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Full text of "La Droit pénal romain"

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University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/ladroitpnalrom19monim 


MANUEL 


ANTIQUITÉS   ROMAINES 


XIX 


MANUEL 


DES 


ANTIQUITÉS  ROMAINES 


THÉODORE  MOMMSEN,  J.  MARQUARDT  &  P.  KRÙGER 

TRADUIT    DE    l'aLLEMAXD    SOUS    LA    DIRECTION    DE 

M.  Gustave  IIUMBERT 

Professeur  honoraire  à  la  Faculté  de  Droit  de  Toulouse,  ancien  Garde  des  Sceaux, 
ancien  Vice-Président  du  Sénat,  premier  Président  de  la  Cour  des  Comptes. 


TOME   DIX-NEUVIEME 

LE  DROIT  PÉNAL  ROMAIN 

Par    THÉODORE    MOMMSEN 

TRADUIT  DE  l'allemand 
AVEC  l'autorisation   DE   LA   FAMILLE  DE  l'aUTEUR   ET   DE   l'ÉDITEUR   ALLEMAND 


J.  DUQUESNE 

Professeur  à  la  Faculté  de  Droit  de  Grenoble 


TOME  TROISIÈME 


IH»»AR»CS 


■•«•y«{0^ 


PARIS 

ANCIENNE    LIBRAIRIE    THORIN    ET    FILS 

ALBERT  FONTEMOING,  ÉDITEUR 

LIBRAIRE   DES    ÉCOLES    FRANÇAISES    d'aTHÈNES    ET    DE    ROME 
DE     l'iNSTITOT     français    d'aRCHÉOLOGIE     orientale     du     CAIRE 

DU  collège  de  fuance  et  de   l'École  normale   supérieure 
4,  Rue  Le  GofF,  (V») 

1907 


LE 

DROIT  PÉNAL  ROMAIN 

Par  Théodore  MOMMSEN 
III 


DEDIE 

A    LA    FACULTÉ    DE    DROIT 
DE    l'université    FRÉDÉRIC-GUILLAUME    a    BERLIN 

PAR 

UN    DE    SES    ANCIENS    .MEMBRES 


LE 

DROIT  PÉNAL  ROMAIN 

PAR 

THÉODORE  MOMMSEN 


TRADUIT    DE    L  ALLEMAND 
AVEC   l'autorisation  DE  LA  FAMILLE  DE  l'aUTEUR  ET  DE  l'ÉDITEUR  ALLEMAND 


J.    DUQUESNE 

PROFESSEUR  A  LA  FACULTÉ  DE  DROIT  DE  GRENOBLE 


TOME   TROISIEME 


PARIS 

ANCIENNE    LIBRAIRIE    THORIN    ET    FILS 

ALBERT  FONTEMOING,  ÉDITEUR 

LIBRAIRE   DES   ÉCOLES   FRANÇAISES   d'aTHÈNES   ET   DE   ROME 

DE    l'institut    français    D  '  AH  C  HÉO  LOGI  E    ORIENTALE    DO    CAIRE 

DU    COLLÈGE    DE    FRANCE    ET    DE    l'ÉCOLE    NORMALE    SUPÉRIEURE 

4,  Rue  Le  Gofif,  (V«) 
1907 


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DEOIT  PÉNAL  ROMAIN 


LIVRE  IV 

LES    DIFFÉRENTS   DÉLITS 

(suite) 


SECTION   VII  (705) 

ACCEPTATION  DE  LIBÉRALITÉS  ET  EXACTIONS  DES  AVOCATS 
ET  DES  MAGISTRATS 

{Crimen  pecimiarum  repetundarum). 
D'après  les  conceptions  romaines,  il  est  indécent  d'accepter      Gratuité 

j,]  .  1,  !•  ijj-'     des  prestations 

un  dedommaf,^ement  pour  1  accomplissement  des  devoirs  ci-  ^^^gg 
viques  les  plus  élevés.  Le  simple  soldat  reçoit  une  solde,  mais  p*""  '«  citoyen. 
non  pas  l'officier;  l'artisan  et  le  scribe  sont  payés,  mais  non 
pas  le  gérant  d'affaires  et  l'avocat;  enfin  et  surtout  l'as- 
semblée municipale  et  les  magistrats  de  la  cité  fournissent 
gratuitement  leurs  services.  Lorsqu'au  temps  de  Caton  cette 
vieille  et  belle  coutume  commença  à  péricliter  et  fut  peu  à 
peu  non  pas  abolie,  mais  simplement  mise  en  échec  par 
d'habiles  expédients,  on  tenta  de  réprimer  par  des  mesures 
législatives  l'enrichissement  incorrect  des  avocats  et  des  ma- 
gistrats. Nous  devons  exposer  ici  les  lois  promulguées  dans 
ce  but.  Si  les  mesures  prises  contre  les  honoraires  des  avocats 

Droit  Pénax  Romaim.  —  T.  III.  ^ 


2  DROIT    PENAL    ROMAIN 

n'ont  eu  que  peu  d'importance  politique  et  ne  rentrent  pas  à 
proprement  parler  dans  le  domaine  du  droit  pénal,  les  règles 
répressives  établies  contre  les  profits  des  magistrats  ont  eu 
au  contraire  une  importance  politique  considérable  dans  les 
deux  derniers  siècles  de  la  République  et  ont  en  outre,  à  cette 
époque,  été,  non  pas  à  raison  de  leur  nature,  mais  à  raison 
de  leur  forme,  le  point  de  départ  d'une  transformation  géné- 
rale du  droit  pénal. 
Acceptation  En  oo0/204j  ncuf  ans  avant  le  consulat  de  Caton  l'Ancien, 
te^fvocau'  oti  vota,  sur  la  proposition  du  tribun  de  la  plèbe  M.  Cincius 
Alimenlus,  une  loi  qui  enlevait  toute  efficacité  juridique  à  la 
promesse  de  donation  faite  entre  personnes  non  parentes,  mais 
laissait  subsister  en  principe  la  donation  pleinement  exécutée, 
(706)  tandis  qu'elle  prohibait  une  pareille  donation  faite  à  un  avo- 
cat et  organisait  pour  ce  cas  une  action  en  restitution  (1), 
Cette  dernière  interdiction  a  été  maintes  fois  renouvelée  et 
précisée  à  l'époque  impériale,  tout  d'abord  par  Auguste  en 
737/17  (2),  puis  sous  Claude  en  49  (3)  et  sous  Néron  dans  les 
années  54  et  38  (4).  Cette  règle  s'est  d'ailleurs  maintenue  dans 

(1)  Tacite,  Ann.,  11,  o  (cpr.,  13,  20)  :  lerjemgue  Cinciam  flagilant,  qiia  ca- 
vetur  antiquilus,  ne  quis  oh  cansam  oranclam  pecuniam  donumvc  accipiul.  Ci- 
céron.  De  senect.  4,  10  et  Tite-Lis'e,  29,  £0,  11,  déterminent  l'époque  de 
cette  réforme.  Les  règles  générales  sur  les  promesses  de  donations  et  sur 
les  donations  réalisées  n'appartiennent  pas  au  droit  pénal. 

(2)  Dion,  o4,  18  :  to-j;  fr,topa;  àtx'.ffûi  a-jvayops-jciv  r^  TîTpa^/.ic-iov  ôaov  av 
),(iow(Jiv  êxTtveiv  ixéXs'jffs. 

(3)  Tacite,  loc.  cit.  Le  débat  se  termine  ainsi  :  en  cas  d'acceptation 
d'honoraires  supérieurs  à  10.000  sesterces  (=:  100  aurei  =  2.000  marks) 
pour  le  même  procès  l'avocat  tombera  sous  le  coup  de  la  lex  repelundariim 
(c.  7  :  capiendis  pecuniis  [posait]  modum  nsque  ad  dena  sestertia,  qiiem  egressi 
repetimdai-um  tenerentur).  Cela  doit  être  le  sénatusconsulte  que  publie  de 
nouveau  sous  Trajan  le  préteur  de  repelundae  Licinius  Nepos  et  dont  il 
recommande  l'observation  (Pline,  Ep.,  b,  9,  [21]  :  suberat  edicto  senatus 
consultum  hoc,  omiies  qui  quid  negotii  haberent  jurare  prias  qaum  agerent  ju- 
bebantur  jiihil  se  ob  advocalionem  cuiquam  dédisse  protnisisse  cavisse...  peraclis 
tamrn  negotiis  penniltebattir  pecaniain  dumtaxat  decem  milium  dure). 

(4)  En  l'année  54,  le  Sénat  vota  la  suppression  complète  dos  honoraires 
(Tacite,  13,  .^  :  ne  qais  ad  causant  orandam  mevcede  aut  donis  emeretur)  ;  mais 
dôjà  en  l'an  58  on  remet  en  vigueur  \u.poena  Cinciae  legis  adversus  eos  gui 
prelio  causas  oravissent  (Tacito,  Anu.,  13,  42),  c'est-:\-dire  que  lu  disposi- 
tion de  l'an  49  est  rétablie.  Cette  prescription  s'applique  encore  sous  Jus- 
tinien  avec  le  même  maximum  (Z>/7.,  '60,  13,  1,  10-13).  Cpr.  0"iiitilien,  12, 


ACCEPTATION    DE    LIBÉRALITÉS    ET    EXACTIONS  3 

la  suite  avec  celte  seule  modificalioa  qu'on  reconnut  plus  lard 
à  l'avocat  le  droit  de  recevoir  des  honoraires  dans  les  limites 
fixées  par  la  loi  et  qu'on  lui  garantit  dans  cette  mesure  l'as- 
sistance de  la  justice. 

Le  magistrat  qui  s'approprie  injustement   une  chose  pu-    Acceptation 
blique    ou   le   bien  d'un  citoyen   ou    d'uu    non  citoyen   est   lemagutrlt. 
exposé  à^des  actions  pénales  diverses  dont  nous  parlerons  dans 
la  Section  suivante.  Si  le  magistrat  reçoit  simplement  des 
dons,   son  acte  est  contraire   aux  convenances  (1),   non  pas 
au  droit;  et,  si  sous  la  forme  d'une  libéralité  se  cache  une  exac- 
tion ou  une  corruption,  ce  fait  en  lui-même  ne  tombe  pas  sous 
le  coup  des  lois  pénales  en  vigueur.  Peut-être  l'ancien  droit 
doniia-t-il  au  préteur  la  possibilité   de  traiter  comme  délit      (707) 
privé  l'abus  grave  des  acceptations  de  libéralité  (2)  uu  même 
de  casser  l'acte  par  voie  de  restitutio  in  integrum  (3)  ;  il  n'y 
eut  là  en  tout  cas  qu'un  remède  peu  important  en  pratique, 
étant  donnée  la  preuve  requise  pour  de  telles  exceptions.  Le 
peuple  de  Rome  et  la  confédération  italique  des  cités  de  l'an- 
cienne République  avaient  à  peine  besoin,  à  raison  du  peu  de 
complexité  de  la  vie   publique  à  cette  époque  et  de  l'indépen- 
dance relative  des  cités  unies  à  Rome,  d'une  protection  juridi- 
que spéciale  vis-à-vis  des  magistrats  romains;    dans  les  cas 
d'abus  graves  qui  se  sont  certainement  produits  alors,  l'inter- 
vention administrative  du  gouvernement  romain  n'a  pas  dû 


7,  10  et  Pline,  Ep.,  o,  4.  9.   13,  où  celui-ci  rapporte  le  procès  de  l'avocat 
Tuscilius  Nominatus  coupable  d'avoir  enfreint  cette  régie. 

(1)  L'ambassadeur  romain  envoyé  auprès  du  roi  Tigrane  n'accepte  des 
riches  présents  que  lui  fait  celui-ci  qu'une  coupe  d'or,  et  encore  ne  le 
fait-il  que  pour  ne  pas  paraître  impoli  (Plutarque,  Luc,  2J).  La  lex  repe- 
lundarurn  ne  s'applique  pas  aux  dons  faits  par  un  souverain  étranger  in- 
dépendant. 

(2)  Bien  que  les  avocats  présentent  fréquemment,  et  avec  raison  au  point 
de  vue  moral,  l'exaction  comme  un  vol,  les  sources  juridiques  séparent 
toujours  rigoureusement,  tant  au  point  de  vue  du  fond  que  de  la  termi- 
nologie, les  repetundae  et  le  fiirtum.  Le  premier  de  ces  délits  suppose  un 
déplacement  de  propriété,  tandis  que  le  second  l'exclut. 

(3)  La  restitutio  in  integrum  ob  melum  est  sans  doute  antérieure  en  fait  à 
son  introduction  dans  l'édit  comme  institution  permanente  (II  p.  373), 
mais  elle  n'est  pas  un  moyen  de  procédure  ordinaire. 


4  DROIT   PÉNAL   ROMAIN 

être  sollicitée  en  vain  (1).  Des  mesures  exceptionnelles  d'or- 
dre législatif  ne  sont  devenues  nécessaires  contre  cet  abus  de 
la  fonction  publique  que  plus  tard,  lorsqu'au  cours  du  vi«  siè- 
cle de  la  fondation  de  Rome  les  territoires  conquis  au-delà  des 
mers  furent  annexés  à  la  confédération  italique  des  cités  et 
que  les  abus  inhérents  au  gouvernement  de  tels  territoires  se 
firent  sentir.  La  première  mesure  de  ce  genre  qu'enregistrent 
les  annales,  devenues  pour  cette  époque  dignes  de  créance  et 
relativement  complètes,  fut  provoquée  parles  plaintes  portées 
en  583/171  devant  le  Sénat  contre  une  série  de  gouverneurs 
romains  à  raison  d'exactions  commises  dans  les  deux  provinces 
d'Espagne.  Afin  de  permettre  l'examen  de  ces  plaintes,  un  pré- 
teur chargé  de  ce  soin  organisa  sur  l'ordre  du  Sénat,  pour 
chaque  magistrat  accusé,  en  groupant  toutes  les  plaintes 
formulées  contre  celui-ci  et  en  suivant  les  règles  de  la 
procédure  civile,  un  tribunal  de  récupérateurs  composé  de 
cinq  jurés  de  rang  sénatorial  (I  p.  206  n.  1);  les  demandeurs 
reçurent  les  avocats  de  leur  choix  pris  parmi  les  hommes  les 
plus  en  vue  du  Sénat  et  au  nombre  desquels  se  trouvait  natu- 
rellement Caton.  Ces  procès  aboutirent  au  moins  en  partie  à 
(708)  des  condamnations  sévères  contre  les  accusés  (2).  Dans  les  an- 
nées suivantes,  une  série  de  procès  semblables  eurent  égale- 
ment lieu  sur  l'impulsion  du  Sénat  (3). 


(1)  Parmi  ces  mesures  rentre  l'intervention  énergique  du  Sénat  contre 
les  mauvais  traitements  infligés  aux  Locriens  pendant  la  guerre  d'Han- 
nibal. 

(2)  Tite-Live,  43,  2.  La  dissensio,  dont  il  est  question  à  cet  endroit,  a 
probablement  consisté  en  ce  que  les  quatre  patrons  ont  tout  d'abord 
conduit  le  procès  ensemble,  puis  l'ont  dirigé  deux  par  deux.  Le  droit 
pour  les  parties  de  présenter  et  de  récuser  des  jurés  lors  de  la  nomi- 
nation de  ceux-ci  n'est  nullement  exclu  par  le  dare  du  magistrat. 

(3)  Tite-Live,  Ep.,  47  pour  l'année  600/154  ;  aliquot  praetores  a  provinciis 
avariliae  nomine  accusati  damnati  sunl.  Si  le  Sénat  n'avait  pas  provoqué 
ces  procès,  ils  n'auraient  pas  figuré  dans  les  annales.  Naturellement,  il 
arriva  aussi  plus  tard,  lorsque  le  contrôle  de  la  justice  eût  été  régula- 
risé, qu'on  portât  fréquemment  plainte  devant  le  Sénat  par  voie  admi- 
nistrative :  c'est  ce  qui  eut  lieu  par  exemple  en  Gi4  contre  le  gouverneur 
de  Macédoine  dont  le  père  par  le  sang,  T.  Manlius  Torquutus,  proposa 
au  Sénat  de  lui   confier  en  première  ligne  le  soin  d'instruire  l'affaire 


ACCEPTATION   DE    LIBÉRALITÉS    ET    EXACTIONS  5 

Ces  actions  privées  exceptionnelles  ont  bientôt  après,  en  Les  leges 
605/149,  donné  naissance  à  une  commission  permanente  de  ''*^*'""  "'""'"■ 
jurés  présidée  par  un  préteur.  Celle-ci  fnt  établie  conformé- 
ment à  un  plébiscite  que  le  tribun  de  la  plèbe,  L.  Caipurnius 
Plson,  proposa,  certainement  à  l'instigation  du  Sénat,  pour  ré- 
primer l'acceptation  par  les  magistrats  de  libéralités  en  ar- 
gent. Cette  création  fut  le  point  de  départ  de  la  procédure  des 
quaestiones  et  par  suite  de  la  procédure  criminelle  de  la  fin  de 
la  République  et  de  l'Empire  (1).  Ce  plébiscite  est  sans  doute  cette 
même  loi  Calpurnia  qui  en  droit  civil  a  étendu  aux  créances 
de  toutes  sortes  l'action  personnelle  précédemment  introduite 
pour  les  créances  d'argent  (2).  La  loi  Calpurnia  fut  bien- 
tôt suivie  d'une  loi  Junia,  dont  nous  ne  connaissons  que  le 
nom  (3);  puis  vint  une  loi  qui  nous  est  parvenue  en  grande 
partie  et  qui  est  vraisemblablement  la  loi  Acilia  de  631- 
632  123-122  (4)  et  après  celle-ci,  peu  avant  643/111,  fut  votée      (709) 


(Tite-Live,  Ep.,  54  ;  Gicéron,  De  fin..  1,  7,  24  ;  Val.  Max.,  5,  8,  3)  et  quel- 
ques années  plus  tard  contre  Valerius  Messala  (Aulu-Gelle,  15,  14). 

(1)  I  p.  220.  La  lex  Acilia  repetundarum  (G.  I.  L.  I^  p.  58  et  sv.)  nomme  à 
la  lig.  74  comme  la  première  de  cette  liste  la  lex,  quam  L.  Caipurnius  L.  f. 
tr.  pi.  rogavit.  Gicéron,  Brut.,  27,  106  :  quaestiones  perpetuae...  antea  nullae 
fuerunt;  L...  Piso  tr.  pi.  legem  primas  de  pecuniis  repetumlis  Censànno  et  Ma- 
nilio  COS.  tulit.  De  même,  Gicéron,  De  off.,  2,  21,  75.  Verr.,  3,  84,  195.  4,  25, 
56  et  les  scolies  sur  le  discours  Pro  Flacco,  p.  233,  Orell.  Tacite,  Ann.,  15, 
20.  Par  méprise.  Val.  Max.,  6,  9,  10  (III  p.  29  n.  !)  nomme  cette  loi  lex 
Caecilia. 

(2)  Gaius,  4,  19  :  legis  actio  (per  condiclionem)  constiluta  est  per  legem  Siliam 
et  Calpu^niam,  lege  quidem  Silia  certae  pecuniae,  lege  vero  Calpurnia  de  omni 
certa  re. 

(3)  Nous  ne  le  connaissons  que  par  la  loi  Acilia  qui  à  la  lig.  74  nomme 
comme  suivant  la  loi  Galpurnia  et  comme  précédant  immédiatement  la 
loi  Acilia,  la  lex  quam  M.  Junius  D.  f.  tr.pl.  rogavit. 

(4)  Pour  la  détermination  de  l'époque,  cpr.  G.  I.  L.  I.p.  54.  L'antériorité 
immédiate  de  la  loi  Acilia  par  rapport  à  la  loi  Servilia  résulte  du  seul 
texte  qui  nomme  cette  dernière  :  Gicéron,  Verr.  1.  1,  9,  26  (cpr.  Act.  1,  17, 
51)  ;  l'antériorité  de  la  loi  Servilia  par  rapport  à  la  loi  Gornélia  est  éta- 
blie par  Gicéron,  Pro  Rab.  Post.,  4,  9.  L'ordre  inverse  affirmé  par  le  sco- 
liaste  mal  renseigné  des  Verrines  est  depuis  longtemps  écarté.  Il  est  pos- 
sible que  le  plébiscite,  dont  le  texte  nous  est  en  partie  parvenu  et  dont 
la  date  est  déterminée,  soit  distinct  du  plébiscite  Acilien,  mais  cela  est 
peu  vraisemblable,  aussi  présentons-nous  ce  plébiscite  gous  le  nom  de 
loi  Acilia, 


6  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

la  loi  proposée  par  le  IribuQ  de  la  plèbe.  C.  Sjrvilius  Glau- 
cia  (1).  La  loi  Acilia,  votée  sous  i'inflaence  de  C.  Gracchus,  a 
fait  de  l'action  en  répétition  une  action  pénale,   en  imposant 
l'obligation  d'une  restitution  au  double  comme  en  cas  de  vol, 
et  a  en  même  temps  également  aggravé  les  règles  antérieures. 
La  loi  Servilia  a,  étant  donnée  la  situation  politique  de  son 
auteur,  nécessairement  suivi  et  accentué  la  môme  tendance  ; 
elle  a  établi   la  peine  de  l'infamie  contre  celui  qui  était  con- 
damné dans  un  pareil  procès  et  a  soumis  les  tiers  détenteurs 
à  l'action  en  répétition.  Après  la  défaite  de  la  démocratie, 
la  lex  repetimdarum  de  Sylla,  promulgée  en  673/81  (2),  fut 
certainement  conçue  dans  un  esprit  tout  différent.  La  dernière 
loi  qui  ait  été  promulguée  sur  ce  délit  à  l'époque  républicaine 
est  celle  de  César,  datant  de  son  premier  consulat  en  695/59; 
elle  aggravait  de  nouveau  la  répression  (3)  et  est  restée  la  loi 
fondamentale  en  cette  matière  à  l'époque  impériale  (4). 
La  fréquence  de  l'intervention  législative  en  notre  matière 
(710)      a  eu  pour  principale  cause  les  oscillations  politiques  sur  la 
question  de  recrutement  des  jurés  réglée  par  ces  lois  spécia- 
les et  en  outre  la  fréquence  et  la  gravité  toujours  croissantes 


(1)  Cicoron  Brut.,  62,  224.  Verr.,  1.  1,  9,  26.  Pro  Rab.  Post.,  4.  9.  Pro  Balbo, 
24,  54.  Asconius,  In  Scaur.,  p.  21,  éd.  Orelli.  Val.  Max.  8,  1,  8.  Ma  conjec- 
ture d'après  laquelle  Glaucia,  qui  périt  en  654/100,  avait  proposé  cette  loi 
en  643,  s'appuie  sur  ce  que  la  table  de  bronze  qui  contient  la  loi  Acilia  fut 
retournée  et  utilisée  pour  l'inscription  d'un  autre  plébiscite,  ce  qui  eût 
été  difficile,  tant  que  la  loi  Acilia  fut  en  vigueur  (C    1.  L  ,  I,  p.  56). 

(2)  Gicéron,  Pro  Mb.  Posl.  4,  9. 

(3)  Gicéron,  Pro  Sest.,  64,  135,  avec  les  Scolies,  p.  310;  In  Vat.,  12,  29 
avec  les  Scolies  p.  321  ;  In  Pis.,  21,  50.  37,  flO  ;  Pro  Rab.  Post.,  4,  8.  5,  12. 
Gaelius,  chez  Gicéron,  Ad.  div.,  8,  8,  où  le  ch.  101  de  la  loi  est  cité.  Paul, 
5,  28.  Cod.  Th..  9,  27  r=  C.  Jusl.,  9,  27  =  Dig.,  48,  11,  de  lege  Julia  repetun- 
darum.  Cette  loi  est  citée,  en  dehors  de  ce  titre,  aux  Diq.,  1,  9,  2.  tit.  16, 
10,  1.  22,  5,  13.  48,  1,  1.  50,  5,  3.  Inst.,  4,  18,  11.  Elle  était  plus  sévère  que 
la  loi  Cornélia,  car  Gicéron  le  dit,  Pro  Rab.  Post.  4,  8,  et  la  situation  po- 
litique de  Gésar  à  cette  époque  l'implique  aussi. 

(4)  Le  plébiscite,  Die/.,  1,  18,  18  :  plebi  scito  contineliir,  uti  ne  quis  praesi- 
dum  munus  dontim  caperpt  nisi  esrulentum  pot ii lent umve,  quod  intra  dies  proxi- 
moi  prodigaliir,  est  difficilement  une  des  leges  repetimdaruni,  étant  donné 
surtout  qu'il  ne  peut  s'agir  de  la  loi  Julia  qui  est  une  loi  consulaire. 
Cette  régie  qui  concorde  avec  celle  des  leges  repetundarum  peut  aussi  avoir 
été  formulée  dans  un  autre  plébiscite. 


ACCEPTATION    DE    LIBERALITES    ET    EXACTIONS  7 

des  exactions  des  magistrats  au  dernier  siècle  de  la  Républi- 
que. Ces  lois  furent  manifestement  peu  efficaces  (1).  Ce  fut 
seulement  avec  l'avènement  de  l'Empire  qu'un  pouvoir  central 
plus  fort  et  un  contrôle  plus  sévère  endiguèrent  dans  une  cer- 
taine mesure  le  flot  déchaîné  des  abus.  Xous  montrerons  plus 
loin,  qu'à  la  différence  des  lois  républicaines  qui  se  contentè- 
rent en  principe  de  réprimer  la  corruption  des  fonctionnaires 
parune  action  en  répéiilion  (repetere),  la  législation  impériale, 
dans  son  désir  d'assurer  un  fonctionnement  sérieux  du  service 
de  la  justice,  transforma  la  procédure  en  action  criminelle  et 
en  dégagea  le  délit  de  concussion. 

L'action  de  repetimdae  ne  s'applique  dans  la  forme  de  la  Limitation  sous 
quaestio  qu'à  des  personnes  déterminées.  Quant  à  la  question  'drî-Tcuon"* 
de  savoir  quelles  personnes  ont  le  droit  d'intenter  cette  ac-  ^'^  repeiundae 

à  l'ordre 

tion,  nous  ne  pouvons  l'exposer  qu  a  propos  de  la  procédure,     sénatorial. 
Peuvent  être  poursuivis  dans  cette  forme  de  la  quaestio  : 

1.  Le  magistrat  de  la  communauté  romaine,  issu  d'une 
élection  populaire  ou  assimilé  à  ceux  qui  sont  ainsi  élus,  en 
descendant  jusqu'au  tribun  de  légion  ayant  rang  de  magis- 
trat (2),  à  raison  des  dons  reçus  pendant  sa  magistrature  ou 
sa  promagistraturc; 

2.  le  sénateur  romain  (3),  en  tant  qu'il  remplit  des  fonctions 


(1)  Gicéron,  De  off.,  2,  21,  7o  :  nondum  cenlum  et  decem  anni  sunt,  cum  de 
pecuniis  repelundis  a  L.  Pisone  lata  lex  est,  nulla  antea  cum  fuissel.  At  vero 
postea  tôt  leges  et  proximae  quaeque  duriores,  tôt  rei,  tôt  damnati...  tanta  sit- 
blatis  legihiis  atque  jiidiciis  expilatio  direptioque  sociorum  ut  imbecillilate 
aliorum,  non  nostra  virtute  valeamus.  Il  n'appartient  pas  au  droit  pénal 
de  citer  les  preuves  très  nombreuses  en  ce  sens.  Q.  Calidius,  raconte 
Cicéron  {Verr.,  act.  1,  13,  38),  damnatus  (dixit)  minoris  sestertium  tricies 
(r=:  oOO.OOO  marks)  praetorium  liominem  honeste  noii  posse  dnmnnri. 

(2)  Pour  la  délimitation,  cpr.  St.  R.,  1,  9,  [Dr.  piibl.,  1,  9].  Cette  liste  se 
trouve  dans  la  lex  Acilia  en  tète  de  l'énumération  des  personnes  soumises 
à  cette  procédure. 

(3)  Dans  la  lex  AcUia,  1.  2,  les  mots  quojus[ve]  paler  senator  siet  manquent 
d'un  point  d'attache  nécessaire.  Avant  eux,  il  y  avait  sans  doute  soit 
la  formule  queive  senator  siet  (rendue  vraisemblable  par  les  paroles  sui- 
vantes, cpr.  St.  R.,  3,  838,  n.  2  [Dr.  publ.,  7,  28,  2],  soit  la  formule  queive 
in  senatu  siet  (y  compris  les  assesseurs  ayant  le  droit  de  vote)  qui  a  dis- 
paru ;  car  ce  qui  est  dit  des  fils  doit  s'appliquer  encore  plus  aux  pères 
et,  sans  cette  addition,  certaines  personnes,  par  exemple  les  légats  séna- 


8  DROIT    PENAL    ROMAIN 

publiques  soit  comme  auxiliaire  d'un  magistrat,  soit  par  l'exer- 
(711)  cice  de  son  droit  de  vote  au  Sénat  (1),  soit  comme  juré  (2), 
peut-être  aussi  comme  demandeur  dans  une  procédure  publi- 
que (3)  ou  comme  avocat  (4),  à  raison  des  sommes  reçues 
d'un  non  citoyen  pendant  l'exercice  de  ces  fonctions; 

3.  les  fils  des  personnes  précédentes,  à  raison  des  sommes 
reçues  pendant  les  fonctions  de  leur  père  (S);  les  épouses  des 


toriaux,  ne  tomberaient  pas  sous  le  coup  de  la  loi.  Aux  Dig.,  50,  5,  3  le 
sénateur  est  aussi  nommé  parmi  les  personnes  que  cette  loi  oblige. 

(1)  On  peut  bien  conclure  de  Gicéron,  Pro  Rab.  Post.,  3,  6  que  ce  cas  était 
déjà  visé  par  la  loi  Julia,  étant  donné  surtout  qu'aux  Dig.,  48,  11,  6,  2 
l'action  de  repetundae  était  permise  au  cas  d'acceptation  d'argent  ob  sen- 
tentiam  in  senatu  consiliove  publico  (dans  une  commission  du  Sénat  :  St. 
R  .  3,  1001  [Dr.  publ.,  7,  193])  dicendam. 

(2)  Gicéron,  Vo^.,  ad.  1,  13,  38  :  quod  P.  Septimio  senatore  damnato  (un 
des  jurés  dans  le  procès  de  meurtre  dirigé  par  G.  Junius)  Q.  Horlensio 
praetore  de  pecuniis  repelundis  lis  aestimata  sit  eo  nomine,  quod  ille  ob  rem 
judicandam  pecutiiam  accepisset.  Le  même,  Pi^o  Cluentio,  37,  104  :  qua  lege  in 
eo  génère  (en  cas  de  corruption  de  juré)  a  senatore  ratio  repeti  solet,  de  pe- 
cuniis repetundis  ea  lege  acnusatus...  est.  c.  41,  114.  Dans  la  loi  Acilia,  on  ne 
trouve  rien  et  on  ne  peut  rien  trouver  de  pareil,  car,  d'après  la  loi  de 
l'époque  des  Gracques,  les  sénateurs  ne  peuvent  pas  être  jurés.  Si  Ap- 
pien,  B.  c,  J,  22,  n'exagère  pas  par  esprit  départi,  il  en  ressort  que  les 
leges  repetundarum  antérieures  à  cette  loi  Acilia  punissaient  en  même  temps 
la  corruption  des  jurés,  tandis  que  cette  loi  excluait  cette  répression. 

(3)  Le  fait  d'accepter  de  l'argent  ob  accusandum  vel  non  accusandum  (Dig., 
48,  11,  6,  2)  et  ob  denuntiandum  vel  non  denuniiandwn  testimonium  (Dig.,  48, 
11,  6,  pr.)  tombe  sous  le  coup  de  la  lex  Julia  repetundarum.  Gette  loi  a  dû 
restreindre  le  champ  d'application  de  l'action  au  sénateur  (III  p.  9  n.  3), 
mais  plus  tard  les  Dig.,  3,  6,  1,  1,  désignent  comme  soumis  d'une  ma- 
nière générale  à  la  lex  repetundarum  :  qui  ob  negotium  faeiendum  aut  non  fa- 
ciendumper  calumniam  pecuniam  accepit.  Dans  le  dernier  cas,  la  peine  du 
falsum  frappe  aussi  les  deux  parties  (II  p.  397). 

(4)  Nous  n'avons  pas  de  preuves  pour  l'époque  de  la  République;  mais 
la  répression  criminelle  de  ce  cas  à  l'époqae  impériale  rend  vraisem- 
blable que,  déjà  sous  la  République,  l'avocat,  lorsqu'il  était  sénateur, 
pouvait  être  soumis  à  la  procédure  de  repetundae. 

(5)  Lex  Acilia,  1.  2.  Tacite,  Ann.,  13,  43.  La  loi  de  Sylla  semble  avoir 
modifié  cette  règle  ;  car  en  678/76  la  même  action  dirigée  contre  G.  Anto- 
nius,  fils  de  M.  Antonius  (consul  en  655/99),  fut  intentée  devant  le  préteur 
pérégrin  (Asconius,  //i  or.  in  log.  cand.  p.  84:  Graeci  qui  spoliati  erant  edu- 
xerunl  Antonium  in  jus  ad  M.  Lucullum  praelorem  qui  jus  inter  peregrinos 
direbat  ;  altéré  chez  Plutarquc,  Caes.,  4).  11  est  difficile  que  dans  les  cas 
où  la  quarstio  était  permise,  l'action  privée  ait  pu  être  intentée  à  sa 
place  (cpr.  III  p.  21  n.  3). 


ACCEPTATION   DE    LIBERALITES    ET    EXACTIONS  :' 

gouverneurs  de  provinces  no  peuvent  pas  être  personnelle- 
ment poursuivies  à  raison  des  sommes  qu'elles  ont  reçues, 
mais,  d'après  le  droit  postérieur,  le  mari  est  tenu  à  raison  de 
ces  sommes  (1)  ; 

4.  peut-être  d'après  la  hiJulia  toute  personne  qui,  sans  être      (712) 
magistrat,  exerce  des  fonctions  publiques  ou  se  rapprochant 
des  fonctions  publiques  (2). 

La  République   n'est  pas  allée  plus  loin;  notamment    les     Extension 

,  ,  ..  'Il  ,         sous  l'Empire 

personnes  ayant  rang  de  chevaliers,  même  si  elles  apparie-    ^^  i-aciion 
naient  à  la  suite  des  magistrats  ou  fonctionnaient  comme  iu-  ^^  repetundae 

°  _  aux 

rés,  n'étaient  pas  soumises  à  la  quaestio  (3).  L'extension  de  fonctionnaires 

,,  ,,  .,  ...  ,.  I  _        f  en  général, 

cette  procédure  à  la  suile  du  magistrat  a  ete  proposée  en 
vain  au  Sénat  en  699/35  (4).  Quant  à  l'extension  plus  impor- 
tante de  cette  quaestio  aux  jurés  n'appartenant  pas  à  l'ordre 
sénatorial,  la  noblesse  de  finance  ne  se  la  laissa  pas  impo- 


(1)  Dig.,  1,  16,  4,  2  :  senalum  Cotta  et  Messala  cos.  (20  ap.  J.  G.)  ceiisuisse 
futurum,  ut  si  quid  uxores  eorum  (des  proconsuls)...  delir/uerint,  ab  ipsis 
rit'io  et  vindicta  exigatur.  D'après  Tacite,  en  l'an  21,  échoua  devant  le  Sé- 
nat une  proposition  qui  tendait  à  interdire  aux  gouverneurs  de  province 
d'emmener  leur  femme  dans  leur  ressort  (>lnn.,  3,  33.  34)  ;  c'est  alors  que 
fut  voté  en  l'an  24  le  sénatus-consulte  mentionné  ci-dessus  {Ann.,  4,  20). 

(2)  Dans  l'indication  de  Marcien,  Dig.,  48,  11,  1  :  lex  Julia  repetundarum 
pertinet  ad  eus  pecutiias,  guas  qttis  in  magistralu  potestate  curatione  légations 
vel  quo  alio  officio  munere  ministeriove  publico  cepit  vel  cion  ex  cohorte  cujus 
eorum  est  —  formule  pour  laquelle  on  trouve  ailleurs  l'expression  géné- 
rale aliquam  potestalem  hahere  (Dig.,  48,  11,  3)  ou  munus  publiée  manda tum 
(Dig.,  48,  H,  9) —  la  seconde  moitié,  comme  nous  le  montrerons  prochai- 
nement, est  fausse  en  tant  que  ce  n'est  pas  la  loi  Julia  ellevnéme,  mais 
seulement  ses  extensions  à  l'époque  impériale  qui  ont  soumis  à  la  loi  la 
suite  et  les  subalternes  des  magistrats.  Pour  les  curatores  et  les  legali, 
même  pour  ceux  qui  n'appartiennent  pas  à  l'ordre  sénatorial,  l'indica- 
tion peut  être  exacte. 

(3)  Gicéron,  Pro  Rab.  Post.,  5,  12:  iste  ordo  (equitum)  lege  ea  (Julia  repe- 
tundarum) non  /ene^M?-.  Evidemment,  cette  remarque  n'est  exacte  que  sous 
réserve  des  exceptions  qui  résultent  des  explications  antérieures  ;  en 
effet,  les  magistrats  inférieurs  et  les  fils  des  sénateurs  appartiennent  à 
l'ordre  équestre. 

(4)  Gicéron,  Pro  Rab.  Post.,  6,  13  :  cum...  Cn.  Pompeio  consule  (699/55)  de 
hac  ipsa  quaestione  referente  existèrent  nonnullae,  sed  perpaucae  tamen  acerhae 
sentenliae,  quae  censerent,  ut  tribuni,  ut  praefecti,  ut  scribae,  ut  comités  (c'est- 
à-dire  comités  ex  Ilalia  :  loc.  cit.,  7,  19)  omnes  magistratuum  hac  lege  teneren- 
tur,  vos...  huic  ordini  ignem  novum  subici  non  sivistis. 


10  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

ser  (1)  et  plusieurs  tentatives  faites  en  ce  sens  à  l'époque  ré- 
publicaine échouèrent  (2). 

Sous  l'Empire,  les  limites  étroites  de  la  procédure  républi- 
caine de  repetundae  furent  reculées.  Depuis  lors,  celle-ci  s'ap- 
pliqua également  aux  personnes  suivantes  : 
(713)  o.  Aux  quasi-magistrats  impériaux  de  l'ordre  équestre.  Nos 

annales  ont  enregistré  peu  de  procès  de  ce  genre.  La  cause  en 
est  sans  doute  que  ces  personnes  ont  eu  régulièrement  à  ré- 
pondre de  leurs  fautes  devant  le  tribunal  impérial  et  qu'elles 
n'ont  été  que  rarement  citées  devant  le  tribunal  du  Sénat  (3). 

0.  Aux  jurés  (4),  accusateurs  (II  p.  192)  et  avocats  (5)  en  gé- 
néral ; 

7.  A  ceux  qui  accompagnent  un  fonctionnaire,  notamment 
le  gouverneur  de  province,  sans  distinction  de  rang  (6); 

(1)  Lorsque  G.  Gracchus  retira  aux  sénateurs  le  droit  de  siéger  dans 
les  jurys,  notamment  dans  la  quaestio  repelimdarum,  pour  le  transférer 
aux  chevaliers,  il  ne  soumit  ces  derniers  à  aucun  contrôle,  en  matière 
de  corruption  peut-être  même  supprima-t-il  le  contrôle  existant  (III  p.  8 
n.  2).  Lorsque  Cicéron  {Verr.,  act.  1,  13.  38)  affirme  que  pendant  les 
cinquante  ans  que  durèrent  les  tribunaux  de  chevaliers  aucun  juré  fut 
soupçonné  de  corruption,  il  a  du  moins  raison  en  ce  sens  ne  qu'à  cette 
époque  il  n'y  avait  pas  d'action  criminelle  prévue  pour  ce  cas  et  que  par 

suite  aucune  ne  fut  intentée. 

(2)  En  l'année  680/74,  le  Sénat  résolut  de  faire  présenter  une  loi  contre 
la  corruption  des  jurés  en  général  (Cicéron,  Pro  Cluentio.,  49,  136  :  si  qui 
suni,  quorum  opéra  factum  sit,  ut  judicium  publicum  corrumperelur),  mais 
on  ne  donna  aucune  suite  à  cette  résolution  {lac.  cit.  137).  Une  proposi- 
tion semblable  faite  en  691/63  eut  le  même  sort  (Cicéron,  Ad.  Alt.,  \,  17, 
8.  2.  1,  8). 

(3)  Tacitf",  Ann.,  4,  i';,  pour  l'an  23  :  apud  (patres)  etiam  tum  cuncta  trac- 
faliantur,  adeo  ut  procurator  Asiac  Lucitius  Capito  accusante  provincia  causam 
dixerif  mittjna  cum  adseveratione  principis  iioi  se  Jus  ?iisi  in  servilia  et  pecunias 
familiares  dédisse.  Dion,  57,  2S.  Un  procès  analogue:  Tacite,  Ann.,  14,  28 
(cpr.  Ilist.,  2,  10). 

(4)  Le  juré  proprement  dit  n'apparait  plus  dans  les  compilations  de 
Justinien,  mais  Paul  5,  28  =  Dig.,  48,  19,  38,  10  dit  du  judex  du  même 
genre  (I  p.  28!»)  qui  lui  a  succédé,  du  judex  pedaneus:  judices  pedanei  si  pe- 
cunia  rorrupti  dicantur,  plerumque  a  praeside  aut  curia  sumnwvetilur  aul  in 
exilium  inilluntur  aut  ad  tetnpus  relegantur. 

(H)  Pline  (111  p.  4  n.  2)  mentit)iine  une  procédure  de  repetundae  contre 
un  avocat. 

(6)  Nous  avons  déjà  fait  remarquer  que  cette  mesure  avait  été  repous- 
sée en  699/;)o  (III  p.  4  n.  9)  et  que  par  conséquent  elle  était  attribuée 
à    tort  à    hi    loi  Julia  (III   p.    1    n.  9).  A  l'époque  impériale,   toutes  ces 


du    délit. 


ACCEPTATION   DE    LIBÉRALITÉS    ET    EXACTMNS  11 

8.  Aux  officiales  suballenies  (1). 

La  procédure  de  repetundac  ne  s'applique  pas,  même  plus 
tard,  aux  autres  particuliers,  à  moias  qu'ils  n'aient  aidé  le 
fonctionnaire  dans  l'accomplissement  du  délit  (2),  Celui  qui 
pour  commettre  une  exaction  s'attribue  faussement  une  charge 
publique  ou  une  charge  publique  plus  élevée  que  celle  qu'il  a 
en  réalité  est  frappé  d'une  peine  sévère,  mais  il  ne  semble 
guère  que  cet  acte  soit  réprimé  comme  àéWiàQrepeliindaei^è). 

Les  leges  repetundarum,  dirigées  au  fond  contre  l'exaction      (714) 
et  la  corruption,  évitent  les   difPicaltés  de  preuve  en  inter-     Eléments 
disant  aux  magistrats  en  général,  par  analogie  avec  les  dispo- 
sitions de  la  loi  Cincia  sur  les  libéralités  faites  aux  avocats, 
d'accepter  de  VQ.v^Qn\,{pectinias  capei'e){k)Qi  accordent  au  do- 


personnes  furent  soumises  à  la  procédure  de  repetundae  {Macer.  Dig.,  48, 
11,  5  :  in  comités  quoque  Judicium  e.r  hac  lerje  judicium  datur;  Pline,  Ep., 
3,  9)  il  en  fut  ainsi  même  de  celles  qui  occupaient  un  rang  modeste  (Pline, 
loc.  cit.,  3,  9,  9).  Plus  tard,  ces  personnes  s'appellent  consiliarii,  domestici 
(Cad.  Jiist.,  1,  51,  3,  1.  fit.  53,  i;3.  cpr.  C.  Th..  9,  27,  3  =  C.  Just.,  9,  27,  1). 

(1)  C'est  à  ces  personnes  que  se  rapporte  Vofficiiim.  ministeriumve  (cpr. 
St.  R.,  1,  325  [Dr.  pubL,  1,  37i]  publicum  du  texte  de  Marcien  cité  III  p.  9 
n.  2.  L'expression  relevée  de  repetundae  est  le  plus  souvent  évitée  ici, 
mais  au  fond  il  n'y  a  pas  de  différence. 

(2)  Pline,  Ep.,  9,  3,  14  :  horiim  (auxiliaires  provinciaux  du  gouverneur 
de  province,  par  opposition  aux  comités  ex  Italia  III  p.  9  n.  4)  ante  quam 
crimina  ingrederer,  necessarium  credidi  elaborare,  ut  constaret  ministerium 
crimen  esse.  6,  29,  8  :  quaesitum  est,  an  provinciales  ut  socios  ministrosque  pro- 
consulis  plecti  oporteret.  Gela  était  donc  douteux  en  droit. 

(3)  Dig.,  1,  18,  6,  3:  ilUcita  ministeria  sub  praetextu  adjiivantium  militares 
viras  ad  concutiendos  homines  procedentia  prohibere  et  deprehensa  coercere 
praeses  provinciae  curet.Cçr.  Dig.,  3,  6,  8.  47,  13,  2.  Paul,  5,  25,  12.  {=:  édit 
de  Théodoric,  89)  fait  rentrer  ce  cas  dans  le  falsum:  qui  insignibus  altio- 
ris  ordinis  utuntur  militiamque  con/ingunt,  quo  quem  terreant  aut  connitiant, 
humiliores  capite  puniuntur,  honestiores  deportontur.  Cpr.  II  p.  399  n.  4. 

(4)  Pecunias  capere  ronciliare  est  l'expression  dont  on  se  sert  déjà  pour 
désigner  ce  délit  dans  la  première  action  privée  de  583/171  qui  a  pré- 
paré la  procédure  de  repetundae  (III  p.  4  n.  2)  et  dans  la  procédure 
de  C 14/140  (III  p.  4  n.  3).  Cicéron,  De  leg.,  3,  20,  46  le  qualifie  de  captae 
pecuniae  dans  l'explication  des  mots  c.  4.  H  :  donum  ne  capiunto...  gerenda... 
poteslate.  Dans  la  loi  Acilia  1.  3,  la  formule  revient  avec  l'accumulation 
de  synonymes  fréquente  dans  la  science  du  droit  romain  :  pecuniam  au- 
ferre  capere  cogère  conciliare  avertere  ;  Cicéron  dans  les  Verrines  (1.  3,  30, 
71.  c.  40,  91.  c.  94,  218)  cite  comme  termes  mêmes  de  la  loi  Cornélia  pecu- 
nias capere  conciliare  ou  (3,  84,  194)  cogère  conciliare  ;  dans  le  sommaire  de 
la  loi  Julia  contenu  aux  Dig.,  48,  11,  1,  pr.  on  trouve  pecunias  capere.  Du 


12  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

nateur,  pour  le  cas  de  contraventico.  une  action  en  répétition 
(pccunvis  repctere)  (1).  Dans  l'exposé  qui  va  suivre,  nous  ana- 
lysons les  élémenls  de  l'accpplation  d'argent  punie  comme  dé- 
lit de  repetimdae,  eu  tant  qu'ils  ne  résultent  pas  des  règles 
sur  les  conditions  requises  pour  jouer  le  rôle  de  défendeur  dans 
la  procédure  de  repetundae . 
Aocepiation  1.  Le  caractèrc  illicite  de  toute  libéralité  faite  en  deçà  des 
de  libéralités,  jj^^j^gg  précédemment  indiquées  est  le  point  de  départ  de  l'ac- 
tion en  répétition  (2).  Comme  libéralité  de  ce  genre,  on  ne  con- 
sidère pas  seulement  tout  acte  contractuel,  qui  au  fond  tend  à 
une  donation  (3),  mais  on  va  même  jusqu'à  supposer  une  do- 
(715)  nation  dans  lout  achat  d'un  magistrat  et  le  vendeur  a  le  droit 
de  réclamer  à  l'acheteur  les  choses  vendues  sans  avoir  à  rem- 
bourser le  prix  (4).  Le  droit  ne  prend  en  considération  ni  la 
bonne  foi  possible  du  donateur  et  du  preneur,  ni  le  rapport  ju- 
ridique qui  peut  exister  entre  eux;  le  gouverneur  de  province 
ne  peut  recevoir  aucune  libéralité  non  seulement  des  sujets 


reste,  la  phrase  n'est  pas  caractéristique  en  soi  et  est  fréquemment  em- 
ployée pour  désigner  une  acquisition  légitime. 

(1)  Pecunias  repelere  a  ce  sens  technique  dans  Rhel.  ad  lier.,  d,  11,  20  et 
chezCicéron,  Dirin.  in  Caec,  5,  17  et  fréquemment  ailleurs.  Pour  la  forme 
ellii»tique  repelere  je  ne  trouve  à  l'époque  républicaine  aucune  autre 
preuve  que  la  lettre  de  Caelius  Ad  div.,  8,  8  ;  chez  Quintilien,  Tacite  et 
ailleurs  on  la  trouve  fréquemment.  —  Du  reste,  Gicéron  (De  l.  agr.,  2,  22, 
59:  judicium  de  pecuniis  repetundis)  emploie  aussi  cette  expression  à  pro- 
pos du  péculal. 

(2)  Gicéron.  De  lege.,  3,  4,  11  (III  p. 11  n.  4)  Ulpien,  Dig.,  1,  16,  6,  3  :  man- 
datis  (dans  les  instructions  impériales  pour  les  magistrats  provinciaux) 
conlinelur,  ne  donum  vel  munus  ipse  proconsul  velqui  in  alio  officio  erit  acci- 
piat.  Pline,  Ep.,  4,  9,  6.7.  Dion,  72,  11.—  Les  livraisons  et  les  prestations 
gratuites  auxquelles  le  magistrat  a  droit  comme  tel  sont  légalement 
réglées  {St.  R..  1,  294  [Dr.  publ.,  1,  336J). 

(3)  Dig.,  48,  H,  8.  1  :  lex  venditiones  localiones  ejus  rei  causa  (pour  cause 
de  donation)  p/j/ns  minorisve  fadas  in'ilas  facil,  Cod.,  2,  19,  11. 

(4)  Dig.,  18,  1,  46.  49,  14,  46,  2.  C.  Th.,  8,  15,  2.  5.  Cod.,  2,  19,  11.  Si  cette 
action  en  répétition  n'est  pas  intentée  dans  le  délai  de  cinq  ans  après  la 
sortie  de  charge  du  magistrat,  la  chose  achetée  échoit  au  fisc  (C.  Th.,  8, 
15,  5)  ;  d'après  une  autre  constitution,  cette  confiscatiot  semble  même 
avoir  lieu  immédiatement  (C.  Th.,  8,  15,  1).  li  v  a,  en  outre,  des  peines 
ctal)lies  au  profit  du  fisc:  d'après  Herniogénien,  Dig.,  49,  14,  46,2  une 
peine  du  simple;  d'après  Marcien,  Dig.,  IS,  1,  46,  citant  une  constitution 
de  Septime  Sévère,  une  peine  du  quadruple 


ACCEPTATION  DE  LIBÉRALITÉS  ET   EXACTIONS  13 

gourais  à  son  gouvernemeat,  mais  même  de  toute  personne 
quelle  qu'elle  soit.  Sont  légalement  exclus  de  cette  prohibition  : 

a)  Les  donations  de  comestibles,  de  boissons  et  d'autres  me- 
nus objets,  dont  l'acceptation  n'entraîne  à  proprement  parler 
aucune  augmentation  de  patrimoine  (1).  Toutefois,  pour  em- 
pêcher de  tourner  la  loi  par  cette  voie,  on  fixe  le  maximum 
que  la  valeur  globale  des  libéralités  de  ce  genre  peut  attein- 
dre pour  l'année  de  charge,  de  telle  façon  que  dans  le  cas  où 
il  est  dépassé  il  y  a  lieu  à  répression.  La  quotité  licite  a  été, 
au  moins  à  l'époque  récente,  la  même  que  pour  les  honoraires 
des  avocats  (111  p.  2  n.  3),  c'est-à-dire  10.000  sesterces  (2). 
L'acceptation  de  ces  menues  libéralités  est  même  interdite  (710) 
aux  fonctionnaires  subalternes,  depuis  qu'ils  sont  soumis  à  la 

loi  de  repetundae  (3). 

b)  Les  dons  qui,  faits  dans  un  but  honorifique,  n'enrichissent 
pas  celui  qui  les  reçoit  (4).  Cela  s'applique  notamment  aux  som- 

(1)  Le  plébiscite  en  question  a  déjà  été  cité  (III  p.  6  n.  4).  Les  xejiia 
donnent  toujours  lieu  à  des  scrupules  :  Pline,  Ep.,  o,  13,  8.  Ulpien,  Dig., 
1,  16,  6,  3  précise  la  règle  :  non  in  totum  xeniis  abslinere  debebit  proconsul, 
sed  modum  adicere,  ut  neque  morose  in  totum  abstineat  neque  avare  modum 
xeniorum  excédât.  Quayn  rem  divus  Severus  et  imperator  Anioninus  elegantis- 
sime  epislula  sunt  moderati;  cujus  epislulae  verba  haec  sunt'.  «  quantum  ad 
xenia  perlinet,  audi  quid  senlimiis  :  vêtus  proverbhun'est  :  outs  itivxa  oute 
TîâvTOTî  où'te  Ttapà  tvcxvtwv.  Nam  valde  inhumanum  est  a  nemine'accipere,  sed 
passim,  vilissimum  est  et  ornnia  avarissimum  ». 

(2)  Loi  Acilia,  1.  2  :  in  annos  singolos  pequniae  quod  siet  amp[lius  sesler- 
tium...].  Venuleius  Saturninus,  Dig.,  4S,  U,  6,  2  :  urbani  magistratus  (ceux- 
ci  sont  seuls  nommés  ici  à  cause  de  la  règle  de  l'annuité)...  ne...  plus  doni 
muneris  in  anno  accipiant  quam  quod  sit  aureorum  cenlum,  où  par  analogie 
avec  la  loi  Cincia  Vaureus  est  mis  ici  pour  100  sesterces  et  non  pour 
1.000  sesterces  suivant  l'assimilation  absurde  de  Vaureus  avec  1.000  ses- 
terces adoptée  ailleurs  (par  ex.  Inst,,  3,  7,  3)  dans  le  droit  de  Justinien. 
—  Comme  dans  un  procès  de  repetundae  de  642/112  la  peine  ne  s'élevait, 
d'après  un  renseignement  assez  sûr,  qu'à  4.000  sesterces  (Gicéron,  Verr., 
1.  4,  10,  22  ;  VelL,  1.  2,  15  ;  les  8.000  sesterces  indiqués  aux  Verr.,  3,  80,  184 
sont  peut-être  le  double  de  la  peine),  Ip  maximum  permis  a  sans  doute 
été  au  début  inférieur.  Admettre  que  cette  fixation  d'un  maximum  ne 
visait  que  les  donations  proprement  dites,  tandis  que  toute  exaction  ou 
corruption,  quelle  que  fût  son  montant,  était  punissable,  serait  aller  à 
rencontre  de  l'intention  manifeste  du  législateur  qui  était  d'écarter  toute 
recherche  sur  l'origine  plus  ou  moins  licite  de  l'enrichissement. 

(3)  C.  Th  ,  11,  11,  l  =  C.  Just.,  U,  53,  2. 

(4)  Gicéron,  Ad  Q.  fr.,  1,  1,  9,  26  :  cum...  nominatim...  lex  excipiat,  ut  ad 


14  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

mes  d'argent  remises  aux  gouverneurs  de  province  pour  per- 
pétuer leur  souvenir  par  une  œuvre  quelconque.  Toutefois, 
par  suite  des  abus  commis  dans  cette  voie,  la  loi  Cornélia 
disposa  que  si  les  sommes  n'étaient  pas  employées  dans  les 
cinq  ans  conformément  à  leur  destination,  elles  devraient 
être  traitées  comme  libéralités  illicites  (1); 

c)  Les  dons  de  parents,  qui  du  reste  sont  rarement  possi- 
bles au  regard  des  foncliouuaires  provinciaux,  sont  exceptés 
dans  les  prohibitions  des  leges  repetundarum,  comme  dans 
celles  de  la  loi  Cincia  (2). 
Appropriation.      2.  L'appropriatiou   du  bien  d'autrui  renfermant  en  soi  les 
éléments  du  vol  (3),  peut  aussi  être  poursuivie  par  l'action 
de  repetundae ;  car,  bien  que  la  condiciio  suppose  par  défini- 
lion  un  déplacement  de  propriété  et  que  celui-ci  soit  exclu  par 
le  vol,  celte  action  s'étend  cependant  au  voleur  (4). 
Exaciion.         3.  L'cxactiou,  qui  consiste  à  provoquer  des  dons  en  mena- 
çant de  certains   désavantages  celui   qui   refuserait  la  libé- 
ralité demandée,   ne  figure  pas  comme  telle  dans    l'ancien 
droit  criminel  (o)  ;  la  prohibition  absolue  des  libéralités  même 
volontaires  coupe  court  aux  difficultés  qu'eut  présentées  la 
preuve  de  la  contrainte  et  restreint  dans  une  certaine  mesure 
des   débals  judiciaires   déshonorants  pour  l'Etat  lui-même. 
Toutefois,  au  moins  depuis  le  ii"  siècle  ap.   J.-C,  Texaction, 
sans  êlrc  exclue   de  la   procédure  de   repetundae ,  est  traitée 


lemplum  et  monmnenltim  cupere  liccrel.  Lui-même  refuse  de  tels  dons  :  Ad 
AH.,  5,  21,  7. 

(1)  Ueiiseignemciits  délaillés  dans  Verr.,  1.  2,  o7-69,  spécialement  c. 
bS,  iM. 

(2)  Dif/..  48,  11,  1,  1  :  excipil  le.r  a  (/itibus  licel  accipere,  a  sobrinis  propio- 
rêve  f/radu  cognalis  suis  ttxore  (plutùt  u.rorisve).  Pour  la  loi  Cincia  cpr. 
Frag.  Val.,  298-307. 

(3)  Cicéron,  Verr.,  4,  41,  88  raiijiorte  un  cas  de  ce  genre. 

(4)  L'anomalie,  coiisislant  à  permotlre  l'exercice  de  la  condiciio  contre 
le  voleur,  a  vraisemblablement  été  provoquée,  comme  nous  le  montrerons 
l'his  loin,  par  le  vol  entre  époux  ;  lorsqu'on  a  introduit  l'action  de  repe- 
luiidae  on  a  certainem(!nt  eu  en  vue  les  dons  et  exactions  illicites  et  non 
le  délit  peu  aristocrati(jue  du  furlinn  iiroprenient  dit. 

(èi)  il  n'y  a  pas  à  tenir  compte  ici  de  la  resliltitio  in  integrum  ob  inelum  et 
de  raction  privée  quod  melus  causa. 


ACCEPTATION   DE   LIBÉRALITÉS    ET    EXACTIONS  15 

comme  délit  indépendant  (1)  en   qualité    d'intimidation,,  de      (717) 
concussio  {2),  d'extorsion  de  dons    ou  de  prestations  (3)  par    concussion. 
abus  des  pouvoirs  de  la  fonction  (4). 

4.  Pour  la  raison  précédemment  indiquée  la  corruption  d'un  corruption. 
magistrat  n'est  pas  plus  que  l'exaction  un  délit  indépendant 
en  droit  romain.  L'acceptation  d'une  libéralité  de  la  part  d'un 
magistrat  comme  prix  de  l'accomplissement  ou  du  non  accom- 
plissement d'un  acte  de  sa  fonction  (o)  n'est  atteint  par  les  an- 
ciennes lois  que  par  suite  de  la  défense  générale  d'accepter 
de  l'argent  ;  en  énumérant  une  série  de  cas  particuliers  (6)  de 
ce  genre,  la  loi  Julia  fait  plus  que  le  nécessaire  ou  plutôt  elle 
fait  une  œuvre  superflue  ;  car  le  motif  qui  a  déterminé  l'accep- 

(1)  Macer,  Dig.,  47,  13,  2  :  conçus sionis  judiciwn  publkum  non  est. 

(2)  Concutere  (de  quatere,  à  proprement  parler  secouer)  est  synonyme  de 
terrere  (Paul,  5,  25,  12:  cpr.  III  p.  11  n.  3.  Dig.,  47,  13,  1). 

(3)  Ou  aussi  de  services  :  C.  Th.,  11,  11,  1. 

(4)  De  la  part  de  fonctionnaires  supérieurs:  C.  Th.,  9,  26,  6.  c.  7  =z 
C.  Just.,  9,  27,  4.  c.  5.  ;  de  fonctionnaires  subalternes  :Dig.,  \,  18,  6,  3.  47, 
13,  1;  et  aussi  en  cas  d'usurpation  des  pouvoirs  d'une  autorité  publique  : 
Paul,  5,  2o,  12. 

(o)  Dlg.,  4S,  H  4  :  quo  magis  aut  minus  quid  ex  officlo  suo  facerel. 

(6)  Nomination  de  jurés  (cpr.  Cicéron,  Verr.,  3,  88,  206).  Dig.,  48,  H,  3  : 
objudicandum  vel  non  judicandum  decernenduinve  ;  ibid..  7,  pr.  :  ob  judicem 
arbitrumve  dandum  mulandumve  jubendumve  ut  judicet,  et  aussi  ob  non  dan- 
dum  non  mutandum  nonjuhendum  ut  judicet.  —  Arrestation  :  Dig.,  48,  11,  7, 
pr.  :  ob  hominem  in  vincula  publica  coiciendum  vinciendum  vinciriue  juben- 
dum  exve  vinculis  dimittendum.  —  Prononciation  déjugeaient  :  Dig.,  48,  11, 
7,  pr.  :  ob  hominem  condemnandum  (ou  même  ob  hominem  Tiecandum)  absolven- 
dumve  et  ob  litem  aestimandam  judiciumve  capilis  pecuniaeve  faciendum  vel 
non.  faciendum.  C.  Th.,  9,  27,  5.  c.  G  =  C.  Just..  9,  27,  3.  c.  4.  Nov.,  124, 
c.  7.  Ce  cas  rentre  aussi  pour  les  deux  parties  dans  la  notion  de  falsurn 
(II  p.  397  n.  3)  et  dans  certains  cas  l'action  de  meurtre  elle-même  est 
possible  (II  p.  330  n.  2).  —  Levée  de  troupes  :  Dig.,  48,  11,  6,  2:  ob  militem 
legendum  mittendumve  ;  la  prestation  evitandi  tirocinii  causa  est  un  crimen 
concussionis  [Cod.,  4,  7,  3).  —  Logement  de  troupes:  Cicéron,  Ad.  Att.,  5, 
21,  7.  —  néception  de  constructions  publiques  :  Dig.,  48,  11,  7,  2  :  ne  ac- 
ceptum  feralur  opus  publicum  faciendum...  sarla  lecla  tuenda  antequam  per- 
fecla  probata  praestila  lege  erunt.  Cicéron,  Pro  Fonteio,  8,  17.  —  Remise 
d'impôts  et  de  prestations  dus  à  l'Etat.  Dig.,  48,  11,  7,  2  :  ?te  acceplum 
feratur...  frumentum  publiée  dandum.  Cicéron,  Verr.,  1.  3,  36,  83.  —  Re- 
mise de  prestations  à  faire  à  une  cité  sujette  :  Cicéron,  Ad  Att.,  6,  1, 
21,  où  le  fait  d'accorder  à  Caelius  ce  qu'il  demande.  Ad  div.,  8,  9,  4  est 
qualifié  de  pecuniam  conciliare,  c'est-à-dire  de  délit  de  repetundae.  —  L'in- 
demnité pour  transfert  de  charge  devait  aussi  rentrer  de  plein  droit 
dans  ces  cas  {Nov.  8  c.  7.  8), 


en  matière 
d'imiiùls. 


16  DROIT   PÉNAL   ROMAIN 

tation  de  l'argent  n'augmente  pas  la  gravita  du  délit.  Gela  a 
été  modiûé,  il  est  vrai,  dans  la  suite,  lors  du  développement 
du  système  du  dosage  des  peines.  Le  point  de  savoir  dans 
quelle  mesure  la  faute  morale  contenue  dans  toute  corruption 
est  commune  aux  deux  parties  n'a  pas  d'importance  en  droit  ; 
(718;  s'il  plait  au  corrupteur  de  confesser  son  acte,  il  a  le  droit  de 
réclamer  du  magistral  corrompu  ce  qu'il  a  donné  à  tort  (i).  — 
A  l'époque  postérieure,  pendant  laquelle  l'achat  des  charges 
est  devenu  en  quelque  sorte  une  opération  permise^,  les  lois 
ont  plutôt  blâmé  la  corruption  qu'elles  né  l'ont  punie^,  et  lors- 
qu'elles l'ont  réprimée,  la  peine  infligée  à  été  minime  (2). 
Déiiis  5.  L'établissement  de  nouveaux   impôts,  lorsque   cet  acte 

n'est  pas  couvert  par  le  pouvoir  discrétionnaire  du  magistrat, 
tombe  sous  le  coup  de  la  lex  repetundarum  (3).  Rentre  dans 
celte  catégorie,  d'après  la  loi  Julia,  la  perception  de  l'or 
coronaire,  sauf  lorsque  le  Sénat  a  accordé  le  triomphe  au 
gouverneur  de  province  (4.)  La  même  règle  s'applique  na- 
turellement à  toute  exagération  injuste  dans  la  levée  des  con- 
tributions établies  (5).  De  même,  le  fait,   souvent  mentionné 


(1)  Cette  règle  est  concevable,  étant  donné  que  le  but  de  la  condiclio 
était  d'assurer  le  contrôle  des  magistrats  :  la  compensation  de  l'indignité 
réciproque,  qu'établit  le  droit  civil,  du  moins  celui  de  l'époque  récente 
(Dig.,  12,  5,  3  ;  C.  Th.,  9,  29,  1),  aurait  privé  la  loi  de  son  effet  précisément 
dans  les  cas  les  plus  graves. 

(2)  On  trouve  bien  çà  et  là  dans  les  constitutions  de  la  dernière  période 
(C.  Th.,  6,  22,  1.  c.  2.  8,  1,  1.  12,  1,  25.  C.  Just.,  4,  2,  16  et  notamment  dans 
la  constitution  de  Théodose  II.  C.  Just.,  9,  27,  6),  pour  le  cas  d'achat  d'a- 
vancement ou  d'élévation  de  rang,  la  peine  de  la  cassation  et  aussi  d'au- 
tres peines,  le  plus  souvent  pécuniaires  ;  mais  le  droit  ne  parvint  pas  à 
une  répression  générale  et  efficace  d'une  telle  brigue.  Bien  au  contraire, 
on  vit  sortir  de  là  l'institution  régulièrement  organisée  du  paiement  de 
sporlulae  pour  l'entrée  en  charge,  avec  celte  réserve  naturelle  que  les 
excès  furent  également  défendus  ici  (Von.,  8.  c.  1). 

(3)  Cicéron,  l'ro  Fonleio,  9,  19. 

(4)  Cicéron,  In  Pis.,  37,  90.  L'or  coronaire  est  donné  au  général  en  tant 
que  représentant  de  l'État  ;  si  le  général  ne  le  remet  pas,  il  est  réclamé 
par  l'État  comme  l'argent  du  butin  (Cicéron,  De  l.  agr.,  2,  22,  59).  Cpr. 
Mar(|uardt,  St.  V,  2.  295  [Manuel  Anliq.  Roin.,  10,  372]. 

(5)  Nous  avons  comme  exemples  les  réciuisitions  de  céréales  de  Verres 
(Cicéron,  ['en:,  1.  3,  81,  188  sv.)  et  les  réquisitions  de  Flaccus  pour  l'en- 
tretien d'une  Hotte  (Cicéron,  Pro  Flacco,  12,  27).  Le  droit  pénal  n'a  pas  à 


ACCEPTATION   DE   LIBÉRALITÉS   ET   EXACTIONS  17 

pour  la  dernière  période^,  de  réclamations  exagérées  d'impôts 

et  de  sportulae  par  le  fonctionnaire  subalterne   chargé  de  la 

perception  de  ces  contributions  est  un  cas  du  même  genre  (1). 

La  condition  requise  pour  tous  ces  délits  est  l'enrichissement      (719) 

personnel   du  fonctionnaire,   base  juridique  sur  laquelle  se 

fonde  la  condictio  ;  les  actes  identiques  accomplis  au  profit  de 

l'État  ne  rentrent  pas  dans  la  notion  de  repetundae  (2). 

Les  délits  cités  jusqu'ici  permettent  l'exercice  d'une  action 
en  répétition.  Mais  les  leges  repetundarum  visent  encore  un 
certain  nombre  d'autres  cas  qui  ne  comportent  pas  l'appli- 
cation d'un  tel  moyen  de  procédure, 

1.  Vraisemblablement  aussi  tôt  que  pour  l'acceptation  de    interdiction 
libéralités  (3)  on  a  défendu  au   fonctionnaire  en   service  dans    des  affaires. 
une  province  de  se  livrer,  dans  l'étendue  de  son  ressort  (4),  à 
des  opérations  qui  ne  sont  pas  absolument  réclamées  par  sa 
situation  (5)  ;  le  magistrat  ne  doit  nullement  s'enrichir  dans 


établir  dans  quelle  mesure  ces  réquisitions  étaient  légitimes  ou  non. 
Appartiennent  à  cette  catégorie  les  superexactionum  vel  concussionum 
crimina  de  l'époque  postérieure  {\ov.  Theod.  IL,  7,  2,  1). 

(1)  Vita  Marci,  iV:  dédit  curaloribus  regionum  et'viarum  (donc  en  Italie) 
potestatem,  ut  vel  punirent  vel  ad  praefectutn  urhi  puniendos  remitterent  eos 
qui  ultra  vectigalia  quicquam  ab  aliquo  exegissent.  A  ce  délit  correspondent 
dans  les  provinces  les  ilUcitae  exactiones  sub'jpecie  tributorum.  Exemples  : 
C.  Th.,%,  4,  2=  C.  Just.,  12,  57,  1.  C.  Th.,  S.'ll  =:  C.Jusl.,  12,  63.  C.  Th., 
11,  8,  1.  c.  2  —  C.  Just.,  10,  20,  1.  Il  est  aussi  souvent  question  de  réqui- 
sitions exagérées  de  sportulae  de  procédure  depuis  qu'il  y  en  a  (Inst.,  4, 
6,  25.,  Cod.,  3,  2  et  dans  les  différentes  taxations  de  sportulae  :  Cod.,  l, 
27,  1,  n.  c.  2,  12.  12,  19.  12.  tit.  23,  4). 

(2)  Sous  Auguste,  le  Gaulois  Licinus,  percepteur  d'impôts,  aurait  com- 
mis des  exactions  de  ce  genre  (Dion,  54,  21).  Toutefois,  dans  de  pareils 
cas,  par  exemple,  lors  de  la  levée  illégitime  de  l'or  coronaire,  l'avantage 
propre  du  fonctionnaire  a  dû  jouer  au  moins  un  certain  rôle  à  côté  d'au- 
tres considérations. 

(3)  Si  Gaton  l'Ancien  se  faisait  déjà  scrupule  d'acheter  des  esclaves  pour 
son  propre  compte  dans  sa  province  (Plutarque,  Apophthegmata  Cat.  maj., 
27),  il  peut  avoir  obéi  à  une  saine  coutume,  non  à  la  loi.  Mais  la  défense 
de  faire  des  affaires  et  celle  d'accepter  des  libéralités  sont  si  intimement 
apparentées  qu'elles  sont  sans  doute  aussi  vieilles  l'une  que  l'autre. 

(4)  Dig.,  18,  1,  62,  pr.  49,  14,  46,  2.  Par  contre,  il  est  dit  au  C.  Th.,  8,  15, 
1  :  nihil  interest,  an  in  suo  pago  an  in  alieno  comparavit. 

(5)  La  tex  Cornelia  repetundarum  prescrit  au  gouverneur  de  province  de 
n'acheter  aucun  esclave  dans  son  ressort,  sauf  pour  remplacer  celui  qui 

Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  2 


18  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

sa  circonscription  ni  par  des  dons,  ni  par  le  commerce  ou  toute 
autre  activité  (^1).  Celle  règle,  qui  s'est  appliquée  de  tout  temps 
au  magistrat,  régit  aussi  plus  tard  les  of/iciales  subalternes  (2). 
Tout  acte  conclu  contrairement  à  cette  prescription  peut  don- 
ner lieu  à  l'action  en  répétition  (III  p.  12  n.  4)  ;  mais  celle-ci 
n'est  pas  possible  pour  un  nombre  important  d'opérations  de 
ce  genre  (3). 
(720)  2.  On  défend  encore  spécialement  au  gouverneur  de  pro- 

Autres  délits  vincc  (4)  ct  Qu  sénatcur  (5)  d'avoir  des  navires  de  mer,  vrai- 
de  repetun  ae.  gg^^j^jablemeut  parce  qu'ils  servent  aux  opérations  commer- 
ciales. 

3.  Le  fait  de  prêter  des  deniers  publics  pour  son  propre  pro- 
fit rentre  comme  vol  d'une  chose  publique  dans  la  notion  de  pé- 
culat,  mais  semble,  si  l'on  peut  accorder  confiance  àCicéron(6) 
en  cette  matière,  avoir  été  aussi  embrassé  parmi  les  délits  de 
repetundae,  bien  que  l'on  ne  puisse  concevoir  ici  la  cité  ro- 
maine comme  co-demanderesse  dans  une  action  de  repetundae. 

4.  Le  fait  pour  le  gouverneur  de  dépasser  les  frontières  de 
sa  province  (7). 

viendrait  à  mourir  (Cicéron,  Verr.,  1.  4,  5,  9).  Dig.,  12,  1,  34,  1  :  praeses 
provinciae  mittuam pecuniam  fenebrem  sumere  non  prohibetur  (dans  un  autre 
sens  à  vrai  dire,  Cod.,  4,  2,  16).  On  blâme  même  l'adition  d'une  hérédité 
pendant  l'exercice  de  la  cliarge  (Cicéron,  Pro  Flacco,  34,  85). 

(1)  Cicéron,  Verr.  1.  3,  72,  169.  4,  4.  5,  5,  18,  46.  Dig.,  12,  1,  33.  49,  14. 
46,  2.  C.  Th.,  8,  16,  1.  C.  Just.,  1,  53,  1,  2.  4,  2,  16.  9,  27,  6.  La  constitulion 
d'IIonorius  (perdue)  et  celle  de  Valentinien  III  {Nov.,  31)  qui  permettent 
aux  magistrats  de  faire  des  affaires  et  même  de  recevoir  des  libéralités 
n'ont  pas  été  longtemps  en  vigueur. 

(2)  Cod.,  1,  53,  1.  3.  2,  19,  11.  4,  44,  18. 

(3)  Cette  répression  n'est  pas  possible,  par  exemple,  au  cas  de  prêt  con- 
tracté par  le  gouverneur  sans  nécessité. 

(4)  Dig.,  49,  14,  46,  2.  La  loi  Julia  n'est  pas  nommée  à  cette  occasion  ; 
mais  la  prescription  rapportée  ici  se  rattache  à  la  suivante. 

(5)  Dig.,  53,  5,  3.  Cpr,  SI.  H.,  3,  899  [Dr.  publ.,  7,  75]  pour  la  cause  ori- 
ginaire de  celte  prescription,  cause  qui  ne  se  rattache  pas  à  la  matière 
des  repetundae. 

(6)  Cicéron,  Verr.,  1.  3,  72,  1G8.  Les  accusations  accumulées  dans  le 
ciscours  contre  Pison.  notamment  au  c.  37,  90,  ont  si  peu  de  fondement 
qu'il  ne  faut  pas  attacher  grand  prix  à  chacune  d'elles,  étant  donné  sur- 
tout que  toute  violation  du  droit  tombe  sous  le  coup  de  la  loi,  lorsqu'elle 
se  fonde  sur  une  corruption. 

(7)  Cicéron,  In  Pis.,  21,  50  :  guae  cum  plurimae  leges  veteres  ticm  lex  Corne- 


ACCEPTATION   DE    LIBÉRALITÉS    ET    EXACTIONS  19 

5.  Le  fait  pour  le  gouverneur  de  congédier  son  légat  avant 
de  quitter  la  province  (1). 

Les  lois  sur  les  repetundae  ont  donc  été  utilisées  par  le  lé- 
gislateur pour  introduire  à  côté  de  la  répression  des  exactions 
beaucoup  d'autres  prescriptions  relatives  aux  fonctionnaires 
provinciaux  ;  mais  on  ne  doit  pas  faire  de  ces  lois  une  instruc- 
tion générale  pour  ces  fonctionnaires.  Les  abus,  auxquels  l'en- 
voij  par  les  cités  sujettes,  d'ambassades  de  remerciement  et 
d'honneur  donna  lieu  de  la  part  des  gouverneurs  de  province, 
provoquèrent  la  fixation  légale,  en  dehors  d'une  loi  de  repe- 
tundae, d'un  maximum  pour  indemnités  de  voyage  (2);  de 
même,  il  ne  semble  pas  qu'on  ait  rattaché  aux  repetundae 
les  restrictions  prises  pour  remédier  aux  surcharges  qu'on  im- 
posait aux  contribuables  en  vue  des  jeux  à  organiser  dans  la 
capitale  et  dans  les  provinces  (3).  Ici  encore,  nous  retrouvons 
la  nonchalance  et  le  peu  de  méthode  des  législateurs  de  la  fin 
de  la  République  ;  le  délit  de  repetundae  demeure,  comme  le 
réclament  son  nom  et  une  tradition  digne  de  foi,  l'enrichisse-  (721) 
ment  injuste  réalisé  par  des  personnes  ayant  une  fonction  pu- 
blique ou  semi-publique. 


L'action  en  répétition  pour  enrichissement  injuste  réalisé 
par  un  avocat  contrairement  à  la  loi  Cincia  ou  par  un  magis- 
trat contrairement  aux  leges  repetundarum  n'est  pas  autre 
chose  que  la  condictio  appelée  par  Gains  de  omni  certa  re  et 
dans  nos  ouvrages  juridiques  condictio  sitie  causa  ou  ob  turpem 
causam  (4).  Celte  action  tend  à  faire  obtenir  la  restitution  du 

lia  majeslalis  (cpr.  I  p.  270  n.  1  ;  II  p.  258  n.  1).  Julia  de pecuniis  repetundls 
planissime  vetat. 

(1)  Dlg.,  1,  16,  10,  1. 

(2)  La  loi  promulguée  sur  cette  matière  par  Sylla  était  encore  eu  vi- 
gueur à  côté  de  la  lex  Julia  repetundarum  (Gicéron,  Ad  fam.,  3,  10,  6  cpr. 
Ep.,  8,  2). 

(3)  Pour  les  jeux  de  la  capitale,  cpr.  Marquardt  St.  V,  3,  205  [Manuel 
Antiq.  Rom.  13,  255]  ;  pour  les  jeux  provinciaux:  Tacite,  Ann.,  13,  31  ;  C. 
Th.,  15,  5.  C.Just.,  11,  1. 

(4)  On  sait  que  la  condictio  est  une  action  unique  et  que  les  différentes 


en  répétition 
du  droit  civil. 


20  DROIT   PÉNAL   ROMAIN 

montant  ou  la  prestation  de  l'équivalent  des  sommes  ou  des 
valeurs  injustement  acquises. 

Lorsqu'un  citoyen  intente  cette  action,  elle  vient  devant  le 
préteur  urbain  et  s'exerce  suivant  un  formulaire  qui  lui  est 
spécial  et  qu'on  appelle  la  legis  actio  per  condictionem  (1).  La 
preuve  qu'au  début  on  ne  pouvait  faire  valoir  des  créances  dé 
ce  genre  que  par  voie  d'action  privée  ordinaire  ressort  d'une 
manière  irréfutable  de  ce  fait  que  le  préteur  pérégrin,  devant 
lequel  le  citoyen  romain  qui  a  eu  à  subir  un  préjudice  de  la 
part  d'un  magistrat  romain  ne  pouvait  jouer  le  rôle  de  de- 
mandeur, présida,  jusqu'à  la  promulgation  de  la  loi  Acilia,  la 
cour  judiciaire  exceptionnelle  établie  par  la  loi  Calpurnia  (2). 
Ce  mode  de  répression  des  repetimdae  est  resté  possible  à  tou- 
tes les  époques  et  pour  tous  les  cas;  l'action  contre  l'avocat 
coupable  d'avoir  demandé  des  honoraires  exagérés  n'a  pas  été 
soumise  sous  la  République  à  la  forme  de  la  quaestio  et  n'a 
été  assujettie  à  la  procédure  de  repetundae  qu'à  l'époque  im- 
périale (III  p.  10  n.  o). 

Après  l'établissement  d'une  procédure  de  repetundae  spé- 
ciale, le  citoyen  romain   n'a  pas  été  juridiquement  privé  du 
droit  d'exercer  son  action  suivant  cette  procédure  (3).  Si  imraé- 
(722)      diatement  après  celte  réforme  le  citoyen  romain  ne  porte  pas 


condicliones  de  nos  ouvrages  juridiques,  qui  se  présentent  en  apparence 
comme  formellement  indépendantes,  ne  sont  ea  réalité  que  des  applica- 
tions de  cette  action  pour  des  causes  spéciales.  Perpeluo  Sabinus  probavil 
velerum  opinionem,  dit  Ulpien  {Dig,,  12,  5,  6),  existimantium  id  quod  ex  in- 
jusla  causa  apud  aliquem  sit,  posse  condici.  Gela  est  exact  tant  pour  la 
répétition  du  prêt  que  pour  la  condiclio  indehlli  et  les  autres  condic- 
liones citées  sous  des  rubriques  spéciales.  Pour  la  condiclio  furliva  cpr. 
III  p.  14  n.  4. 
(i)  Gaius,  4,  n  a  et  suiv. 

(2)  Loi  Acilia,  spécialement  1,  12. 

(3)  Le  début  de  la  loi  Acilia  nous  est  parvenu  en  mauvais  état:  [quo 
socium  no]minisve  Laiini  exlrrannnve  natio?ium,  quoive  in  arbilratu  dicione 
polestale  amicitiav[e  popidi  Romani...].  Mais  il  est  possible  que  le  citoyen 
y  ait  été  nommé  et  dans  la  1.  76  on  suppose  la  possibilité  pour  le  citoyen 
d'agir  comme  demandeur.  Gicéron,  Pro  Cluentio,  37,  104  mentionne  l'ac- 
tion d'un  citoyen  romain  contre  un  juré  sur  le  fondement  de  la  lex  Cor- 
nelia  i-epelundarum. 


ACCEPTATION    DE    LIBÉRALITÉS    ET    EXACTIONS  21 

sa  condictio  devant  la  quaestio  de  repetundae  (1)  et  si^  par 
suite,  celte  dernière  est  désignée  comme  affectée  à  la  protec- 
tion des  alliés  et  des  sujets  des  cités  soumises  (2),  la  cause  peut 
en  être,  abstraction  faite  de  ce  que  les  magistrats  commettent 
ces  délits  surtout  contre  les  non  citoyens,  que  la  forme  de 
l'action  collective  est  souvent  incommode  pour  le  citoyen,  — 
Du  reste,  le  fait  que  parmi  les  victimes  de  repetundae  agis- 
sant collectivement  se  trouvent  des  citoyens  romains  n'altère 
en  rien  le  caractère  de  la  procédure.  C'est  seulement  à  l'épo- 
que impériale  que  les  concessions  de  plus  en  plus  larges  du 
droit  de  cité  et  l'extension  du  droit  d'agir  en  justice  ont  en- 
levé à  la  procédure  de  repetundae  son  caractère  d'institution 
principalement  destinée  aux  alliés. 

Le  non  citoyen  peut  certainement  faire  valoir  son  droit  Particularités 
suivant  la  procédure  ordinaire  (3),  il  peut  aussi  se  servir  de^u"^MML 
d'une  autre  forme  d'action,  qui  par  sa  nature  appartient  éga- 
lement au  droit  privé,  mais  qui  est  plus  rigoureuse  que  l'ac- 
tion privée  ordinaire  et  qui  plus  tard  se  transformera  en  pro- 
cédure criminelle  ;  c'est  de  cette  dernière  forme  d'action  que 
nous  allons  maintenant  nous  occuper.  Bien  que  nous  ayons 
déjà  exposé  dans  le  Livre  IIl  les  différentes  règles  de  cette 
quaestio  qui  ont  donné  d'une  manière  générale  à  la  procé- 
dure criminelle  postérieure  ses  principaux  caractères,  il  nous 
semble  utile  de  rappeler  ici  brièvement  les  particularités  du 
procès  de  repetundae. 

1,  L'introduction  de  l'action  a  lieu,  d'après  les  deux  plus  an- 


(1)  Cicéron,  Divin,  in  Cnec,  5,  18:  civibus  ciim  sunt  ereptae  pecuniae,  civilL 
fere  actione  et  privato  jure  repetuntur. 

(2)  Cicéron,  après  les  mots  cités  plus  haut  :  haec  lex  socialis  est,  hoc  jus 
nationum  exterarum  est.  De  même,  Verr.,  1.  2,  6,  15,  et  souvent  ailleurs. 

(3)  L'action  prévue  dans  la  loi  Acilia  1.  8,  qui  ne  se  termine  pas,  comme 
la  quaestio,  par  un  paiement  à  Vaerarium,  mais  par  un  paiement  direct  au 
demandeur,  est  manifestement  la  condictio  régulière  du  droit  privé.  Comme 
le  montre  la  loi  Acilia,  cette  action  privée  n'était  pas  soumise  aux  dé- 
lais incommodes  de  la  quaestio  (l.  Acilia,  1.  7  ;  Varron,  chez  Nonius,  p.  26 
V.  rapones)  et  elle  pouvait  aussi  dans  certains  cas  être  pratiquement  pré- 
férable à  l'action  toujours  politique  de  la  procédure  publique.  Le  procès 
contre  C.  Antonius  mentionné  III  p.  8  n.  5  rentre  dans  cette  catégorie. 


22  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

ciennes  leges  repetimdarum,  suivant  la  formule  de  la  legis  ac- 
tio  sacramento,à\oTS  d'application  générale  pour  la  procédure 
(723)  civile (1).  La  troisième  lex  repelimdarum,  la  loi  Acilia,  est  la 
première  qui  ait  remplacé  cette  forme  par  Viyijus  vocatio  ou 
la  nominis  delatio,  c'est-à-dire  par  l'adduction  de  l'accusé  de- 
vant le  magistrat  (II  p.  58  sv.)  ou  par  une  dénonciation  du 
coupable  (II  p.  54).  L'enquête  préalable  sur  les  lieux,  qui 
peut-être  éventuellement  nécessaire  pour  la  réunion  des 
moyens  de  preuve,  est  faite  sous  la  République  par  les  re- 
présentants des  victimes  et  sous  le  Principat  par  celles-ci  elles- 
mêmes  (II  p.  67  n.  2.) 

2.  Suivant  le  précédent  établi  pour  les  procès  qui  ont  pré- 
paré cette  quaestio  et  où  toutes  les  réclamations  de  même  na- 
ture dirigées  contre  le  même  magistrat  étaient  réunies  dans 
une  même  instance,  cette  règle  du  groupement,  divergente 
de  celles  qui  régissent  la  procédure  de  l'action  privée  (2),  fut 
sans  doute  posée  pour  cette  quaestio  par  une  loi  (3).  Cette  me- 


(1)  Loi  Acilia,  1.  23  :  [aut  quod  cum  eo  lege  Calpu]rnia  aut  lege  Junia  sacra- 
mento  actum  siet  aut  quod  h.  l.  nomen  [delatum  siet].  L'emploi  de  cette  for- 
mule par  le  préteur  pérégrin  peut  d'autant  moins  surprendre  que  Gaius, 
eu  égard  sans  doute  à  la  procédure  de  repetundae  elle-même,  déclare  su- 
perflue l'introduction  de  la  legis  actio  per  condictionem  par  le  préteur  ur- 
bain, cum  de  eo,  quod  nobis  dari  oportet,  potuerimus  aut  sacramento  aut  per 
Judicis  postulationem  agere.  Il  va  de  soi  que  l'on  pouvait  agir  par  legis  ac- 
tio sacramento  devant  le  préteur  pérégrin  et  Gaius,  4,  31,  le  confirme.  — 
Si  plus  tard  l'action  de  repetundae  est  encore  désignée  comme  lege  agere 
(Cicéron,  Divin,  in  Caec.  5,  19),  la  phrase  est  ici  employée  dans  son  sens 
large  (Keller,  Civilprozess  %  12,  n.  187.  §  46,  n.  524»). 

(2)  D'après  les  matériaux  de  droit  privé  que  nous  possédons,  plusieurs 
actions  intentées  par  divers  demandeurs  contre  le  même  défendeur  peu- 
vent, lorsqu'elles  sont  engagées  à  temps,  être  renvoyées  au  même  juré, 
si  tel  est  l'avis  du  magistrat  {Dig.,  40,  12,  9,  pr:  ad  eundem  judicem  mit- 
tetur;  Quintilien,  3,  10,  1.  2),  mais  cela  n'est  pas  nécessaire  (Dig.,  2,  14, 
9,  pr.)  et  ne  porte  aucune  atteinte  au  droit  de  chaque  partie  d'agir  en 
justice  quand  bon  lui  semble  (Planck,  Die  Mehvheit  dev  Rechtsstreitigkeiten, 
p.  126  sv.).  La  lex  repetundarum  exige  au  contraire  cette  combinaison, 
en  décidant  que  l'action  pour  cause  de  repetundae  ne  peut,  abstraction 
faite  d'un  délit  postérieur,  être  exercée  qu'une  seule  fois  (1.  56). 

(3)  Cette  régie  se  trouvait  vraisemblablement  dons  la  loi   Acilia  1.  5. 
Noua  ne  savons  pas  comment  on  procédait  dans  chaque  cas  particulier 
il  est  possible  que  l'action  ait  été  introduite  par  un  seul   demandeur  et 
que  les  autres  aient  eu  la  faculté  d'adhérer  à  la  procédure. 


ACCEPTATION   DE    LIBÉRALITÉS    ET    EXACTIONS  23 

sure  s'imposait;  car  on  ne  pouvait  en  fait  organiser  autrement 
cette  longue  procédure  qui  accaparait  pour  un  grand  laps  de 
temps,  un  certain  nombre  d'hommes  considérables.  Celui  qui 
ne  peut  pas  ou  qui  ne  veut  pas  s'engager  dans  cette  procédure 
a  la  faculté  de  se  servir  de  l'action  privée  (1). 

3.  On  augmenta  pour  ce  procès  global  le  nombre  des  jurés. 
Ceux-ci  ne  reçurent  plus  désormais  le  nom  moins  relevé  de 
récupérateurs,  mais  eurent  le  titre  plus  ap^vécié  de  judices. 
Le  magistrat  devant  lequel  l'action  était  portée  n'était  plus 
réduit  à  organiser  le  procès,  comme  cela  a  lieu  dans  l'action 
privée  ordinaire,  mais  il  devait  diriger  les  débats  et  assurer 

le  vote.  Ce  magistrat  était,  d'après  la  loi  Calpurnia  et  la  loi      (72i) 
Junia,  le  préteur  pérégrin  ;  plus  tard,  en  vertu  de  la  loi  Acilia 
elle-même,  un  préteur  spécial  fut  affecté  à  ces  procès  (2). 

4.  Le  procès  de  rcpetwidae  a,  au  cours  de  son  évolution, 
gardé  le  caractère  d'une  action  privée  en  tant  que  les  parties, 
c'est-à-dire  la  victime  et  l'auteur  du  dommage,  luttent  entre 
elles,  tandis  que  dans  les  judicia  publica  postérieurs  il  y  a 
bien  apparemment  en  présence  un  demandeur  et  un  défen- 
deur, alors  qu'en  réalité  il  n'y  a  pas  de  parties,  puisque  le  de- 
mandeur se  présente  ici  en  qualité  de  représentant  de  la  com- 
munauté. Toutefois,  les  victimes  s'eiïacent  dans  le  procès  de 
repetimdae,  plus  encore  que  dans  l'action  privée  proprement 
dite,  derrière  leurs  représentants;  car  le  groupement  des  dif- 
férentes actions  s'étend  aussi  à  la  représentation  et  la  nomi- 
nation des  représentants  dépend  plus  du  inagi«lrat  président 
que  des  demandeurs  (3),  de  telle  façon  que  les  patrons  qui 
accu.-ienl  peuvent  aussi  être  considérés  comme  représentants 
de  la  cité  romaine.  Le  patron  se  nomme  soit  représentant  de 


(1)  Lorsqu'une  partie  n'a  pas  pris  part  à  la  procédure  de  la  quaeslio,  il 
lui  reste  l'action  civile  ordinaire  (1.  7,  8  :  ulei  privato  solvatur,  tandis  que, 
d'après  la  loi,  le  condamné  paie  aupopulus). 

(2)  G.  Claudius  Pulcher,  consul  en  6(52/94  (il  peut  difficilement  avoir  été 
consul  en  G2'*/I3i)),  est  appelé  dans  son  elogium  :  Judex  q(iiaestionis)  vene- 
ficis,  pi'{aetor)  repetundis  (G.  I.  L.,  1-  p.  200). 

(3)  Loi  Acilia,  1.  9  et  sv. 


24  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

la  victime  {actor  ou  aussi  cognitor)  (1),  et  cette  appellation  est 
la  plus  usitée  au  début,  soit  représentant  delà  cité  {accusator), 
et  cette  dénomination  est  habituelle  à  l'époque  récente. 

5.  La  réunion  des  procès  du  même  genre  permet  ou  des 
débats  successifs  ou  un  débat  global.  Il  est  difficile  que  les 
lois  aient  posé  des  règles  à  ce  sujet.  L'option  pour  l'une  ou 
l'autre  méthode  à  dû  être  laissée  à  l'appréciation  de  l'avocat 
et  du  président  ;  mais,  en  pratique,  on  a,  au  moins  le  plus  sou- 
veut,  groupé  en  une  seule  réclamation  les  différentes  actions 
juridiquement  distinctes  les  unes  des  autres  (II  p.  104). 

6.  La  règle  de  l'action  privée,  d'après  laquelle  la  condam- 
nation doit  porter  sur  une  somme  d'argent  fixe  (2),  conduit, 

(725)  en  cas  de  succès  du  demandeur,  dans  les  actions  qui  originai- 
rement n'ont  pas  pour  objet  une  somme  d'argent,  à  une  double 
sentence  des  jurés  :  à  une  réponse  affirmative  sur  la  prétention 
du  demandeur  et  à  une  transformation  de  cette  prétention  en 
une  somme  d'argent,  ou  pour  me  servir  des  expressions  ro- 
maines, à  une  estimation  de  l'objet  du  litige,  à  une  litis  aes- 
timatio  {V).  Afin  de  plier  la  créance  de  repetwidae,  qui  peut 
porter  sur  toute  espèce  d'objet  du  patrimoine,  à  la  forme  de  la 
condictio  introduite  par  la  loi  Silia  pour  les  dettes  d'argent, 
la  loi  Calpurnia  prescrit  l'estimation  en  argent  de  tout  objet 


(1)  Dans  le  procès  de  Verres,  Cicéron,  avant  d'être  institué  formelle- 
ment comme  patronus,  se  donne  fréquemment  le  nom  di'actor  (par  ex.  : 
Divin.,  5,  19.  20,  65)  ;  il  ne  le  fait  plus  ensuite  que  rarement  (Acl.,  1,  1,  2. 
1.  5,  70,  179)  ;  cognilor  avec  le  sens  technique  du  droit  privé  ne  se  trouve 
que  dans  Divin.,  4,  H,  où  la  question  se  pose  de  savoir  si  le  pérégrin  qui 
agit  peut  rendre  sa  situation  plus  forte  au  point  de  vue  de  la  procédure 
en  cédant  formellement  sa  créance  au  patron  romain. 

(2)  Gaius,  4,  48  :  omnium  fo)-mularum...  ad  pecuniariam  aestimationem  con- 
demnatio  concepta  est.  Itaque  et  si  corpus  aliquod  petamus...  judex  non  ipsam 
rein  condemnat  eum  cum  quo  actum  est,  sicul  olim  fien  solebat,  sed  aestimata 
re  pecuniam  eum  condemnat. 

(3)  Cicéron,  Verr.,  1.  1,  38,  95.  c.  39,  99)  rapporte  quelques  extraits  du 
procès-verbal  dressé  sur  ce  point  dans  le  procès  de  Gn.  Dolabella  en 
676/78  :  de  (ou  ex)  lilibus  uestimatis  Cn.  Dolabellae  pr{aetoris)  et  pro  pr[aetore) 
pecuniae  redactae  :  quod  a  eommuni  Mi/yadum.  —  La  sentence  du  juge  se 
traduisait  ici,  comme  dans  la  procédure  de  praevaricatio  (II  p.  130  n.  2), 
par  les  mots  redigam  ou  non  redigam. 


ACCEPTATION  DE  LIBÉRALITÉS  ET  EXACTIONS        25 

{omnis  cerla  res)  (1).  —  A  vrai  dire,  la  différence  eulre  les 
deux  procédures  est  plus  accusée  eu  fait.  Dans  l'action  privée 
ordinaire,  il  n'y  a  qu'un  demandeur,  le  groupement  de  plu- 
sieurs créances  dans  un  même  débat  n'est  qu'exceptionnel  et 
l'objet  de  l'action  est  toujours  défini  par  la  formule;  dans  la 
procédure  de  repetimdae,  au  contraire,  on  réunit  les  créan- 
ces de  différents,  souvent  de  nombreux  demandeurs,  sans  les 
préciser  au  préalable,  mais  les  jurés  ne  votent  qu'une  fois 
sur  la  question  de  fait  sans  viser  les  différentes  créances,  par 
conséquent  affirment  ou  nient  simplement  qu'il  y  a  eu  accep- 
tation d'argent.  11  en  résulte  que  l'estimation,  qui  par  essence 
n'est  que  l'appréciation  en  argent  de  la  créance  reconnue,  a 
en  fait  ici  pour  objet  d'établir  les  différentes  créances.  Ce  vice 
inhérent  à  l'organisation  même  de  la  procédure  (2)  a  ordinai- 
rement en  pratique  pour  corollaire  qu'après  la  réponse  affir- 
mative sur  la  question  générale  de  fait  les  jurys  laissent  traî- 
ner le  second  acte  du  procès,  c'est-à-dire  le  règlement  des 
différentes  créances  (3).  —  D'après  le  droit  de  la  Républi-  (726) 
que  (4),  c'est  toujours  le  même  tribunal  qui  prononce  la  con- 


(1)  III  p.  5  n.  2.  L'action  de  repetundae  n'a  jamais  été  limitée  à  la  con- 
dictio  cerfae  pecuniae,  la  loi  Gaipurnia  la  conçoit  déjà  comme  condicllo  de 
omni  certa  re.  Ordinairement,  l'action  de  repetundae  a  dû  apparaître  sous 
la  forme  de  la  condictio  incerti  que  les  jurisconsultes  romains  ont  fait 
sortir  de  la  condictio  certi. 

(2)  Prise  strictement,  la  «  condemnatio  «  (II  p.  128),  dans  le  procès  de 
repetundae,  n'est  que  la  résolution  prise  par  la  quaestio  de  passer  à  l'exa- 
men des  créances  particulières,  étant  donné  que  l'accusé  semble  être  dans 
son  tort.  Il  était  théoriquement  possible  que  malgré  cette  décision  on  ne 
trouvât  pas  de  majorité  pour  chaque  créance  particulière  et  que  par 
suite  la  condemnatio  fût  sans  objet. 

(3)  Gicéron,  Pro  Cluentio,  41,  compare  lejudicium  et  la  litis  aestimalio- 
numquam  ea  diligentia,  quae  solet  adhiheri  in  ceteris  judiciis,  eadem  reo  dam- 
nato  adhibita  est.  Les  jurés  avaient  coutume,  lorsque  la  condamnation  était 
prononcée,  de  ne  plus  être  aussi  scrupuleux  quant  au  règlement  des  dif- 
férentes créances,  en  partie  par  antipathie  pour  le  condamné  (il  faut  lire 
non  inviti  admittunt  au  lieu  de  non  admittunt),  en  partie  par  indifférence. 
Il  semblera  peut-être  sévère  que  l'historien  qui  veut  enregistrer  les  ré- 
s  iltats  pratiques  de  cette  procédure  dresse  ici  un  procès-verbal  de  ca- 
Tince  ;  rien  n'est  cependant  plus  exact.  Gpr.  Gicéron,  Verr.,  Act.  1,  13,  38. 

(4)  C'est  ce  que  montre  la  loi  Acilia  et  ce  que  confirme  Gicéron,  Pro 
Cluentio,  41,  116  et  ailleurs. 


26  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

damnation  et  l'estimation.  Ce  système  fut  modifié  dans  les 
procès  consulaires-sénatoriaux  de  l'époque  impériale,  sans 
doute  parce  qu'on  ne  pouvait  pas  demander  au  Sénat  de  s'oc- 
cuper de  la  fixation  des  diverses  créances.  L'estimation  fut 
ici,  après  jugement  sur  la  question  de  fait  (1)  ou  aveu  de 
l'accusé  (2),  renvoyée  à  un  tribunal  de  récupérateurs. 

7.  Si  dans  l'action  en  répétition  la  sentence  est  rendue  en 
faveur  des  victimes,  l'exécution  a  lieu,  comme  l'introduction 
de  l'action,  simultanément  pour  tous  les  demandeurs  et  est 
prise  en  mains  par  la  cité  romaine.  Avant  que  le  tribunal  ne 
passe  à  l'estimation,  le  condamné  doit  fournir  à  la  caisse  de 
l'État  romain  une  garantie  en  rapport  avec  le  montant  global 
des  créances  tel  qu'il  est  apprécié  provisoirement  par  le  tri- 
bunal. Lorsque  l'estimation  a  eu  lieu,  cette  caisse  paie  aux 
différents  demandeurs  la  somme  réclamée  au  condamné  (3). 
C'est  ici  surtout  que  le  procès  de  repetundae  se  présente  comme 
l'affaire  de  la  cité  romaine;  celle-ci  se  reconnaît  jusqu'à  un 

(727)  certain  point  responsable  du  dommage  causé  par  ses  magis- 
trats et  épargne  aux  demandeurs  les  difficultés  de  l'exécution 
privée,  difficultés  particulièrement  grandes  pour  l'étranger 
isolé. 

8.  Si  le  condamné  n'est  pas  en  état  de  fournir  une  sûreté 


(1)  I  p.  297.  Agir  en  justice  s'appelle  judices  petere  (Suétone,  Dom.,  8  : 
auctor  et  tribunis  plebi  fuit  aedilem  sordtdum  repetundarum  aceusandi  judi- 
cesque  in  eum  a  senatu  peleîidi);  condamner  et  être  condamné  s'appellent 
judices  dare  et  accipere  (Pline,  4,9,  19:  ncgavii  congruum  esse  relinere  in  se- 
natu,  cui  judices  ded  rint.  2,  11,2:  excessisse  Priscum...  crimina,  c/uihus  dari 
judices  possent  ;  6,  29,  10  ijudicibus  acceptis).  Tacite,  Ann.,  1,  74,  dit  que  les 
judices  sont  des  récupérateurs  :  de  pecuniis  repetundis  ad  recupcralores  itum 
est.  Il  n'y  a  pas  lieu  d'être  surpris  que  le  Sénat  ou  plutôt  les  consuls 
renvoient  à  un  tel  tribunal  une  action  qui  est  à  proprement  parler  civile. 

(2)  Le  coupable  qui  avoue  demande  des  judices  :  Pline,  Ep..  2,  M,  2  (cpr., 
4.  6,  29,  9)  :  Marivs  Priscvs  accusantibus  A  fris,  guibus  pro  consule  praefuit, 
omissa  defensione  judices  petiit. 

(3)  Loi  Acilia,  1.  57  et  sv.  Les  sommes  d'argent  qui  rentrent  de  cette 
nianiore  sont  gardées  d'une  façon  spéciale  dans  l'ae/'rtri«m  ;  elles  sont 
jusqu'au  paiement  la  propriété  de  la  cité  romaine,  car  la  clause  quod  sine 
malo  pcqulalu  fuit  (cpr.  la  lex  Cornelia  de  XX  quaesloribus,  1,  5  [Girard, 
p.  64]),  habituelle  en  cas  de  paiement  de  deniers  publics,  se  rencontre 
également  ici  (1.  69). 


ACCEPTATION    DE    LIBÉRALITÉS    ET    EXACTIONS  27 

dans  les  conditions  iadiquécs,  il  est  irailë  comme  débiteur 
insolvable.  On  peut  se  demander  à  cet  égard  si  les  règles  ri- 
goureuses de  l'ancien  droit  des  obligations,  notamment  Vad- 
dictio  et  la  détention  pour  dettes,  s'appliquaient  au  dernier 
siècle  de  la  République  contre  un  débiteur  de  la  communauté. 
Nous  n'avons  aucune  preuve  en  faveur  de  l'affirmative  (1). 
Mais  la  loi  Acilia  ordonne  certainement  la  saisie  du  patri- 
moine, sa  vente  et  le  paiement  des  créanciers  avec  le  pro- 
duit de  cette  vente  et  jusqu'à  concurrence  du  prix  obtenu 
(III  p.  26  n.  3).  La  même  procédure  a  lieu,  lorsque  l'accusé 
meurt  au  cours  du  procès  et  que  ses  héritiers  n'acceptent  pas 
rhérédité  (I  p.  76).  Dans  ce  dernier  cas,  le  patrimoine  n'est 
pas  vendu  comme  celui  d'un  failli,  mais  il  e?t  réalisé  dans 
une  forme  moins  déshonorante  comme  masse  héréditaire 
abandonnée  (2).  De  même,  si  l'accusé  pour  se  soustraire  au 
déshonneur  abandonne  son  droit  de  cite  avant  la  condamna- 
tion (I  p.  78),  l'ensemble  de  son  patrimoine  est  vendu  par  la 
cité  (3). 


La  condictio  en  soi  ne  fait  pas  obtenir  plus  que  l'équivalent       Peine. 
de  ce  qui  a  été  injustement  acquis.  La  loi  Caipurnia  et  la  loi 
Junia  ont  conservé  à  cette  action  la  même  mesure;  elles  li- 


(1)  Dans  le  procès  d'amende  contre  Scipion  la  détention  pour  dette  joue 
encore  un  rôle  (Tite-Live,  38,  58).  Elle  n'apparaît  pas  dans  les  débris  de 
la  loi  Acilia  qui  nous  sont  parvenus. 

(2)  Le  récit  de  Valére  Maxime,  9,  62,  7  (on  lui-même  peu  diptne  de  foi  : 
Drumann,  4,  193)  doit,  eu  égar.i  à  la  distinction  de  la  bonorum  possessio 
vivi  seu  mortui  (Gaius,  3,  78  sv.),  être  entendu  en  ce  sens  que  C.  Licinius 
Macer,  menacé  d'être  condamné  dans  un  procès  de  repetundae,  attenta 
à  ses  jours  en  déclarant,  se  non  damnalum,  sed  reum  perire  nec  sua  hona 
hastae  posse  subici,  où  d'ailleurs  les  derniers  mots  disent  trop. 

(3)  Lex  repetundarum,  1.  29  (complétée  eu  égard  an  reste  de  la  rubrique 
du  chapitre.  .  rit  aut  in  exilium  abieril)  ;  [sei  is  (l'accusé)  prias  mortuos  erit 
aut  in  exilï\um  abieril  quani  ea  res  \ju]dicata  erit,  pr{aetor)...  eam  rem  ab  eis 
(par  les  jurés)  item  quaerilo...  Déjà,  avant  l'introduction  de  la  quaestio, 
(Tite-Live,  43,  2)  on  mentionne  des  exils  fondés  sur  le  délit  de  repetun- 
dae et  plus  tard  il  en  est  fréquemment  question.  Gpr.  au  Liv.  V  la  Sec- 
lion  de  l'exil. 


28  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

mileat  l'action  à  la  simple  reprise  de  ce  qui  a  été  donné  (1), 
(728)  Caius  Graccbus  a  fait  de  l'aclioD  d'indemnité  uae  action  pé- 

nale et  a  iufligi  au  condamné  pour  cause  de  repetundae  la 
peine  qui  frappe  le  voleur  condamné,  c'est-à-dire  la  peine  du 
double  (111  p.  28  n.  i).  Cette  réforme  s'explique  de  la  part  de 
l'adversaire  passionné  de  l'aristocratie  et  en  face  de  l'excès 
de  vénalité  et  da  cupidité  de  cette  dernière;  mais  étant  donué 
que  les  éléments  du  délit  n'étaient  pas  modifiés  et  que  ce  délit 
embrassait  peut-être  même  la  simple  acceptalion  irréfléchie 
d'une  libéralité,  la  passion  a  ici,  comme  toujours,  fait  perdre 
de  vue  la  véritable  base  de  l'action. 

Quant  à  la  répression  postérieure  du  délit  des  magistrats, 
nous  ne  sommes,  chose  surprenante,  que  peu  renseignés. 
Aucune  preuve  n'est  nécessaire  pour  affirmer  que  la  loi  Servi- 
lia  n'a  pas  adouci  la  peine  établie  par  la  loi  Acilia;  malgré 
la  même  absence  de  preuves,  il  n'est  pas  non  plus  douteux 
que,  lors  de  la  réaction  contre  le  mouvement  démocratique 
des  Gracques,  Sylla  a  rétabli  l'indemnité  du  simple  à  la  place 
de  la  peine  du  double.  Quant  à  la  peine  établie  par  la  loi  Julia, 
tout  témoignage  nous  fait  défaut;  si  les  textes  de  Justinien 
ne  parlent  pas  de  multiple,  la  cause  en  est  peut-être  à  la 
transformation  totale  du  délit  dans  la  dernière  période  de 
l'Empire;  ce  fait  est  cependant  favorable  à  la  conjecture  d'a- 
près laquelle  la  peine  du  multiple  aurait  cessé  d'être  en  vi- 
gueur depuis  Sylla. 

L'empereur  Auguste  a  prescrit  la  peine  du  quadruple  con- 
tre les  avocats  qui  touclicraient  des  honoraires  supérieurs  au 
maximum  licite  (2)  et  diverses  constitutions  de  l'époque  pos- 
térieure à  Constantin  ont  posé  des  règles  semblables  vis-à-vis 
des  magistrats  (3).  Ces  dispositions  spéciales  ne  permettent 

(1)  Loi  Acilia,  1.  S9  :  [quod  anle  h.  l.  rof^alam  consilio  probabilur  captum]... 
concilialum  esse,  eas  res  omnis  simpli,  cèleras  res  omnis,  quod  post  fiance  ler/em 
rocjalam  co[nsilio  probahil]ur  caplum...  concilialum...  esse,  dupli.  Cpr.  III 
p.  13  n.  2. 

(i)  Dion,  o4,  18  pour  l'année  737/17. 

(3)  En  dehors  de  la  peine  fiscale  du  quadruple  de  la  valeur  du  litige, 
prescrite  par  Septimc  Sévère  à   côté  de   l'action  en  répétition  pour  les 


ACCEPTATION  DE    LIBÉRALITÉS   ET    EXACTIONS  29 

pas  de  conclusions  rétroactives  au  regard  de  la  loi  générale 
de  repetundae. 

La  diminution  de  l'honorabilité  civique  est  contraire  à  la  (729) 
nature  même  de  la  condictio  et  elle  n'a  pas  été  attachée  aux 
condamnations  prononcées  en  vertu  des  anciennes  lois  de  re- 
petundae (1);  une  remarque  identique  peut  être  faite  même 
au  regard  de  la  loi  Acilia(2).  Par  contre,  la  loi  Servilia  prive 
le  condamné  de  ses  droits  politiques  (3).  Sylla  a  vraisembla- 
blement aboli  cette  règle,  mais  César  l'a  rétablie  (4).  Au  dé- 
but de  l'époque  impériale,  la  condamnation  pour  cause  de 
repetundae  n'entraîne  pas  non  plus  de  peine  criminelle  pro- 
prement dite  (o),  mais  elle  engendre  l'incapacité  de  garder 


achats  faits  par  les  fonctionnaires  dans  leur  ressort  (III  p.  12  n.  4),  on 
rencontre  la  peine  du  quadruple  pour  les  exagérations  de  demandes  d'im- 
pôts dans  la  constitution  de  Constance  C.  Th.,  11,  16,  8  =:  C.  Just.,  10,  48, 
8,  vis-à-vis  des  officiales  (à  côté  du  double  pour  les  magistrats),  dans 
celles  de  Valentinien  1"  (C.  Th.,  11.  16,  11  =  C.  Just.  10,  48,  8,  2),  Gratien 
(C.  Th.,  9.  27,  3  z=  C.  Just.,  9,  21.  1  =  Edit  de  Théodoric,  3.  4),  Honorius 
(C.  Th.,  11,  7.  20)  et  Justinien  {Cod.,  3,  2,  2  ;  Inst.,  4,  6,  25),  de  même  chez 
Gassiodore,  Var.,  9,  11.  6  ;  pour  la  corruption  de  magistrats  dans  celle  de 
Théodose  II.  Cad.,  9,  2",  6  ;  pour  la  soustraction,  dans  celle  d'Honorius, 
Cod.,  1,  31,  3,  1,  où  la  moitié  de  la  peine  échoit  à  la  victime  et  l'autre 
moitié  au  fisc.  La  peine  du  quadruple,  applicable  en  cas  de  péculat,  a  pu 
servir  de  base  à  ces  mesures.  Peine  du  double  (peut-être  à  raison  d'une 
interpolation  de  Justinien)  Coi.,  10,  20,  1,  pr.  —  L'indication  confuse  de 
l'ignorant  scoliasfe  des  Verrines,  p.  146  :  duae  res  consequebantuv  damna- 
tlonem  pertinebal  qiia  {?)  vel  si)nplex  vel  duplex  vel  quadruplntio  ducebatur, 
altéra  e.iilii  mérite  à  peine  d'être  citée. 

(1)  Le  consul  de  l'année  598/156,  L.  Lentulus,  fut,  après  une  condamna- 
tion pour  cause  de  repetundae,  élu  censeur  en  601/147  {Val.  Max.,  6,  9,  10). 

(2)  Malgré  les  lacunes,  cela  est  assez  certain. 

(3)  Rhet.  ad  Her.,  1,  11,  20  :  lex  (celle-ci  ne  peut  être  que  la  loi  Servilia, 
étant  donnée  l'époque  à  laquelle  cet  ouvrage  fut  rédigé)  vetat  eum  qui  de 
pecuniis  repelundis  damnatus  est  in  contione  orationem  habere.  Gelte  inter- 
diction appartient  manifestement  à  une  liste  comme  celle  que  rapporte 
la  table  de  Bantia  (G.  I.  L.  I,  p.  45;  cpr.,  St.  R.,  1,  201  [Dr.  publ.,  \.  229j) 
et  il  est  vraisemblable  qu'on  y  trouvait  l'exclusion  du  Sénat. 

(4)  Di^.,  1,  9,  2  :  Cassius  Longinus  non  putat  ei  permillendum,  qui  propter 
turpitudinem  senatu  motus  nec  restitutus  est,  judicare  vel  testimonium  dicei'e, 
quia  lex  Julia  repelundarum  hoc  fierit  vetat.  Suétone,  Caes.,  43  :  repetundarum 
convictos  etiam  senatu  movit,  ce  qui,  d'après  le  texte  précédent,  doit  être 
rapporté  à  la  loi  consulaire. 

(5)  Lorsque  dans  un  procès  de  repetundae  on  condamne  à  l'exil,  on  a 
soin  d'ajouter  que  la   condamnation  embrasse  d'autres  délits   (Tacite, 


30  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

OQ  d'obtenir  des  charges  et  des  sacerdoces  (1),  de  siéger  au 
(730)  Sénat  (2),  de  fonctionner  comme  juré  (3)  ou  comme  repré- 
sentant judiciaire  (4)  ou  de  se  produire  publiquement  comme 
témoin  (o).  Par  exception,  le  Sénat,  qui  n'est  pas  lié  par  les 
lois,  s'est  abstenu,  tout  en  condamnant,  d'infliger  cette  pri- 
vation de  l'honorabilité  civique  (6). 

Pour  les  délits  assez  nombreux,  qui  tombent  sous  le  coup  de 
la  loi  de  rcpctmidae,  mais  pour  lesquels  l'idée  d'indemnité 
n'est  pas  applicable,  nous  ne  connaissons  pas  d'autre  répres- 
sion que  cette  peine  politique. 

La  procédure  de  repetundae  a  été  régie  par  ces  règles  sous 
la  République  et  au  premier  siècle  de  l'Empire.  En  droit  strict, 
la  condamnation  n'engendra  pas  à  proprement  parler  les  con- 
séquences habituelles  en  matière  de  délit;  elle  n'en  anéantit 
pas  moins  ordinairement,  même  lorsqu'elle  s'élève  simple- 
ment à  l'indemnité  du  simple,  la  situation  sociale  du  coupa- 
ble. De  bonne  heure,  il  s'est  agi  dans  ces  procès  non  pas  de 
simples  inconvenances  ou  d'injustices  de  peu  d'importance, 
mais  d'exactions  de  grande  envergure  qui  créaient  des  patri- 
moines colossaux  lorsqu'elles  réussissaient,  mais  qui,  en  cas 
d'échec,  ruinaient  le  coupable,  même  s'il  n'était  condamné 
qu'à  une  indemnité  du  simple.  Cette  conséquence  n'a  pas  été 
engendrée  par  la  peine  elle-même,  mais  par  la  faillite  qui  est 

Hist.,  4,  45  :  damnatus  lege  repelundarum  et  ex'dio  ob  saevitiam.  Pline,  Ep., 
6,  29,  9).  Ce  que  dit  Pline  (n.  1)  sur  un  condamne  pour  cause  de  repe- 
tundae conQrnie  aussi  que  l'exil  n'atteignait  pas  ce  dernier. 

(1)  Pline,  2,  H,  12  :  stabat  modo  consularis  modo  septemvir  epulonum,  jam 
neulrum.  Peut-être  le  damnum  cum  infamia  des  Dig.,  48,  19,  8,  pv.  se  rap- 
porle-t-il  aux  repetundae. 

(2)  En  dehors  des  textes  cités  III  p.  29  n.  4.  Tacite,  Ann.,  14,  48  (cpr.  13, 
33),  Hist.,  1,  77.  Suétone,  Ol/io,  2.  Pline,  Ep.,  2,  11,  20.  Ep.,  12,  4,  9,  16-19. 

(3)  Di(/.,  1.  9,  2,  (III  p.  29  n.  4).  48,  11,  6,  1. 

(4)  Difi-,  48,  11,  6.  1. 

(5)  Paul,  Dig.,  22,  5,  lo,  pr.  :  repetundarum  damnatus  nec  ad  testamentum 
nec  ad  teslimonium  adhiberi  polest,  48,  11,  6,  1.  Ulpien,  Dig.,  28,  1,  20,  5  ne 
l'admet  pas  comme  témoin  en  justice,  mais  comme  témoin  dans  les  testa- 
ments. Cpr.  Il  p.  78. 

(6)  Nous  savons  que  devant  le  Sénat  siégeant  comme  tribunal  on  atta- 
qua comme  inadmissible  la  forme  de  jugement  salva  dignitale  Judices  dan- 
dos,  mais  que  cette  rédaction  triompha  (Pline,  Ep.,  4,  9,  16-19.  6,  29,  10). 


ACCEPTATION    DE    LIBÉRALITÉS    ET    EXACTIONS  31 

ea  fait  la  suite  habituelle  de  cette  peine.  La  sortie,  en  appa- 
rence volontaire,  du  peuple  de  la  cité  souveraine  et  en  consé- 
quence la  perte  de  l'evislence  politique  ont  déjà  été  provoquées 
parles  sentences  de  récupérateurs  antérieures  à  la  loi  Calpur- 
nia  (1^  et  sont  devenues  dans  la  suite  la  conséquence  normale 
de  la  condamnation  pour  cause  de  repetundae  (2). 

Vers  le  milieu  de  l'époque  impériale,  le  caractère  de  la  pro- 
cédure se  modifie.  La  faculté  pour  les  tribunaux  suprêmes  de 
fixer  la  peine  à  leur  gré  s'exerce  vraisemblablement  surtout 
pour  ces  délits  de  fonctionnaires  (3).  Peu  à  peu  la  libre  fixa-  (73i) 
tion  de  la  peine  devient  ici  générale  et  le  délit  de  repetundae 
est,  soit  sous  son  vieux  nom  (4),  soit  comme  nous  l'avons 
indiqué  plus  haut  (111  p.  lo),  en  cas  d'exaction  proprement 
dite,  sous  le  nom  d'intimidation,  de  concussio,  réprimé,  abs- 
traction faite  de  toute  règle,  par  une  peine  en  général  notable- 
ment plus  grave,  principalement  par  le  bannissement  et  la 
confiscation  du  patrimoine  (o).  Une  telle  peine  ne  laisse  plus 


(1)  Tite-Live.  43,  2,  10. 

(2)  Tant  dans  le  procès  de  M.  Aquillius,  consul  en  653/101  (Gicéron,  De 
or.,  2,  47,  194),  que  dans  celui  do  Verres  (Gicéron,  Verr  ,  1.  2,  31,  16),  le 
maintien  au  nombre  des  citoyens  (relinere  in  civitale)  dépend  de  la  sentence 
des  jurés.  La  même  remarque  s'applique  à  l'afTaire  de  Rabirius  Postu- 
mus  (Gicéron,  Pro  Rab.  Post.,  5,  1 1  :  poleslis  tollere  ex  civitate  quem  vuLlis), 
bien  que  celui-ci  ne  fût  pas  accusé  pour  cause  de  repetundae,  mais  pût  être 
seulement  acculé  à  la  faillite  par  une  sentence  du  tribunal  le  condam- 
nant à  payer  une  indemnité.  Je  n'enregistre  pas  les  nombreuses  preuves 
qui  nous  attestent  l'exil  de  tels  condamnés  (même  pour  l'époque  impé- 
riale :  Juvénal,  1,  47).  —  Le  scoliaste  des  Yerrines  (III  p.  28  n.  3}  se 
trompe  ici  comme  à  l'habitude. 

(3)  La  lettre  de  Pline  4,  9,  citée  en  ce  sens,  montre  pour  un  procès  glo- 
bal de  ce  genre  une  gradation  de  la  peine  qui  va  de  la  déportation  (celle- 
ci  également  chez  Dion,  GO,  23)  jusqu'à  la  relégation  pour  deux  ans.  Un 
avocat  se  voit,  à  la  suite  d'une  demande  d'honoraires  exagérés,  privé  de 
l'exercice  de  sa  profession  pour  cinq  ans  (Pline,  5,  13,  6).  VUa  PU,  10  :  si 
guos  repetundarum  damnavit,  eorum  liberis  bona  paterna  restituit,  ea  (amen 
lege,  ut  illi  proinncialibus  redderent  cjuod  parentes  acceperant. 

(4)  Macer  (sous  Alexandre),  Dig.,  48,  11,  7,  3  :  hodie  ex  lege  repetundarum 
extra  ordinem  puniuntur. 

(3)  Macer,  après  les  paroles  citées  (n.  4)  :  et  plerumque  tel  exilio  pu- 
niuntur vel  eliam  durius,  prout  admiserint.  La  confiscation  du  patrimoine 
apparaît  comme  peine  régulière  en  cas  de  repetundae  tant  dans  la  Vita 
PU,  10  (n.  3)  qu'aux  Dig.,  48,  2,  20. 


32  DROIT   PÉNAL   ROMAIN 

place  à  la  vieille  action  en  répétition.  Dans  ces  conditions, 
nous  nous  abstenons  de  rapporter  les  nombreuses  prescriptions 
pénales  spéciales  du  Bas-Empire,  où  il  n'est  pas  rare  de  ren- 
contrer la  peine  de  mort  (1). 
Aciio.i  contre  La  posslbllité  de  diriger  l'action  en  répétition  contre  les 
les  beniiers.    jj^pjjjgpg  ^q  (,gl^^^  qjjj  g  ^eçu  de  l'argent,  lorsque  celle-ci  n'a 

pas  été  intentée  contre  ce  dernier  (2),  est  en  parfaite  concor- 
dance avec  la  nature  de  la  condictio,  à  la  condition  qu'il  s'a- 
gisse seulement  de  l'indemnité  du  simple.  Si,  d'après  le  droit 
de  la  dernière  période,  l'action  en  répétition  avait  lieu  pour 
un  multiple,  ce  qui  est  douteux  (III  p.  28),  la  faculté  d'inten- 
ter cette  action  à  un  multiple  (3)  contre  les  héritiers  doit  être 
considérée  comme  une  particularité  de  l'action  de  repetwidae. 
Action  contre  Cette  procédure  présente  encore  cotte  originalité  que  le  lé- 
gislateur, s'écartant  de  la  notion  de  condictio  et  d'action  de 
repetimdae,  l'a  permise  contre  les  personnes  auxquelles  l'en' 
richisscment  injuste  était  parvenu  (4).  Celte  extension  ne  se 
(732)  rencontre  pas  encore  dans  les  trois  premières  legesrepetiinda- 
rum,  elle  n'a  été  réalisée  que  par  la  loi  Servilia  (o).  Elle  n'a 
lieu  que  si  l'insolvabilité  du  condamné  est  établie  et  a  pour 
but  de  procurer  la  somme   manquante  (6)  ;  elle  est  dirigée 

(1)  Constantin  I,  C.  Th..,  8,  4,  2,  :=  C.  Jusl.,  12,  51,  1.  Valentinien,  C.  Th., 
11,  11,  1.  Gratien,  C.  Th.,  9,  27,  5  =r  C.  Just.,  9,  27,  3  (celle-ci  moins  ri- 
goureuse). Arcadius,  C.  Th.,  11,  8,  1  =:  C.  Just.,  10,  20,  1,  1.  Honorius,  C. 
Th.,  11,7,  20.  Justinien,  Cod.,  1,  27,  1,  20.  Edit  de  Théodoric,  4,  menace 
l'insolvable  de  la  peine  de  la  correction. 

(2)  Loi  Acilia,  1.  29.  Pline,  Ep.,  3,  9,  6  :  liaelica  etiam  in  defuncli  accusatione 
perstubat  :  provisum  hoc  legifjus,  intermissum  tamen  et  posf  longam  inlercape- 
dinem  tune  reductum.  Dig.,  48,  2,  20.  lit.  11,  2.  tit.  13,  16.  til.  16,  15,  3. 
Cod.,  9,  27,  2.  Au  contraire,  la  constitution  de  Diocléticn,  Cad.,  4,  17,  1, 
limite  à  l'enrichissement  réalisé,  tant  d'une  manière  générale  (cpr.  Cod, 
Uevmog.  2)  que  spécialement  pour  la  concussion,  l'action  donnée  contre 
riiérilier. 

(3)  On  peut  faire  valoir  en  ce  sens  l'assimilation  du  procès  de  repelundae 
et  du  procès  de  poculat  chez  Papinien  (III  p.  80  n.  1)  et  les  textes  des 
Dig.,  48,  2,  20.  lit.,  11,  2;  ce  dernier  texte  limitant  quant  au  temps 
l'exercice  de  l'action  contre  les  héritiers. 

(4)  Quo  ea  pecunia  pervenil:  Gaolius,  Ad  fam.,  8,  8,  2  ;  Cicéron  Vro  Rah, 
Posl.,  4,  8  et  sv. 

(5)  Cicéron,  Pro  Rab.  Post.,  4,  9. 

(6)  Cicéron,  Pro  Rab.  Post.,  4,  8.  13,  37. 


1 


ACCEPTATION  DE    LIBÉRALITÉS   ET   EXACTIONS  33 

contre  toute  personne,  à  laquelle  sont  parvenues  pour  une  rai- 
son quelconque  des  sommes  provenant  du  patrimoine  de  l'ac- 
cusé et  est  même  possible  contre  les  créanciers  que  celui-ci  a 
satisfaits  (1).  Si  l'insolvabilité  du  débiteur  principal  se  révèle 
soit  pendant  le  procès,  soit  après,  l'action  en  répétition  est  in- 
tentée contre  le  tiers  devant  les  jurés  mêmes  qui  ont  tranché  le 
procès  principal.  Cette  action  n'est  d'ailleurs  pas  traitée  comme 
un  procès  de  l'epetimdae,  son  exercice  n'est  soumis  à  aucune 
limitation  provenant  de  considérations  de  classe  et  elle  n'en- 
traîne pas  en  cas  de  condamnation  une  restriction  de  l'hono- 
rabilité civique  (2).  On  peut  citer  comme  ayant  quelque  con- 
nexité  avec  cette  procédure  la  règle  d'après  laquelle  la  chose 
acquise  contrairement  à  la  lex  repetundarum  est,  comme  l'objet 
volé,  soustraite  à  l'usucapion  et  peut  par  la  revendication  être 
reprise  à  toute  personne,  même  au  possesseur  de  bonne  foi  (3). 

L'action  en  répétition  n'est  soumise  à  aucune  prescription  Prescription. 
spéciale;  c'est  seulement  le  droit  du  Bas-Empire  qui  prescrit 
d'intenter  l'action  dans  le  délai  d'un  an  à  partir  de  la  sortie 
de  charge  du  fonctionnaire  (4),  Mais  contre  les  héritiers  elle 
doit  être  exercée  dans  l'année  qui  suit  la  mort  du  coupable  (5). 

(1)  Pline,  Ep.,  3,  9,  17:  additum  est,  ut  pecuniae,  quas  crédita ribus  solve- 
rat,  revocarentur.  Lorsque  le  délit  de  repelundae  est  puni  de  la  peine  de  la 
confiscation  du  patrimoine,  tous  les  actes  juridiques  accomplis  par  le 
condamné  postérieurement  au  délit  sont,  d'après  Dig.,  48,  2,  20,  rescin- 
dés, exactement  comme  au  cas  de  procès  de  lèse-majesté  (II  p.  299).  Il 
semble  qu'il  y  ait  là  une  aggravation  de  peine  réalisée  récemment,  mais 
qu'on  peut  rattacher  à  l'action  de  repetundae  contre  les  tiers. 

(2)  Cicéron,  Pro  Cluentio,  41,  116.  ;  Pi'o  Rab.  Post.,  4;  Gaelius,  Ad  fam., 
8,  8,  3.  Elle  n'est  pas  un  proprium  judicium  ((^.icéron,  Pro  Rab.  Post.,  13, 
37),  mais  une  appendicula  causae  judicatae  {loc.  cit.,  4,  8)  ;  elle  est  toujours 
renvoyée  aux  mêmes  jurés,  même  si  elle  n'est  intentée  que  postérieure- 
ment à  l'année  de  charge  (Gaelius,  loc.  cit.).  Il  en  résulte  aussi  que  réguliè- 
rement cette  action  subséquente  est  déjà  entrevue  lors  de  la  litium  aesti- 
matio  du  procès  principal,  mais  il  ne  s'ensuit  aucunement  qu'elle  dépende 
juridiquement  de  cette  estimation  du  litige,  comme  Cicéron  veut  le  faire 
croire  dans  un  discours  prononcé  pour  une  personne  accusée  de  ce  chef. 

(3)  Paul,  48,  11,  8,p/'.  :  quod  contra  legem  repetundarum  proconsuli  vel  prae- 
tori  donatum  est,  non  poterit  usucapi.  Egalement,  ibid.,  |  1,  C.  Th.,  8,  15,  5,  2. 

(4)  Valentinien  I,  C.  Th.,  H,  11,  1  =  C.  JusL,  M,  35,  2.  Théodose  I,  C. 
Th.,  9,  27,  7  =r  C.  Just.,  9,  27,  5.  Valentinien  III,  Nov.,  32,  1. 

(o)  Dig.,  48,  11,  2. 

Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  3 


(733)  SECTION   VIII 


APPROPRIATION   DU   BIEN   D'AUTRUI   iFURTUM) 


L'appropriation  délictuelle  du  bien  d'aulrui,  le  furtum  des 
jarisconsultes  romains,  que  nous  ne  pouvons  pas  appeler  au- 
trement que  vol,  bien  qu'elle  ne  corresponde  qu'approxima- 
livement  à  la  notion  actuelle  de  vol  et  embrasse  également  le 
détournement,  doit  être  exposée  ici  en  distinguant  les  catégo- 
ries suivantes  : 

4.  Vol  en  général  et  spécialement  vol  de  la  cbose  d'un  par- 
ticulier. 

2.  Vol  entre  époux  {aclio  rerum  amotarum). 

3.  Vol  d'un  bien  des  dieux  {scicrilcgium)  ou  de  l'Etat  {pecu- 
latus). 

4.  Vol  de  moissons. 

5.  Vol  qualifié  de  l'époque  impériale. 

6.  Vol  d'bérédité. 

Le  vol  commis  avec  violence,  la  rapine,  n'est  pas  traité  par 
le  droit  romain  comme  délit  indépendant,  mais,  sans  être  com- 
plètement exclu  de  la  théorie  du  vol,  il  est  aussi  rattaché  Foit 
à  l'action  de  meurtre  comme  vol  commis  sur  les  grands  che- 
mins (II  p.  344  sv.),  soit,  en  le  réunissant  au  dommage  cau«îé 
avec  violence  à  la  chose  d'autrui,  au  délit  de  violence  (Il  p.  380 
sv.).  —  L'usurpation  de  la  dominica  potestas,  le  rapt  d'hom- 
mes  (plagium),    délit  apparenté  au   vol,    mais  que  ce  der- 


APPROPRIATION   DU   BIENId' AUTRUI  35 

nier  n'embrasse  pas,  est  placé  dans  la  présente  Section  à  titre 
d'appendice. 

1.  Vol  de  la  chose  d'un  particulier. 

Fur,  en  grec  ®cop,  littéralement  «  celui  qui  emporte  »  (1), 
et  furtum  qui  désigne  le  fait  d'emporter  et  la  chose  emportée  se 
rapportent  dans  leur   acception  exclusivement  délictuelle  à      (734) 
l'appropriation  injuste  du  bien  d'autrui.  L'emploi  de  ces  ex-  voideia chose 

.     .1  1-1  .       ,       .  5    11  •         d'un  particulier. 

pressions  se  restreint  dans  le  langage  technique  a  1  appropria- 
tion du  bien  d'un  particulier;  toutefois  l'appropriation  du 
bien  des  dieux,  techniquement  le  sacrilcgmm,  et  celle  du 
bien  de  l'État,  techniquement  \e  peculatus,  ne  se  distinguent 
guère  du  furtum  privé  qu'au  point  de  vue  de  la  nomencla- 
ture des  délits  (2)  et  il  n'est  pas  rare  que  le  péculat  soit  dési- 
gné comme  furtum  pecuiiiae  publicae  (3).  Ici,  nous  avons  à 
exposer  tout  d'abord  les  dispositions  légales  relatives  au  vol 
de  la  chose  d'un  particulier. 

Cette  action  délictuelle,  comme  l'ensemble  des  délits  du  Dispositions 
droit  privé,  a  été  législalivement  organisée  d'abord  par  la  loi 
des  XII  Tables,  puis  par  la  réglementation  des  actions 
qu'opéra  le  préteur  urbain  romain;  d'autres  règles,  notam- 
ment l'importante  prohibition  de  la  prescription  acquisi- 
tive.  ont  été  ajoutées  par  des  résolutions  des  assemblées 
populaires,  des  prescriptions  du  Sénat  et  par  l'empereur. 
Nous  aurons  à  revenir  plus  loin  sur  les  détails  de  cette  légis- 
lation, notamment  à  propos  de  la  procédure  et  de  la  peine. 

Nous  devons  analyser  maintenant  les  éléments  caractéristi-     Eiémeni» 

du  délit. 

(1)  Les  anciens  font  déjà  très  exactement  venir  ce  mot  de  ferre  et  le  com- 
parent avec  le  terme  grec  correspondant  (Aulu-Gelle,  1,  18;  Paul,  Dig., 
47,2,  1,  pj-.rr  Inst.,  4,1,  2).  Ailleurs,  le  mot  est  rattaché  à  furvus  (Varron, 
chez  Aulu-Gelle,  loccit.;  Labéon,  chez  Paul,  loc.  cit.,  scolies  sur  Virgile,  • 
Aen.,  9,  348;  Georg.,  3,  407  ;  Isidore.  5,  26,  19),  et  à  fraus  (Sabinus.  chez 
Paul,  loc.  cit.). 

(2)  Dans  l'usage,  on  oppose  habituellement  sacrilegium  à  furtum  ;  sacra- 
rum  reriim  furtum  ne  se  trouve  que  chez  Isidore  5,  26,  12. 

(3)  Cicéron,  Verr.,  3,  72.  168  ;  Dig.,  48,  13,  S,  pr.  1.  11,  2  ;  on  trouve  aussi 
furtum  puhllcum  chez  Festus,  p.  213, 


36  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

ques  du  délit,  tels  qu'ils  se  présentent  dans  le  vol  de  la  chose 
d'un  particulier  et  tels  qu'on  les  rencontre  aussi  en  substance 
dans  toutes  les  autres  catégories  de  vol;  en  d'autres  termes, 
nous  avons  à  exposer  ici  en  détail  en  quoi  consiste  le  fait  de 
prendre  une  chose  mobilière  appartenant  à  autrui  pour  s'en- 
richir personnellement  au  détriment  d'autrui  (1). 
Contrectado.  Le  fait  de  prendre  une  chose  pour  soi  est  désigné  dans  la 
langue  juridique  comme  l'acte  de  toucher  :  attrectare,  con- 
trectare,  attingere  (2);  ces  expressions  ne  sont  pas  appliquées 
au  vol  dans  le  langage  courant.  Celui-ci  se  sert  pour  exprimer 
le  vol  en  général  des  mots  amovere,  auferre,  tollere,  expllare, 
(735)  compilare\  pour  le  vol  avec  violence,  de  rapere;  pour  l'appro- 
priation secrète,  en  dehors  de  clepere  disparu,  de  subripere, 
subtrahere,  sublegere ;  et  notamment  pour  le  détournement 
d'intercipere,  intervertere,  avertere,  in  rem  suam  veriere  (3). 
Aucun  de  ces  termes  n'a  de  valeur  technique,  il  n'est  donc 
pas  nécessaire  de  rechercher  les  nuances,  indifférentes  au  point 
de  vue  juridique,  qu'il  peut  y  avoir  entre  eux;  d'autant  plus 
que  ces  mêmes  expressions  sont  aussi  usitées  en  partie  pour 
d'autres  actions,  comme  auferre  et  avertere  par  exemple  qui 
sont  également  employées  en  matière  de  repetundae  (4).  Les 


(1)  Le  reliquat  dû  par  le  comptable  de  deniers  publics  (pecuniae  residuae) 
ne  rentre  pas  dans  cette  notion;  ce  cas  ne  rentre  pas  non  plus  dans  le 
péculat,  mais  est  simplement  traité  en  même  temps  que  lui.  Le  furlum 
des  orateurs  romains  (III  p,  3  n  2)  est  une  notion  purement  morale, 
beaucoup  plus  large  que  la  notion  juridique. 

(2)  Comme  terme  technique  pour  désigner  l'acte  de  voler,  on  trouve 
dans  les  définitions  légales  :  attrectare  chez  Sabinus  (Aulu-Gelle,  11,18,  20  ; 
cpr.  Paul,  5.  27);  fréquemment  contrectare  (Gains,  3,  195.209  ;  Paul,  2,  31, 
1  ;  Difj..  47,  2,  1,  3  =  Insl.  4.  1,  1  et  ailleurs);  ou  attingere,  Dig.,  47,  2,  46, 
7.  On  rencontre  également  contaminare  (dans  son  sens  originaire  comme 
dans  conlagium  et  tangere)  chez  Julius  Victor,  Ars  rhelor.,  16,  3. 

(3)  C'est  avec  raison  que  Paul,  5,  27  (cpr.  Dig.,  30,  51)  met  dans  cette 
liste  mutare,  changer,  car  la  substitution  d'un  objet  à  un  autre  n'empêche 
pas  l'enrichissement.  Toutefois,  s'il  s'agit  d'objets  fongil)les  et  d'égale 
valeur,  l'échange  n'est  pas  un  vol,  parce  qu'il  n'y  a  pas  de  dommage. 

(4)  ÎII  p.  11  n.  4.  Les  expressions  capere  et  conciliare  (III  p.  !1  n.  4),  qui 
sont  les  termes  techniques  pour  désigner  le  délit  de  repetundae,  sont  évi- 
tées à  propos  du  furlum.  Cicéron,  Pro  Cluentio,  42,  120,  met  à  côté  l'un 
de  l'autre  le  judicium  furli  et  \e  judicium  captarum  pecuniarum. 


APPROPRIATION   DU   BIEN    D'AUTRL'I  37 

jurisconsultes  ont  substitué  1'  c<  attouciiement  »  à  1'  «  enlève- 
ment »,  parce  que  le  droit  ne  punit  pas  la  tentative  de  vol 
comme  telle  et  qu'il  a  par  conséquent  paru  utile  d'avancer  le 
moment  où  le  délit  devait  être  traité  comme  consommé  (1). 
On  applique  à  la  notion  d'attouchement  les  règles  générales  en 
vigueur  pour  la  possession  et  la  détention,  de  telle  sorte  qu'on 
assimile  par  exemple  à  l'attouchement  le  fait  que  des  trou- 
peaux paissent  les  fruits  du  champ  d'autrui,  le  dépôt  de  la  chose 
dans  la  maison  du  voleur  (2),  d'une  manière  générale  toute 
acquisition  de  la  simple  détention  (3)  ;  mais  on  exige  toujours 
un  acte  constitutif  de  la  possession,  de  telle  façon  que  celui  qui 
a  déjà  la  possession  ou  la  détention  de  la  chose  pour  une  autre 
cause  ne  peut  être  considéré  comme  voleur  que  s'il  saisit  de 
nouveau  la  chose  avec  une  intention  délictuelle  (4).  Tout 
nouvel  attouchement  de  la  chose  volée,  présentant  les  carac-  (736) 
1ères  précités,  est  considéré  comme  une  répétition  du  vol,  ce 
qui  peut  avoir  de  l'importance  notamment  pour  le  calcul  de  la 
valeur  de  la  chose  (o).  —  Comme  contrectatio,  on  ne  consi- 


(1)  Le  vol  est  consommé,  même  si  le  voleur  se  dessaisit  de  l'objet  ap- 
préhendé et  ne  l'emporte  pas  {Dig.,  47,  2,  21,  pr.). 

{■>)  La  loi  des  XII  Tables,  (8.  8.  SchôU  [=  8.  9  Girard])  traite  comme 
vol  de  moissons  l'acte  de  celui  qui  fait  paître  frauduleusement  les 
fruits  du  champ  d'autrui  par  ses  troupeaux.  La  réception  de  paiement 
faite  par  un  faux  créancier  est  considérée  comme  vol  et  ce  délit  est  com- 
mis même  lorsque  le  débiteur  trompé  paie  à  un  tiers  sur  l'ordre  et  en  la 
présence  du  faux  créancier.  (D/^ç.,  47,  2,  43,  2). 

(3)  Le  propriétaire  et  même  le  possesseur  commettent  un  vol  en  por- 
tant atteinte  à  une  détention  légitime,  c'est  ce  qui  peut  avoir  lieu,  par 
exemple,  de  la  part  du  bailleur  vis-à-vis  du  locataire,  et,  dans  certains  cas 
aussi,  de  la  part  du  commodant  vis-à-vis  du  commodataire.  Dig.,  47,  2, 

15,  2:  Si  ob  a/iquas  impensas,  quas  in  rem  commodatam  fecisti,  relentionem 
ejus  habueris,  etiam  ciim  ipso  domino,  si  eam  subripiat,  habebis  furti  actionem, 
quia  eo  casu  quasi  pignoris  loco  ea  7-es  fuit.  Dig..  47,  2,  60. 

(4)  Gela  s'applique  notamment  en  cas  de  détournement.  Paul,  Dig.,  41, 
2,  3,  18.  Si  rem  apud  te  depositam  furli  faciendi  causa  con'.rectaveris,  desino 
possidere.  Sed  si  eam  loco  non  moveris  et  infitiandi  animum  haheas,  plerique 
veterum  el  Sabinus  et  Cassius  recle  responderunt  possessorem  me  manere,  quia 
furtum  sine  contrectatione  fieri  non  potest  nec  animo  furtum  admittalur.  Dig., 

16,  3,  29,  pr.  47,  2,  1,  2.  1.  52,  7.  1.  68,  pr. 

(5)  Si  la  contrectatio  fraudulosa  n'engendre  pas  l'action  de  vol  par  suite 
des  liens  qui  unissent  le  voleur  et  le  volé,  par  exemple,  parce  que  l'acte 
s'est  produit  entre  un  maître  et  un  esclave  ou   entre  époux,  l'action  ds 


38  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

dère  pas  seulement  roccupation  d'une  chose  pour  l'enlever  à 
son  juste  détenteur,  mais  aussi  la  violation  délictuelle  des 
limites  du  droit  d'usage  (1),  ce  qui  a  notamment  lieu,  lors- 
que le  propriétaire  a  accordé  à  un  tiers  la  possession  ou  la  dé- 
tention d'une  chose  et  que  le  détenteur  n'observe  pas  les  limi- 
tes arbitrairement  fixées  ou  naturelles  de  son  droit  d'usage  (2). 
/'737)  —  Au  contraire,  lorsqu'il  n'y  a  pas  contrectatio  de  la  chose 
d'autrui,  il  n'y  a  pas  vol  (3);  celui-cine  se  rencontre  donc  pas, 


vol  est  possible  pour  toute  autre  contrectatio  commise  postérieurement  à 
la  disparition  de  ces  liens  {Dig.,  13,  1,  15.  47,  2,  17,  1).  Lorsque  l'action  de 
vol  est  déjà  née,  toute  autre  contrectatio  est  considérée  comme  une  répé- 
tition du  furtum  et  sert  de  base  à  la  régie  que  le  voleur  en  cas  de  varia- 
tion dans  la  valeur  de  la  chose  doit  toujours  être  condamné  d'après  la 
plus  haute  valeur  que  la  chose  a  eue  à  un  moment  quelconque  depuis  la 
première  contrectatio  (Dig.,  47,  2,  6.  1.  50,  pr.).  Mais  d'autres  jurisconsultes 
ne  considèrent  pas  la  répétition  de  la  contrectatio  comme  une  répétition 
du  vol  (Dig.,  47,  2,  9,  pr.  :  ei  qui  furti  actionem  habet,  adsidua  contrectatione 
furis  non  magis  furti  actio  nasci  potest,  ne  m  ici  quidem,  in  quod  crevisset 
postea  res  subrepla)  et  rattachent  l'obligation  pour  le  voleur  de  payer  la 
plus  haute  valeur  de  la  chose  à  sa  mora  perpétuelle  (Dig.,  13,  1,  8,  1.  1.  20), 
ce  qui  est  plus  logique  et  aussi  plus  efficace,  étant  donnée  la  contingence 
de  la  contrectatio. 

(1)  Paul,  Dig.,  47,  2,  1,  3  zi:  Inst.,  4,  1,  1  :  furtum  est  contrectatio...  vel  ipius 
rei  vel  etiam  tisus  ejua  possessionisve  (chez  Théophile  :  ï)  TtEpl  aùxô  tô  7tpây(ia 
T|  Ttep"!  TT)v  y_ç>r\<Jiv  a-jTO'j  r)  uepi  vo(j.f,v)  suivant  qu'il  y  a  appropriation  ou  de 
la  chose  d'autrui  ou  de  la  simple  possession  (par  exemple,  lorsque  la 
chose  est  enlevée  au  possesseur  de  bonne  foi  :  Dig..  47,  2,  75.  cpr.  47,  4, 
1,  15,  ou  lorsque  le  propriétaire  soustrait  au  créancier  la  chose  donnée 
en  gage)  ou  suivant  que  le  vol  consiste  dans  le  simple  abus  de  la  chose. 
La  division  n'est  pas  complète  ;  car  il  arrive  fréquemment  que  le  simple 
détenteur  ait  l'action  de  vol  (III  p.  47),  bien  qu'on  ne  puisse  pas  décem- 
ment lui  attribuer  la  possessio. 

(2)  Le  simple  détenteur,  qui  n'a  pas  le  droit  d'usage,  s'expose  par  tout 
usage  de  la  chose  à  l'action  de  vol  ;  il  en  est  ainsi  pour  le  dépositaire 
(Scaevola  chez  Aulu-Gelle,  6,  15,  2  ;  Gains,  3,  195  =  Inst.  4,  1,  6)  et  le  créan- 
cier gagiste  (Dig.,  47,  2,  55,  pr.).  Lorsqu'il  y  a  eu  concession  du  droit 
d'usage,  la  question  de  savoir  si  un  usage  constitue  un  vol  dépend  de  la 
volonté  exprimée  ou  sous  entendue  du  concédant  (Dig.,  47,  2,  40  :  gui., 
aliéna  re  invita  domino  usas  est,  furtum  facil.  12,  4,  15).  Cette  remarque  s'ap- 
plique notamment  au  louage  de  chose  et  au  commodat.  Val.  Max.,  7,  2,  4 
(à  sa  suite  ■  Symmaque,  Ep.,  7,  2,  4)  ;  Gains,  ô,  196  ;=  Inst.,  4,  1,6;  Dig., 
47,  2,  48,  4.  1.  55,  1. 

(3)  Ulpien,  Dig.,  47,  2.  52,  19  :  neque  verho  neque  scriptura  quis  furtum  fa- 
cit  ;  hoc  enimjure  utimur,  ut  furtum  sine  contrectatione  non  fiât.  —  C'est  sur 
cette  idée  (et  peut-être  aussi  en  même  temps  sur  les  considérations  d'hu- 
manité relevées  III  p.  49  n.  2)  <jue  se  fonde  sans  doute  aussi  la  distinc- 


APPROPRIATION    DU    BIEN    D'AUTRUI  39 

lorsque  par  dol  on  attribue  à  une  chose  des  qualités  qu'elle  n'a 
pas  (1),  lorsqu'on  contraint  une  personne  à  fournir  des  servi- 
ces ou  à  contracter  une  obligation  (2),  lorsqu'on  emploie  con- 
trairement à  leur  destination  des  deniers  et  des  valeurs  qui 
sont  passés  dans  le  patrimoine  de  Vaccipiens  par  la  volonté  de 
l'ancien  propriétaire  (3),  lorsqu'une  exaction  a  été  commise  (4). 
—  La  forme  dans  laquelle  le  délit  est  accompli  n'a  pas 
d'importance  au  point  de  vue  du  droit.  Celui-là  est  «  fur  » 
qui  s'empare  d'une  chose  par  violence  ou  clandestinement  et 
à  l'insu  du  propriétaire  (5),  Il  est  vrai  que,  déjà  à  la  fin  de  la 
République,  le  moi  furtum  ne  s'applique  plus  dans  le  langage 
ordinaire  qu'à  l'appropriation  non  violente  (G)  et  que  cette  no- 
tion se  rapproche  ainsi  de  notre  vol  moderne  ;  mais  la  science      (738) 


tion  subtile  d'après  laquelle  l'esclave  qui  s'enfuit  vole  les  choses  qu'il 
emporte,  mais  ne  se  vole  pas  lui-même  (Dig..  47,  2,  36),  distinction  qui  à 
vrai  dire  ne  concorde  pas  avec  la  règle  excluant  l'usucapion  au  regard 
de  l'esclave  lui-même. 

(1)  Dig.,  13,  7,  36,  pr.  47,  2,  20,  pr.:  cum  aes  pignon  daliir,  etiamsi  aurum 
esse  dicitur,  turpiler  fit,  furtum  non  fit.  Par  contre,  une  substitution  de  ce 
genre  opérée  au  regard  de  l'objet  donné  en  gage  rentre  dans  la  notion 
de  furtum. 

(2)  Dig.,  47,  2,  76. 

(3)  Lorsqu'un  débiteur  paie  son  créancier  par  un  intermédiaire  et  que 
celui-ci  garde  l'argent,  on  distingue,  suivant  que,  d'après  la  volonté  du 
tradens,  l'intermédiaire  devait  remettre  les  deniers  mêmes  qu'il  avait  reçus 
ou  prendre  d'abord  l'argent  pour  lui  et  faire  seulement  ensuite  le  paie- 
ment ;  dans  le  premier  cas  il  y  a  vol,  dans  le  second  cas  l'accipiens  est 
devenu  débiteur  du  tradens.  Cpr.  III  p.  41  n.  1. 

(4)  La  contrainte  indirecte,  notamment  l'exaction,  ne  rentre  pas  dans  le 
furtum;  car  ici  le  déplacement  de  propriété  a  lieu  avec  le  consentement 
de  la  victime,  encore  que  ce  consentement  ne  soit  pas  libre.  Sans  doute, 
le  législateur  est  porté  à  faire  rentrer  l'exaction  dans  le  furtum  et  nous 
avons  pu  reconnaître  cette  tendance  dans  la  lex  Aciiia  repetundarum 
(III  p.  6);  il  n'y  a  toutefois  pas  eu  confusion. 

(5)  La  langue  ancienne  distingue  voler  et  ravir  en  opposant  les  mots 
clepere  et  rapere  (Gicéron,  De  leg.,  2,  9,  22)  ;  mais  le  droit  n'a  jamais  fait 
usage  de  cette  distinction.  Si  le  furtum  excluait  la  rapine,  cette  dernière 
ne  serait  pas  visée  par  le  droit  des  XII  Tables  ;  car  celui-ci  ne  connaît 
ni  clepere  ni  rapere.  Le  premier  mot,  philologiquement  parent  de  clam  et 
correspondant  au  terme  grec  xASTctsiv,  a  disparu  de  bonne  heure  et  ne  se 
rencontre  en  proseque  dans  les  sources  anciennes  (Tite-Live,  22,  10,  5). 

(6)  La  raison  donnée  pour  faire  venir  furtum  de  furvus  est  quod  clam  et 
obscuro  fiât  (Labéon,  III  p.  35  n.  1)  et  Gicéron,  Pro  Tullio,  |  50  commente 
le  fur  de  la  loi  des  XII  Tables,  qui  use  de  violence,  par  ces  mots  :  lioc  est 


40  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

du  droit  n'a  pas  suivi  cet  usage  du  langage  et  a  toujours  traité 
l'appropriation  violente  comme  vol  (1),  même  après  que  celle- 
ci  eût  été  également  réprimée  comme  violence  (II  p.  380  sv.). 
Par  contre,  on  peut  se  demander  si  originairement  la  notion 
de  vol  n'impliquait  pas  un  déplacement  de  l'objet.  On  peut  in- 
voquer en  ce  sens  non  seulement  le  nom  du  délit,  mais 
encore  les  dispositions  contenues  dans  la  loi  des  XII  Tables 
sur  le  détournement  de  sommes  d'argent  déposées  ou  des 
deniers  d'un  pupille  et  établissant  pour  ce  cas  une  peine 
spéciale  identique  à  celle  du  vol  ordinaire  (2).  Le  droit  posté- 
rieur a  cependant  fait  rentrer  dans  la  notion  de  vol  non  seule- 
ment le  détournement  des  deniers  confiés  (3),  mais  aussi  la  ré- 


praedo  aut  latro.  Aulu-Gelle,  H,  18,  19,  ne  quis  eum  solum  furem  putet,  qui 
occulte  tollit  aut  clam  subripit. 

(1)  Les  jurisconsultes  nomment  fur  improbior  le  brigand  qui  se  rend 
coupable  de  rapine  (II  p.  381  n.  4).  Nous  avons  bien  pour  x)iiiTr,i;  (Nov., 
134,  C.  13  :  v.lèT^-:txç  hï  xa).oij(XEv  xouç  ).i6pa  xat  ave-j  onXwv  xâ  ToiaOïa  7tXr||ji(jLE- 
XoûvTac),  mais  non  pas  pour  fur,  une  définition  qui  exclut  le  brigand  cou- 
pable de  rapine,  mais  cette  définition  elle-même  n'est  pas  exacte  pour 
le  dernier  état  du  droit  (III  p.  43  n.  3). 

(2)  Loi  des  XII  Tables,  8,  19  z=  Paul,  Coll.  10,  7,  11  :  ex  causa  depositi 
lege  XII  tabularum  in  duplum  actio  datur,  edicto  praetoris  in  simplum.  Loi 
des  XII  tables,  8,  20  zr  Dig..,  26,  7,  55,  1  :  Si  ipsi  tutores  rem  pupilli  furati 
sunt,  videamus,  an  ea  actione,  quae  proponitur  ex  lege  XII  tabularum  adver-sus 
iutorem  in  duplum,  singuli  in  solidum  teneantur.  Ces  actions,  ainsi  que 
la  suite  du  commentaire  sur  le  second  texte  le  prouve  malgré  le  terme  qui 
y  est  employé  pour  désigner  l'acte  du  tuteur,  ne  se  confondent  pas  plei- 
nement avec  l'action  de  vol,  parce  qu'elles  n'exigent  pas  la  contrectalio  ; 
mais  cette  distinction  est  due  à  l'interprétation  postérieure  des  juriscon- 
sultes. Il  est  manifeste  que  le  droit  des  XII  Tables,  qui  n'a  ni  l'action 
de  dépôt  ni  l'action  de  tutelle  du  droit  postérieur,  a  dû  organiser  suivant 
le  modèle  de  l'action  de  vol  les  moyens  de  procédure  qu'il  établissait. 
Quant  à  la  question  de  savoir  si  ces  dispositions  doivent  être  considérées 
comme  des  applications  particulières  de  l'action  de  vol  ou  comme  des 
actions  analogues,  elle  ne  peut  être  résolue  et  elle  est  d'ailleurs  de  mi- 
nime importance.  Le  fait  que  l'action  en  destitution  du  tuteur  infidèle 
est  également  rattachée  à  la  loi  des  XII  Tables  {Dig.,  26,  10,  1,  2  =:  Inst., 
{,  26,  pr.)  pourrait  bien  s'expliquer  en  ce  sens  qu'il  s'agirait  ici  de  l'ac- 
tion de  tutelle  précédemment  mentionnée,  intentée  comme  action  popu- 
laire avant  l'expiration  de  la  tutelle  et  entraînant  exceptionnellement 
en  dehors  de  la  peine  pécuniaire  la  destitution  du  tuteur. 

(3)  On  trouve  des  détournements  de  ce  genre  notamment  dans  le  dépôt 
{Dig.,  13,  1,  16.  16,  3,  29,  pr.),  le  commodat  i^Dig.,  13,  1,  16),  la  société  {Dig., 
17,  2,  51,  pr.)  et  vis-à-vis  du  patrimoine  du  pupille  {Dig.,  27,  3,  1,  22.  1,  2, 


APPROPRIATION    DU   BIEN    DAUTRUI  41 

ceptioa  d'un  prêt  ou  d'un  paiement  par  une  personne  qui  n'était 
pas  qualifiée  pour  un  tel  acte  (1);  d'une  manière  générale,  il  a      (739) 
embrassé  dans  cette  notion  tout  acte  dans  lequel  se  rencon- 
trent la  contrectatio  délictuelle  et  les  autres  éléments  requis 
par  le  droit  pour  le  délit  de  vol. 

2.  Le  furtum  n'est  possible  que  vis-à-vis  des  objets  mobi-     Limitaiion 

,.  ^,     .1.,  1  !•«  •  .    I.  r       f  r       ^,  •  à  la  propriété 

liers  (2),  il  s  étend  aux  objets  qui  ont  été  sépares  d  un  immeu-  mobilière. 
ble  (3)  et  aux  hommes  libres  qui,  d'après  l'ancienne  concep- 
tion juridique,  étaient  soumis  à  un  droit  de  propriété  et  qui, 
d'après  la  conception  juridique  récente,  sont  simplement  sous 
une  puissance  domestique  (4).  La  notion  de  furtitm  n'est  pas 
applicable  à  tout  ce  qui  ne  peut  pas  faire  l'objet  d'un  droit  de 
propriété  ou  même  simplement  à  tout  ce  qui  n'est  pas  actuel- 
lement dans  la  propriété  d'une  personne  (5):  comme  la  femme 
qui  n'est  soumise  à  aucune  puissance  et  comme  tous  les  ob- 
jets sans  maître,  choses  abandonnées  ou  appartenant  à  une 

1).  Dans  tous  ces  cas,  il  y  a  cumul  de  l'action  non  délictuelle  avec  l'ac- 
tion délictuelle. 

(1)  Dig.,  13,  1,  18.  17,  1,  22.  7.  39,  5,  25.  46,  3.  38,  1.  47,  2,  43.  1.  52,  16.  21. 
1.  67,  3.  4.  1.  81,  6. 

(2)  Gaius,  2,  51.  Ulpien,  Dig.,  47,  2,  23,  pr.  :  verum  est  quod  plerique  prc- 
bant  fundi  furti  agi  non  posse.  Dig.,  41,  3,  38  =  Inst,,  2,  6,  1. 

(3)  Dans  cette  catégorie  rentrent  les  arbres  abattus  (Paul,  2,  31,  24  ; 
Dig..  47,  2,  23,  2),  les  matériaux  séparés  du  sol  {Dig.,  47,  2,  52,  8.  1.  58),  et 
surtout  les  fruits  des  champs  pour  lesquels  la  loi  des  XH  Tables  impose 
encore  spécialement  la  peine  du  double  tant  au  possesseur  de  mau- 
vaise foi  (12.  4.  Schôll  [=  12,  3  Girard])  qu'au  voleur  (8.  8  SchôU  [=  8,  9 
Girard]).  On  peut  également  citer  ici  la  défense  faite  par  cette  même  loi 
de  faire  paître  sur  le  terrain  d'autrui  (8,  6  [rr  8,  7  Girard]  =:  Dig.,  19,  5, 
14.  3). 

(4)  Gaius  3,  199  (rr:  Inst.,  4,  1,  9)  etiam  liberorum  hominum  furtum  fit,  veluti 
si  guis  liberorum  nostrorum,  qui  in  potestate  nostra  sinl,  sive  etiam  uxor,  quae 
in  manu  nostra  sit,  sive  etiam  judicatus  vel  auctoratus  meus  subreptus  sit.  Dig., 
47,  2,  14,  13.  Le  refus  des  actions  de  propriété  dans  ce  cas  (Paul,  Dig.,  47, 
i,  38,  1  :  liberarum  personarum  nomine,  licet  furti  actio  sit^  condictio  tamen 
nusquam  est),  tandis  que  l'action  de  vol  y  est  admise,  est  une  conciliation 
entre  l'ancienne  et  la  nouvelle  conception  du  droit  à  cet  égard.  L'idée 
que  l'action  de  vol  appartient  à  celui  pour  lequel  l'objet  a  de  l'intérêt 
peut  avoir  contribué  à  la  faire  admettre  ici  ;  mais  cette  solution  n'est 
pas  logique.  L'action  de  vol  n'est  possible  que  vis-à-vis  de  choses  sou- 
mises à  un  droit  de  propriété  et,  lorsque  ce  droit  n'est  pas  possible,  il 
ne  peut  pas  être  remplacé  par  l'intérêt. 

(5)  Dig.,  47,  2,  43,  5  :  7ion  enim  furtum  fit,  nisi  sit  cui  fiât. 


DROIT    PENAL    ROMAIN 


hérédité  qui  n'a  pas  encore  été  acceptée  (1).  —  L'exclusion 
du  furtum  au  regard  des  immeubles  est  irrationnelle  ;  car 
l'appropriation  injuste  des  immeubles  est  théoriquement  et 
pratiquement  aussi  possible  que  celle  des  meubles  et  le  droit 
civil  n'a  pas,  pour  la  réprimer,  de  moyen  de  procédure  ana- 
logue à  l'action  de  vol.  Eu  cas  de  dépossession  violente  de 
biens  immobiliers,  on  trouve  déjà  anciennement,  mais  non 
dès  le  début,  une  protection  juridique  dans  l'interdit  pos- 
sessoire  prétorien  (2).  La  possession  immobilière  a-t-elle 
été  enlevée  sans  violence,  il  n'y  a  pas,  même  dans  le  droit 
(740)  de  la  dernière  époque,  de  protection  possessoire;  l'exis- 
tence d'un  interdit  parallèle  à  l'interdit  de  vi  et  qui  serait 
donné  en  cas  de  perte  de  possession  sans  violence  est  plus  que 
douteuse  (3)  et  la  proposition  de  Masurius  Sabinus  d'étendre 
au  moins  dans  ce  cas  la  notion  de  furtum  aux  immeubles  n'a 
pas  triomphé  (4).  11  en  est  de  même  en  droit  religieux  et  en 


(1)  Gpr.  la  Section  relative  au  vol  d'hérédité  {III  p.  87).  Dès  l'instant  où 
un  non  propriétaire  est  possesseur  ou  détenteur,  par  exemple  comme 
usufruitier  ou  commodataire,  d'une  chose  actuellement  sans  maître,  il  a 
"le  droit  d'intenter  l'action  de  vol  (W^.,  41,  3,  35.  47,  2,  69-71). 

(2)  II  p.  372.  Gpr.,  Dig.,  47,  2,  14,  11  :  cum  non  est...  civilis  actio,...  ideo... 
interdictum  necessarium  visiim  est. 

(3)  1^' interdictum  de  clandestina  possessione,  mentionné  incidemment  dans 
un  seul  texte  (Dig-,  10,  3,  7,  5),  est  une  proposition  faite  par  Julien  pour 
combler  la  lacune;  il  ne  peut  pas  avoir  été  d'une  application  générale, 
car  nos  sources  juridiques  en  feraient  plus  fréquemment  mention. 

(4)  Aulu-Gelle,  11.  18,  13,  cite  comme  affirmation  surprenante  {vulgo  ino- 
pinatinn),  contenue  dans  la  monographie  de  Sabinus  de  furtis:  non  hominum 
tantiim  neqite  rerum  movenlium,  quae  aitferri  occulte  et  subripi  possunt,  sed 
fundi  quoque  et  aedium  fieri  furtum.  L'exemple  donné  (condfmnatum  furti 
colonum,  qui  fundo  quem  condu.verat  vendito  possessione  ejus  dominum  inter- 
vertisset),  montre  que,  sous  l'influence  de  l'usage  du  langage  qui  restreint 
déjà  à  cette  époque  la  portée  du  mot  furtum  à  la  soustraction  clandes- 
tine (III  p.  39  n.  6),  on  songe  visiblement  ici  à  la  dépossession  non 
violente,  donc  à  celle  qui  ne  tombe  pas  dous  le  coup  de  l'interdit  de  vi. 
Toutefois,  on  pouvait  ol)jecter  avec  raison  à  la  proposition  de  Sabinus 
qu'en  droit  le  furtum  embrassait  aussi  les  actes  de  violence  et  que  par 
conséqiient,  d'après  la  conception  proposée,  l'acquisition  violente  de  la 
possession  d'immeubles  rentrait  aussi  dans  le  furtum,  solution  que  Sa- 
binus n'a  certainement  pas  eue  en  vue.  Sa  proposition  n'a  pas  triom- 
phé (III  p.  41  n.  2).  Gelsus  a  adopté  une  autre  voie  pour  arriver  au 
même  résultat  (Dig.,  13,  3,  2.  47,  2,  25,  1).  Il  a  fait  rentrer  l'enlève- 
ment clandestin  de  possession  d'un  immeuble  dans  le   furtum  possessionis 


à 


APPROPRIATION   DU    BIEN    D'aUTRUI  43 

droit  public.  L'appropriation  des  objets  mobiliers  qui  garnis- 
sent un  tombeau  rentre  dans  le  sacrilegium  ;  pour  le  cas 
beaucoup  plus  important  d'appropriation  injuste  d'un  lieu  de 
sépulture,  il  n'y  a  pas  d'action  civile  et  le  préteur  a  été  le 
premier  à  donner  ici  une  protection.  Le  vol  d'objets  appar- 
tenant à  l'État  a  reçu  son  nom  des  troupeaux,  de  la  cité; 
l'appropriation  injuste  du  sol  public  ne  donne  lieu,  malgré 
son  importance  pratique  extraordinaire,  à  aucune  action 
pénale  (1).  —  La  cause  de  cette  restriction  du  furtum  aux  (741) 
meubles,  que  l'étymologie  du  mot  nous  indique  comme  re- 
montant aux  origines,  doit  être  sans  aucun  doute  chercliée 
dans  ce  fait  qu'à  l'époque  où  s'établissait  le  droit  romain  on 
ne  connaissait  pas  encore  la  propriété  privée  des  immeubles; 
les  règles  du  furtum,  d'origine  très  ancienne,  montrent  net- 
tement, comme  beaucoup  d'autres  particularités  du  droit  ro- 
main (2),  qu'au  début  la  propriété  se  limitait  «  aux  esclaves 
et  aux  bestiaux  ». 

3.  L'appropriation  doit  avoir  lieu  pour  l'enrichissement  in-        Proût 

1  1     •  -,  •       /r.N  •       •     •     1  i-  1)  .du    voleur. 

juste  de  celui  qui  s  approprie  (3),  mais  ici  la  notion  d  enri- 


(III  p.  38  n.  1)  et  donna  au  moins  clans  ce  cas  la  condktio  furlioa;  on  a 
argumenté  ici  comme  pour  l'usucapion  des  immeubles  (Gaius,  2,  59). 
Toutefois  de  ce  fait  qu'en  matière  mobilière  la  simple  possession  peut 
être  objet  du  vol,  il  ne  s'ensuit  pas  que  la  notion  de  meuble  qui  n'est 
nullement  négative  puisse  être  étendue  à  la  possession  d'un  immeuble. 
En  outre,  d'après  cette  conception,  l'action  de  vol  devrait  pouvoir  être 
dirigée  également  contre  le  possesseur  qui  s'est  emparé  par  violence 
d'un  immeuble. 

(1)  Cette  absence  d'action  pénale  était  à  vrai  dire  bien  calculée.  Si  la 
cité  romaine  avait  protégé  son  sol  contre  des  empiétements  délictuels, 
comme  elle  l'a  fait  pour  ses  bestiaux  et  son  aerarium,  elle  n'aurait  pas 
pu  faire  fonctionner  pour  Vager  publicus  son  système  d'abandon,  c'est- 
à-dire,  pour  nous  servir  des  expressions  romaines,  sa  procédure  d'occu- 
pation. Ij'aeterna  aucLoritas  a  suffi  aux  agrariens  romains  jusqu'à  Gaius 
Gracchus  ;  la  protection  possessoire  eût  agi  autrement. 

(2)  St.  R.,  3,  22  et  sv.  [Dr.  PubL.  6,  \,  23  et  sv.], 

(3)  Les  définitions  légales  du  furtum  expriment  cette  idée  par  la  phrase 
lucri  faciendi  causa  (ou  gratia)  :  Sabinus,  chez  Aulu-Gelle,  11,  18,  21  ;  Paul, 
Dig.,  47.  2,  1,  3.  Cette  même  condition  est  aussi  exprimée  par  une  péri- 
phrase (Sabinus,  chez  Aiilu-Gelle,  11,  18,  20  :  cum  id  se  iiwilo  domino  facere 
judicare  deherel)  ou  remplacée  par  la  formule  générale  dolo  malo  (Paul, 
2,  31,  1  ;  cpr.  Gaius,  3,  197  :  furtum  sine  dolo  malo  non  committitur).  L'ad- 


causé  au  volé. 


44  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

cliisseraent  est  prise  dans  un  sens  très  large  (1).  Cette  condi- 
tion du  dol  punissable  caractérise  le  vol  et  le  distingue  des 
deux  autres  délits  privés,  le  dommage  causé  à  tort  à  la  chose 
d'autrui  {damnum  injuria)  (2)  et  l'atteinte  à  la  personne  {in- 
juria). On  ne  voit  pas  apparaître  dans  les  textes  Tidée  que 
l'appropriation  serait  parfois  permise,  comme  cela  a  lieu 
pour  la  mise  à  mort  et  pour  la  violence  et  comme  on  pourrait 
le  concevoir  ici  pour  le  cas  de  nécessité  (3).  Lorsque,  même 
(742)  par  suite  d'une  erreur,  celui  qui  s'approprie  la  chose  d'autrui 
n'a  pas  conscience  de  commettre  une  injustice,  il  n'y  a  pas 
da  vol  (4);  par  contre,  le  délit  existe,  si  l'auteur  a  eu  cons- 
cience de  son  tort,  mais  ne  connaissait  pas  la  personne  dont 
il  lésait  les  droits  (5). 
Préjudice  L'appropriation,  qui  présente  les  éléments  du  vol,  n'est  pu- 
nissable qu'autant  qu'elle  cause  un  préjudice  au  patrimoine 
d'un  tiers.  L'action  de  vol,  qu'elle  concerne  le  bien  d'un  par- 


dition  de  l'épithéte  fraudulosa  à  contre clatio,  qui  ne  se  trouve  que  dans 
le  droit  de  Justinien  (Dig.,  47,  2,  1,  3  zz  Inst..  4,  1,  1,  chez  Tiiéophile 
xax;(TTr|  'I/ï(),âyr|(T'.<;),  ne  doit  avoir  pour  but  que  de  renforcer  la  même  idée 
et  non  d'indiquer  une  opposition  inconnue  du  droit  romain  entre  le  vol 
clandestin  et  la  rapine. 

(1)  Lorsque  quelqu'un  enlève  une  esclave  dans  le  but  de  satisfaire  sa 
passion,  on  admet  qu'il  y  a  vol,  si  cette  esclave  n'est  pas  merelrix  (Dig.,  47, 
2,  83,  2  =  Paul,  2.  31,  31).  S'il  n'y  a  pas  vol,  lorsque  l'enlèvement  porte  sur 
une  prostituée  (Dig.,  47,  2.  39  ;  le  texte  contraire  de  Paul  2,  31,  12  est  con- 
sidéré comme  interpolé),  cela  résulte  bien  plutôt  de  ce  fait  qu'il  n'y  a 
pas  de  dommage  causé,  de  même  que  l'action  de  vol  est  refusée,  lors- 
qu'une personne  a  utilisé  l'animal  d'autrui  pour  la  monte  (Dig.,  47,  2, 
52,  20). 

(2)  I  p.  8  n.  1.  Le  parallélisme  des  deux  délits  relatifs  à  la  propriété, 
tel  qu'il  est  formulé  par  exemple  aux  Dig.,  9,  2,  41,  1.  19,  5,  14,  2,  appa- 
raît déjà  dans  la  terminologie  de  la  loi  des  XII  Tables  (12,  3  Schôll  [12, 
2  a  Girard])  :  si  servus  furtum  faxil  noxiamve  no[x]it,  tandis  que,  dans  l'usage 
postérieur  du  langage  (même  dans  la  paraphrase  du  texte  de  la  loi  des 
XII  Tables  chez  Ulpien,  Dig.,  9,  4,  2,  1),  la  noxa  embrasse  le  furliim. 

(3)  La  règle  de  l'édit  du  préteur,  Dig.,  Il,  5,  1,  pr.,  qui  refuse  à  celui 
qui  permet  un  jeu  de  hasard  dans  sa  maison  l'action  de  vol  à  raison  des 
objets  qui  lui  ont  été  enlevés  pendant  ce  jeu,  procède  d'une  autre  idée. 

(4)  Paul,  2.  31,  27.  Dig.,  47,  2,  43,  6.  10.  1.  46,  7.  1.  84,  pr. 

(5)  Sabinus  chez  Aulu-Gelle,  U,  18,  21  (=  Dig.,  47,  2,  43,  4)  :  qui  alienum 
jacens  lucri  faciendi  causa  sustulil,  furti  obstringilur,  sive  sait  cujus  sit  sive 
nescit.  Dig.,i\,  1,  9,  8.  1.  31,  1. 


APPROPRIATION   DU   BIEN   D'iAUTRUI  45 

ticulier,  celui  des  dieux  ou  de  l'État,  ne  se  fonde  pas  sur  une 
faute  morale  du  voleur,  mais  sur  une  lésion  du  patrimoine 
qui  se  produit  contrairement  à  la  volonté  de  la  personne  lé- 
sée (1),  elle  est  donc  exclue,  tant  que  ce  préjudice  n'a  pas  eu 
lieu  ou  lorsqu'il  a  eu  lieu  à  la  connaissance  de  la  personne 
que  ce  dommage  atteint  en  première  ligne  (2).  Par  contre,  le 
préjudice  qui  résulte  de  la  contreciatio  subsiste  en  droit, 
malgré  le  recouvrement  de  la  chose,  même  si  celui-ci  a  lieu 
sur  le  champ  (3). 

Comme  le  délit  suppose  un  dommage,  la  simple  tentative     Tentative. 
ne  tombe  pas  sous  le  coup  de  la  loi  contre  le  vol  (4),  bien  que 
cet  acte  puisse  contenir  un  délit  d'm/wWa  (5).  Mais  il  faut  ici      (743) 

(1)  C'est  ce  qui  a  lieu,  lorsqu'on  s'empare  de  sa  propre  chose,  à  la  con- 
dition qu'aucun  tiers  ne  soit  lésé  par  cet  acte  (Paul,  2,  31,  36).  11  en  est 
donc  ainsi  au  cas  d'enlèvement  de  la  chose  déposée  par  le  déposant,  car 
le  dépositaire  n'a  aucun  intérêt  juridique  à  la  continuation  du  dépôt 
(Paul,  2,  31,  21)  ;ordinairement  aussi  au  cas  d'enlèvement  de  la  chose  prê- 
tée, par  le  commodant,  car  le  préteur  a  ici  la  faculté  de  reprendre  sa 
chose  à  toat  moment  {Dig.,  47,  2,  lo,  2.  1.  60)  ;  en  outre,  au  cas  de  reprise, 
par  l'ancien  possesseur,  de  la  chose  transférée  par  voie  d'aliénation  fidu- 
ciaire, lorsque  la  fiducia  correspond  au  fond  à  une  opération  de  dépôt 
(Gains,  3,  201  ;  cpr.  2,  59.  60)  ;  et  également  au  cas  d'enlèvement  de  la  chose 
achetée  par  un  acheteur  qui  a  déjà  payé  le  prix  (Di;/.,  47,  2,  14,  1).  L'ac- 
tion de  vol  n'est  possible  en  cas  de  détournement  d'une  lettre  qu'autant 
que  cet  acte  a  causé  un  préjudice  d'ordre  économique  {Dig..  47,  2,  14,  17). 

(2)  Gains,  3,  198  (=:  Inst.  4,  1,  8)  :  si  credat  aliquis  invilo  domino  se  rem 
contrectare,  domino  autem  volente  id  fiât,  dicitur  furtum  non  fieri.  Justinien 
a  modifié  cette  règle  {Cod.,  6,  2,  20). 

(3)  On  ne  peut  pas  faire  que  le  préjudice  causé  n'ait  pas  eu  lieu  ;  l'ac- 
tion de  vol  est  encore  possible  même  après  la  restitution  de  la  chose  {Dig., 
47,  2,  66). 

(4)  Dig.,  47,  2,  1,  1  :  sola  cogitatio  (d'après  l'explication  donnée  I  p.  111 
n.  4,  non  seulement  la  prise  de  résolution,  mais  la  préparation  en  géné- 
ral) furti  faciendi  non  facit  furem.  Dig.,  50,  16,  225  :  fugilivas  est  non  is  gui 
solum  consilium  fugiendi  a  domino  snscepit,  licet  id  se  factiiriim  jactaverit... 
fugitivum...  non  secundum  propositionejn  solam,  sed  cum  aliquo  aclii  intellegi 
constat. 

(5)  Paul.  2,  31,  35  :  qui  furandi  animo  conclave  effregit  vel  aperuit,  sed  nihil 
abstulit,  furti  actione  conveniri  non  potest,  injuriarum  potest.  Dig.,  'kl,  2,  21, 
7.  On  pourrait  déduire  le  contraire  de  Julius  Victor,  Ars.  rhet.,  6,  3  :  Si 
omnino  venisse  in  templum  furandi  causa  jam  sacrilegium  est,  quia  non  exitu, 
sed  conatu  maie  facta  existimanlur,  quanto  magis  e  templo  quodcumque  abstu- 
lisse?  et  en  soi  il  est  concevable  que  le  conatus  soit  traité  autrement  en 
cas  de  crime  public  qu'en  cas  de  délit  privé.  Mais,  comme  les  orateurs 
mêlent  constamment  les  conceptions  morales  et  les  conceptions  juridiques. 


46  DROIT    PENAL    ROMAIN 

tenir  compte  de  ce  que,  suivant  une  remarque  déjà  faite,  le 
droit  considère  le  délit  comme  déjà  consommé,  dès  qu'un 
objet  a  été  non  pas  enlevé,  mais  simplement  touché,  et  que 
l'acte  présente  par  ailleurs  tous  les  éléments  du  vol. 
Les  parties.  L'actlou  de  vol  pcut  être  dirif^ée  contre  toute  personne  qui 
se  rend  coupable  d'une  appropriation  présentant  les  carac- 
tères indiqués  ci-dessus,  même  contre  le  propriétaire  ou  le 
possesseur,  si  ceux-ci  ont,  par  celte  appropriation,  lésé  un 
droit  réel  (1)  une  possession  de  bonne  foi  (2)  ou  un  simple 
droit  de  détention  (III  p.  38  n.  1).  Elle  peut  être  intentée 
par  toute  personne  que  cette  appropriation  lèse.  Il  en  résulte 
qu'elle  compète  fréquemment  à  plusieurs  personnes  en 
même  temps  (3).  Ont  par  suite  le  droit  d'exercer  cette  action, 
parce  que  le  vol  leur  a  causé  un  préjudice  (4),  les  personnes 
suivantes  (5)  : 

a)  le  propriétaire  de  la  chose  volée  que  le  vol  lèse  ordi- 
(744)      nairement  en  première  ligne.  (0)  Toutefois  l'intérêt  et  par 

il  n'est  pas  permis  de  bâtir  sur  ce  texte  une  conjecture  aussi  importante. 
On  ne  peut  pas  non  plus  la  déduire  du  texte  certainement  défectueux 
aux  Dig.,  48,  13,  13  (III  p.  70  n.  6). 

(1)  Action  de  vol  contre  le  propriétaire  en  cas  d'usufruit  :  Dig.,  47,  2, 
15,  1.  1.  20,  1  —  en  cas  de  fiducie  ou  de  pigmis:  Gains,  3,  200  (zr  InsL,  4, 

1,  10).  204.  Paul,  2,  31.  19.  Dig.,  47.  2.  12,  2.  1.  14,  1.  1.  19,  5.  6.  1.  20,  pr.  A 
l'inverse,  le  propriétaire  peut  intenter  l'action  de  vol  contre  l'usufrui- 
tier: Dig.,  47,  2,  46.  6. 

(2)  Gaius,  3,  200.  lUg.,  47,  2,  20,  1. 

(3)  Dig.,  47,  2,  75  :  diiobus  poena  fiirli  praeslabiluv,  quippe  cum  ejusdem  rei 
vomine  praestetitr,  emplori  ejus  possessionis,  domino  ipsiiis  proprielatis  causa 
praestanda  est.  De  même,  en  cas  de  propriété  et  d'usufruit.  Dig.,^i,  3,  35. 
47,  2,  46,  1.  2  ;  en  cas  de  propriété  et  de  pigvus  :  Dig.,  47,  2,  46,  4.  5. 

(4}  Dig.,  47,  2,  14,  17  :  ciijics  interfuit.  Gaius,  3,  203.  Paul,  2,  31,  4  et  sou- 
vent ailleurs. 

(5)  Ija  définition  légale  romaine  exprime  l'idée  de  lésion  par  la  formule 
invilo  domino  (Sabinus,  chez  Aulu-Gelle,  11.  18,  20;  Gaius  3,  195.  209)  et 
on  y -indique  souvent  qu'il  s'apit  d'une  res  aliéna  (Sabinus.  loc.  cil.  ;  Paul, 

2,  31,  1).  Dans  une  pareille  définilion  on  envisape  exclusivement  et  d'une 
façon  à  proprement  parler  incorrecte  le  préjudice  du  propriétaire  ;  il  en 
résulte  que  le  cas  de  vol  commis  sur  sa  -propre  chose  est  traité  dans  les 
ouvrages  juridiques  comme  exceptionnel,  ce  qui  ne  correspond  nullememt 
à  la  réalité. 

(6)  Si  postérieurement  an  vol  le  droit  de  iiropriété  se  déplace,  par  exem- 
ple en  vertu  d'un  legs,  le  droit  d'intenter  l'action  passe  au  nouveau  pro- 
priétaire (Dig.,  47,  2,  47). 


APPROPRIATION   DU   BIEN'   D'AUTRUI  47 

suite  le  droit  d'agir  du  propriétaire  disparaissent,  lorsqu'un 
tiers  solvable  est  responsable  du  vol  vis-à-vis  du  propriétaire 
et  que  celui-ci  se  prévaut  de  cette  responsabilité  (1). 

b)  Celui  qui  a  un  droit  réel  sur  la  chose  volée,  lorsqu'il 
est  lésé,  donc  l'usufruitier  et  le  créancier  gagiste  (2). 

c)  Le  possesseur  de  bonne  foi  sous  la  même  condition  (3). 
Le  possesseur  de  mauvaise  foi  est  également  lésé  par  le  vol, 
mais  Faction  lui  est  ordinairement  refusée  (4). 

d)  Le  détenteur  de  la  chose  volée,  lorsque  la  détention  lui 
procure  un  avantage  (5)  ou  lorsque  la  perte  de  la  chose  lui 
cause  un  préjudice  (6). 

e)  Celui  qui  a  droit  à  la  livraison  d'une  chose  individuelle- 
ment déterminée.  Celui-ci  peut  ou  intenter  d'emblée  l'action 
contre  le  voleur  ou  du  moins  exiger  de  celui  auquel  l'action 
de  vol  compète  la  cession  de  cette  dernière  (7). 


(1)  En  cas  de  dépôt,  le  propriétaire  a  l'action  de  vol,  car  la  responsa- 
bilité du  dépositaire  n'est  pas  si  étendue  que  celui-ci  soit  tenu  à  raison 
du  vol  des  choses  déposées  (Gains,  3,  207  =r  Inst.,  4,  1,  17  ;  Dig..,  47,  2,  14, 
3)  ;  de  mémo,  en  cas  d'insolvabilité  de  la  personne  responsable  {Diq.,  47. 
2,  12,  pr.  1.  14,  17  fin.  1.  52,  9)  ;  de  même,  lorsque  la  personne  responsa- 
ble a  été  libérée  (,Dig.,  47,  2,  91,  pr.  Cod.,  6.  2,  22). 

(2)  Dig.,  47,  2, 14,  5-7. 1.  13.  1.  20,  1  et  ailleurs.  On  se  demande  si  le  créan- 
cier gagiste,  en  cas  de  solvabilité  du  débiteur,  a  intérêt  à  l'action  de 
vol,  mais  on  répond  affirmativement  à  cette  question  {Dig.,  47,  2,  12.  2^. 

(3)  Dig.,  47,  2,  20,  1.  1.  52,  10.  Gpr.  III  p.  38  n.  1. 

(4)  Dig.,  47,  2,  H  :  tum  is  cujus  interest  furli  ha^>et  acUonem,  si  honesta  causa 
interest.  Dig.,  47,  2,  12,  1.  1.  14,  3.  4.  8.  9).  Cette  règle  n'est  toutefois  pas 
étendue  au  fiirlum  usus  (Dig.,  47,  2,  48,  4)  et  l'action  est  aussi  donnée  ail- 
leurs, lorsque  son  refus  ne  ferait  que  procurer  un  profit  à  un  autre  vo- 
leur (Paul,  2,  31,   19.  Dig.,  47,  2,  68,  4). 

(5)  Cette  règle  s'applique  ordinairement  au  fermier  volé  {Dig.,  47,  2,  14, 
16.  1.  26.  1);  cependant  l'action  est  aussi  donnée  aux  deux  parties  {Dig., 
47,  2,  83,  1)  ou  bien  le  bailleur  est  contraint  de  la  céder  au  fermier  {Dig., 
47,  2,  52,  8).  Ces  hésitations  se  rattachent  à  la  question  de  savoir  si  le 
fermier  acquiert  les  fruits  par  la  séparation  {Dig.,  47,  2,  26,  1)  ou  seule- 
ment par  la  perception. 

(6)  Par  l'impossibilité  où  il  est  désormais  d'exercer  son  droit  de  réten- 
tion (III  p.  37  n.  3)  ou  à  raison  de  l'obligation  d'indemnité  qui  prend 
naissance  à  sa  charge  (Gaius,  3,  205.  206.  Dig.,  il,  2.  10.  1.  12.  pr.  1.  14,  15, 
1.  52,  9.  47,  5,  1,  4).  Lorsque  la  personne  tenue  de  l'obligation  d'indemnité 
n'a  pas  personnellement  droit  à  l'action  de  vol,  elle  peut  en  réclamer  la 
cession  {Dig.,  47,  2,  54,  3). 

(7)  Si  une  chose  promise  vient  à  être  volée  avant  qu'elle  ait  été  livrée. 


48  DROIT    PÉNAL   ROMAIN 

(745)  Le  furlxim  peut  être  commis  par  plusieurs  personnes.  La 

Complicité,  formule  d'action,  usitée  à  propos  du  furtian  et  visant  «  l'acte 
et  le  conseil  »  (1),  s'applique  non  seulement  à  l'instigateur  et 
à  l'aide,  mais  au?si  vraisemblablement  à  l'auteur  proprement 
dit  du  délit  (2).  En  général,  on  applique  à  la  complicité  la  règle 
fondamentale  d'après  laquelle  le  délit  est  comme  tel  indivisi- 
ble (3)  et  la  répression  s'opère  aussi  suivant  cette  règle, 
comme  nous  le  montrerons  plus  loin. 

le  créancier  a  l'action  de  vol  lorsque  le  débiteur  n'est  pas  tenu  de  l'in- 
demniser {Dig.,  47,  2,  13).  Si  une  chose  achetée  est  volée  antérieurement 
à  la  livraison,  on  impose  au  vendeur  l'obligation  de  céder  à  l'acheteur 
ou  le  produit  de  l'action  ou  l'action  elle-même  {Dig.,  il,  2,  14,  pr,  1.  81, 
pr.)  ou  bien  les  deux  parties  sont  admises,  bien  entendu  à  titre  alterna- 
tif, à  intenter  l'action  (Paul,  2,  31,  17). 

(i)  La  formule  ope  consilio  (en  abrégé  o.  c.  ;  cpr.  mon  édition  des  notae 
jur.  civ.  dans  Keil,  Lat.  gr.,  4,  297.  325)  ou  ope  consiliove  (ainsi  Gaius,  4, 
37  ;  ope  consilioque  :  Gicéron,  De  d.  n.,  3,  30,  74)  se  trouve  chez  Cicéron, 
loc.  cit.  ;  Gaius,  3,  202.  4,  37.  Dig.,  9,  2,  27,  21.  11,  3,  11.  2.  13,  1,6.  47,  2,  36, 
pr.  I  2.  1.  50,  1.  l.  52,  pr.  47,  5,  1,  pr.  Inst.,  4,  1,  11.  Elle  appartient  à  l'ac- 
tion de  vol,  bien  que  les  jurisconsultes  l'emploient  aussi  à  propos  du 
crime  d'Etat  (Paul,  .j,  29,  1  ;  Dig.,  48,  4,  10)  et  de  l'adultère  {Dig.,  48,  5,  15, 
pr.)  D'après  le  commentaire  donné  aux  Dig..  50,  16,  53,  2  (de  même:  Dig., 
47,  2,  50,  2.  3.  1.  52,  19),  les  deux  notions  doivent  être  séparées,  mais  post 
velerum  auclorilalem  eo  pervenlum  est,  ut  nemo  ope  videatur  fecisse,  nisi  et 
consilium  malignum  habuerit,  nec  consilium  hahuisse  noceat,  nisi  et  factum  se- 
cutum  fuerit.  Nous  avons  traité  de  ces  notions  dans  le  tome  I  p.  116. 

(2)  Il  n'est  pas  douteux  que  la  formule  soit  entendue  dans  nos  sources 
juridiques  comme  o  assistance  et  conseil  i>  ;  je  n'attache  aucune  importance 
à  l'exception  apparente  contenue  aux  Dig.,  9,  2,  27,  21.  Mais  il  est  bien 
surprenant  que  cette  même  formule  apparaisse  dans  deux  textes  chez  Gi- 
céron, loc.  cit.,  et  chez  Gaius,  4,  37,  où  l'action  de  vol  est  mentionnée  à 
titre  d'exemple  et  où  il  n'y  avait  aucune  raison  pour  nommer  l'aide  au 
lieu  du  voleur  lui-même.  D'après  le  sens  originaire  —  ope  ne  doit  pas 
être  séparé  d'opus  et  consilio  est  synonyme  de  clolo  malo  (I  p.  100  n.  1) 
—  la  formule  pourrait  bien  se  rapporter  à  l'auteur  et  signifier  plutôt  i  en 
œuvre  et  en  intention  »,  de  telle  faron  que  les  mots,  comme  le  veulent 
d'ailleurs  les  textes,  devraient  être  entendus  non  pas  alternativement, 
mais  cumulativement.  Pratiquement,  il  était  en  tout  cas  préfora])le  de  ne 
pas  exprimer  dans  la  formule  de  l'action  la  distinction,  souvent  difficile 
et  rendue  juridiquement  inutile  par  l'identité  des  peines,  entre  le  co-au- 
teur  et  l'aide  ;  si  cette  opposition  y  avait  été  insérée,  nos  sources  juridi- 
ques s'en  seraient  occupées  en  détail.  Si  celles-ci,  sous  l'empire  de  l'usage 
postérieur  du  langage,  comprenaient  par  erreur  la  formule  traditionnelle 
comme  «  assistance  et  (ou)  conseil»  et  l'employaient  cependant  contre  le 
voleur  lui-même,  les  jurisconsultes  romains  ont  pu  se  tranquilliser  en 
pensant  que  ce  qui  est  juste  pour  l'aide  est  aussi  équitable  pour  l'auteur. 

(3)  Dig. ,  47,  2,  2 1 , 9  :  iiefjue  eniut  potesl  dicei-e  pro  parle  furtum  fecisse  singulos. 


APPROPRIATION    DU  BIEN   D  AUTRUI  49 

1.  En  cas  de  coopération  de  plusieurs  personnes,  il  n'est  pas 
nécessaire  que  l'acte  de  chacune  présente  tous  les  caractères  du 

délit,  pourvu  que  ces  caractères  se  rencontrent  dans  l'opération      (746) 
d'ensemble  (1).  Cette  règle  ne  s'appliqua  toutefois  pas  d'une 
façon  absolue  à  ceux  qui  coopéraient  à  la  fuite  d'un  esclave  (2). 

