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LA FLEUR
DE POÉSIE FRANÇOYSE
OUVRAGES PUBLIÉS PAR AD. VAN BEVER
Poètes d'aujourd'hui, 1880- 1900 (En colla-
boration avec P. Léautaud), 1 8e édition . 2 vol.
Œuvres galantes des conteurs italiens,
XIV«, XV% XVIe siècle (En collaboration
avec E. Sansot-Orland), 5° édit 2 vol.
Les Conteurs Libertins du xviii* siècle . . 2 vol
Maurice Maeterlinck (Célébrités d'aujour-
d'hui) 1 vol
Les Gaillardises du sieur de Mont-Gail-
lard 1 vol.
Œuvres poétiques choisies db Théodore
Agrippa d'Aubigné 1 vol.
Bibliographie d'Agrippa d'Aubigné .... 1 plaq.
Les Œuvres poétiques du sieur de Dalibray i vol.
Le Livret de folastries, de Pierre de Ron-
sard 1 vol.
Les Amours et autres poésies d'Estienne
Jodelle 1 vol.
La guirlande de Julie 1 vol.
Le livre des rondeaux galants et satyriques i vol.
Blasons anatomiques du corps féminin . . 1 vol.
Les poètes du terroir, tome 1 1 vol.
EN PREPARATION
Les poètes du terroir, tome II et III.
Œuvres poétiques de Remy Belleau.
Œuvres de Pietro Arktino.
Vies des poètes François de Guillaume Colletet
etc.
COLLECTION EROTICA SELECTA
LA FLEUR
DE POESIE FRANCOYSE
o
RECUEIL JOYEULX
CONTENANT PLUSIEURS HUICTAINS, DIXAINS,
QUATRAINS, CHANSONS
ET AULTRES DICTEZ DE DIVERSES MATIERES, ETC.
PUBLIÉ SUR LES ÉDITIONS DE 1 542 ET DE I 543
AVEC UN AVANT-PROPOS ET DES NOTES
PAR
Ad. Van BEVER
PARIS
BIBLIOTHÈQUE INTERNATIONALE D'ÉDITION
E. SANSOT & Oe, Editeurs
7, RUE DE L'ÉPERON, J
MCMIX
IL A ÉTÉ TIRÉ DU PRESENT OUVRAGE !
Quatre cent quatre-vingt-dix-neuf exemplaires numérotés,
dont huit exemplaires sur Japon impérial, numérotés
de i à 8 ; cinq exemplaires sur Chine, numérotés de
g à i3 ; quinze exemplaires sur Hollande Van Gelder
Zoonen, numérotés de 14 a 28 ; et quatre cent soixante-
et-onze exemplaires sur papier vergé teinté, numérotés
de 2g à 4gg.
Tous droits réservés.
LIBRARY
754151
VWiVEHSITY OF TORONTO
A
PIERRE LOUYS
QUI VOULUT BIEN S'INTÉRESSER
A CETTE MODESTE RÉIMPRESSION
HOMMAGE AFFECTUEUX ET RECONNAISSANT
Ad. B.
La Fleur de poésie frtnçoyst.
lAFANT-TROPOS
|E tous les recueils d'èpigrammes maro-
tiqucs et de pièces facétieuses formés
pour « Vesbatement de tout bon pantagrueliste »
l'un des plus curieux, à coup sur, est celui que
nous réimprimons ici. Non seulement il apparaît
comme le plus ancien du genre (i), mais il a
(i) On ne saurait confondre celui-ci avec les re-
cueils signalés par l'éditeur de la réimpression de
La Récréation et passe temps des tristes : Fleur de toutes
joyeusetei contenant epistres, balades et rondeaulx joyeulx
et fort nouveaulx (s. 1. n. d., in-8°, gothique) ; Petit
traictè contenant en soy la fleur de toutes joyeusele\ en
epistres, ballades et rondeaulx fort récréatifs joyeulx
8 AVANT-PROPOS
encore le mérite appréciable de nous fournir un
texte que la négligence ou la fantaisie des
imprimeurs et des libraires altéra par la suite.
Loin de nous V intention de tracer, même
succinctement, Vhistoire de la poésie satyrique
au début du XVIe siècle ; qu'il nous suffise de
dire que les meilleurs témoignages de celle-ci,
confinés en maints livrets d'aspect populaire,
furent asse^ goûtés du public pour provoquer toute
une littérature qui florit jusquaux meilleures
années du règne de Louis XIII.
Ainsi virent le jour : Le Trésor des joyeuses
inventions (i), la Récréation et passe temps
et nouveaulx (Paris, Antoine Bonnemère pour Vin-
cent Sertenas, 1538, in-16); non plus avec Les Fleurs
de Poésie Françoyse, publiées à la suite de Y Hecatomphile,
etc. (Lyon, chez François Juste, s. d., in-12, et à
Paris, chez Galliot du Pré, 1534, in-12).
(1) Le Trésor des joyeuses inventions du Paragon des
Poésies, contenant epistres, ballades, rondeaux, dixains,
huictains, épitaphes et plusieurs lettres amoureuses
fort récréatives. A Paris, pour la vefve Jean Bonfons,
s. d., in-16 ; Trésor des joyeuses inventions enrichy de
plusieurs sonnets et autres Poésies pour resjouir les esprits
AVANT-PROPOS 9
des tristes (i), etc., et ces Cabinet et Parnasse
satyrique dont les éditions vinrent solliciter le
goût des amateurs de livres erotiques.
Comme toute autre expression du génie na-
tional, cette poésie, avant d'avoir ses plagiaires ,
avait eu ses précurseurs.
Ces derniers seuls nous préoccuperont. Aussi
bien se recommandent-ils a notre attention —
malgré leur souci de demeurer anonymes — par
une franchise, une belle humeur ou la malice et
f ironie V emportent sur de plus hautes qualités.
On sent que là le peuple a fourni sa collabo-
melancoliques. Rouen, Abraham Coustûrier, 1599,
in-12. (Nous ne connaissons qu'un exemplaire de
cette dernière édition, absolument différente de la
précédente ; il appartient à M. Pierre Louys.)
(1) La Récréation et passetemps des tristes, pour res-
jouyr tes esprits melencoliques, lire choses plaisantes,
traictans de l'art de ayrmr et apprendre le vray art de
poésie. Paris, Pierre L'Huillier, 1573, in-16 ; La Ré-
création et passetemps des tristes, traictant de choses
plaisantes et récréatives touchant l'amour et les dames,
pour resjouir toutes personnes mélancoliques. Rouen,
Abr. Le Coustûrier, 1595, in-12.
10 AVANT- PROPOS
ration primesautière, spontanée, en imposant aux
poètes certains thèmes que ces derniers ne firent
trop souvent que reproduire ou imiter.
De 1 530 à 1 560, la poésie nationale délais-
sant son caractère et son but traditionnels ,
affecte une forme souriante, puérile. Les petites
pièces abondent : quatrains, cinquains, sixains,
huitains, dizains, etc. Sous la simplicité de ces
menues rimailles, qui n'empruntent leur titre
qu'au nombre de vers qui les composent, une
verve gouailleuse se dissimule où l'esprit de
terroir balance l'imitation latine. Martial est
sacrifié pour un temps à l'obscur génie de la
race, et Von peut dire que la langue de Rome
n'est plus seule à braver l'honnêteté. Personne
ne s'en émeut. O temps ingénu oit la morale
ne cherche point un refuge dans les mots!
Clément Marot, Melin de Sainct-Gelays, pour
ne citer que ceux-là, ont introduit ce plaisant
langage à la cour. Non seulement on le tolère,
mais on l'imite.
Des libraires bien intentionnés à répandre
AVANT-PROPOS 1 1
les ouvrages de l'esprit sont prêts à publier leurs
joyeux propos. Aussi bien chaque épigramme est
une anecdote; chaque vers contient une allusion
transparente à quelque personnage du jour.
Il est d'audacieux poèmes — épigr animes ou
chansons — que leurs auteurs n'oseront point
faire paraître, mais qui iront enrichir, sous le
voile de l'anonymat, ces pots-pourris de petites
pièces facétieuses rassemblées, sans ordre appa-
rent, aux environs de Van i jjo.
Longtemps le genre fera fureur et piquera la
curiosité des amants, avant d'éprouver celle des
collectionneurs . Ainsi qu'on le pense, bon nombre
de ces recueils se perdirent. La Fleur de Poésie
françoyse compte parmi les moins infortunés.
Ce petit ouvrage, dont un exemplaire figura,
en décembre 1903, dans un catalogue de la
librairie Rahir, se vendait à Taris « en la rue
Neufve Nostre-Dame, à l'enseigne de l'escu de
France, par Alain Lotrian », en 1542 (1). Il
(ï) Cf. Librairie Morgand {Edouard Rahir, suce),
Bulletin mensuel, n° $8. Toètes français depuis les ori-
12 AVANT-PROPOS
reparut, sous le même titre, en 1543 (1), soit
un an avant la mort de Clément ïMarot.
Qu'on s'étonne après cela qu'il contienne des
vers nouvellement recueillis ; — ainsi disait-on
alors — de ce dernier. Le titre du volume n'en
laisse rien entendre, mais, grâce à une collation
du texte sur les dernières éditions du poète, nous
sommes parvenus à les retrouver. En est-il
gines jusqu'à nos jours, n° 45761. La Fleur de poésie
françoise, etc., petit in-80 de 56 ff. (orné dans le texte
de soixante-cinq grav. sur bois, dont quelques-unes
se répètent), rel. veau fauve, fil. milieux, coins et
tranches dorés (750 fr.). De la Bibliothèque du baron
La Roche-Lacarelle. C'est le seul exemplaire connu
de cette édition. Remercions ici M. Edouard Rahir de
nous en avoir donné communication.
(1) La Bibliothèque Nationale possède un exem-
plaire de cette édition, exactement semblable à celle
de 1542. (Réserve, ye 2718). Rappelons pour mé-
moire que cet exemplaire de 1543 a servi à une réim-
pression de La Fleur de poésie françoise, publiée par
Gay en 1864 (Bruxelles, Impr. A. Mertens et Fils,
in- 12, tiré à 106 ex.). Le texte de cette dernière,
dépourvue de notes et d'éclaircissements, est suivie
d'une courte notice attribuée à Gustave Brunet.
AVANT-PROPOS I 3
d'autres parmi les deux cent-trente pièces insérées
là sans nom d'auteur? Nous l'ignorons. Quoiqu'il
en soit, Clément ï\Carot partage avec Met in de
Sainct-Gelays l'honneur d'avoir fourni a ce
recueil. Melin y est représenté par vingt pièces.
Une telle contribution méritait bien de ne point
passer inaperçue. Aussi ce mince volume énig-
matique est-il digne de plus d'attention qu'on
n'a su lui en accorder jusqu'ici. Son excessive
rareté, et plus encore la date de sa publication,
incluse à son titre, le dénoncent aux curieux
de belles-lettres. C'est enfin un de ces recueils
originaux où vinrent puiser sans cesse les
imprimeurs de pièces galantes, à la recherche
de plaisants ouvrages.
Un grand nombre de ces quatrains, sixains,
huitains, dizains, etc., ont été réimprimés, par
la suite, dans la Récréation et passe temps
des tristes, ainsi qu'en divers ouvrages dont
nous avons relevé le titre chaque fois que cela
nous a paru nécessaire. Teut-étre en retrouve-
rait-on d'autres dans les anthologies licencieuses
14 AVANT-PROPOS
ou les sottisiers du XVIIIe siècle. Nous n'avons
pas cru devoir les rechercher.
Notre but en publiant intégralement, d'après
les seuls exemplaires que nous connaissions, La
Fleur de Poésie françoyse, n'est point seule-
ment d'apporter une contribution à l'histoire
littéraire d'une époque encore mal définie, mais
de fournir aux bibliophiles curieux de notre
satyre de mœurs, une leçon antérieure au texte
du Cabinet et du Parnasse satyrique.
Ad. B.
La Thuilerie, n octobre 1908.
La Fleur de
POESIE FRANÇOYSE
RECUEIL JOYEULX CONTE
NANT PLUSIEURS HUICTAINS
Dixains, Quatrains, Chansons et
aultres dictez de diverses ma-
tières mis en nottes mu-
sicalles par plusieurs au-
theurs, et reduictz en
ce petit livre
1543
On les vend à Paris en la rue neufve
Nostre-Dame, à l'enseigne de Tescu de
France, par Alain Lotrian.
jiU LECTEUR
Lecteur, si tu as fantaisie
D'éviter dueil et desplaisir,
Vois cy la fleur de Poésie
Pleine de soûlas et plaisir,
Tu ne pourrois esbat choysir
Pour mieulx chasser oysiveté,
( Voire si tu en as désir)
Qu'à lire, et veoir nouvelletè.
HUICTAINS
HUICTAIN
Doulce mémoire en plaisir consummée,
O siècle heureux qui cause tel sçavoir
jrmeté de nous deux tant aymée
i nos maulx as sçeu si bien pourveoir,
Or maintenant a perdu ton pouvoir
Rompant le but de ma seulle espérance
Servant d'exemple à tous piteux à veoir
le bien, le mal soubdain commence.
AULTRE RESPONSIF
Finy le bien le mal soubdain commence,
Tesmoings en sont nos malhcursqu'on peult veoir,
Car tout le bien trouvé par l'espérance
al nous l'a remis en son povoir.
O tant d'ennu qui as voulu pourveoir
De varier la fermeté amée
Il auroit bien qui sçauroit ton sçavoir
Doulce mémoire en plaisir consommée.
20 LA FLEUR
AULTRE HUICTAIN
Ce qui souloit en deux se départir
En foy, amour, plaisir, contentement,
Las maintenant s'est voulu convertir
En trop piteux et soubdain changement.
Je porteray mon malheur doulcement
Pour à l'ingrat trop de plaisir ne rendre,
Ainsy sera en moy le seul tourment
En lieu du bien que deux souloient prétendre.
AULTRE RESPONSIF
En lieu du bien que deux souloient prétendre
A l'ung voit-on ennuy, dueil, et tourment,
Pour bon support qu'il en debvoit attendre
A tout malheur est chassé rudement,
O trop piteux et soubdain changement
Quant ne sepveult] à ung seul convertir
En foy, amour, plaisir, contentement,
Ce qui souloit en deux se départir.
AULTRE
Pour un plaisir qui si peu dure
J'ai enduré peine et travaulx,
J'en ay souffert douleur trop dure,
J'en ay receu cent mille maulx.
J'en ay eu de si grands assaulx,
Or dieu me doint bonne adventure,
Fortune a faict sur moy ses saulx
Pour ung plaisir qui si peu dure.
DE POÉSIE FRANÇOYSE 21
AULTRE
Je ne le croy et le sçay seurcment
Peult on avoir chose tant agréable
s le sentir on le voit clerement (i)
Certes nenny, mais le contentement
En est si grand, si doulx, et amyable
Que pareflect, en songe ou aultrement
Je n'oseroy le penser véritable.
