, ou suivant une dénomination peut-
La peine privée, être meilleure que nous préférons, la procédure pénale en-
vengeance
permise
par TEtal ou
rachetée sous (jj Celte purilication (procuralio), qui ne se produit pas seulement vis-à-
le conirùc ^jg jes nouvcaux-nés (Tite-Live, 31, 12, 6. 39, 22, 5; Obsequens, 36), nous
de ce dernier. ^^^ signalée en premier heu pour l'année 547 207 (Tite-Live -11, 37, 6) et en
dernier lieu pour l'année CGI 93 (Obsequens, 50). En 583/171, dans un cas
du même genre, le monslrum est exposé dans une ile déserte (Pline, II. n.,
7, 4, 36). On considère alors, comme nous le montre la répression du par-
ricidium, que le mode de purification le plus eflicace consiste à engloutir
dans les eaux ce prodige source de malbeurs publics.
(2) En.S38/216, une guerre étant sur le point d'éclater, pour obéir à l'ar-
rêt des sibylles, on sacrifie en les enterrant vivants un homme et une
femme de la nation ennemie (Tite-Live 22, 57. 6), Pareil fait s'est égale-
ment produit dans d'autres cas: Marquardt, Handb., 3, 366 [Manuel Antiq.
Rom., XIII, 64]. Gela n'était donc pas une coutume nationale.
LA PEINE 239
gagée sar la réquisition d'un particulier, est dépourvue de
tout fondement religieux, et repose plutôt sur l'idée de ven-
geance, sur l'exercice de la justice privée justifié par le tort
causé. Le magistrat intervient ici comme médiateur entre les
parties en lutte: d'une part, il établit ou fait établir les élé-
ments de la cause, et, d'autre part, si le tort est prouvé, il
laisse la justice privée suivre son cours ou met la victime qui
a reçu la composition en demeure de renoncer à la vengeance.
Par conséquent, le tort causé au chef de la domus par une des
personnes qui ne jouissent que d'une demi-liberté ou par l'es-
clave peut bien donner lieu à la procédure publique, mais non
pas à l'action privée; le vol que l'esclave commet contre son
maître a du reste les conséquences juridiques inhérentes à ce
délit, mais ne conduit pas à l'action de vol ; car, en l'absence
de parties adverses, il ne peut être question de médiation (1).
La loi des Xll Tables nous présente le droit pénal privé pres-
qu'encore dans son état primitif: dans les cas les plus graves
d'atteinte à la propriété ou au corps d'autrui, la procédure
pénale laisse à la justice privée la liberté de s'exercer par voie
d'exécution capitale ou de talion; dans les cas moins graves,
on contraiot le demandeur, si le tort est prouvé, à accepter
de la victime l'amende, le damnum (I p. 13) ou les poenae
(I p. 13). Dans le développement postérieur du droit, la jus-
tice privée disparaît complètement et tout délit privé donne
lieu au paiement d'une composition obligatoire fixée au nom
de la communauté.
L'organe d'exécution est différent suivant le caractère du ExécuUoQ
délit. Les crimes publics donnent lieu à une exécution par le et'pr'hée
magistrat ou à une exécution plébéienne par un quasi- magistrat. ^^ ^'^ p^'^^-
Kn cas de délit privé, lorsque l'exercice de la justice privée
est admis, la victime est elle-même l'exécutrice; lorsqu'il y a
lieu à une composition obligatoire, la prestation de cette der-
nière éteint la créance; si elle n'est pas fournie, le créancier
(1) Dig., 47, 2, 17, pr.
240 DROIT PÉNAL ROMAIN
procède à l'exécution possible contre toul débiteur qui ne paie
pas, c'est-à-dire à l'appréhension de ce dernier.
Moyens Sous la République, on compte six ou huit moyens de répres-
répression. ^.^^ ^^^, ^^.^ j^ Dotiou dc peiue u'cst pas ici prise dans son
(90G) sens juridique étroit. La peine corporelle et l'incarcération ci-
tées ici ne sont que des moyens de coercition et non des
moyens de répression, et le bannissement, également introduit
dans cette ônumération, n'est, d'après l'ancien droit, qu'une
mesure administrative^ possible seulement contre le non ci-
toyen, et se présente sous la forme d'un bannissement au
delà des frontières. La restriction des droits civiques i)eut
être la conséquence juridique soit d'une condamnation pénale,
soit d'autres circonstances (2), mais elle n'existe pas comme
pc'ine indépendante et ne peut pas, d'après l'ancien droit, être
prononcée par un jugement. Parmi les autres peines, il y en a
deux, la réduction du citoyen libre en esclavage (3) et le ta-
lion, qui apppartiennent au très ancien droit privé pénal ; le
droit pénal public de la République ne les connaît pas. Par
suite, il n'y a à l'époque historique que deux peines admises tout
(1) Gicéron, De orat., \, 43, 19i : vitia hondnum atque fraudes damnis,
ignommiis, vindis, verberibus, exiliis, morle inultantiir. Augustin, De c/y. dei,
21, 11, (d'après lui, Isidore, Orig., 5, 27, 4) : oclo gênera poenarum esse scri-
bit Tullius, damnum vincla'j}erbera talionem ignominiam exilium mortcm ser-
vitulem. Nous ne pouvons dire, si Augustin fait allusion à un autre pas-
sage de Gicéron ou s'il rapporte le passage de Gicéron que nous avons
cité plus haut en le complétant par un commentaire. Les six sortes de
peines mentionnées par Gicéron sont toutes empruntées au droit pénal
public et le damnum em))rasse ici toutes les peines patrimoniales. La talio
et la scrvUus qui sont ajoutées dans la seconde liste ju'oviennent, semble-
t-il, du droit pénal privé des XII Tables.
(2) On se rappelle qu'en cas de vol la transaction est assimilée à cet
égard à la condamnation (III p. 59 ).
(3) L.'addictio de l'homme libre coupable de vol supprime la liberté
d'après une conception ancienne particulièrement rigoureuse (III p. 55).
La servitude pour dettes ne peut nullement être considérée comme une
peine; car, lorsqu'elle atteint un délinquant, elle ne le frappe pas, en
droit, à raison de son délit, mais à raison de son insolvabilité. — La perte
de liberté, pour manquement aux devoirs militaires, qui prend la place
de la peine de mort réellement encourue dans ce cas, est prononcée par
voie de coercition (I p. 51 ); elle n'appartient doue pas au domaine de
la juridiction.
LA PEINE 241
à la fois par le droit public et par le droit privé de la Répu-
blique, ce sont la mort et l'amende : la première ne se présente
plus à l'époque postérieure que dans le droit pénal public; la
seconde, inconnue au début en tant que peine indépendante
dans la procédure pénale publique des magistrats patriciens,
y fut cependant admise de bonne heure ; elle eut dès le début
un rôle prépondérant dans la procédure privée et la domina
plus tard exclusivement. Ces règles peuvent dans leur éton-
nante simplicité se résumer de la manière suivante: le crime
public est expié par la mort, le délit privé par le paiement
d'une somme d'argent; toutefois, la procédure capitale fut de
bonne heure considérablement adoucie par la possibilité d'ob-
tenir sa grâce en s'exilant volontairement et par l'admission
des amendes pécuniaires.
Lsl poena capitis est, en première ligne, la peine de mort. Si (907)
la législation de Sylla désigne aussi l'interdiction comme Notion
peine capitale (1), celaprovient de ce que la rupture de ban était 'capUair^
punie de mort et que par conséquent l'interdiction pouvait
être considérée comme une peine de mort conditionnelle. 11
faut, en outre, faire remarquer à cet égard qu'il pouvait paraître
choquant de ne réprimer le crime de lèse-majesté et le meurtre
que par un simple bannissement ; ainsi s'expliquerait le choix qui
a été fait ici d'une expression toujours surprenante et qu'on
ne rencontre pas ailleurs (2). Mais la langue juridique ro-
maine ne limite pas \à poena capitis à la peine de mort; pa-
rallèlement à la notion de capitis deminiilio du droit privé,
on a de tout temps compris sous le nom de poena capitis la
perte de la liberté et du droit de cité. Si l'époque républicaine
ne nous offre pas de preuves à l'appui de cet usage du lan-
(1) Loi Cornelia sur le meurtre {II p. 369 n. 3) : deque ejus capite quae-
rili), passage pour lequel le contexte montre qu'il ne s'agit pas ici du par-
r'tcïdium, frappé en elTet de la peine de mort.
(2) Depuis que l'interdiction avait été remplacée par la peine plus grave
de la déportation, celle-ci devait être directement désignée comme peine
capitale, car elle privait du droit de cité.
Droit Pénal Romain. — ï. III. 16
242 DROIT PÉNAL ROMAIN
gage(l), cela lient à ce que la République dans sa dernière
période n'admet, ni en droit public, ni en droit privé, la priva-
lion à titre de peine de la liberté et du droit de cité. Lors-
que ce moyeu de répression eut repris sa place dans la liste
des peines, la notion de causa ou res capitalis fut toujours prise
dans ce sens large (2) et sa portée se restreignit même à ce
sens dans le langage technique (3); l'extension vague du mot
capiUk la pleine possession des droits civiques (4), qu'on ren-
contre fréquemment dans les plaidoyers des avocats romains,
(908) n'apparait pas dans le langage légal. Par suite et bien qu'il
n'y ait pas de terminologie ferme à cet égard, on distingue la
peine de mort et la peine capitale qui ne prive pas de la vie.
En outre, il y a pour la première différents degrés suivant la
forme d'exécution (o).
(1) Toutefois Gaius, 3, 189. 4. 111 qualifie àepoena capilis Vaddictio do la
loi des XII Tables prononcée contre le voleur manifeste.
(2) Ulpien, Dig., "2, 11, 4, prA%, 19, 2, pr. : rei capitalis damnaium sic ac-
cipere debetnus, ex qua causa damnalo vel mors vel etiam civitalis amissio vel
servihis contingil. Paul, Dig., 48, 1, 2 : capilalia (crimina) sunl, ex quibus
poena 7nors aut exilium est, hoc est aquae et ignis interdictio : per has enim
poenas eximitur caput de civitale. Africain, Dig., 37, 1, 13. Terentius dé-
mens, Dig., 37, 14. 10. Inst.. 4, 18, 2.
(3) Modestin, Dig., oO, 16, 103 -.licet n capitalis n Latine loque?itibus {V auteur
est un Grec) omnis causa exislimationis videalur, tamen appellalio capitalis
[fjoeîiae de poena] morlis vel a7nissionis ciuitatis intellegenda est. Les avocats
romains emploient beaucouj) plus largement caput que causa capitalis.
(4) Le mot caput désigne le plus souvent dans les discours do Gicéron
l'intégrité civique {civis integri capilis : In Pis., 13, 30) et alterne avec
existimatio {Verr.. 2, 23, 57. c. 71. 173. 3, d7, 131) et fama (Verr., 2, H, 28.
Pro Sest., 1, 1). Dans le plaidoyer pour P. 0"i»^<iiis, dans lequel Gicéron
répète à tout instant que le caput de son client est menacé, il s'agit d'une
sponsio sur le point de savoir si P. Quinctius a fait banqueroute ou non ;
Gicéron commence son plaidoyer en disant : judicium esse non de re pecu-
niaria, sed de fama fortunisque P. Quinctii vides (9, 33); Gicéron, Verr., 5,
54, 141 (jualifie de judicium capilis un judicium recuperalorium organisé
pour statuer sur une sponsio du même genre. Les actions privées infa-
mantes de fiducie, de tutelle et de société s'appellent summae exislima-
tionis et paene dicam capilis (Pro Q. Roscio, 6, 16). Get usage du langage
repose sur une opposition entre l'homme et le patrimoine; mais en droit
pénal le caput désigne l'existence civique de la personne ; dans le langage
dos avocats ce mot s'applique à la situation sociale.
(5) Gallistrate, Dig., 48, 19, 28, pr. : cupilalium poenaruui fere isli gradus
sunt. Summum suppUcium esse videlur ad furcam damnalio (interpolé pour
LA PEINE 243
11 n'y a pas d'expression générique pour les peines non ca-
pitales (1),
Comme antithèse à la peine capitale, on mentionne souvent (909)
la peine pécuniaire (2). Cela fut exact pour l'ancien droit. On Dénominations
1 • ^ 1 . • . • j génériques
ne pouvait alors prononcer par jugement la restriction des des peines
droits civiques, ni même cette restriction qui consistait dans "'"^ capitales.
l'inlestabilité; ces déchéances s'attachaient seulement comme
accessoires'à une autre peine ou se liaient à un fait qui n'était
pas constaté par une condamnation pénale. Cette division
bipartite devint insuffisante, tout au moins depuis la législa-
]e crucifiement), ilem vivi cretnatio, quod quamquam siimmi supplicii appel-
latione merito continerelur, tamen eo quod postea id genus poenae adinvenlum
est, posterius primo vision est, ilem capitis amputalio. Deinde pvoxima morti
poena metalli coercitio, post deinde in insulam deportatio. Paul 5, 11, 2 :
summa supplicia sunt crux cremalio decollalio, mediocrium autem delictorum
poenae sunl melallum, ludus, deporlalio. La mort par le feu est plus rigou-
reuse que le crucifiement et l'exécution dans une fête populaire (Paul, 5,
23, n). Ailleurs (3, b, 8. 5, 21, 4. tit. 23, 1. 17, et sans doute aussi 5, 4, 14),
Paul qualifie le crucifiement de summum supplicium et lui assimile l'exé-
cution dans une fête populaire {bestiis obici). On oppose aussi sous le nom
d'ullimum supplicium la peine de mort grave à la simple poena capitis
(Modestin, Dig., 48, 9, 9, 1). Toutefois, dans une autre conception, on dé-
signe sous le nom de summum supplicium la peine de mort par opposition
aux peines non capitales (Paul, 5, 23, 14. Dig., 47, 12, 11) et ullitnum sup-
plicium est ordinairement employé dans le même sens. Gelsus, Dig., 48,
19, 21 : ultimum supplicium esse mortem solam interprelamur. Dig., 1, 5, 18.
48, 10, 1, 13. tlt. 19, 29. César, B. c, ], 84. Pline, Ep., 8, 14, 24. Scolies
sur Aen., 6, 573; de mème,'ultima poena, Tite-Live, 3, 58, 10. Pline. Ep., 2,
11, 8 ; ultima nécessitas. Tacite, Ann., 15, 61. — Gpr. aussi, Dig., 48, 21, 1.
Cod.. 9, 12,6. tit. 49, !0, pr.
(!) Callistrate, après les mots cités III p. 242 n. 5 : ceterae poenae ad
exislimationem, non ad capitis periculum pertinent, veltiti relegatio ad tempus
vel in perpetuum vel in insulam vel cum in opus quis publicum datur vel cum
fustium ictu subicitur. Paul, 5, 17, 2 : minimae relegatio, exifium, opus pu-
blicum, vincula. Le même, Dig., 48, 1, 2, après le passage cité III p. 242 n. 2 :
7iam cetera (c'est-à dire le bannissement sans interdiction) non e.rilia, sed
relegaliones proprie dicuntur, tune enimcivitasretinetur. Noncapitalia sunt {en-
outre) ex quibus pecuniaria aut in corpus aliqua coercitio poena est. Africain,
Dig., 37, 1, 13. Marcien, Dig., 48, 17, 1, 1. Lorsque Venuleius Saturninus,
Dig.. 48, 2, 12, 4, présente la relegatio comme une poena capitis inapplica-
ble aux esclaves, il pense à la déportation.
(2) Gaius, 4, 111. Paul, 5, 16, 5. Dig., 48, 2, 12, 4. tit. 16, 18, 2. 49, 9, 1-
tit. 14, 2, 2 : Le plus souvent, on comprend aussi dans cette catégorie les
actions d'amende non criminelles.
244 DROIT PÉNAL ROMAIN
tion de Sylla, dont l'interdiction ne pouvait être classée parmi
les peines capitales qu'en contrariant cette dernière notion et
qui réprimait Vambitus en privant le coupable pour dix ans
de l'aptitude aux charges publiques. Elle fut encore plus
défectueuse, lorsque la peine de la relégation fut admise et
ne convint absolument plus au système des peines de l'époque
impériale. Dans une pareille division, tout degré intermé-
diaire des peines fait défaut. Si certains textes donnent ce ca-
ractère aux peines contre l'honneur, poenae existimationis (1),
cette catégorie a probablement eu pour point de départ la
perte de l'éligibilité et d'autres peines analogues ; mais le
terme, employé pour désigner ce degré intermédiaire, est lui-
même peu satisfaisant.
Loi pénale et La pcluc encouruc pour un délit est ordinairement fixée
condamnation j i>- \ • ii-ii » i
pénale. ddus 1 aucicn droit par la loi elle-même ou par la coutume
ayant force de loi et la condamnation pénale se contente
de reconnaître que le délit a été commis. Il en est résulté
une certaine liberté pour l'exécution; il est notamment vrai-
semblable que maintes fois, en cas de condamnation à mort, la
forme de l'exécution n'a été juridiquement fixée, ni par une rè-
gle générale, ni par la sentence elle-même, et que par suite elle
a, dans les limites fixées par la coutume, dépendu de l'arbi-
traire de l'autorité compétente. Le droit postérieur a, par con-
tre, abandonné de plus en plus le système de fixation légale
de la peine, et a, en établissant des peines facultatives ou ar-
bitraires, confié'au juge le soin de proportionner la peine au
délit.
Aperçu Dans l'exposé des peines romaines qui va suivre, aux deux
es peines, j^^^gg ^jg réprcssion que connaît le droit primitif: la peine de
mort (Sect. II) et l'amende fixe (Sect. XI) et à ceux qui appa-
(910) raissent plus tard: la restriction des droits civiques (Sect. IX),
le bannissement et l'internement introduits par Sylla (Sect. VII)
(1) Callistrate, Dig., 48, 19, 28 (III p. 243 n. 1) et 50, 13, o; Ulpien, /)(".7.,
50, IC, 131, 1 : poena non tant uni pecuniaria, verum capitis et existimationis ir-
rogavi solet.
LA PEINE 245
et les travaux forcés créés par Tibère (Sect. IV), nous avons,
pour donner un meilleur aperçu de la question, ajouté d'une
part les deux moyens, qui appartiennent à proprement parler
à la coercition, mais qui sont fréquemment utilisés en droit
pénal : la prison (Sect. VI) et les peines corporelles (Sect. VIII),
et d'autre part ceux qui n'apparaissent pas en droit pénal
comme peines indépendantes, mais comme conséquence d'au-
tres peines de ce genre: la perte de la liberté (Sect. III), celle
du droit de cité (Sect. V) et la confiscation du patrimoine (Sect. X).
Comme conclusion de ce Livre, nous exposons le développement
du système de proportionnalité des peines et nous donnons un
aperçu général des peines dans leur application aux différents
délits (Sect. XII).
(911) SECTION II
LA PEINE DE MORT
Nom. Il n'y a pas pour désigner la peine de mort d'autres ter-
mes techniques que celui de supplicium, originairement lié à
une forme spéciale de cette peine dont nous parlerons plus
loin et employé plus tard dans un sens général, et que celui
de poena capitis ou capitalis. Par contre, le mot animadver-
tere, qui signifie littéralement « faire attention », devient,
dans une acception restreinte et détournée, non seulement le
terme qui sert à désigner la répression, mais même l'expres-
sion régulière pour l'exécution capitale (1).
Intervalle Le droit péual de l'époque républicaine ne connaît pas d'in-
?^'"^^*. tervalle légal entre la condamnation à mort ayant force de
condamnation "^ o •>
à mort et son chosB jugée (2) et son exécution, la procédure normale est au
contraire l'exécutiou immédiate (3). Seule, la femme enceinte
(1) Lorsque le mot animadverlere est usité chez Gicéron pour désigner
des peines, il se rapporte déjà le plus souvent à la peine capitale (ainsi,
par ex. : /n Verr., 2. 13, 33; Ad fam., 5, 2, 8). Dans le langage juridique,
ce mot sert d'antithèse à la peine de mort rigoureuse, donc principale-
ment h la décapitation. Marcien, Dig., iS, 19, H, 3 : capitis poena est bestiis
ofnci vel alias similes poenas pati vel animadverti. Macer, Diçi., 48, 19, 12 :
hi in quos animadverti jubctiir quive ad hestias danliir. Paul, Dig., 48, 24, 3 :
corpora animadversorum quibuslibet petentibus ad sepulturam dantur. Ulpien,
Dig., 48, 24, 1. cpr. III p. 262 n. 1.
(2) Sur l'appel contre la sentence capitale, cpr. II p. 155 n. 1 ; sur la
demande de la confirmation impériale requise dans certains cas, cpr.
I p. 325.
(3) Tacite, Ann., 3, 51 : ductus in carcerem et stalim exanimatus. 14, 64 et
autres textes. Gratien, C. Th., 9, 3, 6 — C. Jusl., 9, 4, 5 : de liis quos tenet
LA PEINE DE MORT 347
a le droit de réclamer le retard de rexécution jusqu'au mo-
meat de sa délivrance (1). Sous le Principat, un sénatus-con-
sulte de l'aa 21 décida que le sénatus-consulte prononçant (912)
une condamnation à mort, qui, comme toute autre décision du
sénat n'acquérait force de chose jugée que par son enregis-
trement à raerarium, ne devait être enregistré au plus tôt que
dix jours après sa rédaction pour accorder ainsi un délai à
celui qui était condamné de cette manière (2). Dans un pro-
cès qui se déroule au cinquième siècle devant le sénat, on fixe
un délai de trente jours en se référant expressément à cet
ancien sénatus-consulte (3); mais il y a peut-être ici une con-
fusion entre cet acte du sénat et une constitution de l'empereur
Gratien de l'an 382 qui prescrit un délai semblable pour l'exé-
cution des sentences capitales prononcées directement par
l'empereur (4). Du reste, ces deux tribunaux souverains ont
vraisemblablement dépassé les bornes qu'ils s'étaient posées à
eux-mêmes (o).
D'autre part, les lois ne fixent aucun délai minimum ou ma-
carcer sanclmus, ut... conmclum velox poena suhducat. La règle résulte ici
de ce que les sources ne mentionnent aucun intervalle.
(1) Paul, 1, 12, 4. Dig., 1, 5, 18. 48. 19, 3. Passio Perpetuae, c 15. Quinti-
lien, DecL, 277.
(2) St. R., 3, iOll [Dr. publ,, 7, 207]. Tacite, Ann., 3, 51, Suétone, Ttb.,
75. Dion, 57, 20. 58, 27. La condamnation, mentionnée par Sénèque, De
tranq. an., peut aussi avoir été prononcée par le Sénat.
(3) Sidoine, Ep., i. 7, 12 : nunc ex vetere senatus consulta Tiberiano triginta
dierum vitam post senlentiam trahit. A titre de confirmation, on peut citer
le délai de trente jours qu'on trouve chez les rhéteurs (Quintilien, 313 ;
Galpurnius Flaccus, 25), mais nous n'avons pas d'autre preuve.
(4) C. Th., 9. 40, 13: = C. Just., 9, 47, 20, qui d'après l'inscription serait
de Gratien, Valentinicn II et Théodose, mais qui, ayant été rendue à
Vérone, émane donc de Gratien. L'inscription et la subscriptio de cette
constitution ont été attaquées, parce que les historiens chrétiens : Rufi-
nus, Hist. EccL, il, 18; Sozomène. Hist. EccL, 7, 25 et Théodoret, 5, 18
(de même : Zonaras, 13, 13; Hist. tripart., 9, 30) attri])uent cette constitu-
tion à Théodose et la rattachent à la répression qui eut lieu à Thessa-
lonique en 390. Mais les meilleures relations ne disent rien de cette pré-
tondue connexité : Ambroise lui-même Ep., 51 semble plutôt indiquer, en
appelant Théodose du nom de « Gratiani patrem », que Théodose avait
violé la loi que cet empereur lui-même avait promulguée avec le con-
cours de Gratien.
(5) Par exemple, Dion, 70, 8. 9.
248 DROIT PÉNAL ROMAIN
ximum pour la remise de l'exécution ; le jour de l'exéculion
dépend bien plutôt de l'arbitraire du magistrat chargé d'ap-
pliquer la peine. Celui-ci a par suite la possibilité non seule-
ment dereculer l'exécution pour se livrer à de nouveaux interro-
gatoires ou pour d'autres raisons (1), mais même de ne pas
(913) procéder à l'exécution, ce qui eut lieu tant à l'époque républi-
caine que sous le Principat. Or, comme le condamné à mort est
de plein droit soumis à la détention (Fil p. 30o), il arrive
ainsi que la condamnation à mort peut se transformer en
fait en une détention cà perpétuité (2). Au troisième siècle
ap. J.C., on prescrit que l'exécution des sentences capitales
des gouverneurs de province ne peut être retardée plus d'un
an (3) ; mais cette disposition n'a pas passé dans la législation
de Justinien.
Temps L'exécution de la sentence de mort ne peut pas avoir lieu un
de l'exéculion. . -i pk / r \ i • /«x i • i ,-i < • i
jour de lele (4) ou la nuit (o), du moins iorsqu il s agit d une
exécution publique.
Lieu En ce qui concerne le lieu de l'exécution, la vieille formule,
de l'exécution. , , . r, . j -..iii.'
conservée pour le cruciliement, donne au magistrat la liberté
de choisir le lieu du supplice dans les limites ou en dehors du
pomerium (6) ; mais il faut ici étendre la limite du pomerium
(1) Ulpien, Dig., 48, 19, 6 s'occupe du cas où le condamné se dit prêt
à faire certaines déclarations. La nécessité d'une remise se produit fré-
quemment en cas de condamnation à l'exécution capitale dans une fête
populaire {Dig., 48, 19, 29) ; appelé à appliquer cette peine à l'évéque Po-
lycarpe, l'asiarque déclare que les jeux (x-jvr,Yéfria) sont passés et l'évéque
est condamné à périr par le feu {Martyr. Volycarpi, c. 12). Constance a in-
terdit les demandes de grâce postérieures à la reddition de la sentence
(C. Tli., 9, 40, 4 = C. Just., 9, 47, 18).
(2) Cpr. III p. 30G n. 3. C. Asinius Gallus fut condamné à mort en l'an 30
ap. J.-C, puis sévèrement maintenu dans une détention domestique jus-
qu'à sa mort (jui eut lieu en l'an 33, peut-être par suicide (Tacite, Ann.,
6, 23 ; Dion, 58, 3. 23).
(3) Ulpien, Coll., 1!. 7, 4 : ad glailium damnati confestim conaumunlur vel
cerle inlra annum debent consumi, hoc enim mandnlis conlinetur. Paul, 5, 17, 2.
(4) Suétone, Tib., CI : nu/lus a poena hominum cessavit dies, ne rellglosus
quidem et sacer; animadversnm in quosdam ineunte anno novo. Ce dernier
point nous est rapporté par Tacite, Ann., 4, 70.
(5) Sénèqufi, De ira, 3, 19.
(6) Tite Live, 1, 20 : vel intra potneriian vel e.rtra pomerium.
LA PEINE DE MORT 249
jusqu'à la première borne railitaire. Celte règle s'applique
vraisemblablement à toutes les exécutions qui concernent la
ville de Rome. L'exécution par la hache sur le champ de Mars
avec le concours des flamines de Mars et de Jupiter, qu'on
rencontre à l'époque de César et après laquelle les têtes des
suppliciés étaient exposées à la regia sur le forum (1), n'est
sans doute que la reprise d'une forme d'exécution de l'époque
primitive; le champ de Mars est d'ailleurs encore nommé à
d'autres endroits comme lieu de supplice (2). Mais, d'après une (914)
vieille tradition, des exécutions par la hache (3) ont également
eu lieu s\iv\q forum et c'est' ici qu'en cas de crucifiement on
procède à la flagellation (4). Sous le Principat, les exécutions
(1) Dion, 43, 24 pour l'année 708 ; 6ûo avopE? (deux soldats mutinés) èv
toÔtco) T'.vl lîpoupyiaç è(T5âYT,ffav. .. èv tm 'Apî'.to ueôki) npo; te rùv ttovtiçîxwv xal
npb? Toû tspéw; To-j "Apsw; iT-jOv|Crav xal a? ve xs?a),al (donc par la hache, car
l'emploi de l'épée n'est pas admis dans cette ancienne procédure) aÙTûv
Tîpô; To paffi)£tov{cpr. Jordan, Rom. Top.,\, 2, p. 42.") âv£T£6r|0-av. Dion ajoute
qu'il n'est question ici ni d'un oracle des sibylles ni d'aucune autre ins-
tigation extraordinaire ; cette remarque prouve plus nettement encore
qu'il s'agit ici d'un retour à une forme originaire. — Dans un procès
d'inceste où l'accusé devance la sentence en se suicidant, Claude fait
procéder à une procuratio conformément aux lois du roi Tullus Hostilius
(on pense ici à la purification à raison du meurtre commis par Horace sur
sa sœur, Tive-Live, i. 29) et ordonne aux pontifes d'offrir un sacrifice
dans le bois de Diane (dans le bois d'Aricie? ; Tacite, Ann., 12, 8).
(2) Dans l'affaire de Rabirius, la croix doit être dressée sur le champ
de Mars. Gicéron, Pro Bab., 3, 10, 4. M. 10, 29.
(3) Il est question du foriun pour l'exécution des fils de Briilus (Denys,
5, 8) et dans un procès devant un dictateur rapporté par Tite-Live 8, 33, 21
c'est également lui qui est mentionné pour les exécutions qui furent fai-
tes pour cause de défection en 440/314 d'habitants de Sora (Tite-Live,
9, 24, 15 : omnes qui Romam dediicti erant uirqis in foro caesi et seairi per-
ctissi sunt), en 441/313 de Frégellans (Diodore, 19, 101 : toÛtou; àTt-JiyaYev zlç,
*Pwu.T)v xa'i ■TcpoayavMV eîç t:t^-i àyopàv paêôiaa; itzzKkY.im xairà to Tvà-piov k'601;) ;
en 483/271 de la garnison romano-campaniennede Rhegium (Polybe, 1, 7 r
J)v àvaT;Ep.36£v:(i)v £'.; ty)v 'Pw^(,r,v oî (jTpaTïjyol Trpoayayôvreç eîc Tr,v àyopàv xcà
|j.a<7Tiy(ii(7avT-£; â-avtac xa-rà -h itap' a-JTOï? TîdfTpiov à'60; è7t£).éx'.aav ; de même
Denys, 20, 5 et ailleurs). Le récit de Denys, 6, 30, d'après lequel une exécu-
tion de ce genre aurait eu lieu hors de la ville, est incorrect. L'exécution
des prisonniers de guerre produits dans le cortège triomphal a dû, aussi
longtemps qu'elle a été accomplie en public (III p. 268 n. 5), avoir lieu
sur le forum, parce qu'ils étaient conduits au supplice, lorsque le triom-
phateur montait du forum au Capitole (Gicéron, Verr., 5, 3, 77).
(4) Tite-Live, 22, 57, 3 et Pline, Ep., 4. 11, 10 parlent à ce propos du
♦■i'
250
DROIT PENAL ROMAIN
(915)
Exécutions
dirigées par
un ma
ou DOD.
Officiales
du magistrat
publiques sont ordinairement accomplies sur l'Esquilin (1).
— Quant à l'exécution dans le cachot, nous en parlerons plus
loin. — L'exécution du coupable sur le lieu du crime dans
un but d'intimidation est une procédure de la dernière épo-
que (2).
Pour les formes de l'exécution capitale, il faut distinguer
les exécutions dirigées par un magistrat, parmi lesquelles
gisira't nous faisons rentrer celles que préside un pontife, et les exé-
cutions où ne se rencontre pas cette direction.
L'exécution dirigée par un magistrat est accomplie par les
officiales du. àéienieur àe Vimperium. Ceux-ci sont en pre-
mière ligne les licteurs, c'est-à-dire des citoyens romains qui
portent dans ce but les verges et les haches nécessaires pour
les principales formes d'exécution (3). Pour les exécutions des
comilhim; Denys, 9, 40 et Dion chez Zonaras, 7, S et 78. 9 du forum. D'a-
près l'indication de Cieéron (Pro Rab. ad pop., 3, 10 : me . . . carnificem de
foro, crucem de campo susiullssc), le cruciliement était accompli sur le
champ de Mars et la flagellation avait lieu sur le forum. IMéme en cas
d'exécution non publique, la flagellation était infligée sur le forum (III
p. 269 n. 1).
(1) C'est sur l'Esquilin qu'ont lieu sous le Principat l'exécution par la
hache (Suétone, Claud., 25 : in campo Escjuilino) et le crucifiement (Tacite,
Ann., 2, 32 : ej:lra portam Esquilinam). C'est également là que les escla-
ves ont été exécutés de tout temi s {extra portam : Piaule, Mil., 359) ; le
locus serviiibus poenis destinatus, où nous savons qu'une exécution militaire
fut accomplie (Tacite, Ann., 15, 60), doit être aussi l'Esquilin. Selon toute
apparence, il n'y a plus guère à cette époque d'exécution publique que
pour les esclaves. L'Esquilin était aussi le lieu où étaient jetés les ca-
davres de ceux qui étaient privés du droit d'être inhumés (Porphyrion
sur Horace. Epod., 5, 99). — Le lieu, où d'après Plutarque, Galh., 28 -o-jç
ûiîb Twv Kaidàptov xoXa^ojxévoyi; ôavaToOdiv, s'appelle d'après les manuscrits
Sr,<7-ép'.ov, qui avec une légère modification correspond à sessorium (Be-
cker, Top., p. 555). — Il y a également dans les municipes des loca noxio-
rum poenis deslinala de ce genre {Grom., p. 55).
(!') Dig., 48, 19, 28, 15. Cpr. Galenus, III p. 338 n. 5.
(3) St. R., 1, 373 [Dr. puhl., 2, 2.]. Ce rôle des licteurs nous est attesté
par le procès d'Horace (Tite-Live, 1, 26), il est déjà indiqué par leurs
insignes eux-mêmes. Les licteurs de Rome servent aux magistrats en
général {St. R., 1, 344 [Dr. puhl., 1, 394]), et ont sans doute été utilisés dans
les exécutions des duumvirs et des questeurs. C'est également unlicteur
qui accomplit les exécutions prescrites par le gouverneur de province ;
celui de Vi'rrès est appelé caruifex, mais ce mot est pris ici dans un
mauvais s(Mi.s pour l)lùini'r les exécutions de Verres (Cieéron, Verr., 5, 45,
LA PEINE DE MORT 251
esclaves et pour celles qui ont lieu dans la prison, le déten-
teur de Vimpemim est remplacé par des magistrats auxi-
liaires, les triumvirs, et à la place des licteurs fonctionne le
bourreau, considéré comme infâme (1), le carnifex (2). Ce
dernier parait même avoir accompli plus tard les exécutions
qui antérieurement incombaient aux licteurs (3). Quant aux
soldats employés pour la forme militaire de l'exécution capi-
tale, nous en parlerons à propos de celle-ci.
L'exécution capitale dirigée par le magistrat a lieu publi- Formes
quement en plem air, ou en secret dans la prison. Dans le pre- (jj^igéc par
miercas, le peuple est, d'après l'ancienne coutume, convoqué «n magistrat.
au supplice par un appel du cor (4) . Lorsque le délinquant a été (916)
H8, cpr. 54. 142) ; car il n'y a pas de véiùtable carnifex dans la suite des
gouverneurs de province. Le torlor caniifexque du gouverneur de la pro-
vince d'Asie (Cicéron, Phil., M, 3, 7) doit être son licteur.
(!) Val. Max., 8, 4, 2 : servus , . a judicibus damnatus et a L. Calpuniio
triumviro in crucem actics est. Pour le siipplicium triumviral inlligé en
prison, v. plus loin.
(2) Le carnifex ne semble pas avoir été \\n esclave, mais il était un in-
fâme : il ne pouvait pas ha])iter dans la ville (I p. 53 n. 1) et la sépulture
lui était refusée comme au suicide (Festus, Ep., 64 : carnificis loco habehatur
is qui se vulnerasset ut morerelur; pour le suicidé cpr. les scolies sur Vir-
gile, Aen., 12, 603 et l'inscription de Sassina C. I. L., XL 6528 =z I, 1418).
Sénéque, Ep., 24, 14 parle de la turba carnificum ; Val. Max., 8, 4, 7 semble,
par les mots: is qui custodiae praeerat, désigner un chef de ces serviteurs
de la prison.
(3) On ne peut douter qu'originairement \g carnifex accomplissait seu-
lement les exécutions d'esclaves. Plus tard, c'est par lui que s'opérait
en général le crucifiement (Cicéron, Pro Rab. ad pop., 3, 10. 4, 11. 5, 15. 16 ;
de même Tacite, Ann., J4, 48 et Suétone, Claud., 34 : cum spectare antiqui
moris supplicium Tiburi concupisset et deligatis ad palum îioxiis carnifex dees-
set, accitum ub urbe vesperum usque opperiri perseverauit). Il est également
utilisé plus tard(Pline, Ep., 4, il, 9) pour l'exécution de la vestale et pour
précipiter le condamné du haut de la roche Tarpéienne (III p. 271 n. 4).
(4) St. H., 1, 198 n. 3 [Dr. puhl., 1, 226, n. 3]. Sénèque l'ancien, Contr.,
9, 2[25], 10 (cpr. 14) : ascendit praetor [le gouverneur de province) lribi/)ial
inspectante provincia. Noxio posfterga cteligantur maniis. . fit a praecone silen-
fium : adfiibentur deinde légitima verba ; canitur ex altéra parte classicurn. Sé-
nèque le jeune. De ira, i, 16, 5 : etsi perversa induenda rnagistratui vestis et
convocanda classico contio est, procédant in tribunal non furens . . . et illa
sollemnia verba leni . . . voce concipiani et agi jubebo non iratus. Tacite, Ann..
2, 32. Le peuple se réunit naturellement comme contio et non comme co-
mitia ; les mots in campo Marlio comitiis centuriatis de Cicéron, Pro Rab. ad
pop., 4, 11 doivent, comme le prouve Vin contione qui précède, être ainsi
par la hache.
252 DROIT PÉNAL ROMAIN
conduit au lieu de l'exécution (1), le magistrat, en costume de
deuil, c'est-à-dire portant sa loge retournée (2), prend place
au tribunal et ordonne — il ne procède jamais lui-même à
l'exécution — aux officiales d'accomplir leur mission (3).
L'exécution a lieu par la hache, la croix, la submersion, le
feu, Tépée et enfin dans la forme d'une fêle populaire.
Drcipitation i. Dc loutcs les formcs quc nous venons de citer la plus an-
cienne est celle de la décapitation par la hache. C'est d'elle
que viennent les deux expressions qui dans l'usage postérieur
du langage servent à désigner la peine de mort en général
et qui reçoivent même une acceplion plus large, à savoir celle
de peine capitale, poewi capitis (111 p. 24 1\ et vraisemblable-
menl aussi celle de « génuflexion », supplicium (4). Celte forme
entendus que le cnmpus destiné aux. comices avait été profané par une
exécution.
(1) A l'époque postérieure, il est question d'une escorte {prosecuilo;
C. Th., 9, 40, 16, 1) comme pour le transport des prisonniers (I p. 363 n. 4).
(2) SI. /?., 1, 419 [Dr. publ., 2, 57]. Sénéque, De ira, i, 16 (III p. 251
r. 4). Sénéque, Contr., 9, 2, 14 : eum animad vert ère debeat Irgitinio cultu ac
more sollemni usas.
(3) La formule est lege ar/e. Tite-Live, 26, 15, 9. c. 16, 3 (d'après lui Val.
Max., 3, 8, 1) : lictor, viro forti adde virgas et in eum primum lege âge. Séné-
que, Contr., d, 2, 10 (III p. 251 n. 4). Sénéque, De ira, 1, 16(111 p. 251 n. 4).
(4) Siipplicare, supplex, supplicium, ne peuvent pas, au point de vue phi-
lologique, être séparés de plicare =z plier, de simple.r, et de duplex, et se
rattachent vraisemblablement aussi à plectere = tresser. La formule sub
vos placo (Festus p. 308) peut bien donner le mot supptacare (cpr. succla-
mare) ; mais ce mot doit être distingué de suppHcare pour plusieurs rai-
sons, dont la plus importante est que supplicare à la bonne époque régit
le datif (suppUco vobis) et que l'accusatif n'a été admis ici que tardi-
vement (cpr. Priscien, 18, 219, où des doutes surgissent quant à l'au-
thenticité do la citation d'Accius). Donc, si supplicium désigne l'acte de se
courber, ce mot ne contient aucune'allusion à la ■rtpo(7X'jvy,(7'.ç; car le Ro-
main prie debout, tandis que la génuflexion dans la prière et d'une ma-
nière générale \a. supplicatio religieuse ne sont apparues dans la religion
romaine qu'avec la réception du culte grec par cette dernière (Marquardt,
Sfaalsvenv.,3. 48. 188 [Manuel Antiq. Rom., 12, 59. 225]. Il en résulte que le
mot supplicium, dans sa signification fondamentale, désigne l'acte de
courl)er la tête pour recevoir le coup de hache. 11 n'est pas possible dc
découvrir ce que disait Festus p. 309 dans la glose supplicia détruite ; le
rapprochement opéré par Isidore, 5, 27, 2. 6, 19, 82 entre la supplicatio
et la consecratio bonorum est erroné. — Dans la dernière période, le
terme supplicium, abstraction faite de l'emploi qui en fut fait sous l'in-
fluence de sa signification étymologique de génuflexion pour exprimer
LA PEINE DE MORT 253
d'exécution se rencontre dans la procédure de César, men- (917)
lionnée ci-dessus (III p. 249 n. 1). Le port de la hache est la
manisfestation sensible de la plénitude &Hmperium chez le
magistrat. Il en est surtout ainsi dans la légende relative à
la dernière sentence criminelle d'une haute cour de justice
qui ait été exécutée à Rome dans cette forme, c'est-à-dire
dans le récit de l'exécution des lilsdu premier consul conjurés
pour restaurer la royauté (1), événement auquel la légende
rattache le retrait de la hache du bourreau des insignes de la
magistrature urbaine. Cette réforme est le symbole non de
l'abolition de la peine de mort vis-à-vis des citoyens, car il
n'y eut qu'un changement dans le mode d'exécution de cette
peine, mais de la suppression, à l'intérieur des murs de la
ville, du pouvoir militaire qui permettait au détenteur de Vim-
perium de faire abattre à ses pieds la tète du citoyen désobéis-
sant, comme s'il s'agissait d'un soldat insoumis (2). Par consé-
quent, on ne trouve aucune trace de cette forme d'e.xécution
dans la loi des XII Tables, mais cette forme elle-même sub-
siste. Dans la ville même, elle est employée pour les con-
damnations à mort que prononce le dictateur soustrait à la
provocation (3) ou encore pour les exécutions des étrangers
prisonniers de guerre, ,qui, d'après un usage constant, ont
aussi lieu à l'intérieur de la cité (4). Hors de la ville, elle est
régulièrement usitée pour les exécutions que les détenteurs
l'idée de demande (cpr. Piaule, Rud., 23), sert, comme on sait, à désigner
toute peine (C. Th., !2, 1,108 parie de l'introduction par contrainte loco
supplicii dans la curie) et par suite lu peine de mort est appelée ullimmn
supplieum (III p. 242 n. 5).
(!) Tite-Live, 2, 5. Denys, o, 8. 9.
(2) St. R., 1, 319 [Dr. puhl., 2, 10.]
(3) Tite-Live, 2, 18. 8, 33, 18. St. R., 2. 153 [Dr. pubL, 3, 175].
(4) Tite-Live, 8, 20, 7. Ep., 11 : C. Ponlium . . . ductum in triumpho securi
percussit. 20, 13, 15. Autres preuves : III p. 249 n. 3. La protestation éle-
vée contre l'exécution de la garnison de Rhegium (Val. Max., 2, 7, .'5) ne
se fond pas sur cette idée qu'une exécution par la hache ne peut pas
avoir lieu à l'intérieur de la ville, mais sur ce fait que les campaniens
ont le droit de cité romaine. — Dans le dernier siècle de la Répul)lique,
les exécutions qui ont lieu à l'occasion du triomphe ne sont plus accom-
plies en public, mais dans la prison (III p. 268 n. 5.).
254 DROIT PÉNAL ROMAIN'
romains de Vimperium ordonnent contre des citoyens (1) ou
des non citoyens libres (2). C'est seulement sous le gouverne-
ment militaire du Principal que cette forme d'exécution perd
du terrain (3) et est remplacée par l'exécution au moyen de
(918) l'épée. — Pour cette forme d'exécution, on lie les mains du
condamné derrière son dos (4), on l'attache à un pilier, le dé-
pouille de ses vêtements, le flagelle, (5), puis on l'élend sur le
sol et le décapite par un coup de hache (6). On constate donc
ici une concordance parfaite avec la procédure d'immolation
de la victime du sacrifice {!). Il y a là une conséquence du
caractère religieux que nous avons précédemment (III p. 234)
relevé pour l'exécution primitive.
cruciûemeni. 2. Lc crucifiement apparaît dans les documents à un triple
point de vue. 11 se présente tout d'abord sous la forme d'une
exécution dirigée par le magistrat et appliquée au citoyen
libre « d'après la vieille coutume » {more majorum) et se ren-
contre avec ce caractère dans les légendes de l'époque royale,
dans les événements historiques qui s'y rattachent (8) et vrai-
(l)Tite-Live, 2, 59, II. 8, 7, 19. 28, 29, W.
(2) Tite-Live, 9, 16, 10. 24. 30. Cicéron, Verv., 1. 1, 30. 5. 27, 68. 43-46. —
Plutarque, Anlon., 36.
(3) Sénéque, De ira, 2, 5, 5 : Volesus niiper siib divo Augusto proconsul
Asiue cum trecenfos uno die securi percussisset, incedens inler cadavera Gracce
proclamavit : o rem regiam. L'apocalypse de Jean, 20, 4, nomme ri; <V-"/^î
•:wv 7r=7:£).£X'.<7jX£vu)v S'.à tt,v [j.apT-jpiav 'Ir,(ToO. Suétone. Claude, 2o : civitalem
Romanam usurpantes in campo Escjuilino securi percussil. Plus lard, on inter-
dit la décapitation par la hache (III p. 261 n. 5).
(4) Sénoque, Conlr., 9, 2, 10 : tioxio post terga deliguniur manus. Plutar-
que. l'opl., 6 : là; "/EÏpa; àTtfiVov oTtiato.
(5) Tile-Live, 2, ii : slahant deligati ad palum nobilissinà Juvencs .. . lirlo-
res nudalos virgis caedunt securique feriunl. X, 7, 19. 26, 13, la : ut . . [ad]
palum deligalus lacerulo virgis lergo ce rcicem securi Romanae subiciam. 28, 29, 1 1
deligali ad palum virgisque caesi securique percussi. Cicéron, Verr., 5, 46. 121
producu7ilur e carcere, deligrnilur . . feriunlur securi. SC'nèqae, Conlr., 9, 2, 21
despolia.
(6) m p. 249 n. 3 et à la présente page, n. 3. Plutarque, Popl., G : a/p-.ç
xxTKTEivavTc; aCiTO'j; è7t\ To'jfiaço; izî/ixîi là; y.Esa/.à; à7téxo'|/av.
(7) Marquardt, Slualsverw., 3, iS! [Manuel Anliq. Rom., 12, 216].
(S) (v'tte apilication se rencontre principalement dans le récit du pro-
cès d'Horace {|ue nous fait Tite-Live, 1, 26 et dans l'exécution prnjclée
contre C. Rabirius sur le modèle de cette légende (ex annalium monumen-
LA PEINE DE MORT 255
semblablement aussi dans la loi des XII Tables (1). Il apparaît (919)
en second lieu comme exécution pontificale au regard des
hommes (2). Enfin, il sert comme mode d'exécution des es-
claves. Dans cette dernière application, il remonte à une épo-
que ancienne (3) et est devenu plus tard d'un usage constant (4).
lis : GictTon, Pro Rah., '.'>, iîi). Elle se présente également dans cette forme
d'exécution que le langage technique qualifie de i traditionnel ». Tacite,
Ann., 2, 32 : Jn P. Marciinn consules extra portam Esquilinam, cuni classicum
canere j ussissent , more prisco adverlere. 4, 30. 14, 48. 16, 11. Suétone, Claud.,
34^(111 p. 251 n. 3). Néron, 49 (reproduit par Victor. Ep., '6, et par Eutrope,
7, 13, mais ici avec une extension inexacte) : leçjit se hostem a senatu judi-
calum et quaeri, ut puniatiir more majorum, interrogavilque, quale id çjeniis
esset poenae , et cum comperisset ntidi homlnis cervicem inseri furcae, corpus
virgis ad necem caedi. Domilien, !1 : more majorum. Gallistrate Dir/., 48, 19,
28, pr., place aussi cette forme d'exécution (car le mot furca est certaine-
ment ici interpolé pour crux) avant la mort par le feu, non pas parce
qu'elle est plus rigoureuse, mais parce qu'elle est plus ancienne.
(1) Suspensum Cereri tieca7-i (8, 8, SchoU [Girard, 8, 9]) ne peut viser que
cette forme d'exécution, car suapendere est l'expression topique pour
désigner le crucifiement. De même, en parlant de formido fuslis, Horace
(Ep., 2, 1, 152) fait allusion au crucifiement et non au supplidum fustua-
rium militaire, introduit à Tépoque postérieure.
(2) Gicéron, De leg., 2, 9, 22 : incestum ponti fices summo supplicia sanciunlo.
Dion chez Zonaras, 7, 8, p. 21. Boiss. : ol Se TaO-ra? (les Vestales) aîcrxûvov-
Tîç eiç ÇûXov TÔv aù)jéva Sixpo'jv i\t.o6Ck\(rnaL'. âv f?) àyopâ xal (istà toOto y\j[j.vo'i
aîxt^ôjxîvcit àTto'!/'jxo'j<7tv et 79, 9 : a-J-bv èv t?, àyopS alxiffôÉv-ra et-a sç xo Seo-
ji'OTrip'.ov à(j,g),r,6?,va'. xàvra-jôa 9avaTa)9f,vat ïùik. Denys,' 8, 89. 9, 40 : xôv Se . . .
èv TÎ) âvopx (iâ-TTi^tv atxi(yâ[j.£vot xaGiitep àvSpdtitoôov. Ïite-Live, 22, 57 : L. Can-
tilius . . . a pontifice maximo eo usque virgis in comilio caesus erat, ut inter ver-
bera expiraret. Suétone, Z>ow., 8 : stupratores virgis in comilio ad necem caedi.
Pline, Ep., 4, 11, 10 : celer eques Romanus . . cum in comilio virgis caedere-
tur. Festus, p. 241 : probrum virginis Veslalis, ut capite punirelur, vir qui
eam inceslavissel verberihus necarelur, lex fixa in alrio Libertalis. Dans la
dernière période de l'Empire, on abrège le supplice en conduisant le
coupable en prison pour y être exécuté (III p. 2G9 n. 7).
(3) Gicéron, Verr., 5, 6, 12 : servos . . ad supplicium j'am more majorum
tradilos . . liherare ausus es . . damnatis crucem servis fixeras.
(4) Elle sert aussi bien aux exécutions des esclaves commandées par
les maîtres qu'à celles commandées par l'Etat. Tite-Live, 3, 8, 10. 22, 33,
2. 24, li, l.'Val. .Max., 1. 7, 4. 8, 4, 2 (III p. 251 n. 1). Florus, 2,7 [3, 19], 7.
Gicéron, Pro Cluentio, 66, 167. Tacite, Hist., 4, 3. Dion 49, 12. Vita Pertina-
cis, 9 et ailleurs. Servile supplicium d'un affranchi : Tacite, Hist., 4, 11
(cpr. 2, 57). G'est de ce point de vue que le crucifiement du citoyen appa-
raît comme une peine aggravée et déshonorante. Le roi Tarquin —
Tarquin le Superbe : Tite-Live, 1, 56,2 — fait crucifier mortsles citoyens
qui s'étaient suicidés à l'occasion de corvées pour les cloaques (Gassius
Hemina chez Servius sur Aen., 12, 603 ; Pline, //. n., 36, 13, 107). On im-
2o6 DROIT PÉNAL ROMAIN
D'après les récils qui nous représentent le crucifiement dans
ses premières applications, l'exécution a lieu de la manière
suivante: on dépouille le condamné de ses vêtements (1), on
lui voile la tête (2), on lui met la fourche (furca) sur le dos (3)
et lui lie les bras aux deux extrémités (4), on hisse ensuite
la fourche, et avec elle le corps, le long d'un poteau planté sur
(920) le lieu d'exécution et on attache les pieds du supplicié à ce po-
teau (o). Lorsqu'ilestaiusicruciGé(0;, le délinquant est flagellé,
— Les mêmes formes sont observées dans la procédure pon-
tificale provoquée par l'inceste d'une Vestale pour l'exécution
de l'amant coupable (III p. 255 n. 2). — Dans les exécutions
d'esclaves, on pose la fourche sur le dos du criminel et on le
lie avec elle à un poteau (7), puis on le flagelle dans cette po-
putc au même roi le crucifiement de ciloj'ens libres (Dion, //•., 11, 6). Des
gouverneurs de province ont aussi ordonné des exécutions de ce genre :
Gicéron, Ven\, 5, 62; Suétone Galb., 9. Le crucifiement (plus tard lu
fujxa) hit interdit au regard des soldats : Dig , 49, 16, 3, 10; cette pres-
cription ne fut pas observée par Marc Aurèle {Vita, 12).
(1) Suétone, Nero, 49(111 p. 254 n. 8). Dion, //■. 11, 6. Artémidore, 2, 53 :
Ifjfivoi a-Tau po'jv-rai.
(2) Formule chez Tite-Live et Gicéron (III p. 254 n. 8) : capid ohnubHo.
(3) Suétone, A'e/-., 49 (III p. 234 n. 8). Tite-Live, 1, 26,10 : subfurca vinctum.
(4) Les termes de la formule chez Tite-Live et Gicéron : liclor, coniuja
7?!a/iMS (Tite-Live ajoute: accesserat liclor iniciehalque laqueum; Tacite,
Ami., 14, 48 : carnificem et laquemn pridem abollta) portent plutôt à croire
que les mains étaient liées derrière le dos; mais une telle manière de
faire se concilie dilficilement avec les autres détails de ce supplice. Si
toutefois on avait réellement procédé ainsi dans ces exécutions, il y au-
rait à cet égard une dilïérence entre le crucifiement de l'homme libre et
celui de l'esclave.
(5) Formule chez Tite-Live et Gicéron : in/elici arhori reste suspeytdilo
(cpr. m p. 255 n. 1). Gicéron, Pro Rab., 3, 11 : criicem ad civium supplicium
defigi et consli lui jubés. On place, en outre, sous les pieds du supplicié un
morceau de bois sur lequel repose son corps (Justin, JUal., 91 ; Irénée,
Ad Haer., 2, 24) ; car les bras seuls ne l'eussent pas porté,
(6) Gicéron (P/-o Itab., 2, 10. 3, H. 5, 16. 10, 28) parle de la crux: il ne la
mentionne qu'avec défaveur, sans doute par allusion à l'exécution dos
esclaves, mais il le fait néanmoins avec exactitude. Sénéque. Ep., 101, 14
rattache aussi Vinfelix lif/num de l'ancienne formule à la crux ; Les écri-
vains qui nous retracent l'iiistoire légendaire de Rome hésitent naturel-
lement à dire (jue l'exécution qui menaçait Horace était colle qui s'appli-
quait tous les jtjurs aux esclaves.
(7) Apposition de la fourclie {/'urca : Val. Max., \, 1, 4) ou du gil)el (pali-
buluiii de palerc, se trouve déjà fréquemment chez Plaute) sur le dos du
LA PEINE DE MORT 257
silion. — Dans ces exécutions, la mort peut arriver par épui-
sement (1), mais elle peut aussi être hâtée par une fustiga-
tion poussée jusqu'à la mort (2) ou par la rupture des jam-
bes (3). Ces trois formes, empruntant leur nom à l'emploi (921)
d'une croiXj ne sont pas essentiellement différentes l'une de
l'autre; toutes sont également rattachées aux mœurs des an-
cêtres ; il est même dit expressément pour l'exécution des
amants des Vestales qu'elle s'accomplit comme au regard
des esclaves (III p. 255 n. 2). Selon toute vraisemblance, le
crucifiement n'est pas plus récent que l'exécution par la ha-
condamné et attachement des mains de celui-ci aux deux extrémités-:
Plaute, Mil., 359 : tibi esse eundum extra porlam (III p. 2oO n. [)dispessis ma-
nihus, patiiulum quom habebis. Sénéque, Ad Marciam de consoL, 20, 3 : bra-
chia -patibulo explicuerunl et chez Lactance, Inst., 6, 17, 28 : exlenduntur per
pulibulum manits. — Le condamné est conduit chargé de la fourche à tra-
vers la ville jusqu'au lieu de l'exécution. Val. Max., 1, 7, 4 : cum per cir-
cuni Flaminiurn .. . servumsuum verberibus inulcatuni iub furca ad supplicium
egisset. — 11 est ensuite attaché à un poteau, palus (Cicéron, Verr., 5, 5, 6)
ou aux stipes (Sénéque; De vita beala, 19,31 : slipitibus sinç/ulis pendent) ou
à la croix : Plante, chez Nonius, p. 220 v. patibulum : palibulum ferai per
urbem, deinde affigatur cruci. Ces témoignages suffisent pour caractériser
cette exécution plutôt domestique que publique.
(1) C'est pour cela que chez Tite-Live la formule s'arrête au mot ver-
beralo, sans préciser le mode de mort. Cicéron, Pro Rab., 4, 12 dit aussi
simplement : flagella retulit. C'est par là que s'explique également la for-
mule necare et verberare (I p. 46 n, 1).
(2) La fustigation à mort apparaît comme forme d'exécution au regard
de l'amant de la vestale (III p. 255 n. 2) ; de même Cornélius Nepos dit chez
Aulu-Gelle 17, 21, 24 : M. Manlius . . verberando necatus est, et lorsque Né-
ron demande ce qu'est la peine de mort, on lui répond : corpus virgis ad
necem caerfj (111 p. 234 n. 8). Cette forme de mort parait avoir été plus tard
la régie en cas de crucifiement d'un_homme libre. — UIpien(/7/^.,48, 19, 8, 3) :
nec ea quidem poena damnari quemoportet, ut verberibus necetur vel virgisrin-
lerimatur ne pense pas ici à cette ancienne forme de peine, mais au sup-
plicium fusluarium des esclaves, qu'on rencontre fréquemment dans la
dernière période de l'empire et que nous mentionnons à propos des pei-
nes corporelles (III p. 335 n. 4).
(3) Victor, Caes., 41 : Constantinus . . eo pius, ut etiam velus teterrimumque
supplicium patibulorum et cruribus suffringendis primum removerit. Firmicus
Maternus, 8, 6 : aut in crucem toUunlur aut illis crura publica judicum ani-
madversione frangunlur. Cicéron, Phil., 13, 12, 27 (cpr. Pro Sex. Roscio, 20, 56).
Sénéque, De ira, 3, 32, 1. Suétone, Aug., 67. Tib., 44. Eusébe, H. e., 5, 21
(OÙ il s'agit vraisemblablement aussi d'un esclave ; cpr. II p. 188 n. 2).
Cette manière de hâter la mort n'est employée qu'exceptionnellement à
l'égard des hommes libres (Ammien, 14, 9, 8).
Droit Pénal Romain. — T. III. 17
358 DROIT PÉNAL ROMAIN
che et a existé de tout temps à côté de celle-ci ; il est même à re
marquer qu'à la différence de la submersion et de la mort
par le feu il est susceptible d'une application générale et ne
voit pas son emploi restreint à certains délits. Mais seule, la
décapitation se présente comme un sacrifice et par suite
comme le mode régulier d'exécution des citoyens; tout carac-
tère religieux manque au crucifiement. Celui-ci n'est pas com-
plèlement inapplicable au citoyen; bien au contraire^ lorsque
l'emploi de la hacbe eût été supprimé pour les exécutions ur-
baines, il subsista seul comme mode régulier d'exécution^, si
l'on fait abstraction de certaines formes spéciales à certains dé-
lits. Toutefois, comme cela ressort de l'exposé qui précède, il est
considéré comme déshonorant et est regardé à l'époque histo-
rique comme devant surtout servir pour les esclaves (III p. 255
n. 4). Depuis l'application du système de distinction des
peines suivant le rang social des condamnés, le crucifiement
n'est pas possible au regard des personnes de condition; on
écarte toutefois cette restriction pour les crimes les plus gra-
ves, ainsi que cela ressort des indications isolées que nous
avons données dans le Livre IV et de l'aperçu général que
nous fournirons dans la dernière Section du Livre V. — Sous
rinfluence][du christianisme qui trouvait dans la croix son
symbole, le crucifiement a été aboli dans les dernières années
du règne de Constantin (1) et remplacé par la strangulation
publique à la potence (2).
Peine du sac ou 3_ La inisc cu sac {culicus) est la peine infligée au pairici-
submersion. 5. i • j i
(922) «^'w^w (3), c'esl-a-dire dans l'acception large que reçoit ce mot
(1) Victor. Caes.. 41 (III p. 257 n. 3). Sozomène, Ilist. eccl., 1. 8. On ren-
contre encore dans un édit de Constantin de 314/9 (Bruns, Fontes G, p. 2JiO
= C. Th., 9, 5, 1) la fornuih; palibulo adfijus.