2.  L'instigation  et  l'assistance  ne  sont,  en  l'absence  de  con- 
treciatio  proprement  dite,  punissables  que  comme  le  furtum 
lui-même,  c'est-à-dire  qu'autant  que  celui-ci  est  consommé  (3); 
mais  elles  sont  réprimées,  même  si  un  obstacle  juridique 
s'oppose  à  l'exercice  de  l'action  contre  le  voleur  (4).  Quant  à 
la  détermination  des  actes  qui  sont  considérés  comme  consti- 
tuant une  instigation  ou  une  assistance,  c'est  plus  une  question 
de  fait  qu'une  question  de  droit  (5). 


(1)  Par  exemple,  plusieurs  voleurs  emportent  unelpoutre  trop  lourde 
pour  chacun  d'eux  [Dig.,  9,  2,  31,  2.  47,  2,  21,  9),  bien  qu'on  puisse  ici,  il 
est  vrai,  recourir  à  l'idée  de  contvectatio.  Celui  qui  par  inimitié  prête  son 
appui  à  un  vol  commet  aussi  un  vol  {Diq.,  47,  2,  50,  1). 

(2)  Celui  qui  détermine  un  esclave  à  échapper  à  son  maître  n'est,  d'après 
Ulpien,  Dig.,  47,  2,  36,  considéré  comme  ayant  donné  son  concours  à  l'ac- 
complissement d'un  vol  qu'autant  que  l'esclave  est  passé  en  la  possession 
d'une  autre  personne  ;  cette  décision  se  fonde  sur  ce  que  l'esclave  ne  peut 
pas  se  voler  lui-même  (III  p. 38  n.  3).  D'après  Paul,  2,  31,  33;  Inst.,  4,  1, 
11  (12)  ;  Cod.,  6,  2,  4  ;  cette  personne  n'est  jamais  considérée  comme  com- 
plice d'un  vol.  Aulu-Gelle  lui-même  considère  comme  inconcevable  (inopi- 
nabile)  que  Sabinus  (chez  Aulu-Gelle,  H.  18,  14)  traite  comme  complice 
celui  qui  par  compassion  aide  l'esclave  dans  sa  fuite.  Etant  donné  que 
le  fugilivus  était  absolument  traité  par  ailleurs  comme  res  furtiva,  la  lo- 
gique juridique  exigeait  incontestablement  qu'on  admit  dans  l'hypothèse 
rapportée  qu'il  y  avait  eu  assistance  prêtée  à  l'accomplissement  d'un 
vol  ;  mais  il  me  semble  que  la  jurisprudence  romaine  s'est  efforcée  d'é- 
carter plus  ou  moins  directement  cette  conséquence  plutôt  par  des  con- 
sidérations d'équité  que  par  une  argumentation  logique.  On  conçoit  que 
cette  conception  plus  douce  ne  se  soit  pas  étendue  au  recel  de  l'esclave  en 
fuite  (III  p.  51  n.  1). 

(3)  Dig.,  47,  2,  52,  19:  opem  ferre  tel  consilium  dare  tune  nocet,  nuin  secuia 
contrectalio  est. 

(4)  Lorsqu'un  esclave  vole  son  maître,  celui-ci  n'a  aucune  action  contre 
le  voleur,  mais  il  en  a  contre  ceux  qui  ont  aidé  ce  dernier  dans  l'accom- 
plissement du  délit  {Dig.,  47,  2,  36).  En  cas  de  vol  entre  époux,  celui  qui 
prête  son  concours  à  l'acte  est  également  puni  comme  voleur  {Dig..  47,  2, 
52, /?>•.  I  1),  à  la  condition  du  moins  qu'il  paraisse  bien  avoir  été  com- 
plice et  que  tons  les  éléments  du  vol  se  rencontrent  chez  lui  {Dig.,  23, 
2,  21,  1). 

(5)  I.  p.  113  sv.  On  punit  pour  assistance  prêtée  au  vol  :  celui  qui  four- 

Droit  Pénal  Romaix.  —  T.  III.  4 


^0  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

3.  Lorsqu'un  délit  est  commis  par  un  esclave  sur  l'ordre  de 
soQ  maître,  tous  deux  sont  considérés  comme  agents  princi- 

(747)  paux  du  délit;  lorsque  l'esclave  a  commis  ce  délit  au  su  de  son 
maître^  ce  dernier  est  à  partir  d'une  certaine  époque  considéré 
comme  coupable,  s^il  a  eu  la  possibilité  d'empêcher  ce  délit 
et  ne  l'a  pas  fait  (1  p.  H9  n.  1). 

4.  Lorsqu'un  fiirlum  a  été  commis  de  concert  par  plusieurs 
esclaves  du  môme  maître,  celui-ci  peut  se  libérer  de  l'action 
noxale  possible  contre  les  différents  auteurs  en  payant  une 
seule  fois  à  la  victime  le  montant  de  la  peine  pécuniaire 
(Ip.  119  n.  2). 

5.  Lorsqu'un  vol  est  commis  sur  un  navire  ou  dans  une 
auberge  par  un  des  employés,  le  maître  du  navire  ou  l'au- 
bergiste peut  être  poursuivi  soit  à  la  manière  ordioaire  par 
voie  d'action  noxale,  lorsque  l'auteur  est  son  esclave,  soit 
comme  complice,  si  l'auteur  est  une  personne  libre  ou  l'es- 
clave d'autrui  (I  p.  119  n.  4). 

6.  Lorsque  les  esclaves  d'un  publicain  sont  accusés  de  vol, 
le  maître  doit,  à  la  réquisition  du  demandeur,  exhiber  les  ac- 
cusés, s'ils  sont  vivants,  et  s'il  ne  le  peut  pas  ou  ne  le  veut 
pas,  il  perd  le  droit  de  se  libérer  par  l'abandon  noxal  (1). 

7.  Le  recel  (2),  la  dissimulation  et  la  réalisation  de  l'objet 
volé  ne  rentrent  pas  dans  la  notion  de  complicité,  telle  qu'elle 
fut  fixée  au  début  (3).  En  effet,  la  loi  des  XII  Tables  a  séparé 

nit  aux  voleurs  l'outil  dont  ils  ont  besoin  pour  l'effraction,  même  s'il 
n'a  pas  concouru  à  titre  principal  à  la  préparation  du  délit  par  ses  con- 
seils {b'icf.,  47,  2,  55,  4)  ;  celui  qui  poursuit  un  animal  domesticjue  échappé, 
de  telle  façon  que  celui-ci  tombe  entre  les  mains  d'un  voleur  (Gains,  3, 
202  ;  DtV/.,  47,  2,  37.  50,  4)  ;  celui  qui  en  citant  par  dol  devant  le  tribunal 
le  conducteur  d'un  attelage  l'oblige  à  abandonner  ce  dernier,  à  la  con- 
dition que  l'attelage  soit  volé  {Diçf.,  47,  2,  C7,  2)  ;  celui  qui  détermine  un 
esclave  à  raj'er  son  nom  d'un  contrat  d'achat  et  rend  ainsi  plus  difficile 
au  maître  la  preuve  de  sa  propriété  (Dii?.,  47,  2,  52,  23).  —  La  simple 
connaissance  de  l'accomplissement  du  crime  n'est  pas  punissable  (Di^., 
47.  2,  48,  1). 

(1)  T)\fj.,  39,  4,  1,  -pr.  1.  12.  1.  13,  1.  2. 

(2)  11  n'y  a  pas  de  terme  technique  pour  désigner  ce  délit  ;  le  mot  usité 
pour  receler  est  celare. 

(3)  I  p.  H7.  Aucun  des  textes  où  la  formule  ope  consllio  est  commentée 
n'indique  le  recel. 


APPROPRIATION   DU   BIEN    D'AUTRUI  51 

la  complicité  du  vol  et,  en  en  limitant  la  répression  au  cas  où 
l'objet  volé  a  été  trouvé  dans  uno  perquisition  domiciliaire  so- 
lennelle, ill'a  traitée  comme  délit  indépendant  sous  le  nom  de 
c(  bien  volé  saisi  »  {furtum  conceptum).  Ce  sont  d'ailleurs  là 
des  points  sur  lesquels  nous  aurons  à  revenir  à  propos  de  la 
procédure  et  de  la  peine.  Mais  comme,  déjà  dès  cette  époque 
ancienne,  le  nom  de  vol  avait  été  étendu  au  moins  au  recel 
solennellement  établi,  et,  comme  celui-ci,  lorsqu'il  était  cons- 
taté d'une  autre  manière,  pouvait  bien  rester  impuni  dans  le 
vieux  droit  municipal  où  l'on  s'attachait  au  caractère  nette- 
ment manifeste  du  délit,  mais  non  dans  le  droit  pénal  plus 
affiné  de  l'époque  postérieure,  le  recel  fut  à,  partir  d'une  cer- 
taine époque  considéré  et  puni  comme  assistance  prêtée  à  l'ac- 
complissement du  vol,  bien  que  nous  n'ayons  à  cet  égard 
qu'un  nombre  insuffisant  de  témoignages  exprès  (1). 

Nous  allons  nous  occuper  maintenant  de  la  procédure  et  de  (748) 
la  répression  du  vol  de  la  chose  d'un  particulier.  Il  ne  s'agit 
pas  dans  ce  délit,  comme  dans  la  perduellion  et  le  meurtre, 
de  la  répression  d'une  faute  morale,  mais  d'une  satisfaction  à 
fournir  à  la  victime,  soit  en  admettant  la  vengeance,  soit  au 
moyen  d'une  transaction  et  d'une  indemnité. 

La  perquisition  domiciliaire  faite  dans  le  but  de  découvrir   Perquisition 
l'objet  volé  est  préalable  au  procès  de  vol  et  constitue  une  par-    '^°'"""'"""^- 
ticularité  de  ce  délit.  Cette  recherche,  pour  laquelle  l'objet  à 
trouver  doit  toujours  être  indiqué  auparavant  avec  précision  (2), 


(1)  Aula-Gelle,  11,  18,  14  :  Sabinus  dicit  furem  esse  hominis  judicatum,  qui 
cum  fiigitivus  praeter  oculos  forte  domini  iret,  obtentu  togae  tamquam  se  ami- 
ciens  ne  videretur  a  domino  obstiLisset.  Ulpien,  Dig.,  il,  4,  1,  pr.:  is  qui  fugi- 
ti'ium  celavil  fur  est.  47,  2,  48,  1  :  qui  celât  hoc  ipso  tenetur.  Garacalla,  Cod., 
2,  11,  8.  Dioclétien,  Cod.,  6,  2,  14  :  eos,  qui  a  servo  furlim  ablata  scientes 
susceperinl,  non  tanlum  de  susceptis  convenire,  sed  etiam  poenali  furti  actione 
potes.  Le  même,  Cad.,  9,  20,  12.  Inst..  4,  1,  4  :  manifeslissimum  est,  quod  om- 
nés,  qui  scientes  rem  furtivam  susceperint  et  celaverint,  furti  nec  manifesti 
obnoxii  sunt.  Gela  est  également  dit  par  rapport  à  la  rapine  (C.  Th.,  9, 
28,  2  =  C.  Just..  9,  12,  9)  et  au  péculat  {Cod.  9,  28,  1). 

(2)  Paul,  2,  31,  22  :  qui  furtum  quaesiturus  est,  antequam  quaerat,  débet 
dicere,  quid  quaerat  et  rem  suo  nomine  et  sua  specie  designare.  Dig.,  11,  4, 
1,  8  a. 


52  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

se  fait  suivant  un  vieux  rite  qui  apparaît  déjà  dans  la  loi  des 
XII  Tables.  Le  volé,  vêtu  seulement  d'une  ceinture  {licium) 
et  tenant  à  la  raain  un  plat  [lanx),  pénètre  dans  la  maison  où 
il  présume  que  l'objet  perdu  se  trouve  et  y  commence  la  per- 
quisition (1).  A  côté  do  cette  procédure,  qui  avec  quelques 
modifications  paraît  avoir  été  encore  employée  à  l'époque  im- 
périale (2),  il  est  d'usage  pendant  la  dernière  période  que  la 
])erqnisition  domiciliaire  soit  demandée  au  magistrat  et  que 
(749)  celui-ci  adjoigne  au  chercheur  un  agont  subalterne  du  tribu- 
nal (3).  L'opposition  faite  à  la  perquisition  (4)  et  le  refus  de 

(1)  Loi  des  XII  Tables,  8,  14  Schôll  [8.  15  b.  Girard]  (Gaius,  3,  192;  Aulu- 
Gelle  11,  18,  9  et  les  autres  textes  cités  à  cet  endroit).  On  prescrivait 
de  ne  porter  qu'une  ceinture  pour  empêcher  l'apport  de  l'objet  volé  (acte 
qui  était  d'ailleurs  frappé  d'une  peine  spéciale).  Le  plat  était  sans  doute 
prescrit  comme  signe  matériel  de  l'intention  d'emporter  l'objet,  si  on  le 
trouvait.  Je  ne  reproduis  pas  les  folies  anciennes  et  nouvelles  qui  ont 
été  énoncées  sur  ce  sujet.  —  Les  termes  de  la  loi  des  XII  Tables,  8,  l.S 
Schôll  =  Gaius,  3,  186  :  conceptum  furtum  dicitur,  cum  apud  aliquem  testi- 
bus  praesentibus  furfiva  res  qiiaesita  et  inventa  est  ne  peuvent  pas  avoir  visé 
une  autre  forme  de  perquisition  domiciliaire  que  celle  lance  Ucioque  ex- 
posée immédiatement  après;  c'est  précisément  pour  ce  motif  que  les 
XII  Tables  n'ont  pas  formulé  expressément  la  peine  d'un  multiple  pour 
le  furtum  conceptum,  mais  ont  simplement  assimilé  ce  dernier  au  furtum 
manifestum  (III  p.  54  n.  6). 

(2)  Dans  la  perquisilion  domiciliaire  faite  à  l'occasion  de  la  fuite  d'un 
esclave  décrite  par  Pétrone,  c  97.  98,  le  chercheur  paraît  dans  un  vêtement 
aux  couleurs  variées  {vestis)  et  tenant  dans  les  mains  un  plat  d'argent; 
c'est  à  peu  prés  l'ancienne  forme,  car  sous  le  nom  de  vestis  on  a  dû 
penser  au  vêtement  de  dessous  et  le  plat  n'a  sans  doute  pas  été  néces- 
sairement d'argent,  mais  devait  seulement  être  d'un  brillant  qui  frappe 
les  yeux. 

(3)  Chez  Pétrone,  lor.  cit.,  h  la  perquisition  domiciliaire  se  lie  la  publi- 
cation de  l'objet  volé  avec  promesse  de  récompense  pour  le  dénonciateur 
(II  p.  196);  c'est  pourquoi  le  cherclieur  porte  dans  son  plat  la  récompense 
promise  (indicium),  et  aussi,  semble-t-il,  la  cautio  pénale  par  laquelle  il 
s'oblige  à  tenir  secret  le  nom  du  dénonciateur  (fides).  Le  chercheur  est 
accompagné  d'un  héraut  et  d'un  serviis  puhlicus  qui  ouvre  les  portes  de 
force,  lorsque  cela  est  nécessaire.  Chez  Plauto  (Merc,  3,  4,  78  z=  663),  on 
loue  des  praeconex  pour  la  perquisition  domiciliaire  et  on  demande  au 
préteur  des  inquisitores  in  vicis  omnibus.  D'après  Ulpien  {Dig.,  11,  4,  1,  2. 
1.  3),  le  préteur  donne  pleins  pouvoirs  au  chercheur  en  cas  de  recherche 
d'esclaves  fugitifs  et  lui  adjoint,  si  c'est  nécessaire,  un  serviteur  du  tri- 
bunal (apparitor). 

(4)  Gaius,  3,  188  r=  Inst.  i,  1,4:  est  eliam  prohihili  furli  [actio]  advcrsus 
eum  qui  furtum  quaerere  volenlem  prohiôuerit.  192  :  prohibiti  (furli)  actio 
quadrupli  est  ex  edicto  praetoris  introducta. 


APPROPRIATION   DU   BIEN   D'aUTRUI  53 

resliluer  l'objet  trouvé  (1)  ont  été  assimilés  pour  la  répression 
par  l'édit  du  préleur  au  vol  et  même  à  la  forme  du  vol  la  plus 
grave  que  connaisse  le  droit  privé.  Plus  tard,  ces  actions  pri- 
vées sont  tombées  en  désuétude  (2)  et  ont  été  remplacées  par 
des  peines  pécuniaires  publiques  (3). 

Le  vol  commis  vis-à-vis  du  patrimoine  d'un  particulier  est  Procès  de  voi. 
traité  comme  un  délit  qui  n'est  poursuivi  qu'à  la  réquisition 
de  la  personne  lésée.  Le  premier  acte  de  l'instance  est  l'intro- 
duction de  l'action  par  la  victime  devant  le  préleur  suivant  les 
règles  du  droit  privé,  c'est-à-dire  au  début  par  une  déclaration 
orale  (4)  au  moyen  du  sacramentum  personnel  (5),  plus  tard 
par  une  formule  écrite  (6).  Le  procès  se  continue  par  l'orga- 
nisation de  l'action  qu'opère  le  magistrat  et  par  la  litis  co7i-  (750) 
testatio  (7).  11  s'achève  par  la  sentence  soit  de  Vunus  judex, 
soit  dos  récupérateurs  (I  p.  206).  Tout  ce  qui  à  cet  égard  mé- 
rite d'être  noté  se  rattache  soit  à  la  réquisition  de  peine,  soit 
à  la  peine. 


(1)  Inst.,  4,  1,  4  :  poena  constiluitur  edicto  praetoris  jjer  aclionem  furti  non 
eahibili  aclversus  eum,  qui  furtioam  rem  apud  se  quaesilam  et  invenlam  non 
exhibuit. 

(2)  Inst.,  loc.  cit.;  Gaius.  3,  190.  191.  4,  173  et  Paul,  2,  31,  14  traitent  ces 
actions  comme  étant  encore  usitées. 

(3)  Ulpien,  Dig.,  11,  4,  3.  Les  magistrats  municipaux  sont  frappés  d'une 
amende  de  100  sous  d'or,  lorsqu'ils  ne  donnent  pas  un  appui  convenable 
à  la  poursuite  des  esclave»  fugitifs  {Dig.,  11,  4.  1,  2). 

(4)  (Mcéron,  De  d.  n.,  3,  30,  74  nous  donne  la  formule  par  laquelle  on 
introduisait  oralement  l'action  :  illa  actio  :  ope  consilioque  (originaire- 
ment, ope  consilio  :  III  p.  48  n.  1)  tuo  aio  furtum  factum  esse. 

(5)  L'action  de  vol,  même  lorsqu'elle  tendait  à  Yaddictio  et  non  à  une 
condamnation  au  montant  de  la  composition  pécuniaire,  ne  pouvait  pas 
commencer  par  la  formule  d'exécution  iper  manus  injectionem).  Celle-ci 
est  à  sa  place,  lorsque  le  demandeur  affirme  que  le  défendeur  n'est  pas 
lihre,  donc  contre  le  débiteur  condamné,  en  tant  que  le  jugement  con- 
tient une  adjudication  conditionnelle  ;  mais  le  voleur  ne  perd  la  liberté 
que  par  la  sentence. 

(6)  Gaius,  4,  37  (cpr.  45)  donne  le  début  de  la  formule  comme  exemple 
de  l'extension  au  non  citoyen  d'une  action  créée  pour  le  citoyen  :  Judex 
esto.  Si  pai-et  [L.  Titio  ope]  consiliove  Dionis  Hermaei  filii  furtum  factum  esse 
pateiue  uureae,  quam  ob  rem  eum,  si  civis  Romanus  esset,  pro  fure  damnum 
decidere  oporteret.  Cpr.  III  p.  56  n.  1. 

(7)  Dig.,  47,  6,  1,  3. 


54  DROIT   PÉNAL   ROMAIN 

Procès  capital.  De  même  que  le  vol  commis  vis-à-vis  du  patrimoine  d'un 
particulier  est  puni  de  mort  d'après  le  droit  de  la  guerre  de 
l'époque  républicaine  (1),  de  même  cette  peine  s'applique 
aussi  en  général  à  ce  délit  dans  le  droit  civil  primitif  (2).  Le 
droit  des  XII  Tables  connaît  encore  à  cet  égard  une  double 
procédure  et  la  plus  sévère  est  capitale  (3). 

On  considère  comme  la  forme  la  plus  grave  du  vol.  d'après 
la  terminologie  technique,  comme  «  vol  manifeste  yi,furtum 
manifestum  (4)/celui  où  le  voleur  est  saisi  et  arrêté  avant  qu'il 
ait  porté  à  destination  l'objet  volé  et  étant  encore  en  posses- 
sion de  celui-ci  (o).  Légalement,  on  lui  assimile  celui  où  l'objet 
volé  est  trouvé  dans  la  maison  du  voleur  au  cours  d'une  per- 
quisition domiciliaire  solennelle  {furtum  conceptym)  (6).  La 
cause  pour  laquelle  il  y  a  dans  ces  deux  hypothèses  une  peine 
plus  rigoureuse,  bien  que  les  circonstances  du  délit  n'impli- 
quent pas  une  faute  morale  plus  grave,  réside  sans  doute  dans 
(751)  ce  que  le  voleur  est  ici  personnellement  en  présence  du  volé 
et  que  la  justice  privée,  dont  la  procédure  délictuelle  du  droit 


(1)  Gaton,  chez  Frontin  4,  1,  16.  Polybe  6.  37.  9. 

(2)  Si  la  disposition  de  la  loi  des  XII  Tables  8,  13  Scbôll  [8,  14  Girard] 
/^^  Aulu-Gelle,  11,  18,  8  et  autres  textes)  relative  au  fiirlum  manifestum  : 
(decemviri)  liberos  verherari  addicique  jusserunt  ei  cui  fuvtum  factum  esse t  a. 
été  au  début  d'une  application  générale,  ce  qui  ne  peut  être  mis  en  doute, 
la  règle  que  la  pecuniaria  aestlmatio  est  étrangère  à  l'action  privée  primi- 
tive (Gaius,  4,  48)  trouve  également  ici  sa  confirmation. 

(3)  Gaius,  3,  189.  4,  111.  Scolies  sur  Virgile,  Aen.,  8,  205.  Isidore  5,  26,  19. 

(4)  Ce  mot  vient  visiblement  de  manus  et  fendeve  :=  heurter  (cpr.  defen- 
dere,  offendere,  infestas):  littéralement  manifestas  éveille  l'idée  d'un  choc 
de  la  main,  d'une  appréhension  par  la  main. 

(5)  Sabinus,  chez  Aulu-Gelle,  11,  18,  11.  Paul,  2,  31,  2.  Gaius.  3,  184. 
Dig.,  22,  1,  24,  2.  47.  2,  3.  1.  4.  1.  5.  1.  7.  Nous  pouvons  omettre  les  contro- 
verses peu  importantes  sur  le  point  de  savoir  à  quel  moment  le  vol  cesse 
d'être  manifeste.  Il  n'y  a  pas  à  rechercher  comment  et  par  qui  le  voleur 
a  été  pris.  La  perception  directe  du  délit  par  la  victime,  par  exemple, 
si  celle-ci.  d'une  cachette,  en  voit  l'accomplissement  (Dig..  47.  2,  7.  1). 
ne  rend  pas  le  vol  manifeste.  A  vrai  dire,  Papinien,  Dig.,  47,  2.  81,  3  con- 
tredit cette  opinion  :  cum  raptor  omnimodo  furtum  facit,  manifeslus  fur 
existimandus  est;  mais  nous  avons  déjà  montré  (Il  p.  382  n.  1)  que  cette 
conception  contraire  à  la  notion  de  vol  manifeste  n'a  pas  triomphé. 

(6)  Loi  des  XII  Tables,  8,  14  =  Gaius,  3.  192  et  ailleurs. 


APPROPRIATION    DU   BIEN    D'aLTRUI  55 

privé  n'est  que  la  réglementation,  trouvait  ici  son  applica- 
tion la  plus  naturelle  et  la  plus  libre  (I  p.  70).  Le  juré 
statue-t-il  sur  un  vol  manifeste,  le  voleur  encourt,  s'il  est  es- 
clave, la  peine  capitale  et  la  forme  d'exécution  de  cette  der- 
nière qui  consiste  à  confier  au  volé  le  soin  de  faire  battre 
le  coupable  de  verges  et  de  le  faire  précipiter  du  haut  de  la 
roche  Tarpéienne  (1),  montre,  comme  nous  l'exposerons  dans 
le  Livre  suivant,  qu'il  s'agit  ici  d'une  peine  privée.  Si  le  vo- 
leur est  un  homme  libre,  le  vieux  Code  des  XII  Tables  ne  pres- 
crit pas  l'exécution  capitale,  mais  Vaddictio.  Celle-ci  n'est 
pas  Vaddictio  du  droit  des  obligations  qui  ne  touche  pas  au 
droit  de  cité  et  qui  suspend  seulement  la  liberté  personnelle  ; 
il  s'agit  ici  d'une  perte  véritable  de  liberté,  c'est-à-dire  d'une 
exclusion  de  la  communauté  des  citoyens  et  d'une  servitude 
formelle  (2).  La  peine  est  donc  capitale  même  contre  les  per- 
sonnes libres. 

Toutefois  la  peine  capitale  du  droit  privé,  appliquée  au  vol, 
est  fondamentalement  distincte  de  celle  qui  frappe  les  crimes 
publics.  La  peine  capitale  publique  ne  peut  pas  être  écartée  au 
cours  de  la  procédure  par  un  changement  de  peine  ;  quant  à 
la  peiiie  capitale  privée,  non  seulement  le  demandeur  qui  a 
triomphé  peut  y  renoncer,  mais  le  but  véritable  et  originaire 
donné  par  l'Etat  à  l'action  privée  est  même  d'amener  la  vic- 
time à  consentir  à  l'acquittement  de  l'accusé  moyennant  une 
compensation  estimée  convenable  par  le  tribunal  (3).  Le  fait 


(1)  Loi  des  XII  Tables,  loc.  cit.  :  servos  furti  munifesti  prensos  verberihus 
affici  et  ex  saxo  praecipitari. 

(2)  Oa  discutait  sur  le  point  de  savoir  si  le  voleur  addlctus  était  esclave 
ou  in  causa  mancipii  (Gaius,  3,  189  :  utrurn  servus  efficeretur  ex  addictione  an 
adjudicatl  loco  constitueretur,  veteres  quaerebant);  mais  l'opinion  la  plus 
rigoureuse,  qu'adopte  aussi  Aulu-Gelle,  20,  1,  7,  est  la  seule  logique, 
comme  nous  le  montrerons  dans  le  Livre  suivant  à  propos  des  peines  pri- 
vatives de  liberté.  De  même  qu'en  cas  de  crime  international  la  cité  livre 
le  citoyen  coupable  en  propriété  à  la  cité  lésée  (I  p.  7  n.  8),  de  même, 
en  cas  de  crime  grave  commis  au  sein  de  la  cité,  le  citoyen  coupable  est 
livré  en  propriété  à  la  victime. 

(3)  Dlg.,  2,  14,  1,  14  :  de  furto  pacisci  lex  (des  XII  Tables)  permittit.  1.  17, 
1  :  quaedam  actiones  per  paclum  ipso  jure  lollimlur,  ut  injuriarum,  item 
furti. 


56 


DROIT   PENAL    ROMAIN 


que  le  procès  de  vol  devait  au  début  provoquer  une  véritable 
transaction  est  cause  que  le  procès  a  gardé  plus  lard  la  forme 
de  la  transaction,  même  lorsque  l'acceptation  de  la  compen- 
sation ne  dépend  plus  de  la  volonté  du  demandeur  (1). 
(752)  Le  développement  postérieur  de  la  procédure  de  vol  tend 

Procédure  à  uu  adoucisscment,  principalement  par  la  transformation  de 
corn  otition  ^^  tcutative  judiciairc  de  conciliation  en  un  procès  proprement 
dit,  indépendant  de  la  volonté  du  demandeur.  Peut-être  a-t-il 
été  longtemps  d'usage,  lorsque  le  voleur  était  prêt  à  rendre  la 
cbose  volée  ou  à  donner  l'équivalent  de  sa  valeur  ou  à  payer 
plusieurs  fois  cette  valeur,  de  décider  dans  la  procédure  ar- 
bitrale le  volé  demandeur  à  accepter  cette  rançon.  La  loi  des 
XII  Tables  prescrit  déjà,  peut-être  sous  l'influence  de  la  légis- 
lation athénienne,  l'acceptation  de  la  composition  pécuniaire, 
lorsque  le  voleur  n'est  pas  pris  en  flagrant  délit  et  offre  le  dou- 
ble de  la  valeur  de  l'objet  volé  (2).  En  continuant  dans  cette 
voie,  le  préteur  urbain  a,  par  son  édit,  étendu  le  système  de 
la  composition  obligatoire  en  élevant  le  taux  de  la  composition 
au  quadruple  tant  au  cas  de  furtiim  manifestum  (3)  qu'à  celui 
de  furtum  conceptum  (4).  Toutefois,  dans  cette  dernière  hy- 
pothèse, celui  chez  qui  la  chose  a  été  trouvée  obtient,  s'il 
prouve  qu'elle  y  a  été  apportée  de  mauvaise  foi  par  un  tiers, 
contre  celui-ci  une  action  furti  oblati  identique  à  Vaclio  fiirti 


(1)  D'après  Gaius  (III  p.  53  n.  6),  la  formule  est  ainsi  conçue:  quam  ob 
rem  eum  pro  fure  clamnum  decidere  oportebit.  Dig.,  47,  2,  42,  1.  1.  46,  5.  62,  2. 
Damnum  (formation  participiale  de  dure,  cpr.  I  p.  13  n.  1)  est  la  pres- 
tation et  est  employé  en  droit  pénal,  comme  nous  l'exposei'ons  au  Livre  V 
à  propos  des  peines  pécuniaires,  pour  toute  amende  pécuniaire  pu- 
blique ou  privée.  Le  mot  reçoit  ici  une  acception  plus  précise  par  l'addi- 
tion pro  fure.  Decidere  est,  comme  on  sait,  synonyme  de  transigere  {Cod., 
6,  2,  13  :  post  decisionern  furti  leges  agi  prohibent.  Quod  si  non  transegisli  et 
autres  textes).  L'origine  de  cette  action,  issue  de  la  composition  volon- 
taire, se  manifeste  nettement  dans  la  rédaction  de  la  formule. 

(2)  Loi  des  XII  Tables,  8,  16  [ul.  Girard]  (=  Gaius,  3,  190  :  nec  manifesti 
furti  poena  per  legerii  XII  tabularum  dupli  irrogatur. 

(3)  Gaius,  3,  189. 

(4)  Loi  des  XII  Tables,  8,  15  [id.  Girard]  (=r  Gaius.,  3,  191).  Aulu-Gelle, 
11,  18,  12.  Gaius,  4,  173.  Paul,  2,  31,  14  (à  restituer  approximativement 
comme  suit)  :  furti  concepti  actiu  tripli  est  poena  et  ipsius  rei  repetitio,  ad- 
versus  eum  qui  obtulit  tripli. 


APPROPRIATION    DU   BIEN    D'aUTRUI  57 

concepti  (1).  Ces  peines  d'un  multiple  furent  certainement 
considérées   comme  comprenant    l'indemnité   du    préjudice 
causé,  plus  un  élément  pénal,  de  telle  façon  que  le  voleur  qui 
rendait  l'objet  volé  n'avait  à  payer  que  le  simple  en  cas  de 
vol  ordinaire  et  le  triple  en  cas  de  furtum  manifestum,  tandis 
qu'il  avait  à  fournir  le  double  ou  le  quadruple  de  la  valeur  de 
la  chose,  s'il  ne  la  rendait  pas.  Cette  conception  s'affaiblit  tou- 
tefois dans  la  suite  et  on  tendit  de  plus  en  plus  à  traiter  ces 
condamnations  à  un  multiple  comme  ayant  un  caractère  ex-      (733) 
clusivement  pénal  (2).  A  la  suite  de  ces  réformes,  il  était  in- 
dubitable que  l'action  capitale  privée  était  complètement  écar- 
tée pour  ce  délit;  depuis  lors,  l'esclave  était  soumis  dans  ce 
cas  à  la  procédure  noxale,  l'homme  libre  à  l'obligation  de 
payer  la  composition  et  c'était  seulement  au  cas  où  il  était  in- 
solvable qu'on  prononçait  contre  lui  Vaddictio  qui  d'ailleurs 
lui  laissait  désormais  ses  droits  personnels.  —  La  procédure 
judiciaire,  en  cas  de  procès  fondé  sur  la  loi  de  la  composition 
obligatoire,  consiste  en  ce  que  le  tribunal  tranche  d'abord  la 
question  de  fait  et  que  si  la  sentence  donne  droit  au  deman- 
deur, le  défendeur  a  encore  la  possibilité  d'obtenir  son  acquitte- 
ment (3)  en  fournissant  à  son  adversaire  une  satisfaction,  donc 

(1)  Loi  des  XII  Tables,  loc.  cit.  Les  quatre  catégories  de  furtum  qu'on 
arrive  ainsi  à  distinguer  :  manifestum,  nec  manifeitum,  conceplum,  obla- 
tum,  n'ont  pas  la  valeur  d'un  classement  systématique;  cette  distinction 
se  base  uniquement  sur  les  quatre  actions  de  vol  que  nomme  la  loi  des 
XII  Tables. 

(2)  Le  fait  qu'en  cas  de  furtum  manifestum  on  réclame  le  quadruple  et 
en  cas  de  furtum  conceplum  le  triple  en  outre  de  l'objet  trouvé  que  l'on 
garde,  tandis  que  d'après  les  XII  Tables  ces  deux  espèces  de  vol  sont 
réprimées  d'une  manière  identique  (111  p.  56  n.  2),  s'explique  par  cette 
considération  que  dans  le  premier  cas  le  recouvrement  de  l'objet  n'est 
pas  aussi  évident  qae  dans  le  second.  —  A  propos  de  l'action  de  rapine, 
dont  le  quadruple  se  rattache  à  celui  du  vol  (II  p.  382J  n.  1),  on  discuta 
sur  le  point  de  savoir  si  elle  comprenait  ou  non  l'indemnité  à  raison  de 
la  chose  prise  (Gains,  4,  8) ,  la  première  opinion  triompha  de  telle  façon 
que  le  triple  seul  fut  considéré  comme  peine.  Lorsque  Paul  dans  un  texte 
(Coll.,  11,  6)  taxe  la  peine  de  Vabigeatus  au  duplum  vel  quadruplum  et  ail- 
leurs {Sent.,  5,  18,  1.  3)  au  duplum  mit  triplum,  il  pense  dans  le  premier 
texte  à  l'opposition  du  furtum  manifestum  et  du  furtum  non  manifestum  et 
dans  le  second  à  celle  du  vol  et  de  la  rapine  (II  p.  381). 

(3)  Gains,  4,  114  ^  Inst.  Just.,  4,  12,  2  :  omniajudicia  absolutoria  esse.  Le 


58  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

en  faisant  en  quelque  sorte  une  transaction  (1).  Si  le  défen- 
deur ne  peut  pas  ou  ne  veut  pas  offrir  cette  transaction,  la 
lids  aestimatio  a  lieu  (2).  On  tient  compte  pour  celle-ci  de 
la  plus  haute  valeur  que  la  chose  a  eue  depuis  le  vol  (III  p.  37 
(754)  n.  5),  sans  s'attacher  ordinairement  à  l'intérêt  que  la  victime 
pouvait  avoir  à  ce  que  le  vol  ne  se  produisit  pas  (3).  Puis,  ap- 
ph'quant  le  multiple  légal,  on  prononce  formellement  la  con- 
damnation pécuniaire  (4).  Par  suite  de  l'indivisibilité  juridique 
du  délit,  on  rend,  lorsque  plusieurs  personnes  ont  pris  part 
à  l'accomplissement  du  vol,  une  condamnation  au  montant 
intégral  de  la  peine  contre  chacun  des  coupables  (o).  —  La 
procédure  d'exécution  est  celle  qui  a  ordinairement  lieu  en 
droit  privé  ;  en  cas  de  paiement,  comme  en  cas  d'insolvabilité, 
le  voleur  n'est  plus  traité  autrement  qu'un  débiteur  quelcon- 


fait  qu'en  cas  de  vol  et  d'autres  délits  du  même  genre  l'infamie  s'attache 
non  seulement  à  la  condamnation,  mais  aussi  à  la  transaction  (III  p.  59 
n.  2),  porte  à  croire  qu'il  s'agit  ici  de  la  transaction  qui  a  lieu  lorsque 
l'existence  du  délit  est  judiciairement  établie  ;  car,  en  cas  de  transaction 
extrajudiciaire,  la  certitude  juridique  que  le  délit  a  été  commis  fait  défaut. 
Gela  n'exclut  pas  d'ailleurs  que  dans  certains  cas,  notamment  lorsque 
l'accusé  paie  une  indemnité  {D'ig.,  3,  2,  6,  3),  la  transaction  ait  l'infamie 
pour  conséquence. 

(1)  Dig.,  4,  4,  9,  2  :  si  poluit  (minor)  pro  fure  damnum  decidere  magis  quam 
aclionem  dupli  vel  quadrupli  pati,  ei  subvenielur.  A  cette  idée  se  rattache 
aussi,  du  moins  en  partie,  l'admission  de  la  transaction  sur  le  furlum 
dans  la  loi  des  XII  Tables  (III  p.  55  n.  3)  et  l'assimilation  de  la  tran- 
saction et  de  la  condamnation  au  point  de  vue  de  l'infamie  (III  p.  59 
n.  2k  Dans  la  procédure  postérieure,  la  transaction  ne  procurait  plus 
d'avantage  véritable  au  voleur,  mais  il  en  fut  autrement  aussi  long- 
temps que  la  condamnation  le  priva  do  la  liberté. 

(2)  Julien,  Dig  ,  25,  2,  22  pr,  :  gui  litis  aeslimalionern  sufJerL,  emploris  loco 
habendus  est.  Dig.,  47.  2,  9,  1.  1.  85.  tit.  6,  1,  pr.  Cpr.  III  p.  78  n.  4. 

(3)  Ulpien,  Dig.,  47,  2,  50,  pr.  :  in  furti  actione  non  quod  inlerest  qi/adrn- 
plahitur  vel  duplahitur,  sed  rei  verum  pretium  (cpr.  47,  8,  2,  13).  Cette  règle 
ne  s'applique  pas  aux  titres  contenant  une  reconnaissance  de  dette  (Dig., 
47,  2,  27.  1.  32.  Paul,  2,  31,  32).  La  disposition  est  surprenante  et  se  fonde 
peut-être  seulement  sur  ce  fait  que  le  multiple  de  la  valeur  paraissait 
embrasser  les  dommages  et  intérêts.  Ce  n'est  toutefois  pas  le  lieu  d'a- 
border cette  question  qui  appartient  essentiellement  au  droit  civil. 

(4)  Gaius,  4,  48. 

(5)  Dig.,  47.  4,  1,  19.  Cod.,  4,  8,  1.  La  multiplication  peut  avoir  lieu  de 
manières  différentes:  l'auteur  peut  être  puni  pour  vol  manifeste  et  l'auxi- 
liaire pour  vol  simple  (Dig..  47,  2,  34). 


APPROPRIATION    DU    BIEN   D'AUTRUI  59 

que  de  somme  d'argent.  Il  est  toutefois  vrai  qu'en  fait  celui 
qui  encourait  Vaddictio  pour  cause  de  vol  était  régulièrement 
jeté  dans  la  prison  des  esclaves  (1). 

La  condamnation  pour  cause  de  vol  a  de  tout  temps  été  infamie. 
considérée  comme  infamante,  lorsque  le  condamné  est  le 
voleur  lui-même  (2).  Celte  règle  s'étend  à  la  transaction  con- 
clue sous  forme  de  rachat  de  la  condamnation  (3).  Cette  infa- 
mie a  notamment  pour  conséquences:  l'impossibilitéde  briguer 
des  charges  d'État  (4)  et  des  charges  municipales,  l'incapacité 
de  siéger  au  Sénat  et  d'être  docurion  (5),  et  également  l'inca- 
pacité de  représenter  d'autres  personnes  en  justice  (6). 

Pour  la  question  de  la  transmissibilité  héréditaire  de  l'o-      (755) 
bligation.  le  vol  commis  vis-à-vis  du  patrimoine  d'un  particu-     Exclusion 
lier  est  soumis  à  la  règle  générale  (7).  Toutefois,  celui  qui,  sans  iransmissibiiiié 
être  aucunement  complice  du  délit,  en  a  retiré  un  profit  (8),     héréditaire 

.      .'  .  ^      '        .      .  et  de  la 

peut  être  contraint  par  une  condictio  de  restituer  à  la  victime   prescription. 
l'enrichissement  injuste  qu'il  a  réalisé  (9). 

Au  point  de  vue  de  la  prescription,  ce  déht  n'offre  également 
aucune   particularité   (10);    l'action,    d'après  l'ancien   droit, 


(1)  Caton,  chez  Aulu-Gelle  H,  18,  18;  fures  privatorum  fiirtorum  in  nervo 
atque  compedihus  aetatem  agunt.  Cette  règle  se  rattache  à  la  loi  Publilia 
d'après  laquelle  l'homme  libre  addictus  ne  pouvait  être  mis  dans  les  fers 
qu'autant  qu'il  était  un  criminel.  Tite-Live,  8,  28,  8  :  ne  qui  {7iexus)  nisi 
qui  noxammeruisset.donec  poenamlueret,  in  compedihus  aut  in  7iervo  teneretur. 

(2)  Dig.,  47,  2,  64  :  non  potent  praeses  provinciae  efficere,  ut  furli  damnalum 
non  sequatur  infamia.  48,  19,  10.  2.  Gaius,  4,  182,'=  Inst.,  4,  16,  2.  Paul,  2, 
31,  15. 

(3)  Parmi  les  personnes  notées  d'infamie  figure  dans  la  lex  Julia  muni- 
cipalis,  1.  110  et  en  termes  presque  identiques  dans  l'édit  du  préteur, 
Dig.,  3,  2,  1  celui  quei  furtei,  quod  ipse  fecit  fecerit,  condemnatus  pactusve 
est  erit. 

(4)  Gicéron,  Pro  Cluentio,  i2.  110.  120. 

(5)  Lex  Julia  municipalis,  1.  109. 

(6)  Dig.,  3.  2,  1.  Gaius,  4,  182. 

(7)  Dig..  47,  1,  1,  pr. 

(8)  Cela  peut  avoir  lieu,  abstraction  faite  du  cas  de  succession,  lors 
d'un  vol  entre  époux  (III  p.  65  n.  3)  et,  lors  du  délit  d'un  fils  de  famille 
et  d'un  esclave,  si  l'action  noxale  n'est  pas  applicable  {Dig.,  15,  1,  3,  12. 
Cad.,  3,  41,  4). 

(9)  (Condictio)  ex  injusta  causa:  Dig,,  25,  2,  6,  5. 

(10)  Gaius,  4,  111  :  furti  manifesti  actio,  quamvis  ex  ipsius  praetoris  juris- 


60  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

ne  s'éteint  par  l'écoulement  d'aucun  laps  de  temps,  elle  ne 
s'éteint,  d'après  le  droit  du  Bas-Empire,  que  par  l'expiration 
d'un  délai  de  trente  ans. 

On  peut  dilTicilement  attribuer  le  caractère  d'action  noxale  à 
la  procédure  que  nous  avons  précédemment  indiquée  comme 
applicable  à  l'esclave  convaincu  d'un  vol  manifeste.  Mais  de- 
puis que  le  vol  donne  lieu  à  une  composition  obligatoire,  il 
est  traité  suivant  les  règles  de  l'action  noxale:  lorsque  le  délit 
a  été  commis  par  un  enfant  en  puissance  ou  par  un  esclave, 
le  père  ou  le  propriétaire  peut  échapper  l'action  ou  à  la  con- 
damnation, à  la  condition  de  livrer  le  coupable  à  la  victime  en 
quasi-propriété  ou  en  véritable  propriété  (1).  En  cas  de  vol 
commis  par  un  groupe  d'esclaves,  les  adoucissements  précé- 
demment indiqués  (ïll  p.  49  50)  se  produisent.  L'action  con- 
tre le  maître  sommeille,  si  celui-ci  n'est  pas  actuellement  en 
possession  de  l'esclave  accusé  (2),  elle  est  anéantie  par  la  mort 
du  coupable. 

Il  nous  reste  à  exposer  le  fonctionnement  respectif  de  l'ac- 
tion qui  sanctionne  le  droit  de  propriété  du  volé  et  de  l'action 
délicluelle  et  à  traiter  de  l'action  personnelle  non  délictuelle 
donnée  à  une  époque  récente  au  volé.  A  ces  deux  points  de 
vue  nous  rencontrons  de  véritables  anomalies. 
Revendication  La  reveudication  de  la  chose  volée  appartient  de  plein  droit 
et  à  tout  éj)oque  au  })ropriétaire,  lorsqu'elle  n'est  pas  para- 
lysée par  une  prescription  acquisitive.  Les  dispositions  de  li 
(736)      loi  des  XI  l  Tables  sur  ce  point  sont  incertaines  (3),  mais  il  est 


dictione  proficiscalur,  perpetuo  dntui-,  et  merifo,  cum  pro  capitali  poena  pecu- 
nlaria  conslitiila  sil. 

(1)  Diçi..  47,  2,  42,  pr.  8.  62,  \.  2. 

(2)  Paul,  2,  31,  37.  Dig.,  9.  4,  H.  1.  21,  3.  47.  2,  17,  3.  H  en  est  autrement 
en  cas  dédommage  causé  à  la  chose  d'autrui  {Dig.,  9,  2,  27,  3);  peut-être 
veut-on  dire  seulement  que  le  maître  peut  faire  la  noxae  dedilio,  même 
si  l'esclave  est  fu^'itif. 

(3)  Loi  des  XII  Tables,  8.  17  ScliôU  [id.  Girard).  La  prohibition  de  l'u- 
sucupion  de  la  chose  volée  est  rattachée  ])ar  Julien  {Dig.,  41,  3,  33,  pr.) 
et  par  les  Institutes  de  Jnstinien  {i,  P,  2)  aux  XII  Tables  ou  à  la  loi 
Atinia;  tandis  que  Gains  (2,  45.  49)  ne  cite  que  la  loi  des  XII  Tables. 
D'après  Aulu-Gelle,    17,  7.   1,  la  loi  Atinia  aurait  été  ainsi  conçue  :  quod 


J 


APPROPRIATION    DU    BIEN    D'AUTRUI  61 

sur  que,  d'après  le  plébiscite  Alinien  du  dernier  siècle  de  la 
République,  la  chose  volée  peut  être  réclamée  à  toute  époque, 
même  au  possesseur  de'^bonne  foi  (1).  Toutefois  cette  revendica- 
tion n'aurait  dû  être  admise  en  droit  qu'autant  que  ce  n'était 
pas  par  l'action  de  vol  que  le  volé  obtenait  satisfaction.  A  rai- 
son du  caractère  arbitral  de  l'instance,  la  procédure  de  com- 
position a  tout  d'abord  pour  objet  la  restitution  de  l'objet  volé 
à  laquelle  s'ajoute  comme  supplément  pénal  le  paiement  de 
l'équivalent  et  le  doublement  n'a  lieu  que  si  la  restitution  n'est 
pas  opérée.  Même  dans  ce  dernier  cas,  l'équité  réclame  qu'on 
écarte  la  revendication  ;  le  vol  de  choses  non  fongibles  serait, 
en  effet,  plus  durement  réprimé  que  celui  de  l'argent  ou  d'au- 
tres choses  du  même  genre  qui  échappent  aisément  à  la  re- 
vendication, si  le  propriétaire  gardait  pour  celte  première 
catégorie  de  choses  la  revendication,  et  si,  par  consét{uent,  eu 
pareil  cas  le  voleur  était  évincé  de  la  chose  volée.  On  trouve 
aussi  des  traces  de  celle  conception  non  seulement  dans  ce 
fait,  qui  n'tsl  d'ailleurs  pas  général,  que  les  actions  de  vol  à 
un  multiple  embrassent  l'indemnité  du  préjudice  causé  (III 
p.  57  n.  2),  mais  encore  dans  cet  autre  fait  que  le  paiement  de 
la  litis  aesiimatio  au  propriétaire  de  la  chose  volée  fait  ces- 
ser l'impossibilité  de  l'usucapion  pour  le  voleur  qui  possède (2). 
Néanmoins,  cette  conception  rationelle  n'a  pas  triomphé  (3); 


subreptum  erit,  ejiis  rei  aeterna  auctoritas  esto.  Ces  termes  de  la  loi  n'ont 
pas  pour  but  de  renouveler  une  prescription  antérieure,  ainsi  que  le 
prouve  la  controverse  des  jurisconsultes  du  dernier  siècle  de  la  Républi- 
que sur  l'effet  rétroactif  de  cette  disposition.  La  conjecture  la  plus  vrai- 
semblable est  que  la  défense  de  la  loi  des  XII  Tables  n'était  dirigée  que 
contre  le  voleur  possesseur  —  ce  n'est  vraisemblablement  que  plus  tard 
qu'on  a  exigé  la  bonne  foi  comme  condition  de  la  possession  extinclive 
de  la  revendication  —  et  que  la  loi  Atinia,  en  excluant  la  prescription 
extinctive,  donna  la  faculté  d'exercer  la  revendication  contre  tout  pos- 
sesseur de  la  chose  volée. 

(\)  Gaius,  4,  8.  111.  Paul.  2,  31,  13.  Inst.,  4,  1,  19.  tit.  6,  18.  Dig.,  11,  3, 
11,  2.  13,  1,  7,  1.  47,  2,  55,  3.  Cod.,  6,  2,  12  et  souvent  ailleurs. 

(2)  Paul.  Dig.,  47,  2,  85  :  quamvis  res  furtlva,  nisi  ad  dominum  redierit, 
usucapi  non  possit,  tamen  si  eo  nornine  lis  aestimata  fuerit  vel  fari  dominas 
eam  vendiderit,  non  interpellari  jam  usucapionis  jus  dicendimi  est. 

(3)  Les  jurisconsultes  donnent  même  comme  motif  de  cette  anomalie 


furliva. 


62  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

(757)  les  actions  de  vol  au  double  ou  au  quadruple  ont  été  ordinai- 
rement considérées  comme  des  actions  purement  pénales,  à 
côté  desquelles  les  actions  qui  sanctionnent  le  droit  de  pro- 
priété restent  possibles  (III  p.  57  n.  2). 

condictio  Le  droit  romain  est  allé  encore  plus  loin  en  étendant  à  tout 
volé  la  condictio  apparue,  comme  nous  le  montrerons  plus 
loin,  à  propos  du  vol  entre  époux  (1).  Accorder  l'action  non 
délictuelle  donnée  contre  l'acquéreur  d'un  enrichissement 
injuste,  lorsque  le  magistrat  refuse  l'action  de  vol  pour  des 
liens  d'affection  qui  unissent  le  voleur  et  le  volé,  c'est  là 
un  fait  anormal,  puisque  le  voleur  n'acquiert  pas,  mais  un 
fait  explicable  ;  il  est  par  contre  difficile  de  comprendre  que 
cette  même  condictio  ait  été  donnée  à  tout  volé,  non  pas 
comme  une  action  qu'il  peut  à  son  choix  exercer  aux  lieux 
et  places  de  l'action  délictuelle,  mais  comme  une  action 
qu'il  peut  intenter  en  même  temps  que  cette  dernière.  Du 
reste,  cette  condictio,  pour  laquelle  on  ne  tient  aucun  compte 
du  délit  commis,  est  complètement  traitée  d'après  les  règles 
des  créances  non  délictuelles  et  se  sépare  par  conséquent  es- 
sentiellement de  l'action  de  vol.  Tandis  que  celle-ci  appar- 
tient à  toute  personne  lésée  par  le  vol,  la  condictio  ne  com- 
pète  qu'au  propriétaire  de  la  chose  volée  (2)  ou  à  celui  qui 
a  un  droit  réel  sur  celte  dernière  (3),  exactement  comme  si  le 
vol  avait  déplacé,  la  propriété.  On  agit  sous  cette  fiction  pour 
la  vaKur  de  la  chose,  y  compris  les  fruits  et  les  dommages 


odio  fururn  quo  tnngis  pluribus  acUonibus  ieneantur  (Gaius,  4,  4  =  Inst.  4,  6, 
14].  A  Trai  dire,  l'application  correcte  de  cette  idée  aurait  conduit  à  des 
longueurs  ;  le  demandeur,  vainqueur  dans  l'action  de  vol,  n'aurait  obtenu 
que  le  simple  de  la  valeur  de  l'objet,  s'il  avait  auparavant  intenté  la  re- 
vendication avec  succès,  et  il  aurait  dii  céder  l'objet  au  voleur,  lorsque 
la  revendication  n'avait  pas  été  intentée. 

(1)  Gaius,  4,  4  =:  InsL.,  4,  G,  14  :  receptum  est,  ut  extra  poeitam  dupli  atit 
quadrupli  rei  recipiendae  noinine  fures  etiam  liac  actione  Ieneantur  «  si  paret 
eos  dure  oportere  ».  Dir/.,  13,  1,  7,  pr.  25.  2,  21.  5.  47,  2,  48,  pr.  47,  6,  2  et 
souvent  ailleurs. 

(2)  Dif/.,  13,  1,  1.  47,  2,  14,  Ifi.  Si  le  propriétaire  de  l'objet  volé  dispose 
volontairement  de  sa  propriété,  par  i'xouii)le.  par  un  legs,  la  condictio  est 
refusée  à  l'ayant  cause  (Dig.,  13,  1,  11). 

(3)  Dig.,  13,  1,  12,  2.  25,  2,  17.  3. 


APPROPRIATION   DU   BIEN   D'AUTRUI  63 

et  intérêts  (1),  que  la  chose  soil  encore  en  la  possession  du 
défendeur  ou  non,  qu'elle  existe  encore  ou  non  (2).  Comme 
action  d'indemnité,  elle  peut  êlre  intentée  pour  son  montant 
intégral  contre  chacun  des  auteurs  proprement  dits  du  vol  (3), 
mais,  l'indemnité  une  fois  fournie,  l'action  ne  peut  pas  être 
dirigée  contre  les  autres  coupables  (4)  ;  la  restitution  de  l'objet  (758) 
volé  (5)  ou  tout  autre  dédommagement  (6)  produit  le  même 
effet;  de  même,  si  le  voleur  lui-même  possède  l'objet  volé,  la 
revendication,  possible  d'après  ce  que  nous  avons  précédem- 
ment dit^  ne  peut  pas  êlre  intentée  à  côté  de  cette  condictio  (7). 
La  conséquence  de  beaucoup  la  plus  importante  de  cette  trans- 
formation des  effets  juridiques  du  vol  a  été  l'extension  de  l'ac- 
tion d'indemnité  aux  héritiers  du  voleur  (8).  Cette  extension 
se  justifiait  d'ailleurs  pratiquement  :  si  le  créancier  du  de  eu- 
jus  a,  vis-à-vis  des  héritiers  de  celui-ci,  absolument  les  mêmes 
droits  que  ceux  qui  lui  appartenaient  contre  son  débiteur  pri- 


(1)  Dig.,  13,  1,  3.  1.  8,  2.  25,  2.  21,  4.  Cod.,  9,  32,  4,  2. 

(2)  Dig.,  13,  1,  8,  pr.  25,  2,  17,  2. 

(3)  Dig.,  13,  1,  6  :  etsi  ope  consilio  alicujus  furtum  faclum  sii,  condictione 
non  tenebitur,  etsi  furti  tenelur.  Le  motif  pour  lequel  la  condictio  n'est  pas 
donnée  coutre  ceux  qui  ont  simplement  aidé  à  l'accomplissement  du  délit 
réside  peut-être  dans  ce  fait  que  Vattvectatio  furtica  fut  conçue  comme 
une  tentative  d'acquisition  de  propriété  et  remplaça  celle-ci  dans  la  liste 
des  conditions  d'exercice  de  l'action.  Toutefois,  en  cas  de  vol  entre 
époux,  la  simple  assistance  prêtée  fonde  la  condictio  (Dig.,  25,  2,  19.  1.  20, 
47,  2,  52.  2). 

(4)  Dioclélien,  Cod.,  4,  8,  1  :  furti  quidem  actione  singulos  quosque  in  soli- 
dum  teneri,  condictionis  vero  nummorum  furtim  subtractorum  electionem  esse 
ac  tum  demum,  si  ab  uno  salisfacturn  fuerit,  ceteros  liberari. 

(5)  Dig..  13,  1,  8,  pr.  1.  10,  pr.  47,  2,  55,  3.  Telle  est  probabltiment  aussi 
la  régie  que  vise  Paul,  2,  31.  34. 

(6)  Par  exemple  par  voie  d'actio  lulelae  :  Dig.,  27,  3,  2,  1. 

(7)  Dig.,  25,  2,  22,  pr.  il,  2,  9.  1. 

(8)  Dig.,  47,  1,  1,  pr.  :  condictio  adversus  eos  [heredes  furis)  competit.  12,  2, 
13,  2.  13,  1,  2.  1.  7,  2.  1.  9.  Cette  règle  est  également  appliquée  au  vol  en- 
tre époux  :  Dig.,  25,  2,  6,  3  :  hères  mulieris  ex  hac  causa  teyiehitur  sicut  con- 
dictionis nomine  ex  causa  furliva.  Dioclétien  n'a  pas  laissé  subsister  cette 
disposition  rigoureuse  {Cod.,  5,  21,  3  :  rfe  rébus,  qiias  divortii  causa  quondam 
uxorem  iuani  abstulisse  proponis,  reruni  amotarum  actione  contra  successores 
ejus  non  in  solidum,  sed  quantum  ad  eos  pervenit...  uli  non  prohiberis)  ;  car 
on  ne  peut  guère  songer  ici  à  des  ayant  cause  à  titre  particulier  comme 
dans  les  cas  cités  III  p.  59  n.  8. 


64  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

mitif,  il  eût  été  choquant  que  celui  qui  avait  été  volé  par  le  de 
cnjiis  n'eût  pas,  au  point  de  vue  de  la  créance  d'indemnité,  les 
mêmes  droits  vis-à-vis  des  héritiers  du  voleur.  —  Quant  à  l'in- 
famie, qu'on  a  voulu  précisément  éviter  en  créant  cette  action, 
il  n'est  pas  incontestable,  mais  vraisemblable,  qu'elle  est  écar- 
tée, même  lorsque  la  condictio  u'esl  pas  intentée  entre  époux. 


Le  système  juridique  qui  traitait  le  vol  commis  vis-à-vis 
du  patrimoine  d'un  particulier  comme  un  délit  qui  ne  pouvait 
être  poursuivi  qu'à  la  réquisition  de  la  partie  lésée  cadrait 
mal  avec  la  vie  plus  complexe  de  la  dernière  période  du  droit 
romain  et  l'exposé  soigné  et  subtil,  que  nous  donnent  les  sour- 
ces juridiques,  des  actions  privées  fondées  sur  le  vol  est  cer- 
tainement plutôt  emprunté  aux  développements  d'école  qu'aux 
données  de  la  pratique  (1).  Toutefois,  à  maints  égards,  no- 
(759)  tainment  pour  le  détournement  et  pour  les  vols  si  fréquents 
d'esclaves,  cette  forme  d'action  n'est  nullement  impropre;  la 
possibilité  (2),  et  même  dans  certains  cas  la  nécessité  (3),  de 
l'action  privée  sont  encore  relevées  dans  les  compilations  de 
Justinien.  La  seule  limitation  de  cette  faculté  est  que  les  tri- 
bunaux ne  doivent  pas  être  importunés  avec  les  petits  vols  do- 
mestiques (4). 

(1)  Aulu-Gelle,  11,  18,  10  indique  déjà  que  l'action  civile  [jure,  alque  or- 
dine)  pour  cause  de  vol  n'est  pas  usitée  Presque  tous  les  textes  relatifs 
au  furtum  sont  empruntés  à  la  littérature  du  droit  civil;  très  peu  aux 
commentaires  de  l'édit  prétorien;  presqu'aucun  ne  provient  des  responsa 
priidentium.  Des  controverses  comme  celle  sur  la  consommation  du  fur- 
tum manifestum  (III  p.  51  n.  5)  auraient  été  très  rapidement  éteintes,  sila 
pratique  s'en  était  occupée. 

(2)  Ulpion.  Dig.,  47,  2,  93  :  si  qui  velit,  polerit  civiliter  nqere.  Julien,  Dig., 
i7,  2.  57,  1. 

(3)  Ulpien,  Coll.,  7,  4,  1  :  furea  ad  forum  remil/endi  sunt  diurni.  Dig.,  47, 
17,  2  :  ai  interdiu  furtum  fecerunt,  ad  jus  ordinarium  remitlendi  sunt.  Tandis 
que  l'ahir/ealus  est  réprimé  par  une  procédure  criminelle,  on  dit  du  simple 
voleur  de  bestiaux  aux  Dig.,  47,  14,  1,  4  :  ad  examinalionem  civilem  remitten- 
dus  est  et  la  mémo  rèplo  est  posée  pour  le  cas  où  le  vol  de  bestiaux  a  eu 
lieu  an  cours  d'un  i)rocés  (Paul,  .'i,  18,  3  =  Coll.,  11,  6,  2). 

('»)  Dig.,  47.  2,  90  :  si  libertus  patrono  vel  cliens  velmercennarius  ei  qui  eum 
conduxerit  furtum  faciel,  furti  aclio  non  nascilur. 


APPROPRIATION   DU   BIEN   D'AUTRUI  65 

2.  Vol  entre  époux  {actio  rerum  amotarum). 
Par  égard  pour  les  liens  du  mariage  les  mœurs  ne  permet-        voi 

.     ,.,  ,  ,,..  ,,.  1,.  entre  époux. 

teut  pas  a  1  époux  ou  a  son  héritier  d  intenter  contre  1  autre 
époux,  même  après  la  dissolution  du  mariage  par  le  divorce 
ou  par  la  mort  (1),  les  actions  infamantes  de  vol  (2)  pour  en- 
lèvement d'un  objet  appartenant  au  premier  époux  ou,  si 
celui-ci  est  en  T^uissa.Qce,  à.  son  paterfamilias.  Toutefois,  comme 
on  ne  peut  pas  équitablement  refuser  un  dédommagement 
pour  le  bien  volé,  on  accorde  au  volé  ou  à  ses  ayants  cause 
et  à  son  paterfamilias  une  action  personnelle  en  répétition  (3)  (760) 
de  même  nature  que  celle  qui  compète  au  créancier  contre  le 

(l)  L'action  est  donnée  à  la  condition,  d'une  part,  que  le  vol  ait  été 
commis  pendant  le  mariage  et,  d'autre  part,  que  le  mariage  soit  dissous. 
Mais  on  traite  aussi  de  la  même  manière  le  vol  commis  antérieurement 
au  mariage  vis-à-vis  d'une  personne  dont  l'époux  a  hérité  ou  vis-à-vis 
de  cet  époux  lui-même  {Dig.,  25,  2.  3,  2)  et  l'action  peut  être  intentée  même 
pendant  le  mariage  [Dig.,  25,  2,  25,  cpr.  1.  6,  5).  Cette  opinion  n'est  pas 
contredite  par  ce  fait  que  dans  ce  cas  l'action  est  désignée  comme  condic- 
tio  fondée  sur  l'absence  de  justa  causa  (Dig.,  25,  2,  25)  ou  comme  actio  de 
damnoin  factum  (Cod.,  5,  21,  2)  ou  comme  condictio  furtiva  {Dig.,  25,  2,  3,  2), 
car  la  condictio  est  une  action  en  répétition  pour  cause  d'enrichissement 
injuste,  toujours  la  même  dans  tous  les  cas,  et  toutes  les  dénominations 
qui  viennent  d'être  rapportées  ne  sont,  comme  celle  à'actio  rerum  amota- 
rum elle  même,  que  des  termes  qui  servent  à  désigner  des  cas  d'applica- 
tion différents  d'une  même  action.  Comme  conséquence  logique,  on  ne 
restreint  pas  le  domaine  de  Vactio  rerum  amotarum  aux  objets  volés,  mais 
on  l'étend  aussi  aux  choses  consommées  sans  droit  (Dig.,  25,  2,  3,  3  :  etiam 
cas  res,  quas  divortii  tempore  mulier  comederit  vendiderit  donaverit  qualibet 
ratione  consumpserit,  rerum  amotarum  judicio  contineri  ;  de  même  1.  23). 

(i)  En  dehors  de  Vactio  furti,  il  faut  également  citer  ici  le  crimen  expila- 
tae  hereditatis{Dig.,  47,  19,  5.  Cod.,  9,  32,  4).  Les  actions  noxales  pour  cause 
de  vol  commis  par  un  esclave  sont  naturellement  permises  (Dig.,  25,  2,  3, 
1.1.  21,  2.  47,  2,  52,  3). 

(3)  Dig.,  25,  2,  6,  pr.  Toutefois,  l'action  de  vol  n'est  refusée  au  détenteur 
de  la  puissance,  en  cas  de  vol  de  choses  dotales,  qu'autant  que  le  père  a 
qualité  pour  réclamer  ces  choses  comme  dotales;  cette  règle  ne  s'appli- 
que pas  lorsque  la  belle-fille  vole  un  autre  objet  appartenant  au  beau- 
père.  Si  l'époux  accusé  de  vol  est  en  puissance,  l'action  de  vol  elle-même 
peut  être  intentée  contre  celui  qui  a  la  puissance  jusqu'à  concurrence  du 
pécule  du  fils  ou  de  la  fille;  car  le  défendeur  n'est  pas  le  coupable  lui- 
même  et  par  conséquent  l'infamie  n'est  pas  encourue.  Du  reste,  le  pater- 
familias n'est  tenu  que  de  restituer  l'enrichissement  qu'il  a  retire  éven- 
tuellement du  délit.  Dig.,  15,  1,  3,  12.  25,  2,  3,  4.  1.  5.  1.  6.  1.  15,  1. 
Droit  Pénal  Romain.  —  T.  IIL  5 


66  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

débiteur  dont  la  dette  est  échue  et,  d'une  manière  générale,  à 
toute  personne  lésée  par  une  acquisition  injuste  contre  l'ac- 
quéreur —  par  exemple  contre  les  avocats  et  les  magis- 
trats comme  sanction  d'une  créance  de  repetundae  (1).  Le  vol 
est  ici  ignoré  eu  égard  aux  personnes  entre  lesquelles  il  se 
produit  et  pour  celte  raison  l'action  reçoit  le  nom  d'actio  re- 
rum  amotarum  {'!).  Les  éléments  du  délit  qui  fonde  cette  ac- 
tion sont  les  mêmes  que  ceux  du  furtiim  (3)  et  les  conséquences 
de  ce  délit  sont,  abstraction  faite  de  l'action  pénale,  identi- 
ques à  celles  du  fiirtum  (4).  Gomme  cette  co?idictio  qui  com- 
pète  à  l'époux  n'est  pas  distincte,  selon  toute  apparence,  de 
celle  qui  fut  plus  tard  accordée  à  tout  volé,  nous  pouvons  ren- 
voyer ici  aux  explications  que  nous  avons  données  à  propos 
de  cette  dernière.  ' 

3.  Vol  commis  vis-à-vis  du  patrimoine  des  dieux  \»acrileginm) 
et  de  l'Etat  {peculatus). 

Le  sacj'ilegium  est,  au  sens  littéral  du  mot  (o)  comme  d'a- 
près l'usage  du  langage  (G),  le  furlum  d'un  bien  appartenant  à 


(1)  Le  furlum  est  aussi  compris  dans  l'action  de  repetundae  (III  p.  14). 

(2)  Dig.,  25,  2,  26  :  rerum  amotarum  actio  condictio  est.  La  diversité  de 
nom  s'explique  par  ce  fait  que  dans  l'édit  du  préteiir  la  rerum  amotarum 
actio  est  traitée  à  propos  du  droit  matrimonial  et  la  condictio  f'urtiva  à 
propos  du  vol.  Ce  n'est  que  dans  les  compilations  de  Justinien  que  la 
condictio  furtiva  a  été  groupée  avec  les  formes  de  coJidictio  naissant  du 
mutuum  et  d'autres  causes. 

(3)  Dig.,  25,  2,  29  :  veritate  furlum  fit.  De  même  1.  1. 

(4)  Actio  rerum  amotarum  contre  la  femme  à  raison  d'instigation  ou 
d'assistance  dans  un  furlum  :  Dig.,  25,  2,  19.  I.  20.  41,  2,  52,  2.  Exclusion 
en  cas  de  prescription  :  Dig.,  25,  2,  29.  Effet  noxal  :  Dig.,  13,  1,  4.  Eva- 
luation de  la  valeur  :  Dig.,  25,  2,  29. 

(5)  Sacrilegium  s'est  formé  comme  spicilegium;  pour  la  seconde  moitié  du 
mot,  cpr.  les  scolies  sur  Virgile,  Egl.,  9,  21,  suhlegere  =  subripere.  Ce 
terme  correspond  philologiquement  et  au  point  de  vue  du  sens  au  mot 
grec  hpotj-jXioL. 

C6)  Cicéron,  De  leg.,  2,  9,  22  explique  sacrilegus  par  ces  mots  sacrum  sa- 
crove  commendalum  qui  cleperit  rapsitqur  et  interprète  loc.  cit.,  16,  49  sa- 
crilegium par  sacrum  aiiferre.  Ces  deux  mots  se  rencontrent  fréquemment 
dans  cette  signification  :  Plaute,  Rud,,  706  et  Sénèque,  De  benef.,  1,  ~l,  1-4; 
Quintilien,  7,  3,  10;  Julius  Victor,  3,  3,  c.  16.  Les  jurisconsultes  des  Pan- 


j 


à 


APPROPRIATION   DU   BIEN   D'AUTRUI  67 

la  divinité  (III  p.  35  n.  2),  comme  le  peculatus  est  le  furtum      (76i) 
d'un  bien  appartenant  à  l'État  (III  p.  35  n.  3).  Malgré  la  diver-    Les  lois  sur 

.  1  •  7       •  1  7  1^  sacrilegium 

sité  de  noms,  le  sacrilegium  et  le  pecuiatus  ont,  sans  aucun  ^ix^pecuiaus. 
doute,  toujours  appartenu,  en  ce  qui  concerne  leurs  règles  de 
fond,  au  même  groupe;  car  les  lois  romaines  distinguaient, 
plutôt  par  habitude  que  dans  un  intérêt  juridique,  le  patri- 
moine des  dieux  de  l'Etat  et  celui  de  l'Etat  lui-même  (1). 

Nous  ne  savons  pas  si  ces  délits  ont  fait  à  l'époque  ancienne 
l'objet  d'une  réglementation  législative  :  ils  peuvent  avoir 
été  visés  par  la  loi  des  XII  Tables,  mais  nous  n'avons  aucun 
témoignage  certain  en  ce  sens.  La  procédure  de  la  quaestio 


dectes  ne  l'emploient  que  dans  ce  sens.  Mais,  en  outre,  à  partir  de  Plaute, 
sacrilegus  apparaît  parmi  les  injures  courantes  (par  exemple,  Tertullien, 
Apol.,  2  :  nomen  homicidae  tel  sacrilegi  vel  incestl  vel  publici  hostis,  ut  de  nos- 
tris  elogiis  loquar)  ;  cet  usage  peut  avoir  contribué  à  dénaturer  le  sens  du 
mot  et,  en  faisant  abstraction  de  la  seconde  partie  du  mot,  à  substituer  à 
l'acception  concrète  et  réelle  la  signification  plus  vague  d'impiété.  Lors- 
que Cornélius  Nepos,  Alcib.,  6,  dans  son  récit  des  profanations  des  mys- 
tères commises  par  Alcibiade,  traduit  la  condamnation  pour  cause 
d'à(7é6£'.a  par  condamnation  pour  cause  de  sacrilegium,  il  fait  sans  doute 
très  correctement  allusion  à  la  spoliation  des  sanctuaires.  Mais,  lorsque 
Tertullien,  Apol.,  28,  désigne  comme  sacrilegium  et  comme  crime  de  lèse- 
majesté  la  violation  du  devoir  qui  incombe  aux  Romains  de  jurer  par  les 
dieux  nationaux  autant  que  par  le  génie  de  l'empereur,  il  y  a  là,  comme 
nous  l'avons  déjà  exposé  (II  p.  272  n,  1)  une  traduction  incorrecte  et,  selon 
toute  vraisemblance,  particulière  à  cet  auteur  du  terme  grec  àOeoTT;;,  pour 
lequel  les  Romains  n'ont  pas  d'expression  correspondante.  Le  nom  de 
sacrilegus,  que  le  biographe  de  Marc-Aurèle,  c.  18,  donne  à  celui  qui 
n'expose  pas  l'image  de  l'empereur  est  tout  au  moins  imprécis.  Dans  la 
dernière  période,  la  signification  du  mot  devient  flottante  même  dans  les 
ouvrages  juridiques.  Abstraction  faite  de  ce  que,  dans  un  langage  impré- 
cis, ce  terme  est  appliqué  à  tout  crime  grave,  il  est  employé,  semble-t-il, 
dans  le  langage  technique  pour  désigner  le  délit  de  religion  chrétienne 
(II  p.  310  n.  2).  Avec  beaucoup  de  maladresse,  on  a,  dans  le  Gode  de  Jus- 
tinien,  fait  de  la  vieille  rubrique  {Dig,,  48,  13)  ad  legem  Juliam  peculatus  et 
de  sacrilegis  et  de  residuis,  où  le  sacrilegus  est  l'auteur  d'un  vol  commis 
au  regard  Id'un  temple,  deux  rubriques  9,  28,  et  9,  29  de  crimine  peculatus 
et  de  crimine  sacrilegii  et  on  a  rangé  sous  cette  dernière  quelques  fautes 
légères  contre  la  religion  et  la  puissance  impériale  qui  ne  constituent 
pas  une  catégorie  propre  de  délits. 

(1)  St.  R.,  2,  47  [Dr.  publ,,  3,  53].  La  vieille  formule  (C.  I.  L.,  I,  185.  186) 
aut  sacrom  aut  poubllcom  locom  ese  montre  clairement  que  ces  deux  expres- 
sions constituent  l'opposition  àprivaium.  et  que  la  division  tripartite  ha- 
bituelle n'est  pas  correcte. 


68  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

a  certainement,  si  cela  n'a  pas  eu  lieu  auparavant,  été  éten- 
due à  ces  délits  depuis  Sylla  et  elle  doit  en  cette  matière  avoir 
fait  l'objet  de  lois  plus  anciennes  (l)  ;  mais  les  seuls  points  qui 
soient  prouvés  à  cet  égard  sont  qu'une  loi  Julia,  qui  d'après 
son  nom  date  de  César  ou  d'Auguste,  a  fixé  les  règles  de  procé- 

(762)  dure  pour  le  vol  des  biens  des  divinités  et  de  ceux  de  l'État  (2), 
et  qu'une  loi  qui  s'appelle  également  Julia,  différente  semble- 
t-il  de  la  première,  a  été  promulguée  sur  les  reliquats  de 
comptes  (rf«?  residuis)(3).  Ces  lois  sont  restées  en  vigueur  dans 
la  suite.  —  En  outre,  les  ieges  templorum  (4)  et  les  lois  mu- 
nicipales ont  maintes  fois  réglé,  pour  leur  cercle  restreint,  la 
procédure  relative  à  ces  délits. 

Notion  Rentre  surtout  parmi  les  biens  des  dieux  tout  ce  qui  a  été 

"*°'" ''^'"'"' consacré  aux  dieux  de  l'État  conformément  au  droit  romain 

{res  sacrae)  (5).  Peu  importe  en  droit  que  ces  objets  se  trou- 


(1)  Dans  le  dialogue  De  deorum  nalura,  placé  dans  les  années  676/18  à 
678/76,  Cicéron,  3,  30,  74  oppose  la  quaeslio  peculalus  à  la  quaestio  testa- 
mentaire introduite  lege  nova.  Nous  ne  savons  pas  si  la  présidence  de  ce 
jury  avait  déjà  été  conliée  auparavant  à  un  préteur  spécial  ou  si  elle 
avait  été  assurée  d'une  autre  manière  ;  en  tout  cas,  il  est  certain  que  de- 
puis Sylla  un  des  préteurs  préside  cette  quaestio  (Cicéron,  Pro  Cluentio, 
34,  94.  53,  147.  Pro  Mur.,  20,  i2.  St.  R.,  2,  201,  n.  3  [Dr.  publ.,  3,  230,  n.  4]). 

(2)  Aux  Dlg.,  48,  13  (cpr.  22,  5,  13.  48,  U  \),  par  lesquels  seuls  nous  con- 
naissons la  loi,  il  est  question  de  la  lex  Julia  peculatus  et  de  sacrilegis  et 
de  résidais,  mais  la  lex  Julia  de  residuis  était  peut-être  une  loi  distincte 
(n.  3).  La  loi  principale  embrassait,  comme  le  confirment  les  dispositions 
particulières,  tout  à  la  fois  le  sacrilegium  et  le  peculatus.  Isidore  range  le 
péculat  dans  le  sacrilegium  en  s'attachant  au  vol  de  deniers  de  l'empereur 
(5,  23,  3  :  sic  judicatur  ut  sacrilegus  quia  fur  est  sacrorum).  —  En  faveur  de 
l'attribution  de  cette  loi  à  César,  on  peut  invoquer  le  silence  de  Suétone, 
Aug.,  34. 

(3)  La  loi  apparaît  comme  distincte  aux  Inst.,  4,  18,  11  et  aux  Dig.,  48, 
13,  2.  1.^5,  pr.,  si  la  rédaction  est  correcte. 

(4)  La  dedicatio  du  temple  de  .Jupiter  dans  le  vicus  de  Furfo  datant  de 
696/38  (C.  /.  L.,  IX,  3513  =  Bruns,  Fontes*',  p.  260)  pose  la  régie  sui- 
vante :  sei  qui  heic  sacrum  surupuerit,  aedilis  multatio  esto,  quanti  volet  ;  id- 
que  veicus  Fur/\ensis)  m[a]y[ocJ  pars  fifeltares  (?)  sei  apsolvere  volent  sive  con- 
demnare,  liceto.  Dans  la  disposition  de  la  vieille  loi  sur  le  bois  sacré  de 
Spoléte  (Bruns,  p.  260  :  neque  ervehilo  ncqiie  esferlo  quod  louci  siet),  c'est 
bien  aussi  au  furtum  qu'il  est  fait  allusion. 

(5)  On  exige  donc  quf  la  dedicatio  soit  accomplie  (Sénèqui',  De  benef.,1, 
7  :  dis  dedicata).  L'extension  de  la  notion  aux  res  religioni  destinatae  (Gor- 
dien, Cod.,  9,  19,  1)  est  un  élargissement  postérieur. 


APPROPRIATION   DU   BIEX    D'AUTRII  69 

vent  dans  ua  lieu  saint  ou  non  (1).  Quant  à  la  question  de  sa- 
voir si  les  choses  des  particuliers  qui  sont  gaidées  dans  un 
sanctuaire  rentrent  dans  les  res  sacrae  et  si  renlèvement  de 
ces  objets  constitue  un  sacrilegium  ou  un  furtum,  elle  était 
controversée  (2).  La  dedicatio  privée  du  simple  citoyen  ne  (763) 
peut  pas  en  général  faire  rentrer  un  bien  dans  le  patrimoine 
des  dieux  (3)  ;  il  n'y  a  d'exception  que  pour  les  sépultures  qui 
ont  fait  l'objet  d'une  dedicatio  aux  mânes  des  ancêtres  {res  re- 
ligiosae)  (4).  Les  biens  des  divinités  d'autres  cités,  raème  de 
cités  amies,  ne  peuvent  Atre  assimilés  (o)  au  patrimoine  des  di- 
vinités romaines  que  par  nn  privilegium  (6). 


(i)  Sans  doute  Cicéron,  Deinv.,  1,  8,  11,  pose  le  dilemme  :  si  quis  sacrum 
ex  priva lo  surripuerit,  an  sacrilegus  sit  Judicandus  ;  mais  la  réponse  ne  peut 
être  douteuse. 

(2)  Dig.,  48,  13,  6  :  divi  Seoerus  et  Antoninus...  rescripserunt  res  privatorum 
si  in  aedem  sacvam  depositae  suhreptae  fuerint.  furti  actionem,  non  sacrilegii 
esse.  Cicéron,  (De  leg.,  2,  16,  40)  se  prononce  en  sens  contraire,  lorsqu'il 
assimile  le  sacrum  au  sacro  commendatum  et  Dig.,  48,  19,  16,  4  :  locus  facit, 
ut  idem  vel  furtum  vel  sacrilegium  sit  concorde  avec  Cicéron.  C'est  là  une 
controverse  aimée  des  rhéteurs  (Quintilien,  3,  6,  38.  40.  4,  2,  8.  68.  4,4,  3. 

5,  10,  39.  7,  3,  10.  21-24).  Pratiquement,  cette  question  a  de  l'importance 
parce  qu'on  déposait  souvent  dans  les  temples  des  deniers  et  des  docu- 
ments privés  (Cicéron,  De  leg.  2,  16,  41  et  autres  textes  ;  Marquardt, 
Handb.,  3,  217  [Manuel  Antiq.  Rom.,  XII,  261]).  En  tout  cas,  Vaedituus  ré- 
pond de  ces  objets  conformément  au  droit  civil  comme  dépositaire  {Dig., 
43,  5,  3,  3;  48,  13,  11.  2). 

(3)  Dig.,  48,  13,  H,  1  :  qui  privala  sacra  vel  aediculas  incustoditas  temptave- 
runt,  amplius  quam  fures,  minus  quam  sacrilegi  merentur. 

(4)  La  lex  mumcipii  Tarenlini  (1.  1)  prescrit  l'exercice  de  cette  action  pé- 
nale, s'il  y  a  soustraction  de  quidquid  ejus  municipi  peguniue  publicae  sacrae 
religiossae  est  erit  et  la  loi  pénale  Julia  s'étend  aussi  à  la  pecunia  religiosa 
(Inst.,  4.  18,  9.  Dig.,  48,  13,  1,  pr.  1.  4,  pr.  1,  11,  2.  Insl..  4,  18,  9  cpr.  Dig., 
48,  13,  5,  3).  En  cas  d'enlèvement  de  statues  ou  d'autres  objets  mobiliers 
appartenant  à  un  tombeau,  il  n'est  toutefois  pas  question  de  sacrilegium 
{Dig,.  47,  12,  2). 

(5)  Cicéron  qualifie  de  péculat  l'enlèvement  des  œuvres  de  sculpture 
laissées  ou  placées  par  les  généraux  romains  dans  les  temples  de  Sicile 
(cpr.  Verr.,  1.  4,  2).  parce  qu'elles  proviennent  du  butin  romain  (\'err.,  4, 
41.  88)  et  appartiennent  en  fait  au  peuple  romain  {Verr.,  act.  1,  4.  11)  ;  par 
ailleurs  de  telles  œuvres  ne  tombent  donc  pas  sous  la  protection  de  la  loi 
pénale  romaine. 

((i)  C'est  ce  que  firent  Auguste  et  Agrippa  pour  les  Juifs  (.losèphe,  16, 

6,  2.  4)  :  quiconque  vole  leurs  livres  saints  ou  des  deniers  appartenant  à 
leurs  temples  doit  être  considéré  comme  kpôo-yXoç  et  son  patrimoine  est 


70  DROIT    PÉNAL   ROMAIN 

Le  vol  commis  vis-à-vis  du  patrimoine  des  divinités  muni- 
cipales est  assimilé  par  les  statuts  locaux  au  vol  d'un  bien  de 
la  cité  (III  p.  69  n.  3). 

Les  éléments  constitutifs  du  furtum  se  retrouvent  dans  le 
sacrilegium:  l'attouchement  (1),  la  restriction  aux  objets  mo- 
biliers (2),  l'intention  de  réaliser  un  enrichissement  injuste  (3), 
le  dommage  causé  à  la  divinité  intéressée. 


du  péculat. 


P 


(764)  Le  vol  d'un  objet  mobilier  appartenant  à  l'État  s'appelle 

Notion  depeculatus  ou  peculatus  publicus  (4),  d'ordinaire  simplenaent 
peculatus  (5).  Ce  furtum  est  ainsi  nommé,  parce  qu'avant  le 
début  de  l'économie  de  monnaie  le  bétail  destiné  aux  sacriâ- 
ces  constituait  l'élément  le  plus  important  du  patrimoine  mo- 
bilier de  la  communauté  et  parce  que  c'était  lui  surtout  qui 
pouvait  faire  l'objet  d'un  vol. 

A  l'époque  historique,  on  rencontre  le  vol  d'un  objet   de 
l'État  dans  les  cas  suivants  : 


confisqué  pour  l'aerarium  romain  ;  les  voleurs  sont  même  privés  de  la 
protection  des  asiles  et  livrés  aux  Juifs  pour  être  punis  i)ar  eux. 

(1)  Julius  Victor,  Ars.  rhet.,  6,  3  :  si  commovisse  aliquid  eorum,  quae  in 
templo  eranl  posita,  aut  contaminasse  (cpr.  III  p.  36  n.  •!)  sacrilegium  vide- 
tur,  quanto  magis  eo  crimine  tenetur  aliquid  de  templo  sustulisse. 

(2)  C'est  ce  qu'indique  le  soin  avec  lequel,  conformément  à  la  loi  Julia, 
on  appuie  sur  la  pecunia  sacra  religiosa  (III  p.  69  n.  4).  Si  la  violation  des 
sépultures  était  rentrée  dans  le  sacrilegium,  nous  en  trouverions  des  tra- 
ces. Relativement  à  Vager  publicus  cpr.  III  p.  43  n.  1. 

(3)  Julius  Victor,  Ars.  rhet.,  6,  1  :  quilucri  faciendi  causa  in  templum  venit, 
sacrilegus  est...  si  non  ut  lucrum  facerem.  sed  ad  ornatvm  commendarem  (prêt 
pour  décoration),  detraxi  aliquid  de  templo,  non  est  sacrilegium. 

(4)  Varron,  Del.L.,  o,  93  (appellarunt  a  pecude)  peculatum  publicum  primo 
ut  (ainsi  dans  le  manuscrit),  cum  pécore  diceretur  mulla  et  id  esset  coactum 
in  publicum,  si  erat  aversum. 

(5)  Festus,  Ep.,  p.  75  :  depeculatus  a  pécore  die i tur  ;  qui  enim  populum, 
fraudât,  peculatus  poena  tenetur.  Le  même,  p.  213  (cpr.  p.  237)  :  peculatus 
est  nunc  quidem  qtialecumque  publicum  furtum,  sed  inductum  est  a  pécore.  Il 
ne  résulte  pas  do  l'expression  malus  peculatus  de  la  langue  légale  (loi 
Acilia,  1.  69;  loi  Cor nùha  de  quaestoribus,  i,  5)  que  le  terme  peculatus  n'ait 
pas  eu  à  l'origine  par  lui-même  un  mauvais  sens  ;  mais  peculatus  doit 
être  entendu,  dès  le  début,  conlme  équivalant  à  dolus  malus  (1  p.  102 
n.  1).  L'àppeiiâtloh  furtum  publicae  pecuniae  ou  furtum  publicum  (III  p.  35 
n.  3)  est  correfcle,  mais  n'est  pas  technique. 


APPROPRIATION    Dr   BIEN    D'AUTRUI  71 

i .  La  soutraction  de  métal  ou  de  monnaies  vis-à-vis  de 
Vaerarium  du  peuple  romain  ou  d'une  autre  caisse  publique  (1) 
est  de  beaucoup  la  forme  la  plus  importante  et  la  plus  fré- 
quente du  péculat.  Ce  sont  surtout  les  magistrats  et  leurs  su- 
balternes qui  sont  à  même  de  commettre  ce  délit  (2).  Le  dé- 
tournement, qui  ici,  comme  dans  le  furtum  privé,  est  traité 
de  la  même  manière  que  le  vol  (3),  apparaît  surtout  à  propos 
du  péculat  (4).  C'est  ainsi  notamment  qu'on  se  sert  de  l'action 
de  péculat  pour  réclamer  au  comptable  de  deniers  publics  le 
reliquat  du  à  Vaerarium  après  reddition  de  compte  {pecuniae  (765) 
residuae)  (o).  En  vertu  d'une  disposition  plus  douce  de  la  loi 
Julia  sur  les  pecuniae  residuae,  la  somme  que  le  comptable 
reconnaît  dans  son  compte  devoir  à  Vaerarium  est  traitée  pen- 
dant un  an  à  partir  du  compte  comme  une  simple,  dette  d'ar- 
gent du  détenteur;  après  cette  année,  ce  comptable  peut  être 
poursuivi,  sinon  par  l'action  de  péculat,  du  moins  par  une  ac- 
tion publique  et  il  est  tenu  de  payer  à  titre  de  peine  en  plus 
de  sa  dette  un  tiers  de  la  somme  due  (6). 


(1)  Dig.,  48,  13,  13  :  qui  perforaverit  muros  vel  inde  aliquid  abstulerit,  pecu- 
latus  actione  tenetiir.  Le  texte,  comme  le  prouve  le  mot  inde,  n'est  pas  com- 
plet; il  ne  se  rapporte  nullement  au  crime  commis  contre  les  murs  de 
la  ville  (II  p.  263  n.  4). 

(2)  Gicéron,  Pro  Mur.  20,  42  :  sors  tristis  atrox  :  quaestio  peculalus,  ex  al- 
téra parte  lacrimarum  et  squaloris,  ex  altéra  plena  catenarum  alque  indicum. 
Sous  le  nom  de  catenae,  il  faut  penser  aux  esclaves  employés  au  service 
de  la  caisse  que  l'accusateur,  en  cas  de  fraude  commise,  force  à  déposer 
comme  complice  ou  comme  témoin. 

(3)  Lorsque  Gicéron  qualifie  de  peculalus  le  fait  par  une  personne  d'em- 
ployer à  son  propre  avantage  les  deniers  destinés  au  paiement  de  la  solde 
(  Verr.,  1.  3,  76,  177)  et  de  prêter  à  intérêts  à  son  propre  profit  les  deniers  de 
l'État  (pecuniae  publicae  feneratio  :  Verr.,  1.  3,  72,  168i,  l'élément  juridique- 
ment  décisif  dans  les  deux  cas  est  l'appropriation  de  l'argent  d'autrui. 

(4)  La  lex  municipii  Tarentini  désigne  le  péculat  par  les  mots  fraudare  et 
arertere  et  la  dernière  expression,  employée  aussi  par  Varron  (III  p.  70 
n.  4),  est  ici  usitée  de  préférence. 

(5)  G'est  à  raison  de  ces  pecuniae  residuae  (ainsi  Gicéron,  Pro  Cluenlio, 
34,  94  et  De  lerj.  agr.,  2,  22.  S9,  où  elles  sont  aussi  nommées  pecuniae  repe- 
tnndae:  cpr.  III  p.  12  n.  1)  qu'un  procès  de  péculat  fut  intenté  en  688/66 
contre  les  héritiers  du  dictateur  Sylla  (Gicéron,  loc.cit.).  Gette  action  s'éten- 
dait égalemeflt  aiix  deniers  prélevés  sut-  lès  caisses  publiques  (Asconius, 
p.  72)  et  à  ceux  qui  provenaient  du  butin  (Gicéron,  De  leg.agr.,  1,  4,  l2). 

(6)  Dig..  48,  13,  11,  6. 


72  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

2.  On  s'est  également  demandé  ici  si  l'objet  mobilier  pu- 
blic, qui  ne  se  trouve  pas  dans  les  caisses  publiques,  doit  être, 
en  cas  de  soustraction,  réclamé  par  l'action  de  péculat  ou  par 
l'action  de  vol  (1);  c'est  incontestablement  la  première  opi- 
nion qui  est  exacte.  Cette  règle  s'applique  notamment  au  bu- 
tin de  la  guerre  (2);  celui-ci  n'appartient  pas  moins  à  l'État 
que  les  objets  déposés  dans  Voerarium.  Le  magistrat  qui  le 
rapporte  chez  lui  peut  en  disposer  librement  et  n'est  pas,  en  ce 
qui  le  concerne,  soumis  à  une  reddition  formelle  de  compte 
comme  pour  les  deniers  de  Vaerarium  qui  lui  ont  été  confiés, 
mais  il  n'a  pas  le  droit  de  le  conserver  ni  de  l'employer  à  son 
profit.  Toute  partie  de  butin  trouvée  en  la  possession  particu- 
lière du  général  est  considérée  comme  volée  (3),  tout  profit 
que  celui-ci  a  retiré  de  l'utilisation  du  butin  est  traité  comme 
un  détournement  (4)  et  l'action  de  pecuniis  residuis  est  éga- 
lement possible  ici  (o). 
(766)  3.  On  a  fait  rentrer  dans  ce  délit  toute  fraude  commise  vis- 


(1)  Dans  la  Rhet.  ad  lier.,  1.  12,  22,  la  question  de  savoir  si  le  vasa  av- 
gentea  piihlica  de  loco  privato  sustidisse  est  un  péculat  ou  un  furtum  appa- 
raît comme  controversée. 

(2)  Diq.,  48,  13,  15  :  is  qui  praedam  ab  hostibus  captam  suhripuit,  lege  pecu- 
latus  tenetur  et  in  quadruplum  condemnatur.  Gpr.  III  p.  69  n.  5. 

(3)  Telle  est  la  règle  sur  laquelle  se  fondent  le  plus  ancien  procès  de 
péculat  que  nous  connaissions,  celui  du  dictateur  Camille  en  363/391  — 
car  le  récit,  provenant  d'une  source  compétente,  s'appuyait  sans  aucun 
doute  sur  l'affaire  des  portes  de  bronze  [aerata  ostia)  du  butin  de  Véies 
(Pline,  N  h.,  34,  3,  13  ;  Plutarque,  Cam.,  12)  et  ne  mentionnait  qu'accessoi- 
rement l'usage  que  Camille  avait  fait  de  chevaux  blancs  pour  son  triom- 
phe —  et  le  procès  intenté  en  668/86  contre  le  fils  de  Cn.  Pompeius  Strabo 
à  raison  de  pièces  du  butin  d'Asculum  qu'il  avait  utilisées  pour  sa  mai- 
son (Plutarque,  Pomp.,  14;  Cicéron,  Brut.,  64,  230).  C'est  précisément  ce 
délit  que  vise  Gaton  chez  Aulu-Gelle,  H,  18,  18. 

(4)  J'ai  exposé  dans  ma  dissertation  sur  les  procès  des  Scipions  {Rom. 
Forsch.,  2,  444  sv.)  la  diversité  pratique  des  règles  applicables  aux  deniers 
de  Vaerarium  et  aux  sommes  provenant  du  butin  et  leur  relation  avec  le 
péculat. 

(5)  C'est  surtout  à  ces  pecuniae  residuae  que  se  rapportaient  les  procès 
de  péculat  intentés  contre  les  liéritiers  de  Cn.  Pompeius  Strabo  (III  p.  12 
n.  3)  et  du  dictateur  Sylla  (III  p.  71  n.  5).  Le  recouvrement  général  de 
toiles  créances  de  Vaerarium,  ordonné  par  la  loi  agraire  de  Servilius  (Ci- 
coron,  De  leg.  agr.,  2,  21  et  ailleurs),  n'était  que  la  réitération  d'une  pres- 
cription ancienne. 


à 


APPROPRIATION    DU   BIEN    D'AUTRUI  73 

à-vis  des  caisses  publiques,  même  si  elle  ne  se  produit  pas  par 
enlèvement  de  deniers,  mais  simplement,  par  exemple,  par  fal- 
sification de  titres,  et  ne  présente  pas  les  véritables  caractères 
du  furtum  (1).  Les  cas  suivants,  que  nous  relevons  spéciale- 
ment, ne  sont  que  des  applications  particulières  de  cette  idée 
générale. 

4.  La  remise  injuste  d'une  créance  appartenant  à  la  cité 
faite  par  le  magistrat  chargé  de  la  recouvrer  (2),  de  même  que 
l'encaissement  d'une  créance  de  ce  genre  par  une  personne 
non  compétente  (3). 

5.  Le  fait  de  diminuer  la  valeur  de  monnaies  frappées  dans 
des  officines  publiques  en  leur  faisant  subir  un  alliage  illé- 
gal (4). 

6.  La  frappe  de  monnaies  publiques  au  delà  du  mandat 
reçu  en  faveur  des  fonctionnaires  chargés  de  ce  service  (5). 

7.  Vraisemblablement  aussi  la  manipulation  (6)  ou  la  sup- 


(1)  La  lex  municipii  Tarentini  fait  rentrer  dans  le  péculat,  à  côté  de  l'fl- 
vertere  de  la  pecunia  piiblica,  le  pitblicum  pejus  facere  per  lilleras  publicas 
fraudemve,  par  exemple  donc  le  mandat  de  paiement  illégal,  ou  peut-être 
même  falsifié,  adressé  à  une  caisse  publique. 

(2)  Gicéron,  Yen-.,  1.  3,  36,  83. 

(3)  Dig.,  48,  13,  11,  3  :  privatam  (pecuniam)  crimen  peculatus  facere,  si  guis 
quod  fisco  debetur  simulans  se  fisci  credilorem  accepit.  Il  faut  bien  supposer 
que,  par  suite  de  quelques  circonstances  accessoires,  le  lise  est  dans  l'im- 
possibilité d'agir  contre  celui  qui  a  payé  à  tort;  sans  cela,  il  ne  subirait 
pas  de  préjudice. 

(4)  Dig.,  48,  13,  1  :  leqe  Julia  peculatus  cavetur...  ne  guis  in  aunim  argen- 
tum  aes  publicum  guid  indat  neve  immisceat...  sciens  dolo  malo  quo  id  pejus 
fiât.  L'altération  même  de  monnaies  de  cuivre  à  l'aide  d'étain  ou  de  plomb 
a  lieu  fréquemment. 

(5)  Dig.,  48,  13,  8,  pr.  :  qui  cum  in  moneta  publica  operarenlur,  extrinsecus 
(en  dehors  de  l'officine)  sibi  (pour  leur  propre  compte)  signant  pecuniam 
forma  publica...  videnlur...  furlum  publicae  monetae  fecisse.  On  pense  dans 
ce  texte  à  une  fabrication  de  pièces  de  monnaies  pour  une  valeur  supé- 
rieure à  celle  du  métal. 

(6)  Gicéron,  De  d.  n.,  3,  30,  74  parle  d'un  procès  criminel  contre  L.  Aie- 
nus,  qui  transcripserit  tabulas  publicas  ou,  comme  il  est  dit  plus  loin,  gui 
chirog raphum  se.r  primorum  (c'est-à  dire  des  chefs  des  scribes  de  l'aura- 
rium  romain)  imilatus  est.  Il  s'agit  sans  doute  d'un  acte  falsifié  peut-être 
par  un  employé  de  Vaerarium  et  se  présentant  comme  extrait  officiel  des 
livres  de  caisse  romains  ;  ce  délit  peut  avoir  été  un  péculat,  bien  que  la 
falsification  des  livres  publics  soit  également  citée  à  propos  de  la  lex 
majestatis  (II  p.  259  n.  2)  et  à  propos  du  falsum  (II  p.  394). 


74  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

(767)  pression  (1)  illégale  des  livres  de  caisse  publics,  et  même,  d'a- 
près un  sénalusconsulte  postérieur,  la  permission  illégalement 
donnée  de  prendre  connaissance  de  ces  livres  (2). 

8.  Il  n'y  a  pas  en  soi  de  péculat,  lorsque  les  deniers  publics 
sont  passés,  du  consentement  de  l'État,  mais  en  vue  d'un  but 
déterminé,  dans  la  propriété  d'un  particulier  et  qu'ils  n'ont 
pas  été.  employés  conformément  à  leur  destination  (3).  Tou- 
tefois la  loi  Julia  sur  les  peciiniae  residuae,  déjà  mentionnée, 
a  également  établi,  pour  la  réclamation  des  deniers  de  l'Etat 
qui  n'ont  pas  été  employés  conformément  à  leur  destination, 
une  action  publique  comprenant  comme  supplément  pénal  un 
tiers  de  la  somme  due  (4). 

9.  Peut-être  a-t-on  fait  aussi  rentrer  dans  le  péculat  la  perte 
dolosive  ou  simulée  d'un  navire  au  préjudice  de  la  caisse  de 
l'État  (5). 

A  l'époque  impériale,  le  patrimoine  de  l'empereur  a  été,  en 
substance,  traité  au  point  de  vue  pénal  comme  le  patrimoine 
de  l'État  (G). 

Le  péculat  municipal,  le  détournement  de  deniers  munici- 


(1)  C.  Curius,  un  parent  de  G.  Rabirius,  fut  accusé  de  peculatu  facto  et 
de  tabulario  incenso  (Gicéron,  Pi^o  Rab.  ad  pop.,  3,  7);  un  chevalier  romain 
de  Picenuni,  homme  notalile,  Q.  Sestius,  fut  accusé  d'avoir  mis  le  feu  à  un 
tabularium  (Gicéron,  De  n.  d.  3,  30,  74).  Il  n'est  pas  certain,  mais  n'est 
pas  invraisemblable,  qu'il  s'agit  ici  de  la  même  affaire  et  que  les  textes 
appartiennent  à  notre  matière. 

(2)  Dig.,  48,  13,  11,  5. 

(3)  Diçi.,  48,  13,  11,  4. 

(4)  Diç/.,  48,  13,  2.  1  5,  pr.  1.  2.  Gette  règle  ne  peut  s'appliquer  aux  cho- 
ses non  fongibles,  même  s'il  y  a  obligation  de  fournir  une  indemnité. 

(5)  Il  y  a  doute  sur  le  point  desavoir,  si  le  préjudice  causé  à  Vaerarium, 
en  provoquant  par  dol  ou  en  simulant  un  sinistre  maritime  entraînant  la 
perte  des  oi^jets  achetés  pour  les  besoins  de  l'armée,  préjudice  sur  lequel 
so  fonde  l'accusation  capitale  dirigée  en  542/212  par  voie  de  procédure 
tribunitienne-comitiale  contre  le  fournisseur  M.  Postumius  (Tite-Live 
25.  3,  10.  11),  doit  être  considéré  comme  un  crime  de  lèse-majesté  ou 
comme  un  péculat.  La  première  opinion  est  plus  vraisemblable,  parte 
que  l'action  est  tribunitienne  et  que  les  éléments  du  délit  indiquent  plu- 
tôt un  damnum  qu'un  fuHuin;  le  fait  que  l'accusé  n'est  pas  un  magistrat 
n'est  pas  un  argument  décisif  contre  cette  opinion  (II  p.  260  h.  6).  Cpr. 
III  p.  79  n.  2. 

(6)  Paul,  5,  27.  Dig.,  48,  13,  8.  1. 


J 


APPROPRIATION    DU   BIEN    D'AUTRII  75 

paux  (1)  et  la  falsification  des  livres  et  des  titres  de  la  cité  (2) 
ont  été  traités  comme  délits  conformément  aux  règles  posées 
dans  le?  différents  droits  municipaux.  Ceux-ci  contiennent 
aussi  des  dispositions  spéciales  sur  les  pecwiiae  residuae;  d'a- 
près la  lex  Malacitana,  l'administrateur  de  deniers  publics  ou 
son  héritier  doit,  dans  un  délai  de  trente  jours  à  partir  de  la  (768) 
cessation  de  l'administration,  rendre  compte  à  la  caisse  muni- 
cipale et  lui  acquitter  le  reliquat  dû  (3).  —  Ces  actes  malhon- 
nêtes commis  vis-à-vis  des  patrimoines  municipaux  n'ont  cer- 
tainement pas  été,  à  l'époque  ancienne,  traités  par  le  droit 
romain  comme  péculat  ;  la  jurisprudence  postérieure  a,  non 
pas,  à  vrai  dire,  sans  hésitation,  assimilé  le  péculat  municipal 
à  celui  qui  est  commis  vis-à-vis  de  l'État  (4). 

Les  éléments  constitutifs  du  furtum  se  retrouvent  aussi  dans 
le  péculat  tel  qu'il  était  originairement  délimité  :  ce  sont  l'at- 
touchement (5),  la  restriction  aux  objets  mobiliers  (6),  l'inten- 
tion de  réaliser  un  enrichissement  injuste,  le  dommage  causé 
à  la  communauté.  Ces  éléments  ne  se  rencontrent  pas  dans  les 
extensions  du  péculat,  notamment  dans  les  peciiniae  residuae. 


(1)  La  lex  municipii  T avenlini  éinhWi  pour  ce  cas  une  action  populaire  au 
quadruple  qui  doit  être  portée  devant  des  récupérateurs  (I  p.  263  n.  3). 

(2)  Gicéron,  Pro  Cluenlio,  14,  41.  44,  125  :  qui  tabulas  publicas  municipii 
manu  sua  corrupisse  judicatus  sil.  On  trouve  des  dispositions  semblables 
dans  des  droits  municipaux  non  romains  :  Gicéron,  Verr.,  1.  2,  37,  90. 

(3)  Lex.  Col.  Mal.,  c.  67. 

(4)  Papinien,  Dig.,  47,  2,  82  :  ob  pecuniam  civitati  sublractam  actione  furti, 
non  crimine  peculaius  tenetur.  En  sens  contraire,  Marcellus,  Dig,,  48,  13,  5, 
4  :  sed  et  si  de  re  civitatis  aliquid  sub>ipiat[ur].  constitutionibus  principum  di- 
vorum  Trajani  et  Hadriani  cavelur  peculaius  crlmen  committi,  et  hoc  Jure 
ulimur.  Il  n'est  pas  possible  de  concilier  ces  deux  textes;  peut-être  les 
constitutions  citées  ne  visaient-elles  que  des  cas  particuliers  et  les  juris- 
consultes se  séparaient-ils  sur  le  point  de  savoir  si  elles  étaient  d'une 
application  générale  ou  non. 

(5)  Paul,  5,  27  :  si  quis  fiscalem  pecuniam  attrectaverit  subripiierit  mutave- 
rit  (cpr.  III  p.  36  n.  3)  seu  in  suos  usus  converterit,  in  quadruplum  ejus  pe- 
cuniae  quam  sustulit  condemnatur.  Dig.,  48,  13,  ï  :  lege  JuHa  peculaius  cave- 
tur,  ne  quis  ex  pecunia  sacra  religiosa  publicave  auferat  neve  intercipiat  fieve 
in  rem  suam  vertal. 

(6)  G'est  ce  que  montre  l'emploi  du  mot  peculaius  et  l'importance  toute 
particulière  donnée  au  mot  pecunia  dans  la  loi. 


I 


76  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

Procédure        La  natuTB  même  du  délit  implique  que  le  vol  d'un  objet 

capitale  en  , .  .     i  >  /■>  •       '    '     3       x       ,.    x  ' 

cas  de       apparlenant  aux  dieux  ou  a  1  Etat  ait  ete  de  tout  temps  re- 
saciiegiurati  primé  d'officc commc  le  crime  d'État  (l)  et  les  renseignements 

de  pecutatus. 

peu  abondants  qui  nous  sont  parvenus  à  cet  égard  confirment 
que  ces  deux  délits  rentraient  originairement  dans  la  compé- 
tence des  questeurs  pour  meurtre.  C'est  certainement  en  s'ins- 
pirant  de  l'ancien  d^oit  que  Cicéron,  dans  sa  constitution  ima- 
ginaire, range  le  sacrilegium  dans  la  notion  procédurale  du 
meurtre  (2),  et  le  plus  ancien  procès  de  péculat  que  mention- 
(769)  nent  les  annales  fut,  d'après  la  meilleure  version,  porté  par  les 
questeurs  devant  les  comices  (3).  —  On  ne  peut  ni  affirmer 
ni  nier  avec  certitude  que  cette  procédure  ait  été  plus  tard 
remplacée  par  le  procès  d'amende  tribunitien.  On  peut  en  fa- 
veur de  l'affirmative  faire  valoir  que  la  procédure  des  ques- 
teurs, qui  ne  connaît  vraisemblablement  pas  d'autre  peine  que 
la  peine  capitale,  ne  cadre  pas  avec  les  tendances  de  la  fin  de 
la  République  et  que  la  communauté  est  aussi  directement  in- 
téressée à  la  répression,  en  cas  de  sacrilegium  eidepecidatus, 
que  dans  les  accusations  à  raison  d'un  crime  d'Etat;  mais  tout 
ce  que  nous  savons  par  ailleurs  sur  la  répression  de  ces  dé- 


(1)  J'ai  méconnu  ce  iioint  dans  mes  Rom  Forsch.,  2,  447.  Si  le  sacrilegium 
et  le  peculaius  avaient  été  uniquement  réprimés  suivant  les  règles  de 
l'action  privée  comme  fitrtum  rei  sacrae  ou  m  publicae,  la  science  du  droit 
romain  n'aurait  nullement  mis  à  part  ces  catégories  de  délit. 

(2)  II  p.  222.  Gicéron,  De  leg.  agr.,  2,  9,  22  :  sacrum  qui  cleperit  rapsilque, 
parricida  esto.  Comme  le  mot  parricidium  n'a  jamais  été  appliqué  aux 
délits  contre  la  propriété,  l'expression  parricida  esto  peut  seulement  si- 
gniûer  que  ce  délit  vient  devant  les  guaeslorcs  parricidii. 

(3)  Sur  le  procès  de  péculat  du  dictateur  Camille  {III  p.  72  n.  3)  nous 
avons  deux  versions:  d'après  l'une  (Pline,  H.  n.,  34,  3,  17,  vraisemblable- 
ment empruntée  à  Pison  ;  cpr.  0.  Hirschfeld  dans  Feslschrifl  fiir  Friedlun- 
der,  p.  131),  l'action  est  intentée  par  le  questeur  Sp.  Carvilius;  d'après 
l'autre,  (Tite-Livo.  5,  32.  8  et  les  écrivains  qui  s'inspirent  de  lui)  par  le 
tribun  de  la  plèbe  L.  Appuleius.  Tandis  qu'une  action  d'amende  tribuni- 
tienne  ne  se  conçoit  pas  l)ien  à  cette  époque  ancienne  et  que  le  nom  dé- 
magogique de  l'institution  révèle  une  origine  tardive,  on  peut  conclure 
de  la  première  version,  bien  qu'elle  ne  soit  pas  plus  confirmée  que  la  se- 
conde, que  des  annalistes  bien  renseignés  font  rentrer  le  i)éculat  dans  la 
compétence  des  questeurs. 


APPROPRIATION   DU   BIEN   D'AUTRUI  77 

lits  est  dans  l'ensemble  défavorable  à  une  telle  conjecture  (1). 
Xous  avons  la  preuve  pour  le  sacrilegium  (2)  et  en  quelque 
sorte  aussi  pour  le  péculat  que  la  peine  était  originairement 
capitale  (3\  Mais  il  est  certain  que  cette  peine  n'a  pas  disparu  (770) 
beaucoup  plus  tard  pour  le  vol  public  que  pour  le  vol  commis 
vis  à-vis  du  patrimoine  d'un  particulier.  Gomme  nous  l'avons 
déjà  dit,  nous  n'avons  pas  de  preuves  suffisantes  que  cette 
peine  ait  été  remplacée  par  une  procédure  d'amende  crimi- 
nelle (4)  et  il  est  bien  possible  qu'on  se  soit  plus  tard  contenté 
à  cet  égard  de  la  procédure  d'indemnité  rigoureuse  dont 
nous  allons  maintenant  parler. 


(1)  En  dehors  de  la  version  plus  récente  du  procès  do  péculat  dirigé 
contre  Camille  (III  p.  76  n.  3),  on  peut  citer  ici  le  procès  de  péculat  in- 
tenté contre  les  Scipions  et  qui  se  termina  par  la  condamnation  de  L.  Sci- 
pio  à  une  amende  pécuniaire  (AuluGelle,  4,  18.  6,  19.  Tite-Live,  38,  56,  8; 
pour  plus  de  détails  :  Rom.  Forsch.,  2,  466  sv.).  Mais  le  fait  que  ce  pro- 
cès fut  intenté  nullo  exemplo  enlève  toute  force  à  cette  preuve. 

(2)  Sénèque,  De  benef.,  1,  7  :  [Dion)  omnes  (sacrilegos)  de  saxo  dejecturus 
est,  sans  aucun  doute  eu  égard  à  la  règle  du  droit  romain.  Julius  Victor, 
Ars  rhet.  3,  15  :  fur  quadruplum  solvat,  sacrilegus  capite  puniatuv.  Claudius 
Saturninus,  Dig.,  48,  19,  16,  4  :  loeus  facit,  ut  idem  vel  furtum  vel  sacrile- 
gium sit  et  capite  luendum  vel  minore  supplicia. 

(3)  D'après  Diodore,  29,  21  =  Excerpta  Vatic,  p.  70,  L.  Scipio  est  me- 
nacé de  la  peine  de  mort  à  raison  du  péculat  qui  lui  est  imputé  (xa-rriyo- 
poûjjisvo;  {itt'  a-JTôJv  —  les  tribuns  qui  accusent  —  Ssivô)  6avâ9a)),  renseigne- 
ment qui  a  sans  doute  été  emprunté  à  Polybe.  On  peut  vraiseml)lable- 
ment  citer  aussi  en  ce  sens  les  procès  intentés  par  les  Génois  contre  les 
Vituriens  qui,  au  dire  des  premiers,  poussaient  à  tort  leurs  troupeaux  sur 
la  campagne  génoise.  D'après  la  sentence  arbitrale  de  637/117  (C.  I.  L.,  V, 
7749  :=  Bruns,  Fondes 6,  p.  358),  les  Génois  devaient  dans  un  délai  déterminé 
rendre  la  liberté  à  ceux  qui  ob  injourias  judicati  aut  damnatl  si/nt,  sei  guis 
in  vinculeis  ob  eas  res  est.  Il  semble  qu'on  pense  ici  à  des  condamnations 
capitales  {judicati)  et  à  des  condamnations  d'amendes  [damnati)  qui  con- 
duisirent à  un  emprisonnement,  parce  que  la  peine  de  mort  ne  fut  pas 
exécutée  et  que  l'amende  ne  fut  pas  payée.  La  notion  générale  d'injuria 
devra  donc,  selon  les  circonstances,  être  appliquée  au  préjudice  causé  à 
la  propriété  publique,  donc  à  des  délits  du  même  genre  que  le  péculat. 

(4)  D'après  la  loi  du  village  de  Furfo,  en  cas  de  vol  d'un  objet  appar- 
tenant à  un  temple  (I  p.  262  n.  3),  1>  chef  du  village  a  le  droit  d'infliger 
une  peine  pécuniaire  dont  il  fixe  arbitrairement  le  montant,  sous  réserve 
de  l'appel  à  l'assemblée  du  village.  Si  l'on  remplace  le  chef  du  village 
par  le  magistrat  et  l'assemblée  du  village  par  le  peuple,  cette  procédure 
concorde  parfaitement  avec  son  modèle;  la  procédure  d'amende  peut  très 
bien  avoir  pris  ici  la  place  de  la  procédure  capitale  e.xclue  dans  cette 
quasi-autonomie. 


78  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

Procédure        A  côlé  de  l'aclioD  pénale  publique  pour  cause  de  sacrile- 

e'n  cas  de     çïuni  ^^  de  peculatiis^  la  communauté  lésée  a  dû  avoir  à  sa 

sacriiegium  (t\,  disposilJon  uue  procédurc  d'indemnité,  car  le  préjudice  subi 

de  peculatus. 

n'est  nullement  réparé  par  la  peine  capitale,  et  si  la  procédure 
d'amende  a  été  permise  dans  ce  cas,  l'amende  ne  pouvait  pas 
être  regardée  en  droit  comme  une  indemnité  (1).  Il  y  a  sans 
doute  eu  de  tout  temps  dans  ce  but  une  forme  de  procédure 
analogue  à  l'action  privée  de  vol  (2),  que  nous  rencontrons 
dans  les  lois  municipales  comme  judicium  publicum,  tantôt 
avec  limitation  au  magistrat  du  droit  d'intenter  l'actiou,  tan- 
tôt sous  la  forme  d'une  action  populaire  (3).  C'est  de  ce  procès 
qui  se  déroule  dans  la  forme  d'une  action  délictuelle  privée 
(771)  et  non  de  la  procédure  à  proprement  parler  criminelle  qu'est 
issue  au  dernier  siècle  de  la  République  la  quaestio  spéciale 
au  sacrileghini  et  au  peculatus.  La  procédure  de  la  quaestio, 
pour  laquelle  on  mentionne  aussi  la  litis  aestimatio  (4).  ne 
peut  pas  avoir  é;é  essentiellement  distincte  de  celle  de  l'ac- 
tion de  vol.  Elle  tend  ordinairement,  d'après  le  droit  ro- 
main comme  d'après  les  droits  municipaux,  à  faire  obtenir  le 
quadruple  du  montant  du  vol  ou  de  la  valeur  des  objets  vo- 


(1)  On  ne  peut  recourir  dans  ce  but  ni  à  la  confiscation  du  patrimoine 
qui  se  lie  à  la  perduellion,  car  le  voleur  d'un  objet  de  la  communauté 
n'est  pas  ■perduellis  (Appien,  B.  c,  3,  54);  ni  à  la  réglementation  consu- 
laire-censoriale  des  rapports  patrimoniaux  entre  la  cité  et  le  citoyen,  car 
cette  institution  ne  s'étend  pas  à  la  matière  des  délits. 

(2)  En  faveur  d'un  procès  civil  par  voie  de  représentation  de  la  cité,  on 
peut  faire  valoir  qu'à  raison  des  fraudes  commises  par  les  fournisseurs 
de  l'armée  pendant  la  guerre  d'Hannibal  (III  p.  74  n.  5)  une  dénonciation 
fut  faite  au  préteur  url)ain  M.  ^Emilius  (ou  M.  Atilius)  et  que  celui-ci, 
après  un  débat  sur  l'affaire  devant  le  Sénat,  ne  donna  pas  suite  à  cette 
dénonciation  (Tite-Live,  23,  3,  12).  Une  procédure  du  même  genre  se  trouve 
sans  doute  aussi  servir  de  base  au  récit  du  procès  des  Scipions  chez  Va- 
lère  d'Antium  [Rom.  Forsc/i.,  2,  445.  471). 

(3)  La  lex  municipii  Tavenlini,  1.  4,  donne,  en  cas  de  péculat,  une  action 
civile  au  quadruple  qu'elle  réserve  au  magistrat  :  qunnli  ea  res  erlt,  qua- 
druplum  rnultae  eslo  eamque  pequniam  municipio  dure  damnas  esio,  ejusque 
pequniae  magistralus  queiquomqtiein  municipio  eril,  petitio  eraclioque  esto  \\a. 
loi  de  Malaca,  c.  67,  donne  l'action  civile  au  double  à  tout  citoyen  :  q(uanti) 
e[a)  r{es)  eril,  tanlum  el  allerum  lanliim  niunicipibus  ejiis  inunicipi  d{are)d(am- 
nas)  e{sto)  ejusque  pecuniae...  qui  volet.,  aclio  pelilio  perseculio  eslo. 

(4)  Cicéron,  /Vo  Mur..  20,  42. 


APPROPRIATION   DU    BIEN    D'AUTRUI  79 

lés  (1);  mais,  dans  les  cas  les  moins  graves,  la  condamnation 
ne  s'élève  qu'au  double  (2)  ou  ne  comprend  même  qu'un  sup- 
plément pénal  du  tiers  (III  p.  71  n.  6,  III  p.  74  n.  4).  Pen- 
dant un  certain  temps,  la  vieille  procédure  capitale  et  l'action 
d'indemnité  se  sont  maintenues  à  côté  l'une  de  l'autre  dans 
la  théorie,  comme  le  procès  comitial  de  perduellion  a  sub- 
sisté à  cùté  de  l'action  de  lèse-majesté  ;  c'est  pour  cela  que  le 
sacrilegium  a  encore  été  traité  longtemps,  au  moins  nomina- 
lement, comme  crime  capital  (III  p.  76  n.  2).  Mais  on  vit 
alors  apparaître  dans  la  procédure  de  quaestio  des  peines  cri- 
minelles proprement  dites  pour  le  délit  principal  :  la  loi  Julia 
introduisit  vraisemblablement  le  bannissement  hors  de  l'Italie 
et  l'interdiction  (3);  celle-ci  fut  remplacée,  suivant  l'évolution 
ordinaire,  par  la  déportation  pour  les  personnes  de  condition  et 
par  les  travaux  forcés  pour  les  petites  gens  (4).  A  côté  d'elles, 
la  peine  du  quadruple  pouvait  subsister,  car  riulerdiclion  ne 
privait  pas  le  condamné  de  son  patrimoine  et  pratiquement 
la  déportation  ne  s'appliquait  vraisemblablement  que  comme 
peine  maxima. 

Pendant  la  dernière  période  de  l'époque  impériale,  le  vol 
d'un  objet  appartenant  à  un  temple  fut  rangé  parmi  les  vols 
qualifiés  et  nous  aurons  à  en  reparler  à  propos  de  ces  der- 
niers (III  p.  85).  Quant  au  péculat  des  magistrats,  les  empe- 
reurs, en  vertu  de  leur  pouvoir  répressif  illimité,   l'ont   fré- 


(1)  La  lex  municipii  Tarentini  1.  4  (III  p.  78  n.  3),  Paul,  5,  27  rz  Edit  de 
Théodoric,  115.  Dig.,  48,  13,  8,  1.  1.  15.  Indemnité  du  quadruple  en  cas  d'ac- 
ceptation d'un  prêt  d'argent  sur  les  fonds  des  caisses  publiques  :  C.  Th., 
10,  24.  1  rr  C.  Just.,lQ,  6,  1.  Par  contre,  il  suffit  ici,  lorsqu'il  y  a  plusieurs 
coupables,  d'une  seule  prestation  du  quadruple  (Dig.,  49,  14,  46,  9  :  si  mulli 
fisco  fraudem  fecerint,  non  ut  in  aclione  furli  singuli  solidum,  sedomnes  semel 
quadrupli  poenam  pro  virili  portione  debent.  Sane  pro  non  idoneis  qui  sunt  ido- 
nei  conveniuntur). 

(2)  Telle  est  la  règle  posée  par  le  droit  municipal  de  Malaca  pour  le 
cas  où  les  pecuniae  residuae  ne  sont  pas  acquittées  à  temps  (III  p.  78  n.  3). 

(3)  Nous  n'avons  pas  de  témoignage  en  ce  sens,  mais  il  est  vraisem- 
blable que  la  déportation  s'est  également  ici  substituée  à  l'interdiction. 

(4)  Dig.,  48,  13,  3.  1.  8,  1.  Le  vol  d'un  bien  appartenant  à  un  temple  est 
puni  de  la  même  manière  (III  p.  83). 


80 


DROIT    PÉNAL    ROMAIN 


(772) 

Action 

de  péculat 

contre 

les  héritiers. 


Prescription 
de  raclioQ 
de  péculat. 


querament  réprimé  plus  sévèrement  et  même  parfois  frappé 
de  la  peine  capitale  (1). 

La  règle  générale,  d'après  laquelle  le  délit  s'éteint  par  la 
mort  du  coupable  et  l;i  peine  ne  peut  être  réclamée  des  héri- 
tiers qu'autant  que  le  procès  a  été  engagé  du  vivant  de  l'ac- 
cusé, a  été  écartée  en  cas  de  peculatus  et  sans  doute  aussi  en 
cas  de  sacrilegium.  Nous  avons  déjà  mentionné  les  procès  in- 
tentés dans  la  forme  de  la  quaestio  contre  les  héritiers  de  Cn. 
Pompeius  Strabo  (III  p.  72  n.  3)  et  du  dictateur  Sylla  (III 
p.  71  n.  ;j),  et  même,  d'après  les  témoignages  de  l'époque 
postérieure,  les  actions  de  ce  genre  ne  se  sont  pas  limitées  à 
la  réclamation  de  l'enrichissement  ou  de  l'indemnité  du  sim- 
ple, mais  elles  ont  été  permises  contre  les  héritiers  dans  la 
même  mesure  que  contre  le  coupable  lui-même  (2).  II  n'y  a 
pas  de  principe  qui  justifie  cette  procédure  exceptionnelle,  on 
ne  peut  que  l'excuser  au  nom  de  l'intérêt  public  (3). 

Par  exception,  ou  fixa  un  délai  de  cinq  ans  pour  la  prescrip- 
tion de  l'action  en  matière  de  péculat  (4). 


Vol 
de  moissonâ. 


4.  Vol  de  moissons. 


La  loi  des  XII  Tables,  à  notre  connaissance,  ne  frappe  d^une 
peine  publique  le  vol  d'objets  appartenant  à  des  particuliers 
que  dans  une  seule  hypothèse:  en  cas  de  vol  de  moissons  sur 
[)i('d,  lorsqu'on  le  commet  la  nuit  en  faisant  pacager  les  récol- 


P^ 


(1)  C.  r/i.,9.  28,  1  —  C.Jusl.  9.  28,  1.  Gpr.  C.  Th.,  9,  27,  5  (adoucie,  C.  Jusl., 
9,  27.  3).  C.  Th,.  10,  24,  2  =  C.  Just.,  10,  C,  2.  On  signale  des  mesures  sé- 
vères contre  le  péculat  de  la  part  d'Aurélien  (vila,  39)  et  de  Valens  {Amm., 
31,  14,  2). 

(2)  Cela  est  dit  de  la  manière  la  plus  nette  dans  le  droit  municipal  de 
Malaca  (III  p.  78  n.  3).  De  même,  le  langage  de  Papinien  Dig.,  48,  13.  16: 
jjublica  jiidkia  peculatus  et  de  rexiduis  et  repelundarum  similiter  adversus  lie- 
redem  exerrenlur  ne  peut  pas  être  interprété  dans  le  sens  d'une  simple 
obligation  de  restituer  l'enrichissement. 

(3)  Lorsque  Papinien,  toc.  cit.,  poursuit  :  nec  immerito,  cum  in  lus  quaci^lio 
pr/ncipalis  afjlatue  pecuniae  moveatur,  cela  ne  peut  s'appliquer  au  supplé- 
ment pénal  et  pourrait  être  dit  avec  autant  df  raison  de  l'action  privée 
de  vol. 

(4)  Dig.,  48,  13,  9. 


APPROPRIATION   DU   BIEN   D'AUTRUI  81 

tes  par  des  troupeaux  ou  en  les  coupant  (1),  ou  encore  lorsqu'on 
le  réalise  au  moyen  de  sortilèges  (2).  La  cause  de  cette  règle 
spéciale  est  que  le  possesseur  n'est  pas  en  état  de  se  défendre 
contre  ces  deux  sortes  de  préjudice.  La  preuve  que  ce  délit  (773) 
est  réprimé  comme  délit  public  résulte  non  seulement  de  son 
groupement  avec  le  meurtre,  mais  aussi  de  Idi  sacratio  (3).  Cette 
procédure  est  certainement  tombée  rapidement  en  désuétude; 
nos  sources  juridiques,  dans  leurs  mentions  fréquentes  du  vol 
de  moissons,  ne  font  jamais  allusion  à  la  vieille  prescription 
pénale.  Il  y  a  également  eu,  d'après  la  loi  des  XII  Tables,  en 
cas  de  vol  de  moissons,  une  procédure  d'indemnité  ;  toutefois 
les  dispositions  du  droit  romain  à  cet  égard  ne  nous  sont  pas 
connues  d'une  façon  suffisamment  claire  (4). 

5.  Vol  qualifié  de  l'époque  impériale. 
11  est  naturel  que  de  tout  temps  les  chefs  de  la  cité  romaine    voi  qualifié 

,       .     .  .  1  ,  .  de  l'époque 

soient  intervenus  par  voie  administrative  contre  les  catégories  impériale. 
de  voleurs  qui  ne  causent  pas  seulement  un  préjudice  aux  par- 
ticuliers, mais  qui  mettent  aussi  en  danger  la  sécurité  publi- 
que. Le  gouvernement  romain  ne  se  laisse  guère  arrêter  par 
des  scrupules  juridiques  dans  son  intervention  administrative 
arbitraire,  qui  se  produit  surtout  vis-à-vis  des  couches  inférieu- 
res de  la  population  de  la  capitale.  Le  manque  de  continuité 


(1)  Pline,  H.  n.,  18,  3,  12  (=  Schôll  8,  8  [Girard.  8,  9])  :  fruqem  aratro 
quaesitam  fuvtim  noctu  pavisse  ac  secuisse  puberi  XII  tabulis  capital  o'at  sus- 
pensumque  Cereri  necari  jubeianl  rjravhis  quam  in  homicidio  convictum ,  impu- 
bem  praetoris  arhitratu  verberari  noxlamve  diiplionemve  decerni. 

(2)  Scholl,  8,  1  [Girard,  8,  8].  On  interdit  alienos  fructus  excantare  (Sé- 
nèque,  N.  q.,  4,  1  ;  presque  dans  les  mêmes  termes  :  Pline,  H.  n.,  28,  2,  17) 
ou  frttges  aliénas  veneficiis  pellicere  (Pline,  H.  n.,  18,  6,  41,  de  même  Servius 
sur  Virgile,  Ef/L,  8,  99)  sous  peine  du  supplicium  (Gicéron,  chez  Augus- 
tin, De  c.  d.,  8,  19).  Cette  action  est  encore  portée  à  une  époque  relative- 
ment tardive  devant  le  tribunal  du  peuple  dans  la  forme  d'une  procédure 
d'amende  édilicienne  (Pline  n.  h.  18,  8,  41-43). 

(3)  Sur  la  conception  de  la  peine  publique  comme  sacrifice  et  sur  son 
exécution  par  crucifiement  cpr.  le  Liv.  suiv. 

"(4)  Le  passage  cité  n.  1  parait  ordonner,  pour  le  cas  où  le  coupable 
est  un  impubère  en  puissance,  la  procédure  privée,  c'est-à-dire  l'action 
de  vol  noxale. 

Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  6 


82 


DROIT    PÉNAL    ROMAIN 


(774) 


de  ce  régime  et  la  mollesse  qui  s'est  manifestée  dans  son  ap- 
plication ont  été  les  principales  causes  qui  l'ont  empêché  d'as- 
surer l'ordre  et  la  sécurité;  il  n'y  a  aucun  doute  sur  ce  point. 
L'avènement  de  la  monarchie  a  opéré  un  changement  à  cet 
égard,  du  moins  dans  une  certaine  mesure;  mais  cette  réforme 
eut  plutôt  lieu  par  un  accroissement  de  la  répression  admi- 
nistrative que  par  une  modification  de  la  loi  pénale.  Les  nou- 
veaux fonctionnaires  de  la  capitale,  dépendant  immédiatement 
de  l'empereur,  notamment  le  préfet  de  la  Ville  et  le  préfet  des 
vigiles,  ont  inauguré  une  administration  de  la  justice  très 
énergique  et  sommaire,  et  un  mouvement  analogue  eut  lieu 
dans  une  certaine  mesure  pour  les  provinces  où  l'action  du 
pouvoir  central  provoqua  un  fonctionnement  plus  rigoureux 
de  la  police  de  sûreté.  Cette  réaction  eut  surtout  lieu  à  l'égard 
des  délits  contre  la  propriété. 

Nous  ne  trouvons  de  prescriptions  de  droit  pénal  en  ce  sens 
qu'à  partir  du  second  siècle  de  l'ère  chrétienne  ;  depuis  lors,  il 
peut  être  question  quant  au  fond  —  car  il  n'y  a  pas  d'expres- 
sion spéciale  à  cet  égard  —  d'un  vol  qualifié,  c'est-à-dire  d'une 
répression  criminelle  de  certaines  catégories  de  vols  dési- 
gnées comme  délits  extraordinaires.  11  leur  manque  à  tous 
d'être  formellement  réprimés  sur  le  fondement  de  vieilles 
lois;  de  là  vient  leur  nom  de  délits  extraordinaires  (1),  mais 
au  fond  ils  appartiennent  à  l'administration  régulière  de  la 
justice  (III  p.  64  n.  1)  et  sont  traités  comme  tels  par  la  science 
du  droit.  La  fixation  du  taux  de  la  peine  est  ici  encore  beau- 
coup i)lus  arbitraire  que  pour  les  délits  ordinaires  de  cette 
époque,  (2)  toutelois,  lorsqu'il  n'y  a  pas  de  circonstances  par- 


(1)  Rigoureusement  cette  appellation  signifie  seulement  que  le  magis- 
trat examine  cette  alïaire  en  dehors  de  l'ordre  fixé  par  le  rôle  {Coll.,  7,  4, 
1  :  fures  ad  forum  reynillendi  suiit  diurni,  nocLurnique  extra  ordinem  audiendi), 
mais  cela  revient  au  sens  indiqué  au  texte.  Pour  les  délits  ordinaires,  la 
loi  qui  les  concerne  indique  l'ordre  précis  à  suivre  pour  l'examen  des 
afTaires;  cette  base  fait  défaut  pour  les  délits  extraordinaires.  On  oppose 
à  ces  derniers  le  judicium  publicmn.  Dig.,  47,  14,  2  :  abir/eatus  crimen  publici 
judicii  non  est,  quia  furtum  magis  est.  Difj.,  47,  2.  93. 

(2)  Ce  qui  est  dit  des  e.vpilatores  :  nulla  spccialis  poena  rescriplis  principa- 


I 


APPROPRIATION  DU   BIEN    D'âUTRUI  83 

liculièrement  aggravantes,  notamment  lorsqu'il  n'a  pas  été 
fait  usage  d'armes,  on  ne  dépasse  pas  la  relégation  pour  les 
personnes  de  condition  et  les  travaux  forcés  pour  les  petites 
gens  (1).  En  outre,  la  peine  publique  ne  peut  pas  être  cumulée 
avec  la  peine  privée  (2).  Ces  délits  sont  principalement  répri- 
més par  voie  de  cognitio  ;  toutefois,  bien  qu'ils  ne  rentrent 
pas  dans  le  champ  d'application  des  judicia  publica,  on  leur 
applique  aussi  parfois  la  procédure  d'accusation  (3).  La  seule 
restriction  est  qu'il  ne  faut  pas  importuner  les  tribunaux 
dans  cette  forme  avec  des  vols  de  peu  d'importance  (4).  Nous 
devons  maintenant  dresser  la  liste  de  ces  catégories  de 
vols  qualifiés  qui  se  rattachent,  pour  partie,  à  certaines 
particularités  du  milieu  de  la  capitale,  et  pour  partie,  comme 
l'abigeat,  à  des  états  de  choses  spéciaux  au  milieu  provincial.  (775) 
Dans  l'ensemble,  ils  offrent  plus  d'intérêt  pour  les  sciences 
sociales  que  pour  le  droit;  en  outre,  maints  détails  restent 
obscurs. 

1.  Lorsqu'un  délit  contre  la  propriété  est  commis  à  main 
armée,  le  droit  pénal  ne  le  réprime  pas  comme  tel,  car  cet  acte 
tombe  sous  le  coup  de  la  loi  sur  le  meurtre.  Toutefois,  s'il  n'y 


libus  imposita  est  ;  idcirco  causa  cognita  liberum  erit  arbitviumJïstatuendi  ei  qui 
cognoscit  (Ulpien,  Dig.,  47,  18,  1,  1)  s'applique  à  toutes  les  catégories. 
D'après  une  constitution  d'Alexandre  Sévère  {vita,  15),  on  interdit,  par 
voie  administrative,  au  voleur  de  séjourner  dans  les  villes. 

(1)  Ulpien,  Dig.,  47,  18,  1,  2:  oporlehit  aeque  et  in  effractores  et  in  ceteros 
supra  scripfos  causa  cognita  statui,  prout  admissum  suggerit,  dummodo  ne  quis 
in  pleheio  operis  publici  poenam  vel  in  honestiore  relegationis  excédât. 

(2)  Paul,  5,  18,  1.  Dig.,  47,  2,  57,  1. 

(3)  Ulpien,  Dig.,  47,  2,  93  :  meminisse  oportebit  nunc'^furti  plerumque  crimi- 
nalité)' agi  et  eum  qui  agit  in  crimen  subscribere,  non  quasi  publicum  sit  judi- 
cium,  sed  quia  visum  est  temerilatem  agentium  etiam  extraor dinar ia  animad- 
versione  coercendam.  La  procédure  d'accusation  est  également  mentionnée 
ici  à  propos  du  vol  d'hérédité  {Dig.,  47,  19,  1)  et  à  propos  de  l'abigeat  et 
n'y  est  nullement  considérée  comme  une  anomalie,  ainsi  que  cela  res- 
sort de  l'extrait  inexact  {Cod,  Just.,  9,  37,  1)  de  la  constitution  correc- 
tement rapportée  au  C.  Th.,  2,  i,  8,  1. 

(4)  Marcien.  Dig,,  48,  19,  11,  1  :  furta  domestica  si  viliora  sunt  publice  vin' 
dicanda  non  sunt  nec  admittenda  est  hujusmodi  accusatio,  cum  servus  a  domino 
vel  liberlus  a  patrono,  in  cujus  domo  movatur,  vel  niercennarius  ab  eo,  cui  ope- 
ras  suas  locaverat,  o/fertur  quaestioni. 


84  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

a  pas  eu  de  blessure  causée,  le  délit  est  aussi  traité  comme 
vol  grave  (1). 

2.  Les  aubergistes,  qui  font  profession  de  donner  abri  aux 
brigands  et  aux  voleurs  {receptores  ou  receptatores)  (2),  sont 
frappés  au  criminel  d'une  peine  que  le  droit  ne  détermine 
pas  (3).  On  s'attache  ici  principalement  au  fait  de  recevoir  des 
criminels,  mais  on  tient  également  compte  de  la  réception  des 
biens  volés,  c'est-à-dire  du  recel  (4). 

3.  Le  ravisseur  de  bétail  [abigeus)  est  traité  comme  voleur 
qualifié,  lorsqu'il  a  chassé  le  bétail  de  la  prairie  (5)  ou  même 
de  l'écurie  (6),  à  la  condition  qu'il  enlève  au  moins  un  éta- 
lon ou  deux  juments  ou  deux  vaches  ou  cinq  porcs  ou  dix 
moutons  ou  dix  chèvres  (7).  Les  principales  circonstances  ag- 
gravantes sont  l'emploi  d'armes,  l'accomplissement  du  délit 
en   bande  (8),   la   répétion  du  délit  (9)  et  aussi  la  fréquence 

(776)      de  ce  délit  au  même  endroit  (10).  On  rencontre  ici  la  peine  de 


(1)  Coll.,  7,  4,  2  =  Dirj..  47,  17,  1. 

(2)  Paul,  5,  3,  4  :  receptores  adgressorum  itemque  latronum  eadem  poena 
adficiiintur  quaipsi  latrones.  Ulpien,  Diq.,  i,  18,  13  jor.  :  (praeses)  et  sacvilegos 
latrones  plagiarios  fiires  conquirere  débet...  receptoresque  eorum  coercere,  sine 
quitus  latro  diutius  latere  non  potest.  De  même,  Dig.,  1,  15,  3,  1.  47,  16,  1. 
C.  Th..  9,  29,  2=  C.  Just.,  9,  39,  1,  1.  Callislrate,  Dig.,  47,  14,  3,  3:  recepto- 
res abigeorum. 

(3)  Sous  le  nom  de  receptatores ,  on  pense  surtout  à  ceux  qui  donnent 
l'hospitalité  aux  voleurs  de  grand  chemin  ;  mais  étant  donné  que  chez 
Paul,  loc.  cit.,  comme  au  titre  des  Dig.,  47,  16  de  receptatoribus,  il  en  est 
question  à  propos  de  la  liste  des  crimes  extraordinaires,  il  m'a  paru 
plus  convenable  de  n'en  traiter  ici  qu'à  propos  du  vol  de  grand  chemin. 

(4)  Dig.,  47,  9,  3,  3.  Les  deux  choses  se  confondent  quand  on  donne  abri 
à  un  esclave  fugitif. 

(5)  Paul,  Coll.,  11,  2:  de  stabulo  vel  de  pascuis.  Ulpien,  Coll.,  11,  8,  1  r=: 
Dig.,  47,  14,  1,  1  :  ex  pastu  et  ex  armentis. 

(6)  Paul.  loc.  cit.  Dig.,  47,  14,  3,  1. 

(7)  Paul,  5,  18,  1,  cpr.  Coll.,  H.  3.  Gallistrate,  Dig.,  47,  14,  8  indique  des 
chiiîres  un  peu  différents. 

(8)  Paul,  C<dl.,  11,  2  :  aut  ferro  aut  conducla  manu. 

(9)  Paul,  Coll.,  11,  2:  (ou  il  faut  rayer  vel  avant  si)  ;  Gallistrate,  Dig., 
47,  14,  3,  2.  Rechute  :  Coll.,  11,  7,  2.  Profession  :  Coll.,  11,  8, 

(10)  Hadrien,  Coll.,  11,7:  puniuntur  ilurissime  non  ubique,  sed  ubi  frequen- 
tiiis  est  hoc  genus  malnficii.  Gela  semble  avoir  été  notamment  le  cas  dans 
la  Bétique  ;  Virgile  {Georg.,  3,  408  avec  les  scolies)  le  dit  déjà  et  les  cons- 
titutions d'Hadrien  et  d'Antonin  le  Pieux  (Coll.,  11,  6.  7),  relatives  à  cette 


APPROPRIATION   DU    BIEN   D'aUTRUI  85 

mori,  notamment  lorsque  le  voleur  s'est  servi  d'armes  (1).  Or- 
dinairement, ce  délit  est  réprimé,  chez  les  personnes  de 
condition,  par  la  relégation  et  la  perte  de  la  situation  honori- 
fique (2),  et.,  chez  les  petites  gens,  abstraction  faite  de  la 
correction,  par  les  travaux  forcés  à  temps  ou  à  perpétuité  (3). 

4.  Le  vol  d'un  bien  appartenant  aux  dieux  apparaît  main- 
tenant comme  vol  qualifié.  On  ne  retrouve  pas  ici  la  res- 
triction formelle  du  sacrilegium  aux  sanctuaires  du  peuple 
romain;  mais  la  peine  s'élève  si  le  préjudice  atteint  un  sanc- 
tuaire public  et  fréquenté  (III  p.  69  n  3.)  En  général,  les  vo- 
leurs de  temple  sont  punis  de  la  déportation,  s'ils  appartien- 
nent aux  meilleures  classes,  et  des  travaux  forcés,  si  ce  sont 
de  petites  gens.  Le  vol  a-l-il  eu  lieu  la  nuit  avec  effraction  et 
en  bande,  on  condamne  à  une  peine  de  mort  rigoureuse  (4). 

0.  Le  voleur  avec  effraction  {effractarius,  effractor){"j),  no- 
tamment si  le  délit  est  commis  la  nuit  (6).  Il  peut  aussi  être 
poursuivi  à  raison  de  la  violence  commise  (II  p.  381).  On  men- 
tionne incidemment  l'application  de  la  peine  de  mort  au  regard 


catégorie  de  délits,  sont  faites  pour  ce  pays.  Il  est  intéressant  de  signaler 
que  Valentinien  I,  pour  remédier  aux  vols  de  bestiaux  dans  l'Italie  cen- 
trale et  inférieure,  y  défendit  l'usage  des  chevaux  aux  personnes  qu'il 
n'exceptait  pas  de  sa  prohibition  (C  Th.  9,  30). 

(1)  Coll.,  11,  8,  4  rz:  Dig.,  47,  14,  1,  3:  Romae  etiam  besliis  subici  ablgeos 
videmus,  et  sane  qui  cum  gladio  abigunt,  non  inique  hac  poena  adficiuntur. 
Coll.,  li,  2.  6.  Dig.,  47,  14,  2.  En  général,  la  peine  de  mort  est  critiquée  et 
le  mot  gladius  dans  une  constitution  bizarrement  rédigée  d'Hadrien  est 
au  moins  interprété  comme  ne  désignant  que  la  condamnation  aux  com- 
bats de  gladiateurs  (Coll.,  11,  7).  Edit  de  Théodoric  56-5S. 

(2)  Coll.,  il,  8,  3  zr  Dig.,  47,  14,  1,  3  :  aut  relegandi  erunt  aut  removendi 
ordine.  Les  receptores  sont  relégués  pour  dix  ans  dans  les  provinces  : 
Dig.,  47,  14,  3,  3. 

(3)  Metallum  ou  opus  publicum  :  Coll.,  11,  2.  7  zr  Dig.,  47,  14,  1,  3. 

(4)  Paul,  5,  19  :  qui  noctu  manu  facta  praedandi  ac  depopulandi  graiia  tem- 
plum  inrumpunt,  bestiis  obiciuntur  ;  si  vero  per  diem  levé  aliquid  de  templo 
abstulerint,  vel  deporlantur  honestiores  vel  humiliores  in  metallum  damnanlur. 
Ce  texte  montre  déjà  combien  les  vols  dans  les  temples  étaient  nom- 
breux au  cours  de  la  dernière  période  de  l'Empire  ;  les  instructions  des 
empereurs  recommandent  notamment  aux  gouverneurs  de  province  de 
punir  sévèrement  les  sacrilegi{Dig.,  1,  18,  13,  pr.  48,  13,  4,  2.  1.  7.  1.  il,  pr.). 

(5)  Effractarius  :  Sénèque,  Ep.,  69,  4;  ailleurs  effractor. 

(6)  Dig.,  1,  15,  3,  1.  2.  Coll.,  7,  4  =  Dig.,  47,  17,  1,  2.  tit.  18,  2.  48,  19,  IG,  6. 


86  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

des  esclaves  (1),  mais  on  ne  l'approuve  pas  (2).  Régulièrement, 
on  condamne  ici,  comme  en  cas  d'abigeat,  les  personnes  de 
condition  à  la  relégation  (3)  et  à  la  perte  des  droits  honori- 
(777)  fiques  (4),  et  les  petites  gens,  en  dehors  de  la  correction  (5), 
aux  travaux  forcés  qui  dans  certains  cas  sont  infligés  à  per- 
pétuité (6). 

6.  Celui  qui  commet  un  vol  dans  un  établissement  de  bains 
{fur  balnearius)  (7),  qu'il  soit  un  employé  des  bains  (capsa- 
rius)  ou  une  autre  personne  (8). 

7.  Le  voleur  au  sac  {sacculariiis),  terme  sous  lequel  on  sem- 
ble embrasser  les  fraudes  commises  dans  le  remplissage  ou 
par  l'ouverture  des  sacs  de  marchandises  et  d'argent  (9). 

8.  Le  voleur  de  nuit  (10). 

9.  Le  voleur  de  grande  envergure  [expilator)  (11). 

Cette  énumération  semble  n'avoir  dans  les  écrits  juridiques 
que  la  valeur  d'une  direction  donnée  aux  magistrats  intéres- 
sés; ceux-ci  doivent,  lorsqu'ils  découvrent  une  circonstance 


(1)  Dig..  12,  4,  15. 

(2)  Dig.,  in,  18,  1,  2. 

(3)  Coll.,  1.  i  =  Dig.,  47,  17,  1.  tit.  18,  1,  2  où  la  relégation  est  détermi- 
née d'une  manière  plus  précise  comme  exclusion  du  ressort  du  pays 
d'origine,  mais  où  l'on  ajoute  qu'elle  peut  avoir  lieu  dans  une  forme  plus 
rigoureuse. 

(4)  Ordine  ad  tempus  moveri:  Dig.,  47,  18,  1,  l. 

(5)  Dig.,  47,  18,  2. 

(6)  Coll.,  7,  4  =r  Dig.,  47,  17,  1.  Dig.,  47,  18,  1,  1.2.  1.  2. 

(7)  Gloses,  2,  p.  255,  Goetz  :  liaXavox^éTiTr,?  z=  fur  balnearius  ;  Catulle,  35  ; 
Tertullien,  De  persecut.  13,  ApoL,  44.  Ce  vol  doit  avoir  été  tenu  pour  par- 
ticulièrement abject,  car  le  soldat  qui  s'en  rend  coupable  est  exclu  de 
l'armée  (Dig.,  47,  17,  3). 

(8)  Coll..  7,  4  =  Dig.,  47,  47,  1.  Dig.,  1,  15,  3,  5.  Paul.  5,  3,  5  range 
les  fiires  vel  raptores  balnearum  parmi  les  criminels  qui  opèrent  en  turba 
(II  p.  382). 

(9)  Dig.,  47,  11.  7  :  saccularii  qui  velilas  in  sacculos  artes  exercenles  parlem 
subducunt,  partem  subtrahunt.  Cette  explication  ne  convient  guère  aux  vo- 
leurs à  la  tire  (manticularii,  Festus,  p.  132  éd.  Millier;  Tertullien.  ApoL, 
44);  par  contre,  subducere  pourrait  l)ien  signifier  le  détournement  dans  l'en- 
sachcment  et  subtrahere  le  détournement  par  voie  d'ouverture  du  sac.  On 
pense  ici  surtout  au  sac  d'argent,  au  folUs,  qui  circulait  souvent  fermé. 

(10)  Coll.,  7,  4.  1  =r  Dig.,  47.  17,  1. 

(11)  L'expilator  (Dig.,  47,  18,  1,  1.  48,  19,  16,  6)  ne  semble  se  distinguer 
du  voleur  ordinaire  que  par  la  grande  importance  du  délit. 


APPROPRIATION    IH     lUE.N    I)  AUTRUI  87 

aggravante  dans  un  vol,  réprimer  celui-ci  au  criminel,  et  non 
pas  renvoyer  l'affaire  à  un  tribunal  civil.  Ils  ont  en  fait  le 
droit  de  frapper  d'une  peine  publique  tout  voleur  dénoncé  (1) 
et  ils  peuvent  aussi,  pour  les  cas  de  peu  d'importance,  lors- 
que !e  voleur  a  rendu  la  chose,  le  renvoyer  en  lui  donnant  un 
simple  avertissement  (2). 

6.  Vol  d'hérédité. 

Lorsque  l'hérédité  échoit  à  des  personnes  qui,  au  moment 
de  la  mort  du  défunt,  étaient  en  sa  puissance,  les  rapports  ju- 
ridiques qui  constituaient  le  patrimoine  du  défunt  passent  (778) 
d'office  et  sans  interruption  aux  héritiers  et  dans  ce  cas 
la  mort  n'a  aucune  importance  pour  la  théorie  du  vol.  Mais, 
comme  dans  les  autres  cas  la  mort  supprime  d'abord  les  droits 
patrimoniaux  du  défunt  et  laisse  ainsi  sans  maître  les  objets 
dont  il  était  propriétaire,  aucun  vol  ne  peut,  suivant  la  remar- 
que faite  III  p.  42,  être  commis  vis-à-vis  des  éléments  de  cette 
«  hérédité  jacente  »  {hereditas  jacens)  et  toute  personne  a  le 
droit  de  s'emparer  de  ces  objets  comme  d'une  pièce  de  gibier 
ou  d'un  bien  de  l'ennemi  et  en  acquiert  la  pleine  propriété  sui- 
vant les  règles  d&  la  prescription  acquisitive(3).  Si  cette  pre- 
mière règle  relative  à  l'hérédité  jacente  résulte  de  l'essence 
même  de  la  construction  juridique  romaine,  on  ne  peut  pas 
en  dire  autant  des  autres  règles  relatives  à  cette  matière,  d'a- 
près lesquelles  la  possession  d'un  objet  héréditaire  ne  fait  pas 
acquérir  par  prescription  ce  seul  objet,  mais  la  qualité  même 
d'héritier  (4);    la  prescription  d'un  an,  ex(;lae  pour  les  im- 


(1)  C'est  ainsi  qu'en  cas  de  vol  de  bétail  rentrant  dans  la  catégorie  de 
l'abigeat  on  laisse  à  l'appréciation  du  magistrat  le  soin  ou  de  soumettre 
l'affaire  aux  règles  de  la  répression  civile  ou  d'infliger  au  voleur  la  peine 
de  la  correction  et  celle  des  travaux  forcés  légers  pendant  un  an  (Paul, 
b,  18,  \].  On  rencontre  aussi  une  peine  publique  ailleurs,  même  pour  des 
cas  peu  graves  (Dig.,  il,  2,  71,  1.  1.  93). 

(2)  Dig.,  47,  2,  57.  1. 

(3)  En  droit  civil,  la  pleine  propriété  ne  s'acquiert  jamais  par  la  sim- 
ple occupation,  même  sur  un  bien  sans  maître. 

(4)  Gains,  2,  54.  Par  conséquent,  on  appelle  usucnpio  pro  lierede  la  près- 


88 


DROIT    PÉNAL    ROMAIN 


(779) 


meubles,  s'applique  à  l'hérédité,  même  si  celle-ci  comprend 
des  immeubles  ;  et  la  bonne  foi  requise  pour  la  prescription 
n'est  pas  supprimée  par  la  connaissance  que  le  possesseur  ac- 
quiert non  seulement  des  réclamations  de  personnes  qui  se  pré- 
tendent héritières,  mais  même  de  l'adition  faite  par  un  héritier 
véritable.  Ces  prescriptions  irrationnelles  qui  n'existent  que 
dans  l'ancien  droit  civil  ont  sans  doute  pour  seule  explication 
que  la  corporation  au  sein  de  laquelle  le  droit  romain  s'est  formé 
et  développé  avait  en  même  temps  la  haute  surveillance  de  la 
vie  religieuse  des  Romains  et  s'efforçait,  surtout  en  matière 
d'hérédité,  d'assurer  en  fait  la  continuité  des  sacra  p7'ivata  {i) . 
Youlait-on  rattacher  fermement  ces  derniers  et  en  même 
temps  aussi  les  dettes  du  défunt  au  patrimoine  et  réagir  effi- 
cacement contre  la  tentative  très  possible  des  héritiers  ab  in- 
testat de  se  soustraire  aux  charges  de  l'hérédité  en  occupant 
simplement  en  fait  l'actif  du  défunt,  il  fallait  absolument  lier 
les  obligations  qui  résultaient  de  l'adition  d'hérédité  à  la 
prise  de  possession  des  objets  individuels  de  cette  hérédité,  et, 


cription  acquisitive  d'une  chose  qu'on  a  appréhendée  croyant  avec  rai- 
son qu'elle  faisait  partie  d'une  hérédité  (cas  qu'il  faut  distinguer  de 
celui  où  un  héritier  possède  une  chose  qu'il  croit  à  tort  appartenir  à 
l'hérédité  :  Dig.,  41,  5,  3;  Cod.,  7,  29,  4).  Les  théoriciens  du  droit  protes- 
tèrent contre  cette  règle  (Sénèque,  De  henef.,  6,  5  :  juris  consultorum  istae 
ineptiae  siint  acutae,  qui  heredltalem  nrf/ant  usucapi  posse,  sed  ea  [peut-être 
posse,  posse  ea\,  quae  in  lieredilate  sunt,  tamquam  quicquam  aliitd  sit  heredi- 
tas  quam  ea  quae  in  heredilale  sunt)  et  cela  avec  raison  ;  mais  les  con- 
séquences de  la  régie  attaquée  avaient  été  jadis  admises  par  le  droit  : 
quamvis  postea  credilum  sit,  dit  Gains,  ipsas  hereditates  usucapi  non  posse, 
tamen  in  omnibus  rébus  heredilariis ,  etiam  quae  solo  tenentur,  annua  usucapio 
remansit. 

(1)  Cicéron,  De  ler/.,  2,  19,  48,  expose  en  détail  que  la  préoccupation 
d'assurer  la  perpétuité  des  sacra  qui  incombaient  aux  familles  (familiae) 
avaient  poussé  les  pontifes  à  formuler  la  règle  zit  ne  morte  palris  familias 
sacrorum  memoria  occideret,  iis  essent  ea  adjuncta,  ad  quos  ejusdem  morte  pe- 
cunia  pervenerit.  Gains,  2,  5o  :  quare  autern  omnino  tam  improba  possessio  et 
usucapio  concessa  sit,  illa  ratio  est,  quod  voluerunt  veteres  maturius  heredita- 
tes adiri,  ut  essent,  qui  sacra  facerent,  quorum  illis  temporibus  summa  obser- 
vatio  fuit,  et  ut  creditores  haberent,  a  quo  suum  consequerentur. On  alla  mémo 
si  loin  dans  cette  voie  du  rattachement  de  la  charge  des  sacra  au  patri- 
moine qu'en  cas  d'insolvabilité  de  la  masse  on  imposa  cette  charge  aux 
créanciers  qui  perdaient  le  moins. 


APPROPRIATION    DU   BIEN   D'AUTRUI  89 

étant  donné  qu'il  n'y  avait,  abstraction  faite  de  prescriptions 
parliciilières,  aucun  délai  fixé  pour  cette  adition,  transfor- 
mer rapidement  en  succession  par  un  court  délai  de  prescrip- 
tion celte  occupation  de  fait  qui^  au  regard  des  immeubles, 
ne  pouvait  guère  tarder  à  se  produire.  Par  nature,  cette  usu- 
capion,  dont  l'exposé  plus  détaillé  appartient  à  la  théorie  de 
l'hérédité,  n'était  donc,  comme  l'adition  d'hérédité  elle-même, 
que  la  reprise  non  seulement  des  droits,  mais  aussi  des  obli- 
gations du  défunt  ;  Viisucapiens  n'était  même  pas  absolument 
libéré  de  ces  dernières,  lorsque  l'adition  avait  eu  lieu(l).  Il  est 
vrai  cependant  que,  si  l'héritier  fait  adilion,  cette  usucapion 
privilégiée  est  ordinairement  superflue  (2),  et  c'est  pour  cette 
raison  qu'elle  fut  supprimée  par  un  sénatus-consulte  sous  Ha- 
drien (3).  Il  n'en  résultait  nullement  que  l'action  de  vol  du 
droit  civil  fût  étendue  aux  objets  héréditaires  (^4).  Ce  fut  seule- 
ment pendant  le  règne  de  Marc-Aurèle  que,  sous  l'empire  de 
la  tendance  alors  dominante  à  réprimer  le  vol  au  criminel,  un 
autre  sénatus-consulte  fit  rentrer  l'appropriation  injuste  d'ob- 
jets héréditaires,  comme  crimen  expilatae  hereditatis,  dans  la 
liste  des  délits  formellement  extraordinaires  (5).  Les  éléments 
de  ce  délit  sont  les  mêmes  que  ceux  du  furtum{<o)  ;  cette  action  (780) 
pénale  vient  uniquement  combler  la  lacune  précédemment  in- 
diquée. 


(1)  D'après  l'exposé  de  Gicéron,  les  sacra  lui  incombent,  s'il  acquiert  au 
moins  autant  que  tous  les  héritiers  ensemble.  Mais  les  créanciers  ne 
peuvent  dans  ce  cas  s'adresser  qu'aux  héritiers. 

(2)  C'est  pourquoi  cette  usucaplo  s'appelle  lucrativa  (Gai.,  2,  06.  57.  Dig., 
47,  2,  72,  1)  ou  improba  (Gai.,  2,  55). 

(3)  Gai.,  2,  57.  3,  201.  Cod.,  7,29,  1. 

(4)  Paul,  2,  31,  H.  Dig..  25,  2,  6,  6.  47,  4,  1.  15.  tit.  19,  2,  1.  1.  6.  Si  d'au- 
tres personnes  que  l'héritier  ont  à  l'objet  héréditaire  un  intérêt  qui  leur 
donne  droit  à  l'aclio  furtl,  ils  ont  naturellement  la  faculté  d'exercer  cette 
action  (Dig.,  41,  3,  33.  47,  2,  69-71) 

(5)  Dig.,  47,  19,  1. 

(6)  Dig.,  47,  19,  2.  L'appropriation  d'un  objet  qui  appartient  en  réalité 
iï  l'hérédité,  tandis  que  celui  qui  se  l'approprie  la  considère  comme  ne 
faisant  pas  partie  de  l'hérédité,  n'est  pas  plus  un  vol  {Dig.,  47,  19,  6)  que 
l'appropriation  d'un  objet  non  héréditaire  qui  est  considéré  comme  hé- 
réditaire par  celui  qui  s'en  empare.  {Dig.,  47,  2,  84,  yr.). 


90  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

Appropriation  du  pouvoir  dominical  {Plagium). 

Notion  La  loi  Fabia,  certainement  promulguée  avant  la  fin  de  la  Répu- 

u  p  agmm.    j^] j^^^  ^^-^^  j^^^jg  ^^^^  |^  ^^^^^  ^g^  p^j.  aiHeurs  incertaine,  prohibe 

\q plagium  —  ainsi  nommé,  semble-t-il,  du  mot  grec  TiT^âyioç, 
oblique  au  sens  moral  du  mot  (2)  —  c'est-à-dire  l'appropriation 
dolosive  de  la  puissance  dominicale  soit  sur  un  citoyen  romain 
ou  sur  l'affranchi  latin  ou  pérégrin  déditice  (3)  d'un  citoyen  ro- 
main, lorsqu'elle  a  lieu  contre  la  volonté  de  celte  personne  (4), 
soit  sur  l'esclave  d'une  de  ces  personnes,  lorsqu'elle  a  lieu  con- 
tre la  volonté  du  maître  (o).  Par  contre,  l'appropriation  du 
pouvoir  dominical  sur  l'homme  libre  pérégrin,  y  compris  le 
Latin,  ou  sur  l'esclave  d'un  pérégrin,  ne  tombait  pas  sous  le 
coup  de  la  loi  (6).  Cette  loi  a  été  provoquée  par  l'anarchie 
sociale  qui  régnait  on  Italie  à  la  fin  de  la  République.  Elle 
avait  pour  but  de  réprimer  le  délit  de  rapt  d'hommes  et  de 
soustraction  d'esclaves   (7),  devenu  alors  fréquent   et  princi- 


(1)  Cicéron,  Pro  Rab.  ad.  pop.  3,  8  :  de  spvvis  alienis  contra  Ipgem  Fahiam 
retentis.  Apulée,  met.,  8,  -J4  cile  pour  ce  délit,  sans  doute  par  méprise,  la 
loi  Gornélia  :  crimen  logis  Corneliae  incitrrens,  si  civem  Romanum  pro  servo 
tihi  vendidero. 

(2)  Isidore,  10,  221  :  plagiator  ànb  toO  Tt/ayio-j,  kl  est  ah  obliqua. 

(3)  Ulpien,  Coll..,  14,  3,  4  :  civem  Romanum  eitmve  qui  in  Italia  liheratus  est. 
Paul,  Coll.,  14,  2,  1  :  civem  Romanum  ingenuutn  libertinumve.  Cette  protec- 
tion s'étendait  donc  à  tous  les  airranchis  du  citoyen  romain,  même  aux 
latins  et  aux  pérégrins  déditices.  Lorsque  la  loi  fut  promulguée,  sans 
doute  après  la  Guerre  Sociale,  il  n'y  avait  vraisemblablement  plus  en 
Italie  d'autres  latins  que  les  affranchis  latins,  et,  en  dehors  de  l'Italie, 
les  citoyens  romains  étaient  si  peu  nombreux  qu'on  pouvait  ne  pas  tenir 
compte  de  ceux  de  leurs  alfranchis  qui  étaient  privés  du  droit  de  cité. 

(4)  Diff.,  48,  15,  6.  2. 

(5)  Cette  règle  est  contenue  dans  le  deuxième  chapitre  de  la  loi.  Ul- 
pien, Coll.,  14,  3,  5.  Cicéron  (n.  1).  Paul,  Coll.,   14,  2,  l. 

(6)  La  loi  ne  réprimait  donc  pas  le  rapt  d'hommes  dans  les  provin- 
ces, aussi  y  était-il  encore  pratiqué  au  m"  siècle  de  l'ère  chrétienne 
Celte  restriction  a  disparu  dans  le  droit  de  Justinien. 

(7)  Les  mesures  prises  par  Auguste  à  la  fin  des  guerres  civiles  nous 
montrent  comment  les  choses  allaient  à  cette  époque.  Suétone,  Aug.,  32  : 
rapli  per  agros  viaiores  sine  disrrimijie  liberi  servique  ergastiilis  posse.'iSQrum 
supprimehantur  et  plurimae  f'acliones  litiilo  collegii  novi  ad  JiuUius  non  faci- 
noris  societalem  coibanl...  ergaslula  recognovil. 


du  plagium. 


APPROPRIATION    DU    BIEN   D'AUTRII  91 

paiement  commis,  semble-t-il,  par  des  sociétés  qui  faisaient  de 
pareilles  opérations  une  véritable  entreprise  (1),  Peu  impor-  (781) 
tait  en  droit  de  quelle  manière  l'appropriation  avait  lieu  (2)  ; 
peu  importait  aussi,  en  cas  de  plagium  d'esclave,  si  le  plagia- 
tor  agissait  contre  la  volonté  de  ce  dernier,  ou  si,  comme  cela 
était  fréquent,  il  opérait  d'accord  avec  lui  (3).  Naturellement, 
quiconque  sachant  qu'il  y  avait  eu  appropriation  injuste  du- 
pouvoir  dominical  acceptait  cependant  la  transmission  de  ce 
dernier,  encourait  la  même  peine  que  le  premier  plagiator  (4). 
Par  suite  des  nombreux  abus  commis  par  les  personnes  qui  ac- 
cueillaient les  esclaves  fugitifs,  on  prohiba  plus  tard  tout  dé- 
placement de  propriété  vis-à-vis  de  l'esclave  tant  qu'il  était 
en  fuite  et  toute  tentative  de  réaliser  une  aliénation  de  ce  genre 
entraîna  pour  les  deux  contractants  la  peine  du  plagium  (5). 

L'ancien  droit  n'accordait  pas  contre  une  usurpation  de  ce  Peine 
genre  d'autre  protection  que  l'attribution  à  la  personne  libre, 
traitée  à  tort  comme  esclave,  de  la  revendication  privilégiée  de 
liberté  devant  les  décemvirs,  et  la  reconnaissance,  au  profit  du 
maître  de  l'esclave  soustrait,  de  l'action  de  vol  dont  les  condi- 
tions d'exercice  coïncidaient  en  principe  avec  les  éléments  du 


(1)  Si  la  loi  punit  comme  complice  celui  qui.  in  eam  rem  socius  fuerit 
{Coll.,  14,  3,  4.  Dig.,  48,  15,  6,  2),  cette  expression  ne  convient  pas  à  la 
complicité  ;  on  pense  sans  doute  ici  aux  societates  de  publicains  qui  ont 
toujours  joué  le  premier  rôle  dans  le  rapt  d'hommes.  L'extension  de  l'a- 
mende élevée  à  chaque  sociétaire,  impossible  sans  une  prescription  spé- 
ciale, était  ici  ordonnée.  Gpr.  Suétone,  Aug.,  32  (III  p.  90  n.  7). 

(2)  Le  vincire  vincfumve  habere  vise  l'appropriation  violente  (Coll.,  14,  2, 
1.  c.  3,  4).  Dig.,  48,  15,  1,  parle  de  l'achat  de  l'homme  libre.  Ordinaire- 
ment l'appropriation  est  désignée  par  les  mots  :  celare  (Coll.,  loc.  cit.,  et 
ailleurs),  supprimere  (Suétone,  III  p.  90  n.  7.  Dig..  47,  2,  83,  2.  48,  15,  3.  L 
6,  1.  Cod.,  9,  20,  5),  suhfrahere  (Coll.,Ai,  2,  3). 

(3)  Fréquemment  le  plagiator  donne  abri  à  l'esclave  en  fuite  et  le  ca- 
che (Dig.,  48,  15,  3.  Cod.,  9,  20,  2)  ou  bien  même  il  décide  l'esclave  à  fuir 
(Coll.,  14,  3,  5.  Dig.,  48,  13,  6.  2).  Le  simple  fait  d'occuper  des  esclaves 
fugitifs   ne  suffit  pas   à  prouver  qu'il  y  ait  eu  plagium.  (Dig.,  48,  15,  6,  1). 

(4)  C'est  ce  cas  que  vise  le  vendere,  comparare,  emere.  Coll.,  14,  2,  1.  3. 
c.  3,  4,  Il  en  est  de  même  de  toute  autre  aliénation  (Dig.,  48,  15,  4). 

(5)  Fr.  de  jure  fisci,  9.  Paul,  1,  6  A,  2.  Dig.,  48,  15,  2.  Cod.,  9,  20,  6.  Il 
est  vraisemblable  que  le  plagiator  cherchait  fréquemment  à  déterminer 
le  volé  à  consentir  une  aliénation  à  bas  prix. 


92  DKOIT    PÉNAL    ROMAIN 

plagium  d'un  esclave  (1).  Pour  les  deux  cas,  la  loi  Fabia  éta- 
(782j  blissait,  semble-lil,  une  aclion  populaire.  Chaque  citoyen 
pouvait  se  présenter  devant  le  préteur  comme  demandeur  et 
une  amende  de  oO.OOO  sesterces  par  personne  frappait  celui 
qui  était  convaincu  de  la  faute  ou  son  associé  (111  p.  91  n.  1). 
Celte  somme,  certainement  après  déduction  d'une  quote-part 
pour  le  demandeur,  tombait  dans  Vaerarium  (2).  Lorsqu'un  es- 
clave se  rendait  coupable  d'un  tel  crime,  il  ne  pouvait  pas  être 
affranchi  pendant  un  délai  de  dix  ans  (3).  Plus  tard  —  cette 
réforme  fut  vraisemblablement  l'œuvre  de  Garacalla  (4)  — 
on  prescrivit,  pour  le  délit  principal  (o),  une  répression  cri- 
minelle (6)  et  la  peine  fut  en  mêmetemps  aggravée.  Depuis 
lors,  on  condamnait  ordinairement  les  personnes  de  condi- 
tion à  la  relégation  avec  confiscation  de  la  moitié  du  patri- 
moine et  les  petites  gens  aux  travaux  des  mines  ou  même 
à  la  peine  de  mort  (7).  Par  suite,  dans  le  droit  romain  pos- 

(1)  D'après  la  constitution  C.  Th.,  9,  20,  1  r=  C,  Jusl.,  9,  31,  1,  on  peut,  en 
cas  de  vol  d'esclave,  agir  au  civil  par  l'action  de  vol  ou  au  criminel  par 
l'action  fabienne.  Hadrien,  [Big.,  48,  15,  6  pr.),  dit,  il  est  vrai,  que  tout 
vol  d'esclave  n'est  pas  un  plagium;  mais,  quant  aux  éléments  du  délit,  la 
seule  dilYérence  à  signaler  est  que  le  furtum  usus  n'est  pas  compris  dans 
le  plagium  (Dig.,  41,  2,  83,  2  :  qui  ancillam  non  meretricem  libidinis  causa  su- 
brifmit,  furti  actione  ienebituv,  et  si  suppressit,  poena  legis  Fabiae  coercetur  ; 
cpr.  III  p.  44  n.  1). 

(2)  Coll.,  14.  3,  5.  Fr.  de  jure  fisci,  9.  Paul,  1,  6  A,  2  (où  l'on  a  remplacé 
avec  raison  quingenta  par  quinquaginta).  La  peine  échut  tout  d'abord  au 
populus  {Coll.,  loc.  cil,),  c'est-à-dire  à  Vaerarium,  plus  tard  au  fiscus  (Fr. 
de  j .  f.,  loc.  cit.  :  quae  liodie  fisco  vindi[catur]}. 

(3)  Dig.,  40,  1,  12  :  Ipge  Fabia  prohibetur  servus,  qui  plagium  admisit,  pro 
quo  dominus  poeiiam  intulil,  intra  decem  annos  manumitti.  49,  lo,  12,  16. 
Lorsque  le  maitre  ne  voulait  pas  payer  l'amende,  une  peine  criminelle 
frappait  l'esclave. 

(4)  Ulpien,  Coll.,  14,  3,  3  dit  à  la  vérité  simplement  que  cet  empereur 
avait  confié  à  titre  exceptionnel  la  connaissance  de  cette  action  capitale 
au  procuralor  qui  ne  remplissait  pas  les  fonctions  de  gouverneur  de  pro- 
vince; mais  cela  a  eu  seulement  lieu,  parce  que  l'action  d'amende  anté- 
rieure était  aussi  fréquemment  et  non  moins  abusivement  portée  devant 
les  procuratores . 

(5)  Pour  l'achat  cl  la  vente  de  l'esclave  fugitif,  les  peines  pécuniaires 
ont  subsisté  (Cod.,  9,  20,  6). 

(6)  Cod.,  9,  20,  3  :  ut  legis  Fabiae  poena  deheatur,  in  crimen  subscriplio  et 
accusalio  et  senlentia  neccssaria  est.  Cod.,  9,  20,  13 

0)  Coll.,  14,  2,  2.  3.  Dig..  48,  15,  1.  1.  7.  Cad..  9,  20,  7.  Edit  de  Théodoric, 


APPROPRIATION    DU    BIEN    D'AUTRLI  93 

té  rieur,  le  plagium  a  eu  sa  place  dans  la  liste  des   crimina. 

La  vente  de  l'enfant  en  puissance  par  son  père  ne  rentre  pas  vente 
dans  \q  plagium.  D'après  Tancien  droit,  un  tel  acte  est  justifié 
par  le  droit  de  propriété  qui  appartient  au  père.  Il  ne  peut  pas 
enlever  à  l'enfant  la  liberté  politique,  mais  il  le  met  sous  une 
sorte  de  puissance  dominicale  conformément  au  droit  privé. 
Plus  tard,  lorsque  cette  vente  d'enfant  fut  désapprouvée,  elle 
fut  tout  au  plus  considérée  comme  un  abus  de  la  puissance  pa-  (783) 
ternelle  (i).  La  vieille  conception  de  cette  puissance  était  à 
cette  époque  encore  si  vivante  qu'on  ne  pensa  pas  à  punir  une 
telle  vente  comme  rapt  de  liberté. 


83  (où  les  peines  sont  modifiées).  Constantin  avait  prescrit  la  peine  de 
mort  d'une  manière  générale  (C.  Th.,  9,  18,  1=  C.  Just.,  9,  20,  16);  Justi- 
nien,  Insl.,  4,  18,  10  limite  son  application  aux  cas  graves.  Le  passage 
de  Paul,  5,  6,  14  lege...  Fabia  aut  eliam  poena  nummaria  coercetur  est  altéré. 
(1)  Gpr.  sur  cette  question  Mitteis,  Reichsrecht  und  Volksrecht,  p.  359  sv. 
Le  puer  ingenuus  (ô  âXsûOîpo;  dans  la  traduction  grecque)  Cod.,  3,  13,  2 
ne  désigne  pas  un  fils  ingénu,  mais  un  jeune  ingénu  quelconque. 


(784)  SECTION    IX 


ATTEINTE    A   LA   PERSONNALITÉ    (INJURIA) 


7«>na  dans  le  Au  dfoit,  jiis,  iioQ  pas  au  sens  éthique  du  mot,  mais  dans 
angageusue.  j^  signification  qu'il  reçoit  au  point  de  vue  sociologique,  on 
oppose  le  tort,  injuria.  C'est  sur  cette  étymologie  que  se  fonde 
l'acception  générale  de  ce  mot  injuria,  restreinte  il  est  vrai 
aux  rapports  de  la  vie  sociale,  mais  essentiellement  néga- 
tive (1).  Par  contre,  le  langage  technique  l'emploie  dans  un 
sens  restreint  et  positif  pour  désigner  la  lésion  du  corps  (2) 
ou  de  la  chose  d'autrui,  par  opposition  à  l'appropriation  injuste, 
au  furliim.  Tout  en  respectant  cette  opposition,  Vinjuria  s'est, 
dans  le  développement  postérieur  du  droit,  divisée  en  atteinte 
à  la  personnalité,  Vinjuria  pure  et  simple,  et  en  dommage 
causé  injustement  à  la  chose  d'autrui,  le  damnum  injuria  (3). 


(1)  L'acception  générale  du  mot  est  d'une  clarté  transparente  et  on  la 
trouve,  chez  les  jurisconsultes  comme  ailleurs,  à  côté  du  sens  restreint 
(Paul,  Coll.,  2,  5  ;  Ulpien,  Dig.,  47,  10,  1,  -pr.  ;  Inst.,  4,  4,  pr.).  Ce  qui  a  lieu 
indépendaiiunent  de  la  volonté  ne  rentre  pas  dans  V in juri a,  iwéme  au  sens 
large  du  mot,  et  il  en  est  de  même  de  la  simple  perversité  morale.  L'in- 
juria  dans  sou  acception  générale  ne  se  limite  pas  précisément  au  dol, 
mais  elle  exige  un  fait  contraire  au  droit  engageant  la  responsabilité 
d'une  personne. 

(2)  Le  fait  que  dans  la  loi  des  XII  Tables  l'atteinte  corporelle  la  plus 
légère  est  appelée  injuria  n'exclut  pas  de  la  notion  à'injuvia  les  atteintes 
corporelles  graves  qui  ne  reçoivent  pas  dans  la  loi  de  dénomination  spé- 
ciale. 

(3)  Nous  exposons  cette  terminologie  au  début  de  la  Section  relative  au 
dommage  caasé  à  la  chose  d'autrui. 


I 


ATTEINTE    A   LA   PERSONNALITÉ  95 

La  cause  de  cette  séparation  a  été  que,  dans  le  premier  cas,  il 
n'est  question  que  d'une  peine;  tandis  que  dans  le  second  il  y 
a  tout  d'abord  lieu  d'assurer  l'indemnité  du  préjudice.  C'est 
sur  ces  distinctions  que  repose  la  division  tripartile  des  délits 
privés.  Nous  tiendrons  certainement  compte  dans  cette  Sec- 
tion de  la  vieille  et  large  notion,  mais  nous  nous  attacherons 
principalement  à  Vinjuria  dans  le  sens  restreint  où  elle  ne  (785) 
désigne  que  l'atteinte  à  la  personnalité  et  exclut  le  dommage 
causé  injustement  à  la  chose  d'autrui. 

Ici,  comme  pour  les  autres  délits  privés,  la  loi  des  XII  Tables    Législation 

1    r»  •  1  5    11  .        .        ,  sur  l'iDJure. 

a  fait  œuvre  de  codification  et  les  règles  qu  elle  a  ainsi  reu- 
nies nous  sont  parvenues  dans  ce  qu'elles  ont  d'essentiel  (1). 
Abstraction  faite  d'une  loi  proposée  par  Sylla  et  modifiant  la 
composition  du  tribunal  pour  certains  cas  d'injure  (2),  la  lé- 
gislation postérieure  ne  s'est  pour  ainsi  dire  pas  occupée  de  ce 
délit,  l'évolution  du  droit  à  cet  égard  s'est  opérée  sur  la  base 
de  la  loi  des  XII  Tables  par  la  coutume  et,  ce  qui  est  identi- 
que, par  l'édit  du  préteur  (3).  L'Empire  lui-même  s'est  con- 
tenté ici  de  modifications  de  procédure  (4). 

L'injuria  est  l'atteinte  intentionnelle  et  injuste  à  la  person-      Atteinte 
nalité  d'autrui.  Par  suite,  nous  avons  tout  d'abord  à  exposer  persoanaiité. 


(1)  Loi  des  XII  Tables,  8,  2.  3.  4  Scholl  [id.  Girard].  Dans  le  passage 
de  Paul  que  nous  allons  citer  immédiatement,  ces  règles  constituent 
le  fondement  lege  de  l'action  d'injure. 

(2)  Nous  ne  connaissons  la  lex  Cornelia  de  injuvlis  (cpr.  I  p.  236)  que  par 
les  ouvrages  juridiques  :  Paul,  5,  4,  8  ;  Dig..  3,  3,  42.  1.  47,  10,  5,  pr.  1.  37, 
1.  48,  2,  12,  4.  tit.  5,  23,  2.  Inst.,  4,  4,  8.  Elle  n'apparait  pas  dans  la 
liste  des  lois  spéciales  rendues  pour  les  judlcia  publica  et  elle  n'est  pas 
considérée  en  général  comme  fondant  une  action  :  injuriarum  actio,  dit 
Paul,  5,  4,  6-8,  aut  lege  aut  more  aut  mixto  Jure  inlroducla  est...  mixlo  jure 
actio  injuriarum  ex   lege  Cornelia   constituitur,  c'est-à-dire  que   l'action  se 

fonde  sur  la  coutume,  même  dans  les  procès  d'injure  qui  tombent  sous  ' 

le  coup  de  la  loi  Cornelia  ;  à  cette  dernière  revient  seulement  la  fixation  [ 

des  règles  sur  la  formation  da  jury.  Application  de  cette  loi  par  analo-  | 

gie  à  l'injure  prétorienne  :  Dig.,  47,  10,  5,  8.  ;: 

(3)  More,  comme  dit  Paul  loc.  cit.  par  rapport  à  l'actio  injuriarum  aesti- 
matoria  qui  s'applique  seule  en  matière  d'injures  après  la  transforma- 
tion des  peines  de  la  loi  des  XII  Tables.  i 

(4)  Abstraction  faite  de  la  répression  criminelle  de  l'injure  qualifiée,  il 

n'y  a  pas  eu  à  cette  époque  d'innovations  essentielles.  ji 


96  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

ce  qu'il  faut  entendre  sous  la  notion  très  souple  d'atteinte  à  la 
personnalité;  puis,  nous  aurons  à  rechercher  ce  qu'on  exige 
pour  qu'il  y  ait  intention  illégale  de  commettre  une  atteinte  de 
ce  genre,  c'est-à-dire  pour  qu'il  y  ait  le  dolus  indispensable 
à  l'existence  de  ce  délit. 
Notion  La  personnalité,  dont  la  lésion  est  une  injure,  est  la  per- 

i.ersonnaiiié.  sounallté  physiquc  telle  que  nous  l'avons  définie  dans  le  Li- 
vre I  (I  p.  74)  (1).  La  mort  anéantissant  cette  personnalité, 
(786)  un  vivant  peut  bien  subir  indirectement  une  injuria  de  la 
part  d'un  mort,  mais  celui-ci  ne  peut  faire  l'objet  d'aucune 
injuria  (2)  ;  toutefois,  en  cas  d'hérédité  jacente,  la  fiction  de  la 
survivance  de  la  personnalité  est  étendue  à  la  matière  de  Vin- 
juria  (3).  De  même,  bien  que  l'injure  puisse  être  commise 
contre  plusieurs  personnes  simultanément,  elle  n'est  pas  pos- 
sible contre  des  associations,  à  moins  que  l'acte  commis  ne 
vise  des  individualités  du  groupe,  ni  surtout  contre  l'Etat 
(II  p.  2G9')  ou  autres  personnes  crées  par  une  fiction  juridi- 
que. D'autre  part,  la  notion  de  personne  ne  doit  pas  être  en- 
tendue dans  un  sens  politique,  elle  embrasse  ici  l'étranger  et 
aussi  l'esclave,  en  tant  que  l'injure  commise  contre  ce  der- 
nier est  traitée  comme  atteignant  le  maître  (4).  On  exige  en- 
core moins  la  capacité  de  fait  de  la  personne;  le  fou  et  l'impu- 
bère eux-mêmes  peuvent  faire  l'objet  d'une  injuria  (5).  —  Les 

(1)  Dig.,  47,  10,  13,  9.  Si  incertae  personae  convicium  fiât,  nnlla  execiitio  est. 
La  connaissance  du  nom  n'est  naturellement  pas  nécessaire  (Dig.,  47,  10, 
18,  .3.  .5).  En  cas  d'injure  indirecte,  l'offense  n'atteint,  d'après  la  théorie 
dominante,  que  celui  que  l'auteur  veut  injurier  (III  p.  112). 

(2)  Par  exemple,  par  la  profanation  de  la  sépulture  d'un  proche  (Dig., 
Il,  7,  8,  pr.  47,  10,  27). 

(3)  Dans  cette  catégorie  rentrent  non  seulement  les  injures  contre  les 
esclaves  de  l'hérédité,  mais  aussi  celles  qui  sont  commises  lors  de  l'inhu- 
mation du  défunt.  {t>ig-,  47,  10,  1,  4.  6). 

(4)  Servo  ipsi  quidetn,  dit  Gaius  (3,  222),  nulla  injuria  intellegitur  fieri,  sed 
domino  per  eum  fieri  videtur.  L'injure  faite  à  l'esclave  est  considérée  en 
fait  comme  une  injure  commise  vis-à-vis  du  maître.  Gela  ressort  de  ce 
que  l'action  n'est  pas  donnée  à  l'esclave,  même  après  l'affranchissement 
(Dig.,  47,  10,  30, p;-.  cpr.  29),  et  de  ce  que  l'injure  faite  à  l'esclave  s'éteint 
par  la  mort  du  maître,  comme  celle  commise  vis-à-vis  de  ce  dernier.  (Di^., 
47,  10,  13.  pr.). 

(5)  Dig.,  47,  10,  3,  1.  2. 


ATTEINTE    A    LA    PERSONNALITÉ  97 

atteintes  à  la  personne  du  magistrat  de  la  République  et  plus 
tard  de  l'empereur  rentrent  dans  la  notion  d'injure,  mais  ne 
sont  pas  soumises  aux  règles  du  droit  privé  sur  l'injuria^  car 
l'injure  prend  ici  le  caractère  d'un  crime  d'État  (1). 
Comme  atteinte  à  la  personne  fondant  une  action,  le  plus      injure 

.  physique  du 

ancien  code  des  Romams  semble  n'admettre  que  1  attemte  au     droit  des 
corps  d'autrui.  La  notion  de  Vinjuriades  XII  Tables,  même  si   ^"  '^^^'®'- 
l'on  fait  abstraction  de  son  extension  au  dommage  causé  à  la 
chose  d'autrui  que  nous  exposerons  dans  la  Section  suivante, 
est  fondamentalement  distincte  de  celle  du  droit  postérieur  : 
la  première  est  l'atteinte  au  corps  d'autrui  dans  la   mesure 
où  l'auteur  en  est  juridiquement  responsable,  la  seconde  est 
l'atteinte  dolosive  à  la  personnalité  ;  la  première  notion  est      (787) 
donc  pour  partie  plus  étendue  que  la  seconde,  en  tant  qu'elle 
embrasse  l'atteinte  portée  par  simple  faute  au  corps  d'autrui 
(III  p.  109),  et  pour  partie  plus  étroite,  en  tant  qu'elle  ex- 
clut  l'atteinte  à  la  personnalité  ne  lésant  pas  le  corps.  Car 
des  trois  degrés  que  nous  indiquerons  à  propos  des  peines  et 
qui  sont  établis  par  la  loi  des  XII  Tables   :  la  rupture  d'un 
membre,  la  fracture  d'un  os  et  Vinjuria  pure  et  simple  (III 
p.  94  n.  2),  la  dernière  parait  désigner  les  voies  de  fait  légè- 
res.  Sans  cela,   il  faudrait  admettre   l'absence  de  délimita- 
tion des  éléments  du  délit,  ce  qui  serait  peu  en  harmonie  avec 
la  tendance  positive  du  vieux  code  romain  (2).   En  outre,   la 


(1)  II  p.  -87  et  sv.  Quintilien  5,  8,  39  :  injuriam  fecisti,  sed  quia  magistra- 
tuiy  majestatis  actio  est.  Le  fait  qu'à  l'époque  impériale  l'offense  faite  au 
magistrat  n'est  punie  que  comme  injure  grave  (II  p.  287  n.  3)  montre  que 
la  souveraineté  s'est  déplacée.  —  Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  cette  re- 
marque, lorsqu'on  recherche  quelle  a  été  la  notion  romaine  d'injuria'', 
celle-ci  s'étend  beaucoup  plus  loin  que  le  champ  d'application  de  l'action 
privée  d'injure. 

['2)  Lorsqu'on  interprète  l'injuria  des  XII  Tables  dans  le  sens  large  ad- 
mis à  l'époque  postérieure,  la  prescription  positive  ordonnant  de  la  traiter 
dans  tous  les  cas  comme  un  délit  est  aussi  incompréhensible  que  l'égalité 
et  la  modicité  de  la  peine  elle-même  ;  tandis  que,  dans  la  procédure  posté- 
rieure, la  répression  n'a  lieu  qu'à  la  suite  d'une  sélection  rigoureuse  et 
s'opère  avec  une  très  grande  diversité.  La  disposition  de  la  loi  des  XII 
Tables  ne  peut  se  comprendre  qu'en  restreignant  l'injuria  aux  coups 
sans  blessure. 

Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  7 


98  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

seule  injure  non  physique  que  nous  rencontrons  dans  ce  code 
y  apparaît  sous  le  nom  à'infamia  (1 1.  Enfin,  la  seule  applica- 
tion de  celte  loi  pénale  que   nous  connaissons  se  rapporte  à 
une  affaire  de  coups  (2). 
Atteinte  à  la       Le  droit  romaiu  ne  s'en  est  pas  tenu  là;  la  coutume  a  élargi 
dans  le  droit  i^OD  pas  la  uotion  d'injuTC  elle-même,  mais  le  champ  d'appli- 
postérieur.     cation  de  l'action  d'injure  (3).  Après  cette  extension,  la  per- 
sonnalité peut  être  lésée  à  trois  égards  :  ou  dans  son  corps^,  ou 
dans  sa  condition  juridique,  ou  dans  son  honneur.  Il  n'y  a  pas 
de  termes  techniques  pour  désigner  ces  différentes  catégories. 
La  notion  &  injuria  n'a,  comme  nous  l'avons  vu^,  embrassé  pri- 
mitivement que  les  atteintes  au  corps  d'autrui  ;  mais  après 
l'extension  indiquée  il  n'y  a  plus  d'expression  technique  qui 
corresponde  à  notre  injure  par  voies  de  fait  (4).  Pour  la  se- 
conde catégorie,  toute  dénomination  spéciale  fait  défaut,  bien 
(788)      que  cette  espèce  d'injure  se  présente  d'une  manière  très  dis- 
tincte (^o).  Pour  l'atteinte  à  l'honneur,  le  terme  convicium,  dont 


(1)  Les  formules  injuriam  facere  alteri  (III  p.  110  n.  3)  et  infamiam  facere 
alleri  (III  p.  106  n.  6),  empruntées  vraisemblablement  au  Gode  des  XII 
Tables,  paraissent  corrélatives. 

(2)  Nous  pensons  ici  à  l'anecdote  connue  des  soufflets  qu'un  citoyen  ro- 
main, peu  etïrayé  par  la  tarification  de  chaque  injuria  à  25  as,  distribuait 
dans  la  rue  (Aulu-Gelle,  20,1,  13). 

(3)  La  souplesse  de  l'expression  employée  par  la  loi  des  XII  Tables  a 
vraisemblablement  contribué  à  cette  extension. 

(4)  La  Rhel.  ad  Her.,  (4,  25,  35  :  injuriae  sunt,  guae  aut  pidsatione  corpus, 
aut  convicio  aures  aut  aliqua  turpitudine  vitam  cujuspiam  violant)  et  Paul 
(Coll.,  2,  5,  4)  divisent  les  injures  en  trois  groupes  :  attaques  contre  le 
corps  d'autrui,  attaques  eu  paroles  et  attaques  en  actions  ;  ailleurs  le 
même  Paul  (5,  4,  1)  les  divise  en  deux  groupes  :  attaques  in  corpus  et  at- 
taques extra  corpus.  Cette  seconde  classification  est  meilleure,  parce  que 
la  distinction  des  paroles  et  des  actes  est  juridiquement  sans  valeur. 
Labéon  {Dig.,  41,  10,  1,  1)  distingue  les  injures  re,  et  par  là  il  entend 
celles  qui  se  réalisent  par  des  voies  de  fait,  et  les  injures  uei-bis  (donc 
nos  injures  réelles  et  verbales),  ou  les  injures  in  corpus  et  les  injures  par 
des  actes  qui  portent  atteinte  à  la  dignité  (dignitas)  ou  causent  le  déshon- 
neur (infamia).  En  fait,  la  division  en  deux  catégories  est  la  seule  utili- 
sable, mais  elle  n'a  qu'une  valeur  négative  comme  celle  des  res  mancipi 
et  des  res  nec  mancipi. 

(5)  C'est  pour  cela  (jue  Gaius,  3,  220,  évite  de  rapporter  cette  division 
purement  apparente,  mais  il  n'oublie  pas  de  citer  parmi  les  exemples  le 
cas  de  la  proscriptio  bonoruin. 


ATTEINTE    A    LA    PERSONiNAL  ITÉ  99 

Dous  exposerons  plus  loin  (III  p.  lOG)  le  sens  originaire  plus 
restreint,  est  notamment  employé,  lorsque  cette  offense  a  lieu 
oralement,  tandis  que  le  mot  contumelia  embrasse  bien  l'at- 
teinte à  l'honneur  réprimée  par  le  droit,  mais  a,  conformément 
au  sens  que  lui  donne  la  morale,  une  portée  beaucoup  plus 
grande  (1).  Quant  à  la  restriction  de  l'injuria  romaine  aux 
atteintes  à  l'honneur,  elle  est  inexacte,  car  cette  conception 
ne  s'accorde  ni  avec  le  sens  transparent  de  ce  mot,  ni  avec 
les  applications  les  plus  importantes  et  les  plus  anciennes  de 
ce  délit  (2)  et  d'autre  part  l'extension  de  l'action  d'injure  à  ce 
cas  n'eut  vraisemblablement  lieu  qu'au  cours  du  développe- 
ment du  droit  romain. 

Tandis  que  le  droit  des  XII  Tables  donne  sans  restriction  Limitation  de 
une  action  à  la  victime  d'une  injima  physique,  le  préteur  n'a  dintenie"  «ne 
nullement  étendu  d'une  manière  générale  cette  règle  à  l'in-  ^"^'^^  dinjure 

dans  le  droit 

jure  non  physique.  Bien  au  contraire,  le  tribunal  a.  dans  une  postérieur. 
large  mesure,  joui  pour  la  répression  de  ce  délit  d'un  pouvoir 
arbitraire  (3),,  et  les  magistrats,  par  la  crainte  très  compré- 
hensible d'abus  probables,  notamment  dans  l'exercice  de 
poursuites  judiciaires  pour  cause  d'injure,  n'ont,  en  dehors  de 
l'injure  par  voies  de  fait  susceptible  de  fonder  une  action  d'a- 
près le  droit  des  XII  Tables,  promis  l'action  que  pour  quel- 
ques cas  particulièrement  importants;  en  dehors  de  là,  ils  la 


(!)  La  contumelia  {de  contemnere)  consiste  à  traiter  quelqu'un  d'une  fa- 
çon méprisante,  elle  est  l'atteinte  à  la  personnalité  au  sens  moral  du 
mot,  même  si  le  fait  n'est  pas  suffisant  pour  fonder  une  action  (Sénéque, 
An  injuriam,  c.  10).  Lorsque  les  jurisconsultes  interprètent  injuria  par 
contumelia  (Coll.,  2.  5,  1.  3.  Dig.,  47,  10,  1.  pr.  1.  do.  46.  Paul  5,  4,  22,  à 
côté  (ïinjuria),  il  n'y  a  pas  à  vrai  dire  de  synonyme  plus  proche,  )aais 
il  n'y  a  pas  là  en  réalité  un  synonyme. 

