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Full text of "L'Afrique explorée et civilisée"

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bo^ 


1^ 


^-^ 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE  ET  CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 


TROISIÈME  ANNÉE 


■(bcdl:i  i: 


GENÈVE 

.J.    SANDOZ,    ÉDITEUR 
PARIS 

SAMOOZ   ET  PISCHBACKEK  i  CHARI.E; 

33,  ta»  de  Saine,  i  ir,.  n 

BRUXELLES 
UUQUIBOT,  rne  de  le  lUgene*,  45, 

1881 


"?S1>      1"" 


GeDève.  —  Imprimerie  Charles  SchQchardt 


—  1  — 

BULLETIN  MENSUEL  {4  juillet  188iy . 

i 
La  troisième  année  de  notre  journal  s'ouvre  au  lendemain  de  la 

répression  des  Kroumirs  et  des  troubles  du  sud  de  la  province  d'Oran, 
et  nons  osons  espérer  que  T  Alg^érîe  va  pouvoir  reprendre  les  œuvres 
pacifiques  que  réclame  le  développement  de  la  colonisation. 

L'exploitation  des  mines  de  fer  prend  de  jour  en  jour  en  Algérie  une 
plus  grande  importance.  Depuis  longtemps  les  Anglais  ont  apprécié 
Texcellence  des  minerais  de  cette  province  pour  la  fabrication  de  l'acier  ; 
c'est  avec  les  minerais  de  Mokta  que  la  métallurgie  anglaise  fabrique 
ses  plus  beaux  ouvrages  d'aj^er.  Des  métallurgistes  américains  viennent 
de  conclure  un  marché  de  650,000  tonnes  des  minerais  de  Mokta  et  de 
Tafna,  pour  les  États-Unis,  livrables  en  trois  ans,  au  prix  de  18  fr.  la 
tonne,  dans  le  port  de  Bone. 

Les  progrès  que  le  protectorat  français  a  amenés  en  Algérie  se  feront 
sentir  aussi  dans  l'exploitation  des  richesses  de  la  Tunisie  ;  déjà  la 
compagnie  de  Mokta  fait  étudier  les  gisements  de  plomb  argentifère 
signalés  depuis  longtemps  près  de  Bordj  Djedid.  Le  directeur  de  l'exploi- 
tation de  Mokta  s'est  rendu  à  Tabarca  avec  une  nombreuse  équipe  d'ou- 
vriers et  de  terrassiers,  pour  opérer  des  fouilles  dans  ces  aiBeurements. 
£n  outre  on  a  commencé  à  ouvrir,  dans  les  montagnes  des  Kroumirs, 
des  routes  qui  en  faciliteront  l'accès.  Les  travaux  du  chemin  de  fer  de 
Tunis  à  Sousse  ont  été  repris,  et  l'on  étudie  un  projet  de  voie  ferrée  de 
Djedeida  à  Bizerte  par  Mateur.  Il  est  aussi  question  de  l'entrée  de  la 
Tunisie  dans  l'Union  monétaire,  ce  qui  serait  un  grand  bienfait  pour  les 
populations  de  la  régence. 

Nous  sommes  mieux  informés  aujourd'hui  que  nous  ne  l'avions  été 
par  les  journaux  du  mois  passé,  sur  la  mission  italienne  dans  la  Cyré- 
nalque  confiée  au  capitaine  Camperio.  Lui-même  vient  d'en  rendre 
compte  dans  V E&ploratore.  D  a  visité  le  poste  de  Bengasi,  créé  par  la 
Société  d'exploration  conunerciale  milanaise,  et,  suivant  les  Djebel-el- 
Akdar,  il  s'est  rendu  à  Derna,  oîi  il  a  posé  les  fondements  d'un  second 
comptoir  commercial,  à  la  tête  duquel  a  été  placé  un  délégué  de  la 
Société,  M.  Pietro  Mamoli.  Il  a  rectifié  diverses  erreurs  sur  les  cartes 

^  Noos  rappelons  à  nos  lecteurs  que,  dans  notre  BMetm  mensuel,  nous  suivons 
toi^ours  le  même  itinéraire,  partant  de  l'Algérie  dans  la  direction  de  PËst  pour 
foire  le  tour  du  continent. 

L'AFRiqUB.    —    TBOISIÈMI  ANMÉK.    —    »*    1.  1 


—  2  — 

de  ce  pays,  et  envoyé  une  expédition  scientifique  sous  la  direction  du 
commandant  Haimann  et  de  M.  Vittorio  Pastore  ;  ceux-ci  ont  visité  TAln 
Mara,  lac  situé  à  Touest  de  Derna,  mais  ont  dû  revenir  à  Bengasi  après 
avoir  eu  beaucoup  à  souffrir  de  fatigues,  de  privations  et  de  tentatives 
d'attaques  de  la  part  de  brigands  arabes.  Si  M.  Camperio  n'a  pas 
atteint  Tobrouk  et  le  golfe  de  Bomba,  c'est  que  ces  parages  n'offraient 
aucune  sécurité. 

De  Ndorouma,  où  le  D' bunker  avait  établi  sa  première  statiçn  chez 
les  Niams-Niams,  il  a  fait  une  reconnaissance  au  delà  de  l'Ouellé  et 
dépassé  le  point  le  plus  avancé  de  Schweinfurth.  Une  expédition  gou- 
vernementale égyptienne  chargée  de  recueillir  de  l'ivoire,  se  dirigeant 
vers  le  sud,  Junker  s'adjoignit  à  elle.  La  tribu  des  Mangballas  dont  elle 
traversait  le  territoire  voulut  l'entraîner  à  faire  la  guerre  aux  Abarm- 
bos,  habitant  au  delà  de  l'Ouellé.  Quoique  Junker  eût  déclaré  qu'à 
aucun  prix  il  ne  ferait  cause  commime  avec  les  Mangballas,  les  Abarm- 
bos  n'en  crurent  pas  moins  qu'il  était  l'allié  de  ces  derniers  et  ren- 
voyèrent ses  messagers  et  ses  présents.  Alors  il  entra  en  négociations 
avec  Mambanga,  puissant  prince  des  Mangbattous,  établis  à  l'est  des 
Abarmbos  avec  lesquels  ils  vivent  en  paix.  Tout  en  refusant  l'entrée  de 
son  territoire  à  l'expédition  de  l'ivoire,  ce  prince  avait  envoyé  des  pré- 
sents à  Junker  en  l'invitant  à  venir  le  voir.  Celui-ci  se  sépara  de  la 
troupe  égyptienne,  et,  la  main  dans  la  main  du  prince  Mambanga,  il  tra- 
versa le  fleuve,  puis  envoya  un  message  aux  Abarmbos  ;  après  quelques 
pourparlers,  il  réussit  à  rétablir  la  paix  et  à  obtenir,  soit  des  Abarmbos, 
soit  des  Mambangas,  l'ivoire  qu'ils  avaient  à  livrer  à  l'expédition  égyp- 
tienne, à  laquelle  il  le  lit  porter  sur  la  rive  septentrionale  de  l'Ouellé 
qu'elle  ne  devait  pas  franchir.  Après  cela  il  résolut  de  pousser  plus 
avant  et  envoya  un  de  ses  hommes,  Faradj  Allah,  avec  ses  bagages,  par 
rOuellé  au  confluent  de  la  Gradda  et  du  Kibali,  pendant  que  lui-même 
gagnait  ce  point  par  terre.  De  là  il  s'avança  encore  jusqu'à  une  sta- 
tion plus  au  sud,  et  à  cette  occasion  passa  à  l'ancienne  résidence  de 
Mounza,  roi  des  Mombouttous,  dans  le  voisinage  de  laquelle  se  trouve  le 
tombeau  de  Miani.  Les  employés  du  gouvernement  lui  suscitant  des  dif- 
ficultés, il  comprit  qu'il  ne  pourrait  poursuivre  sa  route  ;  aussi  résolut- 
il  d'éviter  dorénavant  les  districts  oii  sont  des  fonctionnaires  arabes,  et 
de  s'établir  pour  la  saison  des  pluies  plus  à  l'ouest,  à  Bakongoi,  au  sud 
de  l'Ouellé  ;  il  y  a  trouvé  le  meilleur  accueil. 

Kmln  Bey»  gouverneur  de  l'Egypte  équatoriale,  a  fait  un  voyage 
dans  ses  provinces  pour  inspecter  les  stations  et  en  fonder  de  nou- 


—  3  — 

velles.  Il  a  relevé  son  itinéraire  de  Fatiko  à  Wadelaï  sur  le  Nil  ;  à  deux 
lieues  en  aval  de  cette  dernière  localité,  il  a  vu  à  l'ouest  de  hautes 
montagnes,  qu'on  lui  a  dit  être  dans  le  pays  de  a  Boï.  »  D  y  a  là  une 
confirmation  de  la  situation  des  montagnes  de  Mboï  de  la  carte  de  Jun* 
ker  qui  les  a  découverte^.  A  la  fin  de  1880  ses  gens  ont  fondé,  à  partir 
de  Rimo^  chez  les  Makarakas,  de  nouvelles  stations  un  peu  à  Test  de  la 
route  de  Junker.  En  janvier  de  cette  année  il  a  envoyé  une  expédition 
pour  ouvrir  le  territoire  h  l'ouest  du  lac  Albert,  et  ses  gens  y  ont  aussi 
créé  des  stations  entre  le  pays  des  Mombouttous  et  Kallika.  Il  les 
visitera,  après  un  voyage  chez  Mbio,  prince  niam-niam. 

Le  territoire  d'Obock  vient  d'être  exploré  par  M.  Denis  de  Rîvoyre, 
déjà  connu  par  son  voyage  en  Abyssinie.  D  en  a  trouvé  la  situation 
bonne  pour  servir  de  lieu  de  relâche  aux  vaisseaux  français  ;  l'eau  et  le 
bois  s'y  rencontrent  partout  ;  les  populations  aux  alentours  sont  sympa- 
thiques et  nombreuses.  Il  s'est  mis  en  rapport  avec  les  chefs  indigènes,' 
desquels  dépendent  les  communications  du  littoral  avec  l'intérieur,  et, 
par  des  arrangements  précis  et  formels,  il  est  parvenu  à  s'assurer  le  con- 
cours de  chacun  d'eux.  Des  représentants  d'une  compagnie  française  se 
rendront  prochainement  à  Obock,  et  porteront  une  lettre  et  de  riches 
présents  du  Président  de  la  république  au  sidtan  de  Haussa  qui,  en  1862, 
a  vendu  ce  territoire  à  la  France. 

On  annonce  aussi  le  départ  pour  Obock,  à  la  tête  d'une  expédition 
commerciale  de  quatorze  personnes,  de  M.  Pierre  Amoux,  qui  a  long- 
temps liabité  le  Choa.  U  est  vraisemblable  que  ces  deux  nouvelles  se 
rapportent  au  même  fait.  D'Obock  il  ne  sera  pas  difficile  de  créer  des 
communications  régulières  avec  le  Choa,  dont  le  prince  veut  entrer  en 
relations  permanentes  avec  la  France. 

M.  4l«  Thomson  a  quitté  Londres  le  6  mai  pour  se  rendre  à  Zan- 
zibar, d'ob  il  ira  faire  l'exploration  géologique  de  la  Bovouma  pour  le 
sidtan  de  Zanzibar.  Pendant  son  séjour  en  Angleterre  il  a  publié  les 
résultats  de  son  premier  voyage,  sur  lesquels  nous  aurons  sans  doute 
Toccasion  de  revenir;  aujourd'hui  nous  n'en  relèverons  qu'un  fait,  assez 
important  au  point  de  vue  économique,  mais  si  extraordinaire  que 
nous  ne  le  citons  qu'en  faisant  nos  réserves.  D'après  les  observations  du 
D'  Robb,  médecin  du  consulat  anglais  à  Zanzibar,  le  climat  de  cet'te 
lie  aurait  subi  depuis  quelques  années  un  changement  très  favorable. 
La  quantité  de  pluie  aurait  diminué  de  plus  de  moitié,  depuis  la  visite 
de  Biirton  en  1857;  on  l'estimait  alors  à  3»,50  tandis  qu'aujourd'hui 
eUe  n'est  plus  que  de  1"',27  par  an.  Cette  diminution  des  pluies  serait 


—  4  — 

due  à  réclaircissement  des  bois  épais,  à  la  disparition  des  manguiers  et 
aux  progrès  de  la  culture  du  sol,  qui  a  remplacé  manguiers  et  forêts 
par  le  giroflier  et  le  palmier  à  coco.  Les  réformes  introduites  dans  le 
genre  de  vie,  par  les  soins  éclairés  du  sultan  et  du  D"*  Kirk,  ont  aussi 
contribué  à  améliorer  les  conditions  sanitaires  Hé  cette  île. 

Les  missionnaires  romains  de  rOupoundi  ont  envoyé  quelques-uns 
des  leurs  à  Touest  du  Tanganyika,  dans  le  Massanzé  dont  les  habitants 
les  avaient  sollicités  à  deux  reprises  de  venir  s'établir  au  milieu  d'eux. 
Au  débarquement  des  missionnaires  au  pied  du  village  de  Mouloneoua, 
un  des  deux  principaux  lieutenants  du  sultan  vint  leur  offrir  l'hospitalité 
dans  sa  maison,  et  craignant  que  les  vagues  ne  brisassent  leur  bateau, 
avec  plus  de  cent  hommes  du  village  il  le  hissa  sur  la  plage  et  le  mit  en 
lieu  sûr.  Hommes,  femmes  et  enfants,  se  chargèrent  de  leurs  bagages 
et  les  portèrent  à  la  maison  disposée  pour  euk.  Le  sultan  réunit  son  Con- 
seil au  lieu  de  l'assemblée;  l'oflScier  qui  avait  reçu  les  missionnaires 
célébra,  dans  un  chant  improvisé  pour  la  circonstance,  les  vertus  paci- 
fiques des  blancs  en  opposition  aux  habitudes  féroces  de  leurs  voisins, 
et  toute  la  foule  témoigna  son  contentement  et  sa  reconnaissance  par 
des  battements  de  mains.  Ensuite,  à  la  tête  de  tous  les  gens  du  village, 
le  sultan  accompagna  les  missionnaires,  qui  devaient  choisir  un  terrain 
pour  y  établir  une  station,  et  ce  choix  fait,  le  sultan  et  ses  deux  lieute- 
nants se  mirent  à  en  arracher  le  manioc  en  s' écriant  :  c'est  le  terrain 
des  Ouassoungous  (blancs),  que  personne  n'y  fasse  plus  de  plantations  ! 

M.  F.-€.  Selous  déjà  connu  par  de  précédents  voyages  au  Kafoué 
et  au  Chobé,  affluents  du  Zambèze,  est  revenu  en  Angleterre  après  avoir 
en  dernier  lieu  exploré,  avec  M.  J.-S.  Jameson,  l'Oumnyati  et  l'Oum- 
pouli,  tributaires  du  même  fleuve  au  N.-E.  du  pays  des  Mashonas,  dépen- 
dant des  Matébélés.  Partis  des  bords  de  l'Oumfouli,  non  loin  de  Consti- 
tution's  Hill,  les  voyageurs  suivirent  la  rivière  jusqu'au  kraal  de  Lo 
Magondi,  vassal  de  Lo  Bengula,  qui  connaissait  M.  Selous  pour  lui 
avoir  précédemment  apporté  de  l'ivoire,  et  les  reçut  très  amicalement. 
Ils  apprirent  de  lui  que,  contrairement  aux  indications  de  toutes  les 
cartes  de  l'Afrique  australe  publiées  jusqu'ici,  l'Oumpouli  ne  se  verse 
pas  directement  dans  le  Zambèze,  mais  qu'il  se  jette  dans  l'Oumnyati, 
ce  qui  décida  M.  Selous  et  son  compagnon  à  le  suivre  jusqu'au  confluent 
des  deux  rivières,  pour  s'assurer  de  l'exactitude  de  ce  renseignements 
En  route  ils  rencontrèrent  une  cataracte  à  laquelle  ils  donnèrent  le  nom 
de  Beaconsfield  et  qui,  lorsque  la  rivière  est  gonflée  par  les  pluies,  doit 
oflrir  un  spectacle  grandiose,  la  largeur  totale  des  trois  bras  qui  la  for- 


—  5  — 

meDt  étant  d'au  moins  300".  De  là  un  guide  Banyaï  les  conduisit  jusqu'à 
la  jonction  de  TOumpouli  et  de  rOumnyati. 

Le  rapport  du  major  Musgrave,  résident  anglais  à  liValIfish  Bay, 
fait  ressortir  l'erreur  commise  en  annexant  ce  territoire,  les  diflB- 
cultés  qui  peuvent  en,  résulter  pour  l'Angleterre  et  la  nécessité  d'y 
remédier  promptement.  Les  instructions  télégraphiques  du  gouverne- 
ment, le  23  février  1878,  portaient  de  ne  pas  dépasser  16  à  20  kilo- 
mètres à  l'intérieur,  mais  le  commandant  Dyer  avait  proclamé  terri- 
toire britannique  le  district  de  Rooibank,  à  33  kilomètres  de  Wallfish 
Bay,  dont  les  habitants  sont  menacés  par  les  Héréros.  La  guerre  peut 
se  terminer  sans  que  le  territoire  britannique  soit  envahi,  mais  le 
contraire  peut  arriver  aussi.  En  attendant,  l'insécurité  dqpaine  à 
Wallfish  Bay. 

Stanley  a  fixé  l'emplacement  de  sa  seconde  station  à  Isangila,  à 
50  kilom.  environ  de  Vivi.  Pour  atteindre  ce  point  il  a  dû  traverser  un 
pays  très  accidenté,  oîi  la  population  est  disséminée  et  qui  n'offre  pas  de 
ressources.  Les  difficultés  ont  été  augmentées  par  la  masse  de  bagages 
h  transporter,  provisions,  bateaux,  etc.,  le  tout  pesant  42  tonnes,  poids 
énorme  vu  la  nature  du  pays  et  des  moyens  de  transport.  Il  lui  a 
fallu  jeter  des  ponts  sur  des  rivières,  combler  des  ravins,  s'ouvrir,  la 
hache  à  la  main,  une  route  à  travers  d'épaisses  forêts,  faire  sauter  des 
rochers,  ou  bien  faire  traîner  les  wagons  à  bras  d'hommes  le  long  des 
flancs  de  montagnes  abruptes.  Encore  s'il  eût  pu  avancer  avec  tous  les 
bagages  à  la  fois  !  mais  la  chose  n'était  pas  possible.  Il  devait  frayer  la 
voie  avec  un  groupe  de  pionniers,  et,  après  s'être  un  peu  avancé,  faire 
une  halte,  dresser  un  camp,  puis  revenir  en  arrière  prendre  par  frag- 
ments le  reste  du  convoi,  jusqu'à  ce  que  tout  ce  matériel  fût  réuni.  D  a 
reçu  de  Ténériffe  20  mules,  dont  il  espère  de  bons  semces.  11  a  à  sa  dis- 
position une  flotille  composée  d'un  petit  vapeur,  La  Belgique,  de  trois 
chaloupes  à  vapeur,  V Espérance^  VEn  Avant,  et  le  Royal,  et  de  deux 
bateaux  en  acier.  La  Belgique  et  V Espérance  servent  aux  communica- 
tions entre  Vivi  et  Banana,  tandis  que  le  reste  de  la  flotte  est  destiné 
à  la  navigation  sur  le  Haut  Congo. 

Le  roi  d'Adansi  qui,  dans  la  guerre  de  1873-1874,  s'était  allié  avec  les 
A^ehantis»  est  venu  avec  plusieurs  rois  voisins  à  Elmina  pour  réclamer 
l'amitié  du  gouverneur  anglais.  Le  prince  Buaki,  beau  père  du  roi  actuel 
des  Âchantis,  y  est  aussi  arrivé,  avec  une  suite  de  453  personnes,  chargé 
d'un  message  de  paix  pour  sir  Samuel  Rowe.  Tous  ont  été  reçus  avec  de 
grandes  démonstrations  de  joie.  Le  gouverneur  a  donné  audience  à  cha- 


/ 


—  6  — 

cun  des  rois  à  son  tour.  Puis  le  prince  Buaki  a  remis  son  message  de  la 
part  du  roi,  qui  a  blâmé  ses  précédents  envoyés  pour  avoir  parlé  de 
guerre  ;  il  y  a  eu  malentendu  :  le  roi  désire  la  paix  avec  les  Anglais  ; 
comme  preuve  que  ses  dispositions  pacifiques  sont  sérieuses,  il  a  chargé 
le  prince  Buaki  de  remettre  au  gouverneur  2000  onces  d'or,  et  de  le 
prier  d'agir  comme  médiateur  entre  lui  et  la  reine  d'Angleterre.  Le 
gouverneur  a  répondu  qu'il  serait  heureux  de  transmettre  ce  message, 
en  priant  la  reine  de  l'accueillir  favorablement.  Le  prince  Buaki  a 
ensuite  visité  le  télégraphe  ;  on  l'a  engagé  à  essayer  le  téléphone,  et  il 
a  été  très  surpris  et  réjoui  de  voir  qu'il  pouvait  s'entretenir  avec  une 
personne  de  sa  suite  placée  entièrement  hors  de  vue. 

Jusqu'ici  il  n'y  avait  pas  de  banque  dans  les  colonies  anglaises  de 
l'Afrique  occidentale  ;  l'on  s'en  étonnait,  et  beaucoup  de  négociants 
étaient  empêchés  de  nouer  des  rapports  avec  ces  colonies,  par  la  diffi-^ 
culte  d*obtenir  des  informations  sûres  relativement  à  l'état  du  commerce 
de  leurs  diverses  places.  Il  vient  de  se  fonder  un  établissement,  la. 
Bank  of  li¥est  AfHca,  au  capital  de  500,000  Livres  ster.,  ayant, 
son  siège  à  Londres  et  des  succursales  k  Sierra  Leone,  à  Lagos,  et 
plus  tard  à  Cape  Coast,  à  la  Gambie  et  partout  où  les  exigences  du  com- 
merce le  rendront  nécessaire. 

M.  Gallieni  ainsi  que  M.  Derrien»  chef  de  la  mission  topographi- 
que  chargée  d'étudier  la  route  du  Sénégal  au  Niger,  sont  arrivés  à  Bor- 
deaux avec  les  membres  des  deux  expéditions.  Celle  de  M.  Gallieni  avait 
pour  but  l'exploration  du  pays  compris  entre  Bafoulabéet  le  Haut-Niger, 
et  la  conclusion  de  traités  avec  les  chefs  indigènes  de  ces  contrées,  sur^ 
tout  avec  Ahmadou,  le  prince  le  plus  puissant  des  rives  du  Niger.  Les 
chefs  Mandingues  du  pays  qui  avoisine  Bafoulabé,  les  Toucouleurs  de 
Fangalla,  les  Peuls  de  Gouniokoro  et  les  chefs  du  Kita,  ont  adhéré  avec 
empressement  aux  traités  de  protectorat  proposés  et  à  la  construction  de 
blockhaus  sur  leur  territoire,  afin  d'être  ainsi  mis  à  l'abri  des  attaques 
de  leurs  ennemis.  Nous  avons  déjà  dit  l'importance  du  poste  de  Kita, 
occupé  pair  la  colonne  expéditionnaire  du  colonel  Borguis  Desbordes 
accompagnant  la  mission  topographique  de  M.  le  commandant  Derrien. 
Relevons  seulement  dans  le  récit  de  celui-ci  les  principales  opérations 
au  point  de  vue  topographique.  Aux  environs  de  Médine,  jusqu'à  l'an- 
née dernière  le  poste  le  plus  avancé  des  possessions  françaises  au  Séné- 
gal, il  débuta  par  la  mesure  d'une  base  de  triangulation  sur  le  plateau 
de  Felou.  Puis  il  fit  le  relevé  du  terrain  jusqu'à  Kita,  oîi  il  mesura 
une  nouvelle  base  et  compléta  les  levés  de  ce  plateau.  Le  colonel  Borguis. 


—  1  — 

Desbordes  ayant  reçu  des  instructions  qui  rengageaient  à  arrêter  là 
cette  première  campagne,  et  à  se  borner  à  établir  une  forte  base  d'opé- 
rations qui  permît  de  s'avancer  ensuite  avec  sûreté  vers  le  Niger,  dont 
on  n'est  plus  qu'à  200  kilom.,  Derrien  revint  à  Bafoulabé  en  suivant 
une  route  nouvelle  par  le  pays  de  Gangora,  au  sud  du  Bakhoy,  région 
inexplorée,  par  laquelle  le  chemin  de  fer  sera  beaucoup  plus  facile  à 
construire  que  par  Fangalla  et  la  rive  droite  du  fleuve.  La  plaine  est 
continue  ;  l'eau  abonde  ;  les  populations  sont  paisibles  ;  les  produits  ali- 
mentaires ne  feront  pas  défaut;  aussi  peut-on  espérer  que  cette  région, 
désolée  naguère  par  les  incursions  des  musulmans,  retrouvera  la  sécu- 
rité et  deviendra  prospère  sous  le  protectorat  français. 


NOUVELLES  GOMPLËBIENTAIRES 

Trois  missions  scientifiques  françaises  explorent  actuellement  la  Tunisie  ;  l'une, 
confiée  à  M.  Roux,  a  pour  but  d'étudier  les  ressources  et  les  richesses  de  la  vallée 
de  la  Medjerda;  une  autre  dirigée  par  MM.  Gagnât  et  Gosselin  est  essentiellement 
archéologique  ;  la  troisième,  confiée  au  colonel  Perrier,  dressera  la  carte  du  pays 
eotre  la  Medjerda  et  la  mer. 

Le  D'  Freund,  archéologue  allemand,  a  exploré  la  Cyrénalque  de  Dema  à  Ben- 
gasi,  où  il  organise  actuellement  une  caravane  pour  se  rendre  à  Tripoli  par  terre. 
Une  mission  de  72  personnes  est  arrivée  au  Caire  avec  des  lettres  et  des  cadeaux 
du  roi  d'Abyssinie  pour  le  khédive. 
Piaggia  est  arrivé  à  Khartoum,  d'où  il  se  mettra  en  route  pour  le  Caire. 
Le  comte  Pennazzi  et  le  capitaine  Qessone  sont  arrivés  à  Naples  après  avoir 
accompli  au  voyage  d'exploration  de  Massaoua  à  Kassala,  séjourné  à  Ghedareff  et 
à  Galabat,  et  étudié  le  cours  des  rivières  Dender  et  Rahab,  affluents  du  Nil  bleu, 
dont  ils  ont  fait  le  relevé.  Ils  disent  vouloir  entreprendre,  au  mois  d'octobre  pro- 
chain, une  nouvelle  exploration,  dans  un  pays  inconnu  mais  très  riche,  qu'ils 
mettraient  en  communication  avec  Assab. 

M.  YoBsion  parcourt  le  Soudan  égyptien,  le  Kordofan  et  le  Darfour,  pour  y 
recueillir  des  données'  sur  l'anthropologie  et  l'ethnographie. 

MM.  Demietn  et  Michieli,  agents  de  la  Société  italienne  de  commerce  en  Afrique» 
sont  partis  de  Khartoum  pour  la  côte  de  la  mer  Rouge,  à  la  tête  d'une  caravane  de 
700  chameaux  chargés  de  marchandises  diverses. 

M.  le  D'  C.  Keller,  de  Zurich,  se  propose  de  faire  l'hiver  prochain  un  voyage 
d'exploration  dans  la  mer  Rouge. 

L'expédition  italienne  dirigée  par  le  voyageur  italien  Giulietti,  chargé  de  relever 
le  cours  du  Gualima,  a  été  massacrée  à  20  kil.  d'Assab. 

M.  Lantz  a  été  envoyé  par  le  gouvernement  français  en  mission  à  Madagascar, 
pour  étudier  l'histoire  naturelle  des  parties  inconnues  de  l'île,  et  M.  Pélagaud 


-  8  — 

aux  îles  Maarice  et  de  la  Réunion,  qu'il  doit  explorer  au  point  de  vue  de  la  géolo- 
gie et  de  l'ethnographie. 

L'association  commerciale  de  Lisbonne  a  provoqué  une  souscription  patriotique, 
dont  le  produit  sera  offert  au  gouvernement,  pour  concourir  avec  lui  à  la  fondation 
de  stations  civilisatrices  dans  les  colonies  portugaises  africaines. 

Une  commission  composée  de  quatre  ingénieurs  civils,  d'un  chimiste  et  d'un  mé- 
decin, et  placée  sous  la  direction  de  M.  d'Andrada,  attacha  militaire  du  Portugal  à 
Paris,  s'est  rendue  au  Zambèze  pour  y  étudier  les  ressources  minéralogiques,  com- 
merciales et  autres,  de  la  concession  de  la  Compagnie  générale  du  Zambèze . 

Le  major  Malan,  fondateur  de  la  «  Native  African  missions  aid  association,  >  et 
qui  publiait  un  journal  trimestriel  «  l'Afrique,  »  est  mort  le  17  mai. 

Le  Parlement  colonial  du  Cap  a  décidé  d'autoriser  dans  les  délibérations  l'usage 
facultatif  de  la  langue  hollandaise. 

Le  Comercio  do  Portugal  annonce  que  des  négociations  seront  prochainement 
ouvertes  pour  déterminer  les  bases  d'un  traité  avec  la  Grande-Bretagne  (?),  garan- 
tissant au  Portugal  la  possession  du  territoire  entre  l'Ambriz  et  le  Congo. 

Il  est  question  de  l'établissement  d'un  petit  chemin  de  fer,  système  Decauville, 
entre  l'Ogôoué  et  l'Alima. 

M.  Matheis  est  envoyé  par  le  gouvernement  français  en  mission,  pour  explorer  la 
région  qui  s'étend  entre  le  coude  du  Niger  et  le  lac  Tchad. 

D'après  une  dépêche  du  gouverneur  du  Sénégal,  un  traité  de  paix  avantageux  et 
honorable  pour  la  France  a  été  conclu  avec  Abdoul-Boubakar,  qui  avait  attaqué 
la  brigade  topographique  chargée  d'établir  une  ligne  télégraphique  dans  le  Foutah. 


LE  PALMIER-DATTIER  ' 

Dans  les  plantations  de  palmiers,  la  proportion  des  plantes  mâles 
aux  plantes  femelles  est  de  1  à  50,  car  il  suffit  d'un  petit  nombre  de 
plantes  mâles  pour  féconder  toute  une  forêt.  La  fécondation  peut  se  faire 
d'une  manière  naturelle,  parle  vent,  les  oiseaux,  etc.,  mais  alors  elle  est 
imparfaite.  Le  plus  ordinairement  elle  est  artificielle;  lorsque  les  fleurs 
sont  épanouies  et  que  les  étamines  sont  couvertes  de  pollen,  les  cultiva- 
teurs enlèvent  les  rameaux  des  fleurs  mâles  et  les  secouent  sur  les  fleurs 
femelles,  ou  les  attachent  simplement  dans  le  voisinage  des  régimes  qui 
doivent  se  charger  de  fruits. 

Les  palmiers  peuvent  en  porter  dès  la  cinquième  année,  mais  ce 
n'est  guère  que  vers  12  ou  15  ans  qu'ils  en  donnent  une  quantité  rému- 

^  Voir  la  livraison  de  juin  1881. 


—  9  — 

nératrice  ;  à  30  ans  ils  sont  «n  pleine  valeur,  et  ne  commencent  à  pro- 
duire moins  qu'à  80  ou  90  ans;  ils  peuvent  même  vivre  jusqu'à  200  ans. 
Les  fruits  ne  mûrissent  pas  tous  en  même  temps,  mais  successivement, 
en  sorte  qu'on  peut  avoir  des  (lattes  mûres  pendant  plusieurs  mois.  Dans 
Toasis  de  Sivah,  Rohlfs  en  a  mangé  d'excellentes  dès  le  23  février,  à  l'épo- 
que qui,  d'ordinaire,  est  celle  de  la  floraison  ;  il  semble  pourtant  que  ce  ne 
soit  que  là  qu'on  trouve  des  palmiers  portant  en  même  temps  des  fleurs 
et  des  fruits  mûrs.  La  récolte  proprement  dite  n'a  lieu  qu'en  septembre 
et  en  octobre.  Dans  le  Tidikelt,  les  premières  dattes  mûrissent  en  mai  et 
ne  manquent  plus  jusqu'en  automne.  Aux  limites  équatoriales  de  la  zone 
des  palmiers  il  y  a  double  récolte,  avant  et  après  les  pluies  des  tropi- 
ques ;  à  Eanem,  à  Sokoto,  à  Socotora,  en  mars  et  à  la  fin  de  décembre. 
Le  rendement  d'un  palmier  dépend  de  son  âge,  de  la  quantité  d'eau 
d'irrigation  et  aussi  de  la  zone  où  il  croît.  Les  fruits  sont  plus  abondants 
et  meilleurs  dans  les  oasis  de  l'intérieur  que  dans  celles  de  la  lisière  du 
Sahara;  cependant,  ici  encore,  moyennant  des  soins,  la  production  peut 
être  très  forte  ;  dans  certaines  dépressions,  les  régimes  de  dattes  pen- 
dant d'arbres  protégés  contre  les  vents  et  exposés  à  une  chaleur  ren- 
forcée par  la  réflexion  des  rayons  solaires  sur  les  parois  de  sable,  four- 
nissent des  dattes  excellentes,  charnues,  onctueuses,  sucrées.  A  Biskra, 
chaque  palmier  donne  en  moyenne  un  demi-hectolitre  de  dattes  par 
année,  soit  30  kilog.  environ  ;  mais  dans  les  oasis  du  Souf,  d'Ouargla  et 
du  Mzab,  la  moyenne  atteint  aisément  70  kilog.  ;  dans  l'Oued  Rir,  région 
intermédiaire,  la  moyenne  est  d'environ  55  kilog. 

Pour  la  récolte,  on  cueille  avec  soin  les  meilleurs  fruits  ;  on  les  met 
dans  des  corbeilles,  et  pour  les  ordinaires  on  secoue  les  régimes  ou  on  les 
coupe,  mais  ceci  ne  peut  se  faire  qu'au  moment  de  la  récolte  générale.  Le 
plus  souvent  elle  a  lieu  avant  la  pleine  maturité;  les  dattes  sont  ensuite 
étendues  au  soleil,  qui  achève  de  les  mûrir  et  les  sèche,  ce  qui  permet  de 
les  conserver.  En  beaucoup  d'endroits  on  préfère  les  manger  non  mûres. 
Les  variétés  produites  par  la  culture  sont  très  nombreuses,  de  15  à  20 
dans  le  Bileduldjerid  tunisien,  une  trentaine  chez  les  Mzabites,  70  dans 
les  oasis  de  Lybie  et  75  dans  celles  des  Zibans.  On  en  fait  différentes 
catégories  d'après  la  consistance,  la  forme,  le  goût,  l'épaisseur,  la  cou- 
leur, l'époque  delà  maturité,  etc.  D'après  la  consistance  on  les  distingue 
en  dures  et  en  molles  ;  les  premières  sont  les  plus  estimées,  parce  que, 
séchées,  on  peut  les  conserver  plus  longtemps  et  les  exporter.  Quant  aux 
molles,  on  ne  peut  les  conserver  que  dans  des  vases  ou  dans  des  outres 
où  on  les  serre  pour  les  préserver  le  plus  possible  du  contact  de  l'air  en 


—  10  — 

vue  d'empêcber  la  fermentation.  Il  y  en  a  de  si  délicates  (celles  de  l'Oued 
Draa)  que  la  moindre  humidité  les  fait  fondre  comme  du  sucre. 

Les  plus  estimées  pour  Texportation  sont  celles  dites  dégla  ou  mus- 
cades ;  elles  sont  mielleuses  et  sucrées,  surtout  celles  qui  se  récoltent  en 
janvier  et  en  février.  Après  la  dégla  vient  la  hora,  moins  fine,  moins 
recherchée,  et  dont  la  récolte  se  fait  en  octobre  et  en  novembre  ;  puis  la 
hamma  ou  ktichi,  datte  sèche,  de  qualité  conunuBe,  mais  que  TArabe 
préfère  comme  nourriture  ordinaire,  car  il  la  trouve  plus  digestive  que 
les  dattes  pourvues  d'une  plus  grande  quantité  de  sucre,  aussi  peut-on 
rappeler  le  pain  quotidien  de  la  tente.  Il  en  existe  d'autres  variétés  que. 
les  nomades  utilisent,  en  les  mélangeant  avec  d'autres  de  meilleure  qua- 
lité ou  en  les  réduisant  en  gâteaux  portatifs,  peu  appétissants,  c'est  vrai, 
mais  qui  suffisent  à  leur  frugalité.  Ces  gâteaux  (agatœh)  délayés  dans 
l'eau,  peuvent  fournir  une  boisson  nourrissante  et  rafraîchissante.  Dans 
certaines  régions  c'est  la  provision  des  caravanes.  Avec  des  dattes 
sèches  on  fait  aussi  une  espèce  de  farine  et  de  pâte.  En  pressant  les 
dattes  on  peut  en  extraire  un  sirop  très  apprécié,  que  Ton  prend  avec 
du  pain.  Celles  qui  sont  moins  bonnes  ou  ont  été  abattues  par  le  vent 
servent  à  faire  une  espèce  d'eau-de-vie,  peu  goûtée  des  Européens.  On 
peut  encore  faire  une  sorte  de  vin  en  répandant  le  soir  de  l'eau  sur  de& 
dattes  ;  le  lendemain  la  boisson  est  faite. 

Mais  le  vin  de  palmier  (lakmi)  est  de  beaucoup  préférable.  Il  est 
fourni  par  la  sève  de  l'arbre.  Si  celui-ci  est  un  palmier  très  vieux,  sur  le 
point  d'être  sacrifié,  on  coupe  le  bouquet  terminal  en  ménageant  les 
palmes  iinplantées  au-dessous  ;  si  l'arbre  doit  être  conservé,  on  enlève 
les  feuilles  du  pourtour  de  la  couronne,  sans  léser  celles  du  cœur,  et  Ton 
entretient  chaque  jour  la  plaie  ouverte  pour  que  la  sève  coule  plus  long- 
temps ;  de  cette  manière  on  peut,  pendant  3  ou  4  mois,  obtenir  chaque 
jour  de  8  à  10  litres  de  vin.  On  laisse  ensuite  la  plaie  se  cicatriser;  déjà 
Tannée  suivante  le  palmier  porte  de  nouveaux  fruits.  Au  bout  de  deux 
ans  on  peut  recommencer  l'opération  ;  il  y  a  des  arbres  qui  la  supportent 
trois  fois.  Ou  bien  on  fait  une  incision  au-dessous  du  bouquet  terminal, 
et  la  sève  est  amenée  à  l'aide  d'un  roseau  dans  un  pot  en  terre  (kasserijy 
suspendu  à  proximité.  L'époque  de  la  floraison  étant  celle  oii  la 
sève  circule  le  plus  abondamment,  est  le  meilleur  moment  pour  se  pro- 
curer le  vin  de  palmier.  Les  musulmans  sont  autorisés  à  en  boire; 
Mahomet  lui-même  l'estimait  beaucoup.  Dès  le  second  jour  ce  liquide 
fermente,  devient  aigre-doux,  très  alcoolique  ;  mais  comme  il  est  diffi- 
cile de  constater  à  quel  moment  il  passe  à  l'état  de  vin,  le  croyant  peut 
se  livrer  sans  danger  à  son  goût  pour  cette  boisson  enivrante. 


—  11  - 

Les  Arabes  mangent  encore  le  chou,  le  cœur  du  palmier,  les  feuilles 
les  plus  délicates;  mais  pour  cela  il  faut  sacrifier  Tarbre,  car  un  palmier 
dont  les  feuilles  centrales  ont  été  arrachées  dépérit  infailliblement,  aussi 
ne  mange-t-on  le  chou  que  des  arbres  tombés  ou  trop  âgés. 

On  se  sert  aussi,  comme  fourrage,  des  noyaux  de  dattes  amollis  dans 
l'eau  ou  moulus.  En  voyage,  quand  les  chameaux  n  ont  trouvé  dans  la 
journée  aucune  pitance,  ils  acceptent  celle-là  à  la  condition  que  le  cha- 
melier la  leur  ingurgite  avec  la  main  jusque  dans  le  gosier. 

Les  dattes  sont  encore  employées  comme  monnaie;  l'ouvrier  est  payé 

avec  des  dattes  ;  ou  bien  elles  forment  un  objet  de  cotnmerce  important 

dans  le  territoire  du  désert  et  sur  ses  bords.  Sans  doute,  les  plantations 

de  palmiers  réclamant  un  sol  particulier  et  une  irrigation  spéciale, 

rendent  possible  la  culture  d'autres  plantes  k  leur  ombre  :  céréales  ou 

arbres  fruitiers.  Dans  les  oasis  de  la  région  méditerranéenne,  on  cultive 

du  mais,  de  l'orge,  des  fèves,  des  pois,  des  oignons,  des  choux,  des  raves, 

des  tomates,  des  aubergines,  desnnelons,  des  concombres;  on  plante 

aussi  des  abricotiers,  'des  pêchers,  des  figuiers,  des  amandiers,  des 

mûriers,  des  grenadiers,  des  oliviers,  des  pommiers,  des  pruniers,  etc.; 

la  couronne  des  palmiers  les  garantit  contre  les  rayons  trop  ardents  du 

soleil;  on  y  récolte  même  de  la  luzerne  comme  fourrage  et  du  coton  dont 

on  fait  des  vêtements,  mais,  en  général,  de  l'Oued  Draa  au  Fezzan,  les 

oasis  ne  produisent  pas  assez  de  céréales,  et  leurs  habitants  sont  obligés 

de  s^adresser  à  ceux  du  Tell,  pour  recevoir  d'eux  le  blé  et  le  mais  qui 

leur  font  défaut,  en  échange  des  dattes  qu'ils  produisent  ;  aussi,  h  la  fin 

de  mai,  époque  de  la  récolte  de  l'orge  dans  le  Tell,  et  dans  les  mois  de 

septembre  et  d'octobre,  où  a  lieu  la  récolte  des  dattes  dans  le  Sahara, 

y  a-t-il  un  mouvement  très  considérable  de  caravanes  entre  les  deux 

pays.  Chaque  oasis,  chaque  localité  a  certaine  tribu  du  Tell  qui  lui 

apporte  annuellement  des  céréales  et  en  reçoit  l'équivalent  en  dattes. 

L'exportation  en  est  aussi  très  considérable  :  la  seule  oasis  de  Sivah  en 
fournit  h  la  Basse-Egypte  30,000  quintaux,  pour  le  transport  desquels  il 
faut  de  6  à  7000  chameaux;  d'octobre  en  mars,  des  caravanes  d'une  cen- 
taine de  chameaux  en  apportent  tous  les  jours,  et  il  en  reste  encore 
30,000  quintaux  dans  les  magasins  pour  la  consommation  de  l'oasis. 
L'oasis  de  Dachel  en  exporte  de  4000  à  5000  charges,  qui  sont  expédiées 
en  Europe  où  elles  sont  préférées  à  celles  de  la  Tripolitaine. 

Le  palmier  n'est  pas  utile  aux  habitants  du  désert  par  son  fruit,  sa 
sève,  son  ombre  seulement  ;  les  autres  parties  de  là  plante  sont  égale- 
ment d^un  prix  inestimable,  vu  que  c'est  le  seul  arbre  qui  existe  en  quan- 
tité on  peu  considérable  dans  cette  région. 


—  12  — 

n  atteint  de  15  à  25  mètres,  mais  crott  très  lentement;  son  tronc  est 
si  élastique  qu'un  orage  très  violent  peut  bien  le  courber  jusqu'à  terre, 
ou  Tarracher  avec  le  terrain  sur  lequel  il  est  enraciné,  mais  ne  peut  pas 
le  briser.  D'ordinaire  son  tronc  a  de  0",30  à  0",60  de  diamètre.  Quand 
il  a  vieilli  et  qu'on  constate  qu'il  ne  donnera  plus  que  de  mauvais  fruits, 
on  le  découronne,  puis  on  le  coupe.  Là  où  une  civilisation  supérieure  a 
développé  le  goût  de  la  construction  des  maisons,  on  s'en  sert  pour  faire 
des  poutres,  des  perches,  d'épais  madriers  destinés  à  confectionner  des 
portes  pour  les  maisons  des  ksours  ;  à  Rhat,  elles  consistent  simplement 
en  morceaux  de  tronc  de  palmier  liés  ensemble  par  des  courroies  de 
cuir.  Le  bois  étant  rare  au  désert,  cela  donne  du  prix  à  celui  du  pal- 
mier, quoiqu'il  ne  soit  pas  de  bonne  qualité. 

Dans  la  zone  des  palmiers,  où  il  ne  pleut  presque  pas,  les  palmes  aussi 
sont  très  appréciées  ;  beaucoup  de  maisons  en  pierre  ou  en  briques  en 
sont  couvertes  ;  on  les  enduit  alors  d'argile  ou  de  chaux  ;  mais  souvent 
l'on  se  contente  de  huttes  (gourbis)  fabriquées  simplement  de  feuilles  de 
palmier;  elles  font  d'excellentes  couvertures  pour  les  toits,  car  elles 
interceptent  la  chaleur  tout  en  laissant  circuler  l'air.  Cette  architec- 
ture se  voit  beaucoup  dans  l'oasis  de  Djofra  et  dans  le  Fezzan. 

Avec  les  fibres  des  palmes,  les  indigènes  confectionnent  divers  ouvrages 
de  sparterie,  des  nattes,  des  tissus,  des  sandales,  des  éventails,  des 
paniers,  des  chapeaux;  avec  les  filaments  qui  garnissent  l'aisselle  des 
branches  autour  du  tronc,  ils  fabriquent  des  cordes.  Enfin  la  souche 
leur  fournit  un  combustible  qui  donne  une  chaleur  intense. 

En  un  mot,  le  palmier  fournit  aux  habitants  du  désert  nourriture  pour 
eux-mêmes  et  pour  leurs  bestiaux,  boisson,  habitation,  vêtement,  com- 
bustible ;  seulement  il  ne  leur  fournit  tout  cela  que  dans  une  mesure 
restreinte,  ce  qui  les  oblige  à  chercher  ailleurs  le  complément  nécessaire 
pour  la  satisfaction  de  leurs  besoins,  et  donne  accès  chez  eux  aux 
influences  d'une  civilisation  supérieure. 


EXPÉDITION  DU  D^  LENZ  AU  MAROC  ET  A  TOMBOUCTOU 

Nous  reprenons  le  récit  de  cet  important  voyage  au  point  où  nous 
Pavons  laissé  dans  notre  précédente  livraison,,  c'est-à-dire  à  l'entrée  du 
Sahara  proprement  dit,  à  Tendouf.  Le  voyageur  n'y  resta  que  peu  de 
temps.  Arrivé  le  5  mai  1880  il  en  repartit  le  10,  après  avoir  dit  un  adieu 
cordial  à  son  ami,  le  cheik  AU,  dont  l'appui  lui  avait  été  précieux.  Ce 


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dernier  lui  avait  encore  préparé  la  voie  du  Soudan  central,  eu  lui  four- 
nissant le  meilleur  guide  qu'on  pût  trouver,  un  vieillard  qui  avait  déjà, 
parcouru  cinquante  fois  environ  la  distance  qui  sépare  Tendouf 
d'Araouan,  dernière  étape  avant  Tombouctou.  Le  docteur  dut  lui  don- 
ner 600  francs,  mais  il  n'eut  qu'à  se  louer  de  sa  conduite.  La  petite 
caravane  comptait,  outre  le  D^  Lenz,  deux  interprètes,  un  guide,  qua- 
tre domestiques,  en  tout  huit  personnes.  Neuf  chameaux  portaient  les 
marchandises,  les  provisions  et  dix-huit  grandes  outres  pleines  d'eau. 

On  peut  voir,  par  la  carte  qui  accompagne  cet  article  et  qui  a  été 
dressée  d'après  celle  publiée  par  la  Eevue  de  Géographie,  que  les  voya- 
geurs atteignirent  bientôt  la  région  des  dunes  de  sable  appelée  Iguidi. 
Là,  ils  observèrent  un  phénomène  singulier.  «  Tout  à  coup,  dit  Lenz, 
on  entend  dans  le  désert,  conime  sortant  d'une  dune  de  sable,  un  son 
prolongé,  étouflfé,  assez  semblable  au  bruit  d'une  trompette.  Il  dure 
quelques  secondes,  puis  il  cesse  pour  reprendre  dans  une  autre  direc- 
tion. »  Le  voyageur  anxieux  se  demande  si  ce  n'est  point  le  signal  de 
ralliement  de  hordes  pillardes  et  trouve,  après  bien  des  recherches,  que 
c'est  le  sable  lui-même  qui  résonne.  Il  suppose  que  cela  provient  du 
choc  des  grains  de  quartz  brûlants,  qui  sont  simplement  posés  les  uns 
sur  les  autres  et  qui  se  trouvent  continuellement  en  mouvement.  Les 
dunes  de  sable  du  Sahara  peuvent  se  déplacer,  absolument  comme  celles 
des  Landes  ou  de  la  Hollande  ;  aussi  est-il  souvent  très  difficile  aux  gui- 
des de  retrouver  leur  route,  parce  que  les  anciens  points  de  repère 
n'existent  plus.  C'est,  à  cela  que  Lenz  dut  de  perdre  deux  domestiques. 
Le  premier,  Hassan,  Tunisien  engagé  à  Tendouf,  eut  l'imprudence 
de  vouloir,  pendant  la  nuit,  retrouver  un  bâton  qu'il  venait  de  perdre, 
il  s'écarta  de  la  caravane  et  ce  ne  fut  que  vingt  minutes  après  son  départ 
qu'on  s'aperçut  de  son  absence  ;  on  alluma  des  feux,  on  déchargea  des 
fusils,  tout  fut  inutile  ;  il  avait  disparu  pour  toujours.  Le  second,  Sidi 
Mohamed,  étant  fatigué,  courut  en  avant  de  la  caravane,  s'étendit  par 
terre  et  s'endormit;  quand  les  voyageurs  passèrent  près  de  lui,  il  ne  les 
entendit  pas  et  une  demi-heure  après  seulement,  on  constata  qu'il  man- 
quait ;  il  fut  impossible  de  le  retrouver.  On  doit  forcément  admettre  que 
ces  deux  malheureux  sont  morts  de  soif. 

Le  29  mai,  la  caravane  atteignit  l'Ouad  Teli,  lit  desséché  d'une 
ancienne  rivière,  où  il  suffit  de  creuser  à  peu  de  profondeur  pour  trouver 
de  Peau.  Près  de  là  se  trouve  la  petite  ville  de  Taodeyni,  habitée  par 
des  Arabes  de  la  tribu  des  Oulad  Dhra'a.  On  y  voit  de  célèbres  mines  de 
sel  qui  sont  exploitées,  d'après  Barth,  depuis  l'année  1596.  Le  gisement 


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est  très  vaste  et  consiste  en  cinq  coucbes,  dont  les  trois  supérieures  n^ont 
qu'une  faible  valeur,  tandis  que  la  quatrième  est  la  plus  exploitée.  La 
cinquième  gît  dans  l'eau.  Le  sel  qu'on  en  retire  ressemble  beaucoup  à. 
du  marbre.  Le  terrain  est  concédé  par  petites  parcelles  aux  marchands^ 
par  un  caïd  qui  y  demeure  ;  il  prélève,  comme  indemnité,  la  cinquième 
partie  du  sel  extrait,  tandis  que  le  reste  devient  la  propriété  de  l'exploi- 
tant. Le  prix  du  sel  est  soumis  à  de  grandes  fluctuations,  selon  les  sai- 
sons de  l'année  et  la  situation  politique  du  pays.  Tout  celui  qu'on  tire 
des  mines  est  transporté  à  Tombouctou.  Chaque  année,  des  milliers  de 
chameaux  partent  pour  cette  ville  chargés  chacun  de  quatre  plaques  de 
sel  longues  d'un  mètre.  Il  y  a  près  de  Taodeyni  les  ruines  d'une  ville 
antique,  on  y  trouve  des  murs  de  terre  et  de  sel,  et  même  des  restes  de 
charpentes,  des  ornements,  des  instrumenta  en  pierre  fort  bien  faits. 
Taodeyni  occupe  le  fond  d'une  dépression  qui  n'est  qu'à  148  mètres  au- 
dessus  de  la  mer,  tandis  que  la  hauteur  moyenne  de  la  plaine  saharienne 
est  de  250  à  300  mètres. 

Entre  Taodeyni  et  Araouan,  où  le  voyageur  arriva  le  9  juin,  le  sol  se 
relève  et  l'on  traverse  de  grandes  plaines  de  sables,  parsemées  de  petites 
dunes  et  de  collines,  de  grandes  étendues  couvertes  de  blocs  de  pierre 
qu'on  nomme  El-Djemia,  un  immense  champ  d'alfa  appelé  El-Merftya, 
et  enfin,  une  grande  zone  de  dunes,  au  milieu  de  laquelle  est  Araouan. 

Cette  ville,  située  dans  une  région  si  déserte,  où  l'on  ne  trouve  pas  la 
plus  petite  plante,  a  cependant  beaucoup  d'eau.  Les  végétaux  sont  com- 
plètement desséchés  par  les  vents  brûlants  du  sud,  et  les  chameaux  doi- 
vent être  menés  fort  loin  pour  pâturer.  Araouan  est  un  point  central  des 
caravanes,  où  s'arrêtent  tous  les  marchands  venant  de  Fez  et  de  Maroc, 
de  Tendouf,  du  Touat,  du  Tafilet,  etc.  Une  grande  tribu  arabe,  celle  des 
Berêbich,  habite  dans  les  environs  d' Araouan  et  son  cheik  a  une  maison 
dans  la  ville.  Elle  prélève  sur  toutes  les  caravanes  un  droit  de  passage, 
s'engageant  en  revanche  à  veiller  à  la  sécurité  des  marchands  sur  la 
route  d' Araouan  à  Tombouctou.  Ce  droit  est  de  65  fr.  pour  un  chameau 
chargé  d'étoflFes,  et  de  48  fr.  pour  celui  qui  porte  d'autres  articles. 

On  voit  combien  les  transactions  dans  le  désert  sont  difficiles,  puisque 
les  caravanes  courent  toujours  le  risque  d'être  pillées  par  les  coupeurs 
de  route,  et  que,  si  elles  veulent  se  prémunir  contre  ce  danger,  elles  doi- 
vent payer  des  sommes  relativement  considérables. 

Araouan  a  été  fondée  en  1670,  et  l'un  des  descendants  du  fondateur^ 
le  chérif  Sidi-Mohammed-Ben-Harib,  occupe  une  position  considérable 
dans  la  ville.  Lenz  apprit  aussi  qu'un  certain  Abd-el-Kerim,  l'un  des 


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meurtriers  de  M"*  Tinné,  habite  Araouan.  On  lui  dit  que  cette  dame 
avait  dû  son  maliieur,  non  seulement  à  ce  que  les  objets  qu'elle  possé* 
dait  avaient  tenté  la  cupidité  des  indigènes,  mais  encore  à  ce  qu'elle 
avait  eu  l'imprudence  de  donner  le  nom  de  Mohammed  à  son  petit  chien, 
ce  qui  avait  excité  la  colère  des  Arabes.  On  raconta  aussi  au  voyageur 
que  tous  les  effets  du  major  Laing,  assassiné  en  1825  au  nord  de  Tom- 
bonctou,  ses  vêtements,  ses  livres,  ses  flacons  de  médicaments,  deuxbou- 
tdlles  de  vin  et  quarante-cinq  pièces  de  cinq  francs,  sont  conservés  aujour- 
d'hui encore  à  Araouan.  Il  paraîtrait  que  d'autres  motifs  que  la  cupidité 
avaient  armé  le  bras  de  ses  meurtriers. 

La  ville  insalubre  d' Araouan  est  très  peu  peuplée  pendant  la  plus 
grande  partie  de  l'année,  parce  que  les  Arabes  qui  y  possèdent  des  mai- 
sons n'y  séjournent  qu'à  l'époque  du  passage  des  grandes  caravanes. 

A  Araouan,  le  D'  Lenz  congédia  le  guide  qu'il  avait  engagé  à  Ten- 
douf,  il  vendit  ses  chameaux,  en  ne  perdant,  malgré  la  faiblesse  de  ces 
pauvres  bêtes,  que  la  moitié  de  leur  prix  d'achat,  et  en  loua  d'autres 
pour  faire  la  route  d' Araouan  h  Tombouctou.  Quittant  la  première  de 
ces  villes  le  26  juin,  il  atteignit  sain  et  sauf  la  seconde,  le  but  de  tous 
ses  efforts,  le  1*''  juillet.  A  une  journée  de  marche  au  sud  d'Araouan,  les 
dunes  font  place  à  la  grande  forêt  de  mimosas  de  l'Azaouâd,  qui  s'étend 
jusqu'à  Tombouctou  et  même  beaucoup  plus  au  sud.  L'explorateur  con- 
stata qu'il  était  bien  arrivé  à  la  vraie  limite  du  Sahara,  car  avant  Tom- 
bouctou le  paysage  change.  La  monotone  plaine  est  remplacée  par  des 
districts  déjà  riches  en  végétaux  et  en  animaux,  quoique  l'altitude  ne 
change  presque  pas.  Araouan,  est  à  255''  et  Tombouctou  à  245".  i 

Ainsi  ce  désert  du  Sahara,  réputé  si  terrible,  avait  été  complètement 
et  heureusement  franchi,  et  cela,  en  quarante-trois  jours  seulement,  si 
l'on  prend  Tizgui  comme  point  de  départ  et  Tombouctou  comme  point 
d'arrivée,  et  absti'action  faite  des  temps  d'arrêt  à  Tendouf,  à  Taodeyni 
et  à  Araouan.  Cela  montre  que  l'énergie  et  une  volonté  ferme  peuvent 
renversa:  bien  des  obstacles.  Lenz  prend  place,  à  ce  point  de  vue,  à  côté 
de  Livingstone  et  de  Stanley. 

Quant  au  désert  lui-même,  il  est  bien  moins  affreux  que  ne  le  dépei- 
gnent la  plupart  des  livres  de  géographie.  On  trouve  des  puits  tous  les 
huit  ou  neuf  jours  de  marche  environ  ;  or,  le  D' Lenz  nous  dit  que  les 
chameaux  peuvent  facilement  se  passer  d'eau  pendant  ce  laps  de  temps> 
et  que,  pour  sa  petite  caravane,  les  outres  que  portaient  les  bêtes  de 
somme  étaient  suffisantes.  Il  raconte  aussi  que  la  température  est  beau- 
coup moins  forte  qu'on  ne  le  croit  généralement.  Quoiqu'il  ait  voyagé 


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pendant  la  saison  la  plus  chaude  de  Tannée,  le  thermomètre  n'a  marqué 
que  très  rarement  plus  de  45'»  et  s'est  maintenu  en  moyenne  entre  SS*»  et 
SÔ""  centigrades.  La  petite  caravane  du  docteur  avait  pris  dès  son  départ 
l'excellente  habitude  de  voyager  la  nuit.  On  levait  la  tente  entre  cinq 
ou  six  heures  de  l'après-midi  et  l'on  marchait  jusque  vers  sept  heu- 
res du  matin.  A  ce  moment,  on  faisait  halte  pour  toute  la  journée.  C'est 
pour  cette  cause  que  Ton  avançait  si  rapidement,  tandis  que  les  grandes 
caravanes  ne  font  que  quatre  lieues  par  jour,  et  restent  près  de  trois 
mois  pour  aller  seulement  de  Tendouf  à  Tombouctou. 

Lenz  affirme  que  le  sol  saharien  n'est  pas  aussi  stérile  qu'on  le 
croit  communément.  Dans  l'Iguidi,  en  particulier,  on  trouve  en  beau- 
coup d'endroits  du  fourrage  pour  les  chameaux,  et  l'on  voit  souvent  des 
troupes  d'antilopes  et  de  gazelles  s'enfuir  à  l'approche  d'une  caravane. 
Du  reste,  un  peu  plus  au  sud,  au  cœur  du  Sahara,  le  28  mai,  le  ciel  se 
couvrit  de  nuages  sombres  et  il  tomba  de  la  pluie.  Le  vent  dominant 
dans  la  partie  occidentale  du  Sahara  est  celui  du  nord-ouest  qui  tempère 
la  chaleur.  Quelquefois,  surtout  près  d'Araouan,  on  ressent  un  terrible 
vent  du  sud  (enchacli)  qui  chasse  le  sable  brûlant  et  cause  de  grandes 
souflrances  aux  voyageurs. 

Lenz  donne  des  détails  assez  nombreux  sur  la  fameuse  ville  saha- 
rienne de  Tombouctou.  Nous  comparerons  sur  quelques  points  sa  des- 
cription à  celle  que  nous  a  laissée  Barth.  Nous  ne  parlerons  pas  de  celle 
de  Rerfé  Caillé,  car  elle  est  fort  inexacte,  et  quant  au  major  Laing,  toutes 
ses  notes  sont  encore  à  Araouan. 

Tombouctou  n'a  jamais  été  le  centre  d'un  grand  royaume.  Fondée 
vers  l'an  1100  à  peu  près,  par  une  fraction  des  Touaregs,  à  l'endroit  où 
ils  avaient  coutume  de  stationner,  elle  a  grandi  pendant  des  siècles,  tan- 
tôt se  gouvernant  elle-même,  tantôt  soumise  aux  puissants  empires  qui 
existaient  autour  d'elle. 

Elle  joua  un  rôle  important  dans  les  luttes  que  se  livrèrent  ces  diffé- 
rents États,  en  particulier  le  Sonrhaï  et  le  Maroc.  Une  fois  môme,  vers 
1600,  elle  fut  livrée  aux  flammes  par  une  armée  marocaine,  et  peu  s'en 
fallut  que  toute  la  population  ne  fût  massacrée. 

Dans  la  première  moitié  de  notre  siècle,  Tombouctou  a  souvent  été  en 
butte  à  des  attaques  des  Touaregs,  des  Bambaras  ou  des  Foulbes  du 
Massina.  Actuellement  les  habitants  sont,  pour  la  plupart,  des  Arabes 
ou  des  nègres  sonrhaï,  mais  il  s'y  trouve  aussi  des  indigènes  de  toutes 
les  parties  du  Soudan.  Tombouctou  n'est  gouvernée,  ni  par  un  roi,  ni  par 
un  sultan  ;  une  sorte  de  maire  qui  prend  le  titre  de  kahia,  nous  dit 


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Lenz,  administre  Tombouctou,  et  cette  fonction  est  héréditaire  dans  la 
famille  des  Rami,  arrivée  dans  le  pays  à  la  suite  d'El-Ehal,  sultan  du 
Maroc.  Ce  dernier,  pour  favoriser  les  nombreuses  relations  qui  existaient 
entre  la  grande  ville  et  son  pays,  avait  fait  planter,  le  long  de  la  route  que 
devaient  suivre  les  caravanes,  des  pieux  qui  servaient  de  points  de  repère. 
Outre  le  kahia,  on  respecte  beaucoup  dans  la  ville  la  vieille  famille  des 
chérifis  El-Bakkaï.  C'est  sous  la  protection  du  père  du  représentant 
actuel  de  cette  maison  que  Barth  s^était  mis,  et  il  n'eut  pas  à  s'en  repen- 
tir. Ce  descendant  de  la  grande  famille,  nommé  Abadin,  est  un  homme 
jeune,  savant  et  ambitieux,  qui  jouera  certainement  plus  tard  un  grand 
rôle  dans  l'histoire  de  Tombouctou. 

Le  D'  Lenz,  d'après  les  conseils  qu'il  reçut,  ne  suivit  pas  l'exemple 
de  Barth,  mais  alla  plutôt  s'adresser  au  kahia,  qui  lui  rendit  le  séjour  de 
Tombouctou  le  plus  agréable  possible.  H  lui  donna  une  jolie  maison  et 
lui  fit  servir  chaque  joiu*  un  repas  abondant  et  succulent,  dont  le  pain  de 
froment,  le  beurre  et  le  miel,  la  viande  de  mouton  et  de  bœuf,  dés  pou- 
lets et  du  gibier  faisaient  les  frais. 

Lenz,  de  même  que  Barth,  représente  Tombouctou  comme  une  ville 
bien  déchue.  Avant  d'arriver  dans  la  cité  le  voyageur  le  remarque,  car  il 
passe  par  une  large  ceinture  de  terrains  vagues,  où  se  rencontrent  d'im- 
menses amas  de  ruines  qui  se  sont  accumulées  dans  le  cours  des  siècles. 
Si  Tombouctou  n'est  pas  très  vaste,  elle  se  distingue  de  toutes  les  autres 
villes  de  l'Afrique  centrale  par  ses  constructions  solides.  Il  y  a  un  très 
grand  nombre  de  jolies  maisons  carrées,  parmi  lesquelles  beaucoup  ont 
un  étage;  elles  sont  construites  en  briques.  D'après  Barth,  le  nombre 
de  ces  maisons  était  de  980  à  l'époque  de  son  passage  (1853). 

Les  rues  ne  sont  pas  toutes  régulières  ;  elles  ont  une  largeur  assez 
grande  pour  permettre  à  deux  cavaliers  venant  en  sens  opposé  de  s'évi- 
ter et  ont  au  centre  une  rigole  pour  l'écoulement  des  eaux,  qui  descendent 
en  abondance  des  plates-formes  des  maisons  lors  des  grandes  pluies. 

Les  palais  où  résidaient  autrefois  les  gouverneurs  de  la  ville,  ainsi  que 
la  citadelle  que  les  troupes  marocaines  avaient  élevée,  n'existent  plus. 
Il  n€  reste,  comme  monuments  publics,  que  trois  grandes  mosquées,  que 
Barth  et  Lenz  signalent  tous  deux;  l'une  d'elles,  celle  de  Sankore,  située 
dans  le  quartier  le  plus  élevé  et  surmontée  comme  les  autres  de  beaux 
minarets,  donne  à  l'ensemble  de  la  ville  un  aspect  fort  imposant. 

Lenz  donne  à  Tombouctou  20,000  habitants,  tandis  que  Barth  n'évalue 
la  population  qu'à  13,000  âmes;  mais  ils  sont  d'accord  sur  le  fait  que 
les  foires  y  attirent  ime  nombreuse  population  flottante. 


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Actuellement  Tombouctou  n'est  point  prospère.  L'industrie  et  le 
commerce  y  deviennent  de  jour  en  jour  moins  actifs,  à  cause  des  guen*es 
que  se  livrent  sans  relâche  les  Touaregs,  commandés  par  le  grand  chef 
Fandagoumou,  et  les  Foulbes  du  Massina,  que  conduit  Abadin.  La  guerre 
menaçait  de  se  rallumer  lors  du  passage  de  Lenz. 

Tombouctou  n'est  en  aucune  manière  une  place  productrice  et  indus- 
trielle, comparable  à  Eano  par  exemple.  Toute  l'activité  se  porte  sur  le 
commerce  avec  l'étranger.  Ce  commerce  suit  trois  routes  principales  ; 
la  première  est  celle  du  Maroc,  la  deuxième  celle  de  Ghadamès  et  la 
troisième  la  voie  du  fleuve  dans  la  direction  du  sud-est.  Autrefois,  le 
principal  objet  du  trafic  était  For;  mais  aujourd'hui  il  a  cédé  la  place 
aux  esclaves,  qu'on  tire  principalement  du  Bambara  oh  la  population  est 
douce  et  se  livre  à  l'agriculture,  et  qu'on  expédie  sur  le  Maroc,  Tunis  et 
la  Tripolitaine.  Actuellement,  le  commerce  de  l'or  est  très  réduit. 

Des  plumes  d'autruche  arrivent  des  contrées  du  Soudan,  un  peu  de 
gomme  et  d'ivoire  du  Haut-Sénégal  :  du  nord,  les  caravanes  apportent 
du  sel  de  la  mine  de  Taodeyni,  des  cotonnades  bleues  de  provenance 
anglaise,  du  corail,  du  sucre,  du  thé  et  de  la  farine. 

L'unité  de  monnaie  est  le  mithgâl  d'or,  que  Lenz  donne  comme  valant 
11  à  12  fr.,  tandis  qu'au  temps  de  Barth  il  en  valait  seulement  6  à  7  ;  la 
valeur  de  l'or  s'est  donc  accrue  dans  une  proportion  énonne.  Pour  beau- 
coup de  transactions  on  se  sert  de  coquillages  appelés  kaouri,  dont  il 
faut  4,500  pour  faire  cinq  francs;  on  comprend  que  pour  des  achats 
de  quelque  importance  cette  monnaie  est  fort  incommode,  car  le  temps 
qu'il  faut  pour  la  compter  est  nécessaû*ement  très  long. 

Il  y  a  à  Tombouctou,  comme  dans  la  plupart  des  villes  arabes,  des 
écoles,  des  bibliothèques,  etc.  Lenz  a  souvent  reçu  la  visite  de  savants. 
Il  se  faisait  passer  pour  un  médecin  turc,  mais  il  s'apercevait  bien  que 
parmi  les  gens  inteUigents  on  ne  le  considérait  pas  sérieusement  comme 
tel.  n  avait  plus  de  bonheur  pour  la  pratique  médicale,  car  il  donnait 
souvent  des  consultations  à  des  malades  atteints  pour  la  plupart  d'oph- 
thalmies.  Ses  remèdes  (le  plus  souvent  des  sels  anglais)  étaient  inoften- 
sifis,  car  il  savait  que,  dans  le  cas  où  le  médicament  aurait  eu  des  suites 
fâcheuses,  on  n'aurait  pas  manqué  de  l'en  rendre  responsable. 

Tombouctou  est  située  à  une  journée  de  marche  au  nord  du  Niger  ; 
la  ville  a  beaucoup  d'eau,  et  Lenz  y  essuya  plusieurs  orages  très  forts 
accompagnés  de  pluie. 

Ce  voyageur  nous  confirme  un  fait  déjà  cité  par  quelques  géographes  ; 
c'est  que  les  Arabes  regardent  le  Niger  comme  étant  le  même  fleuve  que 
le  Nil,  à  cause  de  sa  direction  vers  l'est  dans  la  région  de  Tombouctou. 


—  19- 

Le  docteur  quitta  cette  dernière  ville  le  17  juillet  1880,  après  avoir 
reçu  les  adieux  des  principaux  notables,  en  particulier  de  Fandagoumou, 
et  accompagné  pendant  quelques  instants  par  une  foule  de  plusieurs 
milliers  de  personnes.  Il  déclare  qu'il  n'a  eu  qu'à  se  louer  de  la  conduite 
des  habitants  à  son  égard;  ils  ne  lui  ont  pas  suscité  le  moindre  embarras. 

Pour  atteindre  le  Sénégal,  Lenz  pouvait  suivre  la  route  facile  des 
caravanes  par  le  nord  du  Soudan  ;  mais,  voulant  visiter  les  pays  Bam- 
baras,  il  prit  par  le  sud,  et  dès  l'abord  son  chemin  fut  hérissé  de  dan- 
gers. Là  oii  il  voulut  passer,  des  bandes  de  pillards,  appartenant  à  la 
tribu  des  Oulad  Allouch,  occupai^t  tous  les  sentiers,  arrêtaient  toutes 
les  caravanes  et  inspiraient  le  plus  grand  effroi  aux  populations.  Lenz, 
qui  ne  trouvait  que  difficilement  des  gens  pour  l'accompagner  dans  une 
région  aussi  dangereuse,  fut  attaqué  avant  la  petite  vUle  de  Basikounnou, 
par  ces  brigands  qui  commencèrent  par  s'emparer  de  la  plus  grande 
partie  de  ce  qu'il  possédait  et  firent  mine  ensuite  d'en  vouloir  à  sa  vie. 
L'intervention  du  chérif,  son  interprète,  qui  se  présenta  comme  le  des- 
cendant du  prophète,  lui  fut  d'un  grand  secours. 

Basikounnou,  où  s'arrêta  Lenz,  est  le  centre  d'un  pays  très  beau  mais 
désert,  formant  une  grande  plaine  fertile,  parsemée  de  mimosas  dans  le 
Ras-el-Mâ  à  l'est,  et  de  baobabs  à  l'ouest,  entre  Basikounnou  et  Sokolo 
ou  Kala.  La  route  entre  ces  deux  villes  fut  longue  et  pénible  ;  un  des 
serviteurs  de  Lenz  y  mourut  du  typhus ,  ses  deux  interprètes  furent 
malades,  et  parfois  lui  seul  se  trouva  à  peu  près  bien. 

A  Sokolo,  ville  peuplée  par  10,000  Bambaras.  indépendants  du  sultan 
Âhmadou  de  Ségou,  un  chef  arabe^  parent  du  sultant  du  Maroc,  reçut 
admirablement  les  voyageui'S.  De  là  sept  jours  de  marche  les  conduisi- 
rent à  Goumbou  située  au  N.-O.  Cette  ville  en  forme  réellement  deux, 
séparées  par  un  étang  et  pouvant  compter  ensemble  30,000  habitants. 
Au  bout  de  quelques  semaines  Lenz  et  les  siens  arrivèrent  à  Bakhouinit, 
qui  n'a  que  la  moitié  de  l'importance  de  Goumbou.  Le  chef  d'un  village 
des  environs  leur  offrit  de  les  conduire  à  Médine,  poste  français  sur  le 
Sénégal,  en  passant  par  Nioro  et  Kouniakari.  Nioro,  le  frère  du  sultan 
Âhmadou,  lui  prit  son  dernier  fusil  et  quelques  couvertures,  en  lui  disant 
qu'il  r^ardait  cela  comme  un  cadeau.  A  Kouniakari  réside  Bachirou,  le 
plus  jeune  des  frères  d' Ahmadou.  Entre  ces  deux  villes  Lenz  trouva  des 
villages  nombreux,  construits  au  milieu  de  grandes  plantations  de  mais, 
de  sorgho,  de  canne  à  sucre,  d'arachide,  de  coton.  A  partir  de  Kou- 
niakari, avant  laquelle  on  ne  rencontre  pas  d'eaux  courantes,  le  sol 
s'abaisse  vers  le  Sénégal,  les  rivières  paraissent  et  la  flore  se  transforme. 


—  20  — 

Lenz  arriva*  le  2  novembre  1882  à  Médine,  où  il  fut  accueilli  par 
M.  Pol,  chef  d'escadron  d'artillerie.  De  là  à  St-Louis,  par  le  fleuve,  le 
voyage  fut  très  agréable,  et  à  St-Louis  même  le  gouverneur  et  la  popu- 
lation firent  au  grand  voyageur  une  belle  réception. 

Le  docteur  Lenz  a  taxé  de  chimérique  le  projet  de  M.  Donald 
Mackenzie,  tendant  à  inonder  le  désert,  puisque  le  Sahara  occidental  se 
maintient  à  une  altitude  de  280*  ;  il  a  déclaré  bon  et  utile,  mais  diffi- 
cile et  coûteux,  rétablissement  de  lignes  feri'ées  deTAlgérie  au  Soudan. 
Il  a  constaté  cependant  que  ce  dernier  projet  n'est  pas  d'une  réali- 
sation impossible,  et  qu'il  augmenterait  d'une  façon  considérable  la  pro- 
duction du  Soudan,  appelé  à  un  grand  avenir  si  l'influence  des  Arabes 
y  est  contre-balancée,  et  plus  tard  annulée,  par  celle  des  puissances 
européennes. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

Lettbes  8UB  LE  Tran8-Sahabi£n.  Coustautine  (Imp.  Marie),  1881, 
in-8%  52  p.  avec  carte.  —  M.  F.  Abadie  a  réuni  dans  cette  brochure  des 
lettres  adressées  par  lui  à  V Indépendant  de  Constantine,  du  mois  de 
novembre  1879  au  mois  de  mars  1881,  sur  le  Trans-Saharien  dont  il  est 
un  zélé  partisan.  Opposé  au  tracé  par  le  Hoggar,  qu'a  étudié  la  mission 
Flatters  dont  il  ne  méconnaît  pas  l'utilité  au  point  de  vue  géographique, 
il  recommande  instamment  la  ligne  Ouargla-Insalah  comme  ne  devant 
donner  lieu  à  aucune  complication  avec  la  Turquie,  l'Angleterre  ou  le 
Maroc,  et  pouvant  continuer  facilement  les  lignes  des  trois  provinces 
d'Oran,  d'Alger  et  de  Constantine.  Indépendamment  des  considérations 
pratiques  et  économiques  qui  paraissent  à  l'auteur  militer  en  faveur  de 
ce  tracé,  ses  lettres  sont  remplies  de  détails  intéressants  sur  cette  région, 
ses  produits,  ses  habitants,  etc.,  dus  à  la  connaissance  précise  que  lui 
ont  donnée  un  long  séjour  à  Constantine  et  des  relations  avec  plusieurs 
des  grands  chefs  du  pays.  La  carte  qui  les  accompagne  indique  d'une 
manière  détaillée  les  lignes  Ouargla-Insalah-Tombouctou  et  celle  de  Tri- 
poli par  Ghadamès  à  Insalah,  ou  à  Rhat  et  àKano. 

■  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  18,  rue  du  Rhône,  à  Genève» 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  cwib'sée. 


} 


—  21  — 

BULLETIN  MENSUEL  (  1"  août  1881  ). 

Les  troubles  qui  vienueut  de  se  produire  daus  le  sud  de  l'Algérie 
peuvent  faire  craindre  que  le  régime  civil,  appliqué  depuis  peu  h  la  colo- 
nie, ne  cède  momentanément  la  place  au  régime  militaire.  Quoi  qu'il  en 
soit,  ils  ont  déjà  eu  pour  effet  de  démontrer  la  nécessité  d'occuper  plu- 
sieurs points  avances  du  Sud  pour  prévenir  les  incursions  dont  les  pos- 
sessions françaises  sont  constamment  menacées  par  les  tribus  limitro- 
phes. Le  télégraphe  a  annoncé  que  le  ministre  de  la  guerre  prépare  la 
création  de  plusieurs  forts  dans  le  Sud.  Cette  mesure  appellera  rétablis- 
sement prochain  des  chemins  de  fer  de  pénétration,  dont  la  Commission 
de  reboisement  a  dénjontré  l'urgence  tant  au  point  de  vue  des  intérêts 
de  la  colonisation  qu'à  ceux  de  la  domination  française.  Si  le  poste  de 
Géryville  eût  été  relia  à  Saïda,  les  troupes  françaises  et  la  population  de 
ce  district  n'auraient  pas  eu  autant  à  souffrir  de  la  part  de  Bou-Amema 
et  de  ses  partisans.  La  Compagnie  franco-algérienne  offre  de  prolonger 
sa  Ugne  jusqu'à  Tiout,  en  passant  par  le  Kreider  et  Témouline,  d'od 
elle  jetterait  un  embranchement  sur  Géryville,  qui  se  trouverait  ainsi 
relié  avec  Saïda.  En  outre,  elle  offre  de  construire  en  trois  mois  la  ligne 
jusqu'au  Kreider,  point  alimenté  par  des  sources  abondantes.  Ces  offres 
de  la  Compagnie  franco -algérienne  auraient  l'avantage  de  procurer 
immédiatement  du  travail  aux  populations  éprouvées  par  la  sécheresse 
et  par  l'insurrection.  En  outre,  l'ouverture  de  pareilles  voies  de  commu- 
nications inspirera  plus  de  sécurité  aux  colons.  Il  en  est  parti  d'Alsace, 
en  juin,  un  grand  nombre  recrutés  dans  les  territoires  annexés  ;  et  une 
Société  dauphinoise  vient  de  se  créer  en  France,  au  capital  de  trois  mil- 
lions, en  vue  de  fonder  trois  nouveaux  villages  dans  le  département  de 
Constantine,  pour  y  installer  à  ses  frais  deux  cents  familles  dauphinoises. 
Elle  se  chargera  de  construire  pour  chaque  famille  une  maison  d'habita- 
tion à  laquelle  sera  ajouté  un  lot  de  terrain.  A  cet  effet  elle  a  obtenu 
de  l'administration  supérieure  une  concession  de  2400  hectares  dans  la 
région  de  Batna. 

Un  télégramme  du  20  juillet  d'Alexandrie  au  Daily  News^  annonce 
que  le  khédive  proclamera  très  prochainement  l'abolition  de  l'esda^ 
-vw^^e  en  Ég^^ypte.  Le  cheik-ul-islam  prépare  les  articles  d'un  décret, 
qui  rendra  l'esclavage  domestique  impossible  à  l'avenir.  Les  famillQ3 
qui  possèdent  des  esclaves  n'en  seront  pas  privées,  mais  il  sera  interdit 
d'en  accepter  de  nouveaux.  Cette  réforme  importante  est  due  entière- 

l'aFRIQUE.    —    TROISIËMB   ANNÉE.    —    N^    2.  2 


—  22  — 

ment  à  Tinitiative  du  khédive,  dont  les  efforts  persistants  sont  parvenus 
à  vaincre  une  opposition  fortement  enracinée. 

Rohlfs  est  revenu  d' Abyssinle  avec  des  pleins  pouvoirs  de  la  part  du 
négous  pour  négocier  un  traité  de  paix  entre  ce  dernier  et  le  khédive. 
Le  roi  Jean  y  a  mis,  comme  condition  siyie  qiia  non  la  cession  de  la  part 
de  l'Egypte  de  ZouUah  et  de  Haufila  sur  la  mer  Rouge.  Rohlfs  croit  qu'il 
importe  beaucoup  au  commerce  qu'une  communication  soit  ouverte  avec 
l'Abyssinie,  séparée  jusqu'ici  du  reste  du  monde  par  la  zone  de  terri- 
toires sur  lesquels  l'Egypte  prétend  avoir  des  droits  le  long  de  la  mer 
Rouge.  Si  l'Angleterre  appuie  le  négous,  l'Allemagne  en  fera  autant, 
pense  Rohlfs,  la  cession  se  fera  à  l'amiable  et  sa  mission  pourra  abouth*. 

D'après  une  lettre  de  Junker  de  Palembata,  le  commerce  de  l'Egypte 
avec  les  pays  nègres  des  Mombouttous  et  des  Niams-Niams,  est  à  peu 
près  nul,  ou  tout  au  moins  de  peu  d'importance  pour  le  nègre,  surtout 
si  on  le  compare  avec  le  commerce  d'échange  qui  se  fait  avec  le  centre 
de  l'Afrique,  par  la  côte  de  Zanzibar  ou  par  celle  de  l'Ouest.  L'importa- 
tion pour  les  nègres  se  réduit  à  des  perles  de  verre  et  à  du  cuivre.  Les 
draps  et  le  reste  n'arrivent  pas  en  quantité  suffisante  pour  les  besoins 
des  Arabes,  aussi  les  nègres  ne  peuvent-ils  en  recevoir.  Junker  vit  en 
très  bonne  intelligence  avec  les  indigènes.  «  Les  nègres,  »  dit-il,  «  m'ap- 
portent gratuitement  des  vivres  pour  mes  hommes  et  pour  moi,  et  refu- 
sent absolument  de  donner  quoi  que  ce  soit  contre  un  prix  quelconque. 
C'est  une  coutume  qu'on  ne  peut  faire  disparaître  ;  elle  date  de  l'épo- 
que où  les  marchands  d'esclaves  les  exploitaient  et  les  maltraitaient. 
Je  fais  tous  mes  efforts  pour  modifier  de  semblables  usages,  et  fais  de 
mon  mieux  pour  donner  une  bonne  idée  des  voyageurs  civilisés.  Si  je 
voulais  brusquer  violemment  les  usages  établis,  et  mépriser  l'hospitalité 
qui  est  si  généreusement  offerte  ou  si  nettement  refusée,  je  froisserais 
inutilement  les  gens  et  ferais  plus  de  mal  que  de  bien,  car  j'ai  remar- 
qué qu'on  n'obtient  l'hospitalité  des  nègres  qu'à  la  condition  de  ne 
jamais  heurter  leui-s  droits.  » 

D'accord  avec  le  D'  Kirk,  le  sultan  de  Zanzibar  a  pris  récemment 
une  mesure  énergique  pour  réprimer  la  traite  qui,  malgré  la  vigilance 
des  croiseurs-anglais,  se  fait  du  continent  à  l'île  de  Pemba,  oU  de  petits 
bateaux  conduisent  toujours  des  esclaves  en  contrebande.  Il  a  envoyé 
sur  le  continent  le  lieutenant  Matthews  avec  un  détachement  des  trou- 
pes de  Zanzibar,  en  lui  donnant  des  pleins  pouvoirs  sur  les  autorités 
locales  de  la  côte.  Le  chef  de  l'expédition  garda  le  secret  sur  sa  mission, 
prit  ses  hommes  à  la  parade,  et  sans  leur  rien  dire  de  leur  destination. 


O'J 


5>aas  leur  permettre  de  dire  adieu  à  leurs  amis,  les  fit  monter  à  bord  et 
partit  avec  eux.  Des  maisons  furent  fouillées,  on  y  trouva  des  esclaves  ; 
plusieurs  trafiquants,  et  parmi  eux  le  principal  meneur,  ont  été  saisis  et 
conduits  à  Zanzibar. 

Nous  ne  savons  rien  des  expéditions  internationales,  si  ce 
n'est  que  les  difficultés  qu'elles  ont  rencontrées  ne  font  que  stimuler  le 
zèle  des  officiers  belges  à  y  prendre  part  ;  plus  de  deux  cents  d'entre 
eux  ont  demandé  à  faire  partie  des  missions  africaines  ;  une  nouvelle 
expédit^pn  partira  sans  doute  prochainement,  car  le  Nord  annonce  que 
deux  officiers  se  préparent  aux  divers  travaux  qui  les  attendent  à 
Karéma,  l'un  en  apprenant  le  rétamage  des  casseroles,  d'une  très  grande 
importance  sous  une  latitude  où  la  propreté  est  bien  essentielle  ;  l'autre, 
en  s'exerçant  à  manier  le  marteau  du  forgeron,  et  à  travailler  la  tôle  du 
matin  au  soir,  afin  de  pouvoir  faire  les  réparations  nécessaires  à  la  coque 
et  à  la  machine  du  petit  steamer,  le  Camhior,  qui  sillonne  les  eaux  du 
Tanganyika. 

M.  le  baron  v.  Sclioeler,  chef  de  l'expédition  allemande,  a  été 
malade  de  la  fièvre  à  Kikoma,  non  loin  de  Tabora.  Il  comptait  revenir  à 
Zanzibar,  en  laissant  à  la  station  MM.  Bôhm  D%  Kaiser  et  Reichard. 

M.  Sepgfère  devait  aussi  revenir  de  Tabora  à  Zanzibar  pour  se 
reposer  de  grandes  fatigues  qu'il  avait  eu  à  endurer  ces  derniers  temps. 
Il  a  écrit  que  Nioungou,  l'allié  de  Mirambo,  était  mort  après  une  défaite 
àr  Mgombéro,  petite  ville  qu'il  avait  soumise  peu  auparavant. 

Sous  la  direction  de  l'évêque  Steere  de  Zanzibar,  la  Mission  des 
Universités  fait  des  progrès  constants  vers  le  IVyassa  $  M.  Johnson, 
missionnaire  à  Masasi,  suivant  la  Loujenda,  s'est  rendu  à  Mataka,  à 
650  kilomètres  de  Zanzibar  ;  quoiqu'il  n'eût  pas  d'instruments,  il  a  pu 
lever  assez  approximativement  le  cours  de  cette  rivière,  dont  la  source 
est  encore  un  mystère.  Les  natifs  s'accordent  à  dire  qu'elle  sort  d'un 
grand  lac  à  l'est  du  Nyassa  ;  ce  ne  peut  être  le  Chiroua  qui  est  trop  au 
Sud  ;  il  faut  qu'il  y  ait  au  N.-N.-E.  de  ce  dernier  un  nouveau  lac  encore 
à  découvrir.  M.  Johnson  espérait  pouvoir  faire,  de  Mataka,  des  excur- 
sions dans  le  pays  entre  la  Loujenda  et  le  lac  Nyassa,  en  sorte  qu'avant 
qu'il  soit  longtemps  la  source  de  cette  rivière  sera  déterminée.  Le  jeune 
roi  de  Mataka  lui  a  fait  très  bon  accueil  ;  il  a  vécu  longtemps  à  Quili- 
mane,  parle  le  souahéli,  a  des  idées  assez  justes  sur  les  Européens  et 
les  Arabes,  et  s'est  montré  satisfait  de  la  venue  des  missionnaires  ;  il  a 
donné  à  M.  Johnson  deux  huttes,  pour  lui  et  ses  aides.  L'établissement 
<l'une  station  à  Mataka  permet  d'espérer  voir  la  traite  qui  règne  encore 


—  24  — 

entre  la  Rovouma  et  la  Loujenda,  et  dont  cette  ville  est  le  centre  V 
disparaître  comme  elle  a  disparu  des  districts  de  Masasi  et  de  Living- 
stonia  ;  mais  il  faudrait  pour  cela  pouvoir  en  fonder  d'autres,  aussi  vitfr 
que  possible,  entre  Masasi  et  Mataka  éloignées  l'une  de  l'autre  de 
325  kilomètres  environ.  M.  Johnson  a  déjà  choisi  les  deux  points  où  elles 
devraient  être  établies  :  Majéjé,  à  la  jonction  des  routes  des  caravanes, 
et  Mtalika,  résidence  du  principal  chef  des  Yaos.  Avec  les  stations  déjà 
existantes  de  Néouala  et  de  Mkouéra,  à  100  kilomètres  et  25  kilomètres 
de  Masasi,  elles  formeraient  une  chaîne  non  interrompue,  de  ^anzibar 
jusqu'à  Mataka  dans  le  voisinage  du  Nyassa.  L'influence  pacifique  des 
missionnaires  y  sera  la  très  bien  venue.  Une  incursion  des  Makouan- 
gouaras  avait  causé  ime  famine  cruelle  à  Mataka,  dont  les  habitants 
devaient  manger  des  herbes,  des  champignons  et  des  masoukaus,  le 
fruit  que  l'on  mange  quand  on  est  à  court  de  vivres,  dit  l'évêque  Steere, 
à  peu  près  de  la  grosseur  d'une  petite  poire,  plus  rond,  avec  une  peau 
rude,  et  trois  noyaux  ;  la  chair  en  est  douce  et  fondante,  plus  semblable 
à  celle  de  la  poire  qu'à  tout  autre  fruit  d'Europe  ;  chaque  noyau  con^ 
tient  une  petite  plante  toute  formée  (?),  avec  des  feuilles  vert  foncé,  qui  en 
ouvrent  la  coque  dès  que  le  fruit  tombe,  ce  qui  arrive  dès  qu'il  est  mûr. 

Suivant  une  dépêche  de  Durban  au  Times,  les  affaires  du  Transvaal 
prennent  une  mauvaise  tournure.  Le  Triumvirat  qui  dirige  les  affaires 
des  Boers,  aurait  refusé  de  payer  la  somme  de  1,200,000  livres  sterL 
réclamée  pour  dépenses  faites  dans  le  pays  depuis  l'annexion  et  la  guerre 
de  Sécocœni.  La  commission  aurait  oflfert  une  diminution  de  600,000  liv. 
sterl.  en  échange  de  la  cession  d'une  partie  du  pays,  à  l'est  du  30"*.  On 
a  également  refusé  ces  propositions.  Une  grande  inquiétude  règne  à 
Pretoria  ;  l'on  affirme  que  les  indigènes  de  Lydenbourg  se  préparent  à 
une  insurrection. 

D'après  un  rapport  de  Sir  Bartle  Frère  à  la  Société  des  Arts  de  Lon- 
dres, la  houille  occupe  le  premier  rang  dans  les  ressourcjes  miné- 
rales de  l'Afrique  australe.  On  s'est  fait  jusqu'ici  une  idée  très 
imparfaite  de  l'étendue  et  de  la  valeur  des  terrains  houillers  déjà  con- 
nus, qui  ne  forment  qu'une  partie  très  minime  de  ceux  qu'un  nouvel 
examen  a  fait  reconnaître  exister  entre  la  mer  et  les  tropiques.  On  en  a 
trouvé  dans  le  voisinage  de  Beaufort-West,  et  des  deux  côtés  des  mon- 
tagnes qui  suivent  la  direction  de  la  cote  depuis  les  monts  Nieuweweld 

*  Mataka  est  la  ville  la  plus  grande  que  Livingstone  ait  vue  dans  cette  région  ;. 
elle  a  3000  habitations. 


—  25  — 

<32''  lat.  S.)  jusqu'à  la  rivière  Oliphant  (24°).  Il  en  existe  de  vastes  gise- 
ments dans  plus  d'une  partie  de  la  vallée  du  Zambèze,  au  N.-E.  du 
Transvaal,  dans  le  bassin  de  la  Rovouma,  dans  les  territoires  de  Natal 
et  du  Zoulouland.  Sir  Evelyn  Wood  put  longtemps  approvisionner  de 
combustible  une  grande  partie  de  sa  colonne,  dans  les  lits  de  houille  qu'il 
trouva  le  long  de  la  frontière  de  ce  dernier  pays.  Ce  qui  empêche  le 
développement  de  l'exploitation  de  ces  terrains,  c'est  le  manque  d'un 
transport  à  bon  marché.  Il  en  est  de  même  pour  le  minerai  de  fer,  qui 
abonde  dans  le  voisinage  des  terrains  houillers.  Depuis  peu  de  temps  on 
exploite  des  mines  de  cuivre  dans  le  Namaqualand  ;  il  en  existe  de  plus 
importantes  encore  dans  le  Damaraland,  où  elles  auraient  été  décou- 
vertes et  exploitées  par  les  Bushmens  et  les  tribus  sauvages  au  nord*  des 
Damaras. 

Les  missionnaires  américains  ont  dû  quitter  Benguela,  où  ils 
souffraient  de  la  fièvre,  sans  attendre  plus  longtemps  les  porteurs  que 
devait  leur  envoyer  le  roi  du  Bilié.  Ils  sont  montés  à  Ballounda,  à  plus 
de  300  kilom.  de  la  côte,  où  ils  ont  eu  une  entrevue  amicale  avec  le  roi, 
qui  veut  les  avoir  dans  ses  États,  aussi  y  fonderont-ils  probablement  une 
station  ;  de  là  ils  n'avaient  plus  guère  que  80  kilom.  à  faire  pour  attein- 
dre Bihé;  ils  ont  fait  assez  de  progrès  dans  la  connaissance  de  l'am- 
bounda,  la  langue  du  pays,  pour  que  l'un  d'eux,  M.  Sanders,  puisse 
s'entretenir  avec  les  natifs. 

Le  D'  Pog^e  qui  se  rend  à  Moussoumbé,  avec  le  lieutenant  Wis- 
mann  a  heureusement  atteint  Malangé,  d'où  il  a  dû  repartir  à  la  fin 
d'avril  ou  au  commencement  de  mai.  Il  a  trouvé  cette  ville,  ainsi  que 
Poungo  à  Dongo,  bien  déchue  depuis  son  dernier  séjour  ;  alors  il  y  avait 
dans  ces  deux  villes  un  certain  nombre  d'Européens;  aujourd'hui,  par 
suite  de  décès  et  de  départs,  il  n'y  en  a  plus  qu'une  dizaine.  Les  affaires 
y  vont  mal,  les  prix  des  produits  du  pays  ont  baissé  en  Europe,  mais  les 
nègres  persistent  à  en  exiger  le  même  prix  que  précédemment.  Ils  pré- 
fèrent aller  les  vendre  à  Dondo,  où,  grâce  au  service  régulier  des 
bateaux,  ils  peuvent  les  écouler  à  un  prix  plus  élevé  qu'à  Malangé.  Le 
D**  Bucliner  et  le  major  de  Meclioixr  étaient  aussi  arrivés  dans 
cette  dernière  localité,  où  ils  comptaient  faire  un  assez  long  séjour  avant 
de  reprendre  leur  marche  vers  Saint-Paul  de  Loanda. 

MM.  Crud^in^ton  et  Bentley,  de  la  mission  baptiste  de  San  Sal- 
vador, ont  heureusement  atteint  le  Congo  h  Vivi,  d'où  ils  se  sont  rendus 
à  Stanley  Pool,  en  21  jours.  Arrivés  à  une  ville  sur  la  rive  septentrio- 
nale, ils  apprirent  que  Savorgnan  de  Brazza  y  était  venu,  et  avait  passé 


—  20  — 

à  Ntamo  sur  l'autre  rive,  où  il  avait  laissé  trois  hommes.  Les  mission- 
naires traversèrent  le  fleuve  'dans  un  grand  bateau,  mais  à  leur  arrivée 
à  Ntamo  ils  trouvèrent  150  à  200  natifs  armés  de  couteaux  et  de  lances, 
et  qui  s'informèrent  du  but  de  leur  visite.  Ils  durent  rester  sur  le  rivage^ 
pendant  que  les  chefs  délibéraient.  Ensuite  on  leur  permit  d'entrer  dans 
la  ville,  mais  l'attitude  des  indigènes  était  telle  qu'ils  crurent  prudent 
de  s'en  aller.  Le  sergent  français  laissé  par  de  Brazza  pour  garder  la 
station,  les  engagea  à  se  rendre  h  Nshasha  où  se  trouvait  le  principal 
chef  ;  ils  y  allèrent,  mais  apprenant  que  les  gens  de  la  ville  se  dispo- 
saient à  sortir  en  grand  nombre  pour  les  attaquer,  ils  retraversèrent  le 
fleuve  et  revinrent  à  Stanley  Pool,  d'où  ils  redescendirent  en  quinze 
jours  à  Vivi,  où  ils  rencontrèrent  Stanley  qui  leur  fit  très  bon  accueil.  Le 
Comité  de  la  mission  baptiste  a  décidé  de  leur  expédier  un  bateau 
d'acier  semblable  à  ceux  qu'emploie  Stanley,  de  manière  à  ce  qu'ils 
puissent  se  servir  de  la  voie  du  fleuve  pour  le  transport  des  personnes  et 
des  provisions. 

De  son  côté  la  mission  Me  Call  a  reçu  la  chaloupe  à  vapeur  Le  Living- 
^stone  qui  lui  était  destinée,  et  l'essai  qui  en  a  été  fait  de  Banana  à  Noki 
(vis-à-vis  de  Vivi)  a  parfaitement  réussi.  Cette  distance  de  160kilom. 
environ  a  été  franchie  en  22  heures  en  remontant  le  fleuve,  et  le  retour 
à  Banana  s'est  eff'ectué  en  7  heures  de  navigation.  La  station  de  Para- 
balla  se  développe  :  elle  a  fondé  trois  écoles,  l'une  à  Paraballa,  et  les 
deux  autres  dans  deux  villes  du  voisinage,  Madouda's  Town  et  Idia- 
da'sTown;  dans  cette  dernière  ville  le  roi  et  quelques-uns  des  chefs 
encouragent  l'œuvre  par  leur  présence,  et  par  les  eflForts  qu'ils  font  pour 
l'emporter  sur  les  enfants  dans  la  lecture,  l'écriture  et  le  calcul.  Un  des 
missionnaires,  M.  Craven  a  été  malade  et  doit  venir  se  reposer  en 
Angleterre,  il  y  amènera  avec  lui  deux  jeunes  indigènes,  pendant  le 
séjour  desquels  le  Comité  fera  imprimer  un  vocabulaire  de  la  langue 
fyoteet  quelques  ouvrages  élémentaires  pour  les  écoles.  Il  enverra,  pour 
remplacer  M.  Craven,  deux  missionnaires  qui  arriveront  à  Banana  à  la 
fin  d'août,  et  remonteront  le  fleuve  pour  atteindre,  avant  la  mauvaise 
saison,  Stanley  Pool  où  ils  aideront  à  ériger  les  maisons  de  la  station. 

Une  lettre  de  Savori^nan  de  Brazza  à  sa  mère,  publiée  par 
V  Exploration,  renferme  des  renseignements  très  importants  sur  les  pro- 
grès déjà  réalisés  dans  le  Haut-Ogôoué,  et  sur  les  facilités  des  commu- 
nications à  établir  entre  les  deux  stations  de  Franceville  et  de  Brazza- 
ville. L'Ogôoué  peut  être  remonté  jusqu'à  la  première,  à  700  kilom.  de 
l'Atlantique.  Dans  son  premier  voyage  l'explorateur  avait  mis  deux  ans 


—  Tl  — 

pour  franchir  cette  distance  ;  alors,  le  fleuve  étant  coupé  en  trois  zones 
«listinctes,  dans  lesquelles  le  droit  de  navigation  était  exclusivement 
résen'é  à  des  populations  différentes,  il  fallait  changer  trois  fois  de 
pagayeurs  et  de  pirogues,  ce  qui  était  la  source  d'ennuis  infinis  et  de 
dépenses  considérables.  A  mesure  qu'on  passait  d'une  tribu  à  l'autre,  les 
marchandises  augmentaient  de  valeur  dans  une  proportion  énorme;  chez 
les  Adoumas,  la  troisième  des  peuplades  riveraine-,  4  kilog.  de  sel 
payaient  un  esclave.  Aujourd'hui  des  indigènes  de  toutes  les  races, 
sachant  manier  une  pagaye,  peuvent  remonter  tout  le  fleuve,  depuis  la 
c>ôte  jusqu'à  la  station  de  Franceville,  qui  dispose,  au  premier  oi'dre  du 
chef,  de  1000  à  1500  pagayeurs,  pour  armer  de  80  à  100  pirogues,  pou- 
vant amener  tous  les  trois  mois,  de  la  côte  à  la  station,  de  80  à  100  ton- 
nes de  marchandises.  Ce  premier  poste  est  à  290  kilora.  de  Brazzaville, 
mais  le  point  oîi  l'Alima  a  été  rencontrée  n'est  qu'à  TOkilom.  environ  de 
Franceville  ;  ce  sera  la  voie  la  plus  courte  entre  l'Atlantique  et  le  Congo 
moyen .  On  pouiTa  traverser  le  pays  peu  accidenté,  presque  sans  travaux 
préalables,  avec  des  chariots  chargés  de  400  à  500  kilog.  Il  y  aurait,  à 
partir  de  Franceville,  5  à  6  kilom.  de  route  à  établir  à  travers  une 
forêt  :  un  peu  au  delà  un  pont  à  constniire  sur  la  Koni,  de  25  mètres  de 
large  et  de  2  mètres  de  profondeur,  puis  en  cinq  ou  six  endroits,  mais 
sur  de  faibles  parcours,  des  bouts  de  route  à  faire.  Avec  les  porteurs  que 
l'on  trouve  facilement  dans  le  pays  dont  la  population  est  très  dense  et 
pacifique,  on  peut  fraîner  sans  trop  de  peine  de  Franceville  à  l'Alima 
des  vapeurs  démontés  en  pièces  de  150  à  200  kilog.  Quant  aux  marchan- 
dises portées  à  dos  d'hommes,  on  peut  à  chaque  voyage  en  transporter 
2.500  kilog.  avec  100  porteurs,  à  25  kilog.  par  charge.  Plus  tard  le  trans- 
port pourra  s'effectuer  par  ânes  ou  par  voitures.  Savorgnan  de  Brazza 
recueille  déjà  le  fruit  de  ses  travaux  dans  le  Haut-Ogôoué.  La  station 
de  Franceville  est  devenue  un  refuge  pour  les  esclaves  qui  cherchent  la 
liberté  dans  les  limites  de  son  territoire.  Les  populations  riveraines 
reconnaissent  ce  droit  d'asile  et  admettent  l'affranchissement  de  tout 
esclave  qui  se  place  sous  sa  protection  ;  104  esclaves,  hommes,  femmes 
et  enfants,  y  ont  jusqu'ici  recouvré  la  liberté. 

La  rivière  Opobo  qui  se  jette  dans  la  baie  de  Biafra,  entre  le  Vieux 
et  le  Nouveau  Calabar,  a  été  récemment  le  théâtre  d'atrocités  révoltan- 
tes, de  la  part  du  chef  Ja  Ja  qui  y  exerce  un  très  grand  pouvoir,  grâce 
aux  canons  Krupp  et  aux  fusils  Sniders  et  autres  dont  il  dispose.  La 
ville  d'Opobo  sur  la  côte,  compte  une  demi  -  douzaine  de  maisons 
anglaises  trafiquant  avec  lui  et  ses  gens  qui  servent  d'intermédiaires 


—  28  — 

entre  elles  et  les  producteurs  du  principal  article  de  commerce  de  cette 
région,  l'huile  de  palme.  Ja  Ja  jouit  d'un  monopole  qu'il  exerce  parfois 
de  la  manière  la  plus  arbitraire  sur  les  natifs  et  sur  les  Européens. 
Quant  à  ces  derniers,  il  ne  permet  qu'à  un  certain  nombre  d'entre  eux  de 
trafiquer  avec  ses  gens,  et  s'ils  encourent  son  déplaisir,  il  empêche  leur 
commerce  jusqu'à  ce  qu'il  ait  obtenu  l'obéissance  à  ses  vues.  Entre  le 
Vieux  Calabaretl'Opobo  coule  la  QuaEbo,dont  les  riverains  allouèrent 
à  une  maison  anglaise  un  terrain  pour  y  établir  une  factorerie  avec 
laquelle  ils  comptaient  faire  des  affaires.  Dès  que  Ja  Ja  en  fut  informé, 
il  s'efforça  de  les  en  détourner,  et  leur  envoya  des  présents  pour  les  enga- 
ger à  ne  trafiquer  qu'avec  lui  ;  mais  ses  offres  furent  refusées.  Alors,  sans 
avertissement  préalable,  il  envoya  contre  eux  50  canots  pleins  d'hommes 
armés  jusqu'aux  dents,  qui  tuèrent  tous  ceux  qui  ne  purent  s'enfuir, 
brûlèrent  sept  villes,  détruisirent  les  fermes,  s'emparèrent  du  bétail  et 
de  tous  les  objets  sur  lesquels  ils  purent  mettre  la  main,  puis  se  rendi- 
rent à  la  factorerie  qu'ils  bouleversèrent,  sans  cependant  oser  la  détruire 
par  peur  de  l'autorité  anglaise.  Après  cela  ils  retournèrent  à  Opobo 
emmenant  avec  eux  leur  butin  et  cent  prisonniers,  hommes,  femmes  et 
enfants,  qu'ils  massacrèrent  impitoyablement,  malgré  les  supplications 
d'Européens  qui  avaient  pu  entrer  dans  la  ville,  et  qui  ne  purent  sauver 
que  quelques  jeunes  filles  en  les  rachetant.  L'extension  du  protectorat 
britannique  à  la  côte  et  aux  rivières  des  baies  de  Biafra  et  de  Bénin 
serait  un  grand  bien  pour  les  intérêts  et  la  liberté  de  ces  peuples. 

L'exploitation  des  mines  de  la  Côte  d'Or  fournit  les  résultats  les 
plus  satisfaisants.  Le  directeur  de  «  l'Effuenta  i»  annonce  qu'il  a  déjà 
2000  tonnes  de  minerai  prêt  à  être  mis  en  œuvre  au  mois  d'août  ;  dans 
quelques  mois  l'exploitation  sera  de  50  tonnes  par  jour  ;  elle  peut  monter 
jusqu'à  100  tonnes.  D'après  le  témoignage  d'un  correspondant  de  la 
Société  royale  de  géographie  de  Londres,  naguère  sceptique  quant  au 
succès  des  opérations  minières  par  des  Européens  de  la  colonie  de  la 
Côte  d'Or,  et  qui  depuis  quatre  mois  a  visité  toutes  les  mines  exploitées, 
non  seulement  la  richesse  en  est  exceptionnelle,  mais  encore  elle  dépasse 
toute  idée,  aussi  toute  compagnie  acquérant  une  concession  et  travail- 
lant convenablement  lui  paraît-elle  assurée  de  réussir. 

Le  D'  Bayol  chargé  de  se  rendre  à  Timbo  pour  tracer,  soit  par  la 
Falémé,  soit  par  le  Bakoy,  une  route  commerciale  qui  relie  le  Fouta 
Djallon  aux  établissements  français  du  Sénégal,  est  arrivé  à  Boké  le 
9  mai,  et  le  19  il  éuit  à  Pompo,  d'oii  il  a  renvoyé  à  Rio  Nunez  une 
partie  des  porteui*s  et  des  bagages,  afin  de  pouvoir  avancer  plus  vite. 


—  29  — 

Malgré  les  pluies  et  les  difficultés  de  ravitaillement,  il  espérait  arriver  à 
Timbo  vers  le  10  juin,  et  pouvoir  y  cimclure  avec  les  chefs  du  Fouta 
Djallon  des  conventions  qui  assurent  à  la  France  le  commerce  de  cette 
régimi.  De  là  il  passera  dans  le  Bouré  oîi  abonde  le  minerai  d'or,  6t  dont 
les  habitants  sont,  comme  les  Mandingues,  leurs  toisins  du  Nord,  indus- 
trieux et  relativement  plus  civilisés  que  les  autres  noirs  de  cette  partie 
de  rAfrique.  Leur  caractère  plus  pacifique  que  celui  des  populations  du 
Bélédougou,  toujours  en  lutte  avec  les  Toucouleurs,  engagerait  M.  Bayol 
à  préférer  h  Bamakou,  Koumakana  chez  les  Mandingues,  comme  tête 
de  hgne  de  la  route  du  Niger.  La  sécurité  des  communications  commer- 
ciales lui  paraîtrait  mieux  garantie. 


KOXTVEU.ES  GOKPIiÉMENTAIRES 

M.  le  colonel  Périer  instaUe  le  service  topographique  de  la  Tunisie  et  dresse  une 
carte  du  pays  des  Eroomirs  qui  sera  publiée  prochainement  ^ 

D'après  une  correspondance  d'El-Obéid,  des  Arabes  revenant  du  Bomou  ont 
rapporté  avoir  rencontré  Matteucci  et  Massari  avec  une  caravane  de  chevaux  et  de 
chameaax  chargés  d'ivoire,  présent  du  sultan  du  Bomou. 

Le  D'  Schweinfurth  est  revenu  à  Suez,  après  une  exploration  d'un  mois  dans  l'ile 
de  Socotora,  où  il  a  trouvé  une  flore  très  abondante  ;  les  forêts  constituent  la  princi- 
pale richesse  de  l'ile. 

Quarante  phares  de  grande  portée  vont  être  établis  dans  la  mer  Ronge  pour  en 
rendre  la  navigation,  pendant  la  nuit,  moins  dangereuse. 

A  la  suite  du  massacre  de  l'expédition  Giulietti,  deux  vaisseaux  italiens  ont  été 
envoyés  à  Assab,  pour  y  stationner  pendant  l'enquête  que  le  gouvernement  égyptien 
a  ordonnée,  en  vue  de  découvrir  les  meurtriers  et  de  les  punir  ;  ils  seront  appuyés 
par  un  vaisseau  anglais. 

Les  établissements  français  et  anglais  fondés  à  Salar,  sur  la  côte  S.-O.  de  Mada- 
gascar, ont  été  pillés  par  des  indigènes  Mahapélés  sous  la  conduite  de  leur  roi 
RépaUle;  les  colons  ont  dû  se  réfugier  à  bord  d'une  baleinière. 

Le  IV*  Hîldebrand  est  mort  le  29  mai  à  Antananarive  ;  il  avait  trouvé  de  grandes 
richesses  botaniques  et  zoologiques  dans  les  monts  Ankaratra,  au  sud  de  cette  ville. 

Les  chefiB  Bassoatos  ont  accepté  les  conditions  de  sir  Hercules  Robinson  et  com- 
BMncé  à  payer  l'indemnité  qui  leur  est  imposée. 

Le  gouvernement  colonial  a  présenté  au  Parlement  un  projet  d'extension  des 
lignes  de  chemins  de  fer  :  Beaufort-Hopetown,  Cradock  -  Colesberg ,  Colesberg- 

^  Deux  autres  cartes  importantes  sont  en  voie  de  publication  :  l'une  de  l'Afrique 
éqoatoriale  orientale,  sous  le  patronage  d'un  comité  de  la  Société  de  géographie 
de  Londres;  l'autre  de  toute  l'Afrique  équatoriale,  au  V>ooooo,  par  Guido  Cora. 


—  30  — 

Hopetown,  Qaeenstown-Aliwal  et  Wynberg-Kalkbay,  pour  une  longaeur  de  940 
ktlomètres.  Le  point  de  jonction  des  lignes  occidentale  et  orientale  serait  à  290  kilo- 
mètres de  Beaafort  sor  le  prolongement  rers  Hopetown. 

Le  transport  portugais,  IncUa ,  à  destination  de  Loanda,  a  embarqué  une  partie 
des  installations  nécessaires  à  l'établissement  des  deux  premières  stations  commer* 
ciales  portugaises  de  la  côte  occidentale.  Elles  seront  organisées  à  Pinstar  de  celles 
qu'a  fondées  l'association  internationale  de  Bruxelles, 

Le  gouverneur  de  la  Côte  d'Or  a  mis  pour  condition  à  la  conclusion  d'un  traité 
avec  le  roi  des  Achantis  l'abolition  des  sacrifices  bumains  dans  les  États  de  ce  der- 
nier. Le  roi  ayant  demandé  qu'un  représentant  du  gouverneur  lui  fît  visite, 
M.  Maloney,  secrétaire  colonial,  a  accompagné  le  prince  Boaki  qui  est  retourné  à 
Coumassie. 

Les  matériaux  nécessaires  à  la  construction  du  chemin  de  fer  du  Sénégal  vont 
être  transportés  sur  le  haut  fleuve,  l'entente  avec  le  roi  du  Foutah  garantissant  la 
sécurité  du  passage.  Il  y  a  encore  quelque  difficulté  avec  le  roi  du  Cayor  au  styet 
du  passage  de  la  voie  sur  son  territoire,  mais  on  espère  une  solution  satisfaisante. 

M.  Gh.  SoUer,  voyageur  an  Maroc,  a  heureusement  pu  échapper  aux  pillards 
berbères  sous  les  coups  desquels  on  disait  qu'il  avait  succombé. 


LES  LANGUES  DE  L'AFRIQUE 

Il  existe  encore  de  grandes  lacunes  dans  la  connaissance  des  langues 
de  rAfrique  :  plusieurs  d'entre  elles  sont  complètement  ignorées,  pour 
d'autres  nous  ne  possédons  que  des  vocabulaires  bien  imparfaits,  et 
leurs  rapports  mutuels  nous  échappent.  Quoi  qu'U  en  soit,  nous  devons 
être  bien  reconnaissants  envers  ceux  qui,  au  prix  de  grands  labeurs, 
s'efforcent  .de  nous  orienter  dans  cette  partie  du  champ  du  développe- 
ment intellectuel  de  Phumanité  :  les  savants,  les  explorateurs,  les  sociétés 
missionnaires,  la  société  biblique  de  Londres.  Parmi  les  savants,  Frédéric 
MuUer,  dans  son  Esquisse  de  la  science  du  langage,  Lepsius,  pour  le 
Nord  de  T  Afrique,  le  D*"  Bleek,  pour  le  Sud  du  continent,  et  le  D'  Kœlle, 
pour  l'Afrique  occidentale,  ont  rendu  sous  ce  rapport  de  très  grands 
services.  S'appuyant  sur  ces  autorités,  M.  Robert  N.  Cust,  secrétaire 
honoraire  de  la  Société  royale  asiatique,  a  présenté,  le  l^'^mars  de  cette 
année,  à  la  Société  des  Arts  de  Londres,  un  tableau  d'ensemble  de  ces 
langues,  dont  nous  voudrions  donner  un  résumé  à  nos  lecteurs. 

Les  langues  africaines  connues  peuvent  être  rattachées  à  six  grandes 
familles  : 

1°  Sémite; 


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2*  Cîhamite; 

S^  Nubienne-Foulah  ; 

4*  Nègre,  proprement  dite  ; 

5*"  Bantou; 

&"  Hottentote  et  Bushmen. 
Chacune  de  ces  familles  a  ses  caractères  propres  et  se  subdivise  à  son 
tour  en  un  certain  nombre  de  groupes. 

V  Les  langues  sémitiques  bien  connues  ressemblent  aux  langues  indo- 
européennes par  la  flexion,  plus  belle  chez  elles,  et  plus  symétrique  que 
dans  ces  dernières.  Elles  forment  deux  branches  :  Tune  celle  de  la 
côte  septentrionale  de  TAfrique,  Tautre  celle  de  TAbyssinie.  La  con- 
quête de  rÉgypte  par  les  Hycsos  et  le  séjour  des  Hébreux  dans  le  Delta 
n'ont  pas  laissé  de  traces  dans  la  langue  ;  en  revanche,  il  reste  de  celle 
des  Phéniciens  de  Carthage  des  inscriptions  monumentales.  Plus  tard 
sont  venus  les  Arabes,  et  leur  langue  s'est  répandue  avec  eux  de  manière 
à  dominer  à  Tripoli,  à  Tunis,  en  Algérie  et  au  Maroc,  sous  une  forme 
un  peu  différente  de  celle  que  parlent  les  tribus  d'Arabie.  —  Du  sud 
de  l'Arabie  eut  lieu,  à  travers  la  mer  Rouge,  une  troisième  invasion,  à 
laquelle  se  rattache  le  ghéez,  la  langue  parlée  en  Abyssinie,  avec 
ses  dialectes  dérivés:  le  tigré  moderne  et  l'amharique.  Mais  l'arabe 
s'étend  en  Afrique  bien  au  delà  des  bornes  des  États  dont  la  population 
est  sédentaire.  Il  est  le  véhicule  de  la  pensée  dans  une  grande  partie  du 
continent,  soit  chez  les  Bédouins  nomades,  soit  chez  les  marchands  et  les 
trafiquants  d'esclaves,  soit  chez  certaines  races  dominantes,  comme  celle 
du  Ouadal;  enfin,  c'est  l'instrument  de  la  diffusion  du  mahométisme  et 
de  toute  civilisation  en  dehors  du  contact  des  Eui-opéens.  Jusqu'à  pré- 
sent, il  a  eu  le  champ  libre  ;  mais,  on  peut  supposer  que  ses  progrès  se- 
ront arrêtés  par  ceux  que  font  maintenant  l'anglais,  le  français,  le  hol- 
landais, et  par  la  culture  de  nombreux  indigènes  prêts  à  tendre  la  main 
aux  Européens  civilisés. 

2*  La  famille  des  langues  chamites  comprend  trois  groupes  :  l'égyptien, 
le  lybien  et  l'éthiopien,  probablement  en  relation  l'un  avec  l'autre,  mais 
les  travaux  qui  pourraient  nous  faire  connaître  leurs  rapports  manquent 
encore.  Les  langues  du  groupe  égyptien  ne  sont  plus  parlées  ;  toutefois, 
l'étude  de  l'égyptien  proprement  dit,  d'après  des  documents  qui  nous 
permettent  de  remonter  à  4000  ans  avant  l'ère  chrétienne,  autorise  à 
dire  que,  sous  le  rapport  de  l'antiquité,  aucune  langue  ne  peut  rivaliser 
avec  lui.  Sous  l'influence  gréco-chrétienne,  il  est  devenu  le  copte,  qui, 
à  son  tour,  a  disparu  devant  l'arabe  et  n'existe  plus  que  comme  langue 


—  32  — 

ecclésiastique.  —  Le  groupe  lybien  n'a  pas  eu  de  littérature  ;  aujourd'hui, 
on  peut  en  rattacher  tous  les  dialectes  au  berbère.  Les  Français  ont 
beaucoup  contribué  à  le  faire  connaître.  —  Le  groupe  éthiopien  se  trouve 
le  long  de  la  mer  Rouge,  mêlé  à  la  branche  abyssinienne-sémite  sus- 
mentionnée :  il  comprend  entre  autres  le  somali,  le  galla,  le  foulacha,  le 
dankali.  Le  lac  Victoria-Nyanza  occupe,  au  point  de  vue  philologique  et 
ethnographique,  une  position  remarquable.  Les  familles  chamite,  bantou, 
nubienne*foidah  et  nègre  s'y  heurtent  mutuellement.  On  croit  que 
Mtésa  est  d'origine  galla  et  règne  sur  des  sujets  bantous  ;  mais  nous  con- 
naissons trop  peu  les  tribus  qui  habitent  au  nord  du  lac  Victoria  pour 
rien  affirmer  à  cet  égard  d'une  manière  certaine. 

3°  Tandis  que  les  langues  des  deux  familles  précédentes  sont  des  lan- 
gues à  flexion,  toutes  les  autres  sont  agglutinantes.  La  famille  nubienne- 
foulah  est  la  moins  connue  et  celle  dont  la  classification  reste  la  plus 
douteuse.  Elle  habite  au  milieu  des  nègres  et  sur  leur  frontière  orien- 
tale, mais  se  distingue  d'eux  au  point  de  vue  physique  et  ethnographi- 
que, et  occupe  ime  position  intermédiaire  entre  les  familles  chamite  et 
nègre  proprement  dite.  —  Le  groupe  foulah  se  trouve  sur  la  côte  occi- 
dentale. Les  populations  qui  s'y  rattachent  s'estiment  fort  supérieures 
aux  nègres  ;  on  les  trouve  mêlées  aux  nègres  depuis  le  bas  Sénégal  à 
Touest  jusqu'au  Darfour  à  l'est,  et  de  Tombouctou  au  nord  jusqu'au 
Yoruba  au  sud,  sous  les  noms  de  Peuls,  de  Foulahs,  de  Foulbés,  de 
Fellatas,  etc.,  parlant  sept  dialectes  différents,  mais  c'est  la  langue  du 
Foutah-Djallon  qui  en  est  le  type  principal;  elle  se  distingue  par  l'em- 
ploi d'affixeset  de  genres  rationnels  et  irrationnels.  —  Le  groupe  nubien 
s'étend  k  l'est  des  Foulahs  jusqu'au  groupe  éthiopien  chamite.  Les 
Nubiens  purs  habitent  aujourd'hui  la  vallée  du  Nil,  de  la  première  à  la 
seconde  cataracte.  D'après  les  récits  de  Schweinfurth,  ils  forent  une 
race  dominante  mahométane,  supérieure  en  pouvoir  et  en  civilisation 
aux  tribus  païennes  du  même  groupe,  au  milieu  desquelles  ils  font  des 
incursions  comme  marchands  ou  chasseurs  d'esclaves.  Parmi  ces  tribus, 
nous  citerons  les  Changallas,  qui  habitent  sur  les  bords  de  l'Atbara,  et 
que  nous  ont  fait  connaître  les  rapports  du  missionnaire  romain  Bel- 
trame;  les  Ouakouavis  et  les  Masal,  au  milieu  desquels  travaillent  les 
missionnaires  protestants  de  Mombas,  peut-être  aussi  les  tribus  des 
Mombouttous  et  des  Niams-Niams,  découvertes  par  Schweinfurth  et  Jun- 
ker  dans  le  bassin  du  Nil  et  de  l'Ouellé;  malheureusement,  un  incendie 
a  détruit  les  matériaux  linguistiques  recueillis  par  Schweinfurth,  et  il 
faut  attendre  de  nouvelles  recherches  pour  pouvoir  assigner  sa  vraie 
place  à  la  langue  de  ces  tribus. 


—  33  — 

4*  Vient  ensuite  la  âuniUe  nègre  qui  est  loin  de  s'étendre  dans  toute 
rAfrique,  mais  qui  forme  le  noyau  de  la  population.  Circonscrite  au  sud 
et  à  Test  par  la  famille  Bantou,  serrée  au  nord  par  la  famille  nubienne- 
foulah  et  déportée  par  millions  en  Amérique,  elle  se  fût  éteinte  dans  des 
guerres  intestines,  si  elle  n'eût  pas  eu  une  vitalité  extrême.  Pour  M.  Cust 
le  centre  des  nègres  purs  est  la  région  comprise  entre  le  Sénégal  et  le 
Niger,  mais  on  y  trouve  actuellement  beaucoup  de  nègres  rendus  à  la 
liberté  par  les  croiseurs  europé^s,  ou  revenus  d'Amérique,  et  qui  y  ont 
apporté  des  éléments  étrangers.  D'ailleurs,  la  famille  nègre  s'étend  bien 
au  delà  de  cette  région,  de  la  côte  occidentale  à  la  vallée  du  Nil,  et  l'on 
peut  y  distinguer  trois  grands  groupes,  celui  de  la  côte  occidentale,  celui 
du  bassin  du  lac  Tchad,  et  celui  du  Haut-Nil.  Quant  aux  langues  de 
cette  famille,  tout  ce  que  nous  en  savons  n'est  que  provisoire  ;  nous  igno- 
rons leurs  diversités,  leurs  rapports  réciproques,  les  variétés  de  leurs 
dialecte,  et  nous  manquons  d'informations  complètes  sur  celles  dont 
nous  avons  des  vocabulaires  ou  des  grammaires.  Elles  n'ont  point  de  lit- 
térature. En  outre,  d'après  le  témoignage  de  Moffat,  il  en  naît  pour 
ainsi  dire  sous  nos  yeux,  et,  d'après  le  D**  Kœlle,  d'autres  disparaissent; 
Schweinfurth,  Livingstone,  Stanley,  Nachtigal,  Rohlfs,  presque  chaque 
explorateur  apporte  des  exemples  de  nouveaux  vocabulaires  ou  de  vagues 
indications  de  langues  nouvelles  qui  ne  sont  pas  comprises  de  ceux  qui 
viennent  après  eux.  Frédéric  MuUer  indique  24  groupes  se  rattachant  à 
cette  famille,  et  M.  Cust  en  ajoute  un  vingt-cinquième  pour  les  peu- 
plades pygmées,  dont  nous  ne  connaissons  guère  que  la  langue  des 
Akkas.  n  y  en  a  II  qui  représentent  des  langues  isolées,  sans  rapport  les 
unes  avec  les  îiutres,  ce  qui  prouve  notre  ignorance  à  leur  égard,  le  phé- 
nomène de  langues  isolées  ne  pouvant  se  présenter  que  très  rarement. 
Parmi  les  14  autres,  les  unes  appartiennent  aux  populations  nombreuses 
des  Sousous,  des  Veys,  des  Temnés,  du  Yoruba  et  du  Nupé  ;  sur  la  côte 
occidentale,  les  plus  connues  sont  celles  des  Mandingues,  des  Yolofs, 
des  habitants  du  Bomou  et  des  Ibos  ;  ces  langues  sont  parlées  à  Sierra- 
Leone,  à  Libéria,  tout  le  long  de  la  côte  de  Guinée  et  dans  la  partie  du 
Niger  que  nous  connaissons.  Au  bassin  du  lac  Tchad  appartient  un 
groupe  de  langues  très  peu  connues,  et  dans  celui  du  Bahr  el  Ghazal  les 
voyageurs  nous  ont  révélé  l'existence  des  Baris,  des  ChiUouks,  des  Den- 
kas,  etc.  Ces  derniers  forment  une  grande  tribu  sauvage,  habitant  dans 
hi' région  du  Nil-Blanc,  entre  le  12°  et  le  6°  lat.  N.,  et  au  milieu  de 
laquelle  a  longtemps  vécu  le  missionnaire  Beltrame.  Il  a  pu  rédiger  de 
leur  langue  une  grammaire  très  développée  et  un  vocabulaire  de  plus  de 


—  34  — 

2000  mots»  que  la  Société  italienne,  de  géographie  vient  de  publier  dans 
ses  Mémoires,  sous  le  titre  :  OrammaHca  e  vocabulario  délia  Imqua 
denka,  D  est  à  remarquer  que  les  clicks,  qui  forment  un  trait  caractéris- 
tique des  langues  des  Bushmens,  des  Hottentots  et  des  Cafres,  existent 
dans  les  langues  des  tribus  du  Haut-Nil.  C'est  à  la  famille  nègre  qu'ap- 
partient le  haoussa,  la  langue  commerciale  de  TAfrique  centrale,  qui 
dépasse  de  beaucoup  les  limites  du  pays  occupé  par  les  Haoussas.  On  le 
parle  jusqu'à  Tripoli  ;  mais  un  fait  qui  prouve  combien  nos  matériaux 
linguistiques  sont  encore  incomplets,  c'est  que,  tandis  qu'un  savant  l'at- 
tribue à  la  famille  chamite,  un  autre  le  rattache  à  la  famille  nubienne- 
foulah,  et  le  troisième  en  fait  un  groupe  des  langues  nègres. 

S""  C'est  au  ndssionnaire  Krapf  qu'appartient  l'honneur  d'avoir  décou- 
vert que  toutes  les  langues  parlées  au  sud  de  l'équateur,  à  l'exception 
de  celles  des  Hottentots  et  des  Bushmens,  ne  forment  qu'une  famiUe,  la 
famille  Bantou.  En  effet,  malgré  son  extension  d'un  océan  à  l'autre,  le 
génie  de  ces  langues,  leurs  accents,  leurs  vocabulaires  prouvent  qu'elles 
proviennent  toutes  d'une  langue-mère.  D'après  le  D**  Bleek,  les  traits 
caractéristiques  en  sont  :  des  mots  polysyllabiques,  la  rareté  des  diph- 
thongues,  l'emploi  du  préfixe  ba  pour  le  pluriel  des  noms,  le  petit  nombre 
des  adjectifs  au  lieu  desquels  on  se  sert  ordinairement  du  participe, 
l'indication  des  cas  au  moyen  de  prépositions,  la  formation  de  différentes 
sortes  de  verbes  et  des  temps  passés  en  changeant  la  terminaison  ;  la 
forme  la  plus  simple  du  verbe  est  le  singulier  de  l'impératif.  Les  lois  de 
l'euphonie  ont  créé,  entre  telles  et  telles  des  langues  de  cette  famille,  des 
différences  si  grandes  qu'elles  en  ont  fait  des  langues  tout  à  fait  dissem- 
blables. La  partie  du  continent  oii  elles  sont  parlées  étant  incomplètement 
explorée  jusqu'ici,  M.  Cust  n'adopte  que  provisoirement  la  classification 
eh  trois  groupes  :  Tun  méridional,  l'autre  oriental,  le  troisième  occiden- 
tal, comprenant  chacun  plusieurs  subdivisions.  —  Au  premier  groupe 
appartiennent  les  langues  des  Cafres,  des  Béchouanas  et  des  Tekézas. 
Parmi  les  langues  cafres,  on  distingue  celle  des  Zoulous  et  des  Xosas, 
connus  d'ordinaire  sous  le  nom  de  Cafres  ;  ce  sont  les  plus  pures,  celles 
d'oii  l'on  peut  supposer  que  sont  nées  les  autres,  les  premiers  émigrants 
Bantous  étant  sortis  de  chez  les  Cafres  ;  la  ressemblance  frappante  qui 
existe  entre  les  langues  du  groupe  oriental  et  celles  du  groupe  occidental 
semble  indiquer  que  tous  les  deux  se  rattachent  à  une  émigration  posté- 
rieure contemporaine.  On  rattache  h  ce  groupe  les  langues  des  Pondos, 
des  Fingos,  des  Zouasis,  des  Matébélés,  et,  au  nord  du  Zambèze,  celles 
des  Mavltis,  des  Ouatoutas  ou  d'autres  dont  les  noms  sont  évidemment 


—  35  — 

d'origine  zoulou.  —  Les  langues  béchouanas  sont  parlées  par  la  grande 
majorité  des  populations  qui  habitent  rintérieur  de  rAfrique,  au  sud  du 
tropique  du  Capricorne  ;  séparées  des  Cafres  par  les  monts  Drakensberg, 
elles  s'étendent  au  sud  jusqu'au  fleuve  Orange,  à  Touest  jusqu'au  désert 
de  Ealahari,  et  au  nord  jusqu'au  lac  Ngami.  Il  faut  distinguer  encore  les 
Béchouanas  de  l'est  :  Bassoutos,  Batsetsés,  Bamapélas,  Bapoutis,  etc., 
parlant  le  sessouto,  le  setsetsé,  le  sémapela,  le  sépouti;  de  ceux  de 
l'ouest  :  Barolongs,  Batlapis,  Bakouénas,  Bamangouatos  et  les  Barotsés 
du  Zambèze,  décrits  par  M.  Coillard  et  le  D"  Holub.  Les  mots  de  ces 
langues  béchouanas  sont  durs,  et  leur  prononciation  offre  un  contraste 
frappant  avec  le  langage  mélodieux  des  Zoulous,  auquel  elles  ressemblent 
cependant  plus  qu'au  cafre.  —  Les  langues  tékézas  sont  parlées  au  nord 
de  la  baie  de  Delagoa,  et  dans  le  voisinage  de  Lorenzo  Marquez  ;  elles 
l'étaient  aussi  par  les  tribus  qui  occupent  les  côtes  du  pays  des  Zoulous 
et  qui  les  ont  abandonnées  pour  adopter  le  cafre,  et  le  sont  encore  par 
quelques  tribus  de  Natal.  —  Le  groupe  oriental  de  la  famille  Bantou  com- 
prend les  langues  du  bassin  du  Zambèze,  celles  de  Zanzibar  et  celles  des 
lacs  Victoria  et  Tanganyika.  C'est  surtout  aux  missionnaires  que  nous 
devons  ce  que  nous  savons  de  celles  du  bassin  du  Zambèze  :  au  D' Reb- 
mann,  qui  a  donné  un  dictionnaire  des  langues  de  quelques  tribus  des 
bords  du  Nyassa;  à  M,  Riddel,  qui  en  a  écrit  la  grammaire  ;  à  M.  Ma- 
ples,  qui  a  fait  connattre  la  langues  Makoua  et  celle  des  Yaos,  parlées  sur 
le  plateau  entre  le  lac  et  la  côte  du  Mozambique.  La  branche  des  langues 
de  Zanzibar  s'étend  des  confins  du  territoire  de  Mozambique,  le  long  de 
la  côte  de  l'Océan  indien,  jusqu'au  pays  des  Gallas,  où  la  famille  Bantou 
rencontre  celles  des  Chamites  et  des  Nubiens-Foulahs.  C'est  le  souahéli 
qui  y  domine  ;  le  D'  Krapf  et  l'évêque  Steere  en  ont  mis  par  écrit  la 
grammaire  et  le  dictionnaire.  Quant  aux  autres  langues  de  la  côte,  nous 
n'avons  encore  que  de  courts  vocabulaires,  mais  les  travaux  des  mission- 
naires et  des  explorateurs  les  feront  toujours  mieux  connaître.  Quelque 
récentes  que  soient  les  missions  du  Tanganyika  et  du  Victoria-Nyanza, 
on  leur  doit  déjà  des  études  sur  les  langues  de  l'Ouganda  et  de  POu- 
nyamouési.  Celles  que  parlent  les  tribus  à  l'ouest  du  Tanganyika.  entre 
le  Congo  et  le  Zambèze,  sont  encore  inconnues,  mais  M.  Cust  suit  de 
près  les  explorations  des  Sociétés  de  géographie  et  de  missions,  et  ajou- 
tera à  son  tableau  tout  ce  qu^il  pourra  apprendre  sur  les  langues  de  cette 
région. — Le  long  de  la  côte  occidentale,  du  pays  des  Namaquas  au  mont 
Cameroon,  s'étend  le  groupe  occidental  de  la  famille  Bantou  qui  com- 
prend les  Héréros  du  Damaraland,  les  Chindogas  de  l'Ovampo,  dans  la 


—  36  — 

langue  desquels  on  a  imprimé  des  ouvrages  religieux  et  des  grammaires; 
les  langues  des  tribus  au  nord  du  Cunéné,  dans  les  possessions  portu- 
gaises, ne  nous  sont  connues  que  très  imparfaitement  ;  nous  ne  savons 
que  très  peu  de  chose  de  la  langue  des  états  du  Mouato-Yamvo  et  devons 
à  Serpa-Pinto  ce  que  nous  connaissons  de  celle  des  Ganguellas  du  bas- 
sin du  Quanza,  à  Stanley  quelques  notions  des  langues  parlées  près  de 
réquateur.  Plus  au  nord,  et  jusqu'au  mont  Cameroon,  les  explorateurs  et 
les  missionnaires  nous  ont  fourni  des  renseignements  plus  complets  sur 
les  langues  des  Mpongoués,  des  Dikélés,  des  Douallas,  des  Isoubous  et 
des  Bakélés. 

6""  Enfin,  à  Textrème  sud  de  TAfrique  se  trouve  la  famille  Hottentote- 
Bushmen,  qui  n'a  été  préservée  d'extinction  que  par  l'arrivée  des  Anglais 
et  des  missionnaires  chrétiens,  et  dont  l'étude  peut  jeter  du  jour  sur  le 
caractère  des  populations  primitives  du  continent,  car  il  s'agit  de  peu-^ 
plades  refoulées  par  la  grande  invasion  de  la  famiUe  Bantou  venue  du 
nord.  Le  groupe  Hottentot  comprend  quatre  dialectes  :  le  nama,  parlé 
au  nord  du  Namaqualand  ;  le  kora,  siu*  le  fleuve  Orange  ;  un  troisi^e 
par  les  Hottentots  de  l'est,  et  un  quatrième,  très  altéré,  dans  le  voisi- 
nage de  Capetown  ;  il  faut  y  ajouter  le  langage  parlé  par  les  Griquas, 
mélange  de  hollandais  et  de  hottentot.  Frédéric  Muller  estime  que  c'est 
un  langage  unique,  sans  rapport  avec  aucune  autre  forme  de  langue 
africaine  ou  non.  Ce  qui  le  caractérise  surtout,  ce  sont  les  quatre  a  clicks,» 
produits  par  les  différentes  positions  de  la  langue  :  le  click  dental,  pres- 
que identique  avec  le  bruit  exprimé  par  les  Européens  pour  marquer 
leur  indignation  ;  le  click  latéral  avec  lequel  ils  stimulent  les  chevaux  ; 
le  click  guttural,  analogue  au  bruit  d'un  bouchon  de  Champagne,  et  le 
click  palatal,  pareil  au  claquement  d'un  fouet.  Plusieurs  linguistes  fort 
distingués  rapprochent  les  Hottentots  de  la  famille  chamite,  mais  dans 
rétat  actuel  de  nos  connaissances,  on  ne  peut  affirmer  qu'une  chose, 
c'est  qu'ils  sont  les  survivants  d'une  race  qui  a  disparu  de  partout 
ailleurs  et. qui,  vu  l'absence  de  document  écrit,  n'a  point  laissé  de  traces. 
— Enfin  le  groupe  Bushmen  pré^nte  une  langue  isolée  peu  développée, 
monosyllabique,  qui  n'a  point  de  genres,  dans  laquelle  la  formation  du 
pluriel  est  très  irrégulière;  en  effet  il  n'y  a  pas  moins  de  60  manières  de 
le  former  ;  la  réduplication  du  nom  est  la  plus  ordinaire  et  la  plus  natu* 
relie.  On  croit  que  ce  sont  eux  qui  les  premiers  ont  employé  les  clicks, 
et  qu'ils  les  ont  conununiqués  aux  Hottentots  et  aux  Cafres  de  la  famille 
Bantou,  car  aux  quatre  clicks  déjà  indiqués  comme  trait  caractéristique 
de  la  langue  des  Hottentots,  les  Bushniens  en  ajoutent  un  cinquième  et 


—  37  — 

I 

un  sixième,  quelquefois  même  un  septième  et  un  huitième,  nou  seule- 
ment devant  des  voyelles  et  des  gutturales,  mais  encore  devant  des 
labiales.  Les  Européens  ne  peuvent  presque  pas  exprimer  de  tels  sons. 
Un  autre  trait  qui  caractérise  les  Bushmens,  c'est  que,  tandis  qu'on  n'a 
trouvé  aucune  trace  d'écriture  au  sud  de  l'équateur,  les  Bushmens  sont 
arrivés  à  dessiner  d'une  manière  surprenante,  sur  les  parois  de  leui-s 
grottes  et  de  leurs  rochers,  des  figures  d'animaux,  d'hommes,  des  scènes 
de  danse,  de  chasse,  de  guerre,  et  ont  cultivé  cet  art  jusqu'aux  temps 
modernes,  car  les  Boers  figurent  dans  quelques-uns  de  ces  combats.  Le 
dessin  de  quelques-unes  des  figures  est  excellent.  Frédéric  MuUer 
^time  qu'on  les  retrouve  jusqu'au  Cunéné  et  au  Zambèze  et  même  au 
delà,  en  sorte  que  pour  le  moment  on  ne  peut  pas  arriver  à  une  conclu- 
sion certaine  à  leur  égard. 

Le  mémoire  de  M.  Cust,  basé,  non  sur  des  hypothèses,  mais  sur  des 
faits,  est  très  important,  en  ce  sens  qu'il  montre  le  point  atteint  aujour- 
d'hui dans  la  connaissance  des  langues  de  l'Afrique.  En  classant  et  eu 
condensant  tout  ce  que  l'on  en  sait  actuellement,  son  auteur  a  rendu  un 
grand  service  aux  explorateurs  et  aux  missionnaires. 


EXPÉDITION  DE  M.  JAMES  STEWART  DU  NÏASSA  AU  TANGANYIKA 

(avec  carte). 

Nous  avons  déjà  résumé  *  pour  nos  lecteurs  le  rapport  fait  par 
M.  J.  Thomson  de  son  voyage  de  Zanzibar  au  Nyassa  et  au  Tanganyika, 
et  signalé  sa  rencontre  à  Pambété  avec  M.  J.  Stewart,  ingénieur  de  la 
station  missionnaire  de  Livingstonia.  Aujourd'hui  nous  arrive  le  mémoire 
présenté  à  la  Société  royale  de  géographie  de  Londres  p&r  ce  dernier, 
auquel  sont  dus  les  travaux  d'exploration  les  plus  récents  autour  du 
Nyassa,  ainsi  que  l'étude  du  meilleur  tracé  de  route  entre  les  deux  lacs. 
D  est  reparti  pour  commencer  les  travaux  de  cette  voie  de  communication, 
qui  permettra  de  pénétrer  le  plus  facilement,  le  plus  sûrement  et  avec 
le  moins  de  frais,  jusqu'au  nord  du  Tanganyika.  Nous  voudrions  extraire 
de  son  mémoire  ce  qui  nous  paraît  le  plus  important,  en  commençant 
par  quelques  détails  sur  ses  découvertes  autour  du  Nyassa  à  partir  de 
Livingstonia. 

A  l'époque  du  voyage  d'Elton  et  de  Cotterill  (1877),  on  ne  connaissait 

«  Voir  2"**  année,  p.  138. 


o 


guère  de  port  sûr  le  long  des  bords  du  lac  Nyassa  que  celui  de  Living- 
stonia,  près  du  cap  Maelear,  au  sud  du  lac.  La  navigation,  rendue  diffi- 
cile par  le  vent  qui  se  précipite  des  montagnes,  devenait  souyent  péril- 
leuse pour  Vllala,  le  vapeur  de  la  Société  des  missions  de  Téglise  libre 
d'Ecosse.  Dès  lors,  une  dizaine  de  bons  mouillages  ont  été  découverts 
sur  la  côte  occidentale,  entre  autres  à  Kota-Kota,  h  Ounaka,  à  Ban- 
daoué,  à  Nykaka,  à  Kouta-Bay,  à  Deep-Bay  et  ù  T embouchure  de  la 
Rombaché,  au  nord  du  lac.  On  en  compte  déjà  trois  sur  la  côte  orien- 
tale, et  l'exploration  de  cette  côte  que  vient  de  décider  la  Société  en 
fera  sans  doute  connaître  d'autres  encore.  Aujourd'hui  que  l'on  sait  où 
trouver  un  refuge,  les  tempêtes  fréquentes  sur  le  lac  sont  beaucoup 
moins  à  craindre.  Il  y  a,  en  outre,  deux  bons  dépôts  de  combustible,  ce 
qui  permet  de  faire  en  quinze  jours  le  tour  du  lac  pour  lequel  il  fallait 
autrefois  six  semaines.  De  mai  en  octobre,  où  règne  le  vent  du  sud,  c'est 
plaisir  de  se  rendre  de  Livingstonia  au  nord  du  lac.  En  revanche,  pen- 
dant cette  période,  le  vent  n'étant  pas  chargé  d'humidité,  il  tombe  rare- 
ment de  la  pluie,  ce  qui  est  un  obstacle  sérieux  aux  progrès  de  l'agii- 
culture,  les  céréales  d'Europe  ne  pouvant  prospérer  sans  irrigation.  La 
saison  des  pluies  correspond  à  celle  de  la  mousson  du  Nord-Est,  pendant 
laquelle  le  vent  apporte  de  TOcéan  Indien  les  masses  chargés  de  vapeurs; 
elle  s'ouvre  au  Nyassa  au  commencement  de  décembre  ;  plus  au  nord,  à 
Pambété  sur  le  Tanganyika,  un  mois  plus  tôt.  Les  mois  de  juillet  à 
novembre  sont  les  meilleurs  pour  voyager  autour  du  lac  Nyassa;  aupara- 
vant la  végétation  embarrasse  la  marche,  empêche  la  vue  et  rend  les 
observations  plus  difficiles  ;  dès  le  mois  de  juillet,  au  contraire,  elle  est 
brûlée,  les  sentiers  sont  débarrassés  et  la  vue  est  libre. 

Le  but  de  l'expédition  de  M.  Stewart  était  de  faire  le  relevé  du  ter- 
rain entre  les  deux  lacs,  de  Karonga,  près  de  Kamboué  Lagoon,  à  Pam- 
bété, et  d'étudier  la  possibilité  d'y  construire  une  route.  Il  put  profiter 
des  bons  offices  des  natifs  de  Livingstonia  qui  sont  déjà  d'un  grand 
secours  pour  les  recherches  géographiques.  Ayant  appris  à  connaître  les^ 
missionnaires,  travaillant  pour  eux,  s' adressant  à  eux  pour  des  conseils, 
ils  les  estiment  et  sont  toujours  prêts  à  les  conduire  partout  où  ceux-ci 
le  désirent;  avec  eux  les  voyages  se  font  sûrement,  car  ils  peuvent  fra- 
terniser avec  les  indigènes  de  toutes  les  tribus  qu'ils  rencontrent,  et 
facilement,  parce  que,  connaissant  la  langue  des  envahisseui's  Mangones, 
qui  ont  parcouru  tout  le  pays  et  y  ont  laissé  la  connaissance  de  leur 
idiome,  ils  peuvent  servir  d'interprètes  aux  missionnaires  ;  ceux  qui 
accompagnaient  M.   Stewart  lui  ont  rendu  sous  ce  rapport  de  grands- 


—  39  — 

î^rvices  dans  les  montagnes  de  Maliouandou  et  de  Mamboué;  en  outre;, 
ils  se  contentent  d'un  salaires!  modique,  que  l'expédition  de  M.  Stewart, 
qui  dura  trois  mois  et  dix  jours,  ne  lui  coûta  que  87  1.  s. 

Parti  de  Livingstonia  le  10  septembre  de  l'année  dernière  sur  VHala^ 
âvec  trente  natifs,  gardes  et  porteurs,  il  rencontra,  à  Bandaoué, 
M.  J.  Moir,  d'Edimbourg,  un  des  fondateui"s  de  la  «  Livingstonia  cen- 
tral African  Company,  »  qui  devait  l'accompagner,  et  avec  lequel  il  com- 
mença  par  explorer  quelques  points  de  la  région  occidentale  du  Nyassa. 
De  Mombéra,  dont  le  chef  leur  donna  douze  nouveaux  porteurs  qui 
furent  en  même  temps  d'excellents  guides,  ils  passèrent  dans  la  vallée  de 
la  Rikourou,  de  10  kilomètres  de  large,  h  1200  mètres  au-dessus  de  la 
mer,  d'un  climat  frais  et  salubre,  la  plus  fertile  que  M.  Stewart  ait  vue. 
Pendant  la  saison  des  pluies,  la  partie  la  plus  rapprochée  de  la  rivière 
devient  un  véritable  marais  ;  elle  est  couverte  de  hautes  herbes  où  se 
tiennent  les  éléphants,  les  buffles  et  les  zèbres.  La  portion  la  plus  occi- 
dentale, arrosée  par  de  nombreux  cours  d'eau  limpides,  dont  plusieui'S 
sont  employés  à  l'irrigation,  est  bien  cultivée  et  produit  tout  ce  dont 
Ifô  natifs  ont  besoin.  Dans  les  derniers  25  kilomètres  de  son  cours,  la 
rivière  descend  de  700  mètres  à  travei'S  des  gorges  profondes.  L'eau  qui 
en  y  entrant  est  bien  claire,  en  ressort  chargée  d'une  teinte  d'argile 
bleuâtre  qui  permet  de  la  suivre  à  une  certaine  distance  dans  les  ondes 
transparentes  du  lac.  Un  peu  au  delà  de  l'embouchure  de  la  Rikourou, 
vers  le  nord,  ils  rencontrèrent  les  gorges  de  la  Chisindiré,  dans  laquelle 
on  a  trouvé  du  charbon  h  IGO  mètres  au-dessus  du  lac,  dans  un  banc 
d'argile  incliné  de  45°  vers  l'ouest.  La  couche  est  compacte,  et,  à  2  kilo- 
mètres et  demi  de  la  côte,  elle  a  plus  de  2  mètres  d'épaisseur: 
M.  Stewart  l'a  suivie  sur  une  longueur  de  200  mètres  et  l'a  trouvée 
affleurant  çà  et  là  à  la  surface.  Il  a  fait  un  bon  feu  de  cette  houille  qui  a 
très  bien  brûlé.  Un  échantillon  en  a  été  soumis  à  l'examen  de  M.  Car- 
rother,  conservateur  du  département  botanique  au  British  Miiseum,  qui 
lui  a  trouvé  l'apparence  d'une  bonne  houille  anglaise,  et  estime  qu'elle 
doit  être  de  la  même  époque  que  le  charbon  d'Angleterre. 

De  là  les  voyageurs  passèrent  les  monts  Waller  et  atteignirent  Deep 
Bay,  d'oii  la  rive  du  lac  incline  fortement  vere  l'ouest  jusqu'à  Kamboué 
Lagoon.  M.  Stewart  avait  cru  d'abord  que  ce  point  offrait  un  bon 
mouillage,  mais  après  l'avoir  bien  examiné,  il  a  reconnu  qu'il  n'en  est 
rien.  Très  bon  port  quand  le  navire  y  est  entré,  il  n'existe  pas  moins 
une  barre  qui  en  rend  l'accès  difficile.  La  Roukourou  qui,  jusqu'à  l'an- 
née auparavant,  s'y  jetait  dans  le  lac,  a  changé  son  cours,  et  maintenant 


—  40  — 

son  embouchure  se  trouve  plus  au  sud  ;  sou  lit  précédent  est  ensablé. 
Les  conditions  de  cette  ligne  de  côte  ne  sont  pas  stables  et  bientôt  Kani- 
boué  Lagoon  ne  pourra  plus  servir  de  port.  A  Karonga,  Vllala  leur 
amena  de  nouveaux  porteurs  et  des  marchandises  d'échange  pour  la 
continuation  de  leur  voyage  vers  le  Tanganyika. 

Quittant  les  bords  du  Nyassa,  le  14  octobre,  ils  atteignirent  en  une 
marche  de  18  kilomètres  le  pied  des  montagnes  de  TOuchoungou,  dans 
lesquelles  ils  entrèrent  par  la  vallée  de  la  Roukourou.  Les  villages 
ouachoungous,  auxquels  des  plantations  de  bananiers  donnent  un  aspect 
pittoresque  attrayant,  leur  parurent  remarquablement  propres.  Pendaut 
deux  jours  le  chemin  fut  rapide  et  raboteux,  mais  moins  qu'ils  ne  s'y 
attendaient,  et  M.  Stewàrt  qui  a  traversé  plusieurs  des  passages  condui- 
sant du  lac  aux  montagnes,  estime  que  c'est  le  plus  facile  de  tous  et 
qu'une  route  y  est  tout  à  fait  praticable.  Le  quatrième  jour,  on  atteint 
Maliouandou,  à  1300  mètres  au-dessus  de  la  mer;  la  chaîne  est  traversée 
6t  l'on  n'a  plus  devant  soi,  au  sud  et  à  l'ouest,  qu'un  plateau  uni  s'éten- 
dant  à  perte  de  vue.  Le  chef  de  Maliouandou  les  reçut  très  cordiale- 
ment, échangea  des  présents  avec  eux  et  leur  donna  des  guides.  Mal- 
heureusement M.  Moir  souffrait  beaucoup  d'ampoules  et  d'enflure  aux 
pieds,  ce  qui  l'empêcha  de  continuer  ;  il  dut  retourner  au  Nyassa,  tan- 
dis que  M.  Stewart  poursuivit  seul  sa  route  vers  le  Tanganyika.  Bientôt 
il  atteignit  Ghiouinda,  village  à  quelques  kilomètres  au  sud  du  mont 
Liréché,  la  montagne  la  plus  élevée  de  ce  district.  Le  chef  en  est 
influent,  il  a  du  gros  et  du  menu  bétail  en  nombre  considérable.  En  cer- 
tains endroits  le  sol  est  bon,  mais  la  plus  grande  partie  en  est  pauvre  ; 
les  natifs  le  fument  avec  la  cendre  des  branches  d'arbres  qu'ils  y  éten- 
dent et  auxquelles  ils  mettent  le  feu.  Le  village  est  situé  sur  la  Songoué 
qui  se  jette  dans  le  Nyassa.  En  amont,  à  l'ouest,  la  vallée  est  bornée 
par  les  monts  Âouioua,  hauts  et  bien  marqués  au  sud,  près  de  Chiouinda, 
tandis  que  vers  le  nord  ils  se  fondent  en  un  plateau  élevé,  habité 
par  les  Ouachoungous,  décemment  vêtus,  la  toile  abondant  parmi  eux. 

Un  peu  au  delà  sont  les  villages  des  Ânyamouangas,  chez  lesquels 
M.  Stewart  trouva  la  trace  du  passage  de  M.  Thomson,  qu*il  suivit  dès 
lors  jusqu'au  Tanganyika.  Le  28  octobre  il  campait  sur  la  Méra  qui 
porte  ses  eaux  au  Chosi,  affluent  du  Chambézé  et  que  l'on  peut  envi- 
sager comme  une  des  sources  les  plus  reculées  du  Congo.  Le  30,  il 
atteignait  Mamboué,  à  1500"  d'altitude  ;  il  y  reçut  la  visite  du  chef, 
Jeune  homme  d'environ  20  ans,  vêtu  de  la  tête  aux  pieds  de  beau  drap 
à  la  mode  arabe,  vif  et  intelligent,  mais  très  peu  à  son  aise  lorsque 


—  41  — 

M.  Stewart  lui  montra  aon  fusil  ;  au  bruit  de  la  batterie  il  s'éloigna,  et 

se  mit  presque  à  courir  en  voyant  une  carabine  chargée  en  une  ou  deux 
secondes.  Mamboué  occupe  la  partie  la  plus  élevée  du  plateau  ;  à  3  kilom. 
au  delà  on  commence  à  redescendre  vers  le  Tanganyika.  En  beaucoup 
d'endroits  le  sol  est  très  riche  ;  il  pleut  abondamment  ;  le  climat  est 
frais  et  tonique  ;  dans  presque  tous  les  villages  le  nombre  des  chèvres  et 
des  moutons  est  considérable.  M.  Stewart  n'a  vu  nulle  part  la  tsetsé 
dans  tout  le  vaste  espace  qui  s'étend  des  bords  du  Nyassa  jusque  près 
du  Tanganyika,  oîi  on  la  retrouve. 

Dans  toute  cette  partie,  la  route  suivie  est  remarquablement  facile  ; 
de  1300"  à  Maliouandou,  elle  s'élève  à  1800"  à  la  ligne  de  faîte  qui 
sépare  le  bassin  du  Nyassa  de  celui  du  Tanganyika,  et  tout  le  long  de 
cette  ligne  il  n'y  a  pas  une  montée  diflScile  ;  l'eau  abonde,  même  dans  la 
saison  sèche.  H  y  a  de  bons  bois,  mais  en  petite  quantité.  M.  Stewaii; 
n'y  a  point  vu  les  belles  forêts  décrites  par  quelques  voyageurs.  Les 
populations  lui  ont  paru  pacifiques  et  industrieuses,  ne  désirant  que  de 
pouvoir  cultiver  leurs  jardins  et  travailler  le  fer,  dont  M.  Stewart  a 
trouvé  du  minerai  sur  toute  sa  route  ;  en  certains  endroits  il  a  remar- 
qué d'anciens  travaux  d'exploitation;  sur  les  flancs  d'une  colline,  par 
exemple,  il  n'a  pas  compté  moins  de  huit  fourneaux,  en  bon  état,  à  quel- 
ques centaines  de  mètres  leg  uns  des  autres,  de  3  mètres  de  hauteur, 
d'un  diamètre  d'un  mètre  et  demi  à  la  base,  et  d'un  mètre  dans  la 
partie  supérieure.  Ils  devaient  pouvoir  contenir  une  demi -tonne  de 
minerai. 

La  décente  jusqu'au  Tanganyika  ne  prit  que  deux  jours  ;  elle  est 
douce  et  facile,  la  pente  n'étant  guère  que  de  1  7o«  La  distance  de 
Karonga  à  Pambété,  par  le  chemin  suivi  par  M.  Stewart,  est  de  400  kilo- 
mètres, mais  pour  revenir  au  Nyassa  il  l'a  abrégée  de  50  kilomètres. 

A  Pambété  il  trouva  M.  Thomson  qui  y  était  arrivé  la  veille,  et 
employa  les  quelques  jours  qu'il  y  passa  à  faire  les  observations  néces- 
saires pour  fixer  la  longitude  de  cette  localité,  par  29**,  T,  20"  à  l'est  de 
Paris,  entre  les  données  de  Stanley  et  celles  de  Thomson,  et  pour  déter- 
miner la  hauteur  du  lac,  qu'il  trouva  conforme  aux  mesures  de  Living- 
stone.  D  regagna  ensuite  les  rives  du  Nyassa  à  l'époque  qu41  avait  fixée 
pour  son  retour. 

Les  résultats  de  ce  voyage  sont  des  plus  favorables  à  l'établissement 
d'une  voie  de  communication  entre  les  deux  lacs.  M.  Stewart  a  jugé 
nécessaire  que  trois  sociétés  distinctes  unissent  leurs  efforts  pour  l'exé- 
cuter, et  la  faire  servir  aux  progrès  du  christianisme  et  de  la  civilisation  ; 


—  42  — 

il  â  demandé  que  la  mission  de  Livingstonia  créât  une  station  h 
Malipuandou,  que  la  «  Livingstonia  Central-African  Company  »  étendît 
•et  développât  ses  opérations  commerciales  jusqu'au  Tanganyika,  enfin 
que  la  Société  des  missions  de  Londres  adoptât  à  Tavenir  la  route  du 
Chiré  et  du  Nyassa  pour  ceux  de  ses  missionnaires  qui  travaillent  sur  les 
bords  du  Tanganyika  et  à  Touest  de  ce  lac;  qu'elle  plaçât  sur  ce  lac  un 
vapeur  et  qu'elle  établît  une  station  à  Mamboué.  En  même  temps, 
M.  James  Stevenson,  membre  de  la  Société  de  géographie  de  Londres 
et  du  comité  des  missions  de  l'Église  libre  d'Ecosse,  offrait  un  don  de 
4,000  liv.  sterl.  pour  la  création  de  cette  route  que  M.  Stewart  était 
disposé  à  construire.  Dès  lors  les  sociétés  intéressées  ont  accepté  les 
conditions  qui  leur  étaient  proposées,  et  ses  ont  déclarées  prêtes  à  exécu- 
ter chacune  la  part  de  l'ouvrage  qui  lui  incombe.  La  Société  écossaise  a 
décidé  de  fonder  chez  les  Ouachoungous  une  mission  dont  Maliouandou, 
à  80  kilora.  du  Nyassa,  sera  le  centre.  De  son  côté,  la  Société  des  mis- 
sions de  Londres  établira  une  station  à  Zomba,  à  30  kilom.  au  S.-E.  du 
Tanganyika  et  fait  construire  pour  ce  lac  un  steamer  sur  le  modèle  de 
Vllala,  La  «  Livingstonia  Central-African  Company  »  s'est  chargée  de 
l'entretien  de  la  route  ;  à  cet  effet  1,000  liv.  sterl.  lui  ont  été  remises  sur 
le  don  de  M.  Stevenson  ;  2,000  liv.  sterl.  ont  été  réservées  pour  la  con- 
struction de  la  route  de  Maliouandou  au  Tanganyika,  et  la  Société  écos- 
saise a  reçu  1,000  liv.  sterl.  pour  le  tronçon  de  Karonga  à  Maliouandou. 
Après  avoir  été  pourvu  d'instruments  de  précision  par  la  Société  de 
géographie,  M.  Stewart  s'est  remis  en  route  de  Londres  le  13  mai,  avec 
un  certain  nombre  d'artisans  évangélistes,  afin  d'arriver  au  Nyassa  à 
l'époque  favorable  pour  commencer  les  travaux.  Il  estime  qu'ils  pour- 
ront être  achevés  en  trois  ans.  Ce  sera  déjà  un  moyen  puissant  de  civili- 
sation. Les  indigènes  au  milieu  desquels  l'entreprise  s'exécutera  pren- 
dront l'habitude  de  se  servir  des  articles  de  commerce  européens,  et 
quand  viendra  le  moment  où  devra  être  transporté  le  vapeur  de  la 
Société  des  missions  de  Londres,  il  y  aura  là  un  corps  d'hommes  tout 
formés  pour  ce  transport.  Les  pièces  de  ce  steamer  arriveront  facilement 
au  lac  Nyassa  ;  quoiqu'il  doive  appartenir  à  la  Société  des  missions  de 
Londres,  la  mission  de  Livingstonia  sera  très  heureuse  de  rendre  à 
celle-ci  tous  les  services  qui  seront  en  son  pouvoir.  Placé  sur  le  Tanga- 
nyika, il  commandera  la  navigation  de  ce  lac  de  640  kilom.  de  longueui', 
et  complétera  la  ligne  presque  directe  de  2240  kilom.,  de  l'embouchure 
du  Zambèze  au  nord  du  Tanganyika.  La  communication  est  déjà  ouverte 
jusqu'au  nord  du  Nyassa  à  1300  kilom.  de  l'Océan.  Quand  la  route 


~  43  - 

entre  les  deux  lacs  sera  terminée,  M.  Stewart  la  remettra  aux  sociétés 
qui  travaillent  à  Téducation  et  à  la  civilisation  de  l'Afrique  centrale. 


BIBLIOGRAPHIE 


Floren'tix  Floriot.  David  Livingstone  et  sa.  mission  sociaue. 
Paris  (Charavay  frères),  1881,  in-18**,  329  p.  av.  illustr.  et  4  cartes,  3fr. 
50  c.  —  Quelque  intéressantes  que  soient  les  découvertes  africaines,  les 
hommes  auxquels  elles  sont  dues  nous  intéressent  encore  davantage,  et 
parmi  ceux-ci,  il  n'en  est  point  dont  la  vie  exerce  sur  nous  plus  d'attrait 
que  celle  de  Li\ingstone,  l'initiateur  auquel  doivent  être  rapportés  tous 
les  progrès  de  l'exploration  moderne.  M.  Floriot  le  suit  avec  une  admi- 
ration respectueuse  dans  toutes  ses  expéditions  du  sud  au  centre,  du 
Zambèze  à  Saint-Paul  de  Loanda  et  à  Quilimane,  au  Nyassa,  au  Loua- 
laba  et  au  lac  Bangouéolo,  jusqu'au  moment  où  il  expire  en  priant  pour 
que  la  liberté  se  lève  sur  l'Afrique.  S'attachant  surtout  à  la  grande  idée 
de  Livingstone,  l'ouverture  de  l'Afrique  à  un  commerce  légitime,  lucra- 
tif, pour  faire  disparaître  le  trafic  spoliateur,  la  traite,  et  remplacer  le 
travail  servile  par  le  travail  libre,  et  la  vie  pastorale  nomade  des  indigè- 
nes par  la  vie  agricole  sédentaire,  il  marque  avec  soin  les  diverses  pha- 
ses de  ces  explorations,  sans  cependant  tomber  jamais  dans  la  séche- 
resse. Tout  ce  qui  fait  vibrer  l'âme  sensible  de  son  héros,  merveilles  de 
la  nature,  souffrances  et  joies  de  l'humanité,  trouve  un  écho  en  lui 
et  donne  à  ses  pages  un  caractère  poétique  qui  y  ajoute  un  grand  charme. 

Abyssisia,  giornale  di  ux  viaggio  di  Pippo  ViGONi.  Milano  (Ulrico 
Hœpli),  1881,  grand  S**,  246  p.  avec  illustrations  et  carte.  8  fr.  —  Atta- 
ché à  l'expédition  envoyée  en  Abyssinie,  par  la  Société  d'exploration 
commerciale  de  Milan,  sous  la  direction  de  Matteucci,  l'auteur  décrit 
d'un  style  très  animé  les  contrées  parcourues,  et  répand  sur  tous  ses 
tableaux  une  couleur  locale  qui  les  rend  très  vivants.  Chemin  faisant  il 
donne  des  détails  fort  intéressants  sur  le  pays,  son  climat,  et  ses  pro- 
ductions, sur  l'histoire  du  peuple  abyssinien,  ses  mœurs  et  sa  religion. 
S'il  n'a  pas  à  louer  souvent  le  caractère  des  Abyssiniens,  il  n'en  est  pas 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  13,  rue  du  Rhône,  à  Genève, 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V  Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  44  — 

de  même  de  celui  du  roi  Jean.  Son  accueil  sympathique  et  ses  procédés 
bienveillants  lui  ont  acquis  l'estime  et  la  reconnaissance  des  voyageurs 
italiens.  M.  Vigoni  pense  qu'il  est  né  avec  le  génie  nécessaire  pour  être 
roi  d'Ethiopie,  mais  qu'il  est  à  craindre  que  ses  efforts  pour  introduire 
la  civilisation  dans  ses  états  n'aboutissent  pas  à  un  résultat  bien  satis- 
faisant, vu  l'indiflFérence  complète  de  ses  sujets  pour  quelque  améliora^ 
tion  que  ce  soit  ;  ils  se  complaisent  dans  leur  état  presque  sauvage,  et 
ne  voient  aucune  nécessité  d'en  sortir. 

M.  Vigoni  n'en  croit  pas  moins  que  si  le  roi  facilitait  les  voies  de  com- 
munication, et  abaissait  les  droits  de  péage  pour  les  caravanes,  le 
commerce  et  l'industrie  en  profiteraient  bientôt  et  feraient  valoir  les 
richesses  jusqu'à  présent  inexploitées  que  renferme  l'Abyssinie. 

Notices  scientifiques,  historiques  et  économiques  sur  Alger  et 
l'Algérie.  Alger  (Ad.  Jourdan),  1881,  1  vol.  in-18°,  420  p.  avec  illustr. 
et  carte.  —  Lorsque  l'Association  française  pour  l'avancement  des 
sciences  eut  choisi  Alger  pour  le  siège  du  Congrès  de  'cette  année,  le 
Comité  local  d'organisation  fit  appel  aux  savants  les  plus  compétents  de 
cette  ville,  professeurs,  médecins,  ingénieurs,  jurisconsultes,  pour  obte- 
nir d'eux  des  travaux  sur  tous  les  sujets  propres  à  faire  bien  connaître 
l'Algérie  aux  membres  du  Congrès  et  au  public.  Leurs  mémoires 
devaient  éviter  les  longs  développements.  De  nombreux  collaborateurs 
se  mirent  à  l'œuvre,  et  fournirent  au  Comité  la  possibilité  de  publier 
dans  la  première  partie  de  ce  volume,  sous  une  forme  très  condensée,  la 
matière  de  nombreux  ouvrages  de  géographie,  d'histoire  naturelle, 
d'histoire  et  d'économie  politique  algérienne.  La  seconde  partie  ren- 
ferme une  description  rapide,  mais  complète  d'Alger  et  de  ses  environs, 
un  exposé  des  conditions  spéciales  qui  font  de  cette  ville  une  station 
hivernale  de  premier  ordre,  des  renseignements  sur  l'enseignement 
public  et  sur  les  nombreuses  sociétés  scientifiques  d'Alger,  dont  l'acti- 
vité justifie  pleinement  le  choix  qu'avait  fait  de  cette  ville  l'Association 
française. 


Wr  Rosùr  de/. 


Y/l/S££,.  5'^ânnée.  Ji^'î,  JoÙt  mi. 


—  45  — 


N. 


\  \ 


•  /  o  /-v  n\  I     •  I    I  r-  '~.  '.  • 
yo  v-^  U  L-  I  L I  inx .  .  ,• 


BULLETIN  MENSUEL  (o  septembre  1 


En  se  retirant  vers  Toasis  de  Figuig,  au  delà  de  la  frontière  S.-O.  de 
TAl^rie,  Bou-Amema  a  attiré  dans  cette  direction  les  troupes  fran- 
çaises, qui  établissent  un  camp  retranché  à  Méchéria,  à  100  kilomètres 
au  sud  du  Kreider,  localité  qui  deviendra  la  base  d'une  expédition  à 
entreprendre  en  automne  contre  Fif^uif^.  Cette  oasis  a  été,  depuis  1830, 
le  point  de  concentration  de  toutes  les  insurrections  qui  ont  ravagé  le 
sud  de  la  province  d'Oran  ;  c'est  le  pays  natal  de  Bou-Amema  ;  c'est  là 
qu'il  est  allé  chercher  quelques  semaines  de  repos,  pendant  la  durée  des 
chaleurs  qui  rendent  impossible  le  parcours  du  Sahara,  et  c'est  là  que 
le  général  Saussier  veut  poursuivre  l'agitateur  pour  mettre  fin  à  l'insur- 
rection. Située  sur  territoire  marocain,  Figuig  est  habitée  par  des  popu- 
lations qui  échappent  à  l'autorité  du  sultan  de  Fez,  et  qui,  par  leur 
turbulence  menacent  constamment  de  lui  créer  des  difficultés  avec  la 
France.  Un  projet  de  chemin  de  fer  de  Saïda  par  le  Kreider  jusqu'à 
Méchéria,  a  été  voté  par  les  Chambres.  Plus  tard  cette  ligne  pourra 
être  poussée  dans  la  direction  d'Insalah.  Ce  serait  une  première  étape 
du  Trans-Saharien,  dont  les  études  sont  suspendues.  Pour  le  moment, 
il  ne  paraît  pas  que  l'on  songe  à  reprendre  l'exploration  commencée 
par  le  colonel  Flatters.  Au  dire  d'un  soldat  indigène,  échappé  comme 
par  miracle  au  désastre  de  cette  mission,  quelques  hommes  de  l'escorte 
seraient  encore  vivants  et  prisonniers  des  Touaregs. 

Un  des  membres  de  la  première  expédition  Flatters,  M.  F.  Bernard, 
capitaine  d'artillerie,  vient  de  pubUer  le  journal  de  son  voyage  chez  les 
Touaregs,  qui  renferme  d'intéressants  détails  sur  le  lac  Meng- 
hoagh,  non  mentionné  jusqu'ici  dans  les  ouvrages  sur  le  Sahara,  ni  mar- 
ciué  sur  la  carte  de  Duveyrier.  Il  est  formé  par  les  eaux  de  la  Tijoujelt, 
un  peu  au  S.-O.  de  Tajenout.  A  l'époque  où  le  capitaine  Bernard  le 
visita,  il  avait  1100"  de  long  et  110"  de  large  environ,  mais  la  grandeur 
en  varie  suivant  les  saisons.  Les  Touaregs  disent  qu'il  ne  tarit  jamais  ; 
la  température  diminuant  à  mesure  qu'on  y  descend  la  sonde,  on  est 
obligé  d'admettre  qu'il  y  a  une  source  qui  l'alimente,  autrement  il 
pourrait  être  rangé  dans  la  catégorie  des  lacs  temporaires,  trouvés  au 
nord  de  Tajenout,  sur  la  route  suivie  par  Duveyrier,  de  Ghadamès  à 
Rhat.  Les  bords  en  sont  plats  et  argileux  ;  la  rive  méridionale  avait  des 
baies,  et  était  couverte  de  tamarins  et  de  plantes  en  fleurs.  Les  eaux  en 
étaient  douces,  mais  légèrement  saumâtres  à  l'extrémité  orientale,  où 

l'APRIQUB.    —    TROlSièMB   AMNÊE.    —    K**   3.  S  ' 


—  46  — 

les  dépôts  apportés  par  la  Tyoujelt  forment  des  bas-fonds.  Au  milieu 
du  lac,  dont  les  eaux  sont  très  poissonneuses,  une  petite  île  était  fré- 
quentée par  des  bécassines,  des  hérons  et  d'autres  oiseaux  semi-aquati- 
ques. Quant  à  sa  profondeur,  elle  était,  à  quelque  distance  du  bord, 
de  4  à  5",  mais  vers  le  milieu  les  explorateurs  trouvèrent  des  fissures 
transversales  de  plus  de  8"  de  profondeur. 

Les  faits  relatifs  à  la  Tunisie  étant  entièrement  du  domaine  politi- 
que, nous  pouvons  nous  dispenser  d'en  parler. 

L'intendance  générale  sanitaire  d'Én^ypte,  établie  h  Alexandrie 
depuis  1866,  et  à  laquelle,  non  seulement  l'Egypte,  mais  aussi  les  pays 
de  l'Europe  ont  dû  d'être  préservés  de  la  peste  dans  les  dernières ^ 
années,  vient  d'être  réorganisée  sous  le  nom  de  Conseil  sanitaire 
niaritime  et  quarantenaire,  siégeant  au  Caire.  Ce  conseil  a  la 
surveillance  du  service  de  santé  dans  l'Egypte  tout  entière  (écoles, 
hôpitaux,  lazarets,  quarantaines,  etc.).  Il  a  pour  mission  de  prendi'e 
toutes  les  mesures  propres  à  prévenii*  l'introduction. en  Egypte  d'épidé- 
mies ou  d'épizooties,  ou  leur  transpoit  dans  des  pays  étrangers  ;  poui* 
cela  il  doit  veiller  sur  les  convois  arriyant  du  dehors  et  spécialement  sui* 
le  pèlerinage  de  La  Mecque  ;  à  cet  égard  il  a  été  institué  sept  princi- 
paux fonctionnaires  à  Alexandrie,  Rosette,  Damiette,  Port-Saïd,  Suez, 
Souakim  et  Massaoua. 

M.  Albarf^ues  de  Sostène,  chef  de  l'expédition  espagnole  chargée 
par  S.  M.  Alphonse  XII  de  remettre  des  présents  au  négous,  a  profité 
de  son  séjour  en  Abyssinie  pour  faire  des  explorations  scientifiques. 
Jusqu'ici  tous  les  voyageurs  prétendaient  que  le  Sémiène  n'avait  point 
de  neige  ;  mais  personne,  au  dire  des  habitants  du  Bas  Sémiène,  n'en 
avait  jamais  fait  l'ascension.  M.  deSostène  a  voulu  se  rendre  compte  par 
lui-même  s'il  y  tombait  de  la  neige.  D  en  a  gravi  le  pic  le  plus  élevé,  le 
Bakhuit,  qui,  d'après  ses  observations,  doit  être  à  plus  de  5000"  au- 
dessus  du  niveau  de  la  mer,  et  l'a  trouvé  couvert  de  neige  ;  il  y  existe, 
dit-il,  des  réservoirs  naturels,  où  les  glaces  doivent  être  éternelles,  le 
froid  y  étant  excessif.  Les  diflScultés  de  l'ascension  expliquent  que  les 
voyageurs  s'en  soient  abstenus  jusqu'ici.  En  effet  M.  de  Sostène  a  dû 
grimper  continuellement  sur  les  parois  de  précipices  vertigineux,  s 'ac- 
crochant aux  plantes,  posant  le  pied  sur  des  saillies  de  roc,  se  servant  de 
crochets,  de  cordes  à  nœuds,  prenant  garde  aux  crevasses  recouvertes 
par  des  plantes  et  de  hautes  herbes,  et  luttant  contre  le  froid  qui  peu  à 
peu  paralysait  ses  mouvements.  La  neige  et  la  glace  ne  peuvent  d'ail- 
leurs pas  être  aperçues  du  pied  de  la  montagne,  le  pic  du  Bakhuit  étant 
presque  toujours  entouré  de  brouillards. 


—  47  — 

Le  P«  DepelcMn,  supérieur  de  la  mission  du  Zambèze,  a  essayé  de 
fonder  une  station  chez  les  Baton^as,  au  delà  du  fleuve.  U  partit 
en  mai  1880  de  Tati,  avec  d'autres  missionnaires  et  dix  noii-s,  sous  la 
conduite  de  M.  Walsh,  vieux  chasseur,  qui,  peu  après  le  départ,  blessé 
grièvement  par  un  accident  de  wagon,  dut  être  transporté  à  grand' 
peine  à  Panda-ma-Tenka,  sur  la  Panda  ;  puis,  avec  60  porteur,  il  se 
dirigea  vers  le  gué  de  Ouanki  sûr  le  Zambèze,  d'où  il  envoya  le 
P.  Teroerde  et  le  F.  Vervenne  à  Mouemba,  chez  les  Batongas.  Dans  le 
trajet  de  retour  vers  Panda-ma-Tenka  il  tomba  malade,  et  bientôt 
Ton  apprit  que  les  deux  missionnaires  de  Mouemba  l'étaient  également  ; 
on  leiu"  porta  immédiatement  du  secours,  mais  quand  on  arriva,  le 
P.  Teroerde  avait  succombé  et  le  F.  Vervenne  dut  être  .ramené  à 
Panda-ma-Tenka.  Le  roi  de*  Mouemba  a  autorisé  les  missionnaires  à 
revenir,  mais  à  condition  qu'ils  lui  amènent  un  wagon  chargé  de  muni- 
tions et  de  poudre.  Les  Batongas  se  sont  montrés  sympathiques  aux 
missionnaires  et  les  ont  aidés  dans  leurs  tribulations.  Cette  tribu  occupe 
toute  la  rive  septentrionale  du  Zambèze,  depuis  les  cataractes  jusqu'à 
rUe  de  Cabiemba,  (le  Nyampanga  des  dernières  cartes),  à  peu  près,  au 
confluent  du  Kafoué  et  du  Zambèze.  D'après  M.  Selous,  qui  a  exploré 
cette  région,  ils  étaient  établis  là  longtemps  avant  l'anivée  des  Makolo- 
i(»  et  des  Barotsés  qui  les  ont  asservis  ;  leurs  plus  cruels  ennemis  sont 
actuellement  les  Chakoundas,  descendants  d'esclaves  qui  se  sont  enûiis 
des  possessions  portugaises.  Dans  ces  derniei*s  temps  des  métis  poitu- 
gais  ont  exercé  parmi  eux  de  tenîbles  ravages.  Au  dire  des  Missions 
catholiques,  quand  ces  mulâtres  veulent  se  procurer  des  esclaves,  ils 
demandent  au  commandant  de  la  station  de  Tété  un  permis  de  guerre, 
sous  prétexte  que  la  tribu  des  Batongas  nuit  au  conmierce  des  blancs  ; 
puis  ils  lancent  sur  eux  les  Chakoundas,  qui  ne  reviennent  de  ces  expé- 
ditions que  chargés  de  butin,  et  ramenant  des  fenunes  et  des  enfants, 
attachés  ensemble  par  des  chaînes  de  fer  ou  par  de  longues  et  fortes 
perches  de  bois  qui  les  empêchent  de  s'enfuir.  M.  Selous  a  vu  ces  hor- 
reurs de  ses  propres  yeux  ;  dans  une  de  ses  explorations,  il  a  trouvé  tous 
les  villages  Batongas  pillés  et  incendiés  ;  quelques  vieillards  et  quelques 
femmes  âgées  étaient  tout  ce  qui  restait  de  l'ancienne  population.  Au 
mois  de  novembre,  M.  Walsh  étant  rétabli,  le  P.  Depelchin  s'est  rendu 
avec  lui  chez  les  Barotsés^  pour  demander  l'autorisation  d'établir  une 
missiou  au  milieu  d'eux  ;  il  l'a  obtenue,  et  a  dû  y  envoyer  deux  mis- 
sionnaires. 

Les  difficultés  que  nous  signalions  le  mois  passé  dans  les  négociatioas 


—  48  — 

entre  les  représentants  des  Boers  et  la  commission  royale  anglaise  ont 
été  aplanies,  et  une  convention  a  été  signée  le  4  août,  dont  voici  les 
principales  clauses  :  la  reine  d'Angleterre  conserve  la  suzeraineté  du 
Transvaal  ;  le  droit  d'y  avoir  un  ministre  résident  exerçant  les  fonc- 
tions de  consul  général  ;  le  droit  d'y  faire  passer  ses  troupes  en  cas  de 
guerre  imminente  avec  une  puissance  étrangère  ou  avec  un  État  indi- 
gène ;  le  contrôle  sur  les  relations  étrangères  du  Transvaal,  et  le  privi- 
lège de  protéger  les  indigènes  contre  les  procédés  parfois  un  peu  rudes 
des  Boers.  L'abolition  de  l'esclavage  et  la  liberté  des  cultes  sont  garan- 
ties. Les  importations  anglaises  ne  souffiriront  aucune  restriction  en 
dehors  de  celles  imposées  aux  autres  pays.  Le  gouvernement  a  dû  être 
remis  aux  Boers  le  8  août.  M.  Hudson  a  été  nommé  résident  anglais. 

M.  Modie,  membre  du  vollcsraad  du  Transvaal,  est  venu  en  Europe, 
et  a  réussi  à  obtenir  l'assentiment  et  l'appui  de  maisons  très  accréditées, 
pour  la  construction  du  chentin  de  fer  de  Pretoria  à  la  frontièi'e 
portugaise.  D'autre  part  une  pétition  de  118  négociants  et  habitants 
de  LiourenaBo  Marques  demande  au  gouvernement  portugais  que 
la  voie  fen'ée  soit  construite  le  plus  tôt  possible,  de  la  baie  de  Delagoa 
à  la  frontière  du  Transvaal.  Les  signataires  font  valoir  le  fait  que 
leur  ville  s'est  agrandie  en  prévision  de  cette  nouvelle  voie  de  com- 
munication, que  des  maisons  étrangères  s'y  sont  établies,  et  que  l'ajorn*- 
nement  de  l'entreprise  éloignerait  les  nouveaux  arrivés. 

Un  projet  de  M,  le  commandant  Bridet,  de  la  marine  française, 
d'établii*  des  eommanicatioiis  téléf^rapltiques  entre  les  ilea 
Maseareisnes  et  Mada^asear,  pour  prévenir  à  temps  de  l'ar- 
rivée des  tempêtes,  a  été  présenté  récemment  à  l'Académie  des  sciences. 
Les  cyclones  de  la  mer  des  Indes  passent  d'abord  à  l'île  Maurice,  puis 
à  la  Réunion,  puis  à  Madagascar  ;  mais  ils  abordent  l'île  Maurice  18  et 
même  24  heures  avant  d'atteindre  la  Réunion.  Avec  des  moyens  d'aver- 
tissement on  pourrait  éviter,  dans  cette  dernière  île,  des  dégâts  analo- 
gues à  ceux  qu'y  a  causés  le  cyclone  du  21  janvier,  qui  avait  passé 
le  20  à  Maurice.  D  suffirait  pour  cela  d'un  câble  télégraphique  sous-ma- 
rin de  185  kilomètres,  dont  la  pose  ne  serait  point  difficile. 

Nos  lecteurs  se  rappellent  la  caravane  de  Boers  arrivés  au  sud  du 
Cunéné,  après  avoir  perdu  la  moitié  des  leurs  dans  leur  long  voyage  à 
à  travers  le  désert  de  Kalahari.  Le  bon  accueil  qu'ils  ont  reçu  des 
autorités  portugaises  du  sud  de  la  province  d'Angola,  les  a  engagés  à 
demander  au  gouvernement  une  concession  de  terrain  dans  cette  région 
fertile  et  l'autorisation  de  fonder  une  colonie  à  HuiUa.  Une  convention  a 


—  49  — 

été  conclue  entre  le  gouvernement  de  Mossamédès  et  les  délégués  des 
Boers,  par  laquelle  chaque  famille  a  reçu  200  hectares  de  terrain  en 
friche,  à  la  condition  de  se  soumettre  aux  lois  portugaises  ;  ils  ne  paie- 
ront ni  dîmes  ni  droits  pendant  les  dix  premières  années  à  paitir  de  la 
concession.  En  cas  d'attaque  de  la  part  des  ijidigènes,  ils  auront  le  droit 
de  se.défendre,  mais  devront  en  informer  immédiatement  les  autorités 
administratives.  Les  indigènes  ne  pourront  être  dépossédés  des  terrains 
nécessaires  à  leurs  plantations.  L'exercice  du  culte  des  nouveaux  colons 
s^era  toléré.  La  colonie  a  reçu  le  nom  de  San  ^anuario^  du  nom 
du  vicomte  de  San  Januario,  alors  ministre  de  la  marine  et  des  colonies. 
L'autorité  supérieure  établira  une  route  dans  la  chaîne  de  Chella,  pour 
faciliter  l'échange  des  produits.  L'armement  de  la  forteresse  de  HuiDa 
sera  amélioré  pour  la  sécurité  des  colons.  Pour  s'assurer  une  quantité 
d'eau  suffisante  aux  besoins  de  leurs  cultures,  ceux-ci  ont  dérivé  les 
eaux  des  rivières  Névé  et  Canhanda,  au  moyen  d'un  canal  de  5  à  6  kilo- 
mètres de  1",50  de  largeur  et  de  1"  de  profondeur  moyenne,  à  la  cons- 
truction duquel  ils  ont  travaillé  avec  tant  d'ardeur  qu'au  bout  de 
25  jours  il  était  terminé,  et  que  chaque  famille  était  abondamment  pour- 
vue d'eau.  Le  gouvernement  a  pris  les  mesures  nécessaires  pour  assurer 
à  la  colonie  les  secours  d'un  médecin  et  d'un  phannacien,  et  fait  tra- 
duire en  hollandais  le  code  national,  pour  les  colons  qui  s'administreront 
eux-mèmeis  sous  la  surveillance  de  l'autorité  portugaise. 

L'insuccès  de  la  tentative  de  Btlchner  pom*  atteindi-e  le  Congo 
depuis  Moussoumbé,  et  la  présence  de  Stanley  sur  le  Congo  inférieur, 
ont  engagé  la  Société  allemande  ponr  Fexplopation  de  l'Afri- 
que éqnatopiale  à  adopter  une  nouvelle  base  d'opérations  poui*  une 
prochaine  expédition,  qui  partira  de  la  côte  occidentale  au  nord  de 
réquateur,  dans  le  voisinage  du  Cameroon.  Il  n'y  a  là  qu'une  étroite 
bande  de  côte,  de  TOcéan  à  la  partie  du  continent  qui  réclame  l'explo- 
ration, entre  l'Ogôoué  et  le  Bénoué.  La  Société  espère  pouvoir  confier 
cette  expédition  à  Bûchner,  quand  il  sera  reposé  de  ses  fatigues. 

M.  Flei^l  a  remonté  le  IViicep  de  Babba  à  Boussa,  malgré  les  diffi- 
cultés qu'of&e  la  navigation  dans  cette  partie  du  fleuve,  dont  le  lit 
rétréci  est  semé  de  rochei's  qui  en  certains  endroits  s'étendent  sui' 
toute  sa  largeur.  Au  conmiencement  de  décembre  il  a  atteint  l'île 
d'Ikouâ,  près  de  Yaurie,  et  comptait  remonter  au  nord  vers  Gando  et 
Sokoto,  pour  redescendre  ensuite  au  sud-est  par  Kano,  Jacoba  et  Yola  à 
Ngaundéré,  dans  la  région  des  sources  du  Bénoué. 

C'est  par  le  Niger  inférieur  que  s'est  terminée  l'expédition  de  Mat- 


—  50  — 

teucci  et  de  Massari,  un  des  plus  grands  triomphes  de  l'exploration 
contemporaine  de  l'Afrique,  douloureusement  payé  par  la  mort  de  son 
chef.  En  attendant  un  rapport  sur  ce  voykge,  voici  quelques  détails 
empruntés  à  une  lettre  de  Matteucci  à  la  Patrie  de  Bologne,  écrite  en 
vue  des  Canaries,  le  27  juillet.  Du  Ouadaï,  oii  les  avaient  laissés  les  der- 
nières nouvelles,  les  explorateurs  ont  pu,  grâce  à  la  protection  du  roi  de 
cet  État,  atteindre  le  Bornou,  malgré  la  guerre  que  se  faisaient  les  petits 
souverains  de  territoires  qu'ils  devaient  traverser.  Quoique  entouré  de 
tribus  sauvages,  le  Bornou  leur  a  paru  civilisé  au  point  de  pouvoir  mar- 
cher de  pair  avec  les  États  de  l'Europe.  Mais  c'est  Kano  qui  leur  a 
laissé  la  meilleure  impression.  L'ordi'e  et  la  paix  y  régnent  ;  la  popula- 
tion très  nombreuse  en  est  industrieuse.  La  capitale  a  plus  de  50000 
habitants,  auxquels  il  faut  joindre  une  foule  de  marchands  et  d'acheteurs 
venus  de  loin.  Les  Européens  l'atteignent  diflBicilement,  parce  que  les 
routes  du  nord  sont  fermées  par  les  Bédouins  du  désert  et  encombrées 
par  les  Arabes  de  Ghadamès  ;  mais  quand  on  y  a  pénétré  on  y  jouit 
d'une  Uberté  complète,  à  la  seule  condition  de  ne  pas  porter  l'habit 
européen.  Personne  ne  vous  demande  :  d'où  venez-vous  ?  où  allez-vous  ? 
que  voulez-vous  ?  quelle  foi  professez-vous  ?  Musulman  ou  non,  vous  êtes 
confondu  dans  la  foule,  et  vous  pouvez  vous  livrer  à  loisir  à  l'étude  de 
ses  coutumes,  de  son  commerce,  de  ses  idées,  etc.  De  Kano  les  voya- 
geurs gagnèrent  le  Nupé  dont  le  roi  les  reçut  avec  ime  afFabiUté  toute 
particulière,  et,  à  leur  demande,  fit  grâce  au  fils  d'un  roi  et  à  plusieurs 
sauvages  qu'il  avait  faits  prisonniers  dans  une  des  dernières  guerres.  Du 
Nupé  ils  ne  purent  gagner  l'Atlantique  par  terre,  la  guerre  sévissant 
toujours  entre  les  royaumes  d'Illori  et  d'Ibadan  qu'ils  auraient  dû  tra- 
verser. Mais,  dès  que  le  directeur  général  de  la  «  United  African  Com- 
pany, »  eut  appris  à  Akassa  leur  présence  à  Egam,  il  vint  les  y  chercher 
sur  mi  des  vapeurs  de  la  Compagnie,  les  ramena  à  l'Atlantique  et  les 
embarqua  sur  le  Coanza  en  partance  pour  Liverpool.  Matteucci  soufirait 
déjà  de  la  fièvre  ;  il  en  avait  eu  plusieurs  accès  en  Afrique,  mais  il  était 
soutenu  par  l'idée  de  rentrer  bientôt  en  Italie,  de  revoir  ses  parents» 
ses  amis,  et  de  leur  faire  part  des  résultats  de  son  expédition.  Malheu- 
reusement, à  son  arrivée  k  Londres  il  fut  pris  d'un  accès  si|  violent  qu'il 
y  succomba,  malgré  les  soins  les  plus  empressés  de  ses  amis  et  des 
médecins.  Sa  dépouille  mortelle  a  été  transportée  à  Bologne  sa  ville 
natale  ;  à  son  passage  à  Paris,  la  Société  de  géographie  a  tenu  à  rendre 
hommage  à  cette  nouvelle  victime  de  la  science,  qui,  par  cette  traversée 
du  continent,  de  la  Mer  Rouge  k  l'Océan  Atlantique,  a  pris  place  à  côté 
(le  Livingstone,  de  Cameroii,  de  Stanley  et  de  Serpa  Pinto. 


—  51  — 

L'année  dernière  le  roi  de  Odé  dans  le  Yoraba  avait  envoyé  une 
ambassade  à  Lagos  au  gouverneur  anglais,  qui  en  avait  profité  pour 
demander  Tabolition  des  sacrifices  humains  encore  en  usage  dans  les 
funérailles  chez  les  gens  de  Odé.  Cette  demande  n'eut  pas  de  résultat 
inunédiat,  car  après  le  retour  de  l'ambassade  15  personnes  furent 
encore  égorgées  h  Odé,  à  l'occasion  de  la  mort  du  premier  ministre  ; 
mais  plus  récemment  le  consul  anglais,  M.  Hewitt,  ayant  fait  une  visite 
officielle  au  roi  et  passé  huit  jours  à  Odé,  a  réussi,  après  de  longs  pour- 
parlers, à  conclure  un  traité  portant  l'abolition  des  sacrifices  humains. 

Sir  Samuel  Rowe  a  été  remplacé,  conune  gouverneur  général  des  colo- 
nies anglaises  de  la  côte  occidentale  d'Afrique,  par  S.  Exe.  Arthur 
ElIbAitk  Havelock  qui,  à  son  arrivée  à  Sierra  Leone,  a  adressé  aux 
chefe  aborigènes  une  lettre,  dans  laquelle  il  les  assure  de  son  désir  de 
maintenir  et  d'affermir  les  relations  amicales  entre  eux  et  le  gouverne- 
ment britannique  ;  mais  en  même  temps  il  leur  déclare  que  le  gouver- 
nement anglais  est  décidé  à  mettre  fin  aux  guerres  et  aux  actes  de  vio- 
lence, qui  nuisent  au  commerce  et  à  la  prospérité  de  la  colonie,  et  il  les 
engage  à  faire  tout  ce  qui  est  en  leur  pouvoir  pour  accroître  la  richesse 
ot  la  civilisation  de  leurs  peuples,  en  protégeant  les  voyageurs  et  les 
marchands  qui  se  rendent  chez  eux,  ou  qui  traversent  leur  territoire 
pour  venir  k  la  côte  ou  se  rendre  dans  l'intérieur. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Les  Chambres  françaises  ont  voté  une  somme  de  50  millions,  à  employer  en 
acquisitions  de  terres  et  en  travaux  de  colonisation  en  Algérie. 

Une  Société  française  pour  la  protection  des  indigènes  dans  les  colonies,  ana- 
logue à  la  Société  anglaise  d'Exeter-Hall,  est  en  voie  de^création  à  Paris. 

D'après  les  calculs  de  M,  de  Lesseps,  au  sujet  du  projet  de  M.  Roudaire,  le 
bassin  du  Cbott  Rharsa,  inondé,  aurait  deux  fois,  et  celui  du  Chott  Meirir,  14  fois 
la  superficie  du  lac  de  Genève. 

Il  est  question  en  Angleterre  d'envoyer  deux  nouveaux  consuls  à  Souakim  et  à 
Khartoum,  pour  y  veiller  à  l'exécution  des  conventions  relatives  à  la  traite. 

Un  nouveau  voyageur,  M.  Jean  de  Muller,  se  propose  de  pénétrer  dans  la  région 
au  sud  du  Fazogl  et  de  Fadasi. 

Une  lettre  de  Cecchi  annonce  le  retour  de  cet  explorateur  pour  le  mois  de 
septembre.  Antinori  et  Antonelli  prolongeront  encore  leur  séjour  à  Let  Marefia. 

Dans  son  exploration  de  la  côte  du  pays  des  Somalis,  M.  G.  Revoil  a  trouvé  des 
vestiges  d'une  colonie  grecque,  à  laquelle  se  rattacherait  une  tribu  Gallas  de  cou- 
leur blanche;  les  armes,  le  costume,  l'idiome  et  les  profils  photographiés  de  per> 
sonnages  de  cette  tribu  confirmeraient  cette  opinion. 


—  52  — 

M.  Shouwer  se  dirige  vers  le  lac  Victoria  et  de  là  poursuivra  sa  route  vers 
Zanzibar.  Il  est  accompagné  d'un  Italien,  M.  Rachetti. 

Une  nouvelle  expédition  internationale  belge  est  en  voie  d'organisation;  elle  sera 
dirigée  par  M.  le  capitaine  adjoint  d'état-major  Hanssens,  et  M.  le  sous-lieutenaut 
d'artillerie  Vandevelde.  M.  Popelin  qui,  avec  M.  Roger,  avait  quitté  Karéma  pour 
aller  fonder  une  station  sur  la  côte  occidentale  du  Tanganyika,  a  malheureuse- 
ment succombé  à  un  accès  de  fièvre  et  à  une  maladie  de  foie. 

M.  Bloyet,  chef  de  la  station  du  Comité  français  à  Condoua,  à  dû  venir  à  Zanzi- 
bar pour  se  reposer  de  ses  fatigues. 

Deux  sociétés  de  géographie  ont  été  fondées  dans  les  colonies  portugaises  afri- 
caines, l'une  à  Mozambique,  l'autre  à  Loanda. 

Le  P.  Antuses,  chargé  de  fonder  une  mission  à  Zoumbo,  sur  le  Zambèze,  est 
parti  de  Lisbonne  pour  Mozambique.  Il  établira  en  outre  à  Zoumbo  luie  station 
météorologique  et  un  comptoir  commercial. 

Un  service  régulier  vient  d'être  créé  entre  St-Denis  (île  de  la  Réunion), 
Mayotte  et  Nossi-Bé,  avec  escale  à  Ste-Marie  de  Madagascar,  en  coïncidence  avec 
celui  des  paquebots  français  de  Marseille  à  la  Réunion. 

On  a  trouvé  dans  les  papiers  de  feu  le  capitaine  Phipson  Wybrants,  mort  dans 
l'exploration  du  pays  d'Oumzila,  un  relevé  très  minutieusement  dressé  de  la  Sabia, 
une  des  grandes  rivières  de  l'Afrique  australe,  qui  se  jette  dans  le  canal  de 
Mozambique.  La  partie  supérieure  de  son  cours  était  à  peu  près  inconnue  ;  le  tracé 
de  M.  Wybrants  permettra  de  corriger  les  erreurs  des  anciennes  cartes. 

Par  suite  de  l'arrangement  des  affaires  du  Transvaal,  Secocoeni,  dont  le  terri- 
toire avait  été  annexé  par  les  Anglais,  sera  mis  en  liberté. 

Le  major  de  Mechow,  qui  a  exploré  le  district  de  Loanda,  est  arrivé  à  Lisbonne, 
ramenant  deux  jeunes  nègres  qui  appartiennent  à  la  même  tribu,  mais  sont  com- 
plètement différents  quant  à  la  forme  du  crâne  et  à  la  couleur  de  la  peau. 

Outre  les  deux  stations  fondées  à  Yivi  et  à  Isangila,  Stanley  a  chargé  le  lieute- 
nant Harrou  d'en  établir  une  troisième  à  Manyanga,  où  M.  Me  Call  a  déjà  installé 
des  missionnaires.  Stanley  souffre  d'une  lièvre  bilieuse  d'un  caractère  alarmant. 

Le  vicomte  d'Agoult,  explorateur  français  du  Nigei;,  est  mort  à  Brass-River. 

Le  D*^  Bayol  a  réussi  à  atteindre  Timbo,  et  revient  à  la  côte.  —  M.  Gaboriau 
se  rend  aussi  à  Timbo,  à  la  tête  d'une  expédition  commerciale. 

Une  nouvelle  expédition  entreprise  sous  les  auspices  de  M.  C.-A.  Verminck  de 
Marseille,  et  dirigée  par  M.  Zweifel,  va  partir  de  Freetown  pour  Timbo,  Falaba 
et  les  sources  du  Niger. 

M.  Borguis-Desbordes,  commandant  de  la  colonne  expéditionnaii-e  qui  accom- 
pagnait la  mission  topographique  du  Haut-Sénégal,  est  rentré  en  France. 

La  fièvre  jaune  a  de  nouveau  éclaté  au  Sénégal  avec  une  intensité  exception- 
nelle. Le  gouverneur  de  St-Louis,  amiral  de  Lanneau,  en  est  mort.  Avant  d'être 
atteint  par  la  maladie  il  avait  réussi  à  conclure  deux  traités  de  paix  avantageux 
pour  la  France,  l'un  avec  les  Oulad  £ly,  l'autre  avec  les  chefs  du  Bosséa. 


-53- 

LE  CHOBÉ 

L'hydi'ogi'aphie  de  l'Afrique  méridionale  doit  certaiiieineut  be«aucoup 
aux  explorations  modernes.  Sans  parler  des  progrès  qu'ont  fait  faii-e  à 
la  connaissance  des  gi'ands  lacs  et  des  deux  principaux  fleuves,  le  Zani- 
bèze  et  le  Congo,  les  voyages  de  Livingstoue  et  de  Stanley,  que  ne 
devons-nous  pas  aux  ti*avaux  de  Savorgnan  de  Brazza  sur  l'Ogôoué,  à 
ceux  de  Schùtt  sur  les  affluents  du  Congo  entre  le  Cassai  et  le  Quango, 
à  ceux  de  Capello  et  Ivens  sur  cette  deniière  rivière,  ainsi  que  sur  le 
Quanza  et  ses  tributaires  ?  D  est  vrai  que,  malgré  tout  ce  qu'ils  nous 
ont  appris  de  ces  fleuves  et  de  ces  rivières,  nos  connaissances  hydi'ogra- 
phiques  touchant  cette  région  demeurent  très  incomplètes,  et  qu'il 
nous  reste,  à  cet  égard,  beaucoup  à  apprendi*e.  Ce  n'est  qu'en  réunis- 
sant tous  les  renseignements  fournis  par  les  divei"s  voyageurs  qu'on 
amve  à  posséder  une  notion  quelque  peu  exacte  des  grands  fleuves  et 
de  leurs  principaux  affluents.  C'est  sur  l'un  des  grands  tributaires  de  la 
rive  di'oite  du  Zambèze,  le  Chobé,  que  nous  voudrions  aujourd'hui  atti- 
rer l'attention  de  nos  lecteui's,  en  nous  aidant  des  données  foiu'nies  par 
Liviiigstone,  dans  son  premier  voyage  au  Zambèze,  et  plus  récemment 
par  MM.  Selous,  Bradshaw  et  le  major  Serpa  Pinto  *. 

Au  dire  de  ce  dernier  voyageur,  qui  a  traversé  cette  rivière  à  ses  deux 
extrémités,  le  nom  de  Chobé  est  inconnu  des  indigènes  ;  ceux  de  la 
région  des  sources  l'appellent  soit  le  Couando  soit  «  la  mère  des  rivières,  » 
ceux  de  la  partie  inférieure  le  Linyanti  ;  cela  n'a  rien  d'étonnant,  la 
plupart  des  rivières  de  l'Afrique  portant  des  noms  diff^érents  dans  les 
diverses  parties  de  leui*  cours.  Mais  comme  depuis  1853,  époque  à 
laquelle  Livingstone  en  découvrit  le  confluent  avec  le  Zambèze,  le  nom 
de  Chobé  a  été  employé  d'ordinaire  parles  trafiquants  et  les  chasseurs, 
en  pai'lant  du  coui-s  inférieur  du  Couando,  on  peut  sans  inconvénient 
l'appliquer  à  la  rivière  tout  entière. 

Elle  prend  sa  source  dans  un  marais  dont  Sei'pa  Pinto  a  déteiminé  la 
position  par  12^59'  lat.  S.  et  16°38' long.  E.  de  Paris,  à  1362»  au- 
dessus  du  niveau  de  la  mer,  un  peu  au  S.-E.  du  Bihé,  et  à  300"  au- 
dessous  du  plateau  de  Cangala,  dont  les  eaux  descendent,  vers  l'ouest  à 
l'Atlantique  par  le  Quanza,  vers  l'est  à  l'Océan  Indien,  par  le  Loungo-e- 
oungo,  affluent  du  Zambèze,  et  vers  le  sud,  au  Macaricari,  par  le  Cou- 
bango.  Après  avoir  coupé  près  de  leur  source  les  tributaires  de  ce 


1  Tfoi 


Voir  la  carte  annexée  à  cette  livraison. 


—  c4  — 

dernier,  Serpa  Piuto  eut  à  traverser  une  contrée  déserte  d'où  sortent 
plusieurs  des  affluents  du  Chobé.  Il  descendit  l'un  d'eux,  le  Coubangoui, 
dans  son  bateau  de  caoutchouc,  et  y  trouva  une  antilope  aquatique, 
espèce  que  les  crocodiles  ont  chassée  de  la  partie  inférieure  de  la  rivière, 
où  Livingstone  l'avait  vue  en  1860.  Ensuite  il  rencontra  le  Couchibi, 
autre  affluent  du  Chobé,  près  duquel  ses  noii*s  lui  amenèrent  un  jour 
deux  chasseurs  dont  la  couleur  blanche  le  frappa  ;  il  se  fit  conduire  à 
leur  bivouac,  et  y  trouva  un  groupe  de  Mucassequers,  dont  le  teint  lui 
rappela  les  Gambaragaras  de  Stanley.  Ils  ont  les  yeux  obliques  des  Chi- 
nois, les  pommettes  saillante,s,  les  lèvres  grosses,  la  tête  parsemée  de 
petites  touffes  d'une  laine  très  courte,  et  vivent  par  petits  groupes,  sans 
chefs,  complètement  libres  dans  les  vastes  espaces  qui  séparent  le  Cou- 
bango  du  Chobé,  toujours  eiTants,  ne  dormant  jamais  deux  fois  dans  le 
même  campement.  Les  hommes  de  cette  tribu  sont  si  forts,  que  les  traits 
qu'ils  décochent  sur  un  éléphant  s'y  enfoncent  tout  entiei's.  Es  se  nou- 
rissent  de  racines  et  du  produit  de  leui'  chasse  ;  lorsque  ces  ressources 
leur  manquent  ils  nouent  des  relations  avec  leurs  voisins  les  Ambuellas, 
avec  lesquels  ils  échangent  de  l'ivoire  contre  des  vivres. 

A  quelques  kilomètres  au-dessous  de  sa  source,  le  Chobé  est  déjà  im 
cours  d'eau  considérable,  et,  de  l'avis  de  Sei^pa  Pinto,  c'est  la  rivière  la 
plus  importante  pour  le  développement  futur  de  cette  région  ;  en  effet, 
tandis  que  le  cours  moyen  du  Zambèze  est  souvent  interrompu  par  des 
rapides  et  des  cataractes,  le  Chobé  offre,  sur  une  longueur  de  1000  kilo- 
mètres environ,  une  route  fluviale  qui,  malgré  beaucoup  de  méandres, 
est  utilisable  presque  depuis  la  source  jusqu'à  l'embouchure  dans  le 
Zambèze.  Les  tributaires  de  son  cours  supérieur,  le  Queimbo,  le  Cou- 
bangoui, le  Couchibi  et  le  Chicouloui  sont  également  navigables.  Le 
vieux  négociant  SUva  Porto  qui,  déjà  dans  les  années  1852-1854,  tra- 
versa le  continent,  de  Benguela  au  cap  Delgado,  a  affirmé  à  Serpa 
Pinto  que  lui  et  d'autres  trafiquants  ont  descendu  le  Couchibi  et  le 
Chobé  jusqu'à  Linyanti,  la  ville  principale  des  Makololos  à  l'époque  de 
Livingstone,  aujourd'hui  déserte  par  suite  des  guerres  qu'ont  faites  à 
ces  derniers  les  tribus  voisines.  L'embouchure  du  Chobé  étant  à  une 
altitude  de  940*",  il  ne  descend  que  de  422"  depuis  sa  source. 

A  partir  du  point  où  Serpa  Pinto  a  traversé  cette  rivière  poui*  se  diri- 
ger vers  le  Zambèze,  nous  ne  savons,  sur  la  continuation  de  son 
cours,  pendant  800  kilomètres  environ,  que  ce  que  Silva  Porto  en  a  dit 
à  l'explorateur  portugais. 

Mais  si  les  renseignements  sur  la  pllis  grande  partie  du  cours  moyen 


,.  ■  t. 


—  00  — 

du  Chobé  D0U8  font  encore  défaut,  en  revanche  nous  en  devons  à 
MM.  Selous  et  Bradshaw,  ainsi  qu'à  Liviiigstone,  d'assez  détaillés  sur 
les  200  kilomètres  qui  précèdent  immédiatement  son  embouchure. 

M.  Selous  qui  a  exploré  cette  répcion  à  trois  reprises,  en  1874,  en 
1877  et  eu  1879,  pendant  la  saison  sèche,  du  commencement  de  juin  à 
la  fin  de  septembre,  rapporte  qu'au  dire  des  indigènes,  à  Mtembanjé,  à 
200  kilomètres  environ  du  confiu(3nt  avec  le  Zambèze,  un  bras  se  détache 
du  Chobé,  et  sous  le  nom  de  Machabé  court  vers  le  sud,  puis  vers  le 
sud-est,  tantôt  dans  des  marais  dans  lesquels  on  n'aperçoit  plus  la 
rivière,  tantôt  dans  un  lit  de  15™  de  large.  A  son  tour  le  Machabé  se 
divise  en  deux  bras  dont  l'un  le  Mababé,  coule  vers  le  nord  et  va  se 
perdre  dans  un  lit  de  roseaux,  l'autre,  le  Tamalakan  (le  Taraounaklé  de 
Liviugstone),  se  dirige  vers  le  sud  et  porte  ses  eaux  au  Botlétlé.  On  se 
rappelle  qu'en  remontant  ce  dernier  cours  d'eau,  arrivé  à  l'embouchure 
du  Tamalakan,  Livingstone,  s'informant  d'où  il  venait,  reçut  pour 
réponse  qu'il  descendait  d'un  pays  où  il  y  avait  tant  de  rivières  que  per- 
sonne ne  pourrait  en  dire  le  nombre  ;  il  comprit  que  la  région  qui  se 
déployait  devant  lui  n'était  pas  l'immense  plateau  sablonneux  des  géo- 
frophés,  et  la  pensée  de  trouver  un  fleuve  navigable,  qui  pût  permettre 
d'arriver  à  cette  contrée  entièrement  inconnue,  s'empara  de  son  esprit 
pour  y  grandir  de  jour  en  jour.  Quant  au  Tamalakan,  l'eau  en  était  si 
transparente,  si  fraîche  et  si  douce,  qu'il  pensa  qu'elle  provenait  de  la 
fonte  des  neiges. 

M.  Selous,  qui  est  essentiellement  chasseur,  a  suivi  le  Mababé  et  le 
le  Machabé  dans  une  partie  de  leur  cours,  mais  n'a  pas  remonté  ce  der- 
uier  jusqu'à  l'endi'oit  où  il  se  détache  du  Chobé  ;  il  en  quitta  les  bords 
pour  remonter  vers  le  nord  et  atteignit  bientôt  la  Sounta,  autre  émis- 
saire du  Chobé,  très  plein  aussi  à  cette  époque,  et  dont  les  eaux  rou- 
laient très  fort  en  septembre  1879,  'jusqu'au  delà  de  Goh-ha-hill  où 
elles  se  perdaient  dans  des  marais.  L'année  auparavant,  la  crue  ayant 
été  moins  forte,  elles  s'étaient  arrêtées  à  moitié  chemin.  Au  nord  de  la 
Sounta  l'on  rencontre  de  grandes  plaines  d'alluvion  comprises  entre 
deux  bras  du  Chobé,  et  dans  lesquelles  celui-ci  se  répand  à  mesure 
qu'il  monte,  pour  y  former  de  vastes  lagimes.  Les  natifs  y  creusent  des 
fossés  de  70  centimètres  de  profondeur,  pour  prendre  le  poisson  qui  y 
pénètre  aux  hautes  eaux  et  ne  peut  plus  en  sortir  quand  les  eaux  ont 
baissé. 

Toute  la  contrée  au  sud  du  Chobé  est  très  marécageuse.  Avant 
d'atteindre  les  bords  de  la  rivière,  Livingstone  vit  sa  marche  entravée 


-  56  — 

par  de  petits  coui'S  d'eau  de  6™  de  large  et  de  plus  de  1"*  de  profondeur, 
qui  augmentaient  à  masure  qu'il  avançait  vers  le  nord.  Les  éléphants  y 
ayant  fait  d'énormes  trous  en  allant  d'un  bord  à  l'autre,  ses  bœufs  y 
enfoncèrent,  cherchèrent  à  en  sortir  par  un  etîort  désespéré  et  cassèrent 
le  timon  de  sou  chariot,  eu  sorte  qu'il  dut  se  mettre  dans  l'eau  jusqu'à 
la  poitrine  et  y  travailler  pendant  plusieurs  heui'es.  Cette  grande  quan- 
tité d'eau  provenait  du  Chobé,  et  l'uu  des  bras  qui  lui  barra  longtemps 
le  passage  n'était,  suivant  lui,  que  l'un  de  ceux  par  lesquels  cette  rivière 
envoie  au  sud-est  la  surabondance  de  ses  eaux. 

Une  remarque  générale  faite  par  M.  Selous  sur  le  Chobé,  le  Machabé, 
le  Mababé  et  le  Tamalakau,  c'est  la  ciiie  simultanée  de  leurs  eaux  pen- 
dant la  saison  sèche,  de  juin  en  septembre.  Tous  ces  cours  d'eau 
sortent  alors  de  leur  lit  marqué  par  des  roseaux,  et  inondent  la  plaine 
jusqu'à  une  certaine  distance.  Le  Mababé  entre  autres,  à  sa  plus  grande 
hauteur,  dépasse  de  plus  de  1  '/a  kilomètre  ses  limitas  du  commence- 
ment de  juin.  Et,  chose  étonnante,  tandis  que  le  Chobé  et  ses  émissairas 
commencent,  dès  que  la  saison  des  pluias  est  passée,  à  déborder  et  à 
inonder  la  plaine  marécageuse  à  travers  laquelle  ils  coulent,  et  qu'ils 
atteignent  leur  maximum  de  hauteur  à  l'époque  de  l'année  où  la  chaleur 
est  la  plus  intense,  le  Zambèze,  au  contraire,  baisse  dès  que  la  saison 
des  pluies  est  finie  et  pendant  toute  la  saison  sèche.  Il  semble  qu'il  y  ait 
là  un  fait  analogue  à  celui  qui  se  produit  en  Suisse,  oîi  les  coui-s  d'eau 
qui  descendent  des  Alpes  atteignent  leiu-  maximum  de  hauteur  pendant 
l'été  et  leui'  minimum  pendant  l'hiver,  tandis  que  ceux  qui  viennent  du 
Jura  sont  bas  en  été  et  hauts  à  la  fin  de  l'hiver.  Aussi,  à  première  vue, 
puisque  le  volume  d'eau  du  Chobé  augmente  dès  que  la  température 
s'élève,  on  serait  porté  à  croire  qu'il  doit  avoh*  ses  sources  dans  de  hau- 
tes montagnes,  sur  lesquelles  la  neige  persiste  pendant  la  saison  la  plas 
chaude  de  l'année.  Mais,  si  tel  était  le  cas,  les  Mambaiis,  natifs  de  la 
côte  occidentale,  qui  trafiquent  pour  des  maîtres  portugais  et  descen- 
dent la  rivière  et  le  Zambèze  chaque  année,  les  aimaient  vues  et  signa- 
lées. Il  devrait  d'ailleurs  en  être  de  même  pour  le  Zambèze,  dont  quel- 
ques affluents  sortent  de  la  même  région,  en  particulier  le  Loungo-e- 
oungo,  la  Ninda  et  le  Nhengo,  traversés  également  par  Serpa  Pinto  qui 
ne  signale  point  de  montagnes  neigeuses  dans  cette  partie  de  l'Afrique. 

A  mesure  que  de  Mtembanjé  l'on  descend  le  Chobé,  une  superficie 
de  terrain  toujours  plus  considérable  se  trouve  sous  l'eau  pendant  l'inou- 
dation;  tout  le  pays,  aussi  loin  que  la  vue  peut  s'étendre,  est  conmie  un 
lac  immenise.  L'alluvion  qui  y  est  déposée  rend  le  sol  très  fertile;  le.s 


—  57  — 

oatiÊ  Toat  cultivé  jusqu'au  moment  oii  les  Matébélés  de  Mosilikatsé 
vinrent  ravager  la  rive  méridionale,  et  les  obliger  à  passer  sur  la  rive 
septentrionale.  Ici  Ton  ne  trouve  plus  latsetsé,  tandis  qu'elle  infeste 
encore  toute  la  région  au  sud  du  Chobé.  Sui'  la  rive  septentrionale  est 
située  la  ville  de  Ramasokatan,  au  delà  de  laquelle  la  rivière  fait  un  gi*and 
coude  vers  le  nord,  pour  reprendi*e  ensuite  son  coui-s  et  le  poursuivre 
vers  l'est  jusqu'à  son  embouchure.  Elle  s'élargit  parfois  jusqu'à  attein- 
dre 40O".  On  y  rencontre  des  îles,  et,  à  quelques  kilomètres  du  con- 
fluent, des  rapides,  les  seuls  de  tout  le  cours  de  la  rivière,  formés  par 
une  chatue  de  rochers,  courant  vers  le  nord  sur  une  longueur  de  800"  et 
créant  aussi  des  rapides  dans  le  Zambèze.  Quelques-unes  des  îles  de  ces 
rapides  sont  couvertes  d'un  sable  sonore,  qui  crie  quand  on  marche 
dessus.  En  certains  endroits  les  bords  de  la  rivière  sont  couverts  de 
forêts  épaisses  ou  de  longues  herbes,  dans  lesquelles  se  tiennent  des  trou- 
pes d'hippopotames.  D  y  a  quelques  années  il  y  avait  encore  là  des 
éléphants  et  des  buffles,  mais  l'introduction  des  armes  à  feu  parmi  les 
natifs  les  a  presque  tous  chassés. 

Non  loin  de  l'embouchure  se  trouve  la  ville  d'Impalera  (Mparii*a 
de  Livingstone)  par  22"*  59'  long.  E.  et  17'' 49'  latitude  S:,  à  une 
altitude  de  979"  d'après  les  déteiminations  de  Serpa  Pinto.  Naguère 
encore  tmpalera  était  occupée  par  les  Masoubias,  sous  un  chef  nommé 
par  les  Barotsés,  mais,  aux  dernières  nouvelles  reçues  par  M.  Bradshaw, 
ils  avaient  dû  s'enfuir  devant  ceux-ci  au  delà  du  Chobé,  avec  l'intention 
de  s'établir  sur  les  bords  du  Mababé,  dans  les  états  de  Khamé  roi  des 
Bamangouatos,  et  Impaiera  était  déserte.  A  l'époque  où  elle  étaitencore 
habitée,  les  Masoubias  devaient,  pendant  la  crue  annuelle  du  Chobé, 
quitter  poui'  quelque  temps  leui'S  habitations,  dans  lesquelles  les  eaux 
s'élevaient  à  70  centimètres. 

Vis-à-vis  d'Impalera  est  établie  une  station  commerciale,  dans  le  voi- 
sinage de  laquelle  est  une  source  thermale  saline,  dont  la  température 
est  si  élevée  qu'on  peut  à  peine  y  tenir  la  main.  Le  sol  enviromiant  est 
spongieux,  mais,  à  moins  d'un  mètre  de  profondeiu*,  on  trouve  le  roc 
compacte.  Chaque  année,  quand  la  rivière  monte,  la  source  est  couverte 
par  les  eaux  du  Chobé  ;  puis,  quand  celles-ci  ont  baissé,  on  trouve  sur  le 
sol  et  sur  toutes  les  plantes  d'alentour  une  épaisse  croûte  d'un  sel 
pur  et  fort.  La  source  donne  naissance  à  un  cours  d'eau  tranquille, 
peu  profond,  d'un  mètre  de  large,  qui  se  rend  au  Chobé  ;  il  est  rempli 
de  petits  poissons  qui  ne  paraissent  pas  incommodés  par  la  chaleur  de 
Teau. 


« 


—  58  — 

Au  confluent  le  Chobé  a  encore  200"  de  large  ;  la  berge  de  la  rive 
méridionale  a  4""  de  hauteur,  tandis  que  la  rive  opposée  est  couverte  de 
roseaux  à  trois  kilomètres  de  distance.  A  l'époque  de  la  crue  des  eaux, 
qui  montent  de  5  ou  6  mètres,  tout  l'espace  compris  entre  la  rivière  et 
le  Zambèze  n'est  qu'un  grand  lac. 

Toutefois,  M.  Selous  estime  que  depuis  un  certain  nombre  d'années 
le  régime  des  eaux  de  cette  région  subit  des  modifications  sensibles. 
D'après  Baines,  le  Tamalakan  était  si  plein,  en  mai  1863,  qu'à  l'endroit 
ot  il  se  verse  dans  le  Botlétlé  ses  eaux  couraient  à  la  fois  au  S.-E.  et  au 
S.-O.  Autrefois  le  Botlétlé  montait  si  haut  chaque  année,  que  ses  eaux 
débordaient  et  se  répandaient  dans  une  grande  saline  appelée  Ntoué- 
toué,  mais  depuis  quelques  aimées  il  ne  l'a  point  atteinte.  D'ordinaire 
son  inondation  s'avance  vers  le  sud  jusqu'aux  jardins  des  Makalakas 
soumis  à  Khamé,  qui  se  servent  de  ses  eaux  pour  leurs  cultures; 
en  1879  elle  leur  a  manqué  et  ils  ont  perdu  toutes  leurs  récoltes. 
En  1877  et  en  1879,  M.  Selous  a  trouvé  à  sec  une  immense  étendue  de 
pays  qui  avait  été  complètement  inondée  en  1874,  et  il  a  appris  de« 
indigènes,  qu'en  1878  le  Chobé  s'était  élevé  moins  haut  qu'en  1877  et 
surtout  qu'en  1874.  Au  reste,  cette  diminution  des  eaux  n'est  pas  le  fait 
du  Chobé  seulement.  Livingstone  la  signalait  déjà  dans  le  désert  de 
Kalahari,  et  les  missionnaires  qui  travaillent  dans  le  Damaraland  la 
constatent  également.  En  ce  qui  concerne  le  bassin  du  Chobé  en  parti- 
culier, outre  les  lacunes  que  présentent  encore  nos  comaaissances  à  cet 
égard,  l'hydrographie  de  cette  région  appelle  de  nouvelles  explorations 
pour  déterminer  exactement,  soit  l'époque  de  la  saison  des  pluies,  soit 
celle  de  la  crue  de  la  rivière  et  de  ses  émissaires.  D'après  Bradshaw, 
l'inondation  commence  en  janvier  et  dure  jusqu'à  la  fin  de  mars  et 
même  en  avril  ;  d'après  Selous  elle  a  lieu  de  juin  à  septembre.  Les 
futurs  explorateurs  ne  manqueront  pas  d'étudier  cette  question. 


LES  PY6MÉES  DE  L'AFRIQUE 

L'an  dernier  nous  avons  entretenu  nos  lecteurs  des  peuplades  anthro- 
pophages de  l'Afrique.  Aujourd'hui  nous  voudrions  leur  parler  d'une 
autre  particularité  remarquable  des  races  de  ce  continent,  et  en  étudier 
les  peuples  nains. 

Au  premier  abord  le  lecteur  se  montrera  peut-être  quelque  peu 
incrédule;   il  parlera  d'observations  mal  faites,  de  récits  exagérés. 


--  59  - 

de  contes  de  fées,  mais  il  aura  tort,  car  les  voyageurs  qui  nous  ont  donné 
des  renseignements  au  sujet  de  ces  peuplades  sont  pour  la  plupart  con- 
nus pour  leur  esprit  inipartial,  leur  jugement  sain,  et  la  justesse  de  leurs 
observations.  Sans  doute,  il  ne  faut  pas  croire  que  les  pygmées  afiricains 
ressemblent  aux  anciens  nains  des  fabulistes.  Les  deux  mots  pygmées  et 
nains  ne  s'appliquent  pas  strictement,  avec  le  sens  que  nous  leur  don- 
nons d'ordinaire,  aux  tribus  dont  nous  parlerons  plus  loin.  Ce  que  Ton 
peut  dire,  c'est  qu'il  existe  des  races  africaines  dont  les  individus  sont 
certainement  de  15  à  20  centimètres  plus  petits  que  la  généralité  des 
autres  hommes. 

Les  anciens  auteurs,  Hérodote  et  Aristote  entre  autres,  signalent 
l'existence  d'un  petit  peuple  au  delà  du  désert,  près  de  la  région  des 
lacs  oii  le  Nil  prend  sa  source.  Mais  leurs  affirmations  ne  reposent  que 
sur  des  traditions,  tandis  qu'aujourd'hui  un  ^sez  grand  nombre  de 
voyageurs  mentionnent  ces  races  d'après  leurs  propres  observations. 

Du  Chaillu  parcourant  lé  pays  des  Achangos  {V5S'  lat.  S.  et  11°56' 
long.  E.),  découvre  une  tribu  de  chasseurs  nomades  nonmiés  Obon- 
gos.  Leur  couleur  est  d'un  jaune  sale,  moins  foncé  que  celui  des  Achan- 
gos. Leurs  cheveux  croissent  par  petites  touffes.  Ils  mènent  une  vie 
misérable  sous  des  huttes  de  feuillage,  ne  mangeant  que  des  racines 
ou  des  animau^  pris  au  piège.  Quant  à  leur  taille,  elle  n'est  que  de 
quatre  pieds  sept  pouces  (1",39).  Jusque-là  rien  de  trop  extraordinaire  ; 
mais  nous  hésitons  à  croire  Du  Chaillu  lorsqu'il  nous  dit  que  leur  (Mrps 
est  extrêmement  velu.  On  peut  penser  qu'ici  le  voyageur  a  donné  libre 
carrière  à  sa  fantaisie,  et  ce  qui  nous  confirme  dans  cette  opinion, 
c'est  que  Du  Chaillu,  qui  a  vu  un  grand  nombre  d'Obongos,  n'a  pas 
observé  lui-même  ce  singulier  caractère,  mais  s'appuie  sur  les  récits  des 
indigènes  pour  l'attribuer  à  la  race  entière. 

Un  ancien  auteur,  Battel,  parle  aussi  d'un  peuple  nain,  les  Ma- 
timbos  ou  Dongos,  qu'il  place  dans  la  même  région  que  celle  oii  Du 
ChaiUu  trouva  les  Obongos.  Les  auteurs  portugais  du  commencement 
du  dix-septième  siècle,  et  à  la  même  époque  Dapper,  décrivent  un  peu- 
ple pygmée  que  les  premiers  appellent  Bakkas-Bakkas,  le  second  Bak- 
késbakkés  ou  Mimos.  D'après  Dapper  ces  petits  honunes  se  rendent 
invisibles  par  l'effet  d'un  ceitain  art  diabofique,  et  ils  tuent  les  éléphants 
sans  se  donner  beaucoup  de  peine. 

D'autre  part,  le  voyageur  Escayrac  de  Lauture,  d'après  les  rapports 
des  indigènes  du  Baghirmi,  signale  à  l'ouest  du  lac  Koéi-Dabo,  situé  à 
60  journées  de  marche  au  S.-S.-E,  de  Maséna  (capitale  du  Baghirmi), 


M 
I 

.  I 


—  60  — 

la  peuplade  des  Mala-Ghilagés  (hommes  à  queue),  dont  la  taille  serait 
petite  et  qui  auraient  le  teint  plutôt  blanc.  Schweinfiirth  croit  que  la 
mention  de  la  queue  dont  ces  petits  hommes  sont  gratifiés  n'est  que 
récho  d'une  fable  répandue  dans  tout  le  Soudan. 

C'est  encore  dans  cette  partie  de  l'Afrique  que  le  révérend  Koellé  a 
placé  les  peuplades  naines  des  Kenkôbs  et  des  Betsônes,  sur  lesquelles 
il  a  eu,  à  Freetown,  des  renseignements  de  témoins  oculaires,  qui  lui  ont 
parlé  aussi  d'un  lac  ou  d'une  grande  rivière  appelée  Liba  ou  Riba; 
c'était  près  de  là  qu'existait  cette  petite  race  dont  les  individus  n'avaient 
que  trois  ou  quatre  pieds  de  haut,  et  portaient  les  cheveux  longs  comme 
la  main  avec  une  grande  barbe.  Ils  vivaient  exclusivement  du  produit 
de  leur  chasse  et  étaient  très  habiles  à  poursuivre  le  gibier. 

En  réunissant  tous  les  renseignements  que  nous  venons  d'énumérer, 
nous  pourrions  déjà  affirmer  qu'il  se  trouve  dans  la  région  centrale  de 
l'Afrique,  entre  les  lacs  Albert  et  Tchad,  un  groupe  de  peuplades  appar- 
'tenant  à  une  race  de  plus  petite  stature  que  les  nègres.  Mais  ce  qui 
précède  est  encore  bien  peu  de  chose,  et  les  traits  caractéristiques  de 
ces  peuples  seraient  presque  inconnus,  sans  les  voyages  importants  de 
Schweinfiirth,  Miani,  Mamo  et  ChaiUé^ong, 

Schweinfiirth,  dans  son  expédition  aux  pays  des  Niams-Niams  et  des 
Mombouttous,  vit  un  grand  nombre  de  petijg  hommes,  que  les  indigènes 
nonmiaient  Akkas  et  qui  accompagnaient  le  roi  Mounza.  La  rencontre 
qu'il  fit  au  sud  de  la  résidence  de  ce  chef,  chez  Moummeri,  de  plusieurs 
centaines  de  guerriers  akkas,  est  assez  caractéristique  pour  être  racon- 
tée. «  Un  soir  je  me  vis  entouré,  dit-il,  d'une  foule  de  petits  bonshommes 
qui  me  parurent  jouer  aux  soldats,  et  que  je  pris  pour  des  gamins  d'une 
rare  insolence.  Ils  avaient  l'arc  tendu  et  me  visaient  d'un  air  qui  me  fit 
éprouver  une  certaine  irritation.  «  Ce  sont  des  Akkas,  me  dirent  mes 
«  Niams-Niams.  Tu  les  prends  pour  des  enfants  ;  ce  sont  bel  et  bien  des 
0  hommes,  et  des  hommes  qui  savent  se  battre.  »  L'arrivée  du  chef,  qui 
>1nt  me  saluer,  mit  fin  à  la  scène  et  m'empêcha  d'étudier  davantage 
son  petit  régiment.  »  Mais  Schweinfiirth  put  observer  à  loisir  les  Akkas 
du  roi  Mounza* et  en  donner  une  description  détaillée, 
t  Miani  de  même  rencontra  des  Akkas  nains,  appelés  aussi  par  las 
ii]Ldigènes  Mabongos.  Quand  Miani«  de  retour  de  ses  voyages,  parla  de 
ce  peuple,  on  nia  qu'il  l'eût  jamais  vu.  Dans  une  seconde  expédition, 
dont  il  n'est  malheureusement  pas  revenu,  il  eut  la  joie  de  pouvoir  s'em- 
parer de  deux  Alîkas,  qui  fiirent  recueillis  par  Schweinfiirth.  Ce  dernier 
amena  les  Akkas  au  Cab*e,  (^ota  ils  furent  conduits  en  Italie  oh  nous  les 
retrouverons. 


—  61  — 

Deux  femmes  Akkas  ont  été  vues  par  le  voyageur  autrichien  Marno  : 
la  première  était  une  petite  fille  de  dix  à  douze  ans  ;  la  seconde  avait 
vingt-cinq  ans.  En  contact  avec  les  cannibales  Niams-Niams,  ces  Âkkas 
croyaient  que  Marno  les  achetait  pour  les  manger,  mais  des  présents 
les  calmèrent  bientôt. 

Enfin  les  Akkas  ont  été  observés  et  même  photographiés  par  le  colo- 
nel ChaiUé-Long. 

On  peut  donc  dire  que  l'existence  de  ces  tribus  naines  au  centre  de 
TAfirique,  s'étendant  probablement  sur  un  grand  espace,  n'est  plus  con- 
testable. 

C'est  le  D*"  Schweinfurth  qui,  sans  contredit,  a  le  mieux  observé  les 
Akkas  et  nous  a  donné  sur  leurs  mœurs  les  plus  grands  détails.  Il  put 
même  prendre  avec  lui  Tun  d'eux,  que  le  roi  Mounza  lui  avait  donné  en 
échange  d'un  chien.  Ce  nain,  du  nom  de  Nsévoué,  avait  un  teint  clairet 
mesurait  l^ïéO.  Le  docteur  espérait  l'amener  sain  et  sauf  en  Eiux)pe, 
mais  il  mourut  à  Berber  d'une  dysenterie  causée  par  sa  gloutonnerie. 

La  couleur  des  Akkas  est  d'un  brun  mat  assez  clair,  celui  du  café  peu 
brûlé.  Ceux  que  Schweinfurth  a  vus  avaient  peu  de  barbe  et  une  cheve- 
lure courte  et  laineuse.  Mais,  d'après  les  récits  qu'on  lui  fit,  ceux  qui  se 
rencontrent  phis  à  l'ouest  ont  au  contraire  une  forte  barbe,  qu'ils  arran- 
gent en  longues  pointes  raidies  avec  de  la  poix.  Les  Akkajs  ont  la  tête 
grosse  et  hors  de  toute  proportion  avec  le  cou  mince  et  taible  qui  la 
supportef.  Les  bras  ainsi  que  le  corps  sont  d'une  longueur  anormale. 
La  poitrine,  plate  et  resserrée  dans  le  haut,  va  s'élargissant  jusqu'à 
rénorme  panse  qui  fait  ressembler  les  Akkas,  si  âgés  qu'ils  soient,  aux 
enfants  égyptiens  et  arabes.  Le  dos  est  fortement  arrondi  ;  l'épine  dor- 
i^ale  est  tellement  souple,  qu'après  un  repas  copieux,  le  centre  de  gra- 
vité se  déplace  et  la  partie  lombaire  de  l'échiné  se  creuse.  Les  genoux 
sont  gros  et  noueux,  les  autres  articulation^  de  la  jambe  saillantes  et 
anguleuses,  et,  les  pieds  tournés  plus  en  dedans  ^e  ceux  des  autres 
Africains.  L'allure  serait  difficile  à  qualifier  :  c'est  un  balancement, 
accompagné  de  soubresauts  qui  se  propagent  dans  tous  les  membres  ; 
Nsévoué  n'a  jamais  pu  porter  un  plat  sans  en  répandre  plus  ou  moins  le 
contenu.  Les  mains  sont  d'une  déhcatesse  remarquable.  Mais  ce  qui 
caractérise  la  race,  c'est  la  tête.  L'angle  facial  des  Akkas  est  de  soixante 
à  soixante-dix  degrés.  La  mâchoire  se  projette  en  museau,  d'autant  plus 
accusé  que  le  menton  est  fuyant.  Le  cr&ne  est  large,  presque  sphérique, 
et  présente  un  creux  profond  à  la  racine  du  nez.  Les  Akkas  ont  d'énor- 
mes oreilles,  à  l'inverse  des  auprès  peuplades  de  la  même  région  ;  en 


—  62  - 

revanche  leurs  lèvres  sont  moins  épaisses.  Leur  visage  est  très  mobile. 
Le  jeu  des  sourcils,  la  vivacité  des  yeux,  les  gestes  rapides  des  mains  et 
des  pieds  leur  donnent  un  aspect  infiniment  drôle. 

Quant  aux  deux  Akkas  amenés  en  Italie,  et  placés  sous  la  protection 
du  comte  Miniscalchi  à  Vérone,  Taîné,  Thibaut,  a  vraisemblablement 
19  ans  ;  sa  taille  est  de  l",42  ;  on  croit  qu'il  a  atteint  son  maximum  de 
croissance  ;  en  revanche  le  cadet,  Chaïralla,  croît  encore  ;  il  a|l"',41,  et 
Ton  suppose  qu'il  a  16  ans.  La  forme  du  crâne  semble  se  rapprocher  de 
celle  des  dolychocéphales  ;  le  prognatisme  est  très  marqué,  la  bouche 
grosse,  avec  des  lèvres  épaisses  s'écartant  l'une  de  l'autre  ;  les  dents 
sont  extrêmement  blanches.  Une  touffe  de  poils  uoh-s  laineux  commence 
à  poindre  sur  les  joues,  au  menton  et  à  la  lèvre  supérieure  de  Thibaut  ; 
Chaïralla  au  contraire  n'a  encore  aucune  trace  de  barbe.  Tous  deux 
parlent,  lisent  et  écrivent  l'italien,  mais  ils  ont  oublié  leur  langue 
maternelle  et  l'arabe  qu'ils  avaient  appris  dans  leur  enfance.  Us  jouis- 
sent d'une  bonne  santé,  et  se  conduisent  généralement  bien,  mais  ils 
sont  extrêmement  enfants  dans  leurs  inclinations. 

Les  renseignements  que  nous  avons  sur  les  Obongos,  les  Matimbos, 
les  Kenkôbs,  sont  trop  vagues  pour  que  l'on  puisse  dire  si,  avec  les  Akkas, 
ils  ne  constituent  qu'un  seul  peuple  disséminé  sui'  plusieiu^  points,  ou 
si,  faisant  partie  de  la  même  race  ils  forment  des  variétés,  des  groupes 
différents  ayant  quelques  caractères  communs.  La  comparaison  a  pu 
cependant  se  faire  entre  les  Akkas  et  un  autre  peuple  de  petite  taille, 
les  Bushmens  du  sud  de  l'Afrique.  Les  deux  tribus  ont  entre  elles  une 
ressemblance  frappante.  Le  véritable  Bushmen  ne  mesure  qu'un  mètre 
quarante-quatre  centimètres ,  c'est-à-dire  seulement  quelques  centi- 
mètres de  plus  que  les  Akkas.  La  couleur  est  la  même  chez  les  uns  et 
chez  les  autres.  Aucun  des  deux  peuples  n'a  de  barbe  ;  la  forme  du  corps, 
de  la  tête  et  des  oreilles  des  Bushmens  est  tout  à  fait  analogue  à  celle 
des  Akkas.  La  seule  différence  sensible  est  dans  l'œil,  que  les  Bush- 
mens ont  très  petit,  à  peine  visible,  tandis  que  chez  les  Akkas  il  est 
bien  fendu  et  largement  ouvert. 

Enfin,  ce  qui  est  aussi  caractéristique,  les  peuplades  naines  sont 
toutes  d'mie  timidité  farouche  à  l'égard  des  étrangers,  et  se  trouvent 
complètement  isolées  au  milieu  des  autres  peuples  africains,  qui  les 
exècrent  et  les  regardent  comme  très  peu  supérieures  au  singe.  Cepen- 
dant, si  pour  les  Bushmens,  cette  mésintelligence  avec  les  peuplades 
voisines  se  traduit  par  une  sorte  de  chasse  organisée  contre  eux,  les 
Akkas  au  contraire  sont  bien  traités  par  les  Mombouttous  au  milieu 


—  63  — 

d^uels  ils  vivent,  parce  que  ces  derniei^s  les  craignent  et  qu'ils  en  ont 
besoin,  les  nains  étant  d'excellents  chasseurs.  D'api*ès  Du  Chaillu,  les 
Achangos  accordent  de  même  leur  protection  aux  Obongos. 

Taudis  que,  poui*  M.  Hartmann,  cette  petitesse  de  coi'ps  et  ces  carac- 
tères particulière  ne  séparent  pas  suflisamment  les  peuples  nains  des 
autres,  poui*  Schweinfurth  au  contraire,  ces  tribus  ne  sont  que  les 
débris  d'une  race  autochtone,  qui  va  disparaissant  de  tous  côtés  par 
suite  des  gueires  continuelles  dont  l'Afrique  est  le  théâtre. 

Schweinfurth  rattache  aussi  à  cette  même  race  le  petit  peuple 
uain  des  Dokos,  qui  habitent  au  sud  de  Kaffa  et  sont  très  connus  à  Zan- 
zibar, oii  on  les  appelle  Bérikimos  ou  gens  de  deux  pieds. 

Quant  aux  populations  pygmées  de  Madagascai*  appelées  Kimos,  le 
savant  docteur  ne  croit  pas  qu'il  y  ait  entre  elles  et  celles  de  l'Afrique 
centrale  des  liens  de  parenté  ;  il  appuie  son  opinion  sur  le  fait  que  tout 
à  Madagascar,  flore,  faxme,  habitants,  diffère  de  l'Afrique. 

Pour  terminer  nous  donnerons  un  tableau  comparatif  des  peuplades 
pygmées  de  l'Afrique  avec  d'autres  nations  du  globe. 

Gentimètret.  Centimètres. 

Patagonien 178-180  Indigène  des  îles  Anda- 

man 156 

Cafre 179  Bushmen 144 

Européen 165  Lapon 144 

Xègre 165  Obongo 133à  152 

Chinois 163  Akka 135  à  150 

Australien 162  Esquimau 130  (?) 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

Conte  Luigi  Pennazzi,  Sudan  orientale.  Napoli,  1881,  in-12,  50  p. 
—  Voulant  montrer  de  quelle  importance  serait  pour  l'Italie,  au  point 
de  vue  commercial,  l'ouverture  de  la  vaste  région  comprise  entre  le  Haut- 
Nil  et  la  mer  Rouge,  le  comte  Louis  Pennazzi  a  exposé,  dans  une  con- 
férence tenue  au  Club  africain  de  Naples,  les  résultats  des  observations 
qu'il  a  faites  dans  un  premier  voyage  à  Sennaheit,  Kassala,  Sennaar, 
Keren,  etc.  Cette  expédition,  enti'eprise  avec  le  capitaine  Bessone,  n'était 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  13,  rue  du  Bhône,  à  Genève, 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  dvilùfée. 


—  64  — 

d'ailleurs  qu'un  voyage  de  préparation  à  une  série  d'explorations  qu'il 
va  commencer.  Il  s'avancera  par  Kassala  et  Galabat  vers  le  pays  des 
Grallas,  puis  traversera  le  Grodjam  et  une  partie  de  l'Amhara,  et  descen- 
dra sur  Assab  en  cherchant  une  route  courte,  facile  et  sûre,  qui  per- 
mette d'attirer  vers  la  colonie  italienne  les  caravanes  allant  aujourd'hui 
h  Massaoua  et  à  Souakim.  Après  avoir  payé  un  juste  tribut  d'éloges  à 
Gressi,  et  constaté  les  résultats  obtenus  par  les  explorateurs  Antinori, 
Cecchi,  Blanchi,  Matteucci  et  Massari,  il  a  recommandé  aux  Sociétés 
italiennes  de  concentrer  leurs  efforts  :  le  Club  africain  de  Naples,  sur 
Assab  ;  la  Société  de  géographie  de  Rome,  sur  le  Choa  ;  la  Société  com- 
merciale de  Milan,  sur  la  vallée  du  Nil,  et  la  Société  milanaise  d'explo- 
ration, sur  la  Cyrénaïque. 

Du  Mont  Pappua  et  de  sa  synokymie  avec  le  Djebel-Nador,  par 
Alexandre  Pcqner^  vice-président  de  l'Académie  d'Hippone.  Constan- 
tine  (typ.  L.  Arnolet),  1880,  in-8,  31  p.  et  pi.  —  Jusqu'ici  la  tradition 
avait  fait,  tantôt  du  massif  de  l'Edough  qui  domine  Bone,  tantôt  du 
Babor  ou  encore  de  l'Aurès,  la  retraite  de  Gélimer,  roi  des  Vandales, 
fuyant  devant  Bélisaire.  Par  une  étude  complète  et  sagace  des  textes 
de  Procope,  secrétaire  du  général  de  Justinien,  et  des  lieux  décrits  dans 
son  histoire  de  la  guerre  des  Vandales,  M.  Papier  montre  qu'il  y  a 
beaucoup  plus  de  raisons  pour  identifier  le  mont  Pappua  de  l'auteur 
grec  avec  le  Djebel-Nador.  Une  inscription  trouvée  dans  ce  massif,  à 
l'entrée  de  la  mine  de  Hammam  N'baïls,  où  les  Romains  exploitaient 
déjà  les  gisements  de  minerai  de  zinc  dans  lesquels  la  société  de  la 
«  Vieille  Montagne  »  trouve  .encore  à  puiser  si  largement,  vient  à 
l'appui  de  l'opinion  exposée  dans  cette  savante  dissertation. 

Zanzibar,  la  côte  orientale  d'Afrique  et  l'Afrique  équatoriale, 
par  Alfred  Rahaud.  Marseille,  1881,  in-8**,  88  p.  et  2  cartes.  —  Le  rôle 
important  que  Zanzibar  paraît  appelé  à  jouer  dans  les  destinées  de 
l'Afrique  équatoriale,  a  engage  le  savant  président  de  la  Société  de 
géographie  de  Marseille  à  réunir  dans  ce  mémoire  tout  ce  que  l'on  sait 
de  cette  île,  qu'un  séjour  d'une  année  lui  a  fourni  l'occasion  d'étudier 
complètement.  Après  un  récit  des  péripéties  de  son  voyage,  qui  per- 
mettent d'apprécier  les  progrès  réalisés  depuis  1853  dans  les  moyens  de 
communication,  il  donne  un  résumé  de  l'histoire  de  Zanzibar  et  y  joint 
la  revue  de  toutes  les  expéditions  qui  ont  pris  cette  île  conmie  point  de 
départ  pour  pénétrer  dans  l'intérieur. 


y- 


'-•1 

—  65  —  /^ 

l'(BODL:LIBr.ri 
BULLETIN  MENSUEL  (5  octoiyra  1881).  \:^/> -. ^-  "e  .^ 

En  attendant  que  commence  la  pampagne  d'automne  projetéecôïïlre 
l'oasis  de  Figuig  ',  le  point  autour  duquel  se  concentrent  les  préparatifs 
de  cette  expédition  est  Méchéria,  qui,  par  les  avantages  de  sa  posi- 
tion et  par  ses  ressources  en  eau,  deviendra  un  des  postes  français  les 
plus  importants  de  Textrême  sud.  Situé  un  peu  au  delà  de  Géryville,' 
dans  une  contrée  assez  montagneuse,  il  est  sur  la  ligne  d'eau  qui  con- 
duit à  Tiout  et  à  Moghar.  Ses  puits  sont  célèbres  par  l'abondance,  la 
limpidité  et  la  fraîcheur  de  leurs  eaux  que  l'on  trouve  à  1  ou  2  mètres 
du  sol.  H  n'y  a  là  que  quelques  habitations  ;  c'est  une  simple  station 
d'eau  oti  s'arrêtent  les  caravanes.  Mais  en  fortifiant  ce  point  on  peut 
dominer  tous  les  ksours  jusqu'à  Figuig,  à  la  condition  qu'il  soit  relié 
avec  les  postes  du  Tell  par  une  voie  ferrée;  c'est  à  cela  que  servira  la 
ligne  de  Saïda  à  Méchéria.  La  section  de  Salda  au  Kreider  avance  rapi- 
dement. Si  l'oasis  de  Fi||^a%  est  plus  tard  occupée  par  les  Français, 
la  colonie  y  gagnera  un  lieu  d'échange  important.  Les  marchandises  les 
plus  diverses  y  arrivent,  d'ime  part  de  Tafilet  et  de  Fez  qui  lui  font  par- 
venir tous  les  objets  de  fabrication  européenne  venus  de  Gibraltar  par 
Mogador  et  Tanger,  et  d'autre  part  du  Soudan  dont  les  produits  lui 
sont  apportés  par  des  caravanes.  Elle  est  admirablement  cultivée  et  le 
régûne  des  eaux  y  est  réglementé  d'une  manière  supérieure.  Ses  habi- 
tants sont  très  belliqueux,  et  si  les  Ouled  Sidi  Cheicks  font  alliance  avec 
eux,  la  conquête  de  cette  oasis  pourra  coûter  aux  Français  plus  de  sang 
qu'ils  ne  le  pensaient  d'abord.  —  Les  incendies  auxquels  ont  eu  recours 
les  Arabes  coûteront  déjà  des  sacrifices  d'argent  considérables. 

En  Tonisie,  l'occupation  de  Gabès,  de  Sousse  et  de  Sfax  par  les 
Français  n'en  laisse  pas  moins  l'intérieur  en  proie  à  l'agitation  provo- 
quée par  le  fanatisme  des  Arabes. 

M.  Godefroy  Roth,  envoyé  en  mission  dans  les  oasis  à  l'ouest 
d'Alexandrie,  par  le  service  pour  la  répression  de  la  traite,  a  communi- 
qué aux  journaux  allemands  des  renseignements  intéressants  sur  son 
expédition,  en  particulier,  sur  l'oaaia  de  Sivirah,  à  la  frontière  occi- 
dentale du  territoire  égyptien.  D'Alexandrie,  il  a  mis  24  jours  pour 
franchir  les  175  kilomètres  qui  la  séparent  de  la  Méditerranée.  L'arrivée 

^  En  vue  des  événements  qui  vont  se  passer  dans  le  sud  de  la  province  d^Oran 
et  au  Figuig,  nous  donnons,  de  cette  province  et  du  territoire  marocain  de  la  fron- 
tière, une  carte  que  nos  lecteurs  trouveront  à  la  fin  de  cette  livraison. 

l'aFUQUB.    —    TBOlSlilCB  ÀNN^B.    —    N®   4.  4 


—  66'— 

d'un  Européen  était  un  spectacle  si  nouveau  pour  les  habitants,  qu'elle 
excita  chez  eux  une  vive  curiosité  mélangée  d'une  certaine  méfiance. 
Le  village  situé  au  milieu  de  l'oasis  compte  à  peu  près  2,000  âmes  ;  il 
est  entouré  de  murs  flanqués  de  tours  carrées;  les  rues  en  sont  étroites, 
tortueuses  et  couvertes  en  partie  par  des  planches  et  des  étoffes  pour 
garantir  les  passants  contre  les  ardeurs  du  soleil,  A  deux  journées  de 
marche  du  village  se  voient  encore  les  ruines  du  temple  de  Jupiter 
Ammon.  Plus  de  50  sources  alimentent  l'oasis,  mais  peu  d'entre  elles 
donnent  de  l'eau  véritablement  douce.  La  plupart  contiennent  des  eaux 
saumâtres  qui  sortent  de  la  terre  à  une  température  de  près  de  30°,  et, 
pendant  les  chaleurs  torrides  de  l'été,  dégagent  des  miasmes  qui  engen- 
drent des  fièvres  paludéennes.  A  trois  jours  de  marche  de  Siwah,  dans 
la  régence  de  Tripoli,  se  trouve  l'oasis  de  Djerbah  où  réside  le  cheik  Sidi- 
el-Mahedi,  honune  d'une  haute  intelligence  et  d'une  grande  bonté,  dont 
l'influence  s'étend  sur  toutes  les  populations  du  désert,  depuis  les  États 
de  Tripoli  jusqu'à  ceux  du  Soudan.  On  lui  doit  l'établissement,  au 
milieu  du  Sahara,  de  plus  de  cinquante  stations  où- les  caravanes  trou- 
vent de  l'eau  et  reçoivent  l'hospitalité.  Aussi  a-t-U  été  surnommé  par 
les  tribus  du  désert  le  bienfaiteur  des  Bédouins. 

Nous  n'avons  pas  à  entrer  dans  les  détails  de  l'agitation  militaire 
dont  le  Caire  a  été  le  théâtre  et  qui  a  amené  Chérif-Pacha  à  la  tête 
du  ministère.  Signalons  cependant  comme  un  progrès  pour  l'Egypte, 
l'établissement  d'un  Conseil  d'État,  et,  d'après  le  Standard,  le  projet 
du  khédive  de  proclamer  l'abolition  complète  de  l'esclavage. 

Un  voyageur  de  commerce  français,  M.  Pinchard,  parti  d'Aden,  au 
mois  de  mai  1879,  pour  le  compte  d'une  maison  de  Lyon,  en  vue  de  cher- 
cher la  route  la  plus  courte  de  Harrar  au  pays  des  Aronasis  Gai- 
las,  au  sud  du  Choa,  d'en  étudier  les  produits,  et  de  nouer  des  relations 
avec  les  chefs  pour  ouvrir  une  voie  nouvelle  au  commerce  français,  est 
arrivé  récenmient  au  Caire,  après  avoir  réussi  à  engager  le  chef  des 
Aroussis  à  entrer  en  rapport  avec  les  Européens.  De  Harrai*,  U  s'est 
dirigé  vers  l'Hawach  qu'il  a  remonté,  sur  im  parcours  de  130  kilomè- 
tres, jusqu'à  Rounni,  possession  du  roi  Ménélik.  Il  a  porté  à  celui-ci 
quelques  présents  à  Ankober,  et  a  reçu  de  lui  un  laisser  passer  l'autori- 
sant à  requérir,  pour  l'alimentation  de  sa  caravane  pendant  sa  tra- 
versée du  Choa  méridional,  500  rations  de  pain  par  jour,  9  tètes  de 
bétail,  de  l'hydromel,  du  beurre,  etc.  A  Finfinny,  il  fut  retenu  pendant 
cinq  mois  et  demi  par  la  saison  des  pluies,  après  laquelle  il  se  rendit  à 
Syrss,  dans  le  Kaffa,  dont  la  reine  le  reçut  avec  une  royale  hospitalité. 


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—  67  — 

De  là,  continuant  sa  route  vers  le  pays  des  Aroussis,  il  put  constater 
que  les  plaines  du  Kaffa  sont  arrosées  par  de  nombreux  cours  d'eau, 
bien  cultivées,  peuplées  d'habitants  doux,  loyaux  et  hospitaliers,  et  que 
le  gibier  y  abonde.  Sur  les  frontières  du  Kaffa,  en  revanche,  la  grande 
tribu  des  Moummenys  se  montra  hostile.  Enfin,  après  avoir  traversé 
les  montagnes  qui  séparent  le  territoire  de  cette  tribu  de  celui  des 
Aroussis,  il  arriva  dans  la  capitale  de  leur  chef,  El-Hadj-Oua-Ria-Kharou, 
qui  lui  fit  un  excellent  accueil,  et  lui  promit  de  s'entendre  avec  les  chefs 
des  tribus  voisines,  pour  ouvrii'  au  commerce  avec  l'Europe  la  route  de 
son  pays  aux  frontières  égyptiennes  au  sud  de  Harrar.  Il  recevrait 
volontiers  du  cuivre,  des  étoffes,  des  verroteries,  en  échange  de  café, 
de  dents  d'éléphants,  de  poudre  d'or  et  de  pierres  précieuses.  M.  Pin- 
chard  regagna  Harrar  directement  en  trente-quatre  jours,  mais  il  estime 
qu'à  l'avenir,  et  avec  des  caravanes  bien  organisées,  on  pourra  accom- 
plir le  trajet  de  Zeila  au  pays  des  Aroussis  en  trente-cinq  jours. 
M"  Touvier  qui,  du  Choa,  avait  dû  se  transporter  à  Harrar,  se  propose 
d'aller  fonder  une  mission  dans  ce  pays  et  au  Kaffa. 

D'après  un  rapport  du  capitaine  Bloyet  arrivé  à  Zanzibar  pour  y 
rétablir  sa  santé,  l'Oasan^ara,  où  il  a  fondé  la  station  du  Comité 
national  français,  est  un  pays  fertile,  mais  mal  cultivé.  Le  sol  fournit  en 
abondance  du  manioc,  des  ponmies  de  terre  douces,  du  riz,  du  sésame, 
des  cannes  à  sucre,  du  maïs,  etc.  ;  en  revanche,  il  y  a  peu  d'arbres  frui- 
tiers et  de  bois  de  construction,  mais  beaucoup  de  gibier  :  gazelles, 
antilopes,  girafes,  zèbres,  etc.  Le  ciel  est  presque  toujours  nuageux,  les 
nuits  sont  fraîches,  spécialement  vers  le  matin.  Les  habitants,  appelés 
Ouachensis  par  les  Arabes  établis  dans  le  pays,  sont  d'une  nature  bonne 
et  timide,  mais  ne  cultivent  que  juste  ce  qui  leur  est  nécessaire  pour 
vivre,  encore  les  travaux  sont-ils  presque  tous  faits  par  des  femmes;  les 
hommes  passent  la  plus  grande  partie  de  leur  temps  à  boire  du  pombé 
et  à  fumer.  Quant  au  nom  de  Condoa  donné  à  la  station,  il  y  a  eu 
erreui*.  Ce  nom  est  celui  du  pays  compris  entre  la  rivière  Mkondoa 
d'un  côté,  et  Mbouri,  Kofaranhi  et  les  monts  Nyangara  de  l'autre.  Le 
nom  de  la  localité  où  est  la  station  française  s'appelle  Koaâ  Mgoungou. 

MM.  O'Flaherti  et  Stokes  ont  accompagné  les  trois  ambassa- 
deurs Ouagandas  jusqu'à  Roubaga,  où  ils  ont  été  reçus  très  cordialement 
par  Mtésa,  qui  s'est  montré  très  satisfait  des  présents  envoyés  par 
la  reine  d'Angleterre.  On  espère  que  le  retour  de  ces  trois  chefs  faci- 
litera les  rapports  que  les  voyageurs  anglais  pourront  avoir  avec  le  roi. 
Les  difficultés  rencontrées  jusqu'ici  poui*  faire  parvenir  aux  mission- 


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—  68  — 

naires  de  rintérieur  ce  qui  leur  est  nécessaire,  ont  engagé  le  Comité  de 
la  Société  des  missl ons  anglicanes  à  chercher,  pour  agent  à  Zan- 
zibar, un  hoimne  bien  qualifié  qui  sera  chargé  des  affaires  matérielles  à 
traiter  h  la  côte  pour  les  missions  de  l'Ousagara,  de  TOunyamouési  et 
de  l'Ouganda,  Le  Comité  voudrait  trouver  un  homme  qui  pût  en  même 
temps  se  charger  du  commandement  du  steamer  le  Henri  Wright  des- 
tiné à  la  mission  de  l'Afirique  orientale,  comme  le  Henry  Venu  est  atta- 
ché à  celle  du  Niger.  En  outre,  le  Comité  a  désigné  M.  Stokes  conmie 
conducteur  et  surintendant  des  caravanes  de  la  côte  à  l'intérieur,  desti- 
nées aux  missionnaires  ;  il  aura  à  exercer  spécialement  son  ministère 
auprès  des  porteurs  et  des  gens  des  pays  que  traverseront  les  caravanes. 
Sur  la  demande  de  la  Société  de  Géographie  de  Lisbonne,  le  gouver- 
nement portugais  a  décidé  d'établir,  sur  différents  points  de  l'intérieur 
de  ses  provinces  africaines  des  stations  civilisatrices  qui  viendront 
en  aide  aux  explorateurs  en  leur  donnant  les  renseignements  qu'ils  dési- 
reront,  et  en  les  secourant  selon  leurs  besoins.  Elles  inviteront  au  travail 
les  tribus  sauvages,  les  protégeront  contre  les  violences  de  leurs  voisins, 
leur  faciliteront  les  rapports  commerciaux  par  l'écoulement  de  leurs 
produits,  et  initieront  les  indigènes  à  l'emploi  des  instruments  agricoles 
européens.  Chaque  station  sera  établie  dans  une  enceinte  suffisamment 
vaste  comprenant  les  bâtiments  et  dépendances,  les  terrains  et  planta- 
tions nécessaires  à  son  entretien.  Son  personnel  se  composera  d'un  chef 
pris  parmi  les  officiers  de  l'armée,  d'un  médecin-chirurgien,  d'un  chape- 
lain, d'une  douzaine  de  maîtres-ouvriers,  charpentiers,  serruriers, 
maçons,  agriculteurs,  etc.  ;  le  nombre  des  serviteurs  et  apprentis  indi- 
gènes sera  limité  seulement  par  les  ressources  de  l'exploitation.  Le  cha- 
pelain devra  enseigner  la  langue  portugaise  et  donner  l'instruction  pri- 
maire. Des  maisons  de  commerce  pourront  entretenir  dans  la  station 
des  agents  pour  trafiquer  avec  les  indigènes.  Enfin  la  station  poiura 
offrir  l'hospitalité  à  toute  caravane  commerciale.  En  outre,  et  pour  faci- 
liter à  ses  ressortissants  leur  établissement  dans  ses  colonies,  le  gouver- 
nement portugais  a  promulgué  un  décret  par  lequel  il  s'engage  à  trans- 
porter gratuitement  ceux  qui  s'astreindront  à  rester  cinq  ans  au  moins 
dans  une  station.  Au  port  d'embarquement,  ils  recevront  des  instru- 
ments  de  travail,  des  objets  pour  leur  usage  personnel,  des  armes  défen- 
sives et  une  somme  de  170  francs  environ.  Une  garantie  sera  exigée  en 
prévision  de  non-exécution  des  engagements  pris.  Dans  le  chef-lieu  de 
chaque  province  sera  fondé  un  comité  administratif  chargé  d'organiser 
le  travail  des  émigrants,  de  protéger  leurs  intérêts  et  d'aider  au  déve- 
loppement agricole  de  la  province. 


—  69  — 

Avant  de  quitter  le  Transvaal,  Sir  H.  Bobinson  a  présenté 
MM.  Kruger,  Pretorius  et  Joubert  à  une  grande  assemblée  de  natifs 
réunis  de  toutes  les  parties  du  pays,  auxquels  il  a  annoncé  que  leurs 
intérêts  ont  été  pris  en  considération  dans  les  négociations  qui  ont 
abouti  à  la  convention.  Les  lois  qui  les  concernent  sont  maintenues,  et 
aucun  décret  affectant  leurs  intérêts  ne  peut  être  mis  à  exécution  sans 
l'approbation  de  la  reine.  Une  commission  spéciale  désignera  de  vastes 
emplacements  que  les  tribus  indigènes  pourront  occuper  en  paix,  et 
dont  le  gouvernement  du  Transvaal,  d'une  part,  et  les  indigènes  de 
l'autre,  devront  respecter  les  limites.  Sir  H.  Robinson  a  présenté  les 
natifs  au  résident  anglais,  M.  Hudson,  chargé  de  veiller  à  l'exécution 
des  articles  du  traité  qui  les  concernent  ;  mais  il  leur  a  fait  bien  com- 
prendre que  M.  Hudson  n'est  pas  le  gouverneur  du  pays,  qu'illes  aidera 
de  ses  conseils,  mais  que,  le  cas  échéant,  ils  devront  porter  leurs  plain- 
tes auprès  de  qui  de  droit;  il  les  a  engagés  à  obéir  à  la  loi  et  à  fer- 
mer Toreille  à  toutes  les  tentatives  de  ceux  qui  voudraient  les  engager 
à  s'y  soustraire.  H  les  a  prévenus  que  l'esclavage  ne  sera  pas  toléré,  ni 
rien  qui  en  approche,  mais  leur  a  rappelé  que  le  travail  salarié  n'est  pas 
l'esclavage,  et  qu'ils  ne  s'élèveront  que  par  un  travail  honnête.  Ils  pour- 
ront d'ailleurs  aller  et  venir  librement  dans  le  pays,  ou  en  sortir  pour 
chercher  ailleurs  de  l'occupation  ou  pour  tel  autre  but  légitime.  En  ter- 
minant. Sir  H.  Robinson  a  insisté  sur  le  besoin  qu'a  le  Transvaal  d'in- 
dustrie, d'unité  et  de  paix,  et  engagé  à  l'union  de  tous  les  efforts  pour 
le  bien  du  pays,  à  l'oubli  des  querelles  passées  et  à  la  bonne  harmonie. 

Depuis  plus  d'un  an,  nous  n'avions  pas  eu  de  nouvelles  de  Tristan 
d'Acanha,  dont  les  habitants  ont  fort  peu  de  communications  avec  le 
reste  du  monde  ;  ils  ne  voient  guère  que  les  équipages  des  vaisseaux  en 
passage  qui  viennent  se  ravitailler.  Depuis  le  mois  de  février  de  cette 
année,  ils  ont  un  pasteur,  M.  Dodgson,  que  leur  a  envoyé  la  «  Société 
anglaise  pour  la  propagation  d^  l'Évangile»  et  à  la  correspondance 
duquel  nous  empruntons  des  détails  qui  compléteront  ceux  que  nous 
donnions  dans  notre  1"  année,  page  212.  A  part  quelques  familles  de 
race  blanche,  les  habitants  sont  des  mulâtres;  leur  peau  est  d'un  brun 
clair;  leurs  cheveux  sont  laineux;  tous  parlent  anglais.  Outre  la  pêche 
quand  le  temps  est  cabne,  leurs  principales  occupations  sont  la  garde  de 
leurs  bestiaux,  le  soin  de  leurs  vergers  où  ils  ont  en  abondance  des 
pommiers  et  des  pêchers,  et  la  culture  de  leurs  champs  de  pommes  de 
terre.  Dodgson  a  trouvé  l'île  beaucoup  plus  belle  qu'il  ne  se  la  repré- 
sentait; le  climat  en  est  très  salubre.  Les  habitants  vendent  des  peaux 


—  70  — 

de  chats  sauvages  et  d'oiseaux  de  mer  :  albatros,  pinguoins  et  autres, 
aux  vaisseaux  de  passage  qui  leur  apportent,  en  échange,  du  café,  du 
thé,  du  sucre,  etc.  Le  propriétaire  de  la  meilleure  maison  l'a  prêtée 
pour  le  culte  et  pour  Técole,  suivie  de  jour  par  45  élèves  de  9  à  15  ans, 
et  le  soir,  par  20  personnes  de  15  à  23  ans,  qui  travaillent  pendant  la 
journée.  I^es  enfants  sont  intelligents  et  ont  un  grand  désir  d'apprendre, 

M.  Fleii^el  est  revenu  à  Rabba  après  avoir  passé  à  Sokoto  et  à  Gando, 
et  y  avoir  obtenu  des  lettres  de  recommandation  des  souverains  de  ces 
deux  États  pour  leurs  vastes  territoires.  S'il  n'a  pas  réussi  à  combler 
toute  la  lat^une  qui  existait  dans  nos  connaissances  du  cours  du  Niger, 
il  n'en  a  pas  moins  relevé  l'espace  entier,  jusqu'ici  complètement 
inconnu,  de  Yaotui  à  Gomba,  et  celui  de  Yaouri  à  Boussa,  que  les  frères 
Lander  avaient  parcouru  en  1870,  mais  qui  n'était  tracé  que  très  gros- 
sièrement et  à  une  petite  échelle  dans  leur  carte.  Après  avoir  atteint 
Gomba,  il  aurait  voulu  pousser  jusqu'à  Say,  mais,  à  aucun  prix,  ses 
bateliers  n'ont  voulu  remonter  plus  haut.  Ils  ont  pourtant  consenti  à  le 
transporter,  lui  et  ses  marchandises,  à  Bimi-n-Kebbi  sur  un  affluent 
important  du  Niger,  le  Goulbi-n-Gindi.  De  ce  point,  il  a  encore  cherché  à 
atteindre  Say,  mais  il  n'a  trouvé  personne  pour  l'accompagner,  une 
tribu  piDarde,  les  Keifris,  harcelant  les  indigènes  jusque  sous  les  murs 
des  grandes  villes  pour  enlever  des  honmaes  et  du  bétail.  Pendant  son 
séjour  à  Bimi-n-Kebbi ,  plusieurs  fois,  dans  la  nuit,  retentit  le  cri 
d'alarme,  mais  quand  on  arrivait  au  secours  des  victimes,  il  était  trop 
tard  pour  reprendre  aux  habiles  pillards  le  butin  qu'ils  avaient  fait.  La 
route  de  Gando  à  Sokoto  et  à  Vourno,  quoique  très  fréquentée,  et  le 
long  de  laquelle  s'étendent  beaucoup  de  plantations  et  de  villages,  n'était 
pas  entièrement  sûre  dans  les  endroits  où  il  y  avait  des  bois  à  traverser. 
Les  petites  caravanes  devaient  attendre  d'être  renforcées  par  d'autres 
pour  contmuer  leur  marche.  Il  sera  intéressant  d'avoir  des  détails  sur 
Gando,  Sokoto  et  les  grandes  villes  des  États  Fellatas,  et  sur  les  évé- 
nements qui  s'y  sont  passés  depuis  le  voyage  de  Barth,  il  y  a  30  ans.  On 
peut  aussi  espérer  que,  grâce  au  sauf-conduit  du  souverain  de  Sokoto, 
l'exploration  projetée  des  sources  du  Bénoué,  et  l'étude  des  rapports  de 
cette  rivière  avec  les  autres  cours  d'eau  de  l'Afrique  équatoriale,  seront 
couronnées  de  succès.  La  Société  africaine  allemande  a  alloué  à  M.  Fie- 
gel  pour  cette  expédition  un  subside  de  25,000  francs.  Il  enverra  à  la 
Société  sa  carte  du  relevé  du  Niger. 

Le  roi  de  Dahomey  et  ses  amazones  ont  envahi  le  territoire  situé 
au  nord-ouest  d'Abbeokouta,  et  y  ont  détruit  les  villes  de  Zgano  et 


\ 


—  71  — 

d'Okepo,  peuplées  de  plusieurs  milliers  d'habitants;  ceux  qui  n'ont  pu 
s'échapper  ont  été  emmenés  à  Abomey,  pour  y  être  réduits  en  esclavage 
ou  sacrifiés  à  la  fête  annuelle  que  célébrera  le  souverain,  et  à  l'occasion 
de  laquelle  une  autre  incursion  sç  fera  sur  Ischin,  dans  le  Yorouba. 

Le  D' Bayol,  chargé  de  se  rendre  à  Timbo  pour  y  conclure  un  traité 
avec  le  chef  du  Fouta-Djallon,  est  heureusement  arrivé  à  Timbi,  à 
323  kilomètres  de  Boké,  sur  un  vaste  plateau,  admirablement  cultivé, 
et  à  1200  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer.  Entre  la  vallée  du 
Kakrima  et  Timbi  il  y  a  même  des  altitudes  de  1350  mètres  ;  partout 
dans  cette  région  élevée,  le  climat  est  salubre,  aussi  le  D'  Bayol  pense- 
t-il,  qu'une  fois  le  chemin  de  fer  du  Haut-Sénégal  construit,  elle  pour- 
rait fournir  un  excellent  sanitarium  pour  les  soldats  et  les  marins  éprou- 
vés par  le  climat  de  la  côte.  Il  a  suivi  constamment  la  ligne  de  faîte, 
et  pu  bien  étudier  la  topographie  du  pays  parcouru.  De  Timbi,  il  n'avait 
plus  que  trois  jours  de  marche  jusqu'à  Timbo. 

Quant  à  l'épidémie  de  fièvre  jaune  mentionnée  dans  notre  dernier 
numéro,  elle  a  continué  à  sévir  à  Saint-Louis,  faisant,  parmi  les 
Européens  surtout,  mais  aussi  parmi  les  indigènes,  un  très  grand  nom- 
bre de  victimes.  Après  le  contre-amiral  de  Lanneau,  gouverneur  de  la 
colonie,  beaucoup  d'officiers,  de  soldats  et  de  marins  ont  été  emportés 
par  le  fléau.  La  mission  de  Paris  a  été  cruellement  frappée  par  la  mort 
de  M.  Golaz,  qui  s'était  rendu  à  Saint-Louis  au  commencement  de  cette 
année,  pour  y  seconder*  M.  Taylor  dans  l'œuvre  que  celui-ci  poursuit 
auprès  des  esclaves  fugitifis;  il  a  succombé  h  la  fièvre,  ainsi  que 
sa  femme  et  leur  petit  garçon.  D'après  les  derniers  avis  du  Sénégal, 
l'épidémie  a  gagné  les  ambulances  tle  Bakel,  et  quant  à  Gorée  et  à 
Dakar,  épargnées  jusqu'ici,  on  commençait  à  craindre  pour  leur  situa- 
tion  sanitaire.  Espérons  que  la  découverte  que  vient  de  faire  un  méde- 
cin de  Mexico,  de  la  cause  de  la  fièvre  jaune,  qui  serait  due  à  la  présence 
de  parasites  excessivement  petits  envahissant  les  tissus,  mettra  les 
médecins  sur  la  voie  pour  y  trouver  un  remède.  Le  nouveau  gouverneur 
de  la  colonie,  M.  le  colonel  Canard,  et  les  médecins  nécessaires  pour  le 
service  sanitaire  ont  dû  partir  pour  Saint-Louis.  En  revanche,  la  mission 
que  le  colonel  Borguis  Desbordes  devait  poursuivre  dans  le  haut  du 
fleuve  est  ajournée  à  l'année  prochaine. 


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NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Dès  les  premiers  jours  d'octobre,  la  Galle  et  Bizerte  seront  mises  en  communi- 
cation directe  par  un  câble  sous-marin. 

Une  mission  scientifique  française  se  rendra  à  Thèbes,  où  l'on  a  récemment 
découvert  36  sarcophages  de  rois  et  de  reines,  renfermant  des  momies,  des  rou- 
leaux de  papyrus,  des  milliers  de  joyaux  et  de  talismans,  et  où  Ton  doit  entre- 
prendre de  nouvelles  fouilles,  importantes  pour  l'histoire  de  l'ancienne  Egypte. 
—  Non  loin  du  Caire  on  vient  de  découvrir  une  table  de  pierre  portant  une 
inscription  trilingue,  la  troisième  avec  celle  de  Rosette  et  de  Tanis. 

Le  résultat  sommaire  de  l'enquête  faite  à  Bailul  par  Ruschdi-pacha,  en  pré- 
sence des  commandants  des  navires  italien  et  anglais  stationnés  dans  ce  port, 
constate  que  les  coupables  du  massacre  de  l'expédition  du  capitaine  Ginlietti  doi- 
vent être  recherchés  parmi  les  tribus  insoumises  de  l'intérieur,  au  delà  des  limites 
de  la  juridiction  égyptienne.  Le  consul  italien  a  fait  ses  réserves  sur  la  procédure 
et  la  conclusion  de  l'enquête,  et  déclaré  que  ce  ne  sera  que  sur  les  rapports  du 
commissaire  Branchi  et  du  commandant  Frigerio,  que  son  gouvernement  sera  en 
mesure  de  se  prononcer  soit  sur  l'enquête,  soit  sur  les  mesures  ultérieures  à  psen^e. 

Une  compagnie  franco-éthiopienne,  fondée  en  vue  de  créer  à  Obock  des  établis- 
sements commerciaux,  a  fait  partir  de  Marseille  une  expédition  ayant  à  sa  tête 
M.  Arnaud,  chargé  de  présents  et  de  lettres  du  Président  de  la  République  pour 
le  sultan  d'Aoussa,  qui  en  1862  a  vendu  ce  territoire  au  gouvernement  français. 

D'après  une  lettre  de  M.  Albarguès  Sostène,  le  meurtre  du  voyageur  Lucereau 
a  eu  lieu  par  ordre  d'Abou-Bekre,  gouverneur  de  Zeila,  et  de  Hakem,  gouverneur 
de  Harrar,  grands  trafiquants  d'esclaves.  A  ce  sujet,  les  cabinets  de  Londres  et  de 
Paris  ont  arrêté  les  bases  d'une  action  commune  de  nature  à  empêcher  le  retour 
de  pareils  méfaits,  en  réclamant  du  gouvernement  égyptien  des  mesures  énergi- 
ques pour  la  répression  de  la  traite,  et  en  insistant  sur  le  châtiment  des  fonction- 
naires notoirement  compromis. 

M.  Ledoux,  consul  général  de  France  à  Zanzibar,  signale  dans  l'Afrique  équa- 
toriale  une  grande  famine.  Des  tribus  poussées  par  le  désespoir  ont  pillé  des 
caravanes. 

Un  des  évangélistes  indigènes  laissés  par  M.  Coillard  chez  les  païens  au  sud  du 
Zambèze,  écrit  que  Lo  Bengula,  roi  des  Matébélés,  se  montre  très  hostile  à 
Ehamé,  roi  de  Shoshong,  et  ne  cherche  qu'un  prétexte  pour  lui  faire  la  guerre. 

La  ligne  télégraphique  de  Ladysmith  (Natal)  à  Bloemfontein  (État  libre)  est 
terminée. 

M.  Succi,  délégué  de  la  Société  italienne  de  commerce  avec  l'Afrique,  est  de 
retour  à  Milan,  d'un  voyage  à  Madagascar  et  aux  Comores.  Le  souverain  d'une  do 
ces  lies  lui  a  accordé  une  concession  très  avantageuse  pour  la  Société  italienne. 

M.  Nuno  Queriol  a  été  nommé  chef  de  la  première  station  civilisatrice  portu- 
gaise à  fonder  près  du  Congo. 


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Dans  son  exploration  du  Quango,  M.  le  major  de  Mechow  a  découvert  trois 
grandes  cascades,  auxquelles  il  a  donné  les  noms  des  empereurs  d'Allemagne  et 
d'Aatriche  et  du  roi  de  Portugal. 

M.  Amelot,  ingénieur,  est  parti  pour  le  Congo,  où  il  va  rejoindre  la  mission 
belge. 

Le  P.  Augouard,  missionnaire  apostolique  du  Congo,  s'est  rendu  à  Stanley-Pool 
ponr  y  fonder  une  station  romaine. 

M.  P.  Nève,  ingénieur  au  service  de  l'expédition  dirigée  par  Stanley,  est  mort  de 
la  fièvre  à  Isangila. 

M.  Bonnat  qui,  après  être  rentré  en  France  l'année  dernière,  avait  été  rappelé 
au  mois  de  mai  dans  l'exploitation  des  mines  d'or  de  la  Compagnie  qu'il  avait 
créée,  est  mort  d'une  fluxion  de  poitrine. 

M.  Sala,  envoyé  avec  M.  Butikofer  par  le  musée  de  Leyde  à  la  côte  occidentale 
d'Afrique,  pour  y  faire  des  collections  botaniques  et  zoologiques,  a  succombé  à 
une  fièvre  maligne  à  Cap  Mount,  dans  la  république  de  Libéria. 


LES  ACACIAS  GOMMIERS  EN  AFRIQUE 

Qui  ne  connatt  la  gomme,  son  aspect,  ses  propriétés  adoucissantes  et 
ses  usages?  D  est  donc  superflu  d'en  faire  la  description.  Qu'il  nous 
suffise  de  dire  qu'on  en  distingue  deux  sortes  :  la  gomme  arahiqtœ  et  la 
gomme  adragante,  tout  à  fait  différentes  Tune  de  l'autre.  La  première 
est  soluble  dans  l'eau,  tandis  que  la  seconde  ne  se  dissout  pas,  mais 
absorbe  une  forte  proportion  du  liquide,  se  gonfle,  et  forme  un  muci- 
lage tenace  et  épais. 

Nous  ne  parlerons  pas  de  la  gomme  adragante  qui  est  propre  à  l'Asie  ; 
mais  nous  comptons  dii'e  quelques  mois  de  la  gomme  arabique,  parce 
que,  si  elle  mérite  son  nom,  attendu  que  c'est  de  l'Arabie  qu'on  l'a  tirait 
primitivement,  elle  donne  lieu  aujourd'hui  k  une  industrie  très  lucrative 
en  Afrique,  et  à  un  grand  commerce  entre  l'Afrique  et  l'Europe. 

La  gomme  dit  arabique  nous  est  fournie  par  plusieurs  espèces  d'aca- 
cias dont  les  principales  sont  : 

1°  L'Acacia  vera  ou  gommier  rouge,  arbre  commun  en  Arabie  et  en 
Afrique,  de  l'Egypte  au  Sénégal  ; 

2*  Ia' Acacia Adansonii  croît  dans  la  Sénégambie,  et  donne  une  gomme 
rouge  que  l'on  mélange  avec  la  gomme  arabique; 

3*"  L'Acacia  seyel  appartient  aussi  à  la  flore  sénégalaise.  Il  fournit 
une  bonne  gomme  dure,  blanche  et  vitreuse; 

4*  L'Acacia  verék  ou  se^iegalmsis  donne  la  meilleure  gomme.  D  est 


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répandu  dans  l'Afrique,  du  Sénégal  au  cap  BlancLa  grande  forêt  du 
Sahel,  voisine  du  fleuve,  est  presque  entièrement  composée  d'arbres  de 
cette  espèce  ; 

5**  L'Acacia  gummifera  fournit*  la  gomme  dite  de  Barbarie.  On  le 
rencontre  dans  toute  la  région  septentrionale  de  l'Afrique. 

Enfin,  il  faut  citer  encore  deux  arbres  qui  ne  font  pas  partie  de  la 
flore  africaine.  L'Acacia  arabica  qui  se  trouve  dans  l'Asie  méridionale 
et  dont  le  produit  s'appelle  gomme  de  Vlnde^  et  V Acacia  decurrens  qui 
croît  en  Australie  aux  environs  de  Port  Jackson.  Il  fournit  une  gomme 
qui  diifère,  sous  plusieurs  rapports,  de  la  gonmie  arabique. 

Les  acacias  gommiers  étant  aussi  répandus  en  Afrique  qu'en  Arabie, 
on  a  établi  dans  le  commerce  deux  variétés  de  gomme  arabique  :  la 
gomme  arabique  vraie  ou  turique,  appelée  ainsi  parce  que  c'est  de  la 
petite  ville  de  Tor  située  près  de  l'isthme  de  Suez,  qu'elle  vient  principa- 
lement, et  la  gomme  du  Sénégal  qui  nous  arrive  des  bords  de  ce  fleuve  et 
de  la  région  de  la  Gambie.  Les  négociants  préfèrent  cette  seconde 
sorte  à  la  première  qui,  du  reste,  coûte  plus  cher  en  France  oîi  elle  est 
frappée  d'un  droit  destiné  à  favoriser  l'industrie  sénégalienne. 

Le  commerce  d^la  gomme  est  très  actif  au  Sénégal,  mais  les  forêts  qui 
bordent  le  fleuve  ne  donnent  pas  toutes  des  produits  d'une  égale  impor- 
tance. Le  commerce  a  établi  des  distinctions  que,  pour  être  complets,  nous 
devons  signaler.  Toute  la  gomme  qtd  se  récolte  dans  la  Sénégambie  est 
apportée  par  les  Arabes  à  St-Louis  pour  l'exportation;  mais  avant  l'ex- 
pédition, elle  est  classée  de  la  manière  suivante  :  1**  gonmie  du  bas  du 
fleuve  ou  du  Sénégal  proprement  dite;  2*  gomme  du  haut  dufl^euve  ou 
de  Oalam;  3**  gomme  friable  dite  de  Sadra-beida;  4**  marrone. 

Disons  un  mot  de  chacune  de  oe^  variétés.  Les  deux  premières  sont 
les  plus  estimées. 

Celle  du  bas  du  fleuve,  est  produite  presque  exclusivement  par 
l'acacia  verek.  C'est  un  arbre  de  moyenne  taille,  ne  dépassant  pas 
généralement  sept  mètres  de  hauteur.  Son  bois,  très  dur,  est  recouvert 
d'une  écorce  grise,  et  ses  branches  tortueuses  et  épineuses  s'étalent 
en  grand  nombre  dans  tous  les  sens.  Le  liquide  gonmieux  suinte  à 
travers  l'écorce  et  se  solidifie  sous  forme  de  larmes  globuleuses,  dures, 
blanches,  ternes  et  ridées  à  l'extérieiu*,  vitreuses  à  l'intérieur.  Ce 
sont  les  Arabes  qui  vont  chercher  cette  gomme  dans  le  pays  de  pro- 
duction et  la  revendent  ensuite  aux  négociants  de  St-Louis.  H  y  a,  à  ce 
sujet,  de  continuelles  contestations  entre  Arabes  et  Européens,  et  les 
tribunaux  sont  constamment  saisis  de  procès  concernant  le  commerce 


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de  la  gomme.  Ce  commerce  prend  le  nom  de  traite,  et  les  Maures  qui 
s'en  occupent  s'appellent  des  traitants.  Les  forêts  qui  produisent  cette 
substance  sont  situées  assez  en  avant  dans  le  désert  ;  les  plus  vastes 
sont  celles  d'Alfatak  et  d'El-Ebiar.  C'est  après  la  saison  des  pluies,  au 
mois  de  novembre,  que  l'on  commence  la  récolte.  Cette  première  traite 
est  appelée  petite  traite,  parce  qu'elle  donne  peu.  Pendant  les  pluies, 
récorce  se  gonfle  et  se  distend  ;  les  vents  chauds  venant  du  désert  qui 
soufflent  ensuite  la  sèchent  brusquement.  Alors  elle  se  contracte,  se  fen- 
dille, et  la  gomme  s'échappe  par  les  gerçures  qui  se  produisent.  La 
grande  récolte  se  fait  du  mois  de  mars  aux  mois  de  juin  et  de  juillet. 
On  la  nomme  la  grande  traite. 

Dès  que  soufflent  les  premiers  vents,  les  Arabes  établissent  leurs  cam- 
pements dans  le  voisinage  des  forêts  d'acacias.  Leurs  esclaves  vont 
d'arbre  en  arbre,  et  recueillent,  dès  qu'ils  y  apparaissent,  les  globules  de 
gomme.  Puis,  chaque  nègre  va  porter  le  sac  qu'il  a  rempli  à  son  maître, 
et  celui-ci  enfouit  cette  gonrnie  encore  fraîche  dans  le  sol.  C'eist  pour 
cela  que  la  surface  des  boules  présente  toujours  quelques  grains  de  sable. 
Le  produit  s'appelle  alors  gomme  enterrée  ou  non-marchande.  Ce  pro- 
cédé lui  fait  perdre  une  partie  de  son  poids  et  de  sa  valeur.  L'appro- 
visionnement terminé,  on  le  charge  à  dos  de  chameaux,  d'ânes  ou  de 
mulets  et  on  le  transporte  sur  les  marchés  ou  escales  fréquentées  à  cer- 
taines époques  de  l'année  par  un  grand  nombre  de  négociants. 

La  gomme  du  haut  du  fleuve  ou  de  Galam  se  récolte  dans  les  forêts 
d'acacias  vera.  Sa  valeur  n'est  pas  tout  à  fait  aussi  grande  que  celle  de 
la  variété  précédente,  mais  elle  est  cependant  très  recherchée.  Elle  se 
trouve  en  morceaux  irréguliers,  anguleux,  brisés  et  en  petits  fragments 
brillants.  La  récolte  se  fait  de  la  même  manière  que  celle  de  la  gomme 
du  bas  du  fleuve. 

La  gomme  friable  ou  de  Sadra-beida  est  moins  estimée  que  les 
précédentes;  les  négociants  européens  n'en  reçoivent  presque  pas, 
et  elle  n'est  employée  que  lorsque  les  premières  sortes  manquent  et  se 
vendent  cher.  Elle  provient  du  désert  qui  s'étend  sur  la  rive  droite  du 
Sénégal  à  partir  de  Galam,  et  c'est  un  arbre  épineux,  de  six  mètres  de 
hauteur  environ,  qui  la  fournit.  Cet  arbre  s'appelle  Sadra-beida  ou  arbre 
blanc,  à  cause  de  la  couleur  de  son  écorce.  Les  Arabes  font  la  récolte  en 
janvier  et  février  autour  de  Bakel  et  la  vendent  immédiatement  au  mar- 
ché de  cette  localité. 

Enfin,  les  marrons  sont  des  fragments  de  gomme.  Ils  sont  assez  gros 
et  leur  couleur  est  rouge  ou  blanche.  Les  négociants  les  mêlent  fré- 
quemment à  la  gomme  du  Sénégal. 


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Les  principaux  points  de  production  sont  les  pays  des  Maures  Braknas 
et  Trarsas  (rive  droite),  le  pays  de  Galam,  le  Bondou  et  le  Bambouk  ; 
on  reçoit  également  quelques  gommes  du  Oualo,  du  Cayor  et  du  Djolof 
situés  sur  la  rive  gauche. 

Le  commerce  de  la  gomme  au  Sénégal  se  fait  depuis  très  longtemps. 
En  1715  déjà  les  négociants  gagnaient  le  cent  pour  cent  sur  la  gomme 
qui  se  traitait  à  l'escale  du  désert  ou  des  Trarsas.  De  1740  à  1758,  le 
millier  de  livres  de  gomme  valait  36  francs.  Depuis  cette  époque,  il 
baissa  encore  de  prix;  mais  à  partir  de  1791,  une  hausse  progressive  se 
produisit,  et  actuellement  il  coûte  450  francs.  Pour  donner  une  idée  de 
l'importance  du  commerce  de  la  gomme,  nous  dirons  que  pendant  le 
mois  de  mars,  dans  la  seule  escale  de  Bakel,  il  se  traite  près  de  100,000 
kilogr.  de  cette  substance.  Aussi  peut-on  estimer  à  environ  20  millions 
de  francs  le  mouvement  commercial  auquel  elle  donne  Ueu  sur  les  bords 
du  Sénégal  et  de  la  Gambie. 

La  gomme  arrive  en  Europe  surtout  par  Bordeaux,  puis  par  Marseille, 
Nantes,  Amsterdam,  Rotterdam,  Anvers  et  Hambourg.  La  France  en 
reçoit  chaque  année  5500  tonnes  dont  3000  environ  d'Egypte  et  2300  du 
Sénégal. 

Sans  doute,  c'est  la  Sénégambie  qui,  en  Afrique,  est  le  principal  pays 
producteur  de  la  gomme  arabique,  mais  le  Soudan  oriental,  et  en.parti- 
cuUer  le  Darfour,  le  Kordofan,  sont  remarquables  aussi  pour  leurs  forêts 
de  gommiers  qui  fournissent  une  gomme  de  très  bonne  qualité.  Les 
caravanes  de  TAmhara,  en  Abyssinie,  en  transportent  à  Massaoua  et  à 
Souakim.  Le  pays  des  (rallas,  l'Enarea,  le  Kaffa  et  la  péninsule  des 
Somalis  en  exportent  également  par  les  ports  de  Zeila,  Berbera  et  Tad- 
joura.  L'énorme  bénéfice  (le  cent  pour  cent)  qu'offre  cet  objet  de  com- 
merce pris  sur  place,  a  engagé  des  maisons  européennes  à  créer  dans  le 
Soudan  égyptien  des  établissements  pour  y  acheter  de  la  gomme  et  l'expé- 
dier directement  en  Europe.  Une  maison  anglaise,  dont  le  siège  prin- 
cipal est  à  Khartoum,  a  des  ramifications  à  Galabat,  à  Sennaar,  au  Kor- 
dofan, et  même  au  Darfour,  et  14  agences  le  long  du  NU  pour  assurer  ses 
relations  avec  la  Basse-Egypte;  une  maison  française,  également  établie 
à  Khartoum,  a  acquis  im  grand  nombre  de  chameaux,  et  organisé  un 
service  spécial  de  transports  pour  que  la  marchandise  lui  arrive  sans  peite 
de  temps;  enfin  une  maison  italienne,  après  une  première  expérience 
faite  avec  une  caravane  de  400  chameaux  chargés  de  gomme  et  d'autres 
marchandises,  a  trouvé  l'opération  si  fructueuse  qu'elle  a  fondé  à  Khar- 
toum une  succursale  qui  fournit  à  l'Italie  la  gomme  que  l'industrie  de  ce 
pays  devait  tirer  précédemment  d'Alexandrie  ou  du  Caire. 


—  77  — 

* 

L'Algérie  fournit  aussi  une  gomme  dite  gomme  de  Barbarie,  d'une 
qualité  inférieure.  « 

Dans  le  pays  du  Cap  se  trouvent  des  forêts  exploitées,  d'un  acacia 
gommier  appelé  acacia  capensis.  La  gomme  qu'on  en  retire  est  importée 
en  Angleterre  depuis  50  ans  en  quantités  assez  grandes  ;  mais  elle  est 
considérée  comme  très  inférieure  à  la  gomme  du  Sénégal.  On  peut 
l'assimiler  à  celle  de  Sadra-Beida,  car  elle  est  comme  celle-ci  très 
cassante. 

De  ces  quelques  lignes  on  peut  déduire  que  la  gomme  donne  lieu  à  un 
commerce  assez  considérable  en  Afrique  ;  mais  il  ne  faut  pas  s'en  exagérer 
l'importance  ni  admettre  sans  réserve  l'opinion  de  certains  voyageurs 
d'après  lesquels  les  Arabes,  dans  leurs  courses  à  travei-s  les  déserts,  se 
nourriraient  imiquement  de  gomme.  Cette  alimentation  ne  peut  être 
que  temporaire,  car  de  nombreuses  expériences  ont  prouvé  que  l'usage 
prolongé  de  cette  substance  produit  la  mort  par  inanition. 


INDICATIONS  HYGIÉNIQUES 

Tous  ceux  qui  s'intéressent  aux  découvertes  des  explorateurs  en  Afri- 
que sont  péniblement  frappés  des  difficultés  qu'opposent  à  ceux-ci  soit 
l'insalubrité  des  côtes  basses,  des  deltas  des  fleuves  ou  de  certaines  val- 
lées intérieures*,  soit  le  manque  d'eau  dans  le  Sahara  ou  sur  les  hauts 
plateaux  de  l'Afrique  méridionale,  soit  les  pluies  diluviennes  des  régions 
tropicales  et  les  torrents  d'eau  qu'elles  font  déborder  dans  les  plaines, 
soit  le  fléau  de  la  tsetsé.  Encore  s'il  ne  s'agissait  que  de  difficultés  ! 
mais  combien  ont  payé  de  leur  vie  leur  dévouement  à  la  science  et  à  la 
civilisation!  C'est  par  centaines  que  l'on  compte  ces  nobles  victimes  ; 
qu'il  nous  suffise  de  rappeler  les  noms  des  plus  récentes,  parmi  les  plus 
connus:  MM.  Maes,  Crespel, Wautier ,  Deleu,  Popelin,  Debaize,  Madoni, 
Fraccaroli,  Gessi,  Matteucci,  D'  Smith,  Keith  Johnston,  Elton,  Stahl, 
Phipson  Wybrandt,  Pinkerton,  Hildebrandt,  Bonnat.  Combien  de  mis- 
sionnaires n'ont  pas  moissonnés  les  fièvres  entre  la  côte  de  Zanzibar  et 
les  lacs,  ou  à  la  côte  occidentale!  à  la  côte  d'Or,  la  mission  bâloise  vient 
de  perdre  quatre  de  ses  agents  dans  l'espace  d'un  mois.  Il  n'est  pres- 
que pas  une  expédition  qui  ne  voie  tel  ou  tel  de  ses  membres  atteint  de 

*  Voyez  les  deux  articles  de  M.  le  D**  H.*C.  Lombard,  sur  les  conditions  sani- 
taires du  continent  africain,  2™*>  année,  p.  121  et  143. 


—  78  -^ 

la  fièvre  ou  de  la  dysenterie  ;  pour  ne  parler  que  de  deux  de  celles  qui 
sont  en  cours,  Stanley  est  malade  et  MM.  Moustier  et  Billet,  qui  accom- 
pagnent le  D'  Bayol,  souffrent  de  fièvres  paludéennes.  D'après  les  Mis- 
sions d^ Afrique,  pas  un  des  missionnaires  romains  n'y  a  échappé. 

Ni  les  dfficultés,  ni  les  dangers  n'arrêteront  le  mouvement  de  l'explo- 
ration, non  plus  que  les  efforts  des  chrétiens  d'Europe  et  d'Amérique 
pour  le  relèvement  des  noirs.  Mais  n'y  a-t-il  rien  à  faire  pour  diminuer 
ou  écarter  les  obstacles  et  les  périls  auxquels  s'exposent  généreusement 
voyageurs,  savants  et  philanthropes? 

La  Commission  internationale  de  l'Association  africaine  a  reconnu 
l'importance  de  cette  question.  Dans  sa  session  de  1877,  à  Bruxelles, 
sur  la  proposition  des  délégués  autrichiens,  et  dans  l'intérêt  des  explo- 
rateurs de  l'Afrique,  elle  décida  d'engager  les  voyageurs  à  indiquer, 
dans  leurs  rapports,  les  moyens  préservatifs  employés  par  eux  pen- 
dant leurs  voyages  en  Afrique,  pour  se  garantir  contre  les  maladies  habi- 
tuelles du  pays,  et  exprima  le  vœu  que  les  comités  nationaux  servissent 
d'intermédiaires  entre  le  comité  exécutif  et  les  voyageurs  qui  voudraient 
bien  rédiger  des  notes  sur  les  meilleurs  moyens  préservatifs  à  employer. 

N'est-il  pas  du  devoir  de  tous  de  propager  les  idées  qui  pourraient  con- 
tribuer à  sauver  tant  de  vies  précieuses  ?  A  ce  titre,  nous  sommes  heu- 
reux de  donner  place  dans  notre  joural  à  quelques  notes  qu'un  ami  de 
l'œuvre  africaine  a  bien  voulu  nous  remettre,  et  que  nous  accompagne- 
rons de  quelques  développements- 

Les  explorateurs  ne  pourraient-ils  pas  se  charger  de  graines  à^euccûi^tus,  pour 
les  planter  dans  des  emplacements  dont  la  situation  paraîtrait  favorable  à  des 
stations  futures,  mais  dont  les'  environs  ne  présenteraient  pas  encore  un  degré 
suffisant  de  salubrité  ?  Les  essais  heureux  faits  en  Algérie  et  ailleurs,  pour  accli- 
mater cette  précieuse  essence,  sont  de  nature  à  encourager  ceux  qui  voudraient 
Pintroduire  dans  les  régions  qu'ils  visitent.  J'ai  reçu  tout  récemment  quelques  ren- 
seignements nouveaux  sur  cet  utile  végétal.  Dans  un  établissement  d'acclimatation 
on  a  cultivé  45  variétés  d'eucalyptus,  et  la  préférence  a  été  donnée  à  Veueahfptus 
amygdcUina,  pour  les  raisons  suivantes  :  1®  Son  développement  est  très  rapide  ;  il 
croît  de  70  pieds  en  8  ans  ;  2^  Ses  propriétés  hygiéniques  ont  une  efficacité  quatre 
fois  plus  grande  que  celles  de  l'eucoZyptMS  globtdus  ;  3<»  Son  bois  est  très  dur,  ce 
qui  le  rend  inattaquable  aux  insectes  et  éminemment  propre  aux  constructions 
navales,  en  sorte  qu'en  en  faisant  des  plantations,  on  se  préparerait  pour  l'avenir 
une  source  d'exportation  ;  4*»  Son  écorce  peut  trouver  plusieurs  applications  indus- 
trielles ;  5*»  Il  vient  bien  dans  tous  les  sols  et  résiste  aux  vents  et  aux  tempéra- 
tures variables. 

L'acclimatation  de  VE,  globtdus  en  Afrique  a  eu  surtout  pour  but 


—  79  — 

l'assainissement  de  terrains  marécageux  destinés  à  la  colonisation.  Ses 
racines  sont  tellement  avides  d'eau  qu'elles  desséchent  le  terrain  tout 
autour  du  pied  de  l'arbre,  tandis  que  ses  feuilles  verticales  exhalent  des 
principes  essentiels  qui  jouent  dans  l'atmosphère  le  rôle  de  désinfectant 
oxygéné.  On  retire  des  feuilles  une  essence  qui  a  des  propriétés  stimu- 
lantes, fébrifuges  et  antiputrides.  Les  essais  tentés  en  Algérie  pour 
assainir  les  plaines  de  la  Macta  et  de  l'Habra,  l'emplacement  du  lac 
Fetzara  desséché,  ainsi  que  les  environs  de  Biskra  et  ceux  d'Aïn  Mokra, 
au  moyen  de  VE.  ghbulus  ont  parfaitement  réussi;  depuis  sa  plantation 
les  fièvres  intermittentes  ont  sensiblement  diminué  en  fréquence  et  en 
gravité.  H  avait  été  question  d'en  planter  sur  la  côte  occidentale  d'Afri- 
que, à  la  côte  d'Or,  dans  le  delta  du  Niger,  au  Calabar;  nous  ne  savons 
si  ce  projet  a  été  mis  à  exécution.  En  revanche  sa  culture  a  considéra- 
blement amélioré  l'état  sanitaire  de  Zanzibar  et  de  Lorenzo  Marquez. 
Les  bons  résultats  obtenus  avec  l'JE^.  glcibulus  ne  peuvent  qu'encourager 
à  faire  des  essais  avec  VE,  amygdalina  qui,  outre  les  avantages  susmen- 
tioimés,  a  encore  celui  de  résister  mieux  au  froid  que  le  ghbulus,  et 
d'atteindre  une  hauteur  de  140  mètres,. tandis  que  ce  dernier  ne  dépasse 
guère  110  mètres.  Après  le  Wellingtonia,  VE.  amygdalina  est  le  plus 
grand  des  végétaux  connus. 

Si  l'eucalyptus  assèche  les  terrains  où  il  croît,  Varhre  à  pluie^  le  Tamdi  caspi  des 
Péruviens,  condense  au  contraire  avec  énergie  Phumidité  de  l'air  pour  la  verser 
autour  de  lui,  et  cela  d^autant  plus  abondamment  que  la  chaleur  et  la  sécheresse 
sont  plus  grandes.  Or  la  partie  méridionale  de  l'Afrique  tend  à  se  dessécher  de 
plus  en  plus,  comme  l'a  démontré  M.  Brown  dans  un  travail  publié  en  1876.  Créer 
des  plantations  de  cette  essence  dans  les  lieux  élevés  et  secs  permettrait  de  modi- 
fier avec  le  temps  les  conditions  hydrologiques  d'une  contrée  et  de  conquérir  sur 
le  désert  de  nouveaux  espaces  qui  se  fertiliseraient  en  attendant  que  le  colon  vint 
les  cultiver.  On  pourrait  associer  au  Tamdi  caspi  Varhre  à  lait  du  Venezuela,  Brom- 
mum  galactodendran,  laboratoire  naturel  de  lait  condensé,  analogue  à  la  crème  et 
très  nutritif.  Toutefois  cette  espèce  végétale  exige  une  température  de  22°  centi- 
grades et  un  certain  degré  d'humidité. 

La  question  de  l'extension  des  déserts  par  suite  du  dessèchement  de 
terres  autrefois  arrosées  par  de  nombreux  cours  d'eau,  est  une  question 
capitale,  pour  l'Afrique  comme  pour  les  autres  continents,  et  importante 
pour  la  colonisation  aussi  bien  que  pour  l'exploration  au  nord  ou  au  sud 
du  continent  noir.  On  a  constaté  que  dans  le  Sahara,  au  sud  du  Cunéné, 
au  Kalahari,  sur  les  plateaux  des  Karrous,  etc.  ^  ont  circulé  des  rivières 
qui  ont  disparu  de  la  surface  du  sol,  par  suite  du  déboisement  des  terres 


—  80  — 

qui  reçoivent  maintenant  beaucoup  moins  d'eau  de  pluie  que  précédem- 
ment et  peuvent  demeurer  des  années  sans  qu'il  y  en  tombe  une  goutte. 
Les  Karrous,  en  particulier,  sont  sans  rivières  et  sans  arbres,  et,  pendant 
la  saison  sèche,  leur  sol  argileux  et  rougeâtre  se  durcit  presque  à  l'égal 
de  la  tuile  ;  toute  végétation  y  meurt,  à  l'exception  de  celle  des  plantes 
grasses  qui  seules  y  conservent  un  reste  de  verdure.  Quand  les  pluies 
arrivent,  ces  plateaux  se  couvrent  d'une  verdure  éclatante  et  les  colons 
y  amènent  de  toutes  parts  leurs  troupeaux,  mais  cela  ne  dure  qu'un 
mois  ;  bientôt  le  soleil  a  desséché  les  plantes,  le  désert  reparaît  et  les 
hommes  ainsi  que  les  animaux  doivent  abandonner  ces  lieux  devenus 
inhabitables.  On  se  souvient  encore  de  la  sécheresse  de  deux  ans  qui  a 
sévi  de  1876  à  1878  sur  toute  l'Afrique  australe,  oîi  la  terre,  devenue 
dure  conrnie  la  pierre,  ne  pouvait  recevoir  la  charrue,  où  les  récoltes 
séchaient  sur  pied,  où  les  feuillages  étaient  grillés,  les  fontaines  avaient 
disparu,  bœufs  et  moutons  mouraient  par  milliers,  de  faim  et  de  soif.  Dans 
le  pays  des  Héréros,  des  Damaras  et  des  Namaquas,  de  même  qu'au 
Sahara,  les  rivières  ne  sont  plus  que  des  ouadis  oîi  l'eau  coule  par  inter- 
mittence et  seulement  après  des  pluies' très  abondantes.  Les  missionnai- 
res Bœhm  et  Bemsmann  y  ont  signalé,  comme  un  fait  très  grave,  la 
diminution  toujours  plus  marquée  des  pluies  tropicales.  La  rivière  Cuisip, 
qui  se  jetait  autrefois  dans  l'Océan,  à  Wallfish  Bay,  est  à  sec  depuis 
14  ans  ;  d'autres  rivières  ont  cessé  de  couler  depuis  plus  de  20  ans.  Mais 
dans  ces  parties  de  l'Afrique  ',  comme  au  Sahara,  il  existe  des  cours 
d'eau  souterrains,  dont  il  serait  facile  de  faire  jaillfr  l'eau  au  moyen  de 
forages,  comme  le  font  les  Arabes  dans  le  désert,  ou  les  Français  au  sud 
de  l'Algérie.  Toutefois,,  pour  ramener  les  eaux  à  la  surface  du  sol,  le 
meilleur  moyen  est  le  reboisement,  car,  en  général  les  forêts  régulari- 
sent le  régime  des  eaux,  et  exercent  sur  la  température  comme  sur 
l'atmosphère  un  effet  de  pondération  et  d'équilibre.  En  effet,  elles 
accroissent  la  proportion  des  eaux  de  pluie  et  favorisent  l'alimentation 
des  sources  et  des  nappes  d'eau  souterraines.  En  outre,  le  couvert  des 
arbres  de  la  forêt  ralentit  dans  ime  forte  proportion  l'évaporation  de 
l'eau  reçue  par  le  sol  et  contribue  par  là  au  maintien  de  la  fraîcheur  de 
celui-ci  et  à  la  régulaiisation  du  régime  des  sources.  Quant  aux  essences 

*  D'après  le  Natal  Mercury,  M.  Molyneux,  ingénieur,  en  étudiant  les  Karrous 
au  point  de  vue  de  la  houille,  a  constaté  qu'ils  renferment  d'immenses  provisions 
d'eau  cachées  sous  la  surface  du  sol,  et  qui  ne  demandent  qu'à  être  exploitées  pour 
transformer  le  désert  en  champs  fertiles. 


—  81  — 

à  employer  pour  le  reboisement,  le  Tamdi  caspi  et  V arbre  à  lait,  indi- 
qués par  notre  correspondant,  pourront  rendre  de  grands  services.  Le 
premier,  trouvé  près  de  Moyobamba  au  Pérou,  atteint  16  mètres  de  hau- 
teur, et  1  mètre  de  diamètre  près  du  sol  ;  il  absorbe  en  très  grande  quan- 
tité  l'humidité  de  l'air  ambiant,  et  cette  humidité  retombe  en  gouttes  de 
pluie  sur  la  terre  altérée,  si  bien  que,  dans  les  lieux  manquant  de  pente, 
une  petite  mare  se  forme  au  pied  de  l'arbre.  Sa  puissance  d'absorption 
surtout  en  été  est  grande  quand  les  fleuves  sont  bas,  les  sources  faibles, 
l'eau  rare  "partout.  —  L'arbre  à  lait  de  la  province  de  Cumana,  dans  le 
nord  de  l'Amérique  méridionale,  servira  plutôt  à  la  nourriture  des  habi- 
tants des  régions  sèches,  oii  la  vache  ne  peut  exister  par  suite  de  la  pré- 
sence de  la  tsetsé.  Quoique  pendant  plusieurs  mois  de  l'année  aucune 
ondée  n'arrose  son  feuillage,  que  ses  branches  paraissent  mortes  et  des- 
séchées, son  tronc  n'en  fournit  pas  moins  un  lait  doux  et  nourrissant, 
dont  les  habitants  des  heux  où  il  se  trouve  font  grand  usage.  On  peut 
y  joindre  encore  le  masarandiiba,  qui  fournit  aux  habitants  de  Para  un 
lait  qu'ils  boivent  avec  leur  thé  ou  leur  café,  et  le  raveyiala  de  Madagas- 
car, nonmié  souvent  arbre  du  voyageur,  parce  que  les  feuilles  contien.-  . 
nent  à  leur  base  une  eau  qu'on  peut  obtenir  en  perforant  le  pétiole. 
Semés  ou  plantés  dans  les  Keux  envahis  par  le  désert,  oîi  exposés  à  des 
sécheresses  prolongées,  ces  arbres,  en  y  ramenant  la  végétation,  y  rap- 
pelleraient les  habitants  qui  ont  dû  émigrer,  et  empêcheraient  les 
voyageurs  et  les  missionnaires  d'être  exposés  aux  horreurs  de  la  soif, 
comme  cela  arrive  trop  souvent,  comme  ce  fiit  le  cas,  en  particuUer, 
pour  Livingstone  dans  le  désert  de  Kalahari. 

Quant  aux  maladies  principales  auxquelles  succombent  souvent  les 
Européens,  la  dysenterie  et  les  fièvres  paludéennes,  notre  correspon- 
dant signale  comme  moyen  préventif  à  employer,  les  feuilles  du  baobab. 

Les  indigènes  de  la  Sénégambie  recueillent  les  feuilles  du  baobab  (Adcmsonûi 
Hgitata),  qui  apparaissent  à  Pépoque  des  pluies,  ils  les  font  sécher  soigneusement, 
puis  les  réduisent  en  une  poudre  d'un  beau  vert  nommée  ccUo,  qu'ils  conservent  à 
l'abri  de  l'humidité.  On  emploie  aussi  avec  succès  l'enveloppe  du  fruit.  Adanson  a 
éprouvé  les  bons  effets  de  cette  poudre,  qui  l'a  préservé  des  dysenteries  et  des  fiè- 
vres inflammatoires  auxquelles  les  Européens  sont  fréquemment  exposés  au  Séné- 
gal. Il  est  vrai  qu'il  s'agit  ici  des  fièvres  du  Sénégal,  mais  ne  pourrait-on  pas  oppo- 
ser ce  remède  à  celles  de  la  région  équatoriale?  Le  baobab  s'y  rencontre,  et 
quoiqu'il  n'y  existe  pas  en  forêts  compactes  comme  au  Cap  Vert,  il  ne  serait  cepen- 
dant pas  difficile  de  se  procurer  cette  poudre  comme  médicament;  elle  paraît  avoir 
plus  d'effica<ûté  que  le  tamarinier. 


—  82  — 

A  propos  des  bons  effets  éprouvés  par  Âdansou  de  Tusage  de  la  pou- 
dre de  baobab,  il  n'est  peut-être  pas  inutile  de  rappeler  la  recomman- 
dation faite  aux  Européens  par  M.  Bonnat,  qui  avait  résidé  en  Guinée 
et  pendant  six  ans  à  Coumassie,  d'adopter  la  nourriture  et  le  genre  de 
vie  des  indigènes.  On  sait  combien  ils  sont  moins  accessibles  aux  mala- 
dies auxquelles  succombent  les  blancs.  Peut-être  la  cause  en  est-elle 
qu'ils  peuvent  braver  impunément  les  poisons  qu'on  respire  dans  ces 
parages,  saturés  qu'ils  en  sont  dès  leur  enfance.  Dans  une  des  expédi- 
tions du  Niger,  de  62  blancs  embarqués  sur  V Albert,  55  eurent  la  fièvre 
et  23  succombèrent;  sur  15  nègres  d'Amérique,  6  eurent  la  fièvre,  pas 
un  ne  succomba,  et  de  76  natife  de  la  côte  d'Afrique,  pas  un  n'eut  la 
fièvre.  M.  Boimat  était  persuadé  que  l'intérieur  de  la  Guinée  et  même 
une  partie  de  la  côte  ne  seraient  pas  plus  dangereux  pour  les  blancs  que 
pour  les  noirs,  pourvu  que  les  premiers  renonçassent  au  régime  alimen- 
taire substantiel  de  l'Europe,  pour  se  mettre  à  celui  des  gens  du  pays. 
Avec  une  nourriture  frugale,  il  a  pu  se  livrer  à  des  travaux  agricoles 
dans  le  pays  des  Achantis,  pendant  dix  heures  par  jour,  sans  être 
inconunodé.  Schûtt  raconte  aussi  dans  son  journal  que,  par  nécessité,  il 
s'accoutuma  peu  à  peu  h  quelques-uns  des  mets  das  indigènes,  sans  en 
éprouver  aucun  mal;  avant  lui,  Falkenstein avait  fait  l'expérience  qu'on 
peut  parfaitement  manger  les  mets  africains,  quand  on  s'est  un  peu  fait 
au  climat.  Si  cela  est  vrai  d'une  manière  générale,  et  si  l'emploi  du 
calo  a  préservé  Adanson  des  maladies  du  Sénégal,  on  ne  peut  qu'en 
recommander  l'usage  à  tous  les  Européens  qui  s'établissent  ou  qui 
voyagent  dans  des  districts  où  la  malaria  et  la  dysenterie  sévissent  avec 
moins  d'intensité  qu'au  Sénégal.  Les  indigènes  s'en  servent  pour  leur 
nourriture,  en  le  mêlant  à  leurs  aliments,  notamment  au  couscoussou. 

Dans  ce  moment  oîi  la  fièvre  jaune  fait  tant  de  victimes  au 
Sénégal,  il  est  bon  de  donner  le  plus  de  publicité  possible  au  succès 
obtenu  par  le  D' La  Caille  dans  le  traitement  d'un  certain  nombre  de 
cas  de  fièvre  jaune  à  Rio  de  Janeiro.  Il  a  employé  l'acide  phénique  et 
ses  dérivés,  sous  forme  d'injections  hypodermiques  ou  de  potions,  et 
pas  un  de  ses  malades  n'a  succombé;  cependant  deux  d'entre  eux 
étaient  dans  im  état  très  grave  ;  l'un  d'eux  était  hors  de  danger  le  troi- 
sième jour,  l'autre  était  rétabli  au  bout  de  sept  jours, 

(A  suivre.) 


—  83  — 

BIBLIOGRAPHIE  ' 

Eh  TuKisiE.  Récit  de  rexpédition  française,  voyage  en  Tunisie,  his- 
toire, par  Albert  de  la  Berge.  Paris  (Firmin-Didot  et  C"),  1881,  378  p. 
et  carte,  3  fr.  50.  A  peine  tenninée,  l'expédition  contre  les  Kroumirs  est 
déjà  racontée  et  commentée  jusque  dans  ses  plus  petits  détails.  L'his- 
toire rectifiera  probablement  beaucoup  de  faits  d'une  importance 
secondaire;  quant  aux  grands  traits  de  la  guerre  :  ses  causes,  la  prise  de 
Kef  et  de  Tabarka,  le  traité  du  Bardo  et  la  soumission  de  toutes  les 
petites  tribus  de  la  confédération  des  Kroumirs,  ils  sont  devenus  du 
domaine  pubUc  et  peuvent  nous  être  esquissés  sous  leur  véritable  jour. 
M.  Albert  de  la  Berge,  correspondant  du  Siècle,  ne  nous  cache  pas  qu'il 
a  fait  une  œuvre  de  compilation  ;  n'ayant  pas  été  dans  la  contrée,  il 
s'est  formé  une  bibliothèque  tunisienne  d'une  quarantaine  de  volumes,  à 
laquelle  il  a  joint  ime  trentaine  d'articles  de  journaux  et  de  revues,  et 
voilà  quels  ont  été  les  éléments  de  son  livre.  Il  en  a  tiré  un  excellent 
parti:  la  campagne  militaire  et  l'action  diplomatique  ne  pouvaient 
guère  être  exposées  d'une  manière  plus  lucide,  et  nous  croyons  que  la 
lecture  de  ce  livre  serait  excellente  pour  ceux  qui  ont  suivi  l'expédition 
dans  les  journaux,  et  qui,  par  conséquent,  ne  peuvent  pas  se  faire  une 
idée  complète  de  l'enchaînement  des  faits.  Dans  la  seconde  partie  du 
volume,  l'auteur  nous  donne  une  boime  description  de  la  Timisie.  Il 
examine  le  sol  de  la  contrée,  ses  productions,  ses  races,  son  industrie, 
son  gouvernement,  et,  dans  la  troisième  partie,  il  conclut  par  l'histoire 
du  pays,  nous  le  montrant  habité  d'abord  par  les  Carthaginois,  puis  par 
les  Romains,  les  Arabes  et  les  Berbères.  La  domination  turque,  les  intri- 
gues des  beys,  les  luttes  entre  les  diverses  dynasties  nous  sont  racontées 
dans  un  chapitre  spécial.  Enfin,  le  volume  se  termine  par  ime  circulaire 
de  M.  Barthélémy  Saint-Hilaire  et  par  le  texte  du  traité  du  Bardo. 

BEiTRiEGE  zuR  Entdeckungsgeschichte  Afkika's.  Vicrtes  Heft. 
Reisen  im  Sudwestlichen  Becken  des  Congo,  von  Otto  H.  Schutt. 
Herausgegeben  von  Paul  Lindenberg.  Mit  3  Karten,  von  Kiepert 
Berlin  (Dietrich  Reîmer),  1881,  in-8**,  180  p.  —  Lors  du  retour  de 
Schûtt  en  Europe,  nous  avons  rendu  compte  de  son  expédition  au  pays 
de  Louba,  et  donné  un  itinéraire  qui  permettait  de  le  suivre  jusqu'au 
Zaïre  *.  Aujourd'hui  nous  arrive  le  récit  détaillé  de  son  voyage,  dont  il 

^  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  13,  rue  du  Rhône,  à  Genève, 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 
•  Voy.  I"  Année,  p.  154-168,  et  la  carte  qui  accompagne  l'article. 


—  84  — 

venait  de  commeircer  la  rédaction  au  moment  où  il  a  été  appelé  au  ser- 
vice du  Japon.  Obligé  de  Tinterrompre,  il  en  a  confié  le  soin  à  un  ami 
des  découvertes  africaines,  M.  Paul  Lindenberg,  qui  s'est  acquitté  con 
amore  de  la  tâche  dont  il  avait  été  chargé.  Partout  on  reconnaît  com- 
bien SchUtt  était  admirablement  qualifié  pour  la  mission  spéciale  à 
laquelle  l'avait  appelé  la  Société  africaine-allemande,  de  faire  très  soi- 
gneusement la  topographie  des  régions  qu'il  devait  traverser  et  d'en 
dresser  des  cartes  aussi  exactes  que  possible.  D'après  son  journal  on 
voit  que  l'ingénieur  s'y  est  appliqué  pendant  tout  le  voyage,  et  surtout 
pendant  ses  stations  en  différents  endroits,  dès  Malangé,  d'où  il  fit  vers 
la  Quanza,  au  sud,  une  excursion  qui  lui  permit  de  découvrir  par  10^6' 
lat.  S.  et  14^21,  long.  E.,  la  magnifique  cascade  à  laquelle  il  donna  le 
nom  de  l'impératrice  Augusta.  La  précision  de  ses  observations  n'enlève 
rien  à  l'intérêt  des  descriptions  dont  son  journal  est  semé,  qu'il  s'agisse 
de  l'Angola,  de  sa  végétation,  de  sa  météorologie,  de  sa  faune,  de  son 
ethnographie  ;  ou  des  périls  que  lui  font  courir  les  Bangalas,  dont  il 
raconte  succinctement  l'histoire  ;  ou  encore  de  la  marche  pendant  la 
saison  des  pluies  le  long  du  cours  supérieur  du  Louélé,  du  Quicapa  et 
du  Louachimo,  jusqu'au  6** 50'  lat.  S.,  à  la  résidence  de  Maï  sur  le  Zaïre, 
et  de  là  au  sud,  chez  le  Mouata  Mousevo,  fils  du  Mouata  Yamvo.  A  côté 
des  difficultés  que  créent  aux  explorateurs  les  caprices  des  porteurs  et 
la  malveillance  des  chefs  ou  des  populations,  il  a  soin  de  noter  celles  qui 
résultent  de  la  climatologie  de  ce  plateau  intertropical  dont  ses  obser- 
vations  aideront  à  déterminer  la  météorologie.  —  Des  trois  cartes  dres- 
sées par  Kiepert,  la  première,  au  Vcooooo^  donne  non  seulement  l'itinai- 
raire  de  Schtitt,  de  Saint-Paul  de  Loanda  à  Poungo-a-N'Dongo,  mais 
encore  celui  du  voyage  de  H.  v.  Barth,  en  1876,  dans  les  districts  de 
Bengo  et  de  Luculla,  avec  diverses  indications  des  traits  physiques  qui 
caractérisent  le  pays,  et  une  vue  des  chutes  de  la  Luculla  ;  la  deuxième 
et  la  troisième,  au  Viooooooi  présentent  très  exactement  et  très  nette- 
ment toute  la  région  traversée  par  Schûtt,  avec  beaucoup  de  notes  géo- 
graphiques et  ethnographiques  d'une  grande  valeur.  Elles  rectifient 
une  erreur  des  anciennes  cartes,  d'après  lesquelles  le  vaste  plateau 
entre  le  Quango  et  le  Cassai  n'avait  aucun  cours  d'eau  important,  et  le 
montrent  coupé  au  contraire  par  une  quantité  de  rivières  dont  quel- 
ques-unes, comme  le  Couilou  et  le  Loangué,  sont  plus  considérables 
que  le  Quango  et,  avec  le  Quengué,  portent  directement  leurs  eaux  au 
Zaïre. 


1 


lAfMQ(f£  EXFlORÉi  &  aVWSii 


—  86  — 

été  satisfait  et  attend  les  missionnaires,  qui  pouiTont,  dans  un  prochain 
voyage,  arriver  à  Rhat  sans  difficulté.  En  quittant  le  campement  de 
Fenalt,  ils  prirent,  pour  revenir  à  Ghadamès,  la  l'oute  de  Touest,  afiîn 
de  voir  les  Touaregs  Ifouras,  qui  les  reçurent  très  bien  et  leur  donnè- 
rent l'assurance  qu'ils  ne  sont  point  opposés  à  ce  que  les  Français  visi- 
tent leur  pays  ;  ceux  qui  veulent  les  en  empêcher  sont  les  négociants  de 
Ghadamès  qui  craignent  pour  leur  commerce. 

Une  grande  agitation  règne  à  Khartoum,  par  suite  d'une  insun'ec- 
tion  qui  a  éclaté  au  mois  d'août  dans  l'île  d'Aba,  sur  le  fleuve  Blanc,  à 
l'instigation  d'un  faquir,  MohanuiiLed  Ahmed,  de  Dongola,  qui  pré- 
tend avoir  reçu  d'Allah  la  mission  de  fonder  un  nouveau  royaume  de 
Dieu,  dont  La  Mecque  serait  le  centre.  D  a  recruté  beaucoup  d'adhé- 
l'ents,  et  menace  le  repos  et  les  propriétés  des  habitants  de  Khartoum 
et  des  environs.  Les  consuls  d'Autriche  et  de  France,  MM.  Hansal  et 
Vossion,  ont  eu  avec  Réouf  pacha  une  conférence,  après  laquelle  um^ 
commission  d'enquête  s'est  rendue  à  Aba  pour  interroger  Mohaauned 
Ahmed.  Ses  réponses  n'ayant  pas  été  satisfaisantes,  ime  expédition  mili- 
taire a  été  envoyée  de  Khartoum  pom*  s'emparer  de  lui.  Mais  les  troupes 
hésitèrent  à  faire  feu  sur  les  faquirs  qui  l'entouraient,  et  furent  assail- 
lies par  5  ou  600  hommes  armés  de  lances,  qui  leur  tuèrent  beaucoup  de 
monde.  Là-dessus  Mohanmied  Ahmed  dépêcha  des  messagers  h  tous  les 
chefe  du  voisinage,  pour  les  sommer  de  se  joindre  au  cortège  triomphal 
qui  devait  le  conduire  h  La  Mecque.  De  son  côté  Réouf  pacha  a  réuni 
toutes  les  troupes  disponibles  des  garnisons  de  Sennaar,  de  Fachoda, 
du  KordofEin  et  de  Berber,  pour  marcher  contre  les  rebelles.  La  sécurité 
de  Khartoum  est  d'autant  plus  compromise,  qu'on  peut  craindre  un  sou- 
lèvement des  esclaves  qui  y  forment  plus  de  la  moitié  de  la  population, 
et  pourraient  saisir  cette  occasion  de  recouvrer  leur  liberté.  En  outre, 
le  pays  ayant  souffert  d'une  grande  sécheresse,  la  disette  est  à  la  poite. 
Marno  bey  a  dû  partir  avec  Réouf  pacha  pour  se  rendre  sur  le  théâtre 
de  l'insurrection. 

De  Khartoum,  M.  Shouver,  explorateur  hollandais,  s'est  dirigé 
vers  Fazogl,  d'où  il  a  fait  plus  au  sud  une  excursion  préliminaii^e  à  son 
voyage  à  travers  le  pays  des  Gallas,  pour  lequel  il  devait  attendre  la 
fin  de  la  saison  des  pluies.  Sa  dernière  lettre  était  datée  de  Béni  Schan- 
gol  sur  la  route  de  Fadasi,  suivie  par  Marno  en  1870.  Il  a  avec  lui  un 
natif  du  pays  des  Gallas,  et  se  propose,  comme  premier  but,  de  détermi- 
ner la  position  des  sources  du  Sobat,  et  de  découvrir  les  lacs  que  l'on 
croit  exister  sm*  le  haut  plateau,  entre  le  Nil  Blanc  et  Kaffa.  Après  avoir 


—  87  — 

achevé  cette  partie  de  sa  tâche,  il  se  diiîgera  vers  le  Victoria  Nyanza. 
Toutes  ses  sympathies  sont  pour  les  Gallas  ;  à  la  force  et  à  la  beauté 
physique  qui  les  caractérisent,  ils  joignent  beaucoup  d'intelligence  et 

m 

une  grande  délicatesse  de  sentiments. 

La  route  qu'il  a  l'intention  de  suivre  poiu'  se  rendre  au  Victoria 
Nyanza  sera  peut-être  plus  sûre  que  celle  du  Nil  et  de  l'Ounyoï-o  qui, 
d'après  Emin  Bey,  gouverneur  des  provinces  égyptiennes  équato- 
riales,  n'offre  pas  de  sécurité.  Celui-ci  a  fait  rétablir  deux  stations,  l'une 
à  Foweira,  gardée  par  40  soldats,  l'autre  à  Fada,  près  des  rapides  du 
même  nom,  avec  70  honunes  de  garnison.  D  a  en  outre  cherché  à 
renouer  ses  relations  avec  Kabréga,  qui  lui  a  envoyé  des  présents  à  Lado 
et  une  invitation  à  se  rendre  à  sa  résidence.  Emin  Bey  a  ajourné  sa 
visite  à  trois  mois.  Des  gens  de  Kabréga  ayant,  il  y  a  longtemps  déjà, 
assailli  et  tué,  dans  un  village  près  de  ses  frontières,  Mréko,  oncle 
maternel  de  Mtésa,  celui-ci  laissa  dormir  cette  affaire  ;  mais,  au  mois  de 
juin  de  cette  année,  il  envoya  contre  Kabréga  ime  armée  qui  dévasta 
une  grande  étendue  de  pays,  et  emmena  en  captivité  im  très  grand 
nombre  de  femmes  et  de  jeunes  (illes.  En  outre  il  a  fait  savoir  à  Kabréga 
qu'il  le  considère  comme  son  vassal,  et  rOunyoro  comme  sa  propriété. 
Emin  Bey  écrit  aussi  que  les  steamers  circulent  entre  Dufilé,  Wadelaï 
et  Mahagi,  sur  la  côte  occidentale  du  lac  Albert,  où  il  a  étabh  une  très 
belle  station.  Il  compte  explorer  le  pays  à  l'ouest  de  ce  lac.  Le  chef  de 
Torou,  Ntali,  lui  a  offert  de  lui  en  faire  voir  l'extrémité  S.-E.,  le  district 
des  monts  Gambaragara. 

Des  dépèches  récentes  de  Zanzibar  annoncent  que  Mirambo  est  de 
retour  d'ime  expédition  guemère,  qu'il  a  faite  dans  la  première  partie 
de  cette  année  au  nord  et  à  l'est  de  ses  états ,  et  dans  laquelle  il  a 
atteint  l'extrémité  sud  du  Victoria  Nyanza.  Outre  les  razzias  ordinaires 
de  bestiaux  et  d'esclaves  qu'il  a  faites,  il  a  noué  des  relations  amicales 
avec  Mtésa,  en  vue  d'ouvrir  une  route  de  commerce  à  l'ouest  du  lac  ;  les 
préliminaires  en  seraient  la  soumission  des  tribus  indépendantes  et 
puissantes  qui  vivent  entre  les  territoii'es  de  ces  deux  chefe.  Il  faut 
espérer  que  si  ce  fâcheux  projet  réussit,  il  aura  au  moins  pour  effet  l'ou- 
verture, aux  voyageurs  européens,  d'une  route  sûre  et  moins  coûteuse 
que  celle  qu'ils  suivent  d'ordinaire  aujourd'hui.  Dans  une  visite  que  les 
missionnaires  Copplestone  et  Southon  ont  faite  à  Mirambo,  celui-ci  leur 
a  dit  que  la  route  jusqu'au  Smith's  Sound  est  praticable,  et  sûre  pour 
des  caravanes  ayant  des  guides  fournis  par  lui.  Des  hommes  n'ayant 
pas  de  charge  peuvent  y  arriver  en  quatre  jours  ;  les  caravanes  en  met- 


—  88  — 

tent  neuf.  D  leur  a  donné  avec  bienveillance  tous  les  renseignements 
qu'ils  lui  ont  demandés,  et  leur  a  promis  que  des  guides  conduiraient 
en  tout  temps  les  missionnaires  à  travers  ses  états. 

M.  Hore,  de  la  station  d'Oudjidji,  a  trouvé  à  Katété»  à  l'ouest  du 
Tanganyika,  un  district  dont  le  chef  est  une  femme,  la  snltaiie 
Houéma.  Ayant  appris  que  M.  Hore  venait  lui  faire  visite,  elle  se 
rendit  à  sa  rencontre  avec  une  grande  suite  de  dames;  étant  montée  sur 
la  Galebasse,  la  barque  du  missionnaire,  elle  examina  avec  soin  tout  ce 
que  M.  Hore  lui  fit  voir  dans  le  bateau,  puis  le  fit  remarquer  et  l'expli- 
qua à  ses  femmes.  A  en  juger  par  son  extérieur,  elle  peut  avoir  40  ans, 
et  paraît  très  capable;  elle  est  entourée  d'un  grand  respect.  Son  mari, 
qui  était  avec  elle,  n'est  pas  le  chef,  mais  seulement  le  «  mari  du  chef  » 
comme  on  l'expliqua  à  M.  Hore.  Elle  témoigna  au  missionnaire  un  grand 
désir  de  voir  les  blancs  s'établir  au  milieu  de  ses  sujets;  elle  leur  don- 
nerait, le  teiTain  dont  Us  auraient  besoin. 

Le  P.  Duparquet,  de  la  mission  de  la  Cimbébasie,  dont  nous 
avons  rapporté  le  voyage  à  la  résidence  du  roi  Kipandeka\  en  a  fait 
•  im  nouveau  pour  compléter  l'exploration  de  l'Ovampo,  dont  il  n'avait 
pu  visiter  que  les  deux  grandes  tribus  de  l'est,  sans  pouvoir  atteindre 
le  Cunéné,  ni  établir  des  communications  régulières  avec  la  colonie  por- 
tugaise de  Mossamédès.  M.  Erickson,  ancien  compagnon  d'Anderson, 
et  le  plus  influent  des  négociants  de  la  contrée,  en  même  temps  chas- 
seur et  ornithologue,  ayant  le  projet  de  faire,  avec  tout  son  personnel, 
une  grande  chasse  sur  les  bords  du  Cunéné,  le  Père  Duparquet  obtint 
la  permission  de  l'accompagner.  Ils  partirent  d'Omarourou  au  milieu 
de  juin,  avec  un  Anglais  du  Cap,  M.  Jordan,  qui  avait  négocié  avec  le 
gouvernement  portugais  l'établissement  des  Boers  dans  la  province 
d'Angola  et  tenait  à  les  y  introduire  lui-même.  Prenant  la  route  de 
l'Oukouambi,  iLs  atteignirent  d'abord  Ouvouzia,  près  de  Vomaramba  * 
d'Okipoko  qui,  formé  par  les  eaux  du  Cunéné,  entre  le  territoire  des 
Ojidongonas  et  celui  des  Ovahingas,  traverse  ensuite  le  pays  desOmba- 
landous,  l'Ongangéra,  l'Oukouambi,  et  se  jette  dans  le  lac  Etoscha.  Le 
roi  Nihombo  ne  fit  pas  entrer  les  voyageurs  dans  son  palais,  mais  les 
reçut,  comme  il  le  fait  d'ordinaire,  à  la  porte,  entouré  d'un  nombreux 
personnel  de  gardes.  Comme  toutes  les  habitations  des  chefs  de  l'Ovampo , 
sa  demeure  est  un  labyrinthe  de  petits  couloirs  formés  de  troncs  d'arbres 

*  Voir  l'«  année,  p.  231. 

^  Les  omarambas  sont  les  déversoirs  des  rivières  au  moment  de  la  crue  des  eaux. 


—  89  — 

très  étroits,  plantés  profondément  dans  le  sol  et  juxtaposés  les  uns  aux 
autres  de  manière  à  former  des  enceintes  concentriques  très  fortes.  Une 
seule  porte  étroite  et  bien  protégée  donne  accès  à  tout  ce  système  de 
fortifications,  qui  ne  pourrait  être  pris  qu'avec  des  obus  et  des  pièces  de 
canon  :  de  simples  fusils  et  les  engins  indigènes,  sagaies,  flèches,  etc., 
n'auraient  aucune  efficacité  contre  ces  palissades.  Tout  autour  du  palais 
€t  de  la  ferme,  on  a  creusé  de  grandes  pièces  d'eau  sur  les  bords  des- 
quelles croissent  de  grands  roseaux.  Partout  dans  le  sous-sol  on  trouve 
une  Dappe  d'eau  inépuisable,  qui  donne  de  la  fertilité  au  pays  ;  les  arbres 
fruitiers  y  abondent,  mais  les  forêts  y  font  défaut  ;  elles  ont  sans  doute 
^ié  détruites  pour  faire  place  aux  cultures,  de  sorte  qu'il  faut  aller  très 
loin  pour  se  procurer  du  bois  à  brûler.  Encouragé  par  l'espoir  de  voir 
une  station  missionnaire  attirer  les  négoQants  dans  son  pays,  le  roi  qui 
désire  beaucoup  avoir  des  gens  pour  faire  le  commerce  d'ivoire  et  de 
plumes  d'autruche,  offrit  du  terrain  au  Père  Duparquet  pour  une  mis- 
sion. Celui-ci  continua  son  voyage  au  Cunéné  où  nous  le  retrouverons 
quand  les  Missions  catholiques  auront  donné  la  suite  de  son  exploration. 
Nous  ajouterons  seulement  aujourd'hui,  qu'après  un  court  séjour  en 
Europe,  le  Père  Duparquet  s'est  embarqué  le  5  octobre  à  Lisbonne  pour 
retourner  en  Cimbébasie,  et  qu'avec  lui  sont  partis  plusieurs  mission- 
naires, chargés  de  fonder  dans  le  district  de  Huilla  une  station,  qui  devra 
en  même  temps  assurer  des  communications  faciles  avec  celles  de  la 
vallée  du  Zambèze  occidental  et  de  l'Ovampo. 

Le  CJonfl^  attire  de  plus  en  plus  l'attention  des  sociétés  commerciales 
ou  missionnaires.  Il  est  question  de  la  formation  de  deux  sociétés  com- 
merciales belges  pour  le  Congo,  et  la  maison  hollandaise  la  plus  impor- 
tante du  cours  inférieur  du  fleuve  songe  à  s'établir  prochainement  à 
Stanley-Pool.  Entre  Isangila  et  Mbou,  où  le  fleuve  est  navigable,  les 
missions  baptistes  créeront  une  station,  et  un  bateau  à  vapeur,  construit 
d'après  les  indications  et  les  dessins  de  Stanley,  y  sera  placé  pour 
faciliter  les  conmiunications.  Enfin,  d'après  Y  American  missionary, 
les  presbytériens  américains,  qui  ont  ime  station  sur  l'Ogôoué,  ont  l'in- 
tention d'ouvrir  ime  route  entre  ce  fleuve  et  Stanley-Pool. 

M.  Edflperley,  missionnaire  à  Creek-Town,  sur  le  Vieux  Cala- 
bar,  a  fait  récemment  un  voyage  d'exploration  à  l'intérieur,  jusque 
chez  les  Akounakounas.  Il  remonta  d'abord  le  fleuve  jusqu'à  Okou- 
riké,  chef-lieu  de  la  tribu,  au  milieu  de  laquelle  son  arrivée  excita  un 
grand  étonnement.  Hommes,  femmes,  enfants,  aflluèrent  de  toutes  parts 
eu  poussant  des  exclamations  de  surprise.  La  plage  sablonneuse  et 


—  So- 
lange sert  de  lieu  de  marché  et  de  rendez-vous  général.  La  route 
qui  conduit  à  la  ville,  à  3  ou  4  kilomètres  de  là,  est  bien  entretenue.  Des 
deux  côtés  elle  était  garnie  de  curieux ,  tandis  qu'une  foule  pressée 
devant  et  derrière  le  voyageur  ouvrait  et  fermait  la  marche.  La  ville 
peut  avoir  de  3  à  4000  habitants;  les  maisons  en  sont  petites  et  serrées 
les  unes  contre  les  autres;  celle  du  roi  est  petite  également.  Il  fit  au 
voyageur  un  accueil  très  amical,  et  lui  dit  avoir  appris  de  ses  pères  que 
les  Akounakounas  et  les  blancs  se  rencontreraient  un  jour  comme  amis, 
n  n'avait  pas  cru  voir  ce  jour  ;  le  voyant,  il  en  était  très  content.  11 
avait  été  à  bord  de  VÉtkiopia  quand  le  consul  Beacroft  explora  le  Cala- 
bar,  mais  la  population  locale  voyait  aujourd'hui  un  blanc  pour  la 
première  fois.  En  apprenant  l'intention  du  missionnaire  de  remonter 
la  rivière,  il  l'engagea  à  rester  à  Okouriké,  où  se  réunissent  les  habi- 
tants des  autres  villes,  et,  comme  d'ordinaire  on  ne  remonte  pas  plus 
haut,  il  lui  offrit  de  les  engager  à  venir  le  voir;  mais  M.  Edgèrley  per- 
sista dans^son  dessein.  Il  passa  d'abord  devant  la  ville  d'Itou,  au-delà 
de  laquelle  la  rivière  s'élargit;  à  gauche  règne  la  jungle  africaine, 
avec  des  trouées  dans  les  endroits  où  les  villes  de  l'intérieur  sont  en 
communication  avec  la  rivière  ;  à  droite,  on  aperçoit  des  cabanes  sous 
des  cocotiers  et  d'autres  arbres,  sur  une  pente  rapide  qui  descend  vers 
le  rivage.  Cette  longue  file  d'habitations,  d'un  kilomètre  et  demi  de 
long,  forme  quatre  villages,  Aboni,  Ekpesîm,  Ousadja  et  Emoumourou, 
renfermant  ensemble  ime  population  plus  considérable  que  celle d'Okou- 
riké.  M.  Edgèrley  en  visita  les  quatre  chefs,  puis  se  rendit  au  village 
d'Abangouen,  à  quelque  distance  de  la  rive  opposée;  les  indigènes  le 
reçurent  très  bien  et  l'écoutèrent  attentivement.  Mais  des  Ebos  du 
Nouveau  Calabar,  qui  se  trouvaient  dans  le  village,  leur  parlèrent  du  gin 
qu'ils  reçoivent  des  blancs  et  les  engagèrent  à  en  demander  au  mission- 
naire, ce  qu'ils  firent.  M.  Edgèrley  refusa  et  leur  dit  qu'il  reviendrait 
quand  ils  ne  lui  demanderaient  plus  de  gin.  Là-dessus,  les  indigènes 
'  se  tournèrent  contre  les  Ebos  comme  contre  de  mauvais  conseillers,  et 
prièrent  M.  Edgèrley  de  rester  au  milieu  d'eux,  mais  il  dut  repartir 
pour  Creek-Town, 

Les  conditions  sanitaires  de  Saint-Louis  se  sont  suffisamment  amélio- 
rées pour  que  l'expédition,  qui  doit  continuer  les  opérations  conunen- 
cées  l'an  dernier  entre  le  Sénégal  et  le  Ni^^er  puisse  être  reprise. 
EUe  sera  commandée  par  le  lieutenant-colonel  Bornais  Desbordeiii^ 
et  se  composera  d'mie  compagnie  d'ouvriers  d'artillerie,  d'un  détache- 
ment d'artilleurs  et  d'une  compagnie  d'infanterie  de  marine.  Ces  trou- 


—  91  — 

pes,  embarquées  à  Tembouchure  du  Sénégal  sur  les  avisos  qui  doivent 
leur  feire  remonter  le  fleuve,  passeront  devant  Saint-Louis  sans  s'ar- 
rêter, et  éviteront  ainsi  le  danger  des  fièvres.  Elles  rejoindront,  à 
Riehard-ZoU,  l'un  des  points  les  plus  salubres  de  la  colonie,  les"  troupes 
indigènes,  spahis  et  tirailleurs  sénégalais,  qui  doivent  également  faire 
partie  de  l'expédition  :  c'est  là  que  s'organisera  l'énorme  convoi  que 
Ton  est  obligé  d'emmener  pour  une  campagne  de  six  mois,  dans  un  pays 
dont  la  moitié  seulement  a  été  explorée  l'an  dernier.  De  Kayes,  point  où 
elle  débarquera  près  de  Médine,  la  colonne  gagnera  Bafoulabé  et  Kita, 
où  elle  retrouvera  les  tirailleurs  indigènes  laissés  au  printemps  pour 
garder  le  fort  construit  par  la  première  expédition.  En  même  temps 
qu'on  commencera  les  travaux  du  chemin  de  fer,  pour  lequel  les  maté- 
riaux doivent  être  actuellement  parvenus  à  Médine,  la  colonne  conti- 
nuera sa  marche  en  avant,  et  ùra  établir,  sur  les  bords  du  Niger,  le  fort 
qui  doit  un  jour  servir  de  tête  de  ligne  au  chemin  de  fer. 