(2) Crux et palibulum ont disparu du droit pénal depuis Constantin et
ont été remplacés (comme le montre notamment Paul, li, 22, 1 := Dig.,
48, 19, 38. 2) par furca (Dig., 48. 19, 9, 11. 1. 28, 15 1. 38, 2). Isidore, Orig.,
5, 27, 34 détermine la dilTorence de fond qui existe entre la furca et la
crux '. palibulum vulgo fuvca dicilur quasi ferens caput ; suspensum enim et
slrangulalum e.r eo e.ianimal. Sed palibuli viinor poena quam crucis ; nam
palibulum ajipensos slalim exaniuuit, crux aulem suffixos diu crucial.
(3) La submersion est en outre mentionnée au regard de celui qui dé-
LA PEINE DE MORT 259
au début, au meurtre d'une personne libre (1). Ce mode d'exé-
cution repose sur une double idée : d'une part, sur la
croyance au pouvoir purificateur de l'eau, croyance d'une in-
fluence absolument décisive dans le système où l'on conçoit
la peine comme une expiation; d'autre part^ sur l'idée que le
meurtrier doit être privé de sépulture (2). Il faut, en outre,
pour expliquer l'application de ce mode d'exécution au meur-
tre, qui est de tous les crimes capitaux le plus fréquent, tenir
compte de ce fait que Rome était située sur les bords d'un
fleuve navigable. On comprendra également par ce qui précède
l'affirmation que, d'après la loi des Xfl Tables, le vol de mois-
sons était réprimé plus sévèrement que le meurtre (3); car le
voleur de récoltes était crucifié et le meurtrier submergé.
D'après les récits que nous avons et qui nous rapportent
vraisemblablement des mesures prises par les magistrats
dans des cas concrets plutôt en vertu de leur bon plaisir qu'en
vertu de dispositions légales, le condamné est tout d'abord
flagellé (4), puis on lui enveloppe la tête avec une cape de
peau de loup (5), on lui met des chaussures de bois (6)^ l'en-
ferme dans un sac de peau de bœuf (7) avec des serpents et
voile les oracles des sibylles (II p. 270 n. 1) et à propos des persécutions
de chrétiens (Eusébe, De mari. Pal , 5, 1). Cette peine a été également
prononcée par des tribunaux provinciaux romains (Gicéron, Ad. Q. />'.,
1, 2, 2, 5).
(1) Le meurtre d'un proche n'est devenu qu'assez tard une catégorie par-
ticulière du meurtre (II p. 361); aussi l'application de cette forme d'exécu-
tion très ancienne n'a-t-elle pu être restreinte au début à cette catégorie.
(2) Gicéron, Pro Sex. Hoscio, 26, 72. Quinlilien, DecL, 200. Les particula-
rités de cette forme d'exécution, qui n'est manifestement ancienne que
dans ses grandes lignes, peuvent aussi provenir de cette idée que le meur-
trier doit être privé non seulement de la communauté de l'eau et du feu,
mais aussi de celle des autres éléments comme l'air et le sol (Gonstan-
tin, loc. cit. ; Justinien, Inst., loc. cit.).
(3) Pline, H. «.,18, 3, 12.
(4) Modestin, Ditj., 48, 9, 9, pr. : virgis sanguineis verberatus.
(5) Rhet. ad Her., i, 13, 23 : folliculo lupino os obvolidum esl. Gicéron, De
inv., 2, 50, 148. Festus, p. 170 v. nuptias. Quintilien, DecL, 299.
(6) Rhet. ad lier., loc. cit. : soleae ligneae inpedlbus inductae sunt. Gicéron,
loc. cit. Gpr. I p. 352 n, 2.
(7) Corium : Met. ad lier., loc. cit.; corium bovis : Juvénal, 13, 156; cul-
leus : Gicéron, loc. cit., et fréquemment ailleurs.
le feu.
260 DROIT PÉNAL ROMAIN
autres animaux (1), le conduit au Tibre sur un char traîné
par deux bœufs noirs (2) et le précipite dans le fleuve (3).
Lorsque la peine de mort eut disparu pour les autres caté-
(923) gories de jmeurtre, cette submersion devint dans le der-
nier siècle de la République la peine du meurtre d'un pro-
che. Elle fut abolie même pour ce crime pendant les derniers
temps de la République. Lorsque la peine de mort fut réta-
blie sous le Principat, la restauration ne porta pas tout d'a-
bord sur cette forme spéciale et n'y fut réalisée que par voie
d'extension (4) ; la peine de la submersion ne fut formellement
remise en vigueur que par Constantin pour le meurtre des
proches (5).
Mort par 4. D'après le droit des XII Tables, l'incendiaire est d'abord
flagellé, puis soumis à la mort par le feu (6). On retrouve in-
contestablement dans ce mode de répression l'idée de talion.
(1) Plutarque, Tiberlus Gracch., 20, parle de serpents dans un récit de
l'époque des Gracques ; il en est également question chez Sénéque, l'an-
cien, Contr., 5, 4. 7, 1, 23, et Sénéque le jeune. De clem,, 1, 15; Constantin,
C. Th.-, 9, 13, 1. Des jurisconsultes, Dosithée, Iladr. sent., 1(5; Modestin,
loc. cit. ; Justinien, Inst., 4, 18, 6 mentionnent le coq et le chien. Isidore,
Orig. 5, 27, 36, ne fait allusion qu'au coq. D'après Juvénal, 8, 214. 13, 156,
on y enfermait aussi des singes, mais cette pratique ne peut pas être an-
cienne. Cpr. aussi Eusèbe, loc. cit.
(i) Dosithée, loc. cit.
(3) li/tet. ad lier, el Cicéron, loc. cit. : in proflucntem. Il est aussi ques-
tion de la mor pour cette exécution (Tite-Live, Ep. 68 et ailleurs). D'a-
près Hadrien, lorsqu'il n'y a pas d'eau, la peine de la submersion est
remplacée par celle de l'exécution dans une fête populaire (Di;i., 48, 9, 9,'
pr.)-
(4) Sous le Principat, notamment sous Claude, on trouve des applica-
tions isolées de la submersion pour le prt/vv'cjc/iwwi (Sénéque, De clem., 1,23;
Suétone, Ctaud., 34). Modestin {Dig,, 48, 9, 9) la permet en cas de meur-
tre d'un ascendant. D'après Paul, 5, 24, elle est, à son époque, tombée en
désuétude et à sa place fonctionnent la mort par le feu et l'exécution dans
une fête populaire.
(5) C. Th., 9, 15, 1 = C. Just., 9, 17, 1.
(6) 8, 9, SchôU [Girard, 8. 10] = Dig., 47. 9, 9 : qui aedes acervumve fru-
menti juxla domum position combusseril, vinclus verberalus igni necari jube-
ttir.si modo sciens p'-udenifjue id commisil. La proposition principale émane
certainement de la loi des XII Tal)les et non de Gains ; car ce dernier in-
tori'rêto idiis loin lo mot aedes. Ce dernier terme et la mention de la
meule voisine delà maison attestent la haute antiquité de la prescription.
LA PEINE DE MORT 261
Toutefois ce mode d'exécution reçoit déjà sous la République
une large application (1) et est surtout usité sous le Princi-
pat (2). Le criminel est dépouillé de ses vêtements, cloué ou
lié à un poteau, qu'on élève ensuite dans les airs, et l'exécu-
tion s'achève par l'embrasement du bois qu'on a amassé,^au-
tour du supplicié (3).
5. Sous le Principat — nous ne pouvons pas déterminer Décapitation
avec précision depuis quand, mais vraisemblablement depuis ^" *^""'"
ses débuts, — les officiales civils n'apparaissent plus pour la (924)
direction des exécutions et la procédure du droit de la guerre
est transportée au procès pénal des civils. L'exécution de la
condamnation à mort est ordinairement prescrite ici par l'ordre
d'emmener le condamné que le magistrat donne à un officier
ou à un soldat (4). La forme normale de la peine de mort
reste la décapitation (o), mais la hache est remplacée par
(1) Le récit absolument apocryphe qui nous rapporte qu'au début de la
République neuf tribuns de la plèbe furent brûlés [Rom. Forsch. 2, \^'è.
St. R., 2, 279 [Dr. publ., 3, 321]), montre cependant qu'une telle répression
était considérée comme possible. La mort par le feu est vraisemblable-
ment ancienne.dans son application comme peine militaire aux déserteurs
et aux traîtres (Rell. Hisp., 20 ; Dig., 48, 19, 8, 2).
(2) 11 nous parait superflu d'énumérer les délits nombreux dans lesquels
la peine du bûcher s'appliqua ; car il est manifeste qu'il n'y eut pas à
cet égard de règles fermes. Cette peine se rencontre plus fréquemment
encore dans l'Edit de Théodoric.
(3) La procédure suivie dans cette forme d'exécution nous est indiqvice
par exemple dans les actes dignes de foi des martyres de Polycarpe et du
Pionius : le premier déclare vouloir subir la mort sans être cloué à un
poteau (c. 13. 14 : ol Sa où xa8r|).Mo-av \iïw, Tipoa-é5r,(Tav 5k aOtôv); le second est
cloué à un poteau par le bourreau (c. 21 : r,TtXwffsv layrbv èn\ -coû I-jIo-j xai
TTocplôwxE Tw (7tf,aiiojTri TtEÏpat Toù; T|).oyc), puis le poteau est redressé (c 21 :
àvtôpôwaav aùtôv èizl xoû HijXo'j).
(4) La formule technique est duci Jubere. Sénèque, De ira, \, 18 ; De Iranq.
an., 14; Pline, Ad TraJ., 96, 3 : persévérantes duci j'ussi et autres textes.
(5) Ulpien, Dig., 48, 19, S, 1 : animadverti gladio oporlet, non securi vel
telo vel fusil vel lagueo vel quo alio modo. Caracalla (Vila, 4) blâme un sol-
dat de s'élre servi, pour une exécution, de la hache au lieu de l'épée. Gal-
listrate, Dig., 48, 19, 28, pr. ; capitis amputalio. Paul, S, 17, 2 : decollalio.
De là vient ad gladium dare ou damnare. Paul, 5, 17, 2. Dig., 28, 3, 6, C. 29.
2,23, 3, ou ad ferrum dare: Dig„2&, 1, 8, 4. Ulpien, Coll.. 11, 7, cherche à
justifier un rescrit d'Hadrien dans lequel par suite d'une maladresse Vad
gladium dare se présente comme moins grave que Vin melallum dare en
donnant à gladius le sens de hidus.
363 DROIT PÉNAL ROMAIN
l'épée (1). Ce mode d'exécution apparaît désormais comme la
peine de mort simple par opposition aux formes rigoureuses,
qui peuvent aussi être appliquées suivant la procédure mili-
taire (2). L'opération est ici dirigée par un officier supérieur
ou inférieur (3) ; l'exécution est normalement faite par le spe-
culator, gradé subalterne, qui apparaît déjà à l'époque répu-
blicaine dans ces supplices (4) et qu'on retrouve dans les
(1) L'ouvrage I)e mort, pei'sec, 22 : poena capilis et animadversio gladii
admodum panels quasi benefichiln (par opposition à ignis, crux, ferae) defe-
rebatur. La simple peine de mort s'appelle dans le langage technique
animadversio (III p. 246 n. 1).
(2) Le soin d'infliger àPionius le supplice du feu fut confié à un soldat;
on mentionne à côté de lui pour l'opération du clouage un esclave de la
cité (ô 5riix6atoc;.
(3) L'exécution de Pionius condamné par un gouverneur de province
à périr par le bûcher est dirigée par un commeniariensis (c. 21 : èTT'.axâvTo;
ToO xo[i.£VTap/)fftoy) ; c'est à un centurion qu'est donnée la direction d'une
décapitation par l'épée, également ordonnée par un gouverneur de pro-
vince (Sénèque, De ira, 1, 18): centurio suppUcio praepositiis condere gladiinn
speculatovem juhet. C'est également un centurion qui exécute les condam
nations à mort prononcées par l'empereur : cum centurioagmen periturorum
trahens illum quoque excitari jiiheret (Sénèq., De tranq. an., 14). Sur l'ordre
de l'empereur, un tribun de la garde décapite de sa propre main un homme
de distinction (Tacite, Ann., 15, 60). Agathias, 4, M nous décrit une déca-
pitation d'hommes de qualité qui eut lieu à l'époque de Justinien; les
condamnés sont mis sur des mulets et conduits à travers les rues, tandis
qu'un héraut met la population en garde contre le renouvellement de
pareils méfaits. — Les questeurs impériaux transmettent bien les ordres
de suicide donnés par l'empereur (III p. 274 n. 2), mais ne dirigent pas
les exécutions.
(4) I p. 372 n. 4. Les acla proconsularia de Gyprien (0pp., i, p. GXIII Har-
tel) nous donnent une description très claire de la décapitation par le
speculator. Sénèq., De benef., 3, 25 : bello cicili proscriptum dominum servtts
abscondit et . . speculaloribus occurrit nihilque se depr>:cnri, qtio minus impe-
rata peragerent dixit et deinde cervicem porrexit. Hérode fait exécuter Jean-
Baptiste par un speculator (Marc, 6, 27). Firmicus, 8, 26 : speculatores . .
nudalo gladio hominum amputant cervices. Sénèque, De ira, 1, 18 (III p. 262
n. 3). Dion, 78, 14 reproche à Adventus, qui fut plus tard consul en 218, de
s'être laissé employer comme bourreau (xà xwv tr,\i.iu>y k'pY* xa\ Ttpoaxôirwv
xal lxaTovTâp-/(i)v èTtîTîotr.xst) au temps où il servait, comme speculator
dans l'armée (èv toï; S'.ô;rTa'.;xal £p£yvr,Ta?; [xspiîdOoqjopTiXw;). D'après Ulpion,
Dig., 48, 20, 6, les spolia, c'ost-à-dire ce que le délinquant porte sur lui au
moment où il est conduit à la mort, — le texte fait ici allusion à l'iiabi-
tude de porter do l'argent dans sa ceinture et d'avoir des annt>aux à ca-
cheter qui ont souvent grande valeur — ne doivent pas échoir aux specu-
latores, aux optiones, aux commentarienses, c'est-à-dire aux principales de
LA PEINK DE MORT 263
armées impériales faisant partie soit de la g.irde, foil des lé- (925)
gions (1).
G. L'exécution peut aussi consister à vouer le condamné à Exécution
mort, soit en l'exposant aux bêtes dans des jeux publics (2), '"popurairl!'
soit en le sacrifiant dans quelque autre divertissement popu-
laire. Celte peine se distingue nettement de la livraison du
condamné à l'école des gladiateurs pour qu'il lutte, et non pas
seulement pour qu'il soit mis à mort dans un combat de gla-
diateurs (3). Celte exécution dans une fête populaire, comme
nous l'appelons, appartient comme la forme précédente au
droit de la guerre. On peut prouver qu'à l'époque républi-
la troupe qui prennent part à l'exécution ; ils servent à former une petite
caisse au profit du gouverneur de province pour lui permettre de distri-
buer des gratifications.
(1) Quant à la situation militaire des speculatores, qu'on rencontre fré-
quemment parmi les prétoriens et qui sont au nombre de dix dans chaque
légion, cpr. Gauer, Eph. epirjr., 4, 459 sv. Ils n'apparaissent pas dans les
troupes auxiliaires.
(2) De là, l'expression technique bestiis ohici; il n'y a pas de substantif
correspondant. Il n'appartient pas au droit pénal d'exposer les détails
de cet abus; il suffit de rappeler ici les acclamations delalores ad leonein
{Vita Commodi, i8\, liomicida ad /eone?M (Tertullien, De specl., 21), Chrisliani
ad teonem (Tertullien, Apol., 40 et ailleurs).
(3) L'afiectation d'un condamné à mort aux combats de gladiateurs peut
se présenter aussi comme forme d'exécution. Constantin, C. Th., 9, 18,1
(modifié rz: C. Just., 9, 20, 16) : servies vel libertale dnnatus bestiis primo quo-
gue miinere obicialur, liber autem sub hac forma in ludumdelur gladiatorium,
ut antequam aliquid facial, quo se defendere possit, gladio consumalur. Fir-
micus, 7, 8 : gladiatores efficient, sed qui damnali ad hoc exitium Iransferen-
tur. C'est la même idée qui est exprimée dans la vila Macrini, 12 par les
mots : ad qladium litdi deputari, où l'on pense à l'exécution dans un com-
bat de gladiateurs de celui qui est condamné à périr par le glaive. Sénc-
que, Ep., 7, 3 décrit ces exécutions épouvantables accomplies sur des
personnes désarmées pendant la pause du milieu de la journée. Au cours
delà dernière période, les barbares faits prisonniers pendant les guerres
sont également exécutés dans des jeux de gladiateurs (Vila Claudii, 11 :
ludo publico deputandos ; il en fut de même sous Constantin pour les rois
francs ou alamans qui furent faits prisonniers: Eutrope, 10, 4; Symma-
q\ie. Ep , 2,46. 10, 47). Les luttes de gladiateurs étaient alors organisées
dételle façon que l'issue en était certaine d'avance. Mais ordinairement,
du moins dans la dernière période, on ne traite pas comme équivalant
aux bestiis obici le fait de vouer le condamné aux combats de gladiateurs;
nous parlerons de cette dernière peine plus loin à propos des travaux
forcés.
264 DROIT PÉNAL ROMAIN
(926) caine elle n'a été appliquée que sur l'ordre du général contre
des prisonniers de guerre, notamment contre des dr?erleurs
romains, libres ou non (1). L'emploi qu'on en fait aussi con-
tre l'esclave qu'une sentence de son maître a déclaré coupable
d'un crime capital et que celui-ci livre h ceux qui donnent la
fête pour être soumis à cette exécution, remonte sans doute à
l'époque républicaine ; car une loi Petronia, datant vraisembla-
blement du début de l'empire, exige comme condition de cette
tradition que l'arrêt du maître ait été confirmé par un tribunal
public (2). Les autorités ont aussi infligé la peine de mort sous
cette forme dès l'époque d'Auguste au moins dans des cas iso-
lés (3). Pendant toute la période postérieure, cette forme d'exé-
cution a été maintes fois usitée; il arriva souvent que des mal-
faiteurs célèbres ou qui se signalaient à l'attention publique
par quelque côté étaient expédiés des provinces vers la capi-
tale pour être ainsi produits devant le peuple romain dans
une exécution populaire (4). Ce mode d'exécution est une ag-
■ (1) Des exécutions de cette sorte ont eu lieu en 587/167 au cours du
triomphe de L. Aemilius Paulus, à la suite de la guerre contre le roi
Persée (Val. Max., 2, 7, 13; Tite-Live, Ep., 51); en 608/146 dans le triom-
phe de son fils, le second Africain, loc. cil. ; en 655/99 après la guerre
contre les esclaves siciliens (Diodore, 36, 10),
(2) Modestin, Dir/., 48, 8, 11, 2 : post legeni Petroniam (cpr. Privatalterth.
p. 190 [Manuel Auliq. Rom., 14, 223]) et senalus consulta ad eam legem perti-
nenlia dominis polestas ablata est ad beslias depugnandas suo a7'bit)''to servos
traders: oblalo tamenjudici servo, si justa sit domini querella, sic poenae ira-
delur. Apion chez Aulu-Gelle, 5, 14, 27 : is (le maître) me (l'esclave en
fuite et repris) slalim rei capitalis damnandum dandumque ad bestias cura-
vit. On ne peut déterminer la date de la loi, mais elle ne doit pas être
placée à une époque postérieure à Tibère.
(3) Sous Auguste, un célèbre capitaine de brigands siciliens est pris,
puis envoyé à Rome, où il est déchiré par les fauves dans une fête popu-
laire (Strabon, 6, 2, 6, p. 273). I^es provinciale.<<, dont parle Cicéron, In Pis.,
33, 89, qui furent envoyés à Rome pour paraître dans des combats de
bêtes féroces ne sont très vraisemblablement pas des criminels et les
méfaits commis par Baibus dans les jeux qu'il donna à Gadès (Asinius
PoUio chez Cicéron, Ad fam., 10, 32, 3) sont comi)létement étrangers à la
question dont nous nous occupons ici.
(4) Modestin, Dig., 48, 19, 31 : ad bestias damnatos favore populi praeses
dimittere non débet, sed si ejus roboris vel arlificii sint, ut digne populo Ro-
mano e.rhiberi possinl, principem consulere débet (au sujet de l'envoi dans
LA PEINE DE MORT 265
gravation considérable de la peine de mort (1) et n*est admis,
au regard des personnes de condition, que sous la réserve pré- (927)
cédemment indiquée pour le crucifiement (2). Il n'est pas cité
parmi les formes régulières d'exécution (3), parce que son appli-
cation dépend d'une circonstance accidentelle, à savoir qu'une
fête populaire de ce genre soit organisée (4). Si cette circons-
tance se produit, ceux qui donnent la fête, c'est-à-dire réguliè-
rement des magistrats ou des prêtres, demandent au tribunal
compétent la livraison du coupable (o). Celle-ci leur est-elle ac-
cordée, ils ont la faculté ou de livrer directement (6) les mal-
la capitale). Ex provincia aulem in provinciam tvansduci damnatos sine per-
niissii principis non licere diviis Sevenis et Antoninus rescripsefunt,
(1) Paul. 5. 17, 2. tit. 23, 1 (= Coll.. 1, 2 = 8, 4), 15. 16. 17. lit. 24. lit.
29, 1. Dig., 48, 8, 3. 5. tit. 19, 28, 15. 49, 18, 3. Cod. Th., 9, 18, 1 =C. Just., 9,
20,16. Martial, Spect., 7. Suétone, Claud., 14. Quintilien, Decl. maj. 4, 21.
Dion, 76, 10.
(2) Suétone, Gai., 27 : Multos honesLi ovdinis . . ad besUas condemnavit. Sous
Marc-Aurèle, le gouverneur de la Lyonnaise, après avoir consulté l'em-
pereur, fait décapiter les chrétiens condamnés qui sont citoyens romains,
Toù; 8k ).o'.Tio-j; £iî£|i7T£v îj; -à 6r,pca (Eusébe, Hist. eccl., 5, 1, 47). Ne doivent
pas être soumis à cette forme d'exécution les soldats {Dig., 49, 16, 3, 10),
les vétérans et les décurions ainsi que les enfants des vétérans et des
décurions (Dig., 49, 18, 1. 1. 3 Cod., 9, 47, 12), ni d'une manière générale
les honesliores (Paul, o, 23, 16).
(3) Cette forme d'exécution ne figure pas dans l'énumération des peines
que nous donne Paul, 5, 17, 2; la loi et la coutume ne la prescrivent
pour aucun délit, elle est seulement permise à côté du crucifiement ou de
la mort par le feu. Suétone, Claud., 14 : in majore fraude convictos legitimam
poenam supergressus ad bestias damnavit.
(4) D'après une constitution de Constantin, (III p. 263 n. 3), l'exécution
a lieu primo quoque munere. Nous avons déjà relevé (III p. 248 n. 1) que
l'évéque Polycarpe subit la mort par le feu, parce que la fête populaire
était passée. Une fête populaire spéciale fut organisée pour l'exécution
des chrétiens de la Lyonnaise (Eusébe, Hist. eccl., 5, 1, 37).
(o) Actes du martyre de Pionius, c. 18 : xw ôè 'AffxXeTtiiSï) (un des chré-
tiens condamnés) TspévTioî ô -cote ètciteXwv -ri xyvriyia elueV aï (iWr,To\i.at.
xttTâS'.xov £c; Ta; !xovo(ii-/o'jç{pt)vOT'.(i.îa;To-j -jIoO ^om. Un capitaine de brigands
libère ses compagnons destinés à une pareille exécution en se présentant
au chef de la prison comme magistrat municipal (Dion, 76, 10).
(6) Régulièrement les délinquants sont conduits dans l'arène sans ar-
mes ; ils sont même fréquemment liés à un poteau. Eusébe, H. e., 5, 1, 41 :
r, 6k p>.av5tva ÈTtl ?-j).o-j xpîjxxo-OîÏTa Trpo-jxs'.io ^opà tûv eicr6a).Xo[ilva)v Or^pltov.
Actes da martyre de Perpétue, c. 17 : cum ad ursum .tubslriclus esse t in
ponte, ursus de cavea prodire noluit. Vila Aureliani, 37 : subrectus (lecture de
Godefroy dans son commentaire sur C. Th., 9, 18, 1 ; ms. : subrepfus) ad
266 DROIT PÉNAL ROMAIN
fiiteurs aux bêles ou de les employer comme il leur plaît
pour les divertissements qu'ils organisent (l). De telles dispo-
sitions n'appartiennent pas au droit pénal. La seule restric-
tion au bon plaisir de ces personnes consiste en ce que le dé-
(928) liaquant doit dans tous les cas perdre la vie (2) et en ce que
la grâce n'est ici juridiquement possible que suivant les règles
en vigueur pour les autres formes d'exécution (3). Les combats
d'animaux survivent à l'abolition des combats de gladiateurs
et par suite l'exécution dans une fête populaire subsiste encore
dans le droit de Jastinien.
En dehors de ces six formes d'exécution publique, on ren-
contre encore l'exécution dans une enceinte fermée et avec
suppression de la publicité.
stipitem bestiis objectas est. L'empereur Valentinien entretenait à cette in-
tention deux ours dans son palais (Ammien, 29, 3, 9). — Un combat sé-
rieux pouvait sans doute se produire dans cette procédure (III p. 2G4
n. 4), mais, à la différence du lutteur de profession qui paraissait tout
armé dans les chasses publiques, les criminels ne recevaient ordinaire-
ment pas d'armes; car le but même des jeux était leur mort.
(1) On peut se servir des malfaiteurs condamnés à mort pour faire pa-
raître sur la scène des acteurs qui meurent réellement (Strabon, 6, 2, 6,
p. 273 ; Martial, SpecL, 7; TertuUien, Apol.,i'i) pour nourrir les bétes
féroces (Suétone, Gai., 27) ou pour éclairer les arènes (Tacite, ^«n., 15, 44),
et ce mode de mise à mort est aussi légitime que la forme ordinaire d'exé-
cution; la logique juridique est ici poussée jusqu'à ses extrêmes consé-
quences.
(2) C'est pourquoi ceux qui au premier jour sont restés indemnes ou
n'ont été que blessés paraissent de nouveau le jour suivant (Josèplie,
Bell. Jud., 1, 8, 7, c. 373, éd. Niese ; M. Antoninus, 8, 10) et sont finalement
égorgés, s'ils ne trouvent pas la mort dans le cours normal des jeux.
Marlyrium de Perpétue, c. 21 : Perpétua . . errantem de.rleram iiriincidi r/la-
dlatoris ipsa injuf/ulum suum transtuUl Le confeclor dont la mission prin-
cipale est d'achever les bétes blessées peut aussi être utilisé pour égor-
ger les condamnés qui ne sont pas morts (Martyr. Polycarpi, c. 16).
(3) Parfois, les spectateurs ont demandé la grâce du coupable (III p. 264
n. 4); ilsl'ont fait ordinairement plutôt par admiration pour l'attitude cou-
rageuse du supplicié que par compassion. Cette faveur leur a été dans cer-
tains cas accordée, ainsi que le prouve l'anecdote connucd'Androclés épar-
gné par le lion qu'il avait soigné (Aulu-Gelle, 5, 14, 29). La même demande
peut avoir lieu dans toute exécution, mais il est expressément dit à cet
égard que le gouverneur de province ne peut pas accorder cette grâce,
et que si celle-ci est demandée pour un lutteur particulièrement remar-
quable, ce dernier doit tout d'abord être livré pour paraître dans les fêtes
lioiiuluires de la capitale (III p. 264 n. 4).
LA PEINE DE MORT 267
7. Le seul mode d'application de la peine de mort possible Exécution
vis-à-vis des femmes est une exécution non publique accom- erexé^uon
plie sur l'ordre d'un magistrat ou d'un prêtre; du moins, nous dans la prison.
n'avons pas de preuve que des femmes aient été soumises à une
exécution publique. En outre, la flagellation qui procède tou-
jours l'exécution publique n'a pas lieu au regard des fem-
mes (1). Le vieux rituel, qui a toujours été conservé à leur
égard (2), nous est décrit en détail pour l'exécution des con-
damnations à mort vis-à-vis des prêtresses de Vesta. L'ap- (929)
plication de la peine est dirigée par le Grand Pontife (3). La
coupable est dépouillée de ses insignes sacerdotaux (4) et est
portée sur une civière à son tombeau au milieu des lamentations
funéraires d'usage (5). La sépulture se trouve à l'intérieur de la
ville — la vieille coutume de l'inbumalion à l'intérieur des
murs a été gardée pour cette cérémomie (6) — à la porte Col-
line, à droite de la route établie dans le champ des crimes,
campus sceleratus (7). Elle consiste dans une galerie souter-
raine (8), couverte en temps ordinaire et ouverte seulement
(1) Denys, 9, 40 (cpr. 1, 78) parle à vrai dire de la flagellation de la ves-
tale avant son exécution ; mais tous les autres récits, beaucoup plus
détaillés et dont quelques-uns mentionnent même la flagellation du com-
plice de la vestale, et parmi eux celui de Denys lui-même 2, 67, ne par-
lent pas de la flagellation de la prêtresse; l'affirmation de Denys, 9, 40
repose donc certainement sur une méprise.
(2) Sous le Principat, on lui accorde comme adoucissement de peine la
faculté de choisir librement la manière dont elle veut mourir (Suétone,
Dom., 8 ; Denys, 67, 3) — La mention du supplice de la roche tarpéienne
pour la vestale n'est faite que par les rhéteurs (Sénèque, Conlrov., i, 3.
Quintilien, 7, 8, 3. 5, 6).
(3)Tite-Live, 22, 37. L'empereur a dû être remplacé plus.tard dans cette
fonction par le promagisLer (Pline, Ep , 4, 11, 7).
(4) Denys, 8, 89. ^
(5) Denys, 2, 67. Plutarque,''A'Mm., 10.
(6) Servius sur Aen., 11, 206. Denys, 2, 67. 8, 89.
(7) Tite-Live, 8, 15 : adportam Collinam dextra viayji slralam . . scelerato
campo et autres textes.
(8) Denys, 2, 67 : e'.; arixbv -jub yf,; xaT£(TX£ya(T(jLévov. Plutarque, loc. cit. ;
âffTÎ Ti; ôçpûç '{^ùl^r^z uapaTôivoxJaa TiôppW xa),£tTai 8e Xwjxa (?) 6ta),éx-c(ù ty)
AaTsvwv £VTav8a xaxaaxs-jâ'ïTa'. xacTâycio? olxoç où (léya; k'/wv àvwôàv xaTâ6a-
<7tv. Dion chezZonaras, 7, 8, 7 r= p. 21. Boiss. : ûivÔYewv xtva xaTadXEuâaa;
CiiroSpo[xr|V TTpoii'fiXr,.
268 DROIT PÉNAL ROMAIN
pour ces exécutions. Une pièce est préparée avec une lampe,
une miche de pain, des cruches remplies d'eau, de lait et
d'huile (1); puis, tandis que le Grand Pontife récite des prié-
res, la condamnée descend à l'aide d'une échelle dans son
tombeau. Cette opération terminée, l'échelle est retirée et
l'ouverture est refermée sur la Vestale qui est ainsi enter-
rée vivante (2). Celle-ci ne doit recevoir aucun honneur de sé-
pulture (3). — L'exécution des femmes par le magistrat, lors-
que par exception elle avait lieu, était accomplie (4) dans
. le souterrain de la prison urbaine (I p. 354). Des hommes
ont aussi été exécutés à cet endroit sans publicité, au moins
depuis la guerre d'ilannibal, sans qu'il soit possible de dé-
couvrir une règle qui explique cette diversité dans le mode
d'application de la peine de mort. Il semble que le magistrat
qui dirige l'exécution a eu à cet égard la liberté de choisir et
(930) qu'il a préféré l'exécution secrète surtout pour les personnes
d'un haut rang (5). Pour celles-ci, l'exécution a été, au moins
(1) Denys, 2, 07 ; Plutarque, loc. cit.; Dion, loc. cit.
(2) Plutarque, loc. cit. Pline, Ep., 4, il.
(3) Denys, 2, 67,
(4) Comme exemples d'exécution de femmes dirigée par un magistrat,
nous n'en connaissons que deux : le cas apocryphe, mais que nous pou-
vons cependant citer ici, de cette mère condamnée, qui fut allaitée par
sa fille et échappa ainsi à la mort par inanition que le chef de la prison
voulait lui infliger (II p. 167 n. 2) et le cas de la fille de Séjan (I p. 87
n. 2). Ordinairement l'exécution de la condamnation à mort était ici lais-
sée aux parents (III p. 274).
(5) Cicéron, Verr., 5, 30, 77. Le passage de Josèphe, Bell., 7, 5, 6 : vôiao;
èffT.t 'Pu)(i.aioiç èx£ï (dans la prison) xteiveiv to'j; Itù «caxoupyca Ôivarov xaie-
yvwfffiévou; dit trop. La plus ancienne exécution qui, à notre connaissance,
ait été accomplie dans cette forme est celle de l'ancien consul M. Glaudius
(jui eut lieu en 518/236 à la suite de son traité de paix avec les Corses
(Val. Max., 6, 3, 3), On cite encore comme autres exemples : les exécutions
de Q. Pleminius (I p. 301 n. 1) ; des partisans des Gracques (Appien, B. c,
1,26; Val. Max., G, 3, \ d); du dénonciateur Veltius (Cicéron, /« Valin., 11,26)
des partisans de Catilina (.Salluste, Cat., .jo et ailleurs) ; des enfants de
Séjan (Tacite, Ann., 5, 9 , Suétone, TU>., 61 ; Dion, 58, 11) et d'autres con-
damnés de l'époque de Tibère (Tacite, Ann., 6, 39. 40 ; Suétone, Tib., 75;
Dion, 58, 15) et de Caligula (Dion, 59, 18). On a exécuté de la même ma-
nière des étrangers de distinction, tels que le roi .Jugurtha (Plutarque,
Mar., 12; Tite-Live, ^/j., 07), l'arvorne Vercingôtorix (Dion, 40, 41. 43, 19);
le juif Simon Bargioras sous Vcspasien (Josèphe, Bell., 7, 5, 6).
LA PEINE DE MORT 269
dans quelques cas, précédée de la flagellation (1). — La pri-
son urbaine étant placée sous la surveillance des très viri capi-
tales, on désigne sous le nom de peine de mort triumvirale
l'exécution qui a lisu dans son enceinte (2). Mais il est égale-
ment possible que le détenteur d'i?nperiuin qui ordonnait l'exé-
cution ait ordinairement dirigé le supplice en personne, lors-
qu'il s'agissait de criminels d'un rang élevé (3). La mort peut
aussi dans cette procédure être provoquée comme pour la Vestale
par la privation de nourriture (4) et ce procédé a vraisembla-
blement été de règle à l'origine. Plus tard, le condamné ou la
condamnée est habituellement étranglé (5) par le bourreau (6).
Dans la dernière période du Principat, ce mode d'exécution
n'est plus usité (7).
Lorsque la peine de mort était appliquée sous la direction (931)
d'un magistrat ou d'un prêtre, elle avait lieu dans l'une des exocuuo. doh
dirigé» p»r
■■ magistrat.
(1) José plie, loc. cit. ; (Simon) tô~£ ttetioixttï-jxw; èv toï; at-/(xa>.wTot;, ^pf^x^p
6e iï£pioXr,6£l; tli Tov iizl tt,; àyoppiç èaûpETo tôtiov aïxi^otiï'vwv a-Jtôv â[x.a twv
àYÔvTwv. Jugurtha estmaltrailé d'une façon semblable (Plutarque. Mar. , 11).
Il en est de même pour l'amant de la vestale, lorsque l'excculion a lieu
dans la prison (n. 7).
(2) Tacite, Ajin., 5. 10. Salluste, Cal., 53. Val. Max., 5, 4, 7. Sénèque,
Contr..'!, 1 [16], 22.
(3) Cicéron a du moins dirigé lui-même l'exécution des partisans de
Catilina.
(4) En dehors de l'anecdote sans fondement historique, rapporté II
p. 167 n. 2, ce genre de mort aurait été infligé à Jugurlha, d'après Plu-
tarque, Mar., 12.
(o) Jugurtha serait mort ainsi d'après Eutrope, 4, 27 et Orose, 5. 15, 19.
D'autres cas du même genre sont rapportés par Appien, D. c, \, 2G ; Sal-
luste, Cat., 5o ; Cicéron, la Yat., II, 2G ; Tacite, Ann., 6, 39. 40; Suétone,
Tib., 73. Les gouverneurs de province ont exécuté des condamnations à
mort de cette manière (Pline, Ep., 2, 11, 8).
(6) Tacite, Ann., 5, 9. Cpr. Suétone, Tib., 54. On ne peut conclure de
Salluste, Cat., 33 que les triumvirs aient égorgé de leurs propres mains
les partisans de Catilina.
(7) L'interdiction de l'exécution par le laqueus que nous trouvons chez
Ulpieu (III p. 261 n. 3) vise cette forme d'exécution. Les seules preuves
que nous ayons de l'emploi de ce mode d'exécution pendant la dernière pé-
riode sont la mention que sous Garacalla l'amant de la vestale était mis
à mort en prison après avoir été flagellé publiquement (Dion, 78, 9) et un
témoignage peu digne de foi relatif à un usurpateur de l'époque de Gai-
lien (Triçj. tyi\, 22) : strangulatus in carcere caplivoruin velenun more perhi-
belur.
270 DROIT PÉNAL ROMAIN
formes que nous venons d'indiquer. Mais une exécution pou-
vait légalement avoir lieu sans une telle direction; dans ce
cas, elle se réalisait soit suivant une forme fixée au moins
par la coutume, soit dans une forme tout-à-fait arbitraire,
jei du haut 8. Le jet du coupable du haut de la roche Tarpéienne au Ca-
TarpVeMc! P^^oIq (1), qui doit ôtrC;, en vertu du droit lui-même, précédé
de la flagellation comme l'exécution dirigée par le magistrat (2),
est la forme légale d'exécution usitée partout où cette dernière
n'est pas possible. Ce mode de répression se présente dans
une double application.
a. L'exécution capitale, opérée à raison d'un délit privé
par un particulier avec l'approbation de la communauté, a
vraisemblablement eu lieu sans forme et fréquemment, lors-
que la vengeance privée était encore admise à Rome et que la
composition n'y était pas encore obligatoire. Dans le droit des
XII Tables, cette exécution ne pouvait se réaliser que par le
jet du haut de la roche Tarpéienne et n'était admise à noire
connaissance que dans deux cas : pour la catégorie la plus
grave du vol, c'est-à-dire pour le vol manifeste de l'esclave (3),
et pour le faux témoignage (4). Elle a même dû disparaître
de bonne heure dans ce double domaine, car nous n'avons
pis de preuve de son application pratique dans ces cas.
(1) Pour l'emplacement de cette roche, cpr. Denys, 7, 34; Scnèque,
Conlv., 1,3, 3; Becker, Topogr., p. 391. 411. La question que se posent les
rhéteurs Jde savoir, si le condamné qui, précipité du haut de la roche
Tarpéienne, survit à cette exécution, est acquitté (Sénèque, loc. cit. ; Quin-
tilien, hisL, 7, 8; Dion, />•., 17, 8), n'a aucun caractère juridique; les ac-
cidents de ce genre, qui surviennent au cours de l'exécution d'une con-
damnation pénale, peuvent avoir pour conséquence qu'on néglige de
])rocéder à une nouvelle exécution, mais ils n'ont pas pour effet d'annu-
ler cette condamnation.
(2) Loi (les XII Tables, 8, 13 [Girard. 14]. Tite-Live 24, 20, 6. 23, 7, 14.
(3) Loi clesXIl Tables. 8, 13, SchoU [= Girard, 8, 14] rr Aulu-Gelle, H, 18,
8 : servos furti manifesli prensos verberibus affici et e sa.ro praecipilari. Cpr.,
III p. 54. Celte disposition n'a rien de commun avec le droit de tuer, à
titre de légitime défense, le voleur qui opère la nuit ou à main armée
(II p. 334).
(4) Loi lies Xn Tahlrs, 8, ÙW [Girard, id] z= Aulu-Gelle, 20, 1, 53 : si
nunc f/uofjue ul anteit t/ui /ulsuin leslimonium diuisse convictus essel, e saxo
Tarpeio deicerelur. Cpr. II p. 390.
LA PEINE DE MORT 271
b. Les tribuns de la plèbe, qui sont simplement chefs d'un
groupement spécial de citoyens sans être des magistrats et
qui ne possèdent ni les insignes ni les serviteurs de la ma-
gistrature (1), ont bien la juridiction capitale, mais seulement
à titre de particuliers. Que le tribun soit investi directement (932)
du pouvoir d'appliquer la peine de mort^ ce qui n'a jamais
été réellement reconnu, mais fut simplement une opinion de
démocrates avancés (2), ou qu'il ait obtenu, cecjui est son droit
certain depuis la fin de la lutte des patriciens et des plébéiens,
la confirmation du peuple pour l'exécution capitale, celle-ci,
étant donné que le chef de la plèbe comme tout particulier
n'a ni licteurs ni haches (3), a lieu sans offîciales (4) et sans
instrument par une appréhension de la part du tribun (5). Si
(1) st. R., 2, 281 et sv. [Dr. pubL, 3, 321 et sv.J. Cet état de choses s'est
rapidement modifié en pratique, mais il a toujours été considéré théo-
riquement comme la règle formellement en vigueur.
(2) Tite-Live, Ep., 59, pour l'année 631/123 : C. Alinius Labeo tr. pi.
Q. Melellum censorem, a quo in senatu legendo praeteritus erat, de saxo deici
jussit, quod ne fieret, céleri Iribuni pi. auxilio fuerunt. Pline, //. n., 7, 44,
143. Velleias, 2, 2t (plus précis que Tite-Live, Ep., 80; Plutarque, Mar.,
45; Dion, fr. 103, 12) mentionne pour l'époque de Marins une exécution
qui présente vraisemblablement les caractères d'une exécution tribuni-
cienne de ce genre. Pour la question de savoir dans quelle mesure le tri-
bun peut exercer la coercition capitale sans consulter les comices, cpr.
I p. 51.
(3) A la rigueur, on pourrait penser en outre ici à la mort par le feu ;
mais une pareille conjecture ne peut pas se fonder en tout cas sur l'his-
toire des neuf tribuns (III p. :261 n. 1). C'est seulement chez Denys, 8,
58, à propos du procès de Sp. Gassius, que nous trouvons la mention
d'une exécution tribunicienne accomplie dans une autre forme qu'en
précipitant le coupable du haut de la roche Tarpélenne; mais les meil-
leurs annalistes ont évité cette erreur de l'historien grec {Hermès, S, 241
z= Rom. Forsch., 2, 175).
(4) La sacrosainteté ne s'étend pas au serviteur du tribun delà plèbe ;
mais le fait que les édiles de la plèbe, qui originairement furent des auxi-
liaires des tribuns, sont aussi sacrosaints {St. R., 2, 472 [Dr. publ., 4, 164])
s'explique vraisemblablement, bien que nos sources n'expriment pas cette
idée, par le désir de fortifier le pouvoir de ces auxiliaires en vue des exé-
cutions capitales. Sous le Principal, c'est le carnifex qui précipite le
condamné du haut de la roche Tarpéienne (Sénèq., Contr., 1, 3, 1. 6. 7).
(o) La peine de la roche Tarpéienne est mentionnée à propos des me-
sures de répression prises par les tribuns contre Goriolan en 263/491
(Denys, 7. 35 et d'après lui, Plutarque, Coriol., 18) ; contre le licteur des
consuls en 298/456 (Denys, 10, 21; cpr. St. R., 1, 151, n. 4 [Dr. publ., 1,
272 DROIT PÉNAL ROMAIN
on lui oppose résistance, ce dernier trouve dans le principe de
l'inviolabilité de sa personne les pouvoirs nécessaires à l'exé-
cution. Lorsque le tribunatdcla plèbe eut été incorporé dans
la conslilulion, celle forme d'exécution rentra nécessairement
parmi celles du droit public; elle devint depuis lors le mode
ordinaire d'exécution du citoyen dans la ville, tandis que la
loi des XII Tables la permettait déjà pour les esclaves. De
même que le procès capital contre le citoyen est ordinaire-
ment fait par le tribun de la plèbe, c'est également lui qui
exécute la sentence contre celle personne en la précipitant
du haut delà roche Tarpéienne ; les esclaves sont au contraire,
pour les mêmes fautes, crucifiés (1). A l'époque impériale,
(933) lorsque la condamnation à mort prononcée par le Sénat s'exé-
cute par le jet du haut de la roche Taipéicnnc (2), le supplice est
encore dirigé par le tribun de la plèbe (3), depuis que le
173, 4]), contre M. Manlius en 370/381 (Varron, chez Aulu-Gelle, 17, 21,
245 ; Tite-Live, 6, 20; une autre source renvoie dans ce cas le procès de-
vant les questeurs et indique comme peine le crucifiement : Hermès, 5,
261 z= Rom. Forsch., 2, 191). Nous manquons à cet égard de récits non
légendaires, parce que les procès capitaux de la République se sont à
l'époque historique régulièrement terminés par Vexilium.
(1) En 660/88 un esclave reçoit, pour avoir trahi son maître, la liberté
qui lui a été promise comme récompense, puis est précipité du haut de la
roche Tarpéienne (Tite-Live, Ep., 77", Val. Max., C, 5, 7 ; Plutarque, SalL,
10); en 713/39 un esclave qui est parvenu à se faire élire préteur, subit
la même peine, mais est auparavant affranchi, l'va à.\i.iù\i.x T| tijAcapt'a aÙToO
Xâêr) (Dion, 48, 34). Dans les troubles de 710/44, les esclaves sont crucifiés
et les homme» libres précipités du haut de la roche Tarpéienne (Appien,
B. c, 3, 3). Lorsqu'Ilorace, Sal., 1, G, 38, apostrophe un politicien ambi-
tieux en ces termes ; audes deicere de aa.to cires au'. Iradere Cadmo, il pense,
en mentionnant la peine de la roche Tarpéienne, au tribunal de la plèbe,
et en mentionnant le bourreau, au magistrat qui intervient dans le cruci-
fiement, c'est-à-dire au magistrat investi d'imperinni.
(2) La nature du délit n'a à cet égard aucune importance. Le passage
de Sénéque, De ira, 1, 16, 5 : cttm Tarpeio prodilorein hoslemve puôlicum im-
ponani ne nous fournit que des exemples; la magie (Tacite, Ann.. 2, 32)
et l'inceste (Tacite, Ann., 6, 19) donnent aussi lieu à celle peine et dans
Tacite, Ann., 4, 29 on souhaite à un délateur détesté robur (exécution dans
la prison) el saxiim (jet du haut de la roche Tarpéienne) aut parricidarum
poenae (submersion).
(3) Dans la plupart dos recils do l'époquo inipùri.ilo qui relatent l'ap-
])lication do la iieino de la roche Tarpéieinie (ainsi chez Tacite, 6. 29 ;
Dion, 57, 22. 59, 18), on ne mentionne pas l'aulorilé qui dirige rexéculion ;
LA PEINE DE MORT 273
sénatus-consulte est vraisemblablement proposé dans ce cas
non par le consul, mais par ce tribun. — Les magistrats pa-
triciens ont également employé ce mode d'exécution contre
des déserteurs faits prisonniers (1) ou contre des otages qui
s'étaient enfais (2) et ils s'en sont encore, en temps de révolution
à la suite d'une sédition, servis contre des citoyens insoumis (3),
mais ces deux cas rentrent dans le domaine de la coercition
capitale et n'appartiennent pas à celai de la procédure pénale
ordinaire (4). — A partir de l'empereur Claude, nous n'avons
plus de preuve établissant que celte forme d'exécution ait en- (934)
core été appliquée et nous savons qu'elle a été prohibée dans
la dernière période de l'Empire (o).
mais l'exécution des condamnations à mort prononcées par le Sénat sous
le Principal et réalisées dans la forme du jet de la roche Tarpéienne a
été dirigée par les tribuns de la plèbe, ainsi que nous le montrent Tacite,
Ann., 2, 32, en attribuant aux consuls l'exécution par crucifiement, mais
en ne leur confiant pas en même temps l'application de la peine de la
roche Tarpéienne, et Dion, 38, 15 : ol 6= xa\ ànb xoO KauiTwXiou ûnb tûv
6T||j.âp-/wv Tj xa\ Twv yivaTtov -/a-ExprifjLvi^ovTO et 60, 18 : xaé tiç. . . xôv ÎtitiIwv. • .
xaTa TO-j KaiX'.Tw),!OU -jtîÔ tî tûv 5rjiid(p-/a)v xal twv ÔTtdcTOJV xaT£xpifi!iv;a6rj. Ce
dernier texte vise manifestement une condamnation à mort prononcée
par le tribunal sénatorial et exécutée par le tribun de la plèbe; la com-
pétence particulière de ce dernier s'y révèle d'autant plus nettement qu'il
ne possède plus alors une véritable juridiction capitale.
(1) Tite-Live, 24, 20, 6.
(2) Tite-Live, 25, 7, 14.
(3) C'est ainsi que le consul Marc Antoine procéda après le meurtre de
César contre les perturbateurs de la paix publique (Appien, B. c, 3, 3 ;
Dion, 44, 50). D'après la légende, les consuls de 279/475 (Denys, 9, 29) et
les décemvirs (Denys, 11, 6) menacèrent de cette même procédure des ci-
toyens insoumis.
(4) Les décemvirs (loc. cit.) menacent N. Horatius de le faire précipiter
du haut de la roche Tarpéienne, -r^y gr,(iap-/'.xT|V inx'^xazio'^-tz s^ouaiav ; cette
procédure est donc désignée ici expressément comme un privilège des
tribuns. Dans les fables relatives à Romulus, il semble que le fait de
faire précipiter quelqu'un du haut de la roche Tarpéienne s'y présente
comme un acte illégal de violence. Festus, p. 343 : [Sax]um Tarpeium ap-
pel[latum aiunt... ab eo quod, cum quidam nomine] L. Tai'peius Romulo [régi
propter rap]las virgines adversa[retur, ibi ubi id sa]xum est de noxio poena
[sumpta est ; quapropler] noluerunt funestum locum [cum altéra parte"] Capitolii
conjungi. Denys, 2, 56 cite, comme une des causes du meurtre de Romulus,
le fait que ce roi avait condamné des citoyens à mort sans convoquer un
consilium et les avait fait précipiter du haut de la roche Tarpéienne.
(5) Modestin, Dig., 48, 13, 23, 1 : non potest guis sic damnari, ut de saxo
Droit Pénal Romain. — T. III. 18
Exécution
domestique.
Suicide.
Exéctilion
populaire.
274 DROIT PÉNAL ROMAIN
Nous mentionnons enfin à cet endroit les exécutions dans
lesquelles la forme de la mise à mort est laissée au choix
soit des parents, soit du condamné lui-môme, soit de toute per-
sonne.
9. Il arrive fréquemment, peut-être même régulièrement,
que l'applicalion de la peine de mort prononcée par le ma-
gistrat contre des femmes soit laissée au détenteur de la puis-
sance, et, s'il s'agit de femmes sut juris, à ses plus proches
parents (I p. 20). On ne peut pas prouver qu'on a égale-
ment confié au chef de la domm l'exécution des sentences ca-
pitales rendues par la communauté contre des esclaves ou
des hommes libres en puissance.
10. 11 arrive parfois à l'époque républicaine que la sentence
laisse au condamné la faculté de choisir le mode d'exécution
capitale qui doit lui être appliqué (1). Cet adoucissement de
peine est fréquent sous le Principat, mais ne peut pas ôtre alors
accordé par le tribunal qui statue, il ne peut être concédé que
par l'empereur (2).
11. L'exécution populaire est de beaucoup la plus impor-
tante de ces dernières formes d'application de la peine de
mort. Elle alieu toutes les fois qu'une loi ou qu'une condamna-
tion à mort (3) est rédigée de telle façon, que toute personne
praecipUelur Cette peine, qui est étroitement liée au tribunat de la plèbe,
institution de la capitale, n'a certainement jamais été prononcée hors de
la capitale. Nnllc part ne se révèle une connexitc entre cette peine et la
coutume grecque correspondante.
(1) Appien, U. c, i, 26.
(2) Di^., 48, 19, 8, 1. Marc-Aurclc permit cette pratique d'une manière
générale sans consultation préalable de l'empereur. Les décisions de ce
genre sont transmises au condamné par le quaeslor impérial. Tacite,
Ann., U, 3. d5, GO. !6, 35. Suétone, Ner..37. Dom.. il. Dion. 58, 4. St. R.,2,
569 [Dr. puùL, 4, 272J. Gpr. III p. 267 n. 2.
(3) Nous avons rappelé III p. 23i n. 3 que l'exécution populaire n'exclut
pas un jugement préalable, mais le suppose plutôt. Denys, qui cite une
liste de lois contenant une clause de ce genre, ne parle d'un jugement
que pour la première d'entre elles. S'il ne relève pas cette circonstance
dans les autres cas, c'est vraisemblabbMUcnt parce qu'une telle condi-
tion est évidente. Plutarque no parle de l'exclusion de tout jugement que
pour les tentatives de restauration de la royauté {PopL, 12) : xTst'vavTa Ss
LA PEINE DE MORT 275
est appelée à appliquer, quand elle le pourra et le voudra, (935)
la peine de mort à une autre personne. Elle est, pour nous servir
d'une expression peu précise en droit, mais commode et usitée,
la mise hors la loi. Celte forme d'exécution des jugements
appartient en partie à cette période de transition entre l'épo-
que préhistorique et l'époque historique, pour laquelle les
renseignements vagues que nous possédons sont encore défi-
gurés par un dogmatisme juridique fantaisiste, et en partie au
temps des révolutions où les formes juridiques disparaissent
par suite des abus. Ce mode d'exécution repose néanmoins
sur une base juridique sérieuse. On le rencontre dans les cas
suivants :
a) La mise hors la loi a pour point de départ la règle ori-
ginaire d'après laquelle l'étranger qui n'est pas protégé par
un traité de sa patrie avec Rome ne jouit d'aucun droit sur
le territoire romain. La notion romaine de délit est issue de
celte mise hors la loi. Celle-ci ne s'applique plus dans la suite
qu'aux sujets de l'État en guerre avec Rome, mais se main-
tient, quoiqu'affaiblie, jusque dans la dernière période du
droit romain (I p. 122; II p. 33G.) Les notions juridiques con-
solidées de délit et de peine reposent même sur ce fondement.
b) La mise hors la loi, en tant que notion juridique, a vrai-
semblablement pour origine la rupture de ban. Celle-ci, elle
même, est sans doute apparue dans le cas ou la cité romaine
enlève pour des raisons personnelles à un non citoyen la pro-
tection juridique qui lui était promise par un traité passé entre
Rome et sa patrie ou qui était accordée d'une manière géné-
rale aux étrangers. Le non citoyen n'est pas seulement ban-
ni, il lui est, en outre, défendu une fois pour toutes de pénétrer
de nouveau sur le territoire romain et il est interdit à toute
personne de l'abriter sous son toit et de lui donner de Teau
ou du feu. Cette procédure a certainement dû s'appliquer aux
étrangers (I p. 82) ; mais les seules preuves que nous
(tov po-jAÔp.evov -cypavveïv) çôvou xaÔapbv âuoir.TSv, zl ■Kixpi'yyo:-Q toO àôixi^tiaTO ;
Toùç èXÉYxo-Jç et le fait avec un sans gène rare.
27G DROIT PÉNAL ROMAIN
ayons en ce sens consistent en ce que le citoyen romain, qui,
pour échapper aux conséquences personnelles d'une con-
damnation, abandonne son droit de cilé, est privé dans les
conditions que nous venons d'indiquer du droit de revenir
à Rome (I p. 78 et sv). A l'époque postérieure, le citoyen ro-
main, expulsé d'Italie à litre de peine sans privation de
son droit de cité, se voit, ainsi que nous l'exposerons à propos
du bannissement, interdire dans la même forme le retour sur
le sol italique. — Selon toute apparence, le banni qui enfreint
l'interdiction de séjour est complètement privé de toute pro-
tection juridique à l'instar de l'ennemi, et il n'y a pour dési-
gner cette sanction qu'une autre expression, c'est que, en
supposant que l'interdiction de séjour n'ait pas lieu par la
(936) voie administrative, ce qui est vraisemblablement possible au
regard des étrangers, mais soit prononcée par un jugement
pénal, celui-ci menace de l'exécution populaire le condamné
lui-même et quiconque lui donnera protection (1). La rupture
de ban, traitée avec la plus grande indulgence à l'époque ré-
volutionnaire, a été de nouveau soumise par Auguste à l'an-
tique et rigoureuse répression (2), et, sous le Principal, la rup-
ture de ban, en cas de peines graves de liberté, notamment en
cas de condamnation au travail des mines (3) ou à la dépor-
(1) Dans la loi Clodia contre Cicéron (Dion, 38, 17 : xpta/O.io-j; te xai
êTiTaxoTÎO'j; xal ■avnr^v.o'/z'x CTaStoy; itTzïp ir,^ 'Poj|jLr,v iTtEpwpîjOïi, xa\ itpoffexT,-
pv/ôr,, tv' £■ SriTTOTî èvrb; a-jTwv çavEiTi, xai a-jib: xal o'i Û7to5£;âijLsvo'. «-jtÔv àvaTi
ô'.ô'/.wvta'. ; cpr. Cicéron, De domo, 17, 51), on donne à toute personne pour
le cas (Je rupture de l)an la faculté de tuer sans encourir de peine, soit le
banni lui-même, soit toute personne qui lui donne asile. Celui qui rece-
vait le banni risquait donc sa vie. Cicéron lui-même nous le dit dans une
lettre Ad Alt., 3, 4 et dans son discours Pro l'iancio, 41, 97 : publicalio bo-
noriim, e.vilium, mors. — Cette sanction de l'exil réapparaît chez les rhé-
theurs : exiilem intva fines deprehensum liceat occidere (Quintilien, Decl.,
24S. 296. 305. 351) ; exiilem inlra ieriniiios liceat occidere (Jules Victor, Ars
rhet., 3, 15).
(2) Dion, 57, 27. La mort de Fannius Caepio (I p, 392 n. 1) fut vrai-
semblablement provoquée par ce fait que le conjurateur, après avoir été
condamné à rinlenliction. se rendit coupable d'une rupture de ban (Dion,
51, 3; Macrobe. 5rt/., l, 1!, 21 ; Suétone, Tib., 8).
(3) Dig.. 48, 19, 28, 14.
LA PEINE DE MORT 277
talion (1), a toujours dt(5 frappée de la peine de mort (2). — Tou-
tefois, la faculté de tuer impunément sans procédure judi-
ciaire celui qui enfreint une interdiction de séjour existe plus
en théorie qu'en pratique, car elle est inconciliable avec l'or-
ganisation juridique d'un État et nous n'avons pas de preu-
ves certaines que celte mise à mort soit restée en pratique
impunie. — La lex Julia punit comme violence peu grave le
fait de donner asile à une personne en rupture de ban (3).
c) Les annales donnent l'exécution populaire comme sanc- i9î7)
tion à plusieurs lois prétendues royales (4) et surtout aux lois
constitutives de la République, c'est-à-dire à celles qui inter-
disaient le rétablissement de la royauté (5) et introduisaicLt
la provocatio ad populum (6).
d) Pour la protection juridique des tribuns de la plèbe et
d'une manière générale pour la garantie des droits particu-
liers de la plèbe, on relève avec une insistance spéciale que
les lois qui les concernent sont corroborées par la possibilité
(1) Dig., 48, 19,4. 1. 28, d3.
(2) Pour les peines moins graves qui sont parfois infligées dans ce cas,
cpr. la Section du bannissement. — Les non-citoyens encourent en cas
de rupture de ban la perte de la liberté ; il en est ainsi d'après la loi
Aelia Sentia pour l'affranchi déditice qui est rencontré à Rome ou dans
un rayon de 100 milles autour de Rome (Gaius, 1, 27). et, d'après une cons-
titution de Tibère, pour le juif expulsé de Rome (Suétone, Tib., 36 : sub
poena perpetuae servitutis, 7iisi obtempérassent).
(3) Paul, 5, 26, 3 : lege Julia de vi privata tenetur, qui... eum oui aqua et
igni interdictum est receperit celaverit tenuerit. Auguste sévit rigoureuse-
ment contre les complices de la rupture do ban (Dion, 57, 27). Volnsianus.
préfet de la ville en 421 (Il p. 321 n. 1), menace de la proscriptio, c'est-
à-dire de la confiscation du patrimoine, celui qui donne abri à un héréti-
que, partisan de Gélestius.
(4) Denys (II p. 268 n. 1) mentionne expressément l'application de cette
exécution pour le cas de violation des devoirs du patronat et 2, 74 pour
le cas de déplacement d'une borne : Upov 8k âvo[io9éTyi<Tev eTvao toO ôsoy tôv
TO'jTwv Tt 5(aitpa|âaevov, t'va tw pou).o|iîV(i) xiscveiv aùxàv w; '.epôaviXov v] te
à(7:pâ),£ia xa'i to xaÔapw [j.t(iiT[j.aTOi: eîvat irpoo-yj.
(5) Denys, 5, 19 : ôàvaxov èthOîI; '^[A'a'^ êàv ti? Ttapà Taûra TtoiTJ xa\ tôv aito-
xTEÎvavxa TO'JTWV xivà irotâ)v à6fpov. Tite-Live, 2, 8, ne parle que de la sacratio
de la maison et du patrimoine.