(2)  On  ne  peut  pas  faire  rentrer  dans  la  notion  d'atteinte  à  l'honneur 
les  blessures  et  la  perturbation  de  la  paix  domestique  sans  faire  subir 
à  la  notion  une  extension  inadmissible.  La  chose  n'est  pas  plus  aisée 
pour  l'injure  faite  à  l'enfant  impubère  ou  à  l'esclave. 

(3)  Il  y  a  lieu  de  tenir  compte  aussi  à  cet  égard  de  ce  que  nous  dirons 
plus  loin  sur  l'intervention  du  préteur  dans  la  solution  des  cas  concrets 
par  voie  d'examen  oculaire  (III  p.  117  n.  ±)  et  de  fixation  arbitraire  de 
la  peine  (III  p.  117).  Ce  sont  là  deux  particularités  qu'on  ne  retrouve 
dans  aucune  autre  partie  du  droit. 


i  BIELIOTHECA    | 


^-> 


100  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

(789)  doQuèreut  ou  la  refusèrent  suivant  les  circonstances  (1).  Cette 
inégalité  ne  se  rencoi-tre  à  propos  d'aucun  autre  délit  ;  tout  vol 
et  tout  dommage  causé  injustement  à  la  chose  d'autrui  fondent 
une  action,  mais  il  n'en  est  nullement  de  même  pour  toute 
injure.  A  cette  particularité  se  rattache  la  distinction  établie, 
non  par  l'édit,  mais  par  la  jurisprudence,  entre  l'injure  grave 
{injuria  alrox)  i2)  et  l'injure  légère  {injuria  levis).  Dans  la 
première  catégorie  rentrent  toutes  les  injures  physiques  (3)  et, 
en  outre,  celles  qui  sont  aggravées  par  des  circonstances  de 
temps  et  de  lieux  (4)  et  surtout  par  des  liens  d'aiïection  ou 
des  différences  de  rang  entre  les  intéressés,  comme  l'injure 
commise  par  un  esclave  contre  une  personne  libre  (o),  par  un 
affranchi  contre  son  patron,  par  un  fils  contre  son  père  (6). 
Sous  l'empire  de  considérations  analogues,  la  répression  ju- 
diciaire n'est  permise,  en  cas  contraire,  par  exemple  en 
cas  d'injure  faite  à  l'affranchi  par  le  patron,  que  dans  des 
cas  spécialement  graves.  L'injure  grave  est  (7)  donc  celle  pour 


(1)  Le  pouvoir  arbitraire  du  magistrat  était  'Jéjà  mentionné  dans  le 
générale  edictum  injuriai^um,  comme  Labéon  le  nomme  {Dig.,  47,  10,  lo,  26  ; 
Aulu-Gelle,  20,  1,  13  :  praeLores...  injuriis  aestumandis  recuperatores  se  da- 
turos  edixerunt),  mais  était  encore  affirmé  spécialement  pour  les  injures 
faites  aux  personnes  libres  :  ne  quid  infamandi  causa  fiai  ;  si  quis  adversus 
ea  fecent,  proul  quaeque  res  eril,  animadvertam  [Dlg.,  47,  10,  15,  25)  —  dis- 
position que  Labéon,  toc.  cit.,  déclare  superflue  en  présence  de  la  men- 
tion de  l'édit  général  —  et  pour  celles  commises  vis-à-vis  des  escla- 
ves :  |34  ilem  si  quid  aliud  faclum  esse  dicetur,  causa  cognita  judiciumdabo. 

(2)  A  vrai  dire,  Vatrocilas  en  tant  que  circonstance  aggravante  d'un 
délit  est  une  notion  surtout  chère  aux  rhéteurs  (Quintilien,  G,  1,  15-17) 
et  peut,  au  point  de  vue  moral,  s'appliquer  à  chaque  délit  ;  dans  la  science 
du  droit,  elle  n'apparaît  qu'à  propos  de  l'injuria. 

(3)  Gains,  3,  225  =  Insl.,  4,  4.  'J.  Dig.,  47,  10,  7,  2.  3.  1.  8. 

(4)  Gains,  toc.  cil.,  Paul,  5,  4,  10.  Dig.,  47,  10,  7,  8.  1.  9.  Cod.,  9.  35,  8.  11 
faut  également  citer  ici  l'olfense  faite  aux  magistrats  (II  p.  288  n.  2)  et 
aux  clercs  dans  l'exercice  de  leixrs  fonctions  (Cod  ,  1,  3,  10.  9,  35,  4  Nov. 
123,  c.  31). 

(5)  Dig.,  47,  10,  17,  3. 

(6)  Dig.,  47,  10,  7,  8.  La  parenté  produit  généralement  une  aggravation 
de  peine  (Dig.,  48,  19,  28,  8). 

(7)  L'action  d'injure  n'est  donnée  qu'exceptionnellement  aux  enfants  et 
aux  affranchis  contre  les  père  et  mère  et  les  patrons  (Dig..  ;>7,  15,  2  pr. 
47,  10,  7,  2.  1.  11,  7).  Cette  particularité  ne  peut  pas,  pour  l'atlranchi,  être 


ATTEINTE    A   LA    PERSONNALITÉ  101 

laquelle  le  tribunal  doit  donner  l'action  confor(nément  aux  lois 
ou  tout  au  moins  ne  la  refuse  pas  facilement  (1),  l'injure  lé- 
gère est  celle  pour  laquelle  le  préteur  a  la  faculté  d'accorder  (790) 
ou  de  refuser  l'action  suivant  les  circonstances.  La  ligne  de 
démarcation  entre  ces  deux  catégories  est  pour  partie  établie 
par  la  loi,  pour  partie  fixée  tout  au  plus  dans  une  certaine 
mesure  par  la  pratique  judiciaire  (2). 

Si  nous  nous  attachons  maintenant  à  établir  non  pas  ce  que  Différents  cas 
les  Romains  ont  entendu  sous  le  nom  d'injuria  —  le  domaine      pouia^i 
beaucoup  plus   large  embrassé   par  cette  notion  correspond    donner  ueu 

^    ^  °  ^  .       ' .  à  une  action. 

plutôt  à  celui  de  l'action  de  lèse-majesté  dans  ses  applications 
vis-à-vis  de  l'empereur  qu'à  celui  de  l'action  privée  d'injure 
—  mais  dans  quels  cas  on  peut  intenter  une  action  pour  cause 
d'injuria,  il  faut  pour  chaque  catégorie  d'injwia  rechercher 
avant  tout  si  elle  est  citée  dans  une  loi  qui  s'impose  au  préteur 
ou  si  du  moins  elle  a  pris  place  dans  l'cdit  du  préteur  ou  s'il 
résulte  simplement  des  ouvrages  juridiques  que  les  préteurs 
donnent  dans  ce  cas  l'action  d'injure  et  que  la  théorie  ap- 
prouve celte  pratique.  Il  y  a  peu  de  chapitres  du  droit  privé 
qui  aient  été  traités  avec  autant  de  finesse  d'abstraction  et  de 
sens  pratique  et  il  y  en  a  peu  qui  aient  été  aussi  respectés  par 
le  vandalisme  juridique  de  l'époque  impériale. 

Déjà,  d'après  le  droit  des  XII  Tables,  l'homicide  d'un  homme 
libre  ou  d'un  esclave  ne  rentre  pas  dans  li  notion  d'injuria; 
la  destruction  de  la  personne  n'y  est  pas  considérée  comme 
une  simple  atteinte  à  celle-ci.  Si  cet  acte  a  lieu  intentionnel- 


rattachée  à  la  vieille  servitude,  depuis  longtemps  disparue,  des  membres 
de  la  domus  en  puissance  (I  p.  9:2).  Le  même  point  de  vue  fut  sans  doute 
adopté  aussi  pour  les  clients  et,  d'une  manière  générale,  pour  toutes  les 
personnes  sous  une  dépendance  quelconque.  —  La  question  de  savoir  si 
les  époux  peuvent,  pour  cause  d'injure,  exercer  une  action  l'un  contre 
l'autre  n'est    nullement  soulevée. 

(1)  C'est  à  vrai  dire  du  pur  arbitraire,  lorsque  le  gouverneur  de  pro- 
vince dispose  dans  son  édit  :  si  guis  eum  pulsasset,  sese  judicium  injuriarum 
non  daturum  (Cicéron,  Verr.,  1.  2,  27,  66),  mais  le  véritable  pouvoir  se  ma- 
nifeste aussi  par  les  abus. 

(2)  Le  droit  postérieur  traite  Valrox  injuria  comme  une  catégorie  fixe 
et  y  rattache  des  aggravations  de  peine  (CoiZ.,  2,2.  Dig,,  47,  dO,  35.  1.  40). 


102  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

lemenl,  il  tombe,  qu'il  soit  accompli  ou  simplement  tenté, 
sous  le  coup  de  la  loi  sur  le  meurtre  ;  s'il  n'est  pas  intention- 
nel, mais  s'il  y  a  faute  de  l'auteur,  il  est  traité  comme  dom- 
mage causé  à  la  chose  d'autrui. 

2.  La  blessure  corporelle  faite  à  un  homme  libre  ou  à  un 
esclave  constitue  V injuria  des  XII  Tables,  sans  qu'il  y  ait  à 
distinguer  si  cette  blessure  a  été  causée  intentionnellement 
ou  résulte  simplement  d'une  imprudence  coupable  (III  p.  109). 
D'après  le  droit  postérieur,  l'action  d'injure  n'est  permise  qu'en 
cas  de  blessure  corporelle  intentionnelle  (1).  ou  que  si  l'acte 
a  causé  une  perturbation  mentale  chez  la  victime  (2);  quant 
à  la  lésion  corporelle  non  intentionnelle,  il  en  sera  traité  à 
propos  du  dommage  causé  à  la  chose  d'autrui.  En  cas  de  bles- 
sure corporelle  faite  intentionnellement  à  un  esclave,  l'action 

(791)  d'injure  n'est  pas  impossible  d'après  le  droit  prétorien,  mais 
elle  n'est  pas  spécialement  citée  dans  l'édit  pour  cette  hypo- 
thèse, parce  que  celle-ci  est  ordinairement  traitée  comme 
dommage  causé  à  la  chose  d'autrui  (3). 

3,  Les  voies  de  fait  contre  la  personne  libre  qui  n'occasion- 
nent pas  de  blessure,  ou,  d'après  le  langage  technique,  le  fait 
de  pousser  {pulsare)  et  de  frapper  {verberare)  (4)  donne  l'ac- 
tion d'injure  (5),  d'après  le  droit  des  XII  Tables  et  également 


(1)  Gicéron,  De  inv.,  2,  20  (II  p.  346  n.  2).  Gai.,  3,  225.  Coll.,  2,  2,  1. 
Dig..  il,  10,  7,  2.  8.  1.  8. 

(2)  Dig.,  41,  10,  15,  pr. 

(3)  Pour  le  fonctionnement  respectif  de  l'action  d'injure  et  de  l'action 
legis  A(/uilUae  en  cas  de  blessure  faite  à  un  esclave,  cpr.  la  Section  sui- 
vante (III  p.  149  n.  u). 

(4)  Pulsare  désigne  déjà  l'injure  par  voies  de  fait  dans  la  Rliet.  ad  He- 
rennium,  antérieure  à  Sylla  (III  p.  98  n.  4);  pulsare  verberareve  se  trouvait 
dans  la  loi  Gornélia  (Dig..  47,  10,  5  pr.  ;  de  même,  Gicéron,  Verr.,  3,  12, 
31)  ;  cela  doit  provenir  du  transport  des  dispositions  de  la  loi  des  XII  Ta- 
bles dans  l'édit  du  préteur.  On  explique  {Dig.,  47,  10,  5,  1)  pulsare  par 
sine  dolore  caedere  et  ve.rherare  par  cum  dolore  caedere  ;  ces  mots  signifient 
donc  pousser  et  frapper. 

(5)  D(<7.  47,  10,  5  pr.  Gette  loi  n'atteint  pas  l'injure  f:iite  à  un  esclave, 
la  mention  de  ce  cas  dans  l'édit  complcnienlaire  du  préteur  le  prouve 
(III  p.  103  n.  2)  ;  des  Dig.,  48,  2,  12,  4,  il  résulte  qu'elle  n'embrasse  pas 
non  plus  l'injure  commise  par  un  esclave. 


ATTEINTE    A   LA    PERSONNALITÉ  103 

d'après  la  lex  Cornelia  de  injuriis.  Cette  règle  s'étend  aussi  à 
la  menace  de  voies  de  fait  (1). 

4.  L'édit  du  préteur  promet  que  l'action  d'injure  sera  ordi- 
nairement accordée,  lorsqu'il  y  a  eu  contre  un  esclave  des  voies 
de  fait  graves  qui  n'ont  pas  causé  de  lésion  corporelle  dura- 
rable  ou  de  diminution  de  valeur  persistante,  notamment  en 
cas  de  torture  (2). 

5.  Celui  qui  par  corruption  pousse  une  personne  libre  ou  un 
esclave  à  mener  mauvaise  vie  (3).  est  exposé  à  l'action  d'in- 
jure de  la  part  de  celui  qui  a  la  puissance  sur  la  victime  ;  tan- 
dis que  cette  action  est  refusée  à  la  personne  séduite,  lors- 
qu'elle a  donné  son  consentement  à  la  séduction  (4). 

G.  Les  sources  ne  nous  permettent  pas  d'établir  depuis  quand 
et  dans  quelle  mesure  on  a  fait  rentrer  l'impudicité  dans  le 
délit  privé  d'injuria.  Le  viol  contre  des  personnes  de  l'un  ou  (792) 
de  l'autre  sexe  échappe  à  la  notion  à' injuria  telle  que  nous  l'ex- 
posons ici,  parce  qu'au  moins  à  l'époque  pour  laquelle  nous 
sommes  renseignés  ce  délit  fait  l'objet  d'une  répression  crimi- 
nelle (o).  —  Les  relations  sexuelles  avec  une  femme  ingénue, 
mariée  ou  non  mariée,  qui  y  consent,    rentrent  sans  aucun 


(1)  Dig.,  47,  10,  15,  1. 

(2)  Edit  Dig.,  47,  10,  15,  34  :  qui  servum  alienuin  adversus  bonos  mores  ver- 
beravisse  deve  eo  injussu  domini  quaestionem  habuisse  dicetur,  in  euni  judlcium 
dabo.  L'absence  de  pulsare  et  la  clause  restrictive  adversus  bonos  mores  ne 
doivent  pas  passer  inaperçues.  On  peut  dans  ce  cas  agir  aussi  au  cri- 
minel pour  cause  de  violence  (Dig.,  48,  7,  4,  1  ;  cpr.  II  p.  376  n.  1).  —  La 
correction  d'un  esclave  par  le  magistrat,  lorsqu'elle  est  provoquée  par 
une  dénonciation  injuste,  donne  au  maître  le  droit  d'intenter  l'action 
d'injure  contre  le  dénonciateur  {Dig.,  47,  10,  17,  2). 

(3)  Dig.,  47,  10,  25  :  si  stuprum  serua  passa  sit,  injuriarum  aclio  dabitur. 
Dig.,  47,  10,  9,  4  :  sed  et  si  servi  pudicilia  atlemptata  sit,  injuriarum  locum 
habet. 

(4)  Dig.,  47,  iO,  26.  Cette  application  de  l'actio  injuriarum  cadre  en  subs- 
tance avec  celui  de  l'action  pour  cause  de  corruption  d'esclave  dont  il 
sera  traité  à  propos  du  dommage  causé  à  la  chose  d'autrui  ;  elle  a  été 
également  étendue  aux  enfants  (III  p.  169). 

(5)  II  p.  383.  Paul,  5,  4,  4,  cite  le  viol  (car  il  semble  que  c'est  ce  délit 
qui  est  visé  par  les  mots  pulsatio  pudoris)  à  propos  de  l'injuria,  mais  le 
fait  qu'il  indique  pour  ce  cas  la  peine  de  mort  montre  que  ce  juriscon- 
sulte ne  compte  pas  en  pratique  le  viol  parmi  les  cas  d'injuria. 


1 


104  DROIT    PÉNAL    ROiMAIN 

doute,  au  regard  du  mari  et  du  détenteur  de  la  puissance,  dans 
la  notion  d'injure,  et,  si  la  loi  des  XII  Tables  s'est  difficilement 
étendue  à  ce  cas,  le  préteur  de  la  République  a  vraisemblable- 
ment donné  dans  celte  hypothèse  l'action  d'injure  (II  p.  416). 
Mais  ce  délit  s'est  séparé  de  Vinjuria,  lorsqu'une  loi  d'Auguste 
introduisit  la  répression  criminelle  du  stupriim  et  de  l'adul- 
tère. —  Il  en  fut  de  même  vraisemblablement  pour  la  pédé- 
rastie après  la  promulgation  de  la  loi  Scantinia  (II  p.  431).  — 
Par  conséquent,  il  ne  reste  pour  l'action  d'injure  que  l'impu- 
dicité  avec  un  enfant  ingénu  d'un  âge  où  l'on  ne  répond  pas 
encore  de  ses  délits  (1),  et  surtout,  comme  les  lois  précitées 
frappaientjseulement  le  délit  consommé,  que  la  tentative  d'ame- 
ner à  un  tel  délit  une  femme  ou  un  garçon  libres  et  de  bonne 
conduite  (2).  Cette  action  s'étend  même  à  tout  acte  qui  porte 
atteinte  à  l'honneur  des  femmes  honnêtes  (3).  On  mentionne 
spécialement  comme  tels  dans  l'édit  du  préleur  les  actes  qui 
blessent  en  même  temps  la  décence  publique,  comme  l'accom- 
pagnement inconvenant  sur  la  voie  publique  (4),  le  fait  d'a- 
dresser en  public  des  paroles  licencieuses  à  une  personne  (o), 
le  fait  d'éloigner  les  gens  de  la  suite  d'une  personne  (6). 
(793)  7.  Pour  la  violation  de  domicile,  lorsqu'elle  a  lieu  avec  vio- 


(1)  Cet  abus  ne  rentre  pas  dans  le  stupnnn  (II  p.  4:20  n.  :2)  et  il  ne  reste 
par  conséquent  que  l'injure.  Nos  sources  ne  mentionnent  pas  ce  cas. 
L'abus  d'vin  esclave  impubère  rentre  dans  le  damntim  aquillien  (Paul.  1, 
13  A.  ^.Dig.,  47,  10,25). 

(2)  II  p.  4:22.  Paul,  5,  4,  5  =  l>i(]-,  ^1,  Hj  1,  P''-  •'  sollii-Hatores  alienarum 
nuptiarum  itemque  matrimoniorum  interpellatores  et  si  e/feclu  sceleris  poliri 
non  possint,  propler  voluntatem  perniciosae  libidinis  extra  ovdinem  puniuntiir. 
Paul,  5,  4,  14  :  qui  mulierem  puellamve  inteiyellaveril.  Les  mots  o,  4,  4,  aut 
de  stupro  interpellatitr  doivent  être  rayés. 

(3)  Attemptare  pudirALiam  (Dig.,  47,  10,  1,  2.  1.  tO.  Inst.,  4,  4,  1  :  impiulicos 
facere  attemptare  :  Dig.  47,  10,  9,  4  ;  pudiciliam  corrumpere  :  Paul,  5,  4,  14) 
doit  avoir  ligure  dans  l'édit  comme  les  expressions  suivantes.  Naturelle- 
ment.la  peine  s'étend  à  tout  acte  d'assistance.  Paul,  5,  4,  14  :  qi/i  domum 
(non  pas  donum]  praebuerit  preliumve  quo  id  persuadent  dederit. 

(4)  Adsectari  :  Dig.  47,  10,  15,  19.  22.  23.  De  même,  vis-à-vis  de  jeunes 
garçons  :  Gains,  3,  220. 

(o)  Appellare  :  Dig.  47,  10,  15,  19.  23.  Des  lurpia  verha  suffisent  déjà  pour 
l'action:  Dig.,  47,  10,  15,  21. 

(6;  Comilem  abdurere  :  Paul,  5,  4,  14.  Dig.,  47,  10,  1,  2.  1.  15,  16-18. 


ATTEINTE    A    LA   PERSONNALITÉ  105 

lence.  et.  peut-on  ajouter,  lorsqu'elle  est  commise  par  une 
personne  libre,  la  loi  Coruelia  prescrit  l'application  d'une  pro- 
cédure pénale  rigoureuse  (1).  On  assimile  à  celui  qui  trouble 
la  paix  de  la  demeure  celui  qui  s'y  introduit  furtivement  (û?e- 
rectarins)  (2).  Ua?iirmis  furandi,  qui  pousse  ordinairement  le 
coupable  à  cet  acte,  ne  peut  pas  être  puni  comme  vol  (3). 

8.  La  molestation  dans  la  jouissance  d'une  maison,  par  exem- 
ple en  corrompant  l'eau  qui  l'alimente,  surtout  lorsque  l'in- 
térêt public  est  lui-même  en  cause  (4). 

9.  Le  fait  de  traiter  un  concitoyen  comme  s'il  ne  jouissait  pas 
de  droits  égaux,  par  exemple,  en  méconnaissant  sa  liberté  (o) 
ou  les  privilèges  attachés  à  sa  condition  (6),  en  l'incarcé- 
rant (7),  en  le  privant  de  l'exercice  des  droits  qui  appartien- 


(1)  Big.,  47,  10,  5,  ipr.  :  lex  Cornelia  de  injuriis  competU  ei,  gui...  domum 
suam  vi  introitam  esse  dicat.  Cette  règle  s'applique  même  lorsque  l'irrup- 
tion a  lieu  pour  citer  un  adversaire  à  comparaître  en  justice  (Dig.,  47,  10. 
23;  cpr.  I  p.  54  n.  3).  On  assimile  à  l'irruption  le  fait  d'empêcher  une 
personne  de  rentrer  chez  elle  (Cicéron,  Pro  Caec,  12,  35). 

(2)  Sont  derectar'd  d'après  Ulpien  (Dig.,  47,  11,  7)  ceux  qui  in  aliéna  ce- 
nacula  se  dirigunl  furandi  animo  ;  de  même  chez  Paul,  5,  4,  8,  où  cette 
règle  est  incorrectement  rattachée  à  la  loi  Gornélia  elle-même.  Avec 
moins  d'exactitude,  les  derectarii  sont  rangés  parmi  les  voleurs  quali- 
fiés :  Dig.,  47,  18,  1,  2. 

(3)  Paul,  2,  31,  33.  Dig.,  47,  2,  21,  7. 

(4)  Paul,  3,  4,  13  =z  Dig.,  47,  11,  1,  1  :  fit  injuria  contra  bonos  mores,  veluti 
si  guis  fimo  corrupto  aliquem  perfuderit,  caeno  luio  oblinierit,  nquas  spurcave- 
rit,  fistulas  lacus  quidve  aliud  in  injuriam  publicani  contamiîiaverit  :  in  quos 
graviter  anidmadverli  solet.  Javolenus  (Dig..  47,  10,  44)  donne  l'action  con- 
trairement à  Labéon,  si  inferiorum  dominus  aedium  superioris  vicini  fumi- 
gandi  causa  fumum  faceret  aut  si  superior  vicinus  in  inferiores  aedes  quid  aut 
projecerit  aut  infuderil,  à  la  condition  que  ces  molestations  aient  eu  lieu 
intentionnellement. 

(5)  Dig.,  47,  10,  11,  9.  1.2*.  Cod.,  9,  33,  9.  c.  10.  Si  cette  méconnaissance 
a  uniquement  lieu  pour  éviter  une  éviction,  le  dol  nécessaire  pour  l'in- 
jure fait  défaut  (Dig.,  47,  10,  12).  Dioclétien,  Cod.„  7,  16,  31,  nous  dit  que 
la  contestation  de  liberté  peut  aussi  provoquer  l'application  d'une  peine 
criminelle  extraordinaire. 

(6)  Exclusion  au  théâtre  des  places  affectées  aux  sénateurs  et  aux  che- 
valiers :  Quintilien,  3,  6,  18. 

(7)  L'iocarcération  n'est  pas  mentionnée  expressément  à  propos  de  l'in- 
jure; mais  la  permission  donnée  de  retenir  pendant  vingt  heures  la  per- 
sonne coupable  d'adultère  (III  p.  111  n.  4)  implique  l'existence  d'une 
règle  contraire. 


106  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

nenl  à  tous  sur  le  sol  public  (!>,  en  prenant  possession  de 
son  patrimoine  (2),  en  l'entravant  dans  le  libre  usage  de  sa 
(794)  propriété  (3)  ou  par  toute  attitude  tendant  à  faire  croire  qu'il 
n'est  pas  solvable  (4).  La  publication  prématurée  donnée  à 
des  dispositions  de  dernière  volonté  est  traitée  comme  une 
atteinte  malveillante  à  la  personnalité  (o). 

10.  La  chanson  diffamatoire  {carmen  famosiim)  dite  en  pu- 
blic est  sévèrement  punie  par  le  droit  des  XII  Tables  (G).  Le 
convicium  au  sens  originaire  du  mot,,  c'est-à-dire  l'outrage  fait 
à  une  personne  devant  sa  maison  avec  attroupement,  ne  se  dif- 
férencie pas  essentiellement  du  carmen  famosum  (7).  Lorsque 


(1)  Big.,  43,  8,  2,  9.  47,  10,  13,  7.  1.  14. 

(2)  Dig.,  47,  10,  15,  31  :  si  guis  bona  alicujus  vel  rem  unam  per  injuriam  oc- 
cupaverit. 

(3)  Dig.,  19,  1,  25,  pt-.  47,  10,  13,  7  :  si  guis  re  mea  uti  me  non  permittat. 

1.  24  :  si  guis  proprium  servum  distrahere  prohibelur. 

(4)  Comme  applications  de  cette  idée,  on  peut  citer  l'engagement  de  la 
procédure  d'exécution  sur  les  biens  contre  une  personne  solvable  (Gains, 
3,  220  ;  cpr.  Cicéron,  Pro  Quinctio,  6,  23)  ;  l'apposition  sur  une  maison 
d'une  marque  indiquant  qu'elle  est  soumise  à  la  procédure  d'exécution 
{Dig.,  47,  10,  20)  ;  l'offre  publique  de  vente  d'un  objet  donné  en  gage  (Dig., 
47,  10,  15,  32)  ;  la  sommation  faite  dans  une  séance  publique  du  tribunal 
(Dig.,  47,  10,  13,  3)  ;  la  sommation  faite  aux  cautions  {Dig.,  47,  10,  19)  ;  le 
refus  d'un  cautionnement  suffisant  {Dig.,  2,  8,  5,  1)  ;  la  demande  injusti- 
fiée d'une  sûreté  [Dig.,  42,  o,  31,  5). 

(5)  Dig.,  9,  2,  41,  pr.  16,  3,  1,  38. 

(6)  Loi  des  XII  Tables  8,  i  ScbôU  [id.  Girard]  =  Cicéron,  De  re  p.,  4, 
10,  12  :  noslrae  duodecim  tabulae  cum  perpaucas  res  capile  san. rissent,  in  his 
hanc  guogue  sanciendam  putaveruul,  si  guis  occentavisset  sive  carmen  condidis- 
set,  guod  infamiam  faceret  flagitiumve  alleri.  —  Carmen  famosum,  chez  Sé- 
nèque,  Contr.  o.  G,  et  dans  les  ouvrages  juridiques  (Paul,  5,  4,  G.  15  ;  Dig., 
22,  5,  21,  pr.  28,  1,  18,  1),  malum  carmen,  chez  Horace,  Ep.,  2,  1,  133.  Sat., 

2.  1,  82,  et  Arnobe,  4,  34. 

(7)  Convicium,  terme  juridique  embrassant  les  cas  où  la  responsabilité 
est  juridiquement  engagée,  mais  employé  parfois  {Dig.,  28,  2,  3  pr.)  en 
dehors  de  ces  cas,  est  avant  tout,  d'après  l'etymologie  vraisemblable- 
ment exacte  (=r  convocium  de  vox  chez  Festus,  Ep.,  p.  41  et  Dig.,  47,  10, 
13,  4.  à  côté  de  l'autre  étymologie,  a  vicis,  chez  Festus,  loc.  cit.,  et  Nonius, 
p.  67),  rinjure  commise  avec  tapage  public;  dans  son  application  juridi- 
que, cette  notion  (employée  alternativement  avec  le  terme  non  technique 
maledictum  Paul,  5,  4,  19.  20.  Dig.,  47,  10,  13,  H.  44.  Cod.,  2,  6,  6)  corres- 
pond à  peu  près,  si  on  la  généralise  et  la  simplifie,  à  notre  injure  «  ver- 
bale ».  Coll.,  2,  5,  4  :  verhis,  dum  convicium  palimur.  Paul,  5,  4,  1.  18.  tit.  35, 

3.  Rhet.  ad  lier.  4,  25,  35  (III  p.  98  n.  4).  Gains,  3,  220.  222.  Dig.,  37,  14,  1. 


ATTEINTE    A    LA   PERSONNALITÉ  107 

la  publicité  s'opère  de  plus  en  plas  par  des  écrits,  on  voit  ap- 
paraître, à  côté  da  carmen  famosum  et  même  avant  lui,  l'écrit 
diffamatoire  {libellus  famosus)  (1).  Sont  punissables  dans  la 
même  mesure  :  la  composition,  la  récitation  et  la  diffusion  d'un 
écrit  diffamatoire  (2L  Le  fait  de  publier  l'écrit  diffamatoire 
sous  le  voile  de  l'anonymat  ou  d'un  pseudonyme  constitue  une 
circonstance  aggravante  (3);  les  productions  de  ce  genre  fu- 
rent l'occasion  de  graves  abus,  notamment  pendant  la  dernière  (79o) 
période  de  l'Empire;  aussi  Constantin  et  ses  successeurs  frap- 
pèrent-ils des  peines  les  plus  rigoureuses  tout  concours  prêté 
à  leur  confection  et  à  leur  diffusion,  même  lorsque  les  accu- 
sations qu'elles  contenaient  étaient  vraies.  —  Ce  délit,  pour 
lequel  l'élément  juridiquement  décisif  n'est  pas  la  qualité  de 
l'offense,  mais  la  publicité  résultant  de  ce  fait  que  le  chant 
passe  de  bouche  en  bouche  ou  que  l'écrit  circule  de  main  en 
main,  a  été  traité  et  puni  dans  la  loi  des  XII  Tables,  non  comme 
une  atteinte  à  la  personne  d'un  particulier,  mais  comme  un 
danger  public.  Cette  conception  n'a  pas  disparu  dans  la  suite, 
comme  nous  l'exposerons  plus  loin  à  propos  de  la  procédure  et 
de  la  peine.  Toutefois  le  préteur,  en  rangeant  dans  son  édit, 
au  cours  de  son  œuvre  d'extension  et  de  modification  de  la  loi 
des  XII  Tables,  le  convicium  parmi  les  cas  qui  fondent  l'ac- 
tion d'injure,  a  fait  rentrer  le  chant  et  l'écrit  diffamatoires 
dans  le  délit  privé  d'injuria  (4). 


47,  10,  3,  1.  1.  34.  49,  1,  8.  Toutefois,  ce  terme  est  également   appliqué  à 
des  actes  (Paul,  5,  4,  21). 

(1)  Famosus  libelliis,  Suétone.,  Aug.,  55  ;  Paul,  5,  4,  17  et  ailleurs. 

(2)  Ulpien,  Dig.,  47,  10,  5,  9  :  si  quis  libriun  ad  infamiam  alicujus  peiiinen- 
tem  scripserit  composuerit  ediderit  dolove  malo  feceril  quo  quid  eorum  fieret. 
Inst.,  4,  4,  1. 

(3)  Ulpien,  loc.  cit.,  ajoute  :  eliamsi  alterius  nomme  ediderit,  vel  sine  no- 
mine.  Les  constitutions,  à  partir  de  Constantin,  C.  Th.,  9,  34  rr  C.  Just.,  9, 
36,  sont  dirigées  contre  les  libelli  famosi  anonymes. 

(4)  L'édit  {Dig.,  47,  10,  15,  2)  :  qui  adversus  bonos  mores  convicium  cui  fecisse 
cujusve  opéra  factum  esse  dicetur,  quo  adversus  bonos  mores  convicium  fieret, 
in  eumjudicium  dabo  emploie  sans  doute,  comme  les  commentateurs  eux- 
mêmes  le  reconnaissent,  le  terme  dans  son  sens  originaire,  et  est  pré- 
cisément provoqué  par  la  mission  qui  incombe  au  préteur  d'assurer  l'ap- 
plication de  la  loi  des  XII  Tables.  Le  magistrat  se  réserve  d'ailleurs  ici, 


108  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

11.  Les  autres  injures  peuvent,  comme  nous  l'avons  déjà 
indiqué,  fonder  une  action  d'injure  en  vertu  du  pouvoir  arbi- 
traire du  magistrat,  lorsque  des  circonstances  aggravantes  de 
lieu,  de  temps  et  de  personnes  augmentent  l'offense  (1).  Au 
lieu  de  citer  les  différents  cas  particuliers  qui  nous  ont  été 
transmis  et  parmi  lesquels  il  convient  de  relever  celui  où  le 
(79G)  nom  d'une  personne  vivante  est  prononcé  sur  la  scène  (2),  il  pa- 
raît plus  utile,  dans  un  exposé  juridique  de  l'action  d'injure, 
de  signaler  la  diminution  d'importance  de  l'otTense  commise 
par  des  discours  diffamatoires  ou  par  d'autres  actes  du  même 
genre.  Sans  doute,  comme  le  fait  déjà  prévoir  l'élargissement 
du  sens  de  convichtm,  à  la  suite  duquel  cette  expression  em- 
brasse toute  injure  verbale  au  lieu  des  seules  injures  verbales 
commises  avec  bruit  et  en  groupe,  de  telles  otl'enses  ne  font  pas 
complètement  défaut  parmi  les  cas  d'application  de  l'action 
d'injure  (3);  mais,  lorsqu'il  n'y  a  pas  une  certaine  publicité  et 
un  certain  danger  pour  l'ordre  public  (4),  il  semble  qu'en  rè- 


par  la  clause  adversus  bonos  mores,  la  possibilité  de   refuser  éventuelle- 
ment l'action  (Di.9.,  47,  10,  15,  5). 

(1)  On  cite  encore  dans  nos  sources  juridiques  le  fait  de  provoquer  par 
malveillance  iine  inspection  relativement  à  la  grossesse  d'une  femme  di- 
vorcée {Dig.,  25,  4,  1,  8),  le  soulèvement  de  l'opinion  pulilique  contre  une 
personne,  par  exemple,  lorsqu'on  fait  soupçonner  un  maître  de  traiter 
cruellement  ses  esclaves  en  déterminant  ceux-ci  à  fuir  auprès  d'une  sta- 
tue de  l'empereur  (Dig.,  47,  il,  5  ;  C.  Th.,  9,  44,  1  =  C.  Just..  1,  25,  1),  cas 
dans  lequel  une  répression  publique  est  également  possible,  ou  lorsqu'on 
prenant  le  deuil  comme  futur  accusé  on  fait  soupt^onner  une  autre  per- 
sonne de  vouloir  intenter  contre  soi  une  action  criminelle  {Dig.,  47,  10,  15, 
27  ;  cpr.  1.  39).  Il  ne  faut  d'ailleurs  pas  perdre  de  vue  que  les  écrits  juridi- 
ques romains  parlent,  à  côté  de  l'action  civile,  de  l'action  criminelle  pos- 
térieure pour  injures  qualifiées,  et  que,  là  où  cette  dernière  est  possible, 
par  exemple  on  cas  d'olfense  commise  contre  le  juge  de  première  ins- 
tance dans  l'écrit  d'appel,  l'action  civile  n'est  pas  nécessairement  admise. 

(2)  La  lUtet .  ad  lier.,  1,  14,  24.  2,  12,  19  mentionne  comme  controverse 
juridique  la  question  de  savoir  si  l'acteur,  qui  nomme  sur  la  scène  le 
poète  (Accius)ou  plus  généralement  un  écrivain  quelconque,  commet  une 
injure. 

(3)  Action  d'injure  contre  celui  qui  reproche  un  meurtre  :  Cod.,  9,  35, 
5  ;  ou  l'exercice  du  métier  de  délateur  :  Cod.,  9,  35,  3. 

(4)  Paul,  5,  4,  21  :  convicium  contra  bonos  mores  fieri  videtttr,  si  obscaeno 
nomine  aut  inferiore  parte  corporis  nudatus  aliquis  inseclatus  sit  (donc  publi- 
quement) ;  (fuod  factum  contemplalione  morum  et  causa  publicae   lionestatis 


ATTEINTE    A   LA   PERSONNALITÉ  109 

gle  générale  l'action  soit  refusée  (i).  D'ailleurs,  les  sources 
observent  un  silence  éloquent  sur  les  offenses  commises  dans 
les  relations  entre  particuliers  ou  par  voie  de  correspondance 
privée  (2). 

D'après  le  droit  postérieur,  le  préteur  devait,  en  exécution    Attribution 

11  ^•r^  r  ji»-  u'de  l'action  par 

de  la  loi  des  XII  Tables  modihee,  accorder  1  action  en  cas  d  in-  i^  magistrat. 
jure  par  voies  de  fait  et  par  outrage  commis  en  public  et  avec 
bruit;  en  outre,  il  avait  5  la  donner,  d'après  la  lex  Cornelia, 
en  cas  de  violation  brutale  du  domicile.  Pour  quelques  inju- 
res peu  nombreuses,  notamment  lorsqu'une  femme  honnête 
était  victime  d'un  outrage  public,  l'édit  promettait  l'action 
d'une  façon  absolue.  Dans  tous  les  antres  cas,  le  préteur  se 
réservait  le  droit  d'accorder  ou  de  refuser  l'action  suivant 
la  nature  des  faits  affirmés  par  le  demandeur. 

Après  avoir  ainsi  déterminé  la  nature  de  l'atteinte  à  la  per-  Laction 
sonnalitéqui  constitue  Vinjuria,  attachons-nous  au  second  élé-  "^^qaeli' 
ment  re(iuis  pour  l'existence  de  ce  délit,  à  savoir  à  l'intention  i'a"einteàia 

'  _  _     .  personnalité 

injuste  (le  commettre  une  atteinte  de  ce  genre.  L'injure  de  la    dautrui  est 

loi  des  XII  Tables  réclame-t-elle  une  telle  intention?  Cela  est  '°t«°''°°°e"«- 

plus  que  douteux.  A  vrai  dire,  la  blessure  causée  accidentelle-      (797) 

ment  échappe  dès  cette  époque,  par  analogie  avec  les  règles 

sur  la  mort  donnée  involontairement,  à  toute  répression  ;  mais  \ 

il  est  difficile  que^,  dans  une  application  du  droit  pénal  qui  se  ^ 

laissait  uniquement  guider  par  des  considérations  extérieures, 

on  ait  alors  distingué  entre  l'offense  commise  par  dol  et  celle 

qui  résultait  d'une  simple  faute.  Nous  excluons  cette  dernière 

de  notre  exposé  et  la  réservons  pour  la  Section  [suivante.  — 


vindictam  extraordinariae  idtionh  expp.ctat.  Ibid.   19  maledictum  itemqur  con- 
vicium  publiée  factum  ad  injuriae  vindlctam  revocatur. 

(1)  Lorsque  l'édit  refuse  l'action  pour  une  injure  faite  pendant  un  jeu 
de  hasard  à  celui  qui  tient  la  banque  (III  p.  1!1  n.  1),  il  n'est  question 
que  de  coups  ;  la  même  solution  va  de  soi,  lorsqu'il  s'agit  d'injures  ver- 
bales. 

(2)  Par  contre,  l'action  est  admise  à  raison  d'une  injure  commise  con- 
tre des  tierces  personnes  dans  un  écrit  adressé  aux  autorités  (Dig.,  47, 
10,  15,  29  :  Si  quis  libello  dalo  vel  principi  vel  alii  eut  famam  alienam  xnsecLa- 
tus  fuerit,  injuriarum  erit  agendum  :  Papinianus  ail). 


110  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

D'après  le  droit  postérieur,  l'injure  ne  peut  être  commise  par 
simple  faute,  il  faut  l'inlenlion  de  violer  le  droit.  Par  suite, 
l'action  d'injure  est  exclue  dans  les  cas  suivants  : 

1.  Pour  tous  les  actes  accomplis  par  des  irresponsables  : 
fous,  impubères  (1). 

2.  Pour  tous  les  actes  qui  ne  sont  pas  accomplis  dans  le  but 
de  violer  le  droit  (2).  Il  est  permis  de  dévoiler  des  faits  qui 
entachent  la  réputation  d'une  personne,  lorsqu'on  poursuit  par 
là  un  autre  but  que  celui  de  l'offenser  (3). 

3.  Pour  tous  les  actes  permis  par  le  droit,  par  exemple,  en 
cas  de  correction  infligée  en  vertu  d'un  pouvoir  domestique, 
et.  d'une  manière  générale,  en  cas  de  correction  infligée  chez 
soi  (4),  ou  en  cas  de  punition  ordonnée  par  le  magistrat,  lors- 
que celui-ci  a  agi  dans  les  limites  de  sa  compétence  (3).  Même 
si  dans  l'une  de  ces  hypothèses  une  erreur  se  produit,  par  exem- 
ple, si  la  correction  est  infligée  à  un  homme  libre  que  l'on 
croyait  esclave,  il  n^y  a  pas  d'injure  (G).  11  faut  également  ci- 
ter ici  l'exercice  de  la  justice  privée  dans  les  cas  où  elle  est 
admise.  Quant  aux  actes  qu'on  doit  considérer  comme  consti- 
tuant l'exercice  d'une  pareille  justice,  c'est  aux  mœurs  et  dans 


(1)  Paul,  0,  4,  2.  Dig.,  47,  10,  3. 

(2)  Par  exemple  par  plaisanterie  {Dig.,  47,  10,  3,  3).  Une  culpa  quelcon- 
que ne  fonde  pas  l'injure. 

(3)  Paul,  Dig.,  47,  10,  18  pr.  :  cum  (j<ii  vocenlem  infamavit,  non  esse  honum 
et  a^'qitum  ob  eam  rem  condemnari ;  peccata  enim  nocenliiim  nota  esse  et  opor- 
iere  et  e.rpedire.  Dioctétien,  Cod.,  9,  35,  o  :  si  non  conincd  conslUo  te  aliqiiid 
injiiriosum  dixisse  prohure  pôles,  ftdes  verl  a  calinmda  le  défendit.  L'intention 
d'olîeiiser  existe  ici,  mais  elle  est  soustraite  à  toute  répression  à  raison 
d'une  autre  intention  qui  se  manifeste  à  ciUé  d'elle.  A  parler  strictement, 
il  peut  en  être  ainsi  dans  certains  cas,  même  lorsqu'on  n'arrive  pas  à 
prouver  la  vérité  des  faits  avancés. 

(4)  Dig.,  48,  19,  16,  2.  Le  fait  de  dépasser  dans  ce  cas  la  mesure  conve- 
nable peut  donner  lieu  à  une  action  pour  cause  de  dommage  causé  à  la 
chose  d'aulrui,  mais  non  pas  pour  cause  d'injure  (Dig.,  19,  2,  13,  4). 

(5)  Dig.,  47,  10,  13,  1.  2.  1.  13,  39.  1.  33.  48,  19,  16.  2.  Lorsqu'on  se  trompe 
dans  l'accomplissement  d'actes  publics,  on  peut  aussi  ne  pas  avoir  l'in- 
tention d'olfensor  la  personne  qui  soulTre  de  cette  erreur  (Dig.,  47,  10.  13, 
îj.  6).  Au  contraire,  l'action  d'injure  est  fondée,  lorscju'un  dépasse  sciem- 
ment les  limites  de  sa  compétence  (Dig.,  47,  10,  32). 

(6)  Dig.,  47,  10,  3,  4.  Quintilien,  7,  4,  14. 


ATTEINTE    A   LA    PERSONNALITÉ  111 

chaque  cas  concret  aux  interprètes  de  ces  mœurs,  c'est-à-dire 
aux  magistrats  compétents,  qu'il  appartient  de  les  déterminer.  (798) 
C'est  sur  cette  idée  que  se  fonde  le  refus  d'action  en  cas  de 
voies  de  fait  exercées  pendant  un  jeu  de  hasard  sur  la  personne 
de  celui  qui  tient  la  banque  (1).  Cette  même  idée  explique 
aussi  notamment  que  celui  qui  se  rend  coupable  d'un  adul- 
tère soit  pour  ainsi  dire  dépourvu  de  toute  proteciion  juridi- 
que en  cas  d'injure  commise  contre  lui.  Sous  laRépublique,  les 
atteintes  corporelles  les  plus  graves  commises  dans  ces  cas  sont 
impunissables  (2),  et  le  droit  impérial  pose  également  la  règle 
que  toutes  les  fois  où  l'adultère  légitime  l'homicide  (II  p.  339) 
toute  espèce  de  mauvais  traitements  est  égalemonl  permise  (3) . 
En  outre,  la  loi  d'Auguste  sur  l'adultère  autorise  expressé- 
ment l'offensé  à  retenir  pendant  vingt  heures  celui  qui  est 
surpris  en  flagrant  délit  d'adultère  (4). 

4.  Le  consentement  de  la  victime,  dans  la  mesure  du  moins 
où  il  y  a  à  tenir  compte  de  cette  victime  elle-même,  exclut  l'ac- 
tion (5). 


(1)  Edit  du  préteur  :  Dif/  ,  11,  5,  1,  pr.  :  si  quia  eum,  ap'ud  quem  aléa  lusum 
esse  dicetur,  verheraveril...  judicium  non  dabo,  ce  qui  d'après  le  |  2  doit 
s'appliqxier  non  seulement  pour  la  durée  du  jeu,  mais  encore  à  toute  épo- 
que et  en  tous  lieux  [ubiciimque  et  quandociimque). 

(2)  Val.  Max.,  6,  1,  13  ;  par  exemple  la  castration,  qui  n'est  d'ailleurs 
pas  admise  dans  ce  cas  par  tous  les  jurisconsultes  (Horace,  Sat.,  1,  2,  46). 

(3)  Dig.,  48,  5,  23,  3  :  quioccidere  potest  adulterum,  multo  magis  contumelia 
poterit  jure  adficere. 

(4)  Paul,  2,  26,  3.  iJlg.,  48,  o,  20. 

(o)  Dig.,  47,  10,  1,0".  nulla  injuria  est,  quae  in  volentem  fiât.  1.  26.  L'in- 
capacité de  fait  n'équivaut  naturellement  pas  à  un  consentement  (III  p.  96 
n.  4).  —  Rentre  dans  ce  cas  la  promesse  par  serment  (auctoramentum) 
exigée  de  l'homme  libre,  lors  de  son  entrée  à  l'école  de  gladiateurs,  et  par 
laquelle  il  s'engage  à  accepter  le  traitement  propre  à  la  profession  de  gla- 
diateur :  brûlures,  enchaînement,  coups,  mort(M/'i  vinciri  verberari  fer  roque 
necari  :  Pétrone,  U7  ;  Sénéque,  Ep.,  37,  1).  On  comprend  que  les  objections 
juridiques  qui  viennent  naturellement  à  l'esprit  dans  ce  cas  disparaissent 
au  regard  de  Vhomicidium  publicum.  —  L'k'yYpacpov  xoniôspixta;  (xoTtiôspji^'a  ; 
d'après  la  glose  gréco-latine,  2,  p.  198  Gotz  tinni  so  [expression  inconnue 
par  ailleurs]  ^  -/.oTriospi^oçy,  qu'on  rencontre  pendant  la  dernière  période, 
paraît  voisin  de  l'hypothèse  précédente;  c'est  une  sorte  d'entrée  volon- 
taire dans  l'esclavage  que  défendit  l'empereur  Anastase  (Malalas,  16, 
p.  401  éd.  Bonn). 


112  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

Injure  indirecte.  Peu  impcFle  611  droit  que  l'intention  d'offenser  se  manifeste 
contre  l'offensé  personnellement  ou  contre  un  intermédiaire. 
Cet  intermédiaire  peut  être  un  objet,  par  exemple  en  cas  d'ou- 
trage à  une  efflgie  1 1),  ou  une  personne,  en  tant  que  l'offense 
commise  contre  l'épouse,  le  fils  ou  le  serviteur,  peut  être  diri- 
(799)  gée  en  même  temps  et  même  principalement  contre  le  mari 
le  père  ou  le  maîlre  (2).  On  exige  toutefois  dans  ce  cas  que 
l'offenseur  ail  connu  le  lien  en  question,  donc  qu'il  ait  su  que 
l'offense  atteignait  en  même  temps  les  personnes  précitées  (3). 
Si  cela  n'a  pas  eu  lieu,  donc  s'il  n'y  a  pas  d'injure  indirecte  (4), 
l'ancien  droit  accorde  difficilement  l'action  d'injure  au  mari, 
au  père  ou  au  maître  (o). 

Action  dinjure  Eu  cas  d'iojure  commise  vis-à-vis  d'un  homme  libre  en  puis- 
^le"^"'^  sance  ou  vis-à-vis  d'un  esclave  (III  p.  96  n.  4),  on  a,  comme 

la  puissance,  ^es  persoDucs  sout  dépourvues  de  la  capacité  requise  pour  in- 
tenter une  action,  accordé  l'action  d'injure  au  détenteur  de  la 
puissance  en  qualité  de  représentant  (G).  Toutefois,  on  a  per- 


(1)  Quintilien,4,  2,  100,  mentionne  comme  injure  fondant  une  action  la 
flagellation  de  la  statue  d'une  personne  (d'un  débiteur  banqueroutier, 
semble-t-il).  On  sait  le  rôle  que  jouait  l'effigie  de  l'einpereur  dans  l'ac- 
tion de  lèse-majesté  (Il  p.  :î9i).  Rentre  également  dans  ce  cas  la  viola- 
tion de  la  sépulture  d'un  parent  (III  p.  96  n.  2). 

(2)  Dif/.,  47,  10,  15,  35:  si  quis  sic  fecit  injuriam  servo,  ut  domino  faceret, 
video  dominum  injuviarum  agere  posse  suo  nomine.  Lorsque  le  fils  se  laisse 
volontairement  corrompre,  l'action  d'injure  lui  est  refusée,  mais  elle  est 
accordée  au  père  (/>/.7.,  47,  10,  1,  5).  Lorsque  le  père  et  le  fils  ont  été  oll'en- 
sés  par  le  même  acte,  les  deux  actions  suivent  leur  cours  indé|iendam- 
ment  l'une  de  l'autre  et  l'estimation  peut  être  différente  dans  chaque  cas 
(Dig.,  47,  10,  30,  1),  L'offense  faite  à  la  fiancée  est  considérée  comme  une 
injure  commise  envers  le  fiancé  (0((/.,  47,  10,  13,  24). 

(3)  Dig.,  1,  12,  1,  10.  47,  10,  1,  3. 

(4)  Celte  solution  est  donnée  pour  les  femmes  et  les  fils  de  famille  chez 
Paul,  5,  4,  3,  et  LHg.,  47,  10,  18,  4,  et  aussi  pour  les  esclaves,  Dig.,  47,  10, 
15,  45  :  non  caesiirus  eum  si  meum  scisset.  47,  10,  26. 

(5)  Le  contraire  est  dit,  à  vrai  dire,  aux  l>ig.,  47,  10,  1,  8  :  site  sciât  (juis 
filium  meum  esse  vel  uxorem  m.eam  sive  ignoraverit,  habere  nie  tneo  nomine  ac- 
tionem  Neralius  scripsil.  Pratiquement,  il  convient  de  considérer  les  injures 
faites  à  la  femme  comme  atteignant  le  mari  :  les  Inst.  4,  4,  2,  en  modifiant 
comme  suit  le  passage  do  Gaius  (n.  6)  :  itemper  uxorem  suam,  id  enim  mu- 
gis praevaluil,  indiquent  qu'il  y  avait  controverse  sur  les  régies  applica- 
bles en  cas  d'injure  faite  à  ime  femme  mariée. 

(6)  Gains,  3,  221  :  pati  aulem  injuriam  videmur  non  solum  per  nosmet  ipsos. 


ATTEINTE    A   LA   PERSONNALITÉ  113 

mis  au  fils  de  famille,  dans  certaines  circonstances,  d'exercer 
l'action  personnellement  (III  p.  118  n.  3). 

Lorsqu'il  y  a  simple  tentative,  sans  consommation  de  délit.     Tentative. 
Hnjure  est  impunie  (1). 

L'instigation  et  l'assistance  sont  ici  assimilées  en  droit  au    complicité. 
délit  principal  (2).  Lorsque  l'esclave  commet  le  délit  sur  l'or- 
dre du  maitre,  tous  deux  sont  traités  comme  co-auteurs  (I  p.  89 
n.  5). 


cas  de  chanson 
diffamatoire. 


Dans  l'ancien  droit  pénal,  les  seuls  cas  d'injure  rangés  parmi      (800) 
les  crimes  publics  sont  la  chanson  et  l'écrit  diffamatoires  et     Procédure 

1  j  '•  y      p   •  pénale 

encore  ceux-ci,  comme  nous  1  avons  deja  tait  remarquer  publique  en 
(III  p.  107),  ne  sont-ils  pas  alors  réprimés  comme  injure,  mais 
comme  violation  d'un  devoir  civique.  Le  carmen  famosum  doit 
donc  en  droit  avoir  été  soumis  à  la  procédure  des  magistrats 
et  des  comices,  toutefois  nous  n'avons  aucun  témoignage 
attestant  l'application  de  cette  procédure  dans  ce  cas  ;  il  est 
possible  qu'elle  soit  ici  tombée  rapidement  en  désuétude.  Même 
dans  la  transformation  de  la  procédure'  criminelle  au  dernier 
siècle  de  la  République,  ce  délit  n'a  été  renvoyé  à  aucune 
quaestio,  mais  le  préteur  l'a  réprimé  par  une  action  privée 
(III  p.  107).  C'est  seulement  un  sénatus-consulte  de  l'épo- 
que d'Auguste  qui,  revenant  à  la  conception  ancienne  du 
délit,  range  la  chanson  et  l'écrit  diffamatoires  parmi  les  actes 
qui  fondent  l'action  de  lèse-majesté  (3). 


sed  eliam  per  libéras  nostros  (juosin  poteslate  hahemus.  Hem  per  uxores  tiostras, 
cum  in  manu  nostra  sint.  Il  n'est  pas  permis  de  modifier  les  derniers  mots 
pour  leur  faire  dire  le  contraire,  car  la  restriction  de  l'injure  indirecte 
aux  enfants  en  puissance  implique  une  limitation  du  même  genre  vis-à- 
vis  de  la  femme  mariée. 

(1)  Dig.,  47,  10,  15,  17. 

(2)  Paul,  5,  4,  20.  Dig.,  47,  10,  M,  pr.  3-6.  1.  15,  2.  8. 

(3)  Cpr.II  p.  267.  Tacite,  4n/i.,  l, 12  :primus  Augustus  cognitionem  de  faiJiosis 
lihellis  specie  legis  ejiis  (majestalis)  tractavit,  commotus  Cassii  Severi  lihidine, 
qua  viras  feminasque  inlustres  pracucibus  scriplis  diffamaverat.  Ce  texte  vise 
l'ordre  donné  en  l'an  12  ap.  J.  G.  de  brûler  des  écrits  de  ce  genre  et  la 
punition  infligée  à  leurs  auteurs  (Dion,  56,  27).  Suétone,  Aug.,  55  :  censuit 
cognascendum  poslhac  de  lis,  qui  libellas  aut  carmina  ad  infamiam  cujuspiam 

Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  8 


114  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

RépressioQ        La  peine  fixée  par  les  XII  Tables  pour  ce  crime  est  la  peine 

de  la  chanson  -xi/ix  11        11,.  i-i-»    /rw        <  «      t 

diffamatoire.  Capitale  (1)  Bt  BQ  oulre  cbIIb  de  linteslabilite  (2),  c  est-à-dire 
la  perte  da  droit  de  prêter  témoignage  ou  dB  recevoir  une 
prestation  de  témoignage,  donc  aussi  du  droit  dB  tester.  Quant 
à  la  question  de  savoir  si  cettB  dBrnièrB  pcinB  était  établie 
pour  le  cas  où  la  première  ne  s'exécutait  pas,  ou,  si  elle  se  rat- 
tachait, comme  la  perte  du  droit  de  cité  en  cas  de  perduBl- 
lion,  au  délit  lui-mêmB,  de  IbIIb  façon  qu'Blle  opérait  rétroac- 
tivement en  cas  de  condamnation,  il  faut  la  laissBr  irrésoluB. 
(801)  Lors  du  rétablissBment  de  la  procédure  capitale,  on  étendit  à 
ce  délit  les  peines  du  crime  de  lèse-majesté;  toutefois  jusqu'à 
Constantin  la  répression  ne  dépassa  pas  la  relégation  et  cer- 
tainement pas  la  déportation  (3).  Les  empereurs  postérieurs 
ont  prescrit  la  peiuB  de  mort  pour  les  écrits  diffamatoires 
anonymBS  (4).  L'intBStabilité  BllB-même  est  encore  indiquée 


sub  alieno  nomine  edant,  avec  restriction  peu  précise  aux  publications  ano- 
nymes. Le  motif  de  cette  réforme  ne  fut  pas  seulement  de  rendre  la  pro- 
cédure plus  rigoureuse  en  y  admettant  les  délateurs  au  lieu  des  victimes 
elles-mêmes,  mais  aussi,  comme  les  Dig.,  47,  10,  6  1e  relèvent,  de  répri- 
mer les  écrits  diffamatoires  qui  ne  nommaient  pas  expressément  la  per- 
sonne attaquée  et  qui  par  suite  rendaient  difficile  l'application  de  la  pro- 
cédure civile. 

(1)  Gicéron,  De  re  p.,  4,  10,  12  (III  p.  106  n.  6).  C'est  elle  que  vise  aussi 
la.  fo)-mido  fustis  chez  Horace,  £p.,  2,  1,  154  ;  toutefois  il  ne  faut  pas  penser 
ici  avec  le  scoliaste  au  siipplicium  fustianum  militaire,  mais  aux  verges 
des  licteurs  qui  servaient  dans  l'exécution  more  majonnn  encore  en  vi- 
gueur d'après  le  droit  strict. 

(2)  Dig.,  22,  5,  21,  pr.  28,  1,  18,  1.  47,  10,  5,  9.  Ulpien,  dans  le  troisième 
texte,  rattache  l'intestabilité  à  une  Icv,  et,  dans  le  second,  à  un  sénatus- 
consulte  :  cette  loi  est  sans  doute  celle  des  XII  Tables  et  c'est  à  elle  que 
Gains,  Dig.,  28,  1,26  doit  penser;  le  sénatus-consulte  doit  être  celui  par 
lequel  Auguste  rétablit  l'ancien  droit. 

(3)  Cassius  Severus,  dont  les  écrits  provoquèrent  le  sénatus-consulte 
d'Auguste,  fut  banni,  et  sa  peine  fut  aggravée  sous  Tibère  par  suite  de 
récidive  (Tacite,  Ann.,  4,  21).  D'après  l'indication  intercalée  chez  Paul, 
5,  4,  lo  (il  est  impossible  que  cette  indication  vienne  de  Paul,  car  celui- 
ci  traite  le  même  cas  5,  4,  16)  un  sénatus-consulte  —  qui  est  difficilement 
celui  de  l'an  12  —  établissait  pour  ce  cas  la  peine  de  la  déportation. 
D'après  Paul,  5,  4,  16.  17,  qui  traite  l'écrit  diffamatoire  comme  injure 
qualifiée,  la  peine  va  usrpie  ad  relegalionem  insulae. 

(4)  C.  Th.,  9,  34,  1  (constitution  non  reprise  par  Justinien).  C.  Th.,  9, 
34,  12  =  C.  Jtisl.,  9,  36,  2.  Cpr.  pour  la  répression  des  dénonciations  ano- 
nymes II  p.  4  D.  1. 


ATTEINTE    A   LA   PERSONNALITÉ  115 

dans  les   œuvres  juridiques  de  Justinien  comme  subsistant 
en  droit  dans  ce  cas  (1). 

En  dehors  de  l'action  publique  de  lèse-majesté,  l'action  pri- 
vée d'injure  est  également  possible  eu  cas  d'écrit  diffama- 
toire (2),  mais,  dès  que  l'une  ou  l'autre  de  ces  procédures  a  eu 
lieu,  l'autre  n'est  plus  permise. 

Abstraction  faite  de  l'écrit  dififamatoire,  l'injure,  d'après  l'an-  AcUon  privée 
cien  droit,  est  réprimée  par  voie  d'action  privée  (3)  tant  en  ^  ^^'°*' 
vertu  de  la  loi  des  Xll  Tables  que  de  l'édit  du  préteur  et  de 
la  loi  Gornélia.  L'action  qui  ne  peut  être  réipersécutoire,  puis- 
qu'il n'y  a  pas  ici  de  préjudice  patrimonial,  tend  seulement  à 
faire  prononcer  une  neine,  que  celle-ci  consiste  en  une  amende 
pécuniaire  ou  en  quelque  autre  mal  infligé  au  coupable  (4). 

D'après  le   droit  des  XII  Tables,  la  procédure  débute  ici,      (802) 
comme  pour  les  autres  délits  privés,  par  une  tentative  de  con-      oaprès 
ciliation  que  la  loi  mentionne  seulement  à  vrai  dire  pour  les    xii "rlbie" 
catégories  les  plus  graves  (t.  III  p.  116  n.  1).  Nous  n'avons  pas 
connaissance  que  ce  procès  ait  présenté  des  particularités.  — 


(1)  Peut  être  dans  la  dernière  période  ne  vise-t-on  par  là  que  la  perte 
du  droit  de  cité  liée  à  la  déportation  ;  Dion  57,  22  qualifie  de  privation 
du  droit  de  tester  la  transformation  du  bannissement  en  déportation.  Au 
C.  Th.,  16,  o,  7,  pr.  (de  même  16,  5,  36),  la  même  peine  supprime  aussi  la 
testandi  ac  vivendijure  Romano  facultas. 

(2)  Horace,  Sat.,  2,  1,  82  :  si  mala  condiderit  in  quem  guis  carmina,  jus  est 
judiciumque,  témoignage  qui,  rien  que  par  sa  date,  ne  peut  pas  être  rap- 
porté à  la  procédure  publique,  Dig.,  47,  10,  6.  La  nécessité  déjà  signalée 
d'inteuler  l'action  publique  en  cas  d'attaques  contre  des  personnes  qui 
ne  sopt  pas  expressément  nommées  n'existe  naturellement  qu'en  fait;  en 
droit,  aucun  obstacle  ne  s'oppose  dans  ce  cas  à  l'exercice  de  l'action  ci- 
vile. 

(3)  Cod.,  9,  35,  7  :  injuriarum  causa  non  publici  judicii,  sed  privati  continet 
querelam.  Ibid.,  c.  11. 

(4)  Cette  conception  apparaît  de  la  manière  la  plus  nette  dans  le  talion 
des  XII  Tables.  Cicéron  (Pro  Caec,  12.  35)  dit  exactement  par  rapport  à 
une  violation  de  domicile  :  actio  injuriarum...  dolorem  imminutae  liberlatis 
judicio  poenaque  milirjat.  Si  un  dommage  se  produit  ici,  il  peut  faire  l'ob- 
jet d'une  poursuite  distincte  {Dig.,  47,  10,  15,  46  :  si  quis  servo  verberaio 
injuriarum  egerit,  deinde  posiea  damni  injuriae  agat,  Labeo  scribit  eandem 
rem  non  esse,  quia  altéra  actio  ad  damnum  perlineret  culpa  datum,  altéra  ad 
coutume Uam  ;  cpr.  III  p.  149  n.  5.-  La  déclaration  contenue  au  Cod.,  9, 
35,  8,  d'après  laquelle  les  termes  de  l'édit  de  injuriis  tenaient  aussi 
compte  du  préjudice  causé,  est  surprenante. 


116  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

Pour  le  cas  le  plus  grave  d'injure  que  vise  la  loi  des  XII  Tables, 
c'est-à-dire  pour  la  rupture  d'un  membre  d'un  homme  libre, 
la  peine  est  celle  du  talion  (talio)  (i)  ;  pour  la  fracture  d'un  os, 
une  amende  fixe  de  300  as  (■=  60  marks?),  s'il  s'agit  d'uue 
personne  libre,  de  150  as  s'il  s'agit  d'un  esclave  (2);  pour  toutes 
les  autres  injures,  c'est-à-dire  suivant  l'intention  vraisemblable 
du  législateur,  pour  toute  injure  physique  faite  à  une  personne 
libre,  une  amende  fixe  de  25  as  {:=  5  marks?)  (3). 
D'après  redit.  Ccs  règles  ne  cadraient  plus  avec  l'état  postérieur  de  la  civi- 
lisalion  romaine.  A  vrai  dire,  on  prononçait  encore  la  peine  du 
talion,  mais  celte  sentence  avait  certainement  cessé  de  bonne 
heure  de  donner  libre  champ  à  la  vengeance  privée;  considé- 
rant que  cet  arrêt  ne  pouvait  être  exécuté,  le  tribunal  lui  subs- 
tituait immédiatement  un  équivalent  en  argent  (4).  On  ré- 
prima ainsi  par  des  peines  pécuniaires  non  seulement  les  autres 
injures  mentionnées  dans  la  loi  des  Xll  Tables,  mais  encore 
toutes  celles  pour  lesquelles  on  admit  plus  tard  l'action  d'injure. 
La  loi  Cornélia  n'a  pas  établi  non  plus  de  peine  supérieure  aux 
peines  pécuniaires  (o).  Les  amendes  fixes  du  vieux  code,  par 
suite  d  ;s  changements  dans  les  conditions  de  la  vie  sociale  et  en 


(1)  Loi  des  XII  Tables.  8,  2.  Scholl  [ici.  Girard]  (=  Festus,  p.  363,  et 
autres  textes)  :  si  membrum  rupsil,  ni  cum  eo  pacit  (plutôt  pagit),  talio  esto. 
Comme  cette  régie  n'a  pas  pu  s'appliquer  aux  esclaves,  la  mutilation  a 
dû  être  pour  eux  assimilée  à  la  fracture  d'un  os. 

(2)  Loi  des  XII  Tables,  8,  3,  SchôU  [id.  Girard]  {=  Coll.,  2,  3,  5  et  au- 
tres textes  ;  il  n'est  pas  certain  que  les  termes  rapportés  soient  ceux-là 
mêmes  de  la  loi  des  XII  Tables)  :  si  os  freçiit  libero,  CGC,  si  servo,  CL  poenam 
subito  scslerliorum.  Les  termes  de  Vorigiiium  l.  IIII,  de  Caton  (chez  Pris- 
cien,  6,  69  :  si  quis  mtinbrum  riipit  aitt  os  fregit,  talione  prnximus  cugnatus  ul- 
ciscilur)  sont  vraisemblablement  (I  p.  13 't)  empruntes  à  un  droit  muni- 
cipal latin  encore  en  vigueur  à  l'époque  de  Caton  ;  il  n'est  guère  douteux 
que  l'obligation  d'accepter  une  composition  en  cas  d'os  fractum  est  le  ré- 
sultat d'un  adoucissement  du  droit  et  qu'elle  a  été  précédée  par  la  peine 
du  talion. 

(3)  Loi  des  XII  Tables,  8,  4,  Scholl  [id.  Girard]  [Coll.  2,  5,  5.  et  autres 
textes  ;  rédaction  modernisée  quant  aux  termes)  :  qui  injuriam  alteri  facil, 
XXVseslerliorum  poenam  subito. 

(4)  Aulu-Gelle,  20,  1,  38  :  si  7-eus,  qui  depecisci  noluerat ,  judici  talionem 
imperanti  non  pnrebat.  aesfitnala  Ute  judex  hotninem  pecuniae  damnabat. 

(5)  Chez  Paul  et  aux  Digesla,  on  ne  trouve  aucune  trace  d'une  peine 
propre  à  l'action  Coraélia  d'injure,  et  comme  ces  deux  sources  traitent 


ATTEINTE    A   LA   PERSOxNNAL  ITÉ  117 

présence  de  la  très  grande  inégalité  des  fautes  naorales  qu'on 
trouve  à  la  base  du  délit  d'injure,  ne  se  sont  pas  maintenues  plus  (803) 
que  l'institution  du  talion.  Dans  les  prescriptions  postérieu- 
res, on  ne  rencontre  des  amendes  de  ce  genre  qu'à  titre  isolé, 
par  exemple,  dans  l'édit  du  préteur  pour  la  citation  en  jus- 
tice du  patron  par  l'affranchi  (1)  ;  régulièrement,  le  montant 
de  l'amende  est  fixé  dans  chaque  cas  concret. 

C'est  au  demandeur  qu'il  appartient  en  droit  de  proposer  le     influence 
taux  de    l'amende  qui  doit  être  considéré  comme  l'équivalent  su'!- ÎT ûwUoa 
de  l'offense.  Toutefois,  dans  les  cas  les  plus  graves,  on  demande    "^^  montant 

de  l'ameade. 

au  préleur  de  fixer  à  son  gré,  et,  si  c'est  nécessaire,  après  ins- 
pection (2i,  le  montant  de  la  caution  de  comparution  (vadimo- 
nium)  à  exiger  du  défendeur,  et  le  demandeur  intente  alors  pon 
action  pour  une  somme  égale  à  celle  de  la  caution  (3),  de 
telle  sorte  qu'il  a  ici  pour  ainsi  dire  une  autorisation  du  ma- 
gistrat. Pour  les  affaires  de  peu  d'importance,  le  demandeur 
propose  directement  à  son  gré  le  taux  de  l'amende  qu'il  ré- 
clame (4). 

Le  tribunal,  étant  donné  que  la  procédure  doit  être  rapide,      Le  jury, 
se  compose  ordinairement  de  récupérateurs  (5).  Toutefois,  pour 
les  injures  par  voies  de  fait,  lorsque  les  deux  parties  sont  des 
personnes  libres  (III  p.  102  n.  4),  et  pour  la  violation  de  domi- 
cile (III  p.  105  n.  1),  sans  doute  avec  la  même  restriction,  la 

cette  action  comme  fonctionnant  encore  en  pratique,  il  faut  en  conclure 
que  la  peine  générale  de  l'injure  s'appliquait  dans  les  deux  actions. 

(1)  5000  Sest.  =  50  aurei  :  Dig.,  2,  4.  12.  1.  24.  1.  25. 

(2)  On  peut  s'adresser  au  préteur  dans  ce  ))ut,  même  pendant  les  va- 
cances judiciaires  {Dig.,  2,  12,  2). 

(3)  Gaius,  3,  224  :  cum  atrocem  injuriam  praetor  aeslimare  soleat,  si  simul 
constilueril,  quantae  pecunlae  eo  nomine  fieri  debeal  vadimonium,  hac  ipsa  quan- 
lilale  taxamus  formidam.  Edit,  Coll.,  2,  6  :  qui...  injuriarum  agit...  taxatio- 
nem  ponat  non  minorem  quam  quanti  vadimonium  fuerlt.  La  correction  non 
majûrem  n  est  pas  à  approuver;  il  s'agit  vraiseml)lablement  ici  en  pre- 
mière ligne  de  l'action  de  la  loi  Gornélia  et  celle-ci  pouvait  bien  être  do- 
minée par  l'idée  que  le  consilium  ne  devait  fonctionner  que  pour  des  amen- 
des élevées  et  irréductibles,  de  telle  façon  que  le  demandeur  était  placé 
dans  l'alternative  ou  d'obtenir  une  peine  sévère  ou  de  perdre  son  procès. 

(4)  Nous  savons  que  pour  un  coup  de  pied  la  transaction  s'éleva  à 
50.000  sesterces  (Suétone,  vit.,  7). 

(5)  Gicéron,  De  inv.,  2,  20,  60.  Aulu-Gelle,  20,  1,  13. 


118  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

loi  Cornélia  a  confié  la  connaissance  du  procès  à  un  consilhim 
(804)  présidé  par  un  quasi-magistrat  (1)  et  a  ainsi  rapproché  l'ac- 
tion d'injure  de  la  procédure  criminelle  (2);  elle  l'a  fait  encore 
en  admettant  ici  comme  demandeur  le  fils  de  famille,  réguliè- 
rement incapable  d'intenter  une  action  civile  (3).  Malgré  cela, 
l'action  est  considérée  comme  privée,  car  on  ne  trouve  pas 
ici  l'élément  essentiel  du  judicium  publicum,  le  droit  général 
d'accusation  ;  la  faculté  d'agir  n'appartenant  ici  qu'à  la  vic- 
time (Il  p.  36).  La  présidence  de  ce  consilium  a  été  confiée  ou 
au  préteur  civil  qui  instruit  l'affaire,  ou  plus  vraisemblable- 
ment, comme  dans  le  procès  de  violence,  à  un  chef  des  jurés 
qui  lui  est  substitué.  La  loi  exclut  pour  ces  injures  la  procé- 
dure des  récupérateurs  et  c'est  pour  ce  motif  qu'elles  sont 
passées  sous  silence  dans  l'édit  du  préteur  ;  toutefois  une  cons- 
titution de  Septime  Sévère  a  admis  pour  ces  catégories  d'in- 
jures l'action  prétorienne  à  côté  de  la  procédure  de  la  loi 
Cornélia  (4). 


(1)  La  disposition  de  la  loi  Cornélia,  ut  non  judicet,  qui  ei  qui  agit  gêner 
socev  vitricus  privignus  sobrinusve  est  propiusve  eorum  quemquem  ea  cognatione 
adfinilateve  attinget  quive  eorum  ej'us  parentisve  cujus  eorum  patronus  erit 
(Dig.,  47,  10,  5  pr.)  est  manifestement,  malgré  la  mutilation,  le  reste  d'une 
loi  relative  à  la  composition  du  consilium  et  ne  peut  se  rapporter,  non  pas 
il  est  vrai  dans  l'esprit  de  Tribonien,  mais  encore  dans  celui  d'Ulpien, 
qu'à  la  formation  d'un  jury  à  la  manière  des  quaestiones. 

(2)  L'action  d'injure  de  la  loi  Cornélia  est,  il  est  vrai,  opposée  à  l'actio 
civilis  (Dig.,  47,  10,  7,  6.  1.  37,  1;  ailleurs:  Dig.,  47,  10,  5,  6,  l'opposition  a 
lieu  entre  l'actio  injuriarum  legis  Corneliae  et  Yactio  injuriarum  praetoria)  et 
l'on  emploie  à  son  égard  l'expression  reum  recipi  (Dig.,  48,  2,  12,  4).  C'est 
pour  cela  que  Gains  la  passe  sous  silence  dans  son  exposé  du  procès 
d'injure.  Mais  elle  s'appelle  toujours  acii'o,  jamais  accusatio,  et  comme  Paul 
noua  dit  qu'elle  repose  en  partie  sur  la  coutume,  c'est-à-dire  sur  l'édit, 
et  en  partie  sur  la  loi  (III  p.  95  n.  2),  elle  est  par  essence  une  action 
civile  modifiée  quant  à  la  composition  du  jury.  Paul,  Dig.,  3,  3,  42,  1  : 
ad  actionem  injuriarum  ex  lege  Cornélia  procurator  dari  potest,  nam  etsi  pro 
publica  utilitate  exercelur,  privata  tamen  est. 

(3)  Dig.,  47,  10,  5,  6.  Il  faut  aussi  tenir  compte  à  cet  égard  de  ce  que 
l'édit  du  préteur  promet  au  fils  de  famille,  sous  certaines  conditions, 
l'action  ordinaire  d'injure  Dig.,  2,  14,  30  pr.  3,  3,  8  pr.  47,  10,  17,  10.   11). 

(4)  Ulpien,  Dig.,  iTi.  10,  7,  6  :  posse  hodie  de  omni  injuria,  sed  et  de  atroci 
civiliter  agi  imperator  nosler  rescripsit.  Marcien,  Dig.,  47,  10,  37,  1  :  etiam  ex 
lege  Cornélia  aclio  civiliter  moveri  potest  condemnatione  aestimatione  judicis  fa- 
cienda. 


ATTEINTE    A   LA   PERSONNALITÉ  119 

Les  conclusions  du  demandeur  portent  toujours    sur  une       Peine 
somme  d'argent  déterminée.  Celles-ci  lient  le  tribunal  en  cas    p^"^""'*'""®' 
d'action  de  la  loi  Cornélia  ;  le  jury  ne  peut  ici  qu'acquitter  ou 
condamner  conformément  aux  conclusions  du  demandeur  (1). 
Le  motif  en  est  que  devant  un  consilium  la  procédure  d'estima- 
tion est  rendue  beaucoup  plus  difficile.  Cet  inconvénient  n'existe 
pas    pour   le  judiciwn  recuperatorium.  Toutefois,  lorsqu'ici 
le  préteur  a  influé  sur  l'estimation  du  demandeur,  le  tribu- 
nal adopte    toujours  dans  sa  condamnation  la  taxation   ainsi 
faite  (2).  Par  contre,  lorsque  le  jury  ne  se  trouve  en  présence 
que    d'une  évaluation  du  demandeur,    il  use  librement  de 
son  pouvoir  d'appréciation  pour  la  réduire  (3).  La  distinction      (805) 
de  la  litis  aestimatio  et  de  la  condamnation  disparait  en  cas 
d'action  d'injure  et  la   sentence   porte  simultanément  sur  la 
question  d'existence  du  délit  et  sur  le  montant  de  la  peine. 

En  dehors  de  l'amende,  le  condamné  est  également  frappe     infamie. 
d'infamie  (4).  Il  faut  d'ailleurs  se  rappeler  à  cet  égard  que 
l'action  n'est  pas  donnée  d'emblée  à  toute  victime  d'une  in- 
jure. L'infamie  s'applique  aussi  au  cas  où  les  parties  ont  usé 
de  la  faculté  de  transiger  (o)  et  ont  ainsi  convenu  du  paiement 


(1)  Marcien,  loc.  cit.  exclut  nettement  dans  l'action  de  la  loi  Cornélia 
l'estimation  judiciaire. 

(2)  Gains,  3,  224  :  judex  quamvis  possit  vel  minoris  damnare,  pJerumque 
tamen  propter  ipsii/s  praetoris  auctoritatem  non  mulet  minuere  condemnationem. 

(3)  Gains,  3,  224  :  permittitur  nobis  a  praetore  ipsis  injiinam  aestimare  et 
judex  vel  tanti  condemnat,  quanti  nos  aestimaverimus,  vel  minoris,  prout  ei 
visum  fuerit. 

(4)  Fragment  d'Esté,  1.  3  (Bruns,  p.  103  [Girard,  p.  77]).  Lex  Jidia  muni- 
cipalis,  1.  111.  Edit  du  préteur  :  Dig.,  3,  2,  1.  Gaius,  4,  182  =  Inst.,  4,  16, 
2.  Paul,  o,  4,  9  :  injuriarum  civiliter  damnatus  ejusque  aestimafionem  inferre 
jussus  famosus  efficitur.  Ibid.  18.  19.  20,  Dig.,  47,  10,  7  pr.  1.  42.  Cod.,  2, 11,  5. 
c.  18.  Cet  effet  se  produit  même  en  cas  d'injure  commise  vis-à-vis  d'un 
esclave  {Cod.,  2,  11, 10).  Il  n'y  a  pas  lieu  de  croire  que  cette  règle  ne  s'ap- 
pliquait pas  à  l'action  de  la  loi  Cornélia.  L'expression  damnum  cum  in- 
famia  (Dig.,  48,  19,  8,  pr.)  convient  à  l'action  d'injure  comme  au  furtum. 
—  Exclusion  de  l'ordre  des  décurions  pour  cause  d'injures  graves  : 
Dig.,  47.  10,  40. 

(5)  Dig.,  2,  14,  27,  4.  Lorsqu'un  esclave  est  convaincu  d'injure,  on  doit 
tenter,  en  le  soumettant  à  la  correction  devant  le  tribunal,  c'est-à-dire 
par  voie  de  coercition  du  magistrat,  de  déterminer  le  demandeur  à  re- 
noncer à  poursuivre  la  condamnation  Dig.,  47,  10,  17,  6). 


120  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

d'une  indemnité  pécuniaire  (1).  —  Celui  qui  intente  l'action 
d'injure  par  esprit  de  chicane  ne  tombe  pas  en  droit  sous  le 
coup  de  l'action  criminelle  de  calumnia,  mais  est  puni  avec 
une  rigueur  analogue  (2). 

En  cas  de  complicité,  chaque  coupable  est  tenu  de  payer  le 
montant  intégral  de  l'amende  (3).  —  Si  l'injure  est  commise 
par  un  esclave,  celui-ci  est  soumis  aux  règles  de  la  noxa  (4). 

La  mort  du  coupable  éteint  l'action  (o). 

La  tendance  à  diminuer  le  plus  possible  les  actions  d'injure 
ne  s'est  pas  seulement  fait  sentir  dans  les  règles  restrictives 
pour  l'admission  à  l'action,  on  la  voit  percer  aussi  dans  les  rè- 
gles qui  régissent  le  fonctionnement  même  de  cette  action.  Le 
préteur  exigeait  pour  délivrer  son  instruction  au  jury  qu'on 
groupât  les  injures  connexes  (6)  et  qu'on  désignât  d'une  ma- 
(806)  nière  précise  l'injure  pour  laquelle  on  agissait  (7).  On  permet- 
tait au  demandeur  de  déférer  le  serment  au  défendeur  (8); 
en  outre,  l'action  était  refusée  en  cas  de  pardon,  même  si  ce- 
lui-ci ne  se  manifestait  que  tacitement  (9).  Elle  était  encore 
refusée  aux  héritiers  de  l'offensé,  à  moins  que  ce  dernier  ne 
l'eût  déjà  conduite  jusqu'à  la //^?.s  contestatio  (10).  Dans  l'action 
prétorienne  d'injure,  mais  dans  ce  cas  seulement,  le  demandeur 


(1)  Dig.,  3,  2,  1  (cpr.,  2,  14,  27,  4).  Cod.,  2,  11,  18.   Gpr.  III  p.  117  n.  4. 

(2)  II,  p.  187.  Paul,  5,  4,  11  :  exilii  vel  insulae  relegalione  aut  ordinis  amis- 
sione.  Die/.  41,  10,  43  :  quiinjuriarum actionem  per  calumniam  institiiit,  extra 
ordinem  damnatur ,  idesl  exilium  aut  relegationem  aut  ordinis  arnolionem  pa- 
tiatur. 

(3)  Dig.,  47,  10,  34. 

(4)  Dig.,  47,  10,  17,  4.  7.  cpr.  36. 

(o)  Dig.,  2.  H,  10,  2.  47.  10,  1,  3  pr.  1.  15,  14. 

(6)  Dig.,  47,  10,  7,  5. 

(7)  Gaius,  4,  60.  Coll.,  2,  6.  Quintilien,  6,  3,  83  (texte  en  apparence  dé- 
fectueux) :  colaphum  tihi  ducam  et  [excipiam,  si]  formulam  scribes,  quod  caput 
durum  habeas. 

(8)  Dig..  47,  10,  5,  8.  Cod.,  2.  10,  18. 

(9)  Dig.,  47,  10,  11,  1. 

(10)  Dig.,  2,  H,  10,  2.  47,  1,  l,  1.  tit.  10, 13,  pr.  1.  15,  H.  1.  28.  Cette  règle 
n'est  pas  plus  dans  la  logique  du  droit  que  celle  d'après  laquelle,  en  cas 
d'injure  commise  vis-à-vis  d'un  esclave  appartenant  à  plusieurs  pro- 
priétaires, ceux-ci  n'ont  l'action  d'injure  que  proportionnellement  à  leur 
part  de  propriété  {Dig.,  47,  10,  15,  49.  1.  16). 


ATTEINTE    A   LA   PERSONNALITÉ  121  IS 

qui  succombait  était  frappé  dans  l'action  contraire  {judicium 
contrarium)  d'une  amende  du  dixième  de  la  somme  qu'il  avait 
réclamée  (1).  Uactio  injurianmi  était  soumise  au  bref  délai 
prétorien  de  prescription  (2),  bien  qu'on  put  presque  avec  au- 
tant de  raison  que  pour  Vactio  furti  manifesii  la  rattacher  à 
la  loi  des  XII  Tables.  On  facilitait  aussi,  pour  le  cas  de  con- 
damnation, les  moyens  d'écarter  l'infamie  qui  en  résultait 
en  droit  (3). 

Dans  la  dernière  période,  le  délit  d'injure  a  été  traité  comme 
celui  du /wr/wm  :  l'action  privée  reste  possible,  mais,  dans  de 
nombreux  cas,  on  voit  fonctionner  une  procédure  pénale  publi- 
que, toujours  appelée  extraordinaire  malgré  la  fréquence  de  ses 
applications,  et  qui  se  présente  (4)  au  fond  comme  une  action 
pour  injures  qualifiées  (5).  Abstraction  faite  de  la  profanation 
d'église  et  du  blasphème  (II  p.  307),  il  en  est  surtout  ainsi  (807) 
lorsque  l'injure  est  commise  contre  un  magistrat  (6)  ou  dans  un 
écrit  remis  à  une  autorité,  notamment  lorsqu'elle  est  dirigée 


(1)  Gaius,  4,  118. 

(2)  Cod.,  9,  35,  S.  Cpr.  Dig.,  47,  JO,  17,  6. 

(3)  Il  est  surprenant  que  le  défendeur  ait  pu  dans  l'action  privée 
échapper  à  l'infamie  en  se  faisant  représenter  [Dig.,  3,  2,  6,  2.  37,  15,  2, 
Tpr.)  ;  car,  en  autorisant  la  représentation  dans  ce  cas,  on  rendait  la  peine 
de  l'infamie  illusoire  pour  toutes  les  personnes  qui  étaient  en  état  de 
rétribuer  un  représentant.  Mais  ce  résultat  a  vraisemblablement  été 
voulu  ;  car  on  aurait  difficilement  pu  assurer  ici  efficacement  les  consé- 
quences de  l'infamie. 

(4)  Par  rapport  à  la  contestation  de  liberté,  Dioclétien  [Cod.,  7,  16,  31) 
distingue  sous  les  noms  A'injuria  et  de  cahimnia  le  délit  privé  et  le  délit 
public  :  si  tibi  servitutis  improbe  moveatuv  quaesUo,  sollemnibus  ordinatis  de 
calumnia  velinjuria,  prout  vindictae  viam  elegeris...  sententiam  postulare  po- 
tes. On  ne  peut  pas  en  conclure  à  un  usage  ferme  du  langage  ;  calumnia 
est  ici  employé  dans  son  sens  large.  (Il  p.  180  n  3). 

(5)  Inst.,  4,  4,  10  :  in  summa  sciendum  est  de  omni  injuria  eum  qui  passus  est 
posse  vel  criminaliter  agere  vel  civililer  :  et  si  quidem  civiliter  agatur,  aesli- 
rn.atione  facta...  poena  imponitur  ;  sin  autem  criminalité)',  officia  judicis  e.r- 
traordinaria  poena  reo  irrogatur.  Hermogénien,  Dig.,  47,  10,  45  :  de  injuria 
nunc  extra  ordinem  ex  causa  et  persona  statui  solet. 

(6)  Dig.,  47,  10,  15,  30  :  (Papinianus)  ait  eum,  qui  evenlum  sentenliae  velut 
dalurus  pecuniam  vendidit,  fustihus  a  praeside  ob  hoc  castigatum  injuriarum 
damnatum  videri.  L'infamie  peut  donc  avoir  aussi  lieu  en  cas  de  procé- 
dure criminelle. 


122  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

dans  l'acte  d'appel  contre  le  juge  de  premièreinstance(l).  Cette 
procédure  se  rencoQtre  aussi,  lorsque  raction  privée  n'est  pas 
possible  ou  ne  donnerait  pas  de  résultat,  par  exemple,  lorsque 
ce  délit  a  été  commis  par  une  personne  de  basse  condition  sans 
fortune  (2)  ou  par  un  esclave  dont  le  maître  est  absent  (3). 
Font  encore  l'objet  d'une  répression  criminelle,  parmi  les  cas 
d'injure  précédemment  cités,  l'offense  commise  par  des  enfants 
vis-à-vis  de  leurs  parents (4),  la  contestation  delà  liberté  d'au- 
trui  (III  p.  lOo  n.  5),  la  perturbation  de  la  paix  conjugale 
(III  p.  104  n.  2),  la  violation  du  domicile  (III  p.  105  n.  2),  la 
détérioration  des  aqueducsetautres  délits  semblables  (IIIp.  105 
n.  4),  le  fait  de  déterminer  l'esclave  à  fuir  dans  un  lieu  d'a- 
sile (III  p.  108  n.  1)  et  en  général  toutes  les  fois  qu'il  y  a 
scandale  public  (III  p.  108  n.  4),  ainsi  que  le  prouve  notam- 
ment le  classement  à  cette  époque  de  la  chanson  diffamatoire 
parmi  les  cas  d'application  de  cette  procédure  (III  p.  114  n.  3). 
On  réprime  aussi  de  la  même  manière  au  criminel,  par  ana- 
logie avec  la  calumnia  de  la  procédure  publique,  le  fait  d'in- 
tenter l'action  d'injure  par  esprit  de  chicane  (III  p.  120  n.  2). 
Uinjw'ia  atrox  du  vieux  droit  n'apparaît  pas  comme  telle  dans 
ces  différents  cas,  auxquels  il  n'est  d'ailleurs  fait  allusion  qu'in- 
cidemment. Dans  le  droit  de  Justinien,  l'action  criminelle  d'in- 
jure est  permise  d'une  manière  générale  à  côté  de  l'action 
privée  (III  p.  121  n.  5),  c'est-à-dire  qu'on  laisse  dans  chaque 
cas  au  magistrat  la  faculté  de  se  servir  de  cette  procédure  cri- 
minelle. Même,  lorsque  l'autorité  compétente  ne  punit  pas  à 
raison  d'une  connaissance  propre  qu'elle  a  eue  du  délit,  mais 
en  vertu  d'une  dénonciation,  la  procédure  est  le  plus  souvent 


(1)  Paul,  5,  4,  18  =r  Diq.,  47,  10,  42  :  convicium  j udici  ab  appellatoribiis  fieri 
non  oportet;  alioquin  infamia  notantur.  Paul,  5,  35,  3.  Dig.,  49,  1,  8.  La  men- 
tion spéciale  de  l'infamie  s'explique  ici  par  ce  fait  que  la  répression  a 
lieu  dans  ce  cas  en  dehors  de  tout  procès  formel. 

(2)  Diq.,  47,  10,  35, 

(3)  Dig.,  47,  10,  9,  3. 

(4)  Dig.,  37,  15,  1,  2  :  si  films  matrem  aut  patrem...  conlumeliis  adficit  vel 
impias  manus  eis  infert,  praefectus  urhis  deliclum  ad  publicam  pietatem  perli- 
nens  pro  modo  ejus  vindicat.  Cod.,  8,  46,  4, 


ATTEINTE   A   LA    PERSONNALITÉ  123 

sommaire;  l'accusation  en  forme  n'est  pas  impossible  ici  (1), 
mais  elle  y  est  rare.  Abstraction  faite  de  l'écrit  diffamatoire 
anonyme,  la  peine  se  restreint  ordinairement,  pour  les  per- 
sonnes des  meilleures  classes,  au  bannissement  à  temps,  ou,  (808) 
dans  certains  cas,  à  l'interdiction  d'une  profession  (2);  pour 
les  petites  gens,  à  la  correction  (3)  ;  pour  les  esclaves,  à  la 
fustigation  (4).  Il  y  a  cependant  eu  aussi  des  condamnations 
plus  sévères  (o). 


(1)  En  effet,  une  constitution  de  l'empereur  Zenon  (Cod.,  9,33,  11  ;  Inst., 
4,  4,  10)  donne  aux  personnes  de  la  première  classe,  qu'elles  soient  de- 
manderesses ou  défenderesses,  le  droit  de  se  nommer,  dans  l'action  crimi- 
nelle d'injure,  des  procuratores. 

(2)  Di^.,  47,  10,  43. 

(3)  Dig.,  1,  12,  1,  10.  tit.  16,  9,  3.  47,  10,  13,  30.  1.  43. 

(4)  Paul,  5,  4,  22  :  setwiis...  flagellis  caesus  sub  poena  vinculorum  tempora- 
lium  domino  restiluïlur.  Dig.,  47,  10,  9,  3.  1.  43. 

(5)  Contre  celui  qui  s'introduit  furtivement  dans  une  demeure  :  exilium 
aut  metallum  aut  opus  publicum  ;  Paul,  o,  4,  8.  Contre  des  esclaves  et  des 
affranchis,  coupables  d'injures  graves,  la  peine  du  travail  dans  les  mi- 
nes :  Paul,  3,  4,  22.  Dig.,  1,  12,  1,  10.  —  On  trouve  aussi  par  contre  une 
simple  remontrance  :  Dig.,  1,  12,  1.  10.  tit.  16,  9,  3. 


(809)  SECTION   X 


DOMMAGE    CAUSÉ    A   LA   CHOSE    D'AUTRUI 


Dommage         Les  atteintes  à  la  propriété  peuvent  revêtir    deux  formes  : 


causé  à  la 
chose  d'autrui 


OU  celle  de  l'appropriation  ou  celle  de  la  destruction  et  del'en- 
endroii      dommagement.  Ces  deux  notions  sont  également  applicables 

public  et  en  . 

droit  privé,  aux  bieus  des  dieux,  à  ceux  de  l'Etat  et  à  ceux  des  particu- 
liers ;  mais,  tandis  qu'au  point  de  vue  de  l'appropriation  le 
sacrilège  commis  vis-à-vis  des  biens  d'un  temple  et  le  péculat 
commis  vis-à-vis  des  biens  de  l'Etat  correspondent  au  vol  des 
objets  appartenant  à  un  particulier,  nous  ne  trouvons  dans 
les  sources,  à  côté  du  dommage  causé  à  un  patrimoine  privé, 
aucune  notion  juridique  générale  symétrique  au  sacrilegium 
et  au  péculat.  Le  terme  violatio  semble  cependant  avoir  été 
technique  dans  l'ancien  droit  |)our  désigner  le  dommage  causé 
à  des  objets  religieux  (1),  et,  l'étyraologie  de  ce  mot  prouve  que, 
dans  ce  domaine,  comme  vis-à-vis  du  patrimoine  d'un  particu- 
lier, le  dommage  causé  à  la  chosed'autrui  a  été,  en  droit  pénal, 
considéré  surtout   comme  un  acte  de  violence.    Certes,  il  ne 


(1)  Violare  est  une  expression  technique  non  seulement  pour  la  viola- 
tion des  sépultures,  mais  aussi  pour  celle  des  biens  des  dieux  ;  la  très 
vieille  loi  sur  le  bois  sacré  de  Spolète  (Bruns,  Fontes,  p.  260)  commence 
ainsi  :  honce  loucom  ne  quis  violalod  et  Gicéron,  Pro  Rah  ad  pop.,  2,  7  dit  : 
de  locis  7'eligiosis  ac  de  lucis,  quos  ab  hoc  violatos  esse  di.risli.  Etymologique- 
ment.Dio/a/JO signifie  la  violenceen  général  ;  l'usage  postérieur  du  langage 
a  étendu  ce  terme  à  tout  délit,  mais  la  restriction  du  sens  de  ce  mot  dans 
le  langage  technique  est  au  moins  aussi  justifié  que  pour  le  mot  injuria. 


DOMMAGE   CAUSÉ    A   LA   CHOSE    D'AUTRUI  135 

manque  pas  dans  les  sources  de  dispositions  sur  les  domma- 
ges causés  à  tel  temple  en  particulier,  à  telle  roule  (1),  à 
tel  aqueduc  (2)  et  sur  des  violalions  analogues  du  droit;  mais  (810) 
il  n'y  a  pour  ainsi  dire  pas  de  dispositions  générales  sur  les 
dommages  causés  aux  biens  des  dieux  et  à  ceux  de  l'Etat,  si 
l'on  excepte  les  règles  sur  les  tombeaux  qui,  dès  une  époque 
reculée  de  la  République,  ont  dû  être  rang ''es  dans  le  droit 
privé,  bien  qu'elles  ne  lui  appartinssent  pas  à  proprement 
parler.  Cet  état  de  droit  a  sans  doute  moins  pour  cause  la  jus- 
tice administrative  des  censeurs  et  des  magistrats  du'  môme 
genre,  exclusive  de  toute  procédure  contradictoire,  que  la 
législation  spéciale  qui  accompagne  la  fondation  de  toute  œu- 
vre publique.  Le  droit  pénal  ne  peut  ni  négliger  ce  domaine, 
ni  construire  à  l'aide  de  détails  insuffisants  des  théories  fan- 
taisistes; nous  tenterons  do  grouper  ici  les  renseignements 
que  les  textes  nous  donnent  à  cet  égard. 

Nous  plaçons  dans  la  présente  Section  l'examen  de  la  lé- 
sion corporelle  et  de  l'homicide  d'un  homme  libre,  en  tant  que 
ces  actes  ne  rentrent  pas  dans  l'injure  et  dans  le  meurtre.  Ce 
classement  se  fonde  sur  ce  que  les  règles  du  droit  pénal  appli- 
cables à  ces  cas  se  rapprochent  surtout  de  celles  qui  régissent 
les  dommages  causés  à  la  chose  d'autrui. 

1.  Dommages  causés  aux  temples. 

La  dedicatio  d'un  sanctuaire  au  nom  de  l'Etat  a  fréquem-    Dommages 
ment  été  réalisée,  comme  celle"de  toute  construction  publique.       °!"^^^ 

'  •  t  ^     ^5     aux  temples. 

dans  la  forme  d'une  loi  ;  mais  elle  a  peut-être  eu,  en  tant 
qu'elle  posait  des  règles  contre  les  soustractions  et  les  domma- 
ges,   force   obligatoire,    même  lorsqu'elle  se  présentait  sous 


(1)  Le  préteur  dans  ses  interdits  traite  les  chemins  jirincipalenient  au 
point  de  vue  de  l'intérêt  qu'a  le  particulier  à  la  jouissance  du  sol  pu- 
blic ;  les  rapports  de  l'État  avec  celui  qui  endommage  le  chemin  ne 
sont  effleurés  que  ça  et  là. 

(2)  Les  régies  qui  leur  sont  appliquées  sont  particulièrement  instructi- 
ves pour  la  question  qui  nous  intéresse  ici  (III  p.  142). 


126,  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

l'aspect  d'une  simple  dedicatio  (1).  Chaque  temple  fit  l'objet 
d'une  telle  réglementation  (2),  mais  on  prit  l'habitude  dans 
les  actes  de  ce  genre  de  renvoyer  à  la  vieille  dedicatio  du 
temple  de  Diane  sur  l'Aventin  (3),  de  telle  manière  que  cette 
loi  parait  avoir  été  considérée  comme  généralement  applicable 
en  matière  religieuse.  De  cette  loi  rien  ne  nous  a  été  con- 
servé. Nous  savons  par  ailleurs  qu'en  droit  religieux  le  dom- 
mage, conformément  à  la  nature  des  choses,  fut  entendu  plus 
rigoureusement  qu^'en  droit  privé  :  non  seulement  toute  souil- 
lure du  sol  consacré  fut  punissable  (4),  mais  il  en  fut  de 
(811)  même  pour  toute  construction  ou  toute  autre  utilisation  de  ce 
sol  contraire  au  but  religieux  du  sanctuaire  (5).  La  peine  qui 
suppose  toujours  un  acte  intentionnel  el  qu'on  distingue  expres- 
sément de  l'expiation  {piacuhun)  requise  en  cas  de  profana- 
tion involontaire  (6),  a  dû  être,  dans  les  cas  graves,  la  peine 
capitale,  et  faire,  comme  au  cas  de  sacrilegium,  l'objet  d'un  dé- 


(1)  Le  tableau  le  plus  net  d'un  acte  de  ce  genre  nous  est  donné  par  la 
loi  du  village  de  Furfo  de  696/58  (I  p.  262  n.  3  ;  III  p.  68  n.  3)  ;  celle-ci  ne 
se  fonde  pas  sur  l'autonomie  municipale,  mais  sur  l'autonomie  collé- 
giale, elle  prononce   cependant  la  multatio  d'une  manière  générale. 

(2)  Festus,  p.  189  :  hiijiis  {l'Ops)  aedis  lex  nulla  extat  neqiie  lemplum  ha- 
beat  necne  scitur. 

(3)  Dedicaliones  de  Narbonne  en  l'an  11  ap.  J.  G.  (G.  I.  L.  XII.  4333  =: 
Bruns,  p.  261)  et  de  Salone  en  137  ap.  J.  G.  (G.  I.  L.  III,  1933  =r  Bruns, 
p.  263)  :  ceterae  leges  hiiic  arae  tilulisque  (manque  dans  la  Ded.  de  Sal.) 
eaedem  sunto  rjuae  sunt  arae  Dianae  in  Avenlino  {Av.  monte  diclae  dans  la 
Ded.  de  Sal.U  Le  litre  est  cité  chez  Festus  p.  165  sous  le  mot  nesi. 

(4)  Lex  rivi  (inscription  de  Savoie,  G.  I.  L.  XII,  2426  =:  Bruns,  p.  265)  : 
si  quis  in  eo  mi[n)xserlt  spurcili(am)  fecerlt,  in  tem{plu7n)  Jovis  d...  (denariutn) 
I  d(ato).  Inscription  de  Luceria  (G.  I.  L.  IX,  782  =  Bruns,  p.  260  [Gi- 
rard, 25]):  in  lioce  loucarid  stircus  ne  quis  fundatid  neve  cadaver  projecitad 
rteve  parenlatid.  Qu'on  compare  avec  ces  textes  la  conception  de  la  cor- 
ruption à  propos  du  dommage  causé  à  la  chose  d'un  particulier:  Dig., 
9,  2,  27,  14. 

(5)  Dig.,  43,  6.  1,  pr.  (it.  8.  2.  19. 

(6)  La  loi  sur  le  bois  sacré  de  Spolète  (III  p.  124  n.  1)  disiingue  à  pro- 
pos de  la  contravention  {sei  quis  iriolasit)  celle  qui  est  accidentelle  et 
celle  qui  est  intentionnelle  {scies  dolo  malo)  ;  dans  les  deux  cas  une  ex- 
piation est  nécessaire  (Jove  bovid  piaclum  dalod),  dans  le  second  il  y  a  en 
outre  une  amende  de  300  as  (ejus  piacli  moltaique  dicator[ei]  exactio  esl[od]. 
La  /ex  coloniae  Genelivae,  c.  73  prescrit  aussi,  en  cas  d'inhumation  à  l'in- 
térieur de  la  ville,  une  amende  et  une  expiation. 


DOMMAGE   CAUSÉ   A  LA   CHOSE   D'AUTRUI  127 

bat  dans  une  action  publique.  Toutefois,  comme  ni  les  écrits 
ni  les  inscriptions,  sauf  pour  ces  dernières  des  exceptions  iso- 
lées, ne  remontent  à  l'époque  où  les  croyances  des  Romains 
étaient  sérieuses,  nous  ne  devons  pas  être  surpris  de  manquer 
ici  totalement  de  preuves  (1).  Pour  les  délits  moins  graves,  la 
peine  est  pécuniaire  et  se  présente  sous  une  double  forme  :  ou 
comme  amende  prononcée  arbitrairement  par  le  magistrat  (2), 
et  non  par  le  prêtre,  soit  en  deçà  du  taux  de  la  provocation, 
soit  au  delà  de  cette  limite,  mais  sous  réserve  de  la  provoca- 
tion; ou  comme  amende  fixe,  déterminée  par  la  loi  du  temple, 
susceptible  d'être  réclamée  par  tout  citoyen  au  moyen  d'une 
action  civile  dans  la  forme  rigoureuse  de  la  procédure  d'exécu- 
tion {pro  judicato)  (3)  et  destinée  pour  partie  au  demandeur 
qui  triomphe  (4). 

2.  Violation  de  sépulture  (5).  (812) 

Si  chaque  temple  consacré  au  nom  de  la   communauté  re-     Protection 

des  tombeaux 


dans  le  très 
ancien  droit. 


(1)  Le  fait  qu'on  impute  à  Rabirius,  même  simplement  à  titre  acces- 
soire, une  violation  de  ce  genre  est  favorable  au  classement  de  cette  vio- 
lation parmi  les  crimes  publics  proprement  dits.  Les  interprètes  du  droit 
romain  ont  peut-être  étendu  la  portée  du  mot  sacrilegiinn  au-delà  de  sa 
signification  véritable  de  vol  d'un  bien  des  dieux  (III  p.  66  n.  6)  pour 
l'appliquer  à  la  destruction  et  à  la  profanation  de  ce  même  bien  ;  mais 
nous  n'avons  pas  de  preuve  directe  en  ce  sens.  L'emploi,  dans  certains 
cas,  de  sacrilegium  pour  la  profanation  de  sépulture  (C.  I.  L.  VI  10120  : 
fodere  noli,  ne  sacrilegium  committas)  est  sans  importance,  étant  donnée 
l'acception  vague  du  mot  [loc.  cil.). 

(2)  Inscription  de  Luceria  (III  p.  126  n.  4)  :  seive  macisteratiis  volet  mol- 
tare,  licetod.  La  loi  de  Spolète  ne  pose  pas  cette  alternative. 

(3)  Inscription  de  Luceria  :  [»i]  jum  (—  eum)  qiiis  volet  pro  joudicatod 
n(ummum)  1  (plutôt  L)  muniim  inject[i]o  estod.  La  loi  sur  le  bois  sacré  de 
Spolète:  a{ses)  CGC  moltai  suntod...  moltaique  dlcator[ei]  exactio  esl[od].  Le 
dicator  est  vraisemblablement  le  magistrat  qui  faisait  la  dedicatio  et  cette 
expression  embrassait  aussi  ceux  qui  lui  avaient  succédé  dans. sa  charge. 

(4)  Lex  rivi  (III  p.  126  n.  4)  :  del[atoris)  pars  dim(idia)  esto.  Nesi  (=  sine) 
l.  p.  u.  (inexpliqué). 

(o)  La  dissertation  de  Gustave  Hirschfeld  sur  le^  inscriptions  sépul- 
crales grecques  qui  établissent  des  peines  pécuniaires  (Kônigsberger  Stii- 
dien,  i,  83  sv.)  et  celle  de  Ferd.  Wamser,  De  Jure  sepulcrali  Romanorum 
quid  tituii  doceant  (Darmstadt,  1887)  nous  présentent  la  masse  considéra- 
ble des  inscriptions  dans  un  aperçu  d'ensemble  méthodique. 


138  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

cevait  un  règlement,  dont  l'observation  était  juridiquement 
obligatoire,  et  si,  par  suite,  il  devenait  pour  ainsi  dire  inutile 
de  faire  une  loi  pénale  générale,  il  est  possible  qu'originaire- 
ment, lorsque  les  sépultures  appartenaient  exclusivement  aux 
gentes  (1),  celles-ci  aient  eu,  à  raison  de  l'autonomie  relative 
dont  elles  jouissaient  au  sein  de  la  cili',  la  faculté  d'opérer  une 
dedicatio  aux  mânes  ayant  force  de  loi  et  de  poser  en  même 
temps  des  prescriptions  de  droit  pénal  pour  protéger  la  sé- 
pulture. Mais,  à  l'époque  historique,  où  l'institution  des  sé- 
pultures privées  se  développe  en  même  temps  que  la  propriété 
individuelle,  la  dedicatio  faite  par  les  particuliers  aux  mâ- 
nes des  défunts,  même  si  comme  cela  est  vraisemblable  (III 
p.  129  n.  1)  certaines  faveurs  juridiques  étaient  accordées  au 
fondateur  d'une  sépulture  qui  se  dépouillait  de  sa  propriété 
dans  ce  but,  ne  pouvait  cependant  pas  établir  diiectement  un 
système  de  protection  juridique  obligatoire  pour  tous  et  fonder 
une  action  délictuelle  pénale.  Cet  effet  pouvait  encore  moins 
résulter  de  la  loi  des  piacida  en  vigueur  jusqu'à  une  époque 
tardive  (2).  Une  réglementation  d'État  pour  la  protection  des 
tombeaux  est  déjà  impliquée  par  ce  fait  que  la  loi  des  XII  Ta- 


(1)  La  sépulture  romaine,  au  sens  juridique  du  mot,  n'est  pas  toute 
place  affectée  à  un  mort,  mais  une  catéfïorie  de  la  propriété  du  sol  ; 
celle-ci  appartient  soit  comme  bien  de  l'Elat  au  peuple  (loci/s  puhliciis)  ou 
aux  dieux  de  la  cité  (locus  sacer),  soit  comme  bien  particulier  à  un  citoyen 
romain  vivant  {lociis  privatus)  ou  aux  mânes  des  défunts  (locus  religiosus). 
Celui  qui  ne  peut  pas  être  propriétaire,  par  exemple  l'esclave,  ne  peut 
pas  avoir  une  sépulture  en  propre  et  l'homme  libre  n'acquiert  une  telle 
sépulture  que  comme  propriétaire  du  sol.  Donc,  aussi  longtemps  que  la 
propriété  sur  le  sol  appartint  à  la  gens  et  non  à  l'individu,  il  n'a  pas  pu 
y  avoir  de  sépultures  privées  ;  et  même,  à  l'époque  postérieure,  les  seuls 
détenteurs  de  sépulture  sont  à  parler  strictement  les  propriétaires  du 
sol.  Toutefois,  la  régie  rigoureuse  du  droit  que  seul  le  propriétaire  du  sol 
peut  avoir  un  tombeau  est  adoucie  par  la  faculté  qui  appartient  à  celui-ci 
d'admettre  dans  la  séfiulture  des  tierces  personnes.  Ce  point  a  été  plus 
longuement  développé  dans  ma  dissertation  Zum  Romischen  Grahrecht  dans 
Z.  S.  St.,  R.  Abt.,  16,  203  sv. 

(2)  En  cas  de  translation  des  corps,  on  exige  le  piaculum  G.  I.  L.,  VI, 
1884  et  dans  le  décret  pontifical  de  Terracine  :  G.  I.  L.,  X,  8259  =  Bruns, 
p.  237.  Paul,  1,  21,  1  exige  les  sacrificla.  Chez  Paul,  1,  21,  4.  12,  il  est  éga- 
lement question  à  ce  propos  du  piaculum.  Ici  s'applique  aussi  la  remar- 
que faite  III  p.  120  n.  C. 


DOMMAGE   CAUSÉ    A   LA   CHOSE   D'AUTRUI  139 

bles  prohibait  l'usucapion  des  sépultures  (1),  tandis  que  les 
immeubles  des  particuliers  n'ont  jamais  joui  delà  même  pro- 
tection juridique.  Nous  pouvons  néanmoins  faire  cette  consta-  (813)  À 
tation  négative  que,  d'une  part,  la  procédure  civile  originaire 
n'offrait  pas  de  moyen  de  répression  contre  les  violations  de 
sépulture  {2),  et  que,  d'autre  part,  on  ne  peut  pas  découvrir  un 
délit  public  dans  lequel  rentraient  ces  dommages  (3).  Il  est 
possible,  comme  pour  les  dommages  commis  vis-a-vis  des 
temples,  que  dans  les  cas  graves  la  procédure  capitale  se  soit 
appliquée  et  que  dans  les  cas  les  moins  graves  il  y  ait  eu,  soit 
une  amende  arbitraire  du  magistrat,  soit  une  amende  légale- 
ment fixée;  mais  toute  preuve  fait  ici  défaut. 

Les   tombeaux   n'ont   reçu  une   protection  juridique  dont      L'acuon 

,,.  ..  ,  ,  i./i'i  r  prétorienne 

1  existence  puisse  être  prouvée  que  dans  1  edit  du  préteur  par  pour  violation 
l'action  privée  que  celui-ci  introduisit  vraisemblablement  de  de  sépulture. 
bonne  heure  pour  les  violations  de  sépulture  (4).  Sous  le  nom 
de  violation,  on  comprend,  comme  l'indiquent  les  œuvres  juri- 
diques et  d'innombrables  inscriptions  en  substance  concordan- 
tes, en  dehors  de  la  destruction  et  de  la  détérioration  directes 
du  tombeau  pour  lesquelles  aucune  explication  n'est  néces- 

(i)Loi  des  XII  Tables,  10,  11  Schôll  [Girard,  10,  10]  z=  Gicéron,  De  kg., 
2.  24,  61. 

(2)  A  propos  de  l'action  de  la  loi  Aquillia,  qui  serait  la  plus  indiquée 
pour  une  protection  de  ce  genre,  on  remarque  expressément  qu'elle  n'est 
pas  applicable  à  la  violation  de  sépulture  {Dig.,  47,  12,  2,  pr.);  elle  exige 
une  propriété  privée.  L'action  d'injure  n'est  donnée  que  pour  l'offense 
faite  à  un  vivant,  éventuellement,  mais  non  nécessairement,  contenue 
dans  la  violation  de  sépulture  (III  p.  96). 

(3)  D'après  l'exposé  de  Gicéron  (n.  1),  il  n'est  pas  douteux  que  la  loi  des 
XII  Tables  ne  parlait  pas  d'une  action  pénale  pour  violation  de  sépul- 
ture. Il  ne  faut  attacher  aucune  importance  aux  paroles  de  Julien  C.  Th., 
9,  17,  5  zr:  C.  Jusl.,  9,  19,  5  :  {sepulcrum  violare)  proximum  sacrilegio  majores 
semper  hahuerunt.  Gpr.  pour  le  sacrilegium  III  p.  127  n.  1. 

(4)  La  violation  de  sépulture  {sepulcrum  violatum)  apparaît  chez  les  ju- 
risconsultes classiques  et  encore  dans  les  Pandectes  au  nombre  des  dé- 
lits privés  et  est  traitée  à  leur  occasion;  c'est  seulement  dans  les  ou- 
vrages juridiques  postérieurs  (C.  Th.,  9,  17;  C.  Jiist.,  9,  19)  qu'elle  est 
classée  dans  les  délits  donnant  lieu  à  une  poursuite  criminelle.  Il  est 
même  à  remarquer  que  les  renseignements  fournis  par  ces  codes  concer- 
nent principalement  l'action  privée,  tandis  que  l'action  criminelle  n'y 
est  visée  qu'accessoirement. 

Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  9 


130  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

saire  (1),  soit  l'inhumation  dans  la  sépulture  de  personnes 
autres  que  celles  admises  par  le  fondateur  (2).  soit  le  traite- 
ment des  sépultures  comme  propriété  privée  par  leur  orga- 

(814)  nisation  en  habitation  (3)  ou  par  achat,  vente  et  autres  actes 
semblables  (4).  Le  préteur  promet  une  action  pour  le  cas  de 
violation  tout  d'abord  aux  personnes  intéressées  à  la  conserva- 
tion du  tombeau,  et,  si  celles-ci  ne  se  présentent  pas,  à  toute 
personne  (o).  L'action  tend  à  faire  prononcer  au  profit  du  de- 
mandeur une  condamnation  à  une  amende  de  10,000  sester- 
ces (2,000  marks)  (6)  ;  cette  peine  peut  d'ailleurs  s'élever  dans 
certains  cas  à  une  somme  supérieure,  lorsque  l'action  est  in- 
tentée par  une  personne  intéressée  (7).  La  condamnation  en- 
traîne en  outre  l'infamie  (8). 

Amendes         H  n'y  a  pas  eu,  jusqu'au  cours  du  second  siècle  de  l'ère  chré- 

sénulcrales       ..  j,  ,  ,  r>.     i       ^, 

deiEmpire.   ^lenue,  Q  amcude  prononcée  au  profit  de  1  aerarinm  pour  pro- 
fanation des  sépultures  (9).  Mais,  sous  Marc-Aurèle  et  Verus, 

(1)  Enlèvement  de  matériaux  de  construction  :  Paul,  \,  21,  5.  8.  —  Des- 
truction des  inscriptions  :  Paul,  1,  21,  8;  et  fréquemment  dans  les  ins- 
criptions, par  exemple  :  C.  /.  L.  YI,  24799  :  quisqids  hoc  monumentum 
violaverit  aut  titulum  deasciaverit  aliove  quo  nomine  inscripseril,  dabit  in  aera- 
7ium  p.  R. IIS. XX  m.  n.;  autres  exemples  chez  Wamser,  p.  31.  Nous  con- 
naissons aussi  un  procès  qui  fut  intenté  à  ce  sujet  et  pour  lequel  le  do- 
cument nous  est  parvenu  :  C.  1.  L.,  X,  3334  m  Bruns,  p.  361. 

(2)  Paul,  \,  21,  6.  9.  Dig.,  ;47,  12,  3,  3.  Nombreuses  preuves  dans  les 
inscriptions,  cpr.  Wamser  p.  21  et  suiv. 

(3)  Diq.,  47,  12,  3  pr.  %  6.  Paul,  1.  21,  12.  L'action  tendait  dans  ce  cas  à 
une  condamnation  à  20.000  sesterces. 

(4)  Les  amendes  destinées  à  Vaerarium  que  nous  mentionnerons  plus 
loin  sont  surtout  dirigées  contre  le  fait  de  vendre  ou  d'acheter  des  sépul- 
tures comme  s'il  s'agissait  d'un  bien  privé  ;  le  procès  mentionné  n.  1 
roule  également  sur  ce  sujet.  Parfois  la  rédaction  est  encore  plus  géné- 
rale; c'est  ainsi  qu'au  C.  I.  L.,  VI,  7788  on  menace  d'une  amende,  si  guis 
hiiic  monumento  post  me  aliquam  controversiam  facere  votuerit. 

(b)  Dir/.,  47,  12,  3  pr.  1.  6. 

(6)  Dig.,  47,  12,  3  pr. 

(7)  Dig.,  47,  12,  3,  8.  cpr.  1.  6.  1.  10.  Une  indemnité  au  sens  juridique  du 
mot  n'est  pas  ici  possible,  car  le  tombeau  n'appartient  même  pas  à  celui 
qui  a  un  intérêt  à  sa  conservation. 

(8)  Dig.;  il,  12,  1. 

(9)  Le  fragment  de  Tuder,  C.  I.  L.  XI,  4632  =  Bruns,  p.  135  :  [qiiae  poenae 
cautiim  jure  Qui]ritium  comprehmsumve  est  uli  dentiir  p{opulo)  R{omano),  u[li 
eaedem  deniur  colonis  ejus  coloniac  jus  esta]  paraît  se  rapporter  aux  lois  sé- 
pulcrales, car  on  trouve  ensuite  les  mots  :  eorum  gui  quoque  anno  infe- 


DOMMAGE   CAUSÉ    A  LA  CHOSE   D'AUTRUI  131 

peut-être  déjà  sous  Antonin  le  Pieux  (1),  la  violation  de  sépul- 
ture a  été,  difficilement  dans  tout  l'empire,  mais  tant  à  Rome 


riarum  sacri...;  mais  on  ne  voit  pas  clairement  à  quelles  prestations  au 
profit  de  la  communauté  il  est[ici  fait  allusion.  D'autre  part,  dans  une  loi 
sépulcrale,  un  Lingon  de  distinction,  sans  doute  de  la  fin  du  i'^''  siècle  ap. 
J.-C,  C.  I.  L.,  XIII,  5708  :=z  Bruns,  p.  275,  impose  à  ses  héritiers  l'obliga- 
tion de  payer  une  amende  à  la  cité  pour  le  cas  où  ils  violeraient  ou  né- 
gligeraient la  sépulture  et  les  charge  d'obliger  de  la  même  manière  leurs 
héritiers  et  les  héritiers  de  leurs  héritiers,  puis  ajoute,  à  titre  de  consé- 
quence juridique,  semble-t-il,  les  mots  suivants  :  haec  poena  [ab]  omnibus 
dominis  hiijus  possessionis  in  perpettium  inferatuv.  Ce  titre  montre  que  son 
rédacteur  n'avait  à  sa  disposition  aucun  moyen  juridique  pour  établir 
pour  tous  les  temps  et  pour  toutes  les  personnes  l'amende  dont  il  vou- 
lait menacer  toute  violation  de  sépulture.  S'il  avait  eu  un  tel  moyen,  il 
aurait  substitué  la  simple  clause  pénale  à  ces  prescriptions  détaillées  qui 
n'atteignent  même  que  les  possesseurs  du  principal  fonds  de  terre.  La 
logique  juridique  exige  aussi  qu'une  loi  de  ce  genre  obligatoire  pour 
tous  et  pour  tous  les  temps  ne  puisse  pas  être  établie  par  un  acte  privé  ; 
si  le  droit  l'avait  admis  par  exception,  les  amendes  que  nous  indiquerons 
plus  loin  se  présenteraient  partout  et  auraient  existé  de  tout  temps, 
tandis  que  nous  ne  les  trouvons  que  pendant  la  dernière  période  du  droit 
romain  et  dans  certaines  parties  de  l'empire. 

(1)  Les  nombreuses  inscriptions  latines  et  grecques  dans  lesquelles 
nous  rencontrons  les  amendes  sépulcrales,  paraissent  commencer  à  peu 
près  à  la  même  époque,  quels  que  soient  la  langue,  le  bénéficiaire  de  l'a- 
mende et  le  lieu  ;  notamment,  les  amendes  de  Vaerarium  n'apparaissent 
nullement,  comme  je  l'avais  conjecturé  autrefois,  avant  les  amendes  pon- 
tificales. Je  n'ai  pas  pu  trouver  d'inscription  de  ce  genre  qui  put  être 
placée  avec  certitude  avant  le  milieu  du  ii^  siècle.  Les  plus  anciennes  de 
date  certaine  qui  me  soient  connues  sont  l'inscription  latine  d'Antium  de 
167  (C.  /.  L.,  X,  6706  :  20.000  sesterces  à  Vaerarium  p.  R.)  et  l'inscription 
grecque  de  Philadelphie  en  Lydie,  datant  de  l'an  249  de  l'ère  de  Sylla  =r 
169  ap.  J.-G.  {Athen.  Mitth.,  6,  371  :  xw  Taixîw  ^  ^  9).  L'inscription  C.  /. 
L.,  VI,  29289  accuse  une  nomenclature  de  l'époque  de  Trajan  ;  on  ren- 
contre aussi  plusieurs  fois  des  P.  Aelii  (C.  1.  L.,YÏ,  10693.  10724.  22518) 
une  inscription  concerne  un  affranchi  d'Antonin  le  Pieux  (C  1,  L.,  VI, 
8518),  mais  il  est  bien  possible  que  toutes  ces  pierres  n'aient  été  posées 
qu'à  l'époque  de  Marc-Auréle.  Les  inscriptions  de  Thessalonique  que 
G.  Hirschfeld  met  en  119  et  121  ap.  J.-G.  doivent  certainement  être  clas- 
sées d'après  l'ère  moderne  d'Auguste  en  249  et  251  ap.  J.-G.  Le  procon- 
sul T.  Statius  Quadratus  de  l'inscription  de  Magnésie,  C.  I.  Gr.,  3410  est 
maintenant  ordinairement  placé  en  155,  il  le  serait  peut-être  plus  exacte- 
ment en  166.  C'est  également  une  question  irrésolue  de  savoir  si  le  pro- 
consul Gatilius  Severus  de  l'inscription  de  Thyatire,  C.  I.  Gr.,  3507  est  le 
consul  de  l'an  120  ou  le  contemporain  d'Alexandre  Sévère.  Les  inscrip- 
tions C.  /.  L.,  VI,  9485.  10238  paraissent  plus  anciennes,  mais  les  paie- 
ments qui  y  sont  ordonnés  ne  répondent  pas  aux  règles  du  droit  posté- 
rieur. La  substitution  faite  au  profit  de  Vaerarium,  dans  le  cas  d'un  legs 


133  DROIT    PÉNAL   ROMAIN 

(815)  et  ea  Italie  que  dans  une  partie  des  provinces  orientales  (1), 
rangée  dans  la  liste  des  procédures  pénales  où  l'amende  tom- 
bait pour  le  tout  ou  en  grande  partie  dans  les  caisses  publiques. 
Dans  les  renseignements  que  nous  possédons  pour  l'Italie 
nous  ne  trouvons  nulle  part  l'indication  de  la  base  juridique 
sur  laquelle  repose  ce  système  (2j  ;  pour  les  provinces  orienta- 

(816)  les  on  cite  à  cette  occasion  des  constitutions  impériales  (3).  Ce 

adressé  d'abord  à  un  collège  sous  la  charge  d'une  parentatio  à  perpétuité 
(C.  /.  L.,  VI,  1925),  n'a  rien  de  commun  avec  l'amende. 

(1)  On  rencontre  fréquemment  ces  amendes  dans  la  ville  de  Rome.  Il 
faut  en  outre  pour  l'Italie  signaler  spécialement  à  cet  égard  Ostie,  Pouz- 
zoles  et  Aquilée  ;  toutefois  on  en  trouve  aussi  ailleurs  et  il  est  possible 
qu'elles  aient  été  admises  partout.  G.  Hirschfeld  a  montré  qu'une  institu- 
tion semblable  existait  déjà  avant  la  conquête  romaine  en  Lycie  et  en 
Carie.  L'inscription  lycienne,  C.  /.  Gr.  4259  se  place  longtemps  avant 
l'époque  romaine  et  d'après  la  communication  que  me  fait  Benndorf  il 
en  est  de  même,  d'après  la  langue  et  l'écriture,  de  deux  autres  inscriptions 
lyciennes  C.  /.  Gr.,  4300  2  et  Benndorf,  Reisen  im  S.  W.  Kleinasiens,  2.  56 
N.  108.  Quant  à  la  formule  xaôâTiep  èy  SixT)?,  qu'on  rencontre  dans  les 
deux  derniers  titres  nommés,  et  quant  à  son  équivalent  la  formule  w;  èx 
xaTaS'xr,;  d'une  inscription  carienne  de  l'époque  romaine  (Lebas-Wad- 
dington  1639)  elles  appartiennent  aussi,  comme  Mitteis  (Helchsrecht  und 
Volksrechl,  p.  401  sv.)  l'a  très  élégamment  démontré,  aux  lois  helléniques 
et  non  aux  lois  romaines,  bien  que,  vraisemblablement  en  vertu  d'une 
coutume  très  ancienne,  elles  correspondent  en  substance  à  la  procédure 
romaine  projudicato.  Mais  l'établissement  d'amendes  de  ce  genre  est  un 
fait  si  naturel  que  les  vieilles  pratiques  grecques  et  les  prescriptions  ad- 
ministratives de  l'emiiire  romain  peuvent  être  nées  indépendamment  les 
unes  des  autres  ;  il  n'est  cependant  pas  impossible  que  des  dispositions 
locales  de  ce  genre  aient  poussé  les  gouverneurs  romains  des  provinces 
orientales,  et  peut-être  aussi  le  Sénat  romain,  à  adopter  cette  institution. 
En  tout  cas,  celle-ci,  telle  qu'elle  se  présente  à  nous,  appartient  à  l'admi- 
nistration impériale  du  second  siècle.  Elle  est  restée  complètement  inu- 
sitée dans  tout  l'Occident  (Espagne,  Gaule,  Bretagne)  et  de  'même  dans 
les  provinces  extrêmes  de  l'Orient  (Syrie,  Egypte),  bien  qu'elle  ait  été 
également  pratiquée  à  titre  isolé  dans  ces  pays  (par  exemple  en  Breta- 
gne, C.  I.  L.,  VII,  922)  dans  la  dernière  période. 

(2)  Pour  l'accès  permanent  des  sépultures,  quelques  inscriptions  sépul- 
crales de  Rome  (C.  /.  L.,  VI,  9404.  10235  de  l'an  149)  invoquent  la  le.r  pu- 
bliai ou  la  lex  (ihld.,  19949),  exactement  comme  cela  a  lieu  dans  la  formule 
d'institution  d'héritier  (Gaius,  2,  104)  et  peut-être  aussi  dans  la  disposi- 
tion sur  le  droit  d'association  (Dig.,  47,  22,  2).  Or,  de  même  que  cette  ex- 
pression vise  dans  les  derniers  cas  la  loi  des  XII  Tables,  elle  doit  être 
entendue  de  la  même  manière  dans  les  inscriptions  sépulcrales.  Dans  les 
amendes  sépulcrales,  bien  qu'elles  soient  fréquentes,  on  ne  trouve  rien 
de  pareil. 

(3)  Antiphellus  eu  Lycie,   C.  1.  Gr.,  4300  p.  1128  :  èàv  Se  Ttî   •toA[xr,(T[ri] 


DOMMAGE   CAUSÉ   A   LA  CHOSE    D'AUTRUI  133 

système  de  répression  fut  vraisemblablement  introduit  tout 
d'abord  par  un  sénatus-consulte  rendu  pour  Rome  et  l'Italie, 
comme  cela  fut  le  cas  par  exemple  pour  le  sénatus-consulte 
Hosidien  relativement  à  la  démolition  de  constructions  urbai- 
nes. Puis,  corollairement  à  ce  sénatus-consulte,  des  règlements 
semblables  furent  établis  dans  diverses  provinces  par  des 
constitutions  impériales  et  des  édits  des  gouverneurs  de  pro- 
vince et  surtout  par  l'exercice  de  l'autonomie  municipale  (1). 
Le  silence  des  sources  juridiques —  nous  ne  connaissons  cette 
constitution  que  par  des  inscriptions  nombreuses  —  et  les 
divergences  que  l'on  constate  suivant  les  lieux  dans  la  ma- 
nière dont  se  présentent  ces  amendes  et  dans  leur  application 
ne  permettent  pas  d'admettre  l'existence  de  lois  d'empire  à 
cet  égard  ;  toutefois,  ces  amendes  sont  si  répandues  qu'il  nous 
sera  permis  d'enregistrer  ici  les  renseignements  essentiels  que 
nous  possédons  à  leur  égard. 

L'amende  publique  qui  prend  place  à  côté  de  l'amende 
prétorienne  —  car  l'action  délictuelle  prétorienne  ne  fut  nul- 
lement supprimée  —  n'est  pas  considérée  comme  imposée  par 
le  magistrat,  mais,  suivant  ce  qui  a  lieu  aussi  en  matière 
d'injure,  elle  est  une  taxation  faite  par  le  fondateur  de  la  sé- 
pulture en  vertu  d'une  permission  légale,  c'est  pour  cela  qu'on 
ne   l'appelle  jamais  midta,  mais  poena,  en  grec  TCpocTipv. 

ÈxxYiôcOffat  T[tva,  ÛttJeuôijvo;  é'ffxai  toï;  8tà  twv  6ecwv  Sia[TaY](J5v  wpta[iévoi;. 
Tralles  en  Asie,  Bull,  de  corr.  hell.,  1881,  p.  345  :  ûiteOôuvoî  ïaxa:  toïç  ts 
2iaT(iY(j.ao-t  xat  toïç  Ttaxpîotç  vo(AOi[i;  xat]  àuoT£c(T(XTw  tÎ)  TtoXet...  Aphrodisias  en 
Carie,  C.  I.  Gr.,  2834,  2850  c.  p.  1118  :  napi  xà  StaTETaypiÉva.  Toutefois,  ces 
constitutions  peuvent  se  rapporter  à  la  peine  criminelle  de  la  TU[xêwpij-/:a. 
(J)  Depuis  que  nous  connaissons  le  règlement  sur  le  change,  élaboré 
par  la  ville  de  Mylasa  à  l'époque  de  Septime  Sévère  (I  p.  133  n.  1)  et 
dont  la  principale  disposition  pénale  consiste,  en  dehors  de  la  confisca- 
tion au  profit  du  fermier  du  change  des  sommes  ayant  fait  l'objet  d'un 
change,  dans  l'établissement  de  trois  amendes  :  l'une  de  500  deniers  en 
faveur  du  fiscus,  l'autre  de  200  pour  la  caisse  de  la  cité,  la  troisième  de 
100  au  profit  du  dénonciateur  et  correspond  donc  d'une  manière  précise  à 
l'institution  des  amendes  sépulcrales  asiatiques,  il  ne  peut  plus  être  mis 
en  doute  que  le  fondement  juridique  de  ces  amendes  sépulcrales  doit  être 
cherché  tout  d'abord  dans  l'autonomie  municipale,  et,  lorsque  celle-ci  ne 
peut  être  invoquée,  dans  des  statuts  locaux  émanés  des  fonctionnaires 
romains. 


134  DROIT   PÉNAL   ROMAIN 

Il  est  vraisemblable  que  le  fondateur  de  la  sépulture  ne  pou- 
vait l'établir  qu'après  une  dénonciation  préalable  faite  à  l'au- 
torité qui  avait  à  décider  plus  tard  si  l'amende  était  encourue, 
(817)  donc,  d'après  ce  que  nous  dirons  plus  loin,  à  Rome  après  dé- 
nonciation au  collège  des  pootifes  (1),  hors  de  Rome  après 
dénonciation  aux  autorités  de  la  cité  intéressée  (2).  Ces  autori- 
tés peuvent  avoir  exercé  une  action  pour  la  fixation  du  taux 
des  amendes,  très  variable  dans  les  inscriptions  (3)  ;  mais  il 
semble  qu'il  y  ait  eu  partout  des  fixations  de  maximum,  en- 
core que  les  prescriptions  sur  lesquelles  repose  cette  institu- 
tion ne  fixent  pas  partout  le  même  chiffre  ;  car  les  amendes 
en  Italie,  sauf  des  exceptions  insignifiantes,  ne  dépassent  pas 
le  taux  de  100.000  sesterces  =  20.000  marks  (4),  tandis  que 
dans  les  provinces  elles  vont  rarement  au  delà  de  5.000  de<- 
niers  =  4000  marks  (5). 


(1)  Nous  n'avons  pas  de  preuve  directe  en  ce  sens,  mais  de  nombreuses 
inscriptions  font  entrevoir  que  déjà  pour  rétablissement  des  sépultures 
la  coopération  du  collège  des  pontifes  était  requise  ou  tout  au  moins  pos- 
sible. C.  I.  L.,  VI,  10812:  T.  Aelius  Victorinus  vivo  se  ex  arca  pontificum  corn- 
pai'avit.  VI,  14413  :  empta  olla  ah  arka  publica.  VI,  10673  :  hoc  cepolaphiiun 
muro  cinctum  cum  sua  jure  omni  ex  aucloritate  et  Judicio  po?itificum  possède' 
runt.  VI,  29909  :  ne  veneat,  ne  fiduciare  liceat,  nec  de  nomine  meo  exire  liceat 
secundum  sentenlias  pontificum  ce.  vv.  s(?/pm)  s{cripias)  (le  commencement 
manque).  Il  est  possible  que  les  authentica  du  fragment  d'Ostie  (C.  /.  L., 
XIV,  1828)  se  rapportent  à  cette  question.  Cpr.  C.  Th.,  9,  17,  2. 

(2)  Dans  les  titres  de  l'Asie  Mineure,  le  dépôt,  dans  les  archives  de  la 
ville,  du  titre  relatif  à  la  fondation  de  sépulture,  joue  un  rôle  important 
qu'il  ne  nous  appartient  pas  d'étudier  ici. 

(3)  Lorsque  dans  une  inscription  de  Cyzique  (C.  7.  Gr.,  3692  on  dit  : 
•)iaTaa-/;£6r,o'£Tat  T<ii  wpiff|j.Éva)  irpoCTTSiixo)  to-j  Tafieiou  ^  Pi  £ti  Se  xai  Tri;  itôXeu);  ^ 
ces  règles  fixes  doivent  être  rapportées  à  un  statut  local. 

(4)  Les  différents  chiffres  sont  relovés  chez  Hirschfeld,  p.  136  sv.  et  chez 
Wamser,  p.  40  (où  Grut.  749,  4  —  Kaibel,  Inscr.  Gr.  liai.  2273  est  à  rayer). 
Dans  les  trois  sommes  littéralement  les  plus  élevées  (200000  sesterces  : 
Ostio,  C.  /.  L.,  XIV,  1153  —  300000  deniers  :  Pola,  C.  7.  L..  V,  121  — 
1200000  deniers  :  Rome,  C.  I.  L.,  V,  4057),  on  se  demande  encore  s'il  ne 
s'agit  pas  du  denier  de  la  dernière  période. 

(5)  Les  200000  deniers  d'une  inscription  de  Byblos  de  l'an  317  ap.  J.-G. 
(Renan,  Mission  en  Phénicie,  p.  255)  doivent  nécessairement  être  entendus 
comme  étant  des  deniers  de  la  dernière  période  et  la  même  remarque 
s'applique  aux  sommes  d'une  inscription  de  Brousse  {Arch.  epigr.  Mitth. 
uns  Oesterreich,  7,  173)  qui  impose  une  amende  de  500000  deniers  à  l'orga- 
nisateur et  une  de  250000  au  tailleur  de  pierres  et  à  celles  d'une  inscrip- 


DOMMAGE   CAUSÉ    A  LA  CHOSE   D'aUTRUI  135 

L'amende  tombe  soit  daus  la  caisse  de  l'État,  soit  dans  une 
caisse  municipale,  soit  dans  celle  du  collège  des  pontifes, 

1.  Partout  où  cette  amende  est  usitée,  elle  peut  être  attri- 
buée à  l'État  romain.  Elle  tombe  de  plein  droit,  suivant  la  règle 
applicable  à  toutes  les  peines  pécuniaires,  non  au  fiscus,  mais 
à  Vaerarium  (1);  en  effet,  ce  dernier  est  ordinairement  men- 
tionné pour  l'Italie  et  apparaît  çà  et  là  dans  les  inscriptions  (818) 
provinciales  (2).  Si  les  inscriptions  italiques  récentes  et  la  plu- 
part des  inscriptions  des  provinces  orientales  parlent  du  fiscus, 

cela  s'explique  d'autant  mieux  que,  déjà  au  ii"  siècle  ap.  J.-C, 
la  distinction  de  Vaerarium  et  du  fiscus  (3)  tend  à  disparaître, 
que  dans  les  provinces  notamment  l'administration  impériale 
des  finances  perçoit  aussi  les  sommes  destinées  à  Vaera- 
rium (4)  et  que  dans  chacune  d'elles  il  n'y  a  qu'une  caisse 
centrale  (o). 

2.  L'amende  peut  en  second  lieu  être  attribuée  non  seule- 
ment à  la  cité  dans  le  ressort  de  laquelle  se  trouve  la  sépul- 
ture (6  ),  mais  à  toute  cité  quelle  qu'elle  soit  (7).  Cette  amende 


tion  de  Gallipolis  [Alhen.  Mitth.,  6,  259)  qui  exige  3  [millions  de  deniers 
pour  le  fiscus  et  1  million  pour  la  ville. 

(1)  St.  R.,  2,  1020  [Dr.  pnbL,  5,  316]. 

(2)  L'èpâp'.ov  StiIxou  'PwiiaJwv  est  nommé  comme  bénéficiaire  dans  l'ins- 
cription de  Sniyrne  (Lebas-Waddington  25).  Le  Ta[j.£Ïov  Twixatwv  de  l'ins- 
cription d'Hiéropoiis  en  Phrygie  de  l'an  216  {Bull,  de  corr.  helL,  1882, 
p.  518  :  'Pwjiaîwv  Taiicsw  Soiae'.  8to-/e(Xta  -/puaâ  xal  -/pYicry)  iraTptSc  'lepoudXec 
-/ciXia  -/p-jo-â  ;  de  même  dans  celle  d'Aphrodisias,  C.  /.  Gr.,  2834)  et  le  lr\\Loç 
'Pwfiaîwv  d'une  seconde  inscription  de  Smyrne  (C.  1.  Gr.,  3335)  ne  peu- 
vent pas  être  entendus  autrement. 

(3)  Il  est  tantôt  désigné  par  le  terme  latin,  tantôt  comme  Ta[x.(i)£ïov; 
dans  ce  dernier  cas  il  n'est  pas  rare  qu'une  addition  (par  ex.  Aphrodisias, 
C.  I.  Gr.,  2830  :  to  tsptÔTaTOv  xapiEiov  toù  -/cypiou  aCiroxpaTopo;  Kaîcrapoç)  indi- 
que qu'il  s'agit  de  la  caisse  impériale. 

(4)  St.  B.,  2,  1017  [Dr.  piibl..  5,  312]. 

(5)  C'est  pourquoi  on  parle  fréquemment  ici  de  Tafxieîov  sans  addition. 
Nulle  part,  pas  même  dans  les  inscriptions  des  provinces  sénatoriales, 
il  n'est  fait  mention  d'une  double  caisse  d'État. 

(6)  Les  inscriptions  latines  parlent  généralement  de  la  caisse  de  la  ville 
(res  publica),  les  inscriptions  grecques  citent  aussi,  en  dehors  du  6t;[io;  ou 
de  la  iTÔAi;,  les  corporations  municipales,  la  pou/ii  ou  la  yspo-jo-ia. 

(7)  L'inscription  d'Auximum,  C.  1.  L..  IX,  5860  nomme  à  côté  l'une  de 
l'autre  la  caisse  municipale  des  deux  cités  de  Firmum  et  de  Piicina  et  il 
est  bien  possible  que  la  loi  fondamentale  se  soit  ici  exprimée  en  termes 


136  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

au  profit  de  la  cité  peut  se  cumuler  avec  celle  de  l'État  (1). 
3.  Enfin,  dans  le  rayon  affecté  aux  sépultures  de  la  ville  de 
Rome  (2),  l'amende  peut  être  attribuée  soit  à  la  caisse  pontificale , 
soit  à  celle  des  Vestales  (3)  qui  n'est  distincte  de  la  première 
qu'en  fait.  Hors  de  Rome,  on  ne  rencontre  pas  d'assignation 
(819)  de  ce  genre  (4).  Il  n'y  a  là  en  réalité  qu'une  seconde  forme 
de  l'amende  au  profit  de  l'Etat  ;  car  la  caisse  pontificale  n'est 
séparée  qu'en  fait  de  celle  de  l'État  (o).  Fréquemment,  l'a- 
mende est  assignée  pour  partie  à  l'État  et  pour  partie  à  la 
caisse  pontificale  (6), 

On  ne  rencontre  pas  en  Italie  d'autres  bénéficiaires  de  cette 
amende  (7)  et  on  en  rencontre  très  rarement  dans  les  provin- 
ces (8).   Cette  constatation  montre  nettement  que   ces  peines 


généraux.  Autres  preuves  chez  Buresch,  Aus  Lydien,  p.  34.  G.  Hirschfeld 
p.  126  sv.  n'aurait  pas  dû  le  contester,  car  il  est  évident  que  régulière- 
ment l'amende  est  assignée  à  la  ville  à  laquelle  appartient  la  sépulture. 
•  (1)  Aerarhim  et  Ostie  :  C.  1.  L,,  XIV,  166.  Fiscus  et  Portus  prés  de  Rome  : 
Kaibel,  Inscr.  Gr.  Ital.,  943.  Fiscus  et  JFirmum  et  Ricina  :  C.  /.  L..  IX, 
5860.  Dans  les  inscriptions  provinciales,  on  rencontre  fréquemment  ce 
cumul  d'amendes. 

(2)  La  question  de  savoir  quelle  était  l'étendue  de  ce  territoire  reste 
indécise;  car  la  ville  de  Rome  se  termine  à  cette  époque  à  la  première 
pierre  milliaire  et  est  sans  territorium  {St.  R.,  3,  783  [D)\  pubL,  6,  2,  429 
et  sv.]) 

(3)  L'attribution  est  tantôt  faite  «  aux  deux  caisses  »  des  pontifes 
(C.  2.  L.,  VI,  10682),  tantôt  i  aux  pontifes  ou  aux  vestales  »  sans  partage 
de  somme  (C.  1.  L.,  VI,  14672.  17965  a),  tantôt  à  l'une  ou  à  l'autre  seule- 
ment. 

(4)  Les  inscriptions  (C.  I.  L.,  V,  4057.  VI,  16445)  sont  transportées  à  un 
lieu  auquel  elles  n'appartiennent  pas,  d'autres  [C.  I.  L.,  XIV,  333*.  384*) 
sont  falsifiées.  L'inscription  qui  se  trouve  à  Ostie,  C.  I.  L.,  XIV,  1644  ne 
concerne  pas  nécessairement  cette  ville. 

(5)  St.  R.,  2,  68  [Dr.  PubL,  3,  77]. 

(6)  Pontifes  elaerarium  :  C.  I.  L.,  VI,  10.219.  —  Pontifes  et  fiscus  :  C.  I.  L., 
VI,  8518.  —  Vestales  et  aerarium  :  C.  1.  L.,  VI,  10848.  13618.  13822. 

(7)  La  caisse  de  la  stalio  castrensis  (C.  /.  L.,  VI,  10682)  n'est  pas  autre 
chose  qu'une  caisse  impériale  séparée,  il  en  est  de  même  de  l'arca  de  la 
slatio  des  cuisiniers  impériaux  sur  le  Palatin  (C.  /.  L.,  VI,  7458,  8750). 
Pour  le  collège  de  Til)ur,  C.  1.  L.,  VI,  9485  cpr.  III  p.  131  n.   1. 

(8)  Nous  rencontrons  ici  à  titre  isolé  des  amendes  sépulcrales  au  profit 
de  collèges  (ainsi  à  Salone  à  un  decurio  du  collegiurn  fabrinn  C.  1.  L.,  III, 
217;  à  un  collège  de  vétérans  C.  1.  L.,  III,  14250»)  et  à  des  temples 
(G.  Hirschfeld,  p.  115;  Wamser,  p.  44).  Mais  ici  un  usage  local  plus  an- 
cien a  également  fait  sentir  son  influence  (III  p.  132  n.  1).  Dans  la  der- 


DOMMAGE   CAUSÉ    A    LA   CHOSE   D'aUTRUI  137 

exceptionnelles  reposent  sur  une  base  légale  et  Je  fait  que 
les  divinités  païennes  sont  ici  complètement  négligées  atteste 
clairement  l'origine  tardive  de  ces  peines. 

Ces  amendes  sont  au  point  de  vue  procédural  diversement 
traitées. 

A  Rome,  c'est  le  collège  des  pontifes  qui  statue  sur  l'a- 
mende par  voie  de  procédure  administrative.  Ici,  comme 
dans  la  procédure  prétorienne,  c'est  à  l'intéressé  qu'il  appar- 
tient tout  d'abord  de  faire  la  dénonciation  (1),  mais,  à  défaut 
de  proches,  toute  dénonciation  suffit.  Il  n'y  a  pas  en  cette 
matière  de  procès  proprement  dit,  ni  de  récompense  pour 
l'accusateur  (2).  Cette  procédure  a  lieu  non  seulement  pour 
les  amendes  destinées  à  la  caisse  pontiflcale,  mais  aussi  vrai- 
semblablement pour  celles  qui  doivent  aller  dans  la  caisse 
de  l'Etat  ;  car,  dans  les  cas  fréquents  où  il  y  a  cumul  des  deux 
sortes  d'amendes,  il  n'est  guère  possible  qu'on  ait  rendu  plus 
d'une  sentence. 

Hors  de  Rome,  l'amende  est  réclamée  par  voie  d'action 
populaire  privée  (3)  avec  récompense  pour  l'accusateur  (4)  et      (820) 


nière  période,  l'attribution  est  faite  maintes  fois  aux  vétérans  et  souvent 
à  l'Eglise. 

(1)  C.  I.  L.,  VI,  10284  :  sit  facuUas  cuiciimque  ex  famiUa  nostra  adeundi 
per  querellam  pontifices  ce.  vv.  VI,  10791  :  compellabilur  a  pontifices  (ainsi) 
poenae  nomine  Js  XXK  n. 

(2)  L'absence  de  récompense  pour  les  dénonciateurs  dans  les  inscrip- 
tions qui  appartiennent  certainement  à  la  ville  de  Rome  (C.  /.  L.,  VI, 
22609  peut  bien  être  d'Ostie)  n'est  pas  accidentelle,  étant  donné  le  grand 
nombre  de  ces  inscriptions.  En  outre,  la  procédure  administrative  com- 
porte bien  une  dénonciation,  mais  non  une  accusation. 

(3)  Dans  l'inscription  d'Aquilée,  C.  /.  L.,  V,  8305,  on  donne  contre  la 
violation  de  sépulture  persecutio  cidlihet  de  populo.  En  Lycie,  il  est  déjà 
dit  dans  une  inscription  antérieure  à  la  domination  romaine  (C.  I.  Gr., 
4259)  ;  £^£(7Th)  T(5  po-jXoalvtp  irZiy.i'^B'rQx'.  uspl  to-jtmv  et  de  même  dans  de  nom- 
breuses inscriptions  plus  récentes  la  npilu;  xai  ■Kpoaay{Ey.îix  (ainsi  C.  1.  Gr., 
4293  ;  Inscription  de  Samos,  Athen.  Mitth.,  9,  263  :  ï\ka-(x>  Zï  tû  6é).ovTt 
xaTriYopvî[t]v  ;  nombreuses  mentions  analogues  dans  les  inscriptions)  est 
permise  à  toute  personne. 

(4)  Celle-ci  apparaît  à  Ostie  :  C.  /.  L.,  XIV,  166  :  is  autem  qui  detulerit 
accipere  debebit  sum(mae)  s{upra)  s{criptae}  quartam;  XIV,  850  :  delalor 
quartas  accipiet,  et  aussi  C.  /.  L.,  VI,  26609  —  à  Antium  :  C.  I.  L.,  X, 
6706  :    delator  accipie[t  quavtam]  —   à  Aquilée  :   C.  I.  L.,  V,  952  :  delator 


138  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

l'action  est  sans  doute  portée  devant  les  magistrats  de  la  cité 
au  profit  de  laquelle  l'amende  doit  être  prononcée.  La  fré- 
quence du  cumul  des  amendes  au  profit  des  cités  avec  celles 
au  profit  de  l'État  porte  à  croire  qu'on  a  également  statué 
dans  ce  procès  municipal  sur  les  amendes  destinées  à  l'État. 
Nous  n'avons  aucune  trace  certaine  que  ces  dernières  aient  été 
directement  perçues  par  les  fonctionnaires  de  l'État  (1);  la 
connaissance  du  procès  semble  plutôt,  tant  à  Rome  qu'en 
dehors  de  Rome,  avoir  été  complètement  attribuée  aux  auto- 
rités locales,  d'autant  plus  que  l'affaire  ne  pouvait  guère  être 
tranchée  sans  un  examen  des  lieux  ;  la  recette  des  sommes 
revenant  à  l'Élat  a  donc  dû  incomber  au  collège  des  pontifes 
et  aux  autorités  municipales. 

Répression  L'aggravatiou  générale  des  peines,  qui  eut  lieu  plus  tard, 
dgs"7oTaUoDs  atteignit  tout  particulièrement  les  crimes  contre  les  tombeaux, 

de  sépulture  commis  cu  plus  grand  nombre  et  avec  plus  d'audace  au  cours 

dans  r  O  1 

la  dernière    de  Cette  période  de  désordres  (2).  L'amende  parut  alors  insuf- 

penode.      ggantg.   Nous  avons  déjà   signalé  (3)  que  les  jurisconsultes 

avaient  à  la  fin  du  ii*"  siècle  fait  rentrer  le  crime  contre  les 

tombeaux  dans  le  délit  de  violence;  une  pareille  interprétation 

(821)      forçait  la  portée  de  la  loi  Julia,  mais  celte  application  détour- 


quart{am)  accip{iet)  —  à  Philippes  en  Macédoine  :  C.  /.  L.,  III,  684  :  et  de- 
lalori  quavlam.  En  Lycie,  les  anciennes  inscriptions  attribuent  à  l'accu- 
sateur la  moitié  de  l'amende  (par  ex.  C.  1.  Gr.,  4244),  les  inscriptions  plus 
récentes  et  celle  d'Aphrodisias  en  Carie  lui  en  accordent  le  tiers  (par  ex., 
C.  /.  Gr.,  4247).  A  Hiéropolis  en  Phrygie  (C.  /.  Gr.,  3913),  l'amende  est 
fixée  à  trois  fois  2500  deniers,  une  fois  pour  le  fiscus,  une  fois  pour  la  ville 
et  une  fois  pour  l'accusateur.  Dans  une  inscription  de  Smyrne  (Revue 
Arch.,  1875,  t.  30,  p.  51).  on  alloue  à  la  ville  2000  deniers  et  1000  à  l'ac- 
cusateur (tw  èS£A£yTO|j,[Év(i)]).  Dans  une  inscription  de  Termesse  (Lanc- 
koronski,  Pamph.  und  Pisidien,  2,  216,  147),  on  attribue  à  la  pouATi  8000 
deniers,  au  fiscus  6000,  à  l'accusateur  (tw  £y.;r,TT|<7avT'.)  2000. 

(1)  Il  faut  cependant  mentionner  le  fragment  d'inscription  d'Attaleia 
(Lanckoronski,  loc.  cit.,  1,  p.  171)  :  [àjvyEïov  xaTe(i[x£Ûac7£...  iiz]\  xpt|xao-tv 
ÈinTpô[itoy  — eê]a<7T0-j. 

(2)  Nov.  Valentinianl  III,  22  ;  Cassiodore,  Var.,  4,  18.  Les  clercs  se  dis- 
tinguèrent dans  ce  genre  de  délits. 

(3)  II  p.  386  n.  4.  C'est  pour  cette  raison  que  la  violation  de  sépulture 
est  classée  dans  le  Code  Théodosien  (9, 17)  comme  dans  celui  de  Justinion 
(9,  49)  parmi  les  délits  publics. 


DOMMAGE   CAUSÉ   A   LA   CHOSE   D'AUTRUI  139 

n<^,e  de  la  loi,  justifiable  peut-être  en  pratique,  a  passé  dans  les 
Digesta  de  Justinien.  Avec  plus  de  raison,  le  crime  contre  les 
tombeaux  fut  rangé  parmi  les  délits  extraordinaires  (1),  et  c'est 
vraisemblablement  à  cette  réforme  que  se  rattache  l'action 
criminelle  pour  cause  de  TU[i.[îtopuy  îa  fréquemment  mentionnée 
à  côté  des  amendes  dans  les  inscriptions  de  l'Asie  Mineure  (2). 
Cette  procédure  n'exclut  toutefois  pas  le  procès  d'accusation  (3) . 
La  peine  est  différente  suivant  les  cas.  Le  procès  est  capital, 
s'il  y  a  eu  emploi  d'armes  et  attroupement  (4);  en  cas  d'ex- 
humation du  cadavre^,  les  personnes  des  meilleures  classes 
sont  condamnées  à  la  déportation  et  les  petites  gens  à  la 
mort  (5).  En  général,  les  premiers  sont  punis  de  la  déporta- 
tion ou  de  la  relégation,  les  seconds  des  travaux  forcés  du 
premier  ou  du  second  degré  (6).  Après  Constantin,  l'amende 
subsiste  à  côté  des  peines  plus  graves  (7)  et  reprend  de  nou- 

(1)  Paul,  1,  21  et  Dig.,  47,  d2  traitent  ainsi  la  violation  de  sépulture. 
Gardien,  Cod.,  9,  19,  1  qualifie  ce  délit  de  crimen  laesae  religionis. 

(2)  On  rencontre  fréquemment  la  menace  de  l'action  pour  cause  de 
T'JiJLowpyyta  nettement  séparée  de  la  menace  d'amendes  qui  est  faite  en 
mémo  temps  (par  exemple  Aphrodisias  :  C.  1.  Gr.,  2824;Smyrne  :  ibid., 
3266;  Cyzique  :  ibid.,  3692.  3694).  Les  mots  àf^Boriz  et  kpoayXo?  alternent 
avec  rj[A6top-j-/;o;,  ainsi  i/jeêr^!;  xa\  ceooo-jXo;  Sidyma  :  Benndorf,  Reise  in 
Lykien,  1,78;  àusêri;  9cOÎ;  xaTa-/8ov;oi;  Termesse  :  C.  I.  Gr.,  4207;  ï^oyoç 
ê'ffTa'.  àffïossa  Aphrosidias  :  Lebas-Waddington,  1639;  lepôduXo;  Antikragus  : 
C.  I.  Gr.,  4224  d  p.  1119;  lEpôff-jXo;  Bsoïç  oOpavioiç  xai  xaTa/6ov£otç  Pinara  : 
C.  I.  Gr.,  4253;  ëvoyo;  so-rai  Trj  eîç  toÙ;  ■xaxotxoiJi.Évou;  âffeêsîa  Termesse  : 
Lanckoronski,  loc.  cil.,  2,  216,  147.  Nulie  part,  la  notion  n'est  déterminée 
d'une  manière  plus  précise.  La  formule  équivalente  d'une  inscription 
d'Adana  en  Gilicie  C.  7.  Gr.,  4441  :  ),ôyov  •jçâ^sTat  (ainsi)  tyj  è^o-jaia  indique 
une  répression  criminelle.  Les  inscriptions  latines  de  la  meilleure  époque 
n'ont  pas  de  formules  analogues;  cependant  l'inscription  grecque  d'Ostie, 
Inscr.  gr.  liai.,  p.  943  cite  à  côté  de  l'amende,  la  pXaiJ'tTâçou  xôXaat;  elles 
inscriptions  de  Goncordia  (n  7.)  disent  la  même  chose. 

(3j  II  p.  11  n,  4,  Inscription  de  Milet,  Lebas-Waddington,  220  : 
i^éffTw  ôi  7tavT\  Tô)  Pou).o[i£va>  aysiv  aÙTov  xyfiêwpy/i'aç.  Nov.   Val.  III,  22,  7. 

(4)i)t£r-  47,  12,"3,  7. 

(o)  Dig.,  47,  12,  11.  Valentinien  III  menace  l'esclave  de  la  peine  de  mort 
(Nov..  22,  3)  ;  Théodoric  fait  la  même  menace  pour  toute  personne  (EdicL, 
110). 

(6)  Paul,  1,  21,  4.  5.  12.  C.  Th.,  9,  17,  1  =  C.  JusL.  9,  19,  2.  Nov.,  Val.  III, 
22.  Dans  la  constitution  de  Constantin,  C  Th.,  3,  16,  1,  on  permet  à  la 
femme  le  divorce  pour  l'un  des  trois  délits  suivants  commis  par  le  mari  : 
meurtre,  veneficium  et  violation  de  sépulture. 

(7)  Dans  l'inscription  de  Gorcordia  de  la  fin  du  iv^  ou  du  commence- 


140  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

veau  le  premier  rang  (1).  L'ancien  maximum  de  100.000  ses- 
terces réapparaît  ici  dans  le  taux  de  20  livres  d'or. 

(822)  3.  Dommages  causés  à  la  propriété  publique. 

Procédure        Eq  cas  dc  dommagc  causé  à  la  propriété  publique,  cas  dans 

capitale  en  cas  ii.  .1  it.-  ii- 

de         lequel  rentre  aussi  le  manquement  aux  obligations  que  la  loi 
déplacement   i^pose  vis-à-vis  du  sol  Dublic  aux  particuliers  propriétaires 

de  bornes  ^  r  r  r      r 

d'après  le  très  dc  fonds  y  attenant,  les  autorités  interviennent  ordinairement 
ancien  droit.  ^^^  ^^j^  ^^  coutrainte  administrative  et  le  particulier  le  plus 
atteint  par  cet  acte  peut  recourir  aussi  à  la  procédure  non  dé- 
lictuelle  de  l'interdit.  Parmi  les  nombreux  cas  particuliers 
qui  se  présentent  ici  —  il  n'y  a  pas  de  dispositions  générales 
en  celte  matière  —  nous  devons  examiner  dans  ce  paragra- 
phe le  défrichement  des  chemins  publics,  le  déplacement  des 
bornes  publiques  et  la  dégradation  des  aqueducs  publics. 

La  législation  foncière  romaine  (2)  repose  sur  cette  règle 
qu'entre  les  agri  limitati  de  \a.gens  ou  des  individus  les  ban- 
des séptfratives  affectées  à  la  circulation  restent  propriété  de 
la  communauté.  Si  en  labourant  on  recule  la  limite  et  sous- 
trait ainsi  une  partie  du  passage  à  sa  destination,  il  y  a,  d'a- 
près le  très  ancien  droit,  un  crime  capital  et  le  paysan  et  son 
attelage  doivent  être  mis  à  mort  (3).  Aucune  application  de  cette 


ment  du  v»  siècle,  C.  /.  L.,  V,  8761  (de  même  8762,  8768)  il  est  dit  :  qui  eam 
arca{m)  aperire  vohierit,  jure  ei  7nanus  precidentur  aut  fisco  inférât  libra{m) 
tina'm). 

(1)  Constance,  en  l'an  349,  C.  Th.,  9,  17,  2=  C.  Just.,  9,  19,  3  :  factura  so- 
litum  sanrjuine  vindicari  multae  inflictione  co}'rigi)7}us.  Les  20  livres  d'or  qui 
sont  ici  fixées  font  dans  un  calcul  plus  précis  18280  marks,  tandis  que 
100000  sesterces  font  21750  marks. 

(2)  Le  déplacement  de  bornes  entre  particuliers  donne  lieu,  comme  on 
sait,  à  un  jirocès  civil. 

(3)  Festus,  Ep.,  p.  368  :  Nurna  Pompiliiis  statuit  eum,  qui  ienninum  (la 
limite  et  non  pas  la  borne)  e.rarasset,  et  ipsum  et  boves  sacros  esse.  Denys, 
2,  74  :  eî  SÉtiç  àyavîo-esEv  r,  [xsTaÔîtri  toÙç  opou;,  lepbv  ivofxoôéTriffev  elvat  toû  9eoO 
Tov  toOtwv  Ti  S'.airpa^ijiîvov.  Naturellement,  cette  répression;suppose  comme 
toute  sac/-a/io  un  procès  et  une  condamnation.  La  punition  des  bœufs  doit 
sans  doute  être  considérée  comme  un  piaculum  (I  p.  299  n.  1)  et  non  pas 
être  envisagée  comme  une  application  des  règles  de  Id^pauperies. 


DOMMAGE    CAUSÉ    A   LA  CHOSE  D'AUTRUI  141 

vieille  règle  ne  nous  est  transmise  pour  l'époque  historique.  Procédure 
Plus  tard,  lorsqu'une  limite  fut  fixée  par  l'Etat,  opération  enTaTd! 
qui  eut  ordinairement  pour  effet  de  faire  traiter  la  bande  se-    déplacement 

de  limite. 

parative  comme  route  publique,  et  lorsque  des  bornes  furent 
placées,  des  amendes  purent  être  dues  à  la  cité  intéressée  à 
raison  de  certains  actes  contraires  à  l'opération  de  bornage. 
Ces  amendes,  formellement  prescrites,  semble-t-il;,  par  une 
loi  spéciale  faite  dans  chaque  cas  particulier,*' mais  au  fond 
d'une  application  générale,  s'élèvent  à  4000  sesterces  pour  tout 
acte  tendant  à  rendre  les  limites  incertaines  et  à  5000  sesterces 
pour  tout  déplacement  ou  toute  suppression  de  borne  (1).  Si  le 
délit  est  commis  par  un  esclave,  la  peine  encourue  est  celle 
de  la  mort  (2).  L'action  est  populaire  et  est  portée  devant  l'au-  (823) 
torité  municipale  compétente,  à  moins  qu'il  n'y  ait  un  magis- 
trat spécial  chargé  de  ces  affaires.  Le  magistrat  saisi  établit 
un  jury  de  récupérateurs.  Hadrien  a  remplacé  l'amende  par 
une  peine  proprement  dite  criminelle,  qui  est,  en  cas  de  dé- 
placement intentionnel  de  bornes,  celle  de  la  relégation  à 
temps  pour  les  personnes  des  meilleures  classes  et  celle  des 
travaux  forcés  pendant  deux  ou  trois  ans  pour  les  petites  gens, 
et,  en  cas  d'enlèvement  de  bornes,  par  simple  faute,  une 
peine  corporelle  (3).  Dans  la  suite,  le  taux  de  cette  peine  a  été 
élevé  :  les  personnes  des  meilleures  classes  ont  été  frappées  de 
la  relégation  à  perpétuité  et  de  la  perte  du  tiers  de  leur  patri- 
moine; les  petites  gens,  des  travaux  forcés  ;  et  les  esclaves,  de 
la  peine  du  travail  dans  les  mines  (4).  — Ces  règles  appartien- 


(1)  La  première  règle  se  trouve  dans  la  loi  agraire  de  César  de  695/S9, 
c.  54  faite  tout  d'abord  pour  Gapoue  {Grom.,  p.  263  =  Bruns,  p.  97  [Girard, 
p.  69]);  elle  est  reproduite  en  substance  dans  des  termes  identiques  par 
la  lex  coloniae  Genetivae,  c.  104  de  l'époque  de  César  (Bruns,  p.  134  [Girard, 
p.  98]),  mais  le  taux  de  l'amende  y  est  diminué  et  Callistrate,  Dig.,  47, 
21,  3,  2  la  formule  en  termes  concordants;  la  seconde  règle  apparaît  dans 
la  première  loi  agraire,  c.  55,  et  se  trouve  rapportée  d'après  celte  loi  par 
Galistrate,  Dig.,  il,  21,  3,  pr. 

(2)  C'est  ce  que  dispose  une  loi  agraire  de  Nerva,  Dig.,  47,  21,  3,  1. 

(3)  Coll.,  13,  3  =  Dig.,  47,  21,  2.  Cpr.,  Dig.,  10,  1,  4,  4. 

(4)  Paul,  5,  22,  2  (=  Grom.,  p.  290  =  Ed.  Theoderici,  104)  cpr.  1,  16  — 
Coll..  13,  2.  Dig..  10,  1,  4,  4.  47,  21,  1.  Cod..  9,  2,  1. 


142  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

nent  au  droit  d'empire  et  concernent  les  routes  d'empire.  La 
première  d'entre  elles,  qui  vise  les  actes  tendant  à  rendre 
une  limite  incertaine,  réapparaît  comme  prescription  munici- 
pale dans  le  statut  promulgué  à  l'époque  de  César  pour  la  co- 
lonie espagnole  de  Genétiva;  mais  le  taux  de  la  peine  est  ici 
de  1.000  sesterces  au  lieu  de  4.000  (III  p.  141  n.  1). 
Détérioration  Nous  sommcs,  grâcc  surtout  à  l'excellent  écrit  de  Frontin, 
es  aque  ucs.  pQp|_j(.y|i^rg jjjgQj  j^jgjj  renscignés  sur  la  protection  donnée  par 
le  droit  aux  aqueducs  de  la  ville  de  Rome.  IS'ous  y  voyons  qu'à 
l'instar  des  temples  publics  chaque  aqueduc  —  le  plus  ancien 
est,  comme  on  sait,  celui  d'Appius  de  442/312  —  fut  doté 
d'un  règlement  spécial  par  un  vote  du  peuple  (1),  jusqu'à  ce 
qu'Auguste  fit  opérer  la  condensation  de  ces  lois  par  une  série 
de  sénatus-consultes  de  743/11  et  par  une  loi  de  745/9  (2).  Ces 
prescriptions  nous  sont  en  grande  partie  parvenues.  Elles  se 
ramènent  en  substance  à  la  défense  de  dégrader  l'aqueduc  et 
à  l'ordre  de  laisser  des  deux  côtés  une  bande  de  terrain  d'une 
certaine  largeur,  libre  de  plantations  et  de  constructions.  Des 
lois  plus  anciennes  prohibent  aussi  tout  acte  tendant  à  corrooi- 
(824)  pre  l'eau  amenée  par  l'aqueduc  (3).  Toute  personne  a  le  droit 
d'intenter  l'action.  Le  procès  est  tranché  par  le  curateur  des 
aqueducS:,  qui,  d'après  les  lois  du  Principat,  prend  en  celte 
matière  la  place  du  censeur,  et  par  ses  deux  auxiliaires  (4). 
Le  cas  échéant,  si  ces  personnes  font  défaut,  la  décision  ap- 
partient au  préteur  pérégrin.  Le  magistrat  qui  statue  dispose 


(1)  Frontin,  9i  :  ler/es  de  singidis  aquis  latae. 

(2)  Frontin,  99  :  cum  res  {in  reque  au  lieu  de  cum  res  dans  le  manuscrit) 
usque  in  id  iemptis  quasi  poteslate  (par  Auguste  lui-même)  acta  certo  jure 
equisset,  senalus  consulta  fada  siint  (rapportés  en  abrégé  c.  100.  104.  106. 
108.  125.  127  z^  Bruns  p,  185)  et  lex  pvomuU/ata  (rapportée  c.  129,  mais  il 
parait  difficile  qu'il  y  ait  là  une  citation  intégrale  =:i  Bruns,  p.  Ho).  Ou 
bien  ces  actes  énumorent  un  à  un  les  aqueducs  de  la  ville  alors  existants 
(ainsi  cliap.  125,  où  la  mention  de  la  virgo  s'est  sans  doute  perdue),  ou 
bien  ils  formulent  la  règle  dans  une  forme  générale. 

(3)  Frontin,  97  :  ne  quis  aquam  oleluto  dolo  malo,  uhi  publiée  salie l  '.  si  quis 
oletaril,  HS  x  mulla  eslo. 

(4)  St.  R.,  2,  1044  et  suiv.  [Dr.  pitbl..  5,  344  et  suiv.]. 


DOMMAGE   CAUSÉ    A   LA  CHOSE   DAUTRUI  143 

des  moyens  de  coatrainte  de  la  juridiction  (1).  Toute  dégra- 
dation de  l'aqueduc  lui-même  par  vol  entraîne  d'après  la  loi, 
en  dehors  de  la  réparation  du  préjudice  causé,  l'amende  éle- 
vée de  100.000  sesterces  (20.000  marks)  contre  l'auteur  du 
vol,  ou  éventuellement  contre  son  maître,  s'il  est  esclave. 
Tout  empiétement  sur  les  chemins  latéraux  fait  encourir  d'a- 
près les  sénatus-consultes  une  amende  de  10.000  sesterces 
et  d'après  la  loi  une  amende  de  100.000  sesterces.  La  moitié 
de  la  peine  échoit  au  demandeur  qui  triomphe  (2).  Cette  pro- 
cédure, qu'on  qualifie  d'accusation  (3),  a  déjà  dû  être  suivie 
en  substance  sous  la  République  par  les  censeurs  ou  par  les 
autres  magistrats  compétents  pour  les  aqueducs,  bien  que  le 
magistrat  intéressé  ait  également  exercé  à  cet  égard,  dans 
les  limites  du  pouvoir  de  coercition,  son  droit  de  multae  dic- 
tio  (4).  La  convocation  de  jurés  pour  l'exercice  de  la  justice 
administrative  est  en  général  facultative  et  devait  paraître 
ici  peu  désirable,  étant  donnée  l'importance  des  intérêts  en 
jeu  ;  il  n'est  toutefois  pas  impossible  qu'à  l'époque  ancienne 
les  amendes  fixées  par  la  loi  aient  pu  être  réclamées  par 
une  action  que  le  magistrat  intéressé  ou  un  citoyen  quelcon- 
que intentait  devant  le  préteur.  Ce  procédé  est  encore  suivi 
à  titre  isolé  au  début  de  l'Empire  :  d'après  les  dispositions 
du  règlement  d'Auguste  sur  l'aqueduc  de  Venafrum,  en  cas 
de  contravention,  un  représentant  de  la  ville,  nommé  par 
l'assemblée  municipale  de  Venafrum,  intente  une  action  d'a- 
mende pour  10.000  sesterces  devant  le  préteur  pérégrin  ro- 
main et  la  sentence  est  rendue  par  un  tribunal  de  récupéra- 


(1)  Dans  la  loi,  il  est  dit  :  curalovi...  eo  nomine  cogendl  coercendi  miillae 
dicendae  sive  pianoris  capiendi  jus  poteslasgue  esto. 

(2)  Telle  est  la  disposition  du  sénatusconsulte  c.  127  ;  la  loi,  dans  la 
mesure  où  elle  nous  est  conservée,  ne  formule  pas  cette  règle. 

(3)  Frontin,  c.  127. 

(4)  Relativement  aux  peines  de  l'époque  républicaine,  Frontin,  97,  dit  : 
agi-i,  qui  aqua  publica  contra  lejein  essent  inrigali,  publicabantur ,  mancipi 
quoque  (à  l'entrepreneur  de  la  réparation),  si  cum  eo  quem  [constaret]  adver- 
sus  legem  fecisse,  muUa  dicebatur. 


144  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

teurS;,  nommés  par  ce  préteur  (1).  —  On  conçoit  que  ces  lois 
(825)  aient  disparu  de  la  législation  de  Constantinople;  mais  les 
prescriptions  de  Justinien  relatives  aux  aqueducs  n'en  sont 
pas  essentiellement  différentes.  Le  délit  consiste  également 
ici  dans  la  dégradation  de  l'aqueduc  et  dans  l'empiétement 
sur  les  chemins  latéraux  (2).  Les  actes  législatifs  nouveaux 
ont  même  une  portée  plus  grande  que  les  anciens  :  ordinaire- 
ment faits  pour  des  aqueducs  particuliers  (3)^  ils  contiennent 
cependant  des  prescriptions  d'application  générale  (4).  Nous 
ne  pouvons  exposer  ici  ni  les  détails  de  ces  lois,  ni  les  dis- 
positions qui  leur  sont  apparentées,  notamment  celles  qui 
concernent  les  ouvrages  publics  du  Nil  (5). 

Nous  possédons  encore  des  renseignements  sur  différentes 
actions  pénales  du  même  genre  tendant  à  protéger  la  pro- 
priété publique,  par  exemple  les  rues,  contre  des  acte?  de 
malpropreté,  auquel  cas  on  paraît  avoir  appliqué  la  procédure 
d'exécution  (6),  ou  bien  les  affiches  officielles  contre  des  actes 
de  dégradation  (7).  Le  droit  pénal  ne  peut  accorder  de  place 
à  l'exposé  de  prescriptions  particulières  de  ce  genre  et  il  pa- 
rait difficile  qu'il  y  ait  eu  à  cet  égard  des  règles  générales. 


(1)  G.  I.  L.  X,  4842  =  Bruns,  p.  238.  Auguste  réglementa  même  par  un 
édit  les  concessions  personnelles  de  prises  d'eau  consenties  sur  les  aque- 
ducs de  la  capitale  (Frontin,  c.  99). 

(2)  C.  Th.,  13,  2=  C.  Just.,  11,  43. 

(3)  Rome  :  C.  Th.,  15,  2,  8  .  c.  9.  —  Constantinople:  C.  Th.,  15,  2,  3  et 
ailleurs.  —  Antioche  :  C.  Th.,  15,  2,  2.  —  Campanie  :  C.  Th.,  15,  2,  8. 

(4)  Théodose  II  :  Cod.  11,  43.  5.  Anastase  :   Cod.,  11,  43,  11. 
(3)  Dig.,  47,  11,  10.  C.  Th.,  9,  32  =  C.  Just..  9,  38. 

(6)  Le  sénatusconsulte  relatif  au  pagus  Montanus  (G.  I.  L.  VI,  3823  — 
Bruns,  p.  181  [Girard,  p.  102])  paraît  ordonner  la  nianus  injectio  ou  la  pi- 
gnons capio  en  cas  de  jet  d'immondices  ou  de  terre  dans  un  lieu  ouvert 
à  la  circulation. 

(7)  Dig.,  2,  1,  7,  pr.  :  si  quis  id,  quod  jurisdiclionis  perpeluae  causa,  non 
quod  prout  res  incidit,  in  albo...  proposilum  eril,  dolomalo  corrupcvil,  dalur  in 
eum  guingentovum  aureorum  (=z  50.000  sesterces)  judicium,  quod  populare 
est.  Paul,  1,  13  A,  3  :  in  eum  qui  album  raseril  corruperil  sustideril  mutaverit 
quidoe  aliud  proposilum  edicendi  causa  turbaiur,  extra  ordinem  animadver- 
tilur  (Manuscrit  :  punilur).  Le  délit  a  déjà  été  mentionné  à  propos  du  faux 
(II  p.  394  n.  7). 


DOMMAGE   CAUSÉ    A   LA   CHOSE   D' AUTRUI  145 

4.  Dommages  commis  vis-à-vis  de  la  propriété  privée.  Le  dommage 

[Damnum  injuria).  causé  à  la 

chose  d'autrui 

D'après  le  droit  des  XII  Tables,  il  y  a  comme  délit  privé  à  droTprivé. 
côté  de  l'appropriation,  du  furtum,  le  dommage  causé  au  corps 
ou  à  la  chose  d'autrui.  Ce  délit  est  vraisemblablement  compris, 
comme  nous  l'avons  exposé  dans  la  Section  précédente,  tant 
au  point  de  vue  du  fond  que  de  la  terminologie,  sous  le  nom 
d'injuria,  de  même  que  la  très  ancienne  notion  juridique  de 
pauperies  embrasse  également  le  dommage  causé  par  un  ani- 
mal au  corps  ou  à  la  chose  d'autrui.  Philologiquement,  le  mot 
«  injuria  »  convient  également  aux  deux  sortes  de  dommage. 
Lors  de  la  séparation  qui  eut  lieu  plus  tard  entre  les  deux  caté-  (S26) 
gorieS;,  les  deux  délits  ont  gardé  dans  une  certaine  mesure  l'an- 
cienne dénomination  :  en  droit  postérieur,  l'atteinte  à  la  person- 
nalité qui  s'est  dégagée  de  l'atteinte  au  corps  d'autrui  est  nom- 
mée simplement  «  injuria  »,  tort;  tandis  que  le  dommage 
causé  à  la  chose  d'autrui  est  désigné  dans  le  langage  technique 
comme  «  prestation  à  raison  d'un  tort  »,  damnum  injuria  (1). 
L'addition  de  «  prestation  »  qui  est  commune  au  dommage 
causé  à  la  chose  d'autrui  et  à  l'autre  délit  contre  la  propriété, 
c'est-à-dire  au  vol  (2),  caractérise  exactement  ces  deux  délits 
comme  donnant  naissance  à  des  créances  d'indemnité,  taudis 
que  l'atteinte  à  la  personnalité  ne  met  pas  en  jeu  l'idée  d'in- 


(1)  Cicéron,  Pro  Q.  Roscio  11,  32.  18,  54  emploie  damnum  injuria  et  c'est 
aussi  cette  forme  qui  domine  dans  les  œuvres  juridiques  :  damnum  inju- 
ria dalum  n'est  ni  fréquent  (Gains,  3,  217.  Dig  ,  9,  2.  41,  1  ;  damnum  culpa 
dalum  Dig.,  47,  10,  1  pr.),  ni  technique.  Damnum  ivjuriae,  qui  est  à  vrai 
dire  une  forme  défectueuse,  est  constamment  employé  par  Gains  (3,  210. 
4,  9.  171.  Dig.,  9,  2,32  pr.)  et  se  trouve  aussi  fréquemment  ailleurs  {Coll., 
2.  5,  1  ;  Dig.,  9,  2,  27,  21.  1.  29,  4.  1.  41  pr.  %  1.  tit.  3,  1,  4.  19,  5,  14,  3.  47, 
10,  lo,  46  et  autres  textes). 

(2)  Au  pro  fure  damnum  decidere  (III  p.  SG  n.  1),  c'est-à-dire  au  fait 
d'établir  la  prestation  qui  incombe  au  voleur,  s'oppose  vraisemblable- 
ment dans  la  formule  de  l'action  pour  dommage  causé  à  la  chose  d'au- 
trui le  pro  injuria  damnum  decidere  (Cicéron,  fro  Q.  Rose,  com.  11,  32: 
magno  tu  iuam  dimidiam  parlem  decidisli),  et  cette  dernière  expression  donne 
la  forme  substantive  damnum  injuria. 

Droit  Pénal  Romaix.  —  T.  III.  10 


146 


DROIT    PENAL    ROMAIN 


(827) 


Condilion 
de  l'acUon  : 
Atteinte  à  li 

propriété. 


demnité  et  ne  donne  lieu  qu'à  l'application  d'une  peine.  — 
Les  prescriptions  générales  de  la  loi  des  XII  Tables  sur  le 
dommage  causé  à  la  chose  d'autrui  ne  sont  pas  parvenues 
jusqu'à  nous  (1);  la  loi  fondamentale  en  cette  matière  a  été  le 
plébiscite  Aquillien,  voté  avant  678/76  (2)  et  peut-être  beau- 
coup plus  tôt  (3).  Le  nom  de  ce  plébiscite  sert  assez  fréquem- 
ment à  caractériser  le  délit  lui-même.  La  législation  posté- 
rieure n'a  manifesté  qu'une  faible  activité  dans  ce  domaine; 
par  contre,  la  jurisprudence  et  la  science  du  droit  ont  élargi 
par  une  sage  interprétation  le  champ  d'application  de  celte 
loi,  qui  ne  tenait  compte  pour  sa  répression  que  de  crité- 
riums purement  externes  et  avait  une  rédaction  trop  étroite. 

Le  dommage  causé  à  la  chose  d'autrui,  le  damnum  injuria, 
est  la  destruction  ou  la  détérioration  illégale  de  la  propriété 
d'autrui.  D'après  celle  définition,  il  y  a  lieu,  d'une  part  d'ex- 
poser ce  qui  rentre  dans  la  notion  de  propriété,  d'autre  part 
de  fixer  les  actes  qui  doivent  être  considérés  comme  une  des- 
truction ou  une  détérioration,  et,  en  troisième  lieu,  de  déter- 
miner la  notion  d'injustice  applicable  dans  ce  délit  et  d'une 
portée  beaucoup  plus  grande  ici  que  partout  ailleurs  en  droit 
pénal. 

Conformément  à  l'essence  du  délit  privé,  le  dommage  causé 


(1)  Dlg.,  9,  2,  1.  Des  dispositions  spéciales  relatives  aux  immeubles 
nous  sont  parvenues  (III  p.  147). 

(2)  Cicéron,  Pro  Tullio,  9,  (cpr.  II  p.  380).  Dans  les  ouvrages  juridiques, 
la  loi  est  appelée  lex  Aquillia  ;  les  monnaies,  de  même  que  les  fastes  ca- 
pitolins  et  d'une  manière  générale  les  meilleurs  documents,  ne  connais- 
sent que  la  forme  Aquilliiis.  —  Chez  Cicéron,  Briiliis,  34,  131  :  (L.  Caesnle- 
num)  aiidivi  jam  senem  (vers  l'époque  de  Sylla),  cum  ah.  L.  SabcUio  niultam 
lege  Ac/uiHia  de  juslllia  pelivlsset.  on  a  coutume  de  changer  les  mots  inin- 
telligibles de  jusiitia  en  damni  injuria.  Toutefois  cette  modification  n'est 
pas  vraisemblable  en  soi,  car  il  est  difficile  que  cette  formule  ait  éto  en- 
registrée quelque  part  et  encore  moins  dans  un  écrit  non  juridique,  et, 
d'autre  part,  elle  ne  supprime  pas  la  difficulté,  car  ce  que  nous  savons 
par  ailleurs  de  la  loi  Aquillia  est  tout  à  fait  étranger  à  la  procédure  de 
mulla.  Peut-être  n'est-ce  pas  do  la  même  loi  Aquillia  qu'il  est  ici  question. 

(3)  La  disposition  sur  l'adstipulation  (III  p.  160)  porte  à  croire  qu'elle 
est  plus  ancienne  que  les  actions  qui  sanctionnent  les  contrats  consen- 
suels. 


Action  du 
propriétaire. 


DOMMAGE   CAUSÉ    A   LA    CHOSE    DAl  TRUï  147 

à  un  objet  n'est  pris  en  considération  par  le  droit  qu'autant 
que  cet  objet  est  dans  la  propriéfé  d'une  personne;  pris  stric- 
tement, le  délit  ne  consiste  pas  dans  le  dommage  causé  à 
la  chosCj  mais  dans  celui  qui  atteint  la  personne  à  laquelle 
celle-ci  appartient.  Les  biens  sans  maître  ne  peuvent  donner 
lieu  à  ce  délit;  toutefois,  l'action  a  été  étendue,  non  sans 
scrupules,  aux  choses  héréditaires  (1).  En  dehors  du  proprié- 
taire, elle  a  été,  par  analogie  et  aussi  après  des  hésitations  (2), 
donnée  à  tout  sujet  d'un  droit  réel  (.3).  Il  est  vraisemblable 
que  d'après  la  loi  des  XII  Tables  l'action  ne  s'appliquait 
qu'aux  objets  mobiliers  :  cela  résulte  non  seulement  de  l'ana- 
logie existant  entre  ce  délit  et  le  délit  corrélatif  de  vol 
(III  p.  41),  mais  aussi  des  dispositions  spéciales  contenues  dans 
la  loi  des  XII  Tables  sur  l'incendie  (III  p.  159),  le  pacage  (III 
p.  156),  l'abattage  d'arbres  fruitiers  (TU  p.  157).  Ces  disposi- 
tions dont  nous  parlerons  plus  loin  paraissent  combler  la 
lacune  laissée  par  l'absence  d'action  pour  le  dommage  causé 
aux  immeubles  d'autrui.  Les  termes  de  la  loi  Aquillia  sem- 
blent viser  en  première  ligne  les  meubles;  toutefois,  déjà  sous 
la  République,  cette  loi  a  été  appliquée  au  dommage  commis 
vis-à-vis  d'immeubles  (4). 

Sont  qualifiés  de  dommage  d'après  la  loi  Aquillia  le  fait  de    Dommage 
luer  des  êtres  animés  et  celui  de  briser  ou  de  brûler  des  objets 


(1)  Dif).,  9,  2,  13,  2.  1.  15,  pr.  1.  43,  pr.  Les  considérations  d'intérêt  pra- 
tique l'emportent  ici  sur  les  motifs  d'ordre  théorique,  qui  sont  assez 
faibles. 

(2)  Difj.,  9,  2, 11,  6  :  legis  AquilUae  aclio  ero  competit,  /toc  est  domino.  1.  43  pr. 

(3)  En  droit  strict,  le  propriétaire  est  seul  à  pouvoir  agir  à  raison  du 
dolnmage  causé  à  un  objet,  de  même  que  l'action  pour  abattage  d'arbres 
est  refusée  à  l'usufçuitier  {Dig.,  47,  7,  5,  2).  Toutefois,  si  l'action  de  la  loi 
Aquillia  est  étendue  à  l'usufruitier  :  Dig.,  9,  2,  11,  10.  1.  12.  1.  17  ;  au 
créancier  gagiste  :  Dig.,  9,  2,  17.  1.  30,  i  ;  au  titulaire  de  servitude  :  Dig., 
9,  2,  27,  32  ;  au  possesseur  de  bonne  foi  :  Dig.,  9,  2,  17,  ces  actions  n'ont 
été  données  que  par  extension  de  la  loi  (utiles  ou  iti  factum).  On  com- 
prend par  suite  que  les  limites  du  champ  d'application  de  cette  action 
soient  un  peu  flottantes  ;  on  accorde  l'action  pour  cause  de  pauperies  au 
commodataire  [Dig.,  9,  1,2,  pr.),  on  lui  refuse  l'action  de  la  loi  Aquillia 
[Dig.,  9,  2,  11,  9). 

"   (4)  Ciccron,  Pro  Tullio,  9.  Dig.,  9,  2,  27,  7.  31.  32.  1.  45,  5.  1.  50.  47.  7.  1, 
pr.  1.  5,  1,  1.  11. 


148  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

(o^3)  inanimés  (1).  Les  interprètes  du  droit  sont  arrivés,  en  éten- 
dant par  voie  d'analogie  le  champ  d'application  de  l'action  (2), 
à  briser  les  barrières  établies  par  la  rédaction  trop  étroite  de 
la  loi  Aquillia.  C'est  ainsi  que,  tout  en  faisant,  il  est  vrai,  vio- 
lence aux  mots,  ils  ont  entendu  donner  la  mort  dans  le  sens 
d'occasionner  la  mort  (3),  briser  dans  le  sens  de  corrompre  (4), 
et  ont  fait  tomber  sous  le  coup  de  la  loi  toute  voie  de  fait  dom- 
mageable :  blessure  (o),  souillure  (6),  placement  de  l'objet 
dans  un  endroit  qui  rend  le  recouvrement  impossible  (7).  Il 
ne  nous  parait  pas  nécessaire  d'énumérer  les  différentes  appli- 
cations de  cette  interprétation  libre  et  libératrice;  il  y  a  seu- 
lement lieu  de  relever  encore  la  répression  de  toute  entreprise 
faite  avec  des  forces  ou  des  connaissances  insuffisantes  :  tel 


(1)  Occidere,  rumpere,  franqere,  tirere  sont  les  expressions  employées 
dans  la  loi.  Les  XII  Tables  n'ont  peut-être  visé,  à  propos  de  dommage 
causé  à  la  chose  d'autrui,  que  le  rumpere  ;  les  mots  de  cette  loi  cités  chez 
Festus  p.  264  (cpr.  Schôll,  p.  96)  rupit  in  (ms.  rupUias)  XII  significat  dam- 
Hum  dederit  sont  assez  vraisemblablement  authentiques  et  visent  proba- 
blement le  dommage  causé  à  la  chose  d'autrui,  mais  non  pas  le  dommage 
causé  au  corps  d'autrui. 

(2)  La  différence  procédurale  entre  Yaclio  iu  fuclum  ou  l'actio  ulilis  d'une 
part  et  l'actio  legis  AquiUuie  directe  d'autre  part  doit  avoir  consisté  en  ce 
qu'on  trouvait  dans  cette  dernière,  après  l'indication  du  dommage,  les 
mots  suivants  :  quidquid  paret  ob  eam  rem  Numerium  Nerjidium  Aulo  Agerio 
dure  facere  oportere,  tandis  que  dans  les  premières  on  disait  simplement . 
quanti  ea  res  est  en  évitant  l'allusion  à  la  prescription  légale  contenue 
dans  les  mots  dare  facere  oportere. 

(3)  Dig.,  9,  2,  51,  pr.  :  lege  Aquilla  is  demum  teneri  visas  est,  qui  adliibita 
vi  et  quasi  manu  causam  mortis  praebuisset.  La  science  juridique  substitue 
à  Voccidere  l'expression  générale  causam  mortis  praebere  {Dig.,  9,  i,  1,  7. 
tit.  2,  7,  3.  6.  1.  d.pr.  §2.  3.  1.  11,  1.  5.  1,  37,  pr.  1.  i9,  pr.  1.  51,  pr.  H,  3, 
4).  Celui  qui  lors  de  l'homicide  tient  la  victime  et  celui  qui  n'administre 
pas  personnellement  la  substance  nocive  au  malade  rentrent  dans  la 
seconde  catégorie. 

(4)  Rumpere  est  pris  dans  le  sens  de  corrumpere  et  ce  dernier  embrasse 
comme  sous  espèces  frangere  et  urere  (Gains,  3,  217.  Coll.,  2,  4.  Dig.,  9, 
2.  27,  5). 

(5)  Dig..  9,  2,  27,  17. 
(G)  Dig.,  9,  2,  27,  14. 

(7)  Submersion  dans  l'eau  :  Dig.,  9,  2,  27,  21.  19,  5,  14,  2.  41,  1,  55.  Mise 
en  liberté  du  gibier  pris  :  Dig.,  41,  1,  55,  ou  de  l'esclave  enchaîné  ;  Dig., 
4,  3,  7,  7.  Insl.,  4,  3,  16.  Poursuite  des  animaux  domestiques  ayant  occa- 
sionné le  vol  :  Gains,  3,  202.  Il  est  également  dit  dans  ces  cas  que  l'action 
est  donnée  par  voie  d'extension. 


DOMMAGE   CAUSÉ  A   LA   CHOSE    D'aUTRUI  140 

est  le  cas,  par  exemple,  du  porteur  qui  se  charge  au-dessus  de 

ses  forces  (1),  du  cavalier  ou  du  coiiducteur  inhabile  (2),  du 

médecin  ignorant  ou  négligent  (3).  Môme,  lorsque  l'acte  dont 

on  se  plaint  est  en  rapport  avec  la  destination  de  l'objet,  donc 

lorsque  c'est  moins  la  chose  que  le  propriétaire  qui  subit  un 

dommage,  l'action  aquillienne  n'est  pas  complètement  écartée, 

s'il  n'y  a  pas  d'autre  recours  possible  (4).  Mais  tout  usage      (829) 

de  la  chose  d'autrui,  qui  ne  diminue  pas  la  valeur  de  celle-ci, 

ne  donne  pas  lieu  à  l'application  de  cette  loi  (5).  Le  moment, 

auquel  le  dommage  se  manifeste,  est  sans   importance  pour 

l'attribution  de  l'action  (6). 


(1)  Dig..  9.  2,  7,  2. 

(2)  Dig.,  9,  2,  8,  1. 

(3)  ColL,  12.  7,  7.  Dig.,  9,  2,  7,  8.  1.  8,  pr.  1.  9,  pr.  §  l.  Inst.,  4,  3.6.  7.  Il 
s'agit  toujours  ici  de  soins  donnés  à  un  esclave. 

(4)  Les  règles  applicables  à  ces  cas  sont  très  diverses.  La  moisson  d'une 
récolte  étrangère  et  la  vendange  des  raisins  d'autrui  sont  traitées  comme 
vol,  lorsqii'elles  ont  lieu  suivant  les  pratiques  d'une  administration  ré- 
gulière, tandis  qu'on  les  range  dans  le  damnum  injuria,  lorsque  les  épis 
et  les  raisins  ne  sont  pas  mûrs  {Dig.,  9,  2,  27,  25-27).  Il  en  est  de  même 
pour  la  coupe  d'arbres  destinés  à  l'abattage,  mais  ici  l'action  de  la  loi 
des  XII  Tables  (III  p.  157)  et  l'action  de  vol  concourrent  (Dig.,  9,  2,  27, 
26.)  L'abus  d'une  esclave  appartenant  à  autrui  fonde  l'action  de  la  loi 
Aquillia,  lorsque  cette  esclave  est  impubère  (Paul,  1,  13  A,  6)  ;  cette  action 
est  écartée,  lorsque  l'esclave  est  pubère  (Paul,  2,  26,  16)  ;  mais  dans  ce  der- 
nier cas  l'action  pour  cause  de  corruption  morale  peut  être  admise  {Dig., 
d,  18,  21.  11,  3,  2).  —  La  solution  est  autre  lorsqu'une  personne  a  fait 
paître  ses  bestiaux  sur  le  sol  d'autrui  (Paul,  1,  15,  1  ;  cpr.  III  p.  156  n.  5) 
et  en  cas  de  consommation  de  denrées  appartenant  à  d'autres  {Dig.,  9,  2, 
30,  2  :  si  quis  alienum  vinum  tel  fnimentum  consumpserit,  non  videtur  dam- 
num injuria  dare  ideoque  utilis  danda  est  aclio). 