NOUVELLES  GOMPLËMENTAIRES 

L'apparition  du  choléra  asiatique  au  Hedjaz  a  engagé  le  gouvernement  français 
à  interdire,  dans  l'intérêt  de  la  santé  publique,  à  tous  les  indigènes  algériens,  le 
départ  pour  La  Mecque,  et  à  imposer  une  quarantaine  de  sept  jours  aux  navires 
venant  de  l'extrême  Orient. 

Une  ligue,  dite  ligué  de  reboisement,  s'est  constituée  en  Algérie  pour  remédier  au 
déboisement  de  la  colonie. 

Le  ministre  de  la  guerre  a  envoyé  en  Tunisie  plusieurs  officiers  chargés  d'assu- 
rer le  service  topographique.  Le  dépôt  de  la  guerre  a  commencé  à  livrer  la  pre- 
mière feuille  de  la  carte  de  la  Tunisie,  levée  par  le  colonel  Périer. 

L'administration  militaire  française  va  faire  poser  environ  40  kilom.  de  chemin 
de  fer,  du  système  Decauville,  de  Sousse  dans  la  direction  de  Kairouan. 

Une  dépêche  du  Caire  annonce  la  mort  de  Mgr  Comboni,  vicaire  apostolique  de 
l'Afrique  centrale. 

Les  missionnaires  Ladd  et  Snow  sont  en  route  pour  la  région  du  Sobat,  où  doit 
étxe  établie  la  nouvelle  mission  Arthington. 

L'agence  Stefani  annonce  que  l'Italie  .a  déclaré  au  gouvernement  égyptien  que 
l'enquête  sur  le  massacre  de  l'expédition  Giulietti  n'est  pas  suffisante. 

D'après  VAgence  Reuter,  M.  Roger  devait  partir  avec  l'expédition  belge  et 
135  indigènes,  pour  rejoindre  Stanley  sur  le  Congo. 

Trois  des  missionnaires  romains  de  l'Ouroundi  ont  été  massacrés  dans  leur  habi- 
tation, près  du  Tanganyika  ;  trois  autres  ont  réussi  à  s'échapper.  Les  dernières 
lettres  des  missionnaires  signalaient  le  péril  qu'ils  couraient  de  la  part  des  noirs, 


—  92  — 

égarés  par  les  calomnies  des  marchands  arabes  à  l'égard  de  ceux  qui  s'efforcent 
d'abolir  la  traite. 

La  LwingsUmia  Central  Africcm  Company  a  établi  une  factorerie  à  Inhamis- 
sengo,  à  l'embouchure  du  Zambèze  ;  il  s'y  trouve  déjà  deux  comptoirs  européens, 
l'un  portugais,  l'autre  français. 

M.  Païva  d^  Andrada  a  laissé  une  partie  de  ses  hommes  à  Tété,  où  sont  des  mines 
de  houille.  La  plus  riche  présente  une  couche  de  charbon  de  10"^  d'épaisseur,  dont 
la  qualité  est  excellente.  Lui-même  s'est  rendu  avec  le  reste  de  son  personnel 
dans  le  district  de  Manica  à  la  recherche  de  mines  d'or. 

Le  gouverneur  général  de  Mozambique,  M.  le  vicomte  de  Paço  d'Arcos,  a 
engagé  les  industriels  et  les  agriculteurs  du  chef-lieu  de  la  province  à  faire  venir 
de  Macao  un  détachement  de  coolies.  Le  manque  de  ressources  ne  le  leur  ayant 
pas  permis,  il  a  pris  l'initiative  d'en  demander  200  à  titre  d'essai. 

MM.  Creux  et  Berthoud,  de  la  mission  vaudoise  au  nord  du  Transvaal,  s'effor- 
cent d'ouvrir  une  route  directe  de  Yaldézia  à  la  baie  de  Delagoa. 

Tl  s'est  formé  au  Transvaal  une  compagnie  au  capital  de  200,000  livres,  pour 
exploiter  les  terrains  aurifères  de  Tati. 

Une  dépêche  de  Fort-Amiel,  du  6  octobre,  annonce  que  des  Zoulous  se  sont 
révoltés,  et  ont  mis  à  leur  tête  Oham,  le  frère  de  leur  ancien  roi  Cettiwayo. 

Les  colons  de  Natal,  mécontents  de  la  forme  actuelle  du  gouvernement,  deman- 
dent l'institution  d'un  régime  parlementaire,  sur  le  modèle  de  celui  qui  a  été 
accordé  à  la  colonie  du  Cap. 

La  reine  de  Madagascar  a  nommé  pour  la  première  fois  des  ministres  et  des 
secrétaires  d'état,  et  a  en  même  temps  édicté  une  loi  relative  à  leurs  fonctions. 

Une  maladie  résultant  de  l'acclimatement  s'est  déclarée  dans  la  nouvelle  colonie 
des  Boers  de  San  Januario.  Le  gouvernement  y  a  envoyé  une  ambulance. 

Après  avoir  été  très  dangereusement  malade  d'une  fièvre  bilieuse,  Stanley  a 
recouvré  assez  de  force  pour  se  rendre  à  Manyanga  et  de  là  à  Stanley  Pool. 

Un  bateau  à  vapeur  à  deux  hélices  a  été  commandé  à  une  maison  anglaise,  pour 
la  station  civilisatrice  portugaise  qui  doit  être  établie  sur  le  Congo. 

M.  le  comte  H.  d'Arpoare,  envoyé  par  le  gouvernement  du  Portugal  dans  ses 
possessions  de  la  Guinée,  y  a  trouvé  une  vigne  sauvage,  dont  la  découverte  peut 
être  très  importante  pour  l'avenir  de  la  viticulture.  Il  doit  repartir  de  Lisbonne 
pour  l'Afrique  le  5  décembre. 

Une  société  s'est  formée  à  Libéria,  sous  le  titre  de  «  Libéria  interior  associa- 
tion, »  en  vue  de  développer  le  commerce  avec  l'intérieur,  de  rechercher  les 
moyens  de  transport  et  l'emploi  de  bêtes  de  somme  propres  au  pays,  et  de  s'occu- 
per des  intérêts  commerciaux,  agricoles  et  politiques  de  la  colonie  à  l'intérieur. 

Le  collège  de  Libéria  sera  transféré  dans  un  district  rural,  et  l'on  joindra  aux 
études  classiques  l'enseignement  d'un  travail  manuel,  pour  apprendre  aux  natifs 
l'usage  pratique  des  instruments  perfectionnés  de  l'industrie  européenne. 


—  93  — 
INDICATIONS  HYGIÉNIQUES 

(Suite  ».) 

Les  voyageurs  sont  souvent  obligés  de  traverser  des  marécages  ou  des  jungles, 
où  la  chaleur,  agissant  sur  une  végétation  exubérante,  donne  naissance  à  des 
miasmes  qui  affaiblissent  et  empoisonnent  les  plus  fortes  constitutions.  Or,  le  café 
torréfié  a  la  propriété  de  neutraliser  rapidement  et  complètement  les  effluves  végé- 
taux et  animaux,  grâce  à  Podeur  empyreumatique  qu'il  doit  à  une  huile  essentielle, 
la  caféone.  Le  prix  de  celle-ci  est  très  élevé, ^ car  elle  coûte  environ  10,000  fr. 
le  kilog.,  mais  elle  agit  en  quantité  pour  ainsi  dire  infinitésim^e.  Inunergés  dans 
une  dissolution  aqueuse  de  cette  huile,  les  vêtements  conserveraient  longtemps  un 
principe  aromatique,  et  le  voyageur  porterait  en  quelque  sorte  avec  lui  une 
atmosphère  préservatrice  contre  les  émanations  paludéennes. 

La  maladie  peut  provenir  aussi  de  Phumidité  dans  laquelle  doivent  vivre  les 
explorateurs,  obligés  de  franchir  des  rivières  ou  des  marécages  d'une  largeur  sou- 
vent considérable,  et  de  laisser  ensuite  leurs  vêtements  sécher  sur  le  corps.  Ne 
serait-il  pas  possible  d'adopter  un  vêtement  de  caoutchouc  tout  d'une  pièce,  sorte 
de  pantalon  à  pied  interceptant  l'eau  jusqu'à  la  ceinture?  La  transpiration  ne  se 
dégagerait  pas  complètement,  mais  cet  inconvénient  serait  certainement  moindre 
que  celui  de  laisser  les  substances  organiques  de  l'eau  pénétrer  par  les  pores. 
Dans  l'expédition  contre  les  Achantis,  en  1873,  on  donna  des  chemises  en  caout- 
chouc aux  soldats  anglais  qui  pouvaient  être  forcés  de  dormir  sur  un  terrain 
humide  et  vaseux.  Pourquoi  ne  ferait-on  pas  la  même  chose  pour  les  expéditions 
I  pacifiques,  qui  s'aventurent  dans  des  pays  peu  connus  mais  que  l'on  sait  être  mal- 

sains? 

Cette  idée  dous  paraît  devoir  être  agréée  par  tous  les  explorateurs  de 
l'Afrique,  spécialement  par  ceux  qui  voyagent  dans  les  régions  centrales 
•  intertropicales,  où  les  cours  d'eau  à  traverser  sont  très  nombreux,  et  oîi 
la  saison  des  pluies  les  fait  déborder  et  transforme  leurs  bords  en  vastes 
;  marais.  Entre  les  averses,  le  soleil  est  ardent  et  fait  passer  les  voya- 

I         geurs  d'une  grande  humidité  à  une  chaleur  intense,  contraste  perpétuel, 
I  bien  propre  à  ruiner  les  constitutions  les  plus  robustes.  Dans  la  région 

parcourue  par  Schûtt  (entre  le  7°  et  le  10°  lat.  S.),  pendant  la  saison 
sèche,  de  mai  en  août,  il  y  a  à  l'intérieur  d'abondantes  rosées,  puis  pen- 
dant les  huit  autres  mois,  presque  sans  interruption  des  pluies  régu- 
lières, de  6  heures  du  soir  à  5  heures  du  matin,  ou  de  7  h.  du  matin  à 
midi,  ou  de  midi  au  soir.  «  Le  voyage  à  cette  époque  n'est  pas  agréable, 

*  Voir  la  livraison  d'octobre,  p.  77. 


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dit  Schtttt,  pas  de  jour  où  Ton  u'ait  toute  la  partie  inférieure  du  corps 
complètement  mouillée,  soit  par  la  pluie,  soit  par  la  rosée  qui,  tous  les 
matins,  couvre  l'herbe  quand  il  n'a  pas  plu  pendant  la  nuit,  ou  par 
l'eau,  en  passant  à  gué  les  innombrables  ruisseaux  qui ,  h  cette  époque , 
sont  tous  gonflés.  Mais  le  soleil,  qui  déjà  alors  projette  ses  rayons  pres- 
que verticalement,  vous  sèche  dans  les  intervalles  ;  souvent,  pendant  une 
marche,  il  faut  passer  par  les  deux  états,  humide  et  sec;  on  s'y  accou- 
tume par  l'exercice  de  tous  les  jours,  puis  on  ne  s'en  inquiète  plus.  En 
mars  et  en  avril,  où  les  jherbes  ont  deux  fois  la  hauteur  d'un  homme, 
c'est  le  corps  tout  entier  qui  est  mouillé  pendant  les  heures  de  pluie, 
après  quoi,  quand  vient  le  soleil,  on  est  sur  le  point  d'étouffer.  »  L'expé- 
rience faite  pendant  la  gueiTe  des  Achautis  devi'ait,  ce  nous  semble,  être 
mise  h  profit  par  tous  les  explorateui's. 

L'eau,  pour  laquelle  les  caravanes  précipitent  leur  marche  et  qui  leur  cause  si 
souvent  des  déceptions  cruelles,  est  fréquemment  alcaline  et  nitreuse  ou  couverte 
de  conferves  qui  la  rendent  absolument  impotable.  Dans  le  premier  cas  elle  tue 
les  animaux,  comme  Stanley  l'a  éprouvé  dans  son  voyage  au  Tanganyilca  ;  dans  le 
second  elle  peut  causer  la  dysenterie.  On  peut  y  remédier  au  moyen  d'un  filtre  à 
charbon  combiné  avec  une  petite  pompe,  dont  la  disposition  permettrait  d'obtenir 
une  eau  plus  abondante  et  suffisamment  pure.  La  paroi  du  corps  de  pompe  (en 
caoutchouc  ou  en  forte  toile)  se  replierait  sur  elle-même,  et  la  tige  du  piston 
serait  articulée,  de  manière  à  donner  à  l'appareil  le  plus  petit  volume  possible. 
M.  le  D**  Dutrieux  recommande  de  faire  cuire  l'eau  et  même  de  la  distiller. 

Ces  moyens  nous  paraissent  préférables  au  goudron  ou  aux  deux 
gouttes  d'acide  phénique  par  litre  ajoutées  à  l'eau,  conseillés  par  d'au- 
tres. L'expérience  acquise  par  le  D'  Bourru,  qui  a  voyagé  dans  les  pays 
tropicaux,  les  lui  fait  envisager  comme  illusoires;  l'eau  phéniquée,  en 
particulier,  serait  détestable  au  goût,  mais  non  assainie.  Il  recommande 
comme  beaucoup  meilleur  le  filtre  au  charbon,  en  citant  comme  exemple 
l'expérience  faite  dans  la  guerre  des  Achantis,  où  chaque  soldat  anglais 
en  était  pourvu.  Le  résultat  en  fut  excellent;  il  le  serait  sans  doute  poui* 
tous  les  explorateurs. 

Les  voyageurs  ne  pourraient-ils  pas  faire  usage  du  coca  (erythroxyloti  coca)  con- 
tre l'action  débilitante  des  climats  tropicaux?  Les  habitants  du  Pérou,  et  surtout 
les  indigènes  vivant  sur  les  hauts  plateaux  des  Andes,  s'en  servent  pour  neutra- 
liser les  effets  de  la  raréfaction  de  l'air.  Son  emploi  leur  permet  d'endurer  plus 
longtemps  la  faim,  et  les  rend  capables  de  porter  de  lourds  fardeaux.  Il  modère  la 
transpiration  qui  est  une  cause  d'affaiblissement,  sans  l'arrêter  tout  à  fait.  Dans 


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un  voyage  pédestre,  j'ai  récemment  fait  l'expérience  que  je  pouvais,  grâce  au  coca, 
marcher  vite,  sans  oppression  ni  fatigue,  même  par  un  chaud  soleil;  j'étais  cepen- 
dant vêtu  assez  chaudement  et  je  portais  un  sac.  On  peut  le  prendre  en  dissolu* 
tion  dans  du  cognac  ou  le  boire  en  infusion  comme  le  thé. 

Quelque  avantage  que  puisse  présenter  l'usage  du  coca  pour  les  explo- 
rateurs, souvent  exposés  dans  leurs  longues  marches  à  souffrir  de  la 
faim,  d'après  l'ingéniexir  Bresson  qui  a  travaillé  sur  les  plateaux  des 
Andes,  dans  le  désert  d'Atacama,  les  Européens  qui  n'ont  pas  l'habi- 
tude du  coca  dès  leur  enfance  ne  pourraient  s'en  servir  sans  consé- 
quences fâcheuses.  Il  est  vrai  que  les  indigènes  de  ces  plateaux  sont 
funateurs  passionnés  des  feuilles  du  coca  et  qu'ils  en  mâchent  continuel- 
lement. Le  coca  leur  est  presque  plus  essentiel  que  le  boire  et  le  man- 
ger; il  leur  fournit  les  moyens  de  se  passer  jusqu'à  un  certain  point  de 
nourriture  et  de  boisson.  Leur  système  nerveux  en  reçoit  une  excitation 
qui  empêche  l'épuisement.  Indiens,  soldats,  muletiers  peuvent,  grâce  au 
coca,  faire  des  marches  prolongées  sans  vivres,  trottant  sans  s'arrêter 
dans  des  sables  brûlants  et  mouvants,  toujours  contents,  pourvu  qu'ils 
aient  dans  la  bouche  un  peu  de  coca.  Mais  ils  y  mêlent  un  alcali  qui 
neutralise  un  principe  acide  contenu  dans  la  feuille. 

En  terminant,  notre  correspondant  suggère  l'idée  d'un  moyen  propre 
à  garantir  de  la  piqûi^e  de  la  tsetsé  les  animaux  propres  à  être  employés 
comme  bêtes  de  somme . 

Sur  l'initiative  de  S.  M.  le  roi  des  Belges,  dit-il,  on  a  essayé  d'introduire  en 
Afrique  des  éléphants  apprivoisés  de  l'Inde.  A  supposer  que  Ton  arrive  à  dresser 
en  assez  grand  nombre  ceux  d'Afrique,  pour  pouvoir  les  employer  comme  bêtes  de 
charge,  le  cheval,  l'âne,  le  bœuf,  n'en  resteront  pas  moins  d'une  utilité  évidente. 
Malheureusement  la  tsetsé  {glossita  morsUans)  tue  ces  animaux,  et  l'on  se  rap- 
pelle que  Burton,  Cameron  et  Stanley  perdirent  presque  toutes  leurs  montures. 
Ils  ont  vu  sur  leur  route  d'immenses  prairies  qui  semblaient  n'attendre  que  des 
troupeaux,  mais  que  la  présence  de  la  tsetsé  laissait  désertes.  Les  seules  bêtes  lai- 
tières étaient  les  chèvres  :  les  vaches  devaient  être  reléguées  dans  des  districts  non 
envahis  par  la  terrible  mouche.  Le  taon,  qui  chez  nous  tourmente  le  bétail,  a  pu 
être  combattu  au  moyen  de  Vcissa  fœtida,  dont  on  frotte  le  corps  de  l'animal  et 
dont  l'odeur  écarte  l'insecte  hostile.  La  tsetsé  ne  pourrait-elle  pas  être  éloignée 
par  le  même  procédé?  Dans  ses  explorations  du  Zambèze,  Livingstone  décrit  deux 
autres  mouches  qui,  sans  être  aussi  dangereuses  que  la  précédente,  harcèlent  con- 
tinuellement les  animaux  domestiques,  et  auxquelles  ce  remède  pourrait  être  opposé 
avec  succès. 


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Le  fléau  de  la  tsetsé  pourra  diminuer  d'intensité  par  suite  de  l'exten- 
sion des  cultures,  comme  c'est  déjà  le  cas  à  Livingstonia ,  ou  par  le 
fait  de  la  diminution  des  fauves,  principalement  des  buffles,  car  on  la 
trouve  surtout  dans  les  forêts  habitées  par  ces  animaux;  mais,  en  atten- 
dant, les  explorateurs  ont  à  compter  avec  elle.  Un  des  moyens  de  sous- 
traire les  bêtes  de  somme  à  sa  piqûre  et  à  la  mort,  c'est  de  leur  faire 
traverser  de  nuit,  au  clair  de  lune  et  dans  la  saison  froide,  les  lieux 
hantés  par  elle.  Les  mouches  sont  alors  engourdies  et  incapables  de 
piquer.  Ou  bien,  si  Ton  doit  voyager  de  jour,  pendant  la  saison  chaude, 
que  l'on  se  serve  du  moyen  recommandé  par  notre  ami,  ou  de  celui  qu'a 
employé  le  D'  Hildebrandt  dans  ses  explorations  de  l'Afrique  orientale. 
Malgré  la  triste  expérience  faite  dans  leurs  voyages  au  nord  du  Zangue- 
bar  par  le  baron  de  Decken  et  par  New,  qui  y  avaient  perdu  leurs  ânes 
par  la  piqûi*e  de  la  mouche  dondoroho,  il  prit  avec  lui  un  âne,  qu'il  con- 
serva en  le  frottant  tous  les  jours  avec  du  pétrole,  surtout  aux  oreilles, 
aux  naseaux,  aux  endroits  où  la  peau  est  tendre.  Cette  odeur  mettait  en 
fuite  non  seulement  la  dondorobo,  mais  encore  les  moustiques  et  d'au- 
tres insectes  des  plus  désagréables.  On  peut  aussi  se  servir  d'eau  de 
quassia  ou  d'huile  de  cade. 

Il  ne  faut  négliger  aucun  des  moyens  pioposés  pour  aplanir  les  diffi- 
cultés créées  aux  explorateurs  et  aux  colons  par  les  conditions  spéciales 
du  continent  africain.  Nous  ne  doutons  pas  de  leur  efficacité.  Le  climat 
de  plusieurs  parties  de  l'Afrique  se  modifiera,  des  régions  insalubres 
seront  assainies,  les  marécages  céderont  la  place  aux  cultures,  des  travaux 
appropriés  amélioreront  le  régime  des  eaux,  la  fièvre  perdra  de  son 
intensité,  et  reculera  devant  les  défrichements.  Tel  a  déjà  été  le  cas 
pour  la  côte  de  Libéria,  qui  était  très  insalubre,  mais  dont  l'insalubrité 
a  beaucoup  diminué  par  suite  des  perfectionnements  agricoles  qui  y  ont 
été  apportés,  particulièrement  dans  le  district  de  Monserado,  ou  à  Bre- 
verviUe  et  à  Arthington,  régions  actuellement  des  plus  salubres.  Les 
études  spéciales  que  le  Comité  des  missions  de  Bâle  compte  faire  faire 
par  un  médecin,  des  conditions  sanitaires  de  la  côte  d'Or,  des  fièvres 
de  cette  région,  de  leur  traitement,  du  régime,  des  habitations,  des  vête- 
ments, etc.,  serviront  non  seulement  aux  colons  et  aux  missionnaires, 
mais  encore,  nous  l'espérons,  à  tous  ceux  qui  se  consacrent  aux  décou- 
vertes qui  restent  à  faire  dans  le  continent  africain,  et  à  la  civilisation 
(le  ses  habitants. 


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EXPLORATION  DE  U  DANA  PAR  CL  DENHARDT' 

Lors  de  la  fondation  de  T  «  African  exploration  fund  »  au  mois  de 
mai  1877,  panni  les  questions  inscrites  dans  le  programme  de  cette 
société  figurait  l'étude  de  deux  routes,  l'une  de  Mombas  à  l'extrémité 
S.-E.  du  Victoria  Nyanza  parle  Kilimandjaro,  l'autre,  delà  baie  deFor- 
mose  à  l'extrémité  N.-E.  du  |même  lac,  par  la  Dana  et  le  Kénia.  Le 
Comité  préféra  faille  explorer  le  pays  situé  entre  Dar-es-Salam,  le 
Nyassa  et  le  Tanganyika,  et  l'on  sait  le  succès  de  l'expédition  de  Thom- 
son. Les  Anglais  n'ont  cependant  pas  perdu  de  vue  la  région  au  nord  du 
Zanguebar.  A  la  demande  de  plusieurs  sections  de  l'Association  britan- 
nique pour  l'avancement  des  sciences,  le  Conseil  de  cette  Société  a  pris 
une  résolution,  en  vue  de  provoquer  une  expédition  qui  devrait  exploi-er 
scientifiquement  la  chaîne  des  montagnes  neigeuses  de  l'Afrique  équa- 
toriale.  A  cet  effet  il  s'est  adressé  à  la  Société  royale  de  géographie  de 
Londres,  et  a  offert  im  subside  de  100  L.  pour  aider  à  couvrii'  les  frais 
de  l'expédition  ■.  L'attention  va  donc  se  porter  d'une  manière  spéciale 
sur  cette  contrée. 

On  admet  généralement  aujourd'hui  que  les  première  explorateurs 
dans  cette  région  furent  les  missionnaires  Krapf  et  Rebmann  qui,  en 
1848  et  1849,  dans  leurs  excursions  de  Mombas  à  l'intérieur,  aperçurent 
d'abord  le  Kilimandjaro,  puis  le  Kénia,  et  s'avancèrent  ensuite  jusqu'à 
la  Dana  qui  descend  de  cette  dernière  montagne,  mais  sans  pouvoir  faire 
Tascension  de  celle-ci.  Cependant,  d'après  M.  le  capitaine  Verstraete, 
membre  de  la  Société  belge  de  géographie,  ces  grandes  montagnes  ont 
été  connues  en  Europe  avant  la  découverte  de  Krapf  et  Rebmann.  Dans 
la  Description  de  VÉthiopie  au  Prête  Jan,  publiée  à  Anvers  en  1558,  on 
trouve  une  longue  dissertation  sur  le  rôle  que  jouait  alors  «  certaine  mon- 
tagne de  mer\'eiUeuse  hauteur  et  grandeur'»  que  l'auteur  place  précisé- 
ment où  se  trouve  le  Kilimandjaro,  et  où,  dit-il,  tous  les  enfants  de 
l'empereur  d'Ethiopie  sont  élevés  et  retenus,  jusqu'à  ce  qu'ils  soient 
appelés  au  trône.  C'est  là  une  coutume  qui  s'est  observée  de  temps  im- 

*  Voir  la  carte  qui  accompagne  cette  livraison. 

*  Au  moment  de  mettre  sous  presse,  nous  apprenons  que  M.  Thomson  vient 
d'être  chargé,  par  la  Société  royale  de  Géographie  de  Londres,  de  visiter  la  région 
située  entre  Pocéan  Indien  et  le  Kilimandjaro,  à  partir  de  Mélinde  au  nord  jusqu'à 
Pangani  au  sud.  Il  doit  commencer  ce  mois-ci  cette  exploration. 

*  Cf.  Bulletin  de  la  Société  belge  de  géographie,  1881,  p.  403-420. 


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mémorial  dans  cet  empire,  afin  que  les  compétitions  y  fussent  rendues 
impossibles.  »  Dans  une  carte  de  Dapper  de  1668,  une  rivière  qui  se 
verse  dans  TOcéan  Indien  h  Mélinde  porte  le  nom  de  Quilmaçi  (eau  du 
Quilimandja),  et  au  commencement  du  siècle  suivant,  les  géographes 
rappellent  Quilimango,  les  nègres  disant  Kilimango  ou  Kïlimami  pour 
Kilimandjari^  eau  de  source  royale,  c'est-à-dire  rivière  qui  provient  du 
Kilimandjaro  ou  de  la  montagne  d'oîi  descendent  les  rois. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  se  rappelle  l'opposition  que  rencontra  l'annonce 
de  Krapf  et  Rebmann  de  sommets  neigeux  dans  l'Afrique  équatoriaJe,  et 
les  voyages  qui  furent  entrepris  pour  vérifier  le  fait.  Dans  une  première 
expédition,  le  baron  de  Decken,  accompagné  du  géologue  Thomton, 
gravit,  en  mai  1861,  le  Kilimandjaro  jusqu'à  une  élévation  de  2530", 
releva  le  lac  Jipé  et  découvrit  que  la  Daflfeta,  qui  le  traverse,  est  le  cours 
supérieur  de  la  Roufou,  qui  débouche  à  Pangani  dans  l'Océan.  L'année 
suivante,  il  se  rendit  une  seconde  fois  au  Kilimandjaro  avec  im  autre 
géologue,  le  D'  Kersten,  et  entreprit  de  nouveau  l'ascension  de  la  mon- 
tagne ;  il  réussit  à  atteindre  une  hauteur  de  4222",  à  constater  que  le 
Kilimandjaro  a  deux  pics,  l'un  de  5285",  l'autre  de  6115",  que  toute 
végétation  y  cesse  dès  8600"  à  3700",  et  que  la  limite  des  neiges  perma- 
nentes y  est  à  5000".  Toutefois,  écrivait  le  D'  Kersten  au  D' H.  Barth, 
«  la  plus  grande  partie  delà  neige  se  présentait  sur  le  sommet  occidental, 
du  côté  du  N.-O.,  à  l'abri  des  vents  chauds  de  la  côte  ;  sur  le  sommet 
oriental  la  neige,  qui  couvre  souvent  la  cime  entière  de  très  grand  matin, 
est  toujours  fondue  quelques  heures  après  dans  les  parties  basses  ;  ce 
n'est  que  dans  les  parties  supérieiu'es  qu'il  en  reste  perpétuellement.  « 

N'ayant  pu  achever  l'exploration  du  massif  tout  entier  du  Kilimand- 
jaro et  du  Kénia  dans  cette  seconde  expédition,  le  baron  de  Decken  en 
entreprit  une  troisième  en  1865,  avec  Richard  Brenner,  et  pourvu  de 
deiLx  bateaux  à  faible  tirant  d'eau,  construits  tout  exprès  pour  remonter 
les  rivières.  Après  plusieurs  essais  infructueux  sur  divers  cours  d'eau,  il 
voulut  remonter  la  Djouba,  qui  se  verse  dans  l'Océan  aux  environs  de 
l'équateur,  mais  il  succomba  dans  une  attaque  des  SomaUs.  Brenner 
explora  ensuite  les  rives  de  la  Dana  et  poussa  jusqu'à  la  Djouba. 

En  1871,  nouvelle  tentative  d'ascension  du  Kilimandjaro  par  les  mis- 
sioimaires  New  et  Bushell,  qui  atteignent  la  limite  des  neiges  et,  en 
redescendant  vers  le  N.-E.,  découvrent  le  lac  Tchala.  En  1876,  Hilde- 
brandt  tenta  d'explorer  le  Kénia,  mais  ne  put  pas  dépasser  Kitoui,  à 
126  kilom.  de  la  montagne.  Des  brigands  wakouafis  lui  barrèrent  le 
passage  et  essayèrent  de  le  tuer.  D  avait  cependant,  par  un  temps  serein, 


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réussi  à  distinguer  nettement  de  Kitoui  le  sommet  du  Kénia,  et  pu 
mesurer,  avec  une  boussole,  Tangle  Kitoui,  Eénia,  Kilimandjaro,  qui  a 
une  importance  très  grande  pour  la  cartographie. 

Enfin,  Clément  Denhardt,  ingénieur  berlinois,  parfit,  vers  la  fin  de 
Tannée  1877,  pour  Zanzibar  en  vue  d'explorer  cette  môme  région.  Il  s'y 
était  préparé  depuis  plusieurs  années  ;  le  D' Petermann  l'y  avait  encou- 
ragé, et  lui  avait  procuré  l'appui  de  protecteurs  riches  et  de  sociétés 
savantes  ;  le  D'  Kersten,  qui  avait  accompagné  de  Decken ,  lui  avait 
donné  d'excellents  conseils  et  avait  dressé  lui-même  le  plan  de  l'expédi- 
tion. Il  était  d'abord  question  de  remonter  la  Djouba,  dans  l'exploration 
delaqueUedeDecken avait  succombé;  mais  les  conditions  dans  lesquelles 
se  trouvaient  les  populations  des  bords  de  cette  rivière  firent  renoncer  à 
ce  projet,  et  l'on  se  rattacha  à  la  Dana,  qu'il  était  nécessaire  d'étudier 
d'une  manière  précise,  afin  d'avoir  une  base  solide  et  sûre  en  vue  d'opé- 
rations ultérieures.  L'expédition  devait  chercher  à  atteindre  le  Kénia, 
en  employant  la  Dana  comme  la  voie  la  plus  courte  pour  parvenir  h  la 
montagne  ;  puis  explorer  les  volcans  au  N.  et  au  N.-O.  du  Kénia;  étudier 
les  afduents  que  les  grands  lacs,  réservoirs  du  Nil,  reçoivent  des  monta- 
j^nes  neigeuses  et  de  la  chaîne  qui  forme  la  ligne  de  partage  des  eaux 
entre  le  NU,  la  Dana,  la  Djouba  et  les  autres  rivières  de  la  cote  ;  enfin 
visiter  les  sources  de  la  Djouba.  Elle  pouvait  aussi,  à  partir  de  la  Dana, 
traverser  le  pays  qui  s'étend  au  N.  vers  Harrar,  et  au  N.-O.  vers 
l'Ënarea,  le  KaflFa  et  le  Choa.  Clément  Denhardt  était  accompagné  de 
son  frère  Gustave,  et  devait  rejoindre  à  Zanzibar  le  D' Fischer  de  Barmen, 
qui  était  parti  le  premier  pour  visiter  le  sultan  de  Wito,  reconnaître  dans 
quelles  conditions  se  trouvait  le  pays,  et  préparer  les  voies  àl'expédition. 
(îrâce  à  cette  étude  préliminaire,  celle-ci  put  s'accomplir  sans  grandes 
difficultés  jusqu'à  Massa  sur  la  Dana,  où  Gustave  Denhardt  fut  atteint 
de  la  dysenterie,  ce  qui  obligea  son  frère  à  le  ramener  à  Zanzibar,  d'où, 
après  avoir  encore  fait  la  triangulation  des  envii'ons  de  Mombas  et  de  la 
côte  jusqu'à  Pangani,  il  revint  en  Europe  au  commencement  de  juin 
1879,  tandis  que  le  D'  Fischer  se  fixait  à  Zanzibar.  Ils  ne  furent  pas 
troublés  par  des  aventures  émouvantes  ;  aussi  les  études  géologiques  que 
put  faire  le  D' Fischer,  et  les  travaux  géodésiques  et  géographiques  aux- 
quels les  deux  frères  purent  se  livrer  tranquillement  n'en  ont  que  plus  de 
valeur.  Ils  se  sont  efforcés  en  particulier  d'obtenir,  par  des  détermina- 
tions astronomiques  nombreuses  et  par  la  triangulation,  un  réseau  précis 
pour  le  levé  des  côtes  et  des  rivières,  en  faisant  marcher  de  front  les 
études  magnétiques  et  météorologiques.  Quoique  la  caite  qui  accompagne 


—  100  — 

le  rapport  de  Cl.  Denhardt,  publié  par  les  Mittheilungeti  de  Grotha,  et 
diaprés  laqueUe  a  été  dressée  celle  que  nous  joignons  à  cette  livraison, 
ne  doive  être  envisagée  que  comme  une  esquisse,  le  tracé  de  la  Dana 
n'en  pourra  pas  moins  servir  de  base  aux  expéditions  ultérieures. 

De  Mélinde,  où  les  pluies  les  retinrent  plusieurs  semaines,  les  voya- 
geurs explorèrent  la  côte  jusqu'à  Kipini,  à  Tembouchure  de  TOsi.  Là  ils 
procèdent  à  Tachât  des  marchandises  d'échange  nécessaires,  et  se  procu- 
rent des  canots  pour  remonter  TOsi  et  la  Dana,  et  bientôt  ils  atteignent 
Kau  sur  TOsi,  résidence  de  Sald  ben  Ali,  représentant  du  sultan  de 
Zanzibar,  revêtu  d'im  pouvoir  absolu,  redouté  dans  tout  le  pays,  et  qui 
s'efforce  de  les  empêcher  de  pénétrer  plus  avant  dans  l'intérieur.  Malgré 
cela  ils  obtiennent  d'indigènes,  demeurant  en  amont  de  Eau,  les  canots 
dont  ils  ont  besoin,  et,  de  l'Osi,  Us  passent,  par  le  canal  Bélésoni,  dans 
la  Dana,  qu'ils  remontent  d'abord  jusqu'à  Mounjouni,  non  sans  avoir  été 
arrêtés  un  certain  temps  par  les  Bararettas  Gallas  de  Ngao  et  d'Enga-' 
tana,  auxquels  Sald  ben  Ali  a  persuadé  de  leur  faire  payer  un  fort  tribut, 
pour  les  empêcher  d'aller  plus  avant.  De  Mounjoimi  iljs  poursuivent  leur 
exploration  sans  inteixuption  jusqu'à  Massa,  chef-lieu  du  district  de 
Malakoté.  Redescendus  en  toute  hâte  à  Tjarra,  par  suite  de  la  maladie 
de  G.  Denhardt,  ils  peuvent  encore  étudier  le  cours  de  la  Dana  jusqu'à 
la  mer.  S'ils  ne  purent  la  remonter  jusqu'à  sa  source,  ni  exécuter  tout 
le  plan  qu'ils  s'étaient  tracé,  les  résultats  de  leur  expédition  n'en  sont 
pas  moins  importants,  par  les  renseignements  qu'ils  nous  fournissent  sui* 
le  bassin  de  la  Dana,  sur  la  flore  et  la  faune  de  cette  région,  et  surtout 
sur  son  ethnogi*aphie,  les  indigènes  wapokomos  et  wagallas  les  ayant 
toujours  accueillis  très  favorablement.  Ils  les  pressaient  même  de  s'éta- 
blir au  milieu  d'eux,  leurs  rapports  avec  les  blancs  leur  paraissant  de 
beaucoup  préférables  à  ceux  qu'ils  ont  avec  les  mahométans,  dont  ils 
doivent  subir  sans  mot  dire  toutes  les  vexations. 

Avec  la  Djouba,  la  Dana  est  le  fleuve  le  plus  considérable  de  l'Afrique 
orientale  équatoriale  ;  elle  est  navigable,  pour  des  bateaux  de  1"  de  tirant 
d'eau,  jusqu'à  Haméjé,  à  30  journées  de  l'embouchure;  sa  largeur  varie 
de  30"*  à  100*  ;  sa  profondeur  de  4"  à  10";  sa  vitesse  est  de  6  kilom. 
à  l'heure.  De  Massa  à  l'embouchure,  elle  ne  reçoit  plus  d'affluents.  A 
l'époque  des  hautes  eaux  elle  inonde  le  pays  à  plusieurs  kilomètres  de 
distance,  entre  Tjarra  et  Engatana.  De  Ngao  à  Tjarra  les  Wapokomos 
ont  construit  des  digues,  dans  lesquelles  ils  ont  ménagé  des  ouvertures 
pour  irriguer  régulièrement  les  terrains  rapprochés  du  fleuve.  Il  s'y 
forme  de  vastes  nappes  d'eau,  comme  des  lacs  ;  les  explorateurs  purent 


—  101  — 

s'en  servir  pour  éviter  un  grand  nombre  de  méandres  de  la  rivière. 
Après  la  saison  des  pluies  l'eau  en  redescend  au  fleuve.  Entre  la  Dana 
et  rOsi  se  trouve  le  Bélésoni,  canal  naturel  que  les  Wapokomos  ont  mis 
deux  ans  à  élargir,  pour  en  faire  une  voie  commerciale  commode  entre 
les  deux  fleuves,  même  pendant  la  saison  sèche.  D  a  environ  7  kilom.  de 
longueur  et  2"  de  largeur,  et  traverse  un  pays  plat  et  marécageux  ;  par 
places  cependant  il  se  rétrécit,  jusqu'à  n'avoir  plus  que  0"  75  de  large, 
en  sorte  qu'aux  contours  les  canots  heurtent  souvent  le  bord.  La  pro- 
fondeur en  varie  de  0"  75  à  1"  5  ;  le  courant,  rapide  à  l'endroit  oîi  il 
sort  de  la  Dana,  se  ralentit  ensuite.  La  végétation  croît  rapidement,  et 
fermerait  le  canal  sans  le  passage  continuel  des  bateaux. 

Les  Wapokomos  prétendent  qu'aux  hautes  eaux  la  Dana  est  en  com- 
munication avec  le  Kilifi  et  le  Sabaki;  il  n'y  a  là  rien  d'impossible,  étant 
donnée  la  nature  du  pays.  D  ne  serait  pas  difficile  d'y  ouvrir  un  canal 
comme  celui  qui  unit  l'Osi  et  la  Dana.  Celle-ci  reçoit  des  eaux  de  plu- 
sieurs lacs,  du  Chaggababou  sur  la  rive  droite,  du  Doumi  et  du  Mokan- 
goué  sur  la  rive  gauche.  Jusqu'en  1873,  le  Chaggababou  formait  un  lac 
très  distinct,  près  de  la  Dana  et  en  rapport  avec  cette  dernière  ;  mais 
cette  année-là  une  inondation  extraordinaire  ouvrit  un  autre  lit  au 
fleuve,  de  manière  que  celui-ci  se  trouve  maintenant  très  rapproché  du 
lac,  au  point  de  le  toucher  et  de  former  avec  lui,  même  dans  la  saison 
sèche,  une  nappe  d'eau  d'où  n'émerge  plus  que  l'étroite  bande  de  terrain 
qui  formait  atitrefois  la  ligne  de  séparation  entre  le  lac  et  le  fleuve.  Le 
Chaggababou  est  alimenté  par  quelques  sources  et  par  la  Tarsaa  qui 
sort  d'un  étang.  Sa  largeur  varie  de  200  à  5000",  sa  profondeur  de  3"  à 
12".  L'eau  en  est  verte,  transparente,  potable,  et  sa  couleur  tranche 
fortement  avec  la  teinte  rougeâtre  de  la  Dana.  Des  prairies,  des  bou- 
quets de  bois,  et  de  magnifiques  perspectives  donnent  à  ses  bords  l'aspect 
d'un  parc. 

La  largeur  et  la  profondeur  de  l'Osi  entre  Kipini  et  Kau  ne  le  cèdent 
pas  à  celles  de  la  Dana  ;  sa  vitesse  est  de  4  à  5  kilom.  à  l'heure. 

La  marée  se  fait  sentir  dans  l'Osi  jusqu'au  Bélésoni,  et  dans  la  Dana 
jusqu'à  moitié  chemin  de  Tjarra. 

La  Dana  a  deux  crues,  qui  dépendent  des  deux  saisons  pluvieuses.  La 
grande  crue  va  de  la  fin  de  mai  à  la  fin  de  septembre,  et  produit  la 
grande  inondation  qui  a  lieu  en  juin;  le  niveau  des  hautes  eaux  se 
maintient  jusqu'à  la  fin  de  septembre,  après  quoi  elles  baissent  rapide- 
ment ;  la  petite  crue  cononence  à  la  fin  d'octobre  et  dure  jusqu'à  la  fin 
de  décembre.  C'est  au  milieu  de  mai  que  le  niveau  des  eaux  est  le  plus 
bas.  '       (A  suivre.) 


—  102  — 
CORRESPONDANCE 

Mo^Dsîear  le  Directeur, 

Permettez-moi  de  relever  quelques  erreurs  qui  ne  peuvent  vous  être  imputées  et 
qui  existent  dans  votre  page  46. 

Il  s'agit  sans  doute  du  BucihU,  pic  saillant  du  Simen,  que  j'ai  gravi  le  12  mai  1846 
pour  y  observer  Phypsomètre,  qui  m'a  donné  4664  mètres  pour  l'altitude.  Dans  ma 
Géodésie  d^Éthio^,  je  préfère  4510  mètres,  car  cette  altitude  résulte  de  l'ensem- 
ble de  cinq  relèvements  que  j'ai  publiés.  J'ai  vu  le  Buahit  des  centaines  de  fois. 
C'est  par  exception  qu'il  est  enveloppé  de  nuages  ou  qu'on  y  trouve  de  la  neige. 
C'est  ce  qui  m'est  arrivé  quand  j'y  montai,  mais  sans  avoir  besoin  de  mes  mains, 
bien  que  la  pente  soit  forte.  Je  n'ai  pas  vu  de  précipices  dans  les  environs,  mais  les 
nuages  peuvent  m'en  avoir  caché. 

Malgré  le  désir  assez  naturel  d'augmenter  la  hauteur  des  montagnes  en  pays 
peu  connu,  la  vérité  m'oblige  à  dire  que  le  Bas  Daj&n,  qui  est  le  plus  haut  point 
du  Simen,  n'a  guère  plus  de  4620  mètres,  chiffre  auquel  j'ai  dû  m'arrêter,  vu  l'ac- 
cord des  relèvements  que  j'ai  faits,  en  azimut  et  en  hauteur,  de  trois  stations  éloi- 
gnées. Le  12  mai,  à  11  heures  du  matin,  l'air  était  à  8,2  degrés  sur  le  Buahit,  ce 
qui  est  loin  d'être  un  froid  excessif.  Comme  les  chefs  du  pays  voyaient  alors  avec 
jalousie  les  ascensions  au  Stmen,  j'ai  eu  soin  d'exclure  de  ma  suite  les  habitants 
du  pays  inférieur  et  voisin;  ils  peuvent  donc  continuer  à  croire  que  je  ne  suis  pas 
monté  au  Buahit.  Le  voyageur  cité  par  vous  paraît  ne  pas  dire  à  quelle  époque  de 
l'année  il  y  a  trouvé  de  la  neige,  ce  qui  aurait  été  intéressant.  Bien  des  fois,  en 
regardant  ce  pic  de  loin,  pour  y  rattacher  mes  triangles  de  géodésie  expéditive, 
j'ai  pu  constater  que  le  Buahit  était  rarement  blanchi  par  la  neige. 

Tout  en  vous  louant  de  votre  soin  à  reproduire  toutes  les  nouvelles  venues 

d'Afrique,  permettez-moi  encore  de  réclamer  contre  celles  de  M.  Pinchard.  En 

disant  le  Kaffa,  il  semble  indiquer,  dans  votre  page  66,  le  pays  indépendant  situé 

sous  le  7"«  degré  de  latitude  N.  vers  le  84"»*  degré  à  l'est  de  Paris.  Or  il  y  a  fort 

loin  de  là  au  pays  des  Galla  Arusi.  S'il  s'agit  d'un  autre  Kaffa,  le  voyageur  aurait 

dû  le  dire.  Je  viens  de  recevoir  une  l(;ttre  de  Harar,  et  le  chef  de  mission  qui  me 

l'écrit  n'a  pas  l'intention  de  fonder  une  mission  en  Kaffa,  par  la  simple  raison 

qu'elle  fut  fondée  il  y  a  longtemps  par  Mgr  Massaïa. 

Agréez  l'assurance  de  mes  sentiments  distingués. 

Antoine  d'ABSADiE, 

de  rinetitut. 

Paris,  25  octobre. 

Nous  remercions  sincèrement  notre  savant  correspondant  de  nous  avoir  signalé 
les  erreurs  dans  lesquelles  nous  sommes  tombés,  en  rapportant,  d'après  V Explora- 
tion du  21  juillet,  qui  reproduisait  un  article  du  journal  VÉgf^te^  d'Alexandrie, 
l'ascension  du  Bakmt  par  }1.  Albarguès  de  Sostène,  chef  de  l'expédition  espa- 
gnole en  Abyssinie.  —  Quant  aux  nouvelles,  de  M.  Pinchard,  c'est  encore  à  l'JEur- 
plorationy  numéro  du  15  septembre,  que  nous  les  avons  empruntées;  au  reste, 
M.  Tournafond,  directeur  de  cette  Revue,  qui  était  à  Venise  quand  elles  ont  été 
publiées,  a,  depuis  son  retour,  exprimé  ses  regrets  de  la  publication  de  cet  article. 

CRéd.). 


—  103  — 

BIBLIOGRAPHIE  ' 

Dr  Mogadob  a  Bisksa.  Mabocet  Ai.aÉBi£,  "p^T  Jules  Leclercq.  Paris. 
(Challamel  aîné),  1881,  m-8°,  258  p.  et  carte.  —  M.  J.  Ledercq,  avec 
lequel  nous  avons  déjà  visité  les  Canaries,  nous  fait  faire,  dans  ces 
pages,  un  véritable  et  chaimant  voyage  en  zigzag  de  Tanger  h  Biskra, 
en  passant  par  Mogador  et  Rabat,  sur  la  côte  occidentale  du  Maroc. 
Par  le  caractère  entièrement  mauresque  de  ses  rues  et  de  Tarchitecture 
de  ses  maisons,  cette  dernière  ville  est  la  plus  oiiginale  de  celles  où  U 
nous  promène.  Puis  voici  Tlemcen,  francisé  et  offrant  avec  Rabat  le 
plus  parfait  contraste,  et  bientôt,  sous  le  ciel  bleu  de  l'Afrique,  à  travers 
les  vallées  de  la  Eabylie,  nous  faisons  Tascension  de  la  LeUa  Kredidja 
(2308  mètres),  qui  est  après  le  pic  de  Chelia  dans  le  massif  de  TAurès 
(2312  mètres),  la  plus  haute  montagne  de  TAlgérie,  avec  des  troupeauK 
et  des  bergers  qui  rappellent  ceux  de  nos  Alpes,  et  des  difficultés  qui 
feraient  le  bonheur  des  alpinistes  ;  enfin  Gonstantine  et  Biskra  plus  con- 
nues, mais  auxquelles  le  talent  du  conteur  fait  découvrir  de  nouveaux 
charmes. 

QuATBE  MOIS  DANS  LE  Sauara,  jourual  d'uuvoyage  chez  les  Touaregs, 
.suivi  d'un  aperçu  sur  la  deuxième  mission  du  colonel  Flatters,  par 
F.  Bernard.  Paris  (Delagrave),  1881,  in-18*,  170  p.  avec  illustrations  et 
carte,  3  fr.  50  c.  —  Indépendamment  de  Pintérêt  que  ne  peut  manquer 
d'exciter  un  ouvrage  écrit  par  un  compagnon  du  colonel  Flatters,  ce 
volume,  dépouillé  de  Pappareil  technique  des  rapports  publiés  jusqu'ici 
sur  les  missions  chargées  des  étudas  du  Trans-Saharien,  a  tout  l'attrait 
d'un  journal  de  voyage  dans  le  Sahara.  La  monotonie  du  désert  dispa- 
raît, en  présence  du  tableau  des  efforts  déployés  par  l'homme  qui  s'y 
avance  pour  lui  ravir  ses  secrets,  et  de  la  peinture  des  détails  relatif 
aux  oasis,  à  la  végétation  ou  à  la  faune,  aux  phénomènes  électriques 
ou  météorologiques,  trombes,  pluies  diluviennes,  tornades,  etc.  Ce  qui 
intéresse  le  plus  ce  sont  les  vues  d'un  homme  qui  a  étudié  le  Sah^fifa  sur 
place,  et  qui,  malgré  les  difficultés  créées  par  un  grand  désastre,  n'en 
croit  pas  moins  à  la  possibilité  d'une  entreprise  de  laquelle  dépend  la 
civilisation  de  cette  partie  de  l'Afrique. 

*  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  18,  rue  du  Rhône,  à  Genève, 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


tùa 

ff 


—  104  —  f. 

  PROPOS  DU  BAILWAir  TBA1Ï8-8AHABIEK.  RÉFLEXIONS  £T  OBSERVATIONS 

HYGIENIQUES  ET  MÉDICALES,  par  J.  MossB.  Parîs  (Gahnann-Lévy),  1881,  4 

in-S*",  73  p.  —  Jusqu'ici  le  projet  du  Trans-Saharien  a  provoqué  des 
publications  techniques  ou  d'économie  sociale;  il  était  bon  qu'une  plume 
autorisée  traitât  la  question  au  point  de  vue  hygiénique  et  médical. 
Quoique  destinées  avant  tout  aux  Européens  qui  seront  appelés  à  se 
rendre  en  Afrique  pour  travailler  à  cette  œuvre  gigantesque,  soit  au 
Sahara,  soit  au  Sénégal,  ces  pages,  auxquelles  les  conditions  présentes  t 
de  l'Algérie  et  de  Saint-Louis  donnent  un  grand  intérêt  d'actualité, 
seront  extrêmement  utiles  à  tous  ceux  qui  sont  envoyés  dans  ces  deux 
colonies.  Et  d'une  manière  générale,  tous  les  explorateurs  et  les  colons 
obligés  de  se  préparer  à  l'acclimatement  en  Afrique,  y  trouveront  des 
conseils  précieux  sur  l'alimentation,  le  vêtement,  l'usage  de  l'eau,  le 
travail,  etc.  Signalons,  en  particulier,  quant  à  la  nourriture,  le  conseil, 
déjà  donné  par  d'autres  auteurs,  de  modifier  ses  habitudes  avec  les 
changements  de  milieu^  et,  à  propos  du  chemin  de  fer,  la  recommanda- 
tion de  multiplier  les  ressources  en  eau,  pour  servir  aux  besoins  des 
immigrants  et  transformer  le  sol  en  y  ramenant  la  végétation. 


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Six  SEMAINES  EN  Algérie.  Notos  dc  voyagc  d'un  membre  du  congrès 
scientifique  tenu  à  Alger  (avril  1881).  Paris  (V  A.  Morel  et  C'*),  1881, 
in-8%  176  p.  3  fr.  —  Il  est  intéressant  de  parcourir  l'Algérie,  d'Oran  à 
Biskra,  avec  le  temps  d'arrêt  nécessaire  pour  participer  aux  travaux  et 
aux  fêtes  du  congrès,  en  compagnie  d'un  savant,  artiste  en  même  \ 

temps,  aux  yeux  duquel  rien  n'échappe  et  dont  les  observations  sont 
toujours  rendues  dans  un  style  qui  en  rehausse  la  valeur.  Il  est  intéres- 
*sant  surtout  de  parcourir  la  colonie  à  la  veille  de  l'agitation  qu'y  a 
créée  le  soulèvement  de  Bou-Amema.  Après  les  pages  de  la  presse  quoti- 
dienne, ne  parlant  que  de  préparatifs  militaires  et  d'engagements  meur- 
triers, quand  ce  n'est  pas  d'incendies  et  de  pillage,  on  se  repose  à  la 
lecture  de  ce  volume,  qui  vous  fait  toucher  du  doigt  les  bienfaits  dont 
jouissait  l'Algérie,  il  n'y  a  que  quelques  mois;  on  mesure  l'étendue  du 
mal 'que  lui  font  les  conditions  actuelles  du  pays,  et  l'on  hâte  de  tous 
ses  VŒUX  le  moment  où  la  pacification  du  sud  rendra  à  ses  habitants  la 
possibilité  de  reprendre  les  travaux  de  la  paix. 


-i'i 


-  105-  {"éoDLiUER)- • 


BULLETIN  MENSUEL  ( 


o  décembre  1881)S^lODl9^^ 


De  retour  à  Ghadainès,  de  Texpédition  chez  les  Touapea^s  AsEg^ers 
que  nous  avons  racontée  dans  notre  précédent  Bulletin,  le  P.  Richard 
a  bien  vite  pris  les  mesures  nécessaires,  pour  profiter  des  facilités  qui 
s'offraient  à  lui  de  se  rendre  à  Rhat»  en  vue  d'y  fonder  une  station. 
Sachant  de  quelle  importance  sont  des  guides  sûrs,  il  a  choisi  les  siens 
avec  le  plus  grand  soin  parmi  des  indigènes  éprouvés  depuis  trois  ans, 
et  ayant  tous  leurs  intérêts  à  Ouargla.  Après  avoir  écrit  à  Ikheuoukhen  et 
à  Fenalt,  et  avoir  reçu  des  communications  verbales  qui  ne  lui  laissaient 
aucun  doute  sur  la  bienveillance  de  ces  chefe,  il  s'est  mis  en  route  pour 
Rhat  avec  deux  autres  missionnaires  ^ 

Aux  termes  de  la  convention  conclue,  en  1880,  entre  l'Angleterre  et  la 
Turquie  pour  la  suppression  de  la  traite  dans  la  mer  Roa§^, 
tous  les  esclaves  et  les  navires  capturés  doivent  être,  remis  aux  autorités 
ottomanes  du  port  le  plus  voisin,  qui  jugent  les  cas  selon  la  loi  musul- 
mane. Cette  clause  annulant  presque  entièrement  les  autres  articles  du 
traité,  VAntislavery  Society  s'est  adressée  à  Lord  Granville,  pour  attirer 
son  attention  sur  ce  défaut  de  la  convention,  lui  rappelant  les  CommiS" 
idons  mixtes  qui  seules  ont  rendu  efficaces  les  traités  analogues  conclus 
avec  l'Espagne  et  le  Portugal,  et  le  priant  de  charger  l'ambassadeur 
anglais  à  Constantinople  d'agir  en  vue  d'obtenir  im  amendement  de  la 
convention,  dans  le  sens  de  l'établissement  de  commissions  semblables. 

D'après  les  dernières  lettres  des  explorateurs  de  l'Association 
internationale  africaine,  M.  Ramaeckers  espérait  avoir  complète-' 
ment  terminé  les  constructions  de  la  station  de  Karéma  à  la  fin  de  la 
saison  sèche.  Il  avait  remonté  la  coque  du  petit  canot  en  acier  qui  lui 
avait  été  envoyé,  mais  sans  pouvoir  mettre  en  place  la  machme  à  vapeur, 
quelques-uns  des  tubes  ayant  été  perdus  pendant  le  transport,  et  les 
rechanges  demandés  n'étant  pas  encore  arrivés.  M.  Ramaeckers  a  pu 
toutefois  naviguer  à  la  voile  avec  le  CamUer^  qui  a  fort  bien  tenu  le  lac, 
quoiqu'il  ftt  im  gros  temps.  —  Depuis  la  mort  de  M.  Popelin  à  Lutéké, 
près  de  Mtoua,  M.  Roger  qui  l'accompagnait  est  revenu  à  Karéma,  d'où 
il  a  ramené  à  la  côte  les  soldats  de  son  chef.  Arrivé  à  Zanzibar  le  10  sep- 
tembre, il  y  fut  rejoint  un  mois  plus  tard  par  le  D' van  den  Heuvel,  qui 

*  Nous  donnons  avec  cette  livraison  une  carte  de  l'Algérie,  de  la  Tunisie  et  du 
Sahara  central,  permettant  de  suivre  les  événements  actuels  et  les  itinéraires  des 
deux  missions  Flatters. 

l'aFRIQVB.    —    TB018IÂUB   AHinfeE.    —    N^   6.  6 


—  106  — 

remplira  provisoirement  à  Zanzibar  les  fonctions  d'agent  correspondant 
de  l'Association  africaine,  et  a  été  remplacé  à  Tabora  par  M.  Becker, 
précédemment  attaché  en  qualité  de  second  à  la  station  de  Karéma. 
M.  Roger  a  été  chargé  d'enrôler  un  certain  nombre  de  Zanzibarites  et 
de  les  conduire  au  Congo,  oii  ils  remplaceront  les  travailleurs  de  Stanley 
lorsque  l'engagement  de  ceux-ci  expirera.  H  est  parti  de  Zanzibar  le 
19  octobre.  —  Les  voyageurs  du  Comité  national  allemand,  éta- 
blis à  Kakoma,  étaient  tous  les  trois  en  parfaite  santé.  Sur  l'invitation 
de  la  princesse  Discha,  chef  de  l'OugoUnda,  ils  transféreront  leur  sta- 
tion, à  Gounda,  chef-lieu  du  district.  Un  traité,  conclu  avec  la  princesse 
et  les  grands  du  pays,  leur  concède  le  terrain  pour  la  construction  d'une 
maison  et  les  champs  nécessaires  à  l'entretien  du  personnel  de  la  sta- 
tion. M.  Bloyet,  chef  de  la  station  du  Comité  national  français,  a 
été  malade,  cependant  il  était  assez  bien  rétabli  pour  songer  à  repartir 
pour  le  Condoa,  avec  sa  femme  qui  l'a  rejoint  à  Zanzibar.  La  présence 
d'une  Européenne  dans  une  station  civilisatrice  de  l'Afrique  orientale  ne 
peut  avofr  que  d'heureux  résultats. 

Les  missionnaires  de  l'Oupoundi,  dont  trois  ont  été  massacrés, 
avaient  commencé  par  racheter  de  jeunes  noirs  poui*  les  élever,  et,  à  cet 
effet,  ils  avaient  créé  un  vaste  établissement,  situé  au  milieu  de  la 
tribu  des  Roumoungués.  Les  Wabickaris,  voisins  de  ceux-ci,  mais  en 
hostilité  perpétuelle  avec  eux,  demandèrent  aux  missionnaires  de  venir 
s'établir  chez  eux,  ce  qui  ne  put  leur  être  accordé,  leurs  terres  étant 
basses  et  insalubres.  Lrités  de  ce  refus,  ils  cherchèrent  à  plusieurs 
reprises  à  enlever  aux  missionnaires  quelques-uns  de  leurs  élèves,  pour 
les*réduire  de  nouveau  en  esclavage.  Ayant  réussi  à  en  prendre  un,  ils 
se  le  virent  réclamer  par  les  missionnaires,  qui  menacèrent  même  de 
recourir  à  la  force.  Alors,  conduits  par  leur  chef,  ils  envahirent  en 
armes  le  territoire  des  Roumoungués,  attaquèrent  la  station,  tuèrent  trois 
des  missionnaires  à  coups  de  flèches,  puis  s'enfuirent  comme  épouvantés 
de  leur  œuvre.  Les  Roumoungués  suppUèrent  les  survivants  de  s'éloigner 
pour  ne  pas  s'exposer  à  de  nouvelles  attaques.  De  leur  côté,  les  mis- 
sionnaires du  Massanzé,  au  delà  du  Tanganyika,  informés  de  la  position 
critique  dans  laquelle  se  trouvaient  leurs  frères,  s'empressèrent  de  fréter 
une  barque  pour  venir  les  chercher,  eux  et  leurs  élèves,  et  les  conduire 
dans  le  Massanzé. 

L'insalubrité  de  la  station  d'Oudji4Ji  a  obligé  deux  des  ndssionnaires 
de  la  Société  de  Londres,  atteints  de  la  fièvre,  à  quitter  cette  localité. 
L'un  d'eux,  M.  Wookey,  a  dû  revenir  en  Angleterre;  l'autre,  M.  Hutley, 


—  107  — 

s'est  arrêté  dans  rOupambo,  pour  permettre  au  D'  Southon  de  se 
rendre  à  Mtoua,  dans  rOn^^aha,  qu'avait  dû  quitter  également 
M.  Palmer,  aussi  malade  de  la  fièvre;  en  outre,  les  efforts  qu'il  avait  dû 
faire  pour  venir  en  aide  à  M.  Popelin,  lui  avaient  causé  une  attaque  de 
paralysie  temporaire.  M.  Griflith  restait  seul  ^u  delà  du  Tanganyika, 
séparé  de  ses  collègues  de  TOurambo  par  le  lac  et  un  territoire  de  plus 
de  300  kilomètres.  Le  D'  Southon  n'a  pas  voulu  le  laisser  ainsi  isolé.  Le 
Comité  de  Londres  s'est  demandé  s'il  ne  devait  pas  renoncer  pour  un 
temps  aux  stations  du  Tangaj;iyika  et  se  replier  sur  l'Ourambo  ;  mais  les 
nombreuses  populations  qui  entourent  le  lac,  le  bon  accueil  qu'elles  ont 
toujours  fait  aux  missionnaires,  et  la  considération  que  le  Tanganyika 
est  la  voie  la  meilleure  pour  pénétrer  chez  les  multitudes  qui  occupent 
la  grande  vallée  du  Congo,  l'ont  engagé  à  persévérer  dans  ses  progrès 
vers  l'ouest,  jusqu'à  ce  que  ses  missionnaires  aieçit  rejoint  ceux  des 
sociétés  anglaises  qui  remontent  le  fleuve.  D'après  le  témoignage  de 
M.  Hutley,  il  y  a  au  nord  d'Oudjidji,  près  du  lac,  à  une  certaine  hau- 
teur, des  endroits  salubres,  et  MM.  Palmer  et  Griffith  croient  que  l'on 
peut  en  trouver  aussi  à  l'ouest  de  Mtoua,  non  loin  de  la  station  actuelle. 
Pour  compléter  la  ligne  de  communication  par  le  Nyassa,  proposée  par 
M.  James  Stevenson,  le  Comité  créera  une  station  nouvelle  au  sud  du 
Tanganyika,  et  fournira  aux  missionnaires  un  vapeur,  pour  leur  per- 
mettre de  visiter  les  tribus  établies  le  long  des  1500  kilomètres  de  côte  du 
lac,  d'acquérir  une  connaissance  complète  du  pays,  et  de  choisir  les  sites 
les  meilleurs  pour  l'emplacement  de  futures  stations.  En  même  temps 
que  le  steamer  sera  placé  sur  le  lac,  on  commencera  à  donner  aux  natifs 
une  éducation  industrielle,  sous  la  direction  de  mécaniciens  attachés  à 
la  mission. 

M.  "W.  Beardall,  constructeur  de  la  route  de  Dar-es-Salam,  dans 
la  direction  du  Nyassa,  a  été  chargé,  parle  sultan  de  Zanzibar,  d'explorer 
le  bassin  de  la  Roufl^l  et  de  son  tributaire  l'Ouranga.  Malgré  la  rapi- 
dité du  courant  et,  dans  certains  endroits,  le  peu  de  profondeur  de  l'eau, 
il  a  pu  remonter  la  première  en  bateau  jusqu'à  Korogéro.  Les  villages 
sont  nombreux  le  long  de  la  rivière.  Korogéro  en  est  le  principal  chef, 
mais  son  autorité  a  beaucoup  diminué  depuis  que  sa  ville  a  été  brûlée, 
ses  gens  tués  ou  dispersés,  et  lui-même  fait  prisonnier  par  les  Mahen- 
gués.  U  doit  leur  payer  un  tribu  annuel,  dont  il  prélève  une  partie  sm- 
les  i>etits  che£s  du  voisinage.  Les  Mahengués  considèrent  cette  partie  du 
pays  conmie  une  espèce  de  réserve  pour  la  chasse  aux  esclaves.  Trop 
habiles  pour  dépeupler  d'un  seul  coup  tout  le  pays,  ils  y  font  des  incur- 


—  108  — 

sions  périodiques,  brûlent  un  ou  deux  villages  et  emmènent  des  esclaves. 
Aussi,  après  les  récoltes,  les  indigènes  de  la  Rouâgi  se  cachent-ils,  eux 
et  leur  grain,  dans  les  îles  basses  de  roseaux  qui  garnissent  cette  partie 
de  la  rivière.  Us  n'y  sont  pas  aisément  surpris,  les  Mahengués  craignant 
les  crocodiles  qui  abondent  dans  ces  retraites  marécageuses.  De  Koro- 
géro,  Texpéditiou  dut  poursuivre  sa  marche  à  pied,  les  cataractes  de 
Pangani,  au-dessous  de  l'embouchure  de  la  Ruaha,  ne  permettant  pas 
aux  bateaux  de  remonter  plus  haut.  M.  Beardall  s'avança  jusqu'au  con- 
fluent de  la  Lououégo  et  de  l'Ouranga,  et , aux  cascades  de  Chougouli. 
Il  y  apprit  que  des  caravanes  de  Quiloa  y  passent  continuellement,  pour 
acheter  des  esclaves  et  de  l'ivoire.  L'impossibilité  de  trouver  des  guides 
pour  aller  plus  loin  et  l'approche  de  la  saison  des  pluies  l'obUgèrent  à 
revenir  à  la  côte.  En  arrivant  à  Nyan'toumbo,  à  peu  de  distance  de 
l'océan,  un  de  ses  hommes,  descendu  à  terre,  vit  une  caravane  d'environ 
50  esclaves  qui  attendait  de  pouvoir  traverser  la  rivière  pour  continuer 
sa  marche  vers  le  nord  ;  le  propriétaire  s'était  caché,  quand  il  avait  appris 
la  présence  du  bateau  de  M.  Beardall  dans  le  voisinage. 

La  Société  de  géographie  de  Mozambique  se  propose  de  faire  faire 
une  reconnaissance  des  principaux  golfes  et  des  rivières  du  Uttoral,  et 
d'organiser  une  expédition  au  lac  Nyassa  en  partant  de  Sangoul.  De  sou 
côté,  le  ministre  portugais  de  la  marine  et  des  colonies  présentera,  à  la 
rentrée  des  Chambres,  un  projet  en  vue  de  la  construction  du  chemin 
de  fer  de  Lourenzo  Marquez  à  la  frontière  du  Transvaal.  La  ligne,  dont 
le  coût  est  estimé  à  7,500,000  francs,  serait  construite  aux  frais  de  l'État. 
Le  gouvernement  doit  en  outre  procéder  à  une  nouvelle  adjudication  du 
service  postal  officiel,  par  steamers,  entre  la  métropole  et  les  ports  de  la 
province  de  Mozambique.  Actuellement,  ce  service  est  fait,  via  Suez,  pai* 
la  «  British  India  Company,  »  en  vertu  d'un  contrat  échéant  en  1882, qui 
probablement  ne  sera  pas  renouvelé,  le  transbordement  réglementaire 
à  Aden  ne  permettant  pas  à  la  province  de  Mozambique  de  jouir  des 
avantages  que  des  communications  rapides  avec  la  métropole  pourraient 
lui  assurer. 

Le  P*  Depelchin  a  visité  à  la  fin  de  mai  la  station  de  Panda-ma- 
Tenka,  à  80  kilom.  des  chutes  du  Zambèze,  dont  le  personnel  a  beau- 
coup souifert  de  la  fièvre,  U  compte  bâtir  sur  un  plateau,  du  côté  Est  de 
la  vallée,  un  sanitorium,  planter  dans  la  vallée  beaucoup  d'eucalyptus 
pour  assainir  le  pays,  et  creuser  im  puits  pour  se  procurer  de  l'eau 
potable.  Le  roi  des  Barotsés  lui  a  fait  exprimer  le  désir  de  voir  les  mis- 
sionnaires, et  a  envoyé  à  Mparira  des  bateaux  pour  les  transporter  à 
Katonga,  sa  résidence. 


—  109  — 

D'après  le  Standard,  Mopocb,  chef  indigène  de  Lydenbourg,  dans  le 
Transva&ly  a  pris  les  armes  pour  combattre  les  Boers.  H  avait  déclaré 
au  résident  anglais  que,  si  les  troupes  britanniques  quittaient  le  pays, 
]ui  et  sa  tribu  se  battraient  jusqu'au  dernier  homme,  plutôt  que  de  se 
soumettre  aux  Boei^^  Les  blancs  du  district  sont  en  fuite.  Une  grande; 
inquiétude  règne  également  dans  le  district  de  Wakkerstrom,  oii  les 
Cafres  se  préparent  à  quelque  entreprise.  On  craint  que  tous  les  indigè- 
nes du  Transvaal  ne  se  soulèvent,  et  que  les  Boers  ne  puissent  leur 
résister.  Deux  mille  hommes  de  troupes  anglaises  sont  à  Newcastle, 
prêts  à  toute  éventualité. 

D'Ouvouzia,  où  nous  avons  laissé  le  P.  Duparqnet,  dans  son  explo- 
ration de  rOiranipo,  il  a  traversé  le  district  des  Ombalandous  ou 
Omx)dous-miti,  (hommes  des  arbres),  surnom  qu'ils  doivent  à  l'habitude 
qu'ils  ont  de  combattre  du  sommet  des  baobabs,  d'où  ils  décochent 
leurs  flèches  contre  leurs  ennemis.  Cette  tribu  est  constituée  sous  une 
forme  républicaine.  Riche  et  puissante,  elle  est  entourée  de  tous  côtés 
par  d^autres  peuplades  hostiles,  et,  n'ayant  accès  ni  sur  les  fleuves,  ni 
î?ur  les  routes  du  Damara,  elle  a  été  jusqu'ici  peu  visitée  par  les  négo- 
ciants. Les  autres  tribus  lui  font  une  guerre  acharnée,  mais  sans  pou- 
voir l'exterminer.  Pour  écarter  d'elle  les  négociants,  elles  leur  faisaient 
les  descriptions  les  plus  terribles  de  la  prétendue  férocité  des  Ombalan- 
dous; mais  le  P.  Duparquet  a  trouvé  chez  eux  une  population  douce  et 
inoffensive  qui  l'a  parfaitement  accueilli.  Ils  avaient  même  envoyé  une 
ambassade  aux  Boers,  dans  le  Kaoko,  avec  des  bœufs  et  300  sacs  de  blé, 
en  retour  de  quelques  munitions  de  chasse.  Le  pays  abonde  en  gibier. 
En  quittant  Oumatouzia  on  arrive,  en  trois  heures  de  marche,,  au  pre- 
mier village  del'Ombandja.  Le  roi,  Ikéra,  fait  au  P.  Duparquet  l'accueil  le 
plus  cordial.  Agé  de  40  à  50  ans,  il  a  une  physionomie  franche  et  joviale, 
est  bon  et  affectueux  envers  ses  sujets,  mais  ruisselle  d'une  huile  mélan- 
gée d'une  teinture  rouge,  au  point  qu'il  est  impossible  de  lui  toucher  la 
main  ;  il  en  est  de  même  de  tout  le  personnel  du  palais.  «  C'est,  dit  le 
missionnaire,  le  roi  le  plus  débonnaire  et  le  plus  aimable  que  j'aie  ren- 
contré en  Afrique.  »  —  «  Mon  cœur,  »  lui  dit  Ikéra,  «  est  avec  vous,  et 
je  tiens  à  ce  que  vous  restiez  ici  pour  apprécier  mes  dispositions  et  celles 
de  mon  peuple.  Je  vous  donnerai  le  terrain  que  vous  voudrez;  vous 
retournerez  ensuite  à  Omarourou,  puis  vous  viendrez  construire  partout 
oîi  vous  voudrez.  »  Après  quelques  recherches ,  un  emplacement  fut 
choisi  près  des  grandes  fontaines  d'Owars  f  le  roi  l'accorda,  tout  en 
regrettant  que  le  P.  Duparquet  s'installât  de  l'autre  côté  de  l'orna- 


—  110  — 

ramba  :  «  Quand  celui-ci,  »  dit-il,  «  sera  rempli  d'eau,  comment  poui-- 
rons-nous  nous  visiter?  »  Le  missionnaire  le  rassura  en  lui  promettant 
de  construire,  au  travers  de  Vomaramba,  une  chaussée  pour  réunir  sa 
mission  à  Thabitation  du  roi.  —  M.  Erickson  rejoignit  le  P.  Duparquet 
à  Ombandja  avec  le  wagon  de  M.  Dufoup.  Celui-fii  avait  éprouvé  des 
difficultés  dg  la  part  de  Kipandéka,  qui  d'abord  Tavait  bien  accueilli, 
puis  lui  avait  demandé  de  faire  du  négoce  avec  lui ,  mais  il  n'avait  que 
du  bétail  à  vendre,  et  M.  Dufour,  qui  cherchait  de  l'ivoire  et  des  plumes 
d'autruche,  lui  déclara  qu'il  n'achèterait  pas  de  bétail.  Le  roi  lui  enjoi- 
gnit alors  de  quitter  son  territoire  ;  à  quoi  M.  Dufour  répondit  qu'il  était 
venu  non  pour  négocier,  mais  poiu*  visiter  le  pays,  qu'il  ne  le  quitterait 
qu'à  son  gré  et  non  d'une  manière  aussi  expéditive.  Là-dessus,  Kipan- 
déka lui  interdit  le  feu  et  l'eau  ;  il  envoya  ses  gens  au  wagon  du  voya- 
geur, éteindre  le  feu  et  jeter  l'eau  qui  était  dans  les  barils  ;  puis  on 
enunena  ses  bœufs  et  ses  chevaux,  et  le  personnel  eflfrayé  prit  la  fuite. 
M.  Dufour  resta  seul  dans  son  wagon,  déclarant  qu'il  mourrait  plutôt 
que  de  partûr.  Il  vécut  ainsi  pendant  trois  jours,  d'une  fetçon  assez  pré- 
caire, jusqu'au  moment  où  l'aimonce  de  la  venue  de  plusieurs  wagons 
rendit  le  roi  plus  traitable;  avant  l'arrivée  de  M.  Erickson,  il  avait  déjà 
renvoyé  bœufs,  chevaux  et  personnel  à  M.  Dufour,  qui  vint  à  Ombandja. 
H  a  visité  les  mines  de  cuivre  d'Otavi,  qui  sont  d'une  richesse  extrême. 
M.  Dufour  mesura  la  hauteur  d'Ombandja  au-dessus  de  la  mer  et 
trouva  1250",  ce  qui  indiquerait  qu'Ombandja  est  un  des  points  les  plus 
élevés  de  l'Ovampo.  De  là,  l'expédition  prit  la  route  de  l'Ondongona, 
dans  la  direction  du  Cunéné,  qu'elle  atteignit  à  Kilavi.  Les  eaux  du 
fleuve  sont  extrêmement  limpides  et  coulent  lentement  sur  un  lit  do 
sable  blanc.  Partout,  sur  la  rive  gauche,  il  est  limité  par  des  cliffs, 
(rochers  escarpés  le  long  des  rives),  extrémité  du  plateau  de  l'Ovampo. 
Cette  ligne  de  diffs  a  des  coupures  qui  donnent  naissance  aux  oxnarambas 
dont  l'Ovampo  est  sillonné.  Il  est  plus  bas  que  le  fleuve  et  s'abaisse,  des 
rives  de  celui-ci  jusqu'à  Ondonga,  de  80"  au  moins  ;  la  pente  se  continue 
jusqu'au  lac  Etosha,  qui  occupe  la  plus  grande  dépression  de  toute  la 
contrée.  Le  roi  de  Hombi,  Shahongo,  reçut  les  voyageurs  avec  beaucoup 
de  bienveillance,  et  témoigna  le  désir  d'entrer  en  relations  commerciales 
avec  M.  Erickson. 

Les  stations  missionnaires  se  multiplient  le  long  du  Conf^o. 
M.  Comber  en  a  créé  à  Isangila  et  à  Mbou  sur  la  rive  septentrionale 
du  fleuve,  et  n'attend  que  des  renforts  pour  en  fonder  à  Ibiou  et  à  Stanley 
Pool .  Un  bateau  d'un  genre  nouveau  a  été  construit  à  son  usage  en  Angle- 


—  111  — 

terre,  par  M.  Sidney  Comber  qui  va  devenir  médecin  missionnaire.  Ce 
bateau  a  été  fait  de  toile  à  voile,  enduite  d'un  mélange  de  noir  de  fumée 
et  de  goudron,  La  toile  en  est  tendue  au  moyen  de  cannes  fixées  dans 
des  anneaux  de  cuivre.  D  ne  pèsera  pas  plus  de  60Kvres,  et  pourra  faci- 
lement être  divisé,  de  manière  à  être  porté  par  deux  personnes.  Il  peut 
aussi  être  transformé  en  tente.  M.  Me  Call  compte  ajouter  deux  nou- 
velles stations  aux  trois  que  possède  déjà  la  «  Livingstone  inland  mis- 
sion, »  à  Palaballa,  Banza  Montiko  et  Manyanga;  l'une  des  nouvelles 
serait  placée  à  moitié  chemin  entre  Manyanga  et  Stanley  Pool,  l'autre 
à  Stanley  Pool  même.  Pour  cette  dernière,  le  Comité  a  déjà  reçu  de  la 
veuve  du  missionnaire  Hemy  Reed,  de  Tasmanie,  un  steamer  qui  sera 
appelé  le  Henry  Jieed,  et  un  ami  de  la  mission  s'occupe  à  recueillir 
en  Amérique  la  somme  nécessaire  pour  le  transport  du  steamer,  de 
Mataddi  à  Stanley  Pool. 

Le  P.  Aiif^ouard  est  arrivé  à  Isangila  en  suivant,  à  partir  de  Vivi, 
la  pouto  de  Stanley  5  elle  est  interrompue  'trois  fois  entre  ces  deux 
points  pour  le  service  des  "vapeurs.  «  Cette  route,  »  dit-il,  a  est  un  tra- 
vail vraiment  gigantesque  ;  on  ne  peut  imaginer  comment  Stanley  a  pu 
déplacer,  en  si  peu  de  temps,  cette  quantité  énorme  de  terre,  d'arbres 
et  de  rochers.  En  certains  endroits  elle  traverse  la  forêt,  tantôt  ver- 
doyante, tantôt  encombrée  par  de  grands  rochers  qu'il  a  fallu  faire 
sauter  avec  de  la  poudre.  Ailleurs,  elle  arrive  droit  sur  le  Congo  et  le 
domine  à  pic.  Presque  en  face,  deux  cataractes,  l'une  en  amont,  l'autre 
en  aval,  grondent  avec  un  fracas  horrible  et  roulent  au  milieu  des  mon- 
tagnes leurs  flots  écumants.  Malgré  le  peu  d'enthousiasme  des  noirs 
pour  les  beautés  de  la  nature,  les  porteurs  ne  pouvaient  retenir  leurs 
cris  d'admiration  et  de  stupeur.  »  Stanley  va  continuer  sa  route  vers 
Stanley  Pool,  où  il  conduira  le  petit  bateau  à  vapeur,  à  roues  VEn  avant. 
Il  naviguera  pendant  30  kilomèti'es,  et  le  reste  du  chemin  s'effectuera 
par  terre.  Il  veut  terminer  ce  travail  avant  le  mois  de  mars  prochain, 
époque  à  laquelle  expire  son  engagement. 

Une  lettre  de  Sairoripnan  de  Brazasa  à  sa  mère  nous  apprend  qu'il 

■ 

a  dû  faire  un  nouveau  voyage  à  Franceville,  pour  ravitailler  la  sta- 
tion et  reprendre,  auprès  des  tribus  riveraines,  l'influence  perdue  par 
son  absence;  sans  cela  il  aurait  fallu  à  ses  aides,  MM.  Ballay  et  Mizon, 
plusieurs  mois  avant  de  pouvoir  disposer  de  moyens  de  transport  sérieux. 
A  son  départ  de  chez  les  Okandas,  il  souffrait  d'une  violente  dysenterie 
qui  l'avait  complètement  épuisé.  A  Boue  il  voulut  faire  passer  les  piro- 
gues avec  leur  chargement  au-dessus  des  rapides  ;  la  sienne  chavira  et, 


1 


—  112  — 

pour  la  retirer,  il  dut  passer  plusieurs  heures  dans  Teau;  la  dysenterie 
le  reprit  et  il  se  meurtrit  grièvement  le  pied  gauche.  A  peine  guéri,  il 
voulut  se  mettre  à  conduire  lui-même  sa  pirogue,  mais  la  blessure  se 
rouvrit;  Tinflammation  s'y  mit;  il  dut  avoir  recours  aux  médicaments 
du  pays  et,  malgré  un  apaisement  presque  instantané  de  la  douleur, 
l'effet  de  ces  remèdes  fut  désastreux.  Il  envoya  une  pirogue  chercher 
de  Tacide  phénique  et  du  nitrate  d'argent  à  Marchogo,  et  un  nouveau 
pansement  cicatrisa  la  plaie.  On  put  alors  le  transporter  à  Franceville, 
où  il  arriva  le  6  avril  et  où  il  fut  reçu  avec  de  grandes  démonstrations  de 
joie.  Il  y  trouva  une  route  construite  pour  gagner  le  village  sans  trop 
forte  pente,  et  un  pont  de  40  mètres  pour  traverser  le  lac  ;  ime  très 
longue  case  sert  de  maison  d'habitation  et  de  magasin  pour  le  personnel 
de  la  station;  il  apportait  avec  lui  des  semences,  et  allait  tâcher  d'intro- 
duire la  culture  des  orangers,  du  café,  de  la  vanille,  etc. 

Malgré  les  progrès  déjà  réalisés  sur  la  côte  de  Gmnée,  les  sacrifices 
humains  persistent  encore  dans  les  grands  états  du  Dahomey  et  des 
Achantis.  Le  missionnaire  wesleyen  John  Milum  a  fait  un  voyage 
dans  le  Dahomey,  et  rapporteque  le  roi  Grélélé,  qui  y  règne  depuis  27  ans, 
a  fait  sacrifier  chaque  année  au  moins  200  persoimes;  sa  résidence, 
Abomey,  n'est  cependant  qu'à  20  lieues  de  la  côte,  et  les  villes  qu'il 
attaque  pour  y  faire  des  prisonniers  de  guerre  en  vue  de  ces  sacrifices 
n'en  sont  guère  qu'à  30  lieues.  Il  venait  de  détruire  la  ville  de  Mikkam, 
à  l'ouest  du  Dahomey,  et  d'en  ramener  17,000  captifis.  H  a  un  marché 
d'esclaves.  M.  Milum  l'a  vu  mettre  en  vente  20  hommes  et  30  femmes. 
Un  petit-fils  du  roi  acheta  un  jeune  garçon  pour  4  sous;  une  fillette,  qui 
paraissait  une  princesse,  acheta  une  jeune  fille  ;  après  quoi  les  chefs  à  leur 
tour  firent  leurs  achats.  Le  roi  fit  présent  de  jeunes  femmes  à  quelques- 
uns  de  ses  braves,  ce  qui  donna  lieu  à  des  danses  en  signe  de  reconnais- 
sance. Des  transactions  de  cette  nature  continuèrent  pendant  plus  d'une 
semaine.  —  De  son  côté,  le  roi  des  Achantis  a  fait  mourir  récemment 
200  jeunes  filles,  pour  employer  leur  sang  à  faire  du  mortier  en  vue  de 
réparer  im  de  ses  édifices.  Le  représentant  du  roi  étant  à  la  côte,  on 
espère  qu'une  enquête  sévère  sera  faite  à  cet  égard.  Le  prince  Buaki 
est,  en  effet,  arrivé  à  Accra,  avec  le  capitaine  Lonsdale  qui  l'avait 
accompagné  à  Coumassie.  Il  est  chargé  par  son  souverain  de  conclure 
avec  l'Angleterre  un  traité,  qui  ouvrira  au  commerce  les  routes  de  l'inté- 
rieur du  pays  des  Achantis.  Sir  Samuel  Rowe  et  les  principaux  d'Accra 
Tout  très  bien  reçu;  mais  il  est  probable  que  le  représentant  anglais 
mettra  comme  condition  au  traité  l'abolition  des  sacrifices  humains. 


~  113  — 

Au  mois  de  septembre,  M.  Ramseyer,  missionnaire  qui,  avant  la  der- 
nière guen-e  avec  l'Angleterre,  avait  été  retenu  prisonnier  à  Coumassie 
pendant  quatre  ans  et  demi,  y  a  fait  une  visite  avec  un  de  ses  collègues, 
et  y  a  trouvé  un  accueil  extrêmement  cordial. 

L'exploitation  des  différentes  mines  de  la  Côte  d*Or  progresse  : 
Textraction  du  minerai  s'opère  rapidement,  les  machines  nécessaires 
pour  le  broyer  s'installent  les  unes  après  les  autres.  Deux  compagnies 
nouvelles  sont  en  formation.  Le  capitaine.  F.  Burton,  compagnon  de 
Speke  dans  l'expédition  qui,  en  1857,  aboutit  à  la  découverte  duTanga- 
nyika,  va  se  rendre  à  Axim,  pour  y  examiner  les  travaux  d'une  mine 
dont  la  direction  lui  a  été  confiée.  Des  démarches  sont  faites  pour  le 
tracé  d'une  ligne  de  chemin  de  fer  léger,  de  la  côté  aux  districts  miniers. 

A  Sierra  Leone  l'agriculture  devient  l'objet  d'une  attention  parti- 
culière, soit  chez  les  natifs,  qui  font  venir  des  semences  de  diverses  par- 
ties du  monde,  soit  chez  les  Européens,  dont  plusieurs  appliquent  à  la 
culture  les  facilités  qu'offre  le  capital.  —  Un  autre  fait  intéressant  vient 
de  se  produire  à  l'Université  libre  de  Bruxelles.  M.  W.  Renner,  natif  de 
Sierra  Léone^  s'est  présenté  pour  subir  les  trois  examens  de  doctorat  en 
médecine,  et  les  a  passés  avec  le  plus  grand  succès.  D  compte  retourner 
en  Afrique,  pour  y  exercer  sa  profession  sur  la  côte  de  Guinée. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

M.  Godwin,  ingénieur  au  Caire,  a  adressé  au  gouvernement  égyptien  un  rapport 
tendant  à  démontrer  la  nécessité  de  prolonger  le  réseau  des  chemins  de  fer  jus- 
qu'au Soudan  égyptien,  en  employant  alternativement  la  voie  du  fleuve  et  la  voie 
ferrée.  . 

Avant  de  mourir,  Mgr  Comboni  avait  fait  l'exploration  du  Djebel  Nouba,  et 
dressé  une  nouvelle  carte  des  pays  qui  l'entourent.  Il  se  proposait  de  fonder  une 
mission  dans  la  province  du  Bahr-el-Ghazal,  à  la  demande  de  Lotfus-bey,  nommé 
gouverneur  en  remplacement  de  Gessi. 

Une  expédition  allemande,  sous  la  direction  de  M.  le  baron  de  Muller,  partira  de 
Massaoua  ou  de  Souakim  pour  le  pays  des  Gallas. 

MM.  Cuzzi  et  Michieli,  agents  de  la  Société  italienne  de  commerce  avec  l'Afri- 
que, sont  partis  pour  Khartoum  où  ils  doivent  faire  dos  achats  de  gomme. 

MM.  Pictro  Biazzi,  de  Bergame,  et  Fausto  Benedetti,  de  Brescia,  doivent  se  ren- 
dre dans  la  mer  Rouge,  pour  explorer  les  côtes  des  Somalis  au  point  de  vue  com- 
mercial. 

D'après  une  lettre  d'Emin  Bey  à  VEsploratore,  le  D*^  Junker  a  été  complètement 
dévalisé  dans  le  Mombouttou  ;  Emin  Bey  lui  a  envoyé  dc3  secours  et  a  dû  se  ren- 
dre lui-même  dans  ce  pays  par  le  Makaraka. 


—  114  — 

M.  Soleillet  se  propose  de  fonder  entre  Zeila  et  Obock  une  colonie  eommerciale 

Le  comte  Pennazzi,  qui  a  déjà  exploré  le  Soudan,  repartira  prochainement  pour 
le  pays  des  Gallas,  d'où  il  cherchera  à  se  rendre  directement  aux  grands  lacs  de 
l'Afrique  orientale. 

Le  D**  Stecker  a  réussi  dans  son  voyage  au  lac  Tsana,  dont  il  a  envoyé  une  très 
bonne  carte  à  la  Société  africaine-allemande.  Il  a  dû  ensuite  se  rendre  dans  la 
province  de  Zaboul  (Abyssinie  orientale),  où  il  voulait  faire  l'ascension  des 
monts  Kollo  et  Dschimbst;  après  cela,  il  comptait  visiter  les  pays  nègres  à  l'ouest 
du  lac  Tsana,  se  rendre  de  là  au  Kaffa  et,  s'il  le  peut,  revenir  à  la  côte  de  Zanzi- 
bar par  le  lac  Sambourou,  le  Kénia  et  le  Kilimandjaro. 

Le  D'^  Kirk  a  quitté  Zanzibar  pour  deux  ans. 

Deux  des  missionnaires  anglais  de  l'Ouganda,  MM.  Pearson  et  Lichtfield,  sont 
revenus  en  Angleterre. 

Dans  son  exploration  de  la  Rovouma,  M.  Thomson  n'a  pas  trouvé  le  charbon 
que  l'on  disait  affleurer  le  long  des  bords  de  la  rivière. 

M.  Chauncy  Maples,  de  la  mission  des  Universités,  a  fait  un  grand  voyage  de 
reconnaissance  dans  le  pays  presque  inconnu  situé  au  sud  de  la  Rovouma,  dans  la 
direction  de  la  Louli,  et  aux  soiu*ces  de  la  Loendé. 

Trois  missionnaires  de  Blantyre,  congédiés  à  la  suite  des  affaires  qui  ont  trou- 
blé cette  station,  n'ont  pu  se  rendre  à  la  côte  par  suite  d'un  conflit  existant  entre 
le  chef  Tchipitoula  et  un  certain  Matékénié,  portugais  demi-sang,  décidé  à  ne  lais- 
ser passer  aucun  Anglais,  et  par  lequel  M.  Ramsay,  ingénieur  de  la  Société  com- 
merciale écossaise  africaine,  venait  d'être  assassiné  avec  ses  gens  sur  la  route  de 
Quilimane. 

Le  chef  zoulou  Oham  a  repoussé  les  Abaqualousis  au  delà  de  ses  frontières, 
dans  le  Transvaal,  en  leur  tuant  beaucoup  de  monde. 

Cettiwayo  a  été  autorisé  à  se  rendre  en  Angleterre  au  mois  d'avril  prochain. 

Le  P.  Antunes,  professeur  à  Braga,  est  parti  le  15  octobre  avec  deux  aides  et 
trois  ouvriers,  pour  aller  fonder  à  Huilla,  près  de  Humpata,  où  sont  les  Boers, 
des  écoles  pour  les  garçons,  fils  de  colons,  de  Boers  et  d'indigènes,  et  pour  les 
filles,  sous  la  direction  de  maîtresses  choisies  ;  il  compte  aussi  créer  une  ferme  et 
une  école  professionnelle  des  arts  et  des  métiers  nécessaires  à  la  vie  africaine.  Le 
gouvernement  portugais  lui  a  accordé  la  concession  des  terrains  demandés,  se 
réservant  d'approuver  les  règlements  qui  devront  régir  ces  divers  établissements. 

Le  capitaine  Capello  sera  chargé  de  la  direction  de  la  station  civilisatrice  que  le 
gouvernement  portugais  a  l'intention  d'établir  au  Bihé. 

Le  ministre  portugais  de  la  marine  et  des  colonies  présentera  prochainement 
aux  Chambres  un  projet  relatif  à  la  concession  du  chemin  de  fer  de  Loanda  à 
Ambaca. 

L'association  espagnole  la  Exploradora  organise  son  expédition  pour  la  région 
comprise  entre  la  baie  de  Corisco  et  le  lac  Albert. 

Le  roi  et  les  chefs  de  Odé  Ondo,  dans  le  Yoruba,  se  sont  engagés  par  un  traité  à 
ne  plus  tolérer  aucun  sacrifice  humain  dans  leur  torrîtoiro. 


—  115  — 

Le  gouverneur  de  Sierra  Leone  a  Pintention  de  visiter  les  chefs  des  tribus  qui 
habitent  le  long  de  la  Rokelle,  en  vue  d^établir  parmi  eux  une  paix  permanente. 

La  mort  de  M.  Golaz  au  Sénégal  ne  privera  pas  longtemps  M.  Taylor  de  l'aide 
dont  il  a  besoin;  plusieurs  jeunes  gens  se  sont  offerts  au  Comité  des  missions  évan- 
géliqucs  de  Paris,  pour  être;  envoyés  à  Saint-Louis. 


LA  MOUCHE  TSÉTSÉ 

Tout  le  monde  sait  qu'il  n'y  a  pas  de  plus  gi*and  ennemi  de  l'explora- 
teur et  du  colon,  dans  l'Afrique  australe,  qu'une  vulgaire  petite  mouche 
appelée  tsétsé.  Les  voyageui-s  qui  ont  visité  cette  contrée  la  signalent 
tous  comme  leur  ayant  causé  plus  ou  moins  de  dommages.  Le  sujet 
étant  ainsi  des  plus  actuels,  nous  voudrions  aujourd'hui  parler  de  cet 
insecte,  étudier  sa  conformation  physique,  l'effet  de  ses  piqûres,  et  enfin 
les  moyens,  s'il  y  en  a,  de  débarrasser  l'Afrique  de  ce  fléau. 

M.  Bafaiier  pense  que  la  tsétsé  n'est  autre  que  le  zebud  des  Ghaldéo- 
Persans  et  que  la  cynomyia  des  Grecs. 

Une  mouche ,  analogue  à  la  tsétsé  et  produisant  les  mêmes  effets,  fut 
signalée  pour  la  première  fois  par  Bruce,  sous  le  nom  de  zinib,  en  Abys- 
sinie,  vers  1770.  Beaucoup  plus  tard,  en  1837,  le  capitaine  Harris  indi- 
quait sur  sa  carte  une  a  région  abondante  en  mouches  qui  causent  des 
ravages  parmi  le  bétail.  »  D'autre  part,  vers  1850,  Gordon  Cumming 
attirait  sérieusement  l'attention  sur  la  tsétsé.  Le  major  Vardon  donna 
des  détails  plus  précis  que  Gordon  Cumming,  et  rapporta  en  Europe  les 
premiers  échantillons,  qui  ont  permis  au  naturaliste  Westwood  de 
décrire  l'espèce.  Enfin  plusieurs  voyageurs,  entre  autres  Oswell,  Living- 
stone  et  Kirk,  ont  ajouté  beaucoup  h  nos  connaissances  sur  cet  insecte. 

D'après  les  échantillons  reçus  de  M.  Vardon,  M.  Westwood  a  constaté 
que  cette  mouche  est  une  nouvelle  espèce  du  genre  Oloesina  de  Wiede- 
mann.  Il  la  désigne  sous  le  nom  de  Olossina  morsitans.  Le  genre  Glossma 
avait  été  établi  sur  une  seule  espèce,  la  Glossina  hngipàlpis  de  Sierra 
Leone,  mais  M.  Westwood  a  constaté  l'existence  de  deux  nouvelles 
espèces  africaines  du  même  genre,  l'une  venant  de  l'Afrique  occidentale- 
tropicale,  l'autre  de  la  Côte  d'Or.  Ce  savant  ne  partage  pas  la  manière  de 
voir  du  marquis  de  Spineto,  qui  a  voulu  assimiler  l'insecte  découvert  par 
Bruce  à  une  représentation  qui  se  trouve  sur  les  monuments  égyptiens. 

La  tsétsé  est  brune,  presque  de  la  même  nuance  que  l'abeille  ordinaire. 
ËUe  a  à  peu  près  la  taille  de  la  tnouche  commune  d'Europe,  mais  elle  en 
diifère  sur  un  point  essentiel,  ce  qui  pennet  toujours  de  la  reconnaître. 


—  116  — 

Quand  la  tsétsé  est  au  repos,  les  ailes,  étendues  le  long  du  dos,  se  recou- 
vrent à  leurs  extrémités.  Le  corps  est  aussi  un  peu  plus  large  et  plus  plat 
que  celui  de  la  mouche  des  appartements.  La  tsétsé  porte,  sur  la  région 
supérieure  de  l'abdomen,  trois  ou  quatre  raies  jaunes  et  transversales. 
Sa  trompe,  une  fois  plus  longue  que  sa  tête,  ressemble  à  une  soie 
cornée.  Lorsqu'on  a  sur  la  main  une  de  ces  mouches,  et  qu'on  la  laisse 
agir  sans  la  troubler,  on  voit  sa  trompe  se  diviser  en  trois  parties,  dont 
celle  du  milieu  s''insère  assez  profondément  dans  la  peau;  l'insecte 
retire  ensuite  cette  tarière,  l'éloigné  un  peu  et  se  sert  alors  de  ses  man- 
dibules qui,  sous  leur  action  rapide,  font  contracter  à  la  piqûre  une 
teinte  cramoisie;  l'abdomen  de  la  mouche,  flasque  et  aplati  auparavant, 
se  gonfle  peu  à  peu,  et,  si  l'insecte  n'est  pas  tourmenté,  il  s'envole 
tranquillement  aussitôt  qu'il  est  gorgé  de  sang.  La  démangeaison  qui 
suit  la  piqûre  n'est  pas  plus  douloureuse  pour  l'homme  que  celle  causée 
par  un  moustique,  mais  elle  prouve  que  quelque  substance  irritante  est 
en  même  temps  injectée,  et  que  son  effet  est  de  causer  une  congestion 
locale  qui  facilite  la  succion  du  sang.  D  faut  bien  noter  cependant  qu'on 
n'a  encore  découvert  aucun  organe  qui  sécrète  cette  substance  irritante. 
Disons,  à  ce  sujet,  qu'il  serait  bien  à  désirer  qu'un  voyageur  rapportât 
une  de  ces  mouches  conservée  dans  l'alcool  ;  jusqu'à  présent  tous  les 
spécimens  ont  été  gardés  secs,  et,  dans  cet  état,  il  n'est  pas  possible  de 
distinguer  si,  oui  ou  non,  il  y  a  une  glande  à  venin,  ni  quelle  est  la 
nature  de  ce  venin. 

La  mouche  tsétsé  a  un  bourdonnement  particuUer,  discordant,  que 
l'on  n'oublie  jamais  quand  on  l'a  entendu  une  fois.  Grâce  à  la  longueur 
de  ses  ailes,  elle  est  d'ime  vivacité  remarquable  et  très  difficile  à  saisir 
pendant  le  milieu  du  jour  ;  mais,  le  soir  et  le  matin,  la  fraîcheur  de  la 
température  lui  enlève  une  pailie  de  son  agilité.  Rapide  comme  ime 
flèche,  elle  s'élance  du  haut  d'un  buisson  sur  le  point  qu'eUe  veut  atta- 
quer. Sa  vue  doit  être  très  perçante,  car  un  voyageur,  M.  Chapman, 
raconte  qu'ayant  à  son  vêtement  un  trou  presque  imperceptible  fait  par 
une  épine,  U  voyait  souvent  la  tsétsé,  qui  ne  pouvait  traverser  le  drap, 
s'élancer  et  venir,  sans  jamais  manquer  son  but,  le  piquer  dans  le  petit 
espace  qui  n'était  pas  protégé. 

La  piqûre  de  la  tsétsé  est  morteUe  pour  le  bœuf,  le  cheval,  le  chien 
d'Europe.  Elle  n'a  aucun  effet  fâcheux,  au  contraire,  sur  les  animaux 
sauvages,  tels  que  le  buffle,  l'éléphant  (qu'il  soit  originaire  d'Afrique  ou 
importé  d'Asie),  l'aiitilope,  la  gazelle,  le  zèbre,  le  chien  indigène,  et  sur 
certains  animaux  domestiques  comme  le  porc,  l'âne,  le  mulet  et  la 


—  117  — 
chèvre.  Il  faut  ajouter  cependant  que,  quant  à  l'âne,  les  voyageurs  sont 
divisés  d'opinion,  et  que,  d'autre  pai*t,  Livingstone  ayant  soumis  à 
répreuve  de  la  tsétsé  des  chameaux  et  des  buffles,  qu'il  avait  pris  pour 
transporter  ses  bagages  dans  des  districts  infestés  de  mouches,  croit 
que  celles-ci  ont  eu  une  grande  influence  sur  le  sort  de  ses  bêtes,  qui 
sont  toutes  mortes  au  bout  de  peu  de  temps.  Mais  il  ne  se  prononce 
pas ,  positivement  à  cet  égard,  étant  certain  qu'il  y  avait  eu  de  très 
mauvais  traitements  exercés  par  les  conducteurs. 

Il  y  a  trop  peu  de  différence  entre  la  natiu^e  du  cheval  et  du  zèbre, 
du  bœuf  et  du  buffle,  pour  qu'il  soit  possible  d'expliquer  d'une  manière 
satisfaisante  pourquoi  les  uns  meurent  tandis  que  les  autres  paissent 
impunément  au  milieu  des  tsétsés.  De  même,  comment  expliquerait-on 
que  le  jeune  veau,  tant  qu'il  est  nourri  de  lait,  peut  être  piqué  sans 
danger,  tandis  que  pour  le  chien  c'est  le  contraire  ?  Si  le  lait  fonne  la 
nourriture  de  celui-ci,  il  succombe  infailliblement,  tandis  que,  d'après 
M.  de  Castelnau,  s'il  est  exclusivement  nouiri  de  gibier,  il  acquiert 
à  l'égard  de  la  piqûre  l'immunité  des  animaux  sauvages.  Ces  singula- 
rités firent  tout  d'abord  croire  à  Livingstone  que  ces  ravages  étaient 
produits  par  quelque  plante  et  non  par  l'insecte  ;  mais  le  major  Yardon 
trancha  la  question,  en  allant  à  cheval  sur  une  petite  colline  infestée  de 
tsétsés  ;  il  ne  permit  pas  à  la  bête  de  manger  un  seul  brin  d'herbe,  ne 
resta  dans  cet  endroit  que  le  temps  nécessaii*e  poui*  regarder  le  pays  et 
pour  saisir  quelques-unes  des  mouches  qui  piquaient  sa  monture  ;  dix 
jours  après,  le  malheureux  cheval  était  mort. 

Chez  le  bœuf,  l'effet  immédiat  de  la  piqûre  ne  semble  pas  avoir  plus 
de  gravité  que  chez  l'homme,  et  ne  trouble  pas  l'animal.  Mais,  quelques 
jours  après,  on  entend,  lorsqu'il  mange,  un  bruit  sourd  sortant  de  son 
corps  ;  de  ses  yeux  et  de  son  mufle,  d'après  Livingstone  et  Oswell, 
s'écoule  un  mucus  abondant  ;  la  peau  tressaille  et  frissonne  comme  sous 
l'impression  du  froid  ;  le  dessous  de  la  mâchoire  inférieure  et  les  pau- 
pières commencent  à  enfler.  M.  Gordon  Cununing  nous  dit  qu'un  de  ses 
chevaux,  piqué  par  la  tsétsé,  avait,  avant  de  mourir,  la  tête  et  le  corps 
enflés  de  la  manière  la  plus  lamentable  ;  ses  yeux  l'étaient  tellement 
qu'il  ne  pouvait  plus  rien  voir.  Le  bœuf  s'émacie  de  jour  en  jour,  bien 
qu'il  continue  de  paître  ;  l'amaigrissement  s'accompagne  d'une  flacci- 
dité des  muscles  de  plus  en  plus  prononcée,  et,  après  quelque  temps  de 
souffrance,  l'animal  se  consume  et  meurt.  Les  bœufs  qui  ont  un  certain 
embonpoint  au  moment  oti  ils  sont  piqués,  sont  pris  de  vertige,  comme 
s'ils  avaient  le  cerveau  attaqué  ;  ils  deviennent  complètement  aveugles. 


—  118  — 

et  meurent  fort  peu  de  temps  après.  La  pluie  et  les  changements  subits 
de  température  qu'elle  amène,  hâtent  les  progrès  de  la  maladie  ;  toute- 
fois elle  se  prolonge  dans  tous  les  cas  pendant  un  certain  temps,  et  sur 
ce  point  les  voyageurs  sont  généralement  d'accord.  Gordon  Cumming 
croit  que  ce  temps  varie  d'une  semaine  à  trois  mois,  et  Oswell  de  trois 
à  douze  semaines.  Ce  dernier  voyageur  pense  qu'il  suffit  de  3  ou  4  mou- 
ches pour  tuer  un  gros  bœuf.  Livingstone  raconte  qu'il  perdit,  pendant 
son  voyage  chez  les  Banâjoas,  43  bœufs  magnifiques  ;  les  ayant  surveillés 
avec  soin,  il  était  persuadé  qu'une  vingtaine  de  tsétsés  tout  au  plus 
s'étaient  posées  sur  eux.  A  l'autopsie  d'un  bœuf  piqué  par  la  mouche,  on 
remarque  que  la  graisse  a  fait  place  à  une  matière  jaunâtre,  molle  et 
visqueuse.  Le  tissu  cellulaire,  placé  immédiatement  sous  la  peau,  est 
boursouflé,  comme  s'il  était  formé  d'une  quantité  de  bulles  de  savon  j 
toutes  les  chairs  sont  molles  ;  le  cœur,  les  poumons,  le  foie,  ou  l'un  au 
moins  de  ces  organes,  est  malade.  Le  cœur  est  d'une  telle  flaccidité 
qu'il  ressemble  à  de  la  chair  qui  aurait  trempé  dans  l'eau,  et  que  les 
doigts  qui  le  saisissent  se  rencontrent  en  le  pressant.  Le  sang,  épais  et 
albumineux,  est  si  diminué  en  quantité  et  altéré  en  qualité,  que  les  mains 
en  sont  à  peine  tachées  pendant  la  dissection .  La  piqûre  de  la  tsétsé  serait 
donc  un  véritable  empoisonnement  du  sang. 

Les  ravages  produits  par  la  mouche  sont  terribles  dans  l'Afrique 
australe.  Combien  de  bergers  négligents  ont  perdu  tous  leurs  troupeaux 
pour  les  avoir  laissés  paître  dans  des  prairies  infestées  de  tsétsés  ! 
Livingstone  raconte  qu'une  imprudence  involontaire  fit  périr  presque 
tout  le  bétail  de  la  tribu  des  Makololos,  qui^  sans  le  savoir,  étaient 
venus  s'établir  dans  un  district  fréquenté  par  le  redoutable  insecte.  Le 
voyageur  Oswell  perdit  49  bœufs  sur  57.  D'après  M.  Bainier,  en  1863, 
dans  les  seules  possessions  portugaises  du  Congo,  plus  de  20,000  têtes 
de  bétail  périrent  par  suite  des  piqûres  de  la  mouche  venimeuse. 

Aussi  doit-on  comprendre  que  les  indigènes  aient  une  peur  affi'euse 
de  la  tsétsé,  qu'ils  cherchent  à  connaître  d'une  manière  exacte  ses  can- 
tonnements préférés,  et  que,  devant  traverser  dans  leurs  pérégrinations 
un  district  infesté,  ils  choisissent  le  clair  de  lune  d'une  nuit  d'hiver, 
parce  que,  d'après  Oswell,  la  tsétsé  ne  pique  pas  pendant  les  5uits  de 
la  saison  froide. 

Le  docteur  Kirk  croit  que  la  mouche  se  rencontre  surtout  sui*  les  col- 
lines, dans  les  forêts  ouvertes  et  les  pays  bien  boisés,  et  manque  dans 
les  grandes  plaines  herbeuses.  Du  reste  tous  les  voyageurs  s'accordent 
à  dire  que  ses  cantonnements  sont  très  tranchés  et  qu'elle  ne  change 


—  119  — 

pas  de  localité.  Dans  le  récit  de  ses  premiers  voyages,  Liviiigstone  dit 
que,  s'étant  engagé  pendant  la  nuit  dans  un  endroit  qu'infestait  la 
tsétfié,  il  s'empressa  de  fuir  dès  le  matin  vers  l'autre  bord  d'une  rivière 
qu'il  suivait,  certain  de  ne  l'y  pas  rencontrer  ;  cette  rivière  était  le 
Chobé;  plus  loin  il  reprend  cette  thèse,  que  ce  cours  d'eau  sépare  nette- 
ment, sur  une  partie  de  son  cours,  la  région  qu'habite  la  mouche  de 
celle  où  l'on  n'en  trouve  aucune  ;  fait  d'autant  plus  singulier  que  des 
indigènes  transportaient  souvent,  d'une  rive  à  l'autre,  des  morceaux  de 
viande  crue  couverte  de  tsétsés. 

D'une  manière  générale,  la  mouche  tsétsé  se  rencontre  dans  la  partie 
équatoriale  et  australe  de  l'Afrique,  dans  toute  la  largeur  du  continent. 
Le  voyageur  Arnaud  croit  qu'elle  est  identique  à  une  mouche  qu'on  ren- 
contre dans  le  Sennaâr,  entre  le  lô"*  et  le  !!"*•  degrés  de  latitude  Nord, 
oïl  ses  piqûres  tuent  les  animaux  domestiques.  Les  propriétaires  des 
troupeaux  sont  obligés  d'abandonner  cette  contrée  pendant  la  saison  où 
elle  est  le  plus  inquiétante,  c'est-à-dire  pendant  les  mois  de  janvier  à 
mai,  pour  se  réfugier  sur  les  bords  du  Nil  où  on  ne  la  retrouve  que  très 
rarement.  M.  Arnaud  ayant  été  piqué  par  une  de  ces  mouches,  la  plaie 
qui  en  est  résultée  a  duré  plus  de  4  mois  avec  des  démangeaisons.  Le 
capitaine  Burton  a  rencontré  la  tsétsé  entre  le  Tanganyika  et  la  côte, 
dans  le  pays  d'Ounyamouézi.  En  revanche  il  faut  dire  que  M.  Broyon 
ne  croit  guère  à  l'existence  de  la  mouche  dans  cette  région,  car  ayant 
constanmient  avec  lui,  dans  ses  divers  voyages,  en  particulier  dans 
rOunyanyembé,  une  vache  et  d'autres  animaux  domestiques,  il  n'en  a 
perdu  aucun  de  la  piqûre  de  la  tsétsé. 

La  région  la  plus  infestée  est  certainement  le  bassin  du  Zambèze. 
Livingstone  a  trouvé  la  mouche  redoutable  sur  un  très  grand  nombre 
de  points,  particulièrement  près  du  confluent  du  Chobé  et  du  Zambèze, 
des  chutes  Victoria,  et  des  bourgades  de  Linyanti  et  de  Seshéké.  Il  fau- 
drait citer  cependant  ime  assertion  de  M.  Hartmann,  qui,  si  elle  se 
vérifiait,  serait  d'une  grande  importance,  poiutant  elle  ne  concorde  pas 
avec  celle  de  M.  Bainier,  rapportée  plus  haut,  a  D'après  des  documents 
authentiques,  dit-il,  la  Olossina  morsitans  se  rencontre  dans  la  région 
des  chutes  Victoria  et  sur  la  côte  du  Loango,  sans  qu'on  ait  constaté 
un  seul  cas  d'animaux  domestiques  ayant  péri  par  suite  de  ses  piqûres. 
On  voit  toutefois  là  des  bœufs  périr  d'autres  maladies  faciles  à  diagnos- 
tiquer. Il  semble,  par  conséquent,  que  si  la  tsétsé  y  cause  quelque 
désordre,  elle  n'y  est  nuisible  qu'à  un  faible  degré.  »  Les  environs  du 
lac  Ngami,  le  territoire  des  Betchouanas  et  le  pays  arrosé  par  le  Lim- 


—  120  -- 

popo  sont  spécialement  cités  par  les  voyageurs,  comme  ne  pouvant  conr 
venir  à  l'élève  du  bétail  par  suite  de  la  présence  de  la  tsétsé.  Des 
Griquas  ayant  voulu  traverser  la  partie  nord-ouest  du  Transvaal, 
perdirent  successivement  toutes  leurs  bêtes  de  somme,  durent  abandon- 
ner leurs  wagons  et  revenir  à  pied.  Il  est  toutefois  peu  probable  que  la 
mouche  se  trouve  au  sud  du  tropique  du  Capricorne.  C'est  du  moins 
l'opinion  de  M.  Vardon. 

On  s'est  souvent  demandé  s'il  y  aurait  un  remède  quelconque  à  la 
piqûre  de  la  tsétsé.  A  cela  tous  les  explorateurs  et  en  particulier  Living- 
stone  répondent  qu'ils  n'en  connaissent  aucun.  L'animal  piqué  est  con- 
damné. Y  aurait-il  alors  des  mesures  préventives  ?  On  pense  que  l'inocu- 
lation resterait  sans  effet,  car  des  animaux  légèrement  piqués  n'en 
meurent  pas  moins  l'année  suivante  sous  l'influence  de  piqûres  plus 
nombreuses.  Le  capitaine  Foot  croit  qu'une  application  de  paraffine, 
faite  de  temps  en  temps,  aurait  pour  effet  d'éloigner  cette  mouche. 
Hildebrandt,  de  son  côté,  conseille  l'emploi  du  pétrole  (v.  ci-dessus,  p.  96). 
Peut-être  y  aurait-il  des  essais  à  faire  dans  ce  sens.  Quoi  qu'il  en  soit, 
disons-le  en  terminant  et  en  nous  appuyant  sur  un  grand  nombre  de 
voyageurs,  la  mouche  tsétsé  diminue  et  tend  heureusement  à  dispa- 
raître. Il  est  un  fait  certain,  c'est  que  le  buffle  sauvage,  la  gazelle,  etc., 
étant  chassés  d'une  contrée,  la  mouche  est  chassée  elle-même.  Dans  le 
Zoulouland,  à  Livingstone  et  sur  beaucoup  d'autres  points  visités  par 
Livingstone,  la  mouche,  qui  abondait  autrefois,  ne  se  rencontre  plus 
aujourd'hui.  Par  suite  de  la  multipUcation  des  armes  à  feu  et  de  la 
chasse  acharnée  que  l'honmie  livre  à  tout  gibier  et  surtout  au  buffle,  on 
peut  prévoir  la  disparition  lente  et  graduelle  de  l'insecte  terrible,  et 
l'époque  où,  sur  certains  points  aujourd'hui  infestés  de  l'Afrique  cen- 
trale, les  colons  pourront  s'établir  sans  crainte. 


EXPLORATION  DE  LA  DANA,  PAR  CL.  DENHARDT'. 

(Suite  et  fin.) 

La  plaine  dans  laquelle -coulent  l'Osi  et  la  Dana,  s'étend  du  Sabaki 
jusqu'à  la  Djouba,  avec  de  petites  ondulations  entre  les  fleuves.  Au  bord 
de  la  mer,  eUe  est  bornée  par  des  dunes  et  des  collines  argileuses,  repo- 

^  Le  nom  de  Kitoui,  omis  par  inadvertance  dans  la  carte  de  notre  précédent, 
livraison,  doit  ^ro  plac(^  snr  Pitinéraire  deMombas  au  Kénia,  entre  Kinoa  et  Ndiango. 


—  121  — 

sant  sur  des  formations  coralligènes.  A  riiitérieur  elle  s'élève  peu  à  peu 
jusqu'à  rOukambani,  où  elle  forme  un  grand  plateau  surmonté  de  mon- 
tagnes isolées,  ramifications  du  Kénia,  qui  se  prolongent  jusqu'à  Ta- 
kauQgou  et  à  Mombas. 

Le  long  de  la  Dana,  Télévation  est  insensible  ;  Massa  n'est  qu'à  300°" 
au-dessus  de  la  mer.  Les  sources  de  la  rivière  doivent,  d'après  Krapf  et 
d'après  les  indigènes,  se  trouver  dans  le  massif  du  Eénia.  En  amont  de 
Haméjé,  ses  bords  sont  rocheux,  son  eau  devient  mugissante,  et  elle  n'est 
plus  navigable.  Les  Souahélis  de  ce  district  l'appellent  Gourourouma 
(tonnerre).  Elle  sort  du  lac  Taka  Abajila,  situé  au  cœur  des  montagnes, 
qui  paraît  fournir  aussi  des  eaux  aux  lacs  Lorian  et  Sambourou  au  N. 
et  au  lac  Baringo  à  l'Ouest. 

Près  des  rivières  la  plaine  est  couverte  d'un  gazon  court  et  savoureux; 
plus  loin,  d'herbes  plus  fortes  et  plus  dures  et  de  mimosas.  Au  bord  des 
fleuves  croissent  les  palétuviers,  aussi  loin  que  remonte  la  marée.  Les 
habitants  en  emploient  le  bois  pour  la  construction  de  leurs  maisons  et 
de  leurs  bateaux,  et  l'écorce  pour  préparer  et  teindre  les  cuirs.  Au  delà 
s'étendent  des  forêts  de  palmiers.  Dans  les  districts  de  Ndoura  et  de 
Soubakini,  la  plupart  des  troncs  sont  desséchés,  les  Wapokomos  ayant 
coupé  la  couronne  des  arbres  pour  en  fabriquer  une  boisson  spiritueuse 
qu'ils  aiment  beaucoup,  L'Adansonia  digitata,  très  abondant  à  la  côte, 
devient  rare  à  partii*  de  Tjarra,  et  manque  tout  à  fait  au  delà  d'Enga- 
tana.  De  fortes  lianes  et  des  broussailles,  en  enlaçant  les  troncs  énormes, 
foiTnent  un  fourré  épais  où  l'air  et  la  lumière  ont  peine  à  pénétrer. 

La  plaine  n'offre  pas  de  plantes  alimentaires  ;  ceux  des  habitants  qui 
ne  sont  pas  pasteurs  doivent  se  vouer  à  l'agriculture.  Chez  les  popula- 
tions musulmanes  de  la  côte,  la  culture  des  terres  est  réservée  aux 
esclaves.  Les  gens  de  Kipini  et  de  Kau  considèrent  le  tenitoii'e  de  la 
Dana  inférieure  conmie  leur  propriété,  et  les  Wapokomos  qui  y  sont 
établis  comme  leurs  serviteurs.  La  principale  culture  est  le  riz.  De 
Tjarra  au  district  de  Ndéra,  s'étendent,  des  deux  côtés  de  la  Dana, 
d'iinnienses  champs  de  lîz,  qui  fournissent  la  plus  grande  partie  de  la 
quantité  nécessaire  à  la  consommation  de  l'AMque  orientale-équatoriale. 
En  amont  de  Ndéra,  jusqu'à  Haméjé,  les  rives  élevées  du  fleuve  ne  per- 
mettant plus  cette  culture,  le  doura  et  le  maïs  remplacent  le  riz  ;  on 
cultive  aussi  des  fèves,  différentes  espèces  de  pois,  des  patates,  du  ma- 
nioc, la  canne  à  sucre,  des  bananes,  des  melons  et  du  tabac.  C'est  daiLs 
les  terrains  salés  du  voisinage  de  la  mer,  que  les  cocotiers  réussissent  le 
mieux  ;  on  en  trouve  jusqu'à  Tjarra. 


—  122  — 

Comparée  à  celle  d'autres  pays  tropicaux,  la  faune  est  pauvre  en 
espèces  et  en  beaux  exemplaires  ;  les  couleurs  en  sont  peu  voyantes, 
comme  celles  de  la  végétation.  Les  plaines  herbeuses  servent  de  lieu  de 
pâture  à  des  troupeaux  de  girafes,  d'antilopes,  de  buffles  et  de  zèbres. 
Les  éléphants  se  rencontrent  en  grand  nombre  dans  tout  le  bassin  de  la 
Dana  jusqu'à  la  mer.  Dans  les  rivières  et  dans  les  lacs  vivent  beaucoup 
de  crocodiles  et  d'hippopotames.  Les  rhinocéros  abondent  dans  les  forêts 
de  leurs  bords;  et  les  autruches  dans  les  steppes.  Les  fauves,  loups,  léo- 
pards, hyènes,  chiens  sauvages  et  chacals,  ne  manquent  pas  non  plus. 

Outre  les  Arabes,  les  Souahélis,  les  Wanikas  et  quelques  petites  tribus 
établies  à  la  côte,  on  distmgue  dans  cette  région  cinq  peuplades  :  les 
Somalis,  les  Wagallas,  les  Wapokomos,  les  Wabonis  et  les  Wassanias. 
Depuis  les  voyages  de  Decken  et  de  Brenner,  les  relations  ethnographi- 
ques ont  considérablement  changé.  Les  Somalis  sont  devenus  le  peuple 
dominant.  Après  avoir  passé  la  Djouba,  ils  se  sont  avancés  jusqu'à  la 
Dana  et  au  Sabaki,  mettant  tout  à  feu  et  à  sang,  exterminant  et  refou- 
lant devant  eux  les  Wagallas,  qui  jadis  s'étendaient  du  Sabaki  à  la  Djouba. 
Depuis  1874,  on  peut  considérer  la  Dana  comme  la  limite  entre  les  Wa- 
gallas et  les  Somalis  ;  encore  ceux-ci  font-ils  paître  leurs  troupeaux  jus- 
qu'au Sabaki,  et,  quoique  la  lutte  entre  les  deux  peuples  soit  terminée 
pour  le  moment,  les  Somalis  n'en  capturent  pas  moins  des  Wagallas  à 
toute  occasion.  Les  Wapokomos  ont  peut-être  plus  encore  à  souffrir  des 
Somalis  dévastateurs,  qui,  à  chaque  instant  les  assaillent,  tuent  les 
hommes  et  emmènent  comme  esclaves  des  jeunes  gens  et  des  femmes. 
Actuellement  les  opprimés  ne  résistent  plus  ;  indifférents,  ils  fuient  tout 
au  plus  devant  leurs  oppresseurs,  et  changent  de  place,  dans  l'idée  que 
Dieu  a  donné  la  victoire  et  la  force  aux  Somalis,  jusqu'à  ce  que  les  blancs 
viennent  s'établir  au  miUeu  d'eux  pour  les  délivrer.  Aujourd'hui  on 
chercherait  en  vain  une  tribu  Galla  sur  la  rive  gauche  de  la  Dana.  En 
revanche  on  y  rencontre  les  tribus  Somalis  des  Wabérés,  des  Désar- 
gentas, des  Baraouas,  des  Elaïs,  des  Tounés,  des  Kalallas  et  des  Waled- 
jidos. 

Les  malheurs  qui  accablent  les  Wagallas  les  ont  rendus  pacifiques;  ils 
ne  font  plus  souifrir  de  leurs  vexations  continuelles  les  Arabes  et  les 
Souahélis  de  la  côte.  Les  gouverneurs  arabes  paient  bien  encore  de  temps 
à  autre  un  tribut  au  sultan  wagalla,  mais  aujourd'hui  c'est  plutôt  un 
présent,  dont  l'usage  cessera  prochainement.  Les  Gallas  dépendent  déjà 
des  mahométans  de  la  côte,  auxquels  ils  doiVent  de  n'avoir  pas  été  com- 
plément exterminés  par  les  Somalis.  Tandis  qu'autrefois  ils  avaient  en 


—  123  — 

horreur  tout  autre  mets  que  la  chair  et  le  sang  de  leurs  bœufs  et  le  lait 
de  leurs  vaches,  et  méprisaient  les  cultivateurs,  à  présent  que  les  Somalis 
leur  ont  pris  leur  bétail,  ils^se  sont  faits  bergers  chez  les  habitants  des 
côtes,  ou  s'engagent  comme  porteurs  ou  cidtivateurs.  Ils  ont  aussi  établi 
des  champs  de  riz  et  de  doura  sur  les  bords  du  Sabaki,  pour  se  nourrii* 
eux-mêmes  et  pour  trafiquer. 

Les  Wabonis,  les  Wassanias  et  les  Walangoulos  vivent  disséminés 
parmi  les  WagaUas,  avant  lesquels  ils  occupaient  ces  plaines  et  qui  les 
ont  asservis.  Ils  leur  ressemblent  pour  le  physique,  la  langue  et  les 
mœurs.  On  ne  peut  pas  leur  assigner  un  district  spécial,  la  chasse  dont 
Us  vivent  les  obligeant  à  changer  constamment  de  demeure.  H  paraît 
cependant  que  les  Wabonis  habitent  surtout  la  rive  gauche  de  la  Dana 
inférieure;  les  Wassanias  entre  la  Dana  et  le  Sabaki,  et  les  Walangoulos 
entre  celui-ci  et  le  district  de  Teïta.  Ils  livrent  le  produit  de  leur  chasse 
aux  Wagallas  dont  ils  sont  en  quelque  sorte  les  vassaux,  sans  prendre 
cependant  à  l'égard  de  ces  derniers  la  position  humble  et  méprisée 
qu'ont  prise  les  Wapokomos. 

Ceux-ci  ne  ressemblent  en  rien  aux  Wagallas  leurs  maîtres,  si  ce  n'est 
par  le  teint  qui  est  brun.  Us  diffèrent  d'eux  par  la  taille,  la  langue  et  les 
mœurs,  et  se  rapprochent  beaucoup  plus  sous  ce  rapport  des  Souahélis, 
des  Wanikas,  des  Wakambas  et  des  Wadchaggas.  Ce  sont  aussi  des 
émigrants.  Leurs  traditions  font  mention  d'une  grande  migration  de 
peuples,  qui  les  a  forcés  de  quitter  leurs  demeures  situées  sur  une  haute 
montagne  neigeuse  d'oii  descendent  beaucoup  de  rivières  ;  ils  en  suivi- 
rent une  et  atteignirent  la  Dana,  sur  les  bords  de  laquelle  ils  s'établirent. 
Quelques-uns  pensent  qu'ils  demeuraient  primitivement  sur  le  Kénia  ; 
d'autres,  sur  le  Kilimandjarcf.  A  l'appui  de  cette  dernière  opinion  on 
peut  citer  le  fait  qu'un  district  du  Kilimanc^aro  s'appelle  Pokomo.  On 
ne  peut  indiquer  l'époque  de  l'émigration  des  Wapokomos  ;  en  tous  cas 
ils  occupaient  cette  région  avant  les  Wagallas  et  les  Souahélis. 

Les  Wapokomos  sont  grands  et  bien  constitués,  beaucoup  d'entre  eux 
mesurent  2"  ;  ils  sont  généralement  plus  forts  de  corps  que  les  Wagallas 
qui  sont  très  élancés.  Quoiqu'ils  aient  les  cheveux  courts  et  frisés,  ils 
n'appartiennent  pas  àla  race  nègre.  Comme  les  autres  peuplades  voisines, 
ils  ont  des  idées  très  confuses  de  la  divinité.  Leur  nombre,  de  Tjarra  à 
Massa  peut  s'élever  à  15,000,  outre  cela  on  peut  en  compter,  au  delà  de 
Massa,  10,000  vivant  paisiblement  au  miheu  des  restes  des  Kokaoués, 
des  Wabonis  et  des  Wassanias.  Jusqu'au  district  de  Korkorro,  ils  culti- 
vent avec  soin  la  terre,  et  ne  trafiquent  ou  ne  chassent  que  d'une  ma- 


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nière  accessoire;  dans  le  district  de  Korkon'O,  en  revanche,  ils  se  livrent 
diavantage  à  la  chasse  et  laissent  à  leurs  femmes  la  culture  des  champs. 
Les  seuls  artisans  que  Ton  trouve  chez  eux  sont  des  constructeurs  de 
canots.  Ils  achètent  aux  Souahélis  et  aux  Wagallas  tous  leurs  ustensiles 
et  leurs  ornements  de  métal.  Les  Wapokomos  de  la  Dana  inférieure 
jusqu'à  Mounjouni  sont  considérés  et  traités  conmie  des  esclaves  par  les 
Arabes  et  les  Souahélis.  En  amont  de  Mounjouni  ils  échappent  U  l'autorité 
des  habitants  de  la  côte,  qui,  à  partir  du  district  de  Soubakini,  ne  sont 
plus  que  leurs  inférieurs. 

Laborieux  et  pacifiques,  les  Wapokomos  sont  encore  éminemment 
sociables.  Jamais  leurs  huttes  ne  sont  isolées  ;  eUes  forment  toujours  des 
villages,  établis  sans  exception  dans  les  forêts  le  long  de  la  rivière,  tout 
près  de  l'eau,  avec  un  côté  ouvert  sur  le  fleuve  ;  la  plupart  sont  entourés, 
du  côté  de  la  forêt,  d'ime  forte  palissade  de  3"  à  4"  de  haut.  Dans  les 
localités  oU  les  attaques  des  Somalis  sont  les  plus  fréquentes,  les  villages 
sont  toujours  construits  sur  la  rive  droite  de  la  Dana.  Les  champs  des 
Wapokomos  ne  s'étendent  qu'à  quelques  centaines  de  mètres  de  la 
rivière  ;  aussi  ne  peut-on  plus  parler  d'un  pays  habité  par  ce  peuple 
comme  le  portaient  les  anciennes  cartes.  Ils  désignent  le  pays  qui  s'étend 
le  long  de  la  Dana,  du  nom  des  deux  grandes  tribus  Gallas  qui  l'occu- 
paient autrefois,  les  Kokaoués  sur  la  rive  gauche,  et  les  Bararettas  sur 
la  rive  droite.  Ce  territoire  se  divise  en  districts  dont  chacun  a  un  chef- 
lieu,  avec  un  ancien  qui  est  au-dessus  de  tous  ceux  des  autres  villages  du 
district.  Ces  anciens  n'ont  pas  de  chef  commun;  l'administration  est 
tout  à  fait  patriarcale  ;  les  anciens  sont  toujours  les  hommes  les  plus 
âgés,  distingués  par  leur  caractère  ou  par  leur  fortune.  Ils  possèdent 
l'autorité,  et  toute  la  population  leur  obéit  volontiers. 

Les  districts  traversés  par  l'expédition  sont,  à  partii*  de  Tjarra,  ceux 
de  Kalindi,  Ngao,  Engatana,  Muina,  Ndéra,  Grouano,  Kinakombé, 
Ndoura,  Soubakini,  Malaloulou  et  Massa  ;  au  delà  sont  les  districts  de 
Boura,  Touni,  Kidori  et  Korkorro. 

Les  Wapokomos  pratiquent  la  circoncision  et  se  tatouent.  Leur  vête- 
ment ne  consiste  qu'en  une  pièce  d'étoffe,  descendant  des  reins  au  genou. 
Ils  portent  autour  du  cou  des  chaînettes  de  fer  ou  de  laiton,  et  des  col- 
liers de  perles  blanches,  noires  et  rouges;  aux  poignets,  à  l'avant-bras, 
aux  chevilles  des  pieds  et  aux  oreilles,  des  anneaux  de  plomb  ou  de 
cuivre.  Les  femmes  se  parent  de  colliers  de  fils  de  cuivre,  auxquels  sont 
attachées  des  coquilles.  Les  Wapokomos  sont  très  moraux.  Si  quelqu'un 
offense  une  femme,  ne  fût-ce  que  par  des  propos  légers  et  moqueurs,  il 


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est  puni  par  les  anciens  d'une  amende,  qui  consiste  d'ordinaire  en  pièces 
de  calicot.  Comme  chez  presque  tous  les  peuples  de  TAMque  orientale, 
le  mariage  revêt  la  forme  d'une  vente.  Le  jeune  homme  doit  donner  au 
père  de  la  jeune  fille  du  calicot,  du  fil  de  cuivre,  des  perles,  du  riz,  etc. 
La  polygamie  est  plus  restreinte  que  chez  les  mahométans,  et  la  femme 
n'est  pas  considérée  comme  esclave,  ainsi  que  cela  se  voit  chez  les  mu- 
sulmans et  chez  d'autres  peuples  de  l'Afrique  ;  elle  travaille  avec  son 
mari  et  partage  ses  joies  et  ses  peines. 

Les  Wapokomos  aiment  la  danse  et  le  chant.  Leurs  armes  sont  l'arc 
et  les  flèches,  la  massue  et  la  lance.  Leurs  aliments,  le  riz,  le  mais,  les 
pois,  les  fèves,  les  bananes,  le  manioc,  les  melons,  les  cocos,  la  chair  de 
toute  espèce  d'animaux  ;  celle  qu'ils  estiment  le  plus  est  ceUe  de  l'hip- 
popotame. Comme  excitant,  ils  ont  une  boisson  sphritueuse  faite  de  miel 
et  de  jus  de  palmier.  Hommes  et  femmes  mâchent  le  tabac  et  le  prisent, 
souvent  dès  leur  plus  tendre  enfance. 

La  grande  fertilité  du  sol,  jointe  à  l'activité  des  Wapokomos,  a  donné 
lieu  à  un  grand  trafic  sur  la  Dana  et  l'Osi.  Les  Wapokomos  au  service 
de  la  population  musulmane  de  la  côte  en  sont  les  intermédiaires,  comme 
conducteurs  des  bateaux  de  transport.  Les  trafiquants  remontent  jusqu'à 
Haméjé,  la  dernière  localité  habitée  par  des  Wapokomos.  De  là  ils 
descendent  avec  leurs  marchandises  jusqu'à  Kau,  où  elles  sont  embar- 
quées pour  Lamou,  les  ports  de  la  côte,  et  Zanzibar.  L'argent  n'étant 
pas  employé  dans  le  pays,  le  commerce  se  fait  tout  entier  par  échange. 
Les  articles  d'exportation  sont  le  riz,  le  tabac,  les  dents  d'éléphants 
et  d'hippopotames ,  les  cornes  de  buffles  et  la  graisse  de  poisson  en 
quantité  considérable  ;  outre  cela,  mais  en  quantité  moins  grande,  du 
miel,  de  la  cire,  des  peaux,  de  l'orseiUe,  de  la  sparterie  et  de  la  poterie. 
Quant  à  l'importation,  elle  consiste  en  cotonnades,  couteaux,  bêches, 
haches,  aiguilles,  fil  de  cuivre  ou  de  fer,  perles  et  sel. 

Les  conditions  sanitaires  sont  bonnes  en  général.  Les  maladies  les 
plus  fréquentes,  la  malaria  et  la  dysenterie,  sont  d'ordinaire  peu  dange- 
reuses, si  ce  n'est  en  cas  d'épidémie. 

Depuis  des  siècles,  le  territoire  de  la  Dana  a  eu  une  importance  capi- 
tale pour  la  côte  orientale  de  l'Afrique  et  pour  d'autres  parties  de 
l'Orient,  comme  pays  producteur  ;  à  moins  de  grands  bouleversements, 
il  la  conservera  sans  doute.  Aussi  longtemps  que  les  farouches  Somalis, 
qui  occupent  le  bassin  de  la  Djouba,  n'auront  pas  adopté  des  idées  plus 
pacifiques,  la  Dana  demeurera  le  fleuve  le  plus  important  pour  l'explo- 
ration de  cette  partie  de  l'Afrique,  et  la  sympathie  de  ses  populations 


—  126  — 

envers  les  blancs  les  disposera  favorablement  pour  les  entreprises  mis- 
sionnaires ou  scientifiques,  qui  y  porteront  la  civilisation  européenne. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 


Ai^GERiEK  vsD  TuNESiEN,  von  H.  Kiepett  Vaoooooo»  —  Parmi  les 
cartes  que  les  expéditions  françaises  en  Tunisie  et  dans  le  Sud  Oranais 
ont  fait  naître,  celle-ci  peut  être  comptée  comme  une  des  meilleures. 
Ainsi  que  le  dit  M.  IQepert,  elle  a  été  dressée,  en  ce  qui  concerne 
l'Algérie,  d'après  les  cartes  du  dépôt  de  la  guerre  revisées  jusqu'en  1867, 
complétées  au  moyen  des  cartes  administratives  et  de  chemins  de  fer  de 
1876  et  1880.  Poui*  la  Tunisie,  M.  Kiepert  s'est  servi  des  cartes  de 
V.  Guérin  (1862)  et  de  G.  Wilmanns  (1874).  La  carte  va  jusqu'à  Ouar- 
glajBt  comprend,  par  conséquent,  tout  le  bassin  des  Chotts,  aussi  bien  en 
Algérie  qu'en  Tunisie.  L'auteur  a  marqué  par  une  teinte  violette  la 
partie  des  Chotts  tunisiens  au-dessous  du  niveau  de  la  mer;  il  donne, 
en  outre  les  délimitations  actueUement  existantes  entre  les  territoires 

m 

civils  et  les  territoires  militaires.  Les  deux  teintes,  qui  ont  dû  être 
employées  pour  les  indiquer,  nuisent  peut-être,  dans  une  certaine  mesure, 
au  coup  d'œil,  en  ce  qui  concerne  le  Petit  Atlas.  Le  relief  du  Grand 
Atlas  et  des  Hauts  Plateaux  est,  au  contraire,  fort  bien  dessiné.  Ajou- 
tons que  la  carte  contient  toutes  les  ligues  de  chemins  de  fer  (sauf  celle 
de  Saïda  au  Kreider),  et  qu'on  peut  y  suivre  les  opérations  militaires 
actuelles.  Tous  les  noms  indiqués  dans  les  dernières  dépêches  venant  du 
Sud  Oranais  s'y  trouvent. 

Algeria,  TimisiA  e  Tkipolitania,  di  Attilio  Brunialti.  Milano  (Fra- 
telli  Trêves)  1881,  in- 18,  274  pages  et  carte,  3  fr.  50.  —  Si  nous  faisons 
abstraction  du  côté  politique  de  ce  volume,  nous  devons  lui  reconnaître 
un  réel  intérêt.  Pour  chacun  des  États  mentionnés  dans  le  titre,  l'auteur 
a  tenu  compte  des  découvertes  dues  aux  grands  explorateurs  modernes, 
allemands  et  finançais  aussi  bien  qu'italiens.  Son  patriotisme  ne  lui  fait 
point  méconnaître  les  progrès  réalisés  en  Algérie  sous  la  domination 
firançaise,  depuis  la  conquête  jusqu'à  la  guerre  des  Kroumirs,  non  plus 
que  l'importance  relative  des  deux  projets,  de  la  mer  saharienne  du 
capitaine  Roudaire  et  du  chemin  de  fer  trans-saharien.  Les  ressources 

^  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  18,  rue  du  Rhône,  à  Genève, 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  eocplorée  et  civilisée. 


—  127  — 

que  l'Afrique  septentiionale  peut  offrir  au  commerce  européen,  envisagé 
comme  élément  de  civilisation,  y  sont  également  exposées  avec  grand 
soin,  surtout  celles  de  la  Tripolitaine,  pour  lesquelles  l'auteur  avait  à  sa 
disposition  les  travaux  des  derniers  explorateurs  italiens,  MM.  Campe- 
rio,  Bottiglia  et  Haymann.  La  carte  au  Vsooooo  d^  '^  régence  de  Tunis  et 
des  pays  limitrophes,  dressée  par  M.  Guido  Cora,  répond  pleinement  à 
l'étut  actuel  de  nos  connaissances  sur  cette  région. 

Description  géographique  de  Tunis  et  de  la  régence,  par  le  com- 
mandant Villot.  Paris  (Challamel  aîné),  1881,  in-8**,  48  p.  et  carte.  — 
Les  pei-sonnes  qui  suivent  la  marche  des  événements  de  Tunisie,  trouve- 
Yowt  dans  ces  pages  un  résumé  succinct  de  tout  ce  que  les  auteurs  les 
plus  consciencieux  ont  écrit  sur  ce  pays,  soit  auxpoints  de  vue  historique, 
ethnographique,  administratif  et  militaire,  soit  à  celui  de  la  géographie 
physique  et  politique  des  quatre  régions  volcanique,  maritime,  centrale 
et  saharienne  qui  le  composent.  Un  croquis  au  Veooooo  de  la  Régence, 
facilite  l'étude  de  la  topographie,  si  importante  pour  comprendre  les 
épisodes  de  la  lutte  qui  s'y  poursuit  entre  le  fanatisme  et  la  civilisation. 

Th.  Vernes  d'ârlandes.  En  Algérie,  a  travers  l'Espagne  et  liî 
Maroc.  Paris  (Cabnann  Lévy)  1881,  in-18*»,  420  pages,  3  fr.  50.  —  A 
mesui-e  que  l'Algérie  attiré  un  plus  grand  nombre  de  voyageurs,  les 
livres  qui  nous  la  font  mieux  connaître  se  midtiplient.  On  ne  peut  que 
s'en  féliciter  quand  l'auteur  est  doué  d'un  grand  esprit  d'observation, 
car,  à  côté  des  faits  déjà  connus,  il  en  révèle  toujours  de  nouveaux  ou 
signale  des  détails  qui  avaient  échappé  à  ses  devanciers.  Dans  ce  voyage 
k  travers  des  pays  occupés  autrefois,  ou  habités  encore  aujourd'hui 
par  les  Arabes,  M.  Vernes  d'Arlandes  s'intéresse  à  tout  ce  qui  lui  paraît 
digne  de  remarque  au  point  de  vue  de  la  nature  et  de  l'art,  ou  lui  rap- 
pelle les  souvenii-s  d'une  ancienne  civilisation.  Mais  il  s'attache  surtout 
à  faire  ressortir  le  contraste  que  présentent  actuellement  les  popidations 
arabes  et  les  Européens  établis  en  Algérie.  Sans  méconnaître  ce  qui 
reste  de  bien  chez  celles-là,  il  aime  à  relever  tout  ce  qu'ont  fait  les 
Français  pour  tirer  la  colonie  de. la  demi-barbarie  dans  laquelle  ils  l'ont 
trouvée,  et  les  moyens  employés  par  eux  pour  y  répandre  de  plus  en 
plus  la  civilisation  :  chemins  de  fer,  plantations  pour  assainir  les  parties 
insalubres,  œuvres  de  secours,  colonisation,  etc.  A  propos  de  celle-ci,  il 
passe  en  revue  les  divers  systèmes  patronnés  par  les  différents  régimes 
qui  se  sont  succédé  en  Algérie,  il  constate  les  insuccès  partiels  de  ces 


NOTA.  —  li»  Birectton  rappelle  qu'elle  refn^^tte  de  ne  pon- 
TOir  donner  h  son  BCIilifiTIN  MEBISlJfili  toote  l'extension  dési- 
rable» mais  qu'elle  se  teit  toujours  un  plaisir  d'indiquer  A  ses 
abonnés  les  sources  oA  se  trouTont  des  renseignements  plots 
complets  sur  les  teits  qui  les  intéressent. 


-  128  -  i 

tentatives,  les  critiques  auxquelles  elles  ont  donné  lieu,  de  la  part  de 

ceux  qui  comparent  la  colonisation  française  en  Algérie  avec  celle  des         i  I 

Anglais  en  Amérique  et  en  Afrique,  mais  tient  compte  équitablement  de 

la  différence  des  conditions  dans  lesquelles  se  sont  trouvés  les  colons         ^^^ 

anglais  dans  ces  deux  continents  et  les  Français  en  Algérie.  _ 

Central-Afrika,  nach  den  neuesten  Forschungen  bearbeitet,  von  _ 
D'  Joseph  Cliavanne.  Vioooooo  (Hartleben,  in  Wien).  —  M.  Joseph  Cha- 
vanne  s'est  déjà  fait  connaître  par  une  grande  carte  murale  d'Afrique, 
qui  est  une  des  meilleures  à  l'heure  actuelle.  D  continue  brillamment 
en  nous  donnant  une  carte  de  l'Afrique  centrale.  Disons  tout  d'abord 
(luelles  sont  ses  bornes.  Elle  s'étend,  en  latitude,  du  10**  Nord  au  12*" 
Sud,  et  en  longitude,  d'un  océan  à  l'autre,  avec  un  carton  à  grande 
échelle  pour  le  canal  de  Zanzibar.  On  peut  donc  dire  que  M.  Chavanne 
a  voulu  surtout  figurer  le  cours  complet  du  Congo,  auquel,  par  paren- 
thèse, U  ne  donne  nulle  part  le  nom  de  Livingstone,  et  la  'vaste  contrée 
qui,  au  nord  et  au  sud  de  ce  fleuve,  est  encore  complètement  inconnue. 
Il  a  voulu  donner  les  résultats  de  tous  les  voyages  accomplis  jusqu'à  ce 
jour,  avec  les  itinéraires,  afin  que  plus  tard  l'on  pût  suivre  facilement 
les  routes  que  feront  connaître  les  voyageurs  futurs.  Ce  qui  fait  le  grand 
mérite  de  la  carte  dont  nous  parlons,  c'est  son  exactitude  et  sa  clarté. 
Elle  est  agréable  à  l'œil  et  témoigne,  jusque  dans  ses  moindres  détails, 
qu'une  main  habile  l'a  exécutée.  Nous  voudrions  insister  sur  un  point 
important  pour  la  géographie  africaine  ;  M.  Chavanne  donne  une  nou- 
velle solution  de  la  question  si  controversée  de  l'Ouellé.  D'après  lui,  cette 
rivière  n'est  le  cours  supérieur,  ni  du  Chary,  ni  de  l'Arououimi  de  Stan- 
ley, mais  d'un  affluent  du  Congo,  aussi  découvert  par  Stanley,  l'Oukéré. 
L'auteur  conduit  l'Ouellé  par  des  courbes  successives,  lui  donnant  les 
noms  de  Bere,  puis  de  Bomo  et  d'Oukéré  jusqu'au  Congo.  C'est  appa- 
remment d'après  Potages  que  M.  Chavanne  a  établi  ce  tracé,  quoique  ce 
voyageur  n'ait  pu  en  mdiquer  qu'une  partie. 


ENTRAL 

ÎIER 

eux  explorations  du  colonel  FLATTERS. 


LiOd 


JVa^^    Jiilo.  Jlbfrt  SarbUn 


—  129  — 

BULLETIN  MENSUEL  {2  janvier  1882). 

La  Société  de  géographie  de  Paris  a  reçu  d'un  de  ses  membres, 
M.  F.  Bernard,  établi  en  Al|çérîe  et  bien  placé  pour  être  au  courant 
des  affaires  du  Sahara,  quelques  renseignements  intéressants  sur  la 
«tebka  d'Amadg^hor,  au  sud  de  laquelle  a  eu  lieu  le  massacre  de  la 
mission  Flatters.  Elle  est  située  par  é^'lG'  long.  E.  (un  peu  plus  à  l'est 
que  ne  l'indique  la  carte  de  M.  Barbier)  et  par  25"*  16'  lat.  N.,  mais  elle 
a  une  étendue  plus  faible  que  celle  qu'on  lui  attribuait.  La  mine  de  sel 
est  dans  une  dépression  d'im  kilomètre  de  diamètre,  près  du  massif  du 
Hoggar  dont  les  pentes  s'arrêtent  brusquement  près  de  la  sebka. 
Des  trois  autres  côtés  s'étend  une  grande  plaine,  traversée  par  quel- 
ques oueds,  avec  un  peu  de  végétation,  mais  sans  fruits  et  sans  eau. 
Aux  environs  de  la  sebka  le  sol  est  généralement  humide  quoique  très 
ferme  ;  le  sel  est  très  blanc  et  d'excellente  qualité.  M.  Bernard  travaille 
à  une  carte  de  la  région  parcourue  par  la  mission  Flatters,  à  l'aide  des 
documents  publiés  par  le  service  central  des  affaires  indigènes. 

Tout  en  travaillant  à  rendre  libre  la  navigation  du  Nil  Blanc,  Marno 
a  utilisé  ses  expéditions  poiu*  faire  un  levé  détaillé  d'une  grande  partie 
du  Bahr-el-Gebel,  du  Bahr-el-Seraf,  et  du  territoire  compris  entre  le 
Bahr-el-Abiad  et  le  Bahr-el-Ghazal,  Il  a  confirmé  l'existence,  au  con- 
fluent de  ce  dernier  et  du  Bahr-el-Gebel,  d'un  lac  (lac  Nô)  qui  peut 
diminuer  pendant  la  saison  sèche,  et  se  réduire  exceptionnellement  dans 
certaines  années,  mais  il  n'en  reste  pas  moins,  quoi  qu'aient  pu  dire 
certains  voyageurs,  une  vaste  nappe  d'e^u  de  6  à  8  kilomètres  de  lon- 
gueur sur  2  à  4  kilomètres  de  largeur. 

MM.  Ladd  et  Snow,  chargés  de  se  rendre  au  confluent  du  Sohat  et  du 
Nil,  pour  y  choisir  un  emplacement  convenable  à  l'établissement  de  la 
mission  Arthini^ton,  ont  dû  passer  de  Souakim  à  Berber  sur  le  Nil, 
où  ils  auront  trouvé  un  vapeur  pour  achever  leur  voyage.  Une  fois  le 
lieu  de  la  mission  fixé,  ils  retourneront  en  Amérique  ;  M.  Snow  y  acquerra, 
pour  le  service  de  la  mission  sur  le  Nil,  un  steamer,  qui  portera  le  nom 
de  Charles  Sumner,  tandis  que  M.  Ladd  formera  un  corps  de  mission- 
naires. Quand  la  station  sera  fondée,  on  créera  encore  un  établissement 
dans  le  genre  de  l'institution  de  Lovedale,  pour  apprendre  aux  jeunes 
natifs  de  cette  région  les  procédés  de  l'industrie  moderne. 

ïlimn  bey,  gouverneur  des  provinces  égyptiennes  équatoriales,  a 
réussi  à  rétablir  l'ordre  dans  les  vastes  territoires  soumis  à  son  adminis- 
tration. Plusieurs  des  chefe,  qui  étaient  autrefois  des  adversaires  déclarés 

L^AFBiqUB.    —   TB018IÈMB  AHHÉB.    —    N*»   7.  7 


—  130  — 

du  gouvernement  égyptien,  se  sont  complètement  rattachés  à  lui  ;  il  sait 
parfaitement  s'y  prendre  pour  se  maintenir  en  bonnes  relations  avec  les 
indigènes  et  avec  les  princes  les  plus  puissants  du  voisinage.  La  confiance 
que  Tautorité  égyptienne  a  dans  cet  habile  gouverneur  Ta  engagée  à 
ajouter  cette  année  à  ses  provinces  les  territoires  de  Rohl  et  d'Amadi^ 
une  partie  du  pays  des  Niams-Niams  et  tout  celui  des  Mombouttous.  Au 
mois  de  mars  il  a  visité  la  province  de  Lattouka,  à  l'est  du  Nil,  entre  les 
4°  et  5°  latitude  nord,  et  les  30**  et  31°  longitude  est.  F.  Lupton, 
actuellement  gouverneur  du  Bahr-el-Ghazal,  en  a  dressé  une  carte  accom- 
pagnée d'observations  météorologiques  et  hypsométriques.  Il  a  de  plus 
rédigé  ud  vocabulaire  de  la  langue  des  Lattoukas,  qui  diffëi-e  de  toutes 
celles  du  voisinage. 

Des  difficultés  se  sont  élevées  entre  la  mission  de  Frère  Toi;vn  et  le 
waU  dç  Mombas,  au  sujet  de  plusieurs  Arabes  qui  ont  causé  des  troubles 
dans  les  établissements  des  esclaves  libérés.  En  outre,  l'administra- 
tion de  Frère  Town  a  donné  Ueu  à  quelques  reproches,  en  employant 
dans  certains  cas  les  châtiments  coi-porels  pour  maintenir  l'ordre  et  la 
discipline.  Après  en  avoir  conféré  avec  le  D'  Kirk,  le  Comité  des  mis- 
sions a  jugé  nécessaire  d'envoyer  à  Frère  Town,  comme  son»  délégué, 
M.  Price,  le  fondateur  de  cette  œuvre  (en  1814),  en  le  chargeant  d'étu- 
dier l'organisation  actuelle  des  établissements,  leurs  rapports  avec  le 
gouvernement  de  Zanzibar,  les  meilleurs  moyens  d'étendre  la  mission, 
et  pour  mettre  à  son  service  un  steamer,  le  Henri  Wright  Le  D'  Kirk 
estime  que  Mombas  est  un  bon  point  de  départ,  pour  l'extension  des  opé- 
rations missionnaires  parmi  les  tribus  de  l'intérieur;  mais  la  présence 
d'esclaves  libérés,  au  milieu  de  populations  chez  lesqueUes  règne  encore 
l'esclavage,  est  une  source  de  complications  sans  cesse  renaissantes.  Aussi 
espère-t-oji  que  le  temps  viendra  bientôt  où,  non  seulement  la  traite, 
mais  aussi  l'esclavage  lui-même,  seront  abolis  dans  tout  le  territoire 
du  sultanat  de  Zanzibar,  et  que  le  gouvernement  anglais  appuiera  les 
efforts  des  missionnaires  pour  faire  pénétrer  la  civilisation  dans  ces  para- 
ges. Malgré  la  vigilance  des  croiseurs  le  long  de  la  côte  orientale  d'Afiri- 
que,  il  s'y  produit  toujours  des  faits  de  traite  qui  demandent  une  sévère 
répression.  Le  capitaine  anglais  M.  Brownrigg,  commandant  d'un  vais- 
seau de  guerre,  ayant  surpris  à  Pemha,  le  3  décembre,  un  bâtiment 
arabe  qui  était  rempli  d'esclaves  et  qui  avait  arboré  le  pavillon  français, 
l'attaqua  avec  10  hommes  dans  un  canot;  mais  les  Arabes  réussirent  à 
s'échapper,  après  avoir  tué  le  capitaine  Browmngg  avec  quatre  de  ses 
hommes.  L'amirauté  anglaise  a  envoyé  au  vaisseau  de  guerre  Philmnel^ 
stationnant  à  Zanzibar,  l'ordre  de  bloquer  l'île  de  Pemba. 


—  131  — 

La  Société  de  géographie  de  Paris  a  reçu  communication  de  lettres 
donnant  des  nouvelles  de  l'expédition  envoyée  récemment  à  Mozambi- 
qae,  pcmr  s'enquérir  des  ressources  minérales  et  autres  du  bassin  du 
Zambèze.  Au  nord  du  fleuve  For  ne  serait  pas  assez  abondant  pour  cou- 
vrir les  frais  d'exploitation  ;  mais  les  indigènes  ont  trouvé  du  charbon 
en  grande  quantité  sur  les  bords  de  la  Moatizé.  Le  long  de  la  Moarazé 
existent  des  couches  fournissant  de  l'huile,  déjà  mentionnées  par  Thorn- 
ton,  et  de  nombreux  villages  dont  les  habitants  sont  hospitaliers.  Le 
pays  est  très  beau,  mais,  à  une  vingtaine  de  kilomètres  du  Zambèze,  il 
est  peu  sûr.  Une  partie  de  l'expédition  s'est  rendue  à  Manica,  oU  les 
explorateurs  portugais  ont  signalé  l'existence  de  mines  d'or.  Elle  a  été 
arrêtée  dans  sa  marche  par  des  troubles  survenus  de  la  part  des  indi- 
gènes contre  l'autorité  des  Européens. 

La  région  du  Bembé,  de  l'Incomaté  et  du  Chinguiné,  dans  le  Mozam- 
bique, a  été  explorée  •  récemment  par  M.  Diodeciano  das  IVeveM 
qui,  dans  un  rapport  à  la  Société  de  géographie  de  Lisbonne,  la  pré- 
sente conmie  réunissant,  mieux  que  beaucoup  d'autres  parties  de  l'Afri- 
que, toutes  les  conditions  de  salubrité  et  de  ressources  pour  la  colonisa- 
tion. Ami  du  roi  Ounizila,  il  a  acquis  une  grande  influence  dans  ce 
district,  et  obtenu  la  concession  de  l'embouchure  du  Bembé  et  d'un 
territoire  adjacent  très  étendu,  qu'il  veut  ouvrir,  avec  l'assentiment  du 
gouvernement  portugais,  à  la  colonisation  et  au  conamerce.  Il  demande  à 
la  Société  d'envoyer  dans  ce  pays  une  expédition  scientifique.  M.  Rî- 
chapds  qui  a  repris  le  projet  de  Pinkerton,  de  fonder  une  mission  dans 
les  États  d'Oumzila,  a  quitté  Inhambané  le  24  juin,  et  pris  une  route 
plus  éloignée  de  la  mer  que  celle  de  Pinkerton.  Partout  sur  son  chemin 
les  natifs  l'ont  bien  accueilli  et  lui  ont  fourni  gratuitement,  à  lui  et  à  sa 
caravane,  des  vivres  en  abondance.  Plusieiu^  chefs  lui  ont  témoigné  le 
désir  de  s'instruire  et  de  recevoir  chez  eux  une  mission  et  des  écoles.  La 
région  qu'il  a  traversée  lui  a  paru  salubre  et  exempte  de  la  fièvre  ;  ses  ânes 
lui  étaient  d'un  grand  secours  et  ne  semblent  pas  avoir  eu  à  souflBrir  de 
la  tsétsé,  dont  il  ne  parle  pas.  Aux  dernières  nouvelles  il  n'avait  plus  que 
quelques  jours  de  marche  à  faire  pour  atteindre  le  Sabi,  et  espérait  arri- 
ver au  kraal  d'Oumzila  dix  jours  plus  tard.  D  avait  rencontré  des  gens 
de  ce  grand  potentat,  armés  de  fusils  et  revenant  d'une  chasse  ;  l'accueil 
amical  qu'il  avait  reçu  d'eux  lui  donnait  bon  espoir  de  réussir. 

H  semble  qu'il  n'y  ait  pas  de  limites  aux  richesses  diaihantifères  de 
l'Afrique  australe.  De  nouvelles  mines  ont  été  découvertes  dans  le  dis- 
trict de  Hanovre  (colonie  du  Cap).  Elles  sont  situées' entre  les  deux 


—  132  — 

lignes  de  chemins  de  fer  votées  dans  la  dernière  session  du  parlement  : 
Cradock-Colesberg  et  Beaufort-Hopetown,  avec  lesquelles  il  sera  facfle 
de  les  relier  par  des  embranchements.  Ce  district  étant  plus  productif 
et  plus  rapproché  des  ports  que  le  Griqualand-West,  cette  découverte 
en  fera  promptement  un  des  plus  importants  de  la  colonie. 

Le  F.  Baparquet  a  remonté  le  long  du  Cunéné  jusqu'à  Ololika, 
par  16*50'  longitude  Est,  un  peu  au  nord-ouest  d'Ikéra,  dont  M.  Dufour 
a  déterminé  la  position  par  IT'S'.  De  septembre  à  janvier  on  peut  y 
passer  le  fleuve  à  gué,  mais  en  août  les  eaux  étaient  trop  grosses.  Des 
Portugais  de  Houmbi  vinrent  visiter  les  voyageurs,  et  leur  fournirent  des 
renseignements  sur  les  transports  de  Houmbi  à  Mossamédës.  En  général 
ils  sont  pauvres  et  travaillent  pour  le  compte  de  deux  maisons  de  Mos- 
samédës, auxquelles  ils  expédient  du  bétail  en  retour  des  marchandises  et 
des  provisions  que  celles-ci  leur  envoient.  Quand  arrive  la  saison  sèche,  ils 
traversent  le  fleuve  à  gué  et  se  répandent  parmi  les  tribus  de  TOvampo 
auxqueUes  ils  portent  eau-de-vie,  fusils,  perles,  etc.  Dans  quelques 
années Timique  commerce  de  l'Ovampo  sera  la  vente  du  bétail;  le  mono- 
pole en  appartiendra  aux  Portugais  de  Mossamédès,  qui  l'expédient  sur 
toute  la  côte  occidentale  jusqu'au /rabon.  Le  P.  Duparquet  fit  une  visite 
aux  Portugais  de  Houmbi  et  descendit  jusqu'à  la  rivière  Caculovar, 
aflluent  du  Cunéné,  qui  vient  des  hauteurs  de  Huilla  et  dont  l'eau  est 
blanchâtre  et  boueuse.  Au  delà  du  Cunéné  le  pays  ressemble  au  reste  de 
l'Ovampo.  Les  baobabs  y  forment  de  véritables  forêts;  le  coton  améri- 
cain y  croît  très  bien  ;  l'oranger  et  le  citronnier  y  prospéreraient,  mais 
on  ne  les  y  cultive  pas  encore.  Sur  la  rive  droite,  le  fleuve  n'est  pas  bordé 
par  des  cUffs  comme  sur  la  rive  gauche  ;  aux  hautes  eaux  il  se  répand 
au  loin  dans  le  pays;  aussi  les  Portugais  doivent-ils  s'établir  à  une  dis- 
tance considérable,  pour  se  mettre  à  l'abri  des  inondations,  et  dans  la 
saison  sèche  ils  n'ont  pourboire  que  l'eau  du  Caculovar,  qui  est  détesta- 
ble. Revenu  à  Ikéra  le  P.  Duparquet  fit  faire  les  défrichements  nécessai- 
res sur  le  terrain  de  la  station,  et  le  roi  lui  promit  de  veiller  à  ce  que 
personne  ne  s'y  établît  pendant  son  absence.  A  son  passage  chez  le  roi 
Nihombo,  celui-ci  lui  donna  un  personnage  de  sa  maison  pour  l'accom- 
pagner à  Omarourou.  Aux  fontaines  d'Ombika  il  trouva  des  Berg-Dama- 
ras  et  des  Bushmen,  vivant  exclusivement  de  racines  sauvages  et  de 
gibier.  Les  Bushmen  sont  d'ailleurs  disséminés  dans  le  pays  ;  chacune  de 
leurs  tribus  a  son  nom  particulier  ;  elles  conunencent  à  être  pourvues  de 
fusils,  et  ne  tarderont  pas  à  se  faire  respecter  des  tribus  voisines.  Malheu- 
reusement elles  s'en  servent  aussi  pour  se  détruire  les  unes  les  autres. 


—  133  — 

Les  missionnaires  de  la  station  de  Ste-Marie  du  Gabon  vont  fonder 
une  nouvelle  mis^i^ion,  sur  l'Og^oué,  comme  station  intermédiaire 
entre  l'établissement  central  et  celles  qu'ils  se  proposent  de  créer  entre 
le  haut  du  fleuve  et  le  Congo  ;  un  emplacement  favorable  a  été  choisi  ; 
les  indigènes  ont  accueilli  les  missionnaires  avec  beaucoup  de  sympathie. 
L'un  de  ceux-ci  a  fait  visite  au  roi  chrétien  Og^a,  ancien  élève  de  la 
mission  du  Gabon  et  principal  chef  du  pays.  Il  a  33  ans,  parle  le  fran- 
çais et  l'écrit  très  convenablement.  Quoique  jeune  il  exerce  une  grande 
influence  morale  dans  tout  le  Gabon  ;  il  n'a  qu'une  femme,  chrétienne 
conune  lui,  parlant  et  écrivant  aussi  le  français,  et  quatre  de  leurs 
enfants  reçoivent  l'instruction  dans  les  établissements  des  missionnaires. 
Ceux-ci  ont  un  facile  accès  auprès  des  Pahouins  qui,  refoulés  de  l'inté- 
rieur, se  répandent  le  long  du  littoral  sur  une  étendue  d'une  centaine  de 
lieues  du  nord  au  sud.  Dans  les  seuls  affluents  du  Gabon  on  en  compte 
plus  de  100,000  ;  toutes  les  branches  de  cette  peuplade  parlent  le  même 
idiome,  ce  qui  rend  la  tâche  des  missionnaires  plus  facile.  Les  autres 
peuplades,  qui  seules  jusqu'ici  trafiquaient  directement  avec  les  commer- 
çants d'Europe  et  d'Apérique,  sont  jalouses  des  nouveaux  arrivés,  les 
déprécient  en  toute  occasion,  et  ont  cherché  à  les  repousser,  mais  les 
Pahouins,  plus  nombreux,  n'en  ont  pas  moins  contiimé  leur  marche  en 
avant.  Ils  sont  accessibles  au  christianisme^  et  ceux  qui  sont  élevés  par 
les  missionnaires  restent  auprès  de  ceux-ci,  servent  les  conmierçants 
et  les  fonctionnaires  français,  ou  suivent  les  explorateurs  à  l'intérieur. 

Le  gouverneur  de  Sierra-Léone,  sir  Havelock,  ayant  été  informé  qu'une 
guerre  nmsible  aux  intérêts  de  Sherbro  était  sur  le  point  d'éclater 
entre  des  chefs  indigènes,  s'est  rendu  à  Bonthé,  a  réuni  les  principaux 
chefs,  leur  a  rappelé  le  traité  qu'ils  avaient  signé  avec  sir  Samuel  Rowe, 
son  prédécesseur,  et  par  lequel  ils  s'étaient  engagés  à  maintenir  la  paix 
à  Sherbro.  Après  leur  avoii*  dit  qu'il  coimaissait  les  mauvaises  disposi- 
tions de  certains  chefc  à  Tégard  du  gouvernement,  il  chargea  ceux  qui 
étaient  présents  d'informer  les  autres  que,  si  quelques  troubles  éclataient, 
ils  en  seraient  responsables,  et  qu'il  enverrait  ses  agents  pour  les  saisir 
et  les  conduire  à  Freetown;  puis  il  leur  laissa  le  temps  de  la  réflexion. 
Le  lendemain  ils  se  réunirent  de  nouveau  et  annoncèrent  au  gouverneur 
qu'ils  étaient  décidés  à  garder  le  traité,  à  communiquer  ses  paroles 
aux  autres  chefs,  et  à  s'efforcer  de  les  faire  tenir  tranquilles,  pour  que 
la  paix  de  Sherbro  ne  fût  pas  troublée. 

M.  Gaborîaud,  que  M.  Aimé  Olivier  avait  chargé  d'obtenir  de 
Talmamy  du  Foutah  Djallon,  Ahmadou,  la  confirmation  du  traité  d'ami- 


—  134  — 

tié  conclu  avec  son  prédécesseur  et  la  concession  d'un  chemin  de  fer, 
est  revenu  de  Timbo,  après  avoir  réussi  pleinement  dans  sa  mission.  Aux 
termes  du  traité,  Ahmadou  autorise  la  construction  d'un  chemin  de  fer 
devant  aboutir  à  la  côte,  et  concède  les  ten-ains  pour  la  construction.  II 
s'engage  à  foumii*  les  travailleurs  nécessaires,  à  veiller  à  la  sûreté  de 
l'exploitation,  et  accorde  à  M.  Olivier  le  droit  d'établir  dans  le  pays, 
sans  payer  aucune  redevance,  des  factoreries  ou  comptoirs  commer- 
ciaux. M.  Olivier  a  publié  tout  récemment  le  récit  de  son  voyage,  sur 
lequel  nous  reviendrons  prochainement. 

Le  dernier  numéro  du  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  commer- 
ciale de  Bordeaux  annonce  le  succès  de  la  mission  du  D'  Bayol.  Il  a 
conclu  avec  les  chefs  du  Foutah  Djallon,  Ibrahima  Sory,  résident  à 
Denhol  Fella,  et  Ahmadou  de  Timbo,  un  traité  qui  cède  à  la  France 
1°  le  pays  de  Kantora  sur  la  rive  gauche  de  la  Gambie;  2^  le  Foreah  ; 
8**  le  pays  de  Kakaudy  (Boké)  qui  appartenait  déjà  à  la  France;  4**  le 
Bio  Pungo,  en  demandant  l'établissement  d'un  poste  à  Korirera; 
h'*  Kaporo,  Soumbaya,  Dubreka  et  tous  les  pays  tributaires  jusqu'à  la 
Mellacorée;  6**  toute  la  Mellacorée.  La  guerre  qqi  sévit  dans  la  région 
des  sources  du  Niger  l'a  empêché  de  s'y  rendre;  il  a  dû  revenir  à  Labé. 
pour  se  diriger  sur  la  vallée  de  la  Falémé,  et  redescendre  à  St-Louis. 

On  craignait  que  le  campagne  d'hiver  de  la  mis^sion  topo^paphi- 
que  du  Ha.ut-Séiiég;al  ne  fût  compromise  par  l'état  sanitaire  de  la 
colonie.  Mais,  arrivée  à  Dakar  le  30  octobre,  la  mission  a  trouvé  des 
ordres  précis  lui  défendant  de  descendre  à  terre;  elle  a  été  immédiate- 
ment transportée  à  Podor,  et  de  là  un  nouveau  vapeur  a  pu,  grâce  à  la 
hauteur  exceptionnelle  des  eaux,  la  conduire  jusque  près  de  Médine,  oii 
elle  est  anivée  le  10  novembre  pour  repreiuke  ses  travaux. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Le  gouvernement  français  étudie  sérieusement  la  question  de  la  pose  d'un  câble 
direct  entre  Marseille  et  la  Goulette. 

MM.  Hondas  et  Basset,  professeurs  à  Alger,  ont  reçu  du  gouvernement  une  mis- 
sion scientifique  pour  Kairouan. 

M.  Gagnât,  précédemment  chargé  d'une  mission  archéologique  en  Tunisie,  inter- 
rompue par  les  derniers  événements,  va  reprendre  la  route  de  l'Afrique. 

Les  relations  commerciales  que  la  Société  milanaise  d'exploration  en  Afrique  a 
créées  avec  l(;s  deux  stations  de  Bengasi  et  de  Derna,  dans  la  Cyrénaïque,  devien- 
nent de  jour  en  jour  plus  actives.  Les  stations  météorologiques  qu'elle  y  a  établies 
communiquent  directement  avec  le  bureau  météorologique  de  Rome. 


—  135  — 

Un  établissement  pour  l'élève  des  autruches  a  été  créé  près  du  Caire  et  donne 
déjà  d'excellents  résultats.  Il  est  question  d'en  établir  un  dans  la  Haute-Egypte. 

Piaggia  est  à  Khartoum,  d'où  il  se  rendra  chez  les  Gallas. 

Une  dépêche  du  Caire  annonce  que  le  faux  prophète  Mohammed  Ahmed  *  de 
Dongola,  à  la  tète  de  1500  hommes,  a  anéanti  350  égyptiens  sous  les  ordres  du 
gouverneur  de  Fachoda.  Eéouf  pacha  a  demandé  des  renforts. 

La  partie  orientale  du  Soudan  égyptien  vient  d'être  placée  sous  l'autorité  du 
gouverneur  général  des  côtes  de  la  mer  Rouge.  • 

M.  Schouver  a  réussi  à  atteindre  Fadasi,  où  il  a  eu  la  fièvre;  il  s'en  est  remis, 
mais  son  compagnon  de  voyage,  M.  Rachetti,  y  a  succombé.  Il  a  dû  attendre  que 
la  saison  des  pluies  fût  passée,  pour  pénétrer  plus  an  sud  dans  la  région  des  lacs. 

M.  Riccardi,  de  Terni,  est  au  Caire,  d'où  il  partira  pour  l'Abyssinie  et  le  Choa. 

M.  Massari  a  raconté,  le  18  décembre,  à  la  Société  italienne  de  géographie,  la 
traversée  du  continent  africain,  qu'il  a  accomplie  avec  le  regretté  Matteuci. 

Une  compagnie  française,  au  capital  de  600,000  fr.,  s'est  formée  pour  l'exploita- 
tion du  commerce  et  des  mines  do  cuivre  d'Obock.  M.  Soleillet,  son  directeur,  est 
parti  d'Iîurope  le  17  décembre. 

Le  D*"  G.  Keller,  de  Zurich,  va  commencer  dans  la  mer  Rouge  l'exploration  que 
nous  avons  annoncée  précédemment.  Il  a  l'appui  de  plusieurs  sociétés  scientifiques, 
et  du  Département  fédéral  du  commerce  et  de  l'agriculture. 

Un  steamer  anglais  ayant  fait  côte  par  le  brouillard  près  du  cap  Guardafui,  a 
été  attaqué  par  plusieurs  centaines  de  sauvages.  L'équipage  dut  se  réfugier  dans 
les  chaloupes,  et  fut  recueilli  par  un  navire  qui  le  ramena  en  Angleterre. 

D'après  une  communication  de  M.  Hore,  à  la  Société  royale  de  géographie  de 
Londres,  à  laquelle  il  a  présenté  sa  carte  du  Tanganjâka,  le  courant  du  Loukouga 
sVst  beaucoup  ralenti,  ce  qui  indiquerait  un  abaissement  du  niveau  du  lac. 

Une  compagnie  américaine  a  fait,  au  Portugal,  des  propositions  pour  la  con- 
struction du  chemin  de  fer  de  la  baie  de  Delagoa  à  la  frontière  du  Transvaal. 

Lo  gouvernement  du  Transvaal  a  soumis  au  Volksraad  deux  projets,  pour  la 
construction  d'un  chemin  de  fer  de  Pretoria  à  Lourenzo  Marquez,  et  a  été  auto- 
risé à  adopter  celui  qui  lui  paraîtra  le  plus  avantageux.  D'autre  part,  M.  Strauss, 
ingénieur  de  Christiania,  a  présenté  au  gouvernement  du  Transvaal  un  projet  de 
chemin  de  fer,  de  Pretoria  aux  mines  de  diamants  de  Kimberley. 

M.  et  M"«  Mabille,  qui  ont  passé  un  certain  temps  en  Eiu-ope,  repartiront  en 
janvier  pour  le  Lessouto,  accompagnés  de  M.  Krûger  de  Strasbourg,  qui  va  pren- 
dre la  direction  du  séminaire  théologique  de  Morija. 

M.  et  M"*  Coillard  reprendront  en  mai  le  chemin  du  Zambèze. 

La  guerre  entre  les  Héréros  et  les  Namaquas  traîne  en  longueur,  malgré  les 
efforts  déployés  par  les  missionnaires  pour  rétablir  la  paix  entre  les  deux  partis. 

Le  D'  Buchner  est  arrivé  à  Loanda  et  "revient  en  Europe. 

La  Société  de  géographie  de  Loanda  se  propose  de  faire  faire  des  explorations 
à  l'intérieur. 

'  Cf.,  n<»  5,  p.  86. 


—  136  — 

■ 

Des  observations  récentes,  faites  par  Stanley,  ont  fixé  la  longitnde  de  Stanley 
Pool  par  13'  27'  à  Test  de  Paris,  et  non  14°  40'  comme  le  portait  la  carte  de  son 
voyage.  La  longueur  du  fleuve  obstruée  par  les  cataractes  et  les  rapides,  de  Stanley 
Pool  à  Yellala,  serait  raccourcie  de  117  kilom. 

Un  télégramme  de  Londres  annonce  que  M.  Me  Call,  après  avoir  fondé  trois  sta- 
tions missionnaires  sur  le  Congo,  se  disposait  à  pousser  plus  avant,  lorsqu'une  mala- 
die l'obligea  à  revenir  à  la  côte,  où  il  s'embarqua.  Il  est  mort  à  Madère. 

Le  D'  Ballay  est  parti  de  Rochefort  le  5  décembre,  pour  rejoindre  Savorgnan 
de  Brazza  sur  l'Ogôoué. 

Un  comité  a  été  formé  en  Angleterre  pour  s'occuper  du  tracé  du  chemin  de 
fer  des  mines  de  la  Côte  d'Or;  l'ingénieur  va  se  rendre  sur  les  lieux. 

L' American  Missionary  Society  a  l'intention  de  faire  construire,  pour  la  mission 
de  Men'di  (Libéria),  un  steamer  qui  sera  appelé  le  John  Brown. 

M.  Cb.  Soller,  chef  de  la  mission  anglaise  qui  a  découvert  les  sources  du  Draà, 
dans  l'Afrique  occidentale,  est  aujourd'hui  complètement  rétabli  des  suites  des 
blessures  qu'il  avait  reçues  des  Berbères.  Il  se  prépare  à  partir  pour  l'Afrique  avec 
une  mission  du  gouvernement  français. 


L'ESCLAVAGE  EN  AFRIQUE 

Le  trafic  des  esclaves  étant  le  mal  le  plus  apparent  dont  ait  souffert 
l'Afrique,  et  le  premier  obstacle  à  surmonter  pour  y  faire  pénétrer  la 
civilisation,  on  comprend  que  ce  soit  contre  la  traite  qu'aient  été  dirigés 
tout  d'abord  les  efforts  des  gouvernements  et  des  sociétés  qui  se  sont 
proposé  de  relever  les  nègres.  A  l'appel  de  l'Angleterre,  les  puissances 
de  la  chrétienté,  pressées  pctr  un  sentiment  commun  de  commisération 
et  de  justice,  s'unirent  en  1815,  au  congrès  de  Vienne,  pour  mettre  fin  à 
l'exportation  des  esclaves.  Non  content  d'agir  sur  les  acheteurs,  le  gou- 
vernement anglais  négocia  avec  un  grand  nombre  de  chefs  de  la  côte 
occidentale,  de  la  Gambie  au  Congo,  des  conventions,  aux  termes  des- 
quelles la  vente  des  esclaves  et  leur  transport  dans  d'autres  états  devaient 
cesser  entièrement.  H  en  fit  autant  sur  la  côte  orientale  avec  l'iman  de 
Mascate.  Les  nègres  saisis  par  les  vaisseaux  croiseurs  étaient  mis  en 
liberté,  et  d'ordinaire  conduits  dans  les  colonies  d'esclaves  libérés  à 
Sierra  Leone,  aux  Seychelles,  à  Socotora,  et  aux  Indes.  A  la  côte  occi- 
dentale, l'exportation  des  noirs  fiit  à  peu  près  arrêtée  ;  mais,  à  la  côte 
orientale  et  dans  la  mer  Rouge,  malgré  l'activité  des  croisières,  la  traite 
se  poursuivit,  jusqu'au  moment  oîi les  explorateurs  de  l'Afrique  centrale 
dénoncèrent  les  atrocités  sans  nom  auxquelles  elle  donnait  lieu  dans 
l'intérieur,  et,  par  leurs  révélations,  provoquèrent  la  création  de  l' a  Asso- 


—  137  — 

dation  internationale  africaine,»  dont  un  des  principaux  buts  est  la  sup- 
pression de  la  traite.  En  même  temps  (1877)  l'Angleterre  concluait  avec 
l'Egypte  une  convention,  défendant  expressément  l'exportation  d'escla- 
ves nègres  des  possessions  égyptiennes,  ainsi  que  leur  importation  dans 
ce  pays.  Nous  avons  dit  les  efforts  faits  par  Gordon  pacha  et  par  Grossi 
pour  faire  disparaître  ce  trafic  de  la  région  du  Bahr-el-GhazaI,  les  mesu- 
res prises  par  le  gouvernement  du  khédive  contre  les  trafiquants  qui,  par 
Assiout,  cherchaient  à  introduire  des  esclaves  dans  la  Basse-Egypte,  et 
les  démarches  réitérées  de  1'  «  Antislavery Society,»  pour  obtenir  la  sup- 
pression effective  de  la  traite  dans  toute  l'étendue  du  territoire  égyptien  • . 

Mais,  comme  chacun  le  comprend,  elle  ne  pourra  être  réellement  sup- 
primée, que  lorsque  l'esclavage  lui-même  aura  disparu  des  institutions 
et  des  mœurs  africaines.  Aussi  longtemps  qu'un  état  le  tolérera  ou  le 
reconnaîtra  légalement,  s^s  ressortissants  se  croiront  autorisés  à  en  ache- 
ter. Pour  supprimer  la  traite  il  faut  arriver  à  l'abolition  de  l'esclavage 
lui-même.  C'est  bien  ce  dernier  but  que  se  sont  pioposé  les  sociétés 
amies  des  noirs  et  les  gouvernements  de  la  chrétienté.  L'esclavage  est  en 
effet  la  racine  du  mal,  qu'il  faut  attaquer.  C'est  lui  qui  permet  aux  maî- 
tres de  posséder  leurs  semblables  comme  leur  propriété,  sans  leur  recon- 
naître aucun  des  droits  que  Dieu  a  donnés  à  l'homme,  ni  celui  de  dévelop- 
per ses  facultés  pour  arriver  à  la  vertu  et  au  bonheur,  ni  celui  de  possé- 
der le  fruit  de  son  travail  et  de  goûter  les  douceurs  de  la  vie  domestique. 
C'est  lui  qui  contraint  des  millions  d'êtres  humains  à  s'user  au  service 
de  maîtres  qui  les  tiennent  dans  une  dépendance  perpétuelle  et  dans  tme 
ignorance  complète,  les  rabaissent  au  niveau  de  la  brute,  se  servent  de 
la  force  de  leurs  bras,  ou  de  leurs  facultés,  comme  d'instruments  pour 
satisfaire  une  avidité  sans  bornes  ou  des  désirs  coupables.  C'est  lui  qui 
émousse  dans  le  cœur  des  maîtres  les  sentiments  naturels  de  justice  et 
de  bienveillance  à  l'égard  de  leurs  semblables,  relftche  les  liens  de  la 
fidélité  conjvgale,  et  rend  souvent  les  propriétaires  cruels  jusqu'à  la 
férocité.  Quoique  régnant  encore  dans  la  plus  grande  partie  de  l'Afri- 
que, il  a  cependant  été  déjà  aboli  sur  plus  d'un  point. 

Malgré  la  résistance  des  colons  européens,  l'émancipation  fut  d'abord 
proclamée,  il  y  a  50  ans,  dans  les  colonies  qui  dépendaient  de  la  cou- 
ronne d'Angleterre,  moyennant  une  indenmité pécuniaire.  A  son  tour,  la 
France  donna  la  liberté  à  ses  esclaves  en  1848,  et  quoique  le  gouverne- 
ment du  Sénégal  se  soit  montré,  jusqu'à  une  époque  récente,  dur  pour 

*  Cf.  !'•  année,  p.  88, 133;  II«"  année,  p.  39,  66,  86,  106;  III«*  année,  p.  106. 


—  138  — 

les  esclaves  fugitifs,  aigourd'hui  il  ne  peut  plus  y  avoir  d'esdaves  sur  un 
territoire  appartenant  à  la  France.  Aussi  avons-nous  été  surpris  de 
trouver,  dans  des  notes  extraites  du  journal  de  voyage  de  M.  Lécard  et 
publiées  par  le  Sahara  (n""  du  25  août  1880)^  des  détails  qui  pourraient 
faire  croire  que  les  marchés  d'esclaves  de  Kouniakary,  Ségou,  etc.,  écou- 
lent beaucoup  de  captifs  dans  les  postes  français  de  Médine  et  de  BakeL 
D'après  les  bruits  recueillis  par  ce  voyageur,  les  marchands  sont  des 
Toucouleurs,  des  Sarracolets,  des  Orcoloffs,  ag^ts  de  traitants  français; 
ils  vendent  les  jeunes  gens  aux  commandants  pour  en  faire  des  tirail- 
leurs, les  autres  sont  dirigés  sur  le  Foutah,  le  Toro,  le  Oualo,  et  le 
Cayor.  Â  Tarrivée  à  Kouniakary  de  Texpédition  dont  faisait  partie 
M.  Lécard,  les  prix  haussèrent,  les  marchands  ayant  cru  qu'elle  était 
chargée  d'acheter  des  esclaves  pour  le  compte  du  gouvernement.  Nous 
supposons  que  ce  trafic  a  cessé,  car  il  n'a  point  été  mentionné  à  la 
Chambre,  lors  de  la  discussion  de  la  question  des  esclaves  qui  se  réfu- 
gient dans  les  établissements  français  du  Sénégal. 

Dès  1854  le  Portugal  déclarait  libres,  à  la  condition  d'un  service  limité 
après  leur  Ubération,  les  esclaves  appartenant  à  l'état,  aux  municipali- 
tés, aux  établissements  charitables  de  l'Ordre  de  la  Miséricorde  ;  puis 
ceux  qui  relevaient  des  églises,  et  les  enfants  nés  de  femmes  esclaves,  k 
condition  de  servir  gratuitement  les  maîtres  de  leurs  mères  jusqu'à  20 
ans;  puis  tous  les  esclaves  qui  toucheraient  le  sol  de  Madère  ou  des 
Açores,  des  provinces  de  Mozambique  et  d'Angola,  de  la  Haute-Guinée 
et  des  îles  du  golfe  de  Guinée.  Si,  malgré  ces  déclarations,  le  gouverne- 
ment portugais  a  trop  longtemps  toléré  l'esclavage,  depuis  1878  il 
s'efforce  d'en  bannir  tout  vestige  de  ses  possessions  africaines.  Le 
P.  Duparquet,  dans  son  exploration  del'Ovampo,  a  constaté  que  l'impor- 
tation des  esclaves  est  réellement  prohibée  dans  la  colonie  portugaise, 
et  qu'aucun  esclave  ne  peut  être  vendu  à  Mossamédès.  a  Cependant,  » 
dit-il,  «  les  Portugais  de  Houmbi  en  achètent  encore  quelques-uns  dans  les 
tribus  voisines,  mais  ils  les  cèdent  aux  indigènes  pour  du  bétail.  » 

Le  bey  de  Tunis  lui-même  a  proclamé  l'abolition  dans  ses  états. 

D'une  manière  générale,  on  peut  dire  que  là  où  prédomine  l'influence 
européenne  l'esdavage  a  disparu. 

Pourtant,  au  Transvaal,  le  service  domestique  et  l'apprentissage 
n'étaient  que  des  formes  modifiées  de  l'esclavage.  Les  Boers  défen- 
daient aux  natifs  de  passer  d'^un  district  dans  un  autre  et  les  forçai^it 
de  travailler  avec  ou  sans  salaire;  ils  s'attribuaient  le  droit  de  fustiger 
leurs  domestiques  cafres  pour  la  plus  légère  offense;  ils  attaquaient 


—  139  — 

même  des  kraals  isolés,  disant  à  ceux  qui  les  occupaient  qu'ils  venaieiit 
diércher  des  bestiaux  qu'on  leur  avait  enlevés,  puis,  sans  tenir  compte 
des  protestations  d'innocence  de  la  part  des  Cafres,  ils  tiraient  sur  le 
kraal,  tuaient  les  vieillards  et  saisissaient  les  enfants,  qui  devenaient  leurs 
apprentis,  ou  plutôt  leurs  esclaves.  D'autre  part,  le  gouvernement  actuel 
du  Transvaal  reproche  à  l'autorité  anglaise  d'avoir,  en  1878,  soumis 
800  Cafres  h  un  apprentissage  qui  ressemble  à  l'esdavage,  et  a  demandé 
au  Volksraad  de  lui  donner  les  pouvoirs  nécessaires  pour  libérer  ces 
Cafres  avec  leurs  enfants.  Dans  la  dernière  guerre  des  Zoulous  et  dans 
celle  des  Bassoutos,  des  indigènes  faits  prisonniers  ont  été  emmenés  par 
des  fermiers  du  Griqualand-West,  qui  ont  fait  d'eux  des  demi-esdaves, 
les  obligeant  à  travailler  les  sept  jours  de  la  semaine.  Nous  ne  doutons 
pas  que  les  Boers  n'observent  fidèlement  la  convention  récente  conclue 
avec  l'Angleterre,  et  qu'au  Transvaal,  comme  à  Kimberley,  le  principe 
du  travail  libre  en  faveur  des  natife  ne  l'emporte  définitivement. 

Ailleurs  l'esclavage  règne  encore,  quoique  légalement  aboli. 

A  Madagascar,  par  exemple,  dont  la  reine  en  a  décrété  la  suppression 
en  1874,  il  y  a  un  marché  hebdomadaire  d'esclaves  à  Tananarive.  Ce 
ne  sont  plus,  il  est  vrai,  des  esclaves  de  Mozambique,  mais  l'esdavage 
domestique  subsiste  toujours.  Posséder  un  esclave  passe  pour  un  signe 
d'honorabilité;  il  est  peu  de  Hovas  qui  n'en  aient  un  ou  plusieurs;  quel- 
ques-uns en  ont  un  grand  nombre.  B  y  en  a  même  dans  toutes  les  églises 
et  les  congrégations  ;  telles  d'entre  elles  sont  essentiellement  compo- 
sées d'esclaves.  D'après  un  résumé  de  dix  ans  de  travaux  des  missions 
de  Londres,  presque  tous  les  pasteurs,  les  diacres  et  les  prédicateurs, 
aussi  bien  que  les  membres  des  églises  en  possèdent  ;  on  les  achète  ou  on 
les  vend  sur  ce  marché  près  de  Tananarive.  Le  gouvernement  a  cepen- 
dant prescrit  des  règles  pour  diminuer  la  rigueur  de  l'esclavage  domes- 
tique et  accroître  le  bien-être  des  esclaves  ;  par  exemple,  dans  les  lois 
qui  en  règlent  la  vente,  il  est  interdit  de  séparer  un  jeune  enfant  de  ses 
parents.  B  faut  reconnattre  que  l'esclavage  à  Madagascar  n'est  pas 
cruel.  Les  esdaves  sont,  d'ordinaire,  aussi  libres  que  les  enfants,  et  sou- 
vent traités  avec  les  mêmes  égards.  En  outre,  ils  sont  assez  indépen- 
dants de  leurs  maîtres;  si  un  esdave  est  fatigué  du  sien,  ou  s'il  s'estime 
maltraité,  il  ne  lui  est  pas  difficile  d'en  trouver  un  qui  lui  plaise  davan- 
tage. Néanmoins,  l'institution  est  mauvaise,  et  l'opinion  publique  se  pro- 
nonce toujours  plus  hautement  contre  elle.  Mais  le  pays  n'est  pas  encore 
mûr  pour  l'abolition  complète  et  a  besoin  d'y  être  préparé.  C'est  le  but 
de  plusieurs  des  artides  des  lois  constitutionnelles  promulguées  le 


—  140  — 

29  mars  de  cette  aimée.  Ainsi,  les  propriétaires  d'esclaves  de  la  province 
d'Imérina  ne  peuvent  pas  les  faire  vendre  dans  les  provinces  éloignées, 
sous  peine  de  confiscation  et  d'une  amende,  de  100  dollars;  celui  qui  se 
chargerait  de  les  conduire,  sans  prévenir  de  leur  envoi,  devrait  payer 
10  bœu&  et  10  dollars.  D'autre  part,  les  esclaves  qui  sont  dans  des  pro- 
vinces éloignées  ne  peuvent  être  vendus  que  là;  toute  vente  doit  être 
enregistrée  devant  le  gouverneur,  sinon  elle  est  envisagée  comme  un 
enlèvement  d'homme.  Quiconque  louera  des  esclaves  pour  les  envoyer 
travailler  dans  des  parties  éloignées  du  pays,  sans  en  demander  l'autori* 
sation  au  propriétaire,  paiera  10  schellings  par  esclave  pour  chaque 
miois  d'absence,  et  30  dollars  au  propriétaire  pour  chaque  esclave  qui 
mourrait  en  route.  Il  est  interdit  de  faire  des  esclaves  un  commerce 
lucratif;  le  propriétaire  d'esclaves  peut  seul  les  vendre;  quiconque  sera 
pris  en  faisant  le  commerce,  devra  payer  10  bœufe  et  10  dollars  par 
esclave.  Ceux-là  seuls  peuvent  en  acheter  qui  ont  l'intention  de  les  gar- 
der pour  leur  propre  service.  L'acheteur  et  le  vendeur  doivent  se  rendre 
au  bureau  désigné  par  le  gouvernement,  pour  faire  enregistrer  la  vente. 
n  y  a  aussi  des  clauses  fixant  les  conditions  auxquelles  l'esclave  peut 
acquérir  sa  liberté,  soit  par  son  travail,  soit  avec  l'aide  de  ses  amis. 

A  Zanzibar,  depuis  la  conclusion  du  traité  conclu  en  1873  entre  l'An- 
gleterre et  le  sultan,  et  par  lequel  ce  prince  a  aboli  la  traite  dans  tous 
ses  Ëtats,  l'esclavage  est  devenu  une  sorte  de  servage.  On  ne  vend  plus, 
on  n'achète  plus  d'esclaves  sur  le  marché  pubUc,  mais  bien  dans  un 
endroit  qui  ressemble  à  une  agence  domestique.  A  la  ville,  les  esclaves 
reçoivent  un  salaire  pour  leur  travail  ;  à  la  campagne,  ils  ont  pour  leur 
entretien  autant  de  terre  qu'ils  en  peuvent  cultiver;  ils  ne  donnent  à 
leurs  maîtres  que  cinq  jours  par  semaine,  et  le  plus  souvent  ils  ne  tra- 
vaillent que  le  matin  ;  ils  peuvent,  le  reste  du  temps,  travailler  pour  eux 
et  leur  famille.  Si  un  esclave  fait  des  économies,  il  peut  se  racheter;  de 
plus,  s'il  est  maltraité,  il  a  le  droit  de  forcer  son  maître  à  le  vendre.  En 
cas  de  vente,  il  n'est  pas  permis  de  séparer  les  membres  d'une  même 
famille;  quand  une  propriété  se  vend,  les  esclaves  sont  vendus  a  vecelie. 
Leô  maîtres,  à  Zanzibar,  sont  généralement  bienveillants  et  presque 
paternels.  Il  arrive  rarement  qu'un  esclave  se  rachète  lui-même;  il 
emploie  de  préférence  ses  économies  à  se  payer  à  son  tour  un  esclave, 
pour  cultiver  plus  facUement  son  bien-fonds.  Quoique  les  Africains  aient 
beaucoup  moins  d'aversion  que  les  blancs  pour  l'esclavage,  on  ne  peut 
pas  douter  que  la  vue  de  travailleurs  libres,  comme  ceux  des  établisse- 
ments pour  les  esclaves  Ubérés  ou  des  stations  missionnaires,  à  Frère 


—  141  — 

Town,  Bagamoyo,  Masasi,  etc.,  n'éveiDe  le  sentiment  de  la  liberté  chez 
beaucoup  d'esclaves  de  cette  partie  de  la  côte,  et  celui  de  la  justice  chez 
les  chefs  et  chez  les  maîtres,  pour  leur  faire  comprendre  qu'il  ne  leur  est 
pas  permis  de  posséder  leurs  semblables.  Les  missionnaires  de  Masasi 
ont  conclu  avec  Matola,  le  puissant  chef  du  peuple  Yao,  qui  habite  près 
de  la  Rovouma,  un  traité  par  lequel  il  s'est  engagé  à  n'acheter  ni  ne 
vendre  aucun  esclave.  Il  observe  fidèlement  le  traité,  et  a  fait  savoir  qu'il 
ne  veut  rien  avoir  à  faire  avec  les  trafiquants  d'esclaves.  Son  peuple 
jouit  de  la  paix,  et  peut  se  livrer  à  la  culture  de  champs  de  riz  et  de  blé 
cafre,  ce  qu'il  ne  pouvait  pas  faire  auparavant. 

L'Ouganda,  où  Mtésa  proclamait,  il  y  a  deux  ans,  l'abolition  de  l'es- 
clavage, est  aujourd'hui  replongé  par  son  souverain  dans  des  guerres 
avec  les  peuples  voisins,  essentiellement  pour  faire  des  esclaves.  Il  paratt 
que  c'est  dans  cette  classe  de  la  population  que  la  prédication  des  mis- 
sionnaires romains  trouve  le  plus  facile  accès .  Ce  ne  serait  pas  la  pre- 
mière fois  que  des  esclaves,  devenus  chrétiens,  auraient  préparé  le  relè- 
vement du  peuple  qui  les  avait  asservis. 

Plus  constant  que  Mtésa,  le  roi  du  Choa,  Ménélik ,  après  avoir  déclaré 
la  traite  abolie,  s'est  efforcé  de  la  supprimer  et  a  réussi  à  faire  cesser 
l'exportation  publique  par  Ankober,  sans  pouvoir  cependant  empêcher 
des  transports  clandestins  pour  la  mer  Bouge. 

Dans  le  royaume  du  négous  la  traite  n'existe  plus  d'une  manière 
ostensible,  mais  peut-on  dire  qu'elle  ne  se  pratique  pas  en  secret  ?  Les 
Abyssins  chrétiens  n'admettent  pas  l'esclavage  en  principe.  Cependant, 
dans  les  guerres  qu'ils  font  aux  frontières  de  l'Egypte  ou  au  pays  des 
Gallas,  les  gouverneurs  ramènent  des  centaines  de  prisonniers,  hom- 
mes, femmes  et  enfants.  Dernièrement,  Ras-Adal,  gouverneur  du  God- 
jam,  ayant  soumis  des  tribus  gallas,  recevait,  ea  payement  détaxes  qu'il 
leur  avait  imposées,  200  enfants  de  8  à  16  ans,  et  les  envoyait  au  roi, 
qui  les  distribuait  à  ses  grands  pour  s'acquitter  de  ce  qu'il  leur  devait. 

Quant  à  l'Egypte,  nous  ne  répéterons  pas  ce  que  nous  avons  dit  à 
plusieurs  repiîses  des  esclaves  nègres  du  Kordofan,  duDarfour,  du  Haut- 
Nil,  introduits  en  cachette  dans  les  villes  du  Delta  ;  des  moyens  employés 
par  les  agents  de  l'autorité  égyptienne,  pour  recruter  des  hommes  pour 
l'armée  et  des  femmes  pour  les  harems  ;  ou  des  distributions  d'esclaves 
libérés  aux  pachas  ou  aux  beys,  dans  les  maisons  desquels  ils  trouvent 
l'esclavage  domestique.  Sauf  sur  les  vastes  plantations  de  coton  et  de 
sucre  de  Tex-khédive,  il  n'y  a  pas  d'esclaves  dans  les  campagnes;  les  tra- 
vaux de  l'agriculture  sont  exécutés  par  les  fellahs,  et  payés.  L'esclavage 


—  142  — 

agricole  n'existe  donc  pas;  l'esclave  égyptien,  n'est  qu'un  domestique  de 
maison,  rarement  maltraité,  le  maître^  par  politique,  étant  généralement 
bon  pour  lui,  parce  qu'il  sait  qu'un  esclave  maltraité  peut  toujours  obtenir 
sa  liberté  en  en  appelant  au  consul  anglais.  Il  est  vrai  qu'il  n'en  est  pas 
de  même  dans  toute  l'étendue  du  territoire  égyptien.  A  Souakim,  par 
exemple,  presque  tout  le  travail  manuel  est  fait  par  des  esclaves,  qui  sont 
la  propriété  d'hommes  riches  auxquels  ils  doivent  apporter  le  fhiit  de 
leur  labeur  de  chaque  jour.  Quelques-uns  de  ces  maîtres  ont  jusqu'à 
20  esclaves  femmes,  qui  font  le  service  de  porteuses  d'eau  dans  la  ville; 
elles  doivent  rapporter  un  dollar  par  jour  à  leurs  maîtres,  qui  ne  les 
nourrissent  que  de  maïs  et  de  lait.  Souvent  aussi  les  marchands  font 
passer  leurs  esclaves  poui*  des  domestiques,  en  les  munissant  de  papiers 
de  libération  jusqu'au  port  d'embarquement. 

L'esclavage  domestique  est  répandu  dans  toutes  les  grandes  villes  de 
la  Haute  et  de  la  Basse-Egypte,  et  aussi  dans  celles  de  l'Egypte  moyenne. 
C'e^t  lui  qui  peuple  les  harems  ;  et  quant  aux  esclaves  hommes,  ils  abon- 
dent chez  les  pachas  et  chez  les  beys;  même  chez  les  Égyptiens  qui  ne 
sont  point  élevés  en  dignité,  on  en  trouve  un,  deux  ou  davantage.  Si 
la  grande  majorité  n'en  a  pas,  c'est  qu'elle  est  trop  pauvre  pour  en 
acheter.  Les  sectes  chrétiennes  indigènes,  copte  et  syriemie,  imitent  les 
musulmans,  et  autorisent  leurs  adhérents  à  se  servir  d'esclaves  domesti- 
ques achetés.  Les  scribes,  les  joailliers,  les  marchands  riches,  en  ont  éga- 
lement. Les  étrangers  eux-mêmes,  les  agents  consulaires  des  puissances 
chrétiennes  et  leurs  fonctionnaires  subalternes,  dans  la  vaUée  du  Nil,  font 
faire  leur  cuisine  par  des  esclaves,  hommes  ou  femmes. 

Sans  doute  l'esclavage  domestique  disparaîtra.  Par  la  convention 
conclue  en  1877  entre  l'Angleten-e  et  l'Egypte,  les  ventes  privées  d'es- 
claves ou  leur  transfert  de  famiUe  à  famille  doit  être  aboli  en 
Egypte  en  1884,  dans  le  Soudan  et  les  autres  dépendances  égyptiennes 
en  1889.  L'abolition  est  appuyée  par  le  khédive,  qui  est  monogame, 
déteste  l'esclavage  et  fait  tous  ses  efforts  pour  le  supprimer,  ainsi  que 
les  harems,  conséquence  de  la  polygamie.  Il  est  secondé  par  Chérif-Pacha, 
également  monogame  et  sous  le  ministère  duquel  a  été  conclue  la  con- 
vention de  1877.  Il  y  a,  en  outre,  tout  un  parti  qui  veut  plus  que  la  sup- 
pression de  la  traite,  et  demande  l'abolition  totale  de  l'esclavage.  Tou- 
tefois, on  reconnaît  que  l'on  ne  peut  y  procéder  que  graduellement,  en 
commençant  par  empêcher  l'accroissement  du  nombre  des  esclaves. 
A  cet  effet,  l'aAntislavery  Society»  a  présenté,  à  l'examen  du  khédive 
et  de  son  gouvernement,  un  projet  de   recensement  et  de  contrôle 


—  143  — 

qui  garantirait  aux  propriétaires  la  possession  de  leurs  esclaves  actuels, 
tout  en  les  empêchant  d'en  augmenter  le  nombre.  Mais  il  rencontre  de 
l'opposition,  particulièrement  chez  les  propriétaires  de  harems  et  chez 
les  docteurs  de  la  loi  musulmane,  qui  prétendent  que  l'esclavage  est 
sanctionné  par  la  loi,  les  prophètes,  le  Coran  et  ses  commentateurs.  Ds 
soutiennent  qu'un  esclave,  émancipé  sans  le  consentement  de  son 
maître,  n'a  aucun  titre  légal  à  la  liberté;  que,  par  exemple,  il  ne 
pourrait  pas  se  marier  sans  l'approbation  de  son  propriétaire,  et  qu'à 
sa  mort  ce  qu'il  posséderait  devrait  faire  retour  à  son  maître.  Ils 
sont  dans  l'erreur,  car  si  Mahomet  a  laissé  subsister  l'esclavage,  qui 
existait  avant  lui,  il  n'en  a  pas  moins  recommandé  l'émancipation  des 
esclaves  qui  se  montrent  dignes  de  la  liberté,  et,  tout  en  reconnaissant 
l'esclavage,  le  Coran  fait  beaucoup  pour  en  diminuer  les  rigueui's  et  en 
limiter  l'étendue;  il  ne  considère  comme  seuls  vrais  esclaves  que  les  pri- 
sonniers de  guerre  et  leurs  descendants;  par  conséquent  les  pauvres 
nègres  du  centre  de  l'Afrique,  enlevés  par  les  traitants,  ne  sont  pas  du 
tout  des  esclaves  au  point  de  vue  de  la  loi  musulmane,  là  oii  elle  est 
prêchée  dans  sa  pureté,  en  sorte  que  quant  à  ces  esclaves-là,  qui  forment 
le  gros  de  la  population  servile,  aucun  dogme  sacré  ne  serait  violé  par 
un  décret  proclamant  leur  émancipation.  H  faudrait  que  les  docteui-s 
pussent  prouver  qu'en  aucun  cas  l'émancipation  ne  pourrait  être  décrétée 
par  l'état,  et  ils  ne  voudront  pas  mettre  en  question  la  souveraineté  du 
khédive,  qui  poun'ait  faire  ce  qu'a  fait  le  bey  de  Tunis,  sans  violer  la 
loi  musulmane.  En  outre,  dès  aujom'd'hui,  le  consentement  du  proprié- 
taire n'est  pas  toujours  nécessaire  pour  l'affranchissement  de  l'esclave. 
En  cas  de  mauvais  traitement,  il  est  libéré  sans  aucun  égard  pour  les 
droits  de  son  maître.  Le  pécule  des  esclaves  émancipés  ne  revient  pas 
non  plus  toujours  à  leur  ancien  propriétaire.  D'après  la  loi,  il  passe 
d'abord  à  leurs  héritiers  naturels,  et  ce  n'est  qu'à  défaut  d'héritiei'S 
qu'il  retourne  au  propriétau-e.  Dès  que  l'état  a  effectué  la  manumis- 
sian,  elle  produit  tous  les  effets  de  l'émancipation  par  les  propriétaires 
eux-mêmes,  et  tous  les  droits  civils  de  la  liberté  sont,  ipso  facto,  concé- 
dés à  l'esclave  libéré.  Le  khédive  ne  pourrait  peut-être  pas,  par  un  sim- 
ple décret,  abolir  un  droit  sanctionné  par  la  religion  et  le  Coran,  mais 
l'esclavage  n'a  pas  ce  caractère  sacré  ;  il  n'est  que  toléré  par  le  Coran, 
et  son  abolition  ne  produirait  pas,  dans  les  conditions  sociales  des  popu- 
lations musulmanes,  une  perturbation  aussi  grande  que  le  prétendent  les 
partisans  de  l'esclavage  domestique.  Dans  l'Inde  anglaise,  où  l'on  crai- 
gnait de  grands  troubles  à  son  occasion,  les  esclaves  de  familles  maho- 
métanes  sont  devenus  sans  difficulté  des  domestiques  libres. 


—  144  — 

Les  mesures  prises  en  Egypte,  pour  empêcher  l'arrivée  au  Caire  et  à 
Alexandrie  des  caravanes  qui  alimentaient  d'esclaves  les  marchés  de  ces 
deux  villes,  les  ont  fait  refluer  vers  la  Cyrénaïque  et  la  Tripolitaine  oii, 
malgré  l'abolition  de  l'esclavage'  par  la  Turquie,  cette  institution  sub- 
siste avec  la  traite,  sa  conséquence  presque  forcée.  Les  Arabes  de  ces 
deux  pays  ont  fait  de  telles  razzias  d'hommes,  dans  les  oasis  voisines  de 
leurs  domaines,  que  les  indigènes  se  sont  repliés  vers  l'intérieur,  en 
abandonnant  une  partie  de  leui*  territoire  ;  c'est  à  cela  qu'est  due  l'ab- 
sence d'habitants  dans  l'oasis  de  Koufarah,  visitée  seulement  à  l'époque 
de  la  récolte  des  dattes. 

Chez  les  Touaregs,  les  hommes  des  dernières  conditions  aussi  bien  que 
les  nobles  ont  des  esclaves  nègres  amenés  du  Soudan,  vendus  à  vil  prix, 
et  employés  à  la  garde  des  troupeaux,  à  la  conduite  des  caravanes  et  au 
service  intérieur  des  familles.  Toutefois,  le  pays  étant  pauvre  et  le  tra- 
vail manquant  dans  une  contrée  oîi  l'agriculture  est  presque  nulle, 
l'esclavage  ne  peut  pas  y  prendre  un  grand  développement. 

Il  n'en  est  pas  de  même  au  Maroc,  qui  est,  avec  la  Tripolitaine,  un 
des  principaux  débouchés  des  caravanes  d'esclaves  du  Soudan,  depuis 
que  l'abolition  leur  a  fermé  l'Algérie  et  la  Tunisie.  Dans  presque  toutes 
les  villes  il  y  a  un  marché  ;  généralement  les  esclaves  sont  promenés 
dans  les  rues  pendant  les  trois  jours  qui  précèdent  la  vente,  accompagnés 
d'un  crieui*  qui  fait  ressortir  les  qualités  et  les  avantages  de  chaque  indi- 
vidu. Il  est  vrai  qu'une  fois  vendus  ils  sont  traités  avec  douceur,  comme 
les  autres  serviteurs  musulmans  qui  font,  en  quelque  sorte,  partie  de  la 
famille.  Si  les  maîtres  ont  le  droit  de  les  revendre  selon  leurs  convenan- 
ces, eux,  de  leur  côté,  en  cas  de  mauvais  traitements,  ont  le  droit  d'exiger 
qu'on  les  vende  aux  enchères  publiques  pour  passer  en  d'autres  mains. 

Chez  les  FeUatahs,  MM.  Mage  et  Quintin  ont  constaté  que  l'armée 
compte  une  moitié  d'esclaves  ;  c'est  même  à  ces  derniers  que  le  sultan 
Hadj-Omar  a  dû  une  bonne  partie  de  sa  fortune.  Pour  vaincre  les 
Bambaras,  les  Malinkés  et  les  Soninkés  de  la  vallée  du  Niger,  il  s'en- 
toura d'une  petite  troupe  d'esclaves  et  de  disciples  libres;  chacun  des 
succès  qu'il  l'emporta  avec  eux  lui  donna  des  captifs  pour  augmenter  ses 
troupes,  et  des  richesses  pour  gagner  des  disciples,  ce  qui  lui  permit 
d'étendre  ses  courses  jusque  près  de  Médine  et  de  Tombouctou.  Ahma- 
dou  a  vu  sa  force  diminuer  par  le  fait  des  révoltes  des  tribus  soumises 
par  son  père,  mais  le  phénomène  d'une  armée  d'esclaves  conmiandée 
par  des  chefs  esclaves  méritait  d'être  mentionné. 

Au  Bomou,  au  Baghirmi  et  au  Ouadal,  à  côté  d'une  population  s'occu- 


—  145  —   • 

pant  activement  d'industrie  et  d'agriculture,  se  montre  la  plaie  hideuse 
de  l'esclavage  consacré  par  un  principe  religieux  ;  les  souverains  musul- 
mans de  ces  trois  pays  ne  se  font  aucun  scrupule  d'attaquer  les  nègres 
idolàtres,pour  en  faire  des  esclaves  et  les  vendre.  Dans  le  Baghirmi, 
Nachtigal  a  été  témoin  de  chasses  dirigées  contre  des  populations  qui 
refusaient  de  se  soumettre  à  un  souverain  mahométan  et  aux  lois  de 
l'islam.  Réfugiées  sur  les  arbres  de  leurs  forêts,  elles  y  étaient  assiégées 
par  leurs  ennemis,  qui,  à  coups  de  flèches  ou  de  fusils,  en  tuaient  les 
principaux  défenseurs,  puis  escaladaient  chaque  arbre  l'un  après  l'autre 
pour  s'emparer  des  survivants  blessés,  des  femmes  et  des  enfants.  Le 
sultan  du  Bornou,  dit  Rohlfs,  est  un  gros  marchand,  qui  se  procure  des 
esclaves  par  des  razzias  sur  les  peuples  environnants,  ou  sur  ses  propres 
sujets  aussi  longtemps  que  ceux-ci  n'ont  pas  embrassé  l'islamisme.  La 
plus  grande  partie  des  habitants  de  ce  riche  pays  vivent  dans  des  transes 
continuelles,  car  à  chaque  instant  leurs  villages  peuvent  être  envahis, 
leurs  champs  dévastés,  leurs  maisons  incendiées;  on  prendra  leurs 
enfants  et  on  les  tuera  eux-mêmes  s'ils  résistent.  La  ville  de  Kouka,  la 
capitale  du  Bornou,  est  un  des  marchés  d'esclaves  les  plus  abondamment 
pourvus.  D  est  rempli  de  malheureux  de  tout  âge  et  de  tout  pays.  Le 
lundi,  il  en  arrive  des  milliers  qui  sont  mis  en  vente  ;  les  auties  jours,  on 
est  sûr  d'en  trouver  de  petites  troupes  de  quelques  centaines.  La  grande 
caravane  de  Kouka  à  Mourzouk  en  compte  4000,  et  il  faut  2000  hommes 
armés  pour  lui  servir  d'escorte.  De  Mourzouk,  les  trafiquants  s'effor- 
cent de  les  faire  passer  en  Turquie,  en  Arabie  et  en  Perse. 

Dans  toute  la  partie  de  l'Afrique  oîi  prédomine  l'influence  musulmane, 
régnent  aussi  l'esclavage  et  la  traite;  et  s'il  faut  reconnaître  d'un  côté 
que  l'islamisme  a  été  l'agent  d'une  civilisation  supérieure  auprès  de  cer- 
taines tribus,  chez  lesquelles  il  a  fait  disparaître  les  sacrifices  humains  et 
le  cannibalisme,  de  l'autre,  on  doit  constater  que  nulle  part  il  n'a  pro- 
testé contre  l'esdavage,  et  qu'il  est  plutôt  devenu  un  instrument  de  bar- 
barie, chez  des  princes  qui  ont  cru  méritoire  de  réduire  en  esclavage  des 
populations  nègres  idolâtres  pour  les  vendre  aux  musulmans. 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  au  sein  des  populations  placées  sous  l'in- 
fluence musulmane  que  règne  l'esclavage.  Les  Kroumens  de  la  Guinée 
méridionale,  par  exemple,  ne  sont  en  réalité  que  des  esclaves,  que  les 
Européens  achètent  des  chefis  et  des  princes  nègi'es.  On  les  trouve  sur- 
tout le  long  du  Congo  inférieur.  Les  factoreries  hollandaises  de  Banana, 
Quillo  et  Massabé  en  ont  quelques  centaines,  y  compris  un  certain  nom- 
bre de  fenmies.  Ils  portent  la  chaîne  et  ne  doivent  jamais  être  inoccu- 


•     —  146  — 

pés.  Ds  peuvent  se  marier,  mais  leurs  enfants  deviennent  la  propriété  de 
leurs  maîtres. 

D'une  manière  générale,  l'esclavage  existe  dans  toutes  les  tribus  nègres 
de  l'Afrique  centrale,  chez  lesquelles  dominent  la  polygamie,  et  où  cha- 
que homme  a  autant  de  femmes  qu'il  peut  en  acheter  ou  en  enlever.  On 
sait  les  guerres  que  se  livrent  les  tribus,  uniquement  en  vue  de  faire  des 
esclaves.  Même  en  temps  de  paix,  le  nègre  enlève  sur  les  chemins  les 
enfants,  les  femmes  et  les  hommes  sans  défense.  Ou  bien  on  le  voit, 
pour  de  l'eau-de-vie,  de  la  poudre,  des  fusils,  des  cotonnades,  de  la  quin- 
caillerie, vendre  les  membres  de  sa  propre  famille.  Parfois,  ce  sont  des 
tribus  entières  qui  sont  réduites  en  esclavage.  Dans  le  royaume  des 
Barotsés,  le  plus  puissant  des  états  du  Zambèze  moyen,  une  soixantaine 
de  peuplades  grandes  et  petites,  sont,  ou  tributaires  ou  positivement 
esclaves  des  Barotsés,  les  seuls  hommes  libres  du  pays  ;  les  serfs  et  les 
esclaves  ne  peuvent  obtenir  leur  liberté  que  du  bon  plaisir  du  roi.  Dans 
la  région  de  Seshéké,  un  esclave  coûte  une  vache,  un  canot  ou  deux 
couvertures  de  coton  ;  au  nord  du  Zambèze  les  prix  sont  encore  plus  modi- 
ques. Au  sud  du  fleuve,  chez  les  Matébélés,  le  roi  lance  ses  troupes  sur 
ses  voisins,  auxquels  il  fait  la  guerre  de  la  manière  la  plus  impitoyable, 
n'épargnant  que  les  enfants.  Dans  l'Ouroua,  à  l'ouest  du  Tanganyika, 
Cameron  a  rencontré  un  chasseur  d'esclaves  revenant  un  jour  avec  cin- 
quante-deux femmes  liées  ensemble,  pour  la  prise  desquelles  il  avait 
détruit  au  moins  dix  villages,  ayant  chacun  une  population  de  100  à  200 
âmes  ;  quelques  habitants  avaient  échappé,  mais  le  plus  grand  nombre 
avaient  été  brûlés  dans  leurs  villages  ou  tués  en  essayant  de  défendre 
leurs  femmes  et  leur  famille. 

Comment  remédier  au  mal  ?  Dans  la  Tripolitaine  et  au  Maroc,  les  puis- 
sances européennes,  qui  y  ont  des  représentants,  devraient  agir  comme 
elles  le  font  à  l'égard  de  l'Egypte.  Mais  au  Soudan,  au  Bornou  et  dans 
l'Afrique  centrale,  comment  arriver  à  abolir  l'esclavage?  On  n'y  par- 
viendra qu'en  réunissant  tous  les  efforts  des  associations  commerciales, 
philanthropiques  et  missionnaires,  pour  faire  comprendre  aux  naturels 
que  l'esclavage,  loin  d'être  pour  eux  une  source  de  richesse,  est  le  plus 
grand  obstacle  à  leur  prospérité,  lem*  montrer  combien  la  valeur  de 
l'homme  ouvrier  agricole  l'emporte  sur  ceUe  de  l'homme  marchandise, 
et  les  amener  à  remplacer  le  trafic  des  esclaves  par  un  commerce  légi- 
time. C'est  ce  qu'avait  essayé  de  faire  Gessi  au  Bahr-el-Ghazal,  où  il 
avait  appris  aux  indigènes  à  récolter  du  coton,  du  caoutchouc,  des  tama- 
rins, et  h  les  envoyer  au  marché  de  Khartoum. 


—  147  — 

En  même  temps,  il  faut  multiplier  les  stations  civilisatrices  et  hospita- 
lières, à  l'orient,  à  l'occident  et  jusqu'au  centre  du  continent,  en  leur 
donnant,  comme  l'a  celle  de  Brazzaville,  le  caractère  d'un  asile  pour  les 
esclaves  fiigitifis,  puisque  toutes  les  tribus  du  voisinage  reconnaissent 
que  les  esclaves  qui  se  placent  sous  la  protection  de  cette  station 
recouvrent,  par  ce  seul  fait,  leur  liberté.  H  faut  surtout  développer  l'œu- 
vre missionnaire,  puisque  les  expéiiences  faites  partout  prouvent  que  là 
oîi  le  christianisme  s'est  établi  l'esclavage  a  disparu,  et  que  si  celui- 
ci  essaie  d'y  renaître  sous  la  forme  de  l'esclavage  domestique,  comme  à 
Madagascar,  il  provoque  des  protestations  qui  en  amèneront  la  suppres- 
sion. En  apprenant  au  maître  à  travailler  lui-même  et  à  voir  dans  les 
autres  hommes  des  frères,  le  christianisme  lui  fera  comprendre  qu'il  lui 
est  interdit  de  faire  de  ceux-ci  sa  propriété  ;  il  lui  inspirera  le  respect  de 
leurs  droits,  ainsi  que  le  désir  de  les  voir  jouir  avec  leurs  familles  du 
finit  de  leur  travail,  et  de  contribuer  pour  sa  part  à  leur  bonheur  et  à 
leur  progrès,  sachant  qu'il  a  comme  eux  le  même  Père  dans  les  cieux. 


CORRESPONDANCE 

A  Poccasion  de  Tarticle  sur  la  mouche  tsétsé,  publié  dans  notre  dernier  numéro, 
M.  Guillermo  Rieman,  chef  en  second  de  l'expédition  espagnole  en  préparation 
pour  l'Afrique  centrale,  nous  communique,  avec  prière  de  Pînsérer  dans  notre 
joamal,  l'extrait  suivant  d'un  projet  qu'il  a  exposé,  au  mois  de  mars  dernier,  à 
M.  Strauch,  secrétaire  général  de  l'Association  internationale  africaine; 

«  Quant  aux  moyens  de  transport,  on  connaît  les  difficultés  contre  lesquelles 
ont  à  lutter  les  voyageurs  qui  n'ont  que  des  nègres  pour  porteurs. 

«  Pour  y  obvier,  «S.  M.  le  roi  Léopold  a  eu  l'heureuse  idée  d'attacher  quatre 
éléphants  à  la  deuxième  expédition  internationale. 

«  Quelque  utiles  que  soient  les  éléphants  pour  les  transports  en  général,  ils  ne 
réunissent  cependant  pas,  du  moins  les  éléphants  des  Indes,  toutes  les  conditions 
nécessaires  aux  bêtes  de  somme  pour  l'Afrique;  les  derniers  rapports  l'ont  prouvé. 

«  Le  projet  que  je  prends  la  liberté  de  vous  soumettre,  en  vous  priant  de 
l'accueillir  avec  bienveillance,  consisterait  à  employer  un  animal  moins  coûteux 
que  l'éléphant,  mieux  doué  que  l'âne,  le  seul  animal  qui  jusqu'ici  ait  pu  résister 
aux  attaques  de  la  tsétsé,  —  la  mule  espagnole,  et  spécialement  le  macko, 

<  Je  suis  persuadé  qu'elle  résisterait  aux  piqûres  de  la  tsétsé,  parce  que  l'on  sait 
par  expérience  qu'une  espèce  congénère,  l'âne  des  Canaries,  a  été  employée  avec 
succès  dans  les  régions  envahies  par  l'insecte  venimeux.  En  outre,  la  mule  espa- 
gnole unit  à  une  grande  force  de  résistance,  la  vitesse  et  la  prudence  du  cheval. 

«  Pour  la  rendre  complètement  invulnérable,  on  pourrait  se  servir  du  procédé 


—  148  — 

suivant.  Ija  peau  et  les  poils  de  la  mule  n'étant  pas  suffisants  pour  la  préserver  de 
la  tsétsé,  si  l'on  ne  vent  pas  la  munir  d'une  couverture,  on  devrait  lui  attacher  sur 
le  dos  une  bande  de  cuir  allant  de  la  tête  à  la  queue,  et  des  deux  côtés  de  laquelle 
serait  fixé  un  filet,  plongé  dans  une  solution  de  benzine  ou  d'acide  carbolique.  » 


BIBLIOGRAPHIE 


DER  ORIENT,  von  A.voH  Schtodger-Lerchenfeld.  Vienne  (A.Hartleben), 
illustré  de  215  gravures  sur  bois,  avec  4  cartes  et  28  plans,  fr.  20,25  ; 
édit.  de  luxe,  23,65.  —  Cet  ouvrage,  qui  devait  compter  30  livraisons,  est 
maintenant  complètement  terminé.  Pour  juger  dans  son  ensemble  le 
travail  de  M.  de  Schweiger-Lerchenfeld,  il  faut  avant  tout  en  saisir  Tidée 
fondamentale.  Nous  ne  connaissons  pas  d'ouvrage'qui  présente,  d'une 
manière  aussi  vivante  que  celui-ci,  les  foyers  primitife  de  la  civilisation, 
la  Grèce,  l'Assyrie,  la  Babylonie,  l'Egypte,  théâtre  d'événements  si 
remarquables  et  si  saisissants.  Pendant  longtemps  nous  avons  été  accou- 
tumés à  voir  l'histoire  proprement  dite^  la  géographie,  l'ethnologie  et 
l'histoire  de  la  civilisation,  traitées  comme  des  sciences  indépendantes, 
strictement  séparées  l'une  de  l'autre.  L'auteur  de  1'  «Orient»  a  essayé 
d'abattre  les  barrières  élevées  entre  elles,  et  de  faire  concourir  toutes 
les  sciences  susdites  à  im  même  but.  Il  a  peint  à  grands  traits  le  monde 
classique  du  sud  de  l'Europe  orientale,  de  l'Asie  antérieure  et  du  bassin 
du  Nil,  sa  civilisation,  l'histoire  de  ses  peuples,  les  représentants  des 
grands  événements  et  ces  événements  eux-mêmes.  Les  pays  se  présen- 
tent à  nous  tels  que  l'exige  chaque  changement  de  scène.  Nous  avons 
donc  ici  une  géographie  de  la  civilisation,  science  qui  jusqu'à  présent  n'a 
eu  ni  maître  ni  école.  L'approbation  unanime  que  cet  ouvrage  a  rencon- 
trée, et  le  fait  que,  dans  l'espace'  d'une  année,  il  a  été  traduit  en  dix 
langues  différentes,  —  succès  dont  peu  d'ouvrages  allemands  peuvent  se 
glorifier,  —  prouvent  que  l'essai  a  parfaitement  réussi. 

*  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  13,  rue  du  Bhône,  à  Genève, 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  cimlisée. 


V^>-- ***iA'  N 


•(bodlilibrV; 

149  —  V^--.__^^,^^^^^ 

BULLETIN  MENSUEL  (6  y&Ticr  1882). 

Parmi  les  travaux  importants  exécutés  récemment  en  Algérie,  le 
dessèchement  du  Iao  Fetzara,  qui  empestait  les  plaines  de  B6ne,  mérite 
une  mention  particulière.  Situé  à  18  kilomètres  au  sud-ouest  de  Bône, 
entre  l'Edough  (1004")  et  d'autres  montagnes  moins  élevées  dont  il  rece- 
vait les  eaux,  il  n'était  séparé  que  par  d'insignifiantes  levées  de  terre 
des  plaines  de  la  Seybouse  à  l'est  et  de  l'Oued-el-Kébir  de  Jemmapes  à 
l'ouest.  Sa  profondeur  était,  suivant  la  saison,  de  1",5  à  3*,5,  sa  surface 
de  13000  hectares,  et  sa  moyenne  d'eau  de  184  millions  de  mètres  cubes. 
Au  nord  et  à  l'ouest  surtout  des  marais  l'entouraient,  et  en  été  il  lais- 
sait à  découvert  de  vastes  plages,  d'où  se  dégageaient  des  miasmes  pes- 
tilentiels. L'eau  du  lac  était  salée.  Les  travaux  ont  commencé  en  1877  ; 
un  canal  de  15727""  a  emmené  les  eaux  à  la  Méboudja,  tributaire  de  la 
Seybouse;  de  plus,  le  lit  de  la  Méboudja  a  été  régularisé  sur  une  lon- 
gueur de  11750".  Actuellement  le  travail  est  terminé;  déjà  l'on  peut 
constater  une  amélioration  très  sensible  dans  l'état  de  la  santé  publique 
à  Bône  et  dans  tous  les  environs,  où  la  mortalité  a  beaucoup  diminué 
ainsi  que  les  cas  de  fièvre  paludéenne. 

Dans  notre  Bulletin  de  décembre,  nous  annoncions  le  départ  de  Oha- 
damès  du  P.  Richard  et  de  àexûi  autres  missionnaires  pour  Rhat, 
en  vue  d'y  fonder  une  station.  Dans  un  précédent  voyage  chez  les  Toua- 
regs Azguers,  le  P.  Richard  avait  été  reçu  avec  beaucoup  de  cordialité. 
Toutefois,  Mgr  Lavigerie  avait,  après  le  massacre  de  la  colonne  Flat- 
ters,  reconunandé  aux  missionnaires  de  Ghadamès  de  surseoir  à  tout 
voyage  dans  le  Sahara,  et,  à  l'époque  de  la  campagne  de  Tunisie,  le 
redoublement  de  haine  contre  la  France,  parmi  les  tribus  de  l'intérieur, 
l'avait  engagé  à  renouveler  cette  sage  recommandation.  L'apaisement 
de  la  Tunisie,  et  les  assurances  des  chefe  de  la  caravane  qui  devait  con- 
duire à  Rhat  le  P.  Richard  et  ses  deux  compagnons ,  les  engagèrent  à 
partir.  Mais  une  dépèche  de  Ghadamès,  arrivée  à  Tripoli  le  4  janvier,  y  a 
apporté  la  douloureuse  nouvelle  qu'une  bande  de  Touaregs,  dans  laquelle 
se  trouvaient  plusieurs  des  meurtriers  de  la  caravane  Flatters,  avait  tué 
les  trois  missionnaires  le  surlendemain  de  leur  départ,  tout  en  épargnant 
leur  escorte.  Les  environs  de  Ghadamès  étaient  remplis  de  Touaregs,  et 
lei  Pères  demeurés  dans  la  ville  n'osaient  en  sortir  de  peur  de  tomber 
entre  leurs  mains.  Trois  des  meurtriers  ont  été  arrêtés  et  emprisonnés  par 
le  pacha  turc  de  Ghadamès.  Mgr  Lavigerie,  actuellement  installé  à  Tunis, 
a  expressément  défendu  aux  missionnaires  de  renouveler  leurs  tentatives 

L'AFRIQUE.   —  TROISIEME  ÂHHÉS,   —  N*»  8.  8 


—  150  — 

de  pénétrer  dans  rintérieur  de  TAfrique  par  le  Sahara,  aussi  longtemps 
que  dureront  les  excitations  dont  la  Tunisie  est  le  prétexte.  En  outre,  il 
a  fait  demander  au  pacha  turc  d'épargner  les  meurtriers,  les  mission- 
naires ne  voulant  se  venger  qu'en  redoublant  de  dévouement,  pour  reti- 
rer ces  populations  de  la  barbarie. 

Après  avoir  fait  explorer  le  plateau  de  Barka,  et  fondé  dans  la  Cyré- 
naïqne  les  deux  stations  de  Bengasi  et  de  Derna,  la  «  Société  mila- 
naise d'exploration  commerciale  en  Afrique  »  projette  pour  cette  année 
un  voyage  avec  une  caravane  arabe,  de  la  côte  de  la  Méditerranée  au 
Ouadaï,  à  travers  le  désert  lybique  et  les  oasis  d'AudjUa,  de  Djalo, 
de  Eoufara  et  de  Wanianga.  Son  but  est  de  nouer  des  relations  com- 
merciales soit  avec  le  souverain  du  Ouadal,  soit  avec  les  tribus  éta- 
blies le  long  de  cette  route,  la  plus  courte  de  l'Italie  au  cœur  du  conti- 
nent, et  d'établir  des  communications  régulières  entre  le  centre  et 
les  stations  italiennes  de  la  côte.  Elle  se  propose  en  outre  de  fonder  une 
première  colonie  agricole  à  l'Est  du  plateau  de  Barka,  près  des  ports 
naturels  de  Tobrouk  et  de  Bomba,  et  attend  de  Constantinople  le  fir- 
man  de  concession  des  terrains  nécessaires  à  cet  effet.  Enfin  elle  compte, 
si  les  circonstances  sont  favorables,  faire  explorer  les  routes  de  l'Abyssi- 
nie  vers  Assab. 

M.  RalTray,  vice-consul  de  France  à  Massaoua,  chargé  d'une  mis- 
sion en  Abyssinie,  a  eu  l'occasion,  en  se  rendant  au  camp  du  roi  qui 
était  en  expédition  contre  les  Adels,  d'explorer  les  montagnes  duZaboul 
et  le  pays  des  Gallas-Ilayas,  encore  inconnus.  Pour  s'y  rendre,  il  a  suivi 
assez  longtemps  la  route  de  l'expédition  anglaise,  l'a  quittée  à  la  hauteur 
du  lac  Achangui,  puis,  inclinant  vers  le  sud-est  et  traversant  la  plaine 
des  Gallas-Rayas,  il  a  atteint  les  monts  du  Zaboul.  C'est  une  petite 
chaîne  de  2000"  à  2200",  parallèle  au  système  éthiopien,  auquel  elle  se 
relie  au  nord  par  les  contreforts  qu'habitent  les  Azebous-Gallas,  et  au 
sud  par  ceux  qui  descendent  des  plateaux  duOuadela.  Toute  cette  région 
appartient  au  bassin  éthiopien,  dont  les  eaux  s'écoulent  à  l'est  dans  le 
lac  Aoussa.  Du  Zaboul,  M.  Rafifray  a  visité,  vers  l'ouest,  le  mont  Aboï- 
Miéda,  où  sont  les  sources  du  Tellaré  et  du  Tacazzé,  tributaires  du  Nil^ 
et  celles  de  la  Goualima,  tributaire  d'un  lac  du  pays  des  Danakils.  Puis  il  a 
longé  ce  massif  montagneux  jusqu'au  mont  Abouna-Yousef,  dont  il  a 
franchi  le  col  à  une  hauteur  de  4300".  D  y  a  trouvé  une  faune  entomolp- 
gique  semblable  à  celle  des  sommités  des  montagnes  de  l'Europe.  Enfin, 
il  s'est  rendu  à  Lalibala,  où  il  a  trouvé  dix  églises  du  V"'  siècle,  monoli- 
thes, taillées  dans  le  roc  dont  elles  sont  complètement  isolées,  sauf  par 


—  151  — 

la  base  ;  elles  communiquent  entre  elles  par  des  tranchées  à  ciel  ouvert 
et  des  souterrains;  les  proportions  en  sont  grandes,  et  l'architecture 
remarquable. 

Antinorl  a  écrit  au  D'  Schweinfùrth  qu'U  a  appris  au  Choa  Texis- 
tence,  au  sud-est  de  Kafiia,  d'une  tribu  nombreuse  de  pygmées,  nommés 
Dakos  par  les  gens  de  Kaffa,  et  Diukis  par  les  GaUas.  Petermann  place 
les  Dokos  sur  la  rive  gauche  du  fleuve  Omo,  qui  forme  le  cours  supérieur 
du  Djouba.  H  doit  y  en  avoir  à  la  cour  du  roi  de  Kaffa  et  chez  le  roi  des 
Mombouttous.  Gomme  ils  sont  à  peu  près  sous  la  même  latitude  que  les 
Akkas,  on  peut  supposer  qu'ils  appartiennent  à  la  même  race.  Si  les 
guerres  et  des  difficultés  de  toutes  sortes  n'avaient  pas  empêché  l'expé- 
dition italienne  de  Cecchi  et  de  Chiarini  de  pénétrer  dans  cette  région, 
elle  aurait  résolu  cette  question.  Antinpri  comptait  quitter  le  Choa  en 
décembre.  Cecchi  et  Antonelli  sont  déjà  revenus  en  Europe. 

De  retour  d'un  voyage  d'exploration  h  la  côte  orientale  d'Afrique  et 
au  golfe  Persique,  M.  Denis  de  Ryvolre  a  provoqué  l'établissement 
d'une  ligne  régulière  de  bateaux  à  vapeur  qui,  sous  le  titre  de  Servioes 
de  rOrient,  mettra  bientôt  la  France  en  conmiunication  directe  avec 
rOrient.  A  partir  du  commencement  de  cette  année,  la  compagnie  fran- 
çaise de  navigation,  qui  s'en  est  chargée,  fera  partir  chaque  mois,  de 
Marseille,  un  bâtiment  français  pour  Bassorah,  en  touchant  Djeddah, 
Obock,  Mascate,  Kurrachee  et  Bouchir.  Deux  voyages  d'essai  ont  déjà 
été  effectués.  A  Oboek  il  y  aura  un  dépôt  de  charbon,  régulièrement 
alimenté  par  des  paquebots  français  et  oh  les  vaisseaux  de  toutes  les 
marines  pourront  s'approvisionner.  Obock  pourra  ainsi  devenir  une  colo- 
nie importante. 

Le  R.  dFohnflion»  de  la  «  Mission  des  Universités  »  dans  le  district  de  la 
Rovouma,  a  fait  récemment  un  voyage  au  lac  que  les  natifs  disent  exister 
aux  sources  de  la  liovjenda,  affluent  de  la  Rovouma.  U  suivit  la  route 
commerciale  de  Mouembé  à  Mponda,  près  de  l'endroit  oii  le  Chiré  sort 
du  Nyassa,  puis  la  quitta  pour  aUer  visiter  le  lac  en  question.  Le  sentier 
était  bien  marqué  jusqu'à  un  endroit  nommé  Chiloua  par  les  Yaos.  H 
arriva  en  vue  d'un  grand  lac,  avec  quelques  lies  et  des  bords  herbeux, 
fourmillant  d'hippopotames  et  d'oiseaux  aquatiques.  Il  en  atteignit  la 
rive,  et  le  vît  s'étendre  au  sud-est.  En  même  temps,  il  put  découvrir  le 
mont  Mangoche,  peu  élevé,  à  l'est  de  Mponda,  près  du  Nyassa.  Pendant 
un  jour  de  marche,  il  suivit  les  bords  du  lac  vers  le  nord,  jusqu'à  un 
endroit  où  celui-ci  se  rétrécit,  puis  en  un  joui*  et  demi  il  gagna  la  ville 
d'Amaramba,  sur  la  Loujenda  qu'il  suivit  jusqu'à  Mouembé.  H  suppose 


—  152  — 

que  le  lac  qu'il  a  vu  est  le  Chlroua  de  Livingstone,  dont  la  partie  sep- 
tentrionale n'avait  pas  encore  été  visitée. 

M.  Ë.  O'Neill,  coasul  anglais  à  Mozambique,  a  exploré,  dans  la 
seconde  moitié  de  Tannée  dernière,  différentes  parties  de  la  région  peu 
connue  qui  borde  les  possessions  portugaises  de  la  côte  orientale.  En 
juillet  il  s'est  rendu  à  la  rivière  Angoche,  à  145  kilomètres  au  sud  du 
port  de  Mozambique,  où  les  Portugais  ont  formé  le  nouvel  établissement 
de  Parapato,  sur  la  rive  septentrionale.  L'ancienne  capitale  du  district, 
Anf^oohe»  est  située  sur  une  île,  en  amont  dans  la  rivière.  Il  y  existe 
un  commerce  actif  en  produits  du  sol,  ainsi  qu'en  caoutchouc  et  en 
ivoire.  La  ville  ne  compte  pas  moins  de  trente  maisons  de  Banyans, 
de  Battias  et  d'Hindous.  De  là,  M.  O'NeiU  a  fait  un  voyage  à  l'intérieur, 
par  la  route  de  commerce  arabe,  peu  connue  des  géographes,  qui  va  de 
Kisanga,  vis-à-vis  de  l'île  de  Ibo  aux  rives  est  et  sud  du  Nyassa.  Elle  est 
beaucoup  plus  courte  que  celle  de  la  Rovouma  suivie  par  Livingstone, 
Steere  et  d'autres  voyageurs  anglais.  A  sept  jours  de  marche  de  la  côte, 
à  MouaUa,  résidence  du  puissant  chef  Makoua,  elle  se  divise  en  deux 
embranchements,  l'un  se  dirigeant  sur  Matarika,  où  il  rejoint  la  route  de 
Quiloa  au  Nyassa,  l'autre  plus  au  sud.  M.  O'Neill  a  suivi  ce  dernier.  Le 
10  septembre  il  était  à  Gavala,  ville  située  à  175  kilomètres  N.-N.-O. 
de  Mozambique.  A  65  kilomètres  de  la  baie  de  Mokambo,  le  pays  à 
l'intérieur  est  boisé,  couvert  d'une  végétation  épaisse,  abondant  en 
caoutchouc,  bien  cultivé  et  populeux;  puis  il  devient  rocheux  et  coupé 
de  montagnes.  A  230  kilomètres  de  la  côte,  M.  O'Neill  arriva  en  vue  de 
la  magnifique  plaine  de  Chalaoué  ;  couverte  de  villages,  elle  s'étend  au 
loin  vers  le  sud-ouest  et  se  termine  par  des  montagnes  de  1000^  à  1500*. 
n  a  entendu  parler  de  pics  couverts  de  neige,  qui  doivent  se  trouver  à  6 
ou  7  jours  de  marche  à  l'ouest.  Il  essaiera  de  s'y  rendre  pour  s'assurer 
de  l'exactitude  du  fait. 

D'après  la  Sentinelle  de  Maurice,  l'amiral  Jones,  pendant  un  séjour 
à  Mada^ascapy  a  conclu  avec  la  reine  Ranavalo  II  un  traité,  qui  per- 
met à  celle-ci  de  prélever  des  droits  sur  les  produits  de  l'île  tout  entière, 
sans  distinction  de  provenance.  Elle  serait  appuyée  par  le  gouvernement 
britannique  contre  les  Tsakalaves,  aujourd'hui  encore  indépendants  des 
Hovas,  malgré  toutes  les  tentatives  de  ceux-ci  pour  les  assujettir.  La 
reine  a  fait  une  commande  de  35000  fusils  Remington  ;  dès  que  cette 
commande  sera  exécutée,  l'Angleterre  enverra  4  ou  5  transports  prendre 
sur  la  côte  Est  35000  Hovas,  pour  les  conduire  et  les  débarquer  à  la  côte 
ouest,  avec  des  instructions  pour  cerner  les  Tsakalaves  et  toutes  les 


—  153  — 

autres  tribus,  et  les  obliger  à  se  soumettre  au  gouvernement  Hova.  Dès 
ce  moment  une  proclamation  de  la  reine  interdira  tout  commerce  avec 
Textérieur  par  la  côte  ouest;  qui  sera  gardée  par  des  troupes  régulières^ 
Tous  les  embarquements  de  bœufs  et  autres  produits  devront  se  faire  à 
rSst,  moyennant  des  droits  prélevés  selon  un  tarif  régulier.  Les  colons 
français  de  la  Réunion  s^en  sont  émus.  Us  craignent  que  les  ports  de  la 
côte  ouest  de  Madagascar,  d'où  ils  tirent  en  particulier  leurs  bœufe,  ne 
leur  soient  fermés. 

Les  explorateurs  allemands  Po^^f^  et  IVIssniaim  ont  dû  renoncer 
à  aller  à  Moussoumbé,  par  suite  de  contestations  entre  le  Mouata- 
Yamvo  et  les  Quiocos,  qui  rendent  pour  le  moment  la  route  ordinaire 
impraticable.  Us  se  sont  dirigés  vers  Mieketta,  à  8  journées  de  marche 
au  nord-est  de  Kimboundou.  Se  fondant  sur  des  renseignements  favora- 
bles, que  Ton  peut  croire  sérieux,  ils  ont  pris,  comme  premier  but  de 
leur  voyage,  le  territoire  du  chef  Moukengué,  dans  le  pays  des  Tuchilan- 
gués.  Le  chemin  qui  y  conduit  suit  pendant  36  jours  de  marche  la  rive 
gauche  du  Quicapa  au  Cassai  *  ;  puis,  après  avoir  traversé  celui-ci,  il  faut 
15  jours  pour  atteindre  le  confluent  du  Louloua  et  du  Cassai'  où  réside 
Moukengué.  A  une  certaine  distance  au  nord-est  de  ce  point,  doit  se 
trouver  le  grand  lac  dont  Schûtt  a  entendu  parler.  Les  TuchOangués 
jouissent  d'une  réputation  de  grande  bienveiUance.  Le  seul  obstacle  que 
prévît  le  D' Pogge,  était  que  le  chef  kaloundou  Ealangoulo,  vassal  du 
Mouata-Yamvo,  ne  leur  barrât  le  chemin.  Mais,  comme  sa  capitale  est 
assez  éloignée  de  la  route  suivie  par  les  voyageurs,  ils  espéraient,  en  dou- 
blant de  vitesse,  pouvoir  échapper  à  ce  danger. 

MM.  Bentley  et  Grenfell,  partis  d'Isangila  avec  27  hommes  le 
12  août  dernier,  ont  fondé  une  station  à  Hanyamf^  près  des  catarac- 
tes de  Ntombo,  où  Stanley  a  établi  un  dépôt.  La  station  n'est  séparée 
que  par  un  petit  ruisseau  du  poste  belge,  établi  au  sommet  d'une  colline 
de  80"  de  hauteur.  Les  natifs  sont  très  bien  disposés,  et  forment  un 
contraste  frappant  avec  leurs  voisins,  les  Basoundis,  dont  il  faut  traver- 
ser le  territoire  pour  arriver  à  Manyanga,  et  qui,  lorsqu'ils  sont  en  petit 
nombre  s'enfuient  et  se  cachent,  tandis  qu'en  force,  ils  attaquent  les 
voyageurs  et  les  dépouillent.  Il  n'y  a  d'ailleurs,  à  travers  leur  pays,  pas 
de  route  pour  le  transport  régulier  des  provisions,  et,  entre  Isangila  et 

^  Voir  la  carte  de  Schûtt.  I'*  année,  p.  160. 

*  A  plusieurs  centaines  de  kilomètres  au  nord  du  point  le  plus  éloigné  atteint 
par  Schfltt. 


—  154  — 

Manyanga,  Ton  doit  employer  la  voie  du  fleuve,  quelque  mauvaifie  et 
dangereuse  qu'elle  soit.  A  Manyanga,  les  missionnaires  rencontrèrent  le 
P.  Aiif^ouaFd  qui  revenait  de  Stanley-Pool.  Conformément  aux  instruc- 
tions de  Savorgnan  de  Brazza,  le  chef  de  Nshasha,  sur  la  rive  gauche  du 
Congo,  lui  a  permis  de  bâtir  une  station  à  lui,  en  sa  qualité  de  Français» 
mais  il  est  décidé  à  refuser,  aux  représentants  d'autres  nationahtés» 
Tautorisation  de  s'établir  dans  son  voisinage. 

Une  expédition  rasse  se  prépare,  pour  explorer  la  région,  encore 
inconnue,  comprise  entre  le  mont  Cameroon,  l'Adamaoua  et  le  Congo» 
où  sont  les  sources  du  Calabar,  du  Bénoué,  des  affluents  nord  du  Congo, 
de  ceux  de  la  rive  gauche  du  Chari  et  des  rivières  qui  se  versent  dans  la 
baie  Cameroon.  Elle  sera  placée  sous  la  direction  de  M.  Rofl^oaslnsld, 
lieutenant  de  la  marine  impériale  russe.  Le  point  de  départ  en  sera  Vic- 
toria, au  pied  du  Cameroon.  Là  eUe  se  partagera  en  deux  divisions  : 
l'une  passera  par  Moungo,  au  pied  oriental  du  Cameroon,  se  dirigera  au 
nord-est  vers  BaloDg,  d'oii  elle  gagnera  le  confluent  des  deux  rivières 
qui  forment  le  Vieux-Calabar,  et  les  suivra  jusqu'à  leurs  sources,  puis 
tournera  au  sud  vers  Pebot,  dans  le  Bayong,  par  ô**  latitude  nord  et 
9''40'  longitude  Est.  En  attendant  l'arrivée  de  la  seconde  division,  elle 
fera  un  relevé  hydrographique  et  topographique  du  pays.  L'autre  divi- 
sion établira  une  station  géographique  dans  le  territoire  du  Cameroon, 
et,  à  cet  effet,  achètera  deux  terrains,  l'un  dans  une  des  baies  de  la  côte, 
l'autre  à  Mapania  dans  la  montagne.  Sur  ce  dernier  sera  fondé  un 
observatoire  météorologique,  sous  la  direction  de  M.  li.  Janikouskl» 
et,  sur  celui  de  la  côte,  la  station  proprement  dite,  dépôt  d'instruments 
et  laboratoire  pour  la  préparation  des  collections  zoologiques,  botani- 
ques, anthropologiques  et  ethnologiques.  Deux  ingénieurs  y  resteront 
pour  s'occuper  des  levés;  le  reste  du  personnel  de  la  seconde  division  se 
rendra  aussi,  par  Moungo  et  Balong,  directement  à  Pebot,  pour  y  rejoin- 
dre la  première,  et  s'avancer  avec  eUe  vers  lelacLiba  à  TEst.  L'expédi- 
tion compte  partir  de  Hambourg  ou  de  Liverpool  au  milieu  d'avril.  Elle 
sera  munie  d'un  vapeur  à  roues,  VExphrator^  démontable,  de  12",55 
de  long  sur  2",ôO  de  large,  et  qui  a  fait  sa  com*se  d'épreuve  en  novembre 
sur  le  lac  Onega.  Les  frais  de  l'expédition  sont  supportés  par  les  explo- 
rateurs eux-mêmes. 

Après  avoir  quitté  Timbo,  le  D'  Bayol  a  exploré,  en  revenant  à 
Médine,  le  pays  montagneux  de  Tami^^ué,  peuplé  et  fertile,  qui  fait  par 
caravanes  un  commerce  important  avec  le  Haut-Sénégal.  Puis  il  s'est 
engagé  dans  le  Bélédoufl^ou,  au  miheu  de  forêts  désertes  qui  s'éten- 


—  155  — 

dent  jusqu'à  la  Falémé,  et  oh  Texpédition  se  vit  bientôt  barrer  le  chemin 
par  une  bande  de  Malinkés.  Mais  le  sang-froid  et  le  courage  du  D' Bayol 
lui  permirent  de  forcer  le  passage,  et  le  chef  du  pays,  Réké-Madi,  con- 
clut avec  lui  un  traité,  par  lequel  il  plaçait  son  pays  sous  le  protectorat 
de  la  France.  Au  delà  de  la  Falémé,  il  a  traversé  tout  le  Bambouk 
jusqu'à  Médine,  et  a  pu  juger  de  la  fertilité  de  ce  district,  qui  renferme 
en  outre  de  riches  gisements  aurifères.  Aujourd'hui  le  D'  Bayol  est  ren- 
tré en  France,  accompagné  de  quatre  envoyés  de  l'almamy  de  Timbo  et 
des  chefs  du  Tambouk,  avec  un  interprète  sénégalais  qui  a  déjà  fait  plu- 
sieurs voyages  en  France.  Les  délégués  nègres  viennent  se  rendre  compte 
de  la  civilisation  du  pays  avec  lequel  leurs  souverains  ont  conclu  des 
traités,  qui  permettront  à  l'influence  civilisatrice  de  la  France  de  s'éten- 
dre sans  obstacles  du  Rio-Kunez  jusqu'au  Haut-Sénégal.  Le  D*"  Bayol  a 
acquis  la  conviction  que  les  hauts  plateaux  qu'il  a  parcourus  offriront 
aux  Européens  d'importants  débouchés,  et  pourront  plus  tard  recevoir 
des  colons  civilisateurs,  le  climat  y  étant  assez  tempéré  pour  permettre 
aux  blancs  d'y  vivre,  et  d'y  exploiter  les  richesses  minéralogiques  et 
agricoles  du  pays. 

NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Le  Télégraphe  annonce  qu'un  survivant  de  la  mission  Flatters  est  actuellement 
prisonnier  chez  les  Touaregs. 

M.  Bourmancé,  architecte,  a  été  adjoint  à  la  mission  scientifique  de  M.  René 
Gagnât,  en  Tunisie. 

Rohlfs  a  écrit  au  secrétaire  de  «  l' Antislavery  Society  >  qu'il  espérait  pouvoir  se 
rendre  à  Londres  en  janvier,  et  de  là  au  Caire,  pour  y  négocier,  de  la  part  du  roi 
d'Abyssinie,  la  paix  avec  le  khédive,  sous  les  auspices  du  gouvernement  anglais, 
dont  il  réclame  l'appui  en  faveur  du  négous. 

M.  Maspéro,  directeur  des  musées  égyptiens,  a  réussi  à  découvrir  l'ouverture  de 
la  pyramide  de  Meydoum,  qui  passait  jusqu'ici  pour  impénétrable. 

M.  Godefroy  Roth,  qui  a  fait  preuve  de  tant  de  zèle  lors  de  l'arrivée  des  cara- 
vanes d'esclaves  à  Siout,  a  été  attaché  à  Giegler  pacha,  à  Khartoum,  pour  la  sup- 
pression de  la  traite. 

D'après  Piaggia,  le  capitaine  Casati  doit  être  dans  le  Mombouttou. 

Le  Giomaie  deHa  Colonie,  du  28  janvier,  annonce  la  nouvelle  de  la  mort  de  Piaggia. 
Litalie  perd  en  lui  un  de  ses  voyageurs  les  plus  ardents  et  les  plus  intelligents. 

M.  Tagliabue,  correspondant  de  Vl^ploratore,  a  fait,  de  Massaoua,  une  excur- 
sion chez  les  Bogos,  où  il  a  étudié  spécialement  les  plantations  de  tabac. 

Une  expédition  missionnaire  suédoise  est  partie  en  novembre  de  Massaoua  pour 
le  pays  des  Gallas,  en  passant  par  Berber,  Khartoum,  Sennaar  et  Famaka.  Le 


—  156  — 

missionnaire  Arrhénios,  qui  la  conduit,  est  accompagné  entre  autres  d'un  jeune 
Galla,  qui  a  été  instruit  pendant  4  ans  à  Stockholm. 

Le  D'  Krapf,  un  des  pionniers  de  la  mission  dans  l'Afrique  centrale,  rient  de 
mourir.  Entré  au  service  des  missions  anglicanes  en  1837,  il  voyagea  dans  le  Tigré, 
le  Choa  et  PAmhara.  N'ayant  pu  pénétrer  chez  les  Gallas  par  le  nord,  il  conçut  le 
projet  d'attaquer  le  continent  par  l'Est,  et,  en  1844,  commença  avec  son  ami  Reb- 
mann  la  mission  de  Mombas.  Ses  voyages  donnèrent  l'impulsion  aux  découvertes 
des  25  dernières  années.  Depuis  1856  il  était  revenu  en  Wurtemberg,  et  s'occupait 
surtout  de  travaux  littéraires,  sur  les  langues  de  l'Afrique  orientale. 

Le  successeur  du  D*"  Eirk  à  Zanzibar  est  le  colonel  Mills,  qui  auparavant  occu- 
pait le  poste  de  consul  général  et  agent  politique  anglais  à  Mascate. 

Une  nouvelle  expédition  belge  se  forme  sous  la  direction  de  M.  le  sous-lieutenant 
Grang  ;  elle  suivra  de  près  celle  du  capitaine  Hansens,  prête  à  partir. 

Le  capitaine  Foot,  commandant  du  vaisseau. ISu^j^,  a  accepté  un  appel  du 
sultan  de  Zanzibar,  en  vue  de  la  suppression  de  la  traite  qui  parait  concentrée  à 
Pemba.  La  barque  arabe  à  laquelle  le  capitaine  Brownrigg  a  livré  combat  a  été 
capturée.  Les  gouvernements  français  et  anglais  sont  saisis  de  la  question.- 

M.  Ledoulx,  consul  de  France  à  Zanzibar,  a  annoncé  le  retour  de  la  mission  qui 
avait  été  reconnaître  les  mines  dans  la  région  du  Zambèze  inférieur. 

Le  Landan  8tanda/rd  a  reçu  de  Durban  une  dépêche  annonçant  le  retour  de 
M.  Richards,  missionnaire,  qui  a  été  très  bien  accueilli  par  Oumzila.  Le  roi  lui 
a  permis  d'établir  une  mission  dans  ses  états. 

Les  missionnaires  vaudois  de  Yaldézia  ont  fait  partir  3  évangélistes,  pour  recon- 
naître la  route  qui  les  amènerait  directement  de  Yaldézia  à  Lorenzo  Marquez. 

Une  compagnie  américaine  a  offert  de  se  charger  de  la  construction  du  chemin 
de  fer  de  Lorenzo  Marquez  à  Pretoria.  Le  gouvernement  du  Transvaal  a  accordé 
la  concession.  Celui  de  Lisbonne  ne  s'est  pas  encore  prononcé. 

Une  nouvelle  mine  d'or  a  été  découverte  dans  le  district  de  Heidelberg. 

Deux  compagnies  sont  en  formation,  pour  l'exploitation  de  deux  mines  de  houille 
découvertes  sur  la  ferme  de  Cyfergat  et  dans  les  monts  Stormberg,  toutes  deux 
dans  le  district  Albert,  au  nord-est  de  la  Colonie  du  Cap. 

M.  John  Smith  Moffat,  le  seul  fils  survivant  du  missionnaire  Moffat,  va  être 
envoyé  au  Lessouto  comme  représentant  britannique.  Né  à  Kourouman  et  élevé 
en  Angleterre,  il  a  ensuite  passé  près  de  25  ans  en  Afrique  et  exercé,  dans  le 
Transvaal,  une  magistrature  civile  auprès  des  indigènes,  dont  il  a  totgours  protégé 
les  intérêts  matériels  et  moraux. 

D'après  le  Jomal  dos  Coîonias,  400  familles  de  Boers  du  Transvaal  se  disposent 
à  rejoindre  ceux  de  leurs  compatriotes  qui  ont  fondé  la  colonie  de  San  Januario 
dans  le  district  portugais  de  Mossamédès. 

M.  Valcke,  sous-lieutenant  du  génie,  est  revenu  du  Congo  à  Bruxelles. 

Savorgnan  de  Brazza  a  fondé  sur  l'Alima  une  troisième  station,  à  l'endroit  où 
aboutira  la  route  qui  doit  conduire  du  bassin  de  l'Ogôoué  à  celui  du  Congo.  Cest 
là  que  sera  remontée  et  lancée  la  chaloupe  que  lui  conduit  le  D' Ballay.  M.  Mizon, 


—  157  — 

d^à  arrivé  en  septembre  à  la  station  dn  Haat-Og6oué,  a  dû  rejoindre  Savorgnan 
de  Brazsa  sor  l'Alima,  et  prendra  la  direction  de  la  station  dn  Congo. 

Sor  une  quarantaine  de  médecins,  qui  se  sont  présentés  pour  accompagner  à  la 
Côte  d'Or  M.  Prœtorins,  sous-inspecteur  de  l'Institut  des  missions  de  Bftle,  le 
Comité  a  fait  clioiz  de  M.  le  D'  Ernest  Mœhli,  bftlois  d'origine. 

Aux  anciennes  compagnies  minières  de  la  Côte  d'Or,  sont  venues  s'ajouter  :  la 
Tctcquah  Ocld  Mines  Company  et  la  Otiinea  Coast  Gold  Mming  Compcmy. 

Cameron,  intéressé  dans  l'exploitation  des  mines  de  la  Côte  d'Or^  a  fait  un  court 
voyage  en  Angleterre,  et  il  est  déjà  reparti  pour  la  Guinée. 

M.  Cliaper,  ingénieur  dvil  des  mines,  est  chargé  d'une  mission  dans  la  possession 
française  d'Assinie,  pour  y  faire  des  collections  destinées  à  l'État 

Dans  une  guerre  survenue  entre  la  tribu  des  Paums  et  celle  des  Yeys,  soutenus 
par  le  gouvernement  de  Libéria,  ces  derniers  ont  été  battus  et  en  partie  massacrés, 
les  survivants  se  sont  réfugiés  à  Cape  Mount,  où  des  secours  leur  ont  été  donnés  pas 
les  missionnaires  américains.  Le  gouvernement  des  États-Unis  a  envoyé  le  vapeur 
Eêâex  pour  appuyer  les  troupes  de  Libéria,  contre  les  Paums  qui  interceptaient 
les  communicadons  entre  Monrovia  et  le  N.  0.,  d'où  l'on  tire  l'huile  de  palme. 

M.  Joubert,  inspecteur  en  chef  de  la  marine,  a  reçu  du  ministère  français  l'ordre 
de  se  rendre  au  Sénégal,  pour  constater  l'état  dans  lequel  se  trouvent  les  diffé- 
rents services,  à  la  suite  de  l'épidémie  qui  a  si  longtemps  régné  dans  la  colonie. 

Une  section  de  la  Société  de  géographie  de  Lisbonne  s'est  formée  à  Horta,  chef- 
lieu  de  Fayal,  une  des  Açores,  et  a  commencé  à  chercher  les  moyens  d'établir  une 
station  de  secours  pour  les  naufragés,  mesure  réclamée  depuis  longtemps  dans  ces 
parages,  où  surviennent  fréquemment  de  violentes  tempêtes. 


EXPLORATION  DU  LAC  TZANA  PAR  LE  D'  STECKER' 

L'Âbyssinie  a  été  souvent  nommée  une  Suisse  africaine^  non  seule- 
ment paj-ce  qu^elle  est  un  haut  pays,  essentiellement  montagneux,  dont 
certaines  sommités  dépassent  4000"  et  se  couvrent  de  neige,  mais  aussi 
parce  que  de  ces  montagnes  descendent,  dans  des  vallées  profondément 
découpées,  une  multitude  de  rivières  qui  se  précipitent  entre  d'énormes 
blocs  de  rochers,  ou  forment  de  magnifiques  cascades',  ou  déposent  le 
limon  de  leurs  eaux  dans  de  nombreux  lacs,  parmi  lesquels  le  Tzana 
remporte  sur  tous  les  autres  par  son  étendue.  Il  est,  en  outre,  remar- 
quable par  le  pittoresque  de  ses  îles  basaltiques,  et  de  ses  bords,  tantôt 

'  Voir  la  carte  qui  accompagne  cette  livraison. 

'  Lejean  en  estime  le  nombre  à  3  ou  4000,  et  dit  qu'elles  n'ont  pas  un  cadre 
moins  saisissant,  moins  varié,  moins  relevé  de  contrastes  vigoureux  que  les  casca^ 
des  de  la  Suisse. 


—  158  — 

plats  et  couverts  d'une  herbe  dont  la  hauteur  dépasse  celle  d^un  cava- 
lier, tantôt  parsemés  de  crevasses  abruptes,  tantôt  couronnés  de  colon- 
nes de  basalte,  ou  de  masses  de  rochers  recouvertes  d'une  végétation 
luxuriante.  Dans  ce  bassin  se  versent  plusieurs  rivières  considérables, 
entre  autres  le  Nil  Bleu  qui,  après  y  être  entré  au  sud-ouest,  ne  tarde 
pas  à  en  ressortir  par  l'extrémité  sud,  ce  qui  lui  a  fait  donner  le  nom  de 
berceau  du  Nil  bleu,  par  un  des  voyageurs  qui  ont  précédé  le  D' Stecker 
dont  nous  voulons  rapporter  l'exploration,  d'après  les  Mittheilungen  de 
la  «  Société  africaine  allemande.  » 

Nous  ne  pouvons  aujourd'hui  raconter  les  expéditions  tentées  dans  ce 
pays  depuis  le  XVII"*  siècle,  à  la  recnerche  des  sources  du  Nil,  mais 
nous  espérons  bien  y  revenir  un  jour.  Disons  seulement  que  les  voya- 
geurs qui  ont  passé  auprès  du  lac  Tzana,  ont  touché  quelques  points 
de  ses  bords,  au  nord,  à  l'est  ou  au  sud,  indiqué  approximativement  sa 
forme  et  ses  dimensions,  et  marqué  leur  itinéraire  sur  des  cartes  qui, 
comparées  à  celle  du  D'  Stecker,  dont  nous  donnons  une  reproduction, 
font  comprendre  à  première  vue  combien  nps  connaissances  étaient 
imparfaites,  et  combien  le  D'  Stecker  a  été  bien  inspiré  en  se  proposant 
spécialement  pour  but  l'étude  de  ce  lac. 

Nos  lecteurs  se  rappellent  qu'il  accompagnait  Rohlfe,  chargé  de  remet- 
tre au  négous  des  présents  de  la  part  de  l'empereur  d'Allemagne.  Dès 
le  départ  de  Rohlfe  de  Debra-Tabor,  le  16  février  de  l'année  dernière, 
il  se  prépara  à  cette  exploration.  Mais  l'autorisation  royale,  et  l'ordre 
du  souverain  au  gouverneur  du  Béguéméder  de  lui  laisser  visiter  cette 
province,  et  de  lui  fournir  pour  lui  et  sa  caravane  les  vivres  nécessaires 
pendant  le  voyage,  retardèrent  son  départ  jusqu'au  28  mars.  Se  diri- 
geant alors  vers  Eorata  dans  la  partie  sud-est  du  lac,  il  passa  par 
Wansagué.  La  Goumara  y  coule  entre  de  hauts  rochers  de  porphyre, 
de  trachyte  et  de  tuf,  et  ses  bords  sont  couverts  d'une  végétation  tro- 
picale; des  palmiers  sauvages,  le  bananier  colossal  aux  feuilles  cramoi- 
sies, et  le  bananier  abyssin  formant  bouquet  au  ras  du  sol,  donnent  au 
pays  un  caractère  particulier.  En  certains  endroits,  la  rivière  est  pro- 
fonde et  poissonneuse,  sa  surface  est  animée  par  des  troupes  d'oies  et 
de  canards,  tandis  que  des  papillons  aux  couleurs  splendides  voltigent 
sur  les  fleurs  de  ses  rives.  Wansagué  a,  sur  la  rive  gauche,  des  eaux 
thermales  déjà  signalées  par  Bruce  ;  la  source  jaillit  à  une  hauteur  de  2 
ou  3";  la  température  en  est  de  37"*.  Le  roi  Jean,  qui,  à  l'instar  des 
princes  de  l'Europe,  aime  beaucoup  à  faire  une  cure  de  bains,  y  a  fait 
construire,  pour  recevoir  les  eaux,  un  bassin  au-dessus  duquel  s'élève 


—  159  — 

un  édifice  où  les  Abyssins  qui  font  la  cure  affluent  tout  le  jour.  C'est, 
dit  le  D' Stecker,  Ostende  ou  Trouville  en  miniature.  C'est  aussi  le  seul 
endroit  de  toute  TAbyssinie  oîi  il  ai£  trouvé  quelque  chose  qui  rappelle 
les  auberges  de  l'Europe;  d'ordinaire  l'Abyssin  reste  chez  lui  et  y  pré- 
pare sa  boisson  favorite,  la  bière.  Mais  à  Wansagué,  il  y  a  des  auberges 
proprement  dites,  c'est-à-dire  des  huttes  où  sont  reçus  les  baigneurs. 
Elles  sont  construites  en  paille,  petites  et  coniques  comme  toutes  les 
habitations  du  pays.  Sur  une  colline  s'élève  la  villa  royale,  consistant 
en  deux  ou  trois  huttes  plus  grandes.  Une  autre  source,  plus  rappro- 
chée de  la  Goumara  que  la  première,  n'a  que  32"*,  et  n'est  guère  fré- 
quentée que  par  ceux  qui  sont  atteints  de  maladies  graves. 

De  Wansagué,  Stecker  descendit  à  Korata,  la  locaMté  la  plus  impor- 
tante, la  plus  pittoresque  des  bords  du  lac  et  la  plus  visitée  par  les 
Européens.  Un  promontoire  basaltique,  au  •dos  arrondi  couvert  de  jar- 
dms,  projette  dans  le  lac  son  extrémité  escarpée  ;  chacun  de  ces  jardins 
renferme  l'habitation  d'une  famille  riche,  ou  aisée  tout  au  moins. 
Renommé  pour  l'excellente  qualité  de  son  café,  Eorata  est  encore  le 
marché  le  plus  considérable  du  lac,  quoique,  à  l'époque  où  Stecker  s'y 
trouvait,  la  ville  ne  comptât  pas  plus  d'un  miUier  d'habitants.  Sous 
Théodoros  elle  en  avait  3000,  et,  d'après  Raffray,  2000  en  1873  ;  une 
grande  partie  étaient  mahométans.  La  population  a  beaucoup  diminué, 
par  suite  de  l'ordre  donné  par  le  roi  Jean,  à  tous  les  musulmans  de  ses 
états,  de  se  faire  chrétiens.  Un  très  petit  nombre  de  familles  musulma- 
nes adoptèrent  le  symbole  copte,  la  plupart  des  autres  émigrèrent  à 
Galabat.  La  fièvre  aussi  a  contribué  à  la  dépopulation  de  Korata. 
Stecker  y  passa  quinze  jours  pour  en  déterminer  la  position  (par 
IV  44'  22",5  latitude  nord  et  35^  8'  7",5  longitude  est),  faire  des 
excursions  aux  alentours  en  vue  de  coDections  minéralogiques,  botani- 
ques et  zoologiques,  gravir  le  Gougouvié,  de  2190  mètres,  important 
pour  la  cartographie,  en  ce  qu'il  est  visible  de  tous  les  points  des  bords 
du  lac,  et  au  pied  oriental  duquel  il  découvrit  le  charmant  petit  lac  Ajas- 
sat,  mais  surtout  pour  reconnaître  les  îles  qui  s'étendent  parallèle- 
ment à  la  côte,  de  Korata  h  l'embouchure  de  la  Goumara,  et  pour  faire 
un  grand  nombre  de  sondages  en  vue  de  s'assurer  de  la  profondeur  des 
eaux  dans  cette  partie  du  lac. 

Poursuivant  sa  route  vers  le  sud,  il  atteignit  bientôt  le  point  où  le 
Nil  Bleu  quitte  les  eaux  du  lac,  près  des  îles  Kentafami  et  Debra 
Mariam,  ayant  100"  de  large  et  8"  de  profondeur.  Il  fourmille  d'hippo- 
potames énormes.  A  8  kilomètres  en  aval,  près  de  Woreb,  il  forme 


—  160  — 

une  cataracte  imposante;  toute  la  contrée,  très  romantique^  ofEre  en 
outre  un  champ  extrêmement  riche  pour  les  observationB  et  les  colleo- 
tionfi  d'histoire  naturelle.  • 

De  là,  le  D'  Stocker  comptait  traverser  le  Nil  Bleu  pour  explorer  la 
cdte  occidentale,  et,  tout  d'abord,  la  presqu'île  de  Zegui,  très  impor- 
tante au  point  de  vue  cartographique.  En  effet,  les  cartes  antérieures 
donnent  toutes,  sauf  celle  de  Cosson,  à  cette  partie  du  lac  une  forme 
complètement  inexacte,  tantôt  arrondie,  tantôt  presque  rectangulaire, 
tantôt  coupée  en  deux  bras  par  un  promontoire  allongé  s'avançant  du 
sud  au  nord  ;  dans  celle  de  Cosson,  on  commence  à  entrevoir  une  pres- 
qu'île, toutefois  la  forme  en  est  justement  l'inverse  de  la  réalité  ;  l'ex- 
trémité en  est  tournée  vers  le  sud,  tandis  qu'elle  regarde  le  nord.  Mais 
le  territoire  de  la  rive  droite  du  fleuve  et  la  côte  sud-ouest  du  lac,  le 
Mietcha,  l'Abaldar  et  le  Wendigué,  jusqu'au  promontoire  de  Bahrdar 
Georgis,  avec  les  grandes  lies  Dek  et  Dega,  dépendent  du  roi  du 
Godjam,  le  négous  Tekla  Haimanot,  pour  lequel  l'offider  qui  accompa- 
gnait Stecker  prétendit  n'avoir  reçu  aucun  ordre.  Stecker  eut  beau 
lui  répéter  qu'il  avait  reçu  du  roi  des  rois,  le  négous  de  toute  l'Abyssi- 
nie,  l'autorisation  de  faire  le  tour  du  lac,  et  de  visiter  les  territoires  de 
Tekla  Haimanot,  aussi  bien  que  ceux  du  gouverneur  du  Béguéméder,  il 
ne  put  rien  obtenir  et  dut  rebrousser  chemin.  Il  envoya  alors  immédia- 
tement un  courrier  au  gouverneur  du  Béguéméder  et  au  roi  Jean,  pour 
obtenir  la  permission  d'explorer  les  états  du  roi  du  Godjam. 

En  attendant,  et  pour  ne  pas  perdre  de  temps,  il  résolut  d'étudier  les 
côtes  orientale  et  septentrionale  du  lac,  et  se  rendit;  par  Sara,  au  Reb, 
dont  il  explora  l'embouchure.  De  là,  il  gagna  l'île  Mitraha,  dont  les  prê- 
tres ne  voulurent  pas  lui  fournir  de  vivres  avant  qu'il  eût  visité  leur 
église,  c'est-à-dire  avant  qu'il  leur  eût  remis  un  riche  présent.  Aussi 
continua-t-il  sa  marche  jusqu'à  l'île  Kalamoudch,  à  10  kilomètres 
plus  au  nord,  à  travers  le  Lamgué,  la  partie  la  plus  belle  des.  bords  du 
lac,  renopimée  pour  ses  arbres  imposants.  Leurs  troncs  séculaires  sont 
tout  couverts  de  loranthacées  parasites  à  fleurs  roses  et  pourpres,  et 
de  gui  vert-olive,  et  entourés  de  cucurbitacées  et  de  convolvulacées,  qui, 
formant  tantôt  des  dômes  de  verdure  du  plus  bel  effet,  tantôt  de  vraies 
galeries,*  répandent  l'ombre  la  plus  fraîche.  Les  oiseaux  tisseurs  suspen- 
dent leurs  nids  aux  acacias  séculaires,  en  quantité  si  grande  que 
Stecker  en  a  compté  872  sur  un  seul  de  ces  arbres. 

De  l'île  Kalamoudch,  où  il  devait  attendre  la  réponse  du  roi,  l'explo- 
rateur fit  une  excursion  à  Ambo,  au  nord  du  lac,  et  à  la  Goumara, 


T^ 


—  161  — 

qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  la  rivière  de  même  nom  près  de  laquelle 
sont  les  sources  thermales  de  Wansagué.  Enfin,  le  2  mai,  il  reçut  de 
Naretti,  qui  remplit  actuellement  les  fonctions  de  ministre  de  la  maison 
du  roi,  un  message  Tinformant  qu'il  avait  dû  écrire  au  roi  Jean,  alors  à 
Jedchou,  et  qu'il  lui  enverrait  la  réponse  de  celui-ci  au  mont  Gorgora, 
ajoutant  que  le  gouverneur  du  Béguéméder  n'avait,  en  effet,  reçu 
d'ordres  que  pour  sa  province,  et  que  si  Stocker  voulait  visiter  les  états 
du  roi  du  Godjam,  sans  attendre  la  réponse  royale,  il  le  pouvait,  aucun 
obstacle  ne  devant  lui  être  suscité;  mais  que  le  gouverneur  du  Bégué- 
méder ne  pouvait  lui  donner  aucune  garantie,  ni  permettre  à  l'officier 
qui  l'avait  accompagné  jusque-là  de  passer  le  Nil  Bleu.  Pour  gagner 
du  temps,  Stecker  fit  une  courte  visite  à  Gondar;  il  en  dressa  le  plan, 
et  déjà,  le  9  mai,  il  se  remettait  en  route  pour  le  mont  Gorgora,  peu 
connu  jusqu'alors.  Le  10,  il  campait  au  pied  de  la  montagne,  et  le  len- 
demain, il  faisait  l'ascension  de  la  cime  la  plus  élevée,  le  Goraf  (2134""). 
Cette  exploration  lui  fournit  des  résultats  très  importants  au  point  de 
vue  de  la  structure  géologique  de  ce  massif  montagneux.  Il  trouva  dans 
le  haut  des  restes  visibles  d'un  fort  courant  de  lave,  qu'il  put  suivre  jus- 
qu'au bord  du  lac,  des  cratères  à  demi  éboulés,  et  des  cônes  d'éruption 
bien  marqués.  Les  couches  supérieures  de  la  montagne  consistent  en 
schistes  cristallifères,  tandis  que  la  base  est  formée  des  mêmes  couches 
de  grès  que  celles  dans  lesquelles  on  a  découvert,  près  de  Tchelga,  des 
gisements  carbonifères.  Du  sommet  du  |Goraf,  il  eut  pour  la  première 
fois  une  belle  vue  de  la  côte  occidentale  du  lac,  et  put  faire  quelques 
observations  importantes  pour  déterminer  certaines  positions,  puis  U 
redescendit  à  son  campement  en  face  des  lies  Yirsida  Mariam  et  Angara 
Aunt  Tekla  Haimanot.  Gette  partie  du  lac  est  extrêmement  riche  en 
hippopotames  énormes,  qui  s'y  ébattent  tout  à  leur  aise,  n'étant  pas 
poursuivis  par  les  Wohitos  comme  à  Eorata,  à  Mitraha  et  au  Nil  Bleu, 
n  est  interdit  aux  Abyssins  d'en  manger  la  chair,  une  secte  seule,  pro- 
prement païenne,  envisage  la  chair  de  ces  monstrueux  pachydermes 
comme  un  vrai  régal.  De  leur  peau  on  fabrique  quantité  d'objets  d'un 
beau  travail,  courbaches,  peignes,  poignées  de  cannes  et  de  sabres, 
rênes,  etc.  Stecker  n'a  pas  trouvé  dans  le  lac  Tzana  d'autres  grands 
mammifères.  II  a  pris  auprès  des  indigènes  des  renseignements  sur  le 
ja  bahar  tseda^  peut-être  du  genre  lamantin,  dont  parle  Heuglin,  mais 
personne  n'a  pu  lui  en  donner;  il  l'a  cherché  partout  sans  le  trouver  ; 
son  nom  même  en  amharique  est  inconnu.  Aussi  Stecker  estime-t*il 
qu'il  faut  admettre  qu'il  n'y  a  pas  de  lamantins  dans  le  lac  Tzana. 


—  162  — 

En  revanche,  il  a  découvert  au  moût  Gorgora  une  coquille  remarqua- 
ble, dont  la  forme  rappelle  celle  de  Thuître,  et  dont  on  trouve  au 
bord  du  Tzana  Técaille  et  Tanimal  vivant,  qui,  avec  du  jus  de  citron, 
a  le  goût  de  Thuître.  Stocker  Pavait  déjà  trouvée  dans  le  Nil  Bleu,  et  il 
la  retrouva  plus  tard  dans  une  roche  éruptive  de  Tîle  Dek.  Il  ne  peut 
s'expliquer  le  fait,  que  par  l'hypothèse  qu'à  une  époque  où  le  lac  exis- 
tait déjà,  il  y  a  eu  au  sud  une  grande  éruption.  D'après  lui,  le  lac  s'est 
formé  à  l'époque  tertiaire,  ensuite  d'une  puissante  commotion  volcani- 
que au  nord,  dans  les  monts  Grorgora.  Le  Nil  Bleu,  qui,  auparavant, 
n'était  qu'une  rivière  peu  importante,  et  décrivait  le  grand  arc,  indiqué 
sur  la  carte  par  des  flèches  autour  des  îles  Dek  et  Dega,  a  été,  par  Ut, 
refoulé  vers  les  rives  sud-ouest  et  sud,  quoiqu'on  p|(iisse,  encore 
aujourd'hui,  très  bien  suivre  son  cours  primitif.  De  Zegui,  par  exemple, 
on  aperçoit  très  distinctement  deux  courants  du  fleuve  dans  le  lac, 
comme  deux  filets  d'argent  ;  ils  sont  également  très  sensibles  quand  on 
traverse  le  lac  entre  Korata  et  Zegui.  Il  y  a  eu  plus  tard,  au  sud,  un 
second  mouvement  d'éruption  auquel  sont  dues  les  îles  Dek  et  Dega, 
ainsi  qu'un  grand  nombre  d'autres  le  long  de  la  côte  orientale,  et  tous 
les  blocs  d'origine  volcanique  qui  sont  dispersés  dans  la  vallée  du  Nil 
Bleu  et  obstruent  le  cours  du  fleuve. 

Du  mont  Gorgora,  Stecker  passa  le  Sar  Wouha,  qui  forme  la  limite 
entre  le  Dembéa  et  le  Dagossa,  pour  commencer  l'exploration  de  la  côte 
occidentale,  et,  quoique  la  réponse  du  roi  Jean  ne  lui  fût  pas  encore 
parvenue,  il  ne  s'en  décida  pas  moins  à  visiter  aussi  le  Wendigué,  qui 
fait  partie  des  états  du  négous  Tekla  Haimanot.  Le  mont  Dengelber 
forme  la  frontière  entre  les  territoires  d'Aléfa  et  de  Wendigué,  H  arriva 
sans  difficulté  et  sans  aventures  à  Konséla,  la  première  localité  du 
Wendigué.  Là,  il  fut  témoin  d'un  phénomène  solaire  remarquable  ;  le 
soleil  avait  un  halo  de  toutes  les  couleurs  de  l'arc-en-ciel,  et,  vers  10 
heures  45  minutes,  il  se  forma  également  autour  du  soleil  une  croix, 
nuancée  des  mêmes  couleurs  ;  le  phénomène  dura  une  dizaine  de  minu- 
tes, et  plongea  les  Abyssins  dans  l'étonnement  et  la  stupeur.  Us  se  rap- 
pelèrent qu'un  halo  de  ce  genre  s 'était  produit  le  jour  de  la  prise  de 
Magdala  et  de  la  mort  de  Théodoros,  et  ils  en  augurèrent  que  le  voyage 
non  autorisé  de  Stecker  dans  les  états  du  négous  Tekla  Haimanot,  n'au- 
rait pas  une  heureuse  issue. 

Sans  rien  prévoir  de  fâcheux,  Stecker  continua  sa  marche  vers  Wen- 
digué ;  mais  à  peine  avait-il  mis  le  pied  dans  le  village,  qu'il  vit  venir  à 
lui  une  foule  de  soldats,  de  badauds  et  de  fenunes,  le  choum  (gouver- 


—  163  — 

neur  de  la  localité)  en  tète,  pour  lui  demander  de  produire  une  lettre  de 
recommandation  de  Tekla  Haimanot,  et,  comme  il  n'en  avait  point,  on 
voulut  l'empêcher  de  passer.  En  vain  chercha-t-il  à  faire  comprendre 
qu'il  avait  une  autorisation  du  roi  des  rois  d'Abyssinie  pour  visiter  ces 
pays.  Le  choum  s'emporta  en  cris  furieux,  prétendant  que  l'explorateur 
n'était  nullement  l'ami  de  Sa  Majesté  salomonienne,  qu'il  venait  de 
Météma,  et  voulait  introduire  par  contrebande  des  caisses  de  marchan- 
dises soumises  aux  droits  d'entrée.  Stecker  fit  faire  halte  et  dressa  ses 
tentes  près  du  lac,  afin  de  porter  plainte  auprès  du  gouverneur  de  la 
province,  Litch  Abai.  Malheureusement,  celui-ci  s'était  rendu  dans  les 
états  nègres  de  Chlmeledchani,  à  l'ouest  de  Wendigué,  et  il  fallut  l'at- 
tendre. Un  courrier  lui  fut  envoyé  et  revint  au  bout  de  trois  jours. 
Stecker  avait  mis  ce  temps  à  profit  pour  visiter  l'embouchure  du  Nil 
Bleu,  qui,  à  son  entrée  dans  le  lac,  a  10  mètres  de  large,  et  pour  explo- 
rer la  chaîne  volcanique  de  l'Atchéfer,  mais  sans  pouvoir  faire  l'ascen- 
sion de  l'Abenna,  la  cime  la  plus  haute,  un  messager  de  Litch  Abal 
l'ayant  rappelé  à  Wendigué.  Le  gouverneur  fit  fustiger  le  choum  du 
village,  et  promit  à  Stecker  de  l'accompagner  au  Nil  Bleu.  Tout  sem- 
blait faire  espérer  à  l'explorateur  qu'il  pourrait  atteindre  le  but  de 
son  voyage,  la  presqu'île  de  Zegui,  d'où  il  comptait  regagner  Bahrdar, 
et  achever  ainsi  le  tour  du  lac.  Mais  le  lendemain,  20  mai,  lorsqu'il  se 
rendit  avec  sa  caravane  auprès  de  Litch  Abaï,  celui-ci  prétexta  ne  pou- 
voir prendre  sur  lui  la  responsabilité  de  le  laisser  traverser  le  pays, 
sans  un  ordre  précis  du  négous  Tekla  Haimanot,  et  l'explorateur  dut 
revenir  sur  ses  pas  le  long  de  la  côte  occidentale. 

Le  22  mai,  il  atteignait  de  nouveau  Gorgora,  traversait  deux  jours 
plus  tard  la  savane,  de  plusieurs  kilomètres  de  long  et  de  large,  au  nord 
du  lac,  remarquable  par  la  végétation  luxuriante  de  ses  bambous  qui 
forment  de  véritables  forêts,  et,  par  Ferkaber  et  Ifag,  sur  la  route  de 
Gondar  à  Debra  Tabor,  il  regagnait  cette  résidence  le  28  mai.  Là  il 
apprit  enfin  que  le  roi  Jean  lui  avait  donné  une  autorisation  pour  voya- 
ger dans  les  états  du  négous  Tekla  Haimanot,  mais  que  le  gouverneur 
du  Béguéméder,  auquel  des  ordres  à  cet  égard  avaient  été  donnés,  était 
parti,  n  ne  revint  que  le  31  mai,  et  Stecker  ne  put  se  remettre  en  route 
que  le  2  juin.  Il  se  dirigea  vers  Makdéra  Mariam,  marché  important  à 
16  Mlom.  au  S.-O.  de  Debra  Tabor,  et  bientôt  il  se  retrouva  à  Korata, 
d'où  il  fit  en  tankoa  la  traversée  du  lac  jusqu'à  la  presqu'île  de  Zegui. 
La  tankoa  est  une  embarcation  particulière  au  lac  Tzana,  et  peu  agréa- 
ble pour  ceux  qui  n'y  sont  pas  habitués.  C'est  un  radeau  rectangulaire, 


—  164  — 

composé  de  bottes  de  paille  solidement  liées,  fort  épais  et  d'un  tirant 
d'eau  de  plus  de  0",60  ;  il  n'y  a.  pas  de  bordage  ;  Tembarcation  ne  peut 
pas  couler,  mais  elle  chavire  facilement.  Les  bagages  se  mettent  à 
Tarrière  ;  à  Tayant  se  tient  le  passeur,  armé  d'un  bâton  qui  lui  sert  à 
pagayer,  car  Teau  est  trop  profonde  pour  pouvoir  pousser  de  fond.  Dans 
la  presqu'île  de  Zegui,  Stecker  fit  l'ascension  de  la  plus  haute  cime,  le 
Tekla  Haimanot  (2074"),  puis  une  excursion  rapide  à  Livlivo,  au  sud- 
ouest  de  Zegui,  et  une  autre  plus  longue  à  Adina,  dans  le  voisinage  de 
l'embouchure  du  Nil  Bleu,  c'est-à-dire  près  du  point  qu'il  avait  atteint 
le  18  mai  en  venant  de  Wendigué.  De  là  il  fit  en  quatre  heures,  en  tankoa, 
le  trajet  de  la  côte  à  l'Ile  Dek,  mais  ne  put  visiter  celle,  plus  intéressante, 
de  Dega,  vu  qu'il  n'est  permis  à  aucun  étranger  d'en  fouler  le  sol,  con- 
sacré à  saint  Etienne.  Elle  n'est  habitée  que  par  des  moines.  Après  une 
traversée  extrêmement  pénible  de  douze  heures  en  tankoa,  il  rentrait  à 
Zegui.  Ce  qui  rend  célèbre  la  presqu'île  de  ce  nom,  ce  sont  ses  caféiers. 
Toute  la  montagne  n'est  pour  ainsi  dire  qu'une  immense  plantation  de 
café.  Quelques  arbres  ont  jusqu'à  1""  de  circonférence.  La  plus  grande 
partie  du  café  est  transportée  à  Météma  ;  le  reste,  en  quantité  beaucoup 
moins  considérable,  à  Massaoua.  Toutefois  la  qualité  n'en  est  pas  aussi 
bonne  que  celle  du  café  de  Korata.  La  plupart  des  habitations  {tokula) 
de  la  presqu'île  de  Zegui  sont  en  pierre  ;  comme  presque  toutes  les  loca- 
lités du  lac  Tzana,  ses  villages  se  distinguent  avantageusement  de  ceux 
de  l'intérieur,  par  un  cachet  particulier  de  propreté  et  d'hospitalité. 

Stecker  aurait  voulu  pouvoir  profiter  de  l'occasion  qui  lui  était  offerte 
pour  visiter  les  états  du  négous  Tekla  Haimanot,  les  monts  Atchéfer,  et 
surtout  les  états  nègres  de  l'ouest,  connus  sous  le  nom  collectif  de  Chi- 
meledchani.  Mais,  en  rentrant  à  Korata,  il  y  trouva  un  courrier  du  roi 
Jean,  qui  l'attendait  pour  l'accompagner  auprès  de  Sa  Majesté,  laquelle 
devait  passer  la  saison  des  pluies  au  Zaboul.  Quoiqu'il  lui  en  coûtât  de 
renoncer  à  ce  projet,  il  pouvait  considérer  comme  terminée  l'exploration 
du  lac  Tzana.  Elle  lui  a  du  moins  permis  d'en  donner  une  carte  beau- 
coup plus  exacte  que  celles  de  ses  devanciers.  D'après  ses  calculs,  la 
superficie  en  est  de  2,980  kil.  c,  —  environ  la  moitié  de  celle  du  lac 
Aral,  et  cinq  fois  celle  du  lac  de  Genève,  —  celle  de  toutes  les  tles 
ensemble  est  de  50  kil.  c.  ;  les  îles  Dek  et  Dega  à  elles  seules  en  ont 
44.  Pendant  ses  excursions  en  tankoa,  il  n'a  pas  fait  moins  de  30  son- 
dages, et  a  trouvé  la  .plus  grande  profondeur  (72")  entre  l'île  Dega  et  la 
presqu'île  de  Zegui  ;  entre  Zegui  et  Korata  68",  et  entre  Adina  et  l'Ile 
Dek  une  série  de  fonds  de  32"  à  47"  ;  mais  il  estime  qu'il  doit  y  avoir 


—  165  — 

entre  les  tles  Dek  et  Dega  et  les  monts  Gorgora  des  profondeurs  de  100^  ; 
seulement,  avec  les  embarcations  fragiles  des  Abyssins,  on  ne  peut  guère 
se  hasarder  à  foire  une  traversée  dans  cette  direction.  U  a  fait,  en  divers 
endroits  du  lac,  des  observations  hypsométriques  d'après  lesquelles  la 
hauteur  du  lac  au-dessus  du  niveau  de  la  mer  doit  être  fixée  à  1942""  ^ 
Du  lac  Tzana,  Stecker  a  été  envoyé  au  lac  Achangui  par  le  négous, 
qui,  le  tenant  pour  un  ingénieur,  voulait  avoir  son  avis  sur  un  canal  à 
ouvrir  dans  un  promontoire  montueux,  où  le  roi  a  Tintention  de  se  faire 
construire  un  palais.  jQ  en  a  profité  pour  faire  le  relevé  du  lac  Achangui 
et  des  environs.  Après  cela,  il  voulait  se  rendre  au  Eaffa,  en  repassant 
par  le  lac  Tzana.  De  là,  si  ses  intentions  se  réalisent,  il  gagnera  Fazogl 
et  rSnnaréa.  Dans  une  campagne  militaire,  le  négous  Tekla  Haimanot 
a  rendu  le  Kaffa  tributaire  du  roi  d'Abyssinie.  Muni  des  recommanda- 
tions de  ce  souverain,  Stecker  pourra  explorer  ce  pays  sans  avoir  à 
redouter  le  sort  de  Ghiarini,  et  nous  pouvons  espérer  que  les  résultats 
de  son  prochain  voyage  seront  aussi  importants  que  ceux  de  son  explora- 
tion du  lac  Tzana. 


CONFÉRENCE  DU  D'  BUCHNER  A  LOANDA 

Nous  avons  annoncé,  dans  les  Nouvelles  complémentaires  de  notre 
dernier  numéro,  l'arrivée  du  D' Buchner  à  Loanda*.  Il  y  a  passé  quel- 
ques jours  et  y  a  fait,  sur  son  expédition  au  cœur  du  continent,  une 
conférence,  dont  nous  analyserons  ici  les  passages  les  plus  importants. 

Nos  lecteurs  se  rappellent  que  le  D' Buchner  a  été  envoyé  en  Afrique 
par  la  «  Société  africaine  allemande,  »  avec  mission  de  tâcher  d'opérer  la 
traversée  du  continent,  de  la  ,côte  occidentale  à  Zanzibar,  en  passant 
par  Nyangoué.  Son  premier  but  cependant  devait  être  Moussoumbé, 
capitale  de  l'état  du  Mouata  Yamvo. 

Arrivé  à  Loanda  en  décembre  1878,  il  gagna  d'abord  Malangé,  à 

^  Yoici,  d'après  M.  James  Jackson,  raltitude  des  principaux  lacs  de  l'Afrique  : 

Lac  Tchad 244™               Lac  Moero 914™ 

Nyassa 464                   »    Tanganyika 940 

Kassali  ou  Kilondja . . .      533                   »    Bangouéolo 1124 

Chiroua 610                   »    Victoria 1270 

Albert 829                   »    Dilolo 1445 

Ngami 893                   »    Tzana 1942 

*  Le  D'  Buchner  était  attendu  à  Berlin  yers  le  milieu  de  janvier. 


—  166  — 

500  kilom.  de  la  côte,  y  engagea  120  porteurs,  et  s'associa  à  une  cara- 
vane de  40  ambaquistes  (noirs  d'Âmbaca  voyageant  pour  leurs  affaires 
particulières).  Il  traversa  sans  difficulté  le  territoire  des  Songes,  des 
Minoungos  et  des  Quiocos,  jusqu'à  Kimboundou.  Au  delà,  un  des  trois 
principaux  chefs  des  Quiocos  voulut  l'obliger  à  s'arrêter  auprès  de  lui, 
et,  sur  son  refus,  prit  une  attitude  belliqueuse ,  cependant  tout  finit  par 
s'arranger  à  l'amiable.  Buchner  a  été  frappé,  conune  son  prédécesseur 
Schûtt  \  des  progrès  faits  par  les  Quiocos.  H  en  distingue  deux  tribus  : 
l'une,  celle  du  Mona-Eissengué,  établie  le  long  du  Louachimo,  l'autre, 
celle  du  Mona-Einiama,  habitant  le  long  du  Cuilou  et  du  Loangoué.  Us 
ont  envahi  l'antique  royaume  des  Loundas,  paresseux  et  débauchés, 
sur  lesquels  ils  l'emportent  déjà  par  le  nombre  dans  certains  districts,  et 
ils  menacent  même  de  couper  les  communications  du  Mouata  Yamvo 
avec  Cassangé  et  l'Angola.  Les  Loundas  voudraient  les  expulser,  mais  la 
puissance  du  Mouata  Yamvo  diminue,  quoique  le  souverain  conserve 
encore  son  prestige. 

La  marche  de  l'expédition  fut  retardée  par  la  fièvre,  dont  Buchner 
fut  atteint  ainsi  que  son  personnel,  et  aussi  par  les  pluies  et  par  les  dif- 
ficultés du  passage  des  principales  rivières,  le  Quicapa,  le  Louachimo, 
le  Quimboué,  le  Louhemba,  le  Cassai,  le  Louloua  etleLuisa.  Enfin,  elle 
arriva  à  Moussoumbé  le  10  décembre  1879,  quatre  mois  et  demi  après 
avoir  quitté  Malangé. 

Le  Mouata  Yamvo,  auquel  Buchner  devait  remettre  des  présents  de 
la  part  de  l'empereur  d'Allemagne,  le  reçut  très  bien  ;  il  fait,  ainsi  que 
ses  gens,  grand  cas  des  verroteries,  des  armes,  de  la  poudre  et  des  mar- 
chandises venues  d'Europe.  Retenu  à  Moussoumbé  par  la  saison  des 
pluies,  l'explorateur  se  construisit  une  maison  de  bois  et  des  magasins 
pour  ses  marchandises.  Il  y  passa  six  mois,  en  assez  bonnes  relations 
avec  le  souverain,  et  put  étudier  les  habitudes  commerciales  du  pays. 
Comme  dans  tout  l'intérieur,  il  les  a  trouvées  très  défectueuses.  Quand 
on  ne  peut  cacher  ses  marchandises,  on  doit  les  remettre  au  chfsf,  qui 
les  reçoit  comme  un  dû  et  ne  paie  que  peu  à  peu,  en  ivoire  ou  en  escla- 
ves ;  le  négociant  doit  patienter  et  réclamer  de  temps  à  autre.  Deux 
mots  résument  tout  le  commerce  mdigène  :  spoliation  et  mendicité  ; 
aussi  les  négociants  bangalas  et  ambaquistes,  qui  se  rendent  dans  le 
royaume  du  Mouata  Yamvo,  prennent-ils  d'ordinaire  peu  de  choses  avec 
eux*  Buchner  croit  que  depuis  Rodriguez  Graça,  sa  caravane  est  la  plus 

*  Voir  I"  année,  p.  156.  ^ 


—  167  — 

riche  qui  se  soit  présentée  à  Moussoumbé.  Il  chercha  à  faire  compren- 
dre au  roi  que,  ne  voyageant  pas  pour  affaires,  ne  demandant  pas 
d'esclaves,  et  Fivoire  ayant  peu  ou  point  de  valeur  pour  lui,  il  ne  pou- 
vait se  soumettre  au  régime  ordinaire.  Malgré  les  collections  scientifi- 
ques et  les  instruments  qu'il  lui  montra,  le  Mouata  Yamvo  ne  s'en 
obstina  pas  moins  à  le  considérer  comme  un  négociant,  lui  demandant 
de  hii  procurer  beaucoup  d'étoifes,  d'armes  et  de  poudre.  Quand  Buch- 
ner  voulut  aller  vers  le  nord,  le  roi  s'y  opposa,  craignant  que  si  l'explo- 
rateur mourait  en  route,  on  ne  l'accusât  de  l'avoir  fait  assassiner. 
Les  ambaquistes,  qui  ne  songeaient  qu'à  obtenir  des  esclaves  pour  les 
vendre  aux  Quiocos,  le  retenaient  également.  Il  eut  aussi  à  subir  les  exi- 
gences de  la  loukokécha\  cette  reine,  plus  ou  moins  indépendante,  qui 
siège  à  côté  du  roi  sans  être  sa  femme.  Le  Lounda  était  autrefois  une 
gynécocratie  ;  la  loukokécka  en  serait  un  souvenir  historique  ;  à  l'ori- 
gine son  pouvoir  était  égal  à  celui  du  roi,  mais  aujourd'hui,  il  a  beau- 
coup diminué. 

Buchner  s'estime  heureux  de  n'avoir  perdu  à  Moussoumbé  qu'un  tiers 
de  ses  marchandises,  tandis  que  Pogge  y  avait  perdu  presque  toutes  les 
siennes.  Ses  instruments  et  ses  travaux  n'excitèrent  pas  la  méfiance  ;  il 
put  prendre  des  photographies  des  principaux  dignitaires,  ainsi  que  du 
roi  et  de  la  loukokécha  ;  il  put  même  exercer  la  médecine  auprès  des 
familles  des  grands  du  pays,  et  trouva  le  Mouata  Yamvo  moins  cruel 
que  les  chefs  du  centre  n'en  ont  la  réputation. 

Le  moment  favorable  pour  voyager  étant  arrivé,  Buchner  se  disposa 
à  partir^  tout  en  laissant  O'oire  au  roi  qu'il  retournait  dans  son  pays, 
n  reprit  jusqu'au  Louloua  la  route  par  laquelle  il  était  venu.  Après  avoir 
passé  le  Louloua  il  tourna  vers  le  nord-ouest  et,  arrivé  au  Lousanzéjé, 
s'arrêta  quelques  jours  pour  congédier  une  partie  de  ses  porteurs,  leur 
grand  nombre  devenant  trop  onéreux  ;  il  remit  une  partie  de  ses  collec- 
tions à  ceux  qui  retournaient  à  Malangé.  Ensuite  il  longea  le  Cassai 
jusqu'à  la  frontière  des  états  du  Mouata  Yamvo,  où  commence  le  terri- 
toire des  Toukongos  indépendants.  N'ayant  pas  de  guide,  et  les  indi- 
gènes ne  voulant  pas,  par  crainte  du  roi,  lui  indiquer  le  chemin,  il  erra 
dans  une  contrée  marécageuse,  et  mit  ô  jours,  d'une  marche  continuelle 
du  matin  au  soir,  pour  franchir  50  kilom.  Ensuite  il  fut  arrêté  par  des 
menaces  de  guerre  des  indigènes,  qui  firent  déseii;er  avec  armes  et 
bagages  une  partie  de  ses  porteurs,  tandis  que  ceux  qui  restaient  mena- 

*  V.  I'«  année,  p.  196. 


—  168  — 

çaient  d'en  faire  autant  s'il  poussait  plus  avant  vers  le  nord.  Alors  il  se 
décida  à  regagner  la  côte  occidentale  entre  le  8""  et  le  T''  latitude  sud, 
traversa  le  Louhemba,  et,  ayant  obtenu  un  guide,  voulut  aller  visiter  le 
chef  Tambou-a-Eabong,  au  nord  du  7^,  un  des  six  ou  sept  princes  du 
Louba.  Mais  son  guide  le  conduisit  chez  un  autre  chef,  beaucoup  moins 
considérable.  La  marche  était  rendue  difficile  par  les  rivières  et  les  val* 
lées  parallèles  les  unes  aux  autres,  parles  marécages,  et,  dans  les  gorges 
du  Quihoumbo,  par  une  végétation  exubérante.  En  outre,  plus  Buchner 
avançait,  plus  la  population  indigène,  nombreuse  en  ces  quartiers,  deve* 
nait  pressante  dans  ses  demandes  d'armes  et  de  poudre,  en  sorte  qu'il 
dut  redescendre  vers  le  sud-ouest.  Sur  son  passage  il  rencontra,  non  loin 
de  l'endroit  où  deux  ans  auparavant  Schûtt  avait  été  obligé  de  rebrous- 
ser chemin  ' ,  un  chef  louba  qui  était  en  guerre  avec  les  Loundas  et 
voulut  l'empêcher  d'avancer.  N'ayant  avec  lui  qu'une  petite  troupe, 
peu  rassurée,  il  préféra  se  retirer  et  se  rendre  à  Kahoungoula,  d'où  il 
espérait  pouvoir  pousser  vers  le  nord  jusqu'au  5%  dans  le  pays  des 
cannibales.  Mais  le  chef  de  Kahoungoula,  toujours  ivre,  le  voyant  isolé, 
devint  impertinent  et  voulut  s'approprier  les  marchandises  qui  lui  res- 
taient. Buchner  dut  prendre  des  précautions  pour  assurer  sa  sécurité. 
Il  s'efforça  de  gagner  l'amitié  du  chef  et  de  se  rattacher  ses  porteurs, 
dont  la  moitié  l'avaient  déjà  abandonné.  Au  moyen  d'un  présent  consi- 
dérable, il  obtint  du  chef  un  guide  pour  le  conduire  chez  le  Mouata- 
Eoumpana,  mais  avant  de  partir  le  guide  reçut  l'ordre  secret  de  le 
fourvoyer,  ce  dont  Buchner  n^  s'aperçut  que  longtemps  après  avoir 
quitté  Kahoungoula.  Il  se  décida  alors  à  chercher  en  toute  hftte  im  bon 
chemin  vers  le  nord.  Mais  ses  porteurs,  s'étant  concertés  avec  les  indi- 
gènes, désertèrent,  sauf  huit  auxquels  Buchner  offrit  une  augmentation 
de  salaire  pour  le  conduire  jusqu'à  la  résidence  du  Mouata-Koumpana. 
Leur  refiis  fit  échouer  cette  dernière  tentative  de  l'explorateur  pour  péné- 
trer plus  avant  dans  l'intérieur  du  continent.  Ne  pouvant  emporter  ce 
qui  lui  restait  de  marchandises,  il  en  brûla  une  partie,  et,  confiant  le 
reste  à  une  caravane  de  Bangalas,  il  se  dirigea  vers  Cassangé  et  Malangé, 
par  uoe  route  un  peu  à  l'ouest  de  celle  de  Schûtt.  De  Moussoumbé  à 
Malangé  son  voyage  avait  duré  neuf  mois.  En  retraversant  plus  au  nord 
^es  rivières  qu'il  avait  passées  au  sud  en  allant  à  Moussoumbé,  il  a 
constaté  que  le  système  hydrographique  du  Cassai  est  bien  tel  que 
Schûtt  l'a  esquissé,  mais  il  ne  croit  pas  que,  même  après  avoir  reçu  tous 

»  V.  I**  année,  p.  157. 


—  169  — 

ses  tributaires,  ce  fleave  puisse  être  comparé  au  Loualaba  de  Stanley. 
Dans  la  saison  sèche,  sous  le  S"",  il  n'a  pas  plus  de  120"  de  largeur,  avec 
3*5  de  profondeur  et  une  vitesse  de  3  kilom.  à  Theure  ;  il  est  même  infé- 
rieur au  Quanza  à  Dondo,  quoiqu'il  soit  le  plus  grand  fleuve  de  cette 
région. 

Le  plateau  que  Buchner  a  traversé  à  Tintérieur  a  à  peu  près  le  même 
caractère  que  celui  de  Malangé.  Situé  à  une  altitude  de  1060°',  il  est 
coupé  par  de  nombreux  cours  d'eau,  petits  et  grands,  qui  ont  creusé 
des  vallées  profondes,  où  croissent  des  forêts  épaisses  et  une  végétation 
exubérante,  analogue  à  celle  de  Goloungo-Àlto  et  de  Gasengo  dans  TAn- 
gola,  tandis  que  la  partie  horizontale  du  plateau  a  Taspect  d'une 
steppe,  ne  produisant  guère  que  du  chaume  ou  des  arbustes  noueux  et 
rabougris,  rarement  assez  grands  pour  ottm  de  l'ombre  au  voyageur. 
Quoique  sablonneux,  le  sol  n'en  est  pas  moins  généralement  fertOe  et 
ces  vastes  territoires  seraient  excellents  pour  l'élève  du  bétail,  mais 
celui-ci  est  rare.  Les  Quiocos  abattent  les  arbres  des  forêts  pour  déve- 
lopper leurs  cultures,  tandis  que  les  Loundas  paresseux  récoltent  les 
firuits  des  arbres,  plutôt  que  de  défricher  ou  de  labourer  la  terre.  Buch- 
ner n'a  pas  vu  de  gibier  ;  il  faut  pénétrer  assez  loin  pour  en  trouver. 

Quant  à  la  géologie,  le  pays  est  assez  uniforme.  Les  couches  du  ter- 
rain sont  presque  partouthorizontales,  et,  dans  les  vallées,  on  voit  régu- 
lièrement le  granit  et  le  gneiss  en  bas,  puis,  en  montant,  des  graviers 
plus  ou  moins  durs,  et  enfin  une  terre  rouge  qu'on  peut  appeler  latérite. 
Buchner  n'a  rencontré  ni  pétrifications  ni  laves.  La  région  qu'il  a  tra- 
versée ne  lui  a  pas  paru  riche  en  minéraux.  Le  fer  abonde,  mais  il  est 
d'une  qualité  très  inférieure  à  celui  d'Europe  ;  le  cuivre,  que  l'on  voit 
dans  le  Lounda,  et  même  à  Malangé,  vient  de  Cazembé  ;  le  sel  des  Ban- 
galas  provient  d'une  mine  de  peu  de  valeur.  Les  indigènes  de  l'inté- 
rieur remplacent  ce  condiment  par  les  cendres  de  certaines  plantes. 

Ce  qui  manque  à  l'intérieur  ce  sont  les  moyens  de  faire  valoir  les 
terres  excellentes  qu'on  y  rencontre,  et  la  sécurité,  pour  explorer  les 
vastes  territoires  qu'il  reste  à  étudier  avant  de  pouvoir  y  implanter  la 
civilisation. 


RAPPORT  DES  AMBASSADEURS  WA6ANDAS  A  MTÉSA 

Nos  lecteurs  se  rappellent  que  Mtésa  envoya  en  1880  trois  ambassa- 
deurs en  Angleterre.  A  son  retour  l'un  d'eux,  Saabadou,  fit  à  son  maître 
un  rapport  verbal,  qui  a  été  traduit  à  MM.  Mackay  et  Pearson  par 


—  170  — 

Mousta,  jeune  homme  de  Zanzibar  servant  d'interprète.  Nous  le  repro- 
duisons ici  d'après  VAU^gemeine  Missions  Zeitschrift. 

((  Quand  nous  atteignîmes  Rionga  (Foweira,  à  la  frontière  du  royaume 
de  Mtésa),  nous  y  laissâmes  nos  femmes,  puis  on  nous  ôta  nos  fusils,  nos 
lances,  nos  boucliers,  même  nos  grosses  cannes.  Aussi  pensions-nous 
que  Mtésa  nous  avait  vendus  comme  esclaves  aux  hommes  blancs.  Nous 
cheminâmes  pendant  trois  mois  à  travers  un  désert,  avant  d'arriver  à 
Ehartoum;  puis  deux  nouveaux  mois  dans  un  autre  désert,  oii  nous 
vîmes  des  montagnes  conune  nous  n'en  avions  jamais  vu  auparavant. 
Nous  arrivons  à  un  Nyanza  (la  mer  Rouge)  et  montons  sur  un  vaisseau. 
0  mon  maître!  c'était  un  vaisseau  grand  comme  une  colline!  Puis  nous 
entrons  dans  la  capitale  du  roi  des  Turcs  (Égyptiens).  Toutefois  nous 
remarquons  bientôt  que  ce  sont  les  Bazoungous  (Européens)  et  non  les 
Turcs  qui  gouvernent  le  pays,  et  que  les  Turcs  n'ont  aucune  autorité. 

«  Nous  naviguâmes  ensuite  sur  un  autre  Nyanza  (la  Méditerranée), 
jusqu'à  une  île  (Malte).  On  nous  dit  qu'elle  appartient  à  la  reine  d'An- 
gleterre; nous  crûmes  naturellement  que  la  reine  y  habitait  et  que  le 
but  de  notre  voyage  était  atteint.  Mais  point  du  tout;  il  fallut  aller  tou- 
jours plus  loin,  et  comme  on  nous  disait  que  nous  n'étions  pas  encore 
à  moitié  chemin,  nous  pensions  que  nous  n'en  verrions  jamais  le  bout. 
Nous  passâmes  devant  un  pays  européen,  mais  tous  les  gens  ressem- 
blaient aux  Arabes  (Alger),  puis  nous  touchâmes  à  une  grande  île  d'Eu- 
rope, mais  ce  n'était  pas  la  capitale  (Lisbonne).  Nous  étions  entrés  dans 
le  troisième  Nyanza  (l'Océan  Atlantique). 

«  Enfin,  après  bien  des  jours,  nous  abordons  en  Angleterre.  0  quelle 
infinité  de  grands  vaisseaux  nous  y  vîmes  (à  l'embouchure  de  la  Tamise)  ! 
Quand  nous  aperçûmes  tous  ces  mâts,  l'idée  nous  vint  que  c'était  une 
forêt  dont  les  arbres  croissaient  dans  l'eau.  En  remontant  le  fleuve, 
tous  les  capitaines  des  navires  criaient  du  haut  des  mâts  : 

a  Les  Bougandas  arrivent,  faites  place  aux  Bougandas  !  »  et  inuné- 
diatement  les  gros  bâtiments  se  retiraient  (Flatterie  pour  la  vanité  de 
Mtésa). 

(c  Nous  débarquons  à  Londres.  La  reine  (la  Société  des  missions) 
envoie  à  notre  rencontre  un  chef,  avec  une  voiture  et  deux  chevaux  ;  en 
général,  il  y  a  tant  de  chevaux  en  Angleterre  qu'on  peut  à  peine  les 
compter.  Les  maisons  sont  toutes  construites  en  pierre;  6  mon  maître! 
magnifique!  magnifique!!  On  construit  deux  longs  murs  en  pierre  (les 
côtés  des  rues),  à  perte  de  vue,  et  à  l'intérieur  de  ces  murs  se  trouve  la 
maison.  En  tout,  ce  n'est  qu'une  maison,  mais  si  divisée,  qu'un  grand 


—  171  — 

nombre  de  gens  peuvent  y  habiter.  Impossible  de  compter  le  nombre  de 
personnes  qui  demeurent  dans  une  maison  (ils  croyaient  qu'un  côté  de 
la  rue  n'était  qu'une  seule  maison).  Oh!  Londres  est  une  très  grande 
ville,  il  n'y  a  que  des  maisons  en  pierre  comme  d'ici  à  Bouhouézi 
(à  30  kilom.  environ  de  Roubaga). 

«  Nous  arrivons  à  une  place  oîi  un  grand  chef  (le  secrétaire  des  mis- 
sions,  Grant)  nous  tend  la  main  en  s'écriant:  «ah!  Bougandii!  Bou- 
ganda!  Bouganda!  » 

(c  Au  bout  de  deux  jours  (beaucoup  plus  tard),  la  reine  nous  fit  cher- 
cher. Nous  vîmes  une  foule  de  dames,  toutes  habillées  de  même,  en 
sorte  qu'il  nous  fut  impossible  de  savoir  qui  était  la  reine.  La  maison  de 
celle-ci  est  grande  conune  d'ici  à  Naboulagala  (colline  à  plus  de  3  kil.). 

«  Le  lendemain,  nous  allâmes  sur  une  grande  prairie  pour  voir  les 
soldats.  Chaque  mutongole  (capitaine)  a  des  militaires  qui  portent  un 
uniforme  différent.  Nous  étions  dans  un  gari  (voiture),  et  la  reine  dans 
un  autre.  Cette  fois-là,  nous  la  vîmes  seule,  en  sorte  que  nous  la  recon- 
nûmes. Ensuite,  nous  visitâmes  l'endroit  où  l'on  fait  les  canons  ;  poui* 
un  de  ceux-ci,  il  faut  200  tonnelets  de  poudre,  et  le  boulet  vole  comme 
d'ici  à  Nyamagoma  (à  plus  de  10  kilomètres  à  l'ouest  de  Roubaga). 
Après  quoi,  nous  vîmes  combien  de  fusils  magnifiques  on  fabrique.  Un 
ouvrier  nous  montra  celui  qu'il  venait  d'achever,  oh  !  et  il  était  si  beau  ! 
Puis,  nous  nous  fimes  montrer  comment  ils  préparent  la  poudre.  Enfin, 
nous  allâmes  à  un  endroit  où  l'on  fait  des  étoffes  de  laine  pour  vête- 
ments et  nous  vîmes  faire  boîista  (blanchir  la  toile). 

<(  Après  avoir  passé  quelques  jours  à  Londres,  nous  nous  rendîmes  en 
un  autre  endroit  où  nous  ne  passâmes  que  peu  de  temps.  Mais  nous 
n'y  allâmes  pas  à  pied,  nous  montâmes  dans  une  maison  de  bois  (voi- 
ture de  chemin  de  fer),  qui  partit  d'elle-même  en  nous  emmenant  tous. 

«  A  notre  retour  à  Londres,  nous  ftmes  part  à  la  reine  de  notre  désir 
de  retourner  à  Janda.  Mais  elle  nous  dit  :  «  Pas  encore,  vous  n'avez  pas 
encore  vu  mes  animaux.  »  Nous  allâmes  donc  voir  les  animaux  (au  Jar^ 
din  zoologique).  Tous  les  animaux  s'y  trouvent.  Il  nous  fallut  d'abord 
trois  jours  pour  voir  les  lions,  puis  deux  jours  pour  les  léopards,  trois 
jours  pour  les  bufBies,  plusieurs  jours  pour  les  éléphants  et  six  jours  pour 
les  oiseaux.  (Ils  n'ont  été  en  tout  que  trois  heures  au  jardin  zoologique, 
mais  ils  ont  évidemment  voulu  dire  par  là  qu'il  y  a  beaucoup  d'animaux). 
On  y  trouve  tous  les  oiseaux  de  tous  pays.  Nous  vîmes  ensuite  les  croco- 
diles. Magnifique!  Magnifique!  Magnifique!  Les  crocodiles  ne  sont 
point  sauvages.  On  appelle  le  crocodile  et  on  lui  présente  un  morceau 


—  172  — 

de  chair  qu'il  prend  inunédiateinent  de  la  main  de  Thomme.  »  —  Mtéga 
demande  d'où  Ton  tire  toute  la  nourriture  pour  les  animaux.  —  «  On 
leur  donne  des  vaches  et  des  chèvres.  »  —  Mtésa  :  «  Jette-t-on  aux  ani* 
maux  les  vaches  et  les  chèvres  vivantes?  »  —  a  On  tue  toujours  les  bètes 
et  on  ne  donne  que  de  la  chair  de  bêtes  tuées.  —  Nous  vîmes  encore 
des  serpents,  des  éléphants,  et  toute  espèce  d'animaux.  »  —  Mtésa 
s'adressant  à  ses  che&  :  «  Entendez-vous,  combien  d'animaux  les  Euro- 
péens donnent  à  leur  reine.  »  Le  katikiro  (premier  ministre)  répondit  : 
((  Il  faut  qu'elle  soit  une  souveraine  bien  puissante.  »  (Mtésa  fit  com- 
prendre à  ses  chefs  qu'ils  pourraient  le  rendre  aussi  puissant,  en  lui 
donnant  autant  d'animaux). 

«  On  nous  montra  ensuite  des  vaches,  des  moutons  et  des  chevaux 
(l'exposition  d'agriculture).  Quelle  masse  de  vaches  et  de  moutons  ont 
les  Européens  !  Puis  nous  vîmes  des  milliers  de  porcs,  chacun  avec  six 
petits  ;  ces  porcs  servent  de  nourriture  à  la  reine. 

«  Nous  ftmes  alors  nos  adieux  à  la  reine  (il  n'y  eut  plus  d'audience)  ; 
elle  nous  donna  un  vaisseau  avec  lequel  nous  vînmes  en  un  mois  à  Zan- 
zibar, tandis  que  notre  voyage  pour  aUer  nous  avait  pris  douze  mois. 

«  A  Zanzibar  nous  vîmes  Saïd-Bargasch  qui  nous  fit  des  présents, 
mais  il  n'a  qu'un  petit  pays.  Les  Arabes  te  trompent,  Ô  mon  maître, 
quand  ils  te  disent  qu'ils  ont  un  grand  pays  à  la  poiiani  (à  la  côte).  La 
côte  appartient  aux  Anglais,  et  les  Arabes  sont  leurs  esclaves.  L'Angle- 
terre est  un  grand  pays.  C'est  une  grande  île,  comme  d'ici  à  Zanzibar  ; 
elle  est  entourée  d'îles  si  nombreuses  qu'on  ne  peut  pas  les  compter. 
On  y  construit  tant  de  ponts  sur  les  rivières ,  qu'on  n'a  pas  besoia  d'al- 
ler par  eau  pour  passer  d'une  rive  à  l'autre. 

a  0  mon  maître  !  nous  n'avons  point  de  pays  !  Le  territoire  de  chaque 
chef  anglais  est  aussi  grand  que  le  Bouganda,  le  Bounyoroet  le  Bousogo 
réunis.  («  Répète-le,  »  dit  Mtésa,  «  j'aime  à  entendre  dire  la  vérité.  ») — 
«  Nous  n'avons  point  de  pays,  Ô  mon  maître.  » — («  Entendez-vous,  »  dit 
Mtésa  à  ses  chefe,  «  nous  n'avons  point  de  pays.  »)  —  «  En  Angleterre, 
chaque  homme  n'a  qu'une  femme,  mais  chaque  fenmie  a  trente  enfants  !  » 
—  (Tous  :  «  Oh  !  beaucoup,  beaucoup,  beaucoup  d'enfants  !  »)  —  «  Ils 
ont  encore  dans  leurs  maisons  d'autres  femmes,  mais  ce  ne  sont  pas 
leurs  femmes  ;  elles  s'occupent  du  travail  de  la  maison.  Quand  les  Euro- 
péens viennent  ici,  ils  n'ont  point  de  femmes,  mais  quand  ils  retournent 
en  Angleterre,  ils  deviennent  de  grands  chefe  et  reçoivent  une  femme 
en  récompense  de  leurs  services. 

«  Nous  avons  vu  aussi  une  église  qui  a  de  très  grosses  cloches.  (Saint- 


—  173  — 

Paul?)  Quand  ou  soime  ces  cloches,  tu  pourrais  les  entendre  d'ici  à  Bou- 
sogo  (&  25  kUom.).  L'intérieur  de  Téglise  est  de  bois  et  de  pierre.  Les 
Européens  n'ont  qu'une  religion. 

«  L'intérieur  de  la  maison  de  la  reine  est  tout  de  glaces,  d'or  et  d'ar- 
gent, et  nous  étions  assis  sur  des  sièges  d'ivoire.  » 

(Ici  Mtésa  s'écria  :  a  halte!  »  et  congédia  les  chefs,  en  donnant  l'ordre 
à  Saabadou  de  ne  communiquer  qu'à  lui  seul  ce  qu'il  avait  vu  en 
Angleterre.) 


CORRESPONDANCE 


Nous  ayons  reçu  de  l'explorateur  hollandais  Schuver  une  lettre  que  nous  pu- 
blions ici,  en  la  faisant  précéder  et  suivre  de  quelques  mots,  d'après  V Exploration, 
les  Mittheilungen  de  Gotha  et  les  Pràceedings  de  la  Société  de  géographie  de 
LondreSy  pour  faire  connaître  à  nos  lecteurs  la  marche  du  voyageur  jusqu'à 
Fadasi,  et  les  résultats  de  son  exploration  jusqu'au  commencement  d'octobre. 

Parti  du  Caire  le  1*'  janvier  de  l'année  dernière,  il  remonta  le  Nil  et  le  suivit 
jusqu'à  Korosko,  d'où  il  traversa  en  9  jours  le  désert  de  Nubie,  et  gagna  Abou- 
Hammed  ;  de  là,  longeant  de  nouveau  le  Nil,  il  atteignit  Berber  en  5  jours.  Le 
19  mars,  il  arrivait  à  Ehartoum.  Pendant  les  quelques  semaines  qu'il  y  passa,  il 
acquit  la  certitude  que  Réouf  pacha  emploie  contre  la  traite  autant  d'énergie  et 
de  bonne  volonté  que  Gordon  pacha;  mais  peut-être  ne  dispose-t-il  pas  des  mêmes 
moyens  d'action  le  long  du  Nil  Blanc. 

Le  4  avril,  il  repartait  de  Khartoum  avec  12  chameaux  chargés,  un  compagnon 
fidèle,  Giacomo  Bachetti,  un  domestique  galla,  et  un  gamin  darfourien.  De  Khar- 
toum à  Sennaar,  où  il  arriva  en  3  jours,  il  suivit  une  route  assez  éloignée  du  Nil 
Bleu,  à  l'ouest  de  celle  de  Mamo.  La  population  du  pays  traversé  est  arabe  et 
hospitalière,  douce  et  riche  en  esclaves.  A  Sennaar,  il  rencontra  Pîaggia  qui  n'avait 
pu  dépasser  Beni-Changol,  et  retournait  à  Khartoum.  Notre  Bulletin  d'aujour- 
d'hui annonce  la  mort  de  Piaggia. 

Depuis  une  année,  une  ligne  télégraphique,  malheureusement  menacée  par  les 
termites,  relie  Sennaar  à  Famaka,  voisine  de  Fazogl,  la  dernière  station  égyptienne, 
que  Schuver  atteignit  le  28  avril,  après  un  voyage  rapide  et  heureux  à  travers  les 
plaines,  monotones  et  boisées  d'arbustes  épineux,  qui  bordent  le  Nil  Bleu.  La  sécu- 
rité y  est  complète,  mais  la  rareté  des  habitants  fait  que  les  voyageurs  y  sont 
exposés  à  manquer  de  vivres.  Les  chefs  nègres  du  Berta  sont  bienveillants  envers 
les  Européens,  et  n'exigent  pas  d'eux  le  tribut  qu'ils  font  payer  aux  marchands 
arabes.  Le  pays  est  très  giboyeux  jusqu'à  Beni-Changol,  où  il  arriva  le  21  mai.  Il 
dat  y  rester  plus  de  quinze  jours,  ensuite  de  troubles  occasionnés  par  des  trafi- 
quants d'esclaves,  qui  avaient  renversé  le  principal  chef  et  aidé*à  une  famille  de 
fellahs  à  prendre  sa  place.  Gr&ce  à  Pappui  du  commandant  de  Fazogl,  Schuver 


—  174  — 

put  repartir  le  6  juin,  après  atoir  dû  échanger  ses  chameaux  contre  des  ânes,  les 
montagnes  ne  permettant  pas  aux  chameaux  de  dépasser  Beni-Changol.  D^à,  les 
torrents  étaient  grossis  par  les  pluies,  le  passage  en  était  difficile,  en  sorte  ^u'il 
mit  6  jours  de  Beni-Changol  à  Fadasi.  Entre  ces  deux  points,  il  fit  l'ascension  du 
Djebel  Dendelou,  la  sommité  la  plus  élevée  et  l'observatoire  naturel  du  pays,  à 
8  kilomètres  au  sud  de  Fassouder.  De  là,  il  put  reconnaître  la  ligne  de  partage 
des  eaux  entre  le  Nil  Blanc  et  le  Nil  Bleu,  et  constater  que  le  Toumat,  affluent  de 
ce  dernier,  prend  sa  source  dans  les  monts  de  Sori,  à  l'ouest  de  Fassouder,  et  non 
comme  l'indiquent  Marno  et  la  carte  de  Petermann,  un  demi-degré  plus  au  sud.  Il 
faut  d'ailleurs  distinguer  deux  Toumats  :  celui  qui  se  jette  dans  le  Nil  Bleu  à  Fazogl, 
et  un  autre,  affluent  du  Jabous,  passant  à  Belletafa,  et  que  l'on  traverse  en  se 
rendant  à  Fadasi.  Dans  ce  deniier  endroit,  Schuver  tomba  malade,  par  suite  du 
changement  delà  température;  l'air  âpre  des  montagnes  avait  remplacé  la  chaleur 
modérée  dont  l'expédition  avait  joui  auparavant.  Rachetti,  malade  également,  fut 
enlevé  au  bout  de  cinq  jours.  A  peine  rétabli,  Schuver  se  mit  en  route  le  30  juillet, 
pour  explorer  la  région  au  sud  de  Fadasi.  On  trouvera  le  récit  de  cette  excursion 
dans  la  lettre  suivante  : 

Fadasi,  18  octobre  1881. 

Monsieur  le  Rédacteur  de  V Afrique  eo^plorée  et  civilisée,  à  Genève. 

Monsieur, 

Je  n'ai  jamais  dit  à  personne,  où  que  ce  soit,  que  je  voulusse  aller  du  Caire  au 
Cap'.  Si  tel  avait  été  mon  dessein,  je  ne  serais  pas  à  Fadasi.  Ce  sont  de  pures  fan- 
taisies de  journalistes  en  quête  d'un  article,  à  Paris  comme  au  Caire. 

Du  28  juillet  au  8  septembre,  j'ai  exploré  le  pays  des  Léghas-Gallas,  à  1^  au 
sud  de  Fadasi.  Aucun  Européen  n'y  avait  jamais  pénétré,,  non  plus  qu'aucun  tra- 
fiquant arabe.  Pour  m'y  rendre,  j'ai  dû  traverser  le  territoire  des  Amans,  nègres 
féroces.  Le  roi  des  Léghas-Gallas  me  fit  une  réception  magnifique  et  m'accabla  de 
tendresses  ;  puis  il  s'est  tourné  contre  moi,  parce  que  je  n'ai  pas  voulu  lui  prêter 
ma  carabine  à  neuf  coups  pour  exterminer  ses  ennemis,  les  Addos-Gallas  et  les 
Séjos-Gallas.  Jusqu'alors  les  armes  à  feu  étaient  inconnues  chez  ces  tribus.  Le  roi 
devint  furieux,  et  ce  ne  fut  qu'après  beaucoup  de  contrariétés  et  à  force  de 
menaces  que  je  pus  quitter  son  pays. 

Dès  lors  j'ai  tenté  de  visiter  les  tribus  nègres  des  Ghoumous  et  des  Kiris,  igno- 
rées jusqu'ici  et  fort  intéressantes  toutes  deux.  A  moitié  chemin,  je  dus  revenir 
sur  mes  pas,  mon  guide  ayant  pris  la  fuite  en  voyant  l'attitude  menaçante  d'une 
bande  de  60  chasseurs  d'esclaves.  Dans  trois  jours,  je  pars  avec  un  nouveau  guide, 

^  Nous  avions  dit  cela,  en  dénaturant  involontairement  le  nom  du  voyageur 
(n""*  année,  p.  150),  d'après  le  CKomaie  déUe  CciUmie.  Le  dernier  numéro  de  VAn- 
tida/cery  Eeporter  renferme  encore  une  carte  indiquant  l'itinéraire  du  voyageur 
hollandais,  de  Khartoum  à  Cape-Tovn  en  ligne  directe. 


—  175  — 

dftns  la  même  direction.  Si  j'en  reyiens,  j'irai  visiter  le  Berta  occidental  et  les 
montagnes  d^Insingh,  de  Gomocha  et  de  Kehli,  d'où  j'ai  reçu  des  invitations.  Le 
chef  des  Chibous-Gallas,  qni  demeure  au  S.-E.  de  Fadasi,  m'en  a  aussi  adressé  une, 
mais  je  dois  attendre,  pour  me  rendre  auprès  de  lui,  que  le  Jabous  ait  baissé. 

Je  croyais  pouvoir  organiser  une  expédition  de  50  hommes  pour  aller  d'ici  à 
Zanzibar,  à  travers  les  pays  nègres,  en  faisant  un  grand  détour  à  l'ouest  pour 
éviter  les  tribus  Gallas.  Mais  la  chose  me  parait  bien  difficile  ;  toutes  les  bêtes  de 
somme,  &nes  et  chameaux,  meurent  sur  ces  hauts  plateaux  :  j'en  ai  fait  la  triste 
expérience.  Les  porteurs  manquent  absolument,  car  il  n'y  a  pas  de  routes  de  cara- 
vanes dans  cette  région.  Dès  lors,  comment  transporter  les  6,000  livres  de  cuivre, 
verroteries,  munitions,  etc.,  qu'il  faut  pour  cette  expédition.  A  moins  que  je  ne 
change  de  nouveau  d'avis,  il  est  probable  que  je  me  contenterai  d'avoir  ouvert  la 
rcuU  qui  mène  d'ici  dans  l'intérieur,  exploré  les  territoires  des  Léghas-Gallas  et 
des  Chibous-Gallas,  des  nègres  Amans,  Ghoumous  et  Kiris,  et  le  Berta  occidental, 
et  dressé  une  bonne  carte  de  tous  ces  pays,  puisque,  au  mois  de  juin  1882,  je 
compte  m'embarquer  à  Massaoua,  pour  Bagdad  et  le  Turkestan. 

La  traite  est  à  peu  près  insignifiante  dans  ces  quartiers.  Il  n'y  a  pas  de  chas- 
seurs d'esclaves  de  profession.  Le  tout  se  borne  à  des  razzias  faites  par  les  gens 
des  chefs  de  Gomocha,  Fadasi,  Insingh,  Tenfach  et  Bambachi,  chez  les  nègres, 
pour  les  besoins  locaux.  C'est  tout  au  plus  si  l'on  exporte  chaque  année  cent  jeunes 
noirs;  encore  les  Arabes  qui  font  le  commerce  du  sel  les  emmènent-ils  un  à  un. 
Quant  aux  GaUas  que  l'on  vend  ici,  ils  sont  amenés  par  les  Chibous-Gallas  et  les 
Léghas-Gallas  eux-mêmes,  qui  font  la  chasse  contre  leurs  voisins.  Souvent  ils  vien- 
nent vendre  des  enfants  de  leur  propre  tribu,  restés  sans  protection  par  suite  de 
la  mort  de  leur  père.  J'ai  acheté  mes  domestiques  denkas  et  goumous,  à  raison 
de  100  francs  par  tête,  et  une  petite  fille  galla  pour  70  francs.  Le  payement  se  fait 
en  sel.  D  va  sans  dire  que  dès  qu'ils  entrent  à  mon  service  ils  sont  libres. 

Le  pays  des  Léghas-Gallas  est  rempli  d'esclaves  :  Denkas,  Jambos,  Amans, 
Goumas.  Un  grand  nombre  sont  venus  volontairement  chez  les  Gallas,  pour  se 
dérober  aux  poursuites  des  chasseurs  d'esclaves  du  Sobat.  Ces  derniers  ne  vien- 
nent que  très  rarement  vendre  leurs  noirs  aux  Gallas.  Je  pense  qu'ils  les  dirigent 
sur  Gomocha,  et  je  vous  renseignerai  là-dessus  lorsque  j'aurai  visité  cette  localité. 

Si  j'ai  pris  la  liberté  de  vous  écrire,  c'est  parce  que  votre  publication,  que  j'ai 
reçue  récemment  pour  la  première  fois,  m'est  très  sympathique. 

J'ai  pu,  au  moyen  de  six  passages  méridiens  d'étoiles,  fixer  la  latitude  de  Fadasi 
par  9^4d'30"  lat.  N;  tandis  que  Mamo,  dépourvu  d'instruments,  l'avait  indiquée 
par  d^'d'.  Vous  voyez  par  là  que  les  cartes  laissent  beaucoup  à  désirer.  Le  point 
le  plus  méridional  que  j'aie  atteint  est  à  peu  près  sous  le  9**  lat.  N.,  à  la  limite 
sad  des  Léghas-Gallas,  la  tribu  la  plus  occidentale  des  Gallas. 

Mes  observations  ont  été  faites  à  mercure  découvert^  avec  deux  sextants  magni- 
fiques, et  des  étoiles  des  deux  côtés  du  zénith.  Elles  ne  sont  donc  guère  contesta- 
bles. J'ai  fixé  de  même  la  position  de  : 


$ 


—  176  — 

Beni-Changol 10'*32'20"  lat.  Nord. 

Famaka 11*»18'45"        » 

Roseires 11*»66'37"        » 

Sabounabi 12'34'  » 

Khartoum  (limite  N.  de  la  ville) 16'37'8"  » 

la  sixième  caUracte 16**27'16"        » 

la  pyramide  de  Meroë 16*52'  » 

Dans  une  prochaine  lettre  je  yôus  parlerai  des  longitudes. 

Yenillez  agréer,  etc.  Juan-Maria  Schutkr. 

Les  résultats  de  cette  excursion  au  sud  de  Fadasi  sont  donc  : 

10  L'exploration  du  territoire  des  nègres  Amans,  arrosé  par  les  affluents  du 
Jabous. 

2^  L'exploration  du  territoire  des  Léghas-Gallas,  près  des  sources  du  Jabous,  à 
1°  au  sud  de  Fadasi. 

S""  La  constatation  que  le  Jabous  prend  sa  source  à  1^  plus  au  sud  que  ne 
l'indique  la  carte  de  Petermann. 

4<>  Que  le  lac  Baro  et  la  rivière  du  même  nom,  coulant  vers  l'ouest,  sont  à 
1<^  au  sud  de  Fadasi.  ^ 

5°  La  délimitation  exacte  de  la  ligne  de  partage  des  eaux  entre  les  deux 
Nils,jusqu'au8^  * 

Au  point  extrême  de  son  excursion,  Schuver  a  fait  l'ascension  du  mont  Wallel 
(3700^),  ce  qui  lui  a  permis  devoir  les  plaines  du  sud,  et  d'en  déterminer  les  points 
principaux.  La  saison  des  pluies  les  rendant  marécageuses,  il  n'a  pu  y  poursuivre 
alors  son  voyage;  mais  il  comptait  employer  les  derniers  mois  de  l'année,  avant  de 
se  remettre  en  route,  à  compléter  sa  carte  jusqu'au  8®,  et  à  rédiger  ses  notes  sur 
les  pratiques  religieuses  et  les  coutumes  des  habitants  de  ces  pays,  inexplorés  jus- 
qu'ici. 


BIBLIOGRAPHIE 


Le  Sahaba,  Souvenirs  d'une  mission  à  Goléah  par  Auguste  Choisy. 
Paris,  (E.  Pion  &  C**).  290  pages,  avec  carte.  —  L'auteur  de  ce  livre 
fut  chargé,  pendant  Thiver  1879-1880,  par  M.  de  Freycinet,  alors  ministre 
des  travaux  publics  en  France,  d'étudier  la  région  saharienne  au  sud  de 
la  province  d'Alger,  au  point  de  vue  du  tracé  de  la  ligne  du  chemin  de 
fer.  Mis  à  la  tête  d'une  petite  troupe  et  accompagné  de  plusieurs  ingé- 
nieurs, d'un  médecin,  et  d'un  lieutenant,  M.  Ghoisy  partit  de  Laghouat 

*  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  13,  rue  du  Rhône,  à  Genève, 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  177  — 

en  janvier  1880,  et  se  dirigea  but  El-Goléah,  qu'il  atteignit  le  17  février 
par  rOued-Nili,  les  puits  de  Zebbacha,  Âln-Massin  et  £1-Hajssi.  D'El- 
Goléah  rexpédition,  après  avoir  poussé  une  pointe  vers  le  sud,  revint  à 
Biskra  par  Ouargla,  Touggourt  et  l'Oued-Rir. 

L'ouvrage  est  surtout  consacré  à  la  relation  du  voyage  de  Laghouat 
à  El-6oléah,  et  à  la  description  de  cette  oasis.  M.  Choisy  ne  donne  pas 
de  renseignements  sur  les  questions  techniques  concernant  le  tracé  du 
chemin  de  fer,  mais  il  entre  dans  de  fo^  intéressants  détails  sur  le 
Sahara  algérien,  sur  cette  région  réputée  si  terrible  et  qu'il  ne  trouve 
ni  déserte,  ni  couverte  de  sables,  comme  on  le  lui  avait  annoncé,  sur- 
tout entre  Touggourt  et  Biskra.  A  l'époque  du  voyage  de  M.  Choisy,  il 
y  avait  déjà  quelques  velléités  de  soulèvement  chez  les  Ouled-Sidi-Cheik  ; 
l'expédition  faillit  s'arrêter  aux  puits  de  Zebbacha  et  rebrousser  che- 
min, par  suite  des  nouvelles  alarmantes  apportées  par  les  courriers. 
Quant  à  l'oasis  d'El-Goléah,  cette  possession  extrême  mais  seulement 
nominale  de  la  France,  M.  Choisy  la  dépeint  comme  presque  ruinée.  Il 
y  fut  très  bien  reçu  par  le  cheik  et  put  à  loisir  la  visiter,  lever  des 
plans,  questionner  les  habitants,  notamment  les  nègres  esclaves  venus 
du  Soudan.  L'esclavage,  en  effet,  existe  encore  à  El-Goléah,  mais  ces 
nègres,  il  faut  le  dire,  jouent  bien  plus  le  rôle  de  serviteurs,  et  même 
d'amis,  que  celui  d'esclaves.  Il  est  rare,  par  exemple,  qu'ils  soient  mal- 
traités. 

SûDAFsiKA  UND  sEiKE  BswoHNEB,  vou  D'  Wangemo/nfij  Missions- 
direktor,  Berlin  1881,  in-8*',  6  fr.  25.  —  Ce  travail  sérieux  est  divisé 
en  quatre  parties  distinctes.  Dans  la  première,  intitulée  a  La  lutte  déci- 
sive dans  l'ÂMque  australe,  »  l'auteur  examine  la  distribution  des  co- 
lons d'origine  européenne  et  des  peuples  de  couleur  dans  la  colonie  du 
Cap  et  les  pays  voisins,  qu'il  a  visités  lui-même.  Il  parle  ensuite,  sur- 
tout au  point  de  vue  historique,  de  chacun  des  états  qui  se  partagent  le 
sud  de  l'Afrique,  République  du  fleuve  Orange,  Natal,  Transvaal,  et 
montre  la  haine  qui  existe  entre  les  différentes  races. 

La  seconde  partie  est  une  étude  excellente  sur  les  conditions  géo- 
graphiques, géologiques  et  climatériques  du  pays,  sur  la  situation  de 
l'agriculture  et  de  la  civilisation.  Il  y  est  parlé  de  tous  les  ports,  villes, 
villages,  églises,  écoles,  et  de  l'état  dans  lequel  se  trouvent  le  commerce 
et  l'industrie.  Cette  deuxième  partie  a  pour  titre  «  La  deuxième  con- 
quête de  l'Afrique  australe,  »  l'auteur  voulant  montrer,  après  l'histoire 
de  la  conquête  par  les  armes,  celle  par  la  civilisation. 


—  178  — 

«  La  troisième  conquête  de  rAfrique  australe  »  (titre  de  la  troisième 
partie),  est  la  conquête  calme  et  douce  par  les  missionnaires.  L'auteur 
passe  en  revue  toutes  les  stations  relevant  des  treize  sociétés  mission- 
naires qui  sont  à  Tœuvre  dans  cette  partie  de  TÂfrique. 

Enfin,  dans  la  quatrième  section,  M.  Wangemann  étudie  la  manière 
dont  les  blancs  ont  traité  les  indigènes,  et  la  position  prise  par  eux  à 
regard  de  la  mission. 

A  la  fin  de  Touvr^ge  se  trouve  une  série  de  gravures  intéressantes, 
qui  représentent  des  scènes  de  la  vie  dans  AMque  australe,  et  donnent 
une  idée  de  la  natui'e  du  pays,  des  paysages  principaux  que  Ton  peut 
y  admirer,  de  sa  flore  et  de  sa  faune. 