AULTRE
Plis que de vous je n'ai aultre visage,
Je m'en vois rendre hermite en ung désert,
Pour prier dieu si ung aultre vous sert
Qu'autant que moy en vostre amour soit sage.
Adieu amours, adieu gentil corsage,
Adieu ce tainct, adieu ces riants yeulx,
Je n'ay pas eu de vous grand advantage,
L'ng moins amant aura (peult estre) mieulx.
AULTRE RESPONSIF
U moins amant aura (peult estre) mieulx
Que je n'ay eu en faisant mon debvoir,
En bien servant je te suis ennuyeulx,
Je te verray mal pour bien recepvoir
(l) Manque an vers.
11 LA FLEUR
Ton œil bendé n'a peu à ce prévoir
Ayman trop mieulx d'ung nouveau l'allégeance,
Laissant le seur pour l'incertain avoir
C'est mal couru quand Ton se desadvance.
AULTRE
Voulant amour (soubz parler gracieulz)
Porter son feu pour ton cueur enflammer,
Il ressortit marry et furieux,
Car ton froid cueur il ne sçeut entamer.
Alors picqué d'un despit trop amer
Conclud brusler tout ce quiseroit tien
Et que verrois de tes yeulx consumer,
Moy par dedans, et par dehors ton bien.
AULTRE
De mon las cueur j'ai donné le povoir
Au dieu d'amour, atf'in de le pourveoir,
Mais c'est enfant qui de sa torche ardante
Le brusle et ard, s'en joue et le tourmente,
Encor je crains que plus il ne luy face,
Veu que bendez sont les yeulx de sa face,
Possible n'est (doncques) qu'il ne le perde
S'il est enfant aveugle, et ne le garde.
AULTRE
Puis que d'amour reçoys élection
En fermeté d'ung bon contentement,
Asseuré suis sans nulle fiction
Vivre en plaisir tousjours joyeusement,
DE POÉSIE FRANÇOYSE 2$
Pourveu que foy me donne asseurement
i promesse en loyalle puissance,
Puis à la fin du cueur consentement
La fermeté me vaudra jouyssance.
AULTRE
Mon cueur voulut dedans soy recepvoir
L'heureux amour de ta parfaicte grâce,
En ne craignant de vie se despourvoir
Pour à l'amour donner entière place,
Mais s'il congnoist que de luy tu te lasse
Que dira-il (i), ung tel bien ne m'est deu,
Parquoy perdant le bien que je pourchasse
Trop je perdroy si je n'estoy perdu.
AULTRE
Test l'amour de vous en moy empraincte
<»z désirs je suis tant désireux
Et île desplaire au cueur ay telle craincte
Que plus à moi ne suis dont suis heureux
ultre sainct ne s'adressent mes yeulx
Toujours voulant (de paour de faire offense)
Ce que voulez, et non ce que je veulx,
Ce que pensez, et non ce que je pense.
(i) Pour : dir*-i-U.
24 LA FLEUR
AULTRE (i)
Gens qui parlez mal de mamye,
Et ne sçavez pas bien comment,
Vous avez tort el' ne tient mye
Propos de vous aulcunement ;
Si je l'ayme parfaictement
Pourquoy en avez-vous envye ?
En despit de vous loyaulment
La serviray toute ma vie.
AULTRE (2)
Puisque malheur me tient rigueur,
Et seul sçavez mon indigence,
Pour donner ordre à ma langueur,
Secourez moy en diligence,
Helas ! ayez intelligence,
Du mal que j'ay en amytié,
Ung patient prent allégeance
Quant son amy en a pitié.
( l) Cette pièce a été réimprimée dans La Récréation et passe
temps des tristes (A Rouen, chez Abraham Le Cousturier, 1595,
1 a). Voy. l'éd. de ce recueil publiée par Jales Gay, en 1862, p. iov
Elle se trouve de plus dans le Trésor des joyeuses inventions, enriehy
de plusieurs sonnets et autres Poésies pour resjouir les esprits melan-
eoliques. Rouen, Abraham Cousturier, 1599, in-12, p. 78.
(a) Réimprimé dans la Récréation tt passettmps des tristes de 1 595
(Ed. publiés par Jules Gay, en 18(2, p. 30)
DE POÉSIE FRANÇOYSE 2$ m
AULTRE
Satisffaict suis au long de mon mérite
plus prisé que n'ay pas desservy,
J'acquiers assez, mais point je ne m'hérite,
: temps perdu que de m'estre asservy.
Libéré fuz, et seray si je vy,
En cest espoir mon cueur se mal contente,
Et p[ou]r avoir par quelque temps servy
Contenté suis par une longue attente.
AULTRE
Ma passion je prendz patiemment
Puis que l'amour le veult et le commande,
Sur mon bien faict je prendz contentement
Et debvoir veult qu'a vous seul je me rende,
^nez moy donc en telle extrémité
Ou me rendez une amour si unie
Qu'on ne die que soit adversité,
Mais Ioyaultc qui demeure infinie.
AULTRE
Quand je congneu en ma pensée
Que n'avoys nul bien qu'à te veoir,
Trop je pensay estre offensée
Ne craignant à l'amour pourveoir,
Alors tu me feis assavoir
imme en toy ja commencée,
Dont nostre amour par seur debvoir
Bien a esté récompensée.
26 la FleuR
AULTRE
Fortune et mort pourquoy m'avez laissez
Seul au monde, despourveu de lyesse ?
Pourquoy si tost du monde avez chassez
Celle par qui je languis en tristesse ?
Las raamye, puisque la mort m'oppresse
Et que ne puis mettre à fin mes doleurs
Deprendz la vie ou mort prendre me laisse :
Ainsi (je croy) finiront mes malheurs.
AULTRE
Voyez le tort d'amour et de fortune,
L'ung faict le mal et deffend le guérir,
L'aultre se f[e]inct amye et opportune,
Me donnant plus qu'on ne peult acquérir
Soubz le tribut d'aymer et requérir,
Helas ! ma foy ou est vostre puissance,
Contentez moy ne me laissez mourir,
Mort en malheur m'est seulle suffisance,
AULTRE
Au feu au feu, venez moy secourir,
Tous vrays amans voyez la grande offense,
A tort amour me brusle sans mourir
Et si ne puis contre elle avoir deffense,
O dur ennuy qui me tient en souffrance
Faictz moy jouyr du bien ou je pretendz,
Ou rendz mon cueur en si bonne espérance
Qu'en espérant je ne perde mon temps.
DE POÉSIE FRANÇOYSE 27
AULTRE
En espérant je veis en grand langueur,
En languissant je meurs de desplaisir,
Car en t'aymant on à de toy rigueur,
Et qui te hayt recoipt de toy plaisir.
Ainsi convient pour le meilleur choysir
Que je te haye en faisant mon debvoir,
Et sans en toy aulcune amour avoir
Pour estre aymé et vivre à mon désir.
AULTRE
Las je sçay bien que je feis grande offence
Quand je voulus contre amour tenir fort,
Il m'en prend mal, aussi avois je tort
De vouloir faire à ung dieu résistance
Duquel chascun redoubte la puissance,
Tant fist d'effort qu'il print d'assault mon cueur
Et nieist le feu dedans à grand oultrance
En lieu conquis, ainsi fait le vainqueur.
AULTRE (1)
Aprks avoir longuement attendu
Soubz le confort d'une ferme espérance,
lis au poinct ou j'avois prétendu,
int le fruict de ma persévérance.
(1) Réimprime dans La Recreatian et passetemps des tristes, 1595
Ed. publiée par Jules Gay, en iiiéa , p. 106).
28 LA FLEUR
Le souvenir de ma peine et souffrance,
M'est ung soûlas accroissant mon plaisir
Ainsi tenant d ung grand bien l'asseurance
Pour bien servir j'accomplis mon désir.
AULTRE
Si contre amour je n'ay peu résister
Croire povez que n'est faulte de cueur,
Car amytié quiert tousjours assister
Près de celuy qui le tient en langueur,
Mais qui vers luy n'use trop de rigueur
Bien le pourra comporter sans mot dire,
Et ce faisant ma cruelle douleur
Convertira en assez doulx martire.
AULTRE
Helas ! Amour, tu feis mal ton debvoir
Quand tu vouluz en tes lacz me surprendre,
Que ne me feis ta puissance assavoir,
Pour me garder envers toy de mesprendre,
Helas ! Amour, tu povois bien entendre
Que jeune estois, et non en cest art duyt,
Et pource donc tu me debvois apprendre
Quel est le bien de l'amoureux deduyct.
AULTRE
Je prendz en gré la dure mort
Pour vous madame par amours,
Navré m'avez, mais à grand tort,
Dont fineray de brief mes jours.
DE POÉSIE FRANÇOYSE 29
La chose me vient à rebours
Souffrir si tost la mort amere,
O dure mort, à toy je cours !
Mourir me fault, c'est chose claire.
AULTRE (i)
Plus ne suis ce que j'ay esté
Et si ne le puis jamais estre,
beau printemps et mon esté
On faict le sault par la fenestre.
Amour tu as esté mon maistre,
Je t'ay servy sur tous les dieux,
() ! si je povois deux fois naistre
Comme je te servirais mieulx.
AULTRE
O fortune n'estois tu pas contente
I)cs maulx que j'ay par toy seulle porté i
Par envie ravy as mon entente
Ce qui avois mon las cueur conforté.
En aultre lieu à son vueil transporté,
Dont j'ay perdu de mon espoir l'attente,
Je congnois bien qu'Amour m'a débouté,
Puisque de moy tu t'es rendue absente.
(i) Cette pièce est de Clément Marot. Voyez dans l'édit. dea Œuvres
de Clément Marot, etc, publiée par Lenglet Dufresnoy (La Haye, P.
Gosse et J. Neaulme, 17 j 1, t. in, in-11, p. 138) l'épigramme intitulée
D$ soy-metme.
30 LA FLEUR
AULTRE
L'amour, la mort, et la vie
Me tourmentent à toute heure,
De me laisser ont envie
Et veullent que j'y demeure
Quand je veulx rire, je pleure
Du feu d'amour qui s'avive,
La vie veult que je meure,
Et la mort veult que je vive.
AULTRE
Ocueur ingrat qui m'es tant redevable,
Pourquoy as tu si tressoubdainement
Mis en oubly la personne notable
Que tu disois aymer parfaictement i
J'ai grand regrect à ce bon traictement
Qu'as eu de moy à ton bien favorable,
Car je congnois par faict evidamment
Que tu es sainct, ou par trop variable.
AULTRE
L'amour première en jeunesse ignocente
Tu occupas de moy [en] doulx amant
Dont je pensay ma flamme véhémente
En te voyant mettre contentement,
Mais j'ay perdu tout en ung mouvement,
Veoir et parler, et ce qui me contente.
Las que je vive en ton entendement,
Car en moy meurs d une si longue attente.
DE POÉSIE FRANÇOYSE 31
AULTRE
Vivrr ne puis content sans ma maistresse,
Son doulx regard incessamment regrette,
Languir me faict son amour en tristesse
Duquel elle, à congnoissance parfaicte,
^ance est le bien que je souhaitte
Pour avoir fruict de l'amour commencée,
Mais en chantant respond sur ma requeste :
Contentez vous (amy) de la pensée.
AULTRE
Helas ! amy je congnois bien
Que ne puis nyer mon offence,
Ht apperçoy assez combien
toit seure vostre accointance,
J'en ay faict preuve et pénitence
Dont mon cueur est très empesché,
Soyez seur que la repentance
Suyvoit de bien près le péché.
AULTRE (1)
Si j'ay aymé légèrement,
J'en ay porté la pénitence,
Mais je veulx faire une accointance
Qui ne finisse aulcunement.
(1) Réimpr. dans La Récréation et passetemps des tristes, 1595
(Ed. citée, p. 152).
32 LA FLEUR
Si je promectz asseurement
Je tiendray foy de mon costé,
Il me fault trouver seulement
Ung cueur pareil en loyaulté.
AULTRE
Si vostre amour ne gist qu'en apparence,
Et pour parler la pensée véritable,
En vous croyant je l'ai tant aggreable
Que contre vous ne veulx faire deffence ;
Mais quant on a certaine congnoissance
Par bon effect, et quasi incroyable,
O quel plaisir ! o qu'il est amyable
Quand l'ung de l'autre à seure jouyssance.
AULTRE (i)
Quant je vous ayme ardentement,
Vostre beaulté toute aultre efface,
Quant je vous ayme froidement,
Vostre beaulté fond comme glace,
Hastez-vous donc de me faire grâce
Sans plus user de cruaulté,
Car si mon amytié se passe,
Adieu command vostre beaulté.
(i) Cette pièce est de Clément Marot. Voy. dans l'éd. des Œuvres
de Cièment Marot, publiée par Lenglet-Dufresnoy (La Haye, P.
Gosse et J. Neaulme, 1731, t. III, in-12, p. 131) l'épigramme intitulée:
D'une qui faisoit lu longue.
DE POÉSIE FRANÇOYSE 33
AULTRE (i)
Deux cueurs voulans, par fermeté louable,
Avmer honneur avecques leur plaisir
Cherchans amour en ses faictz honorable,
fuict leur bien égal à leur désir.
Or donc, amans, ne prenez desplaisir
mt souffrir, et contens les congnoistre,
Car si voulez amour ainsi choisir,
Autant comme eulx heureux vous pourrez estre.
AULTRE (2)
Trop tost j'ai creu, y prenant tel plaisir,
Que le penser sans fin sera durable,
Mais tout soubdain je l'ay veu convertir
En changement, et devenir muable.
Qui rend mon cueur par cela pardurable,
Voyant le temps devant ma mort finir,
La fermeté me rendant variable,
Cela ne peult en mon endroict venir.
Si ta
Et
AULTRE (3)
ta beaulté te garnist de prudence
ton sçavoir mérite recompense,
(i) Réimpr. : Récréation et passetemps dei tristes (Ed. citée, p.
(2) Réimpr. : Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed.
citée, p. 153).
(j) Réimpr. : Récréation et passetemps des tristes, ^9$ Ed. citéç,
P- '53)-
34 LA FLEUR
Si ton esprit desprise oultrecuidance,
Et tu as sens selon ta geniture,
Qu'est-ce de toy ? tu surmontes nature,
Car tes doulx chantx, et dictz, tant gracieulx
Ton beau maintien, ta très belle facture,
Font resjouyr mainctz cueurs solacieux.
AULTRE
J'ay veu qve j'estois franc et maistre,
Maintenant je suis serviteur,
Serviteur suis et le veulx estre,
Ce m'est plaisir, ce m'est grand heur,
Amour, cest aveugle enchanteur,
M'a pourveu de maistresse telle,
Que s'il eust congneu sa haulteur,
Luy mesme fut serviteur d'elle,
AULTRE
Mort en malheur m'est seulle suffisance,
Puis que d'espoir privé je suis aussi,
Fortune m'a gardé de jouyssance,
Amour pourtant m'a rendu tout transy.