(5)  Coll.,  2,  4  =z  Dig.,  9,  2,  27,  17  :  si  in  nullo  serviim  prelio  viliorem  dele- 
rioremve  fecerit  (en  lui  infligeant  une  correction),  Aquillia  cessât  injuriarum- 
que  erit  agendum.  Cette  règle  tout  à  fait  logique  ne  se  concilie  pas  bien 
avec  l'admission  de  deux  actions  en  cas  de  flagellation  d'un  esclave  (III, 
p.  115  n.  4),  étant  donné  que,  partout  ailleurs  où  cette  question  est  trai- 
tée [Dig.,  9,  2,  5,  1.  44,  7,  34,  pr.  47,  10,  7,  1.  1.  15.  1.  46),  on  ne  distingue 
pas  entre  la  correction  inoffensive  et  celle  qui  cause  un  dommage,  et 
même,  si  l'on  interprète  ces  derniers  textes  comme  ne  visant  que  la  der- 
nière espèce  de  correction,  il  reste  toujours  que  manifestement  le  mon- 
tant de  l'estimation  dans  les  deux  actions  diffère  seulement  parce  que. 
pour  l'action  de  la  loi  Aquillia,  on  tient  compte  rétroactivement  dans  cer- 
taines limites  de  la  plus  haute  valeur  que  la  chose  a  eue  dans  le  passé. 
Pratiquement,  une  double  estimation  était  ici  presque  irréalisable, 

(6)  Si  les  conséquences  de  l'acte  n'apparaissent  complètement  qu'après 


150  DROIT   PÉNAL   ROMAIN 

i,oius  ou  Enfin,  dans  ce  délit  on  considère  comme  faute  morale  non 
"^  quîcaule"'  sculement  le  dommage  voulu  et  prévu,  mais  aussi  celui  qu'on 
le  dommage,  aurait  dù  raisonnablement  prévoir;  cela  veut  dire  en  d'au- 
tres termes,  pour  nous  servir  des  expressions  usitées  dans  le 
langage  technique,  que  l'auteur  du  dommage  ne  répond  pas 
seulement  de  sa  mauvaise  intention,  de  son  dol,  mais  aussi  de 
son  manque  de  prévoyance,  desac;<//>a(^aquillienne)(l).Le  fon- 
dement moral  de  toutes  les  prescriptions  pénales,  à  savoir  le 
manquement  à  une  obligation  morale  qui  incombe  à  tout  mem- 
(830)  bre  de  la  communauté,  se  rencontre  également  ici  (2).  L'État 
exige  que  chacun  s'abstienne  de  causer  intentionnellement  un 
dommage  à  la  propriété  d'autrui;  en  outre,  sans  imposer  au- 
cun acte  en  faveur  de  tierces  personnes,  ce  qui  ne  peut  être 
juridiquement  exigé  qu'en  vertu  d'une  obligation  Spéciale, 
ordinairement  contractuelle,  il  réclame  qu'on  s'abstienne  de 
tout  acte,  dont  on  eut  pu  en  réfléchissant  prévoir  les  consé- 
quences dommageables  pour  la  propriété  d'autrui.  Tandis  que 
le  manquement  à  l'obligation  contractuelle,  la  culpa  contrac- 
tuelle, présente,  à  raison  de  la  diversité  de  son  fondement,  des 
degrés  divers;  le  manquement  au  devoir  vis-à-vis  de  l'État, 
la  culpa  vis-à-vis  de  l'État,  est  la  même  pour  tous  les  mem- 
bres de  la  communauté  et  n'est  pas  susceptible  d'une  diffé- 
renciation graduée  (3).  Etant  donnée  sa  position  intermédiaire 
entre  le  dol  et  le  cas  fortuit,  la  culpa  a  vraisemblablement 


l'exercice  de  l'action,  celle-ci  peut,  en  égard  à  l'unité  du  délit,  être  re- 
nouvelée. Dig.,  9,  2,  46.  1.  47  :  si  viihierafo  servo  lege  Aqtnilia  acUnn  sit,  postea 
morluo  ex  eo  vulnere  ar/i  leqe  Aqiiillia  nihilo  minus  potesl,  sed...  doininus... 
exceplione  doit  mali  opposila  compelletur,  ut  ex  utroque  judicio  niliil  amplius 
conseqiiatur,  quam  consequi  deberet,  si  initio  de  occiso  homine  egisset. 

(1)  Dig.,  9,  2,  30,  3  :  in  hac...  actione  dolus  et  culpa  punit ur.  Gaius,  3,  2H. 
Dig.,  9,  2,  32,  pr.  :  cum  interdum  levior  (comme  furtum)  sit  haec  causa  delicli, 
veluti  si  culpa  et  non  dolo  damnalum  daretur.  Dans  leur  terminologie,  nos 
sources  ne  distinguent  pas  l'une  de  l'autre  la  culpa  contractuelle  de  celle 
vis-à-vis  de  l'Etat. 

(2)  Nous  avons  déjà  exposé  cette  idée  I  p.  101  sv. 

(3)  Mucius  Scaevola,  Dig.,  9,  2,  31  :  culpam  esse,  quod  cum  a  diligente 
provideri  potuerit,  non  esset  provisum.  1.  44,  pr.  :  in  lege  Aquillia  et  levissima 
culpa  venit.  1.  28,  i. 


DOiMMAGE   CAUSÉ   A   LA    CHOSE    DAUTRUI  151 

déjà  élo  contenue  dans  le  droit  des  XII  Tables,  bien  que  ce 
soit  seulement  la  science  postérieure  du  droit  qui  ait  porto 
celte  notion  à  son  complet  développement  (1). 

L'injustice  du  dommage  disparait,  non  seulement  lorsque      Absence 
celui-ci  résulte  d'un  cas  fortuit  (2),  mais  encore  dans  les  cas  responsabilité. 
suivants  : 

1.  lorsque  l'auteur  du  dommage  n'a  pas  la  capacité  de 
fait  (3),  car  dans  ce  cas  il  n'y  a  pas  de  manquement  possible 
au  devoir; 

2.  en  cas  d'actes  accomplis  par  l'auteur  du  dommage  en  tant 
que  magistrat  ou  préposé  (4)  ; 

3.  en  cas  de  légitime  défense,  par  exemple,  lorsqu'on  tue  un 
agresseur  esclave  (5),  ou  en  cas  de  vengeance  privée  permise, 
par  exemple  lorsqu'on  tue  l'esclave  adultère  (6)  ; 

4.  en  cas  de  nécessité,  lorsqu'on  ne  peut  écarter  le  danger 
qui  menace  son  propre  patrimoine  et  éventuellement  sa  vie 
qu'en  détruisant  une  chose  appartenant  à  autrui  (7)  ; 

5.  en  cas  de  dommages  provoqués  par  la  faute  de  la  victime      (831) 
elle-même  (8),  hypothèse  dans  laquelle  on  fait  rentrer  le  dom- 
mage causé  à  l'occasion  d'un  jeu  de  hasard  à  celui  qui  lient  la 
banque  (9); 

6.  dans  une  certaine  mesure,  en  cas  d'acte  accompli  avec  le 


(1)  Nous  y  revenons  à  propos  de  l'incendie  mis  par  négligence. 

(2)  Exemples  :  Dig.,  9,  2,  5,  2.  1.  52,  4.  Inst.,  4,  3,  4.  5. 

(3)  Cette  régie  s'applique  aux  aliénés  et  à  l'enfant  irresponsable.  Dig.,  9. 
2,  5.  2. 

(4)  L'abus  de  cette  faculté  ne  fonde  pas  l'action  d'injure  car  l'inten- 
tion d'offenser  fait  défaut  (III  p.  110),  mais  elle  conduit  à  l'action  de  la 
loi  Aquillia,  notamment  lorsque  cet  acte  cause  un  dommage  à  un  es- 
clave {Dig.,  9,  2,  5,  3.  1.  6.  1,  7,  pr.  1.  29,  7). 

(o)  II  p.  334.  Dig..  9,  2,  4,  J>r.  1.  5,  pr.  1.  45,  4.  I,  52,  1. 

(6)  II  p.  339.  Dig..  9,  2.  30,  pr. 

(7)  Dig.,  9,  2,  49,  \  :  qui...  justo  metu  ductus,  ne  ad  se  ignis  perveniret,  vi- 
cinas  aedes  inlercidit...  sive  pervenit  ignis  sive  anle  extinclus  est,  (Celsus)  exis- 
timat  legis  Aquilliae  aclionem  cessave.  1.  29,  3  :  Laôeo  scribit,  si,  cum  vi  vento- 
rum  navis  impulsa  esset  in  fanes  ancoraruin  alterius  et  naulae  funes  praecidis- 
senl,  si  nullo  alio  modo...  expUcare  se  potuil,  nullam  actionem  dandam.  C'est 
cette  idée  qui  justifie  le  jet  à  la  mer. 

(8)  Exemples  :  Dig.,  9,  2,  9,  4.  I.  11  pr. 

(9)  Edit  du  préteur,  Dig.,  11,  5,  1,  pr. 


Tentative . 


Complicité. 


Procès. 


152  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

consentement  de  la  victime  (1),  ce  qui  s'applique  notamment 
aux  luttes  qui  entraînent  un  danger  pour  le  corps  (2). 

La  tentative  de  causer  un  dommage  à  la  chose  d'autrui  ne 
rentre  pas  dans  le  domaine  d'application  de  Vactio  legis  Aquil- 
liae,  dès  qu'elle  n'a  pas  entraîné  une  diminution  de  valeur  de 
l'objet  (3),  mais  elle  peut  dans  certain  cas  être  poursuivie  par 
l'action  d'injure  comme  empiétement  sur  la  propriété  d'au- 
trui (III  p.  106). 

Lorsque  plusieurs  personnes  coopèrent  au  dommage  causé  à 
la  chose  d'autrui,  il  faut  autant  que  possible  déterminer  la 
part  de  responsabilité  de  chacun  et  les  punir  en  conséquence  ; 
lorsqu'on  prouve  qu'elles  ont  agi  ensemble,  ou,  lorsqu'il  est 
impossible  de  déterminer  la  part  que  chacun  a  prise  à  la 
réalisation  de  l'acte  dommageable,  on  apphque  la  règle  de 
l'indivisibilité  du  délit  (4).  L'incitation  au  délit  et  l'assistance 
prêtée  sont  mises  sur  la  même  ligne  que  la  faute  principale. 
En  cas  de  coopération  du  maître  et  de  l'esclave  (I  p.  119)  ou 
de  plusieurs  esclaves  du  même  maître  (I  p.  119),  on  applique 
les  règles  générales. 

Le  procès  se  déroule  pour  le  dommage  causé  à  la  propriété 
comme  pour  le  vol  avec  ces  seules  différences  que  la  faute  mo- 
rale étant  ici  moins  grave  la  procédure  capitale  est  écartée  et 
que  la  victime  est  absolument  obligée  d'accepter  la  composi- 
tion. Le  procès  se  divise  également  ici  en  deux  parties  :  le  juré 
établit  d'abord  le  fait  et  l'étendue  du  dommage,  puis,  comme 
la  loi  Aquillia  tout  au  moins  ne  connaît  pas  de  tarif  fixe,  il 
évalue  le  dommage  en  argent.  Si  le  coupable   reconnaît  son 


(1)  La  fixation  de  la  limite  est  ici  une  question  de  fait.  Lorsque  l'objet 
à  travailler  peut  facilement  être  détruit  au  cours  des  manipulations,  la 
responsabilité  est  aussi  limitée  {Dig.,  9,  2,  27,  29). 

(2)  En  cas  de  combats  publics,  toute  responsabilité  disparait  à  condi- 
tion que  les  règles  des  jeux  soient  observées.  Il  en  a  été  de  même  pour 
les  luttes  privées  auxquelles  un  esclave  a  pris  part  avec  la  permission 
de  son  maître  (Dig.,  9,  2,  7,  4). 

(3)  Cette  remarque  est  faite  expressément  à  propos  de  la  corruption 
d'esclave  (Gains,  3,  198). 

(4)  Dig.,  9,  2,  H,  2,  4.  1.  ."1,  1.  Cpr.  I  p.  113  et  sv. 


DOMMMAGE    CAUSÉ    A   L\   CHOSE    DAITRUI  153 

tort,  la  procédure  judiciaire  se  limite  à  l'estimation  (1).  Comme      (832) 
en  cas  de  vol,  les  parties  gardent  la  faculté  de  transiger  môme 
après  la  première  décision  et  la  transaction  entraîne  l'acquit- 
tement formel  de  l'accusé  (2). 

Une  peine  légale  fixe,  telle  que  la  loi  des  XII  Tables  en  éta-  Peines. 
blit  pour  les  atteintes  au  corps  d'autrui,  se  retrouve  dans 
cette  même  loi  pour  l'action  spéciale  donnée  à  raison  d'abat- 
tage des  arbres  fruitiers  (III  p.  lo7),  et  il  est  possible  qu'il  y  ait 
^u  d'autres  dispositions  semblables,  disparues  pour  nous.  La 
loi  Aquillia  ne  connaît  pas  cette  sorte  de  peine  et  fut  peut- 
être  faite  principalement  pour  la  supprimer  dans  notre  ma- 
tière. Cette  dernière  loi  prend  simplement  comme  base  de 
la  répression  le  montant  du  dommage  causé  dans  chaque  cas 
concret  ;  toutefois  cette  prestation  est  considérée  comme  abso- 
lument pénale,  ainsi  que  le  prouvent  notamment  les  règles 
appliquées  à  la  complicité  et  l'intransmissibilité  héréditaire 
de  l'action  (3).  Pour  déterminer  le  montant  de  ce  dommage, 
on  compte  d'après  la  loi  Aquillia  (4),  en  cas  de  destruction  de 
l'objet,  la  pleine  valeur  d'échange  de  ce  dernier  (o);  et  en  cas 
de  détérioration,  la  partie  de  cette  valeur  qu'il  a  perdue  (6); 


(1)  Les  Big.,  9,  2,  2o,  2,  ne  s'expriment  pas  tout  à  fait  exactement  lors- 
qu'ils disent  in  hac  actione,  quae  adversus  confitentem  datw,  judex  non  rei 
judicandae,  sed  aestimandae  datur,  nam  nullae  partes  sunt  judicandi  in  con- 
fitenles.  1.  26.  Le  juré  n'a  pas  pu  être  privé,  même  dans  ce  cas,  du  droit  de 
condamner. 

(2)  Dans  le  Judidurn  damni  injuria  pour  cause  de  mort  donnée  à  un  es- 
clave, dont  parle  Cicéron,  Pro  Q.  Roscio.,  11,  32,  les  parties  s'entendent 
après  la  lilis  contestatio  sur  le  montant  de  l'indemnité  et  cet  accord  est 
qualifié  de  transaction  (decidere).  On  ne  voit  pas  bien  si  la  transaction  a 
lieu  après  la  sentence  du  jury  ou  si  elle  rend  cette  sentence  superflue  ; 
ce  point  est  d'ailleurs  sans  importance  au  point  de  vue  juridique. 

(3)  Les  textes  insistent  sur  ce  point:  cum  sit poena  Dig.,  9,  2,  H,  2. 

(4)  En  cas  de  dommage  causé  par  des  animaux  et  d'incendie  mis  par 
négligence,  la  loi  des  XII  Tables  impose  simplement  l'indemnité  du  pré- 
judice. 

(5)  L'intérêt  d'affection,  c'est-à-dire  la  valeur  que  le  propriétaire  attri- 
bue personnellement  à  l'objet,  n'entre  pas  ici  en  ligne  de  compte  (Dig., 
9,  2,  33,  pr.) 

(6)  En  cas  de  corruption  d'esclave,  le  demandeur  a  la  faculté  ou  de  ré- 
clamer la  diminution  de  valeur  de  l'esclave,  ou,  en  cédant  celui-ci  au  dé- 
fendeur, d'exiger  la  valeur  intégrale  antérieure  {Dig.,  11,  3,  14,  9). 


154  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

on  y  ajoute  en  outre  la  valeur  des  fruits  dont  la  victime  a  pu 
être  privée  et  le  montant  des  frais  qu'elle  a  pu  faire  (1);  d'une 
manière  générale,  on  évalue  complètement  le  dommage  que 
cette  personne  a  subi  à  raison  du  délit  (2).  La  valeur  d'é- 
change de  l'objet  est  même  déterminée  rétroactivement 
d'après  celle  qu'il  a  eue  dans  l'année  antérieure  au  délit,  en 
cas  de  mort  d^esclave  ou  d'animaux  vivant  en  troupeaux  (3),  ou 
dans  le  mois  qui  a  précédé  le  délit  s'il  s'agit  de  tout  autre 
(833)  dommage  (4).  Le  demandeur  a  ainsi  la  faculté  de  choisir 
pour  base  de  l'évaluation  un  moment  quelconque  dans  cet 
intervalle.  Les  créances  qui  naissent  du  délit  au  profit  de  la 
victime  dépassent  donc  fréquemment  plus  ou  moins  le  mon- 
tant effectif  du  dommage,  et  il  en  est  toujours  ainsi,  lorsque 
plusieurs  personnes  ont  participé  à  l'accomplissement  du  dé- 
lit, parce  que  dans  ce  cas  chaque  complice  est  tenu  pour  le 
montant  intégral  du  dommage  (5).  En  outre,  il  y  a  double- 
ment de  la  somme  réclamée,  si  le  défendeur  nie  à  tort  le 
damnum  injuria  (6). 
Procédure  L'action  noxale,  donnée  lorsque  le  délit  a  été  commis  par 
un  fils  de  famille  ou  un  esclave,  suit  les  règles  générales  (7), 
abstraction  faite  des  restrictions  légales  qui  s'appliquent  au 
cas  où  plusieurs  esclaves  ont  coopéré  à  l'accomplissement  du 
délit  (I  p.  119  n.  2). 
Intransmissibilité  L'aclion  pour  dommage  causé  à  la  propriété  d'autrui,  do 
héréditaire,    j^^^j^^  g^g  loutcs  Ics  autrcs  actious  analogucs  dont  il  va  être 

(1)  Dig.,  9,  2,  7.  pr.  cpr,  9,  3,  7. 

(2)  Uifi.,  9.  2,  7,  pr.  1.  21,  2.  1.  22.  1.  23,  pr.  1.  So.  47,  7,  8,  pr.  Inxl.,  4,  3, 
10.  En  cas  de  corruption  d'esclave,  une  indemnité  peut  être  réclamée  pour 
les  délits  qui  en  sont  résultés  et  leurs  conséquences  (lUfi.,  11.  3,  10.  1.  11. 
1.  14,  6). 

(3)  Dig.,  9.  2,  2,  pr.  1.  21,  pr.  1.  23,  3.  Inst.,  4,  3,  9. 

(4)  Dlg..  9,  2.  27,  5. 

(5)  Action  de  loi  Aquillia,  l>ig.,  9,  2,  11,  2  ;  si  cnm  uno  agcilur,  ceterl  non 
liherantur,  nam  ex  lege  Aquillia  quod  alius  praesUlit,  alium  non  relevai.  — 
Action  pour  abattage  d'arbres,  Dig.,  47,  7,  G,  pr.:si  plitres  candetn  arborcm 
f'iirtim  ceciderint,  curn  singulis  in  solidiun  ageliir.  Cpr.  III  p.  152  n.  4 

(6)  Gai.,  4,  9.  171.  Dig.,  9,  2,  2,  1.  1.  23,  10. 

(7)  Dig.,  9,  1,  1,  13.  Il  faut  en  conséquence  supposer  aux  Dig.,  9.  2,  37, 
1  (cpr.  Dig.,  9,  1,  1,  10)  que  la  litis  conleslalio  a  déjà  eu  lieu. 


DOMMAGE    CAUSÉ    A   LA    CHOSE    D'âUTRUI  155 

question  dans  la  présente  Section,  s'éteint  par  la  mort  du  cou- 
pable et  ne  passe  pas  contre  ses  héritiers  (1). 

La  prescription  de  Vactio  legis  Aquilliae,  de  même  que  celle  Prescription. 
de  toutes  les  actions  groupées  dans  la  présente  Section,  fus- 
sent-elles môme  prétoriennes  par  la  fixation  de  la  peine  (2)  ou 
à  raison  de  leur  origine  (3),  est  la  prescription  générale  qui  est 
ordinairement  de  trente  ans  ;  seules  les  amendes  fixes,  pré- 
toriennes et  édiliciennes,  mentionnées  plus  loin,  sont  soumi- 
ses à  la  prescription  d'un  an  (4). 

5.  Actions  analogues  pour  cause  de  dommage. 

Il  nous  reste  encore  à  parler  d'une  série  d'actions  délic- 
tuelles,  qui  ne  rentrent  pas  dans  le  domaine  du  dommage 
aquillien,  mais  qui  présentent  plus  ou  moins  d'analogie  avec 
l'action  de  la  loi  Aquillia.  Ces  actions  concernent  les  délits 
suivants  : 

1.  Dommage  causé  par  des   animaux  d'après  la  loi  des      (834) 
XII  Tables; 

2.  Abattage  d'arbres  fruitiers  d'après  la  loi  des  XII  Tables  ; 

3.  Homicide  d'un  homme   libre  commis   par   négligence, 
d'après  le  droit  honoraire; 

4.  Blessure  corporelle  causée  à  l'homme  libre  par  négli- 

gence, d'après  le  droit  honoraire; 

5.  Incendie  d'après  la  loi  des  XII  tables; 

6.  Abus  de  Vachtipulatio  d'après  la  loi  Aquillia  ; 

7.  Corruption  morale  des  alieni  juris  d'après  le  droit  ho- 
noraire; 

8.  Dommage  causé  par  des  animaux  dangereux  que  l'on 
tient  en  garde,  d'après  le  droit  honoraire  ; 


(1)  Action  de  la  loi  Aquillia:  Dig.,  9,  2,  23,  8.  Inst.,  4,  3.  9.  —  Action 
pour  abattage  d'arbres:  Dig..  47,  7,  7,  6.  —  Action  pour  corruption  d'es- 
clave: Dig.,  H,  3,  13,  pi'.  —  Action  de  e/jfusis  et  dejeclis  :  Dig.,  9,  3,  5,  5. 

(2)  Action  pour  abattage  d'arbres:  Dig.,  47,  7,  7,  6. 

(3)  Action  pour  corruption  d'esclave:  Dig.,  11,  3,  13,  pr.  —  Action  de 
effusis  et  dejeclis  :  Dig.,  9,  3,  3,  5. 

(4)  Dig.,  9,  3.   5,  5. 


156  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

9.  Dommage  causé  par  jet  et  versement,  d'après  le  droit 
honoraire  ; 

10.  Atteintes  au  corps  d'autrui  et  dommages  causés  à  la 
chose  d'autrui  qui  sont  traités  comme  délils  qualifiés  par 
le  droit  impérial. 

Dommage  1.  Le  dommagc  causé  par  l'animal  d'un  particulier  (1)  ne 
''TJmàT'  rentre  pas  d'après  le  droit  des  XII  Tables  (2),  ni  même  d'après 
le  droit  postérieur,  dans  la  notion  du  «  tort  »,  de  ]'injuria{3), 
mais  est,  sous  le  nom  de  pauperies  (4),  «  fait  de  laisser  paître  », 
traité  comme  délit  à  l'instar  de  Vinjuria.  Cette  notion,  comme 
cela  a  eu  lieu  originairement  pour  Vinjuria,  embrasse  le 
dommage  causé  au  corps  et  à  la  chose  d'autrui  (III  p.  94).  L'a- 
nimal est  absolument  traité  comme  s'il  était  soumis  à  la  loi 
sociale  à  l'égal  de  l'homme  ;  il  s'expose  à  une  peine,  s'il 
paît  d'une  façon  illicite  (5);  si  dans  un  combat  entre  deux 
C835)  animaux  l'un  d'eux  cause  ou  subit  un  dommage,  la  question 
de  punissabililé  se  résout  d'après  celle  de  savoir  quel  est 
celui  des  deux  animaux  qui  a  commencé  (6).  Lorsque  l'ani- 


(1)  La  loi  ne  parlait  que  des  quadrupèdes,  mais  elle  a  été  étendue  par 
voie  d'arpuments  d'analogie  à  tous  les  autres  animaux  qui  sont  dans  la 
propriété  d'un  particulier  (Diq.,  9,  !,  J.  2.  1.  4);  les  animaux  sauvages 
ne  sont  exceptés  de  la  loi  qu'autant  et  qu'aussi  longtemps  qu'ils  sont 
sans  maître  {l>ig.,  9.  1,  1.  10).  La  loi  Pesolania  (?)  concernait  spéciale- 
ment les  chiens  (Paul,  1,  15,  1). 

(2)  T)ig.,  9,  \,  1,  pr. 

(3)  IHg.,  9,  1,  1,  3. 

(4)  Pauperies,  (dont  la  seconde  moitié  doit  certainement  dériver  A'opi- 
parus]  pourrait  bien  être  entendu  au  point  de  vue  étymologique  dans  le 
sens  de  i  laisser  paître  »  ;  le  lien  qu'on  établit  ordinairement  entre  ce 
mot  et  paucus  conduit  à  la  notion  de  diminution,  qui  n'est  pas  conforme  à 
l'usage  du  langage.  11  est  douteux  que  la  loi  des  XII  Tables  ait  employé 
ce  mot,  elle  parait  bien  plutôt  avoir  étendu  à  l'animal  domestique  la  no- 
tion de  noxa,  c'est-à-dire  du  délit  commis  par  un  être  en  la  puissance 
d'un  tiers  et  dont  répond  le  détenteur  de  la  puissance  {Dig.,  9,  1, 1.  pr.). 

(5)  D'après  ce  que  nous  venons  de  dire  (n.  4),  le  fait  de  laisser  paître 
ne  peut  être  consiiléré  comme  pauperies,  qu'autant  que  cet  acte  se  rap- 
porte à  des  moissons  à  récolter.  L'action  de  pastu  pecoris  donnée  spécia- 
lement par  la  loi  des  XII  Tables  (8,  6  SchoU  [8,  7  Girard]  =  Dig.,  19,  5, 
14,  3)  pourrait  bien  se  rapporter  au  fait  de  pousser  ses  bestiaux  sur  les 
p:\turages  d'autrui. 

(5)  Ilig.,  9,  1.  1,  8.  11. 


DOMiMAGE    CAUSÉ    A    LA    CHOSE    DAl  TRUI  157 

mal  est  conduit  par  un  homme,  celui-ci  est  seul  considéré 
comme  responsable  (1).  L'action  est  nécessairement  noxalc  et 
s'éteint  par  la  mort  de  l'animal  (2).  Toutefois,  si  le  proprié- 
taire nie  qu'il  ait  l'acimal  en  sa  possession,  il  perd  la  faculté 
de  se  libérer  de  l'action  en  faisant  l'abandon  noxal  (3).  Aux 
autres  points  de  vue,  l'action  suit  les  règles  de  l'action  de  la 
loi  Aquillia  (4). 

2.  La  loi  des  XII  Tables  a  vraisemblablemeot  établi  l'ac- 
tion pour  abattage  d'arbres  fruitiers  (o)  parce  qu'elle  res 
treignait  à  la  propriété  mobilière  la  notion  de  dommage  causé 
à  la  chose  d'autrui  (III  p.  147)  ;  mais  bien  que  dans  la  suite  on 
ait  reconnu  la  possibilité  d'intenter  dans  ce  cas  l'action  de  la 
loi  Aquillia  (III  p.  138  n.  1),  l'action  pour  abattage  d'arbres 
s'est  maintenue  à  côté  de  celte  dernière  et  a  subsisté  comme 
action  privée  délictuelle  indépendante  jusque  dans  la  dernière 
période.  Les  éléments  de  l'acte  sur  leîjuel  se  fonde  cette  ac- 
tion ne  diffèrent  de  ceux  requis  par  la  loi  Aquillia  (6)  qu'en 
un  point:  ils  supposent  que  l'acte  a  été  accompli  par  dol(7). 
L'amende,  fixée  par  la  loi  des  XII  Tables  à  23  as  par  arbre,  a 


Action  pour 
abattage 
d'arbres 
fruitiers. 


(1)  Dig.,  9,  d,  1,  5.  6, 

(2)  D'après  les  fragments  d'Autun  du  pseudo-Gaius  (cpr.  Dig. ,9,  1,  1,  13  ; 
Gaius,  4, 81),  dans  l'action  noxale,  lorsque  l'animal  meurt,  le  corps  doit  être 
livré  au  demandeur,  comme  cela  est  également  de  règle  pour  la  noxa  du 
droit  public  (Tite  Live,  8,  39,  14).  [Correction  de  Mommsen,  Strafvechl,  p. 
XXIV  :  Les  fragments  d'Autun  qui  me  parviennent  pour  la  première  fois 
au  complet  ont  montré  que  si  le  fils  de  famille  ou  l'esclave  mourait  après 
la  condamnation  dans  l'action  noxale  le  cadavre  devait  être  livré  en  to- 
talité ou  en  partie  au  demandeur,  règle  qui  ne  fut  pas  étendue  au  cas  de 
dommage  causé  par  un  animal]. 

(3)  />(>/..  9,  1,  1,  13. 

(4)  Les  actions  analogues  {utiles  et  in  factum)  sont  ici  données  de  la 
même  manière  {Dig.,  9,  1,  4.  19,  5,  14>  3). 

(3)  Loi  des  XII  Tables,  8,  10  [Girard,  8,  11].  La  loi  ne  parlait  que  des 
arbres  (Gai.,  4.  11);  mais  on  comprit  sous  cette  expression  les  pieds  de 
vigne  (Pline,  //,  iV.,  14,  1,  9  ;  Dig.,  47,  7.  3,  pr.) 

(6)  Dig,  47,  7,  5,  1  :  ejus  actionis  eadem  causa  est  quae  est  legis  Aquilliae. 
Ce  délit  ne  contient  pas  nécessairement  un  vol  {Dig.,  47,  7,  7,  1.  l.  S,  2) 
bien  que  Paul  2,  31,  24,  tende  à  faire  rentrer  ce  délit  dans  le  vol. 

(7)  On  peut  déduire  cette  règle  du  nom  de  l'action  arborum  furtim  caesa- 
rum  et  de  la  peine  infligée. 


158  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

été  transformée  plus  tard,  vraisemblablement  par  le  préleur, 
en  une  peine  du  double  du  dommage  causé  (1). 
r.omicidede  3.  D'après  le  droit  des  XII  Tables,,  l'homicide  de  l'homme 
,uomme  i  re.  jjj^j.^^  lorsqu'il  ne  peut  pas  ôtre  puni  comme  meurtre,  n'en- 
traîne qu'une  expiation  religieuse  (2).  Celte  règle  a  sans 
(83G)  doute  eu  pour  cause  le  refoulement  de  l'organisation  consti- 
tutionnelle basée  sur  l'institution  des  gentes  et  la  suppression 
de  la  vengeance  sanglante;  lors  de  l'établissement  de  la  pro- 
cédure publique  de  meurtre  qui  a  pris  la  place  de  cette  der- 
nière, il  a  pu  paraître  malséant  de  faire  rentrer  l'homicide 
par  négligence  dans  les  délits  privés.  A  l'appui  de  cette  exclu- 
sion, les  ouvrages  juridiques  font  valoir  qu'il  n'y  a  pas  d'é- 
quivalent pour  la  vie  humaine  (3);  mais  un  pareil  motif  vau- 
drait aussi  pour  le  dommage  causé  au  corps  d'autrui  et  il 
parait  difficile  que  l'ancienne  législation  se  soit  laissé  guider 
par  ce  motif.  Plus  tard,  d'après  le  droit  honoraire,  l'homicide 
non  intentionnel,  mais  impliquant  une  faute  de  la  part  de  son 
auteur,  entraîne  une  amende  de  2,000  sesterces  (4),  s'il  a  eu 
pour  cause  la  détention  d'animaux  sauvages  dans  des  condi- 
tions illicites,  et  une  amende  de  5.01)0  sesterces,  s'il  est  résulté 
du  versement  d'un  liquide  ou  d'un  objet  (5). 
Dommage         4.  Le  dommage  causé  à  tort  au  corps  d'un  homme   libre 

causé  au  corps  .  ij-ij  -viinii.i  ••  l  )•! 

d'unhomme    ^^*'  P^"^  P^'"  ^®  dpoit  dcs  XII  lablcs  commc  injure,  iorsqu  il 

libre.       ne  tombe  pas  sous  le  coup  de  celle  même  loi  comme  tentative 

de  meurtre  (II  p.  342),  et  est  vraisemblablement  réprimé,  qu'il 

ait  élé  causé  intentionnellement  ou  par  imprudence  (6).  Le 


(1)  l'if].,  47.  7,  7,  7.  Cette  action  peut  être  intentée  après  l'action  de  la 
loi  Aquillia  pour  le  supplément  ([u'elle  peut  donner  [Dig.,  47,  7,  1). 

(2)  C'est  ce  que  signifie  la  phrase  connue,  contenue  tant  dans  les  lois 
royales  que  dans  la  loi  des  XII  Tables  (8,  24  SchôU  [Ul.  Girard]),  sur  le 
Itéiier  offert  aux  membres  de  la  rjens.  Cpr.  1  p.  99  n.  1. 

(3)  /'(,7.,  9,  3,  1,5:  in  liomini'  libero  nulla  coi^poris  aeslimalio  fieri  polcst.  1.  7. 

(4)  Dir/.,  21,  d,  42.  h'aureiis  ou  solidiis  est  ici  et  plus  lard  compté  pour 
100  sesterces,  ce  qui  est  l'équation  exacte  appliquée  aussi  au  cas  de  dé- 
jdacement  de  borne. 

(îi)  Di(j.,  9,  3,  1.  pr.  InsL,  4,  o,  t.  1/artion  est  populaire  :  Dif}.,  9,  3,  5,  5. 

(li)  A  vrai  dire,  nous  ne  pouvons  jjas  ]irouver  d'une  manière  positive 

que  l'injuria  des  XII  Tables  embrasse  lu  ctilpa  et  on  liésite  à  admettre  l'ap- 


DOMMAGE    CAUSÉ   A    LA   CHOSE    D'AITKUI  159 

droit  post(îrieur  n'admet  plus  l'aclion  d'injure  dans  ce  cas,  et, 
en  droit  strict,  il  n'y  a  pas  plus  d'action  civile  ici  que  pour 
l'homicide  par  négligence;  mais  on  étend  à  celte  hypothèse  les 
actions  pour  cause  de  dommage  à  la  propriété  :  l'action  de  la 
loi  Aquillia(l),  l'action  de  'pauperic{%),  l'action  pour  détention 
d'animaux  sauvages  dans  des  conditions  illicites  (3)  ou  l'ac- 
tion de  effusis  et  dejcctis  {i). 

5.  Le  fait  que  la  loi  des  XII  Tables  considère  l'incendie  al-      incendie 

,,,.,,  1  1  •         I  d'après  le  droit 

lume  par  malveillance  comme  mettant  en  danger  des  vies  nu-  des  xii  Tables, 
mairies  et  le  range  à  ce  titre  dans  le  délit  de  meurtre  ne  fait 
pas  obstacle  à  la  répression  de  l'incendie  en  général  comme 
dommage  causé  à  la  propriété  d'autrui  et  il  exclut  d'autant  (837) 
moins  cette  répression  que  l'action  de  meurtre  ne  procure  pas 
d'indemnité  à  celui  qui  subit  un  préjudice  par  suite  d'un  incen- 
die. Il  est  vraisemblable  qu'une  disposition  spéciale  de  cette  loi 
a,  au  cas  d'incendie  comme  au  cas  d'abattage  d'arbres,  prescrit 
de  fournir  l'indemnité  du  préjudice  causé,  mais  il  faut  laisser 
indécise  la  question  de  savoir  si  cette  disposition  visait  unique- 
ment l'incendie  mis  par  malveillance  ou  si  elle  s'étendait  aussi;, 
ce  qui  est  plus  probable,  à  l'incendie  causé  par  une  négli- 
gence coupable  (5).  Nous  reviendrons  plus  loin  sur  les  règles 
applicables  à  l'incendie  d'après  le  droit  postérieur. 


plication  du  talion  en  cas  de  simple  ciilpa.  Mais  il  faut  remarquer,  d'au- 
tre part,  qu'à  cette  époque  la  répression  est  dirigée  contre  le  fait  lui- 
même  et  qu'il  ne  sied  pas  d'attribuer  ici  à  la  question  de  cause  d'autre 
effet  que  celui  d'exclure  toute  peine,  lorsque  le  dommage  est  résulté  d'un 
cas  fortuit  qu'on  ne  pouvait  nullement  prévoir.  Gpr.  n.  5. 

(1)  Dig.,  9,  2,  13,  pr.  :  liber  liomo  suo  nomine  iililem  AquilUae  hahet  adionem  ; 
diyectam  enim  non  liabct,  quoniam  dominus  memhrorum  stiorum  nemo  videlur. 

(2>  Dig..  9,  1,  3. 

(3)  Dif/..  21,  1,  42. 
•     (4)  Dig.,  9,  3,  1.  pr.  1.  7.  Inst..  4,  5.  1. 

(5)  La  solution  de  cette  question  dépend  du  passage  emprunté  à  la  par- 
tie du  commentaire  de  Gains  sur  les  XII  Tables  qui  traitait  des  disposi- 
tions de  cette  loi  sur  l'incendie  mis  par  malveillance  (II  p.  30*  n.  0)  :  si  vero 
casii,  id  est  neglegenlia,  aut  îio.riam  sarcire  Juhetur  aut  si  minus  idoneus  sit, 
levais  easligatur.  Si  casu  et  levius  castigare  n'ont  pas  pu  se  trouver  dans 
la  loi  des  XII  Tables,  no.riam  sarcire  lui  est  certainement  emprunté  et  il 
est  vraisemblable  que  les  premières  expressions    ont  été  mises   dans  le 


160  DROIT  PÉNAL  ROMAIN 

A'Lisde  6.  La  loi  Aquillia,  a,  non  sans  raison,  assimilé  l'abus  dans 
\a...xpu    10.  Y^f^giipni^iiQ  r^^  Joiximage  causé  à  la  chose  d'aulrui  (i).  k  vrai 

(838)  dire,  l'exercice  du  droit  de  créance  ne  peut  causer  de  préju- 
dice à  des  tierces  personnes  ;  mais,  lorsque  le  créancier,  réel- 
lement intéressé  dans  l'affaire,  place  sur  le  môme  rang  que 
lui  par  un  mandat  un  autre  créancier,  qui  n'est  tel  que  dans 
la  forme,  la  remise  de  delte  faite  par  ce  dernier,  qu'on  ap- 


texte,  à  la  place  de  termes  sj-nonymes,  par  les  interprètes  du  vieux  Code 
ou  même  parles  compilateurs;  quant  au  sens,  elles  sont  en  parfaite  con- 
cordance avec  la  loi  des  XII  Tables.  Même  l'explication  de  casus  par  ne- 
glegenlia  est  inattaquable;  le  t  cas  fortuit  »  exclut  l'intention,  mais  em- 
brasse aussi  bien  l'accident  causé  par  témérité  ou  imprévoyance  que  le 
pur  «  cas  fortuit  ».  La  mort  causée  par»  l'arme  qui  a  échappé  à  la  main 
plutôt  qu'elle  n'a  été  jetée  j>,  ce  qui  est  l'expression  de  la  loi  des  XII  Ta- 
bles pour  l'homicide  qui  n'est  pas  punissable  comme  meurtre,  est  une 
notion  qui  embrasse  indubitablement  l'homicide  par  imprudence.  A  l'épo- 
que postérieure,  on  oppose  aussi  d'une  manière  absolue  voluntas  à  casus 
(Coll.,  1.  10,  1  ;  Dig.,  48,  8.  1,  3),  fraus  à  casus  (Coll.,  1.  9,  1),  consullo  à  casu 
(Coll.,  1,  M,  3=  Dig.,  48,  19,  S,  2),  tandis  qu'on  met  sur  la  même  ligne 
casu  et  imprudenter  (Coll.,  1,7,  1);  dans  tous  ces  textes  (de  même  aux 
Inst ,  4,  3,  3)  casus  doit-étre  entendu  dans  son  sens  large,  où  il  n'exclut 
pas  la  culpa.  On  trouve  même  chez  Paul,  Coll.,  12,  6,  1  (où  casu  ne  peut 
pas  être  modifié  en  casam  —  chaumière  —  surtout  parce  qu'insulam  com- 
prend Voppido  déjà  mentionnée)  la  division  tripartite  de  l'incendie  prae- 
ilae  causa  ou  ex  inimiciliis,  de  l'incendie  casu  et  de  la  forluita  incendia,  où 
casus  est  précisément  la  neglegentia  par  opposition  au  cas  fortuit,  exclu- 
sif de  la  responsabilité.  Ailleurs  (Coll.,  12,2,  3),  le  même  jurisconsulte  op- 
pose à  l'incendie  mis  par  malveillance  la  forluila  incendia,  qui  comprend 
l'incendie  né  par  incuvia  et  celui  qui  est  né  casu  venli  furenlis.  Le  cas 
foj'tuil  n'est  donc  pas  chez  les  jurisconsultes  romains  une  notion  ferme- 
ment arrêtée,  il  faut  dans  chaque  cas  rechercher,  d'après  le  contexte,  si 
elle  comprend  ou  exclut  la  culpa.  Il  n'y  a  pas  lieu  de  croire,  surtout  si 
l'on  considère  les  règles  applicables  à  l'homicide  involontaire  d'après  le 
droit  des  XII  Tables,  qu'à  cette  même  époque  on  nit  lié  la  répression 
au  fait  matériel  de  l'incendie  sans  se  préoccuper  de  la  cause  de  ce  der- 
nier; d'autre  part,  il  est  également  peu  admissible  que  l'obligation  d'in- 
demniser du  préjudice  causé  par  l'incendie  ait  été  subordonnée  à  la  preuve 
de  la  malveillance.  Cette  question  ne  peut-être  résolue  avec  certitude, 
mais  le  droit  des  XII  Tables  est  vraisemblablement  tel  que  nous  le  pré- 
sente Gaius. 

(1)  Gaius,  3,  215.  216.  Si  ce  jurisconsulte  ajoute  que  cette  action  n'est 
pas  nécessaire  parce  que  le  créancier  principal  a  l'action  de  mandat  con- 
tre Vadslipulalor,  il  faut  bien  plutôt  en  conclure  que  la  loi  Aquillia  est 
antérieure  à  la  création  des  actions  qui  ont  fait  du  mandat  un  contrat. 
A  partir  do  cette  dernière  réforme,  cette  application  de  l'aclio  leyisAquilliae 
disparait  (Uig.,  9,  2,  27,  4). 


DOMMAGE  CAUSÉ    A    LA   CHOSE   D'aUTRUI 


161 


pelle  adstipidator,  anéantit  la  créance  du  véritable  intéressé.  ••  ' 
Or.  comme  à  l'époque  où  la  loi  Aquillia  fut  faite,  le  mandat 
ne  fonde  vraisemblablement  pas  encore  d'action,  cet  acte 
cause  au  créancier  principal  un  préjudice  analogue  à  celui 
qui  résulte  du  dommage  causé  à  la  propriété  d'autrui.  C'est 
pour  ce  motif  que  la  loi  Aquillia  donne  au  mandant  contre  le 
mandataire  une  action  d'indemnité. 

7.  La  corruption  {corrumperé)   d'un    esclave,    c'est-à-dire    corruption 
tout  acte  de  démoralisation  qui  en  diminue  la  valeur  d'échange, 

fonde^  d'après  l'édit  du  préteur,  au  profit  du  maître  une  ac- 
tion au  double  du  préjudice  (1),  analogue  à  Vactio  legis  Aquil- 
liae  (2).  Une  action  semblable  est  également  donnée  au  cas 
de  corruption  d'un  enfant  en  puissance  (3). 

8.  L'édit  des  édiles  curules  donne  contre  celui  qui  garde  des     Détention 

.  .    1         •  1  d'animaux 

bêtes  dangereuses  à  proximité  d'endroits  ouverts  a  la  circula-    dangereux, 
tion,  lorsque  ces  animaux  ont  causé  un  dommage  au  corps  ou 
au  patrimoine  d'autrui,  une  action  au  double  du  préjudice (4). 
Nous  avons  déjà  mentionné  l'action   pénale  donnée  dans  ce 
même  cas,  lorsque  ces  bêtes  ont  causé  la  mort  d'une  personne. 

9.  Le  dommage  que  l'on  cause  en  versant  ou  en  jetant  quel-  Dommage  par 
quelque  chose  d'une  maison  ou  d'un  navire  (5)  sur  un  lieu  de       et  jet. 
passage  (6)  tombe  sous  le  coup  de  la  loi  Aquillia,  lorsque  cet 


(1)  Dig.,  11,3,  1  71/-.  1.  5,  2. 1.  9,  2.  1.  14,  5.  L'époux  n'est  tenu  qu'à  four- 
nir l'indemnité  du  simple  {Dig.,  H,  3,  17). 

(2)  Tombe  notamment  sous  le  coup  de  cette  action  celui  qui  détermine 
l'esclave  à  s'enfuir  (Paul,  2,  31,  33.  Dig.,  47,  2,  36  pr.),  acte  qu'il  n'a  pas 
paru  possible  de  comprendre  dans  le  vol  (III  p.  49  n.  2).  L'édit  vise  en 
première  ligne  le  fait  de  recevoir  chez  soi  l'esclave  fugitif  (O/.9'.,  11,  3,  i, 
pr.  1.  9,  pv.)  qui  sans  contredit  donnait  réellement  à  l'esclave  la  qualité  de 
fugilivus  et  à  ce  titre  consommait  pour  ainsi  dire  la  corruption.  L'élé- 
ment tout  à  fait  décisif  en  droit  est  la  diminution  de  la  valeur  d'échange 
{Dig.,  11,3,  9,  3.  1.  11,  2.  1.  14,  1.  8.). 

(3)  Dig.,  11,  3,  14,  1.  11  n'y  a  pas  de  diminution  de  patrimoine  en  cas  de 
corruption  d'un  enfant  en  puissance.  C'est  par  analogie  que  l'action  est 
ici  donnée  pour  l'intérêt  qu'avait  le  chef  de  famille  à  ce  que  son  enfant 
ne  fût  pas  corrompu. 

(4)  Paul,  1,  15,  1  a.  b.  Dig.,  21,  1,  40-42.  Inst..  4,  9,  1. 
(0)  Dig.,  9.  3,  6,  3. 

(6)  Dig.,  9,  3,  1,  pr.  :  quo  vulgo  iter  fiet  vel  in  quo  consislelur.   Lorsque  la 
circulation  est  interrompue  à  ces  endroits    pendant  la  nuit,    la   défense 
Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  \  1 


162  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

(839)  acte  peut  être  imputé  à  une  personne  déterminée  (1).  Ce  dom- 
mage engage,  en  outre,  la  responsabilité  de  tout  détenteur  de 
l'habitation  (2),  mais  on  ne  considère  pas  comme  tel  celui  qui 
n'habite  que  passagèrement  ou  sans  payer  de  location  ou  comme 
sous-locataire  d'une  partie  peu  importante  delà  demeure  (3). 
L'action  est  donnée  ici  au  double  du  préjudice;  mais,  lorsque 
ce  double  a  été  une  fois  payé,  elle  n'est  plus  possible  contre 
les  autres  personnes  également  obligées  à  ce  paiement  (4). 
Nous  avons  déjà  mentionné  l'action  pénale  donnée,  lorsque 
l'acte,  dont  il  est  ici  question,  a  entraîné  la  mort  d'un  homme 
libre.  —  En  cas  de  simple  menace  d'un  dommage  du  même 
genre,  on  donne  contre  le  détenteur  de  l'habitation  une  action 
pénale  populaire,  dont  le  montant  est  de  1000  sesterces  (5). 
10.  Comme  en  matière  de  vol  et  d'injure,  différents  cas,  ren- 
trant dans  le  domaine  des  dommages  causés  au  corps  ou  à 
la  chose  d'autrui,  ont  été  traités  sous  le  Principat  comme  dé- 
lits extraordinaires  exigeant  la  cognitio  du  magistrat.  Il  y  a 
là  un  nouvel  exemple  (II  p.  376)  du  transfert  dans  le  droit  pé- 
nal public  nouveau  des  règles  anciennes  du  droit  privé  en 
matière  de  délits. 


cesse  do  s'appliquer  pendant  ce  temps.  {Dig.  9,  3,  d,  2.  1.  6,  1).  —  Il  n'est 
pas  nécessaire  que  l'endroit  ouvert  à  la  circulation  soit  à  proprement  par- 
ler public  (Dig.,  9,  3,  1,  2). 

(1)  Dig..  9,  3,  1,  9.  ].  5.  pr.  5.  d.  2.  3.  44,  7,  3,  5  =  Inst.,  4,  5,  1. 

(2)  L'idée  que  la  culpa  du  maître  de  maison  n'est  pas  nécessaire  do- 
mine ici  {Dig.,  0,  3, 1,  8),  et  c'est  pour  ce  motif  que  ce  cas  est  rangé  parmi 
les  obligations  quasi  ex  deliclo  {Inst.,  4,  5).  Toutefois,  on  voit  à  côté  de 
cette  opinion  se  manifester  l'idée  que  le  maître  du  logis  est  tenu  de 
faire  le  possible  pour  empêcher  de  pareils  actes  (Dig..  9,  3,  1,  4)  ;  c'est  à 
raison  de  la  même  idée  que  les  esclaves,  qui  se  rendent  coupables  de 
tels  actes,  sont  soumis  à  la  peine  de  la  correction  {Uig.,  9,  3,  1,  8),  —  Lors- 
qu'il y  a  plusieurs  détenteurs  de  l'habitation,  l'action  est  ordinairement 
donnée  contre  chacun  d'eux  (Dig.,  9,3,  i.  10.  1.  2.  1.  3.  1.  4),  mais  peut 
dans  certains  cas  n'être  accordée  que  contre  l'un  d'eux  (Dig..,  9,  3,  5,  2).  — 
L'action  est  noxale  [Dig.,  9,  3,  1,  pr.,  avec  lequel  le  |  4,  à  vrai  dire,  ne 
concorde  pas  pleinement). 

(3)  Dig.,  9,  3,  5,  4.  12.  Le  maître  du  logis,  tenu  de  Vaclio  de  effusis  et  de- 
jectis,  peut  recourir  contre  celle  de  ces  personnes  qui  serait  la  véritable 
coupable  (Dig.,  9,  3,  5,  4), 

(4)  D,-^.,  9,3.  1,  P-.  g4. 

(5)  Dig.,  9.  3,  5,  8  et  suiv. 


DOMMAGE    CAUSÉ    A   LA   CHOSE    D'AUTRUI  1G3 

a)    L'homicide  d'un  homme  libre,  résultant  d'une  culpa,  Homicide  causé 
n'est,  comme  nous  l'avons  déjà  fait  remarquer,  nullement  ré-  daprLTe droit 
primé  par  voie  de  procédure  ordinaire  (1).  Toutefois,  différents     postérieur, 
cas  d'homicide  de  ce  genre  sont,  d'après  les  sources,  punis  au 
criminel.  Ce  sont  : 

1.  la  remise  par  imprudence  de  substances  vénéneuses, 
frappée  par  un  sénatus-consulte  de  la  peine  de  la  loi  Cornélia 
sur  le  meurtre  (2); 

2.  l'homicide  non  intentionnel,  causé  par  extravagance  (3), 
ou  survenu  pendant  une  lutte  (4); 

3.  L'homicide  d'un  homme  libre  par  négligence  du  méde-      (840) 
cin  (5); 

4.  L'homicide  d'un  homme  libre,  causé  par  le  jet  imprudent 
d'un  objet  du  haut  d'un  arbre  (6). 

Le  fait  que  ces  différents  cas  sont  traités  à  propos  de  la  loi 
sur  le  meurtre,  la  gravité  des  peines  appliquées  et  l'extension 
de  la  lez  Cornélia  de  veneficiis  au  premier  cas  semblent  favo- 
rables au  classement  de  ces  délits  dans  la  catégorie  du  meur- 
tre. Mais  il  convient  de  n'attacher  aucune  importance  au  pre- 
mier cas,  car  on  a  étendu  d'une  manière  irrégulière  la  notion 
de  veneficium  à  tous  les  actes  connexes  accomplis  par  une 


(1)  D'après  le  droit  de  la  guerre,  l'homicide  par  imprudence  est  un  dé- 
lit réprimé  par  voie  disciplinaire  {Coll.,  1,  8,  1  =:  Cod.,  9,  16,  1  pi\) 

(2)  Dig.,  48,  8.  3,  3. 

(3)  Hadrien,  Coll.,  1,  11,  1  =  Dig.,  48,  8,  4,  1.  La  punition  est  la  reléga- 
tion temporaire. 

(4)  Un  rescrit  d'Hadrien,  d'après  lequel  un  tel  cas  no  doit  pas 
être  traité  comme  meurtre  (Coll.,  1,  6,  1  ;  de  même  Paul,  5,  23,  3  :=: 
Coll.  1,  7,  1)  est  présenté  dans  la  rédaction  des  Dig.,  48,  8,  1,  3  comme 
prescrivant  qu'une  peine  criminelle  plus  légère  soit  appliquée  dans  ce 
cas  ;  il  n'est  pas  nécessaire  d'admettre  qu'il  y  a  eu  ici  interpolation. 

(5)  Dans  ce  cas,  dont  Pline,  Hist.  n.,  29,  1,  18,  dit  :  nulla  lex,  quae  pu- 
niai  insciliam  eam,  capitale  nullum  exernplum  vindictae,  on  condamne,  d'après 
les  ouvrages  juridiques  (Paul,  5.  23,  19.  Dig..  1, 18,  6, 7.  29,  5,  5.  3),  les  per- 
sonnes de  condition  élevée  à  larelcgation,  et  les  petites  gens  à  des  peines 
qui  vont  même  jusqu'à  la  mort. 

(6)  Paul,  5,  23,  12:  si  putator  e.t  arboi'e  cum  ramum  deiceret,  non  pro- 
clamaverit,  ut  vitaretur,  atque  ita  pi'aeieriens  ejusdem  iclii  perierit,  etsi  in 
legem  non  incurrit,  in  melalluin  datur.  De  même,  Dig.,  48,8,  1.  Le  texte  sem* 
blable  Dig.,  9,  2,  31  se  rapporte  à  l'esclave. 


164  DROIT  PÉNAL  ROMAIN 

personne  à  titre  de  profession  (II  p.  352  sv.).  En  outre,  il  faut 
remarquer,  en  ce  qui  concerne  les  cas  d'homicide,  que  la 
condition  de  l'intention  est  certainement  exigée  pour  la  notion 
de  meurtre,  même  de  la  part  des  jurisconsultes  de  l'Empire, 
et  que,  d'autre  part,  il  est  dit  expressément  à  propos  du  qua- 
trième cas,  qu'il  ne  tombe  pas  sous  le  coup  de  la  loi  sur  le 
meurtre.  Il  nous  paraît  donc  préférable  de  ne  pas  faire  ren- 
trer ces  cas  dans  la  catégorie  du  meurtre  et  de  les  ranger 
parmi  les  délits  extraordinaires  non  prévus  par  une  loi.  Tels 
qu'ils  se  présentent  à  nous,  on  peut  seulement  en  conclure 
que  le  droit  pénal  impérial  a,  dans  des  cas  graves,  étendu 
la  procédure  de  la  cognitio  à  l'homicide  causé  par  culpa.  — 
On  rencontre  aussi  en  cette  matière  une  indemnité  pécuniaire 
que  le  coupable  doit  payer  aux  parents  sans  fortune  de  la 
victime  (1). 

Incendie  b)  L'inccudie,  comme  cela  avait  déjà  eu  lieu  vraisembla- 
poTérLr!"  blement  dans  le  droit  des  XII  Tables  (III  p.  lo9),  est  certaine- 
ment traité  par  les  jurisconsultes  de  l'Empire  à  deux  reprises, 
suivant  qu'ils  le  considèrent  comme  mettant  en  danger  la  vie 
d'autrui  ou  comme  causant  un  dommage  à  la  propriété  d'au- 
trui  :  ils  en  parlent  d'abord  à  propos  du  meurtre  (II  p.  364), 
puis,  en  tant  que  dommage  qualifié  à  la  chose  d'aulrui  (2),  à 

(8^1)  propos  des  délits  extraordinaires;  dans  le  premier  cas  on  ne 
s'occupe  que  de  l'incendie  mis  par  malveillance  et  dans  le  se- 
cond de  tout  incendie.  Pour  la  répression,  on  dislingue  : 

aa)  l'incendie  mis  par  malveillance  à  l'intérieur  de  la  ville, 
ordinairement  puni  de  mort  (3).  Vis-à-vis  des  petites   gens, 


(1)  Hadrien,  Coll.,  1,  U  =:  Dig.,  48,  8,  4,  1. 

(i)  Le  titre  de  naufrar/is  el  bicendiariis  (Coll.  12.  5,  1)  dans  le  livre  8  du  de 
of/icio  proconsulis  d'Ulpien  et  le  titre  de  incendiants  (Coll.,  12,  2,  1)  des 
senlentiae  de  Paul  (où  la  restitution,  quoique  vraisemblablement  exacte, 
est  cependant  conjecturale)  rendent  impossible  l'incorporation  de  ces 
sections  dans  la  matière  du  meurtre,  et  les  paroles  mêmes  d'Ulpien  con- 
firment cette  opinion.  En  outre,  l'incendie  est  mentionné  à  propos  des 
délits  de  violence  parmi  ceux  qui  sont  commis  au  cours  d'une  sédition 
(II  p.  38i'  n.  4). 

(3)  Paul,  5,  20,  1  (=  Coll.,  12,  4,  1).  Coll..  12,  6,  1.  Dig.,  48,  8,  iO. 


DOMMAGE   CAUSÉ    A    LA   CHOSE    D'.U'TRUI  165 

cette  peine  est  ordinairement  appliquée  dans  une  forme  rigou- 
reuse (1);  vis-à-vis  des  personnes  des  meilleures  classes,  la 
répression  peut  ne  consister  que  dans  la  déportation  (2); 

bb)  l'incendie  mis  par  malveillance  hors  de  la  ville,  qui  en- 
traîne pour  les  personnes  de  condition  l'internement  et  pour 
les  petites  gens  la  peine  du  travail  dans  les  mines,  ou  celle 
des  travaux  forcés  à  perpétuité  ou  l'internement  (3)  ; 

ce)  l'incendie  mis  par  imprudence,  qui  n'est  puni  qu'en  cas 
de  négligence  grave  et  qui  dans  ce  cas  n'est  réprimé  que  par 
une  peine  publique  modérée  (4). 

dd)  L'action  d'indemnité,  c'est-à-dire  l'action  de  la  loi  Aquil- 
lia,  est  également  possible  ici  et  obéit  à  ses  règles  ordinai- 
res (5). 

c)  Les  délits  commis  à  l'occasion  d'un  naufrage  ont  été  à  Dommages 
l'instar  de  l'incendie  soumis  assez  tôt  h  l'application  des  pé-  t^TolîT^viirli. 
nalités  de  la  loi  Cornélia  sur  le  meurtre  (Il  p.  365  n.  1),  et, 
comme  corollaire,  des  cas  de  ce  genre  ont  été,  sous  l'Empire, 
réprimés  comme  délits  extraordinaires  à  l'instar  de  l'incen- 
die (6);  toutefois,  on  ne  peut,  ni  dans  le  premier  cas  ni  dans 
le  second,  déterminer  suffisamment  les  éléments  de  ces  délits. 
Régulièrement  on  trouvera  dans  les  délits  qui  ont  lieu  à  pro- 
pos d'un  naufrage  le  crime  de  violence  commis  en  cas  de 
calamité  publique  (II  p.  382). 


(1)  Mort  par  le  feu:  Callistrate,  Dig.,  48,  19,  28,  12.  —  Exécution  dans 
une  fête  populaire  :  Ulpien  Coll.,  12,  5  1.  —  Incendie  mis  au  cours  d'une 
sédition  :  peine  de  mort  dans  sa  forme  la  plus  rigoureuse  {summum  sup- 
plicium)  :    Paul,  5,  3,  6. 

(2)  Ulpien,  Dig.,  47.  9,  12,  1  (=  Coll.,  12.  5.  1). 

(3)  Paul.  0,  20,  2  {=  Coll.,  12,  2,  1).  5  {=  Coll.,  12,  3,  2).  Dig..  48,  19,  28, 12. 

(4)  Marcien,  Dig.,  47,  9,  11  :  si  fortuito  incendium  factum  sit,venia  indiget, 
nisi  tam  lata  culpa  fuit,  ut  luxuria  aut  dolo  sit  proxima.  Ulpien,  Coll.,  12, 
5,  2  ;  eis  qui  non  data  opéra  incendium  fecerint,  plerumque  ignoscitur ,  nisi  in 
lata  et  incauta  (peut-être  nisi  in  causa  lata)  neglegentia  vel  lascivia  fuit. 
Callistrate,  loc.  cit.  :  modice  vindica[n]tur'.  Coll.,  12,  6,  1  (cpr.  pour  le  sens 
du  mot  casu,  III  p.  159  n.  5). 

(5)  Callistrate,  loc.  cit.  Paul,  5.  20,  3  (=  Coll..  12.  2,  2).  Coll..  12,  6,  1.  — 
Lorsqu'il  y  a  en  outre  sédition,  l'action  est  au  double  (Paul,  5,  3,  6). 

(6)  C'est  ce  que  montre  la  rubrique  de  naufragis  et  incendiariis  (III 
p.  164  n.  2). 


166  DROIT   PÉNAL   ROMAIN 

(842)  d)  Lorsque  l'abattage  d'arbres  fruitiers  a  lieu  la  nuit  et 

avec  attroupement,  il  est  réprimé  au  criminel  (1). 

e)  Le  fait  de  garder  ou  de  promener  des  animaux  dange- 
reux entraîne  aussi  dans  certains  cas  une  répression  publi- 
que (2). 


(1)  Paul,  5,  20,  6  :  qui  noctu  frugiferas  arbores  manu  facta  ceciderint,  ad 
tempus  plerumque  in  opus  publicum  damnantur  aut  lionestiores  damnum  sar- 
cire  coguntur  vel  curia  submocentur  vel  relegantur.  Gaius  est  encore  plus  sé- 
vère, Dig.,  47,  7.  2  :  sciendum  est  eos  qui  arbores  et  maxime  vîtes  ceciderint, 
etiam  tamquam  latrones  (cpr.  II  p.  346  n.  3)  puniri. 

(2)  Paul,  1,  15,  2,  après  avoir  indiqué  la  défense  de  l'édit,  ajoute  :  et 
ideo,  sive  ab  ipsa  {fera  bestia)  sive  propter  eam  ab  alio  alleri  damnum  datum 
sit,  pro  modo  admissi  extra  ordinem  actio  in  dominum  vel  custodem  detur, 
maxime  si  ex  eo  homo  penerit.  Le  même  jurisconsulte  Dig.,  47,  H,  H,  range 
parmi  les  extraordinaria  crimina  le  cas  suivant  :  in  circulatores,  qui  ser- 
pentes circumferunt  et  proponunt,  si  cui  ob  eorum  metum  damnum  datum  est, 
pro  modo  admissi  actio  dabitur. 


SECTION   XI  (843) 


ABUS    DES    DROITS 


Nous  traitons  dans  cette  Section  sous  le  nom  d'abus  des       Abus 

1.  •  ii,r-.T^  'ij'i'.  •        des  Droits. 

droits  appartenant  aux  sujets  de  1  Etat  Romain  les  délits  sui- 
vants qui  étaient  punissables  au  criminel  : 

1.  empiétements  sur  la  propriété  publique; 

2.  inobservation  des  devoirs  incombant  aux  propriétaires 
fonciers; 

3.  usure; 

4.  accaparement  de  céréales  et  autres  marchandises; 

5.  abus  des  droits  de  l'industrie  et  du  commerce; 

6.  abus  que  fait  une  personne  de  son  état; 

7.  appropriation  d'un  faux  état  ; 

8.  infractions  aux  lois  de  la  République  sur  les  mœurs; 

9.  gain  au  jeu  ; 

10.  divination; 

11.  abus  de  la  brigue  électorale; 

12.  abus  du  droit  d'association  ; 

13.  abus  de  la  dénonciation  fiscale; 

14.  autres  contraventions. 

L'acceptation  de  libéralités  par  l'avocat  ou  le  magistrat 
rentre  aussi  à  vrai  dire  dans  cette  liste,  mais  elle  en  a  été  ex- 
clue, d'une  part,  parce  qu'elle  est  passée  en  partie  dans  l'exac- 
tion de  la  part  des  magistrats,  et,  d'autre  part,  parce  que  les 
règles  procédurales  qui  lui  sont  appliquées  ont  été  le  point  de 


168  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

départ  et  sont  la  clef  de  la  procédure  des  qiiaestiones  perpe- 
tuae.  —  Sont  naturellement  exclues  de  la  présente  Section 
toutes  les  lois  répressives  qui  n'appartiennent  pas  au  droit 
pénal  proprement  dit,  tant  celles  du  droit  civil,  parmi  les- 
quelles rentrent  notamment  presque  tous  les  interdits,  que 
les  lois  simplement  coercitives,  comme  les  nombreuses  lois 
romaines  sur  le  luxe.  Nous  n'avons  fait  d'exception  que  pour 
le  septième  paragraphe  où  le  cas  le  plus  important,  l'appro- 
(844)  priation  du  droit  de  cité  romaine,  ne  donne  pas  lieu  à  une 
condamnation,  mais  simplement  à  la  constatation  d'un  fait. 
Toutefois  ce  cas  peut  prétendre  à  une  place  en  droit  pénal, 
comme  le  praejudicium  peut  en  réclamer  une  en  droit  civil  ; 
il  doit  même  en  avoir  une  en  droit  pénal  romain. 

Ce  groupement  et  sa  dénomination  générique  peuvent  don- 
ner lieu  à  d'importantes  critiques  ;  peut-être  leur  seule  justi- 
fication est-elle  que  ces  délits  doivent  avoir  leur  place  en  droit 
pénal,  mais  ne  se  plient  pas  à  un  classement  systématique. 
On  peut  cependant  trouver  une  certaine  homogénéité  dans 
ce  groupe  et  certaines  excuses  peuvent  être  invoquées  en  fa- 
veur de  la  rubrique:  abus  des  droits.  La  ligne  très  nette  de 
démarcation  entre  ce  qui  est  moralement  juste  et  ce  qui  est 
moralement  injuste  (1),  que  nous  avons  trouvée  à  la  base  de 
tous  les  délits  dont  nous  avons  parlé  jusqu'ici,  est  difficile  à 
établir  pour  l'usage  et  l'abus  du  droit.  Le  vol  et  l'usure  sont 
également  condamnables  au  point  de  vue  moral,  le  premier 
est  même  assez  souvent  plus  excusable  que  le  second;  la  cons- 
cience fixe  dans  un  cas  comme  dans  l'autre  la  limite  entre  ce 
qui  est  juste  et  ce  qui  ne  l'est  pas;  mais  tandis  qu'en  cas  de 
vol  elle  fait  cette  délimitation  suivant  une  loi  fixe,  exclusive 
de  tout  arbitraire,  elle  doit  en  cas  d'usure  tenir  compte  d'ap- 
préciations individuelles  forcément  arbitraires  et  la  loi  pénale 


(1)  La  loi  morale  évolue  et  sa  traduction  en  lois  d'Etat  est  encore  plus 
changeante;  le  stupnim.  d'abus  qu'il  était  auparavant, devint  un  véritable 
tort  depuis  Auguste  et  il  en  fut  de  même  pour  la  divination  depuis  l'é- 
poque chrétienne. 


ABUS    DES   DROITS  169 

doit  dans  Jes  deux  cas  suivre  les  indications  de  la  conscience. 
Il  en  résulte  que  la  conscience  de  commettre  un  tort:,  le  dolus 
romain,  base  véritable  de  toute  répression,  est,  dans  le  do- 
maine dont  nous  nous  occupons  actuellement^,  jusqu'à  un  cer- 
tain point  fictive  (l  p.  105),  elle  ne  s'y  rencontre  que  grâce  à 
un  autre  fondement  (I  p.  106),  qui  n'est  pas  pleinement  con- 
forme à  l'essence  du  droit  pénal,  mais  qui  est  établi  par  l'État  : 
l'obligation  de  connaître  la  loi  pénale.  L'application  de  ces 
idées  se  montre  notamment  dans  la  répression  de  l'assistance 
prêtée  à  un  délit:  la  corruption  électorale,  par  exemple,  est 
toujours  un  délit  au  regard  du  candidat,  elle  n'en  est  pas  un 
pour  le  corrompu  et  elle  n'en  est  un  pour  l'agent  électoral  que 
dans  certains  cas  déterminés  par  la  loi  positive,  tandis  que 
de  telles  distinctions  n'apparaissent  pas,  lorsqu'on  ne  s'attache 
qu'au  fondement  moral  de  ce  délit. 

Une  autre  raison  qui  justifie  le  groupement  de  ces  divers 
délits  sous  la  même  rubrique  est  qu'ils  donnent  lieu  à  l'ap- 
plication de  la  même  procédure,  à  celle  qui  relève  des  ma- 
gistrats et  des  comices.  Tandis  que  les  délits  qui  reposent 
véritablement  sur  les  données  de  la  morale  mettent  en  mouve- 
ment les  différentes  magistratures  compétentes  pour  la  haute 
trahison  et  le  meurtre,  les  délits  dont  nous  nous  occupons  ici 
sont,  tout  au  moins  en  fait,  exclusivement  réprimés  par  les 
édiles  (I  p.  182  et  sv.),  ce  qui  s'explique  parfaitement,  étant 
donné  qu'ils  se  rattachent  de  la  manière  la  plus  étroite  au  droit  (843) 
municipal  et  à  la  police  des  mœurs.  On  peut  prouver  qu'il  en 
fut  ainsi  pour  l'appropriation  du  sol  public,  pour  l'usure  et 
l'accaparement  de  grains,  pour  l'immoralité  et  peut-être  même 
encore  pour  d'autres  cas. 

La  législation  positive,  provoquée  par  les  conditions  spécia- 
les de  lieu  et  de  temps,  joue  naturellement  ici  un  rôle  beau- 
coup plus  grand  que  dans  les  délits,  dont  le  fondement  est  pu- 
rement moral  et  qui  se  retrouvent  ordinairement  partout  dans 
des  conditions  uniformes.  En  outre,  la  plupart  des  délits  ren- 
trant dans  notre  catégorie  ne  peuvent  être  exposés  d'une  façon 
suffisante  qu'en  les  rattachant  à  des  particularités  de  l'histoire 


170  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

du  peuple  romain  qu'on  ne  peut  pas  décrire  en  droit  pénal. 
C'est  ainsi,  par  exemple,  que  les  abus  commis  dans  les  élec- 
tions ne  peuvent  être  compris  qu'à  la  condition  de  connaî- 
tre l'organisation  des  comices  ;  cette  connaissance  doit  être 
supposée  quand  on  s'occupe  de  droit  pénal.  L'exposé  du  droit 
pénal  en  vigueur  chez  un  peuple  aussi  éminent  par  ses  apti- 
tudes et  son  histoire  que  le  fut  le  peuple  romain  sera  toujours 
d'un  haut  intérêt  pour  le  jurisconsulte;  mais  les  délits  et  con- 
traventions que  nous  groupons  ici  ne  peuvent  susciter  que 
faiblement  sa  curiosité.  Il  nous  a  paru  par  suite  indiqué  non 
seulement  de  renoncer  à  faire  de  ces  délits  un  exposé  com- 
plet, aussi  irréalisable  que  sans  intérêt,  mais  de  traiter  le  plus 
brièvement  possible  dans  les  treize  premiers  paragraphes  les 
différents  cas  les  plus  notoires  et  de  réunir  dans  un  dernier 
paragraphe  supplémentaire  une  série  de  cas  moins  impor- 
tants. 

1,  Empiétements  sur  la  propriété  publique. 

Empiétements  La  jouissaucc  du  sol  public  appartient  à  tout  citoyen  et 
*"'"^'*|î^°^'['^^^  môme,  dans  la  mesure  où  l'exigent  les  relations  sociales,  à 
tout  non  citoyen,  sous  la  double  restriction  d'observer  les  con- 
ditions imposées  par  la  destination  de  chaque  partie  du  sol  ou 
par  l'État  lui-môme  et  de  ne  pas  porter  atteinte  aux  droits 
existants  des  tiers.  Parmi  les  contraventions  qu'on  rencontre 
à  cet  égard,  celles  qui  se  produisent  dans  la  jouissance  des 
chemins  publics  ne  font  pas  l'objet  d'une  répression  pénale,  à 
moins  que,  comme  empiétements  sur  les  fonds  riverains  ou 
comme  déplacement  de  bornes,  elles  ne  rentrent  dans  la  caté- 
gorie des  dommages  causés  à  la  propriété  d'autrui  (IIÏ  p.  140)  ; 
ordinairement,  il  y  a  simplement  rétablissement  de  l'état  an- 
térieur par  des  moyens  de  procédure  populaires  (1).  La  partie 


(1)  Edit  (lu  préteur,  Diij.,  43,  8,  2,  35,  quod  in  via  puhlica  ilinereve  puhlico 
fnclum  immissum  hahes,  f/uo  ea  via  idve  iler  delerius  sit  fiât,  reslituns.  Il  en 
est  à  peu  près  do  mémo  pour  les  voies  fluviales  {Dig.,  43,  13,  1,  11). 


ABUS  DES   DROITS  171 

du  domaine  public  apte  à  produire  était  mise  à  la  disposi-  (846) 
lion  des  citoyens,  soit  pour  qu'ils  y  menassent  paître  leurs 
IroupeauX;,  soit,  après  établissement  d'une  clôture,  pour  l'agri- 
culture ou  l'horticulture.  Dans  ce  dernier  cas,  comme  dans  le 
precarium  du  droit  privé,  l'occupant  était  protégé  contre  les 
tiers  (1),  tandis  que  l'Etat  avait  en  droit  la  faculté  de  repren- 
dre à  toute  époque  cette  partie  du  domaine  public.  Sur  cette 
dernière  et  importante  forme  de  jouissance  du  sol  public,  qui 
a  été  la  principale  cause  des  luttes  de  classe  à  Rome,  nous  ne 
savons  guère  que  deux  choses  :  d'une  part,  que  la  loi  Licinia  de 
387/367  et  d'autres  lois  semblables  ont  fixé'une  limite  maxima 
pour  le  nombre  de  tètes  de  bétail  que  l'on  peut  faire  paître  et 
pour  l'établissement  de  clôtures  (2),  et  que,  d'autre  part,  des 
amendes  élevées  sont  infligées  aux  contrevenants  par  voie  de 
procédure  édilicienne-comitiale  (3).  Lorsque  peu  à  peu  le  sol 
public  devint  objet  de  propriété  privée  par  suite  de  partages  ou 
fut  soustrait  à  la  jouissance  commune  des  citoyens  par  suite 
d'affermage  ou  autrement,  les  dispositions  précitées  cessèrent 
de  s'appliquer  pour  le  peuple  romain.  Les  différents  statuts 
municipaux  de  l'époque  postérieure  nous  présentent  encore  des 
règles  analogues  pour  Vager  municipal.  C'est  ainsi  que  la  lex 
coloniae  Genetivae,  d'une  part,  interdit  à  tout  magistrat  munici- 
pal sous  peine  d'une  amende  de  20.000  sesterces  de  tirer  di- 


(1)  Il  faut  avoir  grand  soin  de  ne  pas  étendre  les  interdits  possessoires 
du  droit  privé  à  l'ager  publlcus. 

(2)  Appien,  B.  c.  1,  8,  à  propos  de  la  loi  Licinia  :  ^YUAcav-  œptdav.  Gaton, 
chez  Aulu-Gelle,  6,  3,  37;  si  quis  plus  cjuingenta  jugera  habere  voluerit  (mis 
à  titre  d'exemple  dans  une  forme  incorrecte  pour  habueril),  tanta  poena 
esto  ;  si  quis  majorem  peconim  numerum  habere  voluerit  (également  au  lieu 
de  habueril),  tantum  damnas  esto. 

(3)  Tite  Live,  7,  16,  9,  pour  l'année  397/357  :  C.  Licinius  Stolo  a  M.  Popil- 
lio  Laenate  sua  lege  decem  milibus  aeris  est  damnatus,  quod  mille  jugerum 
agri  cum  filio  possideret  emancipandoque  fîliuni  fraitdem  legi  fecisset.  40,  13, 
14,  pour  l'année  456/298  :  plerisque  dies  dicta  ab  aedilibus  quia  plus  guam  quod 
lege  finitum  erat  agri  possiderent.  Autres  preuves,  St.  R.,  2,  494  [Dr.  Publ.  4, 
188].  Le  montant  de  la  peine  était  vraisemblablement  déterminé  dans 
chaque  cas  particulier  par  les  édiles,  en  tenant  compte  naturellement 
de  la  gravité  de  la  contravention  ;  dans  le  passage  de  Gaton  on  peut 
sous-entendre  quantae  pecuniae  aedilis  eum  multaverit. 


172  DROIT   PÉNAL   ROMAIN 

rectemenl  OU  indirectement  UQ  profit  du  sol  public  (1),  et,  d'au- 
tre part,  défend  de  vendre  les  terres  publiques  ou  de  les  affernaer 
pour  plus  d'un  lustre  et  frappe  d'une  amende  de  iOO  sesterces 
par  jugenim  et  par  an  celui  qui  a  usé  à  titre  exclusif  du  sol 
public  (2). 

(847)       Inobservation  des  obligations  qui  incombent  aux  propriétaires 

fonciers. 


Obligations  des      La  propriété  foncière  privée  (3),  que  les  Romains  dans  leurs 
^'7onc^err'  couceptions  jurldlques  rattachent  généralement  à  des  assigna- 
tions de  terres  faites  par  la  cité,  est  légalement  limitée  par 
l'interdiction  et  par  la  prescription  de  certains  actes.  Ces  li- 
mitations donnent  naissance  à  différentes  actions  pénales: 
inierdiciion  de      1.  Pour  écartcr  les  causes  d'incendie,  la  loi  des  XII  Tables 
la  crémation  ^^^^^^  ^^  ^^^^^^  j^^  cadavros  à  l'iutérieur  de  la  ville  (4)  et 
la  fabrication  exigc  Que  le  bùcher  funèbre  soit  établi  au  moins  à  60  pieds  de 

des  briques  i  »     i  i       • 

dans  la  ville,  toutc  habitation  (5).  Cette  défense  s  adresse,  non  pas  exclusi- 
vement, mais  principalement,  au  propriétaire  du  sol.  En  cas 
de  contravention,  le  magistrat  a  sans  doute  recours  à  des 
moyens  de  coercition.  —  Le  droit  municipal  de  Genetiva  défend 
également  de  brûler  les  cadavres  à  l'intérieur  de  la  ville  (6)  et 
d'établir,  dans  la  ville  et  dans  un  rayon  de  cinq  cents  pas,  des 
lieux  de  crémation  ;  il  prescrit  pour  le  cas  d'infraction  une 
amende  de  8.000  sesterces  (7).  Il  prohibe,  en  outre,  l'établisse- 
ment de  grandes  briqueteries  dans  la  ville,  sous  peine,  sem- 
ble-l-il,  de  confiscation  du  terrain  affecté  à  cette  installation  (8). 


(1)  Lex  col.  Gen.,  c.  93. 

(2)  Lex  col.  Gen.,  c.  82. 

(3)  Sous   cette  expression,  nous  comprenons  tant  la  propriété   origi- 
naire des  génies  que  la  propriété  individuelle  d'apparition  plus  récente. 

(4)  Loi  des  XII  Tables,   10,  1  SchôU  [id.  Girard]  =  Cicéron,  De  leg.,  2, 
23,  58.  Paul.  1,  21,  3. 

(5)  Loi  des  XII  Tables   10,  10  Schùll  [10.  9  Girard]  =  Cicéron,  De  leg., 
2,  24,  Cl. 

(G)  Lex  col.  Gen.^  c.  73. 

(7)  Lex  col.  Gen.,  c.  74. 

(8)  Lex  col.  Gen.,  c.  76. 


ABUS    DES    DROITS  173 

2.  Il  n'a  pas  été  interdit  de  tout  temps  d'inhumer  et  d'éta-    inierdicUon 
blir  des  sépultures  dans  les  villes  (1),  mais  la  prohibition  est  ^es  sépultures 
déjà  contenue  pour  Rome  dans  la  loi  des  XII  Tables  (2).  La  dans  les  viiies. 
plupart  des  droits  municipaux  ont  consacré  la  même  règle  et 
Hadrien  l'a  formulée  en  termes  généraux  pour  toutes  les  villes 

de  l'empire  (3).  Quant  à  la  peine  applicable,  elle  a  été,  à  l'o- 
rigine, la  même  qu'en  cas  d'iucinération.  Le  droit  municipal 
de  Genetiva,  en  dehors  de  la  suppression  de  la  sépulture^,  éta- 
blit une  amende  de  8.000  sesterces  au  profit  de  la  caisse 
municipale,  et  donne  pour  la  réclamer  une  action  civile  popu- 
laire (4).  Hadrien  prescrit,  en  dehors  de  la  suppression  de  la 
sépulture  et  de  la  confiscation  du  sol,  une  amende  de  4.000  (848) 
sesterces  au  profit  du  fiscus  (o).  Dans  la  dernière  période,  toute 
infraction  à  cette  règle  est  réprimée  au  criminel  par  voie  de 
procédure  extraordinaire  (6). 

3.  Les  démolitions  de  maisons  dans  les  villes,  lorsqu'elles  Resiriction 
n'ont  pas  lieu  dans  le  but  et  sous  la  garantie  d'une  reconstruc-  deVmoUr 
tien,  font  déjà  sous  la  République  l'objet  de  mesures  léga-  '^^  maisons. 
les  restrictives  de  la  part  des  cités  italiques  en  déclin.  C'est 

ainsi  que  d'après  le  droit  municipal  de  Tarente  de  la  fin  de  la 
République,  d'après  celui  de  Genetiva  du  temps  de  César  et 
d'après  celui  de  Malaca  de  l'époque  de  Domitien,  une  pareille 
démolition  n'est  possible  qu'autant  qu'elle  a  été  approuvée 
par  l'assemblée  municipale  (7).  Sous  Claude,  on  exige  en  Ita- 
lie pour  la  vente  de  maisons  à  démolir  une  autorisation  préa- 

(1)  Cpr.  Marquardt,  Privatallerth.  p.  3G0  [Manuel  Antiq.  Rom.,  XIV,  422J. 
Le  motif  de  cette  prescription  est  sans  doute  d'assurer  la  liberté  de  la 
circulation  dans  la  ville  ;  des  motifs  religieux  ont  difficilement  pu  exer- 
cer une  influence  à  cet  égard  et  les  considérations  sanitaires  n'eussent 
empêché  ni  l'inhumation  des  cendres,  ni  l'établissement  d'un  monument 
funéraire. 

(2)  Loi  des  XII  Tables,  10,  1. 

(3)  Ulpien,  Dig.,  47,  12,  3,  5,  soulève  la  question  de  savoir  si  les  dispo- 
sitions contraires  de  certains  droits  municipaux  ont  été  supprimées  par 
la  constitution  d'Hadrien  et  la  tranche  affirmativement. 

(4)  Lex.  col.  Gen.,  c.  73. 

(5)  Dig.,  il,  12,  3,  o. 

(6)  Paul,  1,  21,  2.  3. 

(7)  Lex  Tarenlini,  1.  32  et  suiv.  Lex  col.  Gen.,  c  73.  Lex  Mulac,  c.  62. 


174 


DROIT    PÉNAL    ROMAIN 


lable  du  Sénat  (1).  Dans  la  dernière  période,  toute  destruction 
de  maison  dans  l'empire  implique  le  consentement  préalable 
d'un  organe  de  l'Empire  :  en  Italie,  du  sénat;  dans  les  provin- 
ces, du  curator  rei  publicac  ou  du  gouverneur  de  province  (2). 
Nous  ne  pouvons  nous  occuper  ici  des  règles  si  souvent  diver- 
gentes que  contiennent  les  divers  statuts  locaux  (3).  La  peine, 
en  cas  de  vente  d'une  maison  à  démolir,  est,  en  général, 
semble-t-il,  outre  l'annulation  du  contrat,  la  punition  du  ven- 
deur par  la  confiscation  de  l'immeuble  au  profit  de  Vaerarium 
et  la  punition  de  l'acheteur  par  une  amende  à  verser  à  Vae- 
rarium et  dont  le  montant  est  égal  au  prix  (4),  D'après  les 
droits  municipaux  de  Tarente  et  de  Geneliva,  le  propriétaire 
doit  payer  à  la  caisse  municipale  une  somme  égale  à  la  valeur 
de  la  maison  démolie  (o).  D'après  le  droit  postérieur,  la  cons- 
(849)  truction  détruite  est  rétablie  aux  frais  du  propriétaire  ;  il  peut 
même  y  avoir  éventuellement  confiscation  du  patrimoine  (6). 
Obligation  des  4.  L'entretien  des  voies  urbaines  et  rurales  non  seulement 
^HverlinT^  incombc  dans  une  large  mesure,  d'après  la  coutume  romaine, 
de  contribuer  ^^x  propriétaires  des  fonds  riverains,  mais  ceux-ci,  lorsqu'ils 


à  l'enlrellea 
des  routes. 


(1)  Sénatus-consalte  Hosidien  de  44/46  et  sénatus-consulte  Volusieii  de 
56  (en  abrégé  :  Dig.,  18,  1.  52)  Bruns,  p.  190  [Girard,  p.  124]. 

(2)  Dig.,  1,  18,  7.  39,  2,  46.  Cod.,  8,  10,  3. 

(3)  J'ai  trailé  ces  dispositions  en  détail  dans  mes  commentaires  sur  le 
droit  municipal  de  Malaca  p.  480  et  sur  celui  de  Genevita,  Eph.  epigr.,  3, 
p.  111.  Il  faut  également  mentionner  ici  la  faculté  accordée  d'acquérir 
])ar  occupation  en  les  reconstruisant  les  terrains  de  la  capitale  aban- 
donnés par  leurs  propriétaires  (Suétone,  Vesp.,  8). 

(4)  Le  prix  lui-même  est  rendu  à  l'aclieteur  par  le  vendeur  {Dig.,  18,  1, 
52);  la  confiscation  n'est  pas  expressément  indiquée,  mais  elle  doit  cire 
admise;  car  sans  elle  le  vendeur  demeurerait  impuni.  En  outre,  la  con- 
travention doit  faire  l'objet  d'un  ra|)port  au  sénat  (idicjue  de  eo  nihilomi- 
nus  ad  senalum  re ferretur)  ;  la  possibilité  d'une  plus  grande  répression  est 
donc  réservée. 

(3)  L'action  établie  par  le  droit  municipal  de  Genetiva  est  donnée  au 
quanti  ea  res  est  et  celle  du  droit  municipal  de  Tarente  au  quanti  id  aedi- 
ficium  fuerit.  Dans  ce  dernier  cas,  la  moitié  du  montant  de  la  condamna- 
lion  doit  être  utilisée  au  profit  de  la  caisse  municipale,  l'autre  moitié 
pour  des  jeux;  il  n'est  donc  pas  question  ici  de  rccon.structioii. 

(6)  Telle  est  la  solution  qu'imi)liquent  en  substance  les  textes  cités 
n  2. 


ABUS    DES   DROITS  175 

manquent  à  celte  obligation,  ont  fréquemment  à  acquitter,  en 
dehors  de  l'indemnité  du  préjudice,  un  supplément  qui  a  le  ca- 
ractère d'une  peine  (1). 

3.  Usure. 

La  faculté,  dont  le  créancier  jouit  logiquement  en  droit,  usure. 
de  fixer  à  son  gré  les  conditions  du  prêt,  a  été,  à  raison  des 
abus  qu'elle  entraînait,  restreinte  par  la  limitation  du  taux  de 
l'intérêt,  opérée  pour  la  première  fois  par  la  loi  des  XII  Ta- 
bles (2),  croyons-nous,  puis  par  d'autres  lois;  la  perception 
d'intérêts  a  même  été  pendant  un  certain  temps  complète- 
ment prohibée.  L'exposé  de  ces  lois  appartient  à  la  théorie  du 
patrimoine  ;  ici,  nous  n'avons  à  nous  occuper  que  de  la  répres- 
sion pénale  des  contraventions  h  ces  lois.  Celte  répression  se 
présente  d'abord  sous  une  double  forme  :  ou  bien  le  magistrat 
intervient  contre  l'usurier  par  voie  de  procédure  édilicienne- 
comitiale  et  lui  inflige  une  limita  grave,  ce  qui  n'a  vraisem- 
blablement lieu  que  dans  les  cas  présentant  un  danger  spécial 
pour  la  communauté  (3)  ;  ou  bien  l'on  donne  contre  l'usurier  à 
toute  personne  qui  se  présente  une  action  pénale  privée  au  qua- 


(1)  D'après  la  lex  Julia  municlpalis ,  1.  32  et  sv.,  lorsqu'un  propriétaire 
riverain  a  négligé  d'entretenir  la  partie  de  la  route  dont  le  soin  lui  in- 
combe, le  travail  à  faire  est  donné  à  forfait  par  l'édile  compétent  et  l'en- 
trepreneur a,  si  le  propriétaire  riverain  ne  lui  paie  pas  dans  le  délai  de 
30  jours  le  prix  du  forfait,  contre  celui-ci  une  action  semblable  à  celle 
qu'il  aurait  à  raison  d'une  créance  de  prêt  et  qui  contient  en  plus  un 
supplément  de  la  moitié  de  la  somme  due.  La  contravention  elle-même 
est  donc  établie  par  voie  de  procédure  administrative.  En  cas  de  dom- 
mage ou  de  péril  résultant  pour  les  voies  urbaines  de  constructions  rive- 
raines, les  magistrats  compétents  (vraisemblablement  les  lUIcirl  viarum 
curandarum  de  la  ville  de  Rome:  St.  R.,  2,  603  [Dr.  publ.,  4,  312j)  inter- 
viennent d'après  hig.,  43,  10,  1,  1.  ^2.  par  voie  de  muUae  dicliu,  c'est-à- 
dire  par  voie  de  coercition.  Ces  remarques  suffisent  pour  le  droit  pénal; 
la  question  ne  peut  être  complètement  étudiée  qu'à  propos  du  régime  des 
routes. 

(2)  Loi  des  XII  Tables,  8,  18  Scholl  [id.  Girard]  rr  Tacite,  Atin.,  G,  16. 

(3)  Les  Annales  qui  nous  sont  parvenues  mentionnent  la  prononcia- 
tion d'une  viulla  par  les  édiles  contre  des  feneratores  pour  la  première 
fois  en  410/344  (Tite-Live,  7,  28)  et  pour  la  dernière  fois  en  562/ 19i  (Tite- 
Live,  35.  41).  St.  R.,  2,  493  [Dr.  publ.,  4,   187]. 


176  DROIT  PÉNAL  ROMAIN 

druple  des  intérêts  iDJustement  perçus  (1),  auquel  cas  le  de- 
(8o0)  mandeur  acquiert  au  moins  une  partie  des  amendes.  Celte  ac- 
tion était  naturellement  donnée  à  celui  qui  était  le  plus  lésé 
par  l'acte  d'usure,  et  elle  lui  était  accordée  de  préférence  en  cas 
de  concours  de  plusieurs  demandeurs;  nous  ne  savons  pas  ce 
qui  advenait  lorsqu'un  autre  l'avait  devancé.  Apparemment, 
comme  nous  l'avons  déjà  fait  remarquer  (I  p.  208),  cette  action, 
une  fois  organisée  par  le  préteur,  venait  pour  recevoir  sa  solu- 
tion non  pas  devant  des  jurés  nommés  pour  chaque  cas  parti- 
culier, mais  devant  les  triumvirs  nommés  dans  les  formes  ap- 
plicables aux  magistrats  et  soumis  à  la  règle  de  l'annuité  qui 
régit  les  magistratures.  L'exercice  par  profession  de  cette  ac- 
tion et  d'actions  semblables,  c'est-à-dire  la  quadruplatio,  doit 
avoir  été,  au  début  de  la  République  et  jusqu'au  milieu  du 
sixième  siècle  de  la  fondation  de  Rome  (2),  d'une  importance 
considérable;  à  l'époque  postérieure,  mieux  connue  de  nous, 
celte  institution,  sans  doute  par  suite  des  abus  qu'elle  a  pro- 
voqués, a  été  supprimée  (3)  et  remplacée  par  une  action  en 
répétition,  rigoureuse,  mais  limitée  au  simple  des  intérêts  in- 
dûment perçus  (4).  Le  dictateur  César  paraît  avoir  ordonné 
la  répression  criminelle  de  l'usure  par  voie  de  procédure  de 


(1)  Gaton,  De  r.  ?•.  3  a  :  majores  nostri  sic  haôuerunt  et  in  legibus  posuerunt 
furem  diipli  condemnari,  feneratorem  qiiadrupli  .  Festus,  Ep.,  p.  259  :  qîiU' 
druplatores  dicebantur,  qui  eo  qwieshi  se  tuebantur,  ut  cas  res  persequerenlur, 
quarum  ex  lefjibus  quadrupli  erat  aclio.  Le  scoliaste  sur  les  Yerr.,  Div., 
1,  2i,  p.  IJO  (cpr.  1.  2,  1,  21  p.  208)  donne  du  mot,  à  côté  d'une  explica- 
tion impossible,  l'explication  suivante  qui  paraît  puisée  à  bonne  source  : 
alii  dicunl  quadrnplalores  esse  eoram  reorum  accusalores,  qui  convicii  qua- 
drupli damnari  soleunt,  aut  (mieux  ut)  aleae  aut  pccuniae  gravioribus  usu- 
ris  feneralae  quam  pro[plcr  le/jes  licet]  aut  ejusmodi  aliorum  criminum. 

(2)  La  mention  du  quadruplalor  chez  Plante  (III  p.  178  n.  i)  montre  qu'à 
l'époque  de  ce   dernier  ces  peines  de  l'usure  étaient  encore  on  vigueur. 

,  (3)  Telle  est  la  conclusion  à  laquelle  conduit  le  fait  que  Cicéron  (Divin, 
in  Ca<;c.,  7,  24.  21,  69  et  ailleurs)  et  les  écrivains  postérieurs  emploient  ce 
mot  dans  un  mauvais  sens,  analogue  à  celui  qui  s'attache  au  terme  ré- 
cent de  delalor. 

(4)  Gaius,  4,  23  :  lex  Marcia  (constiluit  actionem)  advcrsus  feneralores,  ut  si 
usuras  exeqissenl,  de  his  reddendis  per  manus  injectionem  cum  eis  ageretur. 
On  ne  peut  déterminer  l'époque  de  cette  loi,  peut-être  cette  action  a-t-elle 
pris  la  place  de  la  quadruplaiio  pour  cause  d'usure. 


ABUS    DES    DROITS  177 

qiiaestio  et  celle-ci  a  certainement  fonctionné  en  pareille  ma- 
tière sous  les  premiers  empereurs  (1).  Peut-être  la  qiiaestio 
pour  accaparement  de  grains,  dont  il  sera  question  dans  le 
paragraphe   suivant,  a-t-elle  statué  aussi   sur  l'usure.  Il  est 
probable  que  la  peine  dépassait  l'indemnité  du  simple,  mais 
nous  n'en  avons  aucune  preuve.  —  La  répression  criminelle 
de  l'usure  a  vraisemblablement  été  abolie  ou  est  tombée  en  dé- 
suétude peu  de  temps  après.  La  limitation  du  taux  de  l'intérêt      (851) 
subsiste  alors,  mais  toute  contravention  à  cette  règle  donne 
seulement  au  débiteur  le  droit  de  déduire  du  capital  le  mon- 
tant des  intérêts  illégalement  payés  et  éventuellement  de  ré- 
clamer le  surplus  ;  abstraction  faite  de  l'infamie  qui  atteint  l'u- 
surier (2),  celui-ci  n'est  soumis,  d'après  les  lois  de  l'Empire,  ni 
à  une  action  civile  à  un  multiple  (3),  ni  à  une  répression  cri- 
minelle, bien  que  parfois  dans  des  cas  graves  l'empereur  ait 
renvoyé  au  préfet  de  la  Ville  une  plainte  déposée  contre  un 
usurier  (4).  Le  tout  puissant  capital  a  donc  su  se  créer  libre 
carrière  dans  la  Rome  impériale. 

4.  Accaparement  de  céréales  et  autres  marchandises. 

Les  renseignements  que  nous  possédons  sur  l'accaparemeat 
de  céréales  et  plus  généralement  sur  l'accaparement  de  mar- 
chandises (o)  ne  sont  pas  nombreux.  A  propos  du  commerce  en 


(1)  Tacite,  Ann.,  6,  16  :  magna  vis  accusatorum  in  eos  inrupit,  qui  pecunias 
fenore  aucUtahant  adversum  legem  diclatoris  Caesaris,  qiia  de  modo  credendi 
possidendique  intra  Italiam  cavelur  omissam  olim...  sed  tum  Gracchus  praetor, 
cui  ea  queslio  evenerat  (le  tirage  au  sort  s'appliquait  donc  dans  ce  cas) 
multitudine  pericUlantium  subactus  reltulit  ad  senalum.  Nous  ne  savons  rien 
de  plus  précis  à  cet  égard. 

(2)  Dioctétien,  Cod.,  2,  11,  20. 

(3)  Théodose  I.  établissait  pour  le  cas  où  le  taux  légal  des  intérêts  avait 
été  dépassé  une  action  au  quadruple  {Cod.  Th  ,  2,  33,  2)  ;  mais  Justinien 
n'a  pas  admis  cette  constitution  dans  son  Code. 

(4)  Hadrien  (Dosithée,  sent.  Hadriani,  5)  répond  à  une  plainte  de  ce 
genre  :  vir  clarissimus  praefeclite  meus  (donc  le  préfet  de  la  ville)  de  ea  re 
exculiet  et  renuntiahitmihi. 

(a)  Le  pi-aefectus  annonae  est  qualifié  chez  Dion,  52,  24  giï\  to-j  cyÎToy  Tf|; 
TE  àyopâç  •:•?,;  >vOtTif,ç.  De  même,  l'activité  des  dardanarii  ne  se  restreint  nul- 
lement au  commerce  des  grains  (III  p.  178  n.  3). 

Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  12 


178  DROIT   PÉNAL   ROMAIN 

gros  des  céréales  nous  trouvons  des  allusions  à  des  entraves  mi- 
ses à  l'importation  de  grains  (i)  et  à  la  formation  de  sociétés 
pour  provoquer  une  hausse  des  prix  (2);  nous  connaissons 
aussi  la  mauvaise  réputation  des  intermédiaires  qui  s'occupent 
de  la  vente  de  marchandises  de  toutes  sortes,,  mais  surtout  de 
denrées,  et  qu'on  appelle  dans  la  dernière  période,  nous  igno- 
rons pourquoi,  dardanarii  (3).  Sous  la  République,  la  procé- 
dure édilicienne-comitiale  d'amende  est  appliquée  contre  l'ac- 
capareur aussi  bien  que  contre  l'usurier  (4).  Puis,  une  loi  Julia 
(852)  contre  l'accaparement,  datant  vraisemblablement  du  dicta- 
teur César  (5),  a  établi,  pour  les  procès  criminels  d'accapare- 
ment et  probablement  aussi  pour  les  faits  d'usure  (III  p.  176), 
une  qnaestio  spéciale  (6),  qui  garda  sa  place  dans  la  liste 
des  jiidicia  piiblica  jusque  dans  la  législation  de  Justinien. 
Nous  no  savons  pas  si  la  présidence  de  cette  qnaestio  était 
confiée  à  un  préteur  spécial,   ni  quelles  autres  règles  furent 


(1)  Dig.,  48,  12,  2,  1.  2. 

(2)  Plaute,  n.  4.  Dig.,  48,  12,  2,  pr.  Des  constitutions  générales  ont  été 
rendues  contre  les  sociétés  d'accaparement  et  les  monopoles  par  Léon  et 
Zenon,  Cod.,  4,  59. 

(3)  Nous  ne  rencontrons  le  terme  dardanarii  que  dans  les  ouvrages  juri- 
diques (Ulpien,  Dig.,  47,  11,  6,  pr.  ;  Paul,  Dig.,  48,  19,  37)  et  dans  les  glo- 
ses, où  les  gloses  latines-grecques  (Gôtz,  2,  p.  37)  expliquent  dardanarius 
par  TtavTOTvwXT);,  iTavTO(j.eTâ6o),o;,  <7:ToxâTrr|),o;  et  les  gloses  gréco-latines  (Gôtz, 
2,  p.  368)  rendent  |ji£Tâ6oAo;  par  dardanarius,  cociona/or  (plutôt  cocio  ou  cuc- 
tio).  arillator.  Ces  deux  dernières  expressions  correspondent  à  peu  près, 
selon  Festus,  Ep.,  p.  20.  51,  à  notre  revendeur.  Cette  signification  générale 
s'accorde  avec  ce  fait  que  la  principale  cause  de  la  punition  des  dardanarii 
est  l'emploi  de  fausses  mesures  {l^ig.,  48,  19,  37)  et  avec  la  prescription 
dirigée  contre  les  intermédiaires,  ne  dardanarii  ullius  viercis  sint  {Dig., 
47,  11,  6,  pr.) 

(4)  Plaute,  Capl.,  3,  1,  32  zr  492,  mentionne  la  loi  pénale  sur  laquelle 
repose  cette  répression  :  nunc  barharica  lege  ceriumst  jus  meum  omnc  perse- 
gui  ;  qui  concilium  inire,  quo  nos  viclu  et  vita  prohibeant,  is  diem  dicam,  irro- 
gabo  mullam,  ut  77ii/ii  renas  decem  meo  arbilratii  dent,  cum  cara  annona  sit. 
Tite-Live,  38,  35  mentionne  pour  l'année  505/189  une  condamnation  de  ce 
genre  ob  annonam  compressam.  Une  certaine  connexité  doit  exister  entre 
cette  répression  et  le  fait  que  l'action  de  la  loi  des  XII  Tables  pour  in- 
cantation des  récoltes  (III  p.  81  n.  2)  est  intentée  par  un  édile. 

(5)  Lex  Julia  de  annona.  Dig.,  48,  1,  1.  tit.  12.  Insl.,  4,  18,  11. 

(6)  En  vertu  de  cette  loi  Dig.,  48.  2,  13,  tandis  que  les  dardanarii  sont 
punis  par  voie  extraordinaire  Dig.,  47,  11,  G.  48,  19,  37. 


ABUS    DES    DIlOITS  179 

appliquées  à  cette  procédure.  Celle-ci  n'a  vraisemblablement 
pas  tardé  à  être  supplantée  par  l'administration  impériale 
de  la  justice.  Auguste  a  pris  en  mains  le  service  des  céréales 
de  la  capitale,   et,   après  avoir  supprimé  les  fonctionnaires 
sénatoriaux  qu'il  avait  au  début  utilisés  dans  ce  but,  il  trans- 
porta dans  les  dernières  années  de  son  gouvernement  la  direc- 
tion de  ce  service  à  un  représentant  pris  dans  l'ordre  équestre, 
auquel  il  délégua  lajuridiction  impériale  tant  pour  les  procès 
civils  que  pour  les  actions  pénales  (1);  dans  les  provinces,  au 
contraire,  la  haute  surveillance  sur  ce  service  appartint  au 
gouverneur  (2).  C'est  devant  ce  mandataire  impérial  pour  le  ser- 
vice des  céréales  dans  la  capitale  que  furent  portées  les  dénon- 
ciations de  contraventions  à  la  législation  romaine  en  cette 
matière,  et,  par  considération  pour  l'intérêt  public,  on  permit 
aux  soldats,   aux  femmes  et  aux  esclaves  de  faire  ces  dénon- 
ciations (3);  la  procédure  a  dû  être  la  môme  que  pour  les  dé- 
nonciations portées  devant  le  préfet  de  la  Ville.  La  peine  varia 
suivant  la  nature  de  la  contravention;  en  général,  elle  fut  pour 
les  personnes  de  condition  élevée  l'interdiction  de   leur  com- 
merce ou  la  relégation,  pour  les  petites  gens  celle  des  travaux       » 
forcés  (4);  on  infligea  aussi  des  amendes  (5)  et  même  la  peine 
capitale  (6). 

5.  Abus  de  la  liberté  de  l'industrie  et  du  commerce.  (853) 

Les  mesures  restrictives  prises  par  l'Etat  au  regard  de  Pin-      Fraudes 
dustrie  et  du  commerce,  telles  que  l'établissement  de  monopo- 
les et  de  douanes,  les  défenses  d'importation  et  d'exportation, 
la  fixation  d'un  maximum  pour  le  prix  des  marchandises  n'ap- 


(1)  I  p.  321.  Diçi.,  48,  2,  13.  tit.  12,  3,  1. 

(2)  Dig.,  47,  11,  (j,  pr. 

(3)  Dig.,  48,  2,  13.  tit.  12,  1,  7>r.  1.  3,  1. 

(4)  Dir).,  47.  11,  6,  pr. 

(5)  Amende  do  2000  sesterces  dans  le  cas  où  l'on  a  retenu  dos  vaisseaux 
chargés  de  céréales  :  Dig.,  48,  12,  2,  1.  2. 

(6)  A  l'époque   de  Constantin,  le   praefectus  amionaé  a    eu  pendant  un 
certain  temps  la  juridiction  capitale  (I  p.  321  n.  3). 


180  DROIT    PENAL    ROMAIN 

partiennent  pas  en  principe  au  droit  pénal.  Les  contraventions 
relèvent  des  autorités  financières,  non  des  tribunaux,  et  les 
peines  sont  réglées  en  conséquence  ;  seule,  l'exportation  de  mar- 
chandises qui  peut  être  considérée  comme  assistance  prêtée  à 
l'ennemi  rentre  dans  la  notion  de  crime  d'Etat  (II  p.  240  n.  5). 
Mais,  au  cours  de  la  dernière  période,  dans  l'effondrement  gé- 
néral de  toutes  les  barrières  légales,  celle  qui  séparait  les  pei- 
nes d'ordre  financier  et  les  peines  criminelles  disparut.  Dio- 
clétien  fixa  en  l'année  301  un  maximum  de  prix  pour  toutes 
les  marchandises  et  le  travail  et  en  ordonna  l'observation 
sous  peine  de  mort;  bien  du  sang  fut  répandu  au  nom  de 
cette  loi  avant  qu'on  reconnut  dix  ans  plus  tard  qu'elle  était 
inapplicable  (1).  Dans  la  réglementation  du  commerce  inter- 
national entre  les  Romains  et  les  Perses,  on  frappa  toute  con- 
travention de  la  confiscation  du  patrimoine  et  du  bannisse- 
ment à  perpétuité  {2).  11  suffit  de  mentionner  ici  ces  délits 
qu'on  a  fait  rentrer  tard  et  par  abus  dans  le  droit  pénal. 

6.  Abus  qu'une  personne  fait  de  son  état. 

Tandis  que  d'après  le  droit  de  l'époque  républicaine  l'état 
d'une  personne,  juridiquement  établi,  ne  peut  être  détruit 
que  par  une  condamnation  criminelle  entraînant  la  perie  de 
la  liberté,  les  lois  du  Principat  enlèvent  par  voie  d'action  dé- 
licluelle  privée  l'ingénuité  ou  la  liberté  dans  une  série  de  cas 
qu'il  n'est  pas  possible  de  désigner  comme  crimes  capitaux, 
mais  qu'on  caractérise  assez  bien  quand  on  les  présente  comme 
abus  qu'une  personne  fait  de  son  état.  Ces  cas  sont  les  sui- 
vants : 
Perte  de uberié      1.  Lorsquc  l'aCfranchi  pérégrinde  condition  infime  {dediticio- 

pour  infracUon 

à  une 

inter.liclion 

de  séîour 

(1)  L'inlit  (2,  19)  menace  rie  la  i)eine  capitale  l'acheteur  connue  le  ven- 
deur. Sur  les  suites  do  cet  ûdit  et  son  abolition  cpr.  Lactance,  De  mort, 
per.fec.  7,  6.  7  (ouvraj^'e  écrit  après  313). 

(2)  Cod.,i.  63,  4.  6.  Cpr.  d'une  manière  générale  sur  les  réglementations 
qui  ont  eu  lieu  à  cet  égard  ;  Murquardt,  Uandb.,  1,  563.  2,  271  [Manuel 
Antiq.  Rom.,  t.  9  p.  594;  t.  10  p.  342]. 


ABUS    DES    DROITS 


181 


(Soi) 


pour 

participalion 

à  une  veule 

dolosive. 


rum  numéro)  manque  à  l'obligation  qui  lui  est  imposée  par  la 
loi  Aelia  Sentia  de  l'an  4  ap.  J.  G.  de  ne  pas  séjourner  à  Rome 
ou  dans  un  rayon  de  100  milles  autour  de  Rome,  il  est  réduit 
en  esclavage  et  vendu  avec  son  patrimoine  au  nom  de  la  com- 
munauté, et  si,  dans  la  suite,  il  est  de  nouveau  affranchi,  il  de- 
vient servus  puhlicus  (1).  De  même,  lorsqu'un  esclave  a  été 
aliéné  sous  la  condition  de  ne  pas  séjourner  en  un  lieu  déter- 
miné et  qu'il  pénètre  ensuite  dans  ce  lieu  comme  affranchi, 
il  est,  du  moins  d'après  le  droit  postérieur,  privé  de  la  liberté 
au  proGt  du  fiscus  et  est  vendu  par  celui-ci  avec  interdiction 
de  l'affranchir  (2). 

2.  L'homme  libre,,  âgé  de  plus  de  vingt  ans,  qui  simulant  Perte  de  iiben 
l'esclavage,  se  laisse  vendre  comme  esclave  par  un  tiers  pour 
obtenir  après  recouvrement  de  la  liberté  une  partie  du  prix  (3) 
ou  pour  se  procurer  une  position  qui  n'est  accessible  qu'à  un 
esclave  (4),  se  voit  refuser  en  vertu  d'un  sénatu<;-consulte,  du 

temps  de  Claude  (5)  semble-t-il,  l'action  en  réclamation  de  li- 
berté qui  compète  à  tout  homme  libre,  tenu  à  tort  pour  es- 
clave, de  telle  façon  qu'il  demeure  esclave  de  son  acheteur. 

3.  En  vertu  d'un  sénatus-consulte  rendu  sous  Claude  en  l'an     Perte  de 

ii"£\  //->\     11'         '  'â  •  1     «•  •  •  liberté  pour 

52  (b),  1  ingénue,  citoyenne  romaine  ou  latine,  qui,  en  connais-    concubinai 

d'une  femme 
libre  avec 

(1)  Gaius,  1.  27;  cpr.  1,  160.  "°  ^''"*^«- 

(2)  Papinien,  Vat.  fr.,6  :  mulier  servam  ea  lege  vendidit,  ut,  si  redisset  in 
eam  civitatem,  iinde  placuit  exportari,  manus  injectio  esset  .  .  post  mnmimis- 
sionem  .  .  si  redierit,  in  perpeluam  servitutem  sub  eadem  lege  publics  distraite- 
fur.  Sept.  Sévère,  Cod.,  4,  55,  i.  2.  Alex.  Sévère.  Cod.,  4,  55,  3. 

(3)  Pomponius,  Dig.,  40,  13,  3  :  eis  qui  se  passi  sint,venive,  ad  liber latem 
proclamandi  licentiam  deneqari.  Dig.,  1,  5,  21.  28,  3,  6,  5.  Cod.,  7,  16,  5,  1. 
tit.  18,  1.  Inst..  1,  3,  4.  tit.  16,  !.  Commis  par  un  soldat,  ce  crime  est  capi- 
tal :  Dig.,  48,  19,  14. 

(4)  Par  exemple,  si  la  simulation  a  lieu  })Our  acquérir  la  position,  inac- 
cessible aux  personnes  libres,  à'aclor  d'un  poiens  :  Dig  ,  28,  3,  fi,  a. 

(o)  L'inscription  de  Dig.,  40,  13,  5  et  le  renvoi  à  des  sénatus-consultes 
parlent  en  faveur  de  cette  opinion.  Le  Quinlus  meus,  dont  Paul,  Dig.,  40, 
12,  23,  p?'.  cite  ici  l'opinion,  ne  doit  pas  être  modifié  en  Quintus  Mucius, 
mais  doit  être  entendu  comme  visant  Q.  Cervidius  Scaevola,  que  Paul 
dans  les  autres  passages  de  ses  écrits  appelle  Scaevola  nosier. 

(G)  Tacite,  Ann.,  12,  53  (III  p.  182  n.  6).  Lorsque  Suétone,  Vesp.,  11  attri- 
bue cette  mesure  à  Vespasien,  il  vise  sans  doute  un  renouvellement  de 
la  prescription.  Nous  n'avons  indiqué  ici  que  les  grandes  lignes  de  cette 


183  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

sance  de  cause  ou,  lorsqu'elle  est  en  puissance  paternelle,  avec 
l'agrément  de  son  père  (i),  contracte  avec  l'esclave  d'autrui  (2) 
une  union  de  fait  semblable  au  mariage  et  reste  dans  ces  liens 
(855)  malgré  la  défense  trois  fois  répétée  que  lui  en  fait  le  proprié- 
taire (3),  devient  ordinairement  esclave  de  ce  dernier  (4),  Si 
cette  ingénue  conclut  cette  union  avec  l'agrément  du  maître 
de  l'esclave,  elle  devient  l'affranchie  de  ce  maître  (5).  Il  en  est 
de  même  pour  l'affranchie  qui  s'unit  dans  ces  conditions  à  un 
esclave,  au  su  de  son  patron  ;  si  elle  le  fait  à  l'insu  de  ce  dernier, 
elle  retombe  sous  la  dominica  potestas  de  celui-ci  et  ne  peut 
plus  ôlre  affranchie  (6).  La  servitude  de  la  mère  s'étend  aux 
enfants  issus  de  cette  union  (7).  —  Constantin  a  atténué  les 


institution,  pour  laquelle  il  y  a  eu  de  nombreux  flottemonts  dans  la  lé- 
gislation ;  elle  a  été  traitée  en  détail  par  Mitteis,  Rekhs redit  un d  Vollcsvechl, 
p.  364-372). 

(1)  Paul.,  2,  21  A,  9.  10  cpr.  18. 

(2)  On  ne  considère  pas  comme  esclave  d'autrui  celui  qui  appartient  en 
propre  à  la  femme  (Paul,  2,  21  A,  1),  ni  celui  d'un  de  ses  alTranchis  (Paul, 
2,  21  A,  13),  ni  celui  de  son  fils  (Paul,  2,  21  A,  16),  ni  celui  de  son  patron, 
lorsqu'elle  est  une  affranchie  (Paul,  2,  21  A,  11). 

(3)  Paul,  2,  21  A,  17  :  tribus  denuniiationibus  conventa  etsi  ex  senatus  coii- 
sullo  facta  videatur  ancilla,  domino  tamen  adjudicala  citra  aiicloritalem  in- 
terposai per  praesidem  decreti  non  videtur.  Des  constitutions  postérieures 
exigent  aussi  une  triple  dénonciation.  En  cas  de  contubernium  avec  un 
esclave  municipal  (Paul,  loc.  cit.,  14),  temporairement  aussi  en  cas  de 
contubernium  avec  un  esclave  du  fiscus  (G.  Th.,  4,  11,  6  ;  cpr.  10,  20,  10), 
la  perte  de  liberté  a  lieu  sans  dénonciation  ;  la  constitution  de  331,  C.  Th., 
4,  11,  5  étend  même  ce  régime  à  toutes  les  espèces  de  contubernia. 

(4)  Si  le  livre  syro-romain,  comme  l'expose  Mitteis,  loc.  cit.,  laisse  à  la 
femme  elle-même,  mais  non  à  ses  enfants,  la  liberté,  lorsqu'elle  a  mené- 
avec  un  esclave  la  vie  de  ménage,  non  pas  chez  elle,  mais  dans  la  mai- 
son du  maitro,  il  n'y  a  là  qu'un  développement  de  la  législation  romaine 
en  tant  que  le  fait  de  vivre  dans  la  môme  maison  que  le  maitro  sui)pose 
qu'il  a  donné  son  consentement  à  l'union  sexuelle,  mais  cette  règle  s'é- 
carte cependant  des  solutions  du  droit  romain,  en  tant  ([ue  les  enfants 
de  la  femme  deviennent  ici  esclaves  (cpr.  n.  8). 

(3)  Gaius,  1,  91.  160.  Ulpien,  11,  11.  Tacite.  Ann.,  12,  53  :  refert  ad  patres 
de  poena  feminarum,  quae  servis  conjunç/erentur,  staluiturque,  ut  ignaro  do- 
inino  ad  id  prolapsae  (prolnpso  ms.)  in  servitiile,  sin  consensisset,  pro  libertis 
habo'vntur.  Cette  dernière  clause  n'est  pas  mentionnée  ailleurs,  il  n'y  a 
pas  lieu  d'y  apporter  la  modilication  ja/'o  liberis. 

(6)  Paul.  loc.  cit.,  6.  1. 

(7)  D'après  le  sénatus-consulte  de  Claude,  les  enfants  sont  esclaves, 
même  si  la  mère  reste  li))re  à  raison  de  l'agrément  donné  par  le  maître 


ment  pour 

cause 

d'ingratitude. 


ABUS    DES   DROITS  183 

sanctions  du  droit  pour  le  contubernium  d'une  ingénue  avec 
un  esclave  impérial  (1);  Juslinien  a  supprimé  ce  cas  de  perte 
de  liberté  (2).  —  Quant  à  la  répression  criminelle  du  contu- 
bernium de  la  femme  libre  avec  son  propre  esclave,  organi- 
sée par  Constantin,  nous  en  avons  parlé  à  propos  des  délits 
sexuels  (II  p.  411). 

4.  L'ancien  droit  a  maintes  fois  tenu  compte,  notamment 
en  matière  d'hérédité  et  pour  l'action  d'injure,  de  l'obligation 
morale  de  reconnaissance  qui  incombe  à  l'affranchi  vis-à-vis  (8o6) 
de  son  ancien  maître,  Auguste  a  également  donné  ou  plutôt  Révocation 
laissé  à  celui  qui  affranchit  le  droit  d'interdire  à  l'affranchi  de 
séjourner  à  Rome  et  aux  environs  de  Rome  (I  p.  18  n,  3). 
Mais  le  droit  romain  ne  connaît,  ni  sous  la  République,  ni  au 
début  de  l'Empire,  la  révocation  d'un  affranchissement  valable 
pour  cause  d'ingratitude.  Les  décisions  contraires,  rendues  par 
l'empereur  Claude  (3),  nepeuvent  pas  être  considérées  comme 
une  application  du  droit  existant  et  une  proposition  en  ce  sens, 
présentée  au  Sénat  sous  Néron,  ne  fut  pas  adoptée  (4).  La  pre- 
mière mesure  de  ce  genre  est  une  constitution  de  l'empereur 
Commode  (5),  d'après  laquelle  l'affranchi,  qui  délaisse  son  pa- 
tron dans  le  besoin,  doit  être  rendu  comme  esclave  à  ce  patron, 
ou  même,  si  cela  est  nécessaire,  vendu  au  profit  de  celui-ci 
par  le  soin  dos  autorités.  Depuis  lors,  le  patron  peut  obtenir, 
pour  cause  d'ingratitude,  la  révocation  de  l'affranchissement 
par  voie  de  cognitio    (6)  d'un  magistrat    statuant  arbitraire- 


aux  relations;  Hadrien  déclare   que  dans  ce   cas  les  enfants  seront  éga- 
lement libres  (Gaius,  1,  84.) 

(1)  C,  Th..  4,  11,  3. 

(2)  C,  J.,  7,  24.  liist.,  3,  12,  1. 

(3)  Marcien,  Dig.,  37,  14,  5  et  Dion  60,  13  rapportent  que  Claude  rendait 
à  lear  ancien  maître  comme  esclaves  les  affranchis  qui  avaient  joué  le 
rôle  de  délateurs  contre  leur  patron,  lorsqu'il  ne  les  punissait  pas  lui- 
même.  C'est  vraisemblablement  à  tort  que  Suétone  généralise,  Claud.,  25: 
{JLiberlinos)  ingralos  et  de  quibus  patroni  quererenlur  revocavit  in  servituiem, 

(4)  Tacite,  An7i.,  13,  26.  27, 

(5)  Dig,.  23,  3.  6,  1, 

(6)  Garacalla,  Cod.,  6,  7,  1  :  extra  ordijiem.  Constantin,  C.  Th.,  4,  10,  1  = 
C.  Jiisl.,  6,  7,  2:  in  judicio  vel  apud  pedaneos  Judices. 


184  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

ment  (1).  Des  constitutions  postérieures  ont  accordé  ce  droit 
aux  héritiers  du  patron  et  contre  les  enfants  de  l'affranchi  (2). 
Révocation  de      5.  L'cufant  émancipé  est  tenu  de  la  même  manière  d'une 
"p'^urcaulT"  obligation  de  reconnaissance  vis-à-vis  de  son  père  et  peut, 
dingratiiude.  (J'après  Ic  droit    postérieur,  être  remis  sous  la  puissance  pa- 
ternelle, s'il  manque  à  cette  obligation  (3). 

7.  Appropriation  d'un  faux  état. 

Tandis  que  l'usurpation  de  parenté  ou  de  rang  a  été  rangée 
(857)  dans  le  délit  de  faux  (II  p.  398),  il  n'en  a  pa^s  été  de  même 
pour  l'appropriation  d'un  faux  état.  L'esclave,  qui  se  pré- 
sente comme  homme  libre,  l'affranchi  qui  se  donne  comme 
ingénu  et  le  pérégrinqui  agit  comme  citoyen  peuvent  être 
replacés  dans  leur  condition  véritable  par  le  particulier  ou  le 
magistrat,  au  regard  duquel  on  invoque  ce  faux  état  ;  mais 
c'est  seulement  dans  une  mesure  restreinte  que  la  procédure 
pénale  ou  une  procédure  analogue  a  été  appliquée  à  de  telles 
usurpations. 
Usurpation  Lorsqu'uu  csclavc  se  soustrait  à  la  puissance  de  son  maître 
et  s'attribue  l'état  d'homme  libre,  on  laisse  au  maître,  s'il 
n'y  a  pas  de  circonstances  aggravantes  (i),  le  soin  de  faire  ren- 
trer l'esclave  sous  sa  puissance,  et,  s'il  lui  plaît,  de  le  punir 
pour  usurpation  de  liberté.  En  même  temps,  l'homme  libre 
qui  a  prêté  son  concours  à  cette  entreprise  de  l'esclave  peut 
être  poursuivi  pour  vol  (III  p.  49)ou  plagium  (III  p.  91).  Cette 

(1)  Ulpien,  Dig.,  4,  1,  6.  40,  9,  30,  pr.  Paul,  Biq..  4,  2.  21,  pr.  50,  16.  70.  pr. 
(où  les  mots  in  lege  Aelia  Sentia  doivent  être  expliqués  à  l'aide  de  l'ins- 
cription du  texte  contenu  aux  Dig.,  40,  2,  lo).  In$/.,  1,  16,  1.  Donat  sur  ïé- 
rence,  Andr.,  i,  1,  13:  secundum  jus,  qiiod  advcrsus  lihrrloa  ingrates  est,  ut 
in  servilutem  reiocentur. 

(2)  Cod.  Th..  4.  10,  2  =  C.  Just.,  6,  1.  3.  C.  Tli.,  4,  10,  3  =  C.  Jitst.,  0,  7.  4. 
Valentinien  III  (i\ov.  24)  a  enlevé  ce  droit  aux  héritiers  du  patron. 

(3)  Constitution  de  Valentinien  J,  C.  r/j.,8,  14,1=  C.Jiist.,  8,  49,  1.  Nous 
n'avons  pas  les  lois  plus  anciennes  sur  lesquelles  s'appuie  la  constitution. 

(4)  Constantin,  Cod.,  6,  1,3:  si  fugitivl  servi  deprehenduntur  ad  barl)aricitm 
trmiseiinles,  aut  pede  ninpuinto  debililentur  aut  métallo  dentiir  nul  qunlibet  alia 
poena  adficianlur.  C'est  un  cas  de  relations  coupal)les  avec  l'ennemi  111 
p.  244. 


de  liberté. 


ABUS   DES    DROITS  185 

répression  a  lieu  sans  aucun  doute  dans  l'intérêt  public  (1)  ; 
une  peine  frappe  quiconque  entrave  les  perquisitions  du  pro- 
priétaire qui,  muni  d'une  légitimation  officielle,  recherche 
son  esclave  (2),  ou  quiconque  n'exhibe  pas  au  propriétaire 
ou  au  magistrat  l'esclave  qui  s'est  réfugié  chez  lui  (3).  Mais 
les  autorités  n'interviennent  qu'exceptionnellement  dans  la 
punition  de  l'esclave  que  le  maître  recouvre  (4^. 

L'aflfranchi,    dont    le    status  pouvait  par  le  praejudicium  usurpation  de 

....  r      ^  ^•  1)        ,        •■  '    1         i  1  •         r  ■  Tingénuilé. 

civil  être  établi  avec  1  autorité  de  la  chose  jugée  au  moms 
entre  les  parties  (5),  encourait-il  une  peine  d'après  le  droit 
de  l'époque  républicaine,  lorsqu'il  usurpait  l'ingénuité  ?  C'est 
une  question  que  nous  devons  laisser  irrésolue.  Celle-ci  se  po- 
sait surtout  lors  des  jeux  publics  en  cas  d'usurpation  de  pla- 
ces réservées  (6).  Sous  Tibère,  une  des  dernières  leges  votées 
par  le  peuple,  la  loi  Yisellia  de  l'an  24  ap.  J.C,  établit  pour  (858) 
réprimer  cette  usurpation  une  procédure  criminelle,  dont  la 
forme  et  la  sanction  pénale  nous  sont  inconnues  (7). 


(t)  Sur  la  punition  de  l'esclave  fugitif  par  le  maître,  ordinairement  par 
des  stigmates  et  souvent  même  plus  sévèrement,  cpr  Marquardt,  Privat- 
altevt.  p.  84  [Manuel  des  Antlq.  Rom.,  XIV,  215-216]. 

(2)  Dig.,  11,  4.  1,  2.  1.  3. 

(3)  Dig.,  11,  4,  1,  pr. 

(4)  Callistrate,  Dig.,  11,  4,  2:  fugilivi  simplices  dominis  reddendi  sunt  ;  sed 
sipro  libero  se  gesserint,  gravius  coerceri  soient.  Cpr.  1  p.  349;  III  p.  51  et  sv. 

(5)  Gaius,  4,  44  cpr.  Inst.,  4,  6,  13. 

(6)  Quintilien,3,  6,  19  parle  de  l'accusation  theatrali  lege  contre  celui  qui 
prend  place  sans  droit  sur  les  bancs  réservés  aux  chevaliers.  Cpr.  l'ins- 
cription provenant  de  l'amphitéàtre  flavien  C.  I.  L.  VI,  32098  a  :. . .  [qu]ib{us) 
in  thealr{o)  lege  pl(ebi)ve  [scito  sedere]  licet  p{edes)  XII. 

(7)  Dioclétien,  Coi.,  9,  21,  1,  (d'après  cette  constitution,  Valens,  Cod.  Th., 
9,  20,  l  ^  C.  Just.,  9,  31,  1):  qui  liber liniis  se  dicil  ingenuum,  tam  de  open's  ci- 
vililer  quam  etiam  lege  Visellia  criminaliter  poterit  perurgueri.  Pour  la  fixa- 
tion de  la  date  de  la  loi,  SI.  H.,  3,  424  [Dr.  publ.,  6,  2,  6].  Le  sénatuscon- 
sulte  romain  promet  en  outre  une  récompense  au  dénonciateur  {Cad., 
7,  20,  2).  Lorsque  l'empereur  Claude  réduisit  au  rang  d'esclaves  de  la 
communauté  des  affranchis  qui  s'étaient  attribués  la  qualité  de  chevaliers 
(Suétone.  Claud.,  25  :  liberlinos,  qui  se  pro  equilibus  Romanis  ge^serant,  publi- 
cavit),  il  fit  un  acte  de  pur  arbitraire.  On  rapporte  que  400  personnes  au- 
raient été  accusées  sur  le  fondement  de  cette  loi  le  même  jour  devant  cet 
empereur.  (Pline,  //.  7i.,  33,  2,  33:  cpr.  St.  R.,  3.424,  n.  4  [Dr.  publ..  6,2,  6, 
n.  4].  Dion,  78,  13  nous  parle  d'une  accusation  du  même  genre  pour  l'é- 
poque de  Septime  Sévère. 


18C  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 


Usurpation  du      L'usurpation  de  beaucoup  la  plus  importante   est  celle  du 


droit  de  cite. 


droit  de  cité.  Bien  que  celte  question  dût  être  fréquemment 
discutée  et  tranchée  dans  des  hypothèses  concrètes  par  voix 
judiciaire  ou  administrative,  il  semble  qu'il  n'y  ait  pas  eu 
dans  le  droit  primitif  pour  la  résoudre  de  procédure  générale 
applicable  dans  tous  les  cas.  Les  plaintes,  que  les  cités  ita- 
liques, alliées  de  Rome,  ne  tardèrent  pas  à  faire  entendre 
sur  l'émigration  de  leurs  sujets  vers  Rome^,  que  ceux-ci  fas- 
sent ou  non  dans  les  conditions  requises  pour  acquérir  la 
qualité  de  citoyen  romain,  provoquèrent  non  seulement  la 
restriction  de  la  liberté  de  migration  et  des  expulsions  fré- 
quentes de  non  citoyens  hors  de  Rome,  elles  conduisirent  aussi 
vraisemblablement  à  une  réglementation  tout  au  moins  ad- 
ministrative de  la  question  d'aptitude  à  devenir  citoyen  ro- 
main (1  ).  Déjà,  au  sixième  siècle  de  la  fondation  de  Rome, 
ceux  qui  affirment  qu'on  les  réclame  ou  les  expulse  à  tort, 
peuvent  porter  leur  plainte  devant  un  préteur  romain  (2).  Au 
siècle  suivant,  sous  l'influence  de  la  procédure  des  quaestiones, 
une  cour  judiciaire  spéciale  fut  établie  pour  l'examen  de  ces 
affaires.  Cette  réforme  fut  vraisemblablement  déjà  réalisée 
par  des  lois  antérieures  à  659/9o  (3);  elle  date  certainement 
au  plus  lard  de  la  loi  Licinia  Mucia  de  cette  année,  qui  en 
ordonnant  l'expulsion  des  non  citoyens  suscita  la  Guerre  So- 
ciale (4),  et  fut  encore  complétée  plus  lard  par  la  loi  propo- 
(859)  sée  en  G89/65  par  le  tribun  de  la  plèbe,  M.  Papius  (3).  Cette 
quaeslio  est  présidée  par  un  préteur,  qui  n'est  probable- 
ment pas  nommé  exclusivement  pour  la  connaissance  de  ces 


(1)  st.  «.,  '2,  139.  3,  637  et  sv.  [Dr.  pubL,  3.  159.  6,  2,  261  et  sv]. 

(2)  Tite  Live,  39,  5.  41,  8.  9  :  quaestio,  qui  ita  non  redissent,  L.  Mummio  prae- 
tori  décréta  est.  4:2,  10;  Val.  Max.,  3,  4,  5. 

(3)  St.  H.  3,  200  [Dr.  publ.  6,  1.  225]. 

(4)  Asconius,  l?i  Cornet.,  p.  67:  cum  sutnma  cupiditate  civifatis  Romanae  lia- 
/ici  popiili  tencrentur  et  o/j  id  mar/ua  pars  eorum  pro  civibus  Romntiis  se  r/ereref, 
nece?s(iria  ter  (Licinia  Mucia)  visa  est,  ut  in  suae  quisquc  civitaiis  j us  rediqeretur . 
Cicéron,  Pro  Halbo,  21,  48:  acerrima  de  civitate  quaestio  le.ge  Liciniaet  Mucia. 
Brut.,  16,  63. 

(5)  Dion,  37,  9.  Cicéron,  De  off.,  3,  11,  47. 


ABUS    DES    DROITS  187 

procès  (1)  ;  la  sentence  est  rendue  par  des  jurés  (2).  Le  rôle 
de  demandeur  est  joué  par  la  communauté  qui  conteste  la  qua- 
lité de  citoyen  romain  (3)  ou  par  quiconque  veut  se  charger 
d'intenter  cette  action  (4)  ;  celui  de  défendeur  appartient  par 
conséquent  à  toute  personne  qui  prétend  avoir  le  droit  de 
cité  romaine.  A  notre  connaissance,  il  n'y  a  pas  de  de- 
mande de  peine  ;  il  est  vraisemblable  que  la  procédure  tend 
à  la  manière  des  praejudicia  du  droit  civil,  à  la  recon- 
naissance ou  à  la  négation  du  droit  de  cité  (5).  La  sentence 
doit  avoir  force  de  chose  jugée  non  seulement  vis-à-vis 
des  parties,  mais  à  l'égard  de  tous  (6).  Cette  procédure 
fonctionne  encore  sous  l'Empire  (7);  mais  nous   savons  qu'à 


(1)  Cicéron,  l'vo  Arcli.,  2,  3:  in  r/uaesiione  légitima  et  in  jiidicio  publico, 
cinn  res  agatur  apud  praeloreni  popuii  Romani.  De  même,  Cicéron,  Pi-o  Balbo, 
23,  57.  28,  63.  D'après  le  membre  de  phrase  dans  le  discours  Pro  Balbo, 
23,  5-:  judices,  qui  hiiic  qiiaestionl  pntefiierunt,  ce  préteur  a  sans  doute  pu 
se  faire  représenter  dans  la  présidence. 

(2)  Les  deux  discours  prononcés  par  Cicéron  dans  des  procès  de  ce  genre 
pour  Archias  et  pour  Balbus  sont  tous  deux  adressés  aux  judices.  Cicéron, 
Ad  Att.,  4,  18,  4  mentionne  un  troisième  procès  de  ce  genre.  —  Le  procès 
(Cicéron,  Pro  Cliientio,  15)  qui  s'élève  relativement  à  la  liberté  des  Mar- 
tiales de  Larinuni  entre  le  représentant  de  ces  derniers  et  la  communauté 
de  Larinumest  une  adsertlo  in  libertalem  et  non  un  conflit  relatif  au  droit 
de  cité.  Cette  dernière  affaire  est  intéressante,  parce  qu'on  y  débattait 
l'importante  question  de  savoir  si  les  hieroduli  nommés  par  une  cité  de 
citoyens  romains  devaient  être  considérés  comme  esclaves,  ainsi  qu'il  en 
était  pour  les  Venerii  romauo-siciliens,  ou  si  l'affectation  d'un  esclave  au 
service  d'un  temple  contenait  affranchissement. 

(3)  Cicéron,  Pro  Balbo,  17,  38.  23,  52  :  Judices  cum  prae  se  ferrent  palamque 
loquerentur,  quid  essenl  lege  Papia  de  M.  Cassio  Mamerlinis  repelentibus  judi- 
caturi,  Mamertini publiée  suscepla  causa  destiterunt. 

(4)  L'accusateur  de  Balbus  agit  contre  la  volonté  de  la  cité  d'origine  de 
l'accusé  (Cicéron,  Pro  Balbo,  17,38);  il  semble  d'ailleurs  que  lui-même  ait 
succombé  dans  un  procès  du  même  genre,  et  que  par  conséquent  il  ne 
soit  pas  citoyen  romain  (c.  14,  32). 

(.5)  Du  moins,  dans  les  procès  que  nous  venons  de  citer,  nous  ne  trou- 
vons pas  de  trace  d'une  peine  proprement  dite;  la  poena  et  le  danger  de 
perdre  le  caput  {Pro  Balbo,  3,  6.  7,  18.  19)  peuvent  très  bien  être  trouvés 
dans  la  négation  du  droit  de  cité  qu'on  prétendait  avoir.  La  cité  d'ori- 
gine, lorsque  la  sentence  lui  était  favorable,  pouvait  difficilement  con- 
traindre le  condamné  à  rentrer  dans  sa  patrie,  mais  les  autorités  romaines 
pouvaient  alors  expulser  l'étranger. 

(6)  Cette  règle  doit  avoir  été  formulée  dans  les  lois  en  question,  bien 
entendu  sous  réserve  du  cas  de  prévarication. 

(7)  Suétone,  Claud.,  13  :  peregrinitatis  reus. 


188  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

celle  époque  il  y  a  aussi  dans  ces  cas  des  condaranalions  pé- 
nale? (1). 

(8G0)  8.  Infractions  aux  lois  de  la  République  sur  les  mœurs. 

Nous  avons  déjà  parlé  de  la  loi  sur  le  proxénélisme,  men- 
tionnée chez  Plaute  (Il  p.  41G  n.  2)  et  de  Tintervention  des 
édiles  en  cas  de  séduction  de  femmes  dl  p.  416)  et  de  pédé- 
rastie (II  p.  431).  L'avorlemcnt  et  la  supposition  de  part 
sont  également,  chez  Plaute,  rapprochés  de  la  quadruplatio  (2), 
et  il  est  bien  possible  qu'il  y  ait  eu  au  début  de  la  République 
des  aclions  pénales  de  ce  genre  pour  de  tels  actes.  Dans  la 
dernière  période  de  la  République,  la  loi  Scantia  fit  rentrer 
la  pédérastie  dans  la  liste  des  délits  proprementdils  (II  p.  431) 
et  on  en  fit  autant  sous  Auguste  pour  l'adultère  et  la  séduction 
d'une  fille  (II  p.  417;.  Ces  délits  ont  été  exposés  à  leur 
place. 

9.  Jeu. 

Jeu.  La  législation  de  la  République  a  réprimé  avec  vigueur  les 

jeux  de  hasard  (3);  toulefois  nous  ne  savons  à  cet  égard  qu'une 
seule  chose:  c'est  que  trois  lois,  les  lois  Titia.  Publicia  et  Cor- 
nélia.  ont  été  rendues  à  ce  sujet  (4)  et  qu'une  loi  de  ce  genre 
était  déjà  en  vigueurau  milieu  du  sixième  siècle  de  la  fondation 
de  Rome  (5).  On  aulorise  l'enjeu  pour  les  luttes  et  celui-ci  peut 
même  être  réclamé  par  une  action,  lorsque  la  promesse  a  été 


(l)Snélone,  C/aiid.,  25:  civilalem  Bomanam  j/surpanles  in  campo  Esquilino 
sectiri  percu!:sit.  Arrien,  Epict.,  3,  21,  41  :  o;  r?,;  'Pw[i.ai!ov  ::o)iT£ia;  Y.t-:ix-lfjZ6\is- 
vo'.  y.o/.âCovrai  T'.xpi»;. 

(3)  Plante,  Truc,  4,  2,  49  =r  762:  poslid  ego  te  mamim  iniciam  guadnipuli 
{quadrupiis  ms.),  venefica,  s^ipposlrlx pueruni,  ego  edepol  jam  lua  probra  ape- 
ribo  omnia. 

(3)  Sur  les  jeux  mêmes  cpr  Marquardt,  PrivalalleHh.,  p.  847  et  sv.  [Ma- 
nuel Anliq.  r.om.,  XV,  o21  et  sv.], 

H)  Dig..  11.  ."i,  3. 

(5)  Plaute,  Mil.,  2,  2.  D  r:  164  le  vieillard  exige  un  conviciitm  xine  talis,  ut 
ne  legi  fraudem  faciatil  aleariue  (ainsi  le  ms.  de  la  Inltliolhcque  Ambroi- 
sienne,  autres  ms.  :  lalariae.) 


ABUS    DES    DROITS  189 

faite  dans  les  formes  du  droit  civil  (i).  En  dehors  delà,  les  jeux 
avec  mise  {aléa)  sont  défendus  (2)  et  la  dette  de  jeu  n'est 
sanctionnée  par  aucune  action;  la  répétition  est  même  per-  (861) 
mise,  lorsque  le  demandeur  n'est  pas  complice  du  jeu,  donc 
notamment  lorsqu'il  s'agit  de  pertes  faites  au  jeu  par  des  fils 
de  famille  et  des  esclaves  (3).  Les  magistrats,  surtout  les 
édiles,  ont  réprimé  les  jeux  de  hasard  par  voie  de  coercition  (4), 
ceux-ci  ont  également  donné  lieu  parfois  à  une  procédure  pé- 
nale proprement  dite.  A  vrai  dire,  on  ne  peut  pas  prouver  que 
la  quadruplatio  se  soit  appliquée  dans  ce  cas  (3)  et  nous  ne 
savons  pas  s'il  y  a  eu  des  amendes  coraitiales  infligées  pour  ce 
délit;  en  tout  cas,  il  y  a  eu  dans  les  derniers  temps  de  la  Ré- 
publique sous  une  forme  quelconque  une  procédure  pénale  pos- 
sible contre  la  pratique  de  jeux  défendus  et  conduisaut  vraisem- 
blablement au  bannissement(6).  Pour  l'époque  impériale,  nous 
no  trouvons  pas,  si  nous  faisons  abstraction  do  mesures  pri- 
ses au  regard  des  clercs  (7),  de  preuve  établissant  avec  certi- 


(1)  Dig„  It,  5,  2,  1.  1.  3  :  Senatus  consultum  vetuit  in  pecuniam  ludcve,  prae- 
terquam  si  quis  certet  hasta  vel  pilo  jaciendo  vel  currendo  saliendo  luclando 
pugnando  quod  virtutis  causa  fiât,  in  quibus  rébus  ex  lege  Titia  et  Fublicia  et 
Cornelia  eliam  sponsionem  facere  licet  ;  sed  ex  aliis,  ubi  pro  virtule  certamen 
non  fit,  non  Ucjt.  Les  jeux,  pour  lesquels  Justinien  [Cod.,  3,  43,  1)  permet 
l'enjeu  (réduit,  il  est  vrai,  à  un  soUdits)  à  savoir  le  (xovôêoAov  =r  Spôixoç,, 
c'est-à-dire  la  course  et  quatre  autres  jeux,  sont  tous  du  même  genre. 

{i)  L'alea  correspond  dans  l'usage  du  langage  à  notre  jeu  de  hasard, 
mais  embrasse  juridiquement  tout  jeu  avec  mise  qui  est  défendu,  même 
lorsque  le  gain  dépend  de  l'adresse  du  joueur.  Elle  est  souvent  mentionnée 
comme  acte  défendu,  ainsi  chez  Horace,  Od.,  3,  -''t,  58  et  Suétone,  Aug.,  71. 

(3)  Dig.,  11,  5,  4.  Justinien,  Cod.,  3,  43,  1  permet  la  répétition  d'une  ma- 
nière générale. 

(4)  Martial,  5,  84.  14,  1.  Il  est  surprenant  que  l'édit  du  préteur  ait  me- 
nacé de  la  coercition  —  amende  ou  emprisonnement  —  ceux  qui  exerce- 
raient une  contrainte  pour  forcer  à  prendre  part  à  un  jeu  de  hasard 
[Dig.,  11,  5,  d,  4);  car  la  connaissance  de  ces  affaires  rentre  dans  la  com- 
pétence de  l'édile  et  non  dans  celle  du  préteur  urbain. 

(5)  Le  témoignage  du  scoliaste  des  Verrines  (III  p.  170  n.  1.)  n'est  pas 
d'une  valeur  absolue. 

(6)  La  restitution  accordée  par  Antoine  à  Licinius  Denticula,  condamné 
pour  cause  à'alea  (Gicéron,  PhiL,  2,  23,  56  et  d'après  lui  Dion,  45,  47)  ne 
peut  guère  s'expliquer  qu'à  la  condition  de  supposer  que  la  peine  avait 
consisté  dans  l'exil. 

(7)  Nov.  123,  10  :  suspension  de  3  ans. 


190  DROIT  PÉNAL  ROMAIN 

tude   qu'on  ait  intligé   en   cette  matière  des  peines   criminel- 
les (1). 

10.  Divination. 
Divination        La  peclierche  des  choses  futures  ou  encore  cachées  (2)  par 

punissable.        ,  .  i  ,  ^      i  •  i       j  •     • 

des  moyens  qui  ne  sont  pas  naturels,  c  est-a-dire  Ja  divina- 
tion, est  pratiquée  par  les  Romains  pour  l'administration  des 
affaires  de  l'Etat  et  la  conduite  de  leur  vie  privée  et  apparaît 
chez  eux  sous  les  formes  les  plus  diverses.  Pour  les  affaires 
publiques,  il  est  d'usage,  avant  d'entreprendre  un  acte,  de  s'in- 
former, s'il  doit  être  profitable  ou  non  ;  souvent  aussi  un  si- 
gne des  dieux  met  en  garde  contre  un  danger  menaçant  et 
évitable.  Ici,  la  divination  apparaît  sans  la  forme  de  l'obser- 
vation des  oiseaux  {augures)  {2).  de  l'inspection  des  entrailles 
des  victimes  {haruspices)  (i).  de  l'explication  des  signes  divins 
(862)  spéciaux  et  de  la  conduite  à  tenir  vis-à-vis  d'eux  {prodigia), 
de  l'interrogation  des  oracles,  ordinairement,  d'oracles  étran- 
gers. Pourles  actes  de  la  vieprivée,  on  retrouve  l'interrogation 
des  dieux  dans  des  formes  analogues  (o)  ;  mais  le  procédé  le  plus 
important  est  celui  de  la  recherche  quasi-scientifique  des  des- 
tinées futures  de  l'homme  au  moyen  de  l'horoscope  ou  de  la 
nativité  par  des  savants  qu'on   appelle  le  plus  souvent    dans 


(1)  Ambroise,  In  Toh..  11,  dit,  il  est  vrai  :  qui  apud  judicem  damnanlur, 
apud  illos  (chez  les  joueurs)  ffloriosi  sunl  ;  qui  apud  illos  damnanlur  (on  at- 
tend laudantur  ou  dominanlur),  apud  judicem  criminosi  sunt. 

(2)  Par  exemple,  lorsqu'on  a  recours  à  la  divination  pour  connaître  le 
lieu  où  séjourne  un  esclave  fugitif  (n.  5). 

(3)  Cette  forme  de  la  divination  est  encore  mentionnée  chez  Lactance, 
Jnst.,  2,  16  et  C.  Th.,  9,  16,4.  6  zr  C.  Jusl.,  9.  18.  o.  7,  mais  elle  a  vraisem- 
blablement cessé  beaucoup  plus  tôt  d'être  usitée. 

(4)  Constantin  en  321  prescrit  encore  de  recourir  au  nom  de  l'État  à 
l'art  des  aruspices  en  cas  de  dommage  causé  à  un  édifice  pul)lic  par  la 
foudre  (C.  Th.,  !G,  10,  1,  constitution  à  laquelle  se  rapporte  sans  doute 
Zosime,  2,  29). 

(5)  Augustin,  De  civ.  Dei,  10,  11  parle  de  la  conversalio  cum  diis  .  .  ob  in- 
veniendum  fur/ilivum  tel  praedium  comparandum  aut  pvopter  nuptias  vel  mer- 
raturas  vel  quid  hujusmodi.  Le  recours  à  l'art  des  aruspices  pour  les  actes 
de  la  vie  privée  était  autorisé  par  Constantin  (n.  4)  et  encore  par  Valen- 
tinicn  I,  lorsque  cet  art  était  exercé  d'une  manière  (innocente)  (C. 
Th.,  If^  16,  9,  constitution  non  admise  par  Juslinien). 


ABIS   DES    DROITS  191 

l'ancien  temps  Chaldaei  (1)  et  qu'on  désigne  ordinairement 
plus  tard  sous  le  nom  de  mathematici  (2),  mais  qu'on  nomme 
parfois  aussi  astrologi  (3)  ou  genethliaci  (4).  A  côté  d'eux,  on 
mentionne  les  conjurateurs  (arioli,  mca?ita toiles) (o)  et  les  pro- 
phètes {vaticiiiatoi-es)  (6).  Cette  recherche  de  l'avenir  occupe  le 
premier  rang  comme  importance  ;  auprès  d'elle  apparaît  au  se- 
cond plan  l'action  exercée  sur  la  marche  de  l'avenir,  c'est-à-dire 
la  direction  de  l'avenir  par  des  causes  faciles  à  découvrir.  Cette 
dernière  espèce  de  divination  est  cependant  pratiquée  et  elle  ne 
soulève  aucune  critique,  lorsqu'elle  est  usitée  pour  détourner 
un  événement  défavorable  ou  pour  en  déterminer  un  favora- 
ble (7).  Il  est  permis  de  porter  des  amulettes  (8)  et  également 
de  provoquer  la  pluie  ou  le  beau  temps  (9).  Cette   divination,      (8G3) 


(1)  C'est  ainsi  que  Gicéron  {De  die,  2,  47,  98)  parle  de  l'horoscope  de 
la  ville  de  Rome  dressé  par  un  Romain,  instruit  des  sciences  chaldéen- 
nes  (chaldaicis  7-ationibus  erudilits).  Cette  appellation  est  fréquente  à  la  bonne 
époque,  on  la  trouve  rarement  dans  la  suite  (Ulpien,  Coll.,  15,  2,1;  C.  Th., 
9,  16,  4). 

(2)  Mathematicus,  qu'on  rencontre  déjà  dans  ce  sens  chez  Tacite  et  qui 
depuis  lors  est  généralement  usité  dans  cette  acception,  est,  d'après 
Auln-Gelle  {,  9,  4,  l'appellation  vulgaire  du  Chaldaeus.  Ulpien  (Coll.,  15,  2,  1), 
dans  son  écrit  de  ofjxcio  proconsulis,  intitule  le  titre  en  question  de  malhe- 
malicis  et  vaticinatoribus ;  ici  les  mathemalici  représentent  la  divination  en 
général. 

(3)  Aulu-Gelle,  lA.  1,  J8.  TertuHien,  De  idoL,  9  et  ailleurs. 

(4)  Aulu-Gelle,  14,  i,  1.  Jérôme, /w  Dan.,  vol.  5,  p.  627  Vallarsi  :  in  Chal- 
daeis  yîVEÔXtaAOYou;  significari  puto,  quos  vulgus  matliematicos  vocal. 

(5)  Paul,  :;,  21,  3.  Ulpien,  Coll.,  !5,  2,  J.  C.  Th..  9.  16,  4.  6.  Jérôme,  loc. 
cit.  :  quos  nos  ariolos,  céleri  (plutôt  Graeci,  c'est-à-dire  la  version  des  Sep- 
tantes)  èTcaoïSoùç  interprctati  sunt,  id  est  incantatores,  ergo  videntur  mihi  in- 
cantatores  esse  qui  verbis  rem  peragunt.  Plus  tard,  on  rencontre  dans  ce  cas 
la  peine  de  mort,  si  guis  .  .  anile  incanlamentum  ad  leniendum  adhibnisset 
dolorem  (Ammien.,  16,  8,  2).  A  la  meilleure  époque,  on  les  appelle  sacrifi- 
culi  {et)  vates  (Tite-Live,  23,  1,  8.  35,  48.  13.  39,  8,  3.  c.  16,  8). 

(6)  Paul,  0,  21,  1  (cpr.  n.  2)  :  vaticinatorcs  (aussi  vates,  C.  Th.,  9,  16,  4) 
qui  se  deo  plenos  esse  adsimulant.  Ulpien,  Coll.,  15,  2,  3. 

(7)  Pour  l'opposition  du  charme  permis  et  du  charme  défendu  et  pour 
les  appellations,  cpr.  II  p.  356  n.  4. 

(8)  Par  exemple.  Vit.  Carac.,  5.  Elle  est  encore  permise  expressément 
dans  la  dernière  période  du  droit  (C.  Th.,  9,  16,  3  —  C.  JusL,  9,  18,  4). 
Constantin,  il  est  vrai,  la  punit  même  dans  ce  cas  (Ammien,  19,  12,  14). 

(9)  Constitution  de  32i  :  C.  Th.,  9,  IG,  3,  qui  a  été  aussi  introduite  dans 
le  Gode  de  Justinien,  9,  18,  4. 


192  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

permise  en  principe  et  maintes  fois  ordonnée,  trouve  au  début 
comme  plus  tard  sous  des  formes  variables  des  partisans  zélés 
et  de  bonne  foi.  Firmicus  (i),  sous  Constantin,  traite  le  tireur 
d'horoscope  comme  grand  prêtre  de  la  nature  et  réclame  de 
lui  la  moralité  la  plus  élevée.  D'autre  part,  le  danger  de  ces 
pratiques,  plus  encore  que  leur  inanité,  s'est  fait  jour  de  bonne 
heure.  Celui  qui  peut  amener  la  pluie  ou  le  beau  temps  peut 
aussi  user  de  sa  puissance  d'une  manière  nuisible.  L'art  de 
causer  le  mal  par  voie  surnaturelle,  l'enchantement  ou  la  ma- 
gie, a,  vraisemblablement  déjà  sous  la  République,  certaine- 
ment sous  l'Empire,  été  assimilé  légalement  au  veneficium  et 
nous  en  avons  traité  précédemment  à  côté  de  ce  dernier  dé- 
lit (Il  p.  3uG  sv.).  Le  caractère  irrationnel  et  presque  toujours 
secret  de  ce  commerce  avec  les  dieux  et  les  esprits  rend  diffi- 
cile la  fixation  d'une  ligne  de  démarcation  sûre  entre  ce  qui 
est  permis  et  ce  qui  est  défendu  à  cet  égard  (2);  on  découvre 
un  effort  de  la  part  du  droit  romain  pour  trouver  en  cette  ma- 
tière des  éléments  du  délit  extérieurement  perceptibles  aux- 
quels on  puisse  rattacher  la  punition  à  appliquer.  La  divina- 
tion qui  a  lieu  la  nuit  ou  avec  d'autres  circonstances  aggra- 
vantes est  rangée  dans  la  magie  et  punie  comme  telle 
(II  p.  3o9  sv.).  Elle  est  également  punissable  si  elle  a  lieu  en 
secret  (3)  ou  si  elle  tend  à  déterminer  l'époque  de  la  mort  de 
personnes  vivantes  (4).  On  punit  comme  trouble  causé  à  l'or- 
dre public  la  vaticinalio,  c'est-à-dire  l'apparition  en  public  de 


(1)  Math.,  2,  38. 

(2)  TertuUien,  De  idol.,  9  :  scimus  magiae  et  aslrologiae  inier  se  societatem. 
Paul,  5,  21,  4  (n'est  pas  à  sa  place)  :  non  lanlum  divinatione  quis,  sed  ipsa 
scienlia  ejusque  liôris  )nelius  fecerit  abslinere. 

(3)  Suétone,  Tibère,  63  :  haruspices  secreto  ac  sine  testibiis  consuli  vetuit. 
Dion,  56,  23  (n,  4).  Constantin  prohibe  sous  peine  de  mort  les  pratiques 
des  aruspices  qui  n'ont  pas  lieu  en  public,  notamment  celles  auxquelles 
on  se  livre  à  l'iiitérieur  dos  maisons  (C.   Th.,  9,  16,  1.  2). 

(4)  Dion.  56,  23  :  toï;  jiâvTîo-iv  à7tT|YOp£'j6r,  p.r,T£  xaxà  (tova;  Ttvl  (Ar|T£  iztçX 
Oavâro-j  (iy,ô'  av  a),Ao;  o-jjj.-apiùçrtv  r/t  -/pàv.  C'est  aussi  cette  hypothèse  que 
vise  la  seconde  jihrase  chez  Ulpien,  Coll.,  15.  2,  3  :  r/i«  de  principis  salute 
consitluerunt,  capitc  ptinili  sunl  vel  qua  alia  pocna  graviore  affecti,  qui  de  sua 
suorumque,  levius. 


ABUS   DES    DROITS  193 

prophètes  faisant  des  prédictions  (1).  La  répression  est  sur- 
tout dirigée  contre  ceux  qui  font  profession  de  la  divination 
en  soi  permise  (2).  Déjà,  sous  la  République  et  à  l'époque  d'Au- 
guste, on  expulsa  de  Rome  les  personnes,  pour  la  plupart  (864) 
étrangères^  qui  faisaient  de  cet  art  une  industrie  (3).  Depuis 
Tibère,  la  divination  en  tant  que  profession  est  réprimée  au 
criminel  à  Rome  et  en  Italie  et  entraîne,  en  dehors  de  la  con- 
fiscation du  patrimoine,  le  bannissement  (4).  Depuis  lors,  d'a- 
près le  dire  de  Tacite,  (o)  cette  règle  aurait  été  constamment 
formulée,  mais  n'aurait  jamais  été  appliquée.  Au  troisième 
siècle,  le  droit  romain  prescrit  une  fois  pour  toutes  le  ban- 
nissement hors  du  territoire  de  la  cité,  et,  en  cas  de  récidive, 
des  peines  privatives  de  liberté  plus  graves  pouvant  aller  jus- 
qu'à la  déportation  (6). 

Dioclétien  le  premier  a  prohibé  d'une  manière  générale  tout  Prohibition  de 

la  divinalion. 


(1)  Ulpien,  Coll.,  Ib,  2,  3.  Paul,  o,  :»!,  1. 

{±)  Ulpien,  Coll.,  15,  2,  2  :  fuit  quaesiliim,  utrum  scientia  hujusmodi  homi- 
niim  {malkeinalicorum)  punialur  an  exercilio  (écrire  exercitio  et  ou  exercitii) 
professio,  et  quidem  apud  veleres  dicehatur  professionem  eorum,  non  notiliam 
esse  prohibilam  (cela  vise  l'exception  da  bannissement,  formulée  par  Ti- 
bère, Suet.,  36  au  profit  du  mathematicus  pour  le  cas  où  celui-ci  aban- 
donne son  ars)  poslea  variatum.  TertuUien,  De  idol.,  9  suit  la  conception 
I)lus  rigoureuse  :  eadem  poena  est  exilii  (non  pas  exitii)  discipulis  et  magis- 
tris. 

(3)  L'expulsion  de  Rome  et  de  l'Italie  que  le  préteur  pérégrin  prononce 
en  615/139  (Val.  Max.,  1,  2,  3)  contre  les  Ghaldéens  de  profession  (ce  ca- 
ractère se  révèle  par  le  quaestus)  est  une  simple  mesure  de  police  ;  les 
dispositions  analogues  de  l'époque  d'Auguste  (Dion,  49,  43  ;  Anaxilaus 
Pijthagorkus  et  magiis  chez  Jérôme  Chron.  Ann.  ab  Abr.  1989  d'après  Sué- 
tone) n'ont  dû  atteindre  que  des  étrangers  et  n'appartiennent  pas  au 
droit  pénal.  ■ 

(4)  Ulpien,  Coll..  lo,  2,  i  et  Suétone,  r«i.,  36  nous  renseignent  sur  le  sé- 
natus-consulle  de  l'an  17  (16  d'après  Tacite)  avec  plus  de  précision  que 
Tacite,  Ann.,  2,  32  et  Dion,  o7,  15,  qui  étendent  inexactement  la  portée  du 
sénatus-consulte  jusqu'aux  maqi  (II  p.  358  n.  4). 

(5)  Hist.,  1,  22. 

(6)  TertuUien,  De  idol.,  19  :  urbs  et  Italia  interdicitur  malhematicis. 
Paul,  5,  2!,  1  :  vaticinatores  .  .  primum  fustibus  caesi  civitate  pellunlur,  per- 
sévérantes auteni  in  vincula  publica  coniciuntur  aut  in  insulum  deportantur 
vel  certe  releganlur.  Yilellius,  irrité  par  la  réplique  des  niathematicik  son 
décret  d'expulsion,  les  condamna  à  mort  (Tacite,  Hist.  2,  62.  Suétone, 
Vit.,  14.  Dion,  57,  1.  Zon.,  11.  10). 

Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  J3 


194  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

au  moins  les  horoscopes  {{);  celte  prohibilion  fut  principale- 
ment provoquée  par  cette  défiance  du  souverain  vis-à-vis  des  su- 
jets, dont  l'intensité  va  toujours  croissant  au  fur  et  à  mesure 
que  la  décadence  de  l'Etat  s'accentue.  Constantin  a  expres- 
sément permis  l'art  des  aruspices  et  l'a  même  utilisé  (III 
p.  190  n.  4),  il  a  tout  au  moins  toléré  la  divination  en  général  ; 
Magnence  a  mêine  accordé  la  liberté  des  cérémonies  de  nuit 
(il  p.  3o9  n.  2),  Mais,  lorsque  Constance  eût  triomphé  de 
cet  adversaire,  la  divination  fut  expressément  interdite  sous 
peine  de  mort,  quelle  que  fût  sa  forme  (2).  Julien  a  de  nouveau 
(863)  levé  cette  défense  et  Valentinien  I  a  dans  une  constitution 
curieuse  tout  au  moins  protégé  les  vieilles  pratiques  des  arus- 
pices (3).  Après  la  christianisation  de  l'empire,  la  divination, 
inconciliable  avec  la  nouvelle  religion  d'Etat,  fut  définitivement 
prohibée (4).  Depuis  lors,  elle  fut  traitée  comme  délit  ;  elle  fut 
toujours  distinguée  de  la  magie  et  moins  sévèrement  répri- 
mée qu'elle  (5). 

11.  Abus  de  la  brigue  électorale  {amlitus,  sodalicia.) 
Ambitus.         La  recherche  des   voix  dans  les  élections  —  le  droit  péna 


(1)  Cod.,  9,  18,  ù  :  arlem  geomelriae  cliscere  algue  exerceri  publiée  inlersit, 
ars  aulem  matliematicu  damnahilis  inlerdicta  est. 

(-2)  C.  Th.,  9,  16.  i=  C.  Just.,  9,  18,  o  de  l'an  3.j7,  Libanius,  VU.,  p.  21 
Itoiske  :  xatToi  vô(ioç  ye  e'pYe  *''»'i  ''i^  '^i  Sîxyi  tw  to).[iwvti  OàvaTo;.  La  loi  men- 
tionnée ici  se  place  vraisemblablement  à  une  époque  antérieure.  Am- 
mien,  16.  8,  i'  (III  p.  191  n.  3).   19,  [-2,  14  (III  p.  191  n.  «). 

(3)  C.  Th.,  9,  16,  9  (non  admise  par  Justinien)  :  haruspicinam  ego  nullum 
cum  maleficiorum  causis  hahere  consortium  judico  neque  ipsam  aut  ali<juarn 
praeterea  concessam  a  majoribus  reliqionem  r/enus  esse  arbilror  criminis.  Dans 
l'Empire  d'Orient,  Valens  a  encore  du  vivant  de  son  frère  prescrit  comme 
Constance  la  peine  de  mort  contre  la  divination  (C.  Th.,  9,  16,  8)  et  statué 
d'après  celte  régie  (Ammien,  2^,  2,  6). 

(  i)  Il  n'est  pas  question  d'autres  lois  contre  la  divination  ;  mais  la  cons- 
titution de  3:;7  est  [>assée  dans  la  législation  de  Justinien  (III  p.  194  n.  2). 
Les  pratiques  comme  celles  qui  consistent  à  porter  des  amulettes  (III 
p.  191  n.  8).  ou  à  provoquer  la  pluie  (III  p.  191  n.  9),  dérogeant  moins 
nettement  aux  principes  de  la  religion  chrétienne,  demeurent  permises. 

(5)  Cette  distinction  se  manifeste  notamment  dans  ce  fait  que  les  deux 
délits  sont  traités  différemment  dans  les  abolitiones  (II  p.  361). 


ABUS    DES    DROITS  195 

romain  ne  traite  comme  délit  indépeudant  que  l'abus  de  cette 
brigue  électorale  et  non  pas  toute  captation  de  charge  (1)  — 
est  un  élément  inhérent  à  toute  constitution  républicaine,  il 
y  est  aussi  un  mal  nécessaire.  Le  pire  des  abus  inévitables  en 
cette  matière,  l'achat  des  voix,  a  été  classé  par  le  vieux  droit 
républicain  parmi  les  crimes  capitaux  et  nous  l'avons  déjà  cité 
dans  la  Section  du  Faux  (II  p.  390  n.  3).  Mais  la  législation  pro- 
hibitive, dont  nous  avons  à  parler  ici,  n'a  pas  eu  ce  crime  pour 
point  de  départ,  elle  a  bien  plutôt  été  provoquée  par  les  prati- 
ques choquantes  de  la  campagne  électorale.  Les  chroniqueurs 
romains,  sentant  bien  que  la  plus  puissante  République  que  le 
monde  ait  vue  portait  en  elle  même,  par  suite  des  abus  élec- 
toraux, son  germe  de  mort,  ont  relevé  avec  une  profonde  pé- 
nétration d'esprit,  qui  ne  leur  est  pas  habituelle,  les  modestes 
débuts  des  mesures  législatives  prises  pour  réprimer  ce  mal; 
c'est  ainsi  qu'il  nous  ont  gardé  le  souvenir  d'une  prescription 
déjà  adressée  en  322/432,  donc  peu  d'années  après  la  loi  des  (866) 
XII  Tables,  aux  candidats,  de  ne  pas  se  signaler  comme  tels 
à  leurs  concitoyens  dans  leurs  sorties  en  public  en  donnant  à 
leurs  vêtements  une  couleur  brillante  particulière  (2),  et  qu'ils 
nous  citent  également  une  autre  loi  proposée  en  396/358  par 
le  tribun  de  la  plèbe,  C.  Poetelius,  et  interdisant  aux  candidats 
de  parcourir  les  bourgs  et  les  villages  (3).  Il  est  intéressant 

(1)  Modestin  (Uig.,  48,  14,  1  pr.)  dit  très  exactement  :  lex  (Juîia  ambilus) 
in  urbe  hodie  cessât,  quia  ad  curarn  principis  mayistruLuiim  crealio  perlinet, 
non  ad  populi  favorem.  Il  n'y  a  d'ambitus  que  pour  la  collation  des  char- 
ges par  une  majorité  obtenue  dans  un  scrutin.  La  captation  d'une  cliarge 
donnée  par  la  décision  d'une  seule  personne,  donc  sous  la  République 
celle  de  la  plupart  des  fonctions  militaires,  sous  l'Empire  celle  du  consulat 
par  exemple,  depuis  que  celui-ci  était  conféré  par  l'empereur  (Tacite, 
Hist.,  2,  60.  S/.  R.,  2,924  \Dr.  pubL,  5.  208],  ne  tombe  pas  sous  le  coup  des 
règles  de  l'ancien  droit  pénal.  Les  dispositions  peu  nombreuses  édictées 
en  cette  matière  par  le  droit  postérieur  et  où  le  mot  ambilus  est  parfois 
employé  abusivement,  ont  été  groupées  et  indiquées  à  propos  des  repe- 
/«ndae(IIIp.  16n.2). 

(2)  TiteLive,  4,  25:  necui  album  in  vcstimenlum  addcrp pctitionisUceret  causa. 
Cp.  St.  R.  1.  479  [Dr.  PubL,  2.  126]. 

(3)  Tite  Live,  7,  16.  Lorsque  cette  loi  est  désignée  comme  la  première 
loi  deambitu,  ce  dernier  mot  doit  être  pris  dans  son  sens  véritable,  comme 
le  montre  le  texte  lui  même  {nundinas  et  conciliabula  adiré),    et  non  dans 


196  DROIT    PÉNAL   ROMAIN 

de  remarquer  comme  preuve  caractéristique  de  l'inégalité  de 
la  lutte  livrée  ici  par  l'honnêteté  contre  la  corruption  (1)  que 
les  deux  actes,  dont  nous  venons  de  signaler  l'interdiction  par 
des  lois,  ont  donné  leur  nom  àlabrigue  électorale  couramment 
usitée  à  l'époque  postérieure  et  considérée  alors  comme  irré- 
prochable; c'est  du  vêtement  brillant  autrefois  interdit  que 
vient  le  nom  de  candidatus  employé  encore  aujourd'hui  dans 
toutes  les  langues  des  peuples  civilisés  pour  désigner  celui 
qui  sollicite  des  suffrages, |et  l'usage  des  tournées  électorales  a 
donné  les  mots  d'ambitio  (2)  et  d'ambitus  qui  s'appliquent  à  la 
recherche  même  de  ces  suffrages.  Plus  tard,  la  forme  ambitus 
n'a  plus  été  usitée  que  pour  la  brigue  illégale  (3). 
Prohibitions  Les  plébiscitcs  que  nous  venons  de  citer  relativement  au 
*'°*^*"  costume  et  aux  tournées  des  candidats  peuvent  difficilement 
être  considérés  comme  des  lois  pénales  proprement  dites;  ils 
n'étaient  probablement  que  des  avertissements  donnés  aux  ci- 
toyens et  des  iDJoQCtions  adressées  aux  édiles  d'user  en  cette 
matière  de  leur  pouvoir  de  coercition,  ou  bien  ils  n'établis- 
saient tout  au  plus  que  des  amendes  modiques.  Parmi  les  lois 
répressives  postérieures,  il  y  en  a  deux,  celle  de  573/181  (4) 
et  celle  de  593/159  (5),  qui  se  placent  avant  l'époque  de  lapro 
(8G7)  cédure  des  quaestiones.  Celle-ci  a  été  étendue  à  Vambitiis  avant 
640/114,  sans  doute  par  une  loi  dont  le  nom  ne  nous  est  pas 

son  sens  dérivé  où  il  désigne  la  brigue  électorale  prohibée.  St.  R.,  1,  478, 
n.  3  [Dr.publ,  2,  125,  n.  1]. 

(1)  Plaute.,  Trin.,  4,  3,  26  =  1033:  ambilio  jammore  sancta  est,  libéra  est, 
a  legibus.  Plaute  (ou  un  écrivain  postérieur)  mentionne  aussi  Yambilus 
prohibé:  Amph.,  prol.,  74. 

(2)  Varron,  De  l.  Lat.,  5,  28  :  qnipopulum  candidatus  circumit,  ambit.  Cette 
idée  est  souvent  exprimée.  Sf.  R.,  l,  478  [Dr  Publ.,  2,  124]. 

(3)  Ambitio  est  assez  souvent  employé  simplement  pour petilio  (Gicéron, 
Pro  Sulla,  4,  Il  ;  Pro  Plancio,  18,  45  ;  Ad  Att.,  1,  1,  4  ;  Ded.in  Sallustium,  2), 
il  est  assez  fréquemment  usité  dans  un  mauvais  sens  pour  ambition  ; 
mais  le  droit  pénal  ne  connaît  que  Yambilus. 

(4)  Tite  Live,  40,  19  :  Irgem  (ou  leges)  de  ambilu  consules  (P.  Cornélius 
M.  Baebius)  ex  auctoritate  senatus  ad  populum  tulerunt.  Peut-être  les  discours 
de  Caton  (Jordan,  Calonis  quae  extanl,  p.  52)  de  ambitu  et  ne  lex  Baebia  dero- 
garctur  se  rapportent-ils  à  cotte  question. 

(5)  Tite  Live,  Ep.,  47;  lex  de  ambilu  lata.  Pour  l'an  588  166,  les  Anna- 
les mentionneat  (pbseq.,  12)  :  comitia  cum  ambillosissime  fièrent. 


ABUS    DES    DROITS  197 

parvenu  (1).  Dans  la  dernière  période  de  la  République,  on 
voit,  symptôme  incontestable  de  l'agonie  de  la  grande  cons- 
titution et  de  l'impuissance  de  la  législation  contre  le  terrible 
mal,  les  lois  contre  Vambitus  se  succéder  les  unes  aux  autres 
avec  une  rapidité  inquiétante:  ce  sont  la  loi  Cornélia  de  Sylla 
de  673/81  (2),  la  loi  Calpurnia  de  687/67  (3),  la  loi  TuUia  de 
681/63  (4),  la  loi  Licinia  de  699/53  dirigée  seulement  con- 
tre une  catégorie  déterminée  d'amôitiis,  contre  le  crimen  so- 
daliciorum  (III  p.  203  n.  2)  :  enfin,  sous  la  quasi-dictature 
de  Pompée,  la  loi  Pompéia  de  702/32,  (5)  qui,  au  dire  des  écri- 
vains postérieurs,  mit  fin  à  Yambitus  (6),  affirmation  exacte 
en  ce  sens  que  la  République  elle-même  prit  fin  trois  ans  plus 
tard.  A  l'époque  impériale,  on  trouve  sous  Auguste  en  736/18 
une  loi  Julia  contre  Vambitus  (7).  Plus  tard,  lorsque  les  élec- 
tions furent  faites  par  le  Sénat  et  lorsque  par  suite  les  intri- 
gues électorales  s'adressèrent  à  ce  dernier,  l'empereur  Trajan 
rendit  un  édit  en  cette  matière  (8).  Toutes  ces  lois  concernent 


(1)  Le  plus  ancien  procès  à'ambilus  qui  se  déroula  suivant  cette  procé- 
dure concerne  la  brigue  de  Marius  pour  les  deux  édilités  (Plutarque., 
Mar.,  5),  laquelle  se  place  entre  635/119  et  640/114.  La  loi  de  Marius  de 
635/119  sur  le  vote  (Plutarque,  Mar.,  4)  ne  rentre  pas  dans  la  liste  des 
lois  sur  Vambitus. 

(2)  Schol.  Bob.  sur  Cicéron,  Pro  Sull.,  5.  17,  p.  361  :  superioribus  temporibus 
(avant  la  loi  Calpurnia)  damnati  lege  Cornélia  hoc  genus  poenae  ferebant, 
ut  mar/istratuum  petitione  per  decem  annos  abstinerent.  La  loi  Cornélia,  qui 
établissait  cette  peine,  est  difficilement  la  loi  Cornelia-Baebia  de  573/181  ; 
car  entre  celle-ci  et  la  loi  Calpurnia  il  doit  y  avoir  d'autres  lois  et  il  est 
aussi  peu  probable  que  la  peine  soit  restée  la  même  un  siècle  durant. 

(3)  Dion,  36,  38.  39.  Asconius,  M  Cornel;  p.  68  ;  In  or.  pro  tog.  cand.  p.  89. 
Cicéron,  Pro  Mur.,  23,  45.  32,  67. 

(4)  Dion,  37,  29.  Cicéron,  Pro  Mur.,  2,  3.  3,  5.  32,  67.  In  Vat.,  15,  37.  Pro 
Sesiio,  64,  133.  Pro  Plancio,  34.  82. 

(5)  Appien.  B.  c.  2,  23.  Asconius,  In  mil.,  p.  37.  Plutarque,  Cat.  min.,  48. 
Cicéron,  Ad  AIL,  10,  4,  8.  César,  B.  c,  3,  1. 

(6)  Velleius,  2,  47.  Pline,  Paneg.,  29. 

(7)  Dion,  54,  16.  Les  troubles  graves  provoqués  par  les  élections  con- 
sulaires de  l'année  précédente,  notamment  par  le  candidat  M.  Egnatius 
Rufus  (cpr.  mon  édition  du  Mon.  Ancyr.  p,  28  sv.)  ont  suscité  cette  loi, 
qui  depuis  lors  est  demeurée  l'acte  fondamental  pour  cette  quaesiio.  Dig., 
48,  1,  1.  tit.  14.  C.  Th.,  9,  19,  4.  tit.  26  —  C.  Just.  9,  26.  Inst.,  4,  1,  11. 
Tacite,  ^nji.,  15,  20, 

(8)  Pline,  Ep.,<à,  19  décrit  les  manœuvres  électorales  qui  eurent  lieu  alors 


de  Vambitus, 


198  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

(868)  les  charges  d'empire;  Vambitus  municipal  était  visé  par  les 
lois  municipales  (1). 

éléments  On  nc  pcut  déterminer  les  actes  traités  par  les  lois  comme 
ambitus  punissable  que  pour  la  dernière  période  de  la  Répu- 
blique. A  cette  époque,  vraisemblablement  depuis  l'établisse- 
ment d'un  jury  spécial  pour  ce  délit,  le  crime  d'achat  de 
voix,  autrefois  capital,  et  un  certain  nombre  d'actes  tendant  à 
influencer  indirectement  les  élections  ont  été  réunis  et  soumis 
à  une  répression  uniforme.  Le  fait  de  se  laisser  corrompre  n'a 
jamais  été,  que  nous  sachions,  rangé  dans  ce  délit  et  la  sim- 
ple assistance  donnée  à  l'accomplissement  du  délit  est  égale- 
ment, sauf  des  exceptions  insignifiantes,  restée  impunie,  ainsi 
que  nous  l'avons  déjà  fait  remarquer  ((II  p.  169)  ;  la  brigue 
prohibée  n'est  un  délit  que  pour  le  candidat  lui-même.  Au 
point  de  vue  des  actes  en  général  permis,  mais  interdits  aux 
candidats,  on  fixe  formellement,  tout  au  moins  dans  la  lé- 
gislation récente,  la  durée  de  la  candidature  aux  deux  années 
du  calendrier  qui  précèdent  immédiatement  l'entrée  en 
charge  (2).  La  question  de  savoir  si  le  candidat  a  obtenu  ou 
non  la  majorité  est  sans  intérêt  pour  la  répression  (3). 


et  qui  amenèrent  le  Sénat  à  solliciter  l'intervention  de  [l'empereur,  inter- 
vention qui  se  produisit  du  reste  :  sumptus  candidatorum  foedos  illos  et  in- 
fâmes ambitus  lege  restrinxit.  Nous  savons  aussi  par  ailleurs  que  le  jour 
où  le  pouvoir  électoral  passa  du  peuple  au  sénat,  les  abus  persistèrent  ce- 
penilant  (Tacite  .4«rt.,  1,  81.2,  34)  sous  la  forme  du  senatorius  ambitus  (Ta- 
cite, j4«m.,  4,  2)  qui  ne  se  distinguait  de  Vambitus  antérieur  que  par  une  pu- 
blicité moindre  et  par  les  dangers  moins  graves  qu'il  présentait  pour  la 
communauté. 

(1)  Lex  Julia  municipalis,  1.  89.  Droit  municipal  de  Oenetiva,  c.  132. 

(2)  Ce  délai  s'applique  aussi  pour  la  loi  Tullia  (Cicéron, /«  Vat.,  15,  37  : 
hiennio  quo  quispetat  petllurusve  sit);  pour  plus  de  détails,  v.  St.  R.,  1,  478, 
n.  4  [Dr.  publ.,  2,  125  n.  2].  Par  contre,  le  droit  municipal  de  Genetiva, 
c.  132  fixe  un  délai  d'un  an  :  ineo  anno,quo  quisque  anno  petilor  kandidatus 
jnar/islratum  petet  petiturusve  erit  et  plus  loin  :  in  eo  anno  [quo]  magistratum 
petat.  Il  fallait  dans  ces  défenses  faire  abstraction  du  moment  où  la  can- 
didature commencerait  à  être  formellement  posée  et  fixer  le  délai  d'une 
manière  al)Solue  de  fa<,'on  à  empêcher  qu'on  les  tournât  en  retardant  la 
déclaration  de  candidature;  c'est  pour  cela  qu'on  nomme  à  côté  du  petens 
le  petiturns. 

(3)  Le  plus  ancien  procès  de  ce  genre,  qui  soit  connu  de  nous,  était  di- 
rigé contre  le  candidate.  Marius  qui  succomba  dans  la  campagne  qu'il  fit 


ABUS    DES    DROITS  199 

La  loi  réprime  les  actes  qui  tendent  à  influencer  le  résultat 
des  élections  soit  par  voie  de  faveurs  faites  aux  électeurs,  soit 
par  l'emploi  de  formes  d'association  prohibées,  bien,  qu'il  soit 
permis  de  s'associer  dans  un  but  électoral  comme  dans  d'au- 
tres buts.  L'ambitiis  romain,  du  moins  celui  de  l'époque  ré- 
publicaine pour  lequel  nous  sommes  plus  particulièrement  ren- 
seignés, a  pour  caractère  propre  l'iniluence  exercée  directement 
sur  des  masses;  la  corruption  d'un  seul  homme  influent  a  dû 
tomber  aussi  sous  le  coup  de  la  loi  pénale,  mais  elle  n'est 
nulle  part  mentionnée  dans  les  applications  de  cette  loi. 

1.  Au  premier  rang  des  actes  punissables  se  place  l'achat  (869) 
direct  desVoix,  ou,  pour  nous  servir  de  l'euphémisme  courant, 
la  donation  faite  aux  électeurs  (1).  La  réalisation  de  cette  opé- 
ration se  heurtait  à  des  difficultés  graves;  car,  si  le  corrup- 
teur payait  d'avance,  il  pouvait  très  bien  ne  pas  obtenir  la  voix 
achetée  et  si  l'électeur  acheté  lui  faisait  crédit,  celui-ci  pouvait 
facilement  être  frustré  de  la  somme  promise  (2);  aussi  dans  la 


pour  les  deux  édilités  (III  p.  197  n.  1).  En  645/109,  à  la  suite  des  élections 
consulaires  qui  avalent  eu  lieu  pour  l'année  suivante,  le  candidat  mal- 
heureux, P.  Rutilius  Rufus,  accusa  d'ambitus  son  concurrent  victorieux, 
M.  Aemilius  Scaurus,  puis  celui-ci  intenta  à  son  tour  une  action  identi- 
que contre  le  premier  (Gicéron,  Brut.,   30,  M3). 

(l)Loi  municipale  de  Genetiva,  c,  132:  neve  quis  pelilor  kandidatus  doniim 
munus  aliudce  quit  det  largialur  petilioais  causa  sciens]dolo  malo.  Pline  Ep. 
6,  19  :  candidali...  ne  mitlant  (aux  sénateurs  dans  leur  maison)  mimera. 
Ghez  les  Grecs,  la  corruption  s'appelle  aussi  S(opo5o-/;a  (par  ex.,  Appien, 
B.  c,  2,  23.  24)  ;  on  trouve  à  côté  de  cette  expression  le  terme  Sixauixô;, 
déjà  employé  parfois  dans  l'ancien  temps,  mais  surtout  usité  pour  dési- 
gner le  genre  de  corruption  qu'on  rencontre  chez  les  Romains.  Si  ce  der- 
nier mot  ne  remonte  pas  à  une  forme  accessoire  de  ùiyù\yix:,  mais  vient 
de  ÔExiî  (les  gloses  gréco-latines,  2,  p.  267  expliquent  ÔExaafjio;  par  decu- 
matio  \?],  amb'Uio),  la  décuriation  a  déjà  été  chez  les  Grecs,  comme  plus 
tard  chez  les  Romains  (III  p.  202  n.  4),  un  moyen  de  corruption.  Aucune 
trace  ne  révèle  une  conuexité  de  fond  entre  les  mauvaises  pratiques  ro- 
maines et  les  abus  grecs. 

(2)  On  peut  citer  comme  caractéristique  en  ce  sens  la  proposition  faite 
pour  supprimer  Vambilus  de  déclarer  impunie  la  promesse  d'argent,  lors- 
qu'elle n'était  pas  tenue  (Gicéron,  Ad  Alt.,  1,  16,  13:  novi  est  in  lege  hoc,  ut 
qui  nummos  in  tribus  pronuntiaril,  sinon  dederit,  impiine  sit.)  Il  ne  nous  pa- 
rait pas  nécessaire  de  grouper  ici  les  nombreux  renseignements  que  nous 
possédons  sur  différentes  tentatives  et  ditférentes  formes  de  corruption; 
il  suffit  d'établir  ici  d'une  manière  générale  les  éléments  de  ce  délit. 


200  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

défiance  réciproque  bien  légitime  qui  animait  les  deux  parties 
n'était-il  pas  rare  que  la  prime  promise  fût  déposée  chez  une 
personne  de  confiance,  chez  un  sequester  (1).  Comme  dans  les 
votes  du  peuple  la  décision  résultait  non  de  la  majorité  des  voix, 
mais  de  celle  des  circonscriptions  qu'on  appelait  tribus  ou  des 
sections  de  tribiis,  c'est-à-dire  des  centuries,  la  corruption  électo- 
rale, lorsqu'elle  prenait  de  grandes  dimensions,  était  également 
organisée  par  circonscriptions  et  les  personnes  qui  faisaient 
profession  de  répartir  au  bas  peuple  les  émoluments  qui  leur 
venaient  alors  fréquemment  de  fondations  ou  de  largesses  volon- 
taires, les  divisores  des  tribus  (2),  étaient  les  agents  tout  dési- 
signés  pour  l'opération  peu  honorable  d'achat  des  voix  dans 
(870)  les  tribus  (3).  Déjà,  lors  de  l'aggravation  de  la  loi  contre  Vam- 
bitus  en  G87/G7,  on  indiqua  que  le  seul  moyen  efficace  de 


(1)  Par  exemple,  Gicéron,  Pro  Plmicio,  -16, '38.  19,  47,  De  là,  Pline,  Ep.,  6, 
19  :  candidati...  ne pecunias  deponant.  Par  contre,  des  candidats,  qui  s'obli- 
geaient réciproquement  à  s'abstenir  de  toute  corruption  d»''posaient  une 
somme  d'argent  à  titre  de  peine  éventuelle  chez  un  arbitre  et  cette  somme 
était  perdue  pour  celui  d'entre  eux  qui,  d'après  la  sentence  de  l'arbitre, 
avait  manqué  à  sa  promesse  (Plutarque,  Cat.  min.,  44  ;  Dion  53,  5). 

(2).  Le  métier  de  divisor  est  selon  toute  apparence  légitime  en  soi,  il 
est  parfois  mentionné  sans  aucune  idée  de  critique  (Cicéron,  Ad  Att.,  1, 
18,  4  ;  St.  R.,  3, 196  [Dr.  publ.,  6,  1,  221])  et  môme  avec  égards  (Gicéron  chez 
Marc.  Gapclla,  5,  492  Kopp  :  repuçfnare,  ut  divisores,  cjuos  [C  Cornélius]  ho- 
noris sut  ministros  esse  voluerat,  lege  amhitus  vellet  affligere),  mais  il  est  or- 
dinairement présenté  comme  une  profession  basse  et  méprisée  (Gicéron, 
Verr.,  3,  69,  161  ;  De  har.  7'esp.  20,  42  ;  Suétone,  Aug.,  3),  dont  les  revenus 
recevaient  le  plus  souvent  un  mauvais  emploi.  Ge  ne  sont  évidemment 
pas  des  fonctionnaires  subalternes,  mais  vraisem])lal)lement  des  inter- 
médiaires volontaires,  tout  d'abord  chargés  de  répartir  les  largesses  légi- 
times de  diverses  espèces,  qui  n'étaient  pas  faites  à  des  individus  et  pour 
le  partage  desquelles  on  prenait  la  tribu  pour  liase.  Des  legs  aux  ditVéren- 
tes  tribus,  tels  que  Gésar  et  Auguste  en  firent  d'importants, devinrent  peut- 
être  liabituels  pendant  la  période  de  décadence  de  la  République.  De  même, 
la  proposition  faite  d'imposer  à  titre  de  peine  à  celui  qui  est  convaincu 
d'a7nhitus  l'obligation  de  paver  sa  vie  durant  une  somme  de  3.000  sesterces 
à  chaque  tribu  (Gicéron,  Ad  Alt.,  1,  16,  13)  et  la  difficulté  de  faire  parve- 
nir ces  libéralités  aux  membres  de  la  tribu  qui  n'étaient  pas  territoria- 
lenient  groupés  et  qui  n'avaient  pas  de  caisse  commune,  indiquent  les 
conditions  dans  lesquelles  cette  profession  a  fait  son  apparition.  Gelle- 
ci  a  disparu  avecl'oclilocratio. 
(3)  Gpr.  par  exemple  Cicéron,  Ad  Att.  1,   !0,  12.  Pro  Plancio,  23.  55. 


ABUS    DES    DROITS  201 

réagir  contre  Vambilus  était  d'élen  ire  la  peine  aux divlsores{{); 
cette  proposition  fut  alors  rejetée,  mais  elle  passa  quatre  ans 
plus  tard  dans  la  loi  Tullia  (2). 

2.  On  assimila  aux  libéralités  les  banquets  offerts  au  peu- 
ple ou  à  des  parties  du  peuple  (3). 

3.  On  assimila  également  aux  libéralités  le  fait  d'offrir  des 
divertissements  publics,  notamment  des  combats  de  gladia- 
teurs, ou,  lorsque  ces  jeux  étaient  offerts  par  des  tiers,  la  dis- 
tribution de  places  en  masse  (4). 

4.  II  était  de  tradition  que  le  candidat,  lorsqu'il  arrivait  à      (871) 
Rome,  était  reçu  solennellement  par  ses  amis  et  apparaissait, 
partout  où  il  se  montrait  en  public,  entouré  de  ceux  qui  sou- 
tenaient sa  candidature  et  qui  la  recommandaient  par  là  au 

reste  du  peuple.  Le  nombre  des  personnes  qui  pouvaient  faire 
partie  de  cette  escorte  était  limité  par  une  loi  Fabia  qui  n'est 


(1)  Gicéron,  chez  Asconius.  In  CorneL,  p.  74  cum  hoc  populus  R.  videret 
et  cum  a  tribunis  pi.  doceretur,  nisi  poena  accessisset  in  divisores,  extingui  [am- 
bltum]  nullo  modo  posse.  Par  suite  do  la  vive  résistance  dos  divisores,  la  loi 
Galpurnia  fut  votée  sans  une  telle  clause  (Asconius,  p.  75). 

{'2)  La  i  peine  plus  grave  contre  les  plébéiens  »  (Gicéron,  Pro  Mur.,  23,  47) 
est  précisément  celle  qui  est  dirigée  contre  les  cZiuisores  (Gicéron,  Pro  Plan- 
cio,  23,  55.) 

(3)  En  691/63  le  Sénat  décida  prandia  si  vulgo  fada  essent,  contra  legem 
Calpurniam  factum  videri  (Gicéron,  Pro  Mur.,  32,  67.  34,  72.  35,  73)  ;  cette 
règle  a  sans  doute  été  formulée  alors  dans  la  loi  ïullia.  Dans  le  droit 
municipal  de  Genetiva,  c.  132,  les  prescriptions  à  cet  égard  sont  plus  pré- 
cises: le  candidat  ne  peut  pas,  pendant  la  période  électorale  légale,  avoir 
à  sa  table  plus  de  neuf  invités  et  faire  donner  par  d'autres  des  festins 
à  l'occasion  de  sa  candidature.  Chez  Pline,  Ep.,  (>,  19,  le  sénat  exige  can- 
didati  ne  conviventur. 

(4)  Le  sénatus-consulte  précédemment  cité  a  fait  aussi  tomber  ce  cas 
sous  la  loi  Gali>urnia  (Gicéron,  Pro  Mur.,  loc.  cit.),  puis  la  loi  Tullia  a 
expressément  interdit  ces  largesses  pour  le  temps  de  la  candidature,  à 
moins  qu'un  testament  n'ait  imposé  au  candidat  l'obligation  d'offrir  à 
jour  fixe  de  pareilles  réjouissances  (Gicéron,  Pro  Ses<.,  64,  !33. /n  Vat.,  1.5,37). 
Il  est  également  question  ici  des  tribus,  car  la  vieille  coutume,  en  vertu 
de  laquelle  les  personnes  de  qualité  offrent  aux  membres  de  leurs  tribus 
des  places  dans  les  jeux,  fut  utilisée  par  les  amis  du  candidat  pour  tour- 
ner la  loi  (Gicéron,  Pro  Mur.,  loc.  cit.).  Dans  l'amphithéâtre  Flavien 
(C.  /.  L.,  VI,  32  908  f.),  on  trouve  des  places  assises  cUent(ibus).  Gicér.in 
considère  comme  une  tentative  de  tourner  la  loi  le  fait  de  donner  des 
chasses  au  lieu  de  combats  de  gladiateurs  (Gicéron,  Pro  Sest.,  64, 135  avec 
les  scolies  p.  307). 


202  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

pas  connue  autrement  (1)  et  la  loi  ïullia  a  qualifié  de  corrup- 
tion électorale  le  paiement  d'une  rémunération  aux  personnes 
faisant  partie  de  cette  escorte  (2). 

o.  S'il  n'était  pas  défendu  au  candidat  lui-même  de  se  livrer 
à  la  propagande  électorale  consacrée  par  l'usage  en  prenant 
contact  avec  les  électeurs,  en  leur  serrant  la  main,  en  les  sa- 
luant par  leur  nom,  en  sollicitant  leur  voix,  il  a  tout  au  moins 
été  reconnu  par  le  Sénat  que  des  tierces  personnes  ne  pou- 
vaient pas  par  de  tels  actes  travailler  l'opinion  en  faveur  du 
candidat  (3). 
Association.  6.  Lc  droit  d'association  qui,  d'après  le  droit  de  la  Républi- 
que, n'était  soumis  à  aucune  restriction  fut  naturellement  sur- 
tout utilisé  dans  un  but  élecloral,  sans  que  ceux  qui  prenaient 
part  à  de  tels  groupements  encourussent  aucun  reproche.  Le 
droit  permit  aussi  la  coition,  c'est-à-dire  l'association  de  plu- 
coition.  sieurs  candidats  —  naturelle  dans  le  système  de  collégialité 
qui  dominait  la  magistrature  romaine  —  pour  l'obtention  en 
commun  du  succès  dans  une  élection .  Chaque  candidat  avait  cou  - 
tume  d'avoir  à  ses  côtés  une  clientèle  électorale  personnelle 
et  étant  donné  qu'il  disposait  aussi  par  ces  clients  d'autres  voix, 
il  était  tout  indiqué  qu'il  s'entendit  avec  un  concurrent  pour 
faire  échange  d'escortes.  L'association  et  la  coition,  effets  et 
même  aggravations  de  l'individualisme  qui  minait  la  constitu- 
tion républicaine,  ont,  dans  les  derniers  temps  de  la  Répu- 
blique, élevé  l'achat  des  voix  au  rang  d'une  organisation  cri- 
minelle et  contraire  à  l'ordre  public.  Les  associations,  formées 
au  sein  des  différentes  tribus  dans  un  ordre  bien  arrêté  —  dccu- 
(872)      riatio  (4)  —  et  composées  de  ces  tribulcs,  qui  mettaient  leurs 


(1)  Gicéron,  Pro  Mur..  34,  71,  montionno,  la  lex  Fabia  rjuae  est  de  nutnero 
sectalortnn. 

(2)  Lf  sénat  foriiuila  éKal<^mont  on  091/63  la  règle  suivante  :  si  mercede 
conducti  ubviam  candidatis  issent,  si  conducli  seclarcntui' .  .  .  conlra  lef/em  Cal- 
purnium  factum  videri  (Gicéron,  l'ro  Mur.,  3J,  07.  33.  34.  3.")).  Gette  règle 
est  sans  doute  passée  égalonient  dans  la  loi  TuUia. 

(3)  Plutarque,  Cat.  min.  49. 

(4)  Le  crimcn  tribuariuîn  sodaliciorum  (Gicéron,  Pro  Plancio,  19,  47)  repose 


les  sodalicia. 


ABUS    DES   DROITS  203 

voix  à  la  disposition  des  chefs  d'association  et  qui  devaient  avoir 
contact  entre  eux  et  être  dans  une  certaine  mesure  soumis  à 
une  direction  commune,  (1)  concluaient  avec  le  candidat,  ou 
plutôt  grâce  àlacoition  avec  les  paires  de  candidats,  les  pactes 
utiles.  Une  association  de  cette  importance  garantissait  dans 
une  certaine  mesure  que  les  voix  promises  seraient  données 
et  que  la  somme  d'argent,  ordinairement  déposée  à  l'avance.  Loi  sur 
serait  payée.  Ce  sont  ces  pactes  d'achat  de  voix  et  leur  réali- 
sation que  visa  la  loi  Licinia  de  699/55.  Ce  délit  acquérait 
ainsi  comme  crimen  sodaliciurum  une  indépendance  formelle 
en  droit  pénal  à  côté  de  Yambitus  ordinaire  et  même  avant 
lui  (2).  11  est  disparu  à  l'époque  postérieure  avec  d'autres  ex- 
croissances du  régime  démocratique. 