Une  bonne  carte,  à  Téchelle  de  Vaasoooo)  de  la  colonie  du  Cap  et  des 
régions  voisines  termine  cet  important  volume.  Une  foule  de  détails  s'y 
rencontrent.  Les  dernières  lignes  de  chemins  de  fer  y  sont  tracées,  et 
des  bourgades  même  peu  importantes  s'y  trouvent.  Au  nord,  dans  le 
Transvaal,  la  ligne  de  démarcation  entre  la  région  infestée  par  la  tsétsé 
et  la  région  non  atteinte,  est  nettement  marquée.  Des  signes  et  des 
chiffres,  qui  correspondent  à  un  répertoire  complet,  fournissent  les  noms 
et  positions  de  toutes  les  stations  missionnaires,  ainsi  que  l'indication  des 
sociétés  desquelles  elles  relèvent. 

La  France  au  Soudan,  par  Oazeau  de  Vautibault.  Paris  (Challamel) 
1882,  in-8**,  29  p.  et  carte,  fr.  2.  —  Dans  notre  compte  rendu  de  la  bro- 
chure de  M.  Gazeau  de  Vautibault  sur  le  Tranê-Saharien  et  le  Tram- 
continental  africain  \  tout  en  tenant  compte  à  l'auteur  de  son  ardeur 
enthousiaste  à  doter  la  France  d'un  vaste  empire  colonial  en  AMque, 
par  la  création  d'une  voie  de  communication  rapide  de  la  côte  au  cœur 
du  continent,  nous  estimions  hypothétiques  les  avantages  présentés  par 
le  tracé  qu'il  proposait,  de  la  baie  de  Biafra  aux  sources  du  Faro  et  du 
Bénoué,  au  Ghari  et  au  Bahr-el-Ghazal.  Dès  lors  aucune  exploration 
nouvelle  n'est  venue  lever  le  voile  qui  recouvre  encore  la  région  à  tra- 
verser. Flegel  qui,  avec  l'appui  de  la  Société  africaine  allemande,  se 
propose  de  remonter  aux  sources  du  Bénoué  et  d'étudier  le  pays  qui 
s'étend  entre  ces  sources  et  le  Congo,  a  consacré  cette  année  à  relever 
une  partie  du  Niger  encore  inconnue  ;  l'expédition  espagnole  de  M.  Ira- 
dier  est  encore  en  préparation,  ainsi  que  celle  de  M.  Rogozinski  annoncée 
dans  notre  Bulletin  de  ce  jour.  Nous  attendrons,  pour  nous  prononcer 

^  Voir  1I««  année,  p.  207. 


—  179  — 

sur  la  nouvelle  brochure  de  M.  Gazeau  de  Vautibault  en  faveur  du 
même  tracé,  ainsi  que  sur  les  données  orographiques  et  hydrographiques 
de  la  carte  qui  raccompagne,  les  résultats  des  explorations  projetées. 
Mous  n'avons  pu  trouver  nulle  part  le  récit  de  voyages  dans  la  région 
susmentionnée,  soit  du  P.  Duparquet,  soit  d'explorateurs  de  la  Société 
africaine  allemande,  au  témoignage  desquels  en  appelle  Tauteur.  Le 
P.  Duparquet  n'a  pas,  que  nous  sachions,  dépassé  les  frontières  du 
Loango  ;  le  D'  Lenz  a  dû  s'arrêter  au  2"*  lat.  N.,  et  le  pays  qui  s'étend 
de  la  baie  de  Cameroon  aux  sources  du  Faro  et  du  Bénoué  est  compris 
entre  les  4**  et  6"*.  Comber,  qui  le  dernier  a  exploré  les  environs  du 
mont  Cameroon,  dit  que  «  le  pays  à  l'Est  de  celui  qu'il  a  visité  est  le 
moins  connu  de  toutes  les  parties  de  l'Afrique,  et  qu'il  reste  en  blanc 
dans  nos  cartes  les  plus  récentes.  Du  Congo  supérieur  aux  états  musul- 
mans du  Soudan,  et  du  pays  des  Niams-Niams  à  l'Atlantique,  la  contrée 
est  entièrement  inexplorée.  »  Nous  manquons  donc  des  connaissances 
nécessaires  pour  nous  prononcer  sur  la  salubrité  des  côtes,  les  disposi- 
tions des  tribus,  les  facilités  et  les  avantages  qu'elles  peuvent  offrir  pour 
la  construction  d'un  chemin  de  fer. 

Liste  p&ovisoibe  de  bibliogbaphies  géographiques  spéciÀLEs,  par 
James  Jackson.  Paris  (Société  de  géographie),  1881,  in-S"*,  340  pages. — 
Jusqu'ici,  lorsqu'on  voulait  faire  l'étude  d'un  pays,  on  était  souvent 
embarrassé  de  savoir  oti  trouver  la  liste  des  ouvrages  à  consulter.  Doré- 
navant, en  ouvrant  le  livre  de  M.  Jackson,  on  obtiendra  sans  peine  ce 
renseignement  ;  aussi  la  Société  de  géographie  de  Paris  a-t-elle,  en  le 
publiant,  fait  une  chose  utile  à  tous  ceux  qui  s'occupent  de  recherches  de 
ce  genre.  Archiviste-bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie,  l'auteur 
a  profité  des  ressources  qu'offrent  les  bibliothèques  de  Paris,  de  New- 
York,  de  Boston  et  de  Washington,  et,  quoique  sa  Uste  ne  soit  que  pro- 
visoire, elle  n'en  sera  pas  moins  d'une  grande  utilité  à  tous  ceux  qui 
voudront  puiser  aux  sources  de  l'érudition.  Pour  notre  part,  nous  lui  en 
exprimons  nos  sincères  remerciements,  car  il  ne  siguale  pas  moins  de 
71  bibliographies  relatives  à  l'Afrique,  savoir:  10  pour  l'Afrique  en 
général,  4  pour  l'Afrique  occidentale,  39  pour  l'Afrique  septentrionale, 
7  pour  l'Afrique  orientale,  12  pour  les  îles  voisines  de  l'Afrique.  Pour 
chaque  ouvrage  signalé,  M.  Jackson  a  soin  de  donner  la  transcription 
fidèle  et  intégrale  du  titre,  le  lieu  et  la  date  de  la  publication,  le  nom  de 
l'éditeur  ou  de  l'imprimeur,  le  nombre  des  volumes,  le  nombre  des 
pages,  le  format,  les  numéros  des  pages  oti  se  trouve  la  bibliographie,  le 


—  180  — 

titre  de  la  bibliographie,  le  nombre  des  articles  compris  dans  la  liste, 
enfin,  les  noms  et  prénoms  des  auteurs. 

Guide  hygiénique  et  médioal  des  voyageuhs  dans  l'Afbique  inteh- 
TROPiCALE,  par  les  D"  Ad.  Nicolas,  H.  Lacaze  et  Signol.  Paris  (Emile 
Martinet),  1881,  in-8*,  98  p.  ^  Tous  ceux  qui  connaissent  l'insalubrité 
de  telles  ou  telles  parties  du  continent  africain,  applaudiront  à  la  publi- 
cation de  conseils  pratiques,  destinés,  soit  à  prévenir  les  maladies  aux- 
quelles sont  exposés  les  voyageurs  qui  s'y  rendent,  soit  à  en  faciliter  la 
guérison.  A  la  demande  du  D' Dutrieux,  attaché  à  l'une  des  expéditions 
de  l'Association  internationale  africaine,  la  Société  de  médecine  pratique 
de  Paris,  à  laquelle  il  avait  communiqué  son  Étude  des  maladies  et  de 
V acclimatement  des  Européens  dans  V  Afrique  intertropicale,  a  fait  étu- 
dier, par  des  experts,  les  conditions  hygiéniques  de  cette  région,  les 
maladies  spéciales  qui  y  sévissent,  le  traitement  à  y  appliquer,  et  aussi 
les  soins  à  donner  aux  bêtes  de  somme  employées  par  les  explorateurs. 
La  brochure  dans  laquelle  sont  résumés  les  résultats  de  leurs  recherches 
renferme  d'excellents  avis,  sur  le  vêtement  à  adopter  en  voyage,  sur  les 
précautions  à  prendre  pour  le  campement,  pour  le  couchage,  et  aussi 
pour  l'établissement  des  stations  civilisatrices  et  hospitalières.  La  partie 
médicale  proprement  dite  est  traitée  avec  un  soin  tout  particulier,  et 
accompagnée  d'une  liste  de  médicaments  dont  les  voyageurs  devront 
toujours  être  pourvus.  Si  le  chapitre  de  l'hygiène  vétérinaire  est  très 
borné,  cela  provient  sans  doute  de  ce  que  l'on  ne  sait  pas  encore  par 
quelles  bêtes  de  somme  on  pourra  remplacer  les  porteurs,  ni  par  quel 
moyen  on  réussira  à  les  mettre  à  l'abri  des  attaques  de  la  tsétsé.  En 
attendant,  la  Société  de  géographie  et  la  Société  de  médecine  pratique 
de  Paris,  qui  se  sont  unies  pour  publier  ce  travail,  ont  rendu  service  aux 
voyageurs,  et  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  l'Afrique  leur  en  sont  très 
reconnaissants. 


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—  181  —  -^^/T.'r-.TTT^-'v'.; 

BULLETIN  BI-MENSUEL  {3  axml  1882). 

Une  société  s'est  constituée  à  Paris  sous  le  titre  de  :  Société  des 
Études  du  NU,  en  vue  d'étendre  nos  connaissances  sur  ce  fleuve  et  sa 
vallée,  et  d'en  exploiterles  richesses  d'une  manière  rationnelle.  A  cet  effet, 
elle  examinera  soigneusement  les  conditions  hydrographiques  du  fleuve, 
le  système  actuel  d'exploitation  des  eaux,  et  les  améliorations  à  apporter 
à  l'irrigation.  En  outre,  elle  étudiera  les  moyens  de  faire  du  Nil  une  voie 
de  conmiunication  facile  et  sûre,  de  la  Méditerranée  aux  lacs  de  l'équa- 
teur.  La  Société  se  divise  en  trois  sections,  composées  :  la  première,  de 
techniciens,  la  deuxième  de  financiers,  la  troisième  de  savants.  L'initia- 
tive en  est  due  à  M.  de  la  Motte  qui,  depuis  plusieurs  années,  s'occupe 
d^  conditions  de  production  de  la  vallée  du  Nil.  Déjà  en  1880,  il  a 
attiré  l'attention  des  savants  sur  les  avantages  qu'offre  le  Nil  pour  l'ou- 
verture du  continent  africain.  Une  conunission  s'est  rendue  en  février 
on  Egypte  et  en  Nubie  afin  de  préparer,  au  point  de  vue  politique  et 
économique,  le  terrain  des  futurs  travaux  de  la  Société. 

Le  D'  Schweinfurth  écrit  du  Caire  à  VAntislavery  Reporter  que  les 
nouvelles  du  Soudan  deviennent  de  jour  en  jour  plus  alarmantes. 
Mohammed-Ahmed  paraît  avoir  complètement  gagné  les  Baggaras, 
Arabes  aussi  barbares  que  fanatiques,  vivant  uniquement  de  la  chasse  à 
rhomme  ou  aux  bêtes.  Leur  pays  est  une  plaine  immense  de  savanes 
entre  le  Nil  Blanc  et  le  Kordofan.  La  rareté  de  l'eau  la  rend  dangereuse 
pour  les  étrangers  qui  s'aventurent  à  la  traverser.  Au  commencement 
(le  décembre,  le  mudir  de  Fachoda,  Rachid  bey,  se  crut  assez  fort  pour 
attaquer  Mohammed-Ahmed  sans  attendre  les  ordres  du  gouverneur 
général,  Réouf  pacha.  Après  une  marche  très  fatigante,  à  travers  un 
pays  désert  où  ses  soldats  souffrirent  beaucoup  de  la  soif,  il  rencontra 
l'ennemi  dans  le  Dar-îJbuba,  près  du  Djebel  Gedir.  Les  Baggaras 
prirent  l'offensive  et,  au  premier  choc,  les  Égyptiens  furent  mis  en 
déroute.  Le  massacre  fiit  indescriptible  ;  trois  honmies  seulement  de  la 
troupe  du  mudir  échappèrent.  Cerné  par  les  Chillouks  et  les  Baggaras, 
Fachoda  est  exposé  à  un  assaut  de  la  part  de  Mohammed-Ahmed  ;  200 
soldats  ont  été  envoyés  pour  renforcer  la  garnison  ;  Griegler  pacha  s'y 
est  aussi  rendu.  —  Les  nouvelles  du  Darfoup  ne  sont  pas  rassurantes 
non  plus.  On  se  demande  comment  M.  G.  Roth  pourra  atteindre  Chekka, 
le  poste  auquel  il  doit  se  rendre  comme  surveillant  de  la  traite,  et  qui 
est  situé  au  milieu  de  la  plaine  des  Baggaras-Rizegats.  —  D  est  encore 
question  d'une  révolte  d'une  grande  tribu  arabe  qui  occupe  la  région 

L'AFRIQUE.   —   TROISIÈHE  ANNÉE.   —  N®  9.  9 


\ 


—  182  — 

entre  les  deux  Nils,  et  dont  le  chef  s'est  réfugié  dans  les  steppes,  où  il 
défie  les  troupes  du  gouvernement,  qui  le  fait  poui-suivre  pour  meurtre 
de  trois  soldats  envoyés  pour  percevoir  les  taxes. 

Les  craintes  que  Ton  éprouvait  au  sujet  du  D' Junker  ont  été  dissi- 
pées par  une  lettre  de  Lupton  bey,  le  successeur  de  Gessi  au  gouverne- 
ment du  Bahr-el-Ghazal;  il  écrit  à  Giegler  pacha,  de  Meshra-el-Rek,  au 
milieu  de  décembre,  que  Junker  a  été  peu  de  temps  auparavant  au 
Djebel-Amadi,  dans  le  pays  des  Niams-Niams,  puis  s'est  rendu  dans  le 
Mombouttou.  a  H  a  été,  dit  Lupton,  à  5  journées  à  l'ouest  de  TOudlé, 
à  une  rivière  nommée  Marquar,  dans  le  pays  du  sultan  Kayambaro, 
dont  la  capitale  est  dans  une  île,  au  milieu  de  la  rivière  qui  est  très 
large.  Les  gens  de  Sassa  disent  que,  vers  le  sud»  TOuellé  et  le  Marquai* 
se  réunissent.  »  Le  D'  Schweinfiirth,  qui  a  transmis  ces  nouvelles  aux 
Mittheilungen  de  Ootha,  ajoute  :  «  Lupton,  arrivé  de  Ehartoum  à 
Meshra-el-Rek,  a  dû  laisser  repartir  le  vapeur,  avant  d'avoir  atteint  les 
seribas  oîi  devaient  être  les  lettres  de  Junker.  Il  n'a  donc  pu  donner 
que  des  nouvelles  apprises  par  oui-dire.  Le  vapeur  de  Lado  apportera 
sans  doute  des  renseignements  plus  détaillés.  —  Marquar  est  l'équi- 
valent anglais  de  Maqua;  c'est  un  nom  que  l'Ouellé  porte  dans  le  pays 
des  Âmadi.  On  peut  espérer  que  Junker  a  réussi  à  suivre  l'Ouellé  assez 
loin  vers  l'ouest,  et  qu'il  y  étendra  le  champ  de  nos  connaissances.  » 

Avant  de  commencer  son  exploration  dans  la  mer  Rouge,  le  D*"  Kel- 
1er,  de  Zurich,  a  fait  des  études  zoologiques  dans  le  canal  de  Suez» 
et  choisi  comme  station  principale  le  lac  Timsah»  pour  y  observer  les 
phénomènes  qui  se  rattachent  à  l'échange  des  deux  océans  au  point  de 
vue  de  la  faune.  Jusqu'ici  on  n'avait  pas  fait  d'observations  à  cet  égard, 
n  a  trouvé  dans  le  lac  Timsah  de  grands  poissons  venus,  les  uns  de  la 
Méditerranée,  les  autres  de  l'Océan  Indien.  Mais,  malgré  l'union  des 
deux  mers,  l'échange  mutuel  ne  s'opère  que  lentement.  Les  lacs  amers 
traversés  par  le  canal  sont  un  obstacle  à  ce  qu'il  se  fasse  plus  rapide- 
ment. Le  D'  EeUer  a  découvert  un  animal-plante,  inconnu  jusqu'ici, 
en  forme  d'épongé,  d'une  belle  couleur  violette,  et  auquel  il  a  donné  le 
nom  de  Lessepaia  violacea.  A  Suez,  l'explorateur  a  constaté  que,  malgré 
l'augmentation  de  la  cb'culation  (en  1880,  2017  navires  avaient  passé 
par  le  canal,  en  1881  il  y  en  a  eu  2727,  soit  710  de  plus),  les  espérances 
conçues  pour  le  développement  commercial  de  cette  localité  ne  se  réa- 
lisent pas;  en  eifet,  il  y  a  plutôt  diminution  de  trafic  et  de  population. 
L'avenir  semble  réservé  à  la  localité  de  Terre  Plein,  où  sont  établis  des 
employés,  des  pilotes,  et  qui,  par  sa  position  à  la  sortie  du  canal,  pren- 


—  18B  — 

dra  rang  plus  tard  parmi  les  cités  importantes.  M.  de  Lesseps  Ta  nom- 
mée PorlrTe^irfllc»  en  Thonneur  du  souverain  de  TÉgypte.  De  Suez, 
M.  Relier  s'est  rendu  à  Souakim,  que  le  D'  Schweinfiirth  lui  a  recom- 
mandé de  prendre  comme  centre  de  ses  travaux. 

Antlnori  continue  son  exploration  scientifique  du  Choa  ;  ses  collec- 
tions ornithologique  et  entomologique  prospèrent  ;  dans  la  première  se 
trouvent,  écrit-il  au  D'  Schweinfiirth,  beaucoup  d'espèces  précieuses, 
dont  plusieurs  appai:tiennent  à  l'Afiique  australe  et  n'avaient  pas  encore 
été  rencontrées  dans  le  nord  par  les  voyageurs  précédents.  La  seconde 
est  riche  en  exemplaires  de  nouvelles  espèces  de  coléoptères,  de  lépidop- 
tères et  d'hyménoptères.  Quant  aux  mammifères,  les  quadrumanes  y 
occupent  le  premier  rang.  D'après  un  de  ses  compagnons,  revenu  de 
Géra  et  de  Kaffa,  il  doit  y  avoir  un  singe  blanc  dans  la  grande  forêt 
située  entre  les  royaumes  de  Gomma,  de  Dschimma,  de  Gouma  et  de 
Géra.  On  doit  y  trouver  aussi  Vahasamho,  carnassier  qui  tient  le  milieu 
entre  le  lion  et  le  léopard,  à  manteau  clair  et  à  poil  court. 

Le  D'  Stecker  a  quitté  l'Abyssinie  pour  se  rendre  au  KafFa.  Le  roi 
Jean  lui  a  donné  des  lettres  de  recommandation  pour  le  négous  du  God- 
jam,  Tekla  Haimanot,  pour  la  reine  de  Géra  et  pour  le  sultan  de  KaiFa: 
il  a  chargé  le  premier  de  le  faire  escorter  jusqiw'au  Kaffa,  et  prié  instam- 
ment le  souverain  de  ce  dernier  état  de  faciliter  de  toutes  manières  la 
continuation  de  son  voyage  vers  le  sud.  Les  perspectives  sont  d'autant 
plus  favorables  que,  tout  récemment,  de  grandes  embassades  sont  arri- 
vées de  Géra  et  du  Kaffa,  apportant  de  riches  présents  d'hommage  au 
roi  d'Abyssinie.  Le  D'  Stecker  espère  pouvoir  traverser  ensuite  tout  le 
pays  qui  s'étend  de  Kafi'a  à  Zanzibar. 

Grâce  à  l'initiative  de  M.  de  Rivoyi'e,  un  service  régulier  de  bateaux 
à  vapeur  touchant  à  Obock»  inauguré  par  la  Société  française  des 
steamers  de  l'Est,  relie  actuellement  le  golfe  Persique  à  la  France.  Lo 
conunandant  De  la  Grange,  s'est  rendu  à  Obock  avec  mission  d'exami- 
ner les  mesures  à  adopter  pour  y  améliorer  les  conditions  de  la  station 
maritime  proprement  dite.  Un  employé  de  commerce  l'accompagne  poui* 
déterminer  l'emplacement  le  plus  favorable  à  un  vaste  entrepôt  com- 
mercial. — M.  Soleillet  est  arrivé  à  Obock  le  12  janvier  et  s'y  est  installé 
à  côté  des  établissements  de  la  Compagnie  franco-éthiopienne.  Dès  lors, 
celle-ci  a  eu  des  difficultés  à  l'occasion  de  deux  Danakils,  tués  dans  son 
voisinage.  Ses  membres  ont  abandonné  Obock  et  ont  été,  le  21  janvier, 
rapatriés  à  Aden  par  M.  Soleillet.  Une  dépêche  postérieure  annonce  que 
M.  Amoux,  directeur  de  la  compagnie  susmentionnée,  qui  n'avait  pas 
voulu  quitter  Obock,  y  a  été  assassiné. 


—  184  — 

Des  lettres  de  M.  Ledoulx,  consul  de  France  à  Zanzibar»  annon(;jeDt 
qu'une  guerre  de  Mirambo  contre  Simbo  a  empêché  les  courriers  de 
M.  Ramœckers  d'arriver  à  la  côte.  Le  premier  a  remporté  une  victoire 
qui  le  laisse  maître  de  l'Ounyanyembé.  Une  escorte  armée  a  été  envoyée 
de  Zanzibar,  avec  mission  de  traverser  les  lignes  pour  rapporter  des  nou- 
velles de  la  station  internationale.  Le  vainqueur  a  commencé  à  bâtir^ 
sur  le  passage  des  caravanes,  une  ville  qui  portera  son  nom,  et  oii  les 
négociants  arabes  et  autres  auront  à  payer  l'impôt.  —  M.  Cambier^ 
qui  était  revenu  de  la  station  de  Karéma,  s'est  marié  en  Belgique  et  est 
parti  avec  sa  jeune  femme  pour  Zanzibar,  oti  il  s'établira  en  qualité  de 
représentant  de  l'Association  internationale  africaine.  B  sera 
bientôt  rejoint  par  M.  Vanderhelst,  ancien  drogman  de  la  légation  belge 
à  Constantinople,  qui  vient  d'être  nommé  consul  à  Zanzibar.  —  Une 
nouvelle  expédition,  commandée  par  deux  oflSciers  de  l'armée  belge,  y 
débarquera  dans  quelques  mois,  pour  s'enfoncer  immédiatement  dans 
l'intérieur  et  aller  relever  à  Karéma  le  capitaine  Ramœckers,  qui  ren- 
trera en  Europe.  A  ce  propos,  nous  sommes  heureux  de  pouvoir  ajouter^ 
d'après  le  Moniteur  helgCj  qui  nous  arrive  au  moment  de  mettre  sous 
presse,  que  le  dernier  courrier  de  M.  RamsBckers  a  apporté  de  très 
bonnes  nouvelles  ;  l'état  sanitaire  de  la  station  est  excellent.  Les  con- 
structions de  l'établissement,  entièrement  achevées,  font  l'admiration 
des  indigènes;  les  plantations  d'arbres  fruitiers  et  de  légumes  d'Europe 
sont  en  plein  rapport,  et  les  relations  avec  les  petits  sultans  nègres  voi- 
sins très  amicales.  —  M.  et  M"*'  Bloyet  sont  heureusement  arrivés  à  la 
station  française  de  l'Ousagara.  Un  des  hommes  de  la  station  a  été 
blessé  par  des  bandes  pillardes  de  Wadoês,  et  par  les  gens  d'un  Arabe 
fanatique,  Saïd-ben-Omar,  qui  déteste  les  blancs  ;  huit  des  coupables 
ont  été  arrêtés  et  punis  ;  d'autres  Arabes  ont  témoigné  leurs  vifs  regrets 
de  cette  agression.  La  variole  sévit  avec  violence  aux  environs  de  la  sta- 
tion. 

M.  Ledoulx  a  visité  la  mission  de  Ba^amoyo,  qui  a  actuelle- 
ment 500  enfants  noirs  des  deux  sexes,  destinés  à  fonder  plus  tard  des 
stations  dans  l'intérieur.  Deux  des  membres  de  la  station  de  Mdabou- 
rou,  dans  l'Ougogo,  se  sont  rendus  à  Tabora  pour  y  étudier  l'oppor- 
tunité d'y  fonder  un  orphelinat  semblable  à  celui  de  Bagamoyo;  ils 
étaient  munis  de  lettres  de  Saïd  Bargasch,  et  ont  été  bien  reçus  par  le 
gouverneur  de  Tabora,  qui  leur  a  promis  son  appui.  M.  Van  den  Heuvel 
qui  devait  revenir  à  la  côte,  leur  a  vendu  sa  maison,  bonne  habitation» 
solidement  construite,  vaste  et  située  dans  un  endroit  salubre  près  de 


—  185  — 

la  ville,  plus  deux  hectares  de  jardin  avec  arbres  fruitiers,  contigus  à 
une  vaste  étendue  de  terrain  propre  à  la  culture  du  froment  et  de  la 
vigne,  en  même  temps  qu^à  Textension  de  rétablissement;  les  mission- 
naires auront  des  aides  pour  la  culture  et  pour  les  ateliers  de  menui- 
serie, forge,  etc.  —  Les  survivants  de  la  mission  de  TOuroundi  se  sont 
tous  installés  à  lIoiiloneiKra^  dans  le  MassanaBé»  plus  salubre  que 
rOuroundi.  Le  P.  Dromaux,  venu  à  Oadjidji  pour  y  faire  des  provi- 
sions de  sel,  de  perles  d'échange,  de  pioches,  etc.,  écrit  que  les  guer- 
riers de  cette  localité,  au  nombre  de  300,  sont  aUés  guerroyer  au  nord 
du  lac  et  sont  revenus  en  triomphe,  ramenant  un  butin  considérable 
d'esclaves  et  de  troupeaux.  Bikari,  le  chef  de  TOuroundi,  voulut  les 
arrêter  pour  prélever  sur  eux  un  tribut,  mais  il  fat  battu,  ses  gens  tués, 
«t  les  femmes  et  les  enfants  faits  prisonniers.  Les  rois  du  voisinage,  alliés 
contre  les  vainqueurs,  furent  également  défaits,  et,  après  un  pillage 
de  six  jours,  les  hommes  d'Oudjidji  rentrèrent  chez  eux.  M.  Ledoulx  a 
prié  Saïd  Bargasch  de  donner  des  ordres  pour  que  les  notes  et  autres 
.objets  ayant  appartenu  aux  missionnaires  de  TOuroundi  fussent  recueil- 
lis et  expédiés  à  Zanzibar.  —  Les  missionnaires  de  Moulonewa  fournis- 
sent des  renseignements  sur  la  tribu  des  UVabembés  qui  habitent  un 
peu  plus  à  Touest  dans  les  montagnes,  anthropophages,  mangeant  leurs 
morts  et  leurs  prisonniers  de  guerre.  Un  Arabe  d'Oudjidji  s'étant 
rendu  dans  l'Oubembé  pour  son  commerce  et  ayant  été  saisi  et  mangé 
par  les  naturels,  un  de  ses  amis  fit  contre  ces  derniers  une  expédition, 
dont  le  résultat  fat  la  destruction  de  plusieurs  villages  et  la  réduction  de 
leurs  habitants  en  esclavage.  —  A  Oudjidji,  la  station  de  la  Société  des 
missions  de  Londres  a  dû  être  abandonnée,  la  position  faite  par  les 
Arabes  aux  missionnaires  et  aux  explorateurs  européens  étant  devenue 
intenable.  Le  Rév.  Hutley,  qui  la  dirigeait,  revient  en  Angleterre  pour 
exposer  la  situation  à  ses  supérieurs. 

Depuis  le  retour  des  envoyés  de  Mtésa,  celui-ci  a  tout  à  fait  changé 
de  conduite  à  Tégard  des  missionnaires  de  TOu^^anda;  il  leur  envoie 
chaque  jour  des  bananes,  du  lait,  de  la  bière,  de  temps  à  autre  une 
chèvre  grasse.  Le  prestige  et  l'influence  des  Arabes  ont  beaucoup  dimi- 
nué. M.  O'Flaherty  a  fait  comprendre  aux  missionnaires  romains  que  le 
pays  est  assez  grand  pour  les  envoyés  des  deux  confessions,  et  qu'ils 
devaient  s'unir  pour  enseigner  le  christianisme  aux  païens.  Dès  lors  ils 
ont  vécu  en  bonne  harmonie.  M.  Mackay  a  construit  une  maison  ;  le 
roi  lui  a  donné  du  terrain  pour  en  bâtir  d'autres  à  l'usage  des  ouvriers 
dé  la  mission  et  pour  leur  jardin  ;  il  a  fourni  aussi  les  travailleurs  et  les 


—  186  — 

matériaux  ;  des  parents  ont  demandé  à  M.  Mackay  de  former  leurs  fils 
aux  métiers  de  forgeron  et  de  charpentier.  Mtésa  Ta  aussi  consulté 
sur  les  moyens  de  rendre  son  pays  prospère.  M.  Mackay  Ta  engagé  à 
créer  des  marchés  où  les  paysans  pussent  vendre  et  acheter,  à  ne  pas 
piller  le  pays  et  à  mettre  fin  à  la  traite.  Il  paraît  disposé  à  suivre  ces 
conseils,  mais  il  n'ose  agir  contre  ses  chefe,  dont  la  fortune  consiste  en 
grande  partie  en  esclaves.  Il  voudrait  abolir  la  traite  et  empêcher  les 
Arabes  de  venir  dans  ses  états  ;  il  faudrait  seulement  que  les  négociants 
européens  les  remplaçassent,  pour  apporter  dans  l'Ouganda  les  mar- 
chandises dont  son  peuple  a  besoin.  En  attendant  M.  Mackay  a  réussi 
à  opérer  une  transformation  avantageuse  à  Boubaga.  Les  huttes  de 
roseaux,  avec  leurs  toits  de  chaume  descendant  jusqu'à  terre,  étaient 
malsaines  ;  l'extrémité  du  chaume  qui  pourrissait  dans  le  sol  et  la  saleté 
de  l'intérieur  produisirent  une  épidémie  semblable  à  la  peste  noire  qui 
ravagea  l'Europe  en  1665.  Les  missionnaires  conseillèrent  au  roi  des 
mesures  hygiéniques  propres  à  arrêter  le  fléau  ;  les  rues  et  les  ruelles 
furent  nettoyées  ainsi  que  l'intérieur  des  huttes  ;  ordre  fut  donné  d'en- 
sevelir les  morts  au  lieu  de  les  jeter  comme  auparavant  dans  des  marais 
pestilentiels,  où  on  allait  ensuite  chercher  l'eau  à  boire  ;  ces  mesures 
ont  produit  un  effet  excellent.  M.  Mackay  a  de  plus  fait  creuser,  dans 
une  pente  du  terrain  de  la  station,  un  puits  qui  fournit  en  abondance  de 
la  bonne  eau,  au  grand  étonnement  des  indigènes  qui  ne  tarissent  pas 
en  éloges  sur  l'habileté  des  Basongous. 

Les  travaux  de  la  route  du  IVyassa  au  Tan^^nyika  sont  com- 
mencés. Le  D'  Laws  de  Livingstonia  et  M.  J.  Stewart  se  sont  d'abord 
rendus  avec  Vllala  à  Bandaoué,  où  l'on  crée  un  nouvel  établissement, 
puis  M.  Stewart  est  allé  à  Maliouandou  à  80  kilom.  de  l'extrémité  nord 
du  lac,  pour  y  fonder  un  sanitorium.  Quant  à  la  route,  un  nombre  suf- 
fisant de  volontaires  de  Kasongo  et  d'Impango  se  sont,  offerts  à  lui.  De 
son  côté  la  Société  des  missions  de  Londres  a  fait  les  démarches  néces- 
saires pour  envoyer  son  steamer  auxiliaire  à  Quilimane  ;  il  aura  plus  de 
voilure,  mais  moins  de  force  de  vapeur  que  Vllala.  De  Quilimane  au 
Nyassa,  il  sera  transporté  par  «  l'African  Lakes  Junction  Company,  » 
puis  M.  Stewart  le  fera  passer  par  la  route  nouvelle  au  Tanganyika. 

Après  son  excursion  au  lac  Chiroua,  le  Rev.  Johnson  de  la  Mis- 
sion des  Universités  apprit,  à  son  retour  à  Mataka,  que  les  gens  de 
la  localité  s'étaient  emparés  de  ses  biens  et  se  les  étaient  distribués. 
Le  capitaine  Foot,  chargé  par  Saïd  Bargasch  de  réprimer  la  traite» 
avait  eu  affaire  avec  leurs  caravanes  d'esclaves,  et  l'on  prétendait  que 


—  187  — 

M.  Johnson  lui  avait  envoyé  des  renseignements  qui  lui  avaient  permis 
de  les  arrêter.  Dès  lors  le  missionnaire  dut  venir  à  Zanzibar  pour  se 
reposer  ;  il  en  est  reparti  le  2  décembre  avec  30  porteurs  Mbouénis  pour 
se  rendre  à  Ngoi,  sur  la  rive  orientale  du  Nyassa  ;  de  là  il  compte  pou- 
voir agir  dans  tout  le  pays  d'alentour,  jusqu'à  Mataka.  De  Masasi, 
MM.  Maples  et  Goldfinch  ont  fait  un  voyage  jusqu'à  Mozambique,  à 
travers  un  pays  presque  entièrement  inexploré.  A  450  kilom.  de  Masasi, 
ils  firent  l'ascension  du  mont  Nicoché,  d'où  la  vue  s'étend  au  loin  sui- 
une  plaine  déserte,  dans  laquelle  la  ville  du  chef  CUTarou  apparaît 
comme  une  oasis.  Les  Mavitis  sont  établis  dans  cette  région.  Pendant 
que  les  missionnaires  étaient  auprès  de  Chivarou,  20  d'entre  eux  s'avan- 
cèrent dans  une  attitude  menaçante,  brandissant  leurs  lances  et  se  cou- 
vrant de  leurs  grands  boucliers.  En  apercevant  les  Européens,  ils  com- 
mencèrent leiu%  danses  guerrières,  saisirent  leurs  assagaies  entre  leurs 
dents,  firent  semblant  de  les  jeter,  et  se  précipitèrent  avec  véhémence 
vers  les  missionnaires,  puis  déposèrent  leurs  assagaies  et  leurs  bou- 
cliers, et  allèrent  se  ranger  sur  l'herbe  sous  un  arbre,  à  quelques  mètres 
de  l'endroit  où  siégeaient  les  missionnaires  et  Chivarou.  Ils  envoyèrent 
à  celui-ci  un  parlementaire  demander  le  motif  de  la  visite  des  étrangers. 
Chivarou  répondit  que  les  missionnaires  n'étaient  ni  des  Banians,  ni 
des  Arabes,  ni  des  Portugais,  mais  des  Anglais  venus  dans  des  inten- 
tions pacifiques,  et  qu'ils  lui  avaient  conseillé  à  lui  et  à  ses  gens  de 
s'adonner  aux  arts  de  la  paix.  En  même  temps,  drapé  dans  son  grand 
manteau,  il  se  promenait  en  long  et  en  large  avec  une  démarche  royale. 
Moyennant  quelques  présents  faits  par  les  missionnaires,  il  obtint  que 
les  Mavitis  s'en  allassent.  Quoiqu'il  y  ait  paix  entre  eux  et  lui,  ils  s'at- 
taquent toujours  aux  caravanes  des  Yarfs  ;  le  seul  moyen  de  traverser 
leur  territoire,  c'est  de  s'adresser  à  Chivarou,  de  les  rencontrer  chez 
lui,  et  de  leur  faire  quelques  présents.  De  là  MM.  Maples  et  Goldfinch 
se  rendirent  à  Mwaliya,  capitale  du  sidtan  du  Méto,  près  de  laquelle  ils 
rencontrèrent  une  caravane  d'esclaves,  composée  de  2000  personnes, 
venant  de  Makanjila  et  se  rendant  à  Kisanga  pour  y  porter  de  l'ivoire. 
M.  Maples  la  vit  plus  tard  à  Kisanga;  les  maîtres  se  promenaient 
ouvertement  dans  la  ville,  sans  crainte  des  autorités  portugaises; 
de  leur  côté  les  esclaves  allaient  oîi  ils  voulaient.  Les  porteurs  de 
M.  Maples  n'ayant  pas  voulu  s'aventurer  plus  au  sud,  il  dut  revenir 
directement  à  la  côte,  et  renoncer  à  l'occasion  de  constater  la  réalité  de 
l'existence  de  montagnes  neigeuses  sur  la  route  de  Mozambique.  Tous 
les  gens  du  Méto  parlent  du  mont  Irati  dans  les  mêmes  termes  et  le 


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placent  au  même  endroit,  à  quatre  jours  et  demi  de  marohe  (210  kilom.) 
de  Mwaliya,  d'où,  par  un  temps  clair,  on  peut  apercevoir  son  pic  blanc, 
dans  une  direction  S.  E.  Dans  la  saison  chaude  il  paraît  avoir  des 
fissures  ;  des  ruisseaux  de  neige  fondue  descendent  dans  la  vallée.  Le 
sultan  de  Mwaliya  donna  aux  missionnaires  un  guide  qui  les  conduisit 
jusqu'à  Louli,  à  travers  un  pays  monotone,  dont  le  sol  est  stérile,  et 
n'offre  d'intérêt  ni  pour  le  voyageur,  ni  pour  le  commerçant. 

Âpres  16  mois  d'absence  de  GouboalouAjo,  les  missIonnalreH 
romains  envoyés  chez  Oamxila  sont  revenus  à  leur  station  centrale. 
Auparavant,  ils  ont  dû  se  rendre  à  Sofala  pour  y  acheter  du  calicot  et 
autres  objets,  atin  de  reconnaître  les  services  qu'Oumzila  leur  avait  ren- 
dus. Le  P.  Wehl  mourut  à  la  côte,  qui  est  basse,  marécageuse,  presque 
toujours  inondée,  et  oii  régnent  des  fièvres  paludéennes.  De  retour  à 
Oumgan,  oii  était  resté  le  wagon,  le  P.  Desadeleer  envoya  porter  au  roi 
les  objets  qui  lui  étaient  destinés,  et  lui  demander  une  escorte  jusqu'aux 
frontières  des  Matébélés.  Le  roi  fiit  très  content  des  présents  des  mis- 
sionnaires, mais  très  contrarié  de  ne  pouvoir  donner  l'escorte,  ses  gens 
étant  occupés  à  une  expédition  militaire.  Malgré  cela,  le  voyage  se  fit 
heureusement  jusqu'à  Gouboulouayo  ;  le  gibier  ne  manqua  pas  :  bufiles, 
antilopes,  zèbres,  hippopotames,  abondent  dans  ce  pays  ;  les  missionnai- 
res virent  aussi  im  rhinocéros  blanc,  espèce  devenue  tellement  rare,  que 
le  gouvernement  anglais  a  promis  250,000  fr.  à  celui  qui  en  amènerait 
un  spécimen  vivant  à  Londres.  Les  Mashonas  qui  avaient  été  si  hostiles 
aux  missionnaii-es  l'an  dernier,  se  sont,  cette  fois-ci,  montrés  pleins  de 
prévenances  pour  eux;  de  kraal  en  kraal,  des  jeunes  gens  venaient  leui* 
offrir  leur  aide  pour  frayer  le  chemin.  —  M.  Blchard»,  missionnaire 
américain,  a  heureusement  exécuté  son  voyage  au  kraal  d'Oumzila,  eu 
vue  de  fonder  une  mission  dans  les  états  de  ce  souverain.  Arrivé  à  Masi- 
kouéna,  où  réside  le  premier  induna  (officier  militaire)  •  du  territoire 
d'Oumzila,  il  dut  y  attendre  37  jours  une  autorisation  du  roi,  qui  avait 
donné  l'ordre  de  ne  pas  laisser  entrer  de  blancs  dans  ses  états  sans  l'en 
avoir  informé.  Ayant  reçu  une  réponse  favorable,  il  gagna  la  Sabi,  qu'il 
suivit  sur  une  longueur  de  50  kilomètres  jusqu'au  delà  de  Sandaba,  puis, 
se  dirigeant  directement  sur  le  kraal  d'Oumzila,  il  traversa  une  jungle 
épaisse,  au  delà  de  laquelle  se  trouve  un  beau  pays,  bien  arrosé,  qui 
va  en  s'élevant  toujours  davantage,  jusqu'à  une  altitude  moyenne  de 
500".  Le  10  octobre,  il  atteignait  le  but  de  son  voyage.  Les  natife  appel- 
lent la  localité  où  est  situé  le  kraal  du  roi,  Oumoya  Muhlé  {Anle  de  boiis 
vmts).  Le  roi  était  assis  sous  un  arbre  avec  quelques-uns  de  ses  indunas  ; 


—  189  — 

il  ^t  grand,  un  peu  maigre,  mais  bien  proportionné;  sa  figure  est  intel- 
ligente et  agréable.  M.  Richards  lui  exposa  le  but  de  son  voyage,  et  le 
résultat  des  négociations  fut  qu^Oumzila  demanda  que  cinq  missionnaires 
vinssent  s'établir  avec  leurs  famUles  dans  ses  états.  Le  pays  est  abon- 
dant en  bois,  en  eau  «t  en  pierre  ;  il  est  salubre  et  offre  de  bons  empla- 
cements poiu*  rétablissement  de  la  mission. 

Chaque  année,  un  certain  notnbre  de  trafiquants  descendent  avec  leurs 
wagons  à  bœufe  de  Lydenbourg,  dans  le  Transvaal,  à  la  côte,  à  travers 
le  district  de  la  tsétsé,  en  profitant  de  la  saison  fraîche.  Un  autre  chemin 
conduit  de  Liorenzo  Marquez  à  Pretoria,  en  passant  par  le  IXe^w 
Scotland.  Un  voyageur  allemand,  M.  Gustave  Schivab  Ta  récem- 
ment exploré.  Après  plusieurs  expéditions  en  bateau  sur  différentes 
rivières,  en  vue  d'ouvrir  un  chemin  par  eau  qui  le  portât  à  travers  le 
district  de  la  tsétsé,  si  possible,  jusque  dans  le  voisinage  du  New  Scot- 
land,  il  se  rendit  au  Transvaal  par  Natal,  et  en  1881 ,  pendant  la  guerre, 
il  partit  de  Derby  (New  Scotland)  pour  tenter  de  nouveau  de  découvrir 
la  route  cherchée.  Il  arriva  au  bord  de  la  Tombé,  avec  ses  wagons  à 
bœufe  qu'a  y  laissa  pour  se  rendre  à  pied  à  Lorenzo  Marquez.  De  là,  il 
fit  transporter  ses  marchandises  par  eau  jusqu'à  l'endroit  où  il  avait 
laissé  ses  wagons.  Sans  attendre  le  chemin  de  fer,  on  pourrait  faire 
remonter  la  Tombé  à  des  bateaux  à  vapeur  plats,  et  établir,  à  l'endroit 
où  M.  Schwab  a  fait  halte,  une  espèce  d'entrepôt,  d'où  l'on  transporte- 
rait les  marchandises  en  wagons  jusqu'à  Derby  et  de  là  à  Pretoria. 

La  paix  n'est  pas  encore  rétablie  dansleLiessouto.  Letsié  a  accepté 
sincèrement  la  sentence  arbitrale  de  Sir  Hercules  Robinson;  son  fils 
Lerotholi,  l'un  des  instigateurs  du  soulèvement,  s'est  rangé  à  l'avis  de 
son  père.  Il  n'en  est  pas  de  même  de  Massoupa,  frère  de  Letsié,  l'autre 
promoteur  de  la  rébellion,  qui  résiste  à  toutes  les  sollicitations,  aveuglé 
par  les  soi-disant  prophétesses  qui  lui  prédisent  qu'il  deviendra  le  grand 
chef  des  Bassoutos.  M.  Orpen,  le  résident  anglais,  a  fait  un  vigoureux 
effort  pour  le  capturer,  avec  la  coopération  de  Letsié  et  de  Lerotholi, 
mais  il  n'a  pas  réussi.  Ils  ont  rassemblé  10,000  cavaliers  à  Masérou; 
M.  Orpen  s'est  mis  à  leur  tête,  a  marché  sur  Thaba-Bossiou,  la  forte- 
resse de  Massoupa,  l'a  prise  sans  résistance,  mais  Massoupa  et  ses  hom- 
mes n'y  étaient  plus.  Deux  des  fils  de  Letsié,  gendres  de  Massoupa,  ont 
refusé  d'aller  plus  loin;  M.  Orpen  est  resté  avec  un  tiers  de  ses  forces, 
et  voyant  qu'il  ne  pouvait  pas  beaucoup  compter  sur  les  hommes  princi- 
paux, il  s'est  replié  sur  Masérou.  Que  fera  la  majorité  des  Bassoutos  ? 
Le  missionnaire  Dieterlen  croit  qu'elle  sympathise  avec  Massoupa;  s'il 


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remporte,  le  paganisme  reprendra  le  dessus,  et  Tœuvre  dès  missionnai- 
res sera  très  compromise.  D'après  une  dépêche  de  Cape  Town  du  21 
février,  le  gouvernement  colonial  a  fait  savoir  aux  chefe  bassoutos  que 
la  sentence  arbitrale  de  Sir  Hercules  Robinson  devait  avoir  son  plein 
effet  le  15  mars. 

Les  Européens  établis  à  UlTallfish  Bay,  craignant  d'être  attaqués 
par  les  Damaras  qui  menaçaient  la  localité,  le  major  Musgrave,  résident 
anglais,  s'est  rendu  à  Cape  Town,  pour  réclamer  en  leur  faveur  la  pro- 
tection de  l'autorité  coloniale.  Celle-ci  envoya  par  le  Wrangler  un  petit 
corps  de  troupes  sous  le  commandement  du  capitaine  Whindus,  accom- 
pagné de  M.  le  D' Hahn,  qui  connaît  très  bien  les  relations  des  Damaras 
et  des  Namaquas.  Arrivés  à  Wallfish  Bay  le  21  janvier,  le  capitaine  et 
le  D' Hahn  descendirent  à  terre,  et,  dès  le  23,  eut  lieu  à  Rooibank,  à 
30  kUom.  environ,  une  réunion  à  laquelle  assistèrent  les  chefs  Namaquas, 
entre  autres  Abraham  et  Lazarus  Zwartboi,  en  guerre  avec  les  Damaras 
et  la  seule  cause  de  danger  pour  les  Européens  de  Wallfish  Bay.  Le 
D' Hahn  leur  fit  comprendre  que  s'ils  combattaient  les  Damaras,  ils  ne 
devaient  pas  le  faire  à  l'abri  du  territoire  britannique  ;  à  quoi  Abraham 
Zwartboi  répondit  que  les  Namaquas  avaient  seulement  cherché  un 
refuge  pour  leurs  femmes  et  leurs  enfants,  qu'ils  n'y  resteraient  pas  et 
qu'ils  allaient  vers  le  nord  rejoindre  leur  peuple  ;  que  d'ailleiu^  ils  dési- 
raient la  paix.  D  y  a  en  effet  des  tentatives  faites  de  divers  côtés  pour 
amener  la  cessation  des  hostilités.  Dès  lors,  le  D' Hahn  a  jugé  que  les- 
blancs  résidant  à  Wallfish  Bay  ne  couraient  aucun  danger,  et  qu'une 
garnison  coloniale  n'était  point  nécessaire. 

D'après  les  renseignements  de  M.  Bentley  et  du  P.  Augouard,  Stan- 
ley a  pu  faire  le  trajet  d'Isangila  à  Manyanga,  sur  le  Congo,  entière- 
ment par  le  fleuve,  et  aujourd'hui  le  servie^  entre  ces  deux  pomts  est  fait 
par  le  Boyal,  qui  ne  tire  pas  plus  d'un  mètre  d'eau.  Il  est  vrai  que  pour 
franchir  les  rapides,  l'équipage  doit  sauter  à  terre  et  haler  le  vapeur  au 
moyen  d'un  câble,  et  qu'aux  basses  eaux  le  service  fluvial  doit  être 
interrompu.  Sur  presque  toute  la  largeur  du  fleuve  il  y  a  des  rochers, 
qui  émergent  et  qui  rendent  la  navigation  extrêmement  périlleuse.  Au- 
dessus  de  la  station  de  Manyanga,  Stanley  a  dû  faire  une  route  de 
11  kilom.  le  long  des  cataractes  de  Ntombo  Makata,  au  delà  desquelles 
VEn  Avant  reprend  la  navigation  sur  une  longueur  de  20  kilom.,  avec 
de  nouveaux  rapides  à  passer,  pour  lesquels  il  faut  faire  la  manœuvre  in- 
diquée ci-dessus.  Le  terrain  situé  entre  la  rivière  Mata  et  les  cataractes 
de  Ntombo  Makata  a  été  cédé  par  les  nati&  à  l'expédition  belge.  Les 


—  191  — 

missionnaires  baptistes  se  sont  établis  dans  le  voisinage  ;  ils  peuvent  de 
là  atteindre  facilement  les  villes  de  la  rive  droite  du  Congo,  et  en  canot 
celles  de  la  rive  opposée.  Beaucoup  de  marchands  traversent  de  la  rive 
gauche  aux  marchés  de  Manyanga  et  de  Ntombo.  M.  Gillis,  qui  était 
rentré  en  Belgique,  est  reparti  pour  fonder  un  comptoir  à  Boma  sur  le 
Congo  inférieur,  et  M.  Yalcke,  dont  nous  annoncions  le  retour  dans 
notre  dernier  numéro,  est  reparti  pour  une  des  stations  de  Tintérieur. 
Pour  le  moment  les  stations  de  l'Association  internationale  sur  le 
Congo  sont  au  nombre  de  trois  :  Yivi,  Isangila  et  Manyanga*  ;  Stanley  a 
créé  en  outre  un  poste  avancé  entre  Manyanga  et  Stanley-Pool;  quant 
à  ce  dernier  point,  les  chefe  des  Batékés,  essentiellement  belliqueux, 
semblent  peu  disposés  à  le  laisser  s^ii^taller  chez  eux.  Lorsque  le 
P.  Augouard  le  visita,  au  mois  d'août  de  Tannée  derrière,  il  le  trouva 
établi  dans  un  bas-fond  resserré  entre  le  fleuve  et  une  forêt  épaisse,  à 
deux  kilomètres  de  tout  village.  Défense  expresse  avait  été  faite  de  lui 
vendre  aucime  nourriture.  Les  indigènes  manifestèrent  également  des 
dispositions  hostiles  à  Tégard  des  gens  du  P.  Augouard,  qu'ils  voulaient 
renvoyer,  disant  n'avoir  pas  besoin  d'eux.  Un  jour  que  le  missionnaire 
s'entretenait  avec  Stanley,  12  Zanzibarites,  qui  étaient  allés  au  loin  poui* 
lui  acheter  des  vivres,  revinrent  avec  la  sinistre  nouvelle  que  les  trois 
principaux  chefe  de  Stanley-Pool  avait  décidé  de  faire  mourir  quiconque 
lui  en  vendrait,  et  tous  les  blancs  qui  ne  seraient  pas  partis  au  bout  de 
trois  jours.  Le  P.  Augouard  se  rendit  en  toute  hâte  chez  le  roi,  qui  le 
rassura  en  lui  disant  que  lui.  Français,  n'avait  rien  à  craindre.  Dès  lors 
le  missionnaire  est  revenu  à  Landana,  mais  il  se  prépare  à  retourner  à 
Stanley-Pool  dès  que  les  circonstances  lui  paraîtront  favorables.  Espé- 
rons que  lorsque  Savorgnan  de  Brazza  s'y  rendra  de  nouveau,  il  usera 
de  son  influence  pour  obtenir  des  chefs  Batékés,  que  les  explorateurs, 
les  missionnaires  et  les  commerçants  puissent  s'y  établir,  à  quelque 
nationalité  qu'ils  appartiennent. 

Après  avoir  visité  dans  la  saison  sèche  Okonriké,  chef-lieu  des 
Akoimakounas,  sur  le  Cross  Hiver,  M.  Edg^erley,  de  la  mission  des 
Presbytériens  unis  d'Ecosse,  y  a  fait  un  nouveau  voyage  dans  la  saison 
des  pluies,  pour  se  rendre  compte  des  conditions  du  pays  en  vue  d'une 
extension  de  l'œuvre.  Son  examen  a  porté  sur  l'état  de  la  rivière  et  sm* 
les  habitudes  des  populations.  De  Creektown,  il  a  remonté  la  rivière  avec 
un  bateau  à  seize  rameurs  prêté  par  le  roi,  jusqu'à  Oumon,  lieu  de  mar- 

*  Voir  la  carte  des  itinéraires  de  Comber  au  Congo,  II™«  année,  p.  208. 


—  1^2  — 

ché,  au  bord  de  Teau  qui,  par  uoe  crue  de  4  mètres,  avait  envaU  les 
rues,  y  répandant  du  limon,  ce  qui  occasionnait  des  miasmes.  La  ville 
était  remplie  de  gens  vivant  misérablement,  dans  des  maisons  qui  se 
détériorent  pendant  la  saison  sèche  où  ils  habitent  dans  leurs  fermes,  et 
qu'ils  ne  font  pas  réparer  pour  les  deux  mois  qu'ils  y  passent  chaque 
année.  On  y  trouve  une  nombreuse  population  mêlée,  qui  vient  trafiquer 
avec  les  gens  du  Calabar.  De  là  M.  Edgerley  remonta  jusqu'à  Ana,  si- 
tuée sur  un  sol  un  peu  élevé  et  pierreux  où  la  pluie  s'écoule  facilement, 
ce  qui  permet  de  maintenir  la  ville  propre  et  salubre.  Quoique  la  rivière 
eût  monté  de  5  mètres,  l'eau  n'atteignait  pas  les  maisons.  A  Okouriké» 
où  il  s'arrêta,  le  bateau  put  passer  sur  la  route  même  qu'il  avait  suivie 
dans  la  saison  sèche.  Les  gens  réparaient  leurs  maisons  et  faisaient  des 
bateaux.  La  ville  ne  serait  pas  insalubre  comme  l'est  Oumon.  Pour 
entretenir  les  communications  entre  Creektown  et  Okouriké,  il  faudrait 
un  petit  steamer  de  10  à  12  mètres  de  long,  tirant  peu  d'eau  pour  la 
saison  sèche,  et  fort  contre  le  courant  pour  la  saison  des  pluies.  Ce 
serait  une  économie  de  temps,  de  force  et  d'argent. 

M.  Troupel  explore  actuellement  le  Soudan,  et  a  transmis  à  la  Société 
de  géographie  d'Oran  des  renseignements  détaillés  sur  son  récent 
voyage  à  Ilopi  au  nord  du  Yoruba,  visitée  par  Rohlfe  en  1867.  Située  à 
80  kilom.  au  sud  du  Niger,  sur  un  magnifique  plateau,  elle  a  environ 
100,000  habitants,  et  fait  un  commerce  considérable  avec  le  Bambara, 
le  Bomou,  le  Haoussa  et  l'Adamaoua  à  l'est,  avec  les  Achantis  à  l'ouest, 
et  avec  Lagos  sur  la  côte.  Le  sol  contient  du  marbre,  du  minerai  de 
fer  en  grande  abondance  et  à  fleur  de  terre,  et  une  pierre  bleu  clair,  qui 
a  la  transparence  du  verre,  à  laquelle  les  noirs  attachent  beaucoup 
de  valeur  ;  ils  la  nomment  segni.  Parmi  les  productions  du  sol  :  mais, 
millet,  gomme,  olives,  dattes,  arbre  à  beurre,  M.  Troupel  signale  spé- 
cialement une  petite  graine  blanche,  qui  contient  beaucoup  d'huile  et 
que  les  indigènes  appellent  méoi.  Les  bêtes  de  somme  sont  les  bœufs  en 
petit  nombre  et  de  petite  taille,  sauf  le  bœuf  à  bosse  qui  devient  colossal, 
les  chevaux,  généralement  petits,  les  mulets  et  les  ânes,  malingres  par 
suite  des  fatigues  et  des  mauvais  traitements  qu'on  leur  fait  endurer, 
enfin  les  chameaux  que  l'on  trouve  encore  à  Ilori,  mais  qui  ne  descen- 
dent pas  plus  au  sud.  Les  forêts  sont  rares  ;  il  y  a  cependant  des  four- 
rés d'arbustes  à  indigo,  que  les  noirs  récoltent  et  emploient  pour  teindre 
leurs  étoffes.  La  population  se  compose  de  Yorubas,  anciens  posses- 
seurs de  la  ville,  de  Foulanes,  envahisseurs  du  Haoussa  et,  en  1870, 
conquérants  de  Ilori,  dont  Wè  forcèrent  les  habitants,  fétichistes,  à 


—  193  — 

embrasser  rislamisme  sous  peine  d^être  vendus  comme  esclaves,  enfin 
de  Haoussas  devenus  musulmans  aussi  par  la  force  des  armes.  Presque 
tous  ont  des  esclaves  hommes  et  femmes,  du  prix  moyen  de  140  k 
150  fr.  Les  femmes  Haoussas  ont  de  chaque  côté  des  tempes  neuf  raies, 
faites  avec  un  couteau  rougi  au  feu,  et  qui,  passant  sur  les  joues,  vien- 
nent se  joindre  au  coin  de  la  bouche,  tandis  que  les  femmes  Yorubas 
sont  marquées  sur  les  joues  par  trois  traits  verticaux,  au-dessous  des- 
quels sont  tracées  souvent  trois  ou  six  lignes  horizontales.  Les  fenmies 
Haoussas  chiquent  la  fleur  du  tabac,  ce  qui  fait  devenir  leurs  dents 
rouges,  et  même  noires  quand  elles  en  font  abus.  Le  commerce  européen 
pourrait  trouver  là  un  marché  avantageux,  si  les  voies  de  conmiunica- 
tion  étaient  meilleures.  Mais,  de  Lagos,  il  faut  tout  faire  porter  sur  la 
tête  des  indigènes,  qui  emploient  jusqu'à  Dori  17  jours  de  marche,  pai* 
des  entiers  où  les  ânes  et  les  mulets  ne  peuvent  passer  chargés. 

La  mission  du  Haut  Sénég^al  a  éprouvé  de  grandes  difficultés,  par 
isuite  de  la  baisse  des  eaux  qui  empêche  la  navigation  au-dessus  de 
Médine  ;  les  chalands,  qui  transportaient  le  matériel  de  la  colonne  du 
commandant  Borg^is  Desbordes,  n'ont  pu  remonter  le  fleuve  qu'à 
grand'  peine.  Le  25  décembre  un  premier  convoi  de  178  Chinois  est 
arrivé  à  Bakel  pour  les  travaux  de  la  voie  ferrée,  et  s'est  mis  en  route 
pour  Eayes.  Le  lendemain  le  chef  de  l'expédition  était  à  Bafoulabé. 
Kayes  paraît  situé  trop  haut  sur  le  fleuve  comme  base  d'opérations,  les 
avisos  ne  pouvant  remonter  jusqu'à  Bakel  que  cinq  mois  de  l'année. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Sept  brigades  topographiques  ont  été  constituées,  pour  la  campagne  de  1882,  en 
vue  de  la  carte  de  P  Algérie.  Elles  opéreront  dans  les  trois  provinces  simultanément. 

Le  chemin  de  fer  de  Constantine  à  Batna  sera  inauguré  au  mois  de  mai  pro- 
chain. Les  études  de  la  ligne  de  Batna  à  Biskra  sont  terminées;  une  nouvelle 
compagnie  demande  la  concession  de  la  voie  ferrée  de  Biskra  à  Ouargla,  et  des 
ingénieurs  en  étudient  le  tracé. 

La  Chambre  des  Députés  a  approuvé  le  projet  de  convention  passé  entre  PÉtat 
et  la  compagnie  de  Bône-Guelma^  pour  l'exécution  d'un  chemin  de  fer  de  Soukarras 
à  Sidi-el-Hamessi,  en  vue  de  relier  le  réseau  algérien  à  la  Tunisie. 

Mgr  Lavigerie,  promoteur  des  missions  d'Alger,  a  transféré  à  Malte  le  collège 
qu'il  avait  établi  précédemment  à  Saint-Louis  de  Carthage,  pour  préparer  à  la 
faculté  de  médecine  des  nègres  de  l'Afrique  équatoriale  et  du  Soudan. 

Une  dépêche  de  Tripoli  aux  journaux  anglais  annonce  que  600  indigènes  algé^ 


—  194  — 

riens,  de  la  tribu  des  Chambas,  se  dirigent  vers  Gbadamès,  pour  demander  la  puni- 
tion des  Touaregs  qui  ont  assassiné  les  missionnaires  et  maltraité  les  Chambas. 

La  Société  d'exploration  commerciale  de  Milan  a  envoyé,  à  la  fin  de  février,  à 
Derna,  M.  Grabaglio,  comme  auxiliaire  de  M.  Mamoli  dans  cette  station;  il  sera 
spécialement  chargé  des  observations  météorologiques,  ainsi  que  des  levés  topo- 
graphiques et  hydrographiques.  ' 

Le  conseil  des  ministres,  au  Caire,  a  décidé  en  principe  l'abolition  complète  d& 
l'esclavage  en  Egypte.  Abdelkader  pacha  a  été  nommé  gouverneur  du  Soudan.  Une 
administration  spéciale  du  Soudan  a  été  créée  au  Caire,  avec  mission  de  préparer 
le  budget  de  cette  province  et  de  réorganiser  le  service  militaire  en  vue  du  main- 
tien de  l'ordre,  surtout  sur  la  frontière  abyssinienne;  il  devra  prendre  des  mesures 
pour  la  suppression  complète  de  la  traite. 

D'après  le  Standardy  des  études  seraient  faites  dans  le  dessein  de  fortifier  les 
extrémités  du  canal  de  Suez. 

.  Des  ambassadeurs  d'Abyssinie  sont  attendus  au  Caire  pour  régler  la  question 
des  frontières,  et  chercher  à  obtenir  que  des  consuls  des  deux  pays  soient  établis 
en  Egypte  et  en  Abyssinie. 

M.  W.-F.  Miéville  a  été  nommé  consul  anglais  à  Ehartoum. 

M.  Mundo,  explorateur  italien,  visite  les  tribus  Changallas^  au  N.-E.  de  Fadasi^ 
entre  le  Jabous  et  Didésa. 

Le  bruit  de  la  mort  du  capitaine  Casati  s'étant  répandu  en  Europe,  le  Bulletin 
de  la  Société  italienne  de  géographie  annonce  que,  d'après  une  correspondance  de 
Khartoum,  le  voyageur  était  encore  il  y  a  quatre  mois  à  Gorgouro,  dans  le  Mom- 
bouttou. 

Une  expédition  abyssinienne  a  pénétré  jusqu'à  Saka  dans  l'Ënaréa,  et  Saka 
doit  maintenant  payer  à  l' Abyssinie  un  tribut  annuel  de  100  jeunes  gens  des  deux 
sexes,  50  peaux  de  léopards,  6  pièces  de  cotonnade,  50  épées  et  50  esclaves  noirs. 
Dschima-Bachifa,  les  Nounou-Gallas  et  les  Liben-Gallas  ont  également  été  placés 
sous  le  joug  abyssin;  le  roi  des  Légas  craint  beaucoup  d'être  aussi  subjugué. 
Toutes  les  tribus  gallas  de  l'ouest  sont  en  guerre  les  ungs  contre  les  autres. 

Le  Moming-Post  annonce  que  les  longues  négociations  entre  le  gouvernement 
italien  et  celui  de  l'Angleterre,  concernant  l'établissement  d'une  station  navale 
marchande  italienne  à  Assab,  ont  abouti  à  une  convention,  qui  servira  de  base  à 
un  modtis  vivendi  entre  l'autorité  italienne  d' Assab  et  l'autorité  anglaise  d'Aden. 
Le  gouvernement  britannique  reconnaît  le  protectorat  italien  sur  le  sultan  de 
Beilul.  Les  négociations  se  poursuivent  à  Constantinople  et  au  Caire  pour  obtenir^ 
de  la  part  de  la  Turquie  et  de  l'Egypte,  la  ratification  de  cette  convention. 

D'après  «  l'Exploration,  »  les  Français  fondent  une  colonie  sur  le  territoire 
d'Ibnih,  acheté  à  un  chef  africain,  à  3  jours  de  distance  d' Assab. 

La  maison  de  M.  Bienenfeld,  consul  d'Italie  à  Aden,  organise  une  expédition 
commerciale  au  Choa  et  au  pays  des  Gallas,  sous  la  direction  de  M.  Labatut,  qui  & 
déjà  fait  trois  voyages  au  Choa,  et  de  M.  Abiatre,  agent  de  la  susdite  maison  à 
Zeila  et  à  Bulhar  sur  la  côte  des  Somalis. 


—  195  — 

Mgr  Tanrîn  Cahagne,  vicaire  apostolique  des  Gallas,  a  fait,  de  Harrar,  une 
excarsion  chez  les  Gallas,  et  y  fondera  une  station  autour  de  laquelle  il  espèrq 
grouper  une  colonie  chrétienne. 

Pour  la  répression  de  la  traite  sur  les  côtes  du  Zanguebar,  le  gouTemement 
anglais  a  acquis  VHarrier  et  VUndinej  deux  des  meilleurs  yachts  de  la  flotte  de 
plaisance  an^aise,  qui  sont  partis  pour  leur  destination. 

M.  J.  Thomson  semble  avoir  renoncé  à  explorer  la  partie  du  continent  entre  la 
côte  et  le  Kilimandjaro.  Il  s'est  embarqué  à  Zanzibar  pour  revenir  en  Angleterre. 

M.  Euss,  ingénieur  des  mines,  a  envoyé  à  la  Société  de  géographie  de  Paris  un 
rapport  sur  le  voyage  au  Zambèze  de  la  mission  que  dirigeait  M.  Palva  d'Andrada; 
à  ce  rapport  est  jointe  une  carte,  le  résultat  le  plus  important  du  voyage. 

La  Société  royale  de  géographie  de  Londres  a  reçu  de  M.  O'Neill,  consul 
anglais  à  Mozambique,  le  rapport  sur  le  voyage  à  l'intérieur  dont  nous  parlions 
dans  notre  dernier  numéro  ;  avec  la  carte  qui  l'accompagne,  ce  rapport  sgoute 
beaucoup  à  nos  connaissances  de  cette  partie  de  l'Afrique.  Le  pic  que  les  indi- 
gènes lui  ont  dit  être  toujours  couvert  de  neige  s'appelle  Namuli. 

Le  gouverneur  d'Inhambané,  M.  Schwalbach,  a  fait,  en  août  dé  l'année  dernière, 
une  expédition  au  lac  Nharrimé,  et  fourni  de  nouveaux  renseignements  sur  la 
région  au  sud  du  pays  de  Gasa;  elle  parait  bonne  pour  la  colonisation. 

Après  avoir  travaillé  avec  un  zèle  infatigable  à  recueillir  les  ressources  néces- 
saires à  l'établissement  d'une  nouvelle  mission,  M.  Coillard  repartira  avec  sa 
femme,  au  mois  de  mai  prochain,  pour  aller  fonder  une  station  entre  le  Zambèze 
et  le  lac  Bangouéolo. 

Après  avoir  parcouru  Madagascar  et  les  Comores  et  avoir  obtenu  du  sultan 
d'Anjouan,  capitale  de  ces  dernières,  une  importante  concession  commerciale, 
M.  Giovanni  Succi  est  revenu  en  Italie,  en  vue  de  former  une  compagnie  qui,  pro- 
fitant de  la  dite  concession,  s'occuperait  de  l'échange  des  produits  commerciaux 
entre  l'Italie  et  les  côfes  orientales  de  l'Afrique  et  les  îles  adjacentes. 

M.  P.  Adam,  de  l'île  Maurice,  se  propose  de  relier  cette  île  avec  celle  de  la 
Réunion  par  la  télégraphie  optique,  ce  qui  permettra,  en  attendant  le  câble  sous- 
marin^  de  recevoir  à  la  Eéunion  l'annonce  des  cyclones  par  les  signaux  de  Maurice. 

D'après  une  lettre  de  Capetown,  la  maison  Erickson  et  C*'',  d'Omarourou,  a  été 
informée  que  M.  H.  Dufour  a  été  assassiné  près  de  Benguéla,  et  que  les  autorités 
portugaises  ont  puni  les  indigènes  soupçonnés  d'être  les  meurtriers  ;  les  chevaux 
et  l'argent  de  M.  Dufour  ont  pu  leur  être  repris  et  remis  à  l'agent  consulaire  de 
France  à  Loanda. 

Un  naturaliste  français,  M.  L.  Petit,  qui  a  déjà  fait  des  explorations  dans  les 
parages  du  Congo,  principalement  à  l'est  de  Landana,  est  reparti  pour  la  même 
station,  d'où  il  se  propose  de  s'avancer  dans  les  montagnes  du  Caaka,  pour  étudier 
les  cours  d'eau  qui  en  descendent. 

L'importance  des  intérêts  français  en  Afrique  a  amené  la  fondation  d'une  société 
qm,  sons  le  nom  de  «  Compagnie  coloniale  de  l'Afrique  française^  »  approfondira 
les  questions  coloniales  et  soutiendra  les  colons  de  race  française.  Une  section 


—  196  — 

xpurement  scientifique  et  géographique  fera  faire  des  voyages  d'exploration. 
M.  C.  Laroche,  président  de  la  Société,  nous  informe  qu'un  des  membres  de  celle-ci, 
M.  G.- A.  Blom,  est  parti  le  9  mars,  envoyé  en  mission  au  Gabon,  emportant,  sur 
un  voilier  frété  par  PÉtat,  les  matériaux  nécessaires  à  la  construction  d'une 
église  et  d'un  pont. 

La  Church  missionary  Society  crée  à  Lokodja,  près  du  confluent  du  Niger  et  du 
Bénoué,  une  école  pour  apprendre  aux  instituteurs  indigènes  la  langue  anglaise,  et 
la  langue  iho  parlée  le  long  du  Niger  inférieur. 

A  l'imitation  des  missions  médicales  qui  existent  en  Angleterre  et  en  Amérique, 
la  Société  des  missions  de  B&le  a  l'intention  d'établir  dans  ses  divers  champs  de 
travail,  en  commençant  par  l'Afrique,  des  hôpitaux  et  dispensaires  médicaux.  A 
cet  effet,  un  de  ses  élèves  étudie  la  médecine  à  l'université  de  Bâle;  un  autre 
jeune  homme,  licencié  en  théologie  de  l'université  de  Tubingen,  y  étudie  les 
sciences  médicales  pour  se  mettre  ensuite  au  service  de  la  mission  bàloise. 

Le  roi  du  Dahomey  fait  de  grands  préparatifs  pour  attaquer  Ischin  et  d'autres 
villes  du  Yoruba. 

Sir  Samuel  Rowe,  gouverneur  de  la  Côte  d'or,  a  informé  le  gouvernement 
anglais  que,  d'après  l'enquête  à  laquelle  il  s'est  livré,  il  n'est  pas  vrai  que  le  roi 
des  Achantis  ait  récemment  ordonné  le  massacre  de  200  jeunes  filles,  pour  mêler 
leur  sang  à  la  construction  d'un  nouveau  palais.  La  dépêche  ajoute  qu'un  tel  mas- 
sacre ne  serait  plus  possible,  le  roi  des  Achantis  n'ayant  plus  d'esclaves.  Le  projet 
seul  d'un  tel  massacre  suffirait  pour  soulever  tout  le  peuple  de  Coumassie. 

Deux  nouvelles  compagnies  minières  :  la  Swaney  estâtes  and  gold  mining  Com- 
pany, et  la  Wa^aw  {Gold  Coast)  mining  Company  ont  été  créées  pour  l'exploita- 
tion de  l'or.  La  première  aura  en  outre  des  plantations  de  café,  de  thé,  de  quin- 
quina et  autres  produits. 

M.  Barham,  arpenteur  de  mérite,  a  été  chargé  des  études  préparatoires  pour  la 
construction  d'un  chemin  de  fer,  du  littoral  de  la  Côte  d'or  à  la  région  minière  de 
Wassaw.  Le  pays  à  traverser  est  riche  en  métaux  précieux,  en  huile  de  palme  et 
en  caoutchouc. 

M.  Musy,  compagnon  de  M.  Bonnat  dans  ses  explorations  du  Yolta  et  du  pays 
des  Achantis,  a  succombé  aux  suites  de  fièvres  pernicieuses. 

La  route  de  Grand  Bassa  à  l'intérieur  est  devenue,  depuis  le  commencement  de 
novembre,  impraticable  pour  le  commerce,  des  natifs  arrêtant  tout  trafic. 

Dans  un  conflit  entre  des  chefs  Timnehs  et  l'almany  Bochary,  chef  Sousou,  les 
premiers  ont  détruit  par  le  feu  la  ville  de  Fouricarial,  dans  le  voisinage  de  Malle- 
cory,  et  pillé  les  établissements  français  et  anglais  qui  s'y  trouvaient.  L'absence  de 
plusieurs  chefs  et  employés  des  factoreries  fait  craindre  qu'ils  n'aient  été  assassinés. 

Le  roi  de  la  rivière  Rio-Pungo,  dont  l'embouchure  appartient  à  la  France,  a 
déchiré,  en  présence  du  résident  français,  le  traité  conclu  avec  la  France,  sous 
prétexte  que  les  commerçants  avaient  diminué  les  prix  d'achat  des  produits  indi- 
gènes. Les  pirogues,  qui  apportaient  ces  produits  du  haut  de  la  rivière,  sont  arrê- 
tées au  passage.  Toutes  les  factoreries  sont  fermées. 


—  197  — 

Une  compagnie  au  capital  de  150,000  liv.  sterl.  a  été  créée,  sous  le  nom  de 
River  Gambia  Trading  Company,  pour  développer  le  commerce  par  la  Gambie, 
qui  est  navigable  sur  une  longueur  de  640  kilomètres. 

La  mission  envoyée  par  le  ministre  de  la  marine  au  Sénégal  et  composée  de 
MM.  Joubert,  inspecteur  en  chef,  et  Waltfaer,  inspecteur  adjoint  du  service  de 
santé,  est  revenue  à  Pariç  le  24  février,  ainsi  que  le  délégué  envoyé  par 
M.  Pasteur  au  Sénégal  pour  y  étudier  la  fièvre  jaune.  La  garnison  de  Saint-Louis 
a  été  changée,  et  le  département  de  la  marine  a  pris  des  mesures  pour  que  les 
troupes  fussent  installées  le  plus  sainement  possible;  en  attendant  que  les  locaux 
qui  doivent  servir  à  leur  casernement  fussent  entièrement  refaits  en  pierre,  brique 
et  fer,  il  a  fait  édifier  des  baraquements  confortables  dans  des  sites  aérés. 


VOYAGE  DE  MATTEUCCI  ET  DE  MASSARI,  DE  LA  MER  ROUGE 

AU  GOLFE  DE  GUINÉE' 

Les  voyageurs  italiens  eu  Afrique  semblent  devoir,  dans  la  seconde 
moitié  de  notre  siècle,  faire  remonter  leur  patrie  au  rang  illustre  où 
l'avaient  élevée  ses  explorateurs,  à  la  fin  du  moyen  âge  et  au  commen- 
cement de  l'époque  moderne.  Sans  doute  beaucoup  d'entre  eux  succom- 
bent dans  leurs  efforts  pour  ouvilr  le  continent  mystérieux  et  le  mettre 
en  relation  avec  la  mère  patrie  :  Ghiarini,  Matteucci,  Gessi,  Piaggia, 
pour  ne  pai'ler  que  des  deuils  les  plus  récents  ;  mais  beaucoup  sont 
encore  à  l'œuvre  :  Antinori,  Antonelli,  sans  oublier  Savorgnan  de  Brazza, 
qui,  s'il  travaille  poui'  la  France  plus  spécialement,  n'en  est  pas  moins 
italien  de  naissance  ;  d'auti'es  sont  revenus  en  Italie  poui*  rieprendre  des 
forces  en  vue  de  nouvelles  explorations  :  Cecchi,  Blanchi,  Camperio,  etc. 
Nous  avons  précédemment  annonce  le  succès  de  l'expédition  de  Mat- 
teucci, douloureusement  acheté  par  la  mort  de  son  chef.  Aujourd'hui 
nous  voulons  la  suivre  à  travers  tout  le  continent,  de  Souakim  aux  bou- 
ches du  Niger,  d'après  le  rapport  qu'en  a  présenté  à  la  Société  de  géo- 
graphie de  Rome  le  lieutenant  Massari,  compagnon  de  Matteucci. 

Ce  fut  au  retour  d'un  voyage  en  Abyssinie,  que  le  D' Pellegrino  Mat- 
teucci conçut  le  projet  d'une  exploration  destinée  à  ouvrir  à  l'Italie  la 
route  de  Tripoli  au  Ouadaï.  Attribuant  aux  riches  bagages  de  Rohlfe 
l'insuccès  de  la  tentative  de  ce  dernier,  dépouillé  dans  l'oasis  de  Kou- 
fera,  il  proposa  à  une  maison  de  commerce  de  Tripoli,  en  relation  avec 
le  sultan  du  Ouadaï,  de  se  joindre  à  une  caravane,  et  de  se  présenter 
au  sultan  susmentionné  comme  employé  de  cette  maison . 

*  Voir  la  carte  qui  accompagne  cette  livraiflon. 


—  1Ô8  — 

Sur  ces  entrefaites,  le  prince  Don  Giovanni  Borghèse  résolut  de  s'as- 
socier à  l'expédition  et  d'en  prendre  les  frais  à  sa  charge.  Alors,  pour 
éviter  les  dangers  que  présentait  la  route  du  nord,  on  décida  de  tenter 
de  pénétrer  dans  le  Ouadaï  par  l'est,  en  traversant  les  possessions 
égyptiennes.  Matteucci  demanda  au  ministère  de  la  marine  qu'un  offi- 
cier pût  l'accompagner  ;  le  lieutenant  Massari  fut  désigné  et  pourvu  des 
instruments  indispensables  pour  faire  les  observations  scientifiques. 

Du  Caire,  où  l'expédition  se  trouva  réunie  au  commencement  de 
février  1880,  les  trois  voyageurs,  auxquels  s'était  joint  le  frère  du 
prince  Borghèse,  Don  Camillo,  se  rendirent  par  Souakim  h  Korosko  sur 
le  Nil,  et  de  là  à  Khartoum  où  Don  Camillo  Borghèse  les  quitta  pour 
revenir  en  Italie,  et  où  conmience,  à  proprement  parler,  l'expédition 
dont  nous  voulons  rendre  compte.  Signalons  cependant  en  passant  les 
plantations  du  cheik  Ahmed,  chef  du  désert  de  Korosko,  qui  a  su  créer 
là  un  véritable  jardin,  dans  lequel  il  a  réuni  quantité  d'arbres  et  de 
plantes  de  diiférentes  espèces,  et  où  se  trouvent  des  bosquets  de  citron- 
niers et  des  bois  de  palmiers  ;  notons  aussi,  dans  la  navigation  de  Berber 
à  Khartoum,  les  moulins  à  eau  établis  le  long  du  Nil  ;  des  bœufis  les 
font  mouvoir  pour  arroser  les  champs  et  leur  faire  produire  deux 
récoltes  par  an. 

Les  progrès,  réalisés  à  Khartoum  depuis  quelques  années,  rendront 
plus  facile  à  l'avenir  l'approvisionnement  des  explorateurs,  qui  choisiront 
cette  ville  comme  point  de  départ  de  leurs  expéditions  dans  l'Afrique 
centrale.  Les  nombreux  Européens  qui  y  sont  établis  y  ont  apporté  une 
très  grande  quantité  d'objets  nécessaires  aux  voyages  à  l'intérieur  : 
étoffes,  vêtements,  ustensiles  pour  l'usage  domestique,  provisions  ali- 
mentaires, en  sorte  que  les  voyageurs  feront  mieux  de  les  acheter  là, 
que  de  les  apporter  d'Europe.  Les  frais  jusqu'à  Khartoum  seront  consi- 
dérablement diminués. 

De  cette  ville,  l'expédition  traversa,  avec  la  caravane  qu'elle  y  avait 
formée,  le  Nil,  dont  elle  suivit  la  rive  gauche  jusqu'au  gros  vOlage 
d'Abou  Guérad,  d'où  elle  prit  une  direction  S.-O.  vers  Coursi,  au  nord 
d'El-Obéid,  capitale  du  Kordofan.  Le  long  du  Nil  le  sol  est  plat,  puis 
il  devient  onduleux,  et  dans  le  voisinage  d'El-Obéid  se  trouvent  quelques 
montagnes.  Le  terrain  est  sablonneux  :  la  végétation  consiste  en  acacias 
épineux,  çà  et  là  si  touffus  qu'en  peu  de  temps  on  en  a  les  vêtements,  le 
visage  et  les  mains  déchirés.  En  approchant  d'El-Obéid  on  remarque 
les  premiers  baobabs  ;  c'est  en  effet  la  limite  septentrionale  de  ces 
immenses  représentants  du  règne  végétal  afiicain.  A  part  les  environs 


—  199  — 

de  Coursi,  le  pays  traversé  jusque  là  est  peu  peuplé.  El-Obéid  a,  d'après 
Massari,  de  30  à  40,000  habitants,  mais  risque  de  voir  sa  population 
diminuer  beaucoup,  par  suite  du  manque  d'eau  qui  augmente  d'année 
en  année.  Tandis  qu'il  y  a  six  ou  sept  ans  on  trouvait  encore  l'eau  à 
une  petite  profondeur,  aujourd'hui  on  ne  la  trouve  que  dans  les  puits  de 
20"  à  25";  encore  n'y  en  a-t-il  que  deux  ou  trois  bons,  et  l'eau  doit- 
elle  se  vendre  au  marché.  Le  gouvernement  égyptien,  qui  prélève  de 
très  fortes  taxes  sur  les  habitants,  ne  s'inquiète  pas  d'améliorer  cet  état 
de  q|ioses  si  préjudiciable  à  la  population. 

Tout  autre  est  l'état  d'Abou-Harras,  oîi  l'eau  abonde  ^t  où  l'on 
amène,  pour  les  y  abreuver,  des  milliers  de  bestiaux.  En  revanche,  entre 
Abou-Harras  et  Fogio,  le  sol  est  tout  à  fait  sablonneux  ;  en  outre,  le 
terrain  un  peu  élevé  ne  retient  pas  l'eau  des  pluies,  qui  s'écoule  vers  des 
points  situés  plus  bas.  Cependant  les  habitants  n'y  manquent  pas  d'eau, 
ils  s'abreuvent,  eux  et  leurs  bestiaux,  en  partie  avec  le  suc  des  melons, 
en  partie  avec  l'eau  qu'ils  recueillent,  pendant  la  saison  des  pluies,  dans 
les  réservoirs  pratiqués  dans  les  troncs  des  énormes  baobabs,  dont  on 
trouve  de  vastes  forêts  dans  cette  région. 

Le  passage  des  caravanes  et  des  soldats  n'en  est  pas  moins  pour  les 
habitants  une  source  de  diflScultés.  Le  Darfour  a  eu  d'ailleurs  beaucoup  à 
souffiîr  de  la  guerre  que  lui  a  faite  l'Egypte  pour  se  l'annexer.  C'est  à 
peine  si  El-Fascher,  sa  capitale,  où  les  voyageurs  arrivèrent  au  commen- 
cement de  mai,  se  relève  de  ses  ruines.  D  s'y  formait  autrefois  des  cara- 
vanes de  10,000  personnes,  qui  allaient  faire  la  chasse  à  l'honmie  dans  le 
Dar-Fertit,  au  sud.  Aujourd'hui  ces  expéditions  ont  cessé,  maisles  explo- 
rateurs italiens  n'en  ont  pas  moins  trouvé  à  El-Fascher  et  à  des  centaines 
de  kilomètres  au  delà,  quantité  de^Darfouriens,  réduits  en  esclavage  par 
les  troupes  qui  devaient  leur  apporter  la  civilisation  ;  à  El-Fascher,  on 
peut  avoir  un  beau  garçon  pour  40  à  50  francs.  Kobé,  un  peu  à  l'ouest 
de  l'ancienne  capitale  du  Darfoui*,  naguère  florissante  par  son  industrie 
et  son  commerce,  est  aujourd'hui  en  ruines  ;  Kab-Kabia,  détruite  aussi 
par  la  guen'e,  était  en  reconstruction  lors  du  passage  de  l'expédition 
italienne,  qui  dut  s'y  arrêter  pour  se  pourvoir  de  nouveaux  serviteurs  et 
de  chameaux,  ce  en  quoi  l'appui  du  gouverneur  égyptien,  passionné 
pour  les  Européens,  lui  fut  d'un  grand  secours.  De  là  à  Abou-Gheren, 
aux  contins  des  possessions  égyptiennes,  le  pays  continue  à  être  mon- 
tueux,  l'eau  est  plus  abondante,  le  terrain  moins  sablonneux,  la  végé- 
tation plus  vigom*euse.  Les  seuls  habitants  de  ce  pays  frontière  sont  les 
soldats,  dont  les  cabanes  sont  construites  autoui*  d'une  forteresse,  ayant 


—  200  — 

poui*  toute  protection  un  fossé  que  l'on  pourrait  franchir  d'un  bond,  et 
une  clôture  d'épines  sèches  qu'une  allumette  détruirait  en  un  instant. 
Cependant  la  position  en  est  bonne,  établie  qu'elle  est  sur  le  bord  élevé 
d'un  torrent,  de  manière  à  commander  la  rive  opposée. 

D'Abou-Gheren,  deux  routes  conduisent  à  Abêchr,  capitale  du 
Ouadaï,  l'une  courte  et  directe  par  Tineat  (celle  de  Nachtigal),  l'autre 
plus  longue,  à  travers  le  petit  royaume  de  Tama,  tributaire  de  l'Egypte. 
Espérant  trouver  plus  facilement  dans  le  Dar-Tama  un  messager  à 
envoyer  au  sultan  du  Ouadaï,  pour  lui  demander  l'autorisation  d'entrer 
dans  ses  états,  Matteucci  choisit  la  dernière  route,  et,  à  peine  arrivé  à 
Abou-Gheren,  il  pria  le  commandant  du  lieu  de  demander  au  roi  de 
Tama  un  guide  pour  l'accompagner.  Desservi  par  ce  fonctionnaire, 
musulman  fanatique,  il  dut  retourner  à  El-Fascher  et  réclamer,  par 
télégramme,  l'intervention  du  gouverneur  général  du  Soudan,  qui  donna 
l'ordre  de  fournir  une  escorte  militaire  aux  voyageurs  italiens  et  fit  pré- 
venir le  roi  qu'il  eût  à  les  bien  recevoir.  Le  roi  leur  envoya  son  fils,  qui 
vint  les  prendre  pour  les  conduire  à  Gneri,  capitale  du  Dar-Tama. 

Pendant  le  séjour  de  l'expédition  à  Abou-Gheren,  le  lieutenant  Mas- 
sari  profita  de  tous  les  moments  où  le  ciel  était  débarrassé  de  nuages, 
pour  faire  des  observations  astronomiques  et  météorologiques,  sans 
penser  d'abord  qu'elles  pussent  avoir  pour  effet  de  le  faire  passer  pour 
sorcier.  Malheureusement  la  saison  des  pluies  était  en  retard,  les 
semailles  n'avaient  pu  se  faire,  et  le  pays  était  menacé  d'une  famine. 
Aussi  attribua-t-on  bientôt  h  l'observateur  le  retard  des  pluies  ;  il  eut 
beau  dire  au  commandant  que,  n'étant  pas  plus  grand  qu'Allah,  il  ne 
pouvait  pas  faire  à  volonté  le  beau  ou  le  mauvais  temps,  l'oflBcier  ne  lui 
en  demanda  pas  moins  un  matin  de  ne  plus  empêcher  la  pluie  de  tomber. 
Dès  lors,  il  dut  se  garder  de  faire  ses  observations  devant  témoins. 

Le  5  septembre  1880,  après  64  jours  d'aiTêt  à  Abou-Gheren,  l'expédi- 
tion se  remit  en  marche  sous  la  direction  d'Hidris,  fils  du  roi  de  Tama, 
dont  le  territoire,  voisin  de  TÉgypte,  est  très  pauvre,  les  habitants  étant 
obligés  de  payer  au  gouvernement  du  khédive  des  taxes  exorbitantes. 
Ils  récoltaient  alors  une  petite  céréale  qui  croît  en  abondance  dans  ce 
pays ,  assaillaient  et  détiniisaient  les  fourmilières  pour  y  prendre  le  pftu 
de  blé  qui  y  est  conservé,  et  faisaient  la  chasse  aux  sauterelles,  pour  les 
rôtir  et  en  apprêter  un  mets  qu'ils  trouvent  délicat.  La  population  de 
Gneri  reçut  les  voyageurs  avec  de  grandes  démonstrations  de  joie  :  coups 
de  fusil,  musique,  cavalcades,  et  les  accompagna  au  petit  campement 
préparé  poui*  eux  :  six  cabanes  entourées  de  haies.  Deux  jours  après 


—  201  — 

leur  arrivée  fls  eurent  une  audience  du  roi  qui,  selon  la  coutume, 
demeura  séparé  d'eux  par  un  rideau,  mais  leur  témoigna  le  plaisir  qu'il 
avait  k  les  voir  en  le  faisant  tenir  soulevé  tout  le  temps  de  l'audience. 
Après  la  récitation  du  premier  chapitre  du  Coran,  il  s'adressa,  dans  la 
langue  du  pays,  à  quelques-uns  de  ses  gens  qui  lui  tournaient  le  dos  et 
qui  répétèrent  aux  voyageurs  ses  paroles  en  arabe.  D  demanda  à  ceux-ci 
des  nouvelles  de  leur  roi,  de  leurs  parents,  de  leurs  amis,  de  tous  les 
chrétiens  ;  Matteucci  répondit  que  tous  se  portaient  bien  et  le  révéraient. 
D  leur  demanda  ensuite  ce  qu'ils  désiraient  de  lui,  et,  sur  leur  prière, 
adjoignit  à  une  lettre  pour  le  sultan  du  Ouadaï,  dans  laquelle  étaient 
exposées  leurs  intentions  pacifiques,  une  missive  conseillant  à  ce  souve- 
rain de  les  bien  accueillir,  vu  qu'ils  n'étaient  pas  des  Turcs  (c'est-à-dire 
des  Égyptiens),  mais  des  chrétiens  animés  de  bons  sentiments.  Il  chargea 
un  de  ses  gendres  de  porter  les  deux  lettres.  Matteucci  lui  offrit  quel- 
ques présents  qui  parurent  le  satisfaire,  aussi  donna-t-il  en  retour  aux 
voyageurs  de  beaux  et  bons  chameaux,  des  bœufe,  des  vaches,  des  chè- 
vres, du  blé,  du  beurre,  du  miel  et  du  seP.  Ce  petit  royaume,  situé  dans 
les  montagnes  les  plus  hautes  de  cette  partie  de  l'Afrique,  est  assez  peu- 
plé. Aussi  longtemps  qu'il  fut  indépendant,  il  était  riche  en  esclaves  et  en 
ivoire  ;  mais  aujourd'hui  qu'il  est  tributaire  de  l'Egypte,  ces  deux  objets 
de  trafic  font  défaut;  la  traite  est  prohibée,  et  le  gouvernement  du  khé- 
dive s'est  attribué  la  propriété  exclusive  de  l'ivoire.  Dès  lors,  le  com- 
merce est  presque  nul  ;  les  chameaux  et  les  bœufs  de  bonne  race  y  abon- 
dent, mais  sont  à  vil  prix  ;  le  sel  manque  absolument,  et  le  peu  qui  en 
arrive  du  Zaghana  au  nord-est  est  bientôt  acheté  par  les  plus  riches  ;  la 
grande  majorité  des  habitants  le  remplace  par  l'eau  de  cendres  bouillies, 
dont  ils  assaisonnent  leurs  aliments.  Comme  monnaie,  on  se  sert  de 
cotonnades  et  de  perles  de  Venise,  très  petites  et  blanches,  qui  se  ven- 
dent par  rouleaux.  Devant  des  supérieurs,  les  subordonnés  s'agenouillent, 
et  pour  les  saluer  ils  battent  des  mains  à  l'unisson,  d'abord  fort  et  len- 
tement, puis  plus  doucement  et  plus  vite. 

La  réponse  du  sultan  de  Ouadaï  n'arrivant  pas,  et  les  explorateur^ 
commençant  à  douter  du  succès  de  leur  entreprise,  le  prince  Borghèse 
renonça  k  pousser  plus  avant  et  revint  en  Europe  par  la  voie  du  Nil, 
rapportant  l'itinérafa^  de  la  première  partie  du  voyage  et  le  journal  de 
l'expédition.  Restés  seuls,  Matteucci  et  Massari  obtinrent  enfin,  à  force 
de  patience  et  de  prudence,  l'autorisation  d'entrer  dans  le  Ouadaï  oh, 
depuis  Nachtigal,  aucun  Européen  n'avait  pénétré.  Ils  franchirent  en 
cinq  jours  la  distance  de  Gneri  à  Abêchi\  traversant  des  campagnes 


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fertiles  mais  dépeuplées,  dont  les  villages,  entourés  d'une  haute  palis- 
sade en  osier,  semblaient  abandonnés.  Par  crainte  des  égyptiens,  le 
Ouadal  a  fermé  ses  voies  de  communication  avec  l'Orient,  et  n'entretient 
de  relations  commerciales  qu'avec  Bengasi,  par  Koufara,  au  nord,  et 
le  Baghirmi  et  le  Bomou  à  l'ouest.  Pendant  les  premiers  jour»  qui  sui- 
virent leur  arrivée,  les  voyageurs  furent  traités  avec  beaucoup  de  cir- 
conspection. Lorsqu'ils  furent  conduits  à  la  maison  du  roi,  celui-ci  ne 
se  laissa  point  voir,  et,  de  l'intérieur  d'une  tente  qu'il  avait  fait  dresser 
dans  la  cour  et  dans  laquelle  il  se  dérobait  aux  regards,  il  leur  adressa 
les  demandes  accoutumées,  après  quoi  il  leur  dit  qu'ils  étaient  libres  de 
partir  quand  ils  le  voudraient  et  de  se  diriger  où  il  leur  plairait. 

Trois  routes  s'oflFraient  à  eux  pour  sortir  du  pays  :  I*  celle  par  laquelle 
ils  étaient  venus,  et  à  laquelle  ils  renoncèrent  pour  ne  pas  refaire  le 
même  chemin  et  ne  pas  éveiller  des  soupçons  ;  ^  celle  qui  conduit  direc- 
tement au  nord  à  travers  le  Sahara;  mais  pour  la  prendre  ils  auraient 
dû  attendre  4  ou  5  mois,  afin  de  se  joindre  à  la  caravane  annuelle  qui, 
après  avoir  apporté  au  Ouadaï  les  marchandises  européeniies  :  étoffea, 
armes  et  quincaillerie,  en  remporte  des  plumes  d'autruche  et  des  dents 
d'éléphants;  S""  celle  de  l'ouest  qui  mène  à  Koukat  d'oii  il  est  plus  facile 
de  revenir  en  Europe.  Ce  fut  celle  qu'ils  choisirent,  et,  sans  prolonger 
leur  séjour  à  Abèchr,  ni  revoir  le  roi,  ils  partirent  le  7  novembre, 
regrettant  peu  cette  ville,  semblable  à  toutes  les  villes  un  peu  civilisées 
de  l'Afrique,  dont  les  habitants,  quoique  musulmans,  s'enivrent  facile- 
ment, sont  querelleurs,  enclins  à  se  servir  du  couteau  qu'ils  ont  toujours 
au  bras,  et  dont  l'industrie  est  très  peu  développée.  La  seule  chose  que 
l'on  y  fasse  vraiment  bien  ce  sont  les  couteaux,  avec  leurs  gatnes,  mais 
le  coton  se  file  et  se  tisse  très  mal,  et  les  vases  qui  servent  conmie  usten- 
siles de  cuisine  laissent  beaucoup  à  désirer. 

A  une  cinquantaine  de  kilomètres  à  l'ouest  d'Abèchr  sont  les  der- 
nières collines,  au  delà  desquelles  on  entre  dans  la  vaste  plaine  qui 
s'étend  jusqu'à  Kano,  à  environ  1400  kilomètres  à  l'ouest.  L'expédition 
ne  tarda  pas  à  rencontrer  le  Batha  qui  va  se  verser  dans  les  lagunes  de 
Fitri,  et  qui,  comme  tous  les  cours  d'eau  de  cette  région,  est  à  sec  pen- 
dant la  saison  chaude.  Toutefois,  si  l'on  creuse  dans  son  Ut,  on  trouve 
toujours  de  l'eau  à  une  faible  profondeur.  Les  Arabes  y  stationnent 
pendant  la  saison  sèche  ;  les  lions  et  les  léopards  pendant  la  saison  des 
pluies.  Le  Batha  fertilise  le  pays  ;  le  long  de  ses  rives  s'étendent  des 
forêts  d'arbres  gigantesques,  à  travers  le  feuillage  desquels  les  rayons 
du  soleil  ont  de  la  peine  à  pénétrer  ;  il  y  a  aussi  des  pahniers  doum^  pro- 


—  203"— 

duîsant  un  fruit  dout  Técorce  est  douce  et  savoureuse  ;  aussi  les  habi- 
tants s'en  servent-ils  en  guise  de  sucre. 

A  environ  300  kilomètres  d'Abêchr,  on  enti-e  dans  le  petit  état 
de  Midogo,  dépendant  du  Ouadal,  et  entourant  une  montagne  de  600*" 
au-dessus  de  la  plaine.  Sur  la  pente  méridionale  se  trouve  la  capitale, 
Midogo,  dont  les  habitants  vont  chercher  Teau  à  des  sources  fraîches  et 
cristallines  qui  jaillissent  entre  d'énormes  pierres,  et  qu'ils  atteignent 
en  sautant  avec  une  agilité  surprenante  de  roche  en  roche,  leurs  ampho- 
res sur  la  tète.  Une  quantité  de  gros  singes  se  tiennent  pendant  le  jour 
assis  sur  les  rochers,  regardant  ce  fourmillement  de  femmes,  d'enfants 
et  d'esclaves  qui  montent  et  descendent  ;  la  nuit  ils  entrent  dans  les 
habitations  pour  dérober  tout  ce  qu'ils  trouvent  de  mangeable. 

De  Midogo,  l'expédition  eut  à  traverser  le  royaume  de  Boulala,  aussi 
dépendant  du  Ouadal,  mais  dont  le  sultan  est  tenu  pour  plus  noble  que 
celui  d'Abêchr  lui-même.  La  capitale  en  est  Yaoua,  située  sur  les  bords 
de  la  lagune  de  Fitri,  où  les  voyageurs  ne  s'arrêtèrent  pas,  le  voisinage 
de  l'eau  attirant  une  quantité  énorme  de  mouches  nuisibles  aux  bêtes  et 
surtout  aux  chameaux.  Le  sol  est  imprégné  dTiumidité,  et  si  fertile  qu'il 
produit  detix  récoltes^  par  an.  Le.  pays  est  riche  en  antilopes  et  en 
gazelles,  mais  le  bcefuf  y  est  presque  inconnu  et  la  brebis  y  est  rare  ;  les 
habitants  se  nourrissent  presque  exclusivement  de  polenta,  assaisonnée 
de  feuilles  sèches  broyées  et  bouillies,  et  d'une  bière  fabriquée  avec  de 
la  farine  de  froment.  Us  sont  plus  industrieux  que  ceux  du  Ouadaï  pro- 
prement dit;  on  voit  plus  de  gens  occupés  à  filer  et  à  tisser;  les  huttes 
sont  aussi  en  "paille,  mais  mieux  finies  et  mieux  garanties  contre  la 
pluie  et  les  insectes  ;  la  poterie  est  plus  perfectionnée.  Au  delà  de  Yaoua, 
le  pays  est  plat  et  dépeuplé,  mais  en  entrant  dans  le  Baghiimi  on 
retrouve  de  nombreuses  collines,  au  pied  de  chacune  desquelles  se  trouve 
un  petit  village.  On  passe  bientôt  sur  les  bords  du  Bahr-el-Ghazal,  émis- 
sah-e  du  lac  Tchad,  dont  les  eaux  se  perdent  dans  le  désert  vers  le  nord. 
La  végétation  devient  admirable,  et  la  faune  est  extrêmement  riche  : 
oies,  canards,  échassiers,  autruches,  singes,  antilopes,  bœufe  sauvages, 
rhinocéros,  sangliers,  hippopotames,  girafes,  lions,  etc.  On  commence 
aussi  àr  rencontrer  de  magnifiques  chevaux,  amenés  des  confins  du  désert 
par  les  Arabes.  Parmi  ceux-ci  on  voit  beaucoup  d'hommes  complè- 
tement noirs,  mais  aussi  des  types  parfaits  de  la  race.  Ds  vivent  de 
rélève  du  bétail,  s'occupent  à  peine  d'agriculture,  et  se  nourrissent 
presque  exclusivement  de  lait  caillé  et  de  viande.  Accompagnés  par  les 
che&  de  ces  Arabes,  Matteucci  et  Massari  atteignirent  enfin  les  rives  du 


—  204  — 

■ 

Chari,  le  premier  vrai  fleuve  qu'ils  eussent  rencontré  depuis  qu'ils 
avaient  quitté  les  bords  du  Nil.  Ils  débouchèrent  d'une  forêt  touffue 
juste  vis-à-vis  de  la  ville  de  Ghilféi,  et  leur  étonnement  fut  gi'and  en 
apercevant,  de  l'autre  côté  du  fleuve,  une  ville  bien  bâtie,  tout  entourée 
de  hauts  murs,  au-dessus  desquels  apparaissait  la  paitie  supérieure  des 
maisons  ;  il  augmenta  à  la  vue  des  habitants,  habillés  beaucoup  mieux  et 
plus  proprement  que  ceux  qu'ils  avaient  vus  jusque-là;  leurs  vêtements 
faits  de  cotonnades  européennes  de  couleur,  à  rayures  ou  à  fleurs,  cou- 
vrent tout  le  corps.  Beaucoup  d'hommes  étaient  occupés  à  teindre  en 
bleu  les  étoffes  du  pays  ;  un  plus  grand  nombre  encore  filaient  le  coton, 
le  tissaient  en  bandes  larges  de  5  centimètres,  ou  cousaient  ces  dernières 
pour  en  faire  de  grandes  robes.  Un  marché  très  fréquenté  et  bien  fourni 
se  tenait  à  l'une  des  portes  ;  il  y  venait  de  loin  des  gens  pour  vendre  ou 
acheter.  Comme  au  Ouadaï,  on  se  sert,  pour  les  petites  dépenses,  de 
parfums  en  guise  de  monnaie  ;  mais  au  Bornou,  acheter  est  chose  facile, 
tandis  qu'au  Ouadaï  il  est  rare  de  trouver  quelqu'un  qui  veuille  vous 
vendre  un  peu  de  lait  ou  de  blé,  ou  un  poulet. 

Au  delà  du  Chari,  on  n'a  pas  l'habitude  de  donner  la  nourriture  aux 
voyageurs  étrangers,  ni  de  les  loger;  en  revanche,  pour  une  petite  dose 
de  parfum  ils  achètent  ce  qui  leur  est  nécessaire.  Jusqu'à  Kouka,  la  route 
longe  le  lac  à  travers  de  belles  forêts,  coupées  par  trois  cours  d'eau 
difficiles  à  traverser  avec  des  bêtes  et  des  bagages,  vu  la  pauvreté  des 
moyens  de  transport.  L'on  rencontre  beaucoup  de  villes  entourées  de 
murs;  chacune  d'elles  a,  à  un  jour  fixe  de  la  semaine,  un  grand  mai*ché 
auquel  se  rendent  les  gens  des  districts  voisins,  en  sorte  que  l'on  voyage 
souvent  en  nombreuse  compagnie.  La  ville  de  Kouka,  fondée  par  le  père 
du  sultan  actuel  du  Bornou,  le  cheik  Omar,  est  divisée  en  deux  par- 
ties :  l'une  à  l'ouest  où  siégeait  le  souverain  défunt,  l'autre  à  l'est  où 
réside  le  chef  actuel.  Elle  compte  environ  40,000  habitants.  Il  s'y  tient 
chaque  jour,  à  l'intérieur  des  murs,  un  marché  fréquenté  par  4000  per- 
sonnes environ,  et  le  lundi,  hors  des  murs,  un  grand  marché  où  accou- 
rent au  moins  30,000  personnes.  Ces  marchés  fournissent  la  ville  du 
nécessaire,  et  quand,  pour  une  cause  extérieure,  une  révolte  ou  une 
guerre,  les  marchands  ne  viennent  pas,  la  capitale  souf&*e  de  la  famine. 
Les  hommes  ont  la  passion  des  vêtements,  ils  en  portent  jusqu'à  10  et 
même  12,  de  couleiu^  variées,  et  ressemblent  à  de  vastes  cloches.  Les 
femmes  passent  des  heures  entières,  un  petit  miroir  à  la  main^  à  se  frotter 
les  dents  avec  les  fleurs  fraîches  du  tabac,  pour  se  les.teindre  en  rouge 
foncé  et  en  noir.  Tous  les  nègres,  du  Bornou  au  Niger,  ont  la  passion  du 


—  205  — 

gowrou,  espèce  de  châtaigne  rouge  qui,  mâchée,  laisse  dans  la  bouche 
une  saveur  agréable.  La  monnaie  courante  est  le  talari  de  Marie-Thé- 
rèse, valant  environ  6  fr.  26  cent.  ;  cependant  pour  les  petites  dépenses 
on  se  sert  de  coquilles  ;  c'est  ici  qu'on  conunence  à  les  rencontrer. 

Lé  Bornou  est  riche  en  chevaux  de  grande  race,  mais  il  est  difficile 
d'en  trouver  qui  résistent  à  la  fatigue.  Pour  leur  donner  des  formes 
arrondies^n  les  nourrit  de  son,  dont  on  fait  une  pâte  avec  de  l'eau  et 
du  sel,  puis  on  en  forme  des  boulettes,  dont  on  introduit  70  ou  80  par 
jour  dans  la  bouche  du  cheval.  A  la  première  fatigue  la  graisse  dispa- 
raît, l'animal  ne  peut  plus  manger  l'avoine  sèche  et  s'aflFaiblit  de  jour 
en  jour.  Les  bœufs  et  les  chameaux  de  Kouka  sont  bons  ;  on  peut  avoh* 
un  bœuf  pour  200  fr.,  un  chameau  pour  50  fr.,  un  cheval  pour  300  fr. 

De  Kouka  à  Tripoli  la  route  la  plus  courte  passe  par  le  Kauar  et 
Mourzouk  ;  on  peut  la  parcourir  en  3  mois  ;  l'eau  n'y  manque  jamais  plus 
de  3  jours.  Matteucci  et  Massari  l'auraient  prise  pour  le  retour,  si  la 
tribu  des  Ouêlad  Slimans,  au  nord  du  lac  Tchad,  n'eût  pas,  peu  aupa- 
ravant, dépouillé  toutes  les  caravanes  qui  passaient  par  là.  L'autre 
route  pour  Tripoli  passe  à  Sinder,  à  l'ouest  de  Kouka,  et  remonte  vers 
la  Méditerranée  par  Asben  et  Rhat,  mais  elle  est  plus  longue,  et  en  cer- 
tains endroits  on  doit  voyager  pendant  sept  jours  sans  rencontrer  de 
puits.  Ls  y  renoncèrent  également  pour  revenir  par  Kano  et  le  Niger.  ^ 

Quand  on  entre  sur  le  territoire  de  Kano,  un  des  états  haoussas  gou- 
vernés par  le  sultan  de  Sokoto,  on  est  émerveillé  de  voir  combien  la 
culture  et  la  population  augmentent.  Contrairement  à  ce  que  les  voya- 
geurs avaient  vu  dans  la  partie  de  l'Afrique  qu'ils  venaient  de  traverser, 
les  champs  se  succédaient  sans  interruption  ;  plus  de  terres  incultes,  plus 
d'espaces  déserts.  Les  jardins  contiennent  beaucoup  de  plantes  d'indigo, 
de  tabac,  des  ognons,  des  patates  douces  ou  des  tomates.  L'on  rencon- 
tre aussi  beaucoup  de  baobabs ,  au  pied  desquels  croissent  d'autres 
arbres  moins  grands,  dont  le  feuillage  se  mêle  aux  rameaux  dépouillés 
de  ces  arbres  géants.  Sur  la  route,  c'est  un  va-et-vient  continuel  de  gens 
affairés  qui  se  rendent  à  tel  ou  tel  marché,  leur  corbeille  de  marchandise 
sur  la  tête  ;  une  quantité  de  femmes  se  tiennent  assises  au  bord  du  che- 
min, offrant  aux  passants  de  l'eau  à  boire  ou  des  aliments  à  acheter  pour 
quelques  coquillages. 

A  mesure  que  l'on  approche  de  Kano,  le  mouvement  augmente.  La 
ville  est  située  dans  une  plaine  et  entourée  d'un  haut  mur,  de  l'enceinte 
duquel  on  voit  surgir  deux  collines. pierreuses  et  les  têtes  d'un  nombre 
infini  de  dattiers  gigantesques  et  d'autres  arbres.  L'intérieur  n'est  pas 


—  206  — 

entièrement  rempli  par  les  miaisons  ;  celles-ci  ne  couvrent  que  la  sixième 
partie  du  terrain,  le  reste  est  occupé  par  des  plantations  ou  par  de  lar- 
ges fdssés,  qui  font  rarement  défaut  dans  les  villes  africaines,  et  dans 
lesquels  on  jette  les  immondices  ;  on  en  tire  aussi  Targile  qui  sert  à 
construire  les  maisons  et  à  fabriquer  des  ustensiles  de  cuisine. 

La  population  de  Kano  dépasse  50,000  habitants.  La  circulation  est 
énorme  ;  tous  vont  au  marché  ou  en  reviennent,  et,  comme  si  la  foule 
des  marchands  ne  sufGisait  pas,  des  troupes  de  fillettes  se  promènent 
dans  les  rues  en  criant  la  marchandise  qu'elles  portent  dans  leurs  cor- 
beilles :  petits  pains,  polenta,  épis  de  mais  bouillis,  ognons  cuits,  dattes, 
sucre,  etc.  D  est  intéressant  d'observer  un  compteur  de  coquilles,  assis 
devant  un  gros  tas  de  cette  monnaie  ;  il  en  prend  une  poignée  qu'il 
compte  lestement  en  les  séparant  5  par  5  ;  un  bon  compteur  peut  en 
compter  de  250  à  300,000  en  un  jour.  Les  coquilles  sont  mises  dans  des 
nattes  de  jonc,  et  on  en  forme  des  paquets  de  50,000  pièces.  C'est  avec 
ces  paquets  que  l'on  'paie  et  que  l'on  fait  le  commerce.  Le  nombre  des 
^estropiés  et  des  aveugles  est  énorme;  au  lever  et  au  coucher  du  soleil 
on  en  voit  des  vingtaines  se  rendre  au  marché  pour  y  mendier  ;  il  est 
rare  qu'un  habitant  de  Kano  passe  auprès  de  l'un  d'eux  sans  lui  donner 
quelques  coquilles.  Beaucoup  de  négociants  de  Ghadamès  apportent  à 
Kano  les  produits  européens,  et  en  emportent  surtout  de  l'ivoire. 

Quand  Matteucci  et  Massari  passèrent  à  Kano,  le  roi  n'y  était  pas;  il 
se  trouvait  à  Takaï,  à  50  kilom.  au  sud-est,  pour  une  guerre  contre  des 
sauvages  révoltés.  Les  15  jours  qu'ils  y  passèrent,  après  tant  de  fatigues 
et  de  privations,  furent  des  jours  de  repos  de  corps  et  d'esprit.  Ils 
auraient  aimé  à  y  prolonger  leur  séjour,  mais  la  saison  des  pluies  appro- 
chait, et  ils  ne  voulaient  pas  la  passer  en  Afrique.  Ils  se  dirigèrent  vers 
Bidda,  capitale  du  Nupé,  par  les  territoires  de  Zaria  et  de  Gouari. 

Au  sortir  de  Kano  les  cultures  cessent  ;  on  entre  dans  la  région  mon- 
tagneuse qui  s'étend  jusqu'au  Niger  presque  sans  interruption.  Elle  est 
pittoresque  et  semée  de  riants  villages.  Sur  la  route  on  ne  trouve  plus 
de  marchés,  mais  souvent  des  caravanes  de  500  ânes  venant  des  pays 
d'au  delà  du  Niger,  chargés  du  fsuneux  gourou.  Zaria  et  Gouari  n'offrent 
rien  d'intéressant.  En  revanche  Bidda,  sans  être  aussi  étendue  que 
Kano,  a  une  population  aussi  nombreuse  ;  au  milieu  de  la  ville  court  un 
ruisseau,  auquel  les  femmes  vont  puiser  de  l'eau;  les  maisons,  couvertes 
en  paille,  sont  presque  entièrement  cachées  par  les  arbres.  Le  bana- 
nier y  est  conmiun,  et  le  palmier  fournit  une  huile  rouge  avec  laquelle 
on  cuit  la  viande.  La  population  est  encore  plus  industrieuse  que  celle 


—  207  — 

de  Eano.  Le  coton  y  est  filé  et  tissé  d'une  manière  remarqual)le,  en 
bandes  larges  de  5  centimètres,  blanches  ou  rayées  de  bleu  et  de  blanc, 
ou  entremêlées  de  soie  rouge  et  de  coton  blanc  et  bleu  à  raies.  Ces 
bandes  sont  réunies  ensuite  pour  former  ces  grands  vêtements  que  Ton 
va  vendre  jusqu'à  Abêchr.  L'art  de  travailler  le  cuivre  y  est  aussi  très 
développé. 

Les  voyageurs  ne  restèrent  que  peu  de  jours  à  Bidda,  et  descendirent 
à  Egga,  dans  des  canots  que  le  sultan  du  Nupé  avait  fait  préparer  pour 
eux  ;  les  Européens  des  factoreries  de  la  United  African  Company  de 
Londres  n'étaient  pas  à  Egga,  mais  il  s'y  trouvait  des  noirs  civilisés  de 
Sierra  Leone  et  de  Lagos,  qui  les  accueillirent  et  les  traitèrent  avec 
l'hospitalité  la  plus  cordiale,  jusqu'au  moment  où  l'agent  général, 
M.  David  Mac  Intosh,  vint  les  prendre  sur  un  vapeur  de  la  Compagnie 
et  les  transporter  en  quatre  jours  à  Acassa,  aux  bouches  du  Niger,  d'où, 
en  juillet  1881,  ils  revinrent  en  Europe.  De  Souakim  à  Acassa,  ils 
avaient  parcouru  ime  distance  de  5,000  kilomètres,  dont  1,100  en  pays 
inexploré  auparavant.  C'était  en  outre  la  première  fois  que  des  Euro- 
péens traversaient  l'Afrique  de  la  mer  Rouge  au  golfe  de  Guinée. 

Nos  lecteurs  savent  déjà  la  mort  de  Matteucci  survenue  à  Londres. 
Les  fatigues,  de  l'expédition  avaient  épuisé  ses  forces.  Au  moins  a-t-il 
emporté  en  mourant  la  satisfaction  d'avoir  ouvert,  avec  le  Ouadaï, 
des  relations,  dont  l'Italie  et  la  Société  d'exploration  commerciale  en 
Afrique  se  sont  empressées  de  profiter.  En  outre,  n'ayant  jamais 
employé  la  violence  ni  la  dureté  envers  personne,  pas  même  envers  leurs 
serviteurs,  les  explorateurs  italiens  ont  dû  laisser,  partout  où  ils  ont 
passé,  une  très  bonne  opinion  d'eux  et  de  leur  patrie.  Même  au  Ouadaï, 
où  l'accueil  avait  été  froid  d'abord,  on  leur  a  demandé  de  faire  en  sorte 
que  leur  pays  demeurât  en  rapports  avec  cet  état,  leur  promettant  que 
quand  ils  reviendraient  ils  seraient  bien  reçus  par  tous.  Us  ont  frayé  la 
voie  aux  voyageurs,  qui  profiteront  sans  doute  des  bonnes  dispositions 
des  indigènes  du  Ouadaï,  et  feront  de  ce  pays  une  base  d'opération, 
pour  explorer  les  vastes  territoires  qui  s'étendent  jusqu'au  Congo. 


CORRESPONDANCE 

A  Monsieur  Gustave  Moynier,  directeur  de  V Afrique  explorée  et  civUiaée, 

ChAteaa  da  Mont-Glonne  par  Saint-Floront-le- Vieil  (Maine  et  Loii'e), 

le  17  février  1882. 

Monsieur  le  Directeur, 
Pans  le  dernier  numéro  de  votre  excellente  Betme,  vous  avez  publié  sur  la 


—  208  — 

France  au  Soudan,  ma  dernière  brochure,  ^m  compte  rendu  qui  renferme  quelques 
erreurs  et  inexactitudes.  Je  vous  demande  la  permission  de  les  rectifier. 

Vous  semblez  dire  que  l'on  manque  aujourd'hui  des  connaissances  nécessaires 
pour  se  prononcer  sur  la  salubrité  des  côtes  (du  golfe  de  Biafra),  sur  les  disposi- 
tions des  tribus,  sur  l'orographie  et  l'hydrographie  de  tout  le  pays  à  l'intérieur. 

Je  vois  que  tous  n'avez  pas  consulté  avec  une  attention  suffisamment  rigoureuse 
les  écrits  du  capitaine  W.  Allen,  de  Burton,  de  Eerhallet,  de  Beichenow,  etc. 

Les  cartes  de  la  marine  indiquent,  sur  une  grande  longueur,  les  profondeurs  d'un 
certain  nombre  de  rivières  du  golfe  de  Biafra.  Les  pays  qui  sont  sur  les  rives 
gauche  et  droite  de  ces  cours  d'eau  ont  donc  été  explorés  dans  une  certaine  mesure, 
comme  leur  fond  lui-même. 

Les  cartes  du  ministère  des  Travaux  Publics  échelonnent  une  multitude  de 
localités,  depuis  la  c6te  jusqu'au  Bayong,  jusqu'aux  sources  des  affluents  sud  du 
Bénoué,  jusqu'à  la  partie  méridionale  de  l'Adamaoua.  Ces  pays  ne  sont  donc  pas 
complètement  inconnus,  comme  du  reste  l'Adamaoua  lui-même  qui,  entre  paren- 
thèses, est  pour  le  moment  mon  seul  objectif. 

Sans  doute.  Monsieur  le  Directeur,  il  y  a  une  grande  partie  de  l'Afrique  centrale 
sur  laquelle  on  n'a  que  des  données  vagues,  comme  le  prouve  la  récente  carte  de 
l'Afrique  centrale  de  M.  le  D'  Joseph  Chavanne.  Mais  il  y  a  d'autres  parties  qui, 
je  vous  prie  de  le  croire,  sont  connues  à  des  degrés  divers. 

Le  D""  Lenz,  dites-vous,  «  a  dû  s'arrêter  au  2°  lat.  N.  »  Je  tiens  de  lui-même 
qu'il  est  allé  au  Cameroon,  c'est-à-dire  au  4*"  lat.  N. 

«  Le  P.  Duparquet,  ajoutez- vous,  n'a  pas,  que  nous  sachions,  dépassé  les  fron- 
tières du  Loango.  »  Or,  je  tiens  de  M.  de  Rouvre  le  fait  suivant  et  je  le  consigne 
avec  son  autorisation.  A  son  récent  passage  à  Paris,  le  P.  Duparquet  a  fait  visite 
à  M.  de  Rouvre,  qui  a  été  pendant  huit  ans  directeur  de  la  factorerie  de  Banane  ; 
il  lui  a  appris  qu'il  avait  pénétré  à  25  lieues  au  delà  de  l'embouchure  du  Cameroon, 
et  il  s'est  autorisé  de  cette  exploration  pour  approuver  tout  ce  que  lui  rapportait 
M.  de  Rouvre  sur  mes  projets  et  mes  brochures. 

Quant  à  la  Société  allemande  pour  l'exploration  de  l'Afrique  équatoriale,  c'est 
d'elle  que  j'ai  voulu  parler,  quand  j'ai  écrit  que  les  explorateurs  reconnaissaient 
maintenant  avec  moi  que  les  côtes  du  Biafra  étaient  désormais  la  seule  base  d'opé- 
ration possible,  pour  explorer  les  dernières  parties  inconnues  de  l'A&ique  équato- 
riale. 

Je  borne  là  cette  lettre  déjà  longue.  Je  compte  sur  votre  loyauté.  Monsieur  le 
Directeur,  pour  qu'elle  soit  insérée  dans  votre  Bévue.  Je  serai  heureux  de  vous  la 
compléter  au  moment  opportun,  et  je  vous  prie  de  croire  à  l'expression  de  mes 
meilleurs  sentiments. 

Gazeau  de  Vautibault, 
promoteur  du  Trans-Continental  africain. 


—  209  — 

BIBLIOGRAPHIE  ' 

KuFHA.  Reise  von  Tripolis  nach  der  OaseKufra,  von  Gerhard  Rohlf s. 
Leipzig  (P.  A.  Brockaus),  1881,  in-8%  559  p.,  tableaux  météorologiques, 
illustr.  et  3  cartes,  fr.  21.25.  —  Le  25  octobre  1878,  arrivait  à  Tripoli 
le  fameux  voyageur  allemand  Gerhard  Rohlfe,  accompagné  du  docteur 
Antoine  Stecker.  Son  projet  était  de  traverser  le  Sahara  et  d'étudier 
ensuite  le  Soudan  et  la  région  inconnue  qui  s'étend  entre  le  Chari  et  le 
Congo.  Tout  faisait  présager  un  brillant  succès  à  cette  expédition,  étant 
donné  surtout  qu'elle  avait  pour  chef  le  célèbre  explorateur  qui  avait, 
en  1861  visité  le  Maroc,  en  1866  le  Bomou  et  le  bassin  du  Niger,  et  en 
1868  la  Tripolitaine  et  le  désert  de  Lybie. 

Rohlfe  et  ses  compagnons  commencèrent  immédiatement  leurs  collec- 
tions d'histoire  naturelle  dans  l'oasis  de  la  Menchiya.  Les  chameaux 
étaient  rares,  et  par  suite  très  chers  ;  malgré  cela,  l'expédition  ayant 
d'abondantes  ressources  en  argent,  et  la  paix  paraissant  régner  dans  les 
oasis  du  désert  de  Lybie,  le  départ  s'annonçait  sous  des  auspices  très 
favorables.  De  Tripoli,  Rohlfs  se  dirigea  sur  Sokna.  Là  il  attendit  vai- 
nement d'Europe  les  présents  qui  lui  avaient  été  annoncés  pour  le  sultan 
du  Ouadaï  ;  mais,  coname  le  séjour  dans  cette  oasis  lui  coûtait  fort  cher, 
il  partit  pour  celle  d'Audjila.  De  là,  à  cause  des  obstacles  sans  nombre 
qu'il  rencontrait,  il  revint  à  Benghasi,  sur  la  côte  de  la  Méditerranée. 
Mais  ne  se  décourageant  pas  et  voulant  tenter  encore  une  fois  de  tra- 
verser le  Sahara,  il  fit  de  grandes  dépenses  pour  se  procurer  des  dro- 
madaires, et,  bien  équipé,  il  repartit  le  4  juillet  1879,  se  dirigeant  en 
ligne  droite  vers  le  Ouadaï.  Malheureusement  cette  nouvelle  tentative 
devait  échouer  encore.  Dans  l'oasis  de  Koufara,  les  Arabes  se  soulevèrent 
contre  les  Européens  ;  ils  s'emparèrent  de  tous  leurs  bagages  et  des  pré- 
sents destinés  au  sultan  du  Ouadaï.  Peu  s'en  fallut  même  qu'on  n'atten- 
tât à  leur  vie.  Dépouillés,  abandonnés  par  leur  escorte,  Rohlfs  et  ses 
compagnons  revinrent  à  Benghasi.  Ils  eurent  un  moment  l'espoir  de 
recommencer  leur  voyage,  mais  ils  reconnurent  bientôt  qu'ils  devaient 
y  renoncer  complètement,  du  moins  en  suivant  cet  itinéraire,  et  quelque 
temps  après,  ils  quittèrent  la  Tripolitaine. 

Ce  sont  ces  expéditions  malheureuses  que  Rohlfe  a  racontées  dans  le 

^  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  18,  rue  du  Rhône,  à  Genève, 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  dmlisée. 


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bel  ouvrage  que  nous  avons  sous  les  yeux.  Quatre  chapitres  sont  con- 
sacrés spécialement  à  la  description  de  Eou&ra,  oasis  magnifique  dont 
RohUEs  a  rectifié  la  position.  L'eau  y  abonde,  les  palmiers-dattiers  s'y 
rencontrent  en  nombre  considérable,  et  le  commerce,  alimenté  par  les 
caravanes  qui  vont  régulièrement  du  littoral  de  la  Méditerranée  au 
Soudan,  est  très  actif. 

La  première  partie  du  livre  est  exclusivement  consacrée  à  la  narra- 
tion du  voyage  de  Weimar  à  Eoufara.  La  seconde  partie  se  compose  de 
mémoires  de  Rohlfs,  sur  les  routes  de  la  Tripolitaine  et  sur  la  tempéra- 
ture des  sources  dans  cette  partie  du  Sahara.  D'autre  part,  le  D' Hann 
donne  les  résultats  généraux  des  observations  météorologiques  de  Rohl&, 
le  D' Peters  étudie  les  amphibies,  le  D' Karsch  les  espèces  d'animaux, 
le  D'  Ascherson  les  végétaux  trouvés  par  l'expédition  à  Koufara. 

Des  illustrations  et  des  cartes  des  oasis  de  Eoufara  et  de  Djofra  et  de 
l'itinéraire  complet  du  voyage  enrichissent  beaucoup  ce  volume,  qui  fait 
faire  un  pas  considérable  à  la  scieoce  géographique  en  ce  qui  concerne 
la  Tripolitaine. 

Sahara  et  Soudan,  par  le  D'  Ovatave  Nachtigal,  ouvrage  traduit  de 
l'allemand,  par  Jules  Gourdault.  Tome  I",  Tripolitaine,  Fezzan,  Tibesti, 
Eanem,  Borkou  et  Bomou.  Paris  (Hachette  et  C"),  1881,  in-8°,  552  p., 
99  gravures  et  cartes,  10  fr.  —  Sahaba  ukd  Sudan,  von  D'  Gustav 
Nachtigah  Zweiter  Theil.  Borku,  Eanem,  Bornu  und  Baghirmi.  Berlin 
(Paul  Parey),  1881,  in-8'*,  765  p.,  illust.,  table  météorologique  et4  cartes, 
fr.  26,70.  —  Presque  en  même  temps  viennent  de  paraître,  d'une  part  la 
traduction  en  français,  par  Jules  Gourdault,  du  tome  premier  et  de  la 
plus  grande  partie  du  tome  second  du  grand  ouvrage  de  M.  le  D' Nach- 
tigal,  et,  d'autre  part,  en  allemand,  ce  second  volume  lui-même,  où  le 
savant  voyageur  décrit,  avec  le  talent  qu'on  lui  connaît,  le  Borkou  et 
les  trois  états  qui  entourent  le  lac  Tchad  :  le  Eanem,  le  Bomou  et  le 
Baghirmi.  Nous  examinerons  ces  deux  publications  ensemble,  et  comme 
nous  avons  déjà  parlé  longuement  (T.  I,  p.  200),  du  premier  volume  de 
l'édition  allemande,  dans  lequel  étaient  décrits  spécialement  la  Tripo- 
litaine, le  Fezzan  et  le  Tibesti,  nous  passerons  rapidement  sur  ces 
pays. 

M.  Nachtigal,  que  sa  santé  avait  contraint,  en  1861,  de  quitter  son 
service  de  médecin  dans  l'armée,  s'était  rendu  à  Alger  et  à  Tunis, 
n  relate,  en  quelques  pages,  son  séjour  dans  cette  dernière  ville  et  l'im- 
pression que  son  aspect  produisit  sur  lui.  Chargé  plus  tard,  par  le  voya- 


—  211  — 

geur  RohUs,  de  porter  au  sultan  du  Bomou  les  présents  du  roi  de  Prusse, 
il  quitta  Tripoli  en  1869,  fit  un  séjour  à  Mourzouk,  capitale  du  Fezzan, 
et  aDa  explorer  le  Tibesti  ou  pays  des  Tibbous,  qui  n'avait  jamais  été 
jusqu'alors  visité  par  un  Européen.  Dans  cette  excursion  terrible,  il  fut 
souvent  en  butte  aux  agressions  des  indigènes,  qui  le  retinrent  même 
prisonnier  pendant  un  mois.  Seul^  sans  guide,  sans  chameaux  ni  baga- 
ges, il  réussit  à  s'échapper  et  à  regagner  Mourzouk,  épuisé  par  la  faim 
et  à  demi  nu. 

Après  s'être  reposé  de  ses  fatigues  pendant  l'hiver,  Nachtigal  repartit 
de  Mourzouk  au  printemps  de  1870,  pour  le  Bomou,  dans  la  capitale 
duquel  il  entra  au  mois  de  juillet.  Après  avoir  remis  au  sultan  les  présents 
dont  il  était  chargé,  le  voyageur  explora  dans  tous  ses  détails  le  lac 
Tchad,  et  il  consacre  de  longues  pages  à  la  description  de  cette  impor- 
tante nappe  d'eau.  Il  en  cite  tous  les  affluents  qui,  à  part  le  Ouaubé  et 
le  Ghari,  ne  sont  presque  que  des  ruisseaux.  Quant  au  Bahr-el-Ghazal, 
c'était  autrefois  non  un  affluent  mais  un  émissaire,  qui  portait  les  eaux 
du  lac  dans  la  grande  plaine  nommée  Bodélé  S  notablement  plus  basse 
que  le  niveau  du  Tchad.  (Le  lac  Tchad  est  à  244",  et  le  Bodélé  à 
200".)  Aujourd'hui  le  Bahr-el-Ghazal  est  complètement  privé  d'eau,  mais 
son  dessèchement  ne  date  pas  de  longtemps.  La  cause  de  ce  phéno- 
mène réside  dans  les  changements  incessants  du  littoral,  variations  qui 
sont  provoquées  elles-mêmes  par  le  fait  que  les  alluvions,  apportées  par 
le  Ghari,  se  déposent  tantôt  sur  un  point,  tantôt  sur  un  autre.  A  l'heure 
qu'Q  est  le  lac  «dévore»  sa  rive  occidentale,  selon  l'expression  des 
indigènes,  c'est-à-dire  qu'il  porte  ses  eaux  de  ce  côté  tandis  que  les  riva- 
ges orientaux  sont  abandonnés. 

Au  printemps  de  1871,  le  docteur  Nachtigal  explorait  le  Kanem  et  le 
Borkou,  où  dominent  les  tribus  féroces  des  Ouêlad  Sliman,  et,  sans  pou- 
voir atteindre  l'extrémité  méridionale  de  son  voyage  dans  le  Tibesti,  il 
aperçut  du  moins  les  dernières  ramifications  du  massif  des  monts  Tarso. 
C'est  dans  cette  expédition  qu'il  put  étudier  le  Bahr-el-Ghazal,  la  grande 
plaine  du  Bodélé  et  la  région  nord  du  lac  Tchad.  D  eut  encore  l'occasion 
de  visiter  le  tombeau  de  son  compatriote  Maurice  von  Beurmann,  voya- 
geur prussien  qui  fiit  assassiné  par  les  officiers  du  sultan  du  Ouadal. 
Le  9  janvier  1872,  Nachtigal  rentrait  à  Kouka.  En  ce  moment,  le  sul- 
tan Ali,  du  Ouadal,  était  en  guerre  avec  Abou  Sékin,  roi  du  Baghirmi.  La 
capitale  des  états  de  ce  dernier  prince,  la  ville  de  Massenia,  avait  même 

^  Voir  la  carte  qui  accompagne  ce  numéro. 


—  212  — 

été  prise,  mais  Âbou  Sekin,  suivi  de  ses  gaerriers,  s'était  retiré  dans  la 
région  méridionale  où  il  était  beaucoup  plus  difficile  de  le  poursuivre. 
Nachtigal  résolut  d'aller  visiter  le  roi  détrôné,  à  travers  des  contrées 
complètement  inconnues,  et,  au  mois  de  février  1872,  il  quittait  de  nou- 
veau Kouka  pour  s'enfoncer  dans  lé  sud.  La  description  du  Baghinni 
est  le  morceau  capital  et  entièrement  neuf  de  son  ouvrage.  Autrefois,  on 
ne  savait  absolument  rien  du  pauvre  peuple  des  Gabenis,  qui  vivent 
dans  des  villages  construits  sur  les  arbres,  et  chez  lesquels  Abou  Sekin  se 
pourvoyait  d'esclaves.  A  sa  suite,  Nachtigal  dut  mener  la  vie  répugnante 
de  chasseur  de  chair  humaine;  il  réussit  enfin  à  quitter  le  roi  et  put 
rentrer  à  Kouka.  Il  en  repartit  le  1"  mars  1873  pour  accomplir  la  der- 
nière partie  de  son  voyage,  le  retour  par  le  Ouadaï  et  le  Darfour.  Le 
récit  détaillé  de  ce  retour  n'a  pas  encore  été  publié,  mais  il  est  impa- 
tiemment attendu  par  tous  les  géographes. 

L'éloge  des  œuvres  de  Nachtigal  n'est  plus  à  faire.  On  connaît  sa 
savante  méthode,  son  talent  d'observateur,  sa  profonde  érudition.  Les 
descriptions  des  contrées  qu'il  a  parcourues  sont  de  véritables  monu- 
ments en  géographie,  et  des  sources  auxquelles  les  géographes  de 
l'avenir  viendront  puiser  largement. 

La  traduction  française  n'est  pas  aussi  complète  que  l'original;  des 
détails  ont  été  retranchés  ;  l'on  doit  cependant  remercier  M.  Jules  Gour- 
dault  d'avoir  fait  connaître  au  public  français  un  voyage  aussi  remar- 
quable. Nous  ne  pouvons  qu'en  reconmiander  la  lecture,  aidée  par  les 
cartes  nombreuses  et  d'une  magnifique  exécution  qui  ornent  l'ouvrage, 
et  qui  sont  aujourd'hui  les  plus  complètes  que  l'on  possède  sur  toutes 
ces  contrées.  Chacun  sera  captivé  par  le  récit  aussi  simple  qu'original 
de  l'éminent  explorateur. 

D^'Ph.  PaulitschJce.  Afrika,  kommebziell,  politisch  und  statistisch. 
Leipzig  (Metzger  und  Wittig).  1882,  in-8%  134  p.  à  2  col.  —  L'on  doit 
déjà  ai^  D'  Pauhtschke  une  histoire  complète  de  l'exploration  de  l'Afri- 
que, de  l'antiquité  jusqu'à  1880  *.  Dans  ce  nouvel  ouvrage,  rédigé  pour 
le  manuel  qui  accompagne  l'Atlas  d'Andrée,  le  savant  professeur  de 
Vienne  a  condensé,  dans  le  nombre  de  pages  le  plus  restreint  qu'il  fût 
possible,  tous  les  renseignements  utiles  sur  les  conditions  physiques  du 
continent  et  des  îles  qui  s'y  rattachent,  sur  l'histoire  des  découvertes, 
les  races,  le  climat,  les  produits,  l'industrie,  les  mesures,  les  moyens 

*  Voir  II°»«  année,  p.  43. 


—  213  — 

d'échange  et  les  relations  commerciales  de  chacune  des  parties  de  TÂfri- 
que.  Avec  une  connaissance  très  exacte  des  voyages  et  des  écrits  des 
plus  grands  explorateurs  modernes,  il  a  exposé  d'une  manière  très  claire, 
qui  rend  agréable  la  lecture  de  son  livre,  les  données  de  tous  genres 
qu'il  leur  a  empruntées  ;  et  comme  il  le  *cite  toujours,  ceux  qui  voudront 
avoir  sur  tel  ou  tel  sujet  des  informations  plus  complètes,  pourront 
aisément  remonter  aux  sources  les  plus  sûres  et  les  plus  autorisées.  Tou- 
tefois, pour  devenir  d'un  usage  général,  ce  volume  devrait  être  accom- 
pagné d'un  index  alphabétique,  qui  en  rendît  la  consultation  plus  facile. 
Nous  ne  doutons  pas  que,  dans  une  prochaine  édition,  l'auteur  ne  donne 
ce  complément  indispensable,  comme  il  l'a  fait  pour  son  premier 
ouvrage. 

(histav  Fritach.  Die  Einoeboreken  Sud  Afeika's,  mit  zahlreichek 

iLLUSTRAJ'IOinSK,  ZWANZIG  LITH0G2APHI8GHEK  TAFELlif,  UND  EOTEM  AtLÂS 
ENTHALTEKD     SECHZIO    IN    KuPFEB    RADIBTE    PoETBAITKÔPFB.      BrOSlaU 

(Ferdinand  Hirt),  1872,  in-4%  528  p.  Fr.  100.  —  D  est  extrêmement 
difficile  de  faire  aujourd'hui  une  étude  exacte  et  complète  des  popula- 
tions indigènes  de  l'Afirique  australe.  Les  unes,  refoulées  par  les  conqué- 
rants, sont  remontées  vers  le  nord  dans  des  déserts  où  l'on  ne  peut 
guère  les  suivre,  ou  n'existent  plus  que  par  petits  groupes  disséminés  au 
milieu  des  peuples  nouveaux  installés  dans  les  vastes  territoires  qu'eUes 
occupaient  autrefois.  D'autres  plus  puissantes  se  sont  maintenues,  mais 
subdivisées  en  clans  si  nombreux,  qu'on  peut  à  peine  retrouver  l'unité 
de  la  race.  D'autres  encore,  demeurées  dans  les  districts  oii  se  sont 
établis  les  colons  et  les  mineurs,  sans  se  fusionner  avec  la  race  blanche, 
ont  cependant  emprunté  aux  nouveaux  arrivants  plus  civilisés  beaucoup 
de  choses,  qui  ont  modifié  sensiblement  le  type  primitif.  Enfin,  l'influence 
d'un  gouvernement  régulier  et  des  travaux  des  missionnaires  en  a  élevé 
déjà  un  certain  nombre  au-dessus  de  leur  première  condition. 

D  est  cependant  très  utile  de  les  connaître  telles  qu'elles  étaient  avant 
l'introduction  au  milieu  d'elles  d'éléments  étrangers.  C'est  ce  que  s'est 
efforcé  de  faire  M.  Gustave  Fritsch,  qui,  déjà  en  1868,  a  publié  un  des 
meilleurs  récits  de  voyages  dans  cette  partie  de  l'Afrique.  Ayant  eu  le 
bonheur  d'y  arriver  en  1863,  avant  que  la  décadence  de  la  vie  nationale 
des  indigènes,  déjà  commencée,  eût  subi  l'influence  de  l'invasion  d'émi- 
grants  amenée  par  la  découverte  des  mines  d'or  et  de  diamants,  il  a  pu 
encore  prendre  sur  le  fait  leur  physionomie,  leur  caractère  et  lem^s 
mœurs.  Il  s'est  ensuite  proposé  de  les  présenter  tels  qu'il  les  avait 


—  214  — 

vus,  d'exposer  leur  condition  physique,  de  décrire  leur  apparence  exté- 
rieure, les  traits  qui,  dans  leur  manière  de  vivre,  leur  appartiennent  en 
propre,  pour  conserver  aux  anthropologistes  d'aujourd'hui,  et  à  ceux  de 
Tavenir,  quand  les  tribus  auront  tout  à  fait  disparu,  une  image  fidèle,  qui 
pût  servir  à  expliquer  l'origine  et  le  développement  delà  race  humaine, 
à  combler  des  lacunes,  à  dissiper  des  préjugés. 

Pour  obtenir  une  connaissance  exacte  des  faits  et  reproduire  fidèle- 
ment ceux-ci,  il  n'a  reculé  devant  aucune  difficulté  :  ni  devant  ceUe 
qu'oppose  la  superstition  des  indigènes,  qui  refusent  souvent  de  se  laisser 
photographier,  ni  devant  celle  qu'offre  la  reproduction  de  la  photogra- 
phie par  la  lithographie  et  par  la  gravure,  ni  devant  la  nécessité  de  pro- 
duire toujours  deux  projections,  l'une  de  face,  l'autre  de  profil,  pour 
donner  l'idée  la  plus  approximative  des  types  originaux,  ni  devant 
l'obligation  de  répéter  maintes  et  maintes  fois  les  observations  physiolo- 
giques, sur  le  teint,  pour  en  déterminer  la  nuance,  d'après  la,table  des 
couleurs  de  Broca,  et  sur  le  squelette  pour  mesurer  le  crâne,  le  bassin, 
la  taille,  etc.  Un  simple  coup  d'œil  jeté  sur  les  planches  et  sur  les 
tableaux  dont  l'auteur  a  fait  suivre  son  ouvrage  (sans  parler  des  nom- 
breuses illustrations  et  de  l'Atlas  qui  accompagnent  le  texte),  suffit  pour 
donner  une  idée  du  travail  qu'il  s'est  imposé,  et  du  soin  qu'il  a  pris  pour 
donner  une  image  vivante,  en  même  temps  que  fidèle,  de  ces  indigènes, 
de  leur  vie  domestique,  de  leurs  chasses,  de  leurs  guerres. 

Quant  au  fond  même  de  l'ouvrage,  après  avoir  distingué  nettement  les 
Hottentots  et  les  Bushmens  de  tous  les  autres  indigènes  qu'il  réunit  sous 
le  nom  collectif  de  Bantous,  il  étudie  successivement  trois  grands  groupes 
de  ceux-ci,  le  groupe  des  Ama-Xosas  et  des  Ama-Zoulous  à  l'est,  celui  des 
Betchouanas  au  centre,  et  celui  des  Héréros  et  des  Damaras  à  l'ouest. 

Pour  éviter  les  répétitions,  il  prend  les  Ama-Xosas  comme  les  repré- 
sentants les  plus  caractéristiques  de  la  race  des  Bantous,  en  indique  la 
distribution  géographique,  expose  en  détail  leurs  aptitudes  corporelles 
et  spirituelles,  et  décrit  leur  vêtement,  leurs  armes,  leurs  ustensiles,  leurs 
habitations,  leurs  us  et  coutumes,  etc. 

Ce  type  bien  étudié,  il  le  prend  comme  terme  de  comparaison,  indique 
rapidement  ce  que  les  autres  ont  de  commun  avec  lui,  et  développe  les 
points  sur  lesquels  Os  en  diffèrent  :  par  exemple,  chez  les  Zoulous,  le 
système  militaire  introduit  par  Chaka,  pour  maintenir  intacte  l'autorité 
royale,  et  les  modifications  qu'il  a  fait  subir  soit  aux  institutions  patriar- 
cales, soit  aux  kraals  pacifiques  des  Xosas  transformés  chez  les  Zou- 
lous en  camps  fortifiés,  soit  à  la  condition  de  la  femme,  inférieufe  à  ce 


—  215  — 

qu'eUe  est  dans  les  autres  tribus,  quoique  parfois  les  parents  féminins 
d'un  chef  ou  la  mère  d'un  souverain  mineur  jouent  un  rôle  important. 

Chez  les  Betchouanas,  il  fait  ressortir  la  coupe  de  leur  yisage  et  leur 
physiononûe  plus  douce  que  celle  des  Xosas  et  des  Zoulous  ;  la  régula- 
rité de  la  figure,  presque  européenne  des  Bassoutos,  et  l'influence  de 
l'éducation  civilisatrice  des  missionnaires  sur  la  formation  des  traits;  il 
note  encore,  chez  ce  dernier  peuple,  l'extension  donnée  aux  terres  culti- 
vées, et  la  plus  grande  part  laissée  aux  sentiments  du  cœur  dans  les  rela- 
tions de  la  vie  conjugale. 

Chez  les  Ova-Héréros,  il  signale  entre  autres  la  différence  des  armes, 
l'arc  et  les  flèches  remplaçant  l'assagaie  et  le  bouclier  des  autres  tribus 
bantoues;  la  vie  plus  instable  que  leur  impose  l'élève  du  bétail,  leur 
occupation  essentielle,  qui  ne  leur  permet  pas  non  plus  d'être  aussi  bien 
organisés  que  les  Bantous  de  l'est  ;  la  rareté  de  la  polygamie,  la  haute 
position  qui  en  résulte  pourlafenmie,  et  la  coutume  particulière  en  vertu 
de  laquelle  l'héritage  d'un  chef  passe  aux  enfants  de  sa  sœur. 

Après  cela,  M.  Fritsch  donne,  d'après  Bleek,  une  indication  sommaire 
des  langues  du  sud  de  l'Afrique,  des  traits  caractéristiques  de  celles  des 
Bantous,  et  de  la  construction  de  celles  des  Hottentots  et  des  Bushmens. 
Puis  il  aborde  l'étude  de  ces  deux  dernières  familles,  rattachant  à  la  pre- 
mière (Koi-Koin),  les  Hottentots  coloniaux,  les  Namaquas,  les  Koranas 
et  les  Griquas,  tous  parfaitement  distincts  des  Bushmens.  Il  relève,  chez 
les  Hottentots  coloniaux,  leur  mobilité  plus  grande  que  celle  des  Bantous, 
leur  facilité  à  apprendre  d'autres  langues  sans  accent,  la  construction 
de  leurs  habitations,  dressées  en  quelques  instants  et  facUes  à  trans- 
porter ;  chez  les  Namaquas,  la  multitude  de  leurs  clans,  les  modifications, 
rapides  que  leur  a  fait  subir  l'influence  des  Européens,  et  la  vie  de  famille, 
plus  intime  que  chez  les  Xosas  et  les  Zoulous.  Ses  observations  sur  les 
Bushmens,  dont  la  taille  ne  dépasse  pas  1",44,  l'engagent  à  les  rapprocher 
des  Obongos  de  Du  Chaillu,  des  Akkas  de  Schweinfurth,  des  Dokos  de 
Hartmann  et  de  Krapf.  Il  leur  reconnaît  un  amour  de  la  liberté  qui 
n'existe  au  même  degré  ni  chez  les  Bantous,  ni  chez  les  Hottentots,  et 
un  talent  d'imitation  qui,  dans  le  dessin,  se  manifeste  par  la  ressem- 
blance des  formes  et  la  sûreté  de  la  main,  comme  on  peut  facilement 
s'en  convaincre  par  la  planche  de  dessins  des  Bushmens  qui  se  trouve  à 
la  fin  du  volume. 

Enfin,  l'auteur  a  joint  à  ce  travail  savant,  consciencieux  et  complet 
d'ethnographie  comparée  sur  les  tribus  indigènes  de  l'Afrique  australe, 
un  résumé  historique  de  leurs  rapports  entre  elles  et  avec  les  Européens, 


—  216  — 

depuis  rétablissement  des  premiers  colons  hoUandais  jusqu'aux  guerres 
avec  les  Bassoutos,  à  Tassujettissement  des  Betchouanas  par  les  Boers 
du  Transvaal,  aux  luttes  desHéréros  et  des  Namaquas,  et  à  la  fondation 
de  la  République  du  fleuve  Orange. 

Et  pour  que  rien  ne  manquât  à  son  ouvrage,  il  y  a  ajouté  la  liste,  avec 
indications  bibliographiques,  des  documents  officiels,  des  voyages,  des 
traités  d'anatomie  et  d'ethnographie  qu'il  a  consultés,  sans  oublier  une 
table  des  matières,  et  im  Index  alphabétique  très  détaillé,  qui  facilite 
beaucoup  la  tâche  de  ceux  qui  veulent  faire  des  recherches  spéciales  sur 
tel  ou  tel  sujet  particulier. 

Avant  de  poser  la  plume,  nous  voudrions  cependant  foire  une  réserve. 
Nous  reconnaissons  que  M.  Fritsch  s'est  efforcé  de  voir  les  choses  par 
lui-même,  sans  se  laisser  influencer  par  les  opinions  de  ses  devanciers,  et 
aussi  de  saisir  les  faits  sur  le  vif,  pour  remonter  ensuite  de  ce  qui  est 
visible  au  domaine  invisible.  Dans  ce  dernier  domaine,  il  a  constaté  chez 
toutes  les  tribus  des  instincts  religieux,  des  besoins  plus  ou  moins  pro- 
fonds, des  idées,  non  réduites  en  systèmes,  qui  généralement  se  tradui- 
sent par  un  culte  rendu  aux  esprits  des  ancêtres,  la  divinité  se  concen- 
trant pour  eux  dans  ces  esprits.  Mais  peut-on  conclure  de  là  qu'aucun 
des  peuples  de  l'Afrique  australe  n'a,  ou  n'avait  avant  l'arrivée  des 
Européens  et  des  missionnaires,  l'idée  d'un  Dieu  parfaitement  distinct 
des  esprits  des  ancêtres,  et,  par  exemple,  que  le  Dieu  des  Hottentots 
n'est  que  l'esprit  d'un  de  leurs  grands  chefs  décédés  ?  Nous  en  appelions 
au  témoignage  d'un  ami  de  M.  Fritsch  lui-même,  M.  Théophile  Hahn, 
élevé  au  milieu  des  Hottentots,  voyageur  et  explorateur  distingué  qui, 
déjà  en  1869,  a  publié,  dans  le  Jahresbericht  delà  Société  de  géographie 
de  Dresde,  un  mémoire  dans  lequel  il  montre  que  la  prière,  dont  il  est 
parlé  dans  un  de  leurs  chants,  ne  peut  s'entendre  que  de  riuvocation 
adressée  à  un  être  supérieur,  Tsuni-Goam,  sur  lequel  il  vient  encore  de 
faire  paraître  un  nouvel  ouvrage  :  Tmini  Ooam  ;  VEtre  suprême  des 
Koi'Koin.  Il  a  appliqué  aux  noms  des  dieux  et  des  héros  des  flottentots 
la  méthode  employée  avec  tant  de  succès  pour  les  mythologies  des  Aryas, 
et  rendu  un  grand  service  à  ceux  qui  s'occupent  de  l'étude  des  religions. 
M.  le  Professeur  Max  Muller  le  signale  à  l'attention  des  universités  de 
l'Europe.  En  terminant,  nous  pouvons  l'indiquer  comme  devant  complé- 
ter, sur  ce  point  spécial,  le  savant  ouvrage  d'ethnographie  comparée 
auquel  nous  avons  consacré  ce  compte  rendu  détaille. 

Jacob  de  NeufviUe.  Notes  au  crayok  sue  l'Algérie.  Paiis  (Impri- 


—  217  — 

mené  Chaix).  1882,  in-8*,  14  p.  —  Dans  ces  notes  prises  à  la  course  par 
M.  de  Neufville,  dans  un  voyage  qu'il  vient  de  faire  en  Algérie,  l'auteur 
mentionne  les  ressources  de  la  colonie  sur  les  principaux  points,  Oran, 
Alger,  PhilippeviDe,  Bône,  Bougie;  il  signale  ce  qu'il  y  a  à  faire  au  point 
de  vue  des  voies  de  communication,  et  encourage  les  Français  à  entre- 
prendre l'exploitation  des  oasis  de  palmiers-dattiers,  dont  peu  d'Euro- 
péens s'occupent. 

Ck)MHEirr  j'ai  traversé  l'Afrique,  depuis  l'Atlantique  jusqu'à 
l'Ogéak  Indien,  a  tilavers  des  régions  inconnues,  par  le  major  Serpa 
Pinto.  Paris  (Hachette  et  C*«),  1881,  2  vol.  in-8%  456  et  468  p.  avec  15 
cartes  et  84  gravures,  20  fr.  —  Ce  titre,  qui  rappelle  celui  d'un  ou- 
vrage de  Stanley  et  qui  est  un  peu  emphatique,  puisque  le  bassin  du 
Zambèze  n'est  plus  rangé  parmi  les  régions  inconnues  depuis  le  voyage 
de  livingstone,  ne  fut  pas  celui  auquel  le  major  s'arrêta  tout  d'abord. 
Sa  première  idée  avait  été  :  La  Carabine  du*JRoi,  parce  que,  dans  un 
moment  de  détresse  intense,  au  milieu  du  pays  des  Barotsés,  il  avait  dû 
son  salut  à  une  carabine  de  précision  dont  le  roi  de  Portugal  lui  avait 
fiait  présent  à  son  départ.  Il  faut  féliciter  le  voyageur  de  ce  changement, 
car  outre  que  La  Carabine  du  Roi  rappelait  trop  Mayne  Reid  et  Gus- 
tave Aimard,  U  semble  que,  la  famille  Coillard  l'ayant  tiré  d'un  péril  des 
plus  graves,  il  était  injuste  de  ne  pas  la  mentionner  aussi.  C'est  dans 
cette  pensée  que  le  major  a  intitulé  la  première  partie  de  son  livre  :  La 
Oarahine  du  Boi,  et  la  seconde  :  La  famille  Coillard. 

On  connaît  l'itinéraire  de  cette  magnifique  expédition.  Parti  le 
4  décembre  1877  de  Saint-PhUippe  de  Benguéla  sur  l'océan  Atlantique, 
Serpa  Pinto  arriva  au  milieu  d'avril  1879  à  Durban  sur  l'océan  Indien, 
après  avoir  traversé  le  pays  de  Bihé,  celui  des  Barotsés,  descendu  le 
Zambèze,  exploré  la  région  comprise  entre  le  Zambèze  et  le  Lhnpopo, 
d'où  il  gagna  la  mer  par  le  Transvaal  et  le  pays  de  Natal. 

On  lui  doit  la  reconnaissance  du  cours  du  haut  Coubango,  des  afSuents 
de  cette  rivière  et  de  ceux  du  Zambèze,  du  lac  Macaricari  ou  plutôt  de 
la  chaîne  de  lagunes  qui  le  composent.  C'est  lui  qui  nous  a  révélé  le  phé- 
nomène si  étrange  de  la  rivière  Souga  ou  Botletlé,  qui  coule  tantôt  dans 
on  sens  tantôt  dans  l'autre,  suivant  l'abondance  des  pluies  dans  telle 
ou  telle  région. 

A  son  arrivée  en  Europe,  Serpa  Pinto  avait  été  violemment  attaqué 
par  des  écrivains  portugais,  qui  critiquaient,  soit  le  plan  de  son  voyage, 
soit  ses  théories  et  même  ses  découvertes.  M.  et  M"'  Coillard,  ces  vail- 


—  218  — 

lants  missionnaires  qui  avaient  rencontré  Serpa  Pinto  au  centre  de 
TÂfrique,  défendirent  son  honneur  et  le  réhabilitèrent  aux  yeux  de  tous. 
On  voit  dans  le  courant  du  Uyre  que,  de  son  côté,  le  major  cherche  con- 
stamment à  réduire  à  néant  toutes  les  accusations  portées  contre  lui,  en 
insistant  surtout  sur  le  point  de  vue  purement  géographique  et  topogra- 
phique de  son  exploration.  De  nombreuses  cartes  dressées  par  lu;  sont 
des  documents  précieux.  Il  y  a  même  à  la  fin  de  Touvrage  un  fac-similé 
autographié  d^un  de  ses  croquis  manuscrits. 

D'autre  part,  si  les  remarques  concernant  Tethnographie  sont  nom- 
breuses, les  observations  sur  la  faune  et  la  flore  manquent  complètement. 
On  s'aperçoit  bien  vite  que  Fauteur  n'est  ppint  un  naturaliste,  mais 
un  officier  d'état-major,  habile  dans  l'art  de  lever  les  plans,  mais  qui  se 
préoccupe  peu  de  la  vie  animale  ou  végétale  qui  l'entoure. 

Son  style  est  vivant,  quelquefois  même  un  peu  trop  coupé,  un  peu  trop 
abondant  en  superlatifs.  La  narration,  qui  présente  un  réel  intérêt,  est 
riche  en  anecdotes  de  tous  genres,  en  faits  émouvants.  Du  reste,  les 
grandes  théories,  les  jugements  à  premier  examen  ne  coûtent  rien  à  Serpa 
Pinto.  Les  amis_des  missions  y  trouveront,  entre  autres,  des  apprécia- 
tions concernant  l'œuvre  et  ses  agents,  et  un  hommage  sincère  rendu 
à  M.  et  M"'  Coillard,  pour  la  manière  dont  Ds  remplissent  leur  tâche  si 
ardue. 

R.  de  Lannoy  de  Bmy.  Carte  d'AFRiQUE  au  Vaoooooo-  —  Commencée 
en  1875,  cette  carte,  dont  M.  R.  de  Lannoy  de  Bissy,  capitaine  du  génie, 
avait  pris  l'initiative,  et  que  le  ministère  de  la  guerre  a  adoptée  en  1881 , 
comprendra  62  feuilles.  Le  tableau  d'assemblage  et  les  feuilles  53,  54, 
58,  59  et  60,  nous  ont  été  envoyés;  celles-ci  comprennent  Barmen,  Kou- 
rouman,  Port-NoUoh,  la  colonie  du  Cap  et  Pietermaritzbourg,  c'est-à- 
dire  la  partie  la  plus  méridionale  du  continent.  L'échelle  au  Vaoooooo  ^t 
déjà  très  grande,  et  sera  suffisante  pour  la  plupart  des  feuilles,  d'autant 
plus  que  des  cartons  donneront  en  détail  les  villes,  les  ports  et  les  autres 
localités  remarquables.  Les  Vs  ^'^  feuilles  sont  en  préparation,  et  l'on 
peut  espérer  que,  grâce  au  procédé  de  la  zincographie,  adopté  pour  la 
reproduction,  la  publication  marchera  rapidement.  Sans  doute,  cette 
édition,  qui  ne  donne  que  la  planimétrie,  manque  d'élégance,  mais  elle 
peut  s'exécuter  promptement,  ce  qui  est  une  condition  essentielle  pour 
une  telle  carte,  qui  doit  embrasser  toute  l'Afrique,  oii  les  exploratioas 
deviennent  de  plus  en  plus  nombreuses.  Au  reste,  cette  première  édition 
sera  suivie  d'une  seconde  en  chromolithographie,  qui  donnera  en  outre 
le  relief  du  terrain. 


—  219  — 

Die  GoLDKtiSTE  UKD  WSSTUCHE  SKLAVSKKttSTS,  aOWIE  DA8  BÛDUCHE 

âsakts-Reich  in  West-Afbika,  Basel,  1873.  —  Ce  titre  est  celui  d'une 
carte,  à  grande  échelle,  publiée  par  la  Société  des  missions  de  Bile,  à 
l'époque  de  la  captivité  de  MM.  Ramseyer  et  Eflhne  à  Coumassie,  et 
d'après  les  travaux  des  missionnaires  A.  Riis,  Strômberg,  Locher,  etc. 
Elle  présente  la  côte  de  Guinée  comprise  entre  l'embouchure  du  Volta 
à  l'est,  et  le  Prah  à  l'ouest,  donne  les  limites  du  protectorat  anglais  dans 
cette  région,  et  indique  toutes  les  stations  des  missions  de  Brème  et  de 
B&le,  ainsi  que  des  missions  wesleyennes,  enfin  le  lieu  de  captivité  des 
missionnaires  chez  les  Achantis. 

Die  Colonisation  Afrika's.-A.  Die  Fbanzosen  in  Tunis,  vom  Stand- 
puNKTE  DEK  Ebfobschtjng  und  Civuisisung  Afkika's,  vou  D^EmilHolub. 
Wien  (Alfred  Hôlder),  1881,  in-S**,  16  p.  —  Frappé  du  contraste  entre 
la  facilité  avec  laquelle  la  civilisation  pénètre  chez  les  populations  de 
l'Afrique  australe,  et  les  difficultés  que  lui  oppose,  dans  la  partie  septen- 
trionale du  continent,  le  fanatisme  musulman,  le  D' Holub  accueille  avec 
satisfaction  l'occupation  de  la  Tunisie  par  la  France,  dans  l'espoir  que 
prochainement  la  Tripolitaine  et  le  Maroc  deviendront  des  colonies  de 
l'Italie  et  de  l'Espagne.  Une  fois  l'influence  européenne  solidement  éta- 
blie dans  tout  le  nord  de  l'Afrique,  il  ne  doute  pas  que  la  civilisation  ne 
fasse  des  progrès  rapides  jusqu'au  centre,  par  l'établissement  des  colons. 
Pour  cela,  il  conseille  aux  conquérants  civilisateurs  d'acquérir  le  respect 
des  tribus  nomades  et  d'exercer  une  influence  pacifique,  en  s'entourant 
de  tous  les  renseignements  utiles  sur  le  pays  et  les  habitants,  et  en 
tenant  compte  des  qualités  et  des  conditions  climatologiques  du  premier, 
ainsi  que  du  degré  de  civilisation  et  des  us  et  coutumes  des  indigènes. 

Cakte  DU  Sahara  tripoliïain,  par  le  P.  L.  Richard,  Vaoooooo-  —  Nos 
lecteurs  se  rappellent  l'exploration  intéressante  des  missionnaires  de 
Ghadamès  chez  les  Touaregs  Azghers,  en  vue  de  fonder  une  station  à 
Rhat,  et  l'espoir  de  succès  que  le  bon  accueil  de  cette  tribu  leur  avait  fait 
concevoir,  espoir  bientôt  déçu  par  l'assassinat  du  P.  Richard,  au  début 
d'un  second  voyage.  Quoique  la  carte  actuelle  n'ait  plus  à  cet  égard 
qu'un  intérêt  rétrospectif,  elle  n'en  est  pas  moins  utile  pour  l'étude  du 
Sahara  tripolitain  ;  bien  gravée  et  facile  à  lire,  elle  donne  une  connais- 
sance exacte  de  cette  partie  du  Sahara  qui  s'étend  des  chotts  tunisiens,  à 
travers  les  dunes  de  l'Erg,  le  long  de  l'Oued  Igharghar,  jusqu'au  pla- 
teau central  oii  se  trouvent  Rhat  et  Idelès.  Elle  sera  bonne  à  consulter 


—  220  — 

lorsque  les  explorations  pourront  être  reprises  ;  espérons  que  ce  moment 
ne  se  fera  pas  longtemps  attendre. 

Cakte  de  l'Ovampo,  par  le  B.  P.  Duparquet  —  Dans  leur  numéro 
du  20  août  1880,  les  Missions  catholique  ont  publié  un  croquis  de 
rOvampo,  qui  permettait  de  suivre  l'exploration  du  P.  Duparquet  dans 
cette  région.  La  carte  nouvelle  que  nous  avons  reçue,  gravée  avec 
soin,  complète  et  rectifie  sur  certains  points  la  précédente  ;  elle  donne 
une  idée  très  nette  du  réseau  d'omarambas  qui  caractérise  cette  vaste 
plaine,  de  la  position  des  résidences  des  chefe  des  nombreuses  tribus  qui 
rhabitent,  des  anciennes  stations  des  Boers  émigrés  du  Transvaal,  des 
routes  des  wagons,  des  sources  qu'on  y  rencontre,  et  des  gués  du  Cunéné 
dans  la  saison  sèche.  Elle  forme  donc  un  utile  complément  à  la  cartogra- 
phie de  la  rive  méridionale  du  cours  inférieur  du  Cunéné. 

ReLÂZIONË  DELLA   GoMMISSIOKE  DELLA  CaMEKA  DI  CoMMERCIO  E  DEL 

Club  africano  di  Napoli  sulla  pesca  della  madreperla  da  iniziabsi 
dagl'  Italtani  ad  AflSAB.  Napoli  (Michèle  Capasso),  1881,  in-8'*,  19  p. 
—  M.  Branchi,  vice-consul  italien  à  Assab,  ayant  proposé  à  son  gouver- 
nement d'engager  les  Italiens  à  entreprendre  la  pêche  des  perles  à 
Assab,  le  ministre  du  commerce  a  chargé  une  conmiission,  composée  de 
délégués  de  la  Chambre  du  Coi^tunerce  et  du  Club  africain  de  Naples, 
d'étudier  la  convenance  d'entreprendre  cette  pêche.  La  Commission  a 
examiné  la  question  à  tous  les  points  de  vue,  et  rapporté,  par  l'organe 
de  MM..  Turi  et  Careri,  que,  pour  une  foule  de  raisons,  parmi  lesquelles 
nous  ne  relèverons  que  les  principales  :  l'état  précaire  de  l'établissement 
d'Assab  au  point  de  vue  politique,  la  quasi  impossibilité  d'y  fonder  une 
colonie  productive,  la  difficulté  de  prouver  avec  l'Abyssinie  des  relations 
commerciales,  les  résultats  négatife  des  essais  de  commerce  tentés  jus- 
qu'ici à  Assab,  le  manque  d'eau,  l'aridité  du  sol,  le  peu  de  sécurité 
depuis  le  massacre  de  Beilul,  le  chiffi*e  peu  encourageant  des  produits 
de  la  pêche,  les  difficultés  suscitées  par  les  indigènes,  etc*,  elle  n'estime 
pas  devoir  appuyer  la  proposition  susdite,  et  pense  qu'il  faut  attendre 
d'avoir  plus  de  lumières,  sur  la  position  politique  d'Assab  et  sur  la 
possibilité  d'y  créer  ime  colonie  commerciale  et  industrielle,  avant  d'en- 
courager les  Italiens  à  la  pêche  des  perles  dans  cette  baie.  Rédigé 
avant  la  conclusion  de  la  convention  entre  l'Angleterre  et  l'Italie  au  siget 
d'Assab,  ce  rapport  témoigne  du  sérieux  avec  lequel  la  Commission 
s'est  acquittée  de  sa  tâche,  et  se  distingue  par  sa  parfaite  lucidité. 


E  Massari 
1680 -mu 

îf'kil. 


IJAr^e  *x/>/f/u  t/^cM/itu. .  MfS. .  Jvn7  /âSf. 


—  221  — 

BULLETIN  BI-MENSUEL  (5  juin  1882). 

Un  des  événements  les  plus  importants  pour  T AlKérie,  pendant  les 
deux  mois  qui  se  sont  écoulés  depuis  la  publication  de  notre  dernière 
livraison,  a  été  Tachèvement  de  la  vole  ferrée  du  Ereider  à  Méchéria, 
qui  permet  de  franchir  en  vingt  heures  les  352  kilomètres  séparant  ce 
dernier  point  de  la  Méditerranée.  Ce  sera,  nous  Tespérons,  un  moyen 
puissant  d'arriver  à  la  pacification  définitive  du  Sud-Oranais.  Prolongée, 
comme  il  en  est  question,  jusqu'à  Aln-Sefra  ou  à  Âln-Sfissifa,  à  la  fron- 
tière marocaine  (V.  la  carte,  ni"*  année,  p.  84),  cette  ligne  servira  à 
prévenir  le  retour  de  surprises  comme  celle  du  Chott-Tigri,  où  une  mis- 
sion topographique  a  été  attaquée  par  des  Arabes  qui  lui  ont  fait  subir 
de  grandes  pertes,  à  elle  et  aux  deux  compagnies  qui  Tescortaient.  Le 
chemin  de  fer  d'Alger  à  Laghouat,  dont  le  tracé  est  à  l'étude,  aurait  à 
peu  près  la  même  longueur  (475  kilom.);  celui  de  Constantine  à  Batna 
va  être  livré  à  la  circulation  ;  la  section  de  Batna  à  Biskra  sera  terminée 
dans  trois  ans,  et  les  études  pour  son  prolongement  jusqu'à  Ouargla 
sont  achevées. 

La  recherche  des  moyens  de  pacifier  le  sud  de  l'Algérie  et  de  la  Tuni- 
sie a  ramené  l'attention  sur  le  projet  de  mer  Intépleure  de  M»  le 
comniandant  Roodaire  (Y.  T*  année,  p.  34)^  un  peu  perdu  de  vue 
depuis  deux  ans.  L'actualité  que  lui  a  donnée  lé  rapport  de  M.  de  Frey- 
cinet  au  président  de  la  République,  nous  a  engagés  à  accompagner  cette 
livraison  d'une  carte,  dressée  sur  celle  de  M.  Roudaire  dans  son  rapport 
sur  la  mission  des  Chotts.  Nos  lecteurs  pourront  mieux  se  rendre  compte 
de  la  question,  rectifier  l'erreur  dans  laquelle  on  tombe  souvent  quand 
on  parle  de  mer  saharienne,  et  mieux  comprendre  le  rapport  que  doit 
présenter  prochainement  la  commission  générale  nommée  pour  étudier 
ce  projet.  Us  verront  qu'il  ne  s'agit  pas  d'inonder  le  Sahara,  mais  sim- 
plement de  créer,  au  sud  de  la  Tunisie  et  de  l'Algérie,  un  vaste  bassin, 
d'une  surface  égale  à  17  fois  environ  celle  du  lac  de  Genève,  en  faisant 
pénétrer  les  eaux  de  la  Méditerranée  dans  les  chotts  Djerid,  Rharsa  et 
Mebîr,  par  un  canal  traversant  l'isthme  de  Gabès  et  les  seuils  qui  sépa- 
rent les  chotts  les  uns  des  autres.  L'exécution  du  projet  soulève  des  ques- 
tions très  complexes,  dans  l'examen  desquelles  nous  ne  pouvons  pas 
entrer  ici.  Qu'il  nous  suffise  aujourd'hui  de  dire  que  M.  de  Freycinet  l'a 
jugé  digne  d'être  étudié  d'une  manière  approfondie  par  le  gouvernement, 
et  que,  sur  sa  proposition,  il  a  été  nommé  une  grande  conmiission  char- 
gée de  déterminer  la  suite  qu'il  convient  d'y  donner. 

l'afriqub.  —  TROibhu:  AHKÉE.  —  K*>  10.  10 


—  222  -'- 

Quelque  peu  sérieux  qu'il  nous  paraisse,  nous  ne  pouvons  passer  sous 
silence  le  projet  de  M.  ChannebAt,  publié  par  le  Bulletin  de  la  Société 
américaine  de  Géographie,  pour  le  développement  des  ressources  de 
TÂfrique  centrale  par  un  chemin  de  fer  de  la  Méditerranée  au 
Soudan.  L'auteur  fait  partir  sa  voie  ferrée  du  cap  Misratah,  à  Test  de 
Tripoli,  et  la  conduit  au  lac  Tchad  et  h  Kouka,  par  Sokna,  Mourzouk,  la 
vallée  du  Konar  semée  d'oasis,  et  Bilma,  célèbre  par  ses  mines  de  sel 
et  rendez-vous  général  des  caravanes  du  nord  du  Soudan.  La  longueur 
n'en  serait  que  de  2434  kilom.  ;  plus  courte  que  toute  autre  ligne  trans- 
saharienne, celle-ci  serait,  à  en  croire  M.  Channebôt,  la  plus  facile  et  la 
plus  praticable.  La  plus  grande  hauteur  en  serait  au  col  Nischka,  dans 
les  monts  Goudah,  h  624"  au-dessus  de  la  mer.  La  ligne  entière  serait 
divisée  en  1 1  sections,  et  compterait  58  stations,  dont  l'auteur  indique 
les*noms  et  les  ressources.  Il  ne  manque  à  ce  projet  que  l'indication  des 
études  sur  lesquelles  il  repose,  et  celle  des  moyens  d'exécution. 

M.  llanioli,  délégué  de  la  Société  milanaise  d'exploration 
en  Afrique,  et  administrateur  de  la  station  de  ])erna,  a  été  arrêté 
par  l'ordre  du  kaïmakan  de  cette  ville,  près  de  Rass-el-Tin,  pendant  un 
voyage  sur  mer.  Avec  les  trois  hommes  qui  l'accompagnaient,  il  fiit 
ramené  à  Derna  sous  une  forte  escorte,  accueilli  par  la  population  avec 
toutes  sortes  d'insultes,  et  ne  fiit  remis  en  liberté  qu'après  avoir  subi  un 
long  interrogatoire  de  la  part  du  kaïmakan.  Les  consuls  européens  de 
Bengazi  demandèrent  au  gouverneur  une  réparation  immédiate  qui  leur 
fut  refusée,  sur  quoi  ils  décidèrent  de  fréter  un  voilier  pour  aller  cher- 
cher les  Européens  établis  à  Derna,  et  les  faire  sortir  de  la  ville  avant 
que  la  population  surexcitée  en  vînt  à  des  voies  de  fait.  Dès  lors, 
M.  Mamoli  est  arrivé  à  Milan,  où  a  eu  lieu  une  séance  de  la  Société 
d'exploration,  dans  laquelle  il  a  fait  un  rapport  sur  son  voyage.  Les  dif- 
ficultés qu'il  a  rencontrées  n'empêcheront  pas  la  Société  milanaise  de 
poursuivre  son  but  pacifique,  en  ouvi*ant  de  nouveaux  débouchés  au 
commerce  italieh.  D'accord  avec  la  Société  italienne  de  géographie,  à 
Rome,  et  sur  la  proposition  de  M.  Carlo  Benzi,  elle  a  nommé  une  com- 
mission chargée  d'organiser  une  nouvelle  expédition  pour  l'est  et  le 
centre  de  l'Afrique.  , 

Les  missionnaires  américains,  MM.  Ladd  et  Snoiv  sont  heureuse- 
ment arrivés  à  Khartoum»  où  ils  ont  été  très  bien  accueillis,  le  bruit 
s'étant  répandu  qu'ils  venaient  pour  fonder  des  écoles,  dont  le  besoin  se 
fait  grandement  sentir.  D  n'y  en  a  d'aucune  sorte,  aussi  les  enfants 
manquent-ils  complètement  d'éducation.  Une  personne  avait  domié,  il 


—  223  — 

y  a  ua  certain  temps,  uu  grand  morceau  de  terrain  pour  y  construire 
une  école,  mais  on  ne  s'en  est  pas  servi  jusqu'ici.  Si  les  missionnaires 
Tacceptent,  ils  pourront  en  fonder  une  dès  qu'ils  le  voudront.  Giegler 
pacha,  revenu  de  son  expédition  contre  Mohamed-Ahmed,  ne  leur  con- 
seille pas  d'aller  pour  le  moment  au  Sobat;  ils  devront  vraisemblable- 
ment attendre,  pour  aller  explorer  cette  région,  que  le  gouverneur 
envoie  un  vapeur  à  Gondokoro.  Le  pays  n'est  pas  sûr  ;  le  Darfour  et  le 
Kordofan  sont  en  insurrection,  le  mudlr  de  la  première  de  ces  provinces, 
Emiliani,  qui,  depuis  1878,  maintenait  l'ordre  à  Kab-Kabia,  Kolkol  et 
Dara,  vient  de  mourir,  et  son  décès  laisse  à  peu  près  le  champ  libre  aux 
insurgés. 

Quoique  le  €r»ll»liat  soit  une  province  égyptienne,  et  que  le  décret 
du  khédive  sur  l'abolition  de  la  traite  y  ait  été  proclamé,  le  trafic  de» 
esclave»  y  est  encore  un  des  principaux  objets  de  commerce.  Chaque 
année,  des  marchands  abyssiniens  ou  arabes  en  amènent  de  5  à  6000  du 
p&ys.  des  Galla»  et  du  Sciamgalla  ;  ce  sont  surtout  des  jeunes  gens  de 
12  à  15  ans.  Le  prix  en  varie  suivant  la  couleur  :  un  garçon  de  12  à  15 
ans,  très  noii*,  se  vend  de  200  à  250  fr.,  et  seulement  de  125  à  150  fr. 
s'il  est  d'un  teint  plus  clair;  une  jeune  fille  du  même  âge  coûte  de 
300  à  400  fr.,  lorsqu'elle  est  très  noire,  et  de  175  à  300  fr.,  si  elle  est 
d'une  nuance  plus  claire.  Loin  de  réprimer  la  traite,  le  gouverneur  du 
Gallabat  en  profite  en  prélevant  un  impôt  de  50  fr.  pour  chaque  esclave 
vendu,  25  fr.  du  vendeur  et  25  de  l'acheteur.  Il  serait  bon  qu'un  consul 
européen  fùt  établi  dans  ce  district. 

D'après  une  lettre  du  6  janvier,  d'Agoldi,  au  sud-ouest  de  l'Âbyssinie, 
le  voyageur  hollandais  Scbuvep  a  visité  en  décembre  le  pays  des  tribus 
Bertas  indépendantes,  qui  habitent  les  vallées  profondes  à  l'ouest  de 
Fadasi,  arrosées  par  le  Yal  et  le  Ror,  tributaires  du  Nil  Blanc,  au  nord 
du  Sobat.  Il  a  réussi  à  atteindre  Kizir  et  a  fait  l'ascension  des  monts 
Banghé;  il  a  pu  déterminer  les  sources  du  Yal,  affluent  du  Nil  Blanc,  et 
résolu  l'énigme  géographique  résultant  du  fait  que  le  Sobat  et  le  Jabous 
passaient  pour  prendre  leur  source  dans  un  seul  et  même  lac.  En  efiet, 
les  Arabes  croient  qu'il  y  a  relation  entre  le  Nil  Bleu  et  le  Nil  Blanc,  par 
Tunion  des  tributaires  des  deux  fleuves,  le  Jabous  et  le  Sobat  au  sud  de 
Fadasi  ;  dès  lors  le  pays  entre  les  deux  Nils  serait  une  île  (ghesireh). 
Cette  erreur  s'explique  par  le  fait  qu'il  y  a  deux  Jabous  *  portant  leurs 

*  Le  mot  Jabous  est  chez  quelques  peuplades  un  terme  générique,  pour  désigner 
un  cours  d'eau  permanent. 


—  224  — 

eaux,  Fun  au  Nil  Bleu,  Tautre  au  Nil  Blanc.  Le  Jabous  du  Nil  Bleu  a 
fia  source  principale,  la  plus  méridionale,  au  pied  du  mont  Wallel,  par 
8^50'  latitude  Nord.  La  source  la  plus  orientale  du  Yal,  affluent  du  Nil 
Blanc,  est  dans  une  vallée  du  versant  occidental  des  monts  Chougrous, 
dont  la  base  orientale  est  baignée  par  le  Jabous  du  Nil  Bleu.  Dans  le 
territoire  des  nègres  Amans,  le  Yal  porte  le  nom  de  Yalasat,  mais  aprëa 
avoir  passé  les  défilés  des  monts  Banghé,  en  formant  une  suite  de  cata- 
ractes qui  le  font  descendre  de  650^  sur  un  parcours  de  20  kilom.,  il 
prend,  dans  le  pays  de  Berta,  le  nom  de  Jabous.  M.  Schuver  l'a  suivi 
jusqu'à  la  jonction  de  TOwé,  la  principale  rivière  des  vallées  au  sud  de 
Gomashé.  De  là,  il  passe  dans  les  plaines  des  Bourous,  et  prend  le  nom 
de  Yal,  qu'il  garde  jusqu^au  confluent  avec  le  Nil  Blanc. 

Ïa  Esphratore  a  enfin  reçu  des  nouvelles  du  capitaine  Caaati,  de 
Tangasi,  résidence  d'un  chef  des  Mombouttous.  Sa  santé  est  de  nouveau 
bonne,  mais  il  a  été  gravement  malade,  et  a  été  privé  de  tout  par  un 
incendie.  Il  n'en  compte  pas  moins  exécuter  son  projet  de  suivre  l'Ouellé^ 
pour  résoudre  la  question  de  son  cours,  et  déterminer  s'il  fait  partie  du 
bassin  du  Congo,  ou  s'il  se  dirige  au  lac  Liba,  ou  au  lac  Tchad.  Il  a  visité 
quelques  villages  akkas  ainsi  que  le  tombeau  de  Miani,  non  loin  de 
Ndorouma,  et  il  a  envoyé  un  itinéraire  de  la  route  qu'il  a  parcourue  de 
Meshra-^él-Ilek  jusqu'à  Tangasi;  malheureusement  les  instruments  lui 
manquent,  et  ses  relevés  ne  sont  basés  que  sur  la  boussole  et  le  pas  de 
sa  monture.  Il  a  rencontré  le  D' Junker,  et  comptait  se  rendre  auprès 
d'Emin  Bey  pour  se  pourvoir  du  nécessaire  avant  d'entreprendre  l'explo- 
ration de  rOuellé.  Il  est  accompagné  d'un  Arabe  et  de  quatre  Akkas  qui 
lui  sont  très  affectionnés.  Les  Mittheïlungen  "de  Gotha  nous  apprennent 
en  outre  que  le  capitaine  Gasati,  après  avoir  été,  pendant  60  jours,  traité 
presque  comme  un  prisonnier  par  le  prince  Azanga,  a  réussi  à  s'enfuir 
et  à  se  réfugier  dans  les  stations  égyptiennes. 

£iiàln  Bey  continue  à  visiter  avec  beaucoup  de  zèle  les  provinces  du 
cours  supérieur  du  Nil  Blanc  soumises  à  son  administration,  et  emploie 
ses  voyages  à  relever  soigneusement  le  pays  qu'il  parcourt  pour  combler 
les  lacunes  des  cartes  existantes.  Dans  quelques  mois,  l'Institut  de 
Gotha  publiera  une  carte  de  ses  levés  dans  le  Latouka,  à  Test  du  Nil, 
et  jusqu'à  l'Albert  Nyanza.  Dans  les  mois  de  septembre  à  décembre  de 
l'année  dernière,  il  s'est  rendu  dans  le  mudirieh  du  Rohl,  à  l'ouest  du 
Nil,  ajouté  depuis  peu  à  son  gouvernement  ;  la  carte  qu'il  en  donnera 
complétera  nos  données  sur  le  pays  entre  le  Rohl  et  le  NQ,  et  éclaircira. 
quelques  points  douteux  des  itinéraires  antérieurs.  En  février  et  eu 


—  225  — 

mars  de  cette  année  il  a  été  à  Khartoum,  et  il  doit  maintenant  être  en 
route  pour  le  pays  des  Niams-Niams  et  le  Mombouttou,  d'où  il  ira  à 
TÂlbert  Nyanza,  en  passant  par  les  stations  qu'il  a  fondées  Tannée  der- 
nière chez  les  Amadi,  le  long  du  cours  supérieur  du  Kibali.  Il  espérait 
rencontrer  le  D'  «lunker  qui  lui  a  envoyé  une  carte  de  ses  travaux  le 
loDig  de  rOuellé,  très  riche  en  détails  intéressants  sur  les  peuples  et  les 
tribus  de  ce  pays.  Le  Journal  de  Saint-Péterebourg  a  publié  deux  lettres 
du  D' Junker  à  sa  famille,  apportées  à  Khartoum  par  Emin  Bey.  Après 
avoir  envoyé,  de  Ndorouma,  son  quartier  général  chez  les  Niams-Niams, 
M.  Bohndorf,  son  compagnon  de  voyage,  vers  le  nord-ouest,  chez  le 
prince  Sassa,  Junker  s'est  dirigé  vers  le  sud,  chez  les  Amadi,  sur  la 
rive  septentrionale  de  TOuelié;  là  il  a  passé  le  fleuve  pour  aUer  à  Bakan- 
gal,  mais  il  a  été  obligé  de  rester  plusieurs  mois  chez  les  Abarambos  et 
a  été  piUé.  Avec  Taide  des  gens  de  Sassa  il  a  pu  repasser  TOuellé,  et  a 
dû  attendre  jusqu'au  mois  d'août  chez  les  Amadi  une  occasion  pour  se 
remettre  en  route  vers  le  sud.  Une  forte  station  égyptienne  a  été  établie 
à  deux  jours  de  marche  à  l'est  des  Amadi,  dans  la  partie  orientale  du 
territoire  des  Abarambos,  à  la  frontière  ouest  du  Mambanga,  non  loin  de 
l'endroit  où,  en  1880,  Junker  traversa  TOuellé,  dans  son  voyage  au 
Mambanga.  Le  voyageur  y  est  allé  h  la  fin  d'août,  en  suite  d'une  invi- 
tation du  commandant  de  la  station,  et  c'est  de  là.  qu'il  a  écrit,  le  16 
novembre,  la  première  des  lettres  sus-mentionnées.  Dans  la  seconde, 
datée  du  26  décembre,  du  pays  des  Abarambos,  il  écrit  que  ceux-ci  ont 
été  chfttiés,  et  que  le  prince  de  Bakangaï  lui  a  envoyé  des  présents  et 
des  gens  pour  le  mener  dans  son  pays  ;  il  allait  s'y  rendre;  de  là,  il  vou- 
lait retourner  au  Mombouttou  où  il  comptait  arriver  à  la  fin  de  février. 
Nos  lex^teurs  se  rappellent  que  Rohlfs  avait  reçu  du  négous  d' Abys- 
«Inle  pleins  pouvoirs  pour  négocier  la  paix  avec  l'Egypte  §  le  roi  Jean 
y  mettait  cependant,  comme  condition^7ie  qua  non,  la  cession  d'un  port 
sur  la  mer  Bouge.  Le  gouvernement  allemand  était  disposé  à  lui  aider, 
si  le  gouvernement  anglais  coopérait  à  cette  œuvre  de  pacification. 
L'arrivée  au  Caire,  l'an  passé,  d'une  ambassade  du  négous,  a  &it  croire 
au  représentant  anglais  dans  cette  ville  que  la  paix  existe  entre  l'Abys- 
sinie  et  l'Egypte  ;  mais  il  n'en  est  rien  :  il  ne  s'agissait  que  d'une  ambas- 
sade privée,  pour  obtenir  un  ahowta  (grand-prêtre  copte)  pour  l'Église 
abyssinienne.  Des  lettres  reçues  par  RohlÊ  montrent  que  la  guerre  sévit 
toujours  sur  les  frontières  des  deux  pays.  L'Abyssinie  n'a  pas  cessé  de 
considérer  conune  sa  propriété  le  pays  de  Kéren  et  des  Bogos,  que  Mun- 
zinger  lui  a  enlevé  et  qu'elle  pille,  ce  qui  donne  lieu  à  des  conflits  san- 


—  226  — 

glants.  Le  gouvernement  du  khédive  paraît  s'inquiéter  fort  peu  que  des 
centaines  d'hommes  soient  massacrés  chaque  année  loin  de  sa  capitale  ; 
ses  employés  et  ses  officiers  y  trouvent  leur  avantage,  en  s 'emparant  des 
jeunes  Abyssiniennes  dont  ils  font  des  esclaves  pour  leurs  harems.  Le 
roi  Jean  désire  le  retour  de  Rohlfis;  celui-ci  s'est  adressé  à  «  l'Antislavery 
Society  »  pour  chercher  à  obtenir  l'appui  du  gouvernement  anglais,  d'au- 
tant plus  tenu  d'intervenir,  que  la  conquête  du  pays  de  Keren  et  des 
Bogos  par  les  Égyptiens  a  été  une  des  conséquences  de  la  campagne 
des  Anglais  en  Abyssinie. 

Le  D' Keller  a  terminé  l'exploration  dont  il  avait  été  chargé  dans  la 
mer  Rou^,  par  des  études  sur  le  commerce  de  Souakim.  L'expor- 
tation pour  l'Europe  est  assez  considérable  ;  elle  consiste  essentiellement 
en  gomme,  en  peaux,  en  dents  d'éléphants,  en  coquilles  à  perles,  et  en 
animaux  vivants  venus  du  Soudan  pour  les  jardins  zoologiques.  Quant  h 
l'importation,  l'Angleterre  fournit  des  étoffes  légères  de  laine|;  la  France, 
de  la  faïence  ;  la  Suisse,  du  lait  condensé  ;  la  Grèce,  des  spiritueux.  Le 
peuple  de  la  côte  et  de  l'intérieur  est  fort  et  intelligent,  et  a  jusqu'ici 
résisté  aux  côtés  dangereux  des  influences  étrangères.  Le  sol  serait 
rémunérateur,  mais  il  faudrait  une  administration  énergique  pour 
apprendre  aux  habitants  à  le  faire  valoir.  Le  D'  Keller  a  en  outre  feit 
des  observations  multipliées  sur  les  Nubiens  de  la  côte  et  de  l'intérieur» 
poui'  s'assurer  jusqu'à  quel  point  ce  peuple  a  le  sens  des  couleurs,  et  il 
a  constaté  que,  contrairement  à  l'opinion  que  les  peuples  primitifs  ne 
distinguent  ni  le  bleu,  ni  le  violet,  les  Nubiens  de  la  côte  distinguent 
toutes  les  couleurs  du  prisme,  du  rouge  au  violet,  ainsi  que  les  diverses 
nuances  des  couleurs,  pour  lesquelles  ils  ont  des  noms  spéciaux.  Les 
Nubiens  des  montagnes  distinguent  le  noir,  le  blanc,  le  rouge  et  le  vert» 
ainsi  que  l'orangé,  mais  pas  le  jaune  clair  qu'ils  confondent  avec  le  vert» 
ni  le  bleu,  qu'ils  ne  distinguent  p|ts  du  noir  ;  ils  ont  aussi  de  la  peine  k 
reconnaître  le  violet. 

Autorisés  par  le  roi  du  Cboa,  deux  des  missionnaires  de  Grischona» 
qui  étaient  à  Ankober,  se  sont  établis  dans  le  pays  des  Gallas»  à  Balli» 
lief  royal  de  Ménélik.  Le  Choa  et  le  territoire  des  Gallas,  jusqu'à 
l'Haouasch,  sont  divisés  en  tiefis  plus  ou  moins  grands,  que  le  roi  remet  k 
ses  amis  et  à  ses  hôtes  qui  doivent  se  reconnaître  ses  vassaux  ;  d'ailleurs» 
tout  étranger  est  hôte  du  roi,  qui  prescrit  ce  que  le  vassal  doit  recevoir 
des  fonctionnaires.  Balli  est  bas,  chaud,  et  n'a  pas  d'eau  de  source  ;  il 
faut  se  contenter  de  l'eau  tombée  dans  la  saison  des  pluies  et  recueillie 
dans  des  fossés  ouverts.  A  un  kilomètre  cependant  se  trouve  un  lit  de 


—  227  — 

ruisseau  à  sec  ;  en  creusant  à  quelques  mètres  de  profondeur,  ou  ren- 
contre une  bonne  eau  potable.  Les  habitants  sont  des  Gallas  passable- 
ment mélangés  de  gens  du  Choa  émigrés.  Sur  Tordre  du  roi,  les  Gailas 
païens  se  sont  fait  baptiser,  les  prêtres  leur  ont  appris  à  observer  les 
jours  de  fête,  mais  sans  leur  donner  d'instruction,  et  en  les  laissant  sui- 
vre leurs  traditions  païennes.  Ds  vivent  entre  eux  dans  des  guerres  per- 
pétuelles, sans  pouvoir  devenir  indépendants.  L'un  des  missionnaires 
leur  rend  de  grands  services  en  soignant  les  malades  ;  une  école  a  été 
fondée  pour  les  enfants,  qui  seront  aussi  formés  à  divers  métiers. 

Les  divergences  de  vue  qui  régnaient  entre  l'Italie  et  l'Egypte  au 
sujet  d'Assab  ont  été  aplanies.  Le  ministre  italien  des  aifaires  étran- 
gères présentera  prochainement  un  projet  de  loi  sur  l'administration  du 
territoire  acquis  par  l'Italie.  Assab  serait  déclaré  territoire  franc  et 
aurait  un  caractère  commercial.  Les  Italiens  qui  y  sont  établis  ont 
demandé,  par  l'intermédiaire  du  chevalier  Branchi,  commissaire  royal, 
la  cession  gratuite  d'un  terrain  à  une  société  italienne  qui  se  chargera 
de  -construire  des  magasins,  l'achèvement  des  travaux  du  port,  et  la 
construction  d'un  phare.  En  attendant,  le  conunaudant  Dionisio  a  été 
envoyé  en  mission  à  Assab  avec  trois  ingénieurs.  Outre  le  port  en  con- 
struction, il  en  sera  fait  un  autre  spécial  pour  les  barques  qui  servent  h 
la  pêche  des  perles. 

L'Association  internationale  africaine  a  fait  une  nouvelle 
perte,  qui  sera  vivement  ressentie  par  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  la 
civilisation  de  l'Afrique.  M.  Ramaecl^ers,  qui  avait  remplacé  M.  Cam- 
bier  à  Karéma,  y  est  mort  de  la  dysenterie  le  25  février.  Dès  son  arrivée, 
il  avait  travaillé  sans  relâche  à  compléter  les  travaux  de  son  prédéces- 
seur, avait  donné  de  l'extension  aux  cultures,  avait  su  attirer  à  Karéma 
des  indigènes  qu'il  avait  déterminés  à  s'y  fixer  et  s'était  acquis  le  res- 
pect et  la  confiance  des  chefs  des  tribus  voisines.  MM.  les  lieutenants 
Storms  et  Constant  sont  partis  pour  Zanzibar  où  les  attend  le  capi- 
taine Gambier.  Ce  ne  sera  pas  sans  peine  qu'ils  atteindront  Karéma. 
Mirambo  a  brûlé  le  plus  puissant  village  de  cette  région,  levé  des  tributs 
sur  tous  les  autres,  et  obtenu  la  soumission  de  toutes  les  tribus  campées 
jusqu'à  une  journée  de  marche  de  Karéma.  Le  lac  s'étant  retiré  à  500" 
de  cette  localité,  il  aurait  pu  l'investir;  heureusement,  il  ne  l'a  pas  fait. 

MM.  les  D"  Bœlim  et  Kaiser  ont  fait  heureusement  un  voyage  de 
trois  mois,  de  Gonda,  station  du  Ckiniité  national  ailemand»  au 
Tanganyika.  Leur  station  paraît  très  favorable  à  l'agriculture  et  à  l'élève 
du  bétail.  Les  vastes  iehamps  qu'ils  possèdent  sont  cultivés  gratuitement 


—  228  — 

par  les  gens  de  la  princesse  de  Gonda.  Us  espèrent  récolter  plus  que  le 
nécessaire  pour  Tentretien  de  leur  personnel,  et  écouler  le  surplus  à 
Tabora,  qui  souffi*e  fréquemment  de  disette.  La  station  n'est  pas  encore 
bonne  pour  le  commerce,  nuds  M.  Reicshard  comptait  faire,  à  ses 
frais,  un  voyage  à  l'intérieur  pour  acheter  de  l'ivoire. 

M.  le  missionnaire  liasit,  de  Mamboya  dans  l'Ousagara,  a  obtenu  sur 
les  Masialî  des  renseignements  qui  lui  font  croire  qu'un  voyageur,  brave 
sans  forfanterie,  et  aimable  sans  servilité,  connaissant  le  souahéli  et  la 
langue  des  Masaï,  pourrait,  avec  une  caravane  bien  organisée,  traveiser 
leur  pays,  de  Pangani  ou  de  Mombas,  et  atteindre,  par  le  lac  Baringo, 
la  rive  septentrionale  du  Yictoria-Nyanza.  Le  nombre  des  hommes 
devrait  dépasser  un  peu  celui  des  colis,  pour  que  la  caravane  ne  îùi  pas 
arrêtée  si  quelque  porteur  tombait  malade.  La  question  des  vivres  serait 
un  peu  difficile,  dans  un  pays  dont  les  habitants  vivent  de  viande  de 
bœuf  et  de  lait,  et  négligent  la  culture  des  légumes  si  indispensables  aux 
porteurs  de  Zanzibar.  Les  indigènes  Ouarimas  et  Souahélis  qui  le  tra- 
versent souvent,  partent  d'ordinaire  de  Pangani,  se  dirigent  au  nord*  ou 
à  l'ouest  jusqu'aux  frontières  des  Masaï  ou  des  Ouakouafis,  oii  ils  se 
reposent  un  certain  temps,  pour  recueillir  les  informations  sur  le  temps 
que  leur  prendra  le  passage  à  travers  le  pays  des  Masaï  jusqu'à  l'en- 
droit qu'ils  désirent  atteindre.  Lorsqu'ils  savent  le  nombre  de  jours 
qu'il  lem*  faudra,  ils  achètent  des  natifs  la  quantité  de  farine  nécessaire  ; 
chaque  homme  en  prend  jusqu'à  10  kilogrammes  en  sus  de  son  colis. 
D'après  un  indigène,  on  peut  aller  de  Pangani  à  Ousoukouma  en  soixante- 
six  jours.  Dans  le  cas  où  la  Société  de  géographie  de  Londres  se  décide- 
rait à  envoyer  une  expédition,  de  Pangani  ou  de  Mombas  à  la  côte 
orientale  du  Victoria-Nyanza,  M.  Last  pourrait  procurer,  comme  por- 
teurs, des  hommes  de  la  vaUée  de  la  Louhéga  dans  le  Ngourou.  Il  signale 
aussi  l'existence  d'une  tribu  pygmée,  les  Ouamdidikimos,  à  quatre-vingt- 
dix  jours  de  marche  au  N.-O.  du  Ngourou. 

M.  Griflith  qui  réside  à  Mtoua,  un  des  centres  de  la  mission  de  Lon- 
dres à  l'ouest  du  Tanganyika,  a  visité  l'Ousoma,  au  nord  de  l'Ougouha, 
et  est  entré  en  relations  avec  le  chef  Kabamba  qui  l'a  reçu  avec  beaucoup 
de  bienveillance.  Sa  ville  est  située  sur  une  hauteur,  près  du  lac  ;  elle 
est  entourée  de  grands  bananiers  et  compte  environ  150  maisons,  dispo- 
sées très  irrégulièrement,  sans  former  des  rues  comme  dans  l'Ougouha; 
les  natifs  cultivent  de  grands  champs  de  cassaveet  de  maïs.  Le  chef  por- 
tait un  vêtement  rouge  et  un  turban  blanc  ;  entouré  de  ses  anciens,  il 
exprima  à  M.  Griffith  le  désir  de  voir  des  blancs  s'établir  chez  lui,  et  lui 


—  229  — 

demanda  de  venir  pour  tuer  les  éléphants  qui  ravagent  ses  champs,  les 
armes  de  ses  si\jets  étant  trop  faibles  pour  ces  gigantesques  créatures. 
n  aurait  aussi  voulu  avoir  des  charmes  pour  réunir  plus  de  gens  dans  sa 
ville,  et  pour  détruire  les  lions  et  les  léopards,  qui  tuent,  dit-ïl,  beaucoup 
de  monde;  les  sorciers  de  l'Ougoma  passent  pour  avoir  le  pouvoir  spécial 
de  charmer  ces  animaux  et  de  les  envoyer  à  leur  gré  dans  un  dis'trict  ou 
dans  un  village  ;  lions  ou  léopards  tuent  les  gens  de  jour  comme  de  nuit, 
mais  sans  jamais  être  vus.  A  une  demi-journée  dans  l'intérieur  sont  les 
plaines  populeuses  et  les  villages  dePOubogoué,  d'où  les  Ouagomas  tirent 
les  esclaves  qu'ils  vont  vendre  à  Oudjidji. 

La  station  de  Mouloneiva,  dans  le  Massanzé,  a  été  renforcée  par 
quatre  missionnaires  romains  de  Tabora,  et  trois  auxiliaires  de  Mdabou- 
rou.  Le  chef  de  la  localité  a  fait  un  voyage  à  Oudjidji,  oii  il  a  eu  une 
entrevue  avec  le  gouverneur  arabe,  qui  lui  a  conseillé  de  vivre  en  bonne 
intelligence  avec  les  missionnaires  et  d'éviter  toute  espèce  de  querelles. 
Le  P.  Moncet  fait  des  relevés  scientifiques  et  soigne  les  malades  ;  ses 
collègues  s'occupent  de  l'instruction  des  enfants.  Mouruma,  sultan  du 
nord  du  lac,  est  venu  leur  proposer  de  fonder  dans  ses  États  une  station  ; 
un  établissement  siu*  le  territoire  de  ce  chef,  à  une  quinzaine  d'étapes 
du  Victoria-Nyanza,  serait  un  moyen  de  relier  les  missions  de  l'Ouganda 
à  celle  du  Tanganyika.  La  création  de  celles  du  Haut-Congo  a  été  retar- 
dée par  le  massacre  du  F.  Deniaud  et  de  ses  compagnons,  destinés  à 
présider  à  ces  fondations  plus  lointaines.  On  avait  déjà  préparé  les 
approvisionnements  nécessaires  pour  la  caravane  qui  devait  les  conduire 
dans  les  États  du  Mouata-Yamvo  ;  ils  ont  été  pillés  ou  livrés  aux  flammes. 
Une  nouvelle  caravane  partira  dans  le  courant  de  l'été  prochain. 

La  construction  de  la  roote  entreprise  pour  unir  le  Nyassa  an 
Taiifi^anyika  a  été  interrompue  par  le  massacre  d'un  certain  nombre 
de  natife  au  service  de  M.  James  Stewart.  Celui-ci  avait  pris  pour  base 
de  ses  travaux  Chiouinda  (V.  la  carte  de  la  région  du  Nyassa,  III"*" 
année,  p.  44),  à  140  kilom.  à  l'ouest  de  l'extrémité  septentrionale  du 
Nyassa  ;  il  avait  avec  lui  quelques  ouvriers  anglais  et  des  natifs  chrétiens 
du  sud  du  lac.  Des  caravanes,  conduites  par  des  blancs,  et  composées 
des  natifs  les  plus  civilisés,  se  rendaient  régulièrement  au  lac  pour  en 
rapporter  les  provisions  nécessaires.  Une  de  ces  caravanes,  n'ayant  pas 
de  blancs  et  comptant  des  natifs  de  Chiouinda,  paraît  s'être  livrée  à 
quelques  actes  de  maraudage,  en  traversant  le  territoire  d'un  chef 
nommé  Mombouéra.  Quoi  qu'il  en  soit,  celui-ci  attaqua  la  caravane  qui 
perdit  19  hommes,  les  uns  tués,  les  autres  vraisemblablement  pris  et 


—  230  — 

vendus  à  des  trafiquants  d'esclaves.  Le  chef  de  Chiouinda  appela  ses 
voisins  à  son  aide  pour  déclarer  la  guerre  à  Mombouéra.  M.  Stewart 
réussit  heureusement  h  prévenir  Teffusion  du  sang  ;  Mombouéra  témoi- 
gna le  désir  de  faire  la  paix  et  offiît,  comme  compensation,  des  bestiaux 
qui  furent  acceptés.  M.  Stewart  qui  avait  fait  transporter  son  matériel 
au  bord  du  lac,  va  recommencer  ses  travaux,  en  prenant  pour  base  d'opé- 
ration Karonga,  sur  le  Nyassa. 

Les  évangéiistes  envoyés  des  Spelonken  à  la  baie  de  Delagoa  sont  de 
retour  à  Valdéada.  Ils  ont  trouvé  la  tsétsé  sur  leur  route.  Le  gouver- 
neur portugais  de  Lorenzo  Marquez,  tout  en  étant  personnellement 
favorable  à  M.  Creux,  lui  a  fait  savoir  que  les  lois  du  pays  défendent 
rétablissement  de  missions  protestantes  en  territoire  portugais;  mais 
celui-ci  ne  s'étend  pas  au  loin  à  l'intérieur,  et,  là  où  M.  Creux  désire 
établir  une  mission,  les  Portugais  paient  tribut  aux  che&  magouambas. 
Magoud,  le  plus  puissant  des  chefe  du  pays,  a  bien  reçu  les  évangéiistes, 
et  leur  a  demandé  de  lui  ramener  prochainement  un  missionnaire.  De  la 
mer  on  peut  arriver  chez  lui  directement  en  barque  par  le  Comati.  Mal- 
heureusement les  Portugais  et  les  Banyans  ont  introduit  dans  le  pays 
une  ivrognerie  e&oyable.  La  station  de  Yaldézia  sera  renforcée  par 
l'envoi  d'un  nouveau  missionnaire,  M.  Jaques,  qui  partira  l'été  prochain, 
accompagné  d'un  jeune  agriculteur  chargé  de  seconder  les  missionnaires 
dans  leurs  travaux  manuels. 

Le  gouvernement  de  la  colonie  du  Cap  a  proposé  au  Parlement  d'annu- 
ler la  proclamation  prescrivant  le  désarmement  des  Bassoutos»  et  de 
nommer  une  commission  chargée,  soit  de  dédommager  de  leurs  pertes 
les  marchands  européens  et  les  indigènes  loyaux,  soit  de  rechercher  le 
système  d'administration  qui  aurait  le  plus  de  chances  de  pacifier  le 
pays.  Le  ministère  britannique  a  approuvé  les  propositions  pacifiques  de 
l'autorité  coloniale.  On  espère  suimonter  ainsi  la  désaffection  des  Bas- 
soutos  et  voir  l'ordre  se  rétablir.  Les  impôts  se  paient  sans  difficulté  ; 
Letsié  et  Lérothodi  ont  donné  l'exemple  ;  tout  le  bétail  de  la  contribu- 
tion de  guerre  a  été  livré,  et  en  sus  8891  têtes,  qui  ont  été  remises  aux 
loyaux.  Les  démarches  de  M.  Coillard  en  Angleterre  avant  son  départ 
pour  l'Afrique,  et  de  M.  Mabille  auLessouto,  n'ont  pas  été  étrangères  à 
ce  changement  de  politique. 

Les  opérations  des  con^ia^^ie»  des  mines  de  houille  de  la 
Colonie  du  Cap  s  Great  Stormberg,  Cyfergat,  et  Lidwe  Coal  Mining 
Companies,  ont  commencé.  D'après  leEast  London  l)i8patch,M.Yf .  Moly- 
neux  a  été  envoyé  à  Molteno,  pour  faire  rapport  sur  les  ressources 


—  231  — 

géologiques  de  ce  district,  et  sur  les  meilleurs  moyens  d'en  exploiter  les 
houillères.  Son  rapport  au  gouvernement  colonial  présente  les  gisements 
des  Stormberg  comme  inépuisables  ;  le  charbon  en  est  bon  pour  le  chauf- 
fage des  appartements,  pour  le  gaz,  la  vapeur,  et  l'industrie  manufactu- 
rière. L'extension  de  la  ligne  East  London-Queenstown,  à  Burghers- 
dorp  et  Aliwal,  passera  par  Molteno  et  Cyfergat,  où  les  opérations 
minières  pourront  s'exécuter  sur  une  grande  échelle.  La  qualité  et  la 
quantité  de  cette  houille  rendra  la  colonie  indépendante  à  cet  égard  de 
la  mère-patrie. 

Dans  une  dépêche  de  lord  Kimberley  à  sir  Hercules  Robinson,  publiée 
dans  le  Bliie  Book^  le  ministre  anglais  rappelle  que  ^Vallfish  Bay  a 
été  proclamé  territoire  britannique  à  la  demande  de  la  colonie  du  Cap, 
et  pour  surveiller  le  seul  port  de  toute  une  longue  côte,  par  lequel  puis- 
sent passer,  pour  l'intérieur,  des  armes  et  des  objets  de  conunerce. 
Après  avoir  annoncé  que  le  gouvernement  de  la  reine  ne  changera  rien 
à  l'état  de  choses  actuel,  si  le  Parlement  du  Cap  continue  à.  maintenir 
les  établissements  de  cette  place,  il  ajoute  qu'il  ne  voit  pas  l'avantage 
de  conserver  une  possession  si  éloignée  de  la  colonie,  et  exposée  aux 
attaques  de  natifs  hostiles,  puisque  l'occupation  de  cette  localité  n'a  pas 
arrêté  l'importation  d'armes  et  de  munitions,  le  commerce  étant  d'ail- 
leurs à  peu  près  insignifiant  et  n'ayant  pas  beaucoup  d'avenir.  Dans  le 
cas  oii  le  Parlement  du  Cap  ne  ferait  pas  le  nécessaire  poui*  protéger 
cette  place  comme  portion  de  la  colonie,  il  y  aurait  lieu,  dit  lord  Kim- 
berley, d'offrir  aux  quelques  Topnaars  qui  restent  encore,  de  les  trans- 
férer dans  telles  ou  telles  localités  sûres  du  pays  des  Namaquas,  et  de 
renoncer  à  tout  exercice  d'autorité  anglaise  à  Wallfish  Bay.  —  L'inter- 
vention du  D'Hahn,  mentionnée  dans  notre  dernier  numéro,  ne  s'est  pas 
bornée  à  la  conférence  avec  les  chefs  Namaquas  $  il  s'est  encore  rendu 
dans  le  Damaraland<  à  Okahandya  pour  voir  les  chefs  des  Hépépos,  et, 
grâce  à  ses  démarches  et  à  celles  de  missionnaires  chez  les  Namaquas  et 
les  Héréros,  des  négociations  de  paix  ont  été  commencées  ;  les  Bastards 
de  Rehobot  ont  conclu  une  paix  séparée  avec  les  Héréros  ;  il  en  a  été  de 
même  des  Zwartboï,  et  l'on  peut  espérer  que  bientôt  les  hostilités  ces- 
seront complètement  dans  cette  région. 

Le  consul  anglais  de  St-Paul  de  Loanda  a  communiqué  à  Lord  Gran- 
yille  des  extraits  de  lettres  d'un  Anglais  établi  à  Mossamédès,  M.  Bent, 
qui  a  visité  les  Boers  établis  à  Humpata,  k  200  kilom.  environ  de  la 
côte.  Le  gouvernement  portugais  leur  a  donné  2500  liv.  sterl.  pour  ouvrir 
une  route  jusqu'à  Mossamédès.  Us  sont  au  nombre  de  420,  laborieux, 


—  232  — 

pacifiques,  entièrement  sous  la  loi  et  la  protection  des  Portugais,  dont  un 
oflBcier  réside  au  milieu  d'eux  avec  une  demi-douzaine  de  soldats.  Une 
canalisation  de  5  à  6  kilom.  amène  Teau  devant  chacune  de  leurs  mai- 
sons ;  le  sol  est  fertile,  et  leur  fournit  en  abondance  blé  et  légumes  de 
toutes  sortes  ;  ils  comptent  cultiver  le  coton  et  la  vigne.  Le  cuivre  et  le 
fer  ne  sont  pas  rares  ;  dans  le  voisinage  il  y  a  du  gibier,  entre  autres 
des  éléphants  et  des  autruches.  Les  indigènes  Gambos  ont  fait  deux  ten- 
tatives pour  chasser  les  Boers  de  Humpata,  mais  ils  ont  été  repoussés  et 
maintenant  ils  les  laissent  tranquilles.  On  attend  l'arrivée  d'une  troupe 
de  Bastards,  descendants  de  Boers  et  de  Hottentots,  qui  s'établiront  k 
100  kilom.  au  sud  de  Humpata.  Les  Portugais  espèrent  beaucoup  de  ces 
établissements  pour  l'exportation  de  l'ivoire  et  des  plumes  d'autrpche. 

Il  s'est  formé,  sous  le  nom  de  Cong^  and  mntral  africsan 
Company,  une  société  commerciale  pour  acquérir  les  factoreries  pos- 
sédées jusqu'ici  par  M.  Zagury  à  Banana,  Quissanga,  Boma,  Âmbriz, 
Loanda,  Dondo,  etc.,  ainsi  que  les  navires  et  les  vapeurs  adaptés  h  la 
navigation  sur  le  Congo  et  autres  fleuves,  et  faisant  le  service  entre  les 
susdites  factoreries.  Le  but  de  la  Société  sera  d'étendre  et  de  dévelop- 
per les  relations  commerciales  avec  cette  partie  de  l'AMque.  M.  Zagury, 
qui  y  a  passé  12  ans,  en  sera  le  directeur.  Deux  lignes  de  steamers  feront 
le  service  entre  la  côte  occidentale  africaine  et  l'Angleterre. 

Lors  de  la  visite  que  le  P.  Augouard  a  faite  à  Stanley  Pool,  le  ser- 
gent Malamine,  laissé  par  Savor^nan  de  Brazza  à  la  garde  du  dra- 
peau français,  lui  a  conmiuniqué  une  copie  du  traité  d'annexion  que 
son  chef  avait  conclu  avec  les  princes  indigènes  de  cette  partie  du  fleuve. 
Il  est  conçu  en  ces  termes  : 

a  Au  nom  de  la  France,  et  en  vertu  des  droits  qui  m'ont  été  accordés 
le  10  septembre  1880,  par  le  roi  Makoko,  j'ai  pris  possession  du  terri- 
toire situé  entre  les  rivières  lue  et  Impila,  le  3  octobre  1880.  En  témoi- 
gnage de  quoi  j'ai  arboré  le  drapeau  français  à  Okila,  en  présence  des 
che&  Oubanghis,  venus  à  Nkouma  pour  un  but  commercial,  et  des  chefs 
Batékés  :  Ntaba,  Lecanho,  NgsBcala,  Ngasko  et  Jenna,  vassaux  de 
Makoko,  et  en  présence  aussi  de  Ngalième,  représentant  officiel  de 
Makoko,  à  cet  effet.  J'ai  remis  à  chacun  de  ces  chefe  un  drapeau  fraa- 
çais  pour  qu'ils  l'arborent  sur  leurs  villages,  en  témoignage  de  la  prise 
de  possession  que  j'en  ai  faite  au  nom  de  la  France.  Ces  che&,  informés 
par  Ngalième  de  la  décision  de  Makoko,  se  sont  inclinés  devant  sa  réso- 
lution, ont  accepté  le  drapeau,  et,  par  leur  marque  empreinte  sur  cet 
instrument,  ont  attesté  leur  adhésion  à  la  cession  du  territoire  de 


—  233  — 

Makoko.  Le  sergent  Malamine  garde  le  drapeau  fraaçais,  et  fera  provi- 
soirement les  fonctions  de  chef  de  la  station  française  de  Nkouma.  En 
remettant  à  Makoko  ce  document  fait  à  triple,  revêtu  de  ma  signature 
et  des  marques  des  chefs,  ses  vassaux,  je  lui  ai  formellement  notifié  ma 
prise  de  possession  de  cette  partie  de  son  territoire  pour  l'établissement 
d'une  station  française.  Fait  à  Nkouma,  royaume  de  Makoko,  le  3  octo- 
bre 1880.  Signé  :  Pierre  Savorgnan  de  Brazza,  second  lieutenant  de 
marine  ;  +  Ngalième,  -|-  Lecanho,  +  Ntaba,  +  Ngœko,  +  Jeûna.  » 

Il  n'y  a  là  rien  qui  oblige  les  chefs  de  Stanley  Pool  à  interdire  l'accès 
du  territoire  aux  explorateurs  et  aux  missionnaires  de  nationalité  non 
française,  mais  leurs  procédés,  à  l'égard  de  Stanley  et  des  missiomiaires 
anglais,  ont  besoin  d'explications  que  ne  manquera  pas  de  fournir  Savor- 
gnan de  Brazza,  ce  dernier  va  revenir  en  France  pour  faire  les  prépa- 
ratifs de  l'expédition  qu'il  doit  conduire  sur  le  Congo,  avec  le  D'  Ballay, 
pour  le  compte  du  ministère  de  l'instruction  publique. 

MM.  Clarke^  Richards  et  In^hani»  de  la  <«  Liivinij^iitone 
Inland  Mission)  »  pailis  de  Banza  Manteka,  ont  traversé  le  long  de 
la  rive  méridionale  du  Congo,  sui*  une  étendue  de  65  kilom.,  un  pays 
qui  jusqu'ici  n'avait  été  visité  par  aucun  Européen.  Us  ont  rencontré 
beaucoup  de  villes  et  de  villages  très  peuplés,  des  natifs  généralement 
familiers  et  amicaux;  de  grands  jardins  bien  cultivés  entourent  la 
plupart  des  villes.  Pendant  leur  voyage,  ils  ont  vu  beaucoup  de  traces 
d'éléphants  et  de  buffles,  et  quelquefois  les  animaux  eux-mêmes.  A 
Bemba.ils  traversèrent  le  ileuve,  et,  remontant  le  long  de  la  rive  droite, 
ils  atteignirent  Stanley  Pool,  où  ils  comptaient  reconnaître  le  pays  et 
choisir  un  emplacement  pour  y  fonder  une  station.  Les  chefs  de  Stanley 
Pool,  qui  d'abord  s'étaient  montrés  bien  disposés,  devinrent  bientôt  hos- 
tiles et  refusèrent  de  leur  laisser  traverser  le  fleuve  pour  revenir  par  la 
rive  méridionale.  Ils  durent  redescendre  par  la  rive  droite  jusqu'à  la 
rivière  Nkenké,  près  de  laquelle  ils  acquh'ent  du  chef  d'Inkissi  un  ter- 
rain pour  ime  station.  Avant  de  se  mettre  à  consU'uire,  ils  vinrent  à 
Bemba,  oU  les  lettres  qu'ils  trouvèrent  les  décidèrent  à  commencer  par 
explorer  toute  la  rive  sud  du  Congo,  de  Bemba  jusqu'à  Stanley  Pool, 
afin  de  chercher  quelle  sera  la  meilleure  voie  pour  le  transport  du  stea- 
mer le  Henry  Reed,  qui  doit  naviguer  sur  le  coui's  moyen  du  fleuve.  Ils 
ont  dû  partir  pour  cette  exploration  au  milieu  de  janvier.  —  Le  26  avjîl 
sont  partis  de  Liverpool  des  renforts  pour  cette  mission,  entre  autres, 
M.  William  Appel,  qui  a  fait  des  études  pratiques  d'asti'onomie  pour 
pouvoir  poursuivre  des  travaux  géographiques  dans  l'Afrique  centrale,  et 


—  234  — 

M.  A.  Sims,  qui  espère  fonder  h  Stanley  Pool  un  «  Cottage  Hospital  » 
et  un  Dispensaire  pour  les  Européens  et  les  natife.  Ce  dernier  possède 
des  connaissances  étendues  en  zoologie  et  çu  botanique,  et  étudiera 
la  faune  et  la  flore  de  ce  pays.  Il  nous  a  informés  directement  qu'il 
accueillerait  avec  plaisir  les  voyageurs  et  leur  donnerait  tous  les  secours 
et  informations  qui  seront  en  son  pouvoir. 

Dans  l'espoir  que  MM.  Pogge  et  Wissmann  pourront  atteindre  la  rési- 
dence du  chef  des  Tuchilangués,  Mukengué,  au  confluent  du  Louloua  et 
du  Cassaï,  et  de  là  descendre  au  Congo  par  une  route  nouvelle,  le  comité 
de  la  Société  africaine  allemande  a  formé  le  plan  d'une  expédi- 
tion, chargée  d'aller  à  leur  rencontre  en  remontant  le  Congo  au  delà  de 
Stanley  Pool.  La  direction  en  sera  confiée  au  D'  Bûchner,  que  ses 
expériences  dans  l'Afrique  centrale  rendent  tout  particulièrement  pro- 
pre à  une  mission  de  ce  genre.  Mais,  comme  les  ressources  dont  dispose 
la  Société  sont  en  grande  partie  absorbées  par  les  frais  de  la  station  du 
Comité  national  à  l'est  du  Tanganyika,  et  du  voyage  de  M.  Flegel  dans 
l'Adamaoua,  celui  du  D' Btlchner  sera  ajourné  au  printemps  de  1883. 
Le  Comité  préparera  l'expédition  pendant  l'hiver  prochain. 

Des  indigènes  du  Congo  inférieur  ayant  massacré  un  équipage 
européen,  le  commandant  du  Gabon  donna  ordre  au  capitaine  de  la 
canonnière  le  Marabout  de  se  rendre  au  Congo,  pour  punir  les  meur- 
triers. Quand  le  navire  arriva  devant  la  ville  de  Ningé-Ningé,  à  65  kil. 
de  l'embouchure  du  fleuve,  les  natifs  ouvrirent  le  feu  sur  les  Français, 
tuèrent  le  D'  Chassaigne  et  blessèrent  plusieurs  hommes.  Là-dessus,  le 
capitaine  de  la  canonnière  fit  bombarder  la  ville.  Les  marchands  euro- 
péens dont  les  propriétés  ont  été  détruites  se  sont  transportés  au  Gabon. 
Le  blocus  a  été  établi  autour  de  Ningé-Ningé. 

Après  avoir,  avec  l'appui  du  roi  du  Nupé,  exploré  une  partie  du  Niger 
inconnue  jusqu'ici,  et  visité  Sokoto,  M.  Flegel  s'est  rendu  de  Bida  à 
Loko  sur  le  Bénoué,  où  il  espérait  trouver  les  marchandises  dont  il  a 
besoin  pour  son  voyage  dans  l'Adamaoua,  et  qu'on  devait  lui  envoyer  de 
Lagos  par  les  steamers  de  la  «  United  African  Company.  »  Ne  les  y  ayant 
pas  trouvées,  il  dut  se  rendre  en  toute  hâte  à  la  côte,  pour  les  y  chercher 
et  pour  se  pourvoir  des  instruments  les  plus  nécessaires  qui  lui  man- 
quaient. Le  4  janvier,  un  vapeur  de  la  susdite  compagnie  le  ramenait  à 
Lokodja,  au  confluent  du  Niger  et  du  Bénoué,  d'oîi  il  allait  repartir  pour 
Loko  où  l'attendait  sa  caravane.  D  a  dû  dès  lors  remonter  le  Bénoué 
jusqu'à  Ribago,  pour  passer  de  là,  par  le  Mayo  Kebbi  et  les  marais  de 
Toubouri,  au  Chari,  au  lac  Tchad  et  à  Kouka  (V.  la  carte  de  l'hydro- 
graphie du  Soudan  central.  H"*  année,  p.  64). 


—  235  — 

Dans  une  séance  récente  de  la  Chambre  des  Communes,  M.  Labou- 
chère  a  attiré  l'attention  du  gouvernement  sur  la  traite  qui  se  pratique 
encore  à  La^^s,  d'où  elle  devrait  avoir  disparu  depuis  que  cette  partie 
de  la  côte  est  devenue  possession  anglaise.  Un  correspondant  de  VAfri- 
can  Times  écrit  en  eflfet  de  Lagos  que,  malgré  tout  ce  qui  a  été  fait  pour 
détruire  l'esclavage  le  long  de  la  côte,  il  y  a. encore  des  sujets  anglais 
qui,  ayant  des  propriétés  à  Lagos,  possèdent  des  esclaves  dans  des  pays 
situés  au  delà  des  limites  des  territoires  britanniques,  et  font  la  traite 
lorsqu'ils  ont  besoin  d'argent.  Leurs  esclaves  s'échappent  parfois  et 
viennent  à  Lagos. 

Vers  la  fin  de  février,  on  pouvait  craindre  au  Sénégal  un  soulèvement 
général  des  peuplades  nègres  des  bords  de  la  Cazamance.  Les  Man- 
dingues,  conduits  par  leur  puissant  chef  Sounkary,  se  révoltèrent,  atta- 
quèrent le  poste  français  de  Sedhiou  et  le  bloquèrent.  Une  colonne 
mOitaffe  dut  être  expédiée  de  Dakar  pour  porter  secours  aux  assiégés. 
Elle  prit  d'assaut  le  village  de  Bakoum,  résidence  ordinaire  de  Sounkary, 
dont  elle  mit  l'armée  en  fuite;  après  avoir  débloqué  Sedhiou,  brûlé 
Médina  et  s'être  emparée  de  plusieurs  autres  villages,  elle  renti'a  à  Sed- 
hiou, où  la  majeure  partie  des  chefs  mandingues  vinrent  faire  leur  sou- 
mission et  payer  la  contribution  de  guerre  imposée  par  le^  vainqueurs. 

Le  gouvernement  français  demande  aux  Chambres  un  nouveau  crédit 
de  7,000,000  fr.  environ  pour  le  chemin  de  fer  du  Haut-Sénég^al. 
Un  poste  définitif  sera  établi  à  Bafoulabé  ;  celui  de  Kita  sera  agrandi  ; 
deux  nouveaux  postes  seront  construits,  l'un  à  mi-chemin  de  Kita  au 
Niger,  l'autre  à  Bamakou.  En  même  temps,  on  étudie  un  tracé  de  voie 
ferrée  à  construire  de  Kayes  par  Senoudebou,  à  un  point  en  amont  de 
Bakel,  accessible  toute  l'année  aux  navires  dont  le  tirant  d'eau  ne 
dépasse  pas  0",60.  Actuellement,  ils  ne  peuvent  remonter  à  Kayes  que 
cinq  ou  six  mois  de  l'année  ;  aussi  est-il  urgent  de  créer  une  voie  plus 
accessible  par  la  vallée  de  la  Falémé.  Le  projet  de  loi  présenté  au3ç 
Chambres  prévoit  que  la  voie  ferrée  de  Kayes  à  Bafoulabé  sera  terminée 
dans  deux  ans.  Au  delà  de  Bafoulabé,  il  n'y  aura  pas  de  travaux  d'art 
très  difl&ciles  h  exécuter  pour  atteindre  la  partie  navigable  du  Niger.  — 
La  Société  de  géographie  de  Paris  a  reçu  la  carte  en  six  feuilles  des  levés 
exécutés  par  les  ofiiciers  de  la  mission  topog^raphique»  sous  les 
ordres  du  commandant  Derrien,  attachée  à  l'expédition  du  lieutenant- 
colonel  Borguis  Desbordes.  Elle  donne,  au  Viooooo»  l'itinéraire  de  la  colonne 
entre  Médine  et  Kita,  avec  le  plus  de  terrain  qu'il  a  été  possible  d'en 
relever  à  droite  et  à  gauche.  La  cinquième  feuille  donne  le  lac  ou  étang 


'    —  286  — 

Bambiri,  dont  on  croyait  les  eaux  tributaires  des  deux  bassins  ;  elles  se 
déversent  auN.-E.  dans  un  affluent  du  Banioulé,  affluent  lui-même  pro- 
bablement du  Sénégal.  Il  y  a  aussi  un  itinéraire  de  Kita  à  Mourgoula, 
avec  vues  et  plans  de  détail.  Jusqu'à  présent  on  n'avait  pas  d'itinéraii-e 
aussi  complet  s'avançant  aussi  loin  vers  le  Niger.  —  On  peut  d'ailleurs 
envisager  la  route  commerciale  du  Sénégal  au  Niger  comme  ouverte  par 
rèxpédition  que  le  lieutenant-colonel  Borgpuis  Desbordes  vient 
d'exécuter  à  45  kilomètres  au  delà  du  Niger,  dans  le  Kénériadou^ou^ 
pays  commerçant  qui,  depuis  l'année  dernière,  demandait  la  protection 
française.  Parti  le  16  février  de  Kita,  avec  une  compagnie  de  tirailleurs 
indigènes,  une  section  d'artillerie,  un  peloton  de  spahis  et  quelques  fan- 
tassins européens,  il  était  le  18  à  Mourgoula,  oU  il  confirma  Talmamy 
dans  l'idée  que  la  politique  de. la  France  est  une  politique  depaix^  ayant 
pour  but  d'obtenir  des  voies  commerciales  dans  le  pays  ;  le  23,  il  attei- 
gnait Nafadjié  à  deux  jours  de  marche  du  Niger.  Sur  la  rive,  droite  du 
fleuve,  un  chef  redouté,  Samory,  ruinait  le  Kénériadougou,  et  depuis 
sept  mois  en  tenait  assiégée  la  capitale  Kénéria.  Borguis  Desbordes  mar- 
cha sur  cette  ville  pour  la  débloquer,  mais  à  son  arrivée,  le  26  février, 
Samory  l'avait  prise,  en  avait  tué  une  partie  des  habitants  et  réduit  le 
reste  en  captivité.  Il  fut  d'ailleurs  bientôt  mis  en  fuite  par  la  colonne 
française,  qui  rentra  ensuite  à  Kita  ;  sur  toute  la  route  de  Kita  au  Niger, 
elle  avait  été  bien  accueillie,  parles  mêmes  indigènes  qui  précédemment 
avaient  attaqué  la  mission  Galliéni.  Le  capitaine  Piétri,  attaché  à  cette 
mission,  a  été  envoyé  à  Kita  pour  prendre  le  conunandement  de  ce  poste  ; 
il  a  rencontré  à  Médine  le  lieutenant-colonel  Borguis  Desbordes,  dont  la 
mission  pour  1882  est  terminée. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

L'École  supérieure  des  lettres  d'Alger  a  commencé  la  publication  d'un  BiiUeiin 
de  Carrespondance  africaine^  qui  sera  utile  pour  l'éjude  de  la  géographie  ancienne 
de  l'Afrique  septentrionale. 

Au  Congrès  des  sociétés  françaises  de  géographie,  qui  se  réunira  cette  année  à 
Bordeaux,  doit  être  examinée  la  question  de  la  création  d'une  école  supérieure  de 
géographie  et  d'exploration,  dans  une  des  grandes  villes  du  nord  de  l'Afrique  : 
Alger»  Tunis,  Alexandrie  ou  le  Caire. 

Un  gisement  de  houille,  dont  les  couches  paraissent  étendues  et  profondes,  a  été 
découvert  à  Bou-Saada^  à  l'ouest  d'Alger.  Il  résulte  des  analyses  faites  par 
M.  Tingry,  chimiste  au  service  des  mines,  que  ce  combustible  est  de  bonne  qualité. 


—  237  — 

Un  surrivant  de  la  mission  Flatters,  recueilli  au  sud  de  Géryville,  a  rapporté  que 
des  nègres  de  Tombouctou,  armés  d'arcs  et  de  flèches,  sont  arrivés  dans  le  douar 
d'un  chef  Touareg  qui  l'avait  pris  à  son  service  comme  berger.  Ayant  appris  le 
projet  des  Français  de  venir  chez  eux,  ils  voulaient  s'opposer  à  leur  passage. 

Les  trois  missionnaires  d'Alger^  restés  h  Ghadamès  après  le  massacre  du 
P.  Richard  et  de  ses  deux  compagnons  sur  la  route  de  Rhat,  sont  heureusement 
arrivés  à  Tripoli.  Ils  auraient  aussi  été  massacrés  s'ils  avaient  voulu  regagner 
l'Algérie  par  le  Sahara  ;  mais,  sur  le  conseil  de  leurs  supérieurs,  ils  attendirent 
une  escorte  turque,  que  le  consul  général  de  France  à  Tripoli  réussit  à  obtenir  du 
pacha  de  cette  ville,  où  ils  furent  ramenés  sains  et  saufis. 

Le  capitaine  Gill,  du  génie  royal  anglais,  arrêté  à  trois  jours  de  marche  de 
Bengazi,  a  aussi  été  ramené  à  Tripoli,  les  autorités  turques  refusant  de  lui  per- 
mettre de  continuer  son  voyage,  parce  qu'elles  ne  pouvaient  pas  lui  garantir  une 
sécurité  suffisante. 

La  commission  de  la  Société  des  études  du  Nil  s'est  rendue  du  Caire  aux  cata- 
ractes, sur  deux  dahabiés  remorqués  par  un  vapeur  de  l'État.  Le  gouvernement 
égyptien  lui  a  adjoint  le  colonel  Mouktar  bey,  bien  connu  par  ses  voyages  et  ses 
travaux  sur  le  Haut-Nil,  et  un  ingénieur  égyptien. 

Le  gouvernement  italien  enverra  prochainement  au  roi  d'Abyssinie  une  mission 
chargée  de  lui  remettre  des  présents  de  la  part  du  roi  Humbert  et  de  resserrer 
en  même  temps  les  relations  d'amitié  entre  les  deux  pays. 

M.  Antoine  d'Abbadie,  qui  a  été  longtemps  en  Abyssinîe,  rapporte  que  les 
indigènes  bravent  impunément  les  miasmes  des  régions  basses,  pernicieux  pour  les 
Européens,  et  attribuent  leur  immunité  à  l'usage  quotidien  de  fumigations  de 
soufre. 

Le  vice-consul  italien  à  Suez  est  parti  pour  diriger  une  nouvelle  enquête,  au  sujet 
du  massacre  de  l'expédition  Giulietti. 

Ensuite  d'une  demande  de  M.  Prîce,  fondateur  de  l'établissement  de  Frère  Town 
pour  les  esclaves  libérés,  le  Comité  des  missions  anglicanes  a  décidé  d'y  envoyer 
deux  nouveaux  missionnaires,  un  mattre  d'école  et,  si  possible,  un  médecin.  Les 
agents  actuels  de  la  Société,  s'occuperont  d'étendre  l'œuvre  à  l'intérieur. 

La  station  anglaise  de  l'Ouganda  sera  renforcée  de  plusieurs  missionnaires, 
d'un  artisan  et  d'un  médecin. 

A  Blant3rre  s'est  fondée,  parmi  les  jeunes  gens,  une  association  contre  l'usage  du 
pamhé,  aussi  démoralisant  dans  ses  effets  que  les  boissons  spiritueuses  en  Europe. 

M.  O'Neill,  consul  anglais  à  Mozambique,  a  fait  une  exploration  des  rivières  Qui- 
zungo,  Tejoungo  et  Licoungo,  et  compte  se  rendre  à  Blantyre  et  au  lac  Nyassa, 
pour  constater  si  le  Chiroua  et  le  Eiloua  sont  bien  un  seul  et  même  lac  d'où  sort 
la  Lotgenda. 

Une  Compagnie  se  propose  de  construire  des  lignes  télégraphiques  de  Tété  à 
Quilimane,  et  de  Mozambique  à  Inhambané  et  Lorenzo  Marquez,  pour  mettre  ces 
localités  en  communication  avec  Lisbonne  ;  elle  fonderait  aussi  12  stations  météo- 
rologiques. 


—  238  — 

La  Commission  africaine  de  la  Société  de  géographie  de  Lisbonne  a  présenté 
une  proposition  tendant  à  constituer  immédiatement  à  Manica,  dans  la  province 
de  Mozambique,  une  station  civilisatrice. 

D'après  le  rapport  du  missionnaire  Richard,  les  ânes  de  sa  caravane,  dans  son 
voyage  aux  États  d'Oumzila,  ont  été  garantis  des  atteintes  de  la  tsétsé  par  des 
lavages  quotidiens  d'ammoniaque. 

On  a  reçu  à  Bruxelles  de  bonnes  nouvelles  du  P.  Depelchin,  que  l'on  disait 
avoir  été  assassiné  près  du  Zambèze.  Il  est  arrivé  en  bonne  santé  à  Grahamstown 
à  la  fin  de  février,  et  se  propose  de  retourner  prochainement,  avec  un  renfort  de 
missionnaires,  chez  les  Batongas  du  Zambèze,  où  le  chef  Moëmba  lui  a  concédé, 
pour  la  mission,  une  vallée  qui  descend  jusqu'au  fleuve.  De  là  il  compte  étendre  le 
champ  de  ses  travaux  jusqu'au  lac  Bangouéolo. 

Le  chemin  de  fer  de  Saint-Denis,  à  la  Réunion,  a  été  ouvert  à  la  circulation  en 
février. 

Une  députation  de  plusieurs  centaines  de  Zoulous  des  plus  influents,  parmi  les- 
quels deux  frères  de  Cettiwayo,  est  arrivée  à  Pietermaritzbourg,  pour  demander 
le  retour  de  l'ancien  roi,  comme  devant  contribuer  à  la  pacification  du  Zoulouland. 

M.  le  baron  de  Dankelmann,  météorologiste  distingué  de  Leipzig,  engagé  par  le 
Comité  d'études  du  Haut-Congo,  vient  de  partir  pour  rejoindre  Stanley.  Il  est 
muni  des  meilleurs  instruments  météorologiques  et  pourra  fournir,  sur  cette  région, 
des  renseignements  climatologiques  très  utiles  pour  les  explorateurs. 

M.  R.  Arthington,  de  Leeds,  a  fait  don  à  la  mission  baptiste  du  Congo  d'une 
nouvelle  somme  de  25,000  fr.  pour  aider  aux  frais  de  construction  d'un  vapeur 
démontable,  le  Plymouth,  destiné  à  la  navigation  du  cours  moyen  du  fleuve.  U  sera 
en  acier  et  muni  de  deux  hélices;  pour  pouvoir  manœuvrer  plus  facilement  au 
milieu  du  courant  et  des  bancs  de  sable,  il  aura  20™  de  long  et  ne  tirera  que 
30  centimètres  d'eau. 

M.  Nuno  Queriol  a  accepté  le  commandement  du  vapeur  le  Julio  de  VUhenaj 
destiné  à  la  station  civilisatrice  portugaise  du  Congo. 

M.  le  D'  Hûbbe-Schleiden,  de  Hambourg,  se  dispose  à  parcourir  l'Allemagne 
pour  y  recruter  des  colons,  à  l'effet  de  fonder  une  grande  colonie  allemande  dans 
le  centre  de  l'Afrique,  dans  le  bassin  du  Congo. 

M.  Blom,  agent  de  la  «  Compagnie  coloniale  de  l'Afrique  française  »  est  arrivé 
le  30  mars  au  Gabon,  et  s'est  dirigé  vers  l'intérieur  qu'il  se  propose  d'explorer. 

Le  Comité  des  missions  anglicanes  a  appelé  l'évêque  du  Niger,  M.  Samuel 
Crowther,  et  le  Rev.  J.-B.  Wood  de  Lagos,  à  une  conférence  où  seront  arrêtées  les 
mesures  à  prendre  pour  développer  la  mission  du  Niger.  Le  consul  Hewitt,  revenu 
de  la  c6te  de  Guinée,  a  exposé,  au  sous-comité  qui  s'occupe  des  missions  d'Afrique, 
la  nécessité  d'ouvrir  des  communications  commerciales  directes  avec  les  tribus  de 
l'intérieur,  et  insisté  sur  l'utilité  d'établir  sur  le  Niger  des  écoles  industrielles,  où 
les  chrétiens  noirs  puissent  être  préparés  aux  professions  manuelles. 

L'ingénieur  de  la  Wassaw  light  BaUway  Company,  débarqué  à  Dixcove,  le 
28  février,  a  fait  une  première  étude  du  tracé  proposé,  de  la  côte  aux  mines  d'or. 


—  239  — 

Quoique  le  résultat  en  soit  favorable,  il  examinera  une  autre  route,  qui  ne  néces- 
sitera, paratt-il,  point  de  travaux  d'art  difficiles. 

M.  Çretignière,  membre  de  la  Société  de  géographie  commerciale  de  Paris,  est 
parti  pour  Assinie,  afin  d'étudier  les  gisements  aurifères  de  cette  possession  fran- 
çaise. 

Les  Gamans  ont  attaqué  Inquansah,  village  près  de  Coumassie,  et  fait  beaucoup 
de  prisonniers.  Les  Achantis  se  préparent  à  la  guerre.  Il  y  a  à  craindre  que  le 
conflit  ne  soit  très  sanglant,  car  les  deux  États  sont  puissants  et  leurs  populations 
belliqueuses. 

Le  Comité  des  missions  de  Bâle  a  autorisé  le  missionnaire  Hamseyer,  d'Abétifi 
dans  le  pays  des  Achantis,  à  faire  un  nouveau  voyage  à  Coumassie,  pour  chercher 
à  obtenir  du  roi  ]a  permission  d'y  établir  une  station  missionnaire. 

Une  pétition  a  été  présentée  au  Sénat  et  à  la  Chambre  des  représentants  de 
Washington,  pour  demander  l'établissement,  avec  subside  du  gouvernement,  d'une 
ligne  de  bateaux  à  vapeur,  entre  un  port  des  États-Unis  et  Libéria. 

Le  ministre  italien  est  parti  de  Tanger  avec  sa  suite  pour  Fez,  où  il  doit  remet- 
tre au  sultan  du  Maroc  des  présents  de  la  part  du  roi  d'Italie. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 


James  Sibree.  Madagabcah.  Géographie,  Naturgeôchichte,  Ethno- 
graphie DER  Insel,  Sprache,  Sitten  \thd  Gebkedche  ihrer  Bewoh- 
SEB.  Leipzig  (F.  A.  Brockhaus),  1881,  in-8°,  424  pages  et  2  cartes,  10  fr. 
—  D' H.  Lacaze.  Souvenirs  de  Madagascar.  Paris  (Berger-Le\Tault 
et  C**),  1881,  in-8**,  166  pages  et  carte,  4  fr.  —  Des  deux  ouvrages  que 
nous  réunissons  dans  ce  compte-rendu,  le  second,  d'une  importance 
beaucoup  moins  grande  que  le  premier,  renferme  des  observations 
recueillies  pendant  un  voyage,  de  la  Réunion  à  la  partie  orientale  de  la 
côte  de  Madagascar,  avec  une  visite  à  Antananarive,  et  une  excursion  à 
rintérieur,  au  nord  de  la  rivière  Manangoure.  L'attention  du  D' Lacaze 
s'est  portée  surtout  sur  la  colonisation  française,  dont  il  donne  l'histoii-e, 
et  dont  les  essais  infructueux  l'engagent  à  insister  pour  que  l'on  renonce 
aux  idées  de  conquête,  qui  surgissent  encore  de  temps  à  autre.  Le  peu 
de  temps  que  l'auteur  a  pu  consacrer  à  ce  voyage  explique  les  lacunes 
de  ses  observations  ;  les  sources  auxquelles  il  a  puisé  (surtout  l'ouvrage 
de  Flacourt,  représentant,  de  1648  à  1654,  de  la  Compagnie  d'Orient 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  13,  rue  du  llLône,  à  Genève, 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  240  — 

patronnée  par  Richelieu),  les  erreurs  ethnographiques  que  l'on  peut 
signaler  dans  ces  pages  ;  et  l'époque  où  il  a  fait  son  voyage  (1868-69),  les 
doutes  qu'il  exprime  sur  la  possibilité  du  relèvement  des  populations  de 
Madagascar.  C'était  après  les  persécutions  sanglantes  qui  avaient  désolé 
cette  île,  et  au  moment  où  commençait  le  règne  de  la  souveraine  actuelle, 
Ranavalona  II,  qui  a  proclamé  la  liberté  de  conscience.  Les  progrès  con- 
statés dès  lors  auraient  pu  modifier  les  idées  du  D'  Lacaze. 

M.  James  Sibree  était  dans  des  conditions  toutes  différentes.  Un 
séjour  de  beaucoup  d'années  dans  les  provinces  du  centre  et  plusieurs 
voyages,  l'avaient  familiarisé  avec  le  pays  et  les  habitants  d'une  grande 
partie  de  l'île.  Fondateur  et,  depuis  cinq  ans,  éditeur  de  V Antananarivo 
Annual,  annuaire  scientifique  de  Madagascar,  il  avait  donné  un  centre 
commun  aux  recherches  des  explorateurs  de  l'île.  Aussi  a-t-il  pu,  à 
l'aide  des  riches  matériaux  que  lui  fournissaient  ses  expériences  person- 
nelles et  les  écrits  de  ses  collaborateui's,  composer  un  ouvrage  beaucoup 
plus  complet  que  ne  l'étaient  les  travaux  précédents  sur  Madagascar. 
U  Histoire  physique,  naturelle  et  politique  de  Madagascar  y  de  M.  Gran- 
didier,  sera  certainement  considérable^  mais  jusqu'ici  il  n'en  a  guère 
paru  que  le  quart.  M.  J.  Sibree  a  pu,  en  outre,  exposer  d'une  manière 
systématique  tous  les  faits  récenmient  découverts,  relatifs  à  la  flore  exu- 
bérante du  pays,  à  sa  faune  exceptionnelle,  à  l'origine,  à  la  langue,  aux 
mœurs  et  à  la  religion  de  ses  habitants.  L'étude  approfondie  de  la  flore, 
dont  certaines  espèces  appartiennent  à  la  presqu'île  de  Malacca,  et  ceDe 
de  la  faune,  —  à  laquelle  manquent  toutes  les  grandes  espèces  africaines 
de  mammifères  :  hyène,  zèbre,  antilope,  léopard,  lion,  girafe,  éléphant, 
etc.,  tandis  qu'elle  possède  des  espèces  inconnues  en  Afrique,  entre 
autres  celle  des  lémuriens,  —  l'engagent  à  admettre  l'opinion  de  plu- 
sieurs naturalistes,  conmie  Wallace  et  Geoffroy  de  Saint-Hilaire,  d'après 
lesquels  Madagascar  et  les  îles  voisines  sont  les  restes  d'un  grand  conti- 
nent, indépendant  de  l'Afrique  et  dont  la  partie  orientale  a  été  submer- 
gée. Dans  l'ethnographie,  tout  en  signalant  les  éléments  africains  intro- 
duits par  les  esclaves  amenés  de  la  côte  de  Mozambique,  et  ceux  qu'ont 
apportés  dans  l'île  les  Arabes  en  relation  avec  Madagascar  depuis  nom- 
bre de  siècles,  il  fait  ressortir  surtout  le  fait  que  le  costume  des  habitants, 
leurs  qualités  physiques  et  intellectuelles,  leur  langue  et  leurs  idées  reli- 
gieuses, obligent  à  admettre  des  rapports  entre  eux  et  les  Malais  des 
archipels  de  la  Mélanésie  et  de  la  Polynésie.  La  revue  des  progrès 
accomplis  depuis  1868,  époque  à  laquelle  les  missionnaires  purent 
reprendre  leurs  travaux,  n'est  pas  moins  intéressante:  langue  écrite 


—  241  — 

rendue  aux  habitants  de  Ttle;  système  complet  d'écoles;  développement 
du  commerce  d'importation  et  d'exportation,  de  l'industrie  et  des  arts; 
élévation  du  niveau  moral;  cessation  de  la  polygamie  dans  la  province 
d'Imerina.,  et  diminution  des  cas  de  divorce,  ainsi  que  de  l'abus  des 
boissons  spiritueuses,  au  point  que  la  population  d'Imerina  est  devenue 
Tune  des  plus  sobres  du  monde  ;  création  d'une  université,  d'une  litté- 
rature populaire  et  de  journaux  scientifiques,  voilà  tout  autant  de  faits 
qui  permettent  d'espérer  que  Madagascar  prendra  un  jour  une  place 
d'honneur  parmi  les  États  civilisés. 

L'auteur  de  cet  ouvrage,  dont  la  traduction  allemande  facile  à  lire 
nous  en  fait  désirer  une  française  aussi  bonne,  avait  l'intention  de  con- 
sacrer un  chapitre  spécial  aux  légendes,  aux  chants  et  aux  proverbes 
des  indigènes  de  Madagascar  ;  rappelé  subitement  en  Angleterre,  il  a  dû 
y  renoncer  pour  le  moment.  Mais  nous  espérons  qu'il  pourra  traiter  ce 
sujet  en  détail,  dans  un  ouvrage  à  part  qui  deviendra  un  complément 
important  de  celui  que  nous  venons  d'analyser. 

Skizzen  aus  West-Afrika.  Selbsterlebnisse  von  2)'  Oscar  Lem. 
Berlin  (A.  Hofinann  et  C**)  1878,  in-8'*,  346  p.  et  carte.  La  grande  répu- 
tation que  son  voyage  du  Maroc  à  St-Louis  du  Sénégal,  par  Tombouctou, 
a  value  au  D' Lenz,  ne  doit  pas  faire  oubUer  les  services  rendus  à  la  géo- 
graphie par  ses  précédentes  explorations  au  Gabon  et  à  l'Ogôoué.  La 
découverte  des  soui'ces  de  ce  dernier,  et  les  relations  nouées  par  Savor- 
gnan  de  Brazza  avec  les  tribus  du  haut  fleuve,  ont  fait  faire  à  nos 
connaissances  hydrographiques  et  ethnographiques  de  cette  partie  de 
l'Afrique  des  progrès  considérables,  mais  il  est  équitable  de  rappeler 
que,  lorsque  le  D' Lenz  fit  le  relevé  de  l'Ogôoué,  en  1876,  il  signala  le 
premier  le  changement  de  direction  du  cours  du  fleuve,  à  partir  du  pays 
des  Banchakas;  tandis  que  de  là  son  cours  vers  l'océan  est  d'est  en  ouest, 
en  amont  il  coule  du  S.-E.  au  N.-O.;  il  indiqua  aussi  la  position  approxi- 
mative de  ses  sources  par  2"  ou  3"  lat.  S.,  ajoutant  que  le  Congo,  depuis 
son  coude  au  nord  de  TÉquateui-,  courant  du  N.-E.  au  S.-O.,  il  ne  pou- 
vait y  avoir  qu'un  seuil  étroit  entre  les  bassins  des  deux  fleuves.  Entré 
en  1874  au  service  de  la  Société  allemande  pour  l'exploration  de  l'Afri- 
que équatoriale,  Lenz  passa  trois  ans  dans  cetts  région,  étudia  d'abord 
la  géologie  des  côtes  de  la  baie  de  Corisco,  puis  entreprit  plusieurs  voya- 
ges le  long  du  Gabon  et  de  l'Ogôoué,  tâchant  de  pénétrer  toujours  plus 
avant  dans  l'intérieur,  malgré  les  diificultés  qui  avaient  fait  échouer 
l'expédition  de  MM.  Marche  et  de  Compiègue. 


—  242  — 

Ces  Skizzen  ne  sont  pas  un  récit  de  ses  voyages  dans  le  sens  propre 
du  mot  ;  c'est  plutôt  un  recueil  de  monographies,  plus  ou  moins  indé- 
pendantes les  unes  des  autres,  sur  la  géographie  de  ces  côtes  peu  explo- 
rées jusqu'en  1874,  et  sur  les  conditions  sociales  de  leurs  populations. 
Chacun  des  chapitres  de  ce  volume  traite  d'une  question  spéciale,  par 
exemple,  la  colonie  française  au  Gabon,  la  chasse  aux  éléphants,  etc., 
ou  d'une  tribu  en  particulier  que  l'auteur  s'eflForce  de  décrire  sans  pré- 
jugés, telle  que  son  séjour  au  miheu  d'elle  lui  a  permis  de  la  voir.  Tout 
en  faisant  la  part  de  ce  que  l'imagination  a  donné  d'un  peu  trop  coloré 
aux  récits  de  Du  ChaiUu,  il  reconnaît  que  le  fond  en  est  vrai  en  général. 
Nous  ne  pouvons  pas  relever  tout  ce  que  ces  monographies,  complètes  et 
d'une  lecture  facile  pour  tous,  renferment  d'instructif  et  d'intéressant; 
nous  signalerons  cependant  l'étude  sur  les  Fans  cannibales,  et  celle 
sur  les  Abongos,  pygmées  de  l'Ogôoué,  à  l'occasion  desquels  l'auteur 
entre  dans  des  considérations  générales  sur  les  anthropophages  et  sur 
les  peuples  nains  de  l'Afrique,  assez  analogues  à  celles  qu'a  publiées 
notre  journal  (II"»  année,  p.  99  et  115,  et  ni"»  année,  p.  58).  Notons 
encore  son  chapitre  sur  le  conmierce  à  la  côte  occidentale  d'Afrique, 
celui  sur  les  lacs  de  l'Ogôoué,  et  dans  le  dernier,  consacré  à  St-Paul  de 
Loanda,  Thistorique  des  tentatives  faites  par  les  Portugais  pour  attein- 
dre, de  Loanda,  la  côte  orientale.  Une  carte-esquisse  permet  au  lecteur 
de  s'orienter  facilement  dans  la  région  explorée  par  le  voyageur. 

Ednwndo  de  Amicis.  Le  Maroc,  traduit  de  l'italien  pai*  Henri  Belle. 
Illustré  de  174  gravures.  Paris  (Hachette  et  C%  1882,  gr.  in-4%  408  p., 
30  fr.  —  Tous  ceux  qui  se  rappellent  la  verve  et  l'esprit  déployés  par 
de  Amicis  dans  le  récit  de  ses  précédents  voyages  à  Constantinople,  en 
Espagne,  à  Paris,  en  Hollande,  seront  heureux  de  retrouver  ces  mêmes 
qualités  dans  ce  volume,  pour  la  publication  duquel  la  librairie  Hachette 
a  su  réunir  le  luxe  du  papier  et  de  la  typographie  à  celui  des  gravures 
des  meilleurs  artistes.  Amateur  d'aventures,  de  détails  piquants,  de 
curiosités  de  toutes  sortes,  de  Amicis  a  eu,  dans  ce  voyage,  la  bonne  for- 
tune d'être  attaché  à  la  grande  ambassade  italienne  envoyée,  en  1875,  à 
Fez,  par  Victor  Emmanuel,  pour  porter  les  présents  de  ce  souverain  au 
jeune  sultan  du  Maroc,  Mouley-el-Hassan,  monté  sur  le  trône  en  1873, 
et  pour  chercher  à  obtenir  du  gouvernement  marocain  des  concessions, 
destinées  à  faciliter  certaines  branches  du  commerce  entre  l'Italie  et  le 
Maroc.  Cette  occasion  unique  a  permis  à  l'auteur  de  voyager  pendant 
deux  mois,  de  Tanger  à  Fez  et  à  Mequinez,  au  milieu  de  populations 


—  243  — 

fanatiques,  sans  courir  de  dangers  ;  nous  ne  dirons  pas  sans  recevoir 
d'injures,  car  la  haine  pour  les  chrétiens  est  inculquée  dès  Tenfance  aux 
indigènes,  dans  les  écoles  et  dans  les  mosquées,  pour  les  éloigner  de 
toutes  relations  avec  les  races  civilisées.  La  protection  de  l'escorte  four- 
nie à  Tambassade  a  eu  outre  valu  à  de  Aiuicis  la  possibilité  de  voir  le 
pays  et  les  villes  mieux  que  les  voyageurs  ordinaires,  de  pénétrer  là  où 
ceux-ci  ne  sont  pas  admis,  et  en  particulier  d'assister  à  l'audience  accor- 
dée à  l'ambassadeur  italien  par  le  sultan,  de  l'aveu  de  tout  le  persomiel 
de  l'ambassade,  le  plus  beau  et  le  plus  aimable  des  monarques  musul- 
mans. La  présence  de  deux  peintres  italiens  de  grand  talent,  MM.  Biseo 
et  Ussi,  attachés  aussi  à  cette  mission,  galopant  toujours  l'album  et  le 
crayon  à  la  main,  a  permis  d'illustrer  ces  pages  de  dessins  pris  sur 
nature,  et  en  particulier  de  la  scène  de  la  grande  audience  dans  laquelle, 
dit  l'auteur,  la  figure  du  sultan  est  merveilleusement  saisie.  Le  voyageur 
fixe  les  yeux  sur  tout,  et  dans  ses  observations  écrites  jour  par  jour, 
notées  sous  l'impression  du  moment,  nous  avons  la  peinture  des  choses, 
plus  saisissable  que  dans  une  description  longuement  élaborée.  Pendant 
la  marche  de  la  caravane,  il  en  étudie  les  personnages  un  à  im,  pour  les 
faire  figurer  et  parler  dans  son  livre,  tels  qu'il  les  a  vus  et  entendus. 
Dans  la  campagne,  il  nous  présente  l'admirable  variété  d'effets  pittores- 
ques de  l'escorte  dus  à  la  configuration  du  pays,  et  dans  les  villes,  les 
aspects  non  moins  variés  qu'ofi're  le  tableau  de  murailles,  de  portes,  de 
tours,  de  ruines,  de  boutiques  de  toutes  sortes  ;  et  avec  cela  combien  de 
figures,  belles,  grotesques,  horribles,  bouflbnnes,  étranges,  il  fait  défiler 
devant  nous  ;  c'est  une  vraie  fantasmagorie  de  pachas,  de  nègres,  de 
tentes,  de  mosquées,  de  tours  crénelées,  etc.  Dans  ses  notes,  nous  avons 
en  outre,  prises  sur  le  fait,  les  moeurs  et  les  habitudes  intimes  de  ce 
monde  marocain,  où,  malgré  le  voisinage  de  l'Europe,  se  sont  gardées 
si  vigoureuses  et  si  pures  les  coutumes  arabes  et  la  foi  musulmane.  Les 
femiUes  juives  et  berbères  l'ont  très  bien  accueilli,  et  il  a  pu  saisir  sur 
le  vif  les  particularités  de  leur  existence.  La  traduction  de  M.  H.  Belle, 
premier  secrétaire  d'ambassade,  rend  avec  fidélité  et  élégance  le  texte 
de  l'auteur,  dont  le  style  a  toute  la  grâce  et  la  légèreté  françaises,  et 
que  l'on  peut  nommer  à  bon  droit  le  plus  français  des  Italiens. 

Pbojet  d'exploration  dans  l'Afrique  centrale  par  l'Ouellé, 
par  M.  Léon  Lacroix.  Lille  (Imprimerie  Danel),  1881,  28  p.  et  carte. — 
L'hydrographie  de  la  région  comprise  entre  le  Chari  et  le  coude  septen- 
trional du  Congo  est  encore  très  peu  connue,  et  jusqu'à  ce  que  des 


—  244  — 

explorateurs  y  aient  pénétré,  nous  en  serons  réduits  à  des  hypothèses 
phis  ou  moins  plausibles.  Dans  Texposé  de  son  projet,  M.  Lacroix,  qui 
se  propose  de  remonter  le  Nil  et  le  Bahr-el-Ghazal,  pour  gagner  TOuellé 
et  par  celui-ci  TOcéan  Atlantique,  passe  en  revue  les  principales  suppo- 
sitions émises  à  l'égard  de  TOuellé.  Il  rejette  avec  raison  celle  de  Peter- 
mann  et  de  Stanley,  d'après  laquelle  TOuellé  serait  le  cours  supérieur 
de  TÂronouimi;  elle  n'est  plus  admissible,  en  effet,  depuis  que  le 
D'  Potages  a  suivi  TOuellé  jusqu'à  O'^SO'  à  l'ouest  du  méridien  sous 
lequel  l'Ârououimi  se  jette  dans  le  Congo.  Est-il  aussi  fondé  à  mettre  de 
côté  celle  de  SchweinAirth  :  que  l'Ouellé  formerait  le  cours  supérieur  du 
Chari,  parce  que,  dit-il,  le  Chari,  dans  son  cours  inférieur,  a  ses  crues 
en  mars,  tandis  que  cette  époque  serait  le  moment  des  plus  basses  eaux 
de  l'Ouellé  ?  Nous  ferons  d'abord  remarquer  que  le  Chari  a  deux  crues 
régulières,  l'une  en  mars,  l'autre  en  août.  Nous  avons  déjà  signalé 
cette  dernière  dans  notre  article  sur  l'hydrographie  du  Soudan  central 
(H""  année,  p.  60),  où  nous  avons  ad.opté  l'hypothèse  de  Schweinfurth, 
et  nous  croyons  encore  aigourd'hui  que,  quelle  que  soit  l'époque  des 
basses  eaux  de  l'Ouellé,  le  Chari  peut  avoir  une  crue  en  mars,  s'il  reçoit 
de  la  région  équatoriale  des  affluents  qui  lui  apportent  le  tribut  des  eaux 
qui  y  tombent  en  février.  Ces  cours  d'eau  venant  du  sud  doivent  ren- 
contrer l'Ouellé  qui  arrive  de  l'est,  et  en  porter  les  eaux  au  Chari. 

Cette  supposition,  d'ailleurs,  s'accorde  jusqu'à  un  certain  point  avec 
une  partie  de  la  triple  hypothèse  qu'émet  M.  Lacroix  après  avou*  rejeté 
les  précédentes.  D'après  lui,  l'Ouellé  gagnerait  l'Océan  à  travers  le  lac 
Liba,  d'oh  un  embranchement  formerait  le  coui's  supérieur  du  Bénoué, 
tandis  qu'un  autre  bras,  moins  considérable,  serait  un  des  affluents  de 
l'Ogôoué.  Ce  qu'il  peut  y  avoir  de  vraisemblable  dans  cette  hypothèse, 
c'est,  d'après  les  rapports  des  indigènes,  que  l'Ouellé,  au  sortir  de  la 
région  montagneuse  mentionnée  par  Potages,  alimenterait  un  grand  lac, 
ou  même  une  série  de  lacs,  analogues  au  lac  Tchad,  et  dont  les  limites 
varieraient  suivant  les  saisons,  tantôt  immenses,  tantôt  restreints,  mais 
à  bords  marécageux.  Que  ces  lacs,  ou  l'un  d'eux  soit  le  Liba  de  nos 
cartes,  nous  l'ignorons,  et  les  géographes  n'en  auront  la  certitude  que 
lorsqu'un  voyageur  l'aura  exploré.  Mais  ce  qui  n'est  plus  admissible, 
depuis  les  travaux  de  Flegel  sur  le  Haut-Bénoué,  c'est  que,  du  lac  ali- 
menté par  l'Ouellé,  celui-ci  se  rende  directement  au  Bénoué  pour  en 
former  le  coui-s  supérieur.  En  effet,  ayant  remonté  l'affluent  du  Niger 
jusqu'à  Bibago,  Flegel  a  constaté  qu'avant  sa  jonction  avec  le  Mayo- 
Kebbi,  le  Bénoué  n'est  qu'un  cours  d'eau  petit  et  peu  hnportant,  pre- 


—  245  — 

nant  8a  source  au  8.-E.,  dans  ]es  montagnes  de  TAdamaoua  méridional, 
et  que  c^est  le  Mayo-Kebbi  qui  parait  fournir  au  Bénoué  la  plus  grande 
partie  de  ses  eaux.  Celui-ci  reçoit  bien  de  celles  de  TOuellé,  mais  indi- 
rectement par  le  Chari,  le  marais  de  Toubouri  et  le  Mayo-Kebbi. 

Quant  au  second  embranchement,  qui  devrait  former  un  des  affluents 
de  rOgôoué,  on  ne  peut  plus  supposer  que  PAlima  se  dirige  vers  le  nord> 
depuis  que  Savorgnan  de  Brazza  Ta  descendue  jusqu'au  Congo.  Nous 
n^avons  su  trouver,  dans  les  renseignements  fournis  par  MM.  Marche 
et  de  Compiëgne,  rien  qui  permît  d'admettre  que  TOkono  ou  Tlvindo 
serait  cet  embranchement.  D'autre  part,  s'il  y  avait  un  cours  d'eau  joi- 
gnant le  grand  lac  salé  du  nord,  dont  parle  Brazza,  à  l'Ogôoué,  ce 
serait  par  là  que  les  indigènes  des  sources  de  l'Alima  seraient  approvi- 
sionnés de  sel,  tandis  qu'ils  tirent  ce  condiment  de  l'Atlantique. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  le  répétons,  dans  l'état  actuel  de  nos  connais- 
sances, nous  en  sommes  encore  réduits  à  des  hypothèses,  qui  ont  du 
moins  l'avantage  de  stimuler  le  zèle  des  explorateurs  et  d'en  susciter  d^ 
nouveaux.  Heureux  serons-nous  si  M.  Lacroix  peut  réaliser  son  projet 
et  si  son  expédition,  de  concert  avec  celles  de  Casati  et  de  Junker  le 
long  de  rOuellé  supérieur,  et  de  M.  RogozinsM,  s'avançant  de  la  baie 
de  Biafra  vers  le  centre,  réussit  à  lever  enfin  le  voile  qui  recouvre  cette 
partie  du  continent. 

Une  AV3sirruBs  a  Tombouctou,  par  M.  Prévast-Diiclos.  Paris  (Fir* 
ndn-Didot  et  0%  1882,  in-12,  394  p.  et  carte,  3  fr.  Ce  livre  est  une 
œuvre  d'imagination.  L'auteur  raconte  comment  un  corps  d'armée 
anglais,  allié  à  quelques  hordes  de  nègres,  vient  faire  le  siège  de  Tom- 
bouctou. Les  rares  soldats  qui  défendent  la  ville  ne  pourraient  lutter 
avec  succès  contre  les  assiégeants  ;  mais  leur  commandant,  un  Français» 
a  tant  de  ressources,  découvre  avec  tant  d'à  propos  un  arsenal  bien 
pourvu  dans  leç  fondations  d'une  mosquée,  que  Tombouctou  est  bientôt 
délivrée.  Placez  dans  ce  cadre  une  révolte  des  habitants  contre  les 
blancs,  un  onde  amoureux  de  la  nature  et  qui  trouve  une  foule  de  plan- 
tes nouvelles  dans  la  flore  de  Tombouctou,  une  jeune  fille  qui  cherche 
son  fiancé  au  centre  de  l'Afrique,  apprend  qu'il  est  mort  et  se  marie  à 
un  prince  Touareg  qui  se  trouve  être  un  prince  allemand,  et  vous  aurez 
le  canevas  de  cette  histoire.  On  lit  ce  livre  en  riant,  sans  remarquer 
qu'en  m^e  temps  on  s'instruit,  on  apprend  à  connaître  la  géographie 
exacte  de  ces  régions,  soudaniennes  et  sahariennes,  les  mœurs  de  leurs 
habitants,  et  enfin  les  noms  des  voyageurs  qui  ]es  ont  visitées. 


—  246  — 

Carte  du  Congo  depuis  son  embouchure  jusqu'à  Stanley  Pool,  par 
le  JS.  P.  Augonard  (Missiœis  catholiques).  —  LMmportance  toujours 
plus  grande  que  prend  aujourd'hui  le  cours  inférieur  du  Congo,  par  le 
fait  des  travaux  de  Stanley  et  de  l'établissement  des  stations  mission- 
naires et  autres  qui  s'y  multiplient,  donne  un  prix  tout  particulier  à  une 
carte  spéciale  comme  celle-ci.  On  ne  peut  pas  dire  que  le  dessin  four- 
nisse une  idée  très  exacte  de  la  vallée  que  le  fleuve  s'est  creusée,  depuis 
les  premières  cataractes  jusqu'à  Vivi,  dans  les  terrasses  qui  supportent 
]e  plateau  centi*al  africain.  En  revanche  la  quantité  de  noms  de  localité 
indique  bien  le  grand  nombre  d'habitants  qui  peuplent  ses  deux  rives, 
surtout  la  rive  septentrionale,  et  au  milieu  de  tons  ces  noms  se  distin- 
guent nettement  les  grands  centres  de  population,  les  lieux  de  marché, 
les  trois  stiitions  de  Stanley,  et  celles  des  missions  romaines  dans  le  bas 
du  fleuve.  Nous  aurions  désiré  que  le  P.  Augouard  eût  indiqué,  par  un 
signe,  les  six  stations  de  la  «  Livingstone  Inland  Mission  »  et  de  la  «  So- 
ciété des  missions  baptistes.  » 

> 

Richard  Kiepert.  Vorl^ufigk  Uebersicht,  von  D'  Max  Biichner's 
Reise  in  Lmida,  1878-1881.  Vsooooot.-  —  A  la  publication  de  la  Société 
de  géographie  de  Loanda,  de  laquelle  nous  avons  extrait  l'analyse  de  la 
conférence  du  D'  Btichner,  publiée  dans  notre  avant-dernier  numéro 
(pages  165-169),  était  joint  un  croquis  de  son  itinéraii-e  de  Malangé  à 
Moussoumbé  et  de  son  retour  par  une  route  plus  septentrionale.  Le 
savant  cartographe  Richard  Kiepert  a  dressé,  pour  accompagner  le  rap- 
port de  Bûchner  qui  a  été  publié  dès  lors  dans  les  Mittheihingen  de 
la  Société  africaine  allemande,  une  carte-esquisse  embrassant  tout  le 
pays  compris  entre  la  côte  et  le  Loualaba,  les  sources  du  Cassai  au  sud, 
et  les  limites  du  royaume  de  Lounda  au  nord.  Elle  permet  de  suivre 
très  facilement  l'itinéraire  du  voyageur,  eu  le  comparant  à  ceux  de 
Pogge  et  de  Schûtt,  et  de  se  rendre  compte  de  tout  ce  qui  reste  à  faire 
pour  déterminer  les  parties  encore  inconnues  des  rivières  de  ce  plateau. 
Espérons  que  l'expédition  de  MM.  Pogge  et  Wissmann,  qui  se  dirige 
plus  au  nord,  pourra  en  relever  de  nouvelles  sections,  de  manière  à  per- 
mettre d'en  donner  une  carte  plus  complète. 

L'Afrique  d'après  les  explorations  modernes,  par  l'abbé  Charles 
Bœmy,  Paris  (Sandoz  et  Thuillier),  1882,  gr.  in-8%  20  p.  —  Parmi  les 
travaux  entrepris  pour  vulgariser  les  résultats  des  découvertes  contempo- 
raines en  Afrique,  la  conférence  de  l'abbé  Raemy,  donnée  à  Fribourg,en 


—  247  — 

Suisse,  uous  parait  être  un  des  meilleurs  et  des  plus  populaires.  Le 
style  simple  en  demeure  totgours  noble,  et  elle  témoigne  d'une  connais- 
sance étendue  et  exacte  des  faits.  L'auteur  a  des  accents  émus  sur  la 
traite  et  une  sympathie  vraie  pour  l'œuvre  inaugurée  à  Bruxelles,  en 
1876;  aussi  ne  doutons-nous  pas  que  ses  auditeurs  n'aient  répondu  avec 
empressement  à  son  appel  en  faveur  de  la  régénération  de  l'Afrique,  et 
que  tous  ceux  qui  le  liront  ne  fassent  de  même. 

jy  E,  Chappet.  Études  sur  les  côtes  occidentales  de  l'Afkique, 
Lyon  (Imprimerie  générale),  1881,  in-8**,  29  et  30  pages  et  carte.  —  Des 
deux  études  réunies  dans  cette  brochure,  après  avoir  paru  dans  le  Bul- 
Mn  de  la  Société  de  géographie  de  Lyo^i,  la  première  est  un  résumé 
de  la  relation  de  M.  Féiis,  médecin  de  première  classe  de  la  marine 
française,  d'une  campagne  faite  en  1876  à  la  Côte  des  Esclaves.  La 
seconde  étude  fait  connaître  l'œuvre  entreprise,  de  1860  à  1863,  par  le 
missionnaire  italien  Borghero  à  la  côte  du  Dahomey,  son  voyage  à  la 
capitale  de  cet  État  et  une  excursion  au  mont  Cameroon. 

0.  Mac  Carihy.  Caste  du  Sud-Oranais  et  des  parties  ldotrophes 
DU  Maroc.  Vsooooo-  —  M.  Mac  Carthy,  le  savant  président  de  la  Société 
de  géographie  d'Alger,  prépare  une  publication  cartographique  qui 
embrassera  successivement  la  plus  grande  partie  de  l'Afrique  septen- 
trionale, de  la  Méditerranée  au  golfe  de  Guinée,  et  de  l'Atlantique  à  la 
vallée  du  Nil.  Vu  l'importance  actuelle  du  Sud-Oranais  et  des  parties 
limitrophes  du  Maroc,  il  a  commencé  par  cette  région,  en  s'aidant  des 
travaux  du  dépôt  de  la  guerre  et  du  cadastre,  de  ceux  des  généraux 
Wimpfen,  Colonieu,  de  Colomb,  et  des  explorateurs  Caillé  et  Rohlfe, 
contrôlés  par  ses  propres  observations  le  long  de  la  frontière  marocaine; 
aussi  sa  carte  offre-t-elle  toutes  les  garanties  désirables  de  sincérité. 
Le  relief  du  terrain  y  fait  défaut,  c'est  vrai,  mais  des  lignes  obliques 
représentent  les  axes  des  principales  chaînes  de  l'Atlas,  et  des  chiffres 
placés  près  de  certains  points  indiquent  leur  altitude. 

Kabyles  et  Kroumirs,  par  Charles  Farine.  Paris  (Ducrocq),  1882, 
in-8',  423  p.,  avec  illustr.,  7  fr.  —  Cet  ouvmge  ne  présente  guère  d'in- 
térêt d'actualité  malgré  son  titre.  C'est  le  récit  d'un  voyage  accompli 
dans  la  Kabylie,  il  y  a  plusieurs  années,  et  que  M.  Charles  Farine  publia 
sous  le  titre  :  A  travers  la  Kabylie.  Ce  livre  obtint  du  reste  beaucoup 
de  succès  à  son  apparition.  Plusieurs  chapitres  ont  été  remaniés,  d'au- 
tres ajoutés,  enfin  un  assez  grand  nombre  de  croquis  ont  été  intercalés 


—  248  — 

dans  le  texte.  Quant  aux  Kroumirs,  il  n'en  est  fait  mention  que  dans 
le  dernier  chapitre,  en  même  temps  que  de  Texpédition  de  Tunisie. 

Dans  cet  ouvrage,  le  lecteur  pourra  trouver  une  très  bonne  description 
d'Alger  et  de  la  Province  de  Constantine,  de  Philippeville,  Bone, 
Sétif,  etc.,  mais  surtout  une  excellente  étude  des  mœurs  des  peuplades 
de  la  Kabylie.  On  voit  que  Tauteur  a  séjourné  dans  ces  contrées  et  a  su 
en  observer  les  institutions  caractéristiques. 

D'  Friedrich  Embacher.  Lexikon  dsb  Reissx  uin>  Entdeckuhgen. 
Leipzig  {Biblioffraphisches  Institut)  1882,  in-8*,  400  pages,  5  fr.  65.  — 
A  mesure  que  grandit  l'intérêt  pour  les  explorations,  on  éprouve  tou- 
jours plus  vivement  le  besoin  d'un  livre  oU  l'on  puisse  trouver  les  rensei- 
gnements essentiels  sur  les  voyages  célèbres  des  temps  anciens  et  moder- 
nes, et  qui  nous  dise  en  même  temps  quand,  par  qui  et  conunent  ont 
été  découverts  les  pays  et  les  peuples  éloignés.  Jusqu'ici  nous  n'avions 
pas  d'ouvrage  pratique  à  consulter  à  cet  égard.  Le  D' Embacher,  auquel 
nous  devons  déjà  un  tableau  synchronique  des  explorations  de  notre 
siëde,  vient  de  rédiger  un  petit  volumOi  qui  permet  à  toute  personne 
cultivée  de  s'orienter  au  milieu  des  voyages  de  tous  les  temps.  U  a  divisé 
son  ouvrage  en  deux  parties,  dont  la  première,  la  plus  étendue,  renferme 
par  ordre  alphabétique  les  biographies  des  voyageurs  célèbres,  avec  des 
indications  bibliographiques  exactes  de  leurs  écrits,  de  leurs  cartes,  et 
d'articles  de  journaux  périodiques  allemands,  anglais  et  français,  pour 
faciliter  les  recherches  des  lecteurs  qui  tiennent  à  connaître  tous  les 
détails  de  la  vie  d'un  voyageur  ou  de  ses  explorations.  Dans  la  seconde 
partie,  plus  restreinte,  il  a  £Edt  une  revue  historique  des  voyages  de 
découvertes  par  (urdre  topographique.  Une  trentaine  de  pages  y  sont 
consacrées  à  l'Afrique.  Tous  ceux  qui  s'intéressent  à  la  géographie  et  à 
l'ethnographie  apprécieront  les  services  que  leur  rendra  ce  volume. 

P.'F.  Desvernine,  La  Frange  eh  AFBiauE  et  la  colonisation  rapods. 
Paris  (Imprimerie  Chaix),  1881 ,  in-8^,  8  p.  —  Dans  ces  quelques  pages, 
l'auteur  propose  l'immigration  chinoise  en  Algérie,  comme  le  moyen  le 
meilleur  de  civiliser  cette  colonie,  de  diminuer  les  chances  de  révolte  de 
la  part  des  Arabes,  et  de  développer  les  ressources  du  pays. 


249  — 


■     .'    '         ' 

I     .  I         • 


:     I  ( 


BULLETIN  TRIMESTRIEL  {4  septembre  1882): 


(  )• 


vi 


Le  prolongement  de  la  voie  ferrée  au  delà  de  Mécfaéria,  dont  nous 
parlions  dans  notre  dernière  livraison,  parait  décidé  ;  en  effet,  Tautorité 
militaire  de  TAl^érie  a  chargé  une  brigade  d'opérateurs,  sous  les 
ordres.de  M.  Meunier,  de  se  rendre  à  Aïn-Sefra  \  et  de  faire  les  études 
préliminaires  pour  rétablissement  d'un  chemin  de  fer  jusqu'à  ce  point- 
là  ;  M.  Meimier  a  en  outre  reçu  des  instructions  relatives  à  des  projets 
ultérieurs,  et  il  se  propose  d'étudier  les  diverses  vallées  qui  conduisent 
d'Aln-Sefra  à  Ain  Sflssifa,  Ich  et  Figuig.  Les  populations  des  ksours  de 
cette  oasis  souffrent  beaucoup  de  l'interruption  des  relations  commer- 
ciales avec  le  territoire  algérien,  par  suite  de  l'insurrection  des  tribus 
soulevées  par  Bou-Amema  et  Si-Sliman.  Elles  ont  choisi  récemment  des 
délégués,  qui  se  sont  réunis  et  ont  décidé  de  demander  au  gouverne- 
ment français  de  reprendre  les  relations  amicales,  telles  qu'elles  exis- 
taient précédemment,  entre  l'oasis  de  Figuig  et  les  possessions  françaises. 
—  Sur  la  fronti^e  orientale  de  l'Algérie,  la  construction  du  chemin 
de  fer  de  Soukarras  à  Grhardimaou*  est  poussée  avec  activité,  et 
l'ingénieur  qui  en  est  chargé  croit  pouvoir  afiSrmer  qu'avant  18  mois  les 
trains  de  Bône  arriveront  directement  à  Tunis.  D'après  le  Moniteur  de 
V Algérie,  une  brigade  d'opérateurs  a  été  envoyée,  à  la  demande  du 
ministère  de  la  guerre,  par  la  compagnie  Bône-Guetana,  pour  étudier 
un  prolongement  du  chemin  de  fer  de  Tebessa,  dans  la  direction  de 
Gafea  et  de  Gabès.  Le  tracé  en  est  facile;  à  partir  de  Tebessa  il 
suivrait  une  pente  peu  accidentée,  puis  de  vastes  plaines.  La  brigade 
est  déjà  rentrée  à  Bône  après  avoir  heureusement  accompli  sa  mis- 
sion. 

VAntislavery  Society  a  profité  de  la  réunion,  à  Constantinople,  de  la  . 
conférence  appelée  à  régler  les  affaires  de  l'Egypte»  pour  attirer  l'at- 
tention du  gouvernement  anglais  sur  l'esclavage  et  la  traite,  qui 
existent  encore  en  Turquie  et  en  Egypte.  Beaucoup  de  membres  du 
parlement  ont  appuyé  une  demande  de  cette  société,  tendant  à  ce  que  la 
question  de  la  suppression  de  la  traite  fût  soumise  aux  chambres  ;  rap- 
pelant les  résolutions  prises  par  celles-ci  en  1815,  lors  du  Congrès  de 
Vienne,  et,  en  1822,  à  l'occasion  du  Congrès  de  Vérone,  ils  ont  insisté 

*  V.  la  carte,  S"*  année,  n*  4,  p.  84. 

*  V.  la  carte,  2««  année,  n»  11,  p.  228. 

L'AFRI<2VE.   —   TROISIÈMS  AXSÈi.  —  M<*   11.  11 


—  250  — 

pour  que  des  instructions  spéciales  sur  ce  point  fussent  données  aux  plé- 
nipotentiaires anglais  à  Constantinople.  Le  ministère  a  fait  répondre,  par 
lordGranville,  que  la  conférence  ne  devant  s'occuper  que  de  la  suppres- 
sion de  la  révolte  militaire,  ne  pourrait  pas  aborder  cette  question.  Mais 
TÂntislavery  Society  est  revenue  à  la  charge,  en  demandant  que,  dans 
le  cas  où  la  force  des  événements  nécessiterait  une  révision  plus  étendue 
des  rapports  des  puissances  européennes  et  de  TÉgypte,  le  gouverne- 
ment anglais  insistât  pour  que  la  traite  et  l'esclavage  fussent  supprimés 
d'un  consentement  général.  Elle  a  fait  remarquer,  en  outre,  à  lord  Gran- 
ville  que  l'objet  de  la  conférence  étant  le  maintien  des  droits  du  souve- 
rain et  des  libertés  du  peuple  égyptien  garantis  par  les  firmans  du  çul- 
tan,  et  le  strict  accomplissement  des  engagements  internationaux  de 
l'Egypte,  ceux-ci  comprenaient  la  suppression  de  la  traite,  promise  à 
réitérées  fois  par  des  firmans.  Plusieurs  députés  des  chambres  fran- 
çaises ont  adressé  au  gouvernement  une  demande  analogue. 

Après  avoir  choisi,  pour  champ  de  travail  de  cette  année,  la  partie  de  la 
T^allée  du  Nil  de  Siout  à  Assouan,  le  D' Schioveinfurth  l'a  explorée 
dans  les  mois  d'avril  et  de  mai,  en  vue  de  compléter  la  carte  d'Egypte. 
Remontant  par  la  rive  gauche,  il  a  parcouru  la  vallée  de  Battagha,  entre 
Abydos  et  Farchut,  vallée  grandiose  où  l'on  peut  voyager  presque  tout 
le  jour  à  l'ombre,  entre  des  parois  perpendiculaires  de  roches  de  160" 
de  haut.  Il  n'estime  pas  réalisable  le  projet  de  M.  de  la  Motte,  de  régu- 
lariser le  cours  du  Nil  au  moyen  d'un  barrage  près  du  confluent  de 
l'Oued  Chalt;  il  estime  que  ce  serait  une  ruine  pour  l'Egypte  :  le  bas- 
pays  jusqu'à  Âssouan  serait  appauvri,  la  navigation  serait  arrêtée,  le 
limon  du  Nil  se  déposerait  en  amont  d' Assouan,  et  l'eau  qui  descendrait 
au  delà  serait  plus  salée  que  l'eau  de  mer,  car,  pour  les  travaux  à  exé- 
cuter, il  faudrait  creuser  dans  une  couche  de  véritable  sel  de  cuisine,  et 
tout  canal  que  l'on  mènerait  le  long  du  bord  du  désert  vers  l'Egypte 
moyenne  ne  fournirait  que  de  la  saumure.  —  Schweinfurth  a  exploré 
plusieurs  vallées  qui  débouchent  dans  celle  du  Nil,  et  constaté  partout 
d'anciens  dépôts  du  fleuve,  qui  permettent  de  conclure  à  un  abaissement 
de  la  vallée  principale,  non  seulement  pour  l'intervalle  en  amont  de 
Selselé,  où  était  autrefois  la  première  cataracte «^«anais  aussi  entre  Siout 
et  Abydos,  où  l'explorateur  a  trouvé,  le  long  de  la  lisière  du  désert,  des 
dépôts  du  Nil  à  plusieurs  mètres  au-dessus  du  lit  actuel  du  fleuve.  —  La 
récolte  était  extrêmement  abondante,  mais  les  troubles  du  Caire  ont 
ruiné  les  espérances  qu'elle  promettait.  —  Une  lettre  de  Khartoum  a 
informé  Schweinfurth  de  l'état  du  Soudan,  où  Mohammed  Ahmed 


—  251  — 

a  réussi  à  soulever  beaucoup  de  localités  contre  le  gouyernement  égyp- 
tien. Les  tribus  arabes  du  Senaar  ont  attaqué  la  ville  du  même  nom, 
brûlé  toutes  les  maisons  excepté  celle  du  gouvernement,  défendue  par 
quelques  soldats,  massacré  natifs  et  étrangers,  et  envoyé  une  partie  de 
leurs  forces  à  Eaoua  sur  le  NU-Blanc.  Près  de  Messalamié,  le  cheik 
Ahmed  Taka  s'est  déclaré  indépendant  du  gouvernement  égyptien. 
Toutes  les  communications  par  poste  ou  télégraphe  avec  Senaar  ont  été 
interrompues,  ainsi  que  celles  avec  le  Darfour,  Tinsurrection  ayant 
également  éclaté  dans  le  Eordofan.  Le  nouveau  gouverneur,  Âbdel- 
Kader  pacha  devait  tenir  tète  à  l'ennemi  partout,  avec  peu  de  troupes. 
Au  point  de  vue  de  la  suppression  de  la  traite,  où  attendait  beaucoup 
de  Giegler  pacha,  nonmié  chef  de  ce  nouveau  département,  qui  a  fait 
choix,  pour  l'aider,  de  bons  fonctionnaires,  MM.  Roth  et  Berghoff,  et  a 
adressé  4  tous  les  mudirs  des  instructions  spéciales  relatives  à  la  traite  ; 
mais  il  est  à  craindre  que  ses  bonnes  intentions  ne  soient  momentané- 
ment paralysées  par  les  troubles  politiques  du  Delta. 

L'expédition  auédoiae»  conduite  par  le  missionnaire  Arrhénius, 
a  cependant  pu  remonter  le  Nil-Bleu  de  Khartoum  à  Earkodsch,  où  le 
gouverneur  égyptien  la  reçut  très  bien,  fit  déposer  ses  bagages  dans  les 
magasins  de  l'État,  lui  procura  une  maison,  et  mit  même  sa  propre 
demeure  à  la  disposition  des  missionnaires.  De  Earkodsch  elle  prit,  le 
long  de  la  rive  droite  du  fleuve,  la  route  de  Famaka,  la  dernière  statit)n 
militaire  égyptienne,  à  la  frontière  du  pays  des  Gallas,  reliée  avec 
Khartoum  par  le  télégraphe,  et  avec  Berber  et  Souakim  par  un  service 
postal  hebdomadaire.  Mamo,  chargé  de  la  surveillance  de  cette  fron- 
tière, lui  fit  bon  accueil,  et  aida  M.  Ârrhénius  des  conseils  que  put  lui 
suggérer  son  expérience  de  ces  régions.  Quelques-uns  des  membres  de 
l'expédition  devaient  pousser  jusqu'à  trois  journées  de  marche  plus  au 
sud,  à  Beni-Changol,  et  y  conférer  avec  le  cheik  de  l'endroit  sur  la  , 
meilleure  route  à  prendre  pour  pénétrer  chez  les  Gallas.  Ils  devaient  en 
outre  y  louer  des  ânes  et  acheter  les  morceaux  de  sel  qui  servent  de 
monnaie  chez  ces  peuples.  Mais  bientôt  les  missionnaires  tombèrent 
malades,  les  Gallas  de  la  frontière  ne  voulurent  pas  les  recevoir,  etMarno 
leur  conseilla  de  se  rendre  à  Matama,  ville  du  Galabat,  pour  tâcher 
d'atteindre  de  là  le  pays  des  Gallas.  Il  paraît  qu'ils  ont  échoué.  Un 
télégramme  de  M.  Hansal,  au  consul  de  Suède  et  Norwège  à  Alexandrie, 
lui  a  annoncé  la  mort  de  M.  Arrhénius,  qui  avait  dû  revenir  à  Ehartoum 
avec  les  autres  membres  de  l'expédition. 

L^ Antislavery  Reporter  a  reçu,  par  l'intermédiaire  du  D'  Schwein- 


—  252  — 

forth,  des  renseignements  sur  la  traite  dans  la  province  de  Rohl 

(Haut-Nil),  visitée  Tannée  dernière  par  un  inspecteur  chargé  de  mettre 
fin  à  cet  odieux  trafic.  Â  peine  arrivé  dans  le  district  d^Amadi,  les  chef» 
nègres  qui  habitent  près  des  seribas  vinrent  se  plaindre  à  lui  qu'on  leur 
enlevât  constamment  leurs  gens,  spécialement  les  jeunes  garçons  et  les 
jeunes  filles.  Il  trouva  à  Biti  plus  de  200  Mombouttous  captifs  qu'il  ren- 
voya au  Makaraka,  pour  que,  de  là,  ils  regagnassent  leurs  villages.  A 
Suffi,  le  jour  de  son  arrivée,  266  personnes  furent  réclamées  par  leurs 
parents.  Le  gouverneur  d'Ayak,  De-fa-Allah,  détesté  et  redouté  de  tous 
les  nègres  du  pays,  jusqu'au  Mombouttou,  avait  enlevé  plus  de  400  escla- 
ves des  deux  sexes  et  de  tout  âge  aux  tribus  voisines,  Agahrs,  IQtchs» 
Atots  et  Mandaris.  Dans  cette  seule  localité,  boulevard  de  la  traite,  il 
n'y  avait  pas  moins  de  1500  esclaves  ;  à  Roumbek,  3000. 

Le  D' Ëmin  Bey  a  communiqué  aux  Mittheilungen  de  Ootha  une 
lettre  du  D'  tiunker,  de  laquelle  nous  extrayons  les  détails  sui- 
vants : 

Le  prince  des  Mambangas  \  que  l'explorateur  avait  réconcilié  avec 
l'expédition  égyptienne  chargée  de  recueillir  de  l'ivoire  dans  la  région 
de  rOuellé»  s'est  tourné  plus  tard  contre  celle-ci,  et,  à  l'approche  de 
son  chef,  Bahid  Bey,  se  retira  et  alla  camper  à  quelque  distance  à  l'est  ; 
Bahid  Bey  laissa  une  troupe  de  70  hommes  chez  les  Mambangas,  et 
autant  chez  les  A-Barambos,  puis  s'avançant  avec  le  colonel  Haouasch, 
à  10  kilom.  au  delà  de  l'Ouelld,  dans  la  direction  du  S.  0.,  il  étabUt  son 
camp  sur  une  colline,  d'où  l'on  découvrait  le  fleuve  avec  ses  groupes 
d'tles,  au  delà  le  pic  Augba,  et  plus  loin  les  montagnes  des  A-Madis.  Le 
camp  du  prince  Mambanga  fut  attaqué  et  ses  troupes  dispersées  ;  lui- 
même  échappa,  mais  son  enfant  de  prédilection,  à  peine  âgé  d'un  an» 
fiit  fait  prisonnier  avec  d'autres  de  ses  gens.  Une  partie  de  l'expédition 
égyptienne  poursuivit  les  fuyards  jusque  près  du  fleuve  Mayo,  qui,  à. 
deux  jours  de  marche  au  sud  de  l'Ouellé,  se  dirige  aussi  vers  l'ouest» 
Des  centaines  de  fugitifs  se  présentèrent  pour  livrer  leurs  armes,  et  le 
colonel  Haouasch  sut,  par  des  voies  pacifiques,  gagner  les  habitants  de 
ce  district,  qui  avaient  pris  la  fidte.  Pendant  que  cette  troupe  avait 
opéré  par  terre,  une  division  avait  agi  sur  l'OueUé,  accompagnée  des 
canots  des  MangbaUas,  dont  Haouasch  avait  obtenu  la  coopération  pour 
le  gouvernement  égyptien.  C'est  dans  cette  partie  de  l'OueUé  que 
commencent  les  groupes  d'tles  qui  se  prolongent  vers  l'ouest,  et  sont^ 

'  V.  3»*  année,  p.  2. 


■»• 


--  253  — 

comme  les  rives  voisines,  habitées  par  les  Embatas,  bateliers  de  la 
tribu  des  Mangbattous.  Se  croyant  en  sécurité  dans  leurs  îles,  ils  ne 
se  laissaient  pas  approcher  et  refusaient  les  embarcations  pour  le 
passage  du  fleuve,  mais  le  corps  auxiliaire  de  Texpédition  les  contrai- 
gnit à  reconnaître  la  suprématie  du  gouvernement.  Le  prince 
Mambanga  avait  réussi  à  se  sauver  vers  Test,  auprès  de  Sanga,  autre 
prince  Mangbattou,  que  Texplorateur  italien  Casati  a  visité.  Dès  lors 
Mbittima,  fils  de  Uando,  a  été  créé  souverain  du  pays  des  Mambangas, 
et  Bahid  Bey  qui  voulait  d^abord  étendre  son  expédition  jusque  chez 
les  A-Barambos  est  revenu  à  son  camp,  au  mont  Madjann,  dans  le  ter- 
ritoire des  Mambangas  ;  le  colonel  Haouasch  a  été  envoyé  vers  Touest, 
et  le  D' Junker  s'est  joint  à  lui  ;  il  a  marché  avec  lui  deux  jours  dans  la 
direction  N.  0.  Ëmin  Bey  n'arrivant  pas,  le  D'  Junker  a  expédié  à 
Bakangal  un  messager,  qui  est  revenu  au  bout  de  cinq  jours  avec  des 
gens  du  chef,  et  une  invitation  de  celui-ci  pour  le  voyageur  qu'il  aime- 
rait à  voir  ;  il  lui  envoyait  comme  présent  un  chimpanzé  et  trois  dents 
d'éléphant.  Junker  comptait  se  rendre  à  Bakangal;  puis,  en  deux 
jours,  en  marchant  vers  le  sud,  atteindre  le  Mayo,  au  delà  duquel  il 
espérait  pouvoir  faire  encore  deux  journées  de  marche.  De  là,  il  voulait 
revenir  chez  les  Mangbattous  à  l'est,  à  travers  les  territoires  de  Eanna, 
de  Bouli  et  de  Sanga.  L 'Quelle  offre  une  excellente  voie  fluviale  pour 
le  transport  de  l'ivoire,  et  pourrait,  moyennant  deux  ou  trois  stations, 
être  ouvert  jusqu'à  son  confluent  avec  le  Mayo  ;  par  là,  les  riches  ter- 
ritoires des  Â-Barambos  seraient  acquis  à  la  domination  égyptienne. 
Sur  la  rive  méridionale  du  Mayo,  régnent  les  princes  puissants 
Bakangal  et  Kanaa,  ainsi  que  leurs  frères  et  leurs  fils  ;  leur  autorité  est 
beaucoup  mieux  établie  que  celle  des  chefs  au  nord  du  Mayo.  L'incer- 
titude des  limites,  entre  les  gouvernements  d'Emin  Bey  et  de  Lupton 
Bey,  a  causé  de  grandes  difGicultés  aux  voyageurs  et  aux  fonctionnaires. 
Lés  chefs  hâtaient  de  leurs  vœux  la  venue  d'Emin  Bey,  qui  avait  quitté 
Ehartoum  à  la  fin  de  mars,  et  doit  avoir  rejoint  le  D'  Junker,  avec 
lequel  il  compte  entreprendre  une  expédition  au  S.-O.  de  Bakangal,  dans 
la  direction  de  l'Ârouimi.  M.  Eraldo  Dabbene,  ancien  oflicier  de  cava- 
lerior  est  parti  de  Ehartoum  pour  Lado,  afin  de  se  joindre  à  eux  pour 
ce  voyage.  La  Société  de  géographie  de  Rome  l'a  pourvu  d'instruments 
pour  les  observations  géographiques. 

Les  vides  causés  par  la  mort  dans  les  rangs  des  explorateurs  de 
l'Asiiociation  internationale  se  comblent  rapidement.  M.  Falke, 
lieutenant  du  génie  belge,  arrivé  à  Zanzibar  en  même  temps  que 


—  254  — 

M.  Cambier,  y  a  organisé  une  caravane  de  200  Zanzibarites,  avec 
laquelle  il  est  parti  pour  le  Congo  par  la  voie  du  Cap.  MM.  Stonns  et 
Constant  se  sont  rendus  au  Tanganyika,  le  premier  pour  y  prendre  la 
direction  de  la  station  de  Earéma,  en  remplacement  du  capitaine  Ramsec- 
kers  ;  le  second  devait  en  fonder  une  nouvelle  sur  la  rive  occidentale  du 
lac,  mais  sa  santé  Ta  déjà  obligé  à  revenir  en  Europe.  —  Â  Condoa, 
station  du  Comité  national  fïcançals»  les  défrichements  ont  été 
poussés  avec  activité,  des  champs  ont  été  créés,  et  des  villages  s'élèvent 
là  oii  auparavant  il  n'y  avait  que  fourrés  et  broussailles.  En  revanche, 
la  petite  vérole  y  sévit  avec  violence  ;  les  fourmis  blanches  y  perforent 
les  murs  et  dévorent  tout  ;  les  fauves,  lions,  panthères,  hyènes  visitent 
régulièrement  la  station.  L'année  a  été  extrêmement  pluvieuse;  du 
6  novembre  1881  au  24  avril  de  cette  année,  il  était  tombé  1",086  d'eau 
et  la  saison  des  pluies  n'était  pas  encore  finie;  aussi  la  M 'Condoa,  qui 
passe  à  700  mètres  de  la  station,  avait-elle  débordé  et  produit  une  véri- 
table inondation.  La  guerre  régnait  toujours  dans  l'Ourori,  d'où  les 
populations  s'enfuyaient  pour  venir  s'établir  dans  l'Ousagara,  où  la  pré- 
sence des  blancs  leur  inspirait  confiance.  Le  capitaine  Bloyet  a  dû  venir 
au  mois  de  juillet  à  la  côte,  pour  se  ravitailler  et  expédier  ses  collec- 
tions. 

Quant  à  l'expédition  du  Comité  national  allennand,  le  D'  Rei- 
chard  a  envoyé  im  rapport  sur  la  station  de  Gronda,  où,  sous  l'influence 
du  gouverneur  de  Tabora,  des  difficultés  ont  été  suscitées  aux  explora- 
teurs, qui  ont  dti  réclamer  l'intervention  de  Sald-Bargasch.  LesD"Bœhm 
et  Kaiser  ont  aussi  feit  parvenir  au  comité  un  récit  de  leur  voyage  au  Tan- 
ganyika,  avec  un  itinéraire  qui  a  permis  à  M.  Richard  Eiepert  de  donner 
une  carte  des  routes  suivies  par  les  voyageurs  allemands  dans  cette 
région.  Une  exploration  ultérieure  de  la  Wala,  par  les  D"  Bœhm  et  Rei- 
chard,  n'a  pas  pu  y  être  indiquée,  le  rapport  et  la  carte  qui  l'accompa- 
gne étant  arrivés  à  Berlin  après  l'achèvement  du  travail  de  M.  Kiepert. 
Les  Mittheilungen  de  la  Société  africaine  allemande  en  donneront  une 
reproduction  dans  un  prochain  numéro. 

Le  5  juillet  s'est  embarqué  à  Marseille,  pour  Zanzibar  et  l'Afrique 
équatoriale,  un  nouvel  explorateur  français,  M.  G^rand»  auquel  le 
ministère  de  l'instruction  publique  a  confié  une  mission  scientifique, 
quoique  ce  soit  à  ses  frais,  et  poussé  par  l'amour  de  la  science  géogra- 
phique, qu'A  entreprend  ce  voyage.  H  se  propose  de  passer  trois  ou  qua- 
tre mois  à  Zanzibar,  pour  préparer  sa  caravane  et  se  femiiiliariser  avec  la 
langue  des  indigènes,  le  souahéli  ;  puis  il  se  dirigera  vers  le  lac  Ban- 


—  255  — 

gonéolo,  soit  par  la  route  de  CamdBron  et  de  Stanley,  que  fréquentent 
les  caravanes  et  qui,  par  Tabora,  conduit  à  travers  l'Ounyamouési  sur 
les  rives  du  Tanganyika,  soit  par  la  route  plus  salubre  qu'a  explorée 
Tannée  dernière  J.  Thomson,  et  qui,  partant  de  Dar-es-Salam,  mène 
à  Textrémité  nord  du  Nyassa  et  au  Tanganyika.  Il  est  accompagné  de 
M.  J.  Lapert,  qui  a  fait  partie  de  la  mission  Grallieni,  et  s'est  distingué, 
sous  le  colonel  Borguis-Desbordes.  Ils  emportent  avec  eux  un  bateau 
démontable,  solide,  que  M.  Griraud  a  fait  construire  en  Angleterre,  et 
avec  lequel  il  compte  faire  la  circumnavigation  du  lac  Bangouéolo,  sur 
les  bords  duquel  Livingstone  est  mort  en  1873.  Pendant  qu'il  fera 
l'exploration  de  ce  lac,  sa  caravane  en  longera  le  littoral  septentrional, 
pour  se  rendre  ensuite  avec  lui  au  lac  Moéro.  De  là  û  descendra  pro- 
bablement le  Congo,  comme  l'a  fait  Stanley,  jusqu'à  Ntamo,  la  station 
fondée  par  Savorgnan  de  Brazza,  qui  lui  a  remis  son  pavillon  comme 
emblème  de  paix. 

Les  missionnaires  anglais,  destinés  à  renforcer  les  stations  du 
Vicibria-Nyanza  et  du  Tanganyika,  sont  bien  arrivés  à  Zanzibar,  où 
M.  Stokes  avait  déjà  fait  les  préparatife  nécessaires  pour  ceux  qui 
devaient  se  rendre  dans  l'Ouganda.  Les  armées  de  Mtésa,  envoyées 
dans  rOusoga  et  à  Gambarayma,  en  ont  ramené  beaucoup  de  butin, 
bestiaux  et  esclaves,  après  y  avoir  ravagé  les  terres,  dévasté  les  villages 
et  conmiis  de  grands  massacres.  Les  Arabes  cherchent  à  ressaisir  leur 
influence  sur  Mtésa  et  à  obtenir  qu'il  éloigne  les  missionnaires  euro- 
péens. Bs  se  présentent  à  lui  comme  les  seuls  bienfEtiteurs  du  pays, 
auquel,  disent-Us,  ils  fournissent  tout,  étoffes,  fusils,  poudre,  etc.,  et  en 
même  temps  ils  s'efforcent  de  faire  croire  au  roi  que  les  blancs  sont  des 
espions  envoyés  pour  étudier  le  pays,  qu'ils  ont  beaucoup  de  fusils,  et 
créeront  sur  place  une  année  dont  ils  se  serviront  pour  s'en  empa- 
rer. Dans  une  séance  solennelle,  à  laquelle  assistaient  l'Arabe  Suliman, 
le  P.  Lourdel  et  M,  O'îlaherty ,  le  premier  dépeignit  tous  les  blancs  qu'il 
connaissait  à  la  côte.  Anglais,  Français,  Portugais,  Américains,  Hollan- 
dais, sous  les  plus  tristes  couleurs,  mais  «  les  pires  de  tous,  dit-il,  ce 
sont  les  Anglais;  dévoreurs  de  pays,  ils  ont  englouti  l'Amérique,  et 
rinde,  et  la  côte  de  Zanzibar.  »  —  «  Oui,  répondit  M.  O'Flaherty,  nous 
avons  englouti  tout  Zanzibar,  gens  et  maisons,  bestiaux  et  arbres,  tout  ; 
il  n'y  a  plus  à  la  côte  que  des  pierres,  et  nous  allons  les  engloutir  aussi  ; 
nous  engloutirons  ce  pays,  mais  pour  cela  il  faut  auparavant  que  nous 
reprenions  des  forces,  aussi  demandé-je  au  roi  une  chèvre  pour  me  récon- 
forter. »  La  réponse  de  M.  O'Flaherty  mit  Mtésa  en  belle  humeur,  et  il 


—  256  — 

ordonna  à  son  intendant  de  donner  la  chèvre  demandée.  M.  Mackay  a 
fait  nn  essai  d'atteler  un  bœuf  et  une  vache  à  un  char  fabriqué  par  les 
missionnaires  ;  l'essai  a  réussi  et  a  produit  un  grand  effet  sur  les  Wagan- 
das,  qui  ne  s'imaginaient  pas  qu'on  pût  employer  des  bœufe  pour  le  tra- 
vail. Mais  il  reste  toujours  dans  l'esprit  de  Mtésa  quelque  chose  des 
accusations  des  Arabes  contre  les  Européens.  Il  ne  veut  plus  permettre 
à  ses  gens  d'apprendre  à  lire,  pour  qu'ils  n'acquièrent  pas  des  connais- 
sances supérieures  aux  siennes  ou  à  celles  des  chefe  Wagandas.  Il 
souffre  continuellement,  s'aigrit  de  jour  en  jour,  et  a  récenunent  con- 
damné à  être  brûlé  vif  un  indigène  catholique,  qui  a  subi  courageuse- 
ment ce  supplice,  avec  une  centaine  d'autres  sujets  du  roi.  On  n'en  pré- 
pare pas  moins  à  Alger  un  nouveau  départ  de  missionnaires  pour 
l'Afrique  centrale  orientale. 

Dans  un  voyage  qu'a  fait  le  P.  Baur  pour  visiter  les  stations  de 
Mhonda  et  de  Mandera,  fondées  par  les  missionnaires  de  Bagamoyo,  il 
a  traversé  l'Oudtiéy  entre  le  Vouami  et  le  Eingani,  dont  les  habitants, 
originaires  du  Manyéma,  sont  encore  cannibales,  et  oii  les  Arabes  et  les 
explorateurs  ne  s'aventurent  'guère.  Leurs  champs  sont  bien  cultivés  ; 
ils  ont  des  troupeaux  de  moutons  et  de  chèvres  ;  mais,  en  général,  leurs 
villages  sont  placés  sur  le  sommet  des  montagnes  et  cachés  dans  des 
fourrés,  ou  entourés  de  lianes,  d'épines,  de  broussailles  ;  plusieurs  sont 
fortifiés  par  des  palissades  faites  de  grosses  pièces  de  bois  et  de  troncs 
d'arbres.  A  la  mort  des  chefs,  on  enterre  avec  eux  quelques  femmes  qui 
doivent  être  leurs  servantes  dans  l'autre  monde,  on  organise  des  danses, 
on  fait  de  grands  festins,  on  boit  du  sang  dans  des  crânes,  on  se  régale 
de  chair  humaine.  Pour  cela,  les  Wadoés  font  des  chasses  à  l'honune. 
La  chair  des  Wahamis,  leurs  voisins,  leur  paraît  supérieure  à  toute 
autre;  à  certaines  époques  de  l'année,  ils  vont  se  poster  à  l'affût  dans 
les  broussailles,  aux  confins  de  l'Oukami,  se  jettent  sur  les  passants,  les 
saisissent  et  les  entraînent  h  leurs  villages.  Souvent  les  caravanes  sont 
arrêtées,  ou  sont  obligées  de  prendre  un  chemin  plus  long  et  plus  diffi- 
cile, parce  que  les  porteurs  ne  se  soucient  pas  de  servir  de  pâture  à  ces 
cannibales.  A  l'arrivée  du  P.  Baur  dans  leur  pays,  les  Wadoés  accou- 
rurent de  leurs  villages,  entourèrent  la  petite  caravane  ;  puis,  se  mon- 
trant l'un  à  l'autre  tel  ou  tel  des  porteurs  :  «  Que  celui-là  serait  bon!  » 
disaient-ils  en  faisant  claquer  leur  langue,  a  Moi,  je  n'en  voudrais 
pas,  disait  un  autre,  il  sent  l'Arabe;  mais  ce  grand-là,  qui  ressemble  à 
une  girafe,  doit  être  excellent!  »  Heureusement  pour  les  porteurs,  les 
Wadoés  n'avaient  pas  de  grandes  cérémonies  à  ce  moment-là.  Au  reste. 


—  257  — 

ils  n'aiment  pas  à  parler  de  ces  pratiques  sanguinaires.  Le  père  de  Sald 
Bargasch  a  cherché  à  les  exterminer.  On  les  a  traqués  comme  des  bêtes 
&UYes,  les  prisonniers  ont  été  vendus  à  yil  prix,  pour  quelques  épis  de 
mais  ;  on  n*est  pas  arrivé  à  les  déloger  de  leurs  broussailles,  ni  du  som- 
met de  leurs  montagnes  ;  les  Arabes  ont  dû  se  retirer,  la  guerre  a  cessé, 
et  ils  sont  restés  libres  et  anthropophages.  Ils  n'ont  pas  d'esclaves,  et 
la  polygamie  n'y  est  pas  générale;  seuls  les  chefs  ont  plusieurs  femmes. 
La  Société  des  mlssioits  de  Londres  a  envoyé  cinq  nouveaux  mis- 
sionnaires, dont  un  médecin,  pour  renforcer  les  stations  du  Tan^a- 
nytka.  Partis  avec  M.  le  capitaine  Hore  et  sa  femme  (la  première  Euro- 
péenne qui  se  rende  k  ce  grand  lac),  ils  ont  emmené  avec  eux  deux 
artisans  missionnaires,  et  un  marin  qui  sera  le  pilote  de  la  mission.  Es 
emportaient  un  canot  de  sauvetage  en  acier,  démontable,  et  seront  suivis 
d'un  navire  plus  grand,  qui  sera  pourvu  d'une  machine  à  vapeur; 
M.  Hore  en  aura  le  commandement.  Ils  sont  aussi  munis  du  nécessaire 
pour  commencer  un  enseignement  industriel  aux  indigènes,  afin  de  tra- 
vailler à  leur  relèvement  matériel,  en  même  temps  qu'ils  poursuivront 
leur  relèvement  spirituel.  Deux  des  missionnaires  resteront  à  Ourambo, 
auprès  du  D'  Southon,  qui  y  continue  son  œuvre  médicale  ;  toi\jours  en 
bons  rapports  avec  Mirambo,  il  a  pu  nouer  aussi  des  relations  amicales 
avec  des  che&  influents  venus  dans  la  localité.  Deux  autres  mission- 
naires rejoindront  M.  Griffith  au  delà  du  Tanganyika,  à  Boutonga,  où  il 
a  transféré  la  station  de  Mtoua,  et  oii  il  est  à  l'abri  de  la  fièvre,  ce  vil- 
lage étant  à  plus  de  100  mètres  au-dessus  du  lac.  Des  emplacements 
convenables  seront  choisis  pour  de  nouvelles  stations;  les  vapeurs 
serviront  à  entretenir  de  firéquentes  communications  entre  les  éta- 
blissements missionnaires  des  bords  du  lac,  et  à  visiter  les  tribus  qui 
l'environnent.  —  M.  Hutley,  qui  a  passé  cinq  ans  au  Tanganyika  au 
service  de  la  Société  des  missions  de  Londres,  a  fourni  au  limes  des 
renseignements  sur  les  progrès  des  traEquants  arabes  et  sur  leurs 
caravanes  d'esclave»  le  long  de  la  route  de  Nyangoué  à  Zanzibar,  par 
Mtoua  et  Oudjidji.  Tabora,  Oudjidji  et  Nyangoué  sont  les  trois  grands 
centres  de  l'influence  arabe  et  du  commerce  des  esclaves  et  de  l'ivoire. 
Chaque  année,  le  nombre  des  trafiquants  arabes  augmente,  et  ils 
s'avancent  plus  loin  à  l'intérieur,  à  la  recherche  de  l'ivoire  qui  devient 
plus  difficile  à  obtenir  dans  les  districts  de  l'est;  à  mesure  qu'ils  avan- 
cent vers  l'ouest,  les  esclaves  deviennent  plus  nombreux  et  moins  coû- 
teux; chaque  marchand  en  a  autant  qu'il  le  veut,  et  ces  esclaves  désirant 
imiter  leur  maître  dans  l'exercice  de  l'autorité,  s'en  procurent  d'au- 


—  258  — 

très  qui,  à  leur  tour,  ont  aussi  des  esdaves  pour  aller  leur  chercher  de 
Teau,  acheter  des  vivres,  etc.  De  cette  manière,  l'esdavage  pénètre 
toujours  davantage  dans  la  vie  sociale  des  indigènes.  M.  Hutley  a  connu 
à  Oucyidji  plusieurs  des  Arabes  mentionnés  par  Livingstone,  et  les  a 
vus  commettre  toutes  les  atrocités  racontées  dans  le  a  Dernier  journal  » 
de  celui-ci.  A  l'arrivée  des  missionnaires  anglais,  ils  cadièrent  leurs 
mauvais  traitements  par  peur  du  gouvernement  britannique,  mais  peu  à 
peu  ils  se  montrèrent  tels  qu'ils  sont.  M.  Hutley  a  vu  venir  de  TOugouha 
une  caravane  de  3000  personnes,  en  grande  majorité  esclaves,  apparte- 
nant à  Hamed-ben-Mahomed  et  à  d'autres  Arabes  influents.  Les  vivres 
étant  rares  pour  les  natife,  il  était  impossible  de  nourrir  toute  cette 
multitude,  aussi  beaucoup  mouraient  de  £aim,  et  à  la  suite  de  la  cara- 
vane on  trouvait  des  cadavres  de  personnes  tuées  ou  mortes  d'épui- 
sement. Une  autre  fois,  le  nommé  Syed-bin-Habib  amena  300  esclaves 
du  Manyéma,  mais  50  seulement  atteignirent  l'Ounyanyembé.  Il  est 
difficile  de  dire  combien  d^claves  amenés  aux  marchés  d'Oudjidji  et  de 
Tabora  arrivent  à  la  côte. 

MM.  J.  Johnson  et  Janson,  de  la  Mission  des  Universités,  ont  tra- 
versé tout  le  plateau  de  Masasi  au  Nyassa,  M.  Johnson  dressant,  che- 
min âdsant,  la  carte  du  voyage,  des  montagnes  et  des  affluents  de  la 
Rovtfuma,  jusqu'à  la  ligne  de  partage  des  eaux  entre  le  bas^n  de  cette 
rivière  et  celui  du  Nyassa,  tandis  que  M.  Janson  rédigeait  le  journal  de 
l'expédition.  Malheureusement,  M.  Janson  est  mort  peu  de  temps 
après  l'arrivée  de  celle-ci  à  Masanjé,  village  de  plus  de  1000  maisons, 
au  milieu  d'une  population  nombreuse  dont  le  chef,  jeune,  simple  et 
agréable,  a  fait  bon  accueil  aux  missionnaires.  M.  Johnson  a  rencontré  à 
Chitesi  M.  James  Stewart,  venu  avec  VHala  de  la  station  de  Bandaoué, 
pour  achever  le  levé  de  la  côte  orientale  du  lac  jusqu'à  Livingstonia  au 
sud.  Après  avoir  terminé  ce  travail,  il  est  reparti  pour  lever  la  partie  de 
la  côte  au  nord  de  Chitesi.  Quand  il  aura  atteint  l'extrémité  nord,  il 
jugera  si  l'état  du  pays  permet  de  reprendre  le  travail  de  la  route  entre 
les  deux  lacs,  interrompu  par  l'attaque  du  chef  Mombéra. 

D'après  une  source  autorisée  de  MosBamibique,  les  Portugais  ont 
l'intention  d'occuper  militairement  un  ou  deux  points  du  Haut-Chiré  ou 
du  Nyassa;  une  expédition  à  cet  effet  a  dû  partir  en  avril  ou  en  mai  ;  on 
craint  que  cela  n'amène  des  conflits  avec  les  indigènes.  H  est  également 
regrettable  que  le  gouvernement  portugais  ait  rappelé  M.  Sarmento, 
gouverneur  général  de  Mozambique,  qui,  avec  M.  O'Neill,  représentant 
anglais  dans  cette  colonie,  surveillait  avec  vigUance  l'exportation  d'es- 


—  259  — 

claves  à  Madagascar  et  aux  Comores,  surtout  aux  tles  Johanna  et 
MohiOa,  où  les  plantations  de  sucre  réclament  beaucoup  d'ouvriers. 
D'autre  part,  le  gouvernement  portugais  a  autorisé  Témigration,  à 
Mayotte  et  à  Nossi-Bé,  des  indigènes  habitant  les  possessions  portugaises 
de  la  côte  orientale  d'Afrique,  émigration  qui,  sous  un  nom  déguisé, 
peut  amener  le  renouvellement  de  la  traite. 

La  concession  d'un  port  franc  dans  l'Ile  Johanna,  obtenue  par 
M.  G.  SuccI  pour  les  marchandises  italiennes,  a  engagé  l'Association 
maritime  de  6ènes  à  nommer  une  commission,  pour  examiner  le  projet 
de  M.  Succi  relatif  aux  rapports  commerciaux  à  établir  entre  l'Italie  et 
cette  partie  de  l'Afrique  orientale.  La  commission  s'est  déclarée  favo- 
rable à  ce  projet  ;  des  statuts  vont  être  élaborés  pour  une  société  com- 
merciale, et,  dès  qu'un  nombre  suffisant  d'adhésions  auront  été  recueil- 
lies, un  comité  d'initiative  sera  constitué  à  Gênes.  Le  roi  d'Italie  appuie 
ce  projet  et  a  promis  de  s'intéresser  à  sa  réalisation,  en  le  recommandant 
à  l'attention  du  ministre  des  affaires  étrangères,  M.  Mancini. 

Ensuite  d'une  communication  de  M.  Palva  d'Andrada  à  la  commis- 
sion africaine  de  la  Société  de  géographie  de  Lisbonne,  sur  son  explora- 
tion au  nord  et  au  sud  du  Zambèze,  cette  conmiission  a  formulé  le  vœu 
que  le  gouvernement  portugais  envoie  un  délégué  auprès  d'Onmzilay 
pour  régler  les  rapports  de  ce  souverain  avec  les  postes  de  Sofala  et  de 
Senna,  ainsi  que  la  question  de  la  sécurité  des  communications  des  con- 
trées dépendant  du  conmiandant  militaire  de  Manica,  soit  avec  ces  postes 
soit  avec  la  côte,  et  celle  de  l'installation  d'un  résident  portugais  auprès 
d'Oumziia.  Elle  voudrait  en  outre  qu'un  représentant  officiel  fftt  envoyé 
à  Gomgosa,  au  S.-O.  de  Senna,  avec  un  petit  détachement  de  soldats, 
et  que  le  commandant  de  Manica  reçût  un  renfort  d'hommes  d'élite, 
possédant  les  aptitudes  voulues  pour  créer  des  postes  de  civilisation. 

La  situation  du  pays  des  Zoulous  n'est  pas  satisfaisante;  la  popu- 
lation  indigène  est  mécontente  des  chefe  que  le  gouvernement  anglais  a 
établis  sur  le  pays,  en  particulier  de  Oham,  frère  de  Cettiwayo,  et  de 
John  Dunn,  que  les  Zoulous  accusent  d'être  la  cause  de  tous  leurs  maux. 
Oundabouko,  parent  de  l'ancien  roi,  est  entré  en  conflit  avec  Oham,  et  a 
restauré  le  système  de  gouvernement  contre  lequel  avait  été  dirigée  la 
guerre  des  Zoulous  :  s'il  réussissait  à  se  rendre  maître  du  Zoulouland 
septentrional,  la  situation  de  Natal  pourrait  devenir  critique,  car  il 
poursuivrait  vraisemblablement  ses  succès  vers  le  sud,  et  John  Dunn  ne 
saurait  guère  résister  à  l'invasion  de  son  territoire,  beaucoup  de  ses 
sujets  menaçant  de  fafre  défection.  En  attendant,  Cettlinrayo  est  arrivé 


—  260  — 

en  Angleterre  pour  plaider  lui-môme  sa  cause  auprès  de  la  reine.  D  est 
accompagné  de  trois  clie&  zoulous,  d'un  médecin,  zoulou  aussi,  et  de 
M.  Henrique  Shepstone  en  qualité  d'interprète.  H  viendra  à  Paris  passer 
une  dizaine  de  jours,  et  s'y  rencontrera  peut-être  avec  un  autre  souve- 
rain afiricain,  le  roi  de  M'Has,  Abbéo»  l'un  des  principaux  tributaires 
du  roi  de  Dahomey,  qu'aijaène  en  Europe  un  Français  résidant  depuis 
longtemps  dans  ses  États,  et  qui  était  attendu  à  Marseille  vers  le  10  août. 

Les  missionnaires  romains,  conduits  au  Zambëze  par  le  P*  Depel- 
chin,  se  préparent  à  s'établir  définitivement  dans  la  vallée  des  Barot- 
ses.  Après  avoir  obtenu  du  roi  Lebuschi  l'autorisation  de  se  rendre  auprès 
de  lui,  ils  se  dirigèrent  de  Séchéké  vers  Nariale,  sur  la  rive  gauche  du 
fleuve,  en  face  du  kraal  royal,  et  résidence  de  Matowka,  sœur  aînée^e 
Lebuschi,  en  réalité  reine  des  Barotsés.  Elle  reçut  les  missionnaires 
avec  de  grands  honneurs  et  leur  demanda  de  s'établir  au  milieu  de  son 
peuple.  Conmie  atnée  de  la  famille  royale,  elle  aurait  eu  droit  à  l'empire 
des  Barotsés,  mais,  ne  voulant  pas  occuper  ce  poste  dangereux,  elle  a 
laissé  le  trône  à  son  frère  Lebuschi.  De  son  côté,  celui-ci  fit  bon  accueil 
aux  missionnaires,  agréa  leur  demande,  la  fit  ratifier  dans  une  assem- 
blée publique,  et  les  pria  de  rester  auprès  de  lui.  H  n'a  rien  de  sauvage  ; 
jeune  encore,  il  porte  le  costume  européen,  est  simple,  gracieux  et  poli. 
Il  accorda  aux  missionnaires  une  pièce  de  terre,  sur  les  hauteurs  qui 
dominent  la  vallée  des  Barotsés  au  sud-est,  et  leur  promit  des  esclaves 
pour  leur  aider  aux  travaux  de  construction.  Il  leur  permit  également 
d'établir  une  seconde  station  à  Séchéké  où  ils  auront  une  ferme,  et  leur 
demanda  de  lui  amener  une  charrue  et  un  wagon.  Il  enverra  de  Les- 
chôma  des  canots  pour  prendre  leurs  bagages  et  les  faire  transporter 
chez  lui.  L'induna  Ratow,  chargé  de  garder  la  route  qui  mène  du 
Zambèze  à  la  vallée  des  Barotsés,  devra  condmre  l'expédition.  Outre  ces 
deux  stations,  le  P.  Depelchin  se  propose  d'en  fonder  une  autre  k 
Mowemba,  plus  bas  sur  le  Zambèze,  dont  le  chef  lui  a  aussi  demandé 
des  missionnaires. 

Notre  Bulletin  était  sous  presse  quand  nous  avons  appris,  par  les 
Mittheïlungen  de  la  Société  (africaine  allemande,  l'heureuse  arrivée  du 
D' Po^i^e  à  Maquen^né  <•  Nous  donnerons  les  détails  de  sa  lettre 
dans  notre  prochaine  livraison.  Disons  seulement  aigourd'hui  que  le 
chef  de  Muquengué  a  o£fert  de  conduire  lui-même  l'expédition  aile* 
mande  au  lac  Moucambo,  d'où  elle  comptait  gagner  Nyangoué.  Après 

« 

^  Voir  la  carte  de  Schûtt,  V  année,  p.  160. 


—  261  — 

cela  M.  Wissmann  se  dirigera  sur  Zanzibar,  tandis  que  le  D'  Pogge 
reviendra  à  Muquengué,  pour  y  attendre  l'arrivée  d'une  nouvelle  expé- 
dition. Les  plans  du  D'  Buchner,  qui  devait  partir  au  printemps  pro- 
chain, pour  aller,  par  le  Congo,  à  la  rencontre  de  ses  compatriotes, 
seront  sans  doute  modifiés. 

Une  nouvelle  expédition  bel^e  a  été  envoyée  au  Con^o»  sous  le 
commandement  de  M.  Hansens,  capitaine-adjoint  d'état-major,  accom- 
pagné de  M.  le  lieutenant  Nillis,  du  D' Pechuel-Lœsche,  qui  a  fait  partie 
de  l'expédition  allemande  à  la  côte  du  Loango  en  1878,  de  deux  sous- 
lieutenants,  MM.  Van  de  Yelde  et  Grang,  et  de  M.  Gillis,  industriel  de 
Braine-le-Comte,  chargé  spécialement  de  chercher  à  établir  un  courant 
commercial  entre  la  Belgique  et  le  Congo.  Le  steamer  qui  les  a  conduits 
à  Yivi  avait  un  chargement  de  marchandises  destinées  aux  échanges.  Un 
mécanicien  et  un  charpentier  devront  remettre  en  état  les  constructions 
des  stations  de  Yivi,  Isanghila  et  Manyanga.  Mais  le  Comité  d'études  du 
Congo  a  déjà  reçu  la  nouvelle  de  la  mort  de  M.  le  sous-lieutenant  Yan 
de  Yelde,  enlevé  par  la  fièvre  dans  un  trajet  entre  deux  stations  du 
Congo.  —  Une  autre  expédition  devait  partir  au  milieu  d'août,  compo- 
sée de  MM.  les  lieutenants  Havart  et  Coquilhat,  et  de  M.  Parfonry ,  sous- 
lieutenant.  —  D'après  le  dernier  numéro  des  Régions  heyond,  Stanley 
s'est  avigicé  àplus  de  300  kilom.  (?)  au  delà  de  Stanley-Pool  et  y  a  fondé 
une  nouvelle  station.  —  La  Compagnie  belge  du  commerce  africain  a 
aussi  expédié  à  la  côte  occidentale  d'Afrique  un  navire,  VAkassa,  avec 
un  chargement  de  marchandises  et  des  échantillons  d'articles  d'expor- 
tation de  Manchester,  du  Portugal,  de  la  Hollande  et  de  la  France. 
Le  but  de  cette  expédition  est  de  chercher  à  établir  des  comptoirs  sur  la 
côte.  Elle  a  pris  à  bord  la  charpente  et  les  boiseries  d'une  factorerie  ; 
c'est  une  sorte  de  chalet  suisse  à  deux  étages,  le  rez-de-chaussée  servfint 
de  magasin.  Elle  a  recruté  deux  sous-gérants  indigènes  et  douze  krou- 
mens,  qui  courront  à  l'intérieur  pour  recueillir  l'ivoire,  l'huile  de 
palme,  etc.,  et  apprendre  aux  caravanes  le  chemin  de  la  factorerie. 

La  guerre  sévissant  toujours  entre  les  tribus  du  IToruba,  le  roi 
d'Oyo,  Alafin,  qui  a  plusieurs  fois  essayé  de  rétablir  la  paix,  mais  dont 
l'autorité  n'a  pas  été  respectée  par  les  belligérants,  s'est  adressé  au 
Rév.  J.  B.  Wood,  à  Lagos,  pour  le  prier  de  réclamer  l'intervention  de 
l'autorité  britannique,  afin  d'empêcher  l'extinction  de  la  race  du 
Yoruba.  Sir  Samuel  Rowe  a  engagé  les  diverses  tribus  en  guerre  à  lui 
envoyer  des  messagers  dûment  autorisés,  pour  les  entendre  ;  M.  Johnson, 
agent  natif  de  la  Société  des  missions  à  Ibadan,  a  appuyé  cette  invita- 


—  262  — 

tion,  et  a  réussi  à  décider  les  chefs  d'Ibadan^  de  Jesha,  des  Ondos,  à 
envoyer  des  délégués  à  Lagos  avec  ceux  d'Âlafin.  Le  gouyemeur  de  la 
cote  d'Or  s'y  est  rendu  de  son  côté,  a  entendu  leurs  opinions,  et  leur  a 
donné  des  avis  qui  permettent  d'espérer  le  rétablissement  de  la  paix. 

Sir  Samuel  Rowe  fait  tout  ce  qu'il  peut  pour  développer  les  relations 
commerciales  de  la  Côte  d'Or  avec  les  villes  de  l'intérieur,  par  le 
Yolta;  mais,  en  dehors  des  limites  du  protectorat  anglais,  les  négociants 
se  heurtent  à  de  grandes  difficultés.  Dernièrement,  des  trafiquants  partis 
de  Hortey,  petite  ville  près  de  Quittah,  avec  des  passeports  de  l'officier 
du  gouvernement  pour  Salaga,  par  le  Yolta,  se  sont  vus  obligés  de 
rebrousser  chemin.  Ayant  débarqué  à  Engabee,  ville  appartenant  au  roi 
de  Panto,  Dagado,  des  Houssas,  armés  de  fusils,  de  lances,  d'arcs  et  de 
flèches,  et  conduits  par  un  chef  nommé  Otouman  ICatto,  les  firent  saisir, 
leur  firent  lier  les  mains  derrière  le  dos,  et,  après  leur  avoir  imposé  le 
paiement  d'une  assez  forte  somme,  les  renvoyèrent  à  la  côte. 

Un  grand  intérêt  a  été  éveillé  en  Angleterre  par  les  rapports  du 
capitaine  Burton  et  du  commandant  Gameron,  revenus  récemment 
de  la  Côte  d^Or,  où  ils  avaient  été  chargés  d'étudier  l'exploitation 
uiinière  des  nombreuses  compagnies  créées  depuis  trois  ans.  Leurs 
récits  sont  des  plus  favorables,  et,  si  l'on  tient  compte  des  difficultés 
opposées  par  l'insalubrité  du  climat,  du  manque  de  voies  de  communica- 
tion, des  défectuosités  des  machines,  etc.,  on  peut  considérer  les  résultats 
obtenus  jusqu'à  présent  comme  très  encourageants.  L'opinion  de  Came- 
ron  est  qu'il  y  a  là  une  nouvelle  Californie,  et,  vu  l'élévation  du  taux  des 
salaires  à  la  côte,  et  la  difficulté  où  l'on  sera  de  trouver  des  ouvriers 
poiu*  l'exploitation  des  mines,  il  propose  de  faire  venir  des  Chinois,  pour 
voir  si  la  race  mongole  supporterait  ce  travail  dans  un  pareil  climat. 
D'après  ce  qu'il  a  vu  à  la  Côte  d'Or,  il  croit  que  l'on  trouvera  aussi  de 
l'or  au  Tanganyikaj  où  certains  terrains  sont  de  la  même  formation  que 
ceux  des  environs  d'Axim.  Il  a  entendu  parler  de  pierres  précieuses 
trouvées  dans  ces  mêmes  terrains,  et  pense  qu'ils  doivent  renfermer  des 
grenats,  des  rubis,  etc.  C'est  aussi  l'opinion  d'un  explorateur  allemand, 
M.  Paul  Dahse,  qui,  après  trois  voyages  entrepris  pour  étudier  la  for- 
mation géologique  de  ces  districts,  en  a  rapporté  des  échantillons,  qu'il 
a  soumis  à  l'examen  du  directeur  des  mines  bavaroises,  M.  le  professeur 
Gtlmbel,  de  Munich.  Les  analyses,  auxquelles  celui-ci  a  soumis  ces  échan- 
tillons, lui  font  croire  que  les  formations  géologiques  d'une  partie  de  la 
Côte  d'Or  sont  les  mômes  que  celles  de  la  célèbre  province  de  Minas 
Geraes  au  Brésil.  Aussi  M.  Dahse  a-t-il  obtenu  une  concession,  pour 
l'exploitation  de  laquelle  il  a  constitué  une  société  anglo-allemande. 


—  263  — 

Les  Chambres  françaises  ont  adopté  le  crédit  demandé  pour  la  con- 
struction du  chemin  de  fer  de  Dakar  à,  St-Lioais«  Une  conven- 
tion avait  été  conclue  à  cet  effet  avec  le  roi  du  Cayor,  dont  le  terri- 
toire, qui  s'étend  du  Sénégal  au  Gap  Vert,  devait  être  traversé  par  la 
voie  ferrée;  mais,  dès  lors,  ce  souverain  a  écrit  au  gouvernement  du 
Sénégal  une  lettre,  dans  laquelle  il  refuse  absolument  le  passage  par  ses 
États  au  a  navire  marchant  sur  terre;  »  il  craint  de  se  voir,  lui  et  ses  chefs, 
réduit  ^1  esclavage  ;  il  menace  de  rompre  avec  le  Sénégal  toutes  rela- 
tions commerciales,  et  même  de  quitter  le  pays  avec  toute  la  population. 

Dans  le  haut  Sénégal,  depuis  le  retour  de  la  colonne  du  lieutenant 
colonel  Bor^^uis-Desbordes  à  Eita,  le  chef  Samory  a  brûlé  les  vil- 
lages Malinkés  de  la  rive  gauche  du  Niger,  jusqu'à  Nafadjé,  à  7  étapes 
de  Eita.  Après  avoir  rétabli  les  fortifications  de  ce  poste,  la  mission 
topographique  s'est  remise  en  route  pour  gagner  Bafoulabé,  avant  que  la 
saison  des  pluies  rendît  les  chemins  impraticables.  Les  instructions  don- 
nées par  le  ministre  de  la  marine  au  nouveau  gouverneur,  M.  le  capi- 
taine de  vaisseau  Vallon,  sont  de  commencer  les  travaux  du  chemin  de 
fer  entre  Eayes  et  Bafoulabé,  sans  s'occuper  pour  le  moment  du  cours 
du  Niger.  Deux  projets  sont  en  présence,  l'un  le  long  des  rives  du  fleuve, 
l'autre  passant  à  l'intérieur  par  Fanamdoba;  il  est  probable  que  ce  sera 
le  tracé  le  long  du  fleuve  qui  l'emportera.  Jusqu'à  Bafoulabé  le  Sénégal 
n'a  pas  de  courbes  très  sensibles,  ni  de  pentes  bien  rapides  ;  la  voie  fer- 
rée peut  suivre  la  berge  de  la  rive  gauche  ;  il  n'y  a  presque  pas  d'œu- 
vres  d'art  à  entreprendre. 

Jusqu'ici  le  commerce  des  céréales  sur  la  côte  du  Maroc  était  très 
restreint,  le  sultan  ne  permettant  que  le  transport  de  très  petites  quan- 
tités de  blé  et  d'orge,  à  peine  suffisantes  pour  la  nourriture  des  famiUes 
des  habitants,  protégés  ou  sujets  étrangers,  qui  devaient  préalablement 
obtenir,  des  consuls  ou  des  ministres  desquels  ils  dépendaient,  un  permis 
limité.  Gr&ce  aux  démarches  du  ministre  de  France,  M.  Ordega,  le  sul- 
tan a  accordé  l'établissement  du  libre  cabotage  pour  six  mois,  et  en  con- 
séquence  tout  le  monde  pourra  transporter  des  céréales  d'un  point  à 
l'autre  de  toute  la  côte.  Il  peut  y  avoir  là,  pour  le  commerce  français,  des 
avantages  d'autant  plus  grands  que,  d'après  les  rapports  des  agents 
consulaires  à  Mogador  et  à  Tanger,  le  Maroc  serait  menacé  d'une  disette, 
et  le  sultan,  préoccupé  des  besoins  de  la  population,  a  abaissé  de  10  à 
5  7o  1^  droits  de  douane,  sur  l'entrée  des  céréales  d'Europe. 


—  264  — 

NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

M.  Yalentin  de  Gorloff  a  fait,  de  Laghonat  à  Ouargla,  un  voyage  dans  lequel  ses 
obserrations  sur  la  coloaisation  française  dans  le  Sahara  septentrional  l'ont  plei- 
nement satisfait,  surtout  celles  sur  les  travaux  de  M.  Fourreau,  fon^^teur  de  la 
Compagnie  de  l'Oued-Rir,  qui,  par  ses  puits  artésiens,  a  transformé  en  plantations 
de  palmiers  de  vastes  étendues  de  sables  précédemment  stériles. 

Deux  des  assassins  de  la  mission  Flatters,  natifs  d'Ouargla,  ont  été  amenés  à 
Alger. 

Tout  en  reconnaissant  que  la  création  de  la  mer  intérieure  est  réalisable,  et  qu'à 
aucun  point  de  vue  elle  ne  peut  être  nuisible,  la  Commission,  chargée  d'examiner 
le  projet  de  M.  Roudaire,  n'a  pu  engager  le  gouvernement  à  intervenir  dans  les 
dépenses  qu'entraînerait  son  exécution.  Celle-ci  demeure  laissée  à  une  entreprise 
particulière,  comme  pour  Suez  et  Panama.  M.  de  Lesseps  a  proposé  la  fondation 
d'une  société  décidée  à  tenter  l'entreprise  à  ses  risques  et  périls,  et  qui  ne  deman- 
derait à  l'État  que  la  concession  de  forêts  et  de  terrains,  ai\jourd'hui  inexploités 
et  sans  valeur. 

Un  câble  sous-marin  a  été  posé  pour  relier  Bône  à  Bizerte. 

M.  Guérard,  ingénieur  en  chef  du  service  maritime  à  Marseille,  s'est  rendu  à 
Tunis  pour  y  faire  les  premières  études  nécessaires  à  la  création  d'un  port  de 
commerce. 

Le  célèbre  voyageur  Rohlfs  a  été  nommé  consul  général  de  l'empire  allemand  à 
Tripoli. 

Quatre  caravanes  sont  arrivées  dernièrement  du  Bomou  à  Tripoli,  apportant 
des  plumes  d'autruche  pour  une  valeur  considérable.  Elles  n'avaient  pas  d'esclaves, 
quoique  l'esclavage  subsiste  toigours  à  Tripoli,  où  les  achats  et  les  ventes  se 
font  à  l'intérieur  des  maisons. 

Avant  que  les  hostilités  eussent  éclaté  entre  l'Angleterre  et  Arabi  Pacha, 
M.  de  Lesseps  s'occupait  de  la  question  de  faciliter  la  navigation  du  canal  de 
Suez,  où  les  points  de  croisement  des  navires  ne  sont  pas  suffisants.  Il  avait  deux 
projets  en  vue  :  ou  élargir  le  canal  dans  toute  sa  longueur,  ou  creuser  un  canal 
nouveau,  parallèle  à  l'ancien,  et  communiquant  avec  ce  dernier  en  plusieurs 
endroits. 

M.  Yossion,  vice-consul  de  France  à  Ehartoum,  nommé  consul  à  Gabès,  est 
revenu  à  Paris,  où  il  a  exposé,  dans  une  des  salles  de  la  Société  de  géographie, 
toute  une  collection  d'objets  de  commerce,  d'armes,  de  vêtements,  de  photographies 
de  t3rpes  et  de  paysages  du  Soudan  égyptien  et  du  Haut-Nil,  du  pays  des  Kiams- 
Niams,  des  Mombouttous  et  des  pygmées. 

Le  baron  de  Hardegger,  de  Grussbach  en  Moravie,  prépare  pour  l'hiver 
prochain  une  expédition  dans  le  Soudan  égyptien.  Il  prendra  Khartoum  comme 
base  d'opérations  dans  le  Senaar,  le  Eordofan  et  peut-être  le  Darfour  méri- 
dional; ses  observations  porteront  essentiellement  sur  l'hypsométrie  et  l'ethno- 


—  265  — 

graphie.  Il  tâchera  d'iostaller  une  station  météorologique  à  Khartoum.  Le  pro- 
fesseur Paulitschke  prendra  part  à  l'expédition,  ainsi  qu'on  géologue  et  un 
photographe. 

Le  soulèvement  des  populations  du  Haut-Nil,  sous  Mohamed- Ahmed,  a  obligé  les 
missionnaires  américains  de  renoncer  pour  le  moment  au  projet  de  fonder  des 
stations  dans  cette  région. 

Rohlfs  a  renoncé  à  négocier  la  paix  entre  le  négous  d'Abyssinie  et  PÉgypte,  le 
gouYemement  anglais  considérant  que  les  deux  pays  ne  sont  pas  en  état  d'hos- 
tilité. 

D'après  une  lettre  du  15  février,  le  D' Stecker  a  été  retenu  longtemps  à  Makalé, 
par  les  hostilités  entre  l'Egypte  et  l'Abyssinie.  Il  devait  quitter  cette  ville  le  len- 
demain et  comptait  arriver  à  Kaffa  au  commencement  de  juin,  explorer  ensuite 
au  sud  le  Gambirri,  habité,  dit-on,  par  des  pygmées,  et  le  lac  Sambourou,  puis 
atteindre  la  côte  orientale  en  février  1883. 

Sous  les  auspices  de  la  «Société  africaine  d'Italie»  (ancien  Club  africain  de 
Naples),  et  avec  l'appui  de  M.  Rocca,  banquier  à  Naples,  Gustave  Bianchi  et  le 
professeur  licata  se  rendront  en  Abyssinie,  accompagnant  un  envoyé  italien 
chargé  de  remettre  au  roi  Jean  des  présents  de  la  part  du  souverain  d'Italie, 
armes,  brillants,  bottes  à  musique  de  Genève,  etc.,  et  de  nouer  des  relations  avec 
les  sultans  ses  voisins.  MM.  Bianchi  et  Licata  exploreront  ensuite  la  partie  occi- 
dentale de  l'Abyssinie  et  descendront  à  Assab,  en  cherchant  à  ouvrir  une  route 
commerciale  pour  la  station  italienne. 

M.  C.  Gregori  se  propose  d'explorer  le  pays  situé  entre  les  montagnes  à  l'Est  de 
l'Abyssinie  et  la  mer  Bouge,  le  cours  du  Gualima,  du  Melli  et  de  l'Haouasch  infé- 
rieur, n  partira  probablement  en  octobre. 

L'ingénieur  Messedaglia,  ancien  fonctionnaire  égyptien  au  Soudan,  a  été  chargé 
d'étudier  sur  place  les  travaux  à  entreprendre  pour  la  création  d'une  colonie  ita- 
lienne à  Assab.  —  Le  gouvernement  voudrait  que  les  diverses  sociétés  italiennes 
de  commerce  et  d'exploration  se  fondissent  en  une  seule,  pour  développer  le  com- 
merce italien  dans  la  mer  Rouge  et  à  Assab,  ou  bien  qu'il  se  constituât  à  cet  effet 
en  Italie  une  grande  compagnie,  qu'il  encouragerait  par  une  subvention  annuelle. 
—  Plusieurs  maisons  considérables  ont  demandé  de  pouvoir  établir  à  Assab  leurs 
dépôts  de  charbon. 

Une  Société  commerciale  s'est  fondée  récemment  à  Milan,  pour  l'acquisition  des 
produits  africains  qui  afflueront  à  Assab. 

Le  comte  Pierre  Antonelli,  qui  a  fait  partie  de  la  seconde  expédition  Martini, 
revenu  temporairement  en  Italie,  va  repartir  pour  le  Choa,  où  le  marquis  Antinori 
a  prolongé  son  séjour  pour  assurer  le  maintien  de  la  station  italienne  de  Let- 
Marefia;  il  a  dû  aussi  accompagner  le  roi  Menelik  dans  une  exploration  au  lac 
Zouai,  au  sud  du  Choa. 