(6) Tite-Live, 3, 55 : eum jus fasque esset occidi neve ea caedes capifalis
noxae haberetur. Denys, 5, 20 : tôv Se Ttapà TaÛTa Tt noteïv êTttxeipoOvTa vyiTo;v\
TEÔvâvat.
278 DROIT PÉNAL ROMAIN
de l'exécution populaire (1). Cela est assez compréhensible;
car l'exécution légale dirigée par le magistrat n'était pas pos-
sible au regard de prescriptions qui avaient à vrai dire un
caractère révolutionnaire et l'exécution par les tribuns, déjà
mentionnée et qui n'avait qu'un caractère privé, aurait été
inefficace sans cet appel au concours des plébéiens. Au cours
des luîtes des patriciens et des plébéiens que les annales n'ont
sans doute pas pu nous décrire dans toute leur violence, on a
dû recourir à cette exécution; mais les documents ne nous
fournissent aucune preuve en ce sens. Toute atteinte à la per-
sonne du tribun de la plèbe est réprimée par l'otfensé lui-
même ou par son collègue ; ni les légendes, ni les récits his-
toriques ne nous rapportent qu'un particulier soit intervenu
dans cette répression.
e) Il faut admettre que dans le cours ordinaire de la procé-
dure pénale relevant des magistrats et des comices le magis-
trat qui dirige le procès a le droit de prononcer une sentence
(938) capitale, même si l'accusé ne se trouve pas en sa puissance
(p. 390 et sv.), bien qu'on ait certainement évité autant que
possible d'ouvrir un procès capital contre un absent. Mais
l'exécution d'une pareille sentence capitale est subordonnée
à l'arrestation du condamné ; nous n'avons aucune preuve que
le magistrat ait eu alors le droit d'appeler les citoyens à une
exécution populaire, ce qui n'aurait d'ailleurs eu aucun ré-
sultat pratique sans une promesse de prime pour ceux qui au-
raient tué le condamné.
/) Cette exécution se rencontre encore pour les condamna-
(1) D'après Tite-Live, loc. cit., celui qui portait atteinte au caractère
sacrosaint du tribun de la plèbe était frappé d'une part par une loi consu-
laire : ejus capul Jovi sacrum esset, familia ad aedem Cereris Liberi Liberae-
que venum iret, d'autre part par un plébiscite qui prescrivait la répres-
sion tergo ac capite. Donys, 6, 89 parle de l'exécution populaire : âàv 6à ti;
Twv àiî-riYopE'Jixévwv rt iroir^ary È^âytcrToç ïaxui xal xà ■/pr,jji,aTa aùtoO Ar,[ir,Tpoç
Izrtà xal ô xTEtva? xtvà tojv xaOr' e'.pYaaixévwv çôvou xaôapô; ëctw. Il répète la
même chose, 7, 17, par rapport au droit des tribuns de parler au peuple.
Dion, vol. 1, p. 49, 13oiss. rr Zon., 7, 15 : tô Ispov elvai iizo\u>'kh(Xi y)V oûtw
■yip xal uôtv wfntsp xt OCjia eî; afOLyr^"/ xaÔiepcôOï), wvôfiacTTo. Cicéron, Pro Balb,,
4, 33. Pro TuUio, 47. Macrobe, Sat., 3, 2, 5.
LA PEINE DE MORT 279
lions à mort prononcées par les magistratures postérieures sous-
traites à la provocation, c'est-à-dire pour les proscriptions de Sylla
et pour celles des triumvirs, ainsi que pour les mises hors la
loi de la procédure martiale des consuls et du sénat (l p. 299).
Mais le caractère de ces actes et l'absence de terme technique
pour désigner la mise hors la loi-(i) excluent ces procédures
du droit pénal ordinaire, rsaturellement, ces condamnations
à mort étaient considérées par leurs auteurs comme ayant
autorilé de chose jugée et les peines accessoires, notamment
la confiscation partielle ou même totale du patrimoine, qui se
rattachaient à ces condamnations, étaient infligées (2).
D'après les usages de l'époque républicaine, l'application de
la condamnation à mort aux hommes est. quelle que soit la
forme d'exécution, précédée de la flagellation, et celle-ci est
juridiquement comprise dans la condamnation à mort. Tel est
le régime que suppose la loi sur la provocation (3) et que nous
avons exposé dans différents paragraphes précédents. Cotte
flagellation dépend quant à ses modalités du magistrat qui (939)
(1) Le droit pénal ordinaire des Romains n'a pas de terme technique
pour désigner la mise hors la loi. Proscribere, à la différence du mot grec
èxxrifjTTE'.v (I p. 301 n. 1), n'a pas par lui-même cette signification; car il
peut être employé pour tout avis public, La proscriplio homiiiis (Cicéron,
Pi-o Sex. Rosrio, 6, 16) — ce que les historiens appellent d'hai)itude sim-
plement proscriplio — est devenue depuis Sylla un terme d'épouvante,
mais non une expression juridique. Dans la langue du droit, proscriplio
tout court désigne ordinairement la proscriplio bonorum, c'est-à-dire la
faillite ou encore la confiscation du patrimoine, et non la mise hors la loi,
(2) La législation de Sylla interdisait même de donner un appui quel-
conque {iuvare) aux proscrits (Cicéron, Verr., 1. 1, 47, 123).
(3) Nous avons parlé I p. 4G n. 1 de l'expression necare et verberare
des lois sur la provocation. Chez Salluste, Cal., 52, 22, César objecte à
Cicéron à l'occasion de l'exécution des partisans de Catilina : quam oh
rem in senlentiam non addidisli, uti prias verieribus in eos animadverleretur?
an quia lex Porcia velal? La condamnation à mort formelle doit embrasser
la correction et cette disposition est naturellement soustraite aux res-
trictions légales de la coercition; c'est donc par une amére ironie que
César reproche à Cicéron d'avoir violé la loi pour l'exécution capitale,
tandis qu'il la respectait pour la correction.
280 DROIT PÉNAL ROMAIN
dirige l'exécution, elle peut être prolongée jusqu'à la mort du
condamné (111 p. 257 n. 2). Elle ne s'étend ni à l'exécution des
femmes (III p. 207 n. 1), ni à l'exécution militaire, ni d'une
manière générale aux modes d'application de la peine de mort
qui ne sont apparus que tardivement. — D'autres tourments
ont été assez souvent infligés, notamment dans les exécutions
d'esclaves; mais, à notre connaissance, cela n'a eu ordinai-
rement lieu qu'en vertu de l'arbitraire de bourreaux d'un
grade plus ou moins élevé (1). Ces tourments n'ont été que
rarement et tardivement appliqués en vertu d'une prescrip-
tion légale (2) ; aussi pouvons-nous nous dispenser de les ex-
poser ici. — Quant aux peines accessoires qui se lient fré-
quemment à la condamnation à mort,, comme la privation de
sépulture, le déshonneur de la mémoire, la confiscation du pa-
trimoine, nous en parlerons dans les Sections qui les concer-
nent.
Histoire Si, après avoir exposé cette diversité un peu compliquée de
fie mortlhlz formes d'exécution en elles-mêmes indifl'érentes, nous tenions
les Romain?, ^q retraccr à grands traits l'histoire de la peine de mort chez
les Romains, nous devons, pour obtenir une vue d'ensemble
nette, faire abstraction de la coercition capitale du droit de la
guerre et de celle des magistrats de la République sur le non
citoyen. Le pouvoir répressif capital, reconnu par les lois ro-
maines, n'appartient par conséquent à l'époque républicaine
qu'aux tribunaux de la capitale et peut-être aussi à ceux des
villes de citoyens. Il se rencontre en outre sous le Principal
(1) Cicéron, Verr., 5, 6, 14 : verhera atque ignés et illa extrerna ad suppli-
cium damnatorum , metum ceterorum, et cniciatus et cni.v. Voir l'exécution
de Marius Gratidianus à l'époque de Sylla (Salluste, Hist., 1, 44, Maur.).
Il est souvent 'question de piqûres, de brûlures, d'empalements et d'au-
tres tourments. Plante, Most., 5j. Cicéron, Vcrr,, 5, 5, 6. Sénéque, Ad Mar-
ciam, 20, 3. Ep., 14, .'i. 101, 12. Tacite, Ann., 3, 50. Eusèbe, //. e., 8, 12.
(2) Constantin le Grand s'est permis de prescrire des tourments de ce
genre : c'est ainsi (ju'il ordonnait d'arracher la lanf,'ue du délateur avant
de l'exécuter (C. Th., 10, 10, 2), et de verser du plomb fondu dans la bou-
che du ravisseur (C. Th., 9, 24, 1).
LA PEINE DE MORT 281
dans les tribunaux souverains, c'esl-à-dire dans celui de rcm-
pereur et des délégués impériaux et dans celui du consul et du
sénat. Il compète également à cette époque aux tribunaux des
gouverneurs de province.
Si l'on nous autorise à émettre des conjectures sur les com-
mencements de celte histoire, il -nous semble qu'originaire-
ment le droit pénal public ne connaissait qu'un délit, le dom- (940)
mage causé à la communauté ou perduellion, et qu'une peine,
la mort du coupable, qui dépendait de l'arbitraire du chef de la
communauté, mais qui pouvait être remise par le peuple à
titre de grâce, si le roi y consentait. Le droit privé était do-
miné à celte époque par l'idée de vengeance sanglante et l'Etat
n'intervenait ici qu'en cas de meurtre, de vol et d'autres
atteintes du même genre commises par un citoyen au regard
d'un autre citoyen pour tenter une médiation par l'intermé-
diaire du magistrat. Celui-ci, suivant les circonstances, con-
seillait à la victime de renoncer à la vengeance moyennant une
composition équitable ou lui donnait, ainsi qu'aux membres de
sa gens, la faculté de se livrer à des représailles par voie de
justice privée.
La limitation la plus ancienne de la justice capitale publique
consiste dans la transformation do la provocation facultative
en provocation obligatoire,, c'est-à-dire dans l'obligation impo-
sée légalement au chef do la communauté de permettre au
citoyen condamné à mort de faire appel au peuple, ou, ce qui
est la même chose, dans cette restriction des pouvoirs de la
magistrature, d'après laquelle il faut pour la condamnation
capitale la confirmation du peuple dans ses comices (1). Quant
à la justice capitale privée, d'une part, les cas dans lesquels
(1) C'est à celte restriction que Cicéron, Pro Rab. ad pop., 8, 10, fait al-
lusion : {majores 7iosfri) e.rpuhis regibus nullum in Uhero populo vestigium
crudelilatis regiae relinuenmt. La remarque de Tite-Live, i, 28 : gloriari
licet nulli qentium mitiores placuisse poenas vise surtout l'exécution cruelle
de Mettius Fufetius par le roi Tullus et on peut en admettre la justesse,
lorsqu'on considère que la législation romaine s'est contentée de quelques
formes anciennes d'exécution et s'est abstenue d'inventions ingénieuses
en matière de tourments.
282 DROIT PÉNAL ROMAIN
elle était judiciairement admise fureut peu à peu restreints^
et, d'autre part, la sentence arbitrale du magistrat tendant à
faire accepter une composition par la victime prit de plus eu
plus le caractère d'une sentence judiciaire obligatoire pour le
demandeur.
La loi des XII Tables n'a nullement tenté de définir formel-
lement la notion fondamentale de tort causé à la communauté
et la notion de crime d'État est toujours restée aussi peu dé-
limitée qu'elle l'avait été au début. Mais les limites qui sépa-
raient originairement la justice capitale publique et la justice
capitale privée avaient déjà été déplacées avant cette loi ou du
moins le furent par elle. En effet, le meurtre, l'incendie vo-
lontaire, le vol de moisson, la cbauson diffamatoire et quel-
(941) ques autres torts peu nombreux qui atteignent principalement
le citoyen en tant qu'individu (1) passèrent de la catégorie des
délits privés dans celle des délits publics et disparurent par
conséquent du domaine de la justice capitale privée, ce qui
aboutit en substance à la suppression de la vengeance san-
glante. La mort reste toujours la seule peine légale de la pro-
cédure publique. Mais celte peine perd, soit en vertu de la loi
des XII Tables elle-môrac, soit en vertu de l'application posté-
rieure de celte loi, le caractère obligatoire qu'elle avait au
début même pour le magistrat, et celui-ci reçoit ou prend,
vraisemblablement sous l'influence de l'extension du pouvoir
répressif aux cliefs de la plèbe, la faculté de condamner à une
amende au lieu de prononcer la peine de mort prescrite [)ar
la loi.
Le droit pénal privé de la loi des XII Tables a dû fixer les
délits privés pour lesquels la peine de mort pourrait être pro-
noncée par une sentence judiciaire et en a vraisemblablement
restreint l'application à ces cas. Cette peine subsiste pour le vol
(1) Gicéron,/)(? rep., 4, 12 =r Augustin, Civ, ciel., 2, 9, relève l'application
de la peine de mort au chant diffumatoire : iiosirae duodecim tabulae cum
perpaucas res capile sanxisnent. Les Homains se sont montrés d'une rare
humanité dans la répression des crimes contre la propriété.
LA PEINE DE MORT 283
manifeste et le faux témoignage, mais n'a probablement pas
tardé à être supprimé dans ces cas par l'effet de la loi ou de
la coutume. Depuis lors, la procédure capitale a disparu du
domaine des délits privés et n'y a jamais été rétablie. L'idée
de rançon qui de tout temps avait joué un rôle important dans
le système des délits privés finit par le dominer exclusivement ;
désormais, la règle de la composition obligatoire s'applique à
tous ces délits, avec cette seule réserve qu'elle est remplacée
pour les plus pauvres par la servitude pour dettes.
La République romaine n'a jamais formellement aboli la
peine de mort. Après l'époque des Graçques, on prononce et
exécute encore des condamnations à mort en cas de meurtre
d'un proche. Même dans les derniers temps de la République,
le magistrat a pu, en cas de crime d'Etat, condamner à mort et
appliquer la peine après confirmation de sa sentence par les
comices. Néanmoins, le dernier siècle do la République est en-
tièrement dominé par un mouvement vers la suppression de la
peine de mort et les lois ont en principe réalisé cette réforme
en pratique (1). Deux institutions ont principalement contribué
à ce résultat, ce sont le bannissement volontaire ou exil et la
procédure des quaestiones.
Celui qui accusé d'un crime capital s'exile avant la condam- (942)
nation n'a aucun droit à un adoucissement de peine (I p. 81),
mais de bonne heure l'assemblée du peuple, peu favorable à
une application rigoureuse de la peine de mort légale, s'est
contentée, lorsqu'on lui dénonçait cette punition spontanée,
d'interdire à l'exilé le retour dans sa patrie (I p. 82).
La quaestio, c'est-à-dire ici le renvoi en vertu d'une loi
spéciale ou générale à la décision soit d'un unus judex, soit
d'un collège de jurés, d'un délit qui d'après le droit pénal pu-
blic est capital, n'exclut pas la possibilité d'une condamnation
à mort. Des arrêts de ce genre ont été rendus par les qiiaesi-
(1) Cicéron {Pro Rab. ad pop., 3, 10) dans une apostrophe aux Quirites'
qualifie les auteurs de ces lois de viri fortes, qui vestram libertatem non
acerbitate suppliciorum infestam, sed lenitale legum munitam esse voluerunt.
284 DROIT PÉNAL ROMAIN
tores nommes par une loi spéciale (I p. 233) et la qiiaestio
permanente pour meurtre a encore dans le droit de Sylla pro-
noncé une sentence de mort contre le meurtrier d'un proche.
Mais les plus anciennes et les plus importantes de ces cours
judiciaires permanentes sont issues de la procédure privée et
lui ont emprunté leurs règles. 11 est vraisemblable que celte
catégorie de tribunaux n'a jamais infligé de peine supérieure
à l'interdiction et n'a par conséquent jamais condamné à mort,
si nous exceptons le cas de meurtre d'un proche. D'ailleurs,
vingt ans après Sylla, Pompée a aboli ici la peine de mort
(II p. 3Gi). Le maintien, tout au moins apparent, de la peine
de mort pour le crime d'Etat est dû à la persistance de la pro-
cédure publique à côté de celle du jury et aux efl'orls faits,
sans résultat il est vrai, pendant les dernières années de la
République pour obtenir des condamnations à mort au moyen
de cette ancienne procédure.
Sous la dictature de César au début du Principat. la peine de
mort qui avait presque complètement disparu de la législa-
tion n'y fat pas rétablie; l'œuvre de relèvement des peines
qui s'accomplit déjà à celte époque ne s'élendit pas jusqu'à
elle. Pendant celle période, les tribunaux ordinaires n'ont
môme pas condamné à mort en cas de crime de lèse-majesté
et de meurtre. Mais, sous Auguste, la peine de mort réapparut
dans la pratique judiciaire. La justice capitale des magistrats
et des comices, dont l'application à la fin de la République dans
le procès de Rabirius se présente à nous comme la lubie d'un
archéologue démocrate, a repris vie d'une façon terrible à la
suite de son transfert aux tribunaux souverains du Principat,
c'est-à-dire à la cour consulaire-sénatoriale et à l'empereur
ainsi qu'à ses délégués. A cette époque, les tribunaux ordinai-
res de la capitale n'ont peut-être même pas eu le droit de vie
et de mort sur les citoyens romains (I p. 255), en tout cas
ils ne l'ont pas exercé dans une mesure importante. Par con-
tre, les condamnalions à mort de la cour consulaire-sénatoriale
(9 '1-3) remplissent les Annales, notamment au premier siècle de l'Em"
pire, et il suffît de rappeler a côté d'elles les procès capitaux
LA PEINE DE MORT 285
devant le PréTet de la Ville, la délégation du jus gladii de
l'empereur aux gouverneurs de province et l'envoi des citoyens
romains des provinces vers la capitale pour y subir devant
l'empereur une instance capitale. Il ne faut d'ailleurs pas
perdre ici de vue que, lorsqu'il ne s'agit pas de procès poli-
tiques ou de procès contre des petites gens, — pour ces der-
nières on peut comparer la dernière Section du présent Livre
— la tendance générale du gouvernement est de ne pas frap-
per de mort les citoyens romains des classes élevées. Hadrien
dit encore qu'une pareille peine n'est possible à leur égard
qu'en cas de meurtre d'un proche (1).
Si la procédure capitale contre le citoyen romain est plus
ou moins exceptionnelle pendant les deux premiers siècles
de l'Empire, nous voyons au contraire qu'après Antonin le
Pieux (2) et avant Alexandre Sévère (3), peut-être sous Septime
Sévère, la peine de mort est devenue la répression ordinaire
non seulement du crime de lèse-majesté, mais encore de tous
les crimes graves. Depuis lors, le droit romain a rapidement
accentué son évolution en ce sens. La menace de la peine
de mort devint de plus en plus fréquente et s'étendit à des
délits de moins en moins graves, les formes de l'exécution
allèrent toujours s'aggravant et le magistrat statua de plus en
plus arbitrairement suivant les cas concrets. Les dispositions
pénales des lois furent à cet égard si diverses, si variables et
si contradictoires et leur inégalité fut encore certainement si
fortement accrue par la pratique judiciaire, expressément sous-
traite à l'obligation d'appliquer les peines fixées par les lois (4)^
(1) Venuleius Saturninus (vers l'époque de Marc Aurcle), Diq., 48, 19,
15 : divus Hadrianus eos, qui in numéro decurioniim essenl (c'est-à-dire qui
appartiennent à la dernière catégorie des personnes de condition) capite
puniri prohibnil, nisi si qui parenlem occidisserit : verum pocna legis Corneliae
puniendos mandat is plenissime eau t uni est.
(2) Gains, 1, 128 : ex lege ComeUaaqua et iqni inlerdicilur.
(3) Paul. 5, 23, 1 : lex Comelia poenam deportationis inftigit... quae... faci-
nora... poena capitis vindicari placuil. 5, 29, i : leqe Julia majeslutls... antea
in perpeluum aquaet iqni iulerdicebalur, nunc vero... capite puniuntur.
(4) Cpr. la dernière Section du présent Livre.
286 DROIT PÉNAL ROMAIN
que nous nous abstenons de les exposer ici en détail ; nous en
donnons un certain aperçu d'ensemble dans la dernière
Section du présent Livre.
Quant à l'application de la procédure capitale au non citoyen,
le droit pénal ne nous donne sur elle que peu de renseigne-
ments. Sous la République, la juridiction pénale ordinaire sur
le non citoyen est exercée par les tribunaux de sa localité;
toute intervention des magistrats romains contre ces personnes,
soit à raison d'un délit commis contre l'Etat romain, soit pour
(944) d'autres causes (I p. 279), est une mesure arbitraire pour
laquelle le droit romain n'offre pas de règle directrice et contre
laquelle l'État romain ne fournit guère de remède. Cet état de
choses se modiOe et s'améliore sous le Principat: les autorités
locales perdent bientôt et en général leur droit de vie et de
mort (I p. 140 et p. 277); la juridiction des gouverneurs de
province qui se substitue à la leur s'exerce sous un certain
contrôle du gouvernementet s'inspire des règles posées pour les
tribunaux de Rome, elle suit ainsi dans une certaine mesure
les règles en vigueur pour les citoyens ; enfin le droit de cité
romaine se transforme en fait en un droit d'appartenance à
l'empire. Mais les actions pénales, intentées en Bithynie, en
Gaule et en Afrique contre les non citoyens accusés de christia-
nisme, nous montrent dans quelle mesure cette procédure pé-
nale était encore arbitraire (I p. 278).
SECTION m (945)
PERTE DE LA LIBERTE
La perte de la liberté, la transformation du citoyen romain Privation
en esclave, est une peine qui apparaît dans le droit public de au nom de u
la République romaine pour les torts graves vis-à-vis do la communauié.
communauté, notamment pour les manquements à l'obligation
de fournir le service militaire et aux règles sur les légations
internationales, mais la répression qui a lieu dans ces cas n'ap
partient pas au droit pénal, elle est une application du pouvoir
de coercition des magistrats, comme nous l'avons déjà mon-
tré plus haut (I p. 47 et sv.), et, dans cette procédure cù
la liberté du magistrat n'est pas en général liée par une fixa-
tion légale des peines, elle se présente, semble-t-il, non comme
une punition principale, mais comme une répression qui se
substitue à titre d'adoucissement à la peinede mort. Lorsqu'une
personne passe de cette manière dans la propriété de l'Etat,
celui-ci, pour éviter que l'homme autrefois libre vive comme
esclave dans la cité, a coutume de le vendre à l'étranger; en
cas de crime international, la communauté transfère directe-
ment le coupable à l'Etat lésé. La privation de liberté n'étant
jamais, dans la procédure publique relevant des magistrats et
des comices, prononcée même à titre d'atténuation de la peine
capitale, et les cas de coercition dans lesquels cette peine ap-
paraît ne pouvant à l'époque du plein épanouissement de la
République être considérés comme des applications de la jiiri-
288 DROIT PÉNAL ROMAIN
diction, les Romains avaient le droit de dire que la liberté ne
pouvait pas être perdue par l'effet d'une sentence judiciaire (1).
Privation Le droit pénal privé a au contraire admis la perle de liberté
2 droii^r^vé. comme peine proprement dite, il a attribué en pleine propriété
à la victime l'homme libre convaincu de vol (111 p. 55 n. 2).
(946) Le volé n'est nullement obligé de se dépouiller du voleur en le
vendant à l'étranger, la communauté peut prescrire cette alié-
nation pour ses propres esclaves, elle n'a pas la faculté de le
faire pour ceux du citoyen. La loi des XII tables n'admet plus
ce droit de la victime de réduire le coupable en esclavage
qu'au regard du voleur pris en flagrant délit (III p. 55 n. 2).
Mais la conscience que les Romains avaient de leur dignité devait
s'opposer à ce qu'on laissât subsister au profit de la commu-
nauté le droit de priver le citoyen de sa liberté même en cas
de délit prouvé et le cas de vol manifeste fut rangé de bonne
heure sous la République parmi ceux qui donnaient lieu à une
composition obligatoire. La perle de la liberté fut ainsi dé-
finitivement bannie du droit pénal (2). — Sans doute, même
postérieurement à celte réforme, l'impossibilité de payer la
composition euivàinQ l'addictio du coupable; mais la servitude
qui atteint le débiteur insolvable ne se fonde pas sur le délit
et n'est pas une peine, elle est une suspension temporaire de
l'indépendance de la personne qui peut prendre fin à tout
(1) L'exposé de Gicéron (Pro Caec, 34) est sophistique ; car l'orateur
romain, après avoir mentionné le pouvoir d'enlever la liberté par voie
de coercition, s'elïorce de le réduire à rien.
(2) Les interprètes de la loi des XII Tables eux-mêmes sont entrés dans
cette voie; ils ont con^u l'attribution du voleur pris en flagrant délit non
comme une addiction en esclavage, mais comme une addiction en servi-
tude pour dettes : ulrum servus efficcreluv ex addiclione, dit Gains, 3, 189,
an adjudicali loco conslitucrelur, vrleres quaerebant (III p. 55;. Cette dernière
conception est juridiquement impossible ; la servitude pour dettes suppose
une obligation judiciairement établie et liquidée dont l'exécution libère
le débiteur ; une pareille obligation ne se rencontre pas dans la loi des
XII Tables pour le furlum manifeslum. Cette conception s'est fait jour
sous l'empire des mêmes préoccupations qui poussent Cicéron (III p. 288
n. i) à affirmer que non seulement la liberté ne peut être perdue à son
époque, mais qu'une pareille impossibilité a été proclamée de tout temps
par les lois républicaines.
PERTE DE LA LIBERTÉ 289
moment par l'accomplissement de l'obligation ; elle n'est pas
une perte de liberté.
Les explications qui précèdent s'appliquent au Romain qui Réduction
jouit de la pleine liberté. L'affranchi n'a été assimilé que peu ea esclavage.
à peu et toujours avec certaines -restrictions à l'ingénu (1).
L'affranchissement imparfait — et au début tout affranchisse-
ment est nécessairement imparfait — est essentiellement ré-
vocable. Ce caractère ne se rencontre pas dans l'affranchisse-
ment postérieur, consolidé quant à ses effets et formellement
reconnu comme pleinement valable; mais même ici la réduc-
tion de l'affranchi en esclavage n'est pas aussi absolument
impossible que la transformation d'un ingénu en esclave. A
vrai dire, nous n'avons pour l'époque républicaine aucun té-
moignage qui nous montre la révocation d'un tel affranchisse-
ment; mais il est vraisemblable que les dispositions du Prin-
cipaf, menaçant, comme nous l'avons exposé dans le Livre
précédent, delà réduction en servitude l'affranchi qui usurpa (947)
la qualité de chevalier (III p. 185 n. 7), se rend coupable d'une
rupture de ban (III p. 180) ou se montre ingrat vis-à-vis de
son patron (III p. 183), ont un point d'appui dans des prescrip-
tions et dans une jurisprudence antérieures. Il y a une certaine
parenté entre ces règles et les lois de cette époque qui privent
l'ingénu de liberté en cas de simulation d'esclavage pour per-
mettre une vente dolosive (III p. 181) et en cas de contiibernium
d'une femme libre avec l'esclave d'autrui à l'encontre de la
volonté du maitre (III p. 181).
La privation de liberté n'est pas non plus une peine indé- Perte
pendante sous le Principat. Mais une innovation fondamen- comme peine
taie, qui constitue une divergence caractéristique avec le ^Ç'^essoire sous
' T " * _ le Principal.
droit de la République, attache cette peine h la condamnation
à mort d'un homme libre (2) et aux deux hypothèses les plus
(1) Nous avons exposé la condition juridique des affrancliis dans St. R.,
3, 420 et sv. [Dr. publ., 6, 2, 1 et sv.].
(2) Dig., 28, 1, 8. 4. tit. 3, 6, 6. 29, 2, 25, 3. 48, dO, 12. 1. 29. tit. 20, 5, pr.
Par contre, une constitution de 333 (C. Th., i, 32, i) rattache à la peine
de mort la perte du droit de cité romaine.
Droit Pénal Romain. — T. III. 19
390 DROIT PÉNAL ROMAIN
importantes dans lesquelles les condamnés, conformément aux
explications données dans la Section IV du présent Livre, sont
employés aux travaux publics, c'est-à-dire au cas de condam-
nation à la peine des mines (1) et au cas d'internement dans
une école de gladiateurs (2) . Xous ne sommes pas renseignés sur
l'origine de cette disposition; celle-ci se lie vraisemblable-
ment à l'introduction sous Tibère de la peine des mines (3).
servuspoenae. Lorsqu'uue de CCS condamnalious a acquis autorité de chose
jugée (4), le condamné passe dans la propriété de l'Elat, et, pour
le distinguer des esclaves qui appartiennent à ce dernier en
(948) vertu d'une autre cause, les jurisconsultes le qualifient d'es-
clave de sa peine, servus poenae (5). Celui-ci sort par là de sa
famille et sou mariage est anéanti avec toutes les conséquences
(1) Paul, 3, 6, 29. Dig., 28, 1, 8, 4. 29, 2, 25, 3. 34, 8, 3, pr. 48, 19, 8, 4. 8.
1. 17, pr. 1. 36. 49, 14, 12. Tertullien, ApoL, 27. Les doux catégories du
« metallum » et de 1' « opiis melalli » sont ici assimilées (Dig., 48, 19, 8, 6.
1. 17. 50, 13, 5, 3). Justinien, nov., 22, c. 8 a supprimé la servilus poenae
(non pas seulement au point de vue du mariage, mais d'une manière gé-
nérale) pour la peine du travail dans les mines.
(2) Cet effet de la condamnation a été mis en doute, pour le cas où la
sentence ne contient pas d'arrêt de mort, mais Ulpien, Dig., 48, 19, 8, 11.
12 répond par l'affirmative.
(3) Nous montrerons plus loin que l'aggravation de l'interdiction par
suppression du droit de cité a été réalisée par Tibère en l'an 23. Or, cette
peine n'est applicable qu'aux personnes des meilleures classes, tandis
que les petites gens sont ordinairement frappées pour le même délit de
la peine du travail dans les mines. Il est donc très vraisemblable que
cette dernière pénalité et la privation de liberté qui s'y rattache ont été
introduites à la même époque. Le plus ancien témoignage positif qui
nous atteste l'existence de cette répression est une constitution d'ila-
drien {Dig., 28, 3, 6, 6).
(4) Dig., fis. 3, 6, 6. 48, 19. 12.
(5) Les remarques des Dig., 34, 8, 3, pr. : poenae servus est, non Caesaris
(cpr. 48, 19, 17, pr.) et Dig., 49, 14, 12 : magis poenae quam fisci servos ne
visent pas la situation juridique de ces esclaves, mais leur dénomination ;
Augiisli servus est un titre de distinction pour les esclaves et les Caesariani
sont plus considérés que la masse des plébéiens (II p. 282 n. 1). On peut
rapprocher de ces textes la distinction des délégués impériaux notables,
des procuratores Augiisli et des délégués impériaux inférieurs, qu'on ap-
pelle simplement procuralores. Le servus poenae est absolument traité
comme esclave impérial avec cette seule restriction que l'empereur se
refuse à accepter ce qui e laissé par testament à un esclave de cette
catégorie (Dig., U, 8, 3, pr. § 1. 49, 14, 12).
PERTE DE LA LIBERTÉ 291
juridiques qui s'y rattachent (1). Sou patrimoine échoit avec sa
personne à l'Etat; c'est là un effet sur lequel nous reviendrons
à propos de la confiscation du patrimoine. Il est désormais
incapable d'avoir un patrimoine et de faire des actes de dis-
position entre vifs ou à cause de mort (2).
(1) Inst., 1, 12, 3. i\ov., 22 c. 8.
(2) Dig., 28. 1, 8, 4. tit. 3, 6. 6. 29, 2, 25, 3. 34, 8, 3, 1. On excepte le legs
d'aliments fait à l'esclave (Dig., 34, 8, 3, pr.).
(949) SECTION IV
INTERNEMENT DANS DES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS
Les travaux forcés sont inconnus du droit pénal de la Ré-
publique et apparaissent SOUS le Principal; ils ont peut-être
été introduits en l'an 23 par Tibère en même temps que la
déportation (III p. 290 n. 3). Nous ne pouvons suivre ici
révolution qui s'est produite à cet égard ; dans le dernier état
du droit, la contrainte au travail se présente comme l'un des
plus importants moyens de répression. On en dislingue trois
degrés: la peine des mines, les travaux forcés à perpétuité et
les travaux forcés à temps (1).
l'eine La peiuc des mines est considérée comme le mode de répres-
sion le plus rigoureux après la peine de mort (2) ; à l'instar de
cette dernière, elle est de plein droit précédée de la flagella-
(Ij Celte grudalion apparaît de la manière lu plus nette dans les dispo-
sitions qui s'appliquent au cas d'évasion de personnes détenues à raison
d'une peine prononcée contre elles [cuslodiae) : celui qui était autrefois
condamné aux travaux forcés à temps est désormais soumis dans ce cas
aux mêmes travaux pour une i)ériode double de celle qui lui restait à
faire ou reste en prison sa vie durant ; celui (jui était condamné aux tra-
vaux forcés à perpétuité est frappé de la peine des minus; celui contre
lequel avait été prononcée la peine des mines la plus légère encourt la
peine des mines la plus grave; celui qui était frappé de cette dernière
peine est condamné kmori (Dig., 48, 19, 8, 6. 7. 1. 28, 14. 50, 13, 5, 3).
(2) Paul, 5, 17, 2. Dig., 48, 19, 28, pr. Par conséquent, la peine des mines,
comme la peine de mort, ne peut être prononcée que par les gouverneurs
de province et non par leurs légats {Dig., 1, 18, 6, 8).
des mJDes.
INTERNEMENT DANS DES ÉTABLISSEMENTS PUBLlC-i 293
lion (I). Elle n'est prononcée qu'à perpétuité; si par hasard
elle est infligée à temps, elle n'est pas considérée comme peine
des mines au sens juridique de l'expression (2). Elle entraîne
de plein droit, comme nous l'avons déjà indiqué (III p. 290 (950)
n. 1), la perte de la liberté avec toutes les conséquences néces-
saires, patrimoniales et autres. Elle a vraisemblablement été
introduite par imitation du régime en vigueur en Egypte, (3)
où les travaux des mines étaient depuis une haute antiquité
exécutés par des criminels condamnés (i). Les travailleurs sont
iTàiiés comme servi poenae appartenant à l'Etat; ils sont mar-
(1) Dig.. 48. 19, 10, pr. 49, 14, 18, 2. Cod. Th.. 2, 14, 1. 7, 18, 8. 16. 5, 40, 7.
Elle est aussi mentionnée dans les lettres de Gyprien (III p. 294 n. 4).
(2) Cela ressort déjà de ce fait que pour la peine des mines on ne men-
tionne ordinairement pas de durée, tandis qu'une fixation de temps a
lieu le plus souvent pour Vopiis publicum. Hadrien, Dig., 48, 19, 28, 6 dit
expressément : in opus metalli ad tempus damnari nemo débet et ajoute que
la condamnation aux travaux des mines à temps ne supprime pas la li-
berté et ne peut pas être considérée comme une condamnation in métal-
liim. De même, d'après Dig.. 4S, 19, 8, 8, lorsqu'une femme est condamnée
in minislerium metallicorum, elle n'est pas privée de lilierté, si la peine
n'est infligée que pour un temps. La constitution de Constantin, C. Th.,
i. 5, 3, se sert de la même tournure imprécise, lorsqu'elle parle de con-
damnation à la peine des mines ad biennii tempus et Dig., 48, 19, 23 : sine
praefinito tempore in metallum dato imperilia dantis decennii tempora praefi-
nita videntur vise une condamnation dans laquelle, suivant la pratique
blâmée par Hadrien, le coupable a été frappé de la peine du travail des
mines pour un temps sans fixation de durée.
(3) Nous n'avons pas à nous occuper en droit pénal des lieux où s'exé-
cutait cette peine, ni des autres questions relatives à l'exploitation des
mines à l'époque romaine. En droit, on assimile au travail dans les mines
l'occupation dans les soufrières, les salines {opus saliyiarum : Dig., 49, 15,
6), les carrières (Dig., 48, 19, 8, 8. 10), et les emplois accessoires dans les
mines [Dig., 48, 19, 8, 8 : m minislerium metallicorum feminae... damnari so-
ient ; 1. 28, 6). Lorsque la condamnation à la peine des mines est pronon-
cée à un endroit où il n'y a pas de mines, le condamné est expédié dans
une région où il pourra exécuter sa peine (Dig., 48, 19, 8, 4), mais une
pareille mesure ne peut être prise qu'en vertu d'un mandat général
(comme pour le préfet de la Ville : Dig., 48, 19, 8, 5) ou spécial donné par
l'empereur.
(4) Diodore, 3, 17 : o'. paffiXsîç tî^ç A'tYuTCTO\j tou; ètvI xaxoupyc'a xataSixa-
(T6évcaî xa\ to'jç xaxà 7cô)-£(xov a'f/fAaXwTcaôévta;... TtapaSiJôao-t itpb; ttiv toû
•/P'jffoj |X£Ta)l£!av. Nous voyons d'ailleurs qu'en Sicile et en Italie la peine
des travaux forcés s'est accomplie de bonne heure dans les carrières de
pierres.
294 DROIT PÉNAL ROMAIN
qués au fer rouge (1), on leur rase la moitié de la chevelure (2),
ils sont soumis à la correction dans les conditions d'usage pour
les esclaves (3). Leur travail s'accomplit dans les chaînes (4)
(931) et sous une surveillance militaire (5); les deux degrés de peine
que le droit pénal distingue ici, celui de la «mine y> {metallum)
et du « travail des raines » {opus metalli) (6) se différencient
principalement par l'importance des vincula imposés au pri-
sonnier (7) et par la plus ou moins grande rigueur du traite-
ment auquel il est soumis. Celui qui a été condamné aux tra-
vaux forcés à perpétuité peut après dix ans de service être
rendu à sa famille, s'il n'est plus apte au travail (8); toutefois
une pareille mesure n'a lieu que pour se débarasser des ou-
vriers impropres, elle ne produit aucun changement dans la
condition personnelle du condamné. On ne trouve dans les lois
aucune trace indiquant qu'on ait dû tenir compte du sexe et
de l'âge pour prononcer celte peine (9), mais l'application de
(1) Suétone, Gai., 27. Pontius, Vita Cypriani, 7. C. Th.. 9, 40. 2 i=: C, Just.,
9, 47, 17. Marquardt, Privatallerlli., 184 [Manuel Antiq. Rom., 14, 216].
(2) Artemidore, 1, 21 : tovto yàp yàxeï Ttapiariiiôv èo-Ti tôt', xaxaStxa^otiévotç.
Gyprien, Ep., 76, 2 : semitonsus. Marquardt, loc. cit., p. 180 [Manuel Antiq.
Rom., 14. 212].
- (3) Dig., 49, 14, 12.
(4) Dig., 48, 19, 8, 6. Pline, Ad Traj., 58. Par suite, ceux qui sont con-
damnés à la peine des mines sont aussi qualifiés de prisonniers {custo-
diae). Dig., 48, 19, 28, 14. Les lettres de Cj^prien, évéque de Garthage, aux
chrétiens envoyés par Sigus dans les mines de Nuniidie et les réponses
de ceux-ci (Ep., 76-79) nous donnent un tableau vivant.de l'application
de celte peine. Les prisonniers portent aux pieds des fers (compedes) unis
par des traverses {traversaria); ils dorment sur le sol dans des locaux
obscurs et fétides; leurs vêtements sont insuffisants pour les protéger
contre le froid, leur nourriture trop juste pour apaiser leur faim ; l'usage
des bains leur est interdit.
(5) Les inscriptions égyptiennes nous fournissent de nombreuses preu-
ves établissant que les travaux des mines sont placés sous une direction
militaire.
(6) Opus metalli : Dig., 48, 19, 8, 4. 12. 1. M. 1. 17, pr. 1. 28, 6. 49, 16, 3. 1.
50, 16, 5. 3. La condamnation à l'opus sans addition est moins grave,
comme nous le montrerons plus loin.
(7) Dig.. 48, 19, 8, 6. 50, 13, 5, 3.
(8) Dig.. 48, 19, 22.
(9) Les femmes sont aussi soumises à cette peine {Dig., 48, 19, 8, 8. 28,
6. 49, 15, 6. Cad., 9, 47, 9). Les rois égyptiens employèrent dans les mines
des femmes, des enfants et des viiillards (Diodore. 3, 12).
INTERNEMENT DANS LES ETABLISSIMINTS PUBLICS 295
celte dernière est légalement limitée aux petites gens (1) et
surtout aux esclaves (2); le principe de l'inégalité des peines
suivant la condition du condamné, dont nous exposons les di-
verses applications dans la dernière Section du présent Livre,
trouve son expression la plus anci-enne et la plus nette dans le
fonctionnement alternatif des travaux forcés et de la déporta-
tion. Toutefois l'empereur, usant de son pouvoir arbitraire, a
envoyé dans les mines des personnes appartenant aux catégo-
ries légalement soustraites à l'application de cette peine (3).
De même nature, mais moins grave, est la condamnation (952)
aux travaux publics (4). Sous ce nom, on comprend les travaux Travaux forcés.
(1) Dig..A~, 20, 3, 2. 48, 19. 9, 11 et sv. tit. M, 5. 50, 13, 5, 3. C. Th., 1.
18, 1. Aucun passage des ouvrages juridiques ne mentionne l'application
de cette peine à des personnes de qualité ; dans Dit]., 47, 12, 11, les nwts aut
in melallum damnanlur doivent être [ilacés après adfichinliir, et dans Dig., 48,
19, 38, pr., il faut écrire poena melalli aut (non pas et) exilii. Sont exempts
de cette peine, les soldats (Dig., 49, 16, 3, 1), les vétérans et enfants de
vétérans {Dig., 49, 18, 3. Cod., 9, 47, 5). *
(i) Paul. 5. 22, 2. tit. 30 B, 2. Dig., 48, 18, 17, 3. tit. 19, 8, 12. 1. 33. Cod.
Th., 8. 5, 17. 9. 10, 4. tit. 17, 1.-12. 1, 6. 14, 10. 4. 16, 5. 40, 7. Cod., 9, 47, 11.
Gomme exemple, on peut citer ici la condamnation de l'esclave Gallixte,
le futur pape, par le préfet de la ville (I p. 318 n. 5).
(3) Suétone, Gai., 2 (III p. 296 n. 1). Dans les décrets de Dioclétien contre
les partisans de la nouvelle religion (II p. 281 n. 1), cette peine est pré-
vue à côté d'autres peines plus graves. — Le bithynien Flavius Archip-
pus, professeur de philosophie, qui fut condamné aux travaux des mines
(Pline, Ad Traj., 58) n'appartenait à aucune des catégories exemptes de
cette peine.
(4) Opus publiciim: Paul, 2. 19, 9. 3, 4a, 9. 5, 3. 5. lit. 4. 8. tit. 17, 2. tit.
18, 1. tit. 3:), 1. Dig., 47. 9, 4, 1. 48. 19, 8, 7. 1. 10. pr. 1. 28. 1. 1. 34. pr. 49.
16, 3, 1. tit. 18, 3. Cod,. 9, 47, 5. Opus : Pline, Ad Traj., 37 : quidam vel in
opus damnaH vel in ludum similiaque his gênera poenarum. Coll., 11, 7, 1. 11,
8, 3. (:zz Dig., 47. 14, 1, 3, où item operis ne doit pas être changé). Dig., 47.
21, 2. 4S, 19. 10. 2. — Opus melalli est différent (III p. 29i n. 6). — Les tra-
vaux forcés impliquant la «létenlion {Dig., 48, 19, 28. 14), on trouve comme
synonymes les mots vincula publica {Dig., 11, 5, 1, 4 : in lautumias vel in vin-
culapublica. Dig., 48, 19, 28. 7. Paul, 5, 21, 1) ou simplement vincula (Paul»
5. 17, 1. Dig., 48. 19. 7, 1. 8, 13. 1. 33) ; Dig., 48. 19, 8, 13 : sive in perpétua vin-
cula fuerit damnatus sercus .^ive in temporaVa, ejus remanet cujus fuit ayite-
quam damnaretar montre que juridiquement la « prison » n'est que la
détention avec travaux forcés. Lorsque Paul, 5, 17, 1, dans son énuméra-
tion des peines, cile à côté l'un de l'autre Vopus et les vincula, cela tient
peut-être à ce qu'en cas de brève détention la contrainte aii travail passe
aisément à l'arriére-plan et disparaît complètement.
296 DROIT PÉNAL ROMAIN
qui incombent ordinairement aux esclaves : réparation des
routes, nettoyage des cloaques, service des bains publics (1)
et des pompes (2), plus tard le travail dans les boulangeries
publiques (3), et spécialement pour les femmes, le travail dans
les tissages impériaux (4). Ceux qu'atteint une telle condam-
(953) nation sont aussi prisonniers, bien que nous ne puissions établir
les mesures qui étaient prises pour empêcher leur fuite; peut-
être celles-ci étaient-elles fixées dans chaque lieu et suivant la
nature du travail. Cette peine n'est pas appliquée aux esclaves ;
car elle n'atteindrait que le maître (5). Elle peut être prononcée
à perpétuité ; dans ce cas, elle fait perdre au condamné le droit
de cité, mais non la liberté (6). Souvent, elle n'est infligée qu'à
(1) Suétone. Gai., 27 cite parmi les mesures arbitraires de cet empe-
reur : multos honesti ordinis... ad metalla et munitiones viarum... condemna-
vit. Pline, Ad Traj., 31. 32, nous rapporte que dans différentes villes de
Bithynie les criminels condamnés aux travaux forcés (in opiis vel in ludum
similiaque his gênera) furent abusivement utilisés pour les emplois qui
incombaient aux esclaves de la cité et reçurent à cette occasion un sa-
laire. Trajan répond que ces individus doivent être soumis à leur véri-
table peine, à moins que l'emploi pour lequel ils ont été utilisés ait duré
dix ans ou plus ; dans ce cas ils garderont leur fonction, mais ne seront
affectés qu'à de vils travaux (ea ministeria quae non longe a poena sint) : ré-
paration des routes, nettoyage des cloaques, service des bains public?.
(2) Suétone, Tib , 51 : equestris ordinis viro... in anlliam condemnalo.
(3) Constantin, C. Th., 9, 40, 3 : ex levioribus causis... ergastulis vel pistri-
nis esse dedendos atque ad urbem Romam... miltendos. De même, C. Th., 9, 40,
5. c. 6. c. 7 c. 9. 14, 17, 6. Des condamnés ont également été livrés à d'au-
tres corporations obligatoires (C. Th., 8, 8, 4. 9, 40, 9).
(4) Lactance, De morl., 21 : maires familias inf/enuae ac nobiles in gynae-
ceum rapiebantur. Sozoméne, H. EccL, 1, 8 : Yuvatxcsoi; r, Xtvuç'loii; ûitripsTsïv.
Dans les constitutions de Constantin de 336, contenues au C. Th., 4, 6, 2.
3, Constantin prescrit qu'un fils, issu de Licinius et d'une esclave et légi-
timé par rescrit impérial, soit de nouveau remis en servitude, reçoive une
correction, soit enchaîné et livré au gynaeceum de Carthage (Not. Dign.
Occ, 11, 53).
(5) Papinien, Dig., 48, 19, 34, pr. : servus in opiis pub/icum perpetuum et
multo magis temporarium non dali/r ; ctim igitur per errorem in opus tempora-
rium fuisset dalus, expleto lempore domino servum esse reddendum respondi.
Ce texte nous indique le motif de la disposition et nous montre aussi que
celle-ci n'était pas rigoureusement appliquée. Dig., 48, 19, 10, pr. nous
donne une exception motivée. Lorsqu'il est question ailleurs d'une con-
damnation d'esclave aux travaux forcés du second dogré à perpétuité ou
à temps (Dig., 48, 19, 8, 13. 1. 33. Cod., 9, 47, 6. 10), il s'agit d'exceptions
du même genre.
(6) Dig., 48, 19, 17, 1. ]. 28, 6. Coll., 11, 7, 1. - Cette peine des travaux
INTERNEMENT DANS LES ÉTABLISSEMENTS PUBLICS 297
temps et laisse alors la condition personnelle intacte (1). Elle
est ordinairement accompagnée de la flagellation (2). Les
personnes de condition élevée ne sont pas non plus employées
à ces travaux, moins pénibles cependant que les travaux des
mines (3).
La livraison du condamné aux organisateurs des fêtes popu- Ecoie
laires sanglantes, c'est-à-dire des combats d'animaux et des jeux "^ ° ^ 'Rieurs.
de gladiateurs, est apparue comme une des formes d'exécution
de la peine de mort, ainsi que nous l'avons exposé plus haut
(III p. 263 n. 3). Dans ce cas, on a du éviter de soumettre le
condamné à une lutte sérieuse, ce qui était facilement réali-
sable et a été de règle pour les combats d'animaux. Par contre,
les combats de gladiateurs, où il y a lutte d'homme à homme
et où le genre même de spectacle réclame un certain équili-
bre de forces entre les combattants, convenaient mal à un
pareil but; bien que la peine de mort encourue ne fut pas sup- (954)
primée de plein droit par le triomphe du condamné et bien
qu'en droit la grâce ne put être accordée ni par celui qui
donnait les jeux, ni par les spectateurs, mais par l'empereur
seul, il n'en est pas moins certain que les vainqueurs ont été
fréquemment graciés (4). Ces pratiques, unies à la haute es-
forcés n'a également aucune influence sur la condition juridique^de l'es-
clave (Dig., 48, 19, 8, 13); toutefois l'esclave ne peut être afi"ranchi pen-
dant la durée de sa peine, mais il le peut dés que celle-ci est achevée
(Dig., 48, 19, 33 : temporaria coercitio quae descendit ex sententia poenae est
aboliiio).
(1) Pour dix ans : Dig., 48, 19, 8, 7 — pour trois ans : Dig., 47, 9, 4, t —
pour deux ans : Dig.. 47, 21,2 — pour un an : Paul, 5, 18, 1 — sans fixation
de temps, Paul, S, 20, 6. Coll., 11, 7, 1. c. 8, 3 (où item operis ne doit pas
être changé). Dig., 48, 19, 28, 1, doit être entendu comme visant une con-
damnation à l'opus puhlicum à temps. Il faut également mentionner ici
ceux qui par abus (III p. 293 n. 2) ont été condamnés au travail des mi-
nes à temps.
(2) Dig., 48, 19, 7.
(3) Suétone, Tib., 51 (III p. 296 n. 2). Gai., 27 (III p. 296 n. 1). Les sol-
dats, vétérans et enfants de vétérans, ne peuvent pas non plus être sou-
mis à cette peine [Dig., 49, 16, 3, 1. tit. 18, 3. Cod., 9, 47, 5).
(4) Les gladiateurs employés lors de la fête donnée à l'occasion du des-
sèchement du lac Fucin étaient tous des criminels et tous ceux qui sur-
vécurent au combat furent graciés par l'empereur Claude : occidioni
20S DROIT PÉNAL ROMAIN
time des Romains pour le maniemenldesarmesct à l'existenre
d'écoles professionnelles de gladiateurs et de chasseurs {hidi),
ont conduit dès une époque que nous ignorons, mais certaine-
ment déjà au premier siècle de l'ère chrétienne (1), à livrer à
ces écoles par mesure de répression les personnes convaincues de
crime et susceptibles de recevoir avec profit cet enseignement
professionnel (2) en leur promettant la faveur de la vie, si elles
ne restaient pas sur le terrain du combat. Ces criminels sont
livrés ou à des établissements publics de ce genre dont plu-
sieurs se trouvent dans la capitale, ou aux institutions privées^,
établies par ceux qui donnent des fêles populaires pour
préparer les combattants et pour lesquelles on mentionne fré-
quemment des criminels h coté d'hommes libres ou d'es-
claves qui se vouent ou sont voués par profession aux jeux des
arènes (3). Ce mode de répression occupe dans l'échelle des
peines le même degré que la peine des mines la moins grave (4);
comme celle-ci, elle entraîne juridiquement la perte de
la liberté (III p. 290 n. 2); mais le condamné peut en vertu
de certaines règles de jeux conquérir dans les luttes l'exemp-
(Ooo) lion de l'obligation de combattre et même la complète li-
berté (o). — Les combats de gladiateurs furent désapprouvés
exempli sunl (Tacite, Ann., 12, 56). Si dans une fête de ce genre donnée en
province les spectateurs demandent la grâce du criminel à raison de sa
force ou de son adresse, le gouverneur ne peut pas accorder celte faveur,
jl doit envoyer le coupable à Rome où l'empereur peut le gracier.
(1) Pline, AclTraj., 31.
(2) Dig., 48, 19, 8, 11 : soient juniores hac poena adfici.
(3) Vita Uadriani, 17. Apulée, Met., 4, 13. Les inscriptions d'Asie Mi-
neure (réunies Eph. Eprqr., 7, p. 403), ainsi par exemple l'inscription
d'Aphrodisias, C. I. Gr., 27S9 b : çajuXia Zr,vMv[o;] àp7c£pf<o; [j.ovo[jLi/;wv xa\
xaTa5;xwv -/.ai Taupoxa[6a7iTo")v], mentionnent maintes fois, pour les lutteurs
et les chasseurs des magistrats ft des pontifes qui avaient préparé les
fêtes populaires, des sépultures collectives, et sur celles-ci on trouve
constamment les noms de condamnés à côté de ceux de gladiateurs pro-
prement dits. L'inscription de Peltuinum, C. /. L., IX, 3437 : hic ob hono-
rem quin(quennalilalis) spectaculum ffl.ad(iato)iiim) Iriduo dédit et noxios qiiat-
t(u)or fournit un argument dans le même sens.
(4) Pline, Ad Trai., 31. Paul, 5, 17, 2. tit. 23, 4. C. Th., 15, 12, 1.
(5) Après trois ans de luttes, il peut acquérir la /«f/Zs, et après cinq ans,
le pilleits, c'est-à-dire la liberté. Coll., Il, 7, 4.
INTERNEMENT DANS LES ET ARL ISSEMEN'TS PUBLICS 209
par Constantin l«'"(l)etsubirent des restrictions progressives (2)
jusqu'à ce qu'llonorius les défendit complètement (3); les com-
bats d'animaux ont subsisté; c'est ainsi que sous Juslinien des
criminels sont encore livrés aux jeux (4).
Pendant les persécutions des chrétiens, des femmes honnêtes
ont été, à titre de peine, enfermées dans des maisons publi-
ques (o). Selon toute apparence, il n'y eut pas de prescription
générale en ce sens; de telles mesures doivent ôlre attri-
buées à un excès de zèle de magistrats isoles.
(1) Constantin en 325 : C. Th., 15, 2, 1, constitution reproduite avec
des modifications et des aggravations par Justinien C. Just., 11, 44, 1.
Il est impossible d'admettre avec Godefroy que Constantin n'a fait sa
constitution que pour l'Orient; mais son décret contient plutôt un blâme
qu'une défense.
(2) Valeutinien I a défendu en Occident d'interner, à raison d'un délit,
les chrétiens (C. Th., 9, 40, 8) et les gens de cour (C. Th., 9, 40, 11) dans
les écoles de gladiateurs.
(3) Cpr. la notice des chroniques de l'année 399 (Chron. min., vol. 1,
p. 755), et les explications de Godefroy, loc. cit., et d'Usener, Rhein. Mus.,
1882, p. 479.
(4) Ainsi par ex. Dlg., 48, 19, 8, 11 où le danseur de pyrrhique [pyrricha-
rius), qui n'est guère à sa place dans un ludus venatovius, est un vestige
du ludus gladiatorius qu'on a interpolé de celte manière.
(5) TerluUien, Apolog., 50 : proxime ad lenonem damnando Chrisiianam
potius r/uam ad leonem; cpr. De monogamia, 15. Cyprien, De Morlal., 15 :
virgules... lupanaria non timentes. Martyvium de Pionius, c. 7 : al [Li\ èizi-
ô'joyuat zU -rcopveïov "(rravrat. Eusèbe, H e., 8, 14, 14 et sv. De mari. Pal. 5, 3;
Prudence, Perisleph., 14 : passio Agnetls virginis ; Ambroise, De virginibus,
2, 4 ; Augustin, De cio. Dei, 1,20 ; Basile, De virg., 52 (vol. 2, p. 174 Migne.)
(9^6) SECTION V
PERTE DU DROIT DE CITE
C'est une conception admise par les Romains dès une épo-
que reculée'et très nettement analysée dans ses conséquences
que même les non citoyens qui n'apparliennent à aucun Etat
reconnu par Rome jouissent de la liberté individuelle. Il est
possible que dans les débuts de l'Etat Romain la personne non
investie du droit de cité ait toujours été assimilée aux animaux
sauvages et aux esclaves sans maitre ; cet état de choses est en
tout cas antérieur à l'époque historique. Si nous ne tenons
compte que de l'époque connue de nous, le droit romain a de
tout temps posé le principe que le non citoyen est libre; celui-
ci n'a pas les droits personnels qui supposent chez le sujet la
qualité de citoyens, comme on eu rencontre par exemple en
matière de mariage et de testament (I p. 135), il jouit par
contre complètement de la même protection juridique et de la
môme faculté d'entrer en relations avec ses semblables que le
citoyen (I p. 124). Cette condition juridique se rencontre de la
manière la plus nette chez les membres des Etats dissous par
Rome, lorsqu'ils n'ont pas été faits citoyens ou réduits en es-
clavage, chez les Campaniens ù l'époque républicaine et chez
les juifs sous l'Empire (1). Elle est intéressante pour le droit
(1) st. R., 3, 139 sv. [Dr. publ., 6, 1, 156 et sv.]. Cpr. mon exposé de la
condition juridique des juifs après Vespasien dans Syhels Ilistor. Zeil-
schrift, 64 (1890), p. 422 sv. La mémo condition personnelle se rencontre à
PERTE DU DROIT DE CITÉ
301
pénal en tant qu'un citoyen romain peut à la suite d'un délit
être privé du droit de cité par une loi de l'Etat et garder sa
liberté (1). Toutefois, cette perte du droit de cité n'apparaît (957)
pas en droit comme une peine directement prononcée par les
tribunaux (2); elle s'y présente comme une conséquence juri-
dique que le droit^^de la République rattache à la catégorie la
plus grave du crime d'Etat, c'est-à-dire à la perduellion, et
comme une peine accessoire qui accompagne à l'époque im-
périale la déportation et les travaux forcés à perpétuité.
1. Quant à la perte du droit de cité qu'entraîne la perduel- Perdueiiion.
lion, nous avons fait remarquer, lorsque nous avons traité de
ce crime soit dans le domaine de la coercition, soit dans celui
de la procédure relevant des magistrats et des comices, que
le délit est conçu comme le fait par le coupable de passer à
l'ennemi et que celte défection elle-même est bien constatée
par la sentence des magistrats ou des comices, mais que le
droit de cité n'est pas à proprement parler considéré comme
enlevé par le tribunal, le citoyen est traité comme ayant
abandonné ce droit au moment même de l'acte. Cette perte du
droit de cité a des conséquences importantes dans le domaine
du patrimoine ; nous y reviendrons à propos de la confiscation. ,
2. L'empereur Tibère a, en l'an 23 ap. J. G., aggravé, en y Déportation
l'époque impériale pour les affranchis déditices ; toutefois, comme nous
le montrent les régies qui régissent les Campanlens, elle convient bien à
des individus, mais ne peut s'appliquer à des catégories de personnes,
c'est pourquoi le patrimoine de ces affranchis est recueilli par leurs hé-
ritiers, comme si le défunt était citoyen romain ou latin (Gains, 3, 74).
(1) Ulpien, 11, 12 : média cupitis deminutio dicilur, per quam sola civitate
amissa libertas retineliir, quod fit in eo cui aqua et igni interdicitur. D!g., 2, 4,
10, 6 : per poenam deportalionis ad peregrinilatem redactus. 35, 1, 104. 48, 2f, 6,
pr. 1. 15. D'où le nom d'ànôXiSEç, id est sine civitate que leur donnent Mar-
cien, Dig., 48, 19, 17, 1 et Ulpien Dig., 32, 1, 2. On les range parmi les pe-
regrini (Gains, 1, 90. 128) ; parce (jue cette dernière notion n'a pas le sens
positif d'appartenance à un Etat déterminé, mais le sens négatif d'absence
du droit de cité romaine et de la latinité. — Le texte de Callistrate [Dig..
oO, 13, 5, 3), d'après lequel le déporté peid la liberté et non simplement
le droit de cité, est en contradiction avec tous les autres témoignages.
(2) On trouve des exceptions isolées dans la dernière période ; c'est ainsi
que Constantin (C. Th., 3, 30, 4) menace de la privation du droit de cité
le tuteur infidèle, qui n'est pas en état d'indemniser le pupille.