Or il convient que je demeure ainsi,
En attandant secours et confort d'une,
Et pour sçavoir dont provient mon soucy,
Voyez le tort d'Amour et de Fortune,
DE POÉSIE FRANÇOYSE 3$
AULTRE (i)
Blanc et clairet sont les couleurs
De ce bon vin que j'ayme fort,
-ourlriray mainctes douleurs,
Si de luy n'ay souvent confort.
IVeu user bien fais mon effort,
Pour en avoir meilleure grâce,
Si je n'en boy me voylà mort,
Car de boire eau je ne pourchasse,
AULTRE
Si Testincellc en ung petit moment
Embrase ung feu de trop grande importance,
Merveille n'est si nous voyons souvent
En peu de temps, pour peu de souvenance,
Revivre et croistre une ancienne accointance.
Las ! qui fust vray que visse egallement
ueurs uniz de pareille asseurance,
Comme ilz vouloient, et de contentement.
AULTRE
Si mon travail vous pcult donner plaisir,
Recepvant d'aultre plus de contentement,
Ne craignez plus me faire desplaisir,
Et en laissez à mes yeulx le tourment,
Puis ijne du mal sont le commencement,
inen raison qu'ilz en sourirent la peine :
Endurez donc (pauvres yeulx) doulcement,
Le deuil yssu de la joyc incertaine.
(i) Rèimpr.: Récréation etpatsetempsdes tristet, 15 js (Ed. citée p. 31 ).
3 6 LA FLEUR
AULTRE
Las ! me fault il tant de mal supporter
Sans que personne en ayt la congnoissance,
Faisant semblant tousjours me contenter,
Et si n'ay plus de mon bien espérance,
Ostez moy donc (mon dieu) la souvenance
De ce malheur, auquel ne puis pourveoir,
Ou me donnez si longue patience
Qu'aultre que moy ne le puisse sçavoir.
AULTRE A UNG AMANT
Je ne pourrois ta fermeté blasmer,
Veu qu'esprouvé je l'ay suffisamment,
Je te veuil donc sus tous aultres aymer
En te donnant parfaict contentement,
Peine, travail, labeur, et grand tourment
Si pour ung temps ont grevé ta personne
Esjouys toy, amy, présentement
Car de bon cueur toute à toy m'abandonne.
AULTRE A UNE DAME
Dictes pourquoy amitié s'efface,
O cueur ingrat soubz angelicque face,
Dictes le moy, car sçavoir ne le puis,
Tousjours loyal j'ay esté, et le suis.
Il est bien vray qu'ardent est mon service,
Mais d'avoir faict (vous servant) ung seul vice,
Il n'est vivant qu'en rien me sceut reprendre
Si trop aymer pour vice ne veult prendre
DE POÉSIE FRANÇOYSE $7
AULTRE A UNE DAME (i)
Celle qui fut de beaulté si louable
Que pour sa garde elle avoit une armée,
A aultres plus qu'a vous ne fut semblable,
le Paris, son amy, mieulx aymée
Que de chascun vous estes estimée,
Mais il y a différence d'ung poinct,
Car à bon droict elle fut fort blasmée
De trop aymer, et vous de n'aymer point.
AULTRE (2)
Qui pèche plus, luy qui est eventeur
Que j'ay de toy le bien tant souhaitable,
Ou toy qui faictz qu'il est tousjours menteur,
Et si le peulx faire homme véritable,
e, et si peulx d'ung œuvre charitable
En saulver troys y mettant ton estude,
Luy de mensonge inique, et détestable,
ie langueur, et toy d'ingratitude ?
(1) Cette pièce a été attribuée à Melin de Sainct-Gelays. On la
trouYe dans l'édition des Œuvres complètes de ce poète donnée par
Prosper Blanchemain (Pari», Paul Daffis, 1873. t. III, p. 28 s). Elle a
été, de plus, publiée avec les Poésies de François I", éd. Champol-
lion-Figeac (Paris, Impr. royale, 1847, in-4», p. 94) et à la suite
de VHecatomphile, de vulgaire italien tourné en français (voyez la
partie de cet ouvrage intitulée : Les Fleurs de poésie françoise).
Paris, Galliotdu Pré. 1 s 34, pet. in-8«. p. 8i.
(2) Epigramme de Clément Marot. Voyez dans l'éd. Lenglet-Du-
fresnoy. 1731, III, p. 128, la pièce intitulée ; Aune Dame touchant un
faux rapporteur. Selon l'abbé Lenglet-Dufresnoy cette pièce aurait été
faite sur les murmures que causa l'inclination de Mm* d'Alençon pour
Marot.
L* Fleur de poésie france-yse 3
38 LA FLEUR
AULTRE A UNE DAME
Si je vous aime par amour,
Ne le prenez à desplaisir,
Peult estre viendra quelque jour
Que me vouldrez faire plaisir,
Et pour loyal amy choisir,
De grâce, ou par nécessité,
Si maintenant n'avez loysir,
Patience en adversité
AULTRE
Ung doulx baiser je prins subtillement
De celle à qui mon cueur s'est adonné,
Pensant par là trouver allégement
Au dur travail qu'en amours m'a donné,
Mais tout soubdain me trouvay estonné
Quant je congneuz (cuidant mon feu estaindre)
Que luy avoit nourriture donné
Et que mon mal n'en estoit de rien moindre.
AULTRE
Si j'eusse esté aussi prompte a donner
Ung doulz baiser, que tu feuz à le prendre,
Il m'eust esté aisé à pardonner,
Car le baiser n'oblige qu'a se rendre ;
Mais pre[voya]nt que plus hault entreprendre,
Ferir amour soubz l'ombre du baiser,
Je voulois bien ne le donner ne prendre
Puisque ton mal ne povoit appaiser.
DE POÉSIE FRANÇOYSE 39
AULTRE
Le dur travail de ta longue demeure
A tourmenté de ton servant le cueur,
Mais ton retour luy rend bien à ceste heure
Trop plus de bien qu'il n'avoit de langueur.
O doulx reveoir ! tu m'as rendu vainqueur
Du dur travail ou doulce recompense,
Celluy doibt bien souffrir toute rigueur
Qui de son mal n'attends quelque allégeance.
AULTRE
Laissons amour qui nous faict tant souffrir,
Prenons Bacchus qui resjouyt les cueurs,
Le dieu tant beau qui s'est voulu offrir
A nous donner la couleur des vainqueurs,
O rouge ! o blanc ! o tresdoulces liqueurs
Qui font les loix, et au cueur le courage.
O tresdoulx vins ! esprit des Bachiqueurs,
Desccndz sur nous pour avoir ton ymage.
AULTRE (i)
Celluy qui veult en amour estre heureux
Jamais ne doibt sa dame requérir
Le bien qu'on dict estre si savoureux
Qui faict entre eulx l'amytié amoindrir,
(i) Rcimpr. : Récréation et passetemps des tristes, IS9S- Ed. citée
p. 10$, Trésor des joyeuses inventions, Rouen, Abr. Cousturier.
1599. PP- 70-7 «•
40 LA FLEUR
Car il est seur ainsi que de mourir
Que tel plaisir leur amytié dechasse,
Parquoy vault mieulx (en espérant) servir
Que de jouyr du bien que l'on pourchasse.
AULTRE
Le rossignol plaisant et gracieulx
Habiter veult tousjours à verd bocage,
Aux champs voiler et par tous aultres lieux,
Sa liberté aymant plus que sa cage.
Mais le mien cueur qui demeure en hostage
Soubz triste dueil qui le tient en ses la[c]z,
Du rossignol ne cherche l'adventage
Ne de son chant recepvoir le soûlas.
AULTRE
Puis que de moy, n'avez ferme fiance,
Craignant sentir quelque desloyauté,
Amour et foy feront signifiance
Que vous debvez user de cruaulté,
Lors vous pourrez changer de volunté,
Rendant certain ce qui n'est qu'apparence,
Par vray effect de vostre grand bonté
Qui de mon mal sera la recompense.
AULTRE
D'amour me plainctz, et non de vous mamye
Que si long temps j'ay requis sans avoir,
Mais si voulez estre son ennemye
Vous confondrez mon dire et mon sçavoir,
DE POÉSIE FRANÇOYSE 41
Vous seulle avez cest estimé povoir.
Si aultremcnt ne sçay que faire et dire,
Abaissez donc son rigoureux vouloir
Et me donnez le bien que je désire.
AULTRE
O triste adieu qui tant me mescontente,
Fascheux adieux, rompant chanson et danse,
Dont le penser me contrainct que lamente
Pour les cffectz de sa signifiance,
Ce mot tant beau et de griefve importance,
int mourir l'amant de desplaisir,
Sans du revcoir une ferme espérance,
Lasung adieu est fin de grand plaisir.
AULTRE
O comme heureux t'estimeroit mon cueur
Si ce nenny estoit encore à dire,
Hclas ! (mon dieu) dont me vient ce malheur
Que je voulus à l'heure contredire;
Lors plus grand bien je ne povois eslire,
Estoit-ce paour de soubdain changement ?
Je croy que non, mais c'est que je désire
De m'aymer rien fors que moy seulement.
42 LA FLEUR
AULTRE (i)
D'ung amy fainct je ne me puis deffaire
Sans ma parolle et honneur démentir,
Là maintenant je commence à sentir
Quel ennuy c'est complaire à son contraire
Celer le doibs, mais je ne m'en puis taire,
Car ma douleur ne si veult consentir,
Ha ! que bien peu sert ung bon repentir
Quant on ne peult au surplus satisfaire.
AULTRE
L'ardant désir du hault bien désiré,
Qui aspiroit à celle fin heureuse,
A tellement son ardeur attiré
Que le corps vif est desja cendre umbreuse,
Et de ma vie en ce point malheureuse
Ne me reste que ces deux signes cy,
Lœil larmoyant pour te rendre piteuse,
La bouche, helas ! pour te crier mercy.
AULTRE
Vous m'aviez vostre cueur donné,
Si aviez vous à ma voisine,
Et puis l'avez habandonné
A ma sœur et à ma cousine.
(i) Epigramme attribuée à Melin de Sainct-Gelays (Voyez l'éd. de
ce poète publiée par P. Blancheaiain, t. III, p. 282). On la trouve ea
outre dans les Poésies de François I*r rec. par Champollion-Figeac
(Paris, Imp. royale, 1847, in-4, p. 104).
DE POÉSIE FRANÇOYSE 43
eusse esté ung peu plus fine
B dict qu'estes des mocqueurs,
Ou bien qu'aviez en la poictrine
Cinq ou six douzaines de cueurs.
AULTRE (i)
Si dieu vouloit pour ung jour seulement
Nous eschanger tant que je devinsse elle,
Et elle moy, sans le contentement
Que j'auroye eu d'estre priée et belle,
Je laisseroy sa condition telle
Qu'au lendemain, quant en soy reviendrait,
Si luy tenoit d'estre encore cruelle
Ne pensez pas que fut en mon endroict (2).
AULTRE
Ace matin ce seroit bonne estreine
De desjeuner le beau jambon salé,
Du vin suret la grand bouteille pleine,
Car doulcement est de moy avallé:
Avoir bon feu, le pain blanc chappellé,
Accompagné de la belle au corps gent,
Mais touteffois après beu et galle,
Le principal c'est d'avoir de l'argent.
(1) Epigramroe de Melin de Sainct-Gelays (Voy. l'éd. publiée par P.
Blanchemain, t. III, p. 85). Cette pièce se trouve en outre dans La
Récréation et passetemps des tristes, 1 595 (Ed. citée, p. 22), et Le
Trésor des joyeuses inventions (Ed. de I 599, p. 62).
(2) Var. : Œuvres de Melin de Sainct-Gelays :
Ce ne seroit (ce croy-je) en mon endroict.
44 LA FLEUR
AULTRE
Je ne puis bonnement penser,
Dont me vient douleur si soubdaine,
Si ce n'est que je vois passer
Mon bien en région loingtaine,
Et l'heure qui est incertaine
Du reveoir dont tant me desplaist,
Et telle peine au cueur m'ameine
Que rien tant soit peu ne me plaist.
AULTRE
O combien est malheureux le désir
Dont je ne puis recepvoir que tourment,
De mon ennuy j'ay formé ung plaisir
Qui est trop loing de mon contentement,
Je voy mon bien finir soubdainement,
Mon travail croit soubz couverte pensée,
Sans espérer je souffre doulcement
Le mal que sent une amye offensée.
AULTRE
L'œil et le cueur contre leur ligue saincte
Ont faict pour vous divorce ce jourdhuy,
L'œil s'esloignant pour affaire contraincte
Vouloit le cueur mener avecques luy,
Le cueur n'osant habandonner celuy
A qui du tout il estoit allyé,
A dict à l'œil qui s'en allast sans luy,
Demeurer veulx la part ou suy lyé.
DE POÉSIE PIANÇOYSE 4$
AULTRE
Las que te sert ce doulx parler en bouche,
Et à tes yeulx ce regard savoureux,
Si de plus près la douleur ne te touche
De ton amy, pour toy si langoureulx.
Baisse cest œil qui me rend amoureux,
Couvre ce feu qui sans cesser m'oppresse,
Lors me rendras du rang des bien heureux
D'avoir congneu la playe qui me blesse.
AULTRE
L'œil est à vous le cueur et la pensée,
Qu'à vostre gré prisonnière tenez,
Et par rigueur auquel habandonnez
Tousjours ennuy la maintient oppressée.
Le temps se perd, l'heure s'en va passée,
Que moy crainctif je debvrois requérir
L'heureux jouyr de l'amour commencée,
Mais j'ayme moins vous fascher que mourir.
AULTRE
Comment mes yeulz auriez vous bien promis
Ce que mon cueur n'a jamais prétendu ?
Sçavez vous pas qu'il ne vous est permis
De declairer ce qu'il a deffendu ?
Et si par vous l'on avoit entendu
Qu'affection peult estre en moy congneue,
Sachez pour vrai que le sçavoir est deu
Plus tost au cueur qu'il n'est pas à la veue.
LA FLEUR
AULTRE(i)
Ung doulz regard ung parler amoureux,
Puis ung baiser reçeu à sa plaisance,
Sont les troys biens qui font l'amant heureux
Et parvenir au but de jouyssance.
O quel plaisir (madame) et souvenance
Si l'un des trois me donnez seullement,
Car ung seul bien reçeu en suffisance
Vault mieux que trois hors de contentement.
DU MOYS DE MAY (2)
Ce moys de may sur la rousée
Irons jouer pour cueillir vert,
Moy et ma mignonne brousée
Regardant la feuille à l'envers,
Mais s'elle craint le descouvert,
Des genoulx sentant la froidure,
Par moy ils seront recouvers,
Mais je seray la couverture.
