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Full text of "La fleur de poésie françoyse; recueil joyeulx contenant plusiers huictains, dixains, quatrains, chansons et aultres dictez de diverses matieres, etc. Publié sur les éditions de 1542 et de 1543 avec un avant-propos et des notes par Ad. Van Bever"

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LA  FLEUR 

DE  POÉSIE  FRANÇOYSE 


OUVRAGES  PUBLIÉS  PAR  AD.  VAN  BEVER 

Poètes  d'aujourd'hui,  1880- 1900  (En  colla- 
boration avec  P.  Léautaud),  1 8e  édition     .      2  vol. 

Œuvres  galantes  des  conteurs  italiens, 
XIV«,  XV%  XVIe  siècle  (En  collaboration 
avec  E.  Sansot-Orland),  5°  édit 2  vol. 

Les  Conteurs  Libertins  du  xviii*  siècle    .     .     2  vol 

Maurice  Maeterlinck  (Célébrités  d'aujour- 
d'hui)   1   vol 

Les  Gaillardises  du  sieur  de  Mont-Gail- 
lard   1  vol. 

Œuvres  poétiques  choisies  db  Théodore 
Agrippa  d'Aubigné 1  vol. 

Bibliographie  d'Agrippa  d'Aubigné   ....    1  plaq. 

Les  Œuvres  poétiques  du  sieur  de  Dalibray     i  vol. 

Le  Livret  de  folastries,  de  Pierre  de  Ron- 
sard      1  vol. 

Les  Amours  et  autres  poésies  d'Estienne 
Jodelle 1  vol. 

La  guirlande  de  Julie 1  vol. 

Le  livre  des  rondeaux  galants  et  satyriques     i  vol. 

Blasons  anatomiques  du  corps  féminin     .    .     1  vol. 

Les    poètes  du   terroir,  tome  1 1  vol. 


EN   PREPARATION 


Les  poètes  du  terroir,  tome  II  et  III. 
Œuvres  poétiques  de  Remy  Belleau. 
Œuvres  de  Pietro  Arktino. 
Vies  des  poètes  François  de  Guillaume  Colletet 
etc. 


COLLECTION  EROTICA  SELECTA 


LA  FLEUR 

DE  POESIE  FRANCOYSE 

o 

RECUEIL   JOYEULX 

CONTENANT     PLUSIEURS    HUICTAINS,    DIXAINS, 

QUATRAINS,    CHANSONS 

ET    AULTRES    DICTEZ    DE   DIVERSES    MATIERES,    ETC. 

PUBLIÉ   SUR   LES   ÉDITIONS   DE    1 542   ET   DE    I  543 
AVEC    UN    AVANT-PROPOS    ET    DES    NOTES 

PAR 

Ad.  Van  BEVER 


PARIS 

BIBLIOTHÈQUE   INTERNATIONALE   D'ÉDITION 

E.  SANSOT  &  Oe,  Editeurs 

7,   RUE   DE   L'ÉPERON,    J 
MCMIX 


IL   A    ÉTÉ    TIRÉ    DU  PRESENT    OUVRAGE    ! 

Quatre  cent  quatre-vingt-dix-neuf  exemplaires  numérotés, 
dont  huit  exemplaires  sur  Japon  impérial,  numérotés 
de  i  à  8  ;  cinq  exemplaires  sur  Chine,  numérotés  de 
g  à  i3 ;  quinze  exemplaires  sur  Hollande  Van  Gelder 
Zoonen,  numérotés  de  14  a  28  ;  et  quatre  cent  soixante- 
et-onze  exemplaires  sur  papier  vergé  teinté,  numérotés 
de  2g  à  4gg. 


Tous  droits  réservés. 


LIBRARY 

754151 

VWiVEHSITY  OF  TORONTO 


A 

PIERRE  LOUYS 

QUI  VOULUT   BIEN  S'INTÉRESSER 

A    CETTE    MODESTE    RÉIMPRESSION 

HOMMAGE     AFFECTUEUX     ET     RECONNAISSANT 

Ad.  B. 


La  Fleur  de  poésie  frtnçoyst. 


lAFANT-TROPOS 


|E  tous  les  recueils  d'èpigrammes  maro- 
tiqucs  et  de  pièces  facétieuses  formés 
pour  «  Vesbatement  de  tout  bon  pantagrueliste  » 
l'un  des  plus  curieux,  à  coup  sur,  est  celui  que 
nous  réimprimons  ici.  Non  seulement  il  apparaît 
comme  le  plus  ancien  du  genre  (i),  mais  il  a 

(i)  On  ne  saurait  confondre  celui-ci  avec  les  re- 
cueils signalés  par  l'éditeur  de  la  réimpression  de 
La  Récréation  et  passe  temps  des  tristes  :  Fleur  de  toutes 
joyeusetei  contenant  epistres,  balades  et  rondeaulx  joyeulx 
et  fort  nouveaulx  (s.  1.  n.  d.,  in-8°,  gothique)  ;  Petit 
traictè  contenant  en  soy  la  fleur  de  toutes  joyeusele\  en 
epistres,  ballades  et  rondeaulx  fort  récréatifs  joyeulx 


8  AVANT-PROPOS 

encore  le  mérite  appréciable  de  nous  fournir  un 
texte  que  la  négligence  ou  la  fantaisie  des 
imprimeurs  et  des  libraires  altéra  par  la  suite. 

Loin  de  nous  V intention  de  tracer,  même 
succinctement,  Vhistoire  de  la  poésie  satyrique 
au  début  du  XVIe  siècle  ;  qu'il  nous  suffise  de 
dire  que  les  meilleurs  témoignages  de  celle-ci, 
confinés  en  maints  livrets  d'aspect  populaire, 
furent  asse^  goûtés  du  public  pour  provoquer  toute 
une  littérature  qui  florit  jusquaux  meilleures 
années  du  règne  de  Louis  XIII. 

Ainsi  virent  le  jour  :  Le  Trésor  des  joyeuses 
inventions  (i),  la  Récréation  et  passe  temps 

et  nouveaulx  (Paris,  Antoine  Bonnemère  pour  Vin- 
cent Sertenas,  1538,  in-16);  non  plus  avec  Les  Fleurs 
de  Poésie  Françoyse,  publiées  à  la  suite  de  Y Hecatomphile, 
etc.  (Lyon,  chez  François  Juste,  s.  d.,  in-12,  et  à 
Paris,  chez  Galliot  du  Pré,  1534,  in-12). 

(1)  Le  Trésor  des  joyeuses  inventions  du  Paragon  des 
Poésies,  contenant  epistres,  ballades,  rondeaux,  dixains, 
huictains,  épitaphes  et  plusieurs  lettres  amoureuses 
fort  récréatives.  A  Paris,  pour  la  vefve  Jean  Bonfons, 
s.  d.,  in-16  ;  Trésor  des  joyeuses  inventions  enrichy  de 
plusieurs  sonnets  et  autres  Poésies  pour  resjouir  les  esprits 


AVANT-PROPOS  9 

des  tristes  (i),  etc.,  et  ces  Cabinet  et  Parnasse 
satyrique  dont  les  éditions  vinrent  solliciter  le 
goût  des  amateurs  de  livres  erotiques. 

Comme  toute  autre  expression  du  génie  na- 
tional, cette  poésie,  avant  d'avoir  ses  plagiaires , 
avait  eu  ses  précurseurs. 

Ces  derniers  seuls  nous  préoccuperont.  Aussi 
bien  se  recommandent-ils  a  notre  attention  — 
malgré  leur  souci  de  demeurer  anonymes  —  par 
une  franchise,  une  belle  humeur  ou  la  malice  et 
f ironie  V emportent  sur  de  plus  hautes  qualités. 
On  sent  que  là  le  peuple  a  fourni  sa  collabo- 

melancoliques.  Rouen,  Abraham  Coustûrier,  1599, 
in-12.  (Nous  ne  connaissons  qu'un  exemplaire  de 
cette  dernière  édition,  absolument  différente  de  la 
précédente  ;  il   appartient  à    M.    Pierre  Louys.) 

(1)  La  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  pour  res- 
jouyr  tes  esprits  melencoliques,  lire  choses  plaisantes, 
traictans  de  l'art  de  ayrmr  et  apprendre  le  vray  art  de 
poésie.  Paris,  Pierre  L'Huillier,  1573,  in-16  ;  La  Ré- 
création et  passetemps  des  tristes,  traictant  de  choses 
plaisantes  et  récréatives  touchant  l'amour  et  les  dames, 
pour  resjouir  toutes  personnes  mélancoliques.  Rouen, 
Abr.  Le  Coustûrier,  1595,  in-12. 


10  AVANT- PROPOS 

ration  primesautière,  spontanée,  en  imposant  aux 
poètes  certains  thèmes  que  ces  derniers  ne  firent 
trop  souvent  que  reproduire  ou  imiter. 

De  1 530  à  1 560,  la  poésie  nationale  délais- 
sant son  caractère  et  son  but  traditionnels , 
affecte  une  forme  souriante,  puérile.  Les  petites 
pièces  abondent  :  quatrains,  cinquains,  sixains, 
huitains,  dizains,  etc.  Sous  la  simplicité  de  ces 
menues  rimailles,  qui  n'empruntent  leur  titre 
qu'au  nombre  de  vers  qui  les  composent,  une 
verve  gouailleuse  se  dissimule  où  l'esprit  de 
terroir  balance  l'imitation  latine.  Martial  est 
sacrifié  pour  un  temps  à  l'obscur  génie  de  la 
race,  et  Von  peut  dire  que  la  langue  de  Rome 
n'est  plus  seule  à  braver  l'honnêteté.  Personne 
ne  s'en  émeut.  O  temps  ingénu  oit  la  morale 
ne  cherche  point  un  refuge  dans  les  mots! 
Clément  Marot,  Melin  de  Sainct-Gelays,  pour 
ne  citer  que  ceux-là,  ont  introduit  ce  plaisant 
langage  à  la  cour.  Non  seulement  on  le  tolère, 
mais  on  l'imite. 

Des  libraires  bien  intentionnés  à  répandre 


AVANT-PROPOS  1 1 

les  ouvrages  de  l'esprit  sont  prêts  à  publier  leurs 
joyeux  propos.  Aussi  bien  chaque  épigramme  est 
une  anecdote;  chaque  vers  contient  une  allusion 
transparente  à  quelque  personnage  du  jour. 
Il  est  d'audacieux  poèmes  —  épigr animes  ou 
chansons  —  que  leurs  auteurs  n'oseront  point 
faire  paraître,  mais  qui  iront  enrichir,  sous  le 
voile  de  l'anonymat,  ces  pots-pourris  de  petites 
pièces  facétieuses  rassemblées,  sans  ordre  appa- 
rent, aux  environs  de  Van  i  jjo. 

Longtemps  le  genre  fera  fureur  et  piquera  la 
curiosité  des  amants,  avant  d'éprouver  celle  des 
collectionneurs .  Ainsi  qu'on  le  pense,  bon  nombre 
de  ces  recueils  se  perdirent.  La  Fleur  de  Poésie 
françoyse  compte  parmi  les  moins  infortunés. 

Ce  petit  ouvrage,  dont  un  exemplaire  figura, 
en  décembre  1903,  dans  un  catalogue  de  la 
librairie  Rahir,  se  vendait  à  Taris  «  en  la  rue 
Neufve  Nostre-Dame,  à  l'enseigne  de  l'escu  de 
France,  par  Alain  Lotrian  »,  en  1542  (1).  Il 

(ï)  Cf.  Librairie  Morgand  {Edouard  Rahir,  suce), 
Bulletin  mensuel,  n°  $8.  Toètes  français  depuis  les  ori- 


12  AVANT-PROPOS 

reparut,  sous  le  même  titre,  en  1543  (1),  soit 
un  an  avant  la  mort  de  Clément  ïMarot. 

Qu'on  s'étonne  après  cela  qu'il  contienne  des 
vers  nouvellement  recueillis ;  —  ainsi  disait-on 
alors  —  de  ce  dernier.  Le  titre  du  volume  n'en 
laisse  rien  entendre,  mais,  grâce  à  une  collation 
du  texte  sur  les  dernières  éditions  du  poète,  nous 
sommes  parvenus  à  les   retrouver.   En   est-il 

gines  jusqu'à  nos  jours,  n°  45761.  La  Fleur  de  poésie 
françoise,  etc.,  petit  in-80  de  56  ff.  (orné  dans  le  texte 
de  soixante-cinq  grav.  sur  bois,  dont  quelques-unes 
se  répètent),  rel.  veau  fauve,  fil.  milieux,  coins  et 
tranches  dorés  (750  fr.).  De  la  Bibliothèque  du  baron 
La  Roche-Lacarelle.  C'est  le  seul  exemplaire  connu 
de  cette  édition.  Remercions  ici  M.  Edouard  Rahir  de 
nous  en  avoir  donné  communication. 

(1)  La  Bibliothèque  Nationale  possède  un  exem- 
plaire de  cette  édition,  exactement  semblable  à  celle 
de  1542.  (Réserve,  ye  2718).  Rappelons  pour  mé- 
moire que  cet  exemplaire  de  1543  a  servi  à  une  réim- 
pression de  La  Fleur  de  poésie  françoise,  publiée  par 
Gay  en  1864  (Bruxelles,  Impr.  A.  Mertens  et  Fils, 
in- 12,  tiré  à  106  ex.).  Le  texte  de  cette  dernière, 
dépourvue  de  notes  et  d'éclaircissements,  est  suivie 
d'une  courte  notice  attribuée  à  Gustave  Brunet. 


AVANT-PROPOS  I 3 

d'autres  parmi  les  deux  cent-trente  pièces  insérées 
là  sans  nom  d'auteur?  Nous  l'ignorons. Quoiqu'il 
en  soit,  Clément  ï\Carot  partage  avec  Met  in  de 
Sainct-Gelays  l'honneur  d'avoir  fourni  a  ce 
recueil.  Melin  y  est  représenté  par  vingt  pièces. 
Une  telle  contribution  méritait  bien  de  ne  point 
passer  inaperçue.  Aussi  ce  mince  volume  énig- 
matique  est-il  digne  de  plus  d'attention  qu'on 
n'a  su  lui  en  accorder  jusqu'ici.  Son  excessive 
rareté,  et  plus  encore  la  date  de  sa  publication, 
incluse  à  son  titre,  le  dénoncent  aux  curieux 
de  belles-lettres.  C'est  enfin  un  de  ces  recueils 
originaux  où  vinrent  puiser  sans  cesse  les 
imprimeurs  de  pièces  galantes,  à  la  recherche 
de  plaisants  ouvrages. 

Un  grand  nombre  de  ces  quatrains,  sixains, 
huitains,  dizains,  etc.,  ont  été  réimprimés,  par 
la  suite,  dans  la  Récréation  et  passe  temps 
des  tristes,  ainsi  qu'en  divers  ouvrages  dont 
nous  avons  relevé  le  titre  chaque  fois  que  cela 
nous  a  paru  nécessaire.  Teut-étre  en  retrouve- 
rait-on d'autres  dans  les  anthologies  licencieuses 


14  AVANT-PROPOS 

ou  les  sottisiers  du  XVIIIe  siècle.  Nous  n'avons 
pas  cru  devoir  les  rechercher. 

Notre  but  en  publiant  intégralement,  d'après 
les  seuls  exemplaires  que  nous  connaissions,  La 
Fleur  de  Poésie  françoyse,  n'est  point  seule- 
ment d'apporter  une  contribution  à  l'histoire 
littéraire  d'une  époque  encore  mal  définie,  mais 
de  fournir  aux  bibliophiles  curieux  de  notre 
satyre  de  mœurs,  une  leçon  antérieure  au  texte 
du  Cabinet  et  du  Parnasse  satyrique. 

Ad.  B. 

La  Thuilerie,  n  octobre  1908. 


La  Fleur  de 

POESIE    FRANÇOYSE 
RECUEIL      JOYEULX      CONTE 

NANT      PLUSIEURS      HUICTAINS 

Dixains,  Quatrains,  Chansons  et 
aultres  dictez  de  diverses  ma- 
tières mis   en  nottes  mu- 
sicalles  par  plusieurs  au- 
theurs,  et  reduictz  en 
ce  petit  livre 

1543 


On  les  vend  à  Paris  en  la  rue  neufve 
Nostre-Dame,  à  l'enseigne  de  Tescu  de 
France,   par  Alain  Lotrian. 


jiU  LECTEUR 


Lecteur,  si  tu  as  fantaisie 
D'éviter  dueil  et  desplaisir, 
Vois  cy  la  fleur  de  Poésie 
Pleine  de  soûlas  et  plaisir, 
Tu  ne  pourrois  esbat  choysir 
Pour  mieulx  chasser  oysiveté, 
(  Voire  si  tu  en  as  désir) 
Qu'à  lire,  et  veoir  nouvelletè. 


HUICTAINS 


HUICTAIN 


Doulce  mémoire  en  plaisir  consummée, 
O  siècle  heureux  qui  cause  tel  sçavoir 
jrmeté  de  nous  deux  tant  aymée 
i  nos  maulx  as  sçeu  si  bien  pourveoir, 
Or  maintenant  a  perdu  ton  pouvoir 
Rompant  le  but  de  ma  seulle  espérance 
Servant  d'exemple  à  tous  piteux  à  veoir 
le  bien,  le  mal  soubdain  commence. 

AULTRE  RESPONSIF 

Finy  le  bien  le  mal  soubdain  commence, 
Tesmoings  en  sont  nos  malhcursqu'on  peult  veoir, 
Car  tout  le  bien  trouvé  par  l'espérance 

al  nous  l'a  remis  en  son  povoir. 
O  tant  d'ennu  qui  as  voulu  pourveoir 
De  varier  la  fermeté  amée 
Il  auroit  bien  qui  sçauroit  ton  sçavoir 
Doulce  mémoire  en  plaisir  consommée. 


20  LA     FLEUR 


AULTRE  HUICTAIN 

Ce  qui  souloit  en  deux  se  départir 
En  foy,  amour,  plaisir,  contentement, 
Las  maintenant  s'est  voulu  convertir 
En  trop  piteux  et  soubdain  changement. 
Je  porteray  mon  malheur  doulcement 
Pour  à  l'ingrat  trop  de  plaisir  ne  rendre, 
Ainsy  sera  en  moy  le  seul  tourment 
En  lieu  du  bien  que  deux  souloient  prétendre. 

AULTRE  RESPONSIF 

En  lieu  du  bien  que  deux  souloient  prétendre 
A  l'ung  voit-on  ennuy,  dueil,  et  tourment, 
Pour  bon  support  qu'il  en  debvoit  attendre 
A  tout  malheur  est  chassé  rudement, 
O  trop  piteux  et  soubdain  changement 
Quant  ne  sepveult]  à  ung  seul  convertir 
En  foy,  amour,  plaisir,  contentement, 
Ce  qui  souloit  en  deux  se  départir. 

AULTRE 

Pour  un  plaisir  qui  si  peu  dure 
J'ai  enduré  peine  et  travaulx, 
J'en  ay  souffert  douleur  trop  dure, 
J'en  ay  receu  cent  mille  maulx. 
J'en  ay  eu  de  si  grands  assaulx, 
Or  dieu  me  doint  bonne  adventure, 
Fortune  a  faict  sur  moy  ses  saulx 
Pour  ung  plaisir  qui  si  peu  dure. 


DE   POÉSIE   FRANÇOYSE  21 


AULTRE 


Je  ne  le  croy  et  le  sçay  seurcment 
Peult  on  avoir  chose  tant  agréable 
s  le  sentir  on  le  voit  clerement  (i) 

Certes  nenny,  mais  le  contentement 
En  est  si  grand,  si  doulx,  et  amyable 
Que  pareflect,  en  songe  ou  aultrement 
Je  n'oseroy  le  penser  véritable. 