302 DROIT PÉNAL ROMAIN
ajoutant la perte du droit de cilé, le bannissement introduit
par Sylla sous menace de la peine capitale en cas de rupture
de ban (1). Ordinairement, mais non nécessairement, on affecte
un domicile obligatoire à celui qui est ainsi banni et celte
circonstance fait qualifier l'interdiction de déportation. La
perte du droit de cilé est icijuridiquement rattachée à la con-
damnation pénale ou plutôt à son exécution, c'est-à-dire à la
conduite au lieu de déportation (2). Bien entendu, la perle du
droit de cilé a lieu ici à per[)étuilé (3). Elle entraîne de plein
(958) droit, quoiqu'avec certaines restrictions, comme nous le mon-
trerons dans la section X du présent Livre, la confiscation du
patrimoine. Celle-ci est môme le véritable but de cette peine
et ainsi s'explique que la perte du droit de cité n'atteigne que
les personnes de condition, tandis qu'elle est remplacée pour
les petites gens et les esclaves [)ar les travaux forcés (4). Le
déporté garde la capacité d'avoir un patrimoine et de con-
clure des actes juridiques avec ses semblables (o); mais il ne
peut faire les actes du droit privé qui ne rentrent pas dans le
jusgentium et pour l'accomplissement desquels il faut un droit
de cité reconnu par l'Etat romain. La privation du droit de
cité enlève au coupable le droit de porter la toge civique (G) et
le fait sorlir du mulrimoniuiri justum (7) et de la domus {%),
(1) Dion, Ep., 57, 2:i pour l'année 23 : àTiîïTts lï ô TtoÉpso; -otç Ttvpbî xai
C8aToç EtpxÔEÏa'. (J.T) ôiarJÔeaTai' xal toOto xai vCv çyXcxTTETài. L'exilé interdit
perdait donc le droit de faire un testament romain, faculté qui était le
critérium le plus saisissable du droit de cité romaine.
(2) Di;/., 48, 19, 2, 1.
(3) Dii)., 4S, 22, 7,2. c. 17, 2.
(ij m p. 295. Par conséquent la flagellation se lie de plein droit aux
travaux forcés, mais n'accompagne pas lu déportation à la bonne épo-
que, bien que cela ait eu lieu dans la dernière période (C. Th., J4, 3, 21.
16, 5, 21. c. 53. c. 54. c. 57).
(5) Dig., 48, 19, 17, i : ul ea cjuidem, quaejuris civilis aiinl, (deporlali) non
kabeunl, quue vero juris gentium sunt, liabeant. tit. 22, 14, 3. 1. 15.
(0) Pline, Kp., 4, Il : carenl logae jure /juihus aquu cl igni inlcrdiclum esl.
(7) La conlinuation du mariage après la déportation {Dig., 24, 1, 13, 1.
Cod., 5, IC, 24, 2. lit. 17, 1) est exacte, si l'un vise le malrimonium injusluui
qui n'exige pas de conubium (Il p. 420 ).
(8) Gains, 1, 128 {z=z Inst., 1, 12, 1) bid.. 1, 16, C.
PERTE DU DROIT DE CITÉ 303
car ces deux institutions supposent le droit de cité chez les
personnes qu'elles unissent. Il perd en outre la faculté d'affran-
chir (1); cet acte ne peut, en effet, être accompli que par celui
qui a un droit de cité. Enfin, il ne peut ni hériter (2), ni4iisser
d'hérédité (3); d'une manière plus ^^^énérale, il ne peut ni ac-
quérir, ni transmettre à cause de mort; son testament, qu'il
ait élé fait avant ou après la déportation, est nul et sa suc-
cession échoit comme bien vacant à l'Etat (4).
3. De même que la déportation, les travaux, forcés du second Tiaraux forces.
degré, c'est-à-dire ceux qui sont infligés à perpétuité, laissent
subsister la liberté que les travaux forcés du premier degré,
c'est-à-dire la peine des mines, font perdre, mais ils privent (959)
le condamné du droit do cité (llf p. 29G n. 6) et le placent
dans la condition juridique que nous venons de décrire. Celte
peine, comme nous l'avons déjà indiqué, n'était prononcée ni
contre les esclaves (III p. 296 n. 5), ni contre les personnes
de condition élevée, elle ne frappait que les personnes libres
d'un rang inférieur (III p. 297 n. 3).
L'inlestabililé qui a pour point de départ l'enlèvement du
droit de tester et qui se rapproche de la privation du droit de
cité par voie répressive, sera traitée à propos des peines con-
tre l'honneur.
(1) Dig., 48,22, i.
(2) On admet ici une exception pour le legs d'alimenls. Hig-, iS, 22, 16.
(3) Dion, Ep., 57, 22 (III p. 302 n. 1). Dig., 28, 1, 8, 1. 32, 1, 2. Gpr. Ulpien,
20, 14 : teslamentum facere non potest... qui dediliciorum numéro est, quoniam
nec quasi civis Ronianus testari polesl, cum sit peregrinus, nec quasi peregrinus.
quoniam nullius cerlae cicitalis civis est, ut secundum leges civitalis suae tes-
tetur.
(4) Dig., 48, 20, 7, 5. lit. 22, lu, pr. Cod., 9, 49, 2.
(960) SECTION VI
LA PRISON
La prison (carcer) se confond juridiquement avec l'enchaî-
nement (vincuia), non pas parce que tout prisonnier est en-
chaîné, mais parce qu'il peut l'être en droit strict (1). Nous
avons déjà traité de cette institution dans les Livres précé-
dents soit comme détention coercitive pour briser une déso-
béissance (I p. 54), soit comme détention préventive pour as-
surer la marche de la procédure pénale (l p. 331 sv.). La
(1) I p. 353. Carcer et vincuia sont juridiquement synonj'mes. Gallistrale
dit avec raison [Dig., 4, 6, 9) : eliam inclusos veluti lautumiis vinctorum nu-
méro haheri placet, quia niliil intersit, parietibus an compedibus teneatur. Le
régime des prisons et surtout l'arbitraire des magistrats et des officiers
subalternes compétents engendrent bion des divergences de fait, mais ne
fondent aucune différence juridique. Lorsqu'Ulpien {Dig., 50, 16, 216) dit
au contraire : verum est eum qui in carcere clusus est nonviileri neque « vinc-
tum » neque « in vinculis » esse, iiisi corpori ejus vincuia sint adldbita, il vise,
comme le montre l'inscription du texte, la prescription de la loi Aclia
Scntia, d'après laquelle vis-à-vis des servi a dominis poenae nomine vincli
rairranchissement ne produit pas la plénitude de ses effets; pour que
cette prescription s'applique, la simple incarcération de l'esclave ne
suffit naturellement pas. — L'enchaînement sans incarcération (I p, 353
n. 2) parait avoir été distingué, tout au moins plus tard, de la prison ;
la servitude pour dettes a vraisemblablement été traitée ainsi pendant
la dernière période. L'incarcération et ait ici exclue (Alexandre, Cor/., 7, 71, 1 :
qui bonis cesserint. . non sint liberali; in eo enini lantuin hoc beneficium eis
prodesl, ne judicali delrahantur in carcerem) el l'encliaînement permis (Au-
lu-Gelle, 20, 1, 51 : addici namque nunc et vinciri multos videmus, quia vincu-
Loruin poenum delerrimi hnmines contemnunl; Ulpien, Dig., 4, 6, 23, pr. :
privala vincuia). L'opiiosition d'iti carcere conlineri et d'in vinculis contineri
Ifig., 48, l'J, 8. y (III p. 307 n. 3) ne peut pas cire entendue autrement.
LA PRISON
305
détention pour dettes n'intéressant que le droit privé et le
droit fiscal (1), il nous reste à parler ici de la détention en vue
de l'exécution tendant à assurer l'accomplissement de la peine (961)
et de la détention répressive dans la mesure où l'on peut à la
rigueur parler de cette dernière en droit romain.
De tout temps la détention pour cause d'exécution résulte Détention
nécessairement en droit de la condamnation à mort. Jusque d^éxécriion.
là le coupable est resté libre ; désormais il est enchaîné (2), et
si l'exécution ne peut avoir lieu immédiatement, il est incar-
céré (3). Sous la République, le condamné ne peut être traité
ainsi qu'autant que la condamnation à mort jouit de l'autorité de
la chose jugée ; donc, si la provocation est interjetée, le coupa-
ble n'est pas considéré comme condamné (4). Sous le Principat,
la détention pour cause d'exécution doit commencer après la
condamnation en première instance (o) et même après l'a-
(1) Les prescriptions relatives au cavcer priuatus visent la prison pour
dettes. Nous avons déjà fait remarquer que le créancier a contre lejudi-
calus, même encore à l'époque impériale, la faculté de l'emmener dans
sa prison privée en vertu d'une addictio du magistrat ; mais la mauvaise
habitude, souvent mentionnée, qu'ont les hommes puissants (potenliores)
d'incarcérer à titre de justice privée les petites gens à raison des créan-
ces qu'ils ont contre elles, est qualifiée d'abus par les ouvrages juridiques
{Dig., 4, 6, 9. 48. 19, 28, 7). Dans l'édit égyptien de Tibère Alexandre, on
permet au fiscus d'incarcérer le débiteur dans la prison pour dettes (tô
TipaxTÔpeiov), maison l'interdit au simple particulier (C. 1. G7\, 4957, 1. 15
sv.). Cette incarcération peut aussi avoir été autorisée vis-à-vis du dé-
biteur de la communauté (cpr. III p. 308 n. 1). Théodose I utilise le car-
cet- privatus ponr ceux qui sont accusés d'un crime de lése-majesté (C. Th.,
9, il, 1). Zenon a prohibé cette incarcération d'une manière générale {Cod.,
9, 5, \).
(2) Cet enchaînement nous est décrit pour l'époque primitive dans la
légende d'Horace. Il est mentionné pour l'époque impériale chez Dion,
58, 3 : Tov (TTpaTr,Y()v tov 5r,<70VTa a-Jtbv xa\ irpô; xôv Tipiwpîav àitâÇovTa et plus
loin : ôr,<7a; Tivà Tôiv â-raipwv et par Tacite, Ann., 14, 64 : restvingitur vinclis.
On peut naturellement renoncer dans certains cas à l'incarcération.
(3) L'incarcération de Malleolus, assassin de sa mère, qui doit être
exécuté par submersion, nous est décrite par la Rhet. ad Her., 1, 13, 23 et
par Cicéron, De inv.. 2, 50. Gicéron, Verr., li, 43, 117 : includuntur in car-
cerem condemnati.
(4) C'est ce que montre la légende d'Horace.
(5) Dig.. 28, 3, 6, 7. 48, 19,27, 2. C. Th., 11, 30, 2 (z= C. Just., 7, 62, 12).
Cependant le cautionnement suffît souvent : Cod., 7, 62, 6, 3.
Droit Pénal Romain. — T. III. 20
306
DROIT PÉNAL ROMAIN
. (962)
Détention
domestique
des esclaves.
veu (1). La prison est surtout destinée à la réception et à la
garde des criminels qui doivent subir l'exécution capitale. Or, la
fixation de l'époque de l'exécution est laissée à l'appréciation
du magistrat et celui-ci n'est pour ainsi dire pas lié en droit ro-
main par des délais max'ima légaux (I p. 222); il en résulte
que le magistrat a la possibilité — et il a plusieurs fois usé
de cette faculté — de ne pas appliquer la peine de mort et de
transformer ainsi en fait la répression en un emprisonnement
à perpétuité (2). La détention pour cause d'exécution se ren-
contre aussi ordinairement pour d'autres condamnations graves
à la suite desquelles on peut redouter une tentative de fuite (3J.
La prison comme mode de répression s'applique principale-
ment aux esclaves. L'enceinte de travail, Vergaslidum, em-
pruntée de bonne heure par les Romains aux Grecs, est une
institution économique et non un lieu de peines; mais l'em-
ploi étendu que l'on fit de l'incarcération comme moyen dis-
ciplinaire à l'intérieur de la domus (I p. 24 n, 3 et p. 333 n. 3),
notamment vis-à-vis des esclaves, eut pour conséquence que
toute maison importante posséda, abstraction faite de l'ergas-
tulum, une prison d'esclaves ou une autre institution analo-
gue (4). Cette circonstance, jointe à la considération qu'en cas
(1) Diq., 48, 3, 5. tit. 4, 4, pv.
(2) Nous avons mentionné St. R., 3, 1069, n. 3. 1250, n. 1 [Dr. publ ,
1, 274, n. 1. 481, n. 2] les preuves à l'appui de cette afliruiation, notam-
ment la procédure contre Q. Pleminius et celle qui fut proposée par Cé-
sar contre les partisans de Gatilina. Il en a été de même à la suite de
condamnations à mort prononcées pour mutilation volontaire en vue
d'échapper au service militaire (Val. Max., 6, 3, 3) et pour cause de pé-
dérastie {Val. Max., 6, 1, 10). Cette mutation de peine a également eu lieu
à l'époque impériale (III p. 248 n. 2). La transformation d'une condam-
nation à la déportation déjà exécutée en une détention dans la ville de
Rome (Tacite, Aiui., 6, 3 : relrahitur in urbem custodilurque dotnibus inagis-
traluum) est un acte de violence isolé de Tibère.
(3) Déportation : détention jusqu'à la réception de la décision impé-
riale {Dig., 48, 22, 6, 1). — Relégation grave, Dig., 48, 22, 7, 1 : milili tra-
dendus est rele/atui. La mise sous la garde d'un soldat est une procédure
plus douce que la détention (I p. 372).
(4) Les esclaves qui ont été punis de celte manière ou d'une autre par
le maitre forment, comme nous le savons, une catégorie spéciale et infé-
rieure au point de vue de l'affranchissement (Gaius, 1, 13 et ailleurs).
LA PRISON 307
de punition d'un esclave coupable il est équitable d'atteindre le
moins possible le propriétaire innocent, a certainement conduit
de tout temps le magistrat, appelé à connaître d'un délit com-
mis par un esclave, à laisser au maître, lorsque la nature du
délit le permettait, le soin d'assurer la punition du coupable
en l'enfermant pendant un certain temps ou à perpétuité dans
la prison domestique (1). Le juge répressif n'est pas obligé de
faire une telle offre et il ne l'a certainement faite que si le
tribunal croyait pouvoir s'en remettre au propriétaire du soin
d'assurer une répression qui lui incombait. D'autre part, le
propriétaire a la faculté de refuser cette offre. Ce refus est (963)
considéré comme une renonciation au droit de propriété et il
est ordinairement suivi d'une invitation officielle à se faire
connaître, adressée à toute personne qui accepterait de se char-
ger de l'esclave en s'obligeant à lui infliger la détention con-
venable. Si personne ne répond à cet appel, l'esclave est con-
damné aux travaux forcés à perpétuité (2).
Ni le droit de la République, ni celui de l'Empire ne con-
naissent la détention répressive publique ; dans le droit de
Justinien on déclare encore qu'une sentence judiciaire condam-
nant à la prison pour un certain temps ou à perpétuité n'est
pas un fait sans exemple, mais est inadmissible (3). Toutefois^
(1) III p. 240. Macer, Dig., 48, 19, 10 : ex quibus (causis) liber fuslibus caesus
in opus publicuni datur, ex liis servus sub poena vinculorum ad ejiis temporis
spulium flagellis caesus domino reddi jubelur. Paul, 5, 18, 1. Dig., 40, 1, 5. 48,
19, 38, 4. Lorsqu'on n'a pas fixé la durée de la détention que le maître
doit infliger à l'esclave, on considère que cette peine doit être appliquée à
perpétuité (Corf., 9, 47, 10). Il parait peu probable que cette procédure ait
ordinairement constitué un adoucissement de la répression. Une accusée
se donne un faux nom devant un tribunal pour ne pas être livrée, comme
dans un procès précèdent, à son maître {Mart. Pionii, c. 9).
(2) Macer, Dig., 48, 19, 10, pr. : si sub poena vinculorum domino reddi jus-
sus non recipialur, venumdari et si eniplorem non invenerit, in opus publicum
et quideni perpetunm dari Jubelur. Gpr. III p. 296 n. 5.
(3) Dig., 48, 19, 8, 9 : soient praesides in carcere conlinendos damnare aut
ut invinculis contineantur.sed id eos facere nonoporlet^namhujusmodi poenae
interdiclae sunl ; carcer enim ad conlinendos homines, non ad puniendos haberi
débet. 48, 19, 35. Cod., 9, 47, 6 : incredibile est quod adlegas lïberum hominem .
ut vinculis perpetuis cmlinerelur, esse dumnalum ; hoc cniin oix in sola seruili
condicione procedere polesl. Cod., 9, 47, 10.
308 DROIT PÉNAL ROMAIN
la peine privative de liberté n'est exclue que nominalement du
système des peines du Principal. Les travaux forcés — qui
dans les habitudes romaines ne se concilient guère avec une
incarcération proprement dite — impliquent, comme nous l'a-
vons déjà vu (ni p. 293 et p. 296.), la détention du condamné,
et sont, même dans leurs deux applications les moins graves,
les travaux forcés à perpétuité et ceux à temps, assez fré-
quemment qualifiés (III p. 295 n. 4) d'enchaînement {vincula
piiblica); la privation de liberté est môme devenue une partie
plus importante de la répression que les travaux forcés, sur-
tout lorsque le coupable n'a été condamné à cette peine que
pour peu de temps (1). Mais, à envisager strictement les cho-
ses, la peine de la prison est encore inconnue dans le dernier
état du droit romain.
(1) Par exemple, d'après Jastinien {Cod., 9, 5, 2), quiconque détient une
autre personne dans une prison privée doit être incarcéré dans une pri-
son puljlique pendant un nombre de jours égal à celui de l'incarcération
illégale qu'il a fait subir. D'après le statut local de Mylasa de l'époque
de Septime Sévère {Bull, decorr. hell., 1896, t. 20, p. 53G), l'esclave qui viole
cette loi sur le change doit, si son maître ne préfère pas acquitter la
peine pécuniaire qui atteint en pareil cas l'homme libre, être livré par
ce maître à l'autorité municipale. Celle-ci. après l'avoir flagellé, le dé-
tient pendant six mois dans la prison pour dettes (t'o TtpaxTÔpe-.ov).
SECTION VII (964)
bannissement
époque
BANNISSEMENT ET INTERNEMENT
L'exilmm (étymologiquement 1* « acte de sauter hors de exh et
quelque chose ») de l'époque républicaine, c'est-à-dire le fait
de sortir pour le citoyea romain de la communauté, joint au républicaine
changement de domicile, est, comme nous l'avons exposé
dans le Livre I, l'acte d'un particulier, non de la cité, et encore
moins un acte de répression (1), mais il est dans certains cas
un moyen de se soustraire aux conséquences personnelles
d'une condamnation pénale imminente (I p. 78 sv.).
L'interdiction du toit, de l'eau et du feu, interdictio tecto
aqiia igni est, antérieurement à Sylla, comme nous l'avons
montré au même endroit (I p. 82 sv.), la décision d'un ma-
gistrat ou des comices, par laquelle la cité romaine se débar-
rasse une fois pour toutes d'un non-citoyen et lui interdit sous
peine de mort (III p. 276) de pénétrer sur le territoire ro-
main. Celte défense ne peut être dirigée que contre le citoyen
(1) Les paroles de Gicéron (I p. 79 n. 1) : exlUum nulla in lege nostira repe-
rietur doivent signifier que l'exil n'apparaît pas comme peine dans les
lois. Naturellement, il se rencontre chez elles comme notion juridique, par
exemple à propos de la causa exilica (Festus, Ep., p. 81). On ne le trouve
comme peine dans aucunrécit del'ancien temps, sauf dans Denys (7,64. 8,1)
qui, rapportant la légende de Coriolan, présente à tort le plébiscite voté à
cette occasion comme ordonnant un bannissement perpétuel. La brève
formule de TiteLive, 2, 35, 6 : (Coriolanus) cum die dicta non adesset. . . .
daynnatus absens in Volscos exulatum ahiit est aussi incorrecte, en tant que
Vexilium s'y présente comme une conséquence de la condamnation.
310 DROIT PÉNAL ROMAIN
exilé, contre Vexul, et non contre le citoyen qui n'est pas sorti
de la communauté. Elle n'est pas une condamnation pénale,
mais un acte administratif.
Développement Lc baunisscment et l'internement, qui jouent un rôle im-
*'^**^'''"'' portant dans le droit pénal de l'Empire, ne sont pas sortis
tout d'abord de Vexilium et de l'interdiction, mais de la relé-
(965) galion qui fut originairement un acte administratif sans ca-
ractère pénal. La relegatio (1) est la limitation par l'autorité
de la faculté de choisir ?on lieu de séjour. Elle se présente soit
comme ordre de quitter une localité déterminée et de ne plus
y revenir, c'est-à-dire comme bannissement, soit comme or-
dre de se rendre dans une localité déterminée et de ne pas la
quitter, c'est-à-dire comme internement (2), Elle sert encore
dans le droit pénal postérieur de dénomination générique pour
cette peine, bien que le plus souvent les différentes formes de
celle-ci,, notamment la plus grave, la deportatio, lui soient op-
posées, et que le terme générique soit employé de préférence
pour désigner les catégories les moins graves qui n'ont pas
de nom spécial (3). Le mot exilium est aussi employé dans ce
(1) Le terme plus ancien fut celui à'exterminare, mais cette expression,
qui est restée usitée dans l'usage général du langage (Cicéron, P/-o Ses/.. 13,
30 et ailleurs), est étrangère à la langue juridique.
(2) Relegare a sans doute été usité au début pour désigner le renvoi et
l'expulsion des ambassadeurs ; mais ce sens rendu très vraisemblable
par la formation du mot ne peut être prouvé par des textes. Dans le lan-
gage juridique, relec/are est employé pour le bannissement comme pour
l'internement ; on parle dans le premier cas de relegare ex loco et dans le
second de relegare in lociim (in locum est aussi remplacé par le génitif :
insulae relegatio, Marcien, Dig., 48, 19, 4; insiilae deportatio, Ulpien, Dig.,
48, 22, 6. pr.). Ulpien, l. X de officio proconsuUs (Dig., 48, 22, 7, pr.) formule
cette distinction par rapport à la province : relegatorum duo gênera sunt :
[sunt] quidam, qui in insulam releganlur, sunt qui simpliciter, ut provinciis
eis inlerdicalur, non etiam insula adsignelur. Des trois degrés de la reléga-
tion qu'on trouve chez Marcien, Dig., 48, 22, 5 : exilium triplex est : aut
certorum locorum interdictio, aut lata fuga, ut omnium locorum inlerdicalur
praeler certum locum, aut insulae vinciilum, id est relegatio in insulam, le pre-
mier désigne le l)annissement, le second et le troisième l'internement dans
une circonscription étendue ou dans une ile (III p. 321 n. 2). Le bannis-
sement sera par opposition à l'internement le Uberutn exilium de la Vita
Marci, 20.
(3) Relegare est assez souvent employé par les historiens au lieu du
BANNISSEMENT ET INTERNEMENT 311
sens, mais sans avoir à cet égard une véritable valeur techni-
que ; sa portée s'est modifiée par suite de la transformation de
la loi pénale. L'acception originaire et peu caractéristique du
mot, en rapport avec son sens littéral, c'est-à-dire la simple
sortie de la communauté de citoyeQS, n'est déjà plus connue
à la dernière époque de la République (1); le terme exul est
toujours pris dans un mauvais sens : il est appliqué à toute (966)
personne qui sort de la communauté de citoyens pour échap-
per à une procédure pénale, qu'il s'agisse d'un criminel me-
nacé d'une accusation (2) ou d'un accusé qui va en exil pour
se soustraire aux conséquences personnelles d'une condamna-
tion (3) ; il sert enfin et surtout à désigner celui qui est banni
par une sentence judiciaire avec menace de peine pour le cas
de rupture de ban (4). Dans l'usage récent du langage, on
mot plus technique deportare (Tacite, Ann., 3, 68; Pline, Ep., 4, 11). Les
jurisconsultes conçoivent bien la deportalio comme une espèce de reler/a-
tio, mais ordinairement ils prennent ce dernier mot dans un sens res-
treint et lui opposent la deporlatlo.
(1) On le constate de la manière la plus nette chez Cicéron, Pro Balbo,
12, 29: civi Romano licet esse Gaditanum sive exilio sive postliminio (si l'habi-
tant de Gadés fait prisonnier de guerre et devenu citoyen romain par
affranchissement rentre dans sa patrie) sive rejectione hujus civitatis. La
simple sortie de la communauté de citoyens n'est donc pas un exilium.
(2) Les Gatilinaires l'emploient dans ce sens.
(3) Cicéron l'emploie dans ce sens à propos de Verres, //i Veri'., 3, 88,205.
5, 17, 44; la condamnation pour cause de repelundae fondée sur la loi Gor-
nelia ne peut pas avoir prononcé le bannissement, mais les accusés, dans
les procès où ils ne peuvent espérer triompher, préfèrent s'exiler ^wifl vo-
lunt poenam aliquam siiblevfugpre (I p. 79 n. 1).
(4) G'est ainsi qu'on trouve dans la Rket. ad fier, (vraisemblablement
rédigée sous la dictature de Sylla), 2, 28, 45 : guasi non omnes, quibus aqua
et igni interdiclum est, exules appellentur et chez Paul, Dig., 48, 1, 2 : exi-
lium . . est aquae et ignis interdictio. De même, Cicéron emploie ordinaire-
ment ce mot pour la poena damnati {De domo, 27, 72. 31, 83), soit en général
{Parad., 4, 31 : scelerali . . . quos leges exilio adfici volunt), soit à propos de
la condamnation pour veneficium, délit qui d'après la loi de Sylla fait en-
courir l'interdiction {Pro Cluenlio, 10, 29 : quem leges exilio, natura morte
multavit, cpr. 67, 175), ou de la peine de Vambilus d'après la loi ïullia
(Pro Mur.. 23. 47. 41, 89. Pro Plancio. 3, 8. 34, 83), ou de celle de la loi de
Pompée relative au meurtre de Glodius {Pro Mil. ,Z1, 101). Cicéron se qua-
lifie en ce sens d'exul {De domo, 31, 83). Dans les restitutions d'exides, on
■vise toujoiirs au moins en première ligne ceux qui ont été bannis par
une sentence judiciaire.
312 DROIT PÉNAL ROMAIN
ne vise donc par le mot exilium que le fait purement extérieur
de la sortie de la communauté, sans tenir compte des diversi-
tés juridiques importantes qui peuvent s'y rattacher. On em-
brasse ainsi sous un seul et même terme le bannissement qui
en droit s'étend à tout le territoire, romain et celui qui se li-
mite également en droit à une partie de ce territoire, l'émi-
gration volontaire quoiqu'à contre cœur et le bannissement
prescrit par la loi, le bannissement antérieur à la sentence
judiciaire et celui qui la suit (1). A vrai dire, cette dernière
espèce de bannissement est à la bonne époque de beaucoup la
plus fréquente; aussi oppose-t-on en ce s%n% V exilium judi-
ciaire à la relegatio administrative (2). Une notion aussi super-
ficielle peut convenir aux récils des historiens ; elle est inuti-
lisable en droit (3). En fait, le mot se rencontre surtout dans
(967) les écrits non juridiques; il est également employé dans les
ouvrages de droit pour toutes les catégories de peines priva-
tives de liberté depuis la déportation jusqu'à la relégation la
plus légère et sa signification précise doit faire dans chaque
cas l'objet d'un examen particulier (4). C'est pour cette raison
(1) C'est ce que montre nettement la comparaison de Polybe, 6, 14, avec
les indications postérieures de Salluste, Cal., 31, 22 : aliae leges condemna-
tis civibus non animam eripi, sed exilium permilti juhent. 51, 40. Asconius,
In Mil., p. 54.
(2) Ovide, TrisL, 2, 137 (cpr. 3, H, 21) : ediclum . . in poenae nomine lene
fuit, quippe relegatus, non e.iiil dicor in illo.
(3) La même remarque s'applique au mot eicere qui correspond comme
verbe au substantif exilium. Eicere est aussi fréquemment employé pour
désigner la simple expulsion de fait hors de la ville, comme Cicéron y
procéda vis-à-vis de Gatilina, que pour exprimer la relégation juridique
(Cicéron, De l. agr., 1, 4, 13) et le bannissement qui se rattache à un pro-
cès ; il contient toujours une idée de blâme et de mépris (Cicéron In Cal.,
3, 2, 3). Eicere n'a jamais eu de valeur technique, exilium l'a perdue.
(4) Les historiens emploient ordinairement le mot exilium pour la dé-
portation, et, dans la mesure où cette peine prend la place de l'interdic-
tion, cette habitude de langage correspond à la terminologie de la fin de
la République ; mais on trouve aussi cette expression pour toute espèce
de bannissement (par ex. Tacite, Ann., i, 77). Les jurisconsultes se ser-
vent également de ce mot pour désigner la peine grave de la déportation
(Paul, III p. 311 n. 4 ; Isi lore, Orig., 5, 27, 28 : dividilur exilium in relegalis
et deportatis) et les peines légères privatives de liberté ; lorsqu'ils veulent
l'utiliser pour exprimer une opposition, exilium s'entend de préférence.
BA.NNISSEMF.NT ET INTERNEMENT 313
que nous éviterons de nous en servir dans l'exposé qui va
suivre.
Les lois de Sylla et du début de l'Empire ont introduit la Les formes
restriction de la faculté de choisir son séjour parmi les peines ^ ^dlns°^'°°
et cette restriction avec sa quadruple graduation est devenue •* législation
j , . , , de Sylla et
l'un des moyens de repression les plus importants et les plus sons l'Empire.
fréquents.
1. Relégation sans modification de l'état de la personne,
sans peine capitale pour le cas de contravention et sans inter-
nement.
2. Relégation sans modification de l'état de la personne et
sans peine capitale pour le cas de contravention, mais avec
internement; elle est ordinairement désignée sous le nom de
relegatio in insulam.
3. Relégalion sans internement, mais avec peine capitale
pour le cas de rupture de ban ; die est ordinairement appelée
interdictio aqua et igni : elle n'entraîne au début aucun chan-
gement d'état; depuis Tibère elle est aggravée par la priva-
tion du droit de cité et la confiscation du patrimoine.
4. Relégation avec internement, entraînant la peine capitale
en cas de rupture de ban et comprenant la privation du droit
de cité et la confiscation du patrimoine. Cette peine fut intro-
duite par Tibère et appelée deportatio, déportation.
Nous devons maintenant exposer l'histoire de ces dififé rentes
catégories de peines.
La relégation appartient en première ligne, comme toutes (968)
les formes de coercition, à la discipline domestique; elle est Progrès
,1 , . . • , 1 de la relégalion
souvent mentionnée dans cette application, soit qu on chasse administrative.
un fils de famille de la demeure urbaine et l'envoie à la
comme releqatio, des peines légères privatives de liberté. On le trouve
dans une acception générique par opposition à la déportation chez Ul-
pien, Dig.. 48, 19, 6, 2 ; et Marcien, Dig., 48, 22, 4. 5. — Pour le bannisse-
ment par opposition à l'internement (relegatio in insu/am) : Paul, 5, 22,
5. — Bannissement hors de la ville par opposition à la relegatio hors de
la province : Paul. 5, 4, 11. tit. 17, 2 (cpr. III p. 318 n. 2). — Bannisse-
ment à temps : Dig., 47, 10, 41.
314 DROIT PÉNAL ROMAIN
campagne (I p. 24), soit qu'on bannisse des femmes de
Rome et de ses environs (I p. 20 n. 1). La relëgation publi-
que fut employée de tout temps par les magistrats romains
contre les non citoyens et contre les citoyens comme une éma-
nation et comme la caractéristique de la plénitude de leur
imperium (1). Vis-à-vis des non citoyens (2), elle n'a d'autre
limite que l'utilité. Au regard du citoyen romain, le bannis-
sement injustifié de l'homme dont la réputation est intacte
est un abus de pouvoir (I p. 53), mais non une violation de
la loi. Par contre, c'est non seulement un droit pour le ma-
gistrat de restreindre, pour les citoyens dont la réputation est
entachée, la faculté de choisir leur séjour, notamment de les
bannir de la capitale, mais c'est même un devoir pour lui,
parfois imposé par la loi, de procéder ainsi contre les soldats
destitués, les coupables condamnés au criminel et d'autres
catégories semblables de citoyens (I p. 53 n. 1). Jamais la
relégation n'a été prononcée à l'époque républicaine par une
sentence judiciaire. Sous le Principat, elle a pénétré dans le
système des peines, mais elle a, malgré cela, gardé jusqu'à un
certain point son caractère administratif. Le gouvernement
et les magistrats règlent avec la plus grande liberté les mo-
dalités de cette peine, et, tandis qu'une sentence judiciaire
ne peut jamais être modifiée par celui qui l'a rendue, la rè-
gle contraire est encore admise pour la relégation au moins à
l'époque de Trajan (3). Par contre, les degrés plus élevés de
la relégation, l'interdiction et plus encore la déportation, ont
été, comme nous le montrerons plus loin, introduits par Sylla
(1) Ulpien (Dirj., 48. 22, 14, 2) cite comme aiitorités ayant à son époque
le pouvoir d'infliger la relcgation : l'empereur, le sénat, c'est-à-dire le
tribunal consulaire-sénatorial, les préfets (du prétoire et de la ville), les
gouverneurs de province, mais non pas les consuls, si l'on fait abstrac-
tion de leur rôle de présidents du sénat.
(2) Releqare a toujours un sens négatif et désigne l'interdiction de sé-
journer à Rome; ce mot n'est jamais employé pour exprimer l'ordre
adressé au non citoyen de rentrer dans sa patrie {redire, exire).
(3) Pline, Ad Traj., 56.
BANNISSEMENT ET INTERNEMENT 315
et appliqués à l'époque postérieure comme peines criminelles
proprement dites.
La relégation n'est applicable que dans le droit pénal pu-
blic et contre des personnes libres; car les esclaves n'ont pas
la faculté de choisir leur séjour^ Le bannissement a été ap-
pliqué à tout homme libre quelle que soit sa condition ; il a,
notamment à ses degrés inférieurs comme bannissement à
temps ou hors de la ville, été surtout usité contre les petites
gens; c'est aussi pour cette raison qu'il est fréquemment ac- (969)
compagne de la flagellation (1). Il en est tout autrement pour
l'internement. Le changement de domicile qu'implique ce
dernier, qu'il se présente comme relégation ou comme dépor-
tation, est à la charge non de l'Etat, mais du condamné. Toute-
fois, l'assignation d'un domicile obligatoire à des individus sans
ressources ne pouvait guère être mise à exécution sans grever
l'Etat. Il en est résulté que l'internement n'a pas trouvé ai-
sément d'application vis-à-vis d'autres personnes que celles
qui appartiennent aux meilleures classes de la société et ont
un certain patrimoine. Les lois pénales ont fréquemment
limité son emploi à ces personnes; tandis que les petites gens
étaient, pour la même faute, condamnées au travail des mi-
nes (2). Nous reviendrons sur ce point dans la dernière Sec-
tion du présent Livre. — A ses degrés inférieurs, la relégation
est une des peines criminelles les plus légères ; infligée à perpé-
tuité et surtout aggravée par l'internement dans la forme de
la déportation, elle rentre parmi les peines les plus graves (3),
(1) Paul, 5, 21, i. Dig., 47, 9, i, 1. Cod., 8, 10, 12, 9. Fréquemment dans
redit de Théodoric (Dahn, Kônige, 4, 115).
(2) Par exemple, C. Th., 1, 5, 3 prescrit de condamner un délinquant, si
palrimonio circumfluil, à la relégation dans une île pour deux ans avec
confiscation de la moitié du patrimoine, quod si agrestis vitae sit aut eiiam
egenlis, à deux ans de travail des mines (III p 293 n. 2). De même, d'après
C. Th., 16, 5, 40, 1. un sacrdegium commis sur un fonds doit entraîner pour
l'administrateur {actor vel procuralor possessionis) une condamnation à la
peine des mines à perpétuité, et pour le bailleur, s'il a un patrimoine
{conduclor, si idoneus est), une condamnation à la déportation.
(3) Paul, 5, 17. 2.
316 DROIT PKNAL ROMAIN
bien que naturellement elle se présente au regard de la peine
de mort comme une atténuation de répression (1).
La relégation infligée par le magistrat réclame un examen
plus détaillé au point de vue des questions de lieu et de temps.
Déiimiiaiion La fixaliou des limites territoriales de la relégation infligée
du lieu de . j^i i,iiii r i
la reiégaiion : P^^ un magistrat dépend tout d abord de la compétence de
bannissement, celul-ci. La Tclégation romaine n'est donc possible qu'au re-
gard du territoire romain; vis-à-vis des communautés for-
mellement indépendantes, c'est-à-dire pour celles de l'Italie
jusqu'à la Guerre Sociale, et pour celles situées hors de l'Italie
aussi longtemps que leur souveraineté juridique a été res-
pectée, elle ne peut avoir été efficace, à moins que des traités
spéciaux ne lui aient donné cet efl'et. Mais le bannissement
du citoyen n'a même pas pu s'étendre à tout le territoire ro-
main; il e&l, en efl'et, nécessaire que ce citoyen, qui peut être
(970) complètement banni de tous les territoires voisins, garde la
possibilité d'avoir un domicile. Les autorités urbaines ont dû
au début limiter ordinairement la relégation au sol de la ville
et laisser au banni la faculté de séjourner sur le territoire
romain, mais la fixation d'une limite a été ici nécessaire.
Celle-ci a dû pendant longtemps être déterminée dans chaque
ois concret ; aucun renseignement ne nous est parvenu sur
les usages suivis anciennement à cet égard. Lorsqu'à la suite
de la Guerre Sociale Rome eût abandonné son propre terri-
toire, ou, pour exprimer celte idée sous une autre forme, lors-
qu'elle eût organisé toute l'Italie comme une circonscription
de citoyens, les bannissements hors de la capitale furent li-
mités à un certain rayon variable suivant les circonstances
et déterminé d'après les bornes milliaires des chaussées par-
tant de Rome (2). Nous avons déjà mentionné à propos de la
(i\ Tacite, Am., 14, 28. 15, 7. Pline. Ep.. i. 11 (= Suétone, Dom., 8). 8,
14 ot ailleurs.
(2) On rencontre déjà dans les derniers temps de la Réiiublifjuc des
bannissements avec une délimitation de ce genre (III \^. 317 n. 1) et on les
présente à l'époque d'Auguste comme un usage ancien : Tacite, Ann., 2,
50 (cpr. 1 p. 18 n. 3).
BANNISSEMENT ET INTERNEMENT 317
discipline domestique (I p. 18 n. 3) la faculté qui appartenait au
patron de bannir l'affranchi insoumis au delà de la vingtième
borne milliaire. Le bannissement au delà de ^la quatre cen-
tième pierre milliaire, qu'on rencontre également, se con-
fond avec le binnissement au-delà de la ligne du Pô (1). Il faut
encore mentionner comme relativement ancien, bien qu'ap-
paru seulement sous le Principal, le bannissement au-delà de
la centième pierre milliaire, d'où est issue plus tard la limite
de compétence entre le préfet de la ville et le préfet du pré-
toire (2). Le bannissement infligé dans la capitale ne s'est ja-
mais étendu aux provinces situées au-delà des mers ni aux (971)
îles italiques; le calcul par pierre milliaire s'y oppose à lui
seul (3). Tout magistrat peut bannir de son ressort (4) et
(1) Cicéron, Ad Alt. ,3, 4: in (rogatione) qiiod confeclum (correctum Gratan-
der. d'après Ep., 2) esse audiebamus erat ejusmodi, ul mihi ultra quadringenta
ynilia esse liceret; illoc [ut] pervenivem qiio liceret {illoc percenirem non liceve le
nis., illoc pervenire non liceret, WuschïelA), stalim iter Brundisium versus con-
tulianle diem rogationis. Il se trompait à cet égard, la loi parlait plutôt de
la oOQe pierre milliaire (Plutarque, Cic, 32; Dion, 38, 17) pour exclure le
banni de tout le sud de l'Italie. Mais il est à remarquer que cette limite
de 400 milles sert à désigner la ligne du Pô ; on pense ici aux milles de
la voie Flaniinienne de Rome à Ariminum et de la voie Emilienne d'Ari-
minum à Plaisance (214 -\- 17G = 390, auxquels il faut ajouter ceux de la
circonscription de la ville de Plaisance vers Dertona).
(2) I p. 315. St., R., 2, 1076 [Dr. publ., 5, 381]. C. Th., 16, o, 62. Etant
donné que dans la ville de Rome la relégation était surtout appliquée par
le préfet de la ville, il est vraisemblable que la limite de compétence de
ce fonctionnaire est issue de l'habitude qu'il avait d'étendre la relégation
jusqu'à la 100" pierre milliaire et non pas au contraire que la portée de la
relégation a été déterminée par la limite de sa compétence. Cette délimi-
tation linéaire convient bien à un simple bannissement ; car il s'agit uni-
quement ici de constater si la limite a été franchie ; elle est impraticable
dans l'administration sans une adaptation aux territoires. — Dans la der-
nière période, lo bannissement au delà de la 100'' pierre milliaire fut aussi
pratiqué vis-à-vis d'autres villes {C. Th., 16, 2, 3b; cpr. Dig., 27, 1, 21, 2).
(3) Le séjour en Sicile et dans l'ile de Mélite fut interdit à Cicéron non
par la loi, mais par le gouverneur de province (Cicéron, loc. cit., et
Pro Plancio, 40 ; Plutarque, loc. cil. ; incorrect : Dion, loc. cit.). Le séjour
dans la province de Macédoine n'était pas davantage visé par la loi ;
Cicéron {Pro Plancio, 4t) remercie le gouverneur de cette province de
n'avoir pas agi comme celui de la province de Sicile.
(4) Ce bannissement n'est pas rare à l'époque républicaine (SL fi. , 2, 1090
[Dr. publ., 5, 398]) et devient extraordinairement fréquent sous l'Empire.
r
r
318 DROIT PÉNAL ROMAIN
même de tout son ressort ; car celui-ci n'est qu'une partie de
l'empire (1). Fréquemment, la portée du bannissement est
plus restreinte ; cette peine se limite notamment au territoire
d'une ville et appliquée dans cette mesure elle est parfois opposée
comme peine moindre à la relégalion pure et simple, c'est-à-
dire au bannissement de la province (2). On interdit aussi sim-
plement l'entrée du forum (3) ou du théâtre (4). Au-delà des
limites fixées par le bannissement, on ne doit pas restreindre
la faculté pour le relégué de choisir librement le lieu de sa
résidence (5).
inierdicuon La relégatloD hors de l'Italie (6) avec menace de la peine
de mort pour le cas de rupture de ban, qu'on appelle dans le
langage technique, eu égard au second élément de la peine,
l'interdiction de l'eau et du feu, inlerdiclio aqua et igni, est
une aggravation considérable de la relégation et par nature
une peine criminelle prononcée en justice. Elle a été de tout
(972) temps usitée contre l'étranger, ainsi que nous l'avons déjà fait
remarquer ; elle n'a jamais, à notre connaissance, été appliquée
au citoyen antérieurement à Sylla. Elle apparaît dans la lé-
gislation de Sylla comme la peine du crime de lèse-majesté et
Certaines provinces combinées sont considérées à cet égard comme for-
mant une unité (Dig., 48, 22, 7, 14).
(1) Dig., 48, £2, 1, 1.
(i) Paul, 5, 21, 1 dislingue les trois degrés suivants de relégation : civi-
late pellere, relegare, deportare, et le second terme ne peut désigner ici
que le bannissement hors de la province ou d'une circonscription encore
plus étendue. Il distingue d'ailleurs 5, 17, 2 : exitlum, relegaiio, deporUUio ;
ici exilium serait donc le bannissement hors de lu circonscription d'une
ville. 11 dit de môme 5, 28 : aut in cxiUummillunlur util ad tempus relegun-
tur.
(3) Dig., \, 12, 1, 13.
(4j Dig., 1, 12, 1, 13. 48, 19, 28, 3.
(5) Cod.. 9, 47, 26.
(G) Lex Julia municipalis, 1. 111 : quei judicio publico Romae condemnatus est
erit, quocirca eum in Ilalia esse non iiceat. Tacite, Ann., 12, 7. 22. 14, 28. 41.
50. 15, 71. 16, 33. Auguste procéda de même dans le bannissement inflige
à l'acteur Pylade par voie administrative (Suétone, Aug., 45). — 11 ne faut
pas perdre de vue ici les changements de fronliére de l'Italie. En 703/51 on
rencontre à Ravenne un condamné banni d'Italie (Caelius, Ad fani., 8, 1,
4) ; après la réunion de la Gaule Cisalpine à l'Italie, il y aurait eu là une
infraction à la relégution.
BANNISSEMENT ET INTERNEMENT 319
du meurtre (1), et on la trouve prescrite par les lois pénales
postérieures pour la violence, l'anibitus et pour d'autres délits.
Ce moyen de répression n'a pas pu être utilisé sans modifica-
tion par les tribunaux extraurbains; lorsque cela a eu lieu,
la province a pris la place qu'occupe l'Italie dans les sentences
des tribunaux urbains (2), Le système romain des peines ne con-
naît pas l'interdiction de tout le sol romain. — Sous le Prin-
cipat, la portée de la relégation de droit pénal a été considé-
rablement élargie par des prescriptions générales tant pour
les tribunaux urbains que pour les tribunaux extraurbains.
Le bannissement de la province comprend de plein droit ce-
lui de l'Italie (3), de même toute sentence bannissant de l'I-
talie ou d'une province entraîne la relégation hors de la
province d'origine et la relégation hors de la province du do-
micile, lorsque ces deux provinces sont distinctes (4). Enfin,
tout bannissement s'étend de plein droit à la localité où l'em-
(1) Nous n'avons pas de témoignages exprès pour l'introduction de
l'interdiction criminelle du citoyen dans le droit pénal romain. La men-
tion la plus ancienne qui en est faite est peut-être celle de la Rhet. ad
Her., (rédigée après la mort de Marius et après les proscriptions à cause
de 4, o2, 63, vraisemblablement sous la dictature de Sylla) 4, 8, 12. c.
39, 51 (cpr. c. 36, 48) : l'invite faite aux jurés de chasser un traître (4, 8, 12 :
ut euni . . praecipilein ex c'wliate proturbelis ; 4, 39, 51 : guare, judices, eicite
eum de civitale) ne peut être entendue que d'une exhortation à condamner
au bannissement. — Cette peine est prescrite dans la loi Gornelia sur le
meurtre — (Gains, 1, 128, cpr. Paul, 5, 23, 1) et dans la loi Julia sur le
crime de lése-majeslé (Paul, !i, 29, 1). En outre, la déportation est indi-
quée comme ayant pris la place de l'interdiction (Ulpien,!)/»/., 48, 19, 2, 1 :
deportatlo in locum aquae et ignis interdlctiords kuccessil ; de même Dig , 48,
13, 3). Il est manifeste que dans les lois sur lesquelles reposent \qs Ju-
dicia publica Vinterdictio aqua et igni est communément apparue comme la
peine la plus élevée.
(2) Gela n'a aucune importance pratique dans les cas où l'interdiction
de droit pénal se transforme en un internement, il en est autrement,
lorsque cette interdiction a lieu sans internement.
(3) Suétone, Claud., 23 : sanxit, ut, . quitus a magislratibus provinciae inier-
dicerentur, urbe quoque et Italia summooerenlur. Dig., 48, 22, 7, 13. 15. 1. 13.
Le bannissement hors d'une circonscription d'une ville s'étend aussi à
Rome (et à l'Italie), mais l'extension inverse n'a pas lieu (Dig., 48, 22, 7, 15).
(4) Ulpien, Dig., 48, 22, 10-13. Le jurisconsulte ajoute que l'interdiction
s'étend aussi à la province où ce délit a été commis, lorsque celle-ci est
distincte de celle où siège le tribunal (cpr. pour la compétence II p. 23).
320 DROIT PÉiNAL ROMAIN
(973) pereur séjourne actuellement (1). — Malgré ces extensions,
on a toujours maintenu la règle que la relégalion ne peut s'ap-
pliquer à tout le territoire romain. Le droit pénal romain ne
connaît pas un tel bannissement.
Mais le point le plus important de la réforme de Sylla a
consisté à élever jusqu'à la peine capitale la répression toute
naturelle en cas d'infraction à la relégation. Celle-ci a passé
ainsi du domaine de l'adminislration, auquel elle avait appar-
tenu jusqu'ici, dans celui du droit pénal, et a reçu en droit une
délimitation territoriale fixe en même temps qu'elle était rat-
tachée à certains délits déterminés.
inicrnement, L'intememcnt, seconde forme plus grave de la relcgation,
s'est développé d'une manière analogue au bannissement.
Cette assignation d'un domicile obligatoire se rencontre déjà
isolément à l'époque républicaine (2), elle ne devient fréquente
que sous le Principal. Elle ne s'élève jamais au rang d'une
incarcération proprement dite, mais se présente parfois
sous la forme d'arrêts à domicile (3); elle consiste fréquem-
ment à confiner une personne dans un quartier d'une ville, dans
une ville ou dans un rayon quelconque (4). Cette forme de la
relégation à Rome est une des peines préférées de l'empereur
Claude (o); le confinement dans une cité ilalifjue a été prescrit
par Auguste (G), mais a été rarement usité dans la suite. Les
(1) Dig., 48, 22, 18, pr. 49, 16, 13, 3 ; cpr. Dig., 4S, 22, 7, 18.
(2) Un sénatus-consulte de 574/180 interne un tribun militaire, pour
faute militaire grave, à l'intérieur de l'Espagne (Tite-Live, 40, 11,10: ut
M. Fuloius in Hispaniam relegarelur ultra tiovam Carlhaginem.)
(3) Dig., 48, 22, 9. 10. Elle coïncide avec la custodia libéra exposée dans
le Livre II (I p. 357).
(4) Dig , 48, 22, 7,8. 9. Dion, 55, 18 : â; vf,crov xaTaxXêiirOi'ii; vj xai èv àypw
7io).£i té Ttvt. La conslitution au C. Jusl., 9, 47, 20 donne l'ordre au gouver-
neur d'b]gypte en cas de relégation pour un an d'envoyer le condamné
dans une oasis ou à Gypsus. localité qui fut peut-être mentionnée ici à
raison du travail des mines auquel le condamné pouvait y être soumis —
et en cas de relégation pour un plus long temps de le bannir de la pro-
vince.
(5) Suétone, Clawl., 23 : qnosdam novo exeiniilo relcgaril, ut ultra hipidem
lertlum vetarel eijrcdi ah itrl/r.
(6) C'est ainsi que Lépidf fut relégué àCircéies (Suétone, ^luy., 16). Cpr.
III p. 321 n. 4.
BANNISSEMENT El IMERNEMENT 321
lieux les plus ordinairement choisis pour dételles relégations
sont les iles de l'empire et les oasis égyptiennes (1), parce que
ce sont ceux où il est le plus facile de veiller à ce que les cou-
pables ne quittent pas l'endroit qui leur est affecté. L'assi-
gnation d'une circonscription plus étendue, par exemple d'une
seule province, se trouve également, mais est rare [2).
L'internement a été introduit en droit pénal par Auguste et (974)
Tibère. Auguste a rapproché de l'internement le bannissement
hors de l'Italie prescrit par les lois pénales, en étendant par
voie administrative la relégation à tout le territoire de l'empire
faisant partie du continent et en limitant aux îles les territoires
sur lesquels les interdits pourraient établir leur domicile (3).
Dans quelques cas, il fixa même aux reK'gués comme lieu de
séjour un endroit déterminé, notamment une île (4). On voit
(1) Dig., 48, 2-2, 1, 3.
(2) Les deux degrés d'internement indiqués par Marcien (111 p. 310 n. 2),
la lala fuga ut omnium locorum interdicalur praeler cerlum locum etlare/e-
galio in insulam. doivent bien être entendus ainsi, mais ils ne sont en réa-
lité distincts qu'au regard du rang qu'ils occupent dans l'échelle des
peines ; à tous autres points de vue, il n'est fait aucun usage de cette dis-
tinction.
(3) Dion, 56, 27. On comprend comme appartenant au continent les îles
qui sont à moins de 4CL stades de la côte ; toutefois les iles de Gos, de
Rhodes, de Sanios (car il faut certainement lire Samos au lieu de Sar-
daigne) et de Lesbos restent ouvertes aux exilés. La Sicile ne figurait
donc pas dans les exceptions et nous trouvons ailleurs que l'autorisation
de séjourner dans cette lie était considérée comme un adoucissement de
peine (Pline, Ep., 4, 11, 14).
(4) Une détermination de ce genre eut lieu surtout dans les relégalions
infligées par Auguste en vertu de la discipline domestique à sa fille Julia
(internée d'abord à Pandateria : Tacite, Ami., 1, 53, puis par adoucisse-
ment à Regium-Julium : Dion, 55, 10) à son petit-fils Agrippa (relégué
d'abord à Sorrente: Suétone, Aug., C5; puis à Planasie sur la côte d'E-
trurie : Tacite, Jfin., 1, 3) et à sa petite fille Julia (reléguée à Trimerum
sur la côte d'Apulée : Tacite, Ami., 4, 71). Auguste ne considérait pas ces
relégations comme des jugements; c'est pour cela qu'il fit confirmer par
le Sénat la relégation d'Agrippa (Suétone, Aug.. 63) et lui donna ainsi
force de loi. Les amants de sa fille Julia furent également envoyés dans
des iles (Tacite, Ann., 1, 53 ; Dion, 53, 10) de même qu'Ovide fut interné
à Tomes, mais ces peines furent vraisemblablement appliquées sans une
instance pénale projirement dite, parce que l'empereur était compétent
pour les infliger par voie administrative, tandis qu'il parait difficile qu'à
l'époque d'Auguste un tribunal ait pu condamner à la simple relégation.
Droit Pkxal Romain. — T. III. 21
S22 DROIT PÉNAL RJMAIN
déjà apparaître à cette époque dans les condamnations pénales
la distinction de l'inlernement et da bannissement (1).
Déporiaiion. Mais c'est Seulement sous Tibère que l'internement se pré-
sente en droit comme peine indépendante, notamment dans la
forme de la de'portation. En l'an 23 l'interdiction est aggra-
vée par la privation du droit de cité (III p. 301) et la confisca-
tion du patrimoine; depuis lors elle peut se restreindre en droit
(975) au bannissement hors de la circonscription du tribunal saisi,
auquel cas elle continue à porter son ancien nom (2) ; mais or-
dinairement elle est renforcée par l'assignation d'un domicile
obligatoire, qui est habituellement, comme nous l'avous déjà
dit, une île de la mer ou une oasis du désert et la peine prend
alors le nom de déportation, deportatio[2>). A vrai dire, l'appli-
cation de celte dernière peine ne dépend pas absolument du
D'après les récits de Tacite relatifs aux premières années du règne de
Tibère, l'internement dans une ile de ceux qui étaient condamnés par une
sentence proprement dite n'a pas pu apparaître seulement lors de la ré-
forme opérée en l'an 23 d'après laquelle le bannissement modifiait la con-
dition personnelle du coupable.
(1) Le tribunal sénatorial aggrave en l'an 21 une interdiction en ajou-
tant la clause : itl teneretur insula neque Macedoniae neque Thraciae oppor-
tuna (Tacite, Ann., 3, 38); en l'an 24 il renforce une demande de bannis-
sement hors de l'Italie par celle d'internement dans une ile (Tacite,
Ann., 4, 31). Gpr. Tacite, Ann., 4, 13. 30. Si celui qui est relégué dans
une île commet de nouveaux délits, sa peine est aggravée non seulement
par le changement d'ile, mais aussi par l'interdiction et la confiscation
du patrimoine (Tacite, Ann., 4, 21).
(2) Nos sources juridiques juxtaposent deporlalio et inlerdiclio agita et
igni (Gains, Dig.. 28. 1, 8. 1. 2 ; Ulpicn, Dig., 32, 1, 2; Alexandre Sévère,
Cad., 5, n, 1) et les assimilent pour la perle du droit de cité et du patri-
moine ; la différence entre elles ne peut être trouvée que dans l'inlerne-
ment qu'accompagne la déportation et qui fait défaut dans l'interdiction.
Mais en pratique, cette dernière n'a guère été usilôe à côté de la déporta-
tion, elle a plutôt clé remplacée par elle (III p. 319 n. 1). Nous n'avons
pas de témoignage établissant une application concrète de l'interdiction
sans fixation de domicile obligatoire. De même, lorsqu'on indique les sanc-
tions qui répriment toute infraction aux dilférentes formes de la reléga-
tion (III p. 325), on omet l'interdiction.
(3) La désignation technique complète est deporlalio (= déportation) in
insulam; les oasis égyptiennes sont comprises sous celte expression. Nous
avons déjà fait remarquer (III p. 306 n, 3) que jusqu'à la décision du
l'empereur le condamné est soumis à la détention en vue d'assurer l'exé-
cution.
BANNISSEMENT ET INTERNEMENT 323
tribunal saisi; il faut, outre l'établissement en justice du fait
dëlictuel, un ordre administratif du gouvernement. Il faut ce-
pendant remarquer que les tribunaux souverains, au moins
l'empereur statuant personnellement, ont dans les jugements
fixé à leur gré le domicile imposé aux condamnés (1). Le pré-
fet de la Ville a eu également plus tard la faculté illimitée de
prononcer un tel internement (2) ; toutefois l'empereur doit
encore être consulté dans ce cas pour le choix du lieu de reléga-
tion (3). Par contre, le gouverneur de province ne peut pas pres-
crire cet internement à litre de peine, il ne peut que proposer
cette répression à l'empereur (4). Il faut encore tenir compte ici
d'autres circonstances et notamment considérer, comme nous
l'avons déjà fait remarquer, si le gouvernement peut et veut
assurer au coupable sur le patrimoine confisqué les moyens de
subsistance nécessaires pour le temps de la relégation. C'est
là un point sur lequel nous reviendrons dans la Section rela- (976)
tive à la confiscation de patrimoine. Nulle part, il ne nous est
dit d'une manière précise ce qu'il advient du condamné, lors-
que l'empereur n'accueille pas la demande de déportation;
mais étant donné que la sentence judiciaire supprime le droit
de cité, même avant qu'un domicile obligatoire soit assigné
au condamné (5), le refus dej'empereur limite ici la répression
à une interdiction dans la mesure précédemment indiquée,
c'est-à-dire à une relégalion à perpétuité hors du ressort du
tribunal sans domicile obligatoire, mais avec perte du droit
(1) En cas de condamnation à la déportation prononcée par le Sénat,
le choix du lieu d'exécution de la peine a dû être restreint aux provinces
sénatoriales, en supposant que le sénat ait eu la faculté d'empiéter ainsi
sur le domaine de l'administration. Les documents ne nous fournissent
aucun renseignement à cet égard.
(2) Dig., 48, 19, 2, 1. tit. 22, 6, 1.
(3) Dig., 1, 12, 1. 3.
(4) Dig.. 32. 1, 1, 4. 48, 19, 2, 1. 1. 27, 1. tit. 22, G, 1. 1. 7, 1.1. 15, 1. L'inter-
nement administratif rentre dans la compétence du gouverneur de pro-
vince, à la condition que le lieu d'exécution soit situé dans son ressort,
mais un tel internement n'a pas les effets que produit la déportation dans
le droit des personnes et dans celui du patrimoine.
(5) Dig., 48, 19, 2, 1.
324 DROIT PÉNAL ROMAIN
de cité et du patrimoine. — Ordinairement, l'interné garde la
faculté de se mouvoir librement dans la localité qui lui est as-
signée, il arrive cependant que des déportés soient soumis à
une surveillance militaire (I p. 371 n. 5).
Limites de La Felégation infligée par le magistrat doit être déterminée
la reléeation , . . i . . . . , t--
qu^m non seulement quant au lieu, mais aussi quant au temps. Kn
au temps, ^as de bannissemeut, il faut fixer le délai dans lequel l'in-
téressé doit quitter le pays^dont il est chassé (1); en cas d'in-
ternement, il faut arrêter le d^lai dans lequel l'intéressé doit
se rendre à^l'endroit qui lui est assigné. Dans les deux cas, la
durée de la peine peut être indiquée et une pareille mention
est fréquente (2) ; si rien de tel n'a lieu, le bannissement et l'in-
ternement sont considérés comme infligés à perpétuité (3).
L'interdiction après son aggravation récente (4) et la déporta-
lion, supprimant toutes deux le droit de cité, n'ont jamais été
prononcées qu'à perpétuité. — La levée de la prohibition de
séjour dans un lieu quelconque est uu adoucissement excep-
tionnel de peine qui ne peut être accordé que par une déci-
sion spéciale de l'empereur {commeatus) (5).
(977) L'infraction à la relégation infligée par le magistrat, c'est-
uépression à-dirc Ic séjour dans un lieu interdit en cas de bannissement
de iinfraciioa pabaudou du domicilc obligatoire en cas d'internement, est
a la relegation. o
(1) Difj., 48. 22, 7, n.
(2) Relogatiou pour dix. ans : Tacile, Ann., 3, 47. 6, 49 — dans une île
pour sept auo : Dion, 76, 5 — pour cinq ans : Dig., 1, 6, 2 — pour trois
ans : Pline, Ad TraJ., o5 ; Dig., 47, 9, 4, 1. 50, 12, 8 — pour un an : Ha-
drien, Ep., clioz Dosilliée, 6 — pour six mois : Cassiodore, Var., 3, 43.
cpr. III p. 2i3 n. 1).
(3) A l'époque républicaine, la relegation infligée par le magistrat
perd toute efficacité par la sortie de charge de ce dernier, à moins qu'elle
ne repose sur une prescription légale (I p. 53 n. 1) ou qu'elle ne soit
renouvelée par son successeur. Mais déjà à l'époque d'Auguste on ren-
contre la relégation à perpétuité (Suétone, Aug., 65) et celle-ci devient
fréquente dans la suite (Paul, 5, 22, 3 ; Dig., 48, 19, 28, i. tit. 22, 7, 2).
Peu importe en droit que la relégation ait été prononcée à perpétuité
ou qu'on ait simplement négligé d'indiquer la durée.
(4) Cette remarque ne s'applique jtas à l'ancienne interdiction; aucun
obstacle juridique ne s'oppose ici à ce (lue la menace de la peine do rup-
ture de ban ne soit faite que pour un certain temps.