AULTRE EN TRIOLET
d'ung verollé
A cinq cens diables la verolle,
Et le vaisseau ou je l'ay pris
Je n'ay dent qui ne bransle ou crolle,
A cinq cens dyables la verolle,
(1) Réimpr. : Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. citée,
p. 148).
(2) Réimpr.: Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. citée,
p. 32).
DE POÉSIE FRANÇOYSE 47
La goutte me tue et affolle,
Je suis d'ulcères tout espris,
A cinq cens diables la verolle
Et le vaisseau ou je Tay pris.
AULTRE(i)
Ung jour, au boys soubz la ramée,
Je trouvay mon amy seullet,
En luy disant sans demourée :
Faictes moy le joly hochet.
Eh bien (deist-il) faisons dehait
Ung petit coup sur la rousée,
Hé ! mon amy qu'il est doulcet,
Faictes toujours je suis pasmée.
AULTRE (2).
Par ung matin, tout par souhaict,
Au poinct du jour sur la rousée,
Je trouvay mamye dehaict
Dessus Therbe bien arrousée ;
M'amour, mon bien, mon assottée,
Haulssez ung peu le plissonnet,
Elle respond (comme effrontée)
Mettez la main au conninct.
(i)Réimpr. : Rtcreation et patsetemps des tristes, 1595 (Ed. oitée,
p. 32) ; Trésor des joyeuses inventions , 1599, p. 68.
(2) Réimpr. : Récréation et passetemps des tristes, IS9S (Ed. citée,
P- 3*).
4-8 LA FLEUR
AULTRE
Celle qui veit son amy tout armé
(Fors la brayette) aller à l'escarmouche,
Luy dict, amy, de paour qu'on ne vous touche
Armez cela qui est le mieulx aymé.
Quoy ? tel conseil doibt il estre blasmé ?
Je dy que non, car sa paour la plus grande
De perdre estoit (le voyant animé)
Le bon morceau, dont elle estoit friande.
AULTRE (1)
Alix avoit aux dentz la malle rage
Et ne povoit son grief mal alléger,
Martin faisoit aux champs son labourage,
Vers luy s'en vint pour son mal soulager.
Son grief luy deist, Martin pour abréger
Prendz dame Alix et luy donne dedans,
Alix respond : Hardiment franc bergier,
Rage du cul passe le mal des dentz,
AULTRE
L'aultre hier, passant par un verd boys,
Trouvay une gay bergerette
Qui cueilloit des petites noix
Aux branchettes d'une couldrette,
(i)Réimpr. : Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. citée
p. 33); Trésor des joyeuses inventions, 1599, pp. 68-69.
DE POÉSIE FRÀNÇOYSE 49
Adonc, me dict la godinette,
Venez ça, mon amy Jacquet,
Emplissons de noix ma pochette
rons le petit bancquet.
AULTRE (i)
Mamye a eu de dieu le don
Que de beaulté elle n'a tache,
yeulx à blancz comme charbon,
Les tctins rondz comme une vache ;
Au jeu d'amour elle n'est lasche
A tous les coups je suis vaincu,
Je veulx que tout le monde sçache
Que je n'ay paour d'estre cocu.
AULTRE (2)
Guii.lot ung jour estoit avec Babeau
Et lui monstrait son grand dyable de chose,
Laquelle aussi descouvrit son bas beau
rit plus rouge et plus vermeil que rose,
Lors luy dict, belle (ou m'amour est enclose)
Je le feray tant que l'on s'en rira,
Avant amy, trop longtemps on repose,
i gnons point la chair qui pourrira.
(i) Réimpr. : Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. citée
p. 40).
(2) Réimpr. ; Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. ci-
tée, p. 40).
50 LA FLEUR
AULTRE EN TRIOLET (i)
Resveillez vous, c'est trop dormy,
Faisons au dieu d'amours hommage,
N'entendez vous point vostre amy,
Reveillez vous c'est trop dormy,
Las il n'a bon jour nedemy
Pour aymer vostre personnage ;
Reveillez vous c'est trop dormy
Faisons au dieu d'amours hommage.
(i) Réimp, : Récréation et passe temps des tristes, 1595 (Ed. citée,
P- 149).
FIN DES HUICTAINS
DIXAINS
LE PREMIER DIXAIN (i)
Ung mesnagier, vieillard recreu d'[a]han,
Fendoit du boys, sa femme estoit devant
Qui luy a dict : pourquoy faictes vous han,
Affin(dict-il), qu'il entre plus avant.
ETtint ce mot, caria nuict ensuyvant,
En lembrassant luy a dict, mon amy,
Coignez plus fort, pas il n'entre à demy,
ictes han, premier que de descendre,
Lors il luy dict : le han ne sert icy,
^•ntez vous, ce n'est boys que vueil fendre.
AULTRE (2)
Ung jour que madame dormoit,
Monsieur bransloit sa chambrière
El elle qui la danse aymoit
Remuoit fort bien le derrière.
(i) Réimpr. : Recréât ion et passetemps des tristes, 159$ (Ed. citée,
P- 48).
(2) Cette épigramme est de Melin de Sainct-Gelays. (V«y. l'éd. pu-
bliée par P. Blauchemain, I. p. 272.) Elle a été réimprimée, non sans
incorrection, dans divers recueils, Le Cabinet Satyrique entre antres.
54 LA FLEUR
Dequoy la garce toute fiere
Luy dict , monsieur, par vostre foy,
Qui le faict mieulx, madame ou moy,
C'est toy (dict-il), sans contredict,
Nenda (dict-elle), je le croy,
Car tout le monde le me dict.
AULTRE (i)
Frère Thibault, surnommé gros et gras,
Tiroit de nuict une garse en chemise
Par le treillis de sa chambre, où le bras
Elle passa, puis la teste y à mise,
Et puis le seing, mais^elle fut bien prise
Car le fessier y passer ne peult onc.
Par la mort Dieu (ce dict le moyne adonc)
Il ne me chault de bras, tetins, ne teste,
Passez le cul, ou vous retirez donc,
Je ne sçauroys sans luy vous faire feste.
AULTRE (2)
D'ALIX ET MARTIN
u
ng jour Martin vint Alix empoigner,
En luy monstrant l'oustil en équipage
(i) Cette pièce est de Clément Marot. Voyez l'épigramme: De Frère
Thibault, dans l'édition publiée par Lenglet-Dufresnoy, t. III, p. 65.
Elle a été réimprimée dans divers recueils, entre autres le Nouveau Par-
nase Satyriquede 1684.
(j) Cette pièce a été attribuée à Clément Marot. (Voyez l'édition
publiée par Lenglet-Dufresnoy, t. IV, p. 264). Elle a été réimprimée
DE POÉSIE FRANÇOYSE 55
Et sans parler la voulut besongner,
Mais Alix dict, vous me feriez oultrage,
11 est trop gros et long à l'advantage.
Bien (deist Martin), tout en vostre fendasse
Je me mettray, adoncques il l'embrasse
Et seulement la moytié y transporte,
Ha, deist Alix (en faisant la grimace)
Boutez y tout, aussi bien suis-je morte.
AULTRE (i)
Ung laboureur au premier chant du coq,
Coquelicoq, sur son labeur se rue,
En labourant plante charrue et soc,
Si tresavant que peult tirer charrue,
Moreau derrière hannist, et Bayard rue,
Hau hurehau (deist-il), de bonne grâce,
Tirez tout doulx, car ceste terre est grasse,
Apres ce coup espendra la semence,
Encore ung coup (deist une jeune garse)
Ha (deist-il lors) pas n'a faict qui commence.
AULTRE
Jannkton fut l'autre jour au marché
Pour trouver fouet qui luy fut de mesure,
dans les recueils suivants : Poésie facecieuse extraitte des plus fameux
poètes de nostre siècle, Lyon, Bcnoist Rigaud, 1559 (Voy. l'édition de
ce recueil donnée i Génère par J. Gay et fils en 1869, in-ia, p. 5$);
Récréation et passetempt des tristts, 159$ (Ed. citée, p. 36); Trésor des
joyeuses inventions, 1599, p. 66.
(l) Réimpr.: Récréation et passetemps des tristes, 159$ (Ed. citée,
p. 10$).
56 LA FLEUR
Et [Ljamarche y fut tout empesché
Vcoir si trouver pourroit cas à usure,
Les deux acoup arrivèrent ensemble
Que tous leurs cas estoient desjà vendus,
Alors tous deux d'espérance perdus
Feirent accord ensemble (ce dict on),
Tant du marché que de mesure et marche,
Que le marché eust le cas de Janneton
Et Janneton eust le foj"ue]t de [Ljamarche. (i)
AULTRE (2)
Ung gay berger prioit une bergère,
En luy faisant du jeu d'aymer requeste,
Allez (dict elle), et vous tirez arrière,
Vostre parler me semble peu honneste,
Lors le berger la mist cul par sus teste,
Et luy dessus, la bergère frétille,
Hau, hau, tout beau (dict il) la belle fille,
Laissez courrir la bague à mon courtault,
Vous n'estes pas (dict elle) assez habille,
Et n'avez pas la lance qu'il y fault.
AULTRE
Vous perdez temps de me dire mal d'elle,
Gens qui voulez divertir mon entente,
Plus la blasmez, plus je la trouve belle,
S'esbahit on si tant je m'en contente
(i) Cette pièce a onze ver».
(2) Réimpr. : Récréation et pmssetemps des tristes, 159J (Ed. citée,
p. 48); Trésor des joyeuses irwtntions, 1599, p. 90.
DE POÉSIE fRÀNÇOYSË $7
La fleur de sa jeunesse
A vostre advis rien n'est ce ?
N'est ce rien de ses grâces ?
Cessez vos grands audaces,
Car mon amour vaincra vostre mesdire,
Tel en mesdit qui pour soy la désire.
AULTRE RESPONSIF
Tel en mesdit qui pour soy la désire.
Mais faulx rapport qui sur amans attente
Plus en mesdict, plus à l'aymer m'attire,
Plus sa beaulté et sa grâce excellente,
A juger d'elle qu'est ce
C'est droict une déesse
Prise es haulx lieux et places,
Laissez donc voz menaces,
Faulx envieulx, ostez ceste querelle,
Vous perdez temps de me dire mal d'elle.
AULTRE
Le jeu d'aymer ou jeunesse s'esbat
A ung tablier l'on peult accomparer;
Soubz ung tablier les dames on rabat,
Puis le trie trac il convient préparer,
Le jeu trie trac avant que séparer,
Plusieurs faict Jehan n'est ce pas jeu honneste
Qui le joueur par nature admonneste
De passer temps si tresjoyeusement,
Mais en deffault de trouver la renette
Il s'en ensuyt le grand jeu du tourment.
58 LA FLEUR
AULTRE (i)
Est il point vray, ou si je l'ay songé
Qu'il m'est besoing eslongner, et distraire
De vostre amour, et en prendre congé ?
Las je le vueil, mais je ne le peulx faire,
Que dis je veulx? c'est du tout le contraire,
Faire le puis et ne le puis vouloir,
Car vous avez là rengé mon vouloir,
Que plus taschez à liberté me rendre,
Plus empeschez que ne la puifsse] avoir,
Et commandez ce que voulez deffendre.
AULTRE
Par ton seul bien ma jeunesse est heureuse,
O dieu des dieux et des hommes vainqueur,
Puisque de moy se dict estre amoureuse
Celle pour qui ton feu brusle mon cueur.
Tant fort il ard que par eau ou liqueur
Estre ne peult tempéré ny estainct,
Mais quand ton dard y vouldroit rendre tainct,
Pour plus ta force en moy faire apparoistre,
Tu ne sçauroys pource que j'ay attainct
Le poinct d'amour qui plus me pourroit croistre.
(i) Epigramme de Melin de Sainct-Gelays (Ed. Prosper Blanche-
main, II, p. 29S, variantes) réimpr. dans La Récréation et passetemps
des tristes, IS95 (Ed. citée, p. 151). Cette pièce a été attribuée par-
fois à François I".
DE POÉSIE FRANÇOYSE 59
AULTRE
Si pour aymer et désirer
Je congnois mon faict empirer,
Cest estrange façon de faire;
Si 1 aymer qui t'a peult tirer
Te faisoit ores retirer
C'est bien loing de me satisfaire,
Mais pour te dire mon affaire,
Et à quoy je suis coustumier,
Quand je voy qu'on me veult deffaire,
Je veulx commencer le premier.
AULTRE
Est il advis que doibve estimer d'elle
Plus qu'il n'y a pour ung qui s'en contente,
11 l'ayme bien, pource il la trouve belle,
Son œil trouble d'amour trop véhémente.
Est il plus layde face,
El' n'a maintien ne grâce,
Que trouvez vous en elle ?
Elle est fiere et rebelle,
Son doulz parler qui porte feu et flamme
Tesmoigne assez qu'elle est legiere femme
H
AULTRE (1)
elas ! amour je pensoys bien avoir
Faict à mon gré ung parfaict serviteur,
(0 Réimpr. : Récréation et passetemps des tristes, 1^9$ (Ed. citée
p. us).
èû LA FLEUR
Mais faulx rapport a voulu decepvoir
Mon plus que sien prétendant à malheur,
Pour de son mal renforcer ma douleur,
Et qui pis est sans faire longue attente
M'oste asseurance amoureuse et contente.
Espoir n'ay plus, Fortune le me monstre,
Car si tu n'as aux envieux entente,
Mort me sera heureuse malencontre.
AULTRE(i)
Si comme espoir je n'ay de guerison,
De tost mourir j'avoy ferme asseurance,
J'estimeroy ma liberté prison
Et desespoir me seroit espérance,
Mais quand de mort j'ay le plus d'apparence,
Lors plus en vous apparoist de beaulté,
Dont maulgre moy et vostre cruaulté
De plus vous veoir amour me tient en vie,
O cas estrange, o grande nouveaulté
Vivre du mal qui de mort donne envie.
AULTRE (2)
Amour cruel de sa na nature,
Me voyant à tort offensé,
(i) Epigramme de Melin de Sainct-Gelays (Ed. citée, I, p. 98, va
riantes) réimprimée dans La Récréation et passetemps des tristes, 159
(Ed. citée, p. né) et le Trésor des joyeuses inventions, 1 599, p. 82.
(2) Epigramme de Melin de Sainct-Gelays (Ed. citée, II, p. 115
réimprimée dans La Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed
citée, p. 116).
DE POÉSIE FRANÇOYSE 6î
A eu pitié de ma poincture
Kt m'a de changer dispensé,
Disant : O pauvre homme insensé,
Si du passé il te souvient,
N'attens plus ce qui point ne vient,
Et pense qu'une foy faillye
Jamais plus au cueur ne revient
Nomplus que faict lame saillye.