AULTRE 

Plis  que  de  vous  je  n'ai  aultre  visage, 
Je  m'en  vois  rendre  hermite  en  ung  désert, 
Pour  prier  dieu  si  ung  aultre  vous  sert 
Qu'autant  que  moy  en  vostre  amour  soit  sage. 
Adieu  amours,  adieu  gentil  corsage, 
Adieu  ce  tainct,  adieu  ces  riants  yeulx, 
Je  n'ay  pas  eu  de  vous  grand  advantage, 
L'ng  moins  amant  aura  (peult  estre)  mieulx. 

AULTRE  RESPONSIF 

U       moins  amant  aura  (peult  estre)  mieulx 
Que  je  n'ay  eu  en  faisant  mon  debvoir, 
En  bien  servant  je  te  suis  ennuyeulx, 
Je  te  verray  mal  pour  bien  recepvoir 


(l)  Manque  an  vers. 


11  LA    FLEUR 

Ton  œil  bendé  n'a  peu  à  ce  prévoir 

Ayman  trop  mieulx  d'ung  nouveau  l'allégeance, 

Laissant  le  seur  pour  l'incertain  avoir 

C'est  mal  couru  quand  Ton  se  desadvance. 

AULTRE 

Voulant  amour  (soubz  parler  gracieulz) 
Porter  son  feu  pour  ton  cueur  enflammer, 
Il  ressortit  marry  et  furieux, 
Car  ton  froid  cueur  il  ne  sçeut  entamer. 
Alors  picqué  d'un  despit  trop  amer 
Conclud  brusler  tout  ce  quiseroit  tien 
Et  que  verrois  de  tes  yeulx  consumer, 
Moy  par  dedans,  et  par  dehors  ton  bien. 

AULTRE 

De  mon  las  cueur  j'ai  donné  le  povoir 
Au  dieu  d'amour,  atf'in  de  le  pourveoir, 
Mais  c'est  enfant  qui  de  sa  torche  ardante 
Le  brusle  et  ard,  s'en  joue  et  le  tourmente, 
Encor  je  crains  que  plus  il  ne  luy  face, 
Veu  que  bendez  sont  les  yeulx  de  sa  face, 
Possible  n'est  (doncques)  qu'il  ne  le  perde 
S'il  est  enfant  aveugle,  et  ne  le  garde. 

AULTRE 

Puis  que  d'amour  reçoys  élection 
En  fermeté  d'ung  bon  contentement, 
Asseuré  suis  sans  nulle  fiction 
Vivre  en  plaisir  tousjours  joyeusement, 


DE   POÉSIE  FRANÇOYSE  2$ 

Pourveu  que  foy  me  donne  asseurement 

i  promesse  en  loyalle  puissance, 
Puis  à  la  fin  du  cueur  consentement 
La  fermeté  me  vaudra  jouyssance. 

AULTRE 

Mon  cueur  voulut  dedans  soy  recepvoir 
L'heureux  amour  de  ta  parfaicte  grâce, 
En  ne  craignant  de  vie  se  despourvoir 
Pour  à  l'amour  donner  entière  place, 
Mais  s'il  congnoist  que  de  luy  tu  te  lasse 
Que  dira-il  (i),  ung  tel  bien  ne  m'est  deu, 
Parquoy  perdant  le  bien  que  je  pourchasse 
Trop  je  perdroy  si  je  n'estoy  perdu. 

AULTRE 

Test  l'amour  de  vous  en  moy  empraincte 
<»z  désirs  je  suis  tant  désireux 
Et  île  desplaire  au  cueur  ay  telle  craincte 
Que  plus  à  moi  ne  suis  dont  suis  heureux 
ultre  sainct  ne  s'adressent  mes  yeulx 
Toujours  voulant  (de  paour  de  faire  offense) 
Ce  que  voulez,  et  non  ce  que  je  veulx, 
Ce  que  pensez,  et  non  ce  que  je  pense. 


(i)  Pour  :  dir*-i-U. 


24  LA    FLEUR 


AULTRE  (i) 

Gens  qui  parlez  mal  de  mamye, 
Et  ne  sçavez  pas  bien  comment, 
Vous  avez  tort  el'  ne  tient  mye 
Propos  de  vous  aulcunement  ; 
Si  je  l'ayme  parfaictement 
Pourquoy  en  avez-vous  envye  ? 
En  despit  de  vous  loyaulment 
La  serviray  toute  ma  vie. 

AULTRE  (2) 

Puisque  malheur  me  tient  rigueur, 
Et  seul  sçavez  mon  indigence, 
Pour  donner  ordre  à  ma  langueur, 
Secourez  moy  en  diligence, 
Helas  !  ayez  intelligence, 
Du  mal  que  j'ay  en  amytié, 
Ung  patient  prent  allégeance 
Quant  son  amy  en  a  pitié. 


(  l)  Cette  pièce  a  été  réimprimée  dans  La  Récréation  et  passe 
temps  des  tristes  (A  Rouen,  chez  Abraham  Le  Cousturier,  1595, 
1  a).  Voy.  l'éd.  de  ce  recueil  publiée  par  Jales  Gay,  en  1862,  p.  iov 
Elle  se  trouve  de  plus  dans  le  Trésor  des  joyeuses  inventions,  enriehy 
de  plusieurs  sonnets  et  autres  Poésies  pour  resjouir  les  esprits  melan- 
eoliques.  Rouen,  Abraham  Cousturier,    1599,  in-12,  p.  78. 

(a)  Réimprimé  dans  la  Récréation  tt  passettmps  des   tristes  de  1 595 
(Ed.  publiés  par  Jules  Gay,  en  18(2,  p.  30) 


DE   POÉSIE   FRANÇOYSE  2$  m 


AULTRE 

Satisffaict  suis  au  long  de  mon  mérite 
plus  prisé  que  n'ay  pas  desservy, 
J'acquiers  assez,  mais  point  je  ne  m'hérite, 
:  temps  perdu  que  de  m'estre  asservy. 
Libéré  fuz,  et  seray  si  je  vy, 
En  cest  espoir  mon  cueur  se  mal  contente, 
Et  p[ou]r  avoir  par  quelque  temps  servy 
Contenté  suis  par  une  longue  attente. 

AULTRE 

Ma  passion  je  prendz  patiemment 
Puis  que  l'amour  le  veult  et  le  commande, 
Sur  mon  bien  faict  je  prendz  contentement 
Et  debvoir  veult  qu'a  vous  seul  je  me  rende, 

^nez  moy  donc  en  telle  extrémité 
Ou  me  rendez  une  amour  si  unie 
Qu'on  ne  die  que  soit  adversité, 
Mais  Ioyaultc  qui  demeure  infinie. 

AULTRE 

Quand  je  congneu  en  ma  pensée 
Que  n'avoys  nul  bien  qu'à  te  veoir, 
Trop  je  pensay  estre  offensée 
Ne  craignant  à  l'amour  pourveoir, 
Alors  tu  me  feis  assavoir 

imme  en  toy  ja  commencée, 
Dont  nostre  amour  par  seur  debvoir 
Bien  a  esté  récompensée. 


26  la   FleuR 


AULTRE 

Fortune  et  mort  pourquoy  m'avez  laissez 
Seul  au  monde,  despourveu  de  lyesse  ? 
Pourquoy  si  tost  du  monde  avez  chassez 
Celle  par  qui  je  languis  en  tristesse  ? 
Las  raamye,  puisque  la  mort  m'oppresse 
Et  que  ne  puis  mettre  à  fin  mes  doleurs 
Deprendz  la  vie  ou  mort  prendre  me  laisse  : 
Ainsi  (je  croy)  finiront  mes  malheurs. 

AULTRE 

Voyez  le  tort  d'amour  et  de  fortune, 
L'ung  faict  le  mal  et  deffend  le  guérir, 
L'aultre  se  f[e]inct  amye  et  opportune, 
Me  donnant  plus  qu'on  ne  peult  acquérir 
Soubz  le  tribut  d'aymer  et  requérir, 
Helas  !  ma  foy  ou  est  vostre  puissance, 
Contentez  moy  ne  me  laissez  mourir, 
Mort  en  malheur  m'est  seulle  suffisance, 

AULTRE 

Au  feu  au  feu,  venez  moy  secourir, 
Tous  vrays  amans  voyez  la  grande  offense, 
A  tort  amour  me  brusle  sans  mourir 
Et  si  ne  puis  contre  elle  avoir  deffense, 
O  dur  ennuy  qui  me  tient  en  souffrance 
Faictz  moy  jouyr  du  bien  ou  je  pretendz, 
Ou  rendz  mon  cueur  en  si  bonne  espérance 
Qu'en  espérant  je  ne  perde  mon  temps. 


DE   POÉSIE    FRANÇOYSE  27 


AULTRE 


En  espérant  je  veis  en  grand  langueur, 
En  languissant  je  meurs  de  desplaisir, 
Car  en  t'aymant  on  à  de  toy  rigueur, 
Et  qui  te  hayt  recoipt  de  toy  plaisir. 
Ainsi  convient  pour  le  meilleur  choysir 
Que  je  te  haye  en  faisant  mon  debvoir, 
Et  sans  en  toy  aulcune  amour  avoir 
Pour  estre  aymé  et  vivre  à  mon  désir. 

AULTRE 

Las  je  sçay  bien  que  je  feis  grande  offence 
Quand  je  voulus  contre  amour  tenir  fort, 
Il  m'en  prend  mal,   aussi  avois  je  tort 
De  vouloir  faire  à  ung  dieu  résistance 
Duquel  chascun  redoubte  la  puissance, 
Tant  fist  d'effort  qu'il  print  d'assault  mon  cueur 
Et  nieist  le  feu  dedans  à  grand  oultrance 
En  lieu  conquis,  ainsi  fait  le  vainqueur. 

AULTRE  (1) 

Aprks  avoir  longuement  attendu 
Soubz  le  confort  d'une  ferme  espérance, 
lis  au  poinct  ou  j'avois  prétendu, 
int  le  fruict  de  ma  persévérance. 


(1)  Réimprime  dans  La   Recreatian    et  passetemps  des  tristes,  1595 
Ed.  publiée  par  Jules  Gay,  en  iiiéa ,  p.   106). 


28  LA     FLEUR 

Le  souvenir  de  ma  peine  et  souffrance, 
M'est  ung  soûlas  accroissant  mon  plaisir 
Ainsi  tenant  d  ung  grand  bien  l'asseurance 
Pour  bien  servir  j'accomplis  mon  désir. 

AULTRE 

Si  contre  amour  je  n'ay  peu  résister 
Croire  povez  que  n'est  faulte  de  cueur, 
Car  amytié  quiert  tousjours  assister 
Près  de  celuy  qui  le  tient  en  langueur, 
Mais  qui  vers  luy  n'use  trop  de  rigueur 
Bien  le  pourra  comporter  sans  mot  dire, 
Et  ce  faisant  ma  cruelle  douleur 
Convertira  en  assez  doulx  martire. 

AULTRE 

Helas  !  Amour,  tu  feis  mal  ton  debvoir 
Quand  tu  vouluz  en  tes  lacz  me  surprendre, 
Que  ne  me  feis  ta  puissance   assavoir, 
Pour  me  garder  envers  toy  de  mesprendre, 
Helas  !  Amour,  tu  povois  bien  entendre 
Que  jeune  estois,  et  non  en  cest  art  duyt, 
Et  pource  donc  tu  me  debvois  apprendre 
Quel  est  le  bien  de  l'amoureux  deduyct. 

AULTRE 

Je  prendz  en  gré  la  dure  mort 
Pour  vous  madame  par  amours, 
Navré  m'avez,  mais  à  grand  tort, 
Dont  fineray  de  brief  mes  jours. 


DE   POÉSIE  FRANÇOYSE  29 

La  chose  me  vient  à  rebours 
Souffrir  si  tost  la  mort  amere, 
O  dure  mort,  à  toy  je  cours  ! 
Mourir  me  fault,  c'est  chose  claire. 

AULTRE  (i) 

Plus  ne  suis  ce  que  j'ay  esté 
Et  si  ne  le  puis  jamais  estre, 
beau  printemps  et  mon  esté 
On  faict  le  sault  par  la  fenestre. 
Amour  tu  as  esté  mon  maistre, 
Je  t'ay  servy  sur  tous  les  dieux, 
()  !  si  je  povois  deux  fois  naistre 
Comme  je  te  servirais  mieulx. 

AULTRE 

O  fortune  n'estois  tu  pas  contente 
I)cs  maulx  que  j'ay  par  toy  seulle  porté  i 
Par  envie  ravy  as  mon  entente 
Ce  qui  avois  mon  las  cueur  conforté. 
En  aultre  lieu  à  son  vueil  transporté, 
Dont  j'ay  perdu  de  mon  espoir  l'attente, 
Je  congnois  bien  qu'Amour  m'a  débouté, 
Puisque  de  moy  tu  t'es  rendue  absente. 


(i)  Cette  pièce  est  de  Clément  Marot.  Voyez  dans  l'édit.  dea  Œuvres 
de  Clément  Marot,  etc,  publiée  par  Lenglet  Dufresnoy  (La  Haye,  P. 
Gosse  et  J.  Neaulme,  17 j  1,  t.  in,  in-11,  p.  138)  l'épigramme  intitulée 
D$  soy-metme. 


30  LA    FLEUR 


AULTRE 

L'amour,  la  mort,  et  la  vie 
Me  tourmentent  à  toute  heure, 
De  me  laisser  ont  envie 
Et  veullent  que  j'y  demeure 
Quand  je  veulx  rire,  je  pleure 
Du  feu  d'amour  qui  s'avive, 
La  vie  veult  que  je  meure, 
Et  la  mort  veult  que  je  vive. 

AULTRE 

Ocueur  ingrat  qui  m'es  tant  redevable, 
Pourquoy  as  tu  si  tressoubdainement 
Mis  en  oubly  la  personne  notable 
Que  tu  disois  aymer  parfaictement  i 
J'ai  grand  regrect  à  ce  bon  traictement 
Qu'as  eu  de  moy  à  ton  bien  favorable, 
Car  je  congnois  par  faict  evidamment 
Que  tu  es  sainct,  ou  par  trop  variable. 

AULTRE 

L'amour  première  en  jeunesse  ignocente 
Tu  occupas  de  moy  [en]  doulx  amant 
Dont  je  pensay  ma  flamme  véhémente 
En  te  voyant  mettre  contentement, 
Mais  j'ay  perdu  tout  en  ung  mouvement, 
Veoir  et  parler,  et  ce  qui  me  contente. 
Las  que  je  vive  en  ton  entendement, 
Car  en  moy  meurs  d  une  si  longue  attente. 


DE   POÉSIE   FRANÇOYSE  31 


AULTRE 

Vivrr  ne  puis  content  sans  ma  maistresse, 
Son  doulx  regard  incessamment  regrette, 
Languir  me  faict  son  amour  en  tristesse 
Duquel  elle,  à  congnoissance  parfaicte, 
^ance  est  le  bien  que  je  souhaitte 
Pour  avoir  fruict  de  l'amour  commencée, 
Mais  en  chantant  respond  sur  ma  requeste  : 
Contentez  vous  (amy)  de  la  pensée. 

AULTRE 

Helas  !  amy  je  congnois  bien 
Que  ne  puis  nyer  mon  offence, 
Ht  apperçoy  assez  combien 

toit  seure  vostre  accointance, 
J'en  ay  faict  preuve  et  pénitence 
Dont  mon  cueur  est  très  empesché, 
Soyez  seur  que  la  repentance 
Suyvoit  de  bien  près  le  péché. 

AULTRE  (1) 

Si  j'ay  aymé  légèrement, 
J'en  ay  porté  la  pénitence, 
Mais  je  veulx  faire  une  accointance 
Qui  ne  finisse  aulcunement. 


(1)    Réimpr.     dans  La    Récréation   et   passetemps    des    tristes,    1595 
(Ed.  citée,  p.  152). 


32  LA    FLEUR 

Si  je  promectz  asseurement 
Je  tiendray  foy  de  mon  costé, 
Il  me  fault  trouver  seulement 
Ung  cueur  pareil  en  loyaulté. 

AULTRE 

Si  vostre  amour  ne  gist  qu'en  apparence, 
Et  pour  parler  la  pensée  véritable, 
En  vous  croyant  je  l'ai  tant  aggreable 
Que  contre  vous  ne  veulx  faire  deffence  ; 
Mais  quant  on  a  certaine  congnoissance 
Par  bon  effect,  et  quasi  incroyable, 
O  quel  plaisir  !  o  qu'il  est  amyable 
Quand  l'ung  de  l'autre  à  seure  jouyssance. 

AULTRE  (i) 

Quant  je  vous  ayme  ardentement, 
Vostre  beaulté  toute  aultre  efface, 
Quant  je  vous  ayme  froidement, 
Vostre  beaulté  fond  comme  glace, 
Hastez-vous  donc  de  me  faire  grâce 
Sans  plus  user  de  cruaulté, 
Car  si  mon  amytié  se  passe, 
Adieu  command  vostre  beaulté. 


(i)  Cette  pièce  est  de  Clément  Marot.  Voy.  dans  l'éd.  des  Œuvres 
de  Cièment  Marot,  publiée  par  Lenglet-Dufresnoy  (La  Haye,  P. 
Gosse  et  J.  Neaulme,  1731,  t.  III,  in-12,  p.  131)  l'épigramme  intitulée: 
D'une  qui  faisoit  lu  longue. 


DE   POÉSIE   FRANÇOYSE  33 

AULTRE  (i) 

Deux  cueurs  voulans,  par  fermeté  louable, 
Avmer  honneur  avecques  leur  plaisir 
Cherchans  amour  en  ses  faictz  honorable, 

fuict  leur  bien  égal  à  leur  désir. 
Or  donc,  amans,  ne  prenez  desplaisir 

mt  souffrir,  et  contens  les  congnoistre, 
Car  si  voulez  amour  ainsi  choisir, 
Autant  comme  eulx  heureux  vous  pourrez  estre. 

AULTRE  (2) 

Trop  tost  j'ai  creu,  y  prenant  tel  plaisir, 
Que  le  penser  sans  fin  sera  durable, 
Mais  tout  soubdain  je  l'ay  veu  convertir 
En  changement,  et  devenir  muable. 
Qui  rend  mon  cueur  par  cela  pardurable, 
Voyant  le  temps  devant  ma  mort  finir, 
La  fermeté  me  rendant  variable, 
Cela  ne  peult  en  mon  endroict  venir. 


Si  ta 
Et 


AULTRE  (3) 

ta  beaulté  te  garnist  de  prudence 
ton  sçavoir  mérite  recompense, 


(i)  Réimpr.  :   Récréation  et  passetemps   dei    tristes    (Ed.  citée,    p. 

(2)  Réimpr.  :  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  1595  (Ed. 
citée,  p.  153). 

(j)  Réimpr.  :  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  ^9$  Ed.  citéç, 
P-  '53)- 


34  LA    FLEUR 

Si  ton  esprit  desprise  oultrecuidance, 

Et  tu  as  sens  selon  ta  geniture, 

Qu'est-ce  de  toy  ?  tu  surmontes  nature, 

Car  tes  doulx  chantx,  et  dictz,  tant  gracieulx 

Ton  beau  maintien,  ta  très  belle  facture, 

Font  resjouyr  mainctz  cueurs  solacieux. 