(5) Dig., 48, 19, 4.
BANNISSEMENT ET INTERNEMENT 8 25
punie avec une rigueur croissanlo suivant les roruies de la
relégalion. En cas de relégalion administrative., la répression
a du dépendre essentiellement de l'arbitraire du magistrat.
L'interdiction et la déportation qui en est issue donnent lieu,
comme nous l'avons déjà montré (îllp. 276), à l'application de
la peine de rupture de ban. D'après un édit d'Hadrien^ la
désobéissance entraîne la transformation de la relégation à
temps en relégalion à perpétuité, du bannissement en inter-
nement, de l'internement en déportation, tandis qu'elle est
frappée de la peine de mort en cas de déportation (1), Celui
qui reçoit chez lui un relégué qu'il sait insoumis est frappé
d'une amende et dans les cas graves de la relégalion (2).
Bien que les peines personnelles et patrimoniales qui ac- Les différentes
compagnent le bannissement et l'internement soient traitées de,a°l'iéraiion
dans les Sections qui les concernent, nous ne pouvons cepen- et les peines
personnelles et
dant pas les laisser complètement de coté, si nous voulons patrimoniales.
donner une idée précise des différents degrés de cette peine
importante et fréquente de la relégation, à savoir de la relé-
gation simple, de la relégation avec internement, de l'inter-
diction avant et après Tibère et de la déportation.
La relégation à temps sans ou avec internement n'a abso-
lument aucun effet sur la condition personnelle du relégué (3) ;
ce dernier garde même ses droits honorifiques et en recouvre
ordinairement à son retour l'exercice, lorsque celui-ci a été
entravé par la relégation (III p. 352 n. 3). Cette peine n'est
pas accompagnée de la confiscation du patrimoine ou d'une
quote-part du patrimoine (III p. 305); elle ne comprend pas
non plus d'amendes.
La relégation à perpétuité sans ou avec internement ne
(1) Dig., 48, 19, 4. 1. 28, 13. Sur l'ordre de Trajan, une personne reléguée
à perpétuité hors d'une province est enchaînée pour avoir pénétré sur
le territoire dont elle était bannie et envoyée à Rome pour y être jugée
par le tribunal impérial (Pline, Ad Traj., 56. 57).
(2) Dig., 48, 22, 11. Pour l'abri donné à ceux qui sont on rupture de
ban, cpr. III p. 277 n. 3.
(3) Dig., 48, 22, 4. 1. 7, 3. Inst., 1, 12, 2.
326 DROIT PÉNAL ROMAIN
modifie pas davantage la condition personnelle du relégué ;
naturellement celui-ci peut recouvrer ici l'exercice des droits
honorifiques, entravé par la relégation. Celte peine est ordi-
nairement accompagnée de la confiscation non de la totalité,
mais d'une quote-part du patrimoine (III p. 363).
(978) L'interdiction à temps ou à perpétuité, telle qu'elle a été
organisée par Sylla et appliquée jusqu'à Tibère, ordinaire-
ment sans internement, ne change pas non plus la condition
personnelle de l'interdit (1), celui-ci conserve la qualité de
citoyen avec tous les droits qui s'y rattachent (2). D'après les
(1) La situation juridique, dans laquelle la loi Glodia voulait placer
Gicéron, était celle de l'interdit telle que la réglait le droit alors en vi-
gueur, sauf quelques aggravations dans les modalités. La loi qui n'était
pas expressément rédigée contre Gicéron punissait la violation du droit
de provocation (Dion, 38, 14) de l'interdiction de l'eau et du feu (Vell., 2,
45), non dans l'ancienne forme usitée contre les étrangers, mais dans la
forme donnée par Sylla à cette peine contre les citoyens coupables. Le
droit de cité, comme Gicéron le fait souvent valoir, ne lui a pas été en-
levé par cette loi ; mais la peihe ordinaire du bannissement de l'Italie fut
aggravée dans ce cas par la confiscation du patrimoine, le rasement de
sa maison et par l'extension du bannissement jusqu'à la 50Û« pierre mil-
liaire des chaussées partant de Rome. D'après Ad AU., 3, 4 (III p. 317 n. 1),
il semble que ces dispositions constituent un adoucissement du projet
primitif; originairement, on avait peut-être eu l'intention d'enlever à
Gicéron son droit de cité et de le bannir complètement du territoire ro-
main, ainsi que le permettait le droit de cette époque. L'infraction au
bannissement entraînait la peine de mort pour le banni et ses complices
(III p. 270 n. 1). — Gonlre la légalité de cette procédure on ne pouvait
faire que deux objections fondamentales. Gette loi pénale recevait effet
rétroactif, mesure que blama César (Dion, 38. 17) et qui est vraisembla-
blement la cause pour laquelle on préféra la rédaction ut interdictum sit
(Gicéron, De domo, 18, 47). La seconde objection, plus grave encore, se
fonde sur ce que la loi fut appliquée à Gicéron sans procès. Gelui-ci n'était
pas nommé dans la loi ; pour assurer son application au célèbre orateur
romain la loi aurait dû prescrire l'emploi de la procédure des magistrats
et des comices ou de celle du jury, mais elle ne le fit pas. Manifestement,
les adversaires de Gicéron n'avaient en mains ni les comices centuriales,
devant lesquels le procès devait venir en sa qualité d'instance capitale,
ni les jurys. L'application de la loi à Gicéron n'a pu avoir lieu que par
un second plébiscite et celui-ci était indubitablement contraire au droit,
qu'il ait été réservé ou non par le premier plébiscite.
(2) Sans cela Gésar n'aurait pas eu besoin de dire expressément dans la
lex Julin munivipalis, 1. 117 (III p. 318 n. 6) qu'un tel condamné ne peut
être élu aux charges municipales. Un tel condamné laisse aussi une suc-
cession (Gicéron, Pro Cluenlio, 63, 178). Mais surtout le fait que Tibère en
BANNISSEMENT ET INTERNEMENT 327
lois de Sylla., il garde même intégralement son patrimoine;
mais le dictateur César et plus tard Auguste ont déjà ratta- (979)
ché à l'interdiction des peines patrimoniales qui approchent de
la confiscation (III p. 363).
La peine privative de liberté organisée par Tibère en Tan 23,
qu'elle se présente comme interdiction sans fixation de domi-
cile obligatoire ou qu'elle soit, ce qui est la règle, une dépor-
tation, fait perdre le droit de cité et entraîne la confiscation
du patrimoine, bien que, comme nous l'exposerons à propos
des peines patrimoniales, on ait coutume de laisser au con-
damné des moyens de subsistance plus ou moins abondants et
qu'il garde la capacité patrimoniale.
Si nous tentons à la fin de cet exposé d'embrasser daitt un piace
coup d'œil d'ensemble les renseignements recueillis sur cette el drolu^énar
peine, la plus importante de lafîn delà République et du Prin-
cipal, nous ne pouvons pas dissimuler notre étonnement qu'un
législateur tel que Sylla ait établi le bannissement hors de
l'Italie, sans autre conséquence juridique ni pour la personne
ni pour le patrimoine, comme une expiation suffisante du crime
d'Etat, du meurtre et d'une manière générale des pires délitF,
et l'ait traité en pratique comme la peine criminelle la plus
grave (1). Il est possible qu'il y ait eu, notamment pour les
crimes vulgaires et pour les classes inférieures de criminels,
des prescriptions et des usages complémentaires que nous
l'an 23 enlève au déporté la capacité de faire un testament et d'une ma-
nière générale lui relire le droit de cité (III p. 301) prouve que 1 inter-
diction, à laquelle la déportation succède, ne prive pas le condamné de
ce droit. Par contre, il ne faut pas tenir compte de ce quç Cicéron pré-
sente l'acquittement dans le procès de meurtre comme condition pour le
cioilalem relinere [loc. cit., 52, 144) et la condamnation comme condition
pour Veicere e civitate (iOid.y Gl, 170 ; il emploie en même temps l'expres-
sion correcte exilium 10, 29. Gl, 170. 62, J73). On conçoit très bien qu'un
citoyen romain, qui ne peut pénétrer ni à Rome ni en Italie, soit désigné
dans une formule oratoire comme n'en étant pas un; il ne faut pas ou-
blier, en effet, avec quelle profusion les avocats emploient le terme de
caput (III p. 242 n. 4) et même celui de sanguls.
(1) I p. 234. La persistance en droit strict, pour le crime d'État et
peut-être encore pour d'autres cas, de la procédure des magistrats et des
comices qui est réellement capitale n'a aucune importance en pratique.
328 DROIT PÉNAL ROMAIN
ignorons ; il est, du moins, évident que les règles parvenues à
noire connaissance visent principalenaent les criminels appar-
tenant aux rangs élevés de la société. Pour ces derniers, on
peut faire valoir que le transfert des charges de jurés aux sé-
nateurs, réclamé par les aristocrates, empêchait vraisembla-
blement le législateur de poser avec chance de succès des rè-
gles plus rigoureuses; de telles prescriptions eussent vraisem-
blablement conduit en pratique à des acquittements constants.
Cette considération excuse dans une certaine mesure le légis-
lateur ; celui-ci n'en a pas moins donné à l'Etat romain miné
par des délits de toutes sortes la législation criminelle la plus
commode que l'on puisse imaginer pour les malfaiteurs, et le
parti conservateur qui l'a faite a ainsi fourni une preuve suf-
fisante que la forme de gouvernement alors en vigueur ne
méritait pas d'être maintenue ; l'histoire impitoyable n'a fait
que confirmer celte preuve. L'aggravation nécessaire des pei-
nes a alors été réalisée d'abord par le dictateur César, puis
(980) par les deux premiers empereurs. César s'est contenté d'ajou-
ter au bannissement des peines patrimoniales graves et Au-
guste a aggravé le bannissement plutôt dans son application
pratique que par une réglementation légale (i). En réalité,
c'est à partir de la transformation du bannissement en inter-
nement, préparée par Auguste et réalisée par Tibère, que les
classes supérieures furent de nouveau soumises à une répres-
sion criminelle sérieuse et rigoureuse. Mais du même coup on
indique la véritable caractéristique du Principat, qui fut d'é-
tablir contre les hautes classes de la société une justice répres-
sive, non pas précisément injuste en soi, mais variable dans
chaque cas particulier par suite du pouvoir arbitraire du tri-
bunal saisi et surtout du gouvernement. L'internement, tel
qu'il fut appliqué à partir de celte époque, avec le choix fait
(1) Les hésitations d'Auguste à fif^gravor la loi pénale on vigueur par
l'établissement de nouveaux principes sont Itien exposées dans les débats
sur la conjuration de Cinna, rapportés par Dion (55, 14-22), notamment
dans le discours de Livie.
BANNISSEMENT ET INTERNEMENT 329
directement et librement par l'empereur du lieu où doit s'exé-
cuter la peine et avec une liberté identique pour la fixation
des moyens de subsistance qui doivent être laissés à l'interné,
est, précisément à raison de celte diversité de répression pos-
sible au fond, malgré une égalité 'apparente, une pénalité pro-
pre à ce régime et en harmonie avec son esprit.
(981) SECTION VIII
LES PEINES CORPORELLES
Maiilaiion Le droit privé primitif connaît le dommage corporel comme
duToi'rnvé. moyen de répression par application de la loi du talion. Le
droit le plus ancien que nous connaissions l'admet pour les cas
de rupture de membre et de fracture d'os et le fait infliger
par le plus proche parent (1) ; le droit des XII Tables l'a con-
servé pour la rupture de membre (2). Aucune trace ne nous
est parvenue de l'application pratique de ces dispositions ; cette
peine a été vraisemblablement remplacée par une amende
dès la première période de la République. Lorsque le débi-
teur ne peut acquitter cette amende^, celle-ci disparaît et n'est
nullement compensée par une correction (3).
Muiiiaiion Lc droît romaîu de la guerre, en vigueur à l'époque répu-
corporciiecansj^lj .^^^ admet dans une large mesure la mutilation corpo-
la procorlurc ^ o i
pénale j.q\\q (4) et l'Empirc a difGcilement abandonne ce système (5).
publique.
(1) Gaton dans le Livre I des origines (III p. 11C n, _).
(2) III p. 116. Loi des XII Tables, 8, 2 Scholl [id., Girard].
(3) La transformation en correction de l'amende qui ne peut èfre exigée
n'est pas mentionnée pour les actions à proprement parler privées. Son
admission pour les injures qualifiées {Dig,, 47, 10, 35 ; dans cette catégorie
rentre aussi la citation du patron en justice : Dig., 2, 4, 25) et pour les
actions populaires {Dig., 2, 1, 7, 3) appartient au droit pénal public.
(4) Etaient punis de l'ablation des mains non seulement le déserteur
(Val. Max., 2, 7. 12 = F ronlin. S Imt., 4, 1, 42) et l'espion (Tite-Live, 23,
33, 1. 26, 2, 19), mais aussi le voleur en cas de vol commis dans le camp
(Frontin, StraL, 4, 1, IG).
(5) Etant donné le caractère arbitraire de la justice militaire, on ne
LES PEINES CORPORELLES 331
Mais le droit pénal public de la République ignore ce mode
de répression, s'il est permis d'induire celte conjecture du (982)
silence des sources. La même remarque peut être faite plus
nettement encore pour la procédure des quaestiones et pour
l'époque du Principal, si l'on fait abstraction de la stigmati-
sation à vrai dire étrange infligée à celui qui intente sciem-
ment à tort une action criminelle (1). Elle s'applique aussi,
du moins en théorie, à la dernière période : non seulement les
lois de cette époque ne mentionnent pas expressément cette
peine, elles paraissent même l'ignorer et la passer sous silence.
Dans la persécution des chrétiens qui eut lieu sous Dioclétien,
on laissa au début à chaque tribunal, si nous sommes bien ren-
seignés, la liberté d'aggraver les peines comme il lui plairait
par des mutilations corporelles et finalement le gouvernement
prescrivit d'ajouter à la peine des mines la crevaison de l'œil
droit et l'ablation du pied gauche (2), De telles pratiques nous
sont souvent rapportées pour les poursuites criminelles inten-
tées parles partisans delà vieille religion contre les chrétiens
et pour celles des chrétiens contre les hérétiques (3). La pro-
fanation des sépultures (4), les actes de rapine vis-à-vis des
peut rien dire de positif à cet égard. La Fito Cassii, i. 5 nous montre par
exemple jusqu'où peut aller cet arbitraire. Nous pouvons citer ici la
constitution de Constantin (Cod., G, 1, 3), ordonnant de couper le pied à
l'esclave qui passe à l'ennemi.
(1) Nous n'avons pas à tenir compte des actes arbitraires des empereurs
(Suétone, Claud., 15; Vita Alexandri, 28) et des gouverneurs de province
(Suétone, Galb., 9); il s'agit ici imiquement des prescriptions juridiques.
(2) Eusèbe, //. e., 8, 12; cpr. De Mart. Pal. 7. 8.
(3) Lactance, De mort, persec, 36 : [Maximinus) facere parabal (en Asie
Mineure) quae jam. dudum in Orientis partibiis (Syrie et Egj^pte) fecerat.
Nam cum clementiam... profileretuv, occidi servos dei vetuit, debilitari jussil :
itaque confessoribus effodiebanlur oculi, amputabantur manus, pedrs delrnnca-
bantiir, nares vcl auriculae desecabantur. Augustin {Ep. 133, vol. 2, p. 396
Maur.) demande que les bérélique-; arrêtés soient simplement frappés
d'une peine privative de liberté vivi et nulla corporls parte truncati. Justi-
nien menace le copiste d'écrits hérétiques de l'ablation de la main {Nov.,
42. c. 1, 2).
(4) Majorien, Nov., 4, 1, 1 : apparitores... fusluario suppUcio subditos ma-
nuum quoque amissione truncandos. Une inscription sépulcrale de Goncor-
dia datant de la même époque (III p. 139 n. 7) est ainsi conçue : qui eam
332 DROIT PÉNAL ROMAIN
églises (1), la pédérastie (2) et les fraudes des fonctionnaires
subalternes (3) ont été, comme on peut le prouver au moins
depuis Constantin, fréquemment réprimés par une mutilation
des membres. Justinien (4) interdit l'ablation des mains et
des pieds et la peine « encore plus rude » de la dislocation des
(983) membres, toutes les fois « que les lois ne les prescrivent pas »,
et ajoute que, même dans ce cas, on devrait au moins se con-
tenter de couper un membre et que surtout le vol ne devrait
jamais être puni de celte manière. Cette constitution de Jus-
tinien est éclairée par l'affirmation d'un écrivain un peu pos-
térieur (5), qu'on avait fréquemment dans les villes rocca-
sion de voir comment on appliquait l'ablation des pieds aux
fourbes et aux voleurs. En réalité, il semble que dans la der-
nière période la législation n'ait pas facilement ordonné la
mutilation corporelle par des prescriptions permanentes, mais
ait laissé à l'appréciation du juge le soin d'aggraver par de
telles rigueurs les peines légalement établies.
Correction : La correctiou {rerbera) (6) a été appliquée de tout temps sous
eiflageiia. ^^^ formes différentes aux esclaves et aux hommes libres.
L'esclave a été soumis à toute époque à la flagellation (f/'a-
gclla) (7). Pour les hommes libres, on dislingue dans la ré-
arca{m) aperire voluerit.jure ei manus praecidentur aut fisco inférât libra{m)
una(m).
(1) D'après Zonaras, 14, 7, ces actes sont punis par Justinien de la
peine de la castration.
(2) Même peine d'après Zonaras, loc. cit.
(3) Une constitution de Constantin (C. Th., i, 16, 7) commence ainsi :
cessent... rapaces officialium manus... nam si moniti non cessnverint, (jlatliis
praecidentur. Justinien {Nov., 17, 8) menace aussi de l'ablation de la main
les officiâtes qui ont falsifié une quittance d'impôt. L'extension de la t7ii-
litia aux fonctionnaires civils a pu exercer une certaine influence à cet
égard.
(4) Justinien, Nov., 130, c. 13. Pour la dislocation des membres, cpr. le
Thésaurus Slephani sous le mot âpôpéiAÔoXo;.
(5) Agathias, 4, 8.
(fi) Verbera est à cet égard l'expression à proprement parler légale
(necare et verherare), vraisemblablement déjà usitée dans la loi des XII Ta-
bles et indépendante de la nature de l'instrument employé et de la con-
dition juridique du supplicié.
(7)^Macer, Dig., 48, 19, 10, pr. : ex quibus (causis) liber fuslibus caesus in
LES PEINES CORPORELLES
333
forme primitive la correction civile par les verges (virgae) (i)
et la correction militaire par le bâton (fustis). A l'époque à
laquelle appartiennent nos sources juridiques, la verge a été
dans la correction remplacée par le bâton exactement comme
l'épée s'est substituée à la hache- pour l'exécution capitale; la
procédure militaire a donc pénétré également ici dans la pro-
cédure organisée pour les civils. Dans la dernière période, la
peine est aggravée par l'addition de balles de plomb {phim-
batae) à l'instrument du supplice de telle façon que son ap-
plication met la vie du supplicié en danger (2).
Quant au champ d'application de la correction dans la disci-
pline domestique et sacerdotale (I p. 22), dans la discipline
militaire (I p. 35) et dans la coercition du magistrat (I p. 52),
nous avons dit le nécessaire dans le Livre I, Il nous reste à
(984)
Correclion
comme peine
accessoire.
opus publicum dalur, ex his servus... ftagellis caesus domino reddi jubetur.
Caraculla, 47, 9, 4, 1. Gallistrate, 48, 19, 7 : fustuun admoiiiiio, flagellorum
casligalio. Les verges qui sont visées par les mots verbera servilial Dig., 49,
#44, 12 (cpr. Marquardt, Privalallerlh. p. 182 [Man. Ant. Rom.. 14, 214]) ap-
paraissent déjà chez Plante comme réservées aux esclaves.
(1) Il suffit de rappeler les virgae des licteurs et le supplicium fusLuarium
militaire. La vitis du centurion n'est pas autre chose que le fustis. La
distinction de la vitis du centurion et des virgae des licteurs chez Tite-
Live, Ep., 57 : {Scipio Africanus minor) qiiem mililem extra ordinem depre-
hendit. si Romanus esset, vilibus, si extraneus, virgis (fusiibus est interpolé)
cecidil montre que le pied de vigne des Romains était à peu près ce qu'est
aujourd'hui chez nous l'épée. — On trouve aussi une double forme de
correction en Egypte. Philon, In Flaccum, 10 : toÙ; AîyyirTcoui; Irépatç {(jiâff-
T'.^t) [AaffTÎ^îiTÔai (7'j[JLo£oY)X£ xal Tipbç èvépwv, xouç 85 'AXe^avôpéaç o-7rcx8aiç (:= bâ-
tons ; (TTcdôri est à proprement parler la panicule du palmier; plus loin
l'auteur dit : xaiç âXs-jÔîptwcépatç xa'i 7to),'.TixwT£patç (j-âo-rtÇiv) xa\ ûub (TTiaÔrp
çôpwv 'A),£^avSpî(Dv. La distinction n'a pas été empruntée aux grecs, bien
que sous leur influence elle ait peut-être été accentuée.
(2) Libanius. 'jKÏp 'Apio-to?. p. 429, Reiske : D.aês... ■K\y]-^a.ç, |j.lvTot ■koIIch;
xal -/aAETîà;. . ., -aï; âx (xoX-joÔo-j crçaipa:;, a; r,Yr,aaTO IlaùXo; (le nolarius, ser-
gent de Constance) è; Gàvatov àpxô'astv. C. Th„ 2, 14, 1. H, 7, 3. 12, 1, 80.
80. 16, 5, 40, 7. 1. 53. Les plumbatae (cpr. à leur égard Godefroy sur C. Th.,
9, 35, 2) sont à vrai dire distinctes des simples fustes, mais les expressions
des textes varient si souvent que l'emploi de l'un ou de l'autre moyen
de correction a dû dépendre aljsolument du bon plaisir de l'organe qui
assurait l'exécution de la peine et qu'on ne peut admettre qu'il y ait eu
régulièrement entre eux une opposition fondâfi sur des lois. V. une excep-
tion III p. 334 n. 2.
334 DROIT PÉNAL ROMAIN
exposer ici le rùle joué en droit pénal parla correction comme
peine accessoire ou comme peine principale.
Comme peine accessoire, la correction apparaît, d'après le
droit de la République, ainsi que nous l'avons déjà montré,
en cas de délit public et en cas de délit privé, lorsque des
hommes sont condamnés à mort (III p. 279) ou à la peine des
mines ou aux travaux forcés avec perle de la liberté (III p. 294
n. 3) (l) ou du droit de cité (III p. 297 n. 2). Par contre,
elle est exclue pour l'exécution des femmes et pour la forme
militaire d'exécution (III p. 280). Le champ d'application de
celle peine accessoire fui restreint sous le Principal ; celle-ci
fut alors supprimée pour les personnes de condition (2). Au
regard des personnes d'un rang inférieur, non seulement elle
subsiste, mais elle peut même s'adjoindre à des peines moins
graves, notamment au bannissement, si le magistrat le juge
bon (III p. 313 n. 1); elle n'accompagne jamais les peines
pécuniaires.
Correction La corfcction n'est pas plus en droit une peine principale
que lu prison, elle n'est qu'un moyen de coercition; le fait
que les enfants coupables d'un vol (I p. 86 et III p. 81 n. 1)
sont soumis à la correction confirme simplement notre affir-
mation, puisque ces personnes n'ont pas encore la capacité
requise pour être punies. Toutefois, ce principe a été dans la
suite moins rigoureusement observé pour la correction que
(983) pour la prison. Les délits des esclaves, qui ont servi de point
de départ à l'application de la concction comme peine princi-
pale el pour lesquels elle a été la plus fréquente, peuvent le
plus souvent être rangés dans le domaine de la coercition.
Mais la correction a également été employée comme peine pu-
(1) On rencontre aussi l'applicalion du plumbutyi dans la peine des mines
(C. Th., 2, ii, 1).
(2) Dig., 48, :'J, 28, 2. 49, 18, 1. Cod. Th.. C, 36, 1. 9, 1, Ib, pv. 12, !, 80. 83.
C. JhsI., 10, 32. 4. Une constitution de 376. C. Th., 9, 33, 2 semble per-
mettre la fustigation contre les décurions et n'interdire les plumbalae
que contre les decem pviml.
comme peine
principale.
LES PEIXES CORPORELLES 335
bliqiie vis-à-vis des hommes libres (1) et occupe dans l'échelle
des peines un degré supérieur à celui de l'amende (2). Les
délits peu graves ont été fréquemment, dans la procédure de
la cognitio, réprimés uniquement par la correction tant vis-à-
vis des esclaves qu'au regard des personnes libres (3). L'aggra-
vation de la correction des esclaves jusqu'au pointde la trans-
former en peine de mort est un abus de la dernière période de
l'Empire (4). Il faut enfin relever tout spécialement la règle,
très nettement mentionnée par les sources juridiques, bien
qu'elle soit à proprement parler contraire à la nature de la
peine et peut-être en contradiction avec l'ancien droit, d'après
laquelle la correction remplace les amendes publiques vis-à-
vis des esclaves, lorsque le maître ne veut pas les acquitter à
leur place, et vis-à-vis des personnes libres sans ressources (5).
(1) Dig., 48, 19, 6, 2. Le droit de propriété n'est uaturellement pas at-
teint par la peine {Dig., 48, 19, 28, 4).
(2) Dig., 48, 19, 10, 2 : fustium iclus gravior est quam pecuniaris damnalio.
(3) Dig., 48, 2, 6 : levia crimina audire et discutere de piano proconsulem
oportet et... fustibus castigare vel flagellis servos verberare. D'après Dig., 12,
2, 13, G, lorsque quelqu'un abuse du serment per genium principis, le ma-
gistrat doit le fustibus castigandum dimiltere et ila ei superdici : irpoTcsTôi; \j.y[
o|x.vj£. Autres exemples : Dig., 37, 14, !. 47, 9, 4, !. tit. 10, 9, 3. 1. 43. til. 21,
2. 48, 19, 28, 3. C. Th., 13, 3, 1. 16, 2, 5.
(4) Ce supplicium fustuarium est fréquemment mentionné pendant la
deroicre période. Majorien, Nov., 7, 1, 4 : si servus est, fustuario supplicio
se inlerficiendum esse cognoscat et, 7, 1, 14 : fusluariae subditus poenae serui-
libus suppliais perilurum se esse cognoscat. Edit du préfet de la ville Dyna-
mius C. I. L.. VI, 1711; Cassiodore, Var., 9, 2, 2. 10, 28,4. ^l, 11,2; plus
souvent dans l'Edit de Théodoric; également dans la Icx Rom. Durg., 19, 3.
(5) Dig., 48, 19, 1, 3 : generaliler placet in legibus publicorum judiciorum vel
privatorum criminum qui extra ordinem cognoscunt praefecti vel praesides ut eis
qui poenam pecuniariam egentes éludant, coercitionem extraordinaviam indu-
cunt. 2, 1, 7, 3 (où le corpus torquendum ne doit pas être entendu de la
torture proprement dite qui se rencontre seulement dans la procédure do
la preuve). 47, 9, 9. 48, 10, 35. Cod., 1, 54. 6. 4. 6, 1, 4, 2. 8, 10, 12, 5e. 9. 9,
19, 6. 10, 11, 8, 9. Si le tribunal saisi n'est pas compétent pour la correc-
tion, le condamné est renvoyé à un tribunal ayant la faculté d'appliquer
cette peine {Dig., 2, 4, 25 : vel a praefecto urbi quasi inofficiosus castigalur).
Le bannissement s'y ajoute fréquemment {Cod., 8, 10, 12, oe. 9. 10, 11, 8, 9).
(986) SECTION IX
RESTRICTION DES DROITS CIVIQUES
inégaiilé Le principe de régalitô juridique des citoyens appartenant
à la même communauté sert de base aux institutions de l'Etat
des citoyens.
î
romain, mais y subit de nombreuses et profondes restrictions.
C'est au droit public et au droit privé qu'il appartient de les
exposer. Les plus nombreuses et les plus importantes d'entre
elles, notamment celles qui ont un caractère purement politi-
que, comme l'infériorité des plébéiens vis-à-vis des patriciens,
des demi-citoyens vis-à-vis des citoyens complets, des affran-
chis vis-à-vis des ingénus et les dispositions dirigées contre
les descendants de ceux qui ont été punis (1), n'ont rien de 1
commun avec le droit pénal. Mais on voit aussi apparaître on
droit pénal romain la restriction des droits civiques sous ré-
serve du droit de cité — nous avons précédemment traité de
la privation du droit de cité par voie répressive — soit comme
peine accessoire rattachée à une autre, soit, dans la dernière
période il est vrai, comme peine indépendante. Nous allons
réunir ici toutes ces diminutions des droits civiques. On peut
(l) La privation des droits politiques prononcée par Sylla contre les
descendants des proscrits (II p. 301) et les restrictions de droits civiques
indigées aux enfants en réprimant dans une certaine mesure contre eux
le crime de lése-majesté commis par leurs parents (Il p. 302) ne peuvent
être compris dars la notion do peine. Les ouvrages juridiques affirment
nettement que la peine ne peut atteindre ni les héritiers, ni les enfants
du coupable {iJiy., 48, 19, 20. 1. 26).
RESTRICTION DES DROITS CIVIQUES 337
les diviser en cinq groupes : la privation de sépulture et la flé-
trissure de la mémoire, la privation du droit de tester, l'infa-
mie, l'incapacité de briguer des charges et de faire partie du
Sénat, l'interdiction de certaines opérations. Il n'est ici ques- (987)
tion de ces diff'érentes restrictions des droits civiques que
dans la mesure où elles interviennent à titre de répression
d'un délit.
1. Privation de sépulture et flétrissure de la mémoire.
Le droit à la sépulture, plus généralement le droit à la vé- instance contre
. , , , , , , des morts.
nération due aux morts peut dans la procédure pénale
publique être enlevé aux condamnés ou du moins y subir des
restrictions. A vrai dire, la privation des honneurs dus aux
morls a difficilement été prononcée à une époque quelconque
par le jugement lui-même ; elle se présente exclusivement
comme une peine accessoire rattachée de plein droit à la peine
prononcée ou ordonnée par le magistrat dans l'exécution de
la coi damnation pénale. Toutefois la pcrduellio, qui fut à
l'origine le seul crime public et qui fut toujours traitée comme
le plus grave, fonde de plein droit, même après la mort du
perduellis, une procédure d'office tendant à la damnatio mc-
moriae, c'est-à-dire à la flétrissure de la mémoire du coupa-
ble (1). Cette particularité repose sur une conception romaine,
d'après laquelle dans ce délit la peine n'est pas encourue au
moment de la condamnation, mais au moment du crime de
(l) I p. 70 et p. 298. Insl., 3, d, o : si post mortem suarn paier judicalus fue-
rit reus perdue llionis ac per hoc memoria ejus damnata fuerit. 4, 18, 3. Papi-
nien, Dig.., 31, 76, 9 : repetendorum legalorum facilitas ex eo testamento soluto-
rum danda est, quod irritum esse post defuncii memoriam damnatam apparaît,
modo si jam legatis solutis crimen perduellionis illatian est. 24, 1, 32, 7. Sous
Tibère, le Sénat condamne ainsi Libo Drusus (Tacite, Ann., 2, 31) et dans
la suite il ouvre fréquemment dos instances de ce genre contre des em-
pereurs défunts {St. R.. 2, 1134 [Dr. publ., 5, 446]). On procède parfois de
même contre des hérétiques; telles furent les mesures prises par l'em-
pereur Honorius en 407 (C. Th., IG, 5, 40, 4) et l'empereur Marcien en 452
[Cod. Just., \, 3, 23) : aboleatur qtiidem Eutychetis (comme hérétique) dam-
nosa memoria, Flaviani (l'orthodoxe) autem laudaùilis recordatio 7-eveletur.
Droit Pénal Romain. — T. III. 22
338 DROIT PÉNAL ROMAIN
telle façon que la procédure pénale, qui a toujours ici un ca-
ractère déclaratif, reste possible, même contre celui qui est
mort entre le crime et la poursuite, dans la mesure où l'exécu-
lion peut avoir lieu rétroactivement.
Défense 1. Il est défcudu d'inhumer (1) le cadavre du criminel qui
d'iuhumer. , . , . .■,■,.., . ,-,,
a subi une exécution capitale dirigée par un magistrat (2),
sans que le droit fasse, à notre connaissance, aucune distinction
relative à la nature du délit ou à la forme de l'exécution. En
cas de submersion et en cas de mort par le feu, avant que la
(988) crémation ne fut devenue d'un usage général (3), la forme
même de l'exécution excluait toute inhumation (III p. 260).
Mais la prohibition indiquée peut être prouvée pour rexéculion
par la hache (4); pour le crucifiement, forme dans laquelle on
laissait les corps se consumer sur le lieu d'exécution (5) ; pour
l'exécution dans une fête populaire (6); enfin et surtout pour
l'exécution dans la prison, après laquelle les cadavres étaient
(1) La règle méconnue {St. h,, 3, 1190. [Dr. pttbL, 7, 4!3]) se manifesie de
la manière la plus nette eii ce que l'on exige toujours une demande pour
la livraison du cadavre {Dig., 48, 24, 1. 1. 3). Tacite, Ann., 6, 29 : dainnull
publicalis bonis scpuUura prohibebantur, eonim, qui de se slatuebant, huma-
bantur corpora, mnnebant leslamenla.
(2) On peut se demaiuler, si celte règle a élé étendue à l'exécution pri-
vée, notamment à celle qui consiste à précipiter le coupable du haut de
la roche Tarpéieiine. La réponse à cette question no nous est donnée à
aucun endroit.
(3) C'est naturellement l'usage contraire qui est en vigueur pendant la
dernière période {Dig., 48, 24, 1).
(4) Val. Max.. 2.1, lo (de même Appien, Samn., 9; Frontin, 4, 1, 38).
Cicéron, Vevr., li, 45, 119.
(0) Cicéron, Pro Mb. ad pop.. 5, 16. Galenus (Uzp\ àva-oa. iyx^ipioL;, 1. 3,
vol. 2, p. 38o Kiihn) a également dans ses observations â7t\ Arj^rtiiv iv ô'pet
(au lieu du délit : Dig., 48, 19, 28, 15) x£'.(Aévwv àtâçtov pensé au crucifie-
ment.
(G) A propos du refus de la permission d'inliumer les chrétiens exécutés
à Lyon sous Marc-Aurèlc, Eusèbe, //. e., 5, 1, Gl dit: [jir, S-jvxTOai xà awiiara
xp'j']/at -rr, y// o'J-z yàp vj^ (T-jvEgâ).),£TO r|txtv irpo; toOto, O'Sze àpyûpia ëneiOîv,
ojtî XiTavEfa èSyo-ciîïi'., TtavTi 5z rpôuM TtapîTripouv, w; [Aiva t. XHpoavoCvTS;, eî (ati
Tj/o'.îv Tay/,; . . . ti ojv (tiÔ[s.x-% tu)/ [iaç.Tjptov Ttavtoîw; Trapa5£ty!J.aTC(T0£VTa xal
aiOp'.aaOivTa âjt'i T,(Alpa; s;, (i-TîîiïiTa xaév-a xatl a!fJx).<i)Oivra "jîîÔ twv àvôjiwv xa-
TETaptôOT) eî; tov T'o&xvfjv -oi:a[j.bv 7î/,t,uIov Tîapa.'Jpiovta, o-m; iXT.îi ),Ei'!/avov
a-JTwv 9a:vT|Tai in\ tt,; yr,; et;. Des récils analogues se rencontrent fréquem-
ment dans les actes des martyrs.
RESTRICTION DES DROITS CIVIQUES 339
jetés par le bourreau au moyen d'un crochet sur l'escalier le
plus proche^ puis étaient traînés h l'aide de ce même crochet
à travers les rues pour être jetés dans le Tibre (1). C'est de
la même manière que, lors des- révolutions, les vainqueurs
traitaient, dans une sorte de procédure de perduellion pos-
thume, les restes de ceux qui avaient péri dans l'émeute et
qui avaient ainsi échappé à l'exécution capitale (2). Pour em-
pêcher l'inhumation, ou postait des gardes, si cela était néces- (989)
saire(3), et des actions criminelles étaient intentées contre ceux
qui s'étaient emparés des corps (4). — En cas d'internement,
l'inhumation n'est possible, en vertu d'une conception analo-
gue, qu'au lieu d'exécution de la peine (5). — Seul un acte
de grâce peut donner la faculté d'inhumer le cadavre du sup-
(1) Getle procédure est mentionnée pour la première fois à propos de
l'exécution de M. Claudius en 518/236 : Val. Max., 6, 3, 3: senalus... corpus
contumelia carceris et detestanda Gemoniarum scalarum nota foedavit, et plus
tard chez Val. Max., 6, 9, 13 et Plutarque, C. Grâce, 17; on la trouve
souvent à l'époque impériale. Tacite, Ann., 6, 19, nous rapporte ce qui
suit à propos de l'exécution en masse des partisans de Séjan qui eut lieu
dans la prison : jacidtimmensa strages... neqiie propinqids aiit amicis adsis-
tere inlacrimare, ne visere quidem diutiiis dahatur^ sed clrcumjecli custodes...
corpora putrefacta adsectabantur, dum in Tiberim trahcrentur, nbi fluitcmlia
aut ripis appulsa 7ion cremare quisquam, non contingere. Récits analogues
chez Sénèque, De tranq. an., 11, 11; Tacite, Ann., 5, 9; Suétone, Tib., 61.
75; Dion, 58, 1. 11. 15. 60, 16. 35 : xou; dv tù ôîo-jiwTripûù ôavaro'jjjiévoy; àyxio--
xpo'-c T'.crl ij.îYâ>.0'.ç oî ôrifi'.o; e; Te tT|V àyopàv àv£ï).y.ov xàvra-jQ' âç tôv TcoTa[j.ov
ëaypov. Juvénal, 10, 66. 13, 245. Pour la question de lieu, cpr. Becker,
Top. p. 415; Jordan, Top., \, 2. 324.
(2) Il est question de l'application ou de la menace de cette procédure
au regard de Ser. Tullius (Tite-Live, 1, 49, 1); des Gracques (Plutarque,
Ti. Graccfi., 20. C. Gracch., 17; Val. Max., G. 1, 1 d); des proscrits (Sué-
tone, Aug., 13 : ut uni suppliciter sepulturam precanti respondisse dicatur jam
islam volucrum fore poteslatem); de César (Appien, B. c, 2, 128. 134); de
Néron, fils de Germanicus (Suétone, Tib., 54); de Tibère (Suétone, Tib., 75);
des adversaires de Galigula (Suétone, Vesp., 2); de Galba (Plutarque,
Galb., 28) ; de Commode, {Vita, 17. 18) ; de Maximin {Vita, 25. 31) ; d'Elaga-
bal, {Vita, 17).
(3) Tacite, Ann., 6, 19 (III p. 339 n. -2) ; Eusèbe, //. e.. 5, 1. 61 (III p. 338
n. 6); De mart. Pal., 9. Pétrone, 111. 112 raconte l'anecdote du soldat qui
crucfm adservabal, ne quis ad sepulturam corpus delraheret et de la veuve in-
consolal)le.
(4) C'est dans un procès de ce genre que Domitius Afer défendit Cloa-
tilla ((Juintilien, 8, o, 16).
(5) DIg., 48, 24, 2. Tacite, Ann., 14, 12.
340 DROIT PÉNAL ROMAIN
plicié ; il est un acte administratif qui dépend du bon plaisir
du magistrat le plus directement intéressé et peut inter-
venir après un long intervalle (1), Malgré le maintien de la
règle, cet usage barbare de la privation de sépulture a d'abord
été abandonné dans la procédure du droit de la guerre (2),
puis a tendu à disparaître de plus en plus d'une manière géné-
rale (3); la demande du cadavre, faite par les parents ou
même par une personne quelconque pour l'inhumer, était,
dans la dernière période, difficilement repoussée, sauf en cas
de perduellion (i).
Deuil. 2. Lorsque l'inbumalion n'est pas permise, toute manifes-
(990) tation de deuil (o) et toute fêle consacrée à la mémoire du con-
damné est interdite (6).
Desiruciion 3. La flétrissure de la mémoire exige en général la destruc-
tion de tout ce qui rappelle le souvenir de la personne déslio-
dcs souvenirs.
(1) Tacite, Ann., 14, 12. Perlinax (Dion, 73, o : vila Perlinacis, 6) concède
cette faculté d'une manière générale. L'inscription sépulcrale d'une des
victimes de Commode, de M. Antius Lupus, cujus memoria per vun oppressi
in inlegrum secundum ampllsslmi ordmis consultum reslituta est, a été conser-
vée (C. /. L. VL 1343).
(2) Tacite, Ann., 1. 22 : ne liostes quidem sepullurae invident.
(3) Gicéron accorda sur la demande des femmes la permission d'inhu-
mer les partisans de Catilina (Gicéron, Ph'd., 2, 1, 17; Plutarque, Ant., 2).
Auguste affirme n'avoir jamais repoussé de telles requêtes {Dig., 48, 24, 1 ;
Suétone le contredit, III p. 339 n. 2); Tibère les traite comme très na-
turelles (Tacite, Ami., 6, 23); sous Galigula une action de lèse-majesté
engagée devant le Sénat est aggravée par la demande du refus d'inhuma-
tion (Suétone, Vesp., 2). Gicéron, Verr., 5, 45, 119 et Eusèbe (III p. 338
n. 6) signalent des cas où cette permission fut obtenue à .prix d'argent.
L'inhumation du corps du Christ a également été permise par le gou-
verneur de province et l'apôtre Marc 15, 43 a conservé à cet égard l'ex-
pression caractéristique To).|jiT,(Ta;.
(4) Ulpien, Diçj., 48, 24, !. Paul, D/,7.. 48, 24, 3. Dioclétien. Cod., 3, 44, 1 L
(5) St. B.,3, 1189 [Dr.puhl.,1, 413]. La légende d'Horace repose sur l'idée
qu'il est injuste de porter le deuil de l'ennemi. Ce deuil est interdit pour
les soldats de Ilhégium exécutés comme déserteurs (Val. Max., 2, 7, 15;
Frontin, 4, 1, 38). Plutarque, C. Gracchus, 17 : àixEtTtav lï TievOeïv -aïç
yyva'.^t. Suétone, Tib., 61 : interdictum, ne capile damnalos propinqui Ingèrent
(cpr. Tacite, Ann.. G, 10). Dans les ouvrages juridiques, le deuil est inter-
dit en cas d'exécution pour cause de perduellion ou de pavricidium {Dig.,
3, 2, 11, 3. 11,7, 35).
(fi) Fête de l'anniversaire de naissance d'Othon sous Domitien : Sué-
tone, Dum. 10. Autres preuves, SI. R.. 3. 1191 [Dr. pubL, 7. 415].
RESTRICTION DES DROITS CIVIQUES 341
norée : son portrait ne peut pas cire porté même dans sa
propre maison (1), les statues qui lui ont été élevées sorft dé-
truites (2), son nom est effacé partout (3), parfois même sa
maison est rasée (4), et le port du même nom propre est interdit
aux membres de sa gens (o). Ces mesures, qui s'étendent
même en partie à ceux qui sont simplement condamnés à
l'internement (6). subissent à propos des crimes d'Etat, aux-
quels elles s'appliquent le plus souvent, le contre-coup des
vicissitudes politiques, et sont, suivant les cas, tantôt omises,
tantôt supprimées après coup.
2. Intestabilité.
L'intestabilité est l'incapacité juridique de fournir un témoi- intestabiii;é
gnage du droit privé (7) ou de susciter en sa faveur un tel ^jg^xn^-abie»
témoignage (8). La première restriction ne constitue pour (99 J)
(1) Tacite, Ann., 2, 32. 3, 76. Suétone. Ner., 37 (= Dion. 62, 27). Il ne
résulte pas de Tacite, Ann., 4, 35 que les particuliers avaient la faculté
de garder de tels portraits en leur possession, mais ce passage prouve
seulement que ceux-ci étaient conservés malgré les prohibitions faites.
(2) St. R.. 3, 1190 [Dr. piibl.. 7. 413]. Constitution de 399 contre Eutrope.
C. Th.. 9, 40, 17.
(3) St. R., 3, 1190 [Dr.publ., 7, 414]. Constitution contre Eutrope, loc. cit.
Les nombreuses radiations de ce genre qu'on rencontre dans les inscrip-
tions prouvent que cette proscription ne se limitait pas aux documents
publics.
(4) St. R., 3, 1189, n. 2 [Dr. pubL. 7, 413, n. 1]. Cette mesure est men-
tionnée pour Sp. Cassius (Rô'wi. Forsch., 2, 174); pour M. Manlius {ibid.'
p. 182) ; pour Sp. Maelius {ibid., p. 202). Elle a été appliquée en 423/329 à
la maison romaine de Vitruvius Vaccus, chef des habitants de Priverne
et de Fundi (I p. 122 n. 1) ; aux maisons de M. Fulvius Flaccus, partisan
des Gracques (Cicéron, Dedomo.ZS, 101. 43,114. Val. Max., 6, 3, l), de L.
Appuleius Saturninus (Val. Max., loc, cit.) et de Cicéron.
(5) C'est ainsi qu'une décision de la gens interdit aux Manlii de porter
le prénom de Marcus ; Riim. Forsch., 2, 182. De même, on défend aux Scri-
bonii d'ajouter le cognomen Drusus : Tacite, Ann., 2, 32. Autres preuves
St. R., 3. 1191 [Dr. publ., 7, 413].
(6) Dig.,i9, 19, 24 : eorum, qui relegali vel deportati sunt ex causa majes-
talis, statuas detrahendas scire debemus.
(7) L'intestabilité n'a rien de commun avec l'exclusion du témoignage
dans l'action publique (II p. 76 et sv. ; Dig., 28, 1, 20, 5).
(8) Loi des XII Tables, 8. 22 SchôU [id. Girard] (= Aulu-Gelle, 15, 13.
11) : qui se sierit testarier libripensve fuerit, ni testimonium fariatur {faiiatur
342 DROIT PÉNAL ROMAIN
celui qu'elle atteint qu'une infériorité civique (1) ; au contraire,
la seconde renferme jusqu'à un certain point pour l'époque
ancienne où le témoignage privé joue un rôle si étendu l'inca-
pacité de faire des actes juridiques quelconques; pour l'époque
récente, au moins, l'incapacité de faire un testament. L'intes-
tabililé se rapproche par conséquent, comme nous l'avons
déjà fait remarquer (III p. 303), de la privation à litre de
peine du droit de cité. Dans le droit des XII Tables, l'intesta-
bilité apparaît, d'une part, en cas d'injure publique, de chant
diffamatoire, où elle n'est pasprononcée par un jugement mais
encourue dans la procédure des magistrats et des comices
comme peine accessoire légalement attachée à l'action capitale;
elle se rencontre, d'autre part, lorsque celui qui a accepté d'être
témoin refuse ensuite à tort de donner son témoignage, au-
quel cas cette peine frappe le coupable sans procédure publi-
que ou privée, en quelque sorte par application de la justice
privée, conformément à la loi du talion. Il n'est nulle part
question d'une inlestabilité directement prononcée en justice
et il est di fficile que de telles sentences aient été rendues ; la vic-
time a la faculté d'aller tous les deux jours diffamer le témoin
devant sa maison (2), mais robvagulans est frappé de la peine
capitale pour diffamation publique, si c'est à tort qu'il a agi ainsi.
L'intervention de la justice a du se restreindre ici à déclarer
Schôll), improbus (= incapable d'être témoin) inlestabilisque (=: incapable de
citer des témoins) eslo. Ulpien, Dig., 28, 1, 18, 1 : si quis ob cnrmen famosum
dcannelur, senalus consuHo expressum est, ut inlestabilis sil, ergo iiec. tcsta-
mcntiim facere polerit nec ad teslamenliim adhiberi. Dans le texte altéré,
Dlq., 28, 1, 26 : cum lege quis inteslabilis jubelur esse, eo pertinet, ne ejtis tes-
timonium recipialur et eo ampHiis, iil quidam pulant, neue ipsi dicatiir testimo-
nium, on attend : eo pertinet, nr ipsi dicatuv testimonium et eo umpliits, ut
quidam putanl, ne ej us testimonium recipialur.
(t) h'improbus ne fait qu'augmenter le nombre des personnes incapables
de témoigner et le préjudice qui peut se produire en cas d'appel d'un tel
témoin n'atteint pas ce dernier, mais le tiers ; c'est pourquoi la peine
reçoit avec raison son nom de l'autre infériorité civique qu'elle crée.
(2) Loi des XII Tables, 2,3, Scholl [id. Girard] :cui testimonium defuerit,
is terliis diebus ob portum (rrr devant la porte de la maison) obvagulalum
ito. C'est ce que Festus appelle questio cum convicio, c'est-à-dire une plainte
avec invectives publiques (III p. lOC).
RESTRICTION DES DROITS CIVIQUES 343
nulle sur la demande de toute personne la testatio faite par un
intcstabilis et notamment le testament rédigé par lui.
Aucun témoignage ne nous atteste l'application de la règle
d'après laquelle celui qui refuse de fournir son témoignage
est personnellement disqualifié ; cette prescription est proba-
blement tombée de bonne heure en désuétude. L'intestabilité
pour cause d'injure publique a passé dans la législation d'Au-
guste, qui, écartant pour ce délit la peine capitale, l'a vrai- (992)
semblablement réprimé comme crime de lèse-majesté de la
catégorie inférieure (III |). lli n. 3), de telle façon que l'in-
capacité de témoigner ou de susciter un témoignage en sa
faveur s'ajoute à la peine principale (III p. 341 n. 7).
Dans la dernière période, l'intestabilité reçoit une applica- imestabuiié
, , , , 1 • 1» •! ' de la dernière
tion générale et apparaît comme une des tentatives, taiies a période.
toutes les époques et échouant toujours tant dans l'organisation
que dans la réalisation, pour priver de droits, tout en leur lais-
sant la liberté personnelle, les catégories de sujets qui déplai-
sent. Elle se présente juridiquement formulée, bien que sans
dénomination Oxe.lout d'abord dans les mesures prises contre
les chrétiens (11 p. 301 n. 1). Elle se rencontre notamment aux
époques où des souverains plus intelligents reculent devant
les exécutions en masse. Une constitution de Diocléticn prive
les fidèles de la nouvelle religion non seulement des droits
attachés à la qualité de citoyen de l'empire romain, mais
aussi de la faculté d'intenter une action délicluelle publique
ou privée, ta;:dis qu'elle laisse subsister la possibilité d'in-
tenter contre eux de telles poursuites (1). On retrouve une in-
fériorité non pas identique, mais analogue dans l'inlostabilitc
des lois pénales postérieures. Telle est la peine établie par une
constitution de Constantin à côté de la peine capitale contre la
femme libre qui a un commerce sexuel avec son propre es-
clave (II p. 4H n. o) et telle est aussi la peine infligée après
(1) Laclance, De mort, pers., 13 '^pi-opositian. est ediclum, qtto cavebafiir. ut
reliffionis illiiis fiomines carerent omni honore aç diqnitate... aduersi/s eos onmis
aclio valeret, ipsi 7ïon de injuria, non de adulterio, non de rébus ablatis agere
possenl. Cette punition n'est pas qualifiée expressément d'intestabilité.
344 DROIT PÉNAL ROMAIN
la christianisatioa de l'Etat aux chrétieDS hétérodoxes fil
p. 314 n. i) cl à ceux qui ont apostasie le christianisme (II
p. 319 n. 7). Cette diminution de droits civiques comprend
toujours à sa base la perte de la capacité de faire un testament,
mais la restriction s'étend au delà, elle ne va pas jusqu'à la
privation du droit de cité, qui entraîne pour première consé-
quence la perte du droit de tester (III p. 302 n. 1), elle com-
porte cependant une limitation grave des droits qui appartien-
nent à tout sujet de l'empire pour les relations avec leurs
semblables et pour les actions en justice. On ne peut donner
de l'intestabilité une définition générale qui embrasse, en
dehors de l'incapacité indiquée par le mot lui-même, toutes
celles qui s'y ajoutent; car l'étendue des restrictions compri-
ses sous ce mot dépend absolument des lois spéciales dont la
rédaction est souvent vague et obscure; il arrive fréquem-
ment aussi que l'intestabilité se lie à une limitation de la li-
berté de circuler dans l'empire (II p. 314). En général, le
législateur s'efforce dans les diiïérentes constitutions de se
rapprocher plus ou moins du régime idéal de la privation de
droits, sans cependant y arriver complètement ; car la suppres-
sion complète des droits civiques sans celle du droit de cité
(993) serait un contre-sens et une telle restriction des droits civi-
ques atteindrait ordinairement des tiers en même temps que
le coupable (1). L'intestabilité peut être prononcée dans un
procès pénal (Il p. 314); mais il semble que dans la dernière
période cette peine soit le plus souvent encourue de plein droit,
comme elle l'était d'après la loi des XII Tables en cas de refus
de témoignage, dételle façon qu'elle s'appliquait par voie
d'action en nullité des actes et testaments auxquels avait con-
(1) La lutte entre cette prise en considération des intérêts des tiers et
la tendance de la peine se manifeste nettement dans les régies sur l'ad-
niission de Vinteslahilis à la prestation d'un témoignage. L'hérétique et le
juif peuvent jouer le rôle de témoins dans un testament (Cod., 1, 5, 21, 3).
Par contre, les inlestabiles sont d'après une constitution de 391 (C. Th., 16,
7, i = C. Th., H, 39, 11 r= C. JusL, 1,7, 3) a testimo?iiis alicin. Constitution de
531, Cod., \, 5, 21 : sancimus conlra orlhodoxos litif/antes nemini haerelico vel
etiam his, qui Judaicam supcrstUioiiem colunt, esse in lesliinonia communionem .
RESTRICTION DKS DROITS CIVIQUES 345
couru Vintestabilis et à la coaditiou de prouver l'exislence
d'une cause d'intestabilité.
3. Infamie comme peine d'un délit.
Le fait qu'une personne est entachée d'une mauvaise repu- infamie,
tation, c'est-à-dire d'infamia, et qu'elle est tenue pour indigno.
turpis (i), produit dans les débuts de l'Etat romain cet effet
que tout magistrat, devant lequel un infâme invoque une
faculté appartenant aux citoyens, repousse celui-ci dans la
mesure où il peut le faire sans le priver de tout droit; c'est
ainsi que celui qui agit en son propre nom ne peut être écarté
par le tribunal, même s'il est infâme, tandis que ce renvoi est
possible, si un infâme agit au nom d'autrui. Cette plénitude de
pouvoirs du magistrat, conforme au droit primitif et contraire
au principe de la liberté civique, évolue sous la pression de la
tendance républicaine à limiter le plus possible l'arbitrium
du magistrat. Ce qui est permis et défendu à ce dernier varie
suivant les droits que l'on fait valoir, suivant les temps et aussi
suivant les cas et les personnes. Pour expliquer maintes énig-
mes des applications qui sont faites de cette peine, par exemple (994)
l'effet infamant de la condamnation pour cause d'injure, il faut
se rappeler que l'admission ou le rejet de l'infamie dépend
originairement de l'appréciation individuelle de chaque magis-
trat. Dans le droit postérieur, cette restriction des droits civi-
ques se présente sous une forme plus stable; au cours des temps,
la loi et surtout la coutume ont, dans une certaine mesure, fixé
pour les différentes autorités les règles suivant lesquelles le
magistrat serait obligé d'écarter un citoyen comme infâme ou
de ne pas le faire. De cette manière, l'infamie de fait a reçu,
(1) Infamia (corrélatif à'ivjurui : III p. 98 n. 1 ; peut-être déjà employé
dans la loi des XII Tables : III p. 106 u. 6) et turpiludo sont des nombreu-
ses expressions qui servent à désigner l'indignité celles qui apparaissent
le plus souvent comme termes techniques dans la langue juridique. Igno-
minia est également technique, mais seulement dans la langue militaire;
on emploie en OMXreprohrum, mais surtout quand il s'agit d'une atteinte
à la chasteté. Toutes ces expressions ont en droit la même valeur.
\
346 DROIT PÉNAL ROMAIN
non pas d'une façon générale, mais pour ses différents cas
d'application, une certaine consécration juridique. Celle-ci se
produisit par fixation des causes qui excluent du service mili-
taire (1), du droit de vote(2\ de l'éligibilité, du droit de siéger
au sénat, de la participation aux fêtes civiques (3), du dépôt
d'un témoignage public (4), du droit d'adresser la parole au
peuple (3), du service des jurés (G), de la représentation en
justice de la communauté (7) ou d'un particulier. Toutes ces
prescriptions particulières reposent sur une même conception
-(99o) normale de l'intégrité de réputation, qui n'a pas au point de
vue moral et civique une importance beaucoup moins grande
que celle de la capacité de droit (8), et nous retrouvons, au mi-
(1) S(.,R.,2, 400 et sv. 3, 251 [Dr.publ., 4, 81 et sv. G, 1, 284 et sv.]. Cotte
infériorité, qui n'est pas du reste une libération proprement dite du ser-
vice militaire, mais entraine l'emploi de l'infâme en dehors du plein
service exigé des citoyens, peut être qualifiée d'infamie censorialo.
(2) Cette infamie, qu'on peut qualifier de consulaire, coïncide sur les
points essentiels avec la précédente. Cpr. la loi de Ban lia, 1. 5 : mag(is-
iratus), queiqxiomque comiiia (du peuple) conciliumve (de la plèbe) habeblt,
eum sufragium ferre nei siniio.
(3) Lex Julia rnunicipalis , 1. 132 : neve quis qiiei ibei (dans le municipium
en question) mag{istraturii) potestateriwe habehit, eum citm senatii . . [lud]os
spedare neive in convivio publico esse sinito. Dlg., 48, 7, 1, /;)•.: leqe Julia (de
vi privala ou Y)\n[ôt judiciorum privatorum) caulum est,. . . ne... in eum ordi-
nem (écrivez : in XI III ordinibus) sedeat.
(4) Nous avons exposé ce point 11 p. 75 et sv.
(5) Rliet. ad Uer., 1, 11, 20 : lex vetat eum, qui de pecuniis repelundis dam-
natus est, in conlione orationem habere. Quinlilien, 3, 11, 13 : qui bona pa-
ierna consumpserit, ne conlionetur. 7, 6, 3 : ex merci rice nalus ne contionelur.
Les exemples de Quintilien ne se rencontrent peut-être que dans les exer-
cices des rhéteurs. St. B., 1, 201, n. 3 [Dr. PubL, 1,22!), n. 4].
(6) Loi de Baiilia, 1. 4 : [neive judicem eum neive recupe]rulorem dalo. La
lex Acilia repetwidarum de 631/123 1. 13 et la lex Julia repelundarum (Dig.,
1, 9, 2) rattaclient à l'exclusion du sénat l'incapacité d'être juré. Cicéron,
Pro Cluentio, 43, 120 : non liceat . .Judicem legi. Dig., 48, 7, i,pr. : lege Ju-
lia [de vi privala)... caulum est, ne... judex sit. La condamnation pour
faux disqualifie pour le service du jury : Pline, Ad Traj. 58.
(7) Cette incapacité est exposée II p. 37 et sv.
(8) Il faut considérer comme des exagérations de rhéteurs (cpr. III p. 242
n. 4| l'affirmation de Cicéron, que l'action privée non délictuelle, dans
laquelle la comlamnation entraîne l'infamie prétorienne (Vro Q. Roscio, 6,
16) est un judicium summae exislimationis et paene dicam capilis ou {Pro
Quinctio, 8. '.J. 13, 44. 22, 71) une causa capilis et colle encore plus osée de
TertuUion (De specl., 22) qui traite la profession d'acteur de capilis minulio.
RESTRICTION DES DROITS CIVIijUES 347
lieu de nombreuses particularités, les mêmes causes d'exclu-
sion pour les différentes incapacités qui se rattachent à l'in-
famie. C'est toutefois une tentative aussi illogique que peu
pratique de vouloir dégager de cette base commune et de ces
ressemblances une notion juridiq^ie positive d'infamie ; la
science romaine du droit ne s'est pas égarée dans celte voie (1).
Dans l'ensemble, ces prescriptions reposent sur un fondement
moral plus large que celui qui sert de base au droit pénal ; la
banqueroute, la profession d'acteur ou toute autre profession
considérée comme peu honorable, la violation de la bonne foi
constatée dans un procès de tutelle ou dans une autre action
privée du même genre, l'inobservation du temps dedeuil font "
perdre l'intégrité de réputation, mais ils ne sont pas des délits
et les infériorités juridiques qui en résultent ne sont pas des
peines. Le fondement moral sur lequel reposent ces restrictions
des droits civiques n'a pas la fixité et la généralité que l'on re-
vendique avec raison pour le fondement moral des délits ré-
primés par le droit pénal. La sentence peut être injuste, mais
la présomption de sa conformité à la justice est regiii funda-
mentum. Par contre, la présomption que la banqueroute et
les autres faits du même genre excluent rhonnêletc n'est
acceptable en pratique que si le magistrat a la faculté d'exami-
ner chaque cas particulier et d'écarter, s'il y a lieu, la pré-
somption. L'infamie prétorienne, telle qu'elle se présente à
nous dans les sources juridiques, a subi cette évolution, que
ni la logique ni la pratique ne peuvent approuver, vers un
système d'application rigide par voie de présomptions. Mais
le droit pénal doit absolument rejeter ces présomptions d'im- (996)
moralité eu général regrettables; celles-ci ne peuvent être
à raison de l'exclusion des affaires publiques qu'elle entraîne {curia ros-
tris senatu équité). L'empereur Septime Sévère dit avec plus de raison
(Dig., 1, 9, 3) : senatorem reynotum senatu capile non minui . Mais l'infamie
prétorienne engendre à vrai dire d'importantes restrictions de droits.