7.  Lorsque  dans  le  droit  postérieur  on  frappa  de  la  peine 
de  Vambitus  le  fait  pour  l'accusé  de  pénétrer  dans  la  demeure 


sur  cette  decuratio  tribulium  {loc.  cit.  18,  45.  19,  47),  sur  le  izl-rfiovct  8£xao-(i6; 
(Appien,  B.  c.  2,  24). 

(!)  La  dissolution  des  collèges  dangereux  pour  l'Etat  (Asconius  :  colle- 
gia  quae  aduersus  rem  publicam  videbantur  esse.  Dion  :  ■za.  âTaipixà'xoXXriyca 
èizi-/u>pl(i)i  xa).o'j[j.cv«)  par  un  sénatus-consulte  en  690/64,  contre  lequel  réa- 
git la  loi  Glodia  de  096/38  (Cicéron,  In  Pis.,  4,  8  |et  sur  ce  passage  Asco- 
nius p.  7.  8  ;  Cicéron,  Ad  Alt.,  3,  io,  4;  Pro  Sest.,  2o,  53;  Dion,  38,  13)  est 
une  mesure  dont  la  portée  se  trouve  précisée,  d'une  part,  par  l'indication 
que  le  sénatus-consulte  de  690/64  avait  été  provoqué  par  le  développement 
des  hétéries  (Asconius  In  Cornet.,  p.  73  :  fréquentes  tum  —  en  689/63  — 
etiam  coetus  factiosorum  fiominum  sine  publica  auclorilate  malo  publico  fiebant), 
d'autre  part,  par  le  sénatus-consulte  de  698/36  qui  reprend  manifestement 
les  dispositions  de  celui  de  690/64  et  décide  ut  sodalitates  decuriatique  disce- 
derenl  lexque  de  Us  ferretur,  ut  qui  non  discessissent  poena  quae  est  de  vi  le- 
nerentur  (Cicéron,  Ad  Q.  fr.,  2,  3,  3)  ;  il  semble  qu'ici  comme  chez  Dion 
la  formation  et  le  maintien  d'une  hétérie  soit  considérée  comme  une  vio- 
lence. L'année  suivante,  la  loi  Licinia  était  promulguée. 

(2)  Schol.  Bob.  in  Plane,  p.  233  :  M.  Licinius  Crassus  . .  pertulit,  ut  severis- 
sime  quaereretur  in  eos  candidatos,  qui  [aliosf]  sibi  conciliassent,  ut  per  illos 
peeuniam  tribuUbus  dispertirent  ac  sibi  mutiio  eadem  suffrugationis  emptae 
praesidia  communicarent .  Dion,  39,  37  :  TiixpoTspa  ciiiTi(j.ta  toïî  6ExâÇoua-i  ttvàç 
èTtSTa^av,  ôti  où  -/pritiac-iv,  àXXà  pîa  Tr,v  àçt'/ry  etAriÇEdav  «[AapxôvTe;.  Dans  le 
premier  texte  on  semble  relever  exclusivement  la  coitio,  dans  lo  second  la 
violence;  ces  conceptions  étroites  ne  reçoivent  pas  d'autre  confirmation. 
Chez  Cicéron  {Pro  Plancio,  13,  36.  19,  47.  20,  49),  le  délit  se  présente  comme 
un  ambitus  grave  que  l'on  oppose  à  Vambitus  communis.  Gpr.  encore  Cae- 
lius.  Ad  fam.,  8,  2.  Nous  n'avons  pas  de  définition  juridique  précise  du 
crimen  sodaliciorum. 


204  DROIT  PÉNAL  ROMAIN 

du  juré  (1)  et  l'imposition   de  contributions  illégales  (2),   on 
ne  fit  nullement  rentrer  pour  cela  ces  cas  dans  la  notion  du 
délit  à!arnbitiis. 
(873)  Au  point  de  vue  de  la  procédure,  les  anciennes  lois  sur 

Procès.  Yambitiis  ne  nous  offrent,  dans  l'état  actuel  de  nos  connais- 
sances, aucune  particularité  importante  (3).  Tout  au  moins 
depuis  Sylla,  il  y  a  pour  ce  délit  un  préteur  spécial  (4).  Par 
faveur  pour  l'accusé,  on  lui  permet  à  lilre  d'exception  dans 
cette  quaestio  de  se  faire  représenter  dans  l'instruction  prépa- 
ratoire par  une  personne  qu'on  adjoint  au  demandeur  (o)  et 
on  lui  accorde  aussi  le  droit,  ordinairement  réservé  au  deman- 
deur, de  citer'des  témoins  (G).  Xous  avons  déjà  exposé  plus  haut 
(1  p.  2o2)  la  composition  du  jury  établie  par  la  loi  Licinia  de 
699/55  sur  les  sodalicia  et  qui  mettait  le  tribunal  presque 
exclusivement  dans  la  main  du  demandeur;  il  en  est  de  même 


(1)  Dig.,ii,  14,  1,  4. 

(2)  Dig.,  48,  14,  1,  3. 

(3)  Lorsqu'en  093/61  le  consul  M.  Pison  fut  accusé  d'abriter  chez  lui  les 
divisores  qui  agissaient  pour  l'élection  d'Afranius,  le  sénat  permit  une 
perquisition  domiciliaire  chez  les  magistrats  (Cicéron,  Ad  Alt.,  1,  16,  12  ; 
cpr.  Drumann  4,  483).  —  L'indication  de  Plutarque  (^Cat.  min...  42)  qu'il 
devait  y  avoir  entre  l'élection  et  l'entrée  en  charge  un  intervalle  légal 
afin  de  permettre  d'intenter  l'action  pour  cause  de  corruption  électorale, 
parait  provenir  de  ce  que  cet  auteur  a  mal  compris  le  rejet  de  la  propo- 
sition faite  en  699/35,  pour  l'élection  des  préteurs  qui  devait  avoir  lieu 
cette  année  même,  de  fixer  exceptionnellement  un  intervalle  de  ce  genre 
(Cicéron,  Ad  Q.  fr.,  2,  7,  3  ;  Drumann,  3,  279).  M.  Messalla,  consul  en  701, 
ne  fut  cité  en  justice,  tout  d'abord  pour  cause  à'amhitus,  puis  pour  cause 
de  sodalicia,  qu'en  703  après  l'administration  de  sa  charge  (Cicéron,  Ad 
Q.  fr.  3,  8,  3  ;  Ep.  9,  3  ;  Caelius,  Ad  fam.,  8,  t  ;  Val.  Max.,  3,  9.  i>).  —  Sur 
la  proposition  de  Caton,  le  sénat  décida  que  les  candidats  élus,  sans 
attendre  une  accusation,  devaient  se  laver  du  soupçon  d'ambilus  (Plutar- 
que, Ca^.  >«i/i.,  44);  mais  il  est  difficile  de  concevoir  comment  ce  sénatus- 
consulte  a  pu  être  efficacement  appliqué.  Peut-être  veut-on  dire  seule- 
ment que  les  élus  doivent  donner  l'assurance  par  serment  qu'ils  ne  se 
sont  pas  servis  pour  leur  campagne  électorale  de  moyens  punissaljles. 

(4)  I  p.  236.  SI.  R.,  2,  20!,  n.  2  [Dr.  pubL,  3,  230,  n.  3].  Les  procès  de 
sodalicia  ne  forment  pas  plus  une  quaestio  indépendante  que  ceux  de  vio- 
lence {St.  IL,  2,  584,  n.  2  [Dr.  publ  ,  4,  290,  n.  3]). 

(5)  Cette  disposition,  dont  on  ne  peut  soutenir  l'application  générale 
(II  p.  67  n.  1  ),  a  bien  pu  être  en  vigueur  dans  la  matière  de  Vambilus  à 
propos  de  laquelle  elle  est  mentionnée  (Plutarque,  {Cal.  min.,  21). 

(6;  II.  p.  80  n.  7.  Pline,  Ep.  6,  5,  2. 


ABUS   DES   DROITS  205 

des  aggravations  de  procédure  encore  plus  profondes  de  la  loi 
de  Pompée  de  702/52  :  exclusion  de  l'ampliation  (II  p.  103  n.  4) 
limitation  des  débats  à  un  certain  nombre  de  jours  (II  p.  113 
n.  1).  réduction  du  temps  accordé  pour  les  plaidoiries  (II  p.  108 
n.  1),  exclusion  des  témoins  de  moralité  (II  p.  122),  reddition 
de  la  sentence  par  un  petit  nombre  de  jurés,  désignés  par  le 
sort  immédiatement  avant  le  scrutin  dans  la  foule  de  ceux 
qui  ont  été  convoqués  (I  p.  251;  II  p.  105.) 

Nous  avons  déjà  indiqué  que,  d'après  l'ancien  droit,  l'achat  Peine. 
des  voix  était  un  crime  capital,  et  que  les  plus  anciennes  lois 
rendues  contre  les  actes  inconvenants  de  brigue,  si  elles  ont 
établi  des  peines  fixes,  n'ont  pu  prescrire  que  des  amendes 
modiques.  Quelle  fut  la  peine  établie  pour  ces  "délits  très  iné-  (874) 
gaux  par  eux-mêmes,  mais  traités  comme  égaux  dans  la  pro- 
cédure de  la  quaeslio,  lorsqu'un  jury  spécial  fut  établi  pour 
eux?  xSous  ne  le  savons  pas.  Plus  tard  la  loi  de  Sylla,  adoucis- 
sant vraisemblablement  la  peine  existante,  a  réprimé  Vambi- 
tus  par  l'interdiction  de  briguer  une  charge  pendant  dix  ans 
(III  p.  197  n.  2),  la  loi  Calpurnia  a  prescrit  dans  ce  cas  l'exclu- 
sion  du  Sénat  (1),  ce  qui  entraine  juridiquement  l'interdiction 
permanente  de  la  candidature  aux  charges  (2),  et  en  outre  une 
peine  pécuniaire  (3).  D'après  la  loi  Tullia,  la  peine  est  le  ban- 
nissement hors  de  Rome  et  de  l'Italie  pour  dix  ans  (4).  La  loi 
sur  les  sodalicia  de  099/55  (5)  et  la  loi  de  Pompée  de  702/52  (G) 
ont  aggravé  ces  peines  et  ont  vraisemblablement  permis  d'aller 
jusqu'à  l'exil  à  perpétuité.  Le  dictateur  César  a  fait  rappeler 
par  un  vote  du  peuple  ceux  qui  avaient  été  condamnés  à  raison 

(1)  Dion,  36,  38.  37,  2;j.  Sidoine  Apollinaire,  Ep.,  i,  3. 

(2)  Dion,  loc.  cit.  Schol.  Bob.,  p.  301.  Cicéron,  Pro  Sulla,  22,  63,  parle 
d'une  tentative  infructueuse  de  rétablir  la  vieille  peine  plus  douce. 

(3)  Dion,  30,  38.  Schol.  Bob.,  p.  301.  Le  bannissement  n'était  pas  pres- 
crit :  Cicéron,  Pro  Sulla,  26,  74. 

(4)  Cicéron,  Pro  Mur.,  22,  i'.j.  23,  47.  41,  89.  Pro  Plane,  3,  8.  34,  83,  avec 
les  scolies,  p.  269.  Schol.  Bob.,  p.  362.  Dion,  37,  29,  est  le  seul  à  limiter  le 
bannissement  à  dix  ans. 

(5)  Dion,  39,  37  (III  p.  203  n.  2)  Caelius,  Ad  fam..  8,  2. 

(6)  Asconius,  in  Mil.,  p.  37  :  poena  gravior.  Plutar:iue,  Cal.  Min.,  48  : 
âuiTtiita  xatvâ. 

\ 


206  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

de  CG  délit,  notamment  en  vertu  de  la  dernière  loi  (1);  les  do- 
cuments ne  nous  disent  pas  que  le  dictateur  ait  adouci  la  peine 
pour  l'avenir;  il  est  cependant  vraisemblable  qu'une  telle  me- 
sure a  eu  lieu,  car  Auguste  dans  sa  loi  de  730/18  se  contente 
de  réprimer  Vambitus  par  l'interdiction  d'être  candidat  pen- 
dant cinq  ans  (2).  La  monarchie  avait  sans  contredit  de  bon- 
nes raisons  de  se  comporter  ainsi:  la  chute  de  la  République 
avait  mis  fin  brusquement  à  l'âpre  poursuite  des  charges  et 
le  mal  contraire,  c'est-à-dire  l'indifférence  vis-à-vis  des  fonc- 
(87S)  tiens  publiques,  se  fit  sentir  à  tel  point  qu'il  fallut  faire  revivre 
le  principe  oublié  de  l'obligation  aux  charges  publiques.  — 
Nous  ne  trouvons  aucune  trace  de  peines  infligées  di\i\divisores. 
Les  différents  droits  municipaux  organisèrent  sur  le  modèle 
de  la  procédure  de  la  capitale  une  procédure  municipale  con- 
tre les  abus  dans  la  brigue  des  charges  (III  p.  198  n.  1).  Tou- 
tefois, pour  Vambitus  municipal,  la  peine  n'a  jamais  été  supé- 
rieure à  une  amende.  Le  droit  municipal  de  Genevita  fixe 
celle-ci  à  5000  sesterces  et  l'attribue  à  la  caisse  municipale  (3)  ; 
un  sénatus-consulte,  passé  dans  la  législation  de  Juslinien, 
l'établit  [d'une  manière  générale  au  double  de  celte  somme 
pour  les  magistratures  et  sacerdoces  municipaux  (4).  L'amende 
est  réclamée  par  un  judicium  rccupcratoriian  populaire  de- 
vant le  tribunal  municipal  (5).  En  outre,  le  condamné  encourt 
l'infamie  (6). 


(1)  II  p.  J71  n.  2  L'opinion  que  les  partisans  de  César  se  faisaient  de  la^ 
conduite  de  Pompée  après  le  meurtre  de  Gloduis  nous  est  révélée  par  les 
plaintes  de  ces  partisans  que  Gicéron,  Ad  Ait.,  9,  14  reproduit  :  ad  amhi- 
tionem,  guiùus  cxilii  poena  superioribus  legibus  {l'cxilium  de  la  loi  Tullia  n'é- 
tait pas  à  peri)étuilé)  no«  fuisset,  [ejeclos],  palriae  proditores  de  crilio  reduc- 
ios  esse.  La  dernière  plainte  se  rapporte  peut-être  à  L.  Billienus,  le  vieux 
satellite  de  Sylla,  qui  avait  été  condamné  après  la  mort  de  son  clier(As- 
conius.  In  iog.  catui.,  p.  02),  (st  qui,  rappelé  sans  doute  par  Pompée,  jouait 
de  nouveau  un  rôle  parmi  les  partisans  de  ce  dernier  (Gaelius,  Ad.  fani., 
8,  15). 

(2)  Dion,  54.  16. 

(3)  Lex  col.  Gen.,  c.  132. 

(4)  Diff.,  48,  14,  1,  i  :  cenlum  auvei. 

(5)  Le.v  col.  Gen.,  c.  132. 

(6)  Dig.,  48,  14.  1,1. 


ABUS   DES    DROITS  207 

12.  Abus  du  droit  d'association. 
Le  droit  d'association  a  été  expressément  reconnu  par  la  loi     Prohibition 

-  ,1,1  j'x-i-  1  1  j      des  associations. 

des  XII  Tables,  a  la  condition,  bien  entendu,  que  les  statuts  de 
l'association  ne  soient  pas  en  contradiction  avec  le  droit  com- 
mun (1).  La  dissolution  de  sociétés  qui  violent  ou  semblent 
violer  cette  prescription  a  dû  être  assez  souvent  ordonnée  ;  une 
mesure  de  ce  genre  priseenoGS/ ISGcontre  toutes  les  associations 
formées  pour  le  culte  de  Bacchus  { f aider atei),  non  seulement 
pour  le  peuple  romain,  mais  pour  toute  l'Italie,  nous  prouve 
que  des  catégories  entières  de  sociétés  ont  aussi  été  interdites 
(II  p.  283).  Sous  la  République,  le  droit  d'association  n'a 
subi  aucune  restriction  fondamentale,  les  sénatus-consultes 
de  G90'G4  et  de  698/oG,  commentés  dans  le  paragraphe  pré- 
cédent (III  p.  203  n.  1),  ne  visaient  que  les  clubs  électoraux, 
dont  l'utilisation  pendant  la  période  électorale  fut  immédiate- 
ment après  frappée  par  la  loi  pénale,  et  le  plébiscite  Clodien 
qui  réagit  contre  le  premier  sénatus-consulte  n'a  eu  égale-  (876) 
ment  pour  premier  objet  que  de  supprimer  les  dispositions 
d'exception  contenues  dans  celui-ci  (2).  Mais  les  abus  considé- 
rables qu'engendrait  alors  la  liberté  illimitée  d'association, 
non  seulement  en  matière  d'élection,  mais  aussi  pour  le  délit 
alors  si  répandu  de  rapt  d'hommes  et  pour  d'autres  buts  ana- 
logues directement  criminels  (3),  provoquèrent  déjà  de  la  part 

(1)  Loi  (les  XII  Tables,  8,  28  =  Diq.,  48,  22,  4  :  his  [sodalibus]  polestatem 
facit  lex  pactlonem  quam  velint  sibi  ferre,  dum  ne  c/uid  ex  publica  ler/e  corrum- 
panl.  L'affirmation  (Denys,  4,  43)  que  le  dernier  roi  avait  dissous  toutes 
les  sociétés  religieuses  (ayvôSoyç  (TU[A7tdc(7ac  xwsatjtwv  y)  cpparptaffTwv  îq  yeitôvwv 
Êv  TE  TV)  TiôÀct  xal  iizi  Twv  àYpwv  iç'  ispàxal  Ouata;  àiiâo-i  xoivâ;)  s'impose  dans 
une  description  de  la  tyrannie,  mais  peut  bien  provenir  de  diatribes  an- 
ticésariennes. 

(2)  On  peut  parfaitement  concilier  avec  cette  conjecture  et  il  n'est  pas 
invraisemblable  (Cicéron,  In  Pis.,  4,  8  :  collegia  non  ea  sola,  quae  senatus 
suslulerat  resliluta,  sed  innumerabilia  quaedam  nova  ex  omni  faece  urbis  ac 
servitio  concitala;  de  même,  Pro  Sest..  25,  55)  que  la  loi  Clodia  ait  élargi  la 
liberté  d'association,  l'ait  peut-être  accordée  expressément  aux  esclaves 
et  ait  restreint  la  faculté  du  magistrat  de  dissoudre  les  sociétés  par  voie 
administrative. 

(3)  Suétone,  Au(j.,  33  :  vlurimae  facUoncs  titulo  coUegii  rwvi  ad  tiullius  non 


208  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

du  dictateur  César  une  limitatioQ  générale  du  droit  d'associa- 
tion (1),  et  il  est  vraisemblable  que  sous  Auguste  (2)  la  liberté 
présumée  d'association  fut  supprimée  par  un  vote  du  peu- 
ple (3).  Depuis  lors,  les  classes  élevées  de  la  société  furent  sou- 
mises à  la  règle  suivante  :  les  corporations  anciennes  étaient 
maintenues,  mais  la  fondation  de  nouvelles  associations  était 
subordonnée  à  une  autorisation  spéciale  du  gouvernement 
suivant  une  réserve  que  l'on  avait  déjà  faite  lors  du  mouve- 
ment de  réaction  contre  les  sociétés  fondées  pour  le  culte  de 
Bacchus;  l'autorisation  devait  en  principe  être  demandée,  pour 
l'Italie  et  pour  les  provinces  sénatoriales,  au  sénat  en  sa  qua- 
lité d'organe  législatif  le  plus  élevé  ;  mais  l'empereur  avait  le 
droit  de  la  donner  pour  toute  l'étendue  de  l'empire  (4).  Les 
classes  inférieures  de  la  population,  y  compris  les  esclaves, 
avaient,  si  l'on  fait  abstraction  de  la  défense  absolue  relative 
aux   soldats  (o)  et  vraisemblablement   aussi  à  la  capitale  (6), 


facinoris  societatem  coibant.  Cpr.  III  p.  90  n.  7.  Un  exemple  nous  est  donné 
par  les  associations  qui  prennent  part  à  la  lutte  entre  les  deux  villes 
voisines  de  Pompéi  et  de  Nuceria  et  qui  provoquent  des  troulîles  notam- 
ment dans  les  fêtes  populaires  (III  p.  209  n.  4). 

(1)  Suétone,  Caes.,  42  :  cuncla  colleqia  praeter  antiquitiisconsfilula  dislraxit. 
Josèphe,  Ant.,  !4,  10,  8=  215  :  Fâio;  Kaïcap  dv  tw  SiaTayiJ-aTt  xwaÛwv  Otâ- 
o-ou;  «T-jvâyEffOat  xaTa  TtôXiv,  texte  d'après  lequel  il  semble  ({u'un  édit  spécial 
ait  été  encore  rendu  contre  les  sociétés  urbaines.  Cpr.  III  p.  208  n.  6. 

(2)  Suétone,  Auq.,  32  :  collegia  praeter  antiqua  et  légitima  dissolvll. 

(3)  C.  ï  L.  VI,  2193  =  4416  :  collegio  symphonia:orum,  qui  sacris  publias 
praestu  sunt,  quilnis  senatus  c  {oire)  (convenire)  dogi)  permisit  e  lege  Julia  ex 
auctoritale Aiiq(usti)  ludorum  coi/sa.  Asconius, /«  CorneL.^.l'y.postea  (après 
l'année  689/65,  cpr.  III  p.  203  n.  1)  ex  s.  c.  et  pluribus  legibus  sunt  sublala 
praeter  pauca  atqite  certa,  qiiae  iitHilas  civitatis  desiderassel,  qualia  sitnt  fabro- 
rum  liticiniimque  {litlorumque  dans  le  manuscrit;  cpr.  St.  R.,  3,  287,  n.  3. 
[Dr.  Publ.  6,  1,326,  n.  1]).  Dig.,  50,6,6,  12:  collegia  vel  corpora,  quibus  jus 
copundilege  permissum  est.  De  ces  diverses  lois,  nous  ne  connaissons  que 
la  loi  Julia  proposée  plutôt  par  Auguste  que  par  César. 

(4)  Dig.,  3,  4,  1,  pr.  47,  22,  3,  1.  St.  H.  2,  886.  [Dr.  Publ.  5,  1G4.] 

{'6)  Dig.,  47,  11,  2.  tit.  22,  i,  pr.  En  elTet,  nous  ne  rencontrons  pas  do 
collèges  de  soldats  dans  les  inscriptions,  sauf  des  exceptions  insignifiantes. 

(G)  Dans  la  ville  de  Rome,  le  gouvernement  a,  du  moins  au  début,  pro- 
cédé avec  une  iirudence  particulière.  Le  collège  des  boulangers  n'a  été 
autorisé  pour  l;i  première  fois  à  Rome  que  par  Trajan  (Victor.  Caes.,  13. 
cpr.  C.  I.  L.,X1V,  2213  de  l'an  100  :  pislor  Roynaiiiensis  e.v  reg[ionibus]  XIV), 
d'autres    collèges  n'ont  été  permis  que  par  Alexandre  Sévère  (Vila,  33). 


ABUS  DES  jtRorrs  209 

la  liberté  de  s'associer,  si  le  groupement,  ordinairement  cons-  (877) 
titué  sous  la  forme  d'une  société  cultuelle  fondée  pour  honorer 
une  divinité  déterminée,  se  formait  comme  caisse  mortuaire, 
et  à  la  condition  que  les  membres,  en  dehors  des  cérémonies 
cultuelles,  ne  se  réunissent  pas  plus  d'une  fois  par  mois  (1)  et 
qu'aucun  d'eux  n'appartînt  à  plus  d'une  société  de  ce  genre  (2). 
Comme  aucune  mesure  publique  n'était  prise  pour  l'inhuma- 
tion et  comme  on  ne  pouvait  cependant  pas  se  dispenser  d'une 
organisation  générale  à  cet  égard,  la  disposition  législative 
dont  nous  nous  occupons  ici  paraît  avoir  eu  essentiellement 
pour  but  d'assurer  ce  service;  l'admission  des  esclaves  dans 
ces  sociétés  et  la  défense  d'appartenir  à  deux  d'entre  elles  ap- 
puient cette  conjecture.  —  Le  manquement  à  ces  prescrip- 
tions rentre  dans  le  crime  de  violence  publique,  lorsque  les 
éléments  de  ce  délit  sont  réunis  (3);  si  ces  éléments  font  défaut, 
l'association  peut  naturellement  être  dissoute.  En  outre,  il 
n'est  pas  douteux,  bien  qu'on  ne  puisse  pas  le  prouver  directe- 
ment, qu'une  répression  extraordinaire  fut  admise  ici  (4).  La  pro- 
cédure d'accusation  put  également  avoir  lieu  pour  ce  motif  (o). 


(1)  Les  règles  fondamentales  à  cet  égard  sont  posées  par  un  sénalus- 
consiilte,  dont  la  disposition  principale  est  contenue  dans  les  statuts 
d'un  collège  de  Lanuvium,  fondé  en  d36  et  rentrant  dans  cette  catégorie 
(C.  l.  L..  XIV.  2112  =  Bruns,  p.  345  [Girard,  Textes'^  p.  829],  en  abrégé  : 
Dif).,  47,  22,  1)  :  quib[us  coireco]nvenire  collegiumque  habere  liceat.  Qui  sfipem 
inenslruam  con  ferre  volen[t  in  fun]era,  in  it  colleç/ium  coeant  neqiie  sub  specie 
ejus  coliegi  nisi  semel  in  mense  c[oeant  co\nferendi  causa,  unde  defuncti  sepe- 
liantur.  La  disposition,  Dif/.,  47,  22,  1,  1:  religionis  causa  coire  non  prohi- 
henlur,  ne  déclare  pas  libres  les  sociétés  religieuses  en  général,  mais 
autorise  les  sociétés  permises  à  se  réunir  aussi  souvent  que  le  réclament 
les  exigences  du  culte. 

(2)  Dig.,  47,  22,  1,  2. 

(3)  III  p.  203  n.  1  et  2  et  à  propos  de  la  violence,  II  p.  382.  Peine  de 
l'exil  :  Tacite,  Ann.,  14,  17. 

(4)  Les  collegia  illicila,  (Dig.,  47,  22,  1,  pr.  1.  2)  sont  encore  distingués 
des  collegia  sodalicia  [Dig.,  47,  22,  i,  pr.),  sans  doute  sur  le  fondement  de 
la  loi  Licinia.  De  cette  espèce  sont  les  collèges  qui  furent  dissous  par 
suite  de  la  guerre  que  se  firent  entre  elles  sous  Néron  les  cités  voisines  de 
Poinpéi  et  de  Nuceria  (Tacite,  Ann.,  14,  17  ;  C.  /.  L.,  IV,  1293)  et  les  faclio- 
nes  de  Nicomédie,  qui  provoquèrent  les  hésitations  de  Trajan  (Pline,  E/j.  33. 
34)  à  permettre  dans  cette  cité  un  collège  de  la  catégorie  la  plus  élevée. 

(5)  Accusation  devant  le  préfet  de  la  Ville  :  Dig.,  1,  12,  1,  14. 

Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  14 


210  DROIT    PÉNAL   ROMAIN 

13.  Abus  de  la  dénonciation  fiscale. 

L'abus  du  droit  qui  apparlieot  à  toute  personne  de  susciter 
une  procédure  pénale  publique  et  les  mesures  répressives  per- 
(878)  mises  contre  Vindex  (II  p.  187)  et  contre  Vaccusator  (II  p.  181) 
en  cas  de  fausse  dénonciation  ou  accusation  forment  la  contre- 
partie des  primes  accordées  pour  juste  dénonciation  ou  juste 
accusation  ;  nous  en  avons  par  suite  parlé  dans  la  procédure 
pénale  à  propos  de  ces  récompenses.  D'ailleurs,  cet  abus  ren- 
tre principalement  dans  la  liste  des  délits  proprement  dits 
qui  ont  un  fondement  moral  et  non  pas  dans  la  présente  Sec- 
tion. —  Il  nous  reste  à  parler  ici  de  la  dénonciation  faite  à 
l'Etat  d'une  créance  patrimoniale  née  à  son  profit.  Elle  a  cer- 
tainement du  se  produire  à  l'époque  républicaine,  mais  ne  s'y 
manifeste  pas  d'une  manière  particulière  (1);  elle  n'a  acquis 
d'importance  que  dans  l'administration  financière  plus  rigou- 
reuse du  Principat  et  grâce  notamment  à  la  législation  succes- 
sorale d'Auguste  (2).  Celle-ci  a  pour  principal  objet  —  les  dé- 
tails de  cette  législation  ne  peuvent  être  exjiosés  en  droit  pénal 
—  premièrement,  d'appeler  l'Etat  en  dernière  ligne  comme 
héritier,  lorsqu'un  citoyen  romain  meurt  sans  héritiers  légiti- 
mes (3),    et,  en  second  lieu,  d'attribuer  h.  l'État  les  hérédités 


(1)  Des  dénonciations  de  ce  genre,  par  exemple  pour  usurpation  de  Va- 
er  ptiblicus  ou  pour  fraude  en  matière  de  douanes,  ont  dû  se  produire 
sous  la  République  (Gaius,  4,  28;  Gicéron,  Verr.,  l.  2,70,  171);  mais  on 
peut  plutôt  reprocher  au  gouvernement  de  cette  époque  de  négliger  les 
droits  financiers  de  la  communauté  que  de  commettre  des  exagérations  en 
sens  contraire  et  il  n'y  a  certainement  pas  eu  à  cette  époque  de  récom- 
pense pour  de  telles  dénonciations. 

(:2)  Tacite,  Ann.,  3,  28,  (cpr.  25)  rattaclie  l'apparition  de  la  fiscalité 
(acriora  e.r  eo  vincla)  et  di'S  délateurs  d'hérédité  à  l'ctalilissement  du  Prin- 
cipat par  les  lois  de  720/28  :  inditi  custodes  et  ler/e  Papia  Poppaea  (an  9  ap. 
J.-G.)  praemiis  iridiidi,  i/t,  si  a  priviler/iis  parentwn  cessnreliir  {c'est-;\-dire 
si  l'on  ne  se  prémunit  pas  là  contre  par  le  mariage  et  la  paternité)  velut 
parens  omnium  populus  vacanlia  teneret. 

(3)  Ulpien,  28,  7  :  .si  nemo  sit  ad  qiiem  bonorum  possesisio  pertinere  possit 
aiit  sit  quidem,  sed  jus  snum  omiserit,  populo  bona  deferuntur  ex  Icf/e  Julia 
caducuria.  Tacite,  Ann.,  2,  48.  Gelto  règle  a  été  transportée  plus  tard  de 
l'hérédité  aux  autres  objets  sans  maître,  bien  que   la  conception  origi- 


ABUS   DES    rnoiTS  211 

et  les  legs,  lorsque  les  acquisitions  à  cause  de  mort  sont  nulles, 
notamment  par  suite  des  lois  d'Auguste  sur  les  gens  non  ma- 
riés et  sur  les  gens  mariés  sans  enfants.  —  Ces  nouveaux  reve- 
nus de  l'Etat  provenant  des  biens  successoraux  sans  maître 
{hona  vacaniia)  ou  caducs  {bona  caduca)  ont  pour  corollaires 
de  nombreux  autres  revenus  du  môme  genre,  mais  de  moindre 
importance,  qui  échoient  pour  partie  au  sénat  et  pour  partie  à 
l'empereur  (1)  ;  tels  sont,  par  exemple,  les  dispositions  de  der- 
nière volonté  faites  au  profit  de  l'Etat  ou  do  l'empereur  et  les 
trésors  trouvés,  dans  la  mesure  où  ils  deviennent  choses  pu-  (879) 
bliques  d'après  les  lois  de  l'époque  impériale.  L'encaissement 
des  émoluments  qui  compétent  ainsi  à  l'État  est  en  général  réa- 
lisé par  les  préfets  de  Vaerarium  (2)  ;  quant  à  l'empereur,  il  fait 
percevoir  les  émoluments  qui  lui  sont  destinés  par  ses  agents 
des  finances,  par  exemple,  en  Egypte,  par  Vidiologus  (3).  De 
tels  débiteurs  pouvaient,  lorsqu'ils  ne  se  faisaient  pas  connaître 
eux-mêmes  à  l'autorité  compétente,  non  seulement  être  dénon- 
cés par  un  tiers;  mais  on  accordait  môme  à  toute  dénonciation 
convenablement  appuyée  sur  des  preuves  et  couronnée  de 
succès  une  récompense,  qui  semble  avoir  été  élevée  au  début 
et  qui  fut  depuis  iVéron  du  quart  de  l'avantage  procuré  (4). 
Lorsque  la  prétention  à.&Vacj^arium  était  contestée,  la  décision 
appartenait  en  droit  à  un  ou  plusieurs^agents  des  finances,  qui 


naire,  d'après  laquelle  la  chose  sans  maître  peut  être  occupée  par  toute 
personne  et  acquise  par  usucapion,  ait  toujours  subsisté  en  principe. 

(J)  Gallistrate,  Dirj.,  49,  14,  1  nous  en  donne  un  aperçu  d'ensemble.  Les 
causes  de  délation  et  par  conséquent  la  délation  elle-même  ne  peuvent 
être  exposées  en  droit  pénal. 

(2)  A  Rome  et  en  Italie,  ces  délations  vont  ordinairement  à  Vaerarium 
de  la  communauté  (cpr.  par  ex.  Pline,  Pan.  36;  Dig.  40,  5,  4,  20).  Les 
préfets  dont  il  est  question  ici  sont  ceux  que  l'empereur  Marc-Auréle, 
dans  un  procès  d'hérédité,  désigne  aux. avocats  du  fisciis  commoi  Judices 
vestri  {Dif/.,  28,  4,  3)  et  ceux  qui  sont  poursuivis  dans  de  tels  procès  sont 
les  rei  qui  apiid  aerariuni  pendent  (Suétone,  Dom.,  9). 

(3)  Strabou,  17,  1,  12  p.  777  :  ô  itpoo-ayope-jôixïvo?  (S'.oAÔyo;...  xwv  àSîTiroTwv 
xal  Tôiv  £Îç  Kafcrapa  Tctntciv  ô:pc'.).6vTwv  sIsTaTTriÇ  èdTt.     , 

(4)  Suétone,  Ner.,  tO  :  praemia  delatorum  Papiae  legis  ad  quartam  redegil. 
On  rencontre  aussi  cette  quarte  à  propos  de  la  délation  criminelle  comme 
prime  donnée  aux  accusateurs  (II  p.  202  ;  III  p.   i'ôl). 


212  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

pouvaient  renvoyer  l'affaire  à  des  jurés,  mais  qui  ordinaire- 
ment la  tranchaient  eux-mêmes  (1).  Les  prétentions  analogues 
du  fiscus  impérial  devaient  en  droit  aller  devant  le  préteur  et 
des  jurés  et  celte  procédure  fut  suivie  dans  une  certaine  me- 
sure; toutefois  ces  réclamations  furent  de  plus  en  plus  liqui- 
dées par  voie  administrative  (2). 

Cette  dénonciation  faite  à  l'administration  des  finances  est 
la  délation  proprement  dite  (3)  ;  l'abus  effrayant  qui  en  fut 
fait,  notamment  en  matière  héréditaire,  exige  qu'on  accorde 
à  cette  matière  une  place  en  droit  pénal.  Lorsque  la  dénoncia- 
tion fiscale  a  lieu  dans  uneintentiou  de  lucre,  elle  est  assimi- 
lée au  fond  et  dans  la  terminologie  à  l'action  criminelle  in- 
tentée dans  le  môme  but,  et,  dans  les  récits  historiques,  on  ne 
distingue  pas  le  plus  souvent  entre  la  délation  criminelle  et  la 
(880)  délation  fiscale  (4).  Au  fond,  l'abus  de  celte  dernière  a  vrai- 
semblablement causé  plus  de  tort  à  la  communauté  que  celui 
de  l'accusation.  A  vrai  dire,  la  procédure  de  calumnia,  possi- 
ble contre  l'abus  de  la  délation  criminelle,  n'a  jamais  été  ap- 
pliquée à  la  délation  fiscale;  celle-ci  n'en  a  pas  moins  été  très 
fréquemment  réprimée  par  voie  de  procédure  criminelle.  La 
délation  fiscale  faite  à  tort  fut  ordinairement  (3)  réprimée 
comme  délit  grave  par  les  souverains  qui  ne  se  laissèrent  pas 
entraîner  aux  excès  de  la  fiscalité  ;  elle  fut  souvent  punie  du 
bannissement  (G)  et  ceux  qui  faisaient  profession  de  ces  dénon- 


(1)  SI.  fi.,  1,  169  et  sv.  2,  463.  1020  et  sv.  [Dr.  Publ..  1,  193  et  sv.  4, 
154.  5,  315  et  sv.]. 

(2)  St.  R..  2.  1021  et  suiv.  [Dr.  Publ.,  5,  317  et  sv.j. 

(3)  Nos  sources  juridiques  visent  d'une  manière  absolue  la  délation 
fiscale;  ici  le  mot  n'est  pas  pris  dans  un  sens  odieux,  ainsi  que  le  montre 
notamment  la  mention  fréquente  de  la  délation  de  soi-ménif.  Dans  le  lan- 
gage des  historiens,  notamment  de  ceux  de  la  dernière  période,  le  mot 
désigne  principalement  la  délation  criminelle. 

(4)  La  longue  diatribe  de  Pline,  Paner/.,  34-36  contre  les  délateurs  vise 
principalement  les  délateurs  d'hérédité  {nulla  jam  testamenta  recura)  ;  mais 
la  stigmatisation  pour  cause  de  calumnia.  qui  a  dû  s'appliquer  ici,  ne 
peut  se  rapporter  qu'à  l'abus  de  l'accusation. 

(5)  Pour  excuser  une  délation  sans  fondement,  on  exige  qu'il  y  ait  copni' 
Ho  et  abolilio  {Duj.,  49,  14,  Ij,  pr.). 

(6)  Domitien  (Suétone,  Do)n.,  9  ;  d'après  lui  Dion  67,  1)  prescrivit,  sans 


ABUS    DES    DROITS  213 

cialions  furent  frappés  d'infamie,  même  lorsque  leurs  délations 
étaient  exactes  (1).  Le  gouvernement  a  pendant  un  certain 
temps  prohibé  la  délation  fiscale,  tout  au  moins  théoriquement, 
en  la  menaçant  d'une  peine  (2)  ;  on  est  même  allé  jusqu'à 
frapper  de  la  peine  de  mort  celui  qui  faisait  une  troisième  dé- 
nonciation, même  si  celle-ci  était  exacte  ou  pouvait  l'être  (3). 
Toutes  ces  mesures  n'ont  cependant  pas  abouti  à  faire  donner 
une  définition  juridique  de  ce  curieux  délit. 

14.  Autres  contraventions. 

Les  dispositions  pénales  que  nous  réunissons  ici  sont  diri- 
gées contre  des  abus  commis  dans  l'exercice  d'une  magistra- 
ture ou  dans  le  service  du  jury  ou  dans  d'autres  fonctions  pri-      (881) 
vées  ou  publiques.  Issues  pour  la  plupart  d'un  état  de  choses 
passager  et  adaptées  à  cet  état,  elles  appartiennent,  plus  encore 


doute  seulement  pour  la  reprise  de  procès  de  Vaerarium  perdus,  ut  accu- 
satori,  qui  causam  non  teneret,  exiliinn  poena  esset  et  procéda  avec  la  même 
rigueur  ou  même  avec  une  rigueur  plus  grande  contre  la  délation  dans 
des  procès  du  fiscus.  Trajan,  qui  exila  les  délateurs  en  masse  (Pline,  Pa- 
7ieg..  34.  35),  Macrin  (Vita,  12)  et  Aurélien  (Victor,  Caes.,  13  ;  Vita,  39)  agi- 
rent de  même.  A  vrai  dire,  toutes  ces  mesures  ont  le  caractère  de  mesu- 
res extraordinaires  prises  en  cas  de  nécessité  ;  l'institution  des  délateurs 
est  en  elle-même  de  nature  si  perverse  que  les  moyens  réguliers  du  droit 
ne  suffisent  pas  à  réprimer  les  abus  et  que  le  droit  strict  doit  être  ici 
violé  par  un  acte  injuste  en  droit  strict. 

(1)  Le  biographe  de  Macrin  poursuit  [delatores)  si  probarent,  delato  pecu- 
niae  praemio  infâmes  dimisit.  Dans  le  même  sens,  on  peut  citer  le  fait  de 
Septime  Sévère  qui  accorde  à  un  délateur  de  ce  genre  la  récompense, 
mais  lui  retire  en  même  temps  pour  cause  d'indignité  le  legs  qui  lui  a 
été  fait  (Dig.,  34,  9,  1).  On  fait  pour  cette  raison  spécialement  remarquer 
que  la  délation  peut  avoir  lieu  aussi  pour  d'autres  motifs  que  le  propre 
intérêt  du  délateur  (Dig.,  49,  14,  2,  pr.  1.  44).  Autres  preuves  pour  l'infa- 
mie qui  s'attache  à  la  délation  :  Dig.,  34,  9,  5,  13.  Cod.,  9,  35,  3. 

(2)  On  peut  rapporter  au  gouvernement  d'Alexandre  Sévère,  l'empereur 
de  la  bonne  volonté  et  des  pieux  désirs,  ce  que  Paul  dit  dans  son  Précis 
(dont  on  ne  peut  fixer  la  date  d'une  manière  absolue)  5,  13,  1  :  omnes  oin- 
nino  déferre  allerum  et  causam  pecuniariam  fisco  nuntiare  prohibentur,  nec 
refert,  mares  islud  an  feminae  faciant,  servi  an  ingenui  a7i  libertini,  an  suos 
an  extraneos;  omni  enim  modo  puniuntur. 

(3)  C'est  ce  que  décident  relativement  à  la  dénonciation  de  fonds  sans 
maîtres  des  constitutions  de  380  et  418  (C.  TA.,  10,  10, 13.  28). 


214  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

que  celles  qui  ont  été  exposées  jusqu'ici  dans  cette  Section 
(III  p.  468),  à  la  législation  positive  et  l'idée  d'un  dol  criminel 
passe  chez  elles  complètement  à  l'arrière-plan.  En  outre,  notre 
documentation,  qui  malheureusement  dépend  trop  souvent  du 
hasard,  est  ici  tout  à  fait  subordonnée  aux  caprices  de  ce  der- 
nier. Toutefois,  les  renseignements  que  nous  possédons  con- 
cordent pour  nous  permettre  au  moins  cette  constatation  né- 
gative que  toutes  ces  dispositions  n'ont  pas  été  comprises  dans 
la  systématisaiion  du  droit  pénal  et  que  manifestement  la 
science  du  droit  ne  s'est  jamais  efforcée  de  les  faire  rentrer 
dans  les  catégories  fondamentales  de  ce  système.  Le  crime 
d'État,  qui  est  en  principe  un  crime  capital,  n'embrassant  que 
les  cas  les  plus  graves  de  violation  des  devoirs  incombant  au 
magistrat  ou  au  citoyen  (II  p.  266.  269),  un  grand  nombre  des 
actions  que  nous  avons  à  mentionner  ici  se  présentent  comme 
complétant  la  répression  du  crime  d'Etat.  Comme  l'absence 
de  fondement  moral  ne  permet  pas  l'application  de  peines  gra- 
ves, la  punition  consiste  ordinairement  en  amendes,  qui  peu- 
vent, il  est  vrai,  entraîner  aussi  la  ruine  de  l'existence  civique. 
Dans  leur  ensemble,  ces  actions  constituent  un  facteur  appré- 
ciable de  la  procédure  pénale  romaine.  Cela  tient  notamment 
à  ce  que  dans  la  dernière  période  de  la  République  la  coercition 
arbitraire  du  magistrat  a  été  fréquemment  remplacée  par  des 
procédures  d'amendes,  qui  sont  parfois  soumises  à  la  décision 
des  comices,  mais  qui  sont  ordinairement  tranchées  par  des 
jurés;  ces  actions  ont  donc  ainsi  une  importance  considérable 
pour  la  restriction  progressive  des  pouvoirs  du  magistrat.  Ces 
actions,  disparates  comme  toujours,  peuvent  prétendre  à  une 
place  dans  un  exposé  du  droit  pénal  romain,  tout  au  moins 
sous  forme  d'exemples  (1).  Pour  les  règles  de  procédure  appli- 


(1)  Diverses  actions  de  ce  genre  ont  déjà  été  examinées  à  i)ropos  des 
différents  délits  principaux;  telles  sont  celles  qui  résultent  des  idébisci- 
tes  votés  avant  le  développement  du  crime  de  faux  contre  la  falsification 
de  la  monnaie  (II  p.  395)  et  contre  l'établissement  de  fausses  mesures  et 
de  faux  poids  (II  p.  ;$'J9).  —  Nnus  avons  laissé  de  côté  comme  une  invention 
tardive  et  maladroite  l'indication  inconciliable   avec   les  règles  sur  les 


ABUS    DES   DROITS  215 

csibles  h  ces  ?nult(/e,  nous  devons  renvoyer  au  Livre  suivant.  — 
Les  cas  particuliers  qui  sont  ici  cités  sont  principalement  em- 
pruntés, d'une  part,  à  la  tradition  républicaine,  d'autre  part, 
aux  lois  municipales  de  la  fin  de  la  République  et  du  commen- 
cement de  l'Empire.  Nous  ne  songeons  nullement  à  être  com- 
plets; il  nous  a  paru  superflu  d'enregistrer,  même  en  nous 
limitant  à  des  exemples,  les  prescriptions  pénales  analogues, 
dirigées  contre  les  fonctionnaires  et  le  plus  souvent  aussi  con- 
tre leur  personnel  de  bureau,  qu'on  rencontre  en  grand  nom- 
bre dans  les  constitutions  de  la  dernière  période, 

I.  Irrégularités  dans  l'exercice  d'une  magistrature. 

1.  Les  contraventions  commises  dans  la  présentation  des  lois 
conduisent  à  des  procès  répressifs  soit  en  vertu  de  la  loi  Aci- 

lia  et  de  la  loi  Fufia  en  cas  de  manquement  aux  règles  reli-      (882) 
gieuses  (1),  soit  en  vertu  de  la  loi  Licinia  Junia  de  692/62, 
lorsqu'on   néglige   de  déposer  le  projet  de  loi   dans  l'aéra- 
rium  (2).  Le   procès  a  la  forme  de  la  quaestio;  (3)  la  peine 
n'est  pas  connue. 

2.  La  clause  finale  des  lois  (sanctio)  non  seulement  libère 
ordinairement  de  la  peine  établie  par  celles-ci  les  person- 
nes qui  pour  les  observer  violent  une  autre  loi  (4),  mais  elle 
frappe  aussi  fréquemment  d'une  peine,  le  plus  souvent  d'une 
milita,  ceux  qui  sans  enfreindre  une  des  règles  spéciales,  objet 
principal  de  la  loi,  agissent  à  l'encontre  des  dispositions  plus 
générales  qui  y  sont  contenues  (5).  Il  faut  donc  citer  ici 
spécialement  à  côté  des  menaces  de  peine  dirigées  contre  l'a- 


mullae,  d'après  laquelle  en  386/368  Camille,  après  sa  nomination  comme 
dictateur,  aurait  été  frappé  par  un  plébiscite  d'une  amende  de  500,000  as 
pour  chaque  acte  accompli  dans  l'exercice  de  ses  fonctions  (Tite-Live,  6, 
38,  9). 

(1)  S/.  R.,  1,  Ml,  [Dr.  Publ.,  1,  127]. 

(2)  St.  /}.,  2,  546.  3,  371.  [Dr.  Publ.,  4,  246.  6,  1,  426]. 

(3)  Cicéron,  In  Vat.,  !4,  33.  Ad  AU.,  4,  16,  3. 

(4)  St.  R..  3,  362.  [Dr.  Puhl..  6,  1.  415]. 

(5)  On  ne  peut  pas  comprendre  autrement  l'action   prévue  par  la  1.  56 
de  la  lex  Acilia  repelundarum  et  résultant  de  la  sanc/io  (perdue)  de  cette  loi. 


216  DROIT  PÉNAL  ROMAIN 

bolition  de  la  loi,  les  prescriptions  fréquentes  qui  imposent 
aux  magistrats  (1),  pour  l'époque  postérieure  à  leur  entrée  en 
fonctions,  et  aux  sénateurs  (2),  l'obligation  de  s'engager  par 
serment  à  l'observation  de  la  loi  et  frappent  d'une  peine  pé- 
cuniaire ceux  qui  négligent  de  prêter  ce  serment. 

3.  La  violation  des  règles  de  l'intercession,  telles  que  Sylla 
les  a  établies  (3),  est  punie  d'une  amende  grave  réclamée 
devant  le  préteur  par  voie  d'action  civile  (4).  De  même,  d'a- 

(883)  près  le  droit  municipal  de  Malaca,  celui  qui  empêche  la  coer- 
cition par  une  intercession  encourt  une  amende  de  10.000  ses- 
terces (5). 

4.  Tenue  irrégulière  des  registres  (G). 

5.  Le  magistrat  qui  admet  au  partage  des  céréales  dans  la 
capitale  une  personne  qui  n'y  a  pas  droit  est  frappé  de  l'a- 
mende élevée  de  oO.OOO  sesterces  pour  chaque  mesure  indû- 
ment attribuée  (7). 


(1)  st.  R.,  1,  621,  n.  G  [Dr.  publ.,  2,  293,  n.  4]  où  nous  avons  inexactement 
rapporté  l'amende  qui  fait  l'objet  du  procès  deC.  Junius  en  680/74  à  la  loi 
sur  le  meurtre  que  celui-ci  avait  précisément  à  appliquer  comme  magis- 
trat ;  les  mots  de  Cicéron,  Pro  Cluentio,  34,  02  :  si  in  aliqaam  ler/em  cdiqtiando 
non  juraverat  montrent  qu'on  peut  penser  à  toute  loi  munie  de  la  clause 
du  serment.  Les  paroles  de  Cicéron  {ihid.,  33,  01  :  quae  ves  nemini  iimquam 
fraudi  fuit)  prouvent  en  outre  que  cette  prestation  de  serm.ent  était  une 
formalité  indiiïérente.  —  Lorsqu'une  loi  prononce,  contre  celui  qui  refuse 
de  s'engager  par  serment  à  l'observer,  la  perte  de  la  fonction  {St.  R..  1,  621 
[Dr.  publ.,  2,  293]),  ou  du  siège  sénatorial  {St.  R.,  3,  883  [Dr.  piihl.,  7,  59]), 
celte  conséquence  ne  peut  être  considérée  comme  une  peine  au  sens  ju- 
ridique du  mot,  de  même  qu'on  ne  peut  considérer  comme  telles  les  me- 
sures législatives  restreignant  par  de  nouvelles  conditions  la  capacité 
requise  pour  être  magistrat  ou  sénateur. 

(2)  D'après  la  loi  Appuléia,  le  sénateur  qui  refuse  de  prêter  ce  serment 
non  seulement  perd  son  siège  de  sénateur,  mais  est  encore  frappé  d'une 
amende  de  12000  sest.  (Appien.,  B.  c,  1,  29). 

(3)  St.  R.,  2,  308  [Dr.  publ.,  3,  354]. 

(4)  Cicéron,  Verr..  1.  1,  60.  155. 

(5)  Lex  Malac,  c.  58. 

(6)  Cicéron,  l'ro  Cluentio,  33,  91  :  quod  C.  Verres  praetor  urbanus  .  .  sitbsor- 
titionem  ejus  (c'est-à-dire  le  recrutement  complémentaire  du  jury  provo- 
qué par  le  président)  in  .  .  codice  non  haberct.  Cette  action  et  celle  qui  est 
mentionnée  III  p.  216,  n.  1  sont  intentées  eadem  fere  lege  et  crimine  (Cicé- 
ron, Pro  Cluentio,  37,  103),  c'est-à-dire  sur  le  fondement  de  la  loi  de  Sylla 
relative  au  jury. 

(7)  Lex  Julia  municipatis,  1.  18  :  quoi  aduei'sus  ea  eorum  quoi  frumentum  de- 


ABUS  DES  naoïTS  217 

6.  D'après  les  droits  municipaux,  les  magistrats  encourent 
des  amendes,  s'ils  négligent  de  prêter  le  serment  qu'ils  doi- 
vent fournir  après  leur  entrée  en  fonctions  (1),  s'ils  omettent 
les  sacriûces  obligatoires  (2),  s'ils  négligent  de  faire  prêter 
serment  à  leurs  subalternes  (3),  s'ils  permettent  à  des  per- 
sonnes qui  n'y  ont  pas  droit  de  briguer  une  charge  (4),  de 
prendre  place  dans  l'assemblée  municipale  (o),  de  devenir  pa- 
tron de  la  cité  1^6)  ou  d'occuper  une  place  privilégiée  au  théâ- 
tre (7). 

n.  Irrégularités  dans  le  service  du  jury. 

1.  Défaut  sans  excuse  suffisante  (8). 

2.  Le  fait  de  siéger  dans  un  jury  en  dehors  de  l'ordre  lé- 
gai  (9). 

3.  Retard  apporté  dans  le  vote  (10). 

III.  Contraventions  diverses.  (884) 

1.  Nous  ne  savons  pas  jusqu'où  la  brigue  ou  acquisition 
d'une  magistrature    en  l'absence  des  qualités  requises  était 


deril,  is  in  Irilici  m(odios  singulos  sesterllum  quinquaqena    milia)  populo  dure 
damnas  esto  ejusque  pecuniae  quel  volet  peliiio  eslo. 

(1)  Lex  Salpensana,  c.  26  :  10  000  sest. 

(2)  Lex  col.  Gen.,  c.  128  :  10  000  sest. 

(3)  Lex  col.  Gen.,  c.  81  :  5  000  sest. 

(4)  Lex  Julia  municipalis,  1.  98  et  sv.  134  et  sv.  :  50  000  sest. 

(5)  Lex  Julia  municipalis,  1.  105  et  sv. 

(6)  Lex  col.  Gen.,  c.  97  :  5000  sest.  ;  lex  Malac,  c.  61  :  10  000  sest.  Si  ce- 
lui qui  a  été  choisi  à  tort  comme  patron  de  la  cité  est  un  sénateur  romain, 
l'amende  s'élève  à  100  000  sest.  :  lex  col.  Gen.,  c.  130. 

(7)  Lex  col.  Gen.,  c.  125.  126  :  5  000  sest. 

(8)  La  clause  de  la  loi  ïullia  sur  Vambitus,  d'après  laquelle  morbi  excu- 
sationi  poena  addila  est  (Gicéron,  Pro  Mur.  23,  47)  ne  peut  pas  s'appliquer 
à  l'accusé  (comme  cela  a  eu  lieu  à  tort  II  p.  71  n.  6),  car  elle  est  «  désa- 
gréable pour  beaucoup  »  [volunlas  offensa  multorum)  ;  mais  elle  s'entend 
très  bien  des  jurés. 

(9)  Gicéron,  Pro  Clueniio,  37,  103  :  miilia  petita,  quod  non  suae  decuriae 
munere  neque  ex  lege  sedisset. 

(10)  II  p.  103  n.  3.  La  lex  Acilia  repetundarum  1.  48  établit  une  peine  de 
5  000  sesterces,  quotiensquomque  «  amplius  »  bis  in  uno  ju[dicio  pronontialum 
fuerii]. 


218  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

punie  par  les  lois  de  la  République.  L'usurpation  d'une  magis- 
trature par  un  esclave  était  punie  de  mort  et  rangée  pour  celte 
raison  dans  les  cas  de  perduellion  (II  p.  2G6).  Quant  à  la  ré- 
pression des  cas  moins  graves,  par  exemple  de  la  violation  de 
la  loi  de  l'annalilé,  nous  n'avons  pas  de  renseignements.  La 
brigue  d'une  charge  municipale  sans  les  qualités  requises  est 
frappée  de  l'amende  grave  de  oO.OOO  sesterces  par  la  loi  Ju- 
lia  (1).  Pendant  la  dernière  période  de  l'Empire,  alors  que  les 
fonctions  subalternes  devaient  se  succéder  dans  un  ordre  hié- 
rarchique fixe,  il  était  interdit  sous  peine  grave  de  briguer 
deux  fois  la  même  charge  (2)  ou  de  briguer  sans  droit  une 
charge  de  la  première  classe  {'S). 

2.  11  en  est  de  môme  pour  le  fait  de  siéger  au  sénat  sans 
avoir  qualité  pour  cela;  les  prescriptions  relatives  à  Rome, 
telles  que  nous  les  connaissons,  ne  prononcent  aucune  peine 
pour  ce  cas;  la  lex  Julia  mimicipalis  établit  ici  la  même  peine 
que  dans  le  cas  précédent  (4). 

3.  Lorsqu'un  membre  d'une  assemblée  municipale  ne  pos- 
sède pas  dans  la  cité  en  question  une  maison  d'au  moins 
1500  briques  qui  lui  appartient  en  propre,  il  paie  à  la  caisse 
de  la  cité  une  amende  annuelle  (5). 

4.  Refus  de  se  charger  d'une  légation  municipale  (6). 

5.  Refus  de  passer  dans  une  colonie  latine  nouvellement 
fondée  par  l'Etat  (7). 

6.  Lorsque  l,a  mémoire  du  dictateur  César  eût  été  consacrée, 
celui  qui  refusait  de  prendre  part  à  la  célébration  de  l'anni- 
versaire de  naissance  du  dictateur  était  frappé  d'une  amende 


(1)  Lex  Julia  municipalis,  1.  29. 

(2)  C.  Th.,  9,  26,  2  (rr  C.  Jttst.,  9,  26.  1).  4.  Cela  est  appelé  amhitus  con- 
trairement à  l'ancien  usage  du  langage. 

(3)  C.  Th..  9,  20,  1. 

(4)  Lex  Julia  municipalis,  1.  108  et  sv. 

(5)  Lex  Tarentina,  1.  26  et  sv.  Peine  de  5  000  sest. 

(6)  Lex  col    Gen.,  c.  92.  Peine  de  10  000  sest. 

{!)  Cicéron,  Pro  Caec,  33,  98  :  in  colonias  Lalinnti  . .  7wstri  cives  .  .  aul 
sua  vnluntate  aut  legis  mulfa  profecli  sunt,  quam  multam  si  su/ferre  vuliiissent, 
matière  in  civitale  poluiasenC.  Cpr.  Phil.,  8,  1,  4. 


ABUS    DE^   DROITS  219 

grave  d'un  million  de  sesterces,  s'il  était  sénateur  ou  fils  de 
sénateur.  En  outre,  ce  même  refus  était  traité  d'une  manière  (885) 
générale  comme  crime  d'Etat  et  frappé  de  la  peine  capitale 
(II  p.  270  n.  4).  On  voit  apparaître  nettement  ici  l'opposition 
des  deux  systèmes  de  pénalités  et  l'inefficacité  des  mesures 
répressives  lorsqu'on  les  sanctionne  par  une  peine  grave,  tan- 
dis que  la  menace  d'une  amende  est  efficace. 

7.  Lorsqu'on  proteste  sans  droit  contre  Vabductio  du  débi- 
teur insolvable  de  la  communauté  faite  par  le  représentant  de 
la  cité  dans  la  procédure  d'exécution,  le  droit  municipal 
frappe  le  falsus  vindex  d'une  amende  de  20.000  sesterces  (1). 

8.  A  l'époque  impériale,  on  punit  sévèrement  celui  qui  s'en- 
richit injustement  en  faisant  miroiter  aux  yeux  des  particu- 
liers l'appui  qu'il  donnera  à  leurs  sollicitations  auprès  de 
l'empereur  (2)  ;  toutefois,  il  s'agit  plutôt  là  d'une  répression 
domestique  exercée  vis-à-vis  des  serviteurs  de  l'empereur  que 
d'une  procédure  à  proprement  parler  criminelle. 

9.  Lorsqu'une  personne  désobéit  au  magistrat  qui  exerce  la 
juridiction,  celui-ci  peut,  abstraction  faite  de  son  pouvoir  de 
coercition,  établir  un  jury  chargé  de  prononcer  une  amende 
convenable  (3)  ;  il  évite  ainsi  \ appellatio  possible  en  cas  de 
miiltae  dictio  (I  p.  GO). 


(1)  Lex  col.  Gen.,  c.  61. 

(2)  Les  ouvrages  de  droit  ne  parlent  pas  des  fumi  vendilores,  comme  on 
a  coutume  d'appeler  les  gens  de  cour  plus  ou  moins  influents.  Les  ren- 
seignements que  nous  donnent  à  cet  égard  des  ouvrages  littéraires  d'or- 
dre inférieur  (Martial,  4,  5:  Vita  Pli.W,  Elag..  \,  Alex.,  23.  35.  67)  parais- 
sent, dans  la  mesure  où  ils  correspondent  à  la  vérité,  devoir  être  classés, 
soit  parmi  les  actes  de  discipline  domestique,  soit  parmi  ceux  de  pure 
violence.  La  rémunération  promise  pour  l'appui  à  donnera  une  demande 
adressée  au  gouvernement  peut,  d'après  une  constitution  de  Théodose  I, 
être  réclamée  par  une  action,  quand  la  demande  est  agréée  (C.  Th.,  2,  29, 
1  =  C.  Just.,  4,  3,  1). 

(3j  Ulpien,  DUf.,  2,  3,  1  :  omnibus  magislratibus,  non  tamen  duumvirissecun- 
dum  jus  potestatis  suae  concessum  est  jurisdictionem  suam  defendere  poenali 
jndicio  ..  hoc  judicium  .  .  quanti  ea  res  est  concluditur  :  et  cum  meram  poe- 
nam  conlineat,  neque  post  annum  neque  in  heredem  datur.  Le  magistrat  ro- 
main peut  contre  celui  qui  ne  se  soumet  pas  à  sa  sentence  se  servir  soit 
de  son  pouvoir  de  coercition,  soit  introduire  sur  la  base  de  l'édit  du 
préteur  un  judicium  recuperatorium  d'amende,  de  telle  façon  que  lui-même 


220  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

10.  Le  muiuuni  conclu  entre  un  préleur  romain  et  le  re- 
présentant envoyé  à  Rome  par  une  cité  sujette  est   réprimé 

(886)  par  la  loi  consulaire  Gabinia  de  69G/o8;  cette  loi  dépouille  ce 
prêt  de  la  sanction  d'une  action  et  inflige  aux  deux  parties 
une  peine,  qui  est  vraisemblament  une  amende  fixe  (1). 

11.  Les  magistrats  municipaux,  qui  ne  prêtent  pas  leur  con- 
cours, pour  la  recherche  des  esclaves  fugitifs,  au  propriétaire 
muni  d'une  légitimation  convenable,  encourent  d'après  un 
sénatus-consulte  une  amende  de  10.000  sesterces  (2).  Nous 
avons  déjà  fait  remarquer  précédemment  (III  p.  53  n.  3)  qu'en 
pareil  cas  le  particulier  est  puni  d'une  manière  analogue. 


ou  un  citoyen  quelconque   se  présente  comme  demandeur.  Le  magistrat 
municipal  n'a  que  la  coercition  (I  p.  44). 

(1)  Cicéron,  Ad.  Alt.,  5,  21,  12.6,  2,  7.  L'exception  établie  par  un  séna- 
tus-consulte pour  un  cas  particulier  :  utneve  Salaminis  neve  quieisdedisset 
fraudl  essel,  ne  permet  pas  de  reconnaître  la  nature  de  la  peine  ;  mais  on 
ne  peut  songer  qu'à  une  muUa  fixe. 

(2)  Dig.,  11,  4,  3  ;  centum  aurei. 


SECTION  XII 


(887) 


CONCOURS   DES    ACTIONS    DÉLICTUELLES 


Nous  avons  déjà  exposé  dans  le  Livre  IH  (Il  p.  48  sv.)  les     concours 

,.-,.  j'VJ  ^^^  actions 

règles  qui  s'appliquent  à  la  reunion  de  plusieurs  délits  dans  déiictueiies. 
un  même  procès.  Mais  un  même  délit  (1)  peut  fonder  plu- 
sieurs actions.  Si  celles-ci  naissent  au  profit  de  personnes  dif- 
férentes, elles  suivent  chacune  leur  cours  les  unes  à  côté  des 
autres  et  aucune  explication  spéciale  n'est  nécessaire  dans  ce 
cas  (2).  Au  contraire,  lorsque  le  délit  a  été  commis  contre  une 
seule  personne  ou  lorsqu'on  sa  qualité  de  crime  public  il  n'at- 
teint pas  une  personne  déterminée,  on  peut  se  demander  s'il 
ne  fera  l'objet  que  d'un  débat  judiciaire  ou  s'il  y  a  lieu  d'au- 
toriser plusieurs  actions  à  son  occasion. 

Le  même  acte  ne  peut,  par  voie  de  procédure  pénale,  donner    Le  concours 
lieu  qu'une  seule  fois  à  l'application  do  la  notion  délictuelle     *{or'mesde 

procès  n'est 
pas  admis. 

(1)  La  perpétration  successive  de  différents  délits  ne  change  naturelle- 
ment rien  à  la  répression  de  chacun  d'eux  :  qui  hominem  subrîpi/it,  dit 
Ulpien  {Dif/.,  47,  1,  2,  1)  et  occidit,  quia  subripuit,  fiirti,  quia  occidit,  Aquilia 
tenelur,  neque  altéra  harvm  actionum  alteram  consumit.  Lorsque  plusieurs 
personnes  agissent  en  commun,  il  y  a  autant  de  faits  punissables  qu'il 
y  a  de  personnes  qui  ont  coopéré  à  l'acte,  et  comme  le  droit  pénal  ne 
connaît  en  principe  l'indemnité  du  préjudice  que  comme  mesure  de  la 
peine  à  appliquer  (I  p.  14  n.  )),  la  poursuite  d'un  de  ces  délits  n'entraîne 
pas  ordinairement  l'extinction  des  autres  actions. 

(2)  Lorsque  par  exemple  la  même  injure  atteint  le  mari,  la  femme  et 
le  fils,  elle  donne  naissance  à  trois  actions  et  le  père  agit  tant  pour  lui- 
même  que  comme  représentant  de  son  fils  [Uiri.,  47.  10,  i,  9.  1.  18,  2.  1.  41). 


222  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

fondamentale  établie  par  la  loi  ou  par  cette  autre  source  du 
droit  qui  lui  est  équivalente,  par  la  coutume;  les  différentes 
formes  de  procédure,  qui  sont  éventuellement  possibles,  ne 
peuvent  être  exercées  qu'au  choix.  L'action  pour  cause  de 
crime  d'Etat  peut  être  portée  au  début  devant  les  tribus  ou 
les  centuries,,  plus  tard  devant  les  comices  et  devant  la  quaes- 
(888)  tio,  mais  ne  peut  pas  venir  successivement  devant  les  deux 
tribunaux  (1).  Celui  qui  a  obtenu  le  double  de  la  valeur  par 
Vactio  fiirti  ne  peut  pas  renouveler  l'action  en  se  fondant  sur 
ce  que  le  fwlum  était  manifestum  (2).  Celui  qui  a  porté  l'ac- 
tion d'injure  devant  des  récupérateurs  ne  peut  pas  agir  en 
vertu  de  la  loi  Cornélia  (3).  En  cas  de  vol  ou  de  dommage 
causé  à  la  chose  d'autrui  par  l'aubergiste  ou  le  maître  du  na- 
vire, la  victime  a  le  choix  entre  l'action  ordinaire  et  l'action 
spéciale  donnée  par  le  préteur;  mais  l'exercice  de  l'une  rend 
l'autre  impossible  (4).  Aucune  action  ne  peut  être  renouvelée 
afin  d'y  ajouter  la  clause  noxale(o). 

Pour  déterminer  les  règles  fondamentales  qui  sont  ici  appli- 
cables, il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  l'admission  d'un  acte 
dans  la  catégorie  d'un  délit  grave  l'exclut  des  catégories  infé- 
rieures (6).  Ainsi,  le  meurtre  du  magistrat  étant  réprimé  comme 
perduellion.  il  est  difficile  qu'il  ait  été  compris  dans  le  domaine 


(1)  A  vrai  dire  nous  n'avons  pas  de  pi-euves  à  donner  en  ce  sens  ;  mais 
Kabirius  n'a  pas  pu  être  poursuivi  deux  fois.  Il  faut  bien  entendu  ne 
pas  perdre  de  vue  qu'il  n'y  a  pas  d'acquiltonient  formel  dans  les  procès 
relevant  exclusivement  du  magistrat  (II  p.  132). 

(2)  Cela  ne  résulte  à  vrai  dire  que  de  la  logique  et  du  silence  des 
sources. 

(3)  Les  InsL,  4,  4,  10  ne  permettent  pas  d'en  douter  pour  le  droit  ré- 
cent; l'ancien  droit  sépare  les  champs  d'application  dilïéronts  de  ces 
deux  formes  de  procédure  (III  p.  j  18  n.  4). 

(4)  lUf].,  4.  9,6,4.  Très  voisine  est  la  proposition  d'Ulpien  (l>ig.,  ^0,  17, 
43,  1)  :  quotiens  concurrimt  plures  actiones  ejusdem  rei  nomine,  una  fjuis  e.rpe- 
riri  rlchet,  qui,  comme  le  montre  la  rubrique,  se  rapporte  aux  actions 
naissant  d'un  contrat  conclu  par  un  gérant  d'affaires  pour  celui-ci  et 
pour  le  maître  de  l'affaire. 

(.•5)  Dig..  9,  4,  4,  3. 

(6)  On  ne  rencontre  pas  chez  les  Romains  la  conception  d'après  la- 
quelle, lorsque  {dusieurs  peines  sont  encourues  à  raison  d'un  mémo  acte, 
la  plus  forte  absorl)0  la  plus  faible. 


CONCOURS   DES    ACTlOXs    DÉLICTUELLES  223 

d'application  de  la  loi  sur  le  meurtre  (1).  L'action  d'injure 
n'est  pas  possible,  lorsque  l'acte  injurieux  est  punissable 
comme  crime  d'Etat  (H  p.  97  n.  1)  ou  comme  adultère  (II  p.  4 IG; 
III  p.  103).  Le  caractère  subsidiaire  de  l'action  de  vol  civile 
ou  criminelle  (II  p.  401  sv.)  est  expressément  affirmé. 

Mais  lorsqu'un  môme  fait  juridique  fonde  plusieurs  actions, 
que  l'une  d'elles  soit  délictuelle  et  l'autre  non  délictuelle,  ou 
que  plusieurs  soient  délictuelles,  on  applique  les  règles  sui- 
vantes. 

1.  Lorsqu'un  même  fait  donne   naissance  à  une  action  dé-     concours 
lictuelle  et  à  une  action  non  délictuelle.  toutes  deux  sont  en 


elles-mêmes  indépendantes  l'une  de  l'autre  (2)  et  elles  le  sont 


délictuelles 

et  des  actions 

non 

également  pour  l'ordre  dans  lequel  elles  peuvent  être  exer-  déiiciueiies. 
cées.  La  pétition  d'hérédité  peut  être  intentée  contre  le  dé-  (889) 
tenteur  de  l'hérédité  qui  s'est  rendu  coupable  d'une  falsifica- 
tion de  testament  (3),  l'action  du  contrat  (4)  ou  l'action  de 
tutelle  (5)  peut  être  exercée  en  cas  de  divertissement.  D'une 
manière  générale,  il  est  permis  de  faire  valoir  par  toute  action 
non  délictuelle  la  créance  fondée  sur  un  délit  (G).  En  outre,  le 
demandeur  est  libre  d'intenter  l'action  non  délictuelle  avant 


(1)  Les  sources  sont  muettes  sur  ce  point. 

(2)  Lorsqu'Ulpien  (Vig.,  27,  3,  1,  22)  justifie  cette  règle  de  la  manière 
suivante  :  nec  eadem  est  obligatio  furli  ac  tutelae,  ut  qia's  dicat  plures  esse 
actiones  ejusdem  facti,  sed  plures  obligaliones,  Videm  faclum  est  entendu  non 
pas  comme  désignant  le  même  acte,  mais  comme  désignant  le  même  fait 
sur  lequel  reposent  les  actions. 

(.3)  C.  Just.,  9,  22,  9.  16.  C.  Th.,  9,  19,  ^=  C.  Just.,  9,  22.  23.  C.  Ji/st.,  9, 
22,  24.  La  question  de  falsification  du  testament  peut  également  être  sou- 
levée dans  l'interdit  de  tahulis  exhihendis.  Dig.,  4,  3,  9,  2.  43,  5,  3,  6.  C.  Th., 
9,  20.  i  —  C.  Just.,  9,  31,  1. 

(4)  Actio  pro  socio  :  Dig.,  17,  2,  4j,  où  l'on  ajoute  :  nec  altéra  aclio  alteram 
totlit.  —  Dépôt  :  Uig..  16,  3,  23,  pr.  —  Gommodat:  Dig.,  13.  6,  5,  8.  —  Man- 
dat :  Dig.,  n,  1,  22,  1. 

(o)  Dig..  27,  3,  1,  22  (III  p.  223  n.  2).  1.  2,  l  :  altéra  (aclio)  alteram  non 
ta  m  t. 

(6)  Nous  avons  parlé  III  p.  60  et  sv.  du  concours  de  la  revendication 
avec  l'actio  furli  et  la  condiclio  furtiva.  —  Violence  et  revendication  :  Cod., 
9,  12,  7,  pr.  —  Exaction  et  condictio  fondée  sur  l'enrichissement  injuste  : 
Cod.,  4.  7,  3.  —  Usurpation  de  l'ingénuité  et  aclio  operarum:  C-  Th.,  9,  20, 
1  rr  C.  Just.,  9,  31,  1.  —  Actio  de  arborihus  siiccisis  et  actio  locati  :  Dig.,  47, 
7,  9.  —  Actio  legis  Aquillio.e  et  actio  commodati:  Dig..  13,  6,  7,  1. 


224  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

l'action  délictuelle  ou  de  suivre  l'ordre  inverse  (1).  La  seule 
restriction  consiste  en  ce  qu'il  n'est  pas  possible,  tant  que  le 
procès  d'adultère  est  pendant,  de  poursuivre  dans  l'action  de 
dot  les  conséquences  d'ordre  patrimonial  du  délit  d'adul- 
tère (2).  Mais,  si  les  deux  actions  tendent  à  faire  obtenir  une 
prestation  en  argent,  il  n'y  a  ordinairement  que  la  somme  la 
plus  élevée  qui  doive  être  payée.  Donc,  si  l'action  la  moins 
importante  est  intentée  la  première,  l'autre  ne  peut  être 
exercée  que  pour  la  différence  (3). 
Concours         9^  ^^^  même  règle  régit  le  concours  de  plusieurs  actions  dé- 

Hes  actions  00  j. 

déiictueiies  dont  lictuellcs,  lorsque  le  délit  rentre  dans  des  catégories  criminel- 

mo^raust^'i^égai.  les  dlstinctes  au  point  de  vue  moral  (^4).  Ce  principe  s'applique 

(890)      tant  au  concours  de  plusieurs  actions  déiictueiies  publiques  (5) 

qu'à  celui  de  plusieurs  actions  déiictueiies  privées.  Toutefois, 

lorsque  deux  actions  de  ce  genre,  qui  ne  sont  pas  également 

justifiées  au  point  de  vue  moral,  tendent  à  faire  obtenirla  pres- 

(1)  Cette  règle  est  reconnue  d'une  manière  générale  au  C.  Th.,  9,  20,  1 
r=  C.  Jiist.,  9,  31,  1  ;  pour  le  crime  de  faux  en  matière  de  testament  :  Cod., 
9,  22,  16. 

(2)  C.  Th.,  9,  7,  7=  C.  Just.,  9,  9,  32.  C.  Th.,  9,  20,  l  =  C.  Jusl.,  9,  31, 
2  :  cum  una  excepta  sit  causa  de  morihiis. 

(3)  Dly.,  47,  7,  41,  1  :  si  ex  eodem  fado  diiae  competant  acliones,  posteaju- 
dicis  potius  (écrire  judir.anlis)  parles  esse,  ni  quo  (écrire  quod)  plus  sit  in 
reliqua  aclione,  id  aclor  ferai,  si  tanlundem  aut  minus,  id  consequatur  (ici,  il 
faut  remplacer  id  par  nil  ou  bien  supprimer  les  mots  ferai  si  l.  a.  m.  id). 
Application  à  l'action  de  vol  et  à  l'action  pro  socio  (Dig.,  17,  2,  47,  pr.);  à 
l'action  lef/is  Aquilliae  et  à  l'action  commodati  (Dig.,  13,  6,  7,  1). 

(4)  LHg.,  44,  7,  32  :  cum  ex  uno  deliclo  plurrs  nascunlur  acliones,  sicul  eve- 
nil  cum  arbores  furlim  caesae  dicuntur,  omnibus  experiri  permitli  post  magnas 
varielales  ohlinuil.  Dig.,  47,  1,  2,  pr.  :  numquam  plura  delicta  concurreniin 
faciunl,  ul  uliius  impunilas  detur;  neque  enint  delictum  oh  aliud  deliclum  mi- 
nuit poenam.  Cod.,  9,  2,  9,  1  :  si  ex  eodem  fado  plurima  (écrire  plura)  cri- 
minu  nas'untur  et  de  uno  crimine  in  accusationem  fuerit  deduclus,  de  allero 
non  prohibelur  ab  alio  deferri.  Dig.,  44,  7,  60  =50,  17,  130  =  Inst.,  4,  9,  1  : 
numquam  acliones  praeserlim  poenales  (on  vise  ici  tout  d'abord  les  actions 
pour  dommages  causés  par  des  animaux  et  les  actions  édiliciennes  de  fe- 
ris)  de  eadem  re  (ou  pecunia)  concurrentes  alla  aliam  consumil. 

(5)  Inceste  et  adultère  :  Dig..  48.  18,  o  (II  p.  408  n.  3).  Meurtre  et  vol 
do  grand  chemin  :  Cod.,  9,  2,  Il  (II  p.  346  n,  4).  Rien  ne  s'oppose  à  ce  que 
ces  deux  délits  soient  renvuyés  à  la  \\\è\\\e  quaestio.  —  Justinien,  (Cod.,  9, 
13,  1,  1  a)  ne  dit  pas  que  l'enlèveiiient  peut  être  puni  comme  rapine  et 
comme  adultère,  mais  seulement  que  cet  acte  comme  duplex  crimen  con- 
tient en  soi  des  éléments  de  ces  deux  délits. 


CONCOURS   DES   ACTIONS   DÉLICTUELLES  225 

tation  d'uae  somme  d'argent,  ce  qui  est  toujours  le  cas  pour  les 
actions  délictuelles  privées,  toutes  deux  sont  permises,  mais  il 
suffit  que  la  peine  la  plus  élevée  soit  fournie,  de  telle  façon 
que  si  l'action  la  moins  importante  est  exercée  la  première, 
on  ne  peut  réclamer  par  la  seconde  que  le  supplément.  C'est 
ainsi  que  sont  traitées  l'action  de  vol  et  celle  de  rapine,  l'ac- 
tion de  la  loi  Aquillia  pour  dommage  causé  à  la  chose d'autiui 
et  l'action  de  arboribus  succisis  de  la  loi  des  XII  Tables.  Il  en 
est  de  même,  d'après  l'opinion  qui  a  finalement  triomphé,  de 
toutes  les  actions  de  ce  genre  (1). 

3.  Lorsque  deux  actions  délictuelles  ont  un  égal  fondement  Exclusion 
moral,  elles  ne  peuvent  être  intentées  toutes  deux  ;  celle  qui  desIciTns 
est  exercée  la  première  rend  la  seconde  impossible.  Ce  principe    déiictucues 

avaût  UQ  égal 

s'applique  notamment   dans   le  cas  peu  rare,  étant  donnée    'fondement 
l'habitude  de  la  législation  pénale  romaine  de  viser  par  ses      ™°'^'''' 
prescriptions  une  série  de  cas  particuliers,  où  le  même  fait 
est  rangé  dans  plusieurs  catégories  de  délits,  ainsi  que  cela  a 
lieu  pour  la  fomentation  d'une  révolte,  délit  visé  par  la  loi  sur      (891) 
le  crime  de  lèse-majesté,  par  celle  sur  le  meurtre  et  par  celle 
sur  la  violence.   L'inadmissibilité  de  plusieurs  actions  délic- 
tuelles à  raison   d'un   même  fait  a  été  légalement  formulée 
par  un   sénatus-consulte  sous  Titus  (2).  —  Mais  le  principe 


(1)  Vol,  rapine,  dommage  causé  à  la  chose  d'autrui  :  Dig.^  47,  8,  2,  10. 
26.  —  Vol  et  rapine  :  Dig.,  il,  8,  1.  —  Vol  et  abattage  d'arbres  :  Dig.,  47,  7, 
8,  2.  — Vol,  dommage  causé  à  la  chose  d'autrui,  injure  (enlèvement  d'une 
esclave  non  encore  nubile)  :  Dig..  47,  10,  15.  —  Vol  et  dommage  causé  à 
la  chose  d'autrui  :  Dig..  il,  J,  2,  !  (III  p.  222  n.  1).  —  Vol  et  corruption 
d'esclave  :  Dig.,  11,  3,  11,  2  :  altéra  (aclio)  alteram  non  minuit.  Cod.,  6,  2, 
20  rz  Inst.,  4,  1,  8,  où  Justinien  tranche  la  question  par  voie  législative. 
—  Dommage  causé  à  la  chose  d'autrui  et  abattage  d'arbres  :  Dig.,  47,  7, 
1.  11  (cpr.  III  p,  137).  —  Dommage  causé  à  la  chose  d'autrui,  injure,  cor- 
ruption d'esclave,  Dig.,  48,  5,  6.  —  Dommage  causé  à  la  chose  d'autrui  et 
injure  (flagellation  d'un  esclave  ;  à  vrai  dire  des  hésitations  sont  ici  pos- 
sibles, cpr.  III  p.  223  n.  4).  —  Dommage  causé  à  la  chose  d'autrui  par  des 
animaux  et  détention  d'animaux  dangereux  à  proximité  de  la  voie  pu- 
blique (III  p.  224  n.  4).  — Le  fait  que  pour  plusieurs  de  ces  cas  on  peut 
légitimement  se  demander,  s'il  n'y  a  pas  eu  plusieurs  actes  successifs  et 
non  pas  un  seul  acte,  n'ébranle  pas  la  règle. 

(2)  Suétone,  Tit.,  8  :  vetuit  de  eadem  re  pluvibus  legibus  agi.  Paul,  Dig., 
48,  2,  12  :  senatus  censuit,  ne  quis  ob  idem  crimen  pluribus  legibus  reus  fieret. 
Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  15 


226  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

était  plus  facile  à  poser  qu'à  appliquer;  car,  sur  la  question  de 
savoir  si  l'on  peut  trouver  dans  un  même  délit  un  double  fon- 
dement moral,  ou  si,  au  contraire,  les  lois  pénales  ont  conçu 
de  manière  différente  le  même  fondement  moral,  la  réponse 
sera  fréquemment  très  douteuse  (1).  Les  jurisconsultes  ro- 
mains eux-mêmes  ont  été  sur  ce  point  maintes  fois  hésitants 
et  finalement  se  sont  dans  le  doute  prononcés  pour  le  concours. 
Concours         4.  Lorsqu'unc  action  délicluelle  privée  concourt  avec  une 

des  aclions  i-j'i-  ii  ii-  ^  i 

déiiciueiies    action  delictueile   publique,   toutes   deux    peuvent   s  exercer 
publiques  avec  cumulativemeut .   car  l'expiation  du  tort    commis   contre   la 

celles  '  *■ 

du  droit  privé,  commuuauté  et  celle  du  tort  commis  vis-à-vis  du  particulier 
ne  se  confondent  pas.  Mais,  en  vertu  d'une  vieille  règle  du 
droit  républicain,  on  ne  peut  par  la  sentence  rendue  dans 
l'action  privée  créer  un  préjugé  pour  la  décision  qui  doit  in- 
tervenir dans  l'instance  criminelle;  donc,  aussi  longtemps  que 
le  procès  criminel  est  pendantoupeut  ôtreintenté,  l'action  civile 
est  écartée  (2).  Cela  s'applique  notamment  à  l'action  d'injure 
dans  ses  rapports  avec  le  procès  de  meurtre  (3).  C'est  seule- 


Modestin,  Dig.,  44,  7,  53  :  plura  delicta  in  una  re  phwes  admillunt  acliones, 
sed  non  passe  omnibus  uti  probnlum  est  ;  fuan  si  ex  una  obligalione  plures  ac- 
liones nascantur,  una  tantummodo  'non  omnibus  ulendum  est.  L'interprétation 
restrictive  d'eadem  /-es,  idem  crimen,  una  res,  expressions  qu'on  peut  en- 
tendre dans  des  sens  très  divers,  est  justifiée  par  l'exposé  qui  va  suivre. 

(1)  Lorsqu'on  agit  pour  cause  de  parricidium  et  qu'on  ne  parvient  à  éta- 
blir que  l'existence  d'un  simple  meurtre  (II  p.  362  n.  1),  d'après  le  prin- 
cipe posé  au  texte,  l'acquittement  pour  cause  de  parricidium  ne  mettrait 
pas  à  l'abri  de  l'action  de  meurtre,  car  tout  meurtrier  n'est  pas  un  par- 
ricida;  par  contre,  comme  tout  parricida  est  un  meurtrier,  il  en  résulte 
que  l'acquittement  dans  le  procès  de  meurtre  devrait  au  contraire  rendre 
impossible  l'accusation  pour  caiise  de  parricidium.  Toutefois,  les  sources 
ne  nous  donnent  aucun  point  d'appui  pour  formuler  de  telles  solutions. 
Le  fait  que  Milon  et  ses  compagnons  furent  poursuivis  pour  cause  de 
violence,  tant  en  vertu  de  la  loi  spéciale  faite  à  cause  du  meurtre  de  Glo- 
dius  qu'en  vertu  de  la  loi  générale,  ne  nous  donne  pas  d'autre  résultat, 
car  les  deux  actions  ont  très  biim  i)u  viser  des  délits  différents. 

(2)  Cola  a  lieu  par  l'insertion  dans  la  formule  de  l'exception  extra  quant 
in  reum  capilis  praejudicium  fiât  (Gicéron,  De  inv.,  2,  20).  Cette  dernière 
ne  pouvait  être  écartée  que  par  l'exercice  de  l'action  criminelle  de  la 
part  (le  la  victime  ;  car  il  n'y  a  pas  de  moyen  pour  garantir  le  non  exer- 
cice  de  la  poursuite  criminelle. 

(3)  Gicéron,  loc.  cit. 


des  peines 

criminelles 

extraordinaires 

avec  les 


CONCOURS    DES    ACTIONS    DÉLICTUELLES  337 

ment  au  cas  de  dommage  causé  à  la  propriété  que  l'ordre 
d'exercice  des  actions  est  libre  (1).  Il  en  est  ainsi  notam- 
ment (2)  pour  les  actions  privées  fondées  sur  une  prise  vio-  (892) 
lente  de  possession  ou  sur  la  rapine  par  rapport  à  l'action 
criminelle  de  violence  (3)  et  pour  l'action  fondée  sur  le  dom- 
mage causé  à  la  chose  d'autrui  vis-à-vis  de  l'action  de  meur- 
tre (4). 

5.  Pour  le  concours  de  l'action  délictuelle  privée  avec  la      concours 
peine  criminelle  extraordinaire  de  la  dernière  période,  on  ne 
peut  pas  poser  de  règles  fixes,   étant  donné  l'arbitraire  qui 
règne  dans  l'application  de  ces  peines  criminelles  (5).  A  plu-  actions  privées. 

(1)  Paul,  Dig.,  48,  1,  4  :  interdum  evenit,  ut  pvaejudicium  [per  privatum 
judiciuiri]  judicio  publico  fiât  (suivent  les  exemples  cités  plus  loin)  :  nam 
in  his  de  re  faniiliari  agitur.  Valens,  C.  Th.,  9,  20,  i  =:  C.  Just.,  9,  31,  1  \  a 
plerisque  prudentium  generaliter  definitinn  est,  quoties  de  re  familiariet  civilis 
et  crimiitalis  competit  actio,  utraque  licere  experiri,  nec,  si  civiliter  fuerit  ac- 
lum,  criminalein  posse  consequi  (suivent  les  exemples).  La  régie  est  posée 
pour  les  actions  privées  en  général,  sans  distinguer  les  actions  délictuelles 
des  actions  non  délictuelles. 

[i)  Paul,  loc.  cit.  :  sicut  in  actione...  furli,  pense  sans  doute  au  concours 
de  l'action  de  vol  avec  la  poursuite  criminelle  pour  cause  de  plagium. 

(3)  Paul,  loc.  cit.  :  sicut  in  actione...  vi  bonorum  raptorum  et  interdicto  unde 
vi.  Dig.,  47,  8,  2,  1  (cpr.,  48,  9,  1,  1).  Cod..  9,  12,  7,  1.  C.  Th..  9,  20,  1  =: 
C.  Just.,  9,  31,  1.  Cette  solution  avait  été  autrefois  contestée  {Dig.,  47,  8, 
2,  1  :  neque  debere  publico  judicio  privala  actione  praejudicari  quidam  putaiit)  ; 
sous  la  République,  l'action  publique  a  sans  doute  eu  la  priorité  dans  une 
plus  large  mesure. 

(4)  En  cas  d'homicide  d'un  esclave  commis  par  dol,  on  peut  intenter 
tant  l'action  de  meurtre  que  l'action  de  la  loi  Aquillia  {T)ig.,  19,  3,  14,  1, 
où  c'est  sans  doute  cette  dernière  qui  est  visée  sous  le  nom  à'aclio  in  fac- 
tum);  la  possibilité  d'exercer  cette  dernière  avant  que  la  première  ne  soit 
intentée  est  admise  tant  par  Paul  [loc.  cit.  :  sicut  in  actione  legis  Aquiliae) 
que  par  Ulpien,  Dig.,  47,  10,  7,  !,  qui,  pour  justifier  son  opinion,  repousse 
le  motif  invoqué  par  Labéon,  d'après  lequel  ce  délit  ne  contient  pas  d'at- 
teinte à  l'ordre  xjublic  (neque  enim  utique  hoc,  inquit,  intefiditur,  quod  publi- 
cam  habet  animadversionem)  et  s'appuie  plutôt  sur  ce  que  l'idée  de  dom- 
mage causé  à  la  propriété  prédomine  ici  {ibi  principuliter  de  damno  agitur, 
quod  domino  datum  est).  Un  autre  texte  d'Ulpien,  {Dig.,  9,  2,  23,  9)  :  si 
dolo  malo  servus  occisus  sit,  et  lege  Cornelia  agere  dominum  posse  constat  et  si 
lege  Aquilia  egerit,  praejudicium  fieri  Corneliae  non  débet,  veut  sans  doute 
simplement  dire  que  la  sentence  rendue  dans  l'action  privée  ne  doit  pas 
constituer  un  préjugé  pour  le  tribunal  appelé  à  statuer  sur  la  question 
de  meurtre. 

(3)  La  disposition  générale  aux  Dig.,  47,  1.  3  :  si  quis  actionem,  quae  ex 
maleftciis  oritur,  velit  exequi,  si  quidem  pecuniariler  agere  velit,  ad  Jus  ordi' 


328  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

sieurs  reprises^  celles-ci  n'apparaissent  que  comme  un  supplé- 
(893)      ment  qui  s'ajoute  à  l'action  privée  (1);  ordinairement,  l'emploi 
d'un  de  ces  modes  de  répression  rend  l'autre  impossible  (2). 


narium  remillendus  erit  nec  cogendus  erit  in  crimeti  subscribere ;  enbnvero  si 
extra  ordinem  ejus  rei  poenam  exerceri  velit,  tune  subscribere  eum  in  crimen 
oporlebit  prouve  seulement  la  faculté  de  choisir  ;  toutefois  on  pourra  y 
trouver,  quoique  cela  ne  soit  pas  dit  expressément,  que  le  choix  d'une  des 
voies  de  procédure  implique  renonciation  à  l'autre. 

(1)  Tel  est  le  caractère  de  la  punition  extraordinaire  infligée  en  cas  de 
perception  d'impôts  avec  violence  dans  ses  rapports  avec  l'action  de  ra- 
pine (Dig.,  39,  4,  9,  5  :  per  vim  exortum  cum  poena  tripli  restituitur,  amplius 
extra  ordinem  plectuntur ;  allerumenim  utililas  privatorum,  alterum  vigorpu- 
blirae  disciplinae  postulat)  et  de  la  peine  extraordinaire  appliquée  en  cas 
d'abus  du  droit  d'asile  au  regard  de  l'action  pour  corruption  d'es- 
clave (Dig.,  47,  11,  5). 

(2)  Dig.,  47,  2,  57,  1  :  qui  furem  deducit  ad  praefectum  vigilibus  vel  ad 
praesidem,  exislimandus  est  elegisse  viam,  qua  rem  persequeretur  et...  videtur 
furti  quaestio  sublata,...  etsi  nihil  amplius  quam  furtivam  rem  reslituere  jus- 
sus  fuerit.  Cette  procédure  comprend  donc  la  réparation  du  préjudice 
causé  et  la  renonciation  à  Vactio  furti  et  à  la  condictio.  Il  semble  bien 
qu'il  ait  été  de  règle,  bien  que  cela  ne  soit  pas  dit  expressément,  que 
l'exercice  de  l'action  civile  rendait  la  poursuite  criminelle  impossible. 


LIVRE   V 


SECTION    I 


(897) 


LA   PEINE 


La  peine  est  le  mal  imposé  par  un  jugement  rendu  au  nom  Notion 
de  l'État  en  vertu  d'une  règle  légale  ou  coutumière  à  une  ^  *p^'°^- 
personne  comme  expiation  du  délit  que  celle-ci  a  commis. 
Sans  un  jugement  rendu  au  nom  de  l'Etat  contre  une  personne 
déterminée,  il  n'y  a  pas  de  peine,  bien  que  la  sentence  du 
maître  de  la  domus  infligeant  un  mal  quelconque  à  la  per- 
sonne qui  lui  est  soumise  ait  également  servi  à  cet  égard  de 
modèle  pour  la  loi  de  TÉtat.  La  sentence  rendue,  non  pas 
d'après  une  règle  légale,  mais  en  vertu  de  l'arbitraire  du  ma- 
gistrat, ne  peut  pas  non  plus  établir  de  peine  au  sens  juri- 
dique du  mot;  la  notion  de  peine  implique  un  délit  positif  et 
une  loi  de  l'État  réglant  le  procès. 

Le  droit  pénal  n'a  pas  à  s'occuper  des  pouvoirs  illimités  du 
magistrat,  notamment  de  ce  droit  de  coercition,  qui,  d'après 
la  théorie  du  droit  public  caractérise  d'une  manière  absolue 
les  débuts  de  l'État  romain  (I  p.  38)  et  s'exerce  pratique- 
ment contre  le  non  citoyen.  L'arbitraire  permis  par  la  loi  ne 
cesse  pas  pour  cela  d'être  l'arbitraire.  Plus  tard,  lorsque  le  ma- 
gistrat perd  la  faculté  d'infliger  à  son  gré  la  peine  de  mort,  il 


Coercition 
et  juridiction. 


230  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

garde  cette  même  liberté  pour  les  autres  répressions.  Le  déve- 
loppement de  la  liberté  civique  n'amène  pas  la  suppression 
de  la  coercition,  mais  provoque  la  délimitation  du  domaine 
dans  lequel  Vimpcrium  évolue  à  sa  fantaisie  sans  être  lié  par 
une  détermination  légale  du  délit  et  de  la  peine.  Dans  l'Etat 
développé,  on  trouve  l'un  à  côté  de  l'autre  deux  systèmes  de 
répression  ayant  le  même  fondement  moral  et  la  même  im- 
portance pour  l'État  et  tous  deux  fonctionnent  simultanément 
dans  la  mesure  où  leur  application  concomitante  est  possi- 
ble en  fait.    L'acquittement  prononcé  au  profit  de  la  Yestale 

(898)  dans  le  procès  domestique  à  l'occasion  d'un  inceste  qui  lui  est 
reproché  ne  la  met  pas  à  l'abri  de  la  procédure  pénale  pu- 
blique (1  p.  229).  Il  n'y  a  nullement  à  tenir  compte  en  droit, 

'        '      dans  les  actions  pénales  privées  ou  publiques  contre  le  fils  de 

famille  ou  l'esclave,  des  mesures  qui  ont  été  prises  contre  eux 

par  d'autres  voies. 

utilisation  de      En  pratique,  cette  règle  ne  s'est  toutefois  appliquée  que  dans 

'domeIuTe°  ^'^^  mcsure  restreinte,  notamment  au  cas  de  délits  publics 

'^''"^       commis  par  des  esclaves.  Dans  ce  dernier  cas.  le  propriétaire 

le  domaine  .      ,     .         ^  ,  .  , 

du  droit  de  l'esclave  peut,  au  lieu  de  punir  lui-même  ce  dernier,  le 
pénal  public,  liypgp  au  magistrat  (1);  cet  acte  peut  être  considéré  comme 
une  dénonciation  et  exige  au  moins  en  théorie  que  le  magis- 
trat tranche  la  question  de  culpabilité  (2).  Le  procédé  inverse 
très  fréquent  par  lequel  le  magistrat,  en  cas  de  peine  publique 
encourue  par  un  esclave,  livre  celui-ci  à  son  maître  pour  que 
ce  dernier  lui  inflige  la  peine  convenable,  est  anormal  (3). 


(1)  Dig.,   13,  7,  24,  3. 

(2)  La  livraison  de  l'esclave  que  le  maître  destine,  à  raison  d'un  délit 
commis,  à  être  exécuté  dans  une  fête  populaire,  n'est  permise  par  la  loi 
Pétronia,  que  si  le  tribunal  reconnaît  aussi  la  culpabilité  de  l'esclave 
(III  p.  264  n.  2).  On  devait  sans  doute  procéder  ainsi  jiartout  où  le  pro- 
priétaire sollicitait  l'intervention  de  la  justice  publique  contre  ses  escla- 
ves; mais  cela  n'a  certainemont  ou  lieu  qu'exceptionnellement. 

(3)  La  fixation  de  limites  à  la  répression  du  maître  n'est  pas  conciliable 
avec  l'essence  de  la  servitude,  elle  eut  cependant  lieu  à  titre  isolé  à  l'é- 
poque récente,  lorsque  les  liens  de  l'esclavage  commencèrent  à  se  relâ- 
cher. L'esclave  qui  affirme  avoir  acheté  de  son  maître  la  liberté,  mais 
succombe  dans  le  procès  intenté  à  cette  occasion,  n'est  pas  remis  sans  ré- 


LA   PEINE  231 

On  a  recours  à  ce  moyen  anormal  pour  des  motifs  divers  ;  le 
plus  important  est  de  beaucoup  la  tendance  à  réprimer  les 
délits  des  esclaves  en  ménageant  le  plus  possible  les  intérêts 
du  propriétaire.  Ces  ménagements  pour  la  propriété  ont  con- 
sidérablement favorisé  les  brigandages  des  esclaves  et  par 
suite  leurs  révoltes  (1),  on  les  retrouve  encore  fréquemment 
sous  le  Principat  malgré  la  meilleure  organisation  des  rapports 
sociaux.  Dans  d'autres  cas,  l'esclave  est  remis  au  maître  pour 
être  puni  par  lui,  afin  de  ne  pas  restreindre  le  libre  pouvoir  de 
disposition  du  maître  ou  pour  décharger  les  représentants  de 
l'État  du  soin  de  procéder  à  la  répression.  Le  premier  motif  (899) 
se  rencontre  notamment,  lorsqu'il  s'agit  de  délits  dirigés  contre 
le  maître  lui-même  (2).  C'est  en  vertu  du  second  motif  qu'on 
confie  au  maître  le  soin  d'appliquer  la  peine  de  la  correction 
prononcée  par  l'autorité  contre  l'esclave  (3)  ou  surtout  que 
l'esclave  est  fréquemment  remis  à  son  maître,  lorsque  celui-ci 
y  consent,  pour  être  incarcéré  et  soumis  au  travail  des  cachots. 
En  effet,  l'État  romain  n'avait  de  prisons  que  pour  la  déten- 
tion pour  dettes  et  la  détention  préventive.  Dans  la  quasi- 
justice  domestique,  la  détention  répressive  était  largement 
appliquée  vis-à-vis  des  esclaves.  Celle-ci  pénétra  même  indi- 
rectement dans  le  domaine  du  droit  pénal  public,  lorsque 
les  magistrats  eurent  recours  à  la  justice  domestique  pour 
faire  appliquer  cette  peine;  c'est  là  un  point  sur  lequel  nous 


serves  à  son  maître,  il  lui  est  livré  pour  recevoir  une  punition  propor- 
tionnée au  délit  (Dig.,  40,  1,  5,  pr.  :  utiqun  non  majorem  ex  ea  causa  poenam 
constiturus.  Dig.  48,  19,  38,  4). 

(1)  Tite-Live  (33,  36,  3)  nous  dit  de  ceux  qui  furent  faits  prisonhiers 
lors  de  la  répression  d'une  révolte  d'esclaves  qui  eut  lieu  en  Etrurie  en 
5Ô8/196  :  alios  verberaios  cvucihus  adfixit,  qui  principes  conjurationis  fuerant, 
alios  dominis  restiluit.  Cette  remarque  s'applique  surtout  aux  guerres 
d'esclaves  en  Sicile.  Diodore,  34/5,  2  sv.  Mommsen,  Romische  Geschichte. 
2.  79  [liist.  Rom.,  trad.  Alexandre,  5,  18-19]. 

(2)  L'empereur  Claude  punit  en  partie  les  esclaves  qui  dénoncent  leur 
propre  maître  et  abandonne  en  partie  aux  propriétaires  le  soin  de  les 
punir  (Dion,  60,  13). 

(3)  C.  Th.,  13,  3,  1  :  servus...  flacjelUs  debeat  a  siio  domino  verberari  coram 
eo,  cui  injuriam  feceril. 


232  DROIT  PÉNAL  ROMAIN 

reviendrons  dans  la  Section  relative  à  la  peine  de  la  prison. 
Exclusion         Lorsque  nous  exposerons  les  peines,  notamment  celles  du 

des  moyens  ,  -j'i  •     .         o   ■      -  1 

de  coercition.  ^^68  ancicn  droit,  nous  aurons  mainles  fois  a  nous  rappeler  que 
Vimperium  légalement  limité  est  sorti  d'un  imperium  origi- 
nairement illimité,  c'est-à-dire  que  le  droit  pénal  est  issu  de 
la  coercition.  Le  procès  des  Vestales  et  l'affaire  d'Horace, 
lorsqu'on  les  examine  tous  deux  rigoureusement,  appartien- 
nent au  domaine  de  la  coercition,  mais  font  époque  dans  le 
développement  de  la  juridiction.  Il  n'est  pas  moins  nécessaire 
d'exclure  du  droit  pénal  développé  les  manifestations  de  la  disci- 
pline domestique,  pontificale  et  militaire.  Les  actes  d'arbitraire 
dans  l'administration  de  la  justice  aux  esclaves,  la  relégation  si 
fréquente  vis-à-vis  du  fils  de  famille,  les  peines  arbitraires  in- 
fligées par  le  général,  dont  quelques-unes,  notamment  la  peine 
capitale  appliquée  suivant  le  hasard  du  sort,  constituent  un 
outrage  direct  au  caractère  essentiellement  moral  du  droit 
pénal,  sont  aussi  permises  légalement  que  toutes  les  répres- 
sions du  droit  pénal,  sans  qu'il  soit  cependant  possible  de 
les  faire  rentrer  dans  ce  dernier. 

Au  point  de  vue  de  la  terminologie,  nous  avons  déjà  exposé 
dans  le  Livre  I  (I  p.  12)  que  la  très  ancienne  langue  du  droit 
n'a  pas  de  terme  caractéristique  pour  désigner  la  notion  géné- 
Terminoiogie:  rlquo  de   peine.  Plus  tard,  le  mot  poena,  d'origine    grecque, 
^°*"'''       employé  au  début  pour  désigner  la  composition  en  cas   d'of- 
fense corporelle,  servit,  peut-être  à  raison  même  de  son  man- 
que de  transparence,  à  désigner  la  peine  en  général.  Il  n'y  a 
jamais  eu  de  terme  technique  embrassant  simultanément  la 
peine  publique  et  la  peine  privée. 
(900)  Le  droit  pour  la  communauté  d'infliger  une  peine  publique 

Fondement    rcposc,  daus  sa  fomic  la  plus  ancienne,  sur  la  notion   fonda- 
pei'^e'pubiiquc,  mentale  du  droit  public  romain,  sur  l'absence  de  droits  chez 
droit  pour     l'individu  Qul  n'appartient  pas  à  la  communauté  et  sur  la  né- 

la  communauté  t  i  i 

de         cessilé  de  se  défendre  contre  l'ennemi  de  la  patrie.  Le  mem- 

se  faire  justice    ,11  l'  •  .  <  ■  •         •       ■! 

à  elle-même.  *^re  dc  la  coiumunaute,  qui  par  ses  actes  s  associe  ou  s  assimile 
à  un  ennemi  de  la  patrie,  ne  se  voit  pas  dépouillé  de  sa  qua- 
lité de  citoyen  par  la  communauté,  mais  cette  qualité  lui  est 


LA   PEINE 


233 


enlevée  de  plein  droit  par  le  seul  accomplissement  d'un  de 
ces  actes;  c'est  d'ailleurs  \h  un  point  que  nous  avons  exposd 
à  propos  du  crime  d'Etat  (II  p.  297).  La  sentence  du  magis- 
trat prononçant  la  suppression  du  droit  de  cité  et  celle  des 
comices  qui  la  confirme  ont  le  caractère  de  simples  déclara- 
tions et  établissent  seulement  le  droit  ou  plutôt  le  devoir  Fondement 
de  traiter  le  coupable  comme  ennemi  de  la  patrie.  Auprès  deirdiscîl)line 
de  cette  conception  du  crime  d'Etat,  remontant  manifestement  morale  analogue 

à  la  discipline 

aux  débuts  de  la  société  romaine  et  jamais  abandonnée,  on  domestique. 
vit  apparaître  plus  tard,  par  suite  du  complet  développement 
de  la  puissance  publique,  une  nouvelle  idée  qui  consistait  à 
transférer  au  magistrat  agissant  dans  les  limites  fixées  par  la 
loi  la  plénitude  des  pouvoirs  qui  appartenaient  au  chef  de  la 
domits  sur  les  personnes  soumises  à  sa  puissance  (I  p.  68). 
C'est  sur  cette  idée  que  repose  la  répression  du  meurtre  et 
d'une  manière  générale  de  tous  les  crimes  qui  ne  sont  pas  di- 
rectement dirigés  contre  la  communauté  ;  le  meurtrier  n'est 
pas  conduit  à  la  mort  comme  ennemi  de  la  patrie,  mais  comme 
citoyen  (II  p.  370  n.  1).  C'est  sur  cette  même  base  que  se  fonde 
l'intervention  de  l'Etat  comme  arbitre  dans  la  matière  des 
délits  privés  (I  p.  70).  Celle-ci  ne  fut  probablement  au  dé- 
but qu'une  tentative  de  conciliation,  elle  se  transforma  en- 
suite en  une  instance  de  transaction  dans  laquelle  le  tribunal 
avait  le  pouvoir  de  contraindre  les  parties  à  transiger. 

Au  point  de  vue  de  la  forme,  la  punition  du  délit  commis 
contre  la  communauté  apparaît.'"dès  le  début  dans  le  régime 
de  la  coercition  et  plus  tard  dans  celui  de  la  juridiction,  comme     put'ique 
une  sacratio  (1),  et  de  même  que  la  responsabilité  du  délit  s'at- 


Forme 
religieuse 
de  la  peine 


(1)  Parmi  \q?,  sacvallones,  qui  sont  mentionnées  à  cette  occasion,  il  y  en 
a  certainement  plusieurs  dont  on  peut  contester  le  classement  dans  le 
droit  pénal  public  :  des  exécrations,  comme  celles  qui  ont  lieu  en  cas  de 
violation  des  devoirs  des  enfants  vis-à-vis  de  leurs  parents  (Il  p.  267)  ou 
des  devoirs  du  patronat  (II  p.  2  j8),  peuvent  être  considérées  comme  lais- 
sées uniquement  à  l'exécution  des  dieux.  Il  est  toutefois  vraisemblable 
que  dans  l'organisation  originaire  de  l'Etat,  où  le  chef  de  la  cité  était 
revêtu  du  caractère  religieux  qu'il  a  perdu  plus  tard  et  où  la  notion  de 
crime  d'Etat  était  entendue  dans  un  sens  encore  plus  large  qu'à  l'époque 


234  DROIT  PÉNAL  ROMAIN 

tache  à  l'auteur  en  tant  qu'homme  (II  p.  74),  tout  coupable 

(901)  est  voué  au  sacrifice,  peu  importe  qu'il  soit  libre  ou  esclave, 
citoyen  ou  étranger.  —  L'observation  de  formes  religieuses, 
déjà  requise  pour  la  confection  de  la  loi  pénale  (1),  l'est  égale- 
ment pour  l'exécution  de  la  peine  publique(2').  Condamner  une 
personne  à  une  peine  équivaut  à  la  livrer  à  une  divinité  (3). 
C'est  pour  cela  que  les  Romains  dans  la  langue  technique  ap- 
pellent lex  sacrata  (4)  la  loi  parfaite  et  sanctio  la  disposition 
pénale  par  laquelle  la  loi  réprime  toute  contravention  à  ses  pres- 

(902)  criptions  (5.)  Le  caractère  essentiellement  religieux  de  la  puni- 


historique,  la  sacratio  a  été  traitée  comme  embrassant  nécessairement 
l'exécution  par  le  magistrat  en  même  temps  que  celle  par  les  dieux.  C'est 
pourquoi  nous  avons  fait  rentrer  toutes  ces  dispositions  dans  le  Livre  IV 
en  indiquant  qu'elles  ne  subsistent  probablement  plus  dans  le  droit  pénal 
laïque  de  l'époque  historique.  Du  reste,  ces  hésitations  sont  sans  impor- 
tance au  point  de  vue  des  principes  ;  car,  même  pour  les  lois  qui  don- 
nent incontestablement  lieu  à  une  exécution  laïque,  nous  sommes  cer- 
tains de  l'existence  tant  de  la  sacratio  abstraite  que  de  la  sacratio  à  des 
dieux  déterminés. 

(1)  D'après  Tite-Live,  3,  55,  6,  l'inviolabilité  tribunicienne  est  rétablie 
relalis  qnibiisdara  ex  magno  intervallo  caerimoniis. 

(2)  Nous  le  prouverons  dans  la  sect.  suivante  pour  la  forme  très  an- 
cienne de  l'exécution  par  la  hache  ;  cela  est  en  outre  établi  pour  la  bono- 
rum  consecratio  plébéienne  (I  p.  53  n.  2).  Gicéron,  De  domo,  47,  123  : 
C.  Alinius...  hona  Q.  Metelli...  consecravit  foculn  posito  in  rostris  adhibitoque 
iibicine  et  plus  loin  47,  124  :  capite  velato,  coiitione  advocata,  fociilo  posito 
bona...  Gaôinii...  consecrasti, 

(3)  Festus,  p.  318,  v.  sacer  mons  :  homo  saceris  est,  quem  popiilus  judicavit 
ob  maleficiiim.  Dans  le  premier  passage  où  Denys  traite  de  la  sacratio 
(2,  10,  à  propos  des  devoirs  du  patronat),  il  relève  également  qae  celle-ci 
atteint  le  condamné  (âXôvxa).  D'après  une  conjecture  que  rien  n'appuie, 
mais  généralement  admise,  la  sacratio  exclut  la  juridiction  ;  la  première 
est  plutôt  la  forme  originaire  de  la  seconde.  La  notion  romaine  de  sacrum 
et  la  notion  grecque  d'àvââïi|j.a  correspondent  en  tant  qu'elles  impliquent 
toutes  deux  la  translation  de  l'objet  dans  la  propriété  particulière  de  la 
divinité  ;  peut-être  se  rencontrent-elles  aussi  en  ce  qu'elles  ont  toutes 
deux  donné  naissance  au  regard  de  quelques  personnes  à  l'exécration. 

(4)  Nous  avons  groupé  II  p.  251  n.  4  les  preuves  relatives  à  la  lex  sa- 
crata et  nous  y  avons  montré  que  cette  appellation  convient  à  toute  loi 
contenant  la  formule  de  sacratio,  bien  que  cette  expression  soit  surtout 
employée  pour  désigner  les  lois  constitutives  de  la  plèbe. 

(5)  Sandre,  à  proprement  parler  consacrer,  est  employé  dans  un  sens 
dérivé  pour  désigner  l'ordre  donné  dans  une  loi  (la  lihet.  ad  Her.,  2,  10,  15 
distingue  la  contrainte  juridique,  le  cogère,  et  la  permission  légale  qu'elle 
appelle  sanctio  et  permissio),  parce  que  la  notion  de  loi  s'est  tout  d'abord 


LA    PEINE  235 

tion  personnelle  se  manifeste  encore  en  ce  que,  comme  nous 
le  montrerons  dans  la  prochaine  Section,  la  forme  la  plus  an- 
cienne de  la  peine  de  mort  correspond  aux  rites  du  sacrifice  et 
qu'elle  a  été  sans  aucun  doute  considérée  au  début  comme  un 
sacrifice  humain;  ce  même  caractère  s'affirme  aussi  dans  ce  fait 
qu'il  se  rencontre  seulement  dans  l'exécution  capitale  fondée 
strictement  sur  une  loi  et  accomplie  par  les  magistrats  du  peu- 
ple, tandis  que  la  même  exécution  opérée  sur  la  base  de  lois 
plébéiennes  est  simplement  traitée  comme  un  homicide  échap- 
pant à  toute  répression  (1).  —  Vidée  de  sao^atio  apparaît  d'une 


dégagée  à  propos  de  la  loi  pénale  et  parce  que  celle-ci  contient  toujours 
une  sacratio.  Cette  extension  de  sens  apparaît  dans  l'emploi  technique  du 
substantif  plus  nettement  encore  que  dans  cette  généralisation  de  sens 
du  verbe;  la  sa/ictio  Icgis  est,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  fait  remarquer 
III  p.  215,  la  clause  finale  par  laquelle  une  loi  établit  une  peine  pour  toute 
contravention  à  ses  prescriptions  et  en  même  temps  soustrait  à  toute 
punition  l'acte  qui,  accompli  en  exécution  de  ses  dispositions,  violerait 
d'autres  lois.  Ulpien,  Dig.,  l,  8,  9,  3  :  interdum  in  sanciionibiis  adicitur,  ut 
qui  ibi  —  dans  un  locus  sanctus  —  aliquid  commisit,  capite  punialtrr.  Cicéron, 
De  rep.,  2,  31,  54  :  ner/ue  leges  Porclae...  quicquam  pt'aeler  sanctionem  attu- 
lerunt  novi.  Le  même,  Pro  Balbo,  14,  33  :  sanctiones  sacrandae  sunt  aut  gé- 
nère ipso  aut  obtestatione  et  consecratione  legis  mit  poenae,  cum  caput  ejus  qui 
contra  fecerit  consecratur.  Sur  ces  textes  difficiles  à  expliquer,  cpr.  St.  R., 
2,  303,  n.  2  [Dr.pubL,  3,  349,  n.  2].  Verr.,  4,  66,  149.  Les  peines  prescrites 
dans  la  loi  elle-même  pour  des  cas  particuliers  ne  rentrent  pas  dans  cette 
sanctio  (Papinien,  Dig.,  48,  19,  41  :  sanctio  leguni,  quae  novissime  certam 
poenam  irrogat  his,  qui  praeceplis  legis  non  oblemperaverint,  ad  eas  species 
pertinere  non  videlur,  quibus  ipsa  lege  poena  specialiter  addita  est)  et  c'est 
vraisemblablement  par  suite  de  cette  distinction  que  la  lex  Acilia  repe- 
tundaruml.  56,  permet,  lorsque  l'action  principale  est  terminée,  l'exercice 
de  l'action  de  sanctione  fiojusce  legis.  Pour  la  seconde  moitié  de  la  sanctio 
qui  apparaît  encore  sous  ce  titre  dans  la  lex  de  imperio  Vespasiani,  c'est- 
à-dire  pour  le  caput  tralaticium  de  impunilate  (Cicéron,  Ad  Att.,  3,  23,  2), 
cpr.  St.  R.,  3,  362,  n.  1  [Dr.  publ.,  6,  1,  415,  n.  1]. 

(1)  Festus,  après  les  mots  cités  III  p.  234  n.  3  :  neque  fas  est  eum  immo- 
lari,  sed  qui  occidit,  parrii;idii  non  damnatur,  nain  lege  tribunicia  prima  cave- 
tur,  I  si  quis  eum  qui  eo  plebei  scito  sacersit,  occiderit,  parricida  ne  sit.  »  Cette 
opposition  entre  l'exécution  dirigée  par  un  magistrat  et  accomplie  par 
voie  d'imtnolatio  conformément  au  fas  et  celle  que  réalisent  les  chefs  de 
la  plèbe  ou  les  particuliers  par  voie  de  justice  privée  sans  intervention 
du  magistrat  apparaît  aussi  dans  les  récits  quasi-historiques  que  nous 
groupons  III  p.  277  n.  6  et  p.  278  n.  1,  mais  s'y  présente  certainement 
sous  une  forme  quelque  peu  altérée.  Elle  est  pleinement  confirmée  par 
l'exposé  des  différentes  formes  d'exécution  capitale  que  nous  ferons  dans 
la  prochaine  Section. 


236  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

manière  encore  plus  nette  et  plus  durable  pour  les  biens  at- 
teints par  la  peine.  La  forme  complète  de  la  peine  capitale 
originaire  comprend  à  côté  de  la  sacrotiode  la  personne  celle 
du  patrimoine  (1).  La  confiscation  de  tout  le  patrimoine,  qui 
se  produit  d'une  manière  indépendante  dans  la  coercition  plé- 
béienne, est  toujours  traitée  comme  une  conseci'atio  (Ip.  54), 
Les  biens  qui  échoient  au  peuple  par  voie  répressive  sont  uti- 
lisés pour  des  buts  religieux  (2).  Les  amendes  pécuniaires  in- 
fligées dans  la  procédure  pénale  des  comices  échoient  de  plein 
(903)  droit  aux  temples  (3).  En  particulier,  on  assimile,  pour  les 
amendes  édiliciennes,  comme  nous  l'exposerons  dans  la  Section 
relative  aux  a.mendes,  le  judicare  in  sacrum  au  multare.  Les 
peines  très  anciennes  qui  dans  l'action  privée  frappaient  la 
partie  perdante  ont  servi  à  fournir  les  animaux  destinés  aux 
sacrifices  publics  ou  à  couvrir  les  frais  de  ces  sacrifices  (4).  — 
La  personne  ou  le  bien  atteint  par  Idisacratio  échoit  toujours 
à  une  divinité  déterminée  (o)  ;  celle-ci  est  parfois  désignée 
par  la  loi  ou  la  coutume,  elle  l'est  souvent  aussi  par  le  pouvoir 
arbitraire  de  l'autorité   compétente.  Les  dieux  qui  sont  ici 


(1)  Festus,  p.  318,  sacratae  leges  sunt,  quibus  sanclum  est,  qui  quid  adversus 
eas  fecerit,  sucer  alicui  deorum  [sif]  sicuf  familia  peciiniaque.  Tite-Live,  2,  8,  2, 
pour  le  renversement  de  la  constitution,  sacrando  curn  bonis  capite.  3,  55,  7, 
pour  violation  des  privilèges  de  la  plèbe  :  ut...  ejus  capiit  Jovi  sacrum 
esset.  familia  ad  aedein  Cereris  Liheri  Liberaeque  venum  iret  ;  de  même,  De- 
nys,  6,  89  :  è'iiiji'j-:^  ïazta  y.où  rà  ypritiaTa  aOtoO  Ar|îj.ir,Tpo;  tspà.  Denys,  9,  17-: 
eavâro)  !;r|[i'.o-jaO(D  xai  xà  -/prijiaTa  a-jToû  ïepà  k'crTw.  Tito-Live,  8,  20,  8  (cpr. 
Gicéron,  De  domo,  38,  101):  bona  (d'un  perdiiellis  exécute)  Semoni  Sango 
censuerunt  consecranda. 

(2)  Cicéron,  De  domo,  38. 

(3)  Chez  Denys,  10,  52,  les  consuls  refusent  la  remise  des  amendes  qui 
leur  ont  été  infligées,  parce  que  celles-ci  ont  déjà  été  consacrées  aux 
dieux. 

(4)  S/1.  /?.,  2,  68  sv.  [Dr.  publ.,  3,  77  et  sv].  Le  sacramentum  est  certaine- 
ment considéré  comme  une  amende  encourue  à  raison  d'un  procès  intenté 
à  tort;  il  appartient  à  l'époque  où  l'on  ne  recherchait  pas  le  tort  en  lui- 
même,  mais  où  l'on  admettait  son  existence  d'après  des  indices  extérieurs 
par  voie  de  présomptions  juridiques  et  où  par  suite  on  ne  le  réprimait 
que  dans  ses  manifestations  externes. 

(5)  Festus  (III  p.  230  n.  1)  :  alicui  deorum.  Denys,  2,  10  (III  p.  237  n.  1). 


LA  PEINE 


237 


nommés  sont  surtout  les  dieux  infernaux  (1),  Cérès  (2),  Gérés 
en  même  temps  que  Liber  et  Libéra  (3),  Jupiter  (4)  et  Semo 
Sancus  i^o),  et  plus  tard,  à  côté  de  Jupiter^  le  dictateur  César, 
lorsqu'il  eut  été  divinisé  (6).  Si  le  coupable  est  gracié  par  le 
peuple,  comme  cela  eut  lieu  sous  le  roi  Tulluspour  P.  Horace, 
meurtrier  de  sa  sœur,  les  dieux  ne  sont  pas  satisfaits  et  Rome  a 
besoin  d'être  parifiée  (7  ),  Le  peuple  romain  ne  cherche  pas,  (904) 
d'après  les  lois  primitives,  et  cela  noa  seulement  d'après  les  lois 
patricieunes,  mais  également  d'après  les  lois  plébéiennes,  à 
faire  des  bénéfices  avec  les  peines  qui  sont  infligées  :  la  personne 
est  sacrifiée  aux  dieux,  les  biens  échoient  aux  temples  ;  le  gage 
n'est  pas  vendu  pour  le  compte  du  peuple,  mais  détruit  (I  p.  59). 

Si  donc  toute  peine  publique,  notamment  la  plus  grave  de     sacratio 
toutes  et  la  seule  connue  à  l'origine,  la  peine  de  mort,  doit  être    pl,QJssabJ. 
conçue  comme  une  purification  nécessitée  par  la  souillure  dont 
le  peuple  est  entaché  et   réalisée   au   moyen  d'un  hommage 
rendu  aux  dieux  et  notamment  du  plus  grand  hommage,  du 


(1)  Denys,  2,  10  (cpr.  III  p.  :234  n.  3):  tôv  Sa  àXôvca  t(o  pouXoixévw  xTsîvetv  ôdtov 
Tjv  ôii  9û[Aa  ToO  xa-a-/9ovîo'J  A;o;"  iv  gôei  yàp  'Pco[Aaio'.;,  offou;  iooûXovTo  vr|Tto:v\ 
Tîôvàva'.  Ta  to-jtwv  awjj.aTa  9îûv  otw  Sr,  T'.vt,  [iâX'.aTa  6k  toTi;  xatayBovîoi;  xaiovo- 
[AdtÏE'.v.  Plutarque,  Rom.,  22  les  nomme  également  à  propos  de  la  vente  de 
l'épouse  :  à7roûô|j.£vov  yjvaïxa  O'jeo-Ôai  -/ôovîoiç  Qsot?.  Les  divi  parentum,  aux- 
quels sont  consacrés  d'après  les  lois  royales  le  fils  et  la  belle-fille  qui 
frappent  leurs  parents  (Festus,  p.  230),  sont  aussi  les  mânes. 

(2)  La  loi  des  XII  Tables  8,  8  attribue  à  Gérés  la  personne  du  coupable 
en  cas  de  vol  de  récoltes  commis  la  nuit  :  suspensum  Cereri  necari.  On 
trouve  une  consécration  du  patrimoine  à  cette  divinité  en  cas  de  viola- 
tion des  privilèges  plébéiens  d'après  Tite-Live,  3,55,  7  (III  p.  236  n.  1)  et 
Denys  d'Halicarnasse,  6,  89  (III  p.  236  n.  l);  10,  42;  et  en  cas  de  perduellion 
dans  l'all'aire  de  Sp.  Gassius,  tant  d'après  la  tradition  qui  rattache  la  pu- 
nition de  ce  dernier  à  une  répression  publique  que  d'après  celle  qui  la 
rattache  à  une  répression  domestique  (jRom.  Forsch.,  2,  174.  177).  D'après 
une  autre  référence,  on  rencontrerait  une  consécration  de  la  moitié  du 
patrimoine  en  cas  de  divorce  (Plutarque,  Rom.,  22). 

(3)  Tite-Live,  3,  55,  7  (III  p.  236  n.  1). 

(4)  Loi  royale,  chez  Festus,  Ep.,  p.  6  v.  aliida  et  p._,3l8,  v.  sacer  mons  ; 
Tite-Live,  3,  55,  7  (III  p.  236  n.  1).  Le  conscrit  en  retard  est  également 
voué  à  Jupiter  (I  p.  49  n.  1). 

(5)  Tite-Live,  8,  20,  7  (III  p.  236  n.  1). 

(6)  Dion,  47,  18. 

(7)  Tite-Live,  1,  26,  13  :  quibusdam  piacularibus  sacrificiis  faclis.  Festas, 
p.  297,  V.  sororium. 


238  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

sacrifice  humain,  on  ne  peut  pas  par  contre  tenir  tout  sacri- 
fice pour  une  expiation.  Il  arrive,  en  effet,  que  le  vieux  droit 
public  romain  prescrive  la  purification  publique  capitale  pour 
d'autres  causes.  C'est  ainsi  que  la  naissance  d'un  monstre 
étant  considérée  comme  attirant  le  malheur  sur  le  peuple,  on 
ordonne  régulièrement  une  purification  publique,  procuration 
lorsque  le  bruit  d'une  pareille  naissance  se  répand,  et  on 
impose  au  père  l'obligation  de  faire  disparaître  le  monstre 
(II  p.  332  n.  3);  il  n'est  d'ailleurs  pas  dit  que  celte  suppres- 
sion du  monstre  ait  lieu  au  nom  de  l'Élat.  Mais  il  est  certain 
que  les  êtres,  regardés  comme  hermaphrodites,  sont  jetés 
dans  la  mer  sur  l'ordre  des  consuls  ;  toutefois  cette  pratique 
ne  date  peut-être  que  d'une  superstition  qui  apparaît  sous 
une  influence  étrusque  à  l'époque  d'Hannibal  (i).  Pouvait-on,  en 
outre,  d'après  le  droit  religieux  originaire,  sacrifier  aux  dieux 
des  hommes  qui  n'avaient  commis  aucun  délit  et  qui  par  na- 
ture n'étaient  pas  des  monstres?  Les  sources,  ne  fournissent 
aucune  preuve  en  ce  sens,  ni  en  sens  contraire.  A  l'époque  his- 
torique, il  en  fut  certainement  ainsi  dans  quelques  cas  (2). 
MaiSj  dans  l'ensemble,  le  droit  romain  en  se  développant  a  de 
bonne  heure  restreint  au  cas  de  crime  la  purification  capi- 
tale du  peuple  et  défini  en  conséquence  la  notion  de  la  peine 
publique. 
(903)  Le  droit  pénal  privé,  ou  suivant  une  dénomination  peut- 

La  peine  privée,  être  meilleure  que  nous  préférons,   la  procédure  pénale   en- 

vengeance 

permise 

par  TEtal  ou 

rachetée  sous  (jj  Celte  purilication  (procuralio),  qui  ne  se  produit  pas  seulement  vis-à- 
le  conirùc  ^jg  jes  nouvcaux-nés  (Tite-Live,  31,  12,  6.  39,  22,  5;  Obsequens,  36),  nous 
de  ce  dernier.  ^^^  signalée  en  premier  heu  pour  l'année  547  207  (Tite-Live  -11,  37,  6)  et  en 
dernier  lieu  pour  l'année  CGI  93  (Obsequens,  50).  En  583/171,  dans  un  cas 
du  même  genre,  le  monslrum  est  exposé  dans  une  ile  déserte  (Pline,  II.  n., 
7,  4,  36).  On  considère  alors,  comme  nous  le  montre  la  répression  du  par- 
ricidium,  que  le  mode  de  purification  le  plus  eflicace  consiste  à  engloutir 
dans  les  eaux  ce  prodige  source  de  malbeurs  publics. 

(2)  En.S38/216,  une  guerre  étant  sur  le  point  d'éclater,  pour  obéir  à  l'ar- 
rêt des  sibylles,  on  sacrifie  en  les  enterrant  vivants  un  homme  et  une 
femme  de  la  nation  ennemie  (Tite-Live  22,  57.  6),  Pareil  fait  s'est  égale- 
ment produit  dans  d'autres  cas:  Marquardt,  Handb.,  3,  366  [Manuel  Antiq. 
Rom.,  XIII,  64].  Gela  n'était  donc  pas  une  coutume  nationale. 


LA   PEINE  239 

gagée  sar  la  réquisition  d'un  particulier,  est  dépourvue  de 
tout  fondement  religieux,  et  repose  plutôt  sur  l'idée  de  ven- 
geance, sur  l'exercice  de  la  justice  privée  justifié  par  le  tort 
causé.  Le  magistrat  intervient  ici  comme  médiateur  entre  les 
parties  en  lutte:  d'une  part,  il  établit  ou  fait  établir  les  élé- 
ments de  la  cause,  et,  d'autre  part,  si  le  tort  est  prouvé,  il 
laisse  la  justice  privée  suivre  son  cours  ou  met  la  victime  qui 
a  reçu  la  composition  en  demeure  de  renoncer  à  la  vengeance. 
Par  conséquent,  le  tort  causé  au  chef  de  la  domus  par  une  des 
personnes  qui  ne  jouissent  que  d'une  demi-liberté  ou  par  l'es- 
clave peut  bien  donner  lieu  à  la  procédure  publique,  mais  non 
pas  à  l'action  privée;  le  vol  que  l'esclave  commet  contre  son 
maître  a  du  reste  les  conséquences  juridiques  inhérentes  à  ce 
délit,  mais  ne  conduit  pas  à  l'action  de  vol  ;  car,  en  l'absence 
de  parties  adverses,  il  ne  peut  être  question  de  médiation  (1). 
La  loi  des  Xll  Tables  nous  présente  le  droit  pénal  privé  pres- 
qu'encore  dans  son  état  primitif:  dans  les  cas  les  plus  graves 
d'atteinte  à  la  propriété  ou  au  corps  d'autrui,  la  procédure 
pénale  laisse  à  la  justice  privée  la  liberté  de  s'exercer  par  voie 
d'exécution  capitale  ou  de  talion;  dans  les  cas  moins  graves, 
on  contraiot  le  demandeur,  si  le  tort  est  prouvé,  à  accepter 
de  la  victime  l'amende,  le  damnum  (I  p.  13)  ou  les  poenae 
(I  p.  13).  Dans  le  développement  postérieur  du  droit,  la  jus- 
tice privée  disparaît  complètement  et  tout  délit  privé  donne 
lieu  au  paiement  d'une  composition  obligatoire  fixée  au  nom 
de  la  communauté. 

L'organe  d'exécution  est  différent  suivant  le  caractère  du     ExécuUoQ 
délit.  Les  crimes  publics  donnent  lieu  à  une  exécution  par  le      et'pr'hée 
magistrat  ou  à  une  exécution  plébéienne  par  un  quasi- magistrat.    ^^  ^'^  p^'^^- 
Kn  cas  de  délit  privé,  lorsque  l'exercice  de  la  justice  privée 
est  admis,  la  victime  est  elle-même  l'exécutrice;  lorsqu'il  y  a 
lieu  à  une  composition  obligatoire,  la  prestation  de  cette  der- 
nière éteint  la  créance;  si  elle  n'est  pas  fournie,  le  créancier 


(1)  Dig.,  47,  2,   17,  pr. 


240  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

procède  à  l'exécution  possible  contre  toul  débiteur  qui  ne  paie 
pas,  c'est-à-dire  à  l'appréhension  de  ce  dernier. 
Moyens  Sous  la  République,  on  compte  six  ou  huit  moyens  de  répres- 

répression.  ^.^^  ^^^,  ^^.^  j^  Dotiou  dc  peiue  u'cst  pas  ici  prise  dans  son 
(90G)  sens  juridique  étroit.  La  peine  corporelle  et  l'incarcération  ci- 
tées ici  ne  sont  que  des  moyens  de  coercition  et  non  des 
moyens  de  répression,  et  le  bannissement,  également  introduit 
dans  cette  ônumération,  n'est,  d'après  l'ancien  droit,  qu'une 
mesure  administrative^  possible  seulement  contre  le  non  ci- 
toyen, et  se  présente  sous  la  forme  d'un  bannissement  au 
delà  des  frontières.  La  restriction  des  droits  civiques  i)eut 
être  la  conséquence  juridique  soit  d'une  condamnation  pénale, 
soit  d'autres  circonstances  (2),  mais  elle  n'existe  pas  comme 
pc'ine  indépendante  et  ne  peut  pas,  d'après  l'ancien  droit,  être 
prononcée  par  un  jugement.  Parmi  les  autres  peines,  il  y  en  a 
deux,  la  réduction  du  citoyen  libre  en  esclavage  (3)  et  le  ta- 
lion, qui  apppartiennent  au  très  ancien  droit  privé  pénal  ;  le 
droit  pénal  public  de  la  République  ne  les  connaît  pas.  Par 
suite,  il  n'y  a  à  l'époque  historique  que  deux  peines  admises  tout 


(1)  Gicéron,  De  orat.,  \,  43,  19i  :  vitia  hondnum  atque  fraudes  damnis, 
ignommiis,  vindis,  verberibus,  exiliis,  morle  inultantiir.  Augustin,  De  c/y.  dei, 
21,  11,  (d'après  lui,  Isidore,  Orig.,  5,  27,  4)  :  oclo  gênera  poenarum  esse  scri- 
bit  Tullius,  damnum  vincla'j}erbera  talionem  ignominiam  exilium  mortcm  ser- 
vitulem.  Nous  ne  pouvons  dire,  si  Augustin  fait  allusion  à  un  autre  pas- 
sage de  Gicéron  ou  s'il  rapporte  le  passage  de  Gicéron  que  nous  avons 
cité  plus  haut  en  le  complétant  par  un  commentaire.  Les  six  sortes  de 
peines  mentionnées  par  Gicéron  sont  toutes  empruntées  au  droit  pénal 
public  et  le  damnum  em))rasse  ici  toutes  les  peines  patrimoniales.  La  talio 
et  la  scrvUus  qui  sont  ajoutées  dans  la  seconde  liste  ju'oviennent,  semble- 
t-il,  du  droit  pénal  privé  des  XII  Tables. 

(2)  On  se  rappelle  qu'en  cas  de  vol  la  transaction  est  assimilée  à  cet 
égard  à  la  condamnation  (III  p.  59  ). 

(3)  L.'addictio  de  l'homme  libre  coupable  de  vol  supprime  la  liberté 
d'après  une  conception  ancienne  particulièrement  rigoureuse  (III  p.  55). 
La  servitude  pour  dettes  ne  peut  nullement  être  considérée  comme  une 
peine;  car,  lorsqu'elle  atteint  un  délinquant,  elle  ne  le  frappe  pas,  en 
droit,  à  raison  de  son  délit,  mais  à  raison  de  son  insolvabilité.  —  La  perte 
de  liberté,  pour  manquement  aux  devoirs  militaires,  qui  prend  la  place 
de  la  peine  de  mort  réellement  encourue  dans  ce  cas,  est  prononcée  par 
voie  de  coercition  (I  p.  51  );  elle  n'appartient  doue  pas  au  domaine  de 
la  juridiction. 


LA   PEINE  241 

à  la  fois  par  le  droit  public  et  par  le  droit  privé  de  la  Répu- 
blique, ce  sont  la  mort  et  l'amende  :  la  première  ne  se  présente 
plus  à  l'époque  postérieure  que  dans  le  droit  pénal  public;  la 
seconde,  inconnue  au  début  en  tant  que  peine  indépendante 
dans  la  procédure  pénale  publique  des  magistrats  patriciens, 
y  fut  cependant  admise  de  bonne  heure  ;  elle  eut  dès  le  début 
un  rôle  prépondérant  dans  la  procédure  privée  et  la  domina 
plus  tard  exclusivement.  Ces  règles  peuvent  dans  leur  éton- 
nante simplicité  se  résumer  de  la  manière  suivante:  le  crime 
public  est  expié  par  la  mort,  le  délit  privé  par   le  paiement 
d'une  somme  d'argent;  toutefois,  la  procédure  capitale  fut  de 
bonne  heure  considérablement  adoucie  par  la  possibilité  d'ob- 
tenir sa  grâce  en  s'exilant  volontairement  et  par  l'admission 
des  amendes  pécuniaires. 

Lsl  poena  capitis  est,  en  première  ligne,  la  peine  de  mort.  Si      (907) 
la  législation  de  Sylla  désigne   aussi   l'interdiction   comme      Notion 
peine  capitale  (1),  celaprovient  de  ce  que  la  rupture  de  ban  était    'capUair^ 
punie  de  mort  et  que  par  conséquent  l'interdiction  pouvait 
être  considérée  comme  une  peine  de  mort  conditionnelle.  11 
faut,  en  outre,  faire  remarquer  à  cet  égard  qu'il  pouvait  paraître 
choquant  de  ne  réprimer  le  crime  de  lèse-majesté  et  le  meurtre 
que  par  un  simple  bannissement  ;  ainsi  s'expliquerait  le  choix  qui 
a  été  fait  ici  d'une  expression  toujours  surprenante  et  qu'on 
ne  rencontre  pas  ailleurs   (2).   Mais  la  langue  juridique  ro- 
maine ne  limite  pas  \à  poena  capitis  à  la  peine  de  mort;  pa- 
rallèlement à  la  notion  de  capitis  deminiilio  du  droit  privé, 
on  a  de  tout  temps  compris  sous  le  nom  de  poena  capitis  la 
perte  de  la  liberté  et  du  droit  de  cité.  Si  l'époque  républicaine 
ne  nous  offre  pas  de  preuves  à  l'appui  de  cet  usage  du  lan- 


(1)  Loi  Cornelia  sur  le  meurtre  {II  p.  369  n.  3)  :  deque  ejus  capite  quae- 
rili),  passage  pour  lequel  le  contexte  montre  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  du  par- 
r'tcïdium,  frappé  en  elTet  de  la  peine  de  mort. 

(2)  Depuis  que  l'interdiction  avait  été  remplacée  par  la  peine  plus  grave 
de  la  déportation,  celle-ci  devait  être  directement  désignée  comme  peine 
capitale,  car  elle  privait  du  droit  de  cité. 

Droit  Pénal  Romain.  —  ï.  III.  16 


242  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

gage(l),  cela  lient  à  ce  que  la  République  dans  sa  dernière 
période  n'admet,  ni  en  droit  public,  ni  en  droit  privé,  la  priva- 
lion  à  titre  de  peine  de  la  liberté  et  du  droit  de  cité.  Lors- 
que ce  moyeu  de  répression  eut  repris  sa  place  dans  la  liste 
des  peines,  la  notion  de  causa  ou  res  capitalis  fut  toujours  prise 
dans  ce  sens  large  (2)  et  sa  portée  se  restreignit  même  à  ce 
sens  dans  le  langage  technique  (3);  l'extension  vague  du  mot 
capiUk  la  pleine  possession  des  droits  civiques  (4),  qu'on  ren- 
contre fréquemment  dans  les  plaidoyers  des  avocats  romains, 
(908)  n'apparait  pas  dans  le  langage  légal.  Par  suite  et  bien  qu'il 
n'y  ait  pas  de  terminologie  ferme  à  cet  égard,  on  distingue  la 
peine  de  mort  et  la  peine  capitale  qui  ne  prive  pas  de  la  vie. 
En  outre,  il  y  a  pour  la  première  différents  degrés  suivant  la 
forme  d'exécution  (o). 


(1)  Toutefois  Gaius,  3,  189.  4.  111  qualifie  àepoena  capilis  Vaddictio  do  la 
loi  des  XII  Tables  prononcée  contre  le  voleur  manifeste. 

(2)  Ulpien,  Dig.,  "2,  11,  4,  prA%,  19,  2,  pr.  :  rei  capitalis  damnaium  sic  ac- 
cipere  debetnus,  ex  qua  causa  damnalo  vel  mors  vel  etiam  civitalis  amissio  vel 
servihis  contingil.  Paul,  Dig.,  48,  1,  2  :  capilalia  (crimina)  sunl,  ex  quibus 
poena  7nors  aut  exilium  est,  hoc  est  aquae  et  ignis  interdictio  :  per  has  enim 
poenas  eximitur  caput  de  civitale.  Africain,  Dig.,  37,  1,  13.  Terentius  dé- 
mens, Dig.,  37,  14.  10.  Inst..  4,  18,  2. 

(3)  Modestin,  Dig.,  oO,  16,  103  -.licet  n  capitalis  n  Latine  loque?itibus  {V auteur 
est  un  Grec)  omnis  causa  exislimationis  videalur,  tamen  appellalio  capitalis 
[fjoeîiae  de  poena]  morlis  vel  a7nissionis  ciuitatis  intellegenda  est.  Les  avocats 
romains  emploient  beaucouj)   plus  largement  caput  que  causa  capitalis. 

(4)  Le  mot  caput  désigne  le  plus  souvent  dans  les  discours  do  Gicéron 
l'intégrité  civique  {civis  integri  capilis  :  In  Pis.,  13,  30)  et  alterne  avec 
existimatio  {Verr..  2,  23,  57.  c.  71.  173.  3,  d7,  131)  et  fama  (Verr.,  2,  H,  28. 
Pro  Sest.,  1,  1).  Dans  le  plaidoyer  pour  P.  0"i»^<iiis,  dans  lequel  Gicéron 
répète  à  tout  instant  que  le  caput  de  son  client  est  menacé,  il  s'agit  d'une 
sponsio  sur  le  point  de  savoir  si  P.  Quinctius  a  fait  banqueroute  ou  non  ; 
Gicéron  commence  son  plaidoyer  en  disant  :  judicium  esse  non  de  re  pecu- 
niaria,  sed  de  fama  fortunisque  P.  Quinctii  vides  (9,  33);  Gicéron,  Verr.,  5, 
54,  141  (jualifie  de  judicium  capilis  un  judicium  recuperalorium  organisé 
pour  statuer  sur  une  sponsio  du  même  genre.  Les  actions  privées  infa- 
mantes de  fiducie,  de  tutelle  et  de  société  s'appellent  summae  exislima- 
tionis et  paene  dicam  capilis  (Pro  Q.  Roscio,  6,  16).  Get  usage  du  langage 
repose  sur  une  opposition  entre  l'homme  et  le  patrimoine;  mais  en  droit 
pénal  le  caput  désigne  l'existence  civique  de  la  personne  ;  dans  le  langage 
dos  avocats  ce  mot  s'applique  à  la  situation  sociale. 

(5)  Gallistrate,  Dig.,  48,  19,  28,  pr.  :  cupilalium  poenaruui  fere  isli  gradus 
sunt.  Summum  suppUcium  esse  videlur  ad  furcam  damnalio  (interpolé  pour 


LA   PEINE  243 

11  n'y  a  pas  d'expression  générique  pour  les  peines  non  ca- 
pitales (1), 

Comme  antithèse  à  la  peine  capitale,  on  mentionne  souvent      (909) 
la  peine  pécuniaire  (2).  Cela  fut  exact  pour  l'ancien  droit.  On  Dénominations 

1  •  ^     1  .     •    .  •  j  génériques 

ne  pouvait  alors  prononcer  par  jugement  la  restriction  des     des  peines 
droits  civiques,  ni  même  cette  restriction  qui  consistait  dans  "'"^  capitales. 
l'inlestabilité;  ces  déchéances  s'attachaient  seulement  comme 
accessoires'à  une  autre  peine  ou  se  liaient  à  un  fait  qui  n'était 
pas  constaté  par  une   condamnation   pénale.  Cette  division 
bipartite  devint  insuffisante,  tout  au  moins  depuis  la  législa- 


]e  crucifiement),  ilem  vivi  cretnatio,  quod  quamquam  siimmi  supplicii  appel- 
latione  merito  continerelur,  tamen  eo  quod  postea  id  genus  poenae  adinvenlum 
est,  posterius  primo  vision  est,  ilem  capitis  amputalio.  Deinde  pvoxima  morti 
poena  metalli  coercitio,  post  deinde  in  insulam  deportatio.  Paul  5,  11,  2  : 
summa  supplicia  sunt  crux  cremalio  decollalio,  mediocrium  autem  delictorum 
poenae  sunl  melallum,  ludus,  deporlalio.  La  mort  par  le  feu  est  plus  rigou- 
reuse que  le  crucifiement  et  l'exécution  dans  une  fête  populaire  (Paul,  5, 
23,  n).  Ailleurs  (3,  b,  8.  5,  21,  4.  tit.  23,  1.  17,  et  sans  doute  aussi  5,  4,  14), 
Paul  qualifie  le  crucifiement  de  summum  supplicium  et  lui  assimile  l'exé- 
cution dans  une  fête  populaire  {bestiis  obici).  On  oppose  aussi  sous  le  nom 
d'ullimum  supplicium  la  peine  de  mort  grave  à  la  simple  poena  capitis 
(Modestin,  Dig.,  48,  9,  9,  1).  Toutefois,  dans  une  autre  conception,  on  dé- 
signe sous  le  nom  de  summum  supplicium  la  peine  de  mort  par  opposition 
aux  peines  non  capitales  (Paul,  5,  23,  14.  Dig.,  47,  12,  11)  et  ullitnum  sup- 
plicium est  ordinairement  employé  dans  le  même  sens.  Gelsus,  Dig.,  48, 
19,  21  :  ultimum  supplicium  esse  mortem  solam  interprelamur.  Dig.,  1,  5,  18. 
48,  10,  1,  13.  tlt.  19,  29.  César,  B.  c,  ],  84.  Pline,  Ep.,  8,  14,  24.  Scolies 
sur  Aen.,  6,  573;  de  mème,'ultima  poena,  Tite-Live,  3,  58,  10.  Pline.  Ep.,  2, 
11,  8  ;  ultima  nécessitas.  Tacite,  Ann.,  15,  61.  —  Gpr.  aussi,  Dig.,  48,  21,  1. 
Cod..  9,  12,6.  tit.  49,  !0,  pr. 

(!)  Callistrate,  après  les  mots  cités  III  p.  242  n.  5  :  ceterae  poenae  ad 
exislimationem,  non  ad  capitis  periculum  pertinent,  veltiti  relegatio  ad  tempus 
vel  in  perpetuum  vel  in  insulam  vel  cum  in  opus  quis  publicum  datur  vel  cum 
fustium  ictu  subicitur.  Paul,  5,  17,  2  :  minimae  relegatio,  exifium,  opus  pu- 
blicum, vincula.  Le  même,  Dig.,  48,  1,  2,  après  le  passage  cité  III  p.  242  n.  2  : 
7iam  cetera  (c'est-à  dire  le  bannissement  sans  interdiction)  non  e.rilia,  sed 
relegaliones proprie  dicuntur,  tune  enimcivitasretinetur.  Noncapitalia  sunt  {en- 
outre)  ex  quibus  pecuniaria  aut  in  corpus  aliqua  coercitio  poena  est.  Africain, 
Dig.,  37,  1,  13.  Marcien,  Dig.,  48,  17,  1,  1.  Lorsque  Venuleius  Saturninus, 
Dig..  48,  2,  12,  4,  présente  la  relegatio  comme  une  poena  capitis  inapplica- 
ble aux  esclaves,  il  pense  à  la  déportation. 

(2)  Gaius,  4,  111.  Paul,  5,  16,  5.  Dig.,  48,  2,  12,  4.  tit.  16,  18,  2.  49,  9,  1- 
tit.  14,  2,  2  :  Le  plus  souvent,  on  comprend  aussi  dans  cette  catégorie  les 
actions  d'amende  non  criminelles. 


244  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

tion  de  Sylla,  dont  l'interdiction  ne  pouvait  être  classée  parmi 
les  peines  capitales  qu'en  contrariant  cette  dernière  notion  et 
qui  réprimait  Vambitus  en  privant  le  coupable  pour  dix  ans 
de  l'aptitude  aux  charges  publiques.  Elle  fut  encore  plus 
défectueuse,  lorsque  la  peine  de  la  relégation  fut  admise  et 
ne  convint  absolument  plus  au  système  des  peines  de  l'époque 
impériale.  Dans  une  pareille  division,  tout  degré  intermé- 
diaire des  peines  fait  défaut.  Si  certains  textes  donnent  ce  ca- 
ractère aux  peines  contre  l'honneur,  poenae  existimationis  (1), 
cette  catégorie  a  probablement  eu  pour  point  de  départ  la 
perte  de  l'éligibilité  et  d'autres  peines  analogues  ;  mais  le 
terme,  employé  pour  désigner  ce  degré  intermédiaire,  est  lui- 
même  peu  satisfaisant. 
Loi  pénale  et      La  pcluc  encouruc  pour  un  délit  est  ordinairement  fixée 

condamnation    j  i>-  \       •  ii-ii  »  i 

pénale.  ddus  1  aucicn  droit  par  la  loi  elle-même  ou  par  la  coutume 
ayant  force  de  loi  et  la  condamnation  pénale  se  contente 
de  reconnaître  que  le  délit  a  été  commis.  Il  en  est  résulté 
une  certaine  liberté  pour  l'exécution;  il  est  notamment  vrai- 
semblable que  maintes  fois,  en  cas  de  condamnation  à  mort,  la 
forme  de  l'exécution  n'a  été  juridiquement  fixée,  ni  par  une  rè- 
gle générale,  ni  par  la  sentence  elle-même,  et  que  par  suite  elle 
a,  dans  les  limites  fixées  par  la  coutume,  dépendu  de  l'arbi- 
traire de  l'autorité  compétente.  Le  droit  postérieur  a,  par  con- 
tre, abandonné  de  plus  en  plus  le  système  de  fixation  légale 
de  la  peine,  et  a,  en  établissant  des  peines  facultatives  ou  ar- 
bitraires, confié'au  juge  le  soin  de  proportionner  la  peine  au 
délit. 

Aperçu  Dans  l'exposé  des  peines  romaines  qui  va  suivre,  aux  deux 

es  peines,  j^^^gg  ^jg  réprcssion  que  connaît  le  droit  primitif:  la  peine  de 
mort  (Sect.  II)  et  l'amende  fixe  (Sect.  XI)  et  à  ceux  qui  appa- 

(910)  raissent  plus  tard:  la  restriction  des  droits  civiques  (Sect.  IX), 
le  bannissement  et  l'internement  introduits  par  Sylla  (Sect.  VII) 


(1)  Callistrate,  Dig.,  48,  19,  28  (III  p.  243  n.  1)  et  50,  13,  o;  Ulpien, /)(".7., 
50,  IC,  131,  1  :  poena  non  tant  uni  pecuniaria,  verum  capitis  et  existimationis  ir- 
rogavi  solet. 


LA    PEINE  245 

et  les  travaux  forcés  créés  par  Tibère  (Sect.  IV),  nous  avons, 
pour  donner  un  meilleur  aperçu  de  la  question,  ajouté  d'une 
part  les  deux  moyens,  qui  appartiennent  à  proprement  parler 
à  la  coercition,  mais  qui  sont  fréquemment  utilisés  en  droit 
pénal  :  la  prison  (Sect.  VI)  et  les  peines  corporelles  (Sect.  VIII), 
et  d'autre  part  ceux  qui  n'apparaissent  pas  en  droit  pénal 
comme  peines  indépendantes,  mais  comme  conséquence  d'au- 
tres peines  de  ce  genre:  la  perte  de  la  liberté  (Sect.  III),  celle 
du  droit  de  cité  (Sect.  V)  et  la  confiscation  du  patrimoine  (Sect.  X). 
Comme  conclusion  de  ce  Livre,  nous  exposons  le  développement 
du  système  de  proportionnalité  des  peines  et  nous  donnons  un 
aperçu  général  des  peines  dans  leur  application  aux  différents 
délits  (Sect.  XII). 


(911)  SECTION    II 


LA  PEINE   DE   MORT 


Nom.  Il  n'y  a  pas  pour  désigner  la  peine  de  mort  d'autres  ter- 

mes techniques  que  celui  de  supplicium,  originairement  lié  à 
une  forme  spéciale  de  cette  peine  dont  nous  parlerons  plus 
loin  et  employé  plus  tard  dans  un  sens  général,  et  que  celui 
de  poena  capitis  ou  capitalis.  Par  contre,  le  mot  animadver- 
tere,  qui  signifie  littéralement  «  faire  attention  »,  devient, 
dans  une  acception  restreinte  et  détournée,  non  seulement  le 
terme  qui  sert  à  désigner  la  répression,  mais  même  l'expres- 
sion régulière  pour  l'exécution  capitale  (1). 
Intervalle  Le  droit  péual  de  l'époque  républicaine  ne  connaît  pas  d'in- 
?^'"^^*.     tervalle  légal  entre  la  condamnation  à  mort  ayant  force  de 

condamnation    "^  o  •> 

à  mort  et  son  chosB  jugée  (2)  et  son  exécution,  la  procédure  normale  est  au 
contraire  l'exécutiou  immédiate  (3).  Seule,  la  femme  enceinte 

(1)  Lorsque  le  mot  animadverlere  est  usité  chez  Gicéron  pour  désigner 
des  peines,  il  se  rapporte  déjà  le  plus  souvent  à  la  peine  capitale  (ainsi, 
par  ex.  : /n  Verr.,  2.  13,  33;  Ad  fam.,  5,  2,  8).  Dans  le  langage  juridique, 
ce  mot  sert  d'antithèse  à  la  peine  de  mort  rigoureuse,  donc  principale- 
ment h  la  décapitation.  Marcien,  Dig.,  iS,  19,  H,  3  :  capitis  poena  est  bestiis 
ofnci  vel  alias  similes  poenas  pati  vel  animadverti.  Macer,  Diçi.,  48,  19,  12  : 
hi  in  quos  animadverti  jubctiir  quive  ad  hestias  danliir.  Paul,  Dig.,  48,  24,  3  : 
corpora  animadversorum  quibuslibet  petentibus  ad  sepulturam  dantur.  Ulpien, 
Dig.,  48,  24,  1.  cpr.  III  p.  262  n.  1. 

(2)  Sur  l'appel  contre  la  sentence  capitale,  cpr.  II  p.  155  n.  1  ;  sur  la 
demande  de  la  confirmation  impériale  requise  dans  certains  cas,  cpr. 
I  p.  325. 

(3)  Tacite,  Ann.,  3,  51  :  ductus  in  carcerem  et  stalim  exanimatus.  14,  64  et 
autres  textes.  Gratien,  C.  Th.,  9,  3,  6  —  C.  Jusl.,  9,  4,  5  :  de  liis  quos  tenet 


LA   PEINE    DE    MORT  347 

a  le  droit  de  réclamer  le  retard  de  rexécution  jusqu'au  mo- 
meat  de  sa  délivrance  (1).  Sous  le  Principat,  un  sénatus-con- 
sulte  de  l'aa  21  décida  que  le  sénatus-consulte  prononçant      (912) 
une  condamnation  à  mort,  qui,  comme  toute  autre  décision  du 
sénat  n'acquérait  force  de  chose  jugée  que  par  son  enregis- 
trement à  raerarium,  ne  devait  être  enregistré  au  plus  tôt  que 
dix  jours   après  sa  rédaction  pour  accorder  ainsi  un  délai  à 
celui  qui  était  condamné  de  cette  manière  (2).  Dans  un  pro- 
cès qui  se  déroule  au  cinquième  siècle  devant  le  sénat,  on  fixe 
un  délai  de   trente  jours  en  se  référant  expressément   à  cet 
ancien  sénatus-consulte  (3);  mais  il  y  a  peut-être  ici  une  con- 
fusion entre  cet  acte  du  sénat  et  une  constitution  de  l'empereur 
Gratien  de  l'an  382  qui  prescrit  un  délai  semblable  pour  l'exé- 
cution   des   sentences  capitales  prononcées   directement   par 
l'empereur  (4).  Du  reste,  ces  deux  tribunaux  souverains  ont 
vraisemblablement  dépassé  les  bornes  qu'ils  s'étaient  posées  à 
eux-mêmes  (o). 

D'autre  part,  les  lois  ne  fixent  aucun  délai  minimum  ou  ma- 


carcer  sanclmus,  ut...  conmclum  velox  poena  suhducat.  La  règle  résulte  ici 
de  ce  que  les  sources  ne  mentionnent  aucun  intervalle. 

(1)  Paul,  1,  12,  4.  Dig.,  1,  5,  18.  48.  19,  3.  Passio  Perpetuae,  c  15.  Quinti- 
lien,  DecL,  277. 

(2)  St.  R.,  3,  iOll  [Dr.  publ,,  7,  207].  Tacite,  Ann.,  3,  51,  Suétone,  Ttb., 
75.  Dion,  57,  20.  58,  27.  La  condamnation,  mentionnée  par  Sénèque,  De 
tranq.  an.,  peut  aussi  avoir  été  prononcée  par  le  Sénat. 

(3)  Sidoine,  Ep.,  i.  7,  12  :  nunc  ex  vetere  senatus  consulta  Tiberiano  triginta 
dierum  vitam  post  senlentiam  trahit.  A  titre  de  confirmation,  on  peut  citer 
le  délai  de  trente  jours  qu'on  trouve  chez  les  rhéteurs  (Quintilien,  313  ; 
Galpurnius  Flaccus,  25),  mais  nous  n'avons  pas  d'autre  preuve. 

(4)  C.  Th.,  9.  40,  13:  =  C.  Just.,  9,  47,  20,  qui  d'après  l'inscription  serait 
de  Gratien,  Valentinicn  II  et  Théodose,  mais  qui,  ayant  été  rendue  à 
Vérone,  émane  donc  de  Gratien.  L'inscription  et  la  subscriptio  de  cette 
constitution  ont  été  attaquées,  parce  que  les  historiens  chrétiens  :  Rufi- 
nus,  Hist.  EccL,  il,  18;  Sozomène.  Hist.  EccL,  7,  25  et  Théodoret,  5,  18 
(de  même  :  Zonaras,  13,  13;  Hist.  tripart.,  9,  30)  attri])uent  cette  constitu- 
tion à  Théodose  et  la  rattachent  à  la  répression  qui  eut  lieu  à  Thessa- 
lonique  en  390.  Mais  les  meilleures  relations  ne  disent  rien  de  cette  pré- 
tondue connexité  :  Ambroise  lui-même  Ep.,  51  semble  plutôt  indiquer,  en 
appelant  Théodose  du  nom  de  «  Gratiani  patrem  »,  que  Théodose  avait 
violé  la  loi  que  cet  empereur  lui-même  avait  promulguée  avec  le  con- 
cours de  Gratien. 

(5)  Par  exemple,  Dion,  70,  8.  9. 


248  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

ximum  pour  la  remise  de  l'exécution  ;  le  jour  de  l'exéculion 
dépend  bien  plutôt  de  l'arbitraire  du  magistrat  chargé  d'ap- 
pliquer la  peine.  Celui-ci  a  par  suite  la  possibilité  non  seule- 
ment dereculer  l'exécution  pour  se  livrer  à  de  nouveaux  interro- 
gatoires ou  pour  d'autres  raisons  (1),  mais  même  de  ne  pas 
(913)  procéder  à  l'exécution,  ce  qui  eut  lieu  tant  à  l'époque  républi- 
caine que  sous  le  Principat.  Or,  comme  le  condamné  à  mort  est 
de  plein  droit  soumis  à  la  détention  (Fil  p.  30o),  il  arrive 
ainsi  que  la  condamnation  à  mort  peut  se  transformer  en 
fait  en  une  détention  cà  perpétuité  (2).  Au  troisième  siècle 
ap.  J.C.,  on  prescrit  que  l'exécution  des  sentences  capitales 
des  gouverneurs  de  province  ne  peut  être  retardée  plus  d'un 
an  (3)  ;  mais  cette  disposition  n'a  pas  passé  dans  la  législation 
de  Justinien. 
Temps  L'exécution  de  la  sentence  de  mort  ne  peut  pas  avoir  lieu  un 

de  l'exéculion.    .  -i      pk        /  r  \  i  •     /«x       i  •  i  ,-i       <        •       i 

jour  de  lele  (4)  ou  la  nuit  (o),  du  moins  iorsqu  il  s  agit  d  une 
exécution  publique. 
Lieu  En  ce  qui  concerne  le  lieu  de  l'exécution,  la  vieille  formule, 

de  l'exécution.  ,  ,  .  r,  .      j  -..iii.' 

conservée  pour  le  cruciliement,  donne  au  magistrat  la  liberté 
de  choisir  le  lieu  du  supplice  dans  les  limites  ou  en  dehors  du 
pomerium  (6)  ;  mais  il  faut  ici  étendre  la  limite  du  pomerium 


(1)  Ulpien,  Dig.,  48,  19,  6  s'occupe  du  cas  où  le  condamné  se  dit  prêt 
à  faire  certaines  déclarations.  La  nécessité  d'une  remise  se  produit  fré- 
quemment en  cas  de  condamnation  à  l'exécution  capitale  dans  une  fête 
populaire  {Dig.,  48,  19,  29)  ;  appelé  à  appliquer  cette  peine  à  l'évéque  Po- 
lycarpe,  l'asiarque  déclare  que  les  jeux  (x-jvr,Yéfria)  sont  passés  et  l'évéque 
est  condamné  à  périr  par  le  feu  {Martyr.  Volycarpi,  c.  12).  Constance  a  in- 
terdit les  demandes  de  grâce  postérieures  à  la  reddition  de  la  sentence 
(C.  Tli.,  9,  40,  4  =  C.  Just.,  9,  47,  18). 

(2)  Cpr.  III  p.  30G  n.  3.  C.  Asinius  Gallus  fut  condamné  à  mort  en  l'an  30 
ap.  J.-C,  puis  sévèrement  maintenu  dans  une  détention  domestique  jus- 
qu'à sa  mort  (jui  eut  lieu  en  l'an  33,  peut-être  par  suicide  (Tacite,  Ann., 
6,  23  ;  Dion,  58,  3.  23). 

(3)  Ulpien,  Coll.,  1!.  7,  4  :  ad  glailium  damnati  confestim  conaumunlur  vel 
cerle  inlra  annum  debent  consumi,  hoc  enim  mandnlis  conlinetur.  Paul,  5,  17,  2. 

(4)  Suétone,  Tib.,  CI  :  nu/lus  a  poena  hominum  cessavit  dies,  ne  rellglosus 
quidem  et  sacer;  animadversnm  in  quosdam  ineunte  anno  novo.  Ce  dernier 
point  nous  est  rapporté  par  Tacite,  Ann.,  4,  70. 

(5)  Sénèqufi,  De  ira,  3,  19. 

(6)  Tite  Live,  1,  20  :  vel  intra  potneriian  vel  e.rtra  pomerium. 


LA    PEINE    DE    MORT  249 

jusqu'à  la  première  borne  railitaire.  Celte  règle  s'applique 
vraisemblablement  à  toutes  les  exécutions  qui  concernent  la 
ville  de  Rome.  L'exécution  par  la  hache  sur  le  champ  de  Mars 
avec  le  concours  des  flamines  de  Mars  et  de  Jupiter,  qu'on 
rencontre  à  l'époque  de  César  et  après  laquelle  les  têtes  des 
suppliciés  étaient  exposées  à  la  regia  sur  le  forum  (1),  n'est 
sans  doute  que  la  reprise  d'une  forme  d'exécution  de  l'époque 
primitive;  le  champ  de  Mars  est  d'ailleurs  encore  nommé  à 
d'autres  endroits  comme  lieu  de  supplice  (2).  Mais,  d'après  une  (914) 
vieille  tradition,  des  exécutions  par  la  hache  (3)  ont  également 
eu  lieu  s\iv\q  forum  et  c'est' ici  qu'en  cas  de  crucifiement  on 
procède  à  la  flagellation  (4).   Sous  le  Principat,  les  exécutions 


(1)  Dion,  43,  24  pour  l'année  708  ;  6ûo  avopE?  (deux  soldats  mutinés)  èv 
toÔtco)  T'.vl  lîpoupyiaç  è(T5âYT,ffav. ..  èv  tm  'Apî'.to  ueôki)  npo;  te  rùv  ttovtiçîxwv  xal 
npb?  Toû  tspéw;  To-j  "Apsw;  iT-jOv|Crav  xal  a?  ve  xs?a),al  (donc  par  la  hache,  car 
l'emploi  de  l'épée  n'est  pas  admis  dans  cette  ancienne  procédure)  aÙTûv 
Tîpô;  To  paffi)£tov{cpr.  Jordan,  Rom.  Top.,\,  2,  p.  42.")  âv£T£6r|0-av.  Dion  ajoute 
qu'il  n'est  question  ici  ni  d'un  oracle  des  sibylles  ni  d'aucune  autre  ins- 
tigation extraordinaire  ;  cette  remarque  prouve  plus  nettement  encore 
qu'il  s'agit  ici  d'un  retour  à  une  forme  originaire.  —  Dans  un  procès 
d'inceste  où  l'accusé  devance  la  sentence  en  se  suicidant,  Claude  fait 
procéder  à  une  procuratio  conformément  aux  lois  du  roi  Tullus  Hostilius 
(on  pense  ici  à  la  purification  à  raison  du  meurtre  commis  par  Horace  sur 
sa  sœur,  Tive-Live,  i.  29)  et  ordonne  aux  pontifes  d'offrir  un  sacrifice 
dans  le  bois  de  Diane  (dans  le  bois  d'Aricie?  ;  Tacite,  Ann.,  12,  8). 

(2)  Dans  l'affaire  de  Rabirius,  la  croix  doit  être  dressée  sur  le  champ 
de  Mars.  Gicéron,  Pro  Bab.,  3,  10,  4.  M.  10,  29. 

(3)  Il  est  question  du  foriun  pour  l'exécution  des  fils  de  Briilus  (Denys, 
5,  8)  et  dans  un  procès  devant  un  dictateur  rapporté  par  Tite-Live  8,  33,  21 
c'est  également  lui  qui  est  mentionné  pour  les  exécutions  qui  furent  fai- 
tes pour  cause  de  défection  en  440/314  d'habitants  de  Sora  (Tite-Live, 
9,  24,  15  :  omnes  qui  Romam  dediicti  erant  uirqis  in  foro  caesi  et  seairi  per- 
ctissi  sunt),  en  441/313  de  Frégellans  (Diodore,  19,  101  :  toÛtou;  àTt-JiyaYev  zlç, 
*Pwu.T)v  xa'i  ■TcpoayavMV  eîç  t:t^-i  àyopàv  paêôiaa;  itzzKkY.im  xairà  to  Tvà-piov  k'601;)  ; 
en  483/271  de  la  garnison  romano-campaniennede  Rhegium  (Polybe,  1,  7  r 
J)v  àvaT;Ep.36£v:(i)v  £'.;  ty)v  'Pw^(,r,v  oî  (jTpaTïjyol  Trpoayayôvreç  eîc  Tr,v  àyopàv  xcà 
|j.a<7Tiy(ii(7avT-£;  â-avtac  xa-rà  -h  itap'  a-JTOï?  TîdfTpiov  à'60;  è7t£).éx'.aav  ;  de  même 
Denys,  20,  5  et  ailleurs).  Le  récit  de  Denys,  6,  30,  d'après  lequel  une  exécu- 
tion de  ce  genre  aurait  eu  lieu  hors  de  la  ville,  est  incorrect.  L'exécution 
des  prisonniers  de  guerre  produits  dans  le  cortège  triomphal  a  dû,  aussi 
longtemps  qu'elle  a  été  accomplie  en  public  (III  p.  268  n.  5),  avoir  lieu 
sur  le  forum,  parce  qu'ils  étaient  conduits  au  supplice,  lorsque  le  triom- 
phateur montait  du  forum  au  Capitole  (Gicéron,  Verr.,  5,  3,  77). 

(4)  Tite-Live,  22,  57,  3  et  Pline,  Ep.,  4.  11,  10    parlent  à  ce   propos  du 


♦■i' 


250 


DROIT    PENAL    ROMAIN 


(915) 

Exécutions 
dirigées  par 
un  ma 

ou   DOD. 

Officiales 
du  magistrat 


publiques  sont  ordinairement  accomplies  sur  l'Esquilin  (1). 
—  Quant  à  l'exécution  dans  le  cachot,  nous  en  parlerons  plus 
loin. —  L'exécution  du  coupable  sur  le  lieu  du  crime  dans 
un  but  d'intimidation  est  une  procédure  de  la  dernière  épo- 
que (2). 

Pour  les  formes  de  l'exécution  capitale,  il  faut  distinguer 
les  exécutions  dirigées  par  un  magistrat,  parmi  lesquelles 
gisira't  nous  faisons  rentrer  celles  que  préside  un  pontife,  et  les  exé- 
cutions où  ne  se  rencontre  pas  cette  direction. 

L'exécution  dirigée  par  un  magistrat  est  accomplie  par  les 
officiales  du.  àéienieur  àe  Vimperium.  Ceux-ci  sont  en  pre- 
mière ligne  les  licteurs,  c'est-à-dire  des  citoyens  romains  qui 
portent  dans  ce  but  les  verges  et  les  haches  nécessaires  pour 
les  principales  formes  d'exécution  (3).  Pour  les  exécutions  des 


comilhim;  Denys,  9,  40  et  Dion  chez  Zonaras,  7,  S  et  78.  9  du  forum.  D'a- 
près l'indication  de  Cieéron  (Pro  Rab.  ad  pop.,  3,  10  :  me  .  .  .  carnificem  de 
foro,  crucem  de  campo  susiullssc),  le  cruciliement  était  accompli  sur  le 
champ  de  Mars  et  la  flagellation  avait  lieu  sur  le  forum.  IMéme  en  cas 
d'exécution  non  publique,  la  flagellation  était  infligée  sur  le  forum  (III 
p.  269  n.  1). 

(1)  C'est  sur  l'Esquilin  qu'ont  lieu  sous  le  Principat  l'exécution  par  la 
hache  (Suétone,  Claud.,  25  :  in  campo  Escjuilino)  et  le  crucifiement  (Tacite, 
Ann.,  2,  32  :  ej:lra  portam  Esquilinam).  C'est  également  là  que  les  escla- 
ves ont  été  exécutés  de  tout  temi  s  {extra  portam  :  Piaule,  Mil.,  359)  ;  le 
locus  serviiibus  poenis  destinatus,  où  nous  savons  qu'une  exécution  militaire 
fut  accomplie  (Tacite,  Ann.,  15,  60),  doit  être  aussi  l'Esquilin.  Selon  toute 
apparence,  il  n'y  a  plus  guère  à  cette  époque  d'exécution  publique  que 
pour  les  esclaves.  L'Esquilin  était  aussi  le  lieu  où  étaient  jetés  les  ca- 
davres de  ceux  qui  étaient  privés  du  droit  d'être  inhumés  (Porphyrion 
sur  Horace.  Epod.,  5,  99).  —  Le  lieu,  où  d'après  Plutarque,  Galh.,  28  -o-jç 
ûiîb  Twv  Kaidàptov  xoXa^ojxévoyi;  ôavaToOdiv,  s'appelle  d'après  les  manuscrits 
Sr,<7-ép'.ov,  qui  avec  une  légère  modification  correspond  à  sessorium  (Be- 
cker,  Top.,  p.  555).  —  Il  y  a  également  dans  les  municipes  des  loca  noxio- 
rum  poenis  deslinala  de  ce  genre  {Grom.,  p.  55). 

(!')  Dig.,  48,  19,  28,  15.  Cpr.  Galenus,  III  p.  338  n.  5. 

(3)  St.  R.,  1,  373  [Dr.  puhl.,  2,  2.].  Ce  rôle  des  licteurs  nous  est  attesté 
par  le  procès  d'Horace  (Tite-Live,  1,  26),  il  est  déjà  indiqué  par  leurs 
insignes  eux-mêmes.  Les  licteurs  de  Rome  servent  aux  magistrats  en 
général  {St.  R.,  1,  344  [Dr.  puhl.,  1,  394]),  et  ont  sans  doute  été  utilisés  dans 
les  exécutions  des  duumvirs  et  des  questeurs.  C'est  également  unlicteur 
qui  accomplit  les  exécutions  prescrites  par  le  gouverneur  de  province  ; 
celui  de  Vi'rrès  est  appelé  caruifex,  mais  ce  mot  est  pris  ici  dans  un 
mauvais  s(Mi.s  pour  l)lùini'r  les  exécutions  de  Verres  (Cieéron,  Verr.,  5,  45, 


LA   PEINE    DE    MORT  251 

esclaves  et  pour  celles  qui  ont  lieu  dans  la  prison,  le  déten- 
teur de  Vimpemim  est  remplacé  par  des  magistrats  auxi- 
liaires, les  triumvirs,  et  à  la  place  des  licteurs  fonctionne  le 
bourreau,  considéré  comme  infâme  (1),  le  carnifex  (2).  Ce 
dernier  parait  même  avoir  accompli  plus  tard  les  exécutions 
qui  antérieurement  incombaient  aux  licteurs  (3).  Quant  aux 
soldats  employés  pour  la  forme  militaire  de  l'exécution  capi- 
tale, nous  en  parlerons  à  propos  de  celle-ci. 

L'exécution  capitale  dirigée  par  le  magistrat  a  lieu   publi-      Formes 
quement  en  plem  air,  ou  en  secret  dans  la  prison.  Dans  le  pre-    (jj^igéc  par 
miercas,  le  peuple  est,  d'après  l'ancienne  coutume,  convoqué  «n  magistrat. 
au  supplice  par  un  appel  du  cor  (4) .  Lorsque  le  délinquant  a  été      (916) 


H8,  cpr.  54.  142)  ;  car  il  n'y  a  pas  de  véiùtable  carnifex  dans  la  suite  des 
gouverneurs  de  province.  Le  torlor  caniifexque  du  gouverneur  de  la  pro- 
vince d'Asie  (Cicéron,  Phil.,  M,  3,  7)  doit  être  son  licteur. 

(!)  Val.  Max.,  8,  4,  2  :  servus  ,  .  a  judicibus  damnatus  et  a  L.  Calpuniio 
triumviro  in  crucem  actics  est.  Pour  le  siipplicium  triumviral  inlligé  en 
prison,  v.  plus  loin. 

(2)  Le  carnifex  ne  semble  pas  avoir  été  \\n  esclave,  mais  il  était  un  in- 
fâme :  il  ne  pouvait  pas  ha])iter  dans  la  ville  (I  p.  53  n.  1)  et  la  sépulture 
lui  était  refusée  comme  au  suicide  (Festus,  Ep.,  64  :  carnificis  loco  habehatur 
is  qui  se  vulnerasset  ut  morerelur;  pour  le  suicidé  cpr.  les  scolies  sur  Vir- 
gile, Aen.,  12,  603  et  l'inscription  de  Sassina  C.  I.  L.,  XL  6528  =z  I,  1418). 
Sénéque,  Ep.,  24,  14  parle  de  la  turba  carnificum  ;  Val.  Max.,  8,  4,  7  semble, 
par  les  mots:  is  qui  custodiae  praeerat,  désigner  un  chef  de  ces  serviteurs 
de  la  prison. 

(3)  On  ne  peut  douter  qu'originairement  \g  carnifex  accomplissait  seu- 
lement les  exécutions  d'esclaves.  Plus  tard,  c'est  par  lui  que  s'opérait 
en  général  le  crucifiement  (Cicéron,  Pro  Rab.  ad  pop.,  3,  10.  4,  11.  5,  15.  16  ; 
de  même  Tacite,  Ann.,  J4,  48  et  Suétone,  Claud.,  34  :  cum  spectare  antiqui 
moris  supplicium  Tiburi  concupisset  et  deligatis  ad  palum  îioxiis  carnifex  dees- 
set,  accitum  ub  urbe  vesperum  usque  opperiri  perseverauit).  Il  est  également 
utilisé  plus  tard(Pline,  Ep.,  4,  il,  9)  pour  l'exécution  de  la  vestale  et  pour 
précipiter  le   condamné  du  haut  de  la  roche  Tarpéienne  (III  p.  271  n.  4). 

(4)  St.  H.,  1,  198  n.  3  [Dr.  puhl.,  1,  226,  n.  3].  Sénèque  l'ancien,  Contr., 
9,  2[25],  10  (cpr.  14)  :  ascendit  praetor  [le  gouverneur  de  province)  lribi/)ial 
inspectante  provincia.  Noxio  posfterga  cteligantur  maniis.  .  fit  a  praecone  silen- 
fium  :  adfiibentur  deinde  légitima  verba  ;  canitur  ex  altéra  parte  classicurn.  Sé- 
nèque le  jeune.  De  ira,  i,  16,  5  :  etsi  perversa  induenda  rnagistratui  vestis  et 
convocanda  classico  contio  est,  procédant  in  tribunal  non  furens  .  .  .  et  illa 
sollemnia  verba  leni  . .  .  voce  concipiani  et  agi  jubebo  non  iratus.  Tacite,  Ann.. 
2,  32.  Le  peuple  se  réunit  naturellement  comme  contio  et  non  comme  co- 
mitia  ;  les  mots  in  campo  Marlio  comitiis  centuriatis  de  Cicéron,  Pro  Rab.  ad 
pop.,  4,  11  doivent,  comme  le  prouve  Vin  contione  qui  précède,  être  ainsi 


par  la  hache. 


252  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

conduit  au  lieu  de  l'exécution  (1),  le  magistrat,  en  costume  de 
deuil,  c'est-à-dire  portant  sa  loge  retournée  (2),  prend  place 
au  tribunal  et  ordonne  —  il  ne  procède  jamais  lui-même  à 
l'exécution  —  aux  officiales  d'accomplir  leur  mission  (3). 

L'exécution  a  lieu  par  la  hache,  la  croix,  la  submersion,  le 
feu,  Tépée  et  enfin  dans  la  forme  d'une  fêle  populaire. 
Drcipitation  i.  Dc  loutcs  les  formcs  quc  nous  venons  de  citer  la  plus  an- 
cienne est  celle  de  la  décapitation  par  la  hache.  C'est  d'elle 
que  viennent  les  deux  expressions  qui  dans  l'usage  postérieur 
du  langage  servent  à  désigner  la  peine  de  mort  en  général 
et  qui  reçoivent  même  une  acceplion  plus  large,  à  savoir  celle 
de  peine  capitale,  poewi  capitis  (111  p.  24 1\  et  vraisemblable- 
menl  aussi  celle  de  «  génuflexion  »,  supplicium  (4).  Celte  forme 


entendus  que  le  cnmpus  destiné  aux.  comices  avait  été  profané    par  une 
exécution. 

(1)  A  l'époque  postérieure,  il  est  question  d'une  escorte  {prosecuilo; 
C.  Th.,  9,  40,  16,  1)  comme  pour  le  transport  des  prisonniers  (I  p.  363  n.  4). 

(2)  SI.  /?.,  1,  419  [Dr.  publ.,  2,  57].  Sénéque,  De  ira,  i,  16  (III  p.  251 
r.  4).  Sénéque,  Contr.,  9,  2,  14  :  eum  animad  vert  ère  debeat  Irgitinio  cultu  ac 
more  sollemni  usas. 

(3)  La  formule  est  lege  ar/e.  Tite-Live,  26,  15,  9.  c.  16,  3  (d'après  lui  Val. 
Max.,  3,  8,  1)  :  lictor,  viro  forti  adde  virgas  et  in  eum  primum  lege  âge.  Séné- 
que, Contr.,  d,  2,  10  (III  p.  251  n.  4).  Sénéque,  De  ira,  1,  16(111  p.  251  n.  4). 

(4)  Siipplicare,  supplex,  supplicium,  ne  peuvent  pas,  au  point  de  vue  phi- 
lologique, être  séparés  de  plicare  =z  plier,  de  simple.r,  et  de  duplex,  et  se 
rattachent  vraisemblablement  aussi  à  plectere  =  tresser.  La  formule  sub 
vos  placo  (Festus  p.  308)  peut  bien  donner  le  mot  supptacare  (cpr.  succla- 
mare)  ;  mais  ce  mot  doit  être  distingué  de  suppHcare  pour  plusieurs  rai- 
sons, dont  la  plus  importante  est  que  supplicare  à  la  bonne  époque  régit 
le  datif  (suppUco  vobis)  et  que  l'accusatif  n'a  été  admis  ici  que  tardi- 
vement (cpr.  Priscien,  18,  219,  où  des  doutes  surgissent  quant  à  l'au- 
thenticité do  la  citation  d'Accius).  Donc,  si  supplicium  désigne  l'acte  de  se 
courber,  ce  mot  ne  contient  aucune'allusion  à  la  ■rtpo(7X'jvy,(7'.ç;  car  le  Ro- 
main prie  debout,  tandis  que  la  génuflexion  dans  la  prière  et  d'une  ma- 
nière générale  \a.  supplicatio  religieuse  ne  sont  apparues  dans  la  religion 
romaine  qu'avec  la  réception  du  culte  grec  par  cette  dernière  (Marquardt, 
Sfaalsvenv.,3.  48.  188  [Manuel  Antiq.  Rom.,  12,  59.  225].  Il  en  résulte  que  le 
mot  supplicium,  dans  sa  signification  fondamentale,  désigne  l'acte  de 
courl)er  la  tête  pour  recevoir  le  coup  de  hache.  11  n'est  pas  possible  dc 
découvrir  ce  que  disait  Festus  p.  309  dans  la  glose  supplicia  détruite  ;  le 
rapprochement  opéré  par  Isidore,  5,  27,  2.  6,  19,  82  entre  la  supplicatio 
et  la  consecratio  bonorum  est  erroné.  —  Dans  la  dernière  période,  le 
terme  supplicium,  abstraction  faite  de  l'emploi  qui  en  fut  fait  sous  l'in- 
fluence de  sa  signification  étymologique  de  génuflexion   pour  exprimer 


LA   PEINE    DE    MORT  253 

d'exécution  se  rencontre  dans  la  procédure  de  César,  men-  (917) 
lionnée  ci-dessus  (III  p.  249  n.  1).  Le  port  de  la  hache  est  la 
manisfestation  sensible  de  la  plénitude  &Hmperium  chez  le 
magistrat.  Il  en  est  surtout  ainsi  dans  la  légende  relative  à 
la  dernière  sentence  criminelle  d'une  haute  cour  de  justice 
qui  ait  été  exécutée  à  Rome  dans  cette  forme,  c'est-à-dire 
dans  le  récit  de  l'exécution  des  lilsdu  premier  consul  conjurés 
pour  restaurer  la  royauté  (1),  événement  auquel  la  légende 
rattache  le  retrait  de  la  hache  du  bourreau  des  insignes  de  la 
magistrature  urbaine.  Cette  réforme  est  le  symbole  non  de 
l'abolition  de  la  peine  de  mort  vis-à-vis  des  citoyens,  car  il 
n'y  eut  qu'un  changement  dans  le  mode  d'exécution  de  cette 
peine,  mais  de  la  suppression,  à  l'intérieur  des  murs  de  la 
ville,  du  pouvoir  militaire  qui  permettait  au  détenteur  de  Vim- 
perium  de  faire  abattre  à  ses  pieds  la  tète  du  citoyen  désobéis- 
sant, comme  s'il  s'agissait  d'un  soldat  insoumis  (2).  Par  consé- 
quent, on  ne  trouve  aucune  trace  de  cette  forme  d'e.xécution 
dans  la  loi  des  XII  Tables,  mais  cette  forme  elle-même  sub- 
siste. Dans  la  ville  même,  elle  est  employée  pour  les  con- 
damnations à  mort  que  prononce  le  dictateur  soustrait  à  la 
provocation  (3)  ou  encore  pour  les  exécutions  des  étrangers 
prisonniers  de  guerre,  ,qui,  d'après  un  usage  constant,  ont 
aussi  lieu  à  l'intérieur  de  la  cité  (4).  Hors  de  la  ville,  elle  est 
régulièrement  usitée  pour  les  exécutions  que  les  détenteurs 


l'idée  de  demande  (cpr.  Piaule,  Rud.,  23),  sert,  comme  on  sait,  à  désigner 
toute  peine  (C.  Th.,  !2,  1,108  parie  de  l'introduction  par  contrainte   loco 
supplicii  dans  la  curie)  et  par  suite  lu  peine  de  mort  est  appelée  ullimmn 
supplieum  (III  p.  242  n.  5). 
(!)  Tite-Live,  2,  5.  Denys,  o,  8.  9. 

(2)  St.  R.,  1,  319  [Dr.  puhl.,  2,  10.] 

(3)  Tite-Live,  2,  18.  8,  33,  18.  St.  R.,  2.   153  [Dr.  pubL,  3,  175]. 

(4)  Tite-Live,  8,  20,  7.  Ep.,  11  :  C.  Ponlium  . . .  ductum  in  triumpho  securi 
percussit.  20,  13,  15.  Autres  preuves  :  III  p.  249  n.  3.  La  protestation  éle- 
vée contre  l'exécution  de  la  garnison  de  Rhegium  (Val.  Max.,  2,  7,  .'5)  ne 
se  fond  pas  sur  cette  idée  qu'une  exécution  par  la  hache  ne  peut  pas 
avoir  lieu  à  l'intérieur  de  la  ville,  mais  sur  ce  fait  que  les  campaniens 
ont  le  droit  de  cité  romaine.  —  Dans  le  dernier  siècle  de  la  Répul)lique, 
les  exécutions  qui  ont  lieu  à  l'occasion  du  triomphe  ne  sont  plus  accom- 
plies en  public,  mais  dans  la  prison  (III  p.  268  n.  5.). 


254  DROIT    PÉNAL    ROMAIN' 

romains  de  Vimperium  ordonnent  contre  des  citoyens  (1)  ou 
des  non  citoyens  libres  (2).  C'est  seulement  sous  le  gouverne- 
ment militaire  du  Principal  que  cette  forme  d'exécution  perd 
du  terrain  (3)  et  est  remplacée  par  l'exécution  au  moyen  de 
(918)  l'épée.  —  Pour  cette  forme  d'exécution,  on  lie  les  mains  du 
condamné  derrière  son  dos  (4),  on  l'attache  à  un  pilier,  le  dé- 
pouille de  ses  vêtements,  le  flagelle,  (5),  puis  on  l'élend  sur  le 
sol  et  le  décapite  par  un  coup  de  hache  (6).  On  constate  donc 
ici  une  concordance  parfaite  avec  la  procédure  d'immolation 
de  la  victime  du  sacrifice  {!).  Il  y  a  là  une  conséquence  du 
caractère  religieux  que  nous  avons  précédemment  (III  p.  234) 
relevé  pour  l'exécution  primitive. 
cruciûemeni.  2.  Lc  crucifiement  apparaît  dans  les  documents  à  un  triple 
point  de  vue.  11  se  présente  tout  d'abord  sous  la  forme  d'une 
exécution  dirigée  par  le  magistrat  et  appliquée  au  citoyen 
libre  «  d'après  la  vieille  coutume  »  {more  majorum)  et  se  ren- 
contre avec  ce  caractère  dans  les  légendes  de  l'époque  royale, 
dans  les  événements  historiques  qui  s'y  rattachent  (8)  et  vrai- 


(l)Tite-Live,  2,  59,  II.  8,  7,  19.  28,  29,  W. 

(2)  Tite-Live,  9,  16,  10.  24.  30.  Cicéron,  Verv.,  1.  1,  30.  5.  27,  68.  43-46.  — 
Plutarque,  Anlon.,  36. 

(3)  Sénéque,  De  ira,  2,  5,  5  :  Volesus  niiper  siib  divo  Augusto  proconsul 
Asiue  cum  trecenfos  uno  die  securi  percussisset,  incedens  inler  cadavera  Gracce 
proclamavit  :  o  rem  regiam.  L'apocalypse  de  Jean,  20,  4,  nomme  ri;  <V-"/^î 
•:wv  7r=7:£).£X'.<7jX£vu)v  S'.à  tt,v  [j.apT-jpiav  'Ir,(ToO.  Suétone.  Claude,  2o  :  civitalem 
Romanam  usurpantes  in  campo  Escjuilino  securi  percussil.  Plus  lard,  on  inter- 
dit la  décapitation  par  la  hache  (III  p.  261  n.  5). 

(4)  Sénoque,  Conlr.,  9,  2,  10  :  tioxio  post  terga  deliguniur  manus.  Plutar- 
que. l'opl.,  6  :  là;  "/EÏpa;  àTtfiVov  oTtiato. 

(5)  Tile-Live,  2,  ii  :  slahant  deligati  ad  palum  nobilissinà  Juvencs  ..  .  lirlo- 
res  nudalos  virgis  caedunt  securique  feriunl.  X,  7,    19.  26,    13,  la  :  ut  .  .  [ad] 
palum  deligalus  lacerulo  virgis  lergo  ce rcicem securi  Romanae subiciam.  28, 29,  1 1 
deligali  ad  palum  virgisque  caesi  securique  percussi.  Cicéron,  Verr.,  5,  46.  121 
producu7ilur e  carcere,  deligrnilur .  .  feriunlur  securi.  SC'nèqae,  Conlr.,  9,  2,  21 
despolia. 

(6)  m  p.  249  n.  3  et  à  la  présente  page,  n.  3.  Plutarque,  Popl.,  G  :  a/p-.ç 
xxTKTEivavTc;  aCiTO'j;  è7t\  To'jfiaço;  izî/ixîi  là;  y.Esa/.à;  à7téxo'|/av. 

(7)  Marquardt,  Slualsverw.,  3,  iS!  [Manuel  Anliq.  Rom.,  12,  216]. 

(S)  (v'tte  apilication  se  rencontre  principalement  dans  le  récit  du  pro- 
cès d'Horace  {|ue  nous  fait  Tite-Live,  1,  26  et  dans  l'exécution  prnjclée 
contre  C.  Rabirius  sur  le  modèle  de  cette  légende  (ex  annalium  monumen- 


LA  PEINE    DE    MORT  255 

semblablement  aussi  dans  la  loi  des  XII  Tables  (1).  Il  apparaît      (919) 
en  second   lieu  comme   exécution  pontificale  au  regard  des 
hommes  (2).  Enfin,  il  sert  comme  mode  d'exécution  des  es- 
claves. Dans  cette  dernière  application,  il  remonte  à  une  épo- 
que ancienne  (3)  et  est  devenu  plus  tard  d'un  usage  constant  (4). 


lis  :  GictTon,  Pro  Rah.,  '.'>,  iîi).  Elle  se  présente  également  dans  cette  forme 
d'exécution  que  le  langage  technique  qualifie  de  i  traditionnel  ».  Tacite, 
Ann.,  2,  32  :  Jn  P.  Marciinn  consules  extra  portam  Esquilinam,  cuni  classicum 
canere  j ussissent ,  more  prisco  adverlere.  4,  30.  14,  48.  16,  11.  Suétone,  Claud., 
34^(111  p.  251  n.  3).  Néron,  49  (reproduit  par  Victor.  Ep.,  '6,  et  par  Eutrope, 
7,  13,  mais  ici  avec  une  extension  inexacte)  :  leçjit  se  hostem  a  senatu  judi- 
calum  et  quaeri,  ut  puniatiir  more  majorum,  interrogavilque,  quale  id  çjeniis 
esset  poenae ,  et  cum  comperisset  ntidi  homlnis  cervicem  inseri  furcae,  corpus 
virgis  ad  necem  caedi.  Domilien,  !1  :  more  majorum.  Gallistrate  Dir/.,  48,  19, 
28,  pr.,  place  aussi  cette  forme  d'exécution  (car  le  mot  furca  est  certaine- 
ment ici  interpolé  pour  crux)  avant  la  mort  par  le  feu,  non  pas  parce 
qu'elle  est  plus  rigoureuse,  mais  parce  qu'elle  est  plus  ancienne. 

(1)  Suspensum  Cereri  tieca7-i  (8,  8,  SchoU  [Girard,  8,  9])  ne  peut  viser  que 
cette  forme  d'exécution,  car  suapendere  est  l'expression  topique  pour 
désigner  le  crucifiement.  De  même,  en  parlant  de  formido  fuslis,  Horace 
(Ep.,  2,  1,  152)  fait  allusion  au  crucifiement  et  non  au  supplidum  fustua- 
rium  militaire,  introduit  à  Tépoque  postérieure. 

(2)  Gicéron,  De  leg.,  2,  9,  22  :  incestum  ponti fices summo  supplicia  sanciunlo. 
Dion  chez  Zonaras,  7,  8,  p.  21.  Boiss.  :  ol  Se  TaO-ra?  (les  Vestales)  aîcrxûvov- 
Tîç  eiç  ÇûXov  TÔv  aù)jéva  Sixpo'jv  i\t.o6Ck\(rnaL'.  âv  f?)  àyopâ  xal  (istà  toOto  y\j[j.vo'i 
aîxt^ôjxîvcit  àTto'!/'jxo'j<7tv  et  79,  9  :  a-J-bv  èv  t?,  àyopS  alxiffôÉv-ra  et-a  sç  xo  Seo- 
ji'OTrip'.ov  à(j,g),r,6?,va'.  xàvra-jôa  9avaTa)9f,vat  ïùik.  Denys,'  8,  89.  9,  40  :  xôv  Se . . . 
èv  TÎ)  âvopx  (iâ-TTi^tv  atxi(yâ[j.£vot  xaGiitep  àvSpdtitoôov.  Ïite-Live,  22,  57  :  L.  Can- 
tilius  .  .  .  a  pontifice  maximo  eo  usque  virgis  in  comilio  caesus  erat,  ut  inter  ver- 
bera  expiraret.  Suétone,  Z>ow.,  8  :  stupratores  virgis  in  comilio  ad  necem  caedi. 
Pline,  Ep.,  4,  11,  10  :  celer  eques  Romanus  .  .  cum  in  comilio  virgis  caedere- 
tur.  Festus,  p.  241  :  probrum  virginis  Veslalis,  ut  capite  punirelur,  vir  qui 
eam  inceslavissel  verberihus  necarelur,  lex  fixa  in  alrio  Libertalis.  Dans  la 
dernière  période  de  l'Empire,  on  abrège  le  supplice  en  conduisant  le 
coupable  en  prison  pour  y  être  exécuté  (III  p.  2G9  n.  7). 