AULTRE 

J'ay  veu  qve  j'estois  franc  et  maistre, 
Maintenant  je  suis  serviteur, 
Serviteur  suis  et  le  veulx  estre, 
Ce  m'est  plaisir,  ce  m'est  grand  heur, 
Amour,  cest  aveugle  enchanteur, 
M'a  pourveu  de  maistresse  telle, 
Que  s'il  eust  congneu  sa  haulteur, 
Luy  mesme  fut  serviteur  d'elle, 


AULTRE 

Mort  en  malheur  m'est  seulle  suffisance, 
Puis  que  d'espoir  privé  je  suis  aussi, 
Fortune  m'a  gardé  de  jouyssance, 
Amour  pourtant  m'a  rendu  tout  transy. 
Or  il  convient  que  je  demeure  ainsi, 
En  attandant  secours  et  confort  d'une, 
Et  pour  sçavoir  dont  provient  mon  soucy, 
Voyez  le  tort  d'Amour  et  de  Fortune, 


DE  POÉSIE  FRANÇOYSE  3$ 


AULTRE  (i) 

Blanc  et  clairet  sont  les  couleurs 
De  ce  bon  vin  que  j'ayme  fort, 
-ourlriray  mainctes  douleurs, 
Si  de  luy  n'ay  souvent  confort. 
IVeu  user  bien  fais  mon  effort, 
Pour  en  avoir  meilleure  grâce, 
Si  je  n'en  boy  me  voylà  mort, 
Car  de  boire  eau  je  ne  pourchasse, 

AULTRE 

Si  Testincellc  en  ung  petit  moment 
Embrase  ung  feu  de  trop  grande  importance, 
Merveille  n'est  si  nous  voyons  souvent 
En  peu  de  temps,  pour  peu  de  souvenance, 
Revivre  et  croistre  une  ancienne  accointance. 
Las  !  qui  fust  vray  que  visse  egallement 

ueurs  uniz  de  pareille  asseurance, 
Comme  ilz  vouloient,  et  de  contentement. 

AULTRE 

Si  mon  travail  vous  pcult  donner  plaisir, 
Recepvant  d'aultre  plus  de  contentement, 
Ne  craignez  plus  me  faire  desplaisir, 
Et  en  laissez  à  mes  yeulx  le  tourment, 
Puis  ijne  du  mal  sont  le  commencement, 

inen  raison  qu'ilz  en  sourirent  la  peine  : 
Endurez  donc  (pauvres  yeulx)  doulcement, 
Le  deuil  yssu  de  la  joyc  incertaine. 

(i)  Rèimpr.:  Récréation  etpatsetempsdes  tristet,  15  js  (Ed.  citée  p.  31  ). 


3  6  LA    FLEUR 


AULTRE 

Las  !  me  fault  il  tant  de  mal  supporter 
Sans  que  personne  en  ayt  la  congnoissance, 
Faisant  semblant  tousjours  me  contenter, 
Et  si  n'ay  plus  de  mon  bien  espérance, 
Ostez  moy  donc  (mon  dieu)  la  souvenance 
De  ce  malheur,  auquel  ne  puis  pourveoir, 
Ou  me  donnez  si  longue  patience 
Qu'aultre  que  moy  ne  le  puisse  sçavoir. 

AULTRE  A  UNG  AMANT 

Je  ne  pourrois  ta  fermeté  blasmer, 
Veu  qu'esprouvé  je  l'ay  suffisamment, 
Je  te  veuil  donc  sus  tous  aultres  aymer 
En  te  donnant  parfaict  contentement, 
Peine,  travail,  labeur,  et  grand  tourment 
Si  pour  ung  temps  ont  grevé  ta  personne 
Esjouys  toy,  amy,  présentement 
Car  de  bon  cueur  toute  à  toy  m'abandonne. 

AULTRE  A  UNE  DAME 

Dictes  pourquoy  amitié  s'efface, 
O  cueur  ingrat  soubz  angelicque  face, 
Dictes  le  moy,  car  sçavoir  ne  le  puis, 
Tousjours  loyal  j'ay  esté,  et  le  suis. 
Il  est  bien  vray  qu'ardent  est  mon  service, 
Mais  d'avoir  faict  (vous  servant)  ung  seul  vice, 
Il  n'est  vivant  qu'en  rien  me  sceut  reprendre 
Si  trop  aymer  pour  vice  ne  veult  prendre 


DE  POÉSIE  FRANÇOYSE  $7 

AULTRE  A  UNE  DAME  (i) 

Celle  qui  fut  de  beaulté  si  louable 
Que  pour  sa  garde  elle  avoit  une  armée, 
A  aultres  plus  qu'a  vous  ne  fut  semblable, 

le  Paris,  son  amy,  mieulx  aymée 
Que  de  chascun  vous  estes  estimée, 
Mais  il  y  a  différence  d'ung  poinct, 
Car  à  bon  droict  elle  fut  fort  blasmée 
De  trop  aymer,  et  vous  de  n'aymer  point. 

AULTRE  (2) 

Qui  pèche  plus,  luy  qui  est  eventeur 
Que  j'ay  de  toy  le  bien  tant  souhaitable, 
Ou  toy  qui  faictz  qu'il  est  tousjours  menteur, 
Et  si  le  peulx  faire  homme  véritable, 

e,  et  si  peulx  d'ung  œuvre  charitable 
En  saulver  troys  y  mettant  ton  estude, 
Luy  de  mensonge  inique,  et  détestable, 
ie  langueur,  et  toy  d'ingratitude  ? 

(1)  Cette  pièce  a  été  attribuée  à  Melin  de  Sainct-Gelays.  On  la 
trouYe  dans  l'édition  des  Œuvres  complètes  de  ce  poète  donnée  par 
Prosper  Blanchemain  (Pari»,  Paul  Daffis,  1873.  t.  III,  p.  28  s).  Elle  a 
été,  de  plus,  publiée  avec  les  Poésies  de  François  I",  éd.  Champol- 
lion-Figeac  (Paris,  Impr.  royale,  1847,  in-4»,  p.  94)  et  à  la  suite 
de  VHecatomphile,  de  vulgaire  italien  tourné  en  français  (voyez  la 
partie  de  cet  ouvrage  intitulée  :  Les  Fleurs  de  poésie  françoise). 
Paris,  Galliotdu  Pré.  1  s  34,  pet.  in-8«.  p.  8i. 

(2)  Epigramme  de  Clément  Marot.  Voyez  dans  l'éd.  Lenglet-Du- 
fresnoy.  1731,  III,  p.  128,  la  pièce  intitulée  ;  Aune  Dame  touchant  un 
faux  rapporteur.  Selon  l'abbé  Lenglet-Dufresnoy  cette  pièce  aurait  été 
faite  sur  les  murmures  que  causa  l'inclination  de  Mm*  d'Alençon  pour 
Marot. 

L*  Fleur  de  poésie  france-yse  3 


38  LA     FLEUR 


AULTRE  A   UNE  DAME 

Si  je  vous  aime  par  amour, 
Ne  le  prenez  à  desplaisir, 
Peult  estre  viendra  quelque  jour 
Que  me  vouldrez  faire  plaisir, 
Et  pour  loyal  amy  choisir, 
De  grâce,  ou  par  nécessité, 
Si  maintenant  n'avez  loysir, 
Patience  en  adversité 

AULTRE 

Ung  doulx  baiser  je  prins  subtillement 
De  celle  à  qui  mon  cueur  s'est  adonné, 
Pensant  par  là  trouver  allégement 
Au  dur  travail  qu'en  amours  m'a  donné, 
Mais  tout  soubdain  me  trouvay  estonné 
Quant  je  congneuz  (cuidant  mon  feu  estaindre) 
Que  luy  avoit  nourriture  donné 
Et  que  mon  mal  n'en  estoit  de  rien  moindre. 

AULTRE 

Si  j'eusse  esté  aussi  prompte  a  donner 
Ung  doulz  baiser,  que  tu  feuz  à  le  prendre, 
Il  m'eust  esté  aisé  à  pardonner, 
Car  le  baiser  n'oblige  qu'a  se  rendre  ; 
Mais  pre[voya]nt  que  plus  hault  entreprendre, 
Ferir  amour  soubz  l'ombre  du  baiser, 
Je  voulois  bien  ne  le  donner  ne  prendre 
Puisque  ton  mal  ne  povoit  appaiser. 


DE   POÉSIE    FRANÇOYSE  39 

AULTRE 

Le  dur  travail  de  ta  longue  demeure 
A  tourmenté  de  ton  servant  le  cueur, 
Mais  ton  retour  luy  rend  bien  à  ceste  heure 
Trop  plus  de  bien  qu'il  n'avoit  de  langueur. 
O  doulx  reveoir  !  tu  m'as  rendu  vainqueur 
Du  dur  travail  ou  doulce  recompense, 
Celluy  doibt  bien  souffrir  toute  rigueur 
Qui  de  son  mal  n'attends  quelque  allégeance. 

AULTRE 

Laissons  amour  qui  nous  faict  tant  souffrir, 
Prenons  Bacchus  qui  resjouyt  les  cueurs, 
Le  dieu  tant  beau  qui  s'est  voulu  offrir 
A  nous  donner  la  couleur  des  vainqueurs, 
O  rouge  !  o  blanc  !  o  tresdoulces  liqueurs 
Qui  font  les  loix,  et  au  cueur  le  courage. 
O  tresdoulx  vins  !  esprit  des  Bachiqueurs, 
Desccndz  sur  nous  pour  avoir  ton  ymage. 

AULTRE  (i) 

Celluy  qui  veult  en  amour  estre  heureux 
Jamais  ne  doibt  sa  dame  requérir 
Le  bien  qu'on  dict  estre  si  savoureux 
Qui  faict  entre  eulx  l'amytié  amoindrir, 


(i)  Rcimpr.  :  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  IS9S-  Ed.  citée 
p.  10$,  Trésor  des  joyeuses  inventions,  Rouen,  Abr.  Cousturier. 
1599.  PP-  70-7 «• 


40  LA    FLEUR 

Car  il  est  seur  ainsi  que  de  mourir 
Que  tel  plaisir  leur  amytié  dechasse, 
Parquoy  vault  mieulx  (en  espérant)  servir 
Que  de  jouyr  du  bien  que  l'on  pourchasse. 

AULTRE 

Le  rossignol  plaisant  et  gracieulx 
Habiter  veult  tousjours  à  verd  bocage, 
Aux  champs  voiler  et  par  tous  aultres  lieux, 
Sa  liberté  aymant  plus  que  sa  cage. 
Mais  le  mien  cueur  qui  demeure  en  hostage 
Soubz  triste  dueil  qui  le  tient  en  ses  la[c]z, 
Du  rossignol  ne  cherche  l'adventage 
Ne  de  son  chant  recepvoir  le  soûlas. 

AULTRE 

Puis  que  de  moy,  n'avez  ferme  fiance, 
Craignant  sentir  quelque  desloyauté, 
Amour  et  foy  feront  signifiance 
Que  vous  debvez  user  de  cruaulté, 
Lors  vous  pourrez  changer  de  volunté, 
Rendant  certain  ce  qui  n'est  qu'apparence, 
Par  vray  effect  de  vostre  grand  bonté 
Qui  de  mon  mal  sera  la  recompense. 

AULTRE 

D'amour  me  plainctz,  et  non  de  vous  mamye 
Que  si  long  temps  j'ay  requis  sans  avoir, 
Mais  si  voulez  estre  son  ennemye 
Vous  confondrez  mon  dire  et  mon  sçavoir, 


DE  POÉSIE  FRANÇOYSE  41 

Vous  seulle  avez  cest  estimé  povoir. 
Si  aultremcnt  ne  sçay  que  faire  et  dire, 
Abaissez  donc  son  rigoureux  vouloir 
Et  me  donnez  le  bien  que  je  désire. 

AULTRE 

O  triste  adieu  qui  tant  me  mescontente, 
Fascheux  adieux,  rompant  chanson  et  danse, 
Dont  le  penser  me  contrainct  que  lamente 
Pour  les  cffectz  de  sa  signifiance, 
Ce  mot  tant  beau  et  de  griefve  importance, 

int  mourir  l'amant  de  desplaisir, 
Sans  du  revcoir  une  ferme  espérance, 
Lasung  adieu  est  fin  de  grand  plaisir. 

AULTRE 

O  comme  heureux  t'estimeroit  mon  cueur 
Si  ce  nenny  estoit  encore  à  dire, 
Hclas  !  (mon  dieu)  dont  me  vient  ce  malheur 
Que  je  voulus  à  l'heure  contredire; 
Lors  plus  grand  bien  je  ne  povois  eslire, 
Estoit-ce  paour  de  soubdain  changement  ? 
Je  croy  que  non,  mais  c'est  que  je  désire 
De  m'aymer  rien  fors  que  moy  seulement. 


42  LA     FLEUR 

AULTRE  (i) 

D'ung  amy  fainct  je  ne  me  puis  deffaire 
Sans  ma  parolle  et  honneur  démentir, 
Là  maintenant  je  commence  à  sentir 
Quel  ennuy  c'est  complaire  à  son  contraire 
Celer  le  doibs,  mais  je  ne  m'en  puis  taire, 
Car  ma  douleur  ne  si  veult  consentir, 
Ha  !  que  bien  peu  sert  ung  bon  repentir 
Quant  on  ne  peult  au  surplus  satisfaire. 

AULTRE 

L'ardant  désir  du  hault  bien  désiré, 
Qui  aspiroit  à  celle  fin  heureuse, 
A  tellement  son  ardeur  attiré 
Que  le  corps  vif  est  desja  cendre  umbreuse, 
Et  de  ma  vie  en  ce  point  malheureuse 
Ne  me  reste  que  ces  deux  signes  cy, 
Lœil  larmoyant  pour  te  rendre  piteuse, 
La  bouche,  helas  !  pour  te  crier  mercy. 

AULTRE 

Vous  m'aviez  vostre  cueur  donné, 
Si  aviez  vous  à  ma  voisine, 
Et  puis  l'avez  habandonné 
A  ma  sœur  et  à  ma  cousine. 

(i)  Epigramme  attribuée  à  Melin  de  Sainct-Gelays  (Voyez  l'éd.  de 
ce  poète  publiée  par  P.  Blancheaiain,  t.  III,  p.  282).  On  la  trouve  ea 
outre  dans  les  Poésies  de  François  I*r  rec.  par  Champollion-Figeac 
(Paris,  Imp.  royale,  1847,  in-4,  p.   104). 


DE    POÉSIE   FRANÇOYSE  43 

eusse  esté  ung  peu  plus  fine 
B  dict  qu'estes  des  mocqueurs, 
Ou  bien  qu'aviez  en  la  poictrine 
Cinq  ou  six  douzaines  de  cueurs. 

AULTRE  (i) 

Si  dieu  vouloit  pour  ung  jour  seulement 
Nous  eschanger  tant  que  je  devinsse  elle, 
Et  elle  moy,  sans  le  contentement 
Que  j'auroye  eu  d'estre  priée  et  belle, 
Je  laisseroy  sa  condition  telle 
Qu'au  lendemain,  quant  en  soy  reviendrait, 
Si  luy  tenoit  d'estre  encore  cruelle 
Ne  pensez  pas  que  fut  en  mon  endroict  (2). 

AULTRE 

Ace  matin  ce  seroit  bonne  estreine 
De  desjeuner  le  beau  jambon  salé, 
Du  vin  suret  la  grand  bouteille  pleine, 
Car  doulcement  est  de  moy  avallé: 
Avoir  bon  feu,  le  pain  blanc  chappellé, 
Accompagné  de  la  belle  au  corps  gent, 
Mais  touteffois  après  beu  et  galle, 
Le  principal  c'est  d'avoir  de  l'argent. 

(1)  Epigramroe  de  Melin  de  Sainct-Gelays  (Voy.  l'éd.  publiée  par  P. 
Blanchemain,  t.  III,  p.  85).  Cette  pièce  se  trouve  en  outre  dans  La 
Récréation  et  passetemps  des  tristes,  1 595  (Ed.  citée,  p.  22),  et  Le 
Trésor  des  joyeuses  inventions  (Ed.  de  I  599,  p.  62). 

(2)  Var.  :    Œuvres  de  Melin  de  Sainct-Gelays  : 

Ce  ne  seroit  (ce  croy-je)  en  mon  endroict. 


44  LA    FLEUR 


AULTRE 

Je  ne  puis  bonnement  penser, 
Dont  me  vient  douleur  si  soubdaine, 
Si  ce  n'est  que  je  vois  passer 
Mon  bien  en  région  loingtaine, 
Et  l'heure  qui  est  incertaine 
Du  reveoir  dont  tant  me  desplaist, 
Et  telle  peine  au  cueur  m'ameine 
Que  rien  tant  soit  peu  ne  me  plaist. 

AULTRE 

O  combien  est  malheureux  le  désir 
Dont  je  ne  puis  recepvoir  que  tourment, 
De  mon  ennuy  j'ay  formé  ung  plaisir 
Qui  est  trop  loing  de  mon  contentement, 
Je  voy  mon  bien  finir  soubdainement, 
Mon  travail  croit  soubz  couverte  pensée, 
Sans  espérer  je  souffre  doulcement 
Le  mal  que  sent  une  amye  offensée. 

AULTRE 

L'œil  et  le  cueur  contre  leur  ligue  saincte 
Ont  faict  pour  vous  divorce  ce  jourdhuy, 
L'œil  s'esloignant  pour  affaire  contraincte 
Vouloit  le  cueur  mener  avecques  luy, 
Le  cueur  n'osant  habandonner  celuy 
A  qui  du  tout  il  estoit  allyé, 
A  dict  à  l'œil  qui  s'en  allast  sans  luy, 
Demeurer  veulx  la  part  ou  suy  lyé. 


DE   POÉSIE   PIANÇOYSE  4$ 


AULTRE 

Las  que  te  sert  ce  doulx  parler  en  bouche, 
Et  à  tes  yeulx  ce  regard  savoureux, 
Si  de  plus  près  la  douleur  ne  te  touche 
De  ton  amy,  pour  toy  si  langoureulx. 
Baisse  cest  œil  qui  me  rend  amoureux, 
Couvre  ce  feu  qui  sans  cesser  m'oppresse, 
Lors  me  rendras  du  rang  des  bien  heureux 
D'avoir  congneu  la  playe  qui  me  blesse. 

AULTRE 

L'œil  est  à  vous  le  cueur  et  la  pensée, 
Qu'à  vostre  gré  prisonnière  tenez, 
Et  par  rigueur  auquel  habandonnez 
Tousjours  ennuy  la  maintient  oppressée. 
Le  temps  se  perd,  l'heure  s'en  va  passée, 
Que  moy  crainctif  je  debvrois  requérir 
L'heureux  jouyr  de  l'amour  commencée, 
Mais  j'ayme  moins  vous  fascher  que  mourir. 

AULTRE 

Comment  mes  yeulz  auriez  vous  bien  promis 
Ce  que  mon  cueur  n'a  jamais  prétendu  ? 
Sçavez  vous  pas  qu'il  ne  vous  est  permis 
De  declairer  ce  qu'il  a  deffendu  ? 
Et  si  par  vous  l'on  avoit  entendu 
Qu'affection  peult  estre  en  moy  congneue, 
Sachez  pour  vrai  que  le  sçavoir  est  deu 
Plus  tost  au  cueur  qu'il  n'est  pas  à  la  veue. 


LA    FLEUR 


AULTRE(i) 

Ung  doulz  regard  ung  parler  amoureux, 
Puis  ung  baiser  reçeu  à  sa  plaisance, 
Sont  les  troys  biens  qui  font  l'amant  heureux 
Et  parvenir  au  but  de  jouyssance. 
O  quel  plaisir  (madame)  et  souvenance 
Si  l'un  des  trois  me  donnez  seullement, 
Car  ung  seul  bien  reçeu  en  suffisance 
Vault  mieux  que  trois  hors  de  contentement. 

DU  MOYS  DE  MAY  (2) 

Ce  moys  de  may  sur  la  rousée 
Irons  jouer  pour  cueillir  vert, 
Moy  et  ma  mignonne  brousée 
Regardant  la  feuille  à  l'envers, 
Mais  s'elle  craint  le  descouvert, 
Des  genoulx  sentant  la  froidure, 
Par  moy  ils  seront  recouvers, 
Mais  je  seray  la  couverture. 

AULTRE  EN  TRIOLET 
d'ung  verollé 

A  cinq  cens  diables  la  verolle, 
Et  le  vaisseau  ou  je  l'ay  pris 
Je  n'ay  dent  qui  ne  bransle  ou  crolle, 
A  cinq  cens  dyables  la  verolle, 

(1)  Réimpr.  :  Récréation  et  passetemps    des  tristes,  1595    (Ed.  citée, 
p.  148). 