(1) Ma protestation {St.R., 1, 496 n.2 [Dr. publ., 2, 145, n. 3]) parviendra
difficilement à réagir contre la tendance irréfléchie des jurisconsultes à
tenter une généralisation en matière d'infamie prétorienne.
comme peine
d'un délit.
348 DROIT PÉNAL ROMAIN
examinées qu'à propos des différents droits des citoyens (1).
Infamie MqIs Ib droit pénal doit rechercher dans quels cas la priva-
tion de différents droits civiques est encourue en vertu de la
loi ou de la coutume comme peine accessoire à raison d'une
condamnation pour délit ou bien est prescrite par les lois comme
peine principale d'un délit. Ce travail pourrait avoir lieu pour
chacune des incapacités précédemment indiquées. Mais la pé-
nurie des sources le rend impossible pour la plupart d'entre
elles et pour les plus importantes, par exemple pour l'exclu-
sion de l'armée et la privation du droit de vote (2). Nous nous
bornerons à examiner les deux restrictions les mieux con-
nues : l'exclusion de la représentation judiciaire dans l'ac-
tion privée, c'est-à-dire, pour adopter la terminologie ro-
maine, l'infamie prétorienne, et d'autre part, l'inégibilité et
l'incapacité de siéger au sénat. La fixation par écrit des causes
entraînant nécessairement l'incapacité de représenter en jus-
tice, qui eut lieu de bonne heure dans une forme voisine d'une
réglementation légale par les édils des différents préteurs —
vraisemblablement concordants sur ce point — , et l'impossi-
bilité qui en résultait d'exclure de celte représentation pour
d'autres motifs ont donné à ce cas d'infamie une portée géné-
rale dépassant le domaine proprement dit de la représenta-
tion dans les actions privées et se manifestant çà et là dans le
droit pénal (3). La perte de l'éligibilité et l'incapacité de siéger
au sénat qu'on ne doit pas en séparer ont une importance
telle "au point de vue politique et en droit pénal qu'elles exi-
gent un exposé spécial.
La perte du droit de représentation judiciaire dans une
(1) C'est avec raison que los jurisconsultes romains placent la théorie
de l'infamie dans la matière de la représentation judiciaire. Gains, 4, 182 :
nec ulla parle edicli . . nominalim exprimilur, ut aliquis ignominiosus sif, sed
gui ■prohibelw . . pro alio poslulare . . ignominiosus esse dicilur.
(2) Nous avons donné quelques indications à cet égard dans les remar-
ques précédentes.
(3) La permission donnée au mari par la lex Julia de adulleriis de tuer le
complice de sa femme, s'il est infamis (II p. 340 n. 5), est interprétée à l'aide
de redit du iiréteur sur la représentation en justice Coll. i, 3, 3. c. 1:2, 3.
RESTRICTION DES DROITS CIVIQUES 349
action privée se rencontre dans les cas suivants sous la forme
d'une infamie infligée comme peine d'un délit.
a) Il n'est pas prouvé, mais on ne peut décemment douter
que la condamnation dans la procédure capitale devant les
magistrats et les comices ait été considérée comme déshono- (997)
rante. La condamnation dans la procédure d'amende tribuni-
cienne n'a nullement un effet infamant de ce genre (1).
b) L'exclusion de la représentation dans une action privée
résulte aussi d'une condamnation ou d'une transaction surve-
nue à l'occasion d'un délit privé commis (2) avec dol par le
condamné lui même, c'est-à-dire à l'occasion d'un vol ou d'une
rapine (III p. o9), d'une injure (III p. 121 n. 3), d'une corrup-
tion d'esclave (III p. ^39), d'un dol (III p. 404 n. 2) (3). Le même
effet se produit, lorsque dans la procédure plus récente le délit
privé est réprimé comme délit public extraordinaire (4). Cette
conséquence du délit, qui dans certains cas est plus pénible
au condamné que l'amende qui le frappe, ne peut pas être
considérée en elle-même comme une peine; en effet, elle a
lieu, bien que le jugement ne la prononce jamais, et surtout
elle s'attache à la transaction, lorsque celle-ci équivaut au
fond à une condamnation ou à un aveu.
c) La condamnation prononcée dans une procédure de
quacstAo, lorsqu'elle se fonde sur certains délits, par exemple
sur un sucrilegium ou un péculat, a sans doute engendré de
(1) Il suffit de rappi'ler lo souvenir de M. Livius Salinator, qui, con-
damné à une amende par les tribus après son premier consulat de 53o/il9
à raison d'un partage injuste du butin (ainsi Frontin, Stral., 4, 1, 45 ;
peculatus dans le De vlris ilL, SO), revêtit de nouveau la charge consulaire
en 346/208 (Tite-Live, 22, 33, 3, c. 49, 11. 27, 3i).
(2) Cette exclusion n'a donc pas lieu en cas de condamnation du chef
de la domusk raison d'un délit commis par une personne en sa puissance ;
la possibilité de se faire représenter dans les actions pénales de ce genre
a également pour conséquence que la condamnation du représentant
n'entraîne l'infamie ni pour celui-ci, ni pour le représenté {Dig., 3, 2, 6,
2. 37, lo, 2, pr.).
(3) Dig., 3, 2, 1. 17, 2, 56.
(4) Dig., 48, 1, 7. Cet-effet se produit donc en cas de vol réprimé par
voie de cognition et en cas de stellionat, c'cst-à-dire de dol puni au cri-
minel {Dig., 3, 2, 13, 8. 47, 20, 2).
350 DROIT PÉNAL ROMAIN
tout temps l'infamie, mais cette règle n'a pas été d'application
générale dans toutes les quaestiojies {\). Cet effet infamant a été
étendu progressivement (2) ; au troisième siècle, on le rencontre
(998) d'abord pour la condamnation dans un procès capital (3), puis
pour la condamnation dans un procès criminel ordinaire (4).
d) La même conséquence se produit en cas de condamnation
pour calumnia ou prévarication dans un procès de quaestio (o).
4. lûcapacité de briguer des charges et de faire partie
du sénat, envisagée comme répression d'un délit.
Dans le droit d'empire, abstraction faite de la procédure cen-
soriale qui en droit strict consiste à ne pas réélire le sénateur,
l'exclusion du sénal u"a lieu, comme répression d'un délit, que
par voie de procédure judiciaire, soit que les autorités crimi-
nelles, suivant ce qui a lieu ordinairement et même exclusive-
ment à l'époque ancienne, condamnent à une peine entraînant
comme pénalité accessoire cette incapacité de siéger au sénat,
soit qu'elles prononcent directement cette dernière (G). Dans
les cités de citoyens romains, on trouve aussi une procédure
d'indignité qui tend à faire exclure du sénat municipal les
personnes poursuivies, se déroule suivant les formes de la
(1) Le silence di' l'édit est ici d'autant plus probant qu'il cite comme
condamnations infamantes celles qui se fondent sur une calumnia ou une
prévarication. Il est d'ailleurs naturel que la condamnation dans la
procédure pénale publique ne soit pas nécessairement infamante.
(2) Dig., 48, 7, 1, pr., après avoir rapporté que la le.r Julia de vi excluait
du sénat ceux qui étaient condamnés à raison d'une vis privala, ajout'- :
el videlicel omni fionorc quasi infamis ex senalus consullo carcbil ; l'infamie
prétorienne n'a donc été étendue à ce délit que par un sénatus-consulte
postérieur.
(3) Ulpien, Dif/., 3, 1, 1, G : r/ui capilali crimine damnalus est, non débet
pro alio postulare.
(i) Macer, Dig., 48, 1, 7.
(5) Dig., 3, 2, 1. La délation fiscale n'entraîne pas par elle-même l'infa-
mie (Dig., 4'.t, 14, 2, pr. 1. 18, 7), elle n'a cet eflet que dans les cas ov'i l'on
suppose que le délat<;ur a obéi à de vils motifs (III p. 213 n. 1).
(G) Le sénat peut bien, comme organe judiciaire, prononcer l'exclusion
d'un sénateur; mais le droit d'empire ne connaît pas de procédure ten-
dant à réliminalion du sénat. St. Il, 3, 871) sv. [Dr. pulA., 7, 52 sv.].
RESTRICTION DES DROITS CIVIQUES 351
procédure romaine d'accusation et admet même des récom-
penses pour les accusateurs (II p. 201 n. 3) (1); nous ne
pouvons dire, s'il y avait là une application de la juridiction
pénale ou une modification de la procédure censoriale d'exclu-
sion du sénat.
Les causes qui entraînent l'exclusion des charges et du sénat PnvaUon
de l'éligibilité
municipaux à titre de répression d'un délit ont été en général et du.in.ii
régies par les mêmes règles à Rome et dans les munici- '^^ ^'."^7
o r o au Sénat.
pes (2). Ici, nous nous attachons principalement au droit d'em- (999)
pire et nous indiquons seulement les règles divergentes con-
tenues dans les droits municipaux qui nous sont connus.
L'exclusion des charges publiques (3) et l'exclusion du sénat (4)
sont au début delà République soumises à des conditions diifé-
rentes qui n'ont aucun rapport avec le droit pénal et qu'il n'y
a pas lieu d'exposer ici. Dans la suite, ces deux exclusions n'ont
pas été nécessairement liées l'une à l'autre : on vit même des
personnes continuer à faire partie du sénat, bien qu'elles fus-
sent devenues inéligibles aux charges publiques (o); mais elles
(1) Lej: coloiiiae Gen^livae, c. 105. 123. 121. La clause d'après laquelle
l'indignité ne peut se fonder sur la libevlinilus prouve, d'une part, que la
procédure d'indignité n'était pas propre à la ville de Genetiva, et indi-
que, d'autre part, que cette procédure avait plutôt un caractère censorial
que judiciaire. D'après le droit d'empire, en l'absence des qualités requi-
ses, l'élimination se produisait par voie administrative, mais ne donnait
pas lieu à une accusation.
(2) Une réglementation générale nous est donnée à cet égard par la lex
Julia munici palis, 1. 108-123; les différents droits municipaux abordent
aussi cette question.
(3) Elle est souvent prononcée comme interdiction de briguer ces char-
ges ; elle apparaît parfois sous la forme d'une défense de porter la robe
prétexte (Loi de Bantia, 1. 4).
(4) Cette incapacité se présente tantôt comme une défense adressée au
président du sénat d'admettre la personne disqualifiée aux séances do
son assemblée ou de l'appeler à voter, tantôt comme une défense adressée
à l'incapable lui-même de voter dans le sénat : lex repelundurum, 1. 11, 13;
loi de Bantia, 1. 1 sv. 1. 20 ; Cicéron, De Domo, 31, 82.
(o) Pline, Ep., 2, 12 nous rapporte une condamnation de ce genre : un
sénateur garde le droit de siéger au sénat, mais il est exclu du tirage au
sort des provinces. Dif)., 48, 22, 7, 21 : potest alicui poena injungi, ne liono-
res adipiscatur, nec ea res fac.it, ul decurio esse desinal, cum fiei'i possit, ut
quis decurio quidem sil, ad honores, aulem non admittaiur (il est peu pro-
balde qu'on vise ici une restriction des droits civiques infligée à titre de
352 DROIT PÉNAL ROMAIN
allèrent ordinairement de pair (1;, surtout parce que la nomi-
nation à certaines charges avait coutume de faire entrer au sé-
nat ; c'est pourquoi nous les examinons ici simultanément.
D'après l'ancien droit, ces incapacités, lorsqu'elles se présen-
tent comme des peines, sont toujours prononcées à perpétuité.
Toutefois, on trouve déjà à l'époque républicaine l'exclusion à
temps du sénat romain pour cause d'ambilus (III p. 203), et dans
la dernière période on rencontre fréquemment l'élimination à
temps de la curie municipale (2). Dans ce dernier cas, le décu-
rion reprend de plein droit sa fonction après l'expiration du
(1000) temps d'exclusion [?,). — L'incapacité de briguer des charges
et de faire partie du sénat se présente dans les cas suivants
comme infamie infligée à titre de répression d'un délit :
a) La condamnation au cours d'une procédure devant les
magistrats et les comices a dû, au début de la République, être
onsidérée, lorsqu'elle se fondait sur certains délits, comme
rendant inéligible aux charges publiques et inapte à faire par-
tie du sénat, ainsi que cela avait lieu pour la représentation
judiciaire; mais toute l'histoire de cette époque nous montre
qu'il n'en était pas ainsi en principe. Ce fut seulement dans
les crises du dernier siècle de la République que la loi Cassia
de 630/104 décida que la condamnation par le peuple entraî-
nerait exclusion du sénat (4).
répression d'un délit); nam et senalor quis esse polesl et tamen honores non
\ju]re pelere.
(1) Il en est ainsi d'une manière générale dans la loi de Bantia ; dans
la lex JuUa municipalis, 1. 132 et sv., 13a et sv. ; dans la lex coloniae Geneli-
vue, c. 105; pour l'action privée infamante chez Cicéron, Pro Cluenllo, 42,
119 ; pour le délit de vis privala: Dig., 48, 7, \. pr.
(2) Dig., 48, 22, 7, 20 : solet decii rionibus online inlerdici vel ad lemptis vel
in perpeluum.
(3) Dig., 48, 10. 13, 1. 50, 2, 3, 1. 1. 5. Cod., 2, il. 3. 10, 61, 1 =: Dig.. 50,
2. 3, 1. Fronton. Ad amicos, 2, 7, p. 195. 196. L'empereur Marc Aurèle
exige au contraire pour la rentrée dans la curie municipale non seule-
ment une nouvelle élection, mais même une confirmation de l'empereur
(Dig., 50, 2, 13). Naturellement, la réintégration n'a pas lieu do plein droit,
lorsque l'exclusion de la curie est inhérente au délit lui-même {Dig., 50,
2, o).
(4) Asconius, In Cornet., \k 78. L. Cassius Longinus Ir. pi. . . iulil. . . ut quem
RESTRICTION DES DROITS CIVIQUES 353
b) La transaction ou la condamnation à raison d'un délit
privé commis par le condamné lui-même prive des droils
honorifiques dont nous nous occupo^ns ici, exactement comme
elle enlève le droit de représenter en justice (1). Il faut y
ajouter la condamnation prononcée en vertu de la loi Plaetoria
pour fraude commise au regard d'un mineur de vingt-cinq
ans, hypothèse dont l'omission en matière de représentation
judiciaire est peut-être accidentelle [2).
c) La condamnation au bannissement de l'Italie et à l'in-
terdiction de l'eau et du feu, prononcée par un tribunal de
Rome, laisse, d'après la législation de Sylla, le droit de cité
au banni, mais le prive du droit do siéger tant dans le sénat
de Rome que dans un sJnal municipal quelconque (3). Cette
disposition cesse d'être applicable, lorsque l'interdiction, par
suite de l'aggravation qu'elle reçoit, fait perdre le droit de cité.
cl) Nous ne savons pas exactement dans quelle mesure, pen- (1001)
dant le dernier siècle de la République et le début de l'Em-
pire les condamnations pénales rendues à Rome qui ne
prononcent pas l'interdiction entraînent l'exclusion du sénat
comme peine accessoire; mais il est certain qu'on rencontre
fréquemment celte exclusion opposée comme peine plus douce
populus damnasset cuive imperium abrogassel (cette seconde disposition con-
cerne un général battu dans la guerre des Gimbres) in senaLu ne esset.
(i) Cicéron, Pro Cliienlio, 42, 119. Lex Julia munidpalis, 1. 110; la rapine
n'est pas ici citée, mais elle est comprise dans le fuilum. Cod , 10, 3i*, 8.
12, 3.0, 3. Les condamnations prononcées dans la procédure extraordi-
naire ont à cet égard le même cU'et (Oif/., '60, 2, 5).
(2) Cette condamnation ( cpr. 1 p. 210 n. 2) est citée par la lex Julia muni-
dpalis 1. m parmi les causes d'incapacité à faire partie du sénat.
(3) Cicéron, De Domo, 31, 82 : ubi cavisli, ne me meo lor.o censor in senalum
legeret? Qnod de. omnibus, eliam r/uibus damnalis inlerdicturn esl (c'est-à-dire
celui auquel on laisse le droit de cité tout en le bannissant de l'Italie :
III p. 302 n. 2) scriptum est in leç/ibus. Par contre, l'omission d'un séna-
teur, qui a lieu par voie administrative lors de la reconstitution du sénat,
ne disqualifie pas la personne omise ; dans la dernière période de la Ré-
publique, les sénateurs ainsi cassés ont souvent brigué une charge et sont
ainsi rentrés au sénat (St. H., 1, 522 [Dr. publ., 2, 175]). Lex Julia munid-
palis, 1. 117 : quei judido publico Romae condemnalus est erit, quo circa eum
in Ilalia esse non Uceat (pour les mots qui suivent : neque in integrum resii-
tutui est erit, cpr. Il p. 171 n. 2).
Droit Pénal Romain. — T. III. 23
354 DROIT PÉNAL ROMAIN
au bannissement (1). Une telle disposition se trouve peut-être
dans la loi Servilia, certainement dans la loi Julia sur les
repetundae (III p. 29) ; dans la loi Cornelia sur le faux (2) et
dans la loi Julia sur les violences de gravité moindre (3). Il
est peut-être permis de transposer la proposition que nous for-
mulons ci-dessous (q. o) et de dire que toute condamnation
pénale prononcée par une quaestio de Rome, même si elle
inflige une peine inférieure à l'interdiction de l'Ilalie, prive le
condamné du droit de siéger dans le sénat de Rome, mais
non dans le sénat municipal de sa patrie d'origine.
c) La condamnation pour calumnia ou prévarication dans
une procédure de quaestio entraîne également ces incapacités,
comme elle extrême l'incapacité de représenter en justice (4).
/) Toute condamnation prononcée dans un jiidicium publi-
cum municipal disqualifie le condamné, non pas pour tout sénat
municipal^ mais pour celui de sa cité d'origine (5).
g) Pendant la dernière période du Principat, la relégation
à perpétuité entraîne nécessairement l'exclusion du sénat de
Rome et de toute curie municipale; la relégation à temps, au
contraire, n'a pas cet effet (III p. 352 n. 3).
Jt) L'exclusion du sénat romain à temps ou à perpétuité a
été appliquée de bonne heure comme peine principale en
matière d'ambitus (III p. 205). On rencontre fréquemment plus
tard l'exclusion à temps ou à perpétuité du décurionat muni-
cipal (G).
(1) Tacite, Ann., 4, 31. 6, 48.
(2) II p. 400 n. 6. Dig., 48, 10, 13, 1 (cpr. Pline, Ad Traj., 58).
(3) II p. 380 n. 2. Dig., 48, 7, 1, pr. La même règle s'applique au décu-
rionat.
(4) Le.r Julia mimkipalis, 1. 119: qucm k{alumniae) praevaricalionisve caussa
acciissasse fecisseve quod judicatum erit.
(5) Lex Julia municlpalis, 1. 118 : quel in eo municipio . . . quojus erit, Judi-
cio publico condcmnalus est erit.
(6) En dehors des textes cités III p. 35:2 n.:î et 3, cpr. Dj'/;., 49, 7,1, 4 et pour
le faux : Paul, 5, 15, 5 ; pour l'abigeat : Dig., 47, 14, 1,3; pour l'abattage
d'arbres fruitiers: Paul, 5, 20, 6; pour la calumnia'. Paul, 5, 4, 11. Dig.,
47, 10, 43; où partout l'exclusion de Yordo est mentionnée à titre d'alter-
native à côté d'autres peines modiques. A cette époque où le décurionat
RESTRICTION DES DROITS CIVIQUES 355
5. L'interdiction d'accomplir certains actes publics ou privés (1002)
comme répression d'un délit.
Nous réunissoQs dans cette Section toas les renseignements
qui nous sont parvenus sur la destitution des prêtres et des ma-
gistrats et sur l'interdiction de certains actes privés ou publics,
en tant que ces mesures ont lieu à litre de répression d'un
délit.
La destitution du prêtre, dont les fonctions d'après les usa- Dcsuiuiion
des Drotrcs»
ges romains sont ordinairement viagères (1), a pu être pronon-
cée à titre de peine; elle a obéi dans ce cas à des règles en
général analogues à celles qui régissent l'exclusion du sénat
infligée à titre de répression d'un délit ; l'existence de cette
norme est attestée par l'exception même qui est mentionnée
à propos des augures ; l'augurât municipal lui-même peut
être, d'après certains droits municipaux, supprimé par une
condamnation (2). Nous ne savons rien de plus précis à cet
égard.
Le magistrat est au contraire inamovible d'après la concep- Destitution des
» 1, . 11111 •» f ' j il magistrats.
lion romaine, même d après celle de la dernière période; celle
inamovibilité est telle que non seulement le magistrat ne peut
être destitué dans une procédure judiciaire (3), ce qui du reste
est ordinairement irréalisable par le seul fait de l'inadmissibi-
lité de toute accusation contre le magistrat pendant l'exercice
est devenu un titre entraînant de lourdes charges économiques, l'exclu-
sion de la curie à titre de peine consiste principalement dans la perte
des privilèges importants qui se rattachent à la qualité de décurion, no-
tamment au point de vue do la fixation du taux de la peine (Dig., 48, 19,
43, 1. tit. 22, 7, 22. 1. 8. Cod., 2, 11, S. 10, 59, 1).
(1) Plutarque, 0. H. 99; Pline; Ep., 4, 8, 1. Une exception du même
genre se rencontre pour le sacerdoce des Arvales. Il est difficile d'ad-
mettre en présence de ces deux exceptions que l'inamovibilité du ponlifex
maximus ait un caractère juridique (St. R., 2, 21, n. 1 [Dr. pubL, 3, 22,
n. 3j).
(2) La lex coloniae Genetlvae, c. 67 traite de la cooptation in conlegium
pontific(um) auqurumq{ue) in demorlui damnative loco.
(3) Lorsque la loi de Bantia dit 1. 19 : is magistralum iiaperiumve nei
petiio iieive yerito neive habelo, sa rédaction est trop large; car le (jerers et
Vhabere ne sont illégaux que s'ils reposent sur un petere illégal.
356 DROIT PÉNAL ROMAIN
de sa charge (II p. 18 sv.), mais elle est même si absolue que
les comices quasi tout-puissants n'ont pas le pouvoir de desti-
tuer le magistrat (1). L'observation rigoureuse du principe de
l'annalité des magistratures permet l'application pratique de
celui de l'inamovibilité (2). Pour les fonctions qui reposent sur le
mandat d'an magistrat et se rapprochent en fait plus ou moins
de la magistrature, c'est-à-dire pour tous les officiers et sous
(1003) le Principat pour tous les délégués du pouvoir impérial, il n'est
pas non plus question de destitution par voie de procédure ju-
diciaire. Il y en a deux raisons : la première c'est que l'autorité
qui les a nommés a la faculté de leur retirera toute époque le
mandat donné; la seconde est qu'une destitution judiciaire res-
treindrait la liberté du mandat, requise par l'essence même
de ces institutions. Evidemment, il est arrivé assez souvent
que des fonctionnaires impériaux ont été dégradés ou relevés
de leurs fonctions à la suite d'une condamnation pénale pro-
noncée contre eux (3), mais leur chef n'était nullement obligé
à prendre une pareille mesure et celle-ci est toujours en droit
strict un simple renvoi du fonctionnaire.
inierdiciion de Les pcrsounes qui se rendent coupables de fautes vis-à-vis
d'une autorité peuvent être privées de la faculté de faire avec
celle-ci des opérations rentrant dans le domaine de la compé-
(1) st. /{., 1, 628 sv. [Dr. publ., 2, 301 sv]. L'inamovibilité ne s'étend ni
aux promagistrats ni aux quasi-magistrats.
(2) II n'est pas rare qu'on hâte le procès en provoquant une démission.
(3) Ulpien, Dia., 48, 19, S,pr. cite parmi les peines criminelles dignilalis
aliquam deposilionem. Tril)un militaire : Tacite, Ann., 15, 71. — Centurion
pour cause d'adultère : Pline, Ep., 6, 31. — Retrait des lettres de nomi-
nation (codiciUi) du gouverneur de province coupable de repelundae :
C. Th., 9, 27, 1. — Retrait de la dignité concédée (Jionorarla comitiva) pour
cause d'insubordination : C. Th., 12, 1, 150. — Suppression du patriciat
d'Eutrope : C. Th., 9, 40, 17. — Retrait de la charge (mililia) : C. Th., 7, 4,
3G. tit. 8, 5 ; retrait des insignes de la charge (ci/tr/idum) : C. Th., 11, 20,
4, 2. 16, 4, 4. — Placement du soldat dans les troupes du praefectus vir/i-
lum : C. Th., 1, 6, il. — Dégradation à'officiales : C. Th., 6, 27, 15, 7, 1, 10.
tit. 12, 2. c. 3. Le plus souvent il ne s'agit pas ici de crimes, mais do
fautes de service. — Dans la reslHutio générale accordée aux chrétiens
condamnés pour leur foi, Constantin donne aux anciens fonctionnaires
le choix entre la réintégration dans leur charge ((jTpaTcîa) ou une mise à
la retraite honorable (Sozoméne, llist. eccl., i, 8).
certains actes.
RESTRICTION DES DROITS CIVIOUES 357
tence de celte autorité, c'est ainsi qu'on interdit notamment
aux avocats de se charger d'affaires judiciaires pendant un cer-
tain temps ou pendant la durée d'une magistrature (1). L'ex-
clusion des licitatious publiques a été infligée de la même ma-
nière (2). L'ancien droit ne connaît pas de prohibition du môme
genre privant une personne de la faculté de faire certains actes
privés; mais une telle défense se rencontre à titre de répres-
sion dans le droit postérieur (3). Toutefois, il n'est pas permis
d'imposer à titre de peine l'obligation de se charger d'une (100 i)
affaire privée (4) ou la qualité de décurion (o).
(1) A la suite d'une faute commise par un avocat la proposition est
faite au tribunal sénatorial de lui interdire pendant cinq ans l'exercice
de sa profession (Pline, Ep., 5, 14). Interdictions analogues : Dig., i, 12,
1, 13. 3, 1, 8. 17, 1, 6. 7. Cod.. 2, 6, 1. 10, 61, 1 =r Dig., 50. 2, 3, 1. La por-
tée de ces interdictions se limite, du moins ordinairement, au ressort des
autorités qui les prononcent {J>ig., 3, 1, 9) et à la durée des fonctions du
magistrat qui interdit (big., 3, 1. 6. 48, 19, 43, pr.). Ulpien, Dig.. 48, 19, 8,
pr. cite parmi les peines criminelles alicujus actus pvohibitionem.
(2) Dig., 48, 19, 9, 9.
(3) Nous trouvons mentionnées les interdictions d'enseigner {Dig., 1,
12, 1, 13), de faire le commerce (Dig., 1, 12, 1, 13. 47, 11, 6, pv. 48. 19, 9, 9.
10) ou d'exercer un métier [Dig., 48, 19, 43, pr.).
(4) Ulpien, Dig., 48, 19, 9, 10 qualifie cette mesure d'injuste {inrivile),
mais l'admet cependant dans certains cas.
(5) Les chrétiens ont été ainsi enrôlés dans le décurionat (Sozomène,
//. eccl., \, 8); mais cette mesure est désapprouvée dans les textes légis-
latifs (C. Th.. 12, 1, 66. c. 108).
(1005) SECTION X
CONFISCATION DU PATRIMOINE OU D'UNE QUOTE-PART
DU PATRIMOINE
conûscation La confîscation du patrimoine à titre de répression au profit
e patrimoine. ^^ j^ communauté ( 1) OU, ce qui n'a lieu que depuis César (2),
la confiscation d'une quote-part du patrimoine dans les mêmes
conditions rentre parmi les cas de succession universelle ou à
titre universel. Le patrimoine est ici traité comme s'il y avait
un testament : l'actif du condamné échoit à la communauté
(1) La publicatio bonorum (Gicéron, In Catil., 4, 5, 10; Pro Plancio, 41, 97
et souvent ailleurs; dans le bas latin on trouve aussi proscriptio : C. Th.,
9. 41, 1. tit. 42, 24. 16, 5. 63; Nov. Val. III 22, c. 5; cpr. III p. 219 n. 1)
embrasse aussi le cas de succession (Labéon chez Auln-Gelle, 1, 12, 18),
mais a principalement lieu au regard de l'ennemi (César, Bell. Gall., 5, 56 :
Clngetorigem... hostem judicat honaque ejus publical). Confiscare, à propre-
ment parler placer dans le panier à argent, donc ranger comme argent
comptant (Suétone, Aug., 101) désigne la confiscation d'argent et de biens
pour le compte de l'empereur; la portée de ce mot no se restreint pas à
la confiscation opérée à titre de répression (par exemple, Suétone, Dom.,
12 par suite d'une institution d'héritier) et son emploi est déjà courant
chez Suétone. La substitution réelle du fiscus impérial à l'aerariiim de la
cité et la confusion postérieure de ces deux institutions dont nous trai-
terons plus loin s'accusent dans le langage par ce fait que les termes
publicatio et confiscatio employés distinctement par les anciens auteurs
sont usités comme synonymes dans la dernière période, notamment chez
les écrivains non jurisconsultes.
(2) La prétendue loi de Romulus, d'après laquelle en cas de divorce in-
juste le patrimoine du mari échoit pour moitié à la femme et pour moitié
à l'aerarium (Plutarque, Ro7n., 22) n'est certainement pas de date an-
cienne (II p. 413 n. 3).
CONFISCATION DU PATRIiMOIXE 359
dans la mesure où il aurait pu être donné à un héritier testa-
mentaire et les successeurs ab intestat sont dans la même si-
tuation que s'ils avaient été déshérités (1). Le passif incombe (1006)
naturellement à la communauté. Nous avons déjà exposé plus
haut (III p. 236) qu'originairement la ;jî^é//crt//o était une con-
secratio, ce qui au point de vue juridique était sans doute iden-
tique (2), et que la communauté, dans la Rome ancienne, se
faisait scrupule de ne tirer aucun profit des biens qui lui par-
venaient par voie de répression. Dans la dernière période de
la République et sous le Principat, les peines n'ont que trop
souvent servi à enrichir l'Etat; elles furent même assez fré-
quemment infligées principalement dans ce but. Lorsqu'il y
a confiscation de la totalité du patrimoine (3), on en laisse Restriction
souvent une quote-part aux enfants du condamné à titre de jeslVfrnL
grâce (4); cette quote-part fut le plus souvent de moitié dans la du condamné.
dernière période (S). Justinien a même interdit d'une manière
générale ces confiscations totales, sauf en matière de crime
de lèse-majesté ^6). Il faut même à la dernière époque du droit
romain une autorisation spéciale de l'empereur pour procéder
(1) Familia peci/niaque, Festus, p. 3J8 (III p. 236 n. 1). Ulpien, Dig., 38,
16, 1,3 : filius suus hères e.rcluditw... si perduellionis fuerit damnalus paler
post moriem suam [eo nsque], ut nec jura sepulclirorum hic. filius haheat. — Il
y a toutefois exception pour les droits qui parviennent aux enfants du
condamné à raison d'afTranchissements faits par leur auteur [Dig., 37, 14,
4. 48, 4, 9).
(2) La régie aut sacrom aul poublicom (C. I. L. IX, 439. 440) s'applique
également ici. St. ft.,2, 59 et sv. [Dr. pubL, 3, 67 sv.].
(3) Cette faveur n'a pas lieu en cas de confiscation partielle : Dig., 4S,
20, 1, 3.
(4) Tacite, Ann., 3, 17. 4, 20. 13, 43, Il en est de même lorsque l'action
pénale entraine la déconfiture ou la faillite du coupable : Pline, Ep., 3,
9, 17.
(5) Constitution de l'année 426, C. Th., 9, 42, 24 = C. Just., 9, 49, 10-
Dig., 48, 20, 1. D'après une constitution de Théodose I" de 380 (C. Th., 9'
42, 8 =: abrégée au C. Just., 9, 49, 8), le déporté et sa famille gardent la
moitié du patrimoine ; lorsque la condamnation se fonde sur un crime de
lèse-majesté, seuls les enfants peuvent conserver quelque chose et ils
n'ont droit qu'au sixième du patrimoine.
(Q) Nov. 17, c. 12. 134, 13, 2. 3. Honorius a posé une règle analogue au
regard de certains hérétiques : C. Th., 16, 5, 40, 2.
360 DROIT PÉNAL ROMAIN
à la conflscation du patrimoine, lorsqu'elle est encourue (^1).
La confiscation du patrimoine au profit de la communauté
se rencontre comme répression indépendante soit dans la coer-
cition consulaire, telle que César conseillait de l'appliquer aux
partisans de Gatilina, soit dans la consécration tribunicienne
du patrimoine; le droit pénal ne la connaît au contraire que
comme peine accessoire (2). Les peines qu'elle accompagne
sont les suivantes:
En cas 1, La pciue de la perduellion comprend de plein droit la
la pcrdlTeiuo^n. confîscation du patrimoine (3). Cet effet se rattache, comme la
(1007) notion même de perduellion, à l'idée que \q perduellis est un
ennemi ; toutefois, et tandis que le patrimoine de l'Etat en-
nemi et de ses sujets est considéré comme bien sans maître
et n'est acquis par l'Etat ou le citoyen romain qu'au moyen
d'un€ occupation (4), l'actif du citoyen romain devenu ennemi
échoit de plein droit à l'Etat romain (o). Celte confiscation du
patrimoine est établie par des prescriptions législatives soit
du début delà République (G), soit de l'Empire (7), et son exis-
(1) Diocléticn, Cod., 10, 1, o. Tbéodose II, C. Th., 9, 41, 1 = C. Jusl.,
9, 48, 1.
(2) L'action tribunicienne tendant à la confiscalion du patrimoine chez
Denys, 10, 42 est, selon toute apparence, iine inexactitude.
Ci) La condamnation en vertu de la lex Juliamajeslafis, lorsqu'elle ne se
fonde pas sur une perduellion, n'entraîne pas la confiscation du patri-
moine (Ulpicn, L)ig., 48, 4, Jl). Lorsque cette condamnation prononce une
autre peine que la mort, par exemple la déportation, elle produit les effets
juridiques qui se rattachent à cette peine.
(4) Le bien de l'ennemi ne devient romain que par occupation {St. R.,
3, 828. 1112 [Dr. puhl, 6, 2, 481. 7, 324]) ou tradition. C'est ainsi par exem-
ple que les Samnites pour décharger leur peuple de la responsabilité
qu'ils avaient encourue en luttant contre les Romains livrèrent à ceux-
ci le cadavre et le patrimoine du chef du parti de la guerre (Tite-Live, 8,
39, 15 : placuil ciim corpore Lona qiioque ejus dedi).
(5) La forme delà sentence qui frappe le perduellis n'a aucune impor-
tance pour la confiscation; le déserteur puni d'après les règles du droit
de la guerre est traité à cet égai'd- comme le traître qui comparaît devant
les comices.
(6) Renversement (h' la constitution : Tite-Live, 2, S (III p. 236 n. 1). —
Violation des privilèges de la plèbe : Festus, p. 318 (III p. 23G n. 1). Tite-
Live. 3, 55, 7 (III p. 236 n. )). Denys, 6, 89 (III p. 236 n. i). Denvs, 1; 17
(III p. 236 n^ !).
(7) Dig., 24, 1, 32, 7. 29, 2, 86, 1. 31, 76. 9. 38, 16, 1, 3. 39. o, 31, 4. 40, 9, 15,
CONFISCATION DU PATRIMOINE 361
tence est attestée par de uombreuscs applications particulières
qui en furent faites à l'une (^i) ou l'autre (2) de ces époques.
On assimile à cet égard, du moins dans la coftception posté-
rieure, le suicide de l'accusé à sa punition (IT p. 118 n. 4); la
confiscation du patrimoine a également lieu, lorsque la peine
de mort prononcée n'est pas exécutée (III p. 360 n. G). Cette con-
fiscation s'applique aussi aux personnes qui, à la suite d'une
révolte contre l'autorité publique, ont été mises à mort sans
aucune forme de procès ou en vertu d'une sentence rendue (1008)
par la cour martiale consulaire-sénatoriale (I p. 299) et sont
considérées par le parti vainqueur comme mortes enne-
mies (3). — La perte du droit de cité se produisant chez
pr. 48, 2, 20. tit. 4, 11. lit. 9, 15, pr. tit. 16, 13, 3. Cod. Th.. 9, 14, 3. 4
(= C. Just., 9. 8, 5, 4). 42, 6 (rr C. JusL, 9, 49, 10, 5). c. 23. 10, 12, 1. Inst..
3, 1, 0. Edil de Théodoric, 113.
(1) On peut citer pour l'époque républicaine les condamnations de Sp.
Cassius (Denys, 8, 78, efYet rapporté au pécule par la version qui voit
dans cette condamnation une application de la discipline domestique :
Tite-Live, 2,41; cpr. Rom. Forsch., 2, 174 sv.), des décemvirs (Tite-Live,
3, 58, 10) et de M. Manlius (Tite-Live, 6, 20; Rom. Forsch., 2, 180). Il faut
en outre mentionner Tite-Live 23, 4, 9 : videri eum (un fournisseur de
l'armée, objet d'une accusation capitale pour tromperies vis-à-vis de
l'État, cpr. III p. 74 n. li) in exilio esse bonaque ejus venire, ipsi aqiia et igni
placere interdici.
(2) Tacite, Ann., 6, 29 : damnali (notamment pour crime de lèse-majesté)
puhlicatis bonis sepuUtira prohibebantnr. Dion, 58, 13. Différents cas chez
Tacite, Ann., 2, 32. 3, 17. 4, 20 et ailleurs. Sidoine, Ep., 1, 7, 13 sollicite,
pour une personne accusée d'un crime de ce genre, la remise delà peine
de mort et la restriction de la répression au bannissement et à la con-
fiscation. Dans les procès des chrétiens, qui sont des procès de lèse-ma-
jesté, la confiscation du patrimoine a lieu en cas de condamnation capi-
tale (Gyprien, Ep., 80 [II p. 282 n. 1]. Arnobe, 1, 26).
(3) Mention de la confiscation du patrimoine est faite à propos des
meurtriers de Tarquin l'Ancien (Dion, 4, 5, incorrectement à côté du ban-
nissement); à propos de Sp. Maelius (Varron, De l. L., 3, 157 et ailleurs;
Rom. Forsch., 2, 202); à propos des partisans des Gracques (Orose, 5, 12,
•9; Plutarque, C. Gracch., 17); à propos des proscrits de l'époque révolu-
tionnaire (Gicéron, Ad fam., 10, 21, 4 : tôt civibus pro patria amissls, hostibus
denique omnibus judicalis honisque publicatis; Dion, 46, 39 et ailleurs); au
regard des optimales auxquels leurs adversaires la réservent dans les
luttes postérieures à la mort de Gésar (Gicéron, Ad Brut., 1, 3, 11); à pro-
pos du prétendant AviJius Gassius {vita Marci, 24 : per senatum hostis est
judicatus bonaque ejus proscripta per aerarium publicum ; cpi'. Vita Cassii, 7 ;
Vita Albini, 12). De telles confiscations sont citées parmi les méfaits du
362 DROIT PÉNAL ROMAIN
]q perduellis au moment du crime et la sentence rendue con-
tre lui n'ayant qu'un caractère déclaratoire, il en résulte
qu'après le prononcé de l'arrêt le patrimoine du condamné
est considéré comme transmis à la communauté au moment
même où l'acte punissable a été commis. Tous les actes, y
compris le testament, faits par le perduellis postérieurement
à cette date sont nuls et les représentants de la communauté
peuvent faire valoir les conséquences patrimoniales de la
perduellion même contre les tiers détenteurs et, comme nous
l'avons déjà montré pour la flétrissure de la mémoire (III
p. 337), même après la mort du perduellis. — Abstraction
faite de la perduellion, la peine capitale n'entraîne pas d'a-
près le droit de la République la confiscation du patrimoine
et laisse même au condamné la capacité juridique (1).
En cas de perte 2. Dans la mesurc OÙ le droit de la République connaît la
perte de la liberté comme moyen de coercition ou comme peine,
le maître de l'ancienne personne libre doit, en vertu de la lo-
gique du droit, acquérir en même temps que la puissance do-
minicale le patrimoine de son nouvel esclave ; ce patrimoine
échoit donc, en cas de manquement aux devoirs militaires et
aux obligations vis-à-vis des légats des Etats étrangers, à la
communauté qui vend le coupable, et, en cas de vol manifeste,
à la victime à laquelle le tribunal fait addictio du voleur. Celle
(1009) conséquence n'est toutefois pas exprimée par les sources et
c'est une question de savoir si elle se produit dans tous les cas
et si le patrimoine n'est pas dans certains cas laissé aux héri-
tiers qui sans cela souffriraient plus de la confiscation que le
dernier roi tyran (Tite-Live, \, 49, 5 à côté d'exécutions capitales et de
bannissements) et des iniques décemvirs (Denys, 20, 60). Dans l'affaire
des partisans de Gatilina, César obtint, après avoir en vain tenté de
faire restreindre la répression à la confiscation du patrimoine, que cette
dernière peine ne s';ijouterait pas à la condamnation à mort (Plutarque,
Cic, 21). Cpr. St. lî., 3, 1230, n. 2 [Dr. piibl., 7, 481, n. 3].
(1) Les jurisconsultes de l'époque républicaine ne contestent pas que
lo parricide puisse laisser une succession et s'il y a doute sur le point de
savoir si ce dernier a la capacité de faire un testament, la difficulté vient
uniquement de ce que plusieurs jurisconsultes voulaient (jn'on traitât lo
parricide comme irresponsable (II p. 370 n. 1).
CONFISCATION DU PATRIMOINE 363
coupable lui-môrae. Il est cependant incontestable que cette
conséquence est admise sous le Principat ; la condamnation à
mort (III p. 289 n. 2). cà la peine des mines (III p. 290 n. 1)
ou à rinlernemeut dans une école de gladiateurs (III p. 290
n. 2) entraîne de plein droit la perte de la liberté et la con-
fiscation du patrimoine (1).
3. La relégation, dont les différentes formes prennent la En cas
première place dans le système des peines depuis la transfor- ®'"^^°''^'°'
mation du droit criminel opérée par Sylla, n'implique pas, d'a-
près les lois de Sylla lui-même, la confiscation du patrimoine
comme peine accessoire ; seule une loi spéciale aggrave de la
sorte l'exil de Cicéron (2). Lorsque les différentes espèces de
bannissements eurent été aggravées par le dictateur César et
plus tard par les empereurs, la confiscation de patrimoine liée
à ces différentes formes de peine fut réglée de la manière
suivante :
a) D'après une prescription de César, la peine du parrici-
dhwi (3), d'après une loi Julia, celle des meurtriers du dicta-
teur César (4), et, d'après une prescription d'Auguste, celle
du crime de lèse-majesté (S) comprennent la confiscation de
la totalité du patrimoine.
b) Sous Auguste, la déportation implique, déjà dans sa pé- (1010)
(1) Dig., 28, 1, 8, 4. tit. 3, 6, 6. 48, 20, 1.
(2) III p. 326 n. 1. Le récit d'Appien (2, 24) relatif au procès de Gabinius
est incorrect (Drumann, 2, 56).
(3) Suétone, Caes., 42 : poenas facmonim auxit et cum locupleles eo fncilius
scelere se obliçjarent, qtiod integris patrimoniis exulubant, parricidas, ut Cicero
scribit (nous ne savons pas où), bonis omnibus, reliquos dimidia parle multa-
vit. Il faut également citer ici le passage de Cicéron, Ad Brut., 1, 5, 12,
d'après lequel le condamné perd son patrimoine.
(4) Auguste, Mon. Ancyr., 1, 10 : qui parentem meum [interfecer]un[t, eo]s
in exilium expuli judiciis legilimis ultus eorum [fa]cin[us'\. Dion, 46, 48 :
■ aÙToî TE Tïypbç xal uSaxo; E^p/ôrio-av vcal al oûfftai aÙTwv èÔYi(iEÛ9Ti(7av. Auguste
fait valoir qu'on ne condamna ni à mort ni à la privation du droit de
cité et qu'on ne prononça pas de peine supérieure au bannissement hors
de l'Italie, limite légale des peines d'application générale à cette époque.
(5) Dion, 53, 23 dit de Cornélius Gallus : (puyEiv -f,c o-jo-iaî n-z^rfih'za. Ta'
cite, Ann., 3, 50 : cedat urbe et bonis amissis aqua et igni arceatur... ac si lege
majestatis teneretur. Dans un autre procès [ibid., 3, 23), les coupables sont
frappés de l'interdiction, mais obtiennent remise de la confiscation.
364 DROIT PÉNAL ROMAIN
riode préparatoire, une certaine confiscation de patrimoine;
l'Etat prend à l'interdit tout ce que celui-ci possède au delà
de oOO 000 sesterces et lui défend d'avoir plus de vingt do-
mestiques et plus d'un grand vaisseau ou de deux navires à
rames (1); après la réforme opérée par Tibère en l'an 23, le
patrimoine est complètement confisqué soit en cas d'interdic-
tion dans la mesure où celte peine a encore lieu (III p. 322
n, 2), soit en cas de déportation (2); le déporté garde cepen-
dant des moyens de subsistance {viaticiun) qui lui sont ac-
cordés par une concession spéciale du gouvernement, plus
ou moins large suivant les cas (3).
c) Dans les autres délits, la relégation à perpétuité entraîne
normalementla confiscation d'une quote-part du patrimoine (4),
qui est ordinairement d'une moitié, parfois d'un tiers (o).
(1) Dion, 56, 27.
(2) Pline, Ep., 4, 11, 13. Paul, 3, 23, 11. 13. 18. lit. 23, 2. Dig., 28, 1, 8, 1.
48, 13, 3. tit. 22, 14. 1. 1. 13, pr. 1. 18, 1. Cod., 9, 47. 8.
(3) Auguste alloue à sa lille Julia une annuité (annua) que lui retire
Tibère (Suétone, Tib., 30). Sous Caligula, un banni demande la permission
d'emmener un nombre d'esclaves supérieur à celui qui lui a été accordé
(Dion, 59, 8). Sénéque, Cons. ad Helv., 12 : ut majus vialicum exidum sit,
quam olim palrimonium principum fuit. Tacite, Ann., 12, 22 : {Loilia) puhli-
catis bonis (ce qui implique une déportation ; car en cas de simple relé-
gation il n'y a pas confiscation de la totalité du patrimoine) cederet Itulia;
ita quinquagies sestertium (3 millions) ex opibus immensis exuli relictum.
Pline, Ep., 4, M, 13 : ipsi permisit {Domitianus), si qiia posset ex rébus suis
raperet anle quam bona pubiicaventur. On alla encore plus loin dans la der-
nière période (III p. 339 n. 5). — Si la femme mariée n'est privée de la
dot qu'autant qu'elle est condamnée pour crime de lèse-majesté, de meur-
tre (parricidli, veneficii, de sicariis) et de violence grave (Dig., 48, 20, 3), il
y a là, semble-t-il, un privilège des femmes qui se rattache à la dépor-
tation. Par contre, la confiscation qui frappe le mari s'étend parfois à la
dot de la femme (Plutarque, C. Gracch., 17).
(4) Dans les sources juridiques la confiscation de la totalité du patri-
moine n'est liée à la relégation qu'en cas de circoncision de personnes
n'appartenant pas à la nationalité juive (Paul, 5,22.3). Mais, en pratique,
les tribunaux répressifs l'ont souvent prononcée dans d'autres cas. Tra-
jan. Dig., 48. 22, 1 : scio relegalorum bona avaritia superiorum temporum fisco
vindicata ; sed aliiid clemenliae meae convenlt-, qui intev cetera... hoc quoque
retnisi exemplum. On peut citer ici les cas rapportés par Tacite, Ann., 12,
22. 15, 71. 16, 33, à la condition d'admettre que ces textes ne se rappor-
tent pas à la déportation.
(3) César pose comme règle la confiscation de la moitié du patrimoine
CONFISCATION DU PATRIMOINE 365
Par contre, la relégation à temps n'est pas accompagnée d'une (1011)
confiscalion même partielle (1).
Les formes de la confiscation des biens qui échoient à l'Etat
seront indiquées à propos des amendes pécuniaires.
(III p. 363 n. 3); plus tard on voit apparaître comme règle la conûscation
d'une quote-part. Marcieu, Dig., 48, 22, 4 : eorwn qui in perpeluum exilium
dati siint vel relegati, potest guis sententia bonovum partem adimere. Par
exemple, Paul lie à la relégation à perpétuité la confiscation de la moitié
du patrimoine en cas de coups ayant entraîné la mort (5, 23, 4; modifié
aux Dlg., 48,8,17), d'adultère (Paul, 2, 26, 14) et dans d'autres hypothè-
ses encore (5, 23, 8; tit. 30 B, 1); et celle d'un tiers du patrimoine pour
les cas de violence grave (o, 26, 3) et de déplacement de borne (3, 22, 2).
(1) Ulpien, Dig., 48, 22, 7, 4 : ad lemptia relegatis neque tola bona neque
parlem adimi dehere [re]scriplis quibusdam manifestalur, veprehensaeque sunt
senlentiae eonim, qui ad tempus relegatis ademerunt partem bonorum vel bona,
sic lamen ut non infirmarentur sententlae quae ila sunt prolatae. Papinien,
Dig., 49, 14, 39, pr.
(1012)
SECTION XI
LES AMENDES
Différentes
espèces
d'amendes
pécuniaires.
Les amendes de bétail et plus tard les amendes pécuniai-
res (1) — la pratique judiciaire romaine ne s'est pas facilement
servie en matière d'amendes d'autres objets (2) que ceux qui
sont d'un emploi général comme instruments d'échange (3), —
apparaissent dès une haute antiquité dans le droit pénal public
et dans le droit pénal privé et n'y jouent jamais le rôle de pei-
nes accessoires, mais toujours celui de peines principales. On les
y rencontre sous la triple forme de l'amende fixée par le ma-
gistrat, de l'amende légale et de l'amende judiciaire, suivant
que le montant de la peine est déterminé par l'appréciation du
(1) La transformation des amendes de bétail en amendes pécuniaires,
mentionnée tant pour le sacramentum^ forme la plus ancienne d'amende
et dont le taux était fixé par la Ipi, que pour l'amende de coercition, a été
exposée plus haut à propos de la coercition (I p. 56). Les annales pla-
cent cette transformation pour le sacramentum peu de temps avant la loi
des XII Tables et pour les amendes de coercition quelques années après
cette loi; celle-ci no connaît que des amendes pécuniaires.
(2) Dans la dernière période on trouve parfois des amendes d'esclaves :
ainsi, par exemple, dans C Th., 4, 8, 5, 1. 1. 8. C. Jiist., 6, 1, 4; dans ce
dernier cas, on a la faculté de se libérer en payant 20 sous d'or par tète
d'esclave.
(3) L'affirmation de Gaius, 4, 48, que la condamnation de la procédure
civile exige une pecuniaria aestimatio, s'applique également aux amendes.
Les débuts du système des amendes à Rome montre que le droit du pa-
trimoine a eu pour point de départ chez les lloiuains la fortune mobi-
lière.
LES AMEXDEb 367
magistrat ou fixé une fois pour toutes par la loi ou arrêté dans
chaque cas concret par l'évaluation d'un jury. Il n'y a dans la
terminologie romaine de terme technique que pour désigner
l'amende qui échoit à la communauté. A proprement parler,
le mot multa ne s'applique qu'à l'amende de coercition pro-
noncée par le magistrat au proût de la communauté, cette
amende est plus ancienne que celle du droit pénal et c'est la
seule à laquelle s'applique exactement l'acception primitive du
mot empruntée à l'idée de multiplication, d'augmentation suc-
cessive. Dans un langage tout à fait rigoureux, cette expression
ne s'applique en droit pénal qu'à l'amende infligée dans la pro- (1013)
cédure des magistrats et des comices (1) et celte restriction est
raisonnable ; car laliberté d'appréciationdu magistrat qui cons-
titue l'essence de l'amende de coercition se retrouve dans cette
catégorie, tandis que les amendes légales et judiciaires échap-
pent à une telle appréciation. Mais dans un sens plus large,
très ancien et courant, le mot multa désigne toute amende
qui échoit à la communauté, même les amendes légales (2)
(1) Varron, De l. L., 5, 177 : mulla a pecunia, quae a magistralibus dicta,
ut exigi posset oh peccatum, définition plus exacte que le bref extrait d'un
autre écrit de Varron qu'on trouve chez Festus, p. 142 : multam... M. Vario
ait poenam esse, sed pecuniariam. Cet usage du langage est suivi par Plante,
chez qui la multa est toujours l'amende infligée par le inagistrat (ainsi
Capt.. 494 par rapport à la lej barbarica et Rud., Prol., 20 où Jupiter dans
le procès multat le vainqueur malhonnête majore multa) et nettement aussi
par les droits municipaux espagnols qui, sauf une seule exception {lex
col. Cen., c. 81), évitent toujours l'emploi de ce mot dans les nombreuses
prescriptions par lesquelles ils établissent des amendes légales; à vrai
dire, c'est là du purisme. Nous avons déjà fait remarquer (I p. 13 n. i)
que seul le substantif a ici une valeur technique et que multare est au
regard de multa dans le même rapport que damnare par rapport à dam-
num. Plante dit déjà multare infortunio {Merc, Prolg., 21) et multare ma-
trimonio {Amph., 832). Cicéron, Deoff., 1, 43, 194 : vitia hominum alque frau-
des damno, ignominia, vinclis, verberibus, exiltis, morte tnultantur. Le verbe
peut être associé à iWute espèce de peine.
(2) Loi sur le bois sacré de Spolète (Bruns, Fontes o, p. 260) : a[sses) CCC
multai sunlod. Fragment de Tuder C. 1. L. XL 4632 =: Bruns, Fontes « p. loo.
Rhet. ad lier., i, 11, 20 à propos de l'amende infligée à l'augure pour no-
mination défectueuse; Cicéron, Verr., i, GO, 133. !36 à propos de la multa
pour violation de la loi sur l'intercession ; Cicéron, Pro Ciuentio, 33, 91.
33, 96. 37, 103 à propos de la multa pour violation de la ] A sur les jurys ;
368 DROIT PÉNAL ROMAIN
et judiciaires (1). — Nous avons déjà exposé dans le Li-
vre I (I p. 13 et sv.) que l'amende destinée à la victime
s'appelait originairement damnum, lorsqu'elle était judiciai-
(1014) rement déterminée, et était désignée dans le droit des XII
Tables par le terme poenae emprunté au grec, lorsqu'elle
était fixée par la loi. Cette terminologie rend déjà vraisem-
blable q\ie l'amende judiciaire est ici [ilus ancienne que l'a-
mende légale et des arguments de fond confirment absolu-
ment cette conjecture. Mais les deux termes de dammim et
de poena ont rapidement perdu leur signification originaire;
damnum ne s'est maintenu avec cette acception que dans
quelques formules techniques et le mot poena, abandonnant
la forme pluriel du début, a designé la notion générale de
peine et embrassé toute expiation du délit public ou privé
assurée par l'Etat. J/z</to n'est jamais employé pour l'amende
à payer au particulier et damnum ayant changé de sens, il
n'y a plus dans la dernière période du droit romain de terme
technique pour la désigner.
1. L'amende infligée dans la procédure des magistrats
et des comices.
Apparition Si l'ou fait abstractiou delà coercition, le droit pénal public a
p6cunu'ire difficilement connu à ses débuts l'amende pécuniaire. De même
publique.
Gicéron, Pro Caec, 30, 98 à profos do la leçi'ia mitltadji citoyen romain,
qui n'obéit pas à l'ordre de s'établir dans une coloiùe latine; Gicéron,
Unit., 34, 131 à propos Je la multa le;/e Aquilia qui do t être réclamée de-
vant le préteur et qui par conséquent est certainement une amende fixe
(où les mots suivants de justilia sont corrompus); GicJron, De re p., 2,
35, 60 : de mutlae sacramento Sp. Tarpeius et A. Alern'uis consules (année
300/454) comiliis centurlalis tulerunt où Madvig corrige sans raison multa
et sacramento; l'amende procédurale à laquelle il est fait ici allusion, le
sacramentum . est une amende de bétail ou une amende pécuniaire légale,
elle est donc aussi une multa. Paul. Dig., 50, !6, 244 étend aussi le mot
par la fin du texte : n'm cum loge conslituttnn est, c/itanfam (mullam) dicat k
la peine pécuniaire fixe.
(!) Le.T miiniripii Tarenlinl, 1. 2. 4 pour cause de péculat : quadruplum
mullue ealo. Si nous avons peu de preuves i\ citer en ce sens, la seule
cause est (jne les amendes destinées à la comiuunaulé sont rarement
fixées par la sentence d'un jury.
LES AMENDES 369
que les plus anciens crimes sont tous capitaux, de même les
Ilviri pcrduellionis et les quaestores parricidii n'ont reçu que
la juridiction capitale (I p. 177 et 178) ; ni les uns ni les autres
ne sont vraisemblablement compétents pour les procès d'a-
mende. Les meilleurs récits relatifs à l'introduction de la pro-
vocation n'indiquent cette réforme que pour la peine capitale (1).
Dans la loi des XII Tables elle-même le procès capital paraît
seul admis ; le procès d'amende ne semble pas y avoir été ren-
voyé au concilium plebis, mais être complètement écarté (2).
Comme pour toute condamnation publique, il faut pour pro-
noncer une amende de droit pénal s'appuyer sur une loi pénale
ou sur une coutume assimilée à la loi. Toutefois, cette règle
doit être ainsi entendue que dans les cas où la loi prescrit une
peine capitale on peut faire abstraction de la vieille procédure
patricienne et recourir à la procédure pénale plébéienne plus
souple (3); la coutume (4) donne en effet au tribun le choix (1015)
(1) I p. 46 n. 1. Seul Denys, 5, 19 cite à côté d'elle l'amende.
(2) La disposition de la loi des XII Tables sur le procès capital attribue
celui-ci aux centuries et a certainement pour but d'écarter toute procé-
dure analogue devant la plèbe (II p. 194 n. 2) ; en résultait-il que le procès
d'amende devait être réservé à cette dernière, ou bien n'y avait-il pas
encore à cette époque d'action de ce genre dans la procédure pénale pu-
blique? c'est un point qui est douteux. Mais l'interprétation des mots
ferre de capite civis par ferri de singulis que donne Cicéron (De leg., 3, 19, 44)
lève tout doute à cet égard; car cette explication n'est exacte que si la
loi des XII Tables embrassait toute la procédure pénale publique de l'é-
poque, donc que si elle ne connaissait pas le procès d'amende qui a éga-
lement lieu de singulis.
(3) I p. i9:> n. o et 193. D'après la tradition, la procédure pénale tribu-
nicienne a pu de tout temps tendre à une amende pécuniaire et cette
affirmation peut être exacte en ce sens que la loi des XII Tables, qui
interdisait la procédure capitale plébéienne, ne supprimait pas le procès
d'amende plébéien peut-être déjà existant, mais ne le reconnaissait pas
officiellement comme procès pénal public. Gpr. III p. 397.
(4) Un tribun de la plèbe requiert dans l'anrjuisilio tout d'abord une
amende, puis la peine de mort, et voit sa conduite attaquée comme con-
traire au droit et soumise pour cette raison à un appel aux autres tri-
buns. Ceux-ci rejettent cet appel et déclarent qu'il est permis de faire
l'anquisitio seu legibus seu moribus (Tite-Live,'26, 3, 8). U anquisitio capitale
étant sanctionnée par la loi des XII Tables, cette réponse peut seule-
ment signifier que l'anquisitio d'amende est apparue moribus et n'a pas de
fondement légal. C'est pourquoi dans une terminologie rigoureuse (I p. 191
Droit Pénal Romain. — T. III. 24
370 DROIT PÉNAL ROMAIN
entre le procès capital devant les comices patricio-plébéiens
et le procès d'amende devant le concilhnnplebis. Les autres
autorités compétentes pour la procédure pénale devant les co-
mices, c'est-à-dire les édiles curules, les édiles de la plèbe (1) et
\e, pontifex maximus, n'ont juridiction que pour les procès
d'amende.
Modalités Quant aux modalités de l'amende infligée dans la procédure
de l'amende j • i
publique. <i6s magistrats et des comices, le magistrat a le choix entre
l'amende en faveur de Vaerarium romain {multani inrogare,
I p. 191 n. 3) et celle en faveur de la caisse d'un temple
romain (m sacrum judicare) (2). La fixation de la somme dé-
pend dans les deux cas de l'appréciation du magistrat, exacte-
ment comme dans la mului de coercition ; la loi ne peut pas ici
fixer le montant de l'amende, elle indique seulement les bor-
nes dans lesquelles le pouvoir d'appréciation du magistrat a
la liberté de se mouvoir. 11 ne semble pas y avoir eu à cet
égard de limites d'un caractère général (3) ; en particulier, les
amendes tribuniciennes ne paraissent pas aA'oir fait l'objet de
restrictions de ce genre. Les chiffres qui nous sont parvenus
(II p. 300 n. 1 et 2) oscillent entre des sommes modiques, in-
férieures à la limite maxima de la coercition et tendant à
donner à l'amende le caractère d'une peine contre l'honneur
et le taux d'un million d'as (200 000 marks). Par contre, on
trouve pour la multa du magistrat, dans les lois spéciales sur
n. 3) on oppose judicium comme condamnation capitale à la multae inro-
gntio.