AULTRE
Amour perdict les traietz qu'il me tira
Et de douleur se print fort à complaindre,
Venus en eut pitié, et souspira
Tant qu'elle fit par pleurs sa torche estaindre,
Dont aigrement furent contrains de plaindre,
Car amour fust sans feu remis sans flamme,
cure plus Venus, mais bien enflamme
>rchc en moy, mon cueur l'allumera,
y amour cesse, va vers madame
Qui de ses yeulx d'aultres traietz te fera.
AULTRE (i)
Ou mettra t'on ung baiser favorable
Qu'on m'a donné pour seurcment tenir,
Le mettre en l'oeil, il n'en est pas capable,
La main n'y peulf toucher n'y advenir,
O) Pièce attribuée à Melin de Sainct-Gelays (voyez l'éd. citée, III,
p. 289) et réimprimée dans la Récréation et passetemps des tristes, i$9J
(Ed. citée, p. 116) et VArt poétique françois de Th. Sibilet (Lyon,
Thibault-Payan, 1566, in-4«).
62 LA FLEUR
La bouche en prent ce qu'en peult retenir
Et n'en retient qu'autant que le bien dure,
C'est donc au cueur le faict et garde seure
De ce présent, à aultre n'appartient,
O doulx baiser estrange est ta nature
Bouche le prend, et le cueur le retient.
AULTRE (i)
Elle a bien ce ris gracieux,
Ce gent corps, ceste belle face,
Et qui vault encore trop mieulx,
Ce doulx parler de bonne grâce;
Mais elle a qui est d'oultrepasse
Cest œil, lequel est si riant
Qu'à ung chascun si va criant
Qu'en elle y a meslé parmy
Je ne sçay quoy de plus friant
Qui ne se monstre qu'a l'amy.
AULTRE (2)
Jamais je ne confesserois
Qu'amour d'elle ne m'ait sceu poindre,
(i) Réimpr. : Récréation et passe temps des tristes, 1595 (Ed. citée,
p. 117).
(2) Cette pièce est de Clément Marot. Voyez dans l'éd. Lenglet-
Dufresnoy, Pépigramme ayant pour titre : D'Anne qu'il aime fort. Elle
a été réimprimée dans les recueils suivants : Récréation et pissetemps
des tristes, 1595 (Ed. citée p. 117); Trésor des joyeuses inventions,
IS99, p- «S-
DE POÉSIE FRANÇOYSE 63
ÀTant suis et trop le serois
Si son cueur au mien vouloit joindre,
Si mon mal quiers l'amour n'est moindre
Moins n'en louôray le dieu qui voile,
Si je suis toi, amour m'affolle,
Et vouldrois (tant j'ay d'amytié)
Qu'autant que moy elle fust folle
Pour estre plus fol la moytié.
AULTRE (1)
1 l'on doibt prendre ung bienfaict pour offense
J'ay desservy grande pugnition,
lais si vertu mérite recompense
>yer m'est deu de mon affliction,
»ui veit jamais avoir affection
>tre eslongné sans cause de sa dame,
>i telle loy se reçoipt (sur mon ame),
feray mal pour estre mieulx traicté,
)ar puis que n'ay du bien faict sinon blasme,
)u mal viendra le bien qu'ay mérité.
AULTRE (2)
Si j'ay du bien (helas !) c'est par mensonge
Et mon tourment est pure vérité,
(1) Réiaapr. : Hecreation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. citée,
p. 118).
(i) Epigrâmme de Melin de Sainct-Gelays (Ed. citée, I, p. 107)
réinapr. dans 1» Récréation et passetemps des tristes, 159$ (Ed. citée,
p. 100).
64
LA FLEUR
Je n'ai doulceur qu'en dormant et en songe,
Et en veillant je n'ay qu'austérité.
Le jour m'est mal, et bien l'obscurité,
Le court sommeil madame me présente,
Et le re[v]ueil la faict trouver absente,
O pauvres yeulx ou estes vous reduietz,
Cloz vous voyez tout ce qui vous contente,
Et descouvertz ne voyez rien qu'ennuitz.
AULTRE (i)
La loy d'honneur qui nous dict et commande
De tenir cher et refuser ung poinct
Que la pluspart des hommes nous demande
Gela s'entend à ceulx qui n'ayment point,
Quand est de moy, puis que l'amour me poinct,
Je tiens la loy desja toute abbatue,
Et croy qu'amour veult que je rrfesvertue,
Premièrement me vouloir secourir,
Puis de garder ung amy de mourir,
La mort duquel aultre que moy ne tue.
AULTRE (2)
C'est un grand cas qu'amour qui a puissance
De nostre corps les membres gouverner,
Quand on poursuyt le don de jouyssance,
La bouche seulle à soy ne peult tourner;
(i) Réimpr. : Récréation et passeiemps des tristes, 159$ (Ed. citée,
p. ut); Trésor des joyeuses inventions, 1595, p. 83.
(a) Réimpr. : Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. citée,
p. Ht).
DE POÉSIE FRANÇOYSE 6$
Mais au contraire elle faict retourner
Tous ses plaisirs, ses promesses et v[œ}ux
De craincte et paour en refus furieux,
Par moy le sçay dont je me doibs douloir,
Car me faisant je dy bien je le veulx,
Mais en parlant je ne l'ose vouloir.
AULTRE (i)
Si j'ay eu tousjours mon vouloir
De mettre tout à nonchaloir
Par la vertu, or te suffise
Et cesse de plus te douloir,
Car tu ne pourrois mieulx valoir,
Mesprisant ce que chascun prise;
O sotte et maulvaise entreprise
De me cuider exterminer,
La grâce par vertu conquise
Est mal aysée à ruiner.
AULTRE (2)
Est ce au moyen d'une grande amytié,
Ou pour raison de grande inimitié,
Que dessus moy crains gecter tes deux yeulx,
Car cela peult venir de l'ung des deulx,
(1) Rèimpr : Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. citée,
p. 119) ; Trésor des joyeuses inventions, 1599, p. 84.
(a) Réimpr. : Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. citée,
p. 119) ; Trésor des joyeuses inventions, 1 599, p. 84.
4*
66 LA FLEUR
Par ce que l'œil est du cueur la fenestre,
Et le profond du cueur il faict congnoistre,
Dont cil qui veult sa passion couvrir
Ou son cueur tend, ses yeux craint descouvrir,
Si le premier, o malheur très heureux,
Si le dernier, o malheur malheureux.
AULTRE (i)
Je croy le feu plus grand que vous ne dictes
En vostre cueur espris et consumé,
Car recepvant tant de flammes petites,
Ung bien grand feu s'y peult estre allumé.
Mais moins tourmente ung mal accoustumé,
Quand est de moy le temps et mon malheur
0[rt] si estainct et moy et ma valeur,
Que je ne voy feu qui me sçeut esprendre,
Et quand le vostre auroit plus de chaleur,
Comme pourroit s'allumer une cendre ?
AULTRE (2)
Si celle la qui oncques ne fut mienne
Avoit regrect de ne me veoir plus sien,
J'estimeroys [i] ma prison ancienne
Bien raisonnable et heureux le lien,
(i) Réimpr. : Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. citée,
p. 120).
(2) Epigramme de Melin de Sainct-Gelays (Ed. Prosper Blanche-
main, II, p. 129; nombreuses variantes). Réimpr.: Récréation et passe
temps des tristes, 1^95 (Ed. citée, p. 120); Trésor des joyeuses inven-
tions, 1599, p. 84,
DE POÉSIE FRAHÇOYSE 67
Mais elle m'a voulu tant peu de bien (1)
Que s'elle à dueil, croyez certainement,
Que ce n'est point pour veoir l'eslongnement
D'une personne à elle tant offerte,
Mais pour me veoir eslongné de tourment
Plaignant mon gain assez plus que sa perte.
AULTRE (2)
L'espoir confus à plus hault désirer
Que le prier ne s'est oséestendre
Faict à l'esprit une peine endurer
Qui ne se peult que de moy seul comprendre;
Amour le scait et ne le veult entendre,
Raison l'entend et ne le veult sçavoir,
Las que de maulx pourrois avant avoir
Qui soient uniz en une volunté,
Puisque l'ung à plus que l'aultre povoir,
A luy me rendz pour estre contenté
(i) Var. (Ed. de Sainct-Gelays) :
Puis elle m'a roula si peu de bien,
Et fsict languir en peine si cruelle,
Que s'on la voit en tristesse nouvelle
Pour mon départ, je croy certainement
Que ce n'est point pour me voir lointain d'elle,
Mais pour me voir esloigné de torment
(2) Réimpr. : Récréation et passetemps des tristes, 1 595 (Ed. citée,
p. 120.)
68 LA FLEUR
AULTRE (i)
N 'espoir ne paour, n'auray jour de ma vie
En vostre amour, force est que m'en déporte,
Si vous avez esté par moy servie
D'oeil et de cueur, deshonneur ne vous porte,
Quand de l'espoir à raison me rapporte
Qu'envers mon vueil n'avez bonne pensée,
Quant à la paour, je vous sen[s] accusée
D'une oubliance admise à nonchaloir,
Sans vous avoir d'ung seul poinct offensée
Vostre maintien faict changer mon vouloir.
AULTRE (2)
Qui se pourroit plus désoler et plaindre
Que moy qui suis de desconfort oultrée,
Qui mieulx sçauroit son mal couvrir et faindre
Une ne sçay en toute la contrée,
Toute douleur dedans moy est entrée,
Et de l'espoir de mon cueur faict sa proye,
Qui pour plaisir tristesse luy octroyé,
Dont me congnois à ton dueil asservye
La plus des plus malheureuse seroye
S'il convenoit ainsi user ma vie,
(i)Réimpr. : Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. citée,
p. 121); Trésor des joyeuses imventions, iS99.p. 79«
(2)Réimpr.: Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. citée,
p. 121); Trésor des joyeuses inventions, 1599, p. 79.
DE POÉSIE FRANÇOYSE 69
AULTRE fi)
Crli'y qui fut du bien et du tourment
De mes amours première occasion,
Par ung regard qui causa promptement
Plaisir à l'œil, et au cueur passion,
A pris en moy telle possession
Que j'ayme mieulx sa serve lamenter
Que franche vivre ne povant contenter
D'ung plus grand bien que du mien son pouvoir,
nonobstant s'il me veult rejecter
Si fera il toujours à mon vouloir.
AULTRE (2)
La nuict passée en mon lict je songeoye
Qu'entre mes bras vous tenoy nue à nu,
m resveil, se rabaissa ma joye
De mon désir en dormant advenu,
Àdonc je suis vers Apollo venu
Luy demander qu'aviendroit de mon songe,
Lors luy jaloux de toy, longuement songe,
Puis me respond : tel bien ne peulx avoir.
Helas! m'amour fais luy dire mensonge,
Si confondras d'Apollo le scavoir.
(1) Réimp. : Récréation et patsetemps des tristes, 1595 (Ed. citée
p. 12;,.
(l) Epigramme de Clément Marot. (Ed. Lenglet-Dafresnoy, III, p.
97 : D'un songe). Cette pièce se tioave réimprimée dans la Récréation
•I passe temps des tristes, 1595 (Ed. citée, p. 170) et le Trésor des
joyeuses inventions, iS99»P-79.
FIN DBS DIXA1NS
Il
NEUVAINS
A UNG AMANT (i)
Vous usurpez, dames, injustement,
! . commander point n'y avez puissance,
i amour tout le commandement
Là ou ne sert ny raison ny deflense :
feu ne faict l'artillerie offense,
Mais froide elle est, et sans nul mouvement.
Ainsi rende/ a l'amour révérence,
Car luy en vous, son feu et violence,
Vous est grand heur, honneur, accroissement.
A UNE DAME (2)
Dme fut des cieulx à ma naissance
tout seul poinct pour me faire douloir;
une basse et petite puissance
En ung grand cueur rcmply de grand vouloir
O) Rtimpr. : l!<< reation et passetemps , y, (lid. citée,
p. 122).
(2) Cette pièce est de Melin de Sainct-Gelays.Voy.dansled.de
Prosper Blanchemain, t. I, p. 114, le neurain intitulé: Sainct-dclays
de sa naissance.
74 LA FLEUR
Tendant tousjours plus à faire valoir
Aultre que soye. O femme fortunée !
Contente toy, car encore mieulx vault
Ung grand vouloir sans puissance donnée
Que grand puissance ou [bon vouloir] deffault.
A UNE DAME (i)
Que gaignez vous à vouloir différer
Le bien que j'ay envers vous mérité ?
De vous servir ne me puis retirer,
Contenté donc la mienne volunté,
Povoir avez moyen et liberté,
Dont si cherchez désormais plus d'excuse
De cruaulté, la raison vous accuse (2)
(1) Cette pièce est incomplète. Elle présente assez bien an frag-
ment de dixain, de neuvain ou même de huictain.
(2) Dans nos éditions, ce dernier vers a été coupé. On lit :
De cruaulté
La raison vous accuse.
FIN DES NEUVAINS
QUATRAINS
QUATRAIN
Content desir qui cause ma douleur,
Heureux sçavoir qui mon travail renforce,
Si fort amour qui m'as rendu sans force
Donne secours à ma peine et langueur.
AULTRE
"T Tivre ne puis content sans sa présence,
V Mourir m'est doulx, si je n'avois l'espoir
De prompt retour, et que loyal debvoir
De mon amour luy en feit congnoissance.
AULTRE
Je suis à moy et à moy me tiendray,
Aultre que moy n'aura sur moy puissance,
Tout à part moy joyeulx me maintiendray,
Sans que de moy aulcun ayt jouissance.
AULTRE
kouR avoir eu jouyssance d'amours,
Et de m'amye avoir eu congnoissance,
Raison me meult quérir vostre alliance
Et vous servir pour en avoir secours.
78 LA FLEUR
AULTRE
Ton feu s'estainct de ce que le mien ard,
Te regardant le mien tousjours s'avive,
Et le tien meurt, combien que le mien vive
Mort or pitié en fera le départ.
AULTRE
Puis qu'il est tel, qu'il garde bien s'amye,
A m'accoincter jamais ne reviendra,
Ung tour m'a faict dont il me souviendra,
La fin d'amour n'est que merencolye.
AULTRE
Ung seul désir ma volunté contente
S'avoir le peult mon cueur il suffira,
Lors en rendant grâces adieu, dira
Venu je suis à chef de mon entente.
AULTRE
Contentement combien que soit grand chose,
Ne dure pas la longueur d'un seul jour,
Raison ressort l'insatiable amour
Pour resveiller un cueur quand il repose.
AULTRE
Est il possible à moy povoir trouver
Aulcun moyen pour avoir vostre grâce,
Qu'en dictes vous, en pourrois je finer
Dictes ouy, ou mon cueur se trespasse.
DE POESIE FRANÇOYSE 79
AULTRE
Plaindre l'ennuy de la peine estimée
l'aict ta douleur au porter aggreable,
El n'est le mal de guérir désirable
Qui satisfaict la chose mieulx aymée.
AULTRE
En espérant en ceste longue attente
Le bien heureux et désiré reveoir,
Je n'oublieray l'accoustumé debvoir
me rendra malheureuse ou contente.