(2)  Réimpr.:  Récréation  et  passetemps  des  tristes,   1595    (Ed.  citée, 
p.  32). 


DE  POÉSIE  FRANÇOYSE  47 


La  goutte  me  tue  et  affolle, 
Je  suis  d'ulcères  tout  espris, 
A  cinq  cens  diables  la  verolle 
Et  le  vaisseau  ou  je  Tay  pris. 

AULTRE(i) 

Ung  jour,  au  boys  soubz  la  ramée, 
Je  trouvay  mon  amy  seullet, 
En  luy  disant  sans  demourée  : 
Faictes  moy  le  joly  hochet. 
Eh  bien  (deist-il)  faisons  dehait 
Ung  petit  coup  sur  la  rousée, 
Hé  !  mon  amy  qu'il  est  doulcet, 
Faictes  toujours  je  suis  pasmée. 


AULTRE  (2). 

Par  ung  matin,  tout  par  souhaict, 
Au  poinct  du  jour  sur  la  rousée, 
Je  trouvay  mamye  dehaict 
Dessus  Therbe  bien  arrousée  ; 
M'amour,  mon  bien,  mon  assottée, 
Haulssez  ung  peu  le  plissonnet, 
Elle  respond  (comme  effrontée) 
Mettez  la  main  au  conninct. 


(i)Réimpr.  :  Rtcreation  et  patsetemps  des  tristes,  1595  (Ed.  oitée, 
p.  32)  ;  Trésor  des  joyeuses  inventions ,  1599,  p.  68. 

(2)  Réimpr.  :  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  IS9S  (Ed.  citée, 
P-  3*). 


4-8  LA     FLEUR 


AULTRE 

Celle  qui  veit  son  amy  tout  armé 
(Fors  la  brayette)  aller  à  l'escarmouche, 
Luy  dict,  amy,  de  paour  qu'on  ne  vous  touche 
Armez  cela  qui  est  le  mieulx  aymé. 
Quoy  ?  tel  conseil  doibt  il  estre  blasmé  ? 
Je  dy  que  non,  car  sa  paour  la  plus  grande 
De  perdre  estoit  (le  voyant  animé) 
Le  bon  morceau,  dont  elle  estoit  friande. 

AULTRE  (1) 

Alix  avoit  aux  dentz  la  malle  rage 
Et  ne  povoit  son  grief  mal  alléger, 
Martin faisoit  aux  champs  son  labourage, 
Vers  luy  s'en  vint  pour  son  mal  soulager. 
Son  grief  luy  deist,  Martin  pour  abréger 
Prendz  dame  Alix  et  luy  donne  dedans, 
Alix  respond  :  Hardiment  franc  bergier, 
Rage  du  cul  passe  le  mal  des  dentz, 

AULTRE 

L'aultre  hier,  passant  par  un  verd  boys, 
Trouvay  une  gay  bergerette 
Qui  cueilloit  des  petites  noix 
Aux  branchettes  d'une  couldrette, 


(i)Réimpr.  :    Récréation  et  passetemps  des  tristes,  1595    (Ed.   citée 
p.  33);  Trésor  des  joyeuses  inventions,  1599,  pp.  68-69. 


DE   POÉSIE   FRÀNÇOYSE  49 

Adonc,  me  dict  la  godinette, 
Venez  ça,  mon  amy  Jacquet, 
Emplissons  de  noix  ma  pochette 
rons  le  petit  bancquet. 

AULTRE  (i) 

Mamye  a  eu  de  dieu  le  don 
Que  de  beaulté  elle  n'a  tache, 
yeulx  à  blancz  comme  charbon, 
Les  tctins  rondz  comme  une  vache  ; 
Au  jeu  d'amour  elle  n'est  lasche 
A  tous  les  coups  je  suis  vaincu, 
Je  veulx  que  tout  le  monde  sçache 
Que  je  n'ay  paour  d'estre  cocu. 

AULTRE  (2) 

Guii.lot  ung  jour  estoit  avec  Babeau 
Et  lui  monstrait  son  grand  dyable  de  chose, 
Laquelle  aussi  descouvrit  son  bas  beau 

rit  plus  rouge  et  plus  vermeil  que  rose, 
Lors  luy  dict,  belle  (ou  m'amour  est  enclose) 
Je  le  feray  tant  que  l'on  s'en  rira, 
Avant  amy,  trop  longtemps  on  repose, 

i  gnons  point  la  chair  qui  pourrira. 


(i)  Réimpr.  :  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  1595  (Ed.  citée 
p.  40). 

(2)  Réimpr.  ;  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  1595  (Ed.  ci- 
tée, p.  40). 


50  LA    FLEUR 


AULTRE  EN    TRIOLET   (i) 

Resveillez  vous,  c'est  trop  dormy, 
Faisons  au  dieu  d'amours  hommage, 
N'entendez  vous  point  vostre  amy, 
Reveillez  vous  c'est  trop  dormy, 
Las  il  n'a  bon  jour  nedemy 
Pour  aymer  vostre  personnage  ; 
Reveillez  vous  c'est  trop  dormy 
Faisons  au  dieu  d'amours  hommage. 


(i)   Réimp,  :  Récréation  et  passe  temps  des  tristes,  1595   (Ed.  citée, 
P-  149). 


FIN    DES    HUICTAINS 


DIXAINS 


LE  PREMIER  DIXAIN  (i) 

Ung  mesnagier,  vieillard  recreu  d'[a]han, 
Fendoit  du  boys,  sa  femme  estoit  devant 
Qui  luy  a  dict  :  pourquoy  faictes  vous  han, 
Affin(dict-il),  qu'il  entre  plus  avant. 
ETtint  ce  mot,  caria  nuict  ensuyvant, 
En  lembrassant  luy  a  dict,  mon  amy, 
Coignez  plus  fort,  pas  il  n'entre  à  demy, 

ictes  han,  premier  que  de  descendre, 
Lors  il  luy  dict  :  le  han  ne  sert  icy, 

^•ntez  vous,  ce  n'est  boys  que  vueil  fendre. 

AULTRE  (2) 

Ung  jour  que  madame  dormoit, 
Monsieur  bransloit  sa  chambrière 
El  elle  qui  la  danse  aymoit 
Remuoit  fort  bien  le  derrière. 

(i)  Réimpr.  :  Recréât  ion  et  passetemps  des  tristes,   159$    (Ed.  citée, 

P-  48). 

(2) Cette  épigramme  est  de  Melin  de  Sainct-Gelays.  (V«y.  l'éd.  pu- 
bliée par  P.  Blauchemain,  I.  p.  272.)  Elle  a  été  réimprimée,  non  sans 
incorrection,  dans  divers  recueils,  Le  Cabinet  Satyrique  entre  antres. 


54  LA    FLEUR 

Dequoy  la  garce  toute  fiere 

Luy  dict  ,  monsieur,  par  vostre  foy, 

Qui  le  faict  mieulx,  madame  ou  moy, 

C'est  toy  (dict-il),  sans  contredict, 

Nenda  (dict-elle),  je  le  croy, 

Car  tout  le  monde  le  me  dict. 

AULTRE  (i) 

Frère  Thibault,  surnommé  gros  et  gras, 
Tiroit  de  nuict  une  garse  en  chemise 
Par  le  treillis  de  sa  chambre,  où  le  bras 
Elle  passa,  puis  la  teste  y  à  mise, 
Et  puis  le  seing,  mais^elle  fut  bien  prise 
Car  le  fessier  y  passer  ne  peult  onc. 
Par  la  mort  Dieu  (ce  dict  le  moyne  adonc) 
Il  ne  me  chault  de  bras,  tetins,  ne  teste, 
Passez  le  cul,  ou  vous  retirez  donc, 
Je  ne  sçauroys  sans  luy  vous  faire  feste. 

AULTRE  (2) 

D'ALIX   ET   MARTIN 


u 


ng  jour  Martin  vint  Alix  empoigner, 
En  luy  monstrant  l'oustil  en  équipage 


(i)  Cette  pièce  est  de  Clément  Marot.  Voyez  l'épigramme:  De  Frère 
Thibault,  dans  l'édition  publiée  par  Lenglet-Dufresnoy,  t.  III,  p.  65. 
Elle  a  été  réimprimée  dans  divers  recueils,  entre  autres  le  Nouveau  Par- 
nase  Satyriquede  1684. 

(j)  Cette  pièce  a  été  attribuée  à  Clément  Marot.  (Voyez  l'édition 
publiée  par  Lenglet-Dufresnoy,  t.  IV,  p.  264).  Elle  a  été  réimprimée 


DE   POÉSIE   FRANÇOYSE  55 

Et  sans  parler  la  voulut  besongner, 
Mais  Alix  dict,  vous  me  feriez  oultrage, 
11  est  trop  gros  et  long  à  l'advantage. 
Bien  (deist  Martin),  tout  en  vostre  fendasse 
Je  me  mettray,  adoncques  il  l'embrasse 
Et  seulement  la  moytié  y  transporte, 
Ha,  deist  Alix  (en  faisant  la  grimace) 
Boutez  y  tout,  aussi  bien  suis-je  morte. 

AULTRE  (i) 

Ung  laboureur  au  premier  chant  du  coq, 
Coquelicoq,  sur  son  labeur  se  rue, 
En  labourant  plante  charrue  et  soc, 
Si  tresavant  que  peult  tirer  charrue, 
Moreau  derrière  hannist,  et  Bayard  rue, 
Hau  hurehau  (deist-il),  de  bonne  grâce, 
Tirez  tout  doulx,  car  ceste  terre  est  grasse, 
Apres  ce  coup  espendra  la  semence, 
Encore  ung  coup  (deist  une  jeune  garse) 
Ha  (deist-il  lors)  pas  n'a  faict  qui  commence. 

AULTRE 

Jannkton  fut  l'autre  jour  au  marché 
Pour  trouver  fouet  qui  luy  fut  de  mesure, 

dans  les  recueils  suivants  :  Poésie  facecieuse  extraitte  des  plus  fameux 
poètes  de  nostre  siècle,  Lyon,  Bcnoist  Rigaud,  1559  (Voy.  l'édition  de 
ce  recueil  donnée  i  Génère  par  J.  Gay  et  fils  en  1869,  in-ia,  p.  5$); 
Récréation  et  passetempt  des  tristts,  159$  (Ed.  citée,  p.  36);  Trésor  des 
joyeuses  inventions,  1599,  p.  66. 

(l)  Réimpr.:  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  159$    (Ed.  citée, 
p.  10$). 


56  LA    FLEUR 

Et  [Ljamarche  y   fut  tout  empesché 

Vcoir  si  trouver  pourroit  cas  à  usure, 

Les  deux  acoup  arrivèrent  ensemble 

Que  tous  leurs  cas  estoient  desjà  vendus, 

Alors  tous  deux  d'espérance  perdus 

Feirent  accord  ensemble  (ce  dict  on), 

Tant  du  marché  que  de  mesure  et  marche, 

Que  le  marché  eust  le  cas  de  Janneton 

Et  Janneton  eust  le  foj"ue]t  de  [Ljamarche.  (i) 

AULTRE    (2) 

Ung  gay  berger  prioit  une  bergère, 
En  luy  faisant  du  jeu  d'aymer  requeste, 
Allez  (dict  elle),  et  vous  tirez  arrière, 
Vostre  parler  me  semble  peu  honneste, 
Lors  le  berger  la  mist  cul  par  sus  teste, 
Et  luy  dessus,  la  bergère  frétille, 
Hau,  hau,  tout  beau  (dict  il)  la  belle  fille, 
Laissez  courrir  la  bague  à  mon  courtault, 
Vous  n'estes  pas  (dict  elle)  assez  habille, 
Et  n'avez  pas  la  lance  qu'il  y  fault. 

AULTRE 

Vous  perdez  temps  de  me  dire  mal  d'elle, 
Gens  qui  voulez  divertir  mon  entente, 
Plus  la  blasmez,  plus  je  la  trouve  belle, 
S'esbahit  on  si  tant  je  m'en  contente 

(i)  Cette  pièce  a  onze  ver». 

(2)  Réimpr.  :  Récréation  et  pmssetemps    des    tristes,  159J  (Ed.  citée, 
p.  48);  Trésor  des  joyeuses  irwtntions,    1599,  p.  90. 


DE   POÉSIE  fRÀNÇOYSË  $7 

La  fleur  de  sa  jeunesse 

A  vostre  advis  rien  n'est  ce  ? 

N'est  ce  rien  de  ses  grâces  ? 

Cessez  vos  grands  audaces, 
Car  mon  amour  vaincra  vostre  mesdire, 
Tel  en  mesdit  qui  pour  soy  la  désire. 

AULTRE  RESPONSIF 

Tel  en  mesdit  qui  pour  soy  la  désire. 
Mais  faulx  rapport  qui  sur  amans  attente 
Plus  en  mesdict,  plus  à  l'aymer  m'attire, 
Plus  sa  beaulté  et  sa  grâce  excellente, 

A  juger  d'elle  qu'est  ce 

C'est  droict  une  déesse 

Prise  es  haulx  lieux  et  places, 

Laissez  donc  voz  menaces, 
Faulx  envieulx,  ostez  ceste  querelle, 
Vous  perdez  temps  de  me  dire  mal  d'elle. 

AULTRE 

Le  jeu  d'aymer  ou  jeunesse  s'esbat 
A  ung  tablier  l'on  peult  accomparer; 
Soubz  ung  tablier  les  dames  on  rabat, 
Puis  le  trie  trac  il  convient  préparer, 
Le  jeu  trie  trac  avant  que  séparer, 
Plusieurs  faict  Jehan  n'est  ce  pas  jeu  honneste 
Qui  le  joueur  par  nature  admonneste 
De  passer  temps  si  tresjoyeusement, 
Mais  en  deffault  de  trouver  la  renette 
Il  s'en  ensuyt  le  grand  jeu  du  tourment. 


58  LA    FLEUR 


AULTRE  (i) 

Est  il  point  vray,  ou  si  je  l'ay  songé 
Qu'il  m'est  besoing  eslongner,  et  distraire 
De  vostre  amour,  et  en  prendre  congé  ? 
Las  je  le  vueil,  mais  je  ne  le  peulx  faire, 
Que  dis  je  veulx?  c'est  du  tout  le  contraire, 
Faire  le  puis  et  ne  le  puis  vouloir, 
Car  vous  avez  là  rengé  mon  vouloir, 
Que  plus  taschez  à  liberté  me  rendre, 
Plus  empeschez  que  ne  la  puifsse]  avoir, 
Et  commandez  ce  que  voulez  deffendre. 

AULTRE 

Par  ton  seul  bien  ma  jeunesse  est  heureuse, 
O  dieu  des  dieux  et  des  hommes  vainqueur, 
Puisque  de  moy  se  dict  estre  amoureuse 
Celle  pour  qui  ton  feu  brusle  mon  cueur. 
Tant  fort  il  ard  que  par  eau  ou  liqueur 
Estre  ne  peult  tempéré  ny  estainct, 
Mais  quand  ton  dard  y  vouldroit  rendre  tainct, 
Pour  plus  ta  force  en  moy  faire  apparoistre, 
Tu  ne  sçauroys  pource  que  j'ay  attainct 
Le  poinct  d'amour  qui  plus  me  pourroit  croistre. 


(i)  Epigramme  de  Melin  de  Sainct-Gelays  (Ed.  Prosper  Blanche- 
main,  II,  p.  29S,  variantes)  réimpr.  dans  La  Récréation  et  passetemps 
des  tristes,  IS95  (Ed.  citée,  p.  151).  Cette  pièce  a  été  attribuée  par- 
fois à  François  I". 


DE   POÉSIE  FRANÇOYSE  59 


AULTRE 


Si  pour  aymer  et  désirer 
Je  congnois  mon  faict  empirer, 
Cest  estrange  façon  de  faire; 
Si  1  aymer  qui  t'a  peult  tirer 
Te  faisoit  ores  retirer 
C'est  bien  loing  de  me  satisfaire, 
Mais  pour  te  dire  mon  affaire, 
Et  à  quoy  je  suis  coustumier, 
Quand  je  voy  qu'on  me  veult  deffaire, 
Je  veulx  commencer  le  premier. 

AULTRE 

Est  il  advis  que  doibve  estimer  d'elle 
Plus  qu'il  n'y  a  pour  ung  qui  s'en  contente, 
11  l'ayme  bien,  pource  il  la  trouve  belle, 
Son  œil  trouble  d'amour  trop  véhémente. 

Est  il  plus  layde  face, 

El'  n'a  maintien  ne  grâce, 

Que  trouvez  vous  en  elle  ? 

Elle  est  fiere  et  rebelle, 
Son  doulz  parler  qui  porte  feu  et  flamme 
Tesmoigne  assez  qu'elle  est  legiere  femme 


H 


AULTRE  (1) 

elas  !  amour  je  pensoys  bien  avoir 
Faict  à  mon  gré  ung  parfaict  serviteur, 


(0  Réimpr.  :  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  1^9$  (Ed. citée 
p.  us). 


èû  LA    FLEUR 

Mais  faulx  rapport  a  voulu  decepvoir 
Mon  plus  que  sien  prétendant  à  malheur, 
Pour  de  son  mal  renforcer  ma  douleur, 
Et  qui  pis  est  sans  faire  longue  attente 
M'oste  asseurance  amoureuse  et  contente. 
Espoir  n'ay  plus,  Fortune  le  me  monstre, 
Car  si  tu  n'as  aux  envieux  entente, 
Mort  me  sera  heureuse  malencontre. 

AULTRE(i) 

Si  comme  espoir  je  n'ay  de  guerison, 
De  tost  mourir  j'avoy  ferme  asseurance, 
J'estimeroy  ma  liberté  prison 
Et  desespoir  me  seroit  espérance, 
Mais  quand  de  mort  j'ay   le  plus  d'apparence, 
Lors  plus  en  vous  apparoist  de  beaulté, 
Dont  maulgre  moy  et  vostre  cruaulté 
De  plus  vous  veoir  amour  me  tient  en  vie, 
O  cas  estrange,  o  grande  nouveaulté 
Vivre  du  mal  qui  de  mort  donne  envie. 

AULTRE  (2) 

Amour  cruel  de  sa  na  nature, 
Me  voyant  à  tort  offensé, 

(i)  Epigramme  de  Melin  de  Sainct-Gelays  (Ed.  citée,  I,  p.  98,  va 
riantes)  réimprimée  dans  La  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  159 
(Ed.  citée,  p.  né)  et  le  Trésor  des  joyeuses  inventions,  1 599,  p.  82. 

(2)  Epigramme  de  Melin  de  Sainct-Gelays  (Ed.  citée,  II,  p.  115 
réimprimée  dans  La  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  1595  (Ed 
citée,  p.  116). 


DE  POÉSIE  FRANÇOYSE  6î 

A  eu  pitié  de  ma  poincture 
Kt  m'a  de  changer  dispensé, 
Disant  :  O  pauvre  homme  insensé, 
Si  du  passé  il  te  souvient, 
N'attens  plus  ce  qui  point  ne  vient, 
Et  pense  qu'une  foy  faillye 
Jamais  plus  au  cueur  ne  revient 
Nomplus  que  faict  lame  saillye. 

AULTRE 

Amour  perdict  les  traietz  qu'il  me  tira 
Et  de  douleur  se  print  fort  à  complaindre, 
Venus  en  eut  pitié,  et  souspira 
Tant  qu'elle  fit  par  pleurs  sa  torche  estaindre, 
Dont  aigrement  furent  contrains  de  plaindre, 
Car  amour  fust  sans  feu  remis  sans  flamme, 
cure  plus  Venus,  mais  bien  enflamme 
>rchc  en  moy,  mon  cueur  l'allumera, 
y  amour  cesse,  va  vers  madame 
Qui  de  ses  yeulx  d'aultres  traietz  te  fera. 