(1) Le procès pour yoI de récoltes, qui est capital d'après la loi des
XII Tables, se présente dans la suite comme procédure d'amende édili-
cienne {III p. 81 n. 2).
(2) I p. 182 n. 2. L'alternative nous est indiquée par la loi Silia et par
le fragment de Tuder. Dans ce dernier texte mtiUare est remplacé par
popuUJudicio pelcre avec transformation inexacte de la confirmation coiui-
tiale requise pour la sentence du magistrat en une demande d'amende
devant les comices. Nous avons déjà fait remarquer III p. 236 que Vaera-
rium populi Romani n'est pas, en droit, distinct de la caisse des dieux de
la cilé.
(3) On no peut déduire le contraire du passage de Fronton (III p. 371
n. 2).
LES AMENDES 371
lesquelles reposent les actions édiliciennes, des maxima rela- (i016)
tifs, fixés soit à la moitié (1) du patrimoine du condamné, soit
à une somme inférieure de 1000 sesterces à cette moitié (2).
— La décision sur l'amende appartient en dernier ressort au
peuple réuni en tribus ; un procès d'amende a difficilement
pu être porté devant les centuries (I p. 195 n. 2). Il s'agit tou-
jours dans cette instance devant le peuple d'une confirmation
ou d'une cassation de la sentence pénale prononcée par le ma-
gistrat, la réformation de cette sentence par le peuple est éga-
lement inadmissible en matière d'amendes.
2. L'action prétorienne en réclamation d'une amende
pécuniaire ûxe.
L'institution de l'amende pécuniaire fixe établie par la loi L-amende
au profit de la communauté appartient au très ancien droit et fl^Tétlbiie
a fait de bonne heure son apparition dans la procédure civile paruneioi.
— il suffit de rappeler pour la première partie de cette affir-
mation le sacramenttim (III p. 382) et pour la seconde les
peines de la loi des XII Tables (III p. 153. 157) — ; elle a eu
à toutes les époques un très large champ d'application. Mais,
comme nous l'avons déjà fait remarquer dans le Livre I
(I p. 5), elle appartient plus à la théorie des obligations
qu'à celle du droit pénal; car elle ne satisfait* pas aux règles
de l'éthique sur lesquelles se fonde ce dernier. La réparation
de la faute morale par le paiement d'une somme d'argent est
un expédient du droit public; l'imperfection de ce mode de ré-
pression s'accuse déjà d'une manière frappante dans ce fait que
(1) Loi Silia (I p. 182 n. 2) contre la falsification des poids et mesures
par un magistrat : dum minore parti familias taxât.
(2) Caton, chez Aulu-Gelle, 6, 3, 37 : mille minus dimidium familiae multa
esta. Fronton, Ad Anton, imp., 1, 5, p. 103 (Naber) : antiquitus multas in^
rogari mos non fuit [nisi] mille minus dimidio. Fronton parle expressément
de la multa irrogata et Caton aurait difficilement appelé multa la peine
pécuniaire dont le taux eût été fixé par une loi. Il est plus vraisemblable
que nous avons ici à faire à une formule analogue à celle de la loi Si-
lia.
372 DROIT PÉNAL ROMAIN
la somme payée est toujours la même quelle que soit la situation
personnelle du coupable. En outre et surtout, l'interdiction d'un
acte sous peine d'une amende pécuniaire fixe donne la faculté
d'accomplir cet acte à la condition de payer l'amende; la loi
d'amende se transforme ainsi dans une certaine mesure en
une loi fiscale (1). Pour faire rentrer dans le droit pénal les
actes frappés par la loi d'une amende pécuniaire fixe, il faut
s'attacher au caractère moral de l'acte interdit et à l'intention
(1017) du législateur. Toutefois, les limites entre les actes moralement
indifférents, ceux qui sont moralement blâmables et ceux qui
sont punissables comme crimes sont fuyantes et la législation
poursuit fréquemment ici le double but d'entraver certains ac-
tes et de tirer de leur accomplissement un profit pour la com-
munauté. C'est pourquoi l'on ne trouve qu'un très petit nom-
bre de peines pécuniaires fixes dans les domaines où le droit
pénal parvint à son plein épanouissement. Ce mode de répres-
sion fut supprimé après coup dans les matières oîi il avait été
primitivement admis, comme cela eut lieu de bonne heure
pour le délit privé d'injure (III p. IIG) et plus tard pour
le délit public de rapt d'homme (III p. 92). Dans le droit pé-
nal développé, l'amende pécuniaire fixe ne subsiste que pour
des cas secondaires (2).
Réclamation L'umcude pécuuiaire fixe se fonde toujours sur une loi spé-
par voie ^ialequi détermine le délit, la forme de procès et le taux de la
de procédure ^ t. r
civile. peine. Lorsqu'il n'y a pas exécution préalable, comme en cas de
sacramentum, l'amende, qu'elle soit établie en faveur d'un par-
ticulier ou de la communauté, est traitée à l'instar d'un prêt
comme dette d'argent stipulée (3); sa demande est désignée
(1) II p. 219. On connaît la critique caustique qui a été faite des peines
de l'injure d'après la loi des XII Tables.
(2) Il faut citer ici les actions privées en réclamation d'une peine
pécuniaire fixe fondées sur l'homicide par culpa d'un homme libre
(III p. 158), sur une violation de sépulture (III p. 130) ou sur un dom-
mage qui menace la chose d'autrui (III p. 162).
(3) Cette idée est formulée de la manière la plus explicite dans la plus
ancienne prescription de ce genre qui nous soit parvenue, c'est-à-dire
dans la loi de Bantia, 1. 9 sv : [seslerlium . . . nummum populo dure dam-
LES AMENDES 373
par le mot petere (1), employé seul ou renforcé par d'autres
expressions et sa prestation est exprimée par le mot dare (2), (1018)
employé seul ou renforcé par d'autres expressions, et rien n'ac-
cuse le caractère délictuel de l'action. L'amende qui échoit à
la communauté est, comme nous l'avons exposé dans le Li-
vre II (I p. 208 et sv.), réclamée devant le tribunal civil (3)
nas esto ou toute autre formule analogue suivant la rédaction adoptée
ici ;dans la loi Osque : molto etanlo estud n. oooo — et] eam pequniam quel vo-
let magistratiis exsiqito. Set postiilabit quel petet p{opulo ?), recuperatores
[... praetor quos quoique dari opo]rteat dato joubetoque eum, sei ita pariât,
condumnari popul{o) facitoque jou-dicetur, puis viennent des dispositions
sur la faillite éventuelle et sur la multae inrogatio facultative (I p. 182
n. i). La rédaction la plus ancienne qui nous soit parvenue est celle de
la loi sur le bois sacré de Spolète (Bruns, p. 260) : Jovei bovid piaclum da-
tod et a(sses) CCC inoltai sunlod ; ejus piaeli moliaique dicator[ei] (mot dont on
n'a donné que des explications peu sûres) exactio est[od]. Nous trouvons
un grand nombre de dispositions plus brèves.
(1) Nous rencontrons pour les amendes légales la formule simple eius
pecuniae petitio esto, qui se présente dans la les municipii Tarentini, 1. 53,
dans la lex Julia agraria, dans la lex Julia municipalis et dans les lois mu-
nicipales espagnoles. Dans ces dernières, on trouve fréquemment aussi
les formules petitio persecutioque esto, ou actio petitio persecutio esto dans
lesquelles s'accuse déjà l'usage du latin juridique postérieur d'accumuler
sans raison des termes synonymes. La tentative faite par Ulpi'en (Dig.,
50, 16, 178) de différencier la portée de ces trois mots ne peut se concilier
avec l'emploi des formules ci-dessus dans les lois L'expression synonyme
exigere apparaît dans la loi de Bantia (III p. 372 n. 3) et dans la loi sur
le bois sacré de Spoléte (III p. 372 n. 3), elle se cumule avec petere par
rapport à l'amende pécuniaire judiciaire dans la lex municipii Tarentini
{loc. cit.). Le fragment de Tuder (III p. 370 n. 2) emploie incorrectement
petere pour la multae inrogatio.
(2) Le simple dato a été refoulé dans l'usage par la formule dare dam-
nas (:= damnatus) esto ; celle-ci ne dit pas au fond plus que la première,
ainsi que le prouvent les sources (Gains, 2, 201. Ulpien, Reg., 24, 4. Dig.,
50, 16, 178, 3) et l'analyse de la phrase elle-même ; elle signifie littérale-
ment » qu'il soit tenu à la prestation de prester » et contient par consé-
quent une tautologie ; cette expression n'est pas très ancienne, car elle
eût été une absurdité aussi longtemps que les esprits gardèrent nettement
conscience du sens originaire de dare r= donner en propre et de damnare
= faire donner. La formule dare damnas esto se présente à nous pour la
première fois dans la loi agraire de 643/111, 1. 112, puis dans la lex Julia
municipalis où elle n'est le plus souvent reproduite que par ses initiales
(1. 99. 107. 125. 140; autrement 2. 19). On la trouve très fréquemment
plus tard ; dans les lois municipales espagnoles elle est assez souvent
précédée de municipibus ou in publicum municipibus. — Il n'y a pas de subs-
tantif corrélatif à petitio.
(3) S'il y a eu dans la procédure des quaestiones des amendes légales
374 DROIT PÉNAL ROMAIN
par le représentant de la communauté — soit un magistrat,
soit un citoyen quelconque suivant la prescription de la loi spé-
ciale — exactement comme le fait le simple particulier pour
l'amende établie à son profit. Lorsque les intérêts de la com-
munauté sont confiés à un magistrat, la loi laisse fréquemment
à celui-ci la faculté ou d'infliger une amende arbitraire sous
réserve de la décision des comices ou de demander devant le
tribunal civil l'amende dont le taux est fixé par la loi (1).
Tandis qu'en matière d'impôts et pour toutes les créances de
la communauté traitées d'une manière analogue la procédure
civile est écartée et les difficultés, s'il en surgit, sont tranchées
par voie de procédure administrative, la décision sur les amen-
des destinées à la communauté appartient nécessairement au
préteur et aux jurés. Cette différence constitue l'importance
politique de ces amendes, elle assure ici une protection juri-
dique contre l'arbitraire administratif. Après la chute de l'ins-
titution du jury, les amendes au profit de l'Etat, maintes fois
infligées même dans la dernière période, notamment pour les
(1019) fautes professionnelles, sont prononcées par voie de cognitio^
donc dans une procédure administrative.
Taux de Le moutaut de l'amende pécuniaire fixe est déterminé par
la loi spéciale. Les amendes de cette catégorie établies au profit
de la communauté sont souvent si importantes que l'existence
civique du coupable est par là détruite et il semble que les
procès d'amende devant un unus judex ou des récupérateurs.
fixes, les sentences de ces jurys ont été soumises à cet égard aux règles
de la procédure civile. Nous n'avons toutefois pas de preuve certaine que
rien de tel ait eu lieu ; nous ne savons pas dans quelle forme s'appliquait
l'amende fixe en matière de plagium (III p. 92). — Si dans la plus fausse
de toutes les légendes romaines, dans la fable de Camille, il est dit d'un
plébiscite, ut si M. Furiusp7-o dictatore fjuid egisset, quingendim milium ei mulla
esset (Ïitc-Live, 6, 38, 9 ; autrement, mais non pas mieux : Plutarquo,
Cam., 39;cpr. St.R., 2, 163, n. 3 [Dr. PubL, 3, 189, n.3.]), l'auteur n'a cer-
tainement pas songé ici à un procès prétorien ; on peut même se deman-
der s'il a pensé à une procédure quelconque.
(1) I p. 182 n. 2. Le choix, en cas de négligence dans le culte du dieu
César, entre la peine capitale et une amende fixe d'un million de sester»
ces(Dion, kl, 18) est une monstruosité d'époque révoluUonoaire.
l'amende fixe.
LES AMENDES 575
le plus souvent intentés par un magistrat, ont été fréquem-
ment utilisés ou exploités dans ce Lut. (1) La somme la plus
élevée qui soit mentionnée pour les amendes romaines au profit
de l'Etat est, comme en matière de multa inrogata, celle d'un
million de sesterces (2). Les lois municipales nous présentent
des amendes de 100.000 sesterces pour les délits où l'aristo-
cratie romaine est en cause (3); en dehors de là ces peines dé-
passent rarement la moitié de cette somme (4). Dans les cons-
titutions de la dernière période, le montant des amendes,
ordinairement déterminé en livres d'or, est le plus souvent
très élevé, notamment lorsqu'elles s'appliquent aux magistrats
et à leurs officiales.
3. L'action prétorienne estimatoire en réclamation
d'une amende.
La fixation de l'amende pécuniaire par un arbitre n'est pas Amende après
possible dans la procédure des magistrats et des comices (5), ^^^'™*''°°-
(1) A l'époque de Sylla le sénateur Q. Opiinius, poursuivi pour viola-
tion du droit d'intercession, fut ruiné par un procès d'amende de ce genre
(Cicéron, Vei-r., 1. 1, 60, 155 : paucos homines... Q. Opimium... fortunis om-
nibus evertisse; 156 : in bonis Q. Opimii vendendis) ; il en fut de même de G.
Junius à la suite d'un manquement à la loi sur les jurys (Cicéron, Pro
Cluentio, 33) ; Cicéron nous dit dans le premier texte que la suppression
générale de ces actions d'amendes a souvent été demandée dans le sénat
{ut çjenus hoc totum multaram atqite pjusmodi jiidiciorum tollerelur).
(2) Dion, 47, 18 (III p. 374 n. 1). Loi pénale do Tuder (ÏII p. 130 n. 9), pour
violation de sépulture, semble-t-il. La lex JuUamunicipalis va encore plus
loin, lorsqu'elle (1. 19) fixe la peine de 50000 sesterces par boisseau en
cas do répartition injuste des céréales.
(3) La lex coloniae Genetivae.c. 130 établit une peine de 100000 sest. pour
l'élévation illégale d'un sénateur romain au rang de patron de la ville,
et la loi de Malaca, c. 01, prescrit une amende de 10000 sest. pour la
création illégale d'un patron de la ville.
(4) La loi Fabia fixe l'amende à 50000 sost. pour le rapt d'homme
(III p. 92); la Lex Ju lia municipalis inflige en général une amende identi-
que pour violation des lois de la communauté. De même 500 aurei : Dig.,
2, 1, 7, pr.
(o) Lorsque la nature du délit public exige qu'à côté de la peine publi-
que il y ait prestation de l'indemnité du dommage causé, comme cela
est le cas pour l'incendie, le vol de récoltes et le péculat, le particulier
ou la communauté victime a vraisemblablement eu de plein droit une
L>
376 DROIT PÉNAL ROMAIN
(1020) elle l'est au contraire dans l'action privée et dans la procédure
des qiiaestiones . On rencontre des amendes de cette sorte au
profit de la communauté, mais elles sont rares (III p. 368
n. \); les actions délictuelles privées, au contraire, reposent
en principe sur une évaluation de ce genre. La fixation du taux
de la peine a lieu suivant des règles posées par les lois pour
limiter l'appréciation des jurés eten déterminer le fonctionne-
ment. Il faut ici distinguer l'évaluation du préjudice causé au
patrimoine par le délit et la procédure estimatoire qui en est
indépendante. Lorsque le délit entraîne un dommage pour le
patrimoine, donc dans les actions privées pour vol et dommage
causé à la chose d'autrui et dans la procédure des quaestiones
pour péculat, sacrilegium et repetundae, le tribunal, après
s'être convaincu que les éléments du délit sont réunis, déter-
mine par uneévaluation (.^/es^/mr/Zio) l'importance du préjudice
subi (1), c'est-à-dire le quanti eo res est, d'après la terminolo-
gie romaine (2), ou le montant des dommages-intérêts, d'après
l'usage actuel du langage (3). La loi pénale précise comment
s'opère le règlement de ce dommage. L'amende qu'elle fixe peut
correspondre au montant du préjudice ainsi établi, mais parfois
on ne se place pas au moment du délit pour déterminer la va-
leur de la chose, principal élément pour calculer l'étendue du
action civile ou un moyen de procédure analogue. La multa, infligée dans
la procédure des magistrats et des comices, pouvait en cas de dommage
subi par la communauté, rendre l'action d'indemnité inutile, mais ne la
remplaçait pas en droit. Les sources mentionnent à peine cette double
procédure.
(1) La division de la procédure dans cette catégorie de procès se révèle
de la manière la plus nette dans l'action de repelundae: on distingue ici
le véritable débat sur le délit et la litium aestimatio, (III p. 24). Elle se
retrouve aussi dans le péculat (III p. 78), le furtum (III p. 58) et le
dommage causé à la chose d'autrui (III p. 152).
(2) Telle est l'expression ordinairement employée dans les droits mu-
nicipaux espagnols : quanti ea res erit, tantam pecuniam dare damnas esto,
et dans les Notae Juris de Probus {Gramm. Lat., 4, p. 274) : quanti ea res
erit, tantae pecuniae judicium recuperatonum dabo. L'exagération de la de-
mande (plus pelere) n'est donc pas possible ici ; car elle implique toujours
une créance de somme déterminés (Gains, 4, 51).
(3) Les notions d'indemnité du préjudice et de peine doivent être enten-
dues comme nous l'avons indiqué I p. 14 n. \.
LES AMENDES 377
dommage, on tient compte de la plus haute valeur que la
chose a eue pendant un certain délai (l);dans d'autres cas,
l'amende comprend à côté de l'indemnité du préjudice un sup-
plément pénal (2). Il y a ordinairement dans l'action pénale
privée une multiplication de l'indemnité du dommage (3) ; elle (1021)
a lieu soit dans certaines circonstances, notamment en cas
de négation dolosive du. fait délictueux (III p. 154 n, 6), soit
d'une manière générale, comme en cas de vol. La législation
pénale romaine n'a jamais admis d'amende supérieure h celle
du quadruple, que nous rencontrons en cas de vol privé mani-
feste, en cas de vol public et en cas d'usure (4). Ses dispositions à
cet égard ne peuvent être pleinement exposées qu'en droit ci-
vil, nous les avons indiquées ici dans la mesure nécessaire à
propos des différents délits.
Lorsqu'on ne peut s'attacher au montant du dommage subi
pour fixer l'amende, ce qui est notamment le cas en matière
d'injure, le demandeur, depuis qu'on ne tient plus compte de
la fixation légale du taux des amendes pour injures, réclame
une somme d'argent déterminée. Le préteur l'inscrit alors
dans la formule et cette mention a, dans la procédure plus ri-
goureuse de la loi Cornelia, une valeur absolue en ce sens que
le jury a seulement le choix ou de condamner à cette somme
(1) Ainsi en est-il dans l'action de la loi Aquillia : qiianli id in. eo anno
plurimi fuit, tantum aes dare domino damnas esto {Dig., 9, 2, 2, pr. cpr.
Gaius, 3, 210).
(2) Loi Quinctia sur la détérioration des aqueducs (Frontin, De aquis,
c. 129 [Girard Textes'^, p. 104]) : is populo Romano [H S] C tnilia dare damnas
esto et quidquid (il faut lire ainsi au heu de quidam, quid) eorum ita fecerit,
id omne sarcire . . damnas esto. Lex coloniae Genetivae, c. 61 : dupli damnas
esto colonisque ejus coloniae HSXX d(are) d(amnas) esto. Les règles adoptées
pour la répression du furtum aboutissent aussi à une double punition
par suite de l'admission de l'action qui sanctionne le droit de propriété
à côté de l'action fondée sur le délit.
(3) Cette multiplication s'exprime dans la formule par la modification
des mots tantam pecuniam, par exemple en tantum et alterum tantum (loi
de Malaca, c. 67).
(4) Les aclionsciviles en réclamation de huit foislemontant du dommage
promises par l'édit de Verres pour la province de Sicile (Gicéron, Verr.,
3, 10, 26 sv.) sont des preuves caractéristiques de l'administration arbi-
traire de ce gouverneur de province.
37S DROIT PÉNAL ROMAIN
OU d'acquitter (1). Dans la procédure ordinaire, elle a simple-
ment le caractère d'une taxatioÛQ maximum (2), de telle façon
que le jury saisi ne peut dépasser la somme portée dans la
formule;, mais peut condamner à une somme inférieure
(III p. 119).
Les règles applicables aux confiscations prononcées en fa-
veur de la com munauté et à l'encaissement des amendes échues
à la communauté ou à un particulier sont en substance celles
qui régissent en droit civil la succession universelle et les
actions de créance ; pour les voies d'exécution en cas de pei-
nes pécuniaires destinées à des particuliers nous n'avons qu'à
renvoyer au droit civil. Ici, nous avons à traiter tout d'abord
des formes de l'exécution des peines pécuniaires en faveur
de la communauté, nous déterminerons ensuite les caisses
publiques dans lesquelles tombe le montant de ces peines.
(1022) Le soin de réaliser les droits patrimoniaux qui compétent à
Réalisation par la communauté à titre de peine incombe régulièrement au ma-
des^cTnûscaUonsoistrat qui Ics a fait naître, donc, s'ils résultent d'une procé-
ct des amendes (j^pg comitiale à cclul qul l'a intentée, notamment à celui qui a
au profit de la i 7 • • 1 1
communauié. défcudu avcc succès la multae inrogatio devant l'assemblée du
peuple (3), et si la confiscation ou l'amende a sa source dans la
sentence d'unjury ayant forcede chose jugée, au magistrat qui
a dirigé la procédure du jury. Ce magistrat est ordinairement
à Rome, en cas d'amende réclamée par voie de procès civil, le
(t) Le motif de cotte règle est principalement qu'il est encore plus dif-
ficile pour un consilium que pour un unus judex de procéder à une estima-
tion, lorsqu'il n'y a pas d'élément d'appréciation saisissable pour déter-
miner le montant du dommage.
(2) La formule contient ici la clause suivante : quantum ob eam rem ae-
quum esse videbititr {l)i<j., 47, 10, 17, 2).
(3) Dans la procédure d'amende contre L. Scipion, sur laquelle les dé-
crets authentiques d'intercession rapportés par Aulu-Gelle, 6, 19, nous
donnent les meilleurs éclaircissements (pour les autres récits : Rom.
Forsch., 2, 472 sv.), le tribun qui triomphe exige du condamné que celui-
ci lui fournisse des cautions de prestation {praedes). Dans la loi do Ban-
lia, 1. 12, les mots décisifs manquent.
du patrimoiDC
confisqué.
LES AMENDES 379
préleur urbain (1), et en cas de procédure de quaestio, le pré-
sident de cette dernière (2); les procès du naême genre, inten-
tés hors de Rome, ont dû être régis par des règles analo-
gues (3). La condition préalable de cette réalisation est que le
jugement ait obtenu pleinement force de chose jugée; ce fut,
semble-t-il, une rigueur particulière du procès de repetundae
de permettre l'exécution immédiatement après la réponse
affirmative des jurés sur la question de fait et avant la fixa-
tion du montant de la peine par voie d'estimation (4).
En cas de confiscation du patrimoine, la saisie en faveur de saisie
l'Etat suit les règles ordinaires; même lorsque la confiscation
se restreint à une quote-part du patrimoine, nous ne trouvons (1023)
nulle part mention d'une divergence de procédure, — En ma-
tière d'amendes, l'exécution consiste en ce que le magistrat
compétent requiert le condamné de fournir des cautions ga-
rantissant la prestation (/3raey/c?e5 =^ praedes) pour le montant Praedes.
de la peine, ou, dans leprocès de repetundae, pour une somme
fixée par le tribunal suivant l'issue présumée de l'estimation;
ce magistrat statue arbitrairement sur le nombre de ces cau-
(1) Le particulier demandeur qui fait triompher dans un procès civil
une créance de la communauté ne doit pas pouvoir en assurer le recou-
vrement ni par lui-même, ni par le questeur ; car dans le premier cas la
remise de la prestation àl'aerarium ne serait pas certaine et la seconde
hypothèse se heurte à cette objection que la réquisition d'un simple par-
ticulier ne peut pas contraindre le questeur à intervenir. Dans la pro-
cédure d'amende contre Q. Opimius (Gicéron, Fe?v'., 1. 1, 60, 156 ; III
p. 375 n. 1), qui eut lieu vraisemblablement dans cette forme, ce fut le
préteur urbain qui poursuivit la vente des biens. Dans la loi de Bantia
qui, 1. 9 et sv., organisait l'exécution des créances de la communauté
reconnues dans un judicium recuperatorium, les mots décisifs manquent
également; peut-être était-elle ainsi conclue : sei condumnalus [erit, quanti
condumnatus erit pr[aetor) urh{anus) praedes] ad q{uaestorem) urb{anum) det
aut bona ejus poplice possideantur facito.
(2) Lex repelundarum, 1. 37, après la condamnation et avant l'estimation :
[judçx quei ean rem quaesierit e\um, quei ex h. l. condemnatus erit, q{uaes-
tori) praedes facito det de consili rnajoris partis sententia, quantci eis censue'
r[int : sei ita p]raedes datei non erunt, bona ejus facito puptice possideantur
conq[uaerantur].
(3) Nous ne savons rien à cet égard. Gpr. Gicéron, Verr., 2, 38, 86.
(4) III p. 26. La disposition s'explique comme mesure préventive.
380
DROIT PÉNAL ROMAIN
Addictio.
Coercition.
(1024)
Faillite.
lions et leurs conditions d'aptitude (l). Ces praedes sont four-
nis au magistrat qui dirige le service de Vaeramun, à l'épo-
que républicaine au questeur, plus tard au préteur ou aux préfets
àeVaerarntm. Un tel cautionnement équivaut, d'après les lois
romaines, au paiement (2). Si les praedes ne sont pas fournis,
le condamné, d'après l'ancien droit encore en vigueur lors du
procès d'amende intenté contre L. Scipion en o70/184, subit la
détention personnelle pour dettes (3). Celle-ci semble déjà in-
connue aux lois de l'époque des Gracques; peut-être a-t-elle été
abolie dans l'intervalle par une loi adoucissant l'exécution des
créances de la communauté, bien que Vaddictio, restreinte
à vrai dire dans sa portée, subsista en droit privé (4) ; à ma
connaissance, il n'en est plus nulle part question dans la suite
pour les créances publiques. Par contre, à l'époque impériale,
on étendit aux créances fiscales de toute sorte les moyens de
contrainte compris dans la coercition : emprisonnement, mul-
tae dictio et pignoris capio (o).
La confiscation, le manque de prestation des praedes et
la saisie du patrimoine qui en résulte conduisent à la vente
(1) III p. 26. Le procès de Scipion montre que le magistrat exécutant
prononçait à son gré [arbitratus] sur les conditions d'aptitude des praedes.
(2) St. R., 2, 550 sv. 1012. [Dr. PiibL, 4, 230 sv. 5. 307]. Denys, 11, 46. Le
questeur a donc une attitude passive ; il n'exécute pas, mais le magis-
trat exécutant amène le condamné à fournir les cautions au questeur et
livre à celui-ci en cas de faillite du condamné le produit delà vente. Les
écritures du questeur qui permettent la poursuite des praedes ont na-
turellement lieu ici comme pour la muUa de coercition (1 p. 60 n. 3).
(3) On menace Scipion des vmcula pour le cas où il ne fournirait pas
les cautions (III p. 378 n. 3).
(4) Betlimann-HoUweg, Civilprozess, 2, 6G0 sv. 3, 317. Elle subsiste aussi
pour la procédure d'exécution de la communauté urbaine (III p. 219 n. 1).
(5) D'après Paul, Dig., 48, 13, 11, 6, le détenteur d'imperium compétent
(is qui hoc imperio ulilur) perçoit les créances appartenant au fisc contre un
particulier pignus capiendo, corpus relinendo, multam dicendo ; ces moyens
disent clairement qu'il s'agit ici de la coercition la plus élevée (I p. 43
et p. 54 n. 2). Constantin (Cad. Th., U, 7, 3 = C. Just., 10, 19, 2) conçoit
également l'incarcération du débiteur du fisc comme un châtiment de la
désobéissance. Si quis . . hac indulgenlia ad contumaciam abulatur, continea-
ti/r aperta et libéra et in usum hominum insliluta ciistodia militari. Il est au
moins douteux que la coercition républicaine ait été applicable à ce cas
(I p. 44).
LES AMENDES 381
des biens et à la faillite (1). Les règles de cette procédure
de faillite, que provoque le magistrat exécutant et dont il
livre le produit au questeur (2), ne, se distinguent pas des
règles ordinaires ; sous la République, elle s'accomplit généra-
lement par une vente globale après affiches publiques {pros-
criptio bonorum). Ordinairement, cette procédure profite
surtout aux acquéreurs; aussi à l'époque impériale, sous un
régime d'administration plus rigoureuse des finances de l'Etat,
cesse-t-elle tout au moins d'être régulièrement appliquée (3).
En tout cas, il faut dans la confiscation d'un patrimoine tenir
compte des droits qui compétent à autrui sur les biens saisis.
En dehors des droits que l'on fait valoir dans toute faillite, il
faut ajouter que, dans l'action de repetundae et peut-être en-
core dansd'aulres cas (4), l'Etat ne procède pas à l'exécution
pour lui-même, mais agit comme représentant des personnes
lésées par le condamné, donc ne reçoit les paiements effectués
et éventuellement le produit de la vente que pour les remettre
aux intéressés (o). On doit en outre déduire du profit procuré
par le procès les récompenses qui ont été accordées par la loi
aux accusateurs ou qui leur ont été spontanément promises
(II p. 196 sv.).
Ces règles générales souffrent des dérogations pour la
(1) Tite-Live, 3, 3, 7 : ut . . fam'dia ad aedem Cereris Liberi Liberaeque ve-
num irel. Denys, 10, 42. Je ne m'attarde pas à rapporter les preuves in-
nombrables de la vente des biens des j'>erduelles.
(2) Lex repetundarum, 1. 58 (la disposition relative à la vente est perdue):
[judex quaestori eam pequniam et quanta fuerit] scriplum transdito, quaesior
accipito et in taboleis popliceis scriptum habeto. Gicéron, Verr., 1. 1, 60, 156
(III p. 375 n. 1).
(3) Les sectores sont encore mentionnés par Tacite, Hist., 1, 20 et par
Gains, 4, 146; et les sectiones par Tacite, Ann., 13, 23; Hist., 1, 90.
(4) Lorsque dans la procédure postérieure de cognitio on inflige au vo-
leur une peine pécuniaire, on doit sur le montant de celle-ci fournir au
volé la réparation du préjudice subi, à moins que cette réparation ne
soit prescrite spécialement à côté de la peine.
(5) Les sommes provenant du condamné pour repetundae vont à Vaera-
rium, mais sont conservées à part dans des paniers à argent scellés (lex
repetundarum, 1. 67), puis réparties entre les intéressés ; cette distribution
a lieu par voie de trlbulus, lorsque ces sommes sont insuffisantes (1. 59
sv.).
383 DROIT PÉNAL ROMAIN
vieille amende procédurale et pour les amendes édiliciennes.
rerceptiondu D'après le droit primitif qui ne connaissait que les amendes
de bétail, le sacramentum ou amende publique en cas d'action
(i02o) privée, n'est pas, comme on le sait, exigé du perdant; le pro-
cès est subordonné en droit [à la prestation du sacramentum
parles deux parties, sauf restitution au gagnant à la fin du
procès. Lorsque les amendes pécuniaires remplacèrent les amen-
des de bétail, le principe ne fut pas modifié; chaque partie
dut fournir des praedes pour le montant du sacramentum, ce
qui équivalait en droit à la prestation de ce dernier. Toute-
fois il fallait exiger des cautions du perdant le montant ànsa-
cramentiim; ce recouvrement était opéré non parles questeurs,
mais par les triumvirs capitaux (1), sans aucun doute parce
que les directeurs de la caisse de l'Etat ne devaient pas être
importunés par la perception de ces petites sommes.
Perception Daus les actions pénales édiliciennes-comitiales, les lois spé-
édiiic^nner cialcs, commc nous l'avons exposé dans le Livre II (I p. 181)
permettaient exceptionnellement (2) au magistrat qui y triom-
phait, comme compensation pour cette besogne profitable :\ la
communauté, mais désagréable et ingrate pour lui, de ne pas
livrer les amendes à Vaerarhan, mais de les employer à des
buts religieux (3), et en cas d'un tel jugement m ^rtcrwm, de les
percevoir pour en faire un emploi personnel, exactement comme
le général le faisait pour l'argent du butin. Grâce à ce pouvoir,
les édiles se sont fréquemment procuré les ressources néces-
saires pour orner (4) ou bâtir des temples urbains ou organiser
des fêtes populaires en faveur des divinités (5). Dans certaines
(1) Gains, 4, 13. St. R., 2, 68 et sv. 600 [Dr. Piibl., 3, 77 sv. 4, 308].
(2) La consecrnlio de la maison de Cicéron est cassnc par les pontifes
parce que Clodius n'avait pas reçu de mandat lô^al spécial pour cela
(Cicéron, Ad AU., 4, 2, 3). Le patrimoine tombait donc de plein droit dans
Vuerarium. s'il n'y avait pas de disposition contraire d'une loi spéciale.
(3) C'est Vin san-um judicare, faculté que la loi Silia et lo fragment de
Tuder (I p. 182 n. 2) accordent aux maj^istrals à rôle du mnltare.
(l) Pour les preuves, v. St. R., 1, 2i2, n. 4 [/);•. Piibl., 1, 27i), n. 1] ; cpr.
ibid. 2, 496 [/>;■. Puhl., 4, 191j.
(5) Pour les preuves, St. R., i, 242, n. îi [Dr. publ., 1, 270, n. 2j.
LES AMENDES 383
lois municipales, on prescrivait môme aux magistrats d'em-
ployer à de tels buts tout ou partie des amendes (1). Sous le
Principal, cette faculté, subordonnée à une action comitiale, (102G)
n'a plus été exercée (2).
Il nous reste maintenant à déterminer les caisses publi- versemeni dfs
■ . . . , i j • amendes dans
ques qui profitent de ces pemes patrimoniales; c est-a-dire les caisses
dans quelle mesure ce bénéfice, au lieu de tomber dans Vaera- des temples.
rmm(3), échoit à des caisses religieuses spéciales et plus tard
au fisc impérial.
Pour l'utilisation dans un but religieux des acquisitions pa-
trimoniales réalisées par la communauté à titre de répression
d'un délit, nous pouvons renvoyer aux explications précédem-
ment données. Il est vraisemblable qu'au début, la commu-
nauté a ordinairement attribué aux dieux ces profits regret-
tables (III p. 236). A l'époque historique, cette affectation à
des œuvres religieuses devient moins fréquente. Les amendes
retenues par les édiles dans un but religieux doivent être
employées conformément à leur destination et une partie au
moins des amendes sépulcrales tombe encore pendant la der-
nière période de l'empire dans la caisse des pontifes (4), mais
(1) Lex municipii Tarcntini, 1. 36 : mag{istratus) quel exegerit dimidlum in
[p]ubHcum referto, dimidium in ludeis, quos publice ineo magislralu faciet con-
snmilo, seive ad monumentum siiom in publico (c'est-à-dire pour une œuvre,
ordinairement religieuse, rappelant le souvenir du fondateur) consumere
volet, l[icet]o. La. lex coloniae Genetivae, c. 63 ordonne l'emploi des amendes
perçues ob vectigalia ad ea sacra, qitae in colon{ia) aliove quo loco colnnorum
nomine fient.
(2) Sans cela les insciiptions nous en donneraient des preuves nom-
breuses, tandis que nous avons seulement des témoignages rares éta-
blissant au profit d'édiles municipaux l'existence d'un pouvoir analogue
à celui des édiles de Rome (Neapolis en Afrique : C. 1. £.., VIII, 972. 973 ;
Voconces dans la province de Narhonne : C. /. L., XII, 1377 ; cpr. 1227).
(3) Si, comme cela est vraisemblable, la multae inrogalio par voie de
procédure relevant des magistrats et de la plèbe est très ancienne, il est
peu probable que dans la première période des luttes patricio-plébéien-
nes les tribuns aient destiné de telles amendes à l'acrarium populi Romani ;
peut-être les ont-ils attribuées au temple de Cérés {St.Ii., l, 147 [Dr. piibl.,
1, 168]) ou utilisées pour des fêtes religieuses. Nos sources ne connais-
sent pas, il est vrai, un tel in mcrum judicare.
(4) III p. 136, L'amende établie parle fondateur de la sépulture avec la
384 DROIT PÉNAL ROMAIN
régulièrement le profit tiré des délits par l'Etat tombe di-
rectement dans sa caisse.
Versement des D'après les lois du Princlpat , l'empereuT n'a droit aux recet-
ameodes dans .11 , .ni- t f r • \
la caisse ^os 06 la communaute que si elles lui ont ete spécialement
de l'empereur, attribuées, ce qui n'est pas le cas pour les peines patrimonia-
les. Le caractère odieux de ces receltes s'opposait à ce qu'une
attribution directe et générale en fut faite au souverain, bien
que celui-ci en ait souvent bénéficié en vertu de décisions
coQcrèle.s. L'appropriation par la caisse particulière {fiscus)
de l'empereur des biens confisqués et des amendes pronon-
cées est un fait dont il ne faut pas au fond exagérer l'impor-
tance (i), mais elle est en droit, rien n'est plus certain, une
usurpation. Auguste s'est rigoureusement abstenu de toute
(1027) illégalité de ce genre (2); Tibère fut aussi consciencieux dans
permission de l'Etat doit en droit être considérée comme établie par l'E-
tat.
(1) Tacite, Ann., 6, 2 : tamquam referret.
(2) L'emploi fait par Auguste de l'argent tiré ex bonis damnalorum en
prêts sans intérêts (Suétone, Aug., 41) a été régularisé par un sénatus-
consulte que provoqua cet empereur. — h'aerarium mililare créé par Au-
guste n'est pas mentionné à propos des amendes, il n'est d'ailleurs qu'une
seconde caisse de l'Etat et les deux aeraria ne sont distincts qu'en fait.
La remise à Vaerarlum mililare, faite par Auguste, du patrimoine (o-Jo-ta) de
son fils adoptif Agrippa Postumus après révocation de l'adoption (Dion,
5o, 32) et imitée probablement de la procédure suivie par le père de Sp.
Gassius, après la condamnation de celui-ci au regard du patrimoine {pe-
CM/iM»i)de son fils de famille, n'est qu'une donation de l'empereur à l'Etat ;
car Agrippa était sans doute en puissance. — La confiscation du patri-
moine d'Archélaûs, elhnarque de Judée, au profit de la caisse impériale
{-oï; KaiTapo; Or-|(Ta-jpoï; : Joséphe, Bell. Jitcl., 2, 7, 3 = 111 Niese) s'explique
parles pouvoirs qui appartiennent au général, elle n'est pas une confis-
cation en vue d'une appropriation privée, mais dans le but d'une utilisa-
tion libre. (S/. H.. 1, 291 [Dr. publ.A, 333]). — L'attribution à Auguste du
patrimoine de Cornélius Gallus, postérieurement à la condamnation de
celui-ci, (Dion, 53, 23) eut lieu en vertu d'une disposition du Sénat et fut
votée, comme le remarque avec raison Ilirschfeld (Verwaltuiigsbeamten,
p. 4G, n. 1), eu égard à la provenance de ces biens que le condamné
devait principalement aux largesses impériales et à leur perte par suite
d'ingratitude. Tibère en l'an 24 reprenait de la même manière, après le
suici le de Silius, tout ce que ce dernier avait re(;u par libéralité d'Au-
guste; Tacite, Ann., 4, 20 considère cet acte comme le premier pas de cet
empereur dans la voie des excès de pouvoir, il n'a à cet égard ni com-
plètement tort, ni complètement raison. '
LES AMENDES 385
les bonnes années de son règne (1). La règle a été recon-
nue par Trajan (2), Hadrien (3) et encore par Marc Aurèle (4);
sa violation par Tibère pendant les années de despotisme de
ce monarque (o) et les infractions innombrables qu'elle a su-
bies depuis lors, môme de la part des meilleurs souverains (G),
ne l'a nullement fait disparaître. Elle n'a vraisemblablement
été abolie que par l'empereur dont les confiscations en masse (1028)
ont dépassé celles de tous ses prédécesseurs et de tous ses
successeurs^, c'est-à-dire par Septime Sévère (7). Après lui, la
science du droit désigne généralement le fisciis comme l'or-
gane qui perçoit les profils des peines (8). L'opposition entre
(1) Tacite, Ann., 3, 18 : (Tiberitm) salis firmus, ut suepc memoravi, adver-
sitm pecuniam. 2, 48. Dion, '61, 10. 17.
(2) Pline, Pa?ieg., 55 : Aentrio consulis, . . . quod sumptibus ej us adhibes mc-
duin, ul qui exhausUcm non sis innocentiuin bonis replelurus. On peut ici (cpr.
l'un., 42) tenir compte du témoignage de Pline.
(3) Vita, 7 : damnatorum bona in fiscum privatum redigi vetuit ornai suninia
in aerario publico recepla.
(4) Vita Avidii, 7 : senalus illum hoslem appellavit bonaque ejus proscripsit,
quae Anloninus in privatum aerarium congeri noluil\'quare senatu praecipiente
in aerarium publicum sunt relata.
(5) Le changement date de l'exécution de Séjan en l'an 31. Immédiate-
ment après, le sénat attribua le patrimoine du condamné non à Vaerarium,
mais au fiscus (Tacite, Ann., 6, 2 ; les licitations qui en résultèrent pro-
voquèrent, d'après Tacite, Ann.. G, 17, une pénurie d'argent, les banquiers
durent restreindre leurs crédits par suite des sorties considérables de
numéraire qu'on leur demanda). En l'aln 33 eut lieu la confiscation im-
pudente du patrimoine de Sex. Marius (Tacite, Ann., 6, 19 : aurarias ejus,
quamquam publicarenlur, sibimel Tiberius seposuit; cpr., 2, 59 : Auguslus . ..
seposuit Aegijjilum.)
(6) 11 est ici superflu de citer des preuves.
(7) Les jurisconsultes du i\v siècle évitent le mot aerarium, sauf quand
ils font allusion à l'ancien état de choses (ainsi Paul, Dig., 49, 14, 13,
pr. parle de l'édit de Trajan relatif à Vad aerarium déferre et l'applique
au fiscus) ou lorsque le titre praefectus aerarii les amène à employer ce
terme {Dig., 49, 14, 15, 6). Chez les auteurs littéraires et dans les consti-
tutions de l'époque postérieure les expressions aerarium et fiscus sont
employées comme synonymes. Par contre, on distingue encore, même
dans la dernière période, le populus et le fiscus (ou Caesar) notamment pour
les propriétés foncières (par ex., Vita Alex., 16).
(8) Dans l'écrit Hejure fisci, du iii« siècle, il est dit § 9 de la peine du
plagiuin : quae hodie fisro vindiU-alur] et § 8 de la peine inlligée pour alié-
nation d'un immeul)le litigieux : poenam L. sestertiorum fisco repraesentare
conpellitur. A cette époque apparaît aussi le procuralor ad bona damnato-
rum (C. /. L., VI, 1634. XI, 6337 = Hunzen. 6519).
Droit Pén.\l Romain. — T. III. 25
386 DROIT PÉNAL ROMAIN
le fiscus et Vaerarium perd peu après son importance et ce-
lui-ci tombe au raog de caisse accessoire locale de l'Etat,
tandis que le fiscus, nominalement caisse privée de l'empe-
reur, devient en fait caisse d'empire.
Intervention Nous avons déjà VU (III p. 380) pour l'exécution des peines
r i''^^ • n= patrimoniales destinées à l'Etat que les directeurs de Vaera-
lonclionnaires r i
des finances rium devaient y participer en recouvrant les créances liquides
dans , , . , ' J 1
l'application uecs ds CCS peiucs comme toutes les autres créances de la
des peines (^ommunauté, et en recevant du iiisc répressif le produit de
patrimoniales. j cj i i
la faillite provoquée par celui-ci. Cet état de choses s'est main-
tenu en principe au début de l'Empire. Mais la transmission,
conséquence de l'établissement du Principal, au nouveau mo-
narque et à ses prociiratores du soin de recouvrer les créances
de la communauté (1), bien que simple changement de fait, fut
cependant une aggravation très sensible de ces procédures déjà
pénibles par elles-mêmes, et la haine qui atteignit, notamment
pendant la dernière période de l'empire, les subalternes triste-
ment célèbres &Q?, prociiratores, les Caesariani (2), semble avoir
été bien méritée. Pour le cas le plus grave, pour la confiscation
résulla-nt soit d'une sentence, soit de l'insolvabilité, la procé-
dure semble, au moins dans la dernière période de l'Empire,
avoir subi une transformation fondamentale. Contre le vivant,
la confiscation ne doit plus désormais avoir lieu qu'en vertu
(1021)) d'un jugementqui l'implique tacitement ou la prononce expres-
sément et que le juge répressif porte, semble-t-il, officiellement
à la connaissance du. prociirator compétent (3). Au contraire,
lorsque la confiscation a lieu après la mort du coupable, notam-
ment lorsque ce dernier se suicide après aveu ou au cours
d'une procédure d'accusation (II p. 117 et sv.), môme lors-
que la perduellion est poursuivie après la mort du perdiiellis
(1) Ulpion, Coll., 14, 3, 2. Dig.. 48, \, 6. Cod., 3, 26, 1. 3. 10. 8, \.
(2) Le recours juridique contre un acte arbitraire des Caesariani àoïi
être porté devant le -procuralor (Paul, 5, 12, 6).
(3) Gallistrate [Dig., 49, 14, 1 pr.) ne cite pas ces jugements parmi les
causes de délation fiscale, probablement parce que la notification offi-
cielle de ces arrêts rendait la délation des particuliers inutile.
LES AMENDES 387
(III p. 361), donc lorsque toute peine effective est impossible, il
semble qu'aucune condamnation pénale ne soit prononcée (1),
mais la confiscation de l'hérédité paraît être uniquement traitée
comme procès fiscal entre les héritiers ou autres détenteurs
des biens et les fonctionnaires impériaux des finances (2) et
ceux-ci ont de plein droit en pareil cas la juridiction (3). En
outre, ces derniers, bien que le droit ne leur conférât que la
mission de recouvrer l'amende ou de confisquer le patrimoine,
s'approprièrent le pouvoir de statuer sur le fond de l'affaire
et le firent dans de telles proportions que les lois pénales suc-
cessives promulguées contre ces abus en attestent en réa-
lité la permanence (4).
Lorsque la peine patrimoniale ne peut être exécutée par
suite de l'absence de ressources du condamné, elle est, dans
les lois de la dernière période, remplacée pour les esclaves et
les pauvres, dans certains cas par la peine des mines (5), ordi-
nairement par la correction (III p. 335).
Toute peine patrimoniale encourue à raison d'un délit public (1030)
ou privé s'éteint par la mort du coupable survenue avant l'exer-
cice de l'action (1 p. 75). Sont exceptées de cette refile la per-
duellion (II p. 299 et III p. 362.) et l'hérésie (II p. 314 n. 4),
pour lesquelles l'action pénale peut être intentée même après
(1) Marcien, Dig., i^. l, 6 : defitnclo eo qui reiis fuit criminis el poena ex-
tincla in quacumque causa criminis exlincti débet is cognoscere, eu jus de pecu-
niaria re cognilio est (cpr. Dig., 49, 14, 2, 2). Celui-ci est le procuvalor : Cod.,
3, 26, 2. Parmi les causes de la délation privée, Callistrate rito, loc.nit.,
eum decessisse, qui in capila/i crimine essel, donc la mort de l'accusé au
cours du procès, et post morlem aliquem reum esse, donc la perduellion.
(2) Il faut une procédure juridique {Dig., 48, 14, 22, jor. 1. 45. 2) pour
permettre, par exemple, aux héritiers du suicidé de prouvcrque le défunt
ne tombait pas sous lo coup de la loi pénale (Dig., 48, 21, 3, 8) ; cette pro-
cédure est précisément le procès fiscal.
(3) 0. Hirschfeld dans les Silz. Ber. der Berl. Akademie, 1889, 437. Cette
règle est rigoureusement appliquée : ainsi le procès de liberté, ordinai-
rement de la compétence des autorités judiciaires, est tranché par le
proruvator, lorsque l'Etat réclame une personne comme son esclave {Dig.,
49. 14, 3, 9 1. 7, Cod., 3, 22, 5 ; avec laquelle ne concorde pas il est vrai
la mention accidentelle de Cod,, 7, 21, 7).
(4) I p. 322. St. R.. 2, 1024 [Dr. publ., 5, 320J.
(5) C. Th., 4, 8, 8.
388 DROIT PÉNAL ROMAIN
la mort du coupable, ainsi que les actions pénales rangées dans
le droit pénal bien qu'elles n'aient pas un caractère réellement
délictuel, c'est-à-dire l'action de repetundae qui par nature
est une condictio (III p. 32) et l'action anormale du même
genre donnée en cas de \'ol (lll p. 63). Lorsque les héritiers
du coupable ne sont pas tenus de réparer le dommage causé
par un délit, ils peuvent être contraints par une action civile
non délictuelle à restituer l'enrichissement que leur a procuré
le délit du défunt (III p. 59 n. 9). La communauté peut éga-
lement être mise de la même manière en demeure de ren-
dre le profit qu'elle a retiré d'un délit (I p. 86 u. 1).
SECTION XII (1031)
INEGALITE DE REPRESSION ET FIXATION DE LA PEINE
PAR LE JUGE
Le principe de l'égalité devant la loi pénale peut subir une
double restriction, soit que la loi ou la coutume détermine dif-
féremment la peine suivant la condition personnelle du cou-
pable, soit que la loi ou la coutume donne au juge le choix
entre plusieurs espèces de peines ou lui confère le pouvoir de
graduer la peine dont la loi n'a déterminé que la catégorie.
Nous désignons le premier cas sous le nom d'inégalité légale
des peines et le second sous celui de fixation de la peine par
le juge.
L'inégalité légale des peines n'est pas autre chose que la
prétendue mutation de peine des théoriciens du droit. Cette
mutation est contraire à l'essence même de la peine; celle-ci
demeure inappliquée lorsqu'elle est inapplicable. Sous celle
expression tout au moins trompeuse, ils veulent dire que le
mode de répression doit être réalisable, c'est-à-dire conciliable
avec Ja condition personnelle et patrimoniale du délinquant,
donc que l'on ne peut infliger à l'esclave la perte de liberté,
au non citoyen la perte de la cité et que les peines patrimo-
niales ne peuvent atteindre ceux qui n'ont pas de patrimoine
en droit ou en fait ; ils indiquent par là que la législation doit,
pour prescrire ces peines, s'assurer do leur applicabilité et les
390 DROIT PÉNAL ROMAIN
remplacer par une autre répression convenable, lorsqu'elles
sont impossibles en droit ou en fait.
L'inégalité légale des peines est contraire au fondement mo-
ral du droit pénal. Le délit s'attache à l'homme comme tel et
(1032) et il n'y a pas à tenir compte pour lui des diversités indivi-
inégaiité légale ducllcs dc la uature humaine ; la condition civique n'aggrave
des peines • , ,1. 1 . . i . 1 , t jt-i
entre l'homme ^^ ^ améliore la situation du meurtrier ou du voleur. L Etat
libre romain a appliqué ce principe à la notion de délit (I p. 75
Cil i 6SClâY6*
et sv.) ; pour la peine il a du nécessairement se préoccuper
de l'applicabilité des peines légales : l'existence de l'esclavage
et l'incapacité juridique d'avoir un patrimoine, qui frappe l'es-
clave cependant responsable de ses délits, l'ont obligé à régler
différemment la punition de l'esclave et celle de l'homme libre.
Déjà, d'après le droit des XII Tables, l'espèce la plus grave du
vol entraîne la servitude pour la personne libre et la peine de
mort pour l'esclave (III p. oo) ; l'état de nos sources ne nous
permet pas de suivre suffisamment les détails de celte diffé-
rence de traitement ; cependant nous voyons dans le droit
pénal de la dernière période, comme nous l'avons montré dans
le Livre IV à propos des différents délits (i) et comme nous
l'exposerons bientôt dans un tableau synoptique, que pour
beaucoup de délits la peine se modifie et s'augmente toujours
lorsqu'ils sont commis par des esclaves (2). Cette aggravation
progressive de la différence de traitement entre la personne
libre et l'esclave se manifeste par exemple dans les formes
d'exécution de la peine de mort : le crucifiement qui fut à
l'origine le mode général d'exécution « d'après la coutume
(1) Meurtre (II p. 348 n. 2 et p. 368 sv.); castration (II p. 355 n. 1) ; sé-
dition (II p. 379 n. o); délits en matière do testaments et de monnaie (II
p. 397 n. 1 et p. 400 n. 7); adultère (II p. 340 n. 5 et p. 419 n. 2); pédé-
rastie (II p. 432 n. G); vol (III p. 55 n. l); plagium (III p. 92 n. 3); in-
jure (III p. 116 n. 1).
(2) Callistrate, Dig., 48, 19, 28, 16 : majores noslri in omni supplicio sève-
iHus servos tjuam liberos ... ■punierunl. Ulpien, Dig.,iS, 19, 1, 1 : si servus
crimen commiserit, deinde libertatem conseciilus dicelur, eam poenain sustinere
débet, quam sustinerel, si tune sefitenliam passus fuisset, ciim deliquisset. 48,
19, 16, 3.
INÉGALITÉ DE RÉPRESSION ET FIXATION DE LA PEINE 391
des ancêtres » est devenu plus tard le mode d'exécution des
esclaves.
Au contraire, le principe de l'égalité devant la loi pénale a Egalité
été observé d'une façon absolue à l'époque républicaine vis-à- homme" nbrls
vis des citoyens libres. Naturellement, on rencontre à Rome, » lépoque
républicaine.
et ici peut-être avec une force particulière, l'inconvénient que
tout Etat doit éviter et auquel il ne peut jamais complètement
se soustraire consistant en ce que la même condamnation pro-
noncée pour le même délit atteint les individus plus ou moins
sensiblement suivant leur situation sociale; mais aucune loi
républicaine ne fait de distinction entre les différentes catégo-
ries de citoyens.
Sous le Principal, on voit apparaître entre citoyens une dif- inégalité
P' • .• 1 ^ 11 1 • 1 . luridique enire
lerenciation analogue a celle que nous venons de signaler entre citoyens sous
hommes libres et esclaves. Elle se fonde sur la création faite i-^ ^''ncipat.
par Auguste d'une double noblesse: la noblesse héréditaire (1033)
des sénateurs de l'empire et la noblesse personnelle des che-
valiers romains, et sur l'opposition qui en est résultée entre ces
classes privilégiées et le reste du peuple, c'est-à-dire suivant
l'usage du langage à l'époque impériale entre Culerque ordo
et la plebs {{.). La liste des personnes privilégiées s'est d'ail-
leurs allongée lorsqu'on l'a utilisée dans les lois pénales ; elle
comprend ici les catégories suivantes de personnes :
1. L'ordre des sénateurs de l'empire embrasse, d'après les Personnes
lois de l'époque, non seulement les sénateurs de l'empire eux- ''sénatrùrs^
mêmes, mais aussi leurs descendants agnatiqucs jusqu'au troi-
sième degré et leurs épouses (2).
2. Le cheval public a été depuis Auguste concédé par l'em- chevaliers,
(1) L'exposé détaillé est donné dans S/. /?., 3, 458 sv. \Dr, puhl., 6, 2, 47
et sv.] et doit ici être supposé connu. L'opposition subsiste sans modifi-
cation jusque dans la dernière période ; l'édit de Théodoric (c. 89) distin-
gue encore les honesliores et les viliores.
(2) St. R., 3, 468 [Dr. puhl., 6, 2,. 59]. Les descendants, issus de person-
nes qui de leur vivant ont cessé d'appartenir au sénat d'empire, mais
nés avant cet événement, continuent, semble-t-il, d'appartenir à l'ordre
sénatorial (l>ifj., 48, 19, 9, 13).
392 DROIT PÉNAL ROMAIN
pcrcur sans limitation au chiffre maximum fixé à l'époque ré-
publicaine. La concession était toujours à celte époque viagère
et non héréditaire, elle avait surtout lieu au profil d'officiers
et de fonctionnaires du palais. Il en résultait la formation d'une
noblesse personnelle, juxtaposée à la noblesse sénatoriale et
comprenant surtout des fonctionnaires (1). L'empereur Marc
Aurèle modifia cette institution à un double point de vue : il
introduisit l'hérédité jusqu'au troisième degré comme dans
l'ordre sénatorial (2), puis établit trois catégories privilégiées
de chevaliers: les viri emineniissi?ni, les viri pcrfectissimi et
les viri egregii (3) jouissant d'avantages spéciaux, non pas
en droit pénal, mais à d'autres égards, notamment au point
de vue du rang. Cette division en trois catégories s'applique
tout d'abord à certaines charges publiques, mais elle consti-
tue aussi une hiérarchie sociale, car le placement dans l'une
de ces catégories est concédé à vie]et parfois aussi comme un
simple titre, à l'instar de la qualité de chevalier (4). Ces dif-
férentes espèces de chevaliers sont les honorati, « vieux
fonctionnaires », fréquemment mentionnés à l'époque posté-
(1034) rieure (o). A coté de ces trois nouvelles classes, on trouve tou-
jours les simples équités Romani, inférieurs aux lionorali, et
on ne les rencontre selon toute apparence que dans la ville
de Rome (6).
(1) S,l. R., 3, 489 sv. [Dr. pi/hl., C, 2, 84 ot sv.].
(2) Cod., 9, 4i, 11. St. R., 3, 56!j [Dr. puhl, 6, 2, 176].
(3) SI. R.. 3, 565 [Dr. piibl., 6, 2, 176].
(4) Plus tard, cela a lieu le plus souvent dans la forme de l'honora-
riat, c'est-à-dire dos honorarii codicilll (C. Th., 6, 22, 1) ou de Vlionoraria
comitiva (C Th., 12, 1, 150 = C. Just , 10, 32, 47).
(5) Aux Dif/.. 47, 20, 3, 2. 48,8, 16 in honore aliquo posUi ou D/r/., 48, 8, 1, 5
in aliqua dujnitale posilus ; chez Dioclétien, Coll., 15, 3, 7 et dans la suite
on trouve constamment honorali. C. Th., 12, 12, 13 : viriquos emeritos honor
a plèbe secernil provhicialii(m. 14, 12, 1 : honorali seu civilium seu mililarhim
diqnitalum. 6, 35, 9. 12, 1, 4. C. Th., 6 22, 1 montre que l'expression ho-
norali est une forme abrégée pour désigner les perfectissimi et les egregii
(le terme d'eminentissiyni se rencontre rarement; car il est réservé aux
préfets du prétoire).
(6) C. Th., 6, 36, 1 : équités romani, qi/os seciindi gradiis in iirhe omnium
INÉGALITÉ DE RÉPRESSION ET FIXATION DE LA PEINE 393
3. Les soldats (1) ainsi que les vétérans et leurs enfants sont soldais
cités entre la catégorie précédente et la suivante (2).
4. Il faut enGn mentionner ici les décurions (3) des cités décurions.
de Tempire. De même que dans l'empire on oppose Vuler-
que ordo au reste de la population, à la plehs, dans chaque
ville de l'empire on distingue Vordo — il n'y en a ici qu'un
seul — du reste de la population de la cité qu'on appelle /;/e6.ç.
Les privilèges de droit pénal ont été étendus à ces décurions,
vraisemblablement dès le début de l'empire (4), et ont égale-
ment été accordés à leur descendance (o). Les décurions occu- (1035)
volumiis ohlinere dignilalem ou d'après la rédaction du C.Jiist., 12, 31, 1 :
équités Romanos secundinn r/radum post. clarissimalus dignilafem obtinere ju-
bemus. En outre, chez Cyprien, Ep., 80 : senatores et egvegii viri et équités
Romani dignilnte amissa etiam bonis spolientur cl Dig., 48, 8, Ifi (texte que
j'ai tout à fait mal compris dans mon édition des Dig.) : in honore aliquo
positi dpportari soient, qui secundo gradu sunt, capile puniuntur : facilius
hoc in decuriones fieri potest, où se manifeste nettement que les équités ro-
mani occupent une situation intermédiaire entre les honorati et les decu-
riones. C. Th., 2, n, 1, 2. 13, 5, 16. Cod. Just., 5, 4, 10 ; partout ces équités
sont mentionnés dans une étroite connexité avec Rome, ce qui explique
qu'il soit si rarement question de cette classe.
(1) Dig., 49, 10, 3, 1. Ces privilèges disparaissent en cas de désertion
(Dig., 49, -16, 3, 10. 1. 7.)
(2) Marcien, Dig., 49, 18, 3 : velcranis (c'est-à-dire à ceux de Varmala mi-
litia, non aux palatini) et liberis veteranorum idem honor habetur qui et decu-
rionibus. Dans la constitution de 334 (C. Th., 7, 20, 1), les vétérans de Var-
mata militia sont placés après les sénateurs, les honorati et les magistrats
appartenant à l'ordre équestre, mais avant les décurions.
(3) Le principalis souvent mentionné avec le decurio (C. Th., 1, 6, 1. 12,
1, 83, C, Just., 10, 32, 3) est un chef de VOrdo (C. Th., 1, 13, 7, 2),
(4) Le fait que d'après la loi Visellia de l'an 24 ap. J.-G. le jus aureorum
anulorum confère au moins nominalement à l'affranchi l'ingénuité requise
pour le décurionat (C. Just., 9, 21, 1) permet de conjecturer qu'à cette
époque le déciirion était déjà mis à d'autres égards sur le même rang
que le chevalier romain. L'hérédité du décurionat, qui n'est pas un co-
rollaire nécessaire de ce privilège, mais qui repose cependant sur le
transfert aux curies municipales des règles en vigueur pour le sénat
d'empire (St. R., 3, 466 [Dr. puh/., 6, 2, 56]), remonte sans doute aussi au
début de l'Empire.