(3)  Gicéron,  Verr.,  5,  6,  12  :  servos  .  .  ad  supplicium  j'am  more  majorum 
tradilos  .  .  liherare  ausus  es  . .  damnatis  crucem  servis  fixeras. 

(4)  Elle  sert  aussi  bien  aux  exécutions  des  esclaves  commandées  par 
les  maîtres  qu'à  celles  commandées  par  l'Etat.  Tite-Live,  3,  8,  10.  22,  33, 
2.  24,  li,  l.'Val.  .Max.,  1.  7,  4.  8,  4,  2  (III  p.  251  n.  1).  Florus,  2,7  [3,  19],  7. 
Gicéron,  Pro  Cluentio,  66,  167.  Tacite,  Hist.,  4,  3.  Dion  49,  12.  Vita  Pertina- 
cis,  9  et  ailleurs.  Servile  supplicium  d'un  affranchi  :  Tacite,  Hist.,  4,  11 
(cpr.  2,  57).  G'est  de  ce  point  de  vue  que  le  crucifiement  du  citoyen  appa- 
raît comme  une  peine  aggravée  et  déshonorante.  Le  roi  Tarquin  — 
Tarquin  le  Superbe  :  Tite-Live,  1,  56,2  —  fait  crucifier  mortsles  citoyens 
qui  s'étaient  suicidés  à  l'occasion  de  corvées  pour  les  cloaques  (Gassius 
Hemina  chez  Servius  sur  Aen.,  12,  603  ;   Pline,  //.  n.,  36,  13,  107).  On  im- 


2o6  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

D'après  les  récils  qui  nous  représentent  le  crucifiement  dans 
ses  premières  applications,  l'exécution  a  lieu  de  la  manière 
suivante:  on  dépouille  le  condamné  de  ses  vêtements (1),  on 
lui  voile  la  tête  (2),  on  lui  met  la  fourche  (furca)  sur  le  dos  (3) 
et  lui  lie  les  bras  aux  deux  extrémités  (4),  on  hisse  ensuite 
la  fourche,  et  avec  elle  le  corps,  le  long  d'un  poteau  planté  sur 
(920)  le  lieu  d'exécution  et  on  attache  les  pieds  du  supplicié  à  ce  po- 
teau (o).  Lorsqu'ilestaiusicruciGé(0;,  le  délinquant  est  flagellé, 
—  Les  mêmes  formes  sont  observées  dans  la  procédure  pon- 
tificale provoquée  par  l'inceste  d'une  Vestale  pour  l'exécution 
de  l'amant  coupable  (III  p.  255  n.  2).  —  Dans  les  exécutions 
d'esclaves,  on  pose  la  fourche  sur  le  dos  du  criminel  et  on  le 
lie  avec  elle  à  un  poteau  (7),  puis  on  le  flagelle  dans  cette  po- 


putc  au  même  roi  le  crucifiement  de  ciloj'ens  libres  (Dion,  //•.,  11,  6).  Des 
gouverneurs  de  province  ont  aussi  ordonné  des  exécutions  de  ce  genre  : 
Gicéron,  Ven\,  5,  62;  Suétone  Galb.,  9.  Le  crucifiement  (plus  tard  lu 
fujxa)  hit  interdit  au  regard  des  soldats  :  Dig  ,  49,  16,  3,  10;  cette  pres- 
cription ne  fut  pas  observée  par  Marc  Aurèle  {Vita,  12). 

(1)  Suétone,  Nero,  49(111  p.  254  n.  8).  Dion,  //■.  11,  6.  Artémidore,  2,  53  : 
Ifjfivoi  a-Tau po'jv-rai. 

(2)  Formule  chez  Tite-Live  et  Gicéron  (III  p.  254  n.  8)  :  capid  ohnubHo. 

(3)  Suétone,  A'e/-.,  49  (III  p.  234  n.  8).  Tite-Live,  1,  26,10  :  subfurca  vinctum. 

(4)  Les  termes  de  la  formule  chez  Tite-Live  et  Gicéron  :  liclor,  coniuja 
7?!a/iMS  (Tite-Live  ajoute:  accesserat  liclor  iniciehalque  laqueum;  Tacite, 
Ami.,  14,  48  :  carnificem  et  laquemn  pridem  abollta)  portent  plutôt  à  croire 
que  les  mains  étaient  liées  derrière  le  dos;  mais  une  telle  manière  de 
faire  se  concilie  dilficilement  avec  les  autres  détails  de  ce  supplice.  Si 
toutefois  on  avait  réellement  procédé  ainsi  dans  ces  exécutions,  il  y  au- 
rait à  cet  égard  une  dilïérence  entre  le  crucifiement  de  l'homme  libre  et 
celui  de  l'esclave. 

(5)  Formule  chez  Tite-Live  et  Gicéron  :  in/elici  arhori  reste  suspeytdilo 
(cpr.  m  p.  255  n.  1).  Gicéron,  Pro  Rab.,  3,  11  :  criicem  ad  civium  supplicium 
defigi  et  consli lui  jubés.  On  place,  en  outre,  sous  les  pieds  du  supplicié  un 
morceau  de  bois  sur  lequel  repose  son  corps  (Justin,  JUal.,  91  ;  Irénée, 
Ad  Haer.,  2,  24)  ;  car  les  bras  seuls  ne  l'eussent  pas  porté, 

(6)  Gicéron  (P/-o  Itab.,  2,  10.  3,  H.  5,  16.  10,  28)  parle  de  la  crux:  il  ne  la 
mentionne  qu'avec  défaveur,  sans  doute  par  allusion  à  l'exécution  dos 
esclaves,  mais  il  le  fait  néanmoins  avec  exactitude.  Sénéque.  Ep.,  101,  14 
rattache  aussi  Vinfelix  lif/num  de  l'ancienne  formule  à  la  crux  ;  Les  écri- 
vains qui  nous  retracent  l'iiistoire  légendaire  de  Rome  hésitent  naturel- 
lement à  dire  (jue  l'exécution  qui  menaçait  Horace  était  colle  qui  s'appli- 
quait tous  les  jtjurs  aux  esclaves. 

(7)  Apposition  de  la  fourclie  {/'urca  :  Val.  Max.,  \,  1,  4)  ou  du  gil)el  (pali- 
buluiii  de  palerc,  se  trouve  déjà  fréquemment  chez  Plaute)  sur  le  dos  du 


LA  PEINE    DE    MORT  257 

silion.  —  Dans  ces  exécutions,  la  mort  peut  arriver  par  épui- 
sement (1),  mais  elle  peut  aussi  être  hâtée  par  une  fustiga- 
tion poussée  jusqu'à  la  mort  (2)  ou  par  la  rupture  des  jam- 
bes (3).  Ces  trois  formes,  empruntant  leur  nom  à  l'emploi  (921) 
d'une  croiXj  ne  sont  pas  essentiellement  différentes  l'une  de 
l'autre;  toutes  sont  également  rattachées  aux  mœurs  des  an- 
cêtres ;  il  est  même  dit  expressément  pour  l'exécution  des 
amants  des  Vestales  qu'elle  s'accomplit  comme  au  regard 
des  esclaves  (III  p.  255  n.  2).  Selon  toute  vraisemblance,  le 
crucifiement  n'est  pas  plus  récent  que  l'exécution  par   la  ha- 


condamné  et  attachement  des  mains  de  celui-ci  aux  deux  extrémités-: 
Plaute,  Mil.,  359  :  tibi  esse  eundum  extra  porlam  (III  p.  2oO  n.  [)dispessis  ma- 
nihus,  patiiulum  quom  habebis.  Sénéque,  Ad  Marciam  de  consoL,  20,  3  :  bra- 
chia -patibulo  explicuerunl  et  chez  Lactance,  Inst.,  6,  17,  28  :  exlenduntur  per 
pulibulum  manits.  —  Le  condamné  est  conduit  chargé  de  la  fourche  à  tra- 
vers la  ville  jusqu'au  lieu  de  l'exécution.  Val.  Max.,  1,  7,  4  :  cum  per  cir- 
cuni  Flaminiurn  ..  .  servumsuum  verberibus  inulcatuni  iub  furca  ad  supplicium 
egisset.  —  11  est  ensuite  attaché  à  un  poteau,  palus  (Cicéron,  Verr.,  5,  5,  6) 
ou  aux  stipes  (Sénéque;  De  vita  beala,  19,31  :  slipitibus  sinç/ulis  pendent)  ou 
à  la  croix  :  Plante,  chez  Nonius,  p.  220  v.  patibulum  :  palibulum  ferai  per 
urbem,  deinde  affigatur  cruci.  Ces  témoignages  suffisent  pour  caractériser 
cette  exécution  plutôt  domestique  que  publique. 

(1)  C'est  pour  cela  que  chez  Tite-Live  la  formule  s'arrête  au  mot  ver- 
beralo,  sans  préciser  le  mode  de  mort.  Cicéron,  Pro  Rab.,  4,  12  dit  aussi 
simplement  :  flagella  retulit.  C'est  par  là  que  s'explique  également  la  for- 
mule necare  et  verberare  (I  p.  46  n,  1). 

(2)  La  fustigation  à  mort  apparaît  comme  forme  d'exécution  au  regard 
de  l'amant  de  la  vestale  (III  p.  255  n.  2)  ;  de  même  Cornélius  Nepos  dit  chez 
Aulu-Gelle  17,  21,  24  :  M.  Manlius  .  .  verberando  necatus  est,  et  lorsque  Né- 
ron demande  ce  qu'est  la  peine  de  mort,  on  lui  répond  :  corpus  virgis  ad 
necem  caerfj  (111  p.  234  n.  8).  Cette  forme  de  mort  parait  avoir  été  plus  tard 
la  régie  en  cas  de  crucifiement  d'un_homme  libre.  — UIpien(/7/^.,48, 19,  8,  3)  : 
nec  ea  quidem  poena  damnari  quemoportet,  ut  verberibus  necetur  vel  virgisrin- 
lerimatur  ne  pense  pas  ici  à  cette  ancienne  forme  de  peine,  mais  au  sup- 
plicium fusluarium  des  esclaves,  qu'on  rencontre  fréquemment  dans  la 
dernière  période  de  l'empire  et  que  nous  mentionnons  à  propos  des  pei- 
nes corporelles  (III  p.  335  n.  4). 

(3)  Victor,  Caes.,  41  :  Constantinus  . .  eo  pius,  ut  etiam  velus  teterrimumque 
supplicium  patibulorum  et  cruribus  suffringendis primum  removerit.  Firmicus 
Maternus,  8,  6  :  aut  in  crucem  toUunlur  aut  illis  crura  publica  judicum  ani- 
madversione  frangunlur.  Cicéron,  Phil.,  13,  12,  27  (cpr.  Pro  Sex.  Roscio,  20,  56). 
Sénéque,  De  ira,  3,  32,  1.  Suétone,  Aug.,  67.  Tib.,  44.  Eusébe,  H.  e.,  5,  21 
(OÙ  il  s'agit  vraisemblablement  aussi  d'un  esclave  ;  cpr.  II  p.  188  n.  2). 
Cette  manière  de  hâter  la  mort  n'est  employée  qu'exceptionnellement  à 
l'égard  des  hommes  libres  (Ammien,  14,  9,  8). 

Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  17 


358  DROIT   PÉNAL   ROMAIN 

che  et  a  existé  de  tout  temps  à  côté  de  celle-ci  ;  il  est  même  à  re 
marquer  qu'à  la  différence  de  la  submersion  et  de  la  mort 
par  le  feu  il  est  susceptible  d'une  application  générale  et  ne 
voit  pas  son  emploi  restreint  à  certains  délits.  Mais  seule,  la 
décapitation  se  présente  comme  un  sacrifice  et  par  suite 
comme  le  mode  régulier  d'exécution  des  citoyens;  tout  carac- 
tère religieux  manque  au  crucifiement.  Celui-ci  n'est  pas  com- 
plèlement  inapplicable  au  citoyen;  bien  au  contraire^  lorsque 
l'emploi  de  la  hacbe  eût  été  supprimé  pour  les  exécutions  ur- 
baines, il  subsista  seul  comme  mode  régulier  d'exécution^,  si 
l'on  fait  abstraction  de  certaines  formes  spéciales  à  certains  dé- 
lits. Toutefois,  comme  cela  ressort  de  l'exposé  qui  précède,  il  est 
considéré  comme  déshonorant  et  est  regardé  à  l'époque  histo- 
rique comme  devant  surtout  servir  pour  les  esclaves  (III  p.  255 
n.  4).  Depuis  l'application  du  système  de  distinction  des 
peines  suivant  le  rang  social  des  condamnés,  le  crucifiement 
n'est  pas  possible  au  regard  des  personnes  de  condition;  on 
écarte  toutefois  cette  restriction  pour  les  crimes  les  plus  gra- 
ves, ainsi  que  cela  ressort  des  indications  isolées  que  nous 
avons  données  dans  le  Livre  IV  et  de  l'aperçu  général  que 
nous  fournirons  dans  la  dernière  Section  du  Livre  V.  —  Sous 
rinfluence][du  christianisme  qui  trouvait  dans  la  croix  son 
symbole,  le  crucifiement  a  été  aboli  dans  les  dernières  années 
du  règne  de  Constantin  (1)  et  remplacé  par  la  strangulation 
publique  à  la  potence  (2). 
Peine  du  sac  ou      3_  La  inisc  cu  sac  {culicus)  est  la  peine  infligée  au  pairici- 

submersion.  5.     i  •  j  i 

(922)      «^'w^w  (3),  c'esl-a-dire  dans  l'acception  large  que  reçoit  ce  mot 

(1)  Victor.  Caes..  41  (III  p.  257  n.  3).  Sozomène,  Ilist.  eccl.,  1.  8.  On  ren- 
contre encore  dans  un  édit  de  Constantin  de  314/9  (Bruns,  Fontes  G,  p.  2JiO 
=  C.  Th.,  9,  5,  1)  la  fornuih;  palibulo  adfijus. 

(2)  Crux  et  palibulum  ont  disparu  du  droit  pénal  depuis  Constantin  et 
ont  été  remplacés  (comme  le  montre  notamment  Paul,  li,  22,  1  :=  Dig., 
48,  19,  38.  2)  par  furca  (Dig.,  48.  19,  9,  11.  1.  28,  15  1.  38,  2).  Isidore,  Orig., 
5,  27,  34  détermine  la  dilTorence  de  fond  qui  existe  entre  la  furca  et  la 
crux '.  palibulum  vulgo  fuvca  dicilur  quasi  ferens  caput  ;  suspensum  enim  et 
slrangulalum  e.r  eo  e.ianimal.  Sed  palibuli  viinor  poena  quam  crucis  ;  nam 
palibulum  ajipensos  slalim  exaniuuit,  crux  aulem  suffixos  diu  crucial. 

(3)  La  submersion  est  en  outre  mentionnée  au  regard   de  celui  qui  dé- 


LA   PEINE   DE   MORT  259 

au  début,  au  meurtre  d'une  personne  libre  (1).  Ce  mode  d'exé- 
cution repose  sur  une  double  idée  :  d'une  part,  sur  la 
croyance  au  pouvoir  purificateur  de  l'eau,  croyance  d'une  in- 
fluence absolument  décisive  dans  le  système  où  l'on  conçoit 
la  peine  comme  une  expiation;  d'autre  part^  sur  l'idée  que  le 
meurtrier  doit  être  privé  de  sépulture  (2).  Il  faut,  en  outre, 
pour  expliquer  l'application  de  ce  mode  d'exécution  au  meur- 
tre, qui  est  de  tous  les  crimes  capitaux  le  plus  fréquent,  tenir 
compte  de  ce  fait  que  Rome  était  située  sur  les  bords  d'un 
fleuve  navigable.  On  comprendra  également  par  ce  qui  précède 
l'affirmation  que,  d'après  la  loi  des  Xfl  Tables,  le  vol  de  mois- 
sons était  réprimé  plus  sévèrement  que  le  meurtre  (3);  car  le 
voleur  de  récoltes  était  crucifié  et  le  meurtrier  submergé. 
D'après  les  récits  que  nous  avons  et  qui  nous  rapportent 
vraisemblablement  des  mesures  prises  par  les  magistrats 
dans  des  cas  concrets  plutôt  en  vertu  de  leur  bon  plaisir  qu'en 
vertu  de  dispositions  légales,  le  condamné  est  tout  d'abord 
flagellé  (4),  puis  on  lui  enveloppe  la  tête  avec  une  cape  de 
peau  de  loup  (5),  on  lui  met  des  chaussures  de  bois  (6)^  l'en- 
ferme dans  un  sac  de  peau  de  bœuf  (7)  avec  des  serpents  et 


voile  les  oracles  des  sibylles  (II  p.  270  n.  1)  et  à  propos  des  persécutions 
de  chrétiens  (Eusébe,  De  mari.  Pal ,  5,  1).  Cette  peine  a  été  également 
prononcée  par  des  tribunaux  provinciaux  romains  (Gicéron,  Ad.  Q.  />'., 
1,  2,  2,  5). 

(1)  Le  meurtre  d'un  proche  n'est  devenu  qu'assez  tard  une  catégorie  par- 
ticulière du  meurtre  (II  p.  361);  aussi  l'application  de  cette  forme  d'exécu- 
tion très  ancienne  n'a-t-elle  pu  être  restreinte  au  début  à  cette  catégorie. 

(2)  Gicéron,  Pro  Sex.  Hoscio,  26,  72.  Quinlilien,  DecL,  200.  Les  particula- 
rités de  cette  forme  d'exécution,  qui  n'est  manifestement  ancienne  que 
dans  ses  grandes  lignes,  peuvent  aussi  provenir  de  cette  idée  que  le  meur- 
trier doit  être  privé  non  seulement  de  la  communauté  de  l'eau  et  du  feu, 
mais  aussi  de  celle  des  autres  éléments  comme  l'air  et  le  sol  (Gonstan- 
tin,  loc.  cit.  ;  Justinien,  Inst.,  loc.  cit.). 

(3)  Pline,  H.  «.,18,  3,  12. 

(4)  Modestin,  Ditj.,  48,  9,  9,  pr.  :  virgis  sanguineis  verberatus. 

(5)  Rhet.  ad  Her.,  i,  13,  23  :  folliculo  lupino  os  obvolidum  esl.  Gicéron,  De 
inv.,  2,  50,  148.  Festus,  p.  170  v.  nuptias.  Quintilien,  DecL,  299. 

(6)  Rhet.  ad  lier.,  loc.  cit.  :  soleae  ligneae  inpedlbus  inductae  sunt.  Gicéron, 
loc.  cit.  Gpr.  I  p.  352  n,  2. 

(7)  Corium  :  Met.  ad  lier.,  loc.  cit.;  corium  bovis  :  Juvénal,  13,  156;  cul- 
leus  :  Gicéron,  loc.  cit.,  et  fréquemment  ailleurs. 


le  feu. 


260  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

autres  animaux  (1),  le  conduit  au  Tibre  sur  un  char  traîné 
par  deux  bœufs  noirs  (2)  et  le  précipite  dans  le  fleuve  (3). 
Lorsque  la  peine  de    mort  eut   disparu  pour  les  autres  caté- 

(923)  gories  de  jmeurtre,  cette  submersion  devint  dans  le  der- 
nier siècle  de  la  République  la  peine  du  meurtre  d'un  pro- 
che. Elle  fut  abolie  même  pour  ce  crime  pendant  les  derniers 
temps  de  la  République.  Lorsque  la  peine  de  mort  fut  réta- 
blie sous  le  Principat,  la  restauration  ne  porta  pas  tout  d'a- 
bord sur  cette  forme  spéciale  et  n'y  fut  réalisée  que  par  voie 
d'extension  (4)  ;  la  peine  de  la  submersion  ne  fut  formellement 
remise  en  vigueur  que  par  Constantin  pour  le  meurtre  des 
proches  (5). 

Mort  par  4.  D'après  le  droit  des  XII  Tables,  l'incendiaire  est  d'abord 
flagellé,  puis  soumis  à  la  mort  par  le  feu  (6).  On  retrouve  in- 
contestablement dans  ce  mode  de  répression  l'idée  de  talion. 


(1)  Plutarque,  Tiberlus  Gracch.,  20,  parle  de  serpents  dans  un  récit  de 
l'époque  des  Gracques  ;  il  en  est  également  question  chez  Sénéque,  l'an- 
cien, Contr.,  5,  4.  7,  1,  23,  et  Sénéque  le  jeune.  De  clem,,  1,  15;  Constantin, 
C.  Th.-,  9,  13,  1.  Des  jurisconsultes,  Dosithée,  Iladr.  sent.,  1(5;  Modestin, 
loc.  cit.  ;  Justinien,  Inst.,  4,  18,  6  mentionnent  le  coq  et  le  chien.  Isidore, 
Orig.  5,  27,  36,  ne  fait  allusion  qu'au  coq.  D'après  Juvénal,  8,  214.  13,  156, 
on  y  enfermait  aussi  des  singes,  mais  cette  pratique  ne  peut  pas  être  an- 
cienne. Cpr.  aussi  Eusèbe,  loc.  cit. 

(i)  Dosithée,  loc.  cit. 

(3)  li/tet.  ad  lier,  el  Cicéron,  loc.  cit.  :  in  proflucntem.  Il  est  aussi  ques- 
tion de  la  mor  pour  cette  exécution  (Tite-Live,  Ep.  68  et  ailleurs).  D'a- 
près Hadrien,  lorsqu'il  n'y  a  pas  d'eau,  la  peine  de  la  submersion  est 
remplacée  par  celle  de  l'exécution  dans  une  fête  populaire  (Di;i.,  48,  9,  9,' 
pr.)- 

(4)  Sous  le  Principat,  notamment  sous  Claude,  on  trouve  des  applica- 
tions isolées  de  la  submersion  pour  le  prt/vv'cjc/iwwi  (Sénéque,  De  clem.,  1,23; 
Suétone,  Ctaud.,  34).  Modestin  {Dig,,  48,  9,  9)  la  permet  en  cas  de  meur- 
tre d'un  ascendant.  D'après  Paul,  5,  24,  elle  est,  à  son  époque,  tombée  en 
désuétude  et  à  sa  place  fonctionnent  la  mort  par  le  feu  et  l'exécution  dans 
une  fête  populaire. 

(5)  C.  Th.,  9,  15,  1  =  C.  Just.,  9,  17,  1. 

(6)  8,  9,  SchôU  [Girard,  8.  10]  =  Dig.,  47.  9,  9  :  qui  aedes  acervumve  fru- 
menti  juxla  domum  position  combusseril,  vinclus  verberalus  igni  necari  jube- 
ttir.si  modo  sciens  p'-udenifjue  id  commisil.  La  proposition  principale  émane 
certainement  de  la  loi  des  XII  Tal)les  et  non  de  Gains  ;  car  ce  dernier  in- 
tori'rêto  idiis  loin  lo  mot  aedes.  Ce  dernier  terme  et  la  mention  de  la 
meule  voisine  delà  maison  attestent  la  haute  antiquité  de  la  prescription. 


LA  PEINE   DE   MORT  261 

Toutefois  ce  mode  d'exécution  reçoit  déjà  sous  la  République 
une  large  application  (1)  et  est  surtout  usité  sous  le  Princi- 
pat  (2).  Le  criminel  est  dépouillé  de  ses  vêtements,  cloué  ou 
lié  à  un  poteau,  qu'on  élève  ensuite  dans  les  airs,  et  l'exécu- 
tion s'achève  par  l'embrasement  du  bois  qu'on  a  amassé,^au- 
tour  du  supplicié  (3). 

5.  Sous  le   Principat  —  nous  ne  pouvons  pas  déterminer   Décapitation 
avec  précision  depuis  quand,  mais  vraisemblablement  depuis    ^"   *^""'" 
ses  débuts,  —  les  officiales  civils  n'apparaissent  plus  pour  la      (924) 
direction  des  exécutions  et  la  procédure  du  droit  de  la  guerre 
est  transportée  au  procès  pénal  des  civils.  L'exécution  de  la 
condamnation  à  mort  est  ordinairement  prescrite  ici  par  l'ordre 
d'emmener  le  condamné  que  le  magistrat  donne  à  un  officier 
ou  à  un   soldat   (4).  La  forme  normale  de   la   peine  de   mort 
reste   la  décapitation  (o),   mais  la  hache  est   remplacée  par 


(1)  Le  récit  absolument  apocryphe  qui  nous  rapporte  qu'au  début  de  la 
République  neuf  tribuns  de  la  plèbe  furent  brûlés  [Rom.  Forsch.  2,  \^'è. 
St.  R.,  2,  279  [Dr.  publ.,  3,  321]),  montre  cependant  qu'une  telle  répression 
était  considérée  comme  possible.  La  mort  par  le  feu  est  vraisemblable- 
ment ancienne.dans  son  application  comme  peine  militaire  aux  déserteurs 
et  aux  traîtres  (Rell.  Hisp.,  20  ;  Dig.,  48,  19,  8,  2). 

(2)  11  nous  parait  superflu  d'énumérer  les  délits  nombreux  dans  lesquels 
la  peine  du  bûcher  s'appliqua  ;  car  il  est  manifeste  qu'il  n'y  eut  pas  à 
cet  égard  de  règles  fermes.  Cette  peine  se  rencontre  plus  fréquemment 
encore  dans  l'Edit  de  Théodoric. 

(3)  La  procédure  suivie  dans  cette  forme  d'exécution  nous  est  indiqvice 
par  exemple  dans  les  actes  dignes  de  foi  des  martyres  de  Polycarpe  et  du 
Pionius  :  le  premier  déclare  vouloir  subir  la  mort  sans  être  cloué  à  un 
poteau  (c.  13.  14  :  ol  Sa  où  xa8r|).Mo-av  \iïw,  Tipoa-é5r,(Tav  5k  aOtôv);  le  second  est 
cloué  à  un  poteau  par  le  bourreau  (c.  21  :  r,TtXwffsv  layrbv  èn\  -coû  I-jIo-j  xai 
TTocplôwxE  Tw  (7tf,aiiojTri  TtEÏpat  Toù;  T|).oyc),  puis  le  poteau  est  redressé  (c  21  : 
àvtôpôwaav  aùtôv  èizl  xoû  HijXo'j). 

(4)  La  formule  technique  est  duci  Jubere.  Sénèque,  De  ira,  \,  18  ;  De  Iranq. 
an.,  14;  Pline,  Ad  TraJ.,  96,  3  :  persévérantes  duci  j'ussi  et  autres  textes. 

(5)  Ulpien,  Dig.,  48,  19,  S,  1  :  animadverti  gladio  oporlet,  non  securi  vel 
telo  vel  fusil  vel  lagueo  vel  quo  alio  modo.  Caracalla  (Vila,  4)  blâme  un  sol- 
dat de  s'élre  servi,  pour  une  exécution,  de  la  hache  au  lieu  de  l'épée.  Gal- 
listrate,  Dig.,  48,  19,  28,  pr.  ;  capitis  amputalio.  Paul,  S,  17,  2  :  decollalio. 
De  là  vient  ad  gladium  dare  ou  damnare.  Paul,  5,  17,  2.  Dig.,  28,  3,  6,  C.  29. 
2,23,  3, ou  ad  ferrum  dare:  Dig„2&,  1,  8,  4.  Ulpien,  Coll..  11,  7,  cherche  à 
justifier  un  rescrit  d'Hadrien  dans  lequel  par  suite  d'une  maladresse  Vad 
gladium  dare  se  présente  comme  moins  grave  que  Vin  melallum  dare  en 
donnant  à  gladius  le  sens  de  hidus. 


363  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

l'épée  (1).  Ce  mode  d'exécution  apparaît  désormais  comme  la 
peine  de  mort  simple  par  opposition  aux  formes  rigoureuses, 
qui  peuvent  aussi  être  appliquées  suivant  la  procédure  mili- 
taire (2).  L'opération  est  ici  dirigée  par  un  officier  supérieur 
ou  inférieur  (3)  ;  l'exécution  est  normalement  faite  par  le  spe- 
culator,  gradé  subalterne,  qui  apparaît  déjà  à  l'époque  répu- 
blicaine  dans  ces  supplices  (4)   et  qu'on  retrouve  dans  les 


(1)  L'ouvrage  I)e  mort,  pei'sec,  22  :  poena  capilis  et  animadversio  gladii 
admodum  panels  quasi  benefichiln  (par  opposition  à  ignis,  crux,  ferae)  defe- 
rebatur.  La  simple  peine  de  mort  s'appelle  dans  le  langage  technique 
animadversio  (III  p.  246  n.  1). 

(2)  Le  soin  d'infliger  àPionius  le  supplice  du  feu  fut  confié  à  un  soldat; 
on  mentionne  à  côté  de  lui  pour  l'opération  du  clouage  un  esclave  de  la 
cité  (ô  5riix6atoc;. 

(3)  L'exécution  de  Pionius  condamné  par  un  gouverneur  de  province 
à  périr  par  le  bûcher  est  dirigée  par  un  commeniariensis  (c.  21  :  èTT'.axâvTo; 
ToO  xo[i.£VTap/)fftoy)  ;  c'est  à  un  centurion  qu'est  donnée  la  direction  d'une 
décapitation  par  l'épée,  également  ordonnée  par  un  gouverneur  de  pro- 
vince (Sénèque,  De  ira,  1,  18):  centurio  suppUcio  praepositiis  condere  gladiinn 
speculatovem  juhet.  C'est  également  un  centurion  qui  exécute  les  condam 
nations  à  mort  prononcées  par  l'empereur  :  cum  centurioagmen  periturorum 
trahens  illum  quoque  excitari  jiiheret  (Sénèq.,  De  tranq.  an.,  14).  Sur  l'ordre 
de  l'empereur,  un  tribun  de  la  garde  décapite  de  sa  propre  main  un  homme 
de  distinction  (Tacite,  Ann.,  15,  60).  Agathias,  4,  M  nous  décrit  une  déca- 
pitation d'hommes  de  qualité  qui  eut  lieu  à  l'époque  de  Justinien;  les 
condamnés  sont  mis  sur  des  mulets  et  conduits  à  travers  les  rues,  tandis 
qu'un  héraut  met  la  population  en  garde  contre  le  renouvellement  de 
pareils  méfaits.  —  Les  questeurs  impériaux  transmettent  bien  les  ordres 
de  suicide  donnés  par  l'empereur  (III  p.  274  n.  2),  mais  ne  dirigent  pas 
les  exécutions. 

(4)  I  p.  372  n.  4.  Les  acla  proconsularia  de  Gyprien  (0pp.,  i,  p.  GXIII  Har- 
tel)  nous  donnent  une  description  très  claire  de  la  décapitation  par  le 
speculator.  Sénèq.,  De  benef.,  3,  25  :  bello  cicili  proscriptum  dominum  servtts 
abscondit  et  .  .  speculaloribus  occurrit  nihilque  se  depr>:cnri,  qtio  minus  impe- 
rata  peragerent  dixit  et  deinde  cervicem  porrexit.  Hérode  fait  exécuter  Jean- 
Baptiste  par  un  speculator  (Marc,  6,  27).  Firmicus,  8,  26  :  speculatores  . . 
nudalo  gladio  hominum  amputant  cervices.  Sénèque,  De  ira,  1,  18  (III  p.  262 
n.  3).  Dion,  78,  14  reproche  à  Adventus,  qui  fut  plus  tard  consul  en  218,  de 
s'être  laissé  employer  comme  bourreau  (xà  xwv  tr,\i.iu>y  k'pY*  xa\  Ttpoaxôirwv 
xal  lxaTovTâp-/(i)v  èTtîTîotr.xst)  au  temps  où  il  servait,  comme  speculator 
dans  l'armée  (èv  toï;  S'.ô;rTa'.;xal  £p£yvr,Ta?;  [xspiîdOoqjopTiXw;).  D'après  Ulpion, 
Dig.,  48,  20,  6,  les  spolia,  c'ost-à-dire  ce  que  le  délinquant  porte  sur  lui  au 
moment  où  il  est  conduit  à  la  mort,  —  le  texte  fait  ici  allusion  à  l'iiabi- 
tude  de  porter  do  l'argent  dans  sa  ceinture  et  d'avoir  des  annt>aux  à  ca- 
cheter qui  ont  souvent  grande  valeur  —  ne  doivent  pas  échoir  aux  specu- 
latores, aux  optiones,  aux  commentarienses,  c'est-à-dire  aux  principales   de 


LA    PEINK    DE    MORT  263 

armées  impériales  faisant  partie  soit  de  la  g.irde,  foil  des  lé-      (925) 
gions  (1). 

G.  L'exécution  peut  aussi  consister  à  vouer  le  condamné  à  Exécution 
mort,  soit  en  l'exposant  aux  bêtes  dans  des  jeux  publics  (2),  '"popurairl!' 
soit  en  le  sacrifiant  dans  quelque  autre  divertissement  popu- 
laire. Celte  peine  se  distingue  nettement  de  la  livraison  du 
condamné  à  l'école  des  gladiateurs  pour  qu'il  lutte,  et  non  pas 
seulement  pour  qu'il  soit  mis  à  mort  dans  un  combat  de  gla- 
diateurs (3).  Celte  exécution  dans  une  fête  populaire,  comme 
nous  l'appelons,  appartient  comme  la  forme  précédente  au 
droit  de  la  guerre.  On  peut  prouver  qu'à  l'époque  républi- 


la  troupe  qui  prennent  part  à  l'exécution  ;  ils  servent  à  former  une  petite 
caisse  au  profit  du  gouverneur  de  province  pour  lui  permettre  de  distri- 
buer des  gratifications. 

(1)  Quant  à  la  situation  militaire  des  speculatores,  qu'on  rencontre  fré- 
quemment parmi  les  prétoriens  et  qui  sont  au  nombre  de  dix  dans  chaque 
légion,  cpr.  Gauer,  Eph.  epirjr.,  4,  459  sv.  Ils  n'apparaissent  pas  dans  les 
troupes  auxiliaires. 

(2)  De  là,  l'expression  technique  bestiis  ohici;  il  n'y  a  pas  de  substantif 
correspondant.  Il  n'appartient  pas  au  droit  pénal  d'exposer  les  détails 
de  cet  abus;  il  suffit  de  rappeler  ici  les  acclamations  delalores  ad  leonein 
{Vita  Commodi,  i8\,  liomicida  ad  /eone?M  (Tertullien,  De  specl.,  21),  Chrisliani 
ad  teonem  (Tertullien,  Apol.,  40  et  ailleurs). 

(3)  L'afiectation  d'un  condamné  à  mort  aux  combats  de  gladiateurs  peut 
se  présenter  aussi  comme  forme  d'exécution.  Constantin,  C.  Th.,  9,  18,1 
(modifié  rz:  C.  Just.,  9,  20,  16)  :  servies  vel  libertale  dnnatus  bestiis  primo  quo- 
gue  miinere  obicialur,  liber  autem  sub  hac  forma  in  ludumdelur  gladiatorium, 
ut  antequam  aliquid  facial,  quo  se  defendere  possit,  gladio  consumalur.  Fir- 
micus,  7,  8  :  gladiatores  efficient,  sed  qui  damnali  ad  hoc  exitium  Iransferen- 
tur.  C'est  la  même  idée  qui  est  exprimée  dans  la  vila  Macrini,  12  par  les 
mots  :  ad  qladium  litdi  deputari,  où  l'on  pense  à  l'exécution  dans  un  com- 
bat de  gladiateurs  de  celui  qui  est  condamné  à  périr  par  le  glaive.  Sénc- 
que,  Ep.,  7,  3  décrit  ces  exécutions  épouvantables  accomplies  sur  des 
personnes  désarmées  pendant  la  pause  du  milieu  de  la  journée.  Au  cours 
delà  dernière  période,  les  barbares  faits  prisonniers  pendant  les  guerres 
sont  également  exécutés  dans  des  jeux  de  gladiateurs  (Vila  Claudii,  11  : 
ludo  publico  deputandos  ;  il  en  fut  de  même  sous  Constantin  pour  les  rois 
francs  ou  alamans  qui  furent  faits  prisonniers:  Eutrope,  10,  4;  Symma- 
q\ie.  Ep  ,  2,46.  10,  47).  Les  luttes  de  gladiateurs  étaient  alors  organisées 
dételle  façon  que  l'issue  en  était  certaine  d'avance.  Mais  ordinairement, 
du  moins  dans  la  dernière  période,  on  ne  traite  pas  comme  équivalant 
aux  bestiis  obici  le  fait  de  vouer  le  condamné  aux  combats  de  gladiateurs; 
nous  parlerons  de  cette  dernière  peine  plus  loin  à  propos  des  travaux 
forcés. 


264  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

(926)  caine  elle  n'a  été  appliquée  que  sur  l'ordre  du  général  contre 
des  prisonniers  de  guerre,  notamment  contre  des  dr?erleurs 
romains,  libres  ou  non  (1).  L'emploi  qu'on  en  fait  aussi  con- 
tre l'esclave  qu'une  sentence  de  son  maître  a  déclaré  coupable 
d'un  crime  capital  et  que  celui-ci  livre  h  ceux  qui  donnent  la 
fête  pour  être  soumis  à  cette  exécution,  remonte  sans  doute  à 
l'époque  républicaine  ;  car  une  loi  Petronia,  datant  vraisembla- 
blement du  début  de  l'empire,  exige  comme  condition  de  cette 
tradition  que  l'arrêt  du  maître  ait  été  confirmé  par  un  tribunal 
public  (2).  Les  autorités  ont  aussi  infligé  la  peine  de  mort  sous 
cette  forme  dès  l'époque  d'Auguste  au  moins  dans  des  cas  iso- 
lés (3).  Pendant  toute  la  période  postérieure,  cette  forme  d'exé- 
cution a  été  maintes  fois  usitée;  il  arriva  souvent  que  des  mal- 
faiteurs célèbres  ou  qui  se  signalaient  à  l'attention  publique 
par  quelque  côté  étaient  expédiés  des  provinces  vers  la  capi- 
tale pour  être  ainsi  produits  devant  le  peuple  romain  dans 
une  exécution  populaire  (4).  Ce  mode  d'exécution  est  une  ag- 


■  (1)  Des  exécutions  de  cette  sorte  ont  eu  lieu  en  587/167  au  cours  du 
triomphe  de  L.  Aemilius  Paulus,  à  la  suite  de  la  guerre  contre  le  roi 
Persée  (Val.  Max.,  2,  7,  13;  Tite-Live,  Ep.,  51);  en  608/146  dans  le  triom- 
phe de  son  fils,  le  second  Africain,  loc.  cil.  ;  en  655/99  après  la  guerre 
contre  les  esclaves  siciliens  (Diodore,  36,  10), 

(2)  Modestin,  Dir/.,  48,  8,  11,  2  :  post  legeni  Petroniam  (cpr.  Privatalterth. 
p.  190  [Manuel  Auliq.  Rom.,  14,  223])  et  senalus  consulta  ad  eam  legem  perti- 
nenlia  dominis  polestas  ablata  est  ad  beslias  depugnandas  suo  a7'bit)''to  servos 
traders:  oblalo  tamenjudici  servo,  si  justa  sit  domini  querella,  sic  poenae  ira- 
delur.  Apion  chez  Aulu-Gelle,  5,  14,  27  :  is  (le  maître)  me  (l'esclave  en 
fuite  et  repris)  slalim  rei  capitalis  damnandum  dandumque  ad  bestias  cura- 
vit.  On  ne  peut  déterminer  la  date  de  la  loi,  mais  elle  ne  doit  pas  être 
placée  à  une  époque  postérieure  à  Tibère. 

(3)  Sous  Auguste,  un  célèbre  capitaine  de  brigands  siciliens  est  pris, 
puis  envoyé  à  Rome,  où  il  est  déchiré  par  les  fauves  dans  une  fête  popu- 
laire (Strabon,  6,  2,  6,  p.  273).  I^es provinciale.<<,  dont  parle  Cicéron,  In  Pis., 
33,  89,  qui  furent  envoyés  à  Rome  pour  paraître  dans  des  combats  de 
bêtes  féroces  ne  sont  très  vraisemblablement  pas  des  criminels  et  les 
méfaits  commis  par  Baibus  dans  les  jeux  qu'il  donna  à  Gadès  (Asinius 
PoUio  chez  Cicéron,  Ad  fam.,  10,  32,  3)  sont  comi)létement  étrangers  à  la 
question  dont  nous  nous  occupons  ici. 

(4)  Modestin,  Dig.,  48,  19,  31  :  ad  bestias  damnatos  favore  populi  praeses 
dimittere  non  débet,  sed  si  ejus  roboris  vel  arlificii  sint,  ut  digne  populo  Ro- 
mano  e.rhiberi  possinl,  principem  consulere  débet  (au   sujet  de   l'envoi  dans 


LA  PEINE   DE    MORT  265 


gravation  considérable  de  la  peine  de  mort  (1)  et  n*est  admis, 
au  regard  des  personnes  de  condition,  que  sous  la  réserve  pré-  (927) 
cédemment  indiquée  pour  le  crucifiement  (2).  Il  n'est  pas  cité 
parmi  les  formes  régulières  d'exécution  (3),  parce  que  son  appli- 
cation dépend  d'une  circonstance  accidentelle,  à  savoir  qu'une 
fête  populaire  de  ce  genre  soit  organisée  (4).  Si  cette  circons- 
tance se  produit,  ceux  qui  donnent  la  fête,  c'est-à-dire  réguliè- 
rement des  magistrats  ou  des  prêtres,  demandent  au  tribunal 
compétent  la  livraison  du  coupable  (o).  Celle-ci  leur  est-elle  ac- 
cordée, ils  ont  la  faculté  ou  de  livrer  directement  (6)  les  mal- 


la  capitale).  Ex  provincia  aulem  in  provinciam  tvansduci  damnatos  sine  per- 
niissii  principis  non  licere  diviis  Sevenis  et  Antoninus  rescripsefunt, 

(1)  Paul.  5.  17,  2.  tit.  23,  1  (=  Coll..  1,  2  =  8,  4),  15.  16.  17.  lit.  24.  lit. 
29,  1.  Dig.,  48,  8,  3.  5.  tit.  19,  28,  15.  49,  18,  3.  Cod.  Th.,  9,  18,  1  =C.  Just.,  9, 
20,16.  Martial,  Spect.,  7.  Suétone,  Claud.,  14.  Quintilien,  Decl.  maj.  4,  21. 
Dion,  76,  10. 

(2)  Suétone,  Gai.,  27  :  Multos  honesLi  ovdinis  .  .  ad  besUas  condemnavit.  Sous 
Marc-Aurèle,  le  gouverneur  de  la  Lyonnaise,  après  avoir  consulté  l'em- 
pereur, fait  décapiter  les  chrétiens  condamnés  qui  sont  citoyens  romains, 
Toù;  8k  ).o'.Tio-j;  £iî£|i7T£v  îj;  -à  6r,pca  (Eusébe,  Hist.  eccl.,  5,  1,  47).  Ne  doivent 
pas  être  soumis  à  cette  forme  d'exécution  les  soldats  {Dig.,  49,  16,  3,  10), 
les  vétérans  et  les  décurions  ainsi  que  les  enfants  des  vétérans  et  des 
décurions  (Dig.,  49,  18,  1.  1.  3  Cod.,  9,  47,  12),  ni  d'une  manière  générale 
les  honesliores  (Paul,  o,  23,  16). 

(3)  Cette  forme  d'exécution  ne  figure  pas  dans  l'énumération  des  peines 
que  nous  donne  Paul,  5,  17,  2;  la  loi  et  la  coutume  ne  la  prescrivent 
pour  aucun  délit,  elle  est  seulement  permise  à  côté  du  crucifiement  ou  de 
la  mort  par  le  feu.  Suétone,  Claud.,  14  :  in  majore  fraude  convictos  legitimam 
poenam  supergressus  ad  bestias  damnavit. 

(4)  D'après  une  constitution  de  Constantin,  (III  p.  263  n.  3),  l'exécution 
a  lieu  primo  quoque  munere.  Nous  avons  déjà  relevé  (III  p.  248  n.  1)  que 
l'évéque  Polycarpe  subit  la  mort  par  le  feu,  parce  que  la  fête  populaire 
était  passée.  Une  fête  populaire  spéciale  fut  organisée  pour  l'exécution 
des  chrétiens  de  la  Lyonnaise  (Eusébe,  Hist.  eccl.,  5,  1,  37). 

(o)  Actes  du  martyre  de  Pionius,  c.  18  :  xw  ôè  'AffxXeTtiiSï)  (un  des  chré- 
tiens condamnés)  TspévTioî  ô  -cote  ètciteXwv  -ri  xyvriyia  elueV  aï  (iWr,To\i.at. 
xttTâS'.xov  £c;  Ta;  !xovo(ii-/o'jç{pt)vOT'.(i.îa;To-j  -jIoO  ^om.  Un  capitaine  de  brigands 
libère  ses  compagnons  destinés  à  une  pareille  exécution  en  se  présentant 
au  chef  de  la  prison  comme  magistrat  municipal  (Dion,  76,  10). 

(6)  Régulièrement  les  délinquants  sont  conduits  dans  l'arène  sans  ar- 
mes ;  ils  sont  même  fréquemment  liés  à  un  poteau.  Eusébe,  H.  e.,  5,  1,  41  : 
r,  6k  p>.av5tva  ÈTtl  ?-j).o-j  xpîjxxo-OîÏTa  Trpo-jxs'.io  ^opà  tûv  eicr6a).Xo[ilva)v  Or^pltov. 
Actes  da  martyre  de  Perpétue,  c.  17  :  cum  ad  ursum  .tubslriclus  esse t  in 
ponte,  ursus  de  cavea  prodire  noluit.  Vila  Aureliani,  37  :  subrectus  (lecture  de 
Godefroy  dans  son  commentaire  sur  C.  Th.,  9,    18,  1  ;  ms.  :  subrepfus)  ad 


266  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

fiiteurs  aux  bêles  ou  de  les  employer  comme  il  leur  plaît 
pour  les  divertissements  qu'ils  organisent  (l).  De  telles  dispo- 
sitions n'appartiennent  pas  au  droit  pénal.  La  seule  restric- 
tion au  bon  plaisir  de  ces  personnes  consiste  en  ce  que  le  dé- 
(928)  liaquant  doit  dans  tous  les  cas  perdre  la  vie  (2)  et  en  ce  que 
la  grâce  n'est  ici  juridiquement  possible  que  suivant  les  règles 
en  vigueur  pour  les  autres  formes  d'exécution  (3).  Les  combats 
d'animaux  survivent  à  l'abolition  des  combats  de  gladiateurs 
et  par  suite  l'exécution  dans  une  fête  populaire  subsiste  encore 
dans  le  droit  de  Jastinien. 

En  dehors  de  ces  six  formes  d'exécution  publique,  on  ren- 
contre encore  l'exécution  dans  une  enceinte  fermée  et  avec 
suppression  de  la  publicité. 


stipitem  bestiis  objectas  est.  L'empereur  Valentinien  entretenait  à  cette  in- 
tention deux  ours  dans  son  palais  (Ammien,  29,  3,  9).  —  Un  combat  sé- 
rieux pouvait  sans  doute  se  produire  dans  cette  procédure  (III  p.  2G4 
n.  4),  mais,  à  la  différence  du  lutteur  de  profession  qui  paraissait  tout 
armé  dans  les  chasses  publiques,  les  criminels  ne  recevaient  ordinaire- 
ment pas  d'armes;  car  le  but  même  des  jeux  était  leur  mort. 

(1)  On  peut  se  servir  des  malfaiteurs  condamnés  à  mort  pour  faire  pa- 
raître sur  la  scène  des  acteurs  qui  meurent  réellement  (Strabon,  6,  2,  6, 
p.  273  ;  Martial,  SpecL,  7;  TertuUien,  Apol.,i'i)  pour  nourrir  les  bétes 
féroces  (Suétone,  Gai.,  27)  ou  pour  éclairer  les  arènes  (Tacite,  ^«n.,  15,  44), 
et  ce  mode  de  mise  à  mort  est  aussi  légitime  que  la  forme  ordinaire  d'exé- 
cution; la  logique  juridique  est  ici  poussée  jusqu'à  ses  extrêmes  consé- 
quences. 

(2)  C'est  pourquoi  ceux  qui  au  premier  jour  sont  restés  indemnes  ou 
n'ont  été  que  blessés  paraissent  de  nouveau  le  jour  suivant  (Josèplie, 
Bell.  Jud.,  1,  8,  7,  c.  373,  éd.  Niese  ;  M.  Antoninus,  8,  10)  et  sont  finalement 
égorgés,  s'ils  ne  trouvent  pas  la  mort  dans  le  cours  normal  des  jeux. 
Marlyrium  de  Perpétue,  c.  21  :  Perpétua  .  .  errantem  de.rleram  iiriincidi  r/la- 
dlatoris  ipsa  injuf/ulum  suum  transtuUl  Le  confeclor  dont  la  mission  prin- 
cipale est  d'achever  les  bétes  blessées  peut  aussi  être  utilisé  pour  égor- 
ger les  condamnés  qui  ne  sont  pas  morts  (Martyr.  Polycarpi,  c.  16). 

(3)  Parfois,  les  spectateurs  ont  demandé  la  grâce  du  coupable  (III  p.  264 
n.  4);  ilsl'ont  fait  ordinairement  plutôt  par  admiration  pour  l'attitude  cou- 
rageuse du  supplicié  que  par  compassion.  Cette  faveur  leur  a  été  dans  cer- 
tains cas  accordée,  ainsi  que  le  prouve  l'anecdote connucd'Androclés épar- 
gné par  le  lion  qu'il  avait  soigné  (Aulu-Gelle,  5,  14,  29).  La  même  demande 
peut  avoir  lieu  dans  toute  exécution,  mais  il  est  expressément  dit  à  cet 
égard  que  le  gouverneur  de  province  ne  peut  pas  accorder  cette  grâce, 
et  que  si  celle-ci  est  demandée  pour  un  lutteur  particulièrement  remar- 
quable, ce  dernier  doit  tout  d'abord  être  livré  pour  paraître  dans  les  fêtes 
lioiiuluires  de  la  capitale  (III  p.  264  n.  4). 


LA    PEINE    DE    MORT  267 

7.  Le  seul  mode  d'application  de  la  peine  de  mort  possible     Exécution 
vis-à-vis  des  femmes  est  une  exécution  non  publique  accom-    erexé^uon 
plie  sur  l'ordre  d'un  magistrat  ou  d'un  prêtre;  du  moins,  nous  dans la prison. 
n'avons  pas  de  preuve  que  des  femmes  aient  été  soumises  à  une 
exécution  publique.  En  outre,  la  flagellation  qui  procède  tou- 
jours l'exécution  publique  n'a  pas  lieu  au  regard  des  fem- 
mes (1).  Le  vieux  rituel,  qui  a  toujours  été  conservé  à  leur 
égard  (2),  nous  est  décrit  en  détail  pour  l'exécution  des  con- 
damnations à  mort  vis-à-vis  des  prêtresses  de  Vesta.   L'ap-      (929) 
plication  de  la  peine  est  dirigée  par  le  Grand  Pontife  (3).  La 
coupable  est  dépouillée  de  ses  insignes  sacerdotaux  (4)  et  est 
portée  sur  une  civière  à  son  tombeau  au  milieu  des  lamentations 
funéraires  d'usage  (5).  La  sépulture  se  trouve  à  l'intérieur  de  la 
ville  —  la  vieille  coutume  de  l'inbumalion  à  l'intérieur  des 
murs  a  été  gardée  pour  cette  cérémomie  (6)  —  à  la  porte  Col- 
line, à  droite  de  la  route  établie  dans  le  champ  des  crimes, 
campus  sceleratus  (7).  Elle  consiste  dans  une  galerie  souter- 
raine (8),  couverte  en  temps  ordinaire  et  ouverte  seulement 


(1)  Denys,  9,  40  (cpr.  1,  78)  parle  à  vrai  dire  de  la  flagellation  de  la  ves- 
tale avant  son  exécution  ;  mais  tous  les  autres  récits,  beaucoup  plus 
détaillés  et  dont  quelques-uns  mentionnent  même  la  flagellation  du  com- 
plice de  la  vestale,  et  parmi  eux  celui  de  Denys  lui-même  2,  67,  ne  par- 
lent pas  de  la  flagellation  de  la  prêtresse;  l'affirmation  de  Denys,  9,  40 
repose  donc  certainement  sur  une  méprise. 

(2)  Sous  le  Principat,  on  lui  accorde  comme  adoucissement  de  peine  la 
faculté  de  choisir  librement  la  manière  dont  elle  veut  mourir  (Suétone, 
Dom.,  8  ;  Denys,  67,  3)  —  La  mention  du  supplice  de  la  roche  tarpéienne 
pour  la  vestale  n'est  faite  que  par  les  rhéteurs  (Sénèque,  Conlrov.,  i,  3. 
Quintilien,  7,  8,  3.  5,  6). 

(3)Tite-Live,  22,  37.  L'empereur  a  dû  être  remplacé  plus.tard  dans  cette 
fonction  par  le  promagisLer  (Pline,  Ep  ,  4,  11,  7). 

(4)  Denys,  8,  89.  ^ 

(5)  Denys,  2,  67.  Plutarque,''A'Mm.,  10. 

(6)  Servius  sur  Aen.,  11,  206.  Denys,  2,  67.  8,  89. 

(7)  Tite-Live,  8,  15  :  adportam  Collinam  dextra  viayji  slralam  .  .  scelerato 
campo  et  autres  textes. 

(8)  Denys,  2,  67  :  e'.;  arixbv  -jub  yf,;  xaT£(TX£ya(T(jLévov.  Plutarque,  loc.  cit.  ; 

âffTÎ  Ti; ôçpûç  '{^ùl^r^z  uapaTôivoxJaa  TiôppW  xa),£tTai  8e  Xwjxa  (?)  6ta),éx-c(ù  ty) 

AaTsvwv  £VTav8a  xaxaaxs-jâ'ïTa'.  xacTâycio?  olxoç  où  (léya;  k'/wv  àvwôàv  xaTâ6a- 
<7tv.  Dion  chezZonaras,  7,  8,  7  r=  p.  21.  Boiss.  :  ûivÔYewv  xtva  xaTadXEuâaa; 
CiiroSpo[xr|V  TTpoii'fiXr,. 


268  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

pour  ces  exécutions.  Une  pièce  est  préparée  avec  une  lampe, 
une  miche  de  pain,  des  cruches  remplies  d'eau,  de  lait  et 
d'huile  (1);  puis,  tandis  que  le  Grand  Pontife  récite  des  prié- 
res,  la  condamnée  descend  à  l'aide  d'une  échelle  dans  son 
tombeau.  Cette  opération  terminée,  l'échelle  est  retirée  et 
l'ouverture  est  refermée  sur  la  Vestale  qui  est  ainsi  enter- 
rée vivante  (2).  Celle-ci  ne  doit  recevoir  aucun  honneur  de  sé- 
pulture (3).  —  L'exécution  des  femmes  par  le  magistrat,  lors- 
que par  exception  elle  avait  lieu,  était  accomplie  (4)  dans 
.  le  souterrain  de  la  prison  urbaine  (I  p.  354).  Des  hommes 
ont  aussi  été  exécutés  à  cet  endroit  sans  publicité,  au  moins 
depuis  la  guerre  d'ilannibal,  sans  qu'il  soit  possible  de  dé- 
couvrir une  règle  qui  explique  cette  diversité  dans  le  mode 
d'application  de  la  peine  de  mort.  Il  semble  que  le  magistrat 
qui  dirige  l'exécution  a  eu  à  cet  égard  la  liberté  de  choisir  et 
(930)  qu'il  a  préféré  l'exécution  secrète  surtout  pour  les  personnes 
d'un  haut  rang (5).  Pour  celles-ci,  l'exécution  a  été,  au  moins 


(1)  Denys,  2,  07  ;  Plutarque,  loc.  cit.;  Dion,  loc.  cit. 

(2)  Plutarque,  loc.  cit.  Pline,  Ep.,  4,  il. 

(3)  Denys,  2,  67, 

(4)  Comme  exemples  d'exécution  de  femmes  dirigée  par  un  magistrat, 
nous  n'en  connaissons  que  deux  :  le  cas  apocryphe,  mais  que  nous  pou- 
vons cependant  citer  ici,  de  cette  mère  condamnée,  qui  fut  allaitée  par 
sa  fille  et  échappa  ainsi  à  la  mort  par  inanition  que  le  chef  de  la  prison 
voulait  lui  infliger  (II  p.  167  n.  2)  et  le  cas  de  la  fille  de  Séjan  (I  p.  87 
n.  2).  Ordinairement  l'exécution  de  la  condamnation  à  mort  était  ici  lais- 
sée aux  parents  (III  p.  274). 

(5)  Cicéron,  Verr.,  5,  30,  77.  Le  passage  de  Josèphe,  Bell.,  7,  5,  6  :  vôiao; 
èffT.t  'Pu)(i.aioiç  èx£ï  (dans  la  prison)  xteiveiv  to'j;  Itù  «caxoupyca  Ôivarov  xaie- 
yvwfffiévou;  dit  trop.  La  plus  ancienne  exécution  qui,  à  notre  connaissance, 
ait  été  accomplie  dans  cette  forme  est  celle  de  l'ancien  consul  M.  Glaudius 
(jui  eut  lieu  en  518/236  à  la  suite  de  son  traité  de  paix  avec  les  Corses 
(Val.  Max.,  6, 3,  3),  On  cite  encore  comme  autres  exemples  :  les  exécutions 
de  Q.  Pleminius  (I  p.  301  n.  1)  ;  des  partisans  des  Gracques  (Appien,  B.  c, 
1,26;  Val.  Max.,  G,  3,  \  d);  du  dénonciateur  Veltius  (Cicéron, /«  Valin.,  11,26) 
des  partisans  de  Catilina  (.Salluste,  Cat.,  .jo  et  ailleurs)  ;  des  enfants  de 
Séjan  (Tacite,  Ann.,  5,  9  ,  Suétone,  TU>.,  61  ;  Dion,  58,  11)  et  d'autres  con- 
damnés de  l'époque  de  Tibère  (Tacite,  Ann.,  6,  39.  40  ;  Suétone,  Tib.,  75; 
Dion,  58,  15)  et  de  Caligula  (Dion,  59,  18).  On  a  exécuté  de  la  même  ma- 
nière des  étrangers  de  distinction,  tels  que  le  roi  .Jugurtha  (Plutarque, 
Mar.,  12;  Tite-Live,  ^/j.,  07),  l'arvorne  Vercingôtorix  (Dion,  40,  41.  43,  19); 
le  juif  Simon  Bargioras  sous  Vcspasien  (Josèphe,  Bell.,  7,  5,  6). 


LA  PEINE    DE    MORT  269 

dans  quelques  cas,  précédée  de  la  flagellation  (1).  —  La  pri- 
son urbaine  étant  placée  sous  la  surveillance  des  très  viri  capi- 
tales, on  désigne  sous  le  nom  de  peine  de  mort  triumvirale 
l'exécution  qui  a  lisu  dans  son  enceinte  (2).  Mais  il  est  égale- 
ment possible  que  le  détenteur  d'i?nperiuin  qui  ordonnait  l'exé- 
cution ait  ordinairement  dirigé  le  supplice  en  personne,  lors- 
qu'il s'agissait  de  criminels  d'un  rang  élevé  (3).  La  mort  peut 
aussi  dans  cette  procédure  être  provoquée  comme  pour  la  Vestale 
par  la  privation  de  nourriture  (4)  et  ce  procédé  a  vraisembla- 
blement été  de  règle  à  l'origine.  Plus  tard,  le  condamné  ou  la 
condamnée  est  habituellement  étranglé  (5)  par  le  bourreau  (6). 
Dans  la  dernière  période  du  Principat,  ce  mode  d'exécution 
n'est  plus  usité  (7). 

Lorsque  la  peine  de  mort  était  appliquée  sous   la  direction      (931) 
d'un  magistrat  ou  d'un  prêtre,  elle  avait  lieu  dans  l'une  des  exocuuo.  doh 

dirigé»  p»r 
■■  magistrat. 

(1)  José  plie,  loc.  cit.  ;  (Simon)  tô~£  ttetioixttï-jxw;  èv  toï;  at-/(xa>.wTot;,  ^pf^x^p 
6e  iï£pioXr,6£l;  tli  Tov  iizl  tt,;  àyoppiç  èaûpETo  tôtiov  aïxi^otiï'vwv  a-Jtôv  â[x.a  twv 
àYÔvTwv.  Jugurtha  estmaltrailé  d'une  façon  semblable  (Plutarque.  Mar. ,  11). 
Il  en  est  de  même  pour  l'amant  de  la  vestale,  lorsque  l'excculion  a  lieu 
dans  la  prison  (n.  7). 

(2)  Tacite,  Ajin.,  5.  10.  Salluste,  Cal.,  53.  Val.  Max.,  5,  4,  7.  Sénèque, 
Contr..'!,  1  [16],  22. 

(3)  Cicéron  a  du  moins  dirigé  lui-même  l'exécution  des  partisans  de 
Catilina. 

(4)  En  dehors  de  l'anecdote  sans  fondement  historique,  rapporté  II 
p.  167  n.  2,  ce  genre  de  mort  aurait  été  infligé  à  Jugurlha,  d'après  Plu- 
tarque, Mar.,  12. 

(o)  Jugurtha  serait  mort  ainsi  d'après  Eutrope,  4,  27  et  Orose,  5.  15,  19. 
D'autres  cas  du  même  genre  sont  rapportés  par  Appien,  D.  c,  \,  2G  ;  Sal- 
luste, Cat.,  5o  ;  Cicéron,  la  Yat.,  II,  2G  ;  Tacite,  Ann.,  6,  39.  40;  Suétone, 
Tib.,  73.  Les  gouverneurs  de  province  ont  exécuté  des  condamnations  à 
mort  de  cette  manière   (Pline,  Ep.,  2,  11,  8). 

(6)  Tacite,  Ann.,  5,  9.  Cpr.  Suétone,  Tib.,  54.  On  ne  peut  conclure  de 
Salluste,  Cat.,  33  que  les  triumvirs  aient  égorgé  de  leurs  propres  mains 
les  partisans  de  Catilina. 

(7)  L'interdiction  de  l'exécution  par  le  laqueus  que  nous  trouvons  chez 
Ulpieu  (III  p.  261  n.  3)  vise  cette  forme  d'exécution.  Les  seules  preuves 
que  nous  ayons  de  l'emploi  de  ce  mode  d'exécution  pendant  la  dernière  pé- 
riode sont  la  mention  que  sous  Garacalla  l'amant  de  la  vestale  était  mis 
à  mort  en  prison  après  avoir  été  flagellé  publiquement  (Dion,  78,  9)  et  un 
témoignage  peu  digne  de  foi  relatif  à  un  usurpateur  de  l'époque  de  Gai- 
lien  (Triçj.  tyi\,  22)  :  strangulatus  in  carcere  caplivoruin  velenun  more  perhi- 
belur. 


270  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

formes  que  nous  venons  d'indiquer.  Mais  une  exécution  pou- 
vait légalement  avoir  lieu  sans  une  telle  direction;  dans  ce 
cas,  elle  se  réalisait  soit  suivant  une  forme  fixée  au  moins 
par  la  coutume,  soit  dans  une  forme  tout-à-fait  arbitraire, 
jei  du  haut  8.  Le  jet  du  coupable  du  haut  de  la  roche  Tarpéienne  au  Ca- 
TarpVeMc!  P^^oIq  (1),  qui  doit  ôtrC;,  en  vertu  du  droit  lui-même,  précédé 
de  la  flagellation  comme  l'exécution  dirigée  par  le  magistrat  (2), 
est  la  forme  légale  d'exécution  usitée  partout  où  cette  dernière 
n'est  pas  possible.  Ce  mode  de  répression  se  présente  dans 
une  double  application. 

a.  L'exécution  capitale,  opérée  à  raison  d'un  délit  privé 
par  un  particulier  avec  l'approbation  de  la  communauté,  a 
vraisemblablement  eu  lieu  sans  forme  et  fréquemment,  lors- 
que la  vengeance  privée  était  encore  admise  à  Rome  et  que  la 
composition  n'y  était  pas  encore  obligatoire.  Dans  le  droit  des 
XII  Tables,  cette  exécution  ne  pouvait  se  réaliser  que  par  le 
jet  du  haut  de  la  roche  Tarpéienne  et  n'était  admise  à  noire 
connaissance  que  dans  deux  cas  :  pour  la  catégorie  la  plus 
grave  du  vol,  c'est-à-dire  pour  le  vol  manifeste  de  l'esclave  (3), 
et  pour  le  faux  témoignage  (4).  Elle  a  même  dû  disparaître 
de  bonne  heure  dans  ce  double  domaine,  car  nous  n'avons 
pis  de  preuve  de  son  application  pratique  dans  ces  cas. 


(1)  Pour  l'emplacement  de  cette  roche,  cpr.  Denys,  7,  34;  Scnèque, 
Conlv.,  1,3,  3;  Becker,  Topogr.,  p.  391.  411.  La  question  que  se  posent  les 
rhéteurs  Jde  savoir,  si  le  condamné  qui,  précipité  du  haut  de  la  roche 
Tarpéienne,  survit  à  cette  exécution,  est  acquitté  (Sénèque,  loc.  cit.  ;  Quin- 
tilien,  hisL,  7,  8;  Dion,  />•.,  17,  8),  n'a  aucun  caractère  juridique;  les  ac- 
cidents de  ce  genre,  qui  surviennent  au  cours  de  l'exécution  d'une  con- 
damnation pénale,  peuvent  avoir  pour  conséquence  qu'on  néglige  de 
])rocéder  à  une  nouvelle  exécution,  mais  ils  n'ont  pas  pour  effet  d'annu- 
ler cette  condamnation. 

(2)  Loi  (les  XII  Tables,  8,  13  [Girard.  14].  Tite-Live  24,  20,  6.  23,  7,  14. 

(3)  Loi  clesXIl  Tables.  8,  13,  SchoU  [=  Girard,  8,  14]  rr  Aulu-Gelle,  H,  18, 
8  :  servos  furti  manifesli  prensos  verberibus  affici  et  e  sa.ro  praecipilari.  Cpr., 
III  p.  54.  Celte  disposition  n'a  rien  de  commun  avec  le  droit  de  tuer,  à 
titre  de  légitime  défense,  le  voleur  qui  opère  la  nuit  ou  à  main  armée 
(II  p.  334). 

(4)  Loi  lies  Xn  Tahlrs,  8,  ÙW  [Girard,  id]  z=  Aulu-Gelle,  20,  1,  53  :  si 
nunc  f/uofjue  ul  anteit  t/ui  /ulsuin  leslimonium  diuisse  convictus  essel,  e  saxo 
Tarpeio  deicerelur.  Cpr.  II  p.  390. 


LA   PEINE    DE    MORT  271 

b.  Les  tribuns  de  la  plèbe,  qui  sont  simplement  chefs  d'un 
groupement  spécial  de  citoyens  sans  être  des  magistrats  et 
qui  ne  possèdent  ni  les  insignes  ni  les  serviteurs  de  la  ma- 
gistrature (1),  ont  bien  la  juridiction  capitale,  mais  seulement 
à  titre  de  particuliers.  Que  le  tribun  soit  investi  directement  (932) 
du  pouvoir  d'appliquer  la  peine  de  mort^  ce  qui  n'a  jamais 
été  réellement  reconnu,  mais  fut  simplement  une  opinion  de 
démocrates  avancés  (2),  ou  qu'il  ait  obtenu,  cecjui  est  son  droit 
certain  depuis  la  fin  de  la  lutte  des  patriciens  et  des  plébéiens, 
la  confirmation  du  peuple  pour  l'exécution  capitale,  celle-ci, 
étant  donné  que  le  chef  de  la  plèbe  comme  tout  particulier 
n'a  ni  licteurs  ni  haches  (3),  a  lieu  sans  offîciales  (4)  et  sans 
instrument  par  une  appréhension  de  la  part  du  tribun  (5).  Si 


(1)  st.  R.,  2,  281  et  sv.  [Dr.  pubL,  3,  321  et  sv.J.  Cet  état  de  choses  s'est 
rapidement  modifié  en  pratique,  mais  il  a  toujours  été  considéré  théo- 
riquement comme  la  règle  formellement  en  vigueur. 

(2)  Tite-Live,  Ep.,  59,  pour  l'année  631/123  :  C.  Alinius  Labeo  tr.  pi. 
Q.  Melellum  censorem,  a  quo  in  senatu  legendo  praeteritus  erat,  de  saxo  deici 
jussit,  quod  ne  fieret,  céleri  Iribuni  pi.  auxilio  fuerunt.  Pline,  //.  n.,  7,  44, 
143.  Velleias,  2,  2t  (plus  précis  que  Tite-Live,  Ep.,  80;  Plutarque,  Mar., 
45;  Dion,  fr.  103,  12)  mentionne  pour  l'époque  de  Marins  une  exécution 
qui  présente  vraisemblablement  les  caractères  d'une  exécution  tribuni- 
cienne  de  ce  genre.  Pour  la  question  de  savoir  dans  quelle  mesure  le  tri- 
bun peut  exercer  la  coercition  capitale  sans  consulter  les  comices,  cpr. 
I  p.  51. 

(3)  A  la  rigueur,  on  pourrait  penser  en  outre  ici  à  la  mort  par  le  feu  ; 
mais  une  pareille  conjecture  ne  peut  pas  se  fonder  en  tout  cas  sur  l'his- 
toire des  neuf  tribuns  (III  p.  :261  n.  1).  C'est  seulement  chez  Denys,  8, 
58,  à  propos  du  procès  de  Sp.  Gassius,  que  nous  trouvons  la  mention 
d'une  exécution  tribunicienne  accomplie  dans  une  autre  forme  qu'en 
précipitant  le  coupable  du  haut  de  la  roche  Tarpélenne;  mais  les  meil- 
leurs annalistes  ont  évité  cette  erreur  de  l'historien  grec  {Hermès,  S,  241 
z=  Rom.  Forsch.,  2,  175). 

(4)  La  sacrosainteté  ne  s'étend  pas  au  serviteur  du  tribun  delà  plèbe  ; 
mais  le  fait  que  les  édiles  de  la  plèbe,  qui  originairement  furent  des  auxi- 
liaires des  tribuns,  sont  aussi  sacrosaints  {St.  R.,  2,  472  [Dr.  publ.,  4,  164]) 
s'explique  vraisemblablement,  bien  que  nos  sources  n'expriment  pas  cette 
idée,  par  le  désir  de  fortifier  le  pouvoir  de  ces  auxiliaires  en  vue  des  exé- 
cutions capitales.  Sous  le  Principal,  c'est  le  carnifex  qui  précipite  le 
condamné  du  haut  de  la  roche  Tarpéienne  (Sénèq.,  Contr.,  1,  3,  1.  6.  7). 

(o)  La  peine  de  la  roche  Tarpéienne  est  mentionnée  à  propos  des  me- 
sures de  répression  prises  par  les  tribuns  contre  Goriolan  en  263/491 
(Denys,  7.  35  et  d'après  lui,  Plutarque,  Coriol.,  18)  ;  contre  le  licteur  des 
consuls  en  298/456   (Denys,  10,  21;  cpr.  St.  R.,   1,  151,  n.  4  [Dr.  publ.,    1, 


272  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

on  lui  oppose  résistance,  ce  dernier  trouve  dans  le  principe  de 
l'inviolabilité  de  sa  personne  les  pouvoirs  nécessaires  à  l'exé- 
cution. Lorsque  le  tribunatdcla  plèbe  eut  été  incorporé  dans 
la  conslilulion,  celle  forme  d'exécution  rentra  nécessairement 
parmi  celles  du  droit  public;  elle  devint  depuis  lors  le  mode 
ordinaire  d'exécution  du  citoyen  dans  la  ville,  tandis  que  la 
loi  des  XII  Tables  la  permettait  déjà  pour  les  esclaves.  De 
même  que  le  procès  capital  contre  le  citoyen  est  ordinaire- 
ment fait  par  le  tribun  de  la  plèbe,  c'est  également  lui  qui 
exécute  la  sentence  contre  celle  personne  en  la  précipitant 
du  haut  delà  roche  Tarpéienne  ;  les  esclaves  sont  au  contraire, 
pour  les  mêmes  fautes,  crucifiés  (1).  A  l'époque  impériale, 
(933)  lorsque  la  condamnation  à  mort  prononcée  par  le  Sénat  s'exé- 
cute par  le  jet  du  haut  de  la  roche  Taipéicnnc  (2),  le  supplice  est 
encore  dirigé  par  le  tribun  de    la   plèbe  (3),   depuis  que   le 


173,  4]),  contre  M.  Manlius  en  370/381  (Varron,  chez  Aulu-Gelle,  17,  21, 
245  ;  Tite-Live,  6,  20;  une  autre  source  renvoie  dans  ce  cas  le  procès  de- 
vant les  questeurs  et  indique  comme  peine  le  crucifiement  :  Hermès,  5, 
261  z=  Rom.  Forsch.,  2,  191).  Nous  manquons  à  cet  égard  de  récits  non 
légendaires,  parce  que  les  procès  capitaux  de  la  République  se  sont  à 
l'époque  historique  régulièrement  terminés  par  Vexilium. 

(1)  En  660/88  un  esclave  reçoit,  pour  avoir  trahi  son  maître,  la  liberté 
qui  lui  a  été  promise  comme  récompense,  puis  est  précipité  du  haut  de  la 
roche  Tarpéienne  (Tite-Live,  Ep.,  77",  Val.  Max.,  C,  5,  7  ;  Plutarque,  SalL, 
10);  en  713/39  un  esclave  qui  est  parvenu  à  se  faire  élire  préteur,  subit 
la  même  peine,  mais  est  auparavant  affranchi,  l'va  à.\i.iù\i.x  T|  tijAcapt'a  aÙToO 
Xâêr)  (Dion,  48,  34).  Dans  les  troubles  de  710/44,  les  esclaves  sont  crucifiés 
et  les  homme»  libres  précipités  du  haut  de  la  roche  Tarpéienne  (Appien, 
B.  c,  3,  3).  Lorsqu'Ilorace,  Sal.,  1,  G,  38,  apostrophe  un  politicien  ambi- 
tieux en  ces  termes  ;  audes  deicere  de  aa.to  cires  au'.  Iradere  Cadmo,  il  pense, 
en  mentionnant  la  peine  de  la  roche  Tarpéienne,  au  tribunal  de  la  plèbe, 
et  en  mentionnant  le  bourreau,  au  magistrat  qui  intervient  dans  le  cruci- 
fiement, c'est-à-dire  au  magistrat  investi  d'imperinni. 

(2)  La  nature  du  délit  n'a  à  cet  égard  aucune  importance.  Le  passage 
de  Sénéque,  De  ira,  1,  16,  5  :  cttm  Tarpeio  prodilorein  hoslemve  puôlicum  im- 
ponani  ne  nous  fournit  que  des  exemples;  la  magie  (Tacite,  Ann..  2,  32) 
et  l'inceste  (Tacite,  Ann.,  6,  19)  donnent  aussi  lieu  à  celle  peine  et  dans 
Tacite,  Ann.,  4,  29  on  souhaite  à  un  délateur  détesté  robur  (exécution  dans 
la  prison)  el  saxiim  (jet  du  haut  de  la  roche  Tarpéienne)  aut  parricidarum 
poenae  (submersion). 

(3)  Dans  la  plupart  dos  recils  do  l'époquo  inipùri.ilo  qui  relatent  l'ap- 
])lication  do  la  iieino  de  la  roche  Tarpéieinie  (ainsi  chez  Tacite,  6.  29  ; 
Dion,  57,  22.  59,  18),  on  ne  mentionne  pas  l'aulorilé  qui  dirige  rexéculion  ; 


LA   PEINE    DE    MORT  273 

sénatus-consulte  est  vraisemblablement  proposé  dans  ce  cas 
non  par  le  consul,  mais  par  ce  tribun.  —  Les  magistrats  pa- 
triciens ont  également  employé  ce  mode  d'exécution  contre 
des  déserteurs  faits  prisonniers  (1)  ou  contre  des  otages  qui 
s'étaient  enfais  (2)  et  ils  s'en  sont  encore,  en  temps  de  révolution 
à  la  suite  d'une  sédition,  servis  contre  des  citoyens  insoumis  (3), 
mais  ces  deux  cas  rentrent  dans  le  domaine  de  la  coercition 
capitale  et  n'appartiennent  pas  à  celai  de  la  procédure  pénale 
ordinaire  (4).  —  A  partir  de  l'empereur  Claude,  nous  n'avons 
plus  de  preuve  établissant  que  celte  forme  d'exécution  ait  en-  (934) 
core  été  appliquée  et  nous  savons  qu'elle  a  été  prohibée  dans 
la  dernière  période  de  l'Empire  (o). 


mais  l'exécution  des  condamnations  à  mort  prononcées  par  le  Sénat  sous 
le  Principal  et  réalisées  dans  la  forme  du  jet  de  la  roche  Tarpéienne  a 
été  dirigée  par  les  tribuns  de  la  plèbe,  ainsi  que  nous  le  montrent  Tacite, 
Ann.,  2,  32,  en  attribuant  aux  consuls  l'exécution  par  crucifiement,  mais 
en  ne  leur  confiant  pas  en  même  temps  l'application  de  la  peine  de  la 
roche  Tarpéienne,  et  Dion,  38,  15  :  ol  6=  xa\  ànb  xoO  KauiTwXiou  ûnb  tûv 
6T||j.âp-/wv  Tj  xa\  Twv  yivaTtov  -/a-ExprifjLvi^ovTO  et  60,  18  :  xaé  tiç.  . .  xôv  ÎtitiIwv.  • . 
xaTa  TO-j  KaiX'.Tw),!OU  -jtîÔ  tî  tûv  5rjiid(p-/a)v  xal  twv  ÔTtdcTOJV  xaT£xpifi!iv;a6rj.  Ce 
dernier  texte  vise  manifestement  une  condamnation  à  mort  prononcée 
par  le  tribunal  sénatorial  et  exécutée  par  le  tribun  de  la  plèbe;  la  com- 
pétence particulière  de  ce  dernier  s'y  révèle  d'autant  plus  nettement  qu'il 
ne  possède  plus  alors  une  véritable  juridiction  capitale. 

(1)  Tite-Live,  24,  20,  6. 

(2)  Tite-Live,  25,  7,  14. 

(3)  C'est  ainsi  que  le  consul  Marc  Antoine  procéda  après  le  meurtre  de 
César  contre  les  perturbateurs  de  la  paix  publique  (Appien,  B.  c,  3,  3  ; 
Dion,  44,  50).  D'après  la  légende,  les  consuls  de  279/475  (Denys,  9,  29)  et 
les  décemvirs  (Denys,  11,  6)  menacèrent  de  cette  même  procédure  des  ci- 
toyens insoumis. 

(4)  Les  décemvirs  (loc.  cit.)  menacent  N.  Horatius  de  le  faire  précipiter 
du  haut  de  la  roche  Tarpéienne,  -r^y  gr,(iap-/'.xT|V  inx'^xazio'^-tz  s^ouaiav  ;  cette 
procédure  est  donc  désignée  ici  expressément  comme  un  privilège  des 
tribuns.  Dans  les  fables  relatives  à  Romulus,  il  semble  que  le  fait  de 
faire  précipiter  quelqu'un  du  haut  de  la  roche  Tarpéienne  s'y  présente 
comme  un  acte  illégal  de  violence.  Festus,  p.  343  :  [Sax]um  Tarpeium  ap- 
pel[latum  aiunt...  ab  eo  quod,  cum  quidam  nomine]  L.  Tai'peius  Romulo  [régi 
propter  rap]las  virgines  adversa[retur,  ibi  ubi  id  sa]xum  est  de  noxio  poena 
[sumpta  est  ;  quapropler]  noluerunt  funestum  locum  [cum  altéra  parte"]  Capitolii 
conjungi.  Denys,  2,  56  cite,  comme  une  des  causes  du  meurtre  de  Romulus, 
le  fait  que  ce  roi  avait  condamné  des  citoyens  à  mort  sans  convoquer  un 
consilium  et  les  avait  fait  précipiter  du  haut  de  la  roche  Tarpéienne. 

(5)  Modestin,  Dig.,  48,  13,  23,    1    :  non  potest  guis  sic  damnari,  ut  de  saxo 

Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  18 


Exécution 
domestique. 


Suicide. 


Exéctilion 
populaire. 


274  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

Nous  mentionnons  enfin  à  cet  endroit  les  exécutions  dans 
lesquelles  la  forme  de  la  mise  à  mort  est  laissée  au  choix 
soit  des  parents,  soit  du  condamné  lui-môme,  soit  de  toute  per- 
sonne. 

9.  Il  arrive  fréquemment,  peut-être  même  régulièrement, 
que  l'applicalion  de  la  peine  de  mort  prononcée  par  le  ma- 
gistrat contre  des  femmes  soit  laissée  au  détenteur  de  la  puis- 
sance, et,  s'il  s'agit  de  femmes  sut  juris,  à  ses  plus  proches 
parents  (I  p.  20).  On  ne  peut  pas  prouver  qu'on  a  égale- 
ment confié  au  chef  de  la  domm  l'exécution  des  sentences  ca- 
pitales rendues  par  la  communauté  contre  des  esclaves  ou 
des  hommes  libres  en  puissance. 

10.  11  arrive  parfois  à  l'époque  républicaine  que  la  sentence 
laisse  au  condamné  la  faculté  de  choisir  le  mode  d'exécution 
capitale  qui  doit  lui  être  appliqué  (1).  Cet  adoucissement  de 
peine  est  fréquent  sous  le  Principat,  mais  ne  peut  pas  ôtre  alors 
accordé  par  le  tribunal  qui  statue,  il  ne  peut  être  concédé  que 
par  l'empereur  (2). 

11.  L'exécution  populaire  est  de  beaucoup  la  plus  impor- 
tante de  ces  dernières  formes  d'application  de  la  peine  de 
mort.  Elle  alieu  toutes  les  fois  qu'une  loi  ou  qu'une  condamna- 
tion à  mort  (3)  est  rédigée  de  telle  façon,   que  toute  personne 


praecipUelur  Cette  peine,  qui  est  étroitement  liée  au  tribunat  de  la  plèbe, 
institution  de  la  capitale,  n'a  certainement  jamais  été  prononcée  hors  de 
la  capitale.  Nnllc  part  ne  se  révèle  une  connexitc  entre  cette  peine  et  la 
coutume  grecque  correspondante. 

(1)  Appien,  U.  c,  i,  26. 

(2)  Di^.,  48,  19,  8,  1.  Marc-Aurclc  permit  cette  pratique  d'une  manière 
générale  sans  consultation  préalable  de  l'empereur.  Les  décisions  de  ce 
genre  sont  transmises  au  condamné  par  le  quaeslor  impérial.  Tacite, 
Ann.,  U,  3.  d5,  GO.  !6,  35.  Suétone,  Ner..37.  Dom..  il.  Dion.  58,  4.  St.  R.,2, 
569  [Dr.  puùL,  4,  272J.  Gpr.  III  p.  267  n.  2. 

(3)  Nous  avons  rappelé  III  p.  23i  n.  3  que  l'exécution  populaire  n'exclut 
pas  un  jugement  préalable,  mais  le  suppose  plutôt.  Denys,  qui  cite  une 
liste  de  lois  contenant  une  clause  de  ce  genre,  ne  parle  d'un  jugement 
que  pour  la  première  d'entre  elles.  S'il  ne  relève  pas  cette  circonstance 
dans  les  autres  cas,  c'est  vraisemblabbMUcnt  parce  qu'une  telle  condi- 
tion est  évidente.  Plutarque  no  parle  de  l'exclusion  de  tout  jugement  que 
pour  les  tentatives  de  restauration  de  la  royauté  {PopL,  12)  :  xTst'vavTa  Ss 


LA    PEINE    DE    MORT  275 

est  appelée  à  appliquer,  quand  elle  le  pourra  et   le  voudra,      (935) 
la  peine  de  mort  à  une  autre  personne.  Elle  est,  pour  nous  servir 
d'une  expression  peu  précise  en  droit,  mais  commode  et  usitée, 
la  mise  hors  la  loi.  Celte   forme   d'exécution  des  jugements 
appartient  en  partie  à  cette  période  de  transition  entre  l'épo- 
que préhistorique  et  l'époque  historique,    pour  laquelle    les 
renseignements  vagues  que  nous  possédons   sont  encore   défi- 
gurés par  un  dogmatisme  juridique  fantaisiste,  et  en  partie  au 
temps  des  révolutions  où  les  formes  juridiques  disparaissent 
par  suite  des  abus.  Ce  mode    d'exécution    repose   néanmoins 
sur  une  base  juridique  sérieuse.  On  le  rencontre  dans  les  cas 
suivants  : 

a)  La  mise  hors  la  loi  a  pour  point  de  départ  la  règle  ori- 
ginaire d'après  laquelle  l'étranger  qui  n'est  pas  protégé  par 
un  traité  de  sa  patrie  avec  Rome  ne  jouit  d'aucun  droit  sur 
le  territoire  romain.  La  notion  romaine  de  délit  est  issue  de 
celte  mise  hors  la  loi.  Celle-ci  ne  s'applique  plus  dans  la  suite 
qu'aux  sujets  de  l'État  en  guerre  avec  Rome,  mais  se  main- 
tient, quoiqu'affaiblie,  jusque  dans  la  dernière  période  du 
droit  romain  (I  p.  122;  II  p.  33G.)  Les  notions  juridiques  con- 
solidées de  délit  et  de  peine  reposent  même  sur  ce  fondement. 

b)  La  mise  hors  la  loi,  en  tant  que  notion  juridique,  a  vrai- 
semblablement pour  origine  la  rupture  de  ban.  Celle-ci,  elle 
même,  est  sans  doute  apparue  dans  le  cas  ou  la  cité  romaine 
enlève  pour  des  raisons  personnelles  à  un  non  citoyen  la  pro- 
tection juridique  qui  lui  était  promise  par  un  traité  passé  entre 
Rome  et  sa  patrie  ou  qui  était  accordée  d'une  manière  géné- 
rale aux  étrangers.  Le  non  citoyen  n'est  pas  seulement  ban- 
ni, il  lui  est,  en  outre,  défendu  une  fois  pour  toutes  de  pénétrer 
de  nouveau  sur  le  territoire  romain  et  il  est  interdit  à  toute 
personne  de  l'abriter  sous  son  toit  et  de  lui  donner  de  Teau 
ou  du  feu.  Cette  procédure  a  certainement  dû  s'appliquer  aux 
étrangers    (I  p.    82)  ;    mais    les   seules    preuves   que    nous 


(tov  po-jAÔp.evov  -cypavveïv)  çôvou  xaÔapbv  âuoir.TSv,  zl  ■Kixpi'yyo:-Q  toO  àôixi^tiaTO ; 
Toùç  èXÉYxo-Jç  et  le  fait  avec  un  sans  gène  rare. 


27G  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

ayons  en  ce  sens  consistent  en  ce  que  le  citoyen  romain,  qui, 
pour  échapper  aux  conséquences  personnelles  d'une  con- 
damnation, abandonne  son  droit  de  cilé,  est  privé  dans  les 
conditions  que  nous  venons  d'indiquer  du  droit  de  revenir 
à  Rome  (I  p.  78  et  sv).  A  l'époque  postérieure,  le  citoyen  ro- 
main, expulsé  d'Italie  à  litre  de  peine  sans  privation  de 
son  droit  de  cité,  se  voit,  ainsi  que  nous  l'exposerons  à  propos 
du  bannissement,  interdire  dans  la  même  forme  le  retour  sur 
le  sol  italique.  —  Selon  toute  apparence,  le  banni  qui  enfreint 
l'interdiction  de  séjour  est  complètement  privé  de  toute  pro- 
tection juridique  à  l'instar  de  l'ennemi,  et  il  n'y  a  pour  dési- 
gner cette  sanction  qu'une  autre  expression,  c'est  que,  en 
supposant  que  l'interdiction  de  séjour  n'ait  pas  lieu  par  la 
(936)  voie  administrative,  ce  qui  est  vraisemblablement  possible  au 
regard  des  étrangers,  mais  soit  prononcée  par  un  jugement 
pénal,  celui-ci  menace  de  l'exécution  populaire  le  condamné 
lui-même  et  quiconque  lui  donnera  protection  (1).  La  rupture 
de  ban,  traitée  avec  la  plus  grande  indulgence  à  l'époque  ré- 
volutionnaire, a  été  de  nouveau  soumise  par  Auguste  à  l'an- 
tique et  rigoureuse  répression  (2),  et,  sous  le  Principal,  la  rup- 
ture de  ban,  en  cas  de  peines  graves  de  liberté,  notamment  en 
cas  de  condamnation  au  travail  des  mines  (3)  ou  à  la  dépor- 


(1)  Dans  la  loi  Clodia  contre  Cicéron  (Dion,  38,  17  :  xpta/O.io-j;  te  xai 
êTiTaxoTÎO'j;  xal  ■avnr^v.o'/z'x  CTaStoy;  itTzïp  ir,^  'Poj|jLr,v  iTtEpwpîjOïi,  xa\  itpoffexT,- 
pv/ôr,,  tv'  £■  SriTTOTî  èvrb;  a-jTwv  çavEiTi,  xai  a-jib:  xal  o'i  Û7to5£;âijLsvo'.  «-jtÔv  àvaTi 
ô'.ô'/.wvta'.  ;  cpr.  Cicéron,  De  domo,  17,  51),  on  donne  à  toute  personne  pour 
le  cas  (Je  rupture  de  l)an  la  faculté  de  tuer  sans  encourir  de  peine,  soit  le 
banni  lui-même,  soit  toute  personne  qui  lui  donne  asile.  Celui  qui  rece- 
vait le  banni  risquait  donc  sa  vie.  Cicéron  lui-même  nous  le  dit  dans  une 
lettre  Ad  Alt.,  3,  4  et  dans  son  discours  Pro  l'iancio,  41,  97  :  publicalio  bo- 
noriim,  e.vilium,  mors.  —  Cette  sanction  de  l'exil  réapparaît  chez  les  rhé- 
theurs  :  exiilem  intva  fines  deprehensum  liceat  occidere  (Quintilien,  Decl., 
24S.  296.  305.  351)  ;  exiilem  inlra  ieriniiios  liceat  occidere  (Jules  Victor,  Ars 
rhet.,  3,  15). 

(2)  Dion,  57,  27.  La  mort  de  Fannius  Caepio  (I  p,  392  n.  1)  fut  vrai- 
semblablement provoquée  par  ce  fait  que  le  conjurateur,  après  avoir  été 
condamné  à  rinlenliction.  se  rendit  coupable  d'une  rupture  de  ban  (Dion, 
51,  3;  Macrobe.  5rt/.,  l,  1!,  21  ;  Suétone,  Tib.,  8). 

(3)  Dig..  48,  19,  28,  14. 


LA   PEINE    DE    MORT  277 

talion  (1),  a  toujours  dt(5  frappée  de  la  peine  de  mort  (2).  —  Tou- 
tefois, la  faculté  de  tuer  impunément  sans  procédure  judi- 
ciaire celui  qui  enfreint  une  interdiction  de  séjour  existe  plus 
en  théorie  qu'en  pratique,  car  elle  est  inconciliable  avec  l'or- 
ganisation juridique  d'un  État  et  nous  n'avons  pas  de  preu- 
ves certaines  que  celte  mise  à  mort  soit  restée  en  pratique 
impunie.  —  La  lex  Julia  punit  comme  violence  peu  grave  le 
fait  de  donner  asile  à  une  personne  en  rupture  de  ban  (3). 

c)  Les  annales  donnent  l'exécution  populaire  comme  sanc-      i9î7) 
tion  à  plusieurs  lois  prétendues  royales  (4)  et  surtout  aux  lois 
constitutives  de  la  République,  c'est-à-dire  à  celles  qui  inter- 
disaient le  rétablissement  de  la  royauté  (5)  et  introduisaicLt 

la  provocatio  ad  populum  (6). 

d)  Pour  la  protection  juridique  des  tribuns  de  la  plèbe  et 
d'une  manière  générale  pour  la  garantie  des  droits  particu- 
liers de  la  plèbe,  on  relève  avec  une  insistance  spéciale  que 
les  lois  qui  les  concernent  sont  corroborées  par  la  possibilité 


(1)  Dig.,  48,  19,4.  1.  28,  d3. 

(2)  Pour  les  peines  moins  graves  qui  sont  parfois  infligées  dans  ce  cas, 
cpr.  la  Section  du  bannissement.  —  Les  non-citoyens  encourent  en  cas 
de  rupture  de  ban  la  perte  de  la  liberté  ;  il  en  est  ainsi  d'après  la  loi 
Aelia  Sentia  pour  l'affranchi  déditice  qui  est  rencontré  à  Rome  ou  dans 
un  rayon  de  100  milles  autour  de  Rome  (Gaius,  1,  27).  et,  d'après  une  cons- 
titution de  Tibère,  pour  le  juif  expulsé  de  Rome  (Suétone,  Tib.,  36  :  sub 
poena  perpetuae  servitutis,  7iisi  obtempérassent). 

(3)  Paul,  5,  26,  3  :  lege  Julia  de  vi  privata  tenetur,  qui...  eum  oui  aqua  et 
igni  interdictum  est  receperit  celaverit  tenuerit.  Auguste  sévit  rigoureuse- 
ment contre  les  complices  de  la  rupture  do  ban  (Dion,  57,  27).  Volnsianus. 
préfet  de  la  ville  en  421  (Il  p.  321  n.  1),  menace  de  la  proscriptio,  c'est- 
à-dire  de  la  confiscation  du  patrimoine,  celui  qui  donne  abri  à  un  héréti- 
que, partisan  de  Gélestius. 

(4)  Denys  (II  p.  268  n.  1)  mentionne  expressément  l'application  de  cette 
exécution  pour  le  cas  de  violation  des  devoirs  du  patronat  et  2,  74  pour 
le  cas  de  déplacement  d'une  borne  :  Upov  8k  âvo[io9éTyi<Tev  eTvao  toO  ôsoy  tôv 
TO'jTwv  Tt  5(aitpa|âaevov,  t'va  tw  pou).o|iîV(i)  xiscveiv  aùxàv  w;  '.epôaviXov  v]  te 
à(7:pâ),£ia  xa'i  to  xaÔapw  [j.t(iiT[j.aTOi:  eîvat  irpoo-yj. 

(5)  Denys,  5,  19  :  ôàvaxov  èthOîI;  '^[A'a'^  êàv  ti?  Ttapà  Taûra  TtoiTJ  xa\  tôv  aito- 
xTEÎvavxa  TO'JTWV  xivà  irotâ)v  à6fpov.  Tite-Live,  2,  8,  ne  parle  que  de  la  sacratio 
de  la  maison  et  du  patrimoine. 

(6)  Tite-Live,  3,  55  :  eum  jus  fasque  esset  occidi  neve  ea  caedes  capifalis 
noxae  haberetur.  Denys,  5,  20  :  tôv  Se  Ttapà  TaÛTa  Tt  noteïv  êTttxeipoOvTa  vyiTo;v\ 
TEÔvâvat. 


278  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

de  l'exécution  populaire  (1).  Cela  est  assez  compréhensible; 
car  l'exécution  légale  dirigée  par  le  magistrat  n'était  pas  pos- 
sible au  regard  de  prescriptions  qui  avaient  à  vrai  dire  un 
caractère  révolutionnaire  et  l'exécution  par  les  tribuns,  déjà 
mentionnée  et  qui  n'avait  qu'un  caractère  privé,  aurait  été 
inefficace  sans  cet  appel  au  concours  des  plébéiens.  Au  cours 
des  luîtes  des  patriciens  et  des  plébéiens  que  les  annales  n'ont 
sans  doute  pas  pu  nous  décrire  dans  toute  leur  violence,  on  a 
dû  recourir  à  cette  exécution;  mais  les  documents  ne  nous 
fournissent  aucune  preuve  en  ce  sens.  Toute  atteinte  à  la  per- 
sonne du  tribun  de  la  plèbe  est  réprimée  par  l'otfensé  lui- 
même  ou  par  son  collègue  ;  ni  les  légendes,  ni  les  récits  his- 
toriques ne  nous  rapportent  qu'un  particulier  soit  intervenu 
dans  cette  répression. 

e)  Il  faut  admettre  que  dans  le  cours  ordinaire  de  la  procé- 
dure pénale  relevant  des  magistrats  et  des  comices  le  magis- 
trat qui  dirige  le  procès  a  le  droit  de  prononcer  une  sentence 
(938)  capitale,  même  si  l'accusé  ne  se  trouve  pas  en  sa  puissance 
(p.  390  et  sv.),  bien  qu'on  ait  certainement  évité  autant  que 
possible  d'ouvrir  un  procès  capital  contre  un  absent.  Mais 
l'exécution  d'une  pareille  sentence  capitale  est  subordonnée 
à  l'arrestation  du  condamné  ;  nous  n'avons  aucune  preuve  que 
le  magistrat  ait  eu  alors  le  droit  d'appeler  les  citoyens  à  une 
exécution  populaire,  ce  qui  n'aurait  d'ailleurs  eu  aucun  ré- 
sultat pratique  sans  une  promesse  de  prime  pour  ceux  qui  au- 
raient tué  le  condamné. 

/)  Cette  exécution  se  rencontre  encore  pour  les  condamna- 

(1)  D'après  Tite-Live,  loc.  cit.,  celui  qui  portait  atteinte  au  caractère 
sacrosaint  du  tribun  de  la  plèbe  était  frappé  d'une  part  par  une  loi  consu- 
laire :  ejus  capul  Jovi  sacrum  esset,  familia  ad  aedem  Cereris  Liberi  Liberae- 
que  venum  iret,  d'autre  part  par  un  plébiscite  qui  prescrivait  la  répres- 
sion tergo  ac  capite.  Donys,  6,  89  parle  de  l'exécution  populaire  :  âàv  6à  ti; 
Twv  àiî-riYopE'Jixévwv  rt  iroir^ary  È^âytcrToç  ïaxui  xal  xà  ■/pr,jji,aTa  aùtoO  Ar,[ir,Tpoç 
Izrtà  xal  ô  xTEtva?  xtvà  tojv  xaOr'  e'.pYaaixévwv  çôvou  xaôapô;  ëctw.  Il  répète  la 
même  chose,  7,  17,  par  rapport  au  droit  des  tribuns  de  parler  au  peuple. 
Dion,  vol.  1,  p.  49,  13oiss.  rr  Zon.,  7,  15  :  tô  Ispov  elvai  iizo\u>'kh(Xi  y)V  oûtw 
■yip  xal  uôtv  wfntsp  xt  OCjia  eî;  afOLyr^"/  xaÔiepcôOï),  wvôfiacTTo.  Cicéron,  Pro  Balb,, 
4,  33.  Pro  TuUio,  47.  Macrobe,  Sat.,  3,  2,  5. 


LA   PEINE    DE   MORT  279 

lions  à  mort  prononcées  par  les  magistratures  postérieures  sous- 
traites à  la  provocation,  c'est-à-dire  pour  les  proscriptions  de  Sylla 
et  pour  celles  des  triumvirs,  ainsi  que  pour  les  mises  hors  la 
loi  de  la  procédure  martiale  des  consuls  et  du  sénat  (l  p.  299). 
Mais  le  caractère  de  ces  actes  et  l'absence  de  terme  technique 
pour  désigner  la  mise  hors  la  loi-(i)  excluent  ces  procédures 
du  droit  pénal  ordinaire,  rsaturellement,  ces  condamnations 
à  mort  étaient  considérées  par  leurs  auteurs  comme  ayant 
autorilé  de  chose  jugée  et  les  peines  accessoires,  notamment 
la  confiscation  partielle  ou  même  totale  du  patrimoine,  qui  se 
rattachaient  à  ces  condamnations,  étaient  infligées  (2). 


D'après  les  usages  de  l'époque  républicaine,  l'application  de 
la  condamnation  à  mort  aux  hommes  est.  quelle  que  soit  la 
forme  d'exécution,  précédée  de  la  flagellation,  et  celle-ci  est 
juridiquement  comprise  dans  la  condamnation  à  mort.  Tel  est 
le  régime  que  suppose  la  loi  sur  la  provocation  (3)  et  que  nous 
avons  exposé  dans  différents  paragraphes  précédents.  Cotte 
flagellation  dépend  quant  à  ses  modalités  du  magistrat  qui      (939) 


(1)  Le  droit  pénal  ordinaire  des  Romains  n'a  pas  de  terme  technique 
pour  désigner  la  mise  hors  la  loi.  Proscribere,  à  la  différence  du  mot  grec 
èxxrifjTTE'.v  (I  p.  301  n.  1),  n'a  pas  par  lui-même  cette  signification;  car  il 
peut  être  employé  pour  tout  avis  public,  La  proscriplio  homiiiis  (Cicéron, 
Pi-o  Sex.  Rosrio,  6,  16)  —  ce  que  les  historiens  appellent  d'hai)itude  sim- 
plement proscriplio  —  est  devenue  depuis  Sylla  un  terme  d'épouvante, 
mais  non  une  expression  juridique.  Dans  la  langue  du  droit,  proscriplio 
tout  court  désigne  ordinairement  la  proscriplio  bonorum,  c'est-à-dire  la 
faillite  ou  encore  la  confiscation  du  patrimoine,  et  non  la  mise  hors  la  loi, 

(2)  La  législation  de  Sylla  interdisait  même  de  donner  un  appui  quel- 
conque {iuvare)  aux  proscrits  (Cicéron,  Verr.,  1.  1,  47,  123). 

(3)  Nous  avons  parlé  I  p.  4G  n.  1  de  l'expression  necare  et  verberare 
des  lois  sur  la  provocation.  Chez  Salluste,  Cal.,  52,  22,  César  objecte  à 
Cicéron  à  l'occasion  de  l'exécution  des  partisans  de  Catilina  :  quam  oh 
rem  in  senlentiam  non  addidisli,  uti  prias  verieribus  in  eos  animadverleretur? 
an  quia  lex  Porcia  velal?  La  condamnation  à  mort  formelle  doit  embrasser 
la  correction  et  cette  disposition  est  naturellement  soustraite  aux  res- 
trictions légales  de  la  coercition;  c'est  donc  par  une  amére  ironie  que 
César  reproche  à  Cicéron  d'avoir  violé  la  loi  pour  l'exécution  capitale, 
tandis  qu'il  la  respectait  pour  la  correction. 


280  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

dirige  l'exécution,  elle  peut  être  prolongée  jusqu'à  la  mort  du 
condamné  (111  p.  257  n.  2).  Elle  ne  s'étend  ni  à  l'exécution  des 
femmes  (III  p.  207  n.  1),  ni  à  l'exécution  militaire,  ni  d'une 
manière  générale  aux  modes  d'application  de  la  peine  de  mort 
qui  ne  sont  apparus  que  tardivement.  —  D'autres  tourments 
ont  été  assez  souvent  infligés,  notamment  dans  les  exécutions 
d'esclaves;  mais,  à  notre  connaissance,  cela  n'a  eu  ordinai- 
rement lieu  qu'en  vertu  de  l'arbitraire  de  bourreaux  d'un 
grade  plus  ou  moins  élevé  (1).  Ces  tourments  n'ont  été  que 
rarement  et  tardivement  appliqués  en  vertu  d'une  prescrip- 
tion légale  (2)  ;  aussi  pouvons-nous  nous  dispenser  de  les  ex- 
poser ici.  —  Quant  aux  peines  accessoires  qui  se  lient  fré- 
quemment à  la  condamnation  à  mort,,  comme  la  privation  de 
sépulture,  le  déshonneur  de  la  mémoire,  la  confiscation  du  pa- 
trimoine, nous  en  parlerons  dans  les  Sections  qui  les  concer- 
nent. 


Histoire  Si,  après  avoir  exposé  cette  diversité  un  peu  compliquée  de 

fie  mortlhlz  formes  d'exécution  en  elles-mêmes  indifl'érentes,  nous  tenions 
les  Romain?,  ^q  retraccr  à  grands  traits  l'histoire  de  la  peine  de  mort  chez 
les  Romains,  nous  devons,  pour  obtenir  une  vue  d'ensemble 
nette,  faire  abstraction  de  la  coercition  capitale  du  droit  de  la 
guerre  et  de  celle  des  magistrats  de  la  République  sur  le  non 
citoyen.  Le  pouvoir  répressif  capital,  reconnu  par  les  lois  ro- 
maines, n'appartient  par  conséquent  à  l'époque  républicaine 
qu'aux  tribunaux  de  la  capitale  et  peut-être  aussi  à  ceux  des 
villes  de  citoyens.  Il  se  rencontre  en  outre  sous  le  Principal 


(1)  Cicéron,  Verr.,  5,  6,  14  :  verhera  atque  ignés  et  illa  extrerna  ad  suppli- 
cium  damnatorum ,  metum  ceterorum,  et  cniciatus  et  cni.v.  Voir  l'exécution 
de  Marius  Gratidianus  à  l'époque  de  Sylla  (Salluste,  Hist.,  1,  44,  Maur.). 
Il  est  souvent  'question  de  piqûres,  de  brûlures,  d'empalements  et  d'au- 
tres tourments.  Plante,  Most.,  5j.  Cicéron,  Vcrr,,  5,  5,  6.  Sénéque,  Ad  Mar- 
ciam,  20,  3.  Ep.,  14,  .'i.  101,  12.  Tacite,  Ann.,  3,  50.  Eusèbe,  //.  e.,  8,  12. 

(2)  Constantin  le  Grand  s'est  permis  de  prescrire  des  tourments  de  ce 
genre  :  c'est  ainsi  (ju'il  ordonnait  d'arracher  la  lanf,'ue  du  délateur  avant 
de  l'exécuter  (C.  Th.,  10,  10,  2),  et  de  verser  du  plomb  fondu  dans  la  bou- 
che du  ravisseur  (C.  Th.,  9,  24,  1). 


LA    PEINE    DE    MORT  281 

dans  les  tribunaux  souverains,  c'esl-à-dire  dans  celui  de  rcm- 
pereur  et  des  délégués  impériaux  et  dans  celui  du  consul  et  du 
sénat.  Il  compète  également  à  cette  époque  aux  tribunaux  des 
gouverneurs  de  province. 

Si  l'on  nous  autorise  à  émettre  des  conjectures  sur  les  com- 
mencements de  celte  histoire,  il  -nous  semble  qu'originaire- 
ment le  droit  pénal  public  ne  connaissait  qu'un  délit,  le  dom-  (940) 
mage  causé  à  la  communauté  ou  perduellion,  et  qu'une  peine, 
la  mort  du  coupable,  qui  dépendait  de  l'arbitraire  du  chef  de  la 
communauté,  mais  qui  pouvait  être  remise  par  le  peuple  à 
titre  de  grâce,  si  le  roi  y  consentait.  Le  droit  privé  était  do- 
miné à  celte  époque  par  l'idée  de  vengeance  sanglante  et  l'Etat 
n'intervenait  ici  qu'en  cas  de  meurtre,  de  vol  et  d'autres 
atteintes  du  même  genre  commises  par  un  citoyen  au  regard 
d'un  autre  citoyen  pour  tenter  une  médiation  par  l'intermé- 
diaire du  magistrat.  Celui-ci,  suivant  les  circonstances,  con- 
seillait à  la  victime  de  renoncer  à  la  vengeance  moyennant  une 
composition  équitable  ou  lui  donnait,  ainsi  qu'aux  membres  de 
sa  gens,  la  faculté  de  se  livrer  à  des  représailles  par  voie  de 
justice  privée. 

La  limitation  la  plus  ancienne  de  la  justice  capitale  publique 
consiste  dans  la  transformation  do  la  provocation  facultative 
en  provocation  obligatoire,,  c'est-à-dire  dans  l'obligation  impo- 
sée légalement  au  chef  do  la  communauté  de  permettre  au 
citoyen  condamné  à  mort  de  faire  appel  au  peuple,  ou,  ce  qui 
est  la  même  chose,  dans  cette  restriction  des  pouvoirs  de  la 
magistrature,  d'après  laquelle  il  faut  pour  la  condamnation 
capitale  la  confirmation  du  peuple  dans  ses  comices  (1).  Quant 
à  la  justice  capitale  privée,  d'une  part,  les  cas  dans  lesquels 


(1)  C'est  à  celte  restriction  que  Cicéron,  Pro  Rab.  ad  pop.,  8,  10,  fait  al- 
lusion :  {majores  7iosfri)  e.rpuhis  regibus  nullum  in  Uhero  populo  vestigium 
crudelilatis  regiae  relinuenmt.  La  remarque  de  Tite-Live,  i,  28  :  gloriari 
licet  nulli  qentium  mitiores  placuisse  poenas  vise  surtout  l'exécution  cruelle 
de  Mettius  Fufetius  par  le  roi  Tullus  et  on  peut  en  admettre  la  justesse, 
lorsqu'on  considère  que  la  législation  romaine  s'est  contentée  de  quelques 
formes  anciennes  d'exécution  et  s'est  abstenue  d'inventions  ingénieuses 
en  matière  de  tourments. 


282  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

elle  était  judiciairement  admise  fureut  peu  à  peu  restreints^ 
et,  d'autre  part,  la  sentence  arbitrale  du  magistrat  tendant  à 
faire  accepter  une  composition  par  la  victime  prit  de  plus  eu 
plus  le  caractère  d'une  sentence  judiciaire  obligatoire  pour  le 
demandeur. 

La  loi  des  XII  Tables  n'a  nullement  tenté  de  définir  formel- 
lement la  notion  fondamentale  de  tort  causé  à  la  communauté 
et  la  notion  de  crime  d'État  est  toujours  restée  aussi  peu  dé- 
limitée qu'elle  l'avait  été  au  début.  Mais  les  limites  qui  sépa- 
raient originairement  la  justice  capitale  publique  et  la  justice 
capitale  privée  avaient  déjà  été  déplacées  avant  cette  loi  ou  du 
moins  le  furent  par  elle.  En  effet,  le  meurtre,  l'incendie  vo- 
lontaire, le  vol  de  moisson,  la  cbauson  diffamatoire  et  quel- 
(941)  ques  autres  torts  peu  nombreux  qui  atteignent  principalement 
le  citoyen  en  tant  qu'individu  (1)  passèrent  de  la  catégorie  des 
délits  privés  dans  celle  des  délits  publics  et  disparurent  par 
conséquent  du  domaine  de  la  justice  capitale  privée,  ce  qui 
aboutit  en  substance  à  la  suppression  de  la  vengeance  san- 
glante. La  mort  reste  toujours  la  seule  peine  légale  de  la  pro- 
cédure publique.  Mais  celte  peine  perd,  soit  en  vertu  de  la  loi 
des  XII  Tables  elle-môrac,  soit  en  vertu  de  l'application  posté- 
rieure de  celte  loi,  le  caractère  obligatoire  qu'elle  avait  au 
début  même  pour  le  magistrat,  et  celui-ci  reçoit  ou  prend, 
vraisemblablement  sous  l'influence  de  l'extension  du  pouvoir 
répressif  aux  cliefs  de  la  plèbe,  la  faculté  de  condamner  à  une 
amende  au  lieu  de  prononcer  la  peine  de  mort  prescrite  [)ar 
la  loi. 

Le  droit  pénal  privé  de  la  loi  des  XII  Tables  a  dû  fixer  les 
délits  privés  pour  lesquels  la  peine  de  mort  pourrait  être  pro- 
noncée par  une  sentence  judiciaire  et  en  a  vraisemblablement 
restreint  l'application  à  ces  cas.  Cette  peine  subsiste  pour  le  vol 


(1)  Gicéron,/)(?  rep.,  4,  12  =r  Augustin,  Civ,  ciel.,  2,  9,  relève  l'application 
de  la  peine  de  mort  au  chant  diffumatoire  :  iiosirae  duodecim  tabulae  cum 
perpaucas  res  capile  sanxisnent.  Les  Homains  se  sont  montrés  d'une  rare 
humanité  dans  la  répression  des  crimes  contre  la  propriété. 


LA  PEINE   DE    MORT  283 

manifeste  et  le  faux  témoignage,  mais  n'a  probablement  pas 
tardé  à  être  supprimé  dans  ces  cas  par  l'effet  de  la  loi  ou  de 
la  coutume.  Depuis  lors,  la  procédure  capitale  a  disparu  du 
domaine  des  délits  privés  et  n'y  a  jamais  été  rétablie.  L'idée 
de  rançon  qui  de  tout  temps  avait  joué  un  rôle  important  dans 
le  système  des  délits  privés  finit  par  le  dominer  exclusivement  ; 
désormais,  la  règle  de  la  composition  obligatoire  s'applique  à 
tous  ces  délits,  avec  cette  seule  réserve  qu'elle  est  remplacée 
pour  les  plus  pauvres  par  la  servitude  pour  dettes. 

La  République  romaine  n'a  jamais  formellement  aboli  la 
peine  de  mort.  Après  l'époque  des  Graçques,  on  prononce  et 
exécute  encore  des  condamnations  à  mort  en  cas  de  meurtre 
d'un  proche.  Même  dans  les  derniers  temps  de  la  République, 
le  magistrat  a  pu,  en  cas  de  crime  d'Etat,  condamner  à  mort  et 
appliquer  la  peine  après  confirmation  de  sa  sentence  par  les 
comices.  Néanmoins,  le  dernier  siècle  do  la  République  est  en- 
tièrement dominé  par  un  mouvement  vers  la  suppression  de  la 
peine  de  mort  et  les  lois  ont  en  principe  réalisé  cette  réforme 
en  pratique  (1).  Deux  institutions  ont  principalement  contribué 
à  ce  résultat,  ce  sont  le  bannissement  volontaire  ou  exil  et  la 
procédure  des  quaestiones. 

Celui  qui  accusé  d'un  crime  capital  s'exile  avant  la  condam-  (942) 
nation  n'a  aucun  droit  à  un  adoucissement  de  peine  (I  p.  81), 
mais  de  bonne  heure  l'assemblée  du  peuple,  peu  favorable  à 
une  application  rigoureuse  de  la  peine  de  mort  légale,  s'est 
contentée,  lorsqu'on  lui  dénonçait  cette  punition  spontanée, 
d'interdire  à  l'exilé  le  retour  dans  sa  patrie  (I  p.  82). 

La  quaestio,  c'est-à-dire  ici  le  renvoi  en  vertu  d'une  loi 
spéciale  ou  générale  à  la  décision  soit  d'un  unus  judex,  soit 
d'un  collège  de  jurés,  d'un  délit  qui  d'après  le  droit  pénal  pu- 
blic est  capital,  n'exclut  pas  la  possibilité  d'une  condamnation 
à  mort.  Des  arrêts  de  ce  genre  ont  été  rendus  par  les  qiiaesi- 


(1)  Cicéron  {Pro  Rab.  ad  pop.,  3,  10)  dans  une  apostrophe  aux  Quirites' 
qualifie  les  auteurs  de  ces  lois  de  viri  fortes,  qui  vestram  libertatem  non 
acerbitate  suppliciorum  infestam,   sed  lenitale  legum  munitam  esse  voluerunt. 


284  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

tores  nommes  par  une  loi  spéciale  (I  p.  233)  et  la  qiiaestio 
permanente  pour  meurtre  a  encore  dans  le  droit  de  Sylla  pro- 
noncé une  sentence  de  mort  contre  le  meurtrier  d'un  proche. 
Mais  les  plus  anciennes  et  les  plus  importantes  de  ces  cours 
judiciaires  permanentes  sont  issues  de  la  procédure  privée  et 
lui  ont  emprunté  leurs  règles.  11  est  vraisemblable  que  celte 
catégorie  de  tribunaux  n'a  jamais  infligé  de  peine  supérieure 
à  l'interdiction  et  n'a  par  conséquent  jamais  condamné  à  mort, 
si  nous  exceptons  le  cas  de  meurtre  d'un  proche.  D'ailleurs, 
vingt  ans  après  Sylla,  Pompée  a  aboli  ici  la  peine  de  mort 
(II  p.  3Gi).  Le  maintien,  tout  au  moins  apparent,  de  la  peine 
de  mort  pour  le  crime  d'Etat  est  dû  à  la  persistance  de  la  pro- 
cédure publique  à  côté  de  celle  du  jury  et  aux  efl'orls  faits, 
sans  résultat  il  est  vrai,  pendant  les  dernières  années  de  la 
République  pour  obtenir  des  condamnations  à  mort  au  moyen 
de  cette  ancienne  procédure. 

Sous  la  dictature  de  César  au  début  du  Principat.  la  peine  de 
mort  qui  avait  presque  complètement  disparu  de  la  législa- 
tion n'y  fat  pas  rétablie;  l'œuvre  de  relèvement  des  peines 
qui  s'accomplit  déjà  à  celte  époque  ne  s'élendit  pas  jusqu'à 
elle.   Pendant  celle   période,  les  tribunaux  ordinaires  n'ont 
môme  pas  condamné  à  mort  en  cas  de  crime  de  lèse-majesté 
et  de  meurtre.  Mais,  sous  Auguste,  la  peine  de  mort  réapparut 
dans  la  pratique  judiciaire.  La  justice  capitale  des  magistrats 
et  des  comices,  dont  l'application  à  la  fin  de  la  République  dans 
le  procès  de  Rabirius  se  présente  à  nous  comme  la  lubie  d'un 
archéologue  démocrate,  a  repris  vie  d'une  façon  terrible  à  la 
suite  de  son  transfert  aux  tribunaux  souverains  du  Principat, 
c'est-à-dire  à  la  cour  consulaire-sénatoriale  et  à  l'empereur 
ainsi  qu'à  ses  délégués.  A  cette  époque,  les  tribunaux  ordinai- 
res de  la  capitale  n'ont  peut-être  même  pas  eu  le  droit  de  vie 
et  de  mort  sur  les  citoyens  romains  (I  p.  255),  en  tout  cas 
ils  ne  l'ont  pas  exercé  dans  une  mesure  importante.  Par  con- 
tre, les  condamnalions  à  mort  de  la  cour  consulaire-sénatoriale 
(9 '1-3)      remplissent  les  Annales,  notamment  au  premier  siècle  de  l'Em" 
pire,  et  il  suffît  de  rappeler  a  côté  d'elles  les  procès  capitaux 


LA   PEINE    DE   MORT  285 

devant  le  PréTet  de  la  Ville,  la  délégation  du  jus  gladii  de 
l'empereur  aux  gouverneurs  de  province  et  l'envoi  des  citoyens 
romains  des  provinces  vers  la  capitale  pour  y  subir  devant 
l'empereur  une  instance  capitale.  Il  ne  faut  d'ailleurs  pas 
perdre  ici  de  vue  que,  lorsqu'il  ne  s'agit  pas  de  procès  poli- 
tiques ou  de  procès  contre  des  petites  gens,  —  pour  ces  der- 
nières on  peut  comparer  la  dernière  Section  du  présent  Livre 
—  la  tendance  générale  du  gouvernement  est  de  ne  pas  frap- 
per de  mort  les  citoyens  romains  des  classes  élevées.  Hadrien 
dit  encore  qu'une  pareille  peine  n'est  possible  à  leur  égard 
qu'en  cas  de  meurtre  d'un  proche  (1). 

Si  la  procédure  capitale  contre  le  citoyen  romain  est  plus 
ou  moins  exceptionnelle  pendant  les  deux  premiers  siècles 
de  l'Empire,  nous  voyons  au  contraire  qu'après  Antonin  le 
Pieux  (2)  et  avant  Alexandre  Sévère  (3),  peut-être  sous  Septime 
Sévère,  la  peine  de  mort  est  devenue  la  répression  ordinaire 
non  seulement  du  crime  de  lèse-majesté,  mais  encore  de  tous 
les  crimes  graves.  Depuis  lors,  le  droit  romain  a  rapidement 
accentué  son  évolution  en  ce  sens.  La  menace  de  la  peine 
de  mort  devint  de  plus  en  plus  fréquente  et  s'étendit  à  des 
délits  de  moins  en  moins  graves,  les  formes  de  l'exécution 
allèrent  toujours  s'aggravant  et  le  magistrat  statua  de  plus  en 
plus  arbitrairement  suivant  les  cas  concrets.  Les  dispositions 
pénales  des  lois  furent  à  cet  égard  si  diverses,  si  variables  et 
si  contradictoires  et  leur  inégalité  fut  encore  certainement  si 
fortement  accrue  par  la  pratique  judiciaire,  expressément  sous- 
traite à  l'obligation  d'appliquer  les  peines  fixées  par  les  lois  (4)^ 


(1)  Venuleius  Saturninus  (vers  l'époque  de  Marc  Aurcle),  Diq.,  48,  19, 
15  :  divus  Hadrianus  eos,  qui  in  numéro  decurioniim  essenl  (c'est-à-dire  qui 
appartiennent  à  la  dernière  catégorie  des  personnes  de  condition)  capite 
puniri  prohibnil,  nisi  si  qui  parenlem  occidisserit  :  verum  pocna  legis  Corneliae 
puniendos  mandat is  plenissime  eau t uni  est. 

(2)  Gains,  1,  128  :  ex  lege  ComeUaaqua  et  iqni  inlerdicilur. 

(3)  Paul.  5,  23,  1  :  lex  Comelia  poenam  deportationis  inftigit...  quae...  faci- 
nora...  poena  capitis  vindicari  placuil.  5,  29,  i  :  leqe  Julia  majeslutls...  antea 
in  perpeluum  aquaet  iqni  iulerdicebalur,  nunc  vero...  capite  puniuntur. 

(4)  Cpr.  la  dernière  Section  du  présent  Livre. 


286  DROIT  PÉNAL  ROMAIN 

que  nous  nous  abstenons  de  les  exposer  ici  en  détail  ;  nous  en 
donnons  un  certain  aperçu  d'ensemble  dans  la  dernière 
Section  du  présent  Livre. 

Quant  à  l'application  de  la  procédure  capitale  au  non  citoyen, 
le  droit  pénal  ne  nous  donne  sur  elle  que  peu  de  renseigne- 
ments. Sous  la  République,  la  juridiction  pénale  ordinaire  sur 
le  non  citoyen  est  exercée  par  les  tribunaux  de  sa  localité; 
toute  intervention  des  magistrats  romains  contre  ces  personnes, 
soit  à  raison  d'un  délit  commis  contre  l'Etat  romain,  soit  pour 
(944)  d'autres  causes  (I  p.  279),  est  une  mesure  arbitraire  pour 
laquelle  le  droit  romain  n'offre  pas  de  règle  directrice  et  contre 
laquelle  l'État  romain  ne  fournit  guère  de  remède.  Cet  état  de 
choses  se  modiOe  et  s'améliore  sous  le  Principat:  les  autorités 
locales  perdent  bientôt  et  en  général  leur  droit  de  vie  et  de 
mort  (I  p.  140  et  p.  277);  la  juridiction  des  gouverneurs  de 
province  qui  se  substitue  à  la  leur  s'exerce  sous  un  certain 
contrôle  du  gouvernementet  s'inspire  des  règles  posées  pour  les 
tribunaux  de  Rome,  elle  suit  ainsi  dans  une  certaine  mesure 
les  règles  en  vigueur  pour  les  citoyens  ;  enfin  le  droit  de  cité 
romaine  se  transforme  en  fait  en  un  droit  d'appartenance  à 
l'empire.  Mais  les  actions  pénales,  intentées  en  Bithynie,  en 
Gaule  et  en  Afrique  contre  les  non  citoyens  accusés  de  christia- 
nisme, nous  montrent  dans  quelle  mesure  cette  procédure  pé- 
nale était  encore  arbitraire  (I  p.  278). 


SECTION   m  (945) 


PERTE   DE    LA   LIBERTE 


La  perte  de  la  liberté,  la  transformation  du  citoyen  romain  Privation 
en  esclave,  est  une  peine  qui  apparaît  dans  le  droit  public  de  au  nom  de  u 
la  République  romaine  pour  les  torts  graves  vis-à-vis  do  la  communauié. 
communauté,  notamment  pour  les  manquements  à  l'obligation 
de  fournir  le  service  militaire  et  aux  règles  sur  les  légations 
internationales,  mais  la  répression  qui  a  lieu  dans  ces  cas  n'ap 
partient  pas  au  droit  pénal,  elle  est  une  application  du  pouvoir 
de  coercition  des  magistrats,  comme  nous  l'avons  déjà  mon- 
tré plus  haut  (I  p.  47  et  sv.),  et,  dans  cette  procédure  cù 
la  liberté  du  magistrat  n'est  pas  en  général  liée  par  une  fixa- 
tion légale  des  peines,  elle  se  présente,  semble-t-il,  non  comme 
une  punition  principale,  mais  comme  une  répression  qui  se 
substitue  à  titre  d'adoucissement  à  la  peinede  mort.  Lorsqu'une 
personne  passe  de  cette  manière  dans  la  propriété  de  l'Etat, 
celui-ci,  pour  éviter  que  l'homme  autrefois  libre  vive  comme 
esclave  dans  la  cité,  a  coutume  de  le  vendre  à  l'étranger;  en 
cas  de  crime  international,  la  communauté  transfère  directe- 
ment le  coupable  à  l'Etat  lésé.  La  privation  de  liberté  n'étant 
jamais,  dans  la  procédure  publique  relevant  des  magistrats  et 
des  comices,  prononcée  même  à  titre  d'atténuation  de  la  peine 
capitale,  et  les  cas  de  coercition  dans  lesquels  cette  peine  ap- 
paraît ne  pouvant  à  l'époque  du  plein  épanouissement  de  la 
République  être  considérés  comme  des  applications  de  la  jiiri- 


288  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

diction,  les  Romains  avaient  le  droit  de  dire  que  la  liberté  ne 
pouvait  pas  être  perdue  par  l'effet  d'une  sentence  judiciaire  (1). 
Privation  Le  droit  pénal  privé  a  au  contraire  admis  la  perle  de  liberté 
2  droii^r^vé.  comme  peine  proprement  dite,  il  a  attribué  en  pleine  propriété 
à  la  victime  l'homme  libre  convaincu  de  vol  (111  p.  55  n.  2). 
(946)  Le  volé  n'est  nullement  obligé  de  se  dépouiller  du  voleur  en  le 
vendant  à  l'étranger,  la  communauté  peut  prescrire  cette  alié- 
nation pour  ses  propres  esclaves,  elle  n'a  pas  la  faculté  de  le 
faire  pour  ceux  du  citoyen.  La  loi  des  XII  tables  n'admet  plus 
ce  droit  de  la  victime  de  réduire  le  coupable  en  esclavage 
qu'au  regard  du  voleur  pris  en  flagrant  délit  (III  p.  55  n.  2). 
Mais  la  conscience  que  les  Romains  avaient  de  leur  dignité  devait 
s'opposer  à  ce  qu'on  laissât  subsister  au  profit  de  la  commu- 
nauté le  droit  de  priver  le  citoyen  de  sa  liberté  même  en  cas 
de  délit  prouvé  et  le  cas  de  vol  manifeste  fut  rangé  de  bonne 
heure  sous  la  République  parmi  ceux  qui  donnaient  lieu  à  une 
composition  obligatoire.  La  perle  de  la  liberté  fut  ainsi  dé- 
finitivement bannie  du  droit  pénal  (2).  —  Sans  doute,  même 
postérieurement  à  celte  réforme,  l'impossibilité  de  payer  la 
composition  euivàinQ  l'addictio  du  coupable;  mais  la  servitude 
qui  atteint  le  débiteur  insolvable  ne  se  fonde  pas  sur  le  délit 
et  n'est  pas  une  peine,  elle  est  une  suspension  temporaire  de 
l'indépendance  de   la  personne    qui  peut  prendre  fin  à   tout 


(1)  L'exposé  de  Gicéron  (Pro  Caec,  34)  est  sophistique  ;  car  l'orateur 
romain,  après  avoir  mentionné  le  pouvoir  d'enlever  la  liberté  par  voie 
de  coercition,  s'elïorce  de  le  réduire  à  rien. 

(2)  Les  interprètes  de  la  loi  des  XII  Tables  eux-mêmes  sont  entrés  dans 
cette  voie;  ils  ont  con^u  l'attribution  du  voleur  pris  en  flagrant  délit  non 
comme  une  addiction  en  esclavage,  mais  comme  une  addiction  en  servi- 
tude pour  dettes  :  ulrum  servus  efficcreluv  ex  addiclione,  dit  Gains,  3,  189, 
an  adjudicali  loco  conslitucrelur,  vrleres  quaerebant  (III  p.  55;.  Cette  dernière 
conception  est  juridiquement  impossible  ;  la  servitude  pour  dettes  suppose 
une  obligation  judiciairement  établie  et  liquidée  dont  l'exécution  libère 
le  débiteur  ;  une  pareille  obligation  ne  se  rencontre  pas  dans  la  loi  des 
XII  Tables  pour  le  furlum  manifeslum.  Cette  conception  s'est  fait  jour 
sous  l'empire  des  mêmes  préoccupations  qui  poussent  Cicéron  (III  p.  288 
n.  i)  à  affirmer  que  non  seulement  la  liberté  ne  peut  être  perdue  à  son 
époque,  mais  qu'une  pareille  impossibilité  a  été  proclamée  de  tout  temps 
par  les  lois  républicaines. 


PERTE    DE    LA   LIBERTÉ  289 

moment  par  l'accomplissement  de  l'obligation  ;  elle  n'est  pas 
une  perte  de  liberté. 

Les  explications  qui  précèdent  s'appliquent  au  Romain  qui  Réduction 
jouit  de  la  pleine  liberté.  L'affranchi  n'a  été  assimilé  que  peu  ea  esclavage. 
à  peu  et  toujours  avec  certaines  -restrictions  à  l'ingénu  (1). 
L'affranchissement  imparfait  —  et  au  début  tout  affranchisse- 
ment est  nécessairement  imparfait  —  est  essentiellement  ré- 
vocable. Ce  caractère  ne  se  rencontre  pas  dans  l'affranchisse- 
ment postérieur,  consolidé  quant  à  ses  effets  et  formellement 
reconnu  comme  pleinement  valable;  mais  même  ici  la  réduc- 
tion de  l'affranchi  en  esclavage  n'est  pas  aussi  absolument 
impossible  que  la  transformation  d'un  ingénu  en  esclave.  A 
vrai  dire,  nous  n'avons  pour  l'époque  républicaine  aucun  té- 
moignage qui  nous  montre  la  révocation  d'un  tel  affranchisse- 
ment; mais  il  est  vraisemblable  que  les  dispositions  du  Prin- 
cipaf,  menaçant,  comme  nous  l'avons  exposé  dans  le  Livre 
précédent,  delà  réduction  en  servitude  l'affranchi  qui  usurpa  (947) 
la  qualité  de  chevalier  (III  p.  185  n.  7),  se  rend  coupable  d'une 
rupture  de  ban  (III  p.  180)  ou  se  montre  ingrat  vis-à-vis  de 
son  patron  (III  p.  183),  ont  un  point  d'appui  dans  des  prescrip- 
tions et  dans  une  jurisprudence  antérieures.  Il  y  a  une  certaine 
parenté  entre  ces  règles  et  les  lois  de  cette  époque  qui  privent 
l'ingénu  de  liberté  en  cas  de  simulation  d'esclavage  pour  per- 
mettre une  vente  dolosive  (III  p.  181)  et  en  cas  de  contiibernium 
d'une  femme  libre  avec  l'esclave  d'autrui  à  l'encontre  de  la 
volonté  du  maitre  (III  p.  181). 

La  privation  de  liberté  n'est  pas  non  plus  une  peine  indé-       Perte 
pendante  sous  le  Principat.  Mais  une   innovation   fondamen-   comme  peine 
taie,  qui    constitue  une  divergence    caractéristique  avec  le  ^Ç'^essoire sous 

'    T  "  *  _  le  Principal. 

droit  de  la  République,  attache  cette  peine  h  la  condamnation 
à  mort  d'un  homme  libre  (2)  et  aux  deux  hypothèses  les  plus 


(1)  Nous  avons  exposé  la  condition  juridique  des  affrancliis  dans  St.  R., 
3,  420  et  sv.  [Dr.  publ.,  6,  2,  1  et  sv.]. 

(2)  Dig.,  28,  1,  8.  4.  tit.  3,  6,  6.  29,  2,  25,  3.  48,  dO,  12.  1.  29.  tit.  20,  5,  pr. 
Par  contre,  une  constitution  de  333  (C.  Th.,  i,  32,  i)  rattache  à  la  peine 
de  mort  la  perte  du  droit  de  cité  romaine. 

Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  19 


390  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

importantes  dans  lesquelles  les  condamnés,  conformément  aux 
explications  données  dans  la  Section  IV  du  présent  Livre,  sont 
employés  aux  travaux  publics,  c'est-à-dire  au  cas  de  condam- 
nation à  la  peine  des  mines  (1)  et  au  cas  d'internement  dans 
une  école  de  gladiateurs  (2) .  Xous  ne  sommes  pas  renseignés  sur 
l'origine  de  cette  disposition;  celle-ci  se  lie  vraisemblable- 
ment à  l'introduction  sous  Tibère  de  la  peine  des  mines  (3). 
servuspoenae.  Lorsqu'uue  de  CCS  condamnalious  a  acquis  autorité  de  chose 
jugée  (4),  le  condamné  passe  dans  la  propriété  de  l'Elat,  et,  pour 
le  distinguer  des  esclaves  qui  appartiennent  à  ce  dernier  en 
(948)  vertu  d'une  autre  cause,  les  jurisconsultes  le  qualifient  d'es- 
clave de  sa  peine,  servus  poenae  (5).  Celui-ci  sort  par  là  de  sa 
famille  et  sou  mariage  est  anéanti  avec  toutes  les  conséquences 


(1)  Paul,  3,  6,  29.  Dig.,  28,  1,  8,  4.  29,  2,  25,  3.  34,  8,  3,  pr.  48,  19,  8,  4.  8. 
1.  17,  pr.  1.  36.  49,  14,  12.  Tertullien,  ApoL,  27.  Les  doux  catégories  du 
«  metallum  »  et  de  1'  «  opiis  melalli  »  sont  ici  assimilées  (Dig.,  48,  19,  8,  6. 
1.  17.  50,  13,  5,  3).  Justinien,  nov.,  22,  c.  8  a  supprimé  la  servilus  poenae 
(non  pas  seulement  au  point  de  vue  du  mariage,  mais  d'une  manière  gé- 
nérale) pour  la  peine  du  travail  dans  les  mines. 

(2)  Cet  effet  de  la  condamnation  a  été  mis  en  doute,  pour  le  cas  où  la 
sentence  ne  contient  pas  d'arrêt  de  mort,  mais  Ulpien,  Dig.,  48,  19,  8,  11. 
12  répond  par  l'affirmative. 

(3)  Nous  montrerons  plus  loin  que  l'aggravation  de  l'interdiction  par 
suppression  du  droit  de  cité  a  été  réalisée  par  Tibère  en  l'an  23.  Or,  cette 
peine  n'est  applicable  qu'aux  personnes  des  meilleures  classes,  tandis 
que  les  petites  gens  sont  ordinairement  frappées  pour  le  même  délit  de 
la  peine  du  travail  dans  les  mines.  Il  est  donc  très  vraisemblable  que 
cette  dernière  pénalité  et  la  privation  de  liberté  qui  s'y  rattache  ont  été 
introduites  à  la  même  époque.  Le  plus  ancien  témoignage  positif  qui 
nous  atteste  l'existence  de  cette  répression  est  une  constitution  d'ila- 
drien  {Dig.,  28,  3,  6,  6). 

(4)  Dig.,  fis.  3,  6,  6.  48,  19.  12. 

(5)  Les  remarques  des  Dig.,  34,  8,  3,  pr.  :  poenae  servus  est,  non  Caesaris 
(cpr.  48,  19,  17,  pr.)  et  Dig.,  49,  14,  12  :  magis  poenae  quam  fisci  servos  ne 
visent  pas  la  situation  juridique  de  ces  esclaves,  mais  leur  dénomination  ; 
Augiisli  servus  est  un  titre  de  distinction  pour  les  esclaves  et  les  Caesariani 
sont  plus  considérés  que  la  masse  des  plébéiens  (II  p.  282  n.  1).  On  peut 
rapprocher  de  ces  textes  la  distinction  des  délégués  impériaux  notables, 
des  procuratores  Augiisli  et  des  délégués  impériaux  inférieurs,  qu'on  ap- 
pelle simplement  procuralores.  Le  servus  poenae  est  absolument  traité 
comme  esclave  impérial  avec  cette  seule  restriction  que  l'empereur  se 
refuse  à  accepter  ce  qui  e  laissé  par  testament  à  un  esclave  de  cette 
catégorie  (Dig.,  U,  8,  3,  pr.  §  1.  49,  14,  12). 


PERTE   DE    LA    LIBERTÉ  291 

juridiques  qui  s'y  rattachent  (1).  Sou  patrimoine  échoit  avec  sa 
personne  à  l'Etat;  c'est  là  un  effet  sur  lequel  nous  reviendrons 
à  propos  de  la  confiscation  du  patrimoine.  Il  est  désormais 
incapable  d'avoir  un  patrimoine  et  de  faire  des  actes  de  dis- 
position entre  vifs  ou  à  cause  de  mort  (2). 


(1)  Inst.,  1,  12,  3.  i\ov.,  22  c.  8. 

(2)  Dig.,  28.  1,  8,  4.  tit.  3,  6.  6.  29,  2,  25,  3.  34,  8,  3,  1.  On  excepte  le  legs 
d'aliments  fait  à  l'esclave  (Dig.,  34,  8,  3,  pr.). 


(949)  SECTION  IV 


INTERNEMENT  DANS  DES  ÉTABLISSEMENTS  PUBLICS 


Les  travaux  forcés  sont  inconnus  du  droit  pénal  de  la  Ré- 
publique et  apparaissent  SOUS  le  Principal;  ils  ont  peut-être 
été  introduits  en  l'an  23  par  Tibère  en  même  temps  que  la 
déportation  (III  p.  290  n.  3).  Nous  ne  pouvons  suivre  ici 
révolution  qui  s'est  produite  à  cet  égard  ;  dans  le  dernier  état 
du  droit,  la  contrainte  au  travail  se  présente  comme  l'un  des 
plus  importants  moyens  de  répression.  On  en  dislingue  trois 
degrés:  la  peine  des  mines,  les  travaux  forcés  à  perpétuité  et 
les  travaux  forcés  à  temps  (1). 
l'eine  La  peiuc  des  mines  est  considérée  comme  le  mode  de  répres- 

sion le  plus  rigoureux  après  la  peine  de  mort  (2)  ;  à  l'instar  de 
cette  dernière,  elle  est  de  plein  droit  précédée  de  la  flagella- 


(Ij  Celte  grudalion  apparaît  de  la  manière  lu  plus  nette  dans  les  dispo- 
sitions qui  s'appliquent  au  cas  d'évasion  de  personnes  détenues  à  raison 
d'une  peine  prononcée  contre  elles  [cuslodiae)  :  celui  qui  était  autrefois 
condamné  aux  travaux  forcés  à  temps  est  désormais  soumis  dans  ce  cas 
aux  mêmes  travaux  pour  une  i)ériode  double  de  celle  qui  lui  restait  à 
faire  ou  reste  en  prison  sa  vie  durant  ;  celui  (jui  était  condamné  aux  tra- 
vaux forcés  à  perpétuité  est  frappé  de  la  peine  des  minus;  celui  contre 
lequel  avait  été  prononcée  la  peine  des  mines  la  plus  légère  encourt  la 
peine  des  mines  la  plus  grave;  celui  qui  était  frappé  de  cette  dernière 
peine  est  condamné  kmori  (Dig.,  48,  19,  8,  6.  7.  1.  28,  14.  50,  13,  5,  3). 

(2)  Paul,  5,  17,  2.  Dig.,  48,  19,  28,  pr.  Par  conséquent,  la  peine  des  mines, 
comme  la  peine  de  mort,  ne  peut  être  prononcée  que  par  les  gouverneurs 
de  province  et  non  par  leurs  légats  {Dig.,  1,  18,  6,  8). 


des  mJDes. 


INTERNEMENT  DANS  DES  ÉTABLISSEMENTS  PUBLlC-i   293 

lion  (I).  Elle  n'est  prononcée  qu'à  perpétuité;  si  par  hasard 
elle  est  infligée  à  temps,  elle  n'est  pas  considérée  comme  peine 
des  mines  au  sens  juridique  de  l'expression  (2).  Elle  entraîne 
de  plein  droit,  comme  nous  l'avons  déjà  indiqué  (III  p.  290  (950) 
n.  1),  la  perte  de  la  liberté  avec  toutes  les  conséquences  néces- 
saires, patrimoniales  et  autres.  Elle  a  vraisemblablement  été 
introduite  par  imitation  du  régime  en  vigueur  en  Egypte,  (3) 
où  les  travaux  des  mines  étaient  depuis  une  haute  antiquité 
exécutés  par  des  criminels  condamnés  (i).  Les  travailleurs  sont 
iTàiiés  comme  servi  poenae  appartenant  à  l'Etat;  ils  sont  mar- 


(1)  Dig..  48.  19,  10,  pr.  49, 14,  18,  2.  Cod.  Th..  2,  14,  1.  7,  18,  8.  16.  5,  40,  7. 
Elle  est  aussi  mentionnée  dans  les  lettres  de  Gyprien  (III  p.  294  n.  4). 

(2)  Cela  ressort  déjà  de  ce  fait  que  pour  la  peine  des  mines  on  ne  men- 
tionne ordinairement  pas  de  durée,  tandis  qu'une  fixation  de  temps  a 
lieu  le  plus  souvent  pour  Vopiis  publicum.  Hadrien,  Dig.,  48,  19,  28,  6  dit 
expressément  :  in  opus  metalli  ad  tempus  damnari  nemo  débet  et  ajoute  que 
la  condamnation  aux  travaux  des  mines  à  temps  ne  supprime  pas  la  li- 
berté et  ne  peut  pas  être  considérée  comme  une  condamnation  in  métal- 
liim.  De  même,  d'après  Dig..  4S,  19,  8,  8,  lorsqu'une  femme  est  condamnée 
in  minislerium  metallicorum,  elle  n'est  pas  privée  de  lilierté,  si  la  peine 
n'est  infligée  que  pour  un  temps.  La  constitution  de  Constantin,  C.  Th., 
i.  5,  3,  se  sert  de  la  même  tournure  imprécise,  lorsqu'elle  parle  de  con- 
damnation à  la  peine  des  mines  ad  biennii  tempus  et  Dig.,  48,  19,  23  :  sine 
praefinito  tempore  in  metallum  dato  imperilia  dantis  decennii  tempora  praefi- 
nita  videntur  vise  une  condamnation  dans  laquelle,  suivant  la  pratique 
blâmée  par  Hadrien,  le  coupable  a  été  frappé  de  la  peine  du  travail  des 
mines  pour  un  temps  sans  fixation  de  durée. 

(3)  Nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  en  droit  pénal  des  lieux  où  s'exé- 
cutait cette  peine,  ni  des  autres  questions  relatives  à  l'exploitation  des 
mines  à  l'époque  romaine.  En  droit,  on  assimile  au  travail  dans  les  mines 
l'occupation  dans  les  soufrières,  les  salines  {opus  saliyiarum  :  Dig.,  49,  15, 
6),  les  carrières  (Dig.,  48,  19,  8,  8.  10),  et  les  emplois  accessoires  dans  les 
mines  [Dig.,  48,  19,  8,  8  :  m  minislerium  metallicorum  feminae...  damnari  so- 
ient ;  1.  28,  6).  Lorsque  la  condamnation  à  la  peine  des  mines  est  pronon- 
cée à  un  endroit  où  il  n'y  a  pas  de  mines,  le  condamné  est  expédié  dans 
une  région  où  il  pourra  exécuter  sa  peine  (Dig.,  48,  19,  8,  4),  mais  une 
pareille  mesure  ne  peut  être  prise  qu'en  vertu  d'un  mandat  général 
(comme  pour  le  préfet  de  la  Ville  :  Dig.,  48,  19,  8,  5)  ou  spécial  donné  par 
l'empereur. 

(4)  Diodore,  3,  17  :  o'.  paffiXsîç  tî^ç  A'tYuTCTO\j  tou;  ètvI  xaxoupyc'a  xataSixa- 
(T6évcaî  xa\  to'jç  xaxà  7cô)-£(xov  a'f/fAaXwTcaôévta;...  TtapaSiJôao-t  itpb;  ttiv  toû 
•/P'jffoj  |X£Ta)l£!av.  Nous  voyons  d'ailleurs  qu'en  Sicile  et  en  Italie  la  peine 
des  travaux  forcés  s'est  accomplie  de  bonne  heure  dans  les  carrières  de 
pierres. 


294  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

qués  au  fer  rouge  (1),  on  leur  rase  la  moitié  de  la  chevelure  (2), 
ils  sont  soumis  à  la  correction  dans  les  conditions  d'usage  pour 
les  esclaves  (3).  Leur  travail  s'accomplit  dans  les  chaînes  (4) 
(931)  et  sous  une  surveillance  militaire  (5);  les  deux  degrés  de  peine 
que  le  droit  pénal  distingue  ici,  celui  de  la  «mine  y>  {metallum) 
et  du  «  travail  des  raines  »  {opus  metalli)  (6)  se  différencient 
principalement  par  l'importance  des  vincula  imposés  au  pri- 
sonnier (7)  et  par  la  plus  ou  moins  grande  rigueur  du  traite- 
ment auquel  il  est  soumis.  Celui  qui  a  été  condamné  aux  tra- 
vaux forcés  à  perpétuité  peut  après  dix  ans  de  service  être 
rendu  à  sa  famille,  s'il  n'est  plus  apte  au  travail  (8);  toutefois 
une  pareille  mesure  n'a  lieu  que  pour  se  débarasser  des  ou- 
vriers impropres,  elle  ne  produit  aucun  changement  dans  la 
condition  personnelle  du  condamné.  On  ne  trouve  dans  les  lois 
aucune  trace  indiquant  qu'on  ait  dû  tenir  compte  du  sexe  et 
de  l'âge  pour  prononcer  celte  peine  (9),  mais  l'application  de 

(1)  Suétone,  Gai.,  27.  Pontius,  Vita  Cypriani,  7.  C.  Th..  9,  40.  2  i=:  C,  Just., 
9,  47,  17.  Marquardt,  Privatallerlli.,  184  [Manuel  Antiq.  Rom.,  14,  216]. 

(2)  Artemidore,  1,  21  :  tovto  yàp  yàxeï  Ttapiariiiôv  èo-Ti  tôt',  xaxaStxa^otiévotç. 
Gyprien,  Ep.,  76,  2  :  semitonsus.  Marquardt,  loc.  cit.,  p.  180  [Manuel  Antiq. 
Rom.,  14.  212]. 

-  (3)  Dig.,  49,  14,  12. 

(4)  Dig.,  48,  19,  8,  6.  Pline,  Ad  Traj.,  58.  Par  suite,  ceux  qui  sont  con- 
damnés à  la  peine  des  mines  sont  aussi  qualifiés  de  prisonniers  {custo- 
diae).  Dig.,  48,  19,  28,  14.  Les  lettres  de  Cj^prien,  évéque  de  Garthage,  aux 
chrétiens  envoyés  par  Sigus  dans  les  mines  de  Nuniidie  et  les  réponses 
de  ceux-ci  (Ep.,  76-79)  nous  donnent  un  tableau  vivant.de  l'application 
de  celte  peine.  Les  prisonniers  portent  aux  pieds  des  fers  (compedes)  unis 
par  des  traverses  {traversaria);  ils  dorment  sur  le  sol  dans  des  locaux 
obscurs  et  fétides;  leurs  vêtements  sont  insuffisants  pour  les  protéger 
contre  le  froid,  leur  nourriture  trop  juste  pour  apaiser  leur  faim  ;  l'usage 
des  bains  leur  est  interdit. 

(5)  Les  inscriptions  égyptiennes  nous  fournissent  de  nombreuses  preu- 
ves établissant  que  les  travaux  des  mines  sont  placés  sous  une  direction 
militaire. 

(6)  Opus  metalli  :  Dig.,  48,  19,  8,  4.  12.  1.  M.  1.  17,  pr.  1.  28,  6.  49,  16,  3.  1. 
50,  16,  5.  3.  La  condamnation  à  l'opus  sans  addition  est  moins  grave, 
comme  nous  le  montrerons  plus  loin. 

(7)  Dig..  48,  19,  8,  6.  50,  13,  5,  3. 

(8)  Dig..  48,  19,  22. 

(9)  Les  femmes  sont  aussi  soumises  à  cette  peine  {Dig.,  48,  19,  8,  8.  28, 
6.  49,  15,  6.  Cad.,  9,  47,  9).  Les  rois  égyptiens  employèrent  dans  les  mines 
des  femmes,  des  enfants  et  des  viiillards  (Diodore.  3,  12). 


INTERNEMENT  DANS  LES  ETABLISSIMINTS  PUBLICS   295 

celte  dernière  est  légalement  limitée  aux  petites  gens  (1)  et 
surtout  aux  esclaves  (2);  le  principe  de  l'inégalité  des  peines 
suivant  la  condition  du  condamné,  dont  nous  exposons  les  di- 
verses applications  dans  la  dernière  Section  du  présent  Livre, 
trouve  son  expression  la  plus  anci-enne  et  la  plus  nette  dans  le 
fonctionnement  alternatif  des  travaux  forcés  et  de  la  déporta- 
tion. Toutefois  l'empereur,  usant  de  son  pouvoir  arbitraire,  a 
envoyé  dans  les  mines  des  personnes  appartenant  aux  catégo- 
ries légalement  soustraites  à  l'application  de  cette  peine  (3). 

De  même  nature,  mais  moins  grave,  est  la    condamnation      (952) 
aux  travaux  publics  (4).  Sous  ce  nom,  on  comprend  les  travaux  Travaux  forcés. 


(1)  Dig..A~,  20,  3,  2.  48,  19.  9,   11  et  sv.  tit.  M,  5.  50,  13,  5,    3.  C.  Th.,  1. 

18,  1.  Aucun  passage  des  ouvrages  juridiques  ne  mentionne  l'application 
de  cette  peine  à  des  personnes  de  qualité  ;  dans  Dit].,  47, 12, 11,  les  nwts  aut 
in  melallum  damnanlur  doivent  être  [ilacés  après  adfichinliir,  et  dans  Dig.,  48, 

19,  38,  pr.,  il  faut  écrire  poena  melalli  aut  (non  pas  et)  exilii.  Sont  exempts 
de  cette  peine,  les  soldats  (Dig.,  49,  16,  3,  1),  les  vétérans  et  enfants  de 
vétérans  {Dig.,  49,  18,  3.   Cod.,  9,  47,  5).  * 

(i)  Paul.  5.  22,  2.  tit.  30  B,  2.  Dig.,  48,  18,  17,  3.  tit.  19,  8,  12.  1.  33.  Cod. 
Th.,  8.  5,  17.  9.  10,  4.  tit.  17,  1.-12.  1,  6.  14,  10.  4.  16,  5.  40,  7.  Cod.,  9,  47,  11. 
Gomme  exemple,  on  peut  citer  ici  la  condamnation  de  l'esclave  Gallixte, 
le  futur  pape,  par  le  préfet  de  la  ville  (I  p.  318  n.  5). 

(3)  Suétone,  Gai.,  2  (III  p.  296  n.  1).  Dans  les  décrets  de  Dioclétien  contre 
les  partisans  de  la  nouvelle  religion  (II  p.  281  n.  1),  cette  peine  est  pré- 
vue à  côté  d'autres  peines  plus  graves.  —  Le  bithynien  Flavius  Archip- 
pus,  professeur  de  philosophie,  qui  fut  condamné  aux  travaux  des  mines 
(Pline,  Ad  Traj.,  58)  n'appartenait  à  aucune  des  catégories  exemptes  de 
cette  peine. 

(4)  Opus  publiciim:  Paul,  2.  19,  9.  3,  4a,  9.  5,  3.  5.  lit.  4.  8.  tit.  17,  2.  tit. 
18,  1.  tit.  3:),  1.  Dig.,  47.  9,  4,  1.  48.  19,  8,  7.  1.  10.  pr.  1.  28.  1.  1.  34.  pr.  49. 
16,  3,  1.  tit.  18,  3.  Cod,.  9,  47,  5.  Opus  :  Pline,  Ad  Traj.,  37  :  quidam  vel  in 
opus  damnaH  vel  in  ludum  similiaque  his  gênera  poenarum.  Coll.,  11,  7,  1.  11, 
8,  3.  (:zz  Dig.,  47.  14,  1,  3,  où  item  operis  ne  doit  pas  être  changé).  Dig.,  47. 
21,  2.  4S,  19.  10.  2.  —  Opus  melalli  est  différent  (III  p.  29i  n.  6).  —  Les  tra- 
vaux forcés  impliquant  la  «létenlion  {Dig.,  48,  19,  28.  14),  on  trouve  comme 
synonymes  les  mots  vincula  publica  {Dig.,  11,  5,  1,  4  :  in  lautumias  vel  in  vin- 
culapublica.  Dig.,  48,  19,  28.  7.  Paul,  5,  21,  1)  ou  simplement  vincula  (Paul» 
5.  17,  1.  Dig.,  48.  19.  7,  1.  8,  13.  1.  33)  ;  Dig.,  48.  19,  8,  13  :  sive  in  perpétua  vin- 
cula fuerit  damnatus  sercus  .^ive  in  temporaVa,  ejus  remanet  cujus  fuit  ayite- 
quam  damnaretar  montre  que  juridiquement  la  «  prison  »  n'est  que  la 
détention  avec  travaux  forcés.  Lorsque  Paul,  5,  17,  1,  dans  son  énuméra- 
tion  des  peines,  cile  à  côté  l'un  de  l'autre  Vopus  et  les  vincula,  cela  tient 
peut-être  à  ce  qu'en  cas  de  brève  détention  la  contrainte  aii  travail  passe 
aisément  à  l'arriére-plan  et  disparaît  complètement. 


296  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

qui  incombent  ordinairement  aux  esclaves  :  réparation  des 
routes,  nettoyage  des  cloaques,  service  des  bains  publics  (1) 
et  des  pompes  (2),  plus  tard  le  travail  dans  les  boulangeries 
publiques  (3),  et  spécialement  pour  les  femmes,  le  travail  dans 
les  tissages  impériaux  (4).  Ceux  qu'atteint  une  telle  condam- 
(953)  nation  sont  aussi  prisonniers,  bien  que  nous  ne  puissions  établir 
les  mesures  qui  étaient  prises  pour  empêcher  leur  fuite;  peut- 
être  celles-ci  étaient-elles  fixées  dans  chaque  lieu  et  suivant  la 
nature  du  travail.  Cette  peine  n'est  pas  appliquée  aux  esclaves  ; 
car  elle  n'atteindrait  que  le  maître  (5).  Elle  peut  être  prononcée 
à  perpétuité  ;  dans  ce  cas,  elle  fait  perdre  au  condamné  le  droit 
de  cité,  mais  non  la  liberté  (6).  Souvent,  elle  n'est  infligée  qu'à 

(1)  Suétone.  Gai.,  27  cite  parmi  les  mesures  arbitraires  de  cet  empe- 
reur :  multos  honesti  ordinis...  ad  metalla  et  munitiones  viarum...  condemna- 
vit.  Pline,  Ad  Traj.,  31.  32,  nous  rapporte  que  dans  différentes  villes  de 
Bithynie  les  criminels  condamnés  aux  travaux  forcés  (in  opiis  vel  in  ludum 
similiaque  his  gênera)  furent  abusivement  utilisés  pour  les  emplois  qui 
incombaient  aux  esclaves  de  la  cité  et  reçurent  à  cette  occasion  un  sa- 
laire. Trajan  répond  que  ces  individus  doivent  être  soumis  à  leur  véri- 
table peine,  à  moins  que  l'emploi  pour  lequel  ils  ont  été  utilisés  ait  duré 
dix  ans  ou  plus  ;  dans  ce  cas  ils  garderont  leur  fonction,  mais  ne  seront 
affectés  qu'à  de  vils  travaux  (ea  ministeria  quae  non  longe  a  poena  sint)  :  ré- 
paration des  routes,  nettoyage  des  cloaques,  service  des  bains  public?. 

(2)  Suétone,  Tib  ,  51  :  equestris  ordinis  viro...  in  anlliam  condemnalo. 

(3)  Constantin,  C.  Th.,  9,  40,  3  :  ex  levioribus  causis...  ergastulis  vel  pistri- 
nis  esse dedendos  atque  ad  urbem  Romam...  miltendos.  De  même,  C.  Th.,  9,  40, 
5.  c.  6.  c.  7  c.  9.  14,  17,  6.  Des  condamnés  ont  également  été  livrés  à  d'au- 
tres corporations  obligatoires  (C.  Th.,  8,  8,  4.  9,  40,  9). 

(4)  Lactance,  De  morl.,  21  :  maires  familias  inf/enuae  ac  nobiles  in  gynae- 
ceum  rapiebantur.  Sozoméne,  H.  EccL,  1,  8  :  Yuvatxcsoi;  r,  Xtvuç'loii;  ûitripsTsïv. 
Dans  les  constitutions  de  Constantin  de  336,  contenues  au  C.  Th.,  4,  6,  2. 
3,  Constantin  prescrit  qu'un  fils,  issu  de  Licinius  et  d'une  esclave  et  légi- 
timé par  rescrit  impérial,  soit  de  nouveau  remis  en  servitude,  reçoive  une 
correction,  soit  enchaîné  et  livré  au  gynaeceum  de  Carthage  (Not.  Dign. 
Occ,  11,  53). 

(5)  Papinien,  Dig.,  48,  19,  34,  pr.  :  servus  in  opiis  pub/icum  perpetuum  et 
multo  magis  temporarium  non  dali/r  ;  ctim  igitur  per  errorem  in  opus  tempora- 
rium  fuisset  dalus,  expleto  lempore  domino  servum  esse  reddendum  respondi. 
Ce  texte  nous  indique  le  motif  de  la  disposition  et  nous  montre  aussi  que 
celle-ci  n'était  pas  rigoureusement  appliquée.  Dig.,  48,  19,  10,  pr.  nous 
donne  une  exception  motivée.  Lorsqu'il  est  question  ailleurs  d'une  con- 
damnation d'esclave  aux  travaux  forcés  du  second  dogré  à  perpétuité  ou 
à  temps  (Dig.,  48,  19,  8,  13.  1.  33.  Cod.,  9,  47,  6.  10),  il  s'agit  d'exceptions 
du  même  genre. 

(6)  Dig.,  48,  19,  17,  1.  ].  28,  6.  Coll.,  11,  7,  1.  -  Cette  peine  des  travaux 


INTERNEMENT  DANS  LES  ÉTABLISSEMENTS  PUBLICS   297 

temps  et  laisse  alors  la  condition  personnelle  intacte  (1).  Elle 
est  ordinairement  accompagnée  de  la  flagellation  (2).  Les 
personnes  de  condition  élevée  ne  sont  pas  non  plus  employées 
à  ces  travaux,  moins  pénibles  cependant  que  les  travaux  des 
mines  (3). 

La  livraison  du  condamné  aux  organisateurs  des  fêtes  popu-  Ecoie 
laires  sanglantes,  c'est-à-dire  des  combats  d'animaux  et  des  jeux  "^  °  ^  'Rieurs. 
de  gladiateurs,  est  apparue  comme  une  des  formes  d'exécution 
de  la  peine  de  mort,  ainsi  que  nous  l'avons  exposé  plus  haut 
(III  p.  263  n.  3).  Dans  ce  cas,  on  a  du  éviter  de  soumettre  le 
condamné  à  une  lutte  sérieuse,  ce  qui  était  facilement  réali- 
sable et  a  été  de  règle  pour  les  combats  d'animaux.  Par  contre, 
les  combats  de  gladiateurs,  où  il  y  a  lutte  d'homme  à  homme 
et  où  le  genre  même  de  spectacle  réclame  un  certain  équili- 
bre de  forces  entre  les  combattants,  convenaient  mal  à  un 
pareil  but;  bien  que  la  peine  de  mort  encourue  ne  fut  pas  sup-  (954) 
primée  de  plein  droit  par  le  triomphe  du  condamné  et  bien 
qu'en  droit  la  grâce  ne  put  être  accordée  ni  par  celui  qui 
donnait  les  jeux,  ni  par  les  spectateurs,  mais  par  l'empereur 
seul,  il  n'en  est  pas  moins  certain  que  les  vainqueurs  ont  été 
fréquemment  graciés  (4).  Ces  pratiques,  unies  à  la  haute  es- 


forcés  n'a  également  aucune  influence  sur  la  condition  juridique^de  l'es- 
clave (Dig.,  48,  19,  8,  13);  toutefois  l'esclave  ne  peut  être  afi"ranchi  pen- 
dant la  durée  de  sa  peine,  mais  il  le  peut  dés  que  celle-ci  est  achevée 
(Dig.,  48,  19,  33  :  temporaria  coercitio  quae  descendit  ex  sententia  poenae  est 
aboliiio). 

(1)  Pour  dix  ans  :  Dig.,  48,  19,  8,  7  —  pour  trois  ans  :  Dig.,  47,  9,  4,  t  — 
pour  deux  ans  :  Dig..  47,  21,2  —  pour  un  an  :  Paul,  5,  18,  1  —  sans  fixation 
de  temps,  Paul,  S,  20,  6.  Coll.,  11,  7,  1.  c.  8,  3  (où  item  operis  ne  doit  pas 
être  changé).  Dig.,  48,  19,  28,  1,  doit  être  entendu  comme  visant  une  con- 
damnation à  l'opus  puhlicum  à  temps.  Il  faut  également  mentionner  ici 
ceux  qui  par  abus  (III  p.  293  n.  2)  ont  été  condamnés  au  travail  des  mi- 
nes à  temps. 

(2)  Dig.,  48,  19,  7. 

(3)  Suétone,  Tib.,  51  (III  p.  296  n.  2).  Gai.,  27  (III  p.  296  n.  1).  Les  sol- 
dats, vétérans  et  enfants  de  vétérans,  ne  peuvent  pas  non  plus  être  sou- 
mis à  cette  peine  [Dig.,  49,  16,  3,  1.  tit.  18,  3.  Cod.,  9,  47,  5). 

(4)  Les  gladiateurs  employés  lors  de  la  fête  donnée  à  l'occasion  du  des- 
sèchement du  lac  Fucin  étaient  tous  des  criminels  et  tous  ceux  qui  sur- 
vécurent au  combat  furent   graciés  par  l'empereur  Claude  :    occidioni 


20S  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

time  des  Romains  pour  le  maniemenldesarmesct  à  l'existenre 
d'écoles  professionnelles  de  gladiateurs  et  de  chasseurs  {hidi), 
ont  conduit  dès  une  époque  que  nous  ignorons,  mais  certaine- 
ment déjà  au  premier  siècle  de  l'ère  chrétienne  (1),  à  livrer  à 
ces  écoles  par  mesure  de  répression  les  personnes  convaincues  de 
crime  et  susceptibles  de  recevoir  avec  profit  cet  enseignement 
professionnel  (2)  en  leur  promettant  la  faveur  de  la  vie,  si  elles 
ne  restaient  pas  sur  le  terrain  du  combat.  Ces  criminels  sont 
livrés  ou  à  des  établissements  publics  de  ce  genre  dont  plu- 
sieurs se  trouvent  dans  la  capitale,  ou  aux  institutions  privées^, 
établies  par  ceux  qui  donnent  des  fêles  populaires  pour 
préparer  les  combattants  et  pour  lesquelles  on  mentionne  fré- 
quemment des  criminels  h  coté  d'hommes  libres  ou  d'es- 
claves qui  se  vouent  ou  sont  voués  par  profession  aux  jeux  des 
arènes  (3).  Ce  mode  de  répression  occupe  dans  l'échelle  des 
peines  le  même  degré  que  la  peine  des  mines  la  moins  grave  (4); 
comme  celle-ci,  elle  entraîne  juridiquement  la  perte  de 
la  liberté  (III  p.  290  n.  2);  mais  le  condamné  peut  en  vertu 
de  certaines  règles  de  jeux  conquérir  dans  les  luttes  l'exemp- 
(Ooo)  lion  de  l'obligation  de  combattre  et  même  la  complète  li- 
berté (o). —  Les  combats  de  gladiateurs  furent  désapprouvés 


exempli  sunl  (Tacite,  Ann.,  12,  56).  Si  dans  une  fête  de  ce  genre  donnée  en 
province  les  spectateurs  demandent  la  grâce  du  criminel  à  raison  de  sa 
force  ou  de  son  adresse,  le  gouverneur  ne  peut  pas  accorder  celte  faveur, 
jl  doit  envoyer  le  coupable  à  Rome  où  l'empereur  peut  le  gracier. 

(1)  Pline,  AclTraj.,  31. 

(2)  Dig.,  48,  19,  8,  11  :  soient  juniores  hac  poena  adfici. 

(3)  Vita  Uadriani,  17.  Apulée,  Met.,  4,  13.  Les  inscriptions  d'Asie  Mi- 
neure (réunies  Eph.  Eprqr.,  7,  p.  403),  ainsi  par  exemple  l'inscription 
d'Aphrodisias,  C.  I.  Gr.,  27S9  b  :  çajuXia  Zr,vMv[o;]  àp7c£pf<o;  [j.ovo[jLi/;wv  xa\ 
xaTa5;xwv  -/.ai  Taupoxa[6a7iTo")v],  mentionnent  maintes  fois,  pour  les  lutteurs 
et  les  chasseurs  des  magistrats  ft  des  pontifes  qui  avaient  préparé  les 
fêtes  populaires,  des  sépultures  collectives,  et  sur  celles-ci  on  trouve 
constamment  les  noms  de  condamnés  à  côté  de  ceux  de  gladiateurs  pro- 
prement dits.  L'inscription  de  Peltuinum,  C.  /.  L.,  IX,  3437  :  hic  ob  hono- 
rem  quin(quennalilalis)  spectaculum  ffl.ad(iato)iiim)  Iriduo  dédit  et  noxios  qiiat- 
t(u)or  fournit  un  argument  dans  le  même  sens. 

(4)  Pline,  Ad  Trai.,  31.  Paul,  5,  17,  2.  tit.  23,  4.  C.  Th.,  15,  12,  1. 

(5)  Après  trois  ans  de  luttes,  il  peut  acquérir  la /«f/Zs,  et  après  cinq  ans, 
le  pilleits,  c'est-à-dire  la  liberté.  Coll.,  Il,  7,  4. 


INTERNEMENT    DANS    LES    ET  ARL  ISSEMEN'TS    PUBLICS        209 

par  Constantin  l«'"(l)etsubirent  des  restrictions  progressives  (2) 
jusqu'à  ce  qu'llonorius  les  défendit  complètement  (3);  les  com- 
bats d'animaux  ont  subsisté;  c'est  ainsi  que  sous  Juslinien  des 
criminels  sont  encore  livrés  aux  jeux  (4). 


Pendant  les  persécutions  des  chrétiens,  des  femmes  honnêtes 
ont  été,  à  titre  de  peine,  enfermées  dans  des  maisons  publi- 
ques (o).  Selon  toute  apparence,  il  n'y  eut  pas  de  prescription 
générale  en  ce  sens;  de  telles  mesures  doivent  ôlre  attri- 
buées à  un  excès  de  zèle  de  magistrats  isoles. 


(1)  Constantin  en  325  :  C.  Th.,  15,  2,  1,  constitution  reproduite  avec 
des  modifications  et  des  aggravations  par  Justinien  C.  Just.,  11,  44,  1. 
Il  est  impossible  d'admettre  avec  Godefroy  que  Constantin  n'a  fait  sa 
constitution  que  pour  l'Orient;  mais  son  décret  contient  plutôt  un  blâme 
qu'une  défense. 

(2)  Valeutinien  I  a  défendu  en  Occident  d'interner,  à  raison  d'un  délit, 
les  chrétiens  (C.  Th.,  9,  40,  8)  et  les  gens  de  cour  (C.  Th.,  9,  40,  11)  dans 
les  écoles  de  gladiateurs. 

(3)  Cpr.  la  notice  des  chroniques  de  l'année  399  (Chron.  min.,  vol.  1, 
p.  755),  et  les  explications  de  Godefroy,  loc.  cit.,  et  d'Usener,  Rhein.  Mus., 
1882,  p.  479. 

(4)  Ainsi  par  ex.  Dlg.,  48,  19,  8,  11  où  le  danseur  de  pyrrhique  [pyrricha- 
rius),  qui  n'est  guère  à  sa  place  dans  un  ludus  venatovius,  est  un  vestige 
du  ludus  gladiatorius  qu'on  a  interpolé  de  celte  manière. 

(5)  TerluUien,  Apolog.,  50  :  proxime  ad  lenonem  damnando  Chrisiianam 
potius  r/uam  ad  leonem;  cpr.  De  monogamia,  15.  Cyprien,  De  Morlal.,  15  : 
virgules...  lupanaria  non  timentes.  Martyvium  de  Pionius,  c.  7  :  al  [Li\  èizi- 
ô'joyuat  zU  -rcopveïov  "(rravrat.  Eusèbe,  H  e.,  8,  14,  14  et  sv.  De  mari.  Pal.  5,  3; 
Prudence,  Perisleph.,  14  :  passio  Agnetls  virginis  ;  Ambroise,  De  virginibus, 
2,  4  ;  Augustin,  De  cio.  Dei,  1,20  ;  Basile,  De  virg.,  52  (vol.  2,  p.  174  Migne.) 


(9^6)  SECTION    V 


PERTE    DU   DROIT    DE    CITE 


C'est  une  conception  admise  par  les  Romains  dès  une  épo- 
que reculée'et  très  nettement  analysée  dans  ses  conséquences 
que  même  les  non  citoyens  qui  n'apparliennent  à  aucun  Etat 
reconnu  par  Rome  jouissent  de  la  liberté  individuelle.  Il  est 
possible  que  dans  les  débuts  de  l'Etat  Romain  la  personne  non 
investie  du  droit  de  cité  ait  toujours  été  assimilée  aux  animaux 
sauvages  et  aux  esclaves  sans  maitre  ;  cet  état  de  choses  est  en 
tout  cas  antérieur  à  l'époque  historique.  Si  nous  ne  tenons 
compte  que  de  l'époque  connue  de  nous,  le  droit  romain  a  de 
tout  temps  posé  le  principe  que  le  non  citoyen  est  libre;  celui- 
ci  n'a  pas  les  droits  personnels  qui  supposent  chez  le  sujet  la 
qualité  de  citoyens,  comme  on  eu  rencontre  par  exemple  en 
matière  de  mariage  et  de  testament  (I  p.  135),  il  jouit  par 
contre  complètement  de  la  même  protection  juridique  et  de  la 
môme  faculté  d'entrer  en  relations  avec  ses  semblables  que  le 
citoyen  (I  p.  124).  Cette  condition  juridique  se  rencontre  de  la 
manière  la  plus  nette  chez  les  membres  des  Etats  dissous  par 
Rome,  lorsqu'ils  n'ont  pas  été  faits  citoyens  ou  réduits  en  es- 
clavage, chez  les  Campaniens  ù  l'époque  républicaine  et  chez 
les  juifs  sous  l'Empire  (1).  Elle  est  intéressante  pour  le  droit 


(1)  st.  R.,  3,  139  sv.  [Dr.  publ.,  6,  1,  156  et  sv.].  Cpr.  mon  exposé  de  la 
condition  juridique  des  juifs  après  Vespasien  dans  Syhels  Ilistor.  Zeil- 
schrift,  64  (1890),  p.  422  sv.  La  mémo  condition  personnelle  se  rencontre  à 


PERTE   DU   DROIT    DE    CITÉ 


301 


pénal  en  tant  qu'un  citoyen  romain  peut  à  la  suite  d'un  délit 
être  privé  du  droit  de  cité  par  une  loi  de  l'Etat  et  garder  sa 
liberté  (1).  Toutefois,  cette  perte  du  droit  de  cité  n'apparaît  (957) 
pas  en  droit  comme  une  peine  directement  prononcée  par  les 
tribunaux  (2);  elle  s'y  présente  comme  une  conséquence  juri- 
dique que  le  droit^^de  la  République  rattache  à  la  catégorie  la 
plus  grave  du  crime  d'Etat,  c'est-à-dire  à  la  perduellion,  et 
comme  une  peine  accessoire  qui  accompagne  à  l'époque  im- 
périale la  déportation  et  les  travaux  forcés  à  perpétuité. 

1.  Quant  à  la  perte  du  droit  de  cité  qu'entraîne  la  perduel-   Perdueiiion. 
lion,  nous  avons  fait  remarquer,  lorsque  nous  avons  traité  de 

ce  crime  soit  dans  le  domaine  de  la  coercition,  soit  dans  celui 
de  la  procédure  relevant  des  magistrats  et  des  comices,  que 
le  délit  est  conçu  comme  le  fait  par  le  coupable  de  passer  à 
l'ennemi  et  que  celte  défection  elle-même  est  bien  constatée 
par  la  sentence  des  magistrats  ou  des  comices,  mais  que  le 
droit  de  cité  n'est  pas  à  proprement  parler  considéré  comme 
enlevé  par  le  tribunal,  le  citoyen  est  traité  comme  ayant 
abandonné  ce  droit  au  moment  même  de  l'acte.  Cette  perte  du 
droit  de  cité  a  des  conséquences  importantes  dans  le  domaine 
du  patrimoine  ;  nous  y  reviendrons  à  propos  de  la  confiscation.  , 

2.  L'empereur  Tibère  a,  en  l'an  23  ap.  J.  G.,  aggravé,  en  y  Déportation 


l'époque  impériale  pour  les  affranchis  déditices  ;  toutefois,  comme  nous 
le  montrent  les  régies  qui  régissent  les  Campanlens,  elle  convient  bien  à 
des  individus,  mais  ne  peut  s'appliquer  à  des  catégories  de  personnes, 
c'est  pourquoi  le  patrimoine  de  ces  affranchis  est  recueilli  par  leurs  hé- 
ritiers, comme  si  le  défunt  était  citoyen  romain  ou  latin  (Gains,  3,  74). 

(1)  Ulpien,  11,  12  :  média  cupitis  deminutio  dicilur,  per  quam  sola  civitate 
amissa  libertas  retineliir,  quod  fit  in  eo  cui  aqua  et  igni  interdicitur.  D!g.,  2,  4, 
10,  6  :  per  poenam  deportalionis  ad  peregrinilatem  redactus.  35,  1,  104.  48,  2f,  6, 
pr.  1.  15.  D'où  le  nom  d'ànôXiSEç,  id  est  sine  civitate  que  leur  donnent  Mar- 
cien,  Dig.,  48,  19,  17,  1  et  Ulpien  Dig.,  32,  1,  2.  On  les  range  parmi  les  pe- 
regrini  (Gains,  1,  90.  128)  ;  parce  (jue  cette  dernière  notion  n'a  pas  le  sens 
positif  d'appartenance  à  un  Etat  déterminé,  mais  le  sens  négatif  d'absence 
du  droit  de  cité  romaine  et  de  la  latinité.  —  Le  texte  de  Callistrate  [Dig.. 
oO,  13,  5,  3),  d'après  lequel  le  déporté  peid  la  liberté  et  non  simplement 
le  droit  de  cité,  est  en  contradiction  avec  tous  les  autres  témoignages. 

(2)  On  trouve  des  exceptions  isolées  dans  la  dernière  période  ;  c'est  ainsi 
que  Constantin  (C.  Th.,  3,  30,  4)  menace  de  la  privation  du  droit  de  cité 
le  tuteur  infidèle,  qui  n'est  pas  en  état  d'indemniser  le  pupille. 


302  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

ajoutant  la  perte  du  droit  de  cilé,  le  bannissement  introduit 
par  Sylla  sous  menace  de  la  peine  capitale  en  cas  de  rupture 
de  ban  (1).  Ordinairement,  mais  non  nécessairement,  on  affecte 
un  domicile  obligatoire  à  celui  qui  est  ainsi  banni  et  celte 
circonstance  fait  qualifier  l'interdiction  de  déportation.  La 
perte  du  droit  de  cilé  est  icijuridiquement  rattachée  à  la  con- 
damnation pénale  ou  plutôt  à  son  exécution,  c'est-à-dire  à  la 
conduite  au  lieu  de  déportation  (2).  Bien  entendu,  la  perle  du 
droit  de  cilé  a  lieu  ici  à  per[)étuilé  (3).  Elle  entraîne  de  plein 
(958)  droit,  quoiqu'avec  certaines  restrictions,  comme  nous  le  mon- 
trerons dans  la  section  X  du  présent  Livre,  la  confiscation  du 
patrimoine.  Celle-ci  est  môme  le  véritable  but  de  cette  peine 
et  ainsi  s'explique  que  la  perte  du  droit  de  cité  n'atteigne  que 
les  personnes  de  condition,  tandis  qu'elle  est  remplacée  pour 
les  petites  gens  et  les  esclaves  [)ar  les  travaux  forcés  (4).  Le 
déporté  garde  la  capacité  d'avoir  un  patrimoine  et  de  con- 
clure des  actes  juridiques  avec  ses  semblables  (o);  mais  il  ne 
peut  faire  les  actes  du  droit  privé  qui  ne  rentrent  pas  dans  le 
jusgentium  et  pour  l'accomplissement  desquels  il  faut  un  droit 
de  cité  reconnu  par  l'Etat  romain.  La  privation  du  droit  de 
cité  enlève  au  coupable  le  droit  de  porter  la  toge  civique  (G)  et 
le  fait  sorlir  du  mulrimoniuiri  justum  (7)  et  de  la  domus  {%), 


(1)  Dion,  Ep.,  57,  2:i  pour  l'année  23  :  àTiîïTts  lï  ô  TtoÉpso; -otç  Ttvpbî  xai 
C8aToç  EtpxÔEÏa'.  (J.T)  ôiarJÔeaTai'  xal  toOto  xai  vCv  çyXcxTTETài.  L'exilé  interdit 
perdait  donc  le  droit  de  faire  un  testament  romain,  faculté  qui  était  le 
critérium  le  plus  saisissable  du  droit  de  cité  romaine. 

(2)  Di;/.,  48,  19,  2,  1. 

(3)  Dii).,  4S,  22,  7,2.  c.  17,  2. 

(ij  m  p.  295.  Par  conséquent  la  flagellation  se  lie  de  plein  droit  aux 
travaux  forcés,  mais  n'accompagne  pas  lu  déportation  à  la  bonne  épo- 
que, bien  que  cela  ait  eu  lieu  dans  la  dernière  période  (C.  Th.,  J4,  3,  21. 
16,  5,  21.  c.  53.  c.  54.  c.  57). 

(5)  Dig.,  48,  19,  17,  i  :  ul  ea  cjuidem,  quaejuris  civilis  aiinl,  (deporlali)  non 
kabeunl,  quue  vero  juris  gentium  sunt,  liabeant.  tit.  22,  14,  3.  1.  15. 

(0)  Pline,  Kp.,  4,  Il  :  carenl  logae  jure  /juihus  aquu  cl  igni  inlcrdiclum  esl. 

(7)  La  conlinuation  du  mariage  après  la  déportation  {Dig.,  24,  1,  13,  1. 
Cod.,  5,  IC,  24,  2.  lit.  17,  1)  est  exacte,  si  l'un  vise  le  malrimonium  injusluui 
qui  n'exige  pas  de  conubium  (Il  p.  420  ). 

(8)  Gains,  1,  128  {z=z  Inst.,  1,  12,  1)  bid..   1,  16,  C. 


PERTE  DU  DROIT  DE  CITÉ  303 

car  ces  deux  institutions  supposent  le  droit  de  cité  chez  les 
personnes  qu'elles  unissent.  Il  perd  en  outre  la  faculté  d'affran- 
chir (1);  cet  acte  ne  peut,  en  effet,  être  accompli  que  par  celui 
qui  a  un  droit  de  cité.  Enfin,  il  ne  peut  ni  hériter  (2),  ni4iisser 
d'hérédité  (3);  d'une  manière  plus  ^^^énérale,  il  ne  peut  ni  ac- 
quérir, ni  transmettre  à  cause  de  mort;  son  testament,  qu'il 
ait  élé  fait  avant  ou  après  la  déportation,  est  nul  et  sa  suc- 
cession échoit  comme  bien  vacant  à  l'Etat  (4). 

3.  De  même  que  la  déportation,  les  travaux,  forcés  du  second  Tiaraux  forces. 
degré,  c'est-à-dire  ceux  qui  sont  infligés  à  perpétuité,  laissent 
subsister  la  liberté  que  les  travaux  forcés  du  premier  degré, 
c'est-à-dire  la  peine  des  mines,  font  perdre,  mais  ils  privent  (959) 
le  condamné  du  droit  do  cité  (llf  p.  29G  n.  6)  et  le  placent 
dans  la  condition  juridique  que  nous  venons  de  décrire.  Celte 
peine,  comme  nous  l'avons  déjà  indiqué,  n'était  prononcée  ni 
contre  les  esclaves  (III  p.  296  n.  5),  ni  contre  les  personnes 
de  condition  élevée,  elle  ne  frappait  que  les  personnes  libres 
d'un  rang  inférieur  (III  p.  297  n.  3). 

L'inlestabililé  qui  a  pour  point  de  départ  l'enlèvement  du 
droit  de  tester  et  qui  se  rapproche  de  la  privation  du  droit  de 
cité  par  voie  répressive,  sera  traitée  à  propos  des  peines  con- 
tre l'honneur. 


(1)  Dig.,  48,22,  i. 

(2)  On  admet  ici  une  exception  pour  le  legs  d'alimenls.  Hig-,  iS,  22,  16. 

(3)  Dion,  Ep.,  57,  22  (III  p.  302  n.  1).  Dig.,  28,  1,  8,  1.  32,  1,  2.  Gpr.  Ulpien, 
20,  14  :  teslamentum  facere  non  potest...  qui  dediliciorum  numéro  est,  quoniam 
nec  quasi  civis  Ronianus  testari  polesl,  cum  sit  peregrinus,  nec  quasi  peregrinus. 
quoniam  nullius  cerlae  cicitalis  civis  est,  ut  secundum  leges  civitalis  suae  tes- 
tetur. 

(4)  Dig.,  48,  20,  7,  5.  lit.  22,  lu,  pr.  Cod.,  9,  49,  2. 


(960)  SECTION   VI 


LA   PRISON 


La  prison  (carcer)  se  confond  juridiquement  avec  l'enchaî- 
nement (vincuia),  non  pas  parce  que  tout  prisonnier  est  en- 
chaîné, mais  parce  qu'il  peut  l'être  en  droit  strict  (1).  Nous 
avons  déjà  traité  de  cette  institution  dans  les  Livres  précé- 
dents soit  comme  détention  coercitive  pour  briser  une  déso- 
béissance (I  p.  54),  soit  comme  détention  préventive  pour  as- 
surer la   marche  de  la   procédure  pénale  (l    p.   331  sv.).  La 


(1)  I  p.  353.  Carcer  et  vincuia  sont  juridiquement  synonj'mes.  Gallistrale 
dit  avec  raison  [Dig.,  4,  6,  9)  :  eliam  inclusos  veluti  lautumiis  vinctorum  nu- 
méro haheri  placet,  quia  niliil  intersit,  parietibus  an  compedibus  teneatur.  Le 
régime  des  prisons  et  surtout  l'arbitraire  des  magistrats  et  des  officiers 
subalternes  compétents  engendrent  bion  des  divergences  de  fait,  mais  ne 
fondent  aucune  différence  juridique.  Lorsqu'Ulpien  {Dig.,  50,  16,  216)  dit 
au  contraire  :  verum  est  eum  qui  in  carcere  clusus  est  nonviileri  neque  «  vinc- 
tum  »  neque  «  in  vinculis  »  esse,  iiisi  corpori  ejus  vincuia  sint  adldbita,  il  vise, 
comme  le  montre  l'inscription  du  texte,  la  prescription  de  la  loi  Aclia 
Scntia,  d'après  laquelle  vis-à-vis  des  servi  a  dominis  poenae  nomine  vincli 
rairranchissement  ne  produit  pas  la  plénitude  de  ses  effets;  pour  que 
cette  prescription  s'applique,  la  simple  incarcération  de  l'esclave  ne 
suffit  naturellement  pas.  —  L'enchaînement  sans  incarcération  (I  p,  353 
n.  2)  parait  avoir  été  distingué,  tout  au  moins  plus  tard,  de  la  prison  ; 
la  servitude  pour  dettes  a  vraisemblablement  été  traitée  ainsi  pendant 
la  dernière  période.  L'incarcération  et  ait  ici  exclue  (Alexandre,  Cor/.,  7, 71, 1  : 
qui  bonis  cesserint.  .  non  sint  liberali;  in  eo  enini  lantuin  hoc  beneficium  eis 
prodesl,  ne  judicali  delrahantur  in  carcerem)  el  l'encliaînement  permis  (Au- 
lu-Gelle,  20,  1,  51  :  addici  namque  nunc  et  vinciri  multos  videmus,  quia  vincu- 
Loruin  poenum  delerrimi  hnmines  contemnunl;  Ulpien,  Dig.,  4,  6,  23,  pr.  : 
privala  vincuia).  L'opiiosition  d'iti  carcere  conlineri  et  d'in  vinculis  contineri 
Ifig.,  48,  l'J,  8.  y  (III  p.  307  n.  3)  ne  peut  pas  cire  entendue  autrement. 


LA    PRISON 


305 


détention  pour  dettes   n'intéressant  que  le  droit  privé  et  le 
droit  fiscal  (1),  il  nous  reste  à  parler  ici  de  la  détention  en  vue 
de  l'exécution  tendant  à  assurer  l'accomplissement  de  la  peine      (961) 
et  de  la  détention  répressive  dans  la  mesure  où  l'on  peut  à  la 
rigueur  parler  de  cette  dernière  en  droit  romain. 

De  tout  temps  la  détention  pour  cause  d'exécution  résulte  Détention 
nécessairement  en  droit  de  la  condamnation  à  mort.  Jusque  d^éxécriion. 
là  le  coupable  est  resté  libre  ;  désormais  il  est  enchaîné  (2),  et 
si  l'exécution  ne  peut  avoir  lieu  immédiatement,  il  est  incar- 
céré (3).  Sous  la  République,  le  condamné  ne  peut  être  traité 
ainsi  qu'autant  que  la  condamnation  à  mort  jouit  de  l'autorité  de 
la  chose  jugée  ;  donc,  si  la  provocation  est  interjetée,  le  coupa- 
ble n'est  pas  considéré  comme  condamné  (4).  Sous  le  Principat, 
la  détention  pour  cause  d'exécution  doit  commencer  après  la 
condamnation  en  première  instance  (o)  et   même  après   l'a- 


(1)  Les  prescriptions  relatives  au  cavcer  priuatus  visent  la  prison  pour 
dettes.  Nous  avons  déjà  fait  remarquer  que  le  créancier  a  contre  lejudi- 
calus,  même  encore  à  l'époque  impériale,  la  faculté  de  l'emmener  dans 
sa  prison  privée  en  vertu  d'une  addictio  du  magistrat  ;  mais  la  mauvaise 
habitude,  souvent  mentionnée,  qu'ont  les  hommes  puissants  (potenliores) 
d'incarcérer  à  titre  de  justice  privée  les  petites  gens  à  raison  des  créan- 
ces qu'ils  ont  contre  elles,  est  qualifiée  d'abus  par  les  ouvrages  juridiques 
{Dig.,  4,  6,  9.  48.  19,  28,  7).  Dans  l'édit  égyptien  de  Tibère  Alexandre,  on 
permet  au  fiscus  d'incarcérer  le  débiteur  dans  la  prison  pour  dettes  (tô 
TipaxTÔpeiov),  maison  l'interdit  au  simple  particulier  (C.  1.  G7\,  4957,  1.  15 
sv.).  Cette  incarcération  peut  aussi  avoir  été  autorisée  vis-à-vis  du  dé- 
biteur de  la  communauté  (cpr.  III  p.  308  n.  1).  Théodose  I  utilise  le  car- 
cet-  privatus  ponr  ceux  qui  sont  accusés  d'un  crime  de  lése-majesté  (C.  Th., 
9,  il,  1).  Zenon  a  prohibé  cette  incarcération  d'une  manière  générale  {Cod., 
9,  5,  \). 

(2)  Cet  enchaînement  nous  est  décrit  pour  l'époque  primitive  dans  la 
légende  d'Horace.  Il  est  mentionné  pour  l'époque  impériale  chez  Dion, 
58,  3  :  Tov  (TTpaTr,Y()v  tov  5r,<70VTa  a-Jtbv  xa\  irpô;  xôv  Tipiwpîav  àitâÇovTa  et  plus 
loin  :  ôr,<7a;  Tivà  Tôiv  â-raipwv  et  par  Tacite,  Ann.,  14,  64  :  restvingitur  vinclis. 
On  peut  naturellement  renoncer  dans  certains  cas  à  l'incarcération. 

(3)  L'incarcération  de  Malleolus,  assassin  de  sa  mère,  qui  doit  être 
exécuté  par  submersion,  nous  est  décrite  par  la  Rhet.  ad  Her.,  1,  13,  23  et 
par  Cicéron,  De  inv..  2,  50.  Gicéron,  Verr.,  li,  43,  117  :  includuntur  in  car- 
cerem  condemnati. 

(4)  C'est  ce  que  montre  la  légende  d'Horace. 

(5)  Dig..  28,  3,  6,  7.  48,  19,27,  2.  C.  Th.,  11,  30,  2  (z=  C.  Just.,  7,  62,  12). 
Cependant  le  cautionnement  suffît  souvent  :  Cod.,  7,  62,  6,  3. 

Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  20 


306 


DROIT    PÉNAL    ROMAIN 


.  (962) 


Détention 
domestique 
des  esclaves. 


veu  (1).  La  prison  est  surtout  destinée  à  la  réception  et  à  la 
garde  des  criminels  qui  doivent  subir  l'exécution  capitale.  Or,  la 
fixation  de  l'époque  de  l'exécution  est  laissée  à  l'appréciation 
du  magistrat  et  celui-ci  n'est  pour  ainsi  dire  pas  lié  en  droit  ro- 
main par  des  délais  max'ima  légaux  (I  p.  222);  il  en  résulte 
que  le  magistrat  a  la  possibilité  —  et  il  a  plusieurs  fois  usé 
de  cette  faculté  —  de  ne  pas  appliquer  la  peine  de  mort  et  de 
transformer  ainsi  en  fait  la  répression  en  un  emprisonnement 
à  perpétuité  (2).  La  détention  pour  cause  d'exécution  se  ren- 
contre aussi  ordinairement  pour  d'autres  condamnations  graves 
à  la  suite  desquelles  on  peut  redouter  une  tentative  de  fuite  (3J. 
La  prison  comme  mode  de  répression  s'applique  principale- 
ment aux  esclaves.  L'enceinte  de  travail,  Vergaslidum,  em- 
pruntée de  bonne  heure  par  les  Romains  aux  Grecs,  est  une 
institution  économique  et  non  un  lieu  de  peines;  mais  l'em- 
ploi étendu  que  l'on  fit  de  l'incarcération  comme  moyen  dis- 
ciplinaire à  l'intérieur  de  la  domus  (I  p.  24  n,  3  et  p.  333  n.  3), 
notamment  vis-à-vis  des  esclaves,  eut  pour  conséquence  que 
toute  maison  importante  posséda,  abstraction  faite  de  l'ergas- 
tulum,  une  prison  d'esclaves  ou  une  autre  institution  analo- 
gue (4).  Cette  circonstance,  jointe  à  la  considération  qu'en  cas 


(1)  Diq.,  48,  3,  5.  tit.  4,  4,  pv. 

(2)  Nous  avons  mentionné  St.  R.,  3,  1069,  n.  3.  1250,  n.  1  [Dr.  publ  , 
1,  274,  n.  1.  481,  n.  2]  les  preuves  à  l'appui  de  cette  afliruiation,  notam- 
ment la  procédure  contre  Q.  Pleminius  et  celle  qui  fut  proposée  par  Cé- 
sar contre  les  partisans  de  Gatilina.  Il  en  a  été  de  même  à  la  suite  de 
condamnations  à  mort  prononcées  pour  mutilation  volontaire  en  vue 
d'échapper  au  service  militaire  (Val.  Max.,  6,  3,  3)  et  pour  cause  de  pé- 
dérastie {Val.  Max.,  6,  1,  10).  Cette  mutation  de  peine  a  également  eu  lieu 
à  l'époque  impériale  (III  p.  248  n.  2).  La  transformation  d'une  condam- 
nation à  la  déportation  déjà  exécutée  en  une  détention  dans  la  ville  de 
Rome  (Tacite,  Aiui.,  6,  3  :  relrahitur  in  urbem  custodilurque  dotnibus  inagis- 
traluum)  est  un  acte  de  violence  isolé  de  Tibère. 

(3)  Déportation  :  détention  jusqu'à  la  réception  de  la  décision  impé- 
riale {Dig.,  48,  22,  6,  1).  —  Relégation  grave,  Dig.,  48,  22,  7,  1  :  milili  tra- 
dendus  est  rele/atui.  La  mise  sous  la  garde  d'un  soldat  est  une  procédure 
plus  douce  que  la  détention  (I  p.  372). 

(4)  Les  esclaves  qui  ont  été  punis  de  celte  manière  ou  d'une  autre  par 
le  maitre  forment,  comme  nous  le  savons,  une  catégorie  spéciale  et  infé- 
rieure au  point  de  vue  de  l'affranchissement  (Gaius,  1,  13  et  ailleurs). 


LA   PRISON  307 

de  punition  d'un  esclave  coupable  il  est  équitable  d'atteindre  le 
moins  possible  le  propriétaire  innocent,  a  certainement  conduit 
de  tout  temps  le  magistrat,  appelé  à  connaître  d'un  délit  com- 
mis par  un  esclave,  à  laisser  au  maître,  lorsque  la  nature  du 
délit  le  permettait,  le  soin  d'assurer  la  punition  du  coupable 
en  l'enfermant  pendant  un  certain  temps  ou  à  perpétuité  dans 
la  prison  domestique  (1).  Le  juge  répressif  n'est  pas  obligé  de 
faire  une  telle  offre  et  il  ne  l'a  certainement  faite  que  si  le 
tribunal  croyait  pouvoir  s'en  remettre  au  propriétaire  du  soin 
d'assurer  une  répression  qui  lui  incombait.  D'autre  part,  le 
propriétaire  a  la  faculté  de  refuser  cette  offre.  Ce  refus  est  (963) 
considéré  comme  une  renonciation  au  droit  de  propriété  et  il 
est  ordinairement  suivi  d'une  invitation  officielle  à  se  faire 
connaître,  adressée  à  toute  personne  qui  accepterait  de  se  char- 
ger de  l'esclave  en  s'obligeant  à  lui  infliger  la  détention  con- 
venable. Si  personne  ne  répond  à  cet  appel,  l'esclave  est  con- 
damné aux  travaux  forcés  à  perpétuité  (2). 