AULTRE  (i) 

Ou  mettra  t'on  ung  baiser  favorable 
Qu'on  m'a  donné  pour  seurcment  tenir, 
Le  mettre  en  l'oeil,  il  n'en  est  pas  capable, 
La  main  n'y  peulf  toucher  n'y  advenir, 

O)  Pièce  attribuée  à  Melin  de  Sainct-Gelays  (voyez  l'éd.  citée,  III, 
p.  289)  et  réimprimée  dans  la  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  i$9J 
(Ed.  citée,  p.  116)  et  VArt  poétique  françois  de  Th.  Sibilet  (Lyon, 
Thibault-Payan,  1566,  in-4«). 


62  LA     FLEUR 

La  bouche  en  prent  ce  qu'en  peult  retenir 
Et  n'en  retient  qu'autant  que  le  bien  dure, 
C'est  donc  au  cueur  le  faict  et  garde  seure 
De  ce  présent,  à  aultre  n'appartient, 
O  doulx  baiser  estrange  est  ta  nature 
Bouche  le  prend,  et  le  cueur  le  retient. 

AULTRE  (i) 

Elle  a  bien  ce  ris  gracieux, 
Ce  gent  corps,  ceste  belle  face, 
Et  qui  vault  encore  trop  mieulx, 
Ce  doulx  parler  de  bonne  grâce; 
Mais  elle  a  qui  est  d'oultrepasse 
Cest  œil,  lequel  est  si  riant 
Qu'à  ung  chascun  si  va  criant 
Qu'en  elle  y  a  meslé  parmy 
Je  ne  sçay  quoy  de  plus  friant 
Qui  ne  se  monstre  qu'a  l'amy. 

AULTRE  (2) 

Jamais  je  ne  confesserois 
Qu'amour  d'elle  ne  m'ait  sceu  poindre, 

(i)  Réimpr.  :  Récréation  et  passe  temps  des  tristes,  1595  (Ed.  citée, 
p.  117). 

(2)  Cette  pièce  est  de  Clément  Marot.  Voyez  dans  l'éd.  Lenglet- 
Dufresnoy,  Pépigramme  ayant  pour  titre  :  D'Anne  qu'il  aime  fort.  Elle 
a  été  réimprimée  dans  les  recueils  suivants  :  Récréation  et  pissetemps 
des  tristes,  1595  (Ed.  citée  p.  117);  Trésor  des  joyeuses  inventions, 
IS99,  p-  «S- 


DE   POÉSIE  FRANÇOYSE  63 

ÀTant  suis  et  trop  le  serois 
Si  son  cueur  au  mien  vouloit  joindre, 
Si  mon  mal  quiers  l'amour  n'est  moindre 
Moins  n'en  louôray  le  dieu  qui  voile, 
Si  je  suis  toi,  amour  m'affolle, 
Et  vouldrois  (tant  j'ay  d'amytié) 
Qu'autant  que  moy  elle  fust  folle 
Pour  estre  plus  fol  la  moytié. 

AULTRE  (1) 

1  l'on  doibt  prendre  ung  bienfaict  pour  offense 
J'ay  desservy  grande  pugnition, 
lais  si  vertu  mérite  recompense 
>yer  m'est  deu  de  mon  affliction, 
»ui  veit  jamais  avoir  affection 
>tre  eslongné  sans  cause  de  sa  dame, 
>i  telle  loy  se  reçoipt  (sur  mon  ame), 

feray  mal  pour  estre  mieulx  traicté, 
)ar  puis  que  n'ay  du  bien  faict  sinon  blasme, 
)u  mal  viendra  le  bien  qu'ay  mérité. 

AULTRE  (2) 

Si  j'ay  du  bien  (helas  !)  c'est  par  mensonge 
Et  mon  tourment  est  pure  vérité, 

(1)  Réiaapr.  :  Hecreation  et  passetemps  des  tristes,  1595  (Ed.  citée, 
p.  118). 

(i)  Epigrâmme  de  Melin  de  Sainct-Gelays  (Ed.  citée,  I,  p.  107) 
réinapr.  dans  1»  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  159$  (Ed.  citée, 
p.  100). 


64 


LA    FLEUR 


Je  n'ai  doulceur  qu'en  dormant  et  en  songe, 
Et  en  veillant  je  n'ay  qu'austérité. 
Le  jour  m'est  mal,  et  bien  l'obscurité, 
Le  court  sommeil  madame  me  présente, 
Et  le  re[v]ueil  la  faict  trouver  absente, 
O  pauvres  yeulx  ou  estes  vous  reduietz, 
Cloz  vous  voyez  tout  ce  qui  vous  contente, 
Et  descouvertz  ne  voyez  rien  qu'ennuitz. 

AULTRE  (i) 

La  loy  d'honneur  qui  nous  dict  et  commande 
De  tenir  cher  et  refuser  ung  poinct 
Que  la  pluspart  des  hommes  nous  demande 
Gela  s'entend  à  ceulx  qui  n'ayment  point, 
Quand  est  de  moy,  puis  que  l'amour  me  poinct, 
Je  tiens  la  loy  desja  toute  abbatue, 
Et  croy  qu'amour  veult  que  je  rrfesvertue, 
Premièrement  me  vouloir  secourir, 
Puis  de  garder  ung  amy  de  mourir, 
La  mort  duquel  aultre  que  moy  ne  tue. 

AULTRE  (2) 

C'est  un  grand  cas  qu'amour  qui  a  puissance 
De  nostre  corps  les  membres  gouverner, 
Quand  on  poursuyt  le  don  de  jouyssance, 
La  bouche  seulle  à  soy  ne  peult  tourner; 


(i)  Réimpr.  :  Récréation  et  passeiemps  des  tristes,  159$  (Ed.  citée, 
p.  ut);  Trésor  des  joyeuses  inventions,   1595,  p.  83. 

(a)  Réimpr.  :  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  1595  (Ed.  citée, 
p.  Ht). 


DE   POÉSIE  FRANÇOYSE  6$ 

Mais  au  contraire  elle  faict  retourner 
Tous  ses  plaisirs,  ses  promesses  et  v[œ}ux 
De  craincte  et  paour  en  refus  furieux, 
Par  moy  le  sçay  dont  je  me  doibs  douloir, 
Car  me  faisant  je  dy  bien  je  le  veulx, 
Mais  en  parlant  je  ne  l'ose  vouloir. 

AULTRE  (i) 

Si  j'ay  eu  tousjours  mon  vouloir 
De  mettre  tout  à  nonchaloir 
Par  la  vertu,  or  te  suffise 
Et  cesse  de  plus  te  douloir, 
Car  tu  ne  pourrois  mieulx  valoir, 
Mesprisant  ce  que  chascun  prise; 
O  sotte  et  maulvaise  entreprise 
De  me  cuider  exterminer, 
La  grâce  par  vertu  conquise 
Est  mal  aysée  à  ruiner. 

AULTRE  (2) 

Est  ce  au  moyen  d'une  grande  amytié, 
Ou  pour  raison  de  grande  inimitié, 
Que  dessus  moy  crains  gecter  tes  deux  yeulx, 
Car  cela  peult  venir  de  l'ung  des  deulx, 


(1)  Rèimpr  :  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  1595  (Ed.  citée, 
p.  119)  ;  Trésor  des  joyeuses  inventions,  1599,  p.  84. 

(a)  Réimpr.  :  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  1595  (Ed.  citée, 
p.  119)  ;  Trésor  des  joyeuses  inventions,  1 599,  p.  84. 

4* 


66  LA    FLEUR 

Par  ce  que  l'œil  est  du  cueur  la  fenestre, 

Et  le  profond  du  cueur  il  faict  congnoistre, 

Dont  cil  qui  veult  sa  passion  couvrir 

Ou  son  cueur  tend,  ses  yeux  craint  descouvrir, 

Si  le  premier,  o  malheur  très  heureux, 

Si  le  dernier,  o  malheur  malheureux. 

AULTRE  (i) 

Je  croy  le  feu  plus  grand  que  vous  ne  dictes 
En  vostre  cueur  espris  et  consumé, 
Car  recepvant  tant  de  flammes  petites, 
Ung  bien  grand  feu  s'y  peult  estre  allumé. 
Mais  moins  tourmente  ung  mal  accoustumé, 
Quand  est  de  moy  le  temps  et  mon  malheur 
0[rt]  si  estainct  et  moy  et  ma  valeur, 
Que  je  ne  voy  feu  qui  me  sçeut  esprendre, 
Et  quand  le  vostre  auroit  plus  de  chaleur, 
Comme  pourroit  s'allumer  une  cendre  ? 

AULTRE  (2) 

Si  celle  la  qui  oncques  ne  fut  mienne 
Avoit  regrect  de  ne  me  veoir  plus  sien, 
J'estimeroys  [i]  ma  prison  ancienne 
Bien  raisonnable  et  heureux  le  lien, 

(i)  Réimpr.  :  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  1595  (Ed.  citée, 
p.  120). 

(2)  Epigramme  de  Melin  de  Sainct-Gelays  (Ed.  Prosper  Blanche- 
main,  II,  p.  129;  nombreuses  variantes).  Réimpr.:  Récréation  et  passe 
temps  des  tristes,  1^95  (Ed.  citée,  p.  120);  Trésor  des  joyeuses  inven- 
tions, 1599,  p.  84, 


DE  POÉSIE  FRAHÇOYSE  67 

Mais  elle  m'a  voulu  tant  peu  de  bien  (1) 
Que  s'elle  à  dueil,  croyez  certainement, 
Que  ce  n'est  point  pour  veoir  l'eslongnement 
D'une  personne  à  elle  tant  offerte, 
Mais  pour  me  veoir  eslongné  de  tourment 
Plaignant  mon  gain  assez  plus  que  sa  perte. 

AULTRE  (2) 

L'espoir  confus  à  plus  hault  désirer 
Que  le  prier  ne  s'est  oséestendre 
Faict  à  l'esprit  une  peine  endurer 
Qui  ne  se  peult  que  de  moy  seul  comprendre; 
Amour  le  scait  et  ne  le  veult  entendre, 
Raison  l'entend  et  ne  le  veult  sçavoir, 
Las  que  de  maulx  pourrois  avant  avoir 
Qui  soient  uniz  en  une  volunté, 
Puisque  l'ung  à  plus  que  l'aultre  povoir, 
A  luy  me  rendz  pour  estre  contenté 


(i)  Var.  (Ed.  de  Sainct-Gelays)  : 

Puis  elle  m'a  roula  si  peu  de  bien, 
Et  fsict  languir  en  peine  si  cruelle, 
Que  s'on  la  voit  en  tristesse  nouvelle 
Pour  mon  départ,  je  croy  certainement 
Que  ce  n'est  point  pour  me  voir  lointain  d'elle, 
Mais  pour  me  voir  esloigné  de  torment 
(2)  Réimpr.  :  Récréation  et   passetemps  des    tristes,  1 595    (Ed.  citée, 
p.   120.) 


68  LA    FLEUR 


AULTRE  (i) 

N 'espoir  ne  paour,  n'auray  jour  de  ma  vie 
En  vostre  amour,  force  est  que  m'en  déporte, 
Si  vous  avez  esté  par  moy  servie 
D'oeil  et  de  cueur,  deshonneur  ne  vous  porte, 
Quand  de  l'espoir  à  raison  me  rapporte 
Qu'envers  mon  vueil  n'avez  bonne  pensée, 
Quant  à  la  paour,  je  vous  sen[s]  accusée 
D'une  oubliance  admise  à  nonchaloir, 
Sans  vous  avoir  d'ung  seul  poinct  offensée 
Vostre  maintien  faict  changer  mon  vouloir. 


AULTRE   (2) 

Qui  se  pourroit  plus  désoler  et  plaindre 
Que  moy  qui  suis  de  desconfort  oultrée, 
Qui  mieulx  sçauroit  son  mal  couvrir  et  faindre 
Une  ne  sçay  en  toute  la  contrée, 
Toute  douleur  dedans  moy  est  entrée, 
Et  de  l'espoir  de  mon  cueur  faict  sa  proye, 
Qui  pour  plaisir  tristesse  luy  octroyé, 
Dont  me  congnois  à  ton  dueil  asservye 
La  plus  des  plus  malheureuse  seroye 
S'il  convenoit  ainsi  user  ma  vie, 


(i)Réimpr.  :   Récréation  et   passetemps  des   tristes,    1595  (Ed.  citée, 
p.  121);    Trésor  des  joyeuses  imventions,  iS99.p.  79« 

(2)Réimpr.:  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  1595  (Ed.    citée, 
p.  121);  Trésor  des  joyeuses  inventions,  1599,  p.  79. 


DE   POÉSIE   FRANÇOYSE  69 

AULTRE  fi) 

Crli'y  qui  fut  du  bien  et  du  tourment 
De  mes  amours  première  occasion, 
Par  ung  regard  qui  causa  promptement 
Plaisir  à  l'œil,  et  au  cueur  passion, 
A  pris  en  moy  telle  possession 
Que  j'ayme  mieulx  sa  serve  lamenter 
Que  franche  vivre  ne  povant  contenter 
D'ung  plus  grand  bien  que  du  mien  son  pouvoir, 

nonobstant  s'il  me  veult  rejecter 
Si  fera  il  toujours  à  mon  vouloir. 


AULTRE  (2) 


La  nuict  passée  en  mon  lict  je  songeoye 
Qu'entre  mes  bras  vous  tenoy  nue  à  nu, 
m  resveil,  se  rabaissa  ma  joye 
De  mon  désir  en  dormant  advenu, 
Àdonc  je  suis  vers  Apollo  venu 
Luy  demander  qu'aviendroit  de  mon  songe, 
Lors  luy  jaloux  de  toy,  longuement  songe, 
Puis  me  respond  :  tel  bien  ne  peulx  avoir. 
Helas!  m'amour  fais  luy  dire  mensonge, 
Si  confondras  d'Apollo  le  scavoir. 

(1)  Réimp.  :  Récréation  et  patsetemps  des  tristes,  1595  (Ed.  citée 
p.  12;,. 

(l)  Epigramme  de  Clément  Marot.  (Ed.  Lenglet-Dafresnoy,  III,  p. 
97  :  D'un  songe).  Cette  pièce  se  tioave  réimprimée  dans  la  Récréation 
•I  passe  temps  des  tristes,  1595  (Ed.  citée,  p.  170)  et  le  Trésor  des 
joyeuses  inventions,  iS99»P-79. 

FIN    DBS   DIXA1NS 


Il 


NEUVAINS 


A    UNG    AMANT   (i) 

Vous  usurpez,  dames,  injustement, 
!  .  commander  point  n'y  avez  puissance, 
i  amour  tout  le  commandement 
Là  ou  ne  sert  ny  raison  ny  deflense  : 

feu  ne  faict  l'artillerie  offense, 
Mais  froide  elle  est,  et  sans  nul  mouvement. 
Ainsi  rende/  a  l'amour  révérence, 
Car  luy  en  vous,  son  feu  et  violence, 
Vous  est  grand  heur,  honneur,  accroissement. 

A  UNE  DAME  (2) 

Dme  fut  des  cieulx  à  ma  naissance 
tout  seul  poinct  pour  me  faire  douloir; 
une  basse  et  petite  puissance 
En  ung  grand  cueur  rcmply  de  grand  vouloir 

O)   Rtimpr.  :  l!<<  reation  et  passetemps  ,  y,  (lid.    citée, 

p.  122). 

(2)  Cette  pièce  est  de  Melin  de  Sainct-Gelays.Voy.dansled.de 
Prosper  Blanchemain,  t.  I,  p.  114,  le  neurain  intitulé:  Sainct-dclays 
de  sa  naissance. 


74  LA     FLEUR 

Tendant  tousjours  plus  à  faire  valoir 
Aultre  que  soye.  O  femme  fortunée  ! 
Contente  toy,  car  encore  mieulx  vault 
Ung  grand  vouloir  sans  puissance  donnée 
Que  grand  puissance  ou  [bon  vouloir]  deffault. 

A  UNE  DAME  (i) 

Que  gaignez  vous  à  vouloir  différer 
Le  bien  que  j'ay  envers  vous  mérité  ? 
De  vous  servir  ne  me  puis  retirer, 
Contenté  donc  la  mienne  volunté, 
Povoir  avez  moyen  et  liberté, 
Dont  si  cherchez  désormais  plus  d'excuse 
De  cruaulté,  la  raison  vous  accuse (2) 


(1)  Cette  pièce  est  incomplète.  Elle  présente  assez  bien  an  frag- 
ment de  dixain,  de  neuvain  ou  même  de  huictain. 

(2)  Dans  nos  éditions,  ce  dernier  vers  a  été  coupé.  On  lit  : 

De  cruaulté 

La  raison  vous  accuse. 


FIN    DES    NEUVAINS 


QUATRAINS 


QUATRAIN 

Content  desir  qui  cause  ma  douleur, 
Heureux  sçavoir  qui  mon  travail  renforce, 
Si  fort  amour  qui  m'as  rendu  sans  force 
Donne  secours  à  ma  peine  et  langueur. 

AULTRE 

"T  Tivre  ne  puis  content  sans  sa  présence, 
V      Mourir  m'est  doulx,  si  je  n'avois  l'espoir 
De  prompt  retour,  et  que  loyal  debvoir 
De  mon  amour  luy  en  feit  congnoissance. 

AULTRE 

Je  suis  à  moy  et  à  moy  me  tiendray, 
Aultre  que  moy  n'aura  sur  moy  puissance, 
Tout  à  part  moy  joyeulx  me  maintiendray, 
Sans  que  de  moy  aulcun  ayt  jouissance. 

AULTRE 

kouR  avoir  eu  jouyssance  d'amours, 

Et  de  m'amye  avoir  eu  congnoissance, 
Raison  me  meult  quérir  vostre  alliance 
Et  vous  servir  pour  en  avoir  secours. 


78  LA     FLEUR 


AULTRE 

Ton  feu  s'estainct  de  ce  que  le  mien  ard, 
Te  regardant  le  mien  tousjours  s'avive, 
Et  le  tien  meurt,  combien  que  le  mien  vive 
Mort  or  pitié  en  fera  le  départ. 

AULTRE 

Puis  qu'il  est  tel,  qu'il  garde  bien  s'amye, 
A  m'accoincter  jamais  ne  reviendra, 
Ung  tour  m'a  faict  dont  il  me  souviendra, 
La  fin  d'amour  n'est  que  merencolye. 

AULTRE 

Ung  seul  désir  ma  volunté  contente 
S'avoir  le  peult  mon  cueur  il  suffira, 
Lors  en  rendant  grâces  adieu,  dira 
Venu  je  suis  à  chef  de  mon  entente. 

AULTRE 

Contentement  combien  que  soit  grand  chose, 
Ne  dure  pas  la  longueur  d'un  seul  jour, 
Raison  ressort  l'insatiable  amour 
Pour  resveiller  un  cueur  quand  il  repose. 

AULTRE 

Est  il  possible  à  moy  povoir  trouver 
Aulcun  moyen  pour  avoir  vostre  grâce, 
Qu'en  dictes  vous,  en  pourrois  je  finer 
Dictes  ouy,  ou  mon  cueur  se  trespasse. 


DE   POESIE   FRANÇOYSE  79 


AULTRE 


Plaindre  l'ennuy  de  la  peine  estimée 
l'aict  ta  douleur  au  porter  aggreable, 
El  n'est  le  mal  de  guérir  désirable 
Qui  satisfaict  la  chose  mieulx  aymée. 

AULTRE 

En  espérant  en  ceste  longue  attente 
Le  bien  heureux  et  désiré  reveoir, 
Je  n'oublieray  l'accoustumé  debvoir 

me  rendra  malheureuse  ou  contente. 

AULTRE 

Contentez  vous,  amy,  de  la  pensée, 
Jusques  à  tant  que  la  peine  importune 
Sera  donné  par  heureuse  fortune 

inps  et  lieu  d'estre  recompensée. 