Une  caravane  du  Choa  est  arrivée  à  Obock,  où  M.  Soleillet  entretient  de  bonnes 
relations  avec  les  indigènes,  ainsi  qu'avec  les  sultans  de  Rahelta,  de  Ta^joura,  et 
des  Haoussas.  Mgr.  Taurin  compte  fonder  une  station  missionnaire  à  Obock. 


—  266  — 

La  Société  de  géographie  commerciale  de  Milan  a  décidé  de  fonder  à  Harrar 
une  station,  qui  servirait  à  la  fois  au  commerce  et  à  l'exploration.  Harrar  est  nn 
important  marché,  sur  la  route  des  caravanes  du  pays  des  Gallas,  du  Eaffa,  du 
Gouma  et  de  PEnarea  à  Zeîla.  M.  Pierre  Sacconi  sera  chargé  de  développer  les  rela- 
tions commerciales,  et  la  Société  d'exploration  conservera  la  direction  des  études 
géographiques  des  rivières  Uohi  et  Nogal,  la  station  commerciale  servant  de  lieu 
de  ravitaillement  pour  les  explorateurs.  Le  gouvernement  italien  a  accordé  à  cet 
effet  une  subvention  à  la  Société. 

M.  Swenson,  Suédois,  a  entrepris,  avec  M.  le  baron  von  Muller,  un  voyage  d'ex- 
ploration à  Berbera  et  à  Harrar. 

Une  commission,  formée  de  membres  de  la  Société  de  géographie  de  Rome  et  de 
la  Société  d'exploration  de  Milan,  a  été  chargée  d'organiser  une  expédition  pour 
l'Afrique  équatoriale  orientale,  sous  la  direction  de  MM.  Carlo  Benzi  et  Ulysse 
Grifoni,  qui  seront  chargés  d'explorer  le  cours  de  la  Djouba. 

Le  Conseil  de  la  Société  de  géographie  de  Londres  a  décidé  d'envoyer  une 
expédition  dans  l'Afrique  orientale,  pour  explorer  les  monts  Eénia  et  Kilimandjaro, 
et  le  pays  qui  s'étend  de  ces  montagnes  à  la  côte  orientale  du  Victoria  Nyanza. 
M.  J.  Thomson  en  sera  le  chef  et  se  rendra,  au  commencement  de  l'année  pro- 
chaine, à  Zanzibar,  pour  y  organiser  sa  caravane. 

D'après  les  rapports  de  MM.  Price  et  Menzies  revenus  en  Angleterre,  la  mission 
de  Frere-Town  jouit  d'une  période  de  paix.  A  Foulladoyo,  à  100  kilomètres  de 
cette  station,  et  en  dehors  de  son  contrôle,  s'est  produit  un  mouvement  indigène 
sous  l'initiative  d'un  natif  de  Giriama,  Abe-Sidi,  qui  y  a  constitué  une  communauté 
chrétienne  à  laquelle  se  sont  rattachés  des  esclaves  fugitifs.  M.  Price,  qui  a  visité 
Foulladoyo,  croyait  y  rencontrer  beaucoup  d'hommes  à  demi  sauvages,  et  a  été 
tout  surpris  d'y  trouver  un  établissement  paisible,  où  règne  le  meilleur  ordre. 

M.  Holmwood,  consul  anglais  à  Zanzibar,  a  recommandé  à  la  Société  des  mis- 
sions anglicanes  l'établissement  d'une  communication  régulière,  par  vapeur,  entre 
Mombas  et  Zanzibar.  Outre  les  services  qu'elle  rendrait  à  la  mission,  elle  serait 
utile  à  tous  les  gens  de  la  côte  et  aiderait  à  lutter  contre  le  commerce  des 
esclaves,  dont  10,000  environ  passent  annuellement  en  contrebande  entre  Pangani 
et  Pemba. 

Des  Hovas  ayant  occupé  des  îles  et  des  villages  de  la  côte  occidentale  de  Mada- 
gascar, dont  les  chefs  sont  sous  le  protectorat  français,  et  la  reine  Ranavalona  H 
ayant  décrété,  contrairement  au  traité  de  1868,  une  loi  punissant  de  dix  ans  de  fers 
tout  Malgache  qui  vendra  des  terres  aux  blancs,  M.  Bandais,  consul  de  France  à 
Tananarive,  a  été  chargé  de  présenter  des  réclamations  au  gouvernement  de  la 
reine.  N'ayant  pas  obtenu,  dans  un  délai  fixé,  de  réponse  satisfaisante,  il  a  quitté 
la  capitale  et  s'est  rendu  à  Tamatave. 

On  a  commencé  à  la  Réunion  des  essais  de  culture  de  la  vigne  sur  une  assez 
grande  échelle.  —  A  l'île  Maurice  l'exportation  de  la  vanille  et  des  fibres  des 
feuilles  d'aloès  augmente  chaque  année,  à  côté  de  celle  du  sucre  et  du  rhum. 

Une  nouvelle  expédition  a  été  envoyée  de  Yaldézia  à  la  baie  de  Delagoa,  dans 


—  267  — 

le  voisinage  de  laquelle  s'établiront  trois  des  évangélistes  indigènes,  chez  le  chef 
Magoad,  dont  le^  village  est  le  lieu  de  naissance  de  Pun  d'eux. 

MM.  Davenport  et  C*',  banquiers  américains,  ont  signé  avec  le  gouvernement 
portugais  une  convention,  pour  la  construction  du  chemin  de  fer  de  la  baie  de 
Delagoa  aux  frontières  du  Transvaal,  et  M.  de  Castilho,  ancien  gouverneur  de 
Lorenzo  Marquez,  a  présenté  aux  Certes  un  Mil,  proposant  que  le  gouvernement 
reçoive  les  pouvoirs  nécessaires  pour  établir  une  ligne  télégraphique  de  la  baie  de 
Delagoa  au  Transvaal.  —  De  son  côté,  le  gouvernement  du  Transvaal  a  fait  avec 
M.  Moritz  Unger,  appuyé  par  un  syndicat  de  banquiers  parisiens,  une  convention 
qui  sera  soumise  a^  Yolksraad  dans  sa  prochaine  session,  et  qui  est  relative  à  la 
construction  du  chemin  de  fer  de  Pretoria  à  la  frontière  portugaise.  M.  Unger 
verserait  une  caution  de  20,000  liv.  sterl.,  et  devrait  construire  la  ligne  en  cinq 
ans.  L'établissement  d'une  ligne  télégraphique  a  aussi  été  décidé  à  Pretoria. 

On  a  découvert,  près  de  Lydenbourg,  de  nouvelles  mines  d'or  qui  attirent  beau- 
coup de  gens  de  Lydenbourg,  de  Middlebourg  et  de  Pretoria.  On  a  également 
trouvé  de  la  galène  en  quantité  considérable,  un  grand  dépôt  de  cobalt  et  du 
minerai  d'argent,  près  de  la  Steelport  River. 

n  s'est  constitué  récemment  à  Paris,  sous  le  nom  de  «  Société  française  et  afri- 
caine d'encouragement  »  une  association  qui  a  pour  but  de  venir  en  aide,  par  tous 
les  moyens  en  son  pouvoir,  à  la  grande  cause  du  relèvement  de  l'Afrique  par  le 
christianisme.  Jout  en  maintenant  son  œuvre  distincte  de  celle  des  missions  pro- 
prement dites,  elle  encouragera  les  missionnaires  européens  ou  indigènes,  princi- 
palement ceux  qui  sont  le  plus  avancés  dans  l'intérieur,  en  leur  fournissant  un 
matériel  plus  complet  que  celui  dont  se  compose  d'ordinaire  leur  modeste  bagage  : 
instruments  agricoles,  canots  portatifs,  médicaments,  tentes,  semences  d'arbres 
fruitiers  et  autres,  etc.  Elle  a  nommé  M.  Casalis  pour  son  président  honoraire,  et 
a  puissamment  contribué  à  compléter,  d'une  manière  utile,  l'équipement  de  la  mis- 
sion du  Zambèze  que  dirige  M.  Goillard. 

Le  Lessouto  est  tranquille,  quoique  les  trafiquants  et  les  résidents  aient  l'im- 
pression qu'une  explosion  pourrait  avoir  lieu  d'un  moment  à  l'autre.  Gordon,  le 
nouveau  commandant  des  troupes  coloniales,  ayant  ordonné  certains  mouvements 
de  troupes,  Masoupha  envoya  des  émissaires  dans  les  villages  du  district  de  Mase- 
rou,  pour  faire  préparer  les  armes;  les  Bassoutos  lui  ont  obéi  volontiers;  de  grands 
meetings  ont  été  tenus,  et  les  mouvements  de  troupes  ont  été  contremandés.  Le 
conseil  législatif  de  la  Colonie  du  Cap  ayant  demandé  au  gouvernement  anglais 
d'être  libéré  de  toute  dépense  ultérieure  relative  au  Lessouto,  lord  Kimberley 
a  répondu  qu'il  ne  fallait  pas  s'attendre  à  ce  que  l'on  prit,  en  Angleterre, 
aucune  mesure  pour  décharger  la  Colonie  de  sa  responsabilité  à  l'égard  du  pays 
annexé. 

Le  général  Gordon  est  d'avis  que  les  limites  des  terres  des  natifs  devraient 
être  ûxées  par  des  actes  légaux,  et  que  l'on  devrait  procéder  légalement  contre 
tout  empiétement  au  delà  de  ces  limites.  Les  natifs  en  seraient  contents,  et  il  ne 
faudrait  plus  beaucoup  de  troupes  pour  maintenir  l'ordre. 


—  268  —   • 

La  Chambre  du  Commerce  de  Capetown  a  été  nantie  de  la  question  de  l'éta- 
blissement d'une  communication  avec  PEurope,  par  un  câble  sous-marin  placé  le 
long  de  la  côte  occidentale  d'Afrique,  et  relié  avec  la  ligne  qui  passe  à  Saint- 
Vincent. 

P'après  un  contrat  conclu  entre  le  gouTemement  et  la  Compagnie  nationale  de 
navigation  à  vapeur  pour  l'Afrique  portugaise,  un  service  régulier  de  bateaux  à 
vapeur  sera  organisé  entre  Lisbonne  et  Mossamédès,  touchant  aux  principaux 
ports  des  possessions  portugaises  de  l'Afrique  occidentale. 

M.  le  D'  Kœpfner,  naturaliste,  étudie  l'histoire  naturelle  et  les  productions 
agricoles  de  la  province  portugaise  de  Mossamédès.  Il  a  commencé  ses  explora- 
tions par  les  terres  cultivées  le  long,  des  bords  des  rivières  Crok,  Saint-Nicolas, 
Bero  et  Giraul. 

M.  Bagster,  missionnaire  américain,  est  mort  à  Ballounda.  L'école  tenue  par 
M.  et  M"*  Nichols  prospère.  M.  Sanders  a  pu  atteindre  Bihé,  où  le  roi  Chilemo  l'a 
bien  accueilli  et  lui  a  permis  de  choisir  un  emplacement  pour  une  station. 

Au  mois  d'avril  dernier,  les  frères  Machado,  négociants  de  Malangé,  ont  orga- 
nisé une  expédition  pour  les  grands  marchés  d'ivoire  de  Cachéché  et  de  Caban. 
L'itinéraire  projeté  devant  traverser  des  pays  habités  par  des  tribus  cannibales, 
leur  caravane  comptait  700  hommes  armés;  des  marchands  indigènes  l'ont  accom- 
pagnée pour  profiter  de  cette  nombreuse  escorte.  Un  officier  portugais,  membre 
de  la  Société  de  Géographie  de  Loanda,  devait  s'y  joindre  pour  faire  des  obser* 
vations  scientifiques. 

Le  vapeur  le  Henri  Seed,  destiné  à  la  navigation  du  Congo  moyen,  aura  20"  de 
long  sur  3",5  de  large.  II  sera  conduit  au  Congo  par  M.  Craven,  qui  partira  de 
Londres  en  septembre,  avec  un  renfort  de  missionnaires,  dont  l'un  est  un  bon 
ingénieur-architecte. 

M.  L.  Petit,  naturaliste,  installé  à  Landana,  a  fait  avec  le  D' Lucan  une  excur- 
sion jusqu'à  Yivi,  et  se  propose  d'explorer  dans  une  prochaine  campagne  les  mon- 
tagnes de  l'intérieur,  pour  y  étudier  les  Balalis  et  les  Batékés  signalés  par  Savor- 
gnan  de  Brazza. 

M.  Rogozinski  a  équipé  au  H&vre  pour  son  expédition  la  Lucie  Marguerite^  qui 
transportera  les  voyageurs  au  golfe  de  Cameroon  ;  s'ils  réussissent  à  atteindre  le 
lac  Liba  et  les  sources  des  affluents  de  la  rive  droite  du  Congo,  ils  les  suivront 
jusqu'au  grand  fleuve,  par  lequel  ils  reviendront  à  la  côte.  L'explorateur  Nordens- 
kiôld  a  fourni  à  M.  Rogozinski  un  compagnon  expérimenté,  dans  la  personne  du 
capitaine  suédois  Een. 

Les  hostilités  continuent  entre  les  habitants  de  Bonny  et  les  populations  du 
Nouveau  Calabar.  Il  y  a  des  combats  tous  les  jours,  mais  pas  de  grande  bataille. 
Le  gouvernement  anglais  a  donné  des  instructions  à  Madère,  pour  qu'une  canon- 
nière se  rendît  au  Nouveau  Calabar  et  y  protége&t  les  intérêts  anglais. 

La  Société  des  missions  anglicanes  a  nommé,  comme  secrétaire  de  la  mission  du 
Niger,  le  Rév.  Th.  Phillips,  qui  a  été  consacré  à  Londres  par  l'évêque  Sam.  Crow- 
^er  ;  c'est  le  premier  eççléaiMtique  blanc  ordonné  par  un  évoque  noir.  Les  pr^ugés 


—  269  — 

de  race  étant  totgoura  vivaces,  il  y  a  là  un  fait  important,  qui  consacre  aaz  yeux 
de  tous  Pégalité  des  noirs  et  des  blancs. 

M.  Quinemant,  membre  de  la  Société  de  géographie  commerciale  de  Paris,  a 
rejoint,  sur  le  Niger,  M.  le  capitaine  Mattei  qui  explore  cette  région. 

Un  conflit  a  éclaté  entre  la  tribu  des  Gamans  et  les  Achantis;  le  roi  Mensah  de 
Coumassie  ayant  fait  tuer  des  messagers  que  lui  envoyaient  les  Gamans,  ceux-ci 
attaquèrent  des  villages  achantis,  et  firent  200  à  300  prisonniers.  Us  demandèrent 
ensuite  à  Sir  Samuel  Rowe  d'intervenir,  pour  opérer  une  réconciliation  entre  eux 
et  les  Achantis.  Le  roi  des  Achantis  a  accepté  la  médiation  anglaise.  Le  capitaine 
Lonsdale  a  été  envoyé  à  cet  effet  à  Coumassie,  et  va  se  rendre  chez  les  Gamans. 
'—  Deux  Français  se  sont  aussi  rendus  à  Coumassie  :  Pun,  le  P.  Moreau,  chef 
de  la  mission  romaine  d'Elmina,  pour  y  fonder  une  station;  l'autre,  M.  Brun, 
consol  français  dans  la  même  ville,  invité  par  le  roi  Mensah,  qui  Ta  reçu  en  grande 
pompe  et  lui  a  fait  des  présents  considérables.  —  La  Société  des  missions  wes- 
leyennes  a  également  envoyé  le  Rév.  J.  Hayfron  à  Coumassie,  pour  obtenir  Pauto- 
risation  de  reprendre  les  travaux  qu'elle  y  poursuivait  autrefois. 

Le  sultan  du  Maroc  a  envoyé  à  Madrid  une  ambassade,  pour  offrir  au  roi  d'Es- 
pagne un  terrain  situé  le  long  de  la  Méditerranée,  en  compensation  de  celui  de 
Santa  Gruz  de  mar  Pequena  sur  l'Atlantique,  que  le  traité  de  Yad  Bas  attribue  à 
l'Espagne.  Les  Certes  seront  appelées  à  régler  définitivement  cette  question. 

La  mission  italienne  a  été  reçue  avec  de  grands  honneurs  par  le  sultan  Sidi 
Muley  Hassan  qui,  à  son  tour,  a  remis  au  ministre  plénipotentiaire  de  riches  pré- 
sents pour  le  roi  d'Italie. 

D'après  un  nouveau  tableau  statistique  que  vient  de  publier  le  D'  Behm,  dans 
les  JE^rgângungdiefte  des  MittheUungen  de  Ootha^  il  y  a  lieu  de  faire  quelques  cor- 
rections à  celui  que  nous  avons  donné  (11"^*  année,  p.  166), 

La  superficie  totale  du  continent  serait  de    29,823,253  kilomètres  carrés, 

et  sa  popuUtion  de 205,823,260  habitants. 

Le  Maroc  a 6,140,000        » 

Le  Sahara 2,500,000        » 

L'Egypte 16,400,000        » 

k.  0.  hftUtantfl. 

La  superficie  de  l'Afrique  portugaise  occidentale  est  de    809,400  pour  9,000,000 

>  de  l'État  libre  du  fleuve  Orange 107,439     >         133,518 

»  duTransvaal 285,363     »        815,000 

de  PAfrique  anglaise  du  sud 667,218     »      1,728,492 

>  des  tles  africaines 625,942     »      4,902,600 


—  270  - 

EXPÉDITIONS  DE  SAVORGNAN  DE  BRAZZA,  ENTRE  L'OGQQUÉ 

ET  LE  C0N60  ' 

Le  23  juin  dernier,  à  la  fin  d'une  séance  extraordinaire  tenue  par  la 
Société  de  géographie  de  Paris  dans  le  grand  amphithéâtre  de  la  Sor- 
bonne,  M.  Ferdinand  de  Lesseps,  qui  la  présidait,  en  remerciant  la  foule 
qui  venait  d'applaudir  le  récit  fait  par  Savorgnan  de  Brazza  de  ses 
voyages  entre  l'Ogôoué  et  le  Congo,  prononçait  ces  paroles  :  «  Vous 
applaudissez  avec  raison  le  récit  de  notre  voyageur.  U  vous  donne,  bien 
que  sommairement,  les  résultats  de  deux  ans  et  demi  d'explorations  qui 
marqueront  une  date  dans  l'histoire  de  la  géographie.  La  plus  courte 
voie  d'accès  au  cœur  de  l'Afrique  a  été  trouvée,  et  l'avenir  se  chargera 
de  démontrer  l'importance  considérable  de  ce  fait,  bien  mieux  que  ne 
le  pourrait  une  relation.  »  Nous  sommes  en  effet  arrivés  à  un  moment 
décisif  dans  l'histoire  de  l'ouverture  du  continent  africain.  Les  difficultés 
rencontrées  par  les  nombreuses  expéditions  parties  de  la  côte  orientale, 
dans  le  voisinage  de  Zanzibar,  ont  fait  naître  l'idée  qu'il  serait  plus 
facile  de  pénétrer  dans  l'Afrique  équatoriale  par  la  côte  occidentale. 
Depuis  le  grand  voyage  de  Stanley,  cette  pensée  a  pris  de  la  consistance. 
La  grande  vallée  du  Congo  est  apparue  comme  la  porte  ouverte  sur 
l'intérieur  de  l'Afrique  ;  Stanley-Pool,  au-dessus  des  cataractes  du  cours 
inférieur  du  fleuve,  en  serait  la  clef.  Dès  lors,  Stanley  a  entrepris  de 
mettre  en  communication,  par  une  route  le  long  des  rapides,  Vivi  et 
Stanley-Pool,  et  les  sociétés  de  commerce  et  de  missions  ont  rivalisé 
d'ardeur  pour  atteindre  ce  dernier  point,  afin  d'y  établir  des  factoreries, 
des  stations  missionnaires,  et  des  bateaux  à  vapeur  qui  exploreront  tout 
le  bassin  du  Congo  moyen,  pour  y  porter  les  bienfaits  du  christianisme 
et  de  la  civilisation.  Mais  en  présence  des  difficultés  créées  par  les  cata- 
ractes du  Congo,  on  s'est  demandé  s'il  n'y  aurait  pas  une  voie  plus  facile 
et  plus  courte,  moins  coûteuse  et  plus  sûre,  pour  parvenir  à  Stanley- 
Pool.  Les  derniers  travaux  de  Savorgnan  de  Brazza  pendant  les  années 
1880  à  1882,  dans  la  région  comprise  entre  l'Ogôoué  et  le  Congo,  sem- 
blent fournir  une  réponse  favorable  à  cette  question  ;  nous  voudrions  les 
résumer,  d'après  l'exposé  qu'il  en  a  fait  à  la  Société  de  Paris. 

Avant  lui,  cette  région  n'était  pas  tout  à  fait  inconnue.  Dès  1817,  le 
missionnaire  anglais  Bowdich  avait  fourni  sur  l'Ogôoué  quelques  rensei- 
gnements, basés  sur  les  indications  des  indigènes  et  des  marchands, 

'  Voir  la  carte  qui  accompagne  cette  livraison. 


—  271  — 

d'après  lesquels  ce  fleuve,  venant  duN.-E.,  se  divisait  squs  Féquateur  en 
deux  bras,  dont  l'un  se  dirigeait  au  N.-O.  vers  le  Gabon,  l'autre  au  S.-O. 
vers  le  Congo.  La  construction  d'un  fort  français  sur  le  Gabon,  en  1843, 
facQita  l'établissement  de  factoreries  françaises,  américaines  et  anglaises 
dans  ce  district,  et  les  colons  français  commencèrent  à  y  faire  de  nom- 
breuses reconnaissances  et  des  levés  cartographiques.  Mais  ce  furent 
surtout  les  voyages  de  Du  Chaillu  qui,  dès  1856,  attirèrent  l'attention 
sur  le  pays  compris  entre  la  baie  de  Corisco  et  le  Cap  Lopez,  et  sur 
rOgôoué,  qu'il  remonta  jusqu'au  confluent  du  Ngounié  et  un  peu  au  delà. 
Toutefois,  en  1857,  on  se  représentait  encore  l'Ogôoué  comme  prenant 
sa  source  au  N.-E.  dans  la  Sierra  de  Cristal.  L'impulsion  donnée,  Grif- 
fon du  BeUay  et  Serval  marchent  sur  les  traces  de  Du  Chaillu  ;  l'Anglais 
Walker  remonte  l'Ogôoué  jusqu'au  delà  de  Lopé,  et  constate  qu'il  y 
coule  parallèlement  à  l'équateur  ;  puis  Marche  et  de  Compiègne  s'avan- 
cent à  leur  tour  jusqu'aux  deux  affluents  du  fleuve,  l'Ofoué  et  l'Ivindo, 
d'oii  les  attaques  des  Ossyébas,  en  1874,  les  obligent  à  rebrousser  che- 
min. 

Mais  déjà  la  Société  allemande  pour  l'exploration  de  l'Afrique,  frappée 
de  l'immense  espace  encore  inconnu  qui  s'étend  du  Bénoué  et  du  Chari 
au  Congo,  s'était  proposé  d'en  faire  le  champ  d'une  exploration  métho- 
dique, en  prenant  comme  base  d'opération  la  côte  du  Loango,  entre  le 
cap  Lopez  et  le  Congo.  Elle  avait  fait  partir  en  1873  une  expédition 
nombreuse,  qui  comptait  entre  autres  le  D' Gtissfeldt,  le  professeur  Bas- 
tîan,  le  D'  Falkenstein,  et  MM.  Soyaux,  botaniste,  Pechuel-Lœsche, 
naturaliste,  Lindner,  technicien.  De  Tchintchocho,  où  elle  établit  sa 
station  centrale,  elle  devait  s'avancer  peu  à  peu  dans  l'intérieur,  taudis 
que  sur  son  aile  gauche,  le  D'  Lenz  ferait  l'exploration  de  l'Ogôoué,  et 
qu'à  son  aile  droite,  le  capitaine  de  Homeyer  pénétrerait  par  l'Angola 
vers  le  Congo.  Au  nord  de  l'embouchure  de  ce  dernier  fleuve,  trois  routes 
naturelles  pouvaient  condmre  à  l'intérieur  les  explorateurs  de  l'expédi- 
tion centrale  :  le  Louisa-Loango,  le  Loema  et  le  Quillou;  le  D'  Gttss- 
feldt  qui  la  dirigeait  choisit  celui-ci,  comme  le  plus  grand,  le  remonta 
jusqu'aux  cataractes  de  Boumina,  que  n'avait  encore  atteintes  aucun 
explorateur,  puis,  s'écartant  du  fleuve,  parvint,  à  travers  plusieurs 
chaînes  de  montagnes,  jusqu'au  village  de  Ngouella,  à  120  kilomètres 
environ  de  l'embouchure  du  Quillou  dans  l'Atlantique.  Avec  son  collègue 
M.  Pechuel-Lœsche,  qui  y  fit  une  excursion  en  1875,  il  constata  que  ce 
fleuve  qui,  pour  la  largeur,  le  cède  peu  au  Rhin  est,  dans  sa  partie 
inférieure,  bordé  d'une  zone  de  forêts  très  épaisse  jusqu'au  delà  du  pays 


—  272  — 

de  Mayombé,  et,  qu'entre  Mayombé  et  Ngouella,  la  navigation  en  est 
rendue  difficile,  pour  ne  pas  dire  périlleuse,  par  les  rapides  et  cataractes 
de  Gotou,  de  Boumina,  etc.,  où  la  rapidité  du  courant  est  augmentée 
par  le  resserrement  du  lit  du  fleuve  ;  de  350"  à  400"  de  largeur  moyenne, 
il  est  réduit  en  quelques  endroits  à  un  canal  de  25",  par  le  rapproche- 
ment des  parois  de  rochers  entre  lesquelles  il  s'est  frayé  un  passage. 
Pendant  la  saison  des  pluies,  ses  eaux  montent  de  4"  à  5"  dans  les  par- 
ties larges  de  son  cours,  et  de  8"  à  9"  dans  les  endroits  où  il  y  a  rétré* 
cissement.  En  amont  de  Ngouella,  il  £ait  un  coude  dans  la  direction 
N.-E.  ;  au-delà,  les  indigènes  ne  purent  rien  en  dire  aux  explorateurs 
allemands,  si  ce  n'est  qu'il  décrit  un  grand  arc  à  droite,  tandis  qu'aupa- 
ravant on  croyait  qu'il  descendait  de  la  Sierra  Complida.  Les  indigènes, 
craignant  les  cannibales  de  l'intérieur,  ne  voulurent  pas  les  conduire 
plus  avant  ;  ils  durent  revenir  à  la  côte  et  à  Tchintchocho,  où,  déjà  en 
1876,  la  station  allemande  dut  être  abandonnée,  par  suite  de  l'insalu- 
brité du  pays  et  des  difficultés  créées  par  les  indigènes.  Néanmoins,  pen- 
dant les  trois  années  qu'avait  duré  leur  exploration,  ils  avaient  fourni 
sur  cette  partie  de  la  côte  quantité  de  renseignements  utiles,  moins 
importants  que  les  résultats  obtenus  par  Savorgnan  de  Brazza,  mais 
dont  il  faut  tenir  compte  pour  bien  apprécier  la  valeur  de  ces  résultats. 
Lorsque  notre  voyageur  reçut,  en  1875,  la  mission  de  reconnaître 
l'importance  réelle  de  l'Ogôoué,  comme  voie  de  communication  vers 
l'intérieur,  ainsi  que  l'état  des  populations  qui  habitent  ces  contrées  et 
les  ressources  commerciales  que  le  pays  peut  présenter,  l'idée  que  ce 
fleuve  prenait  sa  source  au  loin  dans  l'intérieur  régnait  encore  généra- 
lement. Au  dire  des  indigènes,  il  devait,  en  amont  des  cataractes  qu'il 
forme  en  traversant  la  Sierra  de  Cristal,  offrir  une  voie  navigable  sur  un 
long  parcours.  Pendant  tout  son  premier  voyage  avec  MM.  Marche  et 
Ballay,  de  1875  à  1878,  où  il  atteignit  l'Alima  et  la  Licona,  et  parvint  jus- 
qu'au village  d'Okanga,  il  ignora  la  découverte  que  Stanley  faisait  juste- 
ment alors  de  la  grande  courbe  du  Congo,  à  deux  degrés  au  nord  de  l'équa- 
teur,  et  la  direction  N.-E.-S.-O.  du  cours  inférieur  du  fleuve.  L'Alima 
et  la  Licona  ne  se  présentèrent  point  à  lui  comme  des  affluents  probables 
du  Congo  ;  l'hostilité  des  indigènes  Apfourous  et  Oubandjis  s'opposa  à 
ce  qu'il  descendît  complètement  la  première  de  ces  rivières,  et  le  manque 
de  ressources  l'empêcha  de  reconnaître  la  seconde.  Malgré  son  désir 
d'éclaircir  le  problème  de  l'hydrographie  de  cette  partie  de  l'Afrique, 
cette  question  devenait  toujours  plus  obscure  pour  lui.  Au  moins  avait-il 
réussi,  pendant  ce  premier  voyage,  à  dissiper  les  craintes,  les  défiances. 


—  273  — 

rhostilité  des  tribus  indigènes  des  bords  de  rOgôoué,  il  s'était  fiBanilia- 
risé  avec  beaucoup  de  peuplades  différentes,  avait  aboli  des  monopoles 
particuliers,  contraires  au  développement  des  relations  commerciales  par 
le  fleuve,  et  n'avait  cessé  de  combattre  l'esclavage;  enfin,  il  avait  uni 
toutes  les  tribus  riveraines  dans  un  même  sentiment  de  bienveillance  à 
regard  des  blancs.  Par  là  il  avait  beaucoup  facilité  sa  tâche  future. 

A  son  retour  à  la  côte,  la  nouvelle  de  la  reconnaissance  du  Congo  par 
Stanley  lui  fit  immédiatement  comprendre  que  TÂlima  devait  être  un 
affluent  du  grand  fleuve,  et  la  différence  de  structure  des  vallées  de 
rOgOoué  et  du  Bas-Congo  lui  fit  entrevoir  la  possibilité  d'atteindre  plus 
tellement  Stanley-Pool  par  la  première,  qu'en  remontant  directement 
celle  du  Congo.  Sans  doute  il  fallait  renoncer  à  l'idée,  caressée  jusque- 
là,  que  rOgôoué  pût  devenir  la  voie  commerciale  pour  l'intérieur,  mais 
TÂlima  navigable  pouvait  le  devenir.  En  effet,  l'accès  à  cette  rivière, 
large  de  100",  et  profonde  de  5"  au  point  où  l'avait  traversée  de  Brazza, 
est  relativement  facile  par  l'Ogôoué.  De  ce  dernier  fleuve  à  l'AUma,  la 
distance  n'est  que  de  120  kilom.,  et  le  pays  qui  sépare  les  deux  bassins 
ne  présente  guère  que  des  collines  sablonneuses  de  moyenne  hauteur, 
offrant  plusieurs  passages  très  favorables  au  transport  des  marchandijses, 
sans  la  difficulté  d'une  végétation  épaisse  ;  du  point  atteint  sur  l'Alima, 
des  vapeurs  d'un  faible  tonnage  pourraient  descendre  facilement  au 
Congo  ;  tandis  que  le  long  du  fleuve,  de  Vivi  à  Stanley-Pool,  sur  une  lon- 
gueur de  220  kilom.,  32  cataractes  et  rapides  interrompent  plus  ou  moins 
la  navigation.  Aussi,  pendant  que  Stanley  entreprenait,  à  frais  énormes, 
le  travail  gigantesque  de  la  construction  d'une  route  entre  les  cataractes 
du  Congo,  et  faisait  hisser  le  long  de  montées  abruptes  des  vapeurs 
démontables,  pour  faciliter  les  communications  et. les  transports  sur  les 
parties  navigables  du  fleuve,  de  Brazza  se  proposa  d'explorer  de  nou- 
veau le  pays  entre  le  Haut-Ogôoué  et  l'Alima,  dans  l'espoir  de  trouver 
là  une  route  qui  répondît  aux  besoinis  du  commerce  ;  en  même  temps,  il 
voulait  établir,  par  des  procédés  pacifiques,  des  relations  commerciales 
avec  les  indigènes  des  bords  de  l'Alima  et  du  Congo,  pour  en  faire  pro- 
fiter toutes  les  nations.  Sur  la  demande  du  ministère  de  l'Instruction 
publique,  le  parlement  français  lui  accorda,  à  lui  et  au  D**  Ballay  qui 
devait  l'accompagner,  une  nouvelle  subvention  ;  deux  chaloupes  à  vapieur 
démontables,  dont  l'une  leur  fut  offerte  par  le  Comité  français  de  l'As- 
sociation internationale  africaine,  furent  construites  pour  la  navigation 
sur  l'Alima  et  le  Congo  ;  le  ministre  de  la  marine  mit  à  leur  disposition 
deux  mécaniciens  et  quelques  matelots  sénégalais,  et,  à  la  fin  de  décem- 


—  274  — 

bre  1879,  de  Brazza  quittait  de  nouveau  TEurope,  pour  aller  fonder  sur 
le  Haut-Ogôoué  et  le  Congo  deux  stations  civilisatrices. 

Au  commencement  de  janvier  1880,  il  arrive  au  Gabon,  où  il  retrouve, 
prêts  à  le  seconder,  ses  interprètes  et  ses  porteurs,  anciens  esclaves  qu'il 
avait  rendus  à  la  liberté  et  qui  s'étaient  établis  dans  la  colonie  française. 
Après  avoir  pris,  chez  les  Inengas  et  plus  loin,  toutes  les  dispositions  pour 
faciliter  les  relations  commerciales  et  les  futurs  transports  de  personnel 
et  de  matériel,  il  remonte  TOgôoué.  L'abandon  obtenu  précédemment, 
de  chaque  tribu  riveraine,  de  ses  prétentions  exclusives  sur  les  différen- 
tes parties  du  fleuve,  et  l'organisation  d'un  service  général  de  transport 
confié  aux  Adoumas  et  aux  Okandas,  les  piroguiers  par  excellence  du 
bassin  de  l'OgÔoué,  lui  permirent  de  fixer  sans  hésitation,  dès  la  fin  de 
janvier,  à  Nghimi,  près  du  confluent  de  l'Ogôoué  et  de  la  Passa,  à  220* 
d'altitude,  et  à  815  kilom.  de  l'Océan,  l'emplacement  de  la  première 
station,  en  conmiunication  directe  avec  l'Atlantique,  et  à  proximité  de 
l'Alima.  La  vente  d'un  village  et  de  plantations,  commencées  près  de 
Nghimi  par  une  tribu  qui  avait  eu  l'intention  de  s'établir  là,  et  à  laquelle 
la  venue  des  blancs  parut  une  garantie  de  paix,  facilita  l'établissement 
immédiat  de  la  station,  et,  en  juin  1880,  Franceville  était  fondée. 

Avant  de  se  remettre  en  route  pour  le  Congo,  l'explorateur  envoya 
son  aide,  M.  Michaud,  avec  770  hommes  et  44  pirogues,  aux  factoreries 
de  Lambaréné,  pour  y  chercher  MM.  BaUay  et  Mizon,  sur  l'arrivée  des- 
quels il  comptait,  et  qui  devaient  amener  avec  eux  le  personnel  des  sta- 
tions. Mais  différentes  causes  avaient  retardé  leur  départ  de  France. 
Ignorant  ce  délai,  de  Brazza  partit  pour  l'Alima  vers  la  mi-juin  1880, 
ayant  avec  lui  une  dizaine  d'indigènes,  un  sergent  nommé  Malamine,  et 
un  Batéké  du  nom  d'Ossia,  qui  parlait  tous  les  idiomes  de  l'Ogôoué  et 
du  Congo  inférieur,  et  l'avait  accompagné  dans  ses  précédents  voyages, 
en  qualité  d'interprète;  entièrement  dévoué  à  sa  personne  et  à  ses  pro- 
jets, il  assura  par  ses  conseils  le  succès  de  l'expédition.  Induit  en  erreur 
par  les  premières  indications  de  Stanley,  qui  plaçaient  Stanley-Pool  à 
150  kilom.  plus  à  l'est  qu'il  ne  l'est  réellement,  de  Brazza  visait,  à  son 
départ  de  Franceville,  un  point  du  Congo  beaucoup  trop  à  l'est.  Sortant 
du  bassin  argileux  de  l'Ogôoué  dont  les  vallées  humides  sont  cachées 
sous  d'épaisses  forêts,  et  les  collines  couvertes  de  hautes  herbes,  il 
monta  vers  le  plateau  accidenté,  sablonneux  et  déboisé  des  Achicouya, 
qui  sépare  le  Lékéti,  branche  méridionale  de  l'Alima,  de  la  Mpama  (la 
Mpaka  de  Stanley),  l'un  et  l'autre  à  450^  d'altitude,  et  atteignit,  par 
825",  la  ligne  de  faîte  entre  les  bassins  de  l'Atlantique  et  du  Congo* 


—  275  — 

Tous  les  indigènes  de  cette  régioi\  appartiennent  à  la  peuplade  des 
Batékés,  réputés  cannibales,  et  chez  lesquels  règne  l'esdavage.  Néan- 
moins les  Achicouyas  le  reçurent  avec  des  cris  de  joie,  ainsi  que  les 
Âbomas  du  plateau  au  delà  de  la  Mpama,  qui  dépendent  du  puissant 
chef  Makoko.  Tandis  qu'il  descend  en  radeau  la  rivière  Léfini  (le  Law- 
son  de  Stanley),  un  chef,  vassal  de  Makoko,  se  présente  à  lui  avec  des 
paroles  de  paix  de  la  part  de  son  suzerain,  et  s'o&e  à  lui  servir  de  guide. 
  Ngampo  il  quitte  son  radeau,  traverse  à  pied  un  plateau  inhabité,  et, 
après  deux  jours  de  marche,  arrive  un  soir  à  11  heures  en  face  de 
rimmense  nappe  d'eau  du  Congo,  qui  apparaissait  au  N.-E.  comme  une 
mer,  et  coulait  majestueusement,  sans  que  le  sommeil  de  la  nature  fUt 
troublé  par  le  bruit  de  son  faible  courant.  Cette  partie  du  pays  est  habi- 
tée par  les  Oubandjis,  de  la  même  famiUe  que  les  Âpfourous  de  l'Alima 
qui,  dans  le  premier  voyage  de  Brazza,  l'avaient  attaqué  et  l'avaient 
empêché  de  descendre  cette  rivière.  Les  Oubandjis  naissent,  vivent  et 
meurent,  avec  leurs  familles,  dans  les  belles  pirogues  sur  lesquelles  ils  font 
seuls  les  transports  d'ivoire  et  de  marchandises,  entre  le  Haut-Alima  et 
Stanley-Pool.  Us  sont  les  maîtres  de  la  navigation,  et  de  Brazza  devait 
traiter  avec  eux.  Il  leur  fit  offrir,  par  le  chef  de  Ngampey,  le  choix  entre 
une  cartouche  et  le  pavillon  français,  l'une,  symbole  de  guerre,  l'autre, 
emblème  d'une  paix  profitable  aux  intérêts  de  tous.  Puis,  leur  laissant  le 
temps  de  la  réflexion,  il  se  rend  chez  Makoko,  qui  le  reçoit  des  plus  cor- 
dialement, a  heureux  de  recevoir  le  fils  du  grand  chef  blanc  de  l'occi- 
dent, et  voulant  que  de  Brazza  pût  dire,  à  ceux  qui  l'ont  envoyé,  que 
Makoko  sait  bien  recevoir  les  blancs,  qui  viennent  à  lui  non  en  guerriers 
mais  en  hommes  de  paix.  »  En  effet,  pendant  les  25  jouïs  que  de  Brazza 
passa  chez  Makoko,  il  fiit  traité  avec  toutes  sortes  d'égards;  il  profita 
de  ces  bonnes  dispositions  pour  conclure  le  traité  dont  nous  avons  donné 
le  texte  dans  notre  dernier  numéro  (p.  232),  et  qui  fut  ratifié  dans  une 
assemblée  solennelle  de  tous  les  chefs  immédiats  et  vassaux  de  Makoko. 
Celui-ci  appuya  de  toute  son  influence  la  démarche  de  l'explorateur 
auprès  des  Oubandjis,  dont  40  chefis,  représentant  toutes  les  tribus  de  la 
rive  droite  du  Congo,  de  l'équateur  à  la  résidence  de  Makoko,  descen- 
dirent avec  toute  une  flottille  de  magnifiques  pirogues,  jusqu'à  Ngan- 
chouno.  Alors  Savorgnan  de  Brazza  leur  rappelle  les  gages  de  paix  qu'il 
a  donnés  jusqu'ici,  en  vivant  en  bonne  harmonie  avec  les  tribus  dont  il  a 
traversé  le  territoire,  leur  expose  son  désir  d'installer  une  station  dans 
le  Haut-Alima,  et  une  autre  à  Ntamo,  pour  en  faire  des  lieux  d'échange 
entre  les  produits  de  l'Europe  et  ceux  de  l'Afrique,  et  leur  fait  compren- 


—  276  — 

dre  que  des  relations  commerciales,  profitables  aux  intérêts  de  tons,  ne 
peuvent  s'établir  que  dans  la  paix.  Mais  de  tristes  souvenirs  risquent  de 
faire  échouer  les  négociations.  Après  une  longue  discussion,  un  des  cheJEs 
Oubandjis  s'avance  avec  fieii;é  et  gravité  vers  Savorgnan  de  Brazza,  et 
lui  montrant  un  îlot  voisin  :  ce  Regarde  cet  Uot,  »  lui  dit-il,  «  il  semble 
placé  là  pour  nous  mettre  en  garde  contre  les  promesses  des  blancs,  car 
il  nous  rappelle  qu'ici  le  sang  des  Oubandjis  a  été  versé  par  le  premier 
blanc  que  nous  avons  vu.  Un  des  siens  qui  l'a  abandonné  te  donnera  à 
Ntamo  le  nombre  de  ses  morts  et  de  ses  blessés,  mais  je  te  dirai  que 
nos  ennemis  ont  pu  échapper  à  notre  vengeance  en  descendant  le  fleuve 
comme  le  vent  ;  seulement,  qu'ils  n'essaient  pas  de  le  remonter.  »  On  se 
rappelle  qu'entre  le  confluent  du  Lawson  et  Nganchouno,  un  jour,  pen- 
dant que  l'on  préparait  le  déjeûner,  Stanley  fut  surpris  par  une  décharge 
de  plusieurs  coups  de  feu;  six  de  ses  hommes  tombèrent  ayant  chacun 
une  blessure.  Les  autres  saisissant  leurs  armes,  engagèrent  avec  les 
assaillants  une  lutte  acharnée,  qui  se  termina  au  bout  d'une  heure  par  la 
retraite  des  sauvages.  Stanley  avait  14  blessés  \  Quoique  Stanley  n'eût 
livré  en  cet  endroit  qu'un  combat  défensif,  Savorgnan  de  Brazza  eut 
beaucoup  de  peine  à  dissiper  les  craintes  des  chefs  Oubandjis,  et  à  leur 
persuader  que  les  relations  pacifiques  qu'il  leur  proposait  assureraient 
leur  tranquillité  contre  toute  éventualité.  Il  y  réussit  pourtant  ;  la  paix 
fut  conclue,  après  que  de  part  et  d'autre  on  eut  enterré  la  guerre,  sous 
les  emblèmes  de  balles  et  de  poudre,  et  un  pavillon  français  fiit  donné 
aux  chefs  Oubandjis,  qui  en  voulurent  tous  pour  pavoiser  leurs  pirogues. 
Après  cela  de  Brazza  descendit,  dans  une  des  belles  pirogues  des 
Oubandjis,  le  fleuve  jusqu'à  l'étang  de  Stanley,  sur  la  rive  droite  duquel 
est  Ntamo,  la  clef  du  Congo  moyen,  suivant  l'expression  de  l'explorateur 
qui  allait  la  prendre,  a-t-il  dit,  non  pour  fermer  la  voie,  mais  pour  en 
assurer  la  neutralité.  Makoko  lui  ayant  accordé  le  choix  de  l'emplace- 
ment de  la  station  du  Congo,  il  choisit  le  territoire  compris  entre  les 
rivières  Impila  et  Djoué  (le  Gordon  Bennett  de  Stanley),  et  le  !•'  octo- 
bre 1880,  trois  mois  après  son  départ  de  Franceville,  il  jetait  les  bases 
des  établissements,  auxquels  la  Société  de  géographie  de  Paris,  d'accord 
avec  le  Comité  français  de  l'Association  internationale  africaine,  a 
donné  le  nom  de  Brazzaville.  Il  avait,  dans  ce  second  voyage,  parcouru 
un  itinéraire  de  500  kilom.,  dans  un  pays  inconnu  auparavant,  salubre, 
fertile,  habité  par  des  populations  nombreuses  et  pacifiques,  facile  à 

^  A  travers  le  continent  mystérieux,  t.  Il,  p.  S24. 


—  277  — 

traverser  avec  des  ânes  et  des  chariots,  et  qui,  pensait-il,  ne  présen- 
terait pas  de  difficultés  pour  rétablissement  d'une  voie  ferrée. 

Toutefois  cela  ne  suffisait  pas  encore  à  de  Brazza.  Il  voulut  trouver  la 
voie  qui  permettrait  de  mettre  Ntamo  en  cooojuunication  avec  TAtlan- 
tique,  de  manière  à  répondre  le  mieux  aux  conditions  d'économie  de 
bras,  de  temps  et  d'argent.  C'est  à  résoudre  ce  problème  qu'il  a  en 
dernier  lieu  appliqué  ses  efforts. 

Ntamo  se  trouve  au  débouché  de  la  vaUée  de  la  Djoué  sur  le  Congo. 
En  remontant  cette  vallée  on  arrive  à  un  seuil,  qui  sépare  le  bassin  du 
grand  fleuve  de  celui  de  l'Atlantique.  Derrière  ce  seuil  coule  le  N'Douo, 
affluent  du  Niari,  qui  se  jette  dans  l'Océan  sous  le  nom  de  Quillou.  De 
Brazza  conçut  le  projet  d'explorer  la  vallée  du  Niari,  et,  laissant  le 
sergent  Malamine  avec  trois  hommes  à  la  garde  du  poste  de  Ntamo,  il 
partit  dans  cette  direction  avec  le  reste  de  ses  gens.  Mais  bientôt  il 
rencontra  de  la  défiance  chez  les  Babouendés,  qui  exploitent  les  mines 
de  cuivre  et  de  plomb  dont  cette  partie  du  pays  abonde  ;  il  dut  se  replier 
vers  le  Congo,  et  descendre  de  la  vallée  de  la  Lpuala  à  NdambiMbongo, 
où  il  rencontra  Stanley.  L'entrevue  de  ces  deux  explorateurs  fut  ce  que 
l'on  peut  attendre  de  deux  caractères  généreux,  poursuivant,  par  des 
voies  différentes,  un  but  identique,  l'ouverture  de  l'Afrique  centrale  et 
le  relèvement  de  ses  tribus  par  le  commerce. 

Moins  d'un  an  après  son  départ  du  Gabon,  de  Brazza  touchait  à 
Libreville,  où  l'attendait  une  cruelle  déception.  Ni  le  D' Ballay,  ni  le 
personnel  des  stations  n'étaient  arrivés.  Alors ,  et,  quoiqu'il  eût  besoin 
de  repos,  sentant  qu'il  ne  pouvait  laisser  sans  ressources  les  braves  gens 
qui  gardaient  Franceville  et  Brazzaville,  à  800  et  1200  kilomètres  à  l'in- 
térieur, à  peine  arrivé,  il  repartit  avec  sa  petite  troupe,  deux  marins,  et 
plusieurs  indigènes,  charpentiers,  jardiniers,  etc.  En  remontant  l'Ogôoué 
sa  pirogue  chavira  aux  chutes  de  Boue,  et  il  prit  la  dyssenterie  (v.  p.  1 1 1)  ; 
néanmoins,  en  février  1881,  il  se  retrouvait  h  Franceville,  où  les  travaux 
avaient  été  poussés  si  énergiquement,  que  la  station  vivait  déjà  de  ses  res- 
sources, et  que  tout  y  était  prêt  pour  recevoir  le  matériel  destiné  à  la 
navigation  surl'Alima.  Il  avait  choisi,  pour  le  lancement  d'un  des  va- 
peurs que  devait  amener  le  D'^Ballay,  le  confluent  del'Obia  et  de  la  Lé- 
kiba,  tributaires  de  l'Alima.  Il  s'agissait  dès  lors  d'ouvrir  une  route  qui 
rattachât  ce  point  à  FranceviUe.  B  explora  de  nouveau  le  pays  pour  fixer 
le  meilleur  tracé,  se  procura  400  travailleurs,  défricheurs  et  terrassiers, 
organisés  par  escouades,  sous  la  surveillance  de  quelques  Grabonais  et 
la  direction  de  ses  aides,  Michaud,  Amiel  et  Guiral,  et  bientôt  une  large 


—  278  — 

et  longue  trouée  à  travers  la  forêt  fut  transformée  en  une  route  prati- 
cable, avec  deux  ponts  sur  le  Ngialikou  et  le  Lékéti.  Après  cela,  il  lui 
fallut  organiser  un  service  général,  pour  obvier  à  l'inconvénient  du  chan- 
gement perpétuel  des  porteurs.  Ceux  de  TAlima,  qui  n^étaient  jamais 
venus  à  Franceville,  étaient  d'ailleurs  hésitants  ;  mais  bientôt  la  crainte 
de  voir  le  commerce,  det^tte  station  à  Ntamo,  prendre  la  voie  de  terre, 
les  engage  à  appeler  de  Brazza  ;  celui-ci  se  rend  au  milieu  d'eux  en  sep- 
tembre 1881,  et,  dans  une  réunion  solennelle,  à  laquelle  assistent  tous 
les  chefe  venus  de  50  kilomètres  à  la  ronde,  il  les  persuade  et  obtient 
d'eux  tout  ce  qu'il  désire,  pour  l'installation  d'une  station  sur  le  Haut- 
Alima)  et  pour  le  service  de  transport  entre  cette  rivière  et  l'Ogôoué. 
Attendant  toujours  l'arrivée  du  D' Ballay  et  des  vapeurs  pour  l'Alima,  il 
élève  des  cases  pour  le  personnel  de  cette  station  et  prépare  tout  pour 
le  lancement  des  bateaux.  Mais  le  D' Ballay  était  retenu  au  Gabon  par 
des  avaries  aux  machines  ;  seul  M.  Mizon,  désigné  pour  prendre  la  direc- 
tion de  FranceviQe,  y  était  arrivé  à  la  fin  de  septembre.  De  Brazza  y 
revint  de  son  côté,  remit  la  station  aux  mains  de  son  successeur,  puis, 
reprenant  l'exploration  de  la  partie  supérieure  du  Niari  à  laquelle  il  avait 
dû  renoncer  dans  son  précédent  voyage,  il  traversa  dans  son  milieu 
toute  la  contrée  entre  l'Ogôoué  et  le  Congo.  Avant  de  quitter  France- 
ville,  toutefois,  il  envoya  des  marchandises  à  Malannne,  à  Ntamo  ;  puis 
il  gagna  Nhango  sur  la  Mpama;  de  là,  poursuivant  sa  route  à  travers 
des  montagnes  sablonneuses,  il  toucha  aux  sources  du  Lékéti,  de  la 
Mpama,  et  enfin,  le  8  février  de  cette  année,  à  celles  de  l'Ogôoué  qu'il 
avait  remonté  pour  la  première  fois  six  ans  auparavant.  Un  mois  plus 
tard  il  était  sur  les  bords  du  Niari  qui,  à  l'endroit  oh  il  le  traversa,  a  de 
80  à  90  mètres  de  large.  Non  loin  de  là  sont  les  mines  de  cuivre  et  de 
plomb,  dont  le  voisinage  l'avait  obligé  à  se  détourner  de  sa  route  en 
venant  dô  Ntamo.  Des  bords  du  Niari  il  aperçut,  au  milieu  des  monta- 
gnes qui  encadraient  à  moitié  l'horizon,  la  coupure  qui  livre  un  fEicile 
passage  pour  se  rendre  de  cette  vallée  à  Ntamo,  par  la  Djoué.  Longeant 
quelque  temps  la  rive  gauche  du  Niari,  il  en  trouva  la  vallée  assez  large, 
plate,  semée  de  petites  cultures,  et  se  prolongeant  à  peu  près  droit  à 
l'ouest;  et,  tandis  que  le  Congo  traverse  les  terrasses  du  plateau  à  la 
façon  d'un  escalier,  le  Niari,  jusqu'à  son  confluent  avec  la  rivière  Lallî, 
coule  sans  un  rapide  sur  un  terrain  uniforme  et  fertile,  habité  par  une 
population  très  dense  qui  fit  bon  accueil  à  l'expédition.  En  revanche, 
s'étant  écartée  du  Niari  pour  monter  sur  un  plateau  au  sud,  elle  y 
trouva  des  indigènes  qui  lui  refusèrent  l'eau,  le  feu  et  même  une  place 


—  279  — 

pour  se  reposer  hors  de  leur  village.  Une  lutte  s'engagea,  et  force  fut  à 
de  Brazza  de  battre  en  retraite  avec  ses  gens.  Après  une  marche  forcée, 
il  atteignit  le  sommet  des  montagnes  au  pied  desquelles  s'étend  la  plaine 
verdoyante  du  Loundima  ou  Loema  ;  sur  le  versant  occidental  il  ren- 
contra un  groupe  de  villages  Mboko,  où  le  minerai  de  cuivre  se  ramasse 
à  fleur  de  terre.  Le  17  avril  il  était  à  Landana  sur  PAtlantique,  où  la 
mission  française  et  la  colonie  européenne  lui  firent  oublier,  à  lui  et  à  ses 
gens,  par  leurs  marques  d'intérêt  et  d'affection,  toutes  les  fatigues,  les 
misères  et  les  privations  dont  ils  avaient  souffert. 

Les  nombreuses  observations  hydrographiques,  hypsométriques  et 
météorologiques  que  Savorgnan  de  Brazza  a  faites,  pendaut  ces  deux 
ans  et  demi,  dans  ce  pays  immense,  seront  publiées  plus  tard.  Mais 
«  dès  aujourd'hui,  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  l'ouverture  de  l'Afrique 
applaudiront  aux  travaux  par  lesquels  il  a  déterminé  les  bassins  inté- 
rieurs et  maritimes  de  cette  région,  ainsi  que  les  passages  entre  ces 
bassins,  et  les  voies  de  communication  les  meilleures  ;  au  point  de  vue 
philanthropique,  c'est  beaucoup  aussi  d'avoir  fondé  trois  stations 
hospitalières,  et  gagné  les  bonnes  dispositions  des  populations. 

Des  deux  voies  étudiées  pour  parvenir  à  Brazzaville,  l'une,  par 
rOgÔoué,  Franceville,  l'Alima  et  le  Congo,  est  la  plus  longue  ;  mais  elle 
a  des  cours  d'eau  utilisables,  et  n'a  que  120  Mlom.  de  route,  à  travers 
un  pays  abondant  en  ressources,  dont  la  population  est  animée  des 
meilleurs  sentiments.  Sur  cette  route,  déjà  carrossable,  le  transit  par 
porteurs  et  bêtes  de  somme  est  assuré,  et  pourra  se  faire  plus  facilement 
encore  par  chemin  de  fer,  système  Decauville.  L'autre  par  le  Quillou, 
le  Niari  et  la  Djoué,  préconisée  aujourd'hui  comme  la  plus  courte,  et 
par  laquelle  on  parle  déjà  de  faire  passer  un  chemin  de  fer,  a  encore 
besoin  d'être  reconnue  en  détail.  Jusqu'à  présent,  le  Quillou  n'a  été 
remonté  qu'à  une  centaine  de  kilomètres  de  l'Océan  ;  la  barre  en  est 
difficile  à  franchir  ;  dans  son  cours  inférieur  il  forme  des  rapides,  qui  ne 
sont  pas  sans  danger  pour  la  navigation.  Au  delà  de  Ngouella  et  du 
confluent  de  la  Lalli  et  du  Niari,  on  peut  supposer,  comme  de  Brazza  l'a 
entendu  dire,  que  la  rivière  ne  forme  plus  de  rapides  jusqu'à  l'endroit 
où  il  l'a  traversée,  mais,  à  partir  de  ce  point,  il  reste  encore  à  explorer 
le  passage  entre  la  vallée  du  Niari  et  celle  de  la  Djoué. 

Quoi  qu^il  en  soit,  Savorgnan  de  Brazza  paraît  tout  disposé  à  se 
charger  d'achever  cette  reconnaissance,  et  nous  espérons  qu'il  lui  sera 
accordé  de  mener  cette  grande  œuvre  à  bonne  fin,  pour  que,  soit  par  le 
Niari,  soit  par  l'Alima,  ou  encore  par  les  deux  voies  à  la  fois,  des 


—  280  — 

relations  s'établissent  entre  rAtlautique  et  Ntamo,  dans  Tintérèt  de 
tous,  des  noirs  conune  des  blancs,  des  commerçants  comme  des  mission- 
naires, à  quelque  nationalité  qu'ils  appartiennent. 


BIBLIOGRAPHIE 


De  l'Atlantique  au  Niger,  par  le  Foutah  Djallok,  cariœt  de 
VOYAGE  DE  Aimé  Olivier i  vicamte  de  SandervaL  Paris  (P.  Ducrocq), 
1882,  in-8*',  407  p.  avec  illust.  et  carte,  7  fr.  —  Le  Niger  et  le  Soudan, 
par  le  même,  in-8'*,  4  p. — Les  expéditions  multipliées  entreprises  récem- 
ment, de  là  côte  occidentale  d'Afrique  à  Timbo,  pour  atteindre  le  Niger 
par  la  route  la  plus  courte,  donnent  un  intérêt  particulier  au  volume  de 
M.  Olivier,  le  chef  de  la  première  exploration  (1880),  à  laquelle  se  ratta- 
chent intimement  celles  de  M.  Gouldsbury,  gouverneur  anglais  de  la 
Gambie  (mars  1881),  de  M.  Gaboriaud,  envoyé  de  M.  Olivier  à  l'ahnamy 
de  Timbo  (juin  1881),  et  du  D' Bayol,  chargé  d'une  mission  oflBicielle  du 
gouvernement  français  auprès  du  même  souverain  (juillet  1881). 

Depuis  longtemps  M.  Olivier  méditait  ce  voyage,  auquel  il  était 
encouragé  par  M.  de  Chasseloup-Laubat,  ancien  ministre  de  la  marine, 
alors  président  de  la  Société  de  géographie  de  Paris,  qui  croyait  à 
l'avenir  d'une  route  par  le  Foutah  Djallon.  Il  partit,  avec  Tintention  de 
chercher  le  point  de  la  côte  qui  pourrait  être  relié  le  plus  facilement  par 
un  chemin  de  fer  au  Niger  navigable,  de  gagner  le  fleuve  au  confluent 
du  TanMsso,  et  de  le  descendre  jusqu'à  la  hauteur  de  Sakatou  pour 
étudier  le  Soudan.  Une  guerre  du  roi  de  Timbo  avec  son  voisin  de  Din- 
guirray  ne  lui  permit  pas  d'atteindre  le  Niger.  Mais  son  carnet  de 
voyage  renferme  des  informations  très  utiles,  sur  sa  reconnaissance  de  la 
côte  et  des  rivières  au  sud  de  Boulam,  et  sur  son  itinéraire  vers  l'inté- 
rieur, à  partir  de  Boulam  à  l'embouchure  du  Rio-Grande,  par  le  Labé 
jusqu'à  Timbo,  et  un  peu  au  delà  jusqu'à  C!onkobala,  avec  retour  par 
Timbi  à  Boké  sur  le  Rio-Nunez,  à  travers  les  dix  États  qui  forment  le 
royaume  de  l'almamy  de  Timbo.  Chemin  faisant,  on  apprend  à  con- 
naître en  détail  ce  pays  accidenté,  formé  de  cinq  vallées  parallèles  entre 
elles,  séparées  par  de  longues  chaînes  de  montagnes  granitiques  qui  se 
relient  à  un  plateau  central,  de  1000"  d'altitude  moyenne,  dont  la  tem- 

^  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  13,  rue  du  Rhône,  à  Genève^ 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  exjfioriit  et  dwlisée. 


—  281  — 

pérature  rappelle  le  climat  de  la  France,  moins  les  froids  de  Thiver,  et 
qui  partout  est  arrosé  par  de  belles  eaux  courantes,  même  dans  la  saison 
sëehe.  L'auteur  note  avec  soin  tous  le»  végétaux  dont  l'exploitation 
serait  utile,  les  nombreux  gisements  de  minerai  de  fer,  et  donne  le  traité 
conclu  avec  Talmamj  de  Timbo,  en  présence  de  tous  les  chefe  importants 
du  Foutah  Djallon,  pour  la  construction  d'un  chemin  de  fer.  Nous 
regrettons  seulement  que  le  but  n'en  soit  pas  simplement  d'établir  une 
voie  de  conmiunication  pour  faciliter  les  relations  commerciales  entre  la 
côte  et  l'intérieur,  mais  plutôt  de  se  rendre  mattre  d'un  pays  dont  les 
habitants,  esclaves  ou  libres,  quelque  noirs  qu'ils  soient,  sont  pour  nous 
plus  que  «des  bêtes  apprivoisées,  n'ayant  au  moral,  comme  au  physique, 
pas  de  sensations  très  supérieures  à  celles  des  animaux.  »  Nous  compre- 
nons très  bien  que  ces  noirs  se  défient  des  blancs  qui  viennent  chez  eux 
avec  de  semblables  préventions,  et  quoique  M.  Olivier,  dans  les  quelques 
pages  :  Le  Niger  et  le  Soudan,  dise  bien  qu'il  ne  faut  pas  porter  la 
guerre  dans  le  Foutah  Djallon,  nous  craindrions  beaucoup,  si  le  chemin 
de  fer  qu'il  préconise,  en  opposition  à  celui  du  Sénégal  à  Bamakou,  était 
jamais  construit  dans  l'intention  de  mettre  la  France  en  possession  de 
ce  pays,  que  ce  ne  fût  pas  «  la  civilisation  qui  ftt  le  voyage  de  Timbo,  » 
comme  il  le  dit  à  la  fin  de  son  volume,  mais  la  guen*e,  aussi  nuisible  aux 
vrais  intérêts  de  la  France  qu'au  relèvement  des  noirs. 

Léon  de  Bisson.  La  Tbipolitaine  et  la  Tunisie.  Paris  (Ernest 
Leroux),  1881,  in-16, 147  p.  —  Écrit  avant  les  derniers  événements  de 
Tunisie,  ce  petit  voluma  ne  dit  rien,  naturellement,  de  ce  qui  se  passe 
aujourd'hui  dans  cette  partie  de  l'Afrique.  Une  carte  et  des  plans  de 
Tripoli  et  de  Tunis  ajouteraient  à  la  valeur  de  ces  pages,  pour  les  voya- 
geurs en  vue  desquels  M.  de  Bisson  les  a  rédigées  ;  ils  pourront  cepen- 
dant, son  livre  à  la  main,  s'orienter  facilement  dans  ces  deux  villes  et 
dans  leurs  environs  ;  ils  seront  également  très  reconnaissants  à  l'auteui- 
des  informations  pratiques  qu'il  leur  fournit  sur  les  itinéraires  d'excur- 
sions autour  de  Tunis,  sur  les  tarifs  de  débarquement,  les  bateaux  à 
vapeur,  les  chemins  de  fer,  les  postes  et  les  télégraphes,  les  mesures  et 
les  monnaies,  ainsi  que  de  ses  conseils  sur  les  précautions  à  prendre 
pour  voyager  sur  le  littoral  ou  dans  l'intérieur. 

DlB  ÂFBIKA-LiTEBATUR  IN  DEE  ZeIT  VON  1500  BIS  1750,  VOU  D'  Phi" 

lipp  Paulitschke.  Wien  (Brockhausen  und  Brâuer),  1882,  in-8%  122  p. 
—  Au  Congrès  international  de  géographie  de  Venise,  le  célèbre  voya- 
geur Bohl&  insista  sur  la  nécessité  d'avoir  des  biographies  des  différents 


—  282  — 

continents.  Le  D'  Paulitschke,  qui  depuis  un  grand  nombre  d^années 
s'occupe  de  l'Afrique,  et  auquel  nous  devons  déjkVEocploration  du  con- 
tinent africain,  des  plus  arftiens  temps  jusqxCà  nos  jours  (voy.  H"* 
année,  p.  43),  et  V Afrique  au  point  de  vue  commercial,  politique  et  sta- 
tistique (voy.  ni"*  année,  p.  212),  a  voulu  faciliter  la  tâche  du  futur 
biographe  de  l'Afrique,  et  préparer  le  terrain  pour  la  période  de  1500  à 
1750.  Pour  cela  il  a  réuni  les  indications  bibliographiques  des  sources, 
d'où  procèdent  nos  connaissances  sur  l'Afrique  jusqu'au  milieu  du 
XVin**  siècle.  Il  les  a  fait  précéder  d'une  dissertation  sur  le  progrès  des 
connaissances  géographiques  de  l'Afrique  de  1500  jusqu'à  Banville,  avec 
une  liste  spéciale  de  13  ouvrages  sur  le  Nil,  de  1552  à  1698.  Quant  au 
catalogue  bibliographique  proprement  dit,  il  renferme  des  indications  de 
manuscrits, 'd'ouvrages  et  de  cartes,  nouveaux  ou  d'une  valeur  pratique  ; 
elles  sont  divisées  en  deux  parties,  l'une  embrassant  les  généralités 
sur  toute  l'Afrique,  l'autre  les  ouvrages  spéciaux  pour  le  nord,  l'ouest, 
le  sud  ou  l'est  du  continent.  Dans  chaque  cas  elles  sont  rangées  par 
ordre  chronologique  et  donnent,  en  tout,  les  titres  de  1212  ouvrages. 

SwAHiu  Ex£Bas£8,  by  Edw.  Steere.  London  (George  Bell  and  Sons), 
1882,  in-16,  183  p.  —  La  langue  souahéli  est  la  plus  importante  de 
l'Afrique  orientale,  de  la  côte  de  Mozambique  au  pays  des  Gallas,  et 
jusque  très  avant  dans  l'intérieur.  C'est  celle  dont  se  servent  le  plus 
grand  nombre  des  missionnaires  dans  cette  partie  du  continent,  du 
Victoria  Nyanza  au  Tanganyika;  c'est  également  celle  qu'ont  employée 
Stanley  et  Gameron  dans  leurs  voyages  à  travers  l'Afirique,  d'un  océan 
à  l'autre.  Le  missionnaire  Krapf,  qui  vient  de  mourir,  en  a  donné  une 
grammaire,  et  un  dictionnaire  qui  est  sous  presse;  et  l'évêque  de 
Zanzibar,  M.  Steere,  auquel  on  doit  déjà  une  grammaire  et  la 
traduction  en  cette  langue  de  grandes  parties  de  la  Bible,  a  rédigé  un 
petit  guide  pratique  à  l'usage  de  ceux  qui  désirent  arriver  à  parler 
correctement  le  souahéli.  Ces  exercices  nous  paraissent  très  bien 
appropriés  à  leur  but  ;  sans  pouvoir  fournir  des  exemples  de  toutes  les 
formes  de  phrases,  ils  donnent  les  plus  importantes,  laissant  de  côté 
celles  qui  ne  sont  employées  que  rarement,  et  qui  pourront  être  apprises 
facilement  quand  on  en  aura  besoin:  ' 

A.  J.  Wauters.  De  Bruxelles  a  Eabémà.  Bruxelles  (A.  N.  Le  Bègue 
et  C'*),  1882,  in-16,  130  p.  —  Destiné  à  faire  connaître  le  voyage  de 
la  première  des  expéditions  de  l'Association  internationale  africaine,  et 
le  travail  du  capitaine  Cambier  à  Earéma,  ce  petit  volume  a  tout 


—  283  — 

Tattrait  des  récits  qui  rapportent  les  fùbles  commencements  d'une 
grande  œuvre.  Les  détails  sur  les  obstacles  de  toutes  sortes  rencontrés 
par  le  voyageur,  font  mieux  ressortir  le  mérite  de  celui  qui  a  frayé  la 
voie  aux  expéditions  subséquentes,  beaucoup  plus  facOes  ;  et  la  descrip- 
tion de  rétat  de  Earéma,  h  Tarrivée  des  Européens,  fait  comprendre 
toute  la  valeur  de  leur  travail,  de  leurs  constructions,  de  leurs  cultures 
au  milieu  des  indigènes.  En  terminant,  M.  Wauters  fait  entrevoir  quel 
sera  l'avenir  de  l'Afrique  centrale,  lorsqu'une  nouvelle  génération  de 
nègres,  formée  à  la  culture  des  terres  et  aux  différents  métiers,  sous  les 
yeux  des  Européens,  aura  fourni  des  honmies  intelligents,  instruits  et 
honnêtes,  qui  pourront  être  placés  à  la  tête  de  comptoirs,  pour  expédier 
en  Europe  les  produits  de  l'intérieur  et  recevoir  ceux  des  industries  des 
pays  plus  civilisés. 

22.  N.  Cust  Notice  of  the  scholars  who  havb  contriboted  to  the 

EXTElirSION    OF   OUR    KNOWLEDGE    OF   THE   LANGUAGES    OF   AfRICA.    IU-S**, 

16  p.  —  Nous  devons  déjà  à*M.  R.  N.  Cust,  secrétaire  honoraire  de  la 
Société  royale  asiatique,  un  tableau  d'ensemble  des  langues  de  l'Afrique, 
dont  nous  avons  donné  un  résumé  à  nos  lecteurs  (m*  année  p.  30-37). 
Dans  la  notice  sus-mentionnée,  il  passe  en  revue  les  noms  de  tous  ceux 
qui  ont  consacré  leurs  forces  et  leurs  talents  à  nous  transmettre  la 
connaissance  de  ces  langues:  voyageurs  non  savants,  rédacteurs  de 
simples  vocabulaires  ;  savants,  auteurs  de  grammaires,  de  dictionnaires, 
d'ouvrages  de  philologie  comparée  sur  les  langues  africaines  ;  ou  encore 
vulgarisateurs,  pour  le  grand  public,  des  connaissances  fournies  par 
d'autres.  H  a  soin  de  rattacher  les  noms  de  ces  nombreux  auteurs  et  les 
titres  de  leurs  ouvrages  aux  six  familles  de  son  tableau  d'ensemble  : 
sémite,  chamite,  nubienne-foulah ,  nègre  proprement  dite,  bantou, 
hottentote  et  bushmen.  Enfin,  il  indique  les  grandes  bibliothèques  dans 
lesqueUes  se  trouvent  déjà  des  collections  plus  ou  moins  complètes 
d'ouvrages  philologiques  sur  les  langues  africaines. 

V.  Largeau.  Le  Sahaba  algérien.  Deuxième  édition,  Paris 
(Hachette  et  C**),  1881,  in-18,  352  p.  avec  illust.  et  3  cartes.  —  Depuis 
son  premier  voyage  (1875)  à  Ghadamès,  oii  il  se  proposait  de  créer  un 
courant  d'affaires  commerciales  avec  l'Algérie,  M.  Largeau  a  fait  deux 
nouvelles  explorations  dans  la  région  saharienne,  la  dernière,  en  parti- 
culier, pour  reconnaître  la  voie  par  laquelle  il  serait  possible  de  faire 
passer  le  Trans-saharien.  Il  a  pu  combler  les  lacunes  de  la  première 
édition  du  Sahara,  parue  en  1877,  et  corriger  des  imperfections  qui  s'y 


—  284  — 

étaient  glissées.  Des  observations  nouvelles,  des  notes  nombreuses  rela- 
tives à  la  flore,  à  la  faune,  au  climat  du  désert,  des  illustrations 
beaucoup  meilleures,  et  trois  cartes  spéciales  de  rOued-Rihr  et  de  ses 
itinéraires  à  Ghadamës,  fçnt  presque  de  cette  seconde  édition  une 
œuvre  nouvelle.  M.  Largeau  croit  toujours  à  la  possibilité  du  Trans- 
saharien, pour  lequel  il  recommande  la  ligne  Ouargla-Insalah-Tombouc- 
tou,  qui  se  rapprocherait  des  lignes  d'eau.  Seulement,  il  voudrait  qu'une 
expédition  militaire  vengeât  au  plus  vite  la  mort  du  colonel  Flatters,  et 
que  la  France  occupât  le  Hoggar,  après  quoi  Ton  construirait  des 
villages  fortifiés,  qui  seraient  autant  de  stations  du  chemin  de  fer.  Mais, 
n'en  déplaise  à  Tauteur,  au  point  de  vue  de  Texploration  et  de  la 
civilisation  de  l'Afrique,  une  politique  pacifique  nous  paraît  de  beaucoup 
préférable. 

Ernest  de  Weber.  Quatre  ans  au  pays  dksBoebs,  1871-1875.  Traduc- 
tion par  Jules  Oourdault.  Paris  (Hachette  et  C**),  1882,  in-18, 386  p.  avec 
iUust.  et  carte.  —  Dans  cette  traduction,  faite  avec  soin  et  abrégée  avec 
l'autorisation  de  l'auteur,  M.  Gourdault  a  donné  au  public  français  une 
série  d'épisodes  et  de  tableaux,  destinés  à  faire  bien  connattre  les  choses 
et  les  scènes  exposées  avec  plus  de  détails  par  M.  de  Weber,  dans  son 
ouvrage  :  Vier  Jàhre  in  Afrika.  Arrivé  dans  l'Afrique  australe  à  l'épo- 
que de  la  découverte  des  mines  de  diamants,  l'auteur  nous  fait  assister 
à  l'origine  de  ce  mouvement,  qui  emporta  vers  le  Griqualand-West  des 
milliers  de  mineurs,  aux  infortunes  de  la  vie  de  ceux-ci,  éboulements, 
inondations,  conflit  entre  les  détenteurs  du  sol  et  le  gouvernement  bri- 
tannique devenu  maître  du  pays  par  annexion  ;  et  aussi  aux  transforma- 
tions que  subit  l'exploitation,  à  mesure  qu'elle  passa,  des  mains  de  parti- 
culiers, entre  celles  des  grandes  compagnies  qui  y  apportèrent  les  per- 
fectionnements fournis  par  l'industrie  moderne.  La  seconde  partie  est 
consacrée  au  voyage  de  M.  de  Weber,  de  Kimberley  à  Durban,  à  tra- 
vers la  république  de  l'État  Libre  et  la  colonie  de  Natal,  aux  descrip- 
tions sympathiques  de  la  vie  des  Boers  de  l'État  Libre,  des  progrès  de 
la  civilisation  dans  le  petit  État  de  Taba  N'Chou  et  au  Lessouto,  ainsi 
qu'à  celles  des  mœm*s  des  Zoulous  et  de  leur  organisation  militaire  soufi 
Chaka.  Deux  chapitres  spéciaux,  fournis  à  M.  Gourdault  par  l'auteur, 
sur  la  dernière  guerre  des  Zoulous  et  la  restauration  de  la  république 
du  Transvaal,  présentent  exactement  et  impartialement  les  faits  des 
années  1879  et  1881,  tout  en  laissant  entrevoir  les  difficultés  qui  pour- 
ront résulter  de  l'organisation  donnée  au  Zoulouland,  et  de  la  position 
du  Transvaal,  république  autonome  sous  la  suzeraineté  de  l'Angleterre. 


—  285  — 

E,  CoBSon.  Pbojet  de  création  em  Algébie  et  en  Tunisie  d'ukk 
HER  INTÉRIEURE.  Poris  (GautUer  Villars,  imprimeur-libraire),  1882, 
îii-4",  52  p.  et  carte.  —  Dès  Torigine  du  projet  du  capitaine  Roudaire, 
M.  Gosson,  qui  avait  fait  une  étude  spéciale  des  cultures  des  oasis,  et 
de  celle  du  palmier-dattier  en  particulier,  t'en  est  déclaré  l'adversaire, 
et  Ta  combattu  à  plusieurs  reprises  dans  les  séances  de  TAcadémie  des 
^dences.  A  Toccasion  de  la  nomination  par  le  gouvernement  de  la 
commission  chargée  d'étudier  ce  projet,  il  a  cru  devoir  en  examiner  à 
nouveau  les  bases  et  les  résultats  espérés  par  M.  Boudaire.  n  y  oppose 
des  raisons  techniques,  appuyées  de  l'opinion  du  capitaine  Baudot  et  du 
commandant  Parisot,  qui  faisaient  partie  de  l'expédition  de  1874-1875. 

Sans  négliger  les  considérations  politiques  et  commerciales,  il  déve- 
loppe surtout  les  arguments  tirés  de  la  météorologie,  de  l'hygiène  et 
des  cultures  de  cette  région,  pour  prouver  que  la  création  de  cette  mer 
serait  une  inutilité  et  un  danger  pour  le  pays.  Les  observations  de 
M.  de  Lesseps,  sur  les  expériences  faites  au  bord  du  lac  Mensaleh  dans 
risthme  de  Suez,  ne  l'ont  pas  convaincu.  Quant  à  la  commission,  elle 
ne  paraît  pas  avoir  vu  de  danger  dans  ce  projet,  puisque  c'est  surtout 
la  question  des  frais  d'exécution  qui  l'a  engagée  à  ne  pas  encourager 
le  gouvernement  à  prendre  cette  entreprise  sous  son  patronage. 

Publications  de  M.  G.  Rolland,  ingénieur  des  mines  :  Observa- 
tions   MÉTÉOROLOGIQUES.    —    SiLEX    TAILLÉS.    —  MiSSION    TRANS-8AHA- 

RiENNE.  —  Terrain  crétacé  du  Sahara  septentrional.  —  Grandes 
DUNES,  etc.  —  Attaché  à  la  mission  dirigée  par  M.  Choisy  et  chargée 
d'étudier,  au  sud  de  la  province  d'Alger,  les  deux  tracés  de  Laghouat  à 
El  Goléah,  et  de  Biskra  à  Ouargla,  en  vue  du  Trans-saharien,  M.  Bolland 
a  fait  servh*  cette  exploration  à  une  étude  savante  de  la  géologie  et  de 
la  météorologie  du  Sahara  algérien,  dont  il  a  communiqué  les  résultats 
à  plusieurs  sociétés  scientifiques,  dans  les  documents  ci-dessus  mention- 
nés. Le  plus  complet  de  ces  mémoires,  celui  sur  le  terrain  crétacé  du 
Sahara  septentrional,  est  accompagné  d'une  bonne  carte  géologique  du 
Sahara,  du  Maroc  à  la  Tripolitaine  et  de  l'Atlas  au  Hoggar  ;  sans  doute 
ses  observations  personnelles  ont  porté  sur  le  Sahara  algérien,  mais, 
pour  les  parties  à  l'est  et  à  l'ouest  de  ce  dernier,  il  a  mis  à  profit  les 
renseignements  fournis  par  d'autres  voyageurs;  il  a  même  donné, 
d'après  Lenz,  un  aperçu  de  la  géologie  du  Sahara  occidental  jusqu'à 
l'océan  Atlantique,  et  un  autre,  d'après  Zittel,  jusqu'à  la  mer  Rouge. 
Ses  observations  sur  les  grandes  dunes  lui  ont  permis  de  constater  que 


—  286  — 

leurs  éléments  provienaent*  de  la  désagrégation  des  roches  sons  les 
influences  atmosphériques,  et  que  TamonceUement  des  sables  est  dft 
entièrement  au  vent;  en  outre  elles  ont  mis  en  lumière  la  relation  qui 
existe  entre  les  chaînes  de  dunes  et  le  relief  du  sol,  et  le  fait  que  les 
grandes  dunes  sont  sensiblement  fixes  en  plan  et  invariables  dans  leur 
topographie  générale.  —  Dans  ses  a  Observations  météorologiques,»  tout 
en  admettant,  avec  M.  Pomel,  que  le  climat  actuel  doit  avoir  toujours 
existé  historiquement  dans  ses  traits  généraux  et  caractéristiques,  il 
n'en  reconnaît  pas  moins  que  le  Sahara  est  de  plus  en  plus  pauvre  en 
pluie,  en  végétation,  en  sources  et  en  habitants.  La  découverte  de  nom- 
breux silex  taillés,  pointes  de  flèches  et  débris  de  taille,  à  El-Hassi, 
entre  Laghouat  et  El-6oléah,  le  conduit  à  la  même  conclusion. 

L'Algérie,  par  Maurice  Wakl.  Paris  (Germer  Baillière  et  C"),  1882, 
in-8%  344  p.  —  Certes,  s'il  fut  une  époque  où  l'on  se  plaignit  du  peu 
d'intérêt  que  les  Français  portaient  à  leur  colonie  de  l'Algérie,  ce  repro- 
che ne  peut  les  atteindre  aujourd'hui.  Chaque  mois,  presque  chaque 
semaine  voit  éclore  un  certain  nombre  de  volumes,  qui  étudient  la 
question  algérienne  sous  quelques-unes  de  ses  faces.  Les  remèdes  pro- 
posés pour  améliorer  la  situation  coloniale  sont  toujours  très  dififérents 
les  uns  des  autres,  souvent  irréalisables,  mais  ils  ne  témoignent  pas 
moins  d'une  heureuse  tendance,  et  des.  efforts  faits  par  la  France  pour 
donner  à  l'Algérie  le  bonheur  et  la  prospérité. 

Parmi  les  nombreux  livres  récemment  publiés,  celui  de  M.  Maurice 
Wahl  doit  occuper  l'une  des  premières  places,  non  seulement  à  cause  de 
la  situation  de  son  auteur,  professeur  au  lycée  d'Alger,  ce  qui  lui  a 
permis  d'étudier  sur  place  les  sujets  dont  il  nous  entretient,  mais  surtout 
grâce  à  l'esprit  impartial,  calme  et  serein  qui  a  présidé  à  sa  composition. 
On  ne  trouvera  pas  dans  ce  volume  de  ces  phrases  à  grand  effet,  mais 
vides  de  sens,  qui  abondent  dans  un  si  grand  nombre  d'ouvrages.  L'étude 
au  contraire  ne  s'égare  pas,  elle  est  profonde,  elle  va  droit  au  but  ; 
nous  sommes  persuadé  que  ceux  qui  liront  ce  livre  en  retireront  une 
connaissance  approfondie  de  l'état  actuel  de  lai  colonie,  et  des  divers 
agents  dont  il  faut  tenir  compte  dans  l'œuvre  de  colonisation. 

L'ouvrage  de  M.  Maurice  Wahl  n'est  pas  une  description  politique  de 
l'Algérie,  de  ses  provinces,  de  ses  ports,  de  ses  marchés  de  l'intérieur, 
etc.  n  est  divisé  en  six  livres,  et  nous  ne  saurions  dire  lequel  nous  a  paru 
le  meillem*,  tant  l'intérêt  se  soutient  d'un  bout  à  l'autre.  Il  serait  trop 
long  de  suivre  l'auteur  dans  tous  ses  développements  ;  qu'il  nous  suffise 


—  287  — 

de  donner  les  grandes  divisions  de  son  ouvrage.  Dans  le  premier  livre, 
l'auteur  étudie  le  sol,  c'est-à-dire  l'orographie  ou  les  trois  régions  du 
Tell,  des  Hauts  Plateaux  et  du  Sahara;  dans  le  deuxième,  l'histoire  du 
pays  avant  la  prise  de  possession  par  la  France  :  le  Nord  de  l'Afrique 
sous  les  Carthaginois,  les  Romains,  les  Vandales,  les  Turcs  ;  dans  le  troi- 
sième, la  conquête  française,  l'expédition  d'Alger,  les  exploits  d'Abd-el- 
Kader  et  sa  défaite  ;  dans  le  quatrième  les  habitants,  les  deux  grands 
groupes  arabe  et  berbère,  puis  les  Israélites,  les  Français,  etc.,  le  mou- 
vement de  la  population  ;  dans  le  cinquième  les  questions  politiques  qui 
se  rattachent  à  l'Algérie  :  institutions,  gouvernement,  organisation  admi- 
nistrative des  indigènes,  instruction  des  indigènes,  les  colons;  enfin  dans 
le  sixième,  les  forces  productives  du  sol  :  agriculture,  forêts,  élevage  du 
bétail,  industrie,  commerce,  voies  de  communication  et  crédit. 

Algérie  et  Sahara  :  V  La  question  africaine  ;  2""  Les  âges  de  pierre 
du  Sahara  central,  par  Lucien  Eabourdin.  Paris  (Challamel  aîné  et 
Guillaumin  et  C%  1882,  in-8%  165  p.  et  carte. — Cet  ouvrage  se  compose 
de  deux  parties  entièrement  distinctes.  Dans  la  première;  sous  le  titre 
de  «  Question  africaine,  »  l'auteur  passe  en  revue  plusieurs  points  fort  im- 
portants concernant  la  politique  algérienne,  le  Trans-saharien,  etc.,  et 
intéressant  l'avenir  de  la  colonie.  Dans  la  seconde,  il  tire  de  l'étude  du 
premier  voyage  de  la  mission  Flatters,  dont  il  faisait  partie  comme  <5hef 
de  section,  des  conclusions  au  sujet  de  la  pré-histoire  et  de  l'ethnogra- 
phie africaines. 

Nous  ne  saurions  être  d'accord  avec  M.  Rabourdin  lorsque,  après  avoir 
montré  que  les  insurrections  diverses  que  les  Français  ont  eu  à  maî- 
triser ont  une  cause  générale,  il  déclare  que  cette  cause  réside  dans  le 
fait  de  la  substitution  du  régime  civil  au  régime  militafre.  Ce  dernier  sys- 
tème, qu'il  croit  excellent  pour  l'Algérie,  a  au  contraire  le  fâcheux  effet 
d'exciter  l'Arabe  contre  l'Européen  et  d'arrêter  la  colonisation.  Nous 
croyons,  eii  ce  qui  concerne  le  soulèvement  des  peuplades  africaines  du 
Nord,  qu'il  provient  bien  plutôt  d'une  recrudescence  de  l'esprit  musul- 
man, laquelle  fait  sentir  ses  effets  non  seulement  en  Algérie  et  en  Tunisie, 
mais  aussi  à  TripoU,  en  Egypte  et  ailleurs.  Quant  aux  autres  questions 
examinées  par  M.  Rabourdin,  il  n'y  a,  croyons-nous,  qu'une  vqix  pour 
appuyer  ses  conclusions  :  création  d'escadrons  de  méharis,  pour  faire  la 
guerre  du  désert  ;  assainissement  des  oasis  en  comblant  leurs  fossés  et  en 
remplaçant  les  puits  indigènes  par  des  puits  tubulaires  ;  amélioration  du 
personnel  des  fonctionnaires  civils;  enfin,  continuation  de  l'étude  des 
voies  de  communication  de  l'Algérie  avec  le  Soudan. 


—  288  — 

La  seconde  étude  à  laquelle  se  livre  M.  Rabourdin,  à  propos  du  premier 
voyage  de  la  mission  Flatters,  concerne  un  siget  beaucoup  plus  spécial, 
sur  lequel  il  est  impossible  de  se  prononcer  avec  certitude  à  Theure  actu- 
elle :  les  populations  pré-historiques  deTAfrique. 

Du  fait  que  de  nombreux  dépôts  de  pointes  de  flèches,  de  couteaux, 
de  pointes  de  lances  en  sUex  se  rencontrent  près  de  Ouargla,  de  Temas- 
sinin,  d'Aïn  el  Taïba,  dans  la  vallée  de  Tlgharghar,  il  croit  pouvoir  con- 
clure qu'il  existait  certainement,  aux  temps  pré-historiques,  de  nombreu- 
ses peuplades  sédentaires  dans  le  Sahara,  et  qu'il  est  probable  que  ces 
peuplades  sahariennes  de  Tâge  de  la  pierre  communiquaient  avec  TAsie 
méridionale  et  la  Malaisie. 

ASSAB  ET  LES  LIKITES  DE  LA  SOUVERAINETE   TURCO-ÉGTPTIEinfrB  DAIÏS 

LA  MER  Rouge.  Rome,  1882,  in-é*",  37  pages  et  2  cartes.  —  Relazionb 

MIIOSTERIALE  E  DISBGNO  DI  LEGGE  PRE8EKTATE  AL  PARLAMENT0  ITAUAKO 
DAL  MINISTRO  DEGU  AFFARI  ESTERI  (M.   MaUCini)  NELLA  TORNATA  DEL 

12  GiuGKo  1882.  Rome,  1882,  in-é"*,  66  pages  et  2  cartes.  —  Le  gouver- 
nement égyptien  ayant  contesté  la  validité  de  Tacquisition,  par  l'Italie, 
du  territoire  de  la  baie  d'Assab,  dont  la  Compagnie  Rubattino  était  en 
possession  depuis  onze  ans,  en  prétendant  que,  dès  1540,  la  Porte  aurait 
exercé  de  fait  et  de  droit,  sur  toute  la  côte  occidentale  de  la  mer  Rouge, 
une  souveraineté  dont  elle  lui  aurait  fait  cession,  le  gouvernement  ita- 
lien a  soumis  les  prétentions  de  l'Egypte  à  un  examen  sérieux,  exposé 
dans  le  premier  des  documents  susnommés.  La  lecture  en  est  {adlitée 
par  deux  cartes,  l'une  générale,  de  toute  la  partie  méridionale  de  la  mer 
Rouge  depuis  Souakim,  l'autre  spéciale,  du  territoire  d'Assab  enclavé 
entre  Bedoul  et  Rahelta.  Les  conclusions  du  mémoire  sont  que,  au  delà 
de  Massaoua,  la  côte  a  toujours  été  considérée  conmie  n'ayant  d'autre 
maître  que  les  tribus  plus  ou  moins  nomades  qui  l'occupent,  traitant 
d'égal  à  égal  avec  les  Européens,  disposant  de  leur  territoire,  en  faisant 
des  cessions  selon  leur  bon  plaisir,  et  refusant  constamment  de  recon- 
naître la  prétendue  suzeraineté  de  la  Porte.  Le  second  document  ren- 
ferme le  rapport  présenté  par  M.  Mancini,  ministre  des  affaires  étran- 
gères, de  concert  avec  les  ministres  des  finances,  de  l'agriculture  et  du 
conmierce,  à  la  Chambre  des  députés,  à  l'appui  du  projet  de  loi  sur  la 
constitution  et  l'organisation  d'une  colonie  italienne  h  Assab.  Parmi  les 
pièces  annexes  qui  l'accompagnent,  se  trouvent  la  convention  passée 
entre  le  gouvernement  italien  et  la  Compagnie  Rubattino,  et  celles  par 
lesquelles  les  chefs  DanakUs  ont  cédé  leur  territoire  à  M*  Sapeto,  repré- 
sentant de  la  susdite  compagnie. 


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yf  1   /*.  I^overraz  et  /ils  ,  Genèv^lorêe  et  drilisêê .   N? Il .  Septembre  /Ô 


—  289  — 


BULLETIN  BIMENSUEL  {6  nmyemhre  1882.) 

A  mesure  que  T  Al^^pie  recouvre  la  tranquillité,  que  la  guerre  des 
Kroumirs  et  le  soulèvement  des  Arabes  au  sud  de  la  province  d'Oran 
lui  avaient  fait  perdre,  l'attention  des  esprits  se  reporte  sur  les  besoins 
de  la  colonisation  et  de  Tindustrie,  et  sur  les  moyens  d'y  pourvoir.  Le 
président  de  la  république  a  préparé  un  projet  de  loi,  demandant  que  le 
ministre  de  l'intérieur  soit  autorisé  à  acquérir  des  terres  en  Algérie  pour 
la  cH^lonisation,  jusqu'à  concurrence  de  37,000,000  fr.  ;  cette  somme, 
qui  figurerait  au  budget  général  de  TÊtat,  serait  répartie  sur  les  exercices 
1883  à  1887.  D'autre  part  M.  Pouyanne,  ingénieur  en  chef  des  mines  h 
Alger,  a  fait  une  reconnaissance  des  terrains  de  Bou-Saâda  dans  lesquels 
de  la  houille  avait  été  signalée,  pour  se  rendre  compte  de  l'impor- 
tance de  ces  affleurements  carbonifères.  Il  en  a  trouvé  sur  plusieurs 
points  et  à  dififérentes  hauteurs,  des  deux  côtés  de  la  rivière  qui  traverse 
cette  région  ;  celle  du  niveau  inférieur  est  la  meilleure  ;  la  couche  en 
est  aussi  la  plus  épaisse.  D'autres  affleurements  ont  été  découverts  à 
80  kilom.  de  Bou-Saflda  ;  il  y  aurait  là,  semble-t-il,  un  véritable  bassin 
houiller.  Une  société  est  en  formation  pour  l'étude  et  l'exploitation  de 
ces  gisements,  qui  attireront  en  Algérie  de  nouveaux  colons  et  donneront 
naissance  à  de  nouvelles  industries.  L'extension  des  voies  ferrées  en 
sera  aussi  facilitée.  La  ligne  d'El-Guerrah  à  Batna  vient  d'être  inaugu- 
rée ;  la  Compagnie  de  la  mine  de  plomb  argentifère  de  Eef-Oum-Teboul 
en  a  construit  une  pour  le  transport  de  ses  minerais  jusqu'à  la  mer  ; 
enfin,  au  conmiencement  de  l'hiver,  seront  entrepris  les  travaux  d'art  de 
la  ligne  de  Soukarras  à  Ghardimaou,  dont  les  ingénieurs  viennent  de 
terminer  les  études. 

La  répression  de  la  révolte  d'Arabi  pacha  aidera,  nous  l'espérons,  à 
l'extinction  de  la  traite  et  de  l'esdavag^e  en  Êg^ypte.  Après  la 
réponse  négative  de  M.  Gladstone  à  la  demande  de  l'Antislavery 
Society,  de  saisir  de  cette  question  la  conférence  de  Constantinople, 
cette  société  lui  a  adressé  une  nouvelle  lettre,  dans  laquelle  elle  rappelle 
la  responsabilité  imposée,  relativement  à  la  question  de  l'esclavage,  au 
gouvernement  de  S.  M.  par  sa  position  actuelle  en  Egypte.  Le  Comité 
insiste,  respectueusement  mais  sérieusement,  auprès  du  premier  mi- 
nistre, sur  l'importance  de  prendre  des  arrangements  administratifs 
tels  que,  non  seulement  ils  donnent  aux  firmans  et  aux  édits,  émanés  de 
temps  à  autre  de  la  Turquie  et  de  l'Egypte,  leur  plein  et  légitime  efifet, 

L'AFRIQUE.   —   TROISIÈKB  ANN^E.   —  N<*   12.  12 


—  290  — 

mais  encore  qu'ils  assurent  la  complète  suppression  de  la  traite  et 
Textinction  de  Tesclavage.  L'Angleterre  est  d'ailleurs  tenue  de  réaliser 
entièrement  les  principes  de  sa  politique  autiesclavagiste ,  dont  le 
caractère  désintéressé  et  bienfaisant  ne  peut  manquer  de  recevoir  l'ap- 
probation collective  de  l'Europe  et  des  pays  chrétiens  du  monde  entier. 
Comme  le  fait  remarquer  le  Times,  la  lettre  de  l'Antislavery  Society 
demande  l'extinction  de  Tiustitution  légale  de  l'esclavage,  aussi  bien 
que  la  suppression  de  la  traite  ;  en  effet,  l'œuvre  civilisatrice  ne  sera 
rendue,  efficace  que  par  cette  extinction.  Sans  doute  l'esclavage  est  une 
institution  ancienne  dans  ces  pays  ;  toléré  par  la  loi  de  Mahomet,  il  est 
accepté  par  les  maîtres  et  les  esclaves  comme  une  partie  de  l'ordre  de  la 
nature  ;  mais  cela  ne  change  pas  la  position  des  hommes,  des  femmes 
et  des  enfants  qui  senties  victimes  des  chasseurs  d'esclaves.  En  réponse 
à  la  lettre  sus-mentionnée,  M.  Gladstone  a  informé  l'Antislavery  Society 
qu'il  ne  manquerait  pas  de  conférer  avec  lord  Granville  sur  ce  sujet,  et 
que,  quoiqu'il  ne  vît  pas  encore  ce  qu'il  pourrait  faire,  il  espérait  que 
l'on  trouverait  un  moyen  de  faire  quelque  chose.  A  ce  propos  l'attention 
des  partisans  de  la  suppression  de  la  traite  se  porte  de  nouveau  sur  le 
général  Gordon ,  qui  avait  été  chargé  de  réorganiser  les  troupes  colonia- 
les de  l'Afrique  australe  et  de  pacifier  le  Lessouto,  et  qui  vient  de  don- 
ner sa  démission  de  ces  fonctions.»  Le  moment  paraît  favorable  pour 
frapper  un  grand  coup,  qui  hâterait  la  suppression  de  la  traite  partout, 
en  lui  coupant  tous  les  chemins  vers  la  côte  orientale  de  l'Afrique. 
L'Egypte,  qui  possède  le  Soudan  où  il  faut  aussi  rétablir  l'ordre,  fait 
remarquer  VAfrica,  s'étend  jusqu'à  l'équateur,  et  ses  postes  militaires 
atteignent  l'Albert  Nyanza,  oU  Gordon  a  placé  un  steamer.  De  l'extré- 
mité sud  de  ce  lac  au  Tanganyika  il  n'y  a  guère  que  500  kilomètres, 
occupés  en  grande  partie  par  le  Monta  Nzigé,  dont  Stanley  a  vu  le 
golfe  Béatrice.  Si  le  gouvernement  britannique  faisait  un  arrangement 
avec  le  khédive  pour  la  suppression  de  la  traite,  il  ne  serait  pas  impossi- 
ble à  un  officier  habUe  de  former  un  cordon  qui  s'étendrait  du  Nil  au 
Tanganyika,  sur  lequel  sera  bientôt  placé  un  steamer.  Quand  la  route 
du  Tanganyika  au  Nyassa  sera  construite,  et  que  la  communication  par 
vapeurs  sera  établie  de  ce  dernier  lac  au  cours  inférieur  du  Chiré,  il  ne 
resterait  plus  que  la  courte  ligne  du  Chiré  à  Quilimane,  surveillée  par 
les  Portugais,  pour  avoir  une  série  non  interrompue  de  postes  d'observa- 
tion qui,  du  Nil  au  Zambèze,  fermeraient  complètement  le  passage  aux 
caravanes  d'esclaves  vers  l'océan  Indien. 
La  situation  du  Soudan  ég^yptien  est  des  plus  critiques;  le  faux 


—  291  — 

prophète  Mohamed  Ahmed,  après  avoir  surpris  et  massacré  le  corps 
de  troupes  envoyé  de  Fachoda  contre  lui,  a  marché  sur  le  Eordofan 
dont  les  villes  se  sont  soumises  à  lui,  à  l'exception  de  la  capitale  El- 
Obéid,  que  20000  hommes  de  ses  troupes  ont  investie,  pendant  que  lui- 
même  s'avance  contre  Khartoum  avec  60,000  hommes.  Le  gouverneur  de 
cette  ville,  Abd-el-Kader  pacha,  a  fait  son  possible  pour  la  mettre  en  état 
de  défense,  et  le  conseil  des  ministres,  présidé  par  le  khédive,  lui  a 
envoyé  Tordre  de  tenir  bon  jusqu'à  l'arrivée  de  renforts  qui  vont  lui 
être  expédiés.  A  cet  effet  le  conseil  a  décidé  d'enrôler,  en  aussi  grand 
nombre  que  possible,  des  troupes  nègres,  et  d'en  donner  le  commande- 
ment à  Ismall-Eyoub-Pacha,  ancien  ministre  de  la  guerre.  Mais  la  gar- 
nison de  Khartoum  pourra-elle  tenir  jusqu'à  l'arrivée  de  ces  troupes  V 
Elle  ne  compte,  d'après  un  correspondant  du  Standard  au  Caire,  qu'un 
millier  d'hommes,  et  la  population  de  la  ville  paraît  disposée  à  accueillir 
Mohamed  Ahmed. 

La  pacification  du  Soudan  est  d'autant  plus  urgente  que,  d'après 
M.  y ossion,  ancien  consul  français  à  Khartoum,  le  commerce  de  cette 
province  a  considérablement  diminué  depuis  que,  pour  prévenir  la  traite, 
les  produits,  ivoire,  gomme,  etc.,  ont  été  monopolisés  par  le  gouverne- 
ment. Autrefois  le  commerce  était  Ubre,  et  l'on  comptait,  pour  l'ivoire 
seulement,  le  long  du  Nil  Blanc  et  du  Bahr-el-6hazal,  une  vingtaine 
d'établissements,  qui  en  recueillaient  annuellement  près  de  300,000  kilog. , 
pour  une  valetu*  de  quatre  millions  de  francs.  L'échange  y  attirait 
pour  une  valeur  égale  de  marchandises  européennes  :  cotonnades,  mous- 
selines, draps  rouges,  quincaillerie,  etc.  Aujourd'hui  que  la  plus  grande 
partie  de  l'ivoire  est  prélevée  à  titre  d'impôts  par  les  agents  du  gouverne- 
ment, ce  n'est  que  pour  le  surplus  que  s'effectuent  les  échanges  en 
nature.  Les  troupes  égyptiennes  établies  dans  les  différents  districts, 
jusqu'aux  grands  lacs  de  l'équateur,  recueillent  celui  qu'apportent  les 
peuplades  au  milieu  desquelles  elles  vivent;  il  est  centralisé  à  Lado,  puis 
expédié  par  le  Nil  à  Khartoum,  où  il  est  vendu  *aux  maisons  d'Europe 
du  Caire,  qui  ont  des  comptoirs  dans  cette  ville.  Mais  la  quantité  en 
a  beaucoup  diminué  depuis  le  monopole  ;  auparavant  6500  cantars  ^ 
d'ivoire  étaient  transportés  annuellement  à  la  mer  Rouge  ;  en  1881  il 
n'y  en  a  eu  que  2500.  U  faut  espérer  qu'une  fois  le  Soudan  pacifié  et  la 
traite  abolie,  l'administration  égyptienne  trouvera  le  moyen  de  renoncer 
AU  monopole,  de  rendre  à  cette  province  son  ancienne  liberté  conuner- 

'  Le  cantar  équivaut  à  kilog.  44,55. 


—  292  — 

ciale  et  de  substituer  le  travail  libre  au  travail  servîle.  Ce  serait  un  pro* 
grès  considérable,  pour  Khartoum  en  particulier,  le  centre  de  tout  le 
eonunerce  du  Soudan;  en  effet,  sa  population  est  de  45,000  habitants, 
dont  35,000  sont  des  esclaves  venus  de  toutes  les  tribus  du  Nil  Blanc  et 
du  NU  Bleu. 

U  est  d^autant  plus  nécessaire  que  T Angleterre  saisisse  Toccasion  of- 
ferte par  ses  succès  en  Egypte,  qu'à  la  faveur  des  troubles  survenus  dans- 
ce  pays,  une  forte  recrudescence  de  la  traite  s'est  produite  sur  le  Haut 
Nil.  Dans  notre  dernier  numéro,  nous  citions  à  cet  égard  les  renseigne* 
ments  fournis  par  le  D' Schweinfurth  à  VAntislavery  Reporter;  aujour- 
d'hui ce  sont  les  missionnaires  suédois  qui,  obligés  de  revenir  à  Khar- 
toum, disent  avoir  été  empêchés  d'avancer  vers  le  sud,  jusqu'au  pays 
des  Gallas  où  ils  devaient  se  rendre,  par  les  Égyptiens  qui  regardent 
les  missionnaires  comme  des  espions  et  des  adversaires  de  la  barbarie: 
qu'entraîne  la  traite  à  l'intérieur.  Os  ont  rencontré,  à  l'ouest  du  Nit 
Bleu,  quantité  de  caravanes  de  pauvres  esclaves  enchaînés  ;  ceux  qui  se^ 
trouvaient  trop  faibles  pour  suivre  la  marche  étaient  abandonnés  sans^ 
pitié,  périssaient  de  faim  ou  étaient  dévorés  par  les  fauves.  Quant  aux 
survivants,  ils  étaient  vendus,  les  filles  pour  les  harems,  les  adultes  pour 
servir  comme  domestiques,  et  beaucoup  d'hommes  mutilés  comme  gar- 
diens des  harems. 

D'après  une  lettre  du  baron  von  MuUer  à  la  Neue  Freie  Presse  de 
Vienne,  son  exploration  du  pays  au  nord  du  plateau  d'Abyssinie  ne 
s'est  pas  effectuée  sans  dangers.  Les  hostilités  ayant  de  nouveau  édaté^ 
entre  l'Egypte  et  l'Abyssinie,  et  le  meurtre  et  le  pillage  régnant  autour 
de  Massaoua,  il  dut  sortir  de  cette  ville  de  nuit  avec  douze  hommes  armés, 
et  gagner  Mbérémi,  au  bord  de  la  mer,  pour  longer  les  savanes  et  tra- 
verser ensuite  une  plaine  unie  comme  une  table,  jusqu'à  la  muraille 
gigantesque  des  montagnes  qui  supportent  le  plateau  d'Abyssinie.  Che- 
min faisant  il  put  inscrire  dans  son  itinéraire  plusieurs  cours  d'eau  non 
encore  marqués  sur  les  cartes.  Après  avoir  atteint  le  Falkat  à  son  con- 
fluent avec  le  Tsewi,  il  remonta  le  premier  en  s'enfonçant  toujours  plus, 
dans  les  montagnes  de  Habab,  pays  désert,  oii  l'on  ne  rencontre  pas  un 
être  humain  et  où  l'on  souffre  des  variations  considérables  de  la  tem- 
pérature, la  chaleur  étant  insupportable  au  soleil,  tandis  qu'à  l'ombre^ 
des  rochers,  grâce  à  l'altitude  de  cette  région^  on  est  saisi  par  le  froid. 
Les  vivres  étant  épuisés  et  le  gibier  manquant,  il  fut  obligé  de  tuer» 
pour  se  nourrir  lui  et  ses  gens,  des  chevaux  et  des  mulets.  Par  le  col  de 
Kelhat  il  arriva  dans  le  bassin  du  Meenet,  puis  traversa  la  vallée  du 


—  293  — 

Baraka,  et,  par  Daga,  atteignit  enfin  Eassala  ;  il  suivit  encore  rAtbara 
jusqu'à  Hasaballa  ;  mais  rinsécurité  du  pays,  parcouru  par  des  banded 
d'insurgés,  l'obligea  à  revenir  en  hftte  par  Lenhit  à  Massaoua.  Dès  lors 
il  s'est  rendu  à  Zella,  pour  traverser  de  là  le  pays  des  Gallas  Isas^ 
Adals  et  Gadoboursis,  monter  sur  le  plateau  des  Gallas  Nolis  et  gagner 
Harar,  d'où  il  est  revenu  à  ZelIa.  Son  excursion  chez  les  Gallas  a  bien 
réussi;  il  en  a  rapporté  des  observations  astronomiques,  hypsométriques 
€t  barométriques,  ainsi  que  ctes  collections  d'armes  et  d'ustensiles. 

La  partie  méridionale  de  l' Abyssinie  a  été  récemment  le  théâtre 
d'hostilités  entre  les  deux  rois  du  Choa  et  du  Godjam,  Ménélik  et 
Ras  Adal,  tributaires  du  négous,  tous  deux  ambitieux  et  cherchant  à 
étendre  leur  territoire  aux  dépens  de  leurs  voisins  les  Gallas.  Sous  pré-* 
texte  qu'il  ne  pouvait  plus  supporter  l'arrogance  de  Bas  Adal,  Ménélik 
lui  a  déclaré  la  guerre,  l'a  vaincu  et  fait  prisonnier,  puis  a  parcouru  le 
Godjam  en  saccageant  et  dévastant  tout  sur  son  passage.  Après  cela  il 
a  envoyé  au  négous  des  présents,  et  une  lettre  dans  laquelle  il  déclarait 
se  considérer  toujours  comme  son  sujet,  prêt  à  se  conformer  à  ses  ordres, 
et  lui  demandait  de  prononcer  entre  lui  et  Bas  Adal.  Il  s'est  en  effet 
présenté  devant  le  roi  Jean  avec  Bas  Adal  enchaîné,  et  le  tribunal, 
auquel  la  cause  a  été  soumise;  a  jugé  que  Bas  Adal  avait  eu  tort  d'insul^ 
ter  le  roi  du  Choa  dans  son  propre  pays. — La  mission  italienne  est 
partie  en  octobre  pour  porter  au  négous  des  lettres  du  roi  d'Italie,  le 
remerciant  de  la  coopération  qu'il  a  prêtée  avec  le  roi  du  Godjam  pour 
la  délivrance  de  Gecchi,  et  lui  faire  comprendre  l'utilité  de  relations 
commerciales  entre  son  pays  et  l'Italie.  Des  lettres  du  marquis  Anti- 
nori  annoncent  qu'il  n'a  pas  pu  aller  au  lac  Zouay,  comme  il  le  dési- 
rait. En  revanche,  un  voyage  chez  les  Adas  Gallas  lui  a  permis  de  recon- 
naître deux  petits  lacs.  Ménélik  poursuit  ses  conquêtes  vers  le  Eafia,  et 
comptait  marcher  contre  les  Aroussia  Gallas,  avec  im  de  ses  vassaux. 

La  nouvelle  colonie  d'Assab  va  recevoir  de  grands  encouragements 
de  la  part  du  gouvernement  italien.  Le  ministre  des  affaires  étrangères, 
auquel  en  incombent  la  surveillance  et  le  développement,  a  décidé  d'y 
créer  im  hôpital  pour  les  marins,  et  un  dépôt  de  charbon  pour  les  navi- 
res. En  outre,  il  établira  à  Buia  un  port  suffisant  pour  donner  abri  aux 
embarcations  arabes,  un  phare  à  Sannaba,  et  tout  ce  qui  peut  faciliter 
le  débarquement  ou  l'embarquement  des  marchandises.  Une  partie  de 
ces  travaux  sont  déjà  commencés  et  seront  probablement  terminés 
avant  la  fin  de  l'année.  Le  gouvernement  songe  aussi  à  faire  de  grandes 
plantations  dans  toute  la  colonie,  à  perfectionner  et  à  rendre  plus  rapides 


—  294  — 

les  communications  entre  Assab  et  les  pays  voisins,  à  établir  une  ligne 
télégraphique  jusqu'à  Âden  pour  relier  la  colonie  avec  TEurope,  et  à 
organiser  une  correspondance  directe  régulière  avec  lltaUe,  par  la 
Société  italienne  de  navigation.  De  son  côté,  la  Société  africaine  dltalie 
s'occupe  du  développement  commercial  italien  par  la  voie  d'Assab. 
M.  Pietro  Serra  Caracciolo,  de  l'ancien  Club  africain  de  Naples,  envoyé 
là-bas  par  une  maison  de  commerce  de  cette  ville  pour  étudier  les 
besoins  des  populations  du  voisinage  d' Assab,  a  fait  à  son  retour,  sou& 
les  auspices  de  la  Société  napolitaine,  un  rapport  à  la  suite  duquel  un 
comité  d'initiative  a  été  nommé,  et  bientôt  après  une  Société  commer- 
ciale colonisatrice  pour  Assab  s'est  constituée  ;  elle  a  décidé  de  demander 
au  gouvernement  son  appui  et  des  concessions  propres  à  faciliter  ses 
opérations. — La  nouvelle  Société  commerciale  milanaise,  dont  nous  par- 

m 

lions  dans  notre  dernier  numéro,  se  propose  de  recevoir  les  marchandises 
envoyées  de  l'Abyssinie,  du  Tigré,  etc.,  pour  les  expédier  sur  les  mar- 
chés de  l'Europe,  et  d'importer  dans  cette  partie  de  l'Afrique  tout  ce 
dont  les  indigènes  ont  besoin  ;  en  même  temps  elle  entreprendra  les 
travaux  que  le  gouvernement  se  propose  de  faire,  et  fournira  les  navires 
qui  stationneront  dans  la  rade  d'Assab.  —  Au  reste,  la  Société  africaine 
d'Italie  encouragera  les  établissements  commerciaux  italiens  sur  toutes 
les  côtes  du  continent  et  les  explorations  à  l'intérieur.  A  cet  effet,  elle  a 
décidé  de  décerner  des  médailles  d'or  aux  premiers  Italiens  qui  fonde- 
ront des  stations  ou  factoreries,  soit  agricoles,  soit  commerciales,  sur 
les  côtes  d'Afrique  baignées  par  l'océan  Indien  ou  par  l'Atlantique, 
sauf  au  Maroc  ;  de  plus,  une  médaille  d'or  à  l'ItaUen  qui  le  premier 
explorera,  au  point  de  vue  scientifique  et  commercial,  la  région  située 
entre  Assab,  l'Abyssinie  et  le  Choa  d'un  côté,  et  les  grands  lacs  Albert 
et  Victoria  Nyanza  de  l'autre,  et  une  médaille  d'or  à  l'ïtalien  qui  le 
premier  explorera  la  route  delà  Méditerranée  au  lac  Tchad  et  à  Kouka, 
au  point  de  vue  commercial,  et  spécialement  à  celui  des  intérêts  de 
l'Italie;  enfin,  deux  médailles  d'or  aux  voyageurs,  de  quelque  nation 
qu'ils  soient,  qui  exploreront  les  premiers  et  pourront  déterminer  soit 
le  cours  de  l'Ouellé,  soit  celui  du  fleuve  Djouba. 

Les  relations  commerciales  entre  l'Abyssinie  et  Obock  paraissent  bien 
établies.  La  route  nouvelle  ouverte  par  M.  Soleillet,  entre  celles  de  Mas- 
saoua  et  de  Zella  aux  mains  des  Égyptiens,  ne  traverse  que  des  tribus 
Danakils,  indépendantes  de  l'Egypte,  pasteurs  et  nomades,  dont  les  deux 
centres  sur  le  Ûttoral  sont  Raheïta  et  Tadjoura  ;  à  l'intérieur,  leur  ville 
la  plus  importante  est  Haoussa.  Le  traité  de  1862  a  cédé  à  la  France  le 


—  295  — 

territoire  qui  s'étend  de  Raheïta  à  la  baie  de  Tadjoura.  H  comprend 
neuf  tribus  dont  les  chefs  (ras)  reconnaissent  la  suzeraineté  du  sultan  de 
Raheïta,  allié  de  celui  de  Tadjoura,  feudataire  comme  lui  du  sultan  de 
Haoussa,  ami  du  roi  du  Ghoa.  C'est  avec  le  sultan  de  Raheïta  que  les 
Français  ont  à  traiter  pour  leurs  relations  avec  les  tribus  du  littoral. 
Déjà  au  commencement  de  mai,  Ménélik  envoya  à  M.  Soleillet  un  cour- 
rier, avec  une  escorte  de  quelques  Éthiopiens  qui  arrivèrent  à  Obock 
sans  difficulté.  Dès  lors,  il  a  fait  partir  à  la  fin  de  juillet  une  grande 
caravane  de  200  chameaux,  chargés  d'ivoire  et  de  marchandises  précieu- 
ses, qui  est  arrivée  saine  et  sauve  à  Obock.  M.  Soleillet  s'est  ensuite 
rendu  lui-même  par  Haoussa  à  Ankober,  où  il  comptait  passer  deux 
mois  pour  en  revenir  avec  une  nouvelle  caravane.  Avant  son  départ, 
cependant,  il  a  installé  un  agent  commercial  à  Segalla,  port  que  le  sul- 
tan de  Tadjoura  a  cédé  à  la  France. 

La  région  des  montagnes  neigeuses,  du  Kénia  et  du  Kilimandjaro» 
sera  prochainement  explorée  par  deux  expéditions  :  l'une,  que  nous 
avons  déjà  annoncée  dans  notre  dernier  numéro,  entreprise  par  la 
Société  de  géographie  de  Londres,  sous  la  direction  de  M.  Thomsoii, 
qui  devra  partir  de  Mombas  ;  l'autre,  dirigée  par  le  D'  Fîscliep,  com- 
pagnon de  Denhardt,  en  1879,  dans  son  exploration  de  la  Dana.  Depuis 
cette  époque  il  a  vécu  à  Zanzibar,  comme  médecin  et  naturaliste.  Il  a 
renoncé  le  l**  octobre  à  sa  carrière  médicale,  pour  réaliser  le  plan,  mûri 
depuis  cinq  ans,  d'un  voyage  de  découvertes  dans  l'Afrique  orientale.  Il 
a  proposé  à  la  Société  de  géographie  de  Hambourg  de  faire  une  expédi- 
tion spécialement  hambourgeoise,  à  la  condition  que  cette  société  y  con- 
tribuât pour  18,000  fr.  £Ue  a  facilement  réuni  cette  somme,  et  va  se 
trouver  pour  la  première  fois  directement  intéressée  à  une  exploration 
africaine  importante.  Le  D'  Fischer  y  est  préparé  par  ses  précédents 
voyages  dans  la  région  de  la  Dana,  'par  l'habitude  des  privations  de 
toutes  sortes,  et  par  la  connaissance  qu'il  a  acquise  de  la  langue,  des 
mœurs  et  coutumes  des  populations  africaines.  Il  compte  partir  de  Pan- 
gani,  au  sud  de  Mombas,  en  novembre,  avec  une  des  caravanes  arabes 
qui,  formées  de  600  ou  800  honmies,  se  rendent  aux  lacs  africains 
situés  dans  le  territoire  à  l'est  du  Victoria  Nyanza.  Il  a  choisi  Pangani 
comme  point  de  départ,  parce  que,  de  là,  on  atteint  très  vite  un  pays  non 
encore  visité  par  des  Européens,  puis  parce  que  la  route  de  Pangani 
traverse  la  région  où  se  trouvent  les  montagnes  neigeuses,  et  enfin  parce 
que  l'expédition  de  J.  Thomson  prendra  Mombas  comme  base  d'opéra- 
tions. Il  paraît  aussi  que  l'on  trouve  à  Pangani  des  gens  qui  ont  une  Ion- 


—  296  — 

gue  expérience  de  ces  voyages.  L'explorateur  allemand  pense  séjourner 
au  lac  Sambourou  ou  au  lac  Baringo,  la  dernière  station  des  trafiquants 
arabes,  pour  y  faire  des  collections  et  explorer  le  pays  environnant,  et 
spécialement  le  territoire  des  Boranis  Gallas^  non  loin  du  fleuve  Djouba. 
Il  reviendrait  par  les  pays  Gallas  ;  son  voyage  durerait  un  an. 

L'Afrique  orientale  vient  de  perdre  un  de  ses  missionnaires  les  plus 
capables,  TÊvêque  Steere,  de  Zanzibar,  dont  le  nom  sera  toujours 
intimement  lié  à  ceux  de  tous  les  hommes  (fui  ont  travaillé  à  l'abolition 
de  la  traite  et  au  relèvement  des  noirs  dails  cette  partie  du  continent. 
C'est  lui  qui,  le  premier,  a  eu  Tidée  de  créer,  pour  les  esclaves  libérés,  des 
stations  dans  leur  propre  pays,  où  ils  retrouveraient  une  demeure,  où  la 
liberté  leur  serait  assurée,  et  où  ils  apprendraient  à  en  user  chrétienne- 
ment. Dès  1874,  il  mit  par  écrit  les  langues  souahéli  et  yao,  traduisit  et 
fit  imprimer  la  plus  grande  partie  de  la  Bible  et  des  ouvrages  d'édifica- 
tion, sans  parler  de  manuels  pour  interroger  les  esclaves  saisis  en  pleine 
mer  par  les  officiers  anglais,  de  contes  et  de  fables  indigènes,  qui  font  les 
délices  des  nègres.  A  mesure  qu'il  apprit  à  connaître  les  esclaves  libérés, 
il  comprit  mieux  tout  le  parti  que  l'on  pourrait  tirer,  pour  la  civilisation, 
du  renvoi  dans  leur  pays  de  ceux  qui  étaient  élevés  à  Zanzibar.  U  fonda 
successivement  une  série  de  stations  jalonnant  la  route  du  Nyassa,  en 
renvoyant  de  la  ferme  de  Mbouéni,  près  de  Zanzibar,  où  ils  étaient 
élevés,  des  couples  mariés,  dans  leur  pays,  pour  y  raconter  letir  libération, 
y  parler  des  ateliers  de  la  mission,  de  l'imprimerie,  des  hôpitaux,  de 
l'œuvre  qu'y  accomplissaient  les  dames  anglaises.  Dans  toute  cette  par- 
tie de  l'Afrique  sa  perte  sera  vivement  ressentie.  Mais  ce  sera  surtout  à 
Zanzibar  qu'elle  sera  déplorée  par  toutes  les  classes,  indigènes  et  étran- 
gers. Voyageurs  et  missionnaires  en  passage  à  Zanzibar  lui  demandaient 
aide  et  conseil,  assurés  d'être  toujours  traités  par  lui  avec  une  parfaite 
courtoisie.  Le  D'  Kirk,  ancien  cdrfiul  général  à  Zanzibar,  écrit  à  l'Antî^ 
lavery  Reporter  que  sa  perte  ne  peut  être  appréciée. 

Le  séjour  de  Cetti^M^ayo  en  Angleterre  n'aura  pas  été  inutile,  nous 
l'espérons,  pour  la  pacification  du  Zoulouland,  où  l'organisation  créée 
par  Sir  Gamet  Wolseley  s'est  montrée  tout  à  fait  défectueuse.  Plusieurs 
des  chefs  étaient  cruels,  tel  autre  incapable,  tel  autre  encore,  étranger, 
n'avait  pas  su  gagner  la  confiance  de  ses  subordonnés.  Il  n'y  avait  ni 
autorité  centrale,  ni  cohésion  entre  les  diverses  tribus.  Aussi  tout  le 
monde  était-il  d'accord  qu'il  fallait  un  changement  dans  la  forme  de  l'ad- 
ministration de  ce  pays,  pour  prévenir  la  guerre  civile  et  la  ruine  qui  en 
aurait  été  le  résultat.  Les  Zoulous  redemandaient  leur  roi  ;  le  gouverna 


—  297  — 

ment  anglais  a  autorisé  celui-ci  à  retourner  dans  ses  États.  Avant  de 
repartir,  Cettiwayo  a  témoigné  toute  sa  reconnaissance  pour  la  réception 
qui  lui  a  été  &ite,  et  déclaré  qu'il  considérera  toujours  la  reine  conune 
sa  mère,  quoiqu'il  s'en  retourne  pauvre,  car  avant  la  guerre  il  avait  des 
milliers  de  têtes  de  bétail  dont  la  vente  le  faisait  vivre  ;  John  Dunn  a 
promis  de  faire  son  possible  pour  qu'elles  lui  soient  rendues,  mais  le  roi 
n^a  pas  confiance  en  John  Dunn.  U  a  vu  ce  qu'est  la  civilisation,  et 
il  désire  devenir  civilisé,  lui  et  son  peuple.  Avant  son  départ  d'An- 
gleterre, il  a  reçu  une  députation  de  l'Aborigines'  Protection  Society, 
à  laquelle  il  a  dit  qu'en  retournant  dans  son  pays  il  pardonnera 
à  tous  ceux  qui  l'ont  offensé,  et  qu'il  sera  toujours  très  con- 
tent d'avoir  auprès  de  lui  un  résident  anglais  ;  il  aimerait  qu'il  y  en  eût 
un  aussi  sur  la  frontière  du  Trausvaal,  pour  maintenir  la  paix  entre  les 
Boers  et  les  Zoulous.  Une  délégation  de  la  National  Tempérance  League 
s'est  également  fait  présenter  à  lui,  pour  attirer  son  attention  sur  le 
mal  que  les  spiritueux  introduits  par  les  trafiquants  font  aux  natife.  Il  a 
répondu  aux  délégués  que  son  peuple,  comme  peuple,  était  partisan  de 
l'abstinence  des  spiritueux,  en  ce  sens  qu'il  n'en  consomme  pas  ;  la  bière 
que  boivent  les  Zoulous  n'est  pas  enivrante  comme  les  liqueurs  euro- 
péennes. Lui-même  avait  interdit  l'entrée  des  spiritueux  dans  ses  États; 
mais  fl  ne  suffit  pas  que  lui  leur  ferme  la  porte  ;  il  faudrait  que  l'admi- 
nistration de  la  colonie  de  Natal  s'opposât  à  l'exportation  de  ces  liqueurs 
dans  le  Zoulouland.  H  a  réclamé  à  cet  effet  l'appui  de  la  Société  et  du 
gouvernement  anglais.  Parti  de  Plymouth  le  2  septembre  par  le  ^u&ian, 
il  est  arrivé  à  Gapetown,  où  il  a  rendu  visite  à  Sir  Hercules  Robinson, 
avec  lequel  0  devait  conférer  avant  de  se  rendre  dans  ses  États. 

Quoique  les  rapports  qui  nous  arrivent  sur  les  mines  d'or  dernière- 
ment découvertes  entre  Eknds  Spruit  et  la  Eaap  River,  à  100  kilom. 
environ  de  Lydenbourg,  dans  le  Transvaal,  soient  assez  contradic- 
toires, les  mineurs  y  affluent  de  toute  la  colonie  du  Cap,  de  Natal,  de 
Eimberley  ;  il  y  est  même  arrivé  des  Écossais  de  Melbourne.  D'après  le 
Natal  Mercury  y  l'or  y  est  distribué  assez  également,  près  de  la  surface 
du  sol,  aussi  bien  que  plus  profondément  ;  il  semble  qu'il  y  en  ait  de 
deux  sortes,  celui  de  la  partie  supérieure  d'une  couleur  légèrement  claire, 
celui  de  la  couche  plus  profonde,  d'une  teinte  plus  foncée.  Les  plus 
grosses  pépites,  d'une  demi-livre,  ont  été  trouvées  au  sommet  de  la  mon- 
tagne de  Spitz  Eop,  à  plus  de  2000  m.  au-dessus  de  la  mer.  Une  com- 
mission du  gouvernement  s'est  rendue  de  Pretoria  h  ces  mines,  pour 
examiner  la  question  des  concessions  et  de  l'exploitation.  Le  Bulletin  des 


—  298  — 

Mines  amiOQce  qu'il  a  été  octroyé  à  M.  Otto  de  Rothschild  de  Londres, 
et  à  MM.  Guibaud  et  Franck  de  Tours,  Tautorisation  d'exploiter  les 
gisements  qui  se  trouvent  sur  le  territoire  de  leur  ferme  de  Spitz  Kop  ; 
c'est  une  concession  immense,  dont  les  propriétaires  cherchent  à  consti- 
tuer une  société  pour  Texploitation  avec  des  capitaux  anglais  et  français. 

L'attention  du  gouvernement  de  la  Colonie  du  Cap  a  été  attirée  sur 
le  mal  que  l'extension  de  la  vente  des  spiritueux,  depuis  la  guerre 
du  Liessouto,  fait  aux  indigènes,  afin  qu'il  prenne  des  mesures 
vigoureuses  pour  y  obvier,  sans  quoi  l'œuvre  civilisatrice  de  plus  de  50 
années  risque  d'être  détruite.  Un  grand  malaise  continue  d'ailleurs  à 
régner  dans  ce  pays,  par  suite  de  l'insoumission  de  Masoupha.  Les 
Bassoutos  sont  dans  l'incertitude,  ne  sachant  qui  gouverne,  des  chefe 
ou  des  magistrats  anglais.  Beaucoup  de  gens  n'ont  confiance  ni  dans  le 
gouvernement  brit^omique,  ni  dans  les  che&,  et  se  préparent  à  émigrer 
pour  entrer  au  service  des  colons,  plutôt  que  de  continuer  à  vivre  dans 
un  pays  qui  appartient  on  ne  sait  à  qui.  Letsié  a  fait  tenir  un  pitso 
tout  près  de  Thaba-Bossiou,  où  Masoupha  entretient  un  foyer  d'intri- 
gues et  d'agitation.  On  croit  qu'il  finira  par  céder  sans  effusion  de  sang, 
mais  on  attend  avec  impatience  l'arrivée  de  la  Commission  chargée  de 
payer  aux  loyaux  des  sommes  équivalentes  aux  pertes  qu'ils  ont  subies, 
et  d'établir  l'administration  du  pays  sur  des  bases  acceptables. 

M.  F.  W.  North,  ingénieur  des  mines  de  la  Colonie  de  Il^Atal,  a  fait 
dernièrement  un  rapport  très  favorable  sur  les  mines  de  konille  décou- 
vertes près  de  Dundee,  dans  les  divisions  de  Klip  River  et  de  Newcastle, 
à  300  kilom.  environ  de  la  côte.  U  en  ressort  que  le  charbon  de  ces  mines 
est  de  plusieurs  qualités,  et  qu'il  peut  très  bien  être  employé  pour  les 
locomotives  ;  certaines  parties  pourront  servir  à  faire  du  gaz,  d'autres 
un  bon  combustible  de  maison,  etc.  Les  veines  exploitables  atteignent 
3  m.  d'épaisseur;  le  contenu  petit  en  être  évalué  à  2,073,000,000  de  ton- 
nes, représentant  une  valeur  de  quatre  milliards  de  livres  sterling.  Il  y  a 
en  outre,  dans  la  même  région,  de  grands  dépôts  de  fer  magnétique,  qui 
peut  être  converti  en  acier  pour  tous  les  instruments  nécessaires  à  l'in- 
dustrie et  à  l'agriculture.  Une  société  vient  de  se  fonder  sous  le  nom  de 
a  South  Afirican  Coal  and  Iron  Company,  Umited,  Dundee,  Natal,  »  au  ca- 
pital de  20,000  L.,  avec  siège  àPietermaritzbourg,  pour  l'exploitation  de 
la  houille  et  du  fer  de  ces  mines.  Elle  a  obtenu  du  gouvernement  une 
vaste  concession  de  quelques  milliers  d'acres,  située  dans  un  endroit  très 
salubre,  sur  un  plateau  dominé  au  nord,  à  l'ouest  et  au  sud  par  les  monts 
Biggars;  à  l'est  senties  collines  qui  bordent  la  rivière  Buffalo.  Elle  est 


—  299  — 

très  bien  placée  pour  devenir  le  centre  d'une  grande  exploitation  houil- 
lère et  de  manufactures  de  fer  ;  l'eau  y  abonde  ;  la  route  de  Pieterma- 
ritzbourg  à  Newcastle  la  traverse.  L'extension  du  réseau  des  voies 
ferrées  la  reliera  à  Lady  Smith,  et  par  suite  avec  l'État  libre  d'Orange, 
le  Transvaal,  le  Griqualand  West,  le  Zoulouland  et  la  Colonie  du  Gap, 
Cette  exploitation  aidera  beaucoup  au  développement  industriel  de 
l'Afrique  australe,  et  y  facilitera  aussi  l'établissement  de  nouvelles  lignes 
de  chemins  de  fer  et  de  télégraphes. 

Quoique  les  éléphant»  aient  presque  disparu  des  possessions  britan- 
niques de  l'Afrique  australe,  les  environs  de  Port  Êlisabetli  ont 
encore  d'assez  grandes  troupes  de  ces  pachydermes,  qui  foun*agent  dans 
toutes  les  directions  et  font  beaucoup  de  mal  aux  plantations.  Deux  pro- 
priétaires, M.  Kelsey  et  Newsome,  en  ont  vu  récemment  venir  des  monts 
Orassberg  une  cinquantaine,  suivis  d'une  arrière-garde  de  20  à  30.  Ils 
paraissent  attirés  par  le  spekboom,  fourrage  qui  abonde  dans  ce  district 
et  doBt  ils  sont  très  friands.  Vu  la  défense  du  gouvernement  on  ne  tire 
pas  sur  eux  ;  ils  peuvent  ainsi  s'approcher  impunément  jusqu'à  une  cen- 
taine de  mètres  des  habitations. 

L'expédition  austro-hongroise  du  D'  Emile  Holub  commencera 
«n  avril  1883,  et  se  subdivisera  en  trois  parties.  U  fera  d'abord  un 
voyage  de  6  à  8  mois,  de  Capetown  dans  l'Afrique  australe  civilisée,  puia 
Ma  autre  d'égale  durée  dans  le  pays  des  Betchouanas,  enfin  une  explo- 
ration au  nord  du  Zambèze,  aussi  loin  qu'il  pourra  la  pousser.  Dans 
chacune  de  ces  régions,  il  étudiera  spécialement  la  minéralogie  et  la  géo- 
logie, la  botanique  et  la  zoologie,  ainsi  que  l'ethnographie,  et  fera  des 
•collections  en  rapport  avec  ses  observations.  En  outre,  le  long  des  côtes 
il  fera  des  sondages;  dans  le  second  voyage,  il  s'occupera  de  détermina- 
tions de  latitude  et  de  longitude;  le  troisième  sera  consacré  à  l'exploration 
du  pays  des  Barotsés,  aiusi  qu'à  la  constatation  de  l'existence  d'un  lac 
intérieur  signalé  dans  cette  région,  et  de  l'extension  du  groupe  de  lacs 
salés  qui  caractérise  l'axe  longitudinal  de  l'Afrique  australe. 

Grâce  aux  efforts  des  missionnaires  de  la  Société  de  Barmen  pour 
amener  une  cessation  des  hostilités  entre  les  Xamaquas  et  les  Héré^ 
ros,  un  traité  de  paix  a  pu  être  signé  ;  en  voici  les  principales  stipula- 
tions. Les  bieiïs  enlevés  pendant  les  hostilités  restent  la  propriété  de 
leurs  possesseurs  actuels.  Les  communications  entre  la  Colonie  du  Cap 
et  le  Damaraland  demeureront  libres  pour  les  voyageurs  et  le  commerce. 
Quant  à  la  question  des  limites  entre  les  Héréros  et  les  Namaquas,  une 
commission  sera  nommée  par  les  deux  parties  pour  l'examiner,  et  le 


J   - 


—  300  — 

gouvernement  du  Cap  est  prié  de  désigner  un  commissaire  ou  un  repré- 
sentant pour  la  trancher.  Les  chefis  Namaquas  n'ont  pas  tous  adhéré  au 
traité,  mais  l'opposition  des  réfractaires  n'est  pas  à  craindre.  Les  signa- 
taires se  sont  engagés  à  ne  pas  faire  d'excursion  sur  le  territoh:^  d'au- 
tres tribus,  et,  pour  prévenir  le  retour  d'hostihtés  sanglantes,  ils  ont 
décidé  de  nommer  des  a  Commissions  de  paix,  »  l'une  pour  le  Nord, 
l'autre  pour  le  Sud  du  pays  ;  elles  devront  régler  les  contestations  qui 
pourraient  survenir.  Leurs  membres  seront  nommés  par  les  chefe  res-^ 
pectifis  des  deux  parties,  et  recevront  d'eux  pleins  pouvoirs  pour  agir 
en  leur  nom.  Enfin,  pour  mettre  un  terme  à  l'habitude  de  quelques  tri- 
bus d'aller  vivre  et  chasser  sur  le  territoire  des  autres,  les  signataires 
du  traité  ont  stipulé  que  ceux  qui  voudront  aller  d'une  partie  du  pays 
dans  une  autre,  devront  être  munis  de  passeports  délivrés  par  leurs 
chefe. 

Nous  voudrions  pouvoir  consacrer  un  article  spécial  à  l'exploration 
du  Quang^o»  dont  le  major  de  Meclio^xr  vient  de  rendre  compte  à  la 
Société  de  géographie  de  Berlin.  Le  nombre  de  pages  dont  nous  dispo- 
sons ne  nous  le  permet  pas.  Nous  dirons  seulement  que,  contrairement 
aux  appréhensions  qu'il  aurait  pu  avoir,  d'après  ce  qui  lui  avait  été  dit 
de  l'hostilité  des  populations  dont  il  devait  traverser  le  territoire  à  par- 
tir de  Malangé,  il  a  trouvé  partout  le  meilleur  accueil  dans  le  bassin  de 
ce  grand  afiiuent  du  Congo,  qu'il  a  descendu  sur  une  longueur  de  340 
kilomètres  en  ligne  directe,  et  jusqu'à  1*',36'  au  delà  du  point  extrême 
atteint  par  les  explorateurs  portugais  Capello  et  IvensS  soit  jusqu'à 
5** 5'  de  latitude  sud.  Là,  une  barre  de  rochers,  de  700  à  800  pas  de  long 
sur  800  à  1000  de  large,  l'a  arrêté.  Il  aurait  dû,  pour  pouvoir  la  franchir, 
attendre  pendant  cinq  mois  le  retour  de  la  crue  des  eaiix  ;  la  misère  qui 
régnait  dans  le  pays  ne  le  lui  permettant  pas,  il  a  été  obligé  de  revenir 
sur  ses  pas.  Mais  la  plus  grande  partie  du  cours  inférieur  de  cette 
rivière  a  été  parcourue  par  Stanley  qui,  d'après  le  récit  qu'il  en  a  fait 
au  Stanley  Club  à  Paris,  a  remonté  le  Quango  jusqu'à  plus  de  300  kilom. 
de  son  embouchure  dans  le  Congo,  et  par  conséquent  a  dû  s'approcher 
beaucoup  de  la  barre  qui  a  empêché  le  major  de  Mechow  de  pousser  son 
exploration  plus  avant.  Les  découvertes  de  ces  deux  voyageurs  se  corn- 
plètent  mutuellement. 

Nous  ne  sommes  sans  doute  pas  seuls  à  déplorer  la  division  qui  vient 
d'éclater  entre  les  deux  grands  explorateurs  duCon^o  et  de  l'Og^ôoué» 

*  Voir  la  carte,  2™«  année,  p.  44. 


—  301  — 

Autant  nous  avons  applaudi  aux  efforts  déployés  par  chacun  d'eux  pour 
ouvrir,  par  des  voies  différentes,  Tintérieui*  du  continent  à  la  civilisation 
européenne,  autant  nous  regrettons  de  les  voir  désunis  au  moment  où 
leurs  efforts  ont  été  couronnés  de  succès  par  l'établissement  de  deux 
stations  à  Stanley  Pool  :  l'une,  sur  la  rive  droite,  Brazzaville,  est  la 
station  du  a  Comité  national  français,  »  l'autre,  sur  la  rive  gauche, 
Leopoldville,  est  la  station  du  «  Comité  d'études  du  Haut  Congo  ;  »  nous 
voudrions  pouvoir  dire  de  l'a  Association  internationale  africaine,  »  mais 
cette  dénomination  ne  répondrait  pas  à  la  réalité.  Sans  entrer  dans  le 
débat  dont  les  grands  journaux  politiques  fournissent  tous  les  détails  h 
leurs  lecteurs,  nous  nous  bornerons  à  recueillir  les  renseignements  qui 
en  ressortent  sur  l'œuvre  de  Stanley,  laquelle  jusqu'ici  avait  été  entourée 
d'un  profond  mystère.  H  importe  de  la  distinguer  nettement  de  l'œuvre 
poursuivie  par  l'Association  internationale  dans  l'Afrique  orientale,  et 
par  ses  stations  à  Tabora  et  à  Karéma,  dans  lesquelles  prédomine  le  prin- 
cipe scientifique  et  humanitaire,  posé  à  la  base  de  l'Association  dans  la 
Conférence  de  Bruxelles.  Sur  le  Congo,  il  s'agit  beaucoup  plus  de  comp- 
tons commerciaux,  créés  sous  le  patronage  d'une  Société  commerciale,  au 
nom  de  laquelle  Stanley  s'est  chargé  d'ouvrir  une  route  le  long  des 
cataractes  du  fleuve,  pour  faciliter  l'importation,  à  l'intérieur  du  conti- 
nent, des  produits  des  manufactures  belges  et  anglaises.  Sans  doute, 
S.  M.  le  roi  des  Belges,  président  de  l'Association  internationale,  a  pris 
sous  son  patronage  la  Société  commerciale  ou  Comité  d'études  du  Haut- 
Congo,  et,  à  l'arrivée  de  Stanley  à  Bruxelles,  a  reçu  l'explorateur  pour 
conférer  avec  lui.  Mais  il  n'en  résulte  pas  que  l'œuvre  de  celui-ci  relève 
de  l'Association  internationale,  parfaitement  étrangère  aux  spéculations 
commerciales  de  la  Société  sus-mentionnée,  aussi  bien  qu'à  celles  de  la 
Société  nouvelle  fondée  à  Bruxelles  le  mois  dernier,  au  capital  de 
2,500,000  francs,  pour  profiter  de  l'exiftoration  de  l'Afrique  équatoriale 
au  point  de  vue  de  l'exportation  et  du  placement  des  produits  belges, 
quoiqu'elle  compte  parmi  ses  actionnaires  le  frère  du  roi  et  le  Comité 
belge  d'études  du  Haut-Congo.  Quoi  qu'il  en  soit,  et  quelque  regretta- 
ble que  soit  le  débat  soulevé  par  la  rivalité  des  intérêts  commerciaux 
européens,  la  conciurence  aura  pour  effet  l'exploration  plus  complète 
des  voies  d'accès  au  cœur  du  continent,  l'importation  des  marchandises 
européennes  à  des  conditions  plus  favorables  pour  les  indigènes,  que  s'ils 
demeuraient  exposés  aux  exigences  d'une  compagnie  unique  et  souve- 
raine, et,  grftce  aux  missionnaires  dont  les  stations  se  multiplient  tous 
les  jours  le  long  du  fleuve  jusqu'à  Stanley  Pool,  la  civilisation  ne  se  pré- 


—  302  — 

sentera  pas  à  eux  seulement  sous  la  forme  de  Tintérêt  commercial,  mais 
en  même  temps  sous  celle  du  dévouemen{  et  de  la  charité. 

M.  Mizon,  directeur  de  la  station  de  Franceville,  continue 
l'œuvre  de  Savorgnan  de  Brazza  sur  l'Ogôoué  pour  empêcher  les  diver- 
ses tribus  de  guerroyer  entre  elles  et  pour  réprimer  les  exactions  des 
traitants  à  Tégard  des  nègres.  Il  a  parcouru  cinq  ou  six  fois  les  hauts 
plateaux  qui  séparent  le  bassin  de  l'Ogôoué  de  celui  de  TÂlima,  a  établi 
des  relations  avec  les  Batékés  des  bords  ae  cette  rivière,  construit  des 
pirogues  aptes  à  franchir  les  rapides  de  l'Ogôoué,  et  formé  les  Adoumas 
au  métier  de  piroguiers.  En  les  réunissant  aux  Okandas,  aux  Inengas, 
aux  Gallois,  etc.,  on  peut  rassembler  4000  pagayeurs,  nombre  qui  paraît 
suffisant  actuellement,  pour  descendre  à  la  côte  tous  les  produits  des 
bassins  de  l'Ogôoué  et  des  affluents  septentrionaux  du  Congo.  Les  noirs 
savent  maintenant  exploiter  le  caoutchouc,  et  peuvent  très  bien  se  passer 
des  traitants  qui  avaient  jusqu'ici  monopolisé  le  commerce.  M.  Mizon 
n'en  estime  pas  moins  qu'il  y  a  encore  beaucoup  à  faire,  et  qu'en  particu- 
lier au  point  de  vue  géographique,  il  faudrait  terminer  la  reconnaissance 
de  l'Ogôoué  et  celle  de  ses  principaux  affluents. 

Les  missionnaires  d'Igbébé,  au  confluent  du  IVigep  et  du  Bénoué, 
ont  pu  empêcher  les  sacrifices  humains  qui,  d'après  la  coutume  du  pays, 
devaient  avoir  lieu  à  la  mort  du  roi  Akaia,  survenue  le  18  avril  dernier. 
Dès  que  la  nouvelle  s'en  répandit,  le  sacrifice  commença  par  celui  d'un 
homme  dont  le  sang  fut  employé  à  laver  tous  les  ustensiles,  coupes,  cale- 
basses, etc.,  dont  le  roi  avait  coutume  de  se  servir.  Les  esclaves  du 
monarque  défunt  s'enfuirent  dans  toutes  les  dh-ections,  pour  se  cacher  et 
échapper  à  la  mort  qui  les  menaçait.  Une  jeune  femme  de  Ibo,  achetée 
par  le  roi  et  qu'il  avait  nonmiée  sa  déesse,  devait  être  la  principale  vic- 
time. Elle  n'essaya  pas  d'échapper,  mais  resta  auprès  du  corps  du  roi 
pour  le  garder  jusqu'au  moment  des  funérailles.  Le  missionnaire  Wil- 
liams, appuyé  par  deux  natifs  agents  commerciaux,  fit  tous  ses  efforts 
pour  empêcher  qu'on  ne  la  mît  à  mort  avec  d'autres  sujets  du  roi.  Us 
réussirent  à  obtenir  que  les  chefe  leur  remissent  cette  femme  résignée, 
en  échange  de  laquelle  on  sacrifia  une  chèvre  blanche  dont  le  sang 
servit  aux  cérémonies  ordinaires.  L'étonnement  du  peuple  fut  extrême; 
jamais  on  n'avait  entendu  dire  qu'à  la  mort  d'un  roi  il  n'y  eût  pas  eu 
de  sacrifices  humains.  Quant  à  la  succession  au  trône,  il  y  a  deux  ou 
trois  prétendants,  mais  il  faut,  pour  être  élu,  appartenir  à  la  famille 
royale,  et  en  même  temps  être  riche  et  capable  de  soutenir  la  dignité 
suprême.  L'attention  se  porte  sur  la  sœur  du  roi,  Atabijé,  qui  a  adhéré 


—  303  — 

an  christianisme  ;  si  elle  était  élue^  ce  serait  un  appui  ponr  la  missiou 
en  même  temps  qu'un  gage  de  progrès.  La  position  dlgbébé  est 
favorable,  en  ce  sens  qu'on  peut  facilement  communiquer  de  là  avec 
Loko  sur  le  Bénoué,  et  avec  Idda  et  Onitza  sur  le  Niger.  Le  poste 
le  plus  avancé  de  la  mission  est  Kipo  Hill,  dans  les  États  du  roi  de 
Bidda,  souverain  animé  de  sentiments  nobles  et  qui  témoigne  franche- 
ment son  amitié  aux  missionnaires. 

n  y  a  eu  guerre  entre  le  roi  Onmorou  de  Bidda  et  les  Kédis  rebel- 
les, qui  avaient  maltraité  des  marchands  anglais  et  français  établis  sur 
les  bords  du  Niger.  Ceux-ci  se  rangèrent  du  côté  des  partisans  du  roi 
dont  Tarmée,  soutenue  par  deux  vapeurs,  Tun  anglais,  l'autre  français, 
passa  le  iieuve,  battit  les  Kédis  et  les  mit  en  déroute.  Dans  leur  fiiite, 
ceux-ci  attaquèrent  Shonga  et  en  brûlèrent  la  factorerie,  ainsi  que 
la  ville  de  Saré,  entre  Shonga  et  Uorin,  dont  les  habitants  avaient  refusé 
de  se  joindre  à  eux  contre  Oumorou. 

Dans  son  dernier  numéro,  VAfrican  Times  a  publié  une  lettre  d'un 
ïiatif  de  Sierra  Leone,  M.  Barber,  qui  se  trouvait  au  mois  de  mars  à 
Bidda  dans  le  Xupé,  en  route  pour  Tomliouctou.  Il  avait  quitté 
Lagos  en  février  1881  et  passé  par  Okelyrarapoh,  le  Yorouba  et  une 
partie  des  pays  Haoussas.  Un  peu  dépourvu  de  provisions  de  voyage  à 
son  arrivée  à  Bidda,  il  se  proposait  de  faire  une  excursion  à  Egga,  afin 
d'y  acheter  ce  dont  il  avait  besoin  pour  son  exploration.  Le  roi  de 
Bidda,  en  guerre  avec  le  chef  d'Egga,  le  retenait,  et  les  communica- 
tions entre  Egga  et  le  Nupé  étaient  interrompues  ;  cependant  il  avait 
trouvé  moyen  d'expédier  sa  lettre,  qui  toutefois  a  mis  six  mois  pour 
parvenir  à  la  côte.  M  Barber  a  promis  des  détails  ultérieurs  sur  son 
voyage  à  Tombouctou. 

M.  Th.  Barham,  ingénieur  anglais,  chargé  de  faire  les  études  d'un 
chemin  de  fer  entre  la  côte  et  les  mines  d'or  de  IVassa^MT^  a 
terminé  ses  travaux,  dont  le  résultat  est  tout  à  fait  concluant  en  faveur 
du  tracé  de  la  ligne  d'Âxim  à  Tacquah.  D'après  le  Bulletin  des  Mines, 
auquel  nous  empruntons  ces  détails,  toutes  les  parties  du  pays  qu'il  a 
explorées  sont  criblées  de  puits,  qui,  depuis  un  temps  immémorial,  ont  été 
creusés  pour  en  extraire  du  minerai.  Ds  ont  un  peu  plus  de  0",60  de 
diamètre,  et  descendent  généralement  à  50  mètres.  A  cette  profondeur, 
beaucoup  d'entre  eux  passent  pour  être  reliés  à  des  galeries  allant  dans 
différentes  directions.  L^  sol  des  collines  est  assez  friable,  pour  que  les 
indigènes  puissent  y  creuser  des  puits  avec  les  moyens  très  primitife 
qu'ils  possèdent,  et  en  même  temps  il  est  assez  résistant  pour  qu'on 


—  304  — 

puisse  laisser  les  puits  ouverts  et  sans  réparations,  de  génération  en 
génération,  sans  avoir  besoin  de  les  soutenir  par  des  moyens  artificiels. 
Dans  un  sentier  suivi  par  M.  Barham,  ils  se  succèdent  à  1  mètre  de  dis- 
tance, quelquefois  même  à  0",60  et  0",30,  en  sorte  qu'il  faut  marcher 
avec  les  plus  grandes  précautions  pour  ne  pas  s'exposer  à  un  accident. 
Les  indigènes  prétendent  que  le  pays  traversé  par  le  chemin  de  fer 
projeté  forme,  sur  presque  tout  le  parcours^  un  district  aurifère  des  plus 
riches.  M.  Barham  se  félicite  des  bonnes  dispositions  qu'U  a  rencontrées 
auprès  des  diverses  populations  qu'il  a  eu  l'occasion  de  visiter.  —  Les 
diverses  compagnies  minières  de  cette  région  accélèrent  les  travaux  pré- 
paratoires à  l'exploitation.  Des  machines  nouvelles  sont  inventées  pour 
extraire  l'or  et  l'affiner.  Une  société  vient  de  se  former  à  Londres,  sous  le 
titre  de  «  the  Électro-Amalgamàtor  Compagny  (limited),  »  en  vue  de  l'ex- 
ploitation de  certains  brevets ,  pour  l'extraction  de  l'or  au  moyen  de  l'élec- 
tricité ;  un  autre,  «  l'African  Dry  Placer  Gold  Amalgamating  Company 
(limited),  »  a  pour  but  la  fabrication  et  la  vente  d'un  amalgamateur,  qui 
peut  traiter  200  tonnes  de  quartz  broyé  par  24  heures.  —  L'étain  paraît 
aussi  abonder  dans  cette  région.  M.  le  professeur  Gumbel,  de  l'école  des 
mines  de  Munich,  a  analysé  des  spécimens  de  roche  de  la  Côte  d'Or,  et 
trouvé  que  la  dixième  partie  de  cette  roche  est  du  minerai  d'étain,  con- 
tenant 78  7o  d'étain  et  20  Vo  d'oxygène  ;  une  tonne  de  cette  roche  ren- 
ferme de  65  à  70  kilog.  d'étain.  D'après  les  rapports  des  minéralogistes 
qui  ont  exploré  le  pays,  la  couche  de  cette  roche  est  très  épaisse  et  se 
prolonge  très  loin  dans  la  montagne. 

M.  E.-W.  Blyden  écrit  de  Monrovia,  au  Foreign  Mi88io)iary,  que  le 
Soudan  occidental,  à  l'est  de  Libéria  et  de  Sierra  Leone,  est  agité 
par  un  mouvement  extraordinaire  de  propagande  musulmane.  Une 
guerre  sainte  a  été  proclamée  par  plusieurs  puissants  chefs  mahométans, 
contre  les  tribus  encore  païennes.  Samoudou,  chef  riche  et  instruit  de  la 
ti'ibu  des  Mandingues  de  Eonia,  à  l'est  de  Libéria,  où  senties  cités  floris- 
santes de  Mousardou  et  de  Médine,  poursuit,  avec  une  armée  de 
30,000  fantassins  et  de  3000  cavaUers,  la  conversion  des  païens  à  l'isla- 
misme. Ses  troupes  marchent  contre  le  puissant  royaume  de  Soulima, 
dont  Falaba  est  la  capitale,  à  400  kilom.  de  Sierra  Leone.  Pendant  plus 
de  50  ans  elle  a  résisté  aux  attaques  périodiques  des  Foulahs  mahomé- 
tans. Le  roi  de  Falaba  a  dit  à  M.  Blyden  que,  d'après  une  tradition  de  sa 
famille,  l'adoption  d'une  nouvelle  religion  entraînera  la  ruine  de  son 
pays  ;  mais,  ajouta-t-il,  le  Soulima  ne  deviendra  mahométan  que  quand 
nos  villes  auront  été  réduites  en  cendres  et  nos  gens  tués.  Actuellement 


—  305  — 

Samoudou  pai*att  décidé  à  les  convertir  par  la  force.  Un  autre  chef 
puissant  de  la  tribu  des  Seracoulies  s'avance  vers  la  côte,  avec  une 
nombreuse  armée,  et  le  mot  d'ordre  :  a  Combattez-les  jusqu'à  ce  qu'ils 
ne  soient  plus  séparés  et  que  Dieu  seul  soit  adoré.  » 

M.  Taylor  a  résolu  de  développer  l'œuvre  qu'il  poursuit  au  Sénén^l 
en  faveur  des  esclaves  fùs^itlfa»  et  de  créer  aux  environs  de  Saint- 
Louis  une  colonie  d'esclaves  libérés.  Le  gouvernement  lui  a  accordé  à 
cet  effet  une  concession  de  huit  hectares  de  terrain,  et  il  n'attend  que 
les  fonds  nécessaires  pour  y  installer  ses  protégés.  L'autorité  sénégalaise 
l'a  prié  de  se  charger  de  l'éducation  de  vingt  garçons  libérés,  pour 
l'entretien  desquels  une  subvention  sera  demandée  au  conseil  général 
dans  sa  prochaine  session.  Nos  lecteurs  se  rappellent  que,  depuis  la  mort 
de  M.  et  M"""  Golaz,  M.  Taylor  est  resté  seul  sur  la  brèche,  et  ils  seront 
heureux  d'apprendre  que  trois  élèves  des  Missions  de  Paris  se  préparent 
à  aller  le  seconder.  —  Depuis  quelque  temps,  la  question  indigène 
préoccupe  aussi  les  esprits  à  Saint-Louis.  On  cherche  les  moyens  les 
plus  propres  à  gagner  la  masse  des  natifs  aux  institutions  civilisatrices 
de  la  mère  patrie.  Le  Conseil  général  a  créé  trois  écoles,  deux  de  garçons 
et  une  de  filles,  oii  seront  instruits  les  enfants  des  indigènes  qui,  tout  en 
tenant  à  leur  religion,  paraissent  disposés  à  acquérir  la  connaissance  du 
français. 

Le  ministre  de  la  marine  et  des  colonies  a  fait  un  nouveau  règlement 
organisant  la  direction  et  l'administration  du  Haut  Séné|i;al.  Désormais, 
tous  les  services  constitués  dans  la  colonie,  en  vue  des  opérations  sur  le 
haut  fleuve,  relèveront  directement  du  gouverneur  et  seront  complète- 
ment distincts  des  services  coloniaux.  En  outre  il  est  créé  plusieurs 
postes  spéciaux  :  un  chef  des  services  civils  du  Haut  Sénégal,  un  directeur 
des  ateliers  de  la  marine,  un  autre  de  l'atelier  du  chemin  de  fer.  Le 
conmiandant  de  la  marine  de  la  colonie  reste  chargé  de  la  direction  du 
chantier  d'approvisionnement  établi  à  Saint-Louis,  et  de  la  flottille 
affectée  au  transport  du  personnel  et  du  matériel  entre  Saint-Louis  et  le 
haut  du  fleuve.  Le  colonel  Bors^alsi  Desbordes  est  parti  avec  toute 
sa  colonne  pour  sa  troisième  campagne  entre  le  Sénéf^l  et  le  Nig^er. 
Il  devra  d'abord  assurer  le  ravitaillement  des  postes  de  Bafoulabé  et  de 
Kita,  puis  se  porter  sur  le  Niger  à  Bamakou,  pour  y  conmiencer  la 
construction  de  deux  forts,  destinés  à  protéger  la  fiiture  ligne  d'accès  au 
grand  fleuve.  Pendant  ce  temps  M.  Jacquier,  ingénieur  des  ponts  et 
chaussées,  entreprendra  les  travaux  de  la  voie  ferrée  du  Sénégal  au  Niger. 
Le  personnel  des  travaux  compte,  outre  80  ingénieurs,  conducteurs, 


—  306  — 

chefe  de  chantiers  et  ouvriers  français,  600  ouvriers  marocains,  recrutés 
à  Oran,  autant  d'ouvriers  indigènes,  et  200  à  300  Kroumen.  Le  matériel 
nécessaire  à  l'exécution  des  travaux  est  déjà  sur  les  lieux,  grâce  à  l'acti- 
vité du  colonel  Bourdiaux,  qui  a  passé  à  Kayes  (tête  de  ligne  actuelle)  la 
saison  des  pluies  ;  le  personnel  du  chemin  de  fer  y  trouvera  dès  abris 
solidement  construits  et  des  magasins  organisés  ;  un  petit  chemin  de  fer 
Decauville  permettra  de  mener  rapidement  les  travaux,  et  de  commencer 
dès  les  premiers  jours  la  pose  de  la  voie.  L'expédition  du  colonel 
Borguis  Desbordes  étant  en  avance,  pour  la  saison,  sur  les  deux  précé- 
dentes, pourra  profiter  plus  longtemps  du  fleuve  comme  moyen  de 
transport  jusqu'à  Kayes,  ou  tout  au  moins  jusqu'à  Bakel.  La  présence 
dans  Je  Haut  Sénégal  de  la  colonne  expéditionnaire,  pendant  les  deux 
précédentes  campagnes,  a  déjà  contribué  beaucoup  au  développement  de 
l'agriculture  et  du  commerce  dans  cette  région.  Les  indigènes  de  Bafou- 
labé,  frappés  des  prix  rémunérateurs  qu'ils  obtenaient  de  leurs  grains,  ont 
ensemencé  de  nouvelles  terres,  et  des  caravanes  portant  du  sel,  des 
toiles  de  Guinée  et  de  l'or,  parcourent  régulièrement  les  routes  du  Niger 
à  Eita  et  à  Bafoulabé. 


NOUVEIiliES  GOMPIiËMENTAIRES 

Un  corps  expéditionnaire  va  être  envoyé  au  ksar  de  Metlili,  pour  y  créer  un 
poste  militaire  qui  sera,  pour  Pextrême  sud  de  la  province  d'Alger,  une  sentinelle 
avancée,  comme  le  poste  d'Aïn  Sefra  l'est  devenu  pour  le  sud  de  la  province 
d'Oran.  Le  nouvel  établissement  militaire  servirait  À  protéger  le  Mzab,  situé  entre 
Goléa  et  Ouargla,  et  avec  lequel  la  colonie  française  entretient  des  rapports  ami- 
caux, contre  les  agressions  de  tribus  ennemies  venant  du  sud;  il  y  exercerait  aussi 
une  surveillance  active  des  caravanes,  pour  empêcher  le  commerce  des  esclaves  et 
l'introduction,  en  contrebande,  de  la  poudre  et  des  armes  de  provenance  étrangère. 

Le  congrès  national  des  sociétés  françaises  de  géographie  réuni  à  Bordeaux,  a 
décidé  de  demander  au  gouvernement  de  nommer  une  commission  supérieure, 
analogue  à  celle  instituée  pour  l'examen  du  projet  Boudaire,  pour  donner  son 
avis  sur  les  moyens  employés  pour  pénétrer  au  Soudan. 

M.  Manen,  ingénieur  hydrographe,  est  chargé  d'étudier  dans  tous  leurs  détails 
les  côtes  de  la  Tunisie,  de  dresser  la  carte  de  ses  ports,  et  de  se  rendre  compte  du 
régime  de  ses  marées. 

Le  ministère  de  l'instruction  publique  et  des  beaux-arts  a  organisé  une  expédi- 
tion scientifique,  chargée  d'explorer  la  Tunisie  tout  entière.  En  même  temps 
qu'elle  s'occupera  de  recherches  archéologiques  et  géologiques,  elle  devra  étudier 
aussi  la  flore  et  la  faune  du  pays. 


—  307  — 

M.  le  D'  Defoumoux  a  exploré,  en  août  et  septembre,  le  Maroc  et  l'Algérie, 
au  point  de  vue  archéologique.  Il  s'est  renda  ensuite  en  Tunisie,  et  le  long  de  la 
route  du  Eef  a  relevé  l'emplacement  de  villes  et  de  monuments  romains.  Le  chérif 
de  la  grande  mosquée  de  Kairouan  lui  a  communiqué  des  manuscrits,  dont  il  se 
servira  pour  reconstituer  une  partie  de  la  géographie  historique  de  l'Afrique 
ancienne.  De  Kairouan  il  compte  se  diriger  sur  Tombouctou. 

Le  bey  Sidi-Mohamed-es-Sadock  est  mort  le  18  octobre,  après  avoir  régné  pen- 
dant vingt- trois  ans.  Son  frère  et  successeur  légitime,  Sidi-Ali-Bey,  a  pris  aussitôt 
le  pouvoir. 

Un  journal  officiel  de  Tripoli  rapporte,  d'après  une  lettre  reçue  du  Fezzan,  que 
de  grands  gisements  de  minerais  de  différentes  sortes  :  plomb,  étain,  zinc,  fer> 
cuivre,  argent  et  or,  ont  été  découverts  entre  Tripoli  et  le  Fezzan.  Il  y  aurait 
même  des  diamants. 

Le  correspondant  du  Standard,  à  Vienne,  a  télégraphié  à  ce  journal  qu'on  parle 
de  l'intention  qu'aurait  l'Angleterre  de  s'annexer  le  port  de  Massaoua,  afin  d'y 
établir  un  dépôt  de  charbon  pour  les  navires  anglais,  et  d'assurer  la  sécurité  de 
ce  port  par  le  prestige  du  pavillon  anglais. 

Le  nouveau  steamer,  le  Henry  Wright,  destiné  à  la  mission  de  Mombas,  est  à 
peu  près  terminé  et  commencera  prochainement  son  service  entre  Mombas  et 
Zanzibar. 

D'après  les  dernières  lettres  de  Freretown,  la  crainte  régnait  dans  cette  station, 
par  suite  du  voisinage  d'un  rebelle  nommé  Mbaruk,  qui  avait  établi  son  camp  près 
de  Baba!.  Il  déclarait  bien  qu'il  n^était  pas  hostile  à  la  mission,  mais  son  amitié 
serait  encore  plus  dangereuse  pour  elle  que  son  hostilité,  en  inspirant  des  soup- 
çons aux  gei\s  de  Mombas. 

La  British  Association  a  accordé  une  subvention  de  500  liv.'  sterl.,  pour  qu'un 
naturaliste,  M.  Atchinson,  puisse  prendre  part  à  l'expédition  de  M.  J.  Thomson 
au  Victoria  Nyanza  par  le  pays  des  Masa!.  M.  Atchinson  restera  au  Kilimandjaro 
pour  y  faire  des  collections  botaniques  et  zoologiques,  pendant  que  M.  Thomson 
se  rendra  au  Victoria  Nyanza. 

Le  missionnaire  Farler,  de  la  station  de  Magila,  a  envoyé  à  la  Société  de  géo- 
graphie de  Londres  une  carte  originale,  dressée  par  lui  sur  des  renseignements 
fournis  par  les  indigènes,  et  indiquant  des  routes,  inconnues  jusqu'ici,  de  Pangani 
à  la  côte  S.-E.  du  Victoria  Nyanza,  à  travers  le  pays  des  Masaï. 

Le  D'  James  Pétrie,  gradué  de  Puniversité  d'Aberdeen,  a  été  envoyé  à  Magila, 
comme  médecin  missionnaire  polir  l'Afrique  orientale  équatoriale. 

Les  missionnaires  partis  pour  renforcer  les  stations  des  lacs  Victoria  Nyanza  et 
Tanganyika  sont  heureusement  arrivés  à  Zanzibar.  M.  Stecker  avait  tout  préparé 
pour  qu'ils  pussent  continuer  leur  voyage  sans  délai.  Le  sultan  Saïd  Bargasch  a 
donné  un  sauf-conduit  et  des  lettres  de  recommandation  pour  Mtésa,  à  ceux  qui 
se  rendent  à  Roubaga.  Ils  devaient,  voyager  jusqu'à  Mamboya,  première  station 
de  la  Société  des  missions  anglicanes,  avec  les  missionnaires  de  la  Société  de 
Londres  destinés  au  Tanganyika,  sous  la  conduite  de  M.  Hore,  accompagné  de  sa 


—  308  — 

femme  et  d'un  jeune  enfant,  qui  seront  vraisemblablement  restés  dans  cette  station 
salubre,  tandis  que  M.  Hore  devait  retourner  avec  M.  Swann  à  Zanzibar,  pour  y 
recevoir  le  bateau  en  acier,  démontable,  envoyé  après  eux  d'Angleterre. 

Le  capitaine  Bloyet,  directeur  de  la  station  du  Comité  national  français  dans 
l'Afrique  orientale,  est  venu  à  Zanzibar  à  la  fin  de  juillet,  pour  y  faire  divers 
achats  d'étoffes  et  de  provisions.  U  a  expédié  en  France  le  relevé  de  ses  obser- 
vations météorologiques  et  deux  caisses  d'objets  d'histoire  naturelle. 

Le  dernier  rapport  des  missionnaires  de  Tabora  signale  un  grand  progrès  dans 
le  service  du  transport  des  lettres.  Les  malles  sont  devenues  très  régulières,  et 
rien  ne  se  perd  en  route.  Les  chemins  étant  plus  sûrs,  il  ne  faut  que  trois  ou 
quatre  hommes  pour  le  voyage  de  Mpouapoua,  aller  et  retour.  Les  Wanyamouésis 
employés  comme  courriers  se  montrent  très  capables,  et  il  y  a  avantage  à  se  servir 
d'eux,  parce  que,  dans  le  voyage  de  retour,  revenant  chez  eux,  ils  s'arrêtent 
moins  en  route  que  les  autres  indigènes.  La  station  d'Ouyouy  vient  malheureuse- 
ment de  perdre  le  D'  Southon  qui,  tout  en  remplissant  les  fonctions  de  mission- 
naire, avait  rendu,  comme  médecin,  de  grands  services  à  la  population. 

La  commission  africaine  de  la  Société  de  géographie  de  Lisbonne  a  approuvé 
un  projet,  exposé  par  l'ingénieur  M.  J.-J.  Machado,  d'une  expédition  topographi- 
que et  géologique  dans  la  province  de  Mozambique,  dont  le  but  principal  serait  de 
déterminer  les  frontières  de  cette  possession  portugaise,  du  côté  du  Transvaal  au 
sud,  et  de  celui  du  Zanguebar  au  nord.  La  commission  insiste  pour  que  l'expédi- 
tion aille  déployer  le  drapeau  portugais  sur  le  Nyassa,  que  les  Portugais,  prétend- 
elle,  pourraient  annexer  à  la  province  de  Mozambique,  parce  que  ce  sont  eux  qui 
l'ont  découvert  I 

Une  concession  de  5000  hectares  de  terrain  dans  la  Zambésie,  a  été  accordée  à 
M.  F.  Courret  pour  la  culture  du  café  et  de  l'indigo. 

Le  gouverneur  général  de  la  province  de  Mozambique  a  décidé  d'envoyer  à 
Oumzila  une  expédition,  à  la  fois  polftique,  commerciale  et  scientifique,  dont  il  a 
confié  la  direction  à  M.  Cardozo^  officier  portugais,  et  à  laquelle  sera  attaché  un 
médecin,  M.  Mendonça  Franco. 

Un  projet  de  loi  sera  présenté  aux  Certes,  pour  autoriser  le  gouvernement  à 
établir  dans  la  province  de  Mozambique  plusieurs  lignes  télégraphiques,  d'une 
longueur  totale  de  980  kilomètres  :  de  Mozambique  à  Quilimane,  en  touchant  à 
Angoza;  de  Quilimane  à  Tété,  et  d'Inhambané  à  Lorenzo  Marquez.  Cette  dernière 
ville  est  déjà  reliée  à  Mozambique  par  la  ligne  du  Cap  à  Aden. 

M.  l'ingénieur  J.-J.  Machado  est  arrivé  à  Lorenzo  Marquez,  pour  procéder  aux 
études  du  chemin  de  fer  du  Transvaal. 

Le  conflit  entre  le  gouvernement  français  et  celui  de  la  reine  de  Madagascar, 
dont  nous  parlions  dans  notre  dernier  numéro,  est  entré  dans  la  voie  diplomatique. 
L'ambassade  delà  reine  est  arrivée  à  Paris;  les  journaux  politiques  ayant  fourni 
à  cet  égard  tous  les  renseignements  désirables,  nous  pouvons  nous  dispenser  d'en 
parler. 

Les  familles  de  MM.  Jacques  et  Mingard,  parties  pour  renforcer  la  mission  de 


—  309  — 

Yaldezia,  sont  heureusement  arrivés  à  Darban,  qu'elles  ont  pu  quitter  très  promp- 
tement  pour  se  rendre  à  Pietermaritzbourg,  où  elles  devaient  faire  leurs  prépa- 
ratifs  pour  leur  long  voyage  par  terre.  Plusieurs  élèves  missionnaires  se  préparent 
à  aller  renforcer  les  stations  vaudoises.  L'un  d'eux,  licencié  en  théologie,  vient  de 
partir  pour  l'Angleterre  où  il  doit  achever  sa  préparation;  il  pourra  se  rendre  au 
Transvaal  l'année  prochaine. 

Un  certain  nombre  de  Boers  du  Transvaal  ont  formé  le  projet  de  constituer 
une  troisième  république,  sur  la  territoire  cédé  par  un  chef  cafre,  Montsiva. 
M.  Georges  Hudson,  résident  anglais,  s'est  rendu  à  Pretoria  avec  la  mission  de 
s'opposer  à  cette  création. 

D'après  un  télégramme  de  Capetown,  M.  J.-C.  Mears,  établi  au  Transvaal  depuis 
longtemps,  a  obtenu  une  concession  pour  la  création  de  fabriques  de  lainages. 
Il  s'est  engagé  à  payer  une  redevance  de  100  1.  st.  par  an,  et  à  l'augmenter  d'au- 
tant chaque  année,  de  manière  à  verser  au  trésor  2100 1.  st.  la  21'^«  année.  De  son 
côté,  le  gouvernement  du  Transvaal  s'est  engagé  à  protéger  cette  industrie  nais- 
sante, par  un  impôt  de  20  %  ad  valorem  sur  tous  les  lainages  importés  ultérieurement. 

Secocœni,  rendu  récemment  à  la  liberté  par  les  Anglais,  a  été  assassiné  par  un 
de  ses  parents,  Mampoer,  qui,  à  son  tour,  a  été  mis  à  mort  par  les  gens  de  sa 
victime. 

M.  Weitzecker,  ministre  de  l'église  vaudoise  des  vallées  du  Piémont  et  pasteur 
à  Nice,  a  offert  pour  dix  ans  ses  services  au  Comité  des  missions  de  Paris,  en  vue 
du  remplacement  de  M.  Coillard  dans  sa  station  de  Léribé  au  Lessouto,  pendant 
que  ce  dernier  irait  fonder  la  nouvelle  mission  du  Zambèze.  Un  jeune  vaudois, 
M.  Jalla,  accompagnera  M.  Weitzecker. 

M.  P.tD.  Hahn  a  dressé  une  carte  au  ^jneono  de  la  culture  de  la  vigne  dans  la 
colonie  du  Gap.  D'après  une  petite  brochure  qui  l'accompagne,  le  nombre  des 
ceps  plantés  s'est  élevé  de  56  millions  à  70  millions,  de  1866  à  1875. 

M.  Th.  Hahn  a  publié  une  nouvelle  carte  en  quatre  feuilles  du  pays  des  Grands 
Namaquas,  différant  des  anciennes  cartes  en  beaucoup  de  points.  La  position  des 
localités  a  été  déterminée  par  des  observations  astronomiques  et  des  opérations 
trigonométriqnes. 

Les  Boers  de  la  colonie  de  San-Januario^  dans  la  province  de  Mossamédès,  sont 
en  butte  aux  attaques  des  tribus  indigènes  de  Huilla;  n'étant  pas  protégés  par  les 
autorités  portugaises  comme  ils  auraient  besoin  de  l'être,  ils  se  disposent  à  émi- 
grer;  on  ne  dit  pas  encore  où  ils  se  rendront. 

La  mission  du  Bihé  va  être  renforcée  par  l'arrivée  de  nouveaux  missionnaires. 

La  dernière  malle  du  Congo  a  apporté  la  nouvelle  de  la  mort  de  M.  W.  Appel, 
jeune  voyageur  au  service  de  la  Société  des  missions  baptistes.  Il  s'était  préparé 
aux  observations  astronomiques  et  à  la  cartographie,  et  la  Société  de  géographie 
de  Londres  l'avait  muni  d'instruments.  Il  devait  faire  le  relevé  de  Stanley-Pool. 
Parti  d'Angleterre  en  mai,  il  a  été  enlevé  par  la  fièvre  à  Banana,  pendant  qu'il 
se  disposait  à  faire  le  relevé  de  la  rivière  Mposo  et  des  observations  hypsométri- 
ques  sur  les  collines  voisines. 


—  810  — 

Une  nouvelle  expédition  belge,  composée  de  MM.  Haneuse  et  Legut,  sous-officiers 
du  génie,  et  de  M.  le  D'  Allard,  est  partie  pour  le  Congo.  —  M.  Harou,  lieutenant- 
adjoint  d'état-major,  qui  a  déjà  été  au  Congo  où  il  a  fondé,  sous  la  direction  de 
Stanley,  la  station  de  Manyanga,  se  propose  d*y  retourner  au  milieu  de  novembre. 

L'abbé  Guyot,  qui  a  voyagé  pendant  trois  ans  de  suite,  de  1879  à  1882,  dans 
l'Afrique  équatoriale,  et  dont  on  avait  annoncé  la  mort  l'an  dernier,  est  de  retour 
à  Paris,  mais  il  ne  doit  pas  y  faire  un  long  séjour,  car  il  se  prépare  à  entreprendre 
une  nouvelle  exploration  au  Congo. 

Le  navire  Akassa,  envoyé  par  la  Compagnie  belge  du  commerce  africain,  avec 
un  chargement  de  marchandises,  pour  établir  des  factoreries  à  la  c6te  occiden- 
tale d'Afrique,  a  réussi  dans  sa  mission  ;  plusieurs  agences  ont  été  installées  sur 
différents  points  de  la  côte.  Malheureusement  le  commandant  de  l'expédition^ 
M.  Jaubert,  est  mort  à  la  hauteur  du  cap  Palmas;  M.  Rigod,  un  de  ses  amis, 
ancien  compagnon  de  M.  Soleillet,  le  remplacera  dans  la  direction  de  l'expédition, 
et  continuera  l'établissement  de  comptoirs  belges  dans  les  districts  de  l'Angola  et 
du  Congo. 

M.  le  D'  Ch.  Passavant,  de  Bftle,  se  propose  d'explorer  la  partie  de  l'Afrique 
équatoriale  comprise  entre  la  côte  de  la  Guinée  inférieure  et  le  lac  Albert. 

Le  Nouveau  Temps,  de  Saint-Pétersbourg,  annonce  que  l'expédition  Rogozinsky 
a  rencontré  des  obstacles,  qui  ont  forcé  les  organisateurs  d'y  renoncer. 

Après  avoir  duré  quatre  ou  cinq  mois,  la  guerre  entre  les  habitants  de  Bonny 
et  ceux  du  Nouveau  Calabar  s'est  terminée,  grâce  à  la  médiation  du  consul  anglais, 
M.  W.-H.  Hewitt. 

M.  W.-A.  Forbes,  préparateur  à  la  Société  zoologique  de  Londres,  est  parti 
récemment  pour  la  Guinée  supérieure  où  il  explorera  les  bords  du  Niger. 

Flegel  a  notablement  avancé  dans  son  exploration  ;  parti  de  Sokoto  le  9  mars, 
il  était  le  7  avril  à  Awoï,  sur  la  route  entre  Lafia  Bérébéré  et  Wasé,  au  nord  du 
Bénoué,  dans  le  gouvernement  de  Bautschi,  province  du  royaume  de  Sokoto.  Il 
avait  beaucoup  souffert  d'une  alimentation  insuffisante  et  irrégulière;  quoique 
encore  très  faible,  il  se  sentait  un  peu  mieux  et  allait  continuer  sa  route  vers  l'est, 
comptant  se  fortifier  dans  l'Adamaoua,  qu'on  lui  a  dît  plus  frais  et  plus  riche  en 
ressources  alimentaires. 

Le  roi  de  Porto  Novo  a  demandé  au  roi  de  Dahomey  de  se  joindre  à  lui,  pour 
détruire  la  ville  d'Okeodan,  contre  laquelle  vont  marcher  les  troupes  dahoméennes 
avec  20,000  amazones. 

M.  le  D' Msehly  est  parti  avec  M.  Prsetorius,  sous -inspecteur  des  missions  de 
Bâle,  et  M.  Preiswerk,  secrétaire  de  la  Société,  pour  visiter  les  stations  bftloises 
de  la  Côte  d'or.  M.  Msehly  y  fera  une  inspection  médicale,  qui  s'étendra  à  tout  ce 
qui  peut  avoir  une  influence  sur  la  santé  de  l'homme  :  le  genre  de  vie,  le  vêtement, 
l'habitation,  l'eau,  le  sol,  etc.  Il  donnera  en  même  temps  ses  soins  à  ses  compa- 
gnons de  voyage,  si  cela  est  nécessaire,  aux  missionnaires  et  aux  nègres. 

Le  conflit  entre  les  Achantis  et  les  Gamans  peut  être  considéré  comme  terminé, 
les  deux  parties  ayant  promis  d'accepter  la  médiation  des  autorités  de  la  Côte 


—  311  - 

d'or.  En  revanche,  le  roi  des  Achantis  n'a  pas  accordé  au  missionnaire  Ramseyer 
l'autorisation  de  fonder  une  station  à  Coumassie. 

M.  Claybrook,  missionnaire  de  Grand  Bassa  (Libéria),  a  fait  un  voyage  jusqu'à 
Slaughie,  chez  les  Mandingues,  où  le  chef  Seneo  Sissi  Pa  bien  accueilli;  il  était  le 
premier  blanc  qui  visitât  le  pays;  aussi  les  femmes  et  les  enfants  s'enfuyaient-ils  à 
son  approche  ;  sur  le  marché  il  a  vu  beaucoup  d'or,  de  fer  et  de  cuivre  ;  le  pays  a 
beaucoup  de  chevaux. 

M,  Butikofer,  jeune  naturaliste  bernois,  envoyé  en  1880  par  le  muséum  d'his- 
toire naturelle  de  Leyde,  à  Libéria,  pour  y  faire  des  collections  zoologiques  et 
compléter  la  géographie  du  pays,  est  revenu  passer  quelque  temps  à  Berne,  pour 
se  remettre  de  la  fièvre  qu'il  avait  prise  à  Monrovia.  Pendant  deux  ans  qu'a  duré 
son  expédition,  il  a  exploré  le  plateau  de  Mandingo,  et  relevé  très  exactement  la 
rivière  Saint-Paul  et  le  «  Great  Fish  Lake.  » 

Une  expédition  scientifique,  industrielle  et  commerciale,  en  formation  à  Bor- 
deaux, se  propose  de  profiter  des  relations  d'amitié  nouées  par  M.  Ollivier  et  le 
D'  Bayol  avec  les  chefs  du  Fouta  Djallon.  Elle  sera  dirigée  par  M.  P.-F.  Caque- 
reau,  et  fera  les  études  nécessaires  à  la  fondation  d'une  station  à  proximité  de 
Timbo,  pour  servir  de  trait  d'union  entre  la  colonie  d'Assinie  et  les  possessions 
françaises  du  Sénégal. 

Le  choléra  sévit  dans  les  lies  Bissagos  sur  la  côte  de  Sénégambie. 

Le  D*^  Bayol  a  été  chargé,  par  le  ministère  de  la  marine  et  des  colonies,  de  visiter 
le  Diombokho,  le  Eaarta-Eingui  et  le  Eaarta-Biné,  contrées  qui  offrent  un  intérêt 
considérable  au  point  de  vue  de  l'établissement  du  chemin  de  fer  du  Haut-Sénégal, 
n  sera,  comme  lors  de  Pexpédition  de  Fouta  Djallon,  accompagné  de  M.  Noirot, 
dessinateur-photographe.  Sa  mission  est  rattachée  à  la  colonne  expéditionnaire, 
qui  doit  partir  de  Médine  les  premiers  jours  de  décembre,  pour  continuer  les  tra- 
Taux  des  deux  campagnes  précédentes. 

M.  le  baron  Servatius  a  été  nommé  gouverneur  du  Sénégal,  en  remplacement 
du  contre-amiral  de  Lanneau  emporté  par  la  fièvre  jaune. 

Le  chef  du  Cayor  a  cessé  de  faire  opposition  à  l'établissement  du  chemin  de  fer 
de  Dakar  à  Saint-Louis. 

Le  gouvernement  espagnol  a  décidé  de  repousser  la  proposition  faite  à 
l'Espagne  par  le  Maroc,  d'échanger  sa  possession  de  Santa-Cruz-de-Mare-Pequena, 
contre  un  autre  territoire  qui  lui  serait  accordé  près  de  Ceuta. 


EXPÉDITION  DE  MM.  POGGE  ET  WISSMANN,  A  MUQUENGUÉ. 

Nous  avons  dû  nous  borner  à  annoncer,  dans  notre  précédente  livrai- 
son, l'arrivée  du  Dj  Pogge  à  Muquengué,  mais  nous  nous  sommes 
réservé  de  donner  dans  celle-ci  les  détails  qu'il  a  fournis  sur  cette  loca- 
lité, visitée  pour  la  première  fois  par  un  Européen.  Disons  d'abord,  pour 


—  312  — 

donner  une  idée  de  la  lenteur  des  communications  à  Tintérieur,  que 
sa  lettre,  écrite  le  27  novembre  1881,  de  Muquengué,  n'arrivait  à 
Malangé,  à  l'extrémité  orientale  des  possessions  portugaises  de  l'Angola, 
que  le  29  mai  1882,  tandis  qu'elle  atteignait  Loanda  déjà  le  15  juin  et 
était  à  Berlin  le  28  juiUet. 

Nos  lecteurs  se  rappellent  le  premier  voyagç  de  Pogge,  à  Moussoumbé, 
capitale  du  Mouata  YamvoS  en  1875,  et  celui  qu'y  fit,  de  1879  à  1881, 
le  D' Bûchner  '.  Les  relations  entre  les  voyageurs  allemands  et  le  chef 
de  ce  grand  royaume  étaient  de  nature  à  faire  espérer  à  la  Société  afri- 
caine allemande,  qu'elle  pourrait  facilement  y  fonder  une  station  scien- 
tifique et  hospitalière,  qui  permettrait  en  même  temps  d'établir  avec 
cet  État  des  relations  avantageuses  pour  le  commerce  allemand.  Le 
D' Pogge,  chargé  de  cette  mission,  partit  dans  l'automne  de  1880, 
accompagné  de  M.  Wissmann  qui  comptait  faire  la  traversée  du  con- 
tinent jusqu'à  Zanzibar. 

Arrivés  à  Malangé  dans  les  premiers  mois  de  1881,  ils  entrèrent  en 
relations  avec  M.  G.  J.  de  Sousa  Machado,  négociant  portugais,  dont 
une  caravane  considérable  se  préparait  à  partir  pour  les  marchés  de 
Gachéché  et  de  Gabau.  Ils  quittèrent  avec  lui  Malangé,  et  prirent  la 
route  de  Quimboundou,  où  M.  Machado  leur  fit  entrevoir  l'opposition 
que  le  Mouata  Yamvo  mettrait  à  les  laisser  franchir  la  frontière  orien- 
tale de  ses  États,  et  leur  conseilla,  s'ils  voulaient  entreprendre  une  explo- 
ration qui  n'eût  encore  été  tentée  par  personne,  de  se  rendre  à  Gachéché, 
marché  très  important  dans  le  bassin  du  haut  Loualaba,  très  fréquenté 
par  les  négociants  arabes  de  Zanzibar,  qui  viennent  y  acheter  l'ivoire 
que  l'on  trouve  là  en  quantité  inépuisable.  MM.  Pogge  et  Wissmann 
accueillirent  cette  idée  avec  empressement,  et  se  dirigèrent  vers  le  pays 
des  Tuchilangués,  au  nord,  en  suivant  d'abord  la  route  prise  par  Schûtt', 
en  1878,  dans  son  voyage  à  la  résidence  de  Mal,  au  confluent  du  Zaïre 
ou  Gassal  et  du  Louachimo.  Le  passage  par  le  pays  des  Quiocos  offiit 
quelques  difiSicultés,  les  indigènes  prétendant  avoir  le  monopole  du  com- 
merce chez  les  Tuchilangués.  A  Hpngolo,  ou  Schûtt  traversa  le  Tchikapa, 
trois  hommes,  se  disant  envoyés  du  chef  Eissengué,  qui  demeure  entre 
cette  rivière  et  le  Louachimo,  se  présentèrent  pour  recevoir  des  cadeaux 
ou  barrer  le  passage.  En  réalité  ils  se  trouvaient  occasionnellement  dans 

*  V.  1"  année,  p.  191.  » 

*  V.  3"»«  année,  p.  165. 

*  y.  l'«  année,  p.  154,  et  la  carte  :  Itinéraire  de  Schûtt  dans  l'Afrique  centrales 


—  313  — 

ce  district,  où  KLssengué  les  avait  envoyés  vendre  des  esclaves,  et  ils 
cherchaient  à  en  profiter  pour  obtenir  des  présents,  soit  pour  leur  chef,  soit 
pour  eux-mêmes.  Us  auraient  pu  créer  aux  voyageurs  de  grandes  difficultés, 
mais  se  contentèrent  de  modestes  cadeaux.  Beaucoup  mieux  disposé,  le  chef 
de  Hongolo  offrit  de  les  faire  conduire  jusqu'au  Cassai,  pour  trois  tonne- 
lets de  poudre  et  quelques  pièces  de  calicot.  Ils  engagèrent  un  neveu  de 
ce  chef,  Camba  N'Guchi,  qui  avait  été  retenu  prisonnier  chez  les  Tuchi- 
langués,  à  l'époque  du  voyage  de  Schtltt,  et  qui  les  accompagna,  avec 
ime  escorte  de  30  Quiocos  armés,  jusqu'à  Muquengué.  A  dix  journées 
de  marche  au  nord  de  Hongolo,  le  chef  Kitari  leur  refusa  le  passage  à 
travers  son  pays,  et  menaça  de  les  attaquer;  mais  les  voyageurs  lui 
ayant  fait  dire  qu'ils  accepteraient  la  guerre  s'il  leur  suscitait  des  diffi- 
cultés, il  parlementa  et  les  laissa  passer  moyennant  l'abandon  de  cinq 
pièces  de  calicot.  Le  lendemain  il  leur  apporta  lui-même  les  présents 
ordinaires  en  vivres,  et  leur  dit,  qu'ayant  le  désir  d'aller  chez  les  Tuchi- 
langués,  il  cheminerait  avec  eux.  Quoiqu'ils  s'attendissent  à  des  désa- 
gréments plus  graves  de  la  part  du  chef  Kahoungoulo,  ils  purent  passer 
par  son  tenitoire  sans  être  arrêtés.  Seulement  une  chéfesse,  Gina 
Bansa,  vassale  de  Kahoungoulo,  dont  ils  traversèrent  le  village,  leur 
envoya  un  message  conçu  en  ces  termes  :  «  Vous  croyez  que  mon  pou- 
voir est  faible,  et  c'est  pour  cela  que  vous  passez  par  mon  pays,  puisque 
l'autre  blanc,  (Schtltt)  a  été  obligé  de  rebrousser  chemin  près  de  Mal  ; 
mais  vous  vous  trompez,  ma  puissance  est  aussi  grande  que  celle  de  Mal  ; 
toutefois  si  vous  payez  bien,  je  vous  laisserai  passer.  »  En  effet  quelques 
cadeaux  levèrent  les  difficultés. 

Après  44  jours  de  marche,  ils  atteignirent  le  Cassai,  le  2  octobre,  près 
de  Kikessa,  dans  le  Pende,  à  une  journée  au  nord  de  Mal,  et  déjà  le 
lendemain  ils  passèrent,  dans  huit  canots,  le  fleuve  qui  en  cet  endroit 
est  très  profond  et  a  une  largeur  de  300  à  350  m.  Arrivés  sur  l'autre 
bord,  ils  rencontrèrent  le  marchand  Silva  Porto,  qui  se  rendait  de  Bihé  à 
Cabau  ;  là  ils  reçurent  la  visite  d'un  chef  Tuchilangué,  Kinguengué,  qui 
trafiquait  avec  une  caravane  de  Quiocos,  et  les  pria  instamment  de  ne 
pas  aller  chez  Muquengué,  son  voisin,  naguère  encore  son  suzerain,  mais 
de  se  rendre  chez  lui,  disant  qu'il  les  conduirait  sans  délai  au  lac  Mou- 
camba.  Kinguengué  leur  faisant  une  bonne  impression,  il  fiit  convenu 
que  M.  Wissmann  irait  avec  lui,  tandis  que  le  D' Pogge  se  rendrait  chez 
Muquengué.  Les  deux  explorateurs  se  séparèrent  donc  ;  Wissmann, 
accompagné  d'une  petite  escorte,  prit  avec  Kinguengué  une  route  méri- 
dionale, tandis  que  le  D' Pogge  se  dirigea  vers  le  Nord,  et  arriva  chez 
Muquengué  le  30  octobre. 


—  314  — 

Ce  chef  bienveillant  le  reçut  arec  une  grande  joie,  et  dès  le  pre- 
mier jour  lui  dit  avoir  appris  que  son  vassal  rebelle,  Kinguengué,  avait 
offert  de  le  conduire  au  lac,  mais  que  c'était  à  lui,  le  plus  âgé,  le  plus 
puissant  et  le  chef  légitime,  qu'appartenait  le  pays,  et  qu'il  le  conduirait 
lui-même  au  Moucamba,  et  partout  où  il  voudrait,  quand  cela  leur 
ferait  plaisir.  Aussi  fiit-il  de  suite  convenu  qu'il  l'accompagnerait  d'abord 
au  lac,  puis,  de  là,  jusqu'au  Loualaba. 

L'intention  du  D' Pogge  était  en  effet  d'explorer,  jusqu'à  l'extrémité 
septentrionale,  le  lac  Moucamba,  qui  est  à  10  journées  de  marche 
de  Muquengué,  et  de  gagner  ensuite  Nyangoué.  D'après  les  renseigne- 
ments qu'il  obtint,  la  route,  à  partir  du  lac,  conduit  en  6  jours  chez  le 
chef  de  la  tribu  des  Mobondés,  Kachéché  ;  de  là  il  faut  deux  jours  pour 
atteindre  la  rivière  Loubilache,  et  deux  autres  jours  encore  pour  arriver 
à  la  résidence  du  grand  chef  Mobondi,  Foumo-Kole.  Ses  informations 
ne  portaient  pas  plus  loin. 

Muquengué  est  situé  à  peu  près  sous  le  6""  lat.  S.,  entre  20 ""  et 
20''30'  long.  £.  de  Paris  ;  Kinguengué  doit  être  environ  sous  le  G'' 10' 
lat.  S.,  à  une  dizaine  de  kilom.  au  S.  E.  de  Muquengué.  Cette  dernière 
localité  paraît  au  D'  Pogge  préférable  à  Moussoumbé  pour  l'établisse- 
ment d'une  station.  Le  voyageur  n'y  est  gêné  en  aucune  manière  dans 
ses  desseins.  Le  chef,  aussi  bien  que  ses  sujets,  s'ingénie  pour  témoi- 
gner son  amitié  à  l'hôte  étranger.  D'après  la  loi  du  pays,  tout  sujet  de 
Muquengué  doit  fournil*  des  vivres  gratis  à  l'étranger.  Sans  doute,  cette 
ordonnance  n'est  pas  suivie  très  strictement,  mais  pendant  le  séjour 
du  D' Pogge,  il  a  toujours  obtenu  à  très  bas  prix  les  vivres  nécessaires. 
Les  Tuchilangués  lui  ont  en  outre  paru  d'habiles  agriculteurs  ;  partout 
se  rencontrent  de  vastes  champs  de  manioc,  de  mais,  de  fèves,  etc.;  ils 
cultivent  aussi  un  peu  de  tabac,  et  beaucoup  de  chanvre,  dont  ils  sont 
fumeurs  passionnés.  Leur  pays  e3^  une  plaine  ondulée  entre  le  Cassai  et 
le  Louloua,  partout  fertile  et  richement  arrosée.  En  certains  endroits, 
les  rivières  ont  tellement  raviné  le  plateau,  qu'elles  lui  ont  donné  l'appa- 
rence d'un  pays  montagneux.  Du  Cassai  jusqu'à  moitié  chemin  de  Mu- 
quengué règne  la  forêt  vierge,  entourant  des  clairières  couvertes  d'une 
herbe  basse,  et  où  les  indigènes  établissent  leurs  villages  et  leurs  plan- 
tations ;  ils  se  servent  de  feuilles  de  palmier  pour  couvrir  leurs  habita- 
tions. La  faune  est  pauvre  ;  la  végétation  forestière,  en  revanche,  est 
beaucoup  phis  riche  qu'à  la  côte  ou  dans  le  Lounda  ;  les  arbres  frui- 
a&TB  abondent;  il  y  a  entre  autres  quatre  espèces  de  palmiers,  qui  crois- 
sent sauvages  dans  les  forêts,  mais  que  l'on  rencontre  aussi  dans  les 


—  315  — 

plantations;  toutes  les  quatre  fournissent  du  vin.  Les  Tuchilangués 
emploient  les  fibres  des  jeunes  feuilles  de  Tune  des  espèces  à  tisser  de 
belles  étoffes.  Le  climat  de  Muquengué  est  plus  chaud  que  celui  de 
Moussoumbé,  et  salubre.  Pendant  un  mois  que  le  D' Pogge  y  a  résidé, 
quoique  Tespace  dans  lequel  il  demeurait,  avec  100  personnes  au  moins, 
fftt  très  restreint,  il  ne  s'est  pas  produit  un  seul  cas  de  maladie.  Les 
deux  articles  de  commerce,  offerts  à  bas  prix  par  les  Tuchilangués,  sont 
les  esclaves  et  le  caoutchouc  ;  les  esclaves  sont  essentiellement  des  fem- 
mes ;  d'ailleurs  la  femme  n'est  à  proprement  parler  que  l'esclave  de  son 
mari.  Le  caoutchouc  est  très  abondant  et  peu  dier  ;  on  peut  en  acheter 
2  à  3  kilog.  pour  3  dés  à  coudre  pleins  de  poudre.  Le  prix  ordinaire 
d'une  esclave  adulte  est  d'une  pièce  de  calicot,  ou  2  kilog.  de  poudre, 
ou  un  mousquet.  L'ivoire  est  rare;  le  grand  marché  en  est  à  Cabau,  à 
8  jours  de  marche  au  N.  N.  0.  de  Muquengué,  sur  le  Louloua. 

Le  D'  Pogge  n'a  pu  obtenir  des  renseignements  positifs  sur  les 
limites  du  territoire  des  Tuchilangués.  Muquengué  prétend  que  son 
royaume  s'étend  vers  l'est  jusqu'au  lac,  et  qu'au  delà  commence 
celui  des  Toukettés.  Dans  le  pays  des  Tuchilangués  se  trouvent 
beaucoup  de  grands  chefis  indépendants,  comme  Muquengué,  Ein- 
goengué,  etc.,  dont  les  chefs  plus  petits  sont  tributaires,  conmie  dans 
le  Lounda.  Chaque  village,  ou  plusieurs  villages  ensemble,  forment  une 
famille,  les  habitants  se  considérant  en  quelque  sorte  comme  parents, 
et  sympathisant  aux  joies  et  aux  peines  les  uns  des  autres.  Quand 
on  arrive  dans  une  localité,  par  exemple  à  Muquengué,  et  qu'on  en 
demande  le  nom,  on  reçoit  pom*  réponse  :  «  ce  sont  les  gens  de  Katchia,  » 
ou  «  Os  appartiennent  aux  Katchias,  ou  à  la  famiUe  des  Katchias.  »  La 
viDe  peut  avoir  1000  habitants,  qui  demeurent  dans  des  huttes  petites, 
carrées,  rappelant  les  constructions  européennes.  Elle  est  située  entre 
les  sources  de  deux  petites  rivières,  qui  vont  se  verser  au  nord  dans  le 
Louloua,  et  fournissent  une  bonne  eau  potable,  fraîche.  La  seule  chose 
qui  manquerait  à  une  station  établie  à  Muquengué  serait  une  voie  flu- 
viale, qui  permît  d'explorer  en  bateau  la  région  septentrionale  encore 
inconnue.  Près  de  Mouloumba,  où  le  D' Pogge  a  exploré  le  Louloua,  cette 
rivière  a  de  250  m.  à  300  m.  de  large,  mais  ne  paraît  pas  être  très  pro* 
f<mde,  et,  en  aval  comme  en  amont  de  cette  localité,  il  y  a  des  rapides.  Un 
peu  au  nord  de  Mouloumba  la  rivière  décrit  un  grand  arc  vers  le  N.  0. 

Le  D'  Pogge  a  dû  partir  de  Muquengué  le  29  novembre.  Il  aurait 
voulu  se  mettre  en  route  le  28,  mais  le  chef  lui  demanda  un  jour  de 
dâai  pour  achever  la  construction  d'une  butte  fétiche,  dans  laquelle 


—  316  — 

devait  être  suspendue  une  chaîne  de  laiton,  présent  du  docteur,  et  oU 
il  voulait  déposer  une  boîte  à  musique  que  l'explorateur  devait  lui  donner 
comme  récompense,  dans  le  cas  oii  île  voyage  projeté  au  Loualaba  réussi- 
rait. Le  chef  avait  le  plus  grand  respect  pour  cette  boîte.  Un  des  inter- 
prètes lui  ayant  persuadé  que  les  sons  de  Tinstrument  étaient  la  voix  du 
Fidi  Moucoulo,  le  dieu  des  Tuchilangués,  il  écoutait  avec  dévotion  le 
bruit  que  faisait  cette  pièce.  Le  docteur  l'ayantfait  jouer  un  jour  devant 
lui,  et  Thuile  manquant  dans  les  rouages,  les  sons  devinrent  de  plus  en 
plus  lents  ;  le  couvercle  en  fut  levé  à  la  grande  stupéfaction  de  Muquen- 
gué  qui,  s'adressant  à  la  multitude  serrée  autour  de  lui,  lui  dit  que 
Tinstrument  ne  jouait  pas  comme  à  Tordinaire  à  cause  du  bruit  que  Ton 
faisait,  la  voix  du  Fidi  Moucoulo  voulant  être  respectée. 

Le  chef  comptait  prendre  avec  lui  pour  le  voyage  ses  femmes,  au  nom- 
bre de  40  à  50  ;  mais  le  D' Pogge  lui  fit  dire  qu'il  ne  voyageait  pas  avec 
des  femmes,  qu'il  l'autorisait  cependant  à  en  prendre  quatre  au  plus,  et 
qu'eu  outre  sa  suite  ne  devait  pas  dépasser  40  à  50  hommes  ;  à  quoi 
Muquengué  répondit  qu'il  pouvait  avoir,  jusqu'au  lac,  une  escorte  plus 
nombreuse,  l'entretien  ne  lui  coûtant  rien  ;  il  s'engagea  à  en  renvoyer 
la  plus  grande  partie.  Le  27  novembre  il  donna  une  grande  fête  d'adieux» 
et  fit  distribuer  sur  la  place  du  marché,  où  avaient  lieu  des  danses,  delà 
bière  en  abondance  ;  les  porteurs  du.  D'  Pogge  n'en  reçurent  pas  moins 
de  15  grandes  calebasses,  aussi  étaient-ils  très  gais  ;  tout  le  camp  reten- 
tissait de  leurs  chants.  La  fête  devait  durer  encore  le  lendemain  ;  le 
docteur  avait  dû  prêter  à  Muquengué  un  bélier,  qu'il  avait  fait  acheter 
par  ses  gens  au  delà  du  Louloua,  et  dont  le  chef  voulait  manger  publi- 
quement afin  de  pouvoir,  lui  et  ses  gens,  manger,  pendant  le  voyage,  de 
la  chair  d'animaux  domestiques.  Les  relations  des  Tuchilangués  avec  les 
Quiocos  et  les  Bangalas  leur  ont  fait  perdre  une  partie  de  leurs  habi- 
tudes traditionnelles  ;  par  exemple  la  nouvelle  génération  ne  se  tatoue 
presque  plus,  tandifir  que  les  vieillards  ont,  à  peu  près  tous,  le  corps  orné 
de  très  beaux  dessins. 

Le  D' Pogge  devait  passer,  le  29  novembre  1881,  le  Louloua  au  S.  E. 
de  Muquengué,  et  rejoindre  à  Garimba  M.  Wissmann,  avec  lequel  il 
espérait  pouvoir  atteindre  le  Moucamba,  puis  Nyangoué.  Si  ce  plan  a 
réussi,  ils  doivent  avoir  déjà  quitté  cette  localité,  M.  Wissmann,  pour  se 
diriger  vers  l'est  et  établir  une  communication  avec  les  stations  du 
Tanganyika,  et  de  la  région  comprise  entre  ce  lac  et  Zanzibar,  le  D' Pogge, 
pour  revenir  à  Muquengué.  Il  comptait  que,  si  tout  allait  bien,  le  voyage 
de  Nyangoué  et  retour  lui  prendrait  six  mois,  et  qu'il  pourrait  passer 


—  317  — 

encore  six  autres  mois  à  Muquengué  avant  de  se  remettre  en  route  pour 
rOccident,  à  moins  qu'une  caravane  de  Malangé  ne  lui  apportât  des 
marchandises;  dans  ce  cas  il  pourrait  attendre  à  Muquengué  qu'une 
nouvelle  expédition  allemande  vînt  l'y  rejoindre. 


CORRESPONDANCE 

Nous  avons  reçu,  le  l*'  octobre,  de  M.  Juan-Maria  Schoyer,  la  lettre  suivante  : 

Ghébel  Eouba  (à  trois  journées  à  l'est  de  Famaka, 

à  une  journée  au  nord  du  Nil  Bleu);  8  juin  1882. 
Monsieur, 

J'ai  répondu  à  votre  bonne  lettre  que  j'ai  reçue,  mi-avril,  à  Famaka,  en  vou» 
envoyant  une  description  de  mon  voyage,  de  janvier  à  mars,  dans  les  pays  de» 
nègres  Amans  et  Gbomas,  au  sud'Ouest  de  Fadasi.  J'ai  aussi  demandé  à  M.  le 
Rédacteur  des  MittheUungen  de  Gotha,  de  vous  faire  parvenir  une  copie  de  ma 
carte  du  pays  situé  entre  Beni-Shangol  et  le  lac  Baro.  Je  crains  que  lettres  et 
carte  n'aient  été  détruites  par  les  bandes  d'Arabes  insurgés  qui  ont  coupé  la  voie 
Famaka-Khartoum  ^  Nous  avons  appris  qu'ils  ont  pillé  un  de  nos  courriers  venant 
de  Khartoum. 

Depuis  40  jours  que  je.8uis  de  nouveau  sorti  de  Famaka,  j'ai  exploré  la  fron- 
tière voisine,  indécise  et  disputée,  suivi  le  Nil  Bleu  sur  un  degré  de  longitude  de 
cours  inconnu;  visité  la  tribu  singulière  des  Sienetyo,  d'origine  ancienne,  au  teint 
jaune,  habitant  des  crêtes  de  montagnes  abruptes,  et  possédant  une  manière  de 
se  vêtir,  des  coutumes  et  une  langue  qui  diffèrent  complètement  de  celles  des> 
Gallas  et  des  Abyssins;  exploré  la  rivière  Bolassa  (nom  abyssin;  les  indigènes  et 
les  Arabes  l'appellent  la  Quisin),  qui  prend  sa  source  à  l'est  et  non  au  nord. 
Ai:Û<>ui^d'hui  je  reviens  d'une  excursion  au  mont  Kienien,  en  Abyssinie,  habité  par 
des  Shangallas  mêlés  de  quelques  Abyssins,  et  situé  à  70  kilomètres  à  l'est  de  ce 
lieu-ci.  J'ai  eu  assez  de  peine  à  échapper  fiux  soldats  abyssins  qui,  me  prenant 
pour  un  espion  turc,  voulaient  m'emmener  dans  le  Godljam  chez  Ras  Adal.  — 
Demain  je  pars  pour  Abou  Ramlé,  à  deux  journées  au  nord  de  ce  point-ci.  Le 
cheik  de  la  localité  m'a  adressé  une  invitation  assez  polie,  et  j'espère  pouvoir 
explorer  à  peu  près  toutes  les  montagnes  de  cette  région  inconnue,  avant  de 
retourner  à  Famaka. 

Ignorant  si  la  route  de  Famaka  à  Khartoum  est  déjà  libre,  je  me  borne  pour 

'  Nous  nous  sommes  empressés  de  demander  à  M.  le  D'  Behm,  rédacteur  des 
MUiheilungen  de  Gotha,  s'il  avait  reçu  la  carte  et  le  rapport  mentionnés  dans 
cette  lettre  et  qui  ne  nous  sont  point  parvenus.  Malheureusement  ces  documents^ 
ne  sont  pas  non  plus  arrivés  à  Gotha. 


—  318  — 

aii^ourd'hui  à  ces  quelques  notes,  réservant  les  détails  ainsi  que  la  carte  pour  le 
jour  où  le  Soudan  sera  pacifié. 

Agréez,  je  vous  prie,  Monsieur,  l'assurance  de  ma  considération  distinguée. 

Juan-Maria  Schuver. 

Famaka,  12  juillet  1882. 

La  route  étant  encore  coupée,  j'ai  retrouvé  ici,  à  mon  retour,  les  lignes  qui  pré- 
cèdent. J'ai  visité  Abou  Ramlé,  qui  changera  un  peu  de  place  sur  la  carte,  puis 
les  montagnes  de  Minza  et  Diemr,  habitées  par  les  nègres  Kidalo,  les  seuls  parmi 
les  races  noires  d'ici  qui  aient  une  affinité  de  traits  avec  les  nègres  du  Nil  Blanc. 

Depuis  mon  retour,  le  gouverneur  Marno,  autrichien,  s'est  tourné  contre  moi,  a 
séquestré  les  armes  de  l'expédition,  m'accusant  d'être  en  communication  avec  les 
insurgés,  de  posséder  des  dépôts  d'armes  enfouies,  et  excitant  contre  moi  les  chefs 
de  la  campagne,  ce  qui  m'a  beaucoup  gêné.  Il  aura  un  jour  à  répondre  de  ces 
faits  devant  le  tribunal  du  Caire,  mais,  en  attendant,  il  est  à  craindre  qu'il  n'indis- 
pose le  gouverneur  général  contre  moi,  car,  dans  ces  temps  de  crise,  un  homme 
accusé  est  un  homme  perdu,  surtout  depuis  que  des  Grecs  ont  été  surpris,  à  Eas* 
sala,  en  flagrant  délit  de  contrebande  d'armes  qu'ils  faisaient  passer  en  grande 
quantité  aux.  Abyssins. 

Nous  n'avons  ni  poste  ni  télégraphe,  et  les  50  bachi-bozoucks  turcs  de  la  gar- 
nison, mécontents  de  ne  recevoir  ni  solde  ni  rations,  décampent  à  l'improviste 
pour  chercher  des  lieux  plus  propices.  Espérons  que  Içur  sandchack  (chef),  vrai 
type  kurde,  avec  sa  petite  tête  ronde  et  lisse,  tiendra  sa  parole,  et  enverra  nos 
courriers  à  Khartoum.  Nous  restons  ici  avec  200  soldats  noirs,  plus  ou  moins  de 
confiance,  un  gouverneur  de  paille,  4  canons,  et  une  mitrailleuse  qui  tire  jusqu'à 
un  coup  par  minute.  J.-M.  S. 


BIBLIOGRAPHIE 


D.  Felipe  Ovilo  y  Canâles.  La  Mujek  marroqui.  Deuxième  édition, 
Madrid  (Libreria  de  Fernando  Fe),  1881,  in- 12,  215  p.  et  planchés.  — 
Eu  sa  qualité  d'officier  du  corps  médical  de  Tannée,  attaché  à  la  léga- 
tion d'Espagne  à  Tanger  et  membre  du  conseil  sanitaire  du  Maroc, 
l'auteur  a  pu  se  faire  ouvrir  bien  des  portes  ordinairement  fermées  aux 
Européens,  et  recueillir  beaucoup  d'observations,  que  d'autres,  dans 
des  conditions  moins  £Eivorables,  n'auraient  pu  faire.  Aussi  les  détails 
dans  lesquels  il  entre  sur  la  position  de  la  femme  au  Maroc,  comme  iille, 
épouse  et  mère,  quelque  exagérés  que  puissent  paraître  plusieurs  d'en- 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  18,  rue  du  Rhône,  à  Genèvai 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  exphrée  et  ewiiisée. 


—  319  — 

tre  eux,  doivent-ils  être  admis  comme  parfaitement  authentiques;  Tau* 
teur  a  d'ailleurs  soin  de  citer,  à  Tappui  de  ses  observations  personnelles^ 
les  versets  du  Coran  qui  se  rapportent  à  chacun  des  chapitres  de  son 
livre.  Les  plus  grands  obstacles  à  la  civilisation  au  Maroc  lui  paraissent 
être  la  polygamie  et  l'esclavage,  sources  de  corruption,  de  même  que  le 
divorce,  autorisé  par  le  Coran  sur  le  simple  consentement  mutuel  des 
époux.  A  la  fin  de  sou  livre,  M.  Ovilo  y  Canales  a  consacré  aux  Juives 
marocaines  un  chapitre,  dans  lequel  il  proteste  contre  les  faux  bruits 
répandus  pour  porter  attemte  à  leur  honneur  en  faisant  douter  de  leur 
moralité. 

Les  trois  voyages  de  Mungo  Pabk  au  Maboo  et  dans  l'inteeueub  de 
l'Afeique  (1787-1804),  racontés  par  lui-même.  Paris  (Maurice  Drey- 
fous),  in-12,  284  p.,  2  fr.  —  Quoique  Mungo  Park  soit  surtout  connu 
comme  le  premier  Européen  qui  ait  atteint  le  cours  moyen  du  Niger,  le 
voyage  au  Maroc,  par  lequel  il  débuta  dans  ses  explorations  du  conti- 
nent africain,  a  encore  un  grand  intérêt,  en  ce  qu'il  nous  permet  de 
comparer  ce  qu'était  ce  pays  à  la  fin  du  XYIH*"'  siècle,  avec  ce  qu'il  est 
aujoui-d'hui.  Qu'on  lise  seulement,  par  exemple,  son  récit  de  la  traver- 
sée de  l'Atlas,  en  regard  du  voyage  du  D"  Lenz  dans  la  même  régions 
et  l'on  comprendra  combien  la  sécurité  y  est  moins  grande  de  nos  jours 
qu'il  y  a  90  ans.  Quant  aux  deux  expéditions  de  Mungo  Park  au  Niger, 
au  service  de  1^  Société  africaine  de  Londres,  de  1795  à  1804,  puis  à 
celui  du  gouvernement  anglais,  en  1805,  eUes  captivent  d'autant  plus 
que  ce  sont  les  premières  qui  aient  fourni  à  l'Europe  des  connaissances 
exactes,  sur  une  partie  du  fleuve  dont  l'embouchure  et  les  sources 
devaient  être  un  mystère  pendant  si  longtemps  encore.  On  s'attache  en 
outre  au  voyageur  qui,  malgré  les  difficultés  :  maladies,  guerres  des  tri- 
bus, dangers  de  tous  genres,  va  toujours  de  l'avant,  pour  remplir  com- 
plètement sa  mission,  et  raconte  toutes  ses  aventures,  avec  une  simpli- 
cité que  peu  de  voyageurs  ont  su  conserver  à  leurs  récits. 

VoM  Cap  zum  Zambesi.  Die  Anfjexge  dkr  Zambesi  mission,  von 
Joseph  Spillmann,  Freiburg  in  Breisgau  (Herder'sche  Verlagshandlung) 
1882,  in-8,  432  p.,  mit  zahlreichen  Illustrationen  und  Karten  ;  8  fr.  — 
Nos  lecteurs  sont  déjà  plus  ou  moins  au  courant  des  progrès  de  la  mis- 
sion romaine  du  Zambèze,  dans  le  vaste  champ  assigné  h  ses  travaux, 

^  y.  Deuxième  année,  p.  242-243. 


—  320  — 

du  Limpopo  au  10''  lat.  S.,  et  du  19''40'  long.  E.  de  Paris  aux  fron- 
tières des  possessions  portugaises  orientales.  Nous  les  avons  indiqués  au 
fur  et  à  mesure,  dans  notre  Bulletin  mensuel,  mais  sans  pouvoir  entrer 
dans  beaucoup  de  détails  sur  les  voyages  des  missionnaires  et  sur  leur 
œuvre  elle-même.  Les  personnes  qui  voudront  les  suivre  jour  après  jour» 
le  peuvent  facilement  à  Taide  du  volume  sus-mentionné,  dans  lequel 
Tauteur  s'est  proposé  de  donner  Thistoire  complète  des  débuts  de  cette 
mission,  depuis  le  mois  de  janvier  1879,  à  la  fin  de  décembre  1881,  k 
Taide  du  journal  très  détaillé  du  P.  Terœrde,  et  de  ceux  d'autres  mem- 
bres de  l'expédition.  Il  en  marque  pour  ainsi  dire  tous  les  pas  ;  après 
l'insuccès  de  Shoshong,  la  première  localité  en  dedans  des  limites  du 
territoire  qui  leur  était  assigné,  mais  où  existait  depuis  de  longues 
années  une  mission  protestante,  il  montre  les  missionnaires  transpor- 
tant leur  base  d'opération  à  Tati,  à  l'embranchement  des  routes  du 
Zambèze  et  de  Gouboulouayo,  et  y  établissant  un  poste  solide  pour 
relier  à  la  colonie  du  Cap  les  stations,  plus  avancées  dans  l'intérieur,  de 
Gouboulouayo  au  N.-E.  et  de  Panda  Matenka  au  N.-O.  De  là  partent 
bientôt  deux  expéditions,  l'une  à  l'est  vers  le  kraal  d'Oumzila  et  la  côte 
de  Sofala,  l'autre  vers  le  Zambèze,  pour  y  choisir,  sur  la  rive  gauche  du 
cours  moyen  du  fleuve,  près  de  l'embouchure  de  la  Cafoué,  un  point 
central  qui  permette  d'atteindre  plus  tard  le  lac  Bangouéolo  et  le 
Nyassa.  Aux  détails  sur  l'œuvre  elle-même, — non  seulement  missionnaire, 
mais  encore  civilisatrice,  en  ce  sens  que  ses  agents  se  proposent  d'ensei- 
gner  aux  indigènes  les  procédés  .de  ragricolture  et  de  l'industrie  euro- 
péennes,  les  professions  de  forgeron,  de  serrurier,  d'ébéniste,  de  méca- 
nicien, etc.,  —  l'écrivain  en  a  joint  de  très  intéressants  sur  la  nature 
du  pays,  la  météorologie,  la  flore^  la  faune,  les  causes  du  déboisement 
de  certaines  régions,  et  l'ethnographie,  d'après  les  journaux  des  mis- 
sionnab*es.  Il  a  en  outre  comp^létô  leurs  observations  par  celles  de  Bai- 
nes,  de  Mauch,  de  Livingstone,  de  Mohr,  de  Holub  et  de  Serpa  Pinto, 
aux  ouvrages  desquels  il  a  aussi  emprunté  beaucoup  d'illustrations. 
Sans  doute  il  ne  s'agit  guère  encore  que  d'une  œuvre  de  pionniers  ;  les 
essais  de  fonder  des  stations  à  Mouemba  sur  le  Zambèze  et  près  du 
kraal  d'Oumzila  n'ont  pas  réussi  ;  la  maladie  et  la  mort  de  plusieurs 
des  missionnaires,  entre  autres  du  P.  Terœrde,  ont  obligé  les  survi- 
vants à  se  replier  sur  Panda  Matenka,  Tati  et  Gouboulouayo  ;  le  trans- 
fert de  la  résidence  de  Lo  Bengula,  à  une  vingtaine  de  kilomètres  plus  à 
l'ouest,  obligera  vraisemblablement  les  missionnaires  de  cette  station  à 
se  transporter  eux  aussi  dans  le  voisinage  de  la  nouvelle  résidence 


—  321  — 

royale.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  ne  peut  éprouver  qu'un  profond  intérêt 
pour  ces  débuts  de  leurs  travaux,  au  miUeu  de  peuples  très  peu  connus 
jusqu'ici,  de  dangers  de  toutes  sortes,  de  maladies  et  de  deuils  nom- 
breux. La  lecture  du  volume  est  facilitée  par  un  index  alphabétique,  par 
une  carte  générale  des  missions  catholiques  de  l'Afrique  australe,  et 
par  trois  cartes  spéciales,  qui  permettent  de  suivre  les  voyageurs  dans 
leurs  différentes  expéditions. 

De  la  colonisatiok  chez  LEiis  PEUPLES  MOBEBNEs,  par  Pavl  Leroy* 
Beaulieu.  Deuxième  édition.  Paris  (Guillaumin  et  O*),  1882,  in-S"*, 
659  p.,  f.  9.  —  L'éloge  de  M.  Leroy-Beaulieu  n'est  plus  à  faire.  Les 
ouvrages  de  cet  économiste  éminetit  sont  connus  et  hautement  appré- 
ciés par  la  science  moderne,  et  ses  vues  sur  les  problèmes  sociaux  de 
notre  époque  donnent  souvent  lieu  à  des  discussions  savantes  dans  les 
grands  organes  de  l'opinion  publique.  Son  livre  sur  la  colonisation  est 
trop  considérable,  et  l'importance  du  sujet  qu'il  traite  trop  grande,  pour 
que  nous  puissions  l'examiner  dans  une  simple  notice  bibliographique. 
Nous  préférons  lui  consacrer,  surtout  au  point  de  vue  africain,  un  article 
de  fond  dans  un  de  nos  prochains  niunéros. 

COKFERENZE  TENUTESI  II?  MlLANO  NEL  1882  PBESSOLASOCIETAD'eSPLO- 

BAzioKE  COMMERCIALE  nr  Afriga.  Milauo  (Tipografia  P.-B.  BellinietC), 
1882,  in-8,  264  p.,  3  fr.  —  La  Société  milanaise  d'exploration  commer- 
ciale en  Afrique  a  été  certainement  bien  inspirée,  quand  elle  a  institué 
des  conférences,  destinées  à  vulgariser  les  découvertes  de  ses  voyageurs, 
et  les  renseignements  fournis  sur  la  géographie,  les  produits  et  l'ethno- 
graphie des  pays  visités  par  eux.  Celles  que  renferme  ce  volume  ne  se 
rapportent  pas  toutes  à  l'Afrique  ;  quelques-unes  ont  un  caractère  plus 
général  ;  mais  celles  de  ces  monographies  qui  se  rattachent  directement 
à  ce  continent  sont  du  plus  haut  intérêt,  soit  par  les  sujets  qu'elles  trai- 
tent, soit  à  cause  de  leurs  auteurs.  Assab  ne  pouvait  pas  ne  pas  avoir 
sa  place  dans  une  série  de  conférences  italiennes.  L'auteur  cependant 
ne  partage  pas  l'enthousiasme  général  au  sujet  de  la  nouvelle  colonie, 
et  reconnaît  que  les  routes  qui  mènent  à  l'intérieur  ne  sont  pas  sûres  ; 
aussi  émet-il  le  vœu  qu'on  y  construise  des  blockhaus  pour  protéger  les 
caravanes.  —  Le  sujet  des  missions  chrétiennes,  et  de  leur  importance 
au  point  de  vue  de  la  science  et  de  la  géographie  commerciale,  nous  a 
paru  traité  d'une  manière  complète.  Après  tTvoir  passé  en  revue  les 
divers  champs  de  mission  dans  le  continent  et  dans  les  îles,  le  confé- 


—  322  — 

rencier  s'est  attaché  à  montrer  comment  les  missionnaires  ouvrent  la 
voie  aux  explorateurs,  au  commerce  et  à  la  civilisation. 

Dans  les  deux  discours  du  comte  Pennazzi,  sur  le  Soudan  oriental 
et  sur  Piaggia  et  Gressi,  on  retrouve  la  compétence  de  Texplorateur  qui 
parle  de  visu  du  pays  qu'il  a  étudié,  et  qui,  connaissant  par  expérience 
les  difficultés  des  voyages  dans  la  région  du  Haut  Nil,  sait  apprécier  à 
leur  juste  valeur  les  travaux  de  voyageurs  comme  Piaggia  et  Gessi,  et 
rendre  un  hommage  senti  et  mérité  à  ces  martyrs  de  la  science  et  de 
l'humanité.  —  Non  moins  émus  sont  les  accents  de  Cecchi  lorsque,  dans 
sa  conférence  sur  le  pays  des  GaUas,  il  parle  de  son  compagnon  Chia- 
rini,  auquel  il  accorde  une  large  part  dans  les  découvertes  hydrographi- 
ques faites  par  les  deux  voyageurs  dans  les  royaumes  de  Kaffa  et  de  Eoro, 
dont  les  produits  acquerront  une  grande  importance,  lorsqu'une  route 
commerciale  facile  et  sûre  aura  mis  ces  pays  en  communication  avec  la 
côte  de  la  mer  Rouge. 

ROUTEN   DEE  DEUT8CHEN    08TAFBIKANI8CHEN  EXPEDITION,    AUFGEKOM- 

MEN  von  D' E.  Kaiser^  1880-1882.  Karte,  von  Richard  Kiepert.  'Asonoo- 
—  Cette  carte  accompagne  le  rapport  que  M.  Reichard  a  adressé  à  la 
Société  africaine  allemande,  sur  la  station  de  Gonda,  et  le  récit  des 
D"  Bœhm  et  Kaiser  de  leur  voyage  au  Tanganyika.  Les  deux  docu- 
ments ont  été  publiés  dans  la  3"'  livraison  de  cette  année  des  Mitthei- 
lungen  de  la  Société  sus-mentionnée.  La  carte  au  V750000  indique  la 
route  suivie  de  Tabora  à  Karéma,  entre  celle  de  Cameron  au  nord,  et 
celle  de  Cambier  au  sud.  L'itinéraire  de  la  côte  à  Tabora,  donné  dans 
un  carton  au  Vasooooo»  ne  s'écarte  pas  beaucoup  de  la  route  suivie  par  la 
plupart  des  explorateurs. 

Études  ALGÉRiEimEs,  par  M.  Ardouin  du  Mazet  Paris  (Guillaumin 
et  €*•),  1882,  in-8%  365  p.,  t'GJ^^  M.  Ardouin  (du  Mazet  n'est  qu'un 
pseudonyme)  a  rempli  longtenips  les  fonctions  de  secrétaire  du  bureau 
arabe  de  Tlemcen.  Sa  vie  s'est  donc  passée  en  Algérie,  et  c'est  comme 
habitant-  qu'il  a  pu  écrire  sur  ce  pays.  Aussi  les  articles  qu'il  envoyait 
aux  journaux,  du  fond  de  là'province  d'Oran,  étaient-ils  acceptés  avec 
reconnaissance  en  France  et  à  l'étranger,  de  telle  manière  que,  dit 
M.  Drapeyron  dans  sa  préface,  «  le  publiciste  du  Mazet  fdt  connu,  et 
devint  même  une  autorité  en  ce  qui  concerne  les  affaires  algériennes, 
tandis  que  le  caporal  Ardouin  restait  tout  à  fait  ignoré.  »  Ce  livre  appar- 
tient en  quelque  mesuré^aussi  bien  à  l'histoire  qu'à  la  géographie.  Dans 
la  première  partie,  l'auteur  passe  en  revue  toutes  les  institutions  politi- 


—  323  — 

ques  et  autres  de  rAlgérie;  il  donne  sur  chacune  ses  opinions  person- 
nelles et  montre  les  progrès  à  réaliser.  Il  s'étend  surtout  sur  les  mines 
et  l'agriculture,  car  c'est  là  qu'est  l'avenir  de  l'Algérie.  La  seconde  par- 
tie est  l'exposé  de  deux  conférences  faites  sur  la  province  d'Oran,  l'une 
à  la  Société  de  géographie  commerciale  de  Bordeaux,  l'autre  au  Club 
alpin  de  Lyon.  La  troisième  partie  donne,  sous  forme  de  lettres  adressées 
à  Vlndépendancehelge^  l'histoire  de  l'insurrection  deBou-Amema;  enfin 
la  quatrième  est  un  aperçu  de  la  situation  de  l'Algérie  à  la  fin  de  1881. 
M.  du  Mazet  s'élève  contre  les  décrets  de  rattachement  des  services 
algériens  au  gouvernement  de  Paris. 

On  voit,  en  parcourant  son  livre,  que  M.  du  Mazet  est  d'avis  qu'on  ne 
doit  pas  se  faire  d'illusions  sur  l'Algérie,  mais  que,  d'un  autre  côté,  il  ne 
faut  pas  abandonner  la  tftche,  si  rude  soit-elle.  Tout  en  critiquant 
ceux  qui  veulent  convertir  les  musulmans  algériens,  il  montre  une  anti- 
pathie absolue  pour  l'islamisme  et  croit,  comme  nous,  que  sans  cette 
religion,  l'œuvre  de  régénération  de  l'Algérie  serait  plus  avancée 
qu'elle  ne  l'est.  L'islam  empêche  tous  progrès,  à  cause  du  fanatisme 
violent  de  ses  adeptes. 

Exploration  du  Sahara.  Les  deux  missions  du  lieutenant-colonel 
Flatters,  par  le  lieutenant-colonel  V.  Derrecagaix.  Extrait  du  Bulle- 
tin de  la  Société  de  géographie.  Paris,  1882  in-8*,  143  p.  et  carte.  — 
Nombreux  sont  les  ouvrages  et  les  articles  de  journaux,  qu'ont  fait  éclore 
les  deux  missions  Flatters,  et  particulièrement  le  désastre  de  la  seconde 
expédition.  A  côté  du  récit  si  intéressant  de  la  marche  des  explorateurs 
et  de  l'exposition  des  découvertes  qu'ils  ont  faites  dans  une  grande 
région  du  Sahara,  il  faut  signaler  comme  résultat  de  leurs  études,  le 
mouvement  qui  se  produit  en  France,  en  vue  de  créer  des  relations 
entre  l'Algérie  et  le  Soudan.  L'attention,  ilans  ce  pays,  a  été  un  instant 
détournée  des  événements  politiques  intérieurs  et  extérieurs  pour  s'oc- 
cuper un  peu  des  questions  coloniales,  si  délaissées  jusqu'alors. 

Le  livre  de  M.  Derrecagaix  nous  parait  devoir  devenir  l'ouvrage  clas- 
sique sur  la  matière,  car  c'est  un  exposé  clair,  préds  et  complet  de 
tous  les  événements  qui  se  rattachent  aux  missions  Flatters.  Le  récit  de 
la  première  expédition  renferme  les  impressions  de  M.  Derrecagaix, 
qui  en  faisait  partie;  celui  de  la  seconde  a  été  composé  d'après  les 
lettres  de  Flatters  et  de  ses  compagnons  à  leurs  amis  de,  France,  et 
aussi  d'après  des  articles  de  journaux.  La  partie  concernant  le  désastre 
de  la  mission  est  courte,  l'auteur  ne  donnant  que  ce  qui  est  acquis  à 


—  324  — 

rhistoire,  et  n'ayant  pas  voulu  se  lancer  dans  le  domaine  des  hypothèses 
pour  expliquer  les  causes  du  massacre.  Il  se  contente  de  demander  une 
enquête  de  la  part  du  gouvernement,  et  la  punition  des  coupables,  cela 
surtout  parce  que  l'exécution  du  châtiment  aurait  pour  conséquence 
Torganisation  d'une  nouvelle  expédition  de  découvertes. 

L'ouvrage  se  termine  par  les  biographies  de  Flatters,  Masson,  Berin- 
ger,  Guiard,  Roche  et  Dianous,  victimes  des  Touaregs,  et  par  une  note 
sur  les  travaux  géologiques  de  Roche,  lors  de  la  première  mission. 

Une  carte  annexée  à  l'ouvrage  donne  les  itinéraires  des  deux  expédi- 
tions. Pour  la  seconde,  elle  va  jusqu'à  la  Sebka  d'Amagdor. 

CHÂBIaES  L.  NOBRIS  NeWMâN.  WiTH  THE  BoSBS  IK  THE   TrANSVAAL 

AND  Orange  Free  State  in  1880-1881.  London  (W.-H.  Allen  et  O.) 
1882,  in-8*,  387  p.  avec  2  plans  et  une  carte.  —  Frappé  des  graves  con- 
séquences que  l'ignorance  des  rapports  existants  entre  les  deux  famiUes 
de  race  blanche  du  sud  de  l'Afrique,  les  Boers  et  les  Anglais,  a  eues 
pour  les  populations  de  cette  partie  du  continent,  l'auteur  s'est  efforcé 
de  faire  connaître  ces  relations  le  plus  exactement  possible,  pour  inspirer 
à  ses  concitoyens  des  sentiments  plus  généreux  à  l'égard  des  Boers,  les 
premiers  pionniers  de  la  civilisation  et  de  la  colonisation  dans  l'Afrique 
australe.  Ayant  acquis,  pendant  ^uu  séjour  de  six  années  dans  ce  pays, 
au  service  de  la  presse  britannique  et  coloniale,  et  comme  correspondant 
spécial  pendant  les  demièreâ  guerres ,  une  connaissance  intime  de  son 
histoire,  de  ses  habitants,  de  levffs  habitudes,  il  était  bien  qualifié  pour 
jeter  du  jour  sur  les  nombreuses  questions  difficiles  qui  troublent  et 
troubleront  peut-être  encore  pendant  bien  des  années  ces  colonies.  A  cet 
effet,  après  avoir  brièvement  r^iconté,  d'après  les  sources  les  plus  auto- 
risées, les  rapports  des  Anglais  et  des  Boers,  au  Gap,  à  Natal,  dans 
l'État  libre  d'Orange  et  da|iS'4e  Transvaal  avant  la  dernière  crise,  il 
expose,  d'après  ses  propres  ^sbservations^  les  événements  les  plus  récents, 
avec  sympathie  pour  les  deux  femodlles  eu  lutte,  et  il  nous  semble  aussi 
avec  impartialité.  Ayant  vécu  au  milieu  des  Boers  dans  l'État  libre  et  le 
Transvaal,  et  ayant  pu  apprécier  ces  colons,  incultes  si  l'on  veut,  mais 
simples,  vrais  et  braves,  il  n'hésite  pas  à  reconnaître  le  tort  des  Anglais 
à  leur  égard.  Q  relève  surtout  les  fautes  de  la  politique  du  gouvernement 
britannique  lequel,  après  avoir  accepté,  sinon  commandé,  l'annexion  du 
Transvaal  par  sir  Th.  Shepstone,  a  eu  l'imprudence  d'y  envoyer  un 
gouverneur  militaire,  le  colonel  Lanyon,  au  lieu  d'un  magistrat  dvil,  au 
grand  mécontentement  des  Boers;  selon  l'auteur,  malgré  leurs  pro- 


—  325  — 

testations  après  Tanaesion,  ilfi  auraient  aceepté  un  gouverneur  anglais 
dont  Tadministration  aurait  été  basée  sur  leur  constitution,  conune  le 
leur  avait  promis  sir  Th.  Shepstone.  C'est  du  reste  Topinion  de  celui-ci 
qui,  dans  une  lettre  reproduite  par  M.  Norris  Newman,  reconnaît  que 
tout  le  sang  versé  dans  la  dernière  guerre  aurait  pu  être  épargné.  Entré 
dans  le  Transvaal,  à  la  suite  des  docteurs  envoyés  par  la  Société  de  la. 
Croix-Rouge  de  Cape-Town  aii  camp  des  Boers,  il  a  vu  ceux-ci  de  près^ 
et,  en  les  disculpant  des  accusations  de  meurtre  et  de  massacre  portéa 
contre  eux,  il  peut  affirmer  que  leur  conduite  envers  tous,  et  envers  lea 
blessés  en  particulier,  leur  a  gagné  le  respect  de  beaucoup  de  ceux  qui 
les  méprisaient  auparavant.  Il  espère  aussi  que  les  Boers  auront  1& 
sagesse  de  travailler,  de  concert  avec  Tautorité  britannique  et  avec  les 
gouvernements  voisins,  pour  le  bien  général  et  le  progrès  des  Africaine 
du  Sud,  à  quelque  nationalité,  race  ou  couleur  qu'ils  appartiennent. 
Ajoutons  qu'il  n'a  rien  négligé,  pour  peimettre  à  ses  lecteurs  d'acquérir 
une  connaissance  des  faits  aussi  exacte  que  possible  :  aux  2  plans  et  à 
la  carte  mentionnés  dans  le  titre,  il  a  joint  un  tableau  chronologique  de 
rhistoire  de  TAfrique  australe,  de  1486  au  16  décembre  1881,  un  glos*- 
saire  des  expressions  hollandaises  et  cafres  les  plus  usitées,  un  appendice 
renfermant  tous  les  documents  officiels,  depuis  l'annexion  de  1877  à  la. 
convention  de  1881,  enfin  des  noticeë  biographiques  sur  les  principaux 
chefe  des  Boers. 

Majob  voh  Meghovt's  EuAiïGO-Rsisi^  Eâbts  von  Righâbd  Eiefert, 
Vsoooooo*  —  ^ous  avons  mentionné  à  plusieurs  reprises  l'exploration  da 
miyor  de  Mechow  dans  le  bassin  du  Quango,  sans  avoir  cependant 
obtenu  jusqu'ici  rien  de  complet  sur  se&  longs  travaux  dans  cette  région. 
La  carte  que  nous  avons  reçue  du  D'  Eiepert,  provisoire,  il  est  vrai, 
mais  dressée  vraisemblablement  sur  les- données  que  M.  de  Mechow 
vient  de  fournir  à  la  Société  de  géographie  de  Berlin,  complète  celle  des 
voyageurs  portugais  Capello  et  Ivens.  Quand  M.  Eiepert  aura  les  obser- 
vations faites  par  Stanley  sur  le  cours  inférieur  de  cette  rivière,  il  en 
dressera,  nous  n'en  doutons  pas,  une  carte  complète.  Telle  qu'elle  est, 
celle  qu'il  a  bien  voulu  nous  envoyer  marque  un  progrès  dans  l'explo- 
ration du  bassin  méridional  du  Congo» 

D'  Émil  Holub.  Die  colonisation  Afbikâs.  —  Die  Engubndeb  in 
SUD  Afbika.  —  Die  Stelluno  des  Abztbs  in  den  transoceanisohen 
Gebœten.  Yom  Standpunkte  der  Erforschung  und  Civilisirung.  Wien.. 


—  326  — 

(Alfred  Hôlder,  k.-k.  Hof  und  Uiiiversi(kftts  Buchh&ndler),  1882,  iii-8, 
24  et  23  p.  — En  même  temps  qu'il  prépare  sa  nouvelle  expédition 
dans  l'Afrique  australe,  le  D'  Holub  profite  de  toutes  les  occasions  qui 
s'offi*ent  à  lui  pour  attirer  Pattention  de  ses  compatriotes  sur  cette 
partie  du  continent,  et  pour  stimuler  leur  zèle  en  faveur  de  la  civilisa- 
tion de  ses  habitants.  Un  article  du  journal  de  la  «  Fhilosophical  society 
of  Capetown  »  et  le  compte  rendu  de  la  trésorerie  générale  de  la  colonie 
du  Cap  pour  1881 ,  lui  ont  paru  mériter  d'être  communiqués  au  public 
de  langue  allemande,  avec  les  observations  que  lui  a  suggérées  l'expé- 
rience qu'il  a  des  questions  d'économie  politique.  En  effet,  les  réflexions 
dont  il  accompagne  les  tableaux  relatife  à  Taccroissement  de  l'impor- 
tation et  de  l'exportation  de  cette  colonie,  sont  des  plus  instructives,  et 
montrent  que  ces  deux  éléments  de  la  prospérité  de  l'État  sont  en  rap- 
port direct  avec  le  progrès  de  civilisation  des  noirs  et  de  l'émigration 
européenne  au  milieu  d'eux.  Tel  est  l'objet  de  la  première  des  publica- 
tiens  sus-mentionnées.  La  seconde  est  un  mémoire  présenté  au  Congrès 
des  médecins  et  des  naturalistes  bohèmes  réunis  à  Prague,  au  mois  de 
mai  dernier  ;  il  y  fait  ressortir,  avec  l'autorité  légitime  que  lui  donne  la 
connaissance  qu'il  a  acquise  du  sud  de  l'Afrique,  pendant  un  séjour  de 
sept  années,  et  en  citant  l'exemple  de  Livingstone  et  de  beaucoup  de 
docteurs  de  l'Afrique  australe,  les  avantages  que  la  qualité  de  médecin 
peut  procurer  dans  cette  partie  du  continent  ;  médecin,  anthropologue, 
ethnologue,  psychologue  et  naturaliste,  il  peut  rendre,  directement  et 
indirectement,  les  plus  grands  services  à  la  science  et  à  l'économie 
nationale  de  la  mère  patrie.  L'epcombrement  de  la  profession  médicale, 
en  Autriche  comme  ailleurs,  l'a  engagé  à  adresser,  en  terminant,  un 
appel  à  ses  confrères  et  aux  étudiants,  à  tourner  leurs  regards  vers  ces 
régions  qui  leur  sont  ouvertes,  pour  aller  y  accomplir  l'œuvre  de  soula- 
gement et  de  compassion  à  laquelle  ils  se  sont  voués. 


TA.BLE  DES  1VCA.TIERES 


DE  LA  TROISIÈME  ANNÉE 


BtJLLETiir  MENSUEL»,  pAges  1,  21,  45,  65,  85,  105,  120,  149,  181,  221,  249.  289. 


CORRESPONDANCE 


Pagres 

Lettres  :  de  M.  d'Abbadie 102 

de  M.  G.  Rieman 147 


Pagee 

Lettres  :  du  voyageur  SchdVer 817 

de  M.  Gazeau  de  Vautibault.     207 


ARTICLES   DIVERS 


Le   palmier-dattier 8 

Expédition  du   D'  Lenz  au  Maroc  et  & 

Tomboucton 12 

Langues  de  l'Afrique 30 

Expédition   de  M.   James  Stewart,    du 

î^jassa  au  Tanganyika 37 

Le  Chobô 53 

Les  Pygmées  de  l'Afrique 58 

Les  acacias  gommiers  en  Afrique 73 

Indications  hygiéniques 77,  93 

Exploration   de   la   Dana  par  Cl.  Den- 

bardt 97,  120 

La  mouche  tsétsé 115 


L'esclavage  en  Afrique 186 

Exploration   du   lac  Tzana,    par   le  D' 

SUeker 157 

Conférence  du  D'  Buchner  A  Loanda.  .  165 
Rapport  des  ambassadeurs  wagandas   & 

Mtésa 169 

Voyage  de  Matteucci  et   de  Massari  de 

la  mer  Rouge  au  Golfe  de  Guinée..  197 
Expéditions    de    Savorgnan    de    Brazza 

entre  l'Ogôoué  et  le  Congo 270 

Expédition  de  Pogge  et  Wissmann  &  Mu- 

quengué 311 


BIBLIOGRAPHIE 


Abbadiô  (F.)  :  Lettres  sur  le  Trans-So- 

barien 20 

Amieis  (de)  :  Le  Maroc 242 

Ardouin  du  Motet  :  Études  algériennes.  322 

Assab.  Documents  officiels  italiens....  288 

Augowjrd  (le  It.  P.)  :  Carte  du  Congo.  216 

£erge  (A.  de  la)  :  En  Tunisie 83 

Bernard  (F.)  :  Quatre    mois    dans    le 

Sahara 103 

Binon  (L.  de)  :  La  Tripolitaine  et  la 

IHinisie 281 

BrvniaUi  (A.)  :  Algeria,  Tunisia  e  Tri- 

politana 126 


CKo^l^t  :  Étude  sur  les  côtes  occiden- 

d' Afrique 247 

Oiavanne  (D'J.)  :  Central  Afrika  (Karte)     128 

Choîey  (A.)  :  Le  Sahara 176 

Conferenze  tenutesi  in  Milano  in  1882..     321 
Coeeon  (E.)  :  Création  en  Algérie  d'une 

mer  intérieure 285 

Cust  :  Scholars  who  hâve  contributed 
to  the  extension  of  our  knowledge  of 

the  languages  of  Afrika 283 

Derreeagaix  (V.)  :  Exploration  du  Sa- 
hara      823 

Vesvemine  :  La  France  en  Afrique ...     248 


^  Les  faits  consignés  dans  chaque  Bulletin  et  dans  les  NouveUee  eomplémentairee  qui  le  suivent, 
sont  dassés  d'après  un  ordre  géographique  constant,  qui  permet  de  les  retrouver  facilement. 


—  328  — 


Pages 

Jh^parquet  :  Carte  de  TOvampo. , , . . .  220 
jBSmbaeher  :  Lexikon  der  Reisen  nnd  £nt- 

deckangen 248 

J^arinê  :  Ktifftw  et  Eroomira 247 

Floriot  (F.)  :  David  Livingstone  et  sa 

mission  sociale 4S 

FriUth  :  Die  Eingeborenen  Sfid-Afrika's.  21 3 
Qazeau  de   VautibatêU  :  La  France  an 

Soudan 178 

Goldkâste  (Earte  von) 219 

miub  :  Die  Colipiisation  Afrika's.    219,  325 
Jackson  :  Liste  de  bibliographies  géo- 
graphiques   179 

KUpert  :  Algérien  und  Tunesien  (Karte)  126 
Id.     Uebersicht  von  Bnohner's  Reise 

in  Londa  (Earte) 246 

Id.     Roaten  der  deatscben  ostafrika- 

niscben  Expédition  (Earte). .  322 
Id,     Major   von  Mechow's  Eoango 

Reise  (Earte) 325 

Zaeau  (S.):  Souvenirs  de  Madagascar. . .  239 
Laerùtx:  Projet  d'exploration  dans  l'Afri- 
que australe 243 

Zôfinoy  de  Bissy  :  Carte  d'Afrique...  218 

Zargeau  (V.)  :  Le  Sahara  algi^rien. . .  £83 
Ledereq  (J.)  :  De  Mogador  A  Biskra.  '103 

Zenz  (jy)  :  Skizzen  ans  West-Airika.  241 

Lêray'BeamUeu  (F.)  :  De  la  colonisation  321 
Zindenberg   (F.)  :   Beitr&ge   zur   Ent- 

deckungsgeschichte  Afrika's 88 

Mae  Carihy  :  Carte  du  Sud-Oranais..^^  247 
Maiêô  :  A  propos  du  railway  trans-sa- 

harien v»'  104 

Mw%go  Foarh  :  Trois  voyages  an  Maroc 

et  dans  l'intérieur  de  l'Afrique. . .  : .  319 

Naehtigal  :  Sahara  und  Sudan 210 

/d.         Sahara  et  Soudan 210 

Ii«u/viUe  (de)  :  Note«  ao   crayon  sur 

l'Algérie '. 216 

meolas,  Zaeat»  et  Signol  :  Guide  hy- 


giénique médical  dans   l'Afrique   in- 
tertropicale   180 

Ihrrii  Ifitunnan  :  With  the  Boers  in  the 

Transvaal. 324 

Notices  sur  Alger  et  l'Algérie 44 

Olivier  (A.)  :  De  l'Atlantique  au  N^er.  280 
Chnlo  y  Canalee    (D.-F.)  :   La  Mujer 

Inarroqui •  818 

Papier  (A.)  :  Du   Mont  Pappua  et  de 

sa  synonymie  avec  le  Djebel-Nador.  64 

FàuUUMe  (2)'  I^.)  :  Afrika 212 

Id,    Afrika  Literatur 281 

FeimoÈiti  (comte  L.)  :  Sudan  orientale.  63 

Pesca  della  madreperla  ad  Assab 220 

IHppo  Vigoni  :  Abyssinia 44 

I\'évo8t-Ihtcloê  :  Une  aventure  A  Tom- 

bouctou 245 

Babaud  (A)  :  Zanzibar 64 

Babourdin  (Z,)  :  Algérie  et  Sahara  . .  287 

Bcnny  (l'abbé)  :  L'Afrique 246 

Bichard  :  Carte  du  Sahara  Tripolitain.  219 

Bohl/i  (8.)  :  Eufra 209 

BaUamd  (G.)  :  Observations  météorolo- 
giques   '. 285 

Sehiffeiger'Zerchen/eUd  :  Der  Orient . .  •  14S 
Serpa   FiiUo  :    Comment   j'ai    traversé 

l'Afrique 217 

JSibree  :  Madagascar 239 

Six  semaines  en  Algérie 104 

SpUlmann  (J.)  :  Vom  Cap  zum  Zambesi  319 

Steere  (R)  :  SwahUi  exercises 282 

Vernes  d'Arlandee  :  En  Algérie 127 

VUlût  :  Description  de  Tunis  et  de  la 

Régence 127 

Wahl  (M.)  :  L'Algérie 286 

Wangemann  i  Stidafrika  und  seine  Be- 

wohner 1^7 

WoiaUre  (A.-J.):  De  Bruxelles  A  Earéma  282 
Weber  (E.  de)  :   Quatre  ans  au  pays 

des  Boers 284 


GARTBS 


Itinéraire  du  D'  Lenz 20 

Région  du  Nyassa  , 44 

Bassin  du  Chobé 64 

Province  d'Oran  et  territoire  marocain 

de  la  frontière 84 

Région  comprise  entre  l'océan  Indien  et 

le  Victoria  Nyanza 104 


Algérie,  Tunisie  et  Sahara  central,  par 

J.'  F.  Barbier 128 

Le  lac  Tzana,  d'après  le  D*  Steeker,.,  180 

Itinéraire  de  Matteucci  et  de  Massari..  220 

Bassin  des  Chotts  algéro-tunisiens 248 

Itinéraires  de  Savorgnan  de  Brazza,  de 

rOgôoué  au  Congo  et  au  NiarL....  288 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE  ET  CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 


•  QUATRIÈME  ANNÉE 
1883 


(bodlxibr 


GENÈVE 

J.    SANDOZ,    ÉDITEUR 
PARIS 

SANDOZ   ET  TBUILUER  1  CHARLES   DELAOKATE 

A,  m«  d«  TtninDB,  1  ISi  i"  BaiilBi>t. 

BRUXELLES 

wiiicibdTt  me  de  1a  Rèpinc? ,  A5. 

1883 


Genève.  —  Imprimerie  Gharies  Schachardt. 


BULLETIN  MENSUEL  (i-  janvier  1883.) 

La  question  du  développemeût  de  la  colonisation  en  Algérie  est 

celle  qui,  pour  le  moment,  occupe  le  plus  l'administratioii  de  la  colonie; 
le  gouvernement  français  y  favorisera,  par  son  appui  financier,  un  cou- 
rant d'immigration  provenant  des  populations  des  départements  de 
France  qui  ont  le  plus  souffert  du  phylloxéra.  L'acquisition  des  teiTes 
nécessaires  à  cette  extension  de  la  colonisatioji  procurera  en  outre  un 
double  avantage  aux  indigènes  :  celui  d'une  plus-value  des  terres  qu'ils 
conserveront,  et  celui  de  l'amélioration  des  procédés  de  culture  que  leur 
vaudra  l'exemple  de  leurs  nouveaux  voisins.  —  En  même  temps  le  con- 
seil supérieui'  de  l'Algérie  presse  l'exécution  des  trois  grandes  lignes  de 
cheminii  de  fer  qui  doivent  être  prolongées  vers  l'intérieur  :  la  pre- 
mière aUant  d'Alger  à  Laghouat  et  à  Ghardaïa,  avec  embranchement 
ultérieur  sur  Ouargla,  de  manière  à  relier  le  Mzab,  nouvellement  annexé, 
au  chef-lieu  de  la  colonie  ;  la  seconde,  d'Oran  à  Aïn  Sefra,  et  la  troi- 
sième, de  Constantine  à  BLskra  eijt  à  Touggourt.  —  Ghai'daïa,  la  princi- 
pale ville  du  Mzab,  aura  un  poste  fortifié,  et  sera  mise  en  communication 
par  une  ligne  télégraphique  avec  Laghouat  et  Alger  au  nord,  Metlili  au 
sud,  et  Ouargla  au  S.-O.  L'occupation  du  Mzab,  combinée  avec  celle  du 
sud-oranais,  complète  une  ligne  solide  d'avant-postes,  qui  permettra  de 
prévenir  les  insurrections  dont  le  foyer  se  trouve  d'ordinaire  parmi  les 
tribus  dissidentes  du  Sahara.  D'après  les  journaux  français  un  mouve- 
ment de  troupes  se  prépare  pour  le  mois  de  janvier  :  une  colonne  par- 
tira de  Géryville  et  se  dirigera  sur  Laghouat,  d'où  elle  s'avancera  vers 
Je  sud,  afin  d'appuyer  une  demande  de  réparation  aux  Touaregs  pour  le 
massacre  de  la  mission  Flatters. 
Le  capitaine  Bernard,  ancien  compagnon  du  colonel  Flatters,  a  conçu 

le  plan  tl'uue  nouvelle  expétiition  isieientifique  vers  le  Sou- 
dan, pour  laquelle  il  profiterait  des  renseignements  fournis  par  les  mis- 
ijions  précédentes  sur  la  route  à  suivre.  Elle  serait  organisée  miUtaire- 
ment,  et  assez  forte  pour  se  passer  de  l'appui  douteux  des  chefs  de  tribus 
et  faire  face  à  tout  danger  ;  elle  compterait  vingt  membres  français, 
80  cavaliers  spahis,  100  tirailleurs,  et  950  chameaux  de  bât.  Profitant 
<le  la  carte  fournie  par  les  deux  missions  du  colonel  Flatters,  l'expédi- 
tion irait  droit  devant  elle,  en  suivant  un  itinéraire  déterminé;  tout  en 
avançant  avec  prudence,  elle  construirait  à  mesure  un  chemin  de  fer,  et, 
par  un  fil  télégraphique,  demeurerait  en  rapport  avec  les  postes  du  sud 


—  4  — 

de  rAlgérie,  de  maDière  à  eu  obtenir,  le  cas  échéant,  les  secours  néces- 
saires. Le  chemin  de  fer  ne  serait  qu'une  voie  de  pénétration. 

D  n'est  pas  facile  d'apprendre  avec  certitude  ce  qui  se  passe  dans  le 
iSoudan  égyptien.  L'annonce  de  l'expédition  envoyée  du  Caire  au 
secours  de  Khartoum  paraît  cependant  avoir  eu  un  bon  effet.  Le  gou- 
verneur Abd-«1-Kader  aurait,  d'après  une  dépêche  télégraphique  adres- 
sée au  gouvernement  égyptien,  battu  les  troupes  de  Mohamed  Hamed  ; 
celles  qui  occupaient  El-Obeïd  auraient  été  repoussées,  et  l'arrivée  d'un 
premier  détachement  égyptien,  parti  de  Souakim,  aurait  assuré  la  sécu- 
rité de  Khartoum.—  Quand  la  révolte  aura  été  complètement  réprimée, 
le  gouverneur  reprendra  sans  doute  le  plan  qu'il  a  exposé  aux  princi- 
paux négociants  de  cette  ville,  pour  relever  le  commerce  de  cette  partie 
de  l'Egypte.  D'après  ce  plan,  le  commerce  sera  désormais  libre  dans  le 
bassin  du  Nil  Blanc,  à  l'exclusion  toutefois  de  l'ivoire  qui  demeurera  le- 
monopole  du  gouvernement.  Pour  mainteuir  des  communications  régu-^ 
lières  avec  le  haut  fleuve,  il  partira  tous  les  deux  mois  un  steamer  pour 
le  Bahr-el-6hazal  ;  d'autres  iront,  tous  les  quinze  jours,  de  Khartoum  à 
Berber,  à  Sennaar  et  à  Fachoda.  —  Pour  rextinction  de  la  traite  il 
sera  créé  un  bureau  spécial,  avec  un  inspecteur  général,  deux  secré- 
taires et  des  soldats  à  ses  ordres  ;  partout  où  le  besoin  s'en  fera  sentir, 
le  chef  du  bureau  iqstallera  des  inspecteurs  et  un  cordon  militaire  ;  il 
aura  ainsi  tous  les  moyens  de  surveiller  les  grandes  routes  et  les  che- 
mins détournés,  pour  arrêter  la  contrebande  d'esclaves  aux  frontières, 
n  y  a  déjà  des  inspecteurs  à  Nuba  et  à  Chaka  ;  il  y  en  avait  un  à 
Fachoda,  M.  Berghoff,  qui  a  été  tué  par  les  troupes  du  faux  prophète, 
lors  de  l'attaque  tentée  contre  elles  au  Gebel-Guebir  parYoussouf- 
pacha.  Des  postes  seront  établis  au  Darfour,  au  Fazogl  et  dans  le  Gala- 
bat  ;  des  mesures  rigoureuses  seront  prises  à  l'égard  des  ports  de  la 
mer  Rouge,  ainsi  que  dans  le  Harar,  et  pour  les  stations  intermédiaires 
de  passage  à  l'intérieur,  El-Obeld,  Messalamieh,  Gadaref,  réputées  pour 
être  les  principaux  dépôts  d'esclaves. 

Ëmin-bey,  administrateur  des  provinces  de  PÊ^ypte  éqaato- 
rlale,  au  gouvernement  duquel  a  été  ajouté  le  district  du  Sobat,  s'est 
rendu  chez  les  Chillouks,  dans  le  territoire  desquels  il  veut  établir  une 
station  ;  ils  l'ont  bien  reçu,  et  ont  offert  de  lui  fournir  les  matériaux  de 
construction  nécessaires.  Il  en  créera  aussi  une  chez  les  Toudjs,  pour 
maintenir  les  communications  postales  entre  celles  de  Sobat  et  de  Bor, 
de  manière  à  avoir  un  courrier  tous  les  mois.  A  son  retour  à  Lado,  il  a 
reçu  de  Kabréga  un  présent  d'ivoire,  de  sel  et  de  café,  avec  une  invita- 


—  5  — 

tion  à  venir  chez  lui,  et  l'offre  de  lui  envoyer  des  gens  pour  l'escorter. 
Mbio  et  d'autres  princes  Niams-Niams  et  Mombouttous  l'ont  instam- 
ment prié  de  venir  les  délivrer  des  incursions  des  Danaglas  du  Bahr-el- 
Ghazal.  Sa  province  étant  tout  à  fait  tranquille,  il  comptait  se  rendre, 
par  une  route  inexplorée  jusqu'ici,  dans  le  Makaraka  et  dans  le  Mom- 
bouttou,  oU  il  a  dû  conduire  M.  ISraldo  Dabbene,  jeune  Piémontais, 
entomologiste  distingué,  qui  avait  offert  ses  services  au  gouvernement 
égyptien  pour  une  étude  spéciale  sur  les  insectes  nuisibles  h  l'agricultm'e 
^n  Egypte,  mais  avait  été  empêché  par  la  révolte  d'Arabi-pacha  d'exé- 
<^uter  son  projet.  Il  s'était  rendu  alors  au  Soudan,  oU  il  entra  en  rapport 
avec  Emin-bey,  qui  l'emmena  à  Lado,  et  l'a  pris  avec  lui  dans  son 
voyage  où  il  compte  rencontrer  le  D'  Junker. 

Avant  de  parler  des  explorations  de  ce  dernier,  nous  devons  communi- 
quer à  nos  lecteurs  un  rapport  fait  à  Lupton-bey,  gouverneur  de  la  pro- 
vince du  Bahr-el-Ghazal,  sur  la  découverte  d'un  lac  dans  l'Afri- 
que centrale  A  l'ouest  de  l'Albert  IVyanza,  lac  de  la  grandeur 
du  Victoria.  Depuis  le  premier  voyage  de  sir  Samuel  Baker,  l'existence 
d'un  lac  plus  occidental  avait  été  annoncée  plusieurs  fois,  sans  avoir 
jamais  pu  être  constatée  positivement.  Tout  récemment  Rafal-Aga, 
chef  d'une  des  stations  de  Lupton-bey,  dans  le  territoire  des  Niams- 
.Niams,  revenu  d'un  long  voyage,  a  dit  à  son  maître  avoir  vu,  lui  et  quel- 
ques-uns des  membres  de  l'expédition,  un  grand  lac  dans  le  pays  des 
Barboas,  tribu  puissante,  cuivrée,  et  vêtue  d'étoffes  singulières  faites 
d'herbes.  Il  en  a  rapporté  des  spécimens  dont  Lupton-bey  a  envoyé  des 
échantillons  en  Europe.  Partie  de  Dem-Békir,  par  6°,52'  lat.  N.,  et 
24°, 2'  long.  E.  de  Paris,  l'expédition  marcha  pendant  20  jours  vers  le 
S.-O.,  jusqu'au  Bahr-el-Makouar,  qu'elle  traversa  après  avoir  visité  plu- 
sieurs tles  très  grandes,  habitées  par  une  tribu  de  nègres  cuivrés  appe- 
lés Basangos.  Le  Makouar  se  verse  dans  l'Ouellé  ;  il  est  beaucoup  plus 
grand  que  ce  dernier  ;  après  leur  réunion  ils  coulent  dans  une  direction 
O.-S.-O.  Du  Makouar,  l'expédition  atteignit  en  10  jours  de  marche  la 
résidence  du  sultan  de  Barboa,  qui  fit  bon  accueil  aux  voyageurs  ;  un 
trajet  de  quatre  jours  encore  les  amena  aux  bords  du  lac,  nonuné  par  les 
indigènes  Key-rol-Aby.  Quand  le  temps  le  permet  les  Barboas,  qui  habi- 
tent à  l'est  du  lac,  le  traversent  en  trois  jours,  dans  de  grands  bateaux 
qui  portent  parfois  jusqu'à  60  hommes  ;  ils  reçoivent  des  indigènes  de  la 
région  occidentale  des  perles  de  verre  bleu,  du  fil  de  cuivre,  des  cauries, 
et  disent  que  ces  objets  sont  apportés  de  l'ouest  par  des  trafiquants  qui 
•emmènent  des  esclaves  et  de  l'ivoire.  D'après  les  renseignements  qu'il  a 


—  6  —     , 

recueillis,  Lupton-bey  place  ce  lac  par  3%40'  lat.  N.,  et  20\40'  long. 
E.  de  Paris,  Lorsqu'il  a  écrit  cela,  il  préparait  une  carte  de  sa  province,, 
et  allait  se  rendre  dans  le  pays  de  Oumboungou  à  15  joui-s  de  marche 
à  l'ouest  de  Dem-Siber  où  il  se  trouvait. 

Le  manque  de  place  ne  nous  peimet  pas  de  donner,  dans  notre  Bulle- 
tin mensuel,  les  détails  de  l'exploration  du  D'  «luitker  dans  la  région 
de  rOuellé  ;  nous  les  réservons  pour  un  prochain  article  spécial  que 
nous  accompagnerons  d'une  carte.  Disons  seulement  aujourd'hui  qu'il 
a  particulièrement  étudié,  en  dernier  lieu,  les  deux  rivières  Gadda 
et  Kibali  qui  forment  l'Ouellé,  et  le  Nomayo  de  Schweinfurth,  le  plus 
grand  des  affluents  de  ce  fleuve  ;  pour  lui  l'Ouellé  forme  indubitable- 
ment le  cours  supérieur  du  Chari,  taudis  que  l'Arouimi  de  Stanley  est 
identique  avec  une  rivière  nommée  Népoko,  qui  a  sa  source  au  loin  à 
l'est,  et  tourne  vers  l'ouest  au  sud  des  routes  conduisant  du  territoire 
de  Mounza  à  Bakangaï.  Il  signale  aussi,  dans  la  région  au  sud  de  l'Ouellé, 
des  marchandises  provenant  du  sud  et  du  sud-est,  apportées  sur  le  mar- 
ché de  Nyangoué.  Les  perles  bleues,  le  fil  de  cuivre  et  les  cauries  rap- 
portés par  Rafaï-Aga  à  Lupton-bey,  des  bords  du  lac  Key-el-Aby,  ne 
proviennent-ils  point  du  même  marché?  Après  son  départ  de  Nyan- 
goué, Stanley  mentionne,  parmi  les  suivants  de  Tippou-Tib,  une  bande 
de  300  personnes  qui,  sous  la  conduite  de  Bouana  Chokka  devait  se  ren- 
dre au  N.-E.,  au  Tata,  le  point  extrême  du  parcours  des  Arabes  ;  ne 
seraient-ce  point  ceux-ci  qui  apporteraient  les  marchandises  susdites, 
mentionnées  expressément  dans  la  liste  que  Stanley  donne  des  aiticles 
vendus  à  Nyangoué  ?  Quoi  qu'il  en  soit  Junker  a  aussi  entendu  parler 
de  l'existence  d'un  grand  lac  à  une  certaine  distance  au  S.-O.  de  Kanna. 

Les  événements  d'Egypte  auraient  fourni  à  l'Abys^îHîe  l'occasion 
de  s'assurer,  sur  la  mer  Rouge,  un  débouché  pour  son  commerce,  si  le 
roi  Jean  n'eût  espéré  l'obtenir  sans  recommencer  la  guerre.  On  sp  rap- 
pelle la  mission  cohfiée  à  l'explorateur  Rohlfe,  et  le  refus  de  l'Angleterre 
d'intervenir  en  faveur  du  Négous,  sous  prétexte  que  celui-ci  n'était  pas 
en  guerre  avec  l'Egypte.  Mais,  depuis  la  répression  de  la  révolte  d'Arabi- 
pacha  par  les  troupes  anglaises,  le  gouverneur  britannique  a  engagé  la 
khédive  à  céder  au  roi  Jeau,  moyennant  redevance,  le  port  de  Ma.s- 
saoua,  et  n'a  pas  eu  de  peine  à  obtenir  cette  cession.  Cependant,  par 
une  convention  de  1877,  que  nous  a  révélée  la  publication  italienne  des 
documents  diplomatiques  relatifs  à  Assab,  l'Angleterre  a  reconnu  à 
rÉgypte  la  possession  de  toute  la  côte  occidentale  de  la  mer  Rouge,, 
depuis  Suez  jusqu'à  Ras-Afoim  au  delà  du  cap  Guardafiii,  et  le  firman 


—  7  — 

de  1879,  en  vertu  duquel  le  khédive  actuel  a  succédé  à  son  père,  lui 
interdit  d'abandonner,  sous  aucun  prétexte,  aucune  partie  du  territoire 
annexé  à  ses  États.  Le  sultan,  auquel  le  khédive  a  demandé  d'autoriser 
cette  cession,  Ta  refusée,  et  le  consul  anglais  de  Massaoua  a  été  chargé 
d'informer  le  roi  d' Abyssinie,  que  l'Egypte  ne  peut  lui  céder  ce  port,  qui 
n'est  habité  que  par  des  musulmans  et  a  une  grande  importance  pour 
l'Egypte,  comme  station  navale  et  commerciale.  Toutefois  l'AngleteiTe  a 
promis  de  faire  de  nouvelles  démarches  auprès  du  khédive,  pour  que 
celui-ci  cède  à  l'Abyssinie  le  petit  port  de  Sagu  ou  celui  d'Arkiko,  près 
de  Massaoua.  Le  sultan  consentira-t-il  plus  facilement  à  autoriser  la 
cession  de  l'un  ou  de  l'autre  de  ces  ports  ?  Quoi  qu'il  en  soit,  l'Angle- 
terre a  profité  de  sa  position  en  Egypte  pour  reprendre  le  projet 
qu'avait  conçu,  sous  l'ex-khédive  Ismaïl,  une  société  anglaise  puissam- 
ment patronnée  par  le  gouvernement,  de  relier  la  vallée  du  Nil  à  la 
côte  de  la  m<Br  Rouge.  Des  démarches  ont  été  entamées  au  Caire,  en  vue 
d'obtenir  la  création  d'une  voie  ferrée  qui,  partant  de  Berber,  à  500 
kilom.  en  aval  de  Ehartoum,  déboucherait  sur  la  mer  Rouge  au  port  de 
Bérénice,  à  100  kilom.  au  nord  de  Souakim. 

Toujours  anxieuse  au  sujet  de  tout  ce  qui  pourrait  menacer  la  route 
des  Indes,  l'Angleterre  s'est  émue  de  la  cession  que  le  sultan  Loelta  a 
faite  de  Sa^palo,  dans  la  baie  de  Ta^joura,  à  M.  Soleillet,  qui,  après 
avoir  fait  mesm*er  et  délimiter  sa  concession,  y  a  installé  un  comptoir, 
sous  la  direction  de  M.  L.  Grand,  ancien  élève  de  l'école  de  commerce' 
du  Havre.  La  ville  de  Sagalo,  à  une  cinquantaine  de  kilomètres  au  S.-O. 
d'Obock,  est,  après  le  port  de  Tadjoura,  la  première  station  de  la  route 
des  caravanes  qui  se  dirigent  vers  le  Ghoa  et  l'Abyssinie  par  les  lacs  salés  ; 
aussi  comprend-on  l'importance,  pour  les  établissements  commer- 
ciaux français  d'Obock,  d'avoir  un  comptoir  sur  ce  point.  Les  indigènes 
y  ont  très  bien  accueilli  M.  Soleillet  ;  ils  craignaient  les  Égyptiens  éta- 
blis à  Tadjoura,  exposés  qu'ils  étaient  à  avoir  le  sort  des  paysans  du 
Harar,  qui  en  sont  réduits  à  couper  les  caféiers,  parce  que  leur  produit 
total  ne  suffit  pas  à  payer  l'impôt,  qui  est  de  80  Vo  du  produit  brut  des 
bonnes  récoltes.  Près  de  Sagalo  s'élève  le  mont  Goba,  abondamment 
pourvu  d'eaux  vives  et  riche  en  pâturages.  De  cet  établissement  on 
peut  espérer  un  trafic  important  avec  les  Issas  Somalîs,  dont  Sagalo 
n'est  séparé  que  par  un  petit  bras  de  mer.  La  possession  de  Péiim,  à 
l'entrée  du  détroit  de  Bab-el-Mandeb,  et  celle  des  îles  Moussa,  à  18  kilo- 
mètres de  la  côte  de  Tadjoura,  auraient  pu  rassurer  complètement  les 
Anglais. 


—  8  — 

La  mission  italienne  à  la  tête  de  laquelle  se  trouve  le  comte  Anto- 
nelli,  s'est  rendue  à  Obock,  pour  y  enrôler  comme  escorte  les  indigènes 
envoyés  à  M.  Soleillet  par  le  roi  Ménélik.  Malheureusement  elle  ne  retrou- 
vera plus  à  Liet  Maréfla,  station  scientifique  de  la  Société  italienne  de 
géographie^  le  marquis  AntinoH,  qui  y  est  mort  le  27  août,  à  l'ftge  de 
70  ans.  Passionné  des  explorations  et  des  sciences  naturelles,  il  était 
parvenu  à  réunir  des  collections  d'un  prix  inestimable  pour  les  savants 
désireux  d'étudier  les  produits  de  cette  partie  de  l'Afrique.  Depuis  un 
certain  temps  on  l'engageait  à  venir  se  reposer  en  Italie,  mais  il  n'avait 
pas  voulu  quitter  sa  station  avant  que  la  Société  eût  pourvu  à  son  rem- 
placement.— Ménéiilc  a  envoyé  au  roi  d'Italie  une  lettre,  dans  laquelle 
il  rend  compte  des  récents  combats  qu'il  a  dû  livrer,  pour  affranchir  plu- 
sieurs peuplades  voisines  et  ouvrir  une  voie  de  communication  jusqu'à 
Eaffa.  —  Quant  à  l'explorateur  Bianclii,  après  avoir  remis  au  négous 
d'Abyssinie  les  présents  du  roi  d'Italie,  il  devra  se  rendre  &  Baso  dans 
le  Godjam,  ob  la  Société  milanaise  d'exploration  l'a  chargé  de  fonder 
une  forte  station  commerciale,  Baso  étant  un  lieu  où  les  Grallas  des  dis- 
tricts limitrophes  apportent  leurs  produits  riches  et  variés.  De  là  Bian- 
chi  étudiera  le  moyen  de  faciliter  le  passage  à  travers  les  rapides  du  Nil 
Bleu,  soit  en  construisant  un  pont  qui  relierait  le  Godjam  au  pays  des 
Gallas,  soit  en  établissant  un  bac  pour  le  passage  régcdier  des  hommes 
et  des  marchandises.  Cela  fait,  il  laissera  à  la  station  un  représentant  de 
^la  Société  milanaise,  puis,  avec  une  forte  escorte  et  une  certaine  quan- 
tité de  marchandises,  il  se  dirigera  vers  Assab  à  travers  le  pays  des 
Assubo-Gàlias  et  des  Danakils,  inconnu  jusqu'ici  et  en  blanc  sur  |nos 
cartes;  chemin  faisant,  il  étudiera  le  cours  des  rivières  qui  descendent  du 
haut  plateau  d'Abyssinie  pour  aller  se  perdre  dans  la  plaine  du  sel.  Pen- 
dant ce  temps,  la  Société  d'exploration  enverra  au  Godjam  un  autre  de 
ses  représentants,  avec  des  ressources  en  argent  et  en  marchandises,  et 
la  station  de  Baso  pourra  servir  de  point  de  départ  pour  une  nouvelle 
exploration  importante  vers  l'ouest  ou  le  sud.  B  y  aura  donc  deux  loca- 
lités centrales  en  communication  directe  avec  Assab,  Let  Maréfia  qui 
est  devenu  récenuuent  un  centre  commercial,  et  Baso.  Le  comte  Salim- 
beni,  ingénieur,  et  le  professeur  Licata  de  Naples,  feront  partie  de  l'expé- 
dition. 

Un  grand  mouvement  s'est  produit  dans  la  station  missionnaire  de 
Magila,  dans  l'OusamliaFa  S  et  à  Mbouego,  localité  voisine  oh  il  y 

*  Voir  la  carte,  I"  année,  p.  112. 


—  9  — 

avait  une  mosquée  et  une  école  musulmane.  Les  chefe  de  la  communauté 
mahométane  de  Magila  demandèrent  un  jour  une  entrevue  à  M.  Farler, 
un  des  missionnaires  de  ce  lieu,  et  se  rendirent  chez  lui  avec  une  cin- 
quantaine d'anciens.  Us  lui  dirent  qu'après  avoir  tenu  conseil,  ils 
s'étaient  décidés  à  faire  fermer  la  mosquée  et  avaient  congédié  l'institu- 
teur, pour  envoyer  chaque  jour  les  enfants  à  l'école  des  missionnaires  ; 
eux-mêmes  voulaient  se  rattacher  à  la  conmiunauté  chrétienne.  Le  chef 
du  grand  district  d'Ousiangala  vint  aussi  faire  une  déclaration  analogue 
au  nom  du  peuple  de  Tengoué,  et  demander  une  école.  Cette  dernière 
ville  a  im  marché  où  affluent  tous  les  neuf  jours  deux  mille  personnes  au 
moins,  pour  y  trafiquer.  D'autres  villes  encore  désirent  avoir  des  écoles. 
—  La  station  de  Oumba,  dans  l'Ousambara  également,  ayant  perdu 
M.  Wilson,  dont  l'école  comptait  150  élèves,  la  mission  des  Universités  y 
a  envoyé,  au  commencement  de  novembre,  M.  Woodward  accompagné 
du  Rev.  James  Chala  Salfey,  ancien  esclave,  qui,  après  avoir  fait  de  fortes 
études  et  d'excellents  examens,  a  été  consacré  par  l'évêque  d'Oxford. 

Depuis  l'établissement  des  missionnaires  romains  à  Tabora^  dans  la 
propriété  acquise  par  eux  de  M.  le  D'  Van  den  Heuvel,  ils  ont  fait 
l'expérience  de  l'utilité  que  pourra  avoir  ce  poste,  pour  les  communica- 
tions avec  les  stations  déjà  fondées  au  bord  des  gi-ands  lacs  Victoria  et 
Tanganyika.  Ils  ont  proposé  aux  missionnaires  anglais  d'Ouyouy,  chez 
Miranibo,  une  entente  pour  l'expédition  des  courriers,  de  manière  à  ce 
qu'il  y  ait  un  çervice  régulier  tous  les  mois.  Ils  espèrent  pouvoir  faire  un 
arrangement  semblable  pour  la  station  de  Roubaga.  Us  songent  aussi  à 
développer  la  culture  et  l'industrie  du  coton  qui  pousse  là- spontanément  ; 
jusqu'à  présent  personne  ne  l'exploite.  Chaque  année  de  nombreuses 
caravanes  vont  chercher  à  grands  frais,  à  la  côte,  les  cotonnades  d'Angle- 
terre et  d'Amérique,  tandis  qu'on  pourrait  utiliser  le  coton  indigène. 
Les  nègres  sont  encore  trop  peu  industrieux  pour  le  faire,  et  les  com- 
merçants arabes  et  autres  ont  tout  intérêt  à  les  laisser  dans  leur  igno- 
rance. Les  missionnaires  comptent  employer  une  partie  des  enfants  de 
l'orphelinat  de  Tabora  à  la  culture,  à  la  filature  et  au  tissage  du  coton, 
aussi  demandent-ils  qu'on  adjoigne  aux  prochaines  caravanes  des  caté- 
chistes formés  à  filer,  à  monter  un  métier  à  tisser,  à  le  manœuvrer,  et 
qui  connaissent  aussi  un  peu  la  teinturerie. 

La  station  de  Slasasii  de  la  mission  des  Universités,  a  été  attaquée 
par  les  Wagwangwaras,  tribu  du  nord-est  de  l'extrémité  septentrionale 
du  Nyassa  ;  ils  ont  tué  l'instituteur,  natif  de  Zanzibar,  deux  catéchistes, 
anciens  esclaves  libérés,  et  quatre  enfants;  d'autres  furent  blessés;  beau- 


—  10  — 

coup  de  personnes  s'enfuirent  dans  Içs  forêts  et  sur  les  collines  voisines, 
d'autres  se  réfugièrent  dans  la  maison  des  missionnaires,  qui  heureuse- 
ment était  entourée  d'un  mur  de  pierre.  Les  pillards  prirent  tout  ce  qui 
leur  tomba  sous  la  main,  et  s'emparèrent  de  40  personnes.  Ils  avaient 
saccagé  le  temple,  mais  quand  ils  apprirent  que  c'était  la  maison  de 
Dieu,  ils  en  rapportèrent  les  objets  sacrés.  Un  certain  nombre  de  prison- 
niers purent  être  rachetés,  et  les  Wagwangwaras  promirent  d'attendre, 
à  100  kilom.  de  Masasi,  la  rançon  des  autres;  cependant,  attaquée  par 
une  tribu  du  voisinage,  ils  se  sont  retirés  dans  leur  pays,  en  emmenant 
avec  eux  les  prisonniers,  ce  qui  rendra  le  rachat  de  ceux-ci  beaucoup 
plus  difficile. 

Les  journaux  politiques  ont  suffisamment  parlé  des  affaires  de  Mada- 
g^ascar  pour  que  nous  puissions  nous  dispenser  d'y  revenir.  Mais 
comme,  dans  ce  moment,  l'attention  du  public  se  porte  beaucoup  sur  les 
questions  coloniales,  nous  donnons  avec  ce  numéro  une  carte  g^né- 
pale  d'Afrique,  où  sont  marquées  les  possessions  des  divers  États 
européens,  ainsi  que  les  stations  civilisatrices. 

Le  manque  de  bras  pour  la  culture  des  terres  à  Mayotte,  ïVossi  Bé 
et  la  Réunion,  a  fait  désirer  à  la  population  de  ces  colonies  fra.nçai- 
ses,  que  la  prohibition  d'importer  des  travailleurs  afiricains  engagés  fût 
abrogée,  et  que  l'on  pût  en  recruter  sur  la  côte  d'Afrique,  pour  le  tra- 
vail libre.  Mais  il  est  presque  impossible  de  conclure,  avec  les  princes 
nègres  ou  avec  le  Portugal,  des  traités  pour  le  recrutement  de  travail- 
leurs libres,  sans  favoriser  ni  développer  la  chasse  à  l'homme  sur  le  con- 
tinent. En  eflfet  pour  fournir,  contre  de  l'argent,  des  immigrants  libres, 
les  princes  africains  feraient  des  guerres  à  l'intérieur.  Le  Portugal, 
auquel  il  avait  été  demandé  d'étendre  à  la  Réunion  l'émigration  qui  se 
fait  de  Ibo,  sur  la  côte,  pour  Mayotte  et  Nossi  Bé,  a  refusé  d'autoriser 
cette  extension  ;  il  a  envoyé  des  instructions  aux  autorités  de  Mozambi- 
que, pour  qu'elles  exercent  une  surveillance  stricte  sur  l'émigration  dans 
ces  deux  dernières  îles. 

Le  missionnaire  Beuster  a  fait  jusqu'au  Limpopo  plusieurs  voyages 
de  reconnaissance,  dans  l'intention  d'étendre  jusqu'à  ce  fleuve  le  champ 
des  missions  de  Berlin  dans  le  Transvaal  septentrional. 
Le  Limpopo  forme  la  limite  entre  la  tribu  des  Bavendas,  au  milieu  des- 
quels il  travaille,  et  celle  des  Bakalangas,  qui  ont  une  autre  langue  et 
d'autres  mœurs.  Les  montagnes  et  le  haut  plateau  qu'il  a  traversés, 
au-delà  des  Zoutpansberg,  pour  atteindre  la  ville  de  Tchakadza,  sont  très 
froids;  le  27  août  de  l'année  dernière,  au  milieu  de  l'hiver  de  cette  région 


—  11  — 

tropicale,  le  froid  était  si  intense  que  les  chèvres  et  les  moutons  des 
habitants  mouraient  en  grand  nombre;  deshœufis  même  y  succombaient. 
Le  pays  est  très  riche  en  toutes  sortes  d'arbres;  les  Bavendas  qui 
accompagnaient  le  missionnaire  en  ont  compté  120  espèces  diflférentes, 
palmiers-éventails,  dattiers  et  autres,  mahagonis,  baobabs  tous  plus 
grands  les  uns  que  les  autres,  etc.  La  capitale  est  construite  sur  le  mont 
Tchongané,  entouré  de  rochers  abrupts  et  de  hautes  cimes.  Le  coton 
croît  en  abondance  dans  le  pays,  les  indigènes  le  filent  et  en  font  un 
objet  de  trafic  ;  le  gibier  abonde  ainsi  que  les  arbres  fruitiers  ;  il  y  a  égale- 
ment de  bons  pâturages.  La  tsetsé  qui,  d'après  les  cartes,  devait  s'y 
trouver  autrefois,  ne  s'y  rencontre  plus  aujourd'hui.  —  Un  autre  mis- 
sionnaire allemand  du  Transvaal  septentrional,  M.  Baumbach,  a  visité 
les  lacs  salés  d'où  les  monts  Zoutpansberg  tirent  leur  nom,  et  a  constaté 
que  les  Boers  commencent  à  les  exploiter.  Jusques  à  ces  derniers  temps  on 
ne  prenait  que  le  sel  qui  s'était  formé  à  la  surface  par  l'évaporation, 
mais  maintenant  les  Boers  creusent  des  fossés  de  2'*  de  profondeur,  dans 
lesquels  l'eau  salée  se  rend  et  se  cristallise  ;  ils  mettent  ensuite  le  sel  en 
tas,  le  lavent  et  le  sèchent  au  soleil;  d'autres  le  font  cuire  dans  de  gi'ands 
pots  de  fer;  il  devient  alors  d'une  blancheur  éclatante  et  aussi  fin  que  le 
plus  beau  sel  de  table. 

Un  peu  plus  au  sud,  Hapoch,  chef  indigène,  refuse  de  recoimaître  la 
commission  des  territoires  des  natife,  instituée  ensuite  de  la  convention 
conclue  entre  le  Transvaal  et  l'Angleterre,  et  ne  veut  ni  payer  les 
impôts,  ni  obéir  aux  lois;  il  se  prétend  l'égal  du  gouvernement.  Il 
refuse  entre  autres  de  livrer  Maupoer,  le  meurtrier  de  Secocoeni,  qui  s'est 
réfugié  auprès  de  lui.  Son  fils  a  très  mal  reçu  le  représentant  des  Boers 
et  M.  Hudson,  le  résident  anglais,  venus  pour  parlementer.  A  la  tête 
d'un  certain  nombre  de  chefs  natifs,  retranché  dans  ses  montagnes 
pleines  de  grottes  et  entourées  d'un  labyrinthe  de  retranchements  où 
l'on  ne  peut  pénétrer  qu'avec  un  guide,  il  brave  le  gouvernement  qui 
a  dû  lever  des  troupes  pour  marcher  contre  lui.  Sa  retraite  est 
presque  imprenable;  un  premier  assaut  a  été  repoussé,  et  Mapoch,  se 
considérant  comme  vainqueur,  exige  que  les  Boers  du  voisinage  lui 
paient  tribut.  Il  peut  en  résulter  de  graves  embaiTas  pour  le  gouverne- 
ment du  Transvaal,  encore  trop  faible  pour  obtenir,  des  autorités  de  la 
baie  de  Delagoa,  la  répression  de  la  contrebande  très  active  de  fusils, 
munitions,  boissons  et  marchandises,  apportés  aux  natifs  par  les  Cafres 
de  ces  possessions  portugaises. 

La  situation  du  Liessouto  est  toujoui*s  très  critique.  Les  assurances 


—  12  — 

que  le  général  Gordon  a  données  à  Massoupa,  des  intentions  amicales  dir 
gouvernement  anglais,  n'ont  fait  qu'aifermir  ce  chef  dans  ses  idées  de 
résistance  et  l'on  peut  craindre  qu'une  nouvelle  rébellion  n'éclate  pro- 
chainement. Néanmoins  l'école  normale  de  Morya,  dirigée  par  M.  Mabille^ 
s'est  rouverte  ;  Lerotholi  y  a  envoyé  son  fils  aîné  avec  sept  autres  jeunes 
gens.  Le  comité  des  missions  de  Paris  a  décidé  que  M.  .Boegner,  direc- 
teur actuel  de  l'œuvre,  partira  au  mois  de  janvier  pour  aller  visiter  les 
stations  françaises.  Deux  jeunes  •  missionnaires  neuchâtelois  viennent 
d'entrer  au  service  de  ces  missions  :  l'un,  M.  E.  Jacottet,  pour  le  Lessouto,, 
l'autre,  M.  Jeanmairet,  pour  accompagner  M.  Coillard  au  Zambèze  et  y 
travailler  avec  lui.  M.  Coillard  ayant  dit  un  jour,  pendant  son  dernier 
séjour  en  France,  qu'il  avait  perdu  un  de  ses  compagnons  de  voyage, 
faute  d'un  canot  en  fer,  qui  lui  eût  permis  de  faire  chercher  promptement 
à  son  quartier  le  quinquina  dont  il  aurait  eu  besoin  pour  soigner  le 
malade,  plusieurs  personnes  de  Nantes  ont  eu  l'idée  de  lui  en  donner 
un,  et  l'ont  fait  construire  sur  ses  indications.  D  est  en  tôle  d'acier,  et  se 
démonte  en  pièces  assez  légères  poui*  ne  pas  excéder  la  charge  ordinaire 
d'un  mulet.  U  a  un  peu  plus  de  8  mètres  de  longueur,  et  se  divise  en 
huit  tranches  dont  les  quatre  du  milieu  sont  cylindriques  et  identiques, 
de  manière  qu'on  peut,  au  besoin,  supprimer  l'une  ou  l'autre,  ou  en 
intervertir  l'ordre,  sans  que  l'assemblage  en  souffre.  Il  porte  des  caissons 
à  air,  qui  le  rendent  insubmersible  pour  le  cas  oîi  il  chavirerait  ;  il  peut 
contenir  de  6  à  8  personnes  et  une  quantité  suffisante  de  bagages. 
L'essai  en  a  été  fait  avant  de  l'expédier  ;  il  a  été  rempli  d'eau,  et  l'on  a 
constaté  qu'il  flotte  parfaitement  ;  six  hommes  ne  peuvent  le  faire  enfon- 
cer. U  porte  à  l'arrière  les  mots  :  Messager  de  paix,  —  Église  de  Nantes. 
M.  Combep  a  écrit  de  Ntombo,  sur  le  Congo,  qu'il  a  fait  une  course 
à  Stanley  Pool,  afin  d'y  préparer  un  établissement  pour  la  mission 
baptiste,  sur  un  terrain  cédé  par  M.  Braconnier,  chef  de  la  station  de 
Léopoldville,  à  10  minutes  de  Ntamo,  ville  populeuse  et  résidence  de 
Ngaliéma*,  principal  chef  des  Batékés.  Elle  est  le  centre  d'un  commerce 
important  ;  un  quartier  à  part  est  destiné  aux  Bayansis  qui,  des  villes  du 
Choumbiri,  descendent  le  Congo  dans  leurs  flotilles  de  canots,  pour  ven- 
dre leur  ivoire  à  Ngaliéma  ;  à  son  tour,  celui-ci  le  vend  aux  Bazombos,  aux 
Makoutas  et  aux  Babouendés  qui  habitent  en  aval.  M.  Robert  Arthington, 
de  Leeds,  a  donné  à  la  Société  des  missions  baptistes,  pour  le  service  du 

^  Est-ce  le  chef  dont  le  nom  se  trouve  au  bas  du  traité  conclu  par  Savorgnan 
de  Brazza  avec  Makoko  ? 


—  13  — 

Congo  moyen,  un  vapeur  (le  Peace\  du  poids  de  six  tonnes,  construit 
d'après  les  dessins  de  M.  Grenfell  et  de  Stanley.  Il  ne  tire  que  0",30 
d'eau,  a  deux  machines,  et  sa  vitesse  moyenne  est  de  20  kOom.  à  l'heure  ; 
si  Tune  des  machines  est  endommagée,  on  peut  epcore  obtenir  lOkilom. 
de  vitesse  pendant  la  réparation.  Il  peut  être  démonté  en  800  pièces, 
d'un  poids  ne  dépassant  pas  les  forces  d'un  porteur  ;  il.  sera  expédié 
démonté  à  l'embouchure  du  Congo,  et  de  là  800  hommes  le  transporte- 
ront à  Stanley  Pool.  Actuellement  le  trajet  de  Banana  au  Pool  peut  se 
faire  en  20  jours  :  de  Banana  à  Moussouca  par  steamer  hollandais  ou 
missionnaire  ;  de  Moussouca  à  Baynesville  (station  baptiste  à  20  kilom. 
en  aval  de  la  rivière  Kivilo)  par  la  route  de  Paraballa  ;  de  Baynesville  à 
Manyanga  par  bateau  missionnaire  en  acier;  enfin  de  Manyanga  à 
Stanley  Pool  par  la  route  de  Stanley  le  long  de  la  rive  droite  du  fleuve 
jusqu'aux  cataractes  d'Inkissi,  oîi  l'on  traverse  le  Congo  au-dessus  des 
chutes  ;  puis,  par  terre,  le  long  de  la  rive  gauche,  à  travers  le  pays  des 
Bavoumbous  qui  ont  un  caractère  pacifique,  tandis  que  les  Batékés 
de  l'autre  rive  sont  très  sauvages.  M,  Comber  loue  beaucoup  Stanley 
pour  avoir  construit  la  route  le  long  des  cataractes  ;  auparavant  les 
missionnaires  baptistes  ont  vainement  cherché  à  atteindre  Stanley  Pool 
par  terre  depuis  San  Salvador,  les  natife,  trafiquants  d'ivoire,  les  en  ayant 
toujours  empêchés.  Des  trois  premières  stations  qu'elle  a  le  long  du 
Congo,  Moussouca,  Isanghila  et  Manyanga,  la  Société  baptiste  renon- 
•cera  aux  deux  premières  qui  ne  lui  servent  guère  que  de  dépôts,  et  en 
créera  deux  autres  nouvelles,  l'une,  entre  Moussouca  et  Vivi,  à  Wanga- 
wanga,  pour  servir  de  lieu  de  débarquement  à  la  mission  de  San 
Salvador,  l'autre,  à  Baynesville  en  amont  d'Isanghila.  La  route  qui 
unira  ces  deux  nouvelles  stations  est  un  peu  plus  longue  que  celle  de 
Vivi  à  Isanghila,  mais  elle  n'ofite  pas  les  inconvénients  auxquels  on  est 
exposé  par  celle-ci,  surtout  au  point  de  vue  de  l'approvisionnement  de 
gi-audes  colonnes  de  porteurs,  à  travers  cette  partie  de  pays  peu  peuplée  ; 
-en  outre  elle  a  l'avantage  de  passer  par  les  stations  de  la  Liviugstone 
Inland  Mission,  ParabaUaet  Banza  Mantéka. 

Nous  ne  reviendrons  pas  sur  les  faits  par  lesquels  le  monde  poUtique 
^t  scientifique  français  a  témoigné  h  Savorg^nan  de  Braasza  sa 
reconnaissance  pour  les  services  qu'il  a  rendus  à  la  cause  de  l'explora- 
tion et  de  la  civilisation  de  l'Afrique,  ni  sur  la  ratification  du  traité 
conclu  avec  Makoko;  mais  nous  ne  tairons  pas  la  satisfaction  avec 
laquelle  nous  avons  entendu  le  gouvernement  français  s'exprimer  au 
«ujet  de  l'expédition  qui  va  être  envoyée  à  Brazzaville,  sous  la  direction 


—  14  — 

de  Savorgiian  de  Brazza;  elle  sera  chargée  de  fonder  des  stations: 
scientifiques,  hospitalières  et  commerciales,  sans  autres  forces  militaires 
que  celles  strictement  nécessaires  à  la  protection  des  établissements  qui 
seront  successivement  créés.  Le  comité  national  français  de  l'Associa-^ 
tion  internationale  africaine,  a  remis  au  gouvernement  de  la  Répu-^ 
blique,  avec  l'assentiment  de  S.  M.  le  roi  des  Belges,  les  trois  stations 
qu'il  avait  fondées  sur  TOgÔoué,  l'Alima  et  le  Congo.  Il  ne  lui  reste  plus 
que  la  station  de  Condoa,  près  de  la  côte  orientale. 

Fle^el  continue  son  exploration  avec  une  persévérance  infatigable^ 
et  paraît  vouloir  laisser  de  côté  la  ville  de  Yola,  capitale  de  l'Adamaoua, 
où  Barth,  en  1851,  fut  obligé  de  rebrousser  chemin,  et  où  lui-même,  il  y 
a  trois  ans,  ne  fut  pas  bien  accueilli.  Le  4  mai  il  était  à  Béli,  à  l'ouest 
de  Wukari,  au  sud  du  Bénoué,  d'où  il  écrit  aux  Mittlidlungen  de 
Gotha  :  a  J'avance  lentement  mais  sûrement  vers  mon  but,  quoique  à 
grands  fixais.  J'ai  surmonté  le  misérable  état  de  santé  où  je  me  suis 
trouvé  pendant  des  semaines,  plusieurs  de  mes  gens  m'ont  été  infidèles, 
mais  en  somme  j'avance.  Je  ne  suis  plus  qu'à  onze  jours  de  marche  de 
Kontcha,  dans  l'Adamaoua  méridional.  Le  pays  est  montagneux,  mais 
beau  et  agréable.  Des  bateliers  m'ont  fait  traverser  le  Bénoué  le  10  avrils 
entre  Ibi  et  Danfouza;  il  avait  peu  d'eau  et  beaucoup  de  sable.  Wukari 
est  beaucoup  plus  peuplée  qu'en  1879  ;  elle  est  remplie  de  Haoussas  qui 
mettront  bientôt  tin  à  l'indépendance  du  royaume  de  Kororofa.  De  là, 
j'ai  gagné  Bantandji,  qui  appartient  à  un  gouvernement  nouvellement 
formé  du  royaume  de  Sokoto,  et  dont  le  chef-lieu  est  Bakoundi.  Il  a  été 
fondé  par  un  chef,  Bourba,  chassé  de  Mouri,  qui  l'a  agrandi  et  y  règne 
avec  une  grande  puissance.  De  Bantandji  j'ai  atteint,  en  quatre  jours 
de  marche,  Bakoundi,  à  travers  une  forêt  où  retentit  jour  et  nuit  le 
rugissement  menaçant  des  lions  ;  puis,  en  un  jour  et  demi,  Béli  sur  le 
Kogin-Tarabba  qui  se  jette  dans  le  Bénoué.  Cette  ville  appartenait 
autrefois  au  royaume  de  Djoukou  ;  il  y  a  encore  un  roi  de  cette  tribu. 
J'ai  obtenu  des  renseignements  sur  des  cannibales  et  des  nains  qui  doi- 
vent habiter  au  loin  au  S.-E.  Demain  nous  continuerons  notre  marche 
vers  l'Est.  »  Le  comité  de  la  Société  africaine  allemande  voudrait  qu'il 
se  dirigeât  vers  le  S.-E.  pour  explorer  la  ligne  de  partage  des  eaux» 
encore  inconnue,  du  Bénoué,  du  Chari  et  du  Congo. 

M.  le  sous-inspecteur  Prétorius,  M.  Preiswerk  et  M.  le  D*"  Mâhly» 
envoyés  par  la  Société  des  missions  de  Bâle  pour  visiter  les  station» 
b&loises  de  la  côte  de  Guinée,  sont  arrivés  à  Accra  en  bonne  santé,, 
le  17  novembre.  Ils  ont  fait  la  traversée  avec  l'évêque  Cpowtlier  qui 


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retournait  au  Niger;  il  avait  avec  lui  deux  de  ses  petits-fils,  dont  l'un  a 
étudié  à  Cambridge,  est  maître  es  arts,  et  a  déjà  fait  imprimer  un 
«  Essay  »  sur  Sierra  Leone,  dans  lequel  il  demande  que  l'instruction 
publique  y  soit  perfectionnée  ;  l'autre  a  appris  en  Angleterre  l'imprime- 
rie et  la  photographie,  pour  exercer  ces  professions  à  Lagos.  L'évêque 
avait  encore  avec  lui  deux  jeunes  nègres  élevés  en  Angleterre,  l'un  lui 
aidera  pour  la  mission  du  Niger,  l'autre  sera  commerçant  à  Sierra 
Leone.  M.  Crowther  approuve  beaucoup  la  Société  des  missions  de  Bâle 
d'avoir  introduit  l'industrie  européenne  dans  ses  stations;  il  estime  que 
toutes  les  écoles  de  garçons,  en  Afrique,  devraient  avoir  en  même  temps 
des  classes  industrielles  et  agricoles.  Miss  Nassau,  attachée  depuis  long- 
temps à  la  station  missionnaii-e  américaine  du  Gabon,  et  qui  y  retournait 
par  le  même  navire,  a  également  approuvé  le  système  des  stations  bâloi- 
ses  qui,  par  leur  industrie,  ont  rendu  de  grands  seiTÎces  à  toutes  les 
missions  de  l'Afrique  occidentale.  Les  menuisiers  et  les  serruriers 
d'Accra,  a-t-elle  dit  à  M.  Prétorius,  sont  recherchés  partout.  M.  le 
D'  Mâhly  a  pu  obtenir  de  très  utiles  renseignements  de  M.  le  D'  Smith, 
établi  depuis  16  ans  à  Sierra  Leone,  et  qui  a  fait  le  voyage  avec  les  délé- 
gués bâlois.  L'évêque  Crowther  a  encore  émis,  sur  l'état  religieux  de  la 
Guinée  septentrionale,  un  jugement  qu'il  est  bon  de  noter.  «  Beaucoup 
de  voyageurs,  »  a-t-il  dit,  «  tiennent  tous  les  Africains  vêtus  de  la  lon- 
gue robe  musulmane  pour  des  adhérents  réels  du  mahométisme  ;  c'est 
une  erreur;  des  milliers  de  nègres  portant  ce  costume  adorent  encore 
les  fétiches.  En  outre,  les  Afiicains  qui  ont  passé  à  l'islamisme  ne  sont 
pas  aussi  inaccessibles  qu'on  le  croit  communément  à  la  vérité  chré- 
tienne. Beaucoup  de  ces  mahométans  fréquentent  notre  culte,  et  y  con- 
tribuent pour  des  constructions  ou  des  agrandissements  de  locaux; 
beaucoup  de  chefs,  et  même  des  prêtres  lisent  avec  intérêt  la  bible  en 
arabe.  »  Un  nègre,  M.  Johnson,  aide  de  l'évêque  Crowther,  a  été  étudier 
l'arabe  en  Palestine,  pour  travailler  parmi  les  mahométans  du  Niger. 

L'exploitation  des  mines  de  la  Côte  d'Or  prend  uu  développement 
de  plus  en  plus  considérable.  Après  avoir  çu  à  lutter  pendant  trois  ans 
contre  toutes  sortes  de  difficultés:  climat,  transport,  installation  de 
machines,  traitement  du  minerai,  etc.,  les  premières  compagnies  com- 
mencent à  envoyer  de  l'or  en  Europe;  elles  achètent  de  nouvelles 
concessions  pour  étendre  leurs  propriétés.  Axim  est  devenu  le  centre  de 
de  ce  vaste  champ  aurifère;  un  véritable  marché  d'or  s'y  est  établi.  Les 
dernières  nouvelles  fournies  par  le  Bulletin  des  Mines  y  signalent  une 
affluence  exceptionnelle  d'Européens  et  d'indigènes  :  les  Euro^péens  à  la 


—  16  — 

recherche  de  concessions,  les  rois  et  chefs  indigènes  dans  le  désir  de 
tirer  le  meilleur  parti  possible  de  la  valeur  qu'a  données  à  leurs 
richesses,  jusqu'alors  inexploitées,  l'initiative  de  la  Compagnie  minière 
de  la  Côte  d'or  d'Afrique.  Il  n'y  a  pas  moins  de  vingt  sociétés  à  l'œuvre 
aujourd'hui,  le  rendement  de  l'exploitation  des  premières  compagnies 
dépassant  toutes  les  prévisions. 

M.  Btltigkofer,  assistant  au  musée  de  Leyde,  a  fait  récemment, 
à  la  société  de  géographie  de  Berne,  un  rapport  détaillé  sur  l'état 
politique  et  social  de  la  Hépublique  de  Lilbéria,  oU  il  a  passé  plusieurs 
années.  D  en  ressort  que  les  engagements  financiers  contractés  par  le 
gouvernement  libérien  envers  l'Angleterre,  et  des  dédommagements 
réclamés  par  celle-ci  pour  des  trafiquants  anglais  qui  ont  perdu  des 
marchandises  dans  une  guerre  en  1871,  ont  mis  la  république  dans  une 
situation  précaire.  Au  printemps  de  1882,  l'Angleterre  chercha  à  obtenir 
ce  dédommagement  par  la  force,  en  menaçant  Monrovia  d'un  bombar- 
dement, et  réclama  comme  compensation  les  territoires  appartenant  à 
Libéria  dans  les  pays  de  Manna,  de  Galhna  et  de  Kassa.  Après  de 
longues  négociations,  elle  a  consenti  à  ajourner  jusqu'en  1886  le  moment 
où  elle  fera  usage  de  son  droit.  Au  point  de  vue  social,  l'état  de 
Libéria  laisse  aussi  beaucoup  à  désir.er,  malgré  les  progrès  déjà  réalisés 
et  les  efforts  faits  par  les  musulmans  et  surtout  par  les  missionnaires 
américains  pour  relever  les  indigènes.  Quoique  la  loi  interdise  l'escla- 
vage, beaucoup  de  Libériens  ont  des  domestiques  (boys)  dont  le  sort 
diffère  peu  de  celui  des  esclaves.  Le  système  de  crédit,  reposant  sur  la 
maxime  que  l'homme  le  plus  riche  est  celui  qui  a  le  plus  de  dettes,  est 
ruineux  au  fond.  En  outre,  la  contrebande  et  l'eau-de-vie  font  beaucoup 
de  mal  aux  producteurs  et  aux  fermiei-s.  Un  des  obstacles  au  progrès  de 
la  civilisation  à  Libéria  provient  de  l'impossibilité  pour  les  Européens 
d'y  acquérir  légalement  du  terrain  pour  des  plantations  de  café.  Le 
genre  de  vie,  l'habitation,  le  costume,  tout  est  très  simple;  le  vêtement 
des  femmes  toutefois  fait  exception  ;  elles  s'habillent  à  la  dernière  mode 
de  Paris.  Les  vêtements  confectionnés  sont  un  des  principaux  articles 
d'importation  ;  parmi  ces  derniers,  les  étoffes  dans  lesquelles  l'apprêt 
est  tout  sont  les  plus  recherchées  ;  le  nègre  ne  comprend  pas  la  diffé- 
rence qu'il  peut  y  avoir  dans  la  qualité  des  marchandises  ;  il  veut  tout 
avoir  pour  un  certain  prix,  et  donne  un  shelling  pour  un  mouchoir, 
un  chapeau,  un  mètre  d'étoffe,  ne  s'inquiétant  pas  si  celle-ci  est  bonne 
ou  mauvaise,  si  elle  dure  peu  ou  longtemps. 

Grâce  à  la  loi  française,  qui  assure  la  liberté  à  tout  esclave  touchant 


—  17  — 

le  sol  français,  il  s'est  produit  dans  la  banlieue  de  Saint-Liouis  une 
augmentation  considérable  du  nombre  des  esclaves  libérés  ;  mais  cette 
circonstance  ofire  de  sérieux  embarras  au  point  de  vue  de  l'hygiène  ;  en 
outre  il  est  difficile  de  fournir  de  Toccupation  à  ces  hommes,  que  leur 
position  antérieure  n'a  pas  préparé  au  travaU  libre.  Pour  y  remédier,  et 
en  l'absence  du  gouverneur,  M.  Servatius,  qui  vient  seulement  d'arriver 
à  Saint-Louis,  le  ministre  de  la  marine  et  des  colonies  a  prescrit  de 
rechercher  s'il  ne  serait  pas  possible  de  les  grouper  dans  les  territoires 
qui  avoisinent  le  littoral,  entre  Saint-Louis,  Rufisque  et  Dakar,  en  leur 
donnant,  sous  des  conditions  à  déterminer,  des  concessions  dans  la 
mesure  de  leur  activité.  En  créant  des  villages  indigènes,  et  en  habi- 
tuant ces  affranchis,  sous  une  direction  intelligente,  à  un  travail  régulier 
qui  leur  serait  profitable,  on  développerait  en  eux  le  sentiment  de  la 
solidarité,  et  ils  pourraient  devenir  capables  d'exercer  une  bonne 
influence  sur  les  autres  natifs. 


NOUVELLES  GOMPLËMENTAIRES 

Une  œuvre  de  mission  a  été  commencée  chez  les  Kabyles  de  l'Algérie,  mahomé- 
tans  moins  fanatiques  que  les  Arabes,  sédentaires,  industrieux  et  généralement 
pacifiques.  M.  Mayor,  aidé  d'un  missionnaire  anglais,  M.  Pearse,  a  été  appelé  dans 
trois  villages  kabyles,  où  on  lui  a  offert  de  prêcher  dans  la  mosquée. 

Le  général  de  division  Thomassin  doit  visiter  les  ksours  de  l'est  de  la  province 
d'Oran,  pour  voir  si  les  tribus  déportées  et  internées  dans  le  Tell,  pendant  la  der- 
nière insurrection,  ne  pourraient  point  être  replacées  sur  leurs  anciens  territoires, 
et  s'il  ne  serait  pas  possible  de  faire  de  nouveau  alliance  avec  les  chefs  du  sud, 
qui  occupent  la  ligne  conduisant  aux  oasis  du  centre  africain. 

M.  A.  D.  Langlois,  membre  de  la  Société  de  géographie  d'Oran,  a  commencé  la 
publication  d'une  carte  économique  et  administrative  de  l'Algérie,  au  Vsooooo,  pour 
laquelle  il  a  visité  chaque  localité,  afin  de  contrôler  sur  place  les  renseignements 
qu'il  possédait.  La  partie  consacrée  à  la  province  d'Oran  est  achevée;  celles  des 
provinces  d'Alger  et  de  Gonstantine  sont  en  préparation. 

M.  Tarry,  membre  de  la  Commission  du  chemin  de  fer  trans-saharien,  a  commu- 
niqué à  la  Société  de  géographie  de  Paris  une  carte  manuscrite,  au  Vtooooo^  de  la 
partie  du  Sahara  algérien  qui  comprend  le  cercle  de  Laghouat,  dont  relèvent  les 
oasis  de  Metlili  et  de  Goléah,  ainsi  que  celles  du  Mzab  et  de  la  vallée  de  Ouargla. 

M.  Manem,  ingénieur  hydrographe,  a  terminé  la  première  partie  de  la  mission 
dont  le  ministre  français  de  la  marine  l'avait  chargé  sur  les  côtes  de  la  Tunisie. 
Les  travaux,  interrompus  pendant  l'hiver,  seront  repris  au  mois  de  mai. 

Huit  brigades  topographiques  ont  été  organisées  à  Tunis  pour  faire,  dans  la 


—  18  — 

Régence,  les  levés  de  certaines  parties  non  parcourues  jusqu'ici.  Elles  ont  dû 
commencer  leurs  opérations  le  1^'  décembre. 

Le  gouvernement  prussien  a  chargé  M.  le  D'  J.  Schmitt,  disciple  de  Mommsen, 
d'une  mission  épigraphique  en  Tunisie,  où  il  doit  recueillir  les  inscriptions  qui 
n'ont  point  encore  été  relevées,  pour  en  enrichir  le  supplément  au  YIII"*  volume 
du  Corpus  inscriptionum  latinarum,  que  l'Académie  de  Berlin  publiera  bientôt. 

Un  câble  sous-marin  relie  maintenant  Zarzis  à  Sfax,  par  Djerba  et  Gabès.  Il  est 
probable  qu'il  sera  prolongé  jusqu'à  Tunis. 

Malgré  l'abandon  du  gouvernement,  M.  de  Lesseps  n'a  point  renoncé  à  l'idée  de 
créer  une  mer  intérieure  dans  les  chotts.  Il  a  remis  au  gouvernement  français  une 
note  de  M.  Roudaire,  demandant  qu'on  n'aliène  pas  les  terrains  qui  pourraient 
être  ultérieurement  nécessaires  à  la  mise  en  œuvre  de  son  projet,  s'il  parvient, 
comme  il  en  a  la  conviction,  à  en  démontrer  la  possibilité.  M.  Roudaire  va  repartir 
pour  la  Tunisie,  avec  un  groupe  d'ingénieurs  et  d'entrepreneurs. 

La  Compagnie  du  canal  de  Suez  a  décidé  de  créer  à  El-Kantara,  à  Timsah  et 
au  kilom.  133,  trois  grandes  stations,  pouvant  recevoir  à  la  fois  de  50  à  60 
navires.  D'autre  part,  une  société  anglaise  se  propose  d'en  ouvrir  un  autre 
commençant  entre  Alexandrie  et  Aboukir  et  se  dirigeant  vers  Suez,  par  Tantah  et 
le  Caire.  Mais  M.  de  Lesseps  af&rme  que  la  Compagnie  a  le  monopole  des  com- 
munications entre  les  deux  mers,  ce  qui  exclut  la  possibilité  d'une  concurrence. 

Une  réunion  organisée  par  la  Société  anglaise  pour  l'abolition  de  l'esclavage  a 
adopté  une  résolution,  invitant  le  gouvernement  à  exiger  l'exécution  des  décrets 
qui  abolissent  l'esclavage  et  interdisent  la  traite  dans  toute  l'étendue  de  l'Egypte. 
M.  Gladstone  a  répondu  qu'il  profitera  de  toutes  les  occasions  possibles  pour  en 
assurer  la  suppression. 

M.  d'Arnaud-Bey,  qui  a  exploré  la  région  du  Nil  Blanc  de  1840  à  1842,  a  dressé, 
d'après  ses  levés  et  ses  observations  astronomiques,  une  carte  de  ce  pays  jusqu'au 
4'',35'  lat.  nord.  Indépendamment  de  sa  valeur  géographique^  elle  pourra  servir  de 
base  à  une  étude  des  changements  qui  se  sont  opérés  dans  le  cours  du  Haut-Nil 
depuis  40  ans. 

n  s'est  constitué  récemment  une  Société  commerciale  colonisatrice  pour  Assab, 
avec  un  capital  de  5,000,000  de  fr.  pour  30  ans.  Le  gouvernement  italien  lui  a 
accordé  l'exemption  des  droits  de  douane  sur  le  territoire  d' Assab. 

M.  Severino  Fagioni,  négociant  de  Gênes,  a  soumis  au  gouvernement  italien  un 
projet  relatif  à  la  fondation  d'une  colonie  industrielle  à  Assab,  où  des  Génois  se 
rendront  probablement  au  commencement  de  l'année  1883. 

Le  D'  Fischer,  de  Zanzibar,  a  dû  quitter  en  novembre  la  côte  orientale,  pour  son 
expédition  au  Kilimandjaro  et  au  Eénia,  et  de  là  au  lac  Sambourou,  la  station 
extrême  des  trafiquants  arabes;  il  restera  là  le  temps  nécessaire  pour  faire  des 
collections  scientifiques  et  des  excursions  dans  les  territoires  environnants,  en  par- 
ticulier, si  possible,  dans  celui  des  Boranis  Gallas,  non  loin  du  fleuve  Djouba.  — 
J.  Thomson  est  parti  de  Londres  à  la  fin  de  novembre  pour  Zanzibar,  afin 


—  19  — 

d'y  organiser  la  caravane  avec  laquelle  il  se  rendra  en  mai  de  Pangani  aux  mon-» 
tagnes  neigeuses  de  l'Afrique  orientale  et  au  Victoria  Nyanza.  Comme  il  ne  pourra 
que  difficilement  se  procurer  des  provisions  en  route,  il  devra  porter  tous  ses  vivres 
avec  lui.  —  Outre  ces  deux  explorateurs,  la  région  du  Kiliman(^aro  et  du  Eénia  en 
verra  arriver  un  troisième,  M.  le  baron  von  Mûller  qui,  après  avoir  étudié  en  der- 
nier lieu  le  pays  de  Harar,  se  propose  de  se  rendre  aussi  aux  montagnes  neigeuses 
africaines.      ' 

Chouma,  l'ancien  serviteur  de  Livingstone,  eât  mort. 

Dans  notre  dernier  numéro,  nous  avons  raconté  la  marche  de  l'expédition  du 
D' Pogge  et  du  lieutenant  Wissmann  jusqu'à  Muquengué.  De  là  ils  ont  atteint 
Nyangoué  sur  le  Loualaba.  Poursuivant  sa  route  vers  la  côte  orientale,  M.  Wiss- 
mann est  arrivé  à  Zanzibar,  ayant  ainsi  traversé  toute  l'Afrique  de  l'ouest  à  l'est. 
Le  D'  Pogge  est  revenu  à  Muquengué,  pour  y  établir  une  station  scientifique  et 
hospitalière  au  nom  de  la  Société  africaine  allemande.  —  Le  gouvernement  de  l'em- 
pire allemand  a  porté  à  125,000  francs  la  subvention  en  faveur  des  (explorations 
entreprises  par  cette  société. 

M.  Giraud  a  quitté  Zanzibar,  pour  commencer  son  expédition  au  lac  Bangouéolo. 

M.  Storms,  envoyé  par  l'Association  internationale  africaine  pour  remplacer,  à 
Earéma,  M.  Ramœckers,  est  heureusement  arrivé  à  Tabora. 

Après  avoir  accompagné  jusqu'à  Makourou,  sur  la  route  de  Mpouapoua,  la 
caravane  des  missionnaires  pour  le  Victoria-Nyanza  et  le  Tanganyika,  M.  Hore  est 
revenu  à  Zanzibar,  pour  y  recevoir  le  bateau  en  acier  destiné  à  la  station  d'Oud- 
jidji.  Celui-ci  fut  démonté  pour  le  transport,  puis  M.  Hore  se  remit  en  marche  avec 
220  porteurs  pour  rejoindre  l'avant-garde  qui,  aux  dernières  nouvelles,  avait  déjà 
dépassé  Mpouapoua. 

M.  Hore  aura  le  commandement  de  la  flottille  missionnaire  d'Ou(^idji,  et  sera 
secondé  par  le  pilote  Swann.  MM.  Penry  et  Jones  se  rendront  au-delà  du  lac,  à 
Boutonga,  dans  l'Ougouha,  auprès  de  M.  Griffith,  demeuré  seul  depuis  le  départ 
de  M.  Hutley.  Deux  missionnaires  artisans,  MM.  Brooks  et  Dunn,  établissent  une 
station  industrielle  à  l'extrémité  sud  du  lac. 

Le  D'  James  Stewart  a  terminé  l'exploration  de  la  partie  nord-est  du  Nyassa, 
sans  réussir  à  y  trouver  un  port  Après  cela,  il  a  repris  les  travaux  de  la  route  de 
ce  lac  au  Tanganyika,  dont  il  a  déjà  construit  12  kilom.  à  partir  de  Karonga  ^ 

Le  niveau  du  Nyassa  a  remonté,  en  sorte  que  l'iZoZa,  cédé  à  l'Afrikan  Lakes 
Company,  a  pu,  sans  danger,  naviguer  sur  le  Chiré. 

Le  P.  Depelchin  a  fondé  à  Tati  une  école  que  fréquentent  assidûment  une  tren- 
taine d'élèves,  grands  et  petits.  La  station  de'Panda-Matenka  voit  arriver  tous 
les  huit  jours  des  noirs  des  rives  du  Zambèze,  qui  suivent  régulièrement  les 
instructions  des  missionnaires.  Lorsque  des  renforts  seront  arrivés,  le  P.  Depelchin 
ira  organiser  les  stations  au  delà  du  Zambèze. 

^  y.  la  carte,  II^"  année,  p.  148. 


—  20  — 

M.  Sforitz  Unger  négocie  à  Lisbonne  avec  le  gouvernement  portugais,  au  sujet 
de  la  section  du  chemin  de  fer  de  la  frontière  du  Transvaal  à  la  baie  de  Delagoa. 

L'exploitation  des  mines  de  Kimberley  souffre  beaucoup  de  l'augmentation  inces- 
sante du  prix  de  la  main-d'œuvre,  en  même  temps  que  de  la  baisse  du  diamant. 
Tandis  que  le  prix  moyen  du  diamant  a  baissé  de  76  fr.  à  40  fr.  le  karat,  le  prix 
de  la  main-d'œuvre  a  quadruplé  ;  les  hommes  que  l'on  payait  12  fr.  par  jour  en 
reçoivent  actuellement  60. 

Une  commission  spéciale  a  présenté  au  Volksraad  de  l'État  libre  un  mémoire, 
pour  recommander  la  construction  d'un  chemin  de  fer  de  Blœmfontein  à  Harri- 
smith,  reliant  ainsi  la  colonie  de  Natal  à  la  république  du  fleuve  Orange,  en  vue 
de  fournir  à  celle-ci  le  combustible  nécessaire  au  développement  de  l'exploitation 
minière  et  de  l'agriculture.  « 

Une  maladie  provenant  de  fatigue  vient  d'enlever  subitement  à  la  colonie  de 
Natal  M.  l'ingénieur  Molyneux,  qui  a  rendu  de  grands  services  par  l'exploration 
des  houillères  de  la  colonie  du  Gap,  de  l'État  libre,  du  Transvaal  et  surtout  de 
celles  du  voisinage  de  Dundee,  et  par  la  constitution  de  la  Compagnie  destinée  à 
exploiter  ces  dernières. 

Une  dépêche  de  Durban  annonce  que  Cettiwayo  a  signé  les  conditions  de  la 
restauration  de  son  gouvernement  dans  le  Zoulouland.  Il  est  actuellement  au  Cap 
et  compte  se  rendre  au  commencement  de  janvier  à  Port  Durnford,  où  il  sera 
transporté  par  une  canonnière  anglaise.  Le  résident  anglais  le  recevra  et  l'ac- 
compagnera jusqu'à  Ouloundi,  où  il  sera  réintégré  dans  la  dignité  royale,  et  repren- 
dra l'autorité  suprême  sur  la  partie  du  Zoulouland  qui  lui  est  rendue. 

La  plupart  des  villes  de  la  colonie  du  Cap  sont  désolées  par  une  épidémie  de 
petite  vérole,  qui  exerce  surtout  ses  ravages  parmi  les  indigènes. 

Quoique  Baïlounda  soit  sous  le  12^  au  sud  de  l'équateur,  son  altitude  lui  assure 
un  climat  salubre,  qui  permettra  aux  missionnaires  américains  de  se  dispenser 
d'établir  un  sanitarium.  Au  milieu  de  juillet,  ils  étaient  obligés  de  faire  du  feu 
tout  le  jour  pour  se  chauffer,  et  chaque  nuit  il  y  avait  une  forte  gelée. 

Il  s'est  fondé  à  Stettin  une  société  pour  la  colonisation;  elle  portera  d'abord 
son  attention  sur  la  côte  occidentale  d'Afrique,  entre  le  Cap  Lopez  et  Ambriz. 

M.  Thollon,  Eous-chef  de  l'École  de  botanique  au  Musée  d'histoire  naturelle  de 
Paris,  est  chargé  d'une  mission  au  Gabon,  où  il  devra  recueillir  des  collections 
représentant  le  cycle  complet  de  la  végétation  de  la  colonie. 

La  Compagnie  coloniale  de  l'Afrique  française,  qui  se  proposait  de  concourir  à 
l'exploration  et  à  la  colonisation  de  l'Afrique,  a  dû  renoncer  à  cette  œuvre;  néan- 
moins, elle  publiera,  en  23  feuilles,  une  carte  de  ce  continent,  où  seront  marquées 
les  grandes  explorations  faites  depuis  20  ans. 

Le  ministre  de  la  marine  française  a  prononcé  le  retrait  de  la  concession  des 
îles  Munda,  au  Gabon,  faite  précédemment  à  un  commerçant  du  Havre. 

Des  indigènes  du  Gabon  ont  empoisonné  plusieurs  commerçants  portugais. 
D'autres  ont  attaqué  des  factoreries  portugaises,  françaises,  anglaises  et  hollan- 


—  21  — 

daises  des  environs  de  Cabînda  et  de  Molemba  ;  une  corvette  portugaise  les  en  a 
châtiés. 

^Exploration  annonce  que  l'expédition  organisée  par  M.  Hogozinski  est  partie, 
le  13  décembre,  du  Havre  pour  l'Afrique.  Il  paraît  que  les  obstacles  qui,  d'après 
le  Nouveau  Temps  de  Saint-Pétersbourg,  avaient  engagé  à  y  renoncer,  ont  pu  être 
levés. 

Une  guerre  est  imminente  entre  les  habitants  du  Vieux  Calabar  et  ceux  d'Amon, 
le  marché  le  plus  avancé  dans  l'intérieur,  le  long  de  la  Cross  River.  La  cause  en 
est  une  offense  faite  par  ces  derniers  à  un  chef  puissant  du  Vieux  Calabar,  dont 
ils  ont  fait  sombrer  un  bateau  et  tué  les  sujets  qui  le  montaient. 

Le  consul  anglais  de  Bonny,  M.  Hewitt,  doit  se  rendre  à  l'intérieur  pour  punir 
des  natifs  qui  ont  attaqué  une  factorerie  anglaise,  l'ont  pillée  et  détruite,  et  ont 
tué  neuf  employés. 

M.  Quinemant,  membre  de  la  Société  de  géographie  commerciale  de  Paris,  a 
rejoint  le  capitaine  Mattei,  agent  consulaire  français  à  Brass,  qui  a  remonté  le 
Niger  jusqu'à  Lokodja,  puis  le  Bénoué  jusqu'à  Loko,  à  120  kilom.  du  confluent  du 
Niger;  il  compte  le  remonter  jusqu'à  Senga.  Il  a  à  son  service  un  natif  de  Lokodja, 
qui  a  accompagné  Barth  dans  ses  voyages  et  peut  lui  donner  d'utiles  renseigne- 
ments géographiques. 

Une  compagnie  a  été  créée,  à  Monrovia  pour  l'acquisition  d'un  steamer  perfec- 
tionné, qui  puisse  faire  le  service  du  transport  des  personnes  et  des  marchandises 
de  la  côte  aux  établissements  de  l'intérieur,  le  long  de  la  rivière  St-Paul  jusqu'au 
point  où  commencent  les  rapides. 

L' American  missionary  Society  a  donné  à  la  mission  de  Mendi,  entre  Libéria  et 
Sierra  Leone,  un  vapeur,  le  John  Brown,  qui  sera  d'une  grande  utilité  pour  les 
missionnaires,  routes  et  bêtes  de  somme  faisant  complètement  défaut  dans  cette 
partie  de  la  côte  de  Guinée.  Le  gouverneur  général  anglais  de  la  côte  occidentale 
a  convenu  avec  M.  St-John,  chargé  de  l'administration  de  ce  bateau,  de  lui  confier 
les  envois  du  gouvernement  entre  Freetown  et  Mendi,  qui  est  une  dépendance 
anglaise. 

Le  commerce  de  Sherbro  est  sérieusement  menacé  par  une  guerre  qui  sévit  dans 
le  Boom,  dont  la  ville  principale,  Ghab,  est  sur  le  point  d'être  attaquée  par  les 
Mendis. 

La  partie  du  Quiah  remise  par  l'Angleterre  aux  chefs  natifs,  en  1841,  est  un 
centre  de  traite;  c'est  aussi  la  route  principale  pour  le  transit  d'esclaves  de  Sher- 
bro et  de  Mendi  dans  le  Boullom.  Les  deux  chefs  de  ce  district,  Boccarie  Bom- 
bolie  et  Lamina  Vannokoh,  extorquent  de  l'argent  à  leurs  sujets  ou  saisissent 
les  femmes  et  les  enfants  pour  les  faire  vendre  sur  le  marché  d'esclaves.  Il  est 
regrettable  que  le  gouvernement  britannique  ait  renoncé  à  son  protectorat  sur  ce 
territoire. 

MM.  Zweifel  et  Moustier  se  sont  remis  en  route  pour  les  sources  du  Niger,  avec 
l'intention  de  descendre  ensuite  le  fleuve  jusqu'à  son  embouchure. 


—  22  - 
M.  Corre,  médecin  à  Boké,  a  envoyé  à  la  Société  de  géographie  de  Paris  d'im- 

* 

portants  documents  sur  la  topographie,  la  géologie,  l'histoire  naturelle  et  l'ethno- 
graphie de  la  région  du  Rio  Nunez. 

M.  J.-B.-A.  Horton,  directeur  de  la  Compagnie  du  chemin  de  fer  de  Wassaw  et 
d'une  des  compagnies  minières  de  la  Côte  d'Or,  a  fondé  à  Sierra  Leone  la  <  Bank 
commercial  of  West  Africa,  >  avec  succursales  à  Cape  Coast  Castle,  Lagos  et 
Bathurst. 

Le  D'  Bayol,  arrivé  à  St-Louis  le  31  octohre,  y  a  immédiatement  organisé  sa 
caravane  et  a  dû  en  partir  le  15  novembre  pour  l'intérieur.  —  Le  colonel  Borguis- 
Desbordes  est  en  route  pour  Cayes,  où  il  va  organiser  la  colonne  expéditionnaire 
chargée  de  construire  un  poste  à  Bamakou,  près  du  Niger.  —  M.  le  capitaine  Val- 
lière  est  reparti  pour  se  joindre  à  l'expédition  du  haut  fleuve. 

M.  Cattus,  pharmacien  à  Paris,  est  parti  pour  remonter  le  Sénégal,  et  gagner  le 
Niger  qu'il  tâchera  de  descendre  jusqu'à  l'océan. 

Le  sultan  du  Maroc  a  consenti  à  laisser  l'Espagne  occuper  l'île  de  Santa-Cruz 
de  Mar  Pequena,  au  sud  de  Mogador,  qu'elle  lui  avait  cédée  en  1860,  après  la 
guerre  hispano-marocaine.  Cette  île  a  pour  l'Espagne  une  grande  importance^ 
pour  les  pêcheries  et  le  commerce  avec  l'archipel  des  Canaries. 


L'ŒUVRE  DE  STANLEY  AU  CONGO 
ET  L'ASSOCIATION  INTERNATIONALE  AFRICAINE 

Nous  avons  cru  devoir,  dans  notre  dernier  numéro,  distinguer  l'œuvre 
entreprise  par  Stanley,  pour  le  compte  du  a  Comité  d'études  du  Haut- 
Congo,  »  de  celle  que  poursuit,  dans  l'Afrique  orientale,  «  l'Association 
internationale,  »  sur  la  base  exclusivement  scientifique  et  humanitaire 
posée  dans  la  conférence  de  Bruxelles,  en  1877.  La  confusion  que  font 
les  meilleurs  esprits,  qui  continuent  à  les  attribuer  toutes  deux  à  l'Asso- 
ciation, nous  conduit  à  y  revenir  aujourd'hui,  car  l'agitation  créée 
autour  de  l'entreprise  du  Congo  risque  de  compromettre  l'oBUvre  de 
l'Afrique  orientale.  Celle-ci,  malgré  les  deuils,  les  difficultés  de  toutes 
sortes,  et  la  présence  d'explorateurs  relevant  de  trois  sociétés  différentes 
(l'Association  internationale  et  les  Comités  nationaux  français  et  alle- 
mand), s'accomplit  dans  une  paix  qui  ne  ressemble  en  rien  à  la  rivalité 
créée  à  l'occident  par  la  concuiTence  des  intérêts. 

Née  à  la  faveur  du  mystère  dont  a  été  entourée  dès  son  début  l'entre- 
prise du  Congo,  —  mystère  réclamé,  au  dire  de  Stanley,  par  S.  M.  le  roi 
des  Belges,  ou,  d'après  le  témoignage  d'une  personne  que  nous  avons 
lieu  de  croire  bien  infoimée,  par  Stanley  lui-même,  —  cette  confusion  a 


—  23  — 

été  entretenue  par  les  principaux  organes  de  la  presse  belge,  au  lan- 
gage desquels  nous  avions  cru  pouvoir  nous  fier,  vu  qu'il  n'a  jamais  été 
contredit  pai*  les  intéressés.  D  y  a  peu  de  jours  encore,  nous  recevions 
de  Bruxelles  deux  brochures,  l'une  {Le  secret  de  V Association  interna- 
tionale africaine^  par  le  major  X),  qui  confond  d'une  manière  absolue 
les  deux  œuvres,  et  rend  l'Association  internationale  responsable  des 
torts  qu'elle  attribue  à  l'entreprise  de  Stanley,  l'autre  {L'Association 
internatuynale  africaine  et  le  Comité  d'études  du  Haut-Congo^  par  un 
de  leurs  coopérateurs),  qui  ne  nous  paraît  pas  non  plus  de  nature  à  faire 
cesser  l'ambiguïté.  L'auteur  de  cette  dernière  publication  estime  que  le 
comité  exécutif  de  l'Association  internationale  a  été  autorisé  à  élaborer 
le  plan  d'une  expédition  qui,  partant  de  la  côte  occidentale  irait  au 
devant  de  celle  venant  de  Zanzibar,  mais  il  ne  justifie  pas  cette  assertion 
que  nous  croyons  erronée.  H  nous  apprend,  en  outre,  que  le  Comité 
d'études  a  adopté  de  son  propre  chef  le  drapeau  de  l'Association  inter- 
nationale, estimant  que  l'analogie  des  deux  institutions  l'y  autorisait. 

Le  malentendu  n'est  pas  facile  à  dissiper;  sans  doute,  le  Comité 
d'études  publiera  un  rapport  sur  ce  qu'ont  fait  ses  agents  au  point  de 
vue  scientifique;  mais  pour  le  moment,  Stanley,  représentant  d'une 
société  fondée  et  soutenue  par  S.  M.  le  roi  des  Belges,  se  croit  encore 
obligé  de  garder  le  silence.  Nous  tâcherons  néanmoins  de  dégager  des 
renseignements  fournis  par  les  documents  dont  nous  disposons,  la  vraie 
physionomie  de  son  œuvre.  Nous  pourrons  nous  tromper,  mais  nous 
aurons  pour  excuse  l'extrême  rareté  des  sources  officielles,  et,  si  des  per- 
sonnes mieux  informées  consentent  à  redresser  nos  erreurs  involontaii'es, 
nous  leui'  en  serons  reconnaissants. 

Nous  nous  garderions  bien  de  mettre  en  doute  les  intentions  scientifi- 
ques et  humanitaires  des  membres  du  Comité  d'études  du  Haut-Congo, 
et  de  leurs  agents,  non  plus  que  la  réalité  des  services  que  pourra  rendre 
l'œuvre  technique  par  laquelle  ils  ont  commencé;  mais  ces  intentions  et 
ces  services  n'empêcheront  pas  que  l'entreprise  n'ait  un  caractère  spé- 
cial, qui  la  diiférencie  foncièrement  de  celle  de  l'Afrique  orientale,  e.t  ne 
permet  pas,  selon  nous,  de  l'abriter  sous  le  même  drapeau. 

«  La  pensée  en  fut  suggérée  en  1878,  »  dit  le  coopérateur  des  deux 
œuvres,  «  par  la  mémorable  expédition  de  Stanley,  lequel,  revenu  depuis 
quelques  mois  en  Europe,  ne  fut  pas  étranger  à  la  constitution  de  la 
société  qui  allait  en  poui'suivre  la  réalisation.  » 

L'idée  ne  pouvait  en  être  venue  lore  de  la  conférence  de  Bruxelles,  en 
1877,  les  découvertes  de  Stanley  étant  encore  ignorées.  Dans  la  séance 


—  24  — 

du  20  juin,  M.  Versteeg,  délégué  hollandais,  avait  oflfert  gracieusement 
de  la  part  des  directeurs  de  V Afrikaansche  Handelsvereeniging  de  Rot- 
terdam, pour  les  expéditions,  le  transport  gratuit  de  leurs  bagages  et  de 
leurs  fonds,  l'hospitalité  dans  les  factoreries  du  Congo,  et  le  libre  usage 
de  leurs  magasins.  Le  lendemain,  M.  Yeth,  second  délégué  néerlan- 
dais, avait  attiré  spécialement  l'attention  de  la  conférence  sur  l'intérêt 
que  présentaient  les  explorations  au  Congo,  les  rapports  probables  de  ce 
fleuve  avec  le  Loualaba,  et  les  avantages  olferts  parles  cours  d'eau  pour 
les  voyages  en  Afrique.  Mais  l'Association  s'était  ralliée  de  préférence  au 
projet  du  comité  exécutif,  de  diriger  une  expédition  par  la  voie  de  Zanzi- 
bar, avec  mission  d'établir  des  stations  au  Tanganyika  ou  à  quelque  point 
au  delà.  Elle  avait  statué  aussi  que,  dans  l'intervaUe  des  sessions  de  la 
Commission  internationale,  le  comité  était  autorisé  à  en  établir  de  nou- 
velles, mais  évidemment  sur  le  même  parcours. 

D'après  le  rapport  présenté  au  Comité  national  suisse  par  son  délé- 
gué, la  première  expédition  arrivée  au  Tanganyika  devait  s'enquérir  de 
ce  qu'avait  fait  Stanley,  et,  suivant  les  progrès  réalisés  par  lui  et  l'état 
politique  du  pays,  décider  s'il  fallait  établir  la  station  principale  aux 
bords  du  Tanganyika  ou  y  faire  un  simple  dépôt,  et  fixer  la  base  des 
opérations  futures  h  Nyangoué,  ou  à  tout  autre  endroit  à  désigner  dans 
le  Manyéma. 

Le  compte  rendu  de  la  conférence,  publié  dans  la  Beviie  scientifique 
de  Paris,  nous  apprend  encore  que  la  Commission  internationale  défen- 
dit même  aux  explorateurs  de  se  porter  au  sud  et  au  sud-ouest,  où  ils 
auraient  rencontré  bien  vite  les  traces  de  Cameron,  ou  à  l'ouest,  où  l'on 
supposait  Stanley  occupé  à  résoudre  le  problème  du  Loualaba.  Au  nord- 
ouest  s'ouvrait  un  angle  à  peu  près  droit,  qui  embrasse  un  espace 
immense,  encore  blanc  sur  nos  cartes,  de  15"*  en  longitude  et  de  12"*  en 
latitude  ;  c'était  vers  cet  inconnu  que  devaient  s'avancer  les  voyageurs  de 
l'Association. 

Telles  étaient  les  directions  données  au  Comité  exécutif,  qui  les  suivit 
consciencieusement  pour  l'organisation  des  premières  expéditions,  ainsi 
que  le  témoignent  les  communications  faites  en  son  nom  aux  Comités 
nationaux  par  le  secrétaire  général. . 

Pendant  ce  temps,  Stanley  était  revenu  en  Europe  au  commencement 
de  1878,  et,  tout  en  préparant  la  publication  de  ses  découvertes  à  travers 
le  continent  mystérieux,  il  avait  suggéré  l'idée  de  constituer  une  société 
commerciale  pour  exploiter  les  régions  qu'il  venait  de  parcourir.  Mais, 
comme  il  l'a  rappelé  récemment  devant  les  Chambres  du  Conmierce  et 


—  25  — 

de  rindustrie  de  Londres,  les  sommes  nécessaires  pour  une  telle  entre- 
prise, selon  l'avis  de  M.  Bradshaw  de  Manchester,  effrayèrent  les  capi- 
talistes anglais,  et  empêchèrent  la  constitution  de  cette  société  en 
Angleterre.  Alors  il  s'adressa  à  l'Association  internationale  africaine,  à 
laquelle  fut  présenté  un  mémoire  proposant  la  création  d'une  société  au 
capital  de  trente  millions  de  francs,  pour  établir  des  comptoirs  commer- 
ciaux sur  le  haut  fleuve,  et,  à  cet  effet,  relier  par  chemin  de  fer  les  deux 
parties  navigables  du  Congo,  établir  la  navigation  à  vapeur,  et  placer 
des  stations  dans  les  îles  de  la  rivière  supérieure,  pour  servir  de  centres 
et  de  dépôts  commerciaux.  Stanley  espérait  obtenir  les  concessions, 
nécessaires,  le  concours  des  chefs  du  pays,  et  des  conventions  qui  lui 
garantiraient  la  propriété  du  territoire  parcouru  par  le  chemin  de  fer, 
écartant  ainsi  l'éventualité  de  la  prise  de  possession*  du  pays  par  des 
concurrents  qui,  au  moyen  de  mesures  douanières  ou  autres,  auraient 
pu  mettre  la  société  sur  un  pied  d'infériorité.  Les  bénéfices  nets  étaient 
évalués  à  cinq  millions  de  francs  par  an. 

La  société  fut  à  la  veille  d'être  constituée,  mais,  au  dernier  moment, 
deux  des  grands  industriels  qui  devaient  y  entrer  se  retirèrent.  On  n'en 
parvint  pas  moins  à  former  le  Comité  d'études  du  Haut-Congo,  au  nom 
duquel  Stanley  se  chargea  d'ouvrir  une  route  le  long  des  cataractes. 

Quoiqu'il  se  fdt  adressé  à  l'Association  internationale,  et  qu'il  ait  dit 
dernièrement  au  banquet  du  Stanley  Club  à  Paris,  qu'il  a  été  temporai- 
rement au  service  de  cette  association,  on  ignore  les  rapports  qui  ont 
pu  exister  entre  lui  et  le  Comité  exécutif,  les  avis  ofl&ciels  de  celui-ci 
n'en  ayant  jamais  fait  mention.  La  création  du  Comité  d'études,  au 
capital  de  un  million  de  francs,  constitué  le  25  novembre  1878  à  Bruxel- 
les, par  un  acte  authentique  dans  lequel  sont  intervenus  des  souscrip- 
teurs belges  et  étrangers,  ne  ressemble  en  aucune  manière  à  la  fondation 
de  l'Association  internationale,  après  les  deux  conférences  de  1876  et  1877, 
auxquelles  avaient  été  appelés  les  principaux  explorateurs,  les  prési- 
dents des  Sociétés  de  géographie,  et  des  délégués  de  tous  les  Comités 
nationaux  d'Europe  et  d'Amérique.  Le  but  des  deux  Sociétés  ne  diffère 
pas  moins.  Tandis  que  l'Association  se  propose  uniquement  la  création 
de  stations  scientifiques  et  hospitalières,  le  Comité  d'études,  a  voulu, 
avant  tout,  chercher  s'il  existait  un  moyen  pratique  d'établir  une  com- 
munication régulière  entre  le  Bas  Congo  et  le  cours  supérieur  du  fleuve  ; 
puis  s'enquérir  s'il  serait  possible  de  nouer  des  relations  commerciales^ 
avec  les  peuples  qui  habitent  le  bassin  du  Haut-Congo,  et  d'y  intro- 
duire, en  échange  des  produits  du  sol  africain,  les  objets  manufacturés. 


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de  l'Europe.  Il  pouvait  bien  s'inspirer  de  vues  philanthropiques  et  scien- 
tifiques, se  charger  de  faire  des  expériences,  des  tentatives  d'explora- 
tion, renoncer  à  se  livrer  lui-même  à  des  opérations  commerciales,  mais 
le  but  qu'il  se  proposait  devait  déterminer  le  caractère  des  études  dont 
il  chargeait  le  directeur  de  l'entreprise. 

Stanley  le  sentait  bien,  lorsqu'il  écrivait  au  Daily  Telegraph  :  a  Je 
commence  une  autre  mission  qui  a  un  grand  objet  pour  but.  Je  suis 
chargé  d'ouvrir  et  de  tenir  ouverts,  si  c'est  possible,  tous  les  districts  et 
les  contrées  que  je  pourrai  explorer,  pour  le  profit  du  monde  commer- 
cial. »  Et,  après  trois  anâ  de  travaux,  voici,  d'après  VŒsterreichische 
Monatsschrift  filr  den  Orient,  comment  il  a  caractérisé  son  œuvre  au 
Congo  :  ((  Les  cinq  stations  fondées  et  les  routes  qui  les  relient,  ont  été 
établies  pour  frayer  la  voie  à  une  transformation  civilisatrice,  au  moyen 
des  relations  conmierciales  ;  le  monde  du  négoce  trouvera  dans  le  roi 
des  Belges,  protecteur  et  créateur  de  cette  grande  oeuvre,  un  ami  fidèle 
et  bienveillant.  Un  des  principaux  mandats  conférés  par  le  Comité 
était  de  bien  faire  comprendre  aux  indigènes  la  signification  vraie  du 
mot  «  commerce,  »  dans  le  sens  d'échange  moral,  légitime,  de  marchan- 
dises, et  de  répandre  des  idées  justes  à  cet  égard.  On  commence  déjà  à 
le  comprendre  jusques  assez  avant  dans  l'intérieur.  Les  capitalistes  qui 
songent  à  faire  des  aifaires  avec  le  grand  continent  noir  devront  se  ser- 
vir de  ces  stations  et  de  ces  routes  ;  c'est  par  cette  voie  qu'ils  devront 
faire  leurs  expéditions,  et  par  cette  voie  que  devront  descendre  à  la  côte 
les  produits  bruts  que  fournit  le  pays.  Ceux  qui  s'aventureraient  à  l'in- 
térieur sans  se  servir  de  cette  voie  dépenseraient  beaucoup  plus,  et  ris- 
queraient de  créer  des  complications  avec  les  tribus  hostiles.  » 

Grâce  à  la  libéralité  des  membres  du  Comité  d'études  et  de  son 
auguste  protecteur,  ainsi  qu'à  l'énergie  et  à  l'indomptable  persévérance 
de  Stanley,  la  route  est  ouverte.  Au  commerce  européen  de  profiter  de 
ce  moyen  d'atteindre  le  cours  moyen  du  Congo,  navigable  sur  une  lon- 
gueur de  plus  de  800  kilomètres.  Stanley  estime  que  les  appréciations 
de  M.  Bradshaw,  relativement  au  trafic  à  espérer,  sont  de  beaucoup 
inférieures  aux  chances  réelles. 