(3) Dig., 28, 3, 6. 7. 48, 19, 9, 12 — 15. Ces textes n'indiquent pas de
degré au-delà duquel ces privilèges cessent; par contre, il est dit ex-
pressément que ces privilèges s'étendent aux ascendants des décurions
(1. 9 I 12 cit.).
et plebeii.
droit pénal.
394 DROIT PÉNAL ROMAIN
pent UQ rang inférieur à celai des honorai i {i) et des équités
Romani (2), mais proche du leur (3).
Bonestiores Ccs privilégiés sont ordinairement désignés dans le langage
technique comme personnes de condition ou honestiores (4) ;
on leur oppose les autres personnes libres sous le nom tantôt
de plebeii {^), tantôt d'humiliores (G), tanlùt de tenuiores (7).
La fortune et l'instruction ne donnent aucun rang privilé-
gié (8). Les deux catégories sont si nettement distinguées
que les honestiores peuvent être dégradés et mis au rang des
plebeii (9).
privuèges du Les privilèges dont jouissent en droit pénal les personnes
de condition (10) et pour l'application desquels on s'attache
(1) C. Th., 7, 13, 7, 2 : senalor, honoraliis, piincipalis, decurio vel plebeius.
C. Th., 16, 2, 43 : honoratl, decuriones, possessores, coloni. C. Th., 7. C, 1 :
honorati eiprincipales. Le curialls obtient l'honorariat, r/io«orana comitiva :
C. Th., 12, i, 150 = C. JiisL, 10, 32, 47,
(2) La gradation, d'après laquelle une condamnation à mort peut, en cas
de procès de meurtre, être prononcée contre Veques Romanus et encore
plus contre le decurio, est exprimée par Modestin, Diij., 48, 8, 16 (cpr. III
p. 392 n. 6).
(3) C. Th., 8, 11, 1 : viri per provhicias emerilo jam lionove poUenles, prae-
lerea curiales, guos his f/radas Iioiiore . . convenit esse finiiimos.
(4) Telle est l'expression employée constamment et exclusivement par
Paul. Elle se trouve aussi chez Gallistrate, Dk/., 48, 19, 28, 2 ; mais ce
même jurisconsulte parle aux Dig., 47, 21, 2 de splendidiores; Ulpien, Coll.,
11, 8, 3 honestiore loco nali ; Coll., 12, 5, 1 = Dig., 47, 9, 12, 1, m aliquo
gradu; Marcien, Dig., 48, 8, 3, 5 : honestiore loco posili. C. Th., 7, 18, 1 : su-
perioris cujitscumque loci vel dignitalis. — Pline, Ep. ad TraJ., distingue
déjà les hqiiestorinn hornimim liberi de la plebs ; les honesU homines sont
vraisemblablement ici les décurions.
(.5) Plebeius par opposition à decurio Dig , 22, 5, 3, pr. 48, 19, 9, 14. l."!. £,0,
4, 7, pr. Cod., 1, 55, 5.
(6) 11 en est ainsi fréquemment chez Paul; même expression chez Ul-
pien Dig., 47. 11, 6 pr. Cod. Th., 1, 18, 1. — Uumiliore loco : Coll., 12, 5, 1 =
Dig.. 47, 9, 12, 1; même expression chez Hermogénien, Dig., 47, 10, 45.
(7) Dig., 48, 19, 28. 2. Cad. Th., 8, 11,1.
(8) On peut citer comme exemple caractéristique en ce sens la condam-
nation sous Domitien du philosophe Flavius Archippus à la peine des
mines (Pline, Ad Traj., 58-60).
(9) C. Th., 6, 22, 1 : rejeclus in plebem. 8. M, 1. 9. 27, 1. tit. 45, 5. On a
dft recourir à la dégradation, lorsque, ce qui a été certainement assez
fréquent, une personne de condition devait être soumise à une peine plé-
béienne, par exemple, lorsqu'un decurio, pour lequel la déportation pa-
raissait une répression inconvenante, était envoyé dans les mines.
(10) Punition pro qualitale dignitalis : Paul, 5, 22, 1 ; sccundum suam di-
INÉGALITÉ DE RÉPRESSION ET FIXATION DE LA PEINE 395
à l'époque du délit et noQà celle de la condamnation (1) sont, (1036)
dans les ouvrages juiidiques, surlout mentionnés à propos des
décurions, La raison principale en est que ceux-ci constituent
la classe inférieure des privilégiés, de telle sorte que les clas-
ses supérieures jouissent au minimum de ces avantages. L'as-
similation absolue des différentes catégories est déjà rendue
impossible par ce fait que les privilèges leur compétant sont
souvent plus étendus que ceux que nous avons indiqués; tou-
tefois ou peut, en droit pénal, comme la législation le montre
partout, fixer leurs limites avec assez de certitude. La peine
de mort, d'après une constitution d'Hadrien, ne doit atteindre
le décurion qu'en cas de parricidiiim (2) — on peut bien ajou-
ter abstraction faite du crime de lèse-majeslé ; cette règle ne
fut pas maintenue lors de l'aggravation postérieure des peines,
mais le gouverneur de province reçut l'ordre de n'exécuter
cette peine contre les personnes de condition, abstraction faite
des cas de nécessité, qu'après avoir obtenu une confirmation
de la sentence par l'empereur (3). Ces classes privilégiées
sont en outre exemptes de l'exécution de la condamnation à
mort dans la forme du crucifiement (III p. 2.oo n. 4) ou au
cours d'une fête populaire (III p. 265 n. 2); de la peine des
gnitatem : Ulpien, Dig., 47, 11, 10 ; pro personae ejus condicione : Paul, 5,
23. 10.
(1) Cette règle s'applique à la catégorie des esclaves (Ulpien, Dig., 48,
19, 1, 1. (III p. 390 n. 2; Paul, 5, 23, 1 : servi postve [ms. post] admissum ma-
junnissi capite puniuntur) et à celle des plebeii [Dig., 48, 19, 1, pr.).
(2) Dig., 48, 19, 13 (III p. 285 n. 1); de même Marc-Aurèle : Dig., 48,
22, 6, 2.
(3) Le principe est formulé par Dion, 52, 22; abstraction faite des sol-
dats, la juridiction sur les particuliers ne doit pas, en cas d* crime capi-
tal ou infamant d'une personne de condition (Ttôpl twv tSiwxûv twv irap'
IxâçToi; irpwTwv), être exercée par le gouverneur de province, mais être
réservée à l'empereur. La consultation de l'empereur, requise en cas de
condamnation d'une personne appartenant à l'ordre des décurions, est
mentionnée aux Dig., 28, 3, 6, 7. 48, 8, 16. tit. 19, 1. 27. 1. 2 (où il est
aussi fait allusion aux principales). 49, 4, 1, pr. On ne distingue pas tou-
jours la demande de confirmation impériale exigée en cas de condam-
nation à mort à raison de la condition du délinquant et la demande du
même genre requise pour le cas de déportation (III p. 323).
396 DROIT PÉNAL ROMAIN
raines (! II p. 2i).j ii. 1) et des travaux forcés (III p. 297 n. 3);
de la correction (HT p. 334 n. 2.); de la torture dans la pro-
cédure de la preuve (II p. 82).
L'inégalité légale de répression entre l'homme libre et l'es-
clave est aussi vieille que Rome. La même inégalité entre le
noble et le simple citoyen ne date, comme nous l'avons déjà
fait remarquer, que d'x\uguste et de Tibère: le premier sup-
prima le résultat de la lutte des classes, c'est-à-dire l'égalité
des citoyens devant la loi, on introduisant une double noblesse:
l'une héréditaire, l'autre personnelle ; le second donna à la dis-
tinction des nobles et des plébéiens une certaine importance
en droit pénal, lorsqu'il restreignit à ceux-ci l'application de la
peine des travaux forcés. Toutefois, le système inauguré par
(1037) eux ne reçut son complet développement qu'à l'époque posté-
rieure; il faut notamment citer comme ayant principalement
contribué à séparer nettement les deux catégories, les pres-
criptions de l'empereur Marc-Aurèle sur l'emploi de la tor-
ture (Il p. 82).
Letrèsancien La fixatlou dc la peluo par le juge, c'est-à-dire le pouvoir
pls'iaVIaUon ^u jugc dc choisi r cutro différentes sortes ou entre différents
de la peine {r^^x de peiues, cst nécessaire au système de la coercition dont
par le juge. ,,...,,. n , i • , . .
1 instilulion la plus importante, celle de la peine pécuniaire,
a reçu son nom de la faculté qu'a le magistrat de l'augmenter
à volonté, mais elle est tout à fait contraire à l'esprit du droit
pénal originaire. Celui-ci ne connaît ni les peines alternatives,
entre lesquelles le juge peut choisir à son gré, ni les peines
variables, qui donnent lieu dans chaque cas particulier à une
fixation plus précise par la condamnation; dans ce système
pénal, il n'y a Jamais lieu à la fixation de la durée d'une peine
et le taux de la peine pécuniaire y est lié ou à la valeur d'une
chose ou à un chiffre. C'est pour cela que la forme du juge-
ment piraît surtout consister dans la constatation du délit
(II p. 127), tandis que la peine résulte de cette sentence
comme une conséquence nécessaire.
INÉGALITÉ DE RÉPRESSION ET FIXATION DE LA PEINE 397
Le môme principe a vraisemblablement dû dominer sans Pouvoir du juge
. . , ,1 » 1 11- ... . , de fixer la peine
exception la procédure pénale publique originaire ; ni le pro- jans lâ
ces de perduellion devant les duumvirs, ni le procès de parri- procédure
plébéienne
cidium devant les questeurs n ont du comporter d'autre sen- publique,
tence qu'un acquittement ou qu'une condamnation à morl. 11
est possible que l'époque et la forme de l'exécution aient tou-
jours dépendu tout à la fois de la coutume et du bon plaisir du
magistrat, néanmoins le choix par exemple entre la croix et
le bijcher pour l'application de la peine capitale ne peut pas
être considéré comme donnant à la peine le caractère alterna-
tif. Par contre, les sources nous présentent le procès pénal plé-
béien comme ayant comporté de tout temps un certain pouvoir .
arbitraire au profit du magistrat qui agit; c'est de l'organisa-
tion constitutionnelle de la plèbe qu'est issu le pouvoir pour
le juge de fixer la peine: le tribun de la plèbe a le choix entre
le procès capital et le procès d'amende et ce dernier entraîne
nécessairement la faculté de fixer arbitrairement le taux de la
peine. Sans aucun doute le procès tribunicien de reddition de
compte s'est déroulé dans ces formes après la fin des luttes de
classes et le procès pénal édilicien n'en a pas connu d'autres.
Mais nos sources ne sont pas probantes pour l'époque primitive.
Peut-être, à partir de l'époque oii la lutte des patriciens et des
plébéiens eut fait l'objet d'une réglementation, y eut-il deux
procès capitaux : l'un, celui des patriciens, avec une sentence
rendue par un magistrat, l'appel aux comices et l'exécution
par un magistrat ; l'autre, celui des plébéiens, avec une sen-
tence rendue par les tribuns de la plèbe, c'est-à-dire par des (1038)
non magistrats, avec appel au concilium plebis et exécution
par le tribun de la plèbe ou par une invitation aux plébéiens
d'assurer l'application de la sentence. La loi des XII Tables a
réservé aux centuries la dernière instance dans les procès ca-
pitaux et a, semble-t-il, réalisé cette réforme par voie do com-
promis en laissant la connaissance en première instance de
ces affaires aux magistrats patriciens et aux chefs do la plèbe ;
mais les fragments qui nous sont parvenus de cet ancien code
sont muets sur le procès d'amende tribunicien. Il est possible
398 DROIT PÉNAL ROMAIN
que celte loi ait expressément ou tacitement admis ce dernier
à côté de l'action capitale. Mais nous avons déjà exposé dans
la Section précédente (III p. 309) que le procès d'amende, lors-
que fut faite la loi des XII Tables, n'existait pas encore ou du
moins n'avait pas encore récusa plénitude d'application. A l'é-
poque postérieure seulement, peut-être peu de temps après,
l'action d'amende que la loi ne prohibait ni ne renvoyait aux
centuries, se présenta comme forme plus douce du procès po-
litique. Cette reforme se réalisa par réaction contre l'action
capitale qui compélait légalement aux tribuns, elle fut opérée
peut-être par une prescription légale, plus vraisemblablement
(111 p. 3G0 n. 4) par l'arbitraire des tribuns.
pouvoirdu juge Le droit pénal privé de la loi des XII Tables n'admet pas
'danl'ie'd^Jir ^^ fixalioti dc la peine par le juge. La valeur delà chose, c'est-
privédeia à-djre l'iiidemnilédu préjudice en cas de délit privé, est une
République.
notion objective fixe et le calcul de cette valeur n'est pas une
fixation de la peine par le juge. Lorsque cette notion de valeur
de la chose est insuffisante ou ne peut être utilisée pour l'éta-
blissement de la peinelégale^ le législateur faitlui-mème cette
fixation arbitraire inévitable, soit qu'il impose comme répres-
sion un multiple de la valeur delachose ou celle-ci plus tout
autre supplément, soitqu'il fixe létaux de la peine pécuniaire
sans se préoccuper de la valeur de la chose. Sur ce terrain du
droit privé la fixation dc la peine par le juré se rencontre
certainement à l'époque postérieure h celle des .VII Tables et
est sans doute apparue pour la première fois, lor>qu'on a
reconnu la nécessité de modifier les dispositions de cette loi
relatives à l'injure. La taxation parle magistrat ou par le de-
mandeur qu'on trouve dans le nouveau régime de répression
de l'injure nous montre un effort fait pour restreindre Varbi-
trium du juge, en réalité elle ne fait que le déplacer. En de-
hors de l'action d'injure, Varbitriiun du juge a eu bien peu à
s'exercer dans les actions délictuellcs privées de la République.
Les lois sur les iy?/^/^,<;//o»r<f suivent aussi à cet égard les [prin-
cipes du droit privé ; lorsque les notions de temps et d'argent
apparaissent dans leurs })rcscriptions pi'nales, elles s'y pré-
INÉGALITÉ DE RÉPRESSION ET FIXATION DE LA PEINE 399
sentent toujours sous la forme d'une fixation de la durée et du
montant de la peine.
Sous le Principal, au contraire, le pouvoir du juge de fixer
la peine domine de plus en plus l'action pénale publique ou
prive'e et a complètement faussé l'application du droit positif. (1039)
Les deux tribunaux les plus élevés, celui des consuls et du s6- Fisaiion
nat et celui de l'empereur, ont, d'après les théoriciens du droit par^ie^'jugnn
eux-mêmes, la faculté d'atténuer ou d'augmenter à leur gré les firo'i impé"ai.
peines légales (1), et dans la pratique ils ont, surtout le second
d'entre eux. fait de ce pouvoir uu usage trop fréquent. Les
cours judiciaires qui doivent leur existence à une délégation
impériale jouissent nécessairement, quoique dans une mesure
moindre, de celte indépendance vis-à-vis des lois. Tel est no-
tamment ie cas pour les préfets de la ville, dont lacompéf.encc
à proprement parler administrative se substitue de plus en
plus à celle des préteurs de Rome, et en grande partie aussi
pour les cours des gouverneurs de province. Quant aux diffé-
rentes sortes de peines, il faut d'abord remarquer que la re-
légation, dont la durée en tant que moyen de coercition avait
été de tout temps normalement fixée dans chaque cas parti-
culier, a gardé ce caractère arbitraire en passant dans le do-
maine de la juridiction. La môme remarque s'applique au
point de vue de la durée à la peine récente des travaux forcés.
Eu outre, le vaste travail d'aggravation des peines et plus par-
ticulièrement l'extension du cbamp d'applicalion do la peine
de mort, qui eurent lieu au m® siècle, furent réalisés avec
tant d'imprécision que ce fut justement pour les peines les
plus graves que Yarbitrium du juge fut le moins délimité. Le
remplacement du système de fixation légale des peines par
celui de la détermination arbitraire du juge a été provo([ué et
dans une certaine mesure motivé moins par le changement des
conditions de la vie que par la désuétude, vraisemblablement
déjà très avancée sous la République, des délits privés et sur-
(l) Pline, Ep., i, 9, 17 : aenatid . . . licet et mitigare leges et inlendere. Ex-
posé plus détaillé ; I p. 296. 306 sv.
400 DROIT PÉNAL ROMAIN
tout de ceux contre la propriété, et par l'arrêt total de toute
activité législative (I p. loU). Le passage indispensable de
la plupart de ces délits privés dans la procédure pénale
publique s'est réalisé par l'intervention, sous la pression des
circonstances, des autorités et môme du monarque dans les cas
les plus graves et par l'application des décisions ainsi ren-
dues à des cas plus ou moins analogues en qualité de précé-
dents judiciaires obligatoires. Ces décisions étaient peu suscep-
tibles de faire de la part des théoriciens du droit l'objet d'un
travail de simplification et de systématisation ; ainsi naqui-
rent ces catégories, peu honorables pour la science du droit et
sans valeur scientifique, qui se présentent dans les sources
juridiques sous le nom de délils extraordinaires (I p. 22i
sv.). Pour ceux-ci, nous n'avons pas une délimitation ferme
(1040) des notions des différents délits et encore moins un taux de
peine arrêté; tout ce que nous trouvons à cet égard dans les
manuels juridiques et même dans des constitutions impéria-
les (1) n'a au fond que la valeur d'indications directrices don-
nées diW jiidex pour l'exercice de son arbitrhim (2) et elles sont
souvent si imprécises, qu'elles pourraient tout aussi bien faire
(1) Des textes innombrables qui peuvent être cités ici nous ne voulons
retenir que deux. Hadrien (Coll., 11, 7 z= Di(j., 47, 14, 1), consulté par
le consiliuin de Bétique sur les mesures à prendre pour remédier aux
vols de bestiaux si fréquents dans cette province, répond que ce délit est
ordinairement réprimé par les travaux forcés à temps ou à perpétuité,
mais qu'il donne parfois lieu à une condamnation à mort, lorsque la fré-
quence de ces vols réclame une répression plus énergique ; l'empereur
ajoute que la peine de mort pourrait être infligée en Bétique, à moins
(ju'on nu préfère appliquer la peine des mines (la proposition de cette
dernière peine pour les cas particulièrement graves est manifestement
une erreur de rédaction, comme le remarque Ulpien lui-même). — Cons-
tantin (Cod., 6, 1,3) donne Tordre de punir l'esclave qui s'enfuit en pays
ennemi soit en lui faisant couper un pied, soit en le condamnant aux tra-
vaux des mines, soit en lui infligeant telle autre peine qui paraîtra con-
venaitle [qualibel alia poena.)
(2) Par exemple pour la punition de ceux qui provoquent dos trouilles
au théâtre Dif/.. 48, J9, 23, 3 ; pour le vol avec elTraction : Du/., 47, 18, 1, 2,
où il y a comme chez Paul, 5, 4, 17 et aux Dig., 47, 20, 3, 2 une fixation
très compréhensible de maximum.
INÉGALITÉ DE RÉPRESSION ET FIXATION DE LA PEINE 401
défaut, ce qui d'ailleurs n'est pas rare (1). Sans doute, la loi
pénale demeure à cette époque obligatoire pour l'autorité judi-
ciaire. La conjecture, d'après laquelle dans la dernière période
tout juge répressif aurait eu la faculté de condamner non à une
peine supérieure, mais à une peine inférieure à celle établie
par la loi, doit être absolument rejetée (2) ; le droit de s'écarter
de la loi pénale est toujours resté, comme le droit de grâce,
un privilège des organes souverains de l'Etat et toute autre
autorité ne peut dans sa sentence s'écarter de la loi pénale
qu'avec l'autorisation de ces organes (3). Mais en réalité sont
seules en vigueur les lois pénales qui ayant eu un carac-
tère obligatoire à leur origine l'ont gardé pleinement dans (1041)
la suite; tel n'est pas le cas dans la dernière période pour la
plupart des lois fondamentales de l'époque de Sylla et d'Au-
guste. La disparition complète de la « procédure ordinaire »
(I p. 22()) ne pouvait pas s'opérer sans réagir sur le fond
même du droit ; si les prescriptions des anciennes lois établis-
(1) Paul, 5, 3, 1. lit. 4, o. 16. D'uj., 48, 10, 27, 2. lit. 19, 37. Cocl. Theod.,
13, 0. 37. 16, 8. 5. 9.
(•2) Par exemple, il est dit dans une loi do Thcodose II contre les héréti-
ques C. Th., 16, 5, 65, 6) : nulli judicum liceat delatum ad se crimen minori
aut nulli coercilioni mandare, nisl ipse id pati velit, quod aliis dissimulando
concesserit. Il est impossible de refuser à cette constitution et aux nom-
breuses autres constitutions du même genre le caractère de prescriptions
juridiquement obligatoires. A vrai dire, il est dans la nature de toutgou-
vernement arbitraire que les ordres du pouvoir soient tantôt considérés
comme juridiquement obligatoires, tantôt ignorés; en pratique, des pres-
criptions telles que celles que nous venons de rapporter ont été à la lon-
gue difficilement appliquées et la peine établie pour le cas d'inobservation
a vraisemblaldemont été d'autant plus forte que le danger de violation
était plus grand.
(3) Le praefeclus Urbi Symmaque, Ep., 10, 49 écrit aux empereurs à pro-
pos d'un cas de calumnia : malui judicium de eo clementibus reservare ; alla
est enim condirlo magislratuum, quorum covruptas vldenlur esse sententiae, si
sint legibus miliores, alia est divinorum principum potestas, quos decet acrimo-
niam severi juris inflectere. L'exactitude de cette remarque est confirmée
par les sources juridiques {Dig., 50, 1, 1, 15, p7\) ; le fait qu'une sentence
prononçant une peine inférieure au taux légal est simplement blâmée,
mais non cassée (Cod., 2, 11, 3), concorde parfaitement avec l'affirmation
de Symmaque. — De même, pour prononcer une peine supérieure au taux
légal, il faut l'autorisation de l'empereur {Dig., 48, 10, 31).
Droit Pénal Romain. — T. III. 26
402 DROIT PÉNAL ROMAIN
sant les peines se maintinrent dans une certaine mesure
(I p. 227 n. 1), elles tombèrent en désuétude dans beau-
coup de cas et n'y furent même pas remplacées par d'autres
dispositions du même genre. Les constitutions impériales, in-
téressantes pour le droit pénal, ne sont le plus souvent que
des décisions rendues pour des cas concrets et leur application
par voie d'analogie ne peut rien avoir de rigide. Par suite, les
règles de droit pénal contenues dans les ouvrages juridiques
de l'époque impériale et dans les compilations de Justinien
n'ont été que des lignes directrices données aux tribunaux
compétents de la dernière période ; les dispositions de l'ancien
droit ne sont pas cotnplètement abolies, elles ont cependant
cessé d'être complètement obligatoires et leur application est
laissée dans cbaque cas particulier à Varbitrhim du juge qui
a notamment la faculté d'atténuer les peines qu'elles pres-
crivent (1).
Motifs Pour fixer la peine dans les limites de la liberté laissée par
qui influent sur ii'i. y • •! • -, . -, , .
,a fixation ^^ ^^^ le jugc SB laissc guidcT cu partie par des considérations
de lapeinepar tjpj^gg dc la Dossibilité ct dc la convenance des peines, ce qui
le juge. ^ r ' 1
(1) Ulpien, Dig., 48, 19, 13 : hodie licet ei qui extra ordinem de crimine co-
r/noscil quam vult sententiam ferre, vel graviorem vel leviorem, iia tamen, ut
in iitroque moderalionem non excédât. Il est possible qu'on ne vise pas ici
la décadence générale des Judicia ordinaria (I p. 226), mais l'opposition
des Judicia ordinaria et des Judicia extra ordinem. Mais au fond la fixation
de la peine est laissée à l'appréciation du juge, non pas parce que la loi
a perdu sa force obligatoire, mais parce que l'ensemble des lois à appli-
quer est tombé en désuétude dans une mesure incertaine. Cela ressort
très nettement de ce fait que très fréquemment les peines sont simplement
qualifiées de peines usitées ;cfr. par exemple Paul, 5, 25, l:poena legis Cor-
neliae tenelur et plerumque aut Itumiliores in metalluni dantiir aut honeslio-
res in insulam deportantur. La loi prescrivait l'interdiction; mais cette
peine s'ctant élevée en droit jusqu'à celle de la déportation ou des tra-
vaux forcés, on condamna i ordinairement » à ces peines; cela prouve
donc qu'une autre peine pouvait être prononcée. On conçoit ainsi qu'Au-
guslin, qui n'était pas versé dans la science du droit, ait pu dire {Ep. 139,
vol. 2, p. 420, éd. Maur.) au magistrat, auprès duquel il intercédait pour
un criminel : soleo audire in poleslate esse judicis mollire sententiam et mitiiis
vindicare qnam juljeanl leges. Mais Augustin demande en outre au magis-
trat, pour le cas où celui-ci n'atténuerait pas la peine, de solliciter de
l'empereur la grâce du coupable.
J
INÉGALITÉ DE RÉPRESSION ET FIXATION DE LA PEINE 403
eut notamment lieu pour l'exécution dans une fêle populaire,
pour la remise aux écoles de gladiateurs et de chasseurs et (1012)
d'une manière générale pour tout internement dans un établis-
sement public; il s'inspire aussi en partie de motifs d'ordre
moral, soit que le juge tienne compte de la gravité morale de
la faute, soitqu'il proportionne la peine à l'effet àproduire sur
le coupable ou sur le public. Toutes les indications d'une portée
un peu générale que contiennent les sources juridiques ro-
maines sur l'élévation et l'abaissement (l)du taux des peines (2)
doivent être groupées ici le plus brièvement possible, bien
qu'elles aient le plus souvent uncaractère évident et tellement
général qu'elles n'ont laissé aucune trace vraiment significa-
tive de leur application pratique. Naturellement, le droit
n'exige pas qu'on tienne compte dans chaque cas particulier
des circonstances que nous allons indiquer, mais en fait cela
eut lieu beaucoup plus fréquemment que ne le laissent entre-
voir les œuvres juridiques.
1. La jeunesse, lorsqu'elle ne supprime pas la responsabilité
(I p. 86 et sv.), est une circonstance atténuante (3), elle suf-
fit à entraîner l'acquittement, lorsque le dol requis pour le
délit repose non sur les simples données de la conscience,
mais sur la connaissance du droit, ce qui a lieu pour les cas
les moins graves de l'inceste (4). — On peut aussi, pour la fixa-
tion de la peine, tenir compte de l'âge au delà de la limite de
la majorité (o).
(1) En général c'est l'abaissement qui est recommandé. Dig., 48, 19, 11,
pr. 1. 42 et ailleurs.
(2) Des égards particuliers, comme ceux qu'avait par exemple Hadrien
pour les condamnés qui possédaient une nombreuse famille (Dion,G9, 23),
ne peuvent jamais être consignés dans un e^osé juridique.
(Z)Dicr., 4, 4, 37, 1 : miseratio aelatls. 48, 13, 7. tit. 19, IG, 3. 11 n'est jamais
tenu compte do la minorité de 25 ans comu)e telle : Dig., 4, 4, 9, :2. 1. 37, 1 .
Cad., 2, 34, 1 . c. 2. 9, 16, -i.
(4) Dig., 48, 5. 39, 4. 7. Il serait correct de n'inlliger aucune peine en
l'absence de dol.
(5) La relégalion à temps est inlligée pour une plus longue durée aux
personnes jeunes qu'aux personnes âgées {Dig., 47, 21, 2).
404 DROIT PÉNAL ROMAIN
2. Les femmes sont souvent moins sévèrement punies (1).
(1043) 3. L'ivresse est une circonstance atténuante (2).
4. Il en est de même pour l'émotion, au moins dans quelques
cas (3).
5. L'infamie de l'auteur du délit est une circonstance aggra-
vante (4).
6. La simple tentative est moins sévèrement punie que le
délit consommé (I p. 113 n. 3).
7. Le fait d'avoir pris une part moins active à l'accomplisse-
ment du'délit est une circonstance atténuante (I p. 118 n. 1).
8. Le motif moral du délit peut produire l'elTet d'une ex-
cuse (5).
9. Le délit commis dans l'exercice d'une charge est plus ri-
goureusement réprimé (6).
(1) Dans les poursuites criminelles que l'empereur Valérien ordonne
en 258 à Rome contre les chrétiens, les hommes qui restent fidèles à
leur croyance subissent la peine de mort, et les femmes sont bannies (Cy-
prien, Ep. 80). L'adoucissement de la répression au regard des femmes
se produit notamment dans les procès où il y a lieu de tenir compte
d'une erreur de droit {Dig.. 22, 6. 9, pr. [I p. 108 n. 1], 48, 13, 7, pr. tit. 16,
4, pr.), et surtout dans l'inceste (II p. 412). Cpr. I p. 108.
(2) Dig., 48, 19, il. 2. 49, 16, 6, 7. Cod., 9, 7, 1. Rhet. ad Her., 2, 16, 24.
Gicéron, De inv., 2, 5, 17. Quintilien, 5. 10, 34. 7, 2, 40.
(3) Celte circonstance est prise en considération dans le cas où l'époux
offensé tue sa femme coupable d'adultère et son complice, du moins lors-
que les lois ne permettent pas un tel acte (II p. 342 n. 2 et 3 ; Coll., 4, 3, 6.
Dig., 29, 5, 3, 3). En principe, c'est la règle contraire qui prévaut : lihet.
ad Her., 2, 16. 24. c. 2.j, 39. Gicéron, De inv., i, 27, 41. 2, 5, 17. Or. part.,
12,43.32, 112. Deoff., 1, 8, 27. Peut-être concevait-on plutôt comme une
circonstance aggravante le fait que le délit avait été commis sans émo-
tion spéciale.
(4) Gallistrate, Dig., 48, 19, 28, 16 : majores noslri in omni supplicio seve-
rius . . . famosos quam inleqrae famae homines punierunt. Toutefois, je ne
puis pas citer d'exemple à l'appui de cette règle.
(o) Réception du bandit dans sa maison, lorsque ce criminel est un pa-
rent : Dig., il, 16, 2. On peut aussi tenir compte de considérations du
même genre en cas d'homicide (II p, 341). C'est surtout pour le crime
d'Etat que les motifs de l'acte auraient pu jouer le rôle de circonstances
atténuantes, si la passion avait laissé ici jdace à de tels égards. En
général, il ne faut pas attacher une trop grande importance à ces consi-
dérations d'une valeur souvent douteuse ; les triiiunaux romains au-
raient certainement condamné saint Crépin comme tout autro voleur.
(6) Constantin, C. Th., 10, 4, 1 : gravior poenu constiluenda est in hos qui
7wslri juris sunl et noslra debent custodire mandata.
INÉGALITÉ DE RÉPRESSION ET FIXATION DE LA PEINK 405
10. Le délit commis par l'esclave sur l'ordre de son maître
est moins sévèrement puni (I p. 89 n. G et 7). La môme re-
marque s'applique au fils de famille (1).
IL Tandis qu'en droit privé le consentement de la victime
exclut tout délit, il n'en est pas de même en droit public (2).
Ici, on punit même l'assistance prêtée au suicide, mais la peine
est naturellement plus douce dans ce cas (3).
12. Les sources contiennent des traces attestant que par (lOii)
considération pour le fonctionnement rigoureux de la procé-
dure pénale (4) ou pour l'application de la discipline domes-
tique (5) la répression publique est parfois atténuée ou môme
complètement supprimée.
13. Le délit, dont la consommation a été poussée assez loin
pour que ses conditions d'existence soient réunies, n'est pas
effacé lorsqu'on s'abstient de poursuivre plus avant la perpé-
tration du délit ou lorsqu'on tente de faire disparaître les
suites de l'acte coupable (6) ; la peine ne'cesse d'être appliquée
que si la loi le prescrit, comme pour le crime de falsification
de monnaie (7). La faculté donnée au condamné dans les délits
d'opinion de se rétracter jusqu'à l'exécution et la promesse
(1) Tacite, Ann., 3, 17.
(2) Il en est ainsi dans le procès d'adultère où le complice de la femme
n'échappe pas à la punition parce que le mari favorise la prostitution de
son épouse. La même remarque s'applique à la castration, à l'avortement
et à d'autres délits encore.
(3) La possibilité de la répression dans ce cas est affirmée au regard
de l'esclave, mémo s'il a simplement négligé d'empêcher le suicide de
son maître (II p. 346 n. 6); elle est donc encore plus certaine au regard
de l'auxiliaire libre. On conçoit qu'il ne soit pas question d'adoucisse-
ment de peine pour les esclaves; cet adoucissement a dû être admis,
même en théorie, au profit des auxiliaires libres. Il est indiqué par Paul,
5, 23, 13 à propos de la castration.
(4) Longue durée de l'instruction : Dig., 48, 19, 2b. C. Th.. 9, 40, 22 =
C. Just., 9, 47, 23. Lorsque le taux légal de la peine a été dépassé : Dig.,
3, 2, 13. 7. 48, 19, 10. 2. CocL, 2, 11, 4.
(5) Dig., 48, 5, 39, 7. Le procès dirigé par Gassius contre les Vestales
montre que l'Etat n'est pas tenu de renoncer à l'action publique par con-
sidération pour la répression domestique (I p. 229 n. 1).
(6) Dig., 47, 8, 5. Cod., 9, 22, 8.
(7) Dig., 48, 10, 19, pr.
406
DROIT PENAL ROMAIN
qui lui est faite de ne pas le punir s'il abandonne l'opinion
coupable sont une mesure de grâce conditionnelle (1).
14. La récidive est une circonstance aggravante (2).
13. La fréquence d'un délit réclame, dans un but d'intimi-
dation, une plus grande sévérité (3).
Tableau jVous tcrmlnous cette Section par un tableau des peines citées
combiné des . . , . t i •
peines et des dâus l'abrégé de droit criminel romain écrit par Paulvraisem-
déiiissous biablemcntsous l'empereur Alexandre Sévère ('222-235) (4) et
le Principal. ' . ^ /
(1043) parvenu jusqu'à nous, non sans lacunes. Nous indiquons aussi
dans cet aperçu les délits et même, dans la mesure où ce ren-
seignement nous^est donné par l'ouvrage de Paul ou peut être
dégagé par voie de conjecture (ce qui est signalé par une as-
térisque), les classes de personnes : personnes de condition,
petites gens ou esclaves^ auxquelles s'appliquent ces peines.
Pour ne pas réunir ensemble des informations hétérogènes, il
nous a paru convenable de ne dresser le tableau en question
qu'avec l'œuvre de Paul; pour le sens parfois incertain des
termes employés par Paul et d'une manière générale pour les
détails qui ne peuvent être sufflsammenl exposés ici nous ren-
voyons au Livre lY.
(1} II p. 119. Cette particularité se rencontre dans le délit de religion
de l'époque païenne (II p. 282 n. 2) comme dans celui de l'époque chré-
tienne (II p. 321 n. 2).
(2) Paul. 5, 21, 1. Dig.. 31. 14. 1. 48, 19, 28, 3. Cod., G, 1. 4. 10, 20, 1,
(3) Dig., 48. 19, 16. 10: nonnumquam evenit, ut aliquorum maleficioriim sup-
plicia exacerbentur, quoliens nimiuni multis personis grassantibus exemplo opus
sit. Coll., H, 7. Paul. 5, 3, 5. Cod., 9, 20. 1.
(4) Paul cite aux livres 14 et 20 de ses responsa dos constitutions d'A-
lexandre Sévère et ses œuvres les plus importantes paraissent avoir été
tt^rminées sous cet empereur. Il en fut vraisemblablement ainsi pour les
Senlenliae (III p. 213 n. 2). Fitting (Aller der Schriflen der rumischeii Juris-
ten, p. 48) les place dans les premières années du règne de Garacalla,
parce que Paul, 5, 16, 11 ne semble pas connaître le rescriplum imp.'imtoris
noslri (vraisemblablement de Garacalla) cité par Ulpien, Dig., 3, 3, 33. 2 ;
toutefois le texte montre que ce rescrit n'a pas réalisé d'innovation et il
est tout à fait impossible de découvrir au point de vue do la représenta-
tion dans un procès pénal, dont il s'agit ici (Il p. 71 n. 7), une diver-
gence d'opinion entre ces deux jurisconsultes.
INÉGALITÉ PE RÉPRESSION ET FIXATION DE LA PEINE 407
I. Peine de mort rigoureuse (par la croix, par le bûcher,
dans une fêle populaire) :
1. sans choix et pour tous :
incendie volontaire dans la ville à l'occasion
d'une émeute (III p. 165 n. 1) 5, 3, 6
vol dans un temple à main armée la nuit. . . 5, 19
désertion 5, 21 A, -
dation d'un philtre ayant entraîné la mort. . 5, 23, 14
magie grave ^^^ 23, 15. 17
meurtre d'un proche 5, 24
2. sans choix pour les petites gens :
soulèvement populaire 5, 22, 1
meurtre ^' 2^' ^' ^^
magie moins grave 5, 23, 16
crime de lèse-majesté 5, 29, 1
3. au choix avec la peine des mines pour
les petites gens :
violation de sépulture (1) 5, 19 A
faux en matière de monnaie et autres ma-
tières ^» ^^' 1
rapt d'homme 5, 30 B, 1
4. sans choix pour les esclaves :
consultation des oracles au sujet de leur
maître 5, 21, 4
assistance prêtée à l'abus des femmes et
des enfants (II p. 432 n. 6) 5, 4, 14
II. Peine de mort simple :
1. sans choix et pour tous :
irruption à main armée dans une maison . . 5, 3, 3
abus des femmes et des enfants ...... 5, 4, 14
incendie volontaire dans la ville 5, 20, 1
magie au regard de l'empereur 5, 21, 3 (1046)
circoncision, comme punition du médecin. . 5, 22, 3
(I) Les mots 5, 19 A aul in melallum damnantur doivent être placés après
adficiuntur.
408 DROIT PÉNAL ROMAIN
2. Sans choix pour les personnes de condition :
meurtre 5, 23, 1. 16
magie moins grave 5, 23, 16
crime de lèse-majesté. 5, 29, 1
3. sans choix pour les petites gens :
fondation d'une secte 5, 21, 2
* circoncision d'un non juif 5, 22, 4
castration contre la volonté du mutilé ... 5, 23, 13
détention de livres magiques 5, 23, 18
homicide par simple faute à la charge
d'un médecin 5, 23, 19
faux témoignage 5, 25, 2
port des insignes d'une classe à laquelle
on n'appartient pas 5, 25, 12
violence grave 5, 26, 1
4. au choix avec la peine des mines ou les
travaux forcés à perpétuité pour les petites gens :
vol grave de bestiaux 5, 18, 2
5. au choix avec le bannissement :
* simulation d'influence sur les magis-
trats 5, 25, 13
6. sans choix pour les esclaves :
faux en matière de monnaie et autres
matières 5, 25, 1
III. Peine des mines pour les petites gens
et pour les esclaves :
1. au choix avec la peine de mort rigou-
reuse : I, 3
2. au choix avec la peine de mort simple ou
les travaux forcés à perpétuité : 11^ 4.
3. sans choix pour les petites gens :
vol commis dans un temple pendant le jour . . 5, 19
incendie volontaire de récolte 5, 20, 5
réponse des oracles à la question posée
par l'esclave relativement à son maître ... 5, 21, 4
INÉGALITÉ DE RÉPRESSION ET FIXATION DE LA PEINE 409
* vol au regard d'une mine ou d'un établis-
sement où se fabrique la monnaie (1) . . . 5, 21 A, 1
viol d'enfants. . ' 5, 22, 5
* homicide par simple faute 5, 23, 12
dation d'un philtre o, 23, 14
ouverture de testament du vivant du
testateur o, 25, 7
révélation de documents d'un procès . . 5, 25, 8. 10
usage de faux documents 5, 25, 9 (1047)
violence légère ..." 5, 26, 3
4. sans choix pour les esclaves :
injure grave 5, 4, 22
déplacement de bornes 5, 22, 2
usurpation de liberté 5, 22, 6
rapt d'homme 5, 30 B, 2
5. au choix avec internement dans une école de
gladiateurs: coups ayant entraîné la mort . . 5, 23, 4
6. au choix avec les travaux forcés à perpétuité :
' vol aux bains 5, 3, 5
■ * injure criminelle (2) 5, 4, 8
incendie volontaire à la campagne 5, 20, 2
IV. Travaux forcés à perpétuité pour les petites gens :
1. au choix avec la peine de mort ou la peine
des mines : II, 4.
2. au choix avec la peine des mines : III, 6
3. sans choix :
vaticinatio en cas de récidive 5, 21, 1
déplacement de bornes 5, 22, 2
V. Travaux forcés à temps pour les petites gens :
vol de bestiaux 5, 18, 1
abattage d'arbres fruitiers 5, 20, 6
(1) Il faut 5, 21 A lire poena melalU aut (au lieu de et) exilii et rapporter
la première peine aux plebeii et la déportation aux personnes de condition.
(2) En cas d'injure criiTiinelle, 5, 4, 8, metallum aut opus puhlicum con
cerne les plebeii et exilium, sans doute la déportation, s'applique aux
personnes de condition.
410 DROIT PÉNAL ROMAIN
VI. lalernement dans une école de gladiateurs au choix avec
la peine des mines pour les petites gens : III, 5.
VII. Déportation pour personnes de condition :
1. sans choix:
inceste pour l'homme 2, 26, 15
* injure criminelle (III p. 409 n. 2) 5, 4, 8
* tentative d'abuser de femmes ou d'enfants . 5, 4, 14
vol commis dans^un temple pendant le jour . . 5, 19
fondation de secte 5, 21, 2
* vol au regard d'une mine ou d'un éta-
blissement où se frabrique la monnaie (III
p. 409 n. 1) 5, 21 A, 1
* soulèvement populaire 5, 22, 1
* reddition de sentence après corruption . 5, 23, 11 c.
25, 2
* circoncision d'un non juif 5, 22, 4
castration contre la volonté du mutilé. . . 5, 23, 13
Détention de livres magiques 5, 23, 18
(1048) faux en matière de monnaie [et autres
matières , . . 5, 25, 1
faux témoignage. . - 5, 25, 2
* reddition de sentence contrairement à
une loi claire 5, 25, 4
ouverture de testament du vivant du
testateur , . . 5, 25, 7
usage de faux documents 5, 25, 9
port d'insignes d'une classe à laquelle on
n'appartient pas 5, 25, 12
violence grave 5, 2G, 1
* (luibitus avec emploi de violence 5, 30 A
2. au choix avec internement :
* calumniti {{) 5, 4, 11
libelle diffamatoire 5, 4, 15. 17
(1) Paul, 5, 4, H exilii vel institue relegatio doit signifier la déportation
ou l'internement.
I.XÉGALITÉ DE RÉPRESSION ET FIXATION DE LA PEINE 4M
violation de sépulture (III p. 407 n. 1) . . . 5, 19 A.
vaticinatio Qn cas de récidive 5, 21, 1
VIII. Internement pour les personnes de condition :
1. -au choix avec la déportation : VII, 2.
2. sans choix :
* adultère . . . .' 2, 26, 14
incendie volontaire à la campagne 5, 20, 2
incendie volontaire de récoltes 5, 20, 5
* réponse des oracles à la question posée
par l'esclave relativement à son maître. . . 5, 21, 4
* circoncision 5, 22, 3
coups ayant entraîné la mort 5, 23, 4
dation d'un philtre o, 23, 14
homicide par simple faute à la charge du
médecin , 5, 23, 19
révélation de documents d'un procès . . 5, 25, 8. 10
violence légère 5, 26, 3
rapt d'homme 5, 30B, 1
3. Internement ou banissement :
déplacement de bornes S, 22, 2
viol d'enfants 5, 22, 5
IX. Bannissement pour les personnes de condition :
1. Bannissement ou internement : VIII, 3.
2. sans choix :
abattage d'arbres fruitiers 5,20,6
* vaticination 5, 21, 1
sentence du juge après corruption 5,28
X. Exclusion du sénat municipal (à coté d'autres peines) : (1049)
calumnia • 5, 4, 11
abattage d'arbres fruitiers 5, 20, 6
sentence du juge après corruption 5, 28
XI. Correction pour les esclaves :
injure légère 5, 4, 22
XII. Renvoi aux actions civiles à un multiple (1) :
(1) Ad forum remittendus seulement chez Paul, 5, 18, 3 ; peut-être toutes
412 DROIT PÉNAL ROMAIN
dommage causé à la chose d'autrui
ou soustraction dans une émeute . . . . 5, 3, 1. 2
incendie par simple faute o, 3, 6. c. 20, 3
abigeatiis o,*18, 1. 3
abattage d'arbres fruitiers 5, 20, 6
péculat 5, 27
Les confiscations de patrimoine, totales ou partielles, qui
s'ajoutent aux peines graves jusqu'au bannissement à vie
(III p. 362 et sv.) ont été omises ici. Les amendes légales, si
fréquentes comme peines administratives, apparaissent rare-
ment dans le droit criminel proprement dit de cette époque.
les actions à un multiple mentionnées appartiennent-elles à la procédure
civile. Paul cite également ici les cas dans lesquels l'indemnité du pré-
judice est qualifiée de peine (3, 20, 3. 6).
FIN DU TOME TROISIEME
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME TROISIÈME
LIVRE IV
LES DIFFÉRENTS DÉLITS (Suite)
Pages.
Section VII. — Acceptation de Libéralités et Exaction des Avo-
cats et des Magistrats [Crimen pecuniarum repetundarum) ... 1
Gratuité des prestations faites par le citoyen, 1 — Accepta-
lion d'argent par les avocats, 2. — Acceptation d'argent par le
magistrat, 3. — Les leges repetundarum, 5. — Limitation sous la
République de l'action de repelundae à l'ordre sénatorial, 7. —
Extension sous l'Empire de l'action de repetundae aux fonctionnai-
res en général, 9. — Eléments du délit, 11. — Acceptation de
libéralités, 12. — Appropriation, 14. — Exaction, 14. — Con-
cussion, 15. — Corruption, 15. — Délits en matière d impôts, 16.
— Interdiction de faire des affaires, 17. — Autres délits de repe-
tundae, 18. — Action en répétition du droit civil, 19. — Parti-
cularités juridiques de la quaestio, 21. — Peine, 27. — Action
contre les héritiers, 32. — Action contre les tiers, 32. — Pres-
cription, 33.
Section VIII. — Appropriation du Bien à.' kntrixi [F urtum) 34
1 Vol de la chose d'un particulier 35
Vol de la chose d'un particulier, 35. — Dispositions légales, 35.
Eléments du délit, 35. — Conlrectatio, 36. — Limitation à la pro- j
414 DROIT PÉNA.L ROMAIN
Pages.
priété mobilière, 41. — ProQt du voleur, 43. — Préjudice causé
au volé, 14.— Tentative, 45. — Les parties, 4(3. —Complicité, 48.
— Perquisition domiciliaire, 51. — Procès de vol, 53 — Procès
capital, 54. — Procédure de composition, 5G. — Infamie, 59. —
Exclusion de la transmissibilité héréditaire et de la prescription,
59. — Revendication du volé, 60. — Condictio furtiva, 62.
2 Vol entre époux (Actio rèrum amotarum) 65
3 Vol commis vis-à-vis du patrimoine des dieux (sacrilegium) et du pa-
trimoine de l'Etat {peculatus) • . . . 66
Les lois sur le sacrilegium et le peculatus, 67. — Notion du sa-
crilegium, 68. — Notion du péculat, 70. — Procédure capitale en
cas de sacrilegium et de peculatus, 76. — Procédure d'indemnité en
cas de sacrilegium et de peculatus, 78. — Action de péculat contre
les héritiers, 80. — Prescription de l'action de péculat, 80.
4 Vol de moissons 80
5 Vol qualifié de l'époque impériale 81
6 Vol d'hérédité 87
Appropriation du pouvoir dominical [plagium) 90
Notion du plagium, 90. — Peine du plagium, 91. — Vente d'en-
fant, 93.
Section IX. — Atteinte à la Personnalité (Injuria) 94
Injuria dans le langage usuel, 94. — Législation sur l'injure,
95. — Atteinte à la personnalité, 95. — Notion de la personnalité,
96. — Injure physique du droit des XII Tables, 97. — Atteinte à
la personnalité dans le droit postérieur, 98, — Limitation de la
faculté d'inlenter une action d'injure dans le droit postérieur. 99.
— DilTérents cas d'injure pouvant donner lieu à une action, 101.
— Permission donnée par le magistrat d'inlenter l'action, 109. —
L'action n'est possible que si l'atteinte ii la personnalité d'aulrui
est intentionnelle, 109. — Injure indirecte, 112. — Action d'injure
du détenteur de la puissance, 112. — Tentative, 113. — Compli-
cité, 113. — Procédure pénale publique en cas de chanson ditl'a-
maloire, 113. — llépression de la chanson dilTamaloire, 114. —
Action privée et peine, 115. — D'après le droit des ,XII Tables,
115, — D'après l'Edit, 116. — Rôle du magistrat dans la fixation
du montant de l'amende, 117. — Le jury, 117. — Peine pécu-
niaire, 110. — Infamie, 119.
Si;(rriu.N X, — Dommage causé à la Chose d' Autrui 12 i
Dommage causé à la chose d'aulrui eu droil publii- li en droit
privé, 124,
TABLE DES MATIÈRES 415
Pages.
1 Dommages causés aux temples 125
2 Violation de sépulture 127
Protection des tombeaux dans le très ancien droit, 127. — L'ac-
tion prétorienne pour violation de sépulture, 129. — Amendes sé-
pulcrales de l'Empire, 130. — Répression criminelle des violations
de sépulture dans la dernière période, 138.
3 Dommages causés à la propriété publique 140
Procédure capitale en cas de déplacement des bornes d'après
le très ancien droit, 140. — Procédure d'amende en cas de dépla-
cement de limite, 141. — Détérioration des aqueducs, 142.
4 Dommages commis vis-à-vis de la propriété privée (damnum injuria). 145
Le dommage causé à la chose d'autrui d'après le droit privé,
145. — Condition de l'action : atteinte à la propriété, 146, — Ac-
tion du propriétaire, 147. — Dommage. 147. — Dolus ou culpa de
celui qui cause le dommage, 150. — Absence de responsabilité,
151. — Tentative, 152. — Complicité, 152. — Procès, U2. —
Peines, 153. — Procédure noxale, 154. — Intransmissibilité hé-
réditaire, 154. — Prescription, 155,
5 Actions analogues pour cause de dommage 155
Dommage causé par des animaux, 156. — Action pour abattage
d'arbres fruitiers, 157. — Homicide de l'homme libre, 158. —
Dommage causé au corps d'un homme libre, lc.8. — Incendie
d'après le droit des XII Tables, 159. — Abus de Vadstipulatio, 160.
— Corruption d'esclave, 161. — Détention d'animaux dangereux,
161. — Dommage par versement ou jet, 161. — Homicide causé
par culpa d'après le droit postérieur, 163. — Incendie d'après le
droit postérieur, 164. — Dommages qualifiés à la chose d'au-
trui, 165,
Sectiox XI. — Abus des Droits 167
Généralités, 167.
1 Empiétements sur la propriété publique 170
2 Inobservation des obligations qui incombent aux propriétaires fon-
ciers 172
Obligations des propriétaires fonciers, 172. — Interdiction de la
crémation et de la fabrication des briques dans la ville, 172. —
Interdiction d'établir des sépultures dans les villes, 173, — Res-
triction à la faculté de démolir les maisons, 173, — Obligation
des propriétaires riverains de contribuer à l'entretien des rou-
tes, 174,
3 Vsare i'^S
1
416 DROIT PÉNAL ROMAIN
Pages.
4 Accaparement de céréales et autres marchandises 177
5 Abus de la liberté de l'industrie et du commerce 179
6 Abus qu'une personne fait de son état 180
Perle de liberté pour une infraction à une interdiction de sé-
jour, 180. — Perte de liberté pour participation à une vente dolo-
sive, 181. — Perte de liberté pour coucubinal d'une femme libre
avec un esclave, 181. — Révocation d'affranchissement pour cause
d'ingratitude, 183. — Révocation de l'émancipation pour cause
d'ingratitude, 184.
7 Appropriation d'un faux état 184
Usurpation de liberté, 18i. — Usurpation de l'ingénuité, 185. —
Usurpation du droit de cité, 186.
8 Infractions aux lois de la République sur les mœurs 188
9 Jeu 188
10 Divination 190
Divination punissable, 190. — Prohibition de la divination, 193.
11 Abus de la brigue électorale (ambitus, sodalicia) 194
Ambitus, 194. — Prohibitions légales, 190. — Eléments de l'am-
bitus, 198. — Association, 202. — Coition, 202. — Loi sur les so-
dalicia, 203. — Procès, 204. — Peine, 205.
12 A 6ms du droit d'association 207
13 Abus de la dénonciation fiscale 210
14 Autres contraventions 213
I. Irrégularités dans l'exercice d'une magistrature, 215. — II. Ir-
régularités dans le service du jury, 217. — III. Conlraventious
diverses, 217.
Section XII. — Concours des Actions Délictuelles 221
Concours des actions (iéiiclucilcs, 221. — Le concours de diffé-
rentes formes de procès n'est pas admis, 221. — Concours des
actions délictuelles et des actions non délictuelles, 223. — Con-
cours des actions délictuelles reposant sur un fondement moral
inégal, 22i. — Exclusion du cumul des actions délictuelles ayant
un égal fondement moral, 225. — Concours des actions délictuel-
les pubHques avec celles du droit privé, 226. — Concours des pei-
nes criminelles extraordinaires avec les actions privées, 227.
TABLE DES MATIERES 417
LIVRE V
LES PEINES
Pages.
Section 1, — La Peine 229
Notion de la peine, 229. — Coercition et juridiction. 229. —
Utilisation de la répression domestique dans le domaine du droit
pénal public, 230. — Exclusion des moyens de coercition, 232. —
Terminologie : poena, 232. — Fondement juridique de la peine
publique, droit pour la communauté de se faire justice à elle-
même, 232. — Fondement juridique de la discipline morale ana-
logue à la discipline domestique, 233. — Forme religieuse de la
peine publique, 233. — Sacratio sans faute punissable, 237. — La
peine privée, vengeance permise par l'Etat ou rachetée sous le
le contrôle de ce dernier, 238. — Exécution publique et privée de
la peine, 239. — iMojens de répression, 240. — Notion de la peine
capitale, 241. — Dénominations génériques des peines non capita-
les, 243. — Loi pénale et condamnation pénale, 244. — Aperçu
des peines, 244.
Section II. — La Peine de Mort 246
Nom, 246. — Intervalle entre la condamnation à mort et son
exécution, 246. — Temps de l'exécution, 248. — Lieu de l'exécu-
tion, 248. — Exécutions dirigées par un magistrat ou non, 250. —
Ofpciales du magistrat, 250. — Formes de l'exécution dirigée par
un magistrat, 251. — Décapitation par la hache, 252. — Crucifie-
ment, 254. — Peine du sac ou submersion, 258. — Mort par le
feu, 260. — Décapitation par l'épée, 261. — Exécution dans une
fête populaire, 263. Exécution des femmes et exécution dans la
la prison, 267. — Exécution non dirigée par un magistrat, 269. —
Jet du haut de la roche Tarpéienne, 270. — Exécution domesti-
que, 274. — Suicide, 274. — Exécution populaire, 274. — Histoire
de la peine de mort chez les Romains, 280.
Section III. — Perte de la Liberté 287
Privation de liberté au nom de la communauté, 287. — Priva-
tion de liberté en droit privé, 288. — Réduction de l'affranchi en
esclavage, 289. — Perte de liberté comme peine accessoire sous
le Principal, 289. — Servus poenae, 290.
Section IV. — Internement dans les Etablissements publics . . . 292
Peine des mines, 292. — Travaux forcés, 295. — Ecole de gla-
diateurs, 297.
Droit Pénal Romain. — T. III. 27
418 " DROIT PÉNAL ROMAIN
Pages.
Sectiox V. — Perte du Droit de Cité 300
Perduellion, 301. — Déportation^ 301. — Travaux forcés, 303.
Section VI. — La Prison 304
Détention pour cause d'exécution, 305. — Détention domestique
des esclaves, 306.
Section VII. — Bannissement et Internement 309
Exil et bannissement à l'époque républicaine, 309. — Développe-
ment de la relegatio, 310. — Les formes de Ja relégation dans la
législation de Sylla et sous l'Empire, 313. — Progrès de la relé-
gation administrative, 313. — Exclusion de la relégation au re-
gard des esclaves et restriction de l'internement aux personnes
fortunées, 315. — Délimitation du lieu de la relégation : bannis-
sement, 316. — Interdiction de l'Italie, 318. — Internement, 320.
— Déportation, 322. — Limites de la relégation quant au temps,
324. — Répression de l'infraction à la relégation, 324. — Les
différentes formes de la relégation et les peines personnelles et
patrimoniales, 325. — Place de la relégation en droit pénal, 327.
Sectiox VIII. — Les Peines Corporelles 330
Mutilation corporelle du droit privé, 330. — Mutilation corpo-
relle dans la procédure pénale publique, 330. — Correction : fus-
tis et flagella, 332. — Correction comme peine accessoire, 333. —
Correction comme peine principale, 334.
Sectiox IX. — Restriction des Droits Civiques 330
Inégalité des droits des citoyens, 336.
1 Privation de sépulture et flétrissure de la mémoire 337
Instance contre des morts, 337. — Défense d'inhumer, 338. —
Deuil, 340. — Destruction des souvenirs, 340.
2 Intestabilité 341
Intestabilité de la loi des XII Tables, 3il. — Intestabilité dans
la dernière période, 343.
3 Infamie comme peine d'un délit 345
Infamie, 345. — Infamie comme peine d'un délit, 348.
4 Incapacité de briguer des charges et de faire partie du sénat, envi-
sagée comme répression d'un délit 350
5 Interdiction d'accomplir certains actes publics ou privés comme ré-
pression d'un délit 355
TABLE DES MATIÈRES " 419
Pages.
Destitution des prêtres, 355. — Destitution des magistrats, 355.
— Interdiction de certains actes, 350.
Section X. — Confiscation du Patrimoine ou d'une Quote-Part du
Patrimoine 358
Conûscation de patrimoine, 358. — Restriction en faveur des
enfants du condamné, 359. — En cas de peine de la perduellion,
3GÛ. — En cas de perte de liberté, 362. — En cas de relégation,
363.
Sectiox XI. — Les Amendes 366
Différentes espèces d'amendes pécuniaires, 366.
1 L'amende infligée dans la procédure des magistrats et des comices. 368
Apparition de la peine pécuniaire publique, 368. — Modalités de
l'amende publique, 370.
2 L'action prétorienne en réclamation d'une amende pécuniaire fixe . . 371
L'amende pécuniaire fixe établie par une loi, 371. — Réclama-
tion par voie de procédure civile. 372. — Taux de l'amende
fixe, 374.
3 L'action prétorienne estimatoire en réclamation d'une amende. . . . 375
Réalisation par le magistrat des confiscations et des amendes au
profit de la communauté 378
Saisie du patrimoine confisiiué, 379. — Praedes, 379. — Addic-
tio, 380. — Coercition, 380. — Faillite, 381. — Perception du sa-
cramentum, 382. — Perception des amendes édiliciennes, 382. —
Versement des amendes dans les caisses des temples, 383. —
Versement des amendes dans la caisse de l'empereur, 384. — In-
tervention des fonctionnaires des finances dans l'application des
peines patrimoniales, 380.
Sectiox XII. — Inégalité de Répression et Fixation de la Peine
par le Juge 389
Inégalité légale des peines entre l'homme libre et l'esclave, 390.
— Egalité juridique des hommes libres à l'époque républicaine, 391.
— Inégalités juridiques entre citoyens sous le Principat, 391. —
Personnes privilégiées: sénateurs, 391. — Chevaliers, 391. —
Soldats et vétérans, 393. — Décurions, 393. — Honestiores et pie-
beii, 394. — Privilèges du droit pénal, 394.
Le très ancien droit n'admet pas la fixation de la peine par le
juge, 396. — Pouvoir du juge de fixer la peine dans la procédure
plébéienne publique, 397. — Pouvoir du juge de fixer la peine dans
le droit privé de la République, 398. — Fixation de la peine par
420 DROIT PÉNAL ROMAIN
Paees.
le juge en droit impérial, 399. — Motifs qui influent sur la fixa-
tion de la peine par le juge, 402. — Tableau conabiné des peines
et des délits sous le Principat, 406.
Table des Matières (1) 413
1. La table alphabétique des matières et la table des textes commen-
tés que nous trouvons dans l'ouvrage allemand sont notoirement insuf-
fisantes ; le traducteur se propose de publier dans une brochure séparée,
avec renvois simultanés à l'édition française et à l'édition allemande,
quatre tables complètes : celle des matières par ordre alphabétique, celle
des textes commentés et cités, celle dos noms de personnes et celle des
noms de lieux.
Imprimerie Générale de ChàtiUon-sur-Seine. — A. Pichat.
Réseau de bibliothèques
Université d'Ottawa
Échéance
Library Network
University of Ottawa
Date Due
à-
? 310 0 3 p'^ff««JIMl