AULTRE 

Oseul  espoir  de  cueur  désespéré, 
Faictes  dormir  le  mal  qui  me  resveille, 
Et  contentez  de  ce  mot  mon  oreille, 
Vous  aurez  mieulx  que  n'avez  espéré. 

AULTRE 

Amour  le  veult,  et  mon  espoir  attend, 
Estre  par  vous  faict  jouyr  de  l'attente, 
Dictes  ouy,  dictes  qu'estes  contente, 
Lors  vous  ferez  ung  attendant  content. 


80  LA    FLEUR 


AULTRE 

En  te  voyant  j'ay  si  ardant  désir 
De  mettre  à  fin  le  mal  dont  suis  tenté 
Que  si  je  n'ay  de  ton  corps  le  plaisir 
J'en  ay  pourtant  très  bonne  voulenté. 

AULTRE 

Oncques  amour  ne  fut  sans  grand  langueur, 
Langueur  ne  fut  jamais  sans  espérance, 
Voila  le  poinct  ou  gist  tout  le  malheur 
Qu'on  voit  tousjour  espoir  sans  jouyssance. 

AULTRE 

S'il  est  ainsi  que  coignée  sans  manche 
Ne  sert  de  rien,  ny  oustil  sans  poignée, 
Affin  que  l'ung  dedans  l'autre  s'emmanche, 
Prens  que  soye  manche,  et  tu  seras  coignée. 

AULTRE 

Si  tu  voulois  accorder  la  demande 
Que  plusieurs  fois  je  t'ay  faicte  humblement, 
De  retenir  mon  cueur  en  ta  commande 
Ce  me  seroit  heureux  contentement. 

AULTRE 

Si  mon  vouloir  ne  change  de  désir 
Immortel  est  mon  heur  et  mon  plaisir 
Qui  me  rendra  contente  et  bien  aymée 
Du  serviteur  de  l'amye  estimée. 


DE    POÉSIE   PRANÇOYSE  8l 


AULTRE 

Par  ton  départ  regrect  me  vient  saisir, 
De  tel'sorte  que  n'ay  nulle  puissance 
De  povoir  faire  envers  luy  résistance, 
Car  par  luy  suis  banny  de  tout  plaisir. 

AULTRE 

Continuer  je  veulx  ma  fermeté, 
Donne  moy  donc  ung  petit  à  congnoistre 
Ton  amytié,  ton  estât,  et  ton  estre, 
Vueillant  penser  ce  que  j'ay  mérité. 

AULTRE 

Jamais  amour  ne  peult  si  fermement 
Tenir  le  cueur  de  madame  et  maistresse 
Qu'elle  ne  prind  à  grand  contentement 
Ung  dyamant  plus  tost  qu'une  caresse. 

AULTRE 

Jb  n'ose  estre  content  de  mon  contentement, 
Ne  voulant  désirer  plus  grand  bien  en  ma  vie, 
De  paour  de  perdre  ce  dont  j'ay  plus  grand  envie. 
Car  qui  demande  trop  pour  plaisir  à  tourment. 

AULTRE 

Veu  le  grief  mal  que  longuement  j'endure 
Par  faulx  langart  d'ung  langart  enuieulx, 
Ung  jour  sera  que  de  celle  les  yeulx 
Auront  pitié  de  ma  peine  trop  dure. 


82  LA    FLEUR 


AULTRE 

Amour  voyant  que  j'avoye  abusé 
D'une  dame,  prenant  aultre  party, 
Par  une  nuict  de  vengeance  à  usé, 
Et  puis  en  fin  des  deux  m'a  departy. 

AULTRE 

J'attendz  le  temps,  ayant  ferme  espérance, 
En  ce  vouloir  mes  jours  je  fineray, 
En  attendant  aultre  ne  serviray, 
Tant  m'est  de  vous  doulce  la  souvenance. 

AULTRE 

Amour  à  faict  ce  qu'il  ne  peult  deffaire, 
Quand  il  a  faict  de  noz  cueurs  union, 
C'est  maintenant  à  dieu  à  le  parfaire 
En  les  gardant  de  séparation. 

AULTRE 

De  tant  aymer  sans  avoir  jouyssance 
C'est  espérance  de  desespoir  aussi, 
L'ung  y  prétend,  l'aultre  en  devient  transi, 
Puis  en  la  fin  le  moins  à  la  puissance. 

AULTRE 

Le  souvenir  de  mon  bien  me  rend  triste, 
Ma  maitresse  est  le  moyen  de  ma  joye, 
Espérant  bien  après  longue  poursuyte, 
Mon  mal  fauldra,  mais  que  je  vous  revoye. 


DE  POÉSIE  FRANÇOYSE  83 


AULTRE 

kvikss  vers  moy  qui  suis  ta  désolée, 
Et  tu  verra  l'ennuy  et  le  tourment 
►ue  j'ay  souffert  tousjours  en  attendant 
tien  retour  dont  seray  consolée. 
Reviens  vers  moy. 

AULTRE  RESPONSIF  AU  PRECEDENT 

Plus  revenir  ne  puis  vers  toy  madame, 
Pour  ton  amour  condamné  à  la  mort, 
Je  te  laisse  ma  foy  pour  reconfort 
Puis  que  du  corps  fault  que  parte  mon  ame. 

AULTRE 

Venons  au  poinct,  c'est  trop  eu  de  langage 
Dictes  ouy,  c'est  le  mot  entendu, 
Si  dictes  non,  je  vous  quitte  le  gage 
D'attendre,  tant  le  cas  est  trop  vendu. 

AULTRE  DE  CE  MESME 

Mon  seul  espoir  à  tousjours  prétendu 
A  vous  servir  de  cucur  et  de  courage, 
Venons  au  poinct,  c'est  trop  eu  de  langage 
Dictes  ouy,  c'est  le  mot  entendu. 

AULTRE 

V. té  fut  en  ton  amour  esmeue 
De  ton  parler  gracieux  seulement, 
Regarde  donc  (je  te  supply)  comment 
Lj.  feras  croistre,  après  que  t'auray  veue. 


84  LA    FLEUR 


AULTRE 

Le  train  d'aymer  c'est  un  parfaict  deduict, 
Qui  de  s'amye  a  seure  jouyssance, 
Sans  y  despendre,  or,  argent,  ou  chevance, 
Entre  ses  bras  la  tenant  toute  nuict. 

AULTRE 

Veulx  tu  ton  mal  et  le  mien  secourir, 
Trouve  moyen  qu'ung  jour  entre  deux  draps 
Nous  nous  puissions  embrasser  à  deux  bras 
Et  je  suis  seur  qu'ainsi  pourrons  guérir. 

AULTRE 

Oque  je  tiens  celle  là  bien  heureuse 
Qui  en  sa  vie  à  aymé  loyaulment, 
Et  qui  reserve  après  sa  mort  piteuse 
A  son  amy  donner  contentement. 

AULTRE 

Sans  liberté  qu'ung  bon  esprit  regrette, 
L'homme  ne  peult  son  amour  descouvrir, 
Car  quand  il  veult  du  cueur  la  porte  ouvrir 
Danger  la  clost  d'une  honte  secrette. 

AULTRE 

Dame  de  beaulté  j'ay  envie 
Que  vostre  cueur  vous  me  donnez, 
Et  tandis  que  seray  en  vie 
De  luy  maistresse  vous  serez. 


DE   POÉSIE   FRANÇOYSE  8$ 


AULTRE 

Si  le  service  est  reçeu  pour  offense, 
Et  ceste  offense  entretient  le  vouloir, 
Dictes  en  quoy,  je  feray  mon  debvoir, 
Lors  cessera  de  mal  la  pénitence. 

AULTRE 

Le  voulez  vous,  j'en  suis  très  bien  contente, 
Venez  à  moy,  faictes  vostre  plaisir 
Despeschés  vous  puis  qu'avons  le  loysir 
J'aytne  celuy  ou  longue  n'est  l'attente. 

AULTRE  (i) 

Je  n'ayme  plus  corporelle  beaulté, 
Je  n'ayme  plus  la  mondaine  plaisance: 
Lille  me  vient  à  toute  desplaisance, 
Puis  il  y  a  de  la  desloyaulté, 

AULTRE 

Avbcques  vous  mon  amour  finera 
Puis  que  mon  cucur  est  en  vous  seullement. 
Plaise  vous  donc  avoir  contentement, 
Car  le  corps  mort  l'esprit  vous  servira. 

AULTRE 

IL  n'est  trésor  que  de  lycsse, 
Donc  je  me  doibs  bien  resjouyr, 
Mais  l'amour  d'elle  fort  me  blesse, 
Parquoy  il  me  fauldra  mourir 

(i)  Réitnpr.  :  Récréation  et  passelemps  des  tristes,  1595    (Ed.  citée, 
P.    149;. 


86  LA    FLEUR 


AULTRE 

Paoure  et  loyal  trompé  par  espérance 
Au  plus  hardy  malheur  qui  peult  venir, 
Voulant  à  bien  et  vertu  parvenir, 
Le  moins  voulut  que  peu  n'eut  suffisance. 

AULTRE 

Du  corps  absent  le  cueur  je  te  présente, 
Qui  loyaulment  (sans  fin)  te  servira, 
Et  en  tous  lieux  (comme  ton  serf)  yra, 
Vivant  d'espoir,  se  nourrissant  d'attente. 

AULTRE 

Contente  ou  non,  il  fault  que  je  l'endure 
Oultre  mon  gré  et  ma  seulle  espérance, 
Mais  s'une  fois  il  vient  à  ma  puissance 
Je  mettray  fin  à  ce  qui  trop  me  dure. 

AULTRE 

Trop  plus  qu'heureux  sont  les  amans  parfaitz 
Qui  sont  si  bien  d'amours  entrelassez 
Que  sans  jamais  d'aymer  estre  lassez 
Plus  tost  sont  mors  que  par  discord  deffaictz. 

AULTRE  (i) 

L'œil  dict  assez  s'il  estoit  entendu, 
La  bouche  veult  mon  désir  reveller, 
Mais  cela  m'est  par  craincte  deffendu 
Ne  pourroit  on  m'entendre  sans  parler. 

(i)  Cette  pièce  de   Melin  de  Sair.ct-Gelays  a   été  tronquée.  On  la 


DE  POÉSIE  FRANÇOYSE  87 


AULTRE 

Puis  que  de  toy  vient  et  non  d'aultre  place 
Ce  feu  ardant  qui  nuict  et  jour  m'enflamme 
Comment  ce  faict  que  tu  n'en  sens  la  flamme 
Et  que  vers  moy  es  plus  froyde  que  glace  ? 

AULTRE 

Odoulx  raport  que  doibs  bien  désirer 
Qui  as  voulu  du  serf  la  délivrance, 
A  plus  hault  bien  ne  povois  aspirer 
Qu'au  languissant  offrir  la  jouyssance. 

AULTRE 

Amour  et  moy  avons  faict  une  dame, 
Voulant  ouyr  les  plainctes  d'amytié 
Dont  j'ai  vaincu  le  corps,  et  amour  lame, 
Et  converty  sa  rigueur  en  pitié. 


trouve  complète  dans  les  Œuvres  de  ce  poète  publiées  par  ProsperBlan- 
chemain  (t.  III.  p.  20).  Voyez  l'épigr.  XXXIV  : 
L'œil  dict  assez,  s'il  estoit  entendu, 

La  bouche  Teult  mon  désir  révéler  ; 

Mais  cela  m'est  par  crainte  défendu, 

Ne  scauroit  on  entendre  sans  parler  ? 

Ne  respond-on  jamais  sans  appeler? 

A  mon  semblant  mon  besoing  se  peult  lire 

S'on  y  prend  garde,  et  je  n'ose  rien  dire, 

Ne  scay  plus  où  mon  espoir  fonder, 

Il  est  mal  prest  d'avoir  ce  qu'il  désire, 

Qui  n'ose  ouvrir  la  bouche  pour  s'aider. 


88  LA    FLEUR 


AULTRE 

Au  feu  d'amour  je  fais  ma  pénitence 
Pour  une  dame  qui  me  navre  à  grand  tort, 
Et  touteffoys  d'elle  ne  veulx  vengeance, 
J'ayme  trop  mieulx  en  endurer  la  mort. 

AULTRE 

Las  te  plains-tu  (amy)  de  mon  offense, 
Veu  que  mon  cueur  tend  à  te  secourir, 
Cesse  ton  dueil  tu  auras  jouyssance 
De  ton  espoir,  car  tel  est  mon  plaisir. 

AULTRE 

Si  mon  amour  ne  vous  vient  a  plaisir, 
Mettant  pour  vous  le  mien  corps  et  avoir, 
Dictes,  amy,  cessez  vostre  debvoir, 
De  trop  aymer  ne  vient  que  desplaisir. 

AULTRE 

Jehanne  disoit  ung  jour  à  Jehanninet  : 
Ami  vueillez  à  cultiver  entendre, 
Cultivez  tost  mon  joly  jardinet, 
Et  l'arrousez  pour  la  semence  espandre. 

AULTRE 

Puis  que  fortune  à  sur  moy  entrepris, 
Las  me  doibt  on  de  tout  plaisir  bannir, 
Et  saiib  secours  incessamment  tenir  ? 
Mieulx  me  vault  droit  de  la  mort  estre  pris. 


DE   POÉSIE   FRANÇOYSE  89 


AULTRE 

Epoir  vis,  et  craincte  me  tourmente, 
Ung  jour  je  riz,  et  l'autre  je  lamente, 
e  doulx  œil  me  faict  bien  espérer, 
Mais  mon  grief  mal  me  contrainct  souspirer. 

AULTRE 

Aymer  ne  veulx  dame  de  grand  beaulté, 
Car  ceulx  qui  ont  de  leurs  meurs  fait  espreuve 
Disent  que  peu  de  constance  s'y  treuve, 
Encores  moins  de  ferme  loyaulté. 

AULTRE 

Humblb  et  loyal  vers  ma  dame  seray 
En  jouyssance  du  bien  que  je  pourchasse, 
Et  si  luy  plaist  me  tenir  en  sa  grâce 
De  l'honnorcr  jamais  ne  cesscray. 

AULTRE 

Fortune  alors  que  n'avois  congnoissance: 
Suivre  mon  heur  me  donna  sa  faveur, 
Mais  maintenant  à  retourné  sa  chance  : 
Au  lieu  d'ayder  elle  me  tient  rigueur. 

AULTRE 

Ung  cucur  vivant  en  langoureux  désir 
Doibt  éviter  le  lieu  trop  favorable 
^t  tendre  aux  fins  pour  bien  et  tout  plaisir, 
iherchant  les  gens  de  façon  amyable, 


90  LA     FLEUR 


AULTRE 

Asseurez  vous  de  mon  cueur  et  de  moy, 
Car  tous  les  deux  sont  d'ung  consentement, 
L'ung  veult  aymer,  et  l'autre  tenir  foy 
Par  fermeté  jusques  au  jugement. 

AULTRE 

Puis  qu'une  mort  ressuscite  ma  vie, 
Mes  ennemys  foible  est  vostre  puissance 
Si  me  tuez  ce  sera  par  envie 
Dont  j'auray  d'elle  en  honneur  jouyssance. 

AULTRE  D'UNE  DAME 

Plus  je  la  vois,  moins  y  trouve  à  redire, 
Tant  que  je  puis  véritablement  dire 
Que  grand  doulceur,  bonne  grâce  et  faconde 
Parfaicte  elle  est  tant  qu'il  n'est  sa  seconde. 


FIN    DES    QUATRAINS 


CINQUAINS 


D'AMOUR  ET  S'AMYE 

Amour  est  bien  de  perverse  nature 
Qu'après  m'avoir  navré  de  sa  poingture 
Et  consolé  du  don  de  jouyssance, 
A  mis  m'amye  en  si  cruelle  chance 
Que  de  m'aymer  n*à  plus  vouloir  ne  cure. 

AULTRE 

Comme  inconstante  et  de  cueur  faulce  et  lasche 
Elle  me  laisse,  or  puis  qu'ainsi  me  lasche, 
A  vostre  advis  la  doibs  je  point  lascher  ? 
Certes  ouy,  mais  aultrement  fascher 
Je  ne  la  veulx,  combien  qu'elle  me  fasche. 

AULTRE  (i) 

Le  vray  amy  ne  s'estonne  de  rien, 
Et  dautantplus  que  danger  le  tourmente, 
Plus  en  espoir  fermeté  le  contente. 
En  endurant  tous  maulx  pour  ung  seul  bien, 
Qui  ne  m'entent  assez  je  m'entens  bien. 


(i)  Epigramme   de    Melin  de    Sainct-Gelays    (Voir    l'éd.  Prosper 
BUnchemain,  III,  p.  2). 


94  LA     FLEUR 


AULTRE 

Amour  lascif  ne  peult  sa  nourriture 
Prendre  et  avoir  de  pauvre  créature, 
Car  pauvreté  et  amour  (ce  me  semble) 
N'eurent  jamais  bonne  habitude  ensemble, 
S'il  est  ainsi  c'est  bien  contre  nature. 

AULTRE 

Ung  musequin  d'un  assez  beau  maintien 
Trouvayung  jour,  sans  m'esm[o]yer  de  rien 
Je  l'embrassay  et  lui  feis  coup  à  quille, 
Las  (dict-elle),  comme  cela  frétille; 
Encore  ung  coup,  car  il  me  faict  grand  bien, 

D'UNE    DAME 

Elle  veult  donc  que  d'elle  me  contente 
Et  que  son  bien  et  mon  grand  mal  je  sente, 
Sans  m'y  donner  aucun  allégement, 
Et  sans  espoir  d'en  avoir  traictement 
Force  sera  que  d'elle  je  m'absente. 

AULTRE  (i) 

L'œil  trop  hardy,  si  hault  lieu  regarda 
Que  bouche  et  cueur  de  parolles  engarda, 
Et  puis  voyant  cueur  et  parolle  estaindre, 
Feit  (en  plourant)  l'office  de  complaindre, 
Ainsi  son  mal  par  pitié  regarda. 

(i)  Cette  pièce  a  été  tronquée.  La  voici  complète,  et  telle  qu'on  la 


DE    POÉSIE    FRANÇOYSE  95 


All.TRi;    À    UNE    DAME 

Ocrnaultc  Logée  en  grand  bcaulté, 
O  grand  bcaulté  qui  loges  cruaultc, 
mt  ma  douleur  jamais  ne  sentiras, 
Au  moins  ung  jour  pense  à  ma  loyaulté, 
ate  (alors)  peult  estre  te  diras. 

AULTRE  A  UNE  DAME 

En  vous  voyant  j'ay  liberté  perdue, 
Que  si  long  temps  j'avoy  bien  deffendue 
tre  chascune,  et  sçeu  contregarder, 
Mais  endroict  vous  je  n'ay  peu  retarder, 
I    Qu'entre  voz  mains  mon  cueur  ne  Ta  rendue. 

trouve  dans  les  Œuvres  complètes  de  Melin  de  Saint-Gelays,  publiées 
par  Prosper  Blanchemin  (t.   III,  p.  37)  : 

L'œil  trop  hardi  si  haut  lieu  regarda 
Que  le  parler  n'y  osa  oncq  atteindre. 
Le  cœur  voulut  ;  mais  doubte  l'engarda 
Non  demander,  ains  seulement  se  plaindre  ; 
Et  pour  n'oser  autant  dire  que  craindre 

tll  demouroit  en  son  piteux  tourment. 
Lors  l'œil  voyant  cœur  et  parole  estaindre 
Dict  qu'il  fera  l'office  de  complaindre  ; 
Puisque  du  mal  fut  premier  fondement. 
Là  commença  tant  de  larmes  empraindre 
Que  l'on  cogneust  son  mal  qu'il  ne  peut  faindre 
Et  de  là  eut  le  cœur  allégement. 