AULTRE
Contentez vous, amy, de la pensée,
Jusques à tant que la peine importune
Sera donné par heureuse fortune
inps et lieu d'estre recompensée.
AULTRE
Oseul espoir de cueur désespéré,
Faictes dormir le mal qui me resveille,
Et contentez de ce mot mon oreille,
Vous aurez mieulx que n'avez espéré.
AULTRE
Amour le veult, et mon espoir attend,
Estre par vous faict jouyr de l'attente,
Dictes ouy, dictes qu'estes contente,
Lors vous ferez ung attendant content.
80 LA FLEUR
AULTRE
En te voyant j'ay si ardant désir
De mettre à fin le mal dont suis tenté
Que si je n'ay de ton corps le plaisir
J'en ay pourtant très bonne voulenté.
AULTRE
Oncques amour ne fut sans grand langueur,
Langueur ne fut jamais sans espérance,
Voila le poinct ou gist tout le malheur
Qu'on voit tousjour espoir sans jouyssance.
AULTRE
S'il est ainsi que coignée sans manche
Ne sert de rien, ny oustil sans poignée,
Affin que l'ung dedans l'autre s'emmanche,
Prens que soye manche, et tu seras coignée.
AULTRE
Si tu voulois accorder la demande
Que plusieurs fois je t'ay faicte humblement,
De retenir mon cueur en ta commande
Ce me seroit heureux contentement.
AULTRE
Si mon vouloir ne change de désir
Immortel est mon heur et mon plaisir
Qui me rendra contente et bien aymée
Du serviteur de l'amye estimée.
DE POÉSIE PRANÇOYSE 8l
AULTRE
Par ton départ regrect me vient saisir,
De tel'sorte que n'ay nulle puissance
De povoir faire envers luy résistance,
Car par luy suis banny de tout plaisir.
AULTRE
Continuer je veulx ma fermeté,
Donne moy donc ung petit à congnoistre
Ton amytié, ton estât, et ton estre,
Vueillant penser ce que j'ay mérité.
AULTRE
Jamais amour ne peult si fermement
Tenir le cueur de madame et maistresse
Qu'elle ne prind à grand contentement
Ung dyamant plus tost qu'une caresse.
AULTRE
Jb n'ose estre content de mon contentement,
Ne voulant désirer plus grand bien en ma vie,
De paour de perdre ce dont j'ay plus grand envie.
Car qui demande trop pour plaisir à tourment.
AULTRE
Veu le grief mal que longuement j'endure
Par faulx langart d'ung langart enuieulx,
Ung jour sera que de celle les yeulx
Auront pitié de ma peine trop dure.
82 LA FLEUR
AULTRE
Amour voyant que j'avoye abusé
D'une dame, prenant aultre party,
Par une nuict de vengeance à usé,
Et puis en fin des deux m'a departy.
AULTRE
J'attendz le temps, ayant ferme espérance,
En ce vouloir mes jours je fineray,
En attendant aultre ne serviray,
Tant m'est de vous doulce la souvenance.
AULTRE
Amour à faict ce qu'il ne peult deffaire,
Quand il a faict de noz cueurs union,
C'est maintenant à dieu à le parfaire
En les gardant de séparation.
AULTRE
De tant aymer sans avoir jouyssance
C'est espérance de desespoir aussi,
L'ung y prétend, l'aultre en devient transi,
Puis en la fin le moins à la puissance.
AULTRE
Le souvenir de mon bien me rend triste,
Ma maitresse est le moyen de ma joye,
Espérant bien après longue poursuyte,
Mon mal fauldra, mais que je vous revoye.
DE POÉSIE FRANÇOYSE 83
AULTRE
kvikss vers moy qui suis ta désolée,
Et tu verra l'ennuy et le tourment
►ue j'ay souffert tousjours en attendant
tien retour dont seray consolée.
Reviens vers moy.
AULTRE RESPONSIF AU PRECEDENT
Plus revenir ne puis vers toy madame,
Pour ton amour condamné à la mort,
Je te laisse ma foy pour reconfort
Puis que du corps fault que parte mon ame.
AULTRE
Venons au poinct, c'est trop eu de langage
Dictes ouy, c'est le mot entendu,
Si dictes non, je vous quitte le gage
D'attendre, tant le cas est trop vendu.
AULTRE DE CE MESME
Mon seul espoir à tousjours prétendu
A vous servir de cucur et de courage,
Venons au poinct, c'est trop eu de langage
Dictes ouy, c'est le mot entendu.
AULTRE
V. té fut en ton amour esmeue
De ton parler gracieux seulement,
Regarde donc (je te supply) comment
Lj. feras croistre, après que t'auray veue.
84 LA FLEUR
AULTRE
Le train d'aymer c'est un parfaict deduict,
Qui de s'amye a seure jouyssance,
Sans y despendre, or, argent, ou chevance,
Entre ses bras la tenant toute nuict.
AULTRE
Veulx tu ton mal et le mien secourir,
Trouve moyen qu'ung jour entre deux draps
Nous nous puissions embrasser à deux bras
Et je suis seur qu'ainsi pourrons guérir.
AULTRE
Oque je tiens celle là bien heureuse
Qui en sa vie à aymé loyaulment,
Et qui reserve après sa mort piteuse
A son amy donner contentement.
AULTRE
Sans liberté qu'ung bon esprit regrette,
L'homme ne peult son amour descouvrir,
Car quand il veult du cueur la porte ouvrir
Danger la clost d'une honte secrette.
AULTRE
Dame de beaulté j'ay envie
Que vostre cueur vous me donnez,
Et tandis que seray en vie
De luy maistresse vous serez.
DE POÉSIE FRANÇOYSE 8$
AULTRE
Si le service est reçeu pour offense,
Et ceste offense entretient le vouloir,
Dictes en quoy, je feray mon debvoir,
Lors cessera de mal la pénitence.
AULTRE
Le voulez vous, j'en suis très bien contente,
Venez à moy, faictes vostre plaisir
Despeschés vous puis qu'avons le loysir
J'aytne celuy ou longue n'est l'attente.
AULTRE (i)
Je n'ayme plus corporelle beaulté,
Je n'ayme plus la mondaine plaisance:
Lille me vient à toute desplaisance,
Puis il y a de la desloyaulté,
AULTRE
Avbcques vous mon amour finera
Puis que mon cucur est en vous seullement.
Plaise vous donc avoir contentement,
Car le corps mort l'esprit vous servira.
AULTRE
IL n'est trésor que de lycsse,
Donc je me doibs bien resjouyr,
Mais l'amour d'elle fort me blesse,
Parquoy il me fauldra mourir
(i) Réitnpr. : Récréation et passelemps des tristes, 1595 (Ed. citée,
P. 149;.
86 LA FLEUR
AULTRE
Paoure et loyal trompé par espérance
Au plus hardy malheur qui peult venir,
Voulant à bien et vertu parvenir,
Le moins voulut que peu n'eut suffisance.
AULTRE
Du corps absent le cueur je te présente,
Qui loyaulment (sans fin) te servira,
Et en tous lieux (comme ton serf) yra,
Vivant d'espoir, se nourrissant d'attente.
AULTRE
Contente ou non, il fault que je l'endure
Oultre mon gré et ma seulle espérance,
Mais s'une fois il vient à ma puissance
Je mettray fin à ce qui trop me dure.
AULTRE
Trop plus qu'heureux sont les amans parfaitz
Qui sont si bien d'amours entrelassez
Que sans jamais d'aymer estre lassez
Plus tost sont mors que par discord deffaictz.
AULTRE (i)
L'œil dict assez s'il estoit entendu,
La bouche veult mon désir reveller,
Mais cela m'est par craincte deffendu
Ne pourroit on m'entendre sans parler.
(i) Cette pièce de Melin de Sair.ct-Gelays a été tronquée. On la
DE POÉSIE FRANÇOYSE 87
AULTRE
Puis que de toy vient et non d'aultre place
Ce feu ardant qui nuict et jour m'enflamme
Comment ce faict que tu n'en sens la flamme
Et que vers moy es plus froyde que glace ?
AULTRE
Odoulx raport que doibs bien désirer
Qui as voulu du serf la délivrance,
A plus hault bien ne povois aspirer
Qu'au languissant offrir la jouyssance.
AULTRE
Amour et moy avons faict une dame,
Voulant ouyr les plainctes d'amytié
Dont j'ai vaincu le corps, et amour lame,
Et converty sa rigueur en pitié.
trouve complète dans les Œuvres de ce poète publiées par ProsperBlan-
chemain (t. III. p. 20). Voyez l'épigr. XXXIV :
L'œil dict assez, s'il estoit entendu,
La bouche Teult mon désir révéler ;
Mais cela m'est par crainte défendu,
Ne scauroit on entendre sans parler ?
Ne respond-on jamais sans appeler?
A mon semblant mon besoing se peult lire
S'on y prend garde, et je n'ose rien dire,
Ne scay plus où mon espoir fonder,
Il est mal prest d'avoir ce qu'il désire,
Qui n'ose ouvrir la bouche pour s'aider.
88 LA FLEUR
AULTRE
Au feu d'amour je fais ma pénitence
Pour une dame qui me navre à grand tort,
Et touteffoys d'elle ne veulx vengeance,
J'ayme trop mieulx en endurer la mort.
AULTRE
Las te plains-tu (amy) de mon offense,
Veu que mon cueur tend à te secourir,
Cesse ton dueil tu auras jouyssance
De ton espoir, car tel est mon plaisir.
AULTRE
Si mon amour ne vous vient a plaisir,
Mettant pour vous le mien corps et avoir,
Dictes, amy, cessez vostre debvoir,
De trop aymer ne vient que desplaisir.
AULTRE
Jehanne disoit ung jour à Jehanninet :
Ami vueillez à cultiver entendre,
Cultivez tost mon joly jardinet,
Et l'arrousez pour la semence espandre.
AULTRE
Puis que fortune à sur moy entrepris,
Las me doibt on de tout plaisir bannir,
Et saiib secours incessamment tenir ?
Mieulx me vault droit de la mort estre pris.
DE POÉSIE FRANÇOYSE 89
AULTRE
Epoir vis, et craincte me tourmente,
Ung jour je riz, et l'autre je lamente,
e doulx œil me faict bien espérer,
Mais mon grief mal me contrainct souspirer.
AULTRE
Aymer ne veulx dame de grand beaulté,
Car ceulx qui ont de leurs meurs fait espreuve
Disent que peu de constance s'y treuve,
Encores moins de ferme loyaulté.
AULTRE
Humblb et loyal vers ma dame seray
En jouyssance du bien que je pourchasse,
Et si luy plaist me tenir en sa grâce
De l'honnorcr jamais ne cesscray.
AULTRE
Fortune alors que n'avois congnoissance:
Suivre mon heur me donna sa faveur,
Mais maintenant à retourné sa chance :
Au lieu d'ayder elle me tient rigueur.
AULTRE
Ung cucur vivant en langoureux désir
Doibt éviter le lieu trop favorable
^t tendre aux fins pour bien et tout plaisir,
iherchant les gens de façon amyable,
90 LA FLEUR
AULTRE
Asseurez vous de mon cueur et de moy,
Car tous les deux sont d'ung consentement,
L'ung veult aymer, et l'autre tenir foy
Par fermeté jusques au jugement.
AULTRE
Puis qu'une mort ressuscite ma vie,
Mes ennemys foible est vostre puissance
Si me tuez ce sera par envie
Dont j'auray d'elle en honneur jouyssance.
AULTRE D'UNE DAME
Plus je la vois, moins y trouve à redire,
Tant que je puis véritablement dire
Que grand doulceur, bonne grâce et faconde
Parfaicte elle est tant qu'il n'est sa seconde.
FIN DES QUATRAINS
CINQUAINS
D'AMOUR ET S'AMYE
Amour est bien de perverse nature
Qu'après m'avoir navré de sa poingture
Et consolé du don de jouyssance,
A mis m'amye en si cruelle chance
Que de m'aymer n*à plus vouloir ne cure.
AULTRE
Comme inconstante et de cueur faulce et lasche
Elle me laisse, or puis qu'ainsi me lasche,
A vostre advis la doibs je point lascher ?
Certes ouy, mais aultrement fascher
Je ne la veulx, combien qu'elle me fasche.
AULTRE (i)
Le vray amy ne s'estonne de rien,
Et dautantplus que danger le tourmente,
Plus en espoir fermeté le contente.
En endurant tous maulx pour ung seul bien,
Qui ne m'entent assez je m'entens bien.
(i) Epigramme de Melin de Sainct-Gelays (Voir l'éd. Prosper
BUnchemain, III, p. 2).
94 LA FLEUR
AULTRE
Amour lascif ne peult sa nourriture
Prendre et avoir de pauvre créature,
Car pauvreté et amour (ce me semble)
N'eurent jamais bonne habitude ensemble,
S'il est ainsi c'est bien contre nature.
AULTRE
Ung musequin d'un assez beau maintien
Trouvayung jour, sans m'esm[o]yer de rien
Je l'embrassay et lui feis coup à quille,
Las (dict-elle), comme cela frétille;
Encore ung coup, car il me faict grand bien,
D'UNE DAME
Elle veult donc que d'elle me contente
Et que son bien et mon grand mal je sente,
Sans m'y donner aucun allégement,
Et sans espoir d'en avoir traictement
Force sera que d'elle je m'absente.
AULTRE (i)
L'œil trop hardy, si hault lieu regarda
Que bouche et cueur de parolles engarda,
Et puis voyant cueur et parolle estaindre,
Feit (en plourant) l'office de complaindre,
Ainsi son mal par pitié regarda.
(i) Cette pièce a été tronquée. La voici complète, et telle qu'on la
DE POÉSIE FRANÇOYSE 95
All.TRi; À UNE DAME
Ocrnaultc Logée en grand bcaulté,
O grand bcaulté qui loges cruaultc,
mt ma douleur jamais ne sentiras,
Au moins ung jour pense à ma loyaulté,
ate (alors) peult estre te diras.
AULTRE A UNE DAME
En vous voyant j'ay liberté perdue,
Que si long temps j'avoy bien deffendue
tre chascune, et sçeu contregarder,
Mais endroict vous je n'ay peu retarder,
I Qu'entre voz mains mon cueur ne Ta rendue.
trouve dans les Œuvres complètes de Melin de Saint-Gelays, publiées
par Prosper Blanchemin (t. III, p. 37) :
L'œil trop hardi si haut lieu regarda
Que le parler n'y osa oncq atteindre.
Le cœur voulut ; mais doubte l'engarda
Non demander, ains seulement se plaindre ;
Et pour n'oser autant dire que craindre
tll demouroit en son piteux tourment.
Lors l'œil voyant cœur et parole estaindre
Dict qu'il fera l'office de complaindre ;
Puisque du mal fut premier fondement.
Là commença tant de larmes empraindre
Que l'on cogneust son mal qu'il ne peut faindre
Et de là eut le cœur allégement.