Au  reste,  avant  même  l'ouverture  de  la  route  le  commerce  a  songé  à 
se  servir  de  cette  voie.  Quoique  le  rapport  présenté  au  Comité  national 
belge  dans  sa  séance  de  1880,  par  M.  le  colonel  Strauch,  secrétaire 
général  de  l'Association  internationale,  ne  mentionnât  que  les  explora- 
teurs envoyés  au  Tanganyika,  une  expédition  due,  suivant  les  journaux 
belges,  à  l'initiative  du  Comité  de  l'Association,  et  de  laquelle  l'industrie 


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belge  attendait  de  grands  résultats,  était  organisée,  déjà  à  cette 
époque,  sous 'la  direction  de  MM,  Gillis,  industriel,  et  Geoffroy,  ingé- 
nieur, chargés  de  suivre  Stanley  sur  les  bords  du  grand  fleuve,  pour  y 
établir  les  premiers  comptoirs  d'échange.  M.  Gillis  semblait  spéciale- 
ment qualifié  pour  cette  mission  ;  il  avait  déjà  vécu  six  ans  dans  la 
Guinée  septentrionale,  comme  gérant  d'une  factorerie  hollandaise, 
avait  fait  le  commerce  avec  les  indigènes,  connaissait  les  besoins  des 
populations,  les  articles  d'importation  et  d'exportation,  et  la  manière 
dont  se  traitent  les  affaires.  A  son  retour,  un  an  plus  tard,  il  exposa 
devant  le  Comité  central  de  l'Union  syndicale  de  Bruxelles  le  résultat 
de  son  expédition  au  point  de  vue  commercial,  développa  en  même 
temps  les  bases  d'une  société  à  constituer  pour  l'exportation  des  pro- 
duits des  fabriques  belges,  et  remit  aux  membres  de  l'Union  des  échan- 
tillons des  marchandises  qui  se  vendent  sur  les  bords  du  Congo,  en 
offrant  de  donner  tous  les  renseignements  concernant  la  fabrication  et 
les  conditions  d'exportation  de  ces  produits.  Au  commencement  de  cette 
année-ci,  M.  Gillis  est  retourné  au  Congo  avec  une  expédition  belge, 
sur  un  petit  steamer,  le  Héron,  destiné  au  service  exclusif  du  Comité 
d'études,  et  emportant  un  chargement  d'articles  d'échange.  Aujour- 
d'hui M.  Gillis,  d'après  l'auteur  de  la  brochure  :  L'Association  interna- 
tionale et  le  Comité  d'études  du  Haut  Congo,  est  le  représentant  d'une 
maison  belge  et  dirige  deux  factoreries,  l'une  à  Mboma,  l'autre  à  Noki. 
Quoique  les  transactions  commerciales  auxquelles  il  se  livre  le  concer- 
nent personnellement,  il  existe  entre  lui  et  l'entreprise  dirigée  par  Stan- 
ley un  échange  de  services  réciproques  ;  ainsi,  M.  Gillis  s'est  chargé  de 
faire  gratuitement  les  transports  des  expéditions  au  Congo,  comme  le 
faisait  avant  lui  une  compagnie  étrangère  {V Afrikaaïische  Handelsvear- 
eenigingf)^  et  le  Comité  d'études  lui  procure  en  retour  des  facilités 
équivalentes  en  Europe. 

Le  coiu-ant  commercial  entre  la  Belgique  et  le  Congo  s'étend.  Une 
compagnie  belge  de  commerce  africain,  exceptionnellement  favorisée 
par  la  présence  à  sa  tête  de  voyageurs  qui  ont  rapporté  d'utiles  rensei- 
gnements, a  fait  récemment  partir  VAkassa,  avec  un  plein  chargement 
et  la  mission  d'établir  des  comptoirs  sur  la  côte,  ainsi  qu'une  factorerie 
centrale  au  Congo.  La  compagnie  a  à  son  service  deux  sous-gérants 
indigènes,  et  douze  Kroumens,  employés  noirs,  qui  courent  dans  l'inté- 
rieur pour  acheter  l'huile  de  palme  et  l'ivoire  et  apprendre  aux  cara- 
vanes le  chemin  de  la  factorerie.  D'autre  part,  au  commencement  de 
novembre,  une  nouvelle  expédition,  organisée  par  le  Comité  du  Haut 


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Congo  et  composée  de  MM.  Van  den  Heuvel,  Schaumann,  et  du  nègre 
Daoula,  compagnon  de  Stanley,  a  quitté  le  port  d^Anvers  par  le  Hark- 
away,  steamer  de  600  tonneaux.  Ce  navire  emportait  une  cargaison  de 
tissus  de  coton,  144,000  petits  miroirs,  une  énorme  quantité  de  perles 
de  verre,  500  vêtements  brodés  d'or,  de  longues  robes  de  chambre  en 
étofife  rouge,  très  appréciées  par  les  naturels  du  Congo,  des  semences 
de  tous  les  légumes  cultivés  en  Belgique,  des  armes  et  quelques  centai- 
nes de  kilos  de  poudre.  L'expédition  se  rendra  à  la  cinquième  sta- 
tion, Ibaka,  créée  par  Stanley  à  l'embouchure  du  Quango,  et  pous- 
sera, à  un  moment  donné,  plus  avant  pour  y  fonder  de  nouvelles 
stations.  Arrivé  au  Congo  le  Harkaway  a  dû  échanger  sa  cargaison 
contre  une  autre  déjà  toute  préparée,  produit  d'échanges  antérieurs, 
composée  d'ivoire,  d'huile  de  palme,  de  gomme  copal  et  d'arachides, 
dont  le  navire  le  OénércU  Brialmont  devait  auparavant  ramener  une 
partie  en  Belgique.  Stanley,  indisposé  en  ce  moment,  n'a  pu  accompa- 
gner l'expédition  ;  il  a  dû  aller  passer  quelques  semaines  à  Nice  pour  se 
reposer,  avant  de  reprendre  la  route  du  Congo  '. 

Loin  de  nous  la  pensée  de  blâmer  les  organisateurs  de  l'entreprise  du 
Congo,  d'avoir  fait  prédominer  le  but  commercial  sur  le  but  scientifique 
et  humanitaire,  poursuivi  à  la  côte  orientale  par  l'Association  interna- 
tionale. Nous  comprendrions  même  que  le  Comité  d'études  s'adonnftt 
à  des  opérations  commerciales,  pour  diminuer  les  frais  que  nécessitent 
le  transport,  tant  des  expéditions  multiples  qu'il  a  envoyées  directe- 
ment  au  Congo,  que  des  convois  de  nègres  (400)  amenés  de  Zanzibar  k 
Stanley,  la  paie  et  l'entretien  de  ce  nombreux  personnel,  les  concessions 
de  terrain,  le  matériel  des  stations,  les  navires  destinés  aux  communica- 
tions sur  les  parties  navigables  du  fleuve,  etc.  Mais,  puisqu'il  s'agit  de 
deux  sociétés  bien  distinctes,  il  importe  que  l'on  sache  nettement  ce  qui 
doit  être  attribué  à  chacune  d'elles.  Elles  ont  toutes  deux  leur  place 
marquée  dans  l'œuvre  africaine.  Il  peut  y  avoir  union  de  l'œuvre 
scientifique  et  humanitaire  de  l'Association  internationale  et  de  l'œuvre 
pratique,  commerciale  et  industrielle  du  Comité  d'études,  mais  il  ne 
faut  pas  que  l'on  puisse  confondre  les  deux  entreprises  ;  chacune  d'elles 
doit  suivre  sa  voie  spéciale,  faire  ses  expériences,  concourir  par  les 

^  Nous  ne  nous  expliquons  pas  le  sens  d'une  annonce  de  VArmy  and  Navyy 
journal  officiel  de  l'armée  et  de  la  marine  anglaises,  d'après  laquelle  trois  jeunes 
officiers  capables,  énergiques,  de  la  marine  américaine^  sont  demandés  pour  com- 
mander les  stations  que  Stanley  a  fondées  au  Congo. 


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procédés  qui  lui  sont  propres  au  but  commun,  pour  que  Ton  puisse 
juger  de  l'efficacité  des  moyens  employés  et  rendi*e  à  chacune  ce  qui  lui 
est  dû.  Nous  serons  des  premiers  à  nous  réjouir  des  grands  services  que 
les  directeurs^  de  l'œuvre  du  Congo  aui'ont  rendus  au  commerce  des 
deux  mondes,  et  de  tous  les  progrès  que,  par  là,  ils  feront  faire  aux  noirs 
dans  la  voie  de  la  civilisation  ;  mais  nous  craindrions  que  la  prolongation 
de  Pimbroglio  qui  subsiste  depuis  trois  ans  ne  causât  un  préjudice  très 
grave  à  l'Association  internationale,  à  laquelle  l'obscurité  qui  plane  sur 
l'œuvre  de  Stanley  a  déjà  nui  plus  qu'on  ne  le  croit  généralement. 

En  effet,  jusqu'en  1880,  les  communications  du  Comité  exécutif  aux 
Comités  nationaux  de  la  plupart  des  États  de  l'Europe  et  de  l'Amérique, 
ont  entretenu  la  sympathie  universelle  pour  la  noble  cause  patronnée 
par  S.  M.  le  roi  des  Belges;  les  rapports  sur  les  marches  des  premières 
expéditions  étaient  lus  avec  intérêt,  les  adhésions  se  multipliaient,  les 
contributions  étaient  versées  avec  empressement,  l'Association  interna- 
tionale pouvait  donner  40,000  fr.  à  chacun  des  Comités  nationaux 
allemand  et  français.  Mais,  lorsque  les  travaux  du  Congo  eurent 
commencé,  et  que  le  secret  dont  on  les  entoura  se  fut  étendu' peu  à  peu 
aux  explorations  de  l'Association  à  la  côte  orientale,  le  zèle  se  refroi- 
dit. Quoique  les  Comités  français  et  allemand  aient  continué  à  donner, 
dans  leurs  publications  particulières,  des  rapports  sur  les  travaux 
de  leurs  propres  explorateurs  à  Condoa  et  à  Kakoma  (aujourd'hui  à 
Oounda)  ;  quoique  le  chef  du  cabinet  de  S.  M.  le  roi  des  Belges  ait 
communiqué  au  Daily  Teleg7'aph  un  rapport  sur  les  progrès  de  Stanley 
au  Congo,  le  Comité  exécutif  de  l'œuvre  internationale  a  persisté  à  se 
taire  sur  le  compte  de  ses  voyageurs  ;  tout  au  plus  a-t-il  permis  à  la 
presse  belge  d'enregistrer  les  noms  de  ceux  qu'il  envoyait,  le  décès  de 
plusieurs  ou  le  retour  de  quelqu'un  d'entre  eux. 

Lors  de  la  conférence  de  Bruxelles,  en  1877,  on  avait  prévu  des 
sessions  périodiques  de  la  Commission  internationale,  composée  des 
présidents  des  principales  sociétés  de  géographie  et  des  délégués  des 
Comités  nationaux.  Cette  commission  n'a  plus  été  convoquée.  La 
plupart  des  Comités  nationaux  n'ayant  plus  rien  à  communiquer  à 
leurs  adhérents  ne  les  ont  plus  réunis,  et  ne  leur  demandent  plus  de 
-contributions.  Le  Comité  exécutif  lui-même,  privé  des  lumières  et  de 
l'expérience  du  D'  Nachtigal,  devenu  consul  général  de  l'empire 
allemand  à  Tunis,  continue-t-il  à  se  réunir?  S'est-il  complété,  et  par 
qui  a-t-il  remplacé  le  savant  explorateur  allemand  ?  Nous  l'ignorons,  et 
cependant  c'est  lui  que  la  Commission  internationale  a  chargé  de  diriger 


—  so- 
les entreprises  et  las  travaux  propres  à  atteindre  le  but  de  l'Association, 
et  de  gérer  les  fonds  fournis  par  les  gouvernements,  les  Comités  natio- 
naux et  les  particuliers.  Elle  lui  a  donné  pour  cela  des  pouvoirs  très 
étendus  mais  non  illimités.  C'est  donc  à  lui  qu'il  appartient  de  ramener, 
à  l'œuvre  excellente  dont  S.  M.  le  roi  des  Belges  s'est  fait  le  généreux 
promoteur,  la  sympathie  générale  avec  laquelle  elle  a  été  accueillie  à  son 
début,  en  renouant  avec  les  Comités  nationaux  les  rapports  suivis  des 
premières  années,  pour  que  ceux-ci  à  leur  tour  puissent  ranimer 
l'intérêt  languissant  de  leurs  membres,  stimuler  leur  dévouement  et 
leur  demander  de  nouveaux  sacrifices.  Alors  le  Comité  exécutif  ne  sera 
plus  arrêté  par  l'insuflSsance  de  ses  ressources,  ses  explorateurs  pourront 
franchir  le  Tanganyika,  planter  le  drapeau  de  T Association  sur  le 
liOualaba  et  marcher  à  la  rencontre  des  expéditions  de  Stanley  qui, 
sous  un  drapeau  différent,  se  seront  sans  doute  avancées  jusqu'au  pied 
des  cataractes  du  Congo  supérieur,  en  aval  de  Nyangoué. 

Que  le  Comité  d'études,  de  son  côté  lance  ses  vaiDants  pionniers 
toujours  plus  avant  dans  l'intérieur,  pour  continuer  à  ouvrir  plus  com- 
plètement au  commerce  l'immense  bassin  du  Congo  et  de  ses  affluents. 
Que  les  négociants  de  toute  nationalité  portent  aux  indigènes  les 
produits  les  meilleurs  de  notre  civilisation,  sans  oublier  qu'un  des 
caractères  du  conmierçant  civilisé  est  de  ne  pas  songer  seulement  à  son 
intérêt  particulier,  mais  d'avoir  égard  aussi  à  celui  des  autres.  Que  les 
exploratem^,  les  philanthropes  et  les  missionnaires  —  qui,  ne  l'oublions 
pas,  ont  eu  leur  station  à  Manyanga  et  ont  atteint  Stanley  Pool 
avant  la  fondation  de  Léopoldville,  —  unissent  leurs  efforts  à  ceux  des 
commerçants,  pour  dissiper  les  préventions  inspirées  aux  noirs  par 
les  mauvais  traitements  dont  ils  ont  été  si  longtemps  les  victimes  de  la 
part  des  blancs.  Qu'ils  leur  aident  à  secouer  le  joug  de  l'ignorance,  de 
la  superstition  et  des  mauvaises  habitudes,  pour  adopter  les  idées,  les 
mœurs  et  les  bienfaits  de  la  civilisation  chrétienne. 


CORRESPONDANCE 


VAntûdavery  Reporter  a  publié  la  lettre  suivante,  adressée  au  secrétaire  de  la 
Société  pour  l'abolition  de  l'esclavage  par  un  jeune  nègre  de  19  ans,  délivré  par 
Gordon-pacha,  qui  Penleva  à  une  caravane  d'esclaves  et  le  présenta  à  M.  le  D^  Fel- 
kin,  lors  de  son  retour  de  l'Ouganda  par  la  vallée  du  Kil.  M.  Felkin  se  l'attacha, 
en  qualité  de  domestique,  et  trouva  en  lui  un  serviteur  d'une  fidélité  remarquable. 


—  31  — 

qui  plus  d'une  fois  exposa  sa  vie  pour  sauver  celle  de  son  maître.  Il  accompagna 
M.  Felkin  en  Angleterre,  et  vit  maintenant  avec  lui  à  Edimbourg.  La  lettre  tout 
entière  a  été  écrite  par  lui. 

8  novembre  1882. 
Cher  Monsieur. 

Je  suis  bien  content  d'apprendre  que  vous  allez  venir  en  aide  aux  esclaves  en 
Afrique  et  leur  rendre  la  liberté.  J'ai  été  esclave,  et  je  suis  fâché  de  dire  que  les 
esclaves  servent  de  monnaie  aux  Arabes  ;  quand  ils  ont  besoin  d'argent  ils  vont  en 
Afrique,  y  prennent  les  jeunes  enfants,  et  si  le  père  ou  la  mère  de  ceux-ci  ne  veut 
pas  se  les  laisser  prendre,  ils  tuent  les  parents,  puis  emmènent  les  enfants.  Si 
la  mère  a  un  nourrisson  dans  ses  bras,  ils  le  prennent  et  l'assomment  contre  une 
pierre,  ou  le  jettent  dans  la  rivière,  et  emmènent  la  mère  comme  esclave. 

Quand  un  homme  riche  a  un  grand  nombre  d'esclaves,  il  les  attache  avec  une 
chaîne  par  le  cou,  et  forme  ainsi  une  bande  de  40  hommes,  une  autre  de  femmes, 
une  autre  de  jeunes  garçons,  enfin  une  quatrième  de  petites  filles.  Quand  la  fatigue 
les  fait  tomber,  il  leur  ôte  la  chaîne  et  les  tue  d'un  coup  de  fusil;  presque  toutes 
les  petites  filles  meurent  ou  sont  tuées  ainsi. 

Avant  que  les  Arabes  vinssent  dans  notre  pays,  nous  étions  tous  très  heureux  ; 
les  enfante  sortaient  et  jouaient  tout  le  jour  ;  quand  ils  rentraient  le  soir  à  la 
maison,  ils  paraissaient  très  contents,  quelquefois  ils  chassaient  tout  le  jour.  Nous 
avions  beaucoup  de  vaches,  de  moutons  et  de  chèvres;  nous  les  aimons  beaucoup 
et  nous  leur  donnons  à  toutes  des  noms;  nous  aimons  beaucoup  la  musique  et  la 
danse.  Mon  père  mourut  alors  que  j'étais  un  petit  enfant,  et  avant  l'arrivée  des 
Arabes. 

Lorsque  ma  mère  se  rendit  à  son  ouvrage,  les  Arabes  vinrent  et  m'emmenèrent. 
Quand  elle  vint  me  réclamer,  ils  lui  dirent  :  «  Amenez-nous  deux  ou  trois  garçons 
aussi  bons  que  le  vôtre,  et  nous  vous  rendrons  votre  fils;  »  ma  mère  leur  dit  :  «  Je 
ne  peux  pas  enlever  des  garçons  d'autres  gens,  ce  serait  trop  mal  !  »  alors  ils  ne 
voulurent  pas  me  laisser  aller,  et  elle  cria  très  fort. 

Après  cela,  ils  me  taillèrent  quelques  marques  sur  le  visage,  ce  qui  me  fit  beau- 
coup souffrir  pendant  plus  ^e  deux  mois, 

Les  Arabes  ont  brûlé  nos  maisons,  ils  ont  pris  tout  ce  qui  nous  appartenait  et 
nous-mêmes;  il  ne  reste  plus  que  très  peu  de  gens  de  notre  tribu. 

Quand  j'étais  esclave,  j'entendais  d'ordinaire  les  Arabes  demander  à  Dieu  de 
leur  donner  des  milliers  d'esclaves.  Mais  je  serais  bien  content  d'apprendre  qu'il 
n'y  a  plus  d'esclaves,  et  j'espère  que  les  Anglais  feront  pour  eux  tout  ce  qu'ils 
pourront. 

Adieu  Monsieur, 

Je  vous  salue, 

Ali  Mahoom. 
A  Chas.  A.  Allen,  Esq. 


—  32  — 


BIBLIOGRAPHIE  • 

Trois  mois  kn  Tunisie,  Journf^  d'un  volontaire,  par  Jean  Luœ. 
Paris  (Auguste  Ghio)  1882,.  m-12,  201  p.  3  fr.  50,  —  Ce  journal  d'un 
soldat,  poussé  en  Tunisie  par  le  désir  de  voir  ce  pays  et  de  se  battre 
«entre  les  Arabes,  fournit  une  lecture  intéressante,  en  ce  sens  que,  rédigé 
au  jour  le  jour,  il  donne  une  idée  exacte  de  la  vie  militaire  si  étrange  et 
si  mouvementée  en  Afrique.  Mais  on  ne  peut  pas  demander  à  T  auteur 
rétude  des  moyens  de  faire  entrer  les  Arabes  dans  le  courant  de  la 
civilisation  européenne  ;  il  ne  voit  en  eux  que  des  sauvages  ;  pour  les 
vaincre  il  faut,  pense-t-il,  devenir  sauvage  comme  eux,  brûler  leurs 
récoltes,  tarir  leurs  puits,  couper  leurs  oliviers  et  vider  leurs  silos  ! 
Toutefois  il  reconnaît  que  la  France,  ne  voulant  pas  faire  la  conquête  de 
la  Tunisie,  ne  pouvait  appliquer  ce  système  dans  la  dernière  guerre.  Dès 
lors  il  la  juge  inutile  :  il  eût  suffi,  à  son  avis,  d'occuper  les  ports  de 
commerce,  voie  dans  laquelle  il  se  félicite  de  voir  le  gouvernement  entrer 
largement. 

Emile  Jonveaux.  Deux  ans  dans  l'Afrique  orientale.  Tours  (Alfred 
Mame  et  fils)  1881,  in-8*,  207  p.  avec  illust.  et  2  cartes.  — Sous  ce  titre, 
qui  pourrait  faire  croire  qu'il  s'agit  ici  d'une  exploration  par  un  nouveau 
voyageur  dans  l'Afrique  orientale,  M.  Jonveaux,  qu'une  longue  étude 
des  ouvrages  de  Bruce,  Lejean,  Baker,  Speke  et  Grant  a  familiarisé 
avec  leurs  voyages,  a  voulu  vulgariser  leurs  découvertes  en  Nubie,  en 
Abyssinie  et  le  long  du  Nil,  jusqu'aux  lacs  Albert  et  Yictoria-Nyanza  et 
À  l'océan  Indien.  Si  la  forme  de  journal,  adoptée  par  l'auteur,  offirait 
l'avantage  de  donner  plus  de  couleur  à  son  récit,  elle  l'exposait,  dans  ce 
voyage  imaginaire,  à  commettre  quelques  inexactitudes  que  l'on  ne 
rencontrerait  certainement  pas  sous  la  plume  d'un  explorateur  réel,  par 
exemple  à  attribuer  à  la  première  de  ces  rivières  seulement  les  crues 
périodiques  du  grand  fleuve  et  le  limon  fertilisateur  qu'il  répand  sur  les 
campagnes  à  l'époque  de  l'inondation,  etc.  Cela  n'empôche  pas  toutefois 
qu'il  n'ait  présenté  un  tableau  généralement  exact  de  l'aspect  géogra- 
phique du  pays,  des  tribus  indigènes  et  de  leurs  mœurs,  illustré  de 
gravures   empruntées   aux   ouvrages   des  voyageurs  susmentionnés. 

*  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  18,  rue  du  Rh6ne,  à  GenèTe, 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  epi^aiorée  et  civUisée, 


-33- 

Cependant  l'on  peut  se  demander  si  Tauteur,  qui  a  publié  son  livre 
Tannée  dernière,  n'eût  pas  mieux  atteint  son  but,  qui  était  de  faire 
connaître  TAfrique  orientale,  de  la  vallée  du  Nil  à  Zanzibar,  en  s'aidant 
aussi,  soit  pour  son  texte,  soit  pour  les  cartes  dont  il  Ta  accompagné,  des 
voyages  des  explorateurs  postérieurs  à  Speke  et  à  Grant. 

AsfiAB.  DocuH£]SïTi  DiPLOMATia.  Roma  (Typ.  Eradi  Botta),  1882,  in-4'', 
227  p.  et  carte.  — Assab,  per  Oarlo  de  Amezaga.  Home  (Giuseppe  Civelli)' 
1880,  in-8'*,  57  p.  avec  pi.  et  8  cartes,  3  fr.  —  GibikaIca,  per  Oiuseppe 
Haimann.  Roma  (Giuseppe  Civelli)  1882,  in-8'',  141  p.  avec  illust.  et 
carte,  4  fr.  —  Nous  devons  à  la  bienveillance  de  M.  Mancini,  ministre 
des  affaires  étrangères  du  royaume  d'Italie,  les  trois  publications  sus- 
mentionnées. La  première  renferme  tous  les  documents  diplomatiques 
relatif  aux  négociations  échangées  entre  l'Italie,  l'Egypte,  l'Angleterre 
et  la  Turquie,  depuis  l'acquisition  d 'Assab  par  la  compagnie  Rubattino 
en  1870,  jusqu'au  projet  de  convention  de  cette  année-ci,  qui  n'a  pas 
abouti.  Parmi  ces  228  pièces,  nous  avons  remarqué  surtout  une  conven- 
tion, ignorée  généralement,  quoiqu'eUe  ait  été  conclue  en  1877  entre 
l'Angleterre  et  l'Egypte,  et  par  laquelle  l'Angleterre  a  reconnu  la  juri- 
diction du  khédive  sur  toute  la  côte  des  Somalis,  jusqu'à  Ras-Hafoun, 
au  delà  du  cap  Guardafiii,  à  condition  qu'aucune  partie  de  l'Egypte  et 
des  contrées  placées  sous  son  administration  ne  pût  être  cédée  à  quelque 
titre  que  ce  fdt  à  aucune  autre  puissance  étrangère.  Ce  document  expli- 
que pourquoi  le  khédive  se  considère  actuellement  comme  souverain  de 
toute  la  côte  occidentale,  depuis  Suez  jusqu'à  Ras-Hafoun,  et  pourquoi 
la  Turquie  et  l'Egypte  ont  refusé  de  signer  la  convention  de  cette  année, 
quoique  dans  le  texte  de  celle-ci,  sous  l'influence  de  l'Angleterre,  le 
gouvernement  italien  s'engageftt  à  reconnaître  la  souveraineté  de  la 
Sublime-Porte  et  de  l'Egypte  sur  tout  le  reste  de  la  côte  occidentale  de 
la  mer  Rouge,  au  sud  aussi  bien  qu'au  nord  d'Assab. 

La  seconde  publication  est  un  mémoire  sur  Assab,  publié  en  1880  dans 
le  Bulletin  delà  Société  italienne  de  géographie;  rédigé  par  M.  Carlo  de 
Amezaga,  commandant  dans  la  marine  royale,  il  contient  une  monogra^ 
phie  complète  de  la  nouvelle  possession  italienne,  au  point  de  vue  géogra- 
phique, politique  et  météorologique;  en  outre,  l'auteur  a  fait  une  part 
convenable  à  la  climatologie  et  à  l'hygiène,  et  il  a  accompagné  son  savant 
travail  de  cartes,  de  dessins  et  des  portraits  des  sultans  auxquels  l'Italie 
doit  la  concession  du  territoire  de  la  colonie. 

Enfin,  dans  la  troisième  publication,  extraite  aussi  du  Bulletinde  la 


—  34  — 

Société  italienne  de  géographie  (1882),  M.  G.  Haimann  a  donné  un  récit 
plein  de  charme  de  ses  aventures  pendant  son  exploration  de  la  Cyré- 
nalque,  dont  il  a  étudié  à  fond  la  géographie,  l'histoire,  le  climat,  la 
faune,  la  flore,  les  produits  minéraux,  Tethnographie,  les  antiquités, 
Tadministration,  et  particulièrement  Tagriculture,  Tindustrie  et  le  com- 
merce. Si  ces  trois  derniers  éléments  de  la  vie  d'un  peuple  recevaient 
une  impulsion  efficace,  M.  Haimann  croit  que  la  Cyi'énaïque,  autrefois 
très  avancée  dans  la  civilisation,  pourrait  retrouver  son  ancienne  pros- 
périté. C'est  à  la  lui  rendre  que  tendent  les  efforts  de  la  Société  mila- 
naise d'exploration  commerciale.  La  proximité  de  cette  région,  et  une 
certaine  sympathie  de  ses  habitants  pour  les  Italiens,  permettent  d'espé- 
rer que  la  continuation  et  le  développement  des  relations  nouées  entre 
les  deux  pays,  procureront  à  tous  les  deux  de  grands  avantages. 
L'auteur  a  joint  à  son  étude  un  tableau  de  ses  observations  météorolo- 
giques pendant  son  voyage  à  l'intérieur,  un  catalogue  des  collections 
zoologiques  qu'il  a  rapportées,  et  une  carte  de  la  Cyrénaïque,  avec  les 
itiaéraires  de  son  expédition  et  de  celle  de  M.  Manfred  Camperio,  prési- 
dent de  la  Société  milanaise  susmentionnée. 

D'  Enql  Holub.  SiEBEN  Jahre  in  Afeika.  Wien,  (Alfred  Hôlder)  1881, 
2  Bande,  in-8°  mit  235  Original-Holzschnitten  und  vier  Karten,  528  et 
532  p.  —  D' EmL  HoLUB  und  Aug.  Pelzen.  B£iTBi«:a£  zoe  Ornithologie 
Sud-Afrikas.  Wien  (Alfred  Hôlder)  1882,  in-8%  mit  2  Tafeln  in  Farben- 
druck,  Holzschnitten  und  32  Zinkographien  und  einer  Kaite,  384  p.  — 
Après  les  deux  opuscules  du  D'  Holub  dont  nous  avons  rendu  compte 
dans  notre  dernier  numéro,  nous  devons  parler  aujourd'hui  des  ouvra- 
ges les  plus  considérables  qu'il  ait  écrits  depuis  son  retour  en  Europe 
en  1880.  D'une  activité  prodigieuse  et  d'une  générosité  dont  on  voit  peu 
d'exemples,  au  lieu  de  se  ménager  des  loisirs  en  vendant  les  30000  objets 
des  collections  minéralogiques,  botaniques,  zoologiques  et  ethnographi- 
ques qu'il  avait  rassemblés  dans  ses  voyages,  il  les  a  distribués  enti*e 
93  institutions  scientifiques  d'Autriche  et  de  l'étranger.  Puis,  pour  se 
procurer  les  ressources  nécessaires  à  la  nouvelle  exploration  qu'il 
projette,  il  a  fait  de  nombreuses  conférences,  de  Vienne  à  Hambourg, 
dans  toutes  les  villes  un  peu  importantes  d'Autriche,  de  Hongrie  et 
d'Allemagne.  Plusieurs  de  ses  discours  sont  populaires  :  les  Elephanten 
Jagden  in  Siid-AJrika,  die  Nationalôkonomische  Bedeutung  der 
Afrikaforschung,  et  celles  qu'il  a  publiées  sous  le  titre  commun  : 
Die  Colonisation  Afrikas,  D'autres  travaux  ont  un  caractère  plus 


—  35  — 

scientifique,  par  exemple  récrit  :  Uéber  einige  Fossilien  mis  der 
Uitenhage  Formation  in  Sud-Afrika^  rédigé  avec  le  concours  de 
M.  le  professeur  Neumayr.  Mais  les  plus  impoitantes  de  ses  publications 
sont  ses  Sieben  Jahre  in  Afrika  et  ses  Beiirage  zur  Ornithologie  Sudr 
Afrikas. 

Dans  la  première,  il  a  raconté  les  aveutui*es  de  ses  trois  voyages  dans 
l'Afrique  australe,  de  1872  à  1879,  De  tous  les  explorateurs  de  cette 
partie  de  l'Afrique,  aucun  n'était  entré  dans  des  détails  aussi  précis; 
rien  n'échappe  à  ses  regards;  il  observe  tout  avec  les  yeux  d'un  natura- 
liste exercé,  d'un  explorateur  scientifique,  d'un  chasseur  ardent,  et 
décrit  tout  ce  qu'il  a  vu  avec  le  talent  d'un  artiste  consommé.  Aussi 
a-t-il  répandu  un  chaime  tout  particulier  sur  des  sites  déjà  connus 
par  des  récits  antérieurs,  comme  sur  des  scènes  familières  de  la  vie  des 
colons  et  des  indigènes  des  tribus  entre  l'Orange  et  le  Zainbèze,  ou  du 
royaume  des  Maroutzé  Maboundas  qui  a  remplacé  celui  des  Makololos. 
Les  colons  eux-mêmes  disent  qu'aucun  ouvrage  ne  peint  mieux  les 
tableaux  caractéristiques  de  l'Afrique  australe,  les  incidents  de  chasse» 
les  occupations  quotidiennes,  les  amusements  et  les  coutumes  des  natifs. 
Aucun  voyageur  n'a  fait  preuve  de  plus  d^esprit  d'observation,  et  de 
plus  de  talent  pour  reproduire  les  aspects  divers  de  la  nature  africaine. 
D  l'a  fait  dans  un  langage  qu'il  a  su  mettre  à  la  portée  de  tout  le  monde, 
en  accompagnant  ses  descriptions  de  dessins  très  nombreux  pris  sur 
nature,  ce  qui  rend  son  ouvrage  précieux  pour  l'ethnographie  et  la 
topographie  de  l'Afrique  australe.  Nous  n'avons  garde  d'oublier  la 
beauté  de  la  typographie  de  ces  deux  volumes,  luxe  qui,  s'il  n'ajoute 
rien  à  la  valeur  du  texte,  n'ôte  rien,  loin  de  là,  au  charme  de  la  lecture. 

Non  moins  richement  imprimé  est  l'ouvrage  sur  V Ornithologie  du  sud 
de  r Afrique,  pour  la  publication  duquel  M.  A.  v.  Pelzen  a  prêté  son^ 
concours  au  D'  Holub,  et  dans  lequel  l'esprit  d'observation  de  l'explo- 
rateiu*  se  manifeste  encore  mieux  que  dans  le  précédent.  Amateur  de  la 
chasse,  il  ne  s'y  livrait  cependant  qu'autant  qu'il  le  fallait  pour  se 
procurer  sa  nourriture,  mais  il  aimait  surtout  à  se  retirer  dans  les 
endroits  écartés  où  l'homme  n'a  point  encore  pénétré,  et  où  des  cen- 
taines d'oiseaux  ont  fixé  leurs  demeures.  Là  il  épiait  tout  ce  que  le 
savant  désire  apprendre  sur  le  choix  du  gîte  des  oiseaux,  leur  nourriture 
et  la  construction  de  leurs  nids,  leur  vie  de  famille,  leurs  amis  et  leurs 
ennemis,  leur  tempérament,  leur  vol,  etc.  Il  en  détermine  la  distribution 
et  indique  les  services  divers  qu'ils  rendent  aux  habitants  ;  il  fait  ressor- 
tir surtout  l'importance  de  l'autruche  parmi  les  animaux  domestiques, 


—  36  — 

et  montre  que  cet  oiseau  apprivoisé  reprend  peu  à  peu  possession  des 
territoires  d'où  Tautruche  sauvage  a  été  chassée,  sans  que  la  qualité  des 
plumes  de  la  première  équivale  à  celles  de  la  seconde.  La  classification  et 
la  description  scientifique  des  oiseaux  sont  dues  à  M.  v.  Pelzen.  Nous  ne 
connaissons  pas  de  plus  beUes  planches  en  chromolithographie  que  celles 
qui  accompagnent  ce  volimie,  dont  les  illustrations  sont  également 
soignées.  Enfin  nous  sommes  heureux  de  penser  que  les  lecteurs  de 
langue  française  pourront  bientôt,  grâce  à  la  traduction  qui  paraîtra 
prochainement,  faire  plus  ample  connaissance  avec  Tauteur,  et  nos 
abonnés  lui  seront  reconnaissants  conune  nous  de  l'espoir  qu'il  nous  a 
donné  en  nous  envoyant  ces  beaux  volumes,  que,  dans  son  prochain 
voyage,  il  pourra,  de  temps  à  autre,  nous  feire  parvenir  un  rapport  pour 
notre  journal. 

A.  Bmère.  Lettres  sue  le  Thans-Sahabien.  Paris  (Bureau  du  jour-  . 
nal  la  Réforme  des  chemins  de  fer),  1881,  in-8'',43  p. — La  prolongation 
de  la  voie  ferrée  Arzeu-Salda  jusqu'au  Kreïder,  a  fourni  à  M.  Brière 
l'occasion  de  réunir  en  une  brochure  des  articles  de  journaux,  publiés 
de  1879  à  1881 ,  et  dans  lesquels  il  avait  préconisé  ce  tracé,  pour  la  ligne 
étudiée  alors  c('un  chemin  de  fer  destiné  à  relier  TAlgérie  au  Sénégal 
par  Tombouctou.  Cette  prolongation  due  à  une  cause  tout  occasionnelle, 
ne  nous  paraît  pas,  autant  qu'à  l'auteur,  justifier  le  choix  d'un  tracé  le 
long  du  méridien  d'Oran,  choix  qui  l'oblige  à  atténuer  beaucoup,  dans 
son  exposé,  les  difficultés  de  la  traversée  des  dunes. 

Maeokko,  von  Edmondo  de  Amicis,  librement  reproduit  de  l'italien 
par  Amand  von  Schweiger  Lerchenfeld,  avec  165  illustrations  origina- 
les. Vienne  (A.  Hartleben's  Verlag),  1882,  in-4%  broché  18  fr.,  relié 
21  fr.  65.  —  Le  lecteur  trouvera  dans  ce  magnifique  ouvrage,  tout  ce 
que  le  Maroc  actuel  offre  au  pomt  de  vue  historique,  ethnographique, 
social  et  politique.  C'est  une  reproduction  libre  de  l'ouvrage  original 
italien,  dont  l'auteui*  est  célèbre,  par  ses  talents  brillants,  bien  au  delà 
des  limites  de  sa  propre  patrie.  On  a  rarement  déployé  plus  d'habileté 
dans  la  description  d'un  pays  de  l'Orient.  Ce  volume,  ouvrage  de  luxe 
dans  la  pleine  acception  de  ce  mot,  peut  donc  être  offert  comme  étrenne 
littéraire  d'un  intérêt  tout  à  fait  actuel  et  d'une  valeur  scientifique  J 
durable.  Sa  reliure  riche  et  élégante,  ornée  de  sujets  empruntés  à 
rOrient,  lui  assure  dans  toute  bibliothèque  particulière,  ou  sur  chaque 
table  de  salon,  une  place  distinguée. 


—  37  — 

BULLETIN  MENSUEL  (5  février  1883.) 

Le  comte  L.  Pennazasi  qui,  sous  rimpulsion  du  capitaitte  Cam- 
perio,  président  de  la  Société  milanaise  d'exploration,  a  déjà  fait  dans 
la  partie  orientale  du  Soudan  é^^yptien  un  voyage  dont  le  récit  vient 
de  paraître  en  deux  volumes,  est  reparti  pour  une  seconde  expédition 
avec  M.  Godio.  Ils  se  rendront  de  Massaoua  à  Kéren,  chez  les  Bogos 
dont  le  pays  est  très  riche  en  cassia.  De  là,  munis  d'une  carte  dressée 
par  le  professeur  Guido  Cora,  ils  suivront  le  cours  de  la  Barka,  puis  se 
dirigeront  vers  l'ouest  sur  Kassala;  tournant  alors  vers  le  sud,  ils  cher- 
cheront à  s'ouvrir,  entre  les  deux  voies  connues,  une  route  nouvelle 
jusqu'à  Matammé  dans  le  Galabat,  aux  frontières  de  l'Abyssinie.  Ils 
enverront  un  message  au  négous,  pour  lequel  ils  emportent  des  présents, 
entre  autres  deux  paratonnerres  perfectionnés,  et  deux  téléphones  qui 
ont  l'avantage  de  fonctionner  sans  piles  (?).  S'ils  obtiennent  l'autorisa- 
tion de  pénétrer  en  Abyssinie,  ils  se  rendront  à  Gondar,  où  ils  étudieront 
la  voie  la  meilleure  pour  leur  retour.  Ils  seront  accompagnés  d'un  cer- 
tain nombre  de  touristes  italiens,  tous  membres  de  la  Société  d'explora- 
tion commerciale  de  Milan. 

Les  Abyssinii»  sont  descendus  de  leurs  montagnes  et  se  sont  avancés 
à  deux  heures  de  Massaoua,  à  Ombokoulou  qu'ils  ont  saccagé.  Ils  ont 
massacré  une  trentaine  d'habitants,  enlevé  7000  moutons,  4000  têtes  de 
bétail,  sans  compter  les  chevaux,  les  chameaux  et  les  ânes.  Prévenue  à 
temps,  la  garnison  de  Massaoua  aurait  pu  les  arrêter,  mais  elle  n'a  pas 
bougé,  les  Abyssins  lui  inspirant  une  profonde  terreur.  Dans  une  lettre 
à  VAntislavery  Reporter^  le  voyageur  Rohlfis  exprime  l'idée  que  le  seul 
moyen  de  pacifier  l'Abyssinie,  c'est  de  lui  rendre  les  pays  des  Bogos 
et  de  Mensa,  ou  une  valeur  équivalente  en  argent. 

Le  ministère  de  l'instruction  publique  de  France  a  chargé  M.  Aubry, 
ingénieur  civil  des  mines,  et  M.  Hamon,  docteur  en  médecine,  d'une 
mission  au  Choa  et  dans  les  pays  Gallas.  Le  premier  devra  y  faire  des 
études  topographiques,  géologiques  et  minéralogiques  ;  le  second  y  entre- 
prendra des  recherches  médicales  et  d'histoire  naturelle.  Ces  explora- 
teurs sont  partis  de  Marseille  le  21  janvier,  accompagnés  de  M.  A.  Héron, 
officier  de  cavalerie,  et  de  M.  J.  Héron,  qui  remplira  les  fonctions  de 
secrétaire.  Ils  se  joindront  à  M.  Brémond,  qui  a  déjà  exploré  le  Choa 
et  noué  des  relations  d'amitié  avec  Ménélik,  dont  il  a  apporté  des 
présents  au  président  de  la  République.  Pendant  son  séjour  en  France, 

L' AFRIQUE.   —   QVATRiil»  ANHIÊB.   —  H^  2.  2 


—  38  — 

il  a  su  intéresser  un  groupe  de  capitalistes  parisiens  à  un  projet 
d'exploitation  du  Choa,  en  vue  d'ouvrir  un  débouctié  à  certains  articles 
d'exportation  essentiellement  français.  D  débarquera  avec  ses  compa- 
gnons à  Obock,  d'où  ils  se  rendront  à  Ankober  par  Annor,  la  vallée  du 
Haouasch  et  les  pays  Gallas.  La  mission  emporte  de  riches  présents  pour 
le  sultan  d'Aoussa  et  pour  le  roi  du  Choa.  —  M.  Soleillet  est  à  Anko- 
ber ;  il  a  obtenu  du  roi  Ménélik,  pour  la  société  qu'il  représente  :  P  la 
concession  d'un  vaste  territoire  agricole  ;  2°  le  droit  de  greflfer  de  véri- 
tables forêts  d'oliviers,  dont  la  société  partagera  pendant  vingt-cinq  ans 
le  produit  avec  le  roi;  3**  enfin,  le  droit  de  construire  un  chemin  de  fer 
d'Obock  h  Farré-Choa,  en  contournant  le  lac  Aoussa,  et  en  suivant  la 
rive  gauche  du  Haouasch.  H  est  parti  d'Ankober  pour  Eaffa. 

M.  S^venson,  missionnaire  suédois,  a  profité  de  l'expédition  de 
M.  le  baron  von  Muller  h  Harar»  pour  y  faire  un  voyage  de  reconnais- 
sance avec  deux  élèves  abyssins  de  la  station  suédoise  de  Mkullo,  près 
de  Massaoua.  Le  pacha  de  Zeila,  Abou  Beker,  les  a  bien  reçus,  et  leur  a 
donné  un  soldat  turc  pour  les  accompagner  à  travers  les  territoires  des 
Issas-Somalis  et  des  Gadiboursis,  des  bandes  pillardes  rendant  le  pays 
peu  sûr.  Après  avoir  passé  les  premiers  contreforts  du  plateau  habité 
par  les  Gallas,  ils  firent  halte  h  Balloa,  aux  environs  de  laquelle  ils  ont 
trouvé  des  champs,  pour  l'irrigation  desquels  l'eau  des  ruisseaux  a  été 
habilement  employée  ;  les  moindres  coins  de  terre  y  sont  cultivés  jusque 
très  haut  sur  les  pentes  des  montagnes.  Le  gouverneur  de  Harar,  Nadi 
pacha,  leur  fit  très  bon  accueil,  et  ne  mit  aucune  opposition  à  ce  qu'ils 
ouvrissent  une  mission  parmi  les  Gallas;  il  a  seulement  réservé  l'autori- 
sation du  khédive  pour  l'achat  d'un  terrain.  De  ce  point,  la  mission 
suédoise  pourra  pénétrer  chez  les  Gallas  du  sud,  plus  facilement  que  par 
l'ouest,  comme  l'expédition  de  M.  Arrhénius  avait  essayé  de  le  faire. 

M.  G.  Révoil,  qui  a  exploré  précédemment  le  pays  des  Somalis,  est 
parti  pour  Zanzibar,  chargé,  par  le  ministère  de  l'instruction  publique 
de  France,  d'une  mission  scientifique  sur  la  côte  orientale  d'AMque. 
A  Zanzibar,  il  formera  sa  caravane  pour  s'avancer  dans  l'intérieur  tout 
en  réunissant  les  marchandises  et  les  présents  destinés  aux  chefe  qu'il 
devra  se  rendre  favorables.  U  sera  secondé  dans  ses  préparatifs  par 
M.  GrefFiilhe,  agent  général  du  sultan  Sald  Bargasch  pour  les  opérations 
maritimes  et  commerciales.  La  mission  de  M.  Révoil  durera  deux  ans. 

Une  lettre  de  Bruxelles,  du  17  janvier,  nous  informe  que  l'Asso- 
oiation  internationale  africaine  a  reçu  la  correspondance  de 
MM.  Storms  et  BecsiceF»  qui,  à  la  date  du  3  octobre,  étaient  tous  les 


—  39  — 

deux  en  bonne  santé.  M.  Storms  a  atteint  Karéma  le  27  septembre  ;  il 
avait  quitté  la  côte  le  9  juin;  son  voyage  n'a  donc  duré  que  trois  mois  et 
demi  ;  c'est  le  plus  rapide  qui  ait  eu  lieu  jusqu'ici.  La  population  noire 
de  Karéma  se  développe  graduellement;  elle  comprend  aujourd'hui  cin- 
quante familles,  dont  chacune  est  établie  dans  une  case,  construite  au 
centre  d'une  parcelle  de  terrain  suffisante  pour  M  fournir  sa  subsis- 
tance. M.  Becker  a  complété  les  installations  primitives  de  Karéma  ;  il 
y  a  construit  une  vaste  borna  de  250  mètres  de  longueur,  et  creusé  un 
puits  où  l'on  se  procure  actuellement  l'eau  qu'il  fallait  auparavant  aller 
puiser  au  lac  ;  il  a  ouvert  de  nombreux  chemins  pour  faciliter  le  défri- 
chement de  la  campagne  ;  enfin,  il  a  transformé  en  un  magnifique 
bateau  à  voiles,  l'ancien  bateau  à  rames  acheté  par  M.  Popelin.  M.  Storms 
rend  compte  avec  éloges  des  travaux  accomplis  par  M.  Becker.  Il  se 
prépare  à  son  tour  à  en  entreprendre  de  nouveaux  très  considérables, 
pour  satisfaire  aux  besoins  qu'il  prévoit.  M.  Becker  est  resté  encore  un 
mois  à  Karéma  après  l'arrivée  de  M.  Storms.  Il  se  proposait  d'en  partir 
au  commencement  de  novembre  dernier  ;  il  aurait  voulu  pouvoir  y  rester 
plus  longtemps,  mais  il  devait  ramener  à  la  côte  les  askaris  dont  le 
terme  de  service  étai^  expiré.  Après  les  avoir  licenciés,  il  reviendra  en 
congé  en  Europe,  où  des  affaires  de  famille  le  rappellent.  Toutefois  il 
émet  dès  à  présent  l'espoir  que  le  Comité  lui  permettra  de  retourner  à 
Karéma  a  où  j'ai  vécu  heureux,  »  écrit-U,  «  au  milieu  de  ces  gens  que 
j'ai  su  arracher  à  l'esclavage.  »  M.  Becker  sera  remplacé  auprès  de 
M.  Storms  par  un  jeune  Belge,  M.  Maluin,  qui  partira  dans  les  premiers 
jours  de  février  pour  Zanzibar,  où  s'organise  en  ce  moment  la  caravane 
qui  doit  le  conduire  à  Karéma. 

Trois  missionnairesi  d'Alg^er  sont  arrivés  à  Zanzibar  pour  y 
établir  une  maison  de  procure,  qui  permettra  de  suivre  d'une  façon  plus 
régulière  les  progrès  des  missions  à  l'intérieur,  et  de  pourvoir  avec  plus 
d'opportunité  à  leurs  besoins.  Une  nouvelle  station  sera  fondée  dans  les 
états  de  Simba  Mouéni,  entre  Mrogoro  et  Mahlé,  avec  deux  mission- 
naires et  quinze  ou  vingt  familles  chrétiennes  qui  serviront  de  noyau  à 
la  colonie.  Le  R.  P.  Etienne  étudie  en  outre  les  moyens  de  s'établir 
dans  l'Oadoaéy  à  Rizato  ou  dans  les  environs,  au  milieu  d'une  tribu 
anthropophage,  à  peu  de  distance  de  la  côte.  —  De  retour  d'un  récent 
voyage  à  Oudjidji  et  à  Moalonéoaa,  les  deux  stations  des  missions 
d'Alger  au  Tanganyika,  le  P.  Guyot  en  a  rendu  compte  à  la  Société  de 
géographie  de  Paris.  Les  détails  qu'il  a  donnés  sur  les  nègres  de 
l'Afrique  centrale  sont  de  nature  à  détromper  ceux  qui  se  les  représen- 


—  do- 
tent comme  des  brutes  sanguinaires.  A  part  ce  qu'il  appelle  a  les  mau- 
vaises tribus,  les  tribus  inhospitalières,  »  les  nègres  qu'il  a  vus  sont  de 
grands  enfants,  qui  raffolent  de  la  danse,  du  bruit,  des  colifichets;  il 
faut  être  indulgent  avec  eux.  Les  plus  grands  obstacles  proviennent  des 
trafiquants  arabes.  Le  P.  Guyot  partira  prochainement  pour  le  Congo. 

La  question  du  combustible  devient  très  sérieuse  pour  la  plupart  des 
sociétés  de  Kimberley.  D'après  le  Bulletin  des  MineSy  la  houille  y 
coûte  de  375  à  450  fi\  la  tonne,  encore  renferme-t-elle  25  Vo  de  pierres. 
Le  bois  est  tout  aussi  cher,  et,  jusqu'à  ce  que  le  chemin  de  fer  en  con- 
struction soit  ouvert,  on  brûlera  des  charbons  anglais,  malgré  la  décou- 
verte d'immenses  gisements  houillers  dans  les  districts  voisins.  De  très 
beaux  diamants  ont  été  trouvés  près  de  Hébron,  au  nord  de  Kimberley. 
Un  des  propriétaires-fermiers  de  la  localité  est  venu  à  Kimberley, 
demaiider  l'autorisation  de  concéder  ses  terrains  à  des  entreprises 
minières.  On  est  du  reste  convaincu  que  toute  la  province  doit  contenir 
des  diamants,  et  que  les  mines  en  cours  d'exploitation  ne  sont  rien  en 
comparaison  de  celles  qu'on  découvrira  ultérieurement. 

Au  Lessoato  deux  des  principaux  membres  du  gouvernement  colo- 
nial ont  eu,  avec  des  chefs  Bassoutos  des  deux  partis  (national  et  loyal), 
une  entrevue,  dans  laquelle  ils  ont  émis  l'idée  quet  si  les  choses  ne  s'ar- 
rangent pas  à  l'amiable,  plutôt  que  d'abandonner  le  pays,  ils  demande- 
ront au  gouvernement  anglais  des  troupes  pour  soumettre  Massoupa 
et  ceux  de  son  parti  ' .  —  Les  missionnaires  réorganisent  peu  à  peu 
leurs  écoles.  En  outre  ils  veulent  suivre  dans  les  montagnes,  à  l'est  de 
Morija,  la  population  qui  s'y  est  jetée  ;  leurs  évangélistes  passeront  deux 
ou  trois  chaînes  élevées,  pour  arriver  au  cours  supérieur  de  la  Makha- 
leng  ;  ils  espèrent  pouvoir  fonder  prochainement  une  annexe  importante 
dans  ce  coin  de  pays  ;  autrefois  les  natife  croyaient  que  le  sorgho  n'y 
mûrirait  pas  à  cause  des  gelées,  mais  les  essais  des  deux  ou  trois  der- 
nières années  prouvent  le  contraire.  —  Pour  le  moment,  les  deux  chefs 
Joël  et  Jonathan  sont  en  guerre  et  se  livrent  des  combats  dans  le  voisi- 
nage de  Léribé.  Le  premier  a  été  battu  et  s'est  enfui  avec  des  milliers 
d'hommes,  de  fenunes  et  d'enfants,  et  12,000  bœufe,  dans  les  Maloutis; 
on  espère  que  Lerothodi  usera  de  son  influence  pour  prévenir  un  combat 
ultérieur  :  Massoupa  a  rapçelé  plusieurs  de  ses  fils  du  théâtre  des  trou- 
bles. MM.  Coillard  et  Christol,  seront  rejoints,  pour  la  mission  du  Zam- 

^  Une  dépêche  nous  apprend,  à  la  dernière  heure,  que  le  Conseil  législatif  de 
Capetown  vient  d'abroger  la  loi  d'annexion  du  Lessouto. 


—  41  — 

bèze,  par  M.  Jeanmaîret,  parti  avec  M.  et  M"*  Boegner,  chargés  de 
visiter  les  stations  françaises  du  Lessouto.  M.  E.  Gautier,  de  Genève, 
fera  avec  les  missionnaires  l'exploration  du  Zambèze. 

D'après  les  Mitiheilungen  de  Ootha,  Stanley,  dans  sa  navigation  sui* 
le  Quàng^o,  est  arrivé  au  confluent  d'un  tributaire  venant  du  S.-E.  à 
160  kilom.  d'Ibaka,  et  l'a  remonté  sur  une  longueur  d'environ  200  kilom., 
c'est  là  qu'il  a  rencontré  cette  vaste  nappe  d'eau  dont  il  a  fait  le  tour, 
et  à  laquelle  il  a  donné  le  nom  de  lac  Léopold  II,  quoique  Thomson  ait 
déjà  baptisé  de  ce  nom  le  lac  Hikoua,  à  l'est  du  Tanganyika.  Il  a  con- 
staté que  ce  nouveau  lac  a  112  kilom.  de  long,  et  une  largeur  de  10  à 
60  kilom.  Ce  serait  vraisemblablement  le  lac  Aquilonda  des  anciennes 
-chroniques,  moins  grand  toutefois  que  ne  le  disaient  celles-ci.  Pendant 
que  Stanley  rétablissait  sa  santé  à  Madrid,  il  apprit  que  les  indigènes, 
avec  lequels  il  avait  entretenu  des  relations  amicales,  avaient  commencé 
à  donner  des  signes  de  mécontentement  ;  aussi  est-il  parti  inmiédiate- 
ment  pour  le  Congo,  où  il  est  arrivé  en  même  temps  que  300  Zanzibarites. 
Le  D'  Pechuêl  Lœsche,  qui  avait  pris  le  commandement  de  l'expédi- 
tion belge  au  Cong^o,  pendant  son  absence  vient  de  rentrer  en  Europe, 
sûr  que  l'expédition  ne  court  aucun  danger.  Il  est  vrai  qu'il  a  reçu 
un  coup  de  fusil  au  bras  ;  toutefois,  il  n'a  pas  été  blessé,  comme  on  l'a 
dit,  dans  une  attaque  des  indigènes  contre  Stanley-Pool,  mais  pendant 
qu'il  se  rendait  de  Manyanga  à  cette  dernière  station.  Une  troupe 
d'indigènes,  qui  était  cachée  dans  un  bois,  a  tiré  sur  l'expédition. 

Depuis  que  les  Chambres  françaises  ont  alloué  1,275,000  fr.  à  la  mis- 
sion de  Savorg^nan  de  Brazza,  celui-ci  a  organisé  son  expédition,  et 
fait  partir  quatre  Français  en  avant-garde  pour  les  stations  du  Haut 
Ogôoué,  sous  la  conduite  de  M.  de  Lastour,  ingénieur,  qui  a  déjà  voyagé 
dans  la  région  du  Zambèze.  De  Brazza  lui-même  côïnpte  pouvoir  partir 
en  février.  Quoique  devenue  nationale,  son  expédition  n'en  conservera 
pas  moins  le  caractère  pacifique  qui  a  valu  à  son  chef  l'accueil  bienveil- 
lant des  populations  de  l'Ogôoué  et  du  Congo.  D'après  le  plan  de  Brazza 
il  s'agit  de  reprendre  son  exploration  au  point  même  oîi  il  l'a  laissée,  et 
d'assurer,  par  la  fondation  de  stations  et  de  postes,  le  maintien  et  le 
développement  de  la  situation  déjà  acquise,  en  même  temps  que  le  libre 
parcours  des  deux  voies  qu'il  a  suivies,  l'Ogôoué  et  le  Quillou  (Niari)^ 
Huit  stations  principales,  reliées  par  douze  postes,  formeraient  deux 
routes  ininterrompues  jusqu'à  Brazzaville,  l'une,  du  Gabon  par  l'Ogôoué 

*  Voir  la  carte,  IIT««  année,  p.  288. 


■^  42  — 

et  rAlima;  la  seconde,  de  T Atlantique  par  le  Quillou  et  la  vallée  du 
Niari.  Sur  la  ligne  de  l'Ogôoué  et  de  l'Alima,  il  y  aurait  FranceviUe, 
avec  quatre  postes  ;  sur  le  Congo,  Brazzaville  avec  une  station  de  second 
ordre  et  deux  postes,  et  de  TÂtlantique  h  Brazzaville,  une  station  de 
premier  ordre,  une  autre  de  second  ordre  et  six  postes.  En  outre,  dans 
la  région  de  la  côte  seraient  établies  deux  stations  de  premier  ordre,  à 
Mayombé  et  à  Punta-Negra,  reliées  aux  précédentes  par  une  station  de 
second  ordre.  De  Brazza  croit  pouvoir  réaliser  son  plan  en  deux  ans  ;  il 
ne  s'agit,  bien  entendu,  que  de  stations  scientifiques,  hospitalières  et 
commerciales,  sans  autres  forces  militaires  que  celles  strictement  néces- 
saires à  la  protection  des  établissements  qui  seront  créés  successivement  ; 
en  effet,  il  n'a  été  mis  à  sa  disposition  que  150  laptots,  tirailleurs  séné- 
galais, et  30  marins  pour  le  service  des  embarcations.  Le  comte  Jacques 
de  Brazza,  naturaliste^  distingué,  va  partir  pour  le  Congo  oU  il  suivra 
son  frère  dans  ses  explorations. 

Les  avantages  commerciaux  révélés  par  les  explorations  de  Stanley  et 
de  Brazza,  à  la  côte  occidentale  d'Afrique  et  dans  le  bassin  du  Congo, 
ont  provoqué  des  rédamationei  du  Portug^al  sur  les  territoires 
s'étendant,  le  long  de  la  côte,  au  nord  de  Cabinda  jusqu'à  l'embouchure 
du  Quillou,  et  sur  la  rive  gauche  du  Congo  jusqu'au  confluent  du 
Quango.  La  concession,  faite  à  la  France  par  Makoko,  au  nord  du  ô''12\ 
se  trouve  en  dehors  des  territoires  réclamés  par  le  Portugal.  En  revan- 
che les  stations  de  Yivi,  Isanghila,  Léopoldville,  et  même  celle  d'Ibaka, 
sont  situées  dans  la  partie  du  continent  sur  laquelle  le  Portugal  prétend 
avoir  des  droits,  quoiqu'il  ait  été  empêché  jusqu'ici  d'en  prendre  posses- 
sion. Jusqu'à  ces  derniers  temps  l'Angleterre  les  a  contestés;  il  semble- 
rait,, d'après  le  Diario  de  Lisbonne,  qu'aujourd'hui  des  négociations  ont 
été  renouées  entre  les  deux  gouvernements,  qui  concluraient  un  traité 
délimitant  exactement  les  territoires  supposés  appartenir  au  Portugal  ; 
celui-ci  signifierait  à  la  France  (et  sans  doute  aussi  au  Comité  d'études 
du  Haut-Congo)  sa  prise  de  possession  nominale  et  céderait  ensuite  ses 
droits  à  l'Angleterre.  D'autre  part,  la  Hollande  estime  avoir  des  droits 
antérieurs  et  supérieurs  à  ceux  de  toute  autre  nation,  partant  à  ceux 
du  Portugal,  sous  le  prétexte  qu'elle  a  depuis  150  ans  des  comptoirs 
sur  la  côte  du  Loango.  La  section  hollandaise  de  l'Association  interna- 
tionale africaine  a  demandé  au  parlement  que  la  Hollande  s'entendît 
avec  l'Allemagne,  l'Angleterre,  la  Belgique  et  l'Amérique,  pour  régler 
cette  question.  En  outre,  voyant  que  l'entreprise  du  Comité  d'études 
du  Haut-Congo,  à  laquelle  elle  avait  contribué,  tourne  au  profit  exclusif 


—  43  — 

des  Belges,  elle  a  décidé  de  verser  désormais  entre  les  mains  de  la 
Société  néerlandaise  de  géographie  toutes  les  sommes  qu'elle  recueillera, 
pour  qu'elles  soient  remises  ultérieurement  à  une  nouvelle  Association 
africaine,  composée  exclusivement  de  Hollandais  et  devant  travailler 
uniquement  dans  l'intérêt  néerlandais.  D'après  une  dépêche  de  Rotter- 
dam  du  10  janvier,  la  nouvelle  Société  africaine  est  déjà  constituée  et 
envoie  deux  navires  pour  remonter  le  Congo. 

Les  missionnaires  de  la  Liiving^stone  inland  mission  multiplient 
leurs  stations  le  long  du  Con^o  inférieur.  Appelés  par  plusieurs  chefs  de 
la  rive  gauche,  vis-à-vis  de  Banana,  ils  en  ont  fondé  une  à  Kimorie;  en 
outre,  sur  la  même  rive  et  au  delà  duLoukoungou,  ils  ont  acquis  un  ter- 
rain pour  en  créer  une  en  face  de  Manyanga.  Ils  ont  eu,  il  est  vrai,  un 
peu  de  peine  à  entrer  en  rapport  avec  les  gens  de  Ndounga  et  de  Ngombi, 
un  combat  ayant  eu  lieu  peu  auparavant  entre  les  indigènes  de  cette 
région  et  les  gens  de  Stanley.  Cependant,  M.  Comber  ayant  obtenu,  pour 
venir  les  voir,  la  permission  de  passer  par  les  villes  des  chefs  Ndoungas, 
M.  Clarke,  un  des  missionnaires,  put  à  son  tour  l'accompagnera  travers 
les  villes  susdites,  dont  les  habitants  déposèrent  leurs  sentiments  hosti- 
les. La  station  du  Loukoungou  sera  placée  sur  un  bon  terrain,  qui  a 
une  abondante  source  d'eau  potable  et  des  matériaux  de  construction; 
l'air  en  est  salubre.  Les  missionnaires  croient  qu'il  sera  facile  de  l'unir 
à  la  station  précédente  par  une  route  carrossable,  les  collines  qui  l'en 
séparent  étant  peu  nombreuses,  ainsi  que  les  cours  d'eau  à  traverser.  — 
M.  Craven,  venu  précédenmient  en  Angleterre  pour  cause  de  santé,  est 
retourné  au  Congo,  emmenant  avec  lui  les  deux  jeunes  Fyotes  qui  ont 
aidé  à  mettre  par  écrit  la  langue  de  leur  tribu.  Ils  ont  été  remplacés  dans 
l'institut  de  M.  Grattan  Guinness  par  deux  nouveaux  arrivés,  qui  ont  été 
très  surpris  de  voir  les  champs  et  les  bois  couverts  de  givre  ;  ils  croyaient 
que  c'était  du  sel;  n'ayant  jamais  vu  de  glace,  leur  étonnement  a  été 
grand  quand  ils  virent  qu'ils  pouvaient  marcher  sur  l'eau.  —  H  y  a  en 
outre  chez  M.  Grattan  Guinness  un  jeune  Dinka,  Sélim,  réduit  en  escla* 
vage  par  des  Arabes  qui  l'avaient  conduit  dans  l'Ouganda,  d'où  M.  Wil- 
sonl'a  amené  en  Angleterre.  Le  Comité  espère  pouvoir  le  renvoyer  plus 
tard  au  milieu  de  son  peuple,  par  l'Arouimi,  quand  le  Henry  Beed  pourra 
remonter  le  Congo  jusqu'à  cet  affluent. 

Dans  une  rencontre  avec  les  missionQaires  de  la  Livingstone  inland 
mission,  Savorgnan  de  Brazza  s'est  montré  plein  de  courtoisie  et  de  bien- 
veillance peureux,  et  a  promis  de  leur  aider  volontiers  quand  ils  voudront 
atteindre  le  Congo  moyen  par  la  route  de  l'O^ôoué.  H  existe  déjà 


—  44  — 

depuis  plusieurs  années  sur  ce  fleuve,  à  Kangoué,  une  station  mission- 
naire américaine.  Le  Rev.  Nassau,  qui  la  dirige,  en  a  fondé  une  nouvelle  à 
Talagoug^a ,  le  poste  commercial  le  plus  avancé  ;  là,  le  fleuve  est  plus 
resserré  qu'à  Kangoué,  mais  on  y  est  aussi  plus  exposé  aux  attaques 
des  Fans,  cannibales  que  craignent  beaucoup  les  autres  tribus  ;  aussi 
M.  Nassau  dût-il  accompagner  les  natife  dans  une  forêt,  pour  y  couper  les 
bambous  nécessaires  à  l'achèvement  du  toit  de  son  habitation;  ils  n'y 
seraient  pas  allés  seuls.  Dans  les  derniers  temps,  les  Fans  se  sont  mon- 
*  très  très  mal  disposés  ;  ils  *ont  tiré  sur  des  canots  qui  passaient  sur  le 
fleuve,  attaqué  les  gens  de  la  station  pendant  que  ceux-ci  péchaient, 
ainsi  qu'un  canot  de  provisions  envoyé  de  Kangoué  à  Talagouga  pour  la 
mission;  les  indigènes  effrayés  rebroussèrent  chemin,  et  M.  Reading, 
missionnaire  à  Kangoué,  dut  revenir  avec  eux  pour  amener  le  canot  à 
Talagouga.  Ces  détails  sont  donnés  par  M""*  Nassau,  la  femme  du  mis- 
sionnaire, restée  seule  à  la  station  en  l'absence  de  son  mari. 

M.  Ch.  1¥.  Thompson  a  fait  un  voyage  d'Accra  à  Prasu,  ce  qui 
lui  a  permis  de  donner  de  nouveaux  renseignements  sur  100  kUomètres 
de  pays  encore  inconnus,  entre  Isabang  et  le  Prah,  comprenant  le  cours 
de  ce  fleuve  au  nord  de  Cocochinchin.  Ce  rapport  confirme  les  idées  que 
l'on  se  faisait  de  la  richesse  aurifère  d'Ag^oana  et  de  la  province 
d'Akim,  et  l'importance  du  développement  des  ressources  végétales  de 
la  colonie.  Dans  les  villages,  près  d'Asafou  et  de  Mansué,  on  recueDle  de 
l'or;  Insuaim,  résidence  du  roi  de  l'Akim  occidental,  est  entourée  de 
plantations  ;  l'agriculture  y  est  très  soignée  ;  les  habitants^  exportent 
l'huile  de  palme  et  les  Haoussas  viennent  y  acheter  la  noix  de  cola  qui 
y  abonde.  Plus  au  nord,  près  de  Iribie,  on  récolte  beaucoup  de  gomme. 
Un  peu  plus  à  l'ouest,  M.  le  commandant  R.  Miippay  Rumsey ,  de 
la  marine  royale,  a  fait  un  relevé  de  la  rivière  Ancobra  et  du  district 
aurifère  d'Axîm.  Il  résulte  de  ses  observations  que,  de  l'embouchure  à 
Akanko,  l'Ancobra  a  une  largeur  moyenne  de  80  à  100  m.,  et  une 
profondeur  de  6  à  8  m.  Au  delà,  la  rivière  se  rétrécit  graduellement; 
mais,  à  40  kilom.  au  sud  de  Tomento,  elle  a  encore  dé  35  à  40  m.  de 
large,  et  une  profondeur  suffisante  pour  que  les  navires,  qui  réussiraient 
à  passer  la  barre  à  l'embouchure,  puissent  la  remonter  jusqu'au  delà  de 
Inframangio.  Son  régime  diffère  de  celui  du  Volta  ;  en  effet,  tandis  que 
celui-ci  a  ses  plus  hautes  eaux  en  septembre  et  redescend  graduellement 
jusqu'en  mai,  l'Ancobra  monte  jusqu'en  juin  et  redescend  jusqu'en  sep- 
tembre, ce  qui  provient  vraisemblablement  de  ce  que  cette  rivière  et  son 
principal  affluent,  la  Bonsah,  reçoivent  une  multitude  de  petits  cours 


—  45  — 

d'eau  sur  une  longueur  de  80  à  100  kilom.  à  partir  de  la  mer, 
et  qu'elles  subissent  par  conséquent  les  influences  du  climat  des  côtes, 
croissant  avec  les  pluies  et  diminuant  dès  qu'elles  sont  passées,  tandis 
que  le  Volta  reçoit  ses  eaux  de  Tintérieur  et  dépend  du  climat  du  pla- 
teau. Le  commandant  Rumsey  traversa  le  pays  boisé  de  Tomento,  à  Test 
de  la  rivière,  jusqu'à  Bonsah.  De  là  à  Tacquah,  centre  du  district  aurifère, 
le  pays  présente  une  succession  de  chaînes  de  montagnes  courant  du  nord 
au  sud,  et  deux  lignes  parallèles  de  Test  à  l'ouest;  les  mines  sont  surtout 
à  l'est  ;  mais  le  quartz  exploitable  s'étend  probablement  le  long  du  versant 
occidental  de  cette  chaîne.  La  difficulté  du  transport  depuis  la  côte 
pourrait  être  écartée,  si  le  gouvernement  faisait  une  route  de  Lifra- 
mangio  jusqu'à  Bonsah.  M.  Rumsey  a  dressé  la  carte  de  l'Ancobra, 
depuis  son  embouchure  jusqu'au  confluent  de  la  Bonsah,  avec  des  son- 
dages, et  un  relevé  du  district  minier,  de  Tomento  à  Tacquah. 

D'après  le  Bulletin  des  MineSy  le  commandant  Cameron,  président 
du  conseil  d'administration  de  TAfrioan  Gold  Coast  Syndioate, 
a  quitté  Liverpool  le  6  janvier  à  bord  du  Nubia,  allant  à  Âxim  pour  se 
rendre  compte  des  travaux  exécutés  sous  la  direction  de  l'agent  de  cette 
société,  arpentage,  levé  de  plans,  tracé  de  routes,  déblaiement  des  ter- 
rains, et  préparation  d'échantillons  de  quartz  qui  doivent  être  expédiés 
en  Angleterre. 

L'administrateur  de  la  Côte  d'Or,  M.  Alfred  Molony ,  a  attiré  l'atten- 
tion des  natife  de  la  colonie  sur  l'importance  du  développement  du  com- 
merce du  caoutchouc.  Il  a  envoyé  à  Kew  plusieurs  spécimens  du 
Landolphia  Owariensis^  qui  se  trouve  partout  dans  la  colonie,  mais  sur- 
tout dans  les  districts  d'Axim,  d'Aquapim  et  de  Croboé.  C'est  une 
plante  de  4  à  6  pouces  de  diamètre  près  du  sol,  qui  se  divise  et 
grimpe  aux  branches  des  arbres  voisins.  M.  Dyer,  assistant  dhrecteur  des 
jardins  royaux  de  Kew,  après  avoir  examiné  les  spécimens  qui  lui  ont  été 
envoyés,  a  fait  un  rapport  des  plus  favorables  sur  le  caoutchouc  blanc 
que  l'on  peut  en  extraire,  «  le  meilleur,  »  dit-il,  «  de  l'Afrique  occiden- 
tale ;  recueilU  avec  soin,  il  pourra  être  vendu  sur  le  marché  de  Londres 
en  aussi  grande  quantité  que  l'on  voudra.  »  Mais  il  recommande  d'user 
de  beaucoup  de  précautions  dans  l'extraction  du  suc,  pour  ne  pas  épuiser 
l'arbre  par  des  incisions  trop  profondes. 

Le  collège  de  Libéria  où  des  instituteurs  nègres  donnent  l'instruc- 
tion à  la  jeunesse  africaine  de  cette  partie  de  la  côte  occidentale,  devra 
subir  des  modifications  nécessitées  par  les  conditions  particulières  de 
l'Afrique.  Il  avait  été  organisé  sur  des  modèles  étrangers,  sans  tenir 


—  4(5  — 

compte  de  la  nature  du  peuple  et  du  pays.  Aujourd'hui,  on  propose  de 
le  transférer  à  Tintérieur,  en  vue  de  la  santé  du  corps  et  de  l'esprit  des 
élèves,  poui*  qu'ils  puissent  employer  une  partie  de  leur  temps  à  des  tra- 
vaux manuels,  et  aider  ainsi  à  l'administration  à  se  procurer  les  ressour- 
ces  nécessaires.  Quant  aux  programmes,  ils  étaient  dressés  jusqu'ici 
d'après  ceux  des  collèges  d'Europe  et  d'Amérique;  mais  les  résultats 
moraux  et  intellectuels  n'ont  pas  été  heureux  de  tous  points.  Dans  tous 
les  pays  de  langue  anglaise,  l'esprit  des  jeunes  nègres  se  révolte  con- 
tre les  tableaux  que  font  de  leur  race  les  livres  de  géographie  ou  d'his- 
toire, les  voyages  ou  les  romans.  Quand  ils  ont  quitté  le  collège,  ils  les 
retrouvent  dans  les  journaux  et  les  revues.  Aussi  M.  Blyden,  le  directeur 
du  collège,  estime-t-il  que  l'Africain  doit  être  élevé  d'après  des  méthodes 
spéciales ,  et  désormais  les  moyens  de  culture  employés  à  Libéria  seront 
essentiellement  les  classiques  et  les  mathématiques;  les  auteurs  grecs  et 
latins,  dans  lesquels  il  n'y  a  pas  un  mot  contre  le  nègre,  prépareront 
les  élèves  aux  études  scientifiques*ultérieui*es,  et  les  mathématiques  les 
rendront  capables  de  se  vouer  aux  travaux  pratiques;  l'étude  de  l'arabe 
et  de  quelques-unes  des  langues  des  natife  sera  aussi  cultivée,  afin  que  les 
jeunes  Africains  de  Libéria  puissent  entrer  en  rapport  avec  les  nègres  de 
l'intérieui*,  et  apprendre  à  mieux  connaître  leur  pays. 

M.  Vohsen,  agent  de  M.  Verminck,  s'est  rendu  auprès  des  chefe  du 
pays  de  Yonnie,  qui  l'avaient  invité  à  venir  opérer  entre  eux  une 
réconciliation,  pour  que  la  route  de  l'intérieur  vers  Freetown,  fermée 
par  leurs  hostilités,  pût  être  ouverte  au  commerce  comme  auli'efois. 
Ds  désiraient  surtout  voir  rétablir  à  Rotoumba  la  factorerie  de  M.  Ver- 
minck, que  leurs  guerres  intestines  avaient  fait  abandonner.  M.  Vohsen 
a  mis,  comme  condition  préliminaire  de  ce  rétablissement,  le  désarme- 
ment des  tribus  belliqueuses  et  la  conclusion  de  la  paix,  ce  qui  a  été 
accepté.  Après  quoi  il  a  remis  aux  chefs  des  présents  de  la  part  de 
M.  Verminck. 

La  construction  de  la  voie  ferrée  de  Dakar  à.  Saint-JLoaiB 
par  le  Cayor,  a  rencontré  des  difficultés,  le  chef  du  Cayor,  Lat-N'dior, 
voulant  s'opposer  au  passage  de  la  colonne  d'exploration  de  M.  Borguii»- 
Denbordef»,  mais  l'énergie  de  M.  Servatius,  nouveau  gouverneur  du 
Sénégal,  lui  a  fait  comprendre  l'inutilité  de  son  opposition,  et  la  colonne 
a  pu  partir  pour  le  Haut-Fleuve,  où  elle  a  dû  ravitailler  les  postes  de 
Bafoulabé  et  de  Kita,  et  pousser  jusqu'au  Niger  pour  établfa*  un  nouveau 
foit  à  Bamakou.  —  MM.  Bayol  et  Noirot,  chargés  d'aller  dans  le 
Kaarta  rassurer  les  chefs  sur  les  intentions  des  Français,  ont  eu  de  la 


—  47  — 

peine  à  remonter  le  Sénégal  dont  les  eaux  étaient  basses.  De  Bakel,  ils 
ont  dû  se  rendre  à  pied  à  Médine,  puis  traverser  le  fleuve  pour  prendre 
la  route  du  Nyoro,  par  Kounyakari.  La  mission  amicale  et  diplomatique 
du  D' Bayol  ne  sera  pas  facile,  les  gens  du  Kaarta  craignant  que  le'colo- 
nel  Borguis-Desbordes  n'aille  combattre  les  Toucouleurs  de  Ségou,  ce 
qui  les  exposerait  aux  représailles  de  ces  belliqueux  voisins.  —  D'après 
le  Compte  rendu  de  la  Société  de  géographie  de  Paris,  on  emploie 
depuis  plusieurs  mois,  pour  le  service  du  Haut-Sénégal,  des  véhicules  dits 
voitures  d'exploration,  métalliques,  étanches  et  démontables,  ce 
qui  permet  de  s'en  servir  sous  n'importe  quel  climat,  sans  avoir  à  craindre 
l'action  du  soleil  ni  celle  des  termites.  Uiie  fois  la  caisse  démontée,  ce 
véhicule  peut  être  mis  à  l'eau,  et  servir  de  bateau  pour  faire  passer  de 
l'autre  côté  d'une  rivière  hommes  et  marchandises. 


NOUVELLES  GOMPIiÉMENTAIRES 

Préoccupé  des  moyens  de  propager  l'instruction  chez  les  indigènes  de  l'Algérie, 
le  gouvernement  français  y  a  envoyé  M.  Buisson,  directeur  de  renseignement 
primaire  au  ministère  de  l'instruction  publique,  qui  a  dû  visiter  les  écoles  d'Alger, 
Oran  et  Constantine. 

Le  commandant  Derrien,  du  service  géographique,  et  24  officiers,  travaillent  à 
la  rectification  de  la  carte  de  la  province  d'Oran,  à  l'est  du  chef-lieu.  Leurs  tra- 
vaux devront  être  terminés  le  15  mai. 

Le  général  Saussier  a  fait  en  décembre  une  reconnaissance  du  pays  autour  de 
Mécheria.  Dans  la  crainte  d'une  nouvelle  et  prochaine  prise  d'armes  des  indigènes 
de  l'extrême  sud,  une  campagne  a  été  décidée  pour  le  printemps. 

Les  études  pour  le  creusement  de  la  mer  intérieure  des  Chotts  vont  recommencer. 
M.  Michel  Baronnet  en  dirigera  les  travaux  techniques.  Le  6  janvier  M.  Roudaire 
était  à  Tébessa;  le  matériel  de  sondage  était  tout  prêt.  M.  de  Lesseps  ira  rejoindre 
l'expédition  dès  que  celle-ci  aura  terminé  ses  opérations  préliminaires. 

Le  Conseil  supérieur  de  l'Algérie  a  demandé  la  construction  immédiate  de  la 
ligne  du  chemin  de  fer  d'Alger  à  Laghouat  et  à  Gardaïa,  avec  prolongement 
ultérieur  sur  Ouargla;  il  demande  aussi  la  prompte  construction  de  la  ligne  de 
Biskra  à  Touggourt. 

Trois  détachements  des  ateliers  de  sondage  se  sont  rendus  dans  les  oasis  de 
Mraler,  de  Touggourt,  et  sur  les  bords  de  l'Oued  Mia,  dans  la  région  d'Ouargla^ 
pour  y  rechercher  des  eaux  jaillissantes  et  relever  de  leurs  ruines  les  anciens 
villages  des  Mzabites,  dont  les  oasis  étaient  autrefois  si  florissantes.  M.  Tarry 
estime  qu'elles  avaient  autrefois  plus  de  deux  millions  de  palmiers;  il  en  reste 
150,000  à  peine.  Le  régime  climatérique  a  changé  :  les  pluies  sont  devenues  rares, 
les  puits  ont  disparu;  la  nappe  souterraine  est  à  plus  de  lôO"*  de  la  surface  du 


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sol,  et  le  Mzab  périrait  si  on  ne  lui  rendait  pas,  par  des  forages  artésiens,  les 
conditions  de  caltore  nécessaires. 

MM.  Mamoli  et  Gabaglio,  délégués  de  la  Société  milanaise  d'exploration  com- 
merciale en  Cyrénalque,  sont  retenus  à  Derna  par  le  caïmacan,  qui  ne  veut  pas  les 
laisser  se  rendre  à  Bengasi.  Le  vice-consul  italien  de  cette  ville  a  dû  protester  con- 
tre l'espèce  d'emprisonnement  dans  lequel  les  retient  l'autorité  turque.  —  M.  Gus- 
tave Kuhmer,  naturaliste  du  musée  de  Berlin,  s'est  rendu  à  Bengasi,  avec  des 
lettres  de  recommandation  du  professeur  Ascherson  pour  la  station  italienne. 

Nous  avons  mentionné,  dans  notre  dernier  numéro,  le  projet  d'un  nouveau  canal 
allant  d'Alexandrie  à  Suez  par  le  Caire;  les  ingénieurs  en  étudient  le  tracé. 
Quant  à  l'ancien,  la  commission  des  travaux  a  tenu  à  Paris  une  réunion,  dans 
laquelle  a  été  arrêté  le  programme  des  améliorations  à  y  apporter  pour  les 
nécessités  du  trafic;  elles  comportent  entre  autres  la  création  d'un  nouveau  bassin 
à  Port  Saïd,  un  agrandissement  de  la  gare  d'Ismaïlia  et  l'élargissement  du  canal 
à  Suez.  La  question  d'un  second  canal  parallèle  au  premier  a  été  ajournée. 

La  Société  des  missions  anglicanes  a  décidé  d'envoyer  au  Caire  M.  F.-A.  Klein, 
précédemment  missionnaire  à  Jérusalem,  pour  y  reprendre,  parmi  les  populations 
musulmanes,  l'œuvre  qu'elle  avait  commencée  en  1825  et  qui  avait  été  abandonnée. 

Le  D'  Schweinfurth  a  employé  la  dernière  saison  d'été  à  l'étude  des  environs 
de  la  vallée  du  porphyre,  à  50  kilom.  environ  des  pentes  du  Gebel  Darkhan.  Le 
D'  Oscar  Schneider,  à  Dresde,  a  publié  une  carte  de  cette  exploration,  avec  une 
monographie  sur  le  porphyre  des  anciens. 

Une  lettre  du  Caire  annonce  que  M.  Wissmann  est  arrivé  dans  cette  ville  le 
l«r  janvier.  Entre  le  lac  Moucamba  et  Nyangoué  il  a  traversé  le  territoire  d'une 
tribu  de  nègres  nains.  Du  lac  Tanganyîka  à  Zanzibar  son  voyage  s'est  fait  sans 
grandes  difficultés,  grâce  à  l'aide  que  lui  a  prêtée  Mirambo. 

ï)u  Caire  est  partie,  pour  Khartoum  et  le  Kordofan,  une  expédition  anglo- 
égyptienne  qui  compte  plus  d^une  centaine  d'officiers  anglais.  M.  Messedaglia  y  a 
été  attaché  avec  le  titre  de  bey.  Les  dernières  nouvelles  du  Soudan  annoncent  que 
le  faux  prophète  est  en  marche  sur  £l-Obéid  et  que  la  ville  ne  pourra  se  défendre 
plus  d'une  quinzaine  de  jours,  de  sorte  que  les  renforts  qui  ont  été  envoyés  du 
Caire  ne  pourront  arriver  à  temps,  pour  prévenir  l'occupation  d'El-Obéid  par 
les  rebelles. 

Lupton-bey  a  relevé  le  Bahr-el-Ghazal,  depuis  l'embouchure  du  Bahr-el-Arab 
jusqu'à  Mechra-el-Rek,  ce  qui  a  permis  aux  MittheUungen  de  Gotha  d'en  donner 
une  carte-esquisse,  d'après  laquelle  cet  affinent  du  Nil  Blanc,  un  peu  en  amont 
de  Doubba,  forme  deux  lacs,  l'un  à  l'est,  l'autre  à  l'ouest;  plus  haut  encore  il  tra- 
verse de  vastes  marais  herbeux;  les  éléphants  y  paraissent  nombreux. 

M.  C.  Gregori  est  parti  pour  explorer  les  régions  situées  à  l'est  de  l'Abyssinie. 
De  Khartoum  il  montera  sur  le  plateau  abyssin,  d'où  il  descendra  vers  les  terri- 
toires habités  par  les  Afars  et  traversés  par  le  Gualima  et  le  Melli  affluent  de 
l'Haouasch. 


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Le  ministre  de  la  marine  italienne  a  ordonné  l'armement  du  vapeur  le  Cariddiy 
qui  devra  transporter  à  Assab  le  personnel  et  le  matériel  destinés  à  cette  station, 
n  y  conduira  aussi  la  mission  commandée  par  Bianchi  pour  l'Abyssinie. 

Le  gouvernement  français  a  décidé  de  fonder  une  colonie  dans  la  baie  de  Tad- 
jourah,  dont  l'annexion  a  été  négociée  par  l'explorateur  français  M.  Soleillet. 
Cette  colonie  aurait  pour  but  d'entrer  en  rapports  commerciaux  avec  les  peuples 
habitant  dans  le  sud  de  l'Abyssinie.  Il  serait  aussi  question  d'établir,  dans  la  baie 
de  Ta^jourah,  une  station  navale  française  et  un  grand  dépôt  de  charbon. 

Les  frères  Sacconi  ont  fondé  une  station  commerciale  à  Harar;  ils  y  ont  trouvé 
un  commerce  actif;  mais  la  ville  est  infestée  par  la  variole  et  il  y  règne  une  telle 
incurie,  que  des  hyènes  et  des  léopards  envahissent  la  cité  de  nuit  et  dévorent  les 
malheureux  varioleux  abandonnés  dans  les  rues.  M.  Pierre  Sacconi,  membre  cor- 
respondant de  la  Société  milanaise  d'exploration,  a  l'intention  de  faire  des  excur- 
sions cl^ez  les  tribus  du  voisinage  encore  inconnues. 

M.  le  t)'  James  Pétrie^  gradué  de  l'université  d'Aberdeen,  a  été  envoyé  à  Magila 
dans  l'Ousambara,  comme  médecin  missionnaire. 

D'après  une  correspondance  des  côtes  orientales  d'Afrique,  publiée  par  le  Wes- 
tern Moming  News^  le  croiseur  Undme  est  arrivé  aux  îles  Comores  à  un  moment 
où  la  traite  s'y  pratiquait  sur  une  vaste  échelle,  et  il  a  pu  capturer  huit  bâtiments 
négriers  dans  l'espace  de  quelques  jours, 

Une  lettre  de  M.  Ledoulx,  consul  de  France  à  Zanzibar,  annonce  que  les  explo- 
rateurs établis  à  Gondah,  station  du  Comité  national  allemand,  vont  la  quitter 
pour  se  diriger  vers  le  lac  Bangouéolo. 

Les  missionnaires  anglais  envoyés  au  Victoria  Nyanza,  MM.  Stokes,  Ashe  et  Wise, 
partis  d'Ouyouy,  ont  dû  rebrousser  chemin  après  avoir  fait  100  kilom.  de  marche 
vers  le  nord,  les  habitants  d'un  village  leur  demandant  de  payer  le  hongo  en  fusils 
et  en  poudre^  ce  qu'ils  n'ont  pas  voulu  faire. 

Un  traité  de  commerce  a  été  signé  à  Lisbonne  le  11  décembre  1882  entre  le 
Portugal  et  le  Transvaal.  Il  exempte  les  produits  du  sol  des  deux  pays  des  droits 
d'entrée  et  de  transit  dans  les  deux  États,  et  certaines  denrées  destinées  au  Trans- 
vaal des  droits  de  débarquement  dans  la  baie  de  Loreigo  Marquez.  Ce  traité  a 
été  approuvé  par  le  gouvernement  britannique,  autorité  suzeraine  du  Transvaal. 

Des  combats  ont  eu  lieu  entre  les  adhérents  de  Mapoch  et  les  Boers,  qui  ont 
repoussé  les  Cafres,  pris  du  bétail,  des  graines,  et  construit  des  forts  autour  des 
grottes  où  les  indigènes  se  sont  réfugiés.  Le  gouvernement  du  Cap  leur  a  prêté 
deux  canons  et  des  munitions.  Cinq  des  chefs  rebelles  ont  fait  leur  soumission;  on 
s'attend  à  ce  que  Mapoch  soit  bientôt  pris. 

Les  hostilités  entre  les  Boers  et  Mapoch  n'ont  pas  permis  aux  missionnaires 
vaudois,  qui  se  rendent  à  Yaldézia,  de  prendre  la  route  directe  par  Marabastadt; 
ils  ont  dû  passer  par  Pretoria. 

Une  concession  a  été  accordée  pour  30  ans  à  M.  Lubie  d^  Londres,  pour  la 
création  d'une  banque  nationale  à  Pretoria. 


—  50  — 

Les  missionnaires  wesleyens  ont  fondé  Tannée  dernière  une  station  chez  les 
Swazies,  dans  la  partie  orientale  du  Transvaal,  avoc  Pintention  de  s'avancer  vers 
le  nord  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  rejoint  la  mission  du  pays  d'Oumzila.  Us  ont  encore 
deux  autres  bases  d'opérations,  à  Pretoria  et  chez  les  Barolongs,  d'où  ils  marchent 
en  avant^  créant  des  stations  et  des  sous-stations,  de  manière  à  en  former  nne 
chaîne  très  forte,  tous  ces  établissements  s'appuyant  les  uns  les  autres. 

Il  est  question  de  fonder  à  Natal  une  école  industrielle  et  agricole  pour  les 
natifs. 

Gettiwayo  s'est  rendu  à  Port  Dumfort  sur  un  navire  de  guerre  anglais.  Le 
résident  anglais  l'a  reçu  avec  de  l'infanterie  et  de  la  cavalerie,  et  l'a  escorté 
jusqu'à  Ulundi,  pour  l'y  installer  roi  de  la  partie  centrale  du  Zoulouland;  la  partie 
méridionale  restera  à  John  Dunn  ;  la  partie  septentrionale  sera  donnée  au  chef 
Usibebu.  Cettiwayo  et  John  Dunn  devront  recevoir  chacun  un  résident  anglais.    * 

Le  gouvernement  anglais  examine  la  question  de  subsides  à  accorder  à  la  Com- 
pagnie des  Messageries,  pour  un  service  régulier  de  steamers  de  Natal  à  Tamatave 
et  à  Maurice. 

Le  D'  F.-O.  Nichols  écrit  de  Baïlounda^  que  la  petite  vérole  y  exerce  ses  ravages 
comme  dans  la  colonie  du  Cap,  et  qu'il  y  en  a  beaucoup  de  cas  parmi  les  natifs. 

M.  Ferreira  de  Amaral  a  fait  une  visite  à  la  colonie  des  Boers  de  Humpata, 
qu'il  a  trouvée  en  grand  progrès.  Les  propriétés  sont  abondamment  pourvues 
d'eau,  au  moyen  de  canaux  créés  par  les  colons  ;  leurs  produits  sont  si  abondants 
qu'ils  ont  déjà  pu  en  exporter  l'année  dernière  à  Mossamédès;  le  gouverneur  de 
Mossamédès  leur  a  envoyé  des  semences,  entre  autres  du  chinchona  de  Saint- 
Thomas. 

L'évèque  d'Angola  a  fondé  à  Huilla  une  mission,  sur  une  propriété  de  2000  hec- 
tares de  terres  très  fertiles. 

Une  société  s'est  fondée  à  Londres  sous  le  titre  de  «  Congo  and  Central  African 
Company,  »  au  capital  de  250,000  livres  sterling,  pour  trafiquer  le  long  de  la  côte 
occidentale  d'Afrique  et  spécialement  sur  le  Congo,  en  se  servant  de  la  route 
construite  par  Stanley. 

Le  P.  Augouard  compte  fonder  une  station  sur  la  rive  droite  de  Stanley-Pool, 
sur  un  terrain  que  lui  a  cédé  Savorgnan  de  Brazza. 

Le  Flirt  et  le  Pioneery  bâtiments  de  la  marine  royale  anglaise,  ont  remonté  la 
rivière  Akassa,  pour  punir  les  natifs  qui  avaient  incendié  la  factorerie  de  Wari 
Creek.  Le  Pioneer,  tirant  peu  d'eau,  a  pu  remonter  jusque  près  du  village,  l'a 
bombardé  et  brûlé,  après  quoi  une  partie  de  l'équipage  ayant  débarqué  l'a  détruit. 

Le  capitaine  Lonsdale,  chargé  par  le  gouverneur  de  la  Côte  d'Or  de  se  rendre 
à  Eoumassîe,  s'est  avancé  de  là  jiisqu'à  Salaga.  M.  C.  Y.  £.  Graves  l'a  accompagné 
jusqu'à  Abrouno,  puis  il  a  pris  une  route  à  l'est,  jusqu'à  Kratshie  sur  le  Voila, 
après  quoi  il  est  remonté  au  nord  vers  Salaga. 

Les  natifs  voisias  de  Libéria  fabriquent  des  ihstruments,  agricoles  et  autres, 
d'un  fer  si  pur  que,  chauffé,  il  devient  malléable  au  point  qu'on  peut  le  mettre  au 
moule  sans  le  faire  fondre.  Un  spécimen  de  ce  fer  a  été  analysé  par  le  D'  A.  A. 


—  51  — 

Hayes,  géologue  de  l'état  da  Massachusets,  qui  l'a  trouvé  composé  de  98,40  "/o  de 
fer  pur  et  de  1,60  °/o  de  quartz,  oxyde  magnétique,  cristaux  de  fer  et  zoolithe. 


QUELQUES  MOTS  SUR  LA  COLONISATION  EUROPÉENNE  EN  AFRIQUE, 

p 

▲  PROPOS  DE  l'ouvrage  DE  M.  PAUL  LEROY-BBAULIEU  SUR  LA  COLONISATION  ^ 

On  ne  peut  nous  demander  de  résumer  en  un  article,  tel  que  ceux  que 
comporte  le  format  de  notre  journal,  un  livre  de  650  pages,  nourri  et 
substantiel  comme  le  sont  toujours  ceux  de  M.  Leroy-Beaulieu,  et  dans 
lequel  tous  les  coups  portent,  tous  les  détails,  tous  les  chiflEres  ont  leur 
importance  et  viennent  directement  à  l'appui  de  la  thèse  que  l'auteur 
prétend  prouver.  Nous  ne  pourrions  donner  ici  qu'un  pâle  aperçu  du 
volume,  si  nous  voulions  le  considérer  dans  son  ensemble  ;  aussi  préfé- 
rons-nous, après  avoir  indiqué  ses  grandes  divisions,  ne  parler,  d'une 
manière  spéciale,  que  de  la  colonisation  au  point  de  vue  africain. 

L'auteur  étudie  d'abord,  dans  une  première  partie,  le  côté  historique 
et  géographique  de  la  question.  Le  livre  premier  est  consacré  à  la  colo- 
nisation antérieure  au  XEL"**  siècle,  aux  efforts  des  Espagnols,  des 
Portugais,  des  Hollandais,  des  Anglais,  des  Français,  des  Danois  et  des 
Suédois,  pour  créer  des  empires  coloniaux  puissants  et  durables. 
Chemin  faisant,  le  savant  écrivain  montre  que  Tesprit  étroit  qui  prési- 
dait alors  à  la  fondation  des  établissements  commerciaux,  la  dépendance 
dans  laquelle  on  les  maintenait,  les  privilèges  énormes  que  l'on  accor- 
dait aux  compagnies  marchandes,  le  travail  forcé  imposé  aux  indigènes, 
le  mauvais  régime  des  terres,  empêchaient  les  colonies  de  progresser  et 
de  donner  tous  les  fruits  qu'on  pouvait,  semblait-il,  en  attendre. 

Dans  le  livre  deuxième,  sur  la  colonisation  au  XIX™  siècle,  les 
premiers  chapitres  roulent  sur  les  colonies  de  plantation  ou  d'exploita- 
tion, fondées  en  général  dans  la  région  tropicale.  Elles  sont  destinées  h 
fournir  à  l'Europe  les  denrées  coloniales  dont  elle  a  besoin  et  attirent 
surtout  les  capitaux.  Telles  sont  les  Antilles,  les  Philippines,  Java, 
La  Réunion,  etc.  Un  chapitre  de  100  pages  environ  traite  de  l'Algérie,  et 
un  autre,  beaucoup  plus  court,  des  autres  possessions  françaises.  Les 
colonies  anglaises,  l'Australie  en  particulier,  sont  étudiées  en  détail, 

^  De  îa  colonisation  chez  les  peuples  modernes,  Paris  (Gaillaamin)  1882,  in-8'', 
659  pages,  fr.  9. 


—  52  — 

sauf  rHindoustan,  pays  dont  Thistoire  et  la  description  exigeraient  des 
volumes  et  dont  Tauteur  ne  donne  qu'un  rapide  aperçu. 

Le  côté  purement  scientifique  de  la  colonisation  est  traité  dans  une 
seconde  partie  qui  est  intitulée  :  Doctrines.  Peu  d'écrivains  étaient  plus 
compétents  que  M.  Leroy-Beaulieu  pour  étudier  les  questions  de  l'émi- 
gration humaine,  de  l'émigration  des  capitaux,  du  commerce  colonial  et 
de  son  utilité  pour  la  métropole,  enfin  du  meiUeur  régime  applicable 
aux  établissements  d'outre-mer.  Il  serait  trop  long,  et  surtout  sans 
rapport  direct  avec  notre  journal,  de  suivre  l'auteur  sur  ce  terrain  de 
haute  économie  politique,  oii  il  est  passé  maître.  Nous  préférons  résumer 
rapidement  pour  nos  lecteurs  ses  vues  sur  la  colonisation  africaine. 

Il  n'y  a  pas,  comme  on  le  voit  d'après  le  plan  que  nous  venons 
d'exposer,  de  chapitre  spécial  consacré  à  l'Afrique.  Il  nous  a  fallu  glaner 
çà  et  là  les  appréciations  de  l'auteur  sur  ce  sujet,  actuellement  si 
brûlant  surtout  en  ce  qui  concerne  l'Algérie.  M.  Leroy-Beaulieu  a,  en 
eflfet,  il  y  a  quelques  mois,  publié  sur  cette  colonie,  dans  la  Bévue  des 
Deux-Mondes,  un  article  fort  remarqué,  dans  lequel  il  expose,  comme 
dans  son  grand  ouvrage,  d'une  manière  nette  et  tranchée,  son  opinion, 
fort  différente  de  celle  qui  prévaut  parmi  les  députés  algériens  et  les 
membres  du  gouvernement. 

La  plus  importante  des  colonies  françaises  \  non  seulement  de  l'Afri- 
que mais  du  monde  entier,  est  sans  contredit  l'Algérie.  Sa  position 
est  exceptionnelle;  située  aux  portes  de  l'Europe,  h  la  lisière  de 
l'Afrique,  elle  commande  une  grande  ligne  de  côtes,  et  donne  à  la 
France  une  influence  immense  sur  le  bassin  méditerranéen.  C'est  préci- 
sément à  cause  de  cette  situation  si  avantageuse,  que  beaucoup  de  per- 
sonnes s'étonnent  que  la  France  n'en  ait  pas  tiré  un  meilleur  parti. 
Dans  les  mains  d'une  nation  colonisatrice,  comme  l'Angleterre,  disent- 
elles,  l'Algérie  serait  devenue  une  véritable  puissance  avec  laquelle  il 
faudrait  compter.  M.  Leroy-Beaulieu  réfute  victorieusement,  selon  nous, 
cette  assertion.  Pour  lui,  la  colonisation  de  l'Algérie  est  sans  précédents 
et  sans  analogies  dans  l'histoire  ou  dans  le  temps  présent.  Jamais, 
dit-il,  une  entreprise  coloniale  n'a  offert  à  un  peuple  civilisé  d'aussi 
grandes  difficultés  que  l'Algérie.  Elle  n'est  pas  une  terre  vacante,  comme 

^  Les  possessions  françaises  en  Afrique  sont  :  L'Algérie,  la  Tunisie,  le  Sénégal 
et  ses  dépendances,  le  Gabon,  Obock,  la  Réunion,  Sainte-Marie,  Mayotte,Nos8i-Bé 
et  quelques  points  sur  les  côtes  de  Madagascar  (Yoir  la  carte  des  possessionB  des 
Européens,  dans  notre  numéro  de  janvier). 


—  53  — 

Tétaient  à  Torigine  TAustralie,  le  Canada,  la  Nouvelle-Zélande  et  les 
États-Unis  ;  elle  ne  peut  donc  être  comme  eux  une  colonie  de  peuplement. 
D'autre  part,  tout  le  sol  n'est  pas  occupé  et  cultivé  par  une  popula- 
tion dense,  de  mœurs  douces,  et  ne  peut  devenir  une  colonie  d'exploita- 
tion, comme  le  sont  les  Indes  pour  l'Angleterre  et  Java  pour  la  Hollande. 
Les  difficultés  que  rencontre  l'Angleterre  dans  l'Afrique  australe  sont 
peu  de  chose,  à  côté  de  celles  que  les  Français  doivent  surmonter  en 
Algérie,  car  les  Arabes  sont  plus  nombreux,  plus  intelligents  et  plus 
guerriers  que  les  Cafres  et  les  Zoulous.  En  un  mot,  M.  Leroy-Beaulieu 
croit  que  mille  autre  puissance  européenne,  sans  en  excepter  l'Angle- 
terre ni  la  Hollande,  n'eût  obtenu  dans  ce  pays,  en  un  temps  aussi  bref, 
un  aussi  grand  succès.  Tout  en  faisant  la  part  de  l'amour-propre 
national  daps  les  appréciations  qui  précèdent,  on  peut,  sans  crainte 
d'être  démenti,  dire  quilles  progrès  réalisés  par  la  France  en  Algérie, 
depuis  la  conquête  il  y  a  50  ans,  sont  considérables. 

Aujourd'hui  400,000  Européens  vivent  en  Algérie,  tandis  que  le 
Canada,  en  1763,  lorsque  les  vicissitudes  de  la  guerre  le  firent  perdre 
pour  la  France,  ne  contenait  que  60,000  Français,  quoiqu'ils  en  ftissent 
mattres  depuis  deux  siècles.  Le  pays  du  Cap  et  la  colonie  de  Natal  ne 
comptent  pas  aujoui'd'hui  300,000  Européens,  quoique  le  mouvement 
d'émigration  vers  ces  contrées  ait  commencé  depuis  300  ans.  La  terre 
de  l'Algérie  est  productive,  le  climat  y  est  doux,  du  moins  dans  le  Tell, 
on  y  trouve  du  travail;  cela  suffit  pour  expliquer  le  rapide  peuplement 
du  pays.  Puis,  les  naissances  dans  la  population  européenne  s'élevant 
en  1880  à  13,123  et  les  décès  à  12,185,  l'augmentation  serait  assez  rapide 
même  sans  l'émigration.  Les  Français  ne  constituent  que  les  45  pour  100 
de  la  population  européenne  totale.  Les  Espagnols  et  les  Italiens  sont 
fort  nombreux  et  augmentent  sans  cesse.  Il  y  a  aussi  beaucoup  d'Alle- 
mands, de  Suisses  et  d'Anglo-Maltais.  Mais  toute  cette  population  tend 
à  se  fusionner,  à  cause  de  l'influence  de  l'école,  des  mariages  mixtes  et 
du  grand  nombre  des  naturalisations. 

Les  indigènes,  au  nombre  de  deux  millions  huit  cent  mille  environ, 
sont  aussi  en  voie  d'accroissement  rapide.  En  1880,  on  a  compté  chez 
eux  68,107  naissances  contre  61,134  décès. 

Le  commerce  algérien  représente  la  quinzième  partie  du  commerce 
extérieur  de  la  France.  De  1877  à  1880,  les  importations  se  sont  élevées 
de  216  à  303  Va  millions,  et  les  exportations,  de  133  à  168  millions. 

Il  ne  faut  pas  s'étonner  que  les  importations  dépassent  les  expor- 
tations. C'est  le  cas  pour  toute   colonie,  qui,  pendant  sa  période 


—  54  — 

d'enfance  ou  d'adolescence,  reçoit  de  l'étranger  plus  qu'elle  ne  lui 
rend.  Elle  attire  les  capitaux,  qui  s'y  introduisent  le  plus  souvent  sous 
la  forme  de  machines,  d'instruments  agricoles,  etc. 

Il  n'y  a  guère  plus  de  quinze  ans  que  l'on  a  commencé  à  exploiter 
sérieusement  les  ressources  de  l'Algérie,  et  l'on  peut  maintenant  recon- 
naître qu'eUes  sont  considérables.  Au  point  de  vue  minéral,  elle  possède 
le  fer,  le  cuivre,  le  plomb  argentifère,  le  zinc,  la  houille,  etc.  A  la  fin  de 
1880,  il  n'y  avait  pas  moins  de  36  mines  concédées  ;  la  production  des 
minerais  de  toute  nature  avait  été  de  644,000  tonnes,  et  le  nombre  des 
ouvriers  occupés  de  2,414.  Les  mines  de  Mokta-el-Hadid,  près  de  Bône, 
et  de  la  Tafna  senties  principales;  elles  produisent  un  excellent  minerai 
de  fer,  qui  prend  la  route  de  l'Angleterre  et  des  États-Unis. 

Malgré  l'importance  de  ces  gisements,  c'est  bien  certainement  l'agri- 
culture qui  est  la  première  richesse  de  l'Algérie?  On  peut  reprocher  à  ce 
pays  de  manquer  d'humidité,  mais  combien  de  contrées  qui  présentent 
ce  désavantage  n'en  sont  pas  moins  productives!  L'Algérie  à  11  ou  12 
millions  d'hectares  de  terres  cultivables  ;  c'est  h  peu  près  le  tiers  de  ce 
qu'il  y  en  a  en  France  ;  les  Européens  en  possèdent  plus  du  dixième,  et 
les  meilleures.  Les  pâturages  et  les  céréales  occupent  la  plus  grande 
partie  de  ces  terrains,  mais  la  culture  des  céréales  ne  s'étend  guère. 
Sur  les  terres  des  Européens,  la  récolte  est  relativement  d'un  tiers  plus 
élevée  que  sur  celles  des  indigènes.  Ce  n'est  que  depuis  sept  ou  huit  ans 
que  l'on  s'est  mis  à  cultiver  la  vigne.  Les  premiers  colons  lui  préféraient 
le  coton,  qui  produit  15  fois  moins.  La  question  des  vignobles  en 
Algérie  est  à  l'ordre  du  jour,  maintenant  qu'un  implacable  ennemi 
s'acharne  à  la  destruction  des  vignes  françaises.  Il  y  a  aujourd'hui 
17,000  planteurs  pour  24,000  hectares;  c'est  encore  peu  de  chose,  tou- 
tefois le  mouvement  est  donné  ;  des  sociétés  financières  se  fondent,  et 
les  vignerons  du  midi  de  la  France  se  transportent  en  foule  en  Afrique. 

L'alfa,  Cette  herbe  des  hauts  plateaux  qui  se  sème  d'elle-même  et  ne 
demande  d'autres  soins  que  ceux  de  la  récolte,  donne  lieu  à  une  exploi- 
tation active.  On  en  exporte  actuellement  70,000  tonnes  par  an,  dont  la 
plus  grande  partie  va  en  Angleterre  pour  être  convertie  en  papier.  C'est 
à  peine  si  2,000  tonnes  sont  expédiées  en  France. 

Les  voies  de  communication,  qui  seules  permettront  de  développer  la 
production  algérienne,  sont  de  plus  en  plus  nombreuses.  Il  y  a  10,500 
kilomètres  de  routes,  et  10  millions  de  francs  sont  consacrés  chaque 
année  à  en  construire  de  nouvelles.  On  travaille  aussi  au  creusement  des 
puits.  Les  chemins  de  fer  exploités  ont  environ  1200  kilomètres  de  Ion- 


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gueur.  Us  sont  surtout  nombreux  à  Test  et  h  l'ouest,  mais  il  y  a  au  cen- 
tre une  lacune  qui  sera  comblée  dans  deux  ou  trois  ans. 

On  compte  en  Algérie  229  bureaux  de  poste  ou  de  télégraphe  ;  mais 
les  colons  se  plaignent  de  ce  que  les  relations  avec  l'Europe  ne  sont  ni 
assez  régulières  ni  assez  fréquentes.  Il  serait  temps,  semble-t-il,  d'éta- 
blir un  courrier  quotidien,  puisque  le  mouvement  des  passagers  est  de 
plus  de  1600  par  jour  en  moyenne.  Au  point  de  vue  de  l'instruction,  les 
Européens  d'Algérie  occupent  une  des  meilleures  places  parmi  les  grou- 
pes de  population  du  monde.  On  y  compte  710  écoles  primaires  suivies 
par  49,000  élèves,  mais  l'enseignement  secondaire  est  trop  rudimen taire; 
il  est  moins  bien  organisé  que  l'enseignement  supérieur,  puisque  Alger 
a  une  université,  dont  les  facultés  de  droit  et  des  lettres  sont  particuliè- 
rement fréquentées. 

L'Algérie  coûte  beaucoup  moins  à  la  France  qu'on  ne  le  croit.  Elle 
suffit  par  ses  propres  ressources  à  presque  toutes  ses  dépenses  ordinai- 
res et  civiles  :  la  France  n'intervient  que  pour  quelques  travaux  extraor- 
dinaires, et  se  charge  aussi  de  l'entretien  de  l'armée,  tandis  que 
l'Angleterre  met  ce  dernier  fardeau  à  la  charge  de  l'Inde. 

Par  tout  ce  qui  précède,  il  est  bien  prouvé  que  l'Algérie  est  dans  une 
période  de  prospérité,  qu'elle  se  peuple  et  s'enrichit,  et  toutes  les  déci- 
sions du  gouvernement  de  la  métropole  doivent  tendre  à  continuer 
l'œuvre  patiente  et  féconde  accomplie  depuis  50  ans.  En  ce  moment  on 
s'occupe  beaucoup  de  l'organisation  de  l'Algérie  ;  de  nombreux  projets 
qui,  aux  yeux  de  leurs  promoteurs,  doivent  faire  progresser  rapidement 
la  colonie,  sont  devant  le  parlement.  M.  Leroy-Beaulieu,  lui,  ne  le  croit 
pas.  La  question  qui  le  préoccupe  surtout  est  ceUe  des  indigènes.  Que 
veut-on  faire  d'eux  ?  demaude-t-il.  Sous  le  règne  de  Louis-Philippe,  quel- 
ques écrivains  parlaient  de  les  refouler  dans  le  désert  ;  cette  théorie  a 
encore  des  pailisans.  Or,  rien  ne  serait  plus  inique,  plus  absurde. 
Jamais  un  peuple  conquérant  n'a  réussi  à  refouler  un  peuple  conquis  ; 
il  s'est  juxtaposé  ou  fusionné  avec  lui,  mais  il  n'a  pas  pu  le  faire  dispa- 
raître; du  reste,  les  révoltes  récentes  de  l'Algérie  peuvent  donner  une 
idée  des  guerres  interminables  qui  seraient  la  conséquence  d'une 
pareille  mesure?  Les  150,000  Indiens  des  États-Unis  jettent  de  temps  à 
autre  dans  l'inquiétude  l'énoiine  population  européenne  de  ce  pays  ;  que 
serait-ce  si  deux  millions  et  demi  d'Arabes  étaient  aux  prises  avec  400,000 
Européens  ? 

Il  faut  donc  vivre  avec  eux  et  avoir  à  leur  égard  une  politique  pru- 
dente, qui  n'ait  pas  pour  conséquence  des  troubles  agraires,  comme  ceux 


—  56  — 

de  rirlaûde.  Or,  M.  Leroy-Beaulieu  croit  que  l'ou  entrerait  dans  une 
mauvaise  voie,  en  consacrant  des  sommes  énormes  à  Tachât,  par  voie 
d'expropriation  forcée,  de  400,000  à  500,000  hectares  aux  Arabes,  pour 
constituer  des  centres  européens.  Les  140,000  colons  ruraux  que  compte 
TAlgérie  possèdent  ensemble  1,200,000  hectares,  qui,  mieux  cultivés, 
pourraient  suffire  à  une  population  agricole  de  400,000  âmes  environ.  Il 
n'est  donc  pas  nécessaire,  si  les  terres  confisquées  par  les  Français  au 
moment  de  la  conquête  et  après  Tinsurrection  de  1870  sont  épuisées  et 
vendues  à  des  colons  européens,  d'en  acquérir  de  nouvelles.  D'ailleurs 
cette  expropriation  ne  serait  pas  excusable  ni  à  l'honneur  de  la  France. 
On  dépouillerait  par  force  des  indigènes  qui  ne  demandent  pas  mieux 
que  de  conserver  leurs  terres  et  de  les  cultiver  ;  on  formerait  une  popu- 
lation flottante,  sans  occupation,  qui  quitterait  les  campagnes  pour  les 
villes,  et  là,  pourrait  causer  de  grands  embarras  au  gouvernement.  Puis, 
la  colonisation  officielle  n'a  produit,  d'après  M.  Leroy-Beaulieu,  que 
de  mauvais  résultats.  Les  colons,  trop  réglementés,  préfèrent  s'établir 
libres  de  toute  entrave  et  quittent  peu  à  peu  les  terres  du  gouvernement, 
n  serait  préférable  de  ne  pas  adopter  le  système  de  l'expropriation,  mais 
attendre  les  fruits  de  l'achat  à  l'amiable,  toujours  plus  fréquent,  des 
terres  aux  indigènes,  du  morcellement  et  de  la  culture  plus  intensive 
des  vastes  espaces  que  possèdent  déjà  les  Européens. 

D'autre  part,  il  est  indispensable  de  soumettre  les  Arabes  à  un  régime 
administratif  et  politique  qui  soit  plus  empreint  de  bienveillance.  Il  faut 
quitter  les  procédés  humiliants  et  soupçonneux,  et  agir  avec  plus  de  fran- 
chise et  de  bonté.  Croirait-on  qu'un  Arabe,  chevalier  de  la  légion  d'hon- 
neur, ne  peut,  par  exemple,  s'absenter  de  Cherchell,  où  il  réside,  pour 
aller  faire  sa  récolte  dans  une  propriété  à  30  ou  40  kilom.  de  là  sans 
solliciter  un  permis  du  maire,  et  ce  fonctionnaire,  par  mauvaise  humeur, 
peut  le  lui  faire  attendre  et  même  le  lui  refuser  !  Un  choix  meilleur  de 
fonctionnaires  civils  s'impose.  On  raconte  qu'un  ténor,  faisant  ses  débuts 
sur  le  théâtre  d'Alger  et  n'ayant  pas  eu  l'agrément  du  public,  aurait 
quitté  la  scène  et  serait  devenu  commissaire  civil.  Des  mattres  d'étude, 
impuissants  à  tenir  une  classe  de  25  ou  30  bambins,  seraient  allés  admi- 
nistrer 10  ou  15,000  Arabes.  Il  est  temps  de  constituer  un  personnel 
administratif  colonial,  bien  préparé  et  connaissant  la  langue  arabe. 

Enfin,  M.  Leroy-Beaulieu  demande  qu'on  augmente  considérablement 
le  nombre  des  écoles  arabes,  —  il  y  en  a  aujourd'hui  une  trentaine,  — 
et  qu'on  arrive  à  résoudre  le  problème  de  la  représentation  des  indigè- 
nes dans  le  parlement,  oii  ils  pourront  faire  entendre  leurs  plaintes  et 
éclairer  bien  des  questions,  obscures  pour  la  plupart  des  députés. 


—  57  — 

Nous  laissons  h  Tauteur  toute  la  responsabilité  de  ses  appréciations, 
mais  il  nous  semble  que  la  plupart  de  ses  demandes  sont  tout  à  fait 
légitimes,  et  qu^elles  s'imposent  à  Tattention  du  gouvernement. 

Parmi  les  autres  possessions  continentales  de  la  France  en  Afrique,  la 
plus  importante  est  le  Sénégal.  C'est,  à  cause  du  climat  insalubre,  plutôt 
une  colonie  de  commerce  et  d'influence  que  d'agriculture  et  d'immigra- 
tion. Quelques  Européens,  au  nombre  de  300  environ,  sont  établis  à 
Saint-Louis,  à  Gorée,  à  Dakar  et  dans  quelques  comptoirs  de  l'intérieur, 
et  ils  étendent  leurs  relations  dans  un  rayon  de  près  de  800  kilom.  Le 
commerce  du  Sénégal  est  stationnaire,  ou  plutôt  il  a  décru  dans  une 
certaine  proportion,  surtout  quant  à  l'importation.  Il  est  temps  que,  par 
l'établissement  de  lignes  ferrées,  qui  coûtent  d'ailleurs  peu  de  frais  de 
construction  dans  ces  contrées,  la  colonie  reçoive  une  nouvelle  impulsion. 

Il  y  a  peu  d'importance  à  attacher  aux  comptoirs  d'Assinie  et  de 
Grand  Bassam  sur  la  Côte  de  Guinée.  Il  est  diflBcile  du  reste  de  donner 
le  nom  de  colonies  à  de  simples  blockhaus,  près  desquels  sont  groupées 
quelques  huttes  européennes,  pour  un  trafic  assez  borné  d'ivoire,  de  bois 
d'ébène,  de  sandal  et  d'huile  de  palme.  Le  Gabon  semble  être  d'une  plus 
grande  utilité  pour  la  France,  puisqu'il  pourrait  devenir  le  point  de 
départ  d'une  ligne  de  pénétration  conduisant  dans  la  région  du  Congo. 

Le  petit  port  d'Obock,  sur  le  golfe  d'Aden,  se  trouve  dans  le  voisinage 
du  détroit  de  Bab-el-Mandeb.  C'est  avant  tout  une  station  sur  la  route 
des  Indes,  et  il  serait  bien  difficile  de  dire  dès  aujourd'hui,  vu  l'insa- 
lubrité du  climat  et  le  peu  de  bienveillance  que  témoignent  les  indi- 
gènes, si  les  projets  de  colonisation  de  M.  Soleillet,  sur  les  rivages  de  la 
baie  de  Tadjoura,  seront  couronnés  de  succès. 

Parmi  les  îles  africaines  appartenant  à  la  France,  Mayotte,  Nossi-Bé 
et  Sainte-Marie  ensemble  comptent  à  peine  27,000  habitants,  parmi 
lesquels  quelques  Européens.  Ces  colonies  microscopiques  n'ont  guère 
d'importance  qu'à  cause  de  leur  proximité  de  Madagascar,  île  sur  laquelle 
la  France  cherche  actuellement  à  étendre  son  influence. 

L'île  de  la  Réunion  a,  dans  ces  derniers  temps,  été  particulièrement 
affligée  par  des  crises  industrielles  et  agricoles.  Elle  ne  compte  que 
182,130  habitants,  disséminés  sur  251,676  hectares.  Prise  dans  son 
ensemble,  elle  est,  comme  ses  voisines,  une  fabrique  de  sucre  ;  40,000 
hectares  sont  consacrés  à  cette  culture,  3700  seulement  à  celle  du  café 
et  541  à  celle  du  tabac.  Faute  de  port  et  à  cause  des  cyclones,  elle  a 
été  jusqu'à  ces  derniers  temps  une  côte  inhospitalière.  La  France  ayant 


—  58  — 

conseuti  à  d'énormes  sacrifices  pour  faire  à  la  Réunion  un  port  et  un 
chemin  de  fer,  il  faut  espérer  que  cette  lie  entrera  désormais  dans  une 
ère  de  prospérité  agricole  et  industrielle. 

Si  les  Anglais  ne  possèdent  pas  en  Afrique  une  terre  aussi  importante 
que  TAlgérie  ' ,  la  colonie  du  Cap,  sous  le  rapport  de  la  position  et  du 
climat»  ne  le  cède  à  aucune  terre  européenne. 

Elle  est  située  sur  une  des  grandes  voies  de  communication  du  monde 
—  la  plus  grande  avant  le  percement  de  l'isthme  de  Suez  ;  —  d'une  salu- 
brité exceptionnelle,  elle  est  accessible  k  toutes  les  races  humaines  sans 
crise  d'acclimatement  ;  enfin,  elle  oSre  le  phénomène  de  la  réunion  sur 
un  même  sol  des  produits  les  plus  variés,  la  soie,  les  vins,  les  fruits,  le 
blé,  en  même  temps  que  des  bois  de  grand  prix.  Malgré  ces  avantages 
immenses,  les  HoUandais,  sur  lesquels  les  Anglais  l'ont  conquis  au  com- 
mencement du  siècle,  n'avaient  rien  su  tirer  du  Pays  du  Cap.  Leur 
régime  était  déplorable  ;  toute  liberté  politique  manquait.  Lorsque  les 
Anglais  arrivèrent,  ils  se  trouvèrent  en  face  d'une  population  travail- 
leuse, économe,  austère:  les  Boers.  On  chercha  par  l'immigration 
anglaise  ou  allemande  à  faire  contre-poids  à  l'élément  hollandais. 
Les  Boers  protestèrent  contre  une  sorte  d'infériorité  politique  dans 
laqueUe  on  aurait  voulu  les  placer,  et  un  grand  nombre  émigrèrent  pour 
fonder  les  établissements  de  Natal,  de  l'Orange  et  du  Transvaal. 

Au  point  de  vue  politique,  la  domination  anglaise  fut  pour  le  Cap  un 
grand  paâ  en  avant,  car,  dès  1853,  le  Cap  recevait  une  constitution  qui 
instituait  une  législature  élective.  Au  point  de  vue  commercial,  ce  fut 
un  grand  soulagement  :  les  colons  se  trouvèrent  enfin  délivrés  du  mono- 
pole et  des  mille  règlements  dont  la  Hollande  les  avait  accablés.  Une 
bberté  de  conmierce  pleine  et  entière  leur  fut  accordée.  La  métropole 
n'intervint  que  pour  protéger  leur  produit  principal,  le  vin.  Ce  sont  des 
descendants  de  calvinistes  français  émigrés  qui  ont,  les  premiers,  cultivé 
le  fameux  vin  de  Constance,  qui  fut  pendant  un  temps  le  plus  renommé 
du  monde.  Aujourd'hui  ce  cru  a  perdu  sa  vieille  réputation,  par  suite  de 
l'établissement  d'une  multitude  de  petites  maisons  de  commerce  qui,  à 
la  recherche  de  profits  excessife,  ont  détérioré  ce  précieux  produit  et  lui 
ont,  à  la  longue,  enlevé  son  renom. 

^  Possessions  anglaises  en  Afrique  :  Pays  du  Cap  ;  Natal  ;  Sierra  Leone  ;  Côte 
d'Or  et  autres  points  sur  la  c6te  de  Guinée  et  en  Sénégambie  ;  Des  de  PAscen- 
tion,  Sainte-Hélène,  Tristan  d'Acunha,  Maurice,  Seychelles,  Amirautés,  Socotora 
et  Périm. 


—  59  — 

Le  Cap  est  d'une  étendue  à  peu  près  égale  \  la  France,  tandis  que 
Natal  a  une  surface  onze  fois  plus  petite.  La  population  s'accroît 
rapidement  ;  elle  double  presque  en  20  ans.  L'agriculture  présente  un 
grand  développement,  mais  les  plantes  tropicales,  la  canne,  le  café,  le 
coton,  le  tabac,  sont  de  plus  en  plus  négligées.  Il  y  a  1  Va  million  de 
tètes  de  gros  bétail  au  Cap,  et  plus  de  12,000,000  de  moutons.  Une 
industrie  nouvelle  tend  à  prendre  une  grande  extension  ;  c'est  l'élevage 
de  l'autruche,  dont  les  fermiers  retirent  un  grand  profit  —  200  £r.  par 
tête  et  par  année  —  par  suite  de  la  vente  des  plumes. 

Le  Cap  et  Natal  ont,  à  côté  de  l'élève  du  bétaU,  des  richesses  considé- 
rables à  exploiter  :  l'extraction  de  la  houille,  du  cuivre,  des  diamants,  et 
les  gisements  de  guano  que  renferme  l'île  d'Ichaboe,  déclarée  possession 
britannique  en  1861.  Ce  sont  là  des  éléments  de  prospérité  qui  promet- 
tent à  la  colonie  un  avenir  solide,  alors  même  que  la  route  d'Europe  aux 
Lddes  ou  en  Au^ralie  par  le  Cap  serait  complètement  abandonnée. 

De  la  colonie  de  Sierra  Leone  *  les  Anglais  n'ont  pas  retiré  tous  les 
fruits  qu'ils  en  attendaient.  Fondée  en  1787,  elle  avait  pour  but  de  pro- 
curer un  asile  aux  esclaves  enlevés  aux  négriers  ou  achetés  par  le  gou- 
vernement. Mais  les  efforts  les  plus  louables  se  sont  heurtés  contre  la 
paresse,  l'apathie,  le  penchant  à  l'ivrognerie  des  nègres.  L'influence  de 
la  religion  et  de  l'école  a  cependant  eu  pour  conséquence  une  améliora- 
tion progressive  dans  l'état  du  peuple,  et,  à  l'heure  actuelle,  la  colonie 
de  Sierra  Leone,  à  laquelle  on  joint  l'île  de  Sherbro,  a  un  mouvement 
d'échanges  toujours  plus  considérable. 

Sur  les  bords  de  la  Gambie,  les  Français  et  les  Anglais  luttent 
d'influence,  mais  les  établissements  européens  ne  peuvent  guère  y 
acquérir  une  grande  importance,  à  cause  de  l'insalubrité  du  climat. 

La  Côte  d'Or  et  les  régions  voisines  vont  prendre  un  rapide  développe- 
ment, par  suite  de  la  découverte  des  riches  gisements  aurifères  deWassaw, 
dont  notre  Bulletin  mensuel  enregistre  réguUèrement  les  progrès. 

Des  îles  anglaises  dans  l'Océan  Atlantique  Sainte-Hélène  est  la  prin- 
cipale, non  seulement  à  cause  des  événements  historiques  dont  son  nom 
évoque  le  souvenir,  mais  parce  qu'elle  est  la  plus  fertile.  L'Ascension 
n'est  qu'un  rocher,  stérile  en  majeure  partie.  Les  Anglais  y  ayant  trans- 
porté à  grands  frais  de  la  terre  végétale  prise  sur  la  côte  de  Guinée,  on 

^  M.  Leroy-Beaulîeu  ne  fait  mention  dans  son  livre  que  des  colonies  du  Cap  et 
de  riatal.  D  nous  a  cependant  paru  utile  de  donner  quelques  détails  sur  les  autref< 
possessions,  si  intéressantes  à  beaucoup  d'égards,  de  l'Angleterre  en  Afrique. 


—  60  — 

a  planté  quelques  arbres,  et  TUe  a  pris  un  aspect  plus  riant.  Enfin,  Ttle 
de  Tristan  d'Acunha  jouit  d'un  climat  doux  et  nourrit  une  population 
bien  calme,  bien  paisible,  qui  ne  se  doute  guère  du  tumulte  qui  règne 
sur  la  terre,  puisque  c'est  à  peine  si  elle  voit  d'année  en  année  un  vais- 
seau lui  apporter  des  nouvelles  du  reste  du  monde. 

L'île  Maurice,  dans  l'Océan  Indien,  est  très  florissante,  grâce  à  ses 
richesses  naturelles  et  à  l'entière  liberté  dont  le  commerce  y  jouit.  La 
population  est  de  325,000  habitants,  sur  lesquels  on  compte  32,000  créo- 
les d'origine  française  et  fort  peu  d'Anglais.  Le  mouvement  du  com- 
merce est  de  120  millions  de  francs.  Le  gouvernement  colonial  de  Mau- 
rice s'étend  sur  l'île  Rodrigue,  qui  est  sans  importance,  et  sur  les 
archipels  des  Seychelles  et  des  Amirautés,  qui,  entourés  de  récifs 
madréporiques,  jouissent  d'un  climat  doux,  sont  fertiles  mais  peu 
peuplés. 

Les  possessions  portugaises  en  Afrique  ' ,  dit  M.  Leroy-Beaulieu,  ne 
furent  pas  tout  d'abord  de  véritables  colonies,  dans  le  sens  étroit  du  mot, 
mais  une  chaîne  de  comptoirs  et  de  points  de  ravitaillement,  défendus  par 
des  forteresses.  Tous  les  lieux  que  les  Portugais  occupaient  sur  les  côtes 
étaient  les  différentes  étapes  de  leurs  premiers  et  périlleux  voyages  ;  ils 
étaient  placés  à  des  points  géographiques  qui  dominaient  la  route  com- 
merciale d'alors  ;  c'étaient  des  escales  où  les  vaisseaux  pouvaient  se 
radouber,  se  mettre  à  couvert  et  s'approvisionner  ;  c'étaient  des  relais, 
qui  servaient  également,  en  cas  de  guerre  avec  d'autres  puissances,  pour 
la  protection  des  bâtiments  nationaux.  Quand  les  premiers  naviga- 
teurs trouvaient  des  îles  inhabitées,  ils  y  déposaient  des  cochons,  des 
chèvres  et  d'autres  animaux,  qui,  abandonnés  h  eux-mêmes,  se  multi- 
pliaient avec  rapidité  et  servaient  après  quel((ues  années  à  ravitailler 
leurs  vaisseaux.  Quand,  la  navigation  se  perfectionnant,  les  vaisseaux 
de  commerce  cessèrent  de  suivre  les  côtes  et  purent,  à  travers  la  haute 
mer,  fournir  un  long  trajet  sans  s'arrêter,  ces  stations  perdirent  la 
plus  grande  partie  de  leur  valeur.  Plus  tard  elles  reprirent  de  l'im- 
portance, par  suite  de  l'extension  du  commerce  des  esclaves.  La  traite 
des  nègres  fut,  au  point  de  vue  pécuniaire,  une  source  de  profits  assez 
notables  pour  le  Portugal.  Ce  n'est  pas  que  les  colonies  d'Afrique  en 
devinssent  réellement  plus  prospères  ;  au  contraire,  tout  étant  tourné 

^  Possessions  portugaises  :  Angola;  Mozambique;  iles  Açores,  Madère,  du  Cap 
Vert,  Biasagos,  St-Thomas  et  du  Prince. 


—  61  — 

vers  la  traite,  les  autres  sources  de  revenu,  Tagriculture  et  le  trafic  des 
productions  naturelles  du  pays,  étaient  abandonnées,  a  A  force  de  vendre 
des  esclaves,  dit  M.  Vogel,  on  a  dégarni  les  plantations,  fait  fiiir  les  tra* 
vailleurs,  exaspéré  la  population  indigène,  et,  par  Tappât  d'infâmes  pro- 
fits, fait  de  ces  provinces  un  exutoire  de  la  société  portugaise.  Qui  donc 
aurait  voulu  salir  son  nom  en  s 'intéressant  à  des  entreprises  si  aven- 
tureuses et  si  honteuses?  »  Les  colonies  portugaises  d'Afrique,  qui  ne 
devaient  une  prospérité  factice  qu'à  la  traite,  perdirent  toute  importance 
par  son  abolition.  L'Angola  et  la  capitainerie  générale  de  Mozambique 
ne  sont  plus  guère  aujourd'hui  que  des  épaves  de  l'ancien  empire  por- 
tugais. Depuis  quelques  années,  cependant,  le  gouvernement  se  préoc- 
cupe de  tirer  parti  de  ces  riches  régions  par  l'étabUssement  de  routes  et 
de  chemins  de  fer  ;  mais  les  capitaux  lui  manquent,  et  c'est  pour  cette 
cause  que  la  construction  si  désirée  d'une  ligne  ferrée  de  Lorenzo  Mar- 
quez, sur  la  baie  de  Delagoa,  à  Pretoria,  capitale  du  Transvaal,  se  fait 
si  longtemps  attendre. 

Parmi  les  îles  africaines  appartenant  au  Portugal,  les  Açores  et  Madère 
doivent  être  plutôt  considérées  comme  des  provinces  que  comme  des 
colonies.  Elles  sont  du  reste  riches  et  prospères,  par  suite  de  leur  admi- 
rable position  au  point  de  vue  commercial,  de  leur  doux  climat,  de  leurs 
productions  naturelles  et  du  gouvernement  libéral  qui  les  régit. 

On  ne  peut  en  dire  autant  ni  de  l'archipel  du  Cap  Vert,  ni  des  îles 
St-Thomas  et  du  Prince  au  fond  du  golfe  du  Guinée.  Leur  climat  est  si 
malsain,  qu'elles  ne  peuvent  guère  donner  lieu  à  une  colonisation  sur 
une  grande  échelle. 

A  part  les  îles  insalubres  de  Fernando-Po  et  d'Annobon  dans  le  golfe 
de  Guinée,  les  possessions  espagnoles  en  Afrique  *  sont  de  véritables 
provinces  de  la  métropole.  Les  établissements  sur  la  côte  de  Maroc  n'ont 
d'importance  qu'au  point  de  vue  militaire.  Quant  aux  Canaries,  le  climat 
est  chaud,  mais  sain  ;  la  terre  est  fertile,  mais  les  majorats  et  l'étendue 
des  terres  domaniales  en  friche  retardent  les  progrès  ;  beaucoup  d'habi- 
tants intelligents  et  laborieux  émigrent  aux  Philippines  et  au  Venezuela. 

Dans  cette  revue  des  colonies  européennes  en  Afrique,  nous  n'avons 
pas  à  parler  des  possessions  turques  %  leurs  relations  avec  la  Turquie 
n'ayant  jamais  été  de  la  nature  de  celles  de  colonies  à  métropole.  Le 

'  Possessions  espagnoles  en  Afrique  :  Ceuta  et  Santa  Cruz  de  Mar  Pequana, 
lies  Canaries,  Fernando-Po  et  Annobon. 
*  Possessions  turques  :  Egypte  et  Tripolitaine. 


—  62  — 

gouvernement  de  la  Porte  ottomane,  qui  n'a  rien  fait  pour  coloniser 
rÉgypte  et  la  Tripolitaine,  ne  les  considère  que  comme  une  source  de 
revenus. 

H  est  donc  superflu  de  nous  y  arrêter,  et  nous  préférons,  en  terminant, 
signaler  les  tentatives  de  l'Italie,  de  la  Belgique  et  de  l'Allemagne,  pour 
accroître  leurs  relations  avec  TAfirique.  La  première  de  ces  puissances  a 
déjà  mis  le  pied  sur  le  continent  par  la  fondation  de  son  comptoir  d'Assab. 
Quant  aux  deux  autres,  elles  se  contentent,  pour  le  moment,  d'envoyer 
leurs  voyageurs  dans  le  plateau  central  et  d'y  établir  des  stations  civilisa- 
trices. 

Réjouissons^nous  de  voir  l'attention  de  l'Europe  se  porter  sur  la  terre 
africaine.  A  notre  époque,  et  par  suite  des  principes  élevés  qui  animent 
les  promoteurs  de  ces  projets,  il  ne  pourra  en  résulter  que  du  bien,  et  ce 
sera  un  pas  en  avant,  vers  une  régénération  de  l'Afrique  que  nous  appe- 
lons de  tous  nos  vœux. 


CORRESPONDANCE 

Ehartoum,  27  décembre  1882. 
Monsieur  le  Directeur  de  U Afrique  explorée  et  civilisée^  à  Genève. 

Monsieur, 

Comme  j'en  avais  le  pressentiment,  l'hostilité  jalouse  du  gouverneur  de  Famaka, 
m'a  obligé  à  abandonner  les  parages  du  Haut-Nil-Bleu  vers  la  fin  d'octobre. 
Encore  ai-je  à  me  féliciter  d'avoir  entrepris  le  voyage  de  Kbartoum  de  ma  pro- 
pre initiative,  car,  peu  de  jours  après  mon  départ  de  Famaka,  on  y  reçut  un  ordre 
du  gouverneur  général  du  Soudan,  de  m'expédier  à  Kbartoum,  afin  que  je  m'y 
justifiasse  de  l'accusation  portée  contre  moi  d'être  en  connivence  avec  les  insur- 
gés. Mon  voyage  n'a  pas  été  tout  à  fait  inutile  du  reste,  car  il  m'a  donné  l'occasion 
de  rectifier  le  cours  du  Nil-Bleu.  En  faisant  l'ascension  de  la  montagne  de  Maaba, 
entre  Famaka  et  Roseires,  je  découvris,  à  son  sommet,  un^  immense  caverne  en 
forme  de  cheminée  inclinée,  dans  laquelle  une  vingtaine  dé  femmies  et  de  jeunes 
filles  nègres  étaient  occupées,  tout  en  chantant,  à  recueillir  des  milliards  de  sca- 
rabées, gros  comme  l'ongle  de  l'index,  qui  s'y  trouvaient  en  si  grande  abondance, 
que  les  moissonneuses  n'avaient  qu'à  déplacer  quelques-unes  des  pierres  roulantes 
de  la  grotte,  pour  les  voir  jaillir  littéralement  comme  des  fontaines  d'eau  débor- 
dantes. On  fait  cette  récolte  ainsi  annuellement  ;  les  animaux  récoltés  sont  grillés 
sur  des  plaques  en  fer  et  conservés  à  titre  de  friandises,  ou  comme  ingré- 
dient de  la  sauce  de  la  p&te  de  pain,  pendant  le  reste  de  l'année.  Ce  scarabée  est 
le  même  que  celui  qui,  connu  des  Arabes  sous  le  nom  de  anÔÂide^  est  une  des 
plaies  des  champs  de  doura  dans  le  Soudan  inférieur.  Mais  le  fait  que  les  nègres 
Hamègues  et  Tabis  le  récoltent  est  nouveau. 

Entre  Sennaar  et  Kbartoum,  parcours  que  je  pus  faire  en  bateau  à  vapeur,  ie 
fus  surtout  frappé  par  l'apparence  des  embouchures  des  deux  grands  affluents  du 
Fleuve  Bleu  inférieur  :  le  Rahad  et  le  Dinder.  Ce  ne  sont  que  des  fossés  de  70" 
à  80"*  de  large  et  d'une  profondeur  de  2™  environ.  Même  à  cette  époque,  où  le 


—  63  — 

Fleuve  Bleu  conserve  encore  à  peu  près  le  maximum  de  sa  crue,  ces  deux  affluents 
ne  lui  apportaient  déjà  presque  plus  d'eau.  Le  rôle  que  leur  attribue  sir  Samuel 
Baker,  dans  la  crue  des  deux  Nils  réunis,  a  donc  été  fort  exagéré  ;  et  ce  n'est  ni 
à  PAtbara,  ni  au  Rahad,  ni  au  Dinder,  mais  bien  au  Fleuve  Bleu  lui-même,  grossi 
par  ses  affluents  (permanents)  du  pays  des  Gallas  et  du  Godjam,  qu'incombe  le 
soin  de  pourvoir  annuellement  la  Basse-Egypte  et  le  Delta  du  limon  fertilisant 
auquel  ces  dernières  terres  doivent  leur  existence. 

Une  recrudescence  d'insurrection  vient  de  se  révéler  au  Fleuve  Bleu,  la  ville  de 
Karkodj  ayant  de  nouveau  été  attaquée  et  partiellement  réduite  en  cendres  par  les 
Arabes. 

Je  crains  bien  que  l'année  prochaine  ne  se  montre  pas  favorable  à  la  continua- 
tion de  mes  explorations.  En  tous  cas  je  vous  dois  encore  des  notes  plus  détaillées 
sur  les  précédentes,  et  vous  les  recevrez  bientôt. 

Agréez,  Monsieur,  l'expression  de  ma  considération  distinguée, 

Jùan-Maria  Schvver. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

Patjl  Gaffarel.  L'Algérie.  Histoire^  conquête  et  colonisation.  Paris, 
(Firmin  Didot  etC"),  1883,  iii-4%  708  p.  avec  3  cartes,  4  chromo,  et  plus 
de  200  gravures  ;  30  fr.  —  Si  les  ouvrages  sur  l'Algérie  se  multiplient, 
on  ne  peut  pas  s'attendre  à  en  voir  paraître  beaucoup  de  l'importance 
de  celui  que  vient  d'écrire  le  savant  doyen  de  la  faculté  des  lettres  de 
Dijon,  M.  Paul  Gaffarel,  et  que  MM.  Firmin  Didot  et  C'*  ont  édité  avec 
un  art  qui  approche  de.  la  perfection.  Ils  ont  voulu  que  le  texte  et  les 
illustrations  se  prêtassent  un  mutuel  concours,  que  «  de  la  combinaison 
des  divers  éléments  de  gravures  qui  permettent  maintenant  de  rendre 
le  fait  historique  dans  toute  sa  vérité,  de  représenter  la  nature  dans 
tout  son  pittoresque  et  les  productions  de  l'art  et  de  l'industrie  dans 
toute  leur  splendeur,  il  résultât  copmie  un  livre  à  côté  du  livre,  l'un 
expliquant  l'autre  et  se  contrôlant  mutuellement.  »  Quoique  intimement 
unies,  les  deux  œuvres  n'en  sont  pas  moins  distinctes.  Dans  la  première, 
le  livre  proprement  dit,  M.  Gaffarel  expose  d'abord  d'une  manière  com- 
plète l'histoire  de  l'Algérie  avant  1830,  sous  les  dominations  carthagi- 
noise, romaine,  vandale,  grecque,  arabe  et  berbère  ;  puis  il  donne  l'his- 
toire succincte  des  relations  entre  la  France  et  l'Algérie  avant  l'expé- 
dition de  1830  ;  vient  ensuite  celle  de  la  conquête,  divisée  en  trois 
périodes  :  la  première,  de  la  résistance  turque  terminée  par  la  prise  de 
Constantine,  la  seconde,  de  la  résistance  arabe  représentée  surtout  par 

*  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  13,  rue  du  Rhône,  à  Genève, 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  ea^aHorée  et  civQiaée, 


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Abd-el-Kader,  mais  prolongée  jusqu'aux  dernières  insurrections  du  sud 
Oranai&,  et  la  troisième,  de  la  résistance  nationale  des  Kabyles,  des 
Kroumirs  et  des  Touaregs  de  race  berbère,  couche  humaine  primi- 
tive, qui  a  précédé  tous  les  envahisseurs  sur  le  sol  de  TAlgérie.  Dans  le 
récit  de  ces  longues  luttes,  sans  cesse  renouvelées,  M.  Gaffarel  ne  s'est 
proposé  qu'une  chose,  transmettre  à  la  postérité,  avec  méthode,  clarté 
et  impartialité,  les  choses  mémorables  dont  il  avait  à  parler. 

Dans  la  seconde  partie  consacrée  à  la  géographie  physique,  économi- 
que, politique  et  descriptive,  il  a  saisi  avec  une  grande  sûreté  de  coup 
d'œil  les  multiples  aspects  de  la  nature  de  l'Algérie.  Économiste,  il  a 
donné  un  traité  complet  sur  la  production  minérale,  végétale,  animale, 
industrielle  et  commerciale,  sur  l'importation  et  l'exportation,  ainsi  que 
sur  les  voies  de  conununication  de  la  colonie,  s'appuyant  toujours  sur 
les  documents  les  plus  authentiques  et  les  plus  récents.  Dans  la  géogra- 
phie politique,  il  a  abordé  tous  les  problèmes  actuels  :  bureaux  arabes, 
royaume  arabe,  régime  civU  et  régime  militaire,  assimilation,  autono- 
mie, colonisation,  etc.,  et  il  a  résumé  les  débats  sur  ces  graves  questions, 
avec  la  précision  d'un  homme  qui  connaît  à  fond  les  sujets  dont  il  parle, 
montrant,  avec  une  parfaite  bonne  foi,  le  chemin  parcouru,  les  fautes 
commises,  les  progrès  accomplis,  les  écueils  actuels  et  le  moyen  de  les 
éviter.  Il  a  joint  à  son  ouvrage  im  index  bibliographique  de  14  pages,  le 
plus  complet  qui  existe. 

L'œuvre  littéraire  est  rendue  vivante  pour  les  yeux  par  les  illustra- 
tions, au  choix  desquelles  a  présidé  un  goût  parfait,  soit  pour  les  quatre 
grandes  chromolithographies,  auxquelles  la  couleur  donne  un  grand 
charme,  en  leur  conservant  ce  qui  constitue  l'originalité  de  la  colo- 
nie algérienne,  soit  pour  les  nombreuses  gravures  hors  texte  et  les 
gravures  dans  le  texte  presque  à  chaque  page,  d'après  des  photogra- 
phies, des  tableaux  de  la  galerie  historique  de  Versailles,  etc.  Outre  un 
certain  nombre  de  cartes  spéciales  et  de  plans,  l'ouvrage  est  accompagné 
de  trois  cartes  distinctes  des  provinces  d'Alger,  de  Constantine  et 
d'Oran,  au  Vsooooo»  d'une  exactitude  et  d'une  exécution  irréprochables. 
Ce  volume  est  une  véritable  encyclopédie  algérienne,  et  ceux  qui  l'au- 
ront étudiée  connaîtront  leur  Algérie  à  fond.  Mais  l'auteur  a  visé  à 
mieux  qu'à  la  faire  connaître,  U  a  voulu  la  faire  aimer  ;  ceux  qui  l'au- 
ront vue  dans  son  livre  désireront  ardemment  la  voir  en  réalité. 


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BULLETIN  MENSUEL  (5  mars  1883.) 

Le  développement  des  relations  entre  la  France  et  F  Algférie  va  don* 
ner  Heu  à  une  amélioration  dans  le  service  des  voyageurs  entre  Mar- 
seille et  Alger,  qui  aui*a  prochainement,  une  fois  par  semaine,  un 
«  rapide,  »  réduisant  la  traversée  à  30  heures,  ce  qui  représente  à  peu 
près  la  marche  la  plus  prompte  qu'il  soit  possible  d'atteindre  aujour- 
d'hui. A  cet  eflfet,  la  compagnie  Transatlantique  fait  construire  deux 
grands  navires,  aménagés  pour  le  transport  des  passagers.  D'autre 
part  le  réseau  des  chemins  de  fer  se  complète  :  on  va  procéder  aux 
études  de  la  ligne  de  Blidah  à  Alger,  qui  font  partie  des  travaux  d'en- 
semble relatifs  à  la  construction  de  la  voie  d'Alger  à  Laghouat;  on 
installe  les  chantiers  des  nombreux  travaux  d'art  à  exécuter  sur  la  ligne 
de  Soukaras  à  Ghardimaou  ;  en  outre,  d'après  le  Bulletin  géographique 
de  Bordeaux,  les  Chambres  françaises  ont  voté,  et  le  gouverneur  général 
a  concédé  à  la  compagnie  de  l'Est  Algériep,  la  ligne  de  Beni-Mansour  à 
Bougie,  et  ceDe  de  l'oued  Tikester  vers  Bougie,  par  le  Bou  Sellam  et 
l'oued  Amazin.  La  première,  d'une  longueur  de  97  kilom.  desservira  la 
riche  vallée  du  Sahel,  la  seconde  de  85  kilom.  reliera  Bougie  à  Sétif,  et 
lui  amènera,  avec  les  produits  agricoles  des  vastes  plaines  sétifiennes, 
les  produits  miniers  de  fer,  plomb  et  cuivre  échelonnés  le  long  du  Bou 
Sellam  et  de  l'oued  Amazin.  Les  magnifiques  forêts  de  l'Akfadou,  sur 
les  flancs  du  Djuijura,  apporteront  aussi  à  la  première  les  produits  de 
leurs  diverses  essences  forestières.  D'après  le  Progrès  de  Sétif,  la  com- 
pagnie des  Aciéries  de  Firminy  aurait  l'intention  de  créer  des  hauts- 
fourneaux  à  Bougie,  pour  l'exploitation  des  riches  mines  du  djebel 
Anini,  qui  n'attendaient  pour  être  ouvertes  que  la  création  de  la  ligne 
directe  de  Sétif  à  Bougie.  Jusqu'ici  on  n'avait  pas  établi  de  hauts-four- 
neaux en  Algérie  ;  ce  fait  constituerait  une  révolution  dans  la  métallur- 
gie de  la  colonie. 

En  Tttiiisie,  les  mines  de  fer  de  Tabai*ca,  que  l'on  dit  très  riches, 
vont  être  exploitées  sur  une  grande  échelle,  mais  le  minerai  devra  en 
être  envoyé  aux  hauts-fourneaux  de  Marseille.  Les  ingénieurs  français  de 
la  compagnie  Bon&-Guelma  et  de  celle  des  BatignoUes  se  sont  rendus  à 
Tunis,  pour  résoudre  définitivement  la  question  du  port  qui  doit  être 
creusé  dans  le  lac  Bahira,  afin  de  faciliter  l'arrivée  des  paquebots  dans  la 
capitale  de  la  régence  et  d'y  développer  le  commerce.  Dans  le  sud,  àBou- 
Edura  et  à  Gabès,  les  indigènes  trouveront  bientôt  de  grandes  ressour- 

L'AFRIQUE.  —   QUATRIÈME  AN7ÏÉE.   —  N<»   3.  3 


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ces,  grâce  à  la  corapagiiie  Anglo-Française  qui  s'est  formée  pour  Tex- 
pioitation  d,e  Talfa,  et  qui  construira  un  chemin  de  fer,  du  port  de  la 
Skira  jusqu'au  plateau  oU  elle  a  sa  concession.  Elle  aura  ses  batenux 
pour  transporter  Talfa  en  Angleterre. 

L'Augleten-e  concentre  à  Souakim  les  troupes  égyptiennes  qui,  sous 
la  conduite  de  nombreux  officiers  anglais,  doivent  être  envoyées  dans  le 
Soudan  contre  Mohamed  Ahmed.  Les  forces  de  celui-ci  ont  franchi  le 
Nil,  et  30,000  insurgés  bloquent  Kaouah,  point  stratégique  à  100  kilom. 
de  Khaitoum.  Les  habitants  en  sont  réduits  à  la  dernière  extrémité,  par 
suite  du  manque  absolu  de  vivres.  Pour  assurer  la  sécurité  de  K-har- 
touin,  le  gouverneur,  Abd-el-Kader  pacha.  Ta  transformée  en  île,  au 
moyen  d'un  canal  de  5"  de  lai'geui'  et  de  8™  de  profondeur,  creusé  entre 
les  deux  fleuves.  Les  garnisons  d'El-Obeïd  etdeBara,  dansleKordofou, 
n'ont  pu  tenir  contre  les  troupes  du  faux  prophète  qui  les  entouraient  : 
réduites  à  une  extrême  misère,  elles  ont  dû  se  rendre.  Les  missionnaii^es 
romains  des  stations  d'El-Obeïd  et  de  Delen  ont  tenté  de  s'échapper, 
mais,  arrêtés  par  les  soldats  du  nialidi,  ils  ont  été  sommés,  sous  les  plus 
terribles  menaces,  de  renoncer  au  christianisme.  Sont-ils  vivants  ou 
moits?  Mgr  Sogaro,  successeur  de  feu  Mgr  Comboni  au  vicariat  apos- 
tolique de  l'Afiique  centrale,  qui  se  préparait  au  Caire  à  se  mndre  au 
Soudan,  l'ignorait  encoi*e  à  la  tin  de  janvier.  Il  est  à  craindre  que  les 
insurgés  ne  les  aient  massacrés,  car  Mohamed  Ahmed  se  présente  tou- 
jours plus  ouvertement  comme  Tadversaii'e  des  chrétiens  et  de  tous 
ceux  qui,  en  Egypte  et  en  Abyssinie,  s'allient  avec  eux.  Dans  uu  mes- 
sage aux  chefs  indigènes  de  l'Abyssinie,  il  les  a  invités  à  tirer  eux  aussi 
l'épée  pour  la  cause  d'Allah,  et  à  se  joindre  à  son  aimée,  leur  pro- 
mettant «  de  l'or,  de  l'argent,  des  armes  et  de  belles  esclaves.»  — 
M.  Godfried  Roth,  domicilié  à  Schekka,  et  M.  Robers,  tous  deux  inspec- 
teurs du  sei-vice  contre  la  traite  au  Soudan,  ont  été  également  faits 
prisonniers. 

D'après  le  Dailf/  Netvs,  les  chasscui-s  d'esclaves  se  joignent  tous  à 
Mohamed  Ahmed,  sous  lequel  ils  espèrent  pouvoir  poursuivre  impunément 
leur  odieux  ti*afic.  Avec  le  inaMi,  ils  comptent  chasser  les  Égyptiens  du 
Soudan.  Le  seul  moyen  de  les  réduire  serait  l'abolition  de  l'esclavage 
dans  la  Basse-Egypte.  La  demande  d'esclaves  supprimée,  et  les  ports  de 
la  mer  Rouge  fermés,  ils  devraient  torcément  renoncer  à  la  traite. 
Baker  pacha  estime  que  la  défaite  du  mahdi  aiTêterait  le  trafic  des  escla- 
ves du  Soudan  avec  Tripoli,  par  le  Kordofan  et  le  Darfour.  De  son  côté, 
Schweinfurth  croit  que  Tabolition  de  l'esclavage  nécessitera  la  créa- 


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lion  d'asiles,  oîi  les  esclaves  devront  être  ëduqués  et  protégés,  jusqu'à 
<ie  qu'ils  puissent  travailler  et  s'entretenir  eux-mêmes.  Il  y  a  des  milliers 
<i'enfants,  nés  dans  l'esclavage  et  l'ignorance,  qu'il  faut  élever  pour  en 
faire  des  êtres  raisonnables  et  civilisés. 

La  rébellion  s'est  étendue  au  Sennaar  dans  le  voisinage  de  TAbyssi- 
nie.  L'insécurité  de  cette  région  rend  très  difficile  à  M.  «I.-M.  Sehiiv#»r 
la  continuation  de  son  exploration.  Dans  notre  précédent  numéro  nous 
avons  publié  une  lettre  de  lui,  datée,  le  27  décembre,  de  Khartoum,  oîi 
il  s'était  réfugié.  Dès  lors  les  Mittlmlungen  de  Ootha  en  ont  reçu  une 
de  Famaka  du  25  septembre,  renfeiinant  des  détails  sm*uu  voyage  qu'il 
41  foit  dans  les  montagnes  h  l'est  de  Famaka  et  au  nord  du  Nil  Bleu,  après 
nous  avoir  écrit  le  8  juin  du  Ghébel  Kouba  (v.  III"'  année,  p.  317).  Il  a 
fait,  pendant  la  saison  des  pluies,  l'ascension  du  plus  haut  sommet  des 
monts  du  Fazogl,  et  visité  les  montagnes  des  nègres  Kadalos,  en  pai*ti- 
cuUer  le  village  de  Godiou,  à  650"  au-dessus  de  la  plaine,  sur  les  rochers 
les  plus  sauvages  que  l'on  puisse  imaginer,  dans  la  partie  septentrionale 
des  monts  Goumous.  De  là  il  a  pu  relever  une  grande  étendue  de  pays, 
jusqu'au  Dinder,  et  coiTiger  plusieure  erreurs  des  cartes  anciennes.  — 
M.  Schuver  présente  le  pays  de  Kadalo  comme  le  plus  beau  qu'il  ait 
vu  jusqu'à  présent  en  Afrique.  Quoique  les  rochera  lie  s'y  élèvent  pas  à 
plus  de  650"  au-dessus  de  la  plaine,  l'œil  y  rencontre  partout  les  colon- 
nes les  plus  admii*ables,  les  formes  les  plus  bizarres  de  granit  rouge, 
imitant  des  piliers  de  basalte  et  offrant  un  contraste  parfait  avec  les 
vallées,  qui  ont  une  végétation  luxuriante.  La  langue  des  Kadalos  est  un 
mélange  de  goumou,  de  berta  et  de  quelques  restes  d'un  langage  plus 
4incien.  Comme  leui*s  voisins  les  Kamegs,  ils  sont  assez  bien  vêtus  et 
tissent  eux-mêmes  leur  dmnour,  sorte  de  toile  de  coton  indigène.  Leur 
pays  abonde  en  girafes.  L'explorateur  y  a  trouvé  un  arbre  nommé  dam- 
hoiisch,  inconnu  jusqu'ici,  pense-t-il,  en  Europe,  et  qui  ne  se  i-encontre 
que  dans  les  fentes  de  rochers  de  la  partie  supérieure  des  monts  Kada- 
los. Le  fruit  se  trouve  dans  une  enveloppe  de  la  longueur  d'une  fève  qui 
contient  quatre  graines,  dont  le  goût  aix)matique  tient  à  la  fois  du  poi- 
vre et  de  la  muscade  ;  on  les  mêle  avec  le  café,  ou  bien  on  les  fait  infu- 
^er  comme  celui-ci.  L'exploration  du  pays  de  Kadalo  a  été  inten-ompue 
par  l'attitude  hostile  du  cheik  Mahmoud  des  monts  Minza,  qui,  excité 
par  un  derviche  du  mahdi,  souleva  contre  Schuver  la  population,  en  sorte 
•qu'il  dut  s'enfuir  à  Khartoum.  Il  ne  pensait  pas  pouvoir,  pour  le  moment 
du  moins,  continuer  son  exploration  vers  le  sud,  le  gouverneur  de 
Faniîika  lui  ayant  confisqué  ses  armes,  et  la  rébellion  empêchant  la  for- 


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mation  d'une  escorte  digne  de  confiance.  En  outre,  la  mort  de  Piaggia 
le  laissait  sans  compagnon  de  voyage  européen.  Il  rapporte  encore  que^ 
Ras-Âdal,  roi  du  Godjâm,  a  profité  des  troubles  actuels  du  Soudan  pour 
étendre  son  territoire  jusqu'à  une  journée  et  demie  au  sud  de  Kouba, 
en  soumettant  la  grande  tribu  des  Woumbaras  Grallas,  jusqu'ici  indé- 
pendante,  au  nord  du  Nil  Bleu,  et  les  Beri-Beitas,  dont  il  a  dévasté  le 
territoire,  pour  le  couvrir  ensuite,  selon  la  mode  abyssinienne,  d'un 
réseau  de  colonies  militaires.  —  Une  lettre  de  M.  Soleillet  d'Ankober 
annonce  que  Ras  Goubana,  le  plus  important  des  feudataires  de  Mené- 
lik,  a  soumis  à  celui-ci  tous  les  pays  Gallas  jusqu'à  Kaifa,  dont  le  roi  est 
devenu  tributaire  de  celui  du  Choa.  M.  Soleillet  a  obtenu  de  Ras  Goubana 
l'autorisation  de  se  rendre  à  Kaffa. 

Les  renforts  de  la  Société  des  missions  ang^licanes,  destinés  à  la 
station  du  Victoria  I^yansea,  se  sont  rendus  d'Ouyouy  à  Ourambo, 
pour  tâcher  de  découvrir  une  nouvelle  route  par  le  pays  de  Mirambo.. 
M.  Copplestone,  qui  connaît  très  bien  ce  dernier,  les  a  accompagnés,  et 
a  trouvé  Mirambo  parfaitement  disposé  à  leur  égard.  Il  leur  a  donné  un 
guide  pour  les  conduire  jusqu'à  un  village  qui  lui  appartient  à  l'extré- 
mité sud  du  lac,  d'où  ils  auront  pu  gagner  facilement  Roubaga. 

D'après  les  Misélons  d'Afrique^  les  missionnaires  romains  éta- 
blis dans  le  Massanzé,  sur  la  rive  occidentale  du  Tan^anyilca)  ont  fait 
un  voyage  au  nord  du  lac,  chez  Mvrouma,  sultan  de  la  rive  occidentale  du 
Roussizi.  Les  missionnaires  firent  avec  le  chef  l'échange  du  sang,  eu 
signe  d'alliance,  mais  le  quittèrent  ensuite  sans  s'être  engagés  définiti- 
vement à  s'établir  chez  lui.  Une  seconde  excursion  les  conduisit  jusque* 
dans  l'Ousighé,  chez  Roussavia,  aussi  au  nord  du  lac,  mais  sur  l'autre 
rive  du  Roussizi.  L'Onsi^iié  est  un  pays  très  riche;  sa  population  est 
la  plus  considérable  et  la  mieux  groupée  de  toutes  celles  qui  sont 
répandues  sur  les  bords  du  lac.  Dans  l'intérieur,  entre  le  lac  et  les  mon- 
tagnes qui  s'élèvent  à  quelques  kilomètres,  il  y  a  également  de  nombreux 
villages.  C'est  dans  l'un  d'eux  qu'habite  le  sultan  Roussavia.  H  reçut  les 
missionnaires  dans  sa  case,  sur  une  natte  neuve  préparée  pour  eux,  con- 
serva devant  eux  la  gravité  qui  convient  à  un  chef  de  son  importance,  et 
ne  fit  paraître  ni  crainte,  ni  étonnement,  ni  admiration.  Il  leur  fit  une 
impression  beaucoup  meilleure  que  le  jeune  Mvrouma,  son  rival,  sur  la 
rive  droite  du  Roussizi,  et,  comme  ses  sujets  sont  plus  nombreux  et  son 
district  plus  salubre,  c'est  chez  lui  qu'ils  résolurent  de  s'installer.  «  Si 
mon  pays  vous  plaît,  »  leur  dit-il,  a  il -vous  est  ouvert;  je  vous  verrai 
avec  plaisir  chez  moi  ;  cherchez  un  lieu  qui  vous  agrée.  »  Ils  choisirent,  à 


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moins  d'un  kilomètre  du  lac,  près  de  la  place  du  marché,  sur  une  émi- 
nence  au  pied  de  laquelle  coule  un  ruisseau  limpide,  un  endroit  qui  leur 
])arut  propre  à  la  culture  ;  ils  y  fonderont  une  station .  Ds  sont  rentrés 
dans  celle  d'Oudjidji,  où  le  gouverneur  arabe,  Mouini  Héri,  qui  repré- 
sente le  sultan  de  Zanzibar  sur  la  rive  orientale  du  Tanganyika,  leur  a 
<lit  avoir  reçu  l'ordre  de  les  protéger.  —  Enfin  ils  préparent  encore,  sur 
la  rive  occidentale  au  fond  du  golfe  de  Burton,  l'établissement  d'un  autre 
poste,  pour  y  transporter  leur  orphelinat  de  Moulonéoua,  et  y  asseoir 
solidement  la  base  de  villages  chrétiens  en  dehors  de  l'influence  musul- 
mane. —  Le  même  journal  nous  apporte  de  nouveaux  renseignements  sur 
rOuemba  au  sud  du  Tanganyika  et  au  nord  du  lac  Bangouéolo,  exploré 
en  partie  par  Livingstone,  mais  oii  très  peu  d'Arabes  ont  conduit  leurs 
caravanes;  aussi  les  esclaves  y  sont-ils  à  très  bon  marché,  et  les  étoffes  à 
un  très  haut  prix.  Poui*  s'y  rendre  de  Tabora,  on  traverse  plusieurs 
rivières,  dont  une  seule  dans  des  canots  que  les  indigènes  font  d'écorces 
d'arbres  cousues  ensemble,  et  qui  ne  peuvent  pas  contenii*  plus  de  trois 
personnes.  Les  esclaves  dans  l'Ouemba  sont  vendus  à  vil  prix  :  un 
adulte,  de  15  à  20  fr.,  ou  de  2  à  5  dotis  de  calicot;  un  enfant,  de  5  à 
10  fr.  ou  de  1  à 2  dotis;  quelquefois,  on  peut  acheter  deux  esclaves  pour 
HO  ou  25  livi-es  de  sel. 

Depuis  assez  longtemps  déjà,  M.  Reichard,  qui  a  accompagné  à 
Gonda  les  explorateurs  de  la  Société  africaine  allemande  se  pro- 
posait de  faii-e ,  à  ses  frais,  une  excursion  de  trois  mois  au  delà  du 
Tanganyika,  pour  y  acheter  de  l'ivoire,  revenu*  le  vendre  à  la  côte  et 
entreprendre  après  cela  une  nouvelle  expédition  à  l'intérieur.  MM.  les 
D"  Bôhm  et  Kaiser  ont  résolu  de  profiter  de  l'occasion,  pour  aller 
explorer  une  région  moins  connue  que  celle  de  Gonda.  D'ailleurs  cette 
station,  entre  Tabora  et  Earéma,  leui*  paraissait  un  peu  superflue  au 
point  de  vue  des  intérêts  de  l'Association  internationale,  et,  après 
l'expérience  qu'ils  avaient  faite  sui*  son  insalubrité  pendant  la  saison 
des  pluies,  ils  étaient  décidé  à  l'abandonner.  Ils  ont  tourné  ieui*s  regards 
vers  les  bords  du  lac  Moeroy  pays  qui,  en  ce  qui  concerne  l'histoire 
naturelle,  est  tout  à  fait  inconnu.  De  là  ils  comptent  explorer  le  cours 
supérieur  du  Congo,  jusqu'au  point  où  Stanley  l'a  atteint.  Comme  Us 
ont  appris  que  des  amhaquistes^  trafiquants  d'ivoire  de  l'ouest,  arrivent 
jusqu'au  lac  Moero,  ils  pensent  qu'ils  pourront  aussi  étudier  la  topogra- 
phie du  pays  entre  ce  lac  et  la  station  que  le  D' Pogge  fonde  à  Muquen- 
gué.  Le  D'  Kaiser  devait  partir  le  pi^emier,  pour  faire  une  excursion 
-dans  rOufipa  et  rejoindre  le  gros  de  l'expédition. 


—  70  — 

Sur  ces  entrefaites,  les  établissemeots  créés  par  les  explorateui'S 
allemands  à  Weidatannsheil)  à  Touest  de  Gouda,  pour  leurs  collec- 
tions, leurs  munitions  et  leurs  armes,  ont  été  consumés  pai*  un  incendie, 
causé  pai'  un  feu  d'herbes  allumé  par  leurs  gens,  à  quelque  distance  de 
leur  campement,  un  jour  de  grand  vent  et  malgré  leurs  recommanda- 
tions. Le  D'  Bôbm,  qui  travaillait  à  Weidmannsheil,  ne  put  sauver  que 
quelques  armes,  devenues  poui*  le  moment  inutiles,  par  le  fait  que  toutes 
les  munitions  (2500  cartouches  et  5  tonneaux  de  poudre)  ont  fait  explo- 
sion ;  archives,  rapports  originaux,  correspondance,  mémoires  orqitho- 
logiques,  ouvrages  scientifiques,  collections,  aquarelles,  etc.,  tout  a  été 
détruit.  Le  D' Bôhm  n'a  conservé  que  ce  qu'il  avait  sui'  le  corps  et  les 
armes  susmentionnées.  Les  indigènes  ont  témoigné  aux  explorateurs^ 
beaucoup  de  sympathie,  et  leur  ont  fourni  des  vivres  et  des  couvertures. 
Les  voyageurs  ne  se  sont  pas  laissés  ébranler  par  cette  catastrophe,  et 
reprendront  leur  projet  de  voyage  h  l'intérieur  quand  leurs  pertes 
auront  été  réparées.  Le  D'  Kaiser  s'est  mis  en  route  le  1"  septembre 
pour  rOufipa,  mais  il  a  été  ari'été  par  un  accès  de  fièvre  à  Oukalanga, 
entre  l'Ougounda  et  le  Manyara.  Le  5  septembre,  le  lieutenant  Storms  a 
passé  à  la  station  de  Gonda,  se  rendant  à  Karéma. 

Avant  de  quitter  le  Tan^an^ika,  disons  encore  que  le  vapeur  i^ 
hélice  donné,  par  M.  R.  Ârthington  de  Leeds  et  d'autres  amis,  à  la 
Société  des  missions  de  Londres,  pour  le  service  des  stations  des  bojQds  de 
ce  lac,  est  terminé  et  a  été  expédié  démonté  à  Quilimane,  accompagné 
par  M.  James  Roxburgh,  ingénieur.  L'Âfirican  Lakeç  CompaAy  le  trans- 
portera par  le  Chiré  et  le  Nyassa  au  sud  du  Tangauyika,  où  M,  Box- 
burgh,  aidé  du  capitaine  Hore  et  de  MM.  Swann,  Dunn  et  Brooks,  qui 
l'y  ont  précédé,  le  remontera  pour  le  lancer  sur  le  lac.  Il  portera  le 
nom  de  :  La  Bonne  Nouvelle^  en  kisouahéli,  HabariNjetna. 

Nos  lecteurs  se  rappellent  l'attaque  de  la  station  de  Masiaai  par  les 
Magwangwaras  (v.  p.  9),  et  la  retraite  de  ceux-ci  \ers  Majéjé,  avec  le& 
captifs  qu'ils  avaient  faits  et  que  M.  Maples  espérait  pouvoir  racheter. 
A  cet  effet,  ce  dernier  envoya  quelques-uns  de  ses  gens  à  la  côte,  à 
Lindi,  y  acheter  les  étoffes  nécessaires  pour  la  rançon  des  prisonniei's, 
après  quoi  il  les  expédia  à  Majéjé;  mais  les  Magwangwaras  avaient 
quitté  ce  lieu  après  avoir  tué  les  enfants.  D'après  le  Central  A/rica,  jonr- 
nal  de  la  mission  des  Universités,  ils  rencontrèrent  à  Majéjé  Edward 
Abdallah,  le  guide  de  la  caravane  envoyée  à  }/[.  Johnson,  à  Ngol,  sur  le 
Nyassa,  cinq  mois  auparavant.  11  avait  vu  alors  les  Magwangwaras,  qui 
lui  avaient  exposé  leur  plan  à  peu  près  eu  ces  termes  :  «  ces  Européens. 


—  71  — 

nous  prêchent  la  paLx  avec  tous  les  hommes  ;  nous  ne  pouvons  l'accep- 
ter; Dieu  lions  a  donné  une  œuvi-e  à  faire  :  la  guen^e.  Que  les  Européens 
engagent  la  lutte  avec  nous.  S'ils  nous  vainquent,  nous  reconnaîtrons 
que  leurs  paroles  sont  vraies  et  que  Dieu  est  avec  eux  ;  nous  avons  appris 
que  ceux  qui  viennent  dans  le  pays  sont  braves  et  forts  ;  nous  en  ferons 
l'épreuve  à  Masasi  ;  nous  les  surprendrons  avant  le  lever  du  soleil,  nous 
emmènerons  leurs  gens  et  tout  ce  que  nous  pourrons  prendi*e  de  leurs 
biens.  Nous  ne  les  tuerons  pas  cette  fois,  mais  nous  veiTons  s'ils  sont 
braves  ;  s'ils  ne  sont  pas  forts,  nous  comprendrons  que  nous  pouvons 
avoir  raison  d'eux,  et  nous  reviendrons  une  seconde  fois  pour  les  détmîre 
entièrement.  Quand  nous  les  aurons  tués,  nous  prendrons  le  cœur  du 
chef  et  nous  l'emporterons  comme  un  channe,  avec  lequel  nous  pourrons 
soumettre  tous  les  blancs  qui  viendront  dans  le  pays.  »  Dans  ces  circon- 
stances, M.  Maples  a  dû  renvoyer  à  Zanzibar  tout  ce  qui  restait  de  la 
communauté  d'esclaves  libéi'és  de  Masasi,  soit  57  colons  adultes  et 
12  enfants.  Les  missionnaires  sont  demeurés  auprès  des  Yaos  devenus 
chrétiens,  mais  ils  ont  cherché  avec  eux  un  lieu  qui  offre  plus  de  sécurité 
que  Newala.  La  plupart  des  Yaos  non  chi'étiens  se  sont  enfuis  dans  le 
pays  des  Makondés,  et  les  Makouas  vers  la  colline  de  Chirouzi,  où  leui*s 
ennemis  n'ont  pas  osé  les  poursuivre,  de  peur  des  roches  qu'on  aurait 
pu  rouler  sur  eux.  —  Dans  ime  lettre  du  19  novembre  à  VAntlslavenj 
Reporter^  M.  Maples  écrit  qu'il  ne  se  rappelle  pas  avoir  jamais  vu 
autant  de  caravanes  d'esclaves  traverser  le  pays  des  Yaos  pour  se  ren- 
dre à  la  côte,  aussi  bien  par  la  route  de  Masasi  que  par  celle  de  la 
Rovouma.  La  demande  doit  en  être  très  forte  dans  la  région  de  Quiloa 
«t  de  Lindi.  Ces  caravanes  demeurent  d'ordinaire  un  ou  deux  mois  k 
quelque  distance  de  Lindi;  leurs  esclaves  sont  vendus,  puis  elles  retour- 
nent vers  l'intérieur  «vec  des  colis  d'étoffes,  de  fil  de  cuivre,  etc. 

D'après  le  Natal  Witness,  les  mines  d'or  de  Tati,  entre  le  pays 
des  Matébélés  et  celui  des  Bamangouatos  de  l'est,  sont  de  nouveau 
exploitées.  L'ancienne  société,  la  London  and  Limpopo  Gold  Mining 
Company,  fondée  par  sir  John  Swinbum,  n'a  pas  réussi  ;  mais  plusieui-s 
èe  ceux  qui  avaient  été  à  son  service,  persuadés  que  le  pays  est  riche  en 
or,  ont  demandé  à  Lo  Bengula  une  concession  qui  leur  a  été  accordée. 
Les  spécimens  de  quartz  qu'ils  ont  envoyés  à  Natal  renferment  une  très 
forte  proportion  d'or  ;  mais  les  machines  nécessaires  pour  une  exploita- 
tion sur  une  grande  échelle  leur  font  défaut.  M.  Westbeech,  qui  le  pre- 
mier est  allé  trafiquer  au  nord  du  Zambèze,  dit  qu'il  y  a,  le  long  de  la 
Machona,  un  district  aurifère  très  riche  ;  mais  les  natifs,  craignant  de 


—  72  — 

voir  leur  pays  annexé,  ne  veulent  pas  permettre  d'eu  exploiter  le  quartz. 
Néanmoins,  M.  Westbeech  a  réussi  à  s'assui'er  de  la  rïchesse  de  ce  dis- 
trict; sous  prétexte  de  se  laver  les  mains,  il  reçut  l'autorisation  de  se 
rendie  à  la  rivière,  et,  eu  quelques  instants,  il  y  recueillit  assez  d'or 
poui'  s'en  faire  un  anneau. 

Le  Bulletin  des  Mines  annonce  que  six  sociétés  se  sont  formées  dans 
le  Tran^vaal,  pour  exploiter  la  région  aurifère  de  Lydenbourg.  D 
donne  en  outre  un  tableau  d'ensemble  des  gisements  aurifères  de  cette 
république.  Ceux  de  Spitzkop  ont  le  développement  supei*ftciel  le  plus 
considérable  ;  après  eux  viennent  ceux  de  Pilgrim's  Rest  qui  contiennent 
des  endroits  assez  riches  ;  puis  ceux  de  Mac  Mac,  presquç  épuisés,  mais 
dont  deux  ou  trois  points  valent  encore  la  peine  d'être  exploités  ;  enfin 
ceux  de  Waterfall  Creek,  qui  comportent  ciiiq  exploitations  distinctes, 
dont  trois  sur  la  fenne  Lisbonne  et  deux  sui*  la  ferme  Berlin.  MM.  Hol- 
lard  et  Keet,  de  Capetown,  ont  reçu  de  Lydenbourg  quelques  caisses  de 
quartz  aurifère,  dépassant  en  richesse  tout  ce  qu'a  foui'ui  jusqu'ici  le 
Transvaal.  Quelques-uns  de  ces  blocs  contiennent  plus  d'or  que  de 
gangue.  M.Hollard  a  l'intention  d'apporter  ces  minerais  en  Europe.  — 
D'autre  part,  le  Naial  Mercury  annonce  que  M.  Hollard,  venant  du 
Transvaal,  s'est  embarqué  à  Durban  poui-  l'Angleterre,  avec  quantité 
d'échantillons  d'or  et  de  quartz  aurifère,  de  différents  points  des  mines 
de  Lydenbourg.  L'un  d'eux  est  une  pépite  de  8  pouces  de  long  et  d'une 
largeur  in-égulière,  toute  d'or,  sauf  un  peu  de  matières  terreuses,  du 
poids  de  25  onces  et  d'une  valeui*  de  240  Uv.  sterl.  envii'ou.  Il  avait 
aussi  avec  lui  une  masse  de  minerai  d'argent  de  15  livres,  presque  toute 
de  métal,  trouvée  à  25  kilom.  de  Pretoria,  et  estimée  devoir  contenir 
240  onces  d'argent  par  tonne.  M.  Hollard  a  été  accompagné  au  Trans- 
vaal par  un  géologue  ingénieur  des  mines,  M.  Stuait,  délégué  d'un  syn- 
dicat de  Londies,  auquel  il  doit  faire  rapport  sur  ces  gisements.  M.  Stuart 
dit  qu'eu  aucun  pays  du  monde  il  n'a  vu  des  mines  aussi  riches.  U  a  fait 
une  autre  découverte  ;  pi'ès  de  Wakkerstrom,  il  a  trouvé  de  beaux  spéci- 
mens de  nibis  et  de  grenats,  et  il  dit  avoir  aussi  trouvé,  dans  le  Trans- 
vaal, des  topazes,  des  diamants  et  d'autres  pierres  précieuses.  Quant 
aux  mineurs  des  environs  de  Lydenbourg,  ils  recueillent  5  onces  d'or 
par  jour,  sans  machines,  simplement  avec  le  pic  et  la  bêche. 

Jusqu'à  pi-ésent,  le  besoin  d'eau  se  faisait  grandement  sentii*  à  Kîin- 
berley^  pour  l'exploitation  des  mines,  et  pour  la  population  qui  est  de 
80,000  habitants,  dont  20,000  blancs.  Le  service  des  eaux  a  été  con- 
cédé à  une  compagnie  qui  a  fait  une  piise  d'eau  dans  le  Vaal,  à  plus 


—  73  — 

de  50  kilom.  de  Kimberley,  y  a  établi  des  pompes  à  vapeur,  refoulant 
Teau  dans  d'inunenses  réservoirs,  d'oti  elle  est  dirigée  sur  la  ville  et  sur 
les  concessions  diamantifères.  Elle  fournit  quatre  millions  de  gallons  ^ 
par  an.  Pour  remédier  aux  difficultés  que  rencontrent  plusieurs  des  socié- 
tés minières,  on  a  proposé  de  les  fusionner  toutes  en  une  seule.  D'après 
une  lettre  de  Kimberiey  au  Bulletin  des  Mines,  une  réunion  des  direc- 
teurs de  celles  de  Dutoitepan  a  été  provoquée  par  M.  Granel,  agent  des 
Rothschild,  qui  a  soutenu  chaudement  ce  projet  de  fusion.  Les  avanta- 
ges en  seraient  principalement  de  permettre  d'exploiter  toutes  les  con- 
cessions d'une  même  façon,  de  choisii'  celles  qui  seraient  jugées  les  meil- 
leures, et  de  permettre  l'écoulement  raisonné  et  graduel  des  diamants, 
ce  qui  aurait  pour  effet  immédiat  d'en  relever  le  cours.  Les  sociétés  de 
Dutoitspan  semblent  avoir  accepté  cette  idée,  mais  sa  réalisation,  pom* 
ce  district  seulement,  exigerait  un  capital  d'au  moins  25  millions. 

Depuis  longtemps,  le  gouvernement  de  la  Colonie  du  Cap  et  les 
particuliers  se  préoccupent  des  moyens  de  remédier  aux  funestes  con- 
séquences des  fréquentes  sécheresses,  dont  souffrent  certaines  parties  de 
l'Afrique  australe.  M.  Clark,  de  Beaufort,  a  cherché  à  découvrir  des 
plantes  fouiTagèi*es  qui  pussent  résister  à  la  sécheresse,  et  il  a  réussi  à 
en  trouver  une,  le  hokhara  clover  (trèfle  de  Bokhara),  qui  parait  réunir 
toutes  les  conditions  nécessaires  ;  elle  croît  comme  la  luzerne,  et  peut 
être  coupée  plasieurs  fois  par  an.  Les  fenniers  du  district  de  Beaufort 
vont  se  mettre  àla  cultiver.  Une  botte  de  ce  trèfle,  soumise  à  l'inspection 
de  M.  Garcia,  commissaire  civil,  mesurait  2  m.  60  de  hautem*;  le  trèfle 
avait  atteint  cette  taille  en  deux  mois,  sans  recevoir  une  goutte  d'eau, 
sauf  la  pluie  tombée  en  décembre,  alore  qu'il  avait  déjà  plus  de  2'",30. 
Il  fournit  un  excellent  fourrage.  On  espère  que  sa  culture  sera  un  grand 
bienfait  pour  les  colons  en  général,  et  surtout  pour  les  fermiei-s  des 
karous  dout  le  sol,  riche  d'ailleurs,  demeui*e  stérile,  faute  d'eau. 

D'apr&s  VEjojwrt,  la  Compagnie  belg^  du  commeree  afri* 
csain,  fondée  il  y  a  un  an  h  Bruxelles,  et  dhigée  par  M.  Ad.  Burdo, 
ancien  agent  de  l'Association  internationale  atricame  à  la  côte  orientale, 
a  établi  une  factorerie  à  Ambpisette,  marché  important  de  la  côte 
de  Guinée.  Le  pi'emier  voyage  de  VAkassa,  navire  de  la  compagnie, 
a  été  très  fructueux,  et  M.  Rigod,  agent  de  la  société  à  Ambrisette, 
l'engage  à  fonder,  sans  délai,  des  factoreries  sur  d'autres  points  de  la 
côte.  Des  agences  ont  été  créées  à  Manchester,  Hambourg,  Lisboime  et 

*  Le  gaUon  équivaut  à  4,5i  litres. 


—  74t- 

AniBterdam,  pour  la  vente  des  produits  africains  et  pour  Tachât  des  arti- 
cles de  rindustrie  européenne,  destinés  aux  échanges  avec  les  nègres, 
aux  factoreries  et  aux  expéditions.  Parmi  les  articles  d'exportation, 
rJEScpori  mentionne  particulièrement  les  cotonnades,  les  chemises  teintes 
en  coton  et  d'autres  vêtements,  les  chapeaux  de  paille,  les  miroirs,  la 
verroterie,  le  fil  de  fer  et  de  laiton,  les  couteaux,  les  ustensiles  en 
fer,  les  armes,  les  munitions,  la  viande,  les  liqueurs,  etc.  Le  succès 
de  la  première  opération  de  la  Compagnie  belge  de  commerce  afri- 
cain a  engagé  celle-ci  à  se  transformer  en  Société  anonyme.  D'après  une 
correspondance  de  Bruxelles  à  la  Frankfxirter  Zeitung,  une  assemblée 
des  actionnaires  est  convoquée  à  Bruxelles  pour  le  27  février,  et  des 
maisons  anglaises  et  allemandes  prendront  part  à  cette  entreprise. 

La  Chambre  de  commerce  de  Manchester  s'est  émue  des  négociations 
entamées  entre  le  Portugal  et  l'Angleterre,  au  sujet  de  la  reconnaissance 
par  celle-ci  des  droits  que  le  gouvernement  portugais  prétend  avoir  sui- 
la  côte  du  fjoan^o,  jusqu'au  5'',12'  lat.  sud.  Quoique  cette  reconnais- 
sance n'ait  pas  encore  un  caractère  définitif,  le  journal  0  commercio  de 
Portugal  annonce  qu'on  a  reçu  à  Lisbonne  le  projet  de  la  convention  pai- 
laquelle  ces  droits  seront  reconnus.  Le  Portugal  céderait  à  l'AngleteiTe 
le  fort  de  Saint-Jean-Baptiste  d'Ajouda,  qu'il  possède  encore  près  de 
Whydah,  sur  la  côte  des  Esclaves,  ce  qui  compléterait  la  chaîne  des  éta- 
blissements britanniques  dans  cette  partie  de  l'Afrique,  et  il  occuperait 
Cabinda  et  Molemba  au  nord  de  l'embouchure  du  Congo,  jusqu'ici  sans 
garnisons  portugaises.  Une  escadre,  à  laquelle  s'adjoindront  les  vais- 
seaux des  stations  de  l'Angola,  est  déjà  partie  pour  cette  destination, 
ce  qui  hâtera  sans  doute  1^  reconnaissance  demandée  à  l'Angleterre, 
laqueDe  jusqu'à  présent  l'avait  toiyours  refusée.  La  Chambre  de  com- 
merce de  Manchester  avait,  déjà  le  13  novembre,  présenté  au  Foreign 
Office  une  adresse,  demeurée  sans  réponse,  dans  laquelle  elle  deman- 
dait que  l'indépendance  du  territoire  du  Congo  fftt  proclamée,  et  que 
le  fleuve  restât  ouvert  au  conmierce  de  toutes  les  nations.  Elle  est 
revenue  à  la  charge,  dans  une  nouvelle  adresse  à  laquelle  lord  Grand- 
ville  a  promis  d'accorder  toute  l'attention  que  le  sujet  mérite.  En  effet, 
les  droits  du  Portugal  une  fois  reconnus  sur  l'embouchure  du  Congo,  le 
commerce  de  l'Angleterre,  comme  celui  des  autres  nations  de  l'Europe, 
se  trouverait  placé  sous  le  contrôle  portugais. 

L'incertitude  qui,  pendant  longtemps,  a  régné  au  siyet  de  la  réalisa- 
tion de  l'expédition  Ro^osBinski^  pour  la  baie  de  Cameroon  et  le  lac 
Liba,  en  a  modifié  considérablement  le  personnel.  La  majeure  partie  de 


—  76  — 

ceux  qui  devaient  y  prendre  part  se  sont  retirés  ;  mais  le  chef  de  l'entre- 
prise, Polonais  d'origine,  a  trouvé  parmi  ses  compatriotes  de  nouveaux 
compagnons  de  voyage,  avec  lesquels  il  s'est  embarqué  le  13  novembre 
au  Havre,  sur  la  Lticie-MargueritSy  paVfaitement  aménagée  pour  le  but 
qu'il  se  propose.  M.  Rogozinski  a  avec  lui  un  géologue,  un  météorologiste, 
un  mécanicien  et  un  ingénieur. 

M.  Caqucrean  prépare  à  Bordeaux  une  expédition  pour  le  Fonta 
DJallon»  oii  il  se  propose  de  fonder  une  colonie.  Le  climat  de  ce  plateau, 
de  500"  à  1000"  d'altitude,  est  salubre,  le  sol  en  est  fertile,  les  minerais 
précieux  ou  utiles  y  abondent,  ainsi  que  les  bois  de  luxe  et  les  objets  de 
commerce.  L'expédition  partira  de  Bordeaux  pour  Saint-Louis,  puis  se 
rendra  à  Boké  sur  le  Rio  Nunez.  De  là  elle  se  dirigera  sur  Timbo,  et 
tâchera  d'atteindre  Babbila  sur  le  Niger,  où  eUe  choisira  un  endroit  con- 
venable pour  y  créer  un  centre  commercial,  en  communication  directe 
avec  Dinguirray,  Timbo  et  Boké,  d'une  part,  et  avec  Bamakou,  Médine 
et  Saint-Louis,  de  l'autre.  A  Babbila,  l'expédition  se  divisera  en  trois 
sections  :  la  première  explorera  le  Niger  au  nord,  jusqu'à  Bamakou, 
pour  rejoindre  le  colonel  Borguis  Desbordes  et  le  D'  Bayol,  et  revenir 
ensuite  au  confluent  du  Tanldsso  et  du  Niger,  et  à  Timbo,  à  travers  le 
Bouré  ;  la  seconde  reviendra  directement  à  Timbo  par  Dinguirray  ;  la 
troisième  remontera  le  Niger  au  sud,  jusqu'à  Soulima,  et  rentrera  par 
Farabana  à  Timbo  ;  là  seront  signés  les  traités  et  les  concessions  néces- 
saires, après  quoi  la  première  section  regagnera  Boké  par  le  même  itiné- 
raire qu'à  l'aller,  la  deuxième  par  le  Rio  Pungo,  et  la  troisième,  par  le 
Rio  Cachée  et  Labé.  Elles  feront  les  études  nécessaires  à  l'établissement 
d'une  voie  ferrée,  sur  celle  des  trois  routes  qui  offrira  le  moins  de  diffi- 
cultés. Au  retour  à  Bordeaux,  on  organisera  une  seconde  expédition, 
composée  d'ouvriers  de  métiers,  qui  iront  avec  M.  Caquereau  jeter  les 
bases  de  la  nouvelle  colonie. 

M.  C  Doclter,  professeur  à  Gratz,  a  exploré  les  lies  du  Cap  Vert 
et  a  reconnu  que  cet  archipel  ne  doit  pas  sa  formation  exclusivement  à 
une  activité  volcanique  récente  ;  les  anciennes  roches,  gneiss,  ardoises, 
etc.,  sur  lesquelles  s'élèvent  des  masses  calcaires,  font  nattre  l'idée  qu'il 
est  plutôt  le  reste  d'un  ancien  continent  qui,  vraisemblablement,  s'éten- 
dait fort  loin  le  long  de  la  côte  d'Afrique,  mais  dont  l'union  avec  le  conti- 
nent africain  n'est  pas  certaine,  les  formations  calcaires  n'ayant  pas  été 
constatées,  à  cette  latitude,  le  long  de  la  côte  d'Afrique.  Les  cartes 
topographiques  des  îles  du  Gap  Vert  faisaient  défaut  jusqu'à  présent; 
le  D' Doelter  en  adressé  qui,  nonobstant  l'imperfection  des  moyens  dont 


—  76  — 

il  disposait,  font  cependant  faire  un  progrès  marqué  à  la  cartographie 
de  ces  îles.  —  Le  professeur  Doelter  a  ensuite  remonté  le  Rto-Grande 
jusqu'au  Fouta  Djallon,  mais  il^  a  été  arrêté  dans  sa  marche  vers  Test, 
par  une  guerre  des  Foulahs  et  par  l'hostilité  des  almamys  de  Labé.  Il 
dut  se  hftter  de  rebrousser  chemin,  et  redescendre  aux  tles  Bissagos 
et  Bissao,  pour  remonter  ensuite  le  Rio-Géba  jusqu'à  la  factorerie  de  ce 
nom.  Il  croit  que  le  Rio  Grande  n'est  pas  exactement  marqué  sur  les 
cartes,  et  doute  de  l'identité  de  cette  rivière  avec  le  Tomani. 

Une  colonne  expéditionnaire,  sous  les  ordres  du  colonel  Wendling,  est 
entrée  dans  le  Cayor,  pour  assurer  la  constiniction  du  chemin  de  fer 
de  Dakar  à  Saint-Louis.  Le  roi  Lat-Dior  s'est  retiré  devant  les  troupes 
françaises  et  a  rejoint  Alboury,  roi  du  Diolof,  ennemi  de  la  France,  qui 
a  conclu  avec  Abdoul-Boubakar  un  traité  d'alliance  offensive  et  défen- 
sive, auquel  Ely,  roi  des  Maures  Trarsas,  serait  sur  le  point  d'adhé- 
rer. La  petite  wmée  est  arrivée  à  Soyrières,  capitale  du  Cayor,  et 
l'a  brûlée  par  mesure  d'intimidation.  Le  colonel  Wendling  a  ensuite 
constitué  un  autre  gouvernement,  et  conclu  avec  lui  un  traité  qui  porte 
la  date  du  16  jaïtvier  1883.  Par  cet  acte,  les  habitants  du  Cayor  se  sont 
placés  sous  le  protectorat  de  la  France  et  ont  accepté  sa  suzeraineté.  Le 
nouveau  souverain,  Ahmadi-N'Goué-Fal,  porte  le  titre  de  damél  et  le 
pouvoir  est  déclaré  héréditaire  dans  sa  famille.  Cette  pacification  du 
pays  va  permettre  de  commencer  les  travaux  du  chemin  de  fer. 

La  colonne  du  Haut-Sénégal  est  partie  de  Kita  pour  Bamakou,  sur  le 
Niger,  où  elle  est  arrivée  le  !•'  février.  Toutefois  eUe  n'a  pas  atteint  son 
but  sans  rencontrer  de  la  résistance.  Après  avoir  passé  le  Baoulé  le  13 
janvier,  eUe  arrivait  le  16  devant  Daba  dont  elle  dut  faire  le  siège.  Pour 
faire  brèche,  il  ne  fallut  pas  moins  de  214  coups  de  canon,,  et  la  colonne 
d'assaut  se  battit  pendant  une  heui*e.  La  dépêche  du  colonel  Borguis  Des- 
bordes, qui  annonce  ce  fait  d'armes,  confesse  que  les  pertes  des  Fran- 
çais ont  été  relativement  très  grandes. 

Quant  au  chemin  de  fer  du  Haut-Sénégal,  il  a  commencé  à  fonction- 
ner sur  un  parcours  de  2400  mètres,  entre  Khayes  et  Médine.  Une  pre- 
mière locomotive  du  moins  a  accompli  ce  trajet  avec  sept  wagons,  le 
19  décembre  dernier.  Les  nègres  ont  battu  des  mains  en  voyant  la  ma- 
chine s'ébranler  au  milieu  des  sifflets  retentissants  et  des  tourbillons  de 
fumée,  et  ils  ont  couru  derrière  le  train  jusqu'à  perdre  haleine.  Les 
environs  de  Khayes  sont  déjà  transformés.  Dans  la  plaine  inculte,  oii 
Ton  ne  voyait  il  y  a  quelques  mois  que  des  cases  en  pisé  et  des  huttes 
servant  au  logement  des  officiers,  s'élèvent  aujourd'hui  les  bâtiments 


—  11  — 

réservés  pour  le  commandant  et  le  personnel  des  travaux,  Thôpital, 
les  magasins,  etc. 


NOUVELI.B8  COMPLÉMENTAIRES 

Une  mission  scientifique  dirigée  par  M.  Bourlier,  membre  dn  Conseil  général  de 
l'Algérie,  s'est  rendue  à  Touggourt,  et  devra  explorer  les  environs  d'Ouargla,  où 
l'on  se  propose  d'attirer  des  familles  du  Mzab. 

Le  commandant  Roudaire  a  télégraphié  à  M.  de  Lesseps  que  les  opérations  ont 
commencé  à  Tozeur,  et  qu'il  a  trouvé  à  l'est  une  dépression  ayant  H*"  de  moins 
que  celle  de  Kriz;  un  sondage  y  est  établi;  le  sol  paraît  sablonneux.  M.  de  Lesseps 
y  enverra  des  entrepreneurs  pour  préciser  les  conditions  de  l'exécution  et  les 
dépenses  de  la  création  de  la  mer  intérieure. 

MM.  Hondas  et  Basset,  envoyés  en  mission  en  Tunisie  pour  y  étudier  les  anti- 
quités arabes,  ont  adressé  à  l'Académie  des  sciences  de  Paris  une  collection  des 
estampages  pris  dans  les  principales  mosquées  de  Kalrouan.  Ces  textes  coufiques 
fourniront  quelques  dates  utiles  pour  l'histoire  des  nombreuses  dynasties  locales 
du  nord  de  l'Afrique  après  la  conquête  arabe. 

Afin  d'empêcher  la  dégradation  des  monuments  anciens  en  Tunisie,  colonnes,  sta- 
tues, inscriptions  historiques,  etc.,  un  musée  sera  créé  à  Tunis,  pour  y  réunir  toutes 
les  antiquités  qui  pourront  être  trouvées,  soit  dans  les  propriétés  de  l'État,  soit 
dans  celles  des  particnliers. 

Rohlfs  écrit  à  VAntialavery  Reporter  y  que  les  missionnaires  suédois  de  M'Kullo, 
près  de  Massaoua,  l'ont  informé  que  les  Abyssiniens  ont  de  nouveau  pillé  les  pro- 
vinces qu'ils  estiment  leur  appartenir,  quoiqu'elles  soient  occupées  par  les  Égyp- 
tiens depuis  l'annexion  opérée  par  Munzinger.  Les  missionnaires  sont  sans  cesse 
exposés  à  être  chassés  des  villages  qui  sont  situés  dans  la  banlieue  de  Massaoua. 

Un  des  deux  Akkas  amenés  en  Italie,  en  1873,  par  le  voyageur  Miani,  vient  de 
mourir  à  Vérone,  d'une  maladie  de  poitrine. 

M.  Godio  écrit  à  VEsplorcuiane  de  Naples,  que  l'expédition  dont  il  fait  partie 
avec  le  comte  Pennazzi,  après  avoir  traversé  rapidement  les  pays  déjà  connus  des 
Bogos,  des  Barréas  et  des  Barkas,  explorera  la  région  de  350  kilom.  carrés,  encore 
inconnue,  entre  le  Gasch  et  le  Takazzé,  pour  chercher  à  y  ouvrir  une  route  afin 
d'atteindre  par  là  cette  dernière  rivière.  Au  delà,  les  voyageurs  suivront  un  cer- 
tain temps  l'itinéraire  de  M.  d'Abbadie,  puis  gagneront  Gaiabat  à  travers  les 
forêts  vierges  de  cette  partie  de  l'Abyssinie.  Ils  fixeront  la  suite  de  leur  itinéraire 
à  Métemma. 

Le  comte  P.  Antonelli  écrivait  d'Assab,  le  23  novembre,  à  la  Société  italienne  de 
géographie,  qu'il  allait  9e  rendre  au  Choa,  et  n'attendait  pour  partir  que  l'arrivée 
de  quelques  chameaux  qu'on  devait  lui  envoyer  de  Aoussa  pour  compléter  stf  cara- 
vane. Il  avait  reçu  d'Anfar,  chef  de  Aoussa,  la  promesse  de  le  protéger  pendant 
son  voyage  à  travers  le  territoire  de  ce  prince. 


—  78  — 

Une  société  italienne  a  obtenu  du  gouvernement,  pour  99  ans,  une  concession 
pour  Pexploitation  des  salines  d'Assab.  M.  Toselli,  agent  des  salines  piémontaises, 
compte  y  appliquer  le  système  d'exploitation  des  salines  de  Sardaigne.  Les  pro- 
duits en  seront  exportés  aux  Indes. 

M.  Pierre  Sacconi  a  écrit  à  la  société  milanaise  d'exploration  commerciale  en 
Afrique,  qu'il  fera  très  prochainement  une  excursion  au  S.£.  de  Harrar,  dans  POu- 
gaden,  chez  les  Amaden,  très  peu  connus  jusqu'ici. 

M.  Mancini  proposera  aux  Chambres  italiennes  de  conclure  un  arrangement 
avec  la  Société  italienne  de  navigation,  pour  obtenir  que  ses  malles  directes  pour 
les  Indes  touchent  à  Assab,  et  qu'elles  y  portent  les  marchandises  et  les  lettres, 
que  les  colons  doivent  actuellement  faire  chercher  à  Aden. 

Les  environs  de  Mombas  ont  été  dernièrement  infestés  par  un  parti  de  marau* 
deurs  Wakuafis,  de  ]a  grande  tribu  des  Masaïs,  dont  M.  J.  Thomson  doit  traverser 
le  territoire,  pour  se  rendre  de  la  côte  au  Victoria  Nyanza  par  le  Kilimandjaro. 
Couverts  de  leurs  longs  boucliers,  ils  s'avançaient  avec  hésitation  dans  l'intention 
d'enlever  du  bétail;  les  natitjg  auraient  pu  leur  tirer  dessus,  mais  M.  Wakeiield,  de 
la  station  missionnaire,  sachant  le  mauvais  effet  que  le  sang  répandu  pourrait 
avoir  pour  l'expédition  de  M.  Thomson,  leur  ordonna  de  n'en  rien  faire.  Aprèç 
de  vaines  menaces,  la  troupe  des  Wakuafis  prit  la  fuite,  h  l'ouïe  d'un  coup  de  fusil 
tiré  par  un  fermier  du  voisinage. 

D'après  le  Central  Afriec^  la  Société  d'exploration  belge  se  propose  d'envoyer 
une  expédition  au  nord  de  l'Ousambara,  dans  le  pays  des  Gallas.  Un  ou  deux  des 
jeunes  Gallas  élevés  dans  les  stations  missionnaires  de  Kingani  et  de  Mbouéni 
accompagneraient  l'expédition  comme  interprètes,  ainsi  que  l'a  fait  Robert  Feruzi 
qui  traversa  l'Afrique  avec  Stanley. 

M.  Maluin,  qui  doit  remplacer  à  Karéuia  le  lieutenant  Becker,  est  parti  pour 
Zanzibar. 

Le  mouvement  du  port  de  Zanzibar  augmente  chaque  jour.  Le  sultan  vient 
d'acheter  à  la  «  Peninsula  and  oriental  Company  »  trois  grands  bateaux  à  vapeur, 
à  ajouter  aux  trois  qu'il  possède  déjà.  Ils  feront  des  services  réguliers  le  long 
de  la  côte,  à  l'expiration  des  contrats  postaux  de  la  «  British  India  Company.  » 
Le  service  de  ces  steamers  est  fait  par  des  officiers  et  des  machinistes  allemands. 
L'élément  allemand  acquiert  une  certaine  importance  à  Zanzibar  et  sur  la  côte 
orientale  d'Afrique. 

M.  O'^eill,  consul  anglais  à  Mozambique,  a  obtenu  du  «  Foreign  Oftice  >  un 
('X>ngé,  pour  entreprendre  un  voyage  de  Mozambique  à  Blantyre,  par  Quilimane, 
le  Chiré,  la  rive  orientale  du  lac  Kiloua  et  le  pays  montagneux  inconnu  à  l'est  de 
ce  lac.  La  société  de  géographie  de  Londres  lui  a  voté  un  subside  de  200  1.  st.,  et 
lui  a  remis  les  instruments  nécessaires  pour  les  observations  géographiques. 

Une  convention  passée  entre  la  France  et  le  Portugal  ayant  autorisé  les  indi> 
gènes  libres  du  Mozambique  à  s'engager  comme  travailleurs  agricoles  dans  les 
colonies  françaises,  le  vapeur  Héloïse  est  arrivé  à  Ibo  pour  y  recruter  des  ouvriers; 
mais  les  natifs  effrayés  ont  pris  les  armes,  et  se  sont  assemblés  pour  empêcher 


—  79  — 

rengagement  de  leurs  compatriotes.  Les  soldats  portugais  sont  intervenus  et  ont 
dispersé  les  indigènes.  Dans  la  lutte,  75  de  ces  derniers  ont  été  tués  ou  blessés- 
VHélaise  a  dû  repartir  sans  avoir  pu  engager  aucun  travailleur  indigène. 

Le  DaUy  News  publie  une  dépêche  annonçant  que  le  pavillon  français  Hotte  sur 
la  côte  N.O.  de  Madagascar.  Vu  l'irritation  des  indigènes,  l'autorité  de  Tamatave 
a  invité  les  membres  des  colonies  étrangères  à  ne  pas  s'aventurer  dans  l'intérieur, 
où  leur  vie  serait  en  (fanger. 

Une  famine  terrible  exerce  de  grands  ravages  aux  Comores,  par  suite  des  guer- 
res continuelles  que  se  font  deux  prétendants,  Saïd-Ali  et  Mossafoum,  ce  dernier 
patronné  par  le  sultan  de  Zanzibar.  A  la  faveur  de  ces  désordres,  la  traite  sévit 
de  plus  en  plus  dans  ces  parages;  il  ne  se  passe  pas  de  semaine  où  le  schooner 
anglais  le  Harrier  ne  capture  quelque  embarcation  chargée  d'esclaves.  Les  cha- 
loupes à  vapeur  du  Landon  en  ont  délivré  au  moins  400  depuis  le  mois  d'août. 

Les  partisans  de  l'abolition  de  la  traite,  sous  toutes  ^es  formes,  s'efforcent 
d'obtenir  l'abrogation  du  traité  par  lequel  les  habitants  de  Natal  sont  autorisés  à 
aller  recruter  des  travailleurs  à  Mozambique,  ce  qui  a  pour  conséquence  le  réta- 
blissement de  la  chasse  à  l'homme  sur  la  côte  orientale  sud  de  l'Afrique. 

Sous  la  conduite  d'un  guide  indigène,  et  par  des  chemins  de  traverse  très  peu 
fréquentés,  les  missionnaires  vaudois  ont  pu,  de  Pretoria,  atteindre,  sans  mauvaise 
rencontre,  la  petite  ville  de  Marabastad,  dans  le  nord  du  Transvaal,  assez  éloignée 
du  théâtre  de  la  guerre  pour  qu'on  n'ait  plus  d'inquiétude  à  leur  sujet. 

Un  correspondant  des  Zoutpansberg,  au  nord  du  Transvaal,  écrit  au  Ncttcd 
Mercury  qu'une  grande  famine  règne  aux  Spelonken,  aux  Blueberg  et  dans  le  dis- 
trict de  Mialiétzié;  quantité  de  Cafres  sont  morts  de  faim. 

Un  nouveau  combat  a  eu  lieu  entre  les  Boers  et  les  partisans  de  Mapoch  qui 
ont  été  défaits.  Boshkop,  une  des  clefs  de  leur  forteresse,  est  occupée  par  les  Boers, 
qui  ont  employé  la  dynamite  pour  faire  sauter  une  des  grottes  qui  leur  servent  de 
retraite. 

Le  major  Machado,  ingénieur  portugais,  est  arrivé  à  Pretoria  après  avoir  fait, 
pour  l'étude  du  chemin  de  fer  de  Lorcnzo  Marquez  à  la  frontière  du  Transvaal, 
deux  reconnaissances,  l'une  par  la  vallée  d'Incomati,  l'autre  par  la  Motalla  :  toutes 
deux  offrent  un  tracé  facile  et  peu  coûteux  ;  toutefois  le  major  Machado  donne  la 
préférence  au  premier,  qui  serait  un  peu  moins  long. 

Une  dépèche  de  Capetown,  reçue  pendant  que  notre  dernier  numéro  était  sous 
presse,  annonçait  que  le  Conseil  législatif  de  la  Colonie  du  Cap  venait  d'abroger 
la  loi  d'annexion  du  Lessouto.  Cette  nouvelle  était  prématurée.  M.  Sprigg,  ancien 
ministre  a,  il  est  vrai,  demandé  la  révocation  de  l'acte  qui  a  annexé  le  Lessouto  à 
l'empire  britannique,  mais  le  Parlement  du  Cap  a  repoussé  cette  demande,  et 
donné  raison  au  cabinet  actuel  qui  proposait  de  rouvrir  des  négociations  avec  les 
Bassoutos.  L'indépendance  du  Lessouto  ne  pourrait,  en  tout  cas,  être  prononcée 
qu'avec  l'agrément  du  gouvernement  britannique. 

Le  D'  Holub  repartira  en  mai  prochain  pour  l'Afrique  australe. 

M.  Silva  Porto  vient  de  rentrer  à  Benguéla,  après  avoir  fait"  à  l'intérieur  une 


—  80  — 

longue  exploration,  dont  il  a  envoyé  la  relation  à  la  Société  de  géographie  de 
Lisbonne.  MM.  Pogge  et  Wissmann  Pavaient  rencontré,  le  3  octobre  18&1,  sur  la 
rive  droite  du  Cassaï,  au  nord  de  Maï  ;  il  se  rendait  alors  à  Cabau,  un  des  grands 
marchés  de  l'Afrique  centrale. 

M.  le  capitaine  Cambier,  agent  de  TAssociation  internationale  africaine  à  Zan- 
zibar, a  touché  à  Capetown  le  9  janvier,  revenant  du  Congo  où  il  avait  conduit 
300  Zanzibarites  à  Stanley  qui  y  arrivait  de  Cadix  avec  3000  tonnes  de  marchan- 
dises à  transporter  à  Stanley-Pool.  La  veille  de  son  départ  de  Banana,  dans  un 
repas  auquel  l'avait  invité  le  chef  de  la  factorerie  hollandaise,  Stanley  ayant  dit 
qu'il  allait  préparer  une  chaude  réception  à  Savorgnan  de  Brazza,  on  lui  a 
envoyé  de  Bruxelles  pour  lui  et  pour  ses  agents  l'ordre  de  respecter,  de  la  manière 
la  plus  scrupuleuse,  les  acquisitions  faites  par  M.  de  Brazza  sur  le  territoire  du 
roi  Makoko.  La  présence  de  Stanley  à  Banana  a  été  démentie  par  le  Journal  des 
Débats,  qui  lui-même  l'avait  annoncée  ;  mais  les  journaux  hollandais  sont  si 
précis  à  cet  égard,  qu'il  est  difficile  de  révoquer  en  doute  leur  récit. 
/  M.  Joseph  Palmarts,  qui  a  fait  partie  de  l'expédition  américaine  au  pôle  nord,  a 
été  envoyé  au  Congo,  avec  un  officier  autrichien,  un  négociant  d'Anvers,  M.  Defrère, 
et  un  mécanicien.  Tous  quatre  se  proposent  de  rejoindre  Stanley. 

Savorgnan  de  Brazza  a  reçu  du  gouvernement  français  le  matériel  et  les  canon- 
nières démontées  destinées  à  naviguer  sur  le  Congo  moyen,  et  l'autorisation  de 
faire  choix  de  quatre  officiers  de  vaisseau,  de  trois  médecins  et  du  personnel  de 
maîtres  et  marins  nécessaire  à  sa  mission.  Il  doit  s'embarquer  le  7  mars  à  Lisbonne. 
—  D'après  une  dépêche  de  Marseille  plusieurs  des  officiers  qui  feront  partie 
de  l'expédition  se  sont  embarqués,  à  bord  du  paquebot  des  messageries  mari- 
times le  Niger,  partant  pour  le  Sénégal. 

Une  lettre  du  consul  de  France  à  Naples  annonce,  dit  VEocplorationf  qu'une 
expédition  commerciale  est  partie,  sans  bruit,  de  Naples  pour  le  Loango. 

La  Société  allemande  de  colonisation,  fondée  récemment,  a  l'intention  de  faire 
de  l'île  espagnole  de  Fernando-Po,  dans  le  golfe  de  Guinée,  le  noyau  d'un  établis- 
sement allemand,  et  d'acheter  plus  tard  cette  île  à  l'Espagne. 

Les  Missions  catholiques  signalent  les  grands  progrès  faits  par  les  musulmans 
au  sud  du  Niger,  par  suite  de  la  décadence  du  Yorouba  et  des  guerres  incessantes 
que  les  diverses  tribus  se  livrent  entre  elles.  Jusqu'à  ces  derniers  temps,  ils  étaient 
tenus  en  respect  sur  la  rive  gauche  du  fleuve,  mais  ils  ont  pu  le  franchir,  et 
s'avancent  maintenant  par  Ilori,  Ibadan,  Abeokouta,  Porto  Novo,  Whydah,  jus- 
qu'au Yolta.  Ils  se  fixent  de  préférence  dans  les  centres  commerciaux,  y  établissent 
des  mosquées  et  y  ouvrent  des  écoles. 

M.  Forbes,  préparateur  à  la  Société  zoologique  de  Londres,  envoyé  au  Niger 
pour  y  faire  des  collections,  a  été  retenu  par  la  fièvre  à  Chonga,  petit  entrepôt  de 
commerce  à  80  kilom.  en  aval  de  Rabba.  Il  comptait  profiter  du  passage  d'un 
bateau  à  vapeur,  pour  essayer  de  remonter  jusqu'à  Sokoto,  puis  revenir  de  là  direc- 
tement en  Angleterre. 

M.  le  D'  Maehly  a  déjà  rendu  de  grands  services  aux  missionnaires  bàlois  de  la 


—  81  — 

Côte  d'Or  et  aux  populations  qui  avoisinent  leurs  stations.  Dès  son  arrivée  à 
Christiansborg,  il  a  trouvé  des  malades  à  soigner,  et,  chaque  matin,  petits  et  grands 
se  pressent  à  la  porte  du  «  père  des  racines,  »  comme  ils  l'appellent,  pour  obtenir 
de  lui  la  guérison,  ou  du  moins  le  soulagement  de  leurs  souffrances. 

La  section  de  la  Société  de  géographie  de  Lisbonne,  établie  aux  Açores,  a  fait 
imprimer,  en  français  et  en  anglais,  des  instructions  destinées  aux  navires  qui  se 
rendent  dans  le  port  de  Horta,  afin  qu'ils  puissent  se  mettre  en  garde  contre  les 
dangers  des  tempêtes  subites  qui  se  déchaînent  fréquemment  dans  ces  parages. 

M.  Georges  Pouchet,  professeur  au  Muséum  d'histoire  naturelle  de  Paris,  qui,  il 
y  a  25  ans,  accompagna  Escayrac  de  Lauture  dans  la  région  du  Haut-Nil,  va  se 
rendre  aux  Açores,  pour  une  mission  scientifique. 

La  commission  espagpdole  chargée  de  déterminer  les  limites  de  la  colonie  que 
l'Espagne  veut  établir  à  Santa  Cruz  de  Mar  Pequena,  s'est  rendue  à  Mogador  où 
l'ont  rejointe  les  représentants  du  sultan  du  Maroc,  qui  doivent  procéder  à  la 
remise  du  territoire  cédé  à  l'Espagne.  La  Compagnie  de  colonisation  anglaise, 
établie  au  cap  Juby,  en  revendique  la  propriété,  et  s'oppose  à  la  prise  de  posses- 
sion par  l'Espagne  du  pays  que  le  Maroc  doit  lui  remettre.  Le  ministre  des  affaires 
étrangères  d'Espagne  a  réclamé  l'exécution  du  traité  de  1860,  et  la  remise  immé- 
diate du  cap  Juby. 

M.  fionelli  a  fait  un  voyage  de  Tanger  à  Fez  par  Salé  et  Mequiuez,  et  a 
recueilli  des  observations  intéressantes  sur  la  climatologie,  l'hydrographie,  les 
ressources  agricoles,  l'exportation  et  l'importation,  ainsi  que  sur  l'administra- 
tion de  cette  partie  du  Maroc. 


VOYAGE  DU  LIEUTENANT  WISSMANN  A  TRAVERS  L'AFRIQUE  ' 

A  la  fin  de  Tanuée  dernière  est  arrivée  à  Berlin  la  nouvelle  que  le 
lieutenant  Wissmann,  envoyé  avec  le  D'  Pogge  dans  T Afrique  centrale 
par  la  Société  africaine  allemande,  était  heureusement  arrivé  à  Zanzibai*, 
après  avoir  traversé  le  continent  de  l'ouest  à  Test.  Son  nom  vient  ainsi 
s'ajouter  à  ceux  de  Livingstone  et  de  Serpa  Pinto  qui,  eux  aussi,  ont 
pris  pour  point  de  départ  la  côte  occidentale,  tandis  que  Cameron, 
Stanley,  et  plus  récemment  Matteucci  et  Massari  sont  partis  de  l'est, 
les  deux  premiers  de  Zanzibar  et  les  deux  derniei*s  de  la  côte  de  la  mer 
Rouge.  Mais  si,  de  Loanda  et  de  Benguela,  Livingstone  et  Serpa  Pinto 
se  sont  dirigés  vers  le  Zambèze  supérieur  pour  gagner,  l'un  l'embou- 

*  Voir  la  carte  à  la  fin  de  la  livraison.  Cette  carte  était  déjà  dressée,  diaprés  le 
récit  de  M.  Wissmann,  lorsque  nous  avons  eu  connaissance  de  celle  publiée  par 
VEgphraiortj  d'après  la  carte  même  de  ce  voyageur. 


^82  — 

chure  du  grand  fleuve,  l'autre  Port  Durban,  Wissmann,  parti  de 
Loanda,  sous  le  O""  lat.  S.  environ,  est  remonté  jusque  près  du  4°,  à 
Nyangoué,  au  cœur  du  continent,  poui'  redescendre  de  là  à  Zanzibar 
sous  le  6° .  Son  itinéraire  jusqu'à  Nyangoué  passe  entre  ceux  de  Cameron 
et  de  Stanley. 

Son  rapport  n'a  pas  encore  été  présenté  à  la  Société  africaine  alle- 
mande, ni  publié  dans  les  Mittheilungen  de  cette  Société,  mais  la 
Si  Oalîer  HandeU-Zeitung  vient  de  donner  de  lui  deux  lettres  *,  d'où 
nous  extrayons  quelques  détails. 

Nous  laissons  de  côté  les  détaUs  qui,  dans  la  première  lettre  ^  datée 
de  Kidimba,  résidence  du  prince  tuchilangué  Kinguengué,  se  rappor- 
tent au  voyage  des  deux  explorateurs  allemands  de  Loanda  par  Malan- 
gué  et  Kimboundou,  le  long  du  Tchikapa  jusqu'au  Cassai,  et  dont  nous 
avons  déjà  parlé  (III"*  année,  p.  3 1 1-317).  Après  avoir  quitté  le  D' Pogge, 
qui  se  rendait  chez  Muquengué,  Wissmann  suivit  Kinguengué  vers 
le  sud-est,  jusqu'à  la  ville  située  sur  la  rive  gauche  du  Louloua,  par 
6%8',45"lat.  S.  et  22°  (?)environ  long.E.  de  Paris,  à  une  altitude  de  600-. 
La  rivalité  des  deux  grands  chefe  des  Tuchilangués  ne  l'empêcha  pas  de 
faire  visite  à  son  compagnon  de  voyage,  à  une  bonne  journée  de  marche 
au  N.-O.,  ni  d'échanger  avec  lui  une  correspondance,  aussi  régulière, 
dit-il,  que  si  elle  eût  été  placée  sous  la  direction  du  D'  Stephan.  Kidimba 
lui  parut,  comme  Muquengué  au  D'  Pogge,  une  localité  sûre  et  tran- 
quille; la  population  en  était  bienveillante,  et  voyait  dans  l'homme 
blanc  un  être  tellement  supérieur,  que  toute  difficulté  avec  les  indigènes 
paraissait  invraisemblable  ;  aussi  pouvait-il  écrire  :  o  d'ici  la  route  est 
ouverte,  non  seulement  vers  le  nord,  jusque  chez  Louquengo,  chef 
toukété,  qui  désire  beaucoup  avoir  un  blanc  auprès  de  lui,  mais  encore 
vers  l'est  et  vers  le  sud.  »  Nos  lecteurs  se  rappellent  que  les  voyageurs 
allemands  choisirent  la  route  du  N.-E.  pour  atteindre  Nyangoué  par 
l'extrémité  sud  du  lac  Moucamba  et  par  Cachéché.  Laissant  une  partie 
de  leurs  marchandises  à  Muquengué,  sous  la  garde  de  leur  interprète 
Germano,  qui  devait  en  outre  faire  construire  la  maison  de  la  station 
projetée  par  le  Comité  national  allemand,  ils  quittèrent  leurs  postes 

*  Le  n<»  3  du  Compte  rendu  de  la  Société  de  géographie  de  Paris,  vient  de  don- 
ner une  traduction  de  ces  deux  lettres  in  extenso,  et  les  MittheUungen  de  la 
Société  africaine  aîletnande  nous  apportent,  au  dernier  moment,  la  seconde. 

•  Cette  lettre,  datée  du  17  novembre  1881,  a  mis  plus  d'une  année  pour  arriver 
à  fierlin. 


—  S3  — 

respectifs  à  la  fin  de  novembre  1881 ,  pour  reprendre  leur  voyage  ensem- 
ble, avec  peu  de  porteurs,  il  est  vrai,  mais  accompagnés  parMuqueugué 
lui-même  et  200  Tuchilangués,  formant  une  forte  caravane. 

Le  Louloua  marque  la  limite  entre  le  territoire  des  savanes  et  des 
forêts  dé  TAfrique  occidentale,  et  celui  des  vastes  prairies  à  population 
très  dense  de  l'Afrique  centrale.  Au  milieu  de  décembre,  les  explorateurs 
atteignirent  par  5*',45',25",  lat.  sud,  le  lac  Moucamba,  moins  grand  que 
ne  l'avaient  prétendu  les  Tuchilangués.  Là,  une  révolte  parmi  les  por- 
teurs les  obligea  à  en  renvoyer  le  plus  grand  nombre,  et  à  remettre  leurs 
charges  aux  Tuchilangués.  Traversant  alors  le  pays  extrêmement  peuplé 
des  Bachilangués,  de  la  famille  des  Baloubas,  —  comme  toutes  les  tribus 
qui  I^bitent  à  Test  du  Cassai,  jusqu'au  lac  Moucamba  (Sancorra)  et  au 
delà,  —  ils  arrivèrent  le  5  janvier  1882  au  bord  du  Loubi,  belle  rivière, 
parée  de  la  flore  tropicale  la  plus  riche,  et  qui  se  jette  dans  le  Loubila- 
che*.  Après  l'avoir  passé,  ils  se  trouvèrent  introduits  dans  un  monde 
nouveau,  où  les  villages  sont  propres  et  beaux,  les  maisons  jolies  et 
vastes,  entourées  de  petits  jardins  enclos  de  haies,  alignées  les  unes  à 
côté  des  autres  en  rues  bien  droites,  tirées  au  cordeau  et  ombragées  de 
pabniers  et  de  bananiers.  Là  vivent  les  Bassongués,  race  belle  et  forte, 
à  l'abri  jusqu'ici  de  toute  influence  du  dehors,  nombreux,  abondanmient 
pourvus  de  toutes  les  choses  nécessaires  à  la  vie,  que  leur  fournit  une 
nature  luxuriante,  habiles  à  travailler  le  fer,  le  cuivre,  l'argUe,  le  bois, 
à  tisser  des  étoffées  et  à  tresser  des  corbeilles.  Ils  sont  déjà  dépendants 
du  roi  de  Cachéché,  quoique  cette  dépendance  ne  soit  guère  que  nomi- 
nale. En  deux  fortes  journées  de  marche,  à  travers  une  forêt  vierge 
peuplée  de  beaucoup  d'éléphants,  de  buffles  et  de  phacochères  (cochons 
k  verrues),  les  explorateurs  atteignirent  le  14  janvier  la  résidence  de 
Cachéché,  sur  la  rive  gauche  du  Loubilache,  par  5**,7',18",  chef-lieu  du 
royaume  de  Kotto,  qui  comprend  les  Bassongués  et  quelques  autres  tri- 
bus. Le  souverain  passe  pour  féticheur;  c'est  sur  ce  préjugé  que  repose 
la  puissance  de  ce  prince  âgé,  aveugle  et  mystérieux. 

Au  bout  d'une  semaine  de  séjour  chez  lui,  Pogge  et  Wissmann  voulu- 
rent se  remettre  en  route  vers  l'est,  mais  Cachéché  leui^  refusa  la  per- 
mission de  passer  le  Loubilache,  dans  l'espoir  qu'ils  lui  aideraient  dans 
une  expédition  contre  les  Bakoubas  (Louquengos)  qui,  du  nord,  avaient 
pénétré  dans  ses  états.  En  outre,  les  porteurs  qui  leur  restaient  refu- 

'  C'est  le  nom  donné  en  occident  au  Sankouron,  affluent  de  la  rive  gauche  du 
Congo. 


—  84  — 

sërent,  sauf  cinq,  d'aller  plus  loin,  et  de  leur  côté  les  Tuchilangués, 
déclarèrent  quUls  voulaient  rebrousser  chemin.  Cachéché  faisait  circuler 
avec  soin  dans  la  caravane  des  histoires  épouvantables  de  cannibales, 
pour  effrayer  les  porteurs  et  les  Tuchilangués,  qui  auraient  tous  pris  la 
fuite  si  les  voyageurs  eussent  tenté  un  coup  d'état  contre  lui.  Après 
lui  avoir  fait  comprendre  qu'ils  ne  Tappuieraient  pas  dans  Texpé* 
dition  qu'il  projetait,  et  ne  lui  feraient  point  de  cadeaux,  Pogge  et 
Wissmann  cherchèrent,  par  des  fusillades  de  nuit  et  des  feux  d'artifice, 
à  lui  rendre  leur  voisinage  désagréable  :  puis  ils  refusèrent  aux  porteurs, 
pour  le  cas  où  ceux-ci  retourneraient  vers  l'ouest,  tout  moyen  de  subsis- 
tance, et  leur  enlevèrent  leurs  armes.  Quant  à  Muquengué,  ils  lui  firent 
envisager  ce  qu'aurait  de  honteux  son  retour  sans  eux,  et  l'empr^e- 
ment  avec  lequel  son  rival  Kinguengué,  l'ami  de  Wissmann,  leur  amène- 
rait une  escorte  ;  en  même  temps  ils  le  menacèrent  de  ne  pas  retourner 
chez  lui  :  le  D' Pogge  serait  resté  chez  Cachéché  avec  les  marchandises, 
et  Wissmann  aurait  cherché  tout  seul  une  route  vers  l'est.  Muquengué 
consentit  enfin  h  continuer  de  les  accompagner,  et  le  12  février  ils  passè- 
rent le  Loubilache,  qui  a  150"  de  large  et  roule  paisiblement  ses  eaux 
d'un  jaune  clair  entre  des  parois  abruptes  de  grès,  ou,  quand  la  vallée 
s'élargit,  à  travere  des  forêts  vierges.  Il  est  formé  de  deux  rivières,  le 
Loubiranzi  et  le  Louembi. 

Pendant  six  semaines  les  explorateurs  durent  traverser  des  prairies 
richement  arrosées,  habitées  par  les  belliqueux  Bassongués,  par  les 
Bénékis,  dont  les  villages  ont  jusqu'à  17  kilom.  de  long,  et  par  les 
Kaléboués,  chez  lesquels  ont  déjà  pénétré  les  Arabes  pillards,  et  qui, 
pour  la  plupart,  évacuaient  leurs  villages  à  l'approche  des  blancs.  Le 
8  mars  ils  arrivèrent  au  bord  du  Lomami.  Pendant  tout  ce  ti*ajet  ils 
avaient  dû,  d'un  village  à  l'autre,  s'orienter  au  moyen  de  la  boussole  ; 
en  outre,  vu  l'hostilité  des  villages  entre  eux,  leurs  guides  les  avaient 
souvent  induits  en  en-eur.  Presque  toutes  ces  tribus,  comme  les  Tudii- 
langués  eux-mêmes,  sont  cannibales. 

Du  Loubi  jusqu'au  Tanganyika,  Wissmann  a  rencontré  les  restes 
d'une  peuplade,  les  Batouas  (les  Watouas  de  Stanley),  qu'il  pense  avoir 
été  la  population  primitive  de  ce  pays.  Petits  de  taille,  laids  et  maigres, 
malpropres  et  sauvages,  les  Batouas,  méprisés  des  tribus  Baloubas,  n'ha- 
bitent que  de  misérables  huttes  de  paille,  ne  formant  que  des  hameaux  ; 
ils  n'ont  point  de  cultures,  n'élèvent  que  quelques  poules,  et  ne  vivent 
que  de  chasse  et  de  fruits  sauvages.  Ils  ont  un  langage  pailiculier  ;  leurs 
armes  et  leurs  ustensiles  témoignent  d'une  industrie  de  beaucoup  infé- 


—  85  — 

rieure  à  celle  de  leurs  voisins  ;  ils  ont  poui-  la  chasse  une  bonne  race  de 
lévriers,  mais  ne  se  servent  que  de  traits  à  pointes  en  fer. 

Pogge  et  Wissmann  passèrent  le  Lomami  sous  le  5/42',30",  et,  leure 
articles  d'échange  étant  complètement  épuisés,  ils  se  dirigèrent  au 
N.  N.  E.  vers  Nyangoué,  dans  l'espoir  d'obtenir,  sur  ce  marché  arabe, 
des  marchandises  à  crédit.  Des  pluies  abondantes  ayant  produit  de  véri- 
tables inondations,  ils  durent  traverser  des  marécages,  dans  lesquels  les 
herbes  entrelacées  rendaient  la  marche  extrêmement  difficile.  Le  2  avril 
ils  amvèrent  au  bord  du  Loufoubou,  nommé  à  tort  par  Stanley  Kasou- 
kou  ;  la  rivière  de  ce  nom  coule  plus  au  nord.  Le  Loufoubou  était  trans- 
formé en  une  vaste  mer  ;  il  fallut  construire  deux  canots  pour  la  traver- 
45er.  Enfin,  le  16  avril  ils  atteignirent  le  Loualaba  et  le  17  Nyangoué, 
pai'  4",13',14".  Les  Arabes  les  accueillirent  très  bien  et  leur  accordèrent 
le  crédit  nécessaire,  en  soite  qu'ils  purent  se  restaurer  dans  cette  oasis 
à  moitié  civilisée,  au  milieu  du  désert  des  populations  cannibales.  Là  ils 
décidèrent  que  le  D**  Pogge  retournerait  à  la  station  de  Muquengué  avec 
la  caravane,  pour  y  attendre  une  nouvelle  expédition  allemande,  pu,  le 
cas  échéant,  repartir  pour  la  côte,  tandis  que  Wissmann  continuerait  sa 
marche  vers  l'est,  afin  d'étudier  la  voie  la  meilleure  pour  relier  les 
travaux  des  explorateurs  allemands  à  l'est  du  Tanganyika  avec  ceux 
qu'il  venait  d'accomplir  dans  l'Afrique  centrale.  Pogge  quitta  Nyangoué 
le  5  mai;  quant  à  Wissmann,  n'ayant  plus  avec  lui  que  quatre  porteurs 
de  la  côte  occidentale,  il  chercha  d'abord  à  se  joindre  à  une  caravane 
d'Arabes  qui  devait  partir  pour  Zanzibar,  mais,  les  semaines  s'écoulant 
dans  une  vaine  attente,  il  se  mit  en  route  seul,  le  1"  juin.  Abed-ben- 
Salim,   un  des  cheiks  de  la  colonie  arabe  de  Nyangoué,  lui  prêta 
20  esclaves  et  10  fusils,  mais  à  Eassongo,  établissement  arabe,  ces 
esclaves,  qui  déjà  tout  le  long  du  chemin  s'étaient  conduite  en  vrais 
pillards,  livrèrent  bataille  aux  Arabes  de  la  localité.  Estimant  ne  pouvoir 
atteindre  le  Tanganyika  avec  de  telles  gens,  Wissmann  envoya  un  messa- 
ger à  leur  maître  Abed-ben-Salim  qui,  pour  toute  réponse,  lui  fit  dire  : 
«  qu'il  lui  faisait  cadeau  de  tout  esclave  désobéissant  qu'il  tuerait.  »  Il 
poursuivit  sa  marche  avec  sa  petite  caravane,  mais,  avant  d'arriver  au 
Tanganyika  il  eut  des  difficultés  avec  les  Bena  WuUowas,  qui  lui  avaient 
pris  une  de  ses  armes,  et  avaient  répondu  à  sa  demande  de  la  restituer 
-ea  lui  lançant  des  traits  empoisonnés  ;  un  des  pillards  fut  tué,  plusieurs 
autres  blessés,  et  il  recouvra  son  fusil. 

La  route  qu'il  prit  passe  d'abord  au  sud  de  celle  de  Cameron  et  de 
Stanley,  puis  la  coupe  à  Ca-Bambarré,  d'où  il  arriva  à  Rouanda  sur  le 


—  86  — 

Tanganyijîa,  à  la  station  des  missionnaires  angLais,  oii  M  Griffith  lui 
donna  ThoepitaUté  la  plus  aimable,  et  d'où  il  fit  an  Loukouga  une 
excurfeion  de  quatre  joure,  pour  élucider  la  question  encore  controversée 
de  cet  émissaire  du  Tanganyika.  Puis  il  se  rendit  à  Oudjidji,  oii  il  échan- 
gea ses  porteurs  de  Nyangoué  contre  20  Ounyamouésis  qui  devaient  le 
conduire  à  Tabora.  Ayant  Tintention  de  faire  visite  à  Mirambo,  il  prit» 
à  partii*  d'Oudjidji,  une  route  au  nord  du  chemin  des  caravanes,  et  con* 
duisant  à  Ouha.  Mais  bien  vite  il  dut,  par  des  marches  de  nuit  et  des. 
détours,  chercher  à  échapper  à  une  horde  de  Wawinzas,  qui  voulaient  le 
rendre  responsable  des  dévastations  commises  dans  leur  pays  par 
Tippou-Tib,  Arabe  bien  connu  de  Cameron  et  de  Stanley.  En  outre, 
les  Ouhas,  qui  méprisaient  sa  petite  troupe,  lui  suscitèrent  des  difficultés, 
et  cent  d'entre  eux,  qui  étaient  ivres,  l'enserrèrent  de  si  près  qu'il  ne 
leur  échappa,  ainsi  que  les  quatre  poiteurs  de  la  côte  demeurés  avec  lui, 
qu'en  les  menaçant  de  la  vengeance  de  son  ami  Mirambo. 

-Celui-ci  le  reçut  très  cordialement  (avec  deux  bouteilles  de  Champagne 
et  un  bœuf  gras).  Il  passa  chez  lui  trois  jours,  et  le  quitta  rempli 
d'admiration  pour  ce  roi  nègre,  sur  le  compte  duquel  l'Europe,  dit-il,  se 
trompe  complètement.  Le  5  septembre  il  arriva  à  Tabora,  où  les  mission- 
naires romains  lui  firent  un  accueil  très  amical.  De  là  il  visita  la  station 
du  Comité  national  allemand  à  Gonda,  où  il  rattacha  ses  travaux  géo- 
graphiques h  ceux  du  D'  Kaiser,  déjà  parti  eu  avant-garde  pour  l'explo- 
ration que  comptaient  faire  à  l'intérieur  les  D"Bôhm  et  Reichardt.  Puis 
il  se  remit  en  route  pour  la  côte  avec  Tippou-Tib,  les  expériences  qu'il 
venait  de  faîpe  lui  ayant  appris  que,  dans  l'Afiîque  orientale,  il  ne  faut 
voyager  qu'avec  une  troupe  suffisante.  Jusqu'à  Mpouapoua,  ils  suivirent 
la  grande  route  des  caravanes  à  travers  l'Ougogo.  Là  ils  se  séparèrent; 
Tippou-Tib  prit  le  chemin  au  sud  vers  Bagamoyo,  et  Wissmann,  après 
quelques  jours  employés  à  chasser,  prit  celle  du  nord  qui  aboutit  à 
Saadani.  Enfin,  en  novembre  il  amva  à  Zanzibar,  d'où  il  renvoya  dans 
leur  pays  les  quatre  porteurs  de  la  côte  occidentale,  tandis  qu'il  expédia 
à  Hambourg,  par  un  voilier,  ses  collections  ethnologiques.  Lui-même 
s'embarqua  sur  un  navire  français  jusqu'à  Suez  ;  un  refroidissement 
pris  dans  la  mer  Rouge  le  retint  au  Caire,  d'où  il  écrivit  à  la  Société 
africaine  allemande  la  lettre  à  laquelle  nous  avons  emprunté  ces  détails, 
en  attendant  le  rapport  complet  qu'il  ne  manquera  pas  de  donner  sui* 
l'exploration,  si  importante  à  tous  les  points  de  vue,  du  pays  absolument 
inconnu  jasqu'ici,  compris  entre  le  Louloua  et  Nyangoué. 


—  87  — 

L'ÉMIGRATION  ITALIENNE  EN  AFRIQUE 

Le  progi*anirae  du  troisième  congrès  géographique  international,  qui  a 
eu  lieu  à  Venise  en  1881,  renfermait  la  question  suivante  :  Quelles  sont^ 
dans  les  divers  états  de  TËui'ope,  les  classes  qui  fournissent  le  plus  fort 
contingent  d'émigrants,  et  quelles  sont  les  causes  qui  dirigent  le  courant 
de  rémigration  vers  telle  ou  telle  région  déterminée?  M.  L.  Bodio, 
directeur  de  la  statistique  officielle  en  Italie,  y  a  répondu  d'une 
manière  complète  en  ce  qui  concerne  Témigration  italienne,  dans  un 
volume  intitulé  :  Statistica  délia  emigrazione  italiana  aU'estero  nel 
1881,  d'où  nous  extrayons  les  détails  qui  se  rapportent  à  l'Afrique. 

D'une  manière  générale,  c'est  surtout  vers  la  Tunisie,  l'Algérie  et 
l'Egypte  que  se  dirigent  les  émigrants  italiens.  L'émigration  dii-ecte 
en  Tripolitaine  est  à  peu  près  nulle;  il  y  est  bien  anivé,  en  1881, 
81  émigrants  de  langue  italienne,  mais,  déjà  la  même  année,  72  d'en- 
tre eux  sont  retournés  à  Sfax,  d'où  les  événements  de  Tunisie  les 
avaient  obligés  de  s'enfuir.  Au  Maroc,  il  arrive,  de  Gibraltar,  quelques 
Italiens  qui  ne  font  guère  que  passer. 

Quant  aux  trois  pays  susmentionnés,  la  Tunisie,  l'Algérie  et  l'Egypte, 
le  nombre  des  immigrants  est  d'environ  2500  à  2G00  par  an,  sans  aug- 
mentation bien  sensible  pendant  les  cinq  dernières  année;s,  qu'embras- 
sent les  études  de  M.  Bodio  ;  il  était  de  2544  personnes  en  1876,  et  de 
2654  en  1881  :  265  pour  la  Tunisie,  837  pour  l'Egypte  et  1552  pour 
l'Algérie. 

En  Tunisie,  il  est  vrai,  la  construction  du  chemin  de  fer,  de  Tunis  à 
la  frontière  algérienne,  de  1876  à  1878,  a  fait  monter  le  nombre  des 
immigrants  italiens  à  585  ;  mais,  une  fois  les  travaux  finis,  la  plupart 
revinrent  en  Italie  ou  passèrent  en  Algérie.  Ce  sont  les  paysans  de  l'île 
de  Pantellaria  et  de  la  Sicile  qui  fournissent  à  l'émigration  directe  en 
Tunisie  le  contingent  le  plus  fort,  et  la  cause  en  est  souvent  la  misère. 
Ce  sont  essentiellement  l'agriculture  et  le  comnierce  qui  engagent  des 
émigrants  italiens  à  se  diriger  vers  Tunis  et  les  environs,  où  ils  trou- 
vent une  seconde  patrie,  la  colonie  italienne  y  comptant  8300  âmes. 

L'Algérie  en  attire  un  beaucoup  plus  grand  nombre.  En  1866,  la 
population  de  langue  italienne  y  était  de  32000  âmes  environ;  elle 
diminua  par  suite  de  la  guerre  franco-allemande,  mais  elle  est  remontée 
et  dépasse  un  peu  aujourd'hui  le  chiffre  sus-indiqué.  La  majeure 
partie  des  Italiens  fixés  définitivement  dans  le  pays  proviennent  des 
régions  méridionales  du  royaume,  et  sont  établis  dans  la  province  de 


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Cîonstantine,  particulièrement  à  Philippeville,  Bone  et  La  Galle.  Cette 
dernière  ville  est  presque  italienne^  car,  sur  4000  habitants,  2500  sont 
des  Italiens.  Parmi  les  Italiens  d'Algérie,  beaucoup  appartiennent  à  des 
famUles  pauvres  provenant  d'une  immigration  ancienne  ;  les  familles, 
ayant  perdu  leui^  che&,  ont  mieux  aimé  rester  en  Algérie,  où  elles 
sont  secourues  par  des  sociétés  de  bienfaisance,  que  de  retourner  en 
Italie,  où  elles  n'avaient  plus  d'appui..  Les  Génois,  qui  étaient  très  nom- 
breux dans  les  premières  années  de  la  conquête,  sont  rares  maintenant, 
la  plupart  s'étant  dirigés  vers  l'Amérique.  Les  Piémontais  et  les  Lom- 
bards, presque  tous  teiTassiei*s,  mineurs  et  maçons,  ne  sont  que  des 
^migrants  temporaires.  L'Italie  centrale  et  la  Vénétie  en  fom'uissent 
très  peu.  L'émigration  annuelle,  qui  s'élève  à  1500  personnes  environ, 
provient  surtout  des  provinces  méridionales,  de  la  Sardaigne,  du  Pié- 
mont, de  la  Lombardie,  du  midi  de  la  France,  de  l'Espagne,  de  la 
Tunisie  et  quelque  peu  de  l'Amérique.  Elle  se  compose  de  deux  caté- 
gories bien  distinctes  :  l'une  de  pêcheurs  embarqués  sur  des  bateaux 
français,  soit  pour  se  procurer,  dans  la  pêche  du  corail,  un  travail  mieux 
rétribué,  soit  pour  se  soustraire  au  service  militaire  :  l'autre,  de  maçons, 
<ie  tailleurs  de  pierre,  de  mineurs  et  de  manœuvres,  qui  cherchent  à  être 
employés  dans  les  travaux  publics.  Il  y  a  aussi  des  marins  et  des  culti- 
vateiu's,  qui  demeurent  généralement  longtemps  dans  la  colonie  et 
demandent  la  naturalisation  fi*ançaise  ;  les  autres,  quand  ils  ont  trouvé 
du  travail  et  qu'Us  ont  amassé  un  petit  pécule,  reviennent  en  Italie.  Le 
gouvernement  français  n'empêche  ni  ne  favorise  l'immigration,  quoiqu'il 
ne  voie  pas  de  bon  œil  la  grande  agglomération  de  population  italienne 
dans  la  province  de  Constantine. 

En  Egypte,  c'est  la  colonie  italienne  qui  est  la  plus  importante  après 
<^elle  des  Grecs.  D'après  la  statistique  officielle  d'Amici  bey,  directeur 
général  de  la  statistique  égyptienne,  les  Grecs  étaient  en  1878  au  nom- 
bre de  29,963  et  les  Italiens  à  celui.de  14,524  ;  après  eux  venaient  les 
Français  (14,310),  les  Anglais  (3,795),  les  Autrichiens  (2,480)  et  les 
Espagnols  (1,003).  La  colonie  italienne  y  est  une  des  plus  anciennes, 
<luoique,  pendant  les  siècles  qui  suivirent  la  conquête  musulmane,  le 
courant  d'immigration  se  soit  arrêté,  la  vie  des  chrétiens  n'y  étant  pas 
en  sûreté.  Elle  se  composait  de  Livournais,  de  Florentins,  de  Pisans  et 
de  Vénitiens  voués  au  commerce.  La  tolérance  religieuse  de  Méhémet 
Ali  et  de  Sald  pacha,  le  commerce  et  les  grands  travaux  pubUcs,  et  sur- 
tout le  percement  de  l'isthme  de  Suez  ont  attiré  beaucoup  d'Italieiifi, 
essentiellement  des  ingénieurs  et  des  ouvriers.  Cependant  ce  fut  surtout 


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à  l'époque  de  la  guerre  de  sécession  d'Amérique  que  l'Egypte  vit  affluer 
le  plus  d'émigrants.  L'exportatiou  du  coton  américain  étant  alors 
arrêtée,  la  culture  et  le  commerce  de  ce  produit  végétal  prirent  en 
Egypte  des  proportions  colossales  et  procurèrent  à  ce  pays  de  grandes 
richesses,  dont  beaucoup  d'étrangers  cherchèrent  à  avoir  leur  part. 
Puis  vinrent  les  fêtes  splendides  données  à  l'occasion  de  l'ouverture  du 
canal  de  Suez,  et  la  création  de  l'Opéra  italien  au  Gaire^  doté  avec  une 
munificenée  royale  par  le  khédive  Ismall  Pacha,  qui  augmentèrent  le 
courant  de  l'immigration  italienne.  La  crise  financière  fit  repartir  pour 
l'Italie  une  foule  d'émigrants  ;  plus'tard  le  rétablisi=^ement-des  finances, 
l'institution  des  tribunaux  mixtes,  l'introduction  d'un  système  hypothé- 
caire régulier,  en  attirèrent  de  nouveau  un  grand  nombre.  Sans  doute  la 
colonie  italienne  en  Egypte  n'est,  ni  pour  la  richesse  ni  pour  l'influence, 
égale  aux  colonies  française  et  anglaise  ;  mais  elle  y  jouit  d'une  grande 
considération  par  les  talents  de  beaucoup  de  ses  membres,  entre  autres 
Amici  bey,  Sala  Pacha  auquel  a  été  confiée  la  répression  de  la  traite, 
Bonola,  secrétaire  général  de  la  société  khédiviale  de  géographie  du 
Caire,  et  beaucoup  d'autres,  avocats,  médecins,  ingénieurs,  architectes, 
etc.  Les  chefs  d'industrie  et  les  ouvriers  italiens  sont  recherchés  en 
Egypte  pour  leur  habileté,  leur  intelligence  et  leur  diligence.  D  faut 
noter  encore  que  c'est  la  langue  italienne  qu'ont  adoptée  les  tribunaux 
mixtes,  pour  la  rédaction  des  actes  et  documents,  et  que  la  colonie  ita- 
lienne a  créé,  au  Caire  et  à  Alexandrie,  de  bonnes  écoles,  parmi  lesquel- 
les se  distingue  surtout  le  collège  national  italien,  fondé  à  Alexandrie 
en  1861.  D'après  VEssai  de  statistique  générale  de  V Egypte,  de  toutes 
les  colonies  c'était  celle  des  Italiens  qui,  en  1878,  fournissait  aux  écoles 
d'étrangers,  à  Alexandrie,  le  plus  grand  nombre  d'élèves  (1773);  les 
Grecs,  1477  ;  les  Français,  548  ;  les  Anglais,  453  ;  les  Maltais,  255  ;  etc. 
Li€S  derniers  événements  d'Alexandrie  et  du  Caire  ont  dû  modifier  ces 
données  ;  mais  nous  n'avons  pas  encore  les  documents  qui  permettront 
d'apprécier  l'étendue  des  changements  qu'ils  y  ont  apportés. 


BIBLIOGRAPHIE 


J.  Fahrnobuber.  Aus  DEM  Phàraonenlande.  Wien  uud  Wûrzburg 
(Léo  Woerl),  1882,  in-32%  339  p.  avec  illustrations.— Pendant  un  séjour 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  13,  rue  du  Rhône,  à  Genève,. 
tôos  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  90  — 

de  cinq  ans  à  Jérusalem,  l'auteur  de  ce  petit  volume  a  fait  en  Egypte 
plusieui's  excursions,  dans  lesquelles  il  a  visité  toutes  les  localités  les  plus 
intéressantes  de  la  vallée  dû  Nil  jusqu'à  Thcbes.  Il  a  eu  la  bonne  pensée 
de  réunir  les  observations  qu'il  y  a  faites  et  les  impressions  qull  eu  a 
rapportées,  et  de  les  présenter  sous  là  forme  d'un  voyage,  pour  ceux  qui 
ne  peuvent  se  rendre  en  Orient,  comme  pour  les  nombreux  pèlerins 
autrichiens  et  bavarois  qui,  chaque  année,  visitent  l'Egypte  en  allant  à 
Jérusalem.  Il  n'a  pas  visé  à  leur  fournir  un  guide  ;  en  effet  il  b'y  a  dans 
son  volume  ni  plans  ni  cartes  ;  mais  il  peut  les  préparer  à  leur  excursion, 
en  les  promenant  à  l'avance  dans  le^  villes,  le  long  du  NU,  au  milieu  des 
monuments  de  l'empii-e  des  Pharaons,  et  en  leur  faisant  bien  connatti-e 
les  divei*s  types  de  la  population,  dont  il  décrit  avec  exactitude  les  mœui-s 
el  les  usages.  Nous  avons  regretté  de  ne  rencontrer  dans  son  livre  que 
deux  lignes  sur  les  travaux  des  missions  protestantes  ;  en  revanche  les 
catholiques  y  trouveront  des  rcnseij?néments  complets  sur  les  nombreux 
établissements  de  leur  confession,  non  seulement  sur  ceux  de  la  partie 
de  la  vallée  du  Nil  visitée  par  Tauteur,  mais  encore  sur  les  stations  mis- 
sionnaires de  Khartoum  et  sur  celles  du  Kordofan  et  du  Darfour,  avec 
d'intéressants  détails  sur  les  travciux  de  feu  Monseigneur  Comboni, 
l'apôtre  du  Soudan  égyptien. 

George  Pëàrsk.  Tue  Kabyles.  London  (Morgan  and  Scott),  1882^ 
in-S*",  40  p.  et  deux  cartes.  —  Nous  avons  mentionné  dans  notre  avant 
dernier  numéro  (p.  17)  l'œuvre  missionnaire  entreprise  chez  les 
Kabyles  de  l'Algérie.  La  brochm*e  de  M.  Peai'se  en  fait  connaître  les 
débuts  et  les  premiei's  succès,  ainsi  que  les  rapports  des  missionnaires 
avec  les  colons  de  diverses  nationalités  établis  dans  la-  Grande  Kabylie, 
entre  Dellys  et  Bougie.  La  sympathie  de  l'auteur  pour  les  indigènes, 
dont  il  loue  spécialement  l'amour  du  tmvail,  la  fmgalité,  l'intelligence 
])rompte,  ne  pouvait  manquer  de  lui  gagner  les  cœurs.  Dans  les  quel- 
ques pages  qui  précèdent  son  rappoit,  M.  Pearse  nous  fait  connaître  les 
institutions  des  Kabyles  ;  il  monti*e  comment  ils  ont  réalisé  la  démo- 
ci*atie  pure  sur  la  base  la  plus  simple  et  la  plus  naturelle,  et  comment 
ils  échappent  h  la  recrudescence  du  fanatisme  musulman  qui  se  fait 
sentir  tout  le  long  delac/yte  septentrionale  d'Afrique,  du  Maroc  jus- 
qu'à l'Egypte.  M.  Teai-se  a  donné,  dans  un  appendice,  un  itinéraire 
dans  la  Grande  Kabylie,  pour  ceux  qui  voudraient  voir  pai*  eux-mêmes 
les  quatre  groupes  de  tribus  au  milieu  desquelles  il  travaille;  deux 
cartes,  l'une  générale  l'autre  spéciale,  accompagnent  l'ouvrage. 


—  91  — 

D' JosKF  Chavankb.Ai''rika8  Strômk  und  Flûssk.  Wien,  Pesth, Leipzig- 
(A.  Hartleben),  1883,  in-8%  232  p.  et  carte.  —  La  géographie  de 
rAfrique  doit  déjà  au  D'  Ghavaime,  non  seulement  son  ouvrage  sur  le 
Sahara,  et  la  belle  carte  murale  physique  dont  nous  avons  déjà  parlé 
(I"  année  p.  160),  mais  encore  un  travail  solide  sur  l'orographie  et 
la  géologie  de  ce  continent  (Afrika  im  Lichte  unserer  Tage).  A  laide  de 
renseignements  disséminés  dans  une  foule  de  publications,  le  savant 
auteur  avait  comblé  une  grande  lacune  dans  la  géographie  africaine,  et 
redressé  beaucoup  d'en*eurs  qui  régnaient  encore  au  sujet  du  relief  de 
rAfrique.  Cet  ouvrage  en  appelait  un  sur  Thydi^ographie,  et  la  détenui- 
nation  des  bassins  des  grands  fleuves,  sui*  lesquels  Tatteution  s'est  por- 
tée dès  la  plus  haute  antiquité. 

Après  avoir  tracé  à  grands  traits  l'histoire  de  l'hydrographie  afri- 
caine depuis  Hérodote,  et  montré  la  position  relative  des  principaux 
cours  d'eau,  le  D'  Chavannc  expose,  dans  ce  nouveau  volume,  les  résul- 
tats auxquels  il  est  arrivé  dans  l'étude  de  la  nature  de  ces  fleuves  et  de 
ces  rivières,  de  leur  importance  pour  les  explorations  et  pour  l'extension 
de  la  civilisation,  et  du  développement  des  entreprises  commerciales, 
en  s'aidant  de  tout  ce  que  l'on  peut  savoii*  aujourd'hui  de  leur  navigabi- 
lité, de  la  périodicité  de  leui^s  crues,  de  leur  profondeur  et  de  leur  vitesse. 
U  passe  en  revue  toutes  les  rivières  appartenant  aux  ti*ois  grands  bassins 
extérieurs  de  la  Méditerranée,  de  l'Atlaiîtique  et  de  l'Océan  indien,  puis 
celles  des  trois  bassins  intérieui'S,  du  lac  Tchad  pour  tout  le  Sahara, 
du  lac  Ngami  pour  le  déseit  de  Kalahari,  et  des  lacs  salés  pour  la 
plaine  des  Danakils.  Pour  l'étude  de  chacun  des  grands  fleuves  et  de 
leurs  principaux  affluents,  il  a  tenu  compte  de  toutes  les  données  four- 
nies par  les  explorateurs,  et  cherché  à  résoudre  les  problèmes  qui  se 
rattachent  aux  parties  encore  inconnues,  par  ce  que  Ton  sait  de  l'hy- 
drographie des  teiTitoires  voisins.  On  comprend,  et  le  D*"  Chavanne  lui- 
même  Ta  compris,  que  les  découvertes  de  Junker  dans  le  couii?  moyen 
de  rOuellé,  dont  il  faisait,  avant  de  les  connaître,  un  affluent  du  Congo, 
modifieront  vraisemblablement  les  résultats  auxquels  ses  patientes 
études  l'avaient  conduit;  la  quantité  d'eau  qu'il  attribuait,  comme 
apport  de  TOuellé,  au  bassin  de  l'Atlantique,  devrait  être  repoitée  au 
bassin  du  Chari.  D'autre  paît,  le  tracé  de  quelques-uns  des  affluents  de 
la  rive  gauche  du  Congo,  entre  Muquengué  et  Nyangoué,  devra  être 
coiTigé  dans  la  caile,  et  les  données  hydrographiques  en  seront  modi- 
fiées dans  le  texte,  quand  MM.  Pogge  et  Wissmann  auront  fait  rapport 
à  la  Société  africaine-allemande  sur  leur  voyage  du  Louloua  au  Loua- 


—  92  — 

laba.  Ces  modificationfi,  apportées  à  Touvrage  du  D'  Chavanne,  en 
feront  le  volume  le  plus  utile  à  consulter  pour  l'étude  de  toutes  les  ques- 
tions relatives  à  l'hydrographie  de  l'Afirique.  Oserions-nous  cependant 
demander  à  l'auteur  de  bien  vouloir,  pour  faciliter  les  recherches,  join- 
dre un  index  alphabétique  de  tous  les  cours  d'eau  et  lacs  étudiés  par 
lui,  h  la  prochaine  édition  qu'il  donnera  sans  doute,  lorsque  les  expédi- 
tions de  Junker  et  de  Casati  d'un  côté,  et  celles  de  Flegel,  et  de  Rogo- 
zinski  de  l'autre,  auront  fait  mieux  connaître  l'hydrographie  de  la 
région  encore  inconnue  entre  le  cours  moyen  de  l'Ouellé,  le  Charî,  le 
Congo  et  le  golfe  de  Guinée? 

Un  peu  partout.  Du  Juba  a  l'Atlas,  par  J.  de  Chantier.  Paris 
(Sandoz  et  Thuillier),  1883,  in-12,  360  p.,  fr.  3,50.  —  Écrit  d'un  style 
léger  et  facile,  ce  livre  sera  lu  avec  beaucoup  d'intérêt  par  tous  ceux 
qui  n'aiment  pas  les  longues  périodes,  les  dissertations  et  les  théories 
abstraites.  Les  anecdotes  y  foisonnent,  et,  si  toutes  ne  se  lient  pas, 
d'une  manière  bien  rigoureuse,  avec  le  sujet,  l'auteur  ne  s'embarrasse 
pas  pour  si  peu  ;  pourvu  qu'il  fiasse  rire,  il  est  satisfait.  Néanmoins  il  fait 
preuve  d'une  grande  justesse  d'observation,  ses  remarques,  le  plus  sou- 
vent, ne  sont  pas  profondes,  mais  elles  sont  toujours  fines  et  spirituelles» 
et,  dans  sa  courte  étude  comparative  entre  les  divers  groupes  de  popu- 
lation d'Alger,  les  Juifs,  les  Kabyles,  les  Arabes  et  les  Nègres,  il  fait 
toucher  au  doigt  les  analogies  et  les  contrastes,  rien  que  par  la  foule  de 
petits  faits  qu'il  cite  et  qui  en  apparence  n'ont  aucune  liaison  entre  eux. 

Cet  ouvrage  est  le  récit  d'un  voyage  rapide  accompli  par  deux  amis, 
MM.  de  Chambrier  et  Jequier,  de  Neuchâtel  en  Algérie  par  la  Grande- 
Chartreuse,  Nîmes,  etc.  La  partie  africaine,  forme  un  peu  plus  de  100  p.» 
que  M.  de  Chambrier  consacre  presque  uniquement  à  la  description  de 
la  ville  d'Alger  et  des  diverses  races  qui  l'habitent,  excepté  toutefois  des 
Européens  dont  il  ne  parle  que,  fort  peu.  Il  passe  en  revue  les  principaux, 
édifices,  tels  que  la  Kasbah,  la  grande  mosquée,  le  palais  du  gouverneur» 
celui  de  l'archevêque,  qui  ont  un  caractère  mauresque  très  marqué. 
L'auteur  s'attarde,  pour  le  plus  grand  plaisir  du  lecteur,  à  décrire  la 
vie  à  Alger,  telle  qu'elle  se  déroule  dans  les  bazars,  les  boutiques  des 
barbiers  qui  sont  les  médecins,  les  cafés,  les  ruelles,  etc.  Enfin,  après 
le  récit  d'une  visite  dans  lé  sanctuaire  où  la  secte  religieuse  des 
Alssaouas  accomplit  ses  rites  étranges,  le  livre  se  termine  par  la  descrip- 
tion de  plusieurs  localités  voisines  d'Alger. 


A'.'J.  Men/Si3 


93 


BULLETIN  MENSUEL  {2  avril  1883.) 

Nous  avons  fait  une  erreur,  dans  notre  dernier  numéro,  en  annonçant, 
d'après  le  Bulletin  géographique  de  Bordeaux,  que  Bougie  allait 
être  relié  directement  à  Sétîf,  par  une  voie  ferrée  concédée  à  la  compa- 
gnie de  l'est  algérien.  Des  personnes  parfaitement  renseignées  par  leurs 
correspondants  de  Sétif,  nous  ont  informés  des  retards  que  rencontre 
ce  projet.  En  présence  des  frais  énormes  que  coûterait  l'établissement 
d'une  voie  large  pour  cette  ligne,  le  gouvernement  a  demandé  une  nou- 
velle étude,  pour  un  chemin  de  fer  à  voie  étroite  de  Bougie  à  Biskra 
passant  par  Sétif.  Mais  le  rapport  de  l'ingénieur  en  chef,  M.  Lebiez,  n^^ 
paraît  pas  favorable  à  ce  projet  qui  serait  impraticable,  ou  du  moins  très 
dispendieux.  —  Le  Moniteur  de  V Algérie  nous  a  apporté  des  nouvelles 
de  l'exploration  commencée  dans  l'oasis  d'Ouarg^la  par  M.  Bourlier, 
chargé  de  réunir  les  éléments  d'un  grand  travail  sur  le  Sahara,  et  de 
préparer  les  puits  artésiens  et  le  dégagement  des  anciennes  sources 
actuellement  obstruées,  pour  donner  une  vie  nouvelle  à  cette  région. 
M.  Bourlier  estime  que  l'on  pourra  rendre  là  plusieurs  milliers  d'hecta- 
res à  la  culture  du  palmier.  —  On  a  appris  à  Ouargla  qu'il  y  a  encore 
quatre  survivants  delà  mission  Flatters,  en  esclavage  chez  les  Touaregs; 
l'Arabe  qui  en  a  apporté  la  nouvelle,  est  le  même  qui  a  recueilli  les 
autres  survivants  trouvés  sous  sa  tente  par  le  goum  d'Ouargla.  Il  se 
fait  fort  de  les  racheter  tous  les  quatre  pour  une  .somme  de  2000  francs, 
et  de  les  ramener  à  Ouargla.  —  Le  désastre  de  l'expédition  Flatters  ne 
décourage  pas  les  voyageurs  qui  désirent  faire  pénétrer  dans  le  Sahara 
la  civilisation  européenne.  M.  Foureau,  qui  a  déjà  exploré  le  désert  avec 
MM.  Largeau  et  L.  Say,  a  quitté  Ouargla  en  février,  avec  une  petite 
troupe  composée  de  deux  Français  parlant  l'arabe  et  de  quelques 
indigènes  éprouvés.  L'expédition  se  propose  de  traverser  le  Soudan  ;  à 
cet  effet  elle  a  fait  choix  de  chameaux  vigoureux,  capables  de  fournir 
de  très  longues  courses  en  très  peu  de  temps.  Il  est  à  craindre  qu'elle 
ne  rencontre  de  grandes  dilïicultés,  car,  aux  dernières  nouvelles,  les 
Ouled-Sidi-Cheiks  menaçaient  la  frontière  méridionale  de  la  province 
d'Alger. 

Depuis  que  le  commandant  Roudaire  a  recommencé  ses  opérations  de 
sondages  dans  la  région  des  Chotts^  il  en  a  envoyé  presque  tous  les 
jours  les  résultats  à  M.  de  Lesseps,  qui  a  pu  annoncer  à  l'Académie  des 
sciences  que  jusqu'ici  on  n'a  rencontré  partout  que  le  sable.  Toutefois, 

l'aFRIQUE.   —   QUATRIÈME  ANKÉE.   —   N*»   4.  4 


—  94  — 

avant  de  se  prononcer  sur  la  possibilité  ou  la  facilité  de  creuser  le  canal 
entre  la  mer  et  les  chotts,  M .  de  Lesseps  a  voulu  revoir  une  fois  encore 
et  étudier  lui-même  le  terrain  ;  il  est  parti  avec  un  habile  ingénieur, 
M.  Léon  Dru,  qui  vérifiera  les  sondages  déjà  faits,  et  en  fera  d'autres 
aussi  nombreux  qu'il  sera  nécessaire  pour  constater  d'une  manière 
certaine  l'état  des  teiTains  que  devrait  traverser  le  canal.  Le  14  mars 
M.  de  Lesseps  arrivait  à  Tunis;  le  21  il  a  visité  l'oued  Melah  (v.  carte 
des  Chotts,  III"'  année,  p.  248).  Avant  la  reprise  des  travaux ,  il  avait 
écrit  à  Abd-el-Kader  pour  réclamer  son  intervention  en  faveur  des  explo- 
rateurs européens  ;  et,  comme  il  l'avait  fait  une  première  fois  (voir 
I"  année,  p.  81),  l'émir  a  adressé  à  tous  les  chefs  religieux  et  militaires 
des  districts  de  la  Tunisie  et  de  l'Algérie  que  visiteront  les  ingénieurs 
français,  une  lettre  qui  doit  être  lue  publiquement  dans  toutes  les 
mosquées  et  dans  toits  les  campements  de  la  région  des  chotts,  pour 
leur  recommander  d'accorder,  à  ceux  qui  ont  conçu  l'idée  de  percer 
l'isthme  de  Gabès,  toutes  facilités  et  secours  de  paroles  et  de  fait. 

Le  peu  de  place  dont  nous  disposons  ne  nous  permet  pas  de  donner 
à  nos  lecteurs  tous  les  renseignements  fournis  par  M.  Hansal,  consul 
général  d'Allemagne  à  Khartoum,  sur  la  révolte  du  Soudan,  et  "pu- 
bliés ^p^rVOesterr  eichische  Monatschrift  fiir  den  Orient.  Nous  devons 
nous  borner  à  ce  qui  nous  paraît  le  plus  important.  On  avait  espéré 
pouvoir  envoyer  directement  au  Kordofan  les  colonnes  égyptiennes  du 
Caire,  pour  abattre  d'un  seul  coup  la  puissance  de  Mohamed  Ahmed. 
Mais  les  rebelles  surent  manœuvrer  de  manière  à  les  obliger  à  se  divi- 
ser, pour  se  porter  sur  plusieurs  points  des  environs  de  Khartoum. 
Abd-el-Kader  s'avança  sur  Messalamié,  mais  il  y  rencontra  une  résis- 
tance qui  lui  fit  comprendre  qu'il  ne  pouvait  être  question  d'envoyer  des 
troupes  au  Kordofan  avant  que  toute  la  presqu'île  de  Sennaar,  entre  les 
deux  fleuves,  fût  complètement  pacifiée.  Tout  ei\  cherchant  à  organiser 
et  à  instruire  le  mieux  possible  les  troupes  et  les  officiers  qui  lui 
arrivaient,  il  fit  fabriquer  des  boules,  armées  de  quatre  pointes  et  des- 
tinées à  être  jetées  en  avant  de  l'ennemi,  afin  de  le  retenii*  à  distance, 
les  révoltés  combattant  nu-pieds  ou  chaussés  seulement  de  sandales 
très  minces.  En  attendant,  l'armée  du  Mahdi,  qui  s'était  dispei-sée  après 
sa  défaite  près  d'El  Obeïd,  s'était  reformée  et  interceptait  les  commu- 
nications entre  Khartoum  et  le  Kordofan  où,  d'après  les  dépêches 
reçues  au  Caire,  El-Obeïd  et  Bara  sont  tombées  aux  mains  des  insurgés, 
et  où  Mohamed  Ahmed  retient  captifs  MM.  G.  Roth  et  Robers,  inspec- 
teurs du  service  de  la  traite,  qu'il  ne  veut  relâcher  que  contre  une  forte 


—  95  — 

ranc^on.  Tous  deux,  au  reste,  sont  traités  humainement,  et  peuvent 
<!irculer  libinement  dans  la  ville  de  Bara.  —  Le  colonel  Stewart,  arrivé  k 
Khartoum  pour  étudier  la  situation  politique  du  pays,  promettre  des 
secours  de  troupes  et  engager  les  sujets  du  khédive  h  demeurer  fidèles 
m\  gouvernement,  s'est  occupé  en  même  temps  des  moyens  d'établir 
des  communications  commerciales  avec  la  mer  Rouge,  pour  le  moment 
•oii  la  révolte  sera  complètement  réprimée.  M.  Hansal  estime  peu  avan- 
tageux le  projet  de  chemin  de  fer  de  Souakim  h  Berber,  le  port  de 
Souakim  étant  insuffisant,  et  Berber,  station  de  passage  des  caravanes, 
ne  pouvant  prétendre  à  devenir  une  ville  industrielle  et  commerciale. 
D'ailleurs  les  cataractes  qui  existent  entre  Berber  et  Khartoum  ne 
peuvent  que  retarder  la  navigation  et  la  rendre  dangereuse.  Le  tracé  le 
meilleur,  le  plus  court  et  le  plus  économique  serait,  suivant  M.  Hansal, 
^l'Akik  à  Khartoum  par  Gos  Regeb.  Un  embranchement  sur  (xadaref 
attirerait  sur  cette  ligne  le  commerce  d'une  partie  de  l'Abyssinie. 
M.  Hansal  voudrait  que  l'Angleterre  profitât  de  sa  position  actuelle  en 
Egypte,  pour  hâter  la  construction  d'une  voie  feri'ée  qui  mît  la  mer 
Rouge  en  communication  avec  le  Soudan,  et  qu'elle  fît  nommer  Gordon 
Pacha  gouverneur  de  cette  province,  aucun  autre  chef  militaire  ne 
jouissant,  parmi  les  classes  inférieures  de  la  population,  d'une  popularité 
égale  à  la  sienne.  Lui  seul  pourrait  établir  au  Soudan  la  liberté  commer- 
dale,  abolir  le  monopole,  régler  la  question  de  l'esclavage,  développer 
l'agiiculture,  remettrez  l'ordre  dans  les  finances,  réformer  l'administra- 
tion, ce  dont  le  Soudan  a  le  plus  urgent  besoin.  —  D'après  des  dépêches 
du  Caire,  Abd-el-Kader  a  réussi  à  reprendre  Sennaar  aux  troupes  du 
faux  prophète,  qu'il  a  rejetées  au  delà  du  Nil  Bleu. 

En  envoyant  à  la  Société  khédiviale  de  géographie,  au  Caire,  une  carte 
nianusci'ite  de  la  région  au  sud  de  Béni  Schangol  et  de  Fadasi,  oîi  sont 
les  sources  du  Toumat,  du  Jabous  et  du  Yal,  M.  tl.  M.  Schuver  y  a 
joint  des  notes  explicatives  sur  des  observations  de  longitudes  et  de  lati- 
tudes, de  hauteui-s,  etc.,  ainsi  qu'un  vocabulaire  de  la  langue  des 
IjiomaM.  Ces  nègres  sont  de  la  même  race  que  les  Amams,  mais  plus 
nombreux  et  dans  une  situation  plus  propre  à  garantir  leur  indépen- 
dance et  leur  isolement.  Ils  habitent  une  chaîne  de  montagnes  étendue 
et  profondément  ravinée,  au  N.  0.  des  Légas  Gallas,  qui,  quoique  de 
beaucoup  supérieurs  en  nombre  et  en  organisation,  n'ont  jamais  pu  les 
subjuguer.  Les  Gomas  n'entretiennent  pas  de  relations  avec  les  Denkas 
<lu  lac  Baro  et  du  Sobat,  desquels  ils  sont  séparés  par  un  désert  boisé 
de  trois  à  quatre  journées  de  marche.  M.  Schuver  croit  qu'ils  sont  les 


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restée  d'une  race  aborigène,  refoulée  dans  les  montagnes  parles  inva- 
sions successives  des  Gallas  venant  de  Test,  puis  des  Denkas  venus  du 
sud,  et  qu'ils  ont  des  affinités  avec  les  Changallas,  tribu  nègre  enclavée 
dans  la  partie  occidentale  du  territoire  des  Gallas,  au  sud  du  Nil  Bleu. 
Le  voyageur  italien,  L.  Çaprotti,  écrit  de  Gudru,  dans  le  Choa,  h 
V Esploratore,  que  M.  Monti  a  réussi,  dans  ses  excursions  de  chasse,  à 
pénétrer  dans  le  pays  des  Gallas  au  sud  de  Fadasi,  en  passant  le 
Jabous,  ce  que  n'avaient  pu  faire  jusqu'à  présent  ni  Marno,  ni  Gessi,  ni 
Matteucci,  ni  Schuver.  Mais  il  y  a  été  retenu  prisonnier  et  même  vendu 
conune  esclave,  pour  deux  mulets  chargés  d'ivoire  et  30  bœufe.Un  gêné- 
rai  du  roi  du  Godjam,  ayant  appris  qu'un  blanc  était  esclave  chez  les 
Gallas,  voulut  le  racheter,  et  ordonna  qu'on  le  lui  amenât,  ce  qu'il 
obtint,  non  sans  peine,  car  les  Gallas  le  tenaient  caché  ;  ils  n'osèrent 
cependant  pas  s'exposer  au  courroux  du  général  qui  avait  20,000  hom- 
mes sous  ses  ordres.  Monti  fut  libéré  et  envoyé  au  roi  du  Godjam,  qui 
l'engagea  à  rester  auprès  de  lui,  mais  le  voyageur  ayant  manifesté  le 
désir  de  se  rendre  d'abord  dans  le  Gallabat  pour  s'y  pourvoir  de  diffé- 
rentes choses,  le  roi  lui  donna  monture,  serviteurs,  argent  et  tout  ce  dont 
il  pouvait  avoir  besoin  pour  ce  long  voyage,  et  le  pressa  amicalement  de 
revenir  ensuite  auprès  de  lui.  C'est  déjà  au  roi  du  Godjam  que  Gecchi, 
retenu  prisonnier  par  la  reiue  de  Ghéra,  a  dû  sa  libération.  —  Il  résulte 
de  renseignements  recueillis  par  M.  Çaprotti,  que  le  roi  d'Abyssinie  aurait 
décidé  que  des  territoires  des  Gallas  conquis  par  .les  rois  du  Choa  et  du 
Godjam,  le  Kaffa  et  les  pays  à  l'ouest,  seront  réunis  à  ce  dernier,  tandis 
que  les  districts  à  l'est  du  Kaffa  appartiendront  à  Ménélik.  D'autre  part 
le  bruit  courait  que  le  pays  des  Gallas  tout  entier  serait  donné  à  un 
officier  de  l'armée  du  roi  Jean.  Dans  tous  les  cas  la  conquête  de  ces  ter- 
ritoires par  l'Abyssinie  les  ouvrira  à  l'exploration  et  au  commerce.  — 
Une  lettre  de  M.  Brémond,  chef  de  l'expédition  française  au  Choa,  nous 
informe  que  le  roi  d'Abyssinie  est  gravement  malade,  et  qu'en  vertu 
d'une  convention  conclue  entre  les  deux  souverains,  Ménélik  se  prépare 
à  le  remplacer  sur  le  trône. 

Le  courrier  de  Zanzibar  a  apporté  de  bonnes  nouvelles  de  la  station 
de  Karéma,  dont  le  personnel  se  compose  actuellement  de  65  askaris, 
et  de  100  indigènes,  hommes,  femmes  et  enfants,  établis  à  demeure  sur 
les  terrains  appartenant  à  l'Association  internationale.  La  partie 
cultivée  par  eux  est  déjà  très  étendue.  Au  départ  de  la  lettre  de 
M.  Storms,  le  10  novembre  1882, l'époque  delà  moisson  était  prochaine, 
et  la  récolte  s'annonçait  comme  devant  être  abondante.  L'état  sanitaire 


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du  personnel  était  satisfaisant.  —  De  son  côté  M.  Ledoulx,  consul  de 
France  à  Zanzibar,  communique  que  M.  Cambier  se  proposait  de  nou- 
veau de  transporter  4()0  Zanzibarites  au  Congo,  mais  qu'il  n'a  pu  en 
réunir  que  230.  —  M.  Giraud,  après  avoir  formé  sa  caravane  à  Zanzi- 
bar, s'est  transporté  avec  tout  son  matériel  à  Dar-es-Salam  d'où  il  est 
parti  le  10  décembre.  Il  comptait  traverser  l'Ousagara,  passer  entre  le 
Nyassa  et  le  Tanganyika,  relever  le  Tchambési,  le  descendre  sur  son 
bateau  démontable,  jusqu'au  lac  Bangouéolo,  puis  se  diriger  vers  le  lac 
Jloero,  et  de  là  essayer  d'atteindre  le  Congo  par  la  voie  la  plus  pratica- 
ble. Dans  une  lettre  à  M.  Ledoulx,  M.  Giraud  exprimait  sa  satisfaction 
sur  le  début  de  son  exploration,  et  sur  les  bonnes  conditions  de  sa  cara- 
vane. 

Nous  n'entrerons  pas  dans  les  détails  du  conflit  soulevé  entre  les 
Hovas  et  les  agents  du  gouvernement  français  à  Jlladag^ascar  ;  les 
journaux  politiques  en  parlent  suffisamment.  Mais  nous  indiquerons, 
d'après  une  communication  du  Foreign  Office  à  VAfrican  Times ^ 
les  modifications  à  l'article  5  du  traité  de  1865,  adoptées  le  16  février 
dernier  :  «  Il  est  permis  aux  sujets  anglais,  aussi  bien  qu'aux  sujets 
de  la  reine  de  Madagascar,  et  aux  sujets  de  la  nation  la  plus  favo- 
risée, de  louer  ou  donner  à  bail,  teiTes,  maisons,  magasins  ou  autres 
propriétés,  dans  les  États  de  S.  M.  la  reine  de  Madagascar,  à  condition 
que  les  baux  conclus  par  des  sujets  anglais  soient  enregistrés  au  consu- 
lat britannique,  et  par  un  fonctionnaire  malgache  désigné  à  cet  eifet. 
S.  M.  la  reine  de  Madagascar  accorde  à  ses  sujets  le  droit  de  louer  leure 
propriétés  à  leur  gré,  mais  il  est  interdit  aux  sujets  malgaches  de  faire 
aucune  vente  de  terre  aux  étranjgers.  Les  sujets  anglais  seront  libres 
de  construire  à  leur  gré  des  maisons  sur  le  terrain  à  eux  loué,  et  la  reine 
de  Madagascar  s'engage  à  faire  tout  ce  qui  sera  en  son  pouvoir  pour  les 
protégei',  eux  et  toute  propriété  qu'ils  pourront  acquérir  à  l'avenir  ou 
qu'ils  auront  pu  acquérir  avant  que  le  présent  article  ait  eu  force  de  loi. 
Les  impôts  seront  les  mêmes  pour  eux  que  pour  les  sujets  malgaches  ou 
pour  ceux  de  la  nation  la  plus  favorisée.  L'article  aura  force  de  loi  dès  le 
1"  septembre  1883.  »  —  Nous  ne  savons  pas  si,  dans  les  négociations  avec 
les  autorités  françaises  et  anglaises,  les  envoyés  malgaches  ont  cherché 
à  obtenir,  pour  le  gouvernement  de  la  reine  de  Madagascar,  l'autorisa- 
tion d'imposer  fortement  le  rhum  importé  de  Maurice  et  de  la  Réunion, 
mais  les  missionnaires  déplorent  les  effets  de  ce  trafic  ;  ils  le  considèrent 
comme  désastreux  pour  le  commerce  de  la  côte  et  de  l'intérieur  de  l'fle, 
non  moins  que  ruineux  pour  la  population,  dont  il  détruit  l 'énergie,  et  qu'il 


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réduit  à  un  état  d'indifférence  absolue  poui'  tout  ce  qui  est  un  peu  supé- 
rieur à  sa  condition  actuelle.  La  quantité  de  rhum  importée  Tannée  der- 
nière, de  Maurice  seulement,  s'est  élevée  à  2,1 16,183  litres.  — Il  eût  été 
opportun  également,  nous  semble-t-il,  que  les  gouvernements  de  France- 
et  d'Angleterre  profitassent  de  la  présence  des  ambassadeurs  malgaches 
à  Paris  et  à  Londres,  pour  insister  auprès  d'eux  sur  l'urgence  de  prépa- 
rer à  Madagascar  l'abolition  de  l'esclavage,  car,  de  l'aveu  de  cea 
envoyés,  dit  VAntislavery  Reporter,  la  proportion  des  esclaves  et  des 
hommes  libres,  dans  l'île,  est  de  trois  pour  un.  Les  sociétés  missionnai- 
res auraient  sans  doute  appuyé  les  gouvernements,  vu  qu'elles  souffrent 
d'un  état  de  choses  qui  oblige  les  chrétiens  de  Madagascar  à  employer, 
poui'  leurs  travaux  doitiestiques  ou  autres,  des  hommes  qui  les  servent 
volontairement  et  qu'ils  payent,  c'est  vrai,  mais  qui,  néanmoins,  appar- 
tiennent à  des  propriétaii'es  auxquels  ils  doivent  remettre  une  partie  de 
leur  gain,  ce  qui  rend  assez  illusoire  la  faculté  que  la  loi  leur  reconnaît 
de  se  racheter.  Mais  la  question  de  l'esclavage  à  Madagascar  est  assez 
importante  pour  que,  malgré  les  détails  dans  lesquels  nous  sommes 
entrés  dans  notre  article  sur  l'esclavage  (III"*  année,  p.  139,)  nous  y 
revenions  dans  un  prochain  numéro. 

La  population  de  l'île  Maurice  prend  de  plus  en  plus  une  physiono- 
mie asiatique,  par  le  fait  de  l'immigration  hindoue  ;  on  y  compte,  en  effet, 
sur  366,000  habitants  environ,  250,000  Hindous,  coolies,  boutiquiers,  tra- 
fiquants, colons,  propriétaires,  au  milieu  desquels  sont  noyés  les  créoles 
africains  et  malgaches,  ainsi  que  quelques  milliei-s  de  Chinois,  d'ailleui-s 
très  entreprenants.  Les  enfants  des  coolies  devant  former  la  future  popu- 
lation coloniale,  le  gouvernement  commence  à  se  préoccuper  de  leur 
éducation.  Sur  116,000  enfants  au-dessus  de  14  ans,  que  compte  l'île,, 
d'après  le  recensement  de  1881,  25,000  au  plus  reçoivent  l'instruction, 
soit  à  la  maison,  soit  dans  les  écoles  officielles,  soit  dans  celles  des  mis- 
sions cathoUques,  anglicanes  ou  presbytériennes.  Cette  année,  le  budget 
colonial  anglais  contient,  pour  la  première  fois,  une  somme  destinée  à 
la  création  de  cent  écoles  hindoues  ;  c'est  déjà  une  mesure  importante, 
mais  il  en  faudrait  de  400  à  500,  pour  élever  les  enfants  hindous  de  Mau- 
rice. 

Depuis  un  certain  temps  l'attention  des  gouvernements  anglais  et 
français  s'est  portée  sur  la  nécessité  d'établir  une  conununication  télé- 
graphique entre  Maurice  et  la  Réunion,  surtout  pour* annoncer 
l'approche  des  cyclones  et  prévenir  les  grands  dommages  qu'ils  causent 
aux  vaisseaux^  aux  propriétés  et  aux  personnes.  A  défaut  d'un  câble 


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sous-marin,  on  en  est  venu  à  l'idée  de  se  servir  de  Théliogi^aphe,  employé 
avec  tant  de  succès  dans  la  campagne  de  l'Afghanistan,  et  entre  l'Espa- 
gne et  le  Maroc,  sur  une  distance  de  288  kilora.,  par  le  général  Ibanez.  La 
distance  entre  les  deux  points  les  plus  élevés  des  deux  îles  est  de  215  kil. 
Le  colonel  Mangin  a  construit  un  appareil,  au  moyen  duquel  l'approche 
des  cyclones  pourra  être  annoncée  de  Maurice  à  la  Réunion,  24  à  38 
heures  avant  que  ces  ouragans  atteignent  cette  dernière  île. 

On  se  souvient  que  dans  la  convention  de  Pretoria,  le  gouvernement 
anglais  s'est  réservé  la  question  des  intérêts  des  indigènes  et  de  la  poli- 
tique des  natifs.  Mankoroan,  chef  Betchouana  de  l'ouest  du  Transvaal, 
auprès  duquel  se  trouvait  alors  un  agent  britannique,  qui  maintenant  s'est 
joint  aux  Boers,  a  fait  appel  à  l'intervention  anglaise  contre  ces  derniers, 
qui  ont  occupé  une  partie  de  son  territoire  et  menacent  de  s'étendre 
encore  plus  vei's  l'ouest.  Des  Boers  ont  en  outre  exercé  des  déprédations 
dans  un  territoire  cédé  aux  Anglais  par  Mankoroan.  La  «  question  des 
Boers  »  a  été  posée  devant  le  parlement,  mais,  soit  dans  la  Chambre  des 
Lords,  soit  dans  celle  des  Communes,  tout  en  reconnaissant  l'obligation 
morale  de  protéger  les  tribus  indigènes  contre  les  envahisseurs,  pei-sonne 
n'a  proposé  de  recommencer  la  guerre  contre  les  Boers.  —  Quant  à  la 
gueiTe  intérieure  du  Transvaal,  Mampoer  et  Mapoch  ont  attaqué  plu- 
sieurs chefs  cafres  partisans  de  Secocoeni,  auxquels  ils  tuèrent  une  ving- 
taine de  personnes,  honmies,  femmes  et  enfants  ;  mais,  à  leur  tour,  les 
indigènes  du  pays  de  Secocoeni  vinrent  au  secours  de  leurs  chefs  et  fer- 
mèrent la  retraite  aux  gens  de  Mapoch  ;  ceux-ci  se  trouvèrent  pris  entre 
deux  feux  et  perdirent  500  des  leurs,  entre  autres  un  frère  de  Mampoer 
et  un  des  principaux  capitaines  de  Mapoch.  La  plus  forte  des  positions 
de  ce  dernier  a  été  prise  par  les  troupes  du  gouvernement  des  Boers, 
et  l'on  ne  doute  pas  que  la  guerre  ne  soit  bientôt  finie- 
La  paix,  que  les  missionnaires  de  Barmen  avaient  réussi  à  rétablh'  entre 
les  Hérérosii  et  un  certain  nombre  de  chefs  IVamaquas,  n'a  pas  été 
de  longue  durée.  Un  de  ces  derniers,  Jan  Afrikaner,  ayant  continué  à 
piller  les  Bastards,  ceux-ci  appelèrent  à  leur  secours  les  Héréros  avec 
lesquels  ils  attaquèrent  les  Namaquas.  Jan  Afrikaner  fut  battu  et  obligé 
de  se  réfugier  dans  une  gorge  d'iui  accès  très  difficile  au  cœur  des  mon- 
tagnes. Ses  adversaires  se  firent  indiquer  sa  retraite,  cherchèrent  à  l'y 
enfenner,  et  reprirent  la  plus  gi*ande  partie  du  bétail  qu'il  leur  avait 
enlevé,  mais  lui-même  réussit  à  leur  échapper  en  s'enfonçant  toujours 
davantage  dans  les  montagnes.  Plus  tard  il  en  est  sorti  pour  attaquer 
Ilehoboth,  avec  des  renforts  Namaquas,  mais  les  Héréros  out  volé  au 


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secours  des  Bastards,  et,  aux  dernières  nouvelles,  une  grande  bataille  était 
attendue  à  l'Est  du  pays  des  Héréros.  Après  la  déception  qu'ont  eue  les 
missionnaires  au  sujet  de  la  paix,  ils  en  sont  venus  à  craindre  que  la 
tranquillité  ne  puisse  être  rétablie  que  lorsqu'un  des  partis  aura  été 
complètement  battu.  Les  païens  commettent  de  telles  horreurs  à  l'égard 
dès  prisonniers,  que  les  chrétiens,  impuissants  à  les  en  empêcher,  neveu- 
lent  plus  se  mettre  en  campagne  avec  eux.  —  Deux  missionnaires  sué- 
dois ont  trouvé,  à  six  journées  de  marche  au  Nord  d'Omarourou,  près 
de  Otyomatanga,  de  grands  clans  de  Damaras,  dans  un  district  assez 
pauvre  en  sources  permanentes,  mais  où  les  pluies  sont  fréquentes  et  où 
le  fouiTage  et  les  bois  abondent.  Un  des  missionnaires  de  Barmen  s'y 
rendra  pour  explorer  le  pays,  et,  comme  il  serait  très  difficile  de  com- 
mencer une  œuvre  de  mission  pour  les  Damaras  disséminés  au  milieu 
des  Héréros  qui  les  maltraitent,  on  leui*  conseillera  de  se  rendre  auprès 
de  leurs  frères  ;  ce  serait  là  que  la  Société  de  Bannen  mettrait  à  exécu- 
tion son  projet  de  mission  en  faveur  des  Damaras. 

Une  nouvelle  expédition  est  partie  d'Ostende  pour  Liverpool,  où  un 
steamer  l'attendait  pour  la  conduire  à  l'embouchure  du  Cong^o.  Elle 
est  conmiandée  par  M.  le  lieutenant  Vankerckhoven  et  compte,  outre 
plusieurs  officiers  belges,  un  capitaine  de  navire  anglais,  un  lieutenant 
hongrois,  et  un  mécanicien  allemand.  Ce  dernier  accompagnera 
M.  Librechts,  sous-lieutenant  belge,  qui  se  détachera  du  reste  de  l'expé- 
dition dès  que  les  voyageurs  auront  mis  le  pied  sur  le  sol  africain.  Il 
serait  question,  paraît-il,  de  relier  l'embouchure  du  Congo  à  Zanzibar 
au  moyen  d'une  poste  à  pigeons  ;  du  moins  l'expédition  a  emporté  avec 
elle  un  certain  nombre  de  pigeons  voyageurs,  pour  les  faire  circuler  sur 
la  ligne  des  stations  du  Comité  d'études  du  Congo  et  de  l'Association 
internationale,  et  obtenir  en  quelques  jours  les  nouvelles  qui  actuelle- 
ment mettent  quelques  mois  pour  parvenir  de  la  côte  occidentale  à  la 
côte  orientale.  —  M.  Peschuël  Loesche  qui,  pendant  neuf  mois,  a  tenu 
la  place  de  Stanley  sur  le  Congo,  de  retour  en  Europe,  a  donné  à  la 
Société  de  géographie  de  Brème,  sur  la  région  qu'il  a  explorée,  deux 
conférences  dans  lesquelles  il  a  entre  autres  rectifié  les  idées  que  l'on  se 
fait  généralement  de  la  partie  du  fleuve  où  sont  ce  qu'on  appelle  les 
cataractes  du  Congo.  En  réalité  il  n'y  a  de  chute  verticale  que  celle 
d'Isanghila,  de  5"  de  hauteur  ;  celle  de  Yellala  ne  tombe  pas  vertica- 
lement, mais  comme  l'eau  sur  la  roue  d'un  moulin;  ailleurs  il  n'y  a  que 
des  rapides  ;  le  fleuve  court  en  écumant  sur  un  plateau  incliné  de 
15  p.  *^/j)o,  parsemé  de  rochei's  au  milieu  desquels  il  bouillonne  et  forme 


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des  tournants.  Les  pluies  au  nord  et  au  sud  de  Téquateur  tombant  à  des 
époques  différentes,  il  monte  de  septembre  à  décembre,  et  de  juin  à 
août.  A  l'époque  des  hautes  eaux,  de  petits  vapeurs  de  10  à  15  tonnes, 
munis  de  fortes  machines,  peuvent  passer  à  Isanghila  où  la  chute  a 
complètement  disparu.  M.  Peschuël  Loesche  qui,  on  se  le  rappelle,  a  eu  le 
bras  gauche  fracassé  dans  une  lutte  sanglante  de  six  heures  avec  les 
indigènes,  devra  renoncer  aux  voyages  ;  il  consacrera  ses  loisirs  aux  pro- 
grès  de  la  science  géographique. 

Les  combats  qui  ont  eu  lieu  entre  les  gens  de  Stanley  et  les  natifs, 
ont  arrêté  la  marche  en  avant  des  missionnaires  de  la  Living^s- 
tone  Inland  Mission.  Après  s'être  portés  à  50  kilomètres  au  delà 
de  leur  station  de  Moukimboungou,  ils  furent  empêchés  de  passer  par  les 
villes  des  Ndoungas,  et  obligés  de  fonder  une  nouvelle  station  sur  la 
Loukounga,  au  milieu  d'une  population  d'ailleurs  très  bien  disposée  à 
leur  égard.  Pour  le  moment,  ils  s'estiment  heureux  de  travailler  dans  un 
territoire  que  ne  traverse  pas  la  route  ouverte  le  long  des  rapides  du 
Congo,  car  les  combats  sus-mentionnés  ont  créé  des  sentiments  d'hosti- 
lité entre  les  natifs  et  les  blancs.  D'après  le  numéro  de  mars  des  Regiam 
heyond^  on  aurait  tiré  sur  les  gens  deBrazza  dont  plusieurs  auraient  été 
tués,  sur  le  territoire  de  Stanley,  près  de  Yivi.  Aussi  les  missionnaires  de 
la  société  sus-mentionnée  veulent-ils  éviter  autant  que  possible  de  se  trou- 
ver mêlés  à  aucune  troupe  de  gens  armés,  et,  renonçant  à  s'établir  à  Stan- 
ley Pool,  se  borner  actuellement  à  travailler  dans  la  région  qui  avoisine 
leurs  stations,  à  50  ou  60  kilomètres  l'une  de  l'autre,  sur  une  étendue  de 
170  kilomètres.  Depuis  cinq  ans  qu'ils  l'habitent  ils  n'ont  jamais  eu  do 
conflits  avec  les  indigènes,  qui  les  respectent  et  leur  confient  leurs 
enfants.  Ils  ont  appris  la  langue  du  pays,  préparent  plusieurs  élèves  à 
devenir  instituteurs,  et  trouvent  auprès  des  indigènes  empressement  à 
leur  fournh'  les  produits  du  pays  et  à  leur  servir  de  porteurs  le  long  de 
la  route  d'une  station  à  l'autre. 

Les  missionnaires  baptistes  établis  à  lllanyan§^  et  à  Stan- 
ley Pool,  où  leurs  stations  prendront  les  noms  de  Wathen  et  de 
Arthington,  en  l'honneur  de  deux  des  principaux  soutiens  de  leur 
œuvre,  se  sentent  de  plus  en  plus  obligés  de  s'affranchir  de  la  protection 
des  Zanzibarites  annés  des  expéditions  belges.  Après  l'attaque  dans 
laquelle  M.  Peschuël  Loesche  a  été  blessé,  ils  ont  compris  que  la  route 
le  long  de  la  rive  septentrionale  du  fleuve,  de  Manyanga  à  Stanley  Pool, 
ne  serait  plus  sûre  que  pour  des  cai*avanes  fortes  et  bien  armées,  et  ils 
en  ont  cherché  une  sur  la  rive  méridionale.  Là  les  Belges,  après  avoir 


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brûlé  la  ville  de  Ngombi,  dont  le  chef  Lutété  s'était  montré  disposé  à 
attaquer  les  caravanes,  ont  fait  une  nouvelle  route  jusqu'à  Stanley  Pool, 
et  le  lieutenant  Valcke,  qui  en  était  chargé  avec  180  Zanzibarites  nouvel- 
lement arrivés,  a  fondé  une  station  à  Ngombi,  et  organisé  un  sei-vice  de 
caravanes  entre  ce  point  et  Stanley  Pool.  Les  missionnaires  en  ont  un  indé- 
pendant de  celui  des  Belges,  en  sorte  que,  tous  les  quatre  ou  cinq  jours,  les 
natifis  qui  demeurent  le  long  de  la  route  voient  passer  une  caravane.  La 
sécurité  des  transports  est  plus  grande,  mais  les  prix  de  toutes  choses  ont 
beaucoup  augmenté.  Heureusement  les  missionnaires  ont  pu  obtenir  des 
natife  comme  porteurs,  ce  qui  les  dispensera  d'aller  chercher  à  la  côte 
des  Krooboys,  comme  ils  devaient  le  faire  les  premières  années. — 
A  Stanley  Pool,  M.  Comber  a  dû  s'efforcer  de  faire  comprendre  à  Nga- 
Liéma  que  son  œuvre  était  toute  différente  de  celle  des  Belges,  qu'il  ne 
venait  ni  pour  acheter  de  l'ivoire,  ni  pour  trafiquer,  mais  pour  instruire 
son  peuple;  qu'il  ne  lui  donnerait  ni  fusils,  ni poudi*e,  ni  rhum,  mais 
qu'il  apprendrait  à  lire  aux  enfants  et  soignerait  les  malades.  Après 
avoir  fait  construire  une  maison  sur  le  teiTain  concédé  à  la  mission 
par  le  Comité  d'études  du  Congo,  il  a  commencé  une  école.  Le  petit 
vapeur  le  «  Peace  »  ouvrira  aux  missionnaires  la  voie  en  amont  du  fleuve, 
où  ils  songent  déjà  à  fonder  tme  nouvelle  station,  près  du  confluent  du 
Quango.  Elle  portera  le  nom  de  Liverpool. 

Alors  même  que  nous  ne  serions  pas  renseignés  par  les  publications 
missionnaires  sur  les  combats  qui  ont  eu  lieu  entre  les  indigènes  et  des 
blancs  ou  des  gens  au  service  des  expéditions  belges,  le  fait  que  les  cara- 
vanes des  Zanzibarites  amenées  successivement  à  l'embouchure  du 
Congo,  sont  immédiatement  pourvues  d'armes,  et  que,  de  son  côté,  de 
Brazza  qui,  pendant  les  huit  années  de  ses  explorations  précédentes,  n'a 
jamais  entretenu  que  des  relations  pacifiques  soit  avec  ses  porteurs 
indigènes,  soit  avec  les  autres  natife  des  territoires  qu'il  traversait,  a 
reçu  pour  son  expédition  des  milliers  de  fusils,  indique  qu'il  s'est  pro- 
duit un  changement  dans  les  dispositions  des  populations  de  cette  région 
à  l'égard  des  blancs.  Si,  ce  qu'à  Dieu  ne  plaise,  les  actes  d'hostilité  se 
renouvellent,  le  monde  civilisé  devra  se  féliciter  qu'il  y  ait,  sur  les  deux 
rives  du  fleuve,  des  missionnaires  pour  guérir  les  maux  causés  par  la  con- 
currence commerciale.  Le  Mmiteur  de  V Algérie  a  eu  connaissance  d'un 
document  émané  de  M.  Braconnier,  chef  de  la  station  de  Léopold ville, 
qui  aurait  voulu  imposer  aux  missionnaires  rengagement  de  ne  secourir 
que  les  membres  de  la  Société  dont  Stanley  est  l'agent.  Il  n'est  pas 

besoin  de  dire  que  les  missionnaires  ont  refusé  de  signer  cet  étrange 

i 

I 


—  103  — 

engagement.  Pour  le  moment,  les  puissances  de  l'Europe  ne  semblent 
pas  songa*  à  se  mettre  d'accord  pour  garantir  la  neutralité  du  Congo  et 
la  liberté  commerciale  en  faveur  de  toutes  les  nations.  Le  Portugal  et 
r AAipleterre  continuent  à  négocier.  Contrairement  à  ce  que  nous 
avons  annoncé  dans  notre  précédent  numéro,  le  Portugal  a  déclaré  que, 
pendant  les  négociations,  aucun  vaisseau  de  guerre  ne  sera  envoyé  à 
Cabinda  et  à  Molemba;  et  M.  le  sous-secrétaire  d'État  aux  affaires 
étrangères,  lord  Fitz  Maurice,  en  réponse  aux  craintes  manifestées  par 
quelques  membres  des  Communes,  au  sujet  de  la  conclusion  d'un  traité 
qui  pourrait  compromettre  le  développement  du  commerce  anglais  dans 
rA&ique  équatoriale,  a  promis  que  le  gouvernement  ne  fera  rien  qui 
puisse  prendre  la  Chambre  par  sui'prise.  Il  est  d'autant  plus  urgent  de 
ne  rien  précipiter  à  cet  égard,  que  les  amis  de  l'Antislavery  Society, 
ainsi  que  ceux  de«  Sociétés  missionnaires  sont  aussi  anxieux  que  les 
commerçants  anglais ,  de  voir  le  gouvernement  portugais  maître  du 
com's  inférieur  du  Congo,  et  que  tous  sont  d'accord  pour  demander  la 
neutralité  et  la  libre  navigation  du  fleuve.  — M.  de  Brazza  s'est  embar- 
qué à  Bordeaux  le  20  mars.  D'après  une  lettre  du  Gabon,  du  2  février, 
une  partie  de  l'expédition  est  arrivée  hem'eusement  dans  la  colonie  et  a 
dû  repartir  pom*  le  Haut  Ogôoué.  M.  Ballay,  le  compagnon  de  Brazza, 
était  en  route  pom*  Brazzaville. 

M.  Gowans,  directeur  en  Afrique  de  la  Gold  Coast  Company,  est 
venu  en  Angleteri'e,  afin  de  faire  choix  des  appareils  les  plus  convenables 
pour  appliquer  à  l'exploitation  des  mines  d'Abboutuyakoon  les  procédés 
les  plus  rapides,  les  plus  économiques  et  les  plus  efficaces .  11  a  vu  occa-. 
sionnellement  en  Australie  d'aussi  riches  minerais,  mais  rien  qui  puisse, 
comme  étendue,  êti'e  comparé  à  ce  gisement  aurifère.  Il  n'éprouve  aucune 
diflSculté  à  se  procm'er  à  la  Côte  d'Or  tous  les  travailleui-s  dont  il  a 
besoin,  grâce  à  la  fermeté  et  au  tact  avec  lesquels  il  traite  les  indigènes  ; 
aussi  n'approuve-t-il  pas  l'idée  qui  a  été  émise  de  faire  venir  pour  le  tra- 
vail des  mines  des  coolies  hindous  ou  des  Chinois.  — M.  Barham,  l'ingé- 
nieur chargé  des  études  préliminaires  d'un  chemin  de  fer  à  la  Côte 
d'Or,  a  communiqué  son  rapport  à  une  réunion  tenue  à  Londi-es  ;  il  con- 
clut à  l'établissement  d'une  ligne  d'Axim  à  Tacquah,  sur  une  longueur 
de  64  kilomètres. 

Le  roi  du  Ballng,  Sago  Bamakha,  a  conclu  récemment  "avec  M.  le 
capitaine  Bonnîer,  revêtu  de  plems  pouvoirs  par  le  colonel  Borguis 
Desbordes,  commandant  supérieur  du  haut-fleuve,  un  traité  par  lequel 
le  Bafing  est  placé  sous  le  protectorat  de  la  France,  qui  aura  le  droit 


—  104  — 

d'y  exécuter  les  grandes  voies  de  communicatiou  qu'elle  jugerait  utiles. 
Les  Français  pourront  y  feire  librement  le  commerce,  sur  le  pied  d'une 
parfaite  égalité  avec  les  indigènes  ;  les  caravanes  et  les  marchandises 
seront  scrupuleusement  respectées  dans  leurs  personnes  et  dans  leurs 
biens.  Le  roi  s'est  en  outre  engagé  à  donner  aide  et  protection  à  tous 
les  Courriers  et  à  tous  les  convois,  par  terre  ou  par  eau,  venant  des 
postes  français  de  Kita  et  de  Bafoulabé.  —  A  peine  arrivé  à  Bamakou 
sur  le  Niger,  le  colonel  Borguis  Desbordes  a  fait  commencer  les  travaux 
d'un  fort  qui  sera  bientôt  en  état  de  recevoir  une  garnison  d'hivernage  ; 
la  colonne  expéditionnaire  reviendra  à  Saint-Louis.—  Quoique  la  mission 
du  D' Bayol  fftt  absolument  pacifique,  elle  n'en  a  pas  moins  subi  le 
contre  coup  des  événements  du  Haut-Sénégal.  Ahmadou  de  Ségou  ayant 
donné  l'ordre  formel  de  ne  permettre  à  aucun  Européen  de  traverser  le 
Kaarta,  le  D'  Bayol  pense  qu'il  sera  obligé  de  descendre  plus  au  sud, 
dans  le  Bambouk  et  le  Fouta-Djalon,  déjà  parcouru  par  lui,  mais^  oU  il 
reste,  dit-il,  encore  beaucoup  d'études  à  faire. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

La  Société  khédivîale  de  géographie,  au  Caire,  a  été  saisie  de  plusieurs  proposi- 
tions :  1**  de  fonder  un  musée  ethnographique  africain,  auquel  serait  rattaché  un 
musée  commercial;  2^  de  faire  des  études  sur  les  voies  de  communications  les  plus 
rapides  avec  le  Soudan  et  la  région  des  lacs  ;  3^  d'explorer  le  pays  entre  F*adasi, 
Lado  et  le  cours  du  Sobat. 

Un  groupe  de  commerçants  napolitains  a  chargé  M.  le  professeur  Licata  de  se 
rendre  à  Assab,  pour  y  recueillir  des  renseignements  scientifiques  et  commerciaux 
sur  cette  possession  italienne. 

La  Société  italienne,  qui  a  obtenu  une  concession  pour  Texploitation  tlu  sel  à 
Assab,  a  Pintention  de  conclure  avec  les  souverains  d'Abyssinie,  du  Choa  et  du 
Godjam,  des  contrats  pour  leur  fournir  la  quantité  de  sel  nécessaire  à  leurs  États. 
Ce  condiment  qui,  vu  son  prix  élevé  (Fr.  0,76  le  kilogramme),  est  un  article  réservé 
aux  classes  aisées,  pourra  ainsi  devenir  d'une  consommation  générale.  £n  outre, 
les  souverains  étant  intéressés  à  garantir  leurs  caravanes  contre  la  rapacité  des 
tribus  indépendantes  au  milieu  desquelles  elles  devront  passer,  la  route  d' Assab 
au  Choa  et  au  Godjam  deviendra  sûre. 

La  Société  africaine  allemande  a  pourvu  à  ce  que  ses  ei^plorateurs  reçussent  le 
plus  promptement  possible  tous  les  objets  nécessaires  au  remplacement  de  ce  qu'a 
détruit  l'incendie  de  Weidmannsheil,  pour  qu'ils  puissent  reprendre  immédiate- 
ment leur  projet  de  voyage  au  lac  Moero.  Malheureusement,  le  D'  Kaiser  est  mort 
en  novembre  sur  les  bords  du  Tanganyika. 


—  105  — 

La  caravane  des  missionnaires  anglais,  conduite  par  M.  Stokes,  a  atteint  l'extré- 
mité sud  du  Victoria  Nyanza,  un  peu  à  l'ouest  de  Kagheî. 

M.  Last,  de  la  station  de  Maraboia,  a  fait  une  nouvelle  excursion  au  delà  de 
Ngourou,  et  visité  quelques  villages  des  Masaï  où  il  a  été  bien  reçu  ;  il  a  pu 
recueillir  beaucoup  de  renseignements  sur  la  langue,  les  coutumes,  les  conditions 
sociales  de  ces  tribus,  réputées  si  féroces,  et  sur  le  meilleur  moyen  d'établir  avec 
elles  des  relations  amicales. 

M.  Selous  a  traversé  de  nouveau  la  partie  septentrionale  du  pays  des  Matébélés 
jusqu'au  Zambèze,  le  long  de  la  Panyane  ou  Hanyane.  Il  a  atteint  le  Zambèze 
près  de  l'embouchure  de  l'Oumsengaïsi,  d'où  il  a  suivi  la  rive  méridionale  du 
fleuve  jusqu'à  Zoumbo  ;  puis  il  est  revenu  à  son  campement  de  chasse,  près  de 
l'Oumfoulé.  La  plus  grande  partie  du  territoire  qu'il  a  parcouru  était  incon- 
nue jusqu'ici.  La  géographie  lui  devra  à  cet  égard  des  renseignements  aussi  utiles 
que  ceux  qu'il  a  fournis  précédemment  sur  la  région  du  confluent  du  Chobé  et  du 
Zambèze. 

Le  chef  Letsié  a  écrit,  au  nom  de  ses  fils  et  des  principaux  Bassoutos,  au  Parle- 
ment du  Cap,  pour  demander  que  le  Lessouto  ne  fût  pas  abandonné,  la  plus  grande 
partie  de  la  tribu  désirant  demeurer  sous  la  protection  du  gouvernement.  Une 
commission,  présidée  par  M.  Sauer,  ministre  des  affaires  indigènes,  s'est  rendue 
au  Lessouto  pour  recueillir  les  avis  des  Bassoutos. 

Une  dépêche  de  Maritzbourg  annonce  que  Mnyamana  et  seize  autres  puissants 
chefs  zonlous  ont  publié  la  déclaration  suivante  :  «  Comme  chefs  zoulous,  nous 
protestons  auprès  de  la  reine  contre  le  partage  de  notre  pays,  dont  on  n'a  laissé 
qu'un  tiers  à  Cettiwayo,  tandis  que  tout  le  peuple  désire  rester  sous  son  autorité.  » 

Le  P.  Depelchin  est  arrivé  du  Zambèze  à  Port  Elisabeth,  amenant  avec  lui  deux 
lions. 

M.  P.  Ewald,  naturaliste  d'Halberstadt,  partira  prochainement  pour  faire  des 
études  dans  la  colonie  du  Cap,  l'État  libre  de  l'Orange  et  le  Transvaal,  d'où  il 
reviendra,  à  travers  le  désert  de  Kalahari,  chez  les  Damaras,  pour  remonter 
ensuite  le  long  de  la  côte  occidentale  jusqu'au  Congo. 

Le  gouverneur  de  la  Colonie  du  Cap,  Sir  Hercules  Robinson,  a  fait  remettre  au^ 
membres  du  Parlement  colonial  un  recueil  des  lois  et  coutumes  des  indigènes,  pré- 
paré par  une  commission  spéciale,  pour  servir  de  base  à  des  relations  internatio- 
nales, où  l'on  ait^  autant  que  possible,  égard  aux  idées  et  aux  besoins  des  popula- 
tions, et  où  les  cas  de  mécontentement,  pour  ne  s'être  pas  bien  compris,  soient 
moins  fréquents. 

M.  Resteau  va  revenir  d'Ambrisette,  où  il  a  installé  la  première  factorerie  de  la 
Compagnie  belge  du  commerce  africain  ;  en  attendant,  il  a  envoyé  les  plans  d'au- 
tres établissements  que'  la  Compagnie  fondera  dans  la  région  au  sud  du  Congo. 

M.  L.  Petit,  naturaliste,  a  fait  de  Landana  une  excursion  sur  le  Haut  Chiloango 
jusqu'à  Toumby  ;  il  en  a  rapporté  de  belles  collections  d'oiseaux,  et  plusieurs  spé- 
cimens de  chimpanzés  et  de  gorilles  mahiéma.  Pendant  son  séjour  à  Toumby,  il  a 
assisté  à  l'ensevelissement  du  prince  Macaille  N'Gom,  mort  depuis  plus  d'un  an, 


—  106  — 

mais  qu^on  avait,  selon  l'usage,  conservé  dans  sa  case,  fumé  et  enveloppé  dans  des 
tissus,  jusqu'après  la  nomination  d'un  successeur. 

La  «  British  and  African  Steam  Navigation  Company,  »  qui  a  déjà  20  navires  pour 
le  service  de  la  côte  occidentale  d'Afrique,  en  a  fait  construire  deux  autres,  d'an 
faible  tirant  d'eau,  pour  pouvoir  leur  faire  franchir  les  barres  des  rivières  basses. 
Ils  seront  appelés  le  Logos  et  le  Calabar, 

Le  Comité  des  Missions  anglicanes  a  accepté,  pour  ses  stations  du  Niger,  les  ser- 
vices de  M,  le  D'  Percy  Brown,  qui  s'est  offert  pour  travailler  dans  une  partie  du 
champ  des  missions. 

Ne  pouvant  consentir  à  renoncer  à  aucun  des  territoires  de  la  république  de 
Libéria,  le  sénat  de  Monrovia  paraît  disposé  à  soumettre  la  question  des  limites 
septentrionales  de  cet  État,  au  sujet  desquelles  il  est  en  désaccord  avec  l'Angle- 
terre, à  l'arbitrage  des  États-Unis  ou  des  grandes  puissances  civilisées. 

Le  Wyoming  amène  des  États-Unis  en  France  le  prince  Ulysse  Parklew,  futur 
souverain  du  royaume  de  Fessah,  allié  à  la  république  de  Libéria.  Ce  prince,  âfé 
de  16  ans,  est  élevé  à  l'européenne;  deux  précepteurs,  MM.  Brown  et  Stewai*t, 
l'ont  conduit  en  Amérique;  après  lui  avoir  fait  visiter  la  FrancCi  l'Angleterre  et 
l'Allemagne,  ils  le  reconduiront  au  Pcssah. 

Le  nouveau  roi  du  Cayor  a  fait  visite  au  gouvei'neur  de  Saint-Louis,  auquel  il  a 
promis  d'aider  de  toutes  ses  forces  à  la  construction  de  la  voie  ferrée.  Dans  deux 
ou  trois  semaines  la  section  de  Dakar  à  Rufisque  sera  terminée. 

Les  travaux  du  chemin  de  fer  du  Haut-Sénégal  continuent  avec  activité;  Médine 
est  relié  à  Kayes. 

Jusqu'ici  la  pêche  du  corail  sur  les  côtes  d'Afrique  se  faisait  surtout  dans  la 
Méditerranée,  devant  la  Calle.  Depuis  quelques  années  les  pêcheurs  vont  dans 
l'Atlantique,  spécialement  aux  îles  du  Cap  Vert,  dont  le  professeur  Greef  a  étudié 
les  coraux,  qu'il  a  ti'ouvés  identiques  à  ceux  de  la  Méditerranée.  En  1879  et  1880, 
le  produit  de  la  pêche  à  l'île  de  Thiago  a  été  de  3000  kilog.  ;  il  y  avait  en  parti- 
culier des  coraux  rouge  pâle  très  estimés.  Dès  lors  il  s'est  formé  des  sociétés 
pour  exploiter  les  côtes  du  Cap  Vert. 

M.  Piazzy  Smith  a  communiqué  au  journal  anglais  Nature,  d'après  une  cor- 
respondance de  Santa  Cruz,  capitale  de  Ténériffe,  que  le  pic  de  Teyde,  qui  n'avait 
pas  eu  d^éruption  depuis  1798,  est  de  nouveau  entré  en  activité  au  commencement 
de  1883;  un  fleuve  de  lave  est  descendu  de  son  sommet  encore  couvert  de  neige. 


EXPLORATIONS  DU  0'  JUNKER  SUR  LE  HAUT  OUELLÉ  > 

Dès  la  plus  haute  autiquité,  les  problèmes  relatifis  à  Thydrographie  de 
l'Afrique  ont  occupé  les  esprits.  Hérodote,  Ptolémée  et  ses  successeurs, 

*  Cette  livraison  est  accompagnée  d'une  carte  dressée  sur  celles  du  D"*  Junker, 


—  107  — 

ont  porté  leur  attention  sur  le  système  du  Nil  ;  après  eux  Tétude  géné- 
rale du  cours  inférieur  des  grands,fleuves  fut  reprise  par  les  Portugais, 
qui  lui  firent  faire  des  progrès.  Mais  c'est  surtout  à  Livingstone  que  se 
rattachent  les  travaux  qui  devaient  permettre  de  résoudre  les  grandes 
questions  du  Zambèze,  du  Nil  et  du  Congo  ;  l'impulsion  donnée  par  lui 
fit  surgit»  la  pléiade  des  Speke,  des  Grant,  des  Burton,  des  Baker,  des 
Cameron,  des  Stanley,  des  Serpa-Pinto,  et  aujourd'hui,  quoiqu'il  reste 
beaucoup  à  faire,  on  peut  dire  que  les  bassins  de  ces  grands  fleuves  sont 
assez  approximativement  déterminés.  Celui  de  l'Ouellé  en  revanche  l'est 
encore  fort  peu  ;  aussi  est-ce  vers  lui  que  se  portent  actuellement  les 
regards.  Ce  n'est  pas  qu'il  ait  été  complètement  laissé  de  côté  jusqu'ici. 
Déjà  en  1855,  Escayrac  de  Lauture,  et  après  lui  les  fi'ères  Poncet, 
Heuglin,  Miani,  Piaggia,  Schweinfiirth  surtout,  avaient  fourni  des  ren- 
seignements qui  auraient  pu  faire  comprendre  l'Importance  de  cette 
étude  ;  mais  il  est  difiicile  de  pénétrer  au  delà  du  bassin  du  Nil,  oti  les 
brigandages  exercés  pai'  les  chasseurs  d'esclaves,  et  par  les  expéditions 
égyptiennes  en  quête  de  l'ivoire,  dont  le  gouvernement  a  le  monopole,  ont 
causé  chez  les  Niams-Niams  et  les  Mombouttous  une  défiance  bien  natu- 
relle. En  outre  le  danger  auquel  le  cannibalisme  de  ces  populations 
expose  les  voyageurs  explique  pourquoi  ils  ont  été,  jusqu'à  présent,  si 
peu  nombreux  dans  cette  région, 

Tout  le  monde  se  rappelle  la  marche  de  Schweinfiirth  «  au  cœur  de 
l'Afrique  »  de  1868  à  1870,  ses  relevés  des  affluents  du  Nil  Blanc,  sa 
découverte  des  sources  du  Djour  au  mont  Baginsé,  et  celle  des  Akkas, 
peuple  de  pygmées  déjà  mentionnés  par  Aristote.  On  n'a  pas  oublié 
non  plus  l'enthousiasme  dont  il  fût  saisi  à  son  arrivée  au  bord  de 
l'Ouellé,  le  19  mare  1870  ;  celui  de  Mungo  Park,  posant  la  première  fois 
le  pied  sur  les  rives  du  Niger,  n'avait  pas  été  plus  grand.  «  Depuis  mon 
départ  de  Khaitoura,  dit  Schweinfiirth,  la  même  question  agitait  mon 
esprit  :  le  fleuve  coulait-il  de  l'est  à  l'ouest  ?  Si  ses  eaux  se  dirigeaient 
vers  l'est,  le  problème  jusqu'alors  inexpliqué  de  la  plénitude  du  lac 
Mvoutan  était  résolu  ;  si  elles  coulaient  à  l'ouest,  elles  n'appartenaient 
pas  au  système  du  Nil.  Enfin  l'Ouellé  m 'apparut,  il  envoyait  au  cou- 
chant ses  flots  semblées  et  profonds.  »  C'est  à  ce  voyageur  que  nous 

de  Schwemfui*th  et  de  Potagos.  Pour  les  dernières  explorations,  nous  avons  dû 
nous  contenter  d^indications  approximatives,  la  carte  du  D**  Junker,  qui  accom- 
pagnait un  de  ses  rapports  aux  MittheUim^e^i  de  Gotha  ne  leur  étant  pas  par- 
venue, non  plus  que  ce  rapport. 


—  108  — 

devons  nos  premières  infonnations  sur  la  Gadda  et  le  Kibali,  qui  forment 
rOuellé,  sur  le  volume  de  leurs  eaux,  leurs  crues,  leur  altitude  (de 
700  m.  environ),  comme  sur  les  montagnes  au  sud .  de  la  résidence 
de  Mounza,  contreforts  occidentaux  delà  chaîne  que  Baker  avait  vue  au 
N.-O.  du  Mvoutan,  et  dont  il  estimait  la  hauteur  h  2500  m.  De  toutes 
les  observations  qu'il  avait  faites  et  des  renseignements  qu'il  avait 
recueillis,  il  concluait  que  TOuellé  ne  pouvait  appartenir  qu'au  bsussin 
du  Chari.  Les  Mombouttoi^  et  les  Niams-Niams  donnaient  tous  à 
rOuellé  une  direction  0.  N.-O.  ;  plusieurs  d'entre  eux  l'avaient  suivi 
pendant  des  jours  et  des  jours,  jusqu'à  un  endroit  ob  il  s'élargit  au 
point  que  les  arbres  de  l'autre  rive  ne  sont  plus  visibles,  et  qu'enfin  on 
ne  voit  qu,e  l'eau  et  le  ciel.  Us  aflSrmaient  que  les  riverains  de  la  partie' 
méridionale  de  ce  lac,  car  ça  devait  en  être  un,  étaient  vêtus  d'étoffes 
blanches,  et  se  mettaient  à  genoux  pour  dire  leurs  prières.  Mais  toutes 
les  questions  par  lesquelles  Schweinfùrth  chercha  à  résoudre  le  problème 
n'aboutirent  qu'à  cette  réponse  dérisoire,  que  lui  donna  uç  jour  sou 
interprète  mombouttou,  qu'à  l'O.  S.-O.,  où  naquit  Mounza,  en  un 
endroit  appelé  Madimmo,  il  y  avait  une  étendue  d'eau  aussi  grande... 
que  le  palais  du  roi  !  Malgré  son  ardent  désir  d'arracher  au  cœur  de 
l'Afrique  son  secret,  il  dut  revenir  vers  le  nord,  au  Bahr-el-6hazal, 
laissant  à  d'autres  le  soin  de  continuer  les  recherches  commencées. 

Miani  s'est  avancé  vers  l'ouest  jusqu'à  Bakangal,  par  24''  10'  long. 
E.  de  Paris.  Potages  a  fourni,  sur  les  affluents  septentrionaux  de  l'Ouellé 
jusqu'au  20''  40',  des  renseignements  qui  ne  peuvent  être  négligés  dans 
l'étude  du  cours  moyen  de  ce  fleuve.  Mais  aujourd'hui,  nous  voulons 
nous  en  tenir  aux  parties  explorées  par  le  D'  Junker,  en  amont  du  point 
touché  par  Potages,  en  exposant  d'abord  les  études  du  voyageur  russe 
dans  la  région  des  sources  du  Kibali  et  de  la  Gadda.  C'est  là  en  effet 
que  le  conduisit  son  premier  voyage,  en  1877  et  1878.  Encore  nous  bor- 
nerons-nous à  relever,  dans  cette  première  exploration  à  l'ouest  du  Nil 
Blanc,  dans  les  mudiriehs  de  Rohl  et  de  Makaraka,  les  recherches  qui 
eurent  pour  but  de  déterminer  le  bassin  et  les  sources  du  Djei,  affluent 
du  Bahr-el-Ghazal,  et  la  ligne  de  partage  des  eaux  de  ce  tributaire 
d'avec  celles  du  Kibali,  partie  supérieure  de  l'Ouellé. 

Dans  ce  premier  voyage  il  était  desceiidu  de  Kabayendi,  dont  il  avait 
fait  son  quartier  général  jusqu'à  la  sériba  de  Wau,  près  du  Djour,  tantôt 
coupant,  tantôt  suivant  l'itinéraire  de  Schweinfùrth  ;  et  l'observation 
qu'il  fit  déjà  alora,  des  fréquents  changements  de  place  des  établisse- 
ments arabes  pour  l'exploitation  de  l'ivoire  et  de  la  traite,  n'est  pas  sans 


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importance  pour  la  cartographie.  Un  très  petit  nombre  des  séribas  indi- 
quées dans  la  carte  de  Schwéinfiirth  se  trouvaient  encore,  en  1877,  à 
l'endroit  où  elles  étaient  sept  Uns  auparavant.  Tel  était  le  cas  de  celles 
de  Roumbeck,  dans  le  mudirieh  de  Rohl,  et  de  Ghattas  dans  celui  du 
Bahr-el-Ghazal.  Par  suite  de  la  mauvaise  administration  de  Abd-es- 
Ssammat  et  de  ses  gens,  des  17  stations  qui,  à  l'époque  de  Schweinfurth, 
existaient  de  Ghattas  à  Gosa,  il  n'en  restait  plus  que  quatre  en  1877  : 
celles  de  Gosa,  de  Mandouggou,  de  Kanna  et  de  Sirahr.  Là  où  en  1808 
régnait,  dans  les  séribas,  l'abondance  eu  grain  et  en  bétail,  Junker  trouva 
la  misère.  Sur  tout  ce  parcours  il  ne  vit  pas  une  pièce  de  bétail,  et  sou- 
vent même  il  dut  céder  de  son  blé  aux  propriétaires  des  séribas  actuelles. 
De  grandes  étendues  de  pays  avaient  été  dépeuplées  et  ruinées,  tous  ceux 
qui  avaient  pu  échapper  aux  corvées  et  à  l'esclavage  avaient  émigré  et 
trouvé  un  refuge  chez  Mbio,  chef  niam-niam.  Mais  nous  laissons  de 
côté  cette  région  déjà  parcourue  par  Schweinfurth,  pour  suivre  Junker 
dans  le  Makaraka,  oU  les  principales  stations  étaient  alors  celles  de 
Wandy,  de  Makaraka,  de  Kabayendi,  de  Rimo  et  de  Ndirfi. 

Depuis  que  le  gouvernement  égyptien  avait  monopolisé  le  trafic  de 
l'ivoire,  elles  étaient  entre  les  mains  de  fonctionnaires  égyptiens,  appuyés 
chacun  de  150  soldats  environ,  chargés  de  veiller  à  l'exécution  des 
ordres  donnés  aux  chefs  nègres,  Qt  d'aider  à  la  perception  des  impôts. 
Au  sud  du  Makaraka  s'étend  un  territoire  demeuré,  jusqu'en  1877, 
fermé  aux  explorations  géographiques,  quoique  depuis  longtemps  les 
agents  des  trafiquants  arabes  y  fissent  des  incursions  et  des  razzias- 
poiu*  se  procurer  de  l'ivoire,  des  esclaves  et  du  bétail.  Pour  obtenir 
l'ivoire,  ils  entretenaient  des  relations  amicales  avec  quelques  chefe 
puissants  en  pays  éloignés  ;  ceux-ci  l'acquéraient  en  forçant  les  chefs 
moins  forts  à  le  leur  livrer,  puis  chaque  année  le  gouvernement  envoyait 
des  expéditions  pour  le  chercher  :  c'est  ainsi  que  ces  expéditions 
visitaient  les  chefs  de  Ganda  chez  les  Kakouak,  de  Lemihn  chez  les 
Kalika,  et  de  Luggar  au  sud  du  Kibali. 

De  Kabaye.ndi  le  D'  Junker  fit  une  excursion  vers  le  S.-O.,  pour  déter- 
miner la  Ugne  de  partage  des  eaux  entre  le  Rohl,  le  Djau,  le  Tondj, 
affluents  du  Bahr-el-Ghazal,  et  l'Akka,  la  Garamba  et  le  Kotschou  qui, 
par  le  Pongou,  portent  leurs  eaux  à  l'Ouellé. 

Du  côté  du  S.-E.  le  pays  va  en  s'élevant,  jusqu'aux  sources  du  Kibali. 
Le  long  de  sa  route  le  voyageur  signale,  à  l'est  les  monis  Keni,  Korbé, 
Mouga  et  Maja,  et  à  l'ouest  l'Ottogo  et  le  Ouado,  dans  le  voisinage 
duquel  le  Djei  prend  sa  source.  Un  peu  au  sud  du  Mouga  s'ouvre  la 


—  110  — 

belle  vallée  du  Kindé,  affluent  du  Bibé,  le  principal  tributaire  de  la  rive 
droite  du  Djei.  Les  palmiers,  les  dattiers,  les  bananiers,  que  Ton  y 
retrouve  après  en  avoir  été  privé  longtemps,  et  de  hauts  acacias  lui 
donnent  l'aspect  d'un  parc.  Au  delà  se  trouve  la  ligne  de  faîte  entre  le 
Nil  et  rOuellé,  sans  hautes  montagnes,  dans  un  terrain  rocheux,  très 
coupé.  La  végétation  arborescente  est  moins  abondante  chez  les  Kalika, 
qui  sont  esi^entiellement  agricoles  et  élèvent  du  bétail  ;  nulle  part 
Junker  n'a  vu  chez  les  nègres  autant  de  bestiaux.  Au  sud  de  Lemihu,  les 
bois  de  haute  futaie  reparaissent  dans  la  vallée  du  Kibali,  mais  plus 
loin  les  arbres  sont  remplacés  par  des  praiiîes  et  des  champs  cultivés  de 
doura  à  tiges  de  la  hauteur  d'un  homme,  de  fèves,  de  courges,  de 
patates  douces,  etc.  ;  les  collines  en  pente  douce  sont  arrosées  dans 
toutes  les  directions  par  de  petits  cours  d'eau,  le  long  desquels  seule- 
ment croissent  de  magnifiques  arbres  ;  tout  y  rappelle  un  district  agi-i- 
cole  de  notre  Europe.  Quant  au  Kibali  il  est  foimé  d'une  multitude  de 
petites  rivières  qui  descendent  du  vereant  occidental  des  montagnes 
situées  au  N.-O.  de  l'Albert  Nyanza,  et  que  Junker  a  appelées  :  monts 
Gessi,  Gordon,  Baker,  Emin,  Speke,  Schweinfurth,  Junker,  etc.  Aux 
endroits  oîi  il  l'a  traversé,  chez  les  Kalika,  près  du  2**  40'  lat.  N.,  le 
Kibali  n'avait  qu'une  vingtaine  de  pas  de  large,  et  0",70  de  profondeur, 
mais  courait  rapidement  sur  un  lit  de  sable. 

Les  recherches  du  D'  Junker  sur  le  cours  supérieur  de  TOuellé  ne 
devaient  pas  se  borner  à  ce  premier  voyage.  Revenu  en  Europe  pour 
se  reposer  quelques  mois,  il  en  repartit  vers  la  fin  de  1879,  pour  le  pays 
des  Niams-Niams  et  des  Mombouttous.  Grâce  aux  recommandations  de 
Schweinfurth  et  aux  soins  de  Gessi  pacha,  alors  gouverneur  du  Bahr-el- 
Ghazal,il  gagna  rapidement  la  sériba de  Wau,  point  extrême  N.O.  de  sou 
expédition  antérieiu'e,  et  de  là,  jusqu'à  Dem-Békir,  il  suivit  la  route  de 
son  prédécesseur.  Mais,  à  peine  y  était-il  arrivé^  que  le  bruit  de  sa 
venue  se  répandit  chez  les  Niams-Niams  et  y  jeta  l'eflroi.  Accoutumés  à 
voir  leur  territoire  parcouru  et  dévasté  par  les  expéditions  égyptiennes, 
devant  lesquelles  paifois  ils  s'enfuient  de  leurs  habitations  et  laissent 
leurs  champs  sans  culture,  leurs  inquiétudes  se  réveillèrent  à  l'ouïe  de 
l'arrivée  de  Junker,  qu'ils  prenaient  pour  un  frère  du  gouverneur  Gessi» 
se  le  représentant  suivi  d'une  nombreuse  escorte  militaire.  Il  fallut 
que  Ndorouma,  un  de  lem'S  grands  chefs,  qui  perçoit  lui-même  des 
autres  princes  niams-niams  indépendants,  l'ivoire  à  livrer  au  gouverne- 
ment égyptien,  et  qui  personnellement  était  disposé  à  satisfaire  aux 
demandes  de  celui-ci^  vint  à  Dem-Békir,  pour  s'informer  des  intentions 


—  111  — 

de  Texplorateur.  Junker  eut  beau  lui  donner  Fassurauce  qu'il  ne  vien- 
drait chez  les  Niams-Niams  qu'avec  soq  compagnon  de  voyage,  Bohn- 
dorf,  et  quelques  serviteurs,  Ndorouma  ne  fut  tranquillisé  que  lorsque 
dix  soldats  qui  l'avaient  escQrté  jusqu'à  Dem-Békir  eurent  été  renvoyés- 
Après  cela  Junker  put  commencer,  le  7  mai  1880,  sa  marche  vers  le 
S.  £.,  à-  travers  le  haut  pays  d'oii  descendent  plusieurs  affluents  du 
Djour,  à  l'est  de  la  ligne  de  faîte  du  bassin  des  principaux  affluents  de 
rOuellé  mentionnés  par  Potages,  le  Tsigo,  le  Proungo,  le  Béti.  Il  fran- 
chit l'un  de  ceux-ci,  le  Rongo,  sous  le  6**  lat.  N.,  près  de  la  résidence  du 
chef  Issa,  et  en  entrant  dans  le  bassin  de  l'Ouellé  remarqua  un  chan- 
gement dans  la  végétation  ;  ce  fut  là  en  particulier  qu'il  rencontra  les 
galeries  si  admirablement  décrites  par  Schweinfurth  ;  tandis  que  plus  au 
nord,  les  plantes  disparaissent  à  l'époque  de  la  saison  sèche,  ici,  par 
suite  de  l'abondance  des  eaux  en  toute  saison,  elles  deviennent  per- 
manentes, et  s'ajoutent  à  la  flore  de  l'équateur  pour  donner  à  toute  la 
végétation  un  caractère  spécial.  Des  arbres  énormes,  plus  élevés  que  les 
palmiers  d'Egypte,  croissent  le  long  des  rives  des  nombreux  coui-s  d'eau, 
et  y  abritent  des  tiges  moins  élevées  dont  les  cimes  s'échelonnent  sous 
leur  ombre.  Vus  du  dehors,  ces  bois  ressemblent  à  un  mur  de  feuillage, 
Tenceinte  franchie,  on  se  trouve  dans  une  avenue,  ou  plutôt  dans  un 
temple  dont  la  colonnade  soutient  la  ti*iple  voûte.  Les  piliers  de  cette 
nef  ont  en  moyenne  30  mètres  de  hauteur,  les  plus  bas  de  20  à  25 
mètres.  Des  galeries  moins  grandes  s'ouvrent  à  droite  et  à  gauche,  et 
donnent  accès  à  des  bas  côtés  remplis,  comme  l'avenue  principale, 
des  murmures  harmonieux  du  feuillage.  Il  passa  ensuite  près  des  sour-' 
ces  du  Bokou,  affluent  du  Mbomou  qui,  contrairement  aux  reniseigne- 
ment  fournis  à  Schweinfurth,  pour  sa  carte,  coule  aussi  vers  l'ouest,  et 
enfin  U  s'arrête  à  la  sériba  Lacrima,  non  loin  de  la  résidence  de  Ndo- 
rouma, près  de  laquelle  jaillit  l'Ouerré,  qui  se  dirige  vers  l'ouest,  au 
nord  des  monts  Gangaras.  Une  fois  établi  là,  il  vit  arriver  des  messa- 
gers d'un  grand  nombre  de  princes  niams-niams,  qui  commençaient 
à  voir  en  lui  un  protecteur  contre  les  violences  des  expéditions  égyp- 
tiennes. 

Nous  ne  reviendrons  pas  sur  les  détails  que  nous  avons  donnés 
(II""  année,  p.  131  et  211)  de  son  séjour  chez  les  Niams-Niams  ;  nous 
avons  hâte  de  le  suivre  vers  l'Ouellé  et  chez  les  Mombouttous.  Mention- 
nons cependant  auparavant  les  indications  qui  lui  ont  été  données  sur 
l'existence,  à  l'ouest  du  pays  de  Ssassa,  d'une  grande  rivière,  au  delà 
de  laquelle  les  habitants  prient  selon  le  rite  mahométau  ;  ils  seraient  en 


—  112  — 

rapport  avec  l'Adaniaoua,  d'où  on  leur  amènerait  des  chèvres  et  des 
moutons  très  beaux. 

Profitant  d'une  expédition  conduite  par  Sémi,  chef  niam-niam,  habi- 
tant au  nord  du  Mbomou,  et  vassal  du  gouvernement  égyptien  qui  lui 
fournit  des  armes  et  des  soldats  nègres  pour  recueillir  l'ivoire,  il  la  sui- 
vit à  travers  le  territoire  de  Ndorouma,  qui  s'étend  au  S.-O.  sur  une 
longueur  de  85  kilom.,  et  d'où  descendent  une  quantité  de  rivières  cou- 
lant vers  l'ouest  pour  se  jeter  dans  l'Ouerré;  d'autres  se  rendent  à  la 
Goui'ba,  qui  a  25  pas  de  large  au  sud  de  Palembata,  et  que  l'on  ne  peut 
passer,  non  plus  que  le  Mbrouélé  qui  en  a  75,  qu'avec  l'agrément  des 
Mangballés,  tribu  mombouttoue  de  la  rive  septentrionale  de  l'Ouellé,  pos- 
sesseur des  bateaux  nécessaires  pour  passer  ces  deux  rivières.  Deux  prin- 
ces de  cette  tribu,  hostiles  aux  Abarmbos,  Mombouttous  encore  indépen- 
dants de  l'autre  rive  de  l'Ouellé,  cherchèrent  à  entraîner  l'expédition 
égyptienne  dans  leur  parti  contre  leurs  adversaires.  Junker  déclara  qu'il 
garderait  une  stricte  neutitdité.  Il  n'en  passa  pas  moins,  avec  Sémi  et 
ses  gens,  la  Gourbaetle  Mbrouélé,  dans  les  bateaux  des  Mangballés,  ce 
qui  fit  croire  aux  Abarmbos  queles  Mangballés  et  l'expédition  égyptienne 
faisaient  cause  commune.  Les  Mangballés  ayant  fait  entrer  leurs  bateaux 
dans  l'Ouellé,  le  cri  de  guerre  retentit  de  toutes  parts.  Sémi  attaqua 
imprudemment  lès  canots  des  Abarmbos,  pendant  que  Junker  parlemen- 
tait avec  Mambanga,  prince  mombouttou,  indépendant  aussi,  qui  refu- 
sait à  Sémi  l'entrée  sur  son  territoire.  Il  se  détacha  de  l'expédition  égyp- 
tienne, passa  chez  Mambanga,  et,  de  sa  résidence,  par  S"* ^6'  lat.  N.  et 
24 ""40'  long.  E.  de  Paris,  il  envoya  chez  les  Abarmbos  un  message  pour 
les  engager  à  faire  la  paix  et  à  livrer  l'ivoire  qu'ils  avaient  en  leur  pos- 
session. Il  réussit  à  les  persuader,  mais  il  dut  renoncer  temporairement 
à  se  rendre  vers  l'ouest,  à  travers  le  pays  des  Amadis,  aux  moDts 
Gangaras  et  Badindés,  jusque  chez  Rafaï,  et  passer  des  semaines  chez 
Mambanga.  Depuis  la  mort  de  Mounza,  si  cruellement  assassiné  par 
Youssouf  pacha  S  c'est  le  plus  puissant  prince  mombouttou,  il  n'a  point 
de  rapports  avec  les  stations  égyptiennes,  Ali,  Abdallah  et  Abd-el-Mihn, 
établies  à  l'est  du  Mombouttou,  et  s'oppose  à  la  venue  de  soldats  sur 
son  territoire;  mais  il  est  cannibale  comme  tous  ses  gens;  on  n'enterre 
aucun  mort  et  chaque  décès  est  expié  par  le  meurtre  d'une  victime 
humaine  que  l'on  mange.  Sous  tous  les  autres  rapports,  Junker  a  trouvé 
cette  tribu  supérieure  aux  autres  nègres,  surtout  par  l'administration, 

^  V.  II™«  année,  p.  131. 


—  113  — 

les  usages  domestiques  et  la  considération  accordée  aux  femmes.  Il  fut 
témoin,  comme  Schweinfurth  Favait  été,  des  horreurs  conunises  par  ces 
cannibales.  Pour  s'y  soustraire,  il  envoya  son  serviteur  Faradj-Allah  avec 
ses  bagages,  par  bateau,  à  la  sériba  Ali,  au  confluent  de  la  Gadda  et  du 
Kibali,  tandis  que  lui  s'y  rendit  par  terre,  malgré  les  obstacles  considé- 
rables que  présente  l'état  des  chemins  au  sud  de  l'Ouelïé  pendant  la  sai- 
son des  pluies.  En  effet,  quoique  le  fleuve  ait  des  borda  élevés  de  6  m.  à 
8  m.  au-dessus  du  niveau  de^s  hautes  eaux,  ses  petits  tributaires  du  sud 
débordent  presque  tous.  Il  visita  la  station  de  Abd-el-Mihn,  puis  remonta 
vers  le  nord,  à  l'emplacement  de  la  résidence  deMounzaprès  de  laquelle 
mourut  Miani.  Plus  à  l'est,  ont  été  fondées,  dans  le  pays  des  Gambaris, 
des  stations  destinées  à  amener  la  soumission  des  princes  indigènes.  Les 
diflScultés  que  les  fonctionnaires  égyptiens  suscitèrent  à  l'explorateur  lui 
firent  comprendre  la  nécessité  d'éviter  à  l'avenir  les  employés  arabes,  et 
de  se  rendre  à  Bakangal,  plus  à  l'ouest,  ob  n'en  stationne  aucun,  quoique 
le  chef  de  cette  localité  livre  son  ivoire  au  gouvernement  égyptien. 
Auparavant  cependant,  il  revint,  le  3  décembre  1880,  à  son  quartier 
général  près  de  Ndorouma.  U  y  reçut  la  visite  du  prince  Ssassa  qui  habite 
au  sud  du  Mbomou,  ainsi  que  celle  du  chef  Kipa,  qui  réside  dans  la  partie 
occidentale  du  teiiitoire  des  Niams-Niams  et  l'invita  à  venir  chez  lui  ;  il 
résolut  de  s'y  rendre  et  de  nouer  de  là  des  relations  avec  Bakangaï,  au 
delà  de  l'Ouellé.  Pendant  son  absence,  Bohndorf  avait  me^é,  à  l'aide 
de  la  montre  et  de  la  boussole,  la  route  depuis  la  frontière  du  territoire 
de  Ndorouma  jusqu'à  Kipa,  et  l'avait  trouvée  de  200  kilom.  ;  en  cet 

endroit,  l'Ouerré  avait  50  m.  de  large. 

(A  suivre.) 

BIBLIOGRAPHIE  ' 

La  question  du  ZâIre.  Droits  du  Portugal.  Mémorandum.  (Lallemant 
frères),  Lisbonne,  1883,  in-8%  79  p. —  Cette  publication  datéedu  24  décem- 
bre dernier  émane  du  Comité  africain  de  la  Société  de  géographie  de 
Lisbonne,  et  tend  à  étabhr  les  droits  du  Portugal  sur  tout  le  cours 
inférieur  du  Congo.  Elle  pose  en  principe,  tout  d'abord,  que  la  souve- 
raineté d'un  État  civilisé  sur  les  territoires  qu'il  déclare  lui  appartenir 
se  fonde,  d'après  le  droit  international,  sur  la  découverte,  la  posses- 
sion et  la  reconnaissance  de  ces  territoires,  et  montre,  par  des  exemples 
empruntés  à  l'histoire,  que  la  Russie,  les  États-Unis,  la  France,  l'An- 

*  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jales  Sandoz,  13,  rue  da  Rhône,  à  Genève 
tons  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  ewUisée, 


—  114  — 

gleterre  se  sont,  en  diverees  circonstances,  appuyés  sur  ces  principes 
pour  faire  reconnaître  leur  autorité  sur  certaines  contrées.  Reprenant 
ensuite  l'histoire  de  la  Guinée  méridionale,  depuis  les  premiers  voyages 
des  Portugais  au  XV"*  siècle  jusqu'à  nos  jours,  le  mémoire  expose  que 
ces  trois  conditions  sont  remplies  pour  toute  la  région  baignée  par 
l'Océan  Atlantique,  au  sud  du  5°  12'  latitude  sud.  Cette  ligne  de  démar- 
cation est  établie'pour  la  côte,  mais,  en  ce  qui  concerne  l'intérieur  «  la 
ligne  réelle  de  la  frontière  portugaise,  dit  le  mémorandum,  se  conserve 
indéterminée  et  dépendante  des  besoins  et  des  résolutions  de  notre 
administration  et  de  notre  politique  coloniale.  En  ce  qui  concerne  le 
Zaïre  proprement  dit,  il  est  clair  que  tout  son  cours  inférieur  est  com- 
pris daas  notre  province,  et  que  celle-ci  s 'étendant  vers  Test  jusqu'à  la 
région  de  lacca  et  de  Lunda,  embrasse,  de  droit,  une  partie  du  cours 
supérieur  du  même  fleuve.  »  On  le  voit,  si  les  revendications  du  Portu- 
gal étaient  admises  dans  leur  entier,  les  stations  de  Brazzaville  et  de 
Léopoldville,  quoique  se  trouvant  au  nord  du  ô*'12'  lat.  sud  auraient  été 
établies  sur  territoire  portugais .  Mais,  d'après  une  lettre  adressée  au 
Mémcyrial  diplomatique,  par  M.  le  ministre  de  Portugal  en  France,  les 
terres  cédées  par  Makoko  à  Savorgnan  de  Brazza  se  trouvent  au  delà 
des  limtes  des  possessions  portugaises.  Il  y  a  néanmoins  là  une  question 
de  droit  international  des  plus  délicates  et  l'on  ne  peut,  en  aucune 
manière,  préjuger  la  solution  qui  lui  sera  donnée  par  la  diplomatie. 