Cette  dernière  version,  imprimée  tout  d'abord  dans  YHemiomphile 
^e  '537.  a  été  insérée  sous  ce  titre  :  De  Monsieur  le  Cardinal  Je  Tour- 
noi», dans  le  recueil  de  Poésie  facecieuse  extr.  des  plus  fameux  poètes 
de  notre  siècle.  Lyon.  Benoist  Rigaud,  1559,  in-ia  (Voy.  l'éd.  Gay.) 


96  LA    FLEUR 


AULTRE   A   UNE  DAME 

Encore  ung  coup  me  veulx  tu  reffuser 
De  ta  mercy  sans  de  mercy  user, 
Vers  mon  las  cueur  qui  tant  t'ayme  sans  faindre. 
Et  si  je  meurs  la  mort  me  vienne  attaindre, 
Tout  à  présent  sans  me  laisser  muser. 

AULTRE 

En  espérant  espoir  me  désespère, 
Tant  que  la  vie  m'est  vie  tresprospere, 
Me  tourmentant  de  ce  qui  me  contente, 
Me  contentant  de  ce  qui  me  tourmente, 
Pour  la  douleur  du  soûlas  que  j'espère. 

AULTRE 

Elle  a  mon  cueur,  je  croy  qu'elle  est  contente, 
Et  ne  fault  point  qu'ung  aultre  y  ayt  attente, 
Pour  en  penser  jouyr  aulcunement, 
Car  noz  deux  cueurs  ont  une  telle  entente 
Que  séparez  ne  seront  nullement. 

AULTRE 

Départ  d'amours  causé  par  quelque  absence 
Ou  cil  que  mort  commect  par  violence 
A  cueur  loyal  pesant  est  à  porter, 
Mais  cil  qu'ung  cueur  maling  veult  inventer 
Plus  dur  il  est  quand  se  faictsans  offence. 


DE   POÉSIE   FRANÇOYSE  97 


AULTRE 


Ta  bonne  grâce  et  maintien  gracieulx, 
Et  le  regard  de  tes  doulx  rians  yeulx 
M'ont  transpercé  le  cueur  de  telle  sorte 
Que  contrainct  suis  de  crier  à  ta  porte, 
Miséricorde  au  paoure  langoureux. 

AULTRE 

Le  départir  est  sans  département 
A  ung  bon  cueur  aymant  parfaictement, 
Car  vraye  amour  ne  congnoist  nulle  absence, 

à  tousjours  par  mémoire  et  présence 
Le  bien  où  gist  tout  son  contentement. 

AULTRE 

DU  mal  que  j'ay  (las)  qui  me  guérira, 
Si  je  l'accuse,  point  ne  se  trouvera, 
Je  suis  navré,  voire  à  mortelle  oultrance, 
Et  si  suis  scur  que  sans  recongnoissance 
A  ma  plaincte,  foy  l'on  n'adjoustera. 

AULTRE 

Hi-,  sans  plus,  en  noble  cueur  prend  place, 
Oir  bon  vouloir  qui  d'honneur  ne  desplace 
Jecte  au  conseil  son  désir  et  sa  flamme, 
1  t  qu'enfin  il  procède  sans  blasme 

Du  cueur  amour,  et  cf  amour  port  et  grâce. 


98  LA     FLEUR 


JOYEUSE  RENCONTRE 

L'autre  jour,  par  ung  matin,  soubz  une  treille, 
Rencontray  ung  franc  topin  faisant  merveille, 
De  s'amye  ung  bruict  vint  tel  à  l'oreille  : 
Goigne  coigne,  fort  pousse,   frappe, 
Han!  mon  amy  cela  m'eschappe. 


FIN   DES    CINQUAINS 


SIXAINS 


SIXAIN 

Je  veulx  toujours  obéir  et  complaire 
Sans  requérir  le  bien  que  je  désire, 
Et  si  mamye  n'entend  à  mon  labeur 
Je  ne  doibs  point  de  ma  bouche  luy  dire, 
Car  je  maintientz  qu'ung  loyal  serviteur 
Assez  demande  à  bien  servir  et  faire. 

AULTRE  (i) 

Une  dame,  par  ung  matin, 
Apres  avoir  son  picotin, 
Du  jeu  d'amour  non  assouvie: 
Vray  dieu  (dict  elle);  qu'elle  vie, 
Encore  un  coup  mon  doulx  amy, 
Je  ne  suis  pas  saoulle  à  demy. 


B 


AULTRE  (2) 

aisez  moy  tost,  ou  je  vous  baiscray, 
Approchez  près,  faictcs  la  belle  bouche, 


(1)  Réirapr.:  Récréation  et passet.  des  tristes,  i  $95  (Ed.  cit.  p. i/j). 

(2)  Rcimpr.  :  Récréation  et  passe  temps  des  tristes,  1 59  j   (Ed.   citée, 
p.    122)  ;   Trésor  des  joyeuses  inventions,  1  599,  p.  80. 

6" 


102  LA    FLEUR 


Ostez  la  main,  que  ce  tetin  je  touche, 

Laissez  cela,  je  vous  l'arracheray 

Mon  bien  m'amour,  tant  je  le  vous  feray 

S'il  fault  qu'ung  jour  avecques  vous  je  couche. 

AULTRE  (i) 

Quand  ung  travail  surmonte  le  plaisir, 
Tant  grand  soit  il,  rend  la  fin  mal  contente, 
J'entendz  très  bien  que  l'amour  violente 
Par  quelque  temps  satisfaict  au  désir, 
Mais  en  la  fin  ung  trop  grand  desplaisir 
L'amour,  le  corps,  et  le  penser  tourmente. 

AULTRE  (2) 

Passions  et  douleurs, 
Qui  suyvez  tous  malheurs, 
Suyvez  moy  jours  et  nuictz 
Souspirant  mes  ennuictz, 
Je  veis  en  desespoir, 
Dame  sans  nul  povoir. 


M 


AULTRE  (3) 

oins  je  la  veulx,  plus  m'en  croit  le  désir, 
La  désirant  on  m'en  veult  divertir, 


(1)  Réimpr    :    Récréation  et  passetemps  des    tristes,  1595  (Ed.    citée, 
p.  12   ). 

(2)  Réimpr.  -.Récréation  et  passetemps  des  tristes,  1595  (Ed.  citée, 
p.  123;. 

(3)  Réimp.  :  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  1595  (Ed.  citée,  p. 
124). 


DE   POÉSIE  FRANÇOYSE  IO3 


L'ung  par  raport,  et  l'autre  par  mesdire 

Hiis  qu'amour  m'a  voulu  la  choysir 
Je  mourray  sien,  non  pas  comme  martir. 
Son  œil  me  veult,  et  mon  cueurla  désire. 

AULTRE 

C'kst  ung  grand  mal  que  d'ung  refus, 
Et  si  n'est  on  jamais  plainct  d'ame, 
Je  le  sçay  bien,  car  quand  je  fus 
yng  jour  refusé  de  ma  dame, 
De  dueil  me  vint  à  l'œil  la  larme, 
Et  m'en  vins  tout  triste  et  confus. 


FIN  DES    SIXAINS 


AUTRES  PIECES 

ÉPIGRAMMATIQUES 


DOUZAIN  D'UN  CURE  (i) 

Nostre  vicaire,  ung  jour  de  festc, 
Chantoit  ung  agnus  gringottc, 
Tant  qu'il  povoit  à  pleine  teste, 
Pensant  d'Annette  estre  escoutc  ; 
Anettc,  île  l'aultre  costé, 
Ploroit  comme  prise  à  son  chant, 
Dont  le  vicaire  en  s'approchant 
Luy  deist  :  Pourquoy  plorez  vous  belle  ? 
Ha!  messire  Jan,  ce  deist  elle, 
Je  plore  ung  asne  qui  m'est  mort, 
Qui  avoit  la  voix  toute  telle 
Que  vous  quant  vous  criez  si  fort. 


A 


A  UNE  DAME 

u  temps  heureux  que  ma  jeune  ignorance 
Reçeut  l'enfant  qui  des  dieux  est  le  maistre, 


(ï)  Epigrarame  de  Melin  de  Saùict-Gelays.  Voyez  l'éd.  de  Prosper 
Blanchemain.  I,  p.  2J4  (Variantes).  Réimpr.  :  Récréation  et  passe- 
temps  des  tristes,  1595  (Ed.  citée,  p.  125)  ;  Trésor  des  joyeuses  inven- 
tions,  IS99.P-  76. 


108  LA    FLEUR 

Vous,  congnoissant  qu'il  ne  faisoit  que  naistre, 

Voulustes  bien  le  nourrir  d'espérance, 

Mais  puis  que  vous  et  sa  persévérance 

L'avez  faict  grand,  plus  qu'aultre  oncq  nepeultestre, 

En  lieu  d'espoir  vous  le  laissez  repaistre, 

Seul  à  par  luy,  de  mon  mal  et  souffrance, 

Ne  pour  essay  que  je  face  ou  effort 

Possible  n'est  Poster  de  sa  demeure, 

Car  plus  que  moy  il  est  devenu  fort; 

Maulgré  moy  donc  il  fault  qu'il  y  demeure, 

Mais  maulgré  luy  aussi  ay  ce  confort 

Qu'il  sortira  au  moins  mais  que  je  meure,  (i) 

RONDEAU 

On  le  m'a  dict,  dague  à  rouelle, 
Que  de  moy  en  mal  vous  parlez; 
Le  bien  que  si  bien  avaliez 
Vous  le  mect  il  en  la  cervelle  ? 
Vous  estes  rapportée  nouvelle, 
D'aultre  chose  ne  vous  meslez. 

On  le  m'a  dict. 
Si  plus  il  vous  advient  meselle, 
Voz  rains  en  seront  bien  gallez. 
Allez,  de  parle  dyable,  allez, 
Vous  n'estes  qu'une  macquerelle 

On  le  m'a  dict. 

(i)  Réimpr.  ï    Récréation  et  passetemps  des    tristes,   1595  (Ed.  citée, 
p.  I2S). 


FIN    DES    AUTRES  PIECES   EPIGRAMMATIQUES 


CHANSONS 


V 


DU   MOYS   DE   MAY 

Ce  joly  moys  de  May 
Me  donne  grand  esmay 
(Ne  vous  vueille  desplaire) 
Car  ung  denier  je  n'ay 
Pour  avoir  le  cueur  gay 
Et  aux  dames  complaire. 
Au  verd  boys  m'en  iray, 
Pour  vcoir  si  trouveray 
Ma  dame  débonnaire, 
A  qui  demanderay 
Jouyssance,  et  verray 
Sel'  me  sera  contraire. 
O  joly  moys  de  May 
Si  de  toy  secours  ay, 
Que  je  croy  débonnaire, 
I>e  m'amye  au  corps  gay 
Je  pourray  faire  essay 
Tel  qu'il  luy  pourra  plaire. 

CHANSON  (i) 

a  rossignol  amoureux  messager 
Va  faire  ouyr  à  ma  seullc  maistresse 


(i)  Réimpr.  ;  Récréation  et  passetemps  des  tristes,   1J9J  (Edit.  citée, 
p.  ut)  ;  Trésor  des  joyeuses  inventions,  p.  85. 


112  LA     FLEUR 

To[n]  chant  joyeulz  pour  elle  soulager, 
Meslé  d'amour  et  d'ung  peu  de  tristesse, 
Qu'est-ce,  qu'est-ce,  Magdaleine,  m'amye  ? 
Qu'est-ce,  qu'est-ce  de  tant  aymer  ? 
Qu,en  dictes  vous,  Magdaleine  jolye  ? 
Venez  venez  vostre  amy  conforter, 
(Accourez  tost  plus  ne  fault  séjourner) 
Il  vous  attend,  prenez  vers  luy  l'adresse. 
O  grand  beaulté  qu'on  ne  peult  estimer, 
Gardez  vous  bien  que  par  vous  l'amour  cesse. 


AULTRE(i) 

Une  belle  jeune  espousée 
Estoit  une  fois  en  devis 
Avecq  une  vieille  rusée 
Qui  disoit:  Dame  à  vostre  advis, 
Les  hommes  sont  ilz  si  ravis 
Quand  ilz  le  font,  et  ont  ilz  bien 
Tant  comme  nous  d'ayse  et  de  bien  ? 
Tant  m'amye  (respondit-elle), 
La  doulceur  qu'ilz  sentent  est  telle  , 
Que  la  nostre  auprès  n'est  que  vent, 
Je  m'esbahis  donc  (dict  la  belle) 
Qu'ilz  ne  nous  le  font  plus  souvent. 

(i)  Cette  chanson  est  de  Melin  de  Sainct-Gelays.  Voyez  dans  l'éd.  de 
Prosper  Blanchemaiu  (I,  p.  87)  la  pièce  intitulée  :  La  Demande  d'une 
jeune  espousée  (Variantes).  Elle  se  trouve  de  plus  dans  la  Récréation 
et  passetemps  des  tristes,  1595  (Ed.  citée,  p.  49).  -    l    ilo  ti.okt.A~ , 


DE   POÉSIE  FRANÇOYSE  113 


AULTRE  CHANSON  (1) 

Secouez  moi,  je  suis  toute  plumeuse, 
Que  dira  t'on  si  l'on  me  voit  ainsi, 
Ha!  vous  en  venez,  madame  l'amoureuse, 
Ha!  vous  en  venez  de  veoir  le  vostre  amy. 
Secouez  fort,  ce  n'est  pas  a  demy, 
A  secouer  je  ne  suis  paresseuse, 
Et  hault  et  bas,  et  au  millieu  aussi, 
J'aymeroy  mieulx  cent  fois  estre  croteuse, 
Car  l'on  diroit  du  marché  doibt  venir, 
Ou  du  moullin  comme  femme  peneuse, 
Secouez  moy,  je  suis  toute  plumeuse. 

AULTRE  CHANSON 

Il  estoit  une  fillette 
Qui  vouloit  sçavoir  le  jeu  d'amours, 
Ung  jour  qu'elle  estoit  seullette 
Je  luy  en  apris  deux  ou  trois  tours. 
Apres  avoir  senty  le  goust 
Elle  me  dict  en  soubriant  : 
Le  premier  coup  me  semble  lourd, 
Mais  la  fin  me  semble  triant. 
Je  luy  dy  :  Vous  me  tentez. 
El'me  dict  :  recommencez, 
Je  l'empoigne,  je  l'embrasse, 
Je  la  fringue  fort. 

(1)  Réimpr.  :   Récréation  et  passelemps  des  tristes,  ljj$   (Ed.  citée, 
p.  126). 


114  LA     FLEUR 

Elle  crie  ne  cessez, 

Je  luy  dy  :  vous  megastez, 

Laissez  moy,  petite  garse, 

Vous  avez  grand  tort 
Mais  quand  ce  vint  à  sentir  le  doulx  point 
Vous  l'eussiez  veu  mouvoir  si  doulcement 
Que  son  las  cueur  en  tremble  fort  et  poingt, 
Mais  dieu  mercy!  c'estoit  ung  doulx  tourment. 

AULTRE  D'UNG  AMOUREUX  (i) 

Vray  dieu  tant  j'ay  le  cueur  gay, 
J'ay  mené  m'amye  au  vert  gay, 
En  lieu  fort  loing  de  gent 
Là  j'ay  faict  danser  son  corps  gent 

La  danse  du  houppegay, 
Vray  dieu  tant  j'ay  le  cueur  gay. 

AULTRE  (2) 

Ramonnkz  moy  ma  cheminée 
Ramonnez  la  moy  hault  et  bas, 
Une  dame  la  matinée, 
Ramonnez  moy  ma  cheminée, 
Disoit,  de  chaleur  forcenée, 
Mon  amy  prenons  noz  esbas, 
Ramonnez  moy  ma  cheminée, 
Ramonnez  la  moy  hault  et  bas. 

(i)  Réimpr.  :  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  1595  (Ed.  cité», 
p.  127)  ;  Trésor  des  joyeuses  inventions,  1599,  p.  85 

(3)  Réimpr.  :  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  1595  (Ed.  citée, 
p.  127)  ;  Trésor  des  joyeuses  inventions,  1599    p.  £5. 


DE    POÉSIE   FRANÇOYSE  11$ 


AULTRE   D'UNE    DAME   (1) 

Faict  elle  pas  bien 
D'aymer  qui  luy  donne  ? 
Elle  est  belle  et  bonne, 
Et  si  ne  vault  rien. 
Elle  ayme  le  mien, 
Non  pas  ma  personne, 
Et  s'y  s'abondonne 
A  qui  luy  dict  tien, 
Faict  elle  pas  bien 
D'aymer  qui  luy  donne? 

AULTRE  (2) 

Sur  la  rousée  m'y  fault  aller 
La  matinée, 
Pour  le  Rossignol  escouter 

Soubz  la  ramée 
Tenant  sa  dame  soubz  le  bras 
En  lui  demandant  par  esbas 

Une  accollée, 
Et  puis  la  renverser  en  bas, 
Comme  amoureux  font  par  esbas 
Sur  la  rousée. 


(1)  Réimpr.  :  Récréation  et  passetemps  des  tristes,  159$  (Ed.  citée 
p.  127).  Dans  ce  dernier  recueil  la  pièce  est  incomplète  des  deux 
derniers  vers. 

(2)  Réimp.  Récréation  et  passetemps  des  tristes  1595  (Ed.  citée 
p.  128);  Trésor  des  joyeuses  inventions,  1590,  pp.  8S-86. 


lié  LA     FLEUR 


AULTRE   CHANSON 

Au  joly  chant  du  sansonnet, 
Je  m'endormy  l'autre  nuictée, 
Et  là  oùy  dire  ung  souhaict 
Qui  touchoit  l'honneur  de  m'amye; 

Va  si  te  marie, 
Puis  qu'on  les  a  bien  à  l'essay 
Jamais  je  ne  m'y  mariray. 

AULTRE    CHANSON 

D'une  dame  je  suis  saisi, 
Graciease  plaisante  et  belle, 
Bien  souvent  je  luy  dy  ainsi  : 
Baisez  moy  donc  mademoyselle, 
Bien  tost  après  honnestement 
El'  me  tend  la  bouchette, 
En  me  disant  joyeusement 
Je  suis  vostre  amyette. 

AULTRE  CHANSON 

/"■"Xue  n'est  elle  auprès  de  moy 

w     Celle  que  j'ame, 
J'ay  esté  amoureux  d'une  assez  belle  dame 
Elle  m'a  faict  coquu,  dont  j'ay  esté  infâme, 
Que  n'est  elle  auprès  de  moy  celle  que  j'ame. 
Une  aultre  amye  ay  faict  qui  à  bon  bruict  et  famé, 
Mais  si  trompé  j'ensuis,  jamais n'aymeray  femme, 
Que  n'est  elle  auprès  de  moy  celle  que  j'ame. 


DE   POÉSIE  FRANÇOYSE  117 


AULTRE 


Ck  moys  de  May,  au  joly  vert  boquet, 
C'est  ung  plaisir  que  cf'estrc  soubz  l'ombrage, 
L'ung  fait  chappeau,  l'autre  fait  un  boucquet, 
Ce  moys  de  May,  au  joly  vert  boquet, 
Tout  cueur  fasché  lors  reprend  son  courage  ; 
Le  rossignol  en  son  plaisant  langage 

Faict  rage, 

Au  boscage, 

Son  ramage 
Triumphe  assis  sur  la  fleur  du  muguet, 
Ce  moys  de  may  au  joli  verd  boquet. 

AULTRE 

F  risque  et  gaillard,  ung  jour  entre  cent  mille, 
Je  m'entretiens  de  faire  ample  ouverture 
Au  cabinet  d'une  mignonne  fille 
Pour  accomplir  les  œuvres  de  nature, 
La  fille  me  respond,  tel  est  mon  appétit, 
Mais  mon  amy  je  crains  qu'il  ne  soit  trop  petit 
Quand  elle  le  sentit  s'escria  nostre  dame: 
Et  tost,  tost  depeschez  vous,  car  je  me  pasme. 