Cette dernière version, imprimée tout d'abord dans YHemiomphile
^e '537. a été insérée sous ce titre : De Monsieur le Cardinal Je Tour-
noi», dans le recueil de Poésie facecieuse extr. des plus fameux poètes
de notre siècle. Lyon. Benoist Rigaud, 1559, in-ia (Voy. l'éd. Gay.)
96 LA FLEUR
AULTRE A UNE DAME
Encore ung coup me veulx tu reffuser
De ta mercy sans de mercy user,
Vers mon las cueur qui tant t'ayme sans faindre.
Et si je meurs la mort me vienne attaindre,
Tout à présent sans me laisser muser.
AULTRE
En espérant espoir me désespère,
Tant que la vie m'est vie tresprospere,
Me tourmentant de ce qui me contente,
Me contentant de ce qui me tourmente,
Pour la douleur du soûlas que j'espère.
AULTRE
Elle a mon cueur, je croy qu'elle est contente,
Et ne fault point qu'ung aultre y ayt attente,
Pour en penser jouyr aulcunement,
Car noz deux cueurs ont une telle entente
Que séparez ne seront nullement.
AULTRE
Départ d'amours causé par quelque absence
Ou cil que mort commect par violence
A cueur loyal pesant est à porter,
Mais cil qu'ung cueur maling veult inventer
Plus dur il est quand se faictsans offence.
DE POÉSIE FRANÇOYSE 97
AULTRE
Ta bonne grâce et maintien gracieulx,
Et le regard de tes doulx rians yeulx
M'ont transpercé le cueur de telle sorte
Que contrainct suis de crier à ta porte,
Miséricorde au paoure langoureux.
AULTRE
Le départir est sans département
A ung bon cueur aymant parfaictement,
Car vraye amour ne congnoist nulle absence,
à tousjours par mémoire et présence
Le bien où gist tout son contentement.
AULTRE
DU mal que j'ay (las) qui me guérira,
Si je l'accuse, point ne se trouvera,
Je suis navré, voire à mortelle oultrance,
Et si suis scur que sans recongnoissance
A ma plaincte, foy l'on n'adjoustera.
AULTRE
Hi-, sans plus, en noble cueur prend place,
Oir bon vouloir qui d'honneur ne desplace
Jecte au conseil son désir et sa flamme,
1 t qu'enfin il procède sans blasme
Du cueur amour, et cf amour port et grâce.
98 LA FLEUR
JOYEUSE RENCONTRE
L'autre jour, par ung matin, soubz une treille,
Rencontray ung franc topin faisant merveille,
De s'amye ung bruict vint tel à l'oreille :
Goigne coigne, fort pousse, frappe,
Han! mon amy cela m'eschappe.
FIN DES CINQUAINS
SIXAINS
SIXAIN
Je veulx toujours obéir et complaire
Sans requérir le bien que je désire,
Et si mamye n'entend à mon labeur
Je ne doibs point de ma bouche luy dire,
Car je maintientz qu'ung loyal serviteur
Assez demande à bien servir et faire.
AULTRE (i)
Une dame, par ung matin,
Apres avoir son picotin,
Du jeu d'amour non assouvie:
Vray dieu (dict elle); qu'elle vie,
Encore un coup mon doulx amy,
Je ne suis pas saoulle à demy.
B
AULTRE (2)
aisez moy tost, ou je vous baiscray,
Approchez près, faictcs la belle bouche,
(1) Réirapr.: Récréation et passet. des tristes, i $95 (Ed. cit. p. i/j).
(2) Rcimpr. : Récréation et passe temps des tristes, 1 59 j (Ed. citée,
p. 122) ; Trésor des joyeuses inventions, 1 599, p. 80.
6"
102 LA FLEUR
Ostez la main, que ce tetin je touche,
Laissez cela, je vous l'arracheray
Mon bien m'amour, tant je le vous feray
S'il fault qu'ung jour avecques vous je couche.
AULTRE (i)
Quand ung travail surmonte le plaisir,
Tant grand soit il, rend la fin mal contente,
J'entendz très bien que l'amour violente
Par quelque temps satisfaict au désir,
Mais en la fin ung trop grand desplaisir
L'amour, le corps, et le penser tourmente.
AULTRE (2)
Passions et douleurs,
Qui suyvez tous malheurs,
Suyvez moy jours et nuictz
Souspirant mes ennuictz,
Je veis en desespoir,
Dame sans nul povoir.
M
AULTRE (3)
oins je la veulx, plus m'en croit le désir,
La désirant on m'en veult divertir,
(1) Réimpr : Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. citée,
p. 12 ).
(2) Réimpr. -.Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. citée,
p. 123;.
(3) Réimp. : Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. citée, p.
124).
DE POÉSIE FRANÇOYSE IO3
L'ung par raport, et l'autre par mesdire
Hiis qu'amour m'a voulu la choysir
Je mourray sien, non pas comme martir.
Son œil me veult, et mon cueurla désire.
AULTRE
C'kst ung grand mal que d'ung refus,
Et si n'est on jamais plainct d'ame,
Je le sçay bien, car quand je fus
yng jour refusé de ma dame,
De dueil me vint à l'œil la larme,
Et m'en vins tout triste et confus.
FIN DES SIXAINS
AUTRES PIECES
ÉPIGRAMMATIQUES
DOUZAIN D'UN CURE (i)
Nostre vicaire, ung jour de festc,
Chantoit ung agnus gringottc,
Tant qu'il povoit à pleine teste,
Pensant d'Annette estre escoutc ;
Anettc, île l'aultre costé,
Ploroit comme prise à son chant,
Dont le vicaire en s'approchant
Luy deist : Pourquoy plorez vous belle ?
Ha! messire Jan, ce deist elle,
Je plore ung asne qui m'est mort,
Qui avoit la voix toute telle
Que vous quant vous criez si fort.
A
A UNE DAME
u temps heureux que ma jeune ignorance
Reçeut l'enfant qui des dieux est le maistre,
(ï) Epigrarame de Melin de Saùict-Gelays. Voyez l'éd. de Prosper
Blanchemain. I, p. 2J4 (Variantes). Réimpr. : Récréation et passe-
temps des tristes, 1595 (Ed. citée, p. 125) ; Trésor des joyeuses inven-
tions, IS99.P- 76.
108 LA FLEUR
Vous, congnoissant qu'il ne faisoit que naistre,
Voulustes bien le nourrir d'espérance,
Mais puis que vous et sa persévérance
L'avez faict grand, plus qu'aultre oncq nepeultestre,
En lieu d'espoir vous le laissez repaistre,
Seul à par luy, de mon mal et souffrance,
Ne pour essay que je face ou effort
Possible n'est Poster de sa demeure,
Car plus que moy il est devenu fort;
Maulgré moy donc il fault qu'il y demeure,
Mais maulgré luy aussi ay ce confort
Qu'il sortira au moins mais que je meure, (i)
RONDEAU
On le m'a dict, dague à rouelle,
Que de moy en mal vous parlez;
Le bien que si bien avaliez
Vous le mect il en la cervelle ?
Vous estes rapportée nouvelle,
D'aultre chose ne vous meslez.
On le m'a dict.
Si plus il vous advient meselle,
Voz rains en seront bien gallez.
Allez, de parle dyable, allez,
Vous n'estes qu'une macquerelle
On le m'a dict.
(i) Réimpr. ï Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. citée,
p. I2S).
FIN DES AUTRES PIECES EPIGRAMMATIQUES
CHANSONS
V
DU MOYS DE MAY
Ce joly moys de May
Me donne grand esmay
(Ne vous vueille desplaire)
Car ung denier je n'ay
Pour avoir le cueur gay
Et aux dames complaire.
Au verd boys m'en iray,
Pour vcoir si trouveray
Ma dame débonnaire,
A qui demanderay
Jouyssance, et verray
Sel' me sera contraire.
O joly moys de May
Si de toy secours ay,
Que je croy débonnaire,
I>e m'amye au corps gay
Je pourray faire essay
Tel qu'il luy pourra plaire.
CHANSON (i)
a rossignol amoureux messager
Va faire ouyr à ma seullc maistresse
(i) Réimpr. ; Récréation et passetemps des tristes, 1J9J (Edit. citée,
p. ut) ; Trésor des joyeuses inventions, p. 85.
112 LA FLEUR
To[n] chant joyeulz pour elle soulager,
Meslé d'amour et d'ung peu de tristesse,
Qu'est-ce, qu'est-ce, Magdaleine, m'amye ?
Qu'est-ce, qu'est-ce de tant aymer ?
Qu,en dictes vous, Magdaleine jolye ?
Venez venez vostre amy conforter,
(Accourez tost plus ne fault séjourner)
Il vous attend, prenez vers luy l'adresse.
O grand beaulté qu'on ne peult estimer,
Gardez vous bien que par vous l'amour cesse.
AULTRE(i)
Une belle jeune espousée
Estoit une fois en devis
Avecq une vieille rusée
Qui disoit: Dame à vostre advis,
Les hommes sont ilz si ravis
Quand ilz le font, et ont ilz bien
Tant comme nous d'ayse et de bien ?
Tant m'amye (respondit-elle),
La doulceur qu'ilz sentent est telle ,
Que la nostre auprès n'est que vent,
Je m'esbahis donc (dict la belle)
Qu'ilz ne nous le font plus souvent.
(i) Cette chanson est de Melin de Sainct-Gelays. Voyez dans l'éd. de
Prosper Blanchemaiu (I, p. 87) la pièce intitulée : La Demande d'une
jeune espousée (Variantes). Elle se trouve de plus dans la Récréation
et passetemps des tristes, 1595 (Ed. citée, p. 49). - l ilo ti.okt.A~ ,
DE POÉSIE FRANÇOYSE 113
AULTRE CHANSON (1)
Secouez moi, je suis toute plumeuse,
Que dira t'on si l'on me voit ainsi,
Ha! vous en venez, madame l'amoureuse,
Ha! vous en venez de veoir le vostre amy.
Secouez fort, ce n'est pas a demy,
A secouer je ne suis paresseuse,
Et hault et bas, et au millieu aussi,
J'aymeroy mieulx cent fois estre croteuse,
Car l'on diroit du marché doibt venir,
Ou du moullin comme femme peneuse,
Secouez moy, je suis toute plumeuse.
AULTRE CHANSON
Il estoit une fillette
Qui vouloit sçavoir le jeu d'amours,
Ung jour qu'elle estoit seullette
Je luy en apris deux ou trois tours.
Apres avoir senty le goust
Elle me dict en soubriant :
Le premier coup me semble lourd,
Mais la fin me semble triant.
Je luy dy : Vous me tentez.
El'me dict : recommencez,
Je l'empoigne, je l'embrasse,
Je la fringue fort.
(1) Réimpr. : Récréation et passelemps des tristes, ljj$ (Ed. citée,
p. 126).
114 LA FLEUR
Elle crie ne cessez,
Je luy dy : vous megastez,
Laissez moy, petite garse,
Vous avez grand tort
Mais quand ce vint à sentir le doulx point
Vous l'eussiez veu mouvoir si doulcement
Que son las cueur en tremble fort et poingt,
Mais dieu mercy! c'estoit ung doulx tourment.
AULTRE D'UNG AMOUREUX (i)
Vray dieu tant j'ay le cueur gay,
J'ay mené m'amye au vert gay,
En lieu fort loing de gent
Là j'ay faict danser son corps gent
La danse du houppegay,
Vray dieu tant j'ay le cueur gay.
AULTRE (2)
Ramonnkz moy ma cheminée
Ramonnez la moy hault et bas,
Une dame la matinée,
Ramonnez moy ma cheminée,
Disoit, de chaleur forcenée,
Mon amy prenons noz esbas,
Ramonnez moy ma cheminée,
Ramonnez la moy hault et bas.
(i) Réimpr. : Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. cité»,
p. 127) ; Trésor des joyeuses inventions, 1599, p. 85
(3) Réimpr. : Récréation et passetemps des tristes, 1595 (Ed. citée,
p. 127) ; Trésor des joyeuses inventions, 1599 p. £5.
DE POÉSIE FRANÇOYSE 11$
AULTRE D'UNE DAME (1)
Faict elle pas bien
D'aymer qui luy donne ?
Elle est belle et bonne,
Et si ne vault rien.
Elle ayme le mien,
Non pas ma personne,
Et s'y s'abondonne
A qui luy dict tien,
Faict elle pas bien
D'aymer qui luy donne?
AULTRE (2)
Sur la rousée m'y fault aller
La matinée,
Pour le Rossignol escouter
Soubz la ramée
Tenant sa dame soubz le bras
En lui demandant par esbas
Une accollée,
Et puis la renverser en bas,
Comme amoureux font par esbas
Sur la rousée.
(1) Réimpr. : Récréation et passetemps des tristes, 159$ (Ed. citée
p. 127). Dans ce dernier recueil la pièce est incomplète des deux
derniers vers.
(2) Réimp. Récréation et passetemps des tristes 1595 (Ed. citée
p. 128); Trésor des joyeuses inventions, 1590, pp. 8S-86.
lié LA FLEUR
AULTRE CHANSON
Au joly chant du sansonnet,
Je m'endormy l'autre nuictée,
Et là oùy dire ung souhaict
Qui touchoit l'honneur de m'amye;
Va si te marie,
Puis qu'on les a bien à l'essay
Jamais je ne m'y mariray.
AULTRE CHANSON
D'une dame je suis saisi,
Graciease plaisante et belle,
Bien souvent je luy dy ainsi :
Baisez moy donc mademoyselle,
Bien tost après honnestement
El' me tend la bouchette,
En me disant joyeusement
Je suis vostre amyette.
AULTRE CHANSON
/"■"Xue n'est elle auprès de moy
w Celle que j'ame,
J'ay esté amoureux d'une assez belle dame
Elle m'a faict coquu, dont j'ay esté infâme,
Que n'est elle auprès de moy celle que j'ame.
Une aultre amye ay faict qui à bon bruict et famé,
Mais si trompé j'ensuis, jamais n'aymeray femme,
Que n'est elle auprès de moy celle que j'ame.
DE POÉSIE FRANÇOYSE 117
AULTRE
Ck moys de May, au joly vert boquet,
C'est ung plaisir que cf'estrc soubz l'ombrage,
L'ung fait chappeau, l'autre fait un boucquet,
Ce moys de May, au joly vert boquet,
Tout cueur fasché lors reprend son courage ;
Le rossignol en son plaisant langage
Faict rage,
Au boscage,
Son ramage
Triumphe assis sur la fleur du muguet,
Ce moys de may au joli verd boquet.
AULTRE
F risque et gaillard, ung jour entre cent mille,
Je m'entretiens de faire ample ouverture
Au cabinet d'une mignonne fille
Pour accomplir les œuvres de nature,
La fille me respond, tel est mon appétit,
Mais mon amy je crains qu'il ne soit trop petit
Quand elle le sentit s'escria nostre dame:
Et tost, tost depeschez vous, car je me pasme.