JosEF  Chavanne.  Afrika  im  Lichte  unserer  Taoe.  Wien,  Pest, 
Leipzig.  (Hartleben's  Verlag),  1881,  in-8*,  184  p.  et  carte,  3  fr.  75.  — 
En  rendant  compte,  dans  notre  dernier  numéro,  de  l'ouvrage  du  savant 
géographe  viennois  sur  l'hydrographie  de  l'Afrique,  nous  avons  fait 
allusion  à  celui  qu'il  avait  publié  l'année  précédente  sur  l'orographie 
de  ce  continent,  pour  rectifier  les  erreurs  dans  lesquelles  on  était  géné- 
ralement quant  au  relief  de  cette  partie  du  monde,  si  différente,  à  cet 
égard,  de  l'Asie,  de  l'Europe  et  de  l'Amérique.  Avant  Livingstone  il  eût 
été  impossible  de  se  faire  une  idée  tant  soit  peu  exacte  de  ses  altitudes 
relatives,  des  terrasses  qui  la  bordent,  des  montagnes  qui  supportent 
le  plateau  central,  des  dépressions  de  celui-ci,  du  caractère  tout  à  fait 
spécial  des  montagnes  qui,  à  paît  dans  l'Atlas,  dans  les  monts  de  Kong 
et  dans  les  monts  Drakenberg,  n'offrent  rien  de  semblable  aux  chaînes 
de  l'Himalaya^  des  Alpes  ou  des  Andes.  Mais,  depuis  une  dizaine  d'an- 
nées, l'Afrique  a  été  traversée  de  l'ouest  à  l'est  et  de  l'est  à  l'ouest  ;  du 
nord  et  du  sud,  les  explorateurs  se  sont  avancés  presque  jusqu'à  l'équa- 
teur,  et  les  nombreuses   expéditions  qui  se  sont  succédé  ont  fourni 


—  115  — 

assez  (U indications  précises  pour  que  la  lacune  qui  existait  jusqu'ici  dans 
la  géographie  africaine  pût  être  comblée.  Seulement,  ces  indications 
étaient  disséminées  dans  la  foule  des  publications  que  l'exploration  afri- 
caine fournit  chaque  jour  en  nombre  plus  considérable.  Il  a  fallu  les 
soins  les  plus  scrupuleux  et  une  patience  admirable,  pour  recueillir  toutes 
ces  données,  les  classer  avec  ordre,  et  un  grand  talent  d'exposition  pour 
présenter  d'abord  dans  ses  traits  généraux  le  relief  du  continent,  puis 
celui  de  ses  parties  principales  :  l'Atlas,  le  Sahara,  les  différents  pla- 
teaux du  Soudan,  de  l'Afrique  australe  et  de  l'Afrique  centrale,  celui  do 
TAbyssinie  et  enfin  les  montagnes  qui  s'élèvent  à  l'ouest  de  la  mer 
Rouge.  Après  avoir  décrit  en  détail  chacune  de  ces  parties,  avec  les  traits 
spéciaux  qui  la  caractérisent,  le  D""  Chavanne  résume  les  développe- 
ments dans  lesquels  il  est  entré,  dans  quelques  lignes  qu'on  pourrait 
appeler  des  profils,  avec  les  principales  cotes  de  hauteur,  ce  qui  permet 
de  se  représenter,  même  sans  dessin,  les  accidents  du  terrain  que  Ton 
vient  de  parcourir.  Pour  compléter  l'impression  que  laisse  l'étude  de 
son  ouvrage,  il  a  dressé  une  carte  qui  offre  à  l'œil  les  détails  du  relief 
africain,  au  moyen  de  teintes  nuancées  indiquant  les  différentes  altitu- 
des de  3(X)"  à  2500'"  et  au  delà.  Mais,  comme  pour  le  volume  de  l'hydi-o- 
graphie,  un  index  de  toutes  les  hauteurs  indiquées  dans  celui-ci  en  faci- 
literait beaucoup  la  consultation. 

Lk8  é(4U8es  MONouTiiEs  DE  LA  VILLE  DE  Lalibéla  (Abyssinic),  par 
Achille  Raffraj/,  vice-consul  de  France.  Album  gr.  in-é**  de  20  planches 
lithogr.  et  14  p.  de  texte.  Paris  (Veuve  A.  Morel),  1882,  fr:  30.  —  La 
ville  de  Lalibéla,  capitale  de  la  province  de  Lasta  dans  le  Tigré,  était 
déjà  connue  pour  ses  églises  coptes  taillées  dans  le  roc,  mais  c'est 
M.  Achille  Raffray  qui  le  premier  a  fait  une  étude  complète  de  ces  cons- 
tructions si  étonnantes.  Il  avait  déjà  visité  dans  son  premier  voyage,  en 
187H-74,  une  église  monolithe  près  de  la  ville  de  Solsota,  et  avait  en 
outre  appris  des  naturels  que,  dans  la  ville  de  Lalibéla,  on  trouvait  beau- 
coup d'églises  de  ce  genre  ;  mais  il  ne  put  les  voir  alors.  Dans  son  der- 
nier voyage,  grâce  à  une  permission  du  roi,  il  fiit  plus  heureux. 

Lalibéla  est  une  ville  religieuse,  et  par  suite  se  trouve  en  dehors  des 
routes  parcourues  par  les  Européens  et  les  marchands.  (ïrouvernée  par 
un  moine,  sa  population  se  compose  surtout  de  pèlerins  qui  viennent 
prier  dans  les  sanctuaires  vénérés.  Lalibéla  renferme  dix  églises  mono- 
lithes, qui  font,  à  proprement  parler,  partie  intégrante  de  la  montagne. 
«  L'architecte,  dit  M.  Raffray,  a  fait  creuser  des  carrières  à  ciel  ouvert, 
au  milieu  desquelles  il  a  laissé  un  bloc  qui  ne  tient  plus  à  la  montagne 


—  116  — 

que  par  sa  base  ;  puis  ce  bloc  a  été  travaillé  extérieurement  jusqu'à 
simuler  des  murailles  ;  enfin  on  a  fouillé  Tintérieur,  ménageant  des 
colonnes,  des  pleins  cintres  pour  soutenir  le  plafond,  et  on  a  en  dernier 
lieu,  percé  des  fenêtres  pour  y  laisser  parvenir  l'air  et  la  lumière.  On  a 
ainsi  des  églises  qui  sont  monolithes  dans  toute  Tacception  du  terme.  »  Le 
travail  des  ouvriers  a  donc  été  ici  l'inverse  de  ce  qu'il  est  d'ordinaire, 
au  lieu  de  construire  on  a  creusé,  et  l'édifice  ne  se  compose  pas  de 
pièces  ajustées,  mais  il  est  au  contraire  tout  d'une  pièce. 

Taillées  dans  une  roche  rouge  assez  friable,  et  malgré  cela  parfaitement 
intactes  à  l'intérieur,  les  églises  présentent  à  l'extérieur  beaucoup  de 
colonnes  brisées  ;  plusieurs  d'entre  elles  ont  souffert  de  l'invasion  musul- 
mane. 

Pour  faire  ressortir  toutes  les  beautés  et  les  traits  caractéristiques  de 
ces  églises,  tels  qu'ils  nous  sont  représentés  par  les  dessins  de  M.  Rafiray , 
il  faudrait  des  connaissances  spéciales  en  architecture.  Les  différents 
types  d'ornementation  que  Ton  remarque  à  LaUbéla  ont  conduit  des 
personnes  compétentes  à  penser  qu'elles  ont  été  exécutées  vers  le  xu*  siè- 
cle, probablement  au  temps  où  régnait  le  négous  qui  a  donné  son  nom 
à  la  ville.  Les  églises  sont  le  travail,  non  des  Abyssins  mais  d'ouvriers 
égyptiens  et  syriens,  sous  la  direction  de  Sidi-Meskal,  dont  le  corps 
repose  sous  le  dallage  de  la  principale  de  ces  églises. 

Le  texte  de  l'ouvrage  que  nous  venons  de  résumer  pour  nos  lecteurs 
comprend  dix  pages.  U  est  accompagné  de  20  planches  ou  dessins,  qui 
représentent  non  seulement  chaque  église  dans  son  ensemble,  mais 
encore  les  traits  caractéristiques  de  sa  composition  architecturale. 

Ces  dessins,  qui  se  font  remarquer  par  leur  fini  et  leur  élégance,  sont 
de  M.  Raflfray  lui-même,  artiste  aussi  distingué,  paraît-il,  que  voyageur 
consciencieux.  L'aspect  des  façades  de  chaque  église,  leur  distribution 
intérieure,  leur  plan  général,  leur  coupe,  et  leur  vue  d'en  haut,  permet- 
tent de  se  faire  une  idée  exacte  de  ces  édifices,  qui  diffèrent  beaucoup  les 
uns  des  autres  dans  leur  aménagement  et  leur  apparence  générale.  En 
outre,  M.  Rafiray  a  dessiné  un  bas-relief  de  l'église  de  Golgotha  repré- 
sentant une  statue  de  saint  Georges,  puis  les  détails  des  décorations 
intérieures,  dont  les  couleurs  sont  d'un  fort  bel  effet,  des  croisées,  des 
colonnades,  etc. 

Tout  cela  est  fort  bien  fait,  et  l'on  doit  remercier  M.  Kaffray  d'avoir 
fait  connaître  des  constructions  si  originales,  uniques  au  monde,  et  qui 
forment  certainement  une  des  particularités  les  plus  intéressantes  de 
l'Abyssinie. 


i 


Autour.  /Hûrei 


Afrique  ênp/ûrée  êr dvtiisée .  ^*-  Annit. /\f^4.  Afril  /W3. 


—  117  — 

BULLETIN  MENSUEL  (7  rmi  1883.) 

Le  voyage  de  M.  de  Lesseps  daus  la  région  des  Chotts  *  a  pleinement 
réussi,  et  le  rapport  des  ingénieurs  invités  par  lui  et  par  M.  Roudaire  à 
se  rendre  sur  les  lieux,  pour  donner  leur  avis  sur  le  projet  de  mer  inté- 
rieure, lui  a  permis  d'aflirmer,  dans  une  séance  extraordinaii*e  de  la 
Société  des  études  maritimes  et  coloniales,  que  ce  projet  est  parfaitement 
réalisable.  Il  sera  facile  de  créer,  à  l'embouchure  de  l'Oued  Melah,  un 
port  à  l'abri  de  tous  les  vents  et  pour  la  construction  duquel,  ainsi  que 
pour  les  jetées,  les  matériaux  seront  extraits  de  la  roche  calcaire,  consta- 
tée par  les  sondages  de  M.  Roudah-e,  à  la  base  du  seuil  de  Gabès,  dont  le 
volume  est  relativement  peu  important.  Dans  tout  le  parcours  du  canal, 
en  ligne  droite,  au  travers  du  chott  Djérid,  l'absence  complète  de  roches 
permettra  à  tout  bâtiment  de  naviguer  avec  une  entière  sécurité.  Au 
seuil  qui  sépare  le  chott  Djérid  du  chott  Rharsa,  M.  Roudaire  a  décou- 
vert un  passage  qui  évite  complètement  les  roches  signalées  précédem- 
ment à  Kriz,  et  dont  la  commission  avait  estimé  le  volume  à  vingt-cinq 
millions  de  mètres  cubes.  L'altitude  du  col  de  Tozeur  est  en  outre  infé- 
rieure de  12  m.  à  celle  du  col  de  Kriz,  et  le  nouveau  tracé  du  canal  en 
cet  endroit  aura  4  kilom.  de  moins.  Le  sondage  fait  au  point  culminant 
de  ce  passage  a  démontré  qu'on  ne  rencontrerait  que  des  sables.  Vu  la 
nature  des  terrains  à  traverser,  il  sufiSra  de  creuser  dans  la  partie  d'allu- 
vions  un  canal  d'une  largeur  moyenne  de  25  à  30  mètres,  qui  sera 
agrandi  par  le  courant  lui-même.  Cette  tranchée  pourra  être  exécutée  en 
cinq  ans  et  pour  le  prix  de  cent  cinquante  millions  de  francs.  M.  Cosson, 
dans  une  séance  de  l'Académie  des  Sciences,  a  présenté  les  mêmes  objec- 
tions qu'il  avait  déjà  faites  au  projet  de  M.  Roudaire,  mais  M.  de  Les- 
seps ne  doute  pas  que  ses  amis  ne  mettent  à  sa  disposition  les  sommes 
nécessaires,  et  va  demander  au  gouvernement,  sans  garantie  d'intérêt, 
la  concession  d'une  bande  de  terre  de  30  kilom.  autour  des  chotts  ;  ce  ter- 
rain est  sans  valeur  actuellement,  sauf  les  oasis  qui  resteront  naturelle- 
ment à  leurs  légitimes  propriétaires,  mais  il  de\dendra  propre  à  la  cul- 
ture quand  la  mer  intérieure  lui  fournira  l'eau  qui  lui  manque.  M.  de 
Lesseps  demandera  également  la  concession  de  100,000  hectares  de  forêts 
dans  les  monts  Aurès,  au  nord  du  chott  Molrhir,  jusqu'à  présent  inex- 
ploitées faute  de  voies  de  communication.  On  sait  l'ardeur  que  M.  de 

'  V.  lU""®  année,  p.  248,  carte  du  bassin  des  chotts  algéro-tunisîens. 

L^ AFRIQUE.   —   QUATRIÈME  ANNÉE.   —  N**   5.  5 


—  118  — 

Lesseps  apporte  à  rexécution  de  ses  projets,  aussi  peut-on  s'attendre  à 
le  voir  commencer  prochainement  des  ti'avaux  qui,  indépendanmient  de 
leurs  résultats  agricoles,  politiques  ou  militaires,  ne  pourront  qu'exercer 
une  influence  civilisatrice  sur  les  populations  du  sud  de  l'Algérie  et  de  la 
Tunisie.  Lors  de  son  passage  à  Tozeur,  elles  lui  ont  exprimé  leur  satis- 
faction de  le  voir  arriver  dans  leur  pays,  et  ont  promis  de  lui  aider  dans 
ses  travaux. 

M.  le  ministre  de  l'instruction  publique  de  France  prépare  une  grande 
mission  scientifique  et  archéologique  en  Tunisie,  pour  laquelle  il 
demandera  aux  Chambres  un  crédit  de  115,000  fr.  Elle  durera  trois  ou 
quatre  ans;  une  partie  de  la  mission,  composée  de  naturalistes,  sous  la 
direction  de  M.  Cosson,  membre  de  l'Institut,  parcourra  la  Tunisie 
pour  l'étudier  à  un  point  de  vue  scientifique  et  pratique;  elle  doit  en 
effet  rechercher  les  moyens  de  rétablir  un  régime  des  eaux  conforme  aux 
besoins  de  l'agriculture,  et  de  reboiser  les  montagnes  et  les  plateaux,  de 
façon  à  rendre  à  la  Régence  la  prospérité  dont  elle  jouissait  autrefois; 
l'autre  partie,  qui  compte  de  jeunes  savants  déjà  rompus  aux  fouilles  et 
aux  recherches  archéologiques,  sera  placée  sous  l'autorité  &b  MM.  Tis- 
sot,  Perrot  et  Desjardins,  membres  de  l'Institut. 

D'autre  part,  un  crédit  de  120,000  fr.  sera  demandé  aux  Chambres, 
pour  rendre  permanente  la  mission  temporaire  envoyée  au  Caire  en 
1880,  et  en  faû'e  un  «  Institut  d'archéologie  orientale.  »  Dirigée  au  début 
par  M.  Maspero,  cette  dernière  mission  a  passé  sous  la  direction  de 
M.  Lefébure,  lorsque  son  chef  fut  chargé  de  la  direction  du  musée  de 
Boulacq.  Les  membres  du  nouvel  Institut  devront  présenter  tous  les  ans 
les  résultats  de  leurs  travaux  à  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles- 
Lettres.  Une  imprimerie  sera  annexée  à  la  mission. 

Il  résulte  d'un  message  de  lord  Dufferin  à  lord  Granville  sur  la  ques- 
tion de  l'esclavage,  publié  par  VAntislavery  Reporter,  que  la  Con- 
vention de  1877  entre  rAngleterre  et  l'Egypte  s'est  montrée 
défectueuse,  en  ce  qu'elle  n'indiquait  pas  la  peine  applicable  aux  diffe- 
rents  cas  de  contravention.  Les  bureaux  d'affranchissement  au  Caire  ont 
libéré,  en  un  peu  plus  de  cinq  ans,  plus  de  8000  esclaves  ;  mais  un  grand 
nombre  de  ceux-ci  ont  été  envoyés  au  Soudan,  oli  il  est  possible  qu'ils 
aient  été  vendus  de  nouveau.  Sous  la  direction  du  comte  Sala,  le  service 
pour  l'abolition  de  l'esclavage  a  presque  arrêté  l'introduction  de  nou- 
veaux esclaves  dans  l'Egypte  proprement  dite,  du  moins  celle  de  gran- 
des caravanes  ;  mais  il  y  en  arrive  toujours  quelques-uns  de  contrebande 
et  il  en  vient  aussi  quelques  blancs  k  Alexandrie.  En  revanche,  dans  la 


—  119  — 

mer  Rouge,  il  en  est  expédié  de  2000  à  5000  aunuellement  de  Massaoua 
et  surtout  de  Zeïla;  les  vaisseaux  anglais  ne  peuvent  arrêter  la  traite;  la 
mer  Rouge  étant  très  étroite,  les  bateaux  peuvent,  par  un  bon  vent,  la 
traverser  à  la  faveur  de  la  nuit  et  de  là  tolérance  des  autorités  égyptien- 
nes et  turques.  Les  équipages  anglais  ne  peuvent  pas  débarquer  et  agir 
sur  territoire  égyptien,  même  lorsqu'ils  savent  que  des  esclaves  sont  ras- 
semblés sur  un  certain  point  pour  être  transportés  en  Arabie  au  premier 
moment  favorable.  Les  fonctionnaires  des  diverses  provinces  tirent,  dû'ec- 
tement  ou  indirectement,  de  la  traite  une  bonne  partie  de  leur  revenu; 
le  gouvernement  égyptien  n'a  d'ailleurs  jamais  essayé  de  les  révoquer  ni 
de  les  punir,  quoique  son  attention  ait  été  souvent  attirée  sur  leurs 
méfaits.  Dans  l'Egypte  propre,  où  les  esclaves  blancs  sont,  à  peu  d'excep- 
tions près,  en  la  possession  de  membres  de  la  famille  du  khédive  et  de 
riches  pachas,  l'abolition  immédiate  de  l'esclavage  serait,  dit  lord  Duf- 
ferin,  très  mal  vue  dans  cette  classe  et  causerait  une  perte  d'argent 
considérable,  pour  laquelle  il  faudrait  trouver  une  compensation.  Il  y  a 
cependant  en  Turquie  une  coutume  très  générale,  en  vertu  de  laquelle 
les  esclaves  peuvent,  au  bout  de  sept  ans  de  service,  réclamer  leur 
liberté  ou  même  la  recouvrer  spontanémeût  ;  ii  ne  semblerait  pas  très 
difficile  d'introduire  cette  coutume  en  Egypte.  Au  Soudan,  oh  l'esclavage 
I>révaut  partout,  l'abolition  causerait  beaucoup  de  mécontentement  et 
peut-être  des  troubles,  quoique  aucune  mesure  abolition niste  ne  pût  occa- 
sionner un  désordre  plus  grand  que  celui  qui  existe  aujourd'hui  dans  ce 
malheureux  pays.  Lord  Dufferin  propose  que  l'Angleterre  fasse  avec 
l'Egypte  une  nouvelle  convention,  par  laquelle  l'esclavage  cesserait  entiè- 
rement dans  cet  État  et  ses  dépendances,  sept  ans  après  la  signature 
du  traité. 

Quant  aux  moyens  de  préparer  l'abolition,  l'enregistrement  qu'on  a 
souvent  proposé  est  presque  impossible  dans  l'Egypte  propre,  la  plupart 
des  esclaves  étant  dans  les  harems,  et  au  Soudan  il  est  impraticable. 
Pour  y  supprimer  la  traite,  il  faudrait  déclarer  Massaoua  port  franc, 
puis  construire  des  routes  avec  des  stations  de  Souakim  à  Berber,  et  de 
Souakim  àKassala  et  à  Galabat,  afin  d'amener  le  commerce  sur  des  routes 
déterminées  et  de  rendre  la  surveillance  plus  facile  ;  cependant  la  cons- 
truction d'une  voie  feiTée  de  Souakim  à  Berber  ferait  plus,  pour  la  sup- 
pression de  la  traite,  que  toute  autre  mesure.  Il  faudrait  aussi  établir  des 
bureaux  d'affranchissement  à  Khartoum,  El-Obeïd,  Kassala,  Berber 
Souakim,  et  dans  d'autres  localités  importantes,  et  un  service  pour 
l'abolition  de  l'esclavage,  analogue  à  celui  que  commande  le  comte 


—  120  — 

Sala,  devrait  être  créé  et  diiigé  par  des  Européens,  au  service  desquels 
seraient  mis  des  bateaux  à  vapeur  pour  faire  la  police  du  fleuve.  Aucun 
Arabe  ne  devrait  être  autorisé  à  se  rendre  au  Soudan  ou  au  Bahr-el- 
Ghazal  sans  passe-port,  et  sans  quelque  garantie  qu'il  n'y  achètera  pas 
d'esclaves.  Mais  avant  tout,  il  est  nécessaire  que  le  gouvernement  égyp- 
tien sache  que  l'Angleterre  veut  sérieusement  la  suppression  de  la  traite, 
et  que  tous  les  fonctionnaires,  depuis  le  gouverneur  général  jusqu'à 
l'employé  subalterne,  comprennent  que  leur  intérêt  est  d'empêcher  la 
traite  et  non  de  l'encourager.  Il  faudrait  encore  nommer  des  consuls 
anglais  à  Khartoum,  Souakim  et  Massaoua,  et  des  agents  consulaires 
pour  d'autres  localités.  Quant  à  la  mer  Rouge,  il  serait  urgent  de  for- 
mer un  corps  de  police  suflisant  à  Souakim,  Massaoua  et  en  d'autres  vil- 
les, qui  devraient  le  payer  aussi  longiemps  que  des  esclaves  seraient 
exportés  de  la  côte  dont  ces  villes  auraient  le  contrôle,  et  aussi  de  réta- 
blir, sous  le  commandement  d'officiers  anglais,  un  service  de  la  mer 
Rouge  pour  la  suppression  de  l'esclavage  ;  le  commandant  aurait  pleins 
pouvoirs  pour  agir  sur  terre  aussi  bien  que  sur  nïer,  et  le  corps  de  police 
spécial  sus-mentionné  serait  à  ses  ordres  ;  il  occuperait  dans  les  provin- 
ces de  la  côte  la  même  position  que  le  comte  Sala  dans  l'Egypte  propre. 
Les  gouverneurs  résidant  dans  des  forteresses  d'oîi  l'on  exporterait  des 
esclaves  devraient  être  révoqués. 

Pour  pouvoir  songer  à  appliquer  ces  mesures  au  Soudan,  il  faudrait 
que  ce  pays  fût  pacifié;  malheureusement,  il  n'en  est  rien.  D'après  une 
lettre  de  M.  Hansal,  de  Khartoum,  aux  Mittheilungen  de  la  Société  de 
géographie  de  Vienne,  la  révolte,  née  d'un  prétexte  religieux,  devient 
de  plus  en  plus  nationale,  et  le  mot  d'ordre  des  rebelles  est  l'extermi- 
nation des  étrangers.  L'Egypte  devra  mettre  tout  en  œuvre  poiu*  empê- 
cher l'incendie  de  s'étendre  au  delà  des  frontières  du  Soudan.  D  existe 
dans  le  monde  mahométan  une  sorte  de  parti  protestant,  qui  veut  réfor- 
mer les  doctrines  existantes  soi-disant  falsifiées.  Le  mahdi  appartient  à 
ce  parti,  qui  a  en  Perse  des  représentants  très  savants;  il  a  déjà  réformé 
les  prières,  le  nombre  des  services  religieux  et  plusieurs  dogmes.  Son 
père,  Nubien  de  Dongola,  vint,  il  y  a  40  ans,  à  Khartoum  avec  ses  fils  ; 
ouvrier  charpentier,  il  établit,  pour  construire  des  bateaux,  un  chantier 
dans  la  forêt  vierge  près  de  Lahauin,  qui  fournit  d'excellent  bois  de 
construction.  Le  père  mort,  les  fils  continuèrent  son  travail,  et,  quand  la 
forêt  eut  été  complètement  exploitée,  ils  transportèrent  leur  chantier 
dans  l'île  d'Aba,  oh  le  bois  abondait.  Pendant  que  les  aînés  travaiUaient 
ainsi,  le  plus  jeune  des  fils,  Mohamed-Ahmed,  né  à  Khartoum  en  1848» 


—  121  — 

îjuivait  les  leçons  du  scheik  Fakit-el-Emin,  le  plus  grand  poète  du  Sou- 
dan, établi  dans  l'île  de  Tenté,  vis-à-vis  de  Khartoum,  sous  lequel  il 
étudiait  le  Koran  et  les  sciences.  Ses  études  terminées,  il  se  rendit 
auprès  de  ses  frères  à  Aba,  avec  des  marchandises  pour  en  trafiquer. 
Par  ses  connaissances  et  sa  piété,  il  acquit  une  grande  autorité  sur  les 
Baggaras  ;  puis  sa  réputation  se  répandit  parmi  les  tribus  établies  à 
l'est  du  Nil  Blanc;  enfin,  profitant  des  faiblesses  et  de  l'incapacité  du 
gouverneur  général  du  Soudan,  il  se  présenta  comme  prophète.  —  Mal- 
gré l'annonce  de  victoires  remportées  sur  le  NU  Bleu  par  Abd-el-Kader, 
gouverneur  de  Khartoum,  le  khédive  a  rappelé  celui-ci  et  l'a  remplacé 
par  Ali-Addin  pacha.  Un  télégramme  du  28  avril,  envoyé  au  Daily  Chro- 
nicïe,  annonce  que  le  faux  prophète  est  campé  avec  ses  troupes  à  sept 
heures  de  marche  de  Khartoum.  Il  demande  la  reddition  de  la  place, 
menaçant  de  hvrer  un  assaut  dans  quelques  jours. 

Les  Missions  catlioliques  nous  ont  apporté  des  renseignements  sur  le 
Kopdofan  et  le  Baptour,  d'où  Mgr  Sogaro,  vicaire  apostolique  de 
l'Afrique  centrale  en  remplacement  de  feu  Mgr  Comboni,  a  reçu  des  nou- 
velles des  missionnaii-es  du  Gebel  Nouba  et  d'El-Obeïd.  Un  Israélite,  qui, 
jusqu'au  12  février,  avait  pai-tagé  avec  les  missionnaires  d'El-Obeïd  les 
rigueurs  du  blocus  de  cette  ville,  lui  a  appris  que  ceux  du  Gebel  Nouba 
ont  été  pris,  vers  la  mi-septembre  1882,  par  quelques  oflBciers  arabes  du 
mahdi,  et  conduits  devant  celui-ci,  qui  les  exhorta  avec  courtoisie  et 
chercha,  mais  en  vain,  h  leur  persuader  de  renoncer  au  christianisme 
poui*  embrasser  l'islamisme.  Ils  durent  le  suivre  jusque  près  d'El-Obeïd, 
qui  était  bloquée  et  souffrait  de  la  disette  :  le  dokhon  (espèce  de  millet) 
se  vendait  12,000  fr.  le  quintal,  la  viande  de  chien  80  fr.  le  kilog.,  un 
œuf  5  fr.,  une  poule  150  fr.  Le  mahdi  envoyait  les  siens  jusqu'au  second 
fossé,  creusé  autour  de  la  résidence  du  mudir  d'El-Obeïd,  pour  engager 
les  habitants  qui  s'y  étaient  réfugiés  à  se  donner  à  lui  avec  leurs  biens, 
et  les  soldats  à  céder  toute  résistance.  Le  19  janvier,  la  famine  les 
obligea  de  se  rendre;  le  mahdi  leur  promit  qu'il  ne  serait  touché  ni  aux 
personnes  ni  aux  biens.  L'occupation  s'effectua  avec  un  ordre  qu'il  eût 
été  impossible  de  désirer  plus  parfait  de  la  part  d'une  population  civi- 
lisée. Ce  n'était  toutefois  qu'une  ruse  du  mahdi  pour  soustraire  tout  le 
butin  à  la  rapacité  des  soldats  et  des  Arabes  ;  il  ordonna  aux  habitants 
de  tout  laisser  dans  leurs  maisons,  les  fit  sortir  de  la  ville  et  les  réunit 
dans  un  lieu  oii  ils  furent  entourés  et  surveillés;  mais  au  fur  et  à 
mesure  qu'ils  passaient,  ils  étaient  visités  et  dépouillés  de  l'argent  ou 
des  objets  précieux  qu'ils  possédaient.  Lorsque  la  ville  fut  entièrement 


—  122  — 

• 

évacuée,  le  malidi  commaDda  à  ses  plus  fidèles  serviteurs  de  rassembler 
tout  le  butin  dans  la  forteresse  d'El-Obeïd,  et,  s'étant  imaginé  qu'avant 
le  départ  quelques-uns  avaient  enfoui  leur  argent,  il  fit  faire  des  perqui- 
sitions partout,  dans  les  tombes,  dans  les  puits  et  même  dans  les  cloa- 
ques. Les  missionnaires  d'El-Obeld  furent  pris  et  réunis  à  ceux  du 
Gebel-Nouba.  Aux  dernières  nouvelles,  ils  étaient  en  bonne  santé; 
Mgr  Sogaro  espérait  pouvoir  les  racheter  pour  une  forte  rançon. 

L'expédition  du  comte  Pennazzi  est  heureusement  arrivée  à  Kas- 
sala,  d'où  elle  comptait  repartir  vers  la  fin  de  février  pour  remonter 
pendant  quelques  jours  le  Gasch,  jusque  sous  le  méridien  d'Alghedem,  et 
traverser  de  là  le  pays  inconnu  de  la  tribu  des  Basen  pour  rejoindre  le 
Bahr-Setit,  au  point  extrême  atteint  par  d'Abbadie  dans  sa  marche  de 
Gondar  vers  le  N.-O.  Cette  exploration  faite,  M.  Pennazzi  se  proposait 
de  prendre  une  route  S.-O.  vers  Galabat,  à  travers  les  forêts  vierges  de 
la  mahzaga  ou  kolla  d'Abyssinie.  S'il  rencontrait  trop  d'obstacles  dans 
cette  direction,  soit  par  suite  de  la  nature  du  terrain,  soit  par  le  fait  des 
bêtes  sauvages  qui  infestent  ces  lieux  déserts,  il  devait  descendre  le 
Bahr-el-Saiaam  jusqu'au  confluent  de  l'Atbara,  et  remonter  celui-ci 
jusqu'à  Galabat,  d'où,  par  le  Sennaheit,  l'expédition  reviendra  à  Mas- 
saoua.  Quoique  le  voyage  à  travers  le  pays  des  Basen  barbares  et  pil- 
lards soit  relativement  dangereux,  elle  espérait  pouvoir  le  parcourir 
sans  suites  fâcheuses,  grâce  aux  lettres  du  gouverneur  général  de  Kas- 
sala,  par  lesquelles  il  ordonnait  aux  chefs  de  tribus  de  fournir  aux  voya- 
geurs, contre  payement,  les  guides  et  les  chameaux  nécessaires  ;  il  avait 
en  outre  mis  à  leur  disposition  une  escorte  de  quatre  bachi-bozouks. 

Arrivé  à  Massaoua  vers  le  miUeu  de  février,  avec  le  personnel  de  la 
troisième  expédition  de  la  Société  milanaise  d'exploration  eu  Afiique, 
Bianehi  a  pu  organiser  très  rapidement  sa  caravane  pour  l'Ahy»- 
niiiiie,  le  gouverneur  de  Massaoua  ayant  donné  l'ordre  de  tenir  prêts 
à  cet  effet  une  quarantaine  de  chameaux.  Blanchi  a  en  outre  été  favorisé 
par  l'arrivée  des  gens  qui  l'avaient  servi  dans  son  expédition  précédente , 
et  qui,  informés  de  sa  venue,  lui  avaient  amené  d'Abyssinie  douze 
mulets  de  selle.  D  est  parti  pour  Aïlet,  oii  il  comptait  compléter  sa 
caravane,  mais  au  lieu  d'y  trouver  des  mulets,  il  a  dû  louer  des  bœufe 
poiu-  monter  jusqu'à  Adoua.  De  là  il  se  rendra  chez  les  Wollo  GaDa5» 
au  sud  de  l'Abyssinie,  oîi  le  roi  Jean  se  trouve  actuellement. 

Le  comte  P.  Anionelli  est  parti  d'Assab  pour  le  Choa,  après  avoir 
obtenu  du  sultan  Mohammed-ben-Anfari  le  passage  à  travers  le  terri- 
toire des  Aoussas,  à  la  condition  d'être  adopté  par  les  tribus  du  sultan. 


—  123  — 

Cette  adoption  a  lieu  au  moyen  d'une  incision  sur  le  bras  du  parent 
futur,  et  sur  celui  d'un  indigène  désigné  par  le  sultan,  après  quoi  ils  se 
sucent  réciproquement  la  plaie.  Cette  cérémonie  équivaut  à  celle  de 
réchange  du  sang  dans  l'Afrique  centrale.  Le  sultan  a  donné  en  outre 
une  garantie  certaine  de  sa  protection,  en  envoyant  à  Antonelli  son 
sceptre  ou  bâton  de  commandement,  respecté  à  l'égal  de  la  parole  du 
souverain.  Grâce  à  cette  bienveillance,  Antonelli  a  pu,  sous  la  conduite 
de  Bassito,'  son  frère  de  sang,  chargé  du  transport  et  de  la  surveillance 
des  bagages,  traverser  un  territoii'e  très  peu  hospitalier  jusqu'ici,  en 
recevant  partout  l'accueil  le  plus  sympathique.  La  route  suivie  passe  à 
l'ouest  du  mont  Mussali  (2062°');  escarpée  et  accidentée,  par  suite  des 
bouleversements  volcaniques,  elle  est  fatigante  pour  les  chameaux  ;  mais 
l'eau  y  abonde,  ainsi  que  les  pâturages.  Bassito  conduisit  d'abord  la 
caravane  d'Antonelli  à  sa  résidence  de  Madghul,  dans  une  vaUée  située 
enti-e  le  Mussali  et  les  monts  Wehema;  fermée  à  l'est,  elle  reçoit  les 
eaux  de  la  saison  des  pluies,  qui  y  forment  un  lac  de  5  kilom.  de  long 
sur  2  kilom.  de  large.  Le  terrain  d'alluvion  du  lit  de  ce  lac  serait  très 
productif  s'il  était  cultivé,  mais  les  Dauakils  estiment  que  travailler  à 
la  ten-e  c'est  se  dégrader  ;  aussi  se  contentent-ils  de  l'élève  du  bétail 
dans  leurs  gras  pâturages.  Le  climat  de  cette  région  est  salubre,  la 
température  modérée;  dès  lors,  Antonelli  croit  cette  route  pour  le  Choa 
de  beaucoup  préférable  à  celle  de  Zeïla  par  Harar.  Il  en  loue  surtout  la 
sécurité  ;  chameaux  et  mulets  sont  envoyés  au  pâtui*age  sans  gardiens. 
L'autorité  du  sultan  Mohammed-ben-Anfari  est  reconnue  et  respectée, 
tandis  que,  sur  la  route  de  Zeïla,  chaque  petit  chef  est  roi,  et,  suivant 
son  caprice,  protège  les  voyageurs  ou  les  fait  dépouiller.  Antonelli  s'est 
eflForcé,  sur  sa  route,  de  faire  comprendre  aux  populatipns  qu'accorder 
le  passage  aux  caravanes  pour  Assab  est  une  source  de  gain  qui  n'est 
pas  à  dédaigner,  et  à  les  rassurer  contre  l'appréhension  qu'elles  ont  de 
voir  les  Italiens  se  répandre  dans  l'intérieur  pour  occuper  ensuite  le 
pays  militairement.  Elles  ne  sont  pas  opposées  au  commerce,  mais  elles 
ont  besoin  d'être  persuadées  que,  par  la  prise  de  possession  d'Assab, 
ritalie  ne  s'est  proposé  que  la  protection  et  le  développement  du  com- 
merce, et  non  la  conquête  des  territoires  danakils.  Antonelli  n'était  pas 
parfaitement  sûr  de  l'accueil  que  le  sultan  ferait  à  sa  demande  de  lui 
présenter  lui-même  les  cadeaux  du  roi  d'Italie,  un  des  prêtres  de 
Mohammed-ben-Anfari  lui  ayant  prédit  que  le  jour  où  il  verrait  volon- 
tairement un  chrétien  blanc  il  mourrait.  C'est  pour  cette  raison  que 
jusqu'ici  il  n'a  jamais  voulu  admettre  aucun  Européen  en  sa  présence. 


—  124  — 

Outre  ces  données,  Antonelli  a  communiqué  à  la  Société  de  géo- 
graphie de  Rome  plusieurs  lettres  du  Choa  :  l'une,  de  l'interprète  indi- 
gène du  marquis  Antinori,  annonçant  qu'après  la  mort  de  son  maître, 
et  avec  l'aide  de  M.  Teyssier  et  du  D''  Alfieri,  il  a  numéroté  et  déposé 
dans  une  cabane,  dont  la  porte  a  été  fermée,  tout  ce  qui  appartenait  au 
défunt,  y  compris  ses  livres  et  ses  collections,  pour  être  remis  au  nou- 
veau chef  de  la  station  de  Let-Maréfia  ;  une  autre  lettre  écrite  en  ita- 
lien par  le  jeune  Nakeri,  indigène  auquel  Antinori  a  appris  à  lire  et  à 
écrire  et  qu'il  aimait  beaucoup.  Brave,  fidèle,  intelUgent,  il  adoucissait 
un  peu,  pour  le  pauvre  vieillard,  la  perte  de  sa  main  droite  ;  c'est  lui 
qui  a  fait  presque  toutes  les  collections  d'oiseaux  et  de  manmiifères  qui 
viendront  enrichir  le  musée  italien.  Attaché  à  Antinori  comme  un  fik  à 
son  père,  il  n'avait  d'autre  ambition  que  celle  de  venir  avec  son  maître 
en  Italie.  Il  écrit  de  Let-Maréfia  le  11  novembre  1882  : 

«  Cher  comte  Antonelli, 

«  Si  vous  venez  vite  j'en  aurai  un  grand  plaisir.  Depuis  la  mort  de 
M.  le  marquis,  je  suis  demeuré  comme  un  imbécile,  je  ne  puis  rien  faire; 
je  ne  peux  pas  même  aller  à  la  chasse.  Tout  est  fermé  ;  nous  sommes 
restés  bouche  béante.  Avant  votre  arrivée,  je  ne  peux  venir  avec  aucun 
manuscrit  ni  avec  les  collections.  Je  vous  salue,  —  Nakeri.  » 

Antonelli  a  encore  reçu  une  lettre  de  MénéUk,  lui  exprimant  la  joie 
qu'il  éprouve  de  son  prochain  retour,  et  une  de  Walde  Tzadebs  oflScier 
du  roi,  qui  lui  parle  du  mariage  de  la  fille  de  Ménélik  avec  le  fils  du 
négous,  et  lui  annonce  que  la  maison  de  Let-Maréfia  est  gardée  par  un 
soldat  du  roi,  que  tous  les  serviteurs  du  marquis  Antinori  sont  à  leur 
poste  comme  auparavant,  et  qu'U  est  attendu  avec  impatience. 

Soleillet  a  écrit  d'Ankoberà  M.  G.  Gravier,  président  de  la  Société 
normande  de  géographie,  qu'il  a  assisté  aux  fêtes  du  mariage  de  la  fille 
de  MénéUk.  Après  cela  il  est  allé  voir  Ras-Goubana,  qui  a  soumis  à  Méné- 
lik tous  les  pays  Gallas  jusqu'au  Kaffa.  Ce  dernier  royaume  fit  partie 
autrefois  de  l'empire  d'Abyssinie  ;  les  négous  y  résidèrent  à  plusieurs 
reprises;  de  nos  jours  il  n'a  été  visité  que  par  M.  Arnaud  d'Abbadie. 
Stecker,  que  Soleillet  a  rencontré  dans  le  pays  de  Iguen,  devait  s'y  ren- 
dre ;  il  a  adopté  la  coutume  abyssine  de  jeûner  le  mercredi  et  le  ven- 
dredi, et  porte  au  cou  une  croix  en  or  avec  le  cordon  chrétien  en  soie 
bleue.  Soleillet  a  été  bien  reçu  par  Ras-Goubana  qui  avait  chez  lui,  en 
villégiature,  M.  Éloi  Pineaud,  capitaine  au  long  cours,  au  service  de  la 
maison  Tramier  Lafage  et  C'*  de  Marseille.  Ras-Goubana  a  permis  à 


—  125  — 

Soleillet  de  voyager  dans  tout  le  territoire  où  il  commande,  mais  pas  au 
delà  du  Kaifa  où  son  autorité  n'est  pas  reconnue.  Les  lettres  venues  direc- 
tement du  Choa  ne  font  aucune  mention  d'un  projet  de  Ménélik  d'atta-  "* 
quer  le  Aoussa,  et  d'étendre  ses  états  jusqu'à  Tadjoura  et  à  Harar.  Cette 
nouvelle,  envoyée  de  Harar  par  M.  Sacconi  à  VEsploratore,  ne  repose 
vraisemblablement  sur  aucun  fondement. 

La  mission  française  au  Choa,  dirigée  par  M.  Brémond,  dont  nous 
avons  parlé  (p.  37  et  38),  est  envoyée  par  la  société  nouvelle  des  «  Facto- 
reries françaises  du  golfe  Persique  et  de  l'Afrique  orientale,  »  fondée  par 
M.  Denis  deRivoyre  avec  l'appui  de  M.  Pierson,  négociant.  Cette  société 
se  propose  de  nouer  des  relations  commerciales  avec  le  Choa  par  Obock, 
oïl  elle  a  installé  un  comptoir  dirigé  par  M.  Picard  qui  y  a  déjà  séjourné 
plusieurs  mois.  Les  indigènes  d'une  tribu  voisine  sont  venus  le  trouver, 
leur  chef  Diny  en  tête;  ils  se  sont  mis  à  sa  disposition,  et,  chose  rare 
pour  des  indigènes,  ils  se  sont  empressés  de  travailler,  sous  sa  direction, 
à  l'installation  matérielle  du  comptoir,  ainsi  qu'aux  réparations  des 
bâtiments  acquis  de  la  «  Société  franco-éthiopienne  »  qui  les  avait  aban- 
donnés après  le  meurtre  de  M.  Amoux.  Ils  apportent  déjà  des  peaux, 
des  plumes  d'autruche,  de  la  gomme,  etc.,  en  sorte  que  le  commerce 
d'échange  s'établira  facilement.  M.  Aubry,   ingénieur  des  mines  au 
service  de  la  nouvelle  société,  écrit  à  M.  Pierson  qu'il  a  fait  des 
sondages  à  l'effet  d'obtenir  de  l'eau  potable  pour  la  factorerie,  et  que 
son  opération  offre  toutes  chances  de  réussite,  des  nappes  d'eau  douce 
étant  répandues  sous  toute  la  contrée.  En  outre,  la  possession  d'Obock 
est  en  grande  partie  sur  des  bancs  de  coraux,  qui  forment  des  falai- 
ses, contiennent  beaucoup  de  coquillages  marins,  et  sont  composés 
essentiellement  de  carbonate  de  chaux.  De  la  sorte,  la  factorerie  aura 
sous  la  main  la  chaux  pour  les  constructions  et  l'eau  pour  l'aUmentation. 
Il  sera  facile  d'établir  à  Obock  un  dépôt  de  charbon  pour  les  vaisseaux 
firançais,  qui  pourront  s'y  approvisionner  d'eau  potable. 

La  Société  de  géographie  de  Marseille  a  reçu  de  Zanzibar  des  nou- 
velles des  expéditions  parties  de  la  côte  orientale.  Nous  extrayons  du 
Sémaphore  qui  les  a  publiées  ce  qui  nous  a  paru  le  plus  important. 
M.  Storms,  chef  de  la  dernière  des  expédition»  internationale!», 
est  parvenu  à  Karéma  en^trois  mois  et  demi;  c'est  le  plus  court  laps  de 
temps  employé  à  ce  parcours.  M.  Becker  est  revenu  à  Zanzibar. 
M.  Maluin  qui  devait  accompagner  M.  Storms  a  été  forcé  par  une  hépa- 
tite aiguë  de  revenir  en  Europe.  Le  sultan  Saïd-Bargasch  ne  voit  pas  de 
bon  œil  les  enrôlements  de  Zanzibarites  opérés  pour  le  compte  du  Comité 


—  126  — 

d'études  du  Haut-Congo.  Il  s'est  d'abord  opposé  à  ce  que  M.  le  capi- 
taine Cambier,  agent  de  l'Association  internationale  à  la  côte  orientale, 
engageât  les  derniers  porteurs  demandés  par  Stanley  ;  il  a  fallu  de  puis- 
santes interventions  pour  l'obliger  à  y  consentir,  et  encore  il  n'en  est 
parti  que  200,  au  lieu  de  400  que  cherchait  à  réunir  M.  Cambier.  En 
l'absence  de  celui-ci,  c'est  M.  Becker  qui  a  rempli  à  Zanzibar  les  fonc- 
tions d'agent  de  l'Association. 

M.  Bloyet,  chef  de  la  station  du  Comité  national  français»  a 
fait  visite  aux  missionnaires  anglais  de  Mamboya,  pour  obtenir  d'eux 
des  graines  de  différentes  sortes.  Sa  femme  a  été  gravement  atteinte 
par  la  fièvre  ;  actuellement  elle  en  est  remise. 

M.  Girauii,  paiti  de  Dar-es-Salam  le  10  décembre,  a  dû  renvoyer  à 
la  côte,  à  la  dix-septième  étape,  son  compagnon  de  voyage,  M.  Lapert, 
qui  souffrait  d'un  gonflement  énorme  à  la  tète,  pris  d'abord  pour  une 
hydropisie.  M.  Ledoulx,  consul  de  France  à  Zanzibar,  a  reçu  des  nou- 
velles de  M.  Gii-aud,  du  18  janvier,  de  Mgounda,  dernier  village  S.-O.  du 
Mkoutou,  par  7°  27'  lat.  S.  et  34**  33'  long.  E.  Vu  son  éloignement  de 
la  côte,  il  ne  poun*a  sans  doute  plus  envoyer  de  courrier  jusqu'à  son 
arrivée  à  Kai'éma,  où  il  comptait  s'arrêter  quelque  temps.  Un  bruit 
répandu  par  des  Arabes  a  fait  croire  un  moment  à  la  mort  violente  de 
l'explorateur  français,  mais,  d'après  les  indications  de  latitude  et  de 
longitude,  on  peut  espérer  que  cette  nouvelle  n'est  pas  fondée. 

M.  Hore,  de  la  station  des  missions  anglaises  d'Oudjidji,  a  dû  ren- 
voyer en  Europe  sa  femme  et  son  enfant,  pour  ne  pas  perdre  ce  dernier. 
Après  l'avoii*  remis  en  bonnes  mains.  M"*'  Hore  est  repartie  pour  rejoin- 
dre son  mari,  qui  doit  avoir  mis  à  flot,  sur  le  Tanganyika,  l'embarcation 
à  voiles  constmite  en  Angleterre  sur  ses  indications.  L'autre  bateau  à 
vapeur,  démonté  et  destiné  h  être  transporté  au  Tanganyika  par  le 
Chiré,  le  Nyassa  et  la  route  que  construit  M.  J.  Stewart,  est  arrivé  à 
Zanzibar.  —  Le  D'  Baxter,  de  la  station  missionnaii'e  de  Mpoua- 
poua,  a  fait  une  excursion  chez  les  Masaï.  —  M.  Révoîl  doit  avoir  ter- 
miné ses  préparatifs  de  départ  pour  l'intérieur.  Le  but  de  son  expédi- 
tion n'a  pas  encore  été  indiqué. 

Le  comité  de  la  mission  de  Living^stonia  a  pris  une. mesure  impor- 
tante pour  le  développement  de  l'institution  des  agents  missionnaires 
natife.  Il  a  décidé  de  faire  élever  à  Lovedale  quatre  jeunes  Cafres  chré- 
tiens, qui  se  consacreront  ensuite  à  l'évangélisation  et  à  l'éducation 
industrielle  de  leurs  compatriotes  dans  l'Afrique  centrale  orientale. 
D'après  des  lettres  du  D'  Laws,  de  Bandaoué,  le  lac  Nyassa  a  été  agité 


—  127  — 

par  de  violentes  tempêtes,  et  Vllala  a  été  très  exposé.  Les  mission- 
naii'es  ont  été  aussi  inquiets  par  suite  de  mouvements  des  Angones.  Un 
des  tils  de  Mombera  et  un  autre  chef  étant  morts,  la  cause  en  fut  attri- 
buée aux  Anglais  ;  le  poison  d'ordalie  fut  administré  à  deux  poules,  qui 
heureusement  le  vomirent,  sm-quoi  les  Anglais  furent  reconnus  innocents. 
Dès  lors  Mombera  s'est  montré  plus  amical  que  jamais. 

Laissant  aux  journaux  politiques  le  soin  de  renseigner  nos  lecteurs  sur 
ce  qui  a  rapport  aux  négociations  des  ambassadeurs  malgaches  à  Lon- 
dres, à  Washmgton  et  à  BerUn,  nous  nous  bornons,  en  ce  qui  concerne 
niadag^ascap,  à  ce  qui  appartient  plus  directement  à  l'exploration  et 
au  développement  de  la  civilisation  dans  cette  île.  M.  Cowan  qui  s'est 
déjà  fait  connaître  par  les  informations  qu'il  a  publiées  sur  Madagascar, 
après  y  avoir  fait  plusieurs  voyages,  se  propose  d'y  retourner  pour  en 
explorer  la  partie  méridionale  encore  peu  connue.  Il  consacrera  deux 
ans  à  ces  nouvelles  études,  en  commençant  à  Ambahy,  sur  la  côte  S.  E.  ; 
de  là  il  gagnera,  en  traversant  l'intérieur  de  l'île,  le  point  le  plus  méri- 
dional qu'il  ait  atteint  dans  un  précédent  voyage,  puis  il  poussera  au  sud- 
ouest  vers  la  contrée  habitée  par  la  tribu  des  Mahafalis  et  s'an*étera  à  la 
rivière  Anoulouhy.  De  là,  il  remontera  vers  le  Nord  à  travers  le  pays  des 
Sakalaves,  jusqu'à  Majanga.  Comme  il  sera  continuellement  en  rapport 
avec  les  indigènes,  et  rencontrera  dans  son  exploration  les  différentes 
formations  géologiques  de  l'île,  il  espère  obtenir,  de  son  nouveau  voyage, 
des  résultats  de  nature  à  faciliter  la  solution  de  problèmes  importants. 
Quant  au  développement  de  la  civilisation  à  Madagascar,  les  essais  faits 
poui*  y  implanter  l'industrie  du  sucre  réussissent,  et  cette  fabrication 
pourra  prendre  une  grande  extension,  lorsque  les  lois  foncières  malga- 
ches auront  été  réformées  dans  le  sens  de  la  liberté  d'achat  du  sol  par 
les  étrangers.  Un  correspondant  du  Standard  lui  donne  à  ce  sujet  les 
renseignements  suivants.  Deux  maisons  anglaises  et  deux  maisons 
créoles  de  Maurice  ont  créé,  non  loin  de  Tamatave,  des  exploitations  qui, 
l'année  dernière,  ont  exporté  5000  tonnes  de  sucre.  Le  sol  vierge  de  l'île 
a  une  couche  d'humus  de  2"  à  3",  et  n'a  pas  besoin  d'être  fumé  pour 
recevoir  des  plantations  de  cannes  ;  celles-ci  y  atteignent  de  6"  à  10"  de 
haut,  ce  qui  n'arrive  jamais  à  Maurice.  Le  correspondant  n'a  rien  vu 
non  plus  d'aussi  riche  dans  les  parties  les  plus  fertiles  de  l'Inde,  même 
dans  celles  où  l'irrigation  vient  en  aide  aux  efforts  de  la  nature  et  de 
rhomme  ;  à  Madagascar  la  pluie  suffit.  Il  n'y  a  pas  là  de  cyclones  comme 
à  Maurice,  où  tous  les  trois  ou  quatre  ans  un  de  ces  ouragans  tenibles 
balaie  le  sol,  et,  pour  deux  ou  trois  années  fait  sentir  ses  tristes  effets 


—  128  — 

sur  la  culture  des  cannes.  Pour  le  moment  le  travail  est  fait  par  des 
Malgaches,  de  beaucoup  supérieurs  aux  Zoulous  et  aux  Cafres;  à  Natal 
il  y  a  aussi  des  fabriques  de  sucre,  mais  les  ouvriers  sont  moins  bous 
que  les  coolies  de  l'Inde.  Le  correspondant  suggère  l'idée  de  faire 
venir  de  ces  derniers  à  Madagascar.  Quoique  le  Malgache  ne  coûte 
que  17  sheUings  par  mois,  travail  et  nourriture  compris,  et  que  Ton  eu 
paye  au  coolie  33  à  Maurice,  il  y  aurait  encore  une  économie  à  employer 
des  coolies,'  deux  de  ces  derniers  faisant  plus  de  travail  que  trois  Malga- 
ches, et  la  qualité  étant  supérieure.  En  outre,  il  n'y  a  pas  de  démarches 
préliminaires  à  faire  pour  amener  des  coolies  à  Madagascar,  ni  pour  les 
renvoyer  au  terme  de  leur  engagement  ;  aussi  les  regards  des  créoles  de 
la  Réunion  et  de  Maurice  se  tournent-ils  vers  cette  île,  où  ils  forment 
déjà  le  noyau  de  l'élément  étranger. 

M.  Wilcox,  missionnaire  américain  chez  les  Zoulous,  a  visité  Inh&m- 
bané,  dans  les  possessions  portugaises,  dans  l'intention  de  fonder  uiie 
mission  pour  les  indigènes  des  villages  situés  le  long  de  la  baie  du 
même  nom.  D  y  a  là  environ  10,000  habitants,  dont  les  plus  éloignés 
pourraient  être  atteints,  en  3  ou  4  heures.  L'entretien  de  la  station  coû- 
terait peu,  les  navires  pouvant  y  aborder;  le  travail  et  les  provisions, 
oranges,  citrons,  figues,  bananes,  maïs,  riz,  noix  de  coco,  patates  dou- 
ces, cannes  à  sucre  y  abondent;  les  ananas  sauvages  y  croissent  partout. 
La  population,  dont  le  noyau  est  formé  d'Amatongas,  est  sédentaire  et 
agricole;  l'instruction  des  enfants  serait  plus  facile  que  chez  les  Zoulous, 
où  beaucoup  d'enfants  sont  employés  à  la  garde  des  bestiaux.  Les  indi- 
gènes fabriquent  plusieurs  boissons  enivrantes,  entre  autres  une  eau-de 
vie  d'un  fruit  nommé  caju\  tous  les  trafiquants  vendent  surtout  du 
rhum  et  des  spiritueux,  et  cependant  ils  se  plaignent  que  les  natifs  sont 
paresseux  et  aiment  mieux  boire  que  travailler.  Quelques  Portugais 
étaient  favorablement  disposés  à  l'égard  de  M.  Wilcox  et  de  son  projet  ; 
ils  ont  besoin  d'instituteurs,  et,  le  gouvernement  n'en  envoyant  point,  ils 
seraient  heureux  de  voir  s'ouvrir  des  écoles  tenues  par  des  missionnai- 
res ;  mais  le  gouvernement  n'a  pas  voulu  autoriser  M.  Wilcox  à  fonder 
une  station. 

Les  missionnaires  du  Transvaal  se  sont  émus  de  la  position  faite 
aux  missions  établies  dans  ce  pays  par  une  loi  nouvelle,  en  opposition 
à  la  convention  passée  avec  le  gouvernement  anglais,  d'après  laquelle 
entière  Uberté  de  religion  doit  être  accordée  à  tous,  ainsi  que  protection 
contre  toute  vexation.  Une  commission  a  été  nommée  pour  inspecter, 
au  nom  du  Volksraad,  toutes  les  stations  missionnaires,  pour  savoir  ce 


—  129  — 

qu'où  y  enseigne,  et  limiter  les  droits  des  missionuaii-es  sur  leurs  égli- 
ses; on  exige  qu'ils  remettent  la  liste  complète  des  noms  des  membres 
ot  des  catéchumènes  de  leurs  communautés.  Le  missionnaire  doit  indi- 
quer le  salaire  de  ses  catéchistes  et  le  sien  propre  ;  il  devra  enseigner 
dans  la  langue  des  Boers  à  l'école  ;  aucun  missionnaire  étranger  ne 
pourra  fonder  de  nouvelles  stations.  —  M.  Creux,  de  la  station  d'Élim, 
dans  les  Spelonken,  écrit  à  la  Commission  de  l'Église  libre  vaudoise,  que, 
pour  la  population  noii*e  et  blanche,  il  y  aurait  grand  avantage  à  ce  que 
la  mission  pût  enseigner  aux  noii-s  des  métiers,  et  procurer  aux  blancs 
des  légumes,  de  la  faiine  et  des  denrées.  En  réponse  à  ce  désir,  M.  le 
missionnaire  P.  Berthoud,  revenu  en  Suisse  pour  cause  de  santé,  a  pro- 
voqué la  fondation  d'une  société  industrielle,  auxiliaire  de  la  mission 
vaudoise,  dont  les  opérations  consisteraient  surtout  dans  une  exploita- 
tion à  entreprendre  dans  les  Spelonken,  en  vue  de  développer  les  res- 
sources du  pays  et  de  le  civiliser,  tout  en  soutenant  l'œuvre  mission- 
naire. Un  agent  chargé  de  faire  une  expertise  partira  très  prochaine- 
ment. En  même  temps  M.  Berthoud  enseigne  la  langue  sigwamba  aux 
élèves  qui  se  préparent  à  aller  renforcer  la  mission  vaudoise  ;  la  Com- 
mission vient  d'en  faire  autographier  les  éléments,  préliminaires  d'un 
travail  beaucoup  plus  étendu  que  prépare  M.  Berthoud  sur  les  langues 
des  Bantous.  M.  et  M"**  Jacques  et  M.  Mingard  sont  heureusement 
aiiivés  aux  Spelonken. 

Le  département  des  mines  de  Matai  a  publié,  avec  cartes  d'ensem- 
ble et  cartes  spéciales,  profils  géologiques  et  tracés  de  chemins  de  fer, 
le  rapport  de  M.  F.  W.  North  sur  les  fl^iseineiite  hoaillers  de  cette 
colonie.  Ils  se  trouvent  très  étendus,  surtout  dans  le  comté  de  Klip 
River,,  dans  la  partie  septentrionale  de  la  colonie,  près  de  Newcastle;  en 
quantité  moins  considérable  aux  sources  de  l'Oumwoti  et  sur  une  bande 
au  bord  de  la  mer,  de  la  Tugela  jusque  près  de  Durban.  Il  ressort  de  ce 
rapport  qu'il  existe  dans  le  comté  de  Klip  River  des  charbons  de  diffé- 
rentes qualités,  en  couches  exploitables  de  1  à  3  mètres  d'épaisseur,  et 
pouvant  être  employés,  soit  pour  le  chauffage  des  locomotives,  soit  pour 
la  préparation  du  gaz;  que  la  superficie  de  ces  gisements  est  de  1350 
milles  carrés,  contenant  plus  de  deux  milliards  de  tonnes  de  charbon. 
Une  grande  partie  de  ces  houillères  se  trouvent  sur  des  terres  de  la  cou- 
ronne, ou  sui*  des  propriétés  privées,  sur  lesquelles  le  gouvernement  s'est 
réservé  le  droit  de  les  exploiter;  mais  pour  que  l'exploitation  en  soit 
lucrative  il  est  absolument  nécessaire  de  créer  des  communications  par 
voies  ferrées. 


—  130  — 

Le  D' Holub  compte  partir  pour  T Afrique  australe  à  la  tin  de  mai  ; 

pour  le  moment,  il  termine  à  l'Institut  militaire  géographique  de  Vienne 
les  études  nécessaires  pour  acquérir  la  connaissance  pratique  des  obser- 
vations scientifiques.  Son  expédition  prendra  le  nom  d'Expédition  austro- 
hongroise.  Dans  une  conférence  qu'il  a  donnée  à  Vienne  le  20  mars,  il  a 
engagé  ses  compatriotes  à  se  rendre  dans  le  sud  de  l'Afrique  comme 
colons.  D  essaiera  de  diriger  vers  les  territoires  des  Betchouanas  les  émi- 
grants  autrichiens  qui  aujourd'hui  se  rendent  en  Amérique.  Il  fera  avec 
les  chefe  des  contrats  pour  obtenu*,  en  propriété  ou  à  bail,  des  terres 
dans  des  contrées  fertiles  et  salubres,  pour  y  installer  des  agriculteurs 
laborieux  et  des  artisans  actifs  ;  chaque  colonie  aurait  son  comité  élu 
par  elle,  et  ne  devrait  pas  compter  plus  de  200  familles  ;  peu  à  peu  ces 
établissements  pourraient  former  une  chaîne  du  sud  au  nord,  jusqu'au 
Zambèze,  par  lequel  ils  pourraient  se  mettre  en  communication  avec 
l'Océan  indien. 

En  présence  des  intérêts  différents  du  Portugal,  de  la  France,  de 
l'Angleterre,  de  la  Hollande,  de  l'Allemagne  et  des  États-Unis,  dans  les 
territoires  du  cours  inférieur  du  Cong^o,  il  semble  de  plus  en  plus 
lU'gent  que  la  question  de  la  navigation  de  ce  fleuve  soit  traitée  dans 
une  réunion  spéciale  de  délégués  des  puissances  susnommées.  Le  Vati- 
can lui-même  se  trouve  en  conflit  avec  le  Portugal,  à  l'occasion  de  la 
juridiction  spirituelle  qu'il  a  accordée  au  cardinal  Lavigerie,  le  promo- 
teur des  missions  d'Afrique,  sur  les  stations  qu'il  a  fondées  dans  l'Afri- 
que équatoriale  et  sur  les  territoires  qui  les  avoisinent.  Nos  lecteurs 
sont  suflftsamment  renseignés  par  les  journaux  politiques  sur  les  pré- 
tentions des  puissances  ;  nous  pouvons  donc  nous  en  tenir  aux  faits  nou- 
veaux concernant  l'exploration  et  la  civilisation  de  cette  région.  —  Men- 
tionnons d'abord  le  départ  d'une  nouvelle  expédition,  pour  le  compte 
du  Comité  d'études  du  Haut  Congo,  sous  la  direction  de  M.  Théodore 
Westmar,  attaché  au  consulat  général  de  Suède  et  Norwège  à  Bruxel- 
les, accompagné  de  M.  Sundvalson,  officier  dans  la  marine  marchande 
suédoise,  et  de  M.  Waverings,  sous-officier  dans  l'armée  belge.  —  Puis, 
la  formation  à  Londres  d'une  société  commerciale,  la  «  Congo  and  cen- 
tral African  Company  »,  pour  exploiter  la  côte  occidentale  d'Afrique  et  les 
territoires  que  traverse  la  route  de  Stanley.  —  Quant  à  l'œuvre  de  Stan- 
ley, les  dernières  nouvelles  communiquées  à  V African  Tinies  nous  ont 
appris  que  l'on  fait  à  Vivi  de  grands  préparatifs  pour  la  construction 
d'un  chemin  de  fer,  système  Decauville,  destiné  à  relier  cette  station 
située  sur  la  hauteur,  à  plus  d'un  kilomètre  du  Congo,  avec  les  bords  du 


—  131  — 

fleuve  où  abordent  toutes  les  provisions  et  le  matériel  des  expéditions 
dont  elle  est  le  dépôt  général.  Une  nouvelle  station  créée  à  Bolobo,  à 
1100  kilomètres  delà  côte,  est  venue  s'ajouter  aux  Six  qui  existaient  déjà 
à  Vivi,  Isanghila,  Manyanga,  Lutété  (Ngombi),  Stanley  Pool  (Léopold- 
ville)  et  Ibaka.  Quatre  petits  vapeurs  ont  été  envoyés  au  Congo,  dont 
trois  étaient  déjà  à  flot,  et  le  quatrième  était  transporté  par  sections,  de 
Manyanga  à  Stanley  Pool.  Les  stations  anciennes  exercent  déjà  leur 
influence  civilisatrice  sur  les  indigènes  du  voisinage.  A  Vivi  on  a  intro- 
duit des  bêtes  à  cornes,  inconnues  jusqu'ici  dans  la  contrée;  à  Léopold- 
ville  on  s'occupe  beaucoup  d'agriculture;  des  essais  ont  été  faits  pour 
y  introduire  les  légumes  d'Europe,  et  ils  ont  réussi  ;  on  a  été  moins  heu- 
reux avec  les  ponmies  de  terre.  Enfin,  la  station  de  Bolobo  a  été  fondée 
au  milieu  d'un  pays  fertile  et  très  peuplé.  Stanley  se  hâte  d'en  créer  de 
nouvelles  pour  assurer,  par  des  contrats  avec  les  chefs  indigènes,  le  droit 
de  route  et  les  positions  les  plus  favorables  à  ses  établissements.  —  Les 
missionnaires  romains  ne  se  hâtent  pas  moins.  Le  cardinal  Lavigerie  a 
envoyé  les  PP.  Guyot  et  Baudonnet  au  Congo,  pour  explorer  le  coui*s 
du  fleuve,  de  Stanley  Pool  à  Nyangoué,  afin  d'y  préparer  l'établis- 
sement de  deux  stations  nouvelles.  Les  missionnaires  d'Alger  sont  déjà 
établis  dans  lé  Massanzé,  à  l'ouest  du  Tanganyika.  Une  caravane  en  est 
partie  il  y  a  quelques  mois  pour  descendre  le  Congo,  mais  eUe  a  été 
détruite  par  des  nègres  pillards  ;  aussi  le  cardinal  Lavigerie  a-t-il  résolu 
de  faire  prendre  désormais  à  ses  missionnaires  du  Haut  Congo  la  route  de 
l'ouest,  au  lieu  de  celle  de  Zanzibar.  —  Mais,  à  mesure  que  la  navigation 
à  vapeur  s'établit  sur  le  cours  moyen  du  fleuve*,  et  que  des  stations  mis- 
sionnaires y  sont  créées,  il  importe  que  la  civilisation  portée  aux  indigè- 
nes soit  protégée  contre  le  danger  d'être  ruinée  par  le  trafic  de  gin  et 
de  rhum  des  marchands  européens.  Nous  espérons  que  ceux  qui  aiu*out 
à  régler  la  question  de  la  liberté  commerciale  et  religieuse  dans  cette 
région,  sauront  prendre  les  mesures  nécessaires  pour  assurer  aux  indigè- 
nes les  bienfaits  de  notre  civilisation,  sans  les  exposer  à  ses  inconvénients: 
Nous  espérons  aussi  que,  malgré  les  provisions  d'armes  dont  sont  pom-- 
vues  les  expéditions  de  Stanley  et  de  Brazza,  la  concurrence  que  se  font 
les  deux  explorateurs  conservera  un  caractère  pacifique. 

Il  est  vrai  qu'une  partie  de  l'avant-garde  de  l'expédition  de  Brazxa, 
arrivée  à  Libreville,  au  Gabon,  à  la  fin  de  janvier,  prévoyait,  en  par- 

*  Au  dernier  moment  nous  apprenons  que  les  Hollandais  on  fait  construire  à 
Londres  trois  chaloupes  démontables  pour  le  Congo. 


—  132  — 

tant  pour  le  Haut-Ogôoué,  des  difficultés  de  la  part  des  Pahouins  des 
bords  du  fleuve,  irrités  contre  les  blancs  à  l'occasion  d'attaques  surve- 
nues depuis  le  départ  de  Brazza  pour  l'Europe.  Après  de  longs  pré- 
paratifs, celui-ci  est  reparti  pour  reprendre  son  exploration  au  point 
où  il  l'avait  laissée,  et  assurer,  par  la  fondation  de  stations  et  de  postes, 
le  parcours  des  deux  voie^  qu'il  a  suivies,  l'Ogôoué  et  le  Niari(Quillou). 
Les  établissements  de  cette  dernière  vallée  devaient,  dans  le  plan  pri- 
mitif de  Brazza,  être  reliés  à  l'Atlantique  par  deux  stations  de  premier 
oj'dre  à  fonder  à  la  côte,  à  Mayombé  et  Punta-Negra  ',  non  loin  du 
point  oîi  le  Quillou  débouche  dans  l'Océan  et  au  nord  du  5°  12,  par  con- 
séquent en  dehors  des  limites  du  territoire  réclamé  par  le  gouvernement 
portugais.  C'est  sans  doute  en  exécution  de  ce  plan,  qu'une  autre  partie 
de  l 'avant-garde  de  Brazza  a  débarqué  à  Punta-Negra,  ce  qui  a  amené  la 
protestation  du  commandant  portugais  de  la  canonnière  jBen^o,  dont  ont 
parlé  les  journaux  politiques,  et  l'envoi  dans  ces  parages  de  vaisseaux 
anglais  et  portugais.  Il  ne  paraît  pas  que  le  gouvernement  britannique 
veuille  tenir  compte  de  l'opposition  des  chambres  de  commerce,  ni  de  celle 
des  sociétés  philanthropiques  et  missionnaires  de  l'Angleterre,  à  la  con- 
clusion d'un  traité  reconnaissant  les  droits  du  Portugal  dans  le  district 
du  Congo.  S'il  faut  en  croire  une  dépèche  de  Londres  à  la  Correspondance 
politique,  l'an-angement  est  déjà  conclu,  et  le  traité  sera  avant  peu  sou- 
mis aux  Chambres. 

Depuis  un  certain  temps,  le  gouvernement  colonial  anglais  se  préoc- 
cupe sérieusement  de  la  question  de  l'établissement  d'une  route  ou 
d'une  voie  ferrée,  reliant  ses  possessions  de  la  Côte  d'Or  avec  l'inté- 
rieur. Divers  motife  l'ont  déterminé  à  adopter  le  tracé  de  Cape  Coast 
Castle  à  Denkera,  au  sud  du  pays  des  Achantis,  dont  le  roi  Mensah 
vient  de  donner  sa  démission  ;  une  députation  chargée  d'en  informer  offi- 
ciellement le  gouverneur.  Sir  Samuel  Rowe,  est  en  route  pour  la  côte. 
Les  exploitations  minières  et  les  établissements  européens  à  Wassaw 
pourront  en  retirer  de  grands  avantages,  si  le  gouvernement  colonial 
en  profite  pour  hâter  l'exécution  de  son  projet;  la  voie  ferrée,  partant  de 
Cape  Coast  Castle,  traverserait  les  districts  aurifères  de  Taquah  et 
d'Abosso. 

D'autre  part,  M.  A.  Verdier,  résident  de  France  à  Assinie  et  Grava 
BaHsam,  qui  possède  déjà  de  grands  établissements  sur  ces  deux  points 
de  la  côte,  se  propose  d'établir  des  relations  commerciales  avec  Coa- 

*  Voir  p.  42. 


—  133  — 

maMsie,  au  moyen  de  quelques  postes  de  commerce  écheloimés  sur  la 
route  qui  mène  d'Assiuie  au  pays  des  Achantis.  Les  Séfiiis,  autrefois  tri- 
butaires des  Achantis,  mais,  depuis4a  guerre  de  1873,  indépendants  et 
reconnus  comme  tels  par  les  Anglais,  pourraient  susciter  des  obstacles  à 
ce  projet  ;  toutefois  on  espère  qu'il  n'en  sera  rien.  M.  Brun,  résident 
français  à  Elmina,  qui,  l'année  dernière,  a  fait  un  voyage  à  Coumassie 
et  a  noué  de  bons  rapports  avec  les  chefe  du  pays,  dit  qu'il  est  facile 
d'obtenir  d'eux  toutes  les  concessions  désirables.  Coumassie  pourrait 
devenir  un  entrepôt  central,  d'où  les  relations  s'étendraient,  soit  du  côté 
du  Soudan  en  traversant  les  monts  de  Kong,  soit  vers  Salaga,  à  dix 
jours  au  N.-E.  de  Coumassie,  point  très  important  pour  les  caravanes 
de  l'intérieur  qui  s'y  réunissent.  Trois  jeunes  français,  MM.  Prost,  Lan- 
chler  et  Veuve,  encouragés  par  M.  Brun,  ont  résolu  d'aller  se  fixer  h 
Coumassie,  emportant  avec  eux  une  forte  pacotille  commerciale  et  indus- 
trielle. Ils  ont  en  outre  appris  des  professions  manuelles  qu'ils  se  propo- 
sent d'enseigner  aux  indigènes  :  M.  Prost,  l'art  de  fabriquer  des  briques 
et  des  tuiles  et  de  les  durcir  par  la  cuisson  ;  M.  Lanchier,  l'art  de  distil- 
ler, et  de  fabriquer  de  l'alcool  ;  M.  Veuve,  l'art  de  manier  les  outils 
employés  dans  la  grande  et  dans  la  petite  industrie  des  métaux. 
M.  Brun  leur  facilitera  l'entrée  dans  la  ville  de  Coumassie.  Ils  trouve- 
ront à  Elmina  des  porteiu*s  achantis  commandés  par  un  officier  du  roi, 
qui  les  introduiront  dans  la  capitale.  Le  roi  a  promis  à  M.  Brun  de  bien 
recevoir  ceux  de  ses  compatriotes  qui  viendraient  enseigner  à  son  peuple 
quelque  chose  des  arts  industriels  européens.— M.  Brun  a  appris  que,  dans 
les  endroits  les  moins  fréquentés  des  monts  de  Kong,  se  trouvent  des 
blancs  qui  ne  vivent  qu'entre  eux  et  dont  l'origine  est  inconnue  ;  on  sup- 
pose qu'ils  viennent  du  nord  de  l'Afrique,  d'oU  ils  auraient  été  chassés 
par  les  Arabes  à  l'époque  de  leur  grande  invasion. 

Un  chef  indigène  nommé  Nippy,  qui  habite  à  l'Est  de  la  rivière  San- 
quin,  entre  les  comtés  de  Bassa  et  de  Sinoe,  et  dont  le  territoh'e  s'étend 
jusqu'à  la  baie  de  Baflfoo,  dans  la  partie  orientale  de  la  répubUque  de 
Liibéria,  s^est  adressé  à  M.  Roberts,  sénateur,  pour  le  prier  de  deman- 
der à  «  r American  colonisation  Society,  »  de  lui  envoyer  un  pasteur, 
un  instituteur  et  des  colons.  «  Mon  pays  est  beau,  »  dit-il,  «  bien  boisé, 
riche  en  arbres  à  caoutchouc;  la  rivière  est  très  poissonneuse  ;  mes  bes- 
tiaux prospèrent;  il  n'y  a  pas  dans  le  voisinage  de  tribus  belliqueuses 
pour  me  tourmenter.  Je  ne  voudrais  pas  mourir  avant  d'avoir  vu  ériger 
ici  un  temple  et  une  école  pour  mes  enfants.  Je  voudrais  qu'il  vînt  ici  des 
émigrants  ;  je  suis  convaincu  que  les  nègres  d'Amérique  sontmes  frères.» 


—  134  — 

M.  Roberts,  en  appuyant  cette  demande,  ajoute  qu'aucune  partie  de 
Libéria  n'est  plus  salubre  ;  le  sol  en  est  fertile,  le  café  y  est  indigène,  le 
caoutchouc  y  abonde,  le  riz,  la  canne  à  sucre,  toutes  les  plantes  des  tro- 
piques y  croîtraient  parfaitement.  La  baie  de  BaflFoo  forme  un  port  excel- 
lent ;  ce  serait  même  le  meilleur  point  de  la  côte  pour  y  établir  un  chan- 
tier de  construction  de  navires.  M.  Roberts  propose  de  donner  le  nom 
de  Lincolnville  à  la  future  colonie.  —  Pendant  l'année  dernière  le 
commerce  de  Libéria  s'est  étendu  à  l'intérieur  et  développé  le  long 
des  côtes  :  une  maison  américaine  a  établi  d^s  agences  de  Robertspoit 
à  Harper  ;  une  maison  hollandaise  en  a  créé  à  Manna,  un  des  territoires 
de  la  république  au  N.  0.  Trois  nouveaux  ports  ont  été  ouverts  au  com- 
merce, ce  qui  porte  à  neuf  le  nombre  de  ceux  où  les  étrangers  n'ont 
aucun  droit  à  payer.  Une  loi  a  été  votée  par  le  sénat,  autorisant  l'établis- 
sement d'une  ligne  télégraphique  de  Monrovia  à  Harper,  et  garantissant 
aux  employés  anglais  des  stations  intermédiaires  la  protection  du  gou- 
vernement. On  a  fait  beaucoup  aussi  pour  s'opposer  à  l'intempérance  ; 
un  certain  nombre  de  groupes  d'abstinents  se  sont  formés,  pour  lutter 
par  tous  les  moyens  légaux  contre  la  fabrication,  la  vente  et  l'usage  des 
liqueurs  fortes  comme  boissons,  dans  le  territoh*e  de  la  république.  —  Deux 
pasteurs  américains,  MM.  Stewart  etBrowne,  qui  ont  accepté  des  places 
au  collège  de  Libéria,  ont  été  chargés  d'accompagner  en  Angleterre,  en 
France  et  en  Allemagne, le  jeune  prince  Ulysse  Parcoulo,âgé  de  16  ans, 
qui  doit  être  investi  du  gouvernement  du  Pessah^au  N.-O.  de  Libéria. 
Il  avait  été  conduit  en  Amérique  par  un  riche  Libérien,  qui  est  mort  il  y 
a  peu  de  temps.  Il  a  promptement  acquis  de  l'instruction,  et  se  vouera 
h  la  civilisation  de  sa  tribu.  —  Il  s'est  formé  à  Saint-Paul,  dans  le  Minne- 
sota, sous  le  nom  de  «  Libéria  Educational  Aid  Society,  »  une  société 
qui  a  pour  but  de  soutenir  les  fils  des  chefs  natifs  pendant  leurs  études 
au  collège  de  Libéria. 

Le  Sénat  de  la  république  française  sera  prochainement  appelé  à  voter 
sur  le  projet  de  loi  relatif  aux  limites  des  possessions  de  la  France 
et  de  l'Angleterre  dans  la  partie  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  qui 
s'étend  de  Sierra  Leone  au  Rio  IVuneas.  La  convention  rédi- 
gée par  les  délégués  des  deux  états  a  établi,  entre  les  bassins  des 
rivières  Mellacorée  et  Scarcies,  une  ligne  de  démarcation  qui  assure  à 
l'Angleterre  le  contrôle  complet  des  Scarcies,  et  à  la  France  celui  de  la 
Mellacorée.  En  outre,  l'Angleterre  reconnaît  à  la  France  la  possession  de 
l'île  de  Matakong  et  des  îles  au  nord  de  la  dite  ligne  de  démarcation,  à 
l'exception  des  îles  de  Los  qui  continuent  d'appartenir  à  l'Angleterre, 


—  135  — 

ainsi  que  celle  de  Yellaboy  et  les  autres  de  la  côte  jusqu'à  Sierra 
Leone.  Les  deux  gouvernements  s'engagent  réciproquement  à  s'abstenir 
d'occuper  aucun  territoire,  d'exercer  ou  de  favoriser  l'exercice  de  leur 
influence  politique  au  delà  de  la  ligne  de  démarcation  sus-mentionnée. 
La  Chambre  des  députés  a  déjà  adopté  cette  convention,  qui  mettra  un 
terme  aux  nombreuses  contestations  soulevées  quant  à  la  souveraineté 
de  tel  ou  tel  point  de  cette  partie  de  la  côte. 

Le  capitaine  Delanneau,  chargé  par  le  colonel  Borguis-Desbordes 
d'une  mieision  topog^paphique  dans  le  bassin  du  Badingho.  a 
envoyé  à  son  chef  un  rapport  d'oii  nous  extrayons  les  renseignements 
suivants,  relatifs  à  l'orogi'aphie  et  à  l'hydrographie  de  cette  région. 
Quoiqu'elle  soit  montagneuse  les  mouvements  de  terrain  sont  peu  accen- 
tués ;  les  sommités  sont  arrondies  ;  les  vallées  larges  sont  arrosées  par 
des  ruisseaux  ou  des  rivièi-es,  qui,  à  l'altitude  de  400""  environ,  acquiè- 
rent de  l'importance.  Ce  ne  sont  plus  des  marigots,  desséchés  quinze 
jours  après  l'hivernage;  une  eau  courante  y  entretient  une  belle  végéta- 
tion arborescente,  mais  les  diflicultés  du  passage  augmentent  d'autant. 
On  peut  en  conclure  que  les  grands  fleuves  du  pays,  le  Bakhoy,  le 
Baoulé,  le  Badingho  et  le  Sénégal,  sont  alimentés  par  des  affluents  qu'ils 
reçoivent  dans  la  partie  supérieure  de  leur  cours,  tandis  que  dans  leur 
cours  moyen  ou  inférieur  ils  ne  reçoivent  que  peu  ou  même  pas  de  tribu- 
taires. Le  capitaine  Delanneau  a  relevé  deux  passages  diflSciles  :  celui 
du  Badingho,  qui  coule  au  nord  de  Bintandian,  où  il  forme  un  vaste 
marécage  que  les  animaux,  même  déchargés,  ont  de  la  peine  à  traver- 
ser; cependant  l'eau  s'évapore  dans  la  saison  sèche;  et  celui  de  la  mon- 
tagne entre  Bintandian  et  Baiandougou,  dont  les  pentes  sont  rapides  et 
rocheuses;  toutefois  la  difficulté  n'en  est  pas  insurmontable. 

Le  docteur  Bayol  n'a  pas  pu  pénétrer  dans  le  Kaartn,  dont  le  chef 
de  Kouniakary  lui  a  refusé  l'entrée.  Parti  de  Bafoulabé  le  15  janvier,  il 
parcourut  d'abord  le  Khasso  oriental  et  le  Tomara»  où  il  fit  une 
riche  collection  de  roches,  de  bois  et  d'oiseaux.  Arrivé  à  Touba,  capitale 
du  pays,  le  chef  toucouleur  de  Diala  l'obligea  à  rebrousser  chemin  vers 
Bafoulabé.  Son  excursion  n'aura  cependant  pas  été  inutile  pour  la  géo- 
graphie. Il  a  pu  relever  exactement  71  kilom.  d'un  pays  inexploré  et  très 
montagneux,  et  faire  une  collection  minéralogique  complète.  Il  a  trouvé 
dans  le  lit  du  Ganboma,  grande  rivière  venant  de  Dialafara,  une  roche 
métallifère  blanche,  sur  laquelle  il  n'ose  pas  se  prononcer.  La  flore  est 
belle,  il  a  traversé  une  forêt  d'ébéniers  du  Sénégal  de  10  kilom.  d'éten- 
due. Les  oiseaux  ont  un  plumage  magnifique  ;  les  antilopes,  les  lions,  les 


—  136  — 

panthères  sont  les  hôtes  des  forêts  d'acacias  épineux  et  de  callcédrats 
qui  couvrent  le  pays.  Sa  collection  de  bois  comprend  45  espèces  différen- 
tes; celle  d'oiseaux  150  espèces.  Si  la  position  du  Eaarta  ne  s'améliore 
pas,  il  reviendra  en  France. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Un  projet  de  loi,  affectant  50  millions  de  francs  à  l'achat  de  terrains  pour  la 
création  de  200  nouveaux  villages  en  Algérie,  sera  présenté  aux  Chambres  fran- 
çaises à  la  reprise  de  leur  session. 

M.  Yves  Guyot,  membre  du  Conseil  municipal  de  Paris,  et  M.  Bruière,  fonction- 
naire supérieur  de  l'assistance  publique,  se  sont  rendus  en  Algérie  pour  y  étudier 
les  conditions  d'installation  de  colonies  agricoles,  à  l'usage  des  enfants  assistés  du 
département  de  la  Seine. 

Le  conseil  général  de  Constantine  a  émis  le  vœu  que  le  chemin  de  fer  de 
Biskra  à  Touggourt,  première  section  de  la  ligne  Biskra-Ouargla,  soit  exécuté 
dans  le  plus  bref  délai;  la  longueur  de  cette  section  serait  de  210  kilomètres 
environ.  ' 

On  a  commencé  cette  année  à  creuser  des  puits  dans  l'Oued  Mya,  aux  environs 
d'Ouargla,  et  cet  essai  a  bien  réussi  ;  aussi  songe-t-on  à  coloniser  cette  vallée.  — 
M.  Tarry,  qui  a  déjà  exploré  cette  région,  va  de  nouveau  entreprendre  un  voyage 
dans  le  sud  pour  y  créer,  dans  le  Sahara,  des  pépinières  qui  permettent  de  recon- 
stituer les  massifs  boisés  de  ces  contrées,  et  de  régulariser  les  cours  d'eau  des 
ouadi  Mya,  Igharghar,  Djeddi,  Mzab  et  Nça. 

M.  Bourlier,  envoyé  en  mission  à  Ouargla,  a  fourni  à  M.  le  gouverneur  général 
de  l'Algérie  d'utiles  renseignements  sur  l'état  des  populations  du  sud  :  les  Touaregs 
d'Insalah  sont  en  guerre  avec  ceux  qui  campent  au  delà  du  Hoggar  et  qui,  alliés 
aux  habitants  du  Fezzan,  marchent  sur  Insalah.  C'est  sans  doute  à  ces  hostilités 
qu'il  faut  attribuer  le  retour  à  Biskra  de  M.  Foureau,  qui  était  parti  pour  un 
voyage  dans  l'intérieur  de  l'Afrique. 

Une  compagnie  franco-anglaise  s'est  constituée  pour  explorer  de  vastes  étendues 
de  terrains  à  alfa,  dont  elle  a  obtenu  la  concession,  près  de  Gabès. 

Une  nouvelle  mission  hydrographique,  dirigée  par  M.  l'ingénieur  Manem,  a  été 
envoyée  par  M.  le  ministre  de  la  marine  sur  les  côtes  de  Tunisie. 

Il  s'est  fondé  à  Naples  un  «  Comité  italien  pour  la  Tripolitaine,  »  où  il  se  pro- 
pose de  provoquer  et  d'encourager  les  établissements  italiens,  en  même  temps  qu'il 
étudiera  tout  ce  qui  pourra  contribuer  au  développement  des  relations  entre  ce 
pays  et  l'Italie.  Il  a  aussi  l'intention  d'y  créer  des  stations  scientifiques  et  indus- 
trielles, et  de  populariser  la  connaissance  de  tout  ce  qui  concerne  cette  région. 

L'uléma  turc  Ahmed  Tewfik  Effendi,  devenu  chrétien,  a  été  envoyé  au  Caîrey 
pour  y  travailler  parmi  les  mahométans  sous  la  direction  du  missionnaire  Klein. 


—  137  — 

Le  khédive  a  donné  à  miss  Whately  du  terrain  à  bâtir,  pour  ses  écoles  du  Caire, 
qui  comptent  200  filles  et  300  garçons;  plus  des  deux  tiers  des  filles  et  la  moitié 
des  garçons  sont  musulmans. 

Le  DaUy-Netos  annonce  que  le  gouvernement  égyptien  a  décidé  d'envoyer  au 
Soudan  un  ingénieur,  pour  examiner  un  projet  de  cliemin  de  fer  de  Ehartoum  à 
Souakim. 

Mgr.  L.  de  Gonzague-Lasserre,  coadjuteur  du  vicaire  apostolique  des  G  allas, 
Mgr.  Taurin,  n'ayant  pu  obtenir  du  gouverneur  égyptien  de  Harar  l'autorisation 
de  fonder  des  établissements  dans  les  pays  gallas  limitrophes,  a  été  envoyé  avec 
quelques  missionnaires  au  Choa,  pour  chercher  à  ouvrir  une  mission  chez  les 
Gallas  du  voisinage. 

Les  deux  expéditions  du  D' Fischer  et  de  J.  Thomson,  pour  le  Kilimandjaro  et 
le  Kénia,  ont  eu  de  la  peine  à  se  procurer  le  nombre  nécessaire  de  porteurs. 
Thomson  a  quitté  Mombas  le  10  mars,  après  avoir  réussi  à  engager  Manya  Sera, 
l'ancien  chef-porteur  de  Stanley.  Le  D'^  Fischer  était  parti  peu  auparavant. 

Le  Henry  Wright,  destiné  à  la  mission  de  Frère  Town  et  aux  stations  de  la 
côte  orientale  d'Afrique,  a  été  lancé  le  10  mars  à  Blackwall;  les  parties  en  bois 
sont  en  bois  de  teck,  pouf  pouvoir  résister  à  la  chaleur  des  climats  tropicaux. 

Les  Magwangwaras  ont  rendu,  sans  rançon,  23  des  prisonniers  chrétiens  qu'ils 
avaient  faits  à  Masasi.  Les  marchandises  destinées  à  les  libérer  ont  été  employées 
à  racheter  des  Makouas  et  des  Yaos,  leurs  voisins  qui,  comme  eux,  avaient  été 
réduite  en  captivité.  Les  colons  de  Masasi,  qui  avaient  été  amenés  à  Zanzibar, 
retourneront  à  leur  station  dès  que  le  moment  paraîtra  opportun. 

D'après  un  rapport  du  P.  Guillet  aux  Missions  catholiques  sur  son  voyage  de 
Tabora  au  Massanzé,  le  manque  de  troupeaux  de  bœufs  dans  les  campagnes  de 
l'Afrique  équatoriale  doit  être  attribué  beaucoup  moins  à  la  tsétsé  qu'aux  incur- 
sions des  Eougas-Rougas.  Les  indigènes  en  possédaient  autrefois^  mais^  attaqués 
continuellement  par  ces  pillards  qu'attirait  l'appât  du  butin,  ils  ont  cessé  d'en 
élever.  Les  tribus  qui  se  sentent  en  force  pour  défendre  leurs  troupeaux  en  possè- 
dent ;  les  tribus  faibles  et  timides  préfèrent  vivre  en  paix  et  n'en  pas  avoir. 

M.  O'Neill  va  entreprendre  un  voyage  d'exploration  dans  la  région  entre 
Mozambique  et  le  Nyassa.  Son  but  principal  sera  l'étude  des  rives  orientale  et 
septentrionale  du  lac  Chiroua,  et  l'ascension  de  la  montagne  un  peu  au  N.-E., 
qu'on  lui  a  dit  être  couverte  de  neige.  La  Société  de  géographie  de  Londres  lui  a 
fourni  un  subside  de  200  livres  sterling. 

Un  comité  s'est  formé  en  Norvège  pour  soutenir  la  mission  médicale  déjà  com- 
mencée à  Madagascar,  afin  d'attirer  au  christianisme  la  population  indigène  par 
une  activité  médicale  exercée  dans  un  esprit  chrétien. 

Un  jeune  médecin  de  Rostock,  M.  le  D' Havermann,  a  été  nommé  médecin  par- 
ticulier de  la  reine  de  Madagascar,  à  laquelle  il  portera  quantité  de  meubles, 
entre  autres  un  trône  commandé  par  elle. 

Un  vaisseau  de  Durban  ayant  échoué  sur  la  côte  S.-O.  de  Madagascar,  a  été 
pillé  par  les  Sakalaves,  qui  comptaient  réduire  l'équipage  en  esclavage,  lorsqu'un 


—  138  — 

négociant  blanc  vint  au  secours  de  celui-ci;  il  en  prit  le  personnel  sur  son  navire, 
et  put  le  renvoyer  à  Natal  par  un  autre  bâtiment. 

Les  partisans  de  Mapoch  ont  évacué  plusieurs  des  grottes  d'où  ils  résistaient 
aux  Boers.  Deux  de  leurs  principaux  chefs  négocient  avec  le  général  des  troupes 
du  Transvaal. 

Un  représentant  du  Transvaal  est  venu  en  Angleterre,  pour  demander  au  goa- 
V ornement  anglais  de  renoncer  à  la  suzeraineté  que  celui-ci  s'est  réservée  par  la 
convention  de  1881. 

Le  gouvernement  britannique  accordera  des  pensions  aux  chefs  betcfauanas, 
Mankoroane  et  Montsia,  dont  les  Boers  ont  envahi  le  territoire,  et  les  installera 
dans  les  possessions  anglaises. 

Un  éboulement  considérable  a  eu  lieu  dans  les  mines  de  diamants  de  Kimberley  ; 
il  a  recouvert  une  grande  partie  des  concessions  des  principales  compagnies  et  a 
arrêté  le  fonctionnement  des  machines  de  plusieurs  autres. 

Il  s'est  fondé  à  Londres,  au  capital  de  3,000,000  fr.,  et  sous  le  nom  de  «  Diamond 
Fields  Collierier  Company,  »  une  société  pour  l'exploitation  d'importants  giseinents 
houillers  dans  le  district  de  Kronstaadt  (État  libre  de  l'Orange).  Le  principal 
débouché  sera  Kimberley.  Ces  houillères  étaient  déjà  exploitées,  mais,  faute  d'un 
capital  suffisant  pour  acheter  et  installer  les  machines  nécessaires,  elles  ne  pou- 
vaient fournir  jusqu'à  présent  que  des  quantités  très  restreintes  de  combustible. 

Cettiwayo  reconstruit  des  kraals  militaires,  et  réclame  comme  ses  sujets  des 
Zoulous  établis  dans  le  territoire  de  réserve,  qu'il  prétend  lui  appartenir.  John 
Dunn  proteste  contre  l'arrangement  actuel  à  l'égard  du  Zoulouland,  et  attend  la 
réponse  du  gouvernement  anglais  poiir  régler  sa  ligne  de  conduite. 

Par  suite  de  la  décision  du  parlement  du  Cap  de  reprendre  les  rapports  avec  les 
Bassoutos,  en  leur  accordant  une  grande  liberté  de  se  gouverner  eux-mêmes, 
M.  Scanlen,  président  du  Conseil  des  ministres,  et  M.  Sauer,  ministre  des  affaires 
indigènes,  se  sont  rendus  au  Lessouto  pour  conférer  avec  les  chefs  et  le  peuple. 
C'est  le  capitaine  Blyth,  ami  de  feu  le  major  Malan,  qui  a  été  nommé  agent  du 
gouvernement  dans  le  Lessouto.  Les  Bassoutos  voudraient  être  placés  directement 
sous  la  protection  du  gouvernement  anglais,  mais  si  celui-ci  refuse  d'accéder  à 
leur  désir,  ils  aimeront  mieux  dépendre  du  gouvernement  colonial  du  Cap  que 
d'être  abandonnés.  Ils  ont  reçu  très  favorablement  la  proposition  de  constituer  un 
Conseil  des  natifs. 

Ensuite  d'une  grande  sécheresse  dans  le  Namaqualand,  où  il  n'est  pas  tombé 
de  pluie  depuis  le  15  août  1881,  la  disette  y  est  extrême;  bœufs,  moutons  et  chè- 
vres meurent  faute  de  fourrage;  le  gouvernement  du  Cap  a  envoyé,  aux  Namaquas, 
aux  Bastards  et  aux  Hottentots  qui  l'habitent,  du  blé  et  des  semences,  et  un  comité 
s^est  formé  pour  leur  venir  en  aide. 

Lord  Mayo  a  fait  un  voyage  et  un  long  séjour  dans  la  région  du  Cunéné,  d'où 
il  a  rapporté  de  nombreux  matériaux  géographiques. 

Quoique  la  loi  portugaise  interdise  l'esclavage  dans  les  colonies  africaines,  le 
Di*  Nichols  écrit,  au  Foreign  Migsûmary,  qu'à  Catoumbella,  dans  la  province  de 


—  139  — 

Benguéla,  des  Portugais  possèdent  des  esclaves,  et  qu'il  ne  peut  décrire  les  bruta- 
lités dont  il  a  été  le  témoin  dans  cette  province. 

La  mission  bâloise  à  la  Côte  d'Or  a  de  nouveau  perdu,  dans  l'espace  d'un  mois, 
trois  de  ses  missionnaires.  M.  Preetorius,  dans  son  voyage  d'inspection,  a  souffert 
de  la  dysenterie  et  de  la  fièvre;  actuellement  il  est  en  route  pour  revenir  en 
Europe.  Le  D*"  Maehly  est  resté  à  la  Côte  d'Or  pour  y  continuer  son  œuvre  médi- 
cale très  difficile,  tout  manquant  aux  nègres  pour  faire  un  traitement  raisonnable. 

Le  gouvernement  anglais  a  accepté  l'offre  que  lui  ont  faite  plusieurs  rois  du 
pays  situé  entre  la  république  de  Libéria  et  Sherbro,  de  lui  céder  une  bande  de 
territoire  de  30  kilomètres  de  long  et  de  2  kilomètres  et  demi  de  large.  La  domi- 
nation anglaise  s'étendra  donc  sans  discontinuité  de  Sierra  Leone  aux  frontières 
nord  de  Libéria. 

Les  chefs  de  la  rivière  Magbeli,  près  de  Sierra  Leone,  se  sont  réunis  et  ont 
conclu  entre  eux  une  paix  qui  a  rouvert  au  commerce  le  cours  de  cette  rivière, 
par  laquelle  quantité  de  produits  de  l'intérieur  sont  amenés  à  la  côte. 

M.  Caquereau  organise  son  expédition  au  Fouta  Djalon  ;  il  s'est  assuré  le  con- 
cours d'hommes  possédant  des  connaissances  scientifiques,  commerciales  et  indus- 
trielles. Il  compte  que  la  colonie  qu'il  va  fonder  pourra  servir,  dans  la  suite,  de 
trait  d'union  entre  celles  d'Assinie  et  du  Sénégal,  par  les  sources  du  Niger,  le 
Bouré,  Bamakou  et  Kita. 

Les  chemins  de  fer  du  Sénégal  avancent  rapidement  ;  la  section  de  Dakar  aura 
bientôt  rejoint  Rufisque  ;  sur  le  haut  fleuve,  on  compte  avoir  posé  à  la  fin  de  la 
campagne  de  16  à  20  kilomètres  de  rails. 

Un  traité  a  été  conclu  entre  le  gouverneur  du  Sénégal  et  le  roi  du  Baol,  par 
lequel  ce  royaume  est  placé  sous  le  protectorat  de  la  France,  qui  acquiert  le  droit 
d'y  créer  un  chemin  de  fer,  des  routes,  des  lignes  télégraphiques,  et  garantit  au 
roi  ses  états  contre  toute  tentative  de  la  part  du  damel  du  Cayor.  L'ancien  damel 
Lat  N'dior  a  cherché  à  reprendre  son  royaume  et  a  obligé  son  successeur  à  se 
réfugier  dans  le  poste  français  de  Betelar  ;  le  capitaine  Dupré  a  dès  lors  battu 
Lat  N'Dior  et  l'a  rejeté  sur  le  Djolof. 

Le  nombre  des  esclaves  libérés  par  1%,  fait  de  leur  arrivée  sur  terre  française 
augmente  rapidement  à  St-Louis.  Il  y  a  parmi  eux  beaucoup  d'enfants  les  plus 
jeunes  restent  aux  soins  de  leurs  mères;  ceux  qui  ont  atteint  l'âge  où  un  enfant 
peut  déjà  rendre  quelques  services  sont  placés  dans  des  familles  de  colons. 

Lors  de  la  pose  de  la  première  pierre  du  fort  de  Bamakou,  sur  le  Niger,  le  colonel 
Borguis-pesbordes  a  exprimé  le  vœu  que  tous  les  travaux  des  expéditions  fran- 
çaises, du  Sénégal  au  Niger,  servent  à  faire  disparaître  l'esclavage  qui  fait  partie 
intégrante  de  l'organisation  sociale  des  populations  de  cette  région. 

Le  ministre  de  la  marine  a  chargé  d'une  mission  au  Bouré,  M.  Colin,  qui  a  déjà 
visité  les  possessions  françaises  du  Sénégal,  et  qui  s'est  embarqué  à  Saint-Nazaire, 
le  20  avril. 

Un  décret  du  gouvernement  de  Madrid  a  autorisé  la  pose  d'un  cable  télégra- 
phique reliant  Cadix  aux  Canaries,  et  celles-ci  au  Sénégal. 


—  140  — 

M.  Jacotin^  aspirant  de  marine  et  membre  de  la  Société  de  géographie  de  Paris, 
est  reparti  pour  les  Canaries,  où  il  avait  commencé  des  levés  qu'il  vent  terminer. 

Une  compagnie  anglaise  a  obtenu  par  traité,  au  Maroc,  la  concession  d'une 
bande  de  terrain,  où  elle  a  fait  choix  d'un  point  appelé  à  devenir  le  port  de  la 
province  de  Sous.  Les  chefs  Indigènes  avec  lesquels  l'agent  anglais  a  fait  marché, 
lui  ont  promis  qu'ils  parviendraient  à  détourner  du  côté  de  l'établissement  anglais 
tout  le  commerce  de  l'intérieur  de  l'Afrique  qui  a  pour  objectif  Tombouctou,  et 
qui  passe  actuellement  par  le  Maroc  et  par  le  port  de  Mogador. 

Le  Maroc  a  enfin  permis  à  l'Espagne  d'envoyer  des  officiers  et  des  topographes, 
pour  étudier  le  territoire  de  Santa-Cruz  de  Mar  Pequena  qu'elle  veut  occuper, 
vis-à-vis  des  Canaries.  Un  délégué  de  l'empereur  du  Maroc,  chargé  de  faire  la 
remise  de  ce  territoire  à  l'Espagne  est  arrivé  à  Mogador. 


EXPLORATIONS  DU  D' JUNKER  SUR  LE  HAUT  OUELLÉ  ' 

(Suite  et  fin.) 

Junker  se  remit  en  route  le  7  janvier  1881,  dans  la  direction  S.-O.; 
en  février  il  passa  TOueUé  et  arriva  chez  les  Amézimas  qui  habitent 
entre  ce  fleuve  et  le  Bomokandi,  le  plus  puissant  de  ses  affluents  méridio- 
naux. Les  Amézimas,  parents  des  Abarmbos,  le  dépouillèrent  de  presque 
tout  ce  qu'il  avait,  en  sorte  qu'il  dut  repasser  l'Ouellé  et  demeurer  plu- 
sieurs mois  chez  les  Amadis  dans  une  inaction  forcée.  Le  sud  de  l'Ouellé 
était  en  guerre  ;  plusieurs  che&  des  séribas  égyptiennes  établies  dans  le 
Mombouttou  attaquèrent  Mambanga,  qui  leur  tint  tête  et  réussit  même 
à  leur  enlever  50  fusils.  Il  fit  appel  à  la  médiatioi^  de  Junker,  qui  préféra 
ne  pas  intervenir.  Mais,  après  ce  premier  succès,  il  dut  se  retirer  devant 
des  renforts  égyptiens  envoyés  par  Emin^bey,  et  commandés  par  le  colo- 
nel Haouasch,  qui  établit  une  station  fortifiée  non  loin  de  l'endroit  où 
Junker  avait  passé  l'Ouellé  en  1880.  H  soumit  les  Abarmbos,  puis  fit 
demander  à  Junker,  retenu  chez  les  Amadis,  de  venir  à  sa  station  pour 
s'employer  à  la  pacification.  En  même  temps  que  l'appel  d'Haouasch, 
Junker  reçut  une  lettre  de  Casati,  qui  venait  d'arriver  dans  cette  région  ; 
cela  le  décida  à  quitter  les  Amadis.  D  se  dirigea  à  l'est  vers  l'Ouellé,  et 
arriva  en  un  endroit  oîi  la  rivière  offre  un  coup  d'oeil  très  pittoresque» 
grâce  à  des  rives  abruptes  dominant  un  groupe  d'îles  habitées  par  les 
Embatas,  tribu  mombouttoue  qui  a  pour  chef  Errouka.  De  la  rive  sep- 
tentrionale il  put  mesurer  le  mont  Madjann,  au  sud  de  l'Ouellé,  dans  le 
pays  des  Abarmbos  ;  il  trouva  aussi  un  lieu  favorable  pour  déterminer  la 

*  Voir  p.  107,  et  la  carte,  p.  116. 


—  141  — 

hauteur  du  groupe  de  montagnes  des  Amadis,  et  obtenir  ainsi  une  bonne 
triangulation  pour  la  construction  exacte  de  la  carte  de  ce  pays.  Le  ter- 
rain ondulé  est  traversé  par  une  multitude  innombrable  de  petites  riviè- 
res, coulant  toutes  vers  le  S.-O.  et  tributaires  du  Tong,  affluent  de 
rOuellé  qui  en  cet  endroit  forme  un  coude  vers  le  sud.  Se  dirigeant  au 
N.  E.  Junker  atteignit  la  station  de  Haouasch,  en  traversant  le  territoii*e 
très  peuplé  des  diverses  tribus  soumises  des  Abarmbos.  D  n'y  trouva  pas 
Casati,  qui  était  encore  chez  les  Mombouttous  de  Test.  Les  troupes  de  la 
station  qui  avaient  dû  repousser  un  assaut  de  Mambanga,  et  voyaient 
les  munitions  sur  le  point  de  leur  manquer,  espéraient  que  l'arrivée  de 
Junker  ferait  prendre  aux  affaires  une  meilleure  tournure.  Junker  usa 
de  toute  son  influence  sur  Mambanga  pour  l'engager  à  faire  la  paix.  Il 
lui  envoya  des  présents  par  un  messager  chargé  en  même  temps  de  lui 
demander  un  rendez-vous,  auquel  il  promit  de  se  trouver  sans  escorte 
militaire.  Une  'entrevue  eut  lieu  dans  laquelle  Junker  n'avait  avec  lui 
qu'un  interprète,  tandis  que  Mambanga  était  entouré  de  guerriers  armés 
de  lances  ;  sans,  pouvoir  le  décider  à  venir  à  la  station,  il  obtint  cepen- 
dant une  suspension  des  hostilités,  mais  pour  cela  il  dut  faire  l'échange 
du  sang  avec  Mambanga,  et  promettre  de  se  rendre  à  sa  résidence  pour 
des  négociations  ultérieures.  Comme  il  tenait  beaucoup  à  établir  une 
paix  définitive,  qui  seule  pouvait  lui  ouvrir  les  routes  de  Bakangaï  et  de 
Kanna  plus  au  sud,  il  alla  à  cette  résidence,  à  20  kilom.  à  l'ouest  de  la 
station  d'Haouasch.  Il  y  passa  7  jours,  pendant  lesquels  il  chercha  par 
tous  les  moyens  possibles  à  persuader  Mambanga  de  venir  à  la  station 
égyptienne.  Mais  il  eut  beau  dire  que  le  temps  des  brigandages  était 
passé,  que  le  gouvernement  égyptien  voulait  trafiquer  en  paix  avec  les 
princes  nègres,  que  ceux-ci  auraient  à  traiter  désormais  avec  les  trou- 
pes régulières  d'un  puissant  état  bien  réglé,  que  l'ordre  était  donné  de 
respecter  son  autorité  de  chef  et,  le  cas  échéant,  de  le  protéger  contre 
ses  ennemis  du  dehors,  toutes  ces  paroles  et  beaucoup  d'autres  furent 
inutiles,  le  sorcier  mombouttou  ayant  prophétisé  malheur  à  Mambanga, 
pour  le  cas  oti  il  se  rendrait  à  la  station.  Junker  dut  se  contenter  de  la 
promesse  du  prince  nègre  de  cesser  temporairement  toute  hostilité  ;  mais 
il  profita  de  ces  longues  négociations,  auxquelles  Casati,  arrivé  du  Mom- 
bouttou, put  assister,  pour  décider  à  la  paix  quinze  chefs  Abarmbos, 
alliés  de  Mambanga.  Peu  rassurée  par  les  promesses  de  celui-ci,  la  gar- 
nison de  la  station  d'Haouasch  ne  voulut  pas  laisser  repartir  Junker 
avant  d'avoir  reçu  des  renforts.  Casati  alla  à  Tangasi  et  de  là  chez 
Ssanga,  frère  de  Mounza,  h  deux  jours  de  marche  plus  au  sud. 


—  142  — 

Ces  négociations  avaient  absorbé  les  mois  de  septembre- à  décem- 
bre 1881.  Bahid-bey,  mudir  du  Makaraka,  ayant  amené  des  renforts  h 
Haouasch,  Mambanga  s'enfuit  vers  l'ouest  ;  Junker  suivît  les  troupes 
envoyées  pour  le  poursuivre  et  pour  occuper  le  territoire  le  long  de  la 
rive  méridionale  de  l'Ouellé  ;  il  marcha  avec  elles  jusqu'au  point  où,  en 
février  1881,  il  avait  passé  le  fleuve,  et  réussit  à  recouvrer  une  partie  de 
ce  dont  il  avait  été  dépouillé  par  les  Amézimas.  Bahid-bey  ayant  donné 
aux  troupes  l'ordre  de  revenir  à  la  station,  il  dut  renoncer  à  poursuivi-e 
sa  marche  vers  l'ouest,  mais,  pendant  son  séjour  chez  les  Amézimas,  il 
avait  expédié  un  de  ses  serviteurs  et  quelques  hommes  de  cette  tribu, 
avec  des  présents,  à  Bakangaï,  qui  demeure  à  quatre  jours  de  marche 
plus  au  sud,  et  lui  envoya  en  retour  un  chimpanzé,  ainsi  que  des  défenses 
d'éléphant,  avec  une  invitation  à  se  rendre  à  sa  résidence.  Marchant 
alors  directement  vers  le  sud,  Junker  atteignit  en  deux  jours  le  Borao- 
kandi  (le  Nomayo  de  Schweinfurth),  qui  se  jette  dans  l'Ouellé  à  4  ou  5 
journées  plus  à  l'ouest,  par  4*^  lat.  N.  environ  et  23*", 40'  long.  E.  de 
Paris.  Au  point  oii  Junker  le  passa  il  n'a  pas  moins  de  175  pas  de  large  ; 
les  mots  Nomayo  et  Quelle  signifient  tous  les  deux  fleuve,  rivière,  grande 
eau,  l'un  en  mombouttou,  l'autre  en  niam-niam,  le  vrai  nom  de  l'Ouellé 
est'  Makoua  (le  Bahr-el-Makoua  de  Lupton).  Le  pays  compris  entre  le 
Makoua  et  le  Bomokaudi  est  habité  par  les  Abarmbos;  à  l'ouest  de 
ceux-ci  et  au  delà  du  Bomokandi,  le  long  de  la  rive  méridionale  du 
Makoua,  vivent  les  A-Babouas  (les  Barboas  de  Lupton)  qui  parlent  une 
langue  parente  de  celle  des  Mombouttous.  Du  Bomokandi  à  la  résidence 
de  Bakangaï,  Junker  ne  mit  qu'une  journée;  reçu  par  lui  avec  beaucoup 
d'afl:abilité,  il  y  resta  15  jours,  et  en  emporta  l'impression  que  c'était  le 
prince  le  plus  puissant  qu'il  eût  jusque-là  rencontré  dans  l'Afrique  cen- 
trale. 

Partant  de  là  dans  la  seconde  moitié  de  janvier,  Junker  continua  son 
voyage  vers  l'Est,  en  se  tenant  à  un  ou  deux  jours  de  distance  au  sud  du 
Bomokandi;  au  bout  de  dix  jours  il  arriva  chez  Kanna,  chef  dont  le  ter- 
ritoire n'a  pas  encore  été  visité  par  les  expéditions  égyptiennes;  Kanna 
et  ses  voisins,  ne  connaissant  que  leur  système  de  pillage,  ne  veulent  rien 
avoir  à  faire  avec  elles.  A  deux  fortes  journées  de  marche  vers  le  sud, 
habite  Ssanga,  chez  lequel  Gasati  s'était  rendu.  Les  deux  voyageurs  se 
rencontrèrent  de  nouveau  à  Tangasi,  au  delà  du  Bomokandi. 

Pour  employer  le  temps  qui  lui  restait  avant  la  saison  des  pluies,  Jun- 
ker se  rendit  en  mars  dans  le  pays  montagneux  des  Momvous,  à  six 
jours  de  marche  à  l'est  de  Tangasi;  là  se  trouvent  la  sériba  de  Gango» 


—  143  — 

et  les  sources  de  la  Gadda.  Daos  cette  excursion  il  retraversa  le  Bomp- 
kandi,  qui  a  là  encore  60  pas  de  large,  puis  il  revint  à  la  station  de 
Kubbi,  entre  la  Gadda  et  le  Kibali,  par  3%40'  lat.  N.  et  26%5'  long.  E. 
de  Paris.  De  là  il  comptait  se  diriger  de  nouveau  vers  le  sud^  traverser 
une  quatrième  fois  le  Bomokandî  pour  atteindre  nne  petite  station  égyp- 
tienne, revenir  vers  l'ouest  à  travers  les  territoires  des  princes  mombout- 
tous  indépendants,  frère  et  fils  de  Mounza,  qui  lui  avaient  envoyé  des 
messagers,  et  terminer  ses  explorations  vers  le  sud  à  la  résidence  de 
Mbélia  et  de  Ssanga,  au  sud  du  Haut-Bomokandi,  pour  rentrer  à  Tan- 
gasi  vei-s  la  fin  d'avril  1882. 

Comme  Junker  a  eu  soin  de  relever  tous  les  itinéraires  et  de  recueillir 
tous  les  renseignements  possibles,  pour  la  construction  d'une  carte  de 
territoires  encore  plus  méridionaux,  nous  pouvons  espérer  connaître  pro- 
chainement la  topographie  exacte  de  cette  région.  En  attendant,  il  nous 
apprend  que  le  Bomokandi,  d'après  la  largeur  qu'il  a  au  sud  de  la  rési- 
dence de  Mounza,  doit  prendre  sa  source  au  loin  à  l'est;  il  court  d'abord 
parallèlement  à  l'Ouellé,  à  50  kilom.  ;  ses  trois  principaux  affluents  méri- 
dionaux sont  le  Makongo,  le  Pokko  et  le  Telli,  tous  trois  de  plus  de 
50  pas  de  large.  Le  Makongo  prend  sa  source  au  sud  du  territoire  de 
Bakangal  qu'il  limite  à  l'ouest,  tandis  que  le  Pokko,  traversé  par  Junker 
dans  sa  marche  de  Bakangaî  à  Eanna,  le  limite  à  l'est,  et  a  ses  soiu*ces 
dans  le  pays  des  Mabodes,  à  trois  journées  au  sud  de  Eanna  ;  quant  au 
Telli,  il  vient  du  territoire  de  Ssanga;  Junker  l'a  passé  en  allant  de 
Kanna  vers  le  Bomokandi.  A  trois  ou  quatre  jours  de  marche  au  sud  de 
BakangaY,  coule  vers  l'ouest  la  Mbélima,  qui  va  se  jeter  directement  dans 
rOuellé  en  aval  du  Bomokandi.  Les  A-Babouas  la  nomment  Nandou. 

* 

D'après  tous  les  renseignements  reçus  par  Junker,  c'est  au  sud  de  la 
Mbélima  qu'il  place  la  ligne  de  partage  des  eaux  entre  l'Ouellé,  qui  est, 
suivant  lui,  indubitablement  le  cours  supérieur  du  Chari,  et  l'Arouimi  de 
Stanley,  affluent  du  Congo.  L'Arouimi  a  pour  origine  une  rivière  plus 
forte  que  l'Ouellé,  la  Népoko,  qui  coule  vers  le  S.-O.  et  reçoit  sur  sa  rive 
septentrionale  un  autre  cours  d'eau  considérable,  la  Nava,  qui  court  vers 
l'ouest  à  quatre  jours  au  sud  delà  route  suivie  par  Junker.  D'après  divers 
renseignements  qu'il  a  recueillis,  il  doit  exister  un  lac  au  sud  de  la 
Nava  ;  les  Proceedings  de  la  Société  de  géographie  de  Londres  le  placent 
par  2"*  lat.  N.  et  22°40'  long.  E.  de  Paris;  ce  ne  pourrait  être  le  lac 
Key-el-Abi  qui,  d'après  le  rapport  de  Lupton-bey,  devrait  se  trouver  par 
3^40'  lat.  N.  et  20^40'  long.  E.  de  Paris. 
Ses  provisions  étant  épuisées,  Junker  a  dû  revenir  à  son  quartier  gêné- 


—  144  — 

rai  près  de  Ndorouma,  pour  visiter  encore  les  pays  à  Touest,  et  chercher 
à  résoudre  le  problème  du  cours  inférieur  du  Makoua . 

D'après  une  lettre  de  Lupton-bey,  le  D'  Junker  se  trouvait,  aux  der- 
nières nouvelles,  à  quatre  jours  de  marche  de  la  résidence  de  Zimio,  un 
des  chefe  Niams-Niams  ^ 

S'il  a  mis  un  tel  soin  à  l'étude  hydrographique  de  cette  région,  c'est 
qu'elle  lui  paraît  avoir  une  très  grande  importance  au  point  de  vue  com- 
mercial, surtout  pour  le  transport  de  l'ivoire  des  provinces  équatoriales, 
en  particulier  de  celle  du  Bahr-el-Ghazal,  dont  Lupton-bey  est  le  gou- 
verneur, résidant  à  Djour  Ghattas,  tandis  que  celle  du  Bahr-el-Gebel  est 
placée  sous  l'autorité  d'Emin-bey,  qui  réside  à  Lado.  Le  Makoua  peut 
o&ir  un  grand  avantage  au  commerce,  si  l'on  établit  des  stations  le  long 
des  rivières  du  pays  des  Abarmbos.  On  a  déjà  expédié  de  l'ivoire  par 
canots  jusqu'au  confluent  de  la  Gadda  et  du  Kibàli,  mais  les  bateaux 
pourront,  du  Kibali,  remonter  dans  le  Dongou,  et  de  celui-ci  dans  l'Akka, 
dont  le  cours  supérieur  se  rapproche  beaucoup  des  tributaires  du  Nil 
Blanc.  Quand  au  développement  de  l'exploitation  de  l'ivoire,  Junker 
estime  qu'il  est  de  toute  nécessité,  pour  le  gouvernement  égyptien,  d'oc- 
cuper ces  régions  le  plus  loin  qu'il  pourra  vers  le  sud,  le  terrain  pouvant 
lui  être  disputé  par  les  marchands  de  Zanzibar  établis  à  Nyangoué,  car 
leur  approche  est  déjà  signalée  par  l'apport,  dans  le  pays  au  sud  du 
Makoua,  de  marchandises  provenant  de  ce  grand  marché  de  l'Afrique 
centrale.  A  notre  avis,  et  au  point  de  vue  de  la  civilisation,  il  y  a  mieux 
à  faire  qu'à  encourager  le  gouvernement  égyptien  et  ses  agents  dans 
l'extension  à  de  nouveaux  territoires  du  système  de  ce  monopole  prati- 
qué par  les  moyens  mentionnés  plus  haut.  Puisque  l'Angleterre  s'est 
chargée  de  réformer  l'administration  égyptienne,  nous  espérons  qu'elle 
ajoutera  à  son  programme,  renfermant  déjà  la  suppression  de  la  traite  et 
de  l'esclavage,  celle  des  abus  qu'entraîne  le  monopole  de  l'ivoire.  Puisse- 
t-elle  obliger  le  gouvernement  du  khédive  à  laisser  aux  populations  de 
l'Afrique  équatoriale  la  libre  disposition  de  leurs  biens,  pour  dissiper 
leur  méfiance  bien  naturelle  à  l'égard  des  blancs,  et  les  disposer  à  rece- 
voir les  philanthropes  et  les  missionnaires  qui  iront  leur  porter  les  bien- 
faits de  la  civilisation  chrétienne. 

*  Dans  la  séance  du  23  mars  de  la  Société  de  géographie  de  Vienne,  le  D**  Lenz 
a  annoncé  que  le  D' Junker  est  de  retour  de  son  voyage  à  rOuellé,  et  qu*il  tâchera 
de  regagner  TÉgypte. 


—  145  — 
BIBLIOGRAPHIE  ' 

SOCEETA   d'eSPLORAZIONE    COMMERCIALE   IN    AfRICA.    MiloUO     (TipOgF. 

P.-B.  Bellini  et  C*'),  1883,  in-8**,  14  p.  —  Après  avoir  contribué  plus  que 
personne  à  la  fondation  et  au  développement  de  la  Société  d'exploration 
commerciale  en  Afrique,  le  président  de  son  comité,  M.  Manfred  Cam- 
perio,  le  savant  directeur  de  VEsploratorej  a  exposé  d'une  manière  très 
concise,  dans  ces  quelques  pages,  le  but  qu'elle  s'est  proposé  en  faveur 
du  commerce  italien,  et  les  expéditions  qu'elle  a  envoyées,  dans  la  mer 
Rouge  d'abord  et  en  Abyssinie,  puis  en  Cyrénaïque,  enfin  celle  qui  vient 
de  partir  de  Naples,  sous  la  direction  de  G.  Blanchi.  Ce  dernier,  accom- 
pagné de  l'ingénieur  C.-A.  Salimbeni,  devra  établir  dans  le  Godjam, 
à  Baso,  une  station  destinée  à  servir  d'intermédiaire  au  commerce 
entre  les  pays  Gallas  et  Assab  ;  puis  il  construira  un  pont  sA*  le  Nil 
Bleu.  De  Baso  l'expédition  descendra  à  Assab,  par  Sokoto  et  la  Plaine 
du  sel.  M.  Salimbeni,  ainsi  que  M.  Monari  qui  s'est  joint  à  l'expédition, 
contribue  aux  frais  de  l'entreprise,  pour  laquelle  a  été  dressée  une 
carte  de  l'Abyssinie,  corrigée  d'après  les  indications  de  Cecchi  et  de 
G.  Blanchi  et  publiée  dans  VEsplœatore. 

L'Afrique  ceîïtraije  et  la  conférence  de  Bruxelles,  par  Emile  de 
Laveleye,  avec  deux  cartes,  Bruxelles,  (Ubrairie  européenne  de 
C.  Muquardt),  1878,  în-1 2, 219  p. — Ce  livre  a  été  écrit  au  lendemain  de  la 
Conférence  de  Bruxelles,  alors  que  tous  les  regards  se  portaient  vers 
l'Afrique  centrale,  pour  l'exploration  de  laquelle  venait  d'être  fondée 
l'Association  internationale.  M.  de  Laveleye  montre  quelle  est  l'œuvre  à 
accomplir  en  Afrique,  décrit  les  avantages  que  présente  ce  continent  en 
ce  qui  concerne  sa  flore,  sa  faune  et  ses  richesses  minérales;  il  parle 
enfin  des  brillantes  espérances  qui  étaient  dans  le  coeur  de  chacun,  en 
voyant  l'élan  qui  avait  accueilli  l'idée  de  S.  M.  le  roi  des  Belges.  Sans 
doute  elles  n'ont  pas  été  complètement  réalisées  ;  il  n'en  est  pas  moins 
intéressant  de  relire,  à  quelques  années  de  distance,  les  appréciations 
émanant  d'une  plume  autorisée. 

Cette  étude  est  accompagnée  d'un  exposé  des  premières  découvertes 
de  Stanley  sur  le  Congo,  d'un  article  de  M.  Bujac  sur  les  Égyptiens 
dans  l'Afrique  équatoriale,  article  dans  lequel  l'auteur  se  prononce  pour 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  13,  me  du  Rhône,  à  Genève, 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  146  — 

l'annexion  du  bassin  du  Haut-Nil  à  TÉgypte,  enfin  d'une  carte  du 
Congo  d'après  Stanley,  et  d'une  carte  générale  de  l'Afrique. 

Carte  de  l'île  de  la  Réunion,  d'après  la  carte  de  M.  L.  Maillard 
et  plusieurs  plans  parcellaires.  Revue  et  augmentée  par  R.  M.  et  A.  M.  G. 
Paris  et  St-Denis  (de  la  Réunion)  1883.  —  Cette  carte  a  été  faite  sur- 
tout au  point  de  vue  des  missions  catholiques;  elle  donne  en  effet  la 
désignation  des  paroisses  et  des  établissements  religieux.  Mais,  étant  h 
l'échelle  de  Vaooooo  »  elle  peut  fournir  une  idée  très  complète  de  la  confi- 
guration de  l'île,  et  des  villes,  des  villages,  même  des  hameaux.  Les  gran- 
des routes,  les  chemins  vicinaux,  et  jusqu'aux  sentiers  sont  scrupuleu- 
sement indiqués.  Les  lignes  ferrées,  achevées  en  1881,  sont  aussi  mar- 
quées, et  l'on  voit  que,  déjà  à  cette  époque,  les  villes  de  St-Pierre  et  de 
St-Beuoît  étaient  ou  allaient  être  reliées  avec  la  capitale,  St-Deuis, 
par  une  ligne  contournant  la  partie  N.  E.  de  l'île  ;  la  voie  fen*ée  ne 
doit  pas  s'étendre,  à  la  partie  S.  E.  etE.  oii,  comme  l'on  peut  s'en  rendre 
compte  en  examinant  la  carte,  les  difficultés  sont  plus  grandes,  h  cause 
de  la  nature  montueuse  du  pays,  et  l'utilité  moins  directe,  attendu  que 
les  localités  de  cette  région  sont  moins  importantes.  En  1881  le  chemin 
de  fer  ne  circulait  pas  encore  entre  le  nouveau  port,  situé  à  la  Pointe  des 
Galets,  et  St-Denis.  Enfin,  le  système  complet  des  montagnes  et  des 
rivières  qui  en  découlent  est  donné  d'une  manière  très  nptte,  grâce  à  la 
teinte  spéciale  des  montagnes,  et  l'on  distingue  fort  bien  la  grande 
chaîne  centrale,  avec  le  Piton  des  Neiges  pour  principale  sommité, 
ainsi  que  les  bassins  des  rivières  des  Galets,  du  Mât  et  de  St-Etienne, 
qui  y  prennent  leur  source  et  ont  creusé  trois  vastes  cirques  à  sa  base. 

L'Algérie.  Impressions  de  voyage,  suivies  d'une  étude  sur  les  insti- 
tutions kabyles  et  la  colonisation,  par  J.-J.  Œamageran.  2™'  édition. 
Paris  (Germer-Baillière  et  C**),  1883,  in-18,  421  pages,  3  fr.  50  avec 
carte.  —  La  première  édition  de  ce  livre  renfermait  la  relation  d'un 
voyage  effectué  par  M.  Clamageranen  1873,  à  travers  les  trois  provinces 
d'Alger,  d'Oran  et  de  Constantine,  et  les  impressions  de  l'auteur  en  ce 
qui  concerne  le  développement  matériel  et  moral  de  l'Algérie,  le  régime 
commercial,  le  régime  des  terres,  la  colonisation,  etc.  Dès  lors,  M.  Cla- 
mageran  a  fait  en  Algérie  une  courte  excursion,  à  l'occasion  du  Congrès 
des  sciences,  réuni  à  Alger  en  avril  1881.  Après  avoir  pris  part  aux  tra- 
vaux de  cette  assemblée,  il  consacra  quelques  jours  à  visiter  les  envi- 
rons de  la  ville,  afin  de  se  rendre  compte  des  progrès  accomplis  depuis 
1873.  C'est  au  Congrès  lui-même  et  aux  résultats  de  ses  observations 


—  147  — 

qu'il  consacre  les  six  chapitres  nouveaux  qni  terminent  le  volume.  Cet 
examen  comparatif  présente  le  plus  vif  intérêt,  car  il  permet  de  consta- 
ter qu'un  grand  pas  en  avant  a  été  accompli,  pour  tout  ce  qui  tient  au 
conunerce,  à  la  culture  de  la  vigne,  aux  chemins  de  fer,  à  l'instruction 
publique,  etc.  Mais  il  reste  encore  beaucoup  à  réformer,  et  l'honorable 
sénateur,  sans  faire  d'une  manière  aussi  vive  que  M.  Leroy-Beaulieu  le 
procès  de  l'administration  coloniale,  énumère  dans  le  dernier  chapitre, 
intitulé  desiderata,  tous  les  points  faibles  du  régime  algérien  ;  il  demande 
en  particulier  au  gouvernement  d'accorder  aux  indigènes  une  protection 
plus  efficace  et  quelques  droits  pohtiques. 

Algérie  et  Sahara.  Le  général  Margueritte  par  le  général  Phileherf. 
Paris  (direction  du  Spectateur  militaire)^  18S2,  in-8**,  468  pages, 
7  fr.  50.  —  Le  général  français  Margueritte  était  un  soldat  africain  dans 
toute  l'acception  du  mot.  Il  prit,  il  est  vrai,  une  part  brillante  à  l'expé- 
dition du  Mexique  et  vit  les  débuts  de  la  guerre  franco-allemande,  mais 
la  presque  totalité  de  sa  vie  se  passa  en  Afrique,  soit  à  combattre  les 
Arabes,  soit  à  administrer  les  districts  algériens.  Il  est  vraiment  le  fils 
de  ses  œuvî*es,  car,  à  15  ans,  il  prenait  du  service  dans  la  gendarmerie 
maure,  n'ayant  d'autres  titres  que  son  courage,  son  intelligence  et  sa 
connaissance  de  la  langue  arabe;  mais  son  intrépidité  et  son  adresse  le 
firent  bientôt  mettre  à  plusieurs  reprises  à  Tordre  du  jour  de  l'armée, 
et  lui  permirent  de  s'élever  de  grade  en  grade,  à  travers  les  luttes 
sans  cesse  renaissantes  dont  l'Algérie  fut  le  théâtre,  jusqu'à  la  dignité 
péniblement  gagnée  de  général  de  brigade  (1867).  La  guerre  franco- 
aUemande  le  trouva  commandant  de  la  division  d'Alger.  Rappelé  en 
France,  il  fut.  placé  à  la  tête  de  la  première  brigade  de  la  division  Du 
Barail,  et  mouiiit  des  suites  d'une  blessure  reçue  à  Sedan. 

C'est  un  de  ses  compagnons  d'armes,  le  général  Philebert,  qui  a  écrit 
la  biographie  de  Margueritte.  D  a  composé  ce  livre  pour  montrer,  dit-il, 
que  le  travail  et  l'intelligence  suffisent  pour  se  faire  ici-bas  une  large 
place,  et  que  les  hautes  destinées  sont  à  la  portée  de  tous. 

A  côté  du  récit  des  luttes  algériennes,  on  lira  avec  plaisir  les  chapitres 
qui  traitent  de  l'administration  de  l'Algérie,  des  chasses  de  Margueritte 
dans  l'Atlas  et  de  son  Essai  sur  la  poésie  arabe. 

La  Hollande  et  la  baie  de  Delagoa,  par  M.  L.  Van  Deventer.  La 
Haye  (Martinus  Nijhoff),  1883,  in-8%80  pages,  2  fr.70.  —  Les  territoires 
arrosés  par  le  Congo  ne  sont  pas  les  seuls,  en  Afrique,  qui  donnent  lieu 
actuellement  à  contestation  quant  au  droit  de  propriété.  M.  Van  Deven- 
ter,  par  la  brochure  que  nous  avons  sous  les  yeux,  introduit  une  sorte 


—  148  — 

de  question  de  la  baie  de  Delagoa.  Il  prétend  que  le  Portugal  détient 
indûment  la  région  que  baigne  ce  petit  golfe,  attendu  que  l'occupation 
portugaise  de  cette  contrée  n'eut  lieu  qu'à  la  fin  du  XYIII"'  siècle,  épo- 
que à  laquelle  les  Hollandais  s'y  étaient  établis  depuis  longtemps  et  y 
avaient  fondé  une  factorerie  qu'un  fort  protégeait.  La  question  a  son 
importance,  surtout  en  ce  qui  concerne  le  Transvaal,  dont  la  baie  de 
Delagoa  est  le  débouché  naturel;  il  est  évident  que  si  ce  territoire 
appartenait  à  la  Hollande,  il  serait  depuis  longtemps  relié  au  pays 
des  Boers  par  un  chemin  de  fer.  L'auteur  demande  donc  que  la  Hollande 
et  le  Portugal  s'entendent  à  l'amiable  à  ce  sujet,  pour  arriver  à  une 
solution  qui  pifermette  au  Transvaal  d'écouler  facilement  les  produits  de 
son  sol. 

Tout  en  souhaitant,  nous  aussi,  l'établissement  d'une  voie  ferrée  dans 
ces  parages,  nous  nous  demandons  si  la  Hollande  serait  bienvenue  à 
revendiquer  des  droits  sur  la  baie  de  Delagoa,  puisque,  d'après  l'auteur 
lui-même,  elle  avait  abandonné  son  comptoir  lorsque  le  Portugal  s'est 
emparé  du  golfe  ;  eUe  a  d'ailleurs,  en  1875,  laissé  sans  protester  le  maré- 
chal de  Mac  Mahon,  pris  pour  arbitre  par  le  Portugal  et  l'Angleterre  au 
sujet  de  ces  mêmes  territoires,  les  adjuger  à  la  première  de  ces  puis- 
sances. 

*  

L'avenir.  COMMERCIAL  de  la  France  en  Afrique.  Conférence  de 

M.  Pigeonneau.  Paris  (Vve  Eugène  Belin  et  fils),  1882,  in-8°,  16  pages 
et  carte.  —  C'est  un  sujet  bien  souvent  traité,  et  cependant  loin  d'être 
épuisé,  que  celui  de  l'importance  du  continent  aMcain  comme  débouché 
pour  les  produits  des  manufactures  européennes.  M.  Pigeonneau,  dans 
une  conférence  qu'il  a  faite  au  mois  de  novembre  dernief ,  a  su  résumer 
d'une  façon  très  claire,  spécialement  au  point  de  vue  français,  l'état 
actuel  de  la  question.  Il  a  montré  qu'il  est  nécessaire  de  trouver  de  nou- 
veaux marchés  extérieurs  pour  les  exportations  françaises,  et  que  la 
seule  région  où  s'ouvre  au  conmierce  un  avenir  illimité,  est  l'Afrique 
centrale  ;  mais  le  grand  obstacle  consiste  dans  le  manque  de  voies  de 
pénétration  conduisant  sur  le  plateau  intérieur.  Il  faut  donc  s'occuper 
en  premier  lieu  des  régions  africaines  qui  se  présentent  dans  les  meU- 
leures  conditions  au  point  de  vue  des  routes  d'accès,  c'est-à-dire  de  celles 
qui  sont  baignées  par  des  fleuves  navigables  dans  leur  cours  moyen  :  le 
Niger  et  le  Congo.  Aussi  le  conférencier  exhorte-t-il  le  gouvernement 
français  à  poursuivre  dans  ces  parages  l'œuvre  commencée  par  de  hardis 
explorateurs,  et  le  commerce  à  en  profiter. 


—  149  — 

BULLETIN  MENSUEL  (4  juin  1883.)  ' 

L'influence  acquise  par  TAngleterre  en  Ê^gypte  ne  peut  manquer  d'y 
donner  une  grande  impulsion  aux  travaux  pour  voies  de  communication, 
soit  par  eau,  soit  par  chemins  de  fer.  De  quelque  manière  que  soit  réso- 
lue la  question  du  canal  de  Saez,  par  l'élargissement  du  canal  actuel, 
ou  par  le  creusement  d'un  second  canal  le  long  du  premier  avec  des 
ouvertures  dans  celui-ci,  ou  enfin  par  le  percement  d'un  nouveau  canal 
à  travers  le  delta,  d'Alexandrie  à  la  mer  Rouge,  comme  le  voudraient 
les  armateurs  anglais,  il  n'est  pas  douteux  qu'il  ne  soit  répondu  aux 
besoins  croissants  de  la  navigation.  Quant  aux  voies  ferrées,  Mason- 
bey  propose  au  gouvernement  égyptien  d*en  construire  une  de  Wadi- 
Halfa  à  Amarah  en  Nubie,  d'où  le  Nil  est  navigable  jusqu'à  Meravoui, 
sauf  sur  quelques  points  où  l'on  établirait  des  tramways  ;  pour  le  Sou- 
dan oriental,  il  recommande  une  ligne  de  Tokar,  au  sud  de  Souakim, 
par  le  Ehor  Baraka,  à  Kassala,  puis  à  Ehartoum  ou  à  Abou  Haras  ; 
elle  aurait  l'avantage  de  traverser  un  pays  fertile  et  cultivé.  Les  con- 
sens de  l'Angleterre  pour  ime  ligne  ferrée  de  Souakim  à  Berber  sem- 
blent devoir  l'emporter.  D'après  le  Standard^  une  compagnie  serait 
déjà  constituée  à  cet  effet. 

Avant  tout  il  faudrait,  pour  réaliser  ce  projet,  que  le  Soudan  demeu- 
rât possession  égyptienne.  Or,  malgré  la  victoire  remportée  par  le  géné- 
ral Hicks  sur  les  troupes  du  mahdi,  il  n'est  nullement  certain  que  celles- 
ci,  maîtresses  déjà  de  la  capitale  du  Kordofan,  ne  finissent  pas  par 
s'emparer  de  Khartoum.  La  dernière  lettre  de  M.  Hansal  à  VOesterrei- 
rJiische  Monatschrift  fiir  dm  Orient  annonce,  qu'après  la  capitulation 
d'El-Obeïd,  les  soldats  égyptiens  ont  dû  prêter  serment  de  fidélité  au 
mahdi  et  ont  été  incorporés  à  ses  troupes  ;  gouverneur,  fonctionnaires, 
armée,  trésor,  armes  et  munitions,  tout  est  au  pouvoir  de  MoJiaiiied- 
Ahmed,  qui  répartit  ses  troupes  entre  le  Darfour  et  le  Sennaar,  d'une 
part  pour  économiser  ses  provisions,  et  de  l'autre  pour  y  attiser  la 
révolte.  Les  ulémas  de  Khartoum  ont  composé  un  mémoire  pour  prouver 
qu'il  n'est  pas  le  vrai  prophète;  ils  l'ont  fait  imprimer  et  répandre  dans 

» 

^  Les  matières  comprises  dans  906  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  corn" 
pJcmentaires  j  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  l'est,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

L'AFRIQUE.  —   QUATRIÈME  AHIÎÉE.  —  N®  6.  6 


—  160  — 

le  pays  ;  un  exemplaire  est  tombé  entre  les  mains  du  mahdi,  qui  en  a 
appelé  à  ses  victoires  pour  prouver  que  lui,  pauvre  fakir,  n'aurait  pas 
pu  accomplir  ces  exploits  s'il  n'était  pas  le  prophète,  et  si  Allah  ne  lui 
avait  pas  conféré  l'autorité  en  lui  donnant  son  appui  et  sa  protection. 
Ce  langage  exerce  sur  le  peuple  une  influence  beaucoup  plus  grande 
que  les  arguments  des  lettrés,  et  aifermit  la  foi  au  mahdi.  M.  Hansal  a 
fait  son  possible  pour  obtenir  la  mise  en  liberté  des  missionnaires  pri- 
sonniers du  mahdi,  auquel  il  a  adressé  un  message  amical,  sans  allu- 
sions politiques  ni  religieuses.  D'autre  part,  des  démarches  ont  été  faites 
par  la  Société  de  géographie  conmierciale  de  Saint-Gall,  et  par  un  de 
ses  membres  correspondants  au  Caire,  M.  Wild,  en  faveur  de  notre  com- 
patriote M.  G.  Roth,  aussi  prisonnier  du  mahdi.  Malheureusement,  les 
explications  données  par  le  khédive  ne  sont  pas  absolument  rassurantes, 
car  il  n'a  pas  pu  obtenir  la  libération  des  pachas  égyptiens  détenus  par 
Mohamed- Ahmed.  Néanmoins  il  a  promis  d'écrire  au  nouveau  gouver- 
neur du  Soudan,  Aladdin  pacha,  pour  lui  recommander  de  prendre  tout 
particulièrement  à  cœur  cette  affah-e. 

Les  Mittheïlungen  de  Gotha  ont  reçu  de  M.  J.-M.  Schuvep  des 
renseignements,  qui  complètent  les  données  qu'il  a  fournies  précédem- 
ment sur  l'ethnographie  de  la  région  qu'il  a  parcourue  entre  le  Jabous 
et  le  Sobat.  Afillo,  à  trois  jours  de  marche  au  S.-E.  de  Léga,  est  gou- 
vernée par  une  aristocratie  galla  ;  les  Siebou,  les  Korro  et  les  Zeyau- 
Gallas,  comme  les  Wallégas,  ont  une  organisation  républicaine,  tandis 
que,  à  l'ouest  des  Légas^  d'autres  tribus  ont  une  constitution  monar- 
chique. Le  voyageur  hollandais  a  obtenu  d'un  jeune  nègre  gmrîbil,  que 
lui  vendirent  les  Gallas,  d'utiles  informations  sur  son  pays  qui  se  trouve 
sur  un  affluent  de  la  rive  droite  du  Sobat,  par  9°20'  lat.  N.  et  31°40' 
long.  E.  de  Paris.  Les  Gambils  nomment  leur  rivière  Comandchie,  ou 
Fleuve  des  vaches^  parce  que,  dans  les  mois  de  sécheresse,  leurs  nom- 
breux bestiaux  ne  trouvent  de  fourrage  que  dans  le  voisinage  de  ce  cours 
d'eau.  Le  pays  est  riche  en  autruches  et  en  éléphants  ;  il  y  a  aussi  dans 
les  forêts  des  arbres  dont  le  fruit  {kigelien\  de  0",60  de  long,  pèse  de 
5  à  7  kilog.;  les  indigènes  l'amollissent  dans  l'eau,  puis  le  font  cuire  et 
le  mangent.  Le  principal  village  des  Gambils  est  Comandschog,  sur  la 
Comandchie,  mais  le  jeune  nègre  de  M.  Schuver  lui  en  a  nommé  une 
trentaine  d'autres,  en  particulier  Kepil,  marché  auquel  se  rendent  les 
'  Légas-Gallas,  qui  fournissent  aux  Gambils  le  fer,  le  cuivre  et  les  perles 
de  verre  dont  ils  ont  besoin.  Ceux-ci  évitent  le  Nil  Blanc,  dont  ils  sont 
séparés  par  de  vastes  forêts.  Il  y  a  quelques  années,  les  Denkas,  assail- 


—  151  — 

lis  et  pillés  par  les  Arabes  du  Sobat,  se  dédommagèrent  de  leurs  pertes 
en  attaquant  les  Gambils,  auxquels  ils  enlevèrent  tous  leurs  bestiaux 
après  de  sanglants  combats;  les  survivants  s'enfuirent  chez  les  Légas  et 
dans  les  pays  gallas  méridionaux,  oîi  ils  se  livrèrent  volontairement 
comme  esclaves;  d'autres  errent  encore  dans  les  solitudes,  entre  le  pays 
des  Légas  et  le  fleuve  Baro  ;  peu  d'entre  eux  sont  restés  dans  leur  pays 
d'origine.  Les  Gambils  élevaient  des  porcs  et  mangeaient  des  poules  et 
des  œufs,  ce  que  beaucoup  de  Légas-Gallas  et  de  tribus  Denkas  ont  en 
abomination.  Pour  obtenir  de  la  pluie,  ils  jetaient  dans  la  Comandchie 
une  vache  écorchée  ;  plus  elle  saignait  et  rougissait  l'eau  de  la  rivière, 
plus  Toracle  devait  être  favorable.  Quant  au  type  des  Gambils,  d'après 
le  nègre  de  M.  Schuver,  ils  se  distinguent  avantageusement  de  la  masse 
des  esclaves  des  Denkas  ;  ils  ont  la  charpente  solide,  les  extrémités  bien 
formées,  le  visage  rond  et  bienveillant;  ils  se  brisent  les  deux  incisives 
du  milieu  de  la  mâchoire  inférieure,  et  portent  sur  le  front  deux  petites 
cornes  de  gazelle  ou  de  chèvre  attachées  ensemble. 

Le  comte  P.  Antonellî  continue  heureusement  son  voyage  difficile  ; 
aux  dernières  nouvelles  reçues  par  la  Société  italienne  de  géographie,  il 
était  à  Gombo  Koma,  résidence  de  Mohamed  Anfari,  célèbre  chef  des 
Aoussas.  Ce  sultan,  qui  n'a  jamais  voulu  recevoir  des  blancs,  lui  a  fait 
très  bon  accueil,  l'a  traité  avec  beaucoup  de  courtoisie  et  lui  a  fourni 
des  chameaux  de  rechange,  pour  la  poursuite  de  son  voyage  vers  le  Choa. 
Le  district  de  Gombo  Koma  est  montagneux  ;  de  là  au  Choa  le  pays 
doit  être  plat,  et  riche  en  lacs  qu'Antonelli  a  l'intention  d'explorer.  Il 
espère  que  le  reste  du  chemin  sera  moins  fatigant  que  la  première  par- 
tie, surtout  pour  le  chameau,  peu  fait  pour  les  routes  de  montagnes. 

Un  correspondant  de  la  Vossische  Zeitung  communique  à  ce  journal 
que,  le  négous  étant  gravement  malade,  Ménélik  prend  toutes  les 
dispositions  nécessaires  pour  lui  succéder  et  se  faire  couronner  roi 
d'Abyssynie.  D  appartient  aux  Abyssins-unis,  catholiques.  Ses  relations 
d'amitié  avec  la  France  et  l'Italie  ouvriront  l'Abyssinie  tout  entière  au 
commerce.  Il  sera  beaucoup  plus  empressé  que  le  roi  Jean  à  favoriser 
l'introduction  des  arts  et  des  sciences  dans  son  royaume,  et  à  y  attirer 
des  Européens,  pour  gagner  l'amitié  de  l'Europe  et  un  appui  contre  ses 
voisins  musulmans,  en  particulier  contre  l'Egypte  et  contre  les  chas- 
seurs d'esclaves.  Sans  doute,  le  négous  actuel  n'est  pas  insensible  aux 
procédés  bienveillants  des  princes  européens,  et  fait  bon  accueil  aux 
voyageurs,  toutefois  il  ferme  strictement  ses  états  à  l'importation  des 
marchaDdises  et  des  coutumes  européennes. 


—  152  — 

Les  missionnaires  de  Saint-Crischona,  MM.  Mayer  et  Greiner,  se  sont 
définitivement  établis  à  Balli  chez  les  Gallas,  à  sept  jours  de  marche^ 
au  sud  d'Ankober,  et  à  cinq  au  nord  du  lac  Zoual,  près  de  la  nyiëre- 
Modocho,  tributaire  de  THaouasch.  Jusqu'à  ce  fleuve,  tout  le  pays^ 
appartient  à  Ménélik,  et  la  population  est  composée  de  gens  du  Choa  et 
de  Gallas.  Le  roi  a  fait  baptiser  par  centaines  des  Gallas,  qui  ont  aboli 
rinfanticide  et  le  meurtre  des  parents  âgés,  usages  du  pays.  La  langue 
galla  disparaît  devant  Tambarique  que  doivent  parler  les  fonctionnaires. 
La  traite  a  beaucoup  diminué,  depuis  que  le  gouvernement  a  interdit 
l'exportation  d'esclaves  par  les  ports  de  Tadjoura  et  de  Zella,  mais  elle 
existe  encore  au  Choa.  Les  missionnaires  ont  dû  commencer  par  faire 
une  clôture  autour  de  la  propriété  que  Ménélik  leur  a  donnée,  pour  se 
gai-antir  contre  les  hyènes  ;  puis  ils  ont  construit  une  habitation  pour 
laquelle  ils  se  sont  servis  de  branches  d'un  grand  figuier  sauvage,  révéré 
comme  sacré  par  les  Gallas,  auxquels  ils  ont  expliqué  que  le  bois  a  été 
donné  aux  hommes  pour  leur  usage  et  non  pour  Tadorer  ;  ils  comptent 
défricher  et  convertir  en  culture  une  partie  d'une  grande  forêt  qui 
abonde  en  sangliers.  Il  existe  dans  le  lac  Zoual  cinq  lies,  où  les  descen- 
dants de  l'ancienne  famille  royale  d'Abyssinie  vivent  dans  la  retraite. 
Les  insulaires  ont  un  roi,  et  sont  indépendants  des  tribus  voisines. 

Le  dernier  numéro  de  VEsploratore  renferme  une  correspondance  de 
M.  P.  Saoconi»  de  Harrar»  qui  donne  une  triste  idée  de  l'adminis- 
tration égyptienne  dans  cette  province,  annexée  depuis  quelques  années 
aux  états  du  khédive.  Le  peu  de  place  dont  nous  disposons  ne  nous  per- 
met d'en  donner  qu'un  très  court  extrait.  Quoique  la  garnison  de  Har- 
rar  se  compose  de  5000  soldats,  sans  compter  les  fonctionnaires  civils  et 
les  bachi-bozouks,  le  gouvernement  du  Caire  n'a  envoyé  depuis  quatre 
ans  aucune  solde  pour  tout  ce  personnel.  Les  soldats  jettent  les  hauts- 
cris  ;  le  gouverneur,  pour  se  les  attacher  et  sortir  d'embarras,  augmente 
les  tributs  déjà  très  lourds,  et  paye  les  troupes  avec  des  denrées  et  des 
bestiaux  à  un  prix  qui  dépasse  le  double  de  leur  valeur.  Le  soldat  se 
dédommage  dans  les  achats  qu'il  fait  aux  indigènes.  Le  système  d'ex- 
torsion se  propage.  Les  natifs,  de  leur  côté,  irrités  et  découragés,  cher- 
chent à  se  venger.  Un  chef  de  tribu  laisse-t-il  paraître  son  mécontente- 
ment, ou  bien  est-il  accusé  par  l'un  de  ses  subordonnés,  vite  on  l'empri- 
sonne ;  on  lui  laisse  cependant  une  certaine  liberté,  dont  il  se  sert  d'or- 
dinaire pour  correspondre  avec  ses  anciens  sujets  ;  bientôt  la  tribu  se 
soulève  et  fournit  le  prétexte  d'une  de  ces  razzias  énormes,  dont  M.  Sac- 
coni  cite  plusieurs  exemples  pour  montrer  comment  les  gouverneurs  de. 


—  153  — 

Harrar  civilisent  leur  province  ;  nous  regrettons  beaucoup  de  ne  pouvoir 
en  parler  d'une  manière  détaillée.  Cependant  disons  encore  que,  d'après 
\e  Bulletin  de  la  Société  italienne  de  géographie,  le  gouvernement  égyp- 
tien a  destiné  200,000  fr.  à  l'établissement  d'une  ligne  télégraphique 
de  Zeïla  à  HaiTar,  et  que  Nahdi  pacha,  gouverneur  de  Harrar,  dans 
une  conférence  de  la  Société  khédiviale  de  géographie,  a  présenté  cette 
province  comme  ayant  un  grand  avenir;  il  a  engagé  les  voyageurs  et 
*les  négociants  européens  à  s'y  rendre  pour  étudier  le  pays  des  Gallas, 
où  le  climat  salubre,  le  sol  fertile,  le  travail  assidu  et  l'industrie  des 
habitants  leur  promettent  de  grands  avantages. 

D'après  un  télégramme  de  Zanzibar  au  journal  Le  Soir  y  M.  G.  Ré- 
voil  s'est  rendu  à  Magadaxo,  pour  pénétrer  de  là  dans  la  région  au  sud 
du  pays  des  Gallas.  Magadoxo,  située  sous  le  2^*  lat.  N.,  appartient  au 
sultan  Saïd  Bargasch,  qui  a  accordé  au  voyageur  français  tous  les 
moyens  possibles  pour  assurer  le  succès  de  sa  mission.  La  population 
est  un  mélange  de  nègres,  d'Abyssins  chrétiens  et  d'Arabes.  M.  Révoil 
se  dirigera  probablement  vers  le  Webbi  Sourrali,  qui  se  jette  dans  le  lac 
Balti,  et  de  là,  vei-s  Chitti,  au  sud  des  pays  Somalis  qu'il  a  visités  trois 
fois.  S'il  peut  pénétrer  jusqu'aux  montagnes  qui  bordent  le  Choa  méri- 
dional, il  nous  rapportera  des  informations  toutes  nouvelles  sur  cette 
région,  jusqu'ici  fermée  aux  explorateurs. 

Les  missionnaires  de  la  station  de  Ribé,  près  de  Mombas,  ont  acquis 
la  certitude  que  les  indigènes  qui  ont  répandu  l'efîroi  daus  le  pays,  il  y  a 
quelques  mois,  ne  sont  pas  des  Masals  conmie  on  le  croyait,  mais  des 
gens  d'Aroucha,  au  sud  du  Kilimandjaro  et  à  l'ouest  de  la  Louvou. 
Leurs  traces  ont  été  rencontrées  entre  Pangani  et  Jomva,  une  des  sta- 
tions de  la  mission  ;  sur  une  distance  de  plusieurs  milles,  l'herbe  était 
foulée.  Dans  le  district  de  Giriama ,  ils  se  sont  nourris  des  fruits  du 
papayer,  et  ont  mangé  tous  les  légumes  qu'ils  ont  trouvés  sur  leur  pas- 
sage, ce  que  n'auraient  fait  ni  les  Masals  ni  les  Wakuafis,  qui  se  nour- 
rissent de  viande  et  boivent  du  lait.  Ils  ont  aussi  pris  dans  les  huttes  des 
natife  des  instruments  d'agriculture,  ce  que  n'auraient  pas  fait  non  plus 
des  Masals  ni  des  Wakuafis,  qui  ne  retournent  jamais  une  motte  de 
terre.  C'était  la  première  fois  que  les  gens  d'Aroucha  venaient  jusqu'à 
Ribé,  qui  a  été  la  limite  de  leurs  incursions  vers  le  nord.  —  M.  Wakefield, 
de  la  station  de  Ribé,  a  demandé  au  Comité  des  méthodistes-unis,  dont 
il  relève,  de  pouvoir  établir  une  mission  chez  les  Gallas  méridionaux, 
dont  il  a  visité  déjà  quatre  fois  le  pays.  Le  comité  a  pris  sa  proposition 
en  sérieuse  considération,  et  des  arrangements  ont  été  combinés  avec 


—  154  — 

Abou  Chora  et  Chakala,  deux  prédicateurs  indigènes,  qui  partiront  de  la 
Dana  pour  aller  frayer  les  voies  à  la  mission. 

A  Toccasion  d'une  visite  à  Maandja,  grand  prince  de  rOug^nda» 
dont  le  nom  est  aussi  celui  du  léopard,  les  missionnaires  romains  ont 
rapporté  aux  Missions  d'' Afrique  uije  superstition  du  pays,  qui  fait  de 
tous  les  hommes  des  esclaves  du  léopard.  U  a,  au  milieu  d'un  bois  sacré, 
sa  hutte  entourée  de  roseaux  ;  tout  individu  qui  passe  par  là  coupe  reli- 
gieusement un  peu  d'herbe  qu'il  jette  près  de  la  case  du  maandja  en 
guise  de  tribut,  et  conune  témoignage  de  sujétion  ;  s'il  y  manquait,  il 
craindrait  qu'avant  peu  de  jours  le  féroce  seigneur  ne  lui  ftt  payer  cher 
sa  rébellion.  Parfois,  durant  la  nuit,  le  léopard  vient  visiter  les  maisons 
où  l'odeur  des  chèvres  l'attire  ;  il  essaie  d'abord  de  s'ouvrir  un  pas- 
sage à  travers  la  palissade  de  roseaux;  les  indigènes  pourraient  l'assom- 
mer d'un  coup  de  hache,  lorsqu'il  n'a  encore  pu  passer  que  la  tête  au 
travers  du  trou,  mais  ils  aiment  mieux  faire  du  tapage  pour  l'épouvan- 
ter ;  ils  se  croiraient  perdus  s'ils  touchaient  à  un  poil  de  la  bête.  Si  le 
léopard  ne  se  sauve  pas,  ce  sont  les  natifs  qui  s'enfuient,  en  laissant 
leurs  chèvres  entre  ses  griffes.  Après  cela  ils  croient  que  le  léopard  ne 
saurait  leur  faire  aucun  mal  :  «  Maandja,  »  disent-ils,  a  a  pris  nos  chè- 
vres, c'est  son  bien  ;  mais  maandja  ne  mange  pas  les  honmies  ;  nous 
sonmies  ses  esclaves  ;  s'il  nous  mangeait,  il  mangerait  son  bien,  et  alors 
qui  lui  fournirait  des  chèvres  ?  » 

L'influence  des  missionnaires  anglais  établis  à  Mpouapoaa  leur  a 

■ 

valu  l'affection  des  indigènes,  qui  voient  en  eux  de  véritables  protecteurs; 
en  effet,  depuis  leur  installation,  les  caravanes  s'abstiennent  de  piller  les 
récoltes  comme  elles  le  faisaient  auparavant  ;  les  tribus  belligérantes  ont 
aussi  renoncé  à  faire  des  incursions  sur  le  territoire  voisin  de  la  station. 
Les  missionnaires  ont  acquis  un  terrain  très  fertile,  pour  fournir  des 
légumes  à  leur  personnel  et  aux  Européens  de  passage.  En  revanche, 
ils  ont  de  la  peine  à  avoir  régulièrement,  à  l'école,  les  enfants,  qui  sont 
généralement  employés  à  garder  les  vaches  et  les  chèvres  de  leurs 
parents.  M.  Price,  qui  a  exploré  l'Ousagara  proprement  dit,  voudrait 
que  la  Société  des  missions  anglicanes  y  fondât  une  station  ;  les  natife 
lui  ont  paru  plus  intelligents  que  ceux  de  l'Ougogo,  et,  comme  il  n'y  a 
pas  de  troupeaux  à  garder,  il  serait  plus  facile  d'y  instruire  les  enfants. 
M.  Last,  de  la  station  de  Mamboia»  écrit  à  la  Church  missianary 
Society  que  les  soldats  du  sultan  de  Zanzibar,  placés  sous  le  com- 
mandement du  capitaine  Matthews,  ont  gâté  les  villages  de  l'Ounya- 
mouézi,  où  ils  ont  été  cantonnés.  U  a  visité  les  tribus  des  Mégis,  des 


—  155  — 

Mangahéris,  des  Waïtoumbas,  des  Wasagalas,  des  Wangourous  et  des 
Masaïs  au  nord,  et  il  a  pu  étudier  sept  langues  ou  dialectes  différents, 
dont  plusieurs  sont  de  la  même  famille  :  le  magi  et  le  sagala  sont 
assez  semblables  entre  eux,  ainsi  que  le  ngourou  et  le  zegouha;  le 
kamba  est  plus  distinct  ;  enfin  le  houmba  et  le  masal  sont  parents  entre 
eux,  mais  tout  à  fait  différents  des  cinq  autres.  M.  Last  a  fait  des  voca- 
bulaires de  plusieurs  milliers  de  mots  pour  quatre  de  ces  langues,  fera 
de  même  pour  les  autres,  et  rédigera  la  granmiaire  de  chacune  d'elles  ; 
les  granunaires  megi,  kamba  et  ngourou,  sont  déjà  terminées. 

Les  missionnaires  romains  établis  dans  le  Massanzé,  à  Touest  du 
Tanganyika,  ont  aussi  rédigé  une  grammaire  et  un  vocabulaire  de  la 
langue  des  indigènes  de  cette  région.  Au  reste,  les  hommes  de  ce  dis- 
trict, grands  voyageurs,  savent  un  peu  les  langues  de  tous  les  pays,  et  ne 
parlent  presque  jamais  la  leur  qu'ils  laissent  aux  femmes.  Leur  langage 
à  eux  n'est  qu'un  mélange  de  kisouaheli,  de  kirondi,  de  kijiji,  de  kivira 
et  de  kimassanzé,  compris  dans  toute  cette  partie  de  l'Afrique.  Quand 
un  missionnaire  leur  parle  dans  la  langue  du  pays,  ils  lui  répondent  dans 
cet  idiome  universel  qu'ils  trouvent  plus  à  leur  goût.  —  Les  orphelins 
recueillis  par  les  missionnaires  leur  sont  très  attachés,  et  recourent  à 
eux  pour  juger  toutes  leurs  contestations  ou  leurs  paris.  Un  jour  ils  vin- 
rent leur  soumettre  une  gageure  assez  curieuse.  Il  s'agissait  de  savoir 
si,  oui  ou  non,  les  blancs  avaient  des  doigts  aux  pieds.  La  raison  de  ce 
démêlé  était  qu'un  des  élèves  avait  vu,  entre  les  mains  d'un  des  mission- 
naires, un  pied  de  fer  dont  on  se  sert  .pour  ressemeler  les  souliers  ;  ce 
pied  étrange  n'avait  point  de  doigts;  pour  les  noirs,  ce  ne  pouvait  être 
que  le  pied  d'un  des  blancs  qui  avait  été  coupé.  —  Les  missionnaires 
ont  fait  récemment  une  excursion  dans  les  montagnes  de  leurs  voisins, 
les  ^Wabeinbés,  réputés  cannibales.  Aucun  d'eux  cependant  ne  s'est 
enfui  à  l'approche  des  blancs,  comme  les  Wamassanzés  l'avaient  prédit. 
Au  contraire,  ces  fiers  et  rudes  montagnards,  qui  n'ont  jamais  laissé  les 
étrangers  pénétrer  chez  eux,  ont  accueilli  avec  empressement  les  mis- 
sionnaires, et  leur  ont  offert  droit  de  cité  dans  les  villages  de  trois  de  leurs 
principaux  chefs.  —  Une  quatrième  caravane  de  missionnaires  d'Alger 
est  partie  pour  aller  renforcer  la  station  du  Massanzé. 

Le  dernier  Blue  Book  soumis  au  Parlement  anglais  renferme  de  nom- 
breux documents  relatifs  aux  îles  Comores,  et  en  particulier  aux  négo- 
ciations dont  le  consul  britannique,  M.  Holmwood,  a  été  chargé  pour  y 
préparer  la  suppression  de  la  traite.  Il  existe  déjà,  depuis  1844,  des 
traités  par  lesquels  les  rois  de  ces  îles  se  sont  engagés  à  ne  plus  per- 


—  156  — 

mettre  rimportation  de  nouveaux  esclaves,  et,  à  plusieurs  reprises,  ces 
engagements  leur  ont  été  rappelés  ;  mais,  comme  rien  jusqu'ici  n'a  été 
fait  pour  les  obliger  à  les  tenir,  ils  se  sont  imaginés  que  TAugleterre 
n'était  pas  fermement  décidée  à  mettre  fin  à  ce  trafic;  ils  n'ont  cherché 
qu'à  éviter  les  croiseurs  anglais,  et,  grâce  à  la  position  favorable  de  ces 
îles,  ils  y  ont  parfaitement  réussi,  car  le  nombre  des  esclaves  y  est 
actuellement  de  27,000.  M.  Holmwood  a  pu  constater  qu'il  y  arrivait 
plus  d'esclaves  que  les  travaux  de  la  terre  n'en  réclamaient,  que  le  sur- 
plus était  revendu,  ou  échangé  pour  recruter  les  harems,  bref  que  tous 
les  propriétaires  étaient  compromis  dans  ce  genre  d'aflaires.  Dans 
les  îles  Johanna  et  Mohilla,  en  particulier,  où  les  plantations  de  cannes 
à  sucré  sont  une  source  de  gros  revenus,  la  proportion  des  esclaves  est 
très  forte.  Dans  la  première,  sur  une  population  de  15,000  à  16,000  habi- 
tants, il  n'y  a  pas  moins  de  5000  esclaves,  dont  1500  sont  des  domesti- 
ques, les  autres  travaillent  sur  les  plantations,  et  1500  d'entre  ces  der- 
niers sont  employés  par  des  planteurs  européens  et  américains,  entre 
autres  par  M.  W.  Sunley,  ex-consul  de  Sa  Majesté  britannique.  Quoique 
ceux-ci  soient  généralement  bien  traités,  ils  n'en  sont  pas  moins  exposés 
à  être  vendus,  sans  égard  pour  les  liens  de  la  famille.  L'île  de  Mohilla, 
beaucoup  plus  petite  que  celle  de  Johanna,  a  environ  2000  esclaves  ; 
Grande  Comore  en  a  un  beaucoup  plus  grand  nombre.  A  une  seule 
exception  près,  les  sultans  actuels  de  ces  îles  ont  paru  ignorer  les  enga- 
gements pris  par  leurs  prédécesseurs.  D'après  les  dû'ections  de  lord 
Granville,  M.  Holmwood  a  conclu  avec  eux  de  nouveaux  traités,  par 
lesquels  ils  se  sont  engagés  à  supprimer  immédiatement  tout  trafic  d'es- 
claves, à  faire  enregistrer  les  27,000  esclaves  actuels  de  ces  îles,  à  les 
libérer  complètement  le  4  août  1889,  et  à  proclamer,  à  cette  date,  l'abo- 
lition de  l'esclavage  lui-même.  D'ici  là,  des  mesures  seront  prises  pour 
protéger  tous  ceux  qui  sont  encore  esclaves,  en  les  plaçant  sous  la  sur- 
veillaDce  de  consuls  anglais.  Ja  Antislaverj/  Reporter,  auquel  nous  avons 
emprunté  ces  renseignements,  a  publié,  outre  de  nombreux  extraits  du 
Blue  Book,  une  lettre  du  sultan  de  l'île  Johanna  à  lord  Granville,  pour 
lui  exposer  les  dangers  auxquels  Texpose,  de  la  part  de  ses  sujets  et  des 
Européens  propriétaires  et  trafiquants  d'esclaves,  le  traité  qu'il  vient 
de  conclure,  et  pour  réclamer  la  protection  britannique. 

Le  numéro  de  mai  du  Central  Africa  nous  a  apporté  le  compte  rendu 
de  M.  Porter  sur  sa  mission  auprès  des  Maguranf^^varas,  pour  le 
rachat  des  prisonniers  faits  par  ceux-ci  à*  Masasi.  U  a  eu  affaire  surtout 
avec  le  chef  Sonjela,  soumis  lui-même  à  un  suzerain  qui  habite  dans  la 


—  157  — 

région  du  cours  supérieur  de  la  Rovouma.  Sonjela  lui  a  témoigné  du 
plaisir  de  sa  venue,  et  le  désir  de  faire  la  paix.  D'un  âge  moyen  et  d'une 
intelligence  supérieure,  ce  chef  a  de  la  dignité  et  un  certain  sentiment 
du  droit.  Il  rendit  immédiatement  les  captifs  qui  se  trouvaient  dans  son 
voisinage  immédiat,  mais  il  ne  fut  pas  facile  de  trouver  les  autres,  les 
Magwangwaras  se  les  étant  partagés,  et  leurs  villages  étant  très  dissé- 
minés; en  outre,  une  fois  les  captifs  retrouvés,  on  eut  beaucoup  de  peine 
à  persuader  à  ceux  qui  les  avaient  pris  de  les  rendre.  L'autorité  de  Son- 
jela dans  ces  matières  paraît  très  limitée.  Il  a  posé,  comme  condition  de 
paix,  le  payement  d'un  tribut  annuel  en  sel  et  en  marchandises,  et,  con- 
sidérant les  missionnaires  comme  étant  virtuellement  les  maîtres  du 
district  où  se  trouvent  les  stations  de  Masasi  et  de  Neouala,  il  a  insisté 
pour  que  ce  fussent  eux  qui  payassent  ce  tribut  au  nom  de  la  commu- 
nauté chrétienne  et  de  tout  le  district.  Il  est  vrai  que  les  Makouas  de 
cette  région  se  reconnaissent  comme  vassaux  des  Magwangwaras.,  Aussi 
M.  Maples  a-t-il  réuni  à  Masasi  les  chefs  et  les  anciens  du  voisinage, 
pour  leur  expliquer  que  le  tribut  de  sel  réclamé  par  les  Magwangwaras, 
comme  condition  de  paix,  devait  être  payé  par  eux,  les  maîties  du  sol, 
et  non  par  les  missionnaires  qui  ne  le  sont  point.  Sonjela  a  demandé  à 
M.  Porter  de  venir  s'établir  dans  un  de  ses  villages  et  d'y  fonder  une 
station.  Mais  la  question  n'est  point  résolue.  M.  Porter  est  persuadé 
que,  malgré  les  protestations  d'amitié  et  de  paix,  il  y  aura  de  nouvelles 
incursions  des  Magwangwaras,  comme  celle  de  l'année  dernière.  Dans 
ce  cas,  et  si  la  station  de  Masasi  ne  peut  être  maintenue,  celle  de 
Neouala,  par  sa  position  forte,  pourra  devenir  un  lieu  de  refuge  pour  les 
chrétiens  de  la  première. 

Le  transfert  de  la  station  de  Livin^stonm  à  Bandaoué  ajété  heu- 
reux pour  la  santé  des  missionnaires,  et  aussi  pour  la  nombreuse  popu- 
lation du  nouveau  district  où  ils  sont  établis.  Préoccupés  du  développe- 
ment industriel  des  indigènes  et  des  soins  médicaux  à  donner  aux 
malades,  en  même  temps  que  de  leur  œuvre  proprement  dite,  ils  en 
emploient  un  gi'and  nombre  à  défricher  le  sol,  à  couper  et  à  préparer  le 
bois  pour  bâtir,  à  faire  des  briques,  à  aider  aux  constinictions,  à  semer 
du  maïs  ou  d'autres  céréales.  Il  est  vrai  que  les  indigènes  qu'ils  emploient 
ne  se  montrent  pas  encore  très  disposés  à  travailler  avec  suite  ;  après  une 
quinzaine  de  jours  de  labeur,  ils  se  reposent  pendant  une  quinzaine  éga- 
lement. Les  maladies  sont  nombreuses,  et  beaucoup  de  malades  vien- 
nent de  20  kilom.  à  la  ronde  consulter  les  missionnaires  ;  le  Comité  des 
missions  de  l'église  libre  d'Ecosse  enverra  un  médecin  pour  les  seconder. 


—  156  — 

—  De  son  côté,  M.  J.  Ste^vart  est  assez  avancé  dans  la  construction  de 
la  route  entre  les  deux  lacs,  pour  pouvoir  y  faire  passer  le  steamer  La 
Bonne  nouvelle,  déjà  transporté  à  l'extrémité  N.-O.  du  Nyassa.  B  a 
écrit  de  Mouembera,  à  110  kilom.  de  la  côte,  sur  les  bords  d'une  rivière 
permanente,  petite,  mais  d'une  eau  de  montagne  pure  et  fraîche,  qu'il 
a  choisi  un  très  bon  emplacement  pour  une  nouvelle  station,  près  de 
Mall^vandoa,  et  y  a  construit  une  habitation  suffisante  pour  les  deux 
premières  années  ;  il  compte  aussi  y  créer  une  école,  pour  les  Choun- 
gous,  dont  il  a  appris  la  langue,  et  avec  lesquels  il  vit  en  bonne  intelli- 
gence. L'altitude  du  plateau  est  de  1300",  et  celle  des  montagnes  de 
1800";  eUes  sont  couvertes  d'arbres  verts  toute  l'année;  vers  l'ouest, 
cependant,  la  vue  n'est  bornée  par  rien,  le  sol  n'est  pas  très  bon  pour 
la  culture,  mais  l'élève  des  moutons  et  des  vaches  y  prospère.  —  Lors- 
(l\xe  la  route  du  Nyassa  au  Tanganyika  sera  terminée,  M.  Stewart  se 
rendra  au  Tchambésy  pour  en  faire  le  relevé. 

M.  F.-C.  Seloas  dont  nous  avons  précédemment  mentionné  les 
explorations  sur  les  deux  rives  du  Zambèze  moyen,  a  envoyé,  aux  Procee- 
dings  de  la  Société  de  géographie  de  Londres,  un  rapport  sur  un  nouveau 
voyage  qu'il  a  fait  l'année  dernière  au  nord  du  pays  des  Machonas, 
entre  l'Oumfoulé  et  le  Zambèze,  dans  une  région  que  n'avait  encore 
parcourue  aucun  Européen,  et  dont  la  géogmphie  physique  était  indi- 
quée par  les  cartes  antérieures  d'une  façon  tout  à  fait  erronée.  Traver- 
sant la  région  qui  s'étend  du  cours  supérieur  de  l'Hanyane  jusqu'au 
Zambèze,  près  du  confluent  de  l'Oumsengaïsi,  il  suivit  de  là  la  rive 
méridionale  du  fleuve  jusqu'à  Zoumbo,  et  constata  que,  tandis  que  les 
cartes  placent  l'embouchure  de  l'Hanyane  à  l'ouest  de  Zoumbo,  cette 
rivière  se  jette  dans  le  Zambèze,  à  plus  de  20  kilom.  en  aval,  à  l'est.  La 
chaîne  des  monts  Oumvoukoués,  qu'il  suivit  à  distance,  se  dirige  en  Ugne 
droite  vers  le  Zambèze,  jusqu'à  Kebrabasa.  A  l'ouest  de  cette  chaîne, 
s'en  élève  une  autre,  courant  de  l'est  à  l'ouest,  et  qui  se  dresse  comme 
une  muraflle  à  300  m.  de  hauteur.  Entre  ces  montagnes  et  le  fleuve  le 
pays  est  parfaitement  plat  ou  légèrement  ondulé,  mais  non  pas  monta- 
gneux comme  le  présentaient  les  cartes  dressées  jusqu'ici.  Le  long  du 
pied  des  montagnes  l'eau  est  assez  abondante,  mais  plus  loin,  l'Oum- 
sengaïsi, l'Hanyane  et  leurs  tributaires  deviennent  des  rivières  sablon- 
neuses, à  lit  très  large,  avec  peu  ou  point  d'eau  apparente;  la  Voan- 
goua  qui  se  jette  dans  l'Hanyane,  près  de  l'embouchure  de  celle-ci  dans 
le  Zambèze,  a  300  m.  de  large,  mais  très  peu  d'eau.  Tout  le  pays  par- 
coura  par  M.  Selous  est  plus  ou  moins  peuplé  de  Machonas,  ou  de  tribus 


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alliées.  Près  du  mont  Inyambaré,  et  en  d'autres  endroits,  il.y  a  de  grands 
troupeaux  de  bestiaux.  La  tsetsé  abonde  au  pied  des  montagnes  ;  aussi, 
quand  le  voyageur  arriva  à  Zoumbo,  était-il,  ainsi  que  ses  compagnons 
cafres,  très  affaibli  par  suite  des  piqûres  incessantes  de  la  mouche. 

Nous  extrayons  d'une  lettre  de  M.  Coillard  à  M.  le  missionnaire 
P.  Berthoud,  qui  a  bien  voulu  nous  la  communiquer,  les  renseignements 
suivants  sur  le  Le»souto.  M.  Germond,  de  la  station  de  Thaba- 
Morena,  va  revenir  en  Europe  pour  raison  de  santé.  Les  églises  du  Les- 
soutô  ont  célébré  le  cinquantième  anniversaire  de  la  fondation  de  la  mis- 
sion française  dans  cette  partie  de  l'Afrique.  Dans  une  conférence  qui  a 
eu  lieu  en  mars  à  Hermon,  il  a  été  décidé  d'ajourner,  jusqu'en  octo- 
bre ou  novembre  prochain,  le  départ  de  l'expédition  du  Zambèze  que  doit 
diriger  M.  Coillard,  accompagné  de  MM.  Christel,  Jeanmairet  et  Gau- 
tier. Le  Transvaal  étant  trop  agité  pour  pouvoir  le  traverser  en  sécurité, 
les  voyageurs  reprendront  le  chemin  du  désert  de  Kalahari.  M.  Coillard 
est  ti*ès  encouragé  par  les  nouvelles  qu'il  reçoit  du  Zambèze;  un  jeune 
artisan  anglais,  plymouthiste,  a  réussi  à  pénétrer  jusque-là;  il  se  pro- 
pose d'y  commencer  une  mission,  indépendante  de  toute  société,  et  tra- 
vaille à  garder  la  porte  franchement  ouverte  aux  missionnaires  du  Les- 
souto.  En  revanche,  les  détails  que  M.  Coillard  fournit  sur  l'état  des 
Bassoutos  sont  attristants  ;  beaucoup  des  hommes  les  meilleurs  ont  été 
tués  pendant  la  guerre,  et  la  jeunesse  a  perdu  son  sérieux  dans  la  vie  des 
camps.  La  situation  était  très  tendue  entre  les  Bassoutos,  qui  voudraient 
s'affranchir  complètement  de  l'autorité  coloniale  et  les  partisans  des 
Anglais.  Les  ministres  du  gouvernement  du  Cap  ont  essayé  de  convoquer 
iespitsos  qui  n'ont  eu  aucun  succès,  les  chefs  du  parti  national  n'ayant 
pas  voulu  y  assister.  On  a  cependant  ébauché  un  projet  de  constitution 
rendant  aux  che£s  à  peu  près  toute  leur  autorité  et  leurs  privilèges.  Si 
Masoupa  l'eût  accepté,  un  essai  en  aurait  été  fait,  sinon  le  pays  devait 
être  abandonné  par  la  Colonie  du  Cap  ;  le  seul  espoir  qui  fût  alors  resté 
aux  partisans  des  Anglais  eût  été  que  le  gouvernement  de  la  reine  reprît 
le  Lessouto  comme  colonie  de  la  couronne.  D'après  les  derniers  télégram- 
mes de  Durban,  les  deux  partis  en  sont  venus  aux  mains  ;  les  partisans 
des  Anglais  ont  remporté  la  victoire.  Quant  à  l'autonomie  que  le  gouver- 
nement colonial  voudrait  accorder  au  Lessouto,  les  Boers  de  l'État  libre 
du  fleuve  Orange  ont  rappelé  que  les  Anglais  ont  promis  de  les  protéger 
contre  les  Bassoutos.  D'autre  part,  les  Boers  du  Transvaal  se  plaignent 
des  désordres  provoqués  dans  le  Zoulouland  par  le  retour  de  Cettiwayo. 
Deux  chefs  zoulous,  Oham  et  Usibepu,  ont  attaqué  celui-ci  et  ont  fait 
subir  à  ses  troupes  des  pertes  importantes. 


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Le  D'  Holub  a  dû  s'embarquer  en  mai  à  Hambourg  pour  Capetown, 
où  il  fera  d'abord  une  exposition  de  tout  ce  qu'il  emporte,  afin  de  donner 
une  idée  des  produits  de  l'industrie  austro-hongroise.  Pendant  ce  temps, 
il  fera  avec  MM.  Bolus  et  Mac  Owen,  botanistes,  et  M.  Trimen,  entomo- 
logiste, des  excursions  le  long  de  la  côte,  à  l'est  de  Capetown,  pour  en 
étudier  l'histoire  naturelle.  Ensuite,  il  se  rendra  à  Clan-William,  où  il 
étudiera,  sur  les  pentes  du  haut  plateau,  la  formation  silurienne  qui  y 
est  très  riche  ;  puis,  aux  mines  de  cuivre  de  Springbokfontein,  dans  le 
pays  des  Petits  Namaquas,  pour  y  recueillir  des  échantillons  de  minéraux 
africains,  en  faveur  des  musées  de  l'Europe  généralement  peu  riches  en 
objets  de  ce  genre.  Après  cela,  il  se  dirigera  vers  les  monts  Katkop,  à 
l'est,  où  doivent  se  trouver  encore  des  Bushmen  demeurés  dans  leur  état 
primitif,  sans  contact  avec  les  Européens.  De  là,  par  Beaufort  et  Graaff- 
Reinet,  au  cœur  de  la  Colonie  du  Cap,  il  explorera  le  Karrou  au  point  de 
vue  de  la  flore  et  de  la  faune,  en  même  temps  qu'il  étudiera  les  gisements 
dans  lesquels  se  trouvent  les  grands  sauriens  qu'on  y  a  signalés.  A  Port 
Élizabeth  et  à  Grahamstown,  il  fera  une  nouvelle  exposition,  avant  de  se 
lancer  dans  l'intérieur,  où  il  compte  explorer  d'abord  la  Cafrerie,  l'État 
libre,  le  Griqualandwest,  puis  le  pays  des  Betchouanas  et  le  Transvaal 
occidental,  ainsi  que  les  lacs  salés  des  territoires  des  Bamangwatos  de 
l'est  et  de  l'ouest,  jusqu'au  lac  Ngami  et  au  pays  des  Matébélés.  Pous- 
sant alors  jusqu'aux  cataractes  du  Zambèze,  il  s'établira  en  amont  dans 
la  vallée  du  grand  fleuve,  pour  en  explorer  la  flore  au  point  de  vue  phar- 
maceutique, et  pour  étudier,  plus  complètement  qu'il  n'a  pu  le  faire  la 
première  fois,  l'état  des  Maroutsés-Maboundas.  Si  le  successeur  de 
Sepopo  lui  refuse  l'entrée  de  son  royaume,  il  se  tournera  vers  l'est  où 
habitent  les  Machoukouloumbés,  tribu  très  intéressante  au  point  de  vue 
ethnographique,  et  de  chez  eux  il  se  dirigera  vers  le  lac  Bangouéolo. 
Enfin,  si  les  circonstances  le  lui  permettent,  il  descendra  le  Louapoula 
jusqu'au  lacMoero,  puis  le  Loualaba  jusqu'à  l'endroit  où  le  Congo  tourne 
à  l'ouest,  et  cherchera  à  gagner  le  Soudan  par  le  plus  court  chemin. 

Après  l'installation  de  l 'avant-garde  de  l'expédition  de  Brazza  à  Punta- 
Negra,  Brazza  lui-même  est  arrivé  à  LioaRg^c»,  un  peu  plus  au  nord,  et 
plus  près  de  l'embouchure  du  Quillou,  par  la  vallée  duquel,  ainsi  que  par 
celle  de  son  affluent,  le  Niari,  il  compte  établir  la  communication  la  plus 
directe  et  la  plus  facile  entre  l'Atlantique  et  Brazzaville  sur  le  Congo 
moyen  (v.  la  carte,  III"*  année,  p.  288).  D'après  un  article  du  Temps, 
en  arrivant  en  vue  du  Quillou,  il  a  trouvé  ce  point  déjà  occupé  par  les 
agents  de  Stanley  ;  de  son  côté,  le  Standard  a  annoncé  que  le  drapeau 


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français  aurait  été  substitué  à  celui  de  T Association  internationale  afri- 
caine, sur  un  poste  établi  par  Stanley  dans  une  localité  dont  on  ne  dit  pas 
le  nom.  Les  détails  nous  manquent  pour  constater  ce  qu'il  peut  y  avoir 
de  fondé  dans  les  nouvelles  données  par  ces  deux  journaux.  Nous  aurions 
de  la  peine  à  comprendre  que,  malgré  les  reconmiandations  de  S.  M.  le 
roi  des  Belges  à  l'agent  du  Comité  d'études  du  Congo,  Stanley  qui,  jus- 
qu'ici, n'a  travaillé  qu'en  vue  d'ouvrir  l'Afrique  au  commerce  par  la 
route  du  Congo  inférieur,  fût  allé  fonder,  à  l'embouchure  du  Quîllou,  une 
station  qui  ne  peut  en  aucune  façon  être  rattachée  à  l'ensemble  de  celles 
qu'il  a  créées  le  long  du  Congo,  de  Vivi  à  Stanley  Pool  et  au  delà. 
D'autre  part  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  d'appréhender  que  les 
100,000  fusils  à  pierre  cédés  à  la  mission  de  Brazza  par  la  Chambre  fran- 
çaise, ne  servent  à  des  opérations  militaires.  M.  Ferry  a  motivé,  il  est  vrai, 
cette  mesuie  en  disant  que  ces  armes,  hors  d'usage  en  Europe,  sont  la 
monnaie  courante  auprès  des  indigènes.  Elles  constituent  en  effet  un  des 
principaux  articles  d'importation  à  la  côte  occidentale  d'Afrique  ;  depuis 
nombre  d'années,  Birmingham  en  fait  un  conmierce  considérable.  Les 
chasseurs  eux-mêmes,  dans  les  plaines  de  l'Aftique,  les  préfèrent  aux 
fusils  à  percussion,  parce  qu'on  y  trouve  partout  des  silex,  tandis  que, 
lorsque  les  capsules  sont  épuisées,  on  ne  peut  pas  les  remplacer,  et  que 
l'arme  devient  alors  inutile.  Si  le  fait  de  l'établissement  d'un  poste  à 
l'embouchure  du  Quillou,  sous  le  patronage  du  Comité  d'études  et  à 
l'ombre  du  drapeau  international  se  confirmait,  nous  y  verrions  un 
motif  de  plus  de  regretter  que  la  Commission  executive  de  l'Association 
internationale  africaine  ait  permis  à  Stanley  et  à  son  Comité  d'abriter 
leur  entreprise  particulière  sous  cette  noble  bannière,  emblème  d'une 
oeuvre  exclusivement  philanthropique  et  civilisatrice. 

La  mission  des  Presbytériens-unis  d'Ecosse  au  Vieux  Calabar  pour- 
suit ses  efforts,  pour  pénétrer  dans  l'intérieur  par  la  Cross  River. 
M.  Edgerley  a  fait,  avec  trois  de  ses  collègues,  une  exploration  en  amont 
de  la  rivière,  jusqu'à  400  kilom.  de  Calabar,  et  à  160  kilom.  du  point 
qu'il  avait  atteint  dans  un  précédent  voyage.  Les  tribus  du  haut  fleuve 
l'ont  reçu  comme  un  libérateur,  dont  elles  espéraient  qu'il  saurait  met- 
tre fin  à  l'état  d'hostilité  dans  lequel  elles  vivent  depuis  longtemps.  Elles 
ont  demandé  que  des  missionnaires  allassent  s'établir  au  milieu  d'eUes. 
Malheureusement,  M.  Edgerley,  atteint  de  la  fièvre  et  épuisé  par  les 
fatigues  du  voyage,  est  mort  à  son  retour  à  Duke  Town.  En  revanche, 
la  Société  a  engagé,  pour  son  œuvre  au  Vieux  Calabar,  M.  Cari  Ludwig, 
Suisse,  ancien  élève  du  polytechnicum  de  Zurich,  qui,  après  avoir  tra- 


—  162  — 

vaille  un  certain  temps  comme  mécanicien  et  architecte,  a  demandé  à 
être  employé  comme  missionnaire  en  Afrique. 

D'après  une  correspondance  de  Bida  à  VExploratioji,  la  Compagnie 
française  de  l'Afrique  équatoriale,  établie  sur  le  IVI^^er,  entretient  de 
très  bons  rapports  avec  les  chefs  indigènes.  Le  sultan  de  Bida,  Moleki, 
a  compris  qu'il  ne  devait  pas  garder  le  monopole  du  commerce  avec  les 
Européens  ;  il  a  accordé  à  tous  le  droit  de  trafiquer  librement  dans  ses 
états,  et  a  promis  à  M.  Mattéi,  consul  de  France  et  agent  de  la  Compa- 
gnie sus-mentionnée,  de  le  laisser  remonter  le  cours  du  fleuve  jusqu'à 
Chenga,  pour  y  établir  une  factorerie.  Les  directeurs  ont  fait  construire 
un  vapeur  spécial,  auquel,  par  reconnaissance,  ils  ont  donné  le  nom  de 
Sultan  Moleki, 

Le  gouverneur  de  la  Côte  d^Or  témoigne  un  vif  intérêt  pour  l'indus- 
trie minière  ;  il  visite  chacun  des  districts  de  cette  région,  pour  se  ren- 
dre compte  par  lui-même  de  la  valeur  des  gisements  et  pour  étudier  en 
quelle  mesure  le  gouvernement  peut  hâter  l'ouverture  du  pays,  et  déve- 
lopper l'exploitation  dps  mines  par  l'établissement  de  bonnes  routes. 
D'autre  part,  M.  Barham,  ingéniem*  delà  «  Wassaw  light  railway  Com- 
pany »  a  présenté  son  rapport  sur  les  tracés  qu'il  a  étudiés,  en  vue  de  la 
construction  d'un  chemin  de  fer  à  voie  étroite  pour  cette  exploitation.  Il 
a  relevé  deux  tracés  :  l'un  partaat  de  Bushna,  près  de  Dixcove,  l'autre 
d'Axim,  et  recommande  surtout  ce  dernier,  qui  toucherait  les  concessions 
de  plusieurs  des  compagnies  minières,  et  serait  vraisemblablement  la 
première  section  du  chemin  de  fer  qui,  un  jour,  se  prolongera  jusqu'aux 
monts  de  Kong.  M.  P.  Dahse  a  réussi  à  s'assurer  pour  cinquante  ans  la 
possession  d'un  gisement  d'étain  qu'il  a  découvert  près  de  sa  concession, 
et  compte  pouvoir  en  commencer  l'exploitation  dès  l'automne  prochain. 
—  Un  ingénieur  de  mines  australien  a  trouvé  un  riche  gisement  dans 
une  des  concessions  de  la  Compagnie  minière  de  la  Côte  d'Or  d'Afrique, 
au  bord  de  la  mer,  à  l'embouchure  de  l'Ancobra,  dans  une  situation 
très  favorable  aux  transports  et  aux  approvisionnements. 

Jusqu'ici  il  n'y  avait  pas  de  ligne  directe  de  navigation  entre 
Londres  et  la  côte  occidentale  d'Aflrique.  Quoique  les  neuf 
dixièmes  des  passagers  et  une  forte  proportion  des  marchandises  pro- 
vinssent de  Londres,  c'était  Liverpool  qui  avait  monopolisé  ces  commu- 
nications. Le  développement  du  trafic  entre  la  métropole,  le  Niger  et  le 
Congo,  a  amené  la  constitution  d'une  Société  «  Anglo  African  Steamship 
Company,  »  au  capital  de  500,000  liv.  sterl.,  qui  fera  construire  des  stea- 
mers répondant  aux  exigences  du  commerce  africain,  c'est-à-dire  d'un 


—  163  — 

fort  tonnage  quoique  d'un  faible  tirant  d'eau,  pour  franchir  les  barres 
des  principales  rivières  d'Afrique,  et  diminuer  les  avaries  et  les  frais 
causés  par  le  mode  actuel  du  transbordement. 

M.  le  D'  Colin  dont  nous  annoncions  dans  notre  dernier  numéro  le 
départ  pour  le  Sénégal,  a  été  chargé  par  le  ministre  de  la  marine  de  se 
rendre  au  Bouré,  au  Ouassalou,  et  dans  tous  les  pays  aurifères  qui  entou- 
rent le  Haut  Niger.  Il  a  pour  instruction  de  s'assurer  de  l'existence  des 
gisements  aurifères  dans  ces  districts,  et  le  cas  échéant,  de  passer  avec 
les  chefs  des  traités  concédant  ces  terrains  au  gouvernement  français  ; 
si  les  chefe  refusent  d'aliéner  le  sol,  il  s'efforcera  d'obtenir,  pour  les 
Français,  l'autorisation  d'y  trafiquer  en  toute  sécurité.  Enfin,  il  devra 
fournir  sur  ces  pays  tous  les  renseignements  géographiques  et  scientifi- 
ques qu'il  pourra  recueillir.  Il  compte  être  au  Niger  en  juillet,  consacrer 
toute  la  saison  des  pluies  à  des  excursions  dans  les  pays  voisins  et  ren- 
trer en  France  au  mois  d'avril  de  l'année  prochaine. 

La  brigade  télégraphique  de  l'expédition  Borg^uîB-Desbopde», 
chargée  de  la  construction  de  la  ligne  qui  doit  relier  Kita  à  Bamakou,  a 
été  attaquée  sur  les  bords  du  Niger,  par  la  population  d'un  village  hos- 
tile à  l'installation  du  télégraphe  dans  cette  contrée.  Elle  a  réussi  à 
repousser  l'ennemi.  D'autre,  part  un  combat  a  eu  lieu  entre  la  colonne 
expéditionnaire  et  Samory,  à  6  kilom.  au  sud  de  Bamakou  ;  les  troupes 
de  ce  dernier  ont  été  battues.  Les  travaux  des  deux  sections  du  chemin 
de  fer  Dakar-Saint-Louis  et  Khayes-Bamakou  se  poursuivent  régulière- 
ment ;  16  kilom,  de  la  voie  sont  posés  dans  le  Cayor,  et  le  pont  qui  doit 
traverser  le  haut  fleuve  l'est  également  ;  un  train  y  a  passé  le  4  avril.  Le 
gouvernement  a  présenté  à  la  Chambre  un  projet  de  loi  ouvrant  un  nou- 
veau crédit  de  4,667,000  fr.  pour  la  continuation  de  ces  travaux. 


NOUVEIiliES  GOMPIiÉMENTAIRES 

Le  gouyernement  français  soumettra  prochainement  aux  Chambres  un  projet 
de  loi,  pour  la  construction  d'une  voie  ferrée  de  Soukarras  à  Tébessa. 

M.  de  Hérisson  a  rapporté,  de  sa  nouvelle  exploration  archéologique  en  Tunisie, 
deux  grandes  mosaïques  provenant  de  Carthage,  les  plus  belles  que  l'on  ait  trou- 
vées jusqu'ici  en  Afrique. 

Dans  l'assemblée  annuelle  de  la  Société  de  topographie  de  Paris,  M.  de  Lesseps 
a  proposé  de  donner  à  la  mer  intérieure  le  nom  de  mer  de  Eoudaire. 

M.  Waille,  professeur  à  l'Ecole  des  lettres  à  Paris,  a  été  chargé  par  M.  le 
ministre  de  l'instruction  publique  d'une  mission  dans  la  Cyrénaîque. 


—  164  — 

■ 

La  vallée  du  Chor  Baraka,  qui  aboutit  à  la  mer  Rouge  au  sud  de  Souakim,  et 
que  n'avait  pu  explorer  l'expédition  de  Heuglin  et  Munzinger,  a  été  visitée,  de 
janvier  à  mars,  par  deux  chasseurs  anglais,  MM.  Gascoigne  et  Melladew.  Le  Chor 
Baraka  descend  des  montagnes  du  Dembela  en  Abyssinie,  et  reçoit,  dans  le  voisi- 
nage de  la  frontière,  l'Aradeb  sur  sa  rive  gauche  et  le  Garasit  sur  sa  rive  droite. 

Le  capitaine  Casati  a  parcouru  le  pays  des  Niams-Niams,  en  suivant  plusieurs 
routes  non  fréquentées  jusqu'ici  par  les  voyageurs  européens.  Il  a  couru  de  grands 
dangers,  a  été  retenu  prisonnier  pendant  deux  mois  chez  le  prince  Azanga,  et  n'a 
pu  se  soustraire  à  sa  captivité  que  par  la  fuite. 

D'après  une  communication  de  Eohlfs  à  la  Société  de  géographie  de  Berlin,  le 
D*^  Stecker  a  vainement  essayé  de  traverser  les  pays  gai  las,  et  devra  revenir  en 
Europe. 

Le  D'  Schweinfurth  viendra  prochainement  à  Halle,  pour  conférer  avec  le 
D'  £.  Riebeck  sur  les  résultats  de  leur  exploration  de  Sokotora. 

J.  Thomson,  parti  de  Mombas,  était  à  la  fin  de  mars  à  Boura,  à  160  kilom.  de  la 
côte  ;  il  comptait  arriver  le  1<"  avril  à  Tavata,  au  pied  S.-E.  du  Kilimandjaro,  et 
passer  au  nord  de  cette  montagne  en  allant  à  Kavirondo.  —  Le  D*^  Fischer  a 
atteint  une  localité  au  sud  de  Chaga,  et  y  est  resté  pour  attendre  une  caravane. 

Les  missionnaires  anglais,  envoyés  pour  renforcer  la  station  de  Roubaga,  ont 
tous  été  retenus  par  la  fièvre  à  Msalala,  au  sud  du  Victoria-Nyanza. 

I^e  P.  Livinhac,  des  missions  d'Alger,  qui  depuis  cinq  ans  dirige  la  station  de 
Roubaga,  a  été  nommé  vicaire  apostolique  du  Victoria-Nyanza. 

M.  Giraud,  qui  se  rend  au  lac  Bangouéolo,  descendra  le  Tchambésy  sur  son 
bateau  démontable  ;  puis,  par  le  Louapoula,  il  gagnera  le  lac  Moero,  et  par  le 
Louvoua  et  le  lac  Kamolondo,  rejoindra  le  Loualaba  et  le  Congo. 

D'après  un  projet  de  traité  entre  le  Portugal  et  le  sultan  de  Zanzibar,  les  deux 
gouvernements  s'engageraient  à  ce  qu'aucun  de  leurs  sujets  ne  vendît  ni  n'achetât 
d'esclaves  dans  leurs  territoires  respectifs.  Quiconque  serait  pris  et  convaincu 
d'avoir  pratiqué  la  traite  serait  livré  à  son  gouvernement,  puni  en  conséquence,  et 
ses  esclaves  seraient  mis  en  liberté. 

Une  insurrection  ayant  éclaté  parmi  les  chefs  indigènes  des  bords  du  Chiré,  une 
canonnière  portugaise  et  des  troupes  ont  été  envoyées  pour  la  réprimer. 

M.  F.  Moir,  de  la  «  Lakes  african  Company^  >  a  réussi  à  remonter  le  Zambèze, 
de  Quilimane  jusqu'à  Tété,  malgré  les  rapides  de  Lupata  et  la  hauteur  des  eaux 
du  fleuve,  qui  dans  une  seule  nuit  a  monté  de  10  pieds. 

Le  port  de  Saint-Pierre,  à  la  Réunion,  sera  prochainement  ouvert  au  commerce. 

Au  nord  du  Transvaal,  il  y  a  eu  guerre  en  mars.  Makatou,  chef  des  Bavendas 
des  Zoutpansberg  a  attaqué  ceux  des  Spelonken,  ainsi  que  les  Magwambas  et  les 
blancs  de  ce  district,  mais  il  a  été  repoussé  avec  perte  et  demande  la  paix. 

MM.  les  D'*  Bachmann  et  Wilms,  de  Munster,  ont  dû  partir  en  mai  pour  un 
voyage  de  plusieurs  années  en  Afrique,  spécialement  dans  le  Transvaal,  qu'ils 
comptent  explorer  au  point  de  vue  botanique  et  zoologique;  ils  s'efforceront  aussi 
de  développer  les  relations  commerciales  entre  l'Afrique  australe  et  l'Allemagne. 


—  165  — 

Mapoch,  fatigué  de  la  guerre,  a  fait  demander  aux  Boers  les  conditions  qu'ils 
mettraient  à  la  paix.  Le  chef  des  Boers  exige  quMl  se  rende  sans  conditions. 

Dans  les  dix  dernières  années,  la  production  des  plumes  d'autruche  dans  la 
colonie  du  Cap  s'est  élevée  de  26,685  livres,  pour  une  valeur  de  158,124  liv. 
sterl.  à  253,951  livres,  valant  1,093,989  liv.  sterl.,  mais  le  prix  moyen  en  est 
descendu  de  6  à  4  liv.  sterl.,  ce  qui  a  forcé  beaucoup  de  fermiers  à  renoncer  à 
l'élève  des  autruches. 

Le  consul  des  États-Unis  à  Saint-Paul  de  Loanda  a  fait,  sur  la  Quanza,  une 
excursion  dans  laquelle  il  a  rencontré  deç  gisements  de  houille,  de  cuivre  et  d'or. 
Il  compte  en  faire  en  juin  une  nouvelle,  en  amont  de  Dondo,  au  moyen  d'un 
radeau  de  caoutchouc,  muni  de  voiles  et  de  rames.  Il  croit  que  ce  sera  le  chemin 
le  plus  court  et  le  meilleur  pour  parvenir  au  Bihé. 

L'ambassadeur  anglais  à  Lisbonne  a  dû  faire  au  gouvernement  portugais  des 
représentations,  sur  le  mode  de  recrutement  de  travailleurs  pour  l'île  Saint-Thomas. 
On  les  prend  dans  l'intérieur,  puis  on  les  amène  à  Beuguéla  ou  à  Novo  Redondo, 
où,  au  vu  et  au  su  des  autorités,  on  les  vend  à  des  agents  de  l'île,  de  4  à  6  liv. 
sterl.  en  marchandises,  pour  cinq  ans,  à  l'expiration  desquels  il  devrait  être  pourvu 
au  retour  de  ceux  qui  voudraient  rentrer  dans  leur  patrie  ;  mais  cela  n'a  jamais 
lieu  ;  ils  doivent  se  réengager  forcément  et  ne  peuvent  jamais  devenir  travailleurs 
libres. 

Le  P.  Bichet,  de  la  station  des  missions  de  saint  François  Xavier,  dans  une  île 
du  lac  Ajingo,  a  fait,  du  Rhemboê,  affluent  de  la  rive  gauche  de  l'estuaire  du 
Gabon,  une  exploration  par  terre  jusqu'à  l'Ogôoué,  accompagné  d'un  médecin, 
d'un  naturaliste  et  de  deux  officiers  de  marine,  qui  ont  fait  le  relevé  cartographique 
de  l'itinéraire  et  déterminé  la  position  de  plusieurs  localités. 

L'explorateur  allemand  Robert  Flegel  a  réussi  à  découvrir  la  source  du  Bénoué, 
et  a  aussi  reconnu  celle  du  Logone,  tributaire  du  Chari  ;  il  a  déteilniné  à  1600" 
d'altitude  la  ligne  de  faîte  entre  les  deux  bassins  du  Niger  et  du  lac  Tchad,  dis- 
tinction qui  n'a  rien  d'absolu,  puisque,  d'après  une  précédente  découverte  du  même 
explorateur,  à  l'époque  de  la  crue  d«s  eaux,  le  Chari  déverse  une  partie  des 
siennes  par  les  marais  de  Toubouri  dans  le  Bénoué,  et  par  celui-ci  dans  le  Niger. 

A  la  suite  de  négociations  conduites  par  le  capitaine  de  la  corvette  française  le 
Dupetit,  le  gouvernement  de  la  république  a  rétabli  son  protectorat  sur  le  royaume 
de  Porto-Nuovo  et  les  localités  dépendantes. 

Nous  annoncions  dans  notre  dernier  numéro  que  M.  Prsetorius,  après  avoir  ter- 
miné l'inspection  des  stations  missionnaires  bâloises  à  la  Côte  d'Or,  était  en  route 
pour  revenir  en  Europe.  Mais  la  maladie  dont  il  avait  souffert  s'est  aggravée,  et  la 
mission  bâloise,  déjà  si  cruellement  éprouvée  l'année  dernière,  a  encore  eu  la 
douleur  de  le  perdre;  il  est  mort  à  Accra  le  7  avril.  Un  de  ses  compagnons  de 
voyage,  M.  Preiswerk,  est  seul  revenu  à  Bâle. 

D'après  le  Oold  Coaat  Times^  tout  l'Achanti  est  en  révolte  ouverte  contre  le  roi 
Mensah,  prisonnier  de  ses  sujets  et  dont  on  ne  sait  s'il  est  vivant  ou  mort,  les 
communications  avec  Coumassie  étant  interrompues.  Une  députation  des  chefs  les 


—  166  — 

plus  puissants  et  les  plus  influents  est  venue  à  Cape  Coast  Castle,  où  elle  attend 
l'arrivée  du  gouverneur  pour  lui  présenter  une  pétition,  à  l'effet  d'être  admis  dans 
le  protectorat  anglais.  Ils  ont  amené  avec  eux  6000  guerriers,  et  proclamé  leur 
résolution  de  ne  reconnaître  ^cun  roi  en  remplacement  de  Mensah. 

Un  correspondant  de  Sierra  Leone  a  annoncé  au  Standard  que  Gbow,  chef  d'une 
des  tribus  des  territoires  récemment  annexés  par  l'Angleterre,  entre  Libéria  et 
Sierra  Leone,  a  attagué  les  nouveaux  établissements  anglais,  s'est  emparé  de  la 
ville  de  Bamyah  près  de  Camalay,  en  a  fait  massacrer  un  grand  nombre  d'habi- 
tants, et  a  envoyé  les  autres  à  l'intérieur  pour  y  être  vendus  comme  esclaves.  Il  a 
immédiatement  fortifié  la  ville  conquise  et  fait  annoncer  aux  Anglais  qu'il  compte 
s'y  maintenir.  Ses  guerriers  ont  pillé  et  saccagé  les  villages  environnants.  Une 
colonne  est  partie  de  Sierra  Leone,  et  d'autres  troupes  seront  envoyées  de  Sher- 
bro  à  son  secours  si  l'affaire  prend  de  l'importance. 

Trois  nouveaux  explorateurs,  MM.  Artaut,  Squirion  et  Kuck  sont  partis  de 
Marseille  avec  des  marchandises  d'échange  pour  Boké,  où  ils  ont  installé  un 
comptoir.  Après  cela,  ils  ont  réuni  les  porteurs  et  les  interprètes  nécessaires  pour 
pénétrer  dans  l'intérieur  et  aller  en  fonder  à  Bombaïa  un  second,  qui  correspondra 
et  fera  des  échanges  avec  celui  de  Boké.  Si  leurs  affaires  prospèrent,  ils  en  établi- 
ront un  troisième  à  Timbo,  et  étendront  ainsi  successivement  le  cercle  de  leur 
exploration  commerciale. 

Des  missionnaires  catholiques  se  proposent  de  partir  prochainement  pour  le 
Haut-Sénégal,  afin  d'y  fonder  une  station. 

La  commission  scientifique,  chargée  des  dragages  qui  seront  exécutés  cette 
année  sous  la  direction  de  M.  Milne  E  Iwards^  partira  le  l*^*"  juin  pour  explorer  la 
côte  occidentale  d'Afrique  jusqu'aux  îles  du  Cap  Vert,  et  reviendra  faire  une  sta- 
tion aux  Açores. 

Une  société  de  navigation  s'est  constituée  à  Barcelone  sous  le  nom  de  «  Compa- 
nia  hispanoafrîcana,»  au  capital  de  dix  millions  de  francs,  pour  établir  deux  lignes 
de  steamers,  entre  les  principaux  ports  espagnols  de  la  Méditerranée  et  les  Cana- 
ries, l'une  d'elles  touchant  aux  escales  de  I4  côte  occidentale  d'Afrique. 

L'archipel  des  Açores  va  être  doté  d'une  ligne  de  communication  télégraphique 
avec  le  continent  ;  le  câble  sera  atterri  à  San-Miguel,  l'ile  la  plus  rapprochée  de 
Lisbonne,  et  à  Florès,  la  plus  distante  du  continent. 

L'expédition  scientifique  envoyée  au  Maroc  par  le  gouvernement  espagnol,  sous 
la  direction  de  M.  Bolivar,  est  revenue  à  Madrid  après  avoir  exploré  les  parties 
les  plus  remarquables  de  l'empire  nord-africain. 

M.  Bonelli,  revenu  récemment  du  Maroc,  dont  il  a  exploré  la  partie  septentrio- 
nale, de  Rabat  à  Mequinez  et  à  Fez,  a  publié  une  carte  au  '/i 000000,  d'après  laquelle 
les  affluents  méridionaux  du  Sebou  diffèrent  du  tracé  des  cartes  antérieures. 

M.  Saturnino  Jimenez,  voyageur  espagnol,  est  parti  pour  aller  explorer  plusieurs 
points  du  littoral  nord-ouest  de  l'Afrique.  Il  reviendra  par  Santa-Cruz  de  Mar 
Pequena. 


—  167  — 

L'ESCLAVAGE  A  MADAGASCAR 

En  même  temps  que  Tattention  publique  a  été  attirée  sur  Madagas- 
car, par  le  retrait  de  la  liberté  accordée  auparavant  auK  étrangers 
d'acquérir  des  terres  dans  cette  lie,  Tintérêt  des  sociétés  missionnaires 
et  des  philanthropes  a  été  sollicité  en  faveur  des  multitudes  qui,  malgré 
les  efforts  tentés  pour  Tabolition  de  la  traite,  y  sont  encore  tenues  en 
esclavage.  Plusieurs  fois  déjà  ^  nous  avons  fait  allusion  à  telle  ou  telle 
mesure  prise  pour  diminuer  les  maux  qui  en  résultent;  mais  les 
aveux  des  ambassadeurs  malgaches  à  Londres,  sur  Ténorme  propor- 
tion de  la  population  servile  des  états  de  leur  souveraine,  et  la  position 
difficile  qu'elle  crée  aux  blancs,  aux  missionnaires  et  aux  Malgaches  les 
plus  éclairés  et  les  mieux  pensants,  nous  font  croire  que  le  moment  est 
opportun  pour  étudier  en  détail  cette  question,  dont  nous  voudrions  pou- 
voir hâter  par  nos  vœux  une  solution  conforme  aux  principes  de  la  civi- 
lisation chrétienne. 

D'après  VAnUslavery  Reporter,  les  envoyés  de  la  reine  de  Madagas- 
car ont  avoué  que  les  Vs  de  la  population  de  cette  île,  grande  comme  la 
France,  la  Belgique  et  la  Hollande  réunies,  sont  des  esclaves;  sur 
4,000,000  d'habitants  environ,  il  y  en  aurait  2,400,000  privés  de  la 
liberté.  $ 

Avant  1877,  on  distinguait  parmi  eux  trois  classes: 

V  Celle  dés  Zazas-Hovas,  de  même  origine  que  les  Ho  vas,  les  maîtres 
actuels  delà  plus  grande  partie  de  l'île,  mais  réduits  aujourd'hui  en  ser- 
vitude, soit  comme  débiteurs  insolvables,  la  loi  malgache  autorisant  le 
créancier  à  vendre  un  débiteur,  ainsi  que  sa  femme  et  ses  enfants,  soit 
comme  coupables  de  crimes  politiques  ou  d'autres  délits.  Naguère 
encore,  la  femme  et  les  enfants  d'un  homme  condamné  à  mort  étaient 
vendus  comme  esclaves,  et  la  loi  prononçait  la  peine  de  mort  contre  tous 
ceux  qui  passaient  à  l'ennemi,  cherchaient  à  se  procurer  les  femmes  des 
princes  et  des  ducs,  cachaient  une  arme  quelconque  sous  leur  vêtement, 
fomentaient  une  révolution,  entraînaient  des  hommes  hors  du  terri- 
toire hova,  volaient  les  cachets  ou  contrefaisaient  les  signatures,  décou- 
vraient, fouillaient  ou  dénonçaient  une  mine  d'or  ou  d'argent,  etc. 
Beaucoup  d'esclaves  de  cette  première  classe  étaient  libres  autrefois  ou 
descendent  de  parents  nés  libres  ; 

*  V.  I"  année,  p.  65;  II™«  année,  p.  95;  III™«  année,  p.  139. 


—  168  — 

2*  La  classe  des  Anà^voB,  les  esclaves  proprement  dits,  forme  le  plus 
fort  contingent  de  la  population  servile  ;  elle  est  composée  surtout  des 
descendants  des  prisonniers  faits  par  les  Hovas  dans  leurs  nombreuses 
expéditions  guerrières,  surtout  sous  Radama  I  et  Ranavalona  I,  pendant 
la  première  moitié  de  ce  siècle.  En  effet  ces  immigrants,  les  derniers 
venus  dans  l'île,  étaient  encore,  au  commencement  de  ce  siècle,  tribu- 
taires des  chefs  sakalaves;  mais,  par  la  force  et  par  la  ruse,  ils  réussi- 
rent à  s'affranchir  et  à  subjuguer  leurs  maîtres  ;  sous  les  règnes  des 
deux  souverains  susnommés,  ils  étendirent  leur  domination  sur  le  centre, 
l'Est  et  une  partie  du  Nord-Ouest  de  l'île,  où  ils  commirent  des  atroci- 
tés inouïes,  ravageant  le  pays  par  le  fer  et  le  feu,  massacrant  impitoya- 
blement les  hommes  des  districts  conquis,  même  quand  ils  se  soumet- 
taient, et  traînant  dans  l'Imérina  des  multitudes  de  femmes  et  d'enfants 
qu'ils  vendaient  comme  esclaves;  aussi  sont-ils  encore  détestés  parles 
descendants  de  leurs  victimes,  40  et  50  ans  après  leur  conquête  ; 

S**  Les  esclaves  dits  Mozambiques^  provenant  des  innombrables  Afri- 
cains achetés  par  les  Arabes,  sur  la  côte  d'Afrique,  pour  un  mousquet  à 
pierre  d'une  valeur  de  12  à  15  fr.,  ou  pour  quelques  brasses  d'une  mau- 
vaise cotonnade,  transportés  dans  les  dhows  h  travers  le  canal  de  Mozam- 
bique, et  débarqués  sur  toutes  les  côtes  de  Madagascar,  d'où  on  les  con- 
duisait sur  les  marchés  de  l'île  ;  là,  ils  étaient  revendus  facilement  de 
100  à  150  francs.  Sans  doute,  déjà  en  1865,  l'Angleterre  avait  conclu 
avec  le  souverain  de  Madagascar,  la  reine  Rasouahérina,  un  traité  en 
vertu  duquel  il  ne  pouvait  plus  être  amené  dans  l'île  d'hommes  d'au  delà 
des  mers  pour  y  être  vendus  comme  esclaves.  Mais,  malgré  les  efiorts 
du  gouvernement  pour  appliquer  ce  traité  et  malgré  les  croisières  britan- 
niques, les  dhows  arabes  n'en  continuèrent  pas  moins  l'importation 
d'Africains  sur  la  côte  occidentale,  d'où  ils  se  répandaient  dans  toutes 
les  parties  du  pays  ou  l'autorité  des  Hovas  n'était  pas  reconnue,  et  aussi 
dans  celles  où  ils  étaient  établis,  beaucoup  de  fonctionnaires  étant  inté- 
ressés à  cet  odieux  trafic  K  En  1874,  la  reine  Ranavalona  eut  beau 
rappeler  ce  traité,  ordonner  que  les  Mozambiques  amenés  dans  son 
royaume  depuis  1865  devinssent  isanny  ambaniandro  (honmies  libres), 
sujets  de  la  reine,  ne  pouvant  plus  être  considérés  comme  esclaves,  et 
menacer  de  jeter  dans  les  fers  pour  dix  ans  ceux  qui  cachaient  des 

*  D'après  une  note  fournie  par  M.  Alfred  Grandidier,  Téminent  explorateur  de 
Madagascar,  au  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  de  Marseille,  les  Arabes 
importaient  alors  dans  l'île  de  7  à  8000  esclaves  annuellement. 


—  169  — 

Mozambiques  récemment  amenés  comme  esclaves  ou  ne  les  afiranchis- 
saient  pas,  Madagascar  n'en  demeura  pas  moins,  jusqu'en  1877,  un  des 
principaux  marchés  de  la  traite  dans  T Afrique  orientale.  Un  grand  nom- 
bre d'Africains  continuèrent  à  être  transportés  par  les- Arabes  dans  les 
ports  de  l'île,  où  ils  étaient  introduits  furtivement  ;  o  n  leur  enseignait  le 
malgache,  puis  quand  ils  savaient  la  langue,  on  les  faisait  monter  vers 
l'intérieur,  où  l'on  pensait  qu'ils  ne  seraient  pas  reconnus,  et  où  on  les 
faisait  passer  pour  d'anciens  esclaves. 

Voyant  que  son  ordonnance  demeurait  sans  effet,  la  reine  de  Mada- 
gascar, cédant  aux  instances  de  l'Angleterre,  résolut  d'affranchir,  non 
seulement  les  Africains  introduits  par  contrebande  depuis  1865,  mais 
tous  les  esclaves  dits  Mozambiques,  et  de  donner  à  sa  proclamation  une 
solennité  inusitée.  Elle  la  fit  imprimer  et  envoyer  dans  toutes  les  parties 
du  royaume,  pour  y  être  lue  partout  le  même  jour  et  à  la  même  heure, 
et,  le  20  juin  1877,  en  donn»  lecture  devant  une  assemblée  (kahari)  de 
50,000  personnes,  à  Andahala,  vaste  plaine  au  milieu  d'Antananarivo. 

Pour  prévenir  le  mécontentement  des  possesseurs  d'esclaves  mozam- 
biques, la  reine  commençait  par  dénoncer  les  violations  du  traité  passé 
avec  l'Angleterre  ;  elle  déclarait  coupables  ceux  qui  achetaient  des  Afri- 
cains aussi  bien  que  ceux  qui  les  vendaient,  et  aussi  ceux  qui  cachaient 
les  vendeurs  et  les  acheteurs  ;  enfin  elle  proclamait  l'affranchissement 
de  tous  les  Mozambiques  arrivés  dans  son  royaume,  soit  les  anciens  soit 
les  nouveaux,  dont  elle  faisait  ses  sujets.  Personne  ne  pouvait  réclamer 
l'argent  donné  pour  l'achat  d'un  Mozambique  ;  quiconque  le  réclamerait 
serait  puni  par  elle.  En  même  temps,  et  pour  pourvoir  aux  besoins  de 
ses  nouveaux  sujets  libres,  dont  les  gouverneurs,  ofl&ciers,  juges,  chefs 
de  cantons  et  chefe  nobles  devaient  inscrire  le  nombre  exact,  afin  de  le  lui 
faire  savoir,  elle  leur  prescrivit  de  donner  aux  Mozambiques  de  leur  dis  - 
trict  des  terres  à  cultiver,  afin  qu'ils  pussent  vivre,  en  prévenant  ceux-ci 
toutefois  qu'ils  ne  pourraient  les  vendre,  ces  terres  étant  à  elle.  Les 
Mozambiques  étant  ignorants,  il  aurait  été  h  craindre  qu'on  ne  les  trom- 
pât, et  qu'on  n'achetât  à  vil  prix  les  terrains  qu'elle  leur  concédait;  ils 
auraient  risqué  de  ne  plus  rien  avoir  pour  se  nourrir.  Ceux  qui  achète- 
raient des  terres  aux  Mozambiques,  en  seraient  pour  leur  argent.  Les 
gouverneurs  devaient  engager  ces  affranchis  à  bien  travailler  pour  vivre. 
S'il  y  en  avait  qui  ne  pussent  pas  se  procurer  leur  subsistance,  les  gou- 
verneurs devaient  leur  donner  de  quoi  manger,  et  les  encourager  à 
travailler  avec  énergie.  Enfin,  si  la  reine  apprenait  que  des  Mozambi- 
ques fussent  morts  de  faim  ou  à  la  suite  de  mauvais  traitements,  quel 


—  170  — 

qu'en  fût  l'auteur  elle  l'en  rendait  responsable  et  le  menaçait  de  châti- 
ment. 

Les  anciens  esclaves  mozambiques  importés  par  les  Arabes  sont  donc 
en  grande  majorité  libres  aujourd'hui*,  mais  beaucoup  de  femmes  sont 
restées  chez  leurs  anciens  possesseurs.  On  se  tromperait  cependant  si 
l'on  s'imaginait  qu'il  n'y  a  plus  d'esclaves  africains  dans  l'tle  de 
Madagascar.  En  dehors  du  territoire  sur  lequel  s'étend  le  pouvoir  des 
Hovas,  il  reste,  à  l'ouest  et  au  sud,  un  tiers  de  l'île  dont  les  tribus  sont 
encore  indépendantes,  et,  dans  beaucoup  de  parties  éloignées  du  centre, 
l'autorité  de  la  souveraine  est  très  précaire.  Grâce  aux  facilités  que  la 
côte  occidentale  offre  aux  Arabes  pour  échapper  aux  croiseurs  anglais, 
leurs  dhows  continuent  à  importer  des  captife  nègres.  En  1881 ,  le  gouver- 
neur portugais  de  Mozambique  informait  VAntislavery  Reporter  qu'il 
se  faisait  encore  une  exportation  considérable  d'esclaves  africains  à 
Madagascar  et  aux  Comores  ;  et,  plus  récemment,  un  rapport  du  capi- 
taine Molyneux,  de  la  corvette  anglaise  Ruhy,  évaluait  à  un  millier 
le  nombre  d'esclaves  africains  importés  annuellement  chez  les  Sakala- 
ves,  oîi  l'esclavage  est  une  institution  reconnue  par  la  loi,  institution  qui 
a  tellement  pénétré  dans  leurs  habitudes  et  dans  leurs  lois,  ainsi  que 
dans  leur  vie  civile  et  politique,  qu'il  faudra  une  réforme  complète  avant 
d'y  faire  cesser  la  traite.  L  est  même  vraisemblable  que  celle-ci  se  pour- 
suivra clandestinement  dans  le  royaume  des  Hovas,  aussi  longtemps  que 
l'esclavage  y  subsistera.  D'après  la  correspondance  du  consul  britanni- 
que de  Mozambique,  publiée  dans  le  dernier  Blue  Book  présenté  au 
Parlement,  il  est  encore  exporté  à  la  côte  occidentale  de  Madagascar 

environ  4000  esclaves  africains. 

(A  suivre.) 

CORRESPONDANCE 

Aux  renseignements  donnés  (p.  149)  sur  le  Soudan,  nous  ajoutons  les  détails 
suivants,  extraits  d'une  lettre  de  Khartoum  écrite,  le  21  avril,  par  Pun  de  nos  cor- 
respondants particuliers. 

^  M.  G.  Kurze,  rédacteur  des  MittheUungen  der  geographischen  GeséUsduifl  fur 
Hiûringen,  zu  lena,  rapporte,  à  l'occasion  d'un  récit  de  voyage  de  deux  mission- 
naires norwégiens  dans  la  partie  Sud-Ëst,  de  Madagascar,  que  les  esclaves  mozam- 
biques, retenus  par  leur  maîtres  contre  l'ordre  de  la  reine,  se  sont  enfuis,  et  ont 
fondé,  dans  la  forêt  vierge,  sur  le  cours  supérieur  de  l'Inamorona,  un  état  libre, 
que  les  Hovas,  pour  de  bonnes  raisons,  n'osent  pas  attaquer. 


—  171  — 

Des  9,000  hommes  de  renfort  qui  nous  sont  arrivés  récemment  d'Egypte,  et 
qu'il  faut  porter  à  11,000,  en  y  ajoutant  les  esclaves  noirs  enrôlés  de  force  pour  le 
service,  2,500  sont  occupés  sous  Abd-el-Kader  (Pex-gouverneur  général)  à  la 
pacification  du  Nil  Bleu  ;  7,000  ont  été  emmenés  il  y  a  15  jours  à  Kawa,  où  le 
général  Hicks  avec  son  état-major  anglais  poursuit  ses  préparatifs  pour  la  cam- 
pagne du  Kordofan  ;  1500  ont  dû  être  laissés  à  Ehartoum  pour  protéger  la  ville 
contre  quelque  coup  de  main  de  la  part  des  bandes  d'Arabes  pillards,  réunis  aux 
monts  Haraza,  à  quatre  journées  à  l'ouest  de  Ehartoum. 

La  route  du  Sennaar  soit  par  eau,  soit  par  terre  est  libre,  mais,  pour  la  mainte- 
nir telle,  il  a  fallu  immobiliser  1200  soldats  répartis  sur  différents  points.  Abd-el- 
Kader  est  a  lié  jusqu'à  Karkodj  et  au  Gebel  Goulé,  et  a  eu  avec  les  insurgés  quel- 
ques escarmouches,  transformées  en  victoires  éclatantes  dans  les  bulletins  télégra- 
phiés au  Caire.  Les  chefs  de  plusieurs  grandes  tribus  fidèles,  telles  que  les 
Abou-Rôfs,  les  Hamadas,  les  Chougrias,  qui  avaient  fourni  plusieurs  milliers 
d'auxiliaires  à  Abd-el-Kader,  se  sont  retirés,  dégoûtés  de  la  mollesse  avec  laquelle 
se  poursuit  cette  campagne. 

Du  côté  du  Nil  Blanc,  le  général  Hicks  qui,  avant-hier  a  fait  une  courte  appa- 
rition à  Ehartoum,  afin  de  correspondre  directement  par  télégraphe  avec  le  Caire, 
a  reconnu  que  la  campagne  du  Kordofan,  c'est-à-dire  la  marche  sur  El-Obeïd,  ne 
pourra  pas  commencer  avant  la  mi-juin,  lorsque  la  saison  des  pluies  aura  pourvu 
les  déserts  à  traverser  de  flaques  d'eau  et  de  pâturages.  Outre  les  six  mitrail- 
leuses Nordenfieldt  dont  il  dispose,  il  attend  encore  12  pièces  Erupp  de  monta- 
gnes, 2000  bachi-bozouks  et  800  cavaliers.  D'ici  à  la  mi-juin  les  opérations  se 
borneront  à  harceler  les  Arabes,  en  leur  fermant  le  plus  possible  l'accès  des 
méehéras,  endroits  où  les  rives,  ordinairement  escarpées,  du  fleuve  offrent  une 
pente  douce  qui  permet  de  mener  les  troupeaux  à  l'abreuvoir.  Les  bachi-bozouks 
ayant  donné  des  signes  peu  rassurants  de  mécontentement,  par  suite  de  l'arriéré 
de  leur  solde,  Hicks  s'est  emparé  ici  de  tout  l'argent  qu'il  a  trouvé  en  caisse,  et  a 
prouvé  au  Caire  la  nécessité  de  nouveaux  secours  pécuniaires. 

Les  nouvelles  qui  nous  parviennent  du  Kordofan  sont  assez  contradictoires.  Les 
unes  prétendent  que  les  insurgés  sont  fortement  impressionnés  par  les  arrivages 
continuels  de  renforts  égyptiens  ;  d'autres  disent  qu'ils  combattront  à  outrance, 
ou  qu'ils  ne  s'opposeront  à  la  marche  sur  El-Obeld  que  dans  le  cas  où  ils  auraient 
la  chance  de  pouvoir  enlever  par  surprise  les  chameaux  de  l'expédition,  et  qu'ils 
se  contenteront  de  ruiner  £l-Obeïd  de  fond  en  comble,  après  quoi  ils  se  retireront 
dans  les  montagnes,  pour  harasser  de  là  les  convois  qu'il  faudra  envoyer  du  Nil 
Blanc  à  £l-Obeld.  Comme  toujours  il  y  a  ici  des  timides  et  des  exaltés.  Il  paraît 
cependant  certain  qu'une  partie  des  Arabes  du  Kordofan  a  conduit  la  masse  des 
vieillards,  des  femmes  et  des  enfants  sur  la  rive  droite  du  Nil  Blanc,  et  a  installé 
ces  bouches  inutiles  dans  le  pays  inaccessible  qui  s'étend  entre  le  Kor-Adar  et  le 
Sobat,  ce  qui  paraît  indiquer  une  résolution  de  combattre  à  outrance.  On  se  pré- 
occupe aussi,  mais  pas  assez,  de  la  probabilité  de  voir  les  Arabes,  au  lieu  de 
s'opposer  à  la  marche  sur  El-Obeïd,  profiter  de  la  saison  pluvieuse  pour  se  jeter 


—  172  — 

en  masse  sur  le  riche  pays  de  Dongola,  patrie  de  Mohamed- Ahmed,  qui  y  compte 
de  nombreux  adhérents.  Ce  dernier  a  été  bien  faussement  représenté  comme  un 
ennemi  des  chrétiens  et  surtout  des  Européens.  Aucun  des  excès,  peu  nombreux, 
commis  jusqu'à  ce  jour  contre  ces  derniers  dans  le  Soudan  ne  peut  être  mis  à  sa 
charge;  au  contraire,  il  a  toujours  donné  les  ordres  les  plus  stricts  pour  qu'il  ne 
fût  touché  ni  à  la  personne,  ni  à  la  propriété  des  Européens.  Sennaar  n'a  point  été 
brûlé  par  les  Arabes,  et  ne  garde  aucune  trace  de  l'occupation  par  les  insurgés 
l'année  dernière  ;  au  contraire,  ils  ont  maintenu  l'ordre,  et  le  pillage  des  magasins 
européens  n'a  eu  lieu  que  pendant  les  jours  d'anarchie  qui  ont  suivi  leur  départ; 
le  massacre  de  quatre  Européens,  entre  Sennaar  et  Khartoum,  a  été  le  fait  de  la 
tribu  turbulente  et  adonnée  au  brigandage,  même  en  temps  ordinaire,*  des  Gawa- 
glas,  qui  ne  sont  point  des  partisans  du  mahdi.  Le  lieutenant  de  ce  dernier,  qui 
visita  Earko^j  l'année  passée,  ne  suggéra  l'idée  d'aucun  acte  de  violence  contre 
les  résidents  chrétiens,  et,  si  les  missionnaires  prisonniers  à  El-Obeld  ont  été  per- 
sécutés pour  leur  faire,  changer  de  religion,  c'est  absolument  contre  les  intentions 
de  Mohamed- Ahmed.  Il  lui  est  souvent  impossible  de  contrôler  le  fanatisme  ou 
la  haine  des  étrangers  parmi  les  éléments  si  divers  qui  constituent  son  armée. 
Plusieurs  de  ses  gens  sont  à  bon  droit  exaspérés  des  mauvais  traitements  qu'ils  ont 
subis  de  la  part  des  représentants  du  gouvernement  égyptien.  Je  connais  person- 
nellement deux  Européens  qui,  ayant  fait  naufrage,  il  y  a  deux  ans,  non  loin 
de  l'Ile  où  résidait  Mohamed-Ahmed,  ont  été  recueillis  et  traités  par  lui  avec  la 
plus  grande  hospitalité.  La  majeure  partie  des  Arabes  comme  il  faut  qui  ont  pris 
part  au  mouvement  nient  formellement  que  Mohamed- Ahmed  se  soit  proclamé 
mahdi;  ils  disent  qu'il  prétend  seulement  être  envoyé  de  Dieu  pour  affranchir  le 
Soudan  de  la  domination  égyptienne  et  réformer  les  abus  qui  se  sont  peu  à  peu 
introduits  dans  l'islam. 

Le  nouveau  gouverneur  général  Aladdin  pacha  déploie  une  activité  fiévreuse, 
comme  c'est  d'ordinaire  le  cas  chez  chaque  nouveau  gouverneur,  pendant  les  deux 
premiers  mois  ;  malheureusement  il  connaît  peu  les  langues  européennes.  La  colo- 
nie européenne  et  les  Arabes  intelligents  demeurent  unanimes  à  réclamer  avec 
instances  la  venue  de  Gordon.  Le  Bahr-el-Ghazal  et  la  Province  équatoriale  sont 
restés  en  dehors  du  soulèvement,  qui  est  essentiellement  musulman  et  antiégyptien. 
Dans  chacune  des  provinces  de  grandes  quantités  d'ivoire  sont  prêtes  à  être  diri- 
gées sur  Khartoum,  mais  les  bateaux  à  vapeur  sont  à  présent  exclusivement  occu- 
pés au  transport  des  provisions,  pour  les  7  ou  8000  hommes  de  troupes  campées 
sur  le  fleuve  Blanc,  aux  environs  de  Kawa. 

M.  Marqnet,  chef  de  la  principale  maison  de  commerce  de  Khartoum,  vient 
d'installer  à  Souakim  une  machine  pour  égrener  le  coton;  il  en  existe  d^'à  une  à 
Tokar,  à  60  kilom.  au  sud  de  Souakim,  et  à  10  kilom.  de  l'embouchure  du  Khor- 
Baraka.  La  même  maison  montera  prochainement  à  Khartoum  une  fabrique  de 
savon  d'huile  de  sésame,  et  un  moulin  à  vent  à  farine,  entreprises  auxquelles  sont 
assurés  des  bénéfices  considérables. 

On  se  plaint  beaucoup  de  l'introduction  par  la  «  Société  italienne  de  commerce 


—  173  — 

africain»  de  produite  de  contrefaçon  et  de  mauvaise  qualité,  bougies,  sucre,  etc.^ 
surtout  de  boissons  alcooliques,  dont  elle  importe  des  quantités  énormes;  leur 
effet  à  lui  seul  compromet  tous  les  avantages  que  le  Soudan  pourrait  retirer  de 
ses  relations  multipliées  avec  PEurope. 

P.  S.  Le  mahdi  se  trouve  solidement  établi  sur  le  Gebel  Ghedire  (Gebel  Gadero 
des  cartes),  à  cinq  jours  de  marche  au  S.  0.  d'El-Obeld,  où  il  a  fait  bâtir  une 
ville,  centre  d'un  commerce  immense  en  esclaves,  chameaux,  bœufs,  or,  etc.,  et  qui 
a  reçu  le  nom  de  Jcoursi  (siège)  de  Mohamed  Ahmed.  Les  lettres  aux  Gallas  et 
aux  Abyssins,  publiées  sous  son  nom  par  plusieurs  journaux,  sont  apocryphes,  et 
ont  été  rédigées  par  des  derviches  du  Soudan  oriental  ;  mais  il  est  certain  qu'il 
est  en  relations  suivies  avec  les  sultans  du  Ouadaï  et  du  Baghlrmi. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

Meine  mission  nach  Abessiniek,  auf  Befehl  Sr.  Maj.  des  deutschen 
Kaisers  im  Winter  1880-81  untemommen  von  Oerhard  Rohlfs.  Leip- 
zig, (F.  A.  Brockhaus,)  1883,  in-8.,  348  pages,  20  gravures  et  carte. 
16  fr.  —  Nos  lecteurs  se  souviennent  de  l'échec  éprouvé  parle  voyageur 
Rohlfs,  dans  son  projet  de  traverser  le  Sahara  pour  arriver  au  Soudan 
par  la  Tripolitaine.  Ayant  dû  revenir  en  Europe,  après  s'être  contenté 
de  visiter  la  grande  oasis  de  Kufra,  il  n'y  fit  qu'un  assez  court  séjour 
et  en  repartit  bientôt  pour  l'Abyssinie,  chargé  de  porter  au  négous  des 
présents  de  la  part  de  l'empereur  d'Allemagne.  Le  D' Stocker,  qui  avait 
accompagné  Sohlfs  dans  son  excursion  à  Kufra,  fut  aussi  son  compagnon 
de  voyage  pendant  la  première  partie  de  son  expédition  en  Abyssinie. 

Comme  le  dit  l'auteur  dans  sa  préface,  l'Abyssinie  est  aujourd'hui  un 
pays  que  l'on  peut  considérer  comme  découvert,  grâce  aux  nombreux 
explorateurs  portugais,  anglais,  français,  allemands  et  italiens  qui  l'ont 
parcouru  dans  presque  tous  les  sens.  Cependant,  le  voyage  d'un  homme 
de  la  compétence  de  Rohlfs,  même  s'effectuant  dans  des  régions  déjà, 
visitées,  est  de  la  plus  haute  importance.  Tout  le  monde  connaît  son  éru- 
dition, la  précision  qu'il  apporte  dans  ses  descriptions,  la  profondeur  de 
ses  vues  et  la  justesse  de  ses  jugements.  C'est  l'explorateur  accompli. 
Nous  voudrions  pouvoir  parler  d'une  manière  complète  de  sa  dernière 
expédition,  d'autant  plus  que  les  recueils  périodiques  n'ont  fait  que  la 
mentionner  sans  la  suivre  dans  ses  détails. 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  13,  me  du  Bhône,  à  Genève,, 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  174  — 

Le  voyage  s'est  effectué  de  novembre  1880  en  avril  1881.  Parti  de 
Massaoua,  Rohlfe  séjourna  quelque  temps  àHotumlou,  d'où  il  fit  Tascen- 
sion  du  mont  Guédem,  qu'il  décrit  dans  tous  ses  détails.  Puis  il  gagna 
l'Hamaseu,  la  province  la  plus  septentrionale  de  l'Abyssinie,  et  visita  sa 
capitale  Zazéga,  dont  le  gouverneur  Ras-Aloula  lui  fit  les  honneurs.  C'est 
là  qu'il  trouva  M.  Gustave  Lombard,  envoyé  par  le  gouvernement  fran- 
çais. Continuant  sa  route  vers  le  sud,  le  voyageur  arriva  le  17  janvier  à 
Âdoua,  et  de  là,  traversant  un  assez  grand  nombre  d'afiluents  du  Takazé, 
à  Sokota,  le  plus  grand  marché  de  sel  du  pays.  Puis,  en  13  joui-s, 
il  atteignit  la  résidence  du  négous  dans  le  Débra-Tabor,  nom  qui  (îst 
celui  d'un  district  entier  et  non  d'un  lieu  particulier.  La  réception  du 
rôi  Jean  fut  très  cordiale  ;  des  cadeaux  furent  échangés,  et  Rohlfs  fut 
chargé  par  le  souverain  de  négocier  un  traité  entre  ce  dernier  et  le  khé- 
dive. Les  événements  qui  ont  eu  lieu  dès  lors  en  Egypte  ont  fait  ajourner 
ces  projets.  Quittant  le  Débra-Tabor  le  17  février  1881,  Rohlfe  revint  par 
Gondar  et  Axoum  à  Adoua,  et  de  là  à  la  côte,  par  une  route  qui  diffère 
peu  de  celle  qu'il  avait  suivie  à  l'aller . 

On  sait  que  Stecker  se  sépara  de  l'expédition  dans  le  Débra-Tabor, 
et  qu'il  fit  en  deux  fois  l'exploration  complète  du  lac  Tzana,  exploration 
dont  nous  avons  rendu  compte  en  son  temps  dans  notre  journal  (Voir 
IIP  année,  p.  157).  Les  deux  voyageurs  ont  été  grandement  aidés  dans 
leur  mission  par  les  frères  Naretti,  dont  l'un  remplit  les  fonctions  de 
ministre  de  la  maison  du  négous. 

L'ouvrage  de  Rohlfs  qui  renferme,  outre  le  récit  du  voyage,  deux  cha- 
pitres sui*  l'histoire  contemporaine  de  l'Abyssinie,  est  accompagné  d'une 
très  belle  carte  dressée  par  Hassenstein,  un  des  nombreux  élèves  de 
Petermann.  Inutile  de  dire  qu'elle  a  été  mise  au  courant  de  toutes  les 
explorations  récentes,  et  qu'elle  est  la  meilleure  que  l'on  puisse  consulter 
pour  cette  partie  de  l'Abyssinie, 

Tunis,  par  Léon  Michel,  Deuxième  édition.  Paris  (Garnier  frères), 
1883,  in-12,  314  pages,  3fr. —  Il  ne  faudrait  pas  s'attendre  à  trouver 
dans  ce  livre  un  tableau  de  l'état  actuel  de  la  Tunisie,  car  sa  première 
édition  date  de  1867.  Celle  d'aujourd'hui  a  été,  il  est  vrai,  revue 
et  comgée,  et,  par  l'adjonction  d'un  chapitre  et  de  quelques  notes,  les 
éditeurs  ont  tenu  compte  dans  une  certaine  mesure  des  événements 
survenus  depuis  peu.  Malgré  cela,  cet  ouvrage  ne  peut  être  regardé  que 
comme  une  étude  de  mœurs,  et  Ton  sait  qu'à  cet  égard  les  descriptions 
sont  toujours  vraies,  car  l'Orient  ne  change  guère. 

Les  premières  pages  sont  consacrées  aux  ports  de  Stora  et  de  Philip- 


—  175  — 

peville.  Là,  depuis  quinze  années,  la  transformation  a  été  considérable, 
et  les  renseignements  donnés  sur  le  commerce,  l'industrie  et  les  transports 
ne  sont  plus  exacts  aujourd'hui.  11  en  est  de  même  pour  ce  qui  concerne 
l'activité  et  l'aspect  de  la  Goulette,  le  port  de  Tunis.  De  grands  paque- 
bots et  de  nombreux  navires  de  commerce  ont  pris  la  place  des  quelques 
bricks  et  goélettes  qu'y  vit  l'auteur  du  récit,  le  gendarme  français  celle 
de  l'ancien  douanier  tunisien,  et  la  nouvelle  milice  créée  par  le  général 
Forgemol  s'est  substituée  aux  misérables  sentinelles  tunisiennes. 

C'est  la  description  de  Tunis,  de  ses  environs,  des  ruines  de  Carthage, 
du  palais  du  Bardo,  qui  occupe  la  plus  grande  partie  du  volume.  Plusieurs 
chapitres  parlent  des  habitants  ;  d'autres  donnent  le  récit  de  la  visite  du 
voyageur  au  café  arabe,  à  l'hôtel  maure,  aux  soutes  ou  bazare,  à  la 
kasbah,  au  palais  de  Dar  el  Bey,  etc.  Tout  cela  est  écrit  dans  un  style 
facile  et  clair,  en  même  temps  que  fleuri,  et  nous  nous  expliquons  très 
bien  la  sympathie  avec  laquelle  la  première  édition  de  ce  livre  fut 
accueillie  par  le  public. 

Madagascar,  la  reine  des  îles  africaines,  par  Charles  BiieL 
Paris  (Victor  Palmé),  1883,  in-S**,  391  pages,  avec  illustrations,  6  fr, 
—  La  reine  des  îles  ou  des  côtes  africaines  (car  le  livre  porte  alternati- 
vement ces  deux  titres)  c'est  sans  contredit  Madagascar,  qui  se  place 
immédiatement  après  Bornéo  et  la  Nouvelle-Guinée  pour  la  grandeur, 
et  dont  l'avenir  est  certainement  plus  brillant  que  celui  de  ces  deux 
terres  malsaines  et  si  peu  connues.  M.  Buet  ne  nous  donne  pas  un  récit 
de  voyage  à  Madagascar.  Il  a  pensé  qu'au  moment  oit  une  ambassade 
malgache  visite  l'Europe  et  l'Amérique,  il  était  bon  de  faire  connaître  la 
reine  des  îles  africaines,  surtout,  dit-il,  de  montrer  quels  intérêts 
considérables  la  îYance  y  possède,  et  quels  moyens  elle  devrait  employer 
pour  les  servir.  Pour  cela,  il  a  résumé  les  renseignements  donnés  par 
quelques  auteurs  et  par  les  Annales  de  la  propagation  de  la  foi,  journal 
des  missions  catholiques.  On  le  voit,  ce  livre  a  été  écrit  spécialement 
à  un  point  de  vue  français  et  catholique  ;  en  effet,  il  étudie  aussi  bien 
Phistoii'e  politique  et  missionnaire  de  Madagascar,  l'organisation  sociale 
des  peuples  qui  l'habitent  et  les  questions  qui  se  rattachent  à  ses  desti- 
nées politiques,  que  sa  géographie,  sa  constitution,  ses  productions,  ses 
richesses  zoologiques  ou  minérales,  etc.  Madagascar,  chacun  le  sait,  est 
une  terre  spéciale,  tout  à  fait  distincte  de  l'Afrique  par  sa  faune,  sa  flore 
et  sa  formation  géologique,  et,  chose  heureuse  au  point  de  vue  de  la  colo- 
nisation, à  part  le  caïman,  les  animaux  féroces  ne  s'y  rencontrent  pas. 

D'autre  part,  comme  elle  présente  des  plaines  basses,  des  plateaux  et 


—  176  — 

des  montagnes,  on  peut  y  cultiver  presque  toutes  les  plantes  de  la  terre, 
grâce  à  la  superposition  des  climats.  Mais  le  littoral  est  loin  d'être 
salubre;  les  miasmes  qui  s'élèvent  des  marais  côtiers  empoisonnent  Tair, 
et  les  fièvres  y  sont  plus  à  craindre  que  les  armées  indigènes.  Les 
gouvernements  européens  ne  s'en  préoccupent  pas  et,  profitant  des 
dissentiments  qui  existent  entre  les  nombreux  peuples  de  l'île,  plus  d'un 
cherche  à  dominer  sur  une  partie  au  moins  de  cette  magnifique  terre. 
Il  faut  reconnaître  toutefois  que  Madagascar,  pour  des  causes  assez  diffi- 
ciles à  comprendre,  n'avait  pas  excité,  jusqu'à  une  époque  bien  récente, 
les  jalousies  des  puissances.  Le  feu  probablement  couvait  sous  la  cendre; 
aujourd'hui  il  vient  d'éclater. 

M.  Buet  a  joint  k  sa  description  un  chapitre  sur  les  colonies  anglaises 
de  l'océan  Indien,  et  une  étude  très  intéressante  de  l'île  de  la  Réunion, 
dans  laquelle  il  traite,  en  particulier,  la  question  des  travailleurs  et  des 
engagés  noirs,  hindous,  chinois  ou  annamites,  si  importante  pour  les  colons. 

Notons  que  l'ouvrage  est  enrichi  de  nombreuses  gravures. 

Souvenirs  de  l'expédition  de  Tunisie,  par  M.  B.  Girard.  Paris, 
(Berger-Levrault  et  C"),  1883,  in-8,  56  pages,  2  fr.  —  Le  contenu 
de  cette  brochure  a  été  extrait  de  la  Bévue  maritime  et  coloniale^  publi- 
cation du  ministère  français  de  la  marine.  Cet  opuscule  renferme,  sous 
une  forme  simple,  des  renseignements  spécialement  destinés  aux  marins 
et  aux  voyageurs.  L'auteur  décrit  le  port  de  la  Goulette,  les  ruines  de 
Carthage,  la  ville  de  Tunis,  la  côte  de  Tunisie,  et  dit  quelques  mots,  en 
terminant,  de  la  Tripolitaine  et  de  l'île  de  Crète.  Cet  ouvrage  sera  très 
utile  à  consulter,  en  particulier  le  chapitre  qui  traite  de  l'administration 
de  la  Tunisie,  de  sa  statistique,  de  son  climat,  de  son  agriculture,  de 
son  commerce,  en  un  mot  de  l'état  actuel  du  pays.  On  y  trouvera 
des  indications  précieuses  sur  le  climat,  qui  est  parfaitement  salubre  et 
l'un  des  meilleurs  du  monde,  car  le  thermomètre  se  maintient  entre  7* 
et  SI""  centigrades  ;  sur  les  productions,  dont  les  principales  sont  une 
huile  d'olives  très  estimée,  des  dattes  qui  passent  pour  les  meilleures  de 
l'Afrique,  et  l'alfa;  sur  Tindustrie,  la  fabrication  d'articles  de  sellerie 
et  d'étoffes  ;  la  pêche  des  éponges,  renommées  pour  leur  finesse  et  leur 
solidité  ;  le  commerce,  qui  a  beaucoup  augmenté  depuis  l'occupation 
française.  Lorsqu'on  voudra  faire  valoir  toutes  ces  richesses,  que  la 
Tunisie  sera  dotée  d'un  gouvernement  régulier  «et  d'une  plus  grande 
liberté  de  commerce,  elle  deviendra  l'un  des  pays  les  plus  prospères  ; 
cela  ne  fait  de  doute  pour  personne. 


—  177  — 

BULLETIN  MENSUEL  (i>  jtiUlet  1883.)  » 

Le  général  Hicks  a  remporté  une  grande  victoire  sur  les  indigènes  du 
Nil-Bleu,  mais  il  est  obligé,  par  la  saison  des  pluies,  d'ajourner  jusqu'au 
mois  d'août  son  projet  d'expédition  contre  l'armée  du  mahdi  concen- 
trée dans  le  Kordofan.  En  outre  d'après  des  lettres  de  Khartonm  du 
5,  du  12  et  du  26  mai,  de  M.  J.-III.  Schaver,  les  rencontres  des  troupes 
égyptiennes  avec  les  bandes  du  Nil-Bleu  n'ont  qu'une  importance  secon- 
daire. Le  manque  de  place  ne  nous  permettant  pas  de  publier  ces  lettres 
in  extenso,  nous  n'en  extrayons  que  ce  qui  nous  paraît  le  plus  impor- 
tant. Le  susdit  engagement  a  eu  lieu  le  29  avril  à  Marabieh,  sur  la  rive 
orientale  du  Nil-Blanc,  près  de  l'île  d'Aba  qui  a  été  le  berceau  de  l'in- 
surrection. Les  insurgés  durent  abandonner  leurs  positions,  en  laissant 
sur  le  terrain  200  morts,  parmi  lesquels  deux  des  chefe  influents  du  Nil- 
Bleu,  depuis  longtemps  en  hostilité  ouverte  avec  Mohamed- Ahmed,  qui 
ne  leur  avait  pas  permis  de  passer  dans  ses  territoires  à  l'ouest  du  Nil- 
Blanc.  Les  survivants  se  retirèrent  vers  le  sud,  jusqu'au  Gebel-Aïn  ou 
Gebel-Nyemati,  oîi  le  général  Hicks  les  poursuivit,  les  battit  de  nouveau, 
leur  enleva  2,000  bœufs,  et  détruisit  les  radeaux  qu'ils  avaient  préparés 
pour  passer  le  Nil-Blanc  afin  de  se  rendre  dans  le  Kordofan.  Néanmoins 
le  gros  des  troupes  de  Mohamed-Ahmed,  celles  qui  ont  une  certaine 
discipline  et  sont  pourvues  d'armes  européennes,  sont  intactes,  et  se 
recrutent  incessamment. 

Outre  ces  détails  sur  la  révolte  du  Soudan,  M.  Schuver  nous  annonce 
le  retour  à  Ehartoum,  par  un  steamer  arrivant  de  Lado  sur  le  Haat- 
^il^  de  M.  Eraldo  Dabbene,  officier  piémontais,  parti  il  y  a  plus  d'une 
année  en  compagnie  d'Emin-bey  ;  il  rapporte  une  collection  importante 
d'insectes,  mais  sa  santé  est  délabrée.  Le  capitaine  Casati  était  de 
retour  à  Lado  le  1"  avril,  et  se  disposait  à  repartir  pour  l'intérieur 
afin  d'explorer  le  cours  de  l'Ouellé.  Emin-bey  se  préparait  à  se  rendre 
dans  le  Makaraka.  Le  vapeur  susmentionné  a  apporté  200  quintaux 
d'ivoire.  Il  y  a  eu  quelques  désordres  sur  le  Haut-Nil,  les  nègres  Baris 
ne  voulant  ni  payer  le  tribut  ni  fournir  des  porteurs.  Le  gouverneur  de 

*  Les  matières  comprises  dans  nos  BuUetins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  Pest,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

L^ AFRIQUE.   —   QUATRIÈME  AIWÉE.   —   N<>   7.  7 


—  178  — 

Fachoda  signalait  une  disette  terrible  dans  cette  ville,  les  ChiUouks 
refusant  depuis  longtemps  d'y  apporter  des  vivres. 

Plusieurs  des  mi88ioiiiia.ipe8  pomainsy  prisonniers  du  mahdi, 
amenés  du  Gebel-Nouba  à  El-Obeïd,  sont  morts  par  suite  des  fatigues 
de  la  marche  et  des  privations  qu'ils  ont  dû  subir.  La  Société  mOanaise 
d'exploration  commerciale  en  Afrique  a  fait  un  appel  pressant  à  la  sym- 
pathie des  Italiens  en  leur  faveur,  et  a  envoyé  une  première  somme  de 
2,000  fr.  à  Mgr  Sogaro,  vicaire  apostolique  du  Soudan,  pour  racheter 
les  survivants.  L'évêque  de  Vérone,  protecteur  de  la  mission  de  l'Afri- 
que centrale,  a  aussi  organisé  à  cet  effet  des  quêtes  dans  toute  l'Italie. 
En  même  temps,  M.  Mancini  a  chargé  le  représentant  de  l'Italie  au 
Caire  de  rechercher,  d'accord  avec  le  gouvernement  égyptien,  les 
moyens  de  sauver  ces  missionnaires,  et  lord  Granville  a  promis  d'y  coo- 
pérer. D'autre  part  M.  G.  Wild,  membre  correspondant  delà  Société  de 
géographie  commerciale^  de  la  Suisse  orientale  à  Saint  Gall,  écrit  du 
Caire,  que,  d'après  des  nouvelles  récentes,  notre  compatriote,  M.  Gott- 
fkied  Roth,  inspecteur  du  service  de  la  traite  au  Soudan,  n'est  point, 
et  n'a  jamais  été  prisonnier  du  mahdi,  et  qu'il  se  trouve  dans  le  Dar- 
four,  province  qui  jusqu'ici  est  demeurée  fidèle  à  l'Egypte.  Toutefois 
M.  Wild  ne  peut  garantir  cette  nouvelle. 

Le  D'  Schweinfiirth  a  reçu  du  D'  Junker  une  lettré  du  16  octobre 
datée  du  territoire  de  Semio,  à  quelques  jours  au  sud  du  district  de  Mfio. 
Depuis  le  14  avril  de  l'année  dernière  l'explorateur  paraît  avoir  continué 
son  voyage  au  sud  de  rOuellé,dans  le  pays  autrefois  régi  par  Mounza.Le 
résultat  de  cette  dernière  excursion  a  été  le  relevé  de  la  grande  rivièi-e 
Nepoko  (V.  la  carte,  p.  116),  à  sept  jours  de  marche  au  S.-E.  de  l'anciemie 
résidence  de  Mounza.  Junker  n'hésite  pas  à  l'identifier  avec  l'Arouimi 
de  Stanley  ;  il  aurait  donc  pénétré  dans  le  bassin  du  Congo.  Ensuite  il 
quitta  le  pays  des  Mombouttous,  pour  revenir,  après  une  absence  de 
17  mois,  à  son  quartier  général  de  Ndorouma,  où  il  avait  laissé  ses  pro- 
visions et  ses  collections  sous  la  garde  de  Bohndorff.  De  là,  après 
27  jours  d'une  marche  rendue  fatigante  par  la  saison  des  pluies,  il  attei- 
gnit, le  27  septembre,  le  pays  de  Semio,  chef  niam-niam,  chez  lequel 
s'était  rendu  Bohndorff  .  Ayant  souffert  plus  d'une  année  de  privations 
de  toutes  sortes,  il  fiit  extrêmement  content  de  retrouver  intactes,  pro- 
visions et  collections.  Malheureusemenl  Bohndorff  avait  payé  son  tribut 
au  climat  insalubre  de  cette  région,  et  était  réduit  à  un  état  si  misérable, 
que,  sur  les  instances  de  Junker,  il  se  décida  à  revenir  en  Europe.  Pour 
envoyer  ses  collections  à  Khartoum  il  fallut  une  trentaine  de  porteurs  ; 


—  179  — 

elles  auraient  été  plus  complètes  si,  pendant  ses  explorations,  il  avait  pu 
en  trouver  un  nombre  suffisant.  Il  comptait  passer  encore  un  mois  chez 
Semio,  pour  rédiger  ses  notes  de  voyage,  puis  reprendre  la  suite  de  son 
exploration  vers  l'Ouest,  et  revenir  en  Egypte  cette  année-ci  avec  deux 
pygmées  Âkkas. 

La  Société  de  géographie  de  Paris  a  reçu  communication  d'une  lettre 
de  M.  RéiFoil  au  ministre  de  l'Instruction  publique  de  France,  qui  l'a 
chargé  d'une  nouvelle  mission  au  pays  des  Somalis.  Cette  exploration 
semble  devoir  s'accomplir  dans  les  meilleures  conditions.  Tout  en  pré- 
parant son  expédition  h  Zanzibar,  M.  Révoil  a  exploré  l'intérieur  de 
rtle,  pour  former  ses  gens  aux  préparationii^  zoologiques,  et  déjà  il  a  pu 
envoyer,  au  Muséum  d'histoire  naturelle  de  Paris,  des  collections  ethno- 
graphiques et  zoologiques  de  l'tle,  peu  étudiée  jusqu'ici  au  point  de  vue 
scientifique,  les  voyageurs  n'en  faisant  guère  que  leur  point  de  départ 
pour  l'intérieur  du  continent.  Pendant  ce  temps,  les  boutres,  descendant 
la  cote  Somali  par  la  mousson  du  N.-E.,  ont  amené  à  Zanzibar  les  chefs 
influents  du  littoral,  avec  lesquels  il  a  pu,  avec  l'aide  du  consul  de 
France  et  de  M.  Greffulhe,  entrer  en  relation,  pour  préparer  le  terrain 
de  son  exploration  future.  Il  comptait  partir  de  Zanzibar  avec  un  Arabe, 
frère  du  secrétaire  particulier  de  Saïd-Bargasch,  agent  de  la  maison 
Roux  de  Fraissinet,  établi  depuis  longtemps  à  Magadoxo,  point  de  la 
côte  par  lequel  U  pénétrera  chez  les  Somalis.  Le  sultan  de  Zanzibar  lui 
a  donné  des  lettres  de  recommandation  pour  les  che&  de  la  côte  et  de 
l'intérieur,  sur  lesquels  son  autorité  peut  avoir  de  l'influence.  De  Maga- 
doxo il  se  rendra  à  Guélédi  sur  le  Ouébi,  pour  atteindre  ensuite  Gana- 
neh,  sur  le  Djoub  ;  il  y  séjournera  assez  longtemps  pour  étudier  et 
déterminer  avec  exactitude  le  cours  de  ce  fleuve,  et  pour  réunir  et  clas- 
ser les  collections  qu'il  enverra  à  la  côte.  De  Gananeh  il  remontera  vers 
le  nord  chez  les  Ougadines,  puis  se  dirigera  sur  Harrar  et  Zeïla,  ou  bien, 
si  les  circonstances  et  l'attitude  des  populations  le  lui  permettent,  il 
reviendra  vers  le  Kafifa,  et  pourra  continuer  l'étude  hydrographique  de 
cette  région,  commencée  il  y  a  quelques  années  par  Cecchi  et  Chiarini. 

Aux  renseignements  que  nous  avons  donnés  dans  notre  précédent 
numéro  sur  l'esclavage  anx  CJomopes,  nous  devons  en  ajouter  de 
nouveaux  publiés  par  le  Times^  d'après  un  récent  rapport  du  consul 
anglais,  M.  Holmwood.  L'agent  le  plus  actif  de  la  traite  dans  ces  para- 
ges est  un  Arabe  nommé  Ali-ben-Omer,  qui  a  fait  de  Grande-Comoré  le 
centre  de  ses  opérations,  et  s'est  efforcé  d'évincer  les  deux  souverains 
de  rtle,  les  sultans  Moosa-Fum  et  Abdullah,  auxquels  il  reprochait 


—  180  — 

d^avoir  fourni  aux  croiseurs  anglais  des  informations  qui  leur  avaient 
permis  de  saisir  plusieurs  de  ses  bateaux  négriers.  Le  sultan  de  File 
Johanna  lui  a  fourni  de  l'argent,  des  armes  et  des  soldata  De  son  côté, 
Sald-Bargasch  a  soutenu  Moosa-Fum,  qui  a  dû  s'enfuir  de  sa  ville  assié- 
gée, dont  toutes  les  maisons  étaient  remplies  de  cadavres  ;  il  a  été  fait 
prisonnier  par  les  gens  d'Ali-ben-Omer,  et  empoisonné  le  même  jour. 
Les  survivants  de  son  parti  se  sont  réfugiés  dans  les  montagnes,  ob  ils 
se  sont  nourris  d'herbes  aussi  longtemps  qu'ils  l'ont  pu  ;  il  en  est  mort 
un  nombre  considérable.  Plus  de  1,500  personnes,  chefe,  fenmies, 
enfants,  ont  également  péri  de  faim  à  Iconi.  Les  soldats  de  Sald-Bar- 
gasch  ont  dû  capituler,  et  <^t  été  vendus  comme  esclaves  ;  le  sultan  de 
l'île  Johanna  en  a  été  le  principal  acheteur. 

Un  chasseur  hollandais,  M.  Botha,  s'est  rendu  du  Transvaal  au 
Kaoko,  pour  y  chasser  l'éléphant,  et  a  visité  la  colonie  des  Boërs 
établis  dans  cette  partie  des  possessions  portugaises  (province  de  Mes- 
samédës).  H  a  trouvé  le  pays  excellent  pour  l'agriculture,  bien  arrosé, 
mais  peu  propre  à  l'élève  du  bétail,  vu  son  insalubrité  pour  ce  dernier. 
Les  moutons  qu'y  ont  importés  les  Boêrs  sont  presque  tous  morts,  et, 
de  leurs  chevaux,  ceux-là  seuls  survivent  qu'ils  ont  gardés  dans  les 
écuries.  La  route  de  Humpata  à  Mossamédës,  construite  par  le  gouver- 
nement portugais,  est  terminée,  et  les  fermiers  peuvent  maintenant  con- 
duire leurs  céréales  à  ce  port  de  mer.  Avec  un  wagon  tratné  par  des 
bœu&  on  peut  s'y  rendre  en  huit  jours.  On  construit  une  église  pour  les 
colons  ;  le  Rev.  Cachet,  qui  les  a  visités  l'année  dernière,  a  promis  de 
leur  envoyer  un  pasteur  et  un  maître  d'école  ;  pour  le  moment,  c'est  un 
des  Boêrs  qui  remplit  ces  fonctions.  Nos  lecteurs  se  rappellent  les  souf- 
frances endurées  par  les  Boêrs,  dans  leur  ndgration  du  Transvaal  à 
Humpata,  à  travers  le  désert  de  Kalahari;  M.  Botha  croit  qu'en  choisis- 
sant une  saison  favorable,  et  la  route  qui  passe  par  le  lac  Ngami,  on 
peut  faire  ce  voyage  sans  difficultés. 

Le  P.  Dupapquet,  auquel  la  géographie  doit  déjà  des  renseigne- 
ments si  détaillés  sur  l'Ovampo,  a  transmis  aux  Missions  catholiqties 
une  lettre  de  feu  M.  Dufour,  son  ancien  compagnon  de  voyage,  sur  le 
pays  des  Amboellas,  oh  celui-ci  fut  assassiné,  et  oh  le  missionnaire 
fonde  en  ce  moment  une  nouvelle  station,  entre  le  Cunené  et  le  Cou- 
bango.  Nous  en  extrayons  ce  qui  nous  a  paru  le  plus  intéressant.  Les 
masses  d'eau  qui  inondent  l'Ovampo  ne  proviennent  pas  du  Cunéné 
ni  du  Coubango,  mais  des  hauts  plateaux  plus  au  nord  ;  ceux-ci  se 
succèdent  de  l'ouest  à  Test,  et  sont  séparés  par  de  larges  vallées  (orna- 


—  181  — 

rambas),  au  fond  desquelles  se  trouve  en  toute  saison,  en  abondance, 
Teau  qui  filtre  des  hauteurs.  Le  plus  important  de  ces  omarambas  est 
celui  qui  descend  du  plateau  central  d'Obambi,  à  1 ,500"  environ  d'alti- 
tude, et,  après  un  parcours  de  80  kilomètres,  forme,  à  250"  plus  bas,  le 
soi-disant  lac  d'Évaré,  simple  rivière  formant  sur  presque  tout  son 
parcours  de  larges  flaques  d'eau,  remplies  de  poissons,  de  crocodiles  et 
même  d'hippopotames.  Les  Âmboellas  occupent  les  deux  rives  du  Cou- 
bango  ;  ils  diffèrent  par  le  type  et  la  langue  des  tribus  de  l'Ovampo,  avec 
lesquelles  ils  n'entretiennent  pas  beaucoup  de  rapports,  tandis  qu^ils  ont 
avec  les  Bangaras,  au  nord,  des  relations  commerciales  régulières;  ils 
échangent  avec  eux  de  la  cire  et  du  miel  qu'ils  ont  en  abondance,  et  un 
peu  d'ivoire,  contre  de  la  toile  et  des  perles.  Ils  cultivent  du  maïs,  du 
blé,  des  haricots,  et  ont  des  troupeaux,  mais  peu  nombreux.  La  végé- 
tation n'est  plus  la  même  que  dans  l'Ovampo  oîi  prospère  le  palmier, 
remplacé  le  long  de  la  Quitanda,  qui  traverse  leur  pays,  par  des  saules, 
et  par  le  Jicus  élastica  (arbre  à  caoutchouc),  dont  Us  ne  savent  pas 
tirer  parti.  L'altitude  de  ce  district  le  rend  salubre.  L'organisation  poli- 
tique diffère  aussi  de  celle  de  l'Ovampo.  Les  villages,  qui  ont  souvent  de 
200  à  300  habitants,  sont  distants  les  uns  des  autres  de  10  à  12  kilomè- 
tres ;  chacun  d'eux  a  son  chef  complètement  indépendant. 

La  Société  africaine  allemande  a  reçu  de  Muqueng^ué  un  rapport  du 
D'  Pogffpe»  qui  complète  sur  beaucoup  de  points  celui  du  lieutenant 
Wissmann,  dont  nous  avons  donné  un  extrait  accompagné  d'une  carte 
provisoire,  (p.  81  et  92).  Quelque  intéressants  que  soient  les  détails 
nouveaux  qu'il  renferme,  le  manque  de  place  ne  nous  permet  pas  de  les 
publier.  Nous  devons  nous  borner  à  ceux  qui  se  rapportent  à  la  station 
de  Muquengué.  Celle-ci  fut  fondée  par  l'interprète  Germano,  préposé  à 
la  garde  des  marchandises  pendant  le  voyage  h  Nyangoué.  Â  son  retour, 
le  D''  Pogge  fat  charmé  de  trouver  toute  construite  une  habitation  spa- 
cieuse, solide,  au  milieu  d'une  grande  place  carrée,  bien  propre,  à 
laquelle  aboutissent  de  larges  chemins,  et  qu'entourent  des  plantations 
de  bananiers  entre  lesquels  paissent  des  troupeaux  de  chèvres.  La  mai- 
son est  située  à  200"  de  la  résidence  du  chef,  et  à  proximité  d'un  ruis- 
seau, d'une  eau  potable  très  bonne,  qui  coule  dans  une  large  gorge, 
profonde  de  20"  à  25",  dont  les  flancs  sont  couverts  d'une  forêt  vierge. 
Le  terrain  sablonneux  convient  à  la  culture  du  manioc,  du  maïs,  des  len- 
tilles, etc.  Pogge  a  fait  une  plantation  de  riz,  et  a  vu  son  exemple  suivi 
par  les  indigènes  ;  il  a  aussi  planté  des  goyaviers,  des  limoniers,  des 
caféiers;  au  delà  du  Louloua,  on  trouve  beaucoup  d'ananas  sauvages. 


—  182  — 

Le  seul  animal  domestique  que  Ton  rencontre  actuellement  à  Muquen- 
gué  est  le  pigeon.  Jusqu'en  1874  on  y  élevait  beaucoup  de  chèvres  et  de 
porcs,  mais,  à  cette  époque,  les  Baloubas,  qui  habitent  entre  les  Tuchi- 
langues  et  les  Bachilangués,  et  dont  les  principaux  chefe  sont  Muquen- 
gué  et  Kissengué,  introduisirent  chez  eux  une  sorte  de  culte  du  riamba 
(chanvre  sauvage),  que  Ton  fume  dans  presque  toute  TÂfrique  mais 
nulle  part  autant  que  chez  eux,  et  qui  produit  chez  les  fumeurs  une  sorte 
d'ivresse.  Le  pays  où  règne  le  culte  du  riamba  s'appelle  le  Louboukou 
(Amitié);  les  hostilités  y  sont  interdites,  même  le  port  d'armes  ;  l'hos- 
pitaUté  y  est  de  règle;  une  sorte  de  vie  publique,  de  camaraderie  s'est 
établie  entre  tous  les  be>ia  riamba  (fils  du  chanvre  sauvage),  et  exerce 
son  influence  sur  tous  les  événements  importants  de  la  vie.  Devenu  bena 
riamba  en  1874,  Muqueugué,  selon  le  désir  de  sa  sœur,  Sangoula, 
renonça  à  tous  les  usages  et  à  la  nourriture  des  tchiplumhas  (non 
fumeurs  de  chanvre),  proscrivit  tous  les  animaux  domestiquas  à  l'excep- 
tion du  pigeon,  et  les  fit  détruire,  ainsi, que  les  plantations  d'ananas,  de 
bananiers  et  de  palmiers,  le  vin  de  palmier  étant  interdit  ;  la  seule  bois- 
son fermentée  permise  est  la  bière  de  lentilles.  Lors  de  l'arrivée  des 
voyageurs  allemands  à  Muquengué,  en  octobre  1881,  ils  n'y  trouvèrent 
ni  poules,  ni  chèvres  ;  mais,  depuis  le  retour  de  Pogge,  Muquengué  a 
donné  l'ordre  à  ses  gens  d'avoir  des  poules  et  des  chèvres,  et  de  replan- 
ter des  bananiers  ;  les  chefs  d'au  delà  du  Louloua  lui  ont  déjà  apporté 
plusieurs  tributs  de  chèvres.  L'explorateur  dépeint  ce  chef  comme  très- 
favorable  aux  blancs,  prêt  à  écouter  leurs  conseils,  point  mendiant  comme 
la  plupart  des  chefe  indigènes,  et  disposé  à  fournir  aux  voyageurs  guides 
et  gens  pour  les  accompagner4  Pogge  a  envoyé  Germano  à  Malangé 
pour  y  chercher  des  lettres  du  Comité  national  allemand,  et,  dans  le  cas 
où  celui-ci  enverrait  à  Muquengué  de  nouveaux  voyageurs,  pour  y  enrô- 
ler des  porteurs  afin  d'amener  ceux-ci  à  la  station  par  le  plus  court  che- 
min. Si  le  Comité  n'a  personne  à  envoyer,  Pogge  reviendra  en  Europe, 
au  terme  des  trois  ans  pour  lesquels  il  s'est  engagé.  On  peut  espérer 
qu'en  attendant  il  profitera  de  son  séjour  à  Muquengué  pour  étendre 
ses  découvertes  vers  le  nord,  oh  le  grand  marché  de  Cabau,  sur  le  Lou- 
loua, et  le  cours  inférieur  du  Cassai  doivent  attirer  son  attention.  A 
propos  de  ce  dernier,  il  n'a  entendu  parler  d'aucune  cataracte,  depuis 
son  confluent  avec  le  Quicapa  jusqu'à  son  embouchure  dans  le  Congo. 

Les  journaux  belges  nous  apportent  les  nouvelles  suivantes  des  agents 
du  Comité  d'Études  du  Hant-Con§;a*  M.  Avert  complète  les 
installations  d'Isanghila,  où  est  arrivé  M.  Roger  amenant  deux  balei- 


—  183  — 

iiiëres,  destinées  à  assurer  les  communications  entre  cette  station  et 
Manjanga.  —  M.  Parfoury,  occupé  à  la  reconnaissance  d'une  route  au 
sud  du  fleuve,  ayant  commis  Timprudence  de  sortir  sans  casque,  avec 
un  simple  chapeau  de  feutre,  a  été  frappé  d'insolation.  Transporté  à 
Manyanga,  il  a  succombé  au  bout  de  peu  de  jours,  malgré  les  soins 
dévoués  de  M.  Gillis  et  du  D'  Van  den  Heuvel.  —  M.  Kallina,  chef  d'une 
des  stations,  s'est  noyé  à  Stanley  Pool,  en  passant  le  fleuve  en  pirogue. 
Stanley  a  transporté  à  Stanley  Pool  le  canot  à  vapeur  Le  JSo^aZ,  ce  qui, 
avec  VAssodation  internationale  africaine  et  VEn  avants  porte  à  trois  le 
nombre  des  embarcations  à  vapeur  dont  il  dispose  actuellement  pour 
remonter  la  partie  navigable  du  fleuve.  Plusieurs  journaux  ont  annoncé 
comme  imminent  un  conflit  entre  lui  et  Savorgnan  de  Brazza ,  mais 
aucun  fait  n'est  venu  confirmer  ce  bruit.  Le  Comité  d'Études  paraît  très 
désireux  de  ne  rien  permettre  à  ses  agents  qui  puisse  troubler  l'accord 
qui  doit  régner  entre  les  explorateurs  du  Congo.  D'après  une  brochure 
(Le  Congo)  qui  vient  de  paraître  à  Bruxelles,  un  des  chefe  de  Stanley* 
Pool,  Poumou  Mtaba,  ayant  reçu  du  roi  Makoko  des  territoires  con- 
sidérables, conclut,  le  21  décembre  1882,  avec  les  représentants  du 
Comité,  un  traité  qui  les  autorisait  à  bâtir  une  nouvelle  station  indé- 
pendante à  Mfiva,  entre  les  rivières  Impila  et  Djoué,  sur  la  conces- 
sion de  Makoko  à  Savorgnan  de  Brazza.  Lorsque  Stanley  arriva  au 
Congo,  le  14  janvier  suivant,  il  fit  évacuer  Mfiva,  oii  ses  agents  s'étaient 
établis. 

Les  procédés  de  M.  Van  de  Velde,  chef  de  la  station  du  Comité 
d'Études  à  l'embouchure  du  Quillou»  envers  l'agent  de  Brazza  chargé 
de  reconnaître  la  côte  depuis  le  Gabon  jusqu'à  Loango,  permettent  aussi 
d'espérer  que,  sur  ce  point  non  plus,  il  n'y  aura  pas  de  conflit,  quoique 
nous  ne  comprenions  pas  encore  le  nvotif  pour  lequel  Stanley  a  créé  cette 
station,  sur  une  voie  qu'il  sait  être  la  base  d'opération  de  Brazza  pour 
atteindre  Brazzaville  par  la  vallée  du  Niari.  Lorsque  le  Sagittaire  arriva 
à  cette  station,  la  mer  étant  mauvaise  et  l'accès  de  la  côte  dangereux, 
M.  Van  de  Velde  s'empressa  de  venir  en  aide  à  l'équipage  du  vapeur 
français  pour  le  débarquement.  Le  commandant  visita  deux  factoreries, 
l'une  française,  l'autre  hollandaise,  établies  au  bord  du  Quillou,  prit  les 
renseignements  dont  il  avait  besoin  sur  les  ressources  de  la  localité  et 
sur  (la  navigabilité  du  fleuve,  et  repartit  ensuite  pour  Punta-Negra  et 
Loango.  Quant  à  de  Brazza  lui-même,  il  est  arrivé  au  Gabon  le  21  mai; 
son  personnel  était  dans  de  bonnes  conditions  et  a  dû  être  immédiate- 
ment acheminé  sur  Lambaréné,  station  située  sur  l'OgÔoué,  à  200  kiL 


—  184  — 

de  Tembouchure  du  fleuve.  D 'après  des  renseignements  du  Gabon,  publiés 
par  le  Temps,  les  maisons  étrangères,  dont  les  &ctoreries  sont  établies 
siu*  le  bas  Ogôoué,  ont  cherché  à  agir  sur  les  populations  riveraines  dans 
un  sens  hostile  aux  Français,  en  sorte  que  le  commandant  du  Grabon 
s'est  vu  obligé  d'interdire  à  leurs  factoreries  de  vendre  aux  indigènes 
des  armes  et  des  munitions.  On  espère  beaucoup  que  la  venue  de  Brazza, 
très- populaire  parmi  les  tribus  de  l'intérieur,  neutralisera  les  mauvaû: 
effets  de  ces  agissements  malveillants. — Deux  jeunes  Français  entrepre- 
nants viennent  de  fonder  au  Gabon  la  première  exploitation  agricole  qui 
ait  été  établie  dans  ces  parages  par  des  Européens. 

Dans  notre  dernier  numéro,  nous  annoncions  la  découverte  faite  par 
Fleg^el  des  sources  du  Bénoué.  Dès  lors  les  Mittheilungen  de  la  Société 
africaine-allemande  nous  ont  apporté  des  détails  sur  son  voyage,  et  sui* 
ses  projets  d'exploration  future.  De  Yola,  au  sud  du  haut  Bénoué,  où  il 
se  trouvait  à  la  fin  de  juillet  1882,  il  s'avança  jusqu'à  Boundang  sur  le 
Faro,  qui  y  forme  trois  bras  et  inondait  le  pays  ;  puis,  l'ayant  traversé  et 
se  dirigeant  vers  le  mont  Borongou,  il  découvrit  la  ligne  de  faîte 
entre  cette  rivière  et  le  Bénoué.  Continuant  sa  marche  vers  le  sud-est^ 
tantôt  dans  le  bassin  du  Faro,  tantôt  dans  celui  du  Bénoué,  il  atteignit, 
le  17  août^  la  première  des  sources  de  ce  fleuve,  et  les  jours  suivants 
d'autres  encore,  jusqu'à  ce  que,  ayant  gravi  une  pente  abrupte,  arrivé 
sur  le  sommet  de  la  montagne,  en  forme  de  dos,  il  apprit  des  indigènes 
que  c'était  là  que  se  trouvait  la  source  proprement  dite  du  Bénoué.  Ses 
ressources  étant  épuisées,  il  est  redescendu  à  Lokodja  pour  les  renouve- 
ler, en  même  temps  que  pour  compléter  ses  observations,  afin  que  la 
carte  qu'il  prépare  soit  plus  exacte,  et  aussi  pour  accoutumer  les  popula- 
tions aux  allées  et  venues  des  blancs  et  leur  inspirer  confiance,  enfin, 
pour  expédier  ses  collections  au  Musée  de  Berlin.  La  première  partie  de 
la  mission  dont  il  avait  été  chargé,  la  détermination  du  bassin  du 
Bénoué,  est  remplie.  Si  la  Société  africaine  allemande  lui  accorde  les 
subsides  dont  il  aurait  besoin  pour  poursuivre  ses  explorations,  il  étu- 
diera les  rapports  du  lac  Tchad  et  du  Bénoué,  par  le  marais  de  Toubouri 
et  le  Mayo-Kebbi,  ainsi  que  les  conditions  politiques  et  ethnographi- 
ques des  populations  des  territoires  situés  entre  le  lac  Tchad  et  le  Niger, 
l'histoire  du  commerce  et  de  l'industrie  des  Haoussas  et  des  Fouldes, 
comme  porteurs  de  la  civilisation  dans  le  Soudan  oriental.  Mais,  avant 
tout,  il  retournera  dans  l'Adamaoua,  pour  explorer  plus  complètement 
le  pays  au  sud  du  Bénoué,  et  tâcher  d'atteindre  par  là  Bagno,  la  clef  du 
Vieux  Galabar,  puis  le  pays  des  peuples  nains  Gandafous,  et  l'Océan. 


—  185  —        f 
Après  avoir  laissé  à  Bamakou  une  garnison  de  100  tirailleurs  sénéga- 

1 

lais,  le  colonel  Bor^^is-Desbordes  a  remonté,  pendant  une  centaine 
de  kilomètres,  la  rive  du  Niger,  pour  rejeter  les  bandes  de  Samory  dans 
la  direction  du  Bouré.  Il  a  ensuite  regagné,  par  Koundou,  le  bassin  du 
Sénégal,  et  est  arrivé  à  Badombé  près  de  Bafoulabé,  le  17  mai  ;  le  2  juin 
il  était  à  Khayes.  Un  transport  a  été  envoyé  au  Sénégal  pour  recevoir  le 
personnel  de  Texpédition  dès  son  arrivée  à  Saint-Louis.  Le  colonel  et 
ses  hommes  sont  attendus  en  France  prochainement.  —  De  son  côté,  le 
D""  Bayol  écrit  à  un  ami  de  Marseille  que  les  circonstances  politiques 
ne  lui  ont  pas  permis  d'aller  à  Nioro  dans  le  Kaarta,  les  indigènes  redou- 
tant de  voir  les  Français  s'installer  sur  le  Niger.  Après  trois  mois 
d'attente,  le  gouvernement  a  renoncé  à  l'envoyer  dans  ce  pays,  et  en 
revanche  l'a  chargé  d'une  exploration  dans  une  région  encore  inconnue, 
voisine  du  Sahara.  U  a  dû  quitter  Bamakou  le  16  avril,  pour  se  diriger 
vei-s  le  Nord-Est.  —  Quoique  Bamakou  ait  beaucoup  perdu  de  son 
importance  depuis  l'époque  de  Mungo-Park,  où  c'était  un  grand  marché 
en  même  temps  que  la  résidence  du  chef,  c'est  encore  un  lieu  de  passage 
pour  les  caravanes  du  Kaarta  qui  se  rendent  dans  les  pays  situés  aux 
sources  du  Niger,  afin  d'y  échanger  du  sel  contre  des  esclaves.  On  peut 
espérer  que  la  traite  cessera  lorsque  le  prix  du  sel  baissera.  Aujourd'hui, 
une  banne  de  sel  s'échange  contre  un  esclave  de  200  ou  250  fr.  Quand 
on  pourra  fournir  la  même  quantité  de  sel  pour  5  ou  6  fr.,  les  esclaves 
perdront  toute  leur  valeur.  L'apport,  à  des  prix  modérés,  des  marchan- 
dises d'Europe,  sera  donc  un  des  moyens  de  faire  disparaître  l'escla-' 
vage.  Quant  à  la  navigation  du  Niger  en  aval  de  Bamakou,  sur  une 
étendue  de  15  kilon).  le  fleuve  s'étend  beaucoup,  et  a  de  nombreux 
rapides  et  des  barrages  de  pierres  et  d'herbes  ;  à  Sotuba  les  eaux  se  pré- 
cipitent par  trois  chenaux  creusés  entre  les  rochers,  et  dont  aucun  n'est 
praticable  dans  la  saison  sèche;  aux  hautes  eaux  les  pirogues  passent  en 
suivant  les  bords  du  fleuve.  Après  Sotuba,  le  Niger  reprend  son  cours 
normal,  et  jusqu'à  Segou,  ne  présente  plus  de  barrages  aux  eaux  basses. 
Un  de  nos  compatriotes,  M.  Demaffey,  ingénieui*  des  mines,  atta- 
ché aux  expéditions  du  colonel  Borguis-Desbordes  et  du  D'  Bayol,  a 
projeté,  avec  l'appui  de  son  chef,  une  exploration  dans  une  partie  du 
territoire  du  Haut-Sénégal  inconnue  jusqu'ici.  De  Bakel,  il  compte  se 
rendre  par  terre  à  Senoudebou,  capitale  du  Bondoii ,  sur  la  rive  gau- 
che de  la  Falémé,  presque  à  sec  au  commencement  de  mai,  puis  explo- 
rer le  Bainbouk,  entre  cette  rivière  et  le  Bafing.  Son  voyage  doit 
durer  une  trentaine  de  jours. 


—  186  — 

M.  le  D' Bourru,  secrétaire  général  de  la  Société  de  géographie  de 
Bochefort,  a  bien  voulu  nous  donner  des  détails  sur  rexpédltton 
Bcientiflqne  du  Talismaii  confiée  à  M.  Milne  Edwards  et  annoncée 
dans  notre  dernier  numéro  (p.  166).  Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  com- 
muniquer sa  lettre  tout  entière  à  nos  lecteurs.  Faute  de  place,  nous  ne 
pouvons  que  mentionner  les  appareils  de  sondage  et  de  draguage  dont  le 
Talisman  est  pourvu,  et  avec  lesquels  on  peut  atteindre  jusqu'à  8000". 
de  profondeur.  L'un  des  plus  remarquables  est  celui  qui  permet  de  stop- 
per instantanément  la  sonde  au  moment  où  elle  touche  le  fond,  par  les 
plus  grandes  profondeurs,  ce  qui  est  la  principale  difficulté  des  sondages  ; 
aussi  l'appareil  susmentionné  est-il  particulièrement  précieux.  Ajoutons 
encoi*e,  aux  renseignements  que  nous  avons  donnés  le  mois  passé  sur  cette 
exploration,  que  le  Talisman  relâchera  àMogador,  et  que,  dans  l'archi- 
pel  du  Cap  Vert,  il  explorera  en  particulier,  certains  îlots,  habités  par 
dès  sauriens  inconnus  ailleurs. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

L'état-major  français  fait  faire,  sur  la  frontière  de  la  province  d'Oran,  des  étu- 
des relatives  à  l'établissement  de  voies  de  communication  entre  Oran  et  Fez. 

Depuis  l'annexion  du  Mzab  à  l'Algérie,  la  traite  des  nègres,  amenés  naguère 
dans  ce  district  d'où  ils  étaient  expédiés  au  Maroc  et  en  Tripolitaine,  a  cessé,  ainsi 
que  le  commerce  clandestin  de  la  poudre  avec  les  indigènes. 

La  Ligue  de  reboisement  de  l'Algérie  se  propose  de  concourir  à  l'œuvre  de  créa- 
tion de  la  mer  intérieure,  en  reboisant  les  sources  et  les  rives  des  anciens  affluents 
des  chotts,  pour  leur  rendre  l'abondance  d'eau  qu'ils  avaient  autrefois. 

Un  survivant  de  la  mission  Flatters  a  été  ramené  à  Ghardaïa,  avec  des  papiers 
de  peu  d'importance. 

Un  indigène  de  Touggourt  a  écrit  à  M.  H.  Duveyrier,  que  le  commencement  de 
cette  année  a  été  exceptionnellement  favorable  pour  le  Sahara,  où  il  est  tombé 
vingt  fois  de  la  pluie  en  quelques  mois.  —  En  revanche  une  caravane  de  Trouds, 
venant  de  Ghadamès,  a  rapporté  que  les  Touaregs  Azdjers  organisent  \ine  expé- 
dition contre  les  Hoggars  qui  leur  ont  razzié  60  chameaux,  ainsi  que  des  esclaves 
qu'ils  escortaient,  et  tué  un  certain  nombre  de  leurs  gens. 

M.  le  D'  Pasqua,  établi  à  Tripoli,  a  envoyé  à  la  Bévue  de  Géographie^  rédigée 
par  M.  L.  Drapeyron^  quelques  notes  sur  une  excursion  de  82  jours  qu'il  a  faite 
avec  des  officiers  supérieurs  du  génie,  de  Tripoli  à  Urfell,  en  passant  par  Tad- 
joura,  l'oued  Msid,  la  belle  plaine  de  Dj effara,  et  le  riche  district  de  Misrata. 

M.  G.  Ruhner,  attaché  au  musée  botanique  de  Berlin,  a  fait  un  séjour  de  quatre 
mois  à  Bengasi,  d'où  il  a  rapporté  des  collections  botaniques  importantes.  De  son 


—  187  — 

côté,  le  D'  Schweinfurth  a  exploré  la  baie  de  Tobrouk,  et  ses  recherches  au  point 
de  vue  botanique,  jointes  à  celles  de  M.  Buhner,  ont  ajouté  à  la  flore  de  la  Gyré- 
naïque  une  centaine  de  plantes  nouvelles. 

Quoique  la  question  du  canal  de  Suez  ne  soit  pas  encore  résolue,  il  ressort 
cependant  du  rapport  présenté  par  M.  de  Lesseps  à  l'assemblée  des  actionnaires, 
le  4  juin,  que  la  Compagnie  est  disposée  à  répondre  aux  besoins  croissants  du 
commercé;  soit  en  facilitant  la  circulation,  soit  en  abaissant  les  tarifs. 

Une  commission  a  été  nommée  par  le  gouvernement  égyptien,  pour  examiner  le 
projet  de  chemin  de  fer  de  Souakim  à  Berber.  Les  négociants  du  Caire,  intéressés 
dans  le  commerce  avec  le  Soudan,  préféreraient  l'achèvement  de  la  ligne  de 
Wadi-Halfa  à  Hamara,  qui  leur  conserverait  le  transit  dont  bénéficie  PÉgypte. 

L'expédition  italienne  dirigée  par  Blanchi  est  arrivée  à  Adoua,  d'où  elle  a  dû 
se  rendre  à  Samera  où  se  trouvait  le  négous,  auquel  elle  devait  remettre  les  pré- 
sents du  roi  d'Italie.  Blanchi  estime  avantageux,  pour  la  station  qu'il  est  chargé  de 
fonder  dans  le  Go^jam,  que  le  roi  Jean  ait  maintenu  comme  gouverneur  de  cette 
province,  ainsi  que  du  Damot  et  des  pays  gallas  tributaires.  Ras  Adal,  le  libérateur 
de  Cecchi.  Il  espère  recevoir  de  lui  tout  ce  dont  il  aura  besoin. 

M.  Soleillet  est  revenu  de  Kaffa  au  Choa,  rapportant  de  son  voyage  de  trois  mois 
de  nombreux  renseignements  géographiques  et  ethnographiques.  En  rentrant  à 
Ankober,  il  a  appris  que  le  pacha  de  Zeïla,  Abou-Beker,  avait  formé  le  projet  de  le 
faire  assassiner,  comme  Lucereau  et  Arnoux.  Ménélik,  désigné  par  le  négous  pour 
lui  succéder,  enverra  en  France  une  ambassade   qu'accompagnera  M.  Soleillet. 

M.  Franzoï,  rédacteur  de  la  Gazette  de  Turiny  fait  dans  ce  moment  un  voyage 
en  Abyssinie  et  au  Choa.  Ménélik  l'a  reçu  à  Debra-Beheran. 

MM.  Binns  et  Wray,  missionnaires  de  la  station  de  Rabaï,  près  de  Mombas,  se 
sont  avancés  dans  l'intérieur  jusqu'au  village  du  chef  Mouakimsoutou,  sur  le  ver- 
sant occidental  d'une  montagne  de  1500™  de  hauteur,  à  plus  de  dix  journées  de  mar- 
che de  la  côte.  Le  bon  accueil  du  chef,  les  a  engagés  à  y  construire  une  habitation, 
pour  laquelle  le  bois  et  le  fer  avaient  été  apportés  par  la  caravane. 

Les  troubles  du  Soudan  ayant  rendu  les  Arabes  de  l'Ouganda  plus  audacieux* 
les  missionnaires  romains  ont  quitté  temporairement  Roubaga,  et  sont  allés  fonder 
deux  nouvelles  stations  à  l'extrémité  S.-E.  du  Victoria  Nyanza. 

M"'*'  Last,  femme  du  missionnaire  de  Mamboïa,  et  la  première  Anglaise  qui  ait 
résidé  si  avant  dans  l'intérieur,  est  morte  des  suites  d'une  insolation. 

M.  Hannington,  un  des  missionnaires  anglais  destinés  à  renforcer  la  station  de 
l'Ouganda,  a  dû  revenir  en  Angleterre  pour  cause  de  santé.  Aux  dernières  nouvel- 
les, ses  collègues  se  disposaient  à  traverser  le  lac  pour  se  rendre  à  Roubaga. 

Le  Henri  Wright^  destiné  au  service  des  missions  anglaises  de  la  côte  orientale 
d'Afrique,  est  parti  pour  sa  destination  le  5  mai. 

L'association  internationale  africaine  a  envoyé  M.  Beine  remplacer  M.  Maluin, 
obligé  par  la  maladie  de  revenir  en  Europe. 

M.  Bloyet,  chef  de  la  station  du  Comité  national  français  à  Condoa,  signale  une 
iiV^ursion  des  Mafitis  à  cinq  jours  de  marche  du  village.  Cette  peuplade  turbu- 


—  188  — 

lente,  dont  les  méfaits  sont  nombreux,  a  détruit  un  grand  village,  et  massacré  ou 
réduit  en  esclavage  une  partie  de  la  population.  M.  Bloyet  travaille  à  la  carte  de 
POusàgara,  et  enverra  prochainement  de  nouvelles  collections. 

Les  missionnaires  romains  de  Bagamoj'O  ont  fondé  à  Mrogoro  une  nouvelle  sta- 
tion qui  prend  déjà  un  certain  développement  ;  les  cases  primitives  de  torchis  et 
de  chaume  sont  successivement  remplacées  par  des  constructions  en  pierre  ;  le 
terrain  couvert  de  broussailles  et  de  forêts  se  défriche,  et  sera  planté  d^  caféiers. 

Le  bateau  de  sauvetage,  transporté  par  sections  de  Zanzibar  au  Tanganyika, 
par  la  caravane  des  missionnaires  anglais,  sous  la  direction  de  M.  Hore,  est  arrivé 
à  Oudjidji  le  23  février.  Dès  qu'il  aura  été  remonté,  le  Rev.  Dineen  se  rendra  à 
Pextrémité  sud  du  lac,  où  il  choisira  un  emplacement  pour  une  nouvelle  station, 
et  fera  les  préparatifs  nécessaires  pour  la  réception  du  vapeur  la  Banne  Nouvelle^ 
amené  par  la  route  du  Nyassa  au  Tanganyika. 

Le  Créole  annonce  que  Pétablissemeut  de  signaux  optiques  entre  la  Réunion  et 
Maurice  a  réussi. 

M.  Antonio  Cardoza,  lieutenant  de  vaisseau  de  la  marine  portugaise^  et  ancien 
gouverneur  de  Quilimane  et  d'Inhambane^  est  rentré  en  Europe  pour  se  reposer 
d'un  voyage  d'exploration  de  huit  mois,  exécuté  par  ordre  de  son  gouvernement. 
D'Inhambané  il  s'est  dirigé,  par  Mulama  et  Pachano,  vers  la  chaîne  de  montagnes 
qui  court  ensuite  au  nord.  Il  a  atteint  Maringa,  traversé  le  Sabi,  et  est  arrivé  à 
Goanha  dans  le  voisinage  du  kraal  d'Oumzila.  De  là  il  à  descendu  le  Gorongosa, 
puis  il  est  revenu  à  Inhambané  en  suivant^e  littoral. 

Une  réunion  nombreuse  de  membres  de  la  Société  de  géographie  de  Lisbonne, 
de  commerçants  et  d'industriels  portugais,  convoquée  par  M.  l'ingénieur  Machado, 
s'est  occupée  de  la  question  du  chemin  de  fer  de  Lorenzo  Marquez  à  Pretoria. 

Daus  la  séance  d'ouverture  du  Yolksraad  du  Transvaal,  le  secrétaire  d'État  a 
annoncé  que,  dans  l'opinion  du  gouvernement,  le  moment  était  venu  d'ouvrir  des 
négociations  avec  l'Angleterre,  en  vue  de  modifier  la  convention  par  laquelle  le 
Transvaal  a  recouvré  son  autonomie  sous  la  suzeraineté  de  S.  M.  la  reine  Victoria. 

Lord  Reay,  écossais  d'origine  et  hollandais  de  naissance,  actuellement  pair 
d'Angleterre,  vient  d'être  nommé  commissaire  du  gouvernement  au  Transvaal, 
avec  des  pleins  pouvoirs  pour  traiter  toutes  questions  et  conflits  qui  pourraient 
surgir  entre  les  Boërs,  les*  Bechuanas  et  d'autres  tribus. 

Un  corps  de  partisans  de  Cettiwayo  a  fait  irruption  dans  le  Transvaal. 

Deux  missionnaires  allemands,  MM.  Schroeder  et  Hocrmann,  ont  été  assassinés 
dans  le  Zoulouland. 

Les  églises  du  Lessouto  ont  célébré,  le  31  mai,  le  cinquantième  anniversaire  de 
la  fondation  de  la  mission  française  dans  ce  pays. —  M.  Paul  Germond,  a  dû  quitter 
temporairement  sa  station  de  Thaba  Mor(ina,  pour  venir  en  Suisse  se  reposer  de 
ses  travaux  de  23  années  au  service  de  cette  mission.  —  Un  armistice  a  été  conclu 
entre  les  partisans  de  l'indépendance  du  Lessouto  et  ceux  de  la  soumission. à 
l'autorité  anglaise. 

Une  société  s'est  formée  en  Angleterre,  sous  les  auspices  de  plusieurs  philan- 


—  189  — 

thropes  chrétiens,  pour  établir  une  sorte  de  coioiiie  chrétienne  dans  PAfrique 
méridionale,  d'après  les  principes  déjà  appliqués  dans  divers  pays  païens  par  les 
Frères  Moraves.  Le  gouTernement  de  Natal  a  accordé  à  cette  société  3,400  acres 
de  terrain  à  des  conditions  avantageuses.  Six  familles  chrétiennes  ont  déjà  été 
établies  sur  ces  terres,  et  d^autres  se  préparent  à  suivre  ces  pionniers.  Mais  le  gros 
de  la  colonie  consistera  en  jeunes  gens  des  deux  sexes,  âgés  d'à  peu  près  15  ans, 
pris  dans  la  classe  indigente  de  l'Angleterre  et  préalablement  formés  à  diverses 
industries. 

Le  vapeur  le  Henry  Beed  destiné  au  service  de  la  «  Livingstone  inland  mission,  » 
sur  le  cours  moyen  du  Congo,  a  dû  quitter  l'Angleterre  en  juin.  M.  Billington 
missionnaire  ingénieur  qui^  en  a  dirigé  la  construction,  l'accompagne,  et,  après 
l'avoir  fait  transporter  par  sections  à  Stanley  Pool,  devra  le  faire  remonter.  Les 
missionnaires  se  sont  assuré  un  terrain,  et  ont  fait  construire  une  maison  et  un 
hangar  pour  cette  opération.  Ils  n'auront  pas  là  de  station  permanente,  les  mis- 
sionnaires baptistes  en  ayant  déjà  une  à  Léopoldville. 

D'après  une  communication  faite  à  la  Société  de  géographie  de  Stockholm^ 
l'expédition  de  M.  Rogozinsky,  qui  devait  explorer  la  région  encore  inconnue  com- 
prise au  sud  des  sources  du  Faro  et  du  Bénoué,  en  partant  du  golfe  de  Guinée, 
n'aura  pas  lieu.  Un  de  ses  membres,  M.  le  capitaine  Een,  voyageur  suédois,  s'est 
rendu  auprès  de  Stanley  sur  le  Congo. 

La  Compagnie  française  de  l'Afrique  équatoriale  a  fait  prier  le  ministre  de  la 
marine  d'envoyer  un  navire  de  guerre  à  Brass,  à  l'embouchure  du  Niger,  où  elle 
possède  aujourd'hui  une  vingtaine  de  factoreries. 

Les  négociations  entamées  entre  l'Angleterre  et  le  Portugal  au  si^et  de  AVhydah, 
ont  eu  des  inconvénients  pour  le  commerce  de  la  localité.  Le  roi  du  Dahomey, 
prenant  ombrage  du  projet  des  Portugais  de  la  céder  aux  Anglais,  a  consigné 
dans  leurs  maisons  tous  les  blancs  de  ses  états.  Le  trafic  est  ainsi  suspendu. 

M.  J.  Barber,  explorateur  indigène,  est  revenu  du  Niger  à  Cape  Coast  Castle. 

Les  négociants  de  Cape  Coast  Castle  ont  conçu  le  projet  de  faire  construire  un 
chemin  de  fer,  de  la  côte  à  Denkira  dans  le  pays  des  Achantis,  et  ont  demandé 
au  gouverneur,  Sir  Samuel  Kowe,  l'autorisation  de  constituer  pour  cela  une  com- 
pagnie. Ils  sollicitent  du  gouvernement  une  garantie  d'intérêt  de  5  °lo. 

Le  gouverneur  de  la  Côte  d'Or  ayant  reçu  plusieurs  députations  d' Achantis,  a 
envoyé  deux  délégués^  MM.  Kirby  et  Barrow,  pour  visiter  les  districts  agités  de 
ce  pays.  Ils  doivent  recueillir  tous  les  renseignements  possibles  sur  la  situation 
actuelle  des  affaires  dans  l'Achanti,  et  sur  les  questions  qui  divisent  le  roi  et  ses 
sujets.  Cette  mesure  avait  d'ailleurs  été  sollicitée  par  le  roi  lui-même,  qui  avait 
dernièrement  envoyé  un  agent  confidentiel  à  Sir  Samuel  Rowe,  pour  le  prier  de 
déléguer  quelques  officiers  chargés  de  faire  une  enquête. 

Les  troubles  du  Cayor  sont  terminés  ;  le  chef  Samba  Lobé  a  fait  sa  soumission 
entre  les  mains  du  gouverneur  du  Sénégal,  M.  Servatius,  qui  lui  a  accordé  l'auto- 
risation de  retourner  dans  le  Cayor  comme  simple  particulier. 

Une  ligne  télégraphique  sera  établie  pour  relier  Saldé  à  Bakel,  afin  de  complé- 


—  190  — 

ter  les  communications  télégraphiques  avec  le  haut  fleuve,  et  de  faciliter  les  rap- 
ports commerciaux  de  Dakar,  Rufisque  et  Saint-Louis  avec  Bakel,  centre  impor- 
tant où  se  font,  à  Pépoque  de  la  traite  de  la  gomme,  de  nombreuses  transactions 
par  rechange  de  marchandises  françaises  contre  les  produits  indigènes. 

La  commission  du  budget  des  Chambres  françaises  a  décidé  d'accorder  de  nou- 
veau quatre  millions  et  demi,  pour  la  continuation  de  la  voie  ferrée  de  Ehayes  à 
Bafoulabé,  réservant  la  question  du  prolongement  jusqu'à  Bamakou. 

Le  marquis  Risoal,  directeur  du  journal  espagnol  El  Dia,  vient  d'envoyer  au 
Maroc  une  expédition  chargée  d'explorer  l'intérieur  du  pays,  surtout  la  côte 
méridionale,  de  nouer  des  relations  commerciales  avec  les  indigènes,  et  de  prépa- 
rer les  voies  à  l'influence  colonisatrice  de  l'Espagne. 

D'après  VAUgemeine  Zeitung,  Tanger  a  encore  un  marché  d'esclaves,  où  les  prix 
indiqués  sont  de  275  fr.  pour  une  esclave,  175  fr.  pour  un  garçon  de  8  ans,  et 
270  fr.  pour  une  jeune  fille  de  20  ans.  L'expédition  espagnole  d'exploration  au 
Maroc  a  signalé  des  marchés  semblables  à  Tetouan  et  à  Rabat.  Le  nombre  des 
esclaves  vendus  annuellement  dans  cette  dernière  ville  est  évalué  à  800. 


L'ESCLAVAGE  A  MADAGASCAR 

(Suite  et  fin.  —  Voir  p.  170.) 

Quoi  qu'il  en  soit  de  la  traite  des  Mozambiques,  les  esclaves  Zazas- 
Hovas  et  Andevos  sont  loin  d'être  égaux  entre  eux.  Non  seulement  le 
mariage  n'est  pas  permis  entre  un  homme  libre  et  une  esclave,  mais  les 
Zazas-Hovas  qui,  d'hommes  libres  qu'ils  étaient  sont  devenus  esclaves 
pour  insolvabilité  ou  pour  quelque  autre  cause,  ne  contractent  pas 
mariage  avec  les  esclaves  proprement  dits,  les  Andevos,  dont  ils  se  tien- 
nent séparés,  les  regardant  comme  leurs  inférieurs. 

De  même,  les  esclaves  du  souverain  se  distinguent  de  ceux  des  chefs  et 
des  particuliers.  Les  premiers  se  divisent  en  Malgaches  et  en  Noirs;  les 
Malgaches  remplissent  les  fonctions  d'écuyers,  de  pages,  de  valets  de 
chambre  et  peuvent  épouser  des  femmes  libres;  les  Noirs  servent  dans 
l'armée,  et  peuvent  y  arriver  à  des  grades  élevés  ;  il  y  en  a  qui  sont  offi- 
ciers du  palais,  d'autres  occupent  des  emplois  civils.  Les  esclaves  des 
chefe  occupent  une  position  supérieure  à  celle  des  esclaves  des  simples 
hommes  libres,  et  ceux  des  honmies  libres  sont  estimés  à  un  plus  haut 
prix  que  ceux  des  soldats  ;  si,  par  exemple,  l'esclave  d'un  homme  libre 
s'enfuit  et  est  repris,  le  propriétaire  doit  payer  10  shellings  à  celui  qui 
l'a  repris,  tandis  que,  s'il  s'agit  de  l'esclave  d'un  soldat,  celui-ci  ne  doit 
donner  que  7  shellings  à  celui  qui  le  lui  ramène.  Parmi  les  esclaves  delà 


—  191  — 

même  classe,  le  droit  d'aînesse  joue  un  certain  rôle;  ainsi,  dans  un 
voyage,  de  deux  frères  esclaves,  c'est  toujours  le  plus  jeune  qui,  si  ses 
forces  le  permettent,  doit  porter  tout  le  bagage.  Il  y  a  aussi  des  esclaves 
qui  possèdent  eux-mêmes  des  esclaves. 

Quant  à  la  cou^^tion  des  esclaves  en  général,  elle  était  sans  doute 
autrefois  plus  dure  qu'aujourd'hui.  Nous  ne  pensons  pas  que  l'on 
rencontre  encore  à  Madagascar  des  scènes  semblables  à  celle  dont 
M.  Désiré  Charnay  fut  témoin  en  1862,  sous  le  règne  de  la  reine 
Rasouahériua.  Un  matin  il  fut  réveillé  par  le  son  d'une  cloche  sinistre, 
appelant  au  travail  des  esclaves  de  la  reine,  rebelles  et  fugitifs,  et  par  le 
bruit  de  chaînes  lourdement  traînées,  sur  le  sol  d'une  cour  où  se 
déroulait  une  longue  colonne  de  nègres  attachés  deux  à  deux;  leurs 
jambes,  également  reliées  par  de  gros  anneaux,  ne  se  mouvaient  qu'avec 
peine  ;  leurs  pas  ne  pouvaient  dépasser  la  longueur  de  leurs  pieds  ;  des 
guenilles  informes  couvraient  leurs  membres  déchirés;  quelques-uns 
n'avaient  pour  tout  vêtement  qu'un  lambeau  de  paillasson,  noir  dé 
fange  ;  leurs  figures  étaient  abruties  par  la  souffrance. 

Depuis  la  conversion  de  la  reine  Ranavalona  II  et  d'une  partie  des 
Hovas  au  christianisme,  l'adoucissement  des  mœurs  s'est  fait  sentir  en 
ce  qui  concerne  l'esclavage.  Et  d'abord,  dans  leurs  dernières  expéditions 
guerrières  conti-e  les  SakaJaves,  en  1873,  les  Hovas  n'ont  pas  fait 
d'esclaves  comme  précédemment;  aussi  les  indigènes  des  territoires 
envahis  par  les  conquérants  se  demandaient-ils  avec  étonnement  ce 
qu'était  la  nouvelle  religion  de  l'Imérina,  pour  qu'on  ne  les  emme- 
nât plus  violemment  comme  esclaves.  En  outre,  dans  le  cas  d'un  délit 
politique  commis  par  un  Hova,  sa  femme  et  ses  enfants  ne  sont  plus, 
comme  autrefois,  condamnés  à  être  vendus.  Quoique  les  Hovas  soient 
généralement  d'une  nuance  moins  foncée  que  les  Sakalaves,  le  préjugé 
de  couleur  n'existe  pas  à  Madagascar,  comme  c'était  le  cas  en  Amérique, 
où  les  blancs,  s'estimant  de  beaucoup  supérieurs  aux  noirs,  s'arrogeaient 
le  droit  de  les  posséder  et  de  les  maltraiter  à  leur  gré.  D'ailleurs,  comme 
nous  l'avons  vu,  beaucoup  de  Hovas,  de  libres  qu'ils  étaient  sont 
devenus  esclaves.  Enfin,  il  n'y  a  pas  de  grandes  plantations  de  coton  ou 
de  cannes  à  sucre  et  de  café,  comme  en  Amérique,  et,  quand  on  parle  de 
l'esclavage  à  Madagascar,  il  ne  faut  pas  se  représenter  des  troupeaux 
d ^hommes  et  de  femmes  travaillant  dans  de  vastes  plantations,  toujours 
tremblants  sous  le  fouet  d'un  inspecteur  brutal,  ou  craignant  de  voir 
leurs  enfants  arrachés  de  leurs  bras  pour  être  vendus  dans  des  parties 
éloignées  du  pays.  * 


—  192  — 

Sans  vouloir  amoindrir  les  maux  qui  découlent  pour  l'esclave  du  fait 
seul  de  la  perte  de  la  liberté,  et  tout  en  admettant  que  les  rapports  qui 
nous  viennent  de  Madagascar  respirent  un  peu  le  même  esprit  quQ  ceux 
qui,  pour  excuser  l'esclavage  aux  États-Unis,  représentaient  les  relations 
entre  mattres  et  esclaves,  dans  les  États  du  Sud,  comme  tout  à  £ait 
patriarcales,  nous  croyons  qu'actuellement  on  ne  trouve  plus  dans  le 
royaume  des  Hovas  que  l'esclavage  domestique.  Les  esclaves  sont  géné- 
ralement traités  avec  humanité,  comme  des  membres  inférieurs  de  la 
famille,  souvent  même  comme  les  enfants  de  la  maison,  et,  d'autre 
part,  les  esclaves  âgés,  hommes  ou  fehimes,  sont  considérés  par  les 
enfants  de  leurs  mattres  comme  des  parents,  auxquels  ils  donnent  les 
noms  de  a  petit  père  »  et  de  «  petite  mère.  »  A  l'exception  de  ceux  qui  sont 
attachés  à  la  personne  des  mattres,  pour  les  soins  domestiques  et  pour  les 
travaux  agricoles,  que  partagent  souvent  avec  eux  les  femmes  et  les 
enfants  de  la  maison,  beaucoup  sont  libres  de  leur  corps  et  de  leur 
temps;  on  ne  réclame  d'eux  qu'un  simple  honunage  de  vassalité  le  jour 
de  l'an  hova  (fête  de  Fandroana),  l'apport  d'un  fagot,  par  exemple. 
Dans  la  maison,  on  leur  laisse  une  certaine  liberté  d'action;  à  table,  ils 
prennent  part  à  la  conversation  de  leurs  mattres  et  donnent  leurs  avis 
avec  une  assez  grande  liberté.  Dans  la  campagne,  ils  possèdent  leurs 
champs  de  riz  qu'ils  cultivent  pour  eux  et  leur  famille,  et  peuvent 
ainsi  se  procurer  la  nourriture  la  plus  nécessaire.  A  Antananarive  il  n'en 
est  pas  de  même,  les  terrains  étant  trop  chers,  mais  ils  ont  d'autres 
moyens  de  gagner  de  l'argent.  Madagascar  manquant  complètement  de 
grandes  routes  et  de  voitures  à  roues,  tous  les  transports  de  voyageurs, 
de  bagages  et  de  marchandises  se  font  à  dos  d'hommes,  et  par  des 
esclaves.  Mais  ceux-ci  peuvent  se  louer  comme  porteurs,  ainsi  que  comme 
ouvriers,  comme  domestiques,  et  généralement  pour  toutes  sortes  de 
travaux,  en  traitant  directement  avec  ceux  qui  veulent  les  occuper. 

U  est  vrai  qu'il  n'y  a  rien  de  fixe  en  ce  qui  concerne  le  quantum  que 
l'esclave  doit  remettre  à  son  possesseur  sur  son  gain  ;  parfois  le  mattre 
n'en  prend  qu'une  pai-tie,  petite  ou  grande  ;  parfois  il  ne  prend  rien, 
mais  alors  l'esclave  doit  louer  un  autre  homme  pour  faire  son  service 
auprès  de  son  mattre  ;  parfois  un  mattre  dur  prend  tout  ;  la  loi  lui  en 
donne  le  droit.  L'argent  gagné  par  l'esclave  peut  servir  à  le  racheter, 
quoique  ce  rachat  lui  soit  très  difficile,  surtout  lorsqu'il  est  marié  et  qu^il 
a  des  enfants,  le  prix  payé  pour  le  travail  étant  extrêmement  modique  ; 
en  effet,  pour  une  marche  qui  peut  varier  de  six  à  huit  heures  par  jour, 
un  porteur  reçoit  60  centime?,  et  20  centimes  en  sus  pour  sa  nouiTiture. 


—  193  — 

Quant  le  propriétaire  a  prélevé  sa  part,  combien  l'esclave  peut-il  écono- 
miser? Et  combien  d'années  devra-t-il  servir  avant  de  pouvoir  se 
racheter?  Quant  à  l'esclave  loué  comme  domestique,  nous  ne  savons  pas 
quel  salaire  il  reçoit,  mais  ce  doit  être  assez  peu  de  chose,  à  en  juger  par 
ce  que  rapporte  M.  Sewell  (éditeur  du  Friend,  journal  de  la  mission 
quaker)  qui,  après  avoir  eu  à  son  service,  pendant  neuf  ans,  un  homme 
et  une  femme  esclaves,  dut  payer,  à  son  départ  de  l'île,  1500  francs 
pour  les  affranchir;  il  ne  paraît  pas  qu'ils  eussent  pu  économiser  beau- 
coup sur  leur  salaire.  La  somme  exigée  pour  le  rachat  des  enfants  étant 
trop  élevée,  ceux-ci  durent  rester  en  esclavage.  D'après  l'organe  de  la 
mission  quaker  qui,  la  première,  a  lutté  contre  l'institution  de  l'escla- 
vage à  Madagascar,  et  s'est  eflForcée  d'en  adoucir  les  rigueurs,  le  prix 
moyen  de  la  rançon  serait  de  2250  francs  pour  un  mari,  sa  femme  et  deux 
enfants.  Mais  ici  encore  il  n'y  a  rien  de  fixe;  tout  dépend  du  plus  ou 
moins  d'humanité  du  propriétaire.  Aussi  n'a-t-on  eu  que  rarement 
recours  au  rachat.  Les  missionnaires  romains  cependant  ont  racheté  des 
enfants  pour  leurs  orphelinats. 

Quelque  patriarcal  que  puisse  être  le  traitement  des  maîtres  à  l'égard 
de  leurs  esclaves,  il  n'est  pas  moins  certain  que  ceux-ci  sont  la  propriété 
de  possesseurs  qui  peuvent  les  vendre  selon  leur  bon  plaisir,  par  con- 
trat privé,  séparant  soit  la  femme  de  son  mari  soit  les  enfants  de  leurs 
parents  *.  Quoique  la  vente  des  Mozambiques  ait  été  interdite,  celle  des 
Zazas-Hovas  et  des  Andevos  est  autorisée,  entourée  toiyours  de  quelques 
formalités  légales  pour  en  écarter  les  traits  les  plus  odieux.  Le  posses- 
seur d'esclaves  peut  les  vendre  à  telle  personne  qui  en  a  besoin  pour  son 
propre  service,  sans  toutefois  séparer  les  ^'ewwe«  enfants  de  leurs  parents  ; 
acheteur  et  vendeur  doivent  se  rendre  à  un  bureau  désigné  par  le  gou- 
vernement pour  y  faire  enregistrer  la  vente.  En  outre,  les  propriétaires 
d'esclaves  de  la  province  d'Imérina  ne  peuvent  pas  les  faire  vendre  dans 
les  provinces  lointaines  ;  et  celui  qui  loue  des  esclaves  ne  peut  pas  les 


*  M.  Cameron,  correspondant  du  Stcmdard^  lui  écrit  :  Il  y  a  encore  à  Antananarive, 
tous  les  vendredis,  jour  où  se  tient  le  grand  marché  de  la  semaine,  une  place  pour 
les  esclaves;  hier  j'y  ai  vu  plus  de  150  personnes  mises  en  vente.  C'étaient  surtout 
des  jeunes  garçons  et  des  jeunes  filles;  leur  expression  de  désespoir,  pendant  que 
les  acheteurs  les  tâtaient,  examinaient  leurs  dents,  les  faisaient  marcher  ou  courir, 
faisait  pitié.  J'ai  vu  des  scènes  lamentables,  de  mères  pleurant  lorsqu'elles  étaient 
séparées  de  leurs  enfants,  et  d'enfants  criant  amèrement  de  devoir  quitter  leurs 
compagnons  d'enfance. 


—  196  — 

charité  propagé  par  le  christianisme  aura  pénétré  la  masse  du  peuple 
Hova,  que  la  législation  pourra  abolir  Tesclavage  qu'elle  sanctionne 
encore.  Aussi  importe-t-il  qu'aux  efforts  faits  tout  spécialement  par  les 
missionnaires  quakers,  dignes  descendants  des  Fox,  des  Penn  et  des  WU- 
berforce,  les  agents  des  Sociétés  de  Londres  et  de  l'Église  d'Angleterre, 
ainsi  que  ceux  des  missions  norwégienne  et  romaine  qui  travaillent  dans 
rtle,  joignent  les  leurs,  pour  entraîner  la  mission  indigène  à  renoncer  à 
l'esclavage,  et  à  agir  de  manière  à  faire  comprendre  h  tous  que,  quelle 
que  soit  la  bonté  du  maître  pour  ses  esclaves,  elle  ne  supprime  pas  l'in- 
justice de  l'institution,  et  que  le  travail  honore  celui  qui  l'accomplit. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  question  de  l'attitude  que  les  missionnaires  anglais 
ont  à  prendre  en  face  de  l'esclavage  a  été  traitée  dans  une  réunion  de  la 
«  Society  for  promoting  Christian  knowledge,  »  où  Sir  Bartle-Frere  a 
fait  comprendre  aux  missionnaires  qu'un  jour  viendra,  où  ils  remercie- 
ront ceux  qui  signalent  ce  mal  pour  le  faire  disparaître  de  l'église.  Mada- 
gascar est  la  seule  des  missions  de  l'Église  anglicane  où  im  missionnaire 
anglais  ait  ou  emploie  des  esclaves.  Partout  ailleurs  en  Afrique,  à  Zan- 
zibar comme  à  Magila  et  à  Mombas  sur  la  côte  orientale,  à  Sierra  Leone 
conmie  à  Lagos  sui*  la  côte  occidentale,  dans  les  régions  où  l'atmo- 
sphère est  le  plus  imprégnée  des  influences  de  l'esclavage,  où  les  agents 
des  missions  sont  eux-mêmes  des  esclaves  rachetés,  les  missionnaires 
n'emploient  que  des  serviteurs  ou  des  travailleurs  libres.  Dans  les  cir- 
constances particulières  où  se  trouve  Madagascar,  au  moment  où  les 
Anglais  reprochent  aux  Français  d'agir  contre  le  gouvernement  Hova, 
en  vue  de  pouvoir  tirer  de  cette  île  des  esclaves  pour  leur  colonie  de  la 
Réunion,  rien  n'est  plus  propre  à  étouflFer  la  sympathie  des  philanthropes 
anglais  pour  les  Malgaches,  que  le  maintien  de  l'esclavage  et  l'emploi 
d'esclaves  par  des  agents  et  des  missionnaires  de  l'Église  anglicane.  Si 
ces  derniers  ne  peuvent  pas  ouvrir  une  croisade  contre  cette  institution, 
qu'au  moins  ils  adoptent  comme  devise  :  «  Pour  nous  et  nos  familles 
nous  ne  nous  semrons  pas  d'esclaves.  »  Comme  le  dit  M.  Cust,  si  l'on 
appuie  les  missionnaires  non  conformistes  dans  leurs  réclamations  auprès 
de  la  reine,  pour  qu'elle  décrète  l'enregistrement  des  esclaves  rachetés 
et  fixe  un  prix  raisonnable  auquel  le  rachat  ne  pourra  pas  être  refusé, 
on  ne  tardera  pas  à  voir  la  fin  de  l'institution  servile  à  Madagascar. 


—  197  — 

NOTE  SUR  LA  CARTE  DE  LA  SÉNÉ6AMBIE  AU  NIGER  ' 

Depuis  un  certain  nombre  d'années,  la  France  a  compris  que  le  déve- 
loppement de  sa  colonie  du  Sénégal  dépend  de  celui  des  communications 
avec  le  Niger,  et  elle  a  multiplié  les  expéditions  qui  peuvent  assurer  l'ou- 
verture de  la  voie  de  ce  grand  fleuve,  sur  lequel  la  navigation  à  vapeur 
ne  tardera  pas  à  être  établie.  Il  nous  a  paru  qu'une  carte  qui  donne- 
rait l'état  des  connaissances  actuelles,  pour  le  grand  triangle  compris 
entre  Saint-Louis,  Freetown  et  Tombouctou,  ne  manquerait  pas  d'intéres- 
ser nos  lecteurs,  d'autant  plus,  qu'à  notre  connaissance  il  n'en  existe 
pas  de  bien  satisfaisante  pour  cet  ensemble.  Nous  avons  voulu,  en 
même  temps,  mettre  sous  leurs  yeux  les  quatorze  itinéraires  suivis  par 
les  principaux  voyageurs,  de  Mungo-Park  à  Borguis-Desbordes. 

Quant  aux  communications,  le  chemin  de  fer  à  travers  le  Cayor 
conduira  bientôt  de  Dakar  à  Saint-Louis,  et  permettra  d'éviter  les 
obstacles  que  l'on  rencontre  pour  débarquer  à  l'embouchure  du  Séné- 
gal, dont  l'accès  est  rendu  difficile  par  une  barre.  De  là  les  vapeurs  peu- 
vent atteindre  Khayes  pendant  trois  mois  de  l'année.  Aussi  est-ce  de  ce 
dernier  point  que  partira  une  nouvelle  section  de  la  voie  ferrée,  qui  se 
construit  en  ce  moment  et  qui  mènera  directement  à  Bafoulabé;  elle 
sera  probablement  prolongée  plus  tard  jusqu'à  Bamakou,  sur  le  Niger. 

Une  ligne  praticable  de  1600  kilomètres  sera  donc  ouverte,  et,  si 
l'on  y  ajoute  la  partie  navigable  du  Niger  en  aval  de  Sotuba,  près  de 
Bamakou,  qui  ne  compte  pas  moins  de  1200  kilomètres,  on  comprendra 
toute  l'importance  des  travaux  qui  permettront  sous  peu  de  pénétrer 
jusqu'au  cœur  du  Soudan,  détournant  ainsi  vers  Saint-Louis  le  mou- 
vement commercial  de  Tombouctou  qui,  à  l'heure  actuelle,  suit  la  voie 
du  Nord  par  le  Sahai*a,  le  Maroc  et  TripoU. 

D'autre  part,  au  point  de  vue  géographique  et  commercial,  les  tenta- 
tives faites  plus  au  sud,  dans  le  Fouta-Djallon  et  le  bassin  supérieur  du 
Niger,  ne  présentent  pas  moins  d'intérêt.  Notre  carte,  dressée  d'après 
les  publications  les  plus  récentes  des  Mittheilungen  de  Gotha,  fait  ressor- 
tir tout  ce  qui  reste  à  découvi*ir  dans  cette  région  :  les  affluents  de 
droite  du  Haut-Niger  sont  inconnus  ;  les  données  que  nous  possédons  sur 
la  zone  située  entre  l'itinéraire  de  Caillé  et  celui  d'Anderson,  de  même 
que  sur  le  Ehabou,  et  les  pays  des  Soussous  et  du  Mindi,  sont  très 

^  Voir  la  carte  qui  accompagne  cette  livraison. 


—  198  — 

approximatives.  Espérons  que  des  imitateui-s  prochains  de  Zweifel, 
Moustier,  Gouldsbury,  Sanderval,  etc.,  nous  fourniront  des  renseigne^ 
ments  sur  ces  régions  importantes.  Nous  en  attendons  de  Zweifel  lui- 
même,  qui  s'est  remis  en  route  pour  les  sources  du  Niger. 


CORRESPONDANCE 

Au  rédacteur  de  V  Afrique, 

Lisbonne,  9  juin  1883. 

Dans  votre  excellent  journal  V Afrique  explorée  et  cmlisée,  du  6  de  ce  mois,  je 
trouve,  Monsieur,  cette  nouvelle  complémentaire  : 

«  L'ambassadeur  anglais  à  Lisbonne  a  dû  faire  au  gouvernement  portugais  des 
représentations,  sur  le  mode  de  recrutement  des  travailleurs  pour  Plie  Saint-Thomas. 
On  les  prend  dans  l'intérieur,  puis  on  les  amène  à  Benguela  ou  à  Novo  Redondo, 
où,  au  vu  et  au  su  des  autorités,  on  les  vend  à  des  agents  de  l'île,  de  4  à  6  liv. 
sterl.,  en  marchandises,  pour  cinq  ans,  à  l'expiration  desquels  il  devrait  être 
pourvu  au  retour  de  ceux  qui  voudraient  rentrer  dans  leur  patrie;  mais  cela  n'a 
jamais  lieu;  ils  doivent  se  réengager  forcément  et  ne  peuvent  jamais  devenir  tra- 
vailleurs libres.  » 

J'ignore,  Monsieur,  si  l'ambassadeur  anglais  à  Lisbonne  a  fait  ou  dA  faire  des 
représentations  à  ce  sujet,  mais  je  peux  vous  affirmer  que,  pendant  ma  résidence 
à  Loanda  et  à  Saint-Thomas,  on  a  observé  strictement  les  prescriptions  de  la  loi 
qui  règle  à  présent  le  travail  libre,  et  je  vous  assure,  avec  l'autorité  de  mes  connais- 
sances pratiques,  que  : 

1°  Les  travailleurs  engagés  dans  l'intérieur  de  la  province  d'Angola  sont  consi- 
dérés sous  tous  les  rapports  comme  des  hommes  libres,  et  ceux  qu'on  amène 
d'autres  pays,  quand  ils  arrivent  dans  nos  possessions,  le  sont  également.  Ainsi, 
les  uns  et  les  autres,  sous  la  garde  des  lois  portugaises,  sont  engagés  pour  le 
compte  du  propriétaire  devant  les  autorités  respectives,  afin  de  servir  dans  les 
fermes  de  la  province  d'Angola  ou  de  celle  des  îles  de  Saint-Thomas  et  du  Prince. 

2^  Les  autorités  qui  ont,  d'après  la  loi,  le  devoir  de  faire  les  contrats  et  de  les 
faire  observer  rigoureusement,  sont  nommées  par  le  gouvernement,  et  ne  peuvent 
jamais  admettre  une  condition  qui  ne  soit  pas  prévue  par  la  loi. 

3**  Les  travailleurs  qui  sont  engagés  pour  Saint-Thomas  ne  peuvent  s'embarquer 
qu'après  avoir  fait  ce  contrat,  et  ne  peuvent  pas  commencer  leur  travail  sans  que 
le  dit  contrat  ait  été  ratifié  par  les  autorités  compétentes  de  l'île. 

4?  Les  premiers  travailleurs  engagés  en  vertu  de  cette  loi  l'ont  été  en  1877, 
après  la  prise  du  brick  Ovarense  à  Sierra  Leone,  prise  considérée  comme  illégale 
par  les  tribunaux  anglais  à  Londres;  par  conséquent  ces  contrats  ne  sont  échus 
que  maintenant.  Je  sais  qu'il  n'y  a  eu  qu'un  nombre  très  limité  de  travailleurs  qui 


—  199  — 

aient  voulu  retourner  dans  la  province  d'Angola,  et  pas  un  dans  son  pays  à  l'inté- 
rieur, ce  queje  n'admire  pas;  ils  ont  fait  leur  choix  en  toute  liberté  ;  presque  tous 
ont  préféré  de  nouveaux  engagements  et  sont  restés  dans  Pile,  où  ils  s'habituent 
à  vivre  en  bonne  harmonie  avec  les  Européens,  jouissant  de  tous  les  bénéfices  qui 
résultent  des  lois  d'un  pays  humain  et  civilisé  comme  le  Portugal. 

5*^  Les  Erooboys  de  Libéria  et  les  naturels  d'Accra  qui,  à  la  fin  de  1875  et  187G 
ont  été  engagés  pour  les  travaux  agricoles  de  Saint-Thomas,  fourniraient  beaucou]) 
d'exemples  à  l'appui  de  mes  assertions.  La  plupart  de  ces  gens,  rapatriés  à  l'ex- 
piration de  leur  contrat,  sont  retournés  librement  dans  Plie  quelques  mois  après, 
pour  s'engager  de  nouveau,  en  déclarant  qu'ils  préféraient  les  possessions  portu- 
gaises, ne  trouvant  nulle  part  ailleurs  des  avantages  et  des  salaires  équivalents. 

6®  Les  agents  qui  vont  chercher  des  travailleurs  à  l'intérieur  de  l'Afrique  ont 
besoin  certainement,  comme  vous  le  savez  bien,  de  donner  des  présents  et  des 
gratifications  aux  chefs  et  aux  roitelets  des  territoires  d'où  ils  tirent  ces  indigènes, 
et  de  ceux  par  lesquels  ils  transitent  ;  en  outre,  ils  doivent  fournir  des  aliments  et 
des  vêtements  aux  engagés  et  payer  d'autres  frais  encore,  jusqu'au  moment  de 
leur 'embarquement  sur  les  paquebots  à  destination  de  l'île;  à  toutes  ces  dépenses 
s'ajoute  naturellement  leur  commission;  mais  l'argent  qu'ils  dépensent  ne  peut 
être  considéré,  en  aucune  manière,  comme  le  prix  de  vente  d*un  esclave,  ainsi  qu'on 
pourrait  le  déduire  de  votre  «  nouvelle,  »  sûrement  due  à  des  renseignements 
erronés. 

Je  vous  prie.  Monsieur,  de  publier  ces  informations  dans  votre  prochain  numéro  ; 
j'en  prends  Pentière  responsabilité  et  vous  prie  d'agréer  mes  salutations  empres- 
sées. Henrîque  de  Carvalho. 

En  regard  de  la  lettre  qui  précède,  on  nous  permettra  de  donner  m  extenso, 
pour  notre  justification,  le  texte  du  document  officiel  dont  notre  «  nouvelle  » 
n'était,  comme  on  en  pourra  juger,  que  le  fidèle  résumé.  Il  est  extrait  des  Dépêches 
sur  la  traite,  soumises  au  Parlement  anglais  dans  le  Blue-Book  de  janvier  1882  à 
mars  1883,  sous  le  n^  53. 

M.  Baring  à  Senhor  Serpa. 

Lisbonne,  7  décembre  1882. 

M.  le  Ministre,  le  premier  secrétaire  d'État  de  S.  M.  pour  les  affaires  étrangères 
m'a  chargé  d'attirer  l'attention  du  gouvernement  de  S.  M.  Très  Fidèle,  sur  le  sys- 
tème adopté  dans  Pile  de  Saint-Thomas,  pour  fournir  aux  planteurs  des  travail- 
leurs indigènes  du  continent  africain. 

Pendant  les  deux  dernières  années,  3000  personnes  des  deux  sexes  ont  été 
importées  dans  Pile. 

On  les  prend  dans  l'intérieur  (they  are  first  captured  in  the  interior),  puis  on 
les  amène  à  Novo  Redondo  et  à  Benguela,  où  on  les  vend  aux  agents  des  planteurs 
de  Saint-Thomas,  à  des  prix  qui  varient  de  4  à  6  liv.  sterl.  en  marchandises.  Ils 
sont  enregistrés  et  engagés  par  Pautorité  gouvernementale  pour  une  période  de 


—  200  — 

cinq  ans,  à  l'expiration  desquels  on  doit  fournir  le  passage  de  retour  à  ceux  qui 
veulent  retourner  dans  leur  pays.  Comme  l'offre  n'est  jamais  faite,  ou  que  l'occa- 
sion n'est  jamais  offerte,  ils  ne  peuvent  jamais  quitter  l'tle;  ils  sont  donc  obligés 
de  s'engager  de  nouveau,  et  ne  deviennent  jamais  travailleurs  libres. 

n  est  vrai  que,  généralement,  l'on  prend  grand  soin  de  ces  travailleurs,  et  que  les 
autorités  font  preuve  d'un  zèle  recommandable  à  veiller  à  ce  qu'ils  reçoivent 
régulièrement  leur  salaire  mensuel.  Les  plaintes  pour  abus  ou  mauvais  traitements 
de  la  part  d'employés  sont  aussi  soigneusement  examinées. 

Toutefois,  le  gouvernement  de  S.  M.  en  admettant  pleinement  les  bons  traite- 
ments accordés  aux  soi-disant  immigrants  à  leur  arrivée  à  Saint-Thomas,  a  de 
bonnes  raisons  de  craindre  que  le  procédé  employé  actuellement,  pour  recruter 
des  travailleurs,  n'encourage  directement  les  chefs  indigènes  à  entreprendre  des 
guerres  et  à  faire  des  prisonniers  dont  ils  puissent  disposer  à  leur  profit. 

En  conséquence,  lord  Granville  m'a  chargé  de  faire  à  Y.  Exe.  des  représenta- 
tions à  ce  sujet,  et  j'ose  vous  exprimer  l'espoir  que,  dès  que  les  faits  arriveront  à 
la  connaissance  du  gouvernement  de  S.  M.  Très  Fidèle',  des  mesures  seront  prises 
pour  prévenir  les  maux  qu'appréhende  le  gouvernement  de  S.  M.  * 

(Signé)  Walter  Baring. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

Société  française  et  afeicainb  d'encouragement.  Rapport  annuel 
du  P'  mars  1882  au  1*'  avril  1883.  Paris  (Imprimerie  Chaix),  1883,in-8% 
12  p.  —  Nous  avons  annoncé,  il  y  a  environ  un  an  (III  année,  p.  267), 
la  fondation  de  la  «  Société  française  et  africaine  d'encouragement,  » 
destinée  à  venir  en  aide,  par  tous  les  moyens  en  son  pouvoir,  à  la  grande 
cause  du  relèvement  de  l'Afrique  par  le  christianisme.  Son  premier  rap- 
port rend  compte  de  l'activité  déployée  par  le  Comité  en  faveur  de  la 
mission  du  Zambèze,  sous  les  ordres  de  M.  Coillard,  des  émigrés  des 
Hautes-Alpes  aux  Trois-Marabouts  dans  la  province  d'Oran,  de  la  mis- 
sion du  Sénégal  dirigée  par  M.  Taylor,  et  de  celle  du  Lessouto.  Les 
objets  fournis  à  ces  vaillants  pionniers  du  christianisme  et  de  la  civilisa- 
tion :  canot  portatif,  tente  perfectionnée,  graines  de  plantes  et  arbres 
fruitiers,  armes  de  chasse,  secours  en  vêtements,  linge,  médicaments^ 
etc.,  répondent  bien  au  but  de  la  Société  d'encouragement,  d'améliorer 
le  plus  possible  leur  sort  matériel  et  leurs  moyens  d'action. 

'  On  pent  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  13,  rue  du  Rhône,  à  Genève, 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


^rce  e/cwiiisée  N?7.  JuMetJSSS. 


—  201  — 

BULLETIN  MENSUEL  (6  août  1883.y 

M.  Tinnan,  gouverneur  général  de  rAlsérte,  a  obtenu  du  gouver- 
nement la  présentation  d'un  projet  de  loi,  pour  convertir,  en  un  capital 
immédiatement  disponible  de  50  millions,  le  crédit  de  2  ou  3  millions 
inscrit  chaque  année  au  budget  pour  la  colonisation  de  TAlgérie.  Cette 
somme  sera  employée  à  la  création  de  165  centres  de  colonisation.  Pour 
prévenir  le  retour  d'abus  comme  ceux  qui  se  sont  produits  dans  des  cas 
analogues,  les  terrains  enlevés  aux  indigènes  par  voie  d'expropriation 
devront  leur  être  payés  intégralement  avant  la  prise  de  possession.  Ces 
nouveaux  villages  seront  créés  surtout  en  faveur  des  cultivateurs  fran- 
çais atteints  par  le  phylloxéra.  Le  gouverneur  général  a  reçu  plus  de 
22,000  demandes  de  concession,  provenant  pour  la  plupart  des  dépar- 
tements phylloxérés. 

La  question  du  canal  de  Suez  est  suffisamment  traitée  par  les  jour- 
naux politiques,  pour  que  nous  puissions  nous  dispenser  d'en  parler. 

Les  rapports  officiels  publiés  en  Egypte,  sur  les  événements  du  Sou- 
dan, ne  pouvant  être  accueillis  avec  une  entière  confiance,  nous 
extrayons  des  lettres  de  notre  correspondant  à  Ehartoum,  M.  J.-M.  Schu- 
ver,  ce  qui  nous  paraît  le  plus  important.  La  région  du  Nil-Bleu  est  tran- 
quille. La  garnison  de  Sennaar  a  remporté  un  avantage  sur  les  partisans 
du  mahdi,  qui  étaient  revenus  se  fixer  dans  les  monts  Moyé  et  Sagadi,  à 
rO.-S.-O.  de  Sennaar.  Le  23  mai,  le  général  Hicks  est  rentré  de  Kawa 
à  Ehartoum,  estimant  que,  pour  le  moment,  l'ouverture  de  la  campagne 
du  Eordofan  n'est  pas  possible.  M.  Schuver  craint  que,  pendant  cette 
période  d'inactivité  et  de  pluies,  quantité  de  soldats  ne  soient  mis,  parla 
maladie,  hors  d'état  de  reprendre  les  armes  quand  il  faudra  commencer 
une  nouvelle  campagne.  Une  partie  des  tribus  du  Kordofan  semble  vou- 
loir se  soumettre,  mais  notre  correspondant  ne  s'y  fie  pas.  —  Des  Grecs 
d'El-Obéid  sont  devenus  musulmans  et  reçoivent,  par  tête,  chaque  mois, 
70  fr.  pour  leur  subsistance.  Un  Syrien,  nommé  Stambouliades,  en  grande 
faveur  auprès  du  mahdi,  les  protège,  ainsi  que  les  autres  Européens. 
Loin  de  se  laisser  abattre  par  la  défaite  de  ses  adhérents,  Mohamed 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  mensuels  et  dans  les  Nouvelles  com- 
ptëmentaires  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  PEst,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du'continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

L'AFRIQUE.   —   QUÂTRlàXE  ANNÉE.   —  N^  8.  8 


—  202  — 

Ahmed  a  envoyé  de  nouvelles  lettres  à  Khartoum  pour  annoncer  sa  pro- 
chaine arrivée.  Le  général  Hicks  fait  traofifonn^  les  travaux  de  défense 
du  précédent  gouverneur,  Abd-el-Kader,  en  enceinte  formidable,  pourvue 
de  bastions  à  feux  croisants  \  Ces  renseignements  s'accordent  avec  ceux 
que  transmet  à  un  journal  arabe  d'Egypte ,  le  Mar-elrAschvak,  un  de 
ses  correspondants  de  Khartoum,  d'après  lequel  le  mahdi  réunit  ses  par- 
tisans et  se  dispose  à  prendre  Tofiensive  contre  les  troupes  égyptiennes, 
que  les  pluies  empêchent  de  manœuvrer  et  tiennent  enfermées  dans 
Khartoum.  Ce  même  journal  signale  la  présence  au  Soudan  d'un  repor- 
ter du  Daily  Newe^  M.  W.-C.  Donovan,  qui  semble  être  en  même  temps 
chargé  par  le  gouvernement  britannique  d'une  mission  particulière. 
D'après  ce  reporter,  et  contrairement  à  tout  ce  qui  a  été  dit  jusqu'à  pré- 
sent, le  mahdi  travaillerait  à  l'abolition  de  l'esclavage.  Mgr  Sogaro,  qui 
a  été  obligé  par  le  climat  de  Khartoum  de  revenir  au  Caire,  n'est  pas  de 
cet  avis.  Il  a  écrit  de  Souakim,  aux  Missions  catholiqties,  que,  d'après 
les  dires  de  quelques  négociants  grecs  venus  du  Sennaar,  les  missionnai- 
res prisonniers  du  mahdi  ont  été  achetés  par  un  cheik,  qui  compte  en 
faire  une  spéculation  en  exigeant  d'eux  une  forte  rançon.  On  hésitait 
d'abord  à  vendre  lé  supérieur,  le  R.  P.  Louis  Bonomi,  mais,  à  la  fin,  il 
fut  cédé  à  un  prix  quadruple  des  autres.  Toutefois,  ces  nouvelles  méritent 
confirmation.  Le  bruit  qui  avait  couru,  et  d'après  lequel  le  mahdi  aurait 
fait  massacrer  les  chrétiens  prisonniers,  a  été  démenti  par  l'agence  Ste- 
phani,  sur  des  nouvelles  reçues  de  Khartoum.  Le  général  Hicks  a  télé- 
graphié au  Caire  que  les  missionnaires  italiens  sont  tous  vivants. 

Le  D'  Schweinfùrth,  au  Caire,  et  M.  Hansal,  à  Khartoum,  ont  reçu 
d'JEmin-bey  et  du  IF  «innkep  des  lettres  dont  nous  ne  pouvons  don- 
ner qu'un  extrait.  Le  courrier  qui  les  a  apportées  de  Lado  au  Caire  n'a 
mis  que  45  jours  pour  franchir  cette  distance  de  3000  kilom.  Sous  l'admi- 
nistration d'Emin-bey,  les  provinces  équato(riales  deviennent  une  source 
de  revenus  pour  le  gouvernement  égyptien.  D  a  su  inspirer  aux  indigè- 
nes le  goût  du  travail  ;  le  blé,  le  maïs  prospèrent;  les  arbres  friiitiers  des 
Indes,  le  bambou  de  Birmanie  et  de  Chine  ont  été  introduits  et  répandus 
le  plus  possible  ;  des  animaux  domestiques  :  dindes,  canards,  oies,  lapins, 
etc.,  ont  été  acclimatés.  Les  magasins  du  gouvernement  regorgent  des 
produits  du  pays  :  ivoire,  tamarin,  plimies  d'autruche,  beurre  de  Galam, 

*  D'après  le  Moming  Post,  des  pourparlers  ont  lieu  entre  des  émissaires 
anglais  et  le  faux  prophète,  relativement  à  la  cession  de  Kbartoum,  et  à  l'établis- 
sement d'un  royaume  nègre  sur  le  Haut-Nil  sous  le  protectorat  de  PAngleterre. 