AULTRE    D'UNE  JEUNE   FIANCÉE 

ESTANT    AUX    ESTUVBS 

Ung  jour  passé  bien  escoutoye 
Une  fille  secrettement, 
En  lieu  secret,  démenant  joye, 

Qui  triumphoit  joyeusement, 


uùnûfoA.w-'fr 


Il8  LA    FLEUR 


Considérant  qu'en  mariage 

Debvoit  avoir  son  adventage 

Au  jolyjeu  sans  insolence, 

Dont  elle  dict,  en  son  langage  : 

Je  suis  gaye.  gaye,  gaye  pour  dymanche 

AULTRE 

Une  fille  bien-  gorriere 
Embrassa  ung  verd  vestu, 
Tout  auprès  d'une  rivière 
La  troussa  dru  et  menu; 
Hz  ouyrent  quelqu'ung  disant  que  feras-tu  ? 
Hz  ne  sont  pas  tous  sus  les  arbres  les  coquz. 

AULTRE 

Dictes  vous  que  ne  sçay  faire 
D'amourettes  joliettes  le  deduict; 
Le  curé  et  sa  commère 
Estoient  couchez  sus  ung  lict; 
Elle  luy  faisoit  prière 
La  confesser  ung  petit; 
11  se  feist  quelque  mistere, 
Car  fort  bransloit  le  châlit, 
Et  j'entendis  le  compère 
Disant  d'un  g  grand  appétit: 
Dictes  vous  que  ne  sçay  faire 
D'amourettes  joliettes  le  desduict. 

FIN     DES    CHANSONS 


Cy  finist  la  Fleur  de  "Poésie  Françoyse, 
nouvellement  imprimée  à  Paris,  par 
Alain  Lotrian,  imprimeur  et  li- 
braire, demeurant  en  la  rue 
neusve  nostre  "Dame  a 
Venseigne  de  Ves- 
cu  de  France 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  POÈMES 


NOTA  :  Chaqne  pièce  est  désignée  ici  par  son  premier  Ters.  Les 
initiales  C.  M.  ou  M.  S.  placées  à  la  fin  des  vers  servent  à  dési- 
gner les  poèmes  de  Clément  Marot  ou  de  Melin  de  Sainct-Gelays. 


A  ce  matin  ce  scroit  bonne  estreine    .     . 

A  cinq  cens  diables  la  verolle 

Alix  avoil  aux  dents  la  malle  rage  .  .  . 
Amour  à  faict  ce  qu'il  ne  peult  deffaire  . 
Amour  cruel  de  sa  nature  (M.  S.)  .  .  . 
Amour  est  bien  de  perverse  nature  .  . 
Amour  et  moy  avons  faict  une  dame  .  . 
Amour  lascif  ne  peult  sa  nourriture  .  . 
Amour  le  veult,  et  mon  espoir  attend  . 
Amour  perdict  les  traictz  qu'il  me  tira  . 
Amour  voyant  que  j'avoye  abusé  .  .  . 
Apres  avoir  longuement  attendu  .  .  . 
Asscurez  vous  de  mon  cueur  et  de  moy. 
Au  feu  d'amour  je  fais  ma  penitenee.  . 
Au  feu,  au  feu,  venez  moy  secourir    .     . 

Au  joly  chant  du  sansonnet 

Au  temps  heureux  que  ma  jeune  ignorance 
Avecques  vous  mon  amour  finira    .     .     . 
Aymer  ne  veulx  dame  de  grand  beaulté . 


43 
46 
48 
82 
60 
93 
87 
94 
79 
61 
82 
27 
90 
88 
26 
116 
107 
8b 
89 


122  TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  POÈMES 

B 

Baisez  moy  tost,  ou  je  vous  baiseray  .     .    .     .     101 
Blanc  et  clairet  sont  les  couleurs 34 


Ce  joly  moys  de  may 

Celle  qui  fut  de  beaulté  si  louable  (M.  S.) 
Celle  qui  veit  son  amy  tout  armé  .  .  . 
Celluy  qui  veult  en  amour  être  heureux 
Celuy  qui  fut  du  bien  et  du  tourment  . 
Ce  moys  de  May  au  joly  vert  boquet.  . 
Ce  moys  de  may  sur  la  rousée  .... 
Ce  qui  souloit  en  deux  se  départir.  .  . 
C'est  un  grand  cas  qu'amour  qui  a  puissance 
C'est  ung  grand  mal  que  d*ung  refus.     . 


Comme  inconstante  et  de  cueur  faulce  et  lasche      o,3 


Comment  mes  yeulz  auriez  vous  bien  promis 
Content  désir  qui  cause  ma  douleur  .     .     . 
Contente  ou  non,  il  fault  que  je  l'endure     . 
Contentement  combien  que  soit  grand  chose 
Contentez  vous,  amy,  de  la  pensée     ... 
Continuer  je  veulx  ma  fermeté 


D 

Dame  de  beaulté  j'ay  envie 

D'amour  me  plainctz,  et  non  de  vous  mamye 
De  mon  las  cueur  j'ai  donné  le  povoir    .     . 
Départ  d'amours  causé  par  quelque  absence 
De  tant  aymer  sans  avoir  jouyssance  .     .     . 
Deux  cueurs  voulans,  par  fermeté  louable  . 


1 1 1 

37 
48 
39 
69 

117 
46 
20 
64 

io3 


45 
77 
86 

78 

79 
81 


84 
40 
22 

96 
82 
33 


table  alphabétique  des  poèmes  123 

Dictes  pourquoy  amitié  s'efface 36 

Dictes  vous  que  ne  sçay  faire 1 1 8 

Donné  me  fut  des  cieulx  à  ma  naissance  (M.  S)  73 

Doulce  mémoire  en  plaisir  consummée  .     .     .  19 

Du  corps  absent  le  cueur  je  te  présente.     .     .  86 

Du  mal  que  j'ay  (las)  qui  me  guérira.     ...  97 

D'une  dame  je  suis  saisi 116 

D'ung  amy  fainct  je  ne  me  puis  deffaire  (M.  S.)  42 


Elle  a  bien  ce  ris  gracieux 

Elle  a  mon  cueur,  je  croy  qu'elle  est  contente 
Elle  veult  donc  que  d'elle  mécontente  .    . 

re  ung  coup  me  veulx  tu  relluser    .     . 

En  espérant  en  ceste  longue  attente    .     .     . 

permit  espoir  me  désespère     .... 

sperant  je  veis  en  grand  langueur     .     . 

îpoir  vis,  et  craincte  me  tourmente.     . 


En  te  voyant  j'ay  si  ardant  désir  .... 
En  vous  voyant  j'ay  liberté  perdue.  .  .  . 
Est  ce  au  moyen  d'une  grande  amytie  .  . 
Est  il  advis  que  doibve  estimer  d'elle  .  .  . 
Est  il  point  vi-.iv,  ou  si  je  1  ai  songé  (M.  S.) 
Est  il  possible  à  moy  povoir  trouver  .     .     . 


62 

96 
94 
96 

79 

27 
89 


Faict  elle  pas  bien ii5 

Finy  le  bien  le  mal  soubdain  commence     .     .  ig 

Fortune,  alors  que  n'avois  congnoissance    .     .  89 

Fortune  et  mort  pourquoy  m'avez  laissez    .     .  26 


124  TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  POÈMES 

Frère  Thibault,  surnommé  gros  et  gras  (C.  M.)      54 
Frisque  et  gaillard,  ung  jour  entre  cent  mille.     1 17 


Gens  qui  parlez  mal  de  ma  mye 24 

Guillot  ung  jour  estoit  avec  Babeau    ....  49 

H 

Helas  !  amour  je  pensoys  bien  avoir ....  59 

Helas  !  Amour,  tu  feis  mal  ton  debvoir  ...  28 

Helas  !  amy  je  congnois  bien 3i 

Homme,  sans  plus,  en  noble  cueur  prend  place  97 

Humble  et  loyal  vers  ma  dame  seray    ...  89 

T 

Il  estoit  une  fillette n3 

Il  n'est  trésor  que  de  lyesse 85 


J 

Jamais  amour  ne  peult  si  fermement  .  . 
Jamais  je  ne  confesserois  (C.  M.)  .  .  . 
Janneton  fut  Tautre  jour  au  marché  .  . 
J'attendz  le  temps  ayant  ferme  espérance 
J'ay  veu  qve  j'estois  franc  et  maistre  .  . 
Je  croy  le  feu  plus  grand  que  vous  ne  dictes 
Jehanne  disoit  ung  jour  à  Jehanninet . 
Je  n'ayme  plus  corporelle  beaulté  .  .  . 
Je  ne  le  croy  et  le  sçay  seurement  .  .  . 
Je  ne  pourrois  ta  fermeté  blasmer .  .  . 
Je  ne  puis  bonnement  penser  .... 


81 
62 
55 

82 

H 

66 
88 

85 
21 
36 
44 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  POÈMES  12$ 

Je  n'ose  estre  content  de  mon  contentement    .  81 

Je  prendz  en  gré  la  dure  mort 28 

Je  suis  à  moy  et  à  moy  me  tiendray    ....  77 

Je  veulx  toujours  obéir  et  complaire  .     .     .     .  101 


.aissons  amour  qui  nous  faict  tant  souffrir, 
.a  loy  d'honneur  qui  nous  dict  et  commande 

/amour,  la  mort  et  la  vie 

/amour  première  en  jeunesse  ignocente  . 
.a  nuict  passée  en  mon  lict  je  songeoye  (C.  M.] 
/ardant  désir  du  hault  bien  désiré  .  .  . 
.as  je  sçay  bien  que  je  feis  grande  offence . 
nie  fault  il  tant  de  mal  supporter  .  . 
.as  que  te  sert  ce  doulx  parler  en  bouche  . 
.as  te  plains  tu  (amy)  de  mon  offense  .  . 
,'aultre  hier,  passant  par  un  verd  boys.  . 
'autre  jour,  par  ung  matin,  soubz  une  treille 
,e  départir  est  sans  département  .... 
,e  dur  travail  de  ta  longue  demeure.  .  . 
e  jeu  d'aymer  ou  jeunesse  s'esbat.  .  .  . 
e  rossignol  plaisant  et  gracieulx  .... 
e  souvenir  de  mon  bien  me  rend  triste  . 
'espoir  confus  à  plus  hault  désirer  .  .  . 
e  train  d'aymer  c'est  un  parfaict  deduict . 
.e  voulez  vous,  j'en  suis  très  bien  contente 
,e  vray  amy  ne  s'estonne  de  rien  (M.  S.)  . 
/œil  dict  assez  s'il  estoit  entendu  (M.  S.)  . 
'œil  est  à  vous  le  cueur  et  la  pensec.  .  . 
œil  et  le  cueur  contre  leur  ligue  saincte  . 
'œil  trop  hardy,  si  hault  lieu  regarda  (M.  S. 


39 

64 
3o 
3o 

69 
42 
27 
36 
45 
88 
48 
98 
97 
39 
5? 
40 
82 

67 
84 
85 

86 
45 
44 
94 


126  TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  POÈMES 


M 


Mamye  a  eu  de  dieu  le  don 

Ma  passion  je  prendz  patiemment  .     .     . 
Moins  je  la  veulx,  plus  m'en  croit  le  désir 
Mon  cœur  voulut  dedans  soy  recepvoir  . 
Mon  seul  espoir  a  tousjours  prétendu.     . 
Mort  en  malheur  m'est  seulle  suffisance. 


49 

2D 

I02 

23 

83 

34 


N 


N'espoir  ne  paour,  n'auray  jour  de  ma  vie 
Nostre  vicaire,  ung  jour  de  feste  (M.  S.). 

o 

O  combien  est  malheureux  le  désir  .  . 
O  comme  heureux  t'estimeroit.mon  cueur 
O  cruaulté  logée  en  grand  beaulté .  .  . 
O  cueur  ingrat  qui  m'es  tant  redevable  . 
O  doulx  raport  que  doibs  bien  désirer  . 
O  fortune  n'estois  tu  pas  contente  .  .  . 
Oncques  amour  ne  fut  sans  grand  langueur 
On  le  m'a  dict,  dague  à  rouelle  .... 
O  que  )e  tiens  celle  là  bien  heureuse. 
O  seul  espoir  de  cueur  désespéré  .  .  . 
O  triste  adieu  qui  tant  me  mescontente . 
Ou  mettra  ton  ung  baiser  favorable  (M.  S.) 


68 


44 
4i 
95 
3o 

87 
29 
80 
108 
84 
79 
4i 
61 


Paoure  et  loyal  trompé  par  espérance. 
Par  ton  départ  regrect  me  vient  saisir. 


86 
81 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  POÈMES  I27 


Par  ton  seul  bien  ma  jeunesse  est  heureuse 
Par  nng  matin,  tout  par  souhaict    .    . 

iuns  et  douleurs 

Plaindre  l'ennuy  de  la  peine  estimée  . 
Plus  je  la  vois,  moins  y  trouve  à  redire 
Plus  ne  suis  ce  que  j'ay  esté  (C  M.)    . 
Plus  revenir  ne  puis  ver  toy  madame, 
avoir  eu  jouyssance  d'amours     . 
Pour  un  plaisir  qui  si  peu  dure.     .     .     , 
Puis  que  d'amour  reçoys  élection    .     . 
Puis  que  de  moy,  n'avez  ferme  fiance 
Puis  que  de  toy  vient  et  non  d'aultre  pi 
Puis  que  de  vous  je  n'ai  aultre 
Puis  que  fortune  à  sur  moy  entrepris. 
Puisque  malheur  me  tient  rigueur.     . 
Puis  qu'il  est  tei,  qu'il  garde  bien  s'amye 
Puis  qu'une  mort  ressuscite  ma  vie    .     . 


58 

47 
102 

79 
90 
29 

83 

77 
20 
22 
40 

«7 
21 
88 
24 
7* 
90 


Quand  je  congneu  en  ma  pensée  .  . 
Quant  je  vous  ayme  ardentement  (C.  M 
ail  surmonte  le  plaisir 
•  us  à  vouloir  différer  . 
Que  n'est  elle  auprès  de  moy.  .  .  . 
Qui  pèche  plus,  luy  qui  est  eventeur  (C 
Qui  se  pourroit  plus  désoler  et  plaindre 


M 


2D 

32 

I02 

74 
116 

37 
08 


Ramonnez  moy  ma  cheminée    .     . 
liez  vous,  c'est  trop  dormy     . 
Reviens  vers  moy  qui  suis  ta  désolée 


114 
83 


128  TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  POEMES 


Sans  liberté  qu'ung  bon  esprit  regrette  . 
Satisffaict  suis  au  long  de  mon  mérite    . 
Secouez  moi,  je  suis  toute  plumeuse  .     . 
Si  celle  la  qui  oncques  ne  fut  mienne  (M.  S 
Si  Dieu  vouloit  pour  ung  jour  seulement  (M 
Si  comme  espoir  je  n'ay  de  guerison  (M.  S 
Si  contre  amour  je  n'ay  peu  résister    .     . 

Si  j'ay  aymé  légèrement 

Si  j'ay  du  bien  (helas  !)  c'est  par  mensonge  (M 
Si  j'ay  eu  tousjours  mon  vouloir     .     .     . 
Si  j'eusse  esté  aussi  prompte  à  donner    . 

Si  je  vous  aime  par  amour 

Si  le  service  est  receu  pour  offense.  .  . 
S'il  est  ainsi  que  coignée  sans  manche  . 
Si  l'estincelle  en  ung  petit  moment  .  . 
Si  l'on  doibt  prendre  ung  bienfaict  pour  offe 
Si  mon  amour  ne  vous  vient  a  plaisir.  . 
Si  mon  travail  vous  peult  donner  plaisir 
Si  mon  vouloir  ne  change  de  désir.     .     . 

Si  pour  aymer  et  désirer 

Si  ta  beaulté  te  garnist  de  prudence  .  . 
Si  tu  voulois  accorder  la  demande.  .  . 
Si  vostre  amour  ne  gist  qu'en  apparence 
Sur  la  rousée  m'y  fault  aller     .... 


S. 


84 

2D 
I  I  3 

66 
43 
60 

28 
3i 

63 
65 
38 
38 
85 
80 
35 
63 
88 
35 
80 

59 
33 
80 

32 


Ta  bonne  grâce  et  maintien  gracieulx.  ...  97 
Tant  est  l'amour  de  vous  en  moy  empraincte.  23 
Tel  en  mesdit  qui  pour  soy  la  désire ....      57 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  POÈMES  I2<) 

Ton  feu  s'estainct  de  ce  que  le  mien  ard     .    .  78 

Trop  plus  qu'heureux  sont  les  amans  parfaitz  86 

Trop  tost  j'ai  creu,  y  prenant  tel  plaisir  ...  33 


u 


Ung  cueur  vivant  en  langoureux  désir 
Ung  doulx  baiser  je  prins  subtillemcnt 
Ung  doulz  regard  ung  parler  amoureux 
Une  belle  jeune  espousée  (M.  S.)     . 
Une  dame,  par  ung  matin.     .     .     , 

Une  fille  bien  gorricre 

Ung  gay  berger  prioit  une  bergère  . 
Ung  jour  au  boys,  soubz  la  ramée  . 
Ung  jour  Martin  vint  Alix  empoigner  (C 
Ung  jour  passé  bien  escoutoye  .     .     . 
Ung  jour  que  madame  dormoit  (M.  S.) 
Ung  laboureur  au  premier  chant  du  coq 
Ung  mesnagier,  vieillard  recreu  d*[a]han 
Ung  moins  amant  aura  (peult  estre)  miculx 
Ung  musequin  d'un  assez  beau  maintien 
^cu\  désir  ma  volunté  contente   .     . 


89 
38 
46 


101 
118 
56 
47 
54 
117 
53 
55 
53 
21 

7* 


Va  rossignol  amoureux  messager    .     .     . 
Venons  au  poinct,  c'est  trop  eu  de  langage 
Vcu  le  grief  mal  que  longuement  j'endure 

tu  ton  mal  et  le  mien  secourir  .     . 
Vivre  ne  puis  content  sans  ma  maistresse 
Vivre  ne  puis  content  sans  sa  présence    . 
Volunté  fut  en  ton  amour  esmeue  .     .     . 


1  1 1 
83 
8t 
84 
3i 

77 
83 


I30  TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  POÈMES 


Voulant  amour  (soubz  parler  gracieulz)  . 
Vous  m'aviez  vostre  cueur  donné  .  .  . 
Vous  perdez  temps  de  me  dire  mal  d'elle 
Vous  usurpez,  dames,  injustement .  .  . 
Voyez  le  tort  d'amour  et  de  fortune  .  . 
Vray  dieu  tant  j'ay  le  cueur  gay.    .     .     . 


42 

73 

26 
114 


TABLE  DES  MATIÈRES 


Avant-propos 7 

Au   LECTEUR l6 

HuiCTAINS 19 

Dixains 53 

Neuvains 73 

Quatrains 77 

UNS 93 

SlXAlN> IOI 

l'IGRAMMATIQUES 107 

Chansons 1  1  1 

TABLK    ALPHABÉTIQUE    DES    POÈMES 121 


ADDENDA 


Note  i  de  la  page  24  et  ss.  —  Nous  renvoyons  1< 
lecteur  à  l'édition  donné  par  Gay,  la  Récréation 
de  i5g5  n'étant  pas  paginée.  D'ailleurs  cette  der- 
nière n'est  point,  à  proprement  parler,  une  édition 
originale. 

Il  y  avait  jadis  à  la  Bibliothèque  de  l'Arsenal, 
selon  M.  Pierre  Louys,  une  Récréation  publiée  à 
Paris,  chez  Pierre  L'Huillier,  en  \b-j3  (in- 16  de  96 
ff.).  Cet  exemplaire,  vraisemblablement  unique,  a 
disparu. 

Ad.  B. 


La  Rochelle,  Imprimerie  Nouvelle  Noël  Texier 


1333     ^  fleUr  de  P°ésie  fran£oyse 
1909 


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