AULTRE D'UNE JEUNE FIANCÉE
ESTANT AUX ESTUVBS
Ung jour passé bien escoutoye
Une fille secrettement,
En lieu secret, démenant joye,
Qui triumphoit joyeusement,
uùnûfoA.w-'fr
Il8 LA FLEUR
Considérant qu'en mariage
Debvoit avoir son adventage
Au jolyjeu sans insolence,
Dont elle dict, en son langage :
Je suis gaye. gaye, gaye pour dymanche
AULTRE
Une fille bien- gorriere
Embrassa ung verd vestu,
Tout auprès d'une rivière
La troussa dru et menu;
Hz ouyrent quelqu'ung disant que feras-tu ?
Hz ne sont pas tous sus les arbres les coquz.
AULTRE
Dictes vous que ne sçay faire
D'amourettes joliettes le deduict;
Le curé et sa commère
Estoient couchez sus ung lict;
Elle luy faisoit prière
La confesser ung petit;
11 se feist quelque mistere,
Car fort bransloit le châlit,
Et j'entendis le compère
Disant d'un g grand appétit:
Dictes vous que ne sçay faire
D'amourettes joliettes le desduict.
FIN DES CHANSONS
Cy finist la Fleur de "Poésie Françoyse,
nouvellement imprimée à Paris, par
Alain Lotrian, imprimeur et li-
braire, demeurant en la rue
neusve nostre "Dame a
Venseigne de Ves-
cu de France
TABLE ALPHABÉTIQUE DES POÈMES
NOTA : Chaqne pièce est désignée ici par son premier Ters. Les
initiales C. M. ou M. S. placées à la fin des vers servent à dési-
gner les poèmes de Clément Marot ou de Melin de Sainct-Gelays.
A ce matin ce scroit bonne estreine . .
A cinq cens diables la verolle
Alix avoil aux dents la malle rage . . .
Amour à faict ce qu'il ne peult deffaire .
Amour cruel de sa nature (M. S.) . . .
Amour est bien de perverse nature . .
Amour et moy avons faict une dame . .
Amour lascif ne peult sa nourriture . .
Amour le veult, et mon espoir attend .
Amour perdict les traictz qu'il me tira .
Amour voyant que j'avoye abusé . . .
Apres avoir longuement attendu . . .
Asscurez vous de mon cueur et de moy.
Au feu d'amour je fais ma penitenee. .
Au feu, au feu, venez moy secourir . .
Au joly chant du sansonnet
Au temps heureux que ma jeune ignorance
Avecques vous mon amour finira . . .
Aymer ne veulx dame de grand beaulté .
43
46
48
82
60
93
87
94
79
61
82
27
90
88
26
116
107
8b
89
122 TABLE ALPHABÉTIQUE DES POÈMES
B
Baisez moy tost, ou je vous baiseray . . . . 101
Blanc et clairet sont les couleurs 34
Ce joly moys de may
Celle qui fut de beaulté si louable (M. S.)
Celle qui veit son amy tout armé . . .
Celluy qui veult en amour être heureux
Celuy qui fut du bien et du tourment .
Ce moys de May au joly vert boquet. .
Ce moys de may sur la rousée ....
Ce qui souloit en deux se départir. . .
C'est un grand cas qu'amour qui a puissance
C'est ung grand mal que d*ung refus. .
Comme inconstante et de cueur faulce et lasche o,3
Comment mes yeulz auriez vous bien promis
Content désir qui cause ma douleur . . .
Contente ou non, il fault que je l'endure .
Contentement combien que soit grand chose
Contentez vous, amy, de la pensée ...
Continuer je veulx ma fermeté
D
Dame de beaulté j'ay envie
D'amour me plainctz, et non de vous mamye
De mon las cueur j'ai donné le povoir . .
Départ d'amours causé par quelque absence
De tant aymer sans avoir jouyssance . . .
Deux cueurs voulans, par fermeté louable .
1 1 1
37
48
39
69
117
46
20
64
io3
45
77
86
78
79
81
84
40
22
96
82
33
table alphabétique des poèmes 123
Dictes pourquoy amitié s'efface 36
Dictes vous que ne sçay faire 1 1 8
Donné me fut des cieulx à ma naissance (M. S) 73
Doulce mémoire en plaisir consummée . . . 19
Du corps absent le cueur je te présente. . . 86
Du mal que j'ay (las) qui me guérira. ... 97
D'une dame je suis saisi 116
D'ung amy fainct je ne me puis deffaire (M. S.) 42
Elle a bien ce ris gracieux
Elle a mon cueur, je croy qu'elle est contente
Elle veult donc que d'elle mécontente . .
re ung coup me veulx tu relluser . .
En espérant en ceste longue attente . . .
permit espoir me désespère ....
sperant je veis en grand langueur . .
îpoir vis, et craincte me tourmente. .
En te voyant j'ay si ardant désir ....
En vous voyant j'ay liberté perdue. . . .
Est ce au moyen d'une grande amytie . .
Est il advis que doibve estimer d'elle . . .
Est il point vi-.iv, ou si je 1 ai songé (M. S.)
Est il possible à moy povoir trouver . . .
62
96
94
96
79
27
89
Faict elle pas bien ii5
Finy le bien le mal soubdain commence . . ig
Fortune, alors que n'avois congnoissance . . 89
Fortune et mort pourquoy m'avez laissez . . 26
124 TABLE ALPHABÉTIQUE DES POÈMES
Frère Thibault, surnommé gros et gras (C. M.) 54
Frisque et gaillard, ung jour entre cent mille. 1 17
Gens qui parlez mal de ma mye 24
Guillot ung jour estoit avec Babeau .... 49
H
Helas ! amour je pensoys bien avoir .... 59
Helas ! Amour, tu feis mal ton debvoir ... 28
Helas ! amy je congnois bien 3i
Homme, sans plus, en noble cueur prend place 97
Humble et loyal vers ma dame seray ... 89
T
Il estoit une fillette n3
Il n'est trésor que de lyesse 85
J
Jamais amour ne peult si fermement . .
Jamais je ne confesserois (C. M.) . . .
Janneton fut Tautre jour au marché . .
J'attendz le temps ayant ferme espérance
J'ay veu qve j'estois franc et maistre . .
Je croy le feu plus grand que vous ne dictes
Jehanne disoit ung jour à Jehanninet .
Je n'ayme plus corporelle beaulté . . .
Je ne le croy et le sçay seurement . . .
Je ne pourrois ta fermeté blasmer . . .
Je ne puis bonnement penser ....
81
62
55
82
H
66
88
85
21
36
44
TABLE ALPHABÉTIQUE DES POÈMES 12$
Je n'ose estre content de mon contentement . 81
Je prendz en gré la dure mort 28
Je suis à moy et à moy me tiendray .... 77
Je veulx toujours obéir et complaire . . . . 101
.aissons amour qui nous faict tant souffrir,
.a loy d'honneur qui nous dict et commande
/amour, la mort et la vie
/amour première en jeunesse ignocente .
.a nuict passée en mon lict je songeoye (C. M.]
/ardant désir du hault bien désiré . . .
.as je sçay bien que je feis grande offence .
nie fault il tant de mal supporter . .
.as que te sert ce doulx parler en bouche .
.as te plains tu (amy) de mon offense . .
,'aultre hier, passant par un verd boys. .
'autre jour, par ung matin, soubz une treille
,e départir est sans département ....
,e dur travail de ta longue demeure. . .
e jeu d'aymer ou jeunesse s'esbat. . . .
e rossignol plaisant et gracieulx ....
e souvenir de mon bien me rend triste .
'espoir confus à plus hault désirer . . .
e train d'aymer c'est un parfaict deduict .
.e voulez vous, j'en suis très bien contente
,e vray amy ne s'estonne de rien (M. S.) .
/œil dict assez s'il estoit entendu (M. S.) .
'œil est à vous le cueur et la pensec. . .
œil et le cueur contre leur ligue saincte .
'œil trop hardy, si hault lieu regarda (M. S.
39
64
3o
3o
69
42
27
36
45
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48
98
97
39
5?
40
82
67
84
85
86
45
44
94
126 TABLE ALPHABÉTIQUE DES POÈMES
M
Mamye a eu de dieu le don
Ma passion je prendz patiemment . . .
Moins je la veulx, plus m'en croit le désir
Mon cœur voulut dedans soy recepvoir .
Mon seul espoir a tousjours prétendu. .
Mort en malheur m'est seulle suffisance.
49
2D
I02
23
83
34
N
N'espoir ne paour, n'auray jour de ma vie
Nostre vicaire, ung jour de feste (M. S.).
o
O combien est malheureux le désir . .
O comme heureux t'estimeroit.mon cueur
O cruaulté logée en grand beaulté . . .
O cueur ingrat qui m'es tant redevable .
O doulx raport que doibs bien désirer .
O fortune n'estois tu pas contente . . .
Oncques amour ne fut sans grand langueur
On le m'a dict, dague à rouelle ....
O que )e tiens celle là bien heureuse.
O seul espoir de cueur désespéré . . .
O triste adieu qui tant me mescontente .
Ou mettra ton ung baiser favorable (M. S.)
68
44
4i
95
3o
87
29
80
108
84
79
4i
61
Paoure et loyal trompé par espérance.
Par ton départ regrect me vient saisir.
86
81
TABLE ALPHABÉTIQUE DES POÈMES I27
Par ton seul bien ma jeunesse est heureuse
Par nng matin, tout par souhaict . .
iuns et douleurs
Plaindre l'ennuy de la peine estimée .
Plus je la vois, moins y trouve à redire
Plus ne suis ce que j'ay esté (C M.) .
Plus revenir ne puis ver toy madame,
avoir eu jouyssance d'amours .
Pour un plaisir qui si peu dure. . . ,
Puis que d'amour reçoys élection . .
Puis que de moy, n'avez ferme fiance
Puis que de toy vient et non d'aultre pi
Puis que de vous je n'ai aultre
Puis que fortune à sur moy entrepris.
Puisque malheur me tient rigueur. .
Puis qu'il est tei, qu'il garde bien s'amye
Puis qu'une mort ressuscite ma vie . .
58
47
102
79
90
29
83
77
20
22
40
«7
21
88
24
7*
90
Quand je congneu en ma pensée . .
Quant je vous ayme ardentement (C. M
ail surmonte le plaisir
• us à vouloir différer .
Que n'est elle auprès de moy. . . .
Qui pèche plus, luy qui est eventeur (C
Qui se pourroit plus désoler et plaindre
M
2D
32
I02
74
116
37
08
Ramonnez moy ma cheminée . .
liez vous, c'est trop dormy .
Reviens vers moy qui suis ta désolée
114
83
128 TABLE ALPHABÉTIQUE DES POEMES
Sans liberté qu'ung bon esprit regrette .
Satisffaict suis au long de mon mérite .
Secouez moi, je suis toute plumeuse . .
Si celle la qui oncques ne fut mienne (M. S
Si Dieu vouloit pour ung jour seulement (M
Si comme espoir je n'ay de guerison (M. S
Si contre amour je n'ay peu résister . .
Si j'ay aymé légèrement
Si j'ay du bien (helas !) c'est par mensonge (M
Si j'ay eu tousjours mon vouloir . . .
Si j'eusse esté aussi prompte à donner .
Si je vous aime par amour
Si le service est receu pour offense. . .
S'il est ainsi que coignée sans manche .
Si l'estincelle en ung petit moment . .
Si l'on doibt prendre ung bienfaict pour offe
Si mon amour ne vous vient a plaisir. .
Si mon travail vous peult donner plaisir
Si mon vouloir ne change de désir. . .
Si pour aymer et désirer
Si ta beaulté te garnist de prudence . .
Si tu voulois accorder la demande. . .
Si vostre amour ne gist qu'en apparence
Sur la rousée m'y fault aller ....
S.
84
2D
I I 3
66
43
60
28
3i
63
65
38
38
85
80
35
63
88
35
80
59
33
80
32
Ta bonne grâce et maintien gracieulx. ... 97
Tant est l'amour de vous en moy empraincte. 23
Tel en mesdit qui pour soy la désire .... 57
TABLE ALPHABÉTIQUE DES POÈMES I2<)
Ton feu s'estainct de ce que le mien ard . . 78
Trop plus qu'heureux sont les amans parfaitz 86
Trop tost j'ai creu, y prenant tel plaisir ... 33
u
Ung cueur vivant en langoureux désir
Ung doulx baiser je prins subtillemcnt
Ung doulz regard ung parler amoureux
Une belle jeune espousée (M. S.) .
Une dame, par ung matin. . . ,
Une fille bien gorricre
Ung gay berger prioit une bergère .
Ung jour au boys, soubz la ramée .
Ung jour Martin vint Alix empoigner (C
Ung jour passé bien escoutoye . . .
Ung jour que madame dormoit (M. S.)
Ung laboureur au premier chant du coq
Ung mesnagier, vieillard recreu d*[a]han
Ung moins amant aura (peult estre) miculx
Ung musequin d'un assez beau maintien
^cu\ désir ma volunté contente . .
89
38
46
101
118
56
47
54
117
53
55
53
21
7*
Va rossignol amoureux messager . . .
Venons au poinct, c'est trop eu de langage
Vcu le grief mal que longuement j'endure
tu ton mal et le mien secourir . .
Vivre ne puis content sans ma maistresse
Vivre ne puis content sans sa présence .
Volunté fut en ton amour esmeue . . .
1 1 1
83
8t
84
3i
77
83
I30 TABLE ALPHABÉTIQUE DES POÈMES
Voulant amour (soubz parler gracieulz) .
Vous m'aviez vostre cueur donné . . .
Vous perdez temps de me dire mal d'elle
Vous usurpez, dames, injustement . . .
Voyez le tort d'amour et de fortune . .
Vray dieu tant j'ay le cueur gay. . . .
42
73
26
114
TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos 7
Au LECTEUR l6
HuiCTAINS 19
Dixains 53
Neuvains 73
Quatrains 77
UNS 93
SlXAlN> IOI
l'IGRAMMATIQUES 107
Chansons 1 1 1
TABLK ALPHABÉTIQUE DES POÈMES 121
ADDENDA
Note i de la page 24 et ss. — Nous renvoyons 1<
lecteur à l'édition donné par Gay, la Récréation
de i5g5 n'étant pas paginée. D'ailleurs cette der-
nière n'est point, à proprement parler, une édition
originale.
Il y avait jadis à la Bibliothèque de l'Arsenal,
selon M. Pierre Louys, une Récréation publiée à
Paris, chez Pierre L'Huillier, en \b-j3 (in- 16 de 96
ff.). Cet exemplaire, vraisemblablement unique, a
disparu.
Ad. B.
La Rochelle, Imprimerie Nouvelle Noël Texier
1333 ^ fleUr de P°ésie fran£oyse
1909
PLEASE DO NOT REMOVE
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