Ni  le  droit  de  la  République,  ni  celui  de  l'Empire  ne  con- 
naissent la  détention  répressive  publique  ;  dans  le  droit  de 
Justinien  on  déclare  encore  qu'une  sentence  judiciaire  condam- 
nant à  la  prison  pour  un  certain  temps  ou  à  perpétuité  n'est 
pas  un  fait  sans  exemple,  mais  est  inadmissible  (3).  Toutefois^ 


(1)  III  p.  240.  Macer,  Dig.,  48,  19,  10  :  ex  quibus  (causis)  liber  fuslibus  caesus 
in  opus  publicuni  datur,  ex  liis  servus  sub  poena  vinculorum  ad  ejiis  temporis 
spulium  flagellis  caesus  domino  reddi  jubelur.  Paul,  5,  18,  1.  Dig.,  40,  1,  5.  48, 
19,  38,  4.  Lorsqu'on  n'a  pas  fixé  la  durée  de  la  détention  que  le  maître 
doit  infliger  à  l'esclave,  on  considère  que  cette  peine  doit  être  appliquée  à 
perpétuité  (Corf.,  9,  47,  10).  Il  parait  peu  probable  que  cette  procédure  ait 
ordinairement  constitué  un  adoucissement  de  la  répression.  Une  accusée 
se  donne  un  faux  nom  devant  un  tribunal  pour  ne  pas  être  livrée,  comme 
dans  un  procès  précèdent,  à  son  maître  {Mart.  Pionii,  c.  9). 

(2)  Macer,  Dig.,  48,  19,  10,  pr.  :  si  sub  poena  vinculorum  domino  reddi  jus- 
sus  non  recipialur,  venumdari  et  si  eniplorem  non  invenerit,  in  opus  publicum 
et  quideni  perpetunm  dari  Jubelur.  Gpr.  III  p.  296  n.  5. 

(3)  Dig.,  48,  19,  8,  9  :  soient  praesides  in  carcere  conlinendos  damnare  aut 
ut  invinculis  contineantur.sed  id  eos  facere  nonoporlet^namhujusmodi  poenae 
interdiclae  sunl  ;  carcer  enim  ad  conlinendos  homines,  non  ad  puniendos  haberi 
débet.  48,  19,  35.  Cod.,  9,  47,  6  :  incredibile  est  quod  adlegas  lïberum  hominem . 
ut  vinculis  perpetuis  cmlinerelur,  esse  dumnalum  ;  hoc  cniin  oix  in  sola  seruili 
condicione  procedere  polesl.  Cod.,  9,  47,  10. 


308  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

la  peine  privative  de  liberté  n'est  exclue  que  nominalement  du 
système  des  peines  du  Principal.  Les  travaux  forcés  —  qui 
dans  les  habitudes  romaines  ne  se  concilient  guère  avec  une 
incarcération  proprement  dite  —  impliquent,  comme  nous  l'a- 
vons déjà  vu  (ni  p.  293  et  p.  296.),  la  détention  du  condamné, 
et  sont,  même  dans  leurs  deux  applications  les  moins  graves, 
les  travaux  forcés  à  perpétuité  et  ceux  à  temps,  assez  fré- 
quemment qualifiés  (III  p.  295  n.  4)  d'enchaînement  {vincula 
piiblica);  la  privation  de  liberté  est  môme  devenue  une  partie 
plus  importante  de  la  répression  que  les  travaux  forcés,  sur- 
tout lorsque  le  coupable  n'a  été  condamné  à  cette  peine  que 
pour  peu  de  temps  (1).  Mais,  à  envisager  strictement  les  cho- 
ses, la  peine  de  la  prison  est  encore  inconnue  dans  le  dernier 
état  du  droit  romain. 


(1)  Par  exemple,  d'après  Jastinien  {Cod.,  9,  5,  2),  quiconque  détient  une 
autre  personne  dans  une  prison  privée  doit  être  incarcéré  dans  une  pri- 
son puljlique  pendant  un  nombre  de  jours  égal  à  celui  de  l'incarcération 
illégale  qu'il  a  fait  subir.  D'après  le  statut  local  de  Mylasa  de  l'époque 
de  Septime  Sévère  {Bull,  decorr.  hell.,  1896,  t.  20,  p.  53G),  l'esclave  qui  viole 
cette  loi  sur  le  change  doit,  si  son  maître  ne  préfère  pas  acquitter  la 
peine  pécuniaire  qui  atteint  en  pareil  cas  l'homme  libre,  être  livré  par 
ce  maître  à  l'autorité  municipale.  Celle-ci.  après  l'avoir  flagellé,  le  dé- 
tient pendant  six  mois  dans  la  prison  pour  dettes  (t'o  TtpaxTÔpe-.ov). 


SECTION    VII  (964) 


bannissement 
époque 


BANNISSEMENT   ET    INTERNEMENT 


L'exilmm  (étymologiquement  1*  «  acte  de  sauter  hors  de  exh  et 
quelque  chose  »)  de  l'époque  républicaine,  c'est-à-dire  le  fait 
de  sortir  pour  le  citoyea  romain  de  la  communauté,  joint  au  républicaine 
changement  de  domicile,  est,  comme  nous  l'avons  exposé 
dans  le  Livre  I,  l'acte  d'un  particulier,  non  de  la  cité,  et  encore 
moins  un  acte  de  répression  (1),  mais  il  est  dans  certains  cas 
un  moyen  de  se  soustraire  aux  conséquences  personnelles 
d'une  condamnation  pénale  imminente  (I  p.  78  sv.). 

L'interdiction  du  toit,  de  l'eau  et  du  feu,  interdictio  tecto 
aqiia  igni  est,  antérieurement  à  Sylla,  comme  nous  l'avons 
montré  au  même  endroit  (I  p.  82  sv.),  la  décision  d'un  ma- 
gistrat ou  des  comices,  par  laquelle  la  cité  romaine  se  débar- 
rasse une  fois  pour  toutes  d'un  non-citoyen  et  lui  interdit  sous 
peine  de  mort  (III  p.  276)  de  pénétrer  sur  le  territoire  ro- 
main. Celte  défense  ne  peut  être  dirigée  que  contre  le  citoyen 


(1)  Les  paroles  de  Gicéron  (I  p.  79  n.  1)  :  exlUum  nulla  in  lege  nostira  repe- 
rietur  doivent  signifier  que  l'exil  n'apparaît  pas  comme  peine  dans  les 
lois.  Naturellement,  il  se  rencontre  chez  elles  comme  notion  juridique,  par 
exemple  à  propos  de  la  causa  exilica  (Festus,  Ep.,  p.  81).  On  ne  le  trouve 
comme  peine  dans  aucunrécit  del'ancien  temps, sauf  dans  Denys  (7,64.  8,1) 
qui,  rapportant  la  légende  de  Coriolan,  présente  à  tort  le  plébiscite  voté  à 
cette  occasion  comme  ordonnant  un  bannissement  perpétuel.  La  brève 
formule  de  TiteLive,  2,  35,  6  :  (Coriolanus)  cum  die  dicta  non  adesset.  .  .  . 
daynnatus  absens  in  Volscos  exulatum  ahiit  est  aussi  incorrecte,  en  tant  que 
Vexilium  s'y  présente  comme  une  conséquence  de  la  condamnation. 


310  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

exilé,  contre  Vexul,  et  non  contre  le  citoyen  qui  n'est  pas  sorti 
de  la  communauté.  Elle  n'est  pas  une  condamnation  pénale, 
mais  un  acte  administratif. 
Développement      Lc  baunisscment  et  l'internement,  qui  jouent  un   rôle  im- 

*'^**^'''"'' portant  dans  le  droit  pénal  de  l'Empire,  ne  sont  pas  sortis 
tout  d'abord  de  Vexilium  et  de  l'interdiction,  mais  de  la  relé- 

(965)  galion  qui  fut  originairement  un  acte  administratif  sans  ca- 
ractère pénal.  La  relegatio  (1)  est  la  limitation  par  l'autorité 
de  la  faculté  de  choisir  ?on  lieu  de  séjour.  Elle  se  présente  soit 
comme  ordre  de  quitter  une  localité  déterminée  et  de  ne  plus 
y  revenir,  c'est-à-dire  comme  bannissement,  soit  comme  or- 
dre de  se  rendre  dans  une  localité  déterminée  et  de  ne  pas  la 
quitter,  c'est-à-dire  comme  internement  (2),  Elle  sert  encore 
dans  le  droit  pénal  postérieur  de  dénomination  générique  pour 
cette  peine,  bien  que  le  plus  souvent  les  différentes  formes  de 
celle-ci,,  notamment  la  plus  grave,  la  deportatio,  lui  soient  op- 
posées, et  que  le  terme  générique  soit  employé  de  préférence 
pour  désigner  les  catégories  les  moins  graves  qui  n'ont  pas 
de  nom  spécial  (3).  Le  mot  exilium  est  aussi  employé  dans  ce 


(1)  Le  terme  plus  ancien  fut  celui  à'exterminare,  mais  cette  expression, 
qui  est  restée  usitée  dans  l'usage  général  du  langage  (Cicéron,  P/-o  Ses/..  13, 
30  et  ailleurs),  est  étrangère  à  la  langue  juridique. 

(2)  Relegare  a  sans  doute  été  usité  au  début  pour  désigner  le  renvoi  et 
l'expulsion  des  ambassadeurs  ;  mais  ce  sens  rendu  très  vraisemblable 
par  la  formation  du  mot  ne  peut  être  prouvé  par  des  textes.  Dans  le  lan- 
gage juridique,  relec/are  est  employé  pour  le  bannissement  comme  pour 
l'internement  ;  on  parle  dans  le  premier  cas  de  relegare  ex  loco  et  dans  le 
second  de  relegare  in  lociim  (in  locum  est  aussi  remplacé  par  le  génitif  : 
insulae  relegatio,  Marcien,  Dig.,  48,  19,  4;  insiilae  deportatio,  Ulpien,  Dig., 
48,  22,  6.  pr.).  Ulpien,  l.  X  de  officio  proconsuUs  (Dig.,  48,  22,  7,  pr.)  formule 
cette  distinction  par  rapport  à  la  province  :  relegatorum  duo  gênera  sunt  : 
[sunt]  quidam,  qui  in  insulam  releganlur,  sunt  qui  simpliciter,  ut  provinciis 
eis  inlerdicalur,  non  etiam  insula  adsignelur.  Des  trois  degrés  de  la  reléga- 
tion qu'on  trouve  chez  Marcien,  Dig.,  48,  22,  5  :  exilium  triplex  est  :  aut 
certorum  locorum  interdictio,  aut  lata  fuga,  ut  omnium  locorum  inlerdicalur 
praeler  certum  locum,  aut  insulae  vinciilum,  id  est  relegatio  in  insulam,  le  pre- 
mier désigne  le  l)annissement,  le  second  et  le  troisième  l'internement  dans 
une  circonscription  étendue  ou  dans  une  ile  (III  p.  321  n.  2).  Le  bannis- 
sement sera  par  opposition  à  l'internement  le  Uberutn  exilium  de  la  Vita 
Marci,  20. 

(3)  Relegare   est  assez   souvent  employé  par  les  historiens  au  lieu  du 


BANNISSEMENT    ET   INTERNEMENT  311 

sens,  mais  sans  avoir  à  cet  égard  une  véritable  valeur  techni- 
que ;  sa  portée  s'est  modifiée  par  suite  de  la  transformation  de 
la  loi  pénale.  L'acception  originaire  et  peu  caractéristique  du 
mot,  en  rapport  avec  son  sens  littéral,  c'est-à-dire  la  simple 
sortie  de  la  communauté  de  citoyeQS,  n'est  déjà  plus  connue 
à  la  dernière  époque  de  la  République  (1);  le  terme  exul  est 
toujours  pris  dans  un  mauvais  sens  :  il  est  appliqué  à  toute  (966) 
personne  qui  sort  de  la  communauté  de  citoyens  pour  échap- 
per à  une  procédure  pénale,  qu'il  s'agisse  d'un  criminel  me- 
nacé d'une  accusation  (2)  ou  d'un  accusé  qui  va  en  exil  pour 
se  soustraire  aux  conséquences  personnelles  d'une  condamna- 
tion (3)  ;  il  sert  enfin  et  surtout  à  désigner  celui  qui  est  banni 
par  une  sentence  judiciaire  avec  menace  de  peine  pour  le  cas 
de  rupture  de  ban  (4).  Dans  l'usage  récent  du  langage,  on 


mot  plus  technique  deportare  (Tacite,  Ann.,  3,  68;  Pline,  Ep.,  4,  11).  Les 
jurisconsultes  conçoivent  bien  la  deportalio  comme  une  espèce  de  reler/a- 
tio,  mais  ordinairement  ils  prennent  ce  dernier  mot  dans  un  sens  res- 
treint et  lui  opposent  la  deporlatlo. 

(1)  On  le  constate  de  la  manière  la  plus  nette  chez  Cicéron,  Pro  Balbo, 
12,  29:  civi  Romano  licet  esse  Gaditanum  sive  exilio  sive  postliminio  (si  l'habi- 
tant de  Gadés  fait  prisonnier  de  guerre  et  devenu  citoyen  romain  par 
affranchissement  rentre  dans  sa  patrie)  sive  rejectione  hujus  civitatis.  La 
simple  sortie  de  la  communauté  de  citoyens  n'est  donc  pas  un  exilium. 

(2)  Les  Gatilinaires  l'emploient  dans  ce  sens. 

(3)  Cicéron  l'emploie  dans  ce  sens  à  propos  de  Verres, //i  Veri'.,  3,  88,205. 
5,  17,  44;  la  condamnation  pour  cause  de  repelundae  fondée  sur  la  loi  Gor- 
nelia  ne  peut  pas  avoir  prononcé  le  bannissement,  mais  les  accusés,  dans 
les  procès  où  ils  ne  peuvent  espérer  triompher,  préfèrent  s'exiler  ^wifl  vo- 
lunt  poenam  aliquam  siiblevfugpre  (I  p.  79  n.  1). 

(4)  G'est  ainsi  qu'on  trouve  dans  la  Rket.  ad  fier,  (vraisemblablement 
rédigée  sous  la  dictature  de  Sylla),  2,  28,  45  :  guasi  non  omnes,  quibus  aqua 
et  igni  interdiclum  est,  exules  appellentur  et  chez  Paul,  Dig.,  48,  1,  2  :  exi- 
lium  .  .  est  aquae  et  ignis  interdictio.  De  même,  Cicéron  emploie  ordinaire- 
ment ce  mot  pour  la  poena  damnati  {De  domo,  27,  72.  31,  83),  soit  en  général 
{Parad.,  4,  31  :  scelerali  .  .  .  quos  leges  exilio  adfici  volunt),  soit  à  propos  de 
la  condamnation  pour  veneficium,  délit  qui  d'après  la  loi  de  Sylla  fait  en- 
courir l'interdiction  {Pro  Cluenlio,  10,  29  :  quem  leges  exilio,  natura  morte 
multavit,  cpr.  67,  175),  ou  de  la  peine  de  Vambilus  d'après  la  loi  ïullia 
(Pro  Mur..  23.  47.  41,  89.  Pro  Plancio.  3,  8.  34,  83),  ou  de  celle  de  la  loi  de 
Pompée  relative  au  meurtre  de  Glodius  {Pro  Mil. ,Z1,  101).  Cicéron  se  qua- 
lifie en  ce  sens  d'exul  {De  domo,  31,  83).  Dans  les  restitutions  d'exides,  on 
■vise  toujoiirs  au  moins  en  première  ligne  ceux  qui  ont  été  bannis  par 
une  sentence  judiciaire. 


312  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

ne  vise  donc  par  le  mot  exilium  que  le  fait  purement  extérieur 
de  la  sortie  de  la  communauté,  sans  tenir  compte  des  diversi- 
tés juridiques  importantes  qui  peuvent  s'y  rattacher.  On  em- 
brasse ainsi  sous  un  seul  et  même  terme  le  bannissement  qui 
en  droit  s'étend  à  tout  le  territoire,  romain  et  celui  qui  se  li- 
mite également  en  droit  à  une  partie  de  ce  territoire,  l'émi- 
gration volontaire  quoiqu'à  contre  cœur  et  le  bannissement 
prescrit  par  la  loi,  le  bannissement  antérieur  à  la  sentence 
judiciaire  et  celui  qui  la  suit  (1).  A  vrai  dire,  cette  dernière 
espèce  de  bannissement  est  à  la  bonne  époque  de  beaucoup  la 
plus  fréquente;  aussi  oppose-t-on  en  ce  s%n%  V exilium  judi- 
ciaire à  la  relegatio  administrative  (2).  Une  notion  aussi  super- 
ficielle peut  convenir  aux  récils  des  historiens  ;  elle  est  inuti- 
lisable en  droit  (3).  En  fait,  le  mot  se  rencontre  surtout  dans 
(967)  les  écrits  non  juridiques;  il  est  également  employé  dans  les 
ouvrages  de  droit  pour  toutes  les  catégories  de  peines  priva- 
tives de  liberté  depuis  la  déportation  jusqu'à  la  relégation  la 
plus  légère  et  sa  signification  précise  doit  faire  dans  chaque 
cas  l'objet  d'un  examen  particulier  (4).  C'est  pour  cette  raison 


(1)  C'est  ce  que  montre  nettement  la  comparaison  de  Polybe,  6,  14,  avec 
les  indications  postérieures  de  Salluste,  Cal.,  31,  22  :  aliae  leges  condemna- 
tis  civibus  non  animam  eripi,  sed  exilium  permilti  juhent.  51,  40.  Asconius, 
In  Mil.,  p.  54. 

(2)  Ovide,  TrisL,  2,  137  (cpr.  3,  H,  21)  :  ediclum  .  .  in  poenae  nomine  lene 
fuit,  quippe  relegatus,  non  e.iiil  dicor  in  illo. 

(3)  La  même  remarque  s'applique  au  mot  eicere  qui  correspond  comme 
verbe  au  substantif  exilium.  Eicere  est  aussi  fréquemment  employé  pour 
désigner  la  simple  expulsion  de  fait  hors  de  la  ville,  comme  Cicéron  y 
procéda  vis-à-vis  de  Gatilina,  que  pour  exprimer  la  relégation  juridique 
(Cicéron,  De  l.  agr.,  1,  4,  13)  et  le  bannissement  qui  se  rattache  à  un  pro- 
cès ;  il  contient  toujours  une  idée  de  blâme  et  de  mépris  (Cicéron  In  Cal., 
3,  2,  3).  Eicere  n'a  jamais  eu  de  valeur  technique,  exilium  l'a  perdue. 

(4)  Les  historiens  emploient  ordinairement  le  mot  exilium  pour  la  dé- 
portation, et,  dans  la  mesure  où  cette  peine  prend  la  place  de  l'interdic- 
tion, cette  habitude  de  langage  correspond  à  la  terminologie  de  la  fin  de 
la  République  ;  mais  on  trouve  aussi  cette  expression  pour  toute  espèce 
de  bannissement  (par  ex.  Tacite,  Ann.,  i,  77).  Les  jurisconsultes  se  ser- 
vent également  de  ce  mot  pour  désigner  la  peine  grave  de  la  déportation 
(Paul,  III  p.  311  n.  4  ;  Isi  lore,  Orig.,  5,  27,  28  :  dividilur  exilium  in  relegalis 
et  deportatis)  et  les  peines  légères  privatives  de  liberté  ;  lorsqu'ils  veulent 
l'utiliser  pour  exprimer  une  opposition,  exilium  s'entend  de  préférence. 


BA.NNISSEMF.NT    ET    INTERNEMENT  313 

que  nous  éviterons  de  nous  en  servir  dans  l'exposé  qui  va 
suivre. 

Les  lois  de  Sylla  et  du  début  de  l'Empire  ont  introduit  la    Les  formes 
restriction  de  la  faculté  de  choisir  son  séjour  parmi  les  peines   ^  ^dlns°^'°° 
et  cette  restriction  avec  sa  quadruple  graduation  est  devenue   •*  législation 

j  ,  .  ,  ,  de  Sylla  et 

l'un  des  moyens  de  repression  les  plus  importants  et  les  plus  sons  l'Empire. 
fréquents. 

1.  Relégation  sans  modification  de  l'état  de  la  personne, 
sans  peine  capitale  pour  le  cas  de  contravention  et  sans  inter- 
nement. 

2.  Relégation  sans  modification  de  l'état  de  la  personne  et 
sans  peine  capitale  pour  le  cas  de  contravention,  mais  avec 
internement;  elle  est  ordinairement  désignée  sous  le  nom  de 
relegatio  in  insulam. 

3.  Relégalion  sans  internement,  mais  avec  peine  capitale 
pour  le  cas  de  rupture  de  ban  ;  die  est  ordinairement  appelée 
interdictio  aqua  et  igni  :  elle  n'entraîne  au  début  aucun  chan- 
gement d'état;  depuis  Tibère  elle  est  aggravée  par  la  priva- 
tion du  droit  de  cité  et  la  confiscation  du  patrimoine. 

4.  Relégation  avec  internement,  entraînant  la  peine  capitale 
en  cas  de  rupture  de  ban  et  comprenant  la  privation  du  droit 
de  cité  et  la  confiscation  du  patrimoine.  Cette  peine  fut  intro- 
duite par  Tibère  et  appelée  deportatio,  déportation. 

Nous  devons  maintenant  exposer  l'histoire  de  ces  dififé rentes 
catégories  de  peines. 

La  relégation  appartient  en  première  ligne,  comme  toutes      (968) 
les  formes  de  coercition,  à  la  discipline  domestique;  elle  est      Progrès 

,1  , .         .  •  ,  1  de  la  relégalion 

souvent  mentionnée  dans  cette  application,  soit  qu  on  chasse  administrative. 
un  fils   de   famille  de   la  demeure    urbaine   et   l'envoie  à  la 


comme  releqatio,  des  peines  légères  privatives  de  liberté.  On  le  trouve 
dans  une  acception  générique  par  opposition  à  la  déportation  chez  Ul- 
pien,  Dig..  48,  19,  6,  2  ;  et  Marcien,  Dig.,  48,  22,  4.  5.  —  Pour  le  bannisse- 
ment par  opposition  à  l'internement  (relegatio  in  insu/am)  :  Paul,  5,  22, 
5.  —  Bannissement  hors  de  la  ville  par  opposition  à  la  relegatio  hors  de 
la  province  :  Paul.  5,  4,  11.  tit.  17,  2  (cpr.  III  p.  318  n.  2).  —  Bannisse- 
ment à  temps  :  Dig.,  47,  10,  41. 


314  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

campagne  (I  p.  24),  soit  qu'on  bannisse  des  femmes  de 
Rome  et  de  ses  environs  (I  p.  20  n.  1).  La  relëgation  publi- 
que fut  employée  de  tout  temps  par  les  magistrats  romains 
contre  les  non  citoyens  et  contre  les  citoyens  comme  une  éma- 
nation et  comme  la  caractéristique  de  la  plénitude  de  leur 
imperium  (1).  Vis-à-vis  des  non  citoyens  (2),  elle  n'a  d'autre 
limite  que  l'utilité.  Au  regard  du  citoyen  romain,  le  bannis- 
sement injustifié  de  l'homme  dont  la  réputation  est  intacte 
est  un  abus  de  pouvoir  (I  p.  53),  mais  non  une  violation  de 
la  loi.  Par  contre,  c'est  non  seulement  un  droit  pour  le  ma- 
gistrat de  restreindre,  pour  les  citoyens  dont  la  réputation  est 
entachée,  la  faculté  de  choisir  leur  séjour,  notamment  de  les 
bannir  de  la  capitale,  mais  c'est  même  un  devoir  pour  lui, 
parfois  imposé  par  la  loi,  de  procéder  ainsi  contre  les  soldats 
destitués,  les  coupables  condamnés  au  criminel  et  d'autres 
catégories  semblables  de  citoyens  (I  p.  53  n.  1).  Jamais  la 
relégation  n'a  été  prononcée  à  l'époque  républicaine  par  une 
sentence  judiciaire.  Sous  le  Principat,  elle  a  pénétré  dans  le 
système  des  peines,  mais  elle  a,  malgré  cela,  gardé  jusqu'à  un 
certain  point  son  caractère  administratif.  Le  gouvernement 
et  les  magistrats  règlent  avec  la  plus  grande  liberté  les  mo- 
dalités de  cette  peine,  et,  tandis  qu'une  sentence  judiciaire 
ne  peut  jamais  être  modifiée  par  celui  qui  l'a  rendue,  la  rè- 
gle contraire  est  encore  admise  pour  la  relégation  au  moins  à 
l'époque  de  Trajan  (3).  Par  contre,  les  degrés  plus  élevés  de 
la  relégation,  l'interdiction  et  plus  encore  la  déportation,  ont 
été,  comme  nous  le  montrerons  plus  loin,  introduits  par  Sylla 


(1)  Ulpien  (Dirj.,  48.  22,  14,  2)  cite  comme  aiitorités  ayant  à  son  époque 
le  pouvoir  d'infliger  la  relcgation  :  l'empereur,  le  sénat,  c'est-à-dire  le 
tribunal  consulaire-sénatorial,  les  préfets  (du  prétoire  et  de  la  ville),  les 
gouverneurs  de  province,  mais  non  pas  les  consuls,  si  l'on  fait  abstrac- 
tion de  leur  rôle  de  présidents  du  sénat. 

(2)  Releqare  a  toujours  un  sens  négatif  et  désigne  l'interdiction  de  sé- 
journer à  Rome;  ce  mot  n'est  jamais  employé  pour  exprimer  l'ordre 
adressé  au  non  citoyen   de  rentrer  dans  sa  patrie  {redire,  exire). 

(3)  Pline,  Ad  Traj.,  56. 


BANNISSEMENT   ET    INTERNEMENT  315 

et  appliqués  à  l'époque  postérieure  comme  peines  criminelles 
proprement  dites. 

La  relégation  n'est  applicable  que  dans  le  droit  pénal  pu- 
blic et  contre  des  personnes  libres;  car  les  esclaves  n'ont  pas 
la  faculté  de  choisir  leur  séjour^  Le  bannissement  a  été  ap- 
pliqué à  tout  homme  libre  quelle  que  soit  sa  condition  ;  il  a, 
notamment  à  ses  degrés  inférieurs  comme  bannissement  à 
temps  ou  hors  de  la  ville,  été  surtout  usité  contre  les  petites 
gens;  c'est  aussi  pour  cette  raison  qu'il  est  fréquemment  ac-  (969) 
compagne  de  la  flagellation  (1).  Il  en  est  tout  autrement  pour 
l'internement.  Le  changement  de  domicile  qu'implique  ce 
dernier,  qu'il  se  présente  comme  relégation  ou  comme  dépor- 
tation, est  à  la  charge  non  de  l'Etat,  mais  du  condamné.  Toute- 
fois, l'assignation  d'un  domicile  obligatoire  à  des  individus  sans 
ressources  ne  pouvait  guère  être  mise  à  exécution  sans  grever 
l'Etat.  Il  en  est  résulté  que  l'internement  n'a  pas  trouvé  ai- 
sément d'application  vis-à-vis  d'autres  personnes  que  celles 
qui  appartiennent  aux  meilleures  classes  de  la  société  et  ont 
un  certain  patrimoine.  Les  lois  pénales  ont  fréquemment 
limité  son  emploi  à  ces  personnes;  tandis  que  les  petites  gens 
étaient,  pour  la  même  faute,  condamnées  au  travail  des  mi- 
nes (2).  Nous  reviendrons  sur  ce  point  dans  la  dernière  Sec- 
tion du  présent  Livre.  —  A  ses  degrés  inférieurs,  la  relégation 
est  une  des  peines  criminelles  les  plus  légères  ;  infligée  à  perpé- 
tuité et  surtout  aggravée  par  l'internement  dans  la  forme  de 
la  déportation,  elle  rentre  parmi  les  peines  les  plus  graves  (3), 


(1)  Paul,  5,  21,  i.  Dig.,  47,  9,  i,  1.  Cod.,  8,  10,  12,  9.  Fréquemment  dans 
redit  de  Théodoric  (Dahn,  Kônige,  4,  115). 

(2)  Par  exemple,  C.  Th.,  1,  5,  3  prescrit  de  condamner  un  délinquant,  si 
palrimonio  circumfluil,  à  la  relégation  dans  une  île  pour  deux  ans  avec 
confiscation  de  la  moitié  du  patrimoine,  quod  si  agrestis  vitae  sit  aut  eiiam 
egenlis,  à  deux  ans  de  travail  des  mines  (III  p  293  n.  2).  De  même,  d'après 
C.  Th.,  16,  5,  40,  1.  un  sacrdegium  commis  sur  un  fonds  doit  entraîner  pour 
l'administrateur  {actor  vel  procuralor  possessionis)  une  condamnation  à  la 
peine  des  mines  à  perpétuité,  et  pour  le  bailleur,  s'il  a  un  patrimoine 
{conduclor,  si  idoneus  est),  une  condamnation  à  la  déportation. 

(3)  Paul,  5,  17.  2. 


316  DROIT    PKNAL    ROMAIN 

bien  que  naturellement  elle  se  présente  au  regard  de  la  peine 
de  mort  comme  une  atténuation  de  répression  (1). 

La  relégation  infligée  par  le  magistrat  réclame  un  examen 

plus  détaillé  au  point  de  vue  des  questions  de  lieu  et  de  temps. 

Déiimiiaiion       La  fixaliou  des  limites  territoriales  de  la  relégation  infligée 

du  lieu  de  .  j^i  i,iiii  r  i 

la reiégaiion :  P^^  un  magistrat  dépend  tout  d  abord  de  la  compétence  de 
bannissement,  celul-ci.  La  Tclégation  romaine  n'est  donc  possible  qu'au  re- 
gard du  territoire  romain;  vis-à-vis  des  communautés  for- 
mellement indépendantes,  c'est-à-dire  pour  celles  de  l'Italie 
jusqu'à  la  Guerre  Sociale,  et  pour  celles  situées  hors  de  l'Italie 
aussi  longtemps  que  leur  souveraineté  juridique  a  été  res- 
pectée, elle  ne  peut  avoir  été  efficace,  à  moins  que  des  traités 
spéciaux  ne  lui  aient  donné  cet  efl'et.  Mais  le  bannissement 
du  citoyen  n'a  même  pas  pu  s'étendre  à  tout  le  territoire  ro- 
main; il  e&l,  en  efl'et,  nécessaire  que  ce  citoyen,  qui  peut  être 
(970)  complètement  banni  de  tous  les  territoires  voisins,  garde  la 
possibilité  d'avoir  un  domicile.  Les  autorités  urbaines  ont  dû 
au  début  limiter  ordinairement  la  relégation  au  sol  de  la  ville 
et  laisser  au  banni  la  faculté  de  séjourner  sur  le  territoire 
romain,  mais  la  fixation  d'une  limite  a  été  ici  nécessaire. 
Celle-ci  a  dû  pendant  longtemps  être  déterminée  dans  chaque 
ois  concret  ;  aucun  renseignement  ne  nous  est  parvenu  sur 
les  usages  suivis  anciennement  à  cet  égard.  Lorsqu'à  la  suite 
de  la  Guerre  Sociale  Rome  eût  abandonné  son  propre  terri- 
toire, ou,  pour  exprimer  celte  idée  sous  une  autre  forme,  lors- 
qu'elle eût  organisé  toute  l'Italie  comme  une  circonscription 
de  citoyens,  les  bannissements  hors  de  la  capitale  furent  li- 
mités à  un  certain  rayon  variable  suivant  les  circonstances 
et  déterminé  d'après  les  bornes  milliaires  des  chaussées  par- 
tant de  Rome  (2).  Nous  avons  déjà  mentionné  à  propos  de  la 


(i\  Tacite,  Am.,  14,  28.  15,  7.  Pline.  Ep..  i.  11  (=  Suétone,  Dom.,  8).  8, 
14  ot  ailleurs. 

(2)  On  rencontre  déjà  dans  les  derniers  temps  de  la  Réiiublifjuc  des 
bannissements  avec  une  délimitation  de  ce  genre  (III  \^.  317  n.  1)  et  on  les 
présente  à  l'époque  d'Auguste  comme  un  usage  ancien  :  Tacite,  Ann.,  2, 
50  (cpr.  1  p.  18  n.  3). 


BANNISSEMENT    ET    INTERNEMENT  317 

discipline  domestique  (I  p.  18  n.  3)  la  faculté  qui  appartenait  au 
patron  de  bannir  l'affranchi  insoumis  au  delà  de  la  vingtième 
borne  milliaire.  Le  bannissement  au  delà  de  ^la  quatre  cen- 
tième pierre  milliaire,  qu'on  rencontre  également,  se  con- 
fond avec  le  binnissement  au-delà  de  la  ligne  du  Pô  (1).  Il  faut 
encore  mentionner  comme  relativement  ancien,  bien  qu'ap- 
paru seulement  sous  le  Principal,  le  bannissement  au-delà  de 
la  centième  pierre  milliaire,  d'où  est  issue  plus  tard  la  limite 
de  compétence  entre  le  préfet  de  la  ville  et  le  préfet  du  pré- 
toire (2).  Le  bannissement  infligé  dans  la  capitale  ne  s'est  ja- 
mais étendu  aux  provinces  situées  au-delà  des  mers  ni  aux  (971) 
îles  italiques;  le  calcul  par  pierre  milliaire  s'y  oppose  à  lui 
seul   (3).  Tout  magistrat  peut  bannir  de  son  ressort  (4)  et 


(1)  Cicéron,  Ad  Alt. ,3,  4:  in  (rogatione)  qiiod  confeclum  (correctum  Gratan- 
der.  d'après  Ep.,  2)  esse  audiebamus  erat  ejusmodi,  ul  mihi  ultra  quadringenta 
ynilia  esse  liceret;  illoc  [ut]  pervenivem  qiio  liceret  {illoc  percenirem  non  liceve  le 
nis.,  illoc pervenire  non  liceret,  WuschïelA),  stalim  iter  Brundisium  versus  con- 
tulianle  diem  rogationis.  Il  se  trompait  à  cet  égard,  la  loi  parlait  plutôt  de 
la  oOQe  pierre  milliaire  (Plutarque,  Cic,  32;  Dion,  38,  17)  pour  exclure  le 
banni  de  tout  le  sud  de  l'Italie.  Mais  il  est  à  remarquer  que  cette  limite 
de  400  milles  sert  à  désigner  la  ligne  du  Pô  ;  on  pense  ici  aux  milles  de 
la  voie  Flaniinienne  de  Rome  à  Ariminum  et  de  la  voie  Emilienne  d'Ari- 
minum  à  Plaisance  (214  -\-  17G  =  390,  auxquels  il  faut  ajouter  ceux  de  la 
circonscription  de  la  ville  de  Plaisance  vers  Dertona). 

(2)  I  p.  315.  St.,  R.,  2,  1076  [Dr.  publ.,  5,  381].  C.  Th.,  16,  o,  62.  Etant 
donné  que  dans  la  ville  de  Rome  la  relégation  était  surtout  appliquée  par 
le  préfet  de  la  ville,  il  est  vraisemblable  que  la  limite  de  compétence  de 
ce  fonctionnaire  est  issue  de  l'habitude  qu'il  avait  d'étendre  la  relégation 
jusqu'à  la  100"  pierre  milliaire  et  non  pas  au  contraire  que  la  portée  de  la 
relégation  a  été  déterminée  par  la  limite  de  sa  compétence.  Cette  délimi- 
tation linéaire  convient  bien  à  un  simple  bannissement  ;  car  il  s'agit  uni- 
quement ici  de  constater  si  la  limite  a  été  franchie  ;  elle  est  impraticable 
dans  l'administration  sans  une  adaptation  aux  territoires. — Dans  la  der- 
nière période,  lo  bannissement  au  delà  de  la  100''  pierre  milliaire  fut  aussi 
pratiqué  vis-à-vis  d'autres  villes  {C.  Th.,  16,  2,  3b;  cpr.  Dig.,  27,  1,  21,  2). 

(3)  Le  séjour  en  Sicile  et  dans  l'ile  de  Mélite  fut  interdit  à  Cicéron  non 
par  la  loi,  mais  par  le  gouverneur  de  province  (Cicéron,  loc.  cit.,  et 
Pro  Plancio,  40  ;  Plutarque,  loc.  cil.  ;  incorrect  :  Dion,  loc.  cit.).  Le  séjour 
dans  la  province  de  Macédoine  n'était  pas  davantage  visé  par  la  loi  ; 
Cicéron  {Pro  Plancio,  4t)  remercie  le  gouverneur  de  cette  province  de 
n'avoir  pas  agi  comme  celui  de  la  province  de  Sicile. 

(4)  Ce  bannissement  n'est  pas  rare  à  l'époque  républicaine  (SL  fi. ,  2,  1090 
[Dr.  publ.,  5,  398])  et  devient  extraordinairement  fréquent  sous  l'Empire. 


r 


r 


318  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

même  de  tout  son  ressort  ;  car  celui-ci  n'est  qu'une  partie  de 
l'empire  (1).  Fréquemment,  la  portée  du  bannissement  est 
plus  restreinte  ;  cette  peine  se  limite  notamment  au  territoire 
d'une  ville  et  appliquée  dans  cette  mesure  elle  est  parfois  opposée 
comme  peine  moindre  à  la  relégalion  pure  et  simple,  c'est-à- 
dire  au  bannissement  de  la  province  (2).  On  interdit  aussi  sim- 
plement l'entrée  du  forum  (3)  ou  du  théâtre  (4).  Au-delà  des 
limites  fixées  par  le  bannissement,  on  ne  doit  pas  restreindre 
la  faculté  pour  le  relégué  de  choisir  librement  le  lieu  de  sa 
résidence  (5). 
inierdicuon  La  relégatloD  hors  de  l'Italie  (6)  avec  menace  de  la  peine 
de  mort  pour  le  cas  de  rupture  de  ban,  qu'on  appelle  dans  le 
langage  technique,  eu  égard  au  second  élément  de  la  peine, 
l'interdiction  de  l'eau  et  du  feu,  inlerdiclio  aqua  et  igni,  est 
une  aggravation  considérable  de  la  relégation  et  par  nature 
une  peine  criminelle  prononcée  en  justice.  Elle  a  été  de  tout 
(972)  temps  usitée  contre  l'étranger,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  fait 
remarquer  ;  elle  n'a  jamais,  à  notre  connaissance,  été  appliquée 
au  citoyen  antérieurement  à  Sylla.  Elle  apparaît  dans  la  lé- 
gislation de  Sylla  comme  la  peine  du  crime  de  lèse-majesté  et 

Certaines  provinces  combinées  sont  considérées  à  cet  égard  comme  for- 
mant une  unité  (Dig.,  48,  22,  7,  14). 

(1)  Dig.,  48,  £2,  1,  1. 

(i)  Paul,  5,  21,  1  dislingue  les  trois  degrés  suivants  de  relégation  :  civi- 
late  pellere,  relegare,  deportare,  et  le  second  terme  ne  peut  désigner  ici 
que  le  bannissement  hors  de  la  province  ou  d'une  circonscription  encore 
plus  étendue.  Il  distingue  d'ailleurs  5,  17,  2  :  exitlum,  relegaiio,  deporUUio  ; 
ici  exilium  serait  donc  le  bannissement  hors  de  lu  circonscription  d'une 
ville.  11  dit  de  môme  5,  28  :  aut  in  cxiUummillunlur  util  ad  tempus  relegun- 
tur. 

(3)  Dig.,  \,  12,  1,  13. 

(4j  Dig.,  1,  12,  1,  13.  48,  19,  28,  3. 

(5)  Cod..  9,  47,  26. 

(G)  Lex  Julia  municipalis,  1.  111  :  quei  judicio  publico  Romae  condemnatus  est 
erit,  quocirca  eum  in  Ilalia  esse  non  iiceat.  Tacite,  Ann.,  12,  7.  22.  14,  28.  41. 
50.  15,  71.  16,  33.  Auguste  procéda  de  même  dans  le  bannissement  inflige 
à  l'acteur  Pylade  par  voie  administrative  (Suétone,  Aug.,  45).  —  11  ne  faut 
pas  perdre  de  vue  ici  les  changements  de  fronliére  de  l'Italie.  En  703/51  on 
rencontre  à  Ravenne  un  condamné  banni  d'Italie  (Caelius,  Ad  fani.,  8,  1, 
4)  ;  après  la  réunion  de  la  Gaule  Cisalpine  à  l'Italie,  il  y  aurait  eu  là  une 
infraction  à  la  relégution. 


BANNISSEMENT   ET    INTERNEMENT  319 

du  meurtre  (1),  et  on  la  trouve  prescrite  par  les  lois  pénales 
postérieures  pour  la  violence,  l'anibitus  et  pour  d'autres  délits. 
Ce  moyen  de  répression  n'a  pas  pu  être  utilisé  sans  modifica- 
tion par  les  tribunaux  extraurbains;  lorsque  cela  a  eu  lieu, 
la  province  a  pris  la  place  qu'occupe  l'Italie  dans  les  sentences 
des  tribunaux  urbains  (2),  Le  système  romain  des  peines  ne  con- 
naît pas  l'interdiction  de  tout  le  sol  romain.  —  Sous  le  Prin- 
cipat,  la  portée  de  la  relégation  de  droit  pénal  a  été  considé- 
rablement élargie  par  des  prescriptions  générales  tant  pour 
les  tribunaux  urbains  que  pour  les  tribunaux  extraurbains. 
Le  bannissement  de  la  province  comprend  de  plein  droit  ce- 
lui de  l'Italie  (3),  de  même  toute  sentence  bannissant  de  l'I- 
talie ou  d'une  province  entraîne  la  relégation  hors  de  la 
province  d'origine  et  la  relégation  hors  de  la  province  du  do- 
micile, lorsque  ces  deux  provinces  sont  distinctes  (4).  Enfin, 
tout  bannissement  s'étend  de  plein  droit  à  la  localité  où  l'em- 


(1)  Nous  n'avons  pas  de  témoignages  exprès  pour  l'introduction  de 
l'interdiction  criminelle  du  citoyen  dans  le  droit  pénal  romain.  La  men- 
tion la  plus  ancienne  qui  en  est  faite  est  peut-être  celle  de  la  Rhet.  ad 
Her.,  (rédigée  après  la  mort  de  Marius  et  après  les  proscriptions  à  cause 
de  4,  o2,  63,  vraisemblablement  sous  la  dictature  de  Sylla)  4,  8,  12.  c. 
39,  51  (cpr.  c.  36, 48)  :  l'invite  faite  aux  jurés  de  chasser  un  traître  (4,  8,  12  : 
ut  euni  .  .  praecipilein  ex  c'wliate  proturbelis  ;  4,  39,  51  :  guare,  judices,  eicite 
eum  de  civitale)  ne  peut  être  entendue  que  d'une  exhortation  à  condamner 
au  bannissement.  —  Cette  peine  est  prescrite  dans  la  loi  Gornelia  sur  le 
meurtre —  (Gains,  1,  128,  cpr.  Paul,  5,  23,  1)  et  dans  la  loi  Julia  sur  le 
crime  de  lése-majeslé  (Paul,  !i,  29,  1).  En  outre,  la  déportation  est  indi- 
quée comme  ayant  pris  la  place  de  l'interdiction  (Ulpien,!)/»/.,  48,  19,  2,  1  : 
deportatlo  in  locum  aquae  et  ignis  interdlctiords  kuccessil  ;  de  même  Dig  ,  48, 
13,  3).  Il  est  manifeste  que  dans  les  lois  sur  lesquelles  reposent  \qs  Ju- 
dicia  publica  Vinterdictio  aqua  et  igni  est  communément  apparue  comme  la 
peine  la  plus  élevée. 

(2)  Gela  n'a  aucune  importance  pratique  dans  les  cas  où  l'interdiction 
de  droit  pénal  se  transforme  en  un  internement,  il  en  est  autrement, 
lorsque  cette  interdiction  a  lieu  sans  internement. 

(3)  Suétone,  Claud.,  23  :  sanxit,  ut,  .  quitus  a  magislratibus  provinciae  inier- 
dicerentur,  urbe  quoque  et  Italia  summooerenlur.  Dig.,  48,  22,  7,  13.  15.  1.  13. 
Le  bannissement  hors  d'une  circonscription  d'une  ville  s'étend  aussi  à 
Rome  (et  à  l'Italie),  mais  l'extension  inverse  n'a  pas  lieu  (Dig.,  48, 22,  7, 15). 

(4)  Ulpien,  Dig.,  48,  22,  10-13.  Le  jurisconsulte  ajoute  que  l'interdiction 
s'étend  aussi  à  la  province  où  ce  délit  a  été  commis,  lorsque  celle-ci  est 
distincte  de  celle  où  siège  le  tribunal  (cpr.  pour  la  compétence  II  p.  23). 


320  DROIT    PÉiNAL    ROMAIN 

(973)  pereur  séjourne  actuellement  (1).  —  Malgré  ces  extensions, 
on  a  toujours  maintenu  la  règle  que  la  relégalion  ne  peut  s'ap- 
pliquer à  tout  le  territoire  romain.  Le  droit  pénal  romain  ne 
connaît  pas  un  tel  bannissement. 

Mais  le  point  le  plus  important  de  la  réforme  de  Sylla  a 
consisté  à  élever  jusqu'à  la  peine  capitale  la  répression  toute 
naturelle  en  cas  d'infraction  à  la  relégation.  Celle-ci  a  passé 
ainsi  du  domaine  de  l'adminislration,  auquel  elle  avait  appar- 
tenu jusqu'ici,  dans  celui  du  droit  pénal,  et  a  reçu  en  droit  une 
délimitation  territoriale  fixe  en  même  temps  qu'elle  était  rat- 
tachée à  certains  délits  déterminés. 
inicrnement,  L'intememcnt,  seconde  forme  plus  grave  de  la  relcgation, 
s'est  développé  d'une  manière  analogue  au  bannissement. 
Cette  assignation  d'un  domicile  obligatoire  se  rencontre  déjà 
isolément  à  l'époque  républicaine  (2),  elle  ne  devient  fréquente 
que  sous  le  Principal.  Elle  ne  s'élève  jamais  au  rang  d'une 
incarcération  proprement  dite,  mais  se  présente  parfois 
sous  la  forme  d'arrêts  à  domicile  (3);  elle  consiste  fréquem- 
ment à  confiner  une  personne  dans  un  quartier  d'une  ville,  dans 
une  ville  ou  dans  un  rayon  quelconque  (4).  Cette  forme  de  la 
relégation  à  Rome  est  une  des  peines  préférées  de  l'empereur 
Claude  (o);  le  confinement  dans  une  cité  ilalifjue  a  été  prescrit 
par  Auguste  (G),  mais  a  été  rarement  usité  dans  la  suite.  Les 

(1)  Dig.,  48,  22,  18,  pr.  49,  16,  13,  3  ;  cpr.  Dig.,  4S,  22,  7,  18. 

(2)  Un  sénatus-consulte  de  574/180  interne  un  tribun  militaire,  pour 
faute  militaire  grave,  à  l'intérieur  de  l'Espagne  (Tite-Live,  40,  11,10:  ut 
M.  Fuloius  in  Hispaniam  relegarelur  ultra  tiovam  Carlhaginem.) 

(3)  Dig.,  48,  22,  9.  10.  Elle  coïncide  avec  la  custodia  libéra  exposée  dans 
le  Livre  II  (I  p.  357). 

(4)  Dig  ,  48,  22,  7,8.  9.  Dion,  55,  18  :  â;  vf,crov  xaTaxXêiirOi'ii;  vj  xai  èv  àypw 
7io).£i  té  Ttvt.  La  conslitution  au  C.  Jusl.,  9,  47,  20  donne  l'ordre  au  gouver- 
neur d'b]gypte  en  cas  de  relégation  pour  un  an  d'envoyer  le  condamné 
dans  une  oasis  ou  à  Gypsus.  localité  qui  fut  peut-être  mentionnée  ici  à 
raison  du  travail  des  mines  auquel  le  condamné  pouvait  y  être  soumis  — 
et  en  cas  de  relégation  pour  un  plus  long  temps  de  le  bannir  de  la  pro- 
vince. 

(5)  Suétone,  Clawl.,  23  :  qnosdam  novo  exeiniilo  relcgaril,  ut  ultra  hipidem 
lertlum  vetarel  eijrcdi  ah  itrl/r. 

(6)  C'est  ainsi  que  Lépidf  fut  relégué  àCircéies  (Suétone,  ^luy.,  16).  Cpr. 
III  p.  321  n.  4. 


BANNISSEMENT  El  IMERNEMENT  321 

lieux  les  plus  ordinairement  choisis  pour  dételles  relégations 
sont  les  iles  de  l'empire  et  les  oasis  égyptiennes  (1),  parce  que 
ce  sont  ceux  où  il  est  le  plus  facile  de  veiller  à  ce  que  les  cou- 
pables ne  quittent  pas  l'endroit  qui  leur  est  affecté.  L'assi- 
gnation d'une  circonscription  plus  étendue,  par  exemple  d'une 
seule  province,  se  trouve  également,  mais  est  rare  [2). 

L'internement  a  été  introduit  en  droit  pénal  par  Auguste  et  (974) 
Tibère.  Auguste  a  rapproché  de  l'internement  le  bannissement 
hors  de  l'Italie  prescrit  par  les  lois  pénales,  en  étendant  par 
voie  administrative  la  relégation  à  tout  le  territoire  de  l'empire 
faisant  partie  du  continent  et  en  limitant  aux  îles  les  territoires 
sur  lesquels  les  interdits  pourraient  établir  leur  domicile  (3). 
Dans  quelques  cas,  il  fixa  même  aux  reK'gués  comme  lieu  de 
séjour  un  endroit  déterminé,  notamment  une  île  (4).  On  voit 


(1)  Dig.,  48,  2-2,  1,  3. 

(2)  Les  deux  degrés  d'internement  indiqués  par  Marcien  (111  p.  310  n.  2), 
la  lala  fuga  ut  omnium  locorum  interdicalur  praeler  cerlum  locum  etlare/e- 
galio  in  insulam.  doivent  bien  être  entendus  ainsi,  mais  ils  ne  sont  en  réa- 
lité distincts  qu'au  regard  du  rang  qu'ils  occupent  dans  l'échelle  des 
peines  ;  à  tous  autres  points  de  vue,  il  n'est  fait  aucun  usage  de  cette  dis- 
tinction. 

(3)  Dion,  56,  27.  On  comprend  comme  appartenant  au  continent  les  îles 
qui  sont  à  moins  de  4CL  stades  de  la  côte  ;  toutefois  les  iles  de  Gos,  de 
Rhodes,  de  Sanios  (car  il  faut  certainement  lire  Samos  au  lieu  de  Sar- 
daigne)  et  de  Lesbos  restent  ouvertes  aux  exilés.  La  Sicile  ne  figurait 
donc  pas  dans  les  exceptions  et  nous  trouvons  ailleurs  que  l'autorisation 
de  séjourner  dans  cette  lie  était  considérée  comme  un  adoucissement  de 
peine  (Pline,  Ep.,  4,  11,  14). 

(4)  Une  détermination  de  ce  genre  eut  lieu  surtout  dans  les  relégalions 
infligées  par  Auguste  en  vertu  de  la  discipline  domestique  à  sa  fille  Julia 
(internée  d'abord  à  Pandateria  :  Tacite,  Ami.,  1,  53,  puis  par  adoucisse- 
ment à  Regium-Julium  :  Dion,  55,  10)  à  son  petit-fils  Agrippa  (relégué 
d'abord  à  Sorrente:  Suétone,  Aug.,  C5;  puis  à  Planasie  sur  la  côte  d'E- 
trurie  :  Tacite,  Jfin.,  1,  3)  et  à  sa  petite  fille  Julia  (reléguée  à  Trimerum 
sur  la  côte  d'Apulée  :  Tacite,  Ami.,  4,  71).  Auguste  ne  considérait  pas  ces 
relégations  comme  des  jugements;  c'est  pour  cela  qu'il  fit  confirmer  par 
le  Sénat  la  relégation  d'Agrippa  (Suétone,  Aug..  63)  et  lui  donna  ainsi 
force  de  loi.  Les  amants  de  sa  fille  Julia  furent  également  envoyés  dans 
des  iles  (Tacite,  Ann.,  1,  53  ;  Dion,  53,  10)  de  même  qu'Ovide  fut  interné 
à  Tomes,  mais  ces  peines  furent  vraisemblablement  appliquées  sans  une 
instance  pénale  projirement  dite,  parce  que  l'empereur  était  compétent 
pour  les  infliger  par  voie  administrative,  tandis  qu'il  parait  difficile  qu'à 
l'époque  d'Auguste  un  tribunal  ait  pu  condamner  à  la  simple  relégation. 

Droit  Pkxal  Romain.  —  T.  III.  21 


S22  DROIT    PÉNAL    RJMAIN 

déjà  apparaître  à  cette  époque  dans  les  condamnations  pénales 
la  distinction  de  l'inlernement  et  da  bannissement  (1). 
Déporiaiion.  Mais  c'est  Seulement  sous  Tibère  que  l'internement  se  pré- 
sente en  droit  comme  peine  indépendante,  notamment  dans  la 
forme  de  la  de'portation.  En  l'an  23  l'interdiction  est  aggra- 
vée par  la  privation  du  droit  de  cité  (III  p.  301)  et  la  confisca- 
tion du  patrimoine;  depuis  lors  elle  peut  se  restreindre  en  droit 
(975)  au  bannissement  hors  de  la  circonscription  du  tribunal  saisi, 
auquel  cas  elle  continue  à  porter  son  ancien  nom  (2)  ;  mais  or- 
dinairement elle  est  renforcée  par  l'assignation  d'un  domicile 
obligatoire,  qui  est  habituellement,  comme  nous  l'avous  déjà 
dit,  une  île  de  la  mer  ou  une  oasis  du  désert  et  la  peine  prend 
alors  le  nom  de  déportation,  deportatio[2>).  A  vrai  dire,  l'appli- 
cation de  celte  dernière  peine  ne  dépend  pas  absolument    du 


D'après  les  récits  de  Tacite  relatifs  aux  premières  années  du  règne  de 
Tibère,  l'internement  dans  une  ile  de  ceux  qui  étaient  condamnés  par  une 
sentence  proprement  dite  n'a  pas  pu  apparaître  seulement  lors  de  la  ré- 
forme opérée  en  l'an  23  d'après  laquelle  le  bannissement  modifiait  la  con- 
dition personnelle  du  coupable. 

(1)  Le  tribunal  sénatorial  aggrave  en  l'an  21  une  interdiction  en  ajou- 
tant la  clause  :  itl  teneretur  insula  neque  Macedoniae  neque  Thraciae  oppor- 
tuna  (Tacite,  Ann.,  3,  38);  en  l'an  24  il  renforce  une  demande  de  bannis- 
sement hors  de  l'Italie  par  celle  d'internement  dans  une  ile  (Tacite, 
Ann.,  4,  31).  Gpr.  Tacite,  Ann.,  4,  13.  30.  Si  celui  qui  est  relégué  dans 
une  île  commet  de  nouveaux  délits,  sa  peine  est  aggravée  non  seulement 
par  le  changement  d'ile,  mais  aussi  par  l'interdiction  et  la  confiscation 
du  patrimoine  (Tacite,  Ann.,  4,  21). 

(2)  Nos  sources  juridiques  juxtaposent  deporlalio  et  inlerdiclio  agita  et 
igni  (Gains,  Dig..  28.  1,  8.  1.  2  ;  Ulpicn,  Dig.,  32,  1,  2;  Alexandre  Sévère, 
Cad.,  5,  n,  1)  et  les  assimilent  pour  la  perle  du  droit  de  cité  et  du  patri- 
moine ;  la  différence  entre  elles  ne  peut  être  trouvée  que  dans  l'inlerne- 
ment qu'accompagne  la  déportation  et  qui  fait  défaut  dans  l'interdiction. 
Mais  en  pratique,  cette  dernière  n'a  guère  été  usilôe  à  côté  de  la  déporta- 
tion, elle  a  plutôt  clé  remplacée  par  elle  (III  p.  319  n.  1).  Nous  n'avons 
pas  de  témoignage  établissant  une  application  concrète  de  l'interdiction 
sans  fixation  de  domicile  obligatoire.  De  même,  lorsqu'on  indique  les  sanc- 
tions qui  répriment  toute  infraction  aux  dilférentes  formes  de  la  reléga- 
tion (III  p.  325),  on  omet  l'interdiction. 

(3)  La  désignation  technique  complète  est  deporlalio  (=  déportation)  in 
insulam;  les  oasis  égyptiennes  sont  comprises  sous  celte  expression.  Nous 
avons  déjà  fait  remarquer  (III  p.  306  n,  3)  que  jusqu'à  la  décision  du 
l'empereur  le  condamné  est  soumis  à  la  détention  en  vue  d'assurer  l'exé- 
cution. 


BANNISSEMENT    ET    INTERNEMENT  323 

tribunal  saisi;  il  faut,  outre  l'établissement  en  justice  du  fait 
dëlictuel,  un  ordre  administratif  du  gouvernement.  Il  faut  ce- 
pendant remarquer  que  les  tribunaux  souverains,  au  moins 
l'empereur  statuant  personnellement,  ont  dans  les  jugements 
fixé  à  leur  gré  le  domicile  imposé  aux  condamnés  (1).  Le  pré- 
fet de  la  Ville  a  eu  également  plus  tard  la  faculté  illimitée  de 
prononcer  un  tel  internement  (2)  ;  toutefois  l'empereur  doit 
encore  être  consulté  dans  ce  cas  pour  le  choix  du  lieu  de  reléga- 
tion (3).  Par  contre,  le  gouverneur  de  province  ne  peut  pas  pres- 
crire cet  internement  à  litre  de  peine,  il  ne  peut  que  proposer 
cette  répression  à  l'empereur  (4).  Il  faut  encore  tenir  compte  ici 
d'autres  circonstances  et  notamment  considérer,  comme  nous 
l'avons  déjà  fait  remarquer,  si  le  gouvernement  peut  et  veut 
assurer  au  coupable  sur  le  patrimoine  confisqué  les  moyens  de 
subsistance  nécessaires  pour  le  temps  de  la  relégation.  C'est 
là  un  point  sur  lequel  nous  reviendrons  dans  la  Section  rela-  (976) 
tive  à  la  confiscation  de  patrimoine.  Nulle  part,  il  ne  nous  est 
dit  d'une  manière  précise  ce  qu'il  advient  du  condamné,  lors- 
que l'empereur  n'accueille  pas  la  demande  de  déportation; 
mais  étant  donné  que  la  sentence  judiciaire  supprime  le  droit 
de  cité,  même  avant  qu'un  domicile  obligatoire  soit  assigné 
au  condamné  (5),  le  refus  dej'empereur  limite  ici  la  répression 
à  une  interdiction  dans  la  mesure  précédemment  indiquée, 
c'est-à-dire  à  une  relégalion  à  perpétuité  hors  du  ressort  du 
tribunal  sans  domicile  obligatoire,   mais  avec  perte  du  droit 


(1)  En  cas  de  condamnation  à  la  déportation  prononcée  par  le  Sénat, 
le  choix  du  lieu  d'exécution  de  la  peine  a  dû  être  restreint  aux  provinces 
sénatoriales,  en  supposant  que  le  sénat  ait  eu  la  faculté  d'empiéter  ainsi 
sur  le  domaine  de  l'administration.  Les  documents  ne  nous  fournissent 
aucun  renseignement  à  cet  égard. 

(2)  Dig.,  48,  19,  2,  1.  tit.  22,  6,  1. 

(3)  Dig.,  1,  12,  1.  3. 

(4)  Dig..  32.  1,  1,  4.  48,  19,  2,  1.  1.  27,  1.  tit.  22,  G,  1.  1.  7,  1.1.  15,  1.  L'inter- 
nement administratif  rentre  dans  la  compétence  du  gouverneur  de  pro- 
vince, à  la  condition  que  le  lieu  d'exécution  soit  situé  dans  son  ressort, 
mais  un  tel  internement  n'a  pas  les  effets  que  produit  la  déportation  dans 
le  droit  des  personnes  et  dans  celui  du  patrimoine. 

(5)  Dig.,  48,  19,  2,  1. 


324  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

de  cité  et  du  patrimoine.  —  Ordinairement,  l'interné  garde  la 
faculté  de  se  mouvoir  librement  dans  la  localité  qui  lui  est  as- 
signée, il  arrive  cependant  que  des  déportés  soient  soumis  à 
une  surveillance  militaire  (I  p.  371  n.  5). 
Limites  de        La  Felégation  infligée  par  le  magistrat  doit  être  déterminée 

la  reléeation  ,  .  .  i .  .  .  .  ,  t-- 

qu^m  non  seulement  quant  au  lieu,  mais  aussi  quant  au  temps.  Kn 
au  temps,  ^as  de  bannissemeut,  il  faut  fixer  le  délai  dans  lequel  l'in- 
téressé doit  quitter  le  pays^dont  il  est  chassé  (1);  en  cas  d'in- 
ternement, il  faut  arrêter  le  d^lai  dans  lequel  l'intéressé  doit 
se  rendre  à^l'endroit  qui  lui  est  assigné.  Dans  les  deux  cas,  la 
durée  de  la  peine  peut  être  indiquée  et  une  pareille  mention 
est  fréquente  (2)  ;  si  rien  de  tel  n'a  lieu,  le  bannissement  et  l'in- 
ternement  sont  considérés  comme  infligés  à  perpétuité  (3). 
L'interdiction  après  son  aggravation  récente  (4)  et  la  déporta- 
lion,  supprimant  toutes  deux  le  droit  de  cité,  n'ont  jamais  été 
prononcées  qu'à  perpétuité.  —  La  levée  de  la  prohibition  de 
séjour  dans  un  lieu  quelconque  est  uu  adoucissement  excep- 
tionnel de  peine  qui  ne  peut  être  accordé  que  par  une  déci- 
sion spéciale  de  l'empereur  {commeatus)  (5). 
(977)  L'infraction  à  la  relégation  infligée  par  le  magistrat,  c'est- 

uépression    à-dirc  Ic  séjour  dans  un  lieu  interdit  en  cas  de  bannissement 
de  iinfraciioa        pabaudou  du  domicilc  obligatoire  en  cas  d'internement,  est 

a  la  relegation.  o 

(1)  Difj.,  48.  22,  7,  n. 

(2)  Relogatiou  pour  dix.  ans  :  Tacile,  Ann.,  3,  47.  6,  49  —  dans  une  île 
pour  sept  auo  :  Dion,  76,  5  —  pour  cinq  ans  :  Dig.,  1,  6,  2  —  pour  trois 
ans  :  Pline,  Ad  TraJ.,  o5  ;  Dig.,  47,  9,  4,  1.  50,  12,  8  —  pour  un  an  :  Ha- 
drien, Ep.,  clioz  Dosilliée,  6  —  pour  six  mois  :  Cassiodore,  Var.,  3,  43. 
cpr.  III  p.  2i3  n.  1). 

(3)  A  l'époque  républicaine,  la  relegation  infligée  par  le  magistrat 
perd  toute  efficacité  par  la  sortie  de  charge  de  ce  dernier,  à  moins  qu'elle 
ne  repose  sur  une  prescription  légale  (I  p.  53  n.  1)  ou  qu'elle  ne  soit 
renouvelée  par  son  successeur.  Mais  déjà  à  l'époque  d'Auguste  on  ren- 
contre la  relégation  à  perpétuité  (Suétone,  Aug.,  65)  et  celle-ci  devient 
fréquente  dans  la  suite  (Paul,  5,  22,  3  ;  Dig.,  48,  19,  28,  i.  tit.  22,  7,  2). 
Peu  importe  en  droit  que  la  relégation  ait  été  prononcée  à  perpétuité 
ou  qu'on  ait  simplement  négligé  d'indiquer  la  durée. 

(4)  Cette  remarque  ne  s'applique  jtas  à  l'ancienne  interdiction;  aucun 
obstacle  juridique  ne  s'oppose  ici  à  ce  (lue  la  menace  de  la  peine  do  rup- 
ture de  ban  ne  soit  faite  que  pour  un  certain  temps. 

(5)  Dig.,  48,  19,  4. 


BANNISSEMENT    ET    INTERNEMENT  8  25 

punie  avec  une  rigueur  croissanlo  suivant  les  roruies  de  la 
relégalion.  En  cas  de  relégalion  administrative.,  la  répression 
a  du  dépendre  essentiellement  de  l'arbitraire  du  magistrat. 
L'interdiction  et  la  déportation  qui  en  est  issue  donnent  lieu, 
comme  nous  l'avons  déjà  montré  (îllp.  276),  à  l'application  de 
la  peine  de  rupture  de  ban.  D'après  un  édit  d'Hadrien^  la 
désobéissance  entraîne  la  transformation  de  la  relégation  à 
temps  en  relégalion  à  perpétuité,  du  bannissement  en  inter- 
nement, de  l'internement  en  déportation,  tandis  qu'elle  est 
frappée  de  la  peine  de  mort  en  cas  de  déportation  (1),  Celui 
qui  reçoit  chez  lui  un  relégué  qu'il  sait  insoumis  est  frappé 
d'une  amende  et  dans  les  cas  graves  de  la  relégalion  (2). 

Bien  que  les  peines  personnelles  et  patrimoniales  qui  ac-  Les  différentes 
compagnent  le  bannissement  et  l'internement  soient  traitées  de,a°l'iéraiion 
dans  les  Sections  qui  les  concernent,  nous  ne  pouvons  cepen-   et  les  peines 

personnelles  et 

dant  pas  les  laisser  complètement  de  coté,  si  nous   voulons  patrimoniales. 
donner  une  idée  précise  des  différents  degrés  de  cette  peine 
importante  et  fréquente  de  la  relégation,  à  savoir  de  la  relé- 
gation simple,  de  la  relégation  avec  internement,  de  l'inter- 
diction avant  et  après  Tibère  et  de  la  déportation. 

La  relégation  à  temps  sans  ou  avec  internement  n'a  abso- 
lument aucun  effet  sur  la  condition  personnelle  du  relégué  (3)  ; 
ce  dernier  garde  même  ses  droits  honorifiques  et  en  recouvre 
ordinairement  à  son  retour  l'exercice,  lorsque  celui-ci  a  été 
entravé  par  la  relégation  (III  p.  352  n.  3).  Cette  peine  n'est 
pas  accompagnée  de  la  confiscation  du  patrimoine  ou  d'une 
quote-part  du  patrimoine  (III  p.  305);  elle  ne  comprend  pas 
non  plus  d'amendes. 

La  relégation  à  perpétuité   sans   ou   avec   internement  ne 


(1)  Dig.,  48,  19,  4.  1.  28,  13.  Sur  l'ordre  de  Trajan,  une  personne  reléguée 
à  perpétuité  hors  d'une  province  est  enchaînée  pour  avoir  pénétré  sur 
le  territoire  dont  elle  était  bannie  et  envoyée  à  Rome  pour  y  être  jugée 
par  le  tribunal  impérial  (Pline,  Ad  Traj.,  56.  57). 

(2)  Dig.,  48,  22,  11.  Pour  l'abri  donné  à  ceux  qui  sont  on  rupture  de 
ban,  cpr.  III  p.  277  n.  3. 

(3)  Dig.,  48,  22,  4.  1.  7,  3.  Inst.,  1,  12,  2. 


326  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

modifie  pas  davantage  la  condition  personnelle  du  relégué  ; 
naturellement  celui-ci  peut  recouvrer  ici  l'exercice  des  droits 
honorifiques,  entravé  par  la  relégation.  Celte  peine  est  ordi- 
nairement accompagnée  de  la  confiscation  non  de  la  totalité, 
mais  d'une  quote-part  du  patrimoine  (III  p.  363). 
(978)  L'interdiction  à  temps  ou  à  perpétuité,  telle  qu'elle  a  été 

organisée  par  Sylla  et  appliquée  jusqu'à  Tibère,  ordinaire- 
ment sans  internement,  ne  change  pas  non  plus  la  condition 
personnelle  de  l'interdit  (1),  celui-ci  conserve  la  qualité  de 
citoyen  avec  tous  les  droits  qui  s'y  rattachent (2).  D'après  les 


(1)  La  situation  juridique,  dans  laquelle  la  loi  Glodia  voulait  placer 
Gicéron,  était  celle  de  l'interdit  telle  que  la  réglait  le  droit  alors  en  vi- 
gueur, sauf  quelques  aggravations  dans  les  modalités.  La  loi  qui  n'était 
pas  expressément  rédigée  contre  Gicéron  punissait  la  violation  du  droit 
de  provocation  (Dion,  38,  14)  de  l'interdiction  de  l'eau  et  du  feu  (Vell.,  2, 
45),  non  dans  l'ancienne  forme  usitée  contre  les  étrangers,  mais  dans  la 
forme  donnée  par  Sylla  à  cette  peine  contre  les  citoyens  coupables.  Le 
droit  de  cité,  comme  Gicéron  le  fait  souvent  valoir,  ne  lui  a  pas  été  en- 
levé par  cette  loi  ;  mais  la  peihe  ordinaire  du  bannissement  de  l'Italie  fut 
aggravée  dans  ce  cas  par  la  confiscation  du  patrimoine,  le  rasement  de 
sa  maison  et  par  l'extension  du  bannissement  jusqu'à  la  50Û«  pierre  mil- 
liaire  des  chaussées  partant  de  Rome.  D'après  Ad  AU.,  3,  4  (III  p.  317  n.  1), 
il  semble  que  ces  dispositions  constituent  un  adoucissement  du  projet 
primitif;  originairement,  on  avait  peut-être  eu  l'intention  d'enlever  à 
Gicéron  son  droit  de  cité  et  de  le  bannir  complètement  du  territoire  ro- 
main, ainsi  que  le  permettait  le  droit  de  cette  époque.  L'infraction  au 
bannissement  entraînait  la  peine  de  mort  pour  le  banni  et  ses  complices 
(III  p.  270  n.  1).  —  Gonlre  la  légalité  de  cette  procédure  on  ne  pouvait 
faire  que  deux  objections  fondamentales.  Gette  loi  pénale  recevait  effet 
rétroactif,  mesure  que  blama  César  (Dion,  38.  17)  et  qui  est  vraisembla- 
blement la  cause  pour  laquelle  on  préféra  la  rédaction  ut  interdictum  sit 
(Gicéron,  De  domo,  18,  47).  La  seconde  objection,  plus  grave  encore,  se 
fonde  sur  ce  que  la  loi  fut  appliquée  à  Gicéron  sans  procès.  Gelui-ci  n'était 
pas  nommé  dans  la  loi  ;  pour  assurer  son  application  au  célèbre  orateur 
romain  la  loi  aurait  dû  prescrire  l'emploi  de  la  procédure  des  magistrats 
et  des  comices  ou  de  celle  du  jury,  mais  elle  ne  le  fit  pas.  Manifestement, 
les  adversaires  de  Gicéron  n'avaient  en  mains  ni  les  comices  centuriales, 
devant  lesquels  le  procès  devait  venir  en  sa  qualité  d'instance  capitale, 
ni  les  jurys.  L'application  de  la  loi  à  Gicéron  n'a  pu  avoir  lieu  que  par 
un  second  plébiscite  et  celui-ci  était  indubitablement  contraire  au  droit, 
qu'il  ait  été  réservé  ou  non  par  le  premier  plébiscite. 

(2)  Sans  cela  Gésar  n'aurait  pas  eu  besoin  de  dire  expressément  dans  la 
lex  Julin  munivipalis,  1.  117  (III  p.  318  n.  6)  qu'un  tel  condamné  ne  peut 
être  élu  aux  charges  municipales.  Un  tel  condamné  laisse  aussi  une  suc- 
cession (Gicéron,  Pro  Cluenlio,  63,  178).  Mais  surtout  le  fait  que  Tibère  en 


BANNISSEMENT    ET    INTERNEMENT  327 

lois  de  Sylla.,  il  garde  même  intégralement  son  patrimoine; 
mais  le  dictateur  César  et  plus  tard  Auguste  ont  déjà  ratta-      (979) 
ché  à  l'interdiction  des  peines  patrimoniales  qui  approchent  de 
la  confiscation  (III  p.  363). 

La  peine  privative  de  liberté  organisée  par  Tibère  en  Tan  23, 
qu'elle  se  présente  comme  interdiction  sans  fixation  de  domi- 
cile obligatoire  ou  qu'elle  soit,  ce  qui  est  la  règle,  une  dépor- 
tation, fait  perdre  le  droit  de  cité  et  entraîne  la  confiscation 
du  patrimoine,  bien  que,  comme  nous  l'exposerons  à  propos 
des  peines  patrimoniales,  on  ait  coutume  de  laisser  au  con- 
damné des  moyens  de  subsistance  plus  ou  moins  abondants  et 
qu'il  garde  la  capacité  patrimoniale. 

Si  nous  tentons  à  la  fin  de  cet  exposé  d'embrasser  daitt  un  piace 
coup  d'œil  d'ensemble  les  renseignements  recueillis  sur  cette  el  drolu^énar 
peine,  la  plus  importante  de  lafîn  delà  République  et  du  Prin- 
cipal, nous  ne  pouvons  pas  dissimuler  notre  étonnement  qu'un 
législateur  tel  que  Sylla  ait  établi  le  bannissement  hors  de 
l'Italie,  sans  autre  conséquence  juridique  ni  pour  la  personne 
ni  pour  le  patrimoine,  comme  une  expiation  suffisante  du  crime 
d'Etat,  du  meurtre  et  d'une  manière  générale  des  pires  délitF, 
et  l'ait  traité  en  pratique  comme  la  peine  criminelle  la  plus 
grave  (1).  Il  est  possible  qu'il  y  ait  eu,  notamment  pour  les 
crimes  vulgaires  et  pour  les  classes  inférieures  de  criminels, 
des  prescriptions   et  des   usages  complémentaires  que  nous 


l'an  23  enlève  au  déporté  la  capacité  de  faire  un  testament  et  d'une  ma- 
nière générale  lui  relire  le  droit  de  cité  (III  p.  301)  prouve  que  1  inter- 
diction, à  laquelle  la  déportation  succède,  ne  prive  pas  le  condamné  de 
ce  droit.  Par  contre,  il  ne  faut  pas  tenir  compte  de  ce  quç  Cicéron  pré- 
sente l'acquittement  dans  le  procès  de  meurtre  comme  condition  pour  le 
cioilalem  relinere  [loc.  cit.,  52,  144)  et  la  condamnation  comme  condition 
pour  Veicere  e  civitate  (iOid.y  Gl,  170  ;  il  emploie  en  même  temps  l'expres- 
sion correcte  exilium  10,  29.  Gl,  170.  62,  J73).  On  conçoit  très  bien  qu'un 
citoyen  romain,  qui  ne  peut  pénétrer  ni  à  Rome  ni  en  Italie,  soit  désigné 
dans  une  formule  oratoire  comme  n'en  étant  pas  un;  il  ne  faut  pas  ou- 
blier, en  effet,  avec  quelle  profusion  les  avocats  emploient  le  terme  de 
caput  (III  p.  242  n.  4)  et  même  celui  de  sanguls. 

(1)  I  p.  234.  La  persistance  en  droit  strict,  pour  le  crime  d'État  et 
peut-être  encore  pour  d'autres  cas,  de  la  procédure  des  magistrats  et  des 
comices  qui  est  réellement  capitale  n'a  aucune  importance  en  pratique. 


328  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

ignorons  ;  il  est,  du  moins,  évident  que  les  règles  parvenues  à 
noire  connaissance  visent  principalenaent  les  criminels  appar- 
tenant aux  rangs  élevés  de  la  société.  Pour  ces  derniers,  on 
peut  faire  valoir  que  le  transfert  des  charges  de  jurés  aux  sé- 
nateurs, réclamé  par  les  aristocrates,  empêchait  vraisembla- 
blement le  législateur  de  poser  avec  chance  de  succès  des  rè- 
gles plus  rigoureuses;  de  telles  prescriptions  eussent  vraisem- 
blablement conduit  en  pratique  à  des  acquittements  constants. 
Cette  considération  excuse  dans  une  certaine  mesure  le  légis- 
lateur ;  celui-ci  n'en  a  pas  moins  donné  à  l'Etat  romain  miné 
par  des  délits  de  toutes  sortes  la  législation  criminelle  la  plus 
commode  que  l'on  puisse  imaginer  pour  les  malfaiteurs,  et  le 
parti  conservateur  qui  l'a  faite  a  ainsi  fourni  une  preuve  suf- 
fisante que  la  forme  de  gouvernement  alors  en  vigueur   ne 
méritait  pas  d'être  maintenue  ;  l'histoire  impitoyable   n'a  fait 
que  confirmer  celte  preuve.  L'aggravation  nécessaire  des  pei- 
nes a  alors  été  réalisée  d'abord  par  le  dictateur  César,  puis 
(980)      par  les  deux  premiers  empereurs.  César  s'est  contenté  d'ajou- 
ter au  bannissement  des  peines  patrimoniales  graves  et  Au- 
guste a  aggravé  le  bannissement  plutôt  dans  son  application 
pratique  que  par  une  réglementation  légale  (i).  En  réalité, 
c'est  à  partir  de  la  transformation  du  bannissement  en  inter- 
nement, préparée  par  Auguste  et  réalisée  par  Tibère,  que  les 
classes  supérieures  furent  de  nouveau  soumises  à  une  répres- 
sion criminelle  sérieuse  et  rigoureuse.  Mais  du  même  coup  on 
indique  la  véritable  caractéristique  du  Principat,  qui  fut  d'é- 
tablir contre  les  hautes  classes  de  la  société  une  justice  répres- 
sive, non  pas  précisément  injuste  en  soi,  mais  variable  dans 
chaque  cas  particulier  par  suite  du  pouvoir  arbitraire  du  tri- 
bunal saisi  et  surtout  du  gouvernement.  L'internement,  tel 
qu'il  fut  appliqué  à  partir  de  celte  époque,  avec  le  choix  fait 


(1)  Les  hésitations  d'Auguste  à  fif^gravor  la  loi  pénale  on  vigueur  par 
l'établissement  de  nouveaux  principes  sont  Itien  exposées  dans  les  débats 
sur  la  conjuration  de  Cinna,  rapportés  par  Dion  (55,  14-22),  notamment 
dans  le  discours  de  Livie. 


BANNISSEMENT    ET    INTERNEMENT  329 

directement  et  librement  par  l'empereur  du  lieu  où  doit  s'exé- 
cuter la  peine  et  avec  une  liberté  identique  pour  la  fixation 
des  moyens  de  subsistance  qui  doivent  être  laissés  à  l'interné, 
est,  précisément  à  raison  de  celte  diversité  de  répression  pos- 
sible au  fond,  malgré  une  égalité 'apparente,  une  pénalité  pro- 
pre à  ce  régime  et  en  harmonie  avec  son  esprit. 


(981)  SECTION   VIII 


LES    PEINES    CORPORELLES 


Maiilaiion         Le  droit  privé  primitif  connaît  le  dommage  corporel  comme 
duToi'rnvé.  moyen  de  répression  par  application  de  la  loi  du  talion.  Le 
droit  le  plus  ancien  que  nous  connaissions  l'admet  pour  les  cas 
de  rupture  de  membre  et  de  fracture  d'os  et  le  fait  infliger 
par  le  plus  proche  parent  (1)  ;  le  droit  des  XII  Tables  l'a  con- 
servé pour  la  rupture  de  membre  (2).  Aucune  trace  ne  nous 
est  parvenue  de  l'application  pratique  de  ces  dispositions  ;  cette 
peine  a  été  vraisemblablement   remplacée  par  une  amende 
dès  la  première  période  de  la   République.  Lorsque  le  débi- 
teur ne  peut  acquitter  cette  amende^,  celle-ci  disparaît  et  n'est 
nullement  compensée  par  une  correction  (3). 
Muiiiaiion         Lc  droît  romaîu  de  la  guerre,  en  vigueur  à  l'époque  répu- 
corporciiecansj^lj     .^^^    admet  dans  une  large  mesure  la  mutilation  corpo- 

la  procorlurc  ^  o  i 

pénale      j.q\\q  (4)  et  l'Empirc  a  difGcilement  abandonne  ce  système  (5). 

publique. 

(1)  Gaton  dans  le  Livre  I  des  origines  (III  p.  11C  n,  _). 

(2)  III  p.  116.  Loi  des  XII  Tables,  8,  2  Scholl  [id.,  Girard]. 

(3)  La  transformation  en  correction  de  l'amende  qui  ne  peut  èfre  exigée 
n'est  pas  mentionnée  pour  les  actions  à  proprement  parler  privées.  Son 
admission  pour  les  injures  qualifiées  {Dig,,  47,  10,  35  ;  dans  cette  catégorie 
rentre  aussi  la  citation  du  patron  en  justice  :  Dig.,  2,  4,  25)  et  pour  les 
actions  populaires  {Dig.,  2,  1,  7,  3)  appartient  au  droit  pénal  public. 

(4)  Etaient  punis  de  l'ablation  des  mains  non  seulement  le  déserteur 
(Val.  Max.,  2,  7.  12  =  F ronlin.  S Imt.,  4,  1,  42)  et  l'espion  (Tite-Live,  23, 
33,  1.  26,  2,  19),  mais  aussi  le  voleur  en  cas  de  vol  commis  dans  le  camp 
(Frontin,  StraL,  4,  1,  IG). 

(5)  Etant  donné   le  caractère  arbitraire  de  la  justice  militaire,  on  ne 


LES    PEINES    CORPORELLES  331 

Mais  le  droit  pénal  public  de  la  République  ignore  ce  mode 
de  répression,  s'il  est  permis  d'induire  celte  conjecture  du  (982) 
silence  des  sources.  La  même  remarque  peut  être  faite  plus 
nettement  encore  pour  la  procédure  des  quaestiones  et  pour 
l'époque  du  Principal,  si  l'on  fait  abstraction  de  la  stigmati- 
sation à  vrai  dire  étrange  infligée  à  celui  qui  intente  sciem- 
ment à  tort  une  action  criminelle  (1).  Elle  s'applique  aussi, 
du  moins  en  théorie,  à  la  dernière  période  :  non  seulement  les 
lois  de  cette  époque  ne  mentionnent  pas  expressément  cette 
peine,  elles  paraissent  même  l'ignorer  et  la  passer  sous  silence. 
Dans  la  persécution  des  chrétiens  qui  eut  lieu  sous  Dioclétien, 
on  laissa  au  début  à  chaque  tribunal,  si  nous  sommes  bien  ren- 
seignés, la  liberté  d'aggraver  les  peines  comme  il  lui  plairait 
par  des  mutilations  corporelles  et  finalement  le  gouvernement 
prescrivit  d'ajouter  à  la  peine  des  mines  la  crevaison  de  l'œil 
droit  et  l'ablation  du  pied  gauche  (2),  De  telles  pratiques  nous 
sont  souvent  rapportées  pour  les  poursuites  criminelles  inten- 
tées parles  partisans  delà  vieille  religion  contre  les  chrétiens 
et  pour  celles  des  chrétiens  contre  les  hérétiques  (3).  La  pro- 
fanation des  sépultures  (4),   les  actes  de  rapine  vis-à-vis  des 


peut  rien  dire  de  positif  à  cet  égard.  La  Fito  Cassii,  i.  5  nous  montre  par 
exemple  jusqu'où  peut  aller  cet  arbitraire.  Nous  pouvons  citer  ici  la 
constitution  de  Constantin  (Cod.,  G,  1,  3),  ordonnant  de  couper  le  pied  à 
l'esclave  qui  passe  à  l'ennemi. 

(1)  Nous  n'avons  pas  à  tenir  compte  des  actes  arbitraires  des  empereurs 
(Suétone,  Claud.,  15;  Vita  Alexandri,  28)  et  des  gouverneurs  de  province 
(Suétone,  Galb.,  9);  il  s'agit  ici  imiquement  des  prescriptions  juridiques. 

(2)  Eusèbe,  //.  e.,  8,  12;  cpr.  De  Mart.  Pal.  7.  8. 

(3)  Lactance,  De  mort,  persec,  36  :  [Maximinus)  facere  parabal  (en  Asie 
Mineure)  quae  jam.  dudum  in  Orientis  partibiis  (Syrie  et  Egj^pte)  fecerat. 
Nam  cum  clementiam...  profileretuv,  occidi  servos  dei  vetuit,  debilitari  jussil  : 
itaque  confessoribus  effodiebanlur  oculi,  amputabantur  manus,  pedrs  delrnnca- 
bantiir,  nares  vcl  auriculae  desecabantur.  Augustin  {Ep.  133,  vol.  2,  p.  396 
Maur.)  demande  que  les  bérélique-;  arrêtés  soient  simplement  frappés 
d'une  peine  privative  de  liberté  vivi  et  nulla  corporls  parte  truncati.  Justi- 
nien  menace  le  copiste  d'écrits  hérétiques  de  l'ablation  de  la  main  {Nov., 
42.  c.  1,  2). 

(4)  Majorien,  Nov.,  4,  1,  1  :  apparitores...  fusluario  suppUcio  subditos  ma- 
nuum  quoque  amissione  truncandos.  Une  inscription  sépulcrale  de  Goncor- 
dia  datant  de  la  même  époque  (III  p.  139  n.  7)  est  ainsi  conçue  :  qui  eam 


332  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

églises  (1),  la  pédérastie  (2)  et  les  fraudes  des  fonctionnaires 
subalternes  (3)  ont  été,  comme  on  peut  le  prouver  au  moins 
depuis  Constantin,  fréquemment  réprimés  par  une  mutilation 
des  membres.  Justinien  (4)  interdit  l'ablation  des  mains  et 
des  pieds  et  la  peine  «  encore  plus  rude  »  de  la  dislocation  des 
(983)  membres,  toutes  les  fois  «  que  les  lois  ne  les  prescrivent  pas  », 
et  ajoute  que,  même  dans  ce  cas,  on  devrait  au  moins  se  con- 
tenter de  couper  un  membre  et  que  surtout  le  vol  ne  devrait 
jamais  être  puni  de  celte  manière.  Cette  constitution  de  Jus- 
tinien est  éclairée  par  l'affirmation  d'un  écrivain  un  peu  pos- 
térieur (5),  qu'on  avait  fréquemment  dans  les  villes  rocca- 
sion  de  voir  comment  on  appliquait  l'ablation  des  pieds  aux 
fourbes  et  aux  voleurs.  En  réalité,  il  semble  que  dans  la  der- 
nière période  la  législation  n'ait  pas  facilement  ordonné  la 
mutilation  corporelle  par  des  prescriptions  permanentes,  mais 
ait  laissé  à  l'appréciation  du  juge  le  soin  d'aggraver  par  de 
telles  rigueurs  les  peines  légalement  établies. 
Correction  :  La  correctiou  {rerbera)  (6)  a  été  appliquée  de  tout  temps  sous 
eiflageiia.  ^^^  formes  différentes  aux  esclaves  et  aux  hommes  libres. 
L'esclave  a  été  soumis  à  toute  époque  à  la  flagellation  (f/'a- 
gclla)  (7).  Pour  les  hommes  libres,  on  dislingue  dans  la  ré- 


arca{m)  aperire  voluerit.jure  ei  manus  praecidentur  aut  fisco  inférât  libra{m) 
una(m). 

(1)  D'après  Zonaras,  14,  7,  ces  actes  sont  punis  par  Justinien  de  la 
peine  de  la  castration. 

(2)  Même  peine  d'après  Zonaras,  loc.  cit. 

(3)  Une  constitution  de  Constantin  (C.  Th.,  i,  16,  7)  commence  ainsi  : 
cessent...  rapaces  officialium  manus...  nam  si  moniti  non  cessnverint,  (jlatliis 
praecidentur.  Justinien  {Nov.,  17,  8)  menace  aussi  de  l'ablation  de  la  main 
les  officiâtes  qui  ont  falsifié  une  quittance  d'impôt.  L'extension  de  la  t7ii- 
litia  aux  fonctionnaires  civils  a  pu  exercer  une  certaine  influence  à  cet 
égard. 

(4)  Justinien,  Nov.,  130,  c.  13.  Pour  la  dislocation  des  membres,  cpr.  le 
Thésaurus  Slephani  sous  le  mot  âpôpéiAÔoXo;. 

(5)  Agathias,  4,  8. 

(fi)  Verbera  est  à  cet  égard  l'expression  à  proprement  parler  légale 
(necare  et  verherare),  vraisemblablement  déjà  usitée  dans  la  loi  des  XII  Ta- 
bles et  indépendante  de  la  nature  de  l'instrument  employé  et  de  la  con- 
dition juridique  du  supplicié. 

(7)^Macer,  Dig.,  48,   19,  10,  pr.  :  ex  quibus  (causis)  liber  fuslibus  caesus  in 


LES    PEINES    CORPORELLES 


333 


forme  primitive  la  correction  civile  par  les  verges  (virgae)  (i) 
et  la  correction  militaire  par  le  bâton  (fustis).  A  l'époque  à 
laquelle  appartiennent  nos  sources  juridiques,  la  verge  a  été 
dans  la  correction  remplacée  par  le  bâton  exactement  comme 
l'épée  s'est  substituée  à  la  hache- pour  l'exécution  capitale;  la 
procédure  militaire  a  donc  pénétré  également  ici  dans  la  pro- 
cédure organisée  pour  les  civils.  Dans  la  dernière  période,  la 
peine  est  aggravée  par  l'addition  de  balles  de  plomb  {phim- 
batae)  à  l'instrument  du  supplice  de  telle  façon  que  son  ap- 
plication met  la  vie  du  supplicié  en  danger  (2). 

Quant  au  champ  d'application  de  la  correction  dans  la  disci- 
pline domestique  et  sacerdotale  (I  p.  22),  dans  la  discipline 
militaire  (I  p.  35)  et  dans  la  coercition  du  magistrat  (I  p.  52), 
nous  avons  dit  le  nécessaire  dans  le  Livre  I,  Il  nous  reste  à 


(984) 


Correclion 

comme  peine 

accessoire. 


opus  publicum  dalur,  ex  his  servus...  ftagellis  caesus  domino  reddi  jubetur. 
Caraculla,  47,  9,  4,  1.  Gallistrate,  48,  19,  7  :  fustuun  admoiiiiio,  flagellorum 
casligalio.  Les  verges  qui  sont  visées  par  les  mots  verbera  servilial  Dig.,  49, 
#44,  12  (cpr.  Marquardt,  Privalallerlh.  p.  182  [Man.  Ant.  Rom..  14,  214])  ap- 
paraissent déjà  chez  Plante  comme  réservées  aux  esclaves. 

(1)  Il  suffit  de  rappeler  les  virgae  des  licteurs  et  le  supplicium  fusLuarium 
militaire.  La  vitis  du  centurion  n'est  pas  autre  chose  que  le  fustis.  La 
distinction  de  la  vitis  du  centurion  et  des  virgae  des  licteurs  chez  Tite- 
Live,  Ep.,  57  :  {Scipio  Africanus  minor)  qiiem  mililem  extra  ordinem  depre- 
hendit.  si  Romanus  esset,  vilibus,  si  extraneus,  virgis  (fusiibus  est  interpolé) 
cecidil  montre  que  le  pied  de  vigne  des  Romains  était  à  peu  près  ce  qu'est 
aujourd'hui  chez  nous  l'épée.  —  On  trouve  aussi  une  double  forme  de 
correction  en  Egypte.  Philon,  In  Flaccum,  10  :  toÙ;  AîyyirTcoui;  Irépatç  {(jiâff- 
T'.^t)  [AaffTÎ^îiTÔai  (7'j[JLo£oY)X£  xal  Tipbç  èvépwv,  xouç  85  'AXe^avôpéaç  o-7rcx8aiç  (:=  bâ- 
tons ;  (TTcdôri  est  à  proprement  parler  la  panicule  du  palmier;  plus  loin 
l'auteur  dit  :  xaiç  âXs-jÔîptwcépatç  xa'i  7to),'.TixwT£patç  (j-âo-rtÇiv)  xa\  ûub  (TTiaÔrp 
çôpwv  'A),£^avSpî(Dv.  La  distinction  n'a  pas  été  empruntée  aux  grecs,  bien 
que  sous  leur  influence  elle  ait  peut-être  été  accentuée. 

(2)  Libanius.  'jKÏp  'Apio-to?.  p.  429,  Reiske  :  D.aês...  ■K\y]-^a.ç,  |j.lvTot  ■koIIch; 
xal  -/aAETîà;. . .,  -aï;  âx  (xoX-joÔo-j  crçaipa:;,  a;  r,Yr,aaTO  IlaùXo;  (le  nolarius,  ser- 
gent de  Constance)  è;  Gàvatov  àpxô'astv.  C.  Th„  2,  14,  1.  H,  7,  3.  12,  1,  80. 
80.  16,  5,  40,  7.  1.  53.  Les  plumbatae  (cpr.  à  leur  égard  Godefroy  sur  C.  Th., 
9,  35,  2)  sont  à  vrai  dire  distinctes  des  simples  fustes,  mais  les  expressions 
des  textes  varient  si  souvent  que  l'emploi  de  l'un  ou  de  l'autre  moyen 
de  correction  a  dû  dépendre  aljsolument  du  bon  plaisir  de  l'organe  qui 
assurait  l'exécution  de  la  peine  et  qu'on  ne  peut  admettre  qu'il  y  ait  eu 
régulièrement  entre  eux  une  opposition  fondâfi  sur  des  lois.  V.  une  excep- 
tion III  p.  334  n.  2. 


334  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

exposer  ici  le  rùle  joué  en  droit  pénal  parla  correction  comme 
peine  accessoire  ou  comme  peine  principale. 

Comme  peine  accessoire,  la  correction  apparaît,  d'après  le 
droit  de  la  République,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  montré, 
en  cas  de  délit  public  et  en  cas  de  délit  privé,  lorsque  des 
hommes  sont  condamnés  à  mort  (III  p.  279)  ou  à  la  peine  des 
mines  ou  aux  travaux  forcés  avec  perle  de  la  liberté  (III  p.  294 
n.  3)  (l)  ou  du  droit  de  cité  (III  p.  297  n.  2).  Par  contre, 
elle  est  exclue  pour  l'exécution  des  femmes  et  pour  la  forme 
militaire  d'exécution  (III  p.  280).  Le  champ  d'application  de 
celle  peine  accessoire  fui  restreint  sous  le  Principal  ;  celle-ci 
fut  alors  supprimée  pour  les  personnes  de  condition  (2).  Au 
regard  des  personnes  d'un  rang  inférieur,  non  seulement  elle 
subsiste,  mais  elle  peut  même  s'adjoindre  à  des  peines  moins 
graves,  notamment  au  bannissement,  si  le  magistrat  le  juge 
bon  (III  p.  313  n.  1);  elle  n'accompagne  jamais  les  peines 
pécuniaires. 
Correction  La  corfcction  n'est  pas  plus  en  droit  une  peine  principale 
que  lu  prison,  elle  n'est  qu'un  moyen  de  coercition;  le  fait 
que  les  enfants  coupables  d'un  vol  (I  p.  86  et  III  p.  81  n.  1) 
sont  soumis  à  la  correction  confirme  simplement  notre  affir- 
mation, puisque  ces  personnes  n'ont  pas  encore  la  capacité 
requise  pour  être  punies.  Toutefois,  ce  principe  a  été  dans  la 
suite  moins  rigoureusement  observé  pour  la  correction  que 
(983)  pour  la  prison.  Les  délits  des  esclaves,  qui  ont  servi  de  point 
de  départ  à  l'application  de  la  concction  comme  peine  princi- 
pale el  pour  lesquels  elle  a  été  la  plus  fréquente,  peuvent  le 
plus  souvent  être  rangés  dans  le  domaine  de  la  coercition. 
Mais  la  correction  a  également  été  employée  comme  peine  pu- 


(1)  On  rencontre  aussi  l'applicalion  du  plumbutyi  dans  la  peine  des  mines 
(C.  Th.,  2,  ii,  1). 

(2)  Dig.,  48,  :'J,  28,  2.  49,  18,  1.  Cod.  Th..  C,  36,  1.  9,  1,  Ib,  pv.  12,  !,  80.  83. 
C.  JhsI.,  10,  32.  4.  Une  constitution  de  376.  C.  Th.,  9,  33,  2  semble  per- 
mettre la  fustigation  contre  les  décurions  et  n'interdire  les  plumbalae 
que  contre  les  decem  pviml. 


comme  peine 
principale. 


LES    PEIXES    CORPORELLES  335 

bliqiie  vis-à-vis  des  hommes  libres  (1)  et  occupe  dans  l'échelle 
des  peines  un  degré  supérieur  à  celui  de  l'amende  (2).  Les 
délits  peu  graves  ont  été  fréquemment,  dans  la  procédure  de 
la  cognitio,  réprimés  uniquement  par  la  correction  tant  vis-à- 
vis  des  esclaves  qu'au  regard  des  personnes  libres  (3).  L'aggra- 
vation de  la  correction  des  esclaves  jusqu'au  pointde  la  trans- 
former en  peine  de  mort  est  un  abus  de  la  dernière  période  de 
l'Empire  (4).  Il  faut  enfin  relever  tout  spécialement  la  règle, 
très  nettement  mentionnée  par  les  sources  juridiques,  bien 
qu'elle  soit  à  proprement  parler  contraire  à  la  nature  de  la 
peine  et  peut-être  en  contradiction  avec  l'ancien  droit,  d'après 
laquelle  la  correction  remplace  les  amendes  publiques  vis-à- 
vis  des  esclaves,  lorsque  le  maître  ne  veut  pas  les  acquitter  à 
leur  place,  et  vis-à-vis  des  personnes  libres  sans  ressources  (5). 


(1)  Dig.,  48,  19,  6,  2.  Le  droit  de  propriété  n'est  uaturellement  pas  at- 
teint par  la  peine  {Dig.,  48,  19,  28,  4). 

(2)  Dig.,  48,  19,  10,  2  :  fustium  iclus  gravior  est  quam  pecuniaris  damnalio. 

(3)  Dig.,  48,  2,  6  :  levia  crimina  audire  et  discutere  de  piano  proconsulem 
oportet  et...  fustibus  castigare  vel  flagellis  servos  verberare.  D'après  Dig.,  12, 
2, 13,  G,  lorsque  quelqu'un  abuse  du  serment  per  genium  principis,  le  ma- 
gistrat doit  le  fustibus  castigandum  dimiltere  et  ila  ei  superdici  :  irpoTcsTôi;  \j.y[ 
o|x.vj£.  Autres  exemples  :  Dig.,  37,  14,  !.  47,  9,  4,  !.  tit.  10,  9,  3.  1.  43.  til.  21, 
2.  48,   19,  28,  3.  C.  Th.,  13,  3,  1.  16,  2,  5. 

(4)  Ce  supplicium  fustuarium  est  fréquemment  mentionné  pendant  la 
deroicre  période.  Majorien,  Nov.,  7,  1,  4  :  si  servus  est,  fustuario  supplicio 
se  inlerficiendum  esse  cognoscat  et,  7,  1,  14  :  fusluariae  subditus  poenae  serui- 
libus  suppliais perilurum  se  esse  cognoscat.  Edit  du  préfet  de  la  ville  Dyna- 
mius  C.  I.  L..  VI,  1711;  Cassiodore,  Var.,  9,  2,  2.  10,  28,4.  ^l,  11,2;  plus 
souvent  dans  l'Edit  de  Théodoric;  également  dans  la  Icx  Rom.  Durg.,  19,  3. 

(5)  Dig.,  48,  19,  1,  3  :  generaliler  placet  in  legibus  publicorum  judiciorum  vel 
privatorum  criminum  qui  extra  ordinem  cognoscunt  praefecti  vel praesides  ut  eis 
qui  poenam  pecuniariam  egentes  éludant,  coercitionem  extraordinaviam  indu- 
cunt.  2,  1,  7,  3  (où  le  corpus  torquendum  ne  doit  pas  être  entendu  de  la 
torture  proprement  dite  qui  se  rencontre  seulement  dans  la  procédure  do 
la  preuve).  47,  9,  9.  48,  10,  35.  Cod.,  1,  54.  6.  4.  6,  1,  4,  2.  8,  10,  12,  5e.  9.  9, 
19,  6.  10, 11,  8,  9.  Si  le  tribunal  saisi  n'est  pas  compétent  pour  la  correc- 
tion, le  condamné  est  renvoyé  à  un  tribunal  ayant  la  faculté  d'appliquer 
cette  peine  {Dig.,  2,  4,  25  :  vel  a  praefecto  urbi  quasi  inofficiosus  castigalur). 
Le  bannissement  s'y  ajoute  fréquemment  {Cod.,  8,  10,  12,  oe.  9.  10,  11,  8,  9). 


(986)  SECTION    IX 


RESTRICTION   DES    DROITS    CIVIQUES 


inégaiilé         Le  principe  de  régalitô  juridique  des   citoyens  appartenant 
à  la  même  communauté  sert  de  base  aux  institutions  de  l'Etat 


des  citoyens. 


î 


romain,  mais  y  subit  de  nombreuses  et  profondes  restrictions. 
C'est  au  droit  public  et  au  droit  privé  qu'il  appartient  de  les 
exposer.  Les  plus  nombreuses  et  les  plus  importantes  d'entre 
elles,  notamment  celles  qui  ont  un  caractère  purement  politi- 
que, comme  l'infériorité  des  plébéiens  vis-à-vis  des  patriciens, 
des  demi-citoyens  vis-à-vis  des  citoyens  complets,  des  affran- 
chis vis-à-vis  des  ingénus  et  les  dispositions  dirigées  contre 
les  descendants  de  ceux  qui  ont  été  punis  (1),  n'ont  rien  de  1 

commun  avec  le  droit  pénal.  Mais  on  voit  aussi  apparaître  on 
droit  pénal  romain  la  restriction  des  droits  civiques  sous  ré- 
serve du  droit  de  cité  —  nous  avons  précédemment  traité  de 
la  privation  du  droit  de  cité  par  voie  répressive  —  soit  comme 
peine  accessoire  rattachée  à  une  autre,  soit,  dans  la  dernière 
période  il  est  vrai,  comme  peine  indépendante.  Nous  allons 
réunir  ici  toutes  ces  diminutions  des  droits  civiques.  On   peut 


(l)  La  privation  des  droits  politiques  prononcée  par  Sylla  contre  les 
descendants  des  proscrits  (II  p.  301)  et  les  restrictions  de  droits  civiques 
indigées  aux  enfants  en  réprimant  dans  une  certaine  mesure  contre  eux 
le  crime  de  lése-majesté  commis  par  leurs  parents  (Il  p.  302)  ne  peuvent 
être  compris  dars  la  notion  do  peine.  Les  ouvrages  juridiques  affirment 
nettement  que  la  peine  ne  peut  atteindre  ni  les  héritiers,  ni  les  enfants 
du  coupable  {iJiy.,  48,  19,  20.  1.  26). 


RESTRICTION   DES    DROITS    CIVIQUES  337 

les  diviser  en  cinq  groupes  :  la  privation  de  sépulture  et  la  flé- 
trissure de  la  mémoire,  la  privation  du  droit  de  tester,  l'infa- 
mie, l'incapacité  de  briguer  des  charges  et  de  faire  partie  du 
Sénat,  l'interdiction  de  certaines  opérations.  Il  n'est  ici  ques-  (987) 
tion  de  ces  diff'érentes  restrictions  des  droits  civiques  que 
dans  la  mesure  où  elles  interviennent  à  titre  de  répression 
d'un  délit. 

1.  Privation  de  sépulture  et  flétrissure  de  la  mémoire. 
Le  droit  à  la  sépulture,  plus  généralement  le  droit  à  la  vé-  instance  contre 

.  ,  ,  ,  ,  ,       ,  des  morts. 

nération  due  aux  morts  peut  dans  la  procédure  pénale 
publique  être  enlevé  aux  condamnés  ou  du  moins  y  subir  des 
restrictions.  A  vrai  dire,  la  privation  des  honneurs  dus  aux 
morls  a  difficilement  été  prononcée  à  une  époque  quelconque 
par  le  jugement  lui-même  ;  elle  se  présente  exclusivement 
comme  une  peine  accessoire  rattachée  de  plein  droit  à  la  peine 
prononcée  ou  ordonnée  par  le  magistrat  dans  l'exécution  de 
la  coi  damnation  pénale.  Toutefois  la  pcrduellio,  qui  fut  à 
l'origine  le  seul  crime  public  et  qui  fut  toujours  traitée  comme 
le  plus  grave,  fonde  de  plein  droit,  même  après  la  mort  du 
perduellis,  une  procédure  d'office  tendant  à  la  damnatio  mc- 
moriae,  c'est-à-dire  à  la  flétrissure  de  la  mémoire  du  coupa- 
ble (1).  Cette  particularité  repose  sur  une  conception  romaine, 
d'après  laquelle  dans  ce  délit  la  peine  n'est  pas  encourue  au 
moment  de  la  condamnation,  mais  au   moment   du    crime  de 


(l)  I  p.  70  et  p.  298.  Insl.,  3,  d,  o  :  si  post  mortem  suarn  paier  judicalus  fue- 
rit  reus  perdue llionis  ac  per  hoc  memoria  ejus  damnata  fuerit.  4,  18,  3.  Papi- 
nien,  Dig..,  31,  76,  9  :  repetendorum  legalorum  facilitas  ex  eo  testamento  soluto- 
rum  danda  est,  quod  irritum  esse  post  defuncii  memoriam  damnatam  apparaît, 
modo  si  jam  legatis  solutis  crimen  perduellionis  illatian  est.  24,  1,  32,  7.  Sous 
Tibère,  le  Sénat  condamne  ainsi  Libo  Drusus  (Tacite,  Ann.,  2,  31)  et  dans 
la  suite  il  ouvre  fréquemment  dos  instances  de  ce  genre  contre  des  em- 
pereurs défunts  {St.  R..  2,  1134  [Dr.  publ.,  5,  446]).  On  procède  parfois  de 
même  contre  des  hérétiques;  telles  furent  les  mesures  prises  par  l'em- 
pereur Honorius  en  407  (C.  Th.,  IG,  5,  40,  4)  et  l'empereur  Marcien  en  452 
[Cod.  Just.,  \,  3,  23)  :  aboleatur  qtiidem  Eutychetis  (comme  hérétique)  dam- 
nosa  memoria,  Flaviani  (l'orthodoxe)  autem  laudaùilis  recordatio  7-eveletur. 
Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  22 


338  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

telle  façon  que  la  procédure  pénale,  qui  a  toujours  ici  un  ca- 
ractère déclaratif,  reste  possible,  même  contre   celui  qui   est 
mort  entre  le  crime  et  la  poursuite,  dans  la  mesure  où  l'exécu- 
lion  peut  avoir  lieu  rétroactivement. 
Défense  1.  Il  est  défcudu  d'inhumer  (1)  le  cadavre  du  criminel  qui 

d'iuhumer.  ,  .  ,  .  .■,■,..,  .  ,-,, 

a  subi  une  exécution  capitale  dirigée  par  un  magistrat  (2), 
sans  que  le  droit  fasse,  à  notre  connaissance,  aucune  distinction 
relative  à  la  nature  du  délit  ou  à  la  forme  de  l'exécution.  En 
cas  de  submersion  et  en  cas  de  mort  par  le  feu,  avant  que  la 
(988)  crémation  ne  fut  devenue  d'un  usage  général  (3),  la  forme 
même  de  l'exécution  excluait  toute  inhumation  (III  p.  260). 
Mais  la  prohibition  indiquée  peut  être  prouvée  pour  rexéculion 
par  la  hache  (4);  pour  le  crucifiement,  forme  dans  laquelle  on 
laissait  les  corps  se  consumer  sur  le  lieu  d'exécution  (5)  ;  pour 
l'exécution  dans  une  fête  populaire  (6);  enfin  et  surtout  pour 
l'exécution  dans  la  prison,  après  laquelle  les  cadavres  étaient 


(1)  La  règle  méconnue  {St.  h,,  3,  1190.  [Dr.  pttbL,  7,  4!3])  se  manifesie  de 
la  manière  la  plus  nette  eii  ce  que  l'on  exige  toujours  une  demande  pour 
la  livraison  du  cadavre  {Dig.,  48,  24,  1.  1.  3).  Tacite,  Ann.,  6,  29  :  dainnull 
publicalis  bonis  scpuUura  prohibebantur,  eonim,  qui  de  se  slatuebant,  huma- 
bantur  corpora,  mnnebant  leslamenla. 

(2)  On  peut  se  demaiuler,  si  celte  règle  a  élé  étendue  à  l'exécution  pri- 
vée, notamment  à  celle  qui  consiste  à  précipiter  le  coupable  du  haut  de 
la  roche  Tarpéieiine.  La  réponse  à  cette  question  no  nous  est  donnée  à 
aucun  endroit. 

(3)  C'est  naturellement  l'usage  contraire  qui  est  en  vigueur  pendant  la 
dernière  période  {Dig.,  48,  24,  1). 

(4)  Val.  Max..  2.1,  lo  (de  même  Appien,  Samn.,  9;  Frontin,  4,  1,  38). 
Cicéron,  Vevr.,  li,  45,  119. 

(0)  Cicéron,  Pro  Mb.  ad  pop..  5,  16.  Galenus  (Uzp\  àva-oa.  iyx^ipioL;,  1.  3, 
vol.  2,  p.  38o  Kiihn)  a  également  dans  ses  observations  â7t\  Arj^rtiiv  iv  ô'pet 
(au  lieu  du  délit  :  Dig.,  48,  19,  28,  15)  x£'.(Aévwv  àtâçtov  pensé  au  crucifie- 
ment. 

(G)  A  propos  du  refus  de  la  permission  d'inliumer  les  chrétiens  exécutés 
à  Lyon  sous  Marc-Aurèlc,  Eusèbe,  //.  e.,  5,  1,  Gl  dit:  [jir,  S-jvxTOai  xà  awiiara 
xp'j']/at  -rr,  y//  o'J-z  yàp  vj^  (T-jvEgâ).),£TO  r|txtv  irpo;  toOto,  O'Sze  àpyûpia  ëneiOîv, 
ojtî  XiTavEfa  èSyo-ciîïi'.,  TtavTi  5z  rpôuM  TtapîTripouv,  w;  [Aiva  t.  XHpoavoCvTS;,  eî  (ati 
Tj/o'.îv  Tay/,;  . . .  ti  ojv  (tiÔ[s.x-%  tu)/  [iaç.Tjptov  Ttavtoîw;  Trapa5£ty!J.aTC(T0£VTa  xal 
aiOp'.aaOivTa  âjt'i  T,(Alpa;  s;,  (i-TîîiïiTa  xaév-a  xatl  a!fJx).<i)Oivra  "jîîÔ  twv  àvôjiwv  xa- 
TETaptôOT)  eî;  tov  T'o&xvfjv  -oi:a[j.bv  7î/,t,uIov  Tîapa.'Jpiovta,  o-m;  iXT.îi  ),Ei'!/avov 
a-JTwv  9a:vT|Tai  in\  tt,;  yr,;  et;.  Des  récils  analogues  se  rencontrent  fréquem- 
ment dans  les  actes  des  martyrs. 


RESTRICTION   DES    DROITS    CIVIQUES  339 

jetés  par  le  bourreau  au  moyen  d'un  crochet  sur  l'escalier  le 
plus  proche^  puis  étaient  traînés  h  l'aide  de  ce  même  crochet 
à  travers  les  rues  pour  être  jetés  dans  le  Tibre  (1).  C'est  de 
la  même  manière  que,  lors  des-  révolutions,  les  vainqueurs 
traitaient,  dans  une  sorte  de  procédure  de  perduellion  pos- 
thume, les  restes  de  ceux  qui  avaient  péri  dans  l'émeute  et 
qui  avaient  ainsi  échappé  à  l'exécution  capitale  (2).  Pour  em- 
pêcher l'inhumation,  ou  postait  des  gardes,  si  cela  était  néces-  (989) 
saire(3),  et  des  actions  criminelles  étaient  intentées  contre  ceux 
qui  s'étaient  emparés  des  corps  (4).  —  En  cas  d'internement, 
l'inhumation  n'est  possible,  en  vertu  d'une  conception  analo- 
gue, qu'au  lieu  d'exécution  de  la  peine  (5).  —  Seul  un  acte 
de  grâce  peut  donner  la  faculté  d'inhumer  le  cadavre  du  sup- 


(1)  Getle  procédure  est  mentionnée  pour  la  première  fois  à  propos  de 
l'exécution  de  M.  Claudius  en  518/236  :  Val.  Max.,  6,  3,  3:  senalus...  corpus 
contumelia  carceris  et  detestanda  Gemoniarum  scalarum  nota  foedavit,  et  plus 
tard  chez  Val.  Max.,  6,  9,  13  et  Plutarque,  C.  Grâce,  17;  on  la  trouve 
souvent  à  l'époque  impériale.  Tacite,  Ann.,  6,  19,  nous  rapporte  ce  qui 
suit  à  propos  de  l'exécution  en  masse  des  partisans  de  Séjan  qui  eut  lieu 
dans  la  prison  :  jacidtimmensa  strages...  neqiie  propinqids  aiit  amicis  adsis- 
tere  inlacrimare,  ne  visere  quidem  diutiiis  dahatur^  sed  clrcumjecli  custodes... 
corpora  putrefacta  adsectabantur,  dum  in  Tiberim  trahcrentur,  nbi  fluitcmlia 
aut  ripis  appulsa  7ion  cremare  quisquam,  non  contingere.  Récits  analogues 
chez  Sénèque,  De  tranq.  an.,  11,  11;  Tacite,  Ann.,  5,  9;  Suétone,  Tib.,  61. 
75;  Dion,  58,  1.  11.  15.  60,  16.  35  :  xou;  dv  tù  ôîo-jiwTripûù  ôavaro'jjjiévoy;  àyxio-- 
xpo'-c  T'.crl  ij.îYâ>.0'.ç  oî  ôrifi'.o;  e;  Te  tT|V  àyopàv  àv£ï).y.ov  xàvra-jQ'  âç  tôv  TcoTa[j.ov 
ëaypov.  Juvénal,  10,  66.  13,  245.  Pour  la  question  de  lieu,  cpr.  Becker, 
Top.  p.  415;  Jordan,  Top.,  \,  2.  324. 

(2)  Il  est  question  de  l'application  ou  de  la  menace  de  cette  procédure 
au  regard  de  Ser.  Tullius  (Tite-Live,  1,  49,  1);  des  Gracques  (Plutarque, 
Ti.  Graccfi.,  20.  C.  Gracch.,  17;  Val.  Max.,  G.  1,  1  d);  des  proscrits  (Sué- 
tone, Aug.,  13  :  ut  uni  suppliciter  sepulturam  precanti  respondisse  dicatur  jam 
islam  volucrum  fore  poteslatem);  de  César  (Appien,  B.  c,  2,  128.  134);  de 
Néron,  fils  de  Germanicus  (Suétone,  Tib.,  54);  de  Tibère  (Suétone,  Tib.,  75); 
des  adversaires  de  Galigula  (Suétone,  Vesp.,  2);  de  Galba  (Plutarque, 
Galb.,  28)  ;  de  Commode,  {Vita,  17.  18)  ;  de  Maximin  {Vita,  25.  31)  ;  d'Elaga- 
bal,  {Vita,  17). 

(3)  Tacite,  Ann.,  6,  19  (III  p.  339  n.  -2)  ;  Eusèbe,  //.  e..  5,  1.  61  (III  p.  338 
n.  6);  De  mart.  Pal.,  9.  Pétrone,  111.  112  raconte  l'anecdote  du  soldat  qui 
crucfm  adservabal,  ne  quis  ad  sepulturam  corpus  delraheret  et  de  la  veuve  in- 
consolal)le. 

(4)  C'est  dans  un  procès  de  ce  genre  que  Domitius  Afer  défendit  Cloa- 
tilla  ((Juintilien,  8,  o,  16). 

(5)  DIg.,  48,  24,  2.  Tacite,  Ann.,  14,  12. 


340  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

plicié  ;  il  est  un  acte  administratif  qui  dépend  du  bon  plaisir 
du  magistrat  le  plus  directement  intéressé  et  peut  inter- 
venir après  un  long  intervalle  (1),  Malgré  le  maintien  de  la 
règle,  cet  usage  barbare  de  la  privation  de  sépulture  a  d'abord 
été  abandonné  dans  la  procédure  du  droit  de  la  guerre  (2), 
puis  a  tendu  à  disparaître  de  plus  en  plus  d'une  manière  géné- 
rale (3);  la  demande  du  cadavre,  faite  par  les  parents  ou 
même  par  une  personne  quelconque  pour  l'inhumer,  était, 
dans  la  dernière  période,  difficilement  repoussée,  sauf  en  cas 
de  perduellion  (i). 
Deuil.  2.  Lorsque  l'inbumalion  n'est  pas  permise,  toute  manifes- 

(990)      tation  de  deuil  (o)  et  toute  fêle  consacrée  à  la  mémoire  du  con- 
damné est  interdite  (6). 
Desiruciion        3.  La  flétrissure  de  la  mémoire  exige  en  général  la  destruc- 
tion de  tout  ce  qui  rappelle  le  souvenir  de  la  personne  déslio- 


dcs  souvenirs. 


(1)  Tacite,  Ann.,  14,  12.  Perlinax  (Dion,  73,  o  :  vila  Perlinacis,  6)  concède 
cette  faculté  d'une  manière  générale.  L'inscription  sépulcrale  d'une  des 
victimes  de  Commode,  de  M.  Antius  Lupus,  cujus  memoria  per  vun  oppressi 
in  inlegrum  secundum  ampllsslmi  ordmis  consultum  reslituta  est,  a  été  conser- 
vée (C.  /.  L.  VL  1343). 

(2)  Tacite,  Ann.,  1.  22  :  ne  liostes  quidem  sepullurae  invident. 

(3)  Gicéron  accorda  sur  la  demande  des  femmes  la  permission  d'inhu- 
mer les  partisans  de  Catilina  (Gicéron,  Ph'd.,  2,  1,  17;  Plutarque,  Ant.,  2). 
Auguste  affirme  n'avoir  jamais  repoussé  de  telles  requêtes  {Dig.,  48,  24,  1  ; 
Suétone  le  contredit,  III  p.  339  n.  2);  Tibère  les  traite  comme  très  na- 
turelles (Tacite,  Ami.,  6,  23);  sous  Galigula  une  action  de  lèse-majesté 
engagée  devant  le  Sénat  est  aggravée  par  la  demande  du  refus  d'inhuma- 
tion (Suétone,  Vesp.,  2).  Gicéron,  Verr.,  5,  45,  119  et  Eusèbe  (III  p.  338 
n.  6)  signalent  des  cas  où  cette  permission  fut  obtenue  à  .prix  d'argent. 
L'inhumation  du  corps  du  Christ  a  également  été  permise  par  le  gou- 
verneur de  province  et  l'apôtre  Marc  15,  43  a  conservé  à  cet  égard  l'ex- 
pression caractéristique  To).|jiT,(Ta;. 

(4)  Ulpien,  Diçj.,  48,  24,  !.  Paul,  D/,7..  48,  24,  3.  Dioclétien.  Cod.,  3,  44,  1  L 

(5)  St.  B.,3,  1189  [Dr.puhl.,1,  413].  La  légende  d'Horace  repose  sur  l'idée 
qu'il  est  injuste  de  porter  le  deuil  de  l'ennemi.  Ce  deuil  est  interdit  pour 
les  soldats  de  Ilhégium  exécutés  comme  déserteurs  (Val.  Max.,  2,  7,  15; 
Frontin,  4,  1,  38).  Plutarque,  C.  Gracchus,  17  :  àixEtTtav  lï  TievOeïv  -aïç 
yyva'.^t.  Suétone,  Tib.,  61  :  interdictum,  ne  capile  damnalos  propinqui  Ingèrent 
(cpr.  Tacite,  Ann..  G,  10).  Dans  les  ouvrages  juridiques,  le  deuil  est  inter- 
dit en  cas  d'exécution  pour  cause  de  perduellion  ou  de  pavricidium  {Dig., 
3,  2,   11,  3.  11,7,  35). 

(fi)  Fête  de  l'anniversaire  de  naissance  d'Othon  sous  Domitien  :  Sué- 
tone, Dum.  10.  Autres  preuves,  SI.  R..  3.  1191  [Dr.  pubL,  7.  415]. 


RESTRICTION   DES   DROITS    CIVIQUES  341 

norée  :  son  portrait  ne  peut  pas  cire  porté  même  dans  sa 
propre  maison  (1),  les  statues  qui  lui  ont  été  élevées  sorft  dé- 
truites (2),  son  nom  est  effacé  partout  (3),  parfois  même  sa 
maison  est  rasée  (4),  et  le  port  du  même  nom  propre  est  interdit 
aux  membres  de  sa  gens  (o).  Ces  mesures,  qui  s'étendent 
même  en  partie  à  ceux  qui  sont  simplement  condamnés  à 
l'internement  (6).  subissent  à  propos  des  crimes  d'Etat,  aux- 
quels elles  s'appliquent  le  plus  souvent,  le  contre-coup  des 
vicissitudes  politiques,  et  sont,  suivant  les  cas,  tantôt  omises, 
tantôt  supprimées  après  coup. 

2.  Intestabilité. 


L'intestabilité  est  l'incapacité  juridique  de  fournir  un  témoi-    intestabiii;é 
gnage  du  droit  privé  (7)  ou  de  susciter  en  sa   faveur    un    tel  ^jg^xn^-abie» 
témoignage  (8).   La  première    restriction  ne    constitue    pour      (99 J) 


(1)  Tacite,  Ann.,  2,  32.  3,  76.  Suétone.  Ner.,  37  (=  Dion.  62,  27).  Il  ne 
résulte  pas  de  Tacite,  Ann.,  4,  35  que  les  particuliers  avaient  la  faculté 
de  garder  de  tels  portraits  en  leur  possession,  mais  ce  passage  prouve 
seulement  que  ceux-ci  étaient  conservés  malgré  les  prohibitions  faites. 

(2)  St.  R..  3,  1190  [Dr.  piibl..  7.  413].  Constitution  de  399  contre  Eutrope. 
C.  Th..  9,  40,  17. 

(3)  St.  R.,  3,  1190  [Dr.publ.,  7,  414].  Constitution  contre  Eutrope,  loc.  cit. 
Les  nombreuses  radiations  de  ce  genre  qu'on  rencontre  dans  les  inscrip- 
tions prouvent  que  cette  proscription  ne  se  limitait  pas  aux  documents 
publics. 

(4)  St.  R.,  3,  1189,  n.  2  [Dr.  pubL.  7,  413,  n.  1].  Cette  mesure  est  men- 
tionnée pour  Sp.  Cassius  (Rô'wi.  Forsch.,  2,  174);  pour  M.  Manlius  {ibid.' 
p.  182)  ;  pour  Sp.  Maelius  {ibid.,  p.  202).  Elle  a  été  appliquée  en  423/329  à 
la  maison  romaine  de  Vitruvius  Vaccus,  chef  des  habitants  de  Priverne 
et  de  Fundi  (I  p.  122  n.  1)  ;  aux  maisons  de  M.  Fulvius  Flaccus,  partisan 
des  Gracques  (Cicéron,  Dedomo.ZS,  101.  43,114.  Val.  Max.,  6,  3,  l),  de  L. 
Appuleius  Saturninus  (Val.  Max.,  loc,  cit.)  et  de  Cicéron. 

(5)  C'est  ainsi  qu'une  décision  de  la  gens  interdit  aux  Manlii  de  porter 
le  prénom  de  Marcus  ;  Riim.  Forsch.,  2,  182.  De  même,  on  défend  aux  Scri- 
bonii  d'ajouter  le  cognomen  Drusus  :  Tacite,  Ann.,  2,  32.  Autres  preuves 
St.  R.,  3.  1191  [Dr.  publ.,  7,  413]. 

(6)  Dig.,i9,  19,  24  :  eorum,  qui  relegali  vel  deportati  sunt  ex  causa  majes- 
talis,  statuas  detrahendas  scire  debemus. 

(7)  L'intestabilité  n'a  rien  de  commun  avec  l'exclusion  du  témoignage 
dans  l'action  publique  (II  p.  76  et  sv.  ;  Dig.,  28,  1,  20,  5). 

(8)  Loi  des  XII  Tables,  8.  22  SchôU  [id. Girard]  (=  Aulu-Gelle,  15,  13. 
11)  :  qui  se  sierit  testarier  libripensve  fuerit,  ni  testimonium  fariatur  {faiiatur 


342  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

celui  qu'elle  atteint  qu'une  infériorité  civique  (1)  ;  au  contraire, 
la  seconde  renferme  jusqu'à  un  certain  point  pour  l'époque 
ancienne  où  le  témoignage  privé  joue  un  rôle  si  étendu  l'inca- 
pacité de  faire  des  actes  juridiques  quelconques;  pour  l'époque 
récente,  au  moins,  l'incapacité  de  faire  un  testament.  L'intes- 
tabililé  se  rapproche  par  conséquent,  comme  nous  l'avons 
déjà  fait  remarquer  (III  p.  303),  de  la  privation  à  litre  de 
peine  du  droit  de  cité.  Dans  le  droit  des  XII  Tables,  l'intesta- 
bilité  apparaît,  d'une  part,  en  cas  d'injure  publique,  de  chant 
diffamatoire,  où  elle  n'est  pasprononcée  par  un  jugement  mais 
encourue  dans  la  procédure  des  magistrats  et  des  comices 
comme  peine  accessoire  légalement  attachée  à  l'action  capitale; 
elle  se  rencontre,  d'autre  part,  lorsque  celui  qui  a  accepté  d'être 
témoin  refuse  ensuite  à  tort  de  donner  son  témoignage,  au- 
quel cas  cette  peine  frappe  le  coupable  sans  procédure  publi- 
que ou  privée,  en  quelque  sorte  par  application  de  la  justice 
privée,  conformément  à  la  loi  du  talion.  Il  n'est  nulle  part 
question  d'une  inlestabilité  directement  prononcée  en  justice 
et  il  est  di  fficile  que  de  telles  sentences  aient  été  rendues  ;  la  vic- 
time a  la  faculté  d'aller  tous  les  deux  jours  diffamer  le  témoin 
devant  sa  maison  (2),  mais  robvagulans  est  frappé  de  la  peine 
capitale  pour  diffamation  publique,  si  c'est  à  tort  qu'il  a  agi  ainsi. 
L'intervention  de  la  justice  a  du  se  restreindre  ici  à  déclarer 


Schôll),  improbus  (=  incapable  d'être  témoin)  inlestabilisque  (=:  incapable  de 
citer  des  témoins)  eslo.  Ulpien,  Dig.,  28,  1,  18,  1  :  si  quis  ob  cnrmen  famosum 
dcannelur,  senalus  consuHo  expressum  est,  ut  inlestabilis  sil,  ergo  iiec.  tcsta- 
mcntiim  facere  polerit  nec  ad  teslamenliim  adhiberi.  Dans  le  texte  altéré, 
Dlq.,  28,  1,  26  :  cum  lege  quis  inteslabilis  jubelur  esse,  eo  pertinet,  ne  ejtis  tes- 
timonium  recipialur  et  eo  ampHiis,  iil  quidam  pulant,  neue  ipsi  dicatiir  testimo- 
nium,  on  attend  :  eo  pertinet,  nr  ipsi  dicatuv  testimonium  et  eo  umpliits,  ut 
quidam  putanl,  ne  ej us  testimonium  recipialur. 

(t)  h'improbus  ne  fait  qu'augmenter  le  nombre  des  personnes  incapables 
de  témoigner  et  le  préjudice  qui  peut  se  produire  en  cas  d'appel  d'un  tel 
témoin  n'atteint  pas  ce  dernier,  mais  le  tiers  ;  c'est  pourquoi  la  peine 
reçoit  avec  raison  son  nom  de  l'autre  infériorité  civique  qu'elle  crée. 

(2)  Loi  des  XII  Tables,  2,3,  Scholl  [id.  Girard]  :cui  testimonium  defuerit, 
is  terliis  diebus  ob  portum  (rrr  devant  la  porte  de  la  maison)  obvagulalum 
ito.  C'est  ce  que  Festus  appelle  questio  cum  convicio,  c'est-à-dire  une  plainte 
avec  invectives  publiques  (III  p.  lOC). 


RESTRICTION   DES    DROITS    CIVIQUES  343 

nulle  sur  la  demande  de  toute  personne  la  testatio  faite  par  un 
intcstabilis  et  notamment  le  testament  rédigé  par  lui. 

Aucun  témoignage  ne  nous  atteste  l'application  de  la  règle 
d'après  laquelle  celui  qui  refuse  de  fournir  son  témoignage 
est  personnellement  disqualifié  ;  cette  prescription  est  proba- 
blement tombée  de  bonne  heure  en  désuétude.  L'intestabilité 
pour  cause  d'injure  publique  a  passé  dans  la  législation  d'Au- 
guste, qui,  écartant  pour  ce  délit  la  peine  capitale,  l'a  vrai-  (992) 
semblablement  réprimé  comme  crime  de  lèse-majesté  de  la 
catégorie  inférieure  (III  |).  lli  n.  3),  de  telle  façon  que  l'in- 
capacité de  témoigner  ou  de  susciter  un  témoignage  en  sa 
faveur  s'ajoute  à  la  peine  principale  (III  p.  341  n.  7). 

Dans  la  dernière  période,  l'intestabilité  reçoit  une   applica-    imestabuiié 

,      ,       ,  ,  1  •  1»    •!  '     de  la  dernière 

tion  générale  et  apparaît  comme  une  des  tentatives,  taiies  a  période. 
toutes  les  époques  et  échouant  toujours  tant  dans  l'organisation 
que  dans  la  réalisation,  pour  priver  de  droits,  tout  en  leur  lais- 
sant la  liberté  personnelle,  les  catégories  de  sujets  qui  déplai- 
sent. Elle  se  présente  juridiquement  formulée,  bien  que  sans 
dénomination  Oxe.lout  d'abord  dans  les  mesures  prises  contre 
les  chrétiens  (11  p.  301  n.  1).  Elle  se  rencontre  notamment  aux 
époques  où  des  souverains  plus  intelligents  reculent  devant 
les  exécutions  en  masse.  Une  constitution  de  Diocléticn  prive 
les  fidèles  de  la  nouvelle  religion  non  seulement  des  droits 
attachés  à  la  qualité  de  citoyen  de  l'empire  romain,  mais 
aussi  de  la  faculté  d'intenter  une  action  délicluelle  publique 
ou  privée,  ta;:dis  qu'elle  laisse  subsister  la  possibilité  d'in- 
tenter contre  eux  de  telles  poursuites  (1).  On  retrouve  une  in- 
fériorité non  pas  identique,  mais  analogue  dans  l'inlostabilitc 
des  lois  pénales  postérieures.  Telle  est  la  peine  établie  par  une 
constitution  de  Constantin  à  côté  de  la  peine  capitale  contre  la 
femme  libre  qui  a  un  commerce  sexuel  avec  son  propre  es- 
clave (II  p.  4H  n.  o)  et  telle  est  aussi  la  peine  infligée  après 

(1)  Laclance,  De  mort,  pers.,  13  '^pi-opositian.  est  ediclum,  qtto  cavebafiir.  ut 
reliffionis  illiiis  fiomines  carerent  omni  honore  aç  diqnitate...  aduersi/s  eos  onmis 
aclio  valeret,  ipsi  7ïon  de  injuria,  non  de  adulterio,  non  de  rébus  ablatis  agere 
possenl.  Cette  punition  n'est  pas  qualifiée  expressément  d'intestabilité. 


344  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

la  christianisatioa    de   l'Etat   aux   chrétieDS    hétérodoxes  fil 
p.  314  n.  i)  cl  à  ceux  qui  ont  apostasie   le  christianisme  (II 
p.  319  n.  7).  Cette  diminution  de  droits   civiques  comprend 
toujours  à  sa  base  la  perte  de  la  capacité  de  faire  un  testament, 
mais  la  restriction  s'étend  au  delà,  elle  ne  va  pas  jusqu'à   la 
privation  du  droit  de  cité,  qui  entraîne  pour  première  consé- 
quence la  perte  du  droit  de  tester  (III  p.  302  n.  1),  elle  com- 
porte cependant  une  limitation  grave  des  droits  qui  appartien- 
nent à  tout  sujet  de  l'empire  pour  les   relations    avec    leurs 
semblables  et  pour  les  actions  en  justice.  On   ne  peut  donner 
de  l'intestabilité  une    définition   générale    qui   embrasse,  en 
dehors  de  l'incapacité  indiquée  par  le    mot  lui-même,  toutes 
celles  qui  s'y  ajoutent;  car  l'étendue  des  restrictions  compri- 
ses sous  ce  mot  dépend  absolument  des  lois  spéciales  dont    la 
rédaction  est  souvent  vague  et  obscure;  il    arrive   fréquem- 
ment aussi  que  l'intestabilité  se  lie  à  une  limitation  de  la  li- 
berté de  circuler  dans  l'empire  (II  p.  314).   En  général,    le 
législateur  s'efforce  dans   les  diiïérentes    constitutions  de   se 
rapprocher  plus  ou  moins  du  régime  idéal  de  la  privation   de 
droits,  sans  cependant  y  arriver  complètement  ;  car  la  suppres- 
sion complète  des  droits  civiques  sans  celle  du  droit   de   cité 
(993)      serait  un  contre-sens  et  une  telle   restriction  des  droits   civi- 
ques atteindrait  ordinairement  des  tiers  en  même  temps   que 
le  coupable  (1).  L'intestabilité  peut  être    prononcée   dans  un 
procès  pénal  (Il  p.  314);  mais  il  semble  que  dans  la  dernière 
période  cette  peine  soit  le  plus  souvent  encourue  de  plein  droit, 
comme  elle  l'était  d'après  la  loi  des  XII  Tables  en  cas  de  refus 
de  témoignage,  dételle   façon  qu'elle   s'appliquait    par   voie 
d'action  en  nullité  des  actes  et  testaments  auxquels  avait  con- 


(1)  La  lutte  entre  cette  prise  en  considération  des  intérêts  des  tiers  et 
la  tendance  de  la  peine  se  manifeste  nettement  dans  les  régies  sur  l'ad- 
niission  de  Vinteslahilis  à  la  prestation  d'un  témoignage.  L'hérétique  et  le 
juif  peuvent  jouer  le  rôle  de  témoins  dans  un  testament  (Cod.,  1,  5,  21,  3). 
Par  contre,  les  inlestabiles  sont  d'après  une  constitution  de  391  (C.  Th.,  16, 
7,  i  =  C.  Th.,  H,  39,  11  r=  C.  JusL,  1,7,  3)  a  testimo?iiis  alicin.  Constitution  de 
531,  Cod.,  \,  5,  21  :  sancimus  conlra  orlhodoxos  litif/antes  nemini  haerelico  vel 
etiam  his,  qui  Judaicam  supcrstUioiiem  colunt,  esse  in  lesliinonia  communionem . 


RESTRICTION   DKS    DROITS    CIVIQUES  345 

couru  Vintestabilis  et  à  la  coaditiou   de   prouver   l'exislence 
d'une  cause  d'intestabilité. 


3.  Infamie  comme  peine  d'un  délit. 

Le  fait  qu'une  personne  est  entachée  d'une  mauvaise  repu-  infamie, 
tation,  c'est-à-dire  d'infamia,  et  qu'elle  est  tenue  pour  indigno. 
turpis  (i),  produit  dans  les  débuts  de  l'Etat  romain  cet  effet 
que  tout  magistrat,  devant  lequel  un  infâme  invoque  une 
faculté  appartenant  aux  citoyens,  repousse  celui-ci  dans  la 
mesure  où  il  peut  le  faire  sans  le  priver  de  tout  droit;  c'est 
ainsi  que  celui  qui  agit  en  son  propre  nom  ne  peut  être  écarté 
par  le  tribunal,  même  s'il  est  infâme,  tandis  que  ce  renvoi  est 
possible,  si  un  infâme  agit  au  nom  d'autrui.  Cette  plénitude  de 
pouvoirs  du  magistrat,  conforme  au  droit  primitif  et  contraire 
au  principe  de  la  liberté  civique,  évolue  sous  la  pression  de  la 
tendance  républicaine  à  limiter  le  plus  possible  l'arbitrium 
du  magistrat.  Ce  qui  est  permis  et  défendu  à  ce  dernier  varie 
suivant  les  droits  que  l'on  fait  valoir,  suivant  les  temps  et  aussi 
suivant  les  cas  et  les  personnes.  Pour  expliquer  maintes  énig- 
mes des  applications  qui  sont  faites  de  cette  peine,  par  exemple  (994) 
l'effet  infamant  de  la  condamnation  pour  cause  d'injure,  il  faut 
se  rappeler  que  l'admission  ou  le  rejet  de  l'infamie  dépend 
originairement  de  l'appréciation  individuelle  de  chaque  magis- 
trat. Dans  le  droit  postérieur,  cette  restriction  des  droits  civi- 
ques se  présente  sous  une  forme  plus  stable;  au  cours  des  temps, 
la  loi  et  surtout  la  coutume  ont,  dans  une  certaine  mesure,  fixé 
pour  les  différentes  autorités  les  règles  suivant  lesquelles  le 
magistrat  serait  obligé  d'écarter  un  citoyen  comme  infâme  ou 
de  ne  pas  le  faire.  De  cette  manière,  l'infamie  de  fait  a  reçu, 


(1)  Infamia  (corrélatif  à'ivjurui  :  III  p.  98  n.  1  ;  peut-être  déjà  employé 
dans  la  loi  des  XII  Tables  :  III  p.  106  u.  6)  et  turpiludo  sont  des  nombreu- 
ses expressions  qui  servent  à  désigner  l'indignité  celles  qui  apparaissent 
le  plus  souvent  comme  termes  techniques  dans  la  langue  juridique.  Igno- 
minia  est  également  technique,  mais  seulement  dans  la  langue  militaire; 
on  emploie  en  OMXreprohrum,  mais  surtout  quand  il  s'agit  d'une  atteinte 
à  la  chasteté.  Toutes  ces  expressions  ont  en  droit  la  même  valeur. 


\ 


346  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

non  pas  d'une  façon  générale,  mais  pour  ses  différents  cas 
d'application,  une  certaine  consécration  juridique.  Celle-ci  se 
produisit  par  fixation  des  causes  qui  excluent  du  service  mili- 
taire (1),  du  droit  de  vote(2\  de  l'éligibilité,  du  droit  de  siéger 
au  sénat,  de  la  participation  aux  fêtes  civiques  (3),  du  dépôt 
d'un  témoignage  public  (4),  du  droit  d'adresser  la  parole  au 
peuple  (3),  du  service  des  jurés  (G),  de  la  représentation  en 
justice  de  la  communauté  (7)  ou  d'un  particulier.  Toutes  ces 
prescriptions  particulières  reposent  sur  une  même  conception 
-(99o)  normale  de  l'intégrité  de  réputation,  qui  n'a  pas  au  point  de 
vue  moral  et  civique  une  importance  beaucoup  moins  grande 
que  celle  de  la  capacité  de  droit  (8),  et  nous  retrouvons,  au  mi- 


(1)  S(.,R.,2,  400  et  sv.  3,  251  [Dr.publ.,  4,  81  et  sv.  G,  1,  284  et  sv.].  Cotte 
infériorité,  qui  n'est  pas  du  reste  une  libération  proprement  dite  du  ser- 
vice militaire,  mais  entraine  l'emploi  de  l'infâme  en  dehors  du  plein 
service  exigé  des  citoyens,  peut  être  qualifiée  d'infamie  censorialo. 

(2)  Cette  infamie,  qu'on  peut  qualifier  de  consulaire,  coïncide  sur  les 
points  essentiels  avec  la  précédente.  Cpr.  la  loi  de  Ban  lia,  1.  5  :  mag(is- 
iratus),  queiqxiomque  comiiia  (du  peuple)  conciliumve  (de  la  plèbe)  habeblt, 
eum  sufragium  ferre  nei  siniio. 

(3)  Lex  Julia  rnunicipalis ,  1.  132  :  neve  quis  qiiei  ibei  (dans  le  municipium 
en  question)  mag{istraturii)  potestateriwe  habehit,  eum  citm  senatii  .  .  [lud]os 
spedare  neive  in  convivio  publico  esse  sinito.  Dlg.,  48,  7,  1,  /;)•.:  leqe  Julia  (de 
vi  privala  ou  Y)\n[ôt  judiciorum  privatorum)  caulum  est,.  .  .  ne...  in  eum  ordi- 
nem  (écrivez  :  in  XI III  ordinibus)  sedeat. 

(4)  Nous  avons  exposé  ce  point  11  p.  75  et  sv. 

(5)  Rliet.  ad  Uer.,  1,  11,  20  :  lex  vetat  eum,  qui  de  pecuniis  repelundis  dam- 
natus  est,  in  conlione  orationem  habere.  Quinlilien,  3,  11,  13  :  qui  bona  pa- 
ierna  consumpserit,  ne  conlionetur.  7,  6,  3  :  ex  merci rice  nalus  ne  contionelur. 
Les  exemples  de  Quintilien  ne  se  rencontrent  peut-être  que  dans  les  exer- 
cices des  rhéteurs.  St.  B.,  1,  201,  n.  3  [Dr.  PubL,  1,22!),  n.  4]. 

(6)  Loi  de  Baiilia,  1.  4  :  [neive  judicem  eum  neive  recupe]rulorem  dalo.  La 
lex  Acilia  repetwidarum  de  631/123  1.  13  et  la  lex  Julia  repelundarum  (Dig., 
1,  9,  2)  rattaclient  à  l'exclusion  du  sénat  l'incapacité  d'être  juré.  Cicéron, 
Pro  Cluentio,  43,  120  :  non  liceat .  .Judicem  legi.  Dig.,  48,  7,  i,pr.  :  lege  Ju- 
lia [de  vi  privala)...  caulum  est,  ne...  judex  sit.  La  condamnation  pour 
faux  disqualifie  pour  le  service  du  jury  :  Pline,  Ad  Traj.  58. 

(7)  Cette  incapacité  est  exposée  II  p.  37  et  sv. 

(8)  Il  faut  considérer  comme  des  exagérations  de  rhéteurs  (cpr.  III  p.  242 
n.  4|  l'affirmation  de  Cicéron,  que  l'action  privée  non  délictuelle,  dans 
laquelle  la  comlamnation  entraîne  l'infamie  prétorienne  (Vro  Q.  Roscio,  6, 
16)  est  un  judicium  summae  exislimationis  et  paene  dicam  capilis  ou  {Pro 
Quinctio,  8.  '.J.  13,  44.  22,  71)  une  causa  capilis  et  colle  encore  plus  osée  de 
TertuUion  (De  specl.,  22)  qui  traite  la  profession  d'acteur  de  capilis  minulio. 


RESTRICTION    DES    DROITS    CIVIijUES  347 

lieu  de  nombreuses  particularités,  les  mêmes  causes  d'exclu- 
sion pour  les  différentes  incapacités  qui  se  rattachent  à  l'in- 
famie. C'est  toutefois  une  tentative  aussi  illogique  que  peu 
pratique  de  vouloir  dégager  de  cette  base  commune  et  de  ces 
ressemblances  une  notion  juridiq^ie  positive  d'infamie  ;  la 
science  romaine  du  droit  ne  s'est  pas  égarée  dans  celte  voie  (1). 
Dans  l'ensemble,  ces  prescriptions  reposent  sur  un  fondement 
moral  plus  large  que  celui  qui  sert  de  base  au  droit  pénal  ;  la 
banqueroute,  la  profession  d'acteur  ou  toute  autre  profession 
considérée  comme  peu  honorable,  la  violation  de  la  bonne  foi 
constatée  dans  un  procès  de  tutelle  ou  dans  une  autre  action 
privée  du  même  genre,  l'inobservation  du  temps  dedeuil  font  " 
perdre  l'intégrité  de  réputation,  mais  ils  ne  sont  pas  des  délits 
et  les  infériorités  juridiques  qui  en  résultent  ne  sont  pas  des 
peines.  Le  fondement  moral  sur  lequel  reposent  ces  restrictions 
des  droits  civiques  n'a  pas  la  fixité  et  la  généralité  que  l'on  re- 
vendique avec  raison  pour  le  fondement  moral  des  délits  ré- 
primés par  le  droit  pénal.  La  sentence  peut  être  injuste,  mais 
la  présomption  de  sa  conformité  à  la  justice  est  regiii  funda- 
mentum.  Par  contre,  la  présomption  que  la  banqueroute  et 
les  autres  faits  du  même  genre  excluent  rhonnêletc  n'est 
acceptable  en  pratique  que  si  le  magistrat  a  la  faculté  d'exami- 
ner chaque  cas  particulier  et  d'écarter,  s'il  y  a  lieu,  la  pré- 
somption. L'infamie  prétorienne,  telle  qu'elle  se  présente  à 
nous  dans  les  sources  juridiques,  a  subi  cette  évolution,  que 
ni  la  logique  ni  la  pratique  ne  peuvent  approuver,  vers  un 
système  d'application  rigide  par  voie  de  présomptions.  Mais 
le  droit  pénal  doit  absolument  rejeter  ces  présomptions  d'im-  (996) 
moralité  eu  général  regrettables;  celles-ci   ne  peuvent   être 


à  raison  de  l'exclusion  des  affaires  publiques  qu'elle  entraîne  {curia  ros- 
tris  senatu  équité).  L'empereur  Septime  Sévère  dit  avec  plus  de  raison 
(Dig.,  1,  9,  3)  :  senatorem  reynotum  senatu  capile  non  minui .  Mais  l'infamie 
prétorienne  engendre  à  vrai  dire  d'importantes  restrictions  de  droits. 

(1)  Ma  protestation  {St.R.,  1,  496  n.2  [Dr.  publ.,  2,  145,  n.  3])  parviendra 
difficilement  à  réagir  contre  la  tendance  irréfléchie  des  jurisconsultes  à 
tenter  une  généralisation  en  matière  d'infamie  prétorienne. 


comme  peine 
d'un  délit. 


348  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

examinées  qu'à  propos  des  différents  droits  des  citoyens  (1). 
Infamie  MqIs  Ib  droit  pénal  doit  rechercher  dans  quels  cas  la  priva- 

tion de  différents  droits  civiques  est  encourue  en  vertu  de  la 
loi  ou  de  la  coutume  comme  peine  accessoire  à  raison  d'une 
condamnation  pour  délit  ou  bien  est  prescrite  par  les  lois  comme 
peine  principale  d'un  délit.  Ce  travail  pourrait  avoir  lieu  pour 
chacune  des  incapacités  précédemment  indiquées.  Mais  la  pé- 
nurie des  sources  le  rend  impossible  pour  la  plupart  d'entre 
elles  et  pour  les  plus  importantes,  par  exemple  pour  l'exclu- 
sion de  l'armée  et  la  privation  du  droit  de  vote  (2).  Nous  nous 
bornerons  à  examiner  les  deux  restrictions  les  mieux  con- 
nues :  l'exclusion  de  la  représentation  judiciaire  dans  l'ac- 
tion privée,  c'est-à-dire,  pour  adopter  la  terminologie  ro- 
maine, l'infamie  prétorienne,  et  d'autre  part,  l'inégibilité  et 
l'incapacité  de  siéger  au  sénat.  La  fixation  par  écrit  des  causes 
entraînant  nécessairement  l'incapacité  de  représenter  en  jus- 
tice, qui  eut  lieu  de  bonne  heure  dans  une  forme  voisine  d'une 
réglementation  légale  par  les  édils  des  différents  préteurs  — 
vraisemblablement  concordants  sur  ce  point  — ,  et  l'impossi- 
bilité qui  en  résultait  d'exclure  de  celte  représentation  pour 
d'autres  motifs  ont  donné  à  ce  cas  d'infamie  une  portée  géné- 
rale dépassant  le  domaine  proprement  dit  de  la  représenta- 
tion dans  les  actions  privées  et  se  manifestant  çà  et  là  dans  le 
droit  pénal  (3).  La  perte  de  l'éligibilité  et  l'incapacité  de  siéger 
au  sénat  qu'on  ne  doit  pas  en  séparer  ont  une  importance 
telle  "au  point  de  vue  politique  et  en  droit  pénal  qu'elles  exi- 
gent un  exposé  spécial. 

La  perte  du  droit   de  représentation    judiciaire   dans    une 


(1)  C'est  avec  raison  que  los  jurisconsultes  romains  placent  la  théorie 
de  l'infamie  dans  la  matière  de  la  représentation  judiciaire.  Gains,  4,  182  : 
nec  ulla  parle  edicli  .  .  nominalim  exprimilur,  ut  aliquis  ignominiosus  sif,  sed 
gui  ■prohibelw  .  .  pro  alio  poslulare  . .  ignominiosus  esse  dicilur. 

(2)  Nous  avons  donné  quelques  indications  à  cet  égard  dans  les  remar- 
ques précédentes. 

(3)  La  permission  donnée  au  mari  par  la  lex  Julia  de  adulleriis  de  tuer  le 
complice  de  sa  femme,  s'il  est  infamis  (II  p.  340  n.  5),  est  interprétée  à  l'aide 
de  redit  du  iiréteur  sur  la  représentation  en  justice  Coll.  i,  3,  3.  c.  1:2,  3. 


RESTRICTION    DES    DROITS   CIVIQUES  349 

action  privée  se  rencontre  dans  les  cas  suivants  sous  la  forme 
d'une  infamie  infligée  comme  peine  d'un  délit. 

a)  Il  n'est  pas  prouvé,  mais  on  ne  peut  décemment  douter 
que  la  condamnation  dans  la  procédure  capitale  devant    les 
magistrats  et  les  comices  ait  été  considérée  comme  déshono-      (997) 
rante.  La  condamnation  dans  la  procédure  d'amende  tribuni- 
cienne  n'a  nullement  un  effet  infamant  de  ce  genre  (1). 

b)  L'exclusion  de  la  représentation  dans  une  action  privée 
résulte  aussi  d'une  condamnation  ou  d'une  transaction  surve- 
nue à  l'occasion  d'un  délit  privé  commis  (2)  avec  dol  par  le 
condamné  lui  même,  c'est-à-dire  à  l'occasion  d'un  vol  ou  d'une 
rapine  (III  p.  o9),  d'une  injure  (III  p.  121  n.  3),  d'une  corrup- 
tion d'esclave  (III  p.  ^39),  d'un  dol  (III  p.  404  n.  2)  (3).  Le  même 
effet  se  produit,  lorsque  dans  la  procédure  plus  récente  le  délit 
privé  est  réprimé  comme  délit  public  extraordinaire  (4).  Cette 
conséquence  du  délit,  qui  dans  certains  cas  est  plus  pénible 
au  condamné  que  l'amende  qui  le  frappe,  ne  peut  pas  être 
considérée  en  elle-même  comme  une  peine;  en  effet,  elle  a 
lieu,  bien  que  le  jugement  ne  la  prononce  jamais,  et  surtout 
elle  s'attache  à  la  transaction,  lorsque  celle-ci  équivaut  au 
fond  à  une  condamnation  ou  à  un  aveu. 

c)  La  condamnation  prononcée  dans  une  procédure  de 
quacstAo,  lorsqu'elle  se  fonde  sur  certains  délits,  par  exemple 
sur  un  sucrilegium  ou  un  péculat,  a  sans  doute  engendré   de 


(1)  Il  suffit  de  rappi'ler  lo  souvenir  de  M.  Livius  Salinator,  qui,  con- 
damné à  une  amende  par  les  tribus  après  son  premier  consulat  de  53o/il9 
à  raison  d'un  partage  injuste  du  butin  (ainsi  Frontin,  Stral.,  4,  1,  45  ; 
peculatus  dans  le  De  vlris  ilL,  SO),  revêtit  de  nouveau  la  charge  consulaire 
en  346/208  (Tite-Live,  22,  33,  3,  c.  49,  11.  27,  3i). 

(2)  Cette  exclusion  n'a  donc  pas  lieu  en  cas  de  condamnation  du  chef 
de  la  domusk  raison  d'un  délit  commis  par  une  personne  en  sa  puissance  ; 
la  possibilité  de  se  faire  représenter  dans  les  actions  pénales  de  ce  genre 
a  également  pour  conséquence  que  la  condamnation  du  représentant 
n'entraîne  l'infamie  ni  pour  celui-ci,  ni  pour  le  représenté  {Dig.,  3,  2,  6, 
2.  37,  lo,  2,  pr.). 

(3)  Dig.,  3,  2,  1.  17,  2,  56. 

(4)  Dig.,  48,  1,  7.  Cet-effet  se  produit  donc  en  cas  de  vol  réprimé  par 
voie  de  cognition  et  en  cas  de  stellionat,  c'cst-à-dire  de  dol  puni  au  cri- 
minel {Dig.,  3,  2,  13,  8.  47,  20,  2). 


350  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

tout  temps  l'infamie,  mais  cette  règle  n'a  pas  été  d'application 
générale  dans  toutes  les  quaestiojies  {\).  Cet  effet  infamant  a  été 
étendu  progressivement  (2)  ;  au  troisième  siècle,  on  le  rencontre 
(998)  d'abord  pour  la  condamnation  dans  un  procès  capital  (3),  puis 
pour  la  condamnation  dans  un  procès  criminel  ordinaire  (4). 
d)  La  même  conséquence  se  produit  en  cas  de  condamnation 
pour  calumnia  ou  prévarication  dans  un  procès  de  quaestio  (o). 

4.  lûcapacité  de  briguer  des  charges  et  de  faire  partie 
du  sénat,  envisagée  comme  répression  d'un  délit. 

Dans  le  droit  d'empire,  abstraction  faite  de  la  procédure  cen- 
soriale  qui  en  droit  strict  consiste  à  ne  pas  réélire  le  sénateur, 
l'exclusion  du  sénal  u"a  lieu,  comme  répression  d'un  délit,  que 
par  voie  de  procédure  judiciaire,  soit  que  les  autorités  crimi- 
nelles, suivant  ce  qui  a  lieu  ordinairement  et  même  exclusive- 
ment à  l'époque  ancienne,  condamnent  à  une  peine  entraînant 
comme  pénalité  accessoire  cette  incapacité  de  siéger  au  sénat, 
soit  qu'elles  prononcent  directement  cette  dernière  (G).  Dans 
les  cités  de  citoyens  romains,  on  trouve  aussi  une  procédure 
d'indignité  qui  tend  à  faire  exclure  du  sénat  municipal  les 
personnes  poursuivies,  se  déroule  suivant   les    formes    de    la 


(1)  Le  silence  di'  l'édit  est  ici  d'autant  plus  probant  qu'il  cite  comme 
condamnations  infamantes  celles  qui  se  fondent  sur  une  calumnia  ou  une 
prévarication.  Il  est  d'ailleurs  naturel  que  la  condamnation  dans  la 
procédure  pénale  publique  ne  soit  pas  nécessairement  infamante. 

(2)  Dig.,  48,  7,  1,  pr.,  après  avoir  rapporté  que  la  le.r  Julia  de  vi  excluait 
du  sénat  ceux  qui  étaient  condamnés  à  raison  d'une  vis  privala,  ajout'-  : 
el  videlicel  omni  fionorc  quasi  infamis  ex  senalus  consullo  carcbil  ;  l'infamie 
prétorienne  n'a  donc  été  étendue  à  ce  délit  que  par  un  sénatus-consulte 
postérieur. 

(3)  Ulpien,  Dif/.,  3,  1,  1,  G  :  r/ui  capilali  crimine  damnalus  est,  non  débet 
pro  alio  postulare. 

(i)  Macer,  Dig.,  48,  1,  7. 

(5)  Dig.,  3,  2,  1.  La  délation  fiscale  n'entraîne  pas  par  elle-même  l'infa- 
mie (Dig.,  4'.t,  14,  2,  pr.  1.  18,  7),  elle  n'a  cet  eflet  que  dans  les  cas  ov'i  l'on 
suppose  que  le  délat<;ur  a  obéi  à  de  vils  motifs  (III  p.  213  n.  1). 

(G)  Le  sénat  peut  bien,  comme  organe  judiciaire,  prononcer  l'exclusion 
d'un  sénateur;  mais  le  droit  d'empire  ne  connaît  pas  de  procédure  ten- 
dant à  réliminalion  du  sénat.  St.  Il,  3,  871)  sv.  [Dr.  pulA.,  7,  52  sv.]. 


RESTRICTION    DES    DROITS    CIVIQUES  351 

procédure  romaine  d'accusation  et  admet  même  des  récom- 
penses pour  les  accusateurs  (II  p.  201  n.  3)  (1);  nous  ne 
pouvons  dire,  s'il  y  avait  là  une  application  de  la  juridiction 
pénale  ou  une  modification  de  la  procédure  censoriale  d'exclu- 
sion du  sénat. 
Les  causes  qui  entraînent  l'exclusion  des  charges  et  du  sénat     PnvaUon 

de  l'éligibilité 

municipaux  à  titre  de  répression  d'un  délit  ont  été  en  général    et  du.in.ii 
régies  par  les  mêmes   règles   à    Rome  et    dans  les    munici-     '^^  ^'."^7 

o  r  o  au  Sénat. 

pes  (2).  Ici,  nous  nous  attachons  principalement  au  droit  d'em-      (999) 
pire  et  nous  indiquons  seulement  les  règles  divergentes  con- 
tenues dans  les  droits  municipaux  qui  nous  sont  connus. 

L'exclusion  des  charges  publiques  (3)  et  l'exclusion  du  sénat  (4) 
sont  au  début  delà  République  soumises  à  des  conditions  diifé- 
rentes  qui  n'ont  aucun  rapport  avec  le  droit  pénal  et  qu'il  n'y 
a  pas  lieu  d'exposer  ici.  Dans  la  suite,  ces  deux  exclusions  n'ont 
pas  été  nécessairement  liées  l'une  à  l'autre  :  on  vit  même  des 
personnes  continuer  à  faire  partie  du  sénat,  bien  qu'elles  fus- 
sent devenues  inéligibles  aux  charges  publiques  (o);  mais  elles 

(1)  Lej:  coloiiiae  Gen^livae,  c.  105.  123.  121.  La  clause  d'après  laquelle 
l'indignité  ne  peut  se  fonder  sur  la  libevlinilus  prouve,  d'une  part,  que  la 
procédure  d'indignité  n'était  pas  propre  à  la  ville  de  Genetiva,  et  indi- 
que, d'autre  part,  que  cette  procédure  avait  plutôt  un  caractère  censorial 
que  judiciaire.  D'après  le  droit  d'empire,  en  l'absence  des  qualités  requi- 
ses, l'élimination  se  produisait  par  voie  administrative,  mais  ne  donnait 
pas  lieu  à  une  accusation. 

(2)  Une  réglementation  générale  nous  est  donnée  à  cet  égard  par  la  lex 
Julia  munici  palis,  1.  108-123;  les  différents  droits  municipaux  abordent 
aussi  cette  question. 

(3)  Elle  est  souvent  prononcée  comme  interdiction  de  briguer  ces  char- 
ges ;  elle  apparaît  parfois  sous  la  forme  d'une  défense  de  porter  la  robe 
prétexte  (Loi  de  Bantia,  1.  4). 

(4)  Cette  incapacité  se  présente  tantôt  comme  une  défense  adressée  au 
président  du  sénat  d'admettre  la  personne  disqualifiée  aux  séances  do 
son  assemblée  ou  de  l'appeler  à  voter,  tantôt  comme  une  défense  adressée 
à  l'incapable  lui-même  de  voter  dans  le  sénat  :  lex  repelundurum,  1.  11,  13; 
loi  de  Bantia,  1.  1  sv.  1.  20  ;  Cicéron,  De  Domo,  31,  82. 

(o)  Pline,  Ep.,  2,  12  nous  rapporte  une  condamnation  de  ce  genre  :  un 
sénateur  garde  le  droit  de  siéger  au  sénat,  mais  il  est  exclu  du  tirage  au 
sort  des  provinces.  Dif).,  48,  22,  7,  21  :  potest  alicui  poena  injungi,  ne  liono- 
res  adipiscatur,  nec  ea  res  fac.it,  ul  decurio  esse  desinal,  cum  fiei'i  possit,  ut 
quis  decurio  quidem  sil,  ad  honores,  aulem  non  admittaiur  (il  est  peu  pro- 
balde  qu'on  vise  ici  une  restriction  des  droits  civiques  infligée  à  titre  de 


352  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

allèrent  ordinairement  de  pair  (1;,  surtout  parce  que  la  nomi- 
nation à  certaines  charges  avait  coutume  de  faire  entrer  au  sé- 
nat ;  c'est  pourquoi  nous  les  examinons  ici  simultanément. 
D'après  l'ancien  droit,  ces  incapacités,  lorsqu'elles  se  présen- 
tent comme  des  peines,  sont  toujours  prononcées  à  perpétuité. 
Toutefois,  on  trouve  déjà  à  l'époque  républicaine  l'exclusion  à 
temps  du  sénat  romain  pour  cause  d'ambilus  (III  p.  203),  et  dans 
la  dernière  période  on  rencontre  fréquemment  l'élimination  à 
temps  de  la  curie  municipale  (2).  Dans  ce  dernier  cas,  le  décu- 
rion  reprend  de  plein  droit  sa  fonction  après  l'expiration  du 
(1000)  temps  d'exclusion  [?,).  —  L'incapacité  de  briguer  des  charges 
et  de  faire  partie  du  sénat  se  présente  dans  les  cas  suivants 
comme  infamie  infligée  à  titre  de  répression  d'un  délit  : 

a)  La  condamnation  au  cours  d'une  procédure  devant  les 
magistrats  et  les  comices  a  dû,  au  début  de  la  République,  être 
onsidérée,  lorsqu'elle  se  fondait  sur  certains  délits,  comme 
rendant  inéligible  aux  charges  publiques  et  inapte  à  faire  par- 
tie du  sénat,  ainsi  que  cela  avait  lieu  pour  la  représentation 
judiciaire;  mais  toute  l'histoire  de  cette  époque  nous  montre 
qu'il  n'en  était  pas  ainsi  en  principe.  Ce  fut  seulement  dans 
les  crises  du  dernier  siècle  de  la  République  que  la  loi  Cassia 
de  630/104  décida  que  la  condamnation  par  le  peuple  entraî- 
nerait exclusion  du  sénat  (4). 


répression  d'un  délit);  nam  et  senalor  quis  esse  polesl  et  tamen  honores  non 
\ju]re  pelere. 

(1)  Il  en  est  ainsi  d'une  manière  générale  dans  la  loi  de  Bantia  ;  dans 
la  lex  JuUa  municipalis,  1.  132  et  sv.,  13a  et  sv.  ;  dans  la  lex  coloniae  Geneli- 
vue,  c.  105;  pour  l'action  privée  infamante  chez  Cicéron,  Pro  Cluenllo,  42, 
119  ;  pour  le  délit  de  vis  privala:  Dig.,  48,  7,  \.  pr. 

(2)  Dig.,  48,  22,  7,  20  :  solet  decii rionibus  online  inlerdici  vel  ad  lemptis  vel 
in  perpeluum. 

(3)  Dig.,  48,  10.  13,  1.  50,  2,  3,  1.  1.  5.  Cod.,  2,  il.  3.  10,  61,  1  =:  Dig..  50, 
2.  3,  1.  Fronton.  Ad  amicos,  2,  7,  p.  195.  196.  L'empereur  Marc  Aurèle 
exige  au  contraire  pour  la  rentrée  dans  la  curie  municipale  non  seule- 
ment une  nouvelle  élection,  mais  même  une  confirmation  de  l'empereur 
(Dig.,  50,  2,  13).  Naturellement,  la  réintégration  n'a  pas  lieu  do  plein  droit, 
lorsque  l'exclusion  de  la  curie  est  inhérente  au  délit  lui-même  {Dig.,  50, 
2,  o). 

(4)  Asconius,  In  Cornet.,  \k  78.  L.  Cassius  Longinus  Ir.  pi.  .  .  iulil.  .  .  ut  quem 


RESTRICTION    DES    DROITS    CIVIQUES  353 

b)  La  transaction  ou  la  condamnation  à  raison  d'un  délit 
privé  commis  par  le  condamné  lui-même  prive  des  droils 
honorifiques  dont  nous  nous  occupo^ns  ici,  exactement  comme 
elle  enlève  le  droit  de  représenter  en  justice  (1).  Il  faut  y 
ajouter  la  condamnation  prononcée  en  vertu  de  la  loi  Plaetoria 
pour  fraude  commise  au  regard  d'un  mineur  de  vingt-cinq 
ans,  hypothèse  dont  l'omission  en  matière  de  représentation 
judiciaire  est  peut-être  accidentelle  [2). 

c)  La  condamnation  au  bannissement  de  l'Italie  et  à  l'in- 
terdiction de  l'eau  et  du  feu,  prononcée  par  un  tribunal  de 
Rome,  laisse,  d'après  la  législation  de  Sylla,  le  droit  de  cité 
au  banni,  mais  le  prive  du  droit  do  siéger  tant  dans  le  sénat 
de  Rome  que  dans  un  sJnal  municipal  quelconque  (3).  Cette 
disposition  cesse  d'être  applicable,  lorsque  l'interdiction,  par 
suite  de  l'aggravation  qu'elle  reçoit,  fait  perdre  le  droit  de  cité. 

cl)  Nous  ne  savons  pas  exactement  dans  quelle  mesure,  pen-  (1001) 
dant  le  dernier  siècle  de  la  République  et  le  début  de  l'Em- 
pire les  condamnations  pénales  rendues  à  Rome  qui  ne 
prononcent  pas  l'interdiction  entraînent  l'exclusion  du  sénat 
comme  peine  accessoire;  mais  il  est  certain  qu'on  rencontre 
fréquemment  celte  exclusion  opposée  comme  peine  plus  douce 


populus  damnasset  cuive  imperium  abrogassel  (cette  seconde  disposition  con- 
cerne un  général  battu  dans  la  guerre  des  Gimbres)  in  senaLu  ne  esset. 

(i)  Cicéron,  Pro  Cliienlio,  42,  119.  Lex  Julia  munidpalis,  1.  110;  la  rapine 
n'est  pas  ici  citée,  mais  elle  est  comprise  dans  le  fuilum.  Cod  ,  10,  3i*,  8. 
12,  3.0,  3.  Les  condamnations  prononcées  dans  la  procédure  extraordi- 
naire ont  à  cet  égard  le  même  cU'et  (Oif/.,  '60,  2,  5). 

(2)  Cette  condamnation  (  cpr.  1  p.  210  n.  2)  est  citée  par  la  lex  Julia  muni- 
dpalis 1.  m  parmi  les  causes  d'incapacité  à  faire  partie  du  sénat. 

(3)  Cicéron,  De  Domo,  31,  82  :  ubi  cavisli,  ne  me  meo  lor.o  censor  in  senalum 
legeret?  Qnod  de.  omnibus,  eliam  r/uibus  damnalis  inlerdicturn  esl  (c'est-à-dire 
celui  auquel  on  laisse  le  droit  de  cité  tout  en  le  bannissant  de  l'Italie  : 
III  p.  302  n.  2)  scriptum  est  in  leç/ibus.  Par  contre,  l'omission  d'un  séna- 
teur, qui  a  lieu  par  voie  administrative  lors  de  la  reconstitution  du  sénat, 
ne  disqualifie  pas  la  personne  omise  ;  dans  la  dernière  période  de  la  Ré- 
publique, les  sénateurs  ainsi  cassés  ont  souvent  brigué  une  charge  et  sont 
ainsi  rentrés  au  sénat  (St.  H.,  1,  522  [Dr.  publ.,  2,  175]).  Lex  Julia  munid- 
palis, 1.  117  :  quei  judido  publico  Romae  condemnalus  est  erit,  quo  circa  eum 
in  Ilalia  esse  non  Uceat  (pour  les  mots  qui  suivent  :  neque  in  integrum  resii- 
tutui  est  erit,  cpr.  Il  p.  171  n.  2). 

Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  23 


354  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

au  bannissement  (1).  Une  telle  disposition  se  trouve  peut-être 
dans  la  loi  Servilia,  certainement  dans  la  loi  Julia  sur  les 
repetundae  (III  p.  29)  ;  dans  la  loi  Cornelia  sur  le  faux  (2)  et 
dans  la  loi  Julia  sur  les  violences  de  gravité  moindre  (3).  Il 
est  peut-être  permis  de  transposer  la  proposition  que  nous  for- 
mulons ci-dessous  (q.  o)  et  de  dire  que  toute  condamnation 
pénale  prononcée  par  une  quaestio  de  Rome,  même  si  elle 
inflige  une  peine  inférieure  à  l'interdiction  de  l'Ilalie,  prive  le 
condamné  du  droit  de  siéger  dans  le  sénat  de  Rome,  mais 
non  dans  le  sénat  municipal  de  sa  patrie  d'origine. 

c)  La  condamnation  pour  calumnia  ou  prévarication  dans 
une  procédure  de  quaestio  entraîne  également  ces  incapacités, 
comme  elle  extrême  l'incapacité  de  représenter  en  justice  (4). 

/)  Toute  condamnation  prononcée  dans  un  jiidicium  publi- 
cum  municipal  disqualifie  le  condamné,  non  pas  pour  tout  sénat 
municipal^  mais  pour  celui  de  sa  cité  d'origine  (5). 

g)  Pendant  la  dernière  période  du  Principat,  la  relégation 
à  perpétuité  entraîne  nécessairement  l'exclusion  du  sénat  de 
Rome  et  de  toute  curie  municipale;  la  relégation  à  temps,  au 
contraire,  n'a  pas  cet  effet  (III  p.  352  n.  3). 

Jt)  L'exclusion  du  sénat  romain  à  temps  ou  à  perpétuité  a 
été  appliquée  de  bonne  heure  comme  peine  principale  en 
matière  d'ambitus  (III  p.  205).  On  rencontre  fréquemment  plus 
tard  l'exclusion  à  temps  ou  à  perpétuité  du  décurionat  muni- 
cipal (G). 


(1)  Tacite,  Ann.,  4,  31.  6,  48. 

(2)  II  p.  400  n.  6.  Dig.,  48,  10,  13,  1  (cpr.  Pline,  Ad  Traj.,  58). 

(3)  II  p.  380  n.  2.  Dig.,  48,  7,  1,  pr.  La  même  règle  s'applique  au  décu- 
rionat. 

(4)  Le.r  Julia  mimkipalis,  1.  119:  qucm  k{alumniae)  praevaricalionisve  caussa 
acciissasse  fecisseve  quod  judicatum  erit. 

(5)  Lex  Julia  municlpalis,  1.  118  :  quel  in  eo  municipio  .  .  .  quojus  erit,  Judi- 
cio  publico  condcmnalus  est  erit. 

(6)  En  dehors  des  textes  cités  III  p.  35:2  n.:î  et  3,  cpr.  Dj'/;.,  49,  7,1,  4  et  pour 
le  faux  :  Paul,  5,  15,  5  ;  pour  l'abigeat  :  Dig.,  47,  14,  1,3;  pour  l'abattage 
d'arbres  fruitiers:  Paul,  5,  20,  6;  pour  la  calumnia'.  Paul,  5,  4,  11.  Dig., 
47,  10,  43;  où  partout  l'exclusion  de  Yordo  est  mentionnée  à  titre  d'alter- 
native à  côté  d'autres  peines  modiques.  A  cette  époque  où  le  décurionat 


RESTRICTION    DES    DROITS    CIVIQUES  355 

5.  L'interdiction  d'accomplir  certains  actes  publics  ou  privés      (1002) 
comme  répression  d'un  délit. 

Nous  réunissoQs  dans  cette  Section  toas  les  renseignements 
qui  nous  sont  parvenus  sur  la  destitution  des  prêtres  et  des  ma- 
gistrats et  sur  l'interdiction  de  certains  actes  privés  ou  publics, 
en  tant  que  ces  mesures  ont  lieu  à  litre  de  répression  d'un 
délit. 

La  destitution  du  prêtre,  dont  les  fonctions  d'après  les  usa-    Dcsuiuiion 

des  Drotrcs» 

ges  romains  sont  ordinairement  viagères  (1),  a  pu  être  pronon- 
cée à  titre  de  peine;  elle  a  obéi  dans  ce  cas  à  des  règles  en 
général  analogues  à  celles  qui  régissent  l'exclusion  du  sénat 
infligée  à  titre  de  répression  d'un  délit  ;  l'existence  de  cette 
norme  est  attestée  par  l'exception  même  qui  est  mentionnée 
à  propos  des  augures  ;  l'augurât  municipal  lui-même  peut 
être,  d'après  certains  droits  municipaux,  supprimé  par  une 
condamnation  (2).  Nous  ne  savons  rien  de  plus  précis  à  cet 
égard. 

Le  magistrat  est  au  contraire  inamovible  d'après  la  concep-  Destitution  des 

»  1,  .  11111  •»  f    '    j  il         magistrats. 

lion  romaine,  même  d  après  celle  de  la  dernière  période;  celle 
inamovibilité  est  telle  que  non  seulement  le  magistrat  ne  peut 
être  destitué  dans  une  procédure  judiciaire  (3),  ce  qui  du  reste 
est  ordinairement  irréalisable  par  le  seul  fait  de  l'inadmissibi- 
lité de  toute  accusation  contre  le  magistrat  pendant  l'exercice 

est  devenu  un  titre  entraînant  de  lourdes  charges  économiques,  l'exclu- 
sion de  la  curie  à  titre  de  peine  consiste  principalement  dans  la  perte 
des  privilèges  importants  qui  se  rattachent  à  la  qualité  de  décurion,  no- 
tamment au  point  de  vue  do  la  fixation  du  taux  de  la  peine  (Dig.,  48,  19, 
43,  1.  tit.  22,  7,  22.  1.  8.  Cod.,  2,  11,  S.  10,  59,  1). 

(1)  Plutarque,  0.  H.  99;  Pline;  Ep.,  4,  8,  1.  Une  exception  du  même 
genre  se  rencontre  pour  le  sacerdoce  des  Arvales.  Il  est  difficile  d'ad- 
mettre en  présence  de  ces  deux  exceptions  que  l'inamovibilité  du  ponlifex 
maximus  ait  un  caractère  juridique  (St.  R.,  2,  21,  n.  1  [Dr.  pubL,  3,  22, 
n.  3j). 

(2)  La  lex  coloniae  Genetlvae,  c.  67  traite  de  la  cooptation  in  conlegium 
pontific(um)  auqurumq{ue)  in  demorlui  damnative  loco. 

(3)  Lorsque  la  loi  de  Bantia  dit  1.  19  :  is  magistralum  iiaperiumve  nei 
petiio  iieive  yerito  neive  habelo,  sa  rédaction  est  trop  large;  car  le  (jerers  et 
Vhabere  ne  sont  illégaux  que  s'ils  reposent  sur  un  petere  illégal. 


356  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

de  sa  charge  (II  p.  18  sv.),  mais  elle  est  même  si  absolue  que 
les  comices  quasi  tout-puissants  n'ont  pas  le  pouvoir  de  desti- 
tuer le  magistrat  (1).  L'observation  rigoureuse  du  principe  de 
l'annalité  des  magistratures  permet  l'application  pratique  de 
celui  de  l'inamovibilité  (2).  Pour  les  fonctions  qui  reposent  sur  le 
mandat  d'an  magistrat  et  se  rapprochent  en  fait  plus  ou  moins 
de  la  magistrature,  c'est-à-dire  pour  tous  les  officiers  et  sous 
(1003)  le  Principat  pour  tous  les  délégués  du  pouvoir  impérial,  il  n'est 
pas  non  plus  question  de  destitution  par  voie  de  procédure  ju- 
diciaire. Il  y  en  a  deux  raisons  :  la  première  c'est  que  l'autorité 
qui  les  a  nommés  a  la  faculté  de  leur  retirera  toute  époque  le 
mandat  donné;  la  seconde  est  qu'une  destitution  judiciaire  res- 
treindrait la  liberté  du  mandat,  requise  par  l'essence  même 
de  ces  institutions.  Evidemment,  il  est  arrivé  assez  souvent 
que  des  fonctionnaires  impériaux  ont  été  dégradés  ou  relevés 
de  leurs  fonctions  à  la  suite  d'une  condamnation  pénale  pro- 
noncée contre  eux  (3),  mais  leur  chef  n'était  nullement  obligé 
à  prendre  une  pareille  mesure  et  celle-ci  est  toujours  en  droit 
strict  un  simple  renvoi  du  fonctionnaire. 
inierdiciion  de  Les  pcrsounes  qui  se  rendent  coupables  de  fautes  vis-à-vis 
d'une  autorité  peuvent  être  privées  de  la  faculté  de  faire  avec 
celle-ci  des  opérations  rentrant  dans  le  domaine  de  la  compé- 


(1)  st.  /{.,  1,  628  sv.  [Dr.  publ.,  2,  301  sv].  L'inamovibilité  ne  s'étend  ni 
aux  promagistrats  ni  aux  quasi-magistrats. 

(2)  II  n'est  pas  rare  qu'on  hâte  le  procès  en  provoquant  une  démission. 

(3)  Ulpien,  Dia.,  48,  19,  S,pr.  cite  parmi  les  peines  criminelles  dignilalis 
aliquam  deposilionem.  Tril)un  militaire  :  Tacite,  Ann.,  15,  71.  —  Centurion 
pour  cause  d'adultère  :  Pline,  Ep.,  6,  31.  —  Retrait  des  lettres  de  nomi- 
nation (codiciUi)  du  gouverneur  de  province  coupable  de  repelundae  : 
C.  Th.,  9,  27,  1.  —  Retrait  de  la  dignité  concédée  (Jionorarla  comitiva)  pour 
cause  d'insubordination  :  C.  Th.,  12,  1,  150.  —  Suppression  du  patriciat 
d'Eutrope  :  C.  Th.,  9,  40,  17.  —  Retrait  de  la  charge  (mililia)  :  C.  Th.,  7,  4, 
3G.  tit.  8,  5  ;  retrait  des  insignes  de  la  charge  (ci/tr/idum)  :  C.  Th.,  11,  20, 
4,  2.  16,  4,  4.  —  Placement  du  soldat  dans  les  troupes  du  praefectus  vir/i- 
lum  :  C.  Th.,  1,  6,  il.  —  Dégradation  à'officiales  :  C.  Th.,  6,  27,  15,  7,  1,  10. 
tit.  12,  2.  c.  3.  Le  plus  souvent  il  ne  s'agit  pas  ici  de  crimes,  mais  do 
fautes  de  service.  —  Dans  la  reslHutio  générale  accordée  aux  chrétiens 
condamnés  pour  leur  foi,  Constantin  donne  aux  anciens  fonctionnaires 
le  choix  entre  la  réintégration  dans  leur  charge  ((jTpaTcîa)  ou  une  mise  à 
la  retraite  honorable  (Sozoméne,  llist.  eccl.,  i,  8). 


certains  actes. 


RESTRICTION    DES    DROITS    CIVIOUES  357 

tence  de  celte  autorité,  c'est  ainsi  qu'on  interdit  notamment 
aux  avocats  de  se  charger  d'affaires  judiciaires  pendant  un  cer- 
tain temps  ou  pendant  la  durée  d'une  magistrature  (1).  L'ex- 
clusion des  licitatious  publiques  a  été  infligée  de  la  même  ma- 
nière (2).  L'ancien  droit  ne  connaît  pas  de  prohibition  du  môme 
genre  privant  une  personne  de  la  faculté  de  faire  certains  actes 
privés;  mais  une  telle  défense  se  rencontre  à  titre  de  répres- 
sion dans  le  droit  postérieur  (3).  Toutefois,  il  n'est  pas  permis 
d'imposer  à  titre  de  peine  l'obligation  de  se  charger  d'une  (100  i) 
affaire  privée  (4)  ou  la  qualité  de  décurion  (o). 


(1)  A  la  suite  d'une  faute  commise  par  un  avocat  la  proposition  est 
faite  au  tribunal  sénatorial  de  lui  interdire  pendant  cinq  ans  l'exercice 
de  sa  profession  (Pline,  Ep.,  5,  14).  Interdictions  analogues  :  Dig.,  i,  12, 
1,  13.  3,  1,  8.  17,  1,  6.  7.  Cod..  2,  6,  1.  10,  61,  1  =r  Dig.,  50.  2,  3,  1.  La  por- 
tée de  ces  interdictions  se  limite,  du  moins  ordinairement,  au  ressort  des 
autorités  qui  les  prononcent  {J>ig.,  3,  1,  9)  et  à  la  durée  des  fonctions  du 
magistrat  qui  interdit  (big.,  3,  1.  6.  48,  19,  43,  pr.).  Ulpien,  Dig..  48,  19,  8, 
pr.  cite  parmi  les  peines  criminelles  alicujus  actus  pvohibitionem. 

(2)  Dig.,  48,  19,  9,  9. 

(3)  Nous  trouvons  mentionnées  les  interdictions  d'enseigner  {Dig.,  1, 
12,  1,  13),  de  faire  le  commerce  (Dig.,  1,  12,  1,  13.  47,  11,  6,  pv.  48.  19,  9,  9. 
10)  ou  d'exercer  un  métier  [Dig.,  48,  19,  43,  pr.). 

(4)  Ulpien,  Dig.,  48,  19,  9,  10  qualifie  cette  mesure  d'injuste  {inrivile), 
mais  l'admet  cependant  dans  certains  cas. 

(5)  Les  chrétiens  ont  été  ainsi  enrôlés  dans  le  décurionat  (Sozomène, 
//.  eccl.,  \,  8);  mais  cette  mesure  est  désapprouvée  dans  les  textes  légis- 
latifs (C.  Th..  12,  1,  66.  c.  108). 


(1005)  SECTION   X 


CONFISCATION    DU    PATRIMOINE    OU   D'UNE    QUOTE-PART 
DU   PATRIMOINE 


conûscation  La  confîscation  du  patrimoine  à  titre  de  répression  au  profit 
e  patrimoine.  ^^  j^  communauté  (  1)  OU,  ce  qui  n'a  lieu  que  depuis  César  (2), 
la  confiscation  d'une  quote-part  du  patrimoine  dans  les  mêmes 
conditions  rentre  parmi  les  cas  de  succession  universelle  ou  à 
titre  universel.  Le  patrimoine  est  ici  traité  comme  s'il  y  avait 
un   testament  :  l'actif  du  condamné  échoit  à  la   communauté 


(1)  La  publicatio  bonorum  (Gicéron,  In  Catil.,  4,  5,  10;  Pro  Plancio,  41,  97 
et  souvent  ailleurs;  dans  le  bas  latin  on  trouve  aussi  proscriptio  :  C.  Th., 
9.  41,  1.  tit.  42,  24.  16,  5.  63;  Nov.  Val.  III  22,  c.  5;  cpr.  III  p.  219  n.  1) 
embrasse  aussi  le  cas  de  succession  (Labéon  chez  Auln-Gelle,  1,  12,  18), 
mais  a  principalement  lieu  au  regard  de  l'ennemi  (César,  Bell.  Gall.,  5,  56  : 
Clngetorigem...  hostem  judicat  honaque  ejus  publical).  Confiscare,  à  propre- 
ment parler  placer  dans  le  panier  à  argent,  donc  ranger  comme  argent 
comptant  (Suétone,  Aug.,  101)  désigne  la  confiscation  d'argent  et  de  biens 
pour  le  compte  de  l'empereur;  la  portée  de  ce  mot  no  se  restreint  pas  à 
la  confiscation  opérée  à  titre  de  répression  (par  exemple,  Suétone,  Dom., 
12  par  suite  d'une  institution  d'héritier)  et  son  emploi  est  déjà  courant 
chez  Suétone.  La  substitution  réelle  du  fiscus  impérial  à  l'aerariiim  de  la 
cité  et  la  confusion  postérieure  de  ces  deux  institutions  dont  nous  trai- 
terons plus  loin  s'accusent  dans  le  langage  par  ce  fait  que  les  termes 
publicatio  et  confiscatio  employés  distinctement  par  les  anciens  auteurs 
sont  usités  comme  synonymes  dans  la  dernière  période,  notamment  chez 
les  écrivains  non  jurisconsultes. 

(2)  La  prétendue  loi  de  Romulus,  d'après  laquelle  en  cas  de  divorce  in- 
juste le  patrimoine  du  mari  échoit  pour  moitié  à  la  femme  et  pour  moitié 
à  l'aerarium  (Plutarque,  Ro7n.,  22)  n'est  certainement  pas  de  date  an- 
cienne (II  p.  413  n.  3). 


CONFISCATION   DU    PATRIiMOIXE  359 

dans  la  mesure  où  il  aurait  pu  être  donné  à  un  héritier  testa- 
mentaire et  les  successeurs  ab  intestat  sont  dans  la  même  si- 
tuation que  s'ils  avaient  été  déshérités  (1).  Le  passif  incombe     (1006) 
naturellement  à  la  communauté.  Nous  avons  déjà  exposé  plus 
haut  (III  p.  236)  qu'originairement  la  ;jî^é//crt//o  était  une  con- 
secratio,  ce  qui  au  point  de  vue  juridique  était  sans  doute  iden- 
tique (2),  et   que  la  communauté,  dans  la  Rome  ancienne,  se 
faisait  scrupule  de  ne  tirer  aucun  profit  des  biens  qui  lui  par- 
venaient par  voie  de  répression.  Dans  la  dernière  période  de 
la  République  et  sous  le    Principat,  les  peines  n'ont  que    trop 
souvent  servi  à  enrichir  l'Etat;  elles  furent  même  assez  fré- 
quemment infligées  principalement  dans  ce  but.  Lorsqu'il  y 
a  confiscation  de  la   totalité  du  patrimoine  (3),  on   en  laisse    Restriction 
souvent  une  quote-part  aux  enfants  du  condamné  à  titre  de    jeslVfrnL 
grâce  (4);  cette  quote-part  fut  le  plus  souvent  de  moitié  dans  la  du  condamné. 
dernière  période  (S).  Justinien  a  même  interdit  d'une  manière 
générale  ces  confiscations  totales,  sauf  en    matière  de  crime 
de  lèse-majesté  ^6).  Il  faut  même  à  la  dernière  époque  du  droit 
romain  une  autorisation  spéciale  de  l'empereur  pour  procéder 


(1)  Familia  peci/niaque,  Festus,  p.  3J8  (III  p.  236  n.  1).  Ulpien,  Dig.,  38, 
16,  1,3  :  filius  suus  hères  e.rcluditw...  si  perduellionis  fuerit  damnalus  paler 
post  moriem  suam  [eo  nsque],  ut  nec  jura  sepulclirorum  hic.  filius  haheat.  —  Il 
y  a  toutefois  exception  pour  les  droits  qui  parviennent  aux  enfants  du 
condamné  à  raison  d'afTranchissements  faits  par  leur  auteur  [Dig.,  37,  14, 
4.  48,  4,  9). 

(2)  La  régie  aut  sacrom  aul  poublicom  (C.  I.  L.  IX,  439.  440)  s'applique 
également  ici.  St.  ft.,2,  59  et  sv.  [Dr.  pubL,  3,  67  sv.]. 

(3)  Cette  faveur  n'a  pas  lieu  en  cas  de  confiscation  partielle  :  Dig.,  4S, 
20,  1,  3. 

(4)  Tacite,  Ann.,  3,  17.  4,  20.  13,  43,  Il  en  est  de  même  lorsque  l'action 
pénale  entraine  la  déconfiture  ou  la  faillite  du  coupable  :  Pline,  Ep.,  3, 
9,  17. 

(5)  Constitution  de  l'année  426,  C.  Th.,  9,  42,  24  =  C.  Just.,  9,  49,  10- 
Dig.,  48,  20,  1.  D'après  une  constitution  de  Théodose  I"  de  380  (C.  Th.,  9' 
42,  8  =:  abrégée  au  C.  Just.,  9,  49,  8),  le  déporté  et  sa  famille  gardent  la 
moitié  du  patrimoine  ;  lorsque  la  condamnation  se  fonde  sur  un  crime  de 
lèse-majesté,  seuls  les  enfants  peuvent  conserver  quelque  chose  et  ils 
n'ont  droit  qu'au  sixième  du  patrimoine. 

(Q)  Nov.  17,  c.  12.  134,  13,  2.  3.  Honorius  a  posé  une  règle  analogue  au 
regard  de  certains  hérétiques  :  C.  Th.,  16,  5,  40,  2. 


360  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

à  la  conflscation  du  patrimoine,  lorsqu'elle  est  encourue  (^1). 
La  confiscation  du  patrimoine  au  profit  de  la  communauté 
se  rencontre  comme  répression  indépendante  soit  dans  la  coer- 
cition consulaire,  telle  que  César  conseillait  de  l'appliquer  aux 
partisans  de  Gatilina,  soit  dans  la  consécration  tribunicienne 
du  patrimoine;  le  droit  pénal  ne  la  connaît  au  contraire  que 
comme  peine  accessoire  (2).  Les  peines  qu'elle  accompagne 
sont  les  suivantes: 
En  cas  1,  La  pciue  de  la  perduellion  comprend  de  plein  droit  la 

la  pcrdlTeiuo^n.  confîscation  du  patrimoine  (3).  Cet  effet  se  rattache,  comme  la 
(1007)  notion  même  de  perduellion,  à  l'idée  que  \q perduellis  est  un 
ennemi  ;  toutefois,  et  tandis  que  le  patrimoine  de  l'Etat  en- 
nemi et  de  ses  sujets  est  considéré  comme  bien  sans  maître 
et  n'est  acquis  par  l'Etat  ou  le  citoyen  romain  qu'au  moyen 
d'un€ occupation  (4),  l'actif  du  citoyen  romain  devenu  ennemi 
échoit  de  plein  droit  à  l'Etat  romain  (o).  Celte  confiscation  du 
patrimoine  est  établie  par  des  prescriptions  législatives  soit 
du  début  delà  République  (G),  soit  de  l'Empire  (7),  et  son  exis- 

(1)  Diocléticn,  Cod.,  10,  1,  o.  Tbéodose  II,  C.  Th.,  9,  41,  1  =  C.  Jusl., 
9,  48,  1. 

(2)  L'action  tribunicienne  tendant  à  la  confiscalion  du  patrimoine  chez 
Denys,  10,  42  est,  selon  toute  apparence,  iine  inexactitude. 

Ci)  La  condamnation  en  vertu  de  la  lex  Juliamajeslafis,  lorsqu'elle  ne  se 
fonde  pas  sur  une  perduellion,  n'entraîne  pas  la  confiscation  du  patri- 
moine (Ulpicn,  L)ig.,  48,  4,  Jl).  Lorsque  cette  condamnation  prononce  une 
autre  peine  que  la  mort,  par  exemple  la  déportation,  elle  produit  les  effets 
juridiques  qui  se  rattachent  à  cette  peine. 

(4)  Le  bien  de  l'ennemi  ne  devient  romain  que  par  occupation  {St.  R., 
3,  828.  1112  [Dr.  puhl,  6,  2,  481.  7,  324])  ou  tradition.  C'est  ainsi  par  exem- 
ple que  les  Samnites  pour  décharger  leur  peuple  de  la  responsabilité 
qu'ils  avaient  encourue  en  luttant  contre  les  Romains  livrèrent  à  ceux- 
ci  le  cadavre  et  le  patrimoine  du  chef  du  parti  de  la  guerre  (Tite-Live,  8, 
39,  15  :  placuil  ciim  corpore  Lona  qiioque  ejus  dedi). 

(5)  La  forme  delà  sentence  qui  frappe  le  perduellis  n'a  aucune  impor- 
tance pour  la  confiscation;  le  déserteur  puni  d'après  les  règles  du  droit 
de  la  guerre  est  traité  à  cet  égai'd- comme  le  traître  qui  comparaît  devant 
les  comices. 

(6)  Renversement  (h'  la  constitution  :  Tite-Live,  2,  S  (III  p.  236  n.  1).  — 
Violation  des  privilèges  de  la  plèbe  :  Festus,  p.  318  (III  p.  23G  n.  1).  Tite- 
Live.  3,  55,  7  (III  p.  236  n.  )).  Denys,  6,  89  (III  p.  236  n.  i).  Denvs,  1;  17 
(III  p.  236  n^  !). 

(7)  Dig.,  24,  1,  32,  7.  29,  2,  86,  1.  31,  76.  9.  38,  16,  1,  3.  39.  o,  31,  4.  40,  9,  15, 


CONFISCATION    DU    PATRIMOINE  361 

tence  est  attestée  par  de  uombreuscs  applications  particulières 
qui  en  furent  faites  à  l'une  (^i)  ou  l'autre  (2)  de  ces  époques. 
On  assimile  à  cet  égard,  du  moins  dans  la  coftception  posté- 
rieure, le  suicide  de  l'accusé  à  sa  punition  (IT  p.  118  n.  4);  la 
confiscation  du  patrimoine  a  également  lieu,  lorsque  la  peine 
de  mort  prononcée  n'est  pas  exécutée  (III  p.  360  n.  G).  Cette  con- 
fiscation s'applique  aussi  aux  personnes  qui,  à  la  suite  d'une 
révolte  contre  l'autorité  publique,  ont  été  mises  à  mort  sans 
aucune  forme  de  procès  ou  en  vertu  d'une  sentence  rendue  (1008) 
par  la  cour  martiale  consulaire-sénatoriale  (I  p.  299)  et  sont 
considérées  par  le  parti  vainqueur  comme  mortes  enne- 
mies (3).  —  La  perte  du   droit   de   cité   se   produisant  chez 


pr.  48,  2,  20.  tit.  4,  11.  lit.  9,  15,  pr.  tit.  16,  13,  3.  Cod.  Th..  9,  14,  3.  4 
(=  C.  Just.,  9.  8,  5,  4).  42,  6  (rr  C.  JusL,  9,  49,  10,  5).  c.  23.  10,  12,  1.  Inst.. 
3,  1,  0.  Edil  de  Théodoric,  113. 

(1)  On  peut  citer  pour  l'époque  républicaine  les  condamnations  de  Sp. 
Cassius  (Denys,  8,  78,  efYet  rapporté  au  pécule  par  la  version  qui  voit 
dans  cette  condamnation  une  application  de  la  discipline  domestique  : 
Tite-Live,  2,41;  cpr.  Rom.  Forsch.,  2,  174  sv.),  des  décemvirs  (Tite-Live, 
3,  58,  10)  et  de  M.  Manlius  (Tite-Live,  6,  20;  Rom.  Forsch.,  2,  180).  Il  faut 
en  outre  mentionner  Tite-Live  23,  4,  9  :  videri  eum  (un  fournisseur  de 
l'armée,  objet  d'une  accusation  capitale  pour  tromperies  vis-à-vis  de 
l'État,  cpr.  III  p.  74  n.  li)  in  exilio  esse  bonaque  ejus  venire,  ipsi  aqiia  et  igni 
placere  interdici. 