—  203  — 

huile  d'arachides,  peaux,  etc.,  dont  Emin-bey  envoie  à  Khartoum  des 
quantités  considérables.  Profitant  des  conseils  du  D'  Junker  au  sujet  des 
lacilités  offertes  pour  le  transport  des  produits  du  pays  des  Mombouttous, 
par  rOuellé  et  le  Eibali,  il  en  a  abrégé  de  beaucoup  la  durée.  Après  avoir 
reconnu  la  route  du  Kalika  au  Nil  \  il  a  fait  une  excursion  par  Bimo  et 
Kabayendi  vers  Touest,  pour  visiter  le  pays  du  sultan  Mbio.  Mais,  en  y 
arrivant,  il  apprit  que  ce  prince,  malgré  les  promesses  de  Lupton-bey, 
gouverneur  du  Bahr-el-6hazal,  de  s'abstenir  de  toute  mesure  violente  à 
son  égard,  avait  été  attaqué  et  fait  prisonnier  parles  forces  réunies  dans 
cette  province.  Eu  outre,  les  Denkas,  dans  le  voisinage  de  Djour-Ghattas, 
résidence  de  Lupton-bey ,  et  les  Bongos  qui  habitent  plus  au  sud,  s'étaient 
révoltés  contre  le  gouverneur,  qui  s'était  trouvé  dans  l'impossibilité 
d'envoyer  à  Slatin-bey,  au  Darfour,  les  renforts  que  celui-ci  demandait 
contre  les  partisans  du  mahdi.  Emin-bey  a  dû  établir  une  nouvelle  route 
par  le  Makaraka,  Gosa,  Mandouggou  et  Wau,  pour  l'échange  des  com- 
munications entre  Lado  et  le  Bahr-el-Ghazal,  Les  envois  jjie  lettres,  du 
pays  de  Semif,  oii  a  été  le  D' Junker,  à  Lado,  et  retour,  se  sont  faits  très 
régulièrement,  grâce  à  la  fidélité  des  chefs  nyams-nyams,  auxquels  Jun- 
ker a  su  inspirer  confiance,  et  qui  se  sont  transmis  consciencieusement 
de  l'un  à  l'autre  toutes  les  dépêches  adressées  à  l'explorateur,  ainsi  que 
les  caisses  des  collections  envoyées  par  celui-ci,  de  chez  Semio  h  Lado,  sur 
une  distance  de  plus  de  800  kilom.  en  ligne  directe.  Lado  paraît  devoir 
devenir  le  centre  des  communications  de  cette  partie  de  l'Afrique  centrale 
avec  la  Méditerranée  et  la  mer  Bouge.  Aujourd'hui  le  trajet  de  Lado 
au  Caire  se  fait  en  45  jours  ;  lorsque  la  voie  ferrée  unira  Souakim  à  Ber- 
bçr,  il  sera  abrégé  de  15  jours.  La  lettre  du  D'  Junker,  du  1"  août  1882, 
à  M.  Hansal,  ne  contient  pas  ^e  renseignements  nouveaux  sur  ses  explo- 
rations dans  le  bassin  de  l'Ouellé,  si  ce  n'est  qu'étant  parti  de  Eubbi 
(voir  la  carte)  pour  se  diriger  vers  le  sud,  il  traversa  le  (Bomokandi  ; 
puis,  continuant  à  marcher  vers  l'ouest  par  un  chemin  très  difficile,  il 
passa  la  ligne  de  partage  des  eaux  de  cet  affluent  de  l'Ouellé,  et  arriva 
dans  le  territoire  d'un  prince  mombouttou  nommé  Mombélé  ;  là  il  attei- 
gnit, à  6  fortes  journées  de  marche  de  Tangasi,  la  Népoko,  cours  supé- 
rieur de  rArouimi,<  probablement  à  son  coude  le  plus  septentrional, 
avant  qu'elle  tourne  au  S.-O.  pour  se  rendre  au  Congo.  Dans  une  lettre 
adressée  à  Emin-bey,  le  D'  Junker  exprime  le  désir  de  se  rendre  à  une 
sériba  de  Bafal-Agha,  au  delà  de  l'Ouellé,  dans  le  pays  des  Ababouas,  à 
l'ouest  de  Bakangal. 

^  Voir  la  carte  de  l'exploration  du  D"  Junker  sur  le  Haut-Ouelié,  p.  116. 


—  204  — 

VEgpIûratore  a  enfin  reçu  du  capitaine  Casati  des  lettres  qui  vont  du 
10  septembre  1881  au  13  avril  1883.  Parti  pour  le  Bahr-el-GhazaI,  il  a 
exploré  le  pays  des  Âbacas,  des  Nyams-Nyams  et  des  Bambas,  visité  les 
séribas  de  Kubbi,  de  Gango  et  de  Tangasi,  et  relevé  le  Bomokandi. 
Retenu  prisonnier  chez  le  sultan  Ssanga,  il  réussit  à  s'échapper  et  se 
rendit  à  Eanna  et  à  Bakangal,  puis  dans  le  territoire  des  Nyams-Nyams, 
d'oii  il  tenta  de  pénétrer  chez  [les  Ababouas,  mais  il  ne  put  y  réussir, 
alors  il  campa  le  long  de  TOuellé,  dont  il  fit  le  relevé,  avec  une  escorte 
de  30  hommes  mis  à  sa  disposition  par  Emin-bey. 

L'expédition  Godio-Pennazzl  est  rentrée  en  Italie,  après  avoir 
exploré  un  territoire  nouveau  entre  Kassala  et  Matama.  De  Souakim, 
eUe  atteignit  Kassala  par  la  route  des  caravanes,  puis  remonta  le  Gascb 
jusqu'aux  monts  Sogoda,  et,  par  le  pays  des  Basons,  elle  arriva  aux 
monts  Tokora  et  à  la  station  d'El-Héféra  sur  le  Taccazzé.  Après  une 
excursion  dans  la  niazaga  d'Abyssinie,  elle  se  dirigea  vers  le  S.-S.-O., 
franchit  le  Salaam  et  parvint  à  Matama.  Le  retour  s'opéra  par  la  vaUée 
de  l'Atbara  jusqu'à  Kassala,  et,  delà,  par  la  vallée  de  BarKa  et  par  Keren 
à  Massaoua.  L'expédition  a  fait  d'importantes  collections  d'histoire 
naturelle. 

M.  Aubpy  a  employé  le  temps  pendant  lequel  l'expédition  fi^nçaise 
organisait  à  Ob€>ck  sa  caravane  pour  le  Choa,  à  faire  des  études  assez 
complètes  sur  la  nouvelle  colonie  française.  Le  plateau  qu'elle  occupe  est 
supporté  par  d'immenses  falaises,  et  coupé  par  une  vallée  terminée  par 
un  delta  oU  aboutissent  les  torrents  ;  au  delà,  du  N.-E.  au  S.-O,  s'étend 
une  chaîne  de  hautes  montagnes,  dont  M.  Aubry  a  étudié  la  formation  ; 
il  a  en  outre  exécuté  des  sondages  et  fait  des  recherches  pour  trouver 
de  l'eau  douce,  et  constaté  la  présence  de  sources  chaudes  et  sulfureuses. 

Dans  son  entrevue  avec  le  sultan  Mohamed-Anfari,  Antonelli  a 
demandé  à  ce  prince  d'engager  ses  sujets  à  porter  leurs  marchandises  à 
Assab,  de  tenir  ouverte  une  route  allant  de  cette  colonie  italienne  à 
Ifat,  dans  le  Choa,  d'établir  des  stations  le  long  de  cette  route,  et  de^ 
permettre  aux  Italiens  de  voyager  librement  et  en  toute  sécurité  sur  le 
territoire  du  sultan,  qui  punirait  sévèrement  tout  Danakil  coupable 
d'injures  envers  un  sujet  italien,  de  même  que  les  autorités  italiennes 
châtieraient  tous  ceux  de  leurs  ressoilissants  qui  feraient  tort  à  des  sujets 
d'Anfari.  Celui-ci  a  répondu  favorablement  à  ces  demandes,  et  a  promis 
d'envoyer,  avec  l'expédition  italienne,  un  de  ses  représentants  au  roi 
Ménélik.  Si  celui-ci  conclut  un  traité  d'amitié  avec  le  roi  d'Italie,  Anfari 
signera  de  son  côté  une  convention  avec  ce  même  souverain,  et  tous  les. 


—  205  — 

Italiens  qui  voudront  venir  chez  lui  seront  les  bienvenus.  —  Ménélik  a 
€crit,à  la  Société  italienne  de  géographie  à  Rome,  une  lettre  en  amhari- 
<iue,  dont  Mgr  Massaia  a  fait  une  traduction  publiée  dans  le  Bulleti7i  de 
cette  société.  Le  roi  attendait  avec  impatience  Tarrivée  d^Antonelli,  pour 
s'entendre  avec  lui  au  sujet  des  collections  et  des  documents  laissés  par 
le  marquis  Antinori,  et  sur  lesquels  il  veille  avec  soin. 

M.  Soleillet  a  adressé  de  KaJTa,  à  M.  le  ministre  de  Tinstruction 
publique  de  France,  un  rapport  sommaire  sur  son  voyage  à  partir 
d'Obock.  Nous  y  avons  remarqué  les  particularités  suivantes.  De  la  mer 
à  l'Haouasch,  le  vaste  plateau  que  Ton  traverse  rappelle,  par  ses  gran- 
des ondulations,  sa  flore  et  sa  faune,  les  plateaux  du  Sahara.  Au  point 
où  Soleillet  a  passé  THaouasch,  par  10°  lat.  N.  et  38°  long.  E.  de  Paris 
environ,  la  rivière  coule  au  milieu  d'un  massif  volcanique,  remarquable 
par  le  grand  nombre  de  sources  thermales  qui  Tarrosent.  D'Obock  à 
Kaffa,  l'explorateur  a  constaté  presque  partout  la  présence  du  fer  ; 
mais  les  nombreuses  pierres  noires  qui  brûlent,  au  dire  des  indigènes,  et 
et  qui  ont  fait  croire  à  la  présence  de  la  houille,  ne  sont,  du  moins  celles 
qu'il  a  vues  ou  qu'on  lui  a  apportées,  que  des  pierres  schisteuses  ou  des 
lignites  sulfureux.  Partout  encore,  d'Obock  à  Kaffa,  Soleillet  a  constaté 
que  la  protection  de  Ménélik  suflSt  pour  assurer  la  sécuiîté  du  voyageur  ; 
toutes  les  tribus  recoimaissent  son  autorité.  D'autre  part,  une  lettre 
écrite  d'Ankober,  depuis  son  retour  du  Eafi'a,  donne  des  détails  sur  son 
voyage  et  son  séjour  dans  les  territoires  au  sud-ouest  du  Choa.  D'Anko- 
ber, il  a  traversé  de  grands  plateaux  cultivés  et  couverts  de  pâturages, 
et  a  atteint  la  Guébé,  affluent  de  l'Oromo  qui  se  jette  dans  l'Océan 
Indien.  Après  l'avoir  franchie,  il  est  entré  dans  le  Djema,  royaume 
musulman  vassal  du  Choa,  qu'aucun  Européen  n'avait  encore  visité.  Le 
eaféier  y  compose  presque  exclusivement  le  sous-bois  des  forêts  ;  les 
fruits  sèchent  sur  les  arbustes  sans  qu'on  songe  à  les  ramasser  ;  la  popu- 
lation, qui  ne  fait  pas  de  commerce  à  l'extérieur,  n'en  cueille  que  juste 
ce  dont  elle  a  besoin  pour  elle-même.  Le  roi  du  Djema  et  sa  mère  fii'ent 
bon  accueil  à  M.  Soleillet  et  lui  donnèrent  \ne  escorte  pour  l'accompa- 
gner jusqu'à  Kaffa,  où  deux  Européens  seulement,  M.  d'Ao'cadie  et 
Mgr  Massaia,  avaient  pénétré  avant  lui.  Le  Kaffa  est  formé  d'un  réseau 
de  petites  vallées  bien  abritées,  entourées  de  hautes  montagnes  ;  à  en 
juger  par  la  beauté  de  sa  végétation,  il  doit  être  extrêmement  fertile  ;  le 
café  y  est  indigène  ;  on  l'y  cultive  en  abondance;  il  y  est  très  beau,  très 
bon  et  à  vil  prix.  M.  Soleillet  est  revenu  à  Ankober  par  le  Guéra,  le  Limou 
et  le  Goma,  pays  tributaii-es  du  Choa. 


—  206  — 

Des  deux  explorateurs  qui  se  rendent  au  Victoria  Nyanza  par  le  Kllî- 
kiidjapo,  M.  ë.  Thornson  a  pris  une  route  passant  au  nord  de  cette 
montagne,  tandis  que  le  D'  Flsohep  en  a  suivi  une  qui  Ta  conduit  par 
le  pied  S.-O.  de  ce  massif.  Parti  de  Mombas,  Thomson  s'est  rendu  assez 
rapidement  à  Mdara  et  à  Boura,  eu  explorant,  avec  autant  de  soin  que 
le  lui  permettait  la  vitesse  de  sa  marche,  la  région  du  Talta,  Isi  première 
terrasse  que  Ton  rencontre  à  partir  de  la  côte,  et  sur  laquelle  ses  con- 
naissances géologiques  nous  promettent  d'instructifis  renseignements.  De 
Boura  il  s'est  dirigé  sur  Taveta,  pour  remonter  ensuite  vers  le  nord,  con- 
tourner le  Kilimandjaro,  et  atteindre  la  rivière  Sabaki  pour  la  remonter 
et  en  explorer  les  sources.  Le  5  mai  il  est  arrivé  à  Dgare-na-Erobi,  par 
3*^5'  lat.  S.  et  34%  40'  long.  E.  de  Paris.  Là  il  apprit  que  le  D' Fischer, 
parti  de  Tanga  par  une  route  plus  méridionale,  n'était  qu'à  quelques 
journées  de  marche  en  avant  de  lui.  A  la  tête  de  800  hommes  (les  350  de 
sa  caravane,  et  sans  doute  ceux  d'une  autre  caravane,  à  laquelle  la 
sienne  s'étant  adjointe),  il  s'était  ouvert,  parla  force,  une  route  à  travers 
le  territoire  des  Masaïs,  mais  plusieurs  de  ceux-ci  avaient  été  tués,  entre 
autres  un  de  leurs  chefs.  Dans  ces  circonstances,  et  ne  se  sentant  pas  en 
force  pour  tenter  le  passage  au  mDieu  de  ces  tribus  surexcitées,  Thom- 
son quitta  de  nuit  Dgare-na-Erobi,  revint  à  Taveta,  oh  il  fit  camper 
ses  hommes,  puis  redescendit,  avec  quelques-uns  seulement,  à  Mombas 
pour  y  prendre  des  renforts.  Il  comptait  en  repartir  promptement  pour 
Taveta,  et  passer  de  là'  à  Aroucha,  par  une  route  au  sud  de  celle  qu'il 
avait  suivie  dans  sa  première  tentative. 

Nous  sommes  sans  nouvelles  des  expéditions  internationales,  non  plus 
que  de  celles  des  Comités  nationaux  français  et  allemand.  En  revanche 
nous  avons  appris  par  une  lettre  de  M.  Ledoulx,  consul  de  France  à 
ZajàadlMip  que  Mgr.  Lavigerie  a  fait  partir  six  nouveaux  missionnaires 
destinés  à  renforcer  les  stations  du  Victoria  Nyanza,  de  Tabora,  d'Oud- 
jidji  et  du  Massanzé.  M.  Ledoulx  ajoute  que  les  missionnaires  romains 
des  stations  de  la  côte  ont  enrichi  la  littérature  souahéli, — qui,  grâce  aux 
missions  protestantes,  possède  déjà  quelques  livres  élémentaires,  —  d'un 
dictionnaire  français-souahéli  et  souahéli-français,  qui  va  être  Uvré  à  la 
publicité*.  Cette  œuvre  a  une  importance' majeure,  la  langue  souahéli 
étant  parlée  du  Cap  Guardafui  à  Sofala,  dans  tout  le  territoire  qui 
s^étend  de  la  côte  au  Tanganyika,  et  en  outre  à  Sokotora,  aux  Comores, 
à  Mayotte,  à  Nossi-Bé  et  même  à  Madagascar. 

*  Nous  rappelons  quMl  existe  déjà  des  grammaires  de  la  langue  souahéli,  par 
Steere  et  Krapf,  et  que  ce  dernier  en  a  laissé  un  dictionnaire  qui  est  sous  presse. 


—  207  — 

D'après  une  lettre  de  M.  Maples  au  journal  Central  Africa,  les  mis- 
sionnaires de  MasAsi  ne  croient  pas  prudent  de  conserver  cette  station, 
où  la  vie  de  leurs  indigènes  serait  constamment  exposée  aux  attaques 
des  Magwangwaras.  Ils  songent  même  à  renoncer  à  l'annexe  de  Néou- 
ala,  et  cherchent  pour  s'établir  un  point  plus  près  de  la  côte.  Un 
moment  ils  ont  eu  l'intention  de  se  transporter  sur  le  plateau  de 
Makondé,  au-dessus  de  la  résidence  du  chef  Matola,  bienveillant  à  leur 
égard  ;  mais  l'incertitude  sur  la  question  de  savoir  si  des  forages  pour- 
raient y  amener  de  l'eau  potable  les  empêcha  de  rien  décider  à  ce  sujet. 
Ils  penchaient  plutôt  pour  un  établissement  à  Lilimbi,  à  une  journée  et 
demie  de  la  côte,  à  égale  distance  de  Kimbaré  et  de  Sudi.  L'eau  y  est 
abondante  et  excellente  ;  le  sol  fertile  convient  parfaitement  à  la  culture 
du  riz  et  de  la  canne  à  sucre.  A  8  kilomètres  de  Lilimbi  se  trouve 
Msua,  d'où  l'on  peut  descendre  en  bateau  jusqu'à  Sudi,  à  40  kilom. 
Le  chef  de  Lilimbi  est  un  Makondé,  nommé  Chikambo,  favorable  aux 
missionnaires.  Les  hommes  envoyés  à  Lindi,  pour  y  acheter  des  marchan- 
dises destinées  à  obtenir  la  liberté  des  derniers  captifs  des  Magwang- 
waras,  étaient  attendus  à  Masasi,  et  devaient  en  repartir  pour  Ngoï. 

Il  résulte  d'explications  données  à  la  Chambre  des  députés  de  Lis- 
bonne par  le  ministre  de  la  marine,  que  le  gouvernement  britannique  a 
adressé  au  Portugal  une  note,  pour  appeler  l'attention  du  cabinet  de 
Lisbonne  sur  les  périls  que  pourrait  faire  courir,  aux  missions  anglaises 
de  Blantyre  et  de  Livingstonia,  la  prolongation  des  hostilités  entre  le 
chef  CMpitula  et  les  autorités  portugaises ,  les  nègres,  dans  leurs 
guerres  contre  les  Européens,  traitant  indistinctement  tous  les  blancs  en 
ennemis.  Au  reste,  au  dire  du  ministre  portugais,  la  prise  d'armes  de 
Chipitula  n'a  pas  l'importance  que  lui  ont  attribuée  certains  journaux. 
Ce  chef,  poursuivant  une  de  ses  femmes  qui  s'était  réfugiée  au  poste 
portugais  de  Messingir,  attaqua  ce  poste  ;  mais  le  gouverneur  de  Quili- 
mane  prit  immédiatement  les  mesures  nécessaires  pour  repousser  cette 
attaque.  En  outre,  le  gouverneur  général  de  Mozambique  lui  envoya  une 
canonnière,  qui  a  dû  lui  permettre  d'agir  vigoureusement  et  prompte- 
ment  poiur  rétablir  l'ordre  dans  ce  district. 

Laissant  aux  journaux  politiques  le  soin  de  renseigner  nos  lecteurs  sur 
les  incidents  du  conflit  franco-malgache,  nous  compléterons  ce  que  nous 
avons  dit  dans  nos  deux  précédents  numéros  sur  l'esclavaiBi^e  à.  Mada- 
gasear,  paroles  renseignements  suivants  que  le  missionnaire  Moss,  après 
un  voyage  à  Mandritsara  et  à  Anonibé,  a  communiqués  au  journal  The 
Chrorticle,  de  la  Société  des  missions  de  Londres.  Un  voyage  avec  un 


—  208  — 

missionnaire,  dans  une  partie  reculée  de  l'île,  est  considéré  par  Tesclave 
comme  une  occasion  favorable  pour  se  soustraire  aux  tourments  d'un 
maître  dur  et  tyrannique.  Pour  obvier  à  ce  danger,  il  faut  que  l'esclave 
présente  au  voyageur  le  consentement  de  son  maître,  par  écrit,  avant 
de  pouvoir  être  engagé  pour  Jie  voyage.  En  outre,  il  faut  envoyer  aux 
ofiBciei-s  du  gouvernement  son  nom  et  ceux  de  son  maître  et  du  voya- 
geur, avant  de  pouvoir  obtenir  le  passeport  nécessaire.  Mais  ces  précau- 
tions servent  à  peu  de  chose,  car  l'esclave  qui  songe  à  s'échapper  donne 
des  noms  supposés,  ou  présente  un  faux  certificat  de  consentement, 
qu'on  n'a  pas  le  temps  de  changer  ni  même  d'examiner.  Pendant  un 
certain  nombre  de  jours,  tout  va  bien;  puis  l'esclave  se  dit  malade,  il 
faut  le  renvoyer,  le  voyageur  croit  qu'il  retournera  chez  son  maître, 
mais  en  réalité  ce  n'est  pas  son  intention,  et  le  maître  ne  le  voit  pas  repa- 
raître. Deux  fois,  pendant  son  voyage,  M.  Moss  en  a  fait  l'expérience.  Je 
ne  sache  rien,  dit-il,  de  plus  démoralisant,  ni  de  plus  contraire  à  tout 
progrès  dans  les  institutions  sociales  des  Malgaches,  que  l'esclavage 
domestique. 

Une  compagnie  au  capital  de  300,000  L.  st.,  s'est  formée  sous  le  titre 
de  Graskop  Gold  Miiiinip  company,  pour  acheter  la  concession  de 
Graskop  Farm,  située  au  centre  des  districts  aurifères  les  mieux  connus 
et  les  plus  riches  du  district  de  Lydenbourg,  dans  le  Tranavaal»  à 
1500"  ou  2000"  au-dessus  de  la  mer.  Les  études  faites  ont  constaté  que 
l'or  est  distribué  à  peu  près  partout  sur  la  propriété.  Dans  les  terrains 
élevés  on  trouve  de  nombreux  filons  dans  une  formation  de  quartz,  tandis 
que  dans  les  terrains  bas  il  y  a  abondance  de  dépôts  aurifères  alluviaux, 
aussi  bien  qu'ample  approvisionnement  d'eau  pour  les  travaux  hydrau- 
liques. La  concession  peut  être  atteinte,  de  la  baie  de  Delagoa,  par  une 
bonne  route  de  190  kilomètres,  ou  de  Capetown,  en  dix  jours,  par  chemin 
de  fer  et  voiture  de  poste,  en  passant  par  Kimberley,  ou  encore  de 
Natal,  en  six  jours  seulement,  par  chemin  de  fer  et  voiture . 

Les  Regimxs  beyond^  journal  de  la  Livingstone  Inland  Mission,  nous 
apportent  le  récit  du  voyage  d'un  jeune  missionnaire  M.  Amot,  de 
Durban  à  Lea-lui,  résidence  du  roi  des  Barotsés,  sur  le  Haut-Zam- 
bèase.  Parti  de  Natal  à  la  fin  de  l'année  1881,  il  passa  les  monts  Dra- 
kensberg,  puis  le  Vaal,  et  arriva  à  Potchefetrom,  oii  il  se  reposa  quelques 
Jours.  Traversant  ensuite  le  Transvaal,  il  atteignit  le  Limpopo  et  Scho- 
chong  à  la  fin  de  mars,  après  un  voyage  de  35  jours.  Le  chef  Khamé  le 
reçut  très  cordialement.  La  condition  morale  exemplaire  de  la  ville,  la 
stricte  prohibition  des  spiritueux,  la  poUtique  noble  et  désintéressée  du 


—  209  — 

souverain,  et  la  bonté  comparative  d^son  peuple  le  remplirent  d'admi- 
ration. Là  il  apprit  le  sechuana,  dans  Tintention  de  pénétrer  phis  avant 
dans  rintérieur,  puis,  au  bout  de  cinq  mois,  il  se  mit  en  route  pour  le 
Zambèze,  à  travers  le  désert  de  Kalahari,  malgré  les  lions,  les  léopards 
et  les  hyènes  qui  y  abondent,  malgré  les  guerres  intestines  des  indigènes, 
et  surtout  malgré  la  disette  d'eau  dont  il  eut  beaucoup  à  souffrir.  Heu- 
reusement sa  santé  fiit  toujours  bonne  pendant  ce  voyage,  et,  quoique 
souffirant  de  la  faim  et  de  la  soif,  il  tit  parfois  60  kilomètres  par  jour. 
Arrivé  au  Zambèze,  il  y  trouva  les  Barotsés  indisposés  contre  les  mis- 
sionnaires, qui,  après  leur  avoir  promis  de  les  instruire  les  avaient  quit- 
tés. Lorsqu'ils  comprirent  que  M.  Ârnot  était  décidé  à  s'établir  au 
milieu  d'eux,  ils  l'accueUlirent  favorablement  et  lui  permirent  de  tra- 
verser le  fleuve;  mais,  avant  d'arriver  à  Lea-lui,  il  tomba  malade  de  la 
fièvre,  et  reçut  les  soins  d'un  Anglais,  M.  Blockley,  marchand  établi  à 
Panda-ma-tenka.  Au  bout  de  quelques  semaines  il  put  se  remettre  en 
route,  et,  sur  tout  son  passage,  jusqu'à  Lea-lui,  il  reçut  l'accueil  le  plus 
empressé  de  la  part  des  natifs.  Sa  dernière  lettre,  écrite  de  Lea-lui, 
raconte  la  réception  amicale  que  lui  fit  le  roi,  auprès  duquel  l'introduisit 
M.  Westbeech,  autre  marchand  anglais,  établi  à  Panda-ma-tenka,  qui 
l'avait  précédé  et  lui  facilita  son  premier  établissement. 

Le  gouvernement  portugais  a  reçu  de  l'Angola  un  mémorandum,  signé 
par  les  principaux  résidents  et  négociants  de  cette  province,  réclamant 
roccupation  effective  des  territoires  situés  au  nord  d'Ambrlz,  mesure 
indispensable,  disent-ils,  pour  assurer  la  sécurité  du  commerce  danâ  cette 
région,  et  afin  d'y  rendre  possible  le  développement  régulier  de  beau-" 
coup  d'entreprises,  pour  lesquelles  l'incertitude  de  la  situation  actuelle 
constitue  une  entrave  des  plus  sérieuses  et  des  plus  nuisibles.  Cette 
demande  semble  prouver  que  l'occupation  de  cette  région  par  les  Portu- 
gais n'a  point  été  effective  jusqu'ici,  ce  que  confirment  les  expériences 
jEaites  par  les  membres  de  l'expédition  allemande  à  la  côte  du  Loango, 
du  Chiloango  au  Congo,  et  les  paroles  de  l'un  d'eux,  M.  le  D'  Gûssfeldt, 
rappelées  par  M.  G.  Darmer,  dans  le  dernier  numéro  des  VerhancUun' 
gen  de  la  Société  de  géographie  de  Berlin.  D'après  lui,  jamais  aucune 
puissance  européenne  n'a  réussi  à  s'établir  sur  un  point  quelconque  de 
la  côte  du  Loango.  Le  Portugal  l'a  essayé,  mais,  de  fedt,  les  nègres  y  ont 
conservé  leur  complète  indépendance.  Ce  fiit  toujours  avec  des  chefe 
nègres  que  l'expédition  allemande  eut  à  traiter,  comme  Stanley  l'a  fait 
pour  le  Comité  d'études  du  Haut-Congo,  et  de  Brazza  pour  la  France. 

Diaprés  une  dépêche  adressée  de  Londres  au  Temps ^  Stenley  a 


—  210  — 

signé  un  traité  avec  le  chef  d'un  territoire  situé  à  plus  de  200  kilomètres 
de  Stanley-PooL  D'autre  part,  un  correspondant  du  Journal  de  Oenève 
lui  écrit,  d'Amsterdam,  qu'il  s'est  procuré  la  copie  de  deux  traités 
conclus,  au  nom  de  Stanley,  par  le  lieutenant  Valck  et  deux  de  ses  collè- 
gues, lieutenants  également.  D'après  l'un  de  ces  traités,  rédigé  en  fran- 
çais, le  roi  Jonga  de  Selo  reconnaît  la  souveraineté  du  Comité  d'études 
du  Haut-Congo,  aux  agents  duquel  il  accorde  droit  de  séjour  et  de  com- 
merce, s'engageant  à  fournir  la  corvée,  en  échange  de  quoi,  Stanley  et 
le  Comité  promettent  de  donner  à  perpétuité  à  Jonga  et  à  ses  descen- 
dants deux  pièces  d'étoffe.  L'attention  du  gouvernement  belge  a  été 
attirée  sur  cette  question  de  souveraineté  reconnue  au  Comité  d'études 
du  Haut-Congo,  et  M.  Frère-Orban  a  répondu  que  le  gouvernement 
belge  est  étranger  à  l'œuvre  du  Comité.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  quHl 
y  a  là  un  nouveau  sujet  de  complications  dans  la  question  du  Congo,  et 
un  nouveau  motif  de  désirer  qu'elle  soit  étudiée  par  une  commission, 
nonmiée  ad  hoc,  de  délégués  des  principaux  états  civilisés,  chargés  d'éta- 
blir la  neutralité  de  cette  grande  voie  commerciale.  Nous  croyons  savoir 
qu'elle  sera  prochainement  traitée  à  Munich,  dans  la  réunion  annuelle 
des  membres  de  l'Institut  de  droit  international.  —  Quoi  qu'il  en  soit, 
les  Zanzibarites  employés  par  Stanley  ne  paraissent  pas  devoir  rendre 
facile  la  t&che  de  ceux  qui  travaillent  à  introduire  la  civilisation  sur  les 
rives  du  Congo.  Armés  de  fusils  à  tir  rapide,  ils  sont,  pour  les  natifs  et 
leurs  chefs,  un  sujet  d'e&oi  beaucoup  plus  que  de  considération.  —  La 
maladie  continue  à  faire  des  victimes  dans  les  rangs  des  employés  du 
Comité  d'études  ;  V Étoile  belge  a  annoncé  la  mort  de  M.  Grangh,  sous- 
lieutenant  au  régiment  des  carabiniers,  et  de  M.  Roubinet,  mécanicien. 
Mais  Stanley  ne  cesse  pas  non  plus  de  faire  de  nouvelles  recrues.  C'est 
ainsi  que,  d'après  VAfrican  Times,  il  a  enrôlé  200  hommes  de  la  tribu 
belliqueuse  des  Haoussas,  qui  se  rendront  au  Congo  à  titre  de  travail- 
leurs. Quelques  centaines  de  Haoussas  seront  aussi  conduits  à  Stanley 
par  le  capitaine  Lonsdale,  qui  a  déjà  fait  une  expédition  à  Coumassie, 
et  auquel  le  Colonial  Office  a  permis  de  conclure,  pour  trois  ans,  un 
engagement  avec  la  Société  internationale  d'exploration  du  Niger  et  du 
Congo  (?)  Le  Standard  annonce  qu'il  est  déjà  parti  avec  sa  suite  pour  le 
Niger,  et  qu'il  doit  s'ouvrir  une  route  par  terre,  jusqu'à  ce  qu'il  rencon- 
tre Stanley  sur  le  Congo.  H  est  autorisé  à  enrôler  autant  d'hommes  qu^il 
le  jugera  nécessaire  pour  la  sécurité  de  l'expédition.  On  annonce  aussi, 
de  Loanda,  que  Stanley  se  prépare  à  fonder  à  Molemba  une  station  et  de 
grands  entrepôts  pour  le  commerce  de  l'ivoire. 


—  211  — 

Au  Gabon,  arrivent  des  colons  français,  pour  y  fonder  des  établisse- 
ments agricoles  ;  afin  de  favoriser  l'extension  des  cultures  locales,  en 
les  protégeant  contre  la  concurrence  du  dehors,  le  commandant  supé- 
rieur de  la  colonie  a  été  autorisé  à  augmenter  les  droits  d'entrée  sur  les 
produits  similaires  de  provenance  étrangère.  D'autre  part,  il  a  interdit 
aux  factoreries  eui'opéennes  d'importer  des  armes  ou  des  munitions  pour 
les  vendre  aux  indigènes,  devenus  plus  ou  moins  hostfles  aux  projets  de 
Brazasa.  Celui-ci,  après  avoir  remplacé  les  marins  des  postes  de  Loango 
et  de  Punta-Negra  par  des  hommes  faisant  partie  du  personnel  de  la 
mission,  est  parti  pour  l'intérieur.  Que  trouvera-t-il  sur  le  Haut-Congo, 
dans  le  territoire  que  lui  a  concédé  Makoko  ?  Le  Jornal  do  Commercio, 
de  Lisbonne,  a  annoncé  que  ce  chef  a  été  déposé,  non  par  sa  tribu,  mais 
par  un  suzerain  dont  le  nom  n'est  point  indiqué  ;  et  une  dépêche  de  Lis- 
bonne donne  le  nom  de  son  successeur,  qui  s'appelle  Mpumo-Ntaba. 

Le  gouvernement  de  Libéria  n'a  pas  reconnu  l'annexion,  à  la  colo- 
nie de  Sierra  L<éone,  du  territoire  sur  lequel  plusieurs  rois  de  la  côte 
avaient  demandé  à  l'Angleterre  d'étendre  son  protectorat.  Le  Sénat  de 
Monrovia,  croyant  avoir  des  droits  sur  une  partie  de  ce  territoire,  a 
demandé  au  gouvernement  de  Washington  d'intervenir  en  sa  faveur 
auprès  du  cabinet  anglais,  pour  l'amener  à  renoncer  aux  prétentions 
basées  sur  la  demande  des  rois  sus-mentionnés.  Le  président  des  États- 
Unis  a  saisi  avec  empressement  cette  occasion  de  manifester  son  intérêt 
pour  la  république  de  Libéria,  et  des  négociations  ont  été  entamées  avec 
l'Angleterre  pour  tâcher  d'arranger  le  différend  à  l'amiable. 

La  Société  de  géographie  de  Rochefort  a  reçu,  de  Ténériffe,  des  nou- 
velles de  Texpédition  du  Talisman.  De  Mofl^ador  aux  Canaries» 
eUe  a  fait  pendant  huit  jours  des  draguages,  de  5  h.  du  matin  jusqu'au 
coucher  du  soleil,  quelquefois  même  relevant  la  dernière  drague  à  la 
lumière  des  lampes  Edison.  EUe  a  recueilli  une  ample  moisson  de  choses 
curieuses  :  poissons  rares,  crustacés  nouveaux,  éponges  siliceuses,  etc. 
Entrée  dans  l'archipel  des  Canaries  par  le  détroit  de  la  Bocayna,  entre 
Lanzarote  et  Fuerteventura,  elle  s'est  ensuite  dirigée  vers  le  motdllage 
de  Ténériffe.  M.  Milne  Edwards  s'est  rendu  à  Orotava  avec  le  personnel 
civil  de  l'expédition  ;  M.  Filhol,  professeur  à  la  faculté  des  sciences,  et 
M.  Poirault,  préparateur  au  Muséum  et  photographe  de  l'expédition, 
devaient  effectuer  l'ascension  du  pic  de  Teyde  pour  y  faire  des  observa- 
tions. De  Ténériffe,  le  Talisman  doit  encore  explorer  l'archipel  des 
Canaries»  puis  il  se  dirigera  vers  les  lies  du  Cap-Vert,  en  fouillant  pen- 
dant une  vingtaine  de  jours  la  partie  de  l'Atlantique  comprise  entre  ces 


—  212  — 

deux  groupes  dalles.  Après  uoe  relâche  à  Saint-Vincent,  il  fera  route 
pour  les  Açores,  en  explorant  la  mer  des  Sargasses. 

La  commission  espagnole  envoyée  à  Mogador  pour  prendre  possession 
du  territoire  de  Santa  Craz  de  Mar  Peqaena,  cédé  àFEspagne  par 
le  Maroc,  se  trouve  dans  un  grand  embarras,  par  le  fait  qu'il  n'existe  pa& 
moins  de  quatre  points  désignés  sous  ce  nom  par  les  explorateurs  et  les 
Sociétés  de  géographie.  Elle  incline  à  occuper  Tendroit  de  ce  nom  qui  se 
trouve  dans  le  sud  du  Maroc,  mais  les  délégués  marocains  cherchent  à 
l'en  détourner,  les  tribus  du  littoral  ayant  déjà  laissé  la  «  North  AMcan 
Company  »  établir  des  comptoirs  sur  cette  partie  de  la  côte.  Le  sultan 
du  Maroc  oSre  à  la  commission  espagnole  le  choix  de  l'emplacement  qui 
pourrait  le  mieux  convenir  k  l'Espagne  pour  y  établir  un  port,  sur  une 
ligne  de  côtes  de  160  kilom.  au  sud  de  Mogador;  mais  le  gouvernement 
espagnol,  comprenant  que  la  création  d'un  port  et  d'un  établissement 
sérieux  sur  cette  côte  sera  très  coûteuse,  et  entraînera  un  déploiement 
de  forces  considérable,  paraît  disposé  à  se  rattacher  à  la  proposition  faite 
par  le  sultan  en  1882,  d'échanger  le  Santa-Cruz  introuvable,  contre  un 
territoire  plus  rapproché  de  la  Méditerranée  et  du  détroit  de  Gibraltar. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Le  gouvernement  français  a  décidé  de  continuer  la  voie  ferrée  de  Méchéria  à. 
Aïn-Sefra. 

Le  colonel  Négrier^  a  établi  à  Aln-Aïssa,  à  80  kilom.  de  Méchéria,  dans  une 
gorge  encaissée  entre  de  hairtes  montagnes  boisées,  un  sanitarium,  où  les  soldats 
malades  sont  envoyés  en  convalescence. 

A  la  suite  des  travaux  topographiques  exécutés  dans  le  Sud-Oranais,  sous  la 
direction  du  capitaine  de  Castries  et  des  lieutenants  Brosselard  et  Delcroix,  une 
carte  au  ^«ooooo  a  été  dressée  de  cette  région  jusqu'à  Figuig,  dont  la  position  se 
trouve  pour  la  première  fois  déterminée  par  des  observations  scientifiques. 

M.  H.  Duveyrier  a  communiqué  à  la  Société  de  géographie  de  Paris,  que  les 
topographes  français  en  Tunisie  ont  découvert,  au  S.-£.  de  Bahiret-£1-Biban,  tout 
pr^s  de  la  mer,  un  immense  chott,  nommé  Boû-Guer&ra,  qui  s'étend  à  peu  près  du 
S.  au  N.  Dans  le  voisinage  on  a  trouvé  des  ruines  romaines  importantes. 

M.  Linant  de  Bellefonds,  un  des  plus  anciens  explorateurs  de  la  vallée  du  Nil  et. 
du  Soudan,  père  de  celui  qui  a  visité  Mtésa,  vient  de  mourir  au  Caire  à  i'&ge  de 
SS  ans. 

Sous  le  titre  de  «  Factoreries  françaises  du  Grolfe  Persique  et  de  l'Afrique  orien- 
tale, »  il  s'est  formé  une  société  pour  le  commerce  franco-oriental  d'importation  et. 
d'exportation. 


—  213  — 

La  mission  italienne  dirigée  par  Bianchi  est  heureusement  arrivée  à  Samera,  où 
se  trouvait  le  roi  d'Abyssinie  auquel  elle  a  remis  les  présents  du  roi  d'Italie. 

Mgr  Lasserre,  coadjuteur  du  vicaire  apostolique  des  Gallas,  a  obtenu  de  Méné- 
lik  l'autorisation  de  s'établir,  avec  deux  missionnaires,  chez  les  Ittous  Gallas  qui 
lui  sont  soumis. 

M.  G.  Bevoil  a  quitté  Zanzibar  le  1*'  mai  pour  son  expédition  chez  les  Somalis, 
mais  la  mousson  du  S.-O.  n'a  pas  encore  permis  de  recevoir  de  ses  nouvelles  à 
Zanzibar. 

Le  bruit  s'est  répandu  de  la  mort  du  roi  Mtésa,  mais,  d'après  les  dernières 
lettres  reçues  de  l'Ouganda  par  la  Société  des  missions  anglicanes,  datées  du 
28  février,  il  était  toujours  vivant  et  rien  ne  faisait  pressentir  sa  fin. 

Un  traité  d'amitié,  de  commerce  et  de  navigation  entre  l'Italie  et  Madagascar  a 
été  signé  à  Londres,  par  M.  Nigra  et  les  ambassadeurs  Hovas,  sur  la  base  du  trai- 
tement de  la  nation  la  plus  favorisée. 

Malgré  son  aversion  pour  les  missionnaires,  Makatou,  chef  des  Bawendas  des 
Zoutpansberg,  qui  refusait  de  se  soumettre  aux  Boers,  a  cédé  aux  invitations  de 
MM.  Creux  et  Beuster,  missionnaires  aux  Spelonken,  et  a  consenti  à  payer  un  tribut 
au  gouvernement  du  Transvaal. 

Le  major  Machado,  qui  était  venu  à  Lisbonne  pour  conférer  avec  le  gouverne- 
ment portugais  au  sujet  du  chemin  de  fer  de  la  baie  de  Delagoa  à  Pretoria,  est 
reparti  pour  le  Transvaal,  afin  de  compléter  le  tracé  de  la  section  d'Incomati  à 
Pretoria.  Une  société  s'est  fondée  à  Lisbonne  pour  demander  la  concession  de 
cette  ligne. 

Une  dépêche  de  Durban  a  annoncé  la  mort  de  Cettiwayo,  tué  avec  toutes  ses 
femmes,  son  fils,  son  frère  et  la  plupart  de  ses  chefs  par  Usibepu,  qui  triomphe  dans 
tout  le  Zoulouland. 

La  Colonie  du  Cap  s'étant  montrée  impuissante  à  administrer  le  Lessouto,  le 
gouvernement  anglais  s'est  décidé  à  reprendre  le  protectorat  sur  cet  État,  à  la 
condition  que  l'État  libre  d'Orange  protège  ses  frontières,  et  que  la  Colonie  du 
Cap  paie  une  partie  des  dépenses  passées. 

M.  Pettersen  et  M.  le  D'  Sims  ont  fondé  à  Stanley-Pool  une  nouvelle  station 
pour  la  Livingstone  Inland  Mission.  M.  Sims  a  bien  vite  commencé  à  soigner  les 
malades,  ce  qui  lui  a  gagné  la  confiance  des  indigènes.  Ceux-ci  ne  travaillant  pas 
encore  suffisamment  pour  faire  produire  à  leurs  terres  les  provisions  nécessaires 
au  nombreux  personnel  européen  établi  à  Stanley-Pool,  le  prix  des  denrées  y  a 
beaucoup  augmenté.  Le  vapeur  le  Henri  Reed^  destiné  au  Haut-Cougo,  partira 
au  commencement  d'août. 

La  Société  de  géographie  de  Berlin  a  chargé  une  commission  d'élaborer  un 
plan  pour  les  explorations  ultérieures  en  Afrique,  sur  la  base  des  découvertes  les 
plus  récentes,  et  spécialement  de  celles  faites  par  Flegel,  Pogge  et  Wissmann 
dans  leurs  derniers  voyages. 

M.  Mattéi,  consul  de  France  à  Brass,  a  envoyé  à  la  Société  de  géographie  de 
Paris  des  notices  sur  plusieurs  localités  de  la  région  du  Niger  :  Onitza,  Igbébé, 


—  2U  — 

Egga,  Loko,  Lokodja,  etc.,  ainsi  qu'une  carte  photographiée  du  bassin  du 
Niger. 

Il  ressort  d'un  rapport  du  Rév.  Philipps^  missionnaire  natif  à  Ode-Ondo,  dans 
le  Yoruba,  que  le  traité  conclu  il  y  a  deux  ans  avec  le  roi  de  Ondo,  par  le  gouver- 
neur de  Lagos,  a  été  annulé.  Le  roi  a  écrit  au  gouverneur  que  ni  lui  ni  ses  chefe. 
n'ont  pu  triompher  de  leurs  appréhensions,  quant  aux  résultats  de  l'abolition  des 
sacrifices  humains  à  Ésu  et  à  Oramafé,  deux  divinités  révérées  depuis  un  temps 
immémorial. 

Sur  la  demande  de  plusieurs  chefs  de  la  Côte  des  Esclaves,  le  protectorat  de  la 
France  a  été  établi  sur  les  territoires  de  Petit-Popo,  Gyand-Popo  et  Porto-Seguro, 
entre  les  possessions  anglaises  de  la  Côte  d'Or  et  Whydah,  au  delà  de  laquelle  se 
trouve  le  territoire  de  Porto-Novo,  sur  lequel  le  protectorat  français  était  déjà 
reconnu. 

La  Compagnie  française  du  Niger  a  perdu  quatre  de  ses  employés,  MM.  Four- 
tier,  Clairambault,  Robin  et  Thomas;  l'un  s'est  noyé,  les  autres  sont  morts  de  la 
fièvre  ou  ont  été  empoisonnés. 

Le  Rév.  D**  Flickinger  a  fait  une  excursion  le  long  des  rivières  sur  lesquelles 
doit  naviguer  le  John  Broum  pour  la  mission  américaine  de  Mendi.  Après  en  avoir 
mesuré  la  largeur  et  la  profondeur,  il  est  revenu  en  Angleterre  donner  à  M.  Ed- 
ward Hayes,  de  Stratford,  des  ordres  pour  la  construction  du  steamer. 

Le  D' Rock,  qui  était  parti  de  Boké  sur  le  Rio  Nunez,  pour  se  rendre  au  Fouta- 
Djallon,  a  été  arrêté  par  l'almamy,  qui  ne  veut  plus  laisser  de  blancs  arriver  dans 
son  pays.  Le  voyageur  eut  beau  en  appeler  aux  traités  conclus  avec  MM.  Olivier 
de  Sanderval  et  le  D*"  Bayol,  il  fut  maltraité  et  dépouillé  de  tout  ce  qu'il  possédait. 
Il  dut  revenir  à  Boké;  cependant  il  n'était  point  découragé,  et  comptait  faire  une 
nouvelle  tentative  pour  pénétrer  dans  l'intérieur. 

Le  chef  indigène  Ghowé  ayant  commis  des  incursions  sur  le  territoire  de  Sher- 
bro,  voisin  de  Sierra  Leone,  le  major  Talbot  a  brûlé  la  ville  de  Kwatamaha» 
massacré  les  habitants  de  Kahun  et  fait  raser  Jalliah,  après  l'avoir  pillée  et 
brûlée. 

Les  membres  de  la  première  section  de  la  Société  de  géographie  commerciale  de 
Paris  ont  protesté,  au  sujet  de  la  convention  franco-anglaise  relative  à  la  délimi- 
tation des  possessions  anglaises  et  françaises  sur  la  côte  occidentale  d'Afrique.  Ils 
trouvent  cette  délimitation  défectueuse  en  ce  qui  concerne  le  Fouta-Djàllon  et  les 
îles  de  Loos,  et  demandent  que  la  ligne  de  démarcation  passe  par  le  9"  lat.  N.^ 
sauvegardant  le  Fouta-Djallon  et  les  sources  du  Niger. 

M.  Demaffey  est  revenu  du  Sénégal  après  avoir  pu  réaliser  son  projet  d'explo- 
ration dans  le  Bambouk,  dont  nous  avons  parlé  dans  notre  dernier  numéro.  Nous 
y  reviendrons.  Il  avait  précédé  à  Saint-Louis  la  colonne  expéditionnaire  du  colonel 
Borguis'Desbordes,  qui  ne  put  entrer  dans  la  ville  où  on  la  croyait  ravagée  par  le 
typhus.  Ramenée  en  France  par  le  Richelieu,  elle  est  retenue  en  quarantaine  aa 
lazaret  de  Pauilhac.  Son  chef  est  resté  à  Saint-Louis. 

M.  H.  d'Arpoare,  agronome  du  gouvernement  portugais  à  la  côte  de  Guinée,  y  a 


\ 


—  215  — 

fait  des  essais  de  cépages  sur  une  vigne  tubéreuse,  à  laquelle  il  a  donné  son  nom  : 
«  vitis  arpoarii.  »  Ses  essais  paraissent  avoir  très  bien  réussi. 

M.  Claude  Trouillet,  qui  se  rend  au  Fouta-Djallon,  a  passé  à  Boulam,  et  a 
envoyé  à  la  Société  de  géographie  de  Paris  quelques  notes  intéressantes  sur  cette 
!le^  qui  fait  partie  de  Parchipel  des  Bissagos. 

M.  Seignac,  commandant  de  Nossi-Bé,  a  été  nommé  gouverneur  du  Sénégal  en 
remplacement  de  M.  Servatius,  décédé. 

M.  Jaques,  déjà  précédemment  missionnaire  à  Sedhiou^  retournera  prochaine- 
ment à  Saint-Louis  pour  aider  M.  Taylor. 

Quelques  amis  de  la  mission  française  au  Sénégal  ont  fait  venir  en  France  trois 
jeunes  nègres,  qui  seront  élevés  dans  la  colonie  agricole  de  Sainte-Foy,  et  préparés 
à  retourner  à  St-Louis  comme  cordonniers,  tailleurs,  menuisiers,  peut-être  même 
instituteurs  et  évangélistes. 

Le  projet  de  loi  relatif  à  la  pose  d'un  câble  télégraphique  sous-marin,  entre  Pile 
de  Ténériffe  et  Saint-Louis  du  Sénégal,  a  été  voté  par  les  Chambres  françaises. 

Une  expédition  hydrographique  a  été  faite  aux  côtes  du  Maroc  par  le  capitaine 
de  Kerhallet  et  M.  Vincendon  Dumoulin,  ingénieur  hydrographe. 

A  l'occasion  du  trafic  des  esclaves  signalé  récemment  dans  plusieurs  places  du 
Maroc,  une  interpellation  a  eu  lieu  dans  le  Parlement  anglais.  Lord  £.  Fitzmaurice 
a  répondu  que  le  Foreign  Office  s'occupe  de  ce  sujet,  et  que  les  documents  qui  s'y 
rapportent  seront  prochainement  soumis  aux  Chambres. 


LA  PART  DES  SUISSES 

DANS  l'exploration  ET  LA  CIVILISATION  DE  l' AFRIQUE 

Nous  n'avons  pas  la  prétention  d'attribuer  aux  Suftses  une  part  con- 
sidérable dans  l'œuvre  africaine  ;  comparée  à  celle  qu'y  ont  prise  et  qu'y 
prennent  encore  les  Portugais,  les  Anglais,  les  Français,  les  Allemands, 
les  Italiens  et  les  Belges,  la  nôtre  paraît  même  fort  restreinte  ;  et  sans 
doute,  auprès  des  noms  de  Livingstone,  de  Cameron,  de  Stanley,  de 
Serpa-Pinto,  de  Savorgnan  de  Brazza,  de  Lenz,  de  Pogge  et  Wissmann, 
de  Matteucci  et  Massari,  pour  ne  nommer  que  les  plus  réputés,  les  noms 
des  explorateurs  suisses  pâlissent  singulièrement.  Cependant,  le  ciel 
étoile  ne  nous  présente  pas  seulement  des  astres  de  première  grandeur, 
et,  quelque  modeste  que  soit  notre  place  dans  le  champ  de  l'exploration 
et  de  la  civilisation  de  l'Afrique,  il  est  intéressant  de  voir  combien  un 
peuple  petit  comme  le  nôtre,  sans  colonies  sur  la  côte  d'Afrique,  et  sans 
subsides  de  la  part  des  gouvernements  ou  des  sociétés  de  géographie,  a 
pu  fournir  de  voyageurs  et  de  missionnaires,  pour  concourir  à  la  décou- 


—  216  — 

verte  de  ce  continent  et  au  relèvement  intellectuel  et  moral  de  ses  habi- 
tants. Aussi  croyons-nous  que,  même  pour  nos  abonnés  de  l'étranger, 
l'exposé  que  nous  allons  faire  ne  sera  pas  sans  intérêt. 

D  va  sans  dire  que  nous  ne  renoncerons  pas  à  parler  de  ceux  des 
Suisses  qui,  ne  pouvant  organiser  d'expéditions  personnelles,  se  sont  mis 
au  service  de  sociétés  étrangères,  telle  que  la  Société  africaine  de  Lon- 
dres, de  gouvernements  étrangers  comme  celui  de  Berlin,  ou  de  sociétés 
missionnaires  protestantes  comme  celle  de  Paris.  A  cet  égard  nous 
aurons  à  réclamer  comme  Suisses  plusieurs  voyageurs,  originaires  de  la 
partie  allemande  de  notre  patrie,  et  que  M.  W.  Eoner,  le  savant  rédac- 
teur de  la  Zeitschrift  der  Oeséllechaft  fur  Erdkunde  de  Berlin,  dans 
un  mémoire  sur  la  part  des  Allemands  dans  la  découverte  et  l'explora- 
tion de  l'Afirique,  a  classés  parmi  ses  compatriotes: 

Ce  fut  au  service  de  la  Société  africaine  de  Londres  qu'entra 
J.-L.  Burckardt,  Bâlois  d'origine,  quoiqu'il  fût  né  à  Lausanne  et  qu'il 
eût  fait  une  partie  de  ses  études  à  Neuchâtel.  Mungo-Park,  parti  de  la 
côte  de  la  Sénégambie,  venait  d'ouvrir  la  route  du  Soudan  et  de  faire 
connaître  une  partie  du  cours  supérieur  du  Niger,  lorsque,  en  1806,  échap- 
pant au  service  militaire  français  auquel  les  Suisses  étaient  alors  sou- 
mis, notre  concitoyen  se  rendit  à  Londres,  pour  y  étudier  avec  ardeur 
l'arabe  et  les  sciences  naturelles,  afin  de  se  mettre  aux  ordres  de  la 
a  Société  africaine.  »  Celle-ci,  il  est  vrai,  ne  l'envoya  pas  au  Niger,  mais 
en  Syrie  d'abord,  pour  s'y  familiariser  avec  la  langue,  l'Mstoire  et  la 
géographie  des  Arabes,  amsi  qu'avec  l'Islam,  et  pour  explorer  le  pays 
au  delà  du  Jourdain.  Ce  ne  fut  qu'au  bout  de  trois  ans,  qu'elle  le  chargea 
d'étudier  la  vallée  du  Nil.  L'expédition  française,  sous  Bonaparte,  avait 
frayé  la  voie  aux  explorations  eu  Egypte  ;  Méhémet-Ali  se  préparait  à 
reculer  le  plus  loin  possible,  vers  les  régions  du  Haut-Nil,  les  limites  de 
son  pachalik,  lorsque  Burckardt,  revêtu  du  costmne  arabe  et  sous  le 
nom  de  cheik  Ibrahim,  arriva  au  Caire.  Le  pacha  le  munit  de  lettres  de 
recommandation,  et,  en  féviîer  1813,  il  remonta  de  Syène,  ïwès 
d'Assouan,  jusqu'à  la  frontière  du  Dongola,  d'où  il  fut  expulsé  conmie 
espion  du  pacha.  Sans  se  laisser  découi*ager  pai*  cet  insuccès,  il  s'adjoi- 
gnit, comme  marchand  musulman,  à  une  caravane  qui  chaque  année  se 
rendait,  à  travers  le  désert  de  Nubie,  à  Chendi  et  à  Sennaar,  puis  s'atta- 
chant  à  ime  autre  caravane,  il  traversa,  par  une  route  inconnue  jusque-là 
aux  Européens,  tout  le  pays,  de  Chendi  à  Berber  et  à  Souakim.  De  là, 
après  avoir  ^1sité  La  Mecque  et  la  presqu'île  du  Sinal,  il  revint  au  Caire, 
pour  s'y  préparer  à  se  rendre  avec  une  caravane,  par  le  Fezzan,  à  Tom- 


—  217  — 

bouctou  et  au  Niger  ;  mais  la  mort  vint  l'empêcher  de  réaliser  son  projet. 
Il  n'en  avait  pas  moins  ouvert  la  vallée  du  Nil,  du  Caii-e  jusqu'à  Chendi, 
sur  une  longueur  de  plus  de  2000  kilomètres,  et  frayé  la  route  par 
laquelle  son  ami  Belzoni  devait  étendre  ses  recherches  archéologiques 
bien  au  delà  des  cataractes  du  Nil. 

Les  expéditions  de  Méhémet-Ali,  pour  soumettre  à  son  autorité  la 
Nubie  et  la  province  de  Sennaar,  favorisèrent  les  explorations  le  long  du 
Nil.  Peu  après  celles  de  Cailliaud  et  de  Kuppel,  un  de  nos  compa- 
triotes, le  baron  Henri  Menu  de  Minutoli,  général  au  service  de  Prusse, 
mais  né  à  Genève  où  il  avait  fait  une  partie  de  ses  études,  fut  chargé,  en 
1820,  de  diriger  la  première  expédition  allemande,  entreprise  sous  le 
patronage  de  l'Académie  royale  des  sciences  de  Berlin  et  aux  frais  du 
gouvernement  prussien.  Elle  comptait  plusieurs  savants  et  artistes, 
entre  autres  les  deux  naturalistes  Ehrenberg  et  Hemprich,  et  devait 
explorer  à  Thèbes,  à  Gizeh,  à  Sakkarah  et  à  Méroê  ces  monuments,  dont 
il  était  réservé  à  Lepsius  et  à  ses  compagnons  de  révéler  la  splendeur. 
Méhémet-Ali  ayant  refusé  à  Minutoli  l'autorisation  de  suivre  les  troupes 
envoyées  pour  subjuguer  le  Dongola,  l'explorateur  dut  renoncer  à  son 
plan  primitif  et  se  tourna  vers  la  Cyrénaïque  ;  mais  là  encore  il  rencontra 
le  mauvais  vouloh*  du  pacha  de  Derna,  qui  ne  lui  permit  pas^  de  passer 
la  frontière  de  cette  province.  Après  avoir  visité  les  places  du  littoral, 
l'expédition  se  dirigea,  de  Birs-el-Ghor,  à  travers  le  désert  de  Lybie, 
vers  l'oasis  de  Siwah,  ou  de  Jupiter  Ammon,  explorée  précédemment 
par  Browne,  par  Hornemann  et  par  Cailliaud  ;  elle  Tétudia  à  son  tour 
très  soigneusement,  au  point  de  vue  de  la  géographie,  de  l'archéologie 
et  de  l'histoire  naturelle,  et  plusieurs  de  ses  membres  en  donnèrent  des 
descriptions  riches  d'informations  utiles,  avant  les  importantes  explora- 
tions par  lesquelles  Rohlfs  détermina  la  dépression  de  cette  partie  du 
désert  de  Lybie  ;  les  collections  de  MinutoU,  achetées  plus  tard  pour  le 
célèbre  Musée  égyptien  de  Berlin,  constituent  une  partie  des  trésors 
archéologiques  de  cette  institution.  Après  l'exploration  de  Toasis  de 
Siwah,  Minutoli  revint  à  Alexandrie  et  au  lac  Mareotis  par  mie  route 
encore  inconnue,  puis  il  remonta  le  Nil  jusqu'à  Assouan,  dans  l'inten- 
tion de  pénétrer  plus  au  sud,  mais  il  dut  y  renoncer  pour  ne  pas  risquer 
de  provoquer  des  troubles  sérieux,  et  laisser  à  Hemprich  et  Ehrenberg, 
adjoints  à  l'une  des  expéditions  de  Méhémet-Ali,  le  soin  d'étudier  la  côte 
jusqu'à  Massaoua,  et  la  chaîne  côtière  jusqu'aux  sources  thermales 
d'Aïlet.  Plus  heureux  que  la  plupart  de  ses  compagnons,  Minutoli  put 
revenir  en  Europe.  Il  ne  tarda  pas  à  prendre  sa  retraite  du  service 


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prussien,  et  vint  vivre  à  Lausanne,  dans  sa  propriété,  oîi  il  mourut  eu 
1846,  après  avoir  eu  le  bonheur  de  voir  ses  travaux,  d'abord  assez  peu 
estimés,  ainsi  que  ceux  de  ses  collègues,  mieux  appréciés,  lorsque  les 
heureuses  découvertes  de  Lepsius  et  de  ses  successeurs  eurent  fait  com- 
prendre l'importance  des  labeurs  de  ceux  qui  en  avaient  été  les  pionniers. 
Un  autre  Genevois,  Ch.  Didier,  qui,  déjà  avait  fait  une  première 
excursion  à  Tanger  et  à  Tétouan,  réussit,  en  1854,  à  remonter  de 
Souakim  à.  Eassala  et  à  Khartoum,  la  nouvelle  métropole  du  Soudan» 
par  une  route  différente  de  celle  qu'avaient  suivie,  en  1832,  Malzac  et 
de  Vaissière,  et  à  travers  une  région  dont  la  plus  grande  partie  n'avait 
pas  encore  été  décrite,  ce  qui  lui  permit  d'enrichir  la  géographie  d'un 
certain  nombre  de  noms  qui  ne  se  trouvaient  encore  ni  sur  les  cartes, 
ni  dans  les  livres.  De  Kassala,  qui  depuis  la  conquête  de  Méhémet-Ali 
était  devenu  le  poste  avancé  de  l'Egypte  contre  l'Abyssinie,  il  aurait 
désiré  pousser  jusque  dans  ce  dernier  pays,  dont  Théodoros  se  faisait 
couronner  souverain  pour  l'arracher  à  l'anarchie  qui  le  dévorait  depuis 
de  longues  années,  et  le  ramener  à  son  unité  primitive,  mais  son  guide 
refusa  de  l'y  conduire.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  journal  de  son  voyage, 
Cinquante  jours  au  désert,  écrit  chaque  soir,  fut  comme  un  daguerréo- 
type qui,  ayant  pris  sur  le  fait  les  sites  et  les  hommes,  fit  connaître  ce 
pays,  nouveau  alors,  avec  une  exactitude  que  la  plus  sûre  mémoire  livrée 
à  elle-même  n'aurait  jamais  atteinte.  H  avait  pensé  à  donner  une  carte 
de  son  voyage,  et  en  avait  réuni  les  éléments,  mais  la  perte  de  la  vue 
lui  a  rendu  ce  travail  impossible.  Au  reste,  on  peut  suivre  une  gi*ande 
partie  de  son  exploration  sur  la  carte  di'essée  par  un  autre  de  nos  com- 
patriotes, Werner  Munzinger,  et  publiée  dans  les  Mittheilungen  de 
Gotha.  La  place  dont  nous  disposons  ne  nous  permet  pas  de  relever 
dans  ce  voyage  tous  les  faits  qui  le  mériteraient.  Bornons-nous  à  dire 
qu'en  1854  déjà,  il  plaçait  la  source  du  Nil  Blanc  vers  le  4**  ou  5**  lati- 
tude sud,  si  non  plus  loin  encore,  et  qu'avant  les  expéditions  de  Brun- 
Rollet  et  des  frères  Poncet  dans  la  région  du  Bahr-el-Ghazal,  il  pensait 
que  le  Nil  Blanc  pouvait  n'être  qu'un  affluent  du  Nil  définitif  qui,  sous  le 
nom  de  Myslad  venait  de  l'ouest  et  naissait  dans  les  régions  voisines  du 
Niger.  Dans  le  volume  :  Cinq  cents  lieues  sur  le  Nil,  qui  complète  celui 
sur  le  désert  de  Nubie,  il  dit  d'après  les  récits  de  marchands  rencon- 
trés à  Khartoum,  qui  avaient  poussé  jusqu'au  3*"  latitude  nord,  qu'il 
existe,  entre  les  4**  et  5°  parallèles,  un  rapide  assez  semblable  aux 
cataractes  du  grand  Nil,  et  très  difficile,  pour  ne  pas  dire  impossible 
à  franchir,  le  premier  qu'on  rencontre  depuis  Khartoum,  et  qu'à 


—  219  — 

cette  latitude  commencent  à  paraître  les  montagnes  qui,  selon  toute 
apparence,  sont  les  premiers  échelons  de  la  vaste  chaîne  de  l'équateur. 
Parmi  les  tribus  du  sud  il  mentionne  les  Berri  et  les  Kouendas,  voisins 
de  la  ligne  équatoriale,  chez  lesquels  les  marchands  de  Zanzibar  venaient 
faire  des  échanges.  Il  entendit  aussi  parler  d'une  tribu  blanche  ;  seule- 
ment il  estimait  que  ce  ne  pouvaient  être  que  les  Portugais,  qui  avaient 
des  comptoirs  sur  les  côtes  de  l'Océan  Indien.  N'était-ce  pas  plutôt  la 
tribu  blanche  signalée  par  Stanley  dans  le3  monts  Gambaragaras,  et 
les  Kouendas  ne  sont-ils  point  les  habitants  de  l'Ouganda?  Quoique  les 
renseignements  fournis  par  Ch.  Didier  ne  reposassent  que  sur  les  asser- 
tions des  marchands  sus-mentionnés,  ils  n'en  étaient  pas  moins  l'annonce 
des  découvertes  dues,  d'abord  aux  missionnaires  autrichiens  des  stations 
du  Haut-Nil  jusqu'à  Gondokoro,  et  plus  tard  à  Baker,  à  Speke  et  à 
Grant.  —  De  Khartoum,  notre  compatriote  revint  jusqu'à  Boulak,  en 
72  jours,  dont  il  passa  46  sur  le  Nil.  Arrivé  par  le  fleuve  à  Berber, 
il  traversa  de  là  le  désert  de  Nubie  jusqu'à  Korosko,  puis  reprit  la  voie 
fluviale  jusqu'à  Siout,  alors,  comme  de  nos  jours  encore,  en  relations 
suivies  avec  le  Darfour,  d'où  les  caravanes  y  amenaient  régulièrement 
un  riche  approvisionnement  d'esclaves,  ce  qui  faisait  de  ce  marché,  pour 
cet  article,  le  mieux  pourvu  et  le  plus  fréquenté  de  l'Egypte. 

Les  expédition»  de  Werner  Munzinger,  de  Soleure,  ont  eu  beaucoup 
plus  de  retentissement  que  celles  de  Ch.  Didier,  qui  voyageait  seul 
et  à  ses  frais,  tandis  que  Munzinger  fut  successiveipent  au  service  d'une 
maison  de  commerce  du  Caire,  puis  à  celui  de  la  Société  africaine  alle- 
mande, et  enfin  à  celui  du  khédive  lui-même.  Après  avoir  étudié  les 
sciences  naturelles,  les  langues  orientales  et  l'histoire  à  Berne,  à  Munich 
et  à  Paris,  il  se  rendit  en  1852  au  Caire  pour  y  compléter  ses  études  lin- 
guistiques, et  l'année  suivante  à  Alexandrie,  oii  il  entra  dans  une  maison 
de  commerce,  qui  le  chargea  d'une  expédition  mercantile  dans  la  mer 
Rouge,  dont  il  explora  divers  points  du  littoral  autour  de  Massaoua.  En 
1855  il  se  fixa  à  Eeren,  chez  les  Bogos  dont  il  parcourut  en  tous  sens  le 
territoire,  ainsi  que  celui  des  Beni-Amer,  des  Bazens,  des  Bareas  et  des 
Kounamas,  dont  il  étudia  avec  soin  les  usages  et  la  langue.  Les  talents 
qu'il  déploya  dans  ces  explorations  le  firent  choisir,  en  1861,  pour  l'adjoin- 
dre à  l'expédition  allemande  que  devait  diriger  Heuglin  avec  Kinzelbach, 
et  qui  avait  pour  mission  de  se  rendre,  par  le  Kordofan  et  le  Darfour,  au 
Ouadaï,  pour  y  rechercher  les  traces  de  Vogel.  Heuglin  ayant  décidé  de 
pousser  jusque  dans  l'Abyssinie  méridional^  Munzinger  et  Kinzelbach 
se  détachèrent  de  lui  et,  par  Keren,  le  pays  de  Maréa,  indépendant  de 


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l'Abyssinie  et  de  TÉgypte,  et  dans  lequel  aucun  Européen  n'avait  encore 
pénétré,  ils  se  rendirent  au  Kordofan,  d'oîi  ils  tentèrent  vainement  de  se 
frayer  un  chemin  à  travers  le  Darfour.  Après  trois  mois  passés  à  El- 
Obéid,  à  attendre  Tautorisation  de  franchir  la  frontière,  ils  durent  rebrous- 
ser chemin  et  revenir,  par  le  Mareb,  au  nord  de  rAbyssinie,  jusqu'alors 
inexploré,  et  par  TAtbara,  à  Khartoum.  Plus  tard,  lors  de  la  guerre  des 
Anglais  contre  Théodoros,  il  rendit  de  grands  services  à  l'armée  britan- 
nique, et  pénétra  alors  de  la  baie  d'Hanfila,  à  travers  le  pays  des  A&rs, 
inconnu  avant  lui,  jusqu'au  lac  salé  d'AIelbad,  situé  au-dessous  du  niveau 
de  la  mer.  En  1871,  après  avoir  fait  avec  un  autre  de  nos  compatrio- 
tes, G.  Wild,  une  excursion  autour  de  Massaoua,  il  fiit  placé  par  le 
khédive  à  la  tête  de  l'armée  égyptienne  chargée  d'envahir  l'Abyssinie, 
dont  il  annexa  ensuite  à  l'Egypte  la  partie  septentrionale,  ainsi  qu'une 
partie  du  pays  des  Somalis  jusqu'au  42** ,  40'  long.  E.  de  Paris,  en  même 
temps  qu'il  explorait,  pour  le  service  du  khédive,  le  pays  des  Gallas,  le 
long  des  frontières  de  l'Abyssinie  et  du  Choa.  Nommé  gouverneur  du 
Soudan  oriental,  (provinces  de  Massaoua,  de  Souakim  et  de  Tokar), 
avec  le  titre  de  pacha,  il  accompagna  en  1872  l'expédition  de  Hildebrand 
par  Keren,  la  vallée  de  la  Hodeï  et  une  région  montagneuse,  encore 
inconnue  alors  au  point  de  vue  de  la  géographie  et  de  l'histoire  naturelle. 
Pendant  son  administration  il  dota  Massaoua  d'un  aqueduc  important, 
de  routes,  et  d'une  ligne  télégraphique  qui  relie  Eassala  à  Souakim,  à 
travers  le  pays  montagneux  de  Mensa  et  des  Bogos,  et  s'eflForça  par 
tous  les  moyens  possibles  de  développer  le  comjnerce  et  l'agriculture.  En 
1874  il  fit  encore,  avec  Haggenmacher,  une  exploration  de  la  partie  sep- 
tentrionale du  pays  des  Somalis,  et  mourut  l'année  suivante  près  du  lac 
Assal,  dans  une  expédition  entreprise  de  Tadjoura  contre  les  Gallas,  qui 
avaient  fait  irruption  sur  le  territoire  de  son  gouvernement.  Le5  nom- 
breux travaux  qu'il  a  publiés  dans  les  Mittheïlungen  de  Ootha,  ainsi  que 
ses  Osi  Afrikanische  Studien,  se  rapportant  essentiellement  aux  pays 
qui,  de  la  mer  Rouge  au  Nil,  forment  la  frontière  septentrionale  de 
l'Abyssinie  et  le  territofre  contesté  entre  ce  dernier  pays  et  l'Egypte, 
où  se  rencontrent  les  populations  musulmanes  et  chrétiennes,  ont  une 
importance  majeure.  Fidèle  à  la  méthode  de  Cari  Kitter,  il  a  fait  ressor- 
tir avec  perspicacité  l'influence  que  les  différences  géographiques  des 
deux  pays,  l'Egypte  et  l'Abyssinie,  ont  eue  sur  le  développement  histo- 
rique de  leurs  populations,  Enfin,  ses  expéditions  ont  fourni  au  D' Peter- 
mann  la  possibilité  de  dresser,  pour  cette  partie  de  l'Afrique,  une  carte 
beaucoup  plus  complète  et  plus  précise  que  celles  que  l'on  possédait 
auparavant. 


—  221  — 

Au  nombre  de  ses  compagnons  de  voyage,  nous  avons  déjà  nommé 
G.-A.  Haggenmacher,  de  Winterthour,  qui,  après  avoir  fait,  de  Khar- 
toum,  plusieurs  voyages  de  commerce  sur  le  Nil,  s'attacha  à  Muu- 
zinger,  et  fut,  en  1874,  chargé  par  le  khédive  de  Mve  une  exploration 
dans  le  pays  des  Somalis.  Parti  de  Berbera,  il  se  dirigea  vers  le  sud,  à 
travers  un  pays  non  encore  visité  par  des  Européens,  franchit  une  série 
de  collines  jusqu'à  la  chaîne  des  monts  Marge,  et,  continuant  toujom*s 
vers  le  sud,  il  traversa  la  plaine  Schilmalé  jusqu'au  pays  des  Habar 
Gerhagis,  oîi  commeuce,  à  proprement  parler,  le  plateau  des  Somalis 
qu'il  parcourut  jusqu'à  Libaheli,  par  S""  30'  lat.  N.  et  42°  10'  long.  E.,  le 
point  le  plus  méridional  de  son  voyage.  Les  résultats  de  son  exploration, 
exposés  dans  les  Mittheilungen  de  Qotha^  ont  fourni  de  précieux  rensei- 
gnements sur  la  géographie  physique,  l'ethnographie,  l'agricultm-e, 
l'industrie,  le  conunerce  et  l'histoire  du  pays  parcouru,  ainsi  que  sur 
Harrar,  et  sur  les  conditions  météorologiques  de  Berbera.  Il  fit  encore 
en  1875  une  courte  excursion  à  Galabat,  puis  s'adjoignit  à  l'expédition 
de  Munzinger  contre  les  Gallas,  et  succomba  avec  son  chef  près  du  lac 
Assal. 

Nous  avons  rendu  compte  en  son  temps  du  voyage  de  M,  le  D""  Rel- 
ier, professeur  au  polytechnicum  de  Zurich,  chargé,  de  1881  à  1882,  par 
la  Société  de  géographie  commerciale  de  Saint-Gall,  d'une  exploration 
dans  la  mer  Rouge,  et  signalé  l'importance  de  ses  observations  scientifi- 
ques sur  l'échange  de  la  faune  des  deux  bassins  de  l'Océan  Indien  et  de 
rOcéan  Atlantique  par  le  canal  de  Suez.  Nous  renvoyons  nos  lecteurs  à 
ce  que  nous  en  avons  dit^  El"'  année,  p.  182  et  226. 

Pourrions-nous  quitter  cette  partie  de  l'Afrique,  sans  avoir  rappelé 
très  spécialement  les  services  qu'a  rendus  à  la  cause  de  la  civilisation 
M.  Gottfried  Roth,  de  Wettingen  (Argovie),  par  la  part  qu'il  a  prise 
à  la  suppression  de  la  traite?  Déjà  en  1880,  il  avait  fait  d'Alexandrie,  à 
travers  le  désert,  un  voyage  à  l'oasis  de  Siwah,  en  vue  de  la  traite,  et 
tiansmis  à  la  Société  de  géographie  commerciale  de  Saint-Gall  des  détails 
très  complets  sur  la  géographie  et  l'ethnographie  de  cette  reine  des 
oasis,  qu'il  avait  explorée  en  tous  sens,  pendant  deux  mois  et  demi; 
il  avait  mentionné  l'expédition  d'esclaves  à  Tripoli,  au  Caire  et  dans 
d'autres  localités  de  la  côte,  et  signalé,  à  dix  journées  de  marche  de 
Siwah,  les  Madchabrés,  fameux  trafiquants  d'esclaves  du  Sahara,  qui 
vont,  jusqu'au  Ouadal  et  au  Bomou,  en  acheter  pour  les  conduire  à  Tri- 
poli. Dès  lors  il  explora  encore  les  oasis  de  Chargeh,  de  D&chlé,  de  Fara- 
£ah  et  de  Barieh,  et  dressa  la  carte  des  routes  par  lesquelles  les  esclaves» 


—  222  — 

amenés  du  Darfour  dans  Toasis  de  Chargeh,  et  cachés  là.  pour  échapper 
à  la  vigilance  des  agents  de  la  suppression  de  la  traite,  sont  conduits 
dans  la  vallée  du  Nil,  soit  en  amont  de  Siout,  soit  à  Siout  même,  soit 
encore  dans  la  Basse-Egypte,  le  Fayoum  et  au  Caire.  Nos  lecteurs  se 
rappellent  le  zèle  déployé  par  G.  Roth  en  faveur  des  esclaves  amenés 
clandestinement  à  Siout  (II™*  année  p.  39).  Sans  doute  nous  n'avons 
ici  ni  un  Wilberforce,  ni  un  Buxton,  non  plus  qu'un  Channing  ou  un 
Suinner,  mais,  s'il  est  beau  de  plaider  la  cause  des  esclaves  dans  une 
séance  du  parlement  d'Angleterre,  àla  tribune  de  Washington,  ou  dans 
une  chaire  des  États-Unis,  il  est  honorable  aussi  pour  un  instituteur 
de  Siout,  oti  les  marchands  d'esclaves  ont  pour  complice  toute  la  popula- 
tion de  la  ville,  y  compris  les  autorités  et  le  gouverneur,  de  courir  là  oîi 
il  apprend  que  les  trafiquants  du  Darfour  ont  amené  des  centaines 
d'esclaves,  femmes  et  enfants,  et,  au  péril  de  ses  jours,  de  pénétrer  dans 
l'antre  de  ces  lions  pour  leur  arracher  leurs  victimes.  Le  gouvernement 
du  khédive  a  jugé  que  cette  conduite  n'était  pas  sans  gloire,  puisqu'il  a 
honoré  notre  compatriote  d'une  mission  de  confiance,  en  le  chargeant  de 
la  surveillance  de  la  traite  au  Soudan  et  au  Darfour.  Nous  aussi  nous 
dirons  :  Honneur  à  Gottfried  Roth  !  Puissent  se  confirmer  les  bonnes 
nouvelles  qui  nous  ont  rassurés  à  son  sujet,  afin  qu'à  mesure  qu'il 
fera  de  nouvelles  découvertes  dans  l'Afrique  centrale,  il  soit  un  instru- 
ment de  délivrance  pour  un  grand  nombre  de  ces  captifs  auxquels  il  veut 
porter  la  liberté  ! 

Dans  un  autre  ordre  d'idées,  nous  n'aurons  garde  d'oublier  la  tenta- 
tive faite  par  plusieurs  maisonô  des  cantons  de  Saint-Gall  et  d'Appen- 
zell,  à  l'instigation  du  Directoire  commercial  de  Saint-Gall,  de  nouer 
des  relations  avec  le  pays  des  Somalis  sur  la  mer  Rouge,  et  le  Zangue- 
bar  sur  la  côte  orientale  d'Afrique.  Quoique  l'entreprise  n'ait  pas 
été  couronnée  de  succès,  l'idée  en  fait  honneur  à  ceux  qui  l'ont  conçue, 
ainsi  que  le  fait  d'y  avoir  attaché  l'explorateur  Richard  Brenner,  un  des 
compagnons  les  plus  distingués  du  baron  de  Decken  dans  ses  expédi- 
tions au  Kilimandjaro  et  au  pays  des  Somalis.  Son  rapport  au  Directoire 
commercial  renferme  des  informations  très  utiles  sur  la  géographie, 
l'ethnographie  et  le  commerce  de  cette  partie  de  l'Afrique,  Si  les  élé- 
ments d'abord,  la  maladie  et  ensuite  la  mort  du  chef  et  de  ses  compa- 
gnons ont  fait  échouer  leurs  efforts,  il  en  est  cependant  demeuré  quelque 
chose  dans  le  développement  de  la  maison  E.  Widmer  et  C*'  à  Zanzibar, 
dont  les  relations  avec  la  Suisse  ont  facilité  les  entreprises  ultérieures 
qui  ont  eu  pour  objet  la  côte  orientale  du  continent. 


—  223  — 

Il  n'a  pas  tenu  à  la  Suisse  d'avoir  des  explorateurs  attachés  aux  expé- 
ditions organisées  à  Zanzibar  par  V Association  internationale  pour  la 
civilisation  de  l'Afrique  centrale,  car,  à  l'offre  faite  par  la  Commission 
executive,  de  présenter  des  candidats  pour  ces  voyages,  le  Comité  suisse 
africain  répondit  avec  empressement;  mais  ses  indications  demeurèrent 
sans  résultat.  D  n'en  est  pas  moins  vrai  que,  lors  des  conférences  de 
Bruxelles,  la  Suisse  y  fiit  représentée  en  1877  par  le  président  de  la 
Société  de  géographie  de  Genève,  M.  H.  BouthUlier  de  Beaumont,  et 
par  M.  G.  Moyuier,  délégué  de  sou  Comité  national.  Ce  dernier,  à  la 
suite  de  cette  mission,  fonda  V Afrique  explorée  et  civilisée,  le  seul  jour- 
nal de  langue  française  qui  s'efforce  de  faire  connaître,  chaque  mois,  les 
faits  les  plus  saillants  de  l'activité  scientifique  et  civilisatrice  sur  tous  les 
points  de  ce  vaste  continent.  En  outre,  les  dons  du  Comité  suisse,  ainsi 
que  ceux  envoyés  directement  de  Saint-Gall  et  de  Zurich,  ont  témoigné 
de  la  sympathie  effective,  prise  par  nos  concitoyens,  à  cette  grande  œuvre 
scientifique  et  humanitaire . 

Quoique  les  candidats  éventuels  de  la  Suisse  pour  les  expéditions  de 
l'Association  inteniationale  n'y  aient  pas  été  admis,  elle  n'en  a  pas  moins 
eu  un  de  ses  fils  dans  ce  champ  de  travail,  arrosé  déjà  de  tant  de  sueurs 
et  du  sang  de  tant  de  victimes.  M.  Philippe  Broyon,  qui  avait  acquis  une 
grande  expérience  des  voyages  dans  cette  partie  de  l'Afrique,  et  avait 
travaillé,  avec  le  missionnaire  Price,  à  ouvrir  une  route  carrossable  de 
Saadani  à  Mpouapoua,  mit  au  service  des  expéditions  internationales  une 
complaisance  sans  bornes,  et,  par  ses  conseils  sur  l'organisation  des  cara- 
vanes, sur  la  manière  de  se  conduire  avec  les  habitants,  sur  les  dangers 
à  éviter  et  sur  les  précautions  à  prendre,  il  leur  rendit  des  sei-vices 
incontestables.  Si  le  caractère  international  que  devaient  avoir  les  expé- 
ditions organisées  à  la  côte  orientale,  pour  la  fondation  de  stations  scien- 
tifiques et  hospitalières  à  l'intérieur,  a  été  méconnu,  la  faute  n'en  est  pas 
à  la  Suisse,  et  quoiqu'elle  ne  soit  pas  à,  l'honneur  réservé  aux  explora- 
teurs belges,  et  à  ceux  des  Comités  nationaux  aUemand  et  français,  il 
était  équitable  de  rappeler  que,  par  ses  sacrifices,  elle  avait  été  à  la 
peine,  dès  le  début  des  travaux  de  l'Association. 

Au  reste,  longtemps  avant  que  les  explorations  de  Livingstone  eussent 
ouvert  la  voie  à  l'œuvre  civilisatrice  de  l'Afrique  centrale,  la  Suisse 
avait  commencé  à  prendre  une  part  active  à  l'œuvre  entreprise  dans 
l'Afrique  australe,  au  Lessouto,  par  la  Société  des  missions  protestantes 
de  Paris,  au  service  de  laquelle  travaillent  six  de  nos  compatriotes  : 
M.  Maitin,  du  Jura  bernois,  fondateur  de  la  station  de  Bérée,  depuis 


—  224  — 

40  ans;  M.  P.  Germond,  Vaudois,  qui  a  créé  celle  de  Thabana  Morena, 
depuis  22  ans;  M.  Ëllenberger,  auquel  est  due  celle  de  Massitissi,  ainsi 
que  MM.  Ad.  Mabille  et  Duvoisin,  tous  aussi  Vaudois  et  depuis  vingt 
ans  en  Afrique.  L'année  dernière  M.  Jeann^airet,  de  Neuchâtel,  s'y 
est  rendu  avec  l'intention  d'accompagner  au  Zambèze  et  au  lac  Ban- 
gouéolo,  M.  Coillard,  qui  se  propose  d'aller  fonder  une  mission  au  cœur 
même  de  l'Afrique  centrale.  Quant  aux  travaux  de  nos  compatriotes  au 
Lessouto,  nous  pouvons  dire  qu'ils  contribuent  pour  une  bonne  part  à 
cultiver  et  à  étendre  le  champ  défriché  par  les  premiers  niissioimaires 
français.  Il  y  a  50  ans,  le  pays  était  un  désert,  tant  la  guerre  l'avait 
dévasté,  il  était  couvert  d'antilopes,  d'autruches,  d'élans,  de  gnous,  de 
lions,  etc.  ;  ces  bêtes  se  sentaient  tellement  chez  elles  qu'à  peine  dai- 
gnaient-elles se  déranger  pour  laisser  passer  les  voyageurs.  Aujourd'hui 
les  Bassoutos  sont  vêtus  ;  les  arbres  fruitiers  et  les  légumes  d'Europe 
prospèrent  ;  aux  huttes  grossières,  oii  l'on  n'entrait  qu'en  rampant,  ont 
succédé  des  cottages  à  l'européenne  ;  l'agriculture  a  teUement  progressé, 
que  le  Lessouto  est  devenu  un  des  pays  producteurs  pour  toute  la  colo- 
nie du  Cap. 

A  côté  des  Suisses  qui  partagent  les  travaux  des  missionnaires  français 
au  Lessouto,  nous  devons  mentionner  M.  Th.  Vemet,  de  Genève,  qui» 
après  avoir  visité  ce  pays,  en  a  dressé  une  carte  très  soignée.  L'impres- 
sion n'en  a  pas  encore  pu  avoir  lieu,  mais  elle  a  servi  à  M.  Krûger  pour 
celle  qu'a  publiée  dernièrement  la  Société  des  Missions  de  Paris. 
.  Si  nos  compatriotes  au  Lessouto  sont  au  service  d'une  Société  mission- 
naire dont  le  siège  est  à  Paris,  ceux  que  nous  avons  au  nord  du  Trans- 
vaal  relèvent  d'une  Société  exclusivement  suisse,  celle  de  la  Mission 
romande,  fondée  par  l'Église  libre  du  canton  de  Vaud,  à  laquelle  vien- 
nent de  se  rattacher,  pour  cet  objet,  les  églises  indépendantes  de  Genève 
et  de  Neuchâtel.  Nos  lecteurs  se  rappellent  larégion  des  Spelonken,  dont 
M.  le  missionnaire  Paul  Berthoud  a  dressé  une  carte,  que  nous  avons 
accompagnée  d'un  article  *  sur  le  pays  et  le  peuple  où  travaillent  depuis 
une  dixaine  d'années  nos  compatriotes  du  canton  de  Vaud,  dans  les  deux 
stations  d'Elim  (Waterfall)  et  de  VaJdesia,  et  avec  eux  quelques  évangé- 
listes  indigènes  formés  à  Morija  (Lessouto).  Le  champ  cultivé  par 
MM.  Creux  et  Paul  Berthoud  a  été  arrosé  du  plus  pur  de  leur  sang» 
puisqu'ils  y  ont  perdu  l'un  et  l'autre  plusieurs  enfants,  et  M.  Berthoud, 
la  compagne  de  sa  vie.  Mais  leur  travail  n'a  pas  été  vain,  car  Qs  ont 

1  V.  II"«  année,  p.  61,  et  la  carte,  p.  168. 


—  225  — 

pu  y  fonder  une  école,  mettre  par  écrit  la  langue  sigwamba,  dont 
M.  P.  Berthoud,  obligé  de  revenir  temporairement  en  Suisse  pour  réta- 
blir sa  santé,  et  remplacé  par  son  frère,  M.  Henri  Berthoud,  a  rédigé 
une  grammaire,  imprimée  par  ses  soins,  ainsi  qu'un  recueil  de  cantiques 
en  sigwamba.  Sous  Tinfluence  de  nos  compatriotes,  des  indigènes  sont 
devenus  explorateurs  et  ont  traversé  tout  le  pays  qui  sépare  les  Spelon- 
kende  l'Océan  Indien,  pour  étudier  les  emplacements  favorables  à  réta- 
blissement de  stations  dans  cette  partie  du  territoire  d'Oumzila,  où  l'un 
de  ces  noirs  va  se  fixer.  En  outre,  la  langue  sigwamba  étant,  d'après  le 
témoignage  de  M.  Laws,  de  la  station  de  Bandaoué  sur  le  Nyassa,  com- 
prise et  parlée  par  la  population  qui  habite  le  plateau  situé  entre  le  Nyassa 
et  le  lac  Bangouéolo,  les  travaux  linguistiques  de  MM.  Creux  et  Berthoud 
pourront  servir  au  relèvement  des  tribus  établies  bien  au  delà  des  limi- 
tes du  champ  actuel  de  la  mission  romande.  A  mesure  que  celle-ci  y 
enverra  de  nouveaux  missionnaires  —  déjà  M.  P.  Berthoud  se  prépare  à 
y  retourner  au  commencement  de  l'année  prochaine,  —  nos  compatriotes 
pourront  se  porter,  comme  vont  le  faire  MM.  Goillard  et  Jeanmairet, 
jusqu'au  èœur  de  l'Afrique.  Disons  encore  que,  pendant  son  séjour  en 
Suisse,  M.  P.  Berthoud  a  travaillé  à  provoquer  la  fondation  d'une 
société  industrielle,  qui  aurait  pour  but  de  développer  l'agriculture  et  les 
ressources  des  Spelonken,  et  d'y  porter  ainsi  un  nouvel  élément  de  civili- 
sation. 

Nous  ne  pouvons  pas  quitter  les  champs  de  travail  où  des  Suisses  sont 
à  l'œuvre  dans  l'Afrique  australe,  sans  rappeler  le  major  Malan,  d'ori- 
gine suisse,  quoique  au  service  anglais,  grand  ami  des  missions  dans 
cette  partie  de  l'Afrique, 'de  celle  du  Lessouto  en  particulier,  et  fon- 
dateur du  journal  Ajrica,  destiné  à  fournir  trimestriellement,  aux  lec- 
teurs anglais,  les  renseignements  les  plus  importants  sur  les  missions  en 
Afrique  ;  c'est  le  seul  journal  anglais  qui  soit  rédigé  à  ce  point  de  vue. 

Les  missionnaires  de  l'Institut  de  Bâie  qui,  depuis  55  ans,  travaillent 
à  la  Côte  d'Or,  décimés  par  la  fièvre  et  recevant  toujours  de  nouveaux 
renforts,  ont  droit  à  une  large  place  dans  cet  exposé.  Tous  n'étaient  pas 
des  Suisses,  nous  le  savons,  mais  ces  derniers  seuls  forment  une  liste 
trop  longue  pour  que  nous  puissions  la  donner  ici.  Depuis  J.-G.  Schmid, 
d'Aarbourg,  un  des  quatre  premiers  missionnaires  envoyés  en  1828  à 
Christiansborg,  qui  y  mourait  déjà  l'année  suivante,  jusqu'à 'Jean  Jordi, 
de  Sumiswald»  qui  était  enlevé  à  la  mission  l'année  même  oii  elle  célé- 
brait son  jubilé  cinquantenaire,  la  Suisse  avait  vu  ensevelir  onze  de  ses 
fils  dans  les  stations  bfiloises  de  la  Côte  d'Or  ;  et  depuis  cinq  ans,  com- 


—  226  — 

bien  de  nouvelles  victimes  n'a  pas  faites  le  climat  de  cette  région,  jus- 
qu'au dernier  voyage  entrepris  par  M.  le  sous-inspecteur  Prétorius  avec 
M.  Preiswerk  et  M.  le  D' Mfthli.  Le  premier  a  payé  de  sa  vie  l'accom- 
pUssement  du  devoir  sacré  d'aller  visiter,  sur  le  champ  de  bataille,  ceux 
qui  y  combattent  depuis  tant  d'années  ;  quoiqu'il  ne  fût  pas  Suisse,  nous 
ne  pouvons  pas  ne  pas  payer  un  juste  tribut  de  regrets  à  celui  qui  a 
exposé  ses  jours  par  pur  dévouement  à  quelques-uns  de  nos  compatrio- 
tes. M^  Preiswerk  est  revenu  à  BâJe,  mais  M.  le  D' Mâhli  est  resté  à  la 
Côte  d'Or,  pour  en  étudier  les  conditions  sanitaires  et  chercher  si  pos- 
sible, soit  pour  les  missionnaires  soit  pour  les  indigènes,  des  préserva- 
tifs contre  les  peniicieuses  influences  du  climat;  après  que  M.  Preiswerk 
l'eut  quitté,  il  a  fait  un  voyage  à  Abétifi,  la  station  bâloise  la  plus  avan- 
cée à  l'intérieur,  dans  le  pays  des  Achantis,  où  travaille  depuis  plusieurs 
années  M.  Ramseyer,  un  des  plus  anciens  missionnaires  actuels  de  Bâle 
à  la  Côte  d'Or.  Celui-ci,  parti  en  1864,  et  placé  à  la  station  d'Anum,  eut, 
en  1869,  la  douleur  de  la  voir  pillée  par  les  Achantis,  qui  le  firent  pri- 
sonnier avec  sa  famille  et  son  collègue  M.  Ktthne  ;  emmenés  à  Coumas- 
sie  ils  y  furent  î'etenus  captîfe  jusqu'au  23  janvier  1874,  oîi  la  victoire  des 
Anglais  leur  valut  la  liberté.  —  Outre  les  quarante  écoles  fondées  dans 
leurs  stations,  les  missionnaires  ont  établi  des  ateliers  et  des  magasins, 
introduit  diverses  industries,  développé  le  commerce  jusqu'à  Salaga  ; 
un  bateau  à  vapeur,  au  service  de  la  Société  commerciale  missionnaire, 
remonte  le  Volta  jusqu'aux  rapides  de  ce  fleuve;  ils  ont  bâti  des  villages 
hospitaliers,  et  fait  si  bien  que,  sur  plusieurs  points,  la  forêj  vierge  avec 
ses  miasmes  pestilentiels  commence  à  perdre  du  terrain.  Sans  doute  ces 
progrès  dans  la  civilisation  n'ont  été  obtenus  qu'au  prix  de  sacrifices 
douloureux,  mais  glorieux  en  même  temps,  et  nos  compatriotes  peuvent 
en  réclamer  une  bonne  part. 

Sur  un  autre  point  de  la  côte  de  Guinée,  nous  rencontrons  M.  J.Bûti- 
kofer,  d'Inkwyl,  (canton  de  Berne)  jeune  savant  attaché  au  Musée  royal 
hollandais  à  Leyde,  qui,  pendant  deux  ans  et  demi,  a  parcouru  le  terri- 
toire de  la  république  de  Libéria.  Remontant  en  bateau  la  rivière  Saint- 
Paul  jusqu'aux  rapides,  il  s'est  ensuite  avancé  parterre,  malgi'é  la  forêt 
vierge,  par  monts  et  vaux,  à  travers  gorges  et  torrents,  jusque  sm:  le 
haut  plateau  des  Mandingues,  d'où  la  fièvre  l'a  obligé  à  revenir  k  Mon- 
rovia d'abord  puis  en  Europe,  où  il  a  rapporté  de  beUes  collections  pour 
le  musée  de  Leyde,  et  des  observations  d'un  grand  intérêt  sur  l'état 
politique  et  social  de  la  république  de  Libéria. 

Nous  ne  sommes  pas  loin  des  sources  du  Niger,  dont  la  découverte» 


—  227  — 

due  sans  doute  à  Tinitiative  de  M.  Verminck  de  Marseille,  n'en  a  pas 
moins  rendu  illiisti'e  le  nom  de  M.  Marius  Zweifel,  deGlaris,  après  ceux 
deMungo  Park,  de  Laing,  de  Winwood  Read  empêchés  de  les  atteindre 
(I'^  année,  p.  131,  II"'  année,  p.  118,  184  et  carte  p.  188).  La  gloire 
dont  il  a  été  honoré  n'a  point  refroidi  son  zèle,  puisque,  à  l'heure 
actuelle,  il  est  de  nouveau  en  route  pour  la  même  région,  avec  l'intention 
de  descendre  le  grand  fleuve,  de  ses  sources  jusqu'à  son  embouchure, 
pour  ouvrir,  par  cette  grande  voie,  le  Soudan  an  commerce  européen  et 
à  la  civilisation . 

Nous  avons  pu  saluer,  ce  mois-ci,  le  retour  du  Niger  de  M.  Demaffey, 
de  Genève,  ingénieur  des  mines,  attaché  aitx  expéditions  de  M.  le  colo- 
nel Borguis  Desbordes  et  du  D' Bayol  sur  le  haut  Sénégal  et  le  Niger, 
et  qui^  revenu  de  Bamakou  à  Bakel,  a  exploré  seul  le  Bambouk  entre  la 
Faléraé  et  le  Bafing,  sur  lequel  il  nous  rapporte  des  renseignements  très 
intéressants. 

Enfin,  nous  devons  une  mention  spéciale  à  l'œuvre  de  la  Compagnie 
genevoise  des  colonies  suisses  de  Sétif,  créée  en  1853  pour  introduire  et 
faire  pénétrer  la  civilisation  dans  une  région  oii  l'indigène  vivait  en 
nomade,  presque  sans  rien  cultiver,  en  l'amenant  peu  à  peu,  par  l'exem- 
ple et  sous  l'influence  des  colons  européens,  à  adopter  une  vie  sédentaire 
et  à  travaiUer.  Quoique  la  Compagnie  ait  eu  à  lutter,  en  1855,  avec  le 
choléra,  en  1856  avec  le  typhus,  en  1867  avec  la  famine  et  souvent  avec 
les  sauterelles,  elle  a  réussi,  grâce  au  dévouement  intelligent  de  son  pré- 
sident, M.  le  comte  Sautter  de  Beauregard,  à  amener  peu  à  peu  les  indi- 
gènes h  adopter  des  procédés  de  culture  moins  grossiers;  elle  a  introduit, 
pour  amélk)rer  le  bétail  petit  et  faible  dn  pays,  des  bœufs  et  des  vaches 
de  race  schwytzoise ,  qu'elle  a  acclimatés  ;  puis ,  grâce  à  des  croise- 
ments, elle  a  transformé  la  race  ancienne,  et  aujourd'hui  deux  bœufis 
de  Sétif  fournissent  le  travail  de  quatre  bœufe  d'autrefois;  enfin,  la 
production  annuelle  en  céréales  des  ten'ains  concédés  à  la  Compagnie 
pourrait  alimenter  la  population  d'une  ville  de  80,000  âmes.  Les  indi- 
gènes sont  devenus  sédentaires  et  plus  travailleurs  qu'ils  ne  l'étaieût 
aupai*avant.  L'influence  de  cette  œuvre  civilisatrice  s'est  étendue  beau- 
coup au  delà  des  limites  de  la  concession.  Actuellement  la  Compagnie 
fait  beaucoup  pour  reboiser  les  ravins  ;  elle  établit,  le  long  des  cours 
d'eau  et  près  des  sources,  des  plantations  de  trembles,  de  peupliers  et 
surtout  de  frênes,  cette  essence  résistant  mieux  que  d'autres  aux 
influences  fâcheuses  du  iroid  des  hauts  plateaux  et  de  la  chaleur  du 
vent  du  Sud. 

Sans  doute,  la  part  des  Suisses  dans  l'exploration  et  dans  la  civilisation 


—  228  — 

de  l'Afrique  est  petite  auprès  de  celle  des  autres  peuples  de  TEurope  ; 
Cependant,  nos  lecteurs  ont  dû,  conune  nous,  en  faisant  cette  revue, 
éprouver  quelque  chose  de  ce  qui  arrive  quand  on  contemple  le  ciel 
étoile.  On  n'y  aperçQit  d'abord  que  quelques  étoiles  ;  si  Ton  regarde  un 
peu  plus  attentivement,  de  nouveaux  astres  apparaissent  que  Ton 
n'avait  pas  remarqués,  et  si  l'on  porte  sa  vue  plus  avant,  on  en  distingue 
de  nouveaux  encore,  et  toujours  davantage.  Que  serait-ce,  si  nous 
avions  pu  leur  parler  des  voyages  de  MM.  les  professeurs  Chaix  dans  la 
vallée  du  Nil  et  Th.  Studer  à  l'embouchure  du  Congo  ;  de  l'ingénieur 
Ug  au  Choa,  des  missionnaires  Gobât  et  Waldmeyer  en  Abyssinie, 
Greiner  et  Meyer  chez  les  Qallas,  Gonin  au  Transvaal,  Perrelet  à  l'île 
Maurice,  Ludwig  au  Yieux-Calabar,  Golaz  et  Jacques  au  Sénégal, 
May  or  en  Kabylie  ;  des  botanistes,  Schônlein,  Brunner  et  Doge,  à  la 
côte  de  Guinée  ;  de  J.  Brun  au  Maroc  et  au  Sahara,  de  Desor  et  Escher 
de  la  Linth  au  Sahara  algérien,  de  L.  Borel  en  Tunisie;  des  explora- 
tions archéologiques  d'Ed.  Naville  dans  la  Basse-Egypte;  etc.  Combien 
de  Suisses  et  sur  combien  de  points  de  l'Afrique  ! 

Nos  compatriotes  ont  donc  fait  réellement  quelque  chose.  Mais  ne 
nous  bornons  pas  à  en  prendre  acte  ;  voyons  plutôt,  dans  ce  qu'ils  ont 
pu  faire,  un  gage  de  ce  qu'ils  feront,  maintenant  que,  sous  l'impulsion 
donnée  par  les  trois  Sociétés  suisses  de  géographie,  le  goût  pour  cette 
science  se  développe  ;  que,  grâce  aux  coi^érences  de  MM.  P.  Berthoud, 
Th.  Vernet,  ou  d'autres  délégués  des  missions  de  Bâle  et  de  Paris,  le 
nombre  de  nos  missionnaires  augmente  ;  que  les  nouveaux  débouchés 
commerciaux  invitent  nos  négociants  à  joindre  leurs  efforts  à  ceux  des 
autres  nations  de  l'Europe,  et  à  porter  aux  indigènes  de  l'Afrique  les 
produits  de  notre  industrie  suisse.  Seulement,  nous  demandons  aux 
négociants  suisses  de  ne  leur  envoyer  que  des  produits  utUes  :  des  coton- 
nades de  Saint-Gall,  Zurich,  ou  Appenzell  ;  — M.  Peschuêl  Loesche  disait 
récemment  à  Halle,  qu'au  Congo,  les  mouchoirs  de  Glaris,  aux  cou- 
leurs voyantes,  sont  recherchés  comme  article  de  payement  ;  —  du  lait 
condensé,  dans  les  régions  où  la  présence  de  la  tsetsé  ne  permet  pas 
l'élève  du  bétail  ;  même  des  boîtes  à  musique  de  Genève,  car  on  sait  le 
charme  exercé  sur  les  natifs  par  celles  qu'ont  emportées  dans  leurs  explo- 
rations ,  Junker  chez  les  Mombouttous,  Pogge  et  Wissmann  à  Muquen- 
gué.Mais  qu'ils  s'abstiennent  par-dessus  tout  d'y  expédier  des  spiritueux, 
qui  tuent  le  moral  des  natifs  et  les  abrutissent,  avant  de  les  faire  périr  ! 

Et  ici,  quoique  notre  article  soit  déjà  bien  long,  nous  ne  pouvons  pas 
ne  pas  rappeler  que,  déjà  en  1878,  M.  G.  Moynier  présenta  au  Comité 
suisse-africain,  de  la  part  de  M.  le  D'  Christ-Socin  de  Bâle,  une  pro- 


—  229  — 

position  tendant  à  faire  prohiber  le  trafic  de  Teau-de-vie  d'une  manière 
absolue,  par  une  Commission  internationale  qui  serait  chargée  de 
réglementer  le  commerce  du  Congo,  Adoptée  par  le  Comité  national 
suisse  dans  sa  séance  du  9  février  1878,  la  proposition  de  M.  Moynier 
fut  transmise  à  la  Commission  executive  de  Briixelles,  dont  le  secrétaire 
général,  M.  Greindl,  répondit  «  qu'elle  serait  prise  en  considération, 
dans  la  mesui'e  du  possible.  »  Nous  ne  savons  pas  dans  queUe  mesure 
elle  l'a  été,  et  nous  ne  voyons  pas  encore  très  bien  comment  la  Commis- 
sion internationale,  dont  nous  appelons  la  création  de  tous  nos  vœux, 
pourra  y  répondre;  mais,  avant  toute  prohibition  légale,  les  Suisses  peu- 
vent prendre  la  résolution  de  n'importer  de  spiritueux  dans  aucune 
partie  de  l'Afrique.  Qu'ils  la  prennent  et  qu'ils  la  tiennent,  et  ils  assu- 
reront par  là  à  notre  patrie  la  plus  belle  part  dans  la  civilisation  de  ce 
continent  ! 

CORRESPONDANCE 

QUESTION  DES  TRAVAILLEUE8  ENGAGES  POUR  8T-TH0MA8 

Noas  avons  reçu  de  M.  Henrique  de  Carvalho,  au  sujet  de  la  question  des 
travailleurs  engagés  pour  Pile  de  Saint-Thomas,  une  nouvelle  lettre  que  sa 
longueur  ^e  nous  permet  pas  de  publier  in  extenso.  Nous  devons  nous  borner  à 
en  donner  l'analyse. 

Tout  en  reconnaissant  la  fidélité  du  résumé  que  nous  avons  publié  de  la 
dépêche  sur  la  traite  des  noirs,  contenue  dans  le  n?  53  du  Bîue  Book,  de  janvier 
1862  à  mars  1883,  M.  de  Carvalho  réclame,  au  nom  du  Portugal,  contre  les  assertions^ 
de  la  dépêche  elle-même.  Il  nous  fait  connaître,  d'après  une  information  qu'il  a 
reçue,  la  réponse  de  M.  Serpa  à  l'ambassadeur  anglais  à  Lisbonne,  M.  W.  Baring. 
Dans  son  exposé  du  mode  de  recrutement  des  travailleurs  dans  l'intérieuf  de  la 
province  d'Angola  pour  l'tle  de  Saint-Thomas,  le  ministre  portugais  aurait 
affirmé  :  «  que  les  premiers  cotitrata  de  ces  travaiUews,  faits  en  pleine  liberté^  au 
vu  et  au  su  des  autorités,  seront  écfms  au  commencement  de  1884,  cinq  ans  après  la 
mise  à  exécution  de  la  loi  de  décembre  1878,  qui  règle  le  nouveau  système  de  travail 
dans  les  colonies  portugaises  d'Afrique.  »  Il  a  déjà  été  répondu  à  une  représen- 
tation analogue  du  gouvernement  anglais  en  1880,  qu'à  l'expiration  du  contrat 
les  propriétaires  devront,  de  par  la  loi,  remettre  aux  travailleurs  qui  auront 
satisfait  à  toutes  les  conditions  de  leur  engagement,  le  prix  du  passage  pour 
retourner  dans  leur  pays  par  les  paquebots  mensuels,  occasion  qui  s'ofi^re  toujour» 
pour  se  rendre  de  l'Ile  à  la  côte  d'Afrique.  Aussi  M.  de  Carvalho  conteste-t-il 
l'exactitude  de  la  déduction  du  gouvernement  anglais,  que  ces  travailleurs  soient 
obligés  de  s'engager  de  nouveau  et  ne  deviennent  jamais  travailleurs  libres.  Il 
rappelle  que  le  15  octobre  1875,  trois  ans  avant  l'abolition  du  travail  forcé,  tous 
les  propriétaires  affranchirent  leurs  travailleurs  (16,000)  et  les  conduisirent  st 


—  230  — 

l'autorité  supérieure  de  Plie  pour  leur  donner  la  liberté,  sans  aucune  réserve 
quant  au  droit  à  deux  ans  de  service  qiû  leur  était  garanti  par  la  loi.  Malheu- 
reusement ces  afifrancfais  ne  surent  pas  tous  faire  un  bon  usage  de  leur  liberté,  et 
beaucoup  d'entre  eux  devinrent  le  iléau  des  propriétés  agricoles.  D'autres  sont 
devenus  propriétaires,  d'autres  encore  vivent  honnêtement,  quoique  sans  .travail, 
grâce  à  la  richesse  de  la  végétation. 

M.  de  Carvalho  conclut  en  assimilant  le  système  de  recrutement  incriminé  par 
le  gouvernement  anglais,  à  celui  que  pratiquent,  à  Landana  et  à  Zanzibar,  les 
missionnaires  romains,  et^  à  Mozambique,  les  agences  anglaises  de  recrutement  de 
travailleurs  pour  Natal  et  la  colonie  du  Cap;  il  protesté  contre  l'abominable 
traite  des  nègres,  et  en  appelle  au  mémoire  récent  de  M.  James  Stevenson  siu*  les 
Grandes  voies  fluviales  de  V Afrique  et  sur  la  traite^  où  il  n'est  pas  question  de 
traite  dans  la  provinoe  d'Angola,  ni  de  routes  par  lesquelles  ces  travailleurs,  soi- 
disant  esclaves,  seraient  amenés  de  l'intérieur  aux  ports  de  l'Atlantique,  dans  les 
possessions  portugaises. 

ABANDON  DU  DABFOUR  PAS  l' EGYPTE 

Au  dernier  moment,  nous  recevons  de  M.  Schuver  une  lettre,  que  la  gravité  de 
la  nouvelle  qu'elle  contient  nous  engage  à  publier  in  extenso  : 

Khartoum,  19  jiiin  1883. 
Monsieur, 

Je  viens  de  recevoir,  du  général  Hicks  lui-même,  des  nouvelles  extrêmement 
intéressantes  :  Le  Darfour  a  été  définitivement  éoaaU  par  les  troupes  égyptiennes. 

Au  mois  d'avril  dernier,  sur  des  ordres  reçus  du  Caire,  un  courrier  est  parti 
d'ici  pour  £1-Facher,  avec  les  instructions  suivantes  pour  Slatin-bey  :  Concentrez 
les  garnisons  du  Darfour  à  El-Facher;  tâchez  d'installer  un  gouvernement 
national  quelconque  sous  un  des  descendants  de  l'ancienne  dynastie  darfourienne, 
puis  «^abandonnez  le  Darfour,  soit  par  la  route  de  Dongola,  soit  parcelle  du 
Bahr-el-Ghazal. 

Ces  instructions  sont  parvenues  à  Slatin-bey,  qui  a  évacué  El-Facher ,  et  qiû, 
après  avoir  livré  un  combat  aux  Arabes  Hamr,  s'est  retranché  dans  une  forte 
position  stratégique  à  Oum  Changa,  sur  la  route  d'El-Obéid.  Il  est  probable  qu'il 
cherche  l'occasion  de  se  joindre  à  la  garnison  de  Fodcha,  avant  d'entreprendre  la 
marche  vers  le  Bahr-el-Ghazal.  On  attend  avec  anxiété  des  nouvelles  ultérieures 
de  ses  mouvements. 

En  tous  cas,  vu  les  opinions  émises  par  Lord  Dufferin  au  sujet  de  la  politique  à 
suivre  au  Soudan,  on  peut  admettre  que  la  question,  si  longtemps  agitée,  du  main- 
tien ou  de  l'abandon  du  Darfour,  vient  d'être  résolue. 

De  ce  côté-ci,  aucun  espoir  de  voir  les  opérations  recommencer  avant  la  fin  de 
la  saison  des  pluies,  soit  fin  septembre,  à  moins  que  les  dissensions  que  l'on  dit 
avoir  éclaté  dans  le  camp  de  Mohamed- Ahmed  ne  prennent  une  tournure  sérieuse, 
ce  que  personne  ne  peut  dye.       


—  231  — 

BIBLIOGRAPHIE' 

Voyage  extravaciant,  mais  véridique  d'At^ger  au  Cap,  par  Julien 
Vinsonet  Paul  Dice. Paris  (M.  Dreyfous),  1883,  in-12,  300  pages,  2  fr. 
—  Ce  livre  est  peut-être  l'un  des  meilleurs  de  la  Bibliothèque  d'aven- 
tures et  de  voyages  que  publie  la  librairie  Dreyfous.  Jusqu'à  présent  elle 
renferme  surtout  des  ouvrages  qui,  à  notre  avis,  n'ont  plus  qu'un  inté- 
rêt historique,  par  exemple,  ceux  qui  racontent  les  voyages  de  Cook,  de 
Mungo-Park,  etc.  Il  est  sans  doute  bien  préférable  de  faire  connaître 
les  explorateurs  contemporains,  dont  les  noms  sont  dans  toutes  les  bou- 
ches, mais  dont  souvent,  dans  le  grand  public,  on  igûore  les  travaux 
considérables.  Il  a  pai'u  à  MM.  Vinson  et  Dive,  qu'un  livre  qui  donne- 
rait, sous  une  forme  attrayante,  le  résumé  des  expéditions  récentes,  ne 
manquerait  pas  d'être  bien  accueilli.  Leur  attente  ne  sera  pas  trompée. 

Des  deux  auteurs,  l'un  a  déjà  visité  une  partie  des  pays  oii  il  conduit 
ses  lecteurs,  Tautre  vit  continuellement  dans  l'étude  et  la  pratique  des 
sciences  physiques  et  naturelles.  Ils  étaient  donc  convenablement  pré- 
parés pour  mener  à  bien  un  travail  de  ce  genre,  c'est-à-dire  pour  faire 
connaître  ce  qu'il  y  a  de  plus  saillant  et  de  plus  instructif  dans  les  récits 
des  derniers  explorateurs.  Ils  ont  pu  qualifier  d'extravagant  le  voyage 
qu'ils  font  accomplir  à  leurs  personnages  de  fantaisie,  à  travers  toute 
l'Aû-ique,  d'Alger  au  Cap,  par  le  Sahara,  Tombouctou,  le  Niger,  le  lac 
Tchad,  le  Nil,  le  Tanganyika^  le  Nyassa  et  le  pays  des  Zoulous,  mais  ils 
ont  eu  dans  une  certaine  mesure,  le  droit  de  l'appeler  véridique,  puis- 
que toutes  les  découvertes  racontées  ont  été  réellement  faites  par  des 
voyageurs  connus.  A  la  fin  du  livre,  se  trouve  un  appendice,  oii  les  lec- 
teurs trouveront  l'origine  exacte  des  aventures  attribuées  aux  person- 
nages du  récit  et  la  justification  de  ce  qui  pourrait  les  surpendre. 

JosBJPH  Vallot.- Études  sur  la  flore  pu  sékegal.  Paris  (Jacques 
Lechevalier)  1883,  l"fasc.,  in-8'*,  80  p.  4  fr.  —  Ne  pouvant  encore  entre- 
prendre de  rédiger  une  flore  détaillée  du  Sénégal,  vu  que,  dans  peu 
d'années,  les  découvertes  des  expéditions  qui  s'y  multiplient  l'auraient 
rendue  très  incomplète,  M.  Vallot  a  eu  l'heureuse  idée  de  réunir  les  tra- 
vaux botaniques  sur  cette  région,  dispersés  dans  de  nombreux  ouvrages, 
et  d'y  ajouter  une  étude  complète  de  l'herbier  du  Muséum  d'histoire 

^  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  13,  rue  du  Rhône,  à  Genève, 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civilisée. 


—  232  — 

naturelle  de  Paris.  D  a  préparé  ainsi  un  cadre,  où  viendront  se  placer 
les  plantes  nouvelles  qui  ne  manqueront  pas  d'arriver  au  Muséum,  main- 
tenant que  les  communications  entre  le  Sénégal  et  le  Niger  sont  défini- 
tivement assurées.  Il  a  adopté  pour  ces  études  la  forme  d'un  catalogue 
méthodique,  dans  lequel  sont  indiqués  tous  les  noms  des  localités  oti  ont 
été  trouvées  telles  ou  telles  plantes,  et  ceux  des  personnes  qui  les  ont  rap- 
portées. Un  abrégé  historique  des  explorations  botaniques  de  l'Afrique 
centrale,  contenant  la  liste  des  voyageurs  avec  l'indication  des  pays  par- 
courus par  eux,  de  l'époque  de  leurs  voyages,  des  herbiers  où  se  trouvent 
leurs  plantes,  et  des  ouvrages  où  elles  ont  été  publiées,  précède  ces  étu- 
des, auxquelles  est  jointe  une  carte  des  explorations  botaniques  au 
Sénégal. 

Abyssikien  und  die  ubrigen  Gebiete  der  Ostkùste  Afbikas,  von 
prof.  D'  R.  Hartmann,  Leipzig  (G.  Freytag),  Prague  (F.  Tempsky), 
1883,  in-S**,  303  p.  illustr.  et  carte.  —  La  librairie  Freytag  publie  une 
série  de  volumes  destinés  à  exposer  l'état  de  toutes  les  branches  des  con- 
naissances humaines.  Six  volumes  seront  consacrés  à  l'Afrique  où  chaque 
jour  de  nouveaux  pays  sont  découverts  et  de  nouveaux  peuples  étudiés, 
en  sorte  qu'un  livre,  datant  de  trois  ou  quatre  ans,  n'est  déjà  plus  au 
courant  et  demande  à  être  revisé.  Il  appartenait  au  savant  auteur  de 
l'ouvrage  sur  Les  peuples  de  V Afrique  de  décrire  la  région  où  les  grou- 
pements divers  de  familles  et  de  races  sont  le  plus  intéressants,  mais 
dont  l'étude  est  la  plus  difficile.  La  côte  orientale  d'Afrique  renferme^ 
en  effet,  à  côté  les  uns  des  autres,  des  nègres,  des  tiiW  se  rattachant 
à  la  race  blanche,  des  souahélis  qui  peuvent  être  r^ardés  comme  fai- 
sant partie  du  groupe  des  races  mixtes  ou  mélangées,  et  enfin  des  Ara- 
bes et  des  Européens.  Ces  peuples  divers  présentent,  dans  leur  manière 
de  vivre,  dans  leurs  mœurs,  leur  conformation,  et  leur  couleur  des  parti- 
cularités des  plus  curieuses,  que  M.  Hartmann  pouvait  mieux  que  per- 
sonne faire  ressortfr. 

Son  livre  est  l'exposé  de  nos  connaissances  sur  l'état  actuel  de  ces 
pays.  Il  traite  successivement  de  l'Abyssinie,  qui  forme  la  partie  princi- 
pale du  volume,  du  pays  des  Gallas,  du  Somal,  de  l'Afer  ou  Afar,  etc. 
Puis,  descendant  plus  au  Sud,  il  étudie  les  tribus  nègres  de  la  région 
équatoriale  de  l'Afrique  orientale,  la  domination  arabe  sur  la  côte  de 
Zanzibar,  et  enfin  les  possessions  portugaises  de  la  province  de  Mozam- 
bique. De  nombreuses  illustrations  contribuent  à  rendre  agréable  la  lec- 
ture de  ce  volume. 


—  233  — 

BULLETIN  MENSUEL  {3  septembre  1883. y 

En  attendant  la  construction  d*un  chemin  de  fer  entre  TÂlgérie  et  le 
Sénégal,  un  ancien  colon  en  Algérie  a  proposé  de  former,  à  travers  le 
Sakara,  des  oasis  peu  distantes  les  unes  des  autres,  au  moyen  de  plan- 
tations de  palmiers  et  de  baobabs.  En  même  temps  seraient  placés,  le 
long  de  ces  cultures,  une  conduite  d'eau  et  un  fil  télégraphique.  Plus 
tard  on  planterait  d'autres  arbres  dans  les  intervalles  entre  les  oasis 
ainsi  créées. 

La  Société  de  géographie  de  HaDe  a  reçu  communication  des 
résultats  de  l'exploration  que  M.  le  professeur  D"  Schmidt  avait  été 
chargé  de  faire  en  Tunisie  et  en  Alfl^érie.  Après  avoir  passé  une 
dizaine  de  jours  à  Tunis,  à  étudier  les  mœurs  des  divers  groupes  de 
populations  de  cette  vUle,  Use  dirigea,  par  Béja  et  Soukarras,  vers  Cons- 
tantine,  d'où  il  fit  diverses  excursions,  l'une  au  sud,  h  l'oasis  de  Biskra, 
l'autre  au  nord,  à  Philippeville.  Ayant  reçu  de  l'Académie  des  Inscrip- 
tions de  Berlin  le  mandat  de  compléter  la  coUec^on  des  documents  épi- 
graphiques  grecs  et  latins  de  cette  région,  il  en  a  rapporté  un  grand  nom- 
bre, ainsi  que  des  inscriptions  berbères,  et  d'autres  en  caractères  toua- 
regs qu'on  n'a  pu  déchifrer  jusqu'ici.  A  l'occasion  de  la  communication 
de  M.  Schmidt,  le  professeur  Eirchhoff  a  rappelé  l'opinion  de  Nachti- 
gal,  d'après  laquelle  le  nord  de  l'Afirique  serait  soumis  à  un  dessèche- 
ment séculaire,  qui  ferait  avancer  le  désert  vers  le  nord. 

Parmi  les  projets  auxquels  a  donné  lieu  la  discussion  sur  l'améliora- 
tion des  moyens  de  communication  entre  la  Méditerranée  et  la  mer 
^ôùge,  à  travers  l'istiime  de  Suez,  nous  devons  mentionner  celui  d'un 
chenUn  de  fer  pour  navires,  proposé  par  MM.  Clark  et  Stanfield 
à  la  Chambre  de  Commerce  de  Londres.  Us  se  chargeraient  de  construire 
des  machines  qui,  en  trois  minutes,  élèveraient  de  12  mètres  des  navires 
de  6000  tonnes,  auxquels  ils  feraient  traverser  l'isthme  en  six  heures, 
sur  an  chemin  de  fer  dont  la  construction,  dans  leur  opinion,  coûterait 
la  moitié  moins  qu'un  second  canal  et  exigerait  la  moitié  moins  de 
temps. 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  menmds  et  dans  \e%  Nouvelles  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  TËst,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

L'AFRIQUE.   —   QUATRIÈME  ANNÉE.   —  N«   9.  9 


—  234  — 

Les  Proceedings  de  la  Société  de  géographie  de  Londres  et  les  Mit- 
tJieilungen  de  Goth^  nous  apportent  des  détails  extraits  de  lettres  de 
Liupton-bey  sur  ses  explorations  dans  sa  province  du  Bahp-el-Gh»- 
zal.  A  la  fin  de  Tannée  derni^e  il  était  à  Anyower,  à  quatre  jours  de 
marche  à  TO .  de  la  résidence  de  Semio  oti  était  Junker ,  par  6  %42'  lat.  N . 
et  23°  long.  £.  de  Paris.  Il  a  découvert  une  grande  rivière  du  nom  de 
Pappi,  qui  prend  sa  source  dans  les  montagnes  au'S.-O.  de  Hofra-en- 
Nahas,  se  dirige  vers  le  sud  et  reçoit  de  nombreux  tributaires,  entre 
autres  le  Wille,  que  la  carte  de  Schweinfurth  Indique  comme  apparte- 
nant au  bassin  du  Bahr-el-Arab.  Lupton-bey  a  traversé  deux  fois  le 
Parpi,  par  7%30'  lat.  N.  et  22%56'  long.  E.,  puis  par  6%46'  lat.  N.  et 
22'', 52'  long.  E.  de  Paris.  Au  premier  point,  la  rivière  avait  15"  de  lar- 
geur et  5  à  6"  de  profondeur,  et  au  second,  80"  de  large  sur  10"  de  pro- 
fondeur, avec  une  vitesse  plus  grande.  Dans  la  aaison  sèche,  elle  est 
guéablë  en  beaucoup  d'endroits,  mais  ne  tarit  pas  comme  les  autres 
rivières  de  ce  pays.  Sous  le  V'flO'  lat.  N.  elle  forme  une  grande  cataracte 
nommée  Ginder;  au  delà  elle  coule  entre  des  collines,  a  des  rives 
abruptes  et  boisées,  etjForme  des  méandres  entre  des  rochers.  Le  pays 
qui  Tavoisine  est  fertile  et  très  peuplé  de  nègres  Kredjs  et  de  Bendas. 
On  y  cultive  le  dourrha,  le  mais,  plusieurs  espèces  de  fèves,  du  tabac,  etc.; 
parmi  les  arbres  on  remarque  surtout  le  palmier  à  huile,  le  figuier  et 
l'arbre  à  soie  de  Piaggia  {eriodendron  anfractuosum)  ;  les  éléphants  y 
abondent.  —  Jusqu'ici  les  steamers  qui  naviguent  oecasionnellemeut  de 
Ehartoum  au  Bahr-el-Ghazal  ne  se  sont  guère  avancés  que  jusqu'à  Mes- 
hra-el-Rek.  Lupton  mentionne  un  steamer  en  construction  à  Ehartoum. 
d'un  tirant  assez  faiUe  pour  naviguer  sm*  le  Djour,  tributaire  du  Babr- 
el-Ghazal,  et  qu'il  a  l'intention  de  fah-e  remonter  jusqu'à  Wau,  s^i 
120  kilom.  au  S.-O.  de  Meshra-el-Rek*. 

De  son  côté,  Emin-bey»  pour  obvier  aux  inconvénients  causés  dans 
la  navigation  du  Nil-Blanc  par  les  obstructions  du  fleuve,  a  l'intention 
de  faire  une  route  de  Bohr,  sur  le  Nil-Blanc,  au  Sobat.  —  Il  a  reçu  du 
sud  des  nouvelles  d'après  lesquelles  la  guerre  régnait  entre  Mtésa  et 
Kabréga.  Un  grand  nombre  d'Arabes  de  Zanzibar  se  sont  établis  chez 
Kabréga,  en  venant  directement  du  Earagoué  sans  toucher  l'Ouganda. 
Mrouli  était  occupé  par  les  Ounyoros  ;  de  là,  une  route  conduit  à  Mparo- 
Nyamoga,  dans  la  direction  du  lac  Albert. 

n  ressort  d'une  lettre  de  Rohlfe  à  VEsploratore^  qu'à  Galabat,  la 

*  Voir  la  carte,  p.  116. 


—  235  — 

traite  est  plus  florissante  que  jamais.  Les  inspecteurs  de  ce  trafic  qui 
s'y  trouvent  sont  des  Grecs,  qui  [^encouragent  pour  recevoir  un  bak- 
chiche.  D'autre  part,  un  correspondant  du  Phare  d'Alexandrie  hd  écrit 
<l'Hodelda,  que  depuis  quelque  temps  cette  ville  et  les  localités  voisines 
8(mt  remplies  d'esclaves  importés  de  la  côte  africaine  de  la  mer  Bouge, 
et  que  la  vente  de  ces  pauvres  créatures  se  fait  presque  en  public.  —  On 
comprend  dès  lors  que  le  comte  de  Fife  ait  attiré  Tattention  de  la  Cham-^ 
bre  des  Lords  sur  la  recrudescence  de  la  traite  an  Sondan.  S'ap* 
puyant  sur  Taffirmation  de  Schweinfurth  :  qu'aucun  fonctionnaire  égyp- 
tien n'a  jamais  été  puni  sérieusement  par  son  chef  pour  sa  conduite 
relativement  à  l'esclavage,  et  sur  le  rapport  du  colonel  Stèwart  attes- 
tant qu'aucune  maison  importante  engagée  dans  le  commerce  des 
esclaves  n'a  jamais  été  molestée,  parce  qu'il  y  a  trop  d'intéressés  à  ce 
trafic  et  que  les  notables  sont  trop  puissants  et  trop  influents,  il  a  insisté 
sur  la  nécessité  de  profiter  de  l'ascendant  que  l'Angleterre  a  acquis  dans 
les  a&ires  de  l'Egypte,  pour  s'attaquer  à  la  racine  même  du  mal,  et 
arrêter  la  demande  d'esclaves  en  réclamant  l'abolition  de  l'institution 
légale  de  l'esclavage  en  Egypte.  Rappelant  ensuite  que,  d'après  le  traité 
Cimclu  en  1877  entre  l'Angleterre  et  l'Egypte,  la  traite  doit  être  décla- 
rée abolie  l'année  prochaine  dans  ce  dernier  pays,  il  a  demandé  que 
l'autorité  à  cet  égard  fdt  remise  aux  mains  de  quelque  Européen  résolu, 
qui  comprit  les  devoirs,  qu'impose  l'influence  civilisatrice  acquise  par 
l'Angleterre.  Tout  en  faisant  remarquer  que  l'état  de  désorganisation 
dans  lequel  se  trouve  le  Soudan  est  très  défavorable  au  succès  de 
mesures  pour  la  suppression  de  la  traité,  lord  Grandville  a  annoncé  que 
le  gouvernement  anglais  a  désigné,  comme  consuls  pour  le  Soudan,  deux 
homfnes  capables,  dont  l'un,  M.  Auguste  Baker,  résidera  à  Khartoum, 
et  l'autre,  M.  Moncrieff,  à  Souakim,  pour  appuyer  les  autorités  qui  tra- 
vaillent à  l'abolition  de  l'esclavage.  —  Dans  une^réunion  d'adhérents  de 
l'Antislavery  Society,  tenue  à  Valentines,  près  d'Uford,  lord  Grandville 
a  abordé  la  question  de  l'abolition  immédiate  de  l'esclavage  en  Egypte. 
La  Société  a  promis  d'appuyer  ses  vues,  et  a  exprimé  le  vœu  que  l'in- 
fluence de  l'Angleterre  en  Egypte  ne  soit  pas  employée  à  soutenir  un 
gouvernement  qui  permettrait  encore  à  un  homme  de  réduire  en  escla- 
vage son  semblable.  Les  missionnaires  Wilson,  de  l'Ouganda,  et  Farler, 
de  l'Ousambara,  ont  donné  des  renseignements  sur  l'esclavage  dans  ces 
deux  parties  de  l'Afrique. 

Le  journal  le  Ten^ps  nous  a  appris  que,  d'après  une  lettre  particulière 
de  M.  Solelllet»  ce  voyageur,  après  son  excursion  au  Kaffa,  en  a  fait 


—  236  — 

une  nouvelle  le  long  du  Nil  Bien.  Grâce  à  la  faveur  du  roi  Ménélik» 
il  a  pu  visiter  les  monts  Dauba,  Eollacha  et  Tanis,  la  province  de  Salalé^ 
le  grand  marché  de  Djairo,  au  point  de  jonction  des  montagnes  du 
Godjam  et  de  rAmhara,  ainsi  que  le  célèbre  monastère  de  Debra-Liba- 
nos.  Le  dimanche  29  avril,  jour  de  la  Pftque  éthiopienne,  il  se  trouvait  à. 
Ânkober,  où  Ta  rejoint  le  comte  Antonelli,  chef  de  Texpédition  ita- 
tienne,  qui  a  heureusement  ouvert  la  route  d'Assab  au  Choa.  malgré  le 
projet  du  pacha  de  Zella,  Abou-Beker,  qui  a  tenté  de  le  £eiire  assassiner^ 
comme  il  Tavait  essayé  pour  M.  Soleillet. 

Nous  avons  annoncé  daos  notre  précédent  numéro  le  retour  à  Mom- 
bas  de  J.  Tkomson»  obligé  de  renoncer  à  s'avancer  à  travers  le  pays 
des  Masal  par  la  même  route  que  le  D'  Fischer,  et  de  venir  à  la  côte 
prendre  des  renforts  et  renouveler  ses  provisions.  De  Mombas  il  a  écrit 
à  la  Société  de  géographie  de  Londres,  aux  Proceedings  de  laquelle 
nous  ^npruntons  ce  qu'il  dit  de  sa  marche,  à  partir  de  Taveta,  le  long 
du  pied  du  Kilimandjaro.  Retenu  trois  jours  par  les  ruses  d'un  chef 
pillard,  Mandara,  il  en  profita  pour  tenter  une  ascension  de  cette  mon- 
tagne, au-dessus  de  la  région  des  forêts,  k  plus  de  3000".  Ensuite,  pen- 
dant cinq  jours,  il  chemina  dans  un  terrain  coupé  de  torrents  impétueux^ 
dont  le  passage  lui  opposa  souvent  de  grandes  difficultés.  Pendant  tout 
ce  temps,  il  n'entrevit  la  partie  supérieure  du  Kilimandjaro  qu'à  de 
courts  intervalles,  à  l'approche  du  lever  et  du  coucher  du  soleil.  Une 
seule  fois  il  eut  la  vue  du  sommet  pendant  une  demi-heure.  Le  pic  infé- 
rieur n'avait  pas  de  neige;  le  supérieur  en  avait  une  calotte  légère,  qui 
descendait  un  peu  plus  bas  du  côté  du  sud  et  brillait  conune  de  l'argent 
poU  au  soleil  du  matin,  contrastant  fortement  avec  le  profil  sombre  et 
rocheux  du  Kimawenzi.  Tout  autour  roulaient  d'énormes  cumulus 
blancs;  puis  un  rideau  de  stratus  étendit  sur  toute  la  scène  un  voile 
mystérieux  d'un  gris  uniforme.  Quoique  propre  à  toute  espèce  de  cul- 
tures, le  pays  qui  entoure  la  base  de  la  montagne  est  complètement 
inhabité  par  crainte  des  Masal;  mais  il  fourmille  de  gros  gibier  :  buffles,, 
rhinocéros,  zèbres,  éléphants,  etc.  —  Thomson  espérait  pouvoir  repartir 
de  Mombas  avec  une  caravane  arabe. 

M.  Ledoulx,  consul  de  France  à  Zanzibar,  a  communiqué  à  la  Société 
de  géographie  de  Paris  des  nouvelles  du  capitaina  Bloyet,  chef  de  la 
station  du  Comité  national  français  h  Condoa.  A  sept  journées  de 
marche  de  cette  localité,  les  Wahéhés,  descendus  de  leurs  plateaux,, 
avaient  attaqué  une  caravane  et  tenaient  la  campagne,  mais  sans  inspi- 
rer de  crainte  à  M.  Bloyet.  Le  consul  signale  l'état  prospère  des 


—  237  — 

«ions  romaines  de  Mhonda  et  de  Mandera,  autour  desquelles  se 
sont  groupés  des  villages  qui  acquièrent  de  jour  en  jour  plus  d'impor- 
tance. Les  produits  des  environs  y  affluent,  la  monnaie  y  remplace  déjà 
réchange,  et,  dans  quelques  années,  au  lieu  des  broussailles  et  de  la 
solitude,  s'élèveront  là  des  centres  populeux.  Les  missionnaires  ont 
réussi  à  fonder  une  nouvelle  station  à  Mrogoro,  ville  principale  des  Was- 
sigouas.  Le  chef  Goméra  s'opposa  d'abord  à  leur  projet  ;  mais  le  sultan 
Sald-Bai^asch  lui  ayant  ordonné  de  les  bien  recevoir,  il  a  déposé  ses 
préventions  et  leur  a  permis  de  s'établir  dans  ses  États. 

M.  le  lieutenant  Becker,  revenu  temporairement  de  Karéma,  se 
prépare,  par  des  études  spéciales  à  l'Institut  géographique  militaire  de 
Bruxelles,  à  y  retourner  l'hiver  prochain.  Il  a  obtenu  un  grand  crédit 
auprès  des  noirs,  qui,  dans  leur  simplicité,  lui  attribuent,  comme  à 
d'autres  blancs,  le  pouvoir  de  disposer  de  la  pluie  et  du  beau  temps.  Pen- 
dant son  voyage  de  Karéma  à  Zanzibar,  les  habitants  des  villages  qu'il 
traversait,  souffrant  d'une  sécheresse  prolongée,  venaient  lui  demander 
de  la  pluie.  Ayant  remarqué  que  la  pluie  le  suivait  dans  sa  marche  de 
l'ouest  à  l'est,  il  promit  gravement  qu'il  pleuvrait  si  on  le  dispensait  de 
payer  le  hongo,  ce  qui  lui  fiit  accordé.  La  pluie  ne  manqua  pas,  et  sa 
popularité  s'en  acciiit  de  beaucoup. 

Dans  une  visite  que  le  P.  Guillet  a  faite  d'Oudjidji  au  Massanzé,  il 
a  constaté  que  l'emplacement  choisi  pour  la  station  de  ee  district,  à 
l'ouest  du  Tanganyika,  est  insuffisant.  Il  a  exploré  le  f^olfe  de  Bupton, 
pour  y  chercher  un  lieu  plus  convenable  à  cette  mission,  en  même  temps 
qu'il  se  proposait  de  reconduire  chez  lui,  dans  l'Oubouari,  un  chef, 
Kisamba,  dont  les  villages  étaient  ravagés  par  l'esclave  de  l'Arabe 
Wangouana.  Dans  le  fond  du  golfe,  il  visita  un  plateau  couvert  de  beaux 
arbres,  mais  sans  habitants;  près  de  là  coule  le  Nembré,-  dans  une 
plaine  où  croît  le  papyrus,  avec  quelques  hameaux  dont  les  indigènes 
vinrent  au-devant  de  lui,  et  lui  témoignèrent  le  désir  de  le  voir  s'établir 
au  milieu  d'eux,  pour  être  mis  à  l'abri  des  exactions  de  leurs  voisins. 
Remontant  ensuite  vers  le  nord,  jusqu'à  la  pointe  de  Vanza  (Pannza,  de 
la  carte  de  Stanley),  il  n'y  rencontra  que  la  dévastation  et  un  silence  de 
mort.  Kisamba,  debout,  à  l'avant  du  bateau,  criait  de  toute  sa  force, 
annonçant  l'arrivée  des  blancs.  Quelques  formes  humaines  sortirent  de 
derrière  les  rochers  oti  elles  se  tenaient  cachées.  Kisamba  apprit  que 
plusieurs  membres  de  sa  famille  avaient  été  massacrés,  pour  n'avoir  pas 
voulu  suivre  le  vainqueur  en  esclavage;  alors  il  s'élança  dans  la  mon- 
tagne, d'où  il  ramena  bientôt  au  rivage  une  longue  file  de  femmes  et 


—  238  — 

d'enfante  qui  s'y  étaient  réfi^ié&»;et  demanda  au  miflaiOBAaire  de  k» 
conduire  au  Massanzé^  oii  ils  seraient  en  sûreté.  Le  P.  Guiltet  y  con- 
sentit; mais  rinsuffisance  de  Tétabliss^n^t  du  Massanzé  n'en  fut  que 
mieux  constatée,  aussi  a^t^n  résolu  de  le  transférer  sur  le  plateau  de 
Kassoukou,  au  fond  du  golfe  de  Burton. 

M.  O'NefU  est  parti  de  Mozambique  pour  le  lae  Chiroua.  D'après 
les  dernières  informations  qu'il  avait  reçues,  il  commençait  à  douter  que 
la  Lujenda  en  fût  l'émissaire.  Les  opinions  des  trafiquants  nati&  qui 
avaient  voyagé  dans  cette  partie  de  l'Afrique  différaient  beaucoup  les 
unes  des  autres.  Les  uns  la  font  sortir  d'un  lac  Amaremba  ou  Mnaremba; 
un  autre,  qui,  l'année  dernière,  a  passé  du  la€  Chîroua  au  lac  Amaramba, 
prétend  qu'il  n'y  a  point  de  communication  entre  eux,  et  que  le  seuil 
qui  les  sépare  est  très  élevé;  il  décrit  l' Amaramba  comme  un  lac  long, 
beaucoup  plus  petit  que  le  Chiroua,  mais  ayant  deux  îles.  Le  lac  vu  par 
Johnson  et  supposé  par  lui  être  le  Chiroua,  ne  serait-il  point  l'Ama- 
ramba?  C'est  ce  que  l'expédition  de  M.  O'Neill  ne  manquera  pas  de 
nous  apprendre. 

M.  liVilllaiii99  associé  de  la  Société  de  géographie  de  Londres,  a 
récemment  traversé,  avec  sa  femme  et  son  fils,  âgé  de  sept  ans,  le 
pays  des  Bamanf^ivatos.  Après  avoir  voyagé  le  long  du  Limpopo, 
et  traversé  le  Marico  et  le  Notuani,  ils  s'éloignèrent  du  Limpopo,  fran- 
chirent un  désert  sans  eau  de  120  kilom.,  et  eurent  le  bonheur  de  ren- 
contrer un  Anglais,  M.  John  Benuion,  de  Schoschong,  qui  leur  montra 
le  chemin  jusqu'à  la  capitale  de  Khamé.  Celui-ci  était  alors  en  guerre 
avec  les  Matébélés  ;  son  frère  Khamané,  qui  remplissait  les  fonctions  de 
régent,  donna  des  guides  à  M.  Williams  pour  le  conduire  au  pays  des 
Matébélés.  Le  voyageur  devait  laisser  sa  femme  à  Tati,  se  rendre  à 
Gouboulouayo,  chez  Lo  Bengula,  et  y  prendre  de  nouveaux  guides  et 
porteurs,  pour  s'avaucer  avec  sa  femme  et  son  fils  jusqu'aux  chutes 
Victoria,  en  passant  par  Panda-ma-Tenka,  oii  il  comptait  laisser  son 
wagon  pour  faire  porter  de  1&,  en  litière,  sa  femme  jusqu'au  Zambèze. 

D'après  un  Blue  Book  communiqué  au  parlement  anglais,  le  gouver- 
nement britannique  n'admet  pas  que  la  Colonie  du  Cap  ait  le  droit  de 
répudier  la  charge  qu'elle  a  acceptée  en  1871  de  gouverner  le  Lesaouto, 
ni  que  l'État  libre  d'Orange  puisse  réclamer  autre  chose,  si  ce  n'est  que 
l'Angleterre  se  charge  pour  une  bonne  part  de  maintenir  la  paix  sur  la 
frontière,  ni  enfin  que  les  Bassoutos  soient  en  droit  de  revendiquer  le 
rétablissement  de  leurs  anciennes  relations  avec  la  Couronne  d'Angle- 
terre. Cependant  le  gouvernement  anglais  reconnaissant  les  efforts 
sérieux  faits  par  la  Colonie  du  Cap  pour  gouverner  le  Lessouto,  est  dis- 


—  289  — 

poBé  à  mettre  à  Tépreuve,  provisoirement,  le  désir  des  Bassoutos  de 
redevepir  sujets  de  la  Couronne  d'Angleterre,  à  la  condition  :  l""  qu% 
prouvent  d'une  manièfre  satisfaisante  leur  désir  de  rester  sujets  de  la 
Couronne,  et  Eussent  leur  possible  pour  payer  les  impôts  stipulés  et  pour 
obéir  au  baut-K^mmissaire  ;  2*  que  TÉtat  libre  d'Orange  prenne  les 
mesures  nécessaires  pour  prévenir  toute  incursion  dans  le  Lessouto, 
faute  de  quoi  le  gouvernement  anglais  sera  déchargé  de  toute  responsar 
bQité  ultérieure  ;  S""  que  la  Colonie  du  Cap  se  charge  de  rembourser  au 
haut-commissaire  tous  les  droits  de  douane,  taxes  et  autres  revenus  pro- 
venant de  l'importation  de  marchandises  dans  le  Lessouto.  La  dépêche 
du  ministre  des  colonies  conclut  en  disant,  qu'il  est  bien  entendu  que  le 
gouvernement  anglais  ne  prétend  nullement,  par  cette  intervention, 
accepter  une  responsabilité  permanente  à  l'égard  du  Lessouto.  Si  les 
parties  plus  spécialement  intéressées  dans  la  question  ne  lui  prêtent  pas, 
autant  qu'il  est  possible,  leur  concours,  le  gouvernement  anglais  ne  se 
considérera  pas  comme  tenu  de  continuer  son  intervention. 

Une  expédition  organisée  en  vue  de  fonder  un  établissement 
allemand  en  Afrique  a  été  entreprise  par  une  maison  de  commerce 
de  Lubeck,  qui  a  envoyé  un  agent,  M.  Yogelsang,  dans  le  pays  des 
Grands-Namaquas,  au  nord  de  la  colonie  du  Cap,  pour  acheter  aux 
Hottentots  la  baie  d'Anipra  Peqnena,  par  26 ^",37'  lat.  S.  et 
12"*, 47'  long,  E.  de  Paris,  ainsi  qu'un  territoire  de  50  à  60,000  hectares 
à  l'intérieur.  La  baie  est  protégée  contre  les  vagues  par  trois  grandes 
îles  ;  le  mouillage  en  est  excellent.  Dans  les  montagnes  parallèles  à  la 
côte,  se  trouvent  l43s  établissements  des  indigènes  au  milieu  desquels 
travaillent  les  missionnaires  rhénans  de  la  station  de  Béthauie.  La  mai- 
son Luderitz  qui  a  pris  l'initiative  de  cette  expédition  ne  doute  pas  qu'il 
ne  s'y  trouve  des  gisements  de  cuivre,  comme  il  en  existe  plus  au  sud 
dans  le  pays  des  Petits-Namaquas  ;  elle  compte  faire  explorer  le  pays  h 
ce  point  de  vue,  et  a  tenu  à  s'assurer  l'exportation  du  minerai,  par  la 
possession  d'un  port  sûr  et  d'un  accès  facile.  Un  petit  sehooner  à  deux 
mâts  fera  un  service  régulier  entre  le  nouvel  établissement  et  Capetown. 

Le  dernier  numéro  des  Proceedings  de  la  Société  de  géographie  de 
Londres  renferme  un  rapport  de  lord  M ayo  sur  l'expédition  qu'il  a 
faite,  l'année  dernière  et  au  commencement  de  celle-ci,  avec  M.  H.-H. 
Johnfitton»  naturaliste,  de  Mossamédès  au  Cuiiéné.  Après  une 
excursion  au  sud,  le  long  des  Montagnes  Noires  jusqu'à  la  Coroca,  ils  se 
dirigèrent  vers  l'est,  gravirent  la  Serra  de  Chella,  dont  ils  suivirent  la 
crête  jusqu'à  la  latitude  de  Humpata,  où  ils  visitèrent  la  station  des 
Bœrs  qui  les  reçurent  avec  une  hospitalité  des  plus  aimables.  Lord  Mayo 


^ 


—  240  — 

a  trouvé  cette  colonie  très  prospère,  et  favorisée  par  un  climat  très  sahi- 
bre,  la  température  du  plateau  sur  lequel  elle  est  établie  demeurant  la 
même  à  peu  près  toute  Tannée.  A  Huilla,  ils  rencontrèrent  le  P.  Dupar- 
quet  dont  la  station  missionnaire  est  aussi  très  florissante,  et  qui  y  fait 
construire  un  collège  pour  des  élèves  de  Saint-Paul  de  Loanda,  Pair  de 
Huilla  étant  beaucoup  meilleur  que  celui  de  la  côte.  De  là,  descendant 
vers  la  rivière  Quimpanpanini,  ils  arrivèrent  à  Commandantes  Drift,  la 
dernière  ferme  portugaise  avant  d'atteindre  Humbé,  près  du  Cunéné. 
Les  rhinocéros  abondent  dans  le  voisinage  ;  plus  loin  ce  sont  les  zèbres, 
les  antilopes,  les  éléphants,  etc.;  dans  le  Cunéné,  les  hippopotames. 
Toute  cette  région  est  encore  très  riche  en  gibier,  quoique  les  Chibiquas 
qui  habitent  la  partie  méridionale  de  la  Serra  de  Chella  soient  essentiel- 
lement chasseurs  et  voués  à  Télève  du  bétail.  Us  ont  émigré,  il  y  a 
150  ans,  du  pays  au  sud  du  Cunéné,  et  appartiennent  à  la  tribu  des 
Damaras,  avec  un  mélange  d'Ovampos  et  d'autres  tribus  ;  leur  langage 
ressemble  à  celui  des  Ovampos.  Les  Hottentots  avaient  fait  récemment 
irruption  à  ti*avers  le  Cunéné,  attaqué  le  village  palissade  des  Chibi- 
quas, en  sorte  que  ceux-ci  s'étaient  dispersés  dans  les  villages  voisins  du 
fort  portugais  de  Gambos.  Lord  Mayo  en  rencontra  une  troupe  nom- 
breuse à  la  chasse  ;  ils  étaient  munis  de  curieux  instruments  en  fer,  à 
tête  en  forme  de  lance,  avec  lesquels  ils  frappent  l'éléphant,  auquel  ils 
coupent  les  muscles  au-dessus  des  pieds  de  derrière  ;  après  l'avoir  ainsi 
mis  dans  l'impossibilité  de  fmr,  ils  le  tuent  avec  leurs  assagaies.  Ds 
n'ont  point  d'armes  à  feu  et  sont  de  purs  sauvages.  Sur  la  route  de 
Humbé,  on  rencontre  des  plantations  considérables  de  bananiers  et 
d'orangers,  et  beaucoup  de  baobabs.  Quant  au  Cunéné,  où  les  voyageurs 
allaient  chasser  l'hippopotame,  ils  l'ont  trouvé  beaucoup  plus  petit  qu'ils 
ne  s'y  attendaient,  et  point  navigable  à  l'endroit  oU  ils  l'atteignirent, 
près  de  Humbé.  A  son  embouchure  il  y  a  une  barre  ;  à  une  centaine  de 
kilomètres  en  amont,  des  rapides,  et,  à  l'endroit  oîi  le  fleuve  franchit  la 
Serra  de  Chella,  une  cataracte.  Les  Boers  prétendent  que  les  hippopo- 
tames y  abondent,  et  que  les  éléphants  soDt  nombreux  dans  les  monta- 
gnes le  long  de  ses  rives.  Lord  Mayo  et  Johnston  remontrent  la  vallée 
jusqu'au  village  d'Ekamba,  dont  les  femmes  donnent  à  leur  chevelure 
l'apparence  d'un  énorme  papillon  de  chaque  côté  de  la  tête.  La  saison 
des  pluies  venues,  ils  résolurent  de  revenir  à  la  côte,  mais  un  accès  de 
fièvre  et  de  rhumatisme  retint  lord  Mayo  à  Humbé,  où  les  missionnaires 
romains  le  soignèrent  avec  beaucoup  de  dévouement.  Au  retour  il  passa 
par  la  route  que  le  gouvernement  portugais  a  fait  construire  pour  fad- 


-  241  — 

liter  les  voyages  des  Boei*s  avec  leurs  wagons  lorsqu'ils  se  rendent  à  la 
côte,  mais  il  put  constater  d'autre  part  combien  sont  élevés  les  droits 
dont  sont  frappées  les  marchandises  importées  dans  la  province  de 
Mossamédës. 

Invité  par  Stanley  à  aller  le  rejoindre  sur  le  Conn^,  M.  II.-II. 
Johnston  y  a  fait  des  études  très  intéressantes  sur  la  flore  et  la  faune 
des  trois  régions  :  de  la  côte  à  la  première  cataracte,  de  Yellala  à  Stan- 
ley-Pool,  et  de  ce  point  à  Bolobo,  limite  de  son  champ  d'exploration. 
Revenu  en  Europe,  il  a  rapporté  que  Stanley  se  préparait,  le  !•'  mai, 
h  partir  de  Léopoldville  avec  une  flottille  de  trois  vapeurs  et  de  beaucoup 
de  canots  indigènes,  pour  un  voyage  en  amont  du  fleuve  jusqu'aux  chu- 
tes de  Stanley,  à  1600  kilom.  de  distance.  Il  dit  aussi  que  Stanley  a  fait 
alliance  avec  plusieurs  des  chefs  qui  possèdent  la  rive  septentrionale  du 
Congo,  à  une  très  grande  distance  au  delà  de  Stanley-Pool,  et  qu'il  a 
signé  des  traités  pour  faire  échec  à  de  Brazza,  quoique  la  commission  de 
l'Association  internationale  de  Bruxelles  lui  ait  intimé  l'ordre  de  conser- 
ver des  relations  amicales  avec  l'expédition  française  et  de  reconnaître 
les  droits  acquis  par  la  France  sur  le  Congo.  Parmi  les  nouveaux  agents 
du  Comité  d'études  envoyés  à  Stanley,  M.  Johnston  mentionne 
M.  Roger,  autrefois  agent  de  l'Association  internationale  dans  une  des 
expéditions  de  Zanzibar  au  Tanganyika,  et  qui  est  arrivé,  au  Congo  avec 
deux  baleinières,  pour  tenir  ouvertes  les  communications  par  le  fleuve 
entre  Isanghila  et  Manyanga.  D'autre  part,  deux  géographes  anglais. 
Sir  Frédéric  Goldsmith  et  M.  E.  Delmar  Morgan,  ont  été  chargés  d'une 
mission  spéciale  au  Congo,  d'oii  est  revenu  l!d.  Braconnier. —  En  outre, 
la  Pall  Mail  Gazette  annonce  que  M.  Verey,  ingénieur,  a  été  chargé 
par  le  Comité  d'études  de  conduire  à  Stanley  un  steamer,  sur  lequel  il 
l'accompagnera  le  printemps  prochain  dans  un  long  voyage,  pour  explo- 
rer des  régions  inconnues  jusqu'ici. 

D'après  une  communication  du  D^  Schweinfurth,  le  D' Emile  Riebeck 
prépare  une  expédition  pour  l'exploration  des  pays  voisins  du  Nin^er, 
du  Bénoaé  et  du  lac  Tcliad.  Elle  sera  confiée  .à  M.  G.  Adolphe 
Kraase  qui,  par  un  long  séjour  dans  le  nord  de  l'Afrique,  a  acquis  une 
connaissance  parfaite  des  difficultés  que  présentent  ces  entreprises,  et 
des  langues  de  l'Afrique  centrale  entre  le  Chari  et  le  Haut-Sénégal, 
entre  autres  du  foui  et  du  kanouri.  M.  Krause  se  propose  de  remonter 
le  Niger,  depuis  son  embouchure  jusqu'à  600  ou  800  kilom.;  après  quoi 
il  s'établira  dans  un  endroit  convenable  qui  lui  permette  de  profiter 
des  occasions  favorables  pour  de  futures  excursions  à  l'intérieur.  Il 


—  242  — 

pense  choisir,  pour  son  premier  quartier  général,  Kipo-Hill,  station  mis- 
sionnaire près  d'Egga,  ou  Chonga,  près  de  Rabba,  et  étudiera  d'abord 
la  langue  et  l'ethnographie  des  Fellatas  et  des  Haoussas-Mousouks. 

Deux  missionnaires  des  stations  du  Vieux  CaJabar,  MM.  Beedie 
et  Edi^erley,  ont  fait  récemment  un  voyage  en  amont  de  Creek-Town, 
pour  visiter,  le  long  du  fleuve,  la  grande  peuplade  des  Atams,  la  prin- 
cipale tribu  des  Akounakounas,  et  chercher  un  endroit  favorable  à  un 
établissement  au  milieu  d'eux.  Accompagnés  d'un  homme  d'Atam  qui 
avait  été  fait  esclave  dans  sa  jeunesse,  vingt  ans  auparavant,  ils  parvin- 
rent d'abord  à  Umon,  gouvernée  par  deux  chefs,  l'un  civil,  l'autre  reli- 
gieux, puis  à  Dcotana,  dont  le  chef  leur  fit  un  accueil  cordial  et  se  mon- 
tra disposé  à  recevoir  un  Européen  dans  sa  ville.  De  là  ils  visitèrent 
Biakpan,  ville  industrieuse  et  entourée  d'avenues  proprement  tenues,  où 
jusqu'ici  aucun  Européen  n'avait  pénétré.  Us  y  trouvèrent  des  Inokons, 
indigènes  qui  voyagent  d'un  lieu  à  un  autre,  et  sont  les  principaux  trafi- 
quants des  marchandises  d'Europe,  qu'ils  vont  chercher  aux  marchés  de 
la  côte,  oii  ils  conduisent  des  esclaves  comme  objets  d'échange.  Le  chef 
de  Biakpan  demanda  un  instituteur  aux  missionnaires,  et  leur  promit 
d'envoyer  ses  fils  au  Vieux  Calabar  pour  leur  éducation.  MM.  Beedie  et 
Edgerley  durent  redescendre  à  Creek-Town,  où  le  dernier  ne  tarda  pas 
à  succomber  à  un  accès  de  fièvre. 

Le  rapport  de  M.  Barham,  ingénieur  du  syndicat  de  la  Wassaiv 
Liii^ht  Raili^ay  Company,  recommandant  le  tracé  d'Aium  A 
Tacquah,  expose  que  la  construction  de  cette  ligne  pouiTa  se  faire 
sans  difficulté.  Il  y  a  abondance  de  bois  pour  toute  espèce  de  tra- 
vaux ;  partout  le  terrain  est  bon  ;  l'eau  est  suffisante  dans  la  saison 
sèche  et  abondante  dans  la  saison  pluvieuse  ;  la  main-d'œuvre  n'est  pas 
coûteuse  ;  on  peut  trouver  facilement  à  la  côte  les  charpentiers  et  les 
forgerons  nécessaires .  Si,  au  début,  les  denrées  alimentaires  doivent 
être  importées,  bientôt  l'impulsion  donnée  à  la  culture  par  l'ouverture 
du  pays  fournira  céréales  et  légumes  en  quantité  suffisante,  le  sol  con- 
sistant en  dépôts  d'alluvion  très  riches.  Une  députation  sera  chargée  de 
demander  au  ministre  des  colonies,  lord  Derby,  d'insister  auprès  du 
gouvernement  de  la  Côte  d'Or,  pour  qu'U  accorde  à  la  compagnie  sus- 
mentionnée son  appui  moral  et  une  garantie  d'intérêts  de  4  Vo)  comme  le 
fait  généralement  le  gouvernement  des  Indes  pour  les  chemins  de  fer  de 
cet  empire. . 

Le  gouverneur  de  Sierra  Liéone»  ayant  été  informé  qu'une  assemblée 
devait  avoir  lieu  dans  le  district  de  Sherbro^  où  des  personnes  accusées  de 


—  243  — 

sorcellerie  seraient  brûlée/S,  écrivit  aux  chefs  pour  leur  signaler  la 
folie  de  tels  procédés  et  leur  ordonner  d'y  mettre  fin.  En  réponse,  il 
reçut  une  lettre  signée  par  tous  les  chefe  déclarant  qu'avant  la  réception 
de  son  message,  on  avait  déjà  brûlé  34  personnes  qui  avaient  avoué 
avoir  pratiqué  la  sorcellerie,  mais,  qu'à  la  lecture  de  sa  lettre,  on  avait 
libéré  le  reste  des  captives  qui,  sans  cela,  eussent  aussi  été  sacrifiées. 
Les  chefs  ont  promis  de  s'abstenir  de  semblables  pratiques  à  l'avenir. 

Le  refus  du  roi  de  Nioro  de  laisser  le  D'  Bayol  et  son  compagnon,  le 
lieutenant  Quinquandon,  entrer  dans  le  Eaarta,  a  engagé  ces  explo- 
rateurs à  visiter  la  région  à  l'est  de  ce  dernier  pays.  Ils  ont  pu  parcourir 
un  territoire  inexploré  jusqu'ici,  entre  le  Niger  et  la  route  suivie  par  le 
D'Lenz,  dans  son  voyage  de  Tombouctou  au  Sénégal,  relever  360  kilom. 
de  pays  nouveaux,  et  recueillir  quantité  de  renseignements  sur  la  topo- 
graphie et  la  population  de  plusieurs  districts  placés  dès  maintenant 
sous  le  protectorat  de  la  France,  en  vertu  de  traités  conclus  par  le 
D' Bayol  avec  les  chefs  indigènes.  Le  point  extrême  de  cette  exploration 
a  été  Donabougou  à  l'est  de  Mourdia  '.  Cette  dernière  localité,  une  des 
plus  importantes  du  pays,  a  un  marché  considérable.  Des  caravanes  y 
arrivent  chargées  de  plaques  de  sel  qu'elles  échangent  contre  de  l'or, 
des  captifis,  et  surtout  du  mil,  qui  fait  défaut  dans  le  pays.  De  Segala 
à  Sokolo,  il  n'y  a  que  deux  journées  de  marche,  et,  de  ce  dernier  point, 
on  peut  atteindre  Tombouctou  en  quatre  jours.  Mais  la  route  de  cette 
dernière  ville  a  été  fermée  avec  obstination  aux  voyageui*s.  Le  pays  des 
Bambaras  les  a  vivement  intéressés  ;  quant  aux  plaines  des  environs  de 
Mourdia,  elles  sont  composées  d'un  sol  sablonneux,  couvert  seulement 
de  maigres  arbustes,  et  qui  semble  indiquer  l'approche  de  la  région 
saharienne.  Revenus  à  Bafoulabé,  le  D'  Bayol  et  son  compagnon  ne 
tarderont  sans  doute  pas  à  donner  un  rapport  complet  sur  leur  explora- 
tion. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

Le  gouvernement  français  a  déposé  sur  le  bureau  de  la  Chambre  un  projet  de 
loi  déclarant  d'utilité  publique  la  ligne  de  Bougie  à  Beni-Mansour,  et  un  projet  de 
convention  à  passer  avec  la  Compagnie  de  PEst  algérien  pour  l'exécution  de  la 
ligne  de  Sétif  à  Bougie. 

Jusqu'à  présent  la  province  de  Tripoli  était  privée  de  lignes  télégraphiques; 
l'administration  turque  est  sur  le  point  d'en  faire  poser  trois  :  l'une,  de  Tripoli  à 

»  Voir  la  Carte,  p.  200. 


—  244  —  • 

Benghazi,  une  seconde,  de  Tripoli  à  laïrontièreS.-E.  de  la  Tunisie,  et  la  troisième, 
de  Tripoli  à  Ghadamès  ;  celle-ci  toutefois  ne  sera  posée  qu'après  les  deux  autres. 

L'entomologiste  italien  Dabbene,  qui  explorait  la  région  du  Haut-Nil,  a  rapporté 
à  Khartoum  de  riches  collections. 

Aux  dernières  nouvelles  de  Lado,  le  capitaine  Casati  se  trouvait  dans  cette  ville, 
préparant  une  nouvelle  expédition  ;  il  comptait  cette  fois  se  rendre  dans  le  pays 
des  Gallas. 

D'après  une  lettre  de  Massaoua,  du  12  juin,  le  D"  Stecker,  arrivé  à  Adoua^  allait 
redescendre  à  la  côte. 

Une  dépêche  du  Caire,  publiée  par  le  Standard,  annonce  que  l'envoyé  égyptien 
Nalb-Mohammed  est  revenu  de  sa  mission  en  Abyssinie.  Le  roi  Jean,  satisfait  de 
l'occupation  de  l'Egypte  par  les  Anglais,  parait  disposé  à  renouer  ses  relations 
avec  le  khédive.  Il  était  en  guerre  avec  Ménélik,  mais  les  hostilités  étaient  sus- 
pendues pendant  la  saison  des  pluies. 

Les  Bédouins  des  environs  de  Souakim  se  sont  joints  au  parti  du  mahdi,  et  ont 
causé  dans  la  ville  des  désordres,  pour  la  répression  desquels  le  gouvernement  du 
khédive  a  dû  envoyer  des  troupes  du  Caire.  Les  Abyssiniens  menacent  aussi  de 
faire  irruption  dans  le  pays. 

Le  baron  MuUer  organise,  pour  le  compte  de  la  Société  coloniale  allemande,  une 
expédition  dans  la  région  de  la  Dana. 

Le  Hen/ry  Wright^  destiné  aux  stations  de  la  Société  des  missions  anglicanes,  sur 
la  côte  orientale  d'Afrique,  a  rencontré  dans  l'Océan  Indien  une  mousson  si  forte, 
qu'il  n'a  pu  pousser  jusqu'à  Zanzibar;  il  a  dû  revenir  à  Aden  pour  quelques 
semaines.  * 

Sir  John  Kirk,  consul-général  anglais  à  Zanzibar,  est  retourné  à  son  poste.  — 
Trois  vice-consuls  anglais  ont  été  nommés  pour  les  villes  de  Lamou,  Mombas  et 
Quiloa. 

Une  chaloupe  à  vapeur  sera  mise  à  la  disposition  du  missionnaire  Farler  pour 
son  œuvre  dans  l'Ousambara. 

La  mort  de  Mtésa  paraît  définitivement  confirmée.  D'après  VAfriean  Times^ 
l'attention  des  Égyptiens  étant  forcément  détournée  des  régions  équatoriales,  le 
peuple  de  l'Ouganda  pourra  régler  la  question  de  la  succession  sans  l'intervention 
d'aucune  puissance  étrangère. 

Le  gouvernement  portugais  a  fait  avec  la  c  Castle  Mail  Packets  Company  »  une 
convention  par  laquelle  cette  compagnie  s'est  engagée  à  établir  une  communication 
régulière  entre  Lisbonne  et  Mozambique.  Les  navires  à  vapeur  toucheront  au 
Congo,  où  le  nombre  des  émigrants  portugais  augmente  de  jour  en  jour,  au  Cap, 
à  Lorenzo  Marquez,  à  Inhambané  et  à  Mozambique. 

Une  ligne  télégraphique  va  être  établie  entre  Quilimane  et  Tété. 

D'après  le  Diario  de  Noticias,  la  maison  Amourous  de  Paris  va  établir  un 
chemin  de  fer,  système  Decauville,  le  long  de  la  baie  de  Conducia,  dans  le  voisi- 
nage de  Mozambique,  pour  faciliter  l'exportation  du  sel  que  l'on  y  exploite. 

Le  gouvernement  du  Transvaal  ayant  décidé  d'envoyer  en  Angleterre  des  com- 


—  245  — 

missaires  pour  traiter  la  question  de  la  Convention,  la  mission  dont  avait  été 
chargé  lord  Reay  est  ajournée.  —  Le  gouvernement  anglais  protestera,  nous  n'eii 
doutons  pas,  contre  la  résolution  du  Volksraad  de  dissoudre  les  deux  tribus  de 
Mapoch  et  de  Mampoer,  qui  ont  fait  leur  soumission,  et  d'en  répartir  les  indigènes, 
pour  la  durée  de  cinq  ans,  entre  les  fei-miers  boers  en  qualité  d'  «  indented  ser- 
vants »  ce  qui  constitue  une  sorte  d'esclavage  temporaire. 

La  nouvelle  de  la  mort  de  Cettiwayo  ne  s'est  pas  confirmée.  Quoique  blessé,  il  a 
pu  s'échapper;  ses  partisans  se  sont  ralliés  et  ont  livré  une  nouvelle  bataille  k 
l'armée  d'Usibepu,  qu'ils  ont  mise  en  déroute. 

L'ancien  missionnaire  Robert  Moffat,  beau-père  de  Livingstone,  rentré  en 
Angleterre  depuis  1870,  après  avoir  travaillé  50  ans  chez  les  Betchouanas,  est  mort 
le  10  août  à  Leigh,  près  de  Tunbridge,  dans  1^  Kent,  à  l'Âge  de  87  ans  et  demi. 

Les  Boers  de  l'ouest  du  Transvaal,  qui,  après  avoir  été  appelés  par  les  deux 
chefs  indigènes  en  lutte,  Mankoroanee  et  Montsida,  se  sont  partagé  leurs  terri- 
toires, dont  ils  s'étaient  emparés,  et  se  sont,  d'un  commun  accord,  constitués  en 
république  indépendante,  sous  le  nom  de  Stellaland. 

MM.  les  D'"  Bachmann  et  Wilms  sont  heureusement  arrivés  à  Capetown,  d'où 
ils  ont  déjà  commencé  à  envoyer  à  V Exporta  le  journal  de  la  Société  de  géogra- 
phie commerciale  allemande,  des  rapports  intéressants  sur  la  botanique  et  la  zoo- 

« 

logie  des  environs  de  cette  ville. 

Pour  prévenir  le  retour  de  la  sécheresse  et  de  la  disette,  dont  les  habitants  du 
Namaqualand  ont  eu  à  souffrir  récemment,  le  D'  Théophile  Hahn  propose  de 
restaurer  les  travaux  d'irrigation  commencés  il  y  a  longtemps  à  Ëbenezer  par  la 
mission  rhénane.  Quand  son  père  quitta  cette  station  en  1847,  le  pays,  arrosé 
artificiellement  par  l'eau  de  l'Olifant-River,  produisait  d'abondantes  récoltes,  la 
population  était  riche  en  bétail  et  fournissait  des  milliers  de  moutons  à  Capetown. 
Le  capitaine  Balfour,  ingénieur,  a  dressé  le  plan  d'un  barrage  qui  répondra  au 
vœu  du  D'^  Hahn,  et  rendra  la  prospérité  aux  districts  de  Clanwilliam  et  de  Harde- 
veldt,  ainsi  qu'à  celui  des  mines  de  cuivre  de  cette  région. 

Une  maison  de  commerce  de  Capetown  qui  a  des  intérêts  considérables  dans  le 
Damaraland,  se  propose  d'y  envoyer  une  expédition  pour  explorer  le  pays. 

Le  D' Hopfemer,  qui  a  traversé  tout  le  territoire  de  Mossamédès  au  Damara- 
land, est  en  route  pour  revenir  à  Hambourg,  où  il  compte  fonder  une  société  en 
vue  d'un  établissement  dans  cette  région. 

Les  missionnaires  américains  établis  à  Baïlounda  se  proposaient  d'explorer  le 
pays  dans  la  direction  de  Dondo,  mais  les  porteurs  qu'ils  avaient  engagés  leur  ont 
fait  défaut,  le  roi  Kouikoui  ayant  interdit  à  ses  gens  d'accompagner  les  mission- 
naires, qu'il  trouvait  trop  peu  favorables  à  ses  guerres. 

L'exploitation  du  caoutchouc  dans  les  possessions  portugaises  de  la  Guinée 
inférieure  semble  prendre  une  certaine  extension.  Deux  chargements  considérables 
de  ce  produit  sont  arrivés  récemment  de  Mossamédès  à  Loanda  pour  être  réexpé- 
diés en  Angleterre.  On  a  aussi  constaté  l'existence  de  sources  importantes  de 
pétrole,  dans  les  territoires  de  Libongo  et  de  Canhembé  qui  sont  d'un  accès  facile. 


—  246  — 

Le  bateau  à  vapeur  le  Peace,  démonté  en  800  pièces,  est  arrivé  à  Pembouchure 
du  Congo,  sous  la  direction  de  MM.  Grenfell  et  Doke,  chargés  de  le  faire  trans- 
porter de  Underhill,  la  première  station  des  missions  baptistes,  à  Stanley-Pool. 
Malheureusement  M.  Doke  a  été  enlevé  par  la  fièvre  quelques  semaines  après  son 
arrivée  au  Congo.  —  M.  Hartland,  un  des  premiers  compagnons  d'œuvre  de 
M.  Comber,  est  mort  à  la  station  de  Baynesville. 

Afin  de  favoriser  les  cultures  locales  en  les  protégeant  contre  la  concurrence 
étrangère,  le  gouvernement  français  a  autorisé  le  commandant  supérieur  du  Grabon 
à  augmenter  les  droits  perçus  à  l'entrée  sur  les  produits  similaires  de  la  colonie. 

Le  schooner  qui  portait  l'expédition  Rogozinsky  a  fait  naufrage  dans  la  baie 
d'Amboise,  au  fond  du  golfe  de  Guinée.  L'équipage  a  été  sauvé.  Plus  tard,  cepen- 
dant, un  Allemand,  docteur  de  l'expédition,  s'est  noyé,  en  se  rendant  à  Victoria 
avec  ses  collègues,  pour  faire  l'ascension  du  mont  Cameroon.  Beaucoup  d'instru- 
ments scientifiques  ont  été  perdus. 

On  vient  de  construire  en  Angleterre  un  vapeur  en  acier,  pour  continuer  l'explo- 
ration du  Niger  en  amont  de  Rabba,  et  celle  du  cours  supérieur  du  dénoué;  d'un 
faible  tirant  d'eau,  il  pourra  passer  dans  le  Mayo  Kebbi,  et,  par  les  marais  de 
Toubouri  et  le  Logone,  jusqu'au  lac  Tchad. 

Les  marchands  de  Porto-Novo  ayant  refusé  de  payer  les  impôts  que  le  roi  veut 
prélever  siu*  eux,  celui-ci  a  interdit  à  ses  gens  de  faire  aucun  commerce  avec  les 
Européens. 

Le  capitaine  Barrow  et  les  autres  commissaires  du  gouvernement  de  la  Côte  d'Or 
sont  revenus  de  Coumassie.  Ils  ont  réussi  à  prévenir  une  guerre  entre  les  deux 
anciens  souverains,  Koifee  et  Mensah.  Une  grande  partie  des  Achantis  désirent  la 
restauration  du  roi  Koifee. 

Le  gouvernement  britannique  a  accepté  la  cession  du  territoire  de  Kittim,  con- 
sentie par  la  reine  Massah,  sur  la  côte  voisine  de  Sherbro. 

Des  troubles  ont  éclaté  dans  le  district  du  cours  supérieur  des  Scarcies»  oik  les 
tribus  luttent  entre  elles  à  main  armée.  Le  gouvernement  de  Sierra  Leone,  ne  se 
sentant  pas  assez  fort  pour  garantir  la  sécurité  des  intérêts  des  négociants  anglais 
dans  ces  parages,  a  publié  une  proclamation  dans  laquelle  il  décline  toute  respon- 
sabilité à  cet  égard.  Il  réclame  avec  insistance  la  nomination  d'un  agent  spécial, 
ayant  le  pouvoir  de  signer,  au  nom  du  gouvernement,  des  traités  avec  les  chefs  indi- 
gènes, pour  aider  à  la  pacification  du  pays. 

M.  Trouillet  qui  se  prépare  à  explorer  le  Fouta-Djalion,  a  envoyé  à  la  Société 
de  géographie  de  Paris  des  renseignements  sur  le  poste  portugais  de  Bouba,  situé 
au  bord  du  Rio-Grande,  fleuve  magnifique  et  couvert  de  la  plus  belle  végétation. 
Il  n'existe  pas  encore  d'ouvrages  dans  la  langue  du  Fouta-Djallon  ;  M.  Trouillet 
l'étudié,  pour  la  mettre  par  écrit,  et  il  a  commencé  un  dictionnaire  fouta-4jallonnais. 

Le  chemin  de  Dakar  à  Rufisque  a  été  inauguré  à  la  fin  de  juillet. 

Deux  nouveaux  missionnaires  protestants  seront  prochainement  envoyés  à  Saint- 
Louis  pour  aider  à  M.  Taylor,  qui  désire  s'avancer  vers  le  Haut-Sénégal  jusque 
chez  les  Bambaras. 


—  247  — 

Après  avoir  étudié  la  faane  profonde  de  la  côte  d'Afrique  jusqu'à  quelques 
lieues  de  Dakar^  l'expédition  du  Talisman  est  allée  relâcher  à  St- Vincent,  puis 
elle  s'est  dirigée  sur  l'île  Branco,  qu'aucun  naturaliste  n'avait  encore  explorée,  et 
oCl  elle  a  pu  observer  de  près  de  grands  lézards  qu'on  ne  trouve  nulle  part  ailleurs. 
Elle  devait  encore  se  rendre  à  la  mer  des  Sargasses  avant  de  rentrer  en  France! 

La  Poil  Mail  Gazette  annonce  que  Sir  J.  Drummond  Hay,  chargé  d'affaires 
d'Angleterre  au  Maroc,  a  reçu  de  lord  Granville  des  instructions  lui  enjoignant 
de  faire  à  l'empereur  des  représentations  pressantes,  relativement  à  l'esclavage  et 
aux  ventes  publiques  d'esclaves  constatées  dans  les  principales  villes  du  pays.  A 
Tanger,  le  journal  El  Mogràb  El  Aksa  annonce  les  prix  auxquels  sont  vendues 
les  différentes  classes  de  nègres  et  de  négresses. 

Le  rabbin  Mardochée,  connu  par  ses  voyages  à  Tombouctou,  est  reparti  pour 
une  nouvelle  exploration  au  Maroc,  en  compagnie  d'un  officier  français,  M.  Charles 
Faucanet. 

Une  compagnie  française  a  soumis  au  gouvernement  espagnol  un  projet  pour  la 
construction  d'un  tunnel  sous-marin  par  le  détroit  de  Gibraltar. 

Le  comte  d'Arpoare,  agronome  du  gouvernement  portugais  pour  les  possessions 
de  la  Guinée  supérieure,  est  décédé  sur  le  vapeur  qui  le  ramenait  à  Lisbonne. 


EXPÉDITIONS  DU  COLONEL  BORGNIS-DESBORDES 

DU  SÉNÉGAL  AU  NIGER  ' 

Le  colonel  Borgnis-Desbordes  vient  de  terminer  sa  troisième  campa- 
gne dans  le  Soudan  occidental.  H  peut  être  intéressant  de  jeter  un  coup 
d'œil  sur  Tensemble  de  l'œuvre  qu'il  a  accomplie  de  1880  à  1883. 

En  1879,  des  ofGiciers  avaient  remonté  le  Sénégal  jusqu'à  Bafoulabé, 
et  dressé  une  carte  des  régions  travei'sées,  mais  ils  n'avaient  guère 
dépassé  ce  point.  La  contrée  qui  s'étend  entre  Bafoulabé  et  Bamakou 
était  à  peu  près  inconnue. 

Au  commencement  de  1880,  le  capitaine  Gallieni  fut  chargé  d'explo- 
rer la  vallée  du  Bakhoy  et  d'atteindi-e  le  Niger,  en  étudiant  la  route  la 
plus  facile  pour  mettre  en  communication  le  Haut-Sénégal  avec  le  Haut- 
Niger.  Il  devait  en  outre  passer  des  traités  avec  tous  les  chefis  indigènes 
qu'il  rencontrerait  sur  son  chemin,  et  surtout  avec  Ahmadou,  roi  de 
Ségou.  On  sait  que  la  mission  Gallieni  fut  attaquée  et  pillée  par  les 
Bambaras  du  Bélédougou  ;  elle  réussit,  cependant,  en  dépit  de  grands 
obstacles,  à  remplir  en  partie  le  programme  qui  lui  avait  été  tracé. 

A  la  fin  de  1880,  le  colonel  Desbordes  entreprit  sa  première  campa- 

*  V.  la  carte,  p.  200. 


—  248  — 

gne.  Il  construisit  un  fortiu  à  Bafoulabé  et  posa  la  première  pierre  du 
fort  de  Kita.  Le  village  fortifié  de  Goubanko,  qui  voyait  de  mauvais  œil 
l'arrivée  des  blancs,  et  dont  la  population  turbulente  inquiétait  sans- 
cesse  les  caravanes  de  Ihulas  qui  traversaient  le  pays  de  Kita,  fut  pris 
d'assaut  et  détruit. 

La  campagne  de  1881-1882  fut  employée  à  la  construction  du  fort  de 
Bafoulabé,  ainsi  qu'à  celle  du  foitin  de  Badombé  et  du  fort  de  Kita.  La 
fièvre  jaune  qui  sévissait  au  Sénégal  rendit  cette  campagne  difficile,  et  ne 
permit  pas  au  colonel  d'aller  s'établir  sur  le  Niger,  comme  il  en  avait 
eu  l'intention.  Pour  se  rendre  à  Kita,  il  suivit  le  Sénégal  et  le  Bakhoy 
jusqu'à  Badombé,  puis  il  se  dirigea  vers  le  Gangaran,  au  sud,  et  gagna 
Kita  par  le  gué  de  Noja,  pour  imposer  respect  aux  gens  du  Gangaran, 
qui  montraient  peu  de  sympathie  pour  les  Français. 

Un  ennemi  déclaré  des  Français,  Samory,  faisait  beaucoup  parler  de 
lui  sur  le  Niger.  Samory  est  un  Malinké  qui  se  donne  pour  un  envoyé 
du  prophète.  Musulman  fanatique,  il  est  énergique,  intelligent,  ambi- 
tieux surtout.  Captif  évadé,  il  vécut  quelques  années  chez  le  chef  du 
Bissadougou,  oii  il  sut  se  former  un  parti  et  s'empara  du  pouvoir.  Dès 
lors,  il  ne  songea  plus  qu'à  conquérir  tous  les  pays  qui  l'entouraient. 
Son  influence  s'étend  aujourd'hui  sur  le  Bouré  et  sur  une  partie  du 
Manding,  c'est-à-dire  jusqu'à  la  vallée  du  Bakhoy. 

Il  assiégeait  la  ville  de  Kéniéra,  sur  la  rive  droite  du  Niger.  Des 
envoyés  de  cette  ville  étaient  venus  demander  du  secours  au  fort  de 
Kita.  Un  officier  indigène  envoyé  auprès  de  Samory  par  le  commandant 
de  Kita  fiit  retenu  prisonnier,  mais  réussit  à  s'échapper. 

Le  colonel  résolut  de  pousser  une  pointe  jusqu'à  Kéniéra.  Avec  une 
poignée  d'hommes,  il  gagna  le  Niger  par  Mourgoula,  Niagassola  et 
Nafadié,  passa  sur  la  rive  droite,  et  marcha  sur  Kéniéra.  Lorsqu'il  y 
arriva,  les  habitants  épuisés  par  la  famine,  venaient  de  se  rendre.  Le 
colonel  en  chassa  Samory  ;  mais  ses  troupes  étant  trop  peu  nombreuses 
et  trop  fatiguées  pour  qu'il  pût  songer  à  le  poursuivre,  il  revint  à  Kita. 

L'objectif  de  la  troisième  campagne,  entreprise  au  mois  d'octo- 
bre 1882,  était  la  construction  d'un  fort  à  Bamakou  sur  le  Niger.  La 
colonne  expéditionnaire,  comprenant  environ  550  soldats,  de  nombreux 
muletiers,  etc.,  300  mulets  ou  chevaux,  partit  de  Khayes,  le  20  novem- 
bre. Pendant  son  court  séjour  dans  cet  endroit  malsain,  elle  avait  été 
très  éprouvée  par  les  fièvres  paludéennes.  Dès  le  début  de  la  campagne, 
presque  tous  les  chevaux  arabes  moururent,  et  l'on  eut  beaucoup  de 
peine  à  les  remplacer  par  des  chevaux  du  pays,  car  ceux-ci  sont'  rares. 


—  249  — 

Le  19  décembre,  la  colonne  arrivait  au  fort  de  Kita.  Le  colond  repar- 
tit immédiatement  pour  Mourgoula,  forteresse  toucouleur  dans  le 
Birgo  ;  les  habitants  étaient  Malinkés,  mais  la  yille  se  trouvait  sous  la 
domination  d'Ahmadou  ;  un  almamy,  choisi  par  ce  dernier,  la  gouver- 
nait en  son  nom.  En  dépit  de  la  bienveillance  que  lui  avaient  témoi- 
gnée les  Français,  cet  abnamy  faisait  tout  ce  qu'il  pouvait  pour  leur 
nuire.  Le  colonel  lui  donna  une  heure  pour  quitter  la  ville,  en  empor- 
tant tout  ce  qui  lui  appartenait.  L'almamy  comprit  que  toute  résistance 
était  inutile  ;  il  se  soumit,  fiit  très  bien  traité  et  se  rendit  avec  son 
ministre,  Suleyman,  àNioro(Kaarta),auprësdeMontaga,  frèred'Ahma- 
dou.  Suleyman  est,  paraît-il,  un  homme  fort  intelligent,  mais  faux  et 
méchant.  C'est  sur  ses  conseils  que  Talmamy  aurait  adopté  une  politi- 
que hostile  à  la  France. 

Peu  après  les  Toucouleurs  qui  résidaient  à  Mourgoula  quittèi'ent  cette 
ville  ;  les  MahDkés  eux-mêmes  manifestèrent  le  désir  d'aller  s'établh* 
ailleurs.  La  ville  fut  détruite. 

La  colonne  expéditionnaire  se  remit  en  route  le  7  janvier  pour 
Bamakou.  L'intention  première  du  colonel  Desbordes  était  de  suivre  la 
route  de  Niagassola  et  Kafadié,  et  de  redescendre  ensuite  le  Niger  en 
infligeant  une  leçon  à  Samory,  si  celui-ci  tentait,  ce  qui  était  probable, 
de  s'opposer  à  son  passage.  Mais  ses  troupes,  —  les  soldats  européens 
du  moins,  —  ayant  déjà  beaucoup  souffert  des  effets  du  climat,  il  se 
décida  à  prendre  le  chemin  le  plus  court  à  travers  le  Fouladougou  et 
le  Bélédougou.  D'après  les  renseignements  qui  lui  avaient  été  fournis,  il 
croyait  pouvoir  arriver  au  Niger,  par  cette  route,  sans  th'er  un  coup  de 
fusil. 

Mais  on  apprit  en  approchant  du  Baoulé,  que  les  habitants  de  quel- 
ques villages  du  Bélédougou,  en  particulier  ceux  de  Daba,  la  capitale, 
se  préparaient  à  s'opposer  par  la  force  au  passage  de  la  colonne.  Ces 
gens  avaient  pris  part  au  pillage  de  la  mission  Gallieni  et  craignaient 
des  représailles. 

Le  colonel  marcha  droit  sur  Daba,  situé  un  peu  au  N.  de  la  route 
suivie  par  Gallieni,  et  s'en  empara  après  un  vif  combat.  Ce  village,  très 
bien  fortifié,  était  défendu  par  un  tata  (muraille  en  tei^e  argileuse)  de 
l'"20  d'épaisseur  à  la  base.  Les  cases  diffèrent  de  celles  à  toit  de 
chaume  que  l'on  rencontre  ordinairement  en  Afrique  ;  elles  sont  cons- 
truites en  argile  ;  le  toit  plat  est  soutenu  par  de  fortes  pièces  de  calice- 
drat  (acajou  du  Sénégal.) 

Les  Béléris  (Bambaras  du  Bélédougou)  croyaient  Daba  imprenable. 


—  250  — 

Ce  rapide  succès  les  frappa  de  stupeur.  Ils  se  sont  très  vaiUammeût  bat- 
tus. Les  hommes  sont  en  général  grands,  vigoureux,  et  ont  l'air  un  peu 
farouche.  On  a  trouvé  dans  leurs  villages  des  instruments  de  mumque 
relativement  perfectionnés. 

Poursuivant  sa  route  vers  le  Niger,  le  colonel  Desbordes  passa  devant 
le  village  de  Dio,  près  duquel  avait  eu  lieu  Tattaque  de  la  mission  Gal« 
lieni.  Les  habitants  épouvantés  par  le  sort  de  Daba,  s'étaient  enftds 
dans  la  montagne.  Le  colonel  fit  rechercher  les  ehe&,  les  convoqua  au 
camp,  et  après  leur  avoir  expliqué  que  les  Français  venaient  en  amis, 
qu'ils  n'en  voulaient  ni  à  leur  vie  ni  à  leurs  biens,  mais  qu'ils  ne  laisse* 
raient  aucun  attentat  impuni,  etc.,  il  leur  rennt  le  village  tel. qu'ils 
l'avaient  laissé.  Cet  acte  de  clémence,  joint  à  l'acte  de  vigueur  de 
Daba,  fit  une  excellente  impression.  A  partir  de  ce  moment  le  Bélédou- 
gou  était  pacifié.  Des  courriers  et  des  convois  isolés  purent  le  traverser 
sans  crainte. 

Le  1"  février,  la  colonne  arrivait  à  Bamakou,  où  elle  fut  très  bien 
accueUlie  par  les  habitants.  Le  ô,  on  posait  la  première  pierre  du  fort, 
et  le  pavillon  français  était  salué  de  11  coups  de  canon. 

Tout  le  monde  mit  la  main  à  la  construction  du  fort.  Des  hommes  du 
village  furent  employés  au  transport  de  la  pierre  qu'il  fallut  aller  cher- 
cher à  un  kilomètre.  Ce  fortin,  composé  de  deux  pavillons  en  maçonne- 
rie et  d'un  tata,est  placé  à  300  mètres  au  S.-O.  du  village  de  Bamakou. 
Celui-ci  est  situé  dans  une  plaine  à  un  kilomètre  du  Niger,  et  à  peu  près 
à  la  même  distance  de  la  chatne  de  montagnes  (haute  de  200^  à  250"  au- 
dessus  de  la  plaine),  qui  sépare  le  bassin  du  Niger.de  celui  du  Sénégal 

L'altitude  de  Bamakou  est  d'environ  330  mètres.  La  largeur  du  Niger, 
en  cet  endroit  est  considérable.  A 10  kilomètres  en  aval,  et  à  8  kilomètres 
en  amont  se  trouvent  des  rapides. 

L'État  de  Bamakou^  habité  par  des  Bambaras,  alliés  de  ceux  du  Bêlé- 
dougou,  comprend  une  dizaine  de  villages  ;  le  plus  important  est  celui 
de  Bamakou  (8  à  900  hab.),  autrefois,  grand  marché,  mais  dont  le 
commerce  est  aujoui*d'hui  à  peu  près  nul. 

On  sent  cependant  que  les  gens  de  Bamakou  ont  subi  l'influence  des 
marchands  maures  qui  les  visitaient  jadis  en  grand  nombre  ;  ils  mi 
l'instinct  du  commerce.  Les  cauries  leur  servent  de  monnaie. 

Le  colonel  Desbordes  eut  beaucoup  de  peine  à  se  procurer  le  mil 
nécessaire  pour  les  chevaux  et  les  mulets.  H  fallut  aller  en  chercher  au 
loin,  dans  le  Bélédougou. 

A  30  kilomètres  au  sud  de  Bamakou,  une  armée  de  Samory  se  tenait 


—  351  - 

ea  observation.  Le  2  avril,  elle  s'avança  &  6  kilom.  du  camp  ;  le  colo- 
oel  la  repoussa  après  uu  vif  combat  qui  dura  1  V2  h.  Les  Français 
poursuivirent  les  troupes  de  Samory,  complètement  démoralisées,  jus* 
qu'à  une  centaine  de  kilom.  au  sud  de  Bamakou,  le  long  du  Niger,  brû- 
lant plusieurs  villages. 

Le  colonel  revint  ensuite,  avec  sa  colonne  à  Khayes  où  ils  s'embarqua 
au  commencement  de  juin.  Une  garnison  a  été  laissée  dans  le  fort  de 
Bamakou,  bien  approvisionnée  en  vivres  et  munitions;  elle  est  comman- 
dée par  le  capitaine  d'artillerie  Ruault. 

Pendant  cette  campagne,  la  ligne  télégraphique  qui  s'arrêtait  à  Kita, 
a  été  prolongée  jusqu'à  Bamakou  ;  elle  va  maintenant  de  Bamakou  à 
Bakel,  et  de  Saldé  à  Saint-Louis.  Elle  est  interrompue  entre  Bakel  et 
Saldé,  le  roi  du  Foutah,  Abdoul-Boubakar,  s'étant  énergiquement 
opposé  à  ce  qu'on  la  fasse  passer  dans  ses  États. 

Les  travaux  exécutés  par  la  brigade  topographique  sont  considéra- 
bles ;  ils  complètent  ceux  de  l'année  dernière  et  comprennent  une  partie 
du  Gangaran,  du  Fouladougou,  du  Bélédougou  jusqu'à  Bamakou,  et  le 
Birgo. 

La  construction  du  chemin  de  fer  de  Khayes  à  Bafoulabé  a  été  pous- 
sée avec  toute  l'activité  possible.  On  a  réussi  à  établir,  non  sans  peine, 
16  kilom.  de  voie.  Le  plus  grand  obstacle  est  provenu  de  l'insalubrité  du 
climat  de  Khayes.  Le  directeur  n'a  eu,  en  moyenne,  que  le  tiers  de  son 
personnel  valide  ;  600  ouvriers  marocains  sur  lesquels  on  comptait  beau- 
coup, n'ont  pas  répondu  à  cette  attente  ;  plusieurs  sont  morts,  presque 
tous  ont  été  malades. 

Le  D' Bayol  avait  été  chargé  par  le  colonel  Desbordes  d'une  mission 
à  Nioro,  auprès  de  Montaga,  chef  du  Kaarta-Kingui,  et  frère  d'Ahma- 
dou.  Retenu  à  Saint-Louis  par  des  circonstances  indépendantes  de  sa 
volonté,  il  n'arriva  à  Médine  qu'au  mois  de  décembre.  Une  première 
tentative  qu'il  fit  pour  pénétrer  dans  le  Kaarta  par  Koniakary  n'eut  pas 
de  succès.  Une  seconde,  faite  à  Bafoulabé,  vers  le  milieu  de  janvier 
ne  réussit  pas  davantage.  Il  parvint  jusqu'à  Touba  (70  kilom.  de  Bafou- 
labé), dans  le  Tamora,  où  il  fut  très  bien  reçu,  mais  où  il  apprit  que 
les  chefis  du  Kaarta  s'opposaient  formellement  à  ce  qu'il  allât  plus  loin. 
H  reprit  la  route  de  Bafoulabé- 

La  population  du  Kaarta  est  de  race  Bambara,  mais  placée  sous  la 
domination  des  Toucouleurs.  Il  sufGit  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  la  carte 
pour  voir  quelle  est  l'importance  stratégique  de  ce  pays  relativement  à 
la  ligne  de  ravitaillement  des  forts  français,  de  Médine  au  Baoulé.  En 


—  252  — 

outre  le  Kaarta  est  riche  en  bestiaux  et  en  chevaux.  U  serait  donc  k  sou- 
haiter  qu'on  entretînt  avec  lui  des  relations  amicales  ;  malheureusement 
il  semble  qu'il  en  doive  être  autrement.  H  est  probable  que  le  renvoi  de 
Talmamy  de  Mourgoula,  et  la  destruction  de  cette  ville  qui  en  a  été  la 
suite,  n'ont  pas  été  sans  avoir  un  grand  poids  sur  la  décision  qu'a  prise 
Montaga  (ou  plus  vraisemblablement  Ahmadou),  de  ne  permettre  à 
aucun  blanc  de  pénétrer  dans  le  Kaarta. 

Le  D'  Bayol  rapporta  de  sa  courte  expédition  à  Touba  d'intéressants 
échantillons  de  roches,  en  particulier,  un  échantillon  de  calcaire  cristal- 
lin, n  croit  ce  pays  riche  en  métaux.  Renonçant  à  tout  espoir  d'aller  à 
Nioro,  il  projeta  une  exploration  dans  le  Bambouk,  mais  le  colonel  Des- 
bordes l'appela  au  mois  d'avril  à  Bamakou,  pour  le  charger  d'une  mis- 
sion politique  dans  le  Bélédougou  septentrional. 

La  région  qui  s'étend  entre  Bafoulabé  et  Bamakou  est  à  peu  près 
déserte.  Elle  a  été,  comme  on  le  sait,  ravagée  par  le  père  d'Ahmadou, 
Al-Hadj-Omar.  Il  est  probable  que  les  indigènes,  Malinkés  ou  Peuhls,  en 
voyant  la  tranquillité  assurée  dans  toute  la  vallée  du  Bakhoy  par  la  pré- 
sence de  postes  français,  s'y  établiront  de  nouveau.  La  richesse  fores- 
tière de  cette  contrée  est  peu  considérable.  Dans  le  Fouladougou  et  le 
Bélédougou,  le  karité  (arbre  à  beurre)  se  rencontre  en  assez  grande 
abondance.  Tous  les  villages  cultivent  le  mil  et  les  arachides,  mais  strie- 
tement  ce  qui  est  nécessaire  pour  leur  subsistance.  Le  bétail  n'est 
pas  nombreux.  Le  Bélédougou  et  l'état  de  Bamakou  produisent  un  peu 
de  riz,  du  coton,  de  l'indigo,  mais  en  petite  quantité.  Les  gens  de 
Bamakou,  habiles  tisserands,  fabriquent  une  jolie  étoffe  de  coton. 

Les  montagnes  qui  forment  la  vallée  du  Sénégal,  de  Khayes  à  Bafou- 
labé, celle  du  Bakhoy,  et  celle  du  Niger  à  Bamakou,  sont  composées 
essentiellement  de  grès  à  stratification  en  général  horizontale.  Jusqu'à 
présent,  on  n'y  a  pas  découvert  de  fossiles.  Dans  quelques  endroits,  sur- 
tout dans  le  Bélédougou,  apparaissent,  au  milieu  des  grès,  des  roches 
d'aspect  granitique,  composées  de  hornblende,  de  quartz  et  de  feldspath. 
Le  minerai  de  fer  est  abondant,  les  indigènes  l'utilisent  pour  en  fabriquer 
des  couteaux  et  des  outils  grossiers.  On  n'y  trouve  pas  d'autres  métaux. 

La  France  et  l'Islam  se  trouvent  aujourd'hui  en  présence  sur  le 
Niger,  à  Bamakou.  D  est  peu  probable  qu'ils  réussissent  à  s'entendre 
pacifiquement  avec  Ahmadou,  encore  moins  avec  Samory.  Le  premier 
ferme  la  route  de  Tombouktou,  le  second,  celle  du  Bouré  et  du  Ouas- 
soulou,  les  pays  riches  en  or. 

L'expérience  a  prouvé  que  les  soldats  de  Samory  ne  pouvaient  tenir 


—  253  — 

tête  à  une  poignée  d'hommes  pourvus  de  fusils  à  tir  rapide  et  disciplinés 
à  Teuropéenne;  toutefois  Ton  a  vu  que  Ton  avait  affaire,  non  plus  à  des 
bandes  armées,  mais  à  des  troupes  pourvues  d'une  certaine  organisation 
militaire.  La  tactique  de  leurs  chefe  consiste  à  harceler  l'ennemi  et  à  se 
faire  poursuivre  par  lui,  tactique  fatale  aux  blancs  sous  ce  climat  meur- 
trier. Quoi  qu'il  en  soit,  une  fois  qu'un  bon  fort  en  maçonnerie  s'élèvera 
à  Bamakou,  on  n'aura  pas  à  se  préoccuper  outre  mesure  du  voisinage  de 
Samory,  et  il  est  probable  que  le  temps  n'est  pas  loin  où  une  campagne, 
poussée  avec  vigueur  dans  le  sud,  en  remontant  vers  les  sources  du 
Niger,  mettra  fin  aux  exploits  de  cet  ambitieux  aventurier,  et  fera  pas- 
ser le  Manding  et  le  Bouré  sous  le  protectorat  de  la  France. 

Ahmadou,  de  son  côté,  dispose  d'une  armée  nombreuse  et  disciplinée. 
Par  le  Kaarta  il  menacerait  la  ligne  de  ravitaillement  de  la  colonne  qui 
opérerait  sur  le  Niger.  Un  jour  ou  l'autre  cependant,  il  faudra  en  finir 
avec  ce  souverain  musulman,  comme  on  en  finira  avec  Samory  et  avec 
Abdoul-Boubakar.  Comme  on  le  voit,  il  y  a  encore  bien  des  coups  de 
fiisil  à  tirer  pour  que  l'on  puisse  profiter  des  résultats  acquis.  On  com- 
prend de  quelle  importance  est  pour  la  France  une  alliance  avec  les 
Bambaras  du  Bélédougou,  fétichistes,  les  plus  valeureux  guerriers  du 
Soudan  occidental  et  les  ennemis  mortels  d'Ahmadou.  Le  D'  Bayol  est 
actuellement  en  mission  auprès  d'eux  et,  d'après  les  nouvelles  parvenues 
de  lui  à  Saint-Louis  à  la  fin  de  juin,  il  se  montrait  très  satisfait  des 
résultats  déjà  obtenus. 

Le  jour  où  une  voie  ferrée  reliera  Bamakou,  à  la  partie  navigable  du 
iieuve  Sénégal,  le  Niger  sera  véritablement  conquis,  car  aujourd'hui,  la 
grande,  on  pourrait  presque  dire  la  seule  difficulté,  c'est  le  ravitaille- 
ment et  le  transport  des  troupes.  Le  ravitaillement  de  la  colonne  expé- 
ditionnaire, pendant  la  campagne  qui  vient  de  se  terminer,  a  été  des 
plus  pénibles,  et  ce  n'est  que  grâce  à  des  prodiges  d'énergie  et  d'activité 
de  la  part  des  officiers  chargés  de  ce  service,  que  l'on  a  pu  le  mener  à 
bien.  Le  chemin  de  fer  du  Haut  Sénégal  est  donc,  au  point  de  vue  mili- 
taire, d'une  utilité,  sinon  d'une  nécessité  incontestable  ;  mais,  il  ne  faut 
pas  se  le  dissimuler,  pendant  un  grand  nombre  d'années,  il  ne  trans- 
portera que  des  troupes,  des  vivres  et  des  munitions,  car  le  seul  com- 
merce —  méritant  ce  nom  —  qui  se  fasse  aujourd'hui  dans  le  Haut 
Niger,  c'est  cdui  des  esclaves. 

Alexis  DemAffey, 

Ingénieur  des  mines. 


/ 

—  254  — 

BIBLIOGRAPHIE  > 

Afbika  als  Handelsgebiet.  West-  Sud-  ukd  Ost-Afrika,  von  Fritz 
Robert  Wien  (Cari  Gerold's  Sohn),  1883,  in-8%  35p  p.  —  Quoique  la 
littérature  africaine  s'enrichisse  tous  les  jours  de  nouveaux  ouvrages,  et 
,  que,  dans  plusieurs  de  ceux-ci,  le  point  de  vue  commercial  soit  occasion- 
nellement traité,  cependant  il  n'en  existait  point  jusqu'ici,  qui  répondis- 
sent aux  nouveaux  besoins  créés,  pour  le  commerce,  par  les  relations 
multipliées  depuis  une  dizaine  d'années  entre  TEurope  et  l'Afrique. 
Aussi  M.  F.  Robert  a-t-il  été  bien  inspiré,  lorsqu'il  a  conçu  le  projet  de 
faire  connaître  les  différentes  régions  du  continent  qui  attirent  le  plus 
l'attention  du  monde  commercial,  comme  débouchés  pour  les  princi- 
pales industries  européennes,  et  comme  pays  de  production  pour  cer- 
taines marchandises,  déjà  importantes  dans  le  commerce  ou  destinées  à 
le  devenir. 

L'expérience  acquise  par  l'auteur,  comme  rapporteur  du  gouverne- 
ment austro-hongrois  lors  de  l'Exposition  universelle  de  Paris  en  1878, 
et  des  études  spéciales  sur  le  Gabon,  la  Sénégambie  et  Madagascar, 
publiées  dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  géographie  commerciale  de  la 
Suisse  orientale  à  Saint-Oall,  l'avaient  bien  préparé  à  entreprendre  un 
travail  d'ensemble  pour  le  continent  tout  entier.  Mais  les  derniers  évé- 
nements de  la  Tunisie  et  de  l'Egypte,  devant  modifier  d'une  manière 
notable  les  conditions  commerciales  delà  partie  septentrionale  de  l'Afri- 
que, et  les  données  statistiques  de  la  partie  centrale  étant  pour  le 
moment  très  incomplètes,  il  n'a  traité,  dans  ce  premier  volume,  que  des 
pays  de  l'Ouest,  du  Sud  et  de  l'Est  du  continent.  D  s'est  acquitté  de  sa 
tâche  avec  une  conscience  scrupuleuse,  apportant  le  plus  grand  soin  à 
ne  fournir  que  des  renseignements  parfaitement  certains  ;  pour  cela  il  a 
eu  recours  aux  documents  officiels  du  Colonial  oflSce  à  Londres,  du 
Ministère  de  la  marine  et  des  colonies  à  Paris,  des  consulats  allemand, 
américain,  anglais,  belge,  français,  italien  et  portugais  à  Vienne,  du 
gouvernement  de  la  Colonie  du  Cap,  de  la  Commission  centrale  de  sta- 
tistique, de  plusieurs  Chambres  de  commerce  et  Sociétés  de  géogra- 
phie, etc.,  etc.  Aussi  les  informations  qu'il  fournit  sur  les  relations  com- 
merciales des  colonies  européennes  en  Afrique,  soit  avec  la  mère  patrie, 
soit  avec  d'autres  pays  comme  la  Belgique,  l'Allemagne,  la  Suisse,  ou 
r Autriche-Hongrie,  peuvent-elles  être  admises  comme  très  sûres. 

'  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz^  13,  rue  du  Rhône,  à  Genève, 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  civOisée, 


—  255  — 

Peut-être  pourrait^»!  désirer,  eoimme  perfectionnement,  pour  le 
second  volume  en  préparation,  que  les  données  statistiques  fassent  pré- 
sentées sous  forme  de  tableaux,  et  que,  pour  faciliter  les  recherches,  un 
Index  fat  ajouté  à  la  fin  de  Fouvrage.  Une  bonne  carte  d'Afrique  au 
point  de  vue  commercial  serait  également  très  utile. 

Quoi  qu'il  en  soit,  et  tel  qu'il  est,  ce  premier  volume  fournira  au 
grand  public  une  lecture  int^essante,  et  au  commerçant  une  source 
abondante  de  renseignements  précieux.  La  nationalité  de  Tauteur,  le 
plaçant  sur  un  terrain  neutre  et  désintéressé,  est  une  garantie  que, 
dans  la  seconde  partie  de  son  ouvrage,  les  événements  politiques  récents 
et  les  £aits  commerciaux  dont  il  ain*a  à  s'occuper  seront  traités  avec 
rimpartialité  qui  a  présidé  à  la  rédaction  de  la  première  partie. 

Denis  de  Rivotbe.  Obock,  Mascate,  Bouchibe,  Bassobah.  Paris, 
(E.  Pion  et  G%  1883,  iû-12  illustr.  292  p.  et  carte,  4  fr.  —  Après  avoir 
fait,  en  1866,  une  première  exploration  de  la  mer  Rouge  et  de  la  zoDe 
entre  la  mer  et  l'Abyssinie,  dans  l'idée  de  créer,  en  faveur  de  la  France, 
un  établissement  commercial  à  Obock,  M.  Denis  de  Rivoyre  en  a  fait 
une  seconde,  jusqu'à  Bassorah  et  à  Bagdad,  dans  l'intention  de  faciliter 
le  développement  du  commerce  français  jusqu'au  golfe  Persique.  Ce 
nouveau  volume  renferme  le  récit  de  ce  voyage,  qui  dépasse  de  beaucoup 
les  limites  de  l'Afrique,  mais  dont  les  premiers  chapitres  sont  consacrés 
à  la  possession  française  d'Obock,  à  sa  géogri^phie,  et  aux  avantages 
que  cette  nouvelle  colonie  présentera,  lorsque  les  relations  nouées  avec 
Ménélik  et  le  Choa  seront  définitivement  établies.  En  rapport  avec  le 
pacha  de  Zeïla,  Abou-Beker,  M.  de  Rivoyre  le  disculpe  du  meurtre  du 
voyageur  français  Lucereau,  dont  l'opinion  générale  le  rendait  responsa- 
ble. En  outre,  il  donne  sur  le  pays  qui  s'étend  au  delà  de  la  zone  litto- 
rale, et  sur  Harrar  en  particulier,  des  renseignements  qui  confirment 
ceux  de  M.  P.  Sacconi,  actuellement  établi  dans  cette  ville,  pour  une  mis- 
sion de  la  Société  milanaise  d'exploration  commerciale  en  Afrique. 

The  water  highways  of  the  interior  of  Africa,  with  notes  on 
Slave  hunting  and  the  means  of  its  suppbession,  with  maps,  by 
James  Stevenson.  Glasgow  (J.  Maclehose  and  Sons),  1883,  in-8*,  28  p. 
et  3  cartes.  —  Le  généreux  promoteur  de  la  construction  de  la  route 
entre  le  Nyassa  et  le  Tanganyika  a  résumé,  dans  ce  mémoire  substan- 
tiel, sur  lequel  nous  reviendrons  prochainement,  les  résultats  acquis  siu* 
l'hydrographie  des  grands  fleuves  de  l'Afrique,  et  montré  l'emploi  que 
l'on  peut  faire  de  ces  grandes  voies  fluviales  au  point  de  vue  commer- 


—  256  — 

cial.  Des  trois  cartes  qui  raccompagnent  la  première  est  une  réduction 
de  la  grande  carte  de  Ravenstein^  destinée  à  £edre  connaître  toutes  les 
découvertes  les  plus  récentes  dans  TAfrique  équatoiiale;  dans  la 
seconde  sont  indiqués  les  points  sur  lesquels  le  commerce  par  eau  est 
interrompu  par  des  rapides  et  des  cataractes  ;  la  troisième  présente 
les  principales  régions  exploitées  par  les  chasseurs  d'esclayes,  et  les 
routes  suivies  par  leurs  caravanes  pour  conduire  leurs  victimes  à  la  côte. 

Beitr^ge  zur  Kenntniss  Madagaskars.  I.  Madagaskar  und  das  Hova- 
reich.  Vortrag  von  J.  Audebert.  Berlin  (Ferd.  Dummler),  1883,  in-8*, 
64  p.  Fr.  1,60.  —  De  la  grande  terre  de  Madagascar,  la  seule  province 
qui  nous  soit  bien  connue,  grâce  aux  travaux  des  missionnaires,  est  celle 
d'Imérina,  avec  la  capitale  Antananarive.  Le  climat  fiévreux  et  les  perr  -  cl 
sécutions  auxquelles  les  Européens  ont  été  longtemps  en  butte,  éloi- 
gnaient de  rtle  les  voyageurs,  et  M.  Audebert  nous  dit,  dans  son  avant- 
propos,  qu'il  ne  connaît,  en  fait  d'auteurs  allemands  qui  s'en  soient 
occupés,  que  M"*  Ida  PfeiflFer,  le  D*  Peters  de  Berlin,  qui  a  séjourné  sur 
la  côte  occidentale,  et  le  D'  Hfldebrandt.  Quant  à  lui,  chargé  par  le  gou- 
vernement hollandais  d'une  exploration  du  pays  au  point  de  vue  zoolo- 
gique, il  a  pu  visiter  en  détail  la  côte  orientale  et  une  partie  de  l'inté- 
rieur, et  ne  nous  fait  part  que  de  ses  impressions  personnelles,  exposées 
d'ailleurs  en  toute  franchise.  Il  débute  par  quelques  renseignements 
purement  géographiques  sur  la  position  de  l'île  dans  l'Océan  Indien,  sur 
ses  côtes  et  ses  ports  naturels,  dont  le  meilleur  est  la  baie  de  Diego 
Suarez,  à  l'extrémité  N.-E.,  dans  laquelle  une  flotte  entière  pourrait 
trouver  un  bon  mouillage.  Viennent  ensuite  l'indication  des  principales 
villes  et  des  places  de  commerce  les  plus  importantes,  la  division  de  l'He 
en  trois  régions  physiques  :  celles  des  côtes,  des  plateaux  et  des  monta- 
gnes, le  catalogue  de  81  des  fleuves  que  Madagascar  envoie  à  la  mer, 
enfin  les  observations  météorologiques  qu'a  faites  l'auteur  lui-niême.  La 
question  du  climat  et  de  son  influence  sur  les  Européens  est  traitée 
d'une  manière  complète.  Les  35  dernières  pages  sont  entièrement  con- 
sacrées à  l'étude  des  peuples  divers  qui  se  partagent  l'île,  et  des  tenta- 
tives faites  par  les  Anglais  et  les  Français  pour  y  établir  leur  influence. 
L'auteur  se  prononce  pour  les  Français,  dont  la  première  occupation 
date  de  1642.  La  question  de  Madagascar  devenant  brûlante  aujour- 
d'hui, on  lira  avec  intérêt  ces  pages,  surtout  celles  qui  renferment  des 
renseignements  sur  l'armée  des  Hovas. 


—  257  — 

BULLETIN  MENSUEL  (i-  octobre  1883.y 

Quoique  les  nouvelles  du  Soudan  én^yptien  aient  été  rares  depuis 
quelques  mois,  sans  doute  par  suite  de  Tinaction  dans  laquelle  la  saison 
des  pluies  a  obligé  le  général  Hicks  à  se  tenir,  il  semble  résulter  des 
quelques  dépêches  parvenues  récemment  au  Caire,  que  ce  général  se  pré- 
pare à  rouvrir  la  campagne  contre  les  troupes  du  mahdi,  pour  reprendre 
El-Obeïd  et  Bara.  Sa  situation  est  rendue  difiScile  par  le  fait  du  soulè- 
vement des  Arabes  des  environs  de  Souakim,  occupant  la  route  de 
Berber,  par  laquelle  auraient  pu  lui  être  envoyés  des  renforts  de 
l'Egypte,  où  l'on  a  fait  des  préparatifs  pour  lui  expédier  2000  soldats  en 
cas  de  nécessité.  En  outre  plusieurs  chefs  du  Sennaar,  qui  étaient  venus 
à  Khartoum  faire  leur  soumission,  se  sont  rendus  dès  lors  à  El-Obeïd 
auprès  du  mahdi,  auquel  ils  ont  donné  l'assurance  que,  quoiqu'ils  aient 
accepté  le  pardon  du  khédive,  ils  n'en  sont  pas  moins  toujours  attachés 
à  la  cause  du  prophète.  On  craint  que  lorsque  le  général  Hicks  opérera 
son  mouvement  en  avant,  les  bandes  rebelles  ne  viennent  se  placer  entre 
sa  colonne  et  Khartoum,  et  ne  cherchent  à  couper  sa  ligne  de  retraite  '\ 

Les  Missions  catholiques  ont  reçu  des  informations  sur  le  sort  des 
missionnairesi  prisonniers  du  mahdi,  par  l'entremise  du 
naessager  envoyé  de  Khartoum  pour  lui  proposer  de  les  racheter.  Après 
avoir  répondu  qu'il  y  penserait,  le  mahdi  paraît  ne  plus  s'être  occupé  de 
cette  proposition,  et  le  messager  est  revenu  sans  réponse.  Quoiqu'il  en 
soit,  depuis  la  prise  d'El-Obeïd,  aucun  des  missionnaires  n'est  mort,  ni 
n'a  été  mis  aux  fers  ;  les  sœurs  de  charité  non  plus  n'ont  point  été 
vendues,  comme  le  bruit  en  avait  couru.  Le  mahdi  a  même  défendu,  sous 
les  peines  les  plus  sévères,  d'injurier  ou  de  brusquer  aucun  des  membres 
du  personnel  de  la  mission  ;  il  les  cite  aux  siens  comme  des  modèles  de 
fermeté":  a  Voyez,  »  dit-il,  «  ces  infidèles,  comme  ils  se  maintiennent  fer- 
mes dans  leurs  fausses  croyances,  tandis  que,  pour  la  plupart,  vous  avez 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  BuUetins  mensiiels  et  dans  les  Nouvelles  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  PEst,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

*  Au  moment  de  mettre  sous  presse,  une  dépêche  du  Caire  annonce  que  le 
mahdi  a  remporté  une  grande  victoire  à  Pest  de  Khartoum,  et  que  la  panique  est 
grande  dans  la  Haute^f  ypte. 

l'AFRIQUE.   —   QUATRIÈME  ANNÉE.   —   N®    10.  10 


—  258  — 

si  peu  de  foi  en  moi  !  »  Un  Égyptien,  fugitif  d'El-Obeïd,  a  rapporté  que 
le  mahdi  a  envoyé  à  trois  reprises  ses  troupes  contre  celles  de  Slatin- 
bey,  gouverneur  du  Darfour,  et  que  trois  fois  elles  ont  été  battues  avec 
de  grandes  pertes.  Il  a  ajouté  que  Slatin-bey  n'était  plus  qu'à  trois 
journées  d'El-Obeïd. 

Le  rapport  du  lieutçnant-colonel  Stewart  sur  le  Soudan,  auquel  nous 
faisions  allusion  dans  notre  précédent  numéro  (p.  235),  renferme,  sur  les 
projets  de  chemm  de  fer  pour  relier  Khartoam  à,  la  mer 
Roiifl^e  et  sur  la  traite,  des  renseignements  que  nous  résumons 
d'après  les  citations  qu'en  fait  VAntislavery  Repœ-ter.  Le  premier  tracé, 
de  Souakim  àBerber,  de  400  kilom.,  s'élèverait  par  une  pente  uniforme 
jusqu'au  Wadi  Haratir,  d'oîi  l'aspect  général  du  pays  est  celui  de 
plaines  alternant  avec  des  collines,  jusqu'au  delà  d'Ariab,  à  200  kilom. 
de  la  mer  ;  pour  atteindre  Berber,  la  voie  ferrée  n'aurait  plus  qu'à  tra- 
verser une  plaine  ouverte  et  unie.  La  diflBiculté  sur  cette  ligne  serait  de 
se  procurer  l'eau  nécessaire  ;  il  n'y  a  ni  rivières  ni  ton*ents,  et  les  seules 
pluies  qui  tombent  sont  quelques  fortes  averses  en  hiver.  Entre  Berber 
et  Khartoum  la  communication  aurait  lieu  parla  voie  du  fleuve.  D'après 
le  second  tracé,  on  établirait  une  ligne  directe  de  Khartoum,  ou  plutôt 
d'un  point  sui*  la  rive  droite  du  Nil  Bleu,  vis-à-vis  de  cette  ville,  jusqu'à 
la  mer.  Elle  traverserait  une  plaine  parfaitement  unie  jusqu'à  Gos-Red- 
jeb,  d'où  elle  descendrait  à  Souakim,  ou  mieux  encore  à  Alik-es-Saghir, 
à  50  ou  60  kilom.  plus  au  sud,  oîi  se  trouve  un  port  naturel  beaucoup 
meilleur  que  celui  de  Souakim.  Cette  dernière  ligne  serait  il  est  vrai  plus 
longue  que  la  première,  mais  elle  aurait  le  grand  avantage  de  mettre 
Khartoum  en  communication  directe  avec  la  mer.  En  outre,  on  pourrait 
faire  des  embranchements  sur  Sennaar  et  Galabat,  chefe-lieux  des  plus 
riches  districts  du  Soudan,  et  y  attirer  le  commerce  de  l'Abyssinie. 

Quant  à  la  traite,  le  rapport  de  M.  Stewart  indique  d'abord  les 
tribus  qui  fournissent  le  plus  d'esclaves  ;  ce  sont,  outi-e  celles  de  l'Afri- 
que équatoriale,  les  tribus  des  Denkas,  des  Nouers,  des  Gyangés,  des 
Bongos  et  celles  qui  habitent  le  massif  du  Djebel-Nouba,  ainsi  que  les 
Bertas  des  montagnes  de  Beni-Schangol  près  de  Fazogl.  Les  esclaves 
denkas  et  ceux  du  Djebel-Nouba  sont  les  plus  estimés,  parce  que  ce  sont 
les  plus  intelligents.  Outre  les  esclaves  noirs,  il  y  en  a  de  blancs,  appelés 
Abyssiniens,  qui  appartiennent  aux  tribus  Gallas  au  sud  du  Choa,  mais 
qui  ont  été  pris  et  vendus  par  des  Abyssiniens.  Les  routes  suivies  par 
les  trafiquants  d'esclaves  sont  celles  d'El-Obeïd  à  Dongola,  d'Omchanga 
à  Dongola,  de  Kobbé  à  Assiout,  de  Khartoum  ^4,  Debba,  d'El-Ob^d 


—  259  — 

à  Debba,  de  Kassala  à  Souakim  et  à  Massoua,  de  Berber  à  Souakim  et 
de  Souakim  à  Korosko^  enfin  du  Ouadaï  à  Mourzouk  et  à  Tripoli.  Les 
marchands  d'esclaves  s'en  tiennent  à  quelque  distance,  mais  ils  viennent 
de  nuit  aux  puits  creusés  le  long  de  ces  routes.  Un  des  moyens  proposés 
par  le  colonel  Stewart  pour  diminuer  la  traite  serait  de  faire  occuper  ces 
puits,  a  Par  exemple,  »  dit-il,  «  si  l'on  occupait,  sur  la  route  de  Kobbé  à 
Assiout,  le  second  puits  qui  est  à  deux  jours  de  Kobbé,  et  le  troisième  à 
deux  journées  encore  au  delà,  il  serait  impossible  à  aucune  caravane  de 
se  rendre  au  puits  suivant,  à  dix  jours  de  distance,  sans  s'arrêter  pour 
prendre  de  l'eau.  Les  routes  pourraient  ainsi  être  mieux  surveillées 
qu'elles  ne  le  sont  actuellement.  » 

Le  D'  Stecker  est  redescendu  du  haut  plateau  d'Abysainie  à 
Massaoua,  d'oîi  il  a  écrit  à  Rohlfs  :  a  Du  Godjam  j'ai  visité  Goudron, 
Eedida,  Choro-Tchomen,  Seka,  Siwo,  les  rivières  Goudié  et  Didessa 
(peut-être  le  cours  supérieur  de  la  Djouba).  De  Gouma  j'ai  dû  revenir 
sur  mes  pas,  et  j'ai  été  fait  prisonnier  parMénélik  qui  me  croyait  espion 
de  Tekla  Haïmanot.  Près  de  Tchabbo,  j'ai  découvert  le  lac  Wontchi. 
Amené  à  Finfinni,  j'ai  obtenu  ma  liberté,  grâce  à  l'intercession  du 
marquis  Antinori,  qui  vivait  encore.  J'ai  visité  ensuite  les  Adas-Gallas, 
les  monts  Sékoualé,  et  me  suis  rendu  au  lac  Zoual  ;  à  60  kilomètres  au 
sud  de  ce  dernier,  j'en  ai  découvert  un  autre,  le  lac  Miété,  dans  un  pays 
galla  nommé  Adia,  habité  par  lu  tribu  pillarde  des  Arousis-Gallas.  Sur 
les  instances  du  roi  Jean,  j'ai  dû  rebrousser  chemin  et  l'ai  rencontré 
près  du  lac  Haïk.  A  l'est  de  l'Abyssinie,  j'ai  encore  exploré  l'Antcharo, 
l'Argobba,  le  Tcheffa  et  le  Rikhé,  pays  gallas  qu'aucun  Européen 
n'avait  encore  visités.  »  Le  D'  Stecker  rapporte  des  cai*tes  qui  ajouteront 
à  nos  connaissances  sur  cette  partie  de  l'Afrique.  D  s'est  arrêté  quelque 
temps  à  Massaoua,  pour  ne  pas  s'exposer  au  choléra  en  Egypte. 

D'après  une  communication  de  la  a  Eastern  Telegraph  Company,  » 
M.  J.  ThonAson  a  regagné,  le  2  septembre,  avec  de  nouvelles  provi- 
sions et  des  renforts,  son  campement  de  Taveta,  d'où  il  se  disposait  à 
pailir  le  8,  par  le  pied  nord  du  Kilimandjaro,  pour  Mosira  (ou  Msiro),  par 
1^  50'  lat.  S.  et  33°  20'  long.  E.  de  Paiis,  sur  la  route  du  Victoria 
Nyanza.  ~  Dans  une  des  dernières  séances  de  la  Société  royale  de 
géographie  de  Londres,  M.  Farler,  missionnaire  de  l'Ousambara,  a 
fourni,  sur  le  pays  des  Masaïs»  des  renseignements  d'après  lesquels 
on  peut  espérer  que  l'explorateur  anglais  réussira  à  atteindre  le  Victoria 
Nyanza.  Pour  cela  deux  moyens  s'offrent  à  lui  :  ou  bien  de  voyager  len- 
tement, avec  une  des  caravanes  de  Souahélis,  de  2000  personnes,  qui 


—  260  — 

mettent  20  jours  pour  faire  ce  trajet  ;  ou  bien  de  conduire  très  rapide- 
ment, en  cinq  jours,  une  caravane  moins  nombreuse  mais  bien  armée,, 
en  nouant  des  relations  amicales  avec  le  grand  chef  Mbaratiani.  Le 
père  de  celui-ci,  originaire  de  l'Ougogo,  est  arrivé  il  y  a  trente  ans  dans^ 
le  pays  des  Masaïs,  où  il  épousa  la  fille  d'un  de  leurs  chefis.  Par  son 
habileté  dans  la  sorcellerie  il  acquit  une  telle  influence,  que  les  Masals- 
rélurent  pour  leur  chef.  Aujourd'hui  c'est  son  tils  qui  exerce  le  pouvoir. 
Les  trafiquants  le  disent  sensible  et  bon,  et  pensent  que,  si  Thomson  lui 
fait  des  présents,  il  obtiendra  de  lui  tout  ce  dont  il  pourra  avoir  besoin. 
En  huit  ou  dix  marches,  il  pourra  atteindre  des  tribus  agricoles  pacifi- 
ques, qui  reçoivent  très  bien  les  commerçants.  Le  pays  paraît  être  plat 
et  salubre  ;  l'air  est  frais  et  agréable  ;  les  Masals  élèvent  des  troupeaux 
considérables  de  bestiaux  ;  en  plusieurs  endroits  ils  ont  creusé  des 
puits  qui  leur  servent  de  réservoirs  pour  abreuver  leurs  bêtes.  Sur  les 
frontières  des  Masaïs  habite  la  tribu  des  Wandorobos,  qui  vivent  de 
chasse  et  fournissent  beaucoup  d'ivoire  aux  trafiquants.  Malheureuse- 
ment, la  caravane  de  Fischer  ayant  tué  un  chef  favori  de  Mbaratiani  et 
deux  femmes,  fait  inouï  jusqu'ici,  les  Masaïs  ont  résolu  d'en  tirer  ven- 
geance sur  le  premier  blanc  qui  se  présentera.  H  est  vrai  que  tous  ne 
sont  pas  d'accord. 

Les  explorateurs  du  Comité  national  allemand,  MM.  Bcehmet 
Reichard,  ont  envoyé  de  Karéma  à  Berlin  le  journal  de  feu  leur  com- 
pagnoii ,  le  D' Kaiser,  ainsi  que  la  carte  qu'il  a  dressée  du  lac  Hikoua. 
De  Karéma  ils  se  disposaient  à  traverser  le  Tanganyika  jusqu'à  l'embou- 
chure du  Lofoukou,  pour  se  rendre  ensuite  au  lac  Moero  par  une  route 
plus  méridionale  que  celle  qu'ont  suivie  les  précédents  voyageurs.  — Le 
parlement  allemand  a  voté  un  subside  de  125,000  francs  pour  les  explo- 
rations dans  l'Afrique  centrale. 

Les  missionnaires  de  Masasi  ont  définitivement  reconnu  que  cette 
station,  exposée  aux  excursions  des  Magwangwaras,  ne  pouvait  plus 
convenir  à  un  établissement  d'esclaves  libérés.  Le  district  où  elle  se 
trouve  n'est,  à  proprement  parler,  ni  dans  le  pays  des  Makouas,  ni  dans 
celui  des  Yaos  ;  il  est  composé  de  territoires  détachés,  tantôt  d'une 
tribu,  tantôt  d'une  autre,  dont  les  habitants,  chassés  là  par  les  vicissi- 
tudes de  la  guerre,  sont  peu  unis  entre  eux  et  ne  peuvent  pas  Oj^poser 
une  résistance  conunune  aux  Magwangwaras.  Ceux-ci  devaient  envoyer 
cette  année  une  troupe  de  leurs  gens  pour  percevoir  le  tribut  de  sel  que 
les  Makouas  se  sont  engagés  à  leur  payer.  M.  Maples,  aidé  du  chef 
Matola,  a  cherché  un  emplacement  favorable  où  il  pût  transférer  le  per- 


—  261  — 

:sonael  de  la  station  de  Masasi.  De  Ghilonda,  il  a  gravi  le  plateau  escarpé 
-des  Makondés,  et  a  atteint  les  sources  des  deux  rivières  Ndoumbi  et 
Mahouta,  qui  se  rejoignent  à  mi-chemin  d'une  gorge  profonde,  pour  se 
perdre  plus  bas  dans  les  sables,  sauf  à  Tépoque  des  pluies  où  leurs 
«aux  s'étendent  jusqu'aux  rives  de  la  Rovouma,  dont  elles  deviennent 
4es  tributaires.  Il  est  entré  là  sur  le  territoire  habité  par  Bakari,  ami  de 
^oumanga^  le  plus  puissant  chef  des  Makondés,  ami  aussi  de  Matola, 
droit,  sobre  et  courtois  avec  les  étrangers.  Les  sujets  de  Bakari  sont 
nombreux,  et  le  pays  est  fertile  ;  peut-être  Matola  et  quelques-uns  des 
émigrés  de  Masasi  s'y  établiront-ils.  Peut-être  aussi  M.  Maples  choisira- 
t-il  de  préférence  le  territoire  de  Noumanga,  qui  a  défriché  tout  le 
<^entre  de  la  forêt  des  Makondés,  où  l'on  n'est  pas  exposé  aux  atta- 
-ques  des  tribus  voisines.  Le  sol  en  est  encore  plus  fécond  que  celui 
-de  Masasi  ;  la  rivière  Mianga,  affluent  de  la  Bovouma,  le  traverse  ; 
elle  ne  coule  pas  dans  la  saison  sèche,  mais,  au  moyen  de  puits  peu 
profonds,  on  peut  toujours  avoir  de  l'eau  potable.  Avant  de  prendre  une 
décision,  M.  Maples  voulait  encore  examiner  l'emplacement  de  Hitanda- 
Himba,  un  peu  au  nord  de  Noumanga.  Il  s'y  trouve  un  petit  lac  très 
poissonneux,  sans  crocodiles,  près  de  la  source  de  la  rivière  Mihamboué, 
^affluent  de  la  Rovouma  ;  autrefois  les  bords  en  étaient  infestés  par  des 
lions,  ce  qui  lui  a  valu  son  nom  de  lac  des  lions  ;  aujourd'hui  ces  hôtes 
dangereux  ont  à  peu  près  disparu. 

M.  Moritz  Unger  a  réussi  à  former,  pour  la  construction  du  port  de 
XiorensEO  Marquez  et  du  chemin  de  fer  de  la  baie  de 
Delag^oa  à,  Pretoria,  un  comité  financier  parisien,  et  les  négocia- 
tions avec  le  gouvernement  portugais  ont  heureusement  abouti,  en 
«orte  que  les  travaux  du  port  et  de  la  voie  ferrée  commenceront 
prochainement.  Le  gouvernement  a  remis  à  bail  au  comité  sus-men- 
tionné  le  port  de  Lorenzo  Marquez  pour  21  ans.  Les  droits  de  douane  ne 
devront  pas  être  moindres  de  3  %»  ni  dépasser  6  %  cid  valorem,  et 
devront  être  perçus  par  deux  commissaires,  nommés,  l'un  par  le 
gouvernement,  l'autre  par  les  concessionnaires.  Ces  droits  de  douane, 
itinsi  que  ceux  du  port  et  des  docks,  sont  concédés  par  le  gouvernement, 
à  titre  de  garantie  d'intérêt  pour  les  travaux  du  port  et  du  chemin  de 
fer  au  taux  de  7  Vo  P^  &&•  L^  concessionnahres  se  sont  engagés  à 
dépenser  au  moins  200,000  L.  st.  pour  les  travaux  du  port;  un  dixième 
de  cette  somme  devra  être  consacré  à  l'érection  des  bureaux  du  gouver- 
nement, de  la  douane»  de  magasins,  d'entrepôts,  etc.  Quant  à  la  voie 
ferrée,  elle  aura  la  même  largeur  que  les  chemins  de  fer  de  la  Colonie  du 


—  262  — 

Cap.  Elle  devra  être  commencée  dans  un  an,  et  terminée  jusqu'aux 
monts  Lebombos  dans  l'espace  de  trois  ans.  Le  terme  convenu  pour 
l'achèvement  des  travaux  du  port  est  de  cinq  ans.  Ainsi,  le  port  longtemps 
négligé  de  Lorenzo  Marquez  va  s'ouvrir  au  commerce  avec  le  Trans- 
vaal,  et  le  chemin  de  fer  rendra  plus  facile  l'accès  aux  mines  d'or  ainsi 
que  l'exploitation  de  celles-ci  par  les  procédés  de  l'industrie  européenne  '. 
—  Le  major  Machado  est  revenu  à  la  baie  de  Delagoa,  afin  de  complé- 
ter le  tracé  de  la  voie  ferrée  de  la  frontière  portugaise  à  Pretoria.  —  En 
attendant,  les  autorités  portugaises  sont  en  négociations  avec  le  roi 
swazie  Umbandine,  pour  ouvrir  une  route  jusqu'à  Derby,  dans  la  Nou- 
telle-Écosse.  —  Les  Zoulous  ont  fait  sur  ce  point  irruption  dans  le 
Transvaal,  où  ils  y  pillent  et  brûlent  tous  les  kraals. 

M.  Henry  M.  A.  Cutfield,  commandant  de  VUndine,  employé  à  la 
suppression  de  la  traite  dans  le  canal  de  Moasamblque,  a 
envoyé  à  VAntislavery  Reporter  des  détails  navrants  sur  l'état  de  plus 
de  cent  esclaves  pris  sur  une  barque  arabe,  destinés  aux  plantations  de 
sucre  de  l'île  Johanna,  une  des  Comores,  dont  le  sultan  a  récemment 
conclu  avec  l'Angleterre  un  traité  par  lequel  il  s'est  engagé  à  supprimer 
immédiatement  le  trafic  des  esclaves  dans  son  île.  Enlevés  à  leurs 
familles,  à  300  kilomètres  au  sud  de  Mozambique,  ces  malheureux,  parmi 
lesquels  se  trouvaient  80  femmes  et  enfants,  étaient  entassés  et  telle- 
ment exténués  qu'une  vingtaine  seulement  pouvaient  marcher.  On  fit 
cuire  pour  eux  du  riz  et  des  patates  douces  ;  quand  ils  virent  ces  mets, 
ils  se  précipitèrent  dessus  avec  une  avidité  brutale,  chacun  s 'efforçant 
d'en  avoir  tun  peu  plus  que  les  autres.  Le  commandant  est  persuadé 
qu'on  en  délivrerait  trois  fois  autant,  s'il  y  avait,  pour  ce  service,  un 
plus  grand  nombre  de  navires,  et  en  particulier  un  petit  vapeur;  la 
quantité  des  barques  qui  traversent  le  .canal  avec  des  cargaisons  analo- 
gues est  considérable,  mais  elles  peuvent  se  réfugier  dans  des  criques  ou 
des  passages  oîi  il  n'est  pas  possible  aux  croiseurs  de  les  suivre.  En 
conséquence,  les  lords  de  l'Amirauté  ont  ordonné  la  construction  de 
deux  cutters  à  vapeur,  de  sept  mètres  de  long,  munis  de  tous  les  perfec- 
tionnements réclamés  par  le  service  auquel  ils  sont  destinés  ;  ils  seront 

*  Le  Cape  Argus,  auquel  nous  avons  emprunté  ces  informations,  renferme, 
dans  son  dernier  numéro,  que  nous  recevons  pendant  l'impression  de  cette  livrai- 
son, un  avis  de  M.  Carvalho,  consul  de  Portugal  à  Capetown,  qui  les  déclare 
erronées.  Nous  réservons  donc  notre  jugement  sur  ce  point  jusqu'à  plus  ample 
informé. 


—  263  — 

envoyés  dans  le  canal  de  Mozambique,  pour  être  mis  à  la  disposition  des 
commandants  de  V  Undine  et  du  Harrier,  qui  y  sout  en  station  pour  la 
suppression  de  la  traite. 

Le  rapport  de  M.  David  Jones,  ingénieur  des  mines,  sur  les  travaux  et 
les  résultats  de  la  première  année  d'exploitation  des  mines  de 
houille  de  Cyferg^t,  ouvre  à  la  colonie  de  IVatal,  et  à  TAMque 
australe  en  général,  des  perspectives  encore  plus  favorables  que  celles 
qu'avaient  fait  entrevoir  les  premiers  rapporteurs.  La  quantité  de  char- 
bon, évaluée  par  M.  Dunn  à  1,800,000  tonnes,  dépasse  4,300,000;  la 
qualité  aussi  est  meilleure  qu'on  ne  l'avait  cru  d'abord,  et  pourra  être 
employée  pour  les  locomotives  ordinaii^.  En  outre,  le  travail^des  indi- 
gènes l'emporte  sur  celui  des  blancs,  avec  lesquels  M.  Jones  a  eu  beau- 
coup de  difficultés;  aussi  a-t-il  peu  à  peu  renoncé  aux  Européens  et 
introduit  dans  l'exploitation  des  natifs,  ne  gardant  que  deux  blancs 
pour  contre-maître  et  surveillant.  Les  noirs  ont  une  aptitude  spéciale 
pour  ce  genre  de  travail,  et  leurs  prétentions  étant  trois  fois  moins 
élevées  que  celles  des  l?lancs,  les  frais  d'exploitation  sont  réduits  des 
deux  tiers.  M.  Jones  dit  avoir  rarement  trouvé  en  Angleterre,  en  Amé- 
rique, aux  Indes,  en  Australie  et  à  la  Nouvelle-Zélande,  des  conditions 
meilleures  pour  exploiter  des  mines  à  peu  de  frais  et  sûrement. 

Une  correspondance  particulière,  adressée  de  Capettomm  au  Journal 
de  Genève,  fait  un  assez  triste  tableau  des  conséquences  qu'a  eues  dans 
la  Colonie  du  Cap  la  manie  des  spéculations.  Aux  mines  de  diamant, 
de  nombreuses  compagnies  ont  joué,  soit  le  rôle  de  dupes,  en  achetant 
des  terrains  à  des  prix  exorbitants  et  en  entraînant  dans  leur  ruine  les 
imprudents  dont  elles  avaient  gagné  la  confiance,  soit  le  rôle  d'exploiteurs 
ne  faisant  les  afiaires  que  de  gros  capitalistes.  Dans  les  districts  du  Sud- 
Ouest,  le  fermier,  jadis  travaillant  et  cultivant  le  sol,  a  acheté  un 
incubator,  et  attendu  paresseusement  que  sa  machine  américaine  ame- 
nât Téclosion  artificielle  d'autruches,  dont  les  plumes  se  sont .  trouvées 
tout  à  coup  trop  abondantes  pour  le  marché.  Partout  les  champs  et  le 
bétail  ont  été  délaissés  pour  une  spéculation  quelconque,rendue  malheu- 
reusement trop  facile  par  l'escompte  qu'ont  pratiqué  avidement  un  grand 
nombre  de  banques.  Et  cependant  les  diamants  ne  manquent  pas,  la 
plume  d'autruche  ne  souffre  pas  des  caprices  de  la  mode,  le  prix  de  la 
laine  est  plus  élevé  que  jamais,  et  l'élevage  des  moutons  serait  rémuné- 
rateur, ainsi  que  la  culture  des  céréales,  puisque  la  production  de  la 
Colonie  est  loin  de  répondre  à  sa  consommation,  et  que  l'Amérique  et 
l'AustraUe  doivent  lui  envoyer  des  grains.  Malgré  cet  état  de  crise,  le 


—  264  — 

correspondant  signale  des  progrès  notables  dans  les  moyens  de  commu- 
nication :  extension  des  voies  ferrées,  augmentation  du  nombre  des 
stations  télégraphiques,  diminution  des  taxes  postales,  espoir  de  l'entrée 
de  la  Colonie  dans  l'Union  postale  dès  le  !•'  octobre,  etc.  Suivant  lui,  le 
mal  ne  vient  que  de  la  spéculation  ;  aussi  espère-t-il  que,  la  lièvre  une  fois 
passée,  les  habitudes  de  travail  régulier  reprendront  et  que  l'équilibre 
se  rétablira. 

L' Export  annonce  que  M.  Lttderitz,  de  Brème,  est  parti  le  1 9  août  pour 
aller  organiser  les  établissements  qu'il  a  l'intention  de  créer  sur  la 
concession  récemment  achetée  à  An^^ra  Pequena,  pour  laquelle 
il  a  obtenu,  du  ministre  des  adirés  étrangères  de  l'empire  allemand, 
rautorisation  d'arborer  le  pavillon  national  et  la  protection  d'une 
corvette  allemande,  la  Garola.  M.  Vogelsang,  chef  de  l'expédition  (voy. 
p.  239)  a  déjà  engagé  un  certain  nombre  de  Topnai*s  (Hottentots  de  la 
tribu  des  Namaquas)  qui  gîtent  dans  des  huttes  faites  de  côtes  de  baleine 
et  de  peaux  de  chacals,  se  nourrissent  de  poissons  et  d'oiseaux  de  mer, 
et  portent  des  vêtements  européens,  obtenus,  par  échanges,  de  trafi- 
quants du  Cap  venus  pour  chercher  à  Angra  Pequana  des  peaux  de 
chiens  marins.  A  la  tête  de  ces  gens,  organisés  militairement,  il  s'est 
rendu  à  Béthanie  où  réside  le  chef  hottentot  Joseph,  auquel  appartient 
tout  le  territoire  jusqu'à  la  côte,  pour  obtenir  la  concession  désirée.  Là, 
en  présence  de  quarante  dignitaires  indigènes,  la  demande  de  M.  Vogel- 
sang fut  exposée  en  hollandais  par  M.  de  Jongh,  membre  de  l'expédition, 
et  traduite  par  un  instituteur  de  la  mission  rhénane  versé  dans  la  langue 
du  pays.  Après  délibération,  une  pipe,  présentée  d'abord  au  roi,  circula 
entre  tous  les  assistants  ;  la  décision  fut  communiquée,  et  le  contrat, 
rédigé  en  hollandais,  fut  signé  par  le  roi  et  plusieurs  de  ses  grands; 
puis  l'expédition  revint  à  Angra  Pequena,  où  une  députation  du  roi 
Joseph  ne  tarda  pas  à  descendre  pour  recevoir  le  prix  convenu.  Au  com- 
mencement d'août  était  parti  de  Brème,  pour  la  même  destination,  un 
grand  schooner,  la  Meta,  de  40  tonnes,  conamandé  par  le  capitaine 
Biester,  qui  connaît  très  bien  les  eaux  de  l'Afrique  occidentale.  Pour 
le  moment,  onze  Européens  —  neuf  Allemands,  un  Hollandais  et  un 
Suisse  —  sont  entrés  au  service  de  cette  colonie,  que  la  presse  allemande 
considère  comme  les  prémices  des  colonies  germaniques.  Le  Tilly  a 
transporté  à  Angra  Pequena  le  matériel  nécessaire  à  l'érection  de  plu- 
sieurs maisons  de  bois,  des  marchandises  d'échange,  de  la  poudre  et  des 
armes.  —  Ce  point  du  littoral  était  déjà  visité  par  des  trafiquants  du 
Cap,  qui  y  venaient  échanger  du  tabac,  des  munitions,  des  spiritueux, 


—  265  — 

contre  des  peaux,  des  plumes  d'autruche  et  du  bétail.  Les  ports  de  la 
Colonie  du  Cap,  conune  ceux  des  possessions  portugaises,  étant,  soumis 
à  un  système  de  droits  d'entrée  assez  élevés,  et  Angra  Pequena  devant 
être  un  port  franc,  ce  dernier  pourra  acquérir  promptement  une  assez 
grande  importance.  —  A  la  première  nouvelle  de  la  fondation  de  cette 
colonie,  M.  Lûderitz  a  reçu  quantité  d'offres  et  de  demandes  de  toutes 
les  parties  de  l'Allemagne.  —  D'autres  expéditions  allemandes  visent 
encore  cette  portion  du  continent  africain.  Deux  explorateurs  ont  étudié 
des  gisements  de  cuivre  le  long  de  la  rivière  Knisi,  à  35  kilomètres  en 
amont  de  Zwartbank.  Une  maison  de  commerce,  qui  a  des  intérêts  au 
Damaraland,  y  projette  une  exploration. 

Le  comité  des  missionsi  barptiste»  d'Angleterre  a  envoyé  à  Under- 
hill,  la  première  de  ses  stations  sur  le  Con^o,  une  maison  de  bois,  avec 
dépendances,  dont  M.  Crudgington  a  fourni  le  dessin.  Elle  sera  placée 
sur  des  colonnes  de  fer,  à  un  ou  deux  mètres  du  sol  pour  laisser  l'air 
circuler  par-dessous. — De  Stanley-Pool,  M.Comber  a  écrit  pour  demander 
des  renforts,  le  nombre  des  missionnaires  ne  répondant  plus  à  celui  des 
stations  déjà  fondées,  et  le  lancement  prochain  du  Peace^  sur  le  cours 
moyen  du  fleuve,  permettant  d'aller  en  créer  de  nouvelles  à  150  et  300 
kilomètres  au  delà.  M.  Grenfell,  attaché  à  ce  vapeur,  compte  remonter 
le  Congo  jusqu'à  l'embouchure  de  l'Ibari  Nkoutou,  de  l'Ikelemba,  du 
Mboura,  et  de  l'Arouimi.  M.  Comber  écrivait  aussi  que  Stanley  devait 
se  rendre,  avec  une  flottille  de  trois  petits  vapeurs  et  une  canonnière 
en  acier,  au  delà  de  Bolobo  pour  y  fonder  de  nouvelles  stations. 

Le  nombre  des  vapeurs  destinés  à  la  navigation  sur  le  Con^^o 
augmente  peu  à  peu.  Un  nouveau  steamer,  la  Ville  d'Anvers^  construit 
à  Londres,  pour  le  Comité  d'études  du  Haut-Congo  ',  a  dû  partir  au 
milieu  de  septembre  ;  il  fera  le  service  entre  Banana  et  Vivi.  C'est  vrai- 
semblablement encore  pour  le  même  Comité,  et  non,  comme  les  journaux 
l'ont  annoncé,  pour  l'Association  internationale  africaine,  que  le  roi  des 
Belges  a  fait  construire  un  steamer  d'un  nouveau  modèle,  à  transporter 
par  sections  sur  le  cours  moyen  du  Congo.  D'un  très  faible  tirant  d'eau, 
il  sera  monoroiie,  c'est-à-dire  que  le  propulseur  consistera  en  une  roue 

*  UÉtoUe  belge  qui  nous  apporte  cette  nouvelle,  et  en  général  les  journaux 
belges,  confondant  constamment  le  Comité  d'études  et  l'Association  internationale 
africaine,  nous  nous  efforçons  de  distinguer  toujours  ces  deux  Sociétés,  la  confu- 
sion ne  pouvant  que  porter  préjudice  à  l'Association  internationale,  purement 
scientifique  et  humanitaire. 


—  266  — 

unique  placée  à  rarrière.  La  coque  pourra  être  divisée  en  plusieurs  sec- 
tions, dont  chacune  sera  flottable  et  pourra  recevoir  de  grandes  roues 
ordinaires.  Celles-ci,  mises  en  réserve  quand  le  bateau  sera  à  flot, 
permettront  de  se  servir  de  chacune  des  sections  comme  de  voitures  pour 
le  transport  par  terre.  Tant  que  la  profondeur  de  l'eau  le  permettra  on 
se  servira  du  steamer  ;  dès  qu'on  le  jugera  nécessaire,  on  le  halera  à 
terre,  en  entier  ou  par  sections,  et  il  servira  au  transport  des  marchan- 
dises et  des  approvisionnements.  —  Quant  au  voyage  que  Stanley  doit 
avoir  accompli  sur  le  haut  fleuve,  nous  en  ignorons  complètement  les 
détails  et  les  résultats.  D'après  des  nouvelles  apportées  parle  steamer 
Oabon,  parti  de  Loango  le  12  août,  il  était  revenu  à  Banana,  à  l'embou- 
chure du  fleuve;  l'état  sanitaire  de  son  état-major  paraissait  peu 
satisfaisant  ;  une  de  ses  embarcations  a  chaviré  dans  le  Congo,  et  M.  le 
sous-lieutenant  Janssens,  de  l'armée  belge,  s'est  noyé,  ainsi  qu'un 
missionnaire  français.  M.  Auguste  Schaumann,  lieutenant  autrichien, 
parti  avec  Stanley  en  1882,  a  été  atteint  de  la  fièvre  et  de  la  dysenterie, 
et  a  succombé  dans  le  trajet  pour  revenir  en  Europe,  qù  sont  rentrés 
MM.  Van  de  Velde  et  Bach.  En  revanche,  M.  Duverge,  ancien  consul 
américain  à  Loanda,  s'est  joint  à  l'expédition  de  Stanley. 

Les  descriptions  que  les  récits  des  correspondants  de  journaux  nous 
apportent  des  stations  de  Vivi  et  de  Stanley-Pool,  ne  ressemblent  en  rien 
à  celles  des  stations  scientifiques  de  l'Association  internationale  ou  des 
Comités  nationaux  allemand  et  français  à  la  côte  orientale.  Depuis  qua- 
tre ans  que  Stanley  est  à  l'œuvre  à  la  côte  occidentale,  nous  n'avons 
vu  dans  aucun  journal  belge,  anglais  ou  américain  un  rapport  scienti- 
fique de  lui  ou  de  ses  subordonnés  \  Le  seul  écrit  de  ce  genre  qui  nous 
soit  parvenu  est  celui  de  M.  Johnston  sur  la  flore  et  la  faune  du  Congo, 
auquel  nous  avons  fait  allusion  dans  notre  dernier  numéro.  —  Quant  au 
caractère  humanitaire  de  l'œuvre  de  Stanley,  les  descriptions  sus-men- 
tionnées,  le  grand  nombre  de  noirs,  Zanzibarites,  Haoussas,  Erooboys, 
recrutés  aux  deux  extrémités  du  continent  et  armés  de  fusUs  à  tir  rapide, 
les  détails  fournis  par  les  reporters  qui  l'ont  vu  au  milieu  de  ses  gens  à 
Vivi,  et  qui  le  représentent  entouré  de  ses  soldats  et  d'une  escorte  de 
princes  nègres,  dans  l'équipage  d'un  roi  encore  plus  que  d'un  explora- 
teur, tout  cela  n'est  pas  de  nature  à  nous  rlissurer.  Nous  ne  dirons  rien 
du  bruit  qui  a  couru,  d'après  lequel  il  aurait,  à  l'aide  de  ses  Zanziba- 

'  Les  derniers  numéros  des  BuUetma  des  Sociétés  royales  de  géographie  de 
Bruxelles  et  d'Anvers,  sont  eux-mêmes  muets  sur  les  travaux  de  l'explorateur. 


—  267  — 

rites,  empêché  la  libre  navigation  et  le  commerce  sur  le  Haut-Congo, 
mais  le  moindre  rapport  de  sa  main  sur  ses  explorations  et  sur  ses 
projets  serait  le  bienvenu,  auprès  de  tous  ceux  qui  désirent  voir  l'œuvre 
civilisatrice  se  poursuivre  en  paix  à  l'intérieur  du  continent. 

Devons-nous  rattacher  à  l'œuvre  du  Comité  d'Études  du  Congo  la 
fondation  de  stations  sur  le  littoral  de  l'Atlantique  au  nord  de  l'embou- 
chure du  grand  fleuve  ?  Nous  l'ignorons.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  journal 
belge  VExcursioîi  nous  a  appris  que  le  lieutenant-adjoint  d'état-major, 
M.  V.  Hapou,  membre  d'une  des  premières  expéditions  belges  au 
Congo,  reparti  en  janvier  pour  l'Afrique  centrale,  se  trouve  aujourd'hui 
à  Massabé,  près  de  Landana  ',  où  il  a  fondé  une  première  station. 
Son  personnel  se  compose  de  137  hommes,  appartenant  à  des  nationa- 
lités différentes,  dont  les  Zanzibarites,  les  Erooboys,  les  Mosses  et  les 
Cabindas,  constituent  les  principaux  éléments.  Le  dernier  courrier 
annonçait  son  départ  de  la  côte  pour  l'intérieur,  et  lui  prêtait  l'intention 
d'établir  encore  deux  autres  stations. 

Cette  dépêche  ne  nous  rassure  pas  davantage.  C'est  à  Landana,  nos 
lecteurs  se  le  rappellent,  que  de  Brazasa  est  arrivé  à  la  côte  après 
avoir  découvert  la  vallée  du  Niari  dans  son  troisième  voyage  ^  Massabé 
se  trouve  à  l'embouchure  du  Loema,  qui  coule  à  peu  près  parallèlement 
au  Niari,  et  se  jette  dans  l'Atlantique  au  sud  du  Quillou,  là  où 
l'expédition  de  Brazza  a  trouvé  récenmient  des  gens  de  Stanley  prêts 
à  lui  disputer  le  droit  de  s'établir  en  cet  endroit,  qu'il  avait  choisi 
comme  point  de  départ  de  la  voie  de  communication  la  plus  courte  entre 
l'Atlantique  et  le  Congo  moyen.  M.  Harou  a-t-il  pour  mission  de 
s'opposer  à  la  réalisation  du  plan  de  Brazza  d'ouvrir  l'Afrique  par  la 
vallée  du  Niari?  Encore  ici  nous  sommes  dans  l'ignorance. Cela  n'empê- 
che pas  de  Brazza  de  remonter  l'Ogôaué,  Dès  son  arrivée  au  Gabon,  il  a 
expédié  deux  membres  de  son  expédition,  MM.  deMontagnac  et  Miche- 
let,  avec  20  laptots,  fonder  un  poste  sur  l'Alima,  tandis  que  M,  le  lieu- 
tenant Decazes;  son  chef  d'état-major,  surveillait  l'installation  de 
Lambaréné,  dépendant  de  la  station  de  N'jolé.  D  y  avait  trouvé  M.  de 
Lastours,  qui  avait  amené  une  flottille  de  60  pirogues  montées  par 
800  pagayeurs  adoumas,  accourus  au-devant  du  chef  de  la  mission  fran- 
çaise, et  devant  remonter  avec  quatre-vingts  tonnes  de  marchandises. 
M.  Decazes,  revenu  au  Gabon,  devait  attendre  la  Seiidre  et  VOhimo, 
qui  apportaient  un  complément  de  matériel,  et  remonter  avec  ce  dernier 

^  Depuis  de  longues  années,  Landana  a  une  station  de  missionnaires  romains. 
•  Voir  la  carte,  HI"»  année,  p.  288. 


—  268  — 

navire  le  bas  Ogôoué,  en  inspectant  le  poste  du  cap  Lopez,  puis  rejoin- 
dre de  Brazza,  à  la  fin  de  juillet,  après  Tarrivée  d'un  nouveau  convoi. 

Les  plantations  de  café  créées  au  Oabon  par  la  maison  Woermann 
et  O*  de  Hambourg,  sous  la  direction  de  M.  Soyanx,  botaniste  atta- 
ché à  l'expédition  allemande  du  Loango,  sont  en  voie  de  prospérité,  et 
ont  fourni  &  celui-ci  l'occasion  de  juger  des  aptitudes  des  nègres  libres  à 
être  employés  comme  ouvriers  pour  des  travaux  agricoles.  Au  début  ^ 
M.  Soyaux  fit  venir  une  cinquantaine  de  nègres  de  Libéria,  auxquels  il 
en  adjoignit  autant  du  Gabon.  Avec  eux  il  planta  des  milliers  de  pieds 
de  café,  sur  le  terrain  dépendant  de  la  ferme  de  Sibangoué,  située  par 
0°  26'  lat.  S.  et  7'  11'  long.  E.  de  Paris  ;  il  abattit  la  forêt  vi^ge^ 
ouvrit  une  route  jusqu'à  la  côte,  et,  quoique  ses  travaux  ne  datent  que 
de  quelques  années,  il  a  déjà  pu  apporter  à  Edimbourg  des  échantillons 
de  café,  que  les  premiers  courtiei's  déclarent  d'excellente  qualité,  meil- 
leurs même  que  ceux  de  Libéria.  Toutes  les  opérations  ont  été  faites  par 
les  noirs  sus-mentionnés,  sous  la  surveiliance  de  trois  aides  européens  et 
d'un  ingénieur,  M.  Schrau,  qui  a  passé  trois  ans  avec  Stanley.  Tandis 
qu'auparavant  le  nègre  du  pays  ne  travaillait  que  quand  cela  lui  conve- 
nait^ peu  à  peu  il  a  conunencé  à  s'engager  pour  des  semaines,  puis  pour 
des  mois  ;  le  personnel  de  la  plantation  s'est  accru  et  les  travaux  se  font 
plus  rapidement.  D'après  les  nouvelles  que  M.  Soyaux  reçoit  de  la  ferme 
de  Sibangoué,  les  Mpongoués  aussi  y  arrivent  maintenant  pour  demander 
du  travail  ;  il  estime  que  c'est  le  peuple  de  l'avenir  pour  ce  pays  ;  ils 
sont  agriculteurs,  c'est  là  l'essentiel.  Avec  eux  on  pourra  cultiver,  sur 
ce  sol  si  riche,  toutes  les  plantes  utiles  des  tropiques.  M.  Soyaux  a  dû 
repartir  en  septembre  pour  Sibangoué.  B  veut  encore  étudier  la  question 
de  l'aptitude  des  indigènes  à  devenir  de  petits  fermiers,  vendant  leurs 
produits  aux  grands  fermiers  qui  travaillent  au  moyen  de  forces  méca- 
niques. Avec  de  la  patience  il  espère  y  arriver.  H  ne  craint  pas  la  con- 
currence, et  met  son  expérience  à  la  disposition  de  tous. 

M.  Ernst  Vohsen,  chargé  avec  MM.  Hart  et  Keller,par  la  Com- 
pagnie du  Sénégal  et  de  la  côte  occidentale  d'Afrique,  d'explorer  le  pays 
de  Timmani,  à  l'est  de  Siepra-Léone,  et  d'en  dresser  une  carte,  a 
réussi  à  rectifier  plusieurs  erreurs  existant  dans  la  carte  du  major  Laing, 
la  seule  employée  jusqu'ici.  Les  nouveaux  voyageurs  ont  pu  reproduire  le 
relief  du  terrain,  indiquer  les  divisions  administratives  du  pays,  et  explo- 
rer le  cours  des  rivières  Bagrou  et  Bampanah.  Dans  la  carte  de  Laing, 
la  Bampanah  est  indiquée  comme  affluent  de  la  Camaranca,  tandis  que 
celle-ci  n'est  qu'un  tributaire  du  Bompé  et  a  ses  sources  au  mont  Miseri. 


—  269  — 

La  Bampanah  se  jette  dans  le  Jong,  ua  des  affluents  les  plus  importants 
du  Sherbro. 

Le  D'  Bayol  est  rentré  en  France,  rapportant  des  traités  d'amitié 
conclus  avec  six  chefe  de  territoires  situés  entre  le  Sénégal  et  le 
Niger,  ainsi  que  la  carte  qu'en  a  dressée  le  lieutenant  Quiquandon.  Ce 
pays  étant  resté  en  dehors  des  itinéraires  de  Mungo-Park,  de  Mage,  de 
Soleillçt  et  de  Lenz,  était  encore  inconnu  des  Européens.  Il  en  a  trouvé 
la  population  plus  clairsemée  qu'on  ne  le  supposait,  vraisemblablement 
par  suite  des  guerres  qui  depuis  quarante  ans  ont  ensanglanté  cette 
région.  A  l'époque  où  il  l'a  traversée,  il  ne  s'y  trouvait  aucun  ruisseau 
offrant  un  courant.  Les  habitants  tirent  leur  eau  de  puits  qui  ont  de 
^5  à  30  mètres  de  profondeur  et  qu'ils  entretiennent  avec  soin.  Les 
Bambarras,  vigoureux,  mais  ivrognes  et  cruels,  aiment  cependant  le 
travail  ;  leurs  champs  sont  bien  cultivés  ;  chaque  Bambarra  doit  défricher 
une  étendue  de  terrain  proportionnelle  à  la  quantité  de  personnes  qu'il 
peut  employer  et,  celui  qui  a  les  champs  les  mieux  entretenus  est 
•estimé  à  l'égal  de  celui  qui  a  accompli  un  exploit  de  guerre. 

Le  Réveil  du  Maroc  demande  que  les  puissances  européennes  mettent 
fin  à  la  traite  qui  déshonore  les  Légations  et  les  Consulats,  «  parce 
que,»  dit-il,  «  c'est  sous  les  yeux  des  représentants  de  l'Europe  au  Maroc 
que  les  esclaves  sont  traînés  d'une  rue  à  l'autre  comme  de  véritables 
bêtes  de  somme.  »  Amenés  dans  la  province  de  Sous  par  les  caravanes 
de  Tombouctou,  ils  sont  vendus  dans  les  foires  trimestrielles  de  cette 
province,  et  conduits  ensuite  sur  les  marchés  des  différentes  villes  du 
royaume,  où  l'on  mutile  les  jeunes  gens  pour  faire  d'eux  des  gardiens 
des  harems.  Lord  Granville  a  chargé  le  représentant  de  S.  M.  britan- 
nique au  Maroc  de  faire  des  représentations  à  l'empereur,  et  de  l'en- 
gager à  se  mettre  au  niveau  des  monarques  civilisés,  en  prenant  des 
mesures  pour  l'abolition  de  l'esclavage  dans  se-s  États. 


NOUVELLES  COMPLÉMENTAIRES 

L'explorateur  autrichien  Ernest  Marno  est  mort  à  Khartoum. 

Le  journal  arabe  Nusret  annonce  que  le  roi  Jean  d'Abyssinie,  ayant  appris  que 
:8on  vassal  Ménélik  se  proposait  d'envoyer  une  ambassade  à  Paris  pour  solliciter 
le  protectorat  de  la  France,  lui  a  déclaré  la  guerre  et  a  fait  envahir  le  Choa  par 
une  armée  abyssinienne. 

La  Société  géographique  de  Rome  a  été  informée  du  retour  à  Assab  du  comte 
Antonelli,  qui  rapporte  du  Choa  les  collections  du  marquis  Antinori. 

Quatre  jeunes  commerçants  milanais  se  sont  établis  à  Assab,  d'où  ils  se  rendront 


—  270  — 

aux  divers  ports  de  la  mer  Rouge  pour  y  faire  des  échanges  de  marchandises 
italiennes. 

L'avènement  de  la  nouvelle  reine  de  Madagascar,  Ranavalo  III,  n'a  point  amené 
de  changement  dans  les  rapports  avec  la  France,  le  premier  ministre  de  la  feae 
reine  ayant  conservé  le  pouvoir.  —  A  la  suite  des  mesures  prises  par  les  Hovas 
contre  les  missionnaires  romains,  deux  de  ceux-ci  sont  morts. 

Les  hostilités  entre  le  chef  Ghipitoula  et  les  Portugais  continuent  dans  la 
région  du  Chiré.  Quoique  ceux-ci  aient  promis  de  ne  pas  empêcher  le  passage,  et 
que  Ghipitoula  soit  amical  pour  les  missionnaires  de  Blantyre,  ceux  qui  vont  ren- 
forcer cette  station  ne  remontent  pas  le  fleuve  sans  danger.  Il  en  est  de  même  de 
ceux  qui  se  rendent  à  Livingstonia. 

M.  O'Neill,  qui  se  dirige  vers  le  lac  Chiroua,  est  arrivé  à  Shalawé  par  14*"  15'  lat. 
S.  et  se''  32'  long.  E.  de  Paris,  à  500™  d'altitude. 

Le  roi  des  Matébélés,  Lo  Bengula,  est  en  guerre  avec  les  Bamangwatos  dont  il 
convoite  le  pays,  et  avec  les  Mashonas.  Le  commerce  est  arrêté  dans  la  région  qni 
s'étend  du  Limpopo  au  Zambèze. 

Les  Portugais  ont  essayé  de  s'assujettir  le  chef  Magoud,  dans  le  territoire 
duquel  les  missionnaires  vaudois  du  nord  du  Transvaal  ont  placé  un  de  leurs 
aides  indigènes.  Magoud  a  refusé  de  payer  le  tribut  qui  lui  était  réclamé,  en  disant 
que,  vassal  d'Oumzila,  il  ne  ferait  sa  soumission  que  si  ce  dernier  faisait  la  sienne. 

Une  dépêche  de  Durban,  du  12  septembre,  annonce  que  le  chef  betchouana 
Montsiva  a  détruit  Fort  William  pendant  l'absence  des  volontaires  blancs,  et  s'est 
emparé  de  leurs  armes  et  de  leurs  munitions.  Les  blancs  de  la  république  nouvelle 
du  Stellaland  sont  divisés,  et  l'on  s'attend  à  des  hostilités  entre  eux.  Un  grand 
nombre  de  Boers  sont  entrés  dans  le  Zoulouland  par  le  territoire  de  réserve  ;  on 
dit  qu'ils  veulent  prêter  assistance  à  Cettiwayo. 

Les  missionnaires  moraves  de  la  Cafrerie  britannique  redoutent  pour  cette  région 
de  graves  complications.  Un  grand  nombre  de  fermiers  et  de  commerçants  ont 
déjà  quitté  le  pays.  Il  est  question  d'une  conjuration,  dans  laquelle  les  tribus 
cafres  donneraient  la  main  aux  tribus  du  Lessouto. 

Des  négociants  de  Lisbonne  ont  constitué  une  compagnie  pour  la  navigation  de 
la  Quanza;  ils  ont  fait  construire  à  cet  effet  en  Angleterre  un  bateau  à  vapeur,  le 
Serpa  Pinto,  qui  devait  être  livré  au  mois  de  septembre. 

De  riches  Mécènes  allemands  se  sont  chargés  des  frais  d'une  expédition  nouvelle 
du  lieutenant  Wissmann,  qui  retournera  à  Muquengué,  pour  tenter  de  là  une 
exploration  dans  la  direction  du  Congo,  afin  d'étudier  le  système  hydrographique 
de  cette  partie  du  plateau  central  africain. 

Le  gouverneur  de  la  colonie  d'Angola  a  envoyé  de  Loanda  une  ambassade  à 
San  Salvador^  pour  saluer  le  roi  nègre  dom  Pedro,  qui  de  son  côté  enverra  an  roi 
de  Portugal  une  mission  dont  ses  fils  feront  partie. 

La  Livingstonia  Inland  Mission  a  fondé  une  station  nouvelle  à  Ngoma's  Town, 
à  100  kilom.  en  amont  de  Stanley-Pool. 

IjC  Journal  de  Genève  annonce  que  l'Association  internationale  africaine  (?) 


—  271  — 

s'occupe  en  ce  moment  de  rechercher  des  colons,  qui  rece?raient  gratuitement  des 
terres  dans  les  contrées  du  Congo  dont  Stanley  a  pris  possession.  Il  s'agirait  tout 
d'abord  d'attirer  des  Allemands,  et  déjà  les  journaux  prussiens  parlent  de  la 
création  d'un  consulat  allemand.  —  En  Belgique,  il  ne  s'est  pas  constitué  moins 
de  six  sociétés  commerciales  qui  veulent  exploiter  le  Congo. 

M.  Flegel  a  offert  à  la  Société  africaine  allemande  de  faire  une  nouvelle  expé- 
dition dans  l'Adamaoua,  pour  pénétrer  par  là  dans  la  région  parfaitement  inconnue 
qui  s'étend  jusqu'au  Congo,  ou,  s'if  échoue,  pour  revenir  vers  l'ouest  au  mont 
Cameroon.  Le  gouvernement  de  l'empire  allemand  a  accordé  une  somme  de 
50,000  fr.  pour  cette  exploration.  D'autre  part,  quelques  particuliers  de  Lagos,  où 
Flegel  résidait  depuis  son  dernier  voyage,  lui  ont  aussi  fourni  des  fonds,  avec  les- 
quels il  est  parti  pour  reprendre  son  exploration  du  bassin  du  Niger  et  du 
Bénoué,  afin  de  l'ouvrir  à  la  science  et  au  commerce. 

Le  capitaine  Lonsdale,  chargé  d'engager  pour  Stanley  600  Haoussas  avec  femmes 
et  enfants,  s'est  rendu  de  Lagos  à  Sokoto  et  à  Kano,  emportant  pour  2000  liv.  sterl. 
de  marchandises  et  muni  de  ressources  importantes.  Il  est  accompagné  d'un  lieu- 
tenant suédois,  M.  Erusensterna,  de  M.  A. -H.  Porter,  ancien  négociant  de  Lagos  et 
de  deux  autres  Anglais. 

La  mission  envoyée  à  Coumassie  par  le  gouverneur  anglais,  Sir  Samuel  Rowe, 
paraît  avoir  réussi  et  la  guerre  civile  pourra  être  évitée.  Les  routes  sont  de  nou- 
veau ouvertes  au  commerce  et  les  communications  libres  de  l'intérieur  à  la  côte. 

La  fièvre  de  spéculation  règne  à  Axim  et  dans  les  districts  aurifères  de  la  Côte 
d'Or.  Par  suite  du  climat  et  des  conditions  d'exploitation,  les  travaux  des  mines 
avancent  lentement.  Le  commandant  Cameron,  directeur  de  la  West  African 
Goldfields  Company,  a  introduit  sur  sa  concession  les  procédés  hydrauliques 
employés  en  Californie, 

D'après  une  dépêche  de  Sierra-Léone,  la  reine  de  Massah,  avec  le  consentement 
de  chefs  indigènes,  a  autorisé  l'annexion  d'un  territoire  voisin  de  Sherbro  aux  posses- 
sions anglaises,  qui  s'étendront  ainsi  sans  interruption  de  Sièrra-Léone  à  Libéria. 

M.  Trouillet^  qui  se  préparait  par  des  études  sur  la  langue  du  Fouta-Djallon  à 
explorer  ce  pays,  est  mort  à  Boubah,  à  l'embouchure  du  Rio  Grande. 

Le  journal  espagnol  El  IHa  publie  une  dépêche  de  Ténériffe,  du  chef  de  l'expé- 
dition commerciale  au  Maroc,  portant  que  la  commission  hispano-marocaine,  char- 
gée de  régler  la  question  de  Santa-Cruz  de  Mar-Pequena,  a  été  dissoute  après 
avoir  examiné  la  côte  jusqu'au  cap  Juby.  Les  délégués  marocains  insistaient  pour 
réserver  à  leur  pays  Puerto-Sanfanto,  tandis  que  les  Espagnols  désiraient  que  le 
cap  Noun  leur  fût  cédé  par  le  Maroc.  Après  la  dissolution  de  la  commission,  à 
Mogador,  les  délégués  marocains  n'ont  rien  voulu  signer. 

n  s'est  constitué  à  Barcelone,  sous  le  nom  de  «  Compagnie  hispano-africaine,»  une 
société  de  commerce  et  de  navigation,  dont  le  but  est  de  développer  les  relations 
commerciales  de  l'Espagne  avec  l'Afrique,  par  l'établissement  de  factoreries  et  par 
la  création  d'un  service  régulier  de  bateaux  à  vapeur,  pour  lequel  le  gouvernement 
accordera  une  subvention. 


—  272  — 


LA    QUESTION    OU    CONGO    DEVANT    L'INSTITUT    DE    DROIT 

INTERNATIONAL 


I 


Lettre- eircnlaire   h   IHessieurB    les    membres    et    MiBOclés 

de  l'Instjitat  de  droit  International. 

Genève,  le  !•»'  Juillet  1883. 

Messieurs  et  chers  confrères, 

Vous  avez  tous  lu,  sans  doute,  dans  la  dernière  livraison  de  la  Revue 
de  droit  international  \Vintéress9inte  étude  que  notre  honorable  vice- 
président,  M.  de  Laveleye,  a  consacrée  à  la  neutralité  du  Congo,  sujet 
plein  d'actualité,  sur  lequel,  à  mon  tour,  je  désire  attirer  de  nouveau 
votre  attention. 

Je  dis  «  de  nouveau,  »  parce  que,  jadis,  j'ai  déjà  invité  une  première 
fois  rinstitut  à  tourner  ses  regards  de  ce  côté.  En  présence  de  l'asser- 
tion de  M.  de  Laveleye,  que  «  c'est  depuis  trois  ans  à  peine  que  l'atten- 
tion se  porte  vers  le  Congo,  »  qu'il  me  soit  permis  de  rappeler  que 
je  vous  en  ai  entretenu  il  y  a  cinq  ans,  lors  de  notre  session  de  Paris, 
dans  la  séance  du  5  septembre  1878  ^  À  cette  époque,  il  ne  fiit  pas  donné 
suite  à  ma  suggestion,  qui  ne  présentait  pas  un  caractère  d'urgence  ;  on 
ne  soupçonnait  pas  alors  que  le  majestueux  cours  d'eau  parcouru  pour 
la  première  fois  par  Stanley  en  1877,  c'estrà-dire  l'année  auparavant, 
pût  être  à  la  veille,  en  quelque  sorte,  de  devenir  l'objet  de  compétitions 
dangereuses.  L'événement  a  prouvé  néanmoins  que  le  moment  aurait 
été  favorable  pour  s'en  occuper,  afin  de  prévenir  les  conflits  que  l'on  a 
vus  surgir  dès  lors,  et  qui  pourraient  bien  n'être  que  le  prélude  de  faits 
plus  regrettables. 

Quoi  qu'il  en  soit,  j'ai  été  heureux  de  voir  M.  de  Laveleye  plaider 
spontanénient,  avec  la  légitime  autorité  dont  il  jouit,  la  cause  que  j'avais 

*  T.  XV,  p.  254. 

*  Voy.  Annuaire  de  1879-1880,  t.  I,  p.  155. 


—  273  — 

antérieurement  portée  devant  vous,  et  j'espère  qu'il  aura  réussi  à  vous 
convaincre  de  sa  justesse. 

Je  n'ai  pas  la  prétention  de  refaire,  après  lui,  l'exposé  des  motifs  qui 
militent  en  faveur  de  la  neutralisation  du  Congo,  car  je  ne  saurais  m'en 
acquitter  d'une  manière  plus  pei*suasive.  Je  vous  rappellerai  seulement 
que,  depuis  peu,  les  nations  civilisées,  en  quête  de  débouchés  pour  leurs 
produits  industriels,  pleines  de  zèle  pour  les  découvertes  géographiques 
et  de  sollicitude  pour  les  habitants  du  continent  noir,  ont  multiplié  les 
établissements  de  toutes  sortes,  soit  le  long  des  rives  du  Congo,  soit 
dans  la  contrée  avoisiuante,  et  que  plusieurs  associations  commerciales 
viennent  de  se  former  pour  y  trafiquer.  Mais,  hélas  !  les  blancs  qui  s'y 
rencontrent  n'y  vivent  pas  tous  en  bonne  hannonie,  et  c'est  d'autant 
plus  grave  que  les  éléments  inflammables  n'y  manquent  pas.  De  plus, 
les  teiTitoires  sont  mal  délimités  dans  cette  partie  de  l'Afrique,  et  1(  s 
droits  de  souveraineté  qui  les  concernent  ont  déjà  fait,  récemment,  l'objet 
de  contestations  de  mauvais  augure. 

Cet  état  de  choses  ne  laisse  pas  d'être  inquiétant.  «  Si  les  explorateurs 
des  autres  nations,  »  dit  M.  de  Laveleye,  «  imitent  l'exemple  de  M.  de 
Brazza  et  plantent  leur  drapeau  national  sur  les  stations  qu'ils  fondent, 
nous  aurons  bientôt,  sur  les  bords  du  Congo,  des  territoires  français, 
anglais,  allemands,  portugais,  italiens  et  hollandais,  avec  leurs  frontières, 
leurs  forts,  leurs  canons,  leurs  soldats,  leurs  rivalités  et  peut-être,  un 
jour,  leui's  hostilités.  N'est-ce  pas  déjà  trop  de  voir  nos  fleuves  d'Euroi)(» 
hérissés,  des  deux  côtés,  d'armements  formidables?  Faut-il  reproduire 
ctîtte  déplorable  situation  jusqu'au  milieu  de  l'Afrique,  et  donner  aux 
nègres,  que  nous  prétendons  civiliser,  le  triste  tableau  de  nos  antagonis- 
mes et  de  nos  querelles  ?  »  Or  c'est  à  conjurer  ce  péril,  pour  «  ne  laisser 
place,  dans  ces  régions  qui  s'ouvent  à  l'Europe,  qu'à  la  noble  et  pacifique 
concurrence  du  commerce  libre,  des  explorations  scientifiques  et  des  mis- 
sions chrétiennes  et  humanitaires,»  que  servirait  la  neutralité  du  Congo. 

M.  de  Laveleye  cite,  à  l'appui  de  son  opinion,  celle  du  célèbre  voya- 
geur allemand  Rohlfs,  celle  de  M.  de  Lesseps,  les  démarches  concordantes 
de  plusieurs  sociétés  auprès  du  gouvernement  anglais.  Il  se  fonde  aussi 
sur  un  précédent  de  même  nature,  celui  concernant  la  navigation  du 
Danube,  pour  en  conclure  que  le  projet  qu'il  préconise  n'est  pas  irréali- 
sable. Je  le  crois  moi-même  fermement,  et  c'est  à  cause  de  cela  que  je 
souhaite  fort  que  l'Institut  évoque  l'affaire  à  lui.  Il  y  a  là  une  œuvi'e 
utile  à  accomplir,  ou  tout  au  moins  une  question  importante  à  examiner. 

Je  ne  pense  pas  que,  quant  au  fond,  il  se  produise  parmi  nous  de 


—  274  — 

sérieux  dissentiments,  ni  que  nous  ayons  beaucoup  de  peine  à  tomber 
d'accord  sur  les  clauses  à  Insérer  dans  un  traité,  destiné  à  garantir  la 
libre  circulation  et  le  libre  négoce  sur  le  grand  fleuve  africain.  Élaborer 
le  texte  d'une  semblable  convention  ne  constituerait  donc  pas  un  travail 
bien  méritoire  ;  mais,  à  mon  avis,  cela  ne  devrait  être,  de  notre  part, 
que  Tacheminement  à  une  action  plus  directe  sur  les  gouvernements. 
Peut-être  môme  pourrait-on  s'en  dispenser. 

Les  États  civilisés  sont  tous  plus  ou  moins  intéressés  à  ce  qu'aucune 
puissance  ne  s'attribue  un  droit  exclusif  de  passage  sur  tout  ou  partie 
de  cette  magnifique  artère  fluviale,  qui  donne  accès  dans  le  vaste  bassin 
de  rAfrique  équatoriale  ;  mais  aucun  d'eux  n'a  manifesté  jusqu'ici  l'inten- 
tion de  se  mettre  en  avant  pour  provoquer  une  entente  dans  ce  sens,  et 
il  est  douteux  que,  livrés  à  eux-mêmes,  ils  sortent  de  leur  réserve.  La 
question  se  trouve  dans  une  phase  analogue  à  celle  qui,  en  1864,  a  pré- 
cédé la  signature  de  la  Convention  de  Genève.  L'opinion  publique  récla- 
mait alors  la  neutralisation  du  service  sanitaire  des  armées  ;  les  gouver- 
nements, de  leur  côté,  ne  demandaient  pas  mieux,  au  fond,  que  de  la 
proclamer,  mais  il  fallait  quelqu'un  pour  leur  donner  une  impulsion 
décisive,  et  ce  fut  un  comité  tout  à  fait  privé  qui  s'en  chargea,  avec 
succès.  Aujourd'hui  de  même,  quoique  l'idée  de  neutraliser  le  Congo  ne 
paraisse  pas  devoir  soulever  d'objections  majeures,  la  diplomatie  hésite 
à  en  prendre  l'initiative,  et,  pour  qu'elle  s'y  décidât,  il  suflSrait  peut-être 
de  la  mettre  formellement  en  demeure  d'agir. 

Or,  peu  de  voix  seraient  mieux  qualifiées  pour  cela  que  celle  de  l'Listi- 
tut  de  droit  international.  Notre  compagnie  revêt  un  caractère  d'impar- 
tialité si  fortement  accentué,  qu'elle  ne  peut  être  suspecte  à  personne  ; 
d'autre  part  sa  compétence  est  indiscutable  ;  enfin  cela  rentre  tout  à  fait 
dans  son  programme  :  ne  s'agit-il  pas,  en  eflfet,  de  a  contribuer  au  main- 
tien de  la  paix  »  (Statuts,  art.  1 ,  4**),  et  de  tendre  à  la  «  consécration 
officielle  d'un  principe  reconnu  conmie  étant  en  harmonie  avec  les 
besoins  des  sociétés  modernes?  »  (Statuts,  art,  1,  3**). 

Si  l'Institut  adopte  mon  point  de  vue,  comme  il  impoile  que  sa  tenta- 
tive réussisse,  je  demanderai  expressément  qu'il  ne  se  borne  pas  à  faire 
connaître  ses  vœux  aux  gouvernements,  mais  qu'il  entame  avec  eux  des 
pourparlers  plus  positife,  et  les  continue  jusqu'à  ce  qu'il  ait  trouvé  un 
souverain  de  bonne  volonté,  qui  consente  à  inviter  les  autres  États  à 
une  conférence  ad  hoc.  U  est  indispensable  que  nous  poussions  les  choses 
jusque-là;  autrement  nous  risquerions  fort  de  n'avoir  donné  qu'un  coup 
d'épée  dans  l'eau,  ce  qui  serait  fâcheux  à  tous  égards. 


—  275  — 

Yeuillez  réfléchir  à  ma  proposition  avant  notre  prochaine  assemblée, 
et  permettez-moi  d'espérer  qu'à  Munich,  au  mois  de  septembre  prochain, 
il  sera  pris  à  son  sujet  une  décision  conforme  à  mes  désirs. 

Agréez,  Messieurs  et  chers  confrères,  l'assurance  de  mes  sentiments 
distingués. 

G.  MOYKIER. 


II 


Mémoire    la   h  rinstltut  de  droit  International,  h   Mnnleliy 

le  4  «eptembre  1888. 

* 

Messieurs, 

Par  une  lettre-circulaire,  datée  du  !•'  juillet  dernier,  je  vous  ai 
annoncé  mon  intention  de  provoquer  de  votre  part  l'examen  de  la  ques- 
tion de  la  neutralité  du  Congo.  Aujourd'hui,  puisque  vous  voulez  bien 
m'accorder  la  parole,  j'essaierai  de  préciser  l'objet  de  ma  proposition, 
qui  me  paraît  se  rattacher  au  §  9  de  l'ordre  du  jour  de  cette  session  : 
«  Examen  de  toutes  propositions  dont  l'urgence  serait  reconnue  par 
l'assemblée.  » 

Je  vous  en  rappellerai,  au  préalable,  les  considérante  en  quelques 
mots. 

Sur  la  côte  occidentale  de  l'Afrique,  vers  le  6°  de  latitude  sud,  s'ouvre 
l'estuaire  d'un  fleuve  qui  apporte  à  l'Océan  un  volume  d'eau  considéra- 
ble, mais  qui,  à  180  kilomètres  de  la  côte,  est  obstrué  par  des  récifs  et 
des  rochers  abrupts,  si  bien  qu'on  l'a  considéré  jusqu'à  nos  jours  comme 
de  minime  importance,  comme  une  sorte  d'impasse,  analogue  à  son 
voisin  le  Gabon.  Qu'y  avait-il  au  delà  des  chutes  de  YellaJa?  On  l'igno- 
rait et  ne  s'en  inquiétait  guère. 

Mais  les  choses  ont  subitement  changé  de  face,  quand  Stanley,  venant 
de  l'orient,  eut  débouché  à  Boma  et  révélé  les  richesses  du  cours  supé- 
rieur du  Congo,  navigable,  sans  compter  ses  affluents  nombreux  et  puis- 
sants, sur  un  parcours  d'environ  1600  kilomètres  en  amont  des  catarac- 
tes. Aussitôt  des  expéditions  géographiques,  humanitaires,  religieuses 


—  276  — 

et  commerciales,  se  sont  organisées  pour  aller  explorer,  chacune  à  son 
point  de  vue,  le  bassin  de  la  splendide  artère  fluTiale  que  Fintrépide 
voyageur  venait  de  baptiser  du  nom  de  Livingstone,  que  d'autres  dési- 
gnent sous  le  nom  de  Zaïre,  mais  qui  est  plus  généralement  connue  sous 
celui  de  Congo.  Aujourd'hui,  ce  cours  d'eau  et  ses  abords  sont  devenus 
le  point  de  mh*e  de  toutes  les  nations. 

Tant  d'intérêts  divers  poursuivis  avec  ardeur  sur  une  même  piste, 
devaient  faire  entrevoir  la  possibilité  de  conflits  plus  ou  moins  prochains. 
Ce  fut  ce  qui  m'engagea  à  vous  inviter,  il  y  a  cinq  ans  déjà,  à  mettre  à 
l'étude  la  question  de  savoir  quelles  mesures  préventives  il  y  aurait  à 
prendre  contre  cette  éventualité. 

Les  faits  postérieurs  n'ont  pu  que  me  confirmer  dans  l'opinion  qu'il  y 
a  réellement  quelque  chose  à  faire  sous  ce  rapport.  Je  considère  mainte- 
nant comme  urgente,  une  détermination  précise  des  droits  que  chaque 
nation  peut  revendiquer  dans  ces  lointains  parages. 

L'installation  des  nouveau-venus,  sur  les  rives  du  fleuve  et  sur  ses 
eaux,  se  développe  avec  une  extrême  rapidité,  et  la  politique  commence 
h  s'en  mêler,  ainsi  que  Stanley  l'avait  prédit  lors  de  sa  découverte  '  ;  aassi 
est-il  devenu  nécessaire  d'aviser  à  une  déclaration  de  principes,  propre 
à  prévenir  des  incidents  regrettables.  D  en  est  temps  encore,  mais  le 
danger  est  réel,  s'il  est  vrai,  comme  on  l'afiirme,  que  les  exploratem^s 
de  cette  régipn  ne  sont  pas  tous  animés  d'une  égale  bienveillance  les  uns 
envers  les  autres.  Je  sais  bien  qu'en  haut  lieu  les  sentiments  de  mes- 
quine jalousie  ne  sauraient  avoir  accès,  et  qu'en  particulier  les  instruc- 
tions données  à  Stanley  et  à  ses  agents,  par  le  comité  pour  le  compte 
duquel  ils  travaillent,  leur  interdisent  tout  acte  d'hostilité  envers  les 
voyageurs  étrangers  ;  elles  leur  imposent  même  le  devoir  d'entretenir 
avec  ceux-ci  de  bonnes  relations,  et  de  leur  prêter  assistance  au  besoin. 
Je  sais  aussi  que  les  armements  qui  se  font  n'ont  pour  but  que  la  défense 
des  territoires  occupés,  à  l'exclusion  de  toute  idée  de  conquête  par  la 
force.  Néanmoins,  il  ne  faut  pas  s'aveugler  au  point  de  se*  figurer  que, 
pour  avoir  été  pacifiques  jusqu'à  présent,  les  rivalités  n'existent  pas,  et 
que  la  présence  de  soldats  aux  ordres  des  concurrents  ne  constituent  pas 
un  véritable  péril.  Déjà  les  rapports  avec  les  Africains,  faciles  au  début, 
commencent  à  être  fort  tendus  ;  les  gens  de  Stanley  ont  échangé  des 
coups  de  fusil  avec  les  indigènes,  et  la  route  frayée  à  grands  frais  entre 

*  Lettre  du  5  sept.  1877  (Voy.  V Afrique  centrale  et  la  Conférence  de  Bruxelles^ 
par  E.  de  Laveleye,  p.  217). 


—  277  — 

Manyanga  et  Léopoldville  est  devenue  si  peu  sûre,  que  les  missionnaires 
n'osent  plus  s'y  hasarder  \ 

Mes  appréhensions,  partagées  par  de  très  bons  juges  en  cette  miatière, 
se  sont  déjà  fait  jour  en  divers  pays. 

La  Chambre  de  commerce  de  Manchester  a  présenté  ^  au  Foreign 
Office  une  adresse,  pour  demander  que  l'indépendance  du  territoire  du 
Congo  soit  proclamée,  et  que  le  fleuye  reste  ouvert  au  commerce  de 
toutes  les  nations.  —  Des  œuvres  missionnaires  et  une  grande  société 
philanthropique,  «  l'Antislavery  Society,  »  ont  suivi  cet  exemple.  —  La 
Chambre  de  commerce  de  Rotterdam  a  pris  peur  de  son  côté;  et  a  péti- 
tienne  auprès  du  cabinet  de  La  Haye.  —  A  Berlin,  un  voyageur  bien 
connu,  M.  Rohlfs,  a  publié  un  sérieux  appel  à  son  gouvernement  dans  le 
même  sens.  —  La  a  neutralité  du  Congo  »  figure  dans  les  tractandas  de 
la  Ligue  internationale  de  la  paix  et  de  la  liberté,  qui  doit  s'assembler 
ce  mois-ci  à  Genève.  —  Vous  connaissez  tous.  Messieurs,  l'étude  qu'a 
publiée  sur  ce  sujet  notre  honorable  vice-président,  M.  de  Laveleye  %  et 
vous  savez  qu'il  a  pu  invoquer,  à  l'appui  de  sa  thèse,  l'opinion  de  M.  Fer- 
dinand de  Lesseps.  Selon  lui,  le  a  Congo  semble  à  la  veille  de  devenir  le 
théâtre  des  rivalités  et  des  jalousies  des  États  européens.  »  —  Je  puis 
citer  encore  l'avis  concordant  de  trois  autres  de  nos  confrères  :  M.  Gess- 
ner  *  et  Sir  Travers  Twiss  *,  qui  ont  écrit  tout  récemment  sur  la  matière, 
et  M.  Lorimer.  Ce  dernier  m'a  adressé  ses  vœux  chaleureux  pour  le  suc- 
cès de  mon  initiative,  ajoutant,  par  manière  d'encouragement,  «  qu'elle 
n'est  pas  de  celles  qui  doivent  rencontrer  de  l'opposition.  » 


Il  y  a  donc,  de  l'avis  général,  une  situation  inquiétante  dans  l'Afrique 
équatoriale.  Ceux  qui  s'en  alarment  paraissent  croire  qu'on  en  conjure- 
rait les  périls,  en  plaçant  les  agissements  des  blancs  sous  le  contrôle 
collectif  des  puissances  civilisées.  Ils  souhaitent  que  les  intérêts  géné- 


*  Missianary  Herald  (de  Londres),  1883,  p.  83. 
»  Le  13  novembre  1882. 

'  Bévue  de  droit  international^  t.  XV.  p.  254. 

•  Zur  Neutralisirung  des  Congo  (Die  Gegenwart^  28  Juli  1883). 

^  La  libre  navigation  du  Congo  (Mewie  de  droit  international^  t.  XV). 


—  278  — 

raux  de  rhumanité,  qui  sont  en  jeu  au  Congo,  soient  sauvegardés  parla 
reconnaissance  expresse  de  règles  tutélaires. 

Pour  se  rendre  bien  compte  de  la  portée  des  aspirations  dont  il  s'agit, 
il  convient  de  préciser  le  but  que  l'on  se  propose  d'atteindre. 

On  a  beaucoup  parlé  de  neutraliser  le  Congo,  mais,  en  réalité,  l'état 
de  choses  que  l'on  caractérise,  en  droit  international,  par  le  mot  «  neu- 
tralité, »  n'est  nullement  ce  à  quoi  l'on  aspire.  Cette  expression  n'a  de 
sens  que  par  antithèse,  et  là  oii  il  n'y  a  pas  de  belligérants^  il  n'y  a  pas 
de  neutres.  Or,  on  envisage  essentiellement  ici  l'état  de  paix.  Moi-même, 
je  ne  me  suis  pas  servi  de  ce  terme,  lorsque,  en  1878,  je  vous  ai  entre- 
tenus du  même  sujet.  Je  ne  l'ai  employé,  dans  ma  lettre  de  juillet  der- 
nier, que  pour  bien  faire  ressortir  la  connexité  de  ce  document  avec 
le  travail  de  M.  de  Laveleye,  auquel  il  se  référait.  D'autre  part  le 
verbe  internationaliser^  que  Sir  Travers  Twiss  adopte,  à  l'imitation  de 
Rohlfe,  ne  me  paraît  pas  beaucoup  plus  juste. 

Le  but  poursuivi  est  la  liberté  pour  tout  le  monde  de  naviguer,  soit 
sur  le  Congo  lui-même  soit  sur  ses  affluents  dû*ect8  et  ses  autres  tribu- 
taires ',  et  d'y  trafiquer  pacifiquement  en  tout  temps.  On  vise  à  ce  que 
le  droit  de  circuler  sur  ce  vaste  réseau  fluvial  ne  puisse  pas  devenir 
l'objet  d'un  monopole,  à  ce  que  l'accès  en  soit  toujours  permis,  et  à  ce 
qu'aucune  entrave  ne  soit  mise  à  l'activité  civilisatrice  d'un  peuple 
quelconque  dans  ses  parties  navigables.  Les  intérêts  de  la  production 
européenne,  du  commerce,  de  la  colonisation,  du  progrès  en  un  mot, 
seraient  admirablement  servis  par  un  semblable  régime,  et  le  bassin  du 
Congo  se  trouverait  ainsi  mieux  partagé,  économiquement  parlant,  que 
les  États  du  vieux  mondeauxquels  il  serait  redevable  de  cette  supériorité. 

C'est  bien  là  ce  que  veulent  les  réclamants,  puisqu'ils  demandent,  en 
général,  que  l'on  fasse  pour  le  Congo  quelque  chose  d'analogue  à  ce  que 
le  Traité  de  Paris,  du  30  mars  1856,  a  fait  pour  le  Danube.  Cet  acte 
international  statue,  en  eflfet,  que,  sauf  les  règlements  de  police,  aucun 
obstacle  ne  sera  mis  à  la  navigation  (art.  15)  et  que  les  pavillons  de 
toutes  les  nations  seront  traités  sur  le  pied  d'une  parfaite  égalité 
(art.  16).  Ce  n'est  pas  aux  membres  de  l'Institut  de  droit  interna- 
tional qu'il  est  nécessaire  de  rappeler  que  ces  dispositions,  à  leur  tour, 
n'ont  été  que  l'application,  à  un  cas  particulier,  de  principes  généraux 
inscrits  dans  le  Traité  de  Vienne  du  9  juin  1815  •,  et  visant  tous  les 
fleuves  qui  séparent  ou  traversent  plusieurs  États. 

'  Ëngelhardt  :  Du  régime  conventionnel  des  fleuves  intemationauXy  p.  196. 
•  Art.  108  et  suiv. 


,—  279  — 

Longtemps  après  la  conclusion  de  ce  dernier  traité,  on  s'est  dit,  en 
élargissant  Thorizon  des  diplomates  d'alors,  que  la  liberté  des  mers, 
ouvertes  à  tous  les  pavillons,  devait  entraîner  logiquement  celle  de  toute 
navigation  fluviale  contiguê,  puisque  les  fleuves  ne  font  qu'un  avec  la 
mer'.  On  en  a  conclu  que  monopoliser  un  fleuve,  en  accaparer  l'usage, 
serait  le  détourner  de  sa  destination  normale  •.  Aussi  Bluntschli  a-t-il 
formulé  cette  maxime  en  disant  :  a  Les  fleuves  et  les  rivières  navigables, 
qui  sont  en  communication  avec  une  mer  libre,  sont  ouverts  en  tout 
temps  aux  navires  de  toutes  les  nations.  Le  droit  de  libre  navigation 
ne  peut  être  aboli,  ni  restreint,  au  détriment  de  certaines  nations  ^  » 

Pourtant  cette  doctrine,  à  laquelle  souscrivent  tous  les  jurisconsultes 
et  que  l'opinion  publique  ratifie,  n'est  point  encore  admise  sans  conteste 
dans  la  pratique  *.  Cela  vient  de  ce  que,  lorsqu'on  a  cherché  à  l'appli- 
quer aux  principaux  fleuves  de  l'Europe  et  de  l'Amérique,  on  s'est 
heurté  à  des  résistances  provenant  d'anciens  droits  acquis,  de  coutumes 
invétérées  ou  d'intérêts  soit  politiques,  soit  fiscaux,  et  de  ce  que  cer- 
taines obscurités  du  texte  de  1815  ont  permis  à  plus  d'un  État  d'éluder 
les  obligations  qu'il  semblait  lui  imposer.  Il  en  est  résulté  que  ce  n'est 
que  graduellement  que  l'on  s'est  rapproché  de  l'idéal,  sans  l'atteindre 
jamais  complètement,  au  travers  d'un  dédale  de  compromis  et  d'arran- 
gements successif. 

On  conçoit  donc  fort  bien  que,  dès  que  l'utilité  du  Congo  comme  voie 
de  communication  a  été  reconnue,  on  ait  songé  à  lui  appliquer  les  règles 
promulguées  en  1815,  puis  développées  par  la  science  et  par  le  progrès 
des  idées  libérales. 

Les  hommes  les  plus  compétents  admettent  que  ce  cours  d'eau  a  une 
importance  de  premier  ordre.  D'après  le  voyageur  Schweiufurth,  par 
exemple,  «  il  est  indiscutable  que  le  Congo  sera,  dans  un  avenir  pro- 
chain, le  seul  ciemin  praticable  à  suivre  »  pour  pénétrer  au  cœur  du 
continent  \  De  Brazza  pense  de  même  «.  Stanley  estime  que,  a  celui  qui 
possédera  le  Congo  aura  le  monopole  du  commerce  avec  le  bassin 

'  Bluntschli  :  Droit  international  codifié,  ad.  §  314. 

*  Engelhardt,  p.  92.  (  Cf.  Carathéodory  :  Du  droit  international  concernant  les 
grands  cours  d'eau^  p.  26). 

'  §  314. 

*  Engelhardt,  p.  63  et  200. 

*  L'Exploration,  1883,  2«»«  sem.,  p.  107. 

*  Compte  rendu  des  séances  de  la  Société  de  géographie  de  Paris,  1882,  p.  299. 


—  280  — 

immense  qu'il  arrose.  Ce  fleuve,  »  dit-il,  a  est  et  sera  toujours  la 
grande  route  commerciale  de  l'Afrique  centrale  de  l'Ouest  \  »  Avoir  la 
faculté  d'y  naviguer  constituera  donc  un  intérêt  majeur  pour  les  États 
civilisés  ou  les  colonies  qui  se  fonderont^indubitablement  dans  l'Afrique 
équatoriale,  car  il  sera  leur  principal  et  peut-être  leur  seul  débouché  vers 
la  mer.  L'heure  présente,  d'autre  part,  est  propice  pour  agir  dans  ce 
sens,  puisque  la  liberté  désirable  existe  maintenant  au  Congo,  en  tant 
qu'elle  dépend  des  blancs,  et  que,  pour  l'y  faire  régner,  il  n'y  a  par 
conséquent  aucun  sacrifice  à  réclamer  d'eux.  Les  nègres  y  consenti- 
raient moins  facilement.  Chacune  de  leurs  tribus  interdit  aux  autres  de 
trafiquer  sur  ses  eaux*,  et  s'opposerait  par  conséquent  au  commerce 
des  Européens  s'ils  voulaient  forcer  le  passage  ;  mais,  pour  commencer, 
cela  importerait  peu.  La  chose  capitale  serait  qu'un  accord  s'établît 
premièrement  entre  les  races  civilisées,  lesquelles  s'entendraient  ensuite 
pour  amener  les  indigènes  à  composition. 

Un  traité  international  aurait  donc  moins  à  créer  la  liberté  de  navi- 
gation qu'à  en  garantir  la  perpétuité  et  l'extension  ;  mais  il  serait  sage 
de  se  hâter,  pour  profiter  de  circonstances  aussi  heureuses  qu'éphé- 
mères: Qui  sait  si  quelqu'un  des  riverains  d'aujourd'hui,  s'attribuant 
un  monopole  sur  la  partie  du  fleuve  qu'il  détient,  ne  créera  pas  ainsi 
un  obstacle  à  la  consécration  internationale  du  régime  actuel  ?  On  peut 
voir  au  Zambèze,  par  exemple,  le  Portugal  percevoir  des  droits  sur  les 
navires  et  les  marchandises. 

Ici  je  dois  faire  remarquer  que,  pris  à  la  lettre,  le  texte  de  1815  ne 
serait  pas  applicable  à  toute  l'étendue  du  Congo.  Il  y  est  dît,  en  effet, 
que  la  liberté  de  navigation  doit  régner  seulement  a  du  point  où  chaque 
rivière  devient  navigable,  jusqu'à  son  embouchure  »  (art.  109).  Or, 
d'après  cela,  il  semblerait  que  le  Bas-Congo,  en  aval  des  chutes  de  Yel- 
lala,  fût  seul  dans  les  conditions  voulues,  tandis  que  le  Congo  moyen, 
situé  en  amont  de  cataractes  infranchissables ,  dût  être  considéré 
comme  une  sorte  de  mer  intérieure  '  ne  relevant  juridiquement  que  des 
États  limitrophes.  Je  n'estime  pas  cependant  que  cette  conclusion  soit 
fondée,  et  j'en  vois  la  preuve  dans  la  manière  dont  on  a  interprété  les 
traités  quant  au  Danube.  Là  aussi,  aux  Portes  de  Fer,  il  y  a  des  rapides 
et  des  écueils  que  font  obstacle  à  la  navigation,  et  l'interceptent  même 

*  Lettre  du  5  septembre  1877,  p.  217. 

*  Stevenson  :  2he  water  highways  of  tke  interior  of  Africa,  p.  19. 

^  Rapport  de  Brazza  (Bevtie  maritime  et  coloniale^  août  1683,  p.  406). 


—  281  — 

complètement  à  certaines  époques  de  Fannée;  néanmoins,  la  liberté  a 
été  proclamée  aussi  bien  au-dessus  qu'au-dessous  de  cette  barrière 
naturelle,  sans  que  Ton  ait  tenu  compte  de  la  solution  de  continuité, 
autrement  que  pour  ordonner  des  travaux  de  correction  propres  à  la 
supprimer  ^  Que  Tobstruction  soit  plus  complète  au  Congo  qu'au 
Danube  je  ne  le  conteste  pas,  mais  je  dis  qu'étant  de  même  nature  elle 
ne  doit  pas  être  considérée  comme  plus  insurmontable,  aujourd'hui  sur- 
tout que  l'honmie  se  fait  un  jeu  de  percer  les  montagnes,  de  couper  les 
isthmes  et  de  passer  sous  les  détroits.  On  cherchera,  et  l'on  parviendi-a, 
n'en  doutez  pas,  à  frayer  un  chemin  aux  embarcations  entre  le  Stanley- 
Pool  et  l'Atlantique  ;  aussi  peut-on  à  bon  droit  considérer,  par  anticipa- 
tion, le  fleuve  tout  entier  conmie  formant  une  voie  navigable  continue. 
Seulement,  il  faut  prévoir  le  cas  oii  le  passage  rendu  accessible  plus 
tard  ne  serait  pas,  en  aval  du  Stanley-Pool,  le  lit  actuel  du  Congo,  mais 
celui  de  quelque  autre  rivière  du  voisinage  ou  d'un  canal  artificiel,  pour 
stipuler  expressément  que  ces  issues  ou  c^s  voies  d'accès  futures  seront 
envisagées  comme  des  bouches  du  fleuve,  et  que,  par  conséquent,  la 
liberté  de  navigation  y  régnera  comme  sur  le  Congo  lui-même. 


*     * 
* 


Dans  le  cas  où  la  «  neutralisation  »  qu'il  désire  pour  le  Congo  ne 
serait  pas  obtenue,  M.  de  Laveîeye  se  contenterait,  comme  pis  aller,  de 
celle  des  stations  hospitalières  et  des  stations  missionnaires,  créées  ou  à 
créer  par  des  associations  privées  '. 

Si  je  comprends  bien  sa  pensée,  il  voudrait,  par  là,  empêcher  qu'une 
puissance  quelconque  ftt  main  basse  sur  les  terres  cédées  à  ces  sociétés 
parles  indigènes,  et  pourvoir  à  ce  que  leurs  établissements  demeuras- 
sent toujours  des  asiles  inviolables,  privilèges  justifiés  par  leur  destina- 
tion philanthropique. 

Cette  proposition  subsidiaire  nous  transporte  dans  un  nouvel  ordre 
d'idées.  Non  seulement  elle  ne  concerne  plus  l'usage  du  fleuve,  mais  elle 
ne  soulève  pas  une  question  de  droit  naturel  ;  il  ne  s'agit  plus  ici  que  de 
savoir  s'il  y  aurait  convenance  et  utilité  à  placer  certains  territoires 
sous  une  loi  d'exception. 

^  Conférence  de  Londres,  1871.  (Cf.  Engelhardt,  p.  131.) 
•  Revue  de  droit  international,  t.  XV,  p.  255. 


—  282  — 

Je  m'associe  pleinement  aux  vues  humanitaires  qui  ont  inspiré  h  notre 
éminent  confrère  la  motion  dont  je  parle,  mais  il  ne  me  semble  pas  que 
les  stations  qui  en  sont  Tobjet  puissent  être  mises  au  bénéfice  de  la 
faveur  qu'il  sollicite.  Je  ne  les  trouve  ni  assez  bien  définies,  ni  assez 
stables,  pour  qu'un  traité  international  leur  confère  des  droits  qui 
auraient  nécessairement  pour  corrélatifs  des  devoirs. 

U  va  de  soi  que  ces  organismes  n'étant  pas  des  États,  seules  personnes 
juridiques  entre  lesquelles  les  traités  internationaux  fassent  loi,  leurs 
représentants  ne  sauraient  en  aucun  cas  être  admis  comme  parties  con- 
tractantes dans  un  acte  de  ce  genre.  Mais  se  présentent-ils  du  moins 
comme  des  compagnies  fortement  organisées,  et  disposant  de  moyens 
suflSsants  pour  faire,  par  exemple,  respecter  au  besoin  la  neutralité 
qu'on  leur  reconnaîtrait?  Pour  ne  parler  que  du  «  Comité  d'études 
du  Haut-Congo,  »  le  plus  en  vue  de  tous,  sait-on  seulement  quel  est 
au  juste  son  programme  d'action,  comment  il  fonctionne,  quelles 
garanties  U  offre  pour  l'avenir  ?  Tout  ce  qu'on  en  peut  dire,  c'est 
qu'une  personnalité  auguste,  faite  pour  inspii-er  la  plus  grande  con- 
fiance, en  est  l'inspiratrice,  mais  pour  le  reste  il  s'enveloppe  de  mystère. 
Ce  comité  ne  doit  pas  être  confondu  avec  «  l'Association  internationale 
africaine  »  quoique  S.  M.  le  roi  des  Belges  ait  été  le  promoteur  de  tous 
deux,  et  se  soit  acquis  par  là  un  double  titre  à  la  gratitude  des  amis  de 
l'humanité.  Sur  le  Congo,  c'est  le  «  Comité  d'études  »  seul  qui  est  en 
cause.  On  a  coinparé  l'œuvre  de  ce  comité  à  celle  de  la  Croix-Rouge  \ 
comme  si  ce  rapprochement  devait  fournir  un  argument  en  faveur  de 
la  neutralisation  des  stations,  mais  je  vois  là,  tout  au  contraire,  un  pré- 
cédent en  sens  inverse.  Malgré  leurs  instances,  les  sociétés  de  la  Croix- 
Rouge  n'ont  pas  trouvé  grâce  devant  la  conférence  de  Genève,  qui  s'est 
refusée  à  les  mentionner  dans  la  convention  du  22  août  1864,  et,  à  l'heure 
qu'il  est  encore,  leurs  membres,  leurs  agents,  leurs  ambulances,  ne  sont 
pas  considérés  ipso  facto  comme  neutres  en  temps  de  guerre.  On  voit 
qil^  la  diplomatie  est  circonspecte  quand  il  s'agit  de  créer  une  situation 
exceptionnelle.  Elle  veut  savoir  non  seulement  si  ceux  qu'elle  en  gratifie 
en  sont  dignes,  mais  encore  s'ils  sont  capables  de  s'acquitter  des  obli- 
gations qui  découlent  pour  eux  des  privilèges  qu'elle  leur  octroie.  Dans 
le  doute,  elle  s'abstient  sagement. 

Puis,  indépendamment  des  personnes,  il  faut  se  rendre  compte  des 


'  Bévue  de  droit  international^  t.  XY,  p.  257. 


—  283  — 

choses.  Or,  le  nombre  et  l'emplacement  des  stations  sont  essentielle- 
ment variables  ;  sans  cesse  il  s'en  crée  de  nouvelles,  et  l'abandon  gra- 
duel des  anciennes  n'aurait  rien  de  surprenant.  Passe  encore  si  leurs 
détenteurs  pouvaient  invoquer  des  droits  de  souveraineté,  à  eux  cédés 
par  des  chefe  indigènes.  De  Brazza  dit  bien  que,  le  long  de  la  route 
tracée  par  Stanley,  «  les  terrains  propres  à  être  utilisés  sont  la  propriété 
du  Comité  d'études  du  Congo;  »  il  ajoute  a  qu'il  est  défendu  de  s'y  éta- 
blir sans  demander  à  Stanley  une  autorisation  spéciale  et  reconnaître 
ainsi,  au  Comité  d'études,  ou  la  souveraineté  ou  la  propriété  exclusive  du 
sol  *.  »  Mais,  d'autre  part,  le  Comité  d'études,  représenté  par  a  un  de 
ses  coopérateurs,  »  avoue  que,  loin  d'avoir  la  libre  disposition  du  sol 
qu'il  occupe,  il  n'en  est  pas  même  propriétaire,  puisqu'il  n'en  a  pris 
possession  qu'en  vertu  d'un  «  bail  perpétuel,  moyennant  une  rente  men- 
suelle %  »  et  il  sufl5rait,  semble-t-il,  qu'il  cessât  d'en  payer  (rie  loyer,  » 
comme  dit  Stanley  lui-même  ',  pour  que  son  droit  s'éteignît.  Si  donc, 
par  une  déclaration  générale,  on  lui  accordait  un  privilège,  on  ne  pour- 
rait apprécier  sufBsamment  la  portée  de  cette  concession. 

Les  établissements  neutralisés  pourraient  aussi  se  modifier  et  changer 
de  nature.  Exclusivement  scientifiques  et  hospitaliers,  et  sans  nationa- 
lité à  l'origine,  ils  deviendront  forcément  le  noyau  de  centres  commer- 
ciaux. D'autre  part,  ils  cesseront  peut-être  de  relever  d'une  association 
libre,  pour  passer  aux  mains  de  quelque  État  régulièrement  constitué. 
Tel  a  été  déjà  le  cas  pour  Brazzaville,  où  le  drapeau  français  a  été  sub- 
stitué à  celui  de  l'Association  internationale  africaine.  On  doit  s'attendre 
également  à  voir  surgir  des  stations  officielles  portugaises  d'un  carac- 
tère mixte,  c'est-à-dire  à  la  fois  «  hospitalières,  scientifiques  et  commer- 
ciales, »  car  un  arrêté  royal  du  18  août  1881  en  a  prescrit  la  fondation'. 
Je  veux  bien  admettre  que  ni  la  France,  ni  le  Portugal  ne  se  propo- 
sent d'en  changer  le  caractère,  mais  il  est  probable  que,  tôt  ou  tard,  ils 
seront  conduits,  par  la  force  des  choses,  à  les  transformer  en  lieux  de 
garnisons,  ou  à  leur  donner  quelque  autre  destination  qui  les  déna- 
turera. 


*  Revue  maritime  et  coloniale,  août  1883,  p.  413. 

*  L'Association  internationale  africaine  et  le  Comité  d'études  du  Haut- Congo, 
par  un  de  leurs  coopérateurs,  p.  21. 

■  Discours  de  Stanley  à  Paris  (Voy.  Deloume  ;  Le  droit  des  gens  dans  V Afrique 
éqttatoricde,  p.  51). 

*  Deloume,  p.  20. 


—  284  — 

Pour  ces  divers  moti&,  j'estime  que  la  neutralisation  des  stations  hos- 
pitalières serait  tout  au  moins  prématurée.  Mais,  cette  combinaison 
écartée,  demandons-nous  s'il  ne  conviendrait  pas  de  doter  tous  les  ter- 
ritoires du  bassin  du  Congo  que  des  États  civilisés  se  seraient  appro- 
priés, de  franchises  pareilles  à  celles  des  eaux  qui  les  arrosent.  La  réali- 
sation de  cette  idée  serait-elle  désirable  et  possible  ? 

Désirable,  d'abord,  cela  ne  me  paraît  pas  douteux.  Nous  sommes  dans 
un  siècle  oti  Ton  tend  à  abaisser  les  barrières  qui  isolent  les  nations  ;  ce 
serait  donc  travailler  dans  le  sens  de  ces  efforts  que  d'empêcher,  entre 
les  divers  peuples  qui  possèdent  ou  posséderont  des  établissements  au 
Congo,  la  création  d'entraves  à  leurs  relations  soit  réciproques  soit  avec 
d'autres  pays,  par  une  entente  a  priori.  Cela  ne  vaudrait-il  pas  mieux 
que  de  laisser  se  reproduire,  sur  la  terre  africaine,  les  complications 
que  des  préjugés  séculaires  ont  fait  naître  et  perpétué  en  Europe? 
Arborer  là-bas  le  drapeau  du  libre  échange,  du  libre  parcours,  ainsi 
que  du  libre  établissement,  sur  terre  comme  sur  eau,  serait  agir  dans 
l'intérêt  bien  entendu  du  monde  entier.  Et  il  n'est  pas  moins  urgent 
de  prendre  cette  mesure  que  de  légiférer  au  sujet  du  fleuve  lui-même, 
puisque  dans  ce  moment,  et  jusqu'à  nouvel  ordre,  les  transports  doi- 
ve^it  nécessairement  se  faire  par  terre  dans  la  zone  des  cataractes.  — 
En  second  lieu,  cette  combinaison  serait-elle  possible?  Je  n'y  entrevois, 
pour  ma  part,  aucun  empêchement  et  je  ne  découvre  aucun  intérêt 
national  qui  s'y  oppose.  Un  peu  de  bonne  volonté  suffirait  pour  en 
fau'e  une  réalité. 


* 


Dans  les  pages  qui  précèdent,  j'ai  indiqué  comment,  à  mon  sens,  la 
question  du  Congo,  au  point  de  vue  du  droit  international,  doit  être 
résolue,  et  recommandé  qu'elle  le  soit  dans  un  sens  largement  progressif 
et  hbéral;  mais  je  n'ai  pu  entrer  dans  l'examen  des  nombreux  détails 
que  comporterait  une  convention  conclue  sur  cette  base. 

Ainsi,  je  n'ai  rien  dit  des  restrictions  à  apporter  à  la  liberté  que  je 
préconise  par  des  règlements  de  police,  dans  Tintérèt  de  la  sécurité  et 
de  l'ordre  public.  Les  conventions  fluviales  existantes  fourniraient  pour 
cela  de  précieuses  indications. 

La  traite  des  esclaves,  d'autre  part,  devrait  faire  l'objet  d'une  inter- 
diction formelle,  en  attendant  que  les  traitants  y  renoncent  spontané- 


—  285  — 

ment,  comme  on  Ta  vu  sur  l'Ogôoué,  lorsqu'ils  trouveront  plus  d'avan- 
tages à.  devenir  commerçants  ^  Par  la  même  occasion,  il  faudrait  que 
les  États  signataires  du  traité  s'engageassent  h  bannir  l'esdavage  des 
territoires  soumis  à  leur  domination.- —  Dans  cet  ordre  d'idées,  je  signa- 
lerai incidemment  l'opinion  originale  d'un  publiciste  anglais  ^  qui,  dans 
ime  brochure  récente,  en  même  temps  qu'il  réclame  la  libre  navigation 
sur  le  Congo  et  ses  affluents,  propose  d'appliquer  à  la  répression  de  la 
traite  les  trois  fameuses  a  règles  de  Washington  »  que  nous  avons  étu- 
diées jadis  '.  Il  voudrait  qu'on  s'en  servît  contre  les  États  qui  n'exerce- 
raient pas  ime  surveillance  suffisante  pour  empêcher  le  départ  des  cara- 
vanes de  chasseurs  d'esclaves,  ou  pour  assurer  le  châtiment  des  individus 
qui,  à  leur  retour,  seraient  reconnus  pour  en  avoir  fait  partie.  On  sévi- 
rait, en  vertu  du  même  principe,  contre  les  gouvernements  qui  n'empê- 
cheraient pas  le  départ  des  bâtiments  négriers. 

J'attirerai  aussi  votre  attention  sur  l'importation  des  spiritueux.  C'est 
là  une  grosse  question,  qui  n'a  pas  été  suffisamment  étudiée  jusqu'à 
présent,  mais  sur  laquelle  j'ai  réuni  un  dossier  volumineux  et  qui  fera 
prochainement  l'objet  d'une  monographie  dans  le  journal  que  je  publie  *. 
D  ressort  d'une  infinité  de  témoignages,  que  les  blancs  qui  trafiquent 
avec  les  noirs  ne  se  font  généralement  aucun  scrupule  de  spéculer  sur 
la  passion  de  ces  pauvres  gens  pour  l' eau-de-vie,  le  rhum  et  autres 
poisons  du  même  genre.  Ces  spiritueux  exercent  parmi  les  indigènes  de 
l'Afrique  des  ravages  analogues  à  ceux  de  l'opium  parmi  les  Chinois.  Il 
serait  temps  de  mettre  un  frein  à  cet  abus  funeste,  qui  se  rattache 
directement  à  l'objet  du  présent  mémoire. 

Je  ne  me  suis  pas  occupé  non  plus  de  ce  qui  adviendrait  en  cas  de 
guerre,  éventualité  qu'il  faut  cependant  prévoir  et  régler.  Je  voudrais 
qu'il  fût  bien  entendu  que  les  querelles  qui  s'élèveraient  entre  les  con- 
tractants, sur  un  autre  point  du  globe,  n'auraient  pas  leur  contre-coup 
au  Congo,  et  que,  en  pareille  occurrence,  tous  les  pavillons,  même  enne- 
mis, ne  continueraient  pas  moins  à  y  entretenir  des  rapports  pacifiques  •. 


*  De  Brazza  {Revue  maritimey  août  1883,  p.  405). 
'  Stevenson,  p.  24. 

*  Communications  et  documents  relatifs  à  la  fondation  de  VInstitut  de  droit 
international,  p.  167. 

*  V Afrique  explorée  et  civilisée. 

*  Gessner(Dte  Gegenwart). 


—  286  — 

Ce  serait  alors  une  véritable  neutralisation  de  cette  partie  de  TAMque. 
En  temps  ordinaire,  Taccès  du  fleuve  ne  serait  pas  plus  interdit  aux 
navires  de  guerre  que  le  littoral  maritime  ;  la  présence  de  semblables 
vaisseaux  pourrait  y  être  nécessaire  aux  riverains,  soit  comme  porte- 
respect,  soit  comme  arme  en  cas  de  légitime  défense,  et  l'intérêt  général 
n'exige  pas  qu'on  les  en  prive.  Quant  aux  conflits  locaux,  qui  auraient 
leur  source  ou  leur  objet  dans  le  pays  même,  il  serait  téméraire  d'inter- 
dii*e  absolument  l'immixtion  des  habitants  dans  les  démêlés  de  leurs 
voisins,  où  ils  peuvent  avoir  des  intérêts  vitaux  engagés.  Mais  ce  que 
l'on  peut  fort  bien  faire,  c'est  de  déclarer  que,  dans  cette  circonstance, 
la  circulation  sur  le  fleuve  et  l'usage  des  ports  non  bloqués  seront  tou- 
jours libres,  au  moins  pour  les  neutres,  sauf  quant  au  transport  de  la 
contrebande  de  guerre  *. 

n  serait  indispensable  encore  d'établir,  comme  pour  le  Danube,  une 
commission  internationale  *,  composée  de  représentants  des  États  inté- 
ressés, et  qui  serait  chargée  soit  de  remplir,  pour  le  compte  de  la  com- 
munauté, certaines  fonctions  administratives  ou  techniques,  soit  de 
veiller  en  permanence  à  l'observation  du  traité,  ce  qui  contribuerait 
probablement  à  prévenir  bien  des  conflits. 

D'ailleurs,  ce  serait  le  cas  de  proclamer  que  tous  les  différends  qui 
s'élèveraient  à  ce  sujet,  ou  même,  d'une  manière  générale,  que  tout 
différend  qui  surgirait  entre  les  riverains  du  Congo  serait  réglé  par 
voie  d'arbitrage,  et  que  l'on  suivrait  pour  cela  la  procédure  tracée 
par  le  règlement  élaboré  dans  le  sein  de  l'Institut  de  droit  interna- 
tional \ 

Enfin,  il  devrait  être  convenu  que  le  traité  sera  fréquemment  revisé. 
Nous  ne  sommes,  en  effet,  qu'au  début  d'un  grand  mouvement  qui  s'ac- 
centue de  jour  en  jour,  et  qui  modifiera  considérablement  l'état  de 
choses  actuel,  en  conduisant  beaucoup  d'habitants  de  l'Europe  et  de 
l'Amérique  dans  la  région  du  Congo.  Cette  affluence  y  créera  une  situa- 
tion que  l'on  peut  bien  pressentii-  dans  ses  traits  généraux,  mais  qui  est, 
quant  à  ses  détails,  entourée  encore  de  trop  d'incertitudes  pour  qu'il 
soit  prudent  de  la  soumettre  dès  maintenant  à  une  réglementation  minu- 
tieuse et  inflexible.  Sur  beaucoup  de  points  il  faut  compter  ici  avec 
l'imprévu  et  laisser  le  temps  faire  son  œuvre.  Comment,  par  exemple, 

'  Cf.  Engelhardt,  p.  181. 

'  Cf.  Bévue  de  droit  internatiofuil,  t.  XV,  p.  255, 

*  Bulletin,  p.  90. 


—  287  — 

déterminer  actuellement  Taire  géographique  à  laquelle  le  traité  serait 
applicable?  Il  est  évident  que  cela  dépendra  d'explorations  futures, 
nécessaires  pour  que  Ton  ait  des  notions  précises  et  complètes,  soit  sur 
le  Congo  lui-même,  soit  sur  ses  affluents  qui  sont  pour  la  plupart  des 
rivières  considérables. 


#     * 

* 


Un  dernier  point  me  reste  à  examiner.  Entre  quelles  puissances 
devrait  être  conclu  Tarrangement  dont  je  viens  d'esquisser  les  grandes 
lignes  ? 

Le  traité  de  Vienne  du  9  juin  1815,  qui  m'a  servi  de  phare  dans  cette 
étude,  statue  (art.  108)  que  ce  sont  a  les  puissances  dont  les  États  sont 
séparés  ou  traversés  par  une  même  rivière  navigable  »  qui  «  s'engagent 
à  régler  d'un  commun  accord  tout  ce  qui  a  rapport  à  la  navigation  de 
cette  rivière;  »  mais  cette  clause  n'a  été  rédigée  qu'en  vue  de  cours 
d'eau  séparant  ou  traversant  des  États  civilisés,  tandis  que  le  Congo 
coule  presque  tout  entier  en  pays  sauvage.  Elle  n'est  donc  pas  appli- 
cable dans  l'espèce.  D'ailleurs  on  ne  s'y  est  pas  toujours  conformé,  et 
l'on  pourrait  citer  plus  d'un  traité  de  navigation  signé  par  des  non- 
riverains. 

D'après  cela,  il  n'est  pas  superflu  de  se  demander  qui  aurait  qualité 
pour  statuer  à  l'égard  du  Congo* 

H  n'y  a  pour  le  moment  que  deux  puissances  européennes,  le  Portugal 
et  la  France,  qui  prétendent  à  la  souveraineté  sur  quelques  sections  des 
rives  du  fleuve.  D  est  donc  hors  de  doute  que,  selon  le  vœu  du  Congrès 
de  Vienne,  et  puisqu'il  ne  s'agirait  de  rien  moins  que  de  grever  leurs 
domaines  d'une  servitude,  celles-là  devraient  être  au  premier  chef  par- 
ties dans  l'acte. 

Ensuite  viendraient  celles  dont  les  ressortissants  ont  déjà  de  grands 
intérêts  dans  la  contrée.  On  sait  que  les  Anglais  y  possèdent  des  facto- 
reries et  des  postes  missionnaires,  les  Hollandais  de  nombreux  comp- 
toirs, les  Belges  des  stations  hospitalières;  la  Grande-Bretagne,  les 
Pays-Bas,  la  Belgique,  seraient  donc  naturellement  désignés  pour  inter- 
venir. 

Je  pense  même  que  l'on  devrait  aller  plus  loin,  et  accorder  cette 
faculté  à  toute  puissance,  maritinîe  ou  non,  qui  en  manifesterait  le 
désir.  Il  n'en  est  aucune,  en  effet,  qui,  à  un  moment  donné,  ne  puisse  se 


—  288  — 

trouver  dans  le  cas  de  tourner  ses  regards  vers  le  bassin  du  Congo,  pour 
y  écouler  les  produits  de  son  industrie,  pour  y  diriger  ses  émigrants  ou 
dans  quelque  autre  intention,  et  qui  ne  puisse  être  appelée  à  réclamer, 
en  faveur  de  ses  nationaux,  tel  ou  tel  des  avantages  garantis  par  le 
traité.  Toutes  d'ailleurs  pourraient  désirer  légitimement  s'associer  à  un 
acte  qui  aurait  le  caractèr/i  d'une  manifestation  éclatante  en  faveur  des 
idées  de  justice  et  de  paix,  et  dont  la  portée,  à  ce  point  de  vue,  serait 
considérable. 

Selon  Sir  Travers  Twiss  S  il  y  aurait  lieu  de  conclure  deux  arrange- 
ments distincts,  l'un  pour  le  Bas,  l'autre  pour  Haut-Congo.  Pour  Je 
Bas-Congo,  l'on  imiterait  le  régime  appliqué  aux  bouches  du  Danube, 
c'est-à-dire  celui  en  faveur  duquel  je  plaide  dans  ce  mémoire  ;  mais, 
pour  le  Haut-Congo,  vu  les  «  conditions  très  anormales  du  pays  qu'il 
arrose,  »  on  se  contenterait  d'un  protocole  de  désintéressement,  à  l'in- 
star de  ce  qui  a  été  fait  lors  de  l'examen  de  la  question  d'Orient  *.  ■—  Je 
ne  vois  pas  très  bien,  quant  à  moi,  pourquoi  la  convention  relative  au 
Bas-Congo  ne  pourrait  pas  être  étendue  virtuellement  au  fleuve  tout 
entier.  Cela  signifierait,  en  premier  lieu,  que  la  Conunission  internatio- 
nale y  veillerait  partout  aux  intérêts  généraux  dans  la  mesure  du  pos- 
sible, puis  que  les  puissances  européennes,  à  mesure  qu'elles  s'établiraient 
sur  le  cours  supérieur,  se  soumettraient  aux  prescriptions  concernant  les 
riverains.  Un  protocole  de  désintéressement  impliquerait  le  renoncement 
à  tout6  conquête,  même  pacifique,  dans  le  bassin  du  Haut-Congo  ;  or, 
je  doute  fort  que  les  puissances  civilisées  veuillent  y  consentir.  Aucune 
d'elles,  je  m'assure,  ne  songe  à  dépouiller  violemment  les  détenteurs 
actuels,  blancs  ou  noirs,  de  ces  pays,  mais  il  est  fort  naturel  que  les 
gouvernements  qui  y*voient  quelque  avantage,  cherchent  à  obtenir  de 
gré  à  gré,  de  la  part  des  occupants,  des  concessions  territoriales,  et 
qu'ils  y  arborent  leur  drapeau.  M.  de  Laveleye  s'effraie  à  tort  de  cette 
perspective.  Il  n'y  a  rien  là  que  de  normal  et  de  conforme  au  droit  des 
gens.  On  doit  même  s'attendre  à  ce  que  l'exemple  donné,  sous  ce  rap- 
port, par  la  France  au  Stanley-Pool,  trouve  des  imitateurs  empressés. 
Pourquoi  dès  lors,  ceux  que  cette  prévision  concerne  se  lieraient-ils  les 
mains,  en  se  déclarant  désintéressés  dans  la  question  ?  Je  ne  le  com- 
prendrais guère. 


*  Bévue  de  droit  intemaiiondl,  t.  XV. 

«  Cf.  Bévue  de  droit  international;  t.  XIV  (1882),  p.  581. 


—  289  — 

Quant  aux  nègres,  il  est  bien  évident  qu'on  les  laisserait  de  côté, 
mais  la  conduite  à  tenir  à  leur  égard  devrait  faire  l'objet  d'une  entente 
consignée  dans  le  traité.  Celui-ci,  après  avoir  prévenu  les  dangers  pro- 
venant de  rivalités  ou  d'égolsmes  nationaux  de  la  part  des  représentants 
de  la  race  blanche,  aurait  à  empêcher,  autant  que  possible,  que  les  chefs 
indigènes  missent  obstacle  à  l'application  chez  eux  des  principes  aux- 
quels les  Européens  auraient  promis  de  se  cenformer.  On  pourrait  pro- 
bablement obtenir  cela  peu  à  peu  par  la  douceur,  c'est-à-dire  par  la 
persuasion  et  par  l'exemple.  De  Brazza  n'a-t-il  pas  réussi,  par  ce  seul 
moyen,  à  faire  renoncer  les  peuplades  des  bords  de  l'Ogôoué  au  mono- 
pole des  transports  fluviaux  qu'ils  s'attribuaient  *  ?  Sur  le  Congo  lui- 
même,  ne  voit-on  pas  déjà  les  sujets  de  Makoko,  qui  autrefois  se  mon- 
traient jaloux  de  se  réserver  un  droit  exclusif  de  navigation,  ne  plus  s'en 
prévaloir  depuis  qu'ils  ont  arboré  le  pavillon  français  ',  et  laisser  notam- 
ment Stanley  remonter  le  fleuve  pour  aller  créer  des  établissements  en 
amont?  D  y  aurait  là  une  belle  campagne  à  entreprendre,  dont  les  tro- 
phées ne  coûteraient  pas  une  goutte  de  sang,  et  qui  servirait,  plus  que 
les  batailles  les  plus  mémorables,  à  propager  la  civilisation.  Le  soin  de 
la  conduire  rentrerait  très  natureUement  dans  les  attributions  de  la 
Commission  internationale,  laquelle  aurait  d'autant  plus  de  prestige 
aux  yeux  des  nègres,  qu'elle  leui*  parlerait  au  nom  de  tous  les  blancs 
réunis  dans  une  commune  pensée. 

Malgré  ma  prédilection  pour  l'emploi  des  procédés  pacifiques  à  l'égard 
des  indigènes,  je  ne  vais  cependant  pas  jusqu'à  vouloir  désarmer  les 
étrangers.  Ce  n'est  pas  me  contredire,  je  pense,  que  d'accorder  à  ces 
derniers  le  droit  de  tenir  les  noirs  en  respect  et  de  réprimer  par  la  force 
les  actes  de  piraterie,  les  attaques  violentes  ou  autres  crimes,  dont  ils 
auraient  été  les  victimes*.  Stanley,  dès  1877,  reconnaissait  qu'il  y 
avait  là  une  nécessité  impérieuse,  et  que,  pour  se  développer,  le  com- 
merce naissant  aurait  besoin  d'une  protection  contre  le  brigandage. 
Mais  l'illustre  voyageur  estimait  qu'une  seule  puissance  suflSrait  pour 
cela.  C'eût  été  pour  elle  un  bien  lourd  fardeau  ;  aussi,  pour  l'en  dédom- 
mager, réclamait-il,  en  retour,  la  reconnaissance  de  sa  domination  sur 
de  vastes  territoires.  «  Pourquoi  donc,  écrivait-il,  ne  pas  décider  immé- 
diatement qui  régnera  sur  les  rives  du  Livingstone  *  ?»  Il  ne  faut  pas 

'  Retue  maritime^  août  1883,  p.  398. 

•  Bévue  maritime^  août  1883,  p.  408. 

•  Deloume,  p.  68. 

•  Lettre  du  5  sept.  1877,  p.  217. 


—  290  — 

regretter,  je  croîs,  que  ce  vœu  n'ait  pas  été  exaucé  sur  l'heure,  et  que 
tout  le  bassin  du  Congo  ne  soit  pas  tombé  au  pouvoir  d'un  seul  peuple. 
Politiquement,  cette  situation  aurait  été  fâcheuse,  et  la  police  du  fleuve 
se  fera  tout  aussi  bien,  si  ce  n'est  mieux,  par  la  Commission  inter- 
nationale dont  j'ai  parlé  plus  haut,  pourvu  qu'on  l'investisse  de  pou- 
voirs suffisants,  qu'elle  ne  l'aurait  été  par  un  Etat  irresponsable  quel 
qu'il  fût. 


* 


Et  maintenant,  quelle  probabilité  y  a-t-il  que  l'initiative  que  je  viens 
de  prendre,  en  portant  devant  vous.  Messieurs,  la  question  du  Congo, 
aura  pour  effet  la  conclusion  d'un  traité  conforme  aux  vues  que  j'ai  eu 
l'honneur  de  vous  exposer  ? 

Je  ne  suis  pas  éloigné  d'espérer,  je  l'avoue,  qu'elle  portera  cet  heu- 
reux finiit.  J'en  ai  pour  garants  les  dispositions  favorables  que  l'on  peut 
s'attendre  à  rencontrer  pour  cela,  aussi  bien  chez  les  puissances  intéres- 
sées que  dans  le  sein  de  notre  Institut. 

Ce  n'est  pas  comme  pour  le  canal  de  Suez,  dont  nous  nous  sommes 
occupés  naguère.  Les  deux  cas,  en  effet,  quoiqu'on  ait  établi  un  rappro- 
chement entre  eux,  ne  sont  pas  assimilables  *.  Pour  le  canal,  il  s'agissait 
de  prendre  des  précautions,  afin  d'empêcher  sa  détérioration  ou  sa  fer- 
meture en  cas  de  guerre  *,  et  aucune  mesure  propre  à  atteindre  ce  but, 
ne  put  parvenir  à  concilier  les  intérêts  considérables  qui  se  trouvaient  en 
conflit  sur  ce  point  \  Poui*  le  Congo,  au  contraire,  conmie  les  intérêts  des 
diverses  puissances  sont  presque  identiques,  et  que  c'est  en  vue  de  l'état 
de  paix  qu'une  entente  est  désirée,  les  chances  de  succès  sont  tout  autres. 
Il  n'y  a  pas  à  redouter,  par  exemple,  que  les  États  riverains  trouvent, 
comme  on  le  craignait  en  Egypte,  «  leurs  droits  d'indépendance  compro- 
mis et  même  leur  dignité  lésée  *,  »  par  les  propositions  auxquelles  on  leur 
demanderait  de  souscrire. 

En  ce  qui  concerne  la  France,  n'oublions  pas  que  de  Brazza  a  dit 
qu'il  prenait  possession  de  Ntamo,  «  le  point  commercialement  stratégi- 
que autour  duquel  s'agite  la  question  du  Congo  %  »  «  non  pour  fermer 

*  Gessner  (Die  GegenwartJ. 

»  Annuaire  de  1879-80,  t.  I,  p.  335. 
»  Ibid.,  350. 

*  Ibid.,  336. 

*  Bévue  maritime,  août  1883,  p.  407. 


—  291  — 

la  voie,  mais  pour  en  assurer  la  neutralité  * ,  »  de  même  qu'il  a  ouvert 
l'Ogôoué  au  commerce  "européen,  et  non  exclusivement  au  commerce 
français.  A  la  Chambre  des  députés,  d'autre  part,  un  orateur  *  a  pu  affir- 
mer que  le  but  du  gouvernement  était  «  simplement  de  fonder  des  stations 
scientifiques,  hospitalières  et  commerciales.  »  La  présence  d'un  détache- 
ment armé  à  Brazzaville,  pour  protéger  la  place  ',  n'implique  nullement 
des  visées  conquérantes  ou  belliqueuses,  de  même  qu'en  temps  d'hosti- 
lités la  présence  d'un  poste  de  police  auprès  d'un  hôpital  militaire  ne 
constitue  pas  une  violation  de  la  Convention  de  Genève.  La  France 
semble  donc  s'associer  aux  vues  de  son  explorateur^  et  être  prête  à  con- 
sentir à  ce  qu'il  a  appelé  la  «  neutralité  »  du  Congo,  par  quoi  il  enten- 
dait apparemment  la  liberté  de  navigation  et  de  commerce,  rien  de  plus, 
rien  de  moins. 

Quant  au  Portugal,  j'ai  eu,  au  premier  abord,  quelques  doutes  sur 
son  acquiescement,  en  me  reportant  à  un  épisode  du  Congrès  interna- 
tional de  géographie  commerciale  tenu  à  Paris  en  1878.  Dans  la  séance 
du  27  septembre,  l'une  des  sections  «  émit  le  vœu  que  les  Chambres  de' 
commerce  s'associassent  aux  efforts  faits  par  les  gouvernements,  les 
sociétés  de  géographie  et  les  particuliers,  pour  faciliter  et  multiplier  les 
expéditions  ayant  pour  but  l'exploration  du  bassin  du  Congo  et  de 
l'Afrique  équatoriale  *.  »  Mais  les  délégués  portugais  s'élevèrent  forte- 
ment contre  cette  prétention,  a  C'est  un  vœu  tout  à  fait  politique, 
dirent-ils  ;  il  porterait  atteinte  aux  droits  indiscutables  du  Portugal  sur 
le  Congo.  Les  délégués  seraient  forcés  de  se  retirer  si  ce  vœu  était  dis- 
cuté, car  ils  ne  peuvent  autoriser  par  leur  présence  quelque  discussion 
ou  délibération  que  ce  soit,  directe  ou  indirecte,  renfermant  l'idée  d'une 
ingérence  étrangère  quelconque  dans  la  politique  et  dans  l'administra- 
tion coloniale  du  Portugal.  »  L'énergie  de  cette  protestation  a  été  expli- 
quée tout  dernièrement,  dans  un  important  document  de  provenance 
portugaise,  par  cette  remarque  que  le  texte  du  vœu  de  Paris,  tel  que  je 
l'ai  rapporté  ci-dessus,  n'est  pas  très  conforme  à  la  «  suggestion  ini- 
tiale, laquelle,  »  dit  l'auteur,  «  enveloppait  une  question  de  police  et  de 
protection  internationale  sur  noire  grand  fleuve  africain  \  «  L'Institut 

'  Coînpte  rendu  des  séances  de  la  Société  de  géographie  de  Paris,  p.  290. 

*  M.  Bouvier  (Séance  du  20  novembre  1882). 

*  Le  Congo.  Article  du  Courrier  des  États-Unis  et  réponse  d'un  membre  de 
l'Association  internationale  africaine,  p.  17.  —  Deloume,  p.  68. 

*  Compte  rendu,  p.  182. 

^  La  question  du  Zaïre.  Droits  du  Portugal.  Mémorandum,  p.  48. 


—  292  — 

serait-il  exposé,  d'après  cela,  à  rencontrer  aujourd'hui  la  même  résis- 
tance patriotique  au  moment  de  traiter  le  même  siyet  ?  J'aime  à  croire 
qu'il  n'en  est  rien,  car  nous  nous  plaçons  ici  exclusivement  sur  le  terrain 
du  droit,  sur  lequel  aucun  Portugais  éclairé  ne  refusera  de  nous  suivre. 
Au  surplus  les  intérêts  économiques  du  Portugal  ne  seraient  pas  plus 
compromis  que  sa  souveraineté  par  le  nouvel  ordre  de  choses. 

L'Angleterre,  la  Hollande  et  la  Belgique,  que  j'ai  indiquées  comme 
devant  concourir  à  l'œuvre  civilisatrice  avec  la  France  et  le  Portugal, 
seraient-elles  moins  bien  disposées  ?  C'est  peu  vraisemblable.  Elles  n'ont 
pas,  comme  cela  se  rencontrait  pour  deux  d'entre  elles  dans  l'affaire  du 
canal  de  Suez,  des  colonies  importantes  ni  un  grand  courant  commer- 
cial déjà  créés  dans  les  parages  auxquels  la  voie  navigable  donne  accès, 
et  avec  lesquels  elles  redoutaient  de  voir  leurs  communications  intercep- 
tées. Toutes,  sous  ce  rapport,  se  trouvent  sur  un  pied  d'égalité,  et  elles 
n'auraient  pas  demoti£s  particuliers  pour  se  montrer  plus  difficultueuses 
les  unes  que  les  autres. 

Ces  cinq  États  formeraient  donc  un  premier  noyau,  autour  duquel 
d'autres  puissances  viendraient  certainement  se  grouper  avec  empresse- 
ment, et  le  protocole  resterait  ouvert  pour  celles  qui,  dans  la  suite,  se 
décideraient  à  les  imiter. 

Dans  l'hypothèse  que  l'Institut  sera,  lui  aussi,  favorable  à  ma  propo- 
sition, dans  quelle  mesure  et  de  quelle  manière  lui  appartiendra-t-il  de 
travaiUer  à  ce  qu'elle  aboutisse  à  des  conséquences  pratiques  ? 

Je  me  permettrai  de  vous  rappeler,  pour  vous  mettre  sur  la  voie  de  la 
réponse  à  faire  à  cette  interrogation,  un  paragraphe  de  nos  statuts,  que 
nous  avons  trop  négligé  jusqu'à  présent,  et  qui  fournit  une  indication 
pour  le  cas  actuel.  D  est  dit,  dans  l'article  premier,  que  «  l'Institut  a 
pour  but  de  favoriser  le  progrès  du  droit  international  »  par  divers 
moyens,  entre  autres  a  en  poursuivant  la  consécration  officielle  des  prin- 
cipes qui  auront  été  reconnus  comme  étant  en  harmonie  avec  les  besoins 
des  sociétés  modernes.  »  Je  souhaite  donc  qu'après  nous  être  mis  d'ac- 
cord sur  la  manière  dont  la  question  cUi  Congo  doit  être  résolue,  nous 
usions  de  toute  notre  influence,  pour  amener  les  gouvernements  inté- 
ressés à  se  mettre  à  l'œuvre.  A  cette  fin,  nous  ne  déviions  pas  nous  con- 
tenter de  leur  transmettre  nos  vœux,  mais,  comme  le  veulent  nos  sta- 
tuts, nous  aurions  à  «  poursuivre  »  ce  résultat,  c'est-à-dire  à  recourir, 
s'il  le  fallait,  à  des  démarches  instantes  et  réitérées. 

Ne  perdons  pas  de  vue  que  le  temps  presse.  La  situation  se  compli- 


—  293  — 

que  de  jour  en  jour,  et,  plus  on  attendra  pour  lui  chercher  une  solution, 
plus  fl  sera  malaisé  de  la  résoudre  conformément  aux  saines  doctrines. 
L'intervention  de  l'Institut  de  droit  international  m'apparatt  donc 
comme  tout  à  fait  opportune,  profitable  à  l'humanité,  et  peut-être  glo- 
rieuse pour  lui.  Je  serais  heureux,  pour  ma  part,  de  l'avoir  provoquée, 
en  posant  devant  vous.  Messieurs,  la  question  du  Congo. 

G.   MOYNIER. 

m 

Résolatloii. 

L'Institut  de  droit  international,  dans  sa  neuvième  session  tenue  h. 
Munich  du  4  au  8  septembre  1883,  après  avoir  entendu  la  lecture  du 
mémoire  qui  précède,  l'a  renvoyé  à  l'examen  d'une  commission,  com- 
posée de  : 
MM.  Arktz,  professeur  de  droit  à  l'Université  de  Bruxelles  ; 

Makquasdsen,  professeur  de  droit  à  l'Université  d'Erlangen» 

membre  du  Reichstag  de  l'Empire  allemand  ; 
Renault,  professeur  à  la  Faculté  de  droit  de  Paris,  directeur 

des  Archives  diplomatiques; 
Sir  Travers  Twiss, 
et  l'auteur  du  Mémoire. 
Cette  commission  a  reconnu  que  l'Institut  n'avait  pas  le  temps,  avant 
la  clôture  de  sa  session,  de  peser  suffisamment  les  considérations  pré- 
sentées par  l'auteur  du  Mémoire,  pour  pouvoir  se  prononcer  catégori- 
quement sur  toutes  ses  conclusions,  mais  elle  s'est  trouvée  unanime 
pour  proposer  la  résolution  suivante,  qui  a  été  votée  par  l'Institut,  après 
discussion,  en  séance  plénière,  le  7  septembre  : 

L'Institut  de  droit  international  exprime  le  vœu  que  le  principe 
de  la  liberté  de  navigation  pour  toutes  les  nations  soit  appliqué 
au  fleuve  du  Congo  et  à  ses  affluents,  et  que  toutes  les  puissances 
s'entendent  sur  des  mesures  propres  à  prévenir  les  conflits  entre 
nations  civilisées  dans  l'Afrique  équatoriale. 

L'Institut  charge  son  Bureau  de  transmettre  ce  vœu  aux 
diverses  puissances,  en  y  joignant,  mais  seulement  à  titre  d'infor- 
mation, le  mémoire  qui  lui  a  été  présenté  par  l'un  de  ses  membres^ 
M.  Moynier,  dans  la  séance  du  4  septembre  1883. 


—  294  — 
BIBLIOGRAPHIE  ' 

!¥•'  U.  V*'   JaURË8BERIGHT£  DEB    GEOGRàPHlSCHEK    GeSELUSCHÂFT  IN 

Bebn,  1881-82-83.  Redigirt  vou  O.  Beymond-le  Brun. Bem{B. -F.  Hal- 
ler)  1882  et  1883,  2  vol.  in-8%  151  et  234  p.  mit  Dlust.  u.  Karten.  — 
  côté  de  communications  très  substantielles  concernant  toutes  les 
régions  de  la  terre,  nous  trouvons  dans  ces  deux  volumes  un  assez  grand 
nombre  d'articles  qui  intéresseront  les  amis  de  l'Afrique.  D'abord,  dans 
le  volume  de  1881-82,  une  étude  comparative  de  M.  le  D'  Beck,  sur  les 
tracés  que  Livingstone  et  Serpa  Pinto  ont  donnés  du  Haut-Zambëze. 
Jusqu'à  Serpa  Pinto,  le  Zambèze  supérieur  ne  nous  était  guère  connu  que 
par  les  travaux  de  Livingstone,  qui  en  avait  dressé  une  carte  complète. 
Serpa  Pinto  ayant  suivi  le  Haut-Zambèze  sur  un  assez  grand  parcours, 
et  en  ayant  fait  un  relevé  très  exact,  il  était  intéressant  de  comparer  les 
deux  tracés.  Les  deux  cartes  qui  accompagnent  l'article  de  M.  Beck 
permettent  de  se  rendi*e  compte,  d'un  seul  coup  d'œil,  des  différences, 
assez  faibles  d'ailleurs,  qui  existent  entre  les  deux  dessins.  —  M.  Rey- 
raond-le  Brun  donne  ensuite  le  récit  du  voyage  du  missionnaire  G.  Bel- 
trame  sur  le  Nil  Blanc  et  chez  les  Denkas  ?  Puis  vient  une  notice  du 
D'  Lenz  sur  les  peuples  nains  et  sur  les  tribus  cannibales  de  l'Afrique 
occidentale  ;  le  savant  voyageur  expose  les  observations  qu'il  a  faites 
pendant  son  séjour  dans  le  bassin  de  l'Ogôoué,  sur  les  trois  groupes  de 
populations  de  cette  région,  les  Bandons,  les  Abongos,  peuplade  naine, 
et  les  Fans  anthropophages.  —  Dans  le  volume  de  1882-83,  relevons 
en  particulier  les  Notes  d'un  voyage  en  Tunisie  par  M.  Louis  Borel, 
élève  de  l'École  supérieure  de  télégraphie  de  Paris.  L'auteur  y  donne, 
sous  forme  de  notes,  écrites  d'un  style  simple  et  facile,  beaucoup  de 
détails  fort  intéressants  sur  les  villes  qu'il  a  particulièrement  visitées  : 
Sousse,  Gabès,  Djerba,  Zarzio,  La  Goulette  et  Timis.  —  Dans  le  «  Fouta- 
Djallon  et  les  chemins  de  fer  français  au  Niger,  »  M.  Ch.  Hoch ajoute  à 
l'analyse  de  l'expédition  de  M.  Aimé  Ollivier,  l'exposé  de  ses  vues  sur 
la  colonisation  française  dans  cette  région.  —  Notre  bulletin  mensuel  a 
déjà  parlé  (p.  16)  de  l'iinportante  communication  de  M.  Batikofer,  à  la 
Société  de  géographie  de  Berne,  sur  la  république  de  Libéria. 

Conferenze  tenutesi  in  Milano  kel  1883  presso  la  Soceeta  d'bs- 
PLOBAzioNE  COMMERCIALE  IN  Afmca.  Milano  (Tipografia  P.  B.  Bellini  et 
C),  1883,  in-8*,  151  p.  et  cartes.  —  Le  succès  obtenu  l'année  dernière 

^  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  Jules  Sandoz,  13,  rue  du  Rh6ne,  à  Ge&èTe, 
tous  les  ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  eot^orée  et  civilisée. 


—  295  — 

par  la  Société  milanaise  d'exploration  commerciale  en  Afrique  Ta  enga- 
gée à  continuer  à  faire  donner,  pendant  l'hiver,  des  conférences  desti- 
nées à  vulgariser  les  connaissances  géographiques,  surtout  les  décou- 
vertes africaines,  et  tout  spécialement  celles  qu'ont  faites  les  voyageurs 
italiens.  Nous  avons  rendu  compte  de  la  précédente  série  de  ces  confé- 
rences (III**  année,  p.  321).  —  Dans  la  première  de  celles  relatives  à 
l'Afrique,  que  renferme  ce  nouveau  volume,  M.  le  professeur  Gottardo 
Carollo  a  raconté  les  explorations  de  Brazza  et  de  Stanley.  D  termine 
par  des  vœux  pour  que  les  Italiens  prennent  part  à  cette  œuvre,  et  en 
particulier  pour  que  Casati,  explorateur  de  l'Ouellé,  atteigne  le  Congo 
par  le  nord.  —  Dans  une  seconde  conférence,  M.  Brunialti  transporte 
ses  auditeurs  dans  le  Soudan  égyptien,  qu'ont  plus  spécialement  exploré 
les  Italiens  :  Miani,  Piaggia,  Antinori,  Matteucci,  Chiarini,  etc.  L'admi- 
ration vouée  aux  voyageurs,  et  plus  particulièrement  à  ceux  qui  ont 
payé  de  leui'  vie  leur  dévouement  à  la  science  ou  à  la  suppression  de  la 
traite,  comme  Gessi,  ne  lui  fait  point  méconnaître  la  valeur  des  travaux 
des  missionnaires  Beltrame,  Comboni,  Massaia,  malgré  les  épreuves  par 
lesquelles  ont  à  passer  à  l'heure  actuelle  ceux  du  Kordofan,  du  Darfour 
et  du  Choa.  Il  voudrait  que,  à  l'exemple  de  l'Angleterre,  de  la  France  et  de 
l'Allemagne,  l'Italie  contribuât  par  ses  subsides  à  l'exploration  et  àla  civi- 
lisation de  l'Afrique,  mais  qu'elle  s'abstînt  d'y  créer  des  colonies  politiques. 

Le  pays  DK8  ZfiNDJs  ou  LA  CÔTE  Orientai«e  d'Afbique  au  moyen 
AGE,  par  L.  Marcel  Devic.  Ouvrage  couronné  par  l'Institut.  Paris 
(Hachette),  1883,  in-8**,  280  p.  —  Cet  ouvrage  de  géographie  historique 
a  dû  coûter  à  son  auteur  de  longs  et  difficiles  travaux,  par  suite  de  la 
pénurie  des  documents  sur  la  matière.  Remontant  aux  temps  les  plus 
anciens,  M.  Devic  étudie  tout  ce  que  les  Hindous,  les  Grecs,  les  Romains 
et  les  Arabes,  nous  ont  fourni  sur  la  côte  orientale  de  l'Afrique,  intéres- 
sante à  tant  d'égards,  puisqu'elle  était  explorée  et  habitée  à  une  épo- 
que très  reculée.  Après  avoir  décrit  la  contrée  et  les  villes,  petites  ou 
grandes,  de  même  que  les  îles  voisines,  l'auteur  étudie  les  mœurs  des 
Zendjs,  habitants  de  cette  région  au  moyen  âge,  telles  que  nous  les 
dépeignent  les  géographes  ou  les  voyageurs.  Puis  il  passe  en  revue  les 
productions  du  pays,  et  décrit  le  commerce  actif  qu'y  faisaient  et  qu'y 
font  encore  les  Arabes. 

Évidemment  cet  ouvrage  n'est  pas  aussi  actuel  que  ceux  qui  s'occu- 
pent de  colonisation  ou  de  voyages,  mais  les  personnes  qui  le  liront 
avec  attention  n'auront  pas  i  s'en  repentir,  car  elles  apprendront  à  con- 
naître l'état  de  l'Afrique  orientale  à  une  époque  où  les  Européens  la 


—  296  — 

croyaient  plongée  dans  la  plus  grande  barbarie,  siyet  intéressant  sur 
lequel  il  n'existait  jusqu'à  aigourd'hui  que  des  documents  épars,  qu'il 
faut  remercier  M.  Devic  d'avoir  recueillis. 

L'Egypte,  par  Jacques  Hervé,  Paris  (Jouvet  et  C*')  1883,  In-12'*, 
252  p.  avec  87  gravures  et  2  cartes  ;  2  fr.  —  Voici  une  monographie  fort 
bien  faite,  aussi  intéressante  qu'instructive,  et  dont  la  lecture  offre 
un  vrai  délassement.  La  plus  grande  partie  est  consacrée  à  l'his- 
toire de  l'Egypte  depuis  Menés,  le  premier  Pharaon,  jusqu'aux  derniers 
événements  dont  elle  a  été  le  théâtre.  Mais  l'Egypte,  c'est  le  Nil  ;  aussi 
les  premières  pagas  donnent-elles  la  description  du  fleuve  et  de  ses 
crues.  Puis  vient,  avec  la  succession  des  vingt-six  dynasties,  un  tableau 
complet  de  la  civilisation  de  l'antique  Egypte,  que  l'auteur  ressuscite, 
pour  ainsi  dire,  et  fait  revivre  sous  nos  yeux,  avec  ses  lois,  ses  cou- 
tumes, ses  monuments,  son  commerce,  son  industrie.  Il  nous  montre 
ensuite  ce  que  devient  la  vallée  du  Nil  lorsqu'elle  passe  sous  la  domina- 
tion des  nombreux  conquérants  qu'a  tentés  ce  merveilleux  pays,  où  la 
nature,  tout  en  prodiguant  ses  dons,  n'a  pas  établi,  pour  les  défendre, 
une  ceinture  de  fortes  barrières  naturelles.  Mais  la  partie  la  plus  belle 
de  l'ouvrage  est  celle  dans  laquelle  il  présente,  après  la  campagne  de 
Bonaparte,  l'exposé  du  magnifique  développement  de  l'Egypte  durant 
notre  siècle,  depuis  l'époque  où  Méhémet-Ali  la  débarrassa  presque 
complètement  de  la  tutelle  de  la  Porte,  jusqu'à  celle  de  l'occupation 
anglaise,  avec  les  circonstances  qui  sont  encore  dans  la  mémoire  de  tous, 
mais  que  M.  Hervé  a,  le  .premier,  su  rassembler  suivant  la  méthode 
historique,  et  cela  avec  un  tact  politique  malheureusement  trop  rare. 

La  description  politique  de  l'Egypte  nous  a  paru  suflSsamment  com- 
plète; celle  de  la  Nubie  et  du  Soudan  égyptien  est  plus  rapidement 
faite;  ces  pays  sont,  en  effet,  d'une  importance  moindre,  et  cependant,, 
quel  magnifique  avenir  n'attend  pas  la  viUe  de  Khartoum,  si  heureuse- 
ment fondée  par  Méhémet-Ali  au  confluent  des  deux  Nil,  lorsqu'une 
ligne  ferrée  la  reUera  avec  Souakim,  son  port  naturel  sur  la  mer  Rouge  !. 

Un  chapitre  spécial  est  consacré  à  l'histoire  et  à  la  description  du 
canal  de  Suez,  dont  on  trouvera  un  relevé  fort  bien  fait  sur  la  carte  de 
la  Basse-Egypte  placée  en  tête  du  volume  ;  celle-ci  renferme  aussi  l'in- 
dication des  lieux  historiques,  tels  que  Tell-el-Kébir,  Kafr-Douar,  etc. 
Une  autre  carte  comprenant  la  Haute-Egypte,  la  Nubie  et  le  Soudan 
égyptien  jusqu'au  Sennaar,  et  plus  de  80  gravures,  complètent  heureu- 
sement cet  ouvrage,  auquel,  croyons-nous,  le  public  ne  manquera  pas  de 
réserver  le  meilleur  accueil. 


—  297  — 

BULLETIN  MENSUEL  (5  novembre  1883. y 

Le  ministre-résident  français  à  Tunis,  M.  Gambon,  a  fait  récemment 
une  tournée  dans  la  Kroumirie,  où  il  a  pu  constater  les  progrès 
accomplis  depuis  deux  ans,  dans  ce  pays  que  ne  traversait  aucune  route, 
où  les  soldats  du  bey  chargés  de  recouvrer  l'impôt  n'osaient  pénétrer, 
et  dont  les  habitants  passaient  pour  barbares.  Aujourd'hui  des  routes 
conduisent  au  cœur  du  pays  ;  les  Kroumirs  se  livrent  non  seulement 
aux  travaux  de  la  terre,  mais  encore  à  tous  ceux  que  leur  oflErent  les 
Français  :  exploitation  de  forêts,  de  mines,  etc.  ;  les  sources  d'eau  sont 
très  abondantes,  et  dans  peu  de  temps  la  Kroumirie  sera  une  des  parties 
les  plus  riches  de  la  Tunisie. 

Ce  n'est  plus  guère  que  par  les  dépêches  des  journaux  anglais  que 
nous  arrivent  quelques  renseignements  sur  l'état  des  choses  au  Soudan. 
Encore  ces  dépêches  sont-elles  d'une  teUe  nature  qu'elles  ne  nous 
apprennent  rien  de  précis.  En  effet,  tandis  que  le  Daily-Netvs  recevait 
le  5  octobre,  par  la  voie  de  Khartoum,  l'annonce  que  les  troupes  égyp- 
tiennes avaient  fait  un  mouvement  en  avant,  mais  que  300  hommes 
étaient  tombés  malades  dès  les  premières  étapes  par  suite  de  la  chaleur, 
— que,  le  18,  lui  parvenait|du  Caire  une  nouvelle  envoyée  par  Hicks-pacha, 
d'après  laquelle  le  Kordofan  était  tranquille,  le  cheik  principal  d'El-Obeïd 
soumis  avec  300  cavaliers,  et  l'on  ne  s'attendait  à  aucune  résistance,  — 
le  Standard  au  contraire  représente  les  recrues  destinées  à  l'armée  qui 
opère  dans  le  Soudan  comme  si  mal  disposées,  qu'on  est  obligé  de  les 
conduire  enchaînées  jusqu'au  lieu  de  leur  destination;  d'après  ce  même 
journal,  le  madhi  possède  toutes  les  sympathies  des  populations  de  la 
Haute-Egypte,  et  l'on  craint  beaucoup  pour  la  situation  du  général 
Hicks  *. 

Ces  contradictions  nous  font  vivement  regretter  d'être  privés  depuis 

^  Les  matières  comprises  dans  nos  Bulletins  memuda  et  dans  les  Nouvelles  corn- 
jplémentcMres  y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant^  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  PEst,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

*  Au  moment  où  nous  mettons  sous  presse,  le  Mémoricd  diplomatique  annonce 
qu'il  a  été  décidé,  au  War-Office,  qu'on  enverra  au  général  EQcks  des  renforts  pris 
sur  le  contingent  qui  est  en  Egypte  ;  ils  devront  contribuer  à  assurer  la  défaite 
du  mahdi,  le  gouvernement  britannique  attachant  une  extrême  importance  à  en 
finir  le  plus  vite  possible  avec  le  faux  prophète. 

L'AFRIQUE.   —   QUATRIÈME  AVKÉS.   —  H<»   11.  11 


—  298  — 

plusieurs  mois  de  la  correspondance  régulière  que  voulait  bien  nous 
envoyer  M.  J.-lIé  Sckuver.  Après  avoir  passé  sept  mois  à  Khartoum, 
il  en  est  parti  le  14  juillet  pour  le  Bahr-el-GhazaU  ob  le  vapeur  IstMi- 
lia  le  transportera  jusqu'à  M eskra-el-Rek.  Sans  doute  ce  voyage 
à  Touest  et  au  sud-ouest  de  son  itinéraire  primitif  ne  rentrait  pas  dans 
ses  plans  ;  ses  bagages  sont  encore  à  Famaka  sur  le  Nil  Bleu,  mais,  dans 
rimpossibilité  de  reprendre  cette  route  pour  le  moment,  il  a  préféré  à 
rinaction  dans  la  capitale  du  Soudan  une  excursion  à  Meshra-el-Rek, 
d'oii  il  se  rendra  à  Dem-Suleiman ,  chef-lieu  du  mudirieh  du  Bahr- 
el-Ghazal,  qu'il  prendra  comme  point  de  départ  d'un  voyage  plus  lointain. 

0 

La  Société  milanaise  d'exploration  en  Afrique  a  reçu,  de  TexpéditioD 
italienne  en  Abyssinie,  des  nouvelles  en  date  du  21  juillet,  de  Saméra, 
résidence  du  roi  Jean,  qui  a  bien  accueilli  les  propositions  du  gouverne- 
ment italien.  Les  pluies  étant  survenues  et  ayant  fait  déborder  tous  les 
cours  d'eau,  rendirent  pendant  quelque  temps  impossible  toute  commu- 
nication avec  la  côte.  Blanchi  se  préparait  à  se  rendre,  dès  que  la 
saison  pluvieuse  serait  passée,  de  Socota  à  Assab,  pour  étudier  la  région 
encore  inconnue  située  entre  le  plateau  éthiopien  et  la  colonie  italienne, 
et  ouvrir  une  route  directe  de  l'ouest  à  l'est  vers  Assab,  au  milieu  de 
populations  réputées  sauvages.  L'ingénieur  Salimbeni  se  disposait  à 
partir  pour  le  Grodjam,  où  il  devait  fonder  une  station,  et,  si  les  circon- 
stances le  lui  permettaient,  construire  un  pont  sur  le  Nil  Bleu,  pour 
mettre  l'Abyssinie  eu  communication  avec  les  pays  Gallas,  d'oîi  provien- 
nent presque  toutes  les  marchandises  que  l'on  veut  attirer  à  Assab. 

De  son  côté,  le  comte  Antonelli  a  réussi  à  ouvrir  au  commerce  une 
poHte  du  Choa  à,  Assab»  et  a  conclu  des  traités  d'amitié  avec  Méné- 
lik,  avec  Mohamed  Anfari,  sultan  de  l'Aoussa,  et  avec  les  chefe  des  tribus 
danakils.  Une  caravane  de  400  chameaux  et  de  800  hommes  descend  du 
Choa  à  Assab,  oh  elle  apporte  de  l'ivoire,  du  café,  des  plumes  d'autruche, 
des  peaux  brutes,  et  d'autres  produits  de  ce  pays.  Antonelli  est  revenu 
en  Italie,  mais  retournera  prochainement  au  Choa,  où  le  roi  Ménélik 
demande  à  avoir  nm  représentant  du  roi  d'Italie  ;  de  son  côté  il  en 
enverra  un  à  Bome.  Outre  la  station  italienne  du  Choa,  il  en  sera  créé 
une  chez  les  Aoussas.  La  Chambre  de  commerce  de  Naples  a  demandé 
au  ministre  des  affaires  étrangères  des  informations  sur  le  moyen  de 
conclure  des  échanges  avec  la  grande  caravane.  —  D'après  les  journaux 
anglais,  Ménélik  a  fait  annoncer  au  résident  britannique  à  Aden  qu'il  a 
conquis  le  royaume  de  Kaffa,  et  l'a  annexé  à  ses  états.  —  M.  Laccardi, 
agent  de  la  Société  milanaise  d'exploration,  établi  à  Massaoua  a  été 
nommé  consul  italien  dans  cette  viUe. 


—  299  — 

La  Société  de  géographie  de  Hambourg  verra  bientôt  revenir  le 
D' Fischer  qui  a  annoncé  son  retour  à  la  côte.  Parti  de  PftDgaai  à  la 
fin  de  décembre  1882,  il  se  dirigea  vers  le  nord  en  passant  par  Paré, 
Arufiha  et  Sirigari,  où  il  eut  avec  les  Masals  des  démêlés  dans  lesquels 
sas  gens  en  se  défendant  tuèrent  quelques-uns  4es  natifs.  La  satiefaoticm 
ordinairement  exigée  pour  les  morts  ayant  été  payée  en  fil  de  iér,  les 
deux  partis  se  séparèrent  en  bons  termes.  Fischer  continua  sa  manche 
vers  le  lacBaringo,  et  n'en  était  plus  qu'à  six  jours  de  mardie,  lorsque 
ses  porteurs  refusèrent  d'aller  plus  loin.  Trois  mille  Masals  en  armes 
occupaient  la  route  qui  mène  au  lac,  et,  pour  forcer  le  passage  à  travers 
la  forêt  vierge  oti  ils  étaient  postés,  la  caravane  du  docteur  ailemmid 
eût  risqué  de  perdre  toutes  ses  ressources.  £n  revenante  a  pris  iin<die- 
min  plus  à  l'ouest,  autour  du  lac  Naivasha  et  le  long  du  lac  Natron,près 
du  volcan  Doeyo  Ngai,  puis  de  là,  par  Ângarouka,  au  mont  Mérou.  Près 
du  lac  Naivasha  il  découvrit  une  source  abondante  d'eau  chaude  ;  quoique 
tout  le  pays  parcouru  soit  de  nature  volcanique,  on  n'y  voit  pourtant 
plus  de  volcans.  Le  D' Fischer  a  rapporté  beaucoup  d'ivoire  et  de  riches 
collections  de  minéraux,  de  plantes,  d'oiseaux  et  de  mammifères,  ainsi 
que  des  objets  se  rapportant  à  l'ethnographie  du  pays. 

Le  missionnaire  Ghauncy  Maples,  écrit  de  MasaMsi,  le  20  juin, 
qu'il  a  terminé  son  exploration  du  pays  des  Makondés.  Noumanga  l'a 
très  bien  reçu  et  l'a  traité  royalement  durant  quatre  jours ,  pendant 
lesquels  le  missionnaire  a  pu  étudier  tout  ce  district,  et  se  former  une 
opinion  sur  la  possibilité  d'y  transporter  l'établissement  de  Masasi.  C'est 
l'endroit  le  plus  sûr  à  300  kilom.  à  la  ronde.  Mais  les  indigènes  ne  sont 
peÂDt  disposés  à  aller  s'établir  aussi  loin.  M.  Maples  songeait  à  les 
installer  à  Néouala,  où  Matola  lui  a  donné  une  maison  construite  l'année 
dernière,  n  s'attendait  à  voir  arriver  un  détachement  de  Magwangwai^as, 
pour  la  perception  du  tribut  de  sel  que  les  Makouas  de  Masafii  se  sont 
engagés  à  leur  payer  pour  conserver  leurs  vies  et  leurs  propriétés. 
Néouala  est  beaucoup  meilleur  que  Masafii  pour  résister  aux  attaques 
de  ces  sauvages,  mais  Noumanga  l'emporte  encore  de  beaucoup  sur 
Néouala. 

La  mission  romande  aux  Spelonken  sera  prochainement  renforcée 
d'une  manière  notable  ;  outre  M.  P.  Berthoud  qui  se  dispose  à  y  retour- 
ner, le  conseil  de  la  Société  a  décidé  d'y  envoyer  M.  Sug.  Thomas, 
licencié  en  théologie,  qui  vient  de  faire  un  stage  médical  chez  le  D' Laid- 
low  à  Glascow,  et  une  institutrice  de  Neuchâtel,  M"*  J.  Jacot,  qui  s'est 
aussi  préparée  à  pouvoir  donner  des  soins  aux  malades.  Ces  nouveaux 


—  300  — 

agents  seroot  pourvus  d'instruments  de  chirurgie,  de  livres  d'hygiène  et 
de  médecine,  de  remèdes  et  de  provisions  diverses  ^  Le  Journal  religieux 
de  Neuchfttel  a  publié  des  extraits  de  lettres  d'un  de  nos  compatriotes^ 
M.  Gautier,  en  ce  moment  en  séjour  auprès  des  missionnaires  vaudois, 
avec  Tun  desquels,  M.  H.  Berthoud,  il  se  proposait  de  faire  un  voyage 
de  Valdézia  au  Limpopo,  pour  apprendre  à  connaître  ce  pays,  traversé 
jusqu'ici  par  des  chasseurs  seulement  ;  comme  ce  sont  des  Magwamba^ 
qui  rhabitent,  il  importe  aux  missionnaires  d'étudier  soit  la  route,  soit 
le  cours  du  Limpopo,  pour  le  moment  oîi  la  mission  aura  reçu  des  ren- 
forts et  pourra  s'étendre  au  delà  des  Spelonken.  Les  voyageurs  comp- 
taient prendre  avec  eux  douze  chasseurs  indigènes  et  quatre  jeunes 
gens*  Les  bœufs  de  M.  Berthoud  devaient  transporteries  bagages  jusque 
chez  Schilowa,  à  moitié  chemin  du  fleuve  environ.  Leur  voyage  devait 
durer  trois  ou  quatre  semaines,  si  ce  n'est  plus*. 

Le  D' de  Dankelman,  naguère  agent  du  Comité  d'Études  du  Haut 
Congo,  a  eu  l'occasion  de  visiter  plus  au  sud  Mossamédès,  à  la  côte, 
ainsi  que  Huilla  et  Humpata,  à  l'intérieur.  Il  n'a  pas  trouvé  à  Huilla 
le  P.  Duparquet,  qui  explorait  le  pays  entre  le  Cunéné  et  l'Okavango. 
Quoique  cette  station  missionnaire  n'ait  qu'un  an  de  date,  elle  lui  a  fait 
une  très  bonne  impression.  Les  missionnaires  comptaient  ouvrir  le 
1"  octobre  la  station  météorologique  décrétée  par  le  gouvernement  por- 
tugais qui  leur  a  fourni  les  instruments  nécessaires.  H  en  existe  déjà  à 
San  Salvador  et  à  Loanda.  Le  D'  Dankelman,  longtemps  attaché  à  la 
station  de  Vivi,  avait  été  envoyé  à  Mossamédès  pour  y  acheter  des  pois- 
sons, en  vue  de  l'arrivée  d'un  convoi  de  Chinois  attendus  au  Congo. 
L'importation  de  ces  travailleurs,  que  la  direction  de  l'entreprise  du 
Congo  se  propose  de  substituer  aux  nègres,  semble  indiquer  qu'elle 
renonce  à  l'espoir  d'amener  les  natifs  à  un  travail  régulier. 

L'apparition  de  ces  Chinois  sur  la  scène  du  Congo  n'est  pas  la  seule 
surprise  que  nous  aient  apportée  les  nouvelles  du  mois  passé  sur  l'œuvre 
de  Stanley.  D  n'est  pas  toujours  facile  de  séparer  la  vérité  d'avec 
l'erreur,  dans  les  correspondances  des  journaux  ;  certains  détails  nous 
paraisseut  tellement  exagérés,  qu'avant  de  les  donner  à  nos  lecteurs, 

'  Un  mécanicien  et  un  meunier  partiront  aussi  avec  les  missionnaires. 

'  Pendant  l'impression  de  ce  numéro,  nous  avons  appris  que  les  voyageurs, 
ayant  dû  laisser  leur  char  et  leurs  bœufs  à  la  limite  de  la  région  infestée  par  la 
tsétsé,  ont  été  obligés  de  revenir  à  Valdézia,  sans  avoir  pu  atteindre  le  Limpopo^ 
leurs  provisions  et  leurs  munitions  étant  épuisées. 


—  301  — 

nous  voulons  attendre  d'en  avoir  la  confirmation  de  la  part  de  personnes 
autorisées  ;  pour  aujourd'hui  nous  nous  bornerons  aux  faits  certains,  eu 
commençant  par  les  renseignements  fournis  à  la  Société  de  géographie 
de  Londres  par  M.  H.-H.  J^ohnston»  et  publiés  dans  le  dernier 
numéro  des  Proceedings  de  cette  Société,  sur  son  voyage  au  Conf^o,  à  la 
tin  de  décembre  1882  et  au  commencement  de  cette  année-ci.  Il  signale 
d'abord  le  long  de  sa  route,  entre  les  deux  stations  missionnaires  de 
Underhill  et  de  Palaballa,  sur  la  rive  méridionale  du  fleuve,  des  villages 
prospères,  entourés  de  plantations  de  bananiers  ou  de  plantains,  et  dont 
les  maisons  sont  propres  et  bien  bâties,  les  champs  de  mais  et  de  cassave 
bien  cultivés,  les  habitants  doués  d'un  certain  savoir-vivre.  A  Palaballa, 
les  indigènes  le  salueîrt  d'un  good  moming,  emprunté  sans  doute  au 
langage  des  missionnaires  de  la  Livingstone  Inland  Mission,  qui  ont  là 
une  école  dans  laquelle  l'enseignement  est  donné  en  langue  fiote  et  en 
anglais.  Des  ennuis  de  porteurs  l'obligèrent  à  revenir  à  Vivi,  oîi  Stanley 
lui  donna  tout  ce  qui  était  nécessaire  à  son  expédition  et  trois  de  ses 
meilleurs  Zanzibarites.  De  Manyanga,  au  lieu  de  suivre  la  route  lon- 
gue et  difficile  de  la  rive  septentrionale,  Johnston  prit,  jusqu'à  Léopold- 
ville,  la  route  de  la  rive  gauche,  qui  traverse  un  pays  dont  la  population 
«st  plus  aimable  et  plus  courtoise  que  celle  de  l'autre  bord.  De  Stanley- 
Pool  une  canonnière  le  transporta  à  Bolobo,  à  400  kilom.  en  amont,  oU 
se  trouvait  alors  la  dernière  station  de  Stanley.  En  remontant  l'Étang  de 
Stanley,  il  longea  des  tles  couvertes  de  la  plus  belle  végétation  et  peu- 
plées de  troupes  d'hippopotames.  Au  delà  des  Dover  Cliffii,  le  Congo  a 
de  600°  à  1000°  de  large  ;  dans  son  cours,  jusqu'à  la  station  de  Msouata, 
à  180  kilom.,  il  ne  reçoit  qu'un  affluent  un  peu  considérable  venant  du 
S.-E.,  dont  les  eaux,  d'un  noir  indigo,  coulent,  pendant  plusieurs  miUes, 
côte  à  côte  avec  celles  du  Congo  qui  sont  jaunâtres,  sans  se  mêler 
celles-ci.  La  rive  septentrionale  est  inhabitée,  par  suite  des  guerres  qui 
ont  dépeuplé  le  pays.  La  station  de  Msouata,  une  des  plus  jolies  du 
Congo,  est  entourée  de  nati&  d'un  caractère  aimable,  dont  les  senti- 
ments à  l'égard  des  blancs  sont  extrêmement  courtois.  Un  peu  en 
amont,  M.  Johnston  signale  le  curieux  promontoire  de  Ganchou,  langue 
de  terre,  moitié  île,  moitié  presqu'île,  sur  laquelle  est  construit  un  village 
gouverné  par  un  chef  du  même  nom.  En  descendant  le  fleuve,  Stanley 
n'y  avait  vu  qu'un  nid  de  pirates,  tandis  que  les  habitants  en  sont  très 
pacifiques.  Au  delà  se  trouve  l'embouchure  de  la  Wabouma  (l'Ibari 
Nkoutou  de  Stanley,  nom  ignoré  des  indigènes).  A  son  confluent  avec 
le  Congo  elle  est  aussi  large  que  la  Tamise  à  Westminster  ;  d'un  côté 


—  302  — 

Ton  recentre  d'abord  des  baaes  de  sable,  puis  clés  roch^ns  au  delà  des- 
quels le  chenal  devient  profond  et  la  naiigatkm  plus  facile.  EUe  sort  du 
lac  Léopold  n,  qui  s'étend  jusque  sous  le  1  ""éO'  ;  après  avoir  coulé  parai- 
lèlement  au  Congo,:  dans  un  lit  assez  étroit,  elle  s'élargit  beaucoup, 
comme  le  Congo,  dans  son  cours  supérieur,  puis  se  rétrécit  de  neuveaa 
avant  son  confluent  avec  le  Quango  ;  les  eauL  de  ces  deux  rivières  se 
distinguent  sur  un  long  parcours,  celles  de  la  Wabouma  sont  indigo, 
tandis  que  celles  du  Quango  sont  limoneuses  et  jaun&tres;  elles  se 
varsent  dans  le  Congo  par  S""  20\  Les  Bayansis  qui  habitent  cette 
région  sont  de  belle  race,  beaux  de  visage,  et  par  les  formes  du  corps 
rappellent  les  statues  grecques.  Passionnés  pour  la  musique,  ils  ont  en 
outre  un  grand  art  pour  décorer  leurs  ustenâlePet  leurs  armes.  Leur 
langue  appartient  à  la  famille  des  langues  bantoues  ;  plusieurs  mots  en 
sont  presque  identiques  avec  le  souahéli  ;  aussi  les  Zanzibarites  peuvent- 
ils  se  faire  comprendre  d'eux. 

A  ces  renseignements  géographiques  sont  venus  s'en  ajouter  d'autres, 
fournis  par  Stonley  lui-même  dans  une  lettre  du  11  juillet  à  M.  Marston 
de  Londres,  que  nous  avons  trouvée  dans  le  Liverpool  Mercury.  Après 
avoir  donné  la  liste  des  huit  stations  qu'il  a  foodées,  de  l'embouchure  du 
Congo  jusque  sous  l'équateur,  à  Yivi,  Isangila,  Manyanga,  Léopoldville, 
Msouata,  Bolobo,  Loukoléla  —  le  nom  de  celle  de  l'équateur  n'est  pas 
indiqué  '  —  il  ajoute  qu'entre  ces  stations,  qui  sont  les  principales,  il  y  en 
a  de  plus  petites,  dans  les  endroits  ob  la  population  est  le  plus  dense. 
a  J'ai  aussi  découvert,  continue-t-il,  un  autre  lac,  le  Mantoumba,  au 
nord  du  lac  Léopold  II.  La  population  de  ses  rives  est  si  dense  que,  s'il  en 
était  de  même  dans  tout  le  bassin  du  Congo,  celui-ci  aurait  environ 
49,000,000  d'habitants.  Je  n'ai  jamais  vu  de  ma  vie  des  trafiquants  aussi 
vi&  que  le  sont  ces  gens  ;  tout  est  propre  à  la  vente,  et  toutes  l^us 
pensées  sont  dirigées  vers  le  gain  honnête  qu'ils  pourront  en  retirer.  Un 
trafiquant  est  sacré  dans  ce  pays[;  nul  ne  le  moleste  ;  chaque  chef  est  tenu 
de  le  protéger,  car,  d'après  leurs  idées,  il  appartient  èi  la  classe  qui 
apporte  l'argent  dans  le  pays.  Vous  verrez  dans  mon  ouvrage  :  «  A  tra- 
vers le  continent  mystérieux*  »  que  j'ai  parlé  des  féroces  Irébous. 
Représentez-vous  mon  étonnement,  en  me  voyant  appelé  par  eux  pour 
mettre  un  terme  à  une  guerre  intestine.  En  les  quittant,  j'ai  laissé  ches 

*  D'après  une  carte  du  D'  J.  Chayanne,  publiée  dans  le  demiM*  numéro  de  la 
Dewt9cheBund9dkau  fur  geogrojphie  und  HaUsHk^  cette  station  s'apj^ltêrafl  ncengo. 
»  T.  II,  p.  318. 


—  803  — 

eux  deux  hommes  qui  y  seront  en  parfaite  sûreté,  aussi  bien  que  s'ils 
étaient  sous  la  protection  de  la  force  métropolitaine  de  Londres.  Vous 
pouvez  être  sûr  que,  si  j'avais  le  moindre  doute  quant  à  leur  sécurité,  je 
n'exposerais  jamais  la  vie  de  mes  gens.  J'ai  aussi  remonté  la  rivière  qui, 
sur  ma  carte,  porte  le  nom  d'Ikelemba.  C'est  la  Mobinda  ;  le  nom  d'Ike- 
lemba  est  celui  d'un  petit  affluent  supérieur  du  Congo.  La  rive  gauche 
de  la  Mobinda  est  semée  de  villages,  entre  lesquels  il  n'y  a  qu'un  espace 
très  restreint  ;  mais  les  habitants  en  sont  très  sauvages,  et  il  faudra  du 
temps  pour  les  amener  à  reconnaître  Futilité  de  marchands  blancs.  Je  les 
trouvai  tous  disposés  à  combattre,  mais  la  vitesse  et  le  bruit  du  stea- 
mer les  empêchèrent  de  se  précipiter  sur  nous,  comme  Favaient  fait  les 
Bangalas.  Quand  nous  regagnâmes  le  Congo,  nous  crûmes  arriver  en 
pays  civilisé  ;  nos  hommes,  occupés  à  défricher  et  à  bâtir,  étaient  dans 
les  meilleurs  termes  avec  les  natife.  Les  indigènes  deTéquateur  avaient 
ridée  bizarre  que  le  Stanley  qui  avait  descendu  le  Congo,  et  «  Bula 
Matari  »  qui  le  remonte  et  bâtit  partout,  étaient  deux  personnages  dif- 
férents ;  le  premier  ne  pouvait  être  que  Tagent  du  second  qui,  sans 
doute,  étaitle  vrai  chef.  Ils  ont  été  très  surpris  d'apprendre  que  Stanley 
et  le  a  briseur  de  rochers  »  étaient  une  seule  et  même  personne.  Les 
Bangalas  visitant  fréquemment  les  districts  de  l'équateur,  je  demandai 
comment  l'on  m'y  recevrait?  «  Vous  n'avez  qu'à  agiter  un  bâton,  me 
répondit -on ,  et  ils  se  tiendront  tranquilles.  »  Tout  marche  d'une 
manière  satisfaisante;  nous  n'avons  pas  à  nous  plaindre.  Jusqu'ici  il  n'y 
a  pas  eu  de  paroles  fâcheuses  échangées  entre  nous  et  les  natiUs  ;  ce  qu'il 
y  a  de  mieux,  c'est  que  le  chef  le  plus  attaché  à  ses  traditions  recherche 
notre  alliance  et  nous  fournit  des  porteurs.  Environ  400  indigènes  trans- 
portent maintenant  des  marchandises  pour  nous,  là  où  il  a  fallu  une 
année  pour  engager  les  plus  réfractaires  à  nous  en  donner  un.  Avec  le 
temps  la  nature  de  ces  gens  changera,  et  l'on  peut  légitimement  espé- 
rer, qu'avec  de  la  patience  et  de  bons  traitements,  tous  les  transports 
nécessaires  se  feront  par  des  porteurs  indigènes.  J'ai  sous  mes  ordres 
2000  hommes,  75  Européens,  17  stations  et  une  flotille  de  12  navires.  » 

Ce  grand  nombre  d'hommes  aux  ordres  de  Stanley  ne  nous  surprend 
pas  ;  nous  avons  mentionné  les  convois  réitérés  de  Zanzibarites  amenés 
par  des  agents  de  l'Association  internationale,  ceux  de  Kroomens  de  la 
côte  de  Guinée,  et  de  Haoussas  du  bassin  du  Niger.  Quant  aux  dix-sept 
stations  auxquelles  il  fait  allusion,  il  faut,  po\ir  atteindre  ce  chiffre,  ajou- 
ter à  celles  mentionnées  dans  la  lettre  que  nous  avons  traduite,  cinq 
stations  dont  la  Oazette  de  Bruxelles  nous  a  apporté  les  noms  ;  elles  sont 


—  304  — 

déjà  inscrites  dans  la  carte  dont  M.  Johnston  a  accompagné  son  rapport 
à  la  Société  de  géographie  de  Londres  ;  ce  sont  :  Philippeville,  Bodolph- 
stadt,  Baudoinville,  Franktown  et  Stephanieville,  qui  se  trouvent  toutes 
dans  la  vallée  du  Quillou  et  du  Niari,  en  dehors  du  bassin  du  Ck)ngo, 
sur  le  chemin  par  lequel  de  Brazza  a  annoncé  vouloir  ouvrir  la  voie  la 
plus  courte  de  l'Atlantique  à  Brazzaville'.  Avant  de  quitter  le  Congo, 
ajoutons  encore  que  Stanley  a  conclu,  le  7  janvier  de  cette  année,  avec 
deux  che£s  de  Palaballa,  station  de  la  Livingstone  Inland  Mission,  un 
traité  qui  semble  devoir  fermer  au  commerce  la  route  par  laquelle  passait 
jusqu'ici  tout  le  trafic,  de  l'intérieur  à  l'embouchure  du  Congo. 

Pour  créer  des  stations  le  long  du  Qoillou,  les  agents  de  Stanley  ne 
pouvaient  pas  éviter  d'entrer  en  conflit  avec  ceux  de  Savorgnan  de  Brazza. 
Après  l'occupation  de  Loango  et  de  Punta  Negra,  un  de  ces  derniers, 
M,  Cordier,  conclut  le  12  mars  de  cette  année-ci,  avec  le  roi  de  Loango 
et  avec  le  chef  Manipembo,  souverain  de  la  province  du  Quillou,  des 
traités  par  lesquels  toute  la  rive  gauche  du  Quillou  était  placée  sous  le 
protectorat  de  la  France,  et  acheta  tout  le  terrain  qui  borde  la  baie  de 
Loango.  Il  en  acquit  un  autre  près  des  cataractes  de  Gotou,  en  aval  de 
Mayombé  '.  Le  20  mai,  le  capitaine  EUiot,  agent  de  Stanley,  signa  à  son 
tour,  avec  le  même  chef  Manipembo,  un  traité  que  nous  reproduisons 
in  eûàenso^  parce  qu'il  peut  servir  à  donner  une  idée  des  traités  conclus 
au  nom  du  Comité  d'Études  du  Haut  Congo  : 

Article  !•'.  Le  chef  Manipembo  reconnaît  qu'il  est  hautement  désirable 
que  le  Comité  d'Études  du  Haut  Congo  crée  et  développe  dans  ses  États 
des  établissements  propres  à  favoriser  le  commerce  d'échange,  et  à  assu- 
rer au  pays  et  à  ses  habitants  les  avantages  qui  en  sont  la  conséquence. 

A  cet  eflFet,  il  cède  et  abandonne  en  toute  propriété  au  Comité  d'Étu- 
des :  les  territoires  compris  dans  les  limites  de  la  factorerie  de  M.  Saboga 
à  Chissanga,  jusqu'à  Rudol&tadt,  et  de  Rudolfetadt  à  Manianga  Matati, 
rive  gauche  du  Quillou,  sur  40  kilomètres  de  RudoLEstadt  à  l'intérieur, 
tous  les  territoires  de  tous  les  États;  puis  la  moitié  de  la  rivière  de 
Quillou  (Sud)  avec  toutes  les  tles,  jusqu'à  Manianga  Matati,  à  Pexception 
des  concessions  données  à  MM.  Saboga,  Aquello,  W.  A.  H.  V.  Silva 
Silveiro,  Saboga  et  Picho,  sur  la  rive  gauche  du  QuiDou. 

Art.  2.  Il  affirme  solennellement  que  ces  territoires  font  partie  inté- 
grante de  ses  États,  et  qu'il  peut  librement  en  disposer. 

'  Le  capitaine  belge  Hanssen  a  été  tué  sur  cette  route  par  des  indigènes,  tan- 
dis qu'il  cherchait  à  aller  par  terre  de  Manyanga  au  Niari. 
»  V.  la  carte,  in»«  année,  p.  228. 


—  305  — 

Art.  3.  La  cession  du  territoire  est  consentie  moyennant  un  présent, 
une  fois  donné,  de  200  pièces  de  corail  rouge,  1000  longs  d'étoffe,  25 
barils  de  poudre,  24  habillements,  une  pipe  de  rhum,  25  fusils,  une  caisse 
de  cuivre,  25  caisses  de  genièvre,  100  pièces  de  faïencerie,  25  caisses  de 
liqueurs,  une  caisse  de  matchetes,  et  une  rente  viagère  mensuelle  de  3 
longs  d'étoffe  plus  1  gallon  de  rhum,  que  le  chef  prénonuné  déclare  avoir 
reçu^ 

Art.  4.  La  cession  du  territoire  entraîne  l'abandon  par  le  chef  pré- 
nommé, et  le  transfert  au  Comité  d'Études,  de  tous  les  droits  souve- 
rains. 

Art.  5.  Le  Comité  d'Études  s'engage  expressément  à  laisser  aux  indi- 
gènes, établis  sur  les  territoires  cédés,  la  propriété  et  la  libre  jouissance 
de  la  terre  qu'ils  occupent  actuellement  pour  leurs  besoins,  et  promet  de 
les  protéger,  de  défendre  leurs  personnes  et  leurs  biens  contre  les  agres- 
sions ou  les  empiétements  de  quiconque  porterait  atteinte  à  leur  liberté 
individueUe,  ou  chercherait  à  leur  enlever  le  fruit  de  leurs  travaux. 
Art.  6.  Le  chef  accorde  en  outre  au  Comité  : 
1**  La  concession  de  toutes  les  voies  de  communication  à  ouvrir  actuel- 
lement ou  dans  l'avenir  dans  toute  l'étendue  de  ses  États. 

Si  le  Comité  le  juge  à  propos,  il  aura  le  droit  d'établir  et  de  percevoir 
à  son  profit  des  péages  sur  ces  voies,  pour  s'indemniser  des  dépenses 
auxquelles  leur  construction  aura  donné  lieu. 

Les  voies  ainsi  ouvertes  comprendront,  outre  la  route  proprement 
dite,  une  zone  de  vingt  mètres  à  droite  et  à  gauche  de  celle-ci.  Cette  zone 
fait  partie  de  la  concession,  comme  la  route  elle-même,  et  demeure 
comme  elle  la  propriété  du  Comité. 

2^  Le  chef  s'engage  en  outre  à  fournir  à  chaque  station,  £etct(Hrerie  ou 
établissement,  établi  sur  son  territoire,  des  «  servants  »  ainsi  que  des 
travailleurs  pour  la  construction  et  l'entretien  de  la  route  et  des  établis- 
sements du  Comité  d'Etudes.  Les  hommes  fournis  par  le  chef  seront 
payés  suivant  un  contrat  fait  d'un  commun  accord  pour  les  salaires. 

S^  Le  droit  de  trafiquer  librement  avec  les  indigènes  faisant  partie  de 
seB  États. 

4*  Le  droit  de  cultiver  la  terre  non  occupée,  d'exploiter  les  forêts,  d'y 
faire  des  coupes  d'arbres,  de  récolter  le  caoutchouc,  le  copaJ,  la  eire,  le 
miel  et  généralement  tous  les  produits  naturels  qu'on  y  rencontre,  de 
pêcher  àtaa  les  fleuves,  rivières  et  cours  d'eau  et  d'exploiter  les  mines. 
Il  est  eatendu  que  le  Comité  peut  exercer  tous  les  droits  mentionnés 
au  paragraphe  1,  dans  toute  l'étendue  des  territoires  cédés. 


—  306  — 

Art.  7.  Le  chef  prend  rengagement  de  joindre  ses  forces  à  celles  du 
Comité,  pour  repousser  les  attaques  dont  il  pourrait  être  Tobjet  de  la 
part  d'intrus  de  n'importe  quelle  couleur. 

Art.  8.  Le  prince  Manipembo  accorde  au  Comité  Tunique  et  exclusif 
droit  de  construire  en  tout  temps  des  chemins  de  fer  sur  toutes  les  par- 
ties de  ces  territoires,  et  de  refuser  à  tout  autre  le  droit  de  construire 
des  chemins  de  fer  sur  n'importe  quelle  partie  de  ces  territoires. 

A  l'exception  de  l'art.  8,  le  traité  conclu  avec  les  che&  de  Palaballaest 
à  peu  de  chose  près  le  même. 

Dans  un  article  intitulé  a  la  Vérité  sur  la  question  africaine,  »  le  Jour- 
nal des  int&retê  maritimes  d^  Anvers,  après  avoir  aflSrméque  ni  le  Comité 
d'Études,  ni  l'Association  internationale  africaine,  n'ont  eu  la  prétention 
de  créer  en  Afrique  une  souveraineté  au  sens  propre  du  mot,  s'exprime 
ainsi  au  sujet  des  traités  sus-mentionnés  :  «  En  traitant  avec  les  rois  afri- 
'  cains,  si  Stanley  s'est  réservé  tous  leurs  droits,  y  compris  celui  de  dispo- 
ser de  la  vie  et  de  la  liberté  des  habitants,  c'était  à  seule  fin  de  se 
prémunir  contre  des  revendications  futures.  Il  ne  voulait  pas  qu'à  un 
moment  donné,  par  exemple,  un  roi  indigène  pût  venir  s'emparer  de  la 
personne  ou  des  biens  d'un  des  habitants  du  territoire  cédé,  ou  établir 
des  barrières  sur  les  routes,  des  taxes  sur  les  fleuves  et  rivières,  etc., etc. 
Ces  traités  en  somme  ne  lient  que  les  rois  nègres  et  ne  sont  valables 
que  contre  eux.  Il  est  évident  qu'ils  deviendraient  caducs  et  inopérants 
si  Stanley  cherchait  à  s'en  prévaloir  pour  régler  le  droit  des  gens  dans 
ces  contrées  ;  mais  c'est  précisément  pour  cela  que  le  voyageur  africaine 
réclamé  le  protectorat  de  l'Angleterre.  » 

En  effet,  dans  une  lettre  du  23  juillet,  de  Léopoldville,  dont  M.  John- 
ston  a  donné  lecture  à  la  section  de  géographie  de  l'Association 
britannique  des  sciences,  réunie  le  24  septembre  à  Southport,  Stanley, 
faisant  complètement  abstraction  du  Comité  d'Étjudes  du  Haut  Congo  et 
de  son  auguste  protecteur,  adjure  l'Angleterre  de  ne  pas  permettre  que 
les  millions  de  sujets  britanniques  qui  émigrent  pour  chercher  une  nouvelle 
patrie,  comme  leurs  ancêtres  de  l'Amérique  et  des  Indes,  soient  dépouil- 
lés de  leur  droit  d'aînesse  sur  ce  fleuve  découvert  par  un  Anglais, 
Livingstone,  sur  cette  voie  ouverte  par  l'argent  anglais  et  américain,  et 
sur  ces  nations  dont  l'affection  a  été  gagnée  à  l'aide  des  produits  des 
manufactures  anglaises  ! 

Le  Comité  d'Études  du  Haut  Congo  paraît  avoir  formellement  désa- 
voué son  agent,  et  l'Angleterre  elle-même  n'a  pas  répondu  avec  em- 
pressement h  la  demande  de  Stanley.  Quoi  qu'il  en  soit,  Sir  F.  Golds- 


—  307  — 

mith,  accompagné  d'un  légiste,  arrivé  à  l'embouchure  du  Congo  le 
3  septembre,  a  continué  immédiatement  son  voyage  vers  le  haut  fleuve. 
Le  mystère  qui  entoure  sa  mission  ne  tardera  sans  doute  pas  à 
s'éclaircir.  Mais,  à  mesure  que  les  événements  se  déroulent,  nous  ne 
pouvons  que  hâter  de  nos  vœux  le  moment  où  les  gouvernements,  invités 
à  s'entendre  sur  les  mesures  à  prendre  pour  assurer  la  libre  naviga- 
tion du  Congo  en  faveur  de  tous,  nommeront  les  commissaires  auxquels 
ils  remettront  le  soin  de  s'OCcuper  de  cette  question.  L'urgence  en  est 
d'autant  plus  grande,  que  le  nombre  des  Européens  qui  se  porteront  dans 
cette  région  peiit  devenir  prochainement  assez  considérable,  si  l'on 
répond  aux  vœux  du  Comité  d'Études.  D'après  le  journal  V Export,  qui 
dit  tenir  ce  renseignement  de  source  sûre,  cette  Société  désire  fonder  des 
colonies  sur  les  territoires  acquis  par  Stanley,  et  a  chargé  ses  délégués, 
pour  le  cas  oii  des  expéditions  ie  quelque  nation  que  ce  soit  voudraient 
s'y  établir,  dé  leur  donner  gratuitement  le  terrain  nécessaire.  Avant 
tout,  elle  voudrait  créer  des  colonies  sur  les  stations  du  Congo,  et  voir  s'y 
développer  une  nouvelle  espèce  de  villes  libres.  Un  des  membres  les  plus 
éminents  de  la  Société  africaine  engageait  récemment  les  industriels  et 
les  négociants  allemands  à  s'établir  dans  ces  stations,  oii  un  consulat 
pourrait  facilement  être  créé,  pour  le  plus  grand  avantage  des  commer- 
çants et  des  explorateurs  allemands. 

Quant  à  Savors^nan  de  Brazaca,  il  a  échelonné  quatre  postes  le 
long  de  rOgôoué  :  au  cap  Lopez,  à  Lambaréné,  à  N'jolé  et  près  des  chu- 
tes de  Boue,  dans  le  pays  des  Okandas.  Le  9  juin  il  a  quitté  Lambaréné, 
avec  1 1  Européens,  60  laptots  et  57  pirogues  montées  par  BOO  Adoumas. 
Il  allait  créer  un  cinquième  poste  dans  le  pays  de  ces  derniers,  pour 
compléter  la  chaîne  qui  doit  relier  la  côte  de  l'Océan  à  Franceville,  sur 
un  parcours  de  850  kilom.  environ.  Le  D'  Ballay,  Jacques  de  Brazza, 
frère  du  chef  de  l'expédition,  et  le  sergent  Malamine  devaient,  dans  les 
premiers  jours  d'août,  être  rendus  chez  Makoko,  pour  le  pays  duquel 
ils  étaient  partis  six  semaines  auparavant.  On  ne  savait  rien  à  France- 
ville  du  renversement  de  ce  chef  par  ses  sujets.  De  Brazza  devait  se  ren- 
dre chez  lui,  après  avoir  conduit  jusqu'à  Franceville  le  convoi  des  piro- 
guiers avec  lesquels  il  remontait  le  fleuve. 

Un  des  correspondants  du  Bulletin  des  Mines  écrit  de  Londres  à  ce 
journal  qu'il  a  appris  de  Sir  Charles  Bright,  occupé  en  ce  moment  de  la 
pose  du  cftble  sou^-mariii  de  la  ligne  du  Sénéfl^al,  qui  doit  passer 
par  les  Canaries»  que,  dès  que  ce  travail  sera  terminé,  le  gouvernement 
anglais  fera  prolonger  cette  ligne  tout  le  long  de  la  <îôte  occidentale 


—  308  — 

d^Afrique  Jusqu'au  Cïap  en  passant  par  la  Côte  d'Or.  La  communi- 
cation télégraphique  avec  Cape-Coast,  pourra  déjà  être  établie  Tannée 
prochaine.  L'importance  qu'ont  prise  les  exploitations  minières  de  la 
Côte  d'Or,  et  l'avenir  qui  leur  paraît  réservé,  ont  été  les  motife  déter- 
minants de  cette  décision. 

En  se  rendant  au  Cameroon,  M.  Rogozinski  a  visité  Monrovia  et  les 
provinces  de  la  république  de  lilbéria.  D  a  trouvé  dans  la  jeunesse 
une  instruction  qui  lui  a  paru  de  très  bon  augure  pour  le  développement 
de  cet  État.  A  Monrovia,  en  particulier,  il  a  rencontré  de  jeunes  Libé- 
riens très  intelligents,  qui  ont  étudié  dans  les  universités  d'Europe.  Le 
long  de  la  rivière  Saint-Paul,  il  a  visité  des  plantations  de  cannes  à 
sucre  et  de  café,  appartenant  à  des  colons  libériens,  qui  emploient  des 
machines  à  vapeur  pour  la  fabrication  du  sucre. 

Le  chemin  de  fer  du  Cayor,  qui  sera  terminé  dans  deux  ans,  donnera 
k  la  culture  du  sol  une  grande  impulsion  ;  les  indigènes  n'ayant  plus 
besoin  de  perdre  la  moitié  de  l'année  au  transport  de  leurs  récoltes, 
auront  le  temps  de  travailler  davantage  et  produiront  beaucoup  plus. 
D'autre  part,  les  grandes  maisons  de  la  côte  devront  installer  des  comp- 
toirs partout  oîi  des  gares  seront  établies.  Déjà  la  Compagnie  occidentale 
de  la  côte  d'Âfirique  (ancienne  maison  Yerminck),  demande  à  acheter 
des  terrains  autour  d'un  certain  nombre  de  gares  pour  y  établir  des  fac- 
toreries. 

Le  transport  de  l'État  la  Sarthe  a  conduit  sur  le  Haut  Sénégal  de 
nombreux  ouvriers,  destinés  à  renforcer  le  personnel  des  travaux  du  che- 
min de  fer.  Le  même  bâtiment  transporte  70  voitures  en  tôle,  soit  pour 
le  service  de  la  voie  ferrée,  soit  pour  le  convoi  qui  devra  ravitailler  le 
fort  de  Bamakou.  Les  voitures  sont  de  deux  types  :  la  voiture  fermée 
qui  sert  au  transport  des  vivres  et  des  munitions,  et  la  voiture  de  charge 
ordinah'e,  sorte  de  charrette  que  l'on  recouvre  au  besoin  d'une  simple 
bâche.  Toutes  les  parties  s'en  démontent  facilement,  et  chaque  voiture 
forme  le  chargement  de  deux  mulets,  en  sorte  qu'on  peut  les  attrier  de 
la  façon  ordinaire,  ou  les  charger  à  dos  de  mulet  si  l'on  a  à  franchir  un 
passage  difficile.  De  plus,  les  caisses  qui  constituent  la  partie  principale 
de  ces  voitures  étant  complètement  étanches,  quand  on  à  à  passer  les 
marigots  que  l'on  rencontre  fréquemment  au  Sénégal,  on  peut  s'en  ser- 
vir comme  de  petits  chalands  et  former  avec  elles  des  ponts  de  bateaux. 
On  pourrait  même,  avec  certaines  modifications  de  détail,  constituer  des 
trains  de  chalands  qui  rendraient  de  grands  services  sur  le  Niger. 

Dans  l'espoir  de  recevoir  prochainement  des  renforts  de  la 


—  309  — 

protestante  de  Paris,  M.  Taylor  a  conçu  le  projet  de  développer  les 
écoles  qu'il  a  fondées  à  Saiiit-liOul%  d'établir  une  station  annexe  dans 
l'île  de  Sor,  la  grande  voie  par  laquelle  passent  toutes  les  caravanes 
venant  de  l'intérieur,  et  de  créer  une  mission  chez  les  Bambaras.  Pour 
celle-ci,  il  sera  nécessaire  de  faire  un  voyage  jusqu'à  Bamakou,  pour 
choisir  l'emplacement  le  plus  favorable  à  une  station,  soit  à  Bafoulabé. 
soit  à  Eita,  soit  sur  le  Niger  même.  Mais  aujourd'hui  que  la  route  a  été 
frayée  par  la  colonne  expéditionnaire  du  colonel  Borgnis-Desbordes,  ce 
voyage,  aller  et  retour,  peut  se  faire  facilement  en  trois  mois. 

D'après  une  dépêche  de  la  légation  espagnole  à  Tanger,  le  sultan  a  con- 
senti à  livrer  la  baie  située  près  de  l'embouchure  de  la  rivière  Yem,  située 
sur  le  territoire  de  Sous,  au  sud  de  Mogador,  point  indiqué  par  les  com- 
missaires espagnols  comme  étant  le  site  de  Santa  €ruz  de  Map 
Pequena,  cédé  par  le  traité  de  1860,  après  l'expédition  d'O'Donnell  au 
Maroc,  et  vainement  réclamé  dès  lors  par  plusieurs  gouvernements.  Le 
Maroc  avait  bien  essayé  d'échanger  Santa  Cruz  contre  un  autre  terri- 
toire près  du  détroit  de  Gibraltar,  mais  le  marquis  de  la  Vega  de 
Armijo  exigea  Santa  Cruz  de  Yeni,  pour  contrecarrer  l'influence  de  la 
compagnie  North  African,  établie  au  cap  Juby  et  dans  le  territoire  de 
Sous.  L'intention  du  gouvernement  espagnol  est  d'établir  un  poste,  un 
comptoir  et  des  fortifications  à  Yeni,  ainsi  qu'une  escadrille  pour  proté- 
ger les  pêcheries  de  la  côte  sud,  fréquentées  par  les  habitants  des  îles 
Canaries  en  vertu  du  susdit  traité. 


NOUVELLES  .COMPLÉMENTAIRES 

M.  A.-D.  Langlois  qui,  depuis  plusieurs  années  a  entrepris  l'exécution  d*une 
carte  générale  économique  de  l'Algérie,  dont  la  partie  occidentale  lui  a  valu  la 
médaille  d'or  de  la  Société  de  géographie  de  Paris,  explore  actuellement  la  pro- 
vince de  Constantine. 

Des  brigades  topographiques,  chargées  de  reviser  et  d'établir,  en  certaines  par- 
ties encore  mal  connues,  la  carte  de  la  Tunisie,  ont  dû  partir  à  la  fin  d'octobre;  elles 
sont  aa  nombre  de  six,  et  relèveront  spécialement  la  portion  de  territoire  comprise 
entre  Sfax  et  Gabès. 

Ali  Mahoom,  jeune  esclave  libéré  à  Ehartoum  par  Gordon-pacha,  et  donné  au 
missionnaire  Felkin  qui  l'a  élevé  en  Angleterre,  a  été  engagé  par  le  consul  Baker, 
et  il  est  parti  il  y  a  quelques  semaines  pour  Khartoum. 

Le  l>'  Stecker  est  rentré  en  Autriche,  Après  avoir  parcouru,  à  l'est  et  au  sud-est 
de  l'AbyBsime,une  douzaine  de  districts  où  n'avait  encore  pénétré  aucun  Européen. 
n  en  rapporte  des  cartes  ainsi  que  des  collections  d'histoire  naturelle. 


—  310  — 

Le  mouillage  d'Aden  étant  trop  petit,  et  les  navires  tovgours  plus  nombreux  qui 
y  relâchent  perdant  un  temps  précieux  pendant  la  mousson  du  sud-ouest,  des 
armateurs  anglais  ont  créé  un  vaste  entrepôt  de  charbon  à  Périm,  dans  le  détroit 
de  Bab-el-Mandeb.  Toutes  les  dispositions  sont  prises  pour  que  les  plus  grands 
bâtiments  puissent  y  faire  leur  charbon  en  quelques  heures. 

D'après  des  lettres  particulières  adressées  d'Aden  à  VEsphratore^  M.  Pierre 
Sacconi,  membre  correspondant  de  la  Société  milanaise  d'exploration,  a  été  assas- 
siné pendant  son  voyage  de  Harar  dans  l'Ougaden.  Une  lettre  de  Mgr  Taurin 
Cahagne  confirme  le  fait.  L'assassinat  a  eu  lieu  à  Kumagot,  localité  très  peaplée, 
à  une  journée  du  Webbi. 

La  Société  de  géographie  de  Marseille  a  reçu  de  bonnes  nouvelles  de  M.  6. 
Revoil,  chargé  d'une  nouvelle  expédition  chez  les  Somalis.  Parti  de  Magadoxo,  il 
est  parvenu,  à  travers  un  pays  qu'aucun  Européen  n'avait  visité  jusqu'ici,  à  la 
ville  de  Ganané,  sur  le  Djoub  supérieur,  à  150  kilom.  environ  en  amont  de  Berdera, 
où  le  baron  de  Decken  fut  assassiné  en  1865  par  les  Somalis. 

D'après  VAfrican  limes^  les  deux  sultans  des  îles  Johanna  et  Mohilla  se  sont 
décidés  à  abolir  l'esclavage  dans  leurs  territoires  dès  le  4  août  1889,  et  le  consul 
anglais  aux  îles  Comores  «les  a  inscrits  sur  la  liste  des  monarques  éclairés  et  civilisé8.> 

Le  transport  du  vapeur  la  Bonne  Nouvelle,  destiné  au  Tanganyika,  s'est  fait 
heureusement  de  Quilimane  au  lac  Nyassa.  M.  Roxburgh,  qui  dirige  cette  opéra- 
tion, espère  qu'avant  la  fin  de  l'année  il  aura  traversé  le  plateau  qui  sépare  les 
deux  lacs,  et  que  le  steamer  pourra  être  remonté  promptement  par  le  capitaine 
Hore  et  ses  collègues  de  la  Société  des  missions  de  Londres. 

Le  gouvernement  britannique  a  nommé  le  capitaine  Foot  comme  consul  dans  la 
région  du  Nyassa  et  des  autres  lacs,  pour  supprimer  la  traite  et  développer  la 
civilisation  et  le  commerce  dans  l'Afrique  centrale;  il  sera  secondé  dans  ces  fonc- 
tions par  le  commandant  C.-E.  Gissing,  en  qualité  de  vice-consul. 

La  «  Castle  Mail  Packets  Company,  »  qui  vient  d'établir  une  ligne  de  vapeurs 
de  Lisbonne  à  Mozambique,  a  décidé  d'en  créer  en  outre  une  directe  de  Maurice 
à  Algoa-Bay,  ot  un  steamer  prendra  mensuellement  la  malle  apportée  d'Europe. 
Ce  service  alternant  avec  celui  des  Messageries  maritimes  pour  Maurice,  cette 
Ile  recevra  désormais  les  dépêches  d'Europe  tous  les  quinze  jours. 

Une  députation  du  Volksraad  du  Transvaal,  composée  de  MM.  Krûger,  Dutoit 
et  Smit,  a  quitté  Pretoria  et  vient  en  Angleterre  pour  négocier  la  revision  de  la 
Convention. 

Un  rapprochement  s'est  produit  au  Lessouto  entre  deux  des  fils  de  Molapo  et 
Jonathan,  demeuré  fidèle  au  gouvernement  colonial.  Ce  fait  hâtera  le  rétablisse- 
ment de  la  paix  dans  le  district  de  Léribé,  jusqu'ici  un  des  plus  éprouvés  par  la 
guerre  civile.  M.  Coillard  et  ses  compagnons  de  voyage  partiront  pour  le  Zambèze 
le  5  décembre. 

Un  gisement  de  houille  important  a  été  découvert  à  30  kilom.  au  nord-ouest  de 
Natal.  On  en  a  aussi  trouvé  de  très  bonne  qualité  à  7  kilom.  de  Bethulie,  dans 
l'Etat  libre  du  fleuve  Orange. 


—  311  — 

D'après  une  lettre  du  missionnftîre  Bam,  de  Béthanie,  M.  Vogelsang,  chef  de 
l'expédition  allemande  à  Angra-Pequena,  a  promis  de  s'abstenir,  ainsi  que  ses 
agents,  de  l'importation  de  spiritueux  dans  le  pays  des  Namaquas.  Ils  s'efforceront 
d'apprendre  aux  indigènes  à  faire  un  commerce  honnête  et  à  entreprendre  toutes 
sortes  de  travaux  pour  pouvoir  gagner  quelque  chose. 

Le  Comité  national  allemand  ne  pouvant  fournir  les  376,000  francs  nécessaires 
à  la  nouvelle  expédition  du  lieutenant  Wissmann,  le  roi  des  Belges  a  offert  de 
défrayer  de  ses  propres  deniers  toutes  les  dépenses  de  ce  voyage  d'exploration. 

Trois  missionnaires  français,  et  quelques  frères  exerçant  des  métiers  manuels,  se 
sont  rendus  à  Stanley-Pool  pour  y  établir  une  mission.  L'abbé  Guyot,  qui  avait  été 
chargé  par  Mgr.  Lavigerie  de  l'exploration  des  rives  du  Haut  Congo  pour  y  fonder 
des  stations,  s'est  noyé  dans  le  fleuve,  avec  le  lieutenant  Janssen,  en  revenant  de 
la  Wabouma  où  ils  étaient  allés  créer,  celui-ci  une  station  pour  le  Comité  d'études, 
et  le  premier  une  mission.  Leur  canot  était  monté  par  onze  Zanzibarites,  dont 
huit  ont  été  noyés. 

D'après  un  télégramme  de  Madère,  les  Français  ont  pris  possession  d'El-Obey, 
île  située  à  environ  50  kilom.  de  leurs  établissements  du  Gabon.  Ils  ont  l'intention 
d'en  créer  au  Vieux  Calabar. 

Malgré  les  difficultés  qu'a  rencontrées  l'expédition  Rogozinski,  plusieurs  de  ses 
membres  ont  réussi  à  s'établir  dans  la  région  du  Cameroon,  sur  la  petite  île  Mon- 
dola,  à  quelques  centaines  de  mètres  de  la  terre  ferme.  Le  climat  en  est  plus 
salubre  que  celui  de  Victoria. 

Le  Comité  des  missions  de  l'Église  presbytérienne  unie  d'Ecosse  fait  construire, 
pour  ses  stations  sur  le  Vieux  Calabar,  un  steamer  en  acier,  dont  la  direction  sera 
confiée  à  M.  Ludwig,  ingénieur  suisse,  parti  récemment  pour  cette  région. 

La  guerre  des  Achantis  s'est  terminée  par  la  victoire  de  Mensah  sur  l'ancien  roi 
Coffee  Ealkali,  mais  un  nouveau  candidat  au  trône  a  fait  son  apparition  en  la 
persoime  de  Quacoa-Duah,  ûeveu  du  roi  défunt  du  même  nom. 

Le  D'  Bayol  a  été  nommé  lieutenant-gouverneur  du  Sénégal. 


ELMINA 


Ebnina  est  située  dans  cette  partie  de  la  côte  occidentale  d'Afrique 
qui,  à  partir  du  Cap  des  Palmes,  par  5''  environ  de  latitude N.,  prend  une 
direction  générale  vers  Test,  parallèlement  à  TÉquateur,  et  forme  le  côté 
nord  du  golfe  de  Guinée,  dont  la  limite  inférieure  est  marquée  par  le 
cap  Lopez  ;  elle  appartient  à  la  Côte  d'Or.  C'est  àElmina  que  conunence 
la  région  dite  «  montueuse  »  qui  s'étend  jusqu'à  la  rivière  Yolta  et  qui, 
par  la  constitution  de  son  sol,  est  plus  favorable  aux  Européens  que  la 
région  dite  «  palustre  »  qui  s'étend  entre  le  Volta  et  les  embouchures  du 
Niger,  et  oti  les  émanations  fébrigènes  de  la  lagune  sont  mortelles. 


—  312  — 

Elmina  est  le  premier  établissement  européen  créé  sur  la  c6te  de 
Guinée  par  les  Portugais  qui,  en  1481,  sous  le  règne  dé  Jean  n,  y  con- 
struisirent un  fort.n  tomba  en  1637  au  pouvoir  des  Hollandais,  auxquels 
il  fat  définitivement  cédé  en  1641  par  la  couronne  de  Portugal. 

La  légende  indigène  raconte  que  les  Hollandais  forent  accueillis  comme 
de  généreux  amis,  comme  des  libérateurs,  et  l'on  rapporte  que  les  Afri- 
cains eurent  vite  connaissance  de  l'accueQ  fait  à  leurs  nouveaux  protec- 
teurs par  un  roi  de  Ceylan  :  «  Venez,  disait-il,  venez  et  bâtissez  des 
forts  dans  mon  île;  moi,  ma  femme  et  mes  enfants,  s'il  le  faut,  nous  vous 
porterons  les  pierres  et  nous  broierons  le  mœrtier.  »  La  haine  contre  les 
Portugais  était  donc  aussi  grande  en  Afrique  que  dans  les  Indes*  Mais 
comment  ces  paroles  d'un  roi  asiatique  étaient-elles  arrivées  de  l'autre 
côté  du  continent  africain  ? 

De  même  que  toutes  les  villes  indigènes  qui  ont  subi  l'occupation  euro- 
péenne, Elmina  a  vu  son  nom  changer  bien  des  fois  :  Mina  d'abord,  puis 
Saint-Georges  de  la  Mina,  quand  le  fort  y  eut  été  construit  ;  enfin 
Elmina  ^  Ce  dernier  nom  est  encore  peu  connu  des  indigènes  de  l'inté- 
rieur qui  continuent,  ainsi  que  les  natife  du  pays,  à  appeler  leur  ville 
Aidna. 

A  l'époque  de  l'occupation  européenne,  Elmina  faisait  partie  du 
royaume  des  Achantis  ;  pendant  l'occupation  portugaise,  de  même  que 
pendant  l'occupation  hollandaise,  le  roi  des  Achantis  reçut  un  tribut 
annuel  comme  compensation  du  territoh'e  qu'on  lui  avait  enlevé.  Depuis 
que  les  Anglais  occupent  cette  portion  de  la  côte,  ils  ont  cessé  de  payer 
ce  tribut. 

La  population  d'Elmina  qui  se  souvient  de  son  origine,  professe  une 
antipathie  innée  contre  les  Anglais  ;  tant  qu'elle  est  restée  au  pouvoir 
des  Hollandais,  elle  s'est  considérée  comme  n'ayant  point  cessé  de  (aire 
partie  de  la  mère  patrie.  Aujourd'hui  qu'elle  est  soumise  à  la  loi  anglaise, 
elle  enveloppe  dans  une  même  réprobation  les  Anglais,  qu'elle  considère 
comme  des  usurpateurs,  etlesFantis  qui  ont  courbé  l'échiné  devant  leurs 
conquérants. 

Elmina  a  environ  15,000  habitants,  dont  une  grande  partie  proviennent 
de  l'Achanti.  Ils  appartiennent  à  la  race  noire,  mais  n'ont  pas  du  tout 
les  traits  qui  caractérisent  spécialement  cette  race.  Ils  ont  le  nez  régu- 
lier ;  leurs  yeux  allongés  appellent  assez  ceux  des  descendants  de  la  race 
caucasique  ;  enfin  leurs  lèvres  n'ont  pas  cette  exubérance  qui  donne 

^  Elmina,  en  langage  fanti  signifie  «  bleu  ». 


—  313  — 

surtout  un  cachet  de  laideur  aux  noirs  en  général.  U  y  a  beaucoup  de 
mulâtres  issus  d'unions  contractées  par  les  Hollandais,  mais  cette  race 
disparaîtra  bientôt,  aucun  Européen  ne  s'étant  allié  depuis  Toccupation 
anglaise  à  des  familles  du  pays. 

Les  che&  indigènes  d'Elmina  sont  au  nombre  de  six  ;  leurs  fonctions 
sont  bien  restreintes  pour  ne  pas  dire  nulles  ;  elles  se  bornent  à  régler 
les  palabres  que  les  indigènes  ont  entre  eux  et  qui  ne  relèvent  pas  du 
domaine  de  la  justice  ;  là  oîi  leur  rôle  est  le  plus  sérieux,  c'est  dans  les 
fêtes  ou  dans  les  relations  avec  les  fétiches. 

Le  gouvernement  anglais  entretient  à  Elmina  une  garnison  composée 
de  150  Haoussas.  Le  recrutement  de  cette  troupe  se  fait  sur  le  Haut 
Niger,  et  le  chef  qui  la  fournit  reçoit  du  gouvernement  britannique  une 
somme  annuelle  assez  élevée.  Ces  Haoussas  sont  mahométans  ;  ils  habi- 
tent un  village  parfaitement  distinct  du  reste  de  l'agglomération ,  séparé 
d'eUe  par  les  mœurs  autant  que  par  l'antipathie  dont  on  les  entoure, 
antipathie  bien  motivée  par  les  abus  dont  ils  se  rendent  coupables  et  par 
le  peu  d'honorabilité  qu'on  leur  attribue  généralement.  Ils  font,  ou 
doivent  faire,  la  police  de  la  ville  et  gardent  les  prisonniers  internés  dans 
la  vieille  forteresse  de  San-Jago,  située  sur  une  petite  colline  dominant 
la  ville.  C'est  la  prison  principale  de  la  colonie,  servant  en  même  temps 
de  maison  centrale  et  de  bagne.  La  potence  y  est  souvent  dressée.  Les 
prisonniers  pour  simples  délits  descendent  chaque  matin,  sous  la  garde 
de  Haoussas,  pour  balayer  les  rues  principales,  l'hôpital,  le  château,  et 
pour  chercher  la  nourriture  de  leurs  codétenus  ;  ils  sont  enchaînés  deux 
à  deux.  Quelques  évasions  ont  eu  lieu  de  cette  maison  de  détention;  il  me 
paraît  impossible  qu'elles  aient  pu  arriver  sans  la  participation  non  pas 
d'un,  mais  de  plusieurs  gardiens.  Aurais-je  plus  de  confiance  dans  les 
détenus  que  dans  leurs  surveillants?  Je  suis  souvent  à  me  le  demander, 
lorsque  je  considère  attentivement  les  uns  et  les  autres. 

Cape-Coast  est  mieux  partagée  sous  le  rapport  de  la  garnison,  elle  a  ' 
au  moins  de  vrais  soldats,  propres  et  disciplinés,  appartenant  au  2°'*  régi- 
ment West-Indian  (régiment  des  Antilles). 

La  ville  est  généralement  assez  bien  bâtie,  les  rues  spacieuses  sont 
ordinairement  ombragées  par  de  superbes  pabniers  ou  d'autres  arbres 
habitués  au  climat  équatoriaL  On  peut  la  diviser  en  quatre  quartiers. 
D'abord  le  quartier  dit  européen,  oii  l'on  rencontre  les  marchands  prin- 
cipaux, et  soi-disant  un  hôtel,  où  les  capitaines  de  navires  américains  se 
reposent  quand  ils  viennent  à  terre.  Ce  quartier  renferme  quelques  mai- 
sons construites  par  les  Hollandais  ;  elles  ont  généralement  une  véranda 


—  314  — 

et  sont  disposées  de  façon  à  profiter  de  chaque  moment  de  brise,  pour 
que  les  habitants  n'aient  pas  trop  à  souffrir  de  la  chaleur.  C'est  donc  le 
beau  quartier.  En  second  lieu»  le  quartier  dit  de  Java,  véritable  petite 
colonie  où  habitent  les  noirs  retraités  par  le  gouvernement  de  la  Hol- 
lande. Cette  nation  recrutait  sur  la  Côte  d'Or  ses  meilleurs  soldats  pour 
les  colonies,  et  principalement  pendant  la  guerre  d'Atchin  elle  eut  à  se 
louer  de  leurs  bons  services.  La  majeure  partie  de  ces  retraités  arrivant 
de  Sumatra,  et  il  en  arrive  tous  les  jours,  se  retirent  à  Elmina'  ;  ils  for- 
ment une  véritable  agglomération,  ayant  son  chef  qui  prévient  le  consul 
de  tout  ce  qui  lui  paraît  louche,  Tinforme  des  décès,  des  disputes,  des 
vols,  etc.;  bref,  cette  petite  cité  conserve  une  certaine  discipline  mili- 
taire, et  vit  suivant  les  habitudes  contractées  hors  du  pays.  Le  quartier 
indigène  proprement  dit  occupe  une  immense  étendue  ;  il  entoure  pour 
ainsi  dire  les  deux  quartiers  susmentionnés.  Vient  enfin  le  quartier 
habité  par  les  Haoussas  et  dont  j'ai  parlé  précédemment. 

A  l'exception  des  quelques  maisons  construites  par  les  Hollandais, 
toutes  les  habitations  sont  faites  de  la  même  manière.  Des  briques 
séchées  au  soleil  et  delà  dimension  de  0",  25  de  longueur,  0",  15  d'épais- 
seur et  de  largeur,  forment  le  gros  de  la  construction  ;  des  bambous  ou 
d'autres  grosses  branches  sont  disposés  de  façon  à  recevoir  la  toiture  qui 
consiste  en  herbe  de  Guinée.  Sans  cette  toiture,  qui  est  réellement 
affi^use,  les  maisons,  généralement  bien  blanchies  à  la  chaux,  seraient 
d'un  joli  aspect.  Inutile  de  dire  que  l'on  ne  tait  jamais  de  feu  dans  l'inté- 
rieur des  maisons,  ou  du  moins  bien  rarement^  quand  le  temps  ne  permet 
absolument  pas  de  se  servir  du  trépied,  en  terre  ou  en  pierre,  placé  devaot 
chaque  maison  et  oU  la  ménagère  fait  cuire  son /o?i-/ou.  Si  ce  n'était 
pour  fiiire  cuire  ce  mets  favori,  ce  feu  serait  je  crois  bien  inutUe  ;  je  ne 
l'ai  vu  servir  ici  qu'à  cet  usage  culinaire. 

La  fabrication  du  fou-fou,  nécessite  beaucoup  de  temps  et  de  patience. 
Elle  consiste  à  broyer  d'abord  sur  une  pierre,  par  le  frottement  d'une 
autre  pierre,  une  certaine  quantité  de  piment  (moko).  Ce  piment  réduit 
en  morceaux  très  petits  est  mis  dans  un  plat  en  fer,  avec  les  légumes  dont 
on  dispose  et  qui  sont,  pour  le  pays,  une  sorte  de  tomate  ressemblant 
assez  à  celle  de  France,  des  oignons  et  une  espèce  de  concombre  exces- 
sivement mou.  Si  le  bouillon  doit  être  fait  avec  de  l'huile  de  palme,  d'ara- 
chides ou  simplement  avec  de  l'eau,  on  verse  l'un  ou  l'autre  de  ces 
liquides,  et  l'on  place  sur  le  feu.  On  coupe  alors  en  morceaux,  soit  un 

'  Le  motif  en  est  que  le  consul  hollandais,  chargé  du  payement  de  leur  pen- 
sion de  retraite,  réside  en  cette  ville. 


—  315  — 

poulet,  soit  de  la  viande,  soit  encore  du  poisson,  et  on  laisse  cuire  à  petit 
feu  le  tout  ensemble  jusqu'à  ce  queTélément  substantiel  du  bouillon  soit 
bien  cuit.  Pendant  cette  cuisson,  qui  .dure  généralement  une  bonne 
heure,  on  prend  des  plantains  ou  des  ignames  préalablement  soumis  à 
rébuUition,  et  on  se  prépare  à  en  faire  le  fou-fou  proprement  dit.  Deux 
femmes  y  travaillent,  Tune  pilant  dans  un  mortier  en  bois  creusé  dans 
un  arbre,  avec  un  pilon  de  l'",50,  de  hauteur,  l'autre  ramenant  sans  cesse 
la  pâte  sous  le  pilon  en  plongeant  de  minute  en  minute  sa  main  dans 
Teau  fraîche,  pour  empêcher  la  pâte  d'adhérer  aux  parois  du  mortier. 
Cette  opération  dure  au  moins  une  demi-heure.  La  pâte  préparée,  on  lui 
donne  la  forme  d'un  gros  œuf  d'autruche,  et  chacun  se  sert,  en  arrosant 
cette  dite  pâte  du  bouillon  qui  vient  d'être  préparé.  Aucun  métal  ne  doit 
être  employé  dans  les  apprêts  de  ce  mets  national,  et  j'avoue  que,  m'étant 
mis  quelquefois  à  le  manger  à  la  méthode  indigène,  j'y  ai  réellement 
reconnu  une  saveur  particulière  qui  n'existe  pas  quand  on  se  sert  d'une 
cuiUer.  Quoi  qu'il  en  soit,  je  ne  recommande  pas  le  fou-fou  aux  estomacs 
délicats,  ni  aux  gosiers  faits  aux  sucreries.  Leur  désillusion  serait  trop 
grande,  car  pour  manger  un  bon  fou-fou  il  faut  avoir  un  palais  d'acier» 

Tel  est  le  plat  qui  sert  de  base  à  tout  repas,  et  souvent  même  fait  seul 
les  frais  du  repas.  Quand  j'aurai  cité  le  dakotm  et  les  poissons  séchés 
au  soleil,  j'aurai  mentionné  tous  les  éléments  de  la  nourriture  indigène» 

Le  dakoun  est  le  pain  des  noirs.  Sa  préparation  est  simple  :  des  graines 
de  mais  bien  blanchies,  ébouillies  et  ensuite  écrasées  entre  deux  pier- 
res, puis  pétries.  La  pâte  en  est  très  blanche.  Les  femmes  qui  s'emploient 
à  cette  préparation  ne  se  trompent  pas  dans  le  poids  de  leur  pain  ;  elles 
le  mesurent  en  prenant  autant  de  pâte  que  les  deux  mains  peuvent  en 
contenir  ;  le  paquet  est  entouré  de  feuilles  et  le  tout  sèche  petit  à  petit 
sans  aucune  cuisson. 

Les  indigènes  mangent  en  outre  d'énormes  escargots  qui,  pendant  les 
pluies,  habitent  sur  les  plus  hauts  arbres  des  forêts,  et  en  descendent  à 
la  belle  saison.  Ils  en  font  également  sécher  pour  la  mauvaise  saison. 
Cet  aliment  n'est  que  secondaire  et  forme  pour  ainsi  dire  un  plat  extra. 

L'Européen  qui  ne  peut  s'habituer  à  la  nourriture  indigène  en  est 
réduit  à  vivre  chaque  jour  de  poulet,  et  quelquefois  de  mauvais  mouton 
ou  de  chèvre.  S'il  veut  s'affranchir  de  ce  régnne  et  consommer  les  nom- 
breux aliments  importés  en  conserves,  il  est  bientôt  malade  et  forcé  de 
rentrer  en  Europe. 

L'année  se  divise  en  deux  saisons  principales,  la  saison  sèche  et  la 
saison  pluvieuse  ;  la  première,  de  novembre  à  mai,  la  seconde,  de  mai  à. 


—  316  — 

novembre.  Pourtant,  vers  la  fin  de  juillet,  les  grandes  pluies  peuvent  être 
considérées  comme  finies  ;  à  cette  époque  commence  la  saison  des  smoks 
ou  brouillards,  qui  est  des  plus  malsaines.  De  grands  coups  de  vent, 
nommés  tornades,  se  font  sentir  en  mars,  avril  et  mai.  Un  vent  du 
désert,  appelé  harmattan,  souffle  parfois  dans  le  mois  de  décembre,  et 
dure  quatre  ou  cinq^  jours  de  suite  ;  il  vient  du  nord  ou  de  Test-nord- 
est.  La  température  est  très  élevée,  sans  atteindre  pourtant  celle  de 
Cape-Coast  ;  la  moyenne  de  la  saison  sèche  est  de  32°  ;  celle  de  la  sai- 
son pluvieuse  de  29°  *.  Les  nuits  sont  très  fraîches.  La  température  élevée 
coïncide  avec  une  humidité  excessive. 

Elmina  reste  néanmoins  un  des  points  les  plus  salubres  du  golfe  de 
Guinée.  Les  Européens  y  sont  exposés-,  en  toute  saison,  aux  fièvres 
paludéennes  et  à  la  dysenterie  qui  est  la  maladie  la  plus  meurtrière.  Il 
est  bon  de  prévenir  les  accès  de  fièvre  en  prenant  de  temps  à  autre  un 
peu  de  quinine.  Mon  premier  accès  de  fièvre  a  été  provoqué  par  les  dou- 
leurs que  me  causait  une  crise  rhumatismale,  dont  j'ai  eu  beaucoup  à 
soufirir  pendant  la  saison  pluvieuse,  malgré  toutes  les  précautions  prises 
pour  éviter  la  grande  humidité. 

Les  indigènes  eux-mêmes  sont  souvent  atteints  de  fièvre  intermit- 
tente, de  dysenterie  et  de  variole  ;  cette  dernière  maladie  leur  laisse 
généralement  une  inflammation  des  yeux  et  souvent  les  rend  aveugles. 
La  gale  n'est  pas  rare,  mais  on  n'y  fait  pas  attention. 

Les  indigènes  comme  les  Européens  sont  sujets  à  une  maladie  assez 
bizarre.  Un  insecte  très  petit,  appelé  giger  par  les  Anglais,  et  connu 
des  matelots  français  sous  le  nom  de  chique,  pénètre  entre  chair  et  peau 
et  y  dépose  des  œufe.  Si  l'on  ne  s'en  aperçoit  pas  immédiatement,  ces 
oBufe  éclosent  et  les  insectes  pénètrent  plus  avant.  Beaucoup  d'indigè- 
nes restent  estropiés  par  manque  de  soins.  Dès  que  l'on  sent,  surtout 
aux  pieds,  une  démangeaison,  il  faut  se  hâter  de  regarder,  et  avec  une 
aiguille  on  sort  aisément  l'insecte  :  par  une  pression  un  peu  forte  les 
œufs  sortent,  la  plaie  est  bien  lavée  et  l'on  en  est  quitte  pour  une  légère 
soufirance. 

Le  service  médical  laisse  beaucoup  à  désirer.  Un  docteur  de  l'armée 
anglaise  indigène,  assisté  d^un  médecin  indigène,  est  chargé  du  service  de 
l'hôpital  colonial.  Quand  on  est  admis  dans  cet  hôpital  il  faut  pourvoir  à 
sa  nourriture.  Cet  hôpital  manque  de  tout. 

1  La  température,  à  la  saison  pluvieuse,  varie  dans  les  appartements  de  27** 


—  317  — 

Je  n'ai  qu'à  me  louer  des  soins  qui  m'ont  été  donnés  par  le  docteur 
indigène.  U  m'a  soigné  avec  dévouement.  J'ai  plus  de  confiance  en  lui 
qui  connaît  le  pays,  le  climat,  etc.,  qu'en  toute  la  science,  assurément 
plus  profonde,  du  médecin  anglais,  qui  passe  six  mois  dans  un  poste 
et  six  mois  dans  l'autre,  et  n'a  pas  le  temps  d'étudier  assez  les  conditions 
elimatériques  du  pays. 

Le  manque  absolu  de  système  de  vidange  ne  me  paratt  pas  étranger, 
non  plus,  aux  maladies  qui  régnent  parfois  h  l'état  ^idémique.  Chaque 
jour,  à  marée  basse,  les  indigènes  creusent  sur  la  plage,  à  10  mètres 
des  habitations,  de  petites  fosses  dans  lesquelles  ils  déposant  leurs  ordu- 
res. La  fosse  est  recouverte  ensuite  d'un  peu  de  sable.  Cette  peine  est 
bien  inutile,  car  des  bandes  de  porcs,  qui  errent  sur  la  plage,  labourent 
le  sable  en  tous  sens,  et  quoiqu'ils  ti*ouvent  là,  ainsi  que  de  nombreux 
vautours,  leur  seule  nourriture,  ils  en  laissent  jusqu'à  la  marée  haute 
des  détritus,  qui  répandent  des  miasmes  assurément  peu  favorables  à 
la  santé.  Habitant  une  maison  sur  le  bord  de  la  mer,  je  suis  souvent 
obligé  de  me  réfugier  dans  une  chambre  située  de  l'autre  côté  et  de 
renoncer  ainsi  à  la  brise  de  mer,  toigours  fraîche  mais  souvent  imprégnée 
de  ces  exhalaisons  fétides. 

Le  gouvernement  ne  s'est  emparé  de  cette,  question  que  pour  nommer 
un  inspecteur  sanitaire,  dont  les  fonctions  consistent  à  empêcher  de  jeter 
ou  déposer  des  ordures  dans  les  rues. 
Le  fétichisme  est  pratiqué  par  les  Ve  ^^  1^  population  d'Elmina.  Les 
L'autre  partie  professe  le  protestantisme,  de  la  secte  wesleyenne. 
wesleyens  ont  de  nombreux  établissements  scolaires  et  des  missions 
dans  chaque  centre  important  de  la  côte.  Leurs  pasteurs  sout  des  natifs 
du  pays,  sous  la  direction  d'un  directeur  européen  qui  réside  à  Accra» 
Ils  ont  beaucoup  d'adeptes  à  Elmina;  leur  temple  est  une  grande  maison 
de  construction  récente,  sans  aucune  particularité. 

Des  religieux  catholiques  romains,  appartenant  aux  missions  africai- 
nes dont  le  siège  est  à  Lyon,  sont  venus  récemment  s'installer  à  Elmina. 
Us  font  construire,  sur  une  colline  à  peu  de  distance  de  la  viUe,  les 
bâtiments  nécessaires  au  culte  et  aux  écoles.  Ils  ne  sont  donc  à  peine 
installés  et  pourtant  déjà  ils  ont  de  nombreux  élèves.  D  n'est  pas  inu* 
tile  de  dire  que  les  classes  se  font  en  langue  anglaise;  comme  du  reste 
dans  toutes  les  écoles.  Dans  les  premiers  temps  de  Touverture  de 
récole,  plusieurs  pères  de  famille,  après  que  leurs  enfants  eurent  passé 
plusiears  mois  à  la  mission,  vinrent  demander  aux  missionnaires  une 
indemnité  pécuniaire,  pour  le  temps  soi-disant  perdu  par  ces  enfants» 


—  318  — 

Il  fallut  discuter  longtemps  ayant  de  les  persuader  qu'ils  devraient 
plutôt  payer  eux-mêmes.  Ces  indigènes  savaient  pertinemment  qu'ils 
seraient  éconduits,  mais  ce  trait  les  caractérise  :  profiter  de  n'importe 
quelle  occasion  pour  avoir  3  ou  6  pence,  à  convertir  généralement  en 
rhum. 

Un  dicton  populaire  français  dit  a  travailler  comme  un  nègre  »  quand 
on  veut  parler  d'un  homme  travaillant  au-dessus  de  la  moyenne.  Tra- 
vailler comme  un  nègre  d'Elmina  voudrait  presque  dire  :  faire  peu  d'ou- 
vrage. En  effet,  les  indigènes  trouvent  leur  nourriture  sans  culture, 
n'ont  aucun  des  besoins  de  nos  ouvriers  européens,  et  s'abandonnent  à 
un  dolcefar  niente  d'où  ils  ne  sortent  qu'à  de  rares  intervalles. 

Les  bateliers  forment  la  partie  la  plus  travailleuse  des  noirs  d'El- 
mina ;  leur  métier  est  pénible  et  ils  ne  sont  guère  plus  rétribués  que  les 
autres  ouvriers.  Leur  salaire  est  de  1  sh.  6  par  jour,  plus  3  pence, 
somme  due  à  tout  individu  que  l'on  emploie  et  qui  lui  est  donnée  le 
matin  pour  l'achat  de  sa  nourriture.  Une  équipe  de  bateliers  est  géné- 
ralement composée  de  10  rameurs  et  de  leur  chef  qui  tient  la  barre,  pour 
les  canots  de  construction  européenne.  Us  emploient  une  journée  pour 
aller  et  revenir  d'Elmina  à  Cape-Coast,  avec  un  chargement  complet  du 
canot.  Si  leurs  services  ont  été  bons,  on  aUoue  h  l'équipe  une  gratifi- 
cation de  1  sh.  destinée  à  l'achat  de  rhum. 

Les  manœuvres,  terrassiers,  maçons  ou  employés  à  divers  titres 
comme  commissionnaires,  porteurs,  etc.  sont  payés  1  sh.  par  jour.  Les 
hommes  occupés  soit  à  la  construction,  soit  aux  travaux  agricoles, 
fournissent  8  heures  de  travail,  de  six  heures  à  dix,  et  de  midi  à  quatre 
heures,  mais  il  travaillent  avec  mollesse  ;  il  faut  leur  mâcher  la  besogne, 
être  toujours  présent  et  les  stimuler  au  besoin  à  l'aide  d'une  canne,  si 
l'on  veut  avoir  quelque  chose  de  fait  à  la  fin  de  la  journée. 

Les  boys  (domestiques)  reçoivent  1  L.  st.  par  mois  ;  qu'on  habite 
chez  soi  ou  à  Thôtel,  il  faut  en  avoir  un  ou  plusieurs.  Un  cuisinier  a  la 
même  solde. 

Le  boy  affecté  à  mon  service  personnel  a  pour  mission  de  faire  ma 
chambre,  d'entretenir  et  mettre  au  soleil  chaque  jour  mes  vêtements  et 
mes  chaussures,  de  nettoyer  mes  armes  et  de  faire  quelques  commis- 
sions. Un  autre  va  puiser  de  l'eau  au  Sweet  River  (6  kil.),  chercher  les 
plats  à  la  cuisine,  et  aide  au  premier  qui  n'a  que  peu  à  faire.  Un  troi- 
sième enfin  se  livre  aux  travaux  les  moins  agréables,  lave  la  vaisselle, 
fait  les  voyages  de  la  maison  à  la  plage,  etc.,  etc.  Enfin  tous  les  trois 
servent  à  table,  ou  du  moins  sont  présents  aux  repas.  L'un  chasse  les 


—  319  — 

mouches,  l'autre  apporte  les  plats  et  le  troisième  prépare  la  citronnade 
que  je  bois  ordinairement  à  mes  repas,  le  vin  vendu  sur  la  côte  n'étant 
pas  potable. 

Un  seul  boy  suffirait  largement  pour  ces  différents  services,  mais  il 
est  d'usage  d'en  avoir  plusieurs.  Outre  cela,  les  environs  de  la  maison 
sont  toujours  occupés  par  quelques  enfants,  qui  s'amusent  et  ne  deman- 
dent pas  mieux  que  de  trouver  une  occupation  chez  un  blanc.  Mes  boys 
savent  profiter  de  l'occasion,  et  je  ne  les  verrais  jamais  si  je  n'exigeais 
toujours  la  présence  de  l'un  d'eux  en  dehors  de  leur  travail. 

On  passe  généralement  un  traité  avec  un  noir  pour  être  blanchisseur, 
et  on  le  paye  à  raison  de  12  sh.  par  personne  et  par  mois.  Je  n'ai  jamais 
eu  en  France  de  linge  aussi  propre  ni  aussi  bien  repassé  qu'à  Elmina. 
Les  blanchisseurs  se  servent  d'un  amidon  fabriqué  par  eux  avec  du 
kassadah  (manioc)  et  d'un  liquide,  également  de  leur  fabrication,  com- 
posé de  diverses  matières  et  plantes  du  pays,  en  guise  de  savon.  Le 
liage  est  d'une  blancheur  immaculée. 

J'espère  arriver  à.  connaître  plus  tard  les  divers  procédés  de  fabrica- 
tion de  ces  matières,  ainsi  que  les  plantes  qui  entrent  dans  leur  compo- 
sition, mais,  comme  pour  les  remèdes  locaux  dont  j'ai  reconnu  l'effica- 
cité, les  indigènes  tiennent  à  en  conserver  les  procédés  et  ce  n'est  que 
par  surprise  que  j'arriverai  à  un  bon  résultat,  si  je  ne  puis  décider  un 
initié  à  me  divulguer  ses  secrets. 

Quoique  abondante  à  Elmina,  la  végétation  n'y  revêt  pas  cette  exu- 
bérance si  commune  h  la  zone  équatoriale  ;  il  faut,  d'un  côté,  parcourir 
quelques  kilomètres  avant  de  rencontrer  des  cultures,  et  de  l'autre 
traverser  la  lagune  avant  de  pénétrer  dans  le  busch. 

Elmina  est  à  proprement  parler  une  presqu'tle  ;  d'un  côté  la  mer,  de 
l'autre  une  immense  lagune  oti  croissent  en  nombre  immense  les  palé- 
tuviers ;  un  seul  côté,  dans  la  direction  de  Cape-Coast,  est  libre  ;  c'est 
aussi  le  plus  étroit.  Encore  y  a-t-il  quelques  marécages,  dernières 
limites  de  la  lagune,  aux  époques  de  hautes  marées.  La  colline  qui 
domine  Ehnina  et  qui  est  entourée  de  maisons  était,  il  y  a  peu  de  temps 
habitée  par  de  nombreux  tigres  ;  il  y  en  a  peut-être  encore,  mais  ils  sont 
assurément  peu  nombreux.  > 

D'une  hauteur  moindre  que  la  colline  de  San-Jago  et  en  face  d'elle,  à 
rextrémité  de  la  ville,  est  une  autre  colline,  habitée  par  des  alligators 
et  quelques  fauves.  Les  alligators  y  ont  le  voisinage  de  la  lagune  et  s'y 
plaisent  beaucoup.  Me  promenant  un  jour  avec  un  missionnaire,  nous 
en  flmes  fuir  un  dans  le  bush.  D  pouvait  avoir,  d'une  extrémité  à  l'autre, 


—  320  — 

environ  3  mètres  50.  Nous  pûmes  suivre  sa  trace  dans  la  broussaille, 
car,  écrasant  tout  sur  son  passage  dans*une  fuite  désordonnée,  il  y  avait 
ouvert  un  véritable  chemin.  Malheureusement  nous  n'avions  pas  d'armes. 
De  grandes  quantités  de  serpents  habitent  cette  colline,  oti  il  n'est  pas 
prudent  de  s'aventura  saos  de  longues  bottes.  La  chasse  y  est  impos- 
sible, en  raison  des  fourrés  impénétrables  dont  elle  est  couverte. 

A  peine  sorti  d'Elmina  on  trouve  des  champs  de  mais,  du  côté  d'Ab- 
sim  d'immenses  champs  de  cannes  à  sucre,  et  partout  des  patates,  igna- 
mes, tomates  et  piments.  Comme  fruits,  les  ananas,  les  bananes,  les 
mangos,  les  cocos,  les  citrons  croissent  en  abondance.  A  quelques  milles 
dans  l'intérieur  on  rencontre  quelques  troupeaux  de  buffles,  dont  la 
chasse  est  excessivement  difficile  ;  mais  on  peut  se  rattraper  sur  les 
tigres,  les  singes,  les  cerfe  qui  foisonnent.  Q  y  a  beaucoup  d'oiseaux  au 
plumage  multicolore,  des  perroquets,  des  toucans,  des  aigles,  etc.,  etc. 
La  race  des  reptiles  est  largement  représentée,  depuis  le  serpent  minus- 
cule jusqu'au  gigantesque  boa.  Le  R.  Père  Moreau  tua  récemment,  à 
20  minutes  de  la  ville,  le  plus  beau  de  ces  animaux. qu'il  m'ait  été  donné 
de  voir.  11  mesurait  6"50  environ.  D'immenses  forêts  se  trouvent  à  peu 
de  distance  d'Elmina.  Les  arbres  y  atteignent  de  gigantesques  propor- 
tions^ entre  autres  l'arbre  h  pain,  l'odum,  le  teek,  le  coussiawa.  Le 
caoutchouquier  y  crott  en  abondance.  Ces  forêts  sont  peuplées  d'une 
grande  quantité  de  fauves.  Les  fougères  arborescentes  y  ont  des  dimen- 
sions incroyables. 

Dans  la  ville  d'Elmina,  les  vautours  sont  assurément  les  agents  les  plus 
acti&  de  la  voirie  ;  ils  pullulent  et  sont  si  peu  sauvages  qu'il  hxA  sou- 
vent leur  donner  un  coup  de  pied  pour  pouvoir  suivre  sa  route  ;  ils  ne  se 
dérangent  pas.  Les  indigènes  ne  leur  font  aucun  mal,  et  dans  l'intérieur, 
en  pays  achonti,  par  exemple,  il  est  défendu,  sous  les  peines  les  plus 
sévères,  de  les  détruire.  Ce  sont  eux,  en  effet,  qui  se  chargent  de  &ire 
disparaître  les  cadavres  souvent  si  nombreux,  des  victimes  des  sacrifices 
humains. 

Dons  une  excursion  à  Porto-Novo,  j'ai  vu  les  corp&  de  deux  noirs  à 
qui  on  avait  coupé  la  tète,  dévorés  en  deux  heures  par  une  bande  afin- 
mée  de  ces  animaux  voraces.  Us  étaient  une  centaine  environ,  aecrai- 
pagnés  de  quelques  corbeaux.  Les  uns  et  les  autres  sont  des  animaux 
fétiches. 

Une  différence  bien  grande  existe  dans  la  mani^^  de  se  vêtir,  entre 
les  habitants  de  la  Côte  d'Or  et  ceux  des  côtes  voisines. 

En  effBt,  le  costume  des  naturels  de  la  Côte  d'Ivoire,  par  exemple,  est 


—  321  — 

tellement  primitif  qu'il  en  devient  indescriptible  ;  il  ne  consiste  pour  les 
hommes  qu'en  un  chapeau,  de  préférence  haut  de  forme,  ou,  suivant 
leurs  moyens,  d'un  couvre-chef  quelconque,  duquel  ils  n'auraient  garde 
d'enlever  l'étiquette  en  carton,  généralement  suspendue  à  un  fil  assez 
long  et  oii  le  prix  était  marqué.  Cette  étiquette  est  considérée  comme 
un  ornement  faisant  partie  intégrante  du  chapeau.  D  n'est  pas  rare  de 
voir  un  naturel  ayant  toute  sa  garde-robe  sur  la  tête,  c'est-à-dire  deux 
et  même  trois  chapeaux  les  uns  dans  les  autres. 

A  Elmina,  les  enfants  seulement  portent,  jusqu'à  l'âge  de  7  ou  8  ans, 
le  costume  de  nos  premiers  parents.  A  partir  de  cet  âge  ils  prennent  le 
pagne.  Ce  vêtement,  porté  uniformément  parles  hommes  et  par  les  fem- 
mes, consiste  en  une  pièce  d'étoffe,  d'une  longueur  ordinaire  de  4  à  5 
mètres  et  d'une  largeur  de  l^Tô  à  2  mètres,  dont  ils  se  drapent  à  la 
manière  antique.  Ce  vêtement  est  plus  ou  moins  riche  ;  quelques  chefs 
ont  des  pagnes  soit  en  velours,  soit  en  soie,  brodés  d'or  ou  d'argent, 
d'une  assez  grande  valeur.  Pour  vaquer  à  leurs  travaux  comme  pour 
rester  chez  eux,  les  individus  des  deux  sexes  portent  simplement  un  mor- 
ceau d'étoffe  enroulé  à  la  ceinture.  Les  femmes  portent  toutes  des  col- 
liers et  des  bagues  ;  elles  ont  en  outre,  dès  le  bas  âge,  une  ceinture  de 
perles  qu'elles  portent  à  nu  et  à  laquelle  les  hanches  servent  de  support  ; 
à  cette  ceinture  est  fixée,  par  derrière,  un  rouleau  d'étoffe  qui  ressem- 
ble assez  à  ce  que  nos  compatriotes  du  beau  sexe  appellent  tournure  ; 
Tusage  en  est  plus  pratique  chez  les  femmes  indigènes,  car  il  sert  de 
point  d'appui  aux  enfants  qui  sont  portés  sur  le  dos  ;  il  empêche  aussi  le 
pagne  de  coller  au  corps.  Elles  portent  un  bracelet  en  perles  et  ont  un 
ornement  pareil  au-dessous  des  genoux.  Leurs  cheveux  sont  générale- 
ment ramenés  sur  le  sommet  de  la  tête.  Hommes  et  femmes  sont  propres 
et  tiennent  leurs  enfants  d'une  manière  convenable.  Les  hommes  fument 
la  pipe  dès  leur  jeunesse,  et  les  femmes  font  également  usa-ge  du  brûle- 
gueule  àè8  qu'eUes  arrivent  à  un  âge  mûr;  quand  elles  n'ont  pas  la  pipe 
à  la  bouche,  elles  mâchent  une  sorte  de  racine  d'arbre  qui  a  une  certaine 
amertume.  Dans  une  réunion,  on  ne  possède  souvent  qu'une  seule  pipe, 
mais  on  se  la  passe  de  l'un  à  l'autre,  et  eUe  revient  à  son  propriétaire 
lorsqu'on  se  sépare.  Chaque  famille  possède,  en  plus  ou  moins  grande 
quantité,  des  bijoux  en  or;  lors  d'une  cérémonie  quelconque,  chacun  les 
prête  à  la  personne  fêtée,  qui  se  promène  alors  dans  toutes  les  rues  de 
la  ville,  chargée  d'un  poids  d'or  considérable,  ressemblant  à  une  vérita- 
ble châsse,  et  suivie  de  nombreuses  femmes  qui  chantent  en  l'accompa- 
gnant, frappant  dans  leurs  mains  pendant  tout  le  temps  de  la  prome- 


—  322  — 

nade.  Ces  cérémonies  n'ont  lieu  que  pour  les  femmes,  mais  à  tout  pro- 
pos :  à  la  nubilité,  avant  et  après  le  mariage,  &  la  naissance  d'un  enfsiit, 
après  un  veuvage  ou  à  la  guérison  d'une  maladie  grave. 

Un  service  régulier  de  navigation  relie  la  côte  occidentale  d'Afrî<iiie 
avec  l'Angleterre.  Un  départ  a  lieu  de  Liverpool  le  samedi  de  chaque 
semaine  ;  la  British  and  Âfrican  steamsfaip  C""  et  l'African  steamship 
C**  assurent  ce  service,  alternant  entre  elles  pour  les  steamers.  La  dis- 
tance est  de  6000  kilomètres  d'Elmina  à  Liverpool,  et  le  trajets'effeetue 
en  une  moyenne  de  24  &  25  jours.  Il  est  bon  de  dire,  pour  expliquer  la  lon- 
gueur de  la  traversée,  que  les  escales  sont  nombreuses  :  Madère,  Téné- 
riffe,  Canaries,  Gorée,  Batiiurst,  Sierra-Léone,  Cape  Palmas,  les  Jack- 
Jack,  Grand-Bassam,  Âssinie  et  Axim.  Suivant  l'heure  de  leur  passage 
devant  Elmina,  les  steamers  s'y  arrêtent  ou  continuent  jusqu'à  Cape- 
Coast.  Le  courrier  est  alors  porté  de  cette  ville  à  Elmina,  où  la  distribu- 
tion est  £Eiite  en  dépit  du  bon  sens.  J'ai  reçu  des  lettres  du  même  cour- 
rier en  4  et  5  distributions,  le  lendemain,  le  surlendemain  même  de  leur 
arrivée  ;  des  lettres  pour  Elmina  ont  séjourné  47  jours  dans  les  casiers 
du  bureau  de  poste  de  Cape-Coast  sans  être  apportées  à  leurs  destina- 
taires. Réclamations  interdites  ! 

A  destination  d'Angleterre,  les  steamers  ne  s'arrêtent  à  Elmina  que  si 
l'agent  de  Cape-Coast  prévient  le  capitaine  qu'U  y  a  des  passagers  ou 
des  marchandises  h  y  prendre. 

Le  service  postal  a  lieu  deux  fois  par  semaine  pour  Cape-Coast,  le  mer- 
credi et  le  samedi  soir. 

Le  seul  moyen  de  transport  est  l'homme.  Tout  fardeau  se  porte  sur  la 
tête,  quelle  que  soit  la  distance  à  parcourir;  le  poids  peut  aller  jusqu'à 
45  ou  50  kilogrammes.  L'indigène  n'a  aucune  force  dans  les  bras,  mais, 
une  fois  son  fardeau  sur  la  tête,  il  part  gatment!  et  ne  semble  pas  s'aper- 
cevoir de  ce  qu'il  porte. 

C'est  ainsi  que,  par  tous  les  temps,  les  femmes  généralement  employées 
à  cette  corvée  ou  les  boys  partent  au  point  du  jour,  avec  une  énorme 
calebasse  sur  la  tête,  pour  chercher  l'eau  près  d'Absim,  village  situé  à 
quelques  kilomètres  d'Elmina  et  où  passe  le  Sweet-River.  Ils  sont  de 
retour  sans  qu'une  goutte  d'eau  soit  tombée  de  leurs  récipients,  remplis 
consciencieusement  jusqu'au  bord. 

Pour  les  longues  courses  ou  excursions  on  se  sert  du  hamac  ;  cebii-ci 
est  assujetti  à  un  énorme  bambou,  qui  sert  de  point  d'appui  aune  toiture 
protectrice  contre  les  ardeurs  du  soleil.  Aux  extrémités  est  fixée  une 
planchette,  sous  laquelle  deux  hommes  peuvent  placer  la  tête  recouverte 


.    —  323  — 

d^n  morceau  d'étoffe  ou  d'une  sorte  de  petit  coussin.  Il  est  bon  de  choi- 
sir  pour  porteurs  deux  homtnes  assez  grands  qui  se  mettent  à  rarrière, 
tandis  que  deux  plus  petits  marchent  à  l'avant.  La  iSatigue  est  moins 
grande  que  si  des  individus  de  même  taille  vous  portaient  horizonta- 
lement. 

On  se  sert  de  canots  soit  pour  aller  à  Cape-Coast  chercher  les  caisses 
trop  lourdes  pour  être  portées  par  un  homme,  soit  encore  pour  se  rendre 
à  Chamah,  Dixcove  ou  Secondée,  villages  importants  du  littoral  où  il  se 
fait  quelque  commerce  avec  Ebnina. 

Les  possessions  portugaises  de  la  côte  occidentale  d'Afrique  acquirent» 
vers  l'année  1 520,  un  grand  intérêt  commercial  par  le  trafic  des  esclaves  ; 
on  peut  faire  remonter  à  cette  époque  l'établi^ement  des  villes  princi- 
pales de  la  côte  de  Guinée  et  aussi  la  prospérité  d'Elmina.  Jusqu'au 
jour  où  cette  vUle  appartint  définitivement  à  l'Angleterre,  et  où  le  pro- 
tectorat de  cette  nation  s'étendit  jusqu'au  Prah,  les  navires  américains 
fréquentaient  le  port  en  grand  nombre,  et  les  Hollandais  même  y  faisaient 
un  grand  commerce.  Mais  tout  est  bien  changé  ;  les  impôts  qui  frappent 
l'entrée  des  marchandises  ont  en  grande  partie  détruit  le  commerce  et 
l'Achanti  ne  s'approvisionne  plus  à  Ebnina.  On  n'apporte  même  plus 
autant  de  marchandises  de  rintérieur,et  il  faudra  donner  une  impulsion 
bien  grande  si  l'on  veut  voir  le  commerce  prendre  un  nouvel  essor. 

Les  principaux  articles  dont  on  peut  faire  le  commerce  avec  l'Europe 
sont  :  l'huile  de  pahne,  les  amandes  de  palme,  l'ivoire,  la  gomme,  le 
beurre  végétal,  les  peaux  de  tigres  et  de  singes,  les  arachides,  le  bois  4e 
campéche,  le  gingembre,  etc.  Je  ne  parle  pas  de  l'or  dont  on  pourrait, 
avec  de  grands  capitaux,  faire  le  commerce  le  plus  productif. 

Les  articles  importés  et  dont  la  consommation  est  la  plus  importante 
consistent  en  lainages,  étoffes  à  bon  marché  pour  pagnes,  fiisUs,poudrey 
bleu  d'outre-mer,  rhum,  tabac  en  feuilles,  articles  de  quincaillerie,  fer- 
ronnerie, métaux  bruts  et  ouvrés,  porcelaines,  faïences,  bois  de  con- 
struction, horloges  (coucous),  parfumerie,  plats  de  cuivre,  pipes,  riz,  bis- 
cuits, ainsi  que  les  provisions  et  liquides  de  consommation  usuelle. 

Quelques  brimborions  dits  articles  de  Paris,  tels  que  byouterie  (doublé 
or),  instruments  de  musique  à  bon  marché,  jouets  d'enfants,  etc.,  se 
veodent  en  petite  quantité.  Enfin,  toute  chose  dont  le  prix  est  abordable 
pour  la  bourse,  généralement  peu  garnie,  des  indigènes,  est  d'une  vente 
certaine,  car  ce  sont  tous  de  grands  enfants,  envieux  de  tout  ce  qu'ils 
voient.  Ils  vont  même  plus  loin  ;  s'ils  ne  peuvent  acheter ,  ils  viennent 
sans  hésiter  demander  qu'on  leur  fasse  cadeau  de  la  chose  qui  excite 


—  324  —    , 

leur  convoitise.  Pour  demander,  Taplomb  ne  leur  manque  pas.  Je  dois 
dire  aussi  que  souvent  ils  s'approprient  volontiers  sans  autres  formes  ce 
qu'ils  désirent  ;  aussi  doit-on  regarder  les  mains  d'un  client  bien  plus  que 
sa  figure,  car  en  toute  circonstance  elle  reste  impassible  et  ne  risque  pas 
de  le  trahir. 

L'industrie  n'a  pas  de  représentants  à  Elmina.  Seuls  quelques  Âchan- 
tis  y  travaillent  l'or  ;  leur  habileté  est  remarquable  ;  avec  des  outils 
primitifs  ils  fabriquent  des  bagues  et  des  colliers  très  jolis  ;  en  leur  don- 
nant un  modèle  on  peut-être  certain  qu'ils  le  reproduiront  exactement. 
Quelques  autres  Âchantis  travaillent  habilement  dans  d'autres  petits 
métiers  ;  ils  brodent  avec  goût  les  pagnes  des  habitants  riches,  font  des 
sandales  ;  quelques-uns  travaillent  le  fer  avec  assez  d'habileté. 

A  leurs  moments  perdus,  les  Haoussas  travaillent  à  la  confection  de 
nattes,  qui  rappellent  celles  de  provenance  marocaine  ou  algérienne. 

A  peu  de  distance  d'Elmina  sont  les  mines  d'or  de  Tacqua,  exploitées 
par  une  compagnie  française  ;  les  difficultés  que  rencontre  le  transport  du 
matériel  nécessaire  à  l'exploitation,  de  la  côte  à  destination,  fait  que  le 
rendement  n'est  pas  aussi  productif  qu'il  pourrait  l'être.  Néanmoins  les 
résultats  sont  meilleurs  de  jour  en  jour,  et,  grâce  à  l'habileté  et  à  l'expé- 
rience du  directeur  de  la  compagnie,  M.  Vérillon,  ces  mines  ne  peuvent 
que  prospérer. 

J'aurais  beaucoup  à  dire  si  je  voulais  apprécier,  à  tous  les  points  de  vue, 
ce  qu'il  y  a  à  faire  pour  ramener  le  commerce  achanti  sur  la  Côte  d'Or. 
Mes  tentatives  personnelles  auront-elles  un  bon  résultat  ?  Je  l'ignore, 
mais  elles  tendront  toutes  à  diriger  ce  commerce  sur  les  deux  petites 
colonies  inomentanèment  françaises,  de  Grand-Bassam  et  d'Assinie, 
qui  doivent  devenir  les  marchés  d'approvisionnement  du  peuple  achanti. 

Le  chef-lieu  de  la  colonie  est  Accra.  Je  ne  parle  de  Cape-Coast  que 
comme  vUle  de  garnison,  siège  des  représentants  des  compagnies  de 
navigation,  résidence  des  autorités  judiciaires  du  Western  district,  et 
des  principaux  trafiquants  de  la  contrée. 

Malgré  le  peu  d'améliorations  que  le  gouvernement  y  apporte, 
Ehnina  est  forcément  appelée  tôt  ou  tard  h,  un  bel  avenir,  si  le  conmierce 
de  l'intérieur  n'en  est  pas  détourné.  Sa  position  géographique  et  topo- 
graphique en  feront  peut-être,  dans  un  délai  plus  ou  moins  long,  le  chef- 
lieu  de  la  colonie.  Elmina  doit  efiacar  Cape-Goast.  Son  climat  est  plus 
sain,  ses  productions  plus  nombreuses,  son  port  plus  sûr.  Il  est  possible 
en  tout  temps  d'y  débarquer  les  marchandises  d'un  navire,  tandis  qu'à 
Cape-Coast  il  faut  souvent  attendre  deux  et  même  trois  jours  avant  de 


—  325  — 

pouvoir  aborder  à  la  côte.Toutes  ces  considérations  doivent  donc,  avec  le 
temps,  attirer  à  Elmina  les  Européens  qui  trafiquent  à  Cape-Coast  et  qui 
n'ont,  en  raison  de  la  distance  qui  sépare  ces  deux  localités  (12  kilom.)» 
aucune  raison  pour  habiter  un  endroit  de  préférence  à  Tautre. 

L'Angleterre  possède  la  majeure  partie  de  ces  côtes  qui  avoisinent  lei^ 
plus  riches  contrées.  Elle  vient  encore  de  s'annexer  le  pays  situé  entre 
la  colonie  de  Sherbro  et  la  République  de  Libéria  (avril  1883).  Ce  terri- 
toire comprend  les  embouchures  des  grandes  rivières  Gallinas,  Dibbeah, 
Shymah  et  autres  ;  le  commerce  des  pays  de  Gondo  et  de  Veys  va  bien- 
tôt se  détourner  de  Monrovia  pour  aller  à  Sougary,  à  Bobertsport  et  k 
Gallinas,  où  des  comptoirs  vont  s'établir.  Voilà  donc  la  domination 
anglaise  étendue  sans  discontinuité  de  Sierra-Léone  aux  frontières  nord 
de  Libéria.  Cet  état  de  choses  effraye  celui  qui  habite  la  côte  d'Afri- 
que et  qui  voit  comment  les  choses  s'y  passent.  J'ai  longtemps  mûri  le 
projet  de  me  fixer  sur  un  point  de  la  côte,  encore  indépendant  à  l'heure 
actuelle;  j'y  ai  complètement  renoncé,  quand  j'ai  eu  connaisance  des 
agissements  d'envoyés  anglais  qui,  avec  la  patience  qui  les  caractérise 
et  un  peu  de  ruse,  arriveront  à  faire  mettre  cette  contrée  sous  le  protec- 
torat de  leur  nation,  et  au  besoin  pousseront  jusqu'à  l'annexion.  Il  n'y 
a  que  le  premier  pas  qui  coûte. 

Le  cabinet  de  Saint  James  est  notre  maftre  en  matière  coloniale  et  il 
n'en  coûterait  pas  beaucoup  de  suivre  quelque  peu  ses  principes,  ne 
fût-ce  que  par  amour-propre  national. 

Les  vues  d'un  pauvre  explorateur  sont  plus  étroites  assurément  que 
celles  de  nos  gouvernants,  mais  ses  appréciations  sont  sincères,  et, 
rêvant  rextenaion  du  domaine  colonial  de  sa  patrie  et  la  prospérité 
de  son  commerce,  il  serait  largement  récompensé  s'il  voyait  son  idéal 
commencer  à  se  réaliser. 

J'appliquerai  donc  à  la  côte  occidentale  d'Afrique,  si  nous  devons 
rester  simples  spectateurs  de  la  prospérité  de  l'Angleterre,  ce  que 
M.  Sutil,  ingénieur  français  résidant  au  Fezzan,  proposait  au  gouverne- 
ment du  roi  Louis-Philippe  pour  le  Sahara  : 

a  D'établir  des  consulats  français,  comme  devant  permettre  à  la 
«  France  de  faire  pénétrer  dans  ces  contrées  inconnues  des  germes  de 
«  civilisation,  d'ouvrir  un  vaste  et  riche  champ  aux  explorations  des 
a  savants,  et  enfin  de  donner  à  notre  conunerce  d'immenses  débou- 
a  chés.  » 

Le  mouvement  colonial  a  pris  en  France  une  extension  indéniable,  et 
les  hommes  ne  manquent  pas  qui  sont  prêts  à  affronter  les  fatigues,  les 


—  326  — 

privatiouB,  les  déboires,  les  souffranoes  physiques  et  morales,  ainsi  que 
les  dangers  de  toute  sorte  qui  doivent  surgir  au  début.  C'est  un  devair 
pour  notre  pajs  d'utiliser  ces  dévouements. 

Je  ne  puis  mieux  terminer  qu'en  citant  ces  paroles  de  Paul  SoleiUet, 
qui  a  consacré  sa  vie  aux  explorations  afrieatnes  :  «  Nous  devons  rem- 
<(  plir  TAfirique,  oti  il  ne  peut  plus  y  avoir  de  vraie  gloire  militaire  pour 
<(  une  puissance  européenne,  non  du  bruit  de  nos  annes,  mais  des 
«  œuvres  vivantes  de  notre  génie  civilisateur.  » 


Elmina,  le  7  juin  1883. 


J.  Prost. 


BIBLIOGRAPHIE  ' 

Notes  sub  MADAiOAscAB,  par  Laurent  Orémazy,  conseiller  à  la  cour 
d'appel  de  la  Réunion.  Paris  (Berger-Levrault  et  Œ*)^  1^83,  in-8*, 
25  pages.  —  Cette  étude,  qui  a  déjà  paru  dans  la  Beviut  maritime  et 
coloniale,  est  surtout  destinée  aux  marins  ;  écrite  dès  lors  d'un  style 
sobre  et  substantiel,  elle  n'est  pas  d'une  lecture  &cile.  L'auteur  par- 
court la  côte  de  la  grande  île,  de  Bombétok  (Bembatouka)  au  N.-O.,  à 
Mahanaro  (Manourou)  à  l'est,  en  passant  par  le  sud,  et  s'arrête  devant 
chaque  mouillage,  dont  il  indique  les  avantages  et  les  inconvénients.  Il 
constate  que  le  rivage  occidental  de  Madagascar  ne  présente  qu'un  petit 
nombre  de  ports  accessibles  aux  gros  navires,  et  qu'il  est,  en  revanche, 
précédé  le  plus  souvent  de  récifs  qui  le  rendent  inabordable.  Cette  partie 
de  l'île  est  habitée  par  les  Sakalaves,  dont  les  chefs  ou  rQis  sont  vassaux 
des  Hovas  qui  occupent,  dans  la  contrée,  un  certain  nombre  de  postes 
fortifiés.  Durement  opprimés  autrefois  par  leurs  maîtres,  les  Sakalaves, 
qui  sont  d'ailleurs  d'excellents  guerriers,  relèvent  aujourd'hui  ia  tête, 
se  sentant  soutenus  par  la  France.  En  ce  qui  concerne  cette  puissance, 
il  paraîtrait,  d'après  une  note  de  l'auteur,  que  toute  la  partie  nord-occi- 
dentale de  Madagascar,  de  Boina  au  cap  d'Ambre,  lui  aurait  été  régu- 
lièrement cédée  par  la  reine  des  Sakalaves,  en  vertu  d'un  traité  du 
17  juillet  1840.  C'est  sur  cette  question,  bien  controversée,  on  le  sait, 
que  porte,  eu  partie  du  moins,  le  différend  entre  la  France  et  le  gouver- 
nement malgache. 

.    V  On  peut  se  procurer  à  la  hbrairie  Jules  Sandoz,  13,  rue  du  Rh6ne,  à  Genève, 
te«s.  les  ouvrages  dont  il  est  reudu  compte  àdkViAM Afrique  eseplorée  et  àviUsée, 


—  327  — 

BuKu  Yk  TsiKWEMBO  T8IHWS  NA  Tignco  TA  Hlenoeletako.  Lausaïuie, 
(G.  Bridel),  1883,  m-12,  150  p.  —  Leçonb  de  sigwamba  par  le  mission- 
naire P.  Berthoud  (autographie  d^un  caàier  d^étudiant).  Lausanne, 
(impr.*lith.  J.  Chappuis),  1883,  in-4%  46  p.  —  A  mesure  que  TAfirique 
est  plus  complètement  explorée,  le  nombre  des  tribus  connues  augmente, 
et  aussi  celui  des  langues  à  mettre  par  écrit.  Les  explorateurs  peuvent 
fournir  ^es  notices  granmiaticales,  comme  Pont  fait  Nachtigal  pour  la 
langue  ou  Baghirmi,  Barth  pour  celles  de  plusieurs  tribus  des  bords  du 
lac  Tchad,  Schweinfurth  pour  celles  desDinkas  et  des  Chillouks  du 
Hajit-Nil,  etc.  Quant  aux  grammaires  proprement  dites,  elles  ne  peuvent 
guère  être  rédigées  que  par  des  missionnaires,  qui,  résidant  pendant  de 
longues  années  au  milieu  des  indigènes  d'une  même  tribu,  sont  mieux 
placés  pour  se  rendre  compte  de  toutes  les  particularités  de  sa  langue 
et  nous  en  faire  comprendre  soit  le  mécanisme,  soit  les  rapports  avec  les 
autres  idiomes  de  la  même  famille,  ainsi  que  l'ont  fait  M.  Gasalis,  pour 
le  sécfaouana,  MM.  Krapf  et  Steerie,  pour  le  souahéli,  etc.  Le  sigwamba, 
dont  les  deux  ouvrages  susmentionnés  sont  les  premiers  documents 
imprimés,  appartient  à  la  famille  des  langues  bantoues  ;  il  est  parlé 
surtout  par  les  Magwambas,  au  milieu  desquels  nos  compatriotes, 
MM.  P.  BerthcAid  et  Creux,  ont  fixé  leur  résidence  dans  les  Spelonkëh, 
au  nord  du  Transvaal.  De  ces  deux  ouvrages,  le  premier  renferme  plu- 
sieurs morceaux  de  la  Bible,  traduits,  et  53  cantiques  composés  sur 
difiërents  rythmes  par  les  missionnaires.  Quant  au  second,  c'est  la 
reproduction  des  leçons  données  par  M.  P.  Berthoud  aux  élèves  qui  se 
préparent  à  Lausanne  à  aUer  renforcer  les  stations  des  Spelonken,  et 
en  créer  de  nouvelles  au  milieu  de  tribus  parlant  la  même  langue,  car, 
d'après  le  témoignage  de  M.  Laws,  de  la  station  de  Bandaoué  sur  le  lac 
Nyassa,  le  sigwamba  a  été  porté  au  delà  du  Zambèze,  sur  le  plateau  qui 
s'étend  entre  les  lacs  Nyassa  et  Bangouéolo,  et  il  est  compris  et  parlé 
par  beaucoup  d'indigènes  de  cette  région.  M.  Cust,  auquel  nous  devons 
déjà  la  classification  des  langues  de  l'AMque,  nous  dira  mieux  que  per- 
sonne ce  qui  caractérise  celle-ci  entre  toutes  celles  de  la  même  famille. 
Ce  qui  nous  a  frappé,  c'est  la  richesse  des  formes  verbales  et  des  combi- 
naisons propres  à  exprimer  toutes  les  idées  d'un  peuple  enfant.  Sans 
doute  les  mots  abstraits  lui  font  défaut,  mais  nous  ne  doutons  pas 
qu^elle  ne  s'enrichisse  sous  l'influence  des  leçons  des  missionnaires,  et 
qu^elle  ne  crée,  selon  le  génie  qui  lui  est  propre,  tous  les  termes  et  toutes 
les  formes  dont  elle  aura  besoin,  à  mesure  que  les  Magwambas  feront 
des  progrès  dans  la  culture  intellectuelle  et  morale.  Nous  savons  que 


»*» 


—  328  — 

M.  Berthoud  prépare  une  œuvre  plus  considérable  sur  les  langues  ban- 
toues.  Puisse-t-il,  au  milieu  des  travaux  qu^il  va  bientôt  reprendre  aux 
Spelonken,  la  continuer  et  la  mener  à  bonne  fin. 

An  intehnational  pbotectorate  of  the  Congo  Riveb,  by  Sir  Tra- 
vers Twiss,  D.  CL..,  F.  R.  S.  London,  (Pewtress  et  C%  1883,  in-S", 
19  p.,  —  Dans  le  mémoire  sur  la  question  du  Congo  devant  l'Institut 
de  droit  international,  publié  dans  notre  dernier  numéro,  MrMojmier 
a  exposé  (p.  288),  l'idée  particulière  développée  par  M.  Travers  Twiss 
dans  la  Reime  de  droit  internationaL  Nous  nous  bornons  à  y  renvoyer 
nos  lecteurs,  en  ajoutant  toutefois  que  l'auteur,  frappé  de  l'état  d'anar- 
chie qui  règne  sur  le  Congo,  et  désireux  d'empêcher  que  l'œuvre  civili- 
satrice européenne  n'échoue  par  le  fait  de  rivalités  ou  de  dissensions 
entre  les  blancs ,  insiste  fortement  pour  que  les  nations  dont  les  ressor- 
tissants ont  des  factoreries  sur  ce  fleuve  s'entendent,  et  décident  à  quelle 
loi  seront  soumis  les  conmierçants  qui  y  trafiquent,  puis  devant  quelle 
juridiction  ils  seront  assignés  s'ils  enfreignent  cette  loi.  Il  montre  l'abso- 
lue nécessité  d'un  contrôle  international  exercé,  comme  pour  le  Danube, 
par  les  grandes  puissances  civilisées.  Si  l'Europe  a  hésité  jusqu'ici  à 
appliquer  h  l'Afrique  les  principes  de  liberté  proclamés  au  Congrès  de 
Vienne  en  1815,  au  sujet  de  la  navigation  des  fleuves,  le  moment  est 
venu  de  les  étendre  à  ce  nouveau  continent,  tout  en  tenant  compte  des 
circonstances  particulières  du  Congo.  Sans  doute  l'organisation  des  indi- 
gènes sur  les  rives  du  fleuve  est  encore  celle  de  la  tribu  ;  la  souveraineté 
territoriale^  dans  le  sens  où  elle  a  remplacé  la  souveraineté  personnelle 
en  Europe,  y  est  encore  inconnue.  Cependant  la  souveraineté  personnelle 
est  reconnue  par  les  trafiquants  européens ,  puisque  chaque  factorerie 
arbore  le  pavillon  de  la  nation  dont  elle  réclame  la  protection,  quand  elle 
eA  lésée  par  un  chef  indigène  ou  par  un  marchand  d'une  autre  natio- 
nalité. Il  y  a  là  un  élément  d'ordre  dont  il  faut  profiter,  avant  que  le 
désordre  se  soit  introduit  parmi  les  foules  qui,  par  cette  voie,  se  précipi- 
teront au  cœur  de  l'Afrique.  Les  puissances  qui  se  concerteront  pour 
établir  une  convention  comme  celle  du  Danube,  pourront  inviter  les 
autres  à  y  accéder  ;  ensemble  elles  pourront  convenir  que  chaque  État 
autorisera  son  commissaire  à  exercer  une  juridiction  consulaire  sur  les 
sujets  de  l'État  qu'il  représentera,  aussi  bien  dans  les  eaux  du  Haut 
Congo  que  dans  celles  du  bas  fleuve.  Un  accord  international  en  ce  sens 
serait  digne  de  la  civilisation  de  notre  époque ,  et  pourrait  prévenir  les 
difiicultés  inuninentes. 


—  329  — 

BULLETIN  MENSUEL  (3  décembre  1883.y 

L'atteution  du  consul  général  de  S.  M.  britannique  à  Tripoli  a  été 
attirée  sur  le  fait  que,  chaque  année,  des  caravanes  du  Soudan,  du  Bor- 
nou,  du  Ouadaï  et  de  Timbouctou  arrivent  en  janvier  et  en  février  à 
Gfaadamès,  ou  elles  amènent  de  Tivoire,  de  la  soude,  du  séné,  de  la 
poudre  d'or,  des  plumes  d'autruche,  des  peaux,  et  aussi  des  esclaves 
des  deux  sexes.  Le  consul  est  chargé  de  s'enquérir  si  ces  esclaves  ne 
sont  point  emmenés  par  Tripoli  vers  les  ports  de  la  Turquie. 

Le  capitaine  Foot,  employé  quelque  temps  au  service  de  la  suppres- 
sion de  la  traite  à  la  côte  orientale  d'Afrique,  a  envoyé  à  l'Antislavery 
Society  un  plan  industriel,  en  faveur  des  «éscslaves  libérés  en  Ef^ypte 
et  de  ceux  qui,  devenus  libres  de  droit  par  la  mort  de  leur  propriétaire, 
demeurent  sans  asile.  D'après  un  rapport  de  lord  Dufferin,  communiqué 
au  Parlement  anglais,  sur  8092  esclaves  libérés,  du  mois  d'août  1877  au 
mois  de  novembre  1882,  il  n'y  en  a  eu  que  26  employés  à  l'agriculture  et 
23  envoyés  à  l'école;  1626  hommes  et  1994  femmes  ont  pu  suivre  leurs 
goûts  particuliers.  Le  capitaine  Foot  voudrait  que  le  khédive  ftt  don,  en 
faveur  des  esclaves  libérés,  d'une  zone  de  terrain  arable  dans  la  Basse- 
Égjrpte;  U  y  en  a  suffisamment  le  long  du  canal  d'eau  douce,  ne  récla- 
mant que  l'irrigation  et  la  culture  pour  acquérir  la  fertilité  des  autres 
parties  de  l'Egypte.  Si  le  gouvernement  du  khédive  ne  veut  pas  donner 
du  terrain,  une  souscription  pourra  être  ouverte  pour  en  acheter.  Un 
asile  y  serait  établi,  comme  ferme  et  école  industrielle,  sous  le  contrôle 
direct  du  gouvernement  anglais,  mais  sous  la  dépendance  de  l'autorité 
égyptienne.  Les  règlements  devraient  avoir  la  sanction  du  khédive,  et 
être  approuvés  par  le  représentant  de  S.  M.  britannique  en  Egypte. 
Chaque  année  le  gouvernement  égyptien  voterait  un  subside  pour  Tentre- 
tien  de  cette  réserve  en  faveur  des  esclaves  libérés,  jusqu'à  ce  que  le 
représentant  anglais  juge&t  qu'eUe  peut  se  suffire  à  elle-même.  Ceux 
d'entre  les  esclaves  libérés  qui  auraient  des  aptitudes  pour  l'agriculture, 
seraient  établis  dans  des  maisons  séparées  sur  des  lots  de  terre  arable  ; 
s'ils  étaient  célibataires,  on  leur  permettrait  de  se  marier.  Us  paieraient 

^  lies  matières  comprises  dans  nos  BulUtins  me/mtels  et  dans  les  NoumUeê  com- 
plémentaires y  sont  classées  suivant  un  ordre  géographique  constant,  partant  de 
l'Algérie,  puis  allant  à  PEst,  longeant  ensuite  la  côte  orientale  du  continent  et 
revenant  par  la  côte  occidentale. 

l'AFRIQUE.   —   QUATRIÈME  ANKIÊB.   —  H®   12.  12 


—  330  — 

uue  légère  redevance  annuelle,  comme  le  font  les  esclaves  libérés  de  la 
mission  des  Universités,  à  Zanzibar  et  à  la  côte  orientale.  On  enseignerait 
le  commerce  à  ceux  qui  voudraient  s'y  vouer.  On  établirait  des  écoles 
pour  les  deux  sexes  jusqu'à  Tàge  de  13  ou  14  ans.  Les  garçons  seraient 
astreints  à  certaios  exercices,  semblables  à  ceux  qui  sont  en  usage  dans 
la  plupart  des  écoles  anglaises.  En  outre  un  bateau-école,  organisé  selon 
des  règles  analogues  à  celles  des  vaisseaux-écoles  anglais  (English  Indus- 
trial  Trainings  Sfaips),  serait  attaché  à  Tinstitution.  Les  esclaves  libérés 
pourraient  devenir  chauffeurs,  charpentiers,  marins,  etc.  Une  école  mili- 
taire serait  établie  sur  la  réserve  pour  fournir  l'armée,  la  police,  les  gar- 
des consulaires.  Quant  aux  filles,  on  leur  enseignerait  la  cuisine,  le  blan- 
chissage, les  travaux  à  l'aiguille,  et  généralement  ce  qu'ont  besoin  de 
savoir  de  bonnes  servantes.  Les  esclaves  libérés  pourraient  quitter  la 
réserve  avec  la  permission  de  l'autorité. 

Mais,  pour  que  les  mesures  proposées  en  vue  de  former  les  esclaves 
libérés  h  quelque  travail  utile,  et  d'une  manière  générale  pour  que  les 
moyens  adoptés  pour  l'abolition  de  l'esclavage  aboutissent,  il  faudrait 
que  tous  les  représentants  de^  États  civilisés  auprès  du  gouvernement  du 
khédive,  et  tous  les  membres  des  colonies  européennes  en  Egypte,  fus- 
sent unanimes  à  réprouver  la  barbarie  d'une  institution  qui  permet  à 
l'homme  de  posséder  son  semblable  à  titre  de  propriété.  Or  malheureu- 
sement, d'après  une  correspondance  particulière  du  Caire,  ce  n'est  pas  le 
cas;  tels  consuls  et  tels  colons  européens,  appartenant  à  ce  qu'on  appelle 
la  bonne  société,  sont  favorables  au  maintien  de  l'esclavage  et  se  moquent 
des  partisans  de  l'abolition,  fournissant  ainsi  un  appui  aux  tergiversa- 
tions du  gouvernement  égyptien,  qui  ne  peut  se  résoudre  à  faire  le 
nécessaire  pour  préparer  l'abolition  promise  dans  les  traités  avec 
l'Angleterre. 

La  cause  de  la  civilisation  du  Soudan  est  gravement  compromise,  par 
le  massacre  du  détachement  égyptien  envoyé  de  Souakim  pour  ravitail- 
ler les  garnisons  de  Singat  et  de  Tokhar,  chargées  de  garder  la  route 
par  laquelle  des  renforts  peuvent  être  expédiés  à  Ehartoum.  Actuelle- 
ment cette  route  se  trouve  entre  les  mains  des  partisans  du  mahdi  qui 
menacent  Souakim,  en  sorte  que  l'armée  commandée  par  Hicks-pacha 
est  coupée  de  sa  base  d'opérations  \  Le  gouvernement  du  khédive  a  sans 
doute  décidé  d'envoyer  h  Souakim  un  millier  de  bachi-bozouks  ou  de 

'  Les  dernières  dépêches  annoncent  que  cette  année  elle-même  a  été  massacrée 
dans  le  défilé  de  Kashgate,  près  d'£l-Obeld. 


i 


—  331  — 

nègres,  mais,  d'après  le  Bosphore,  Razaloula,  général  abyssinien,  a  battu 
un  corps  de  bachi-bozouks  sur  territoire  égyptien  près  de  Massaoua. 

Le  comte  Antonelll  a  rapporté  en  Italie  les  collections  faites  au 
Choa  par  le  marquis  Antinori,  et  ramené  deux  Abyssiniens  serviteurs  de 
ce  dernier.  Ses  rapports  confirment  et  complètent  les  données  fournies  par 
ses  lettres.  Les  dispositions  du  sultan  d'Aoussa  en  particulier,  naguère 
encore  hostiles  aux  Européens,  leur  sont  devenues  très  favorables. 
Mohammed-Anfaii  a  chargé  l'explorateur  italien  de  remettre  au  roi 
Humbert  quatre  superbes  autruches,  comme  témoignage  de  son  désir  de 
vivre  en  bon  voisin  avec  la  colonie  italienne  d'Assab.  Grâce  h  cet  heu- 
reux changement,  Antonelli  a  pu  faire  en  trente-sept  jours  le  trajet 
qui,  à  son  premier  voyage,  lui  en  avait  demandé  cent  sept.  Les  lacs  du 
pays  des  Aoussas  sont  au  nombre  de  quatre  ;  ils  sont  alimentés  par  le 
fleuve  Haouasch,  dont  le  cours  se  termine  au  lac  Abhebbad.  D'autres  lacs 
de  ce  pays  ftmrnissent  du  sel  en  grande  quantité  ;  le  sel  est,  avec  les  tha- 
1ers  à  l'eflSgie  de  Marie-Thérèse,  la  valeur  adoptée  pour  les  échanges. 
D'après  ce  qu'Antonelli  a  vu  de  l'Haouasch,  il  conseille,  pour  éviter 
ce  fleuve  qui,  à  l'époque  des  hautes  eaux,  est  un  grave  empêchement  à 
la  marche  des  caravanes,  de  suivre,  à  partir  de  la  station  de  Dobé,  la 
route  de  Gafra  et  le  cours  du  Melli,  affluent  de  l'Haouasch.  Le  voyage 
du  Choa  à  Assab  ne  serait  plus  que  de  20  jours.  Antonelli  a  rapporté  des 
renseignements  intéressants  sur  les  peuplades  Danakils  qui  avoisinent 
Assab  ;  les  hommes  sont  forts  et  robustes  ;  les  femmes,  belles  jusqu'à  25 
ou  30  ans,  deviennent  ensuite  déformées  et  défigurées  par  l'efiet  des 
mauvais  traitements  dont  elles  sont  l'objet  ;  on  les  emploie  comme  de 
vraies  bêtes  de  somme.  Leur  corps  est  bizarrement  tatoué  d'une  espèce 
de  dessin  en  relief,  que  l'on  fait  en  tailladant  la  peau  avec  une  pien^e 
aiguisée  et  en  frottant  les  coupures  avec  des  herbes  aromatiques  ;  en  se 
cicatrisant  ces  coupures  forment  une  espèce  d'ourlet,  qui  ressort  sur  le 
fond,  la  teinte  en  étant  plus  claire  que  le  ton  de  la  peau.  —  Deux  nou- 
velles caravanes  du  Choa  doivent  descendre  à  Assab  en  décembre  et  en 
avril.  Antonelli  compte  repartir  pour  Assab,  de  manière  à  s'y  trouver  à 
l'arrivée  de  celle  de  décembre. 

Le  D'  Schweinfurth  a  communiqué  à  VEgyptian  Gazette  des  rensei- 
gnements sur  l'assassinat  du  voyageur  Pierre  Sa<5ooiil,  envoyé  à 
Harar  par  la  Société  milanaise  d'exploration  en  Afrique.  Après  avoir 
bien  appris  la  langue  des  Somalis,ilse  proposait  de  gagner,  par  O^^eii, 
le  Webbi,  qui  se  jette  dans  l'océan  Indien.  Le  sultan  d'Ogaden  l'avait 
prévenu  que  son  pays  était  troublé  par  la  guerre  ;  les  populations  dont 


—  832  — 

Saceoni  traversait  le  territoire  avaient  une  attitude  hostile  ;  néanmoins 
il  continua  sa  marche,  jusqu'au  moment  oti,  entouré  par  une  troupe  de 
Somalis,  il  dut  s'arrêter.  Attaqué  une  nuit  par  cinq  d'entre  eux,  il  fut 
percé  de  coups  ;  son  journal  de  voyage,  qu'il  avait  instamment  recom- 
mandé à  ses  domestiques,  fut  saisi  et  jeté  au  feu.  La  région  au  sud  de 
Harar  étant  complètement  inconnue,  la  perte  des  notes  de  ce  voyagem^ 
est  extrêmement  regrettable. 

Après  avoir,  dans  deux  précédentes  expéditions,  exploré  le  pays  des^ 
Benadirs  et  des  Medjourtmes,  dans  le  promontoire  qui  s'avance  entre  le 
golfe  d'Aden  et  l'océan  Indien  et  se  termine  par  le  cap  ^  Guardafui, 
M.  G.  Revoll  a  résolu  de  pénétrer,  par  le  Djouba,  jusqu'au  cœur 
même  de  cette  partie  encore  inconnue  du  continent  africain.  Arrivé  do 
Zanzibar  à  Magadoxo,  avec  des  lettres  de  recommandation  de  Sald-Bar- 
gasch  pour  le  gouverneur  de  cette  dernière  ville,  il  y  a  passé  plusieurs 
semaines  à  organiser  sa  caravane  et  à  recueiUir  des  coUeftions  ethno- 
graphiques et  zoologiques.  De  Magadoxo  à  Guelili,  sur  le  Webbi,  il  a  été 
victime  des  exactions  des  tribus  somalis  qui  se  disputent  le  territoire 
compris  entre  les  deux  villes  et  la  possession  de  la  route  qui  les  relie.  Il 
fallut  que  le  cheik  de  la  tribu  des  Gobrons,  tributaire  du  sultan  de  Zan- 
zibar et  résidant  h  Guelili,  envoyât  200  de  ses  goums  au-devant  du  voya- 
geur, pour  tenir  en  respect  des  bédouins  qui  lui  barraient  le  passage. 
Arrivé  à  Guelili  le  24  juin,  M.  Revoil  dut  séjourner  plus  d'un  mois  dans 
cette  ville,  traversée  par  le  Webbi  qui  roulait  alors  des  eaux  boueuses  et 
jaunâtres;  ces  eaux  sont  peuplées  d'ibis,  de  pluviers,  d'oies  sauvages: 
sur  leurs  rives  se  rencontrent  d'énonnes  crocodiles  et  s'ébattent  des  cyno- 
céphales et  des  singes-papillons.  Quoique  la  végétation  soit  moins  luxu- 
riante qu'on  ne  pourrait  l'imaginer  le  long  de  ce  cours  d'eau  voisin  de 
l'équateur,  le  paysage  est  cependant  des  plus  pittoresques  et  des  plus 
animés.  Çà  et  là  sont  installés  des  marchés  de  grains,  de  bétail  et  des 
boucheries  en  plein  vent.  Les  Somalis  passent  d'une  rive  à  l'autre  sur 
de  petits  bateaux,  glissant  le  long  de  câbles  en  lianes.  La  terre  est  cul- 
tivée, et  il  y  a  de  belles  prairies.  Les  indigènes  circulent  dans  la  ville 
sans  armes.  Des  esclaves  ounyamouésis  et  gallas  sont  employés  aux 
travaux  les  plus  pénibles.  Moins  guerriers  que  les  Somalis  du  cap  Guar- 
daftti  précédemment  visités  par  M.  Revoil,  ceux  de  Guelili  sont  plus 
fourbes,  plus  rapaces,  plus  cruels  et  de  mœurs  plus  relâchées.  Les  négo- 
ciations avec  le  cheik  Omar-Yousouf ,  au  sujet  de  l'itinéraire  que  le  voya- 
geur comptait  suivre  pour  se  rendre  à  Gananeh,  sur  le  Djouba,  traînant 
€n  longueur,  le  gouverneur  de  Magadoxo  dut  le  menacer  de  la  colère  du 


—  333  — 

saltan  de  Zanzibar,  pour  le  faire  consentir  à  assurer  Texplorateur  de  sa 
protection  à  des  conditions  raisonnables.  Revôil  put  enfin  se  mettre  en 
route  vers  la  fin  de  juillet,  et,  d'après  une  dépêche  de  Zanzibar  apportée 
sans  doute  à  Magadoxo  par  les  caravanes,  il  est  arrivé  à  Gananeh  à  la 
fin  d'août.  Il  considérait  le  trajet  qu'il  venait  de  faire  comme  une  des 
parties  les  plus  difficiles  de  sa  mission.  De  Gananeh,  il  avait  Tintention 
4e  se  rendre  chez  les  Gallas,  et  de  regagner  le  littoral  du  golfe  d'Aden 
i>oit  par  Harar,  soit  par  le  Choa. 

M.  ^W.  P.  Johnson,  agent  de  la  mission  des  Universités  à  la  côte 
orientale  du  lac  Hfyassa.,  a  écrit  au  comité  de  cette  Société  pour  propo- 
ser de  s'établir  à  Mbampo,  le  meilleur  port  de  cette  côte,  d'oîi  il  pour- 
r<iit  facilement  envoyer  chez  les  Magwangwaras  un  catéchiste  cafre. 
En  outre,  il  demande  que  la  Société  fournisse  aux  missionnaires  un  stea- 
mer, pour  pouvoir  visiter  mensuellement  toutes  les  villes  de  la  côte  orien- 
tale. Enfin  il  voudrait,  en  vue  des  besoins  des  vapeurs  du  Nyassa  et  du 
Tanganyika,  être  autorisé  à  construire  un  bateau-école,  qui  lui  permtt  de 
donner  à  quelques  indigènes  une  éducation  propre  à  les  former  à  la  navi- 
gation sur  ces  deux  lacs.  Il  croit  que  des  établissements  sur  la  côte  orien- 
tale des  lacs  sont  le  système  le  plus  efficace  pour  combattre  la  traite.     ' 

M.  J.  Steiwart,  chargé  par  M.  Stevenson  de  la  construction  de  la 
route  entre  le  Nyassa  et  le  Tanganyika,  a  fait,  de  la  station  de  Mali- 
wanda,  vers  l'ouest,  au  mont  Mapouroumouka,  une  excursion  pendant 
laquelle  il  a  traversé  les  affluents  de  la  Songoué,  qui  se  verse  dans  le 
Nyassa,  ceux  de  la  Longoua,  qui  se  rend  au  Zambèze,  et  ceux  du  Tcham- 
bezi,  qui  forme  le  lac  Bangouéolo.  Les  sources  du  Tchambesei  sont  à 
310  m.  au-dessus  du  niveau  de  ce  lac,  et,  à  l'endroit  où  elles  se  réunissent 
pour  former  une  rivière  un  peu  considérable,  celle-ci  n'est  pas  navigable, 
la  pente  de  la  montagne  sur  laquelle  elle  descend  étant  trop  forte. 
Mais,  à  mesure  qu'on  avance  le  long  de  la  route  du  Tanganyika,  on  ren- 
contre des  cours  d'eau  qui  se  versent  dans  le  Tchambezi  à  une  altitude 
de  200  m.,  ce  qui  permet  d'admettre  que  cette  rivière  peut  être  navigable 
sur  un  parcours  de  160  kilom.  à  travers  le  plateau. 

Le  Journal  de  Genève  a  publié  des  extraits  du  récit  d'une  excursion 
<ie  quelques  semaines  faite  par  deux  de  nos  compatriotes,  MM.  E. 
Gautier  et  H.  Berthoud  —  ce  dernier,  missionnaire  à  Yaldézia,  au 
nord  du  Transvaal  —  dans  le  bassin  du  Llmpopo  pour  étudier  la  pos- 
sibilité d'établir  une  route  à  wagons  jusqu'à  ce  fleuve,  navigable  dans 
toute  la  partie  inférieure  de  son  cours,  et  pour  acquérir  des  notions  pré- 
cises sur  la  population  de  la  région  qui  s'étend  entre  les  derniers  établis- 


—  334  — 

sements  européens  et  le  Limpopo.  Les  explorateurs  ont  eu  à  traverser 
de  vastes  étendues  boisées,  n'ofirant  ni  forêts  proprement  dites,  ni  gran- 
des  plaines  découvertes, nommées  massavas  parles  indigènes, marécages 
verdoyants  en  été,  lorsque  les  rivières  coulent  avec  impétuosité  après  la 
saison  des  pluies,  mais  d'un  aspect  aride  en  hiver,  après  quelques  mois 
de  sécheresse,  quand  Therbe  a  jauni,  que  les  rivières  ont  cessé  de  couler, 
et  que  leur  lit  desséché  ne  présente  plus  que  de  loin  en  loin  une  flaque 
d'eau  ombragée  de  grands  arbres.  Souvent  même,  à  la  suite  d'un  incendie 
allumé  par  des  chasseurs  boêrs  ou  par  des  indigènes,  le  sol  est  couvert 
au  loin  de  cendres  noirâtres  ;  le  feu  n'a  respecté  que  les  arbres  de  haute 
futaie;  tout  le  reste  est  calciné.  Le  récit  de  M.  Gautier  nous  fait  con- 
naître les  vallées  de  la  Tabi  et  du  Schinguézi,  affluents  de  l'Oliphant- 
River,  le  principal  tributaire  du  Limpopo  ;  les  bateaux  peuvent  remonter 
de  l'océan  Indien  jusqu'au  confluent  de  ces  deux  grands  cours  d'eau.  Il 
nous  introduit  dans  la  demeure  de  Shilowa,  chef  de  la  population  la  plus 
dégradée  qu'il  ait  jusque-là  rencontrée  en  Afrique,  nombreuse  malgré 
l'aspect  misérable  du  pays  où  sont  dressées  les  huttes  de  ces  sauvages, 
pour  qui  les  hommes  blancs  sont  un  spectacle  tout  nouveau,  et  qui  pren- 
nent les  voyageurs  pour  les  esprits  de  leurs  ancêtres  revenus  sur  terre 
pour  les  visiter.  Il  nous  montre,  sur  les  bords  du  Schinguézi,  des  Mag- 
wambas,  surnommés  par  le^  Boêrs,;Knopnausen  (nez  boutonné),  en  rai- 
de  l'usage  bizarre  de  se  faire  des  incisions  depuis  le  haut  du  front  jus- 
qu'au bas  du  nez,  ce  qui  leur  défigure  entièrement  le  visage  en  y 
formant  une  ligne  de  boutons.  Ces  indigènes,  de  mœurs  très  douces, 
font  déjà  partie  de  l'empire  d'Oumzila;  Us  vivent  essentiellement  de 
chasse;  les  antilopes,  les  sangliers,  les  autruches,  les  girafes  et  les  buffles 
sont  encore  assez  abondants  dans  cette  région;  les  lions  et  les  hyènes  s'y 
rencontrent  aussi.  A  mesure  que  diminueront  ]es  buffles,  dans  les  excré- 
ments desquels  la  tsétsé  dépose  ses  œufe,  on  peut  espérer  voir  diminuer 
aussi  cette  mouche,  vrai  fléau  comme  on  sait  pour  les  bêtes  de  somme. 
D'après  le  récit  de  M.  Gautier,  elle  se  tient  de  préférence  dans  les  lieux 
abrités  du  vent  et  où  la  température  est  élevée.  Quoique  la  chaleur  fût 
ardente  et  que  les  nuits  fussent  froides,  le  thermomètre  marquant  par- 
fois 32°  et  même  38°  de  jour,  tandis  qu'au  lever  du  soleil  il  n'indiquait 
que  2°  Va  grâce  à  l'absence  de  pluie  pendant  cette  excursion,  les  voya- 
geurs purent  rentrer  à  Valdézia  sans  avoir  eu  à  souffrir  de  la  fièvre. 

Les  délégués  du  Transvaal,  arrivés  en  Angleterre,  ont  remis  à 
lord  Derby  un  mémoire  sur  les  réclamations  qu'ils  sont  chargés  de  pré- 
senter au  gouvernement  anglais.  D'après  les  journaux,  ces  réclamations 


—  335  — 

portent  :  V  sur  un  changement  du  nom  de  TÉtat  du  Transvaal,  tel  que 
Ta  fixé  la  convention  conclue  avec  le  gouvernement  anglais,  en  celui  de 
République  du  sud  de  T  Afrique  ;  2^  sur  la  remise  de  la  somme  dont  le 
Transvaal  s'est  reconnu  débiteur  envers  l'Angleterre  par  la  convention  ; 
3**  sur  la  question  de  la  suzeraineté  de  la  couronne  d'Angleterre  ;  et  4° 
sur  celle  du  protectorat  que  le  gouvernement  britannique  s'est  réservé 
sur  les  populations  indigènes  du  Transvaal  et  des  territoires  voisins. 

La  situation  des  missionnaires  de  la  Société  rhénane  dans  le  Dama- 
raland  devient  très  précaire.  Les  Héréros  ne  pouvant  point  recevoir  de 
munitions  par  Wallfishbay,  où  le  fonctionnaire  anglais  exerce  à  cet  égard 
une  surveillance  stricte,  tandis  que  leurs  adversaires,  les  Namaquas,  en 
obtiennent  du  Cap  autant  qu'ils  en  veulent,  ces  derniers  peuvent  exercer 
leurs  razzias  sur  les  bœufs  des  Héréros,  sans  que  ceux-ci  puissent  leur 
opposer  grande  résistance.  Des  missionnaires  même  sont  exposés  à 
leurs  actes  de  pillage  et  s'attendent  à  devoir  quitter  le  pays.  D'autre 
part  les  héritiers  du  voyageur  Andersen,  mort  en  1867,  semblent  déci- 
dés à  faire  valoir  un  acte  de  donation,  par  lequel  le  chef  Kamahéréro  lui 
aurait  cédé  les  meilleures  places  du  Damaraland,  entre  autres  Otyo- 
zondyupa  avec  tout  le  territoire  montagneux  d'alentour.  Le  fils  d'Ander- 
son  a  remis  son  affaire  à  deux  juristes  de  Capetown,  qui  ont  envoyé  l'acte 
susmentionné  à  deux  des  Européens  les  plus  âgés  de  Okozondyé,  en  leur 
demandant  si  réellement  ce  document  avait  été  ainsi  rédigé,  et  si  Kama- 
héréro le  reconnaîtrait  encore.  Pour  peu  que  la  réclamation  devienne 
sérieuse,  il  en  résulterait  pour  le  pays,  d'après  le  témoignage  des 
blancs,  une  perturbation  plus  grande  encore  que  celle  qu'a  causée  la 
guerre.  En  effet,  les  chefs  en  possession  des  places  et  des  pâturages 
cédés  ne  voudront  pas  reconnaître  la  donation  qui  en  a  été  faite.  Il  paraît 
hors  de  doute  que  l'acte  qui  la  stipule  n'a  pas  eu  lieu  d'une  manière 
légale  ;  à  côté  de  la  signatiu'e  d'Anderson,  il  n'en  porte  aucune  d'autres 
Européens,  quoique,  à  l'époque  où  il  a  été  rédigé,  il  y  en  eût  dans  la 
localité  ;  il  est  revêtu  de  la  signature,  c'est-à-dire  une  croix,  de  Kama- 
héréro, et  de  celle  de  quelques  indigènes  au  service  d'Anderson.  Kama- 
héréro a  confirmé  la  donation;  mais  les  chefs  d'Okozondyé,  dont  il  a 
aussi  fait  cession  disent  :  «  Kamahéréro  n'a  aucun  droit  de  donner  notre 
pays  ;  de  toute  ancienneté  il  nous  appartient  ;  nous  l'avons  défendu  au 
prix  de  notre  sang.  Quoique  nous  ayons  quelquefois  suivi  le  conseil  de 
Kamahéréro,  il  n'a  jamais  rien  eu  à  dire  ici.  Lorsque  cet  acte  a  été 
rédigé,  il  venait  seulement  d'être  reconnu  comme  chef  du  pays  sur  lequel 
il  règne  maintenant.  » 


—  336  — 

Le  gouverneur  de  Saint-Paul  de  Loanda  a  fait  occuper  Maseu^bi  et 
le  territoire  qui  s'étend  jusqu'au  Chîloango  et  à  la  Luisa-Loango,  deux 
rivières  qui  se  réunissent  à  50  kilom.  de  la  côte,  et  se  jettent  dans  la 
mer  près  de  Landana,  à  30  kilom.  environ  de  Punta-Negra  et  de  la  baie 
de  Loango,  dont  les  Français  ont  pris  possession.  Un  traité  a  été  conclu 
avec  le  roi  de  la  localité;  il  prohibe  l'esclavage,  garantit  la  liberté  com- 
merciale à  tous  les  étrangers,  proclame  la  liberté  de  conscience,  et 
assure  protection  aux  missions  scientifiques. 

L'expédition  polonaise,  dirigée  par  le  capitaine  Rog^ozlnakl,  a  acquis 
l'île  de  Mandoleh,  dans  la  baie  de  Cameroon,  pour  y  établir  une  station.  De 
là  une  partie  de  son  personnel  s'est  rendue,  au  mont  Cameroon,  puis  à 
Bakoundou  sur  la  rivière  Moungo,  pour  y  passer  la  saison  des  pluies.  Le 
Courrier  de  Varsovie  a  publié  une  lettre  du  chef  de  l'expédition,  datée 
de  6akoundou-ba-Namwidi,  le  20  août.  Rogozinski  organisait  sa  cara- 
vane pour  s'en  aller  à  la  recherche  des  lacs.  Il  comptait  envoyer  à  la 
côte  le  rapport  sur  son  voyage  par  ses  nègres,  qu'il  considérait  comme 
la  poste  la  plus  sûre.  «  Les  nègres,  dit-il,  ne  perdent  jamais  de  papiers, 
parce  qu'ils  croient  que  là  où  tombe  un  papier  écrit  par  un  Européen, 
un  fétiche  surgit  immédiatement.  »  Il  a  expédié  pour  le  musée  de  Varso- 
vie des  collections  ethnographiques,  se  réservant  de  rapporter  lui-même 
les  collections  zoologiques.  Malgré  la  pluîe,  la  santé  de  ses  gens  était 
bonne,  et  il  espérait  voir  les  lacs  dont  les  indigènes  lui  parlaient. 

Le  D' Bayol,  nommé  récemment  aux  fonctions  de  lieutenant-gouver- 
neur du  Sénégal,  établira  sa  résidence  à  Benty  et  aura  à  sa  disposition 
un  vapeur,  pour  pouvoir  se  transporter  sur  les  différents  points  de  son 
gouvernement,  depuis  la  Cazamance  jusqu'aux  Scarcies.  Sa  connaissance 
du  pays  et  des  populations  africaines  est  un  gage  de  succès  pour  le 
développement  de  la  colonie.  On  a  profité  cette  année  de  la  saison  des 
hautes  eaux, pour  faire  remonter  à  Khayes  des  steamers  conmie  jamais  le 
haut  fleuve  n'en  avait  porté  ;  on  a  pu  ainsi  expédier  dans  cette 
région  une  grande  quantité  de  matériel,  et  une  partie  du  personnel  qui 
doit  prendre  part  aux  travaux  du  chemin  de  fer  *.  En  même  temps  on 
formait  la  colonne  qui  doit  aller  ravitailler  le  poste  de  Bamakou.  Elle 
emmènera  avec  elle  un  bateau  à  vapeur,  démonté  en  un  grand  nombre 
de  pièces  dont  la  plus  lourde  ne  dépasse  pas  50  kilogr.;  il  sera  remonté  à 
Bamakou  et  lancé  sur  le  Niger  pour  en  compléter  l'exploration. 

*  Le  steamer  Aîésia^  de  Marseille,  transporte  à  Dakar  750  ouvriers  pour  les 
travaux  de  la  ligne  de  Dakar  à  Saint-Louis. 


—  337  — 

NOUVEUâES  COMPLÉMENTAIRES 

Un  service  rapide  Tient  d'être  institué  entre  Marseille  et  Alger  ;  il  y  aura  deux 
Toyages  par  semaine,  le  mardi  et  le  samedi,  effectués  par  quatre  paquebots  à 
grande  vitesse,  qui  feront  la  traversée  en  29  ou  80  heures. 

Le  D^  Junker  adû  revenir  en  Europe,  pour  rétablir  sa  santé  compromise  par  son 
séjour  de  quatre  ans  et  demi  dans  les  bassins  du  Bahr-el-Ghazal  et  de  l'Ouellé. 

Les  missionnaires  romains,  partis  de  Zella  pour  le  Choa,  y  sont  heureusement 
arrivés  et  ont  été  reçus  avec  bienveillance  par  Ménélik,  qui  les  a  installés  à  Ali- 
namba,  lieu  de  marché  où  aboutissent  les  caravanes  de  Zella  et  d'Harar. 

Aux  dernières  nouvelles  reçues  de  J.  Thompson  à  Zanzibar,  l'explorateur  anglais 
se  trouvait  à  Wandarobo,  mais  rencontrait  des  difficultés  de  la  part  de  ses  gens> 
terrorisés  par  les  Masaïs. 

Le  Hewry  Wright,  destiné  au  service  des  stations  missionnaires  anglaises  de  la 
côte  orientale,  est  arrivé  à  Zanzibar  le  21  septembre. 

D'après  le  Church  Miasùmary  Intelligence  and  Eé|port,  la  mort  de  Mtésa  n'est 
point  confirmée.  Les  missionnaires  anglais  envoyés  pour  renforcer  la  station  de 
l'Ouganda  ont  dû  arriver  à  Roubaga  ;  Lukongué,  roi  de  l'Ile  Oukéréoué,  a  cordia- 
lement invité  deux  d'entre  eux  à  se  rendre  chez  lui. 

Un  correspondant  du  Friend  of  the  Free  State  écrit  à  ce  journal  que  la  tsétsé  a 
disparu  de  la  route  du  Transvaal  à  la  baie  de  Delagoa,  où  quantité  de  wagons  se 
rendent  maintenant  pour  y  chercher  les  marchandises  d'Europe,  dont  naguère 
encore  on  allait  se  pourvoir  à  Durban  par  une  route  beaucoup  plus  longue.  La 
nouvelle  route  a  tout  en  sa  faveur  :  la  baie  est  commode  et  sûre,  les  droits  sont 
peu  élevés,  la  distance  jusqu'à  Lydenbourg  courte,  et  la  nature  du  pays  est  telle 
que  l'on  peut  se  servir  de  bœufs  tout  l'hiver  pour  les  transports. 

Le  renversement  de  Cettiwayo  a  plongé  le  Zoulouland  dans  un  vrai  chaos. 
Enivré  par  ses  succès,  Usibepu  a  mis  le  pays  à  feu  et  à  sang;  il  s'empare  de  tous 
.les  territoires  limitrophes  à  sa  portée  et  refuse  de  reconnaître  l'autorité  du  gou- 
vernement britannique.  D'après  une  dépêche  de  Durban,  une  partie  de  son  armée 
a  été  mise  en  déroute  par  une  bande  de  Zoulous,  sous  le  commandement  du  chef 
Umnyamana. 

L'acquisition  d'un  territoire  à  Angra  Pequena  par  la  maison  Lûderitz  de  Brème 
et  l'installation  de  ses  agents,  rencontrent  une  certaine  opposition  de  la  part  des 
colons  anglais  du  Cap,  dont  les  relations  commerciales  avec  cette  partie  de  la 
côte  se  sentent  menacées  par  la  concurrence  allemande. 

Le  D'  Hôpfner,  jeune  géologue,  chargé  par  le  gouvernement  de  l'empire  alle- 
mand de  faire  des  recherches  minéralogiques  dans  l'Ovampo  et  le  Damaraland, 
est  revenu  à  Berlin.  Dans  une  séance  de  la  Société  de  géographie  de  cette  ville, 
il  a  rendu  compte  de  son  voyage  de  Mossamédès  à  Humpata,  puis  au  delà  du 
Canéné  jusqu'aux  villages  du  Damaraland,  avec  retour  à  Wallfishbay.  Il  repartira 
prochainement  pour  la  même  région. 


—  338  — 

Les  explorateurs  portugais  Capello  et  Ivens  ont  été  chargés,  par  leur  gouyeme- 
ment,  de  reprendre  la  suite  de  leur  exploration  et  d'achever  les  cartes  et  relevés 
topographiques  de  la  partie  septentrionale  de  la  province  d'Angola  et  du  territoire 
qui  s'étend  jusqu'au  Congo.  Us  doivent  partir  de  Lisbonne  le  6  décembre. 

Le  lieutenant  Wissmann  est  parti  pour  le  Congo,  accompagné  par  le  D'  Wolff 
et  par  deux  frères,  MM.  Mûller,  lieutenants  tous  les  deux. 

M.  Humblot,  naturaliste  français,  est  chargé  d'explorer  au  point  de  vue  bota- 
nique les  bassins  du  Congo,  de  l'Ogôoué  et  du  Gabon. 

Le  P.  Augouard  est  parti  de  Landana  pour  aller  fonder  une  station  à  Brazza- 
ville. 

S^vorgnan  de  Brazza,  dont  la  mort  a  été  annoncée  par  erreur,  était  le  3  novembre 
à  Franceville  sur  l'Ogôoué,  tandis  que  son  aide,  le  D"*  Ballay,  allait  descendre  par 
l'Alima  au  Congo  avec  une  chaloupe  à  vapeur  ;  de  son  côté,  M.  Mizon,  naguère 
préposé  à  l'une  des  stations  de  l'Ogôoué,  se  rendait  vers  Mayombé  par  le  QuîUou, 
étudiant  la  route  directe  entre  l'Atlantique  et  le  Congo.  Le  ministère  de  l'instruc- 
tion publique,  d'accord  avec  celui  de  la  marine,  a  fait  partir,  par  le  Niger, 
MM.  Dufourcq,  Labeyrie,  Faucher,  Coste,  Didelot,  Manas  et  Froment,  pour  ren- 
forcer les  postes  du  littoral  et  de  l'Ogôoué. 

Le  Congrès  géographique  et  colonial  espagnol,  réuni  en  novembre  à  Madrid, 
s'est  occupé  de  la  question  de  la  colonisation  de  Fernando-Po  et  de  l'exploitation 
de  cette  tle  pour  la  production  de  café,  cacao,  sucre,  coton,  tabac,  etc. 

Un  télégramme  de  Madère  annonce  que  plusieurs  canonnières  anglaises  de  la 
station  des  côtes  de  Guinée  ont  fait  une  expédition  sur  le  Niger,  et  qu'elles  ont  bom- 
bardé les  deux  villes  d'Ado  et  d'Ëgan,  à  180  et  à  360  kilom.  de  l'embouchure  du 
fleuve,  pour  punir  le  roi  d'Ado  de  sa  conduite  envers  des  sujets  anglais. 

Le  D'  M&hly  se  propose  de  faire,  avec  le  missionnaire  Muller  d'Abouri,  un 
voyage  de  reconnaissance  le  long  du  Yolta  jusqu'à  Salaga,  où  se  trouvent  diffé- 
rentes tribus  otschis  pacifiques,  afin  de  préparer  une  extension  urgente  de  l'œuvre 
de  la  Société  de  Bàle  à  l'intérieur,  et  d'étudier  la  possibilité  d'installer  des  stations 
dans  des  localités  plus  salubres. 

La  guerre  civile  de  l'Achanti  s'est  terminée  par  le  triomphe  du  prince  Quacoe 
Duah,  le  protégé  des  Anglais,  qui  retient  prisonnier  Calcalli,  l'ancien  roi,  détrôné 
par  ces  derniers  en  1874  et  dont  les  partisans  ont  été  massacrés.  Quant  au  roi 
Mensah,  il  est  tombé  dans  un  profond  mépris. 

Les  ingénieurs  anglais  chargés  des  travaux  préparatoires  pour  la  pose  du  câble 
sous-marin  de  Cadix  à  Ténériffe,  qui  doit  avoir  un  embranchement  sur  le  Sénégal, 
ont  procédé  aux  travaux  d'atterrissement  à  Ténériffe.  On  pense  que  l'Europe  sera 
reliée  au  Sénégal  en  janvier  prochain. 

M.  Satumino  Zimenes,  chef  de  l'expédition  espagnole  au  N.-O.  de  l'Afrique,  est 
revenu  à  Madrid,  après  avoir  exploré  la  côte  de  Santa-Cruz  de  Mar  Pequena  et 
l'intérieur  du  Maroc  jusqu'à  Mequinez  et  à  Fez. 


—  339  — 

LES  GRANDES  VOIES  FLUVIALES  DE  L'AFRIQUE 

En  annonçant  (p.  255)  le  mémoire  de  M.  Stevenson,  nous  avions  l'in- 
tention de  revenir,  plus  tôt  que  Taboodance  des  matières  ne  nous  Ta  per- 
mis, sur  l'importante  question  des  voies  fluviales  africaines,  au  point  de 
vue  de  l'exploration  et  de  la  civilisation  de  la  zone  équatoriale.  Impor- 
tante en  eflfet,  puisqu'un  des  grands  obstacles  au  progrès  de  l'œuvre 
scientifique  et  humanitaire  qui  s'y  poursuit  s'est  trouvé  dans  la  diffi- 
culté et  dans  le  coût  des  transports  par  terre.  Tout  le  monde  sait  les 
embarras  que  causent  aux  explorateurs,  aux  négociants  et  aux  mission- 
naires, l'obligation  de  se  servir  de  caravanes  de  porteurs  chargés  dlnnom- 
brables  colis  de  marchandises  d'échange,- de  provisions,  d'instruments, 
etc.  On  n'ignore  pas  non  plus  l'insuccès  des  tentatives  faites  pour  créer 
des  routes,  bien  vite  recouvertes  par  une  végétation  exubérante,  et 
pour  substituer  aux  porteurs  des  bêtes  de  somme,  éléphants,  bœufe  ou 
ânes,  bientôt  victimes  du  climat  ou  de  la  tsétsé.  Quant  aux  frais  de  trans- 
port, le  seul  chiflire  de  10,000  fr.  la  tonne,  de  Zanzibar  au  Tanganyika, 
suffit  pour  faire  comprendre  l'immense  transformation  que  subira  Tœuvre 
africaine  lorsque,  pour  pénétrer  au  cœur  du  continent,  on  pourra  adopter 
les  grandes  voies  fluviales  qui  y  conduisent. 

H  va  sans  dire  que  de  longtemps  il  ne  pourra,  en  fait  de  navigation 
sur  les  fleuves  de  l'Afrique,  être  question  de  rien  de  semblable  à  ce  qui 
existe  sur  le  Rhône,  le  Rhin  ou  le  Danube  pour  TEurope,  sur  le  Missis- 
sipi  ou  l'Amazone  pour  l'Amérique,  sur  les  fleuves  de  l'Inde  ou  de  la  Chine 
pour  l'Asie.  Le  relief  du  continent  africain,  avec  son  vaste  plateau  ceu- 
tral  bordé,  sur  presque  toute  sa  périphérie,  de  plusieurs  terrasses  qui 
ne  laissent  entre  elles  et  la  mer  qu'une  zone  de  terrain  bas  plus  ou  moins 
étroite,  crée,  pour  tous  les  fleuves  venant  de  l'intérieur,  des  séries  de 
rapides  ou  de  cataractes  qui  ne  permettent  de  songer,  pour  aucun 
d'eux,  à  une  navigation  non  interrompue  jusque  dans  la  région  de  leur 
cours  supérieur,  comme  c'est  le  cas  pour  les  grandes  artères  fluviales  des 
autres  parties  du  monde.  Le  Niger  seul  pourra  faire  exception.  Ce  n'est 
pas  que  ce  grand  cours  d'eau  soit  exempt  de  rapides,  infranchissa- 
bles pour  les  bâtiments  réclamés  aujourd'hui  par  la  navigation  accélérée  ; 
les  cataractes  de  Boussa  sont  encore  un  obstacle  insurmontable  aux  va- 
peurs, mais  peut-être  réussira-t-on  un  jour  à  les  faire  disparaître,  et  à 
établir  une  conmiunication  continue  des  bouches  du  Niger  jusque  près  de 
Bamakou.  En  attendant  il  m  serait  point  impossible,  à  des  vapeurs  d'un 
faible  tirant  d'eau,  de  pénétrer  à  l'époque  des  hautes  eaux,  par  le  grand 


—  340  — 

affluent  du  Niger,  le  Bénoué,  et,  par  le  Mayo-Kebbi  et  les  marais  de 
Toubouri,  jusqu'au  lac  Tchad,  et  de  là,  par  le  Chari  et  TOuellé  jusque 
dans  le  voisinage  du  Nil  Blanc  \  soit  à  plus  de  3000  kilom.  de  Tocéan  Atlan- 
tique. Mais,  au  point  oii  nous  ont  conduits  les  explorations  de  Megel  d'un 
côté,  et  celles  de  Junker  et  de  Casati  de  Tautre,  nous  ne  pouvons  encore 
rien  dire  de  positif  à  cet  égard. 

Il  n'en  est  paô  de  même  des  trois  autres  grands  fleuves  de  l'Afrique, 
le  Nil,  le  Zambèze  et  le  Congo.  Toutefois  avant  d'entrer,  avec  M.  Ste- 
venson, dans  l'étude  de  la  navigabilité  de  ces  grandes  voies  civilisatrices, 
qu'il  nous  soit  permis  de  faire  remarquer  que  si,  au  point  de  vue  des 
rapides  ot  des  cataractes,  l'Afrique  ofbre  une  infériorité  relativement 
aux  autres  continents,  d'autre  part,  la  disposition  de  ses  grands  cours 
d'eau  lui  crée  un  avantage  que  les  autres  parties  du  monde  ne  présen- 
tent pas,  celui  de  pouvoir,  sauf  quelques  interruptions,  pénétrer  du  nord, 
de  l'est  et  de  l'ouest,  par  eàu,  jusqu'au  cœur  du  continent.  En  Europe, 
en  Asie  et  en  Amérique  des  chaînes  de  montagnes  ont  opposé  aux 
communications  rapides  des  obstacles  que  la  science  a  surmontés,  mais  à 
quel  prix  !  et  encore,  les  frais  de  transport  par  les  chemins  de  fer  du  Mont- 
Cenis  et  du  Saint-Gothard,  comme  par  ceux  des  montagnes  Rocheuses 
et  des  Andes,  dépasseront  toujours  le  coût  des  transports  par  eau,  même 
avec  transbordements,  que  l'on  pourra  établir  sur  les  fleuves  de  l'Afrique. 

n  est  naturel  que  nous  commencions  par  le  Nil,  le  mieux  connu,  et 
celui  sur  lequel  existent  déjà  des  communications  régulières  par  bateaux 
à  vapeur.  En  effet,  cette  grande  artère  qui  s'étend  du  nord  au  sud,  de  la 
Méditnrranée  jusqu'au  delà  de  l'équateur,  est  navigable  jusqu'à  la  pre- 
mière cataracte,  près  d'Assouan,  à  plus  de  1100  kilom.  de  la  mer.  Il  est 
vrai  qu'à  partir  de  ce  point,  sur  un  parcours  de  1000  kilom.  environ, 
jusque  près  de  Ehartoum,  il  n'y  a  pas  moins  de  six  cataractes  ou  rapi- 
des. Aussi  a-t-on  eu  l'idée  de  faire  un  chemin  de  fer  d'Assouan  à  Ghendi; 
le  tracé  en  a  été  levé,  mais  on  n'en  a  construit  que  quelques  kilomètres. 
Un  projet  d'écluses  pour  franchir  les  cataractes  a  aussi  été  conçu,  et 
les  plans  en  ont  été  dressés,  mais  on  n'y  a  pas  donné  suite.  L'idée  de 
Gordon-pacha,  de  gagner  le  Haut-Nil  par  la  voie  de  Souakim  sur  la 
mer  Bouge,  a  beaucoup  plus  d'avenir  ;  c'est  la  route  que  prennent  les 

^  D'après  une  carte  d^Emiii*bey,  goaTerneur  des  proyinces  éqaatoriales,  publiée 
dans  la  dernière  livraison  des  MittheUungen  de  Grotha,  an  affluent  du  Nil-Blanc 
prend  sa  source  dans  la  même  région  que  le  Kibali,  cours  supérieur  de  l'OueUé. 
(Voir  la  carte,  page  116). 


—  341  —, 

voyageurs  et  les  caravanes  ;  c'est  aussi  celle  qu'a  suivie  le  corps  expédi- 
tionnaire envoyé  au  Soudan.  Une  ligne  de  vapeurs  réguliers  relie  déjà 
l'Europe  &  Souakim,  où  l'on  n'est  plus  éloigné  de  Berber  que  de  400 
kilom.  en  ligne  directe.  La  route  actuelle  qui  unit  ces  deux  localités,  et 
par  laquelle  les  transports  se  font  avec  des  chameaux,  traverse  un  pays 
désert,  coupé  de  temps  à  autre  par  des  chaînes  rocheuses  ;  toutefois  une 
voie  ferrée  pourrait  y  être  construite  sans  difficultés  pour  les  ingénieurs  ; 
seulement  il  faudrait,  pour  éviter  une  étendue  de  sables  mouvants,  faire 
un  détour  qui  porterait  la  longueur  de  cette  ligne  à  450  kilom. 

A  partir  de  Berber,  le  Nil  s'étend  jusqu'à  Lado  sur  le  Nil-Blanc,  à  une 
distance  de  1450  kilom.  en  li^ne  droite,  sans  autre  interruption  qu'un 
rapide  franchissable,  à  l'endroit  que  Ton  appeUe  la  sixième  cataracte. 
L'altitude  de  Ehartoum,  en  amont  de  ce  point,  étant  de  378  m.  et  celle 
de  Lado,  de 465  m.,  la  différence  n'est  que  de  87  m.,  sur  un  parcours  de 
1550  kilom.,  soit  une  moyenne  de  0"  05  environ  par  kilomètre.  Le  lit  du 
fleuve  est  profond;  çà  et  là  seulement  il  est  étroit.  De  Ehartoum  à 
Fachoda,  le  Nil  traversant  des  terrains  en  grande  partie  couverts  de 
forêts,  les  rives  en  sont  fermes.  De  Fachoda  à  Lado,  en  revanche,  il  est 
entouré  de  grands  lacs  et  de  marais,  ce  qui  ne  permet  d'aborder  que 
sur  un  petit  nombre  de  points  ;  dans  ces  marécages,  la  végétation  déta- 
chée des  rives  pendant  l'inondation  forme,  au  confluent  du  Bahr-el- 
Ghazal,  un  grand  dépôt  qu'on  appelle  le  SuM^  et  dont  il  faut  empêcher 
l'accumulation,  sans  quoi  l'on  devra  recommencer  souvent  les  travaux 
considérables  de  Marno  et  de  Gessi.  Mais  cet  inconvénient  disparaîtra, 
quand  les  communications  seront  devenues  plus  fréquentes,  et  que  l'on 
aura  pris  des  mesures  pour  écarter  les  obstructions  dès  qu'elles  com- 
menceront à  se  produire. 

Quant  aux  affluents  des  deux  rives,  on  peut  à  peine  considérer  l'At- 
bara  comme  navigable,  mais  le  Nil-Bleu  peut  être  remonté  jusqu'à  envi- 
ron 500  kilom.  de  son  embouchure,  et  le  Sobat  l'a  été  par  des  vapeurs, 
sur  un  parcours  de  320  kilom.,  à  l'époque  de  la  crue.  D'autre  part  le 
Bahr-el-Ghazal  et  le  Djour  sont  navigables  plus  de  la  moitié  de  l'année 
pour  de  petits  vapeurs,  jusqu'à  Meshra-el-Rek  et  à  Wau,  et  le  Bahr-el- 
Arab  jusqu'au  25*  50'  long.  E.  de  Paris. 

En  approchant  de  Lado  et  de  Gondokoro  on  entre  dans  la  région  mon- 
tagneuse et  la  navigation  devient  difficile,  jusqu'au  moment  où  elle  est 
complètement  arrêtée  par  un  exhaussement  du  iiiveau  général  du  pays  ; 
les  rapides  de  Fola,  qui  s'étendent  sur  un  parcours  de  plus  de  trois  kilo- 
mètres, sont  infranchissables;  mais  immédiatement  au-dessus,  àDufilé, 


—  342  — 

la  navigation  peut  reprendre  jusqu'à  Textrémité  sud  du  lac  Albert.  D 
est  vrai  que  les  rives  du  fleuve  sont  rendues  inabordables  par  la  végéta- 
tion de  papyrus  et  d'autres  plantes  aquatiques;  mais  le  courant  est  pres- 
que imperceptible.  A  droite  et  à  gauche  du  fleuve,  s'étend  un  pays  ondulé 
s'élevant  graduellement  vers  le  sud,  jusqu'au  niveau  du  grand  plateau 
central  qui  se  prolonge  dans  la  direction  du  Zambèze,  et  où  se  trouvent 
les  grands  lacs.  A  30  kilom.  en  amont  de  l'entrée  du  Nil  dans  le  lac 
Albert,  la  navigation  est  interrompue  par  les  chutes  de  Murchison, 
jusqu'à  Foveira,  à  40  kilom.;  là  il  devient  de  nouveau  navigable  jus- 
qu'aux chutes  de  Bipon,  près  du  lac  Victoria. 

La  navigation  à  vapeur  a  été  établie  sur  le  Haut-Nil  par  Samuel 
Baker.  En  1877  Gordon-pacha  y  avait  déjà  sept  steamers,  dont  les  uns 
étaient  de  60  tonnes.  Il  réussit  à  en  transporter  deux,  par  sections,  en 
amont  de  Dutilé.  Aujourd'hui,  il  y  a  dix  vapeurs  dans  les  parties  navi- 
gables du  Haut-Nil;  quelques-uns  sont  de  120  tonnes.  Tous  les  trois  mois 
un  steamer  part  de  Khartoum,  et  son  arrivée  à  Lado  correspond  avec  le 
départ  du  vapeur  qui  fait  le  service  de  Dufilé  à  Magoungo,  sur  le  lac 
Albert.  Qu'en  adviendra-t-il  à  la  suite  des  événements  actuels? 

En  résumé,  l'on  compte,  de  Souakim  à  Magoungo,  2660  kilom.  envi- 
ron, et  200  kilom.  de  plus  jusqu'à  l'extrémité  méridionale  du  lac  Albert; 
le  transport  par  terre  n'est  nécessaire  que  sur  un  parcours  de  600  kilom., 
tout  le  reste  a  lieu  par  vapeur^.  Il  est  probable  qu'on  pourra  faire  dispa- 
raître les  obstacles  que  présente  le  fleuve,  ou  tout  au  moins  qu'on  pourra 
réduire  le  portage  de  30  ou  50  kilom. 

Pour  pénétrer  dans  l'Afrique  centrale  par  la  côte  orientale,  la  grande 
voie  fluviale  est  le  Zambèze,  ou  mieux  encore  son  principal  afiluent  sur 
la  rive  gauche,  le  Chiré,  par  lequel  on  peut  atteindre  le  Nyassa  et  le 
Tanganyika,  et  obtenir  une  conmiunication  de  2000  kilom.,  dont  400  par 
ligne  de  terre,  et  1600  par  eau  (Voy.  la  carte,  ni"*  année,  p.  44). 

Livingstone,  le  premier,  s'efforça  dès  1861  de  surmonter  les  obstacles 
que  présentent,  sur  un  parcours  de  100  kilom.,  les  rapides  du  Chiré. 
Mais  ce  ne  fut  qu'en  1875,  que  la  mission  de  Livingstonia  réussit  à 
faire  transporter  le  petit  steamer  à  héUce,  l'iiaZa,  démonté  en  700  sec- 
tions, en  amont  de  ces  rapides,  ce  qui  permit  d'avoir  une  voie  par  eau 
de  640  kilom.  (160  par  le  fleuve  et  480  par  le  lac). 

De  Quilimane,  au  nord  de  l'embouchure  du  Zambèze,  la  navigation  se 
fait  par  la  Lady  Nyassa^  petit  vapeur-salon  qui,  par  la  rivière  Quaqua, 
transporte  les  voyageurs  en  une  semaine  jusqu'à  Katonga,  à  travers 


—  343  — 

une  plaine  d'alluvion,  où  le  fleuve  est  large,  mais  bas,  avec  un  portage 
à  Mazaro  pour  atteindre  le  Zambëze  proprement  dit,  un  peu  en  aval  du 
confluent  du  Ghiré,  dont  la  riche  vallée  a  une  largeur  de  25  à  30  kilom. 
A  gauche  s'élèvent  des  montagnes  qui,  en  quelques  endroits,  atteignent 
1500  et  même  2000  m.  A  Katonga,  une  route  de  3  m.  de  large,  longeant 
les  rapides  du  Chiré,  s'élève  graduellement  vers  Mandala  et  Blantyre, 
jusqu'à  une  hauteur  de  1000  m.,  puis  redescend  vers  Matopé,  sur  le 
Haut-Ghiré  à  500  m.  d'altitude.  Le  chef  makololo  Ghipitoula  fournit 
des  porteurs  qui,  par  cette  route,  transportent  les  marchandises  en  qua- 
tre jours.  De  Matopé,  VHala  remonte  le  fleuve  et  le  lac  jusqu'à  Karon- 
ga,  en  une  semaine,  mais  en  jetant  l'ancre  chaque  soir  dans  un  des  mouil- 
lages de  la  côte  occidentale.  De  Karonga,  une  route  en  pente  douce 
s'élève  jusqu'à  1400  m.,  sur  un  plateau  qui  s'étend  à  des  milliers  de  kilo- 
mètres à  l'ouest  et  au  sud.  Jusqu'à  Zombé,  à  250  kilom.,  on  pourra 
employer  des  wagons  et  des  bœufs,  la  tsétsé  ne  se  rencontrant  pas  dans 
cette  région  ;  elle  reparaît  à  Zombé,  d'oîi  il  y  aura  encore  22  kilom.  de 
portage.  Le  vapeur  la  Bonne  Nouvelle  doit  être  airivé  a\i  Tanganyika, 
qu'il  pourra  parcourir  jusqu'à  son  extrémité  septentrionale  en  une 
semaine. 

Quant  à  la  voie  du  Zambèze  proprement  dit,  depuis  son  confluent  avec 
le  Chiré  jusqu'aux  rapides  de  Kebrabasa,  le  lit  du  fleuve  est  large  et  peu 
profond  ;  aussi  Serpa  Pinto  pensait-il  que,  au  point  de  vue  d'une  route 
commerciale,  le  Ghiré  serait  préférable,  quoiqu'il  y  ait  144  kilom.  de  por- 
tage jusqu'à  Tété.  Livingstone  apu,  cependant,  aux  hautes  eaux,  remon- 
ter le  Zambèze,  et  les  vapeurs  de  l'African  Lakes  Company  font  le 
voyage  de  Tété  en  dix  jours.  En  amont,  les  rapides  de  Kebrabasa,  de  64 
kilom.  de  longueur,  sont  infranchissables.  Au  delà,  on  a,  jusqu'aux  gorges 
de  Kariba,  sur  un  parcours  de  424  kilom.,  une  voie  fluviale  pour  des  stea- 
mers d'un  faible  tirant  d'eau.  A  50  kilom.  en  aval  de  ces  gorges,  la 
Eafoué  rejoint  la  rive  gauche  du  Zambèze,  et  Serpa  Pinto  dit  que,  d'après 
les  reuseignements  fournis  par  les  natifs,  elle  est  navigable  jusqu'à 
Kayinga  (368  kilom.),  station  commerciale  importante,  d'où,  par  un  por- 
tage de  256  kilom.,  on  arrive  à  Lialui,  résidence  du  roi  des  Barotsés  sur 
le  Haut-Zambèze,  dont  une  partie  aussi  est  navigable.  Le  cours  moyen  du 
grand  fleuve  est  obstrué  par  des  cataractes,  des  chutes  Victoria  aux  gor- 
ges de  Kariba,  mais,  depuis  Impaiera  en  amont  des  chutes  sus-mention- 
nées,  on  entre  dans  le  Chobé  lequel,  d'après  Serpa  Pinto,  offre  une  route 
fluviale  de  1000  kilom.  environ,  qui  permet  de  remonter  jusque  près  des 
sources  de  cette  rivière,  la  plus  importante,  dit-il,  pour  le  développement 
futur  de  cette  région  (Voy.  III*  année,  p.  54,  et  la  carte  p.  64). 


—  344  — 

Au  point  de  vue  des  relations  commerciales  par  le  Zambèze,  il  faut  se  rap- 
peler qu'en  1877  le  gouvernement  de  Lisbonne  a  établi,  pour  la  province 
de  Mozambique,  un  tarif,  d'après  lequel  les  marchandises  en  transit  doi- 
vent payer  un  droit  de  3  Vo  ;  toutefois,  ce  tarif  n'ayant  point  été  confirmé 
par  des  traités  internationaux,  peut  être  modifié  selon  le  bon  plaisir  des 
autorités  portugaises..  En  outre,  les  Portugais  se  servant  de  leurs  colonies 
africaines  comme  de  lieux  de  déportation,  permettent  aux  déportés  de 
s'établir  à  l'intérieur  ;  si  ceux-ci  y  commettent  des  méf&dts  et  qu'on  s'en 
plaigne,  l'autorité  répond  qu'ils  sont  en  dehors  du  territoire  portugais. 
Leurs  descendants,  désignés  sous  le  nom  de  demi-caste,  sont  une  cause 
de  trouble  pour  les  populations  environnantes.  A  l'époque  de  Livings- 
tone,  le  demi-caste  Bonga  était,  par  ses  actes  de  piraterie,  le  fléau  du 
Zambèze.  Un  autre  demi-caste,  Mariano,  ravagea  par  le  fer  et  le  feu 
toute  la  vallée  du  Chiré,  pour  y  faire  des  esclaves  de  traite.  Peu  avant 
l'établissement  du  tarif,  il  s'installa  à  l'embouchure  du  Chiré,  d'où  il 
chercha  à  chasser  Ghipitoula  et  les  autres  che&  makololos,  qui,  quoi- 
qu'ils ne  fussent  pas  des  souverains  parfaits,  ont  préservé  la  vallée  des 
maraudeurs  Mangones  ou  Zoulous,  ainsi  que  des  Portugais  demi-caste. 

La  route  entre  les  lacs  Nyassa  et  Tanganyika  traverse,  près  de  ses 
sources,  le  Tchambezi,  cours  supérieur  du  Congo.  Quoique  M.  James 
Stewart,  l'ingénieur  de  la  route,  ait  constaté  que,  dans  la  première  partie 
de  son  cours  il  n'est  pas  navigable,  il  n'en  reste  pas  moins  une  voie 
par  eau  de  160  kilom.  que  l'on  pourra  descendre  avec  de  petits  vapeurs 
jusqu'au  lac  Bangouéolo,  et  même  jusqu'au  lac  Moero. 

Mais  c'est  par  la  côte  occidentale  que  s'ouvre,  à  la  science  et  à  la  civi- 
lisation, celle  des  routes  fluviales  africaines  qui  paratt  avoir  le  plus 
d'avenir,  le  Congo,  reconnu  déjà  par  Stanley  sur  une  longueur  de  plus 
de  1000  kilom.,  de  l'embouchure  jusqu'au  confluent  de  l'Ikelemba.  U  est 
vrai  qu'une  série  de  cataractes  en  brise  le  cours  sur  une  étendue  de 
224  kilom.,  de  Yivi  à  Stanley-Pool  ;  mais,  dans  cette  partie  même,  entre 
Isangila  et  Manyanga,  Stanley  a  pu  établir  des  communications  par 
vapeurs  sur  une  distance  de  118  kilom.,  pour  unir  deux  sections  de 
route,  de  Yivi  à  Isangila,  et  de  Manyauga  à  Stanley-Pool,  où  les  rapides 
étaient  infranchissables.  Aujourd'hui,  les  membres  des  expéditions  belges 
peuvent  faire  le  voyage,  de  l'embouchure  du  Congo  jusqu'à  Vivi 
(184  kilom.),  par  des  vapeurs  de  toutes  dimensions  ;  de  Yivi  à  Isangila, 
(83  kilom.),  par  la  route  taillée,  en  quelques  endroits  à  grand  peine  et 
à  grands  frais,  dans  les  rochers  qui  surplombent  le  fleuve  ;  d'Isangila  à 
Manyanga  (118  kilom.),  par  petit  steamer,  et  de  Manyanga  à  Stanley- 


—  345  — 

Pool  (152  kilom.),  par  terre,  le  long  d'une  route  plus  jEacile,  établie  sur 
la  rive  méridionale.  De  Léopoldville  à  Ikengo,  la  dernière .  des  stations 
actuelles  de  Stanley  (580  kilom.))  le  fleuve  est  large,  assez  profond  pour 
que  des  vaisseaux  aussi  gros  que  ceux  du  Mississipi  puissent  y  circuler  ; 
semé  d'îles,  il  n'a  aucun  de  ces  Ilots  flottants  qui,  sur  d'autres  fleuves, 
rendent  la  navigation  périlleuse.  Plusieurs  stations  intermédiaires  fondées 
à  Msouata,  à  Bolobo,  à  Loukoléla,  dans  les  endroits  oU  la  population  est 
le  plus  dense,  sans  en  compter  d'autres  moins  importantes,  peuvent  déjà 
être  considérées  soit  comme  des  bases  d'opération,  pour  l'exploration 
spéciale  de  telle  ou  telle  partie  du  fleuve  et  des  affluents  voisins ,  soit 
comme  des  centres  de  commerce  ;  tout  au  moins  comme  des  lieux  de 
marché,  où  les  natife  des  environs  apportent  leurs  produits  pour  les 
échanger  contre  les  marchandises  de  provenance  européenne;  ou  bien 
encore  comme  des  foyers,  d'où  l'influence  missionnaire  s'étendra  peu  à 
peu  parmi  les  tribus  d'alentour,  pour  y  porter  les  bienfaits  de  la  civili- 
sation chrétienne.  Les  missionnaires  baptistes  et  ceux  de  la  Livingstone 
Inland  Mission, dont  les  stations  de  Underhill,Palabella,Banza-Mautéka, 
Bainesville,  Loukoungo  et  Arthington  sont  sur  la  rive  gauche  du  fleuve, 
suivent  une  route  de  caravanes  sur  la  même  rive^ 

De  la  station  de  Msouata,  à  140  kilom.  de  Léopoldville,  Stanley  et 
Johnson  ont  déjà  pu  rectifier  la  direction  d'un  affluent  du  Quango,  émis- 
saire du  lac  Léopold  II,  ainsi  que  la  situation  de  ce  lac.  Tandis  que, 
d'après  les  premières  indications,  l'un  et  l'autre  se  dirigeaient  du  S.-E. 
au  N.-O.,  la  carte  fournie  par  Johnson  aux  Proceedingë  de  la  Société  de 
géographie  de  Londres  place  le  lac  du  1°,40'  au  2 '',20',  lat.  S.  dans 
une  direction  N.-E.  S.-O.,  que  conserve  son  émissaire,  la  Wabouma, 
à  peuprès  jusqu'à  son  confluent  avec  le  Quango. 

A 126  kilom.  en  amont  de  Msouata  est  la  station  de  Bolobo,  et,  147  kil. 
plus  haut,  celle  de  Loukoléla  ;  enfin,  remontant  le  fleuve  au  delà,  sur  un 
pa-rcours  de  168  kilom.,  on  rencontre  celle  d'Ikengo,  près  de  l'embou- 
chure de  la  Mobinda,  le  plus  grand  des  affluents  méridionaux  du  Congo. 
C'est  vraisemblablement  entre  cette  station  et  l'extrémité  septentrio- 
nale du  lac  Léopold  II,  que  Stanley  a  découvert  le  lac  Mantoumba,  dont 
.  il  parle  dans  une  de  ses  dernières  lettres,  sur  les  bords  duquel  la  popula- 
tion est  si  nombreuse,  qu'involontairement  on  est  amené  à  la  comparer 
à  celle  qu'ont  rencontrée  Pogge  et  Wissmann  dans  leur  voyage  de 
Muquengué  à  Nyangoué. 

Peut-être,  pendant  que  nous  écrivons,  tel  ou  tel  des  vapeurs  de  Stan- 
ley a-t-il  dépassé  l'équateur  pour  remonter  à  600  kilom.  au  delà,  jus- 


—  346  — 

qu'aux  chutes  qui  portent  son  nom,  en  aval  de  Nyangoué.  Les  renseigne- 
ments qui  lui  ont  été  fournis  sur  les  dispositions  des  tribus  en  amont 
d'Ikengo,  permettent  d'espérer  que  la  navigation  pourra  s'établir  sur 
tout  le  cours  moyen  du  grand  fleuve,  sans  rencontrer  l'hostilité  qui  s'est 
déclarée  contre  l'explorateur  lors  de  sa  descente  du  Congo.  D  a  tous  les 
moyens  nécessaires  pour  explorer  non  seulement  le  fleuve  lui-même, 
mais  encore  ses  principaux  affluents  septentrionaux,  la  Bangala,  l'Ukéré, 
l'Arouimi,  ainsi  que  ceux  de  la  rive  gauche,  la  Mobinda,  l'Ikelemba  et 
le  Sankourou.  Les  vapeurs  des  missionnaires  baptistes  et  de  la  Living- 
stone  Inland  Mission,  le  Peace  et  le  Henry-Beed,  contribueront  pour 
leur  part  à  la  reconnaissance  hydrographique  de  cet  immense  bassin, 
et  serviront  à  propager  la  civilisation  jusque  dans  les  parties  les  plus 
reculées  du  centre  africain,  sans  parler  du  steamer  que  Brazza  trans- 
porte par  l'Alima,  et  qui  sera  probablement,  avant  peu,  rejoint  jyar 
d'autres. 

Wissmann,  de  son  côté,  mettra  certainement  au  service  de  S.  M.  le 
roi  des  Belges,  qui  l'envoie  au  Congo,  toute  l'expérience  qu'il  a  acquise 
dans  son  premier  voyage.  On  peut  supposer  que  plusieurs  des  grands 
affluents  de  ce  fleuve,  surtout  ceux  de  la  rive  méridionale,  ne  pourront 
pas  être  remontés  jusqu'à  leur  cours  supérieur  ;  quelques-uns  pourront 
avoir  des  cataractes,  comme  celles  qui  ont  empêché  le  major  de  Mechow 
de  descendre  le  Quango  jusqu'à  son  embouchure  dans  le  Congo  ;  mais 
peut-être  aussi  tel  d'entre  eux,  le  Sankourou,  par  exemple,  sera-t-il 
navigable  jusqu'au  cœur  du  continent,  et  l'apparition  de  steamers  au 
milieu  de  tribus  réputées  cannibales  leur  imposera-t-elle  un  respect  salu- 
taire, qui  assurera  la  tranquillité  des  blancs,  et  leur  permettra  de  fonder 
là  aussi  des  stations  scientifiques,  civilisatrices  et  commerciales. 

Quant  à  la  rive  s,eptentrionale,  si  la  pente  de  ce  plateau  est  plus  ou  moins 
analogue  à  celle  de  la  partie  oti  coule  l'Alima,  navigable  jusqu'à  son  con- 
fluent avec  le  Congo,  on  est  en  droit  d'espérer  que  les  vapeui's  pourront 
remonter  les  autres  affluents  jusque  très  avant  dans  l'intérieur,  et  que 
l'on  arrivera  à  déterminer  bientôt  les  limites  septentrionales,  encore  bien 
vagues  du  bassin  du  Congo.  D'après  la  grandeur  des  pirogues  et  le  déve- 
loppement des  flottilles  des  indigènes,  en  particulier  de  celles  des  rive- 
rains de  l'Arouimi,  on  peut  légitimement  supposer  qu'il  y  a  là  encore 
une  voie  fluviale  navigable  sur  quelques  centaines  de  kilomètres. 

Comme  voie  d'accès  au  Congo  nous  devrions  mentionner  le  Quillou- 
Niari,  le  long  duquel  sont  de  nombreuses  stations  françaises  et  belgei>. 
Mais,  nous  l'avons  déjà  dit,  (Voy.  III"'  année,  p.  279  et  carte  p.  288), 


—  347  — 

l'étude  de  cette  rivière,  au  point  de  vue  de  la  navigation,  est  à  faire,  les 
rapides  de  son  cours  inférieur  paraissant  devoir  être  un  obstacle  absolu. 
M.  EDiot  pourrait  donner  des  renseignements  sur  le  cours  moyen,  le  long 
duquel  il  a  créé  des  établissements,  mais  il  ne  nous  est  parvenu  aucun  rap- 
port des  découvertes  qu'il  a  pu  y  faire,  ni  de  l'importance  de  cette  route. 
Toutefois  le  fait  qu'il  a  jugé  bon  d'y  fonder  plusieurs  stations,  semble 
prouver  qu'il  ne  la  croit  pas  inutile  pour  les  communications  à  établir 
de  l'Atlantique  à  Stanley-Pool. 

Les  dernières  lettres  de  Stanley  ont  montré  avec  quelle  rapidité  ont 
marché  les  progrès  de  l'exploration,  depuis  l'installation  de  ses  trois 
vapeurs  à  Stanley-Pool.  Sans  doute  il  peut  y  avoir  des  moments  d'arrêt  : 
néanmoins  on  peut  entrevoir  un  avancement  plus  rapide  encore,  lors- 
que, des  stations  fondées  le  long  du  fleuve  et  de  ses  affluents,  au  nord  et 
au  sud,  partiront,  dans  toutes  les  directions,  des  expéditions  chargées 
chacune  d'explorer  spécialement  telle  ou  telle  partie  encore  inconnue  de 
ce  vaste  territoire.  Elles  devront  tôt  ou  tard  se  rencontrer  avec  les  explo- 
rateurs, les  missionnaires  et  les  commerçants  qui  remonteront,  les  uns 
le  Nil,  jusqu'à  Meshra-el-Rek  et  Wau,  les  autres  le  Niger,  le  Benoué',  le 
Chari  et  l'Ouellé  jusqu'au  Kibali,  d'autres  encore  le  Chiré,  le  Nyassa  et 
le  Tanganyika,  pour  venir,  par  le  Loukouga  et  le  Loualaba,  tendre  la 
main  aux  pionniers  qui  s'avancent  vers  Nyangoué  par  la  grande  artère 
du  Congo. 

PARTIE  DE  L'AFRIQUE  VOISINE  DU  DÉTROIT  DE  BAB-EL-MANDEB 

La  carte  qui  .accompagne  ce  numéro  représente  la  vaste  plaine  qui 
commencé  au  bord  de  la  mer  Rouge  et  du  golfe  d'Aden,  et  s'arrête  au 
pied  de  la  formidable  barrière  des  monts  d'Abyssinie,  dont  la  pente  du 
côté  oriental  est  si  forte,  qu'on  peut  les  comparera  un  véritable  rempart, 
tandis  qu'à  l'ouest  Us  vont  mourir  doucement  sur  le  plateau  abyssin. 
Limitée  au  nord  par  la  mer ,  la  plaine  se  continue  au  sud  de  Harar,  en 
s'élevant  peu  à  peu  pour  constituer  bientôt  le  plateau  des  Somalis.  Du 
reste  sa  surface  est  très  accidentée.  Au  sud ,  notre  carte  indique  des 
montagnes  hautes  de  1300  à  3200  m.,  mais  plus  au  nord  se  trouvent  des 
dépressions  au-dessous  du  niveau  de  la  mer.  L'une  d'elles,  la  plus  forte, 
celle  du  lac  Assal  ( — 174  m.),  est  située  à  une  faible  distance  de  l'océan 
Indien  ;  elle  n'en  est  séparée  que  par  un  petit  isthme  et  un  rideau  de 
montagnes,  dont  l'une,  le  mont  Gudah,  a  914  m.;  l'autre  dépression,  la 
plaine  salée  d'Asale  ( —  61  m.),  est  plus  éloignée  de  la  mer,  et  le  fond 


—  348  — 

de  la  cuvette  est  ici  occupé  par  le  lac  Alelbad.  Ces  deux  lacs  se  trouyeift 
aux  deux  extrémités  d'une  vaste  région,  parcourue  par  des  nomades 
appartenant  aux  tribus  des  Assab-Gallas,  des  Dogas,  des  Baias-Gallas, 
des  Aoussas,  et  qui  est  encore  complètement  inconnue.  Rien  ne  dit  que 
)es  explorations  futures  ne  nous  révéleront  pas  là  une  vaste  dépression, 
comparable,  pour  Timportancè,  à  celle  de  la  mer  Morte. 

Depuis  que  l'Italie  s'est  établie  à  Assab  et  que  la  France  cherche  à 
donner  de  l'extension  à  sa  colonie  d'Obock,  l'attention  se  porte  de  ce  côté, 
et  ce  qui  le  montre,  c'est  le  grand  nombre  de  voyageurs  dont  notre  carte 
indique  les  itinéraires.  Nos  lecteurs  auront  là  un  tableau  complet  de  ce 
qui  s'est  fait  jusqu'à  ce  jour,  et  de  l'état  actuel  des  connaissances  géo- 
graphiques pour  cette  région.  Nous  devons  dire,  cependant,  que  l'on 
n'y  trouvera  pas  marqués  les  voyages  d'Antonelli  (d'Assab  au  Choa  p«r 
le  pays  des  Aoussas),  de  Soleillet  (d'Obock  au  Choa  par  la  môme  région), 
non  plus  que  ceux  d'Aubry  et  de  Hamon,  dont  notre  journal  a  récemment 
parlé  (p.  87).  Le  manque  de  données  positives  et  complètes  sur  ces 
explorations  nous  a  empêchés  d'en  dresser  les  itinéraires  d'une  manière 
précise.  Quant  à  ceux  de  Lucereau,  de  von  Mtiller  et  de  Sacconi  (de 
Zeïla  à  Harar),  nous  les  avons  confondus  avec  celui  de  Giuliettî.  La 
route  a  été,  en^eifet,  si  bien  ouverte  par  ce  dernier,  que  l'on  peut  pen- 
ser que  les  explorateurs  qui  accomplissent  le  même  voyage,  et  qui  n'in- 
diquent pas  d'une  manière  spéciale  leur  itinéraire ,  se  bornent  à  sui- 
vre les  traces  de  leur  vaillant  prédécesseur. 


BIBLIOGRAPHIE 


Carte  du  Haut-Senrgàl,  dressée  sous  la  dii*ection  du  commandant 
Derrien  et  d'ime  mission  topographique.  Cartes  spéciales,  plans  de 
villes,  de  gués,  et  prolils  entre  Bafoulabé  et  le  Niger.  19  feuilles.  —  La 
construction  de  la  carte  exacte  d'une  région  européenne  est  déjà  un  tra- 
vail compliqué  et  minutieux,  qui  exige  beaucoup  de  soins.  Aussi  peut-on 
se  rendre  compte  des  difficultés  sans  nombre  qu'a  dû  vaincre  la  brigade 
topographique,  placée  sous  les  ordres  du  commandant  Derrien,  pour 
lover  la  carte  au  Viooooo  du  pays  compris  entre  Médine  et  Kita.  La  végé- 

*  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  H.  Georg,  à  Genèye  et  à  B&le,  tous  les 
ouvrages  dont  il  est  rendu  compte  dans  V Afrique  explorée  et  emlisée. 


—  349  — 

tation  luxuriante,  la  nature  rocheuse  des  bords  du  Haut-Sénégal  et  sur- 
tout le  climat  brûlant  et  malsain,  ont  été  autant  d'obstacles  qu'il  a  fallu 
surmonter,  pour  faire  les  observations  nombreuses  au  moyen  desquelles 
les  officiers  français  ont  pu  dessiner  les  courbes  de  niveau,  de  20  en 
20  mètres,  pour  tout  le  territoire  voisin  du  fleuve.  D  est  bien  peu  de 
contrées  africaines,  hier  encore  inconnues,  dont  on  possède  un  relevé 
aussi  complet.  La  carte  est  divisée  en  6  feuilles,  qui  se  raccordent  entre 
elles  par  un  ajustement  fort  simple,  et  il  est  facile,  au  moyeu  de  ce  beau 
travail  et  des  profils  qui  l'accompagnent,  de  se  faire  une  idée  exacte  du 
Soudan  occidental.  On  peut  conclure  de  cet  examen,  que  la  hauteur  du 
pays  qui  sépare  le  Sénégal  du  Niger  est  plutôt  faible.  Les  monts  du 
Manding  ne  dépassent  pas  750  mètres,  et  la  ligne  de  £eiîte  entre  les  deux 
bassins  a  été  franchie  par  la  mission  à  Soknafi,  à  553  mètres  au-dessus 
du  niveau  de  la  mer.  De  là  le  terrain  descend  assez  rapidement  vers 
^  Bamakou  (dSl""),  mais  plus  lentement  dans  la  direction  de  Kita  (360"*) 
et  de  Bafoulabé  (135").  De  nombreux  plans  de  viHes  et  de  gués  au 
V50007  sur  lesquels  les  courbes  horizontales  sont  tracées  tous  les  5  mètres, 
montrent  quelle  a  été  l'activité  de  la  mission  durant  sa  campagne 
de  1880-1881. 

Mission  Galuéni.  Itinéraires  des  capitaines  Vallière  et  Piétri^  et 
carte  de  la  rive  droite  du  Niger.  11  feuilles.  —  On  sait  que  les  capitaines 
Vallière  et  Piétri,  qui  faisaient  partie  de  la  mission  Galliéni,  ont,  en 
1880-81,  parcouru  la  région  qui  sépare  le  Haut-Sénégal  du  Niger,  le 
premier  par  le  Bakhoy,  le  second  en  suivant  le  Ba-Oulé.  Us  ont  donné, 
de  leurs  itinéraires,  Vallière  4  croquis  au  Vaooooo»  ôt  Piétri  6  ;  mais  Val- 
lière a  dressé  en  outre  la  carte  au  V2»uooo  àxx  pays  situé  sur  la  rive  droite 
du  Niger,  entre  Tourella  sur  ce  fleuve,  et  Nango,  au  S.-O.  de  Segou- 
Sikoro.  Ce  relevé  présente,  surtout  dans  les  environs  de  Nango,  un 
nombre  considérable  de  localités,  qu'on  chercherait  en  vain  sur  les  cartes 
de  la  mission  Galliéni  publiées  jusqu'à  ce  jour.  Nous  n'avons  pas  besoin 
de  faire  ressortir  toute  l'importance  de  ces  plans,  construits  avec  une 
grande  précision,  et  qui  sont  toigours  accompagnés  de  profils  ou  de  la 
projection  verticale  de  la  route  parcourue.  En  les  examinant,  on  se  rend 
compte,  à  première  vue,  de  la  nature  accidentée  du  sol,  et  du  grand 
nombre  de  cours  d'eau,  pour  la  plupart  assez  puissants,  qui  l'arrosent. 
Les  affluents  de  la  rive  gauche  du  Niger,  par  exemple,  ont  tous  de 
20  à  30  mètres  de  large,  et  pourtant  leur  longueur  est  faible,  puisque  la 
chaîne  de  montagnes  d'où  ils  descendent  suit  de  très  près  le  fleuve. 


—  850  — 

D'autre  part,  le  terrain  n'est  point  stérile,  car  les  deux  voyageurs 
signalent,  le  long  de  leurs  itinéraires,  des  cultures  et  de  vastes  et  belles 
forêts;  pourquoi  faut-il  qu'ils  marquent  aussi,  à  chaque  instant,  les 
ruines  de  villes  et  de  villages,  incendiés  et  détruits  pendant  les  nom- 
breuses guerres  qui  ont  désolé  ces  contrées? 

Les  colons  du  Tanganyika,  par  Armand  Duharry,  Paris  (Firmin- 
Didot  et  C**),  1884,  in-18,  317  pages,  fr.  3.  —  L'Afrique  centrale  offre, 
pour  les  fictions  romanesques,  un  milieu  nouveau  que  les  auteurs  com- 
mencent à  exploiter.  Après  Une  aventure  à  Tomhonctou  (Voy.III*année, 
p.  245),  voici  une  nouvelle  œuvre  de  fantaisie  qui  nous  transporte 
cette  fois  dans  la  région  des  grands  lacs.  Les  nègres  semblent  avoir 
remplacé  les  Peaux-Rouges,  dont  Cooper  et  Gustave  Aymard  avaient 
fait  les  héros  de  leurs  romans  ;  on  quitte  les  savanes  américaines  pour 
le  Sahara ,  les  forêts  vierges  et  les  jungles  de  l'Afrique.  M  M.  Prévost- 
Duclos  et  Duban7  ouvrent  une  voie  nouvelle,  qui  paraît  devoir  être 
féconde.  Du  reste,  c'est  la  même  méthode  de  composition.  Là  encore,  la 
bonne  étoile  et  la  carabine  des  blancs  triomphent  de  la  ruse,  des  flèches 
et  des  javelots  des  sauvages.  Cependant,  au  point  de  vue  géographique, 
les  romans  africains  ont,  jusqu'à  présent,  cet  avantage  sur  les  autres, 
qu'ils  font  connaître  au  lecteur  la  configuration  exacte  du  pays  où  l'ac- 
tion se  déroule,  ses  montagnes ,  ses  fleuves,  ses  lacs  et  ses  localités;  ce 
sontf  au  fond,  des  ouvrages  de  vulgarisation.  Il  faut  donc  remercier  les 
auteurs  susnommés  de  ce  qu'ils  s'en  tiennent  à  la  réalité,  quant  aux 
noms  et  aux  mœurs  des  peuples  chez  lesquels  ils  conduisent  leurs  héros. 

Le  livre  que  nous  avons  sous  les  yeux ,  nous  mène  sur  les  bords  du 
lac  Tanganyika ,  au  nord  d'Oudjiji.  Là,  un  Français  nommé  Delorme 
cherche  à  établir  une  station,  pour  y  apprivoiser  des  éléphants.  D  a 
pris  avec  lui  sa  femme  et  plusieurs  Européens,  et  ce  sont  les  aventures 
de  la  petite  troupe,  ses  querelles  avec  un  chasseur  anglais  et  avec 
deux  chefs  nègres ,  son  exploration  du  Tanganyika,  qui  remplissent  le 
volume.  A  la  fin,  Delorme,  qui  n'a  pu  domestiquer  qu'un  seul  éléphant^ 
cherche  à  atteindre  le  Victoria  Nyanza,  mais  il  n'y  parvient  pas  et  doit 
revenfr  à  la  côte,  par  Tabora.  Le  récit,  vivement  mené,  est  plein 
d'humour,  a  des  situations  dramatiques,  et  founnille  d'anecdotes  qui 
en  rendent  la  lecture  facile  et  intéressante. 


TA^BLE  DES  Mj^TIERES 

DE  LA  QUATRIÈME  ANNÉE 


BUIiliETIN  MENSUEL 


Pages  3,  37,  65,  93,  117,  149,  117,  201,  238,  257,  297,  329. 


CORRESPONDANCE 


Page» 
Lettre  du  nôgre  Ali*Mahoom 30 

Correspondance  de  Ehartoam 170 


Pages 
Lettre  de  Lisbonne  (sur  les  travailleurs 

â  Saint-Thomas) 198,  229 

Abandon  du  Darfour  par  TÉgypte 230 


ARTICLES  DIVERS 


L'œuvre  de  Stanley  au  Congo,  et  l'Asso- 
ciation internationale  africaine 22 

La  colonisation  européenne  en  Afrique. .       51 
Voyage  du  lieutenant  Wissmann  A  travers 

l'Afrique 81 

L'émigration  italienne  en  Afrique /    87 

Exploration  du  D'  Junker  sur  le  Haut 

Quelle 106,  140 

L'esclavage  &  Madagascar 167,  197 

Note  sur  la  carte  de  la  Sénégambie  au 
Niger 190 


La  part  des  Suisses  dans  l'exploration  et 

la  civilisation  de  l'Afrique 215 

Expédition  du  colonel  Borgnis-Desbordes, 

du  Sénégal  au  Niger,  par  A.  Demaffey.  247 
La  question  du  Congo  devant  l'Institut  de 

droit  international,  par  G.  Moynier.     272 

Elmina,  par  J.  Prost 311 

Les  grandes  voies  fluviales  de  l'Afrique . .  389 
Note  sur  la  partie  de  l'Afrique  voisine  du 

détroit  de  Bab-el-Mandeb 347 


BIBLIOGRAPHIE 


Amezaga  (de)  :  Assab 38 

Amieis  (de)  :  Marokko 36 

Assab.  Dooumenti  diplomatie! 38 

Audebert  (J.)  :  Beitrâge  sur  Kentniss  Ma- 

dagaskars 256 

Berthoud  (P.)  :  Buku  ya  Tsikwembo,  etc. 

et  Leçons  de  sigwamba 327 

Bnère  (A.)  :  Lettres  sur  le  Traos-Saha- 

rien 86 

Bwt  (Ch.)  :  Madagascar 175 

Carte  de  l'île  de  la  Réunion 146 


Carte  du  Haut-Sénégal 348 

Clamageran  (J.  J.)  :  L'Algérie 146 

Chambrier  (J.  de)  :  Du  Jura  A  l'Atlas. .  92 
Çhavanne    (J.)  :  Afrikas    Strôme   iind 

Flûsse 91 

ChavanTu  (J.)  :  Afrika  im  Liohte  unserer 

Tage 114 

Conferenze  tenutesi  in  Milano  nel  1883 .  294 

Crémazy  (L.)  :  Notes  sur  Madagascar . .  326 
DevenUr   (L,  van)  :  La  Hollande  et  la 

baie  de  Delagoa 147 


—  352  — 


Dévie  (M.)  :  Le  pays  des  S^ndjs 295 

Dvbcarry  (A)  :  Les  colons  dn  Tanganyika  850 
FcJtmgrtiber  (J.)  :  Ans  dem  Pharaonen- 

lande 89 

Gaffarel  (P.)  :  L'Algérie 68 

Oirard  :  Souvenirs  de  l'expédition  de  Ta- 

nisie 176 

Haimann  (O.)  :  Cirenaïca 33 

Hartmann    (R.)  :  Abyssinien    und   die 

âbrigen  Gebiete  -1er  Ostkfiste  Afri^kas  282 

Hervé  (J,)  :  L'Egypte 296 

Holvb  (K)  :  Siebta  Jahre  in  Afrika. . .  84 
Id.         und  Pelzen  (A.  von)  :  Bei- 

triige  znr  Ornithologie  Sûd-Afrikas. . .  84 
Jahresberichte  der  geographischen  GeselT- 

schaft  in  Bem 294 

Jonveaitx  (E.)  :  Deoz  ans  dans  l'Afriqne 

orientale 82 

LoivtUye  (E.  de)  :  L'Afriqne  centrale  et 

la  Conférence  de  Bmzelles 145 

Lux  (J.)  :  Trois  mois  en  Tunisie 82 

Michel  (L.)  :  Tnnis 174 

Mission  Galliéni.  Itinéraires  de  MM.  Val- 

liére  et  Piétri 849 

Pearee  (O.):  The  Kabyles 90 

Possessions  européennes  et  stations  civili- 
satrices         86 

Itinéraire  de  Wissmann  â  travers  l'Afri- 
que        92 

Explorations  du  D'  Junker  sur  le  Haut- 
Ouellé 116 


Pages 

FhiUbert  :  Algérie  et  Sahara.  Le  général 
Margueritte 147 

Pigeonneau:  L'avenir  commercial  de  la 
France  en  Afrique 148 

Question  du  Zaïre  (La).  Droits  du  Por- 
tugal      113 

Raffray  (A.)  :  Lee  églises  monolithes  de 
la  ville  de  Lalibéla 115 

lUvoyre  (D.  de)  :  Obock,  Mascate,  Bou- 
chire,  Bassorah 255 

Hobert  (F.)  :  Africa  als  Haiidelsgebiet.     254 

Ro/dft  (O.)  :  Meine  Mission  nach  Abes- 
sinien 173 

Societ  d'esplorasione  commerciale  in 
Africa 145 

Société  française  et  africaine  d'encourage- 
ment       200 

Stevenson  (J)  :  The  wather  highvays  of 
the  interior  of  Africa 255 

Twist  (Sir  Travers)  :  An  international 
protectorate  of  the  Congo  river 828 

VàOot  (J.)  :  Etudes  sur  la  ûore  du  Séné- 
gal      231 

Vinson  (J.)  et  IHve  (P.)  :  Voyage  extra- 
vagant d'Alger  au  Cap 231 


CARTES 


Routes  suivies  par  des  i!aropéeos  «ntre  la 
côte  de  Sénégambie  et  le  Niger 200 

Partie  de  l'Afrique  voisine  du  détroit  de 
Bab-«1-Mandeb 352 


F.  Novarm  eyàt  etciYilisée^.%No7amtre  idSi 


^c  Alelbad 


'avirons  dÀMob 
\tboul 


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00 


JOURNAL  MENSUEL 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE    ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIBIGK    PAR 

M.    Gastaye   HOTNIER 

Mi'uibre  de  la  OomiuiRBioii  iiiteriiatjonalo  de  BruxcUos  pour  IVxploratioii  et  1h  civilisation 
de  rAfriquc  centrale;  inenihrH  correspondant  des  îsocîétés  de  g.  ograpliie 

de  Marseille  ut  de  l'Ktst. 

RÉDIGÉ  PAR 

M.  Charles  FAURE 

Secrétnirc-BibUcthécalrc  de  la  Société  de  çôoë^raphio  de  Genève,  membre  cornspondaut  do  la  Société 

de  géographie  de  Lisbonne. 


L'Afr'uiue  paraît  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d'au 
moins  20  pages  chacune  ;  le  texte  est  accoaij)ajîné  de  cartes,  cliaque  foi*  que  cela 
parait  nécessaire. 

li'année  eommeuce  en  juillet. 

Le  prix  de  l'abonnement  annuel,  payable  d'avance,  est  de  dix  franes» 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  fUnion  postale  (premii're  xone);  pour  les 
autres,  11  fr.  5(). 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  sera  envoyé  «liuix  exemplaires  ji 
la  Direction,  aura  droit  &  un  compte  rendu. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  au  Directeur,  W.  Oustave  Ifloynicr, 
8,  rue  de  l'AtUénée,  À  Genève  (Suisse). 


S'adresser  pour    les  abonnements  à   l'éditeur.   M.  Jules  Sanhoz.   à 
Genève. 

On  s'abonne  aussi  : 

Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse  et  de  l'Allemagne. 

(Uiez  MM.  Sandoz  et  FiscHBACFiER,  éditeurs,  33,  rue  de  Seine,  à  Paris. 

Delagrave,  éditeur,  lo,  rue  Soutîlot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  éditeur,  4o,  rue  de  la  Hégenw»,  à  Bruxelles. 

Dumolard  frères,  i'orso  Vit torio  Ennnanuele,  21,  à  Milan. 

A. -M.  Mizzi,  rédacteur  de  V Erunom i}ite  de  Malt?,  à  Malte. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  pays 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Lettres  sur  le  Trans-SafaarieD,  par  F.  Abadîe.--  Coastantine  (Imp.  Marie),  1881, 
in-8<',  52  pages  et  carte. 

The  Languagea  of  Âfrîca,  by  Robert  N.  Ciist  (dans  le  «  Journal  of  the  Society  of 
arts,  London,  4  March,  1881). 

Association  française  pour  l'avancenient  des  sciences.  —  Notices  scientifiques,  histo- 
riques et  économiques  sur  Alger  et  PAlgérîe.  —  Alger  (Ad.  Jourdan),  1881,  iû-12, 
420  p.  x)n  deux  parties,  avec  plan. 

Abissinia,  giomale  di  un  viaggio  di  Pippo  Vigoni.  -^  Milano,  1881  (Ulricho  Hoepli), 
gr.  in-8^',246  p.  avec  illust.  et  carte,  fr.  8. 

Florentin  Loriot.  David  Livingstone  et  sa  mission  sociale.  —  Paris  (Cbaravay  frères), 
1881,  in-12,  830  p.,  avec  gravures  et  cartes,  fr.  3  50. 


ECHANGES  : 

Sociétés  de  aéographie  de  :  Anvers,  Berlin,  Bruxelles,  Halle,  Hambourg. 
Lille,  Lisbonne,  Lyon,  Madrid,  Marseille,  Montpellier,  Nancy,  Oran, 
Pai-is,  liochefort,  Rome,  Rouen»  Vienne. 

Sociétés  de  géograpliie  commerciale  de  :  Bordeaux,  Paris,  Rome. 

Missions  :  Journal  des  missions  évangéliques  (Paris);  Church  missionary 
intelligencer  and  record  ;  Missions-Blatt  (Barmen)  ;  Berliner  Missions- 
Bericnte  (Berlin)  ;  Missionary  Herald  (Boston)  ;  Bulletin  missionnaire 
(Lausanne);  Missions  évangéliques  au  XIX™*  siècle  (Neuchâtel); 
Journal  de  l'Unité  des  Frères  ^noraveâ]  (Peseux);  Heidenbote; 
Evan^elisches  Missions-Magazin  ;  GlaubensDOte  (Bâle)  ;  Cal wer  Mis- 
sions-Blatt (Calw)  ;  Missions  catholiques  ;  Annales  de  la  propagation 
de  la  foi  (Lyon)  ;  Allgemeine  Missions-Zeitschrift  (Giltersloh)  ;  Ame- 
rican missionary;  Foreign  missionary;  The  gospel  in  ail  lands  (New- 
York);  Missions  d'Afrique  (Alger);  The  régions  beyond;  Missionary 
Chronicle  (Londres). 

Divers  ;  Deutsche  Rundschau  fur  Géographie  und  Statistik  (Vienne); 
Exploration;  France  coloniale  (Paris);  African  Times;  Antislaverj 
reporter;  Aborigine's  friend  (Londi-es);  Esploratore  (Milan);  Mitthei- 
lungen  der  afrikanischen  Gesellschaft  m  Deutschland  (Berlin)  ;  Cosmos 
(Turin);  Aus  alleu  Welttheilen  (Leipzig) ;  Oesterreichische  Monats- 
schrift  filr  den  Orient  (Vienne)  ;  Âfrica  oriental  (Mozambique)  ;  Zeit- 
schrift  filr  wissenschaîtliche  Géographie  (Lahr)  ;  African  Repository 
(Washington);  Observer  (Monrovia)  ;  Le  Sahara  (Paris);  Bulletin  de 
l'Association  scientifioue  algérienne  (Alger)  ;  Jornal  das  colonias 
(Lisbonne)  ;  Boletin  de  la  Exploradora  ( Vitoria)  ;  0  Africano  (Qui- 
limane);  Revue  scientifique  (Paris);  Bulletin  du  Comice  agricole 
(Médéa);  Bulletin  de  l'Institut  géographique  international  (Berne); 
Bulletin  du  a  Club  africano  di  Napoli  »  (Naples). 


f 

SOMMAIRE 

Bulletin  mensuej .' 1 

Nouvelles  complémentaires 7 

Le  PALMIEB-DATTIER 8 

Expédition  du  D*"  Lbnz  au  Maroc  et  a  Tombouctou 12 

Bibliographie 20 

Lettres  sur  le  Trans-Saharien,  par  F.  Abadie 20 

Carte  : 

Itinéraire  du  D'  Lenz. 


1 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt, 


JOURNAL  MENSDEL  f^P^^' 

,ENÈVE.    J.    SANDOZ,-    EBlTE^r,     QBODL: 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE    ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

niRIGÉ   PAR 

H.    Gustave  MOTNISR 

Membre  de  la  CoimnisBion  internationale  de  Bruxelles  pour  Texploratiou  et  la  civiliBation 
de  rAfVique  cPiitrale;  membre  correspondant  des  Sociét^tt  de  géogi-aphie 

de  Marseille  et  de  l'Est. 

RÉDIGÉ  PAR 

M.  Charles  FAURE 

ISeorétaire-Bibliotbécaire  de  la  Société  de  géo|praphio  de  Genève,  membre  correspondant  de  la  Société 

de  géographie  de  Lisbonne. 


L'Afrique  paraît  le  pivrnitM*  lundi  do  chaque  mois,  par  livraisons  in -8»  d'au 
moins  20  pages  chacnno;  le  texie  es!  arcompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaiiv. 

I/ai|née  eonimeuee  eu  Juillet* 

Le  prix  de  ra]ionnemetit  annuel,  payable  d^avauée»  est  de  dix  f^raues* 

|K)rt  compris,  pour  tous  les  pays  de  l^lînion  postale  (prennt^re  zone);  pour  les 
autres,  H  fr.  50. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  TAfrique,  dont  il  sera  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  aura  droit  à  un  compte  rendu. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  au  Directeur,  IVff.  OnstaTe  Itfojrnierv 
S,  rue  de  l'Athénée,  à  Ctonève  (Snisse). 


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Genève. 

On  s'ahonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse  et  de  l'Allemagne. 
('hezMM.  Sandoz  et  Fischbachkr,  éditeurs,  33,  rue  de  Seine,  h  Paris. 

Delaoravr,  éditeur,  15,  rue  Soufllot,  à  Paris. 

MuQUAHOT,  éditeur,  45,  me  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  (iorso  Vittorio  Emmanuele,  21,  à  Milan. 

A. -M.  Mizzi,  rédacteur  de  VÉconomùte  de  Malte,  h  Malle. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  pays 


ÉCHANGES 


Sociétés  de  géographie. 


Anvers. 

Halle. 

Lisbonne. 

Marseille. 

Oran. 

Rome. 

Berlin. 

Hambourg. 

liyon. 

Montpellier. 

Paris. 

Rouen. 

Bruxelles. 

Ulle. 

Madrid. 

Nancy. 

Rocheforl. 

Vienne 

Bordeaux. 


Sociétés  de  géographie  commerciale. 


Paris. 


Rome. 


Missions. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). , 
('hurch  missionary  intelligenrer  and  F\e- 

cord  (Londres).* 
Missions -Blatt  (Bamien). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Missionary  Herald  (Boston). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XIX «"^  siècle 

(Neuchâtel).' 
iournal  de  l'Uni  lé  des  Frères  finoraves] 

(Peseux). 
Heidenbote  (BAle). 

Evangelisches  Missions -Magazin  (BAIe). 
GlaulH^nsbote  (Bâie). 


Calwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Allgemeine  Vissions-ZeiLschrift  ((îlflers- 

loh). 
American  missionary  (New -York). 
Foreign  missionary  (New-York). 
Gospel  in  ail  lands  (New- York). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Régions  beyond  (Loifidres). 
Missionary' Chronicle  (Londres). 
Monthly  Record  of  Ihe  Free  Church  of 

Scotland  (Edinbnrgh). 


Divers. 


Deutsche  Rundschau  fdr  Géographie  und 

Statistik  (Vienne). 
Exploration  (Paris). 
France  coloniale  (Paris). 
African  Times  (Londres). 
Antislavery  reporter  (Londres). 
Aborigine's  friend  (Londres). 
Ksploratore  (Milan). 
Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 

schaft  in  Deutschiand  (Berlin). 
(k)smos  (Turin). 

Ans  allen  Welttheilen  (Leipzig). 
Oesterreichische    Monatsscnrift   fUr  den 

Orient  (Vienne). 
Africa  oriental  (Mozambique). 
African  Repository  (Washington). 


Zeitschrift  fUr  wissenschaftiiche  Géogra- 
phie (Lahr). 

Observer  (Monro\ia). 

Le  Sahara  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

Boletin  de  la  Ëxploradora  (yiloria). 

0  Afric«ino  (Quinmane). 

Revue  scientifique  (Paris). 

Bulletin  du  (iOmice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  rinstitut  géographique  interna- 
tional (Berne). 

Bulletin  du  (Wnh  afrîcani  (Naples). 

Bulletin  de  T Académie  d'Hippone  (Bone). 


SOMMAIRE 

Page» 

Bulletin  mensi^ei 21 

Nouvelles  complémentaires 29 

Langues  de  l'Afrique 30 

Expédition  de  M.  James  Stewart  uv  Nyassa  au  Tanganyika 37 

Bibliographie 43 

Florentin  Floriot.  David  Livingstone  et  sa  mission  sociale. .  43 

Abbyssinia,  giornale  di  un  viaggio  di  Pippo  Vigoni 44 

Notices  scientifiques,  historiques  et  économiques  sur  Alger 

et  l'Algérie. 44 

Carte  : 

Carte  de  la  région  du  Nyassa. 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Conte  Luigi  Penaazzi.  —  Sudan  orientale.    -  Napoli  (Eorico  Detken),  18^1,  iD'12, 

50  p. 
The  Chmtian  Express,  a  journal  of  missionary  news  and  Christian  work.  —  Ijoya- 

dale,  South-Africa,  May  1,  1881,  vol.  XI,  n»  129,  in-4«. 
Uuiversities  mission  to  Central-Africa.  Rcpoi*t  for  1880-81 .  —  Londou,  thc  Mi^on 

Office,  19,  Delatray-street,  Westminster,  in- 12,  94  p.  et  carte. 
Africa,  a  Quarterly  Journal.  —  London  (S.-W.  Partridge  aud  C*",  9,  Paternoster- 

Row.),  July  1881,  n«  7,  in-é'». 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schucbardt. 


Ai 


JOURNAL  MENSliEL 

..     .1.    BANDOZ.    BDlTEtlB 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE    ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DI&IGÉ  PAR 

M.   Gustave  HOTNIEB 


MuAibrn  de  la  Oommission  intei-nationnlo  de  Bruxellos  pour  rexçloratlon  et  la  civilisation 
de  rAfriqno  centrale;  membre  correspondant  des  Sociétés  de  géographie 

de  Marseille  et  do  l'Est. 


EÉDIC^jê  PAR 

M.  Charles  FAUBE 


Secrétaire-Bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie  do  Gouève,-  membre  coiTCspondiint  do  la  Société 

de  géographie  de  Lisbonne. 


U Afrique  parallèle  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8«  d'au 
moins  20  pages  chacune;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
paraît  nécessaii-e. 

T/année  çommenee  en:  Jaillett  "^ 

Le  prix  de  1  abonnefnent  annuel,  payable  d'avance)  est  de  dix'  franes* 

port  c-ompris,  pour  toiîs  les  pays  de  l'Uuioiu  postale  (premier*^  zone);  pcmr  les 
autres,  il  fr.  50. 


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Tout  ouvrage  nouveau  relatif  k  TAfrique,  dont  il  sera  envoyé  deux  exemplaires  k 
la  Direction,  aura  droit  À  un  eampte  rendu. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  au  Directeur,  m.  Gustave  JIffoyniert 
89  rue  de  l'Athénée,  À  Genève  (Suisse). 


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Genève. 

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Chez  MM.  Sandoz  et  Fischbacher,  éditeurs,  33,  rue  de  Seine,  h  Paris. 

Delagrave,  éditeur,  15,  rue  Soufïlbt,  à  Paris. 

MVQUARDT,  éditeur,  45,  rue  de  la  Régence,  h  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  Corso  Vittorio  Emmanuele,  21,  h  Milan. 

A. -M.  Mrzzr,  rédacteur  de  VÉcmoinùte  df  Mallf,  à  Malle. 
Et  cliez  les  principaux  libraires  de  tous  pays. 


ECHANGES 


SociôiéB  de  géographie. 


Anvers. 

Halle. 

Lisbonne. 

Marseille. 

Oran. 

Rome. 

Berlin. 

HanilM)iirg. 

Lyon. 

Montpellier. 
Nancy. 

Paris. 

Rouen. 

Bruxelles. 

Lille. 

Madrid. 

Rochefort. 

Vienne 

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Sociétés  de  géographie  commerciale. 


Paris. 


Rome. 


Missions. 


Journal  des  missions  t^vangéliques  (Paris). 

(^hurch  missionary  intell ipencer  and  Re- 
cord (Londres).' 

Missions -Blatt  (Barmen). 

Berliner  Mi.ssions^Berichte  (Berlin). 

Missionary  Herald  j[Boston). 

Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 

Missions  évangôliques  au  XlX'ne  siècle 
(NeucMtel). 

Journal  de  TUnité  des  Frères  [moraves] 
(Peseux). 

Heidenhote  (BÂle). 

Ëvangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 

Glaubensbote  (BAIe). 

(lalwer  Missions -Blatt  (Calw). 

Missions  catholiques  (Lyon). 


Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Ailgemeine  Missions- Zeitschrift  (GUtei-s- 

loh). 
American  missionary  (New- York). 
Foreign  missoinary  (New- York). 
Gospel  in  ail  lands  (New-York). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Régions  beyond  (Londres). 
Missionary  Cbronicle  (Londres). 
Monthly  Record  of  tlie  Free  (Ihurch  of 

Scotland  (Ëdinburgb). 
Mission  Field  (Londres). 
Church  of  Scotland   borne  and   foreigti 

Missionary  Record  (Ëdinburgb). 
Missionary  Record  of  tbe  united  presby- 

terian  Ghurch  (Ëdinburgb). 


Divers.' 


Deutsche  Rundschau  fUr  Géographie  und 

Statistik  (Vienne). 
Exploration  (Paris). 
France  coloniale  (Paris). 
African  Times  (Londres). 
Antislavery  reporter  (Londres). 
Aborigine's  friend  (Londres). 
Ësploratore  (Milan). 
Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 

schaft  in  Deutschiand  (Berlin). 
(Cosmos  (Turin). 

Aus  allen  Welttheilen  (Leiozig). 
Oesterreichische    Monatsscnrift  ftir  den 

Orient  (Vienne). 
Africa  oriental  (Mozambique). 
African  ReiK>silory  (Washington). 


Zeitschrift  fUr  wissenschaflliche  Géogra- 
phie (Lahr). 

Observer  (Monrovia). 

Le  Sahara  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Jorual  das  colonias  (Lisbonne). 

Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

0  Africano  (Quilimane). 

Bévue  scientifique  (Paris). 

Bulletin  du  Comice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  l'Institut  géographique  interna- 
tional (Berne). 

Bulletin  du  Club  africain  (Naples). 

Bulletin  de  TAcadémie  d'Hippone  (Berne). 


• 


SOMMAIRE 

Page» 

Bulletin  mensuei 45 

Nouvelles  compléiiieiittiii'es 51 

Le  Ciiobk 53 

Le8  Pygmées  de  L'Afrique 58 

Bibliographie 63 

Conte  Luigi  Peuuazzi.  Sudan  orientale 63 

Du  Mont  Pappua  et  de  sa  synonymie  avec  le  .Djebel-Nadoi*, 

par  Alexandre  Papier. 64 

Zanzibar,  par  Alfred  Rabaud 64 

Carte.  : 

Bassin  du  Chobé. 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Zanzibar,  la  côte  orientale  d'Afrique  et  l'Afrique  équatoriale,  par  Alfred  Ilabaud. 
—  MarseUle,  1881,  in-8«»,  88  p.  et  2  cartes. 

Les  événements  de  Tunis.  Du  rôle  de  l'Italie  et  de  l'action  du  gouvernement  fran- 
çais, par  Paul  Melon.  —  Paris  (Rouviei;et  Logeât),  1881,  in-S**,  22  p. 

Beitrâge  zur  Entdeckungsgeschichte  Afrika's.  Viertes  Heft.  Hcisen  im  Sûdwest- 
lichen  Becken  des  Congo,  von  Otto  H.  Scliûtt.  Herausgegeben  von  Paul  Linden- 
berg.  Mit  3  Karten  von  Kiepert.  —  Berlin  (Dietrich  Reimer),  1881,  in-S*»,  180  p. 

Boletim  da  Sociedade  de  geographia  de  Moçambique.  —  Publicaçâo  mensal.  — 
l'«  série,  n^-  1  et  2,  juin  et  juiHet  1881,  in-8°. 

En  Tunisie.  Récit  de  l'expédition  française,  Voyage  en  Tiuiisie,  Histoire,  par 
Albert  de  la  Berge.  —  Paris  (Firmin  Didot  et  C%  1881,  in-18,  378  p.  et  cart4î. 
Fr.  3,  50. 

D*"  Ludwig  Leiclihardt's  Briefe  an  seine  Angehôrigen.  Herausgegeben  von  D'  8. 
Neumayer  und  Otto  Leichhardt.  —  Hamburg  (L.  Friederichsen  et  C**),  1881, 
in-8",  215  p.  avec  portrait  et  carte. 

Du  mont  Pappua  et  de  sa  synonymie  avec  le  Djebel  Kador.  Commentaire  sur 
Procope,  par  Al.  Papier.  —  Constantiiie  (typ.  L.  Arnolet),  1880,  in-8**,  31  p. 
et  planche. 


Geuè?e.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


p 


JOURNAL  MENSUEL 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

niRIfll-    PAR 

M.   Onstave  MOTHIEB 

Membre  de  la  CommiBsion  internationale  de  Brnxelloa  jponr  Pexploratton  et  la  civiliaaiion 
de  l'Afriqne  centrale;  membre  correspondant  dee  SociétcB  de  géographie 

de  Marseille  et  de  l'Est. 

RÉDIGÉ  PAR. 

M.  Charles  FAUBE 

Secrétaire-Bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie  de  Ocnère,  membre  corrc8])ondAnt  do  la  Société 

de  géographie  de  Lisbonne. 


L'Afrique  paraît  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-S»  d'au 
moins  ^  pages  chacune;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 

li'année  commenee  en  Juillet» 

Le  prix  de  Tabonnement  annuel,  payable  d'avaiiee,  est  de  dix  flranes» 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  l'Union  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  11  fr.  5Ô. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatifs  l'Afrique,  dont  il  sera  envoyé  deux  exeniplaires  à 
la  Direction,  aara  droit  à  un  eempte  rendu. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  au  Directeur,  Bf  •  Gustave  Iloyiiler, 
8,  rue  de  l'Athénée»  à  OenèTe  (Suisse). 


S'adresser  pour  les  abonnements  k  Téditeur,  M.  Jules  Sanooz,  à 
Genève. 

On  s*abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse  et  de  TAllemagne. 
Chez  MM.  Sandoz  et  Fischbachkr,  éditeurs,  33,  rue  de  Seine,  à  Paris. 

Drlagravb,  éditeur,  15,  rue  Soufllot,  h  Paris. 

MuQUAUDT,  tnliteur,  45,  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

Dumolard  frères,  (iOrso  Villorio  Enunanuele,  21,  ii  Milan. 

A. -M.  Mizzr,  rédacteur  de  VKconomUte  de  Malte,  à  Malte. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  pays 


ÉCHANGES 


Sociétés  de  géographie. 


Anvers. 

HUle. 

Lisbonne 

Berlin. 

Hambourg. 

Lyon. 

Bruxelles.' 

Lille. 

Madrid. 

Marseille. 

Montpellier. 

Nancy. 


Oran. 
Paris. 
Bocbeforl 


Rome. 

Rouen. 

Vienne 


Bordeaux. 


Sociétés  de  géographie  commerciale. 


Paris. 


Rome. 


Missions. 


Journal  des  missions  êvangéliques  (Paris) 
(Ihurch  missionary  intellijçencer  and  Re 

cord  (Londres). 
Missions -Blatt  ^Barmen). 
Berliner  Missions-Bt^richle  (Berlin). 
Missionary  Herald  (Boston). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évan|(éliques  au  XIX""*^  siècle 

(Neuchâtel). 
Journal  de  TUniti^  des  Frères  fnioraves] 

(Peseux). 
Heidenbote  (BAle). 

Evangeliscbes  Missions -Magazin  (Bâle). 
Glaubensbote  .(Bâle). 
Calwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Missions  catholiques  (Lyon). 


Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Allgemeine  Missions- Zeitscbrift  ((ÎCÎters- 

loh). 
American  missionary  (New-York). 
Foreign  uiissoinary  (New- York). 
Go.spel  in  ail  lands  (New- York). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Régions  beyond  (Londres). 
Missionary  Cbronicle  (Londres). 
Monthly  Ri'cord  of  tlie  Free  (]|iur.-h  of 

Scotland  (Edinburgh). 
Mission  Field  (Londres). 
(!!hurch  of  Sc/Otland   home  and   foreign 

Missionary  Record  (Edinburgh). 
Missionary  Record  of  the  nnited  presby- 

teriaii  Church  (Edinburgh). 


Divers. 


Deutsche  Rundschau  fHr  Geograplûe  und; 

Statistik  (Vienne). 
Exploration  (Paris). 
France  coloniale  (Pari-i).     *' 
Afriean  Times  (Londres). 
Antislavery  reporter  (Londres). 
Aborigine's  friend  (Londres). 
Ësploratore  (Milan). 
Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 

schaft  in  Deutschiand  (Berlin), 
("osmos  (Turin). 

Ans  allen  Welttheilen  (Leipzig). 
Oesterreichische    Monatssclirifl   fUr  den 

Orient  (Vienne). 
Africa  oriental  (Mozambique). 
Afriean  Reposilory  (Washington). 


Zeitschrifl  fUr  wissenschaftliche  Géogra- 
phie (Lahr). 

Observer  (Monrovia). 

Le  Sahara  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Jorna!  das  colonias  (Lisbonne). 

Boletin  de  la  Ëxploradora  (Vitoria). 

0  Africano  (Quifimane). 

Revue  scientifique  (Paris). 

Bulletin  du  Comice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  l'Institut  géographique  interna- 
tional (Berne). 

Bulletin  du  (llub  africain  (Naple.s). 

Bulletin  de  rAcadéinie  d'Hippone  (Bone). 


SOMMAIRE 

PaçTft 

BrLLETIN  MKNSITEI ()5 

Nouvelles  coinplémeiitaires. 72 

Les  acacias  gommiers  ex  Afrique 73 

Indications  hygiéniques 77 

BlBLIOCJRAPHlE  .^ 83 

Eli  Tunisie,  par  Albert  de  la  Berge 83 

Beitrâge  zur  Entdeckungsgeschichte  Afrika's,  von  Paul 

Liiulenberg 83 

Carte  : 

Province  d'Orau  et  territoire  marocain  de  la  frontière. 


OUVRAGES  REÇUS  : 

A  propos  ilu  railway  trans-saharicn.  Réflexions  et  observations  hygiéniques  et 
médicales,  par  Cli.-J.  Masse.  —  Paris  (Calmann-Lévy),  1881,  in-8",  73  p. 

De  Mogador  à  Biskra.  Maroc  et  Algérie,  par  Jules  Leclercq.  —  Paris  (Cliallamel 
aîné),  1881,  in-18,  258  p.  et  carte. 

Description  géographique  de  Tunis  et  de  la  Régence,  par  le  commandant  Vil  lot. 
—  Paris  (Challamel  aîné),  1881,  in-8",  48  p.  et  carte. 

Quatre  mois  dans  le  Sahara,  journal  d'un  voyage  chez  les  Touareg,  par  F.  Ber- 
nard. —  Paris  (Delagrave),  1881,  in-18,  170  p.  avec  illust.  et  carte.  Fr.  3,  60. 

Six  semaines  en  Algérie.  Notes  de  voyage  d^m  membre  du  congrès  scientifique 
tenu  à  AJgei-  en  1881.  —  Paris  (Vve  A.  Morel  et  C'»^),  1881,  in-8",  17a  p.  Fr.  B. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


JOURNAL  MENSUEL 

F:      .1  .     s  A  N  t»  O  Z  ,     K  D  1  T  E  l 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE    ET    CIVILISÉE 


.lOlJIINAL  MENSUEL 

DIRIOK   PA& 

M.    GastaTO  MOTNIEB 

Mcuilirn  de  l.i  Commission  intcrnfttionalo  de  Bnixellos  ponr  rcxplonUion  et  U  ciTlIisaiion 

d»  l'Afriquo  centrale;  memlifo  oorrespoiidant  de  rÀcadémie  d^Uippone, 

et  dos  Sociétcfl  de  géographie  de  Maraeillc  et  de  VEat. 

K&DÎQÉ  FA& 

M.  Charles  FAUBE 

Secrét;ilre-Bîl>riotli('cnîre  «Ir  la  Société  do  géogi-aphio  de  Genève,  momlire  coi-r>  spondant  do  la  Sociètû 

de  géographie  de  Lisbonne. 


L'Afrique  paraît  1;^  pivuiit^r  liuuli  île  chaque  mois,  ])ar  livraisons  in-S^  d'au 
moins  iO  pages  chanims  If^  l»*xte  est  acrompajrné  de  caries,  chaque  fois  que  c^la 
paraît  nt^cessaire. 

li^année  commence  en  Juillet* 

Le  prix  de  rahonnement  annuel,  payable  d*avanc69  est  de  dfx  francs» 

|>ort  c^impris,  nonr  Ions  les  pays  de  l'Union   poslale  ^première  zime);  ponr  I»ks 
antres,  H  h.''n). 


Tout  ouvrage  nimveau  relalif  à  l'Afrique,  dont  il  sera  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Dire4'ti(m,  aura  «IroH  î^  un  eampte  rendu. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  au  Directeur,  M.  Gustave  M aynler» 
8,  rue  de  rAtiténée»  à,  Genève  (Suisse). 


S'adresser  paur   les  abonnements  à  Téditeur,   M.  Jules  Saxdoz,  à 
Genève. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tons  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse  et  de  T Allemagne, 
('.hez  MM.  Sandoz  et  Fisohbachkr,  éditeurs,  33,  rue  de  Seine,  :i  Paris. 

Dëlagravk,  éditeur,  lo,  rue  Soutflot,  j'i  Paris. 

MuQUABDT,  éditeur,  45,  rue  de  la  Ré^'ence,  à  Bruxelles. 

DuMOLAUD  frères,  (^orso  Vitlorio  Kmmanuele,  21,  à  Milan. 

A. -M.  Mizzi,  ivdacteur  de  VÉrotiùwiMe  de  Malle,  à  Malte. 
Et  chez  les  principanx  libraires  de  ti»ns  pays 


ÉCHANGES 


Sociétés  de  géographie. 

Anvi?rs.  IIaii)lM)ur«r.  Madrid.  Mozambique.  Orau.  Rome. 

Berlin.  l^ille.  Marseille.  xVancy.  Paris.  Honeii. 

Bruxelles.  IJsbonue.  Montpellier.  New- York.      l{oc4iel\)rl.  Vienne. 

Halle.  Lvon. 


Sociétés  de  géographie  commerciale. 

Bfirdeaux.  Paris. 

Missions. 

Journal  des  missions  évangéliques  (Paris).  |  Glaubensbote  (Bâle). 

Bulletin  missionnaire  (Lausanne).  iChurch  missionary  Intellipeneer  and  Re- 

MLssions  évangMiques  au  XÏX«>«  siècle j     cord  (Londres).' 

(Neuchûtel).  'Missionary  Herald  (Boston),    v 

Journal  de  TUnitt^  des  Frères  [moraves] i  American  missionary  (New -York). 

(Peseux).  '  Foreign  missionary  (New-York). 

Missions  catholiques  (Lyon).  Régions  beyond  (ïiondres). 

Missions  d'Afrique  (Alger).  '  Cbronicle  of  the  London  Mijwionarv  So- 

Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon),      ciety  (Londres). 
Missions-Bl  )tt  (Barmen).  Monthly  R(^cord  of  the  Free  ('burrh  of 

lierliner  Missions-Bericbte  (Berlin).  Scotland  (Edimbourg). 

Heidenbote  (Bâle).  Missions  Field  (I^ondres). 

Evangelisehes  Missions -Ma  gazin  (Baie).    iChurch  of  Scotland   home  and   foreign 
Calwer  Missions -Blatl  (Halw).  Missionary  Record  (Edimbourg). 

Allgemeine  Mîssions-Zeit.<chrift  (GCIters-i  Missionary  Record  of  the  unite«l  presbv- 

loh).  terian  (^.hurch  (Edimbourg). 

Divers. 

Exploration  (Paris).  '  Aus  allen  Weltlheilen  (Leipzig). 

France  coloniale  (Pari^).  Zeitschrift  ftir  wissenschaftliche  Geogra- 
I^  Sahara  (Paris).  phie  (F^ahr). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  aigé-  African  Times  (Londres). 

Tienne  (Alger).  |  Antislavery  reporter  (Londres). 

Revue  scientiiique  (Paris).  Aborigine's  friend  (Londres). 
Bulletin  du  (]omice  aarico 


African  Repository  (Washington). 
Observer  (Monrovia). 
Esploratore  (Milan). 
(>)smos  (Turin). 


agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  l'Institut  géographique  interna- 
tional (Berne). 

Bulletin  de  rAcadémie  d'Hippone  (Bone). 

Deutsche  Rundschau  filr  G:H)graphie  und  Rivista  Nuova  (Naplcs). 
Statistik  (Vienne).  jGiornale  délie  Colonie  (Rome). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell-'  Boletin  de  la  Ëxploradora  (Vitoria). 
schaft  in  Dentschland  (Berlin).  Africa  oriental  (Mozambique). 

Oesterreichische    Monatss.*hrift  fUr  den  0  Africano  (Quilimane). 

Orient  (Vienne).  .  Jornal  das  colonias  (LislK>nne). 


SOMMAIUE 

lU'JJ.KTlN   MKXSl'EL  .  .  , 85 

Nouvplles  comi^léiuontain^s ". îll 

Indications  iiY(ai':xiuLKH  (SuitcM Uo 

KXPLOUATlOi;    DE    LA    DaXA    VSW   (Jl.    I)K^'1IAUDT Îj7 

(/OUJRESPOXDANCK   : 

Lettre  de  M.  (rAb])a(lio ,. 102- 

IhnLKXUiAPlUE  : 

De-Mogîulor  à  Biskra,  par  J.  Lecl(»rc(| KK-î 

Quatre  mois  dans  le  Sahara,  par  F.  Bernard lOo 

A  propo>^  du  railway  tran.s-saharieu.  Réflexious  liv^iéniciues 

et  médicales,  par  J.  Masse f KM 

Six  semaines  en  Algéri(î,  par  un  membre  du  C'en«i:rès  d'Al^c^r  104 

C'a  u  TE  : 

Région  coniprise  entre  l'océan  Indien  et  le  Victoria  Nyauza. 


OUVRAGES  RE(;US  : 

Phi  Algrric,  à  travt'ivs  rKspagnc  et  1p  Maroc,  j)ar  'rii.'A'criM'>  irAriaiuU-s.  - 
Paris  (Calmann  Ji('vy),  hSMl,  in-is,  120  j).  Y\\  ;-n  50. 

Kartc  voïi  XiMitral  Afrika,  liach  lU'ii  iicncstoii  Kor.scliinijioii  bcarbuiict  von 
D"  Josqjli  C'havaime.  V»««oo""-  —  Wion,  Pcr^tli,  Leijizig  (A.  liait Icb^ii).  V\\  5.  :-îr». 

Algoria,  Tuni.sia  e  Tripolitania,  di  Attilio  IJnunalti.  —  Milauo  (Fratelli  Trêves). 
ISsi,  iu-l^.  274  ]).  ot  farte.  Fr.  ÎJ.  50. 

Karto  v()n  Al«îerien  uiid  Tunesien,  bearlu'ilet  voii  lleinricli  Kie]>crt.  ''ïi>im«ooo.  — 
IJerlin  (Dietricli  lleimcr).  Fr.  2. 

.M^rérie,  Tunisie  et  Sahara  central,  carte  dressée  et  dessinée  par  J.-V,  P»arl»ier. 
*  :nuMio(H>,  Fr.   I .  .        • 


V 


•e.    -  luiprîmerie  Charles  Schiicliapdt 


A 


JOURNAL  MENSUEL 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE    ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

PIRIGÉ   PAR 

M.   Gustave  MOTNIER 

Membre  de  la.  CommiBsion  internationale  de  Bruxellot  ponr  Texploratton  et  la  civilisation 

de  TAfriqne  centrale;  membre  correspondant  de  I*Acadéroio  d^Hippone, 

et  des  Sociétés  do  géographie  de  Marseille  et  de  VKêi. 

RÉDIGJâ  PAB 

M.  Charles  FAUBE 

•Scrrétaire-Blbliothécairc  de  la  Bociôtô  de  géographie  de  Oenèvo,  membre  correspondant  de  la  Société 

de  géographie  do  Lisbonne. 


L* Afrique  paraît  le  premier  iundi  de  chaque  mois,  par  Jivraisons  in-8û  d'au 
iiioiijs  20  papes  chacune;  le  texte  est  ac4;ompa}?né  de  cartes,  cliaqiie  fois  qne  cela 
paraît  nécessaire. 

I«*aiiné«  eonuneiiee  «n  Juillet, 

Le  prix  de  Tabonnenient  annuel,  payable  d'avaneèt  est  de  dix  Tranes» 

port  compris,  pour  tous  les  pays 'de  l'Unton  postale  (première  zone);  ponr  l«»s 
autres,  H  fr.  50.    > 

r  • 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  îil' Afrique,  dont  il  sera  envoyé  deux  exemplaires  ii 
la  Direction,  aora  droit  4  on  eempte  rendu* 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  au  Directeur,  Bf .  GustaTe  Bf  eynier» 
8,  rue  de  VAthénée,  à  GenèTe  (Suisse). 


S'adresser  pour   les  abonnements  h  Téditeur.  M.  Jules  Saxdoz,  à 
Genève, 

On  3*abonne  aussi  : 

Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse  et  de  l'Allemagne. 

(itiez  MM.  Sankoz  et  Fischbacheh,  éditeurs,  33,  rue  de  Seine,  à  Paris. 

Delagrave,  éditeur,  15,  me  Soufflot,  h  Paris. 

MuQUAHDT,  éditeur,  4o,  rue  de  la  Régence»,  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  Corso  Viltorio  Ennnanuele,  21,  à  Milan. 

A. -M.  Mizzr,  rédacteur  de  VÉ('tmo}iml.e  de  Malte,  i\  Malle. 
VA  chez  les  principaux  lilirain»s  «le  tous  pays 


ÉCHANGES 


Anvers. 
Derijii. 
Bniiellos. 
Il:«lle. 


Rome. 

Rouen. 

Vienne. 


Sociétés  de  géographie. 

Haml)Oiirfi^.  Madrid.  Mozambique.  Oran. 

Lille.  Marseille.  Nancy.  Paris. 

Lisbonne.  Montpellier.  New-York.      Roclieforl. 
Lvon. 

Sociétés  de  géographie  commerciale. 

Bordeaux.  Paris. 

Missions. 

Journal  des  missions  évangiMiques  (Paris).  |  Glaul)ensbote  (Bâle). 

Bulletin  missionnaire  (Lausanne).  IChurch  missionary  InteHigencer  and  Re- 


Missions  évangéliques  au  XlX^e  siècle 

(Neucbâtel). 
Journal  de  rUnitt>  des  Frères  [nioraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon) 
Missions -Blatt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bâle). 

Ëvangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
Calwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgemeine  Missions-ZeitschriA  (GUters- 

lob). 


cord  (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

Americanmissionary  (New  -  York  ) . 

Foreign  missionary  (New- York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Cbronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Montliîy  Re^îord  of  the  Free  Cburcb  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Recoi'd  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  pwsby- 
terian  (îhurch  (Edimbourg). 


Exploration  (Paris). 

France  coloniale  (Paris). 

I^  Sahara  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algtS 
rien  ne  (Al^er). 

Revue  scientifique  (Paris). 

Bulletin  du  Comice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  Flnstitut  géographique  interna- 
tional (Berne). 

Bulletin  de  l'Académie  d*Hippone  (Boue). 

Deutsche  Rundschau  f(ir  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsscbrift  ftlr  den 
Orient  (Vienne). 


Divers. 

Aus  allen  Welttheilen  (Leipzig). 
Zeitschrift  fUr  wissenschaftliche  Gef)gra 

phie  (Lahr). 
African  Times  (Londres). 
Antislavery  reporter  (Londres). 
Aborigine's  friend  (Londres). 
African  Repository  (Washington). 
Observer  (Monrovia). 
Esploratore  (Milan). 
Cosmos  (Turin).  --  , 

Rivista  Nuova  (Naples). 
Giornale  délie  Colonie  (Rome). 
Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 
Africa  oriental  (Mozambique). 
0  Africano  (Quilimane). 
Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 
Revue  de  géographie  (Paris). 
Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 
Indépendant  (Constantine). 
Moniteur  de  TAlgérie  (Alger). 
Bulletin  de  la  Société  khédiviale  de  géo< 
graphie  (l^e  (lâïve). 


D' A.  Petermann's  Mittheilungen  (Gotha). 
Proceedings   of  the  royal   geographical 

Society  and  monthly  ReconI  of  geogra- 

phy  (Londres). 
Natal  Mercury  (Durban). 
Cape  Argus  (C^ipe-Town). 
West  African  reporter  (Sierra  J^éone). 


Etc..  etc. 


,  f 


*.;w^    1*'       SOMMAIRE 


t:..^ 


BVLLKTIN  MKX6U£L I05 

Nouvelles  eomplémeutaireK Il3 

La  mouche  T8ÉT8É 115 

Exploration  de  la  Dana  par  Cl.  Denhardt  (Suite  et  fiu) 120 

BlBUOORAI^UlE  : 

Algérien  uiid  Tuuesieii,  von  Kiepert 126 

iVlgeria,  Tunisia  e  Tripolitania,  di  Attilio  Biiuiialti 126 

Description  géographique  de  Tunis  et  de  la  Régence,  par 

le  commandant  Villot 127 

En  Algérie,  à  travers  l'Espagne  et  le  Mai-oc,  par  Th.  Vernes 

d'Arlandes 127 

Central-Afiika,  von  D' J.  Chavanue 128 

Carte  : 

Algérie,  Tunisie  et  Sahara  central,  par  J.-V.  Barbier. 


OUVRAGES  REÇUS  : 


The  thirty-fourth  annual  report  of   the  american  Missionary   Association. 
October  1880.  New-York,  in-8%  112  p. 


Genève.  —  Imprioierie  Charles  Schuchardt. 


i_»A- 


A 


JOinONAL  MENSUEL 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DZJUGÉ  PAB 

M.   Gustave  MOTNISR 

Membre  de  U  CommiBsion  intemationftle  de  Biuxellee  pour  rexploration  et  la  ciTilitation 
.   de  l'Afriqne  centrale;  membre  correspondant  de  rAoadémio  d*Hippone, 
et  des  Sociétés  de  géographie  de  Marseille,  de  Nancy  et  de  Loanoa. 

EÊDIQÉ  F&R 

H.  Charles  FAURE 

Hecrétaire-Bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie  de  Genève ,  membre  correspondant  des  Sociétés 

de  géographie  de  Lisbonne  et  de  Loanda. 


L'Afrique  parait  le  premier. lundi  de  chaque  moi$,  par  livraisons  in-8o  d*au 
moins  20  pages  chacune;  le^texte  est  accompagnédecailes,  chaque  fois  que  cela 
paraît  nécessaire.     *^    -  '• 

I«*année  eommeiiee  en  JailliBtt 

Le  prix  de  rabonnèifient  annuel,  pàjrable  d'aTanee»  est  de  dix  Dranes» 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  TUnion  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  il  fr.  5d. 

I 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  sera  ertvoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  aara  droit  à  nn  eompte  rendu. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  au  Directeur,  m.  GosiaTe  Moynler» 
8,  rue  de  PAthénée»  h  GenèTe  (Snimie). 


S'adresser  pour   les  abonnements  à  Téditeur,  M.  Jules  Sandoz,   à 
Genève. 

On  s*abonne  aussi  : 

Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse  et  de  TAllemagne. 

Chez  MM.  Sandoz  et  Fischbacher,  éditeurs,  33,  rue  de  Seine,  à  Pacis. 

Delagrâve,  éditeur,  15,  rue  Soufflot,  à  Paris.  1 

MuQUAROT,  éditeur,  45,  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelle|^ 
DuMOLARD  frères.  Corso  Vittorio  Ennnanuele,  21,  à  Milai). 
A. -M.  Mizzi,  rédacteur  de  VÉconomùte  de  Malte,  k  Malte. 

Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  pays. 


ÉCHANGES 


Anvers. 
Berlin. 
Bruxelles. 
Halle. 


Hambourg. 
Lille. 
Lisbonne. 
Loanda. 


Sociétés  de  géographie. 

Lyon.  Mozambique.  Oran. 

Jkfadrid.  Nancy.  Paris. 

Marseille.  New-Vork.     Hochefort. 
Montpellier. 


Rome. 

Rouen. 

Vienne. 


Sooiététt  de  géographie  oommeroiale. 

Bordeaux.  Paris. 

Miflsioiui. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XlX^e  siècle 

(Neuchàtel). 
Journal  de  TUnité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bâle). 

Evangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
Calwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgemeine  Mlssions-Zeitschrift  (GUters- 

loh). 


Glaubensbote  (Bftle). 

Church  missionary  Intelligencer  and  Re* 
cord  (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  missionary  (New -York). 

Foreign  missionary  (New-York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Ghronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthiy  Record  of  the  Free  Ghurch  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  Church  (Edimbourg). 


IHvers. 


Exploration  (Paris). 

Frajice  ^loniale  (Paris). 

Le  Sahara  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alçer). 

Revue  scientifique  (Paris). 

Bulletin  du  Comice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  l'Institut  géographique  interna- 
tional (Berne). 

Bulletin  de  l'Académie  d'Hippone  (Bone). 

Deutsche  Rundschau  fUr  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  ftlr  den 
Orient  (Vienne).  I 


Aus  allen  Welttheilen  (Leipzig). 
Zeitschrift  fUr  wissenschaftlicne  Geogra 

phie  (Lahr). 
Airican  Times  (Londres). 
Antislavery  reporter  (Londres). 
Aborigine's  friend  (Londres). 
African  Repository  (Washington). 
Observer  (Monrovia), 
Esploratore  (Milan). 
Cosmos  (Turin). 
Rivista  Nuova  (Naples). 
Giomale  délie  Colonie  (Rome). 
Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 
Africa  oriental  (Mozambique). 
0  Africano  (Quilimane). 
Jornal  das  eolonias  (Lisbonne). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 
Revue  de  géographie  (Paris). 
Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 
Indépendant  (Constantine). 
Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 
Bulletin  de  la  Société  khédiviale  de  géo- 
graphie (Le  Caire). 

Etc. 


Dr  A.  Petermann's  Mittheilungen  (Gotha). 
Proceedings   of  the  royal   geographical 

Society  and  monthiy  Record  of  geogra- 

phy  (Londres). 
Natal  Mercury  (Durban). 
Ckipe  Argus  (Cape-Town). 
West  African  reporter  (Sierra  Leone). 

etc. 


SOMMAIRE 

Pages 

BUU.ETIÎÎ   MEUSIIEI 120 

Nouvelles  complémeutaii-es 134 

L'esCIAVAOE  EK  Af'RIQUE 136 

C0REE8PONDANCE  : 

Lettre  de  M.  G.  Riemaii 147 

BiBUOGRAPUIE  : 

Der  Orient,  von  A.  vou  Schweiger-Lerchenfeld 148 


OUVRAGES  REÇUS  : 

RecepçÀo  e  conferencia  dô  Ex"^.  Sr.  Lotirenxo  Malheiro.  Loanda,  1881,  m-8'', 

14  p. 
A  memoria  de  Luiz  de  Camôes.  Loanda,  1881,  in-8^  26  p. 
Guide  hygiénique  et  médical  des  voyageurs  dans  l'Afrique  intertropicale,  publié 

par  la  Société  de  géographie  et  la  Société  de  médecine  pratique  de  Paris.  Paris 

(E.  Martinet),  1881,  in-8°,  98  p. 
Liste  provisoire  de  bibliographies  géographiques  spéciales,  par, James  Jackson. 

Paris  (Société  de  géographie),  1881,  in-S*»,  340  p. 
An^and  V.  Schweiger-Lerchenfeld.  Der  Orient.  Wien,  Pesth,  Leipzig  (A.  Hartleben), 

1881,  in-8«,  îllust.  808-cxLii  p.  plans  et  cartes,  fr.  20,â5.  . 
Gazeau  de  Yautibanlt.  La  France  au  Soudan.  Paris,  1882,  gr.  in-8**,  29  p.,  et 

carte,  fr.  2. 
Gerhard  Rohlf s.  Kufra.  Reise  von  Tripolis  nach  der  Oase  Kufra.  Leipzig  (F.-A.  Brock- 

haus),  1881,  in-8®.  559  p.,  tab.  météorologiques,  illust.,  et  3  cartes,  fr.  21,25. 
D'  Gustave  Nachtigal.  Sahara  und  Sudan.  Borku,  Kanem,  Bqrnu  und  Baghimii. 

Zweiter  Theil.  Berlin  (Paul  Parey),  1881,  in-S^,  765  p.  illust.,  tabl.  météorologi- 
ques, et  4  cartes,  fr.  26,70. 
Sud  Afrika  und  seine  Bewohner,  von  D*^  Wangemann,  Missionsdirektor.  Berlin 

(Selbstverlag  des  Verfassers,  Berlin  NO,  Ffiedenstrasse  6),  1881,  in-8'',  illust., 

et  carte,  fr.  6,  26.  v 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


•jO'^y. 


AVIS  AUX   ABONNÉS 

L'AFRIQUE  EXPLORÉE  ET  CIVILISÉE 


Désii'euse  de  reporl«r  du  30  juin  au  31  décembre  1 882  l'échéance  des  abonne- 
ments acluellemenl  en  cours,  afin  de  faire  coïncider  dorénavanl  l'année  de  publi- 
cation du  journal  avec  l'année  civile,  la  Direction  prend  la  liberté  de  vous  informer 
que  les  quatre  numéros  qui  devraient  encore  être  publiés  mensuellement  d'ici  au 
30  juin  prochain,  seront  irrégulièrement  espacés  dans  le  cours  de  l'année  1882. 
La  périodicité  des  livraisons  sera  ainsi  momentanément  moins  fréqu^te ,  mais 
elles  seront  plus  volumineuses,  s'il  le  faut,  pour  que,  au  point  de  vue  des  Nouvelle» 
d'Afrique,  les  abonnés  soient  aussi  complètement  renseignés  qu'à  Tordinaiie. 


JOURNAL  MENSUEL 


JOURNAL  HENSUEL 

.-NEVE.    J.    SANDOZ,    É  D  I  T  IS  U  B 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 
M.   Gustave  HOTNIEB 

Membre  de  la  CommiBsion  iBtemationale  de  Brozelloa  poar  ^exploration  ot  la  eiyilisatlon 

de  l'Afriqne  centrale;  membre  conreepondant  de  TAcadèmio  d^Hippone, 

et  des  Sociétéa  de  {géographie  de  Marseille,  de  Nancy  ot  de  Loanoa. 

RÉDIGÉ  PAU 

M.  Charles  FAUBE 

Secrétaire-Bibliothécaire  de  la  Société  de  gét^raphie  de  Genève ,  membre  oonrcapondant  des  Sociétés 

de  géographie  de  Lisbonne  et  de  Loanda. 


L'Afrique  parait  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d'au 
moins  20  pages  chacune  ;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
paraît  nécessaire. 

Le  prix  de  Tabonnement  annuel,  payable  d'aTanee,  est  de  dix  ftranea» 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  l'Union  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  11  fr.  SO. 


Tout  ouvrage  nouveau  relatif  k  l'Afrique,  dont  il  sera  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  aura  droit  h  un  compte  renda. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  au  Directeur,  Bf  •  GnstaTe  Bloyitiery 
8,  rne  de  TAtliénée»  à  GenèTe  (Suisse). 


S'adresser  pour   les  abonnements  h  l'éditeur,  M.  Jules  Sandoz,   à 
Genève. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse  et  de  l'Allemagne. 
Chez  MM.  Sandoz  et  Thuillier,  4.  rue  de  Tonrnon,  k  Paris. 

Delagrave,  éditeur,  15,  rue  Soufilot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  éditeur,  45,  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  Corso  Vittorio  Emmanuele,  21,  à  Milan.        ♦ 

A. -M.  Mizzi,  rédacteur  de  VÉconomiste  de  Malle,  à  Malte. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  pays 


f 


ÉCHANGES 


Anvers. 
Berlin. 
Bruxelles. 
Halle. 


Hambourg, 
léna. 
Lille. 
Lisbonne. 


Sociétés  de  géographie. 

Loauda.  Montpellier.  Oran. 

hyon.  Mozambique.  Paris. 

Ikïadrid.  Nancy.  Rochefort. 

Marseille.  New-York. 


Rome. 

Rouen. 

Vienne. 


Sociétés  de  géographie  commerciale. 

Bordeaux.  Paris. 

Missions. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XCC^e  siècle 

(Neuchâtel). 
Journal  dcl'Unité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bâie). 

Evangelisches  Missions -Magazin  (BÂle). 
Calwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgemeine  Missions -Zeitschrift  (GUters- 

loh). 


Glaubensbote  (B&ie). 

Church  missionary  Intelligencer  and  Re- 
cord (Londres), 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  missionary  (New -York). 

Foreign  missionary  (New-York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Chronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Church  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  (church  (Edimbourg). 


Divers. 


Exploration  (Paris). 

France  coloniale  (Paris). 

Le  Sahara  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Al^er). 

Revue  scientifique  (Paris). 

Bulletin  dû  Comice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  l'Institut  géographique  interna- 
tional (Berne). 

Bulletin  de  T Académie  d'Uippone  (Bone). 

Deutsche  Rundschau  fUr  Géographie  nnd 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fUr  den 
Orient  (Vienne). 


Aus  allen  Welttheilen  (Leipzig). 
Zeitschrift  fttr  wissenschaftlicne  Geogra 

phie  (Lahr). 
African  Times  (Londres). 
Antislavery  reporter  (Londres). 
Aborigine's  friond  (Londres). 
African  Repository  (Washington). 
Observer  (Monrovia). 
Ësploratore  (Milan). 
Cosmos  (Turin). 
Rivista  Nuova  (Naples). 
Giomale  délie  Colonie  (Rome). 
Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 
Africa  oriental  (Mozambique). 
0  Africano  (Quilimane). 
Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 


•  i 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 
Revue  de  géographie  (Paris). 
Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 
Indépendant  ((^onstantine). 
Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 
Bulletin  de  la  Société  khédiviale  de 
graphie  (Le  Caire). 


Dr  A.  Petermann's  Mittheilungen  (Gotha). 
Proceedings   of  the   royal   geographical 

Society  and  monthly  Heconi  of  geogra- 

phy  (Londres). 
Natal  Mercurv  (Durban), 
géo-  Cape  Argus  ((]lape-Town). 

West  African  reporter  (Sierra  Leone). 

Etc.,  etc. 


1 


-^-  V.  . 


SOMMAIRE 

Page* 

Bulletin  mensitel 149 

Nouvelles  complémentaires.  ^ 155 

Exploration  du  ïjlC  Tzana  ,  par  le  D*"  Stecker 157 

Conférence  du  D'  Buchner  a  Loanda 165 

Rapport  des  ambassadeurs  wagandas  a  Mtésa 169 

Correspondance  : 

Lettre  du  voyageur  Schuver 173 

Bibliographie  : 

Le  Sahara,  par  A.  Choisy 176 

Sûdafrika  und  seine  Bewohner,  von  Wangemann 177 

La  France  au  Soudan,  par  Gazeau  de  Vautibault 178 

Liste  de  biWiographies  géographiques,  par  J.  Jackson .  179 

Guide  hygiénique  et  médical  dans  l'Afrique  intertropicale, 

par  les  D**  Nicolas,  Lacaze  et  Signol 180 

Carte  : 

Le  lac  Tzana,  d'après  le  D' Stecker. 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Auguste  Choisy.  Le  Sahara,  souvenirs  d'une  mission  à  Goléah.  Paris  (E.  Pion  et  €*•),- 

1881,  in-18o,  290  pages. 
D*^  Ph.  Paulitschke.  Afrika,  kommerziell,  politisch  und  statistisch.  Leipzig  (Metzger 

et  Wittig),  1882,  in-8*»,  134  pages  à  2  col. 
Recepçào  e  conferencia  do  D'  Max  Buchner,  explorador  allem&o  na  sessào  d'as- 

sembleia  da  sociedade  propagadora  de  conhecimentos  geographico-africanos, 

1  de  setembro  de  1881.  Loanda,  1881,  in-8**,  15  pages  et  carte. 
Gustav  Fritsch.  Die  Ëingeborenen  Sud-Afrika's,  mit  zahlreichen  Illustrationen, 

zwanzig  lithographischen  Tafeln,  und  einem  Atlas  enthaltend  sechzig  in  Kupfer 

radirte  Portraitkôpfe.  Breslau  (Ferdinand  Hirt),  1872,  in-4«,  528  p.,  fr.  100. 
Jacob  de  Neufville.  Notes  au  crayon  sur  T  Algérie.  Paris  (Imprimerie  Chats),  1882, 

in-8°,  14  pages. 
James  Sibree.  Madagascar.  Géographie,  Naturgeschichte,  Ethnographie  der  Insel, 

Sprache,  Sitten  und  Gebràuche  ihrer  Bewohner.  Leipzig  (F.-A.  Brockhaus), 

1881,  in-8°,  424  pages  et  2  cartes,  10  fr. 
D''  Oscar  Lenz.  Skizzen  aus  Westafrika.  Berlin  (A.  Hofmann  et  C*»),  1878,  346  p. 

et  carte,  8  fr. 
Edmondo  de  Amicis.  Le  Maroc.  Traduit  de  l'italien  par  Henri  Belle.  Illustré  de 

174  gravures.  Paris  (Hachette  et  C*'),  1882,  gr.  in-4«,  408  pages.  30  fr. 
D'*  Gustave  Nachtigal.  Sahara  et  Soudan.  Traduit  de  l'allemand  par  Jules  Goor- 

dault.  T.  I,  Paris  (Hachette  et  C^«),  1881,  in-8*»,  552  pages,  99  gravures  et  carte, 

10  fr. 
Comment  j'ai  traversé  l'Afrique,  par  le  major  Serpa  Pinto.  Traduit  de  l^nglais 

par  J.  Belin  de  Launay.  Paris  (Hachette  et  C»«).  1881,  2  vol.  in-8«,  456  et 

468  pages  avec  15  cartes  et  84  gravures,  20  fr. 


Genève.  •-  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


à^^"^ 


JOUnNAL  MENSUEL 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIRIGÉ    PAR 

M.   Gastave  MOTNIEB 

Membre  de  la  Commission  internationale  de  Bruxelles  ponr  Texploration  et  la  civilisation 

de  r Afrique  centrale;  membre  correspondant  do  PÂcadémio  d*Qîppone, 

et  des  Sociétés  de  géographie  de  Marseille,  de  Nancy  et  de  Loanaa. 

RÉDIGÉ  PAR 

M.  Charles  F  AUBE 

Secrétaire-Bibliothécaire  de  la  Société  de  ^ographie  de  Génère ,  membre  eorrtspoiidant  des  Sociétés 

de  géographie  de  Lisbonne  et  do  Loandn. 


L* Afrique  paraît  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d'au 
moins  20  pages  chacune;  le  lexte^est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  c^la 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  Tahonnement  annuel,  payable  d'aTanèe,  est  de  dix  ftrancs» 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  l'Union  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  11  fr.  50, 


Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  sera  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  aora  droit  à  nu  eompte  rendu. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  au  Directeur,  M.  Gnstave  ]IIojrnier, 
8,  rne  de  TAthénée,  k,  Genève  (Snisse). 


S'adresser  ponr   les  abonnements  h  Téditeur,  M.  Jules  Sanooz,  à 
Genève. 

On  s'abonne  aussi  : 

Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse  et  de  TAIlemagne. 
Chez  MM.  Sandoz  et  Thuillier,  4,  rue  (Je  Tournon,  k  Paris. 

Dëlagrave,  éditeur,  15,  rue  SoufHot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  éditeur,  45,  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  (2orso  Vittorio  Emmanuele,  21,  à  Milan. 

A. -M.  Mizzr,  ivdacteur  de  VÉronomûte  de  .\faltc,  à  Malte. 
'  Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  pays 


r 


Anvers. 
Berlin. 
Bruxelles. 
Hille. 


ÉCHANGES 

Sociétés  de  géograjAiie. 

HamhourK.  Loanda.  Montpellier.    Oran. 

léna.  lAon.  Mozambique.  Paris. 

Lille.  Madrid.  Nancv.  Bociieforl. 

Lisbonne.  Marseille.  New-Vork. 


Rome. 

Houen. 

Vienne. 


Sociétés  de  géographie  commerciale. 

Bordeaux.  Paris. 

Missions. 

Journal  des  missions  èvangêliqnes  (Paris).  Glaul)ensbote  (Bâle). 

Bulletin  missionnaire  (Lausanne).  i  ('hiuvh  missionary  Intelligenrer  and  Be- 

Missions  èvangêliqnes  au  XIX»n«  siècle      cord  (Londres). 

(Nenchâtel).  Missionary  Herald  (Boston). 

Journal  de  TUnité  des  Frères  [moravesj  I  American  missionary  (New -York). 

(Peseux).  ,  Foreign  uïissionary  (New- York). 


Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger), 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon) 
Missions -Blatt  (Bannen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenl)0te  (Bâie). 

ïlvangelisches  Missions -Magazin  (BAle). 
(Lilwer  Missions -Blatt  (('alw). 
Allgemeine  Missions- Zeitscbrift  (GCifers- 
loh). 


Begions  beyond  (Londres). 

Chronicle  of  the  Londoa  Missionnry  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Becord  of  the  Free  (^hurih  of 
Scotland  (Kdimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

(Ihurch  of  Scotland  home  and  foreijjn 
Missionarv  Bd^ord  (Kdimbourg). 

Missionarv  Beeord  of  the  uniled  presby- 
terian  (îhurrh  (Edimbourg). 


Divers. 

Exploration  (Paris).  IZeitschrift  fUr  wissenschaftiiche  Geogra- 

France  coloniale  (Pari^).  I     phie  (Lahr). 

Le  Sahara  (Paris).  '  Afriean  Times  (Jjondres). 

Bulletin  de  PAssociatitm  scientifique  aigé-  Antislavery  reporter  (Londres). 


rienne  (Alger). 

Bulletin  du  (lomice  agricole  (Mèd(VT). 

Bulletin  de  l'Institut  géographique  interna- 
tional (Berne). 

Bulletin  de  TAcadémie  d'Ilippone  (Bone). 

Deutsche  Bundschau  fflr  Géographie  und 
Stati.stik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaft  in  Deut.schiand  (Berlin). 

()esten*eichische  Monatsschrift  filr  den 
Orient  (Vienne). 

Aus  allen  Welttheilen  (Leipzig). 


Aborigine\s  friend  (Londres). 
Afriean  Bepository  (Washington). 
Obs(Tver  (Monrovia). 
Esploratore  (Milan). 
(iOsmos  (Turin). 
Bivista  Nuo\a  (Naples). 
Giornale  délie  G(jlonie  (Borne), 
liolelin  de  la  Exnloradora  (Vitoria). 
Africa  oriental  (Mozambique). 
0  Africajio  (Quilimane). 
Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 
Bévue  de  géographie  (Paris). 
Bévue  maritime  et  coloniale  (Paris). 
Indépendant  ((^onstantine). 
Moniteur  de  TAlgérie  (Alger). 
Bulletin  de  la  ^'o-iétè  khédiviale  de  géo- 
graphie (Le  (4Ûre). 

Etr. 


Dr  A.  Peterraann*s  Mittheilungen  (Gotha). 
Proceedings    of  the   royal    geographical 

Society  and  monthly  Beconl  oï  geogra- 

phy  (Londres). 
Natal  Mercury  (Durlwn). 
(^ape  Argus  ((iape^Town). 
West  Afriean  re|)orter  (Sierra  Leone). 

,  etc. 


SOMMAIh'E 

BrLl.KTlK   BI-MEN8UEI 181 

Nouvelles  coinplémentaii'es îOo 

VoYACiïS   DE   MaTTEICCI  ET     DE    MaSSARI    DE    IJi    MER    RoUi^E    AU 

GoLB^E  DE  Guinée .• 1^7 

CaiîRESPONDANCE  : 

Lettre  de  M.  Gazeau  de  Vautibault 207 

BlBLlOtiRAPlUE  : 

Kufra,  voii  Gerhard  Rolilfs 2im 

Sahara  und  Sudan,  —  Sahara  et  Soudan,  par  Nachtigal. 2W 

Paulitschke  :  Afrika 212 

Fritsch  :  Die  Eingeborenen  Sud  Afrika's 21o 

De  Neufville  :  Notes  au  crayon  sur  l'Algérie 210 

Comment  j'ai  traversé  l'Afrique,  par  Serpa  Pinto 217 

De  Lannoy  de  Bissy  :  Carte  d'Afrique 218 

Die  Goldfciiste,  u.  s.  w.  (Carte) 219 

Die  Colonisation  Afrika's,  von  Holub 219 

Carte  du  Sahara  tripolitain,  par  Richard 219 

Carte  de  POvampo,  par  Duparquet 22C) 

Pesca  de  la  madreperla  ad  Assab 220 

C.VRTE  : 

Voyage  de  Matteucci  et  de  Massari. 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Heguauld  de  Lannoy  de  Bissy.  Carte  de  l'Afrique  '-«ooouot»  avec  tahieau  d'at»seni* 

bla^e,  feuille  53  (Barmen),  54  (Kourouman),  56  (Port-Nolloh),  59  (Capetown), 

60  (Pietermaritzbourg),  Paris,  1882. 
Die  Goldkiîste  und  westliche  Sklavenkû^te  sowic  das  sudlîche  Asante-Reich  iu 

West- Afrika.  Basel,  1873. 
Léon  Lacroix,  Projet  d'exploration  dans  PAû'ique  centrale  par  l'Ouellc.  Lille 

(imprimerie  L.  Danel),  1881,  in-S",  28  p. 
I)""  Emil  Holub.  Die  Colonisation  Afrika's.  —  A.  die  Franzosen  in  Tunis,  voni  Stand- 

punkte  der  Erforschung  und  Civilisirung  Afrikas.  Wien  (Alfred  Hôlder),  1881, 

in-8^  16  p. 
Prévost-Duclos.  Une  aventure  à  Tombouctou.  Paris  (Firmin  Didot  et  O*),  1882, 

in-12,  304  p.  et  carte,  3  fr. 
Publications  des  MissiA/m  catholiques  : 

1.  Carte  du  Sahara  tripolitain,  pour  servir  k  l'intelligence  d'un  voyage  chez  les 
Touaregs  Azghers,  par  le  P.  L.  Richard,  missionnaire  d'Alger,  Vso^oooo.  Fr.  0,75. 

2.  Carte  de  POvampo,  par  le  R.  V.  Duparquet.  1881,  fr.  1. 

3.  Carte  du  Congo,  depuis  son  embouchure  jusqu'à  Stanley  Pool,  par  le  R.  P.  Au- 
gouard. 

Richard   Kiepert.  Vorlàutige  Uebersicht  von  D^  Max  Bftchuer's  Reise  in  Lunda 

1878-1881.  Vsoooooo. 
ly  II.  Lacaze.  Souvenirs  dé  Madagascar.  Paris  (Berger-Levrault  et  C'*),  1881, 

in-8",  166  p.  et  carte,  4  fr. 
Relazione  délia  Commissione  délia  Caméra  di  Commercio  e  del  Club  Africano 

di  Napoli,  sulla  pesca  délia  Madreperla  da  iniziarsi  dagl'  Italiani  ad  Assab. 

Napoli  (Tipografia  di  Michèle  Capasso),  1881,  in-8",  19  p. 
L'Afrique  d'après  les  explorations  modernes,  par  Pabbé  Charles  Ràïmy.  Paris 

(Siindoz  et  Thuillier,  4,  rue  de  Tournon)  1882,  gr.  in-8",  20  p. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


Ud<f^ 


JOURNAL  MENSUEL 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIjVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIftIOâ  FAR 

M.   Gustave  MOTNISR 

Membre  de  1r  CominisBion  internationale  de  Brnxellofl  uonr  Texploration  et  la  civilisation 

de  TAfriqne  rentralo;  membre  oorrespoudant  do  rAoadéuio  d'Mippoius 

et  dea  Sociétés  de  géographie  de  Marseille,  de  Nancy  et  de  Loanda. 

KÉDIOlfi  PAR 

M.  Charles  FAUBS  «. 

âecrètairo-Bibliothécairc  de  la  Sooictô  do  géographie  de  Genève ,  membre  corn  spoiidnnt  dos  Sociétéa 

de  géographie  de  Lisbonne  et  do  Loanda. 


L'Afrique  parait  lo  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8"  d'au 
moins  20  pages  chacune;  le  texte  est  acconî^agné  de  caries,  chaque  fois  que  r^Mj 
parait  nécessaire. 


Le  prix  de 'rabonnement  annuel,  payable  d'avaaee»  est  de  dix 

port  comprisj  pour  tous  les  pays  de  Tllnion  postale  (première  zone)  ;  pour  le 
autres,  H  fr.  50. 


Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  si^ra  envoyé  deux  exeinplaires  à 
la  Direction,  aura  droit  ft  un  eainpte  rendu. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  au  Directeur,  HI.  Gnutave  ]tfojriilery 
9»  rae  de  l'Athénée»  ft  Genève  (SnlMe). 


S'adresser  pour   les  abonnements  à  réditeur,  M.  Jules  Sandoz,  à 
Genève. 

On  s'abonne  aussi  : 

Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse  et  de  l'Allemagne. 
Chez  MM.  Sandoz  et  Tuuilmer,  4^  rue  de  Tournon,  à  Paris. 

Dblagrave,  éditeur,  15,  rue  Soufllot,  k  Paris. 

Muquardt,  éditeur,  45,  rue  de  la  Régence,  .1  Hruxelles. 

DuMOLARD  frèi*es.  Corso  Vittorîo  Emmanuele,  21,  à  Milan. 

A. -M.  Mizzr,  rédacteur  de  VÉconomisU  de  Malte,  à  Malte. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  pays. 


ÉCHANGES 


Anvers. 
Berlin. 
BruxelN^s. 
Halle. 


Sociétés  de  géographie. 

Hambourg.  Loanda.  Montpellier.    Oran. 

léna.  Lyon.  Mozambique.  Paris. 

Lille.  Madrid.  Nancy.  Rocheforfr. 

Lisbonne.  Marseille.  New-York. 

Sociétés  de  géographie  commerciale. 

Bordeaux.  Paris. 

Missions. 

Glaubensbole  (Bâle). 


Rome. 

Rouen. 

Vienne. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évanfréliques  au  XlX^e  siècle 

(Neuchâtel). 
Journal  de  TUnité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Al^er). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blitt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heideiibole  (BAIe). 

Ëvangeiisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
(lalwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgemeine  Missions-Zeitschrift  (GUters- 

lob). 


(]hurch  missionary  Intelligencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American*^  missionary  (New  -  York) . 

Foreign  missionary  (New-York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Cbronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  (^hurch  of 
Scotland  (ICdimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Chnrçh  of  Scotland  home  and  foroign 
Miâsionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  ])resby- 
terian  Church  (Edimbourg). 


Exploration  (Paris). 

France  coloniale  (Paris). 

Le  Sahara  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  Lomice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  Tlnstitut  géographique  interna- 
tional (Berne). 

Bulletin  de  TAcadéraie  d'Hippone  (Bons), 

Deutsche  Rundschau  fiir  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Osterreichische  Monatsschrift  fUr  den 
Orient  (Vienne). 

Aus  allen  Welttheilen  (Leipzig). 


Divers. 

2feitschrift  f(lr  wissenschaftliche  Géogra- 
phie (Lahr). 
African  Times  (Londres). 
Antislavery  rejwrter  (Londres). 
Aborigine's  firiend  (Londres). 
African  Repository  (Washington). 
Observer  (Monrovia). 
Esploratore  (Milan). 
Cosmos  (Turin). 
Rivista  Nuova  (Naples). 
Giornale  délie  Colonie  (Rome). 
Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 
Africa  oriental  (Mozambiqiu'). 
0  Africano  (Quihmane). 
Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 
Revue  de  géographie  (Paris). 
Revne  maritime  et  coloniale  (Paris). 
Indt^pendant  (Constantine). 
Moniteur  de  TAIgérie  (Alger). 
Bulletin  de  la  Société  khédiviale  de  géo- 
graphie (Le  (^ire). 


Dr  A.  Petermann's  Mittheilungen  (Gotha). 
Proceedings   of  the   royal   geographical 

Society  and  monthly  Record  of  geogra- 

phy  (Londres). 
Natal  Mercury  (Durban). 
Cape  Argus  (Cape-Town). 
West  African  reporter  (Sierra  Leone). 


Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

Paffes 

BVLLETIN   BI-MENSUEn 221 

Nouvelles  coniplénieataires »...  2o7 

BlBM0(4RAPHI£  : 

Madagascar,  von  Sibree 239 

Souvenirs  de  Madagascar,  par  H.  Lapaze 2;iï) 

Skizzen  ans  West-Afrika,  von  D'  Lenz 241 

Le  Maroc,  par  De  Amicis 242 

Projet  d'exploration  dans  l'Afrique  australe,  par  Lacroix.. 24:î 

Une  aventure  à  Tombouctou,  par  Prévost-Duclos. 245 

Carte  du  Congo,  par  le  R.  P.  Augouard 24n 

Uebersicht  von  Bûchner's  Reise  in  Lunda,  von  Kiepert 240 

L'Afrique,  par  l'abbé  Ra?my. 24(i 

Études  sur  les  côtes  occidentales  d'Afrique,  par  Chappet 247 

Carte  du  Sud-Oranais,  par  Mac  Carthy 247 

Kabyles  et  Kroumirs,  par  Farine 247 

Lexikon  der  Reisen  und  Entdeckungen,  von  Einbacher 248 

La  France  en  Afrique,  par  Desvernine 248 

Carte  : 

Bassin  des  Chotts  algéro-tunisieiis. 


OUVRAGES  REÇUS  : 

D*"  E.  Chappet.  Études  sur  les  côtes  occidentales  d'Afrique.  Lyon  (imprimerie 
générale)  1881,  in-8«,  59  p. 

0.  Mac  Carthy.  Carte  du  Sud-Oranais  et  des  parties  limitrophes  du  Maroc; 
V«ooooo,  Paris,  1881. 

I)e  l'Atlantique  au  Niger  par  le  Foutah-Djallon,  carnet  de  voyage  de  Aimé  Oli- 
vier, vicomte  de  Sanderval.  Paris  (P.  Ducrocq)  1882,  in-8",  407  p.  avec  illust.  et 
carte.  7  fr. 

Ch.  Farine.  Kabyles  et  Kroumirs.  Paris  (P.  Ducrocq)  1882,  in-8".  423  p.  avec 
illustr.  7  fr. 

D*^  Friedrich  Embacher.  Lexikon  der  Reisen  und  Entdeckungen.  Leii)zig  (Biblio- 
graphisches  Institut)  1882,  in-8^  400  p.,  fr.  5.65. 

I)*"  Joseph  Chavanne.  Karte  von  Central-Amerika  und  West-Indieu.  "Wien  (A.  Hur- 

.  -  tleben)  '/«sooooo,  fr.  5.35. 

Paul  M.  Ilauser.  Das  Klydoscop.  Graphisches  Tellurium  und  Darstellung  der 
wirksamsteu  Anziehungs-StelUmgen  von  Sonne  und  Mond  zur  Erde,  fur  das 
Jahr  1882.  Wien  (A.  Ilartleben)  1882,  in-8",  20  fr.  avec  tableau. 

Léon  de  Bisson.  La  Tripolitaine  et  la  Tunisie.  Paris  (Ernest  Leroux)  1881,  iu-lO, 
147  p. 

D""  Philipp  Paulitschke.  Die  Afrika-Literatur  in  der  Zeit  von  1500  bis  1750.  Wien 
(Brockhausen  und  Brauer)  1882,  in-8",  122  p. 

P.-F.  Desvernine.  La  France  en  Afrique  et  la  colonisation  rapide.  Paris  (Imprime- 
rie Chaix)  1881,  in-18,  8  p.  . 

Aimé  Olivier.  Le  Niger  et  le  Soudan.  In-8",  4  p. 

Edward  Steere.  Swahili  exercises.  London  (George  Bell  and  Sons)  1882,  in- 16, 
183  p. 

A,-J.  Wauters.  De  Bruxelles  à  Karéma.  Bruxelles  (A.-N.  LeB^ie  et  O")  1882, 
in-16,  130  p. 

R.-N.  Cust.  Notice  of  the  Scholars  who  bave  contributed  to  thc  extension  of  our 
knowledge  of  the  languages  of  Africa.  (FroiMthe  «  Journal  of  thc  Royal  Asia- 
tic  Society  of  Great  Britain  and  Ireland,  ^  vof  XIV.  Part.  2).  In-8«,  16  p. 

/ 


Genève.  —  Imprimerie  Parles  Schuchardt. 


^arl 


JOURPiAL  MENSUEL 

GKNÈVE,    J.    SANDOZ,    Ê  D  1  T  B  II  B 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE    ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 
M.   Gustave  KOTNISS 

Moinbro  de  la  CommiasioD  intorntfeionale  de  Brnxellea  pour  Texplontloo  et  la  civiiintioB 

de  rAfriqne  centrale  ;  membre  correspondant  de  rAcadèmio  d'Hlppone , 

et  dea  Sociétés  de  géogn^phle  de  Marseille,  de  Nancy  et  de  Loancu. 

KÂDIGli  FA& 

M.  Charles  FAUSS 

Secrétaire-BibHotbécaire  de  la  Société  de  fjpéographie  de  Genève ,  membre  correspondant  des  Sooiétéa 

de  géographie  de  Lisbonne  et  de  Loanda. 


L'Afrique  parait  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d'au 
moins  20  pages  chacune  ;  le  texte  est  accompagné  de  caftes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  ^'abonnement  annuel,  payable  d'avaaee»  est  de  dix  AranMiy 

port  compris^  jpour  tous  les  pays  de  rtfnion  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  il  fr.  du. 


Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  sera  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  aura  droit  à  an  eompie  rendu. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  au  Directeur,  M.  Gustave  Mejrnler» 
89  rne  de  l'Athénée,  ii  Genève  (Snlsse). 


S'adresser  pour  les  abonnements  à  1  éditeur,  M.  Jules  Sandoz,  à 

Genève. 

On  s'abonne  aussi  : 

Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse  et  de  l'Allemagne. 
Chez  MM.  Sandoz  et  Thuillier,  4,  rue  de  Tournon,  à  Paris. 

Dblagràve,  éditeur,  15,  rue  Soufflot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  éditeur,  45,  rne  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuHOLARD  frères,  Corso  Yittorio  Ëmmanuele,  21,  à  Milan. 

A. -M.  Mizzi,  rédacteur  de  ï Économiste  de  Malte,  à  Malte. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  pays. 


OUVRAGES  REÇUS  : 

y.  Largeau.  Le  Sahara  algérien.  Deuxième  édition^  Paris  (Hachette  et  C*«)  1881, 
in*  18,  852  p.  av.  illust.  et  3  cartes. 

Ernest  de  Weber.  Quatre  ans  au  pays  des  Boers  (1871-1875).  Paris  (Hachette 
et  €'<')  1882,  in-18,  386  p.  av.  illust.  et  carte. 

Report  of  the  year  1881  of  the  Society  for  the  propagation  of  the  gospel  in  foreign 

'  parts.  Westminster  (Society's  office,  19  Delahay  Street)  1882,  fti-8o,  191  p. 

Ë.  Cosson.  Projet  de  création  en  Algérie  et  en  Tunisie  d'une  mer  intérieure. 
Extrait  des  Comptes  rendus  des  séances  de  l'Académie  des  sciences.  Paris  (Gau- 
thier-Villars)  1882,  in  4»,  52  p.  et  carte. 

The  last  journal  of  the  Rev.  C.-A.  Janson.  Central  African  Mission.  Occasional 
paper  N"*  XIX,  Westminster.  (Offtce  of  the  Universities  mission)  1882,  in-32, 
40  p. 

Publications  de  M.  G.  Rolland,  ingénieur  des  mines  :  Observations  météorologiques 
faites  au  Sahara  en  janvier,  février,  mars  et  avril  1880;  in-S**,  16  p.  —  Le  gise- 
ment de  silex  taillés  d'El-Hassi  (Sahara  algérien),  in  4^,  2  p.  —  Mission  trans- 
saharienne de  Laghouat,  El-Goléah,  Ouargla,  Biskra,  in-8%  10  p.  —  Le  terrain 
crétacé  du  Sahara  septentrional,  in-8<^,  44  p.  avec  pi.  et  carte.—  Poissons,  crabes 
et  mollusques  vivants  rejetés  par  les  puits  artésiens  jaillissant  de  l'Oued-Rir 
(Sahara  de  la  province  de  Constantine),  in-4<^,  4  p.  —  Les  grandes  dunes  de 
sable  du  Sahara,  in-8<^,  18  p.  avec  pi.  —  (Reproduit  dans  La,  Ntxturey  n«  du 
3  juin  1882.) 

Lucien  Rabourdin.  Algérie  et  Sahara.  Les  ftges  de  pierre  du  Sahara  central.  Paris 
(Challamel  aîné,  Guillaumin  et  C>«)  1882,  in-S^,  165  p.  et  carte. 

Maurice  Wahl.  L'Algérie.  Paris  (Germer  Baillière  et  €*•)  1882,  in-S*,  344  p.  5  f. 
Assab  et  les  limites  de  la  souveraineté  turco-égyptienne  dans  la  mer  Rouge.  Mé- 
moire du  gouvernement  italien.  Rome  1^82,  in-4<^,  37  p.  et  2  cartes.  —  Provve- 
dimenti  per  la  costituzione  e  l'ordinamento  di  una  colonia  italiana  in  Assab. 
Relazione  ministeriale  e  disegno  di  legge  présentât!  al  parlamento  italiano  dal 
ministro  degli  affari  ester!.  In-4<»,  66  p.  et  2  cartes. 
D.  Felipe  Ovilo  y  Canales.  La  mujer  Marroqui.  Madrid  (Libreria  de  Fernando  Fe) 

1881,  în-8<>,  215  p.  av.  planches. 

Les  trois  voyages  de  Mungo  Park  au  Maroc  et  dans  l'intérieur  de  l'Afrique  (1787- 
1804)  racontés  par  lui-même.  Paris  (Maurice  Dreyfous),  in-12,  964  p. 

Joseph  Spillmann.  Yom  Cap  zum  Zambesi.  Freiburg  im  Breisgau  (Herder'sche 
Yerlagshandlung)  1882,  in-8<>,  432  p.  av.  illust.  et  cartes. 

Paul  Leroy-Beaulieu.  De  la  colonisation  chez  les  peuples  modernes.  Deuxième 
édition,  Paria  (Guillaumin  et  C***)  1882,  in-8%  659  p.  9  f. 

Conferenze  tenutesi  in  Milano  nel  1882  presso  la  Società  d'esplorazione  commer- 
ciale in  Africa.  Milano  (Tipografia  P.-B.  Bellini  e  C.)  1882,  in-S»,  264  p. 

Routen  der  deutschen  afrikanischen  Expédition  aufgenommen  von  D' Kaiser  1880- 

1882,  V^&oooo,  von  Richard  Kiepert. 

Adrian  Balbi's  Allgemeine  Erdbeschreibung.  Siebente  Auflage,  voUkommen  neu 
bearbeitet  von  D'  Joseph  Chavanne,  mit  400  Illustrationen  und  150  Karten. 
Lief.  1  à  5,  Wien  (Hartleben);  vollstandig  in  45  Lieferungen,  1  fr. 


SOMMAIRE 

Pages 

Bulletin  tbihebtribl. ..,....; 249 

Nouvefles  complémentaires 264 

EZPSPITIONS  DE  SaVOBGNâN  DE  BbAZZA   ENTBE   l'OgÔOUÉ  ET  LE 

Congo. 270 

Bibliographie  : 

De  l'Atlantique  au  Niger,  par  Aimé  Olivier. 280 

La  Tripolitaine  et  la  Tunisie,  par  Léon  de  Bisson, 261 

Afrika-Literatur,  Ton  D' Ph.  Paulitschke. . , 281 

Swahili  Exercises,  by  Edward  Steere 282 

De  Bruxelles  à  Karéma,  par  A.-J.  Wauters 282 

Scholars  who  hâve  contributed  to  the  extension  of  our  knowledge  of 

the  languages  of  Afrika,  by  R.-N.  Cust 28S 

Le  Sahara  algérien,  par  Y.  Largeau : 28B 

Quatre  ans  au  pays  des  Boers,  par  £.  de  Weber 284 

Création  en  Algérie  d'une  mer  intérieure,  par  E.  Cosson 285 

Observations  météorologiques,,  etc.,  par  G.  Rolland 285 

L'Algérie,  par  M.  Wahl 286 

Algérie  et  Sahara,  par  L.  Rabourdin 287 

Assab  :  Documents  officiels  italiens 288 


Carte  : 


Itinéraires  de  Savorgnan  de  Brazza  de  POgôoué  au  Congo  et  au 
Niari. 


L'abondance  des  publications  qui  nous  sont  parvenues  nous  a  obligés  de  sup- 
primer,  pour  cette  fois,  la  liste  des  périodiques  que  nous  échangeons,  et  à])iaoer 
relie  des  Outrages  reçus  à  la  troisième  page  de  la  couverture. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


flP^  ^'  '^ 


JOURNAL  MENSUEL 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

I 

DUUOÉ  PAR 

M.   GastaTO  MOTNISB 


Membre  de  lu  ComtniMion  intem&tionAlo  de  Brùxelloa  ponr  rexploration  et  la  civUisKtion 
de  r Afrique  centmle; 
et  des  Sociétés 


intem&tionAle  de  Bruxelles  ponr  rexploration  et  la  ci^ 
nie;  membre  correspondant  ae  l'Aesdiêmio  d'Hipuouet 
de  géographie  de  Marseille,  de  l«ancy  et  de  Loanaa. 


RÉDIGÉ  PAR 

M.  Charles  FAUBB 

Secrétaire-Bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie  de  Genève ,  membre  correspondant  dos  Socnétcs 

de  géographie  de  Lisbonne  et  de  Loanda. 


L'Afrique  parait  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-S»  d*au 
mains  iO  pages  chacune;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  rabomiement  annuel,  payable  d'aTanee,  est  de  dix  Drancs, 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  l'Uiiion  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  14  fr.  îh). 


Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  sera  envoyé  deux  exemplaires  à 
ta  Direction,  aura  droit  ft  an  eampte  rendu. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  au  Directeur,  lVI..Giistave  Mejrnier, 
9,  rae  de  rAthénée,  ft  Genève  (Suisse). 


S'adresser  pour   les  abonnements  à  Téditeur,  M.  Jules  Sandoz,  k 
Geîiève. 

On  s'ahonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse  et  de  TAIIemagne. 
Chez  MM.  Sandoz  et  Thuillier,  4,  rue  de  Tournon,  .'i  Paris. 

Drlagravr,  éditeur,  15,  rue  SouQlot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  éditeur,  45,  rue  de  hi  Régence,  fi  Bruxelles. 

DuvoLARO  frères,  (>)rso  Vittorio  Emmanuelê,  21,  à  Milan. 

A. -M.  Mizzi,  rédacteur  de  V Économiste  de  Malte,  à  Malte. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  pays 


ÉCHANGES 


Anvers. 
Berlin. 
Briixellp.s. 
H»)le. 


Sooiétto  de  géographie. 

Hambourg.  Loanda.  Montpellier.    Oran. 

léna.  Lyon.  Mozambique.  Paris. 

LHle.  Madrid.  Nancy.  Rochefort. 

Lisbonne.  Marseille.  New-York. 

Sociétés  de  géographie  comuierciale. 

Bordeaux.  Paris. 


Rome. 

Rouen. 

Vienne. 


Missions. 

Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (r^ausanne). 
Missions  évangêliques  au  XlXm»  siècle 

(Neuchâtel). 
Journal  de  l'Unité  des  Frères  fmoraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger).. 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Barmen). 
Berliner  Mission s-Berich te  (Berlin). 
Heidenbote  (Bâle). 

Ëvangelisches  Missions- Ma gazin  (Bâle). 
(^Iwer  Missions -Blatt  ((^Iw). 
Allgemeine  Missions- Zeitschrifl  (GUters- 

loh). 
Glaubensbote  (Bâle). 


(Ihurch  missionary  Intel ligencer  and  Re- 
cord (Londres).* 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  nûssionary  (New -York). 

Foreign  missionary  (New- York). 

Régions  beyond  (Londres). 

(]lironiclo  of  the  London  Mlssjonary  So- 
ciety (Londn^s).* 

Motithly  Record  of  the  Free  Cbun'h  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  Lhurch  (Edinibourg). . 

Woman's  for.^ign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Divers. 


Exploration  (Paris). 

France  coloniale  (Pari^). 

I^  Sahara  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (PariA). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  (^omice  agricole  (Médéa). 

Bu'letiu  de  Tlnstitut  géographique  interna- 
tional (Berne). 

Bulletin  de  TAcadémie  d'IIippone  (Bone). 

Deutsche  Rundschau  f(ir  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
scliaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  illonatssrhrift  fUr  den 
Orient  (Vienne). 


Aus  allen  Welttheilen  (Leipzig). 
Zeitschrift  fttr  wissenschaftliche  Géogra- 
phie (f^hr). 
African  Times  (Londres). 
Antislavery  reporter  (Londres). 
Aborigine's  friend  (Londres). 
African  Repository  (Washington). 
Observer  (Monrovia). 
Esploratore  (Milan). 
(Cosmos  (Turin). 
Rivista  Nuova  (Naples). 
Giornale  délie  Colonie  (Rome). 
Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 
Africa  oriental  (Mozambique). 
0  Africano  (Quilimane). 
Jornaljdas  colonias  (Lisbonne). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 
Revue  de  géographie  (Paris). 
Revue  maritiuie  et  coloùiale  (Paris). 
Indépendant  ((^nstanline). 
Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 
Bulletin  de  la  Société  khédiviale  de  géo- 
graphie (Le  C^ire). 

Etc. 


Dr  A.  Petermann*s  Mittlieilungen  (Gotha). 
Proceedings   of  the   royal   geographica) 

Society  and  monthly  Record  of  geogra- 

phy  (Londres). 
Natiil  Mercury  (Durban). 
(]ape  Argus  (Cape-Town). 
West  African  reporter  (Sierra  Leone). 

,  etc. 


SOMMAIRE 

BCLLBTIN  BI-MEN8UEL.  ; >  - 289 

Nouvelles  complémentaires : . . .  306 

Expédition  de  'MM.  Pogge  et  Wissmakn  a  Muquengué,.  .....  311 

■  ■  /■ 

(/0BRE8P0NDANCE  : 

Lettre  d\i  voyageur  Schuver 317 

Bibliographie  : 

Ovilo  y  Canales,  La  Mujer  marroqui. . . .  v 31f^ 

Mungo  Park,  Trois  voyages 319 

Spillmann,  vom  Cap  sura  Zambesi. . . . , 319 

Leroy-Beaulieu,  Colonisation  chez  les  peuples  modernes 321 

Conferenze  tenutesi  m  Milane  nel  1882 321 

R.  Kiepef t,  Roliten  der  deutscben  Expédition 322 

Ardouin  (du  Mazet),  Études  algériennes 322 

Derrecagaix,  Les  deux  missions  Flattêrs 823 

Norrîs  Newmann,  With  the  Boers 324 

R.  Kiepert,  Major  von  Mechow's  Kuango^Reise 825 

D' E.  Holub,  Die  Colonisation  Afrikas 825 

TAm,E  DES  MATIÈRES  DE  LA  TROISIÈME  ANNÉE 327 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Zweiundftinfzigster   Jahres-Bericht  der  rheinischen  Missions -Gesellschaft  vom 

Jahre  1881.  Barmen  (J.-G.  Wiemann).1882,in-8°,  96  p. 
Ardouin  Du  Hazet.  Études  algériennes.  Paris  (Guillaumin  et  C'*)  1882,  in-8*, 

365  p.  6  fr. 
Twelfth  Annual  Report  of  the  Woman's  Foreign  missionnary  Society  of  the  Près- 

byterian  Church.  Philad^lphia,  1882,  in-8«,  103  p. 
y.  Derrecagaix.  Exploration  du  Sahara  ;  les  deux  missions  du  lieutenant-colonel 

Flattêrs.  Paris  (Société  de  géographie)  1882,  in-»8',  143  p.  et  carte. 
Charles-L.  Norris-Newman.  With  the  Boers  in  the  Trânsvaal  and  Orange  Free 

State  in  1880-81.  London  (W.-H.  Allen  et  C*»)  1882,  in-8«,  387  p.  avec  plans  et 

carte. 
'Richard  Kiepert.  Major  von  Mechow's  Kuango-Reise.  Karte  V«ooooo*>« 
Adrian  Balbi's  Allgemeine  Erdbeschreibung.  Siebente  Atiflage,  vollkoramen  ncu 

bearbeitet  von  D^  Joseph  Chavaone,  mit  400  Illustrationeu  und  150  Karten. 

Lief.  6  à  10,  Wien  (Hartleben),  vollst&ndig  in  45  Lieferungen,  1  fr. 
D'  Emil  Holub.  Die  Colonisation  Afrikas.  B.  Die  Englaender  in  Stid  Afrika.  Il  Der 

Export  und  Import  des  Caplandes.  —  Die  Stellung  des  Arztes  in  den  trans* 

oceanischen  Gebieten.  Vom    Standpunkte  der  Erforschung  und  Civilisining. 

4.  Heft.  Wîen  (Alfred  Hôlder,  k.  k.  Hof-  und  Universitafs-Buchhàndler),  1882, 

in-8°,  24  et  23  p. 


Genève.  *-  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


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JOURNAL  MENSUEL 


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L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIRlOâ  PAR 

M.   Gnfltave  MOTHISB 

Membre  de  la  Commùtlon  internationaTe  de  Bruxelles  ponr  rexploratioo  et  la  ohrUlaatioB 

de  TAfirique  centrale;  membre  correspondant  de  rAoadomie  d*Hippona, 

et  dea  Sociétés  de  géographie  de  Marseille,  do  Nancy  et  de  Loanda. 

BâDIQti  PAS 

M.  Charles 


Seorètaire-Bibliofhéeaire  de  la  Société  de  géographie  de  Qenève ,  membre  oorrespondani  das  Sociétés 

de  géographie  de  Lisbonne  et  de  Loiotda. 


L'Afrique  paraît  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-So  d'an 
moins  20  pages  chacune;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 


Le  prix  de  Tabonnement  annuel,  payable  d'aTaaee»  est  de  dix 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  TUnion  postale  (première  zone)  ;  pour  les 
autres,  li  fr.  50. 


/Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  aura  droit  h  un  eompte  rends* 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaetloH  i\  Hl.  Gnutave  XIoyMler, 
8t  me  de  TAtliéHée,  h  GenèTe  (Suisse). 


S'adresser  pour  les  abonnemeiits  h  l'éditeur»  H.  Jnles  Samdest 
à  GeHève  et  Bleiielilltel. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Cliez  MM.  Sandoz  et  Thuillieh,  éditeurs,  4.  rue  de  Tournon,  à  Paris. 

MuouAADT,  libraire  de  la  Cour,  45.  rue  do  la  Régence,  à  Bruxelles 

DuMOLAKD  frères,  libraires,  Corso  Y ittorioËinniauuelo^  21  «  à  Milan 

F,-A.  Brockhaus,  libraire  k  Leipzig. 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Gral)en  27.  Vienne  (A«tri«'he» 
Et  chez  les  principaux  lil)raires  de  tous  les  pays. 


J 


1 


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Anvers.  Halle. 

Berlin.  Hambourg. 

Bruxelles.       léna. 
Francforts/M.Lille. 


ÉCHANGES 

Sociétés  de  géographie. 

Lisbonne.  Marseille.       New- York. 

Loanda.  Montpellier.    Oran. 

Lyon.  Mozambique.  Paris. 

Madrid.  Nancy.  Bochefort. 


Rome. 

Rouen. 

Vienne. 


Sociétés  de  géographie  commerciale. 

Bordeaux.  >  Paris. 

Mifisiomi. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XIX°><'  siècle 

(Neuchâtel). 
Journal  de  FUnité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Barmeh). 
Berlîner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bàle). 

Ëvangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
Calwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgemeine  Missions-Zeitsehrift  (GUters- 

loh). 
Glaubensbote  (Bâle). 
Airica  (Londres). 


Church  missionary  Intelligencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston).. 

American  missionary  (New -York). 

Foreign  missionary  (New- York).- 

Régions  beyond  (Londres). 

Chronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Church  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  Church  (Edimbourg). 

Woman's  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Divers. 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  CTomice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  TAcadémie  d'Hippone  (Bone). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  flir  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fttr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  fUr  wissenschaftliche  Géogra- 
phie (LaKr). 


Ans  allen  Welttheilen  (Leipzig). 
African  Times  (Londres). 
Antislavery  reporter  (Londres). 
Aborigine's  friend  (Londres). 
African  Repository  (Washington). 
Observer  (Monrovia). 
Ësploratore  (Milan). 
Cosmos  (Turin). 
BoUettino  della  Societa  africana  dltalia 

(Naples). 
Giornale  délie  Colonie  (Rome). 
Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 
Africa  oriental  (Mozambique). 
0  Africano  (Quilimane). 
Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 

Revue  de  géographie  (Paris). 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 

Indépendant  (Constantine). 

Moniteur  de  TAlgérie  (Alger). 

Dr  A.  Peterroann  s  Mittheilungen  (Gotha). 


Proceedings  of  the  royal  geographical 
Society  and  monthly  Recora  of  geogra- 
phy  (Londres). 

Natal  Mercury  (Durban). 

Cape  Argus  ((^pe-Town). 

West  African  reporter  (Sierra  Leone). 


Etc.,  etc. 


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***■■  '-  #-. 


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SOMMAIRE 

Bulletin  mensuel 3 

Nouvelles  complémentaires 17 

L'œuvke  de  Stanley  au  Congo  et  l'Association  internatio- 
nale AFRICAINE 22 

Correspondance  : 

Lettre  du  nègre  Ali-Mahoom 30 

Bibliographie  : 

Jean  Lux,  Trois  mois  en  Tunisie j  32 

Emile  Jonveaux,  Deux  ans  dans  l'Afrique  orientale 33 

Assab,  Documenti  diplomatici 33 

Assab,  par  Carlo  de  Amezaga 33 

Cirenaïca,  par  Giuseppe  Haimann 33 

Emil  Holub,  Sieben  Jahre  in  Afiika 34 

Emil  Holub  ond  A.  v.  Pelzen,  Beitrftge  zur  Ornithologie  Sûd-Afrikas.  34 

A.  Brière,  Lettres  sur  le  Trans-Saharien 36 

Edmondo  de  Amicis,  MarokkO 36 

Carte  : 

Possessions  des  Européens  et  stations  civilisatrices. 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Statuts  de  la  Société  française  et  africaine  d'encouragement.  Paris  (Imprimerie 

Chaix)  1882,  in-8»,  8  p. 
Jean  Lux.  Trois  mois  en  Tunisie  ;  journal  d'un  volontaire.  Paris  (Auguste  Ghio) 
.    1882,  in-8o,  201  p.  3  fr.  50. 

Emile  Jonveaux.  Deux  ans  dans  l'Afrique  orientale.  Tours  (Alfred  Mame  et  Fils) 
,  1881.  in-8<»,  207  p.  av.  illust.  et  2  cartes. 
Cario  ae  Amezaga.  Assab.  Roma  (Giuseppe  Civelli)  1880,  iu-S^,  57  p.  av.  pi.  et 

3  cartes,  3  fr. 
Giuseppe  Haimann.  Cirenaïca.  Roma  (Giuseppe  Civelli)  1882,  in-S^*,  141  p.  avec 

illust.  et  carte,  4  fr. 
Assab.  Docum^ti  diplomatici  presentate  alla  Caméra  dal  ministro  degli  affari 

esteri  (Mancini)  nella  tornata  del  12  giugnq  1882;  in-4^,  227  p.  et  carte. 
Central  Àfrican  Mission.  Report  of  anniversary  services  and  meeting,  1882.  West- 
minster. In- 18,  50  p. 
Le  secret  de  l'Association  internationale  africaine,  par  le  major  X.  Bruxelles 

(C.  Muquardt),  1882,  in-8«,  15  p. 
Adrian  Balbi's.  Allgemeine  Erdbeschreibung.  Siebente  Auflage,  voUkommen  neu 

bearbeitet  von  D"*  Joseph  Chavanne,  mit  400  Illustrationen  und  150  Karten. 

Lief.  11-16.  Wien  (Hartleben),  vollst&ndig  in  45  Lieferungen,  1  fr. 
D'  Emn  Holub.  Sieben  Jahre  in  Sûd-Afrika.  Wien  (Alfred  HôJder)  1881,  2  Bande, 

in-8^  mit  235  Original-Hoizschnitten  und  4  Karten,  528  et  532  p. 
D'  Emil  Holub  uni  Aug.  von  Pel^sen.  Beitr&ge  zur  Ornithologie  Sûd-Afrikas. 

Wien  (Alfred  Hôlder)  1882,  in-8°,  mit  2  Tafeln  in  Farbendruck,  Holzschnitten 

und  32  Zinkographien,  und  einer  Karte,  384  p. 
Dix  brochures  du  D"*  Holub  se  rapportant  à  ses  voyages  en  Afrique. 
A.  Brière.  Lettres  sur  le  Trans-Saharien.  Paris  (Bureaux  du  Journal  la  Réforme 

des  chemins  de  fer,  10,  Chaussée  d'Antin)  1881,  in-8*,  43  p. 
J.  Farngruber.  Ans  dem  Pharaonenlande.Wûrzbourg  et  Vienne  (LeoWoerl),in-8*, 

avec  iilustr.,  339  p. 
L'Association  internationale  africaine  et  le  Comité  d'études  du  Haut-Congo,  par 

un  de  leurs  coopérateurs.  Bruxelles  (Cnstitut  national  de  géographie)  1882^ 

in-8^,  32  p. 


Genève»  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


JOURNAL  MENSUEL 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

Dl&IOi  PAR 

M*  Gnstave  MOTNIBB 

Membre  de  la  Commission  internationale  do  Bmxellea  pour  Texploration  et  la  ciyllisation 

■  do  TAfrique  centrale;  membre  correspondant  de  l^Aeadémio  d^Hippone, 

et  des  Société^  de  géographie  de  Marseille,  de  Nancy  et  de  Loanda. 

KÉDIQti  PAR 

M.  Charles  FAUBE 

Secrétaire-Bibliothéoaire  de  la  Société  de  géographie  de  Genève ,  membre  correspondant  des  Sociétés 

de  géographie  d»  Lisbonne  et  de  Loanda. 

L Afrique  paraît  le-  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d'au 
moins  30  pages  .chacune  ;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque,  fois  que  cela 
paraît  nécessaire. 

Le  prix  de  l'abonnement  ai)nuel,  payable  d^aTantee»  est  de  <Ux  ftranca^ 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  l'Union  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  il  fr.  50. 


Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  aara  droit  à  uh  compte  rendu. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaetlon  à  91*  Gastave  Slojnier» 
8»  rue  de  TAtliénée»  A  GenèTO  (SalMe). 


S*adre««er  pour  le«  abonnements  A  l'éditeur,  BI.  Jules  Sandoa» 
A  Genève  et  NeuehAtel. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Sandoz  et  Thuillier,  éditeurs,  4.  rue  de  Tournon,  à  Paris. 

Ch.  Dklagrave,  libraire,  lo,  rue  Soulïlot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  Cour.  45.  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  libraires.  Corso  Vittorio  Enimanuele,  21.  à  Milan. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Querstr..  29,  à  Leipzig. 

L.  Friederichsë.n  et  C**,  libraires,  Adiniralitâtsstr,  3/4,  à  Hambourg. 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  (îraben  27,  Vienne  (Autriche). 

TRpNER  et  0\  libraires,  Ludgate  Iliil.  57/39,  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


.V». 


ÉCHANGES 


Anvers.  Halle. 

Berlin.  Hambourg. 

Bruxelles.       léna. 
Francforts/M.  Lille. 


Sociétés  de  géographie. 

Lisbonne.  Marseille.       New-York. 

Loanda.  Montpellier;    Oran. 

Lyon.  Mozambique.  Paris. 

*  Madrid.  Nancy.  Rochefort. 


Rome. 

Rouen. 

Vienne. 


Sociétés  de  géographie  commerciale. 

Bordeaux.  Paris. 

Missions. 


Journal  des  missions  evangéliqoes  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XlXmo  siècle 

(Neuchâtel). 
Journal  ÏÏe  TUnité  des  Frères  [moraves] 

-(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions -Blatt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bâle). 

Ëvangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
Calwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgemeine  Missions- Zeitschrift  (GUters- 

loh). 
Glaubensbote  (Bâle). 
Afirica  (Londres). 


Church  missionary  Intelligencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionary  (New-York). 

Régions  beyond  (Londres). 

CLronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Church  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Ëdimboure). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  Church  (Edimbourg). 

Woman's  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Divers. 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  (!omice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  1* Académie  d*Hippone  (Bone). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  fUr  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilnngen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaft  in  Deutschbind  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fttr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  fUr  wissenschaftliche  (jeogra- 
phie  (Lahr). 


Aus  allen  Welttheilen  (Leipzig). 
African  Times  (Londres). 
Antislavery  Reporter  (Londres). 
Aborigine's  Friend  (Londres). 
African  Repository  (Washington). 
Observer  (Monrovia). 
Esploratore  (Milan). 
Cosmos  (Turin). 
Bollettino  délia  Societa  africana  d'Italia 

(Naples). 
Esplorazione  (Naples^. 
Giornale  délie  Colonie  (Rome). 
Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 
Africa  oriental  (Mozambique). 
0  Africano  (Quilimane). 
Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 
Revue  de  géographie  (Paris). 
Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 
Indépendant  (Constantine). 
Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 
Bulletin  de  la  Société  khédiviale  de 
graphie  (Le  Caire). 


Dr  A.  Petermann's  Mittheilungen  (Gotha). 
Proceedings   of  the  royal  geographical 

Society  and  monthly  Record  of  geogra- 

phy  (Londres). 
Natal  Mercury  (Durban), 
géo-  Cape  Argus  (Cape-Town). 

West  African  Reporter  (Sierra  Leone). 

Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

Pagpt 

Bulletin  mensuel ^ ^ 37 

Nouvelles  complémentaires 47. 

Quelques  mots  suk  la  colonisation  européenne  en  Afbique, 

A  PROPOS  DE    l'oUVRAOE    DE  M.   pAUL   LeROY^BeAULIEU    SUR 

la  colonisation 51 

Correspondance  : 

Lettre  dç  Khartoum,  du  voyageur  Schuver 62 

BiBUOQRAPHIE  *. 

L'Algérie,  par  Paul  Gaffarel 63 


OUVKAGES  REÇUS  : 

Paul  Gaflfarel.  L'Algérie.  Paris  (Firmin  Didot  &  C*«)  1888,  iii-4%  708  p.  3  cartes, 

4  chromolithographies  et  plus  de  200  gravures  sur  bois.  Fr.  SO. 
George  Pearse.  The  Kabyles.  London  (Morgan  &  Scott),  in-S^*,  40  p.  et  2  cartes. 
Emil  Holub.  Eine  Culturskizze  des  Marutse-Mambunda-Heiches  in  Sûd-Central- 

Afrika.  Wien  (Gerold  &  C**),  1879,  in-S*,  210  p.,  illustr. 
Emile  De  Laveleye.  Les  Français,  les  Anglais  et  le  Comité  international  sur  le 

Congo.  Bruxelles  (C.  Muquardt).  Paris  (Challamel  Mné),  1888,  in-8<»,  29  p.  «t 

carte. 
Joseph  Chavanne.  Afrikas  Strôme  und  Flftsse.  Wien,  Pesth,  Leipzig  (A.  Hartleben), 

1883,  in-8«,  229  p.  et  carte.  Fr.  8.  75. 
La  Societa  d'Esplorazione  commerciale  in  Africa.  Storia,  spedizioni  e  progetti. 

Milano,  1683,  in-8o,  14  p. 
Richard  Eiepert.  Der  Wala  Fluss,  aufgenommen  von  D^  R.  Boehm  und  P.  Rei- 

chard.  Earte  Vioooooo.  1883. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuçhardt. 


JOURNAL  MENSUEL 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DlftlGÉ  PAR 

M.   Gnstaye  MOTIÎIEB 

Membre  de  la  Commission  internationale  de  Braxellea  pour  Pexploratioii  et  la  ciyiliaation 

de  TÂfriqae  centrale;  membre  oorrespondant  de  rÀoadémio  d^fiippone, 

et  des  Sociétés  do  géographie  de  Marseillei  de  Nancy  et  de  Loanda. 

KÉDiaii  PAR 

M.  Charles  FAUBE 

Seorôtaire-Bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie  de  Oenèye ,  membre  correspondant  des  Soeiétêa 

de  géographie  de  Lisbonne  et  de  Loanda. 


L* Afrique  paraît  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-S®  d'au 
moins  20  pages  chacune  ;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  Tabonnement  annuel,  payable  d'aTanee»  est  de  dix  Uranesy 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  l'Union  postale  (première  zone)  ;  pour  les 
autres,  11  fr.  50. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé-  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  aura  droit  à  un  eompte  rendn. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  à  m.  Gastave  TKKojWàïeT^ 
Hf  rae  de  TAtliénée»  1^  GenèTe  (Suisse). 

S'adresser  pour  les  abonnements  h  l'éditeur,  M.  Jnles  Sandox, 
h  GenèTe  et  NencliAtel* 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Sandoz  et  ïhuillier,  éditeurs,  4.  rue  dq  Tournon,  à  Paris. 

Ch.  Dei^agrave,  libraire,  lo,  rue  Soufllol,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  Cour,  45,  rue  de  la  Régence,  à  Bnixellfts. 

DuMOLARD  frères,  libraires,  Corso  Vittorio  Emmanuele,  21,  à  Milan. 

F,-A.  BbockhauSj  libraire,  Querstr.,  29,  c'i  Leipzig. 

L.  Fhiederichsen  et  C**,  libraires,  AdmiraJitâtsstr,  3/4,  à  Hambourg. 

Wilhelm  Fhigk,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Anlriclie). 

Trubner  et  G^*,  libraires,  Ludgate  Hill.  57/59.  k  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  lous  les  pays. 


ATIS.  —  Nous  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  abonnés  un  eertam 
nombre  d'exemplaires  complets  de  la  11^^  et  de  la  IXT»*  année,  que  notis  pourrona 
encore  céder,  jusqu'à  nouvel  ordre^  à  raison  de  fr.  7.  la  I/'""  et  de  fr.  10.  la 
in^^  année,  le  port  en  sus.  La  P*"  est  épuisée, 


ÉCHANGES 


Anvers.  Halle. 

Berlin.  Hambourg. 

Bruxelles.       léna. 
Francforts/M.  Lille. 


Sociétés  de  géographie. 

Lisbonne.  Marseille.        New- York. 

Loanda.  Montpellier.    Oran. 

Lyon.  Mozambique.  Paris. 

Madrid.  Nancy.  Rochefort. 


Rome. 

Rouen. 

Vienne. 


Sooiétéfl  de  géographie  oommeroiale. 

Bordeaux.  Paris. 

MiflBiona. 


Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XlX^e  siècle 

(Neuchâtel). 
Journal  de  l'Unité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions  •  Blatt  (mimen) . 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bâle). 

Ëvangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
Galwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgemeine  Missions -Zeiftchrift  (GUters- 

loh). 
Glaubensbote  (Bâle). 
Africa  (Londres). 


Ghurch  missionary  Intelligencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionary  (New-York). 

Régions  beyônd  (Londres). 

Glironicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Ghurch  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Ghurch  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  nnited  preshy- 
terian  Ghurch  (Edimbourg). 

Gentral  Africa  (Londres). 

Woman's  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Divers. 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  Golonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé-l 
Tienne  (Alger). 

Bulletin  du  u)mice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  T Académie  d'Hippone  (Bone). 

Revue  géographique  internatronale  (Paris). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  f(ir  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische    Monatsschrift  fUr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  fUr  wis^enschaftliche  Géogra- 
phie (Lahr). 


Aus  allen  Welttheilen  (Leipzig). 

African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine^s  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Observer  (Monrovia). 

Esploratore  (Milan). 

Gosmos  (Turin). 

Bollettino  delta  Societa  africana  d'Italia 
(Naples). 

Ësplorazione  (Naples). 

Marina  e  Gommercio,  e  Giornale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Boletin  de  la  Ëfxploradora  (Vitoria). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 
Revue  de  géographie  (Paris). 
Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 
Indépendant  (Gonstantine). 
Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 
Bulletin  de  la  Société  khédiviale  de 
graphie  (Le  Gaire). 


Dr  A.  Petermann*s  Mittheilungen  (Gotha). 
Proceedings   of  the  royal   geographical 

Society  and  monthly  ftecora  of  geogra- 

phy  (Londres). 
Natil  Mercury  (Durban), 
géo-  Cîape  Argus  (Gape-Town). 

West  Airican  Reporter  (Sierra  Leone). 

Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

Page» 

Bulletin  mensuel , .  85 

Nouvelles  complémentaires '. " 77 