(2)  Tacite,  Ann.,  6,  29  :  damnali  (notamment  pour  crime  de  lèse-majesté) 
puhlicatis  bonis  sepuUtira  prohibebantnr.  Dion,  58,  13.  Différents  cas  chez 
Tacite,  Ann.,  2,  32.  3,  17.  4,  20  et  ailleurs.  Sidoine,  Ep.,  1,  7,  13  sollicite, 
pour  une  personne  accusée  d'un  crime  de  ce  genre,  la  remise  delà  peine 
de  mort  et  la  restriction  de  la  répression  au  bannissement  et  à  la  con- 
fiscation. Dans  les  procès  des  chrétiens,  qui  sont  des  procès  de  lèse-ma- 
jesté, la  confiscation  du  patrimoine  a  lieu  en  cas  de  condamnation  capi- 
tale (Gyprien,  Ep.,  80  [II  p.  282  n.  1].  Arnobe,  1,  26). 

(3)  Mention  de  la  confiscation  du  patrimoine  est  faite  à  propos  des 
meurtriers  de  Tarquin  l'Ancien  (Dion,  4,  5,  incorrectement  à  côté  du  ban- 
nissement); à  propos  de  Sp.  Maelius  (Varron,  De  l.  L.,  3,  157  et  ailleurs; 
Rom.  Forsch.,  2,  202);  à  propos  des  partisans  des  Gracques  (Orose,  5,  12, 
•9;  Plutarque,  C.  Gracch.,  17);  à  propos  des  proscrits  de  l'époque  révolu- 
tionnaire (Gicéron,  Ad  fam.,  10,  21,  4  :  tôt  civibus  pro  patria  amissls,  hostibus 
denique  omnibus  judicalis  honisque  publicatis;  Dion,  46,  39  et  ailleurs);  au 
regard  des  optimales  auxquels  leurs  adversaires  la  réservent  dans  les 
luttes  postérieures  à  la  mort  de  Gésar  (Gicéron,  Ad  Brut.,  1,  3,  11);  à  pro- 
pos du  prétendant  AviJius  Gassius  {vita  Marci,  24  :  per  senatum  hostis  est 
judicatus  bonaque  ejus  proscripta  per  aerarium  publicum  ;  cpi'.  Vita  Cassii,  7  ; 

Vita  Albini,   12).  De  telles  confiscations  sont  citées  parmi  les  méfaits  du 


362  DROIT  PÉNAL  ROMAIN 

]q  perduellis  au  moment  du  crime  et  la  sentence  rendue  con- 
tre lui  n'ayant  qu'un  caractère  déclaratoire,  il  en  résulte 
qu'après  le  prononcé  de  l'arrêt  le  patrimoine  du  condamné 
est  considéré  comme  transmis  à  la  communauté  au  moment 
même  où  l'acte  punissable  a  été  commis.  Tous  les  actes,  y 
compris  le  testament,  faits  par  le  perduellis  postérieurement 
à  cette  date  sont  nuls  et  les  représentants  de  la  communauté 
peuvent  faire  valoir  les  conséquences  patrimoniales  de  la 
perduellion  même  contre  les  tiers  détenteurs  et,  comme  nous 
l'avons  déjà  montré  pour  la  flétrissure  de  la  mémoire  (III 
p.  337),  même  après  la  mort  du  perduellis.  —  Abstraction 
faite  de  la  perduellion,  la  peine  capitale  n'entraîne  pas  d'a- 
près le  droit  de  la  République  la  confiscation  du  patrimoine 
et  laisse  même  au  condamné  la  capacité  juridique  (1). 
En  cas  de  perte  2.  Dans  la  mesurc  OÙ  le  droit  de  la  République  connaît  la 
perte  de  la  liberté  comme  moyen  de  coercition  ou  comme  peine, 
le  maître  de  l'ancienne  personne  libre  doit,  en  vertu  de  la  lo- 
gique du  droit,  acquérir  en  même  temps  que  la  puissance  do- 
minicale le  patrimoine  de  son  nouvel  esclave  ;  ce  patrimoine 
échoit  donc,  en  cas  de  manquement  aux  devoirs  militaires  et 
aux  obligations  vis-à-vis  des  légats  des  Etats  étrangers,  à  la 
communauté  qui  vend  le  coupable,  et,  en  cas  de  vol  manifeste, 
à  la  victime  à  laquelle  le  tribunal  fait  addictio  du  voleur.  Celle 
(1009)  conséquence  n'est  toutefois  pas  exprimée  par  les  sources  et 
c'est  une  question  de  savoir  si  elle  se  produit  dans  tous  les  cas 
et  si  le  patrimoine  n'est  pas  dans  certains  cas  laissé  aux  héri- 
tiers qui  sans  cela  souffriraient  plus  de  la  confiscation  que  le 

dernier  roi  tyran  (Tite-Live,  \,  49,  5  à  côté  d'exécutions  capitales  et  de 
bannissements)  et  des  iniques  décemvirs  (Denys,  20,  60).  Dans  l'affaire 
des  partisans  de  Gatilina,  César  obtint,  après  avoir  en  vain  tenté  de 
faire  restreindre  la  répression  à  la  confiscation  du  patrimoine,  que  cette 
dernière  peine  ne  s';ijouterait  pas  à  la  condamnation  à  mort  (Plutarque, 
Cic,  21).  Cpr.  St.  lî.,  3,  1230,  n.  2  [Dr.  piibl.,  7,  481,  n.  3]. 

(1)  Les  jurisconsultes  de  l'époque  républicaine  ne  contestent  pas  que 
lo  parricide  puisse  laisser  une  succession  et  s'il  y  a  doute  sur  le  point  de 
savoir  si  ce  dernier  a  la  capacité  de  faire  un  testament,  la  difficulté  vient 
uniquement  de  ce  que  plusieurs  jurisconsultes  voulaient  (jn'on  traitât  lo 
parricide  comme  irresponsable  (II  p.  370  n.  1). 


CONFISCATION   DU    PATRIMOINE  363 

coupable  lui-môrae.  Il  est  cependant  incontestable  que  cette 
conséquence  est  admise  sous  le  Principat  ;  la  condamnation  à 
mort  (III  p.  289  n.  2).  cà  la  peine  des  mines  (III  p.  290  n.  1) 
ou  à  rinlernemeut  dans  une  école  de  gladiateurs  (III  p.  290 
n.  2)  entraîne  de  plein  droit  la  perte  de  la  liberté  et  la  con- 
fiscation du  patrimoine  (1). 

3.  La  relégation,  dont  les  différentes  formes  prennent  la  En  cas 
première  place  dans  le  système  des  peines  depuis  la  transfor-  ®'"^^°''^'°' 
mation  du  droit  criminel  opérée  par  Sylla,  n'implique  pas,  d'a- 
près les  lois  de  Sylla  lui-même,  la  confiscation  du  patrimoine 
comme  peine  accessoire  ;  seule  une  loi  spéciale  aggrave  de  la 
sorte  l'exil  de  Cicéron  (2).  Lorsque  les  différentes  espèces  de 
bannissements  eurent  été  aggravées  par  le  dictateur  César  et 
plus  tard  par  les  empereurs,  la  confiscation  de  patrimoine  liée 
à  ces  différentes  formes  de  peine  fut  réglée  de  la  manière 
suivante  : 

a)  D'après  une  prescription  de  César,  la  peine  du  parrici- 
dhwi  (3),  d'après  une  loi  Julia,  celle  des  meurtriers  du  dicta- 
teur César  (4),  et,  d'après  une  prescription  d'Auguste,  celle 
du  crime  de  lèse-majesté  (S)  comprennent  la  confiscation  de 
la  totalité  du  patrimoine. 

b)  Sous  Auguste,  la  déportation  implique,  déjà  dans  sa  pé-     (1010) 


(1)  Dig.,  28,  1,  8,  4.  tit.  3,  6,  6.  48,  20,  1. 

(2)  III  p.  326  n.  1.  Le  récit  d'Appien  (2,  24)  relatif  au  procès  de  Gabinius 
est  incorrect  (Drumann,  2,  56). 

(3)  Suétone,  Caes.,  42  :  poenas  facmonim  auxit  et  cum  locupleles  eo  fncilius 
scelere  se  obliçjarent,  qtiod  integris  patrimoniis  exulubant,  parricidas,  ut  Cicero 
scribit  (nous  ne  savons  pas  où),  bonis  omnibus,  reliquos  dimidia  parle  multa- 
vit.  Il  faut  également  citer  ici  le  passage  de  Cicéron,  Ad  Brut.,  1,  5,  12, 
d'après  lequel  le  condamné  perd  son  patrimoine. 

(4)  Auguste,  Mon.  Ancyr.,  1,  10  :  qui  parentem  meum  [interfecer]un[t,  eo]s 
in   exilium  expuli  judiciis  legilimis   ultus  eorum  [fa]cin[us'\.  Dion,   46,   48  : 

■  aÙToî  TE  Tïypbç  xal  uSaxo;  E^p/ôrio-av  vcal  al  oûfftai  aÙTwv  èÔYi(iEÛ9Ti(7av.  Auguste 
fait  valoir  qu'on  ne  condamna  ni  à  mort  ni  à  la  privation  du  droit  de 
cité  et  qu'on  ne  prononça  pas  de  peine  supérieure  au  bannissement  hors 
de  l'Italie,  limite  légale  des  peines  d'application  générale  à  cette  époque. 

(5)  Dion,  53,  23  dit  de  Cornélius  Gallus  :  (puyEiv  -f,c  o-jo-iaî  n-z^rfih'za.  Ta' 
cite,  Ann.,  3,  50  :  cedat  urbe  et  bonis  amissis  aqua  et  igni  arceatur...  ac  si  lege 
majestatis  teneretur.  Dans  un  autre  procès  [ibid.,  3,  23),  les  coupables  sont 
frappés  de  l'interdiction,  mais  obtiennent  remise  de  la  confiscation. 


364  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

riode  préparatoire,  une  certaine  confiscation  de  patrimoine; 
l'Etat  prend  à  l'interdit  tout  ce  que  celui-ci  possède  au  delà 
de  oOO  000  sesterces  et  lui  défend  d'avoir  plus  de  vingt  do- 
mestiques et  plus  d'un  grand  vaisseau  ou  de  deux  navires  à 
rames  (1);  après  la  réforme  opérée  par  Tibère  en  l'an  23,  le 
patrimoine  est  complètement  confisqué  soit  en  cas  d'interdic- 
tion dans  la  mesure  où  celte  peine  a  encore  lieu  (III  p.  322 
n,  2),  soit  en  cas  de  déportation  (2);  le  déporté  garde  cepen- 
dant des  moyens  de  subsistance  {viaticiun)  qui  lui  sont  ac- 
cordés par  une  concession  spéciale  du  gouvernement,  plus 
ou  moins   large  suivant  les  cas  (3). 

c)  Dans  les  autres  délits,  la  relégation  à  perpétuité  entraîne 
normalementla  confiscation  d'une  quote-part  du  patrimoine  (4), 
qui   est  ordinairement  d'une  moitié,  parfois  d'un  tiers  (o). 


(1)  Dion,  56,  27. 

(2)  Pline,  Ep.,  4,  11,  13.  Paul,  3,  23,  11.  13.  18.  lit.  23,  2.  Dig.,  28,  1,  8,  1. 
48,  13,  3.  tit.  22,  14.  1.  1.  13,  pr.  1.  18,  1.  Cod.,  9,  47.  8. 

(3)  Auguste  alloue  à  sa  lille  Julia  une  annuité  (annua)  que  lui  retire 
Tibère  (Suétone,  Tib.,  30).  Sous  Caligula,  un  banni  demande  la  permission 
d'emmener  un  nombre  d'esclaves  supérieur  à  celui  qui  lui  a  été  accordé 
(Dion,  59,  8).  Sénéque,  Cons.  ad  Helv.,  12  :  ut  majus  vialicum  exidum  sit, 
quam  olim  palrimonium  principum  fuit.  Tacite,  Ann.,  12,  22  :  {Loilia)  puhli- 
catis  bonis  (ce  qui  implique  une  déportation  ;  car  en  cas  de  simple  relé- 
gation il  n'y  a  pas  confiscation  de  la  totalité  du  patrimoine)  cederet  Itulia; 
ita  quinquagies  sestertium  (3  millions)  ex  opibus  immensis  exuli  relictum. 
Pline,  Ep.,  4,  M,  13  :  ipsi  permisit  {Domitianus),  si  qiia  posset  ex  rébus  suis 
raperet  anle  quam  bona  pubiicaventur.  On  alla  encore  plus  loin  dans  la  der- 
nière période  (III  p.  339  n.  5).  —  Si  la  femme  mariée  n'est  privée  de  la 
dot  qu'autant  qu'elle  est  condamnée  pour  crime  de  lèse-majesté,  de  meur- 
tre (parricidli,  veneficii,  de  sicariis)  et  de  violence  grave  (Dig.,  48,  20,  3),  il 
y  a  là,  semble-t-il,  un  privilège  des  femmes  qui  se  rattache  à  la  dépor- 
tation. Par  contre,  la  confiscation  qui  frappe  le  mari  s'étend  parfois  à  la 
dot  de  la  femme  (Plutarque,  C.  Gracch.,  17). 

(4)  Dans  les  sources  juridiques  la  confiscation  de  la  totalité  du  patri- 
moine n'est  liée  à  la  relégation  qu'en  cas  de  circoncision  de  personnes 
n'appartenant  pas  à  la  nationalité  juive  (Paul,  5,22.3).  Mais,  en  pratique, 
les  tribunaux  répressifs  l'ont  souvent  prononcée  dans  d'autres  cas.  Tra- 
jan.  Dig.,  48.  22,  1  :  scio  relegalorum  bona  avaritia  superiorum  temporum  fisco 
vindicata  ;  sed  aliiid  clemenliae  meae  convenlt-,  qui  intev  cetera...  hoc  quoque 
retnisi  exemplum.  On  peut  citer  ici  les  cas  rapportés  par  Tacite,  Ann.,  12, 
22.  15,  71.  16,  33,  à  la  condition  d'admettre  que  ces  textes  ne  se  rappor- 
tent pas  à  la  déportation. 

(3)  César  pose  comme  règle  la  confiscation  de  la  moitié  du  patrimoine 


CONFISCATION   DU   PATRIMOINE  365 

Par  contre,  la  relégation  à  temps  n'est  pas  accompagnée  d'une     (1011) 
confiscalion  même  partielle  (1). 

Les  formes  de  la  confiscation  des  biens  qui  échoient  à  l'Etat 
seront  indiquées  à  propos  des  amendes  pécuniaires. 


(III  p.  363  n.  3);  plus  tard  on  voit  apparaître  comme  règle  la  conûscation 
d'une  quote-part.  Marcieu,  Dig.,  48,  22,  4  :  eorwn  qui  in  perpeluum  exilium 
dati  siint  vel  relegati,  potest  guis  sententia  bonovum  partem  adimere.  Par 
exemple,  Paul  lie  à  la  relégation  à  perpétuité  la  confiscation  de  la  moitié 
du  patrimoine  en  cas  de  coups  ayant  entraîné  la  mort  (5,  23,  4;  modifié 
aux  Dlg.,  48,8,17),  d'adultère  (Paul,  2,  26,  14)  et  dans  d'autres  hypothè- 
ses encore  (5,  23,  8;  tit.  30  B,  1);  et  celle  d'un  tiers  du  patrimoine  pour 
les  cas  de  violence  grave  (o,  26,  3)  et  de  déplacement  de  borne  (3,  22,  2). 
(1)  Ulpien,  Dig.,  48,  22,  7,  4  :  ad  lemptia  relegatis  neque  tola  bona  neque 
parlem  adimi  dehere  [re]scriplis  quibusdam  manifestalur,  veprehensaeque  sunt 
senlentiae  eonim,  qui  ad  tempus  relegatis  ademerunt  partem  bonorum  vel  bona, 
sic  lamen  ut  non  infirmarentur  sententlae  quae  ila  sunt  prolatae.  Papinien, 
Dig.,  49,  14,  39,  pr. 


(1012) 


SECTION    XI 


LES    AMENDES 


Différentes 

espèces 
d'amendes 
pécuniaires. 


Les  amendes  de  bétail  et  plus  tard  les  amendes  pécuniai- 
res (1)  —  la  pratique  judiciaire  romaine  ne  s'est  pas  facilement 
servie  en  matière  d'amendes  d'autres  objets  (2)  que  ceux  qui 
sont  d'un  emploi  général  comme  instruments  d'échange  (3),  — 
apparaissent  dès  une  haute  antiquité  dans  le  droit  pénal  public 
et  dans  le  droit  pénal  privé  et  n'y  jouent  jamais  le  rôle  de  pei- 
nes accessoires,  mais  toujours  celui  de  peines  principales.  On  les 
y  rencontre  sous  la  triple  forme  de  l'amende  fixée  par  le  ma- 
gistrat, de  l'amende  légale  et  de  l'amende  judiciaire,  suivant 
que  le  montant  de  la  peine  est  déterminé  par  l'appréciation  du 


(1)  La  transformation  des  amendes  de  bétail  en  amendes  pécuniaires, 
mentionnée  tant  pour  le  sacramentum^  forme  la  plus  ancienne  d'amende 
et  dont  le  taux  était  fixé  par  la  Ipi,  que  pour  l'amende  de  coercition,  a  été 
exposée  plus  haut  à  propos  de  la  coercition  (I  p.  56).  Les  annales  pla- 
cent cette  transformation  pour  le  sacramentum  peu  de  temps  avant  la  loi 
des  XII  Tables  et  pour  les  amendes  de  coercition  quelques  années  après 
cette  loi;  celle-ci  no  connaît  que  des  amendes  pécuniaires. 

(2)  Dans  la  dernière  période  on  trouve  parfois  des  amendes  d'esclaves  : 
ainsi,  par  exemple,  dans  C  Th.,  4,  8,  5,  1.  1.  8.  C.  Jiist.,  6,  1,  4;  dans  ce 
dernier  cas,  on  a  la  faculté  de  se  libérer  en  payant  20  sous  d'or  par  tète 
d'esclave. 

(3)  L'affirmation  de  Gaius,  4,  48,  que  la  condamnation  de  la  procédure 
civile  exige  une  pecuniaria  aestimatio,  s'applique  également  aux  amendes. 
Les  débuts  du  système  des  amendes  à  Rome  montre  que  le  droit  du  pa- 
trimoine a  eu  pour  point  de  départ  chez  les  lloiuains  la  fortune  mobi- 
lière. 


LES    AMEXDEb  367 

magistrat  ou  fixé  une  fois  pour  toutes  par  la  loi  ou  arrêté  dans 
chaque  cas  concret  par  l'évaluation  d'un  jury.  Il  n'y  a  dans  la 
terminologie  romaine  de  terme  technique  que  pour  désigner 
l'amende  qui  échoit  à  la  communauté.  A  proprement  parler, 
le  mot  multa  ne  s'applique  qu'à  l'amende  de  coercition  pro- 
noncée par  le  magistrat  au  proût  de  la  communauté,  cette 
amende  est  plus  ancienne  que  celle  du  droit  pénal  et  c'est  la 
seule  à  laquelle  s'applique  exactement  l'acception  primitive  du 
mot  empruntée  à  l'idée  de  multiplication,  d'augmentation  suc- 
cessive. Dans  un  langage  tout  à  fait  rigoureux,  cette  expression 
ne  s'applique  en  droit  pénal  qu'à  l'amende  infligée  dans  la  pro-  (1013) 
cédure  des  magistrats  et  des  comices  (1)  et  celte  restriction  est 
raisonnable  ;  car  laliberté  d'appréciationdu  magistrat  qui  cons- 
titue l'essence  de  l'amende  de  coercition  se  retrouve  dans  cette 
catégorie,  tandis  que  les  amendes  légales  et  judiciaires  échap- 
pent à  une  telle  appréciation.  Mais  dans  un  sens  plus  large, 
très  ancien  et  courant,  le  mot  multa  désigne  toute  amende 
qui  échoit  à  la  communauté,  même  les  amendes  légales  (2) 


(1)  Varron,  De  l.  L.,  5,  177  :  mulla  a  pecunia,  quae  a  magistralibus  dicta, 
ut  exigi  posset  oh  peccatum,  définition  plus  exacte  que  le  bref  extrait  d'un 
autre  écrit  de  Varron  qu'on  trouve  chez  Festus,  p.  142  :  multam...  M.  Vario 
ait  poenam  esse,  sed pecuniariam.  Cet  usage  du  langage  est  suivi  par  Plante, 
chez  qui  la  multa  est  toujours  l'amende  infligée  par  le  inagistrat  (ainsi 
Capt..  494  par  rapport  à  la  lej  barbarica  et  Rud.,  Prol.,  20  où  Jupiter  dans 
le  procès  multat  le  vainqueur  malhonnête  majore  multa)  et  nettement  aussi 
par  les  droits  municipaux  espagnols  qui,  sauf  une  seule  exception  {lex 
col.  Cen.,  c.  81),  évitent  toujours  l'emploi  de  ce  mot  dans  les  nombreuses 
prescriptions  par  lesquelles  ils  établissent  des  amendes  légales;  à  vrai 
dire,  c'est  là  du  purisme.  Nous  avons  déjà  fait  remarquer  (I  p.  13  n.  i) 
que  seul  le  substantif  a  ici  une  valeur  technique  et  que  multare  est  au 
regard  de  multa  dans  le  même  rapport  que  damnare  par  rapport  à  dam- 
num.  Plante  dit  déjà  multare  infortunio  {Merc,  Prolg.,  21)  et  multare  ma- 
trimonio  {Amph.,  832).  Cicéron,  Deoff.,  1,  43,  194  :  vitia  hominum  alque  frau- 
des damno,  ignominia,  vinclis,  verberibus,  exiltis,  morte  tnultantur.  Le  verbe 
peut  être  associé  à  iWute  espèce  de  peine. 

(2)  Loi  sur  le  bois  sacré  de  Spolète  (Bruns,  Fontes  o,  p.  260)  :  a[sses)  CCC 
multai  sunlod.  Fragment  de  Tuder  C.  1.  L.  XL  4632  =:  Bruns,  Fontes  «  p.  loo. 
Rhet.  ad  lier.,  i,  11,  20  à  propos  de  l'amende  infligée  à  l'augure  pour  no- 
mination défectueuse;  Cicéron,  Verr.,  i,  GO,  133.  !36  à  propos  de  la  multa 
pour  violation  de  la  loi  sur  l'intercession  ;  Cicéron,  Pro  Ciuentio,  33,  91. 
33,  96.  37,  103  à  propos  de  la  multa  pour  violation  de  la  ]  A  sur  les  jurys  ; 


368  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

et  judiciaires  (1).  —  Nous  avons  déjà  exposé  dans  le  Li- 
vre I  (I  p.  13  et  sv.)  que  l'amende  destinée  à  la  victime 
s'appelait  originairement  damnum,  lorsqu'elle  était  judiciai- 
(1014)  rement  déterminée,  et  était  désignée  dans  le  droit  des  XII 
Tables  par  le  terme  poenae  emprunté  au  grec,  lorsqu'elle 
était  fixée  par  la  loi.  Cette  terminologie  rend  déjà  vraisem- 
blable q\ie  l'amende  judiciaire  est  ici  [ilus  ancienne  que  l'a- 
mende légale  et  des  arguments  de  fond  confirment  absolu- 
ment cette  conjecture.  Mais  les  deux  termes  de  dammim  et 
de  poena  ont  rapidement  perdu  leur  signification  originaire; 
damnum  ne  s'est  maintenu  avec  cette  acception  que  dans 
quelques  formules  techniques  et  le  mot  poena,  abandonnant 
la  forme  pluriel  du  début,  a  designé  la  notion  générale  de 
peine  et  embrassé  toute  expiation  du  délit  public  ou  privé 
assurée  par  l'Etat.  J/z</to  n'est  jamais  employé  pour  l'amende 
à  payer  au  particulier  et  damnum  ayant  changé  de  sens,  il 
n'y  a  plus  dans  la  dernière  période  du  droit  romain  de  terme 
technique  pour  la  désigner. 

1.  L'amende  infligée  dans  la  procédure  des  magistrats 
et  des  comices. 

Apparition        Si  l'ou  fait  abstractiou  delà  coercition,  le  droit  pénal  public  a 
p6cunu'ire    difficilement  connu  à  ses  débuts  l'amende  pécuniaire.  De  même 

publique. 

Gicéron,  Pro  Caec,  30,  98  à  profos  do  la  leçi'ia  mitltadji  citoyen  romain, 
qui  n'obéit  pas  à  l'ordre  de  s'établir  dans  une  coloiùe  latine;  Gicéron, 
Unit.,  34,  131  à  propos  Je  la  multa  le;/e  Aquilia  qui  do  t  être  réclamée  de- 
vant le  préteur  et  qui  par  conséquent  est  certainement  une  amende  fixe 
(où  les  mots  suivants  de  justilia  sont  corrompus);  GicJron,  De  re  p.,  2, 
35,  60  :  de  mutlae  sacramento  Sp.  Tarpeius  et  A.  Alern'uis  consules  (année 
300/454)  comiliis  centurlalis  tulerunt  où  Madvig  corrige  sans  raison  multa 
et  sacramento;  l'amende  procédurale  à  laquelle  il  est  fait  ici  allusion,  le 
sacramentum .  est  une  amende  de  bétail  ou  une  amende  pécuniaire  légale, 
elle  est  donc  aussi  une  multa.  Paul.  Dig.,  50,  !6,  244  étend  aussi  le  mot 
par  la  fin  du  texte  :  n'm  cum  loge  conslituttnn  est,  c/itanfam  (mullam)  dicat  k 
la  peine  pécuniaire  fixe. 

(!)  Le.T  miiniripii  Tarenlinl,  1.  2.  4  pour  cause  de  péculat  :  quadruplum 
mullue  ealo.  Si  nous  avons  peu  de  preuves  i\  citer  en  ce  sens,  la  seule 
cause  est  (jne  les  amendes  destinées  à  la  comiuunaulé  sont  rarement 
fixées  par  la  sentence  d'un  jury. 


LES    AMENDES  369 

que  les  plus  anciens  crimes  sont  tous  capitaux,  de  même  les 
Ilviri  pcrduellionis  et  les  quaestores  parricidii  n'ont  reçu  que 
la  juridiction  capitale  (I  p.  177  et  178)  ;  ni  les  uns  ni  les  autres 
ne  sont  vraisemblablement  compétents  pour  les  procès  d'a- 
mende. Les  meilleurs  récits  relatifs  à  l'introduction  de  la  pro- 
vocation n'indiquent  cette  réforme  que  pour  la  peine  capitale  (1). 
Dans  la  loi  des  XII  Tables  elle-même  le  procès  capital  paraît 
seul  admis  ;  le  procès  d'amende  ne  semble  pas  y  avoir  été  ren- 
voyé au  concilium  plebis,  mais  être  complètement  écarté  (2). 
Comme  pour  toute  condamnation  publique,  il  faut  pour  pro- 
noncer une  amende  de  droit  pénal  s'appuyer  sur  une  loi  pénale 
ou  sur  une  coutume  assimilée  à  la  loi.  Toutefois,  cette  règle 
doit  être  ainsi  entendue  que  dans  les  cas  où  la  loi  prescrit  une 
peine  capitale  on  peut  faire  abstraction  de  la  vieille  procédure 
patricienne  et  recourir  à  la  procédure  pénale  plébéienne  plus 
souple  (3);  la  coutume  (4)  donne  en  effet  au  tribun  le  choix     (1015) 


(1)  I  p.  46  n.  1.  Seul  Denys,  5,  19  cite  à  côté  d'elle  l'amende. 

(2)  La  disposition  de  la  loi  des  XII  Tables  sur  le  procès  capital  attribue 
celui-ci  aux  centuries  et  a  certainement  pour  but  d'écarter  toute  procé- 
dure analogue  devant  la  plèbe  (II  p.  194  n.  2)  ;  en  résultait-il  que  le  procès 
d'amende  devait  être  réservé  à  cette  dernière,  ou  bien  n'y  avait-il  pas 
encore  à  cette  époque  d'action  de  ce  genre  dans  la  procédure  pénale  pu- 
blique? c'est  un  point  qui  est  douteux.  Mais  l'interprétation  des  mots 
ferre  de  capite  civis  par  ferri  de  singulis  que  donne  Cicéron  (De  leg.,  3,  19,  44) 
lève  tout  doute  à  cet  égard;  car  cette  explication  n'est  exacte  que  si  la 
loi  des  XII  Tables  embrassait  toute  la  procédure  pénale  publique  de  l'é- 
poque, donc  que  si  elle  ne  connaissait  pas  le  procès  d'amende  qui  a  éga- 
lement lieu  de  singulis. 

(3)  I  p.  i9:>  n.  o  et  193.  D'après  la  tradition,  la  procédure  pénale  tribu- 
nicienne  a  pu  de  tout  temps  tendre  à  une  amende  pécuniaire  et  cette 
affirmation  peut  être  exacte  en  ce  sens  que  la  loi  des  XII  Tables,  qui 
interdisait  la  procédure  capitale  plébéienne,  ne  supprimait  pas  le  procès 
d'amende  plébéien  peut-être  déjà  existant,  mais  ne  le  reconnaissait  pas 
officiellement  comme  procès  pénal  public.  Gpr.  III  p.  397. 

(4)  Un  tribun  de  la  plèbe  requiert  dans  l'anrjuisilio  tout  d'abord  une 
amende,  puis  la  peine  de  mort,  et  voit  sa  conduite  attaquée  comme  con- 
traire au  droit  et  soumise  pour  cette  raison  à  un  appel  aux  autres  tri- 
buns. Ceux-ci  rejettent  cet  appel  et  déclarent  qu'il  est  permis  de  faire 
l'anquisitio  seu  legibus  seu  moribus  (Tite-Live,'26,  3,  8).  U anquisitio  capitale 
étant  sanctionnée  par  la  loi  des  XII  Tables,  cette  réponse  peut  seule- 
ment signifier  que  l'anquisitio  d'amende  est  apparue  moribus  et  n'a  pas  de 
fondement  légal.  C'est  pourquoi  dans  une  terminologie  rigoureuse  (I  p.  191 

Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  24 


370  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

entre  le  procès  capital  devant  les  comices  patricio-plébéiens 
et  le  procès  d'amende  devant  le  concilhnnplebis.  Les  autres 
autorités  compétentes  pour  la  procédure  pénale  devant  les  co- 
mices, c'est-à-dire  les  édiles  curules,  les  édiles  de  la  plèbe  (1)  et 
\e,  pontifex  maximus,  n'ont  juridiction  que  pour  les  procès 
d'amende. 
Modalités         Quant  aux  modalités  de  l'amende  infligée  dans  la  procédure 

de  l'amende      j  •  i 

publique.  <i6s  magistrats  et  des  comices,  le  magistrat  a  le  choix  entre 
l'amende  en  faveur  de  Vaerarium  romain  {multani  inrogare, 
I  p.  191  n.  3)  et  celle  en  faveur  de  la  caisse  d'un  temple 
romain  (m  sacrum  judicare)  (2).  La  fixation  de  la  somme  dé- 
pend dans  les  deux  cas  de  l'appréciation  du  magistrat,  exacte- 
ment comme  dans  la  mului  de  coercition  ;  la  loi  ne  peut  pas  ici 
fixer  le  montant  de  l'amende,  elle  indique  seulement  les  bor- 
nes dans  lesquelles  le  pouvoir  d'appréciation  du  magistrat  a 
la  liberté  de  se  mouvoir.  11  ne  semble  pas  y  avoir  eu  à  cet 
égard  de  limites  d'un  caractère  général  (3)  ;  en  particulier,  les 
amendes  tribuniciennes  ne  paraissent  pas  aA'oir  fait  l'objet  de 
restrictions  de  ce  genre.  Les  chiffres  qui  nous  sont  parvenus 
(II  p.  300  n.  1  et  2)  oscillent  entre  des  sommes  modiques,  in- 
férieures à  la  limite  maxima  de  la  coercition  et  tendant  à 
donner  à  l'amende  le  caractère  d'une  peine  contre  l'honneur 
et  le  taux  d'un  million  d'as  (200  000  marks).  Par  contre,  on 
trouve  pour  la  multa  du  magistrat,  dans  les  lois  spéciales  sur 


n.  3)  on  oppose  judicium  comme  condamnation  capitale  à  la  multae  inro- 
gntio. 

(1)  Le  procès  pour  yoI  de  récoltes,  qui  est  capital  d'après  la  loi  des 
XII  Tables,  se  présente  dans  la  suite  comme  procédure  d'amende  édili- 
cienne  {III  p.  81  n.  2). 

(2)  I  p.  182  n.  2.  L'alternative  nous  est  indiquée  par  la  loi  Silia  et  par 
le  fragment  de  Tuder.  Dans  ce  dernier  texte  mtiUare  est  remplacé  par 
popuUJudicio  pelcre  avec  transformation  inexacte  de  la  confirmation  coiui- 
tiale  requise  pour  la  sentence  du  magistrat  en  une  demande  d'amende 
devant  les  comices.  Nous  avons  déjà  fait  remarquer  III  p.  236  que  Vaera- 
rium populi  Romani  n'est  pas,  en  droit,  distinct  de  la  caisse  des  dieux  de 
la  cilé. 

(3)  On  no  peut  déduire  le  contraire  du  passage  de  Fronton  (III  p.  371 
n.  2). 


LES    AMENDES  371 

lesquelles  reposent  les  actions  édiliciennes,  des  maxima  rela-     (i016) 
tifs,  fixés  soit  à  la  moitié  (1)  du  patrimoine  du  condamné,  soit 
à  une  somme  inférieure  de  1000  sesterces   à  cette  moitié  (2). 

—  La  décision  sur  l'amende  appartient  en  dernier  ressort  au 
peuple  réuni  en  tribus  ;  un  procès  d'amende  a  difficilement 
pu  être  porté  devant  les  centuries  (I  p.  195  n.  2).  Il  s'agit  tou- 
jours dans  cette  instance  devant  le  peuple  d'une  confirmation 
ou  d'une  cassation  de  la  sentence  pénale  prononcée  par  le  ma- 
gistrat, la  réformation  de  cette  sentence  par  le  peuple  est  éga- 
lement inadmissible  en  matière  d'amendes. 

2.  L'action  prétorienne  en  réclamation  d'une  amende 
pécuniaire  ûxe. 

L'institution  de  l'amende  pécuniaire  fixe  établie  par  la  loi  L-amende 
au  profit  de  la  communauté  appartient  au  très  ancien  droit  et  fl^Tétlbiie 
a  fait  de  bonne  heure  son  apparition  dans  la  procédure  civile    paruneioi. 

—  il  suffit  de  rappeler  pour  la  première  partie  de  cette  affir- 
mation le  sacramenttim  (III  p.  382)  et  pour  la  seconde  les 
peines  de  la  loi  des  XII  Tables  (III  p.  153.  157)  —  ;  elle  a  eu 
à  toutes  les  époques  un  très  large  champ  d'application.  Mais, 
comme  nous  l'avons  déjà  fait  remarquer  dans  le  Livre  I 
(I  p.  5),  elle  appartient  plus  à  la  théorie  des  obligations 
qu'à  celle  du  droit  pénal;  car  elle  ne  satisfait*  pas  aux  règles 
de  l'éthique  sur  lesquelles  se  fonde  ce  dernier.  La  réparation 
de  la  faute  morale  par  le  paiement  d'une  somme  d'argent  est 
un  expédient  du  droit  public;  l'imperfection  de  ce  mode  de  ré- 
pression s'accuse  déjà  d'une  manière  frappante  dans  ce  fait  que 


(1)  Loi  Silia  (I  p.  182  n.  2)  contre  la  falsification  des  poids  et  mesures 
par  un  magistrat  :  dum  minore  parti  familias  taxât. 

(2)  Caton,  chez  Aulu-Gelle,  6,  3,  37  :  mille  minus  dimidium  familiae  multa 
esta.  Fronton,  Ad  Anton,  imp.,  1,  5,  p.  103  (Naber)  :  antiquitus  multas  in^ 
rogari  mos  non  fuit  [nisi]  mille  minus  dimidio.  Fronton  parle  expressément 
de  la  multa  irrogata  et  Caton  aurait  difficilement  appelé  multa  la  peine 
pécuniaire  dont  le  taux  eût  été  fixé  par  une  loi.  Il  est  plus  vraisemblable 
que  nous  avons  ici  à  faire  à  une  formule  analogue  à  celle  de  la  loi  Si- 
lia. 


372  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

la  somme  payée  est  toujours  la  même  quelle  que  soit  la  situation 
personnelle  du  coupable.  En  outre  et  surtout,  l'interdiction  d'un 
acte  sous  peine  d'une  amende  pécuniaire  fixe  donne  la  faculté 
d'accomplir  cet  acte  à  la  condition  de  payer  l'amende;  la  loi 
d'amende  se  transforme  ainsi  dans  une  certaine  mesure  en 
une  loi  fiscale  (1).  Pour  faire  rentrer  dans  le  droit  pénal  les 
actes  frappés  par  la  loi  d'une  amende  pécuniaire  fixe,  il  faut 
s'attacher  au  caractère  moral  de  l'acte  interdit  et  à  l'intention 

(1017)  du  législateur.  Toutefois,  les  limites  entre  les  actes  moralement 
indifférents,  ceux  qui  sont  moralement  blâmables  et  ceux  qui 
sont  punissables  comme  crimes  sont  fuyantes  et  la  législation 
poursuit  fréquemment  ici  le  double  but  d'entraver  certains  ac- 
tes et  de  tirer  de  leur  accomplissement  un  profit  pour  la  com- 
munauté. C'est  pourquoi  l'on  ne  trouve  qu'un  très  petit  nom- 
bre de  peines  pécuniaires  fixes  dans  les  domaines  où  le  droit 
pénal  parvint  à  son  plein  épanouissement.  Ce  mode  de  répres- 
sion fut  supprimé  après  coup  dans  les  matières  oîi  il  avait  été 
primitivement  admis,  comme  cela  eut  lieu  de  bonne  heure 
pour  le  délit  privé  d'injure  (III  p.  IIG)  et  plus  tard  pour 
le  délit  public  de  rapt  d'homme  (III  p.  92).  Dans  le  droit  pé- 
nal développé,  l'amende  pécuniaire  fixe  ne  subsiste  que  pour 
des  cas  secondaires  (2). 

Réclamation  L'umcude  pécuuiaire  fixe  se  fonde  toujours  sur  une  loi  spé- 
par  voie      ^ialequi  détermine  le  délit,  la  forme  de  procès  et  le  taux  de  la 

de  procédure    ^  t.  r 

civile.  peine.  Lorsqu'il  n'y  a  pas  exécution  préalable,  comme  en  cas  de 
sacramentum,  l'amende,  qu'elle  soit  établie  en  faveur  d'un  par- 
ticulier ou  de  la  communauté,  est  traitée  à  l'instar  d'un  prêt 
comme  dette  d'argent  stipulée  (3);  sa  demande  est  désignée 


(1)  II  p.  219.  On  connaît  la  critique  caustique  qui  a  été  faite  des  peines 
de  l'injure  d'après  la  loi  des  XII  Tables. 

(2)  Il  faut  citer  ici  les  actions  privées  en  réclamation  d'une  peine 
pécuniaire  fixe  fondées  sur  l'homicide  par  culpa  d'un  homme  libre 
(III  p.  158),  sur  une  violation  de  sépulture  (III  p.  130)  ou  sur  un  dom- 
mage qui  menace  la  chose  d'autrui  (III  p.  162). 

(3)  Cette  idée  est  formulée  de  la  manière  la  plus  explicite  dans  la  plus 
ancienne  prescription  de  ce  genre  qui  nous  soit  parvenue,  c'est-à-dire 
dans  la  loi  de    Bantia,  1.  9  sv  :  [seslerlium  .  . .  nummum  populo  dure  dam- 


LES   AMENDES  373 

par  le  mot  petere  (1),  employé  seul  ou  renforcé  par  d'autres 
expressions  et  sa  prestation  est  exprimée  par  le  mot  dare  (2),  (1018) 
employé  seul  ou  renforcé  par  d'autres  expressions,  et  rien  n'ac- 
cuse le  caractère  délictuel  de  l'action.  L'amende  qui  échoit  à 
la  communauté  est,  comme  nous  l'avons  exposé  dans  le  Li- 
vre II  (I  p.  208  et  sv.),  réclamée  devant  le  tribunal  civil  (3) 

nas  esto  ou  toute  autre  formule  analogue  suivant  la  rédaction  adoptée 
ici  ;dans  la  loi  Osque  :  molto  etanlo  estud  n.  oooo — et]  eam  pequniam  quel  vo- 
let magistratiis  exsiqito.  Set  postiilabit  quel  petet  p{opulo  ?),  recuperatores 
[...  praetor  quos  quoique  dari  opo]rteat  dato  joubetoque  eum,  sei  ita  pariât, 
condumnari  popul{o)  facitoque  jou-dicetur,  puis  viennent  des  dispositions 
sur  la  faillite  éventuelle  et  sur  la  multae  inrogatio  facultative  (I  p.  182 
n.  i).  La  rédaction  la  plus  ancienne  qui  nous  soit  parvenue  est  celle  de 
la  loi  sur  le  bois  sacré  de  Spolète  (Bruns,  p.  260)  :  Jovei  bovid  piaclum  da- 
tod  et  a(sses)  CCC  inoltai  sunlod  ;  ejus  piaeli  moliaique  dicator[ei]  (mot  dont  on 
n'a  donné  que  des  explications  peu  sûres)  exactio  est[od].  Nous  trouvons 
un  grand  nombre  de  dispositions  plus  brèves. 

(1)  Nous  rencontrons  pour  les  amendes  légales  la  formule  simple  eius 
pecuniae  petitio  esto,  qui  se  présente  dans  la  les  municipii  Tarentini,  1.  53, 
dans  la  lex  Julia  agraria,  dans  la  lex  Julia  municipalis  et  dans  les  lois  mu- 
nicipales espagnoles.  Dans  ces  dernières,  on  trouve  fréquemment  aussi 
les  formules  petitio  persecutioque  esto,  ou  actio  petitio  persecutio  esto  dans 
lesquelles  s'accuse  déjà  l'usage  du  latin  juridique  postérieur  d'accumuler 
sans  raison  des  termes  synonymes.  La  tentative  faite  par  Ulpi'en  (Dig., 
50,  16,  178)  de  différencier  la  portée  de  ces  trois  mots  ne  peut  se  concilier 
avec  l'emploi  des  formules  ci-dessus  dans  les  lois  L'expression  synonyme 
exigere  apparaît  dans  la  loi  de  Bantia  (III  p.  372  n.  3)  et  dans  la  loi  sur 
le  bois  sacré  de  Spoléte  (III  p.  372  n.  3),  elle  se  cumule  avec  petere  par 
rapport  à  l'amende  pécuniaire  judiciaire  dans  la  lex  municipii  Tarentini 
{loc.  cit.).  Le  fragment  de  Tuder  (III  p.  370  n.  2)  emploie  incorrectement 
petere  pour  la  multae  inrogatio. 

(2)  Le  simple  dato  a  été  refoulé  dans  l'usage  par  la  formule  dare  dam- 
nas (:=  damnatus)  esto  ;  celle-ci  ne  dit  pas  au  fond  plus  que  la  première, 
ainsi  que  le  prouvent  les  sources  (Gains,  2,  201.  Ulpien,  Reg.,  24,  4.  Dig., 
50,  16,  178,  3)  et  l'analyse  de  la  phrase  elle-même  ;  elle  signifie  littérale- 
ment »  qu'il  soit  tenu  à  la  prestation  de  prester  »  et  contient  par  consé- 
quent une  tautologie  ;  cette  expression  n'est  pas  très  ancienne,  car  elle 
eût  été  une  absurdité  aussi  longtemps  que  les  esprits  gardèrent  nettement 
conscience  du  sens  originaire  de  dare  r=  donner  en  propre  et  de  damnare 
=  faire  donner.  La  formule  dare  damnas  esto  se  présente  à  nous  pour  la 
première  fois  dans  la  loi  agraire  de  643/111,  1.  112,  puis  dans  la  lex  Julia 
municipalis  où  elle  n'est  le  plus  souvent  reproduite  que  par  ses  initiales 
(1.  99.  107.  125.  140;  autrement  2.  19).  On  la  trouve  très  fréquemment 
plus  tard  ;  dans  les  lois  municipales  espagnoles  elle  est  assez  souvent 
précédée  de  municipibus  ou  in  publicum  municipibus.  — Il  n'y  a  pas  de  subs- 
tantif corrélatif  à  petitio. 

(3)  S'il  y  a  eu  dans  la  procédure  des   quaestiones  des   amendes  légales 


374  DROIT  PÉNAL  ROMAIN 

par  le  représentant  de  la  communauté  —  soit  un  magistrat, 
soit  un  citoyen  quelconque  suivant  la  prescription  de  la  loi  spé- 
ciale —  exactement  comme  le  fait  le  simple  particulier  pour 
l'amende  établie  à  son  profit.  Lorsque  les  intérêts  de  la  com- 
munauté sont  confiés  à  un  magistrat,  la  loi  laisse  fréquemment 
à  celui-ci  la  faculté  ou  d'infliger  une  amende  arbitraire  sous 
réserve  de  la  décision  des  comices  ou  de  demander  devant  le 
tribunal  civil  l'amende  dont  le  taux  est  fixé  par  la  loi  (1). 
Tandis  qu'en  matière  d'impôts  et  pour  toutes  les  créances  de 
la  communauté  traitées  d'une  manière  analogue  la  procédure 
civile  est  écartée  et  les  difficultés,  s'il  en  surgit,  sont  tranchées 
par  voie  de  procédure  administrative,  la  décision  sur  les  amen- 
des destinées  à  la  communauté  appartient  nécessairement  au 
préteur  et  aux  jurés.  Cette  différence  constitue  l'importance 
politique  de  ces  amendes,  elle  assure  ici  une  protection  juri- 
dique contre  l'arbitraire  administratif.  Après  la  chute  de  l'ins- 
titution du  jury,  les  amendes  au  profit  de  l'Etat,  maintes  fois 
infligées  même  dans  la  dernière  période,  notamment  pour  les 

(1019)  fautes  professionnelles,  sont  prononcées  par  voie  de  cognitio^ 
donc  dans  une  procédure  administrative. 

Taux  de  Le  moutaut  de  l'amende  pécuniaire  fixe  est  déterminé  par 
la  loi  spéciale.  Les  amendes  de  cette  catégorie  établies  au  profit 
de  la  communauté  sont  souvent  si  importantes  que  l'existence 
civique  du  coupable  est  par  là  détruite  et  il  semble  que  les 
procès  d'amende  devant  un  unus  judex  ou  des  récupérateurs. 


fixes,  les  sentences  de  ces  jurys  ont  été  soumises  à  cet  égard  aux  règles 
de  la  procédure  civile.  Nous  n'avons  toutefois  pas  de  preuve  certaine  que 
rien  de  tel  ait  eu  lieu  ;  nous  ne  savons  pas  dans  quelle  forme  s'appliquait 
l'amende  fixe  en  matière  de  plagium  (III  p.  92).  —  Si  dans  la  plus  fausse 
de  toutes  les  légendes  romaines,  dans  la  fable  de  Camille,  il  est  dit  d'un 
plébiscite,  ut  si  M.  Furiusp7-o  dictatore  fjuid  egisset,  quingendim  milium  ei  mulla 
esset  (Ïitc-Live,  6,  38,  9  ;  autrement,  mais  non  pas  mieux  :  Plutarquo, 
Cam.,  39;cpr.  St.R.,  2,  163,  n.  3  [Dr.  PubL,  3,  189,  n.3.]),  l'auteur  n'a  cer- 
tainement pas  songé  ici  à  un  procès  prétorien  ;  on  peut  même  se  deman- 
der s'il  a  pensé  à  une  procédure  quelconque. 

(1)  I  p.  182  n.  2.  Le  choix,  en  cas  de  négligence  dans  le  culte  du  dieu 
César,  entre  la  peine  capitale  et  une  amende  fixe  d'un  million  de  sester» 
ces(Dion,  kl,  18)  est  une  monstruosité  d'époque  révoluUonoaire. 


l'amende  fixe. 


LES    AMENDES  575 

le  plus  souvent  intentés  par  un  magistrat,  ont  été  fréquem- 
ment utilisés  ou  exploités  dans  ce  Lut.  (1)  La  somme  la  plus 
élevée  qui  soit  mentionnée  pour  les  amendes  romaines  au  profit 
de  l'Etat  est,  comme  en  matière  de  multa  inrogata,  celle  d'un 
million  de  sesterces  (2).  Les  lois  municipales  nous  présentent 
des  amendes  de  100.000  sesterces  pour  les  délits  où  l'aristo- 
cratie romaine  est  en  cause  (3);  en  dehors  de  là  ces  peines  dé- 
passent rarement  la  moitié  de  cette  somme  (4).  Dans  les  cons- 
titutions de  la  dernière  période,  le  montant  des  amendes, 
ordinairement  déterminé  en  livres  d'or,  est  le  plus  souvent 
très  élevé,  notamment  lorsqu'elles  s'appliquent  aux  magistrats 
et  à  leurs  officiales. 

3.   L'action  prétorienne  estimatoire  en  réclamation 
d'une  amende. 

La  fixation  de  l'amende  pécuniaire  par  un   arbitre  n'est  pas  Amende  après 
possible  dans  la  procédure  des   magistrats  et  des  comices  (5),     ^^^'™*''°°- 


(1)  A  l'époque  de  Sylla  le  sénateur  Q.  Opiinius,  poursuivi  pour  viola- 
tion du  droit  d'intercession,  fut  ruiné  par  un  procès  d'amende  de  ce  genre 
(Cicéron,  Vei-r.,  1.  1,  60,  155  :  paucos  homines...  Q.  Opimium...  fortunis  om- 
nibus evertisse;  156  :  in  bonis  Q.  Opimii  vendendis)  ;  il  en  fut  de  même  de  G. 
Junius  à  la  suite  d'un  manquement  à  la  loi  sur  les  jurys  (Cicéron,  Pro 
Cluentio,  33)  ;  Cicéron  nous  dit  dans  le  premier  texte  que  la  suppression 
générale  de  ces  actions  d'amendes  a  souvent  été  demandée  dans  le  sénat 
{ut  çjenus  hoc  totum  multaram  atqite  pjusmodi  jiidiciorum  tollerelur). 

(2)  Dion,  47,  18  (III  p.  374  n.  1).  Loi  pénale  do  Tuder  (ÏII  p.  130  n.  9),  pour 
violation  de  sépulture,  semble-t-il.  La  lex  JuUamunicipalis  va  encore  plus 
loin,  lorsqu'elle  (1.  19)  fixe  la  peine  de  50000  sesterces  par  boisseau  en 
cas  do  répartition  injuste  des  céréales. 

(3)  La  lex  coloniae  Genetivae.c.  130  établit  une  peine  de  100000  sest.  pour 
l'élévation  illégale  d'un  sénateur  romain  au  rang  de  patron  de  la  ville, 
et  la  loi  de  Malaca,  c.  01,  prescrit  une  amende  de  10000  sest.  pour  la 
création  illégale  d'un  patron  de  la  ville. 

(4)  La  loi  Fabia  fixe  l'amende  à  50000  sost.  pour  le  rapt  d'homme 
(III  p.  92);  la  Lex  Ju lia  municipalis  inflige  en  général  une  amende  identi- 
que pour  violation  des  lois  de  la  communauté.  De  même  500  aurei  :  Dig., 
2,  1,  7,  pr. 

(o)  Lorsque  la  nature  du  délit  public  exige  qu'à  côté  de  la  peine  publi- 
que il  y  ait  prestation  de  l'indemnité  du  dommage  causé,  comme  cela 
est  le  cas  pour  l'incendie,  le  vol  de  récoltes  et  le  péculat,  le  particulier 
ou  la  communauté  victime   a  vraisemblablement  eu  de  plein  droit  une 


L> 


376  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

(1020)  elle  l'est  au  contraire  dans  l'action  privée  et  dans  la  procédure 
des  qiiaestiones .  On  rencontre  des  amendes  de  cette  sorte  au 
profit  de  la  communauté,  mais  elles  sont  rares  (III  p.  368 
n.  \);  les  actions  délictuelles  privées,  au  contraire,  reposent 
en  principe  sur  une  évaluation  de  ce  genre.  La  fixation  du  taux 
de  la  peine  a  lieu  suivant  des  règles  posées  par  les  lois  pour 
limiter  l'appréciation  des  jurés  eten  déterminer  le  fonctionne- 
ment. Il  faut  ici  distinguer  l'évaluation  du  préjudice  causé  au 
patrimoine  par  le  délit  et  la  procédure  estimatoire  qui  en  est 
indépendante.  Lorsque  le  délit  entraîne  un  dommage  pour  le 
patrimoine,  donc  dans  les  actions  privées  pour  vol  et  dommage 
causé  à  la  chose  d'autrui  et  dans  la  procédure  des  quaestiones 
pour  péculat,  sacrilegium  et  repetundae,  le  tribunal,  après 
s'être  convaincu  que  les  éléments  du  délit  sont  réunis,  déter- 
mine par  uneévaluation  (.^/es^/mr/Zio) l'importance  du  préjudice 
subi  (1),  c'est-à-dire  le  quanti  eo  res  est,  d'après  la  terminolo- 
gie romaine  (2),  ou  le  montant  des  dommages-intérêts,  d'après 
l'usage  actuel  du  langage  (3).  La  loi  pénale  précise  comment 
s'opère  le  règlement  de  ce  dommage.  L'amende  qu'elle  fixe  peut 
correspondre  au  montant  du  préjudice  ainsi  établi,  mais  parfois 
on  ne  se  place  pas  au  moment  du  délit  pour  déterminer  la  va- 
leur de  la  chose,  principal  élément  pour  calculer  l'étendue  du 


action  civile  ou  un  moyen  de  procédure  analogue.  La  multa,  infligée  dans 
la  procédure  des  magistrats  et  des  comices,  pouvait  en  cas  de  dommage 
subi  par  la  communauté,  rendre  l'action  d'indemnité  inutile,  mais  ne  la 
remplaçait  pas  en  droit.  Les  sources  mentionnent  à  peine  cette  double 
procédure. 

(1)  La  division  de  la  procédure  dans  cette  catégorie  de  procès  se  révèle 
de  la  manière  la  plus  nette  dans  l'action  de  repelundae:  on  distingue  ici 
le  véritable  débat  sur  le  délit  et  la  litium  aestimatio,  (III  p.  24).  Elle  se 
retrouve  aussi  dans  le  péculat  (III  p.  78),  le  furtum  (III  p.  58)  et  le 
dommage  causé  à  la  chose  d'autrui  (III  p.  152). 

(2)  Telle  est  l'expression  ordinairement  employée  dans  les  droits  mu- 
nicipaux espagnols  :  quanti  ea  res  erit,  tantam  pecuniam  dare  damnas  esto, 
et  dans  les  Notae  Juris  de  Probus  {Gramm.  Lat.,  4,  p.  274)  :  quanti  ea  res 
erit,  tantae  pecuniae  judicium  recuperatonum  dabo.  L'exagération  de  la  de- 
mande (plus  pelere)  n'est  donc  pas  possible  ici  ;  car  elle  implique  toujours 
une  créance  de  somme  déterminés  (Gains,  4,  51). 

(3)  Les  notions  d'indemnité  du  préjudice  et  de  peine  doivent  être  enten- 
dues comme  nous  l'avons  indiqué  I  p.  14  n.  \. 


LES    AMENDES  377 

dommage,  on  tient  compte  de  la  plus  haute  valeur  que  la 
chose  a  eue  pendant  un  certain  délai  (l);dans  d'autres  cas, 
l'amende  comprend  à  côté  de  l'indemnité  du  préjudice  un  sup- 
plément pénal  (2).  Il  y  a  ordinairement  dans  l'action  pénale 
privée  une  multiplication  de  l'indemnité  du  dommage  (3)  ;  elle  (1021) 
a  lieu  soit  dans  certaines  circonstances,  notamment  en  cas 
de  négation  dolosive  du.  fait  délictueux  (III  p.  154  n,  6),  soit 
d'une  manière  générale,  comme  en  cas  de  vol.  La  législation 
pénale  romaine  n'a  jamais  admis  d'amende  supérieure  h  celle 
du  quadruple,  que  nous  rencontrons  en  cas  de  vol  privé  mani- 
feste, en  cas  de  vol  public  et  en  cas  d'usure  (4).  Ses  dispositions  à 
cet  égard  ne  peuvent  être  pleinement  exposées  qu'en  droit  ci- 
vil, nous  les  avons  indiquées  ici  dans  la  mesure  nécessaire  à 
propos  des  différents  délits. 

Lorsqu'on  ne  peut  s'attacher  au  montant  du  dommage  subi 
pour  fixer  l'amende,  ce  qui  est  notamment  le  cas  en  matière 
d'injure,  le  demandeur,  depuis  qu'on  ne  tient  plus  compte  de 
la  fixation  légale  du  taux  des  amendes  pour  injures,  réclame 
une  somme  d'argent  déterminée.  Le  préteur  l'inscrit  alors 
dans  la  formule  et  cette  mention  a,  dans  la  procédure  plus  ri- 
goureuse de  la  loi  Cornelia,  une  valeur  absolue  en  ce  sens  que 
le  jury  a  seulement  le  choix  ou  de  condamner  à  cette  somme 


(1)  Ainsi  en  est-il  dans  l'action  de  la  loi  Aquillia  :  qiianli  id  in.  eo  anno 
plurimi  fuit,  tantum  aes  dare  domino  damnas  esto  {Dig.,  9,  2,  2,  pr.  cpr. 
Gaius,  3,  210). 

(2)  Loi  Quinctia  sur  la  détérioration  des  aqueducs  (Frontin,  De  aquis, 
c.  129  [Girard  Textes'^,  p.  104])  :  is  populo  Romano  [H  S]  C  tnilia  dare  damnas 
esto  et  quidquid  (il  faut  lire  ainsi  au  heu  de  quidam,  quid)  eorum  ita  fecerit, 
id  omne  sarcire  .  .  damnas  esto.  Lex  coloniae  Genetivae,  c.  61  :  dupli  damnas 
esto  colonisque  ejus  coloniae  HSXX  d(are)  d(amnas)  esto.  Les  règles  adoptées 
pour  la  répression  du  furtum  aboutissent  aussi  à  une  double  punition 
par  suite  de  l'admission  de  l'action  qui  sanctionne  le  droit  de  propriété 
à  côté  de  l'action  fondée  sur  le  délit. 

(3)  Cette  multiplication  s'exprime  dans  la  formule  par  la  modification 
des  mots  tantam  pecuniam,  par  exemple  en  tantum  et  alterum  tantum  (loi 
de  Malaca,  c.  67). 

(4)  Les  aclionsciviles  en  réclamation  de  huit  foislemontant  du  dommage 
promises  par  l'édit  de  Verres  pour  la  province  de  Sicile  (Gicéron,  Verr., 
3,  10,  26  sv.)  sont  des  preuves  caractéristiques  de  l'administration  arbi- 
traire de  ce  gouverneur  de  province. 


37S  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

OU  d'acquitter  (1).  Dans  la  procédure  ordinaire,  elle  a  simple- 
ment le  caractère  d'une  taxatioÛQ  maximum  (2),  de  telle  façon 
que  le  jury  saisi  ne  peut  dépasser  la  somme  portée  dans  la 
formule;,  mais  peut  condamner  à  une  somme  inférieure 
(III  p.  119). 

Les  règles  applicables  aux  confiscations  prononcées  en  fa- 
veur de  la  com  munauté  et  à  l'encaissement  des  amendes  échues 
à  la  communauté  ou  à  un  particulier  sont  en  substance  celles 
qui  régissent  en   droit  civil  la  succession   universelle  et  les 
actions  de  créance  ;  pour  les  voies  d'exécution  en  cas  de  pei- 
nes pécuniaires  destinées  à  des  particuliers  nous  n'avons  qu'à 
renvoyer  au  droit  civil.  Ici,  nous  avons  à  traiter  tout  d'abord 
des  formes  de  l'exécution  des  peines    pécuniaires  en   faveur 
de  la  communauté,   nous  déterminerons   ensuite   les  caisses 
publiques  dans  lesquelles  tombe  le  montant  de  ces  peines. 
(1022)         Le  soin  de  réaliser  les  droits  patrimoniaux  qui  compétent  à 
Réalisation  par  la  communauté  à  titre  de  peine  incombe  régulièrement  au  ma- 
des^cTnûscaUonsoistrat  qui  Ics  a  fait  naître,  donc,  s'ils  résultent  d'une  procé- 
ct  des  amendes  (j^pg  comitiale  à  cclul  qul  l'a  intentée,  notamment  à  celui  qui  a 

au  profit  de  la  i  7  •  •       1  1 

communauié.  défcudu  avcc  succès  la  multae  inrogatio  devant  l'assemblée  du 
peuple  (3),  et  si  la  confiscation  ou  l'amende  a  sa  source  dans  la 
sentence  d'unjury  ayant  forcede  chose  jugée,  au  magistrat  qui 
a  dirigé  la  procédure  du  jury.  Ce  magistrat  est  ordinairement 
à  Rome,  en  cas  d'amende  réclamée  par  voie  de  procès  civil,  le 


(t)  Le  motif  de  cotte  règle  est  principalement  qu'il  est  encore  plus  dif- 
ficile pour  un  consilium  que  pour  un  unus  judex  de  procéder  à  une  estima- 
tion, lorsqu'il  n'y  a  pas  d'élément  d'appréciation  saisissable  pour  déter- 
miner le  montant  du  dommage. 

(2)  La  formule  contient  ici  la  clause  suivante  :  quantum  ob  eam  rem  ae- 
quum  esse  videbititr  {l)i<j.,  47,  10,  17,  2). 

(3)  Dans  la  procédure  d'amende  contre  L.  Scipion,  sur  laquelle  les  dé- 
crets authentiques  d'intercession  rapportés  par  Aulu-Gelle,  6,  19,  nous 
donnent  les  meilleurs  éclaircissements  (pour  les  autres  récits  :  Rom. 
Forsch.,  2,  472  sv.),  le  tribun  qui  triomphe  exige  du  condamné  que  celui- 
ci  lui  fournisse  des  cautions  de  prestation  {praedes).  Dans  la  loi  do  Ban- 
lia,  1.  12,  les  mots  décisifs  manquent. 


du  patrimoiDC 
confisqué. 


LES    AMENDES  379 

préleur  urbain  (1),  et  en  cas  de  procédure  de  quaestio,  le  pré- 
sident de  cette  dernière  (2);  les  procès  du  naême  genre,  inten- 
tés hors  de  Rome,  ont  dû  être  régis  par  des  règles  analo- 
gues (3).  La  condition  préalable  de  cette  réalisation  est  que  le 
jugement  ait  obtenu  pleinement  force  de  chose  jugée;  ce  fut, 
semble-t-il,  une  rigueur  particulière  du  procès  de  repetundae 
de  permettre  l'exécution  immédiatement  après  la  réponse 
affirmative  des  jurés  sur  la  question  de  fait  et  avant  la  fixa- 
tion du  montant  de  la  peine  par  voie  d'estimation  (4). 

En  cas  de  confiscation  du  patrimoine,  la  saisie  en  faveur  de  saisie 
l'Etat  suit  les  règles  ordinaires;  même  lorsque  la  confiscation 
se  restreint  à  une  quote-part  du  patrimoine,  nous  ne  trouvons  (1023) 
nulle  part  mention  d'une  divergence  de  procédure,  —  En  ma- 
tière d'amendes,  l'exécution  consiste  en  ce  que  le  magistrat 
compétent  requiert  le  condamné  de  fournir  des  cautions  ga- 
rantissant la  prestation  (/3raey/c?e5  =^  praedes)  pour  le  montant  Praedes. 
de  la  peine,  ou,  dans  leprocès  de  repetundae,  pour  une  somme 
fixée  par  le  tribunal  suivant  l'issue  présumée  de  l'estimation; 
ce  magistrat  statue  arbitrairement  sur  le  nombre  de  ces  cau- 


(1)  Le  particulier  demandeur  qui  fait  triompher  dans  un  procès  civil 
une  créance  de  la  communauté  ne  doit  pas  pouvoir  en  assurer  le  recou- 
vrement ni  par  lui-même,  ni  par  le  questeur  ;  car  dans  le  premier  cas  la 
remise  de  la  prestation  àl'aerarium  ne  serait  pas  certaine  et  la  seconde 
hypothèse  se  heurte  à  cette  objection  que  la  réquisition  d'un  simple  par- 
ticulier ne  peut  pas  contraindre  le  questeur  à  intervenir.  Dans  la  pro- 
cédure d'amende  contre  Q.  Opimius  (Gicéron,  Fe?v'.,  1.  1,  60,  156  ;  III 
p.  375  n.  1),  qui  eut  lieu  vraisemblablement  dans  cette  forme,  ce  fut  le 
préteur  urbain  qui  poursuivit  la  vente  des  biens.  Dans  la  loi  de  Bantia 
qui,  1.  9  et  sv.,  organisait  l'exécution  des  créances  de  la  communauté 
reconnues  dans  un  judicium  recuperatorium,  les  mots  décisifs  manquent 
également;  peut-être  était-elle  ainsi  conclue  :  sei  condumnalus  [erit,  quanti 
condumnatus  erit  pr[aetor)  urh{anus)  praedes]  ad  q{uaestorem)  urb{anum)  det 
aut  bona  ejus  poplice  possideantur  facito. 

(2)  Lex repelundarum,  1.  37,  après  la  condamnation  et  avant  l'estimation  : 
[judçx  quei  ean  rem  quaesierit  e\um,  quei  ex  h.  l.  condemnatus  erit,  q{uaes- 
tori)  praedes  facito  det  de  consili  rnajoris  partis  sententia,  quantci  eis  censue' 
r[int  :  sei  ita  p]raedes  datei  non  erunt,  bona  ejus  facito  puptice  possideantur 
conq[uaerantur]. 

(3)  Nous  ne  savons  rien  à  cet  égard.  Gpr.  Gicéron,  Verr.,  2,  38,  86. 

(4)  III  p.  26.  La  disposition  s'explique  comme  mesure  préventive. 


380 


DROIT    PÉNAL    ROMAIN 


Addictio. 


Coercition. 

(1024) 

Faillite. 


lions  et  leurs  conditions  d'aptitude  (l).  Ces  praedes  sont  four- 
nis au  magistrat  qui  dirige  le  service  de  Vaeramun,  à  l'épo- 
que républicaine  au  questeur,  plus  tard  au  préteur  ou  aux  préfets 
àeVaerarntm.  Un  tel  cautionnement  équivaut,  d'après  les  lois 
romaines,  au  paiement  (2).  Si  les  praedes  ne  sont  pas  fournis, 
le  condamné,  d'après  l'ancien  droit  encore  en  vigueur  lors  du 
procès  d'amende  intenté  contre  L.  Scipion  en  o70/184,  subit  la 
détention  personnelle  pour  dettes  (3).  Celle-ci  semble  déjà  in- 
connue aux  lois  de  l'époque  des  Gracques;  peut-être  a-t-elle  été 
abolie  dans  l'intervalle  par  une  loi  adoucissant  l'exécution  des 
créances  de  la  communauté,  bien  que  Vaddictio,  restreinte 
à  vrai  dire  dans  sa  portée,  subsista  en  droit  privé  (4)  ;  à  ma 
connaissance,  il  n'en  est  plus  nulle  part  question  dans  la  suite 
pour  les  créances  publiques.  Par  contre,  à  l'époque  impériale, 
on  étendit  aux  créances  fiscales  de  toute  sorte  les  moyens  de 
contrainte  compris  dans  la  coercition  :  emprisonnement,  mul- 
tae  dictio  et  pignoris  capio  (o). 

La  confiscation,  le   manque  de   prestation  des  praedes  et 
la  saisie  du  patrimoine  qui  en  résulte  conduisent  à  la  vente 


(1)  III  p.  26.  Le  procès  de  Scipion  montre  que  le  magistrat  exécutant 
prononçait  à  son  gré  [arbitratus]  sur  les  conditions  d'aptitude  des  praedes. 

(2)  St.  R.,  2,  550  sv.  1012.  [Dr.  PiibL,  4,  230  sv.  5.  307].  Denys,  11,  46.  Le 
questeur  a  donc  une  attitude  passive  ;  il  n'exécute  pas,  mais  le  magis- 
trat exécutant  amène  le  condamné  à  fournir  les  cautions  au  questeur  et 
livre  à  celui-ci  en  cas  de  faillite  du  condamné  le  produit  delà  vente.  Les 
écritures  du  questeur  qui  permettent  la  poursuite  des  praedes  ont  na- 
turellement lieu  ici  comme  pour  la  muUa  de  coercition  (1  p.  60  n.  3). 

(3)  On  menace  Scipion  des  vmcula  pour  le  cas  où  il  ne  fournirait  pas 
les  cautions  (III  p.  378  n.  3). 

(4)  Betlimann-HoUweg,  Civilprozess,  2,  6G0  sv.  3,  317.  Elle  subsiste  aussi 
pour  la  procédure  d'exécution  de  la  communauté  urbaine  (III  p.  219  n.  1). 

(5)  D'après  Paul,  Dig.,  48,  13,  11,  6,  le  détenteur  d'imperium  compétent 
(is  qui  hoc  imperio  ulilur)  perçoit  les  créances  appartenant  au  fisc  contre  un 
particulier  pignus  capiendo,  corpus  relinendo,  multam  dicendo  ;  ces  moyens 
disent  clairement  qu'il  s'agit  ici  de  la  coercition  la  plus  élevée  (I  p.  43 
et  p.  54  n.  2).  Constantin  (Cad.  Th.,  U,  7,  3  =  C.  Just.,  10,  19,  2)  conçoit 
également  l'incarcération  du  débiteur  du  fisc  comme  un  châtiment  de  la 
désobéissance.  Si  quis  .  .  hac  indulgenlia  ad  contumaciam  abulatur,  continea- 
ti/r  aperta  et  libéra  et  in  usum  hominum  insliluta  ciistodia  militari.  Il  est  au 
moins  douteux  que  la  coercition  républicaine  ait  été  applicable  à  ce  cas 
(I  p.  44). 


LES    AMENDES  381 

des  biens  et  à  la  faillite  (1).  Les  règles  de  cette  procédure 
de  faillite,  que  provoque  le  magistrat  exécutant  et  dont  il 
livre  le  produit  au  questeur  (2),  ne,  se  distinguent  pas  des 
règles  ordinaires  ;  sous  la  République,  elle  s'accomplit  généra- 
lement par  une  vente  globale  après  affiches  publiques  {pros- 
criptio  bonorum).  Ordinairement,  cette  procédure  profite 
surtout  aux  acquéreurs;  aussi  à  l'époque  impériale,  sous  un 
régime  d'administration  plus  rigoureuse  des  finances  de  l'Etat, 
cesse-t-elle  tout  au  moins  d'être  régulièrement  appliquée  (3). 
En  tout  cas,  il  faut  dans  la  confiscation  d'un  patrimoine  tenir 
compte  des  droits  qui  compétent  à  autrui  sur  les  biens  saisis. 
En  dehors  des  droits  que  l'on  fait  valoir  dans  toute  faillite,  il 
faut  ajouter  que,  dans  l'action  de  repetundae  et  peut-être  en- 
core dansd'aulres  cas  (4),  l'Etat  ne  procède  pas  à  l'exécution 
pour  lui-même,  mais  agit  comme  représentant  des  personnes 
lésées  par  le  condamné,  donc  ne  reçoit  les  paiements  effectués 
et  éventuellement  le  produit  de  la  vente  que  pour  les  remettre 
aux  intéressés  (o).  On  doit  en  outre  déduire  du  profit  procuré 
par  le  procès  les  récompenses  qui  ont  été  accordées  par  la  loi 
aux  accusateurs  ou  qui  leur  ont  été  spontanément  promises 
(II  p.  196  sv.). 

Ces    règles    générales  souffrent   des    dérogations    pour    la 


(1)  Tite-Live,  3,  3,  7  :  ut  .  .  fam'dia  ad  aedem  Cereris  Liberi  Liberaeque  ve- 
num  irel.  Denys,  10,  42.  Je  ne  m'attarde  pas  à  rapporter  les  preuves  in- 
nombrables de  la  vente  des  biens  des  j'>erduelles. 

(2)  Lex  repetundarum,  1.  58  (la  disposition  relative  à  la  vente  est  perdue): 
[judex  quaestori  eam  pequniam  et  quanta  fuerit]  scriplum  transdito,  quaesior 
accipito  et  in  taboleis  popliceis  scriptum  habeto.  Gicéron,  Verr.,  1.  1,  60,  156 
(III  p.  375  n.  1). 

(3)  Les  sectores  sont  encore  mentionnés  par  Tacite,  Hist.,  1,  20  et  par 
Gains,  4,  146;  et  les  sectiones  par  Tacite,  Ann.,  13,  23;  Hist.,  1,  90. 

(4)  Lorsque  dans  la  procédure  postérieure  de  cognitio  on  inflige  au  vo- 
leur une  peine  pécuniaire,  on  doit  sur  le  montant  de  celle-ci  fournir  au 
volé  la  réparation  du  préjudice  subi,  à  moins  que  cette  réparation  ne 
soit  prescrite  spécialement  à  côté  de  la  peine. 

(5)  Les  sommes  provenant  du  condamné  pour  repetundae  vont  à  Vaera- 
rium,  mais  sont  conservées  à  part  dans  des  paniers  à  argent  scellés  (lex 
repetundarum,  1.  67),  puis  réparties  entre  les  intéressés  ;  cette  distribution 
a  lieu  par  voie  de  trlbulus,  lorsque  ces  sommes  sont  insuffisantes  (1.  59 
sv.). 


383  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

vieille  amende  procédurale  et  pour  les  amendes  édiliciennes. 
rerceptiondu  D'après  le  droit  primitif  qui  ne  connaissait  que  les  amendes 
de  bétail,  le  sacramentum  ou  amende  publique  en  cas  d'action 
(i02o)  privée,  n'est  pas,  comme  on  le  sait,  exigé  du  perdant;  le  pro- 
cès est  subordonné  en  droit  [à  la  prestation  du  sacramentum 
parles  deux  parties,  sauf  restitution  au  gagnant  à  la  fin  du 
procès.  Lorsque  les  amendes  pécuniaires  remplacèrent  les  amen- 
des de  bétail,  le  principe  ne  fut  pas  modifié;  chaque  partie 
dut  fournir  des  praedes  pour  le  montant  du  sacramentum,  ce 
qui  équivalait  en  droit  à  la  prestation  de  ce  dernier.  Toute- 
fois il  fallait  exiger  des  cautions  du  perdant  le  montant  ànsa- 
cramentiim;  ce  recouvrement  était  opéré  non  parles  questeurs, 
mais  par  les  triumvirs  capitaux  (1),  sans  aucun  doute  parce 
que  les  directeurs  de  la  caisse  de  l'Etat  ne  devaient  pas  être 
importunés  par  la  perception  de  ces  petites  sommes. 
Perception  Daus  les  actions  pénales  édiliciennes-comitiales,  les  lois  spé- 
édiiic^nner  cialcs,  commc  nous  l'avons  exposé  dans  le  Livre  II  (I  p.  181) 
permettaient  exceptionnellement  (2)  au  magistrat  qui  y  triom- 
phait, comme  compensation  pour  cette  besogne  profitable  :\  la 
communauté,  mais  désagréable  et  ingrate  pour  lui,  de  ne  pas 
livrer  les  amendes  à  Vaerarhan,  mais  de  les  employer  à  des 
buts  religieux  (3),  et  en  cas  d'un  tel  jugement  m  ^rtcrwm,  de  les 
percevoir  pour  en  faire  un  emploi  personnel,  exactement  comme 
le  général  le  faisait  pour  l'argent  du  butin.  Grâce  à  ce  pouvoir, 
les  édiles  se  sont  fréquemment  procuré  les  ressources  néces- 
saires pour  orner  (4)  ou  bâtir  des  temples  urbains  ou  organiser 
des  fêtes  populaires  en  faveur  des  divinités  (5).  Dans  certaines 


(1)  Gains,  4,  13.  St.  R.,  2,  68  et  sv.  600  [Dr.  Piibl.,  3,  77  sv.  4,  308]. 

(2)  La  consecrnlio  de  la  maison  de  Cicéron  est  cassnc  par  les  pontifes 
parce  que  Clodius  n'avait  pas  reçu  de  mandat  lô^al  spécial  pour  cela 
(Cicéron,  Ad  AU.,  4,  2,  3).  Le  patrimoine  tombait  donc  de  plein  droit  dans 
Vuerarium.  s'il  n'y  avait  pas  de  disposition  contraire   d'une  loi  spéciale. 

(3)  C'est  Vin  san-um  judicare,  faculté  que  la  loi  Silia  et  lo  fragment  de 
Tuder  (I  p.  182  n.  2)  accordent  aux  maj^istrals  à  rôle  du  mnltare. 

(l)  Pour  les  preuves,  v.  St.  R.,  1,  2i2,  n.  4  [/);•.  Piibl.,  1,  27i),  n.  1]  ;  cpr. 
ibid.  2,  496  [/>;■.  Puhl.,  4,  191j. 
(5)  Pour  les  preuves,  St.  R.,  i,  242,  n.  îi  [Dr.  publ.,  1,  270,  n.  2j. 


LES    AMENDES  383 

lois  municipales,  on  prescrivait  môme  aux  magistrats  d'em- 
ployer à  de  tels  buts  tout  ou  partie  des  amendes  (1).  Sous  le 
Principal,  cette  faculté,  subordonnée  à  une  action  comitiale,     (102G) 
n'a  plus  été  exercée  (2). 

Il  nous  reste  maintenant  à  déterminer  les  caisses  publi-  versemeni  dfs 

■       .  .  .     ,  i    j •  amendes  dans 

ques  qui  profitent  de  ces  pemes  patrimoniales;  c  est-a-dire     les  caisses 
dans  quelle  mesure  ce  bénéfice,  au  lieu  de  tomber  dans  Vaera-    des  temples. 
rmm(3),  échoit  à  des  caisses  religieuses  spéciales  et  plus  tard 
au  fisc  impérial. 

Pour  l'utilisation  dans  un  but  religieux  des  acquisitions  pa- 
trimoniales réalisées  par  la  communauté  à  titre  de  répression 
d'un  délit,  nous  pouvons  renvoyer  aux  explications  précédem- 
ment données.  Il  est  vraisemblable  qu'au  début,  la  commu- 
nauté a  ordinairement  attribué  aux  dieux  ces  profits  regret- 
tables (III  p.  236).  A  l'époque  historique,  cette  affectation  à 
des  œuvres  religieuses  devient  moins  fréquente.  Les  amendes 
retenues  par  les  édiles  dans  un  but  religieux  doivent  être 
employées  conformément  à  leur  destination  et  une  partie  au 
moins  des  amendes  sépulcrales  tombe  encore  pendant  la  der- 
nière période  de  l'empire  dans  la  caisse  des  pontifes  (4),  mais 


(1)  Lex  municipii  Tarcntini,  1.  36  :  mag{istratus)  quel  exegerit  dimidlum  in 
[p]ubHcum  referto,  dimidium  in  ludeis,  quos  publice  ineo  magislralu  faciet  con- 
snmilo,  seive  ad  monumentum  siiom  in  publico  (c'est-à-dire  pour  une  œuvre, 
ordinairement  religieuse,  rappelant  le  souvenir  du  fondateur)  consumere 
volet,  l[icet]o.  La.  lex  coloniae  Genetivae,  c.  63  ordonne  l'emploi  des  amendes 
perçues  ob  vectigalia  ad  ea  sacra,  qitae  in  colon{ia)  aliove  quo  loco  colnnorum 
nomine  fient. 

(2)  Sans  cela  les  insciiptions  nous  en  donneraient  des  preuves  nom- 
breuses, tandis  que  nous  avons  seulement  des  témoignages  rares  éta- 
blissant au  profit  d'édiles  municipaux  l'existence  d'un  pouvoir  analogue 
à  celui  des  édiles  de  Rome  (Neapolis  en  Afrique  :  C.  1.  £..,  VIII,  972.  973  ; 
Voconces  dans  la  province  de  Narhonne  :  C.  /.  L.,  XII,  1377  ;  cpr.  1227). 

(3)  Si,  comme  cela  est  vraisemblable,  la  multae  inrogalio  par  voie  de 
procédure  relevant  des  magistrats  et  de  la  plèbe  est  très  ancienne,  il  est 
peu  probable  que  dans  la  première  période  des  luttes  patricio-plébéien- 
nes  les  tribuns  aient  destiné  de  telles  amendes  à  l'acrarium  populi  Romani  ; 
peut-être  les  ont-ils  attribuées  au  temple  de  Cérés  {St.Ii.,  l,  147  [Dr.  piibl., 
1,  168])  ou  utilisées  pour  des  fêtes  religieuses.  Nos  sources  ne  connais- 
sent pas,  il  est  vrai,  un  tel  in  mcrum  judicare. 

(4)  III  p.  136,  L'amende  établie  parle  fondateur  de  la  sépulture  avec  la 


384  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

régulièrement  le    profit  tiré  des  délits  par  l'Etat  tombe  di- 
rectement dans  sa  caisse. 
Versement  des      D'après  les  lois  du  Princlpat ,  l'empereuT  n'a  droit  aux  recet- 

ameodes dans    .11  ,  .ni-  t    f  r    •    \ 

la  caisse  ^os  06  la  communaute  que  si  elles  lui  ont  ete  spécialement 
de  l'empereur,  attribuées,  ce  qui  n'est  pas  le  cas  pour  les  peines  patrimonia- 
les. Le  caractère  odieux  de  ces  receltes  s'opposait  à  ce  qu'une 
attribution  directe  et  générale  en  fut  faite  au  souverain,  bien 
que  celui-ci  en  ait  souvent  bénéficié  en  vertu  de  décisions 
coQcrèle.s.  L'appropriation  par  la  caisse  particulière  {fiscus) 
de  l'empereur  des  biens  confisqués  et  des  amendes  pronon- 
cées est  un  fait  dont  il  ne  faut  pas  au  fond  exagérer  l'impor- 
tance (i),  mais  elle  est  en  droit,  rien  n'est  plus  certain,  une 
usurpation.  Auguste  s'est  rigoureusement  abstenu  de  toute 
(1027)     illégalité  de  ce  genre  (2);  Tibère  fut  aussi  consciencieux  dans 


permission  de  l'Etat  doit  en  droit  être  considérée  comme  établie  par  l'E- 
tat. 

(1)  Tacite,  Ann.,  6,  2  :  tamquam  referret. 

(2)  L'emploi  fait  par  Auguste  de  l'argent  tiré  ex  bonis  damnalorum  en 
prêts  sans  intérêts  (Suétone,  Aug.,  41)  a  été  régularisé  par  un  sénatus- 
consulte  que  provoqua  cet  empereur.  —  h'aerarium  mililare  créé  par  Au- 
guste n'est  pas  mentionné  à  propos  des  amendes,  il  n'est  d'ailleurs  qu'une 
seconde  caisse  de  l'Etat  et  les  deux  aeraria  ne  sont  distincts  qu'en  fait. 
La  remise  à  Vaerarlum  mililare,  faite  par  Auguste,  du  patrimoine  (o-Jo-ta)  de 
son  fils  adoptif  Agrippa  Postumus  après  révocation  de  l'adoption  (Dion, 
5o,  32)  et  imitée  probablement  de  la  procédure  suivie  par  le  père  de  Sp. 
Gassius,  après  la  condamnation  de  celui-ci  au  regard  du  patrimoine  {pe- 
CM/iM»i)de  son  fils  de  famille,  n'est  qu'une  donation  de  l'empereur  à  l'Etat  ; 
car  Agrippa  était  sans  doute  en  puissance.  —  La  confiscation  du  patri- 
moine d'Archélaûs,  elhnarque  de  Judée,  au  profit  de  la  caisse  impériale 
{-oï;  KaiTapo;  Or-|(Ta-jpoï;  :  Joséphe,  Bell.  Jitcl.,  2,  7,  3  =  111  Niese)  s'explique 
parles  pouvoirs  qui  appartiennent  au  général,  elle  n'est  pas  une  confis- 
cation en  vue  d'une  appropriation  privée,  mais  dans  le  but  d'une  utilisa- 
tion libre.  (S/.  H..  1,  291  [Dr.  publ.A,  333]).  —  L'attribution  à  Auguste  du 
patrimoine  de  Cornélius  Gallus,  postérieurement  à  la  condamnation  de 
celui-ci,  (Dion,  53,  23)  eut  lieu  en  vertu  d'une  disposition  du  Sénat  et  fut 
votée,  comme  le  remarque  avec  raison  Ilirschfeld  (Verwaltuiigsbeamten, 
p.  4G,  n.  1),  eu  égard  à  la  provenance  de  ces  biens  que  le  condamné 
devait  principalement  aux  largesses  impériales  et  à  leur  perte  par  suite 
d'ingratitude.  Tibère  en  l'an  24  reprenait  de  la  même  manière,  après  le 
suici  le  de  Silius,  tout  ce  que  ce  dernier  avait  re(;u  par  libéralité  d'Au- 
guste; Tacite,  Ann.,  4,  20  considère  cet  acte  comme  le  premier  pas  de  cet 
empereur  dans  la  voie  des  excès  de  pouvoir,  il  n'a  à  cet  égard  ni  com- 
plètement tort,  ni  complètement  raison.  ' 


LES    AMENDES  385 

les  bonnes  années  de  son  règne  (1).  La  règle  a  été  recon- 
nue par  Trajan  (2),  Hadrien  (3)  et  encore  par  Marc  Aurèle  (4); 
sa  violation  par  Tibère  pendant  les  années  de  despotisme  de 
ce  monarque  (o)  et  les  infractions  innombrables  qu'elle  a  su- 
bies depuis  lors,  môme  de  la  part  des  meilleurs  souverains  (G), 
ne  l'a  nullement  fait  disparaître.  Elle  n'a  vraisemblablement 
été  abolie  que  par  l'empereur  dont  les  confiscations  en  masse  (1028) 
ont  dépassé  celles  de  tous  ses  prédécesseurs  et  de  tous  ses 
successeurs^,  c'est-à-dire  par  Septime  Sévère  (7).  Après  lui,  la 
science  du  droit  désigne  généralement  le  fisciis  comme  l'or- 
gane qui  perçoit  les  profils  des  peines  (8).  L'opposition  entre 

(1)  Tacite,  Ann.,  3,  18  :  (Tiberitm)  salis  firmus,  ut  suepc  memoravi,  adver- 
sitm  pecuniam.  2,  48.  Dion,  '61,  10.  17. 

(2)  Pline,  Pa?ieg.,  55  :  Aentrio  consulis,  .  .  .  quod  sumptibus  ej us  adhibes  mc- 
duin,  ul  qui  exhausUcm  non  sis  innocentiuin  bonis  replelurus.  On  peut  ici  (cpr. 
l'un.,  42)  tenir  compte  du  témoignage  de  Pline. 

(3)  Vita,  7  :  damnatorum  bona  in  fiscum  privatum  redigi  vetuit  ornai  suninia 
in  aerario  publico  recepla. 

(4)  Vita  Avidii,  7  :  senalus  illum  hoslem  appellavit  bonaque  ejus  proscripsit, 
quae  Anloninus  in  privatum  aerarium  congeri  noluil\'quare  senatu  praecipiente 
in  aerarium  publicum  sunt  relata. 

(5)  Le  changement  date  de  l'exécution  de  Séjan  en  l'an  31.  Immédiate- 
ment après,  le  sénat  attribua  le  patrimoine  du  condamné  non  à  Vaerarium, 
mais  au  fiscus  (Tacite,  Ann.,  6,  2  ;  les  licitations  qui  en  résultèrent  pro- 
voquèrent, d'après  Tacite,  Ann..  G,  17,  une  pénurie  d'argent,  les  banquiers 
durent  restreindre  leurs  crédits  par  suite  des  sorties  considérables  de 
numéraire  qu'on  leur  demanda).  En  l'aln  33  eut  lieu  la  confiscation  im- 
pudente du  patrimoine  de  Sex.  Marius  (Tacite,  Ann.,  6,  19  :  aurarias  ejus, 
quamquam  publicarenlur,  sibimel  Tiberius  seposuit;  cpr.,  2,  59  :  Auguslus .  .. 
seposuit  Aegijjilum.) 

(6)  11  est  ici  superflu  de  citer  des  preuves. 

(7)  Les  jurisconsultes  du  i\v  siècle  évitent  le  mot  aerarium,  sauf  quand 
ils  font  allusion  à  l'ancien  état  de  choses  (ainsi  Paul,  Dig.,  49,  14,  13, 
pr.  parle  de  l'édit  de  Trajan  relatif  à  Vad  aerarium  déferre  et  l'applique 
au  fiscus)  ou  lorsque  le  titre  praefectus  aerarii  les  amène  à  employer  ce 
terme  {Dig.,  49,  14,  15,  6).  Chez  les  auteurs  littéraires  et  dans  les  consti- 
tutions de  l'époque  postérieure  les  expressions  aerarium  et  fiscus  sont 
employées  comme  synonymes.  Par  contre,  on  distingue  encore,  même 
dans  la  dernière  période,  le  populus  et  le  fiscus  (ou  Caesar)  notamment  pour 
les  propriétés  foncières  (par  ex.,  Vita  Alex.,  16). 

(8)  Dans  l'écrit  Hejure  fisci,  du  iii«  siècle,  il  est  dit  §  9  de  la  peine  du 
plagiuin  :  quae  hodie  fisro  vindiU-alur]  et  §  8  de  la  peine  inlligée  pour  alié- 
nation d'un  immeul)le  litigieux  :  poenam  L.  sestertiorum  fisco  repraesentare 
conpellitur.  A  cette  époque  apparaît  aussi  le  procuralor  ad  bona  damnato- 
rum (C.  /.  L.,  VI,  1634.  XI,  6337  =  Hunzen.  6519). 

Droit  Pén.\l  Romain.  —  T.  III.  25 


386  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

le  fiscus  et  Vaerarium  perd  peu  après  son  importance  et  ce- 
lui-ci tombe  au  raog  de  caisse  accessoire  locale  de  l'Etat, 
tandis  que  le  fiscus,  nominalement  caisse  privée  de  l'empe- 
reur, devient  en  fait  caisse  d'empire. 
Intervention  Nous  avons  déjà  VU  (III  p.  380)  pour  l'exécution  des  peines 
r    i''^^  •  n=  patrimoniales  destinées  à   l'Etat  que  les  directeurs  de  Vaera- 

lonclionnaires   r  i 

des  finances    rium  devaient  y  participer  en  recouvrant  les  créances  liquides 

dans  ,  ,  .  ,  '  J       1 

l'application    uecs  ds  CCS  peiucs  comme  toutes  les  autres  créances  de  la 
des  peines    (^ommunauté,  et  en  recevant  du  iiisc  répressif  le  produit  de 

patrimoniales.  j     cj  i  i 

la  faillite  provoquée  par  celui-ci.  Cet  état  de  choses  s'est  main- 
tenu en  principe  au  début  de  l'Empire.  Mais  la  transmission, 
conséquence  de  l'établissement  du  Principal,  au  nouveau  mo- 
narque et  à  ses  prociiratores  du  soin  de  recouvrer  les  créances 
de  la  communauté  (1),  bien  que  simple  changement  de  fait,  fut 
cependant  une  aggravation  très  sensible  de  ces  procédures  déjà 
pénibles  par  elles-mêmes,  et  la  haine  qui  atteignit,  notamment 
pendant  la  dernière  période  de  l'empire,  les  subalternes  triste- 
ment célèbres  &Q?, prociiratores,  les  Caesariani  (2),  semble  avoir 
été  bien  méritée.  Pour  le  cas  le  plus  grave,  pour  la  confiscation 
résulla-nt  soit  d'une  sentence,  soit  de  l'insolvabilité,  la  procé- 
dure semble,  au  moins  dans  la  dernière  période  de  l'Empire, 
avoir  subi  une  transformation  fondamentale.  Contre  le  vivant, 
la  confiscation  ne  doit  plus  désormais  avoir  lieu  qu'en  vertu 
(1021))  d'un  jugementqui  l'implique  tacitement  ou  la  prononce  expres- 
sément et  que  le  juge  répressif  porte,  semble-t-il,  officiellement 
à  la  connaissance  du. prociirator  compétent  (3).  Au  contraire, 
lorsque  la  confiscation  a  lieu  après  la  mort  du  coupable,  notam- 
ment lorsque  ce  dernier  se  suicide  après  aveu  ou  au  cours 
d'une  procédure  d'accusation  (II  p.  117  et  sv.),  môme  lors- 
que la  perduellion  est  poursuivie  après  la  mort  du  perdiiellis 


(1)  Ulpion,  Coll.,  14,  3,  2.  Dig..  48,  \,  6.  Cod.,  3,  26,  1.  3.  10.  8,  \. 

(2)  Le  recours  juridique  contre  un  acte  arbitraire  des  Caesariani  àoïi 
être  porté  devant  le  -procuralor  (Paul,  5,  12,  6). 

(3)  Gallistrate  [Dig.,  49,  14,  1  pr.)  ne  cite  pas  ces  jugements  parmi  les 
causes  de  délation  fiscale,  probablement  parce  que  la  notification  offi- 
cielle de  ces  arrêts  rendait  la  délation  des  particuliers  inutile. 


LES    AMENDES  387 

(III  p.  361),  donc  lorsque  toute  peine  effective  est  impossible,  il 
semble  qu'aucune  condamnation  pénale  ne  soit  prononcée  (1), 
mais  la  confiscation  de  l'hérédité  paraît  être  uniquement  traitée 
comme  procès  fiscal  entre  les  héritiers  ou  autres  détenteurs 
des  biens  et  les  fonctionnaires  impériaux  des  finances  (2)  et 
ceux-ci  ont  de  plein  droit  en  pareil  cas  la  juridiction  (3).  En 
outre,  ces  derniers,  bien  que  le  droit  ne  leur  conférât  que  la 
mission  de  recouvrer  l'amende  ou  de  confisquer  le  patrimoine, 
s'approprièrent  le  pouvoir  de  statuer  sur  le  fond  de  l'affaire 
et  le  firent  dans  de  telles  proportions  que  les  lois  pénales  suc- 
cessives promulguées  contre  ces  abus  en  attestent  en  réa- 
lité la  permanence  (4). 

Lorsque  la  peine  patrimoniale  ne  peut  être  exécutée  par 
suite  de  l'absence  de  ressources  du  condamné,  elle  est,  dans 
les  lois  de  la  dernière  période,  remplacée  pour  les  esclaves  et 
les  pauvres,  dans  certains  cas  par  la  peine  des  mines  (5),  ordi- 
nairement par  la  correction  (III  p.  335). 

Toute  peine  patrimoniale  encourue  à  raison  d'un  délit  public     (1030) 
ou  privé  s'éteint  par  la  mort  du  coupable  survenue  avant  l'exer- 
cice de  l'action  (1  p.  75).  Sont  exceptées  de  cette  refile  la  per- 
duellion  (II  p.  299  et  III  p.  362.)  et  l'hérésie  (II  p.  314  n.  4), 
pour  lesquelles  l'action  pénale  peut  être  intentée  même  après 


(1)  Marcien,  Dig.,  i^.  l,  6  :  defitnclo  eo  qui  reiis  fuit  criminis  el  poena  ex- 
tincla  in  quacumque  causa  criminis  exlincti  débet  is  cognoscere,  eu  jus  de  pecu- 
niaria  re  cognilio  est  (cpr.  Dig.,  49,  14,  2,  2).  Celui-ci  est  le  procuvalor  :  Cod., 
3,  26,  2.  Parmi  les  causes  de  la  délation  privée,  Callistrate  rito,  loc.nit., 
eum  decessisse,  qui  in  capila/i  crimine  essel,  donc  la  mort  de  l'accusé  au 
cours  du  procès,  et  post  morlem  aliquem  reum  esse,  donc  la  perduellion. 

(2)  Il  faut  une  procédure  juridique  {Dig.,  48,  14,  22,  jor.  1.  45.  2)  pour 
permettre,  par  exemple,  aux  héritiers  du  suicidé  de  prouvcrque  le  défunt 
ne  tombait  pas  sous  lo  coup  de  la  loi  pénale  (Dig.,  48,  21,  3,  8)  ;  cette  pro- 
cédure est  précisément  le  procès  fiscal. 

(3)  0.  Hirschfeld  dans  les  Silz.  Ber.  der  Berl.  Akademie,  1889,  437.  Cette 
règle  est  rigoureusement  appliquée  :  ainsi  le  procès  de  liberté,  ordinai- 
rement de  la  compétence  des  autorités  judiciaires,  est  tranché  par  le 
proruvator,  lorsque  l'Etat  réclame  une  personne  comme  son  esclave  {Dig., 
49.  14,  3,  9  1.  7,  Cod.,  3,  22,  5  ;  avec  laquelle  ne  concorde  pas  il  est  vrai 
la  mention  accidentelle  de  Cod,,  7,  21,  7). 

(4)  I  p.  322.  St.  R..  2,  1024  [Dr.  publ.,  5,  320J. 

(5)  C.  Th.,  4,  8,  8. 


388  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

la  mort  du  coupable,  ainsi  que  les  actions  pénales  rangées  dans 
le  droit  pénal  bien  qu'elles  n'aient  pas  un  caractère  réellement 
délictuel,  c'est-à-dire  l'action  de  repetundae  qui  par  nature 
est  une  condictio  (III  p.  32)  et  l'action  anormale  du  même 
genre  donnée  en  cas  de  \'ol  (lll  p.  63).  Lorsque  les  héritiers 
du  coupable  ne  sont  pas  tenus  de  réparer  le  dommage  causé 
par  un  délit,  ils  peuvent  être  contraints  par  une  action  civile 
non  délictuelle  à  restituer  l'enrichissement  que  leur  a  procuré 
le  délit  du  défunt  (III  p.  59  n.  9).  La  communauté  peut  éga- 
lement être  mise  de  la  même  manière  en  demeure  de  ren- 
dre le  profit  qu'elle  a  retiré  d'un  délit  (I  p.  86  u.  1). 


SECTION  XII  (1031) 


INEGALITE   DE    REPRESSION    ET    FIXATION   DE    LA   PEINE 
PAR    LE    JUGE 


Le  principe  de  l'égalité  devant  la  loi  pénale  peut  subir  une 
double  restriction,  soit  que  la  loi  ou  la  coutume  détermine  dif- 
féremment la  peine  suivant  la  condition  personnelle  du  cou- 
pable, soit  que  la  loi  ou  la  coutume  donne  au  juge  le  choix 
entre  plusieurs  espèces  de  peines  ou  lui  confère  le  pouvoir  de 
graduer  la  peine  dont  la  loi  n'a  déterminé  que  la  catégorie. 
Nous  désignons  le  premier  cas  sous  le  nom  d'inégalité  légale 
des  peines  et  le  second  sous  celui  de  fixation  de  la  peine  par 
le  juge. 

L'inégalité  légale  des  peines  n'est  pas  autre  chose  que  la 
prétendue  mutation  de  peine  des  théoriciens  du  droit.  Cette 
mutation  est  contraire  à  l'essence  même  de  la  peine;  celle-ci 
demeure  inappliquée  lorsqu'elle  est  inapplicable.  Sous  celle 
expression  tout  au  moins  trompeuse,  ils  veulent  dire  que  le 
mode  de  répression  doit  être  réalisable,  c'est-à-dire  conciliable 
avec  Ja  condition  personnelle  et  patrimoniale  du  délinquant, 
donc  que  l'on  ne  peut  infliger  à  l'esclave  la  perte  de  liberté, 
au  non  citoyen  la  perte  de  la  cité  et  que  les  peines  patrimo- 
niales ne  peuvent  atteindre  ceux  qui  n'ont  pas  de  patrimoine 
en  droit  ou  en  fait  ;  ils  indiquent  par  là  que  la  législation  doit, 
pour  prescrire  ces  peines,  s'assurer  do  leur  applicabilité  et  les 


390  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

remplacer  par  une  autre  répression  convenable,  lorsqu'elles 
sont  impossibles  en  droit  ou  en  fait. 

L'inégalité  légale  des  peines  est  contraire  au  fondement  mo- 
ral du  droit  pénal.  Le  délit  s'attache  à  l'homme  comme   tel  et 
(1032)     et  il  n'y  a  pas    à  tenir  compte  pour  lui  des  diversités  indivi- 
inégaiité  légale  ducllcs  dc  la  uature  humaine  ;  la  condition  civique  n'aggrave 

des  peines  •       ,  ,1.  1         .  .  i  .  1  ,  t  jt-i 

entre  l'homme  ^^  ^  améliore  la  situation  du  meurtrier  ou  du  voleur.   L  Etat 
libre        romain  a  appliqué  ce   principe  à  la  notion  de  délit  (I  p.  75 

Cil  i  6SClâY6* 

et  sv.)  ;  pour  la  peine  il  a  du  nécessairement  se  préoccuper 
de  l'applicabilité  des  peines  légales  :  l'existence  de  l'esclavage 
et  l'incapacité  juridique  d'avoir  un  patrimoine,  qui  frappe  l'es- 
clave cependant  responsable  de  ses  délits,  l'ont  obligé  à  régler 
différemment  la  punition  de  l'esclave  et  celle  de  l'homme  libre. 
Déjà,  d'après  le  droit  des  XII  Tables,  l'espèce  la  plus  grave  du 
vol  entraîne  la  servitude  pour  la  personne  libre  et  la  peine  de 
mort  pour  l'esclave  (III  p.  oo)  ;  l'état  de  nos  sources  ne  nous 
permet  pas  de  suivre  suffisamment  les  détails  de  celte  diffé- 
rence de  traitement  ;  cependant  nous  voyons  dans  le  droit 
pénal  de  la  dernière  période,  comme  nous  l'avons  montré  dans 
le  Livre  IV  à  propos  des  différents  délits  (i)  et  comme  nous 
l'exposerons  bientôt  dans  un  tableau  synoptique,  que  pour 
beaucoup  de  délits  la  peine  se  modifie  et  s'augmente  toujours 
lorsqu'ils  sont  commis  par  des  esclaves  (2).  Cette  aggravation 
progressive  de  la  différence  de  traitement  entre  la  personne 
libre  et  l'esclave  se  manifeste  par  exemple  dans  les  formes 
d'exécution  de  la  peine  de  mort  :  le  crucifiement  qui  fut  à 
l'origine  le  mode  général  d'exécution  «  d'après  la  coutume 


(1)  Meurtre  (II  p.  348  n.  2  et  p.  368  sv.);  castration  (II  p.  355  n.  1)  ;  sé- 
dition (II  p.  379  n.  o);  délits  en  matière  do  testaments  et  de  monnaie  (II 
p.  397  n.  1  et  p.  400  n.  7);  adultère  (II  p.  340  n.  5  et  p.  419  n.  2);  pédé- 
rastie (II  p.  432  n.  G);  vol  (III  p.  55  n.  l);  plagium  (III  p.  92  n.  3);  in- 
jure (III  p.  116  n.  1). 

(2)  Callistrate,  Dig.,  48,  19,  28,  16  :  majores  noslri  in  omni  supplicio  sève- 
iHus  servos  tjuam  liberos  ...  ■punierunl.  Ulpien,  Dig.,iS,  19,  1,  1  :  si  servus 
crimen  commiserit,  deinde  libertatem  conseciilus  dicelur,  eam  poenain  sustinere 
débet,  quam  sustinerel,  si  tune  sefitenliam  passus  fuisset,  ciim  deliquisset.  48, 
19,  16,  3. 


INÉGALITÉ    DE   RÉPRESSION    ET    FIXATION   DE    LA    PEINE    391 

des  ancêtres  »  est  devenu  plus  tard  le  mode  d'exécution  des 
esclaves. 

Au  contraire,  le  principe  de  l'égalité  devant  la  loi  pénale  a      Egalité 
été  observé  d'une  façon  absolue  à  l'époque  républicaine  vis-à-  homme" nbrls 
vis  des  citoyens  libres.  Naturellement,  on  rencontre  à  Rome,     »  lépoque 

républicaine. 

et  ici  peut-être  avec  une  force  particulière,  l'inconvénient  que 
tout  Etat  doit  éviter  et  auquel  il  ne  peut  jamais  complètement 
se  soustraire  consistant  en  ce  que  la  même  condamnation  pro- 
noncée pour  le  même  délit  atteint  les  individus  plus  ou  moins 
sensiblement  suivant  leur  situation  sociale;  mais  aucune  loi 
républicaine  ne  fait  de  distinction  entre  les  différentes  catégo- 
ries de  citoyens. 

Sous  le  Principal,  on  voit  apparaître  entre  citoyens  une  dif-     inégalité 

P'  •    .•  1  ^         11  1         •  1  .         luridique  enire 

lerenciation  analogue  a  celle  que  nous  venons  de  signaler  entre  citoyens  sous 
hommes  libres  et  esclaves.  Elle  se  fonde  sur  la  création  faite   i-^  ^''ncipat. 
par  Auguste  d'une  double  noblesse:  la  noblesse  héréditaire     (1033) 
des  sénateurs  de  l'empire  et  la  noblesse  personnelle  des  che- 
valiers romains,  et  sur  l'opposition  qui  en  est  résultée  entre  ces 
classes  privilégiées  et  le  reste  du  peuple,  c'est-à-dire  suivant 
l'usage  du  langage  à  l'époque  impériale  entre  Culerque  ordo 
et  la  plebs  {{.).  La  liste  des  personnes  privilégiées  s'est  d'ail- 
leurs allongée  lorsqu'on  l'a  utilisée  dans  les  lois  pénales  ;  elle 
comprend  ici  les  catégories  suivantes  de  personnes  : 

1.  L'ordre  des  sénateurs  de  l'empire  embrasse,  d'après  les     Personnes 
lois  de  l'époque,  non  seulement  les  sénateurs  de  l'empire  eux-    ''sénatrùrs^ 
mêmes,  mais  aussi  leurs  descendants  agnatiqucs  jusqu'au  troi- 
sième degré  et  leurs  épouses  (2). 

2.  Le  cheval  public  a  été  depuis  Auguste   concédé  par  l'em-    chevaliers, 


(1)  L'exposé  détaillé  est  donné  dans  S/.  /?.,  3,  458  sv.  \Dr,  puhl.,  6,  2,  47 
et  sv.]  et  doit  ici  être  supposé  connu.  L'opposition  subsiste  sans  modifi- 
cation jusque  dans  la  dernière  période  ;  l'édit  de  Théodoric  (c.  89)  distin- 
gue encore  les  honesliores  et  les  viliores. 

(2)  St.  R.,  3,  468  [Dr.  puhl.,  6,  2,. 59].  Les  descendants,  issus  de  person- 
nes qui  de  leur  vivant  ont  cessé  d'appartenir  au  sénat  d'empire,  mais 
nés  avant  cet  événement,  continuent,  semble-t-il,  d'appartenir  à  l'ordre 
sénatorial  (l>ifj.,  48,  19,  9,  13). 


392  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

pcrcur  sans  limitation  au  chiffre  maximum  fixé  à  l'époque  ré- 
publicaine. La  concession  était  toujours  à  celte  époque  viagère 
et  non  héréditaire,  elle  avait  surtout  lieu  au  profil  d'officiers 
et  de  fonctionnaires  du  palais.  Il  en  résultait  la  formation  d'une 
noblesse  personnelle,  juxtaposée  à  la  noblesse  sénatoriale  et 
comprenant  surtout  des  fonctionnaires  (1).  L'empereur  Marc 
Aurèle  modifia  cette  institution  à  un  double  point  de  vue  :  il 
introduisit  l'hérédité  jusqu'au  troisième  degré  comme  dans 
l'ordre  sénatorial  (2),  puis  établit  trois  catégories  privilégiées 
de  chevaliers:  les  viri  emineniissi?ni,  les  viri  pcrfectissimi  et 
les  viri  egregii  (3)  jouissant  d'avantages  spéciaux,  non  pas 
en  droit  pénal,  mais  à  d'autres  égards,  notamment  au  point 
de  vue  du  rang.  Cette  division  en  trois  catégories  s'applique 
tout  d'abord  à  certaines  charges  publiques,  mais  elle  consti- 
tue aussi  une  hiérarchie  sociale,  car  le  placement  dans  l'une 
de  ces  catégories  est  concédé  à  vie]et  parfois  aussi  comme  un 
simple  titre,  à  l'instar  de  la  qualité  de  chevalier  (4).  Ces  dif- 
férentes espèces  de  chevaliers  sont  les  honorati,  «  vieux 
fonctionnaires  »,  fréquemment  mentionnés  à  l'époque  posté- 
(1034)  rieure  (o).  A  coté  de  ces  trois  nouvelles  classes,  on  trouve  tou- 
jours les  simples  équités  Romani,  inférieurs  aux  lionorali,  et 
on  ne  les  rencontre  selon  toute  apparence  que  dans  la  ville 
de  Rome  (6). 


(1)  S,l.  R.,  3,  489  sv.  [Dr.  pi/hl.,  C,  2,  84  ot  sv.]. 

(2)  Cod.,  9,  4i,  11.  St.  R.,  3,  56!j  [Dr.  puhl,  6,  2,  176]. 

(3)  SI.  R..  3,  565  [Dr.  piibl.,  6,  2,  176]. 

(4)  Plus  tard,  cela  a  lieu  le  plus  souvent  dans  la  forme  de  l'honora- 
riat,  c'est-à-dire  dos  honorarii  codicilll  (C.  Th.,  6,  22,  1)  ou  de  Vlionoraria 
comitiva  (C  Th.,  12,  1,  150  =  C.  Just  ,  10,  32,  47). 

(5)  Aux  Dif/..  47,  20,  3,  2.  48,8,  16  in  honore  aliquo  posUi  ou  D/r/.,  48,  8,  1,  5 
in  aliqua  dujnitale  posilus  ;  chez  Dioclétien,  Coll.,  15,  3,  7  et  dans  la  suite 
on  trouve  constamment  honorali.  C.  Th.,  12,  12,  13  :  viriquos  emeritos  honor 
a  plèbe  secernil  provhicialii(m.  14,  12,  1  :  honorali  seu  civilium  seu  mililarhim 
diqnitalum.  6,  35,  9.  12,  1,  4.  C.  Th.,  6  22,  1  montre  que  l'expression  ho- 
norali est  une  forme  abrégée  pour  désigner  les  perfectissimi  et  les  egregii 
(le  terme  d'eminentissiyni  se  rencontre  rarement;  car  il  est  réservé  aux 
préfets  du  prétoire). 

(6)  C.  Th.,  6,  36,  1  :  équités  romani,  qi/os  seciindi  gradiis   in  iirhe  omnium 


INÉGALITÉ    DE   RÉPRESSION    ET    FIXATION    DE    LA    PEINE    393 

3.  Les  soldats  (1)  ainsi  que  les  vétérans  et  leurs  enfants  sont      soldais 
cités  entre  la  catégorie  précédente  et  la  suivante  (2). 

4.  Il  faut  enGn  mentionner   ici  les  décurions  (3)  des  cités     décurions. 
de  Tempire.   De  même  que  dans  l'empire  on   oppose  Vuler- 

que  ordo  au  reste  de  la  population,  à  la  plehs,  dans  chaque 
ville  de  l'empire  on  distingue  Vordo  —  il  n'y  en  a  ici  qu'un 
seul  —  du  reste  de  la  population  de  la  cité  qu'on  appelle /;/e6.ç. 
Les  privilèges  de  droit  pénal  ont  été  étendus  à  ces  décurions, 
vraisemblablement  dès  le  début  de  l'empire  (4),  et  ont  égale- 
ment été  accordés  à  leur  descendance  (o).  Les  décurions  occu-     (1035) 


volumiis  ohlinere  dignilalem  ou  d'après  la  rédaction  du  C.Jiist.,  12,  31,  1  : 
équités  Romanos  secundinn  r/radum  post.  clarissimalus  dignilafem  obtinere  ju- 
bemus.  En  outre,  chez  Cyprien,  Ep.,  80  :  senatores  et  egvegii  viri  et  équités 
Romani  dignilnte  amissa  etiam  bonis  spolientur  cl  Dig.,  48,  8,  Ifi  (texte  que 
j'ai  tout  à  fait  mal  compris  dans  mon  édition  des  Dig.)  :  in  honore  aliquo 
positi  dpportari  soient,  qui  secundo  gradu  sunt,  capile  puniuntur  :  facilius 
hoc  in  decuriones  fieri  potest,  où  se  manifeste  nettement  que  les  équités  ro- 
mani occupent  une  situation  intermédiaire  entre  les  honorati  et  les  decu- 
riones. C.  Th.,  2,  n,  1,  2.  13,  5,  16.  Cod.  Just.,  5,  4,  10  ;  partout  ces  équités 
sont  mentionnés  dans  une  étroite  connexité  avec  Rome,  ce  qui  explique 
qu'il  soit  si  rarement  question  de  cette  classe. 

(1)  Dig.,  49,  10,  3,  1.  Ces  privilèges  disparaissent  en  cas  de  désertion 
(Dig.,  49,  -16,  3,  10.  1.  7.) 

(2)  Marcien,  Dig.,  49,  18,  3  :  velcranis  (c'est-à-dire  à  ceux  de  Varmala  mi- 
litia,  non  aux  palatini)  et  liberis  veteranorum  idem  honor  habetur  qui  et  decu- 
rionibus.  Dans  la  constitution  de  334  (C.  Th.,  7,  20,  1),  les  vétérans  de  Var- 
mata  militia  sont  placés  après  les  sénateurs,  les  honorati  et  les  magistrats 
appartenant  à  l'ordre  équestre,  mais  avant  les  décurions. 

(3)  Le  principalis  souvent  mentionné  avec  le  decurio  (C.  Th.,  1,  6,  1.  12, 
1,  83,  C,  Just.,  10,  32,  3)  est  un  chef  de  VOrdo  (C.  Th.,  1,  13,  7,  2), 

(4)  Le  fait  que  d'après  la  loi  Visellia  de  l'an  24  ap.  J.-G.  le  jus  aureorum 
anulorum  confère  au  moins  nominalement  à  l'affranchi  l'ingénuité  requise 
pour  le  décurionat  (C.  Just.,  9,  21,  1)  permet  de  conjecturer  qu'à  cette 
époque  le  déciirion  était  déjà  mis  à  d'autres  égards  sur  le  même  rang 
que  le  chevalier  romain.  L'hérédité  du  décurionat,  qui  n'est  pas  un  co- 
rollaire nécessaire  de  ce  privilège,  mais  qui  repose  cependant  sur  le 
transfert  aux  curies  municipales  des  règles  en  vigueur  pour  le  sénat 
d'empire  (St.  R.,  3,  466  [Dr.  puh/.,  6,  2,  56]),  remonte  sans  doute  aussi  au 
début  de  l'Empire. 

(3)  Dig.,  28,  3,  6.  7.  48,  19,  9,  12  —  15.  Ces  textes  n'indiquent  pas  de 
degré  au-delà  duquel  ces  privilèges  cessent;  par  contre,  il  est  dit  ex- 
pressément que  ces  privilèges  s'étendent  aux  ascendants  des  décurions 
(1.  9  I  12  cit.). 


et  plebeii. 


droit  pénal. 


394  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

pent  UQ  rang  inférieur  à  celai  des  honorai i  {i)  et  des  équités 
Romani  (2),  mais  proche  du  leur  (3). 

Bonestiores  Ccs  privilégiés  sont  ordinairement  désignés  dans  le  langage 
technique  comme  personnes  de  condition  ou  honestiores  (4)  ; 
on  leur  oppose  les  autres  personnes  libres  sous  le  nom  tantôt 
de  plebeii  {^),  tantôt  d'humiliores  (G),  tanlùt  de  tenuiores  (7). 
La  fortune  et  l'instruction  ne  donnent  aucun  rang  privilé- 
gié (8).  Les  deux  catégories  sont  si  nettement  distinguées 
que  les  honestiores  peuvent  être  dégradés  et  mis  au  rang  des 
plebeii  (9). 

privuèges  du  Les  privilèges  dont  jouissent  en  droit  pénal  les  personnes 
de  condition  (10)  et  pour  l'application  desquels  on  s'attache 

(1)  C.  Th.,  7,  13,  7,  2  :  senalor,  honoraliis,  piincipalis,  decurio  vel  plebeius. 
C.  Th.,  16,  2,  43  :  honoratl,  decuriones,  possessores,  coloni.  C.  Th.,  7.  C,  1  : 
honorati  eiprincipales.  Le  curialls  obtient  l'honorariat,  r/io«orana  comitiva  : 
C.  Th.,  12,  i,  150  =  C.  JiisL,  10,  32,  47, 

(2)  La  gradation,  d'après  laquelle  une  condamnation  à  mort  peut,  en  cas 
de  procès  de  meurtre,  être  prononcée  contre  Veques  Romanus  et  encore 
plus  contre  le  decurio,  est  exprimée  par  Modestin,  Diij.,  48,  8,  16  (cpr.  III 
p.  392  n.  6). 

(3)  C.  Th.,  8,  11,  1  :  viri  per  provhicias  emerilo  jam  lionove  poUenles,  prae- 
lerea  curiales,  guos  his  f/radas  Iioiiore  .  .  convenit  esse  finiiimos. 

(4)  Telle  est  l'expression  employée  constamment  et  exclusivement  par 
Paul.  Elle  se  trouve  aussi  chez  Gallistrate,  Dk/.,  48,  19,  28,  2  ;  mais  ce 
même  jurisconsulte  parle  aux  Dig.,  47,  21,  2  de  splendidiores;  Ulpien,  Coll., 
11,  8,  3  honestiore  loco  nali  ;  Coll.,  12,  5,  1  =  Dig.,  47,  9,  12,  1,  m  aliquo 
gradu;  Marcien,  Dig.,  48,  8,  3,  5  :  honestiore  loco  posili.  C.  Th.,  7,  18,  1  :  su- 
perioris  cujitscumque  loci  vel  dignitalis.  —  Pline,  Ep.  ad  TraJ.,  distingue 
déjà  les  hqiiestorinn  hornimim  liberi  de  la  plebs  ;  les  honesU  homines  sont 
vraisemblablement  ici  les  décurions. 

(.5)  Plebeius  par  opposition  à  decurio  Dig  ,  22,  5,  3,  pr.  48, 19,  9,  14.  l."!.  £,0, 
4,  7,  pr.  Cod.,  1,  55,  5. 

(6)  11  en  est  ainsi  fréquemment  chez  Paul;  même  expression  chez  Ul- 
pien Dig.,  47.  11,  6  pr.  Cod.  Th.,  1,  18,  1.  —  Uumiliore  loco  :  Coll.,  12,  5,  1  = 
Dig..  47,  9,  12,  1;  même  expression  chez  Hermogénien,  Dig.,  47,  10,  45. 

(7)  Dig.,  48,  19,  28.  2.  Cad.  Th.,  8,  11,1. 

(8)  On  peut  citer  comme  exemple  caractéristique  en  ce  sens  la  condam- 
nation sous  Domitien  du  philosophe  Flavius  Archippus  à  la  peine  des 
mines  (Pline,  Ad  Traj.,  58-60). 

(9)  C.  Th.,  6,  22,  1  :  rejeclus  in  plebem.  8.  M,  1.  9.  27,  1.  tit.  45,  5.  On  a 
dft  recourir  à  la  dégradation,  lorsque,  ce  qui  a  été  certainement  assez 
fréquent,  une  personne  de  condition  devait  être  soumise  à  une  peine  plé- 
béienne, par  exemple,  lorsqu'un  decurio,  pour  lequel  la  déportation  pa- 
raissait une  répression  inconvenante,  était  envoyé  dans  les  mines. 

(10)  Punition  pro  qualitale  dignitalis  :  Paul,  5,  22,  1  ;  sccundum  suam  di- 


INÉGALITÉ    DE    RÉPRESSION    ET    FIXATION    DE    LA    PEINE    395 

à  l'époque  du  délit  et  noQà  celle  de  la  condamnation  (1)  sont,  (1036) 
dans  les  ouvrages  juiidiques,  surlout  mentionnés  à  propos  des 
décurions,  La  raison  principale  en  est  que  ceux-ci  constituent 
la  classe  inférieure  des  privilégiés,  de  telle  sorte  que  les  clas- 
ses supérieures  jouissent  au  minimum  de  ces  avantages.  L'as- 
similation absolue  des  différentes  catégories  est  déjà  rendue 
impossible  par  ce  fait  que  les  privilèges  leur  compétant  sont 
souvent  plus  étendus  que  ceux  que  nous  avons  indiqués;  tou- 
tefois ou  peut,  en  droit  pénal,  comme  la  législation  le  montre 
partout,  fixer  leurs  limites  avec  assez  de  certitude.  La  peine 
de  mort,  d'après  une  constitution  d'Hadrien,  ne  doit  atteindre 
le  décurion  qu'en  cas  de  parricidiiim  (2)  —  on  peut  bien  ajou- 
ter abstraction  faite  du  crime  de  lèse-majeslé  ;  cette  règle  ne 
fut  pas  maintenue  lors  de  l'aggravation  postérieure  des  peines, 
mais  le  gouverneur  de  province  reçut  l'ordre  de  n'exécuter 
cette  peine  contre  les  personnes  de  condition,  abstraction  faite 
des  cas  de  nécessité,  qu'après  avoir  obtenu  une  confirmation 
de  la  sentence  par  l'empereur  (3).  Ces  classes  privilégiées 
sont  en  outre  exemptes  de  l'exécution  de  la  condamnation  à 
mort  dans  la  forme  du  crucifiement  (III  p.  2.oo  n.  4)  ou  au 
cours  d'une  fête  populaire  (III  p.  265  n.  2);  de  la  peine  des 


gnitatem  :  Ulpien,  Dig.,  47,  11,  10  ;  pro  personae   ejus  condicione  :  Paul,  5, 
23.  10. 

(1)  Cette  règle  s'applique  à  la  catégorie  des  esclaves  (Ulpien,  Dig.,  48, 
19,  1,  1.  (III  p.  390  n.  2;  Paul,  5,  23,  1  :  servi  postve  [ms.  post]  admissum  ma- 
junnissi  capite  puniuntur)  et  à  celle  des  plebeii  [Dig.,  48,  19,  1,  pr.). 

(2)  Dig.,  48,  19,  13  (III  p.  285  n.  1);  de  même  Marc-Aurèle  :  Dig.,  48, 
22,  6,  2. 

(3)  Le  principe  est  formulé  par  Dion,  52,  22;  abstraction  faite  des  sol- 
dats, la  juridiction  sur  les  particuliers  ne  doit  pas,  en  cas  d*  crime  capi- 
tal ou  infamant  d'une  personne  de  condition  (Ttôpl  twv  tSiwxûv  twv  irap' 
IxâçToi;  irpwTwv),  être  exercée  par  le  gouverneur  de  province,  mais  être 
réservée  à  l'empereur.  La  consultation  de  l'empereur,  requise  en  cas  de 
condamnation  d'une  personne  appartenant  à  l'ordre  des  décurions,  est 
mentionnée  aux  Dig.,  28,  3,  6,  7.  48,  8,  16.  tit.  19,  1.  27.  1.  2  (où  il  est 
aussi  fait  allusion  aux  principales).  49,  4,  1,  pr.  On  ne  distingue  pas  tou- 
jours la  demande  de  confirmation  impériale  exigée  en  cas  de  condam- 
nation à  mort  à  raison  de  la  condition  du  délinquant  et  la  demande  du 
même  genre  requise  pour  le  cas  de  déportation  (III  p.  323). 


396  DROIT    PÉNAL   ROMAIN 

raines  (! II  p.  2i).j  ii.  1)  et  des  travaux  forcés  (III  p.  297  n.  3); 
de  la  correction  (HT  p.  334  n.  2.);  de  la  torture  dans  la  pro- 
cédure de  la  preuve  (II  p.  82). 

L'inégalité  légale  de  répression  entre  l'homme  libre  et  l'es- 
clave est  aussi  vieille  que  Rome.  La  même  inégalité  entre  le 
noble  et  le  simple  citoyen  ne  date,  comme  nous  l'avons  déjà 
fait  remarquer,  que  d'x\uguste  et  de  Tibère:  le  premier  sup- 
prima le  résultat  de  la  lutte  des  classes,  c'est-à-dire  l'égalité 
des  citoyens  devant  la  loi,  on  introduisant  une  double  noblesse: 
l'une  héréditaire,  l'autre  personnelle  ;  le  second  donna  à  la  dis- 
tinction des  nobles  et  des  plébéiens  une  certaine  importance 
en  droit  pénal,  lorsqu'il  restreignit  à  ceux-ci  l'application  de  la 
peine  des  travaux  forcés.  Toutefois,  le  système  inauguré  par 
(1037)  eux  ne  reçut  son  complet  développement  qu'à  l'époque  posté- 
rieure; il  faut  notamment  citer  comme  ayant  principalement 
contribué  à  séparer  nettement  les  deux  catégories,  les  pres- 
criptions de  l'empereur  Marc-Aurèle  sur  l'emploi  de  la  tor- 
ture (Il  p.  82). 


Letrèsancien      La  fixatlou  dc  la  peluo   par  le  juge,  c'est-à-dire  le  pouvoir 

pls'iaVIaUon  ^u  jugc  dc  choisi r  cutro  différentes  sortes  ou  entre  différents 

de  la  peine    {r^^x  de  peiues,  cst  nécessaire  au  système  de  la  coercition  dont 

par  le  juge.      ,,...,,.  n        ,      i  •  ,  .    . 

1  instilulion  la  plus  importante,  celle  de  la  peine  pécuniaire, 
a  reçu  son  nom  de  la  faculté  qu'a  le  magistrat  de  l'augmenter 
à  volonté,  mais  elle  est  tout  à  fait  contraire  à  l'esprit  du  droit 
pénal  originaire.  Celui-ci  ne  connaît  ni  les  peines  alternatives, 
entre  lesquelles  le  juge  peut  choisir  à  son  gré,  ni  les  peines 
variables,  qui  donnent  lieu  dans  chaque  cas  particulier  à  une 
fixation  plus  précise  par  la  condamnation;  dans  ce  système 
pénal,  il  n'y  a  Jamais  lieu  à  la  fixation  de  la  durée  d'une  peine 
et  le  taux  de  la  peine  pécuniaire  y  est  lié  ou  à  la  valeur  d'une 
chose  ou  à  un  chiffre.  C'est  pour  cela  que  la  forme  du  juge- 
ment piraît  surtout  consister  dans  la  constatation  du  délit 
(II  p.  127),  tandis  que  la  peine  résulte  de  cette  sentence 
comme  une  conséquence  nécessaire. 


INÉGALITÉ   DE    RÉPRESSION    ET    FIXATION    DE    LA    PEINE    397 

Le  môme  principe  a  vraisemblablement  dû  dominer  sans  Pouvoir  du  juge 

. .         ,  ,1  »        1  11-  ...  .    ,  de  fixer  la  peine 

exception  la  procédure  pénale  publique  originaire  ;  ni  le  pro-       jans  lâ 
ces  de  perduellion  devant  les  duumvirs,  ni  le  procès  de  parri-     procédure 

plébéienne 

cidium  devant  les  questeurs  n  ont  du  comporter  d'autre  sen-     publique, 
tence  qu'un  acquittement  ou  qu'une  condamnation  à  morl.  11 
est  possible  que  l'époque  et  la  forme  de  l'exécution  aient  tou- 
jours dépendu  tout  à  la  fois  de  la  coutume  et  du  bon  plaisir  du 
magistrat,  néanmoins  le  choix  par  exemple  entre  la  croix  et 
le  bijcher  pour  l'application  de  la  peine  capitale  ne  peut  pas 
être  considéré  comme  donnant  à  la  peine  le  caractère  alterna- 
tif. Par  contre,  les  sources  nous  présentent  le  procès  pénal  plé- 
béien comme  ayant  comporté  de  tout  temps  un  certain  pouvoir  . 
arbitraire  au  profit  du  magistrat  qui  agit;  c'est  de  l'organisa- 
tion constitutionnelle  de  la  plèbe  qu'est  issu  le  pouvoir  pour 
le  juge  de  fixer  la  peine:  le  tribun  de  la  plèbe  a  le  choix  entre 
le  procès  capital  et  le  procès  d'amende  et  ce  dernier  entraîne 
nécessairement  la  faculté  de  fixer  arbitrairement  le  taux  de  la 
peine.  Sans  aucun  doute  le  procès  tribunicien  de  reddition  de 
compte  s'est  déroulé  dans  ces  formes  après  la  fin  des  luttes  de 
classes  et  le  procès  pénal  édilicien  n'en  a  pas  connu  d'autres. 
Mais  nos  sources  ne  sont  pas  probantes  pour  l'époque  primitive. 
Peut-être,  à  partir  de  l'époque  oii  la  lutte  des  patriciens  et  des 
plébéiens  eut  fait  l'objet  d'une  réglementation,  y  eut-il  deux 
procès  capitaux  :  l'un,  celui  des  patriciens,  avec  une  sentence 
rendue  par  un  magistrat,  l'appel  aux  comices  et  l'exécution 
par  un  magistrat  ;  l'autre,  celui  des  plébéiens,  avec  une  sen- 
tence rendue  par  les  tribuns  de  la  plèbe,  c'est-à-dire  par  des     (1038) 
non  magistrats,  avec  appel  au  concilium  plebis  et  exécution 
par  le  tribun  de  la  plèbe  ou  par  une  invitation  aux  plébéiens 
d'assurer  l'application  de  la  sentence.  La  loi  des  XII  Tables  a 
réservé  aux  centuries  la  dernière  instance  dans  les  procès  ca- 
pitaux et  a,  semble-t-il,  réalisé  cette  réforme  par  voie  do  com- 
promis en  laissant   la  connaissance  en   première  instance  de 
ces  affaires  aux  magistrats  patriciens  et  aux  chefs  do  la  plèbe  ; 
mais  les  fragments  qui  nous  sont  parvenus  de  cet  ancien  code 
sont  muets  sur  le  procès  d'amende  tribunicien.  Il  est  possible 


398  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

que  celte  loi  ait  expressément  ou  tacitement  admis  ce  dernier 
à  côté  de  l'action  capitale.  Mais  nous  avons  déjà  exposé  dans 
la  Section  précédente  (III  p.  309)  que  le  procès  d'amende,  lors- 
que fut  faite  la  loi  des  XII  Tables,  n'existait  pas  encore  ou  du 
moins  n'avait  pas  encore  récusa  plénitude  d'application.  A  l'é- 
poque postérieure  seulement,  peut-être  peu  de  temps  après, 
l'action  d'amende  que  la  loi  ne  prohibait  ni  ne  renvoyait  aux 
centuries,  se  présenta  comme  forme  plus  douce  du  procès  po- 
litique. Cette  reforme  se  réalisa  par  réaction  contre  l'action 
capitale  qui  compélait  légalement  aux  tribuns,  elle  fut  opérée 
peut-être  par  une  prescription  légale,  plus  vraisemblablement 
(111  p.  3G0  n.  4)  par  l'arbitraire  des  tribuns. 
pouvoirdu  juge  Le  droit  pénal  privé  de  la  loi  des  XII  Tables  n'admet  pas 
'danl'ie'd^Jir  ^^  fixalioti  dc  la  peine  par  le  juge.  La  valeur  delà  chose,  c'est- 
privédeia     à-djre  l'iiidemnilédu  préjudice   en  cas  de  délit  privé,  est  une 

République. 

notion  objective  fixe  et  le  calcul  de  cette  valeur  n'est  pas  une 
fixation  de  la  peine  par  le  juge.  Lorsque  cette  notion  de  valeur 
de  la  chose  est  insuffisante  ou  ne  peut  être  utilisée  pour  l'éta- 
blissement de  la  peinelégale^  le  législateur  faitlui-mème  cette 
fixation  arbitraire  inévitable,  soit  qu'il  impose  comme  répres- 
sion un  multiple  de  la  valeur  delachose  ou  celle-ci  plus  tout 
autre  supplément,  soitqu'il  fixe  létaux  de  la  peine  pécuniaire 
sans  se  préoccuper  de  la  valeur  de  la  chose.  Sur  ce  terrain  du 
droit  privé  la  fixation  dc  la  peine  par  le  juré  se  rencontre 
certainement  à  l'époque  postérieure  h  celle  des  .VII  Tables  et 
est  sans  doute  apparue  pour  la  première  fois,  lor>qu'on  a 
reconnu  la  nécessité  de  modifier  les  dispositions  de  cette  loi 
relatives  à  l'injure.  La  taxation  parle  magistrat  ou  par  le  de- 
mandeur qu'on  trouve  dans  le  nouveau  régime  de  répression 
de  l'injure  nous  montre  un  effort  fait  pour  restreindre  Varbi- 
trium  du  juge,  en  réalité  elle  ne  fait  que  le  déplacer.  En  de- 
hors de  l'action  d'injure,  Varbitriiun  du  juge  a  eu  bien  peu  à 
s'exercer  dans  les  actions  délictuellcs  privées  de  la  République. 
Les  lois  sur  les  iy?/^/^,<;//o»r<f  suivent  aussi  à  cet  égard  les  [prin- 
cipes du  droit  privé  ;  lorsque  les  notions  de  temps  et  d'argent 
apparaissent  dans  leurs   })rcscriptions  pi'nales,  elles  s'y  pré- 


INÉGALITÉ   DE   RÉPRESSION    ET    FIXATION    DE    LA   PEINE    399 

sentent  toujours  sous  la  forme  d'une  fixation  de  la  durée  et  du 
montant  de  la  peine. 

Sous  le  Principal,  au  contraire,  le  pouvoir  du  juge  de  fixer 
la  peine  domine  de  plus  en  plus  l'action  pénale  publique  ou 
prive'e  et  a  complètement  faussé  l'application  du  droit  positif.  (1039) 
Les  deux  tribunaux  les  plus  élevés,  celui  des  consuls  et  du  s6-  Fisaiion 
nat  et  celui  de  l'empereur,  ont,  d'après  les  théoriciens  du  droit  par^ie^'jugnn 
eux-mêmes,  la  faculté  d'atténuer  ou  d'augmenter  à  leur  gré  les  firo'i impé"ai. 
peines  légales  (1),  et  dans  la  pratique  ils  ont,  surtout  le  second 
d'entre  eux.  fait  de  ce  pouvoir  uu  usage  trop  fréquent.  Les 
cours  judiciaires  qui  doivent  leur  existence  à  une  délégation 
impériale  jouissent  nécessairement,  quoique  dans  une  mesure 
moindre,  de  celte  indépendance  vis-à-vis  des  lois.  Tel  est  no- 
tamment ie  cas  pour  les  préfets  de  la  ville,  dont  lacompéf.encc 
à  proprement  parler  administrative  se  substitue  de  plus  en 
plus  à  celle  des  préteurs  de  Rome,  et  en  grande  partie  aussi 
pour  les  cours  des  gouverneurs  de  province.  Quant  aux  diffé- 
rentes sortes  de  peines,  il  faut  d'abord  remarquer  que  la  re- 
légation, dont  la  durée  en  tant  que  moyen  de  coercition  avait 
été  de  tout  temps  normalement  fixée  dans  chaque  cas  parti- 
culier, a  gardé  ce  caractère  arbitraire  en  passant  dans  le  do- 
maine de  la  juridiction.  La  môme  remarque  s'applique  au 
point  de  vue  de  la  durée  à  la  peine  récente  des  travaux  forcés. 
Eu  outre,  le  vaste  travail  d'aggravation  des  peines  et  plus  par- 
ticulièrement l'extension  du  cbamp  d'applicalion  do  la  peine 
de  mort,  qui  eurent  lieu  au  m®  siècle,  furent  réalisés  avec 
tant  d'imprécision  que  ce  fut  justement  pour  les  peines  les 
plus  graves  que  Yarbitrium  du  juge  fut  le  moins  délimité.  Le 
remplacement  du  système  de  fixation  légale  des  peines  par 
celui  de  la  détermination  arbitraire  du  juge  a  été  provo([ué  et 
dans  une  certaine  mesure  motivé  moins  par  le  changement  des 
conditions  de  la  vie  que  par  la  désuétude,  vraisemblablement 
déjà  très  avancée  sous  la  République,  des  délits  privés  et  sur- 


(l)  Pline,  Ep.,  i,  9,  17  :  aenatid  .  .  .  licet  et  mitigare  leges  et  inlendere.  Ex- 
posé plus  détaillé  ;  I  p.  296.  306  sv. 


400  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

tout  de  ceux  contre  la  propriété,  et  par  l'arrêt  total  de  toute 
activité  législative  (I  p.  loU).  Le  passage  indispensable  de 
la  plupart  de  ces  délits  privés  dans  la  procédure  pénale 
publique  s'est  réalisé  par  l'intervention,  sous  la  pression  des 
circonstances,  des  autorités  et  môme  du  monarque  dans  les  cas 
les  plus  graves  et  par  l'application  des  décisions  ainsi  ren- 
dues à  des  cas  plus  ou  moins  analogues  en  qualité  de  précé- 
dents judiciaires  obligatoires.  Ces  décisions  étaient  peu  suscep- 
tibles de  faire  de  la  part  des  théoriciens  du  droit  l'objet  d'un 
travail  de  simplification  et  de  systématisation  ;  ainsi  naqui- 
rent ces  catégories,  peu  honorables  pour  la  science  du  droit  et 
sans  valeur  scientifique,  qui  se  présentent  dans  les  sources 
juridiques  sous  le  nom  de  délils  extraordinaires  (I  p.  22i 
sv.).  Pour  ceux-ci,  nous  n'avons  pas  une  délimitation  ferme 
(1040)  des  notions  des  différents  délits  et  encore  moins  un  taux  de 
peine  arrêté;  tout  ce  que  nous  trouvons  à  cet  égard  dans  les 
manuels  juridiques  et  même  dans  des  constitutions  impéria- 
les (1)  n'a  au  fond  que  la  valeur  d'indications  directrices  don- 
nées diW  jiidex  pour  l'exercice  de  son  arbitrhim  (2)  et  elles  sont 
souvent  si  imprécises,  qu'elles  pourraient  tout  aussi  bien  faire 


(1)  Des  textes  innombrables  qui  peuvent  être  cités  ici  nous  ne  voulons 
retenir  que  deux.  Hadrien  (Coll.,  11,  7  z=  Di(j.,  47,  14,  1),  consulté  par 
le  consiliuin  de  Bétique  sur  les  mesures  à  prendre  pour  remédier  aux 
vols  de  bestiaux  si  fréquents  dans  cette  province,  répond  que  ce  délit  est 
ordinairement  réprimé  par  les  travaux  forcés  à  temps  ou  à  perpétuité, 
mais  qu'il  donne  parfois  lieu  à  une  condamnation  à  mort,  lorsque  la  fré- 
quence de  ces  vols  réclame  une  répression  plus  énergique  ;  l'empereur 
ajoute  que  la  peine  de  mort  pourrait  être  infligée  en  Bétique,  à  moins 
(ju'on  nu  préfère  appliquer  la  peine  des  mines  (la  proposition  de  cette 
dernière  peine  pour  les  cas  particulièrement  graves  est  manifestement 
une  erreur  de  rédaction,  comme  le  remarque  Ulpien  lui-même).  —  Cons- 
tantin (Cod.,  6,  1,3)  donne  Tordre  de  punir  l'esclave  qui  s'enfuit  en  pays 
ennemi  soit  en  lui  faisant  couper  un  pied,  soit  en  le  condamnant  aux  tra- 
vaux des  mines,  soit  en  lui  infligeant  telle  autre  peine  qui  paraîtra  con- 
venaitle  [qualibel  alia  poena.) 

(2)  Par  exemple  pour  la  punition  de  ceux  qui  provoquent  dos  trouilles 
au  théâtre  Dif/..  48,  J9,  23,  3  ;  pour  le  vol  avec  elTraction  :  Du/.,  47,  18,  1,  2, 
où  il  y  a  comme  chez  Paul,  5,  4,  17  et  aux  Dig.,  47,  20,  3,  2  une  fixation 
très  compréhensible  de  maximum. 


INÉGALITÉ  DE    RÉPRESSION    ET    FIXATION   DE    LA    PEINE    401 

défaut,  ce  qui  d'ailleurs  n'est  pas  rare  (1).  Sans  doute,  la  loi 
pénale  demeure  à  cette  époque  obligatoire  pour  l'autorité  judi- 
ciaire. La  conjecture,  d'après  laquelle  dans  la  dernière  période 
tout  juge  répressif  aurait  eu  la  faculté  de  condamner  non  à  une 
peine  supérieure,  mais  à  une  peine  inférieure  à  celle  établie 
par  la  loi,  doit  être  absolument  rejetée  (2)  ;  le  droit  de  s'écarter 
de  la  loi  pénale  est  toujours  resté,  comme  le  droit  de  grâce, 
un  privilège  des  organes  souverains  de  l'Etat  et  toute  autre 
autorité  ne  peut  dans  sa  sentence  s'écarter  de  la  loi  pénale 
qu'avec  l'autorisation  de  ces  organes  (3).  Mais  en  réalité  sont 
seules  en  vigueur  les  lois  pénales  qui  ayant  eu  un  carac- 
tère obligatoire  à  leur  origine  l'ont  gardé  pleinement  dans  (1041) 
la  suite;  tel  n'est  pas  le  cas  dans  la  dernière  période  pour  la 
plupart  des  lois  fondamentales  de  l'époque  de  Sylla  et  d'Au- 
guste. La  disparition  complète  de  la  «  procédure  ordinaire  » 
(I  p.  22())  ne  pouvait  pas  s'opérer  sans  réagir  sur  le  fond 
même  du  droit  ;  si  les  prescriptions  des  anciennes  lois  établis- 


(1)  Paul,  5,  3,  1.  lit.  4,  o.  16.  D'uj.,  48,  10,  27,  2.  lit.  19,  37.  Cocl.  Theod., 
13,  0.  37.  16,  8.  5.  9. 

(•2)  Par  exemple,  il  est  dit  dans  une  loi  do  Thcodose  II  contre  les  héréti- 
ques C.  Th.,  16,  5,  65,  6)  :  nulli  judicum  liceat  delatum  ad  se  crimen  minori 
aut  nulli  coercilioni  mandare,  nisl  ipse  id  pati  velit,  quod  aliis  dissimulando 
concesserit.  Il  est  impossible  de  refuser  à  cette  constitution  et  aux  nom- 
breuses autres  constitutions  du  même  genre  le  caractère  de  prescriptions 
juridiquement  obligatoires.  A  vrai  dire,  il  est  dans  la  nature  de  toutgou- 
vernement  arbitraire  que  les  ordres  du  pouvoir  soient  tantôt  considérés 
comme  juridiquement  obligatoires,  tantôt  ignorés;  en  pratique,  des  pres- 
criptions telles  que  celles  que  nous  venons  de  rapporter  ont  été  à  la  lon- 
gue difficilement  appliquées  et  la  peine  établie  pour  le  cas  d'inobservation 
a  vraisemblaldemont  été  d'autant  plus  forte  que  le  danger  de  violation 
était  plus  grand. 

(3)  Le  praefeclus  Urbi  Symmaque,  Ep.,  10,  49  écrit  aux  empereurs  à  pro- 
pos d'un  cas  de  calumnia  :  malui  judicium  de  eo  clementibus  reservare  ;  alla 
est  enim  condirlo  magislratuum,  quorum  covruptas  vldenlur  esse  sententiae,  si 
sint  legibus  miliores,  alia  est  divinorum  principum  potestas,  quos  decet  acrimo- 
niam  severi  juris  inflectere.  L'exactitude  de  cette  remarque  est  confirmée 
par  les  sources  juridiques  {Dig.,  50,  1,  1,  15,  p7\)  ;  le  fait  qu'une  sentence 
prononçant  une  peine  inférieure  au  taux  légal  est  simplement  blâmée, 
mais  non  cassée  (Cod.,  2,  11,  3),  concorde  parfaitement  avec  l'affirmation 
de  Symmaque.  —  De  même,  pour  prononcer  une  peine  supérieure  au  taux 
légal,  il  faut  l'autorisation  de  l'empereur  {Dig.,  48,  10,  31). 

Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  26 


402  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

sant  les  peines  se  maintinrent  dans  une  certaine  mesure 
(I  p.  227  n.  1),  elles  tombèrent  en  désuétude  dans  beau- 
coup de  cas  et  n'y  furent  même  pas  remplacées  par  d'autres 
dispositions  du  même  genre.  Les  constitutions  impériales,  in- 
téressantes pour  le  droit  pénal,  ne  sont  le  plus  souvent  que 
des  décisions  rendues  pour  des  cas  concrets  et  leur  application 
par  voie  d'analogie  ne  peut  rien  avoir  de  rigide.  Par  suite,  les 
règles  de  droit  pénal  contenues  dans  les  ouvrages  juridiques 
de  l'époque  impériale  et  dans  les  compilations  de  Justinien 
n'ont  été  que  des  lignes  directrices  données  aux  tribunaux 
compétents  de  la  dernière  période  ;  les  dispositions  de  l'ancien 
droit  ne  sont  pas  cotnplètement  abolies,  elles  ont  cependant 
cessé  d'être  complètement  obligatoires  et  leur  application  est 
laissée  dans  cbaque  cas  particulier  à  Varbitrhim  du  juge  qui 
a  notamment  la  faculté  d'atténuer  les  peines  qu'elles  pres- 
crivent (1). 
Motifs  Pour  fixer  la  peine  dans  les  limites  de  la  liberté  laissée  par 

qui  influent  sur  ii'i.  y    •  •!  •  -,  .  -,  ,         . 

,a  fixation    ^^  ^^^  le  jugc  SB  laissc  guidcT  cu  partie  par  des  considérations 
de  lapeinepar  tjpj^gg  dc  la  Dossibilité  ct  dc  la  convenance  des  peines,  ce  qui 

le  juge.  ^  r  '  1 


(1)  Ulpien,  Dig.,  48,  19,  13  :  hodie  licet  ei  qui  extra  ordinem  de  crimine  co- 
r/noscil  quam  vult  sententiam  ferre,  vel  graviorem  vel  leviorem,  iia  tamen,  ut 
in  iitroque  moderalionem  non  excédât.  Il  est  possible  qu'on  ne  vise  pas  ici 
la  décadence  générale  des  Judicia  ordinaria  (I  p.  226),  mais  l'opposition 
des  Judicia  ordinaria  et  des  Judicia  extra  ordinem.  Mais  au  fond  la  fixation 
de  la  peine  est  laissée  à  l'appréciation  du  juge,  non  pas  parce  que  la  loi 
a  perdu  sa  force  obligatoire,  mais  parce  que  l'ensemble  des  lois  à  appli- 
quer est  tombé  en  désuétude  dans  une  mesure  incertaine.  Cela  ressort 
très  nettement  de  ce  fait  que  très  fréquemment  les  peines  sont  simplement 
qualifiées  de  peines  usitées  ;cfr.  par  exemple  Paul,  5,  25,  l:poena  legis  Cor- 
neliae  tenelur  et  plerumque  aut  Itumiliores  in  metalluni  dantiir  aut  honeslio- 
res  in  insulam  deportantur.  La  loi  prescrivait  l'interdiction;  mais  cette 
peine  s'ctant  élevée  en  droit  jusqu'à  celle  de  la  déportation  ou  des  tra- 
vaux forcés,  on  condamna  i  ordinairement  »  à  ces  peines;  cela  prouve 
donc  qu'une  autre  peine  pouvait  être  prononcée.  On  conçoit  ainsi  qu'Au- 
guslin,  qui  n'était  pas  versé  dans  la  science  du  droit,  ait  pu  dire  {Ep.  139, 
vol.  2,  p.  420,  éd.  Maur.)  au  magistrat,  auprès  duquel  il  intercédait  pour 
un  criminel  :  soleo  audire  in  poleslate  esse  judicis  mollire  sententiam  et  mitiiis 
vindicare  qnam  juljeanl  leges.  Mais  Augustin  demande  en  outre  au  magis- 
trat, pour  le  cas  où  celui-ci  n'atténuerait  pas  la  peine,  de  solliciter  de 
l'empereur  la  grâce  du  coupable. 


J 


INÉGALITÉ   DE    RÉPRESSION    ET    FIXATION   DE    LA   PEINE    403 

eut  notamment  lieu  pour  l'exécution  dans  une  fêle  populaire, 
pour  la  remise  aux  écoles  de  gladiateurs  et  de  chasseurs  et  (1012) 
d'une  manière  générale  pour  tout  internement  dans  un  établis- 
sement public;  il  s'inspire  aussi  en  partie  de  motifs  d'ordre 
moral,  soit  que  le  juge  tienne  compte  de  la  gravité  morale  de 
la  faute,  soitqu'il  proportionne  la  peine  à  l'effet  àproduire  sur 
le  coupable  ou  sur  le  public.  Toutes  les  indications  d'une  portée 
un  peu  générale  que  contiennent  les  sources  juridiques  ro- 
maines sur  l'élévation  et  l'abaissement  (l)du  taux  des  peines  (2) 
doivent  être  groupées  ici  le  plus  brièvement  possible,  bien 
qu'elles  aient  le  plus  souvent  uncaractère  évident  et  tellement 
général  qu'elles  n'ont  laissé  aucune  trace  vraiment  significa- 
tive de  leur  application  pratique.  Naturellement,  le  droit 
n'exige  pas  qu'on  tienne  compte  dans  chaque  cas  particulier 
des  circonstances  que  nous  allons  indiquer,  mais  en  fait  cela 
eut  lieu  beaucoup  plus  fréquemment  que  ne  le  laissent  entre- 
voir les  œuvres  juridiques. 

1.  La  jeunesse,  lorsqu'elle  ne  supprime  pas  la  responsabilité 
(I  p.  86  et  sv.),  est  une  circonstance  atténuante  (3),  elle  suf- 
fit à  entraîner  l'acquittement,  lorsque  le  dol  requis  pour  le 
délit  repose  non  sur  les  simples  données  de  la  conscience, 
mais  sur  la  connaissance  du  droit,  ce  qui  a  lieu  pour  les  cas 
les  moins  graves  de  l'inceste  (4).  —  On  peut  aussi,  pour  la  fixa- 
tion de  la  peine,  tenir  compte  de  l'âge  au  delà  de  la  limite  de 
la  majorité  (o). 


(1)  En  général  c'est  l'abaissement  qui  est  recommandé.  Dig.,  48,  19,  11, 
pr.  1.  42  et  ailleurs. 

(2)  Des  égards  particuliers,  comme  ceux  qu'avait  par  exemple  Hadrien 
pour  les  condamnés  qui  possédaient  une  nombreuse  famille  (Dion,G9,  23), 
ne  peuvent  jamais  être  consignés  dans  un  e^osé  juridique. 

(Z)Dicr.,  4,  4,  37,  1  :  miseratio  aelatls.  48,  13,  7.  tit.  19,  IG,  3.  11  n'est  jamais 
tenu  compte  do  la  minorité  de  25  ans  comu)e  telle  :  Dig.,  4,  4,  9,  :2.  1.  37,  1 . 
Cad.,  2,  34,  1 .  c.  2.  9,  16,  -i. 

(4)  Dig.,  48,  5.  39,  4.  7.  Il  serait  correct  de  n'inlliger  aucune  peine  en 
l'absence  de  dol. 

(5)  La  relégalion  à  temps  est  inlligée  pour  une  plus  longue  durée  aux 
personnes  jeunes  qu'aux  personnes  âgées  {Dig.,  47,  21,  2). 


404  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

2.  Les  femmes  sont  souvent    moins  sévèrement  punies  (1). 
(1043)         3.  L'ivresse  est  une  circonstance  atténuante  (2). 

4.  Il  en  est  de  même  pour  l'émotion,  au  moins  dans  quelques 
cas  (3). 

5.  L'infamie  de  l'auteur  du  délit  est  une  circonstance  aggra- 
vante (4). 

6.  La  simple  tentative  est  moins  sévèrement  punie  que  le 
délit  consommé  (I  p.  113  n.  3). 

7.  Le  fait  d'avoir  pris  une  part  moins  active  à  l'accomplisse- 
ment du'délit  est  une  circonstance  atténuante  (I  p.  118  n.  1). 

8.  Le  motif  moral  du  délit  peut  produire  l'elTet  d'une  ex- 
cuse (5). 

9.  Le  délit  commis  dans  l'exercice  d'une  charge  est  plus  ri- 
goureusement réprimé  (6). 

(1)  Dans  les  poursuites  criminelles  que  l'empereur  Valérien  ordonne 
en  258  à  Rome  contre  les  chrétiens,  les  hommes  qui  restent  fidèles  à 
leur  croyance  subissent  la  peine  de  mort,  et  les  femmes  sont  bannies  (Cy- 
prien,  Ep.  80).  L'adoucissement  de  la  répression  au  regard  des  femmes 
se  produit  notamment  dans  les  procès  où  il  y  a  lieu  de  tenir  compte 
d'une  erreur  de  droit  {Dig..  22,  6.  9,  pr.  [I  p.  108  n.  1],  48,  13,  7,  pr.  tit.  16, 
4,  pr.),  et  surtout  dans  l'inceste  (II  p.  412).  Cpr.  I  p.  108. 

(2)  Dig.,  48,  19,  il.  2.  49,  16,  6,  7.  Cod.,  9,  7,  1.  Rhet.  ad  Her.,  2,  16,  24. 
Gicéron,  De  inv.,  2,  5,  17.  Quintilien,  5.  10,  34.  7,  2,  40. 

(3)  Celte  circonstance  est  prise  en  considération  dans  le  cas  où  l'époux 
offensé  tue  sa  femme  coupable  d'adultère  et  son  complice,  du  moins  lors- 
que les  lois  ne  permettent  pas  un  tel  acte  (II  p.  342  n.  2  et  3  ;  Coll.,  4,  3,  6. 
Dig.,  29,  5,  3,  3).  En  principe,  c'est  la  règle  contraire  qui  prévaut  :  lihet. 
ad  Her.,  2,  16.  24.  c.  2.j,  39.  Gicéron,  De  inv.,  i,  27,  41.  2,  5,  17.  Or.  part., 
12,43.32,  112.  Deoff.,  1,  8,  27.  Peut-être  concevait-on  plutôt  comme  une 
circonstance  aggravante  le  fait  que  le  délit  avait  été  commis  sans  émo- 
tion spéciale. 

(4)  Gallistrate,  Dig.,  48,  19,  28,  16  :  majores  noslri  in  omni  supplicio  seve- 
rius  .  .  .  famosos  quam  inleqrae  famae  homines  punierunt.  Toutefois,  je  ne 
puis  pas  citer  d'exemple  à  l'appui  de  cette  règle. 

(o)  Réception  du  bandit  dans  sa  maison,  lorsque  ce  criminel  est  un  pa- 
rent :  Dig.,  il,  16,  2.  On  peut  aussi  tenir  compte  de  considérations  du 
même  genre  en  cas  d'homicide  (II  p,  341).  C'est  surtout  pour  le  crime 
d'Etat  que  les  motifs  de  l'acte  auraient  pu  jouer  le  rôle  de  circonstances 
atténuantes,  si  la  passion  avait  laissé  ici  jdace  à  de  tels  égards.  En 
général,  il  ne  faut  pas  attacher  une  trop  grande  importance  à  ces  consi- 
dérations d'une  valeur  souvent  douteuse  ;  les  triiiunaux  romains  au- 
raient certainement  condamné  saint  Crépin  comme  tout  autro  voleur. 

(6)  Constantin,  C.  Th.,  10,  4,  1  :  gravior  poenu  constiluenda  est  in  hos  qui 
7wslri  juris  sunl  et  noslra  debent  custodire  mandata. 


INÉGALITÉ    DE    RÉPRESSION    ET    FIXATION   DE    LA    PEINK    405 

10.  Le  délit  commis  par  l'esclave  sur  l'ordre  de  son  maître 
est  moins  sévèrement  puni  (I  p.  89  n.  G  et  7).  La  môme  re- 
marque s'applique  au  fils  de  famille  (1). 

IL  Tandis  qu'en  droit  privé  le  consentement  de  la  victime 
exclut  tout  délit,  il  n'en  est  pas  de  même  en  droit  public  (2). 
Ici,  on  punit  même  l'assistance  prêtée  au  suicide,  mais  la  peine 
est  naturellement  plus  douce  dans  ce  cas  (3). 

12.  Les  sources  contiennent  des  traces  attestant  que  par     (lOii) 
considération  pour  le  fonctionnement  rigoureux  de  la  procé- 
dure pénale  (4)  ou  pour  l'application  de  la  discipline  domes- 
tique (5)  la  répression  publique  est  parfois  atténuée  ou  môme 
complètement  supprimée. 

13.  Le  délit,  dont  la  consommation  a  été  poussée  assez  loin 
pour  que  ses  conditions  d'existence  soient  réunies,  n'est  pas 
effacé  lorsqu'on  s'abstient  de  poursuivre  plus  avant  la  perpé- 
tration du  délit  ou  lorsqu'on  tente  de  faire  disparaître  les 
suites  de  l'acte  coupable  (6)  ;  la  peine  ne'cesse  d'être  appliquée 
que  si  la  loi  le  prescrit,  comme  pour  le  crime  de  falsification 
de  monnaie  (7).  La  faculté  donnée  au  condamné  dans  les  délits 
d'opinion  de  se  rétracter  jusqu'à  l'exécution  et  la  promesse 


(1)  Tacite,  Ann.,  3,  17. 

(2)  Il  en  est  ainsi  dans  le  procès  d'adultère  où  le  complice  de  la  femme 
n'échappe  pas  à  la  punition  parce  que  le  mari  favorise  la  prostitution  de 
son  épouse.  La  même  remarque  s'applique  à  la  castration,  à  l'avortement 
et  à  d'autres  délits  encore. 

(3)  La  possibilité  de  la  répression  dans  ce  cas  est  affirmée  au  regard 
de  l'esclave,  mémo  s'il  a  simplement  négligé  d'empêcher  le  suicide  de 
son  maître  (II  p.  346  n.  6);  elle  est  donc  encore  plus  certaine  au  regard 
de  l'auxiliaire  libre.  On  conçoit  qu'il  ne  soit  pas  question  d'adoucisse- 
ment de  peine  pour  les  esclaves;  cet  adoucissement  a  dû  être  admis, 
même  en  théorie,  au  profit  des  auxiliaires  libres.  Il  est  indiqué  par  Paul, 
5,  23,  13  à  propos  de  la  castration. 

(4)  Longue  durée  de  l'instruction  :  Dig.,  48,  19,  2b.  C.  Th..  9,  40,  22  = 
C.  Just.,  9,  47,  23.  Lorsque  le  taux  légal  de  la  peine  a  été  dépassé  :  Dig., 
3,  2,  13.  7.  48,  19,  10.  2.  CocL,  2,  11,  4. 

(5)  Dig.,  48,  5,  39,  7.  Le  procès  dirigé  par  Gassius  contre  les  Vestales 
montre  que  l'Etat  n'est  pas  tenu  de  renoncer  à  l'action  publique  par  con- 
sidération pour  la  répression  domestique  (I  p.  229  n.  1). 

(6)  Dig.,  47,  8,  5.  Cod.,  9,  22,  8. 

(7)  Dig.,  48,  10,  19,  pr. 


406 


DROIT    PENAL    ROMAIN 


qui  lui  est  faite  de  ne  pas  le  punir  s'il  abandonne  l'opinion 
coupable  sont  une  mesure  de  grâce  conditionnelle  (1). 

14.  La  récidive  est  une  circonstance  aggravante  (2). 

13.  La  fréquence  d'un  délit  réclame,  dans  un  but  d'intimi- 
dation, une  plus  grande  sévérité  (3). 


Tableau  jVous  tcrmlnous  cette  Section  par  un  tableau  des  peines  citées 

combiné  des  .  .        ,       .  t         i  • 

peines  et  des  dâus  l'abrégé  de  droit  criminel  romain  écrit  par  Paulvraisem- 
déiiissous     biablemcntsous  l'empereur  Alexandre  Sévère  ('222-235)  (4)  et 

le  Principal.  '  .  ^     / 

(1043)  parvenu  jusqu'à  nous,  non  sans  lacunes.  Nous  indiquons  aussi 
dans  cet  aperçu  les  délits  et  même,  dans  la  mesure  où  ce  ren- 
seignement nous^est  donné  par  l'ouvrage  de  Paul  ou  peut  être 
dégagé  par  voie  de  conjecture  (ce  qui  est  signalé  par  une  as- 
térisque), les  classes  de  personnes  :  personnes  de  condition, 
petites  gens  ou  esclaves^  auxquelles  s'appliquent  ces  peines. 
Pour  ne  pas  réunir  ensemble  des  informations  hétérogènes,  il 
nous  a  paru  convenable  de  ne  dresser  le  tableau  en  question 
qu'avec  l'œuvre  de  Paul;  pour  le  sens  parfois  incertain  des 
termes  employés  par  Paul  et  d'une  manière  générale  pour  les 
détails  qui  ne  peuvent  être  sufflsammenl  exposés  ici  nous  ren- 
voyons au  Livre  lY. 


(1}  II  p.  119.  Cette  particularité  se  rencontre  dans  le  délit  de  religion 
de  l'époque  païenne  (II  p.  282  n.  2)  comme  dans  celui  de  l'époque  chré- 
tienne (II  p.  321  n.  2). 

(2)  Paul.  5,  21,  1.  Dig..  31.  14.  1.  48,  19,  28,  3.  Cod.,  G,  1.  4.  10,  20,  1, 

(3)  Dig.,  48.  19,  16.  10:  nonnumquam  evenit,  ut  aliquorum  maleficioriim  sup- 
plicia exacerbentur,  quoliens  nimiuni  multis  personis  grassantibus  exemplo  opus 
sit.  Coll.,  H,  7.  Paul.  5,  3,  5.  Cod.,  9,  20.  1. 

(4)  Paul  cite  aux  livres  14  et  20  de  ses  responsa  dos  constitutions  d'A- 
lexandre Sévère  et  ses  œuvres  les  plus  importantes  paraissent  avoir  été 
tt^rminées  sous  cet  empereur.  Il  en  fut  vraisemblablement  ainsi  pour  les 
Senlenliae  (III  p.  213  n.  2).  Fitting  (Aller  der  Schriflen  der  rumischeii  Juris- 
ten,  p.  48)  les  place  dans  les  premières  années  du  règne  de  Garacalla, 
parce  que  Paul,  5,  16,  11  ne  semble  pas  connaître  le  rescriplum  imp.'imtoris 
noslri  (vraisemblablement  de  Garacalla)  cité  par  Ulpien,  Dig.,  3,  3,  33.  2  ; 
toutefois  le  texte  montre  que  ce  rescrit  n'a  pas  réalisé  d'innovation  et  il 
est  tout  à  fait  impossible  de  découvrir  au  point  de  vue  do  la  représenta- 
tion dans  un  procès  pénal,  dont  il  s'agit  ici  (Il  p.  71  n.  7),  une  diver- 
gence d'opinion  entre  ces  deux  jurisconsultes. 


INÉGALITÉ   PE    RÉPRESSION    ET    FIXATION    DE    LA   PEINE    407 

I.  Peine  de  mort  rigoureuse  (par  la  croix,  par  le  bûcher, 
dans  une  fêle  populaire)  : 

1.  sans  choix  et  pour  tous  : 

incendie  volontaire  dans  la  ville  à  l'occasion 

d'une  émeute  (III  p.  165  n.  1) 5,  3,  6 

vol  dans  un  temple  à  main  armée  la  nuit.  .    .    5,  19 

désertion 5,  21  A,  - 

dation  d'un  philtre  ayant  entraîné  la  mort.  .    5,  23,  14 

magie  grave ^^^  23,  15.  17 

meurtre  d'un  proche 5,  24 

2.  sans  choix  pour  les  petites  gens  : 

soulèvement  populaire 5,  22,  1 

meurtre ^'  2^'  ^'  ^^ 

magie  moins  grave 5,  23,  16 

crime  de  lèse-majesté 5,  29,  1 

3.  au  choix  avec  la  peine  des  mines  pour 
les  petites  gens  : 

violation  de  sépulture  (1) 5,  19  A 

faux  en  matière  de  monnaie  et  autres  ma- 
tières  ^»  ^^'  1 

rapt  d'homme 5,  30  B,  1 

4.  sans  choix  pour  les  esclaves  : 
consultation  des   oracles  au  sujet  de    leur 

maître 5,  21,  4 

assistance  prêtée  à  l'abus  des  femmes  et 

des  enfants  (II  p.  432  n.  6) 5,  4,  14 

II.  Peine  de  mort  simple  : 
1.  sans  choix  et  pour  tous  : 

irruption  à  main  armée  dans  une  maison  .    .  5,  3,  3 

abus  des  femmes  et  des  enfants  ......  5,  4,  14 

incendie  volontaire  dans  la  ville 5,  20,  1 

magie  au  regard  de  l'empereur 5,  21,  3     (1046) 

circoncision,  comme  punition  du  médecin.   .  5,  22,  3 


(I)  Les  mots  5,  19  A  aul  in  melallum  damnantur  doivent  être  placés  après 
adficiuntur. 


408  DROIT   PÉNAL    ROMAIN 

2.  Sans  choix  pour  les  personnes  de  condition  : 

meurtre 5,  23, 1.  16 

magie  moins  grave 5,  23,  16 

crime  de  lèse-majesté. 5,  29,  1 

3.  sans  choix  pour  les  petites  gens  : 

fondation  d'une  secte 5,  21,  2 

*  circoncision  d'un  non  juif 5,  22,  4 

castration  contre  la  volonté  du  mutilé  ...    5,  23,  13 

détention  de  livres  magiques 5,  23,  18 

homicide  par  simple  faute  à  la  charge 

d'un  médecin 5,  23,  19 

faux  témoignage 5,  25,  2 

port  des  insignes  d'une  classe  à  laquelle 

on  n'appartient  pas 5,  25,  12 

violence  grave 5,  26,  1 

4.  au  choix  avec  la  peine  des  mines  ou  les 
travaux  forcés  à  perpétuité  pour  les  petites  gens  : 

vol  grave  de  bestiaux 5,  18,  2 

5.  au  choix  avec  le  bannissement  : 

*  simulation    d'influence    sur   les  magis- 
trats   5,  25,  13 

6.  sans  choix  pour  les  esclaves  : 

faux  en   matière  de  monnaie  et  autres 

matières 5,  25,  1 

III.  Peine  des  mines  pour  les  petites  gens 
et  pour  les  esclaves  : 

1.  au  choix  avec  la  peine  de  mort  rigou- 
reuse :  I,  3 

2.  au  choix  avec  la  peine  de  mort  simple  ou 
les  travaux  forcés  à  perpétuité  :  11^  4. 

3.  sans  choix  pour  les  petites  gens  : 

vol  commis  dans  un  temple  pendant  le  jour  .    .    5,  19 

incendie  volontaire  de  récolte 5,  20,  5 

réponse  des  oracles  à  la  question  posée 
par  l'esclave  relativement  à  son  maître  ...    5,  21,  4 


INÉGALITÉ   DE    RÉPRESSION    ET    FIXATION    DE    LA   PEINE     409 

*  vol  au  regard  d'une  mine  ou  d'un  établis- 
sement où  se  fabrique  la  monnaie  (1) .   .    .    5,  21  A,  1 
viol  d'enfants.  . ' 5,  22,  5 

*  homicide  par  simple  faute 5,  23,  12 

dation  d'un  philtre o,  23,  14 

ouverture  de  testament  du  vivant  du 

testateur o,  25,  7 

révélation  de  documents  d'un  procès   .    .    5,  25,  8.  10 

usage  de  faux  documents 5,  25,  9     (1047) 

violence  légère   ..." 5,  26,  3 

4.  sans  choix  pour  les  esclaves  : 

injure  grave 5,  4,  22 

déplacement  de  bornes 5,  22,  2 

usurpation  de  liberté 5,  22,  6 

rapt  d'homme 5,  30  B,  2 

5.  au  choix  avec  internement  dans  une  école  de 
gladiateurs:  coups  ayant  entraîné  la  mort  .    .    5,  23,  4 

6.  au  choix  avec  les  travaux  forcés  à  perpétuité  : 

'  vol  aux  bains 5,  3,  5 

■  *  injure  criminelle  (2) 5,  4,  8 

incendie  volontaire  à  la  campagne 5,  20,  2 

IV.  Travaux  forcés  à  perpétuité  pour  les  petites  gens  : 

1.  au  choix  avec  la  peine  de  mort  ou  la  peine 
des  mines  :  II,  4. 

2.  au  choix  avec  la  peine  des  mines  :  III,  6 

3.  sans  choix  : 

vaticinatio  en  cas  de  récidive 5,  21,  1 

déplacement  de  bornes 5,  22,  2 

V.  Travaux  forcés  à  temps  pour  les  petites  gens  : 

vol  de  bestiaux 5,  18,  1 

abattage  d'arbres  fruitiers 5,  20,  6 


(1)  Il  faut  5,  21  A  lire  poena  melalU  aut  (au  lieu  de  et)  exilii  et  rapporter 
la  première  peine  aux  plebeii  et  la  déportation  aux  personnes  de  condition. 

(2)  En  cas  d'injure  criiTiinelle,  5,  4,  8,  metallum  aut  opus  puhlicum  con 
cerne  les  plebeii  et  exilium,  sans  doute  la  déportation,  s'applique  aux 
personnes  de  condition. 


410  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

VI.  lalernement  dans  une  école  de  gladiateurs  au  choix  avec 
la  peine  des  mines  pour  les  petites  gens  :  III,  5. 

VII.  Déportation  pour  personnes  de  condition  : 
1.  sans  choix: 

inceste  pour  l'homme 2,  26,  15 

*  injure  criminelle  (III  p.  409  n.  2) 5,  4,  8 

*  tentative  d'abuser  de  femmes  ou  d'enfants  .  5,  4,  14 
vol  commis  dans^un  temple  pendant  le  jour  .  .  5,  19 
fondation  de  secte 5,  21,  2 

*  vol  au  regard  d'une  mine   ou  d'un  éta- 
blissement où  se  frabrique  la  monnaie  (III 

p.  409  n.  1) 5,  21  A,  1 

*  soulèvement  populaire 5,  22,  1 

*  reddition  de  sentence  après  corruption  .    5,  23,  11  c. 

25,  2 

*  circoncision  d'un  non  juif 5,  22,  4 

castration  contre  la  volonté  du  mutilé.  .  .  5,  23,  13 
Détention  de  livres  magiques 5,  23,  18 

(1048)  faux  en  matière  de  monnaie  [et  autres 

matières ,    .    .    5,  25,  1 

faux  témoignage.  .  - 5,  25,  2 

*  reddition  de  sentence  contrairement  à 

une  loi  claire 5,  25,  4 

ouverture  de  testament   du  vivant  du 

testateur ,    .    .  5,  25,  7 

usage  de  faux  documents 5,  25,  9 

port  d'insignes  d'une  classe  à  laquelle  on 

n'appartient  pas 5,  25,  12 

violence  grave 5,  2G,  1 

*  (luibitus  avec  emploi  de  violence 5,  30  A 

2.  au  choix  avec  internement  : 

*  calumniti  {{) 5,  4,  11 

libelle  diffamatoire 5,  4,  15.  17 


(1)  Paul,  5,   4,  H  exilii  vel  institue  relegatio  doit   signifier  la  déportation 
ou  l'internement. 


I.XÉGALITÉ   DE   RÉPRESSION    ET    FIXATION   DE    LA   PEINE    4M 

violation  de  sépulture  (III  p.  407  n.  1)  .    .    .    5,  19  A. 
vaticinatio  Qn  cas  de  récidive 5,  21,  1 

VIII.  Internement  pour  les  personnes  de  condition  : 

1.  -au  choix  avec  la  déportation  :  VII,  2. 

2.  sans  choix  : 

*  adultère .    .    .    .' 2,  26,  14 

incendie  volontaire  à  la  campagne 5,  20,  2 

incendie  volontaire  de  récoltes 5,  20,  5 

*  réponse  des  oracles  à  la  question  posée 

par  l'esclave  relativement  à  son  maître.   .    .    5,  21,  4 

*  circoncision 5,  22,  3 

coups  ayant  entraîné  la  mort 5,  23,  4 

dation  d'un  philtre o,  23,  14 

homicide  par  simple  faute  à  la  charge  du 

médecin , 5,  23,  19 

révélation  de  documents  d'un  procès  .    .    5,  25,  8.  10 

violence  légère 5,  26,  3 

rapt  d'homme 5,  30B,  1 

3.  Internement  ou  banissement  : 

déplacement  de  bornes S,  22,  2 

viol  d'enfants 5,  22,  5 

IX.  Bannissement  pour  les  personnes  de  condition  : 

1.  Bannissement  ou  internement  :  VIII,  3. 

2.  sans  choix  : 

abattage  d'arbres  fruitiers 5,20,6 

*  vaticination 5,  21,  1 

sentence  du  juge  après  corruption 5,28 

X.  Exclusion  du  sénat  municipal  (à  coté  d'autres  peines)  :     (1049) 

calumnia • 5,  4,  11 

abattage  d'arbres  fruitiers 5,  20,  6 

sentence  du  juge  après  corruption 5,  28 

XI.  Correction  pour  les  esclaves  : 

injure  légère 5,  4,  22 

XII.  Renvoi  aux  actions  civiles  à  un  multiple  (1)  : 


(1)  Ad  forum  remittendus  seulement  chez  Paul,  5,  18,  3  ;  peut-être  toutes 


412  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

dommage  causé  à  la  chose  d'autrui 

ou  soustraction  dans  une  émeute  .    .    .    .    5,  3,  1.  2 

incendie  par  simple  faute o,  3,  6.  c.  20,  3 

abigeatiis o,*18,  1.  3 

abattage  d'arbres  fruitiers 5,  20,  6 

péculat 5,  27 

Les  confiscations  de  patrimoine,  totales  ou  partielles,  qui 
s'ajoutent  aux  peines  graves  jusqu'au  bannissement  à  vie 
(III  p.  362  et  sv.)  ont  été  omises  ici.  Les  amendes  légales,  si 
fréquentes  comme  peines  administratives,  apparaissent  rare- 
ment dans  le  droit  criminel  proprement  dit  de  cette  époque. 


les  actions  à  un  multiple  mentionnées  appartiennent-elles  à  la  procédure 
civile.  Paul  cite  également  ici  les  cas  dans  lesquels  l'indemnité  du  pré- 
judice est  qualifiée  de  peine  (3,  20,  3.  6). 


FIN    DU   TOME    TROISIEME 


TABLE   DES   MATIÈRES 

DU   TOME  TROISIÈME 


LIVRE   IV 

LES    DIFFÉRENTS    DÉLITS  (Suite) 

Pages. 

Section  VII.  —  Acceptation  de  Libéralités  et  Exaction  des  Avo- 
cats et  des  Magistrats  [Crimen  pecuniarum  repetundarum)  ...      1 

Gratuité  des  prestations  faites  par  le  citoyen,  1  —  Accepta- 
lion  d'argent  par  les  avocats,  2.  —  Acceptation  d'argent  par  le 
magistrat,  3.  —  Les  leges  repetundarum,  5.  —  Limitation  sous  la 
République  de  l'action  de  repelundae  à  l'ordre  sénatorial,  7.  — 
Extension  sous  l'Empire  de  l'action  de  repetundae  aux  fonctionnai- 
res en  général,  9.  —  Eléments  du  délit,  11.  —  Acceptation  de 
libéralités,  12.  —  Appropriation,  14.  —  Exaction,  14.  —  Con- 
cussion, 15.  —  Corruption,  15.  —  Délits  en  matière  d  impôts,  16. 
—  Interdiction  de  faire  des  affaires,  17.  —  Autres  délits  de  repe- 
tundae,  18.  —  Action  en  répétition  du  droit  civil,  19.  —  Parti- 
cularités juridiques  de  la  quaestio,  21.  —  Peine,  27.  —  Action 
contre  les  héritiers,  32.  —  Action  contre  les  tiers,  32.  —  Pres- 
cription, 33. 

Section  VIII.  —  Appropriation  du  Bien  à.' kntrixi  [F urtum) 34 

1  Vol  de  la  chose  d'un  particulier 35 

Vol  de  la  chose  d'un  particulier,  35.  —  Dispositions  légales,  35. 
Eléments  du  délit,  35.  —  Conlrectatio,  36.  —  Limitation  à  la  pro-        j 


414  DROIT    PÉNA.L    ROMAIN 

Pages. 

priété  mobilière,  41.  —  ProQt  du  voleur,  43.  —  Préjudice  causé 
au  volé,  14.—  Tentative,  45.  —  Les  parties,  4(3.  —Complicité,  48. 

—  Perquisition  domiciliaire,  51.  —  Procès  de  vol,  53  —  Procès 
capital,  54.  —  Procédure  de  composition,  5G.  —  Infamie,  59.  — 
Exclusion  de  la  transmissibilité  héréditaire  et  de  la  prescription, 
59.  —  Revendication  du  volé,  60.  —  Condictio  furtiva,  62. 

2  Vol  entre  époux  (Actio  rèrum  amotarum) 65 

3  Vol  commis  vis-à-vis  du  patrimoine  des  dieux  (sacrilegium)  et  du  pa- 

trimoine de  l'Etat  {peculatus) •    .   .  .     66 

Les  lois  sur  le  sacrilegium  et  le  peculatus,  67.  —  Notion  du  sa- 
crilegium, 68.  —  Notion  du  péculat,  70.  —  Procédure  capitale  en 
cas  de  sacrilegium  et  de  peculatus,  76.  —  Procédure  d'indemnité  en 
cas  de  sacrilegium  et  de  peculatus,  78.  —  Action  de  péculat  contre 
les  héritiers,  80.  —  Prescription  de  l'action  de  péculat,  80. 

4  Vol  de  moissons 80 

5  Vol  qualifié  de  l'époque  impériale 81 

6  Vol  d'hérédité 87 

Appropriation  du  pouvoir  dominical  [plagium) 90 

Notion  du  plagium,  90.  —  Peine  du  plagium,  91.  —  Vente  d'en- 
fant, 93. 

Section  IX.  —  Atteinte  à  la  Personnalité  (Injuria) 94 

Injuria  dans  le  langage  usuel,  94.  —  Législation  sur  l'injure, 

95.  —  Atteinte  à  la  personnalité,  95.  —  Notion  de  la  personnalité, 

96.  —  Injure  physique  du  droit  des  XII  Tables,  97.  —  Atteinte  à 
la  personnalité  dans  le  droit  postérieur,  98,  —  Limitation  de  la 
faculté  d'inlenter  une  action  d'injure  dans  le  droit  postérieur.  99. 

—  DilTérents  cas  d'injure  pouvant  donner  lieu  à  une  action,  101. 

—  Permission  donnée  par  le  magistrat  d'inlenter  l'action,  109.  — 
L'action  n'est  possible  que  si  l'atteinte  ii  la  personnalité  d'aulrui 
est  intentionnelle,  109.  —  Injure  indirecte,  112.  —  Action  d'injure 
du  détenteur  de  la  puissance,  112.  —  Tentative,  113.  —  Compli- 
cité, 113.  —  Procédure  pénale  publique  en  cas  de  chanson  ditl'a- 
maloire,  113.  —  llépression  de  la  chanson  dilTamaloire,  114.  — 
Action  privée  et  peine,  115.  —  D'après  le  droit  des  ,XII  Tables, 
115,  —  D'après  l'Edit,  116.  —  Rôle  du  magistrat  dans  la  fixation 
du  montant  de  l'amende,  117.  —  Le  jury,  117.  —  Peine  pécu- 
niaire, 110.  —  Infamie,  119. 

Si;(rriu.N  X,  —  Dommage  causé  à  la  Chose  d' Autrui 12 i 

Dommage  causé  à  la  chose  d'aulrui  eu  droil  publii-  li  en  droit 
privé,  124, 


TABLE   DES   MATIÈRES  415 

Pages. 

1  Dommages  causés  aux  temples 125 

2  Violation  de  sépulture 127 

Protection  des  tombeaux  dans  le  très  ancien  droit,  127.  —  L'ac- 
tion prétorienne  pour  violation  de  sépulture,  129.  —  Amendes  sé- 
pulcrales de  l'Empire,  130.  —  Répression  criminelle  des  violations 
de  sépulture  dans  la  dernière  période,  138. 

3  Dommages  causés  à  la  propriété  publique 140 

Procédure  capitale  en  cas  de  déplacement  des  bornes  d'après 
le  très  ancien  droit,  140.  —  Procédure  d'amende  en  cas  de  dépla- 
cement de  limite,  141.  —  Détérioration  des  aqueducs,  142. 

4  Dommages  commis  vis-à-vis  de  la  propriété  privée  (damnum  injuria).  145 

Le  dommage  causé  à  la  chose  d'autrui  d'après  le  droit  privé, 
145.  —  Condition  de  l'action  :  atteinte  à  la  propriété,  146,  —  Ac- 
tion du  propriétaire,  147.  —  Dommage.  147.  —  Dolus  ou  culpa  de 
celui  qui  cause  le  dommage,  150.  —  Absence  de  responsabilité, 
151.  —  Tentative,  152.  —  Complicité,  152.  —  Procès,  U2.  — 
Peines,  153.  —  Procédure  noxale,  154.  —  Intransmissibilité  hé- 
réditaire, 154.  —  Prescription,  155, 

5  Actions  analogues  pour  cause  de  dommage 155 

Dommage  causé  par  des  animaux,  156.  —  Action  pour  abattage 
d'arbres  fruitiers,  157.  —  Homicide  de  l'homme  libre,  158.  — 
Dommage  causé  au  corps  d'un  homme  libre,  lc.8.  —  Incendie 
d'après  le  droit  des  XII  Tables,  159.  — Abus  de  Vadstipulatio,  160. 
—  Corruption  d'esclave,  161.  —  Détention  d'animaux  dangereux, 
161.  —  Dommage  par  versement  ou  jet,  161.  —  Homicide  causé 
par  culpa  d'après  le  droit  postérieur,  163.  —  Incendie  d'après  le 
droit  postérieur,  164.  —  Dommages  qualifiés  à  la  chose  d'au- 
trui, 165, 

Sectiox  XI.  —  Abus  des  Droits 167 

Généralités,  167. 

1  Empiétements  sur  la  propriété  publique 170 

2  Inobservation  des  obligations  qui  incombent  aux  propriétaires  fon- 

ciers  172 

Obligations  des  propriétaires  fonciers,  172.  —  Interdiction  de  la 
crémation  et  de  la  fabrication  des  briques  dans  la  ville,  172.  — 
Interdiction  d'établir  des  sépultures  dans  les  villes,  173,  —  Res- 
triction à  la  faculté  de  démolir  les  maisons,  173,  —  Obligation 
des  propriétaires  riverains  de  contribuer  à  l'entretien  des  rou- 
tes, 174, 

3  Vsare i'^S 


1 


416  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

Pages. 

4  Accaparement  de  céréales  et  autres  marchandises 177 

5  Abus  de  la  liberté  de  l'industrie  et  du  commerce 179 

6  Abus  qu'une  personne  fait  de  son  état 180 

Perle  de  liberté  pour  une  infraction  à  une  interdiction  de  sé- 
jour, 180.  —  Perte  de  liberté  pour  participation  à  une  vente  dolo- 
sive,  181.  —  Perte  de  liberté  pour  coucubinal  d'une  femme  libre 
avec  un  esclave,  181.  —  Révocation  d'affranchissement  pour  cause 
d'ingratitude,  183.  —  Révocation  de  l'émancipation  pour  cause 
d'ingratitude,  184. 

7  Appropriation  d'un  faux  état 184 

Usurpation  de  liberté,  18i.  —  Usurpation  de  l'ingénuité,  185.  — 
Usurpation  du  droit  de  cité,  186. 

8  Infractions  aux  lois  de  la  République  sur  les  mœurs 188 

9  Jeu 188 

10  Divination 190 

Divination  punissable,  190.  —  Prohibition  de  la  divination,  193. 

11  Abus  de  la  brigue  électorale  (ambitus,  sodalicia) 194 

Ambitus,  194.  —  Prohibitions  légales,  190.  —  Eléments  de  l'am- 
bitus,  198.  —  Association,  202.  —  Coition,  202.  —  Loi  sur  les  so- 
dalicia, 203.  —  Procès,  204.  —  Peine,  205. 

12  A 6ms  du  droit  d'association 207 

13  Abus  de  la  dénonciation  fiscale 210 

14  Autres  contraventions 213 

I.  Irrégularités  dans  l'exercice  d'une  magistrature,  215.  —  II.  Ir- 
régularités dans  le  service  du  jury,  217.  —  III.  Conlraventious 
diverses,  217. 

Section  XII.  —  Concours  des  Actions  Délictuelles 221 

Concours  des  actions  (iéiiclucilcs,  221.  —  Le  concours  de  diffé- 
rentes formes  de  procès  n'est  pas  admis,  221.  —  Concours  des 
actions  délictuelles  et  des  actions  non  délictuelles,  223.  —  Con- 
cours des  actions  délictuelles  reposant  sur  un  fondement  moral 
inégal,  22i.  —  Exclusion  du  cumul  des  actions  délictuelles  ayant 
un  égal  fondement  moral,  225.  —  Concours  des  actions  délictuel- 
les pubHques  avec  celles  du  droit  privé,  226.  —  Concours  des  pei- 
nes criminelles  extraordinaires  avec  les  actions  privées,  227. 


TABLE   DES    MATIERES  417 

LIVRE  V 

LES  PEINES 

Pages. 

Section  1,  —  La  Peine 229 

Notion  de  la  peine,  229.  —  Coercition  et  juridiction.  229.  — 
Utilisation  de  la  répression  domestique  dans  le  domaine  du  droit 
pénal  public,  230.  —  Exclusion  des  moyens  de  coercition,  232.  — 
Terminologie  :  poena,  232.  —  Fondement  juridique  de  la  peine 
publique,  droit  pour  la  communauté  de  se  faire  justice  à  elle- 
même,  232.  —  Fondement  juridique  de  la  discipline  morale  ana- 
logue à  la  discipline  domestique,  233.  —  Forme  religieuse  de  la 
peine  publique,  233.  —  Sacratio  sans  faute  punissable,  237.  —  La 
peine  privée,  vengeance  permise  par  l'Etat  ou  rachetée  sous  le 
le  contrôle  de  ce  dernier,  238.  —  Exécution  publique  et  privée  de 
la  peine,  239.  —  iMojens  de  répression,  240.  —  Notion  de  la  peine 
capitale,  241.  —  Dénominations  génériques  des  peines  non  capita- 
les, 243.  —  Loi  pénale  et  condamnation  pénale,  244.  —  Aperçu 
des  peines,  244. 

Section  II.  —  La  Peine  de  Mort 246 

Nom,  246.  —  Intervalle  entre  la  condamnation  à  mort  et  son 
exécution,  246.  —  Temps  de  l'exécution,  248.  —  Lieu  de  l'exécu- 
tion, 248.  —  Exécutions  dirigées  par  un  magistrat  ou  non,  250.  — 
Ofpciales  du  magistrat,  250.  —  Formes  de  l'exécution  dirigée  par 
un  magistrat,  251.  —  Décapitation  par  la  hache,  252.  —  Crucifie- 
ment, 254.  —  Peine  du  sac  ou  submersion,  258.  —  Mort  par  le 
feu,  260.  —  Décapitation  par  l'épée,  261.  —  Exécution  dans  une 
fête  populaire,  263.  Exécution  des  femmes  et  exécution  dans  la 
la  prison,  267.  —  Exécution  non  dirigée  par  un  magistrat,  269.  — 
Jet  du  haut  de  la  roche  Tarpéienne,  270.  —  Exécution  domesti- 
que, 274.  —  Suicide,  274.  —  Exécution  populaire,  274.  —  Histoire 
de  la  peine  de  mort  chez  les  Romains,  280. 

Section  III.  —  Perte  de  la  Liberté 287 

Privation  de  liberté  au  nom  de  la  communauté,  287.  —  Priva- 
tion de  liberté  en  droit  privé,  288.  —  Réduction  de  l'affranchi  en 
esclavage,  289.  —  Perte  de  liberté  comme  peine  accessoire  sous 
le  Principal,  289.  —  Servus  poenae,  290. 

Section  IV.  —  Internement  dans  les  Etablissements  publics  .   .  .  292 

Peine  des  mines,  292.  —  Travaux  forcés,  295.  —  Ecole  de  gla- 
diateurs, 297. 

Droit  Pénal  Romain.  —  T.  III.  27 


418      "  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

Pages. 

Sectiox  V.  —  Perte  du  Droit  de  Cité 300 

Perduellion,  301.  —  Déportation^  301.  —  Travaux  forcés,  303. 

Section  VI.  —  La  Prison 304 

Détention  pour  cause  d'exécution,  305.  —  Détention  domestique 
des  esclaves,  306. 

Section  VII.  —  Bannissement  et  Internement 309 

Exil  et  bannissement  à  l'époque  républicaine,  309.  —  Développe- 
ment de  la  relegatio,  310.  —  Les  formes  de  Ja  relégation  dans  la 
législation  de  Sylla  et  sous  l'Empire,  313.  —  Progrès  de  la  relé- 
gation administrative,  313.  —  Exclusion  de  la  relégation  au  re- 
gard des  esclaves  et  restriction  de  l'internement  aux  personnes 
fortunées,  315.  —  Délimitation  du  lieu  de  la  relégation  :  bannis- 
sement, 316.  —  Interdiction  de  l'Italie,  318.  —  Internement,  320. 
—  Déportation,  322.  — Limites  de  la  relégation  quant  au  temps, 
324.  —  Répression  de  l'infraction  à  la  relégation,  324.  —  Les 
différentes  formes  de  la  relégation  et  les  peines  personnelles  et 
patrimoniales,  325.  —  Place  de  la  relégation  en  droit  pénal,  327. 

Sectiox  VIII.  —  Les  Peines  Corporelles 330 

Mutilation  corporelle  du  droit  privé,  330.  —  Mutilation  corpo- 
relle dans  la  procédure  pénale  publique,  330.  —  Correction  :  fus- 
tis  et  flagella,  332.  —  Correction  comme  peine  accessoire,  333.  — 
Correction  comme  peine  principale,  334. 

Sectiox  IX.  —  Restriction  des  Droits  Civiques 330 

Inégalité  des  droits  des  citoyens,  336. 

1  Privation  de  sépulture  et  flétrissure  de  la  mémoire 337 

Instance  contre  des  morts,  337.  —  Défense  d'inhumer,  338.  — 
Deuil,  340.  —  Destruction  des  souvenirs,  340. 

2  Intestabilité 341 

Intestabilité  de  la  loi  des  XII  Tables,  3il.  —  Intestabilité  dans 
la  dernière  période,  343. 

3  Infamie  comme  peine  d'un  délit 345 

Infamie,  345.  —  Infamie  comme  peine  d'un  délit,  348. 

4  Incapacité  de  briguer  des  charges  et  de  faire  partie  du  sénat,  envi- 
sagée comme  répression  d'un  délit 350 

5  Interdiction  d'accomplir  certains  actes  publics  ou  privés  comme  ré- 
pression d'un  délit 355 


TABLE    DES    MATIÈRES  "     419 

Pages. 

Destitution  des  prêtres,  355.  —  Destitution  des  magistrats,  355. 

—  Interdiction  de  certains  actes,  350. 

Section  X.  —  Confiscation  du  Patrimoine  ou  d'une  Quote-Part  du 
Patrimoine 358 

Conûscation  de  patrimoine,  358.  —  Restriction  en  faveur  des 
enfants  du  condamné,  359.  —  En  cas  de  peine  de  la  perduellion, 
3GÛ.  —  En  cas  de  perte  de  liberté,  362.  —  En  cas  de  relégation, 
363. 

Sectiox  XI.  —  Les  Amendes 366 

Différentes  espèces  d'amendes  pécuniaires,  366. 

1  L'amende  infligée  dans  la  procédure  des  magistrats  et  des  comices.  368 

Apparition  de  la  peine  pécuniaire  publique,  368.  —  Modalités  de 
l'amende  publique,  370. 

2  L'action  prétorienne  en  réclamation  d'une  amende  pécuniaire  fixe  .  .  371 

L'amende  pécuniaire  fixe  établie  par  une  loi,  371.  —  Réclama- 
tion par  voie  de  procédure  civile.  372.  —  Taux  de  l'amende 
fixe,  374. 

3  L'action  prétorienne  estimatoire  en  réclamation  d'une  amende.  .   .  .  375 

Réalisation  par  le  magistrat  des  confiscations  et  des  amendes  au 
profit  de  la  communauté 378 

Saisie  du  patrimoine  confisiiué,  379.  —  Praedes,  379.  —  Addic- 
tio,  380.  —  Coercition,  380.  —  Faillite,  381.  —  Perception  du  sa- 
cramentum,  382.  —  Perception  des  amendes  édiliciennes,  382.  — 
Versement  des  amendes  dans  les  caisses  des  temples,  383.  — 
Versement  des  amendes  dans  la  caisse  de  l'empereur,  384.  —  In- 
tervention des  fonctionnaires  des  finances  dans  l'application  des 
peines  patrimoniales,  380. 

Sectiox  XII.  —  Inégalité  de  Répression  et  Fixation  de  la  Peine 
par  le  Juge 389 

Inégalité  légale  des  peines  entre  l'homme  libre  et  l'esclave,  390. 

—  Egalité  juridique  des  hommes  libres  à  l'époque  républicaine, 391. 

—  Inégalités  juridiques  entre  citoyens  sous  le  Principat,  391.  — 
Personnes  privilégiées:  sénateurs,  391.  —  Chevaliers,  391.  — 
Soldats  et  vétérans,  393.  —  Décurions,  393.  —  Honestiores  et  pie- 
beii,  394.  —  Privilèges  du  droit  pénal,  394. 

Le  très  ancien  droit  n'admet  pas  la  fixation  de  la  peine  par  le 
juge,  396.  —  Pouvoir  du  juge  de  fixer  la  peine  dans  la  procédure 
plébéienne  publique,  397.  —  Pouvoir  du  juge  de  fixer  la  peine  dans 
le  droit  privé  de  la  République,  398.  —  Fixation  de  la  peine  par 


420  DROIT    PÉNAL    ROMAIN 

Paees. 

le  juge  en  droit  impérial,  399.  —  Motifs  qui  influent  sur  la  fixa- 
tion de  la  peine  par  le  juge,  402.  —  Tableau  conabiné  des  peines 
et  des  délits  sous  le  Principat,  406. 

Table  des  Matières  (1) 413 


1.  La  table  alphabétique  des  matières  et  la  table  des  textes  commen- 
tés que  nous  trouvons  dans  l'ouvrage  allemand  sont  notoirement  insuf- 
fisantes ;  le  traducteur  se  propose  de  publier  dans  une  brochure  séparée, 
avec  renvois  simultanés  à  l'édition  française  et  à  l'édition  allemande, 
quatre  tables  complètes  :  celle  des  matières  par  ordre  alphabétique,  celle 
des  textes  commentés  et  cités,  celle  dos  noms  de  personnes  et  celle  des 
noms  de  lieux. 


Imprimerie  Générale  de  ChàtiUon-sur-Seine.  —  A.  Pichat. 


Réseau  de  bibliothèques 

Université  d'Ottawa 

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University  of  Ottawa 

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à- 


?  310  0  3    p'^ff««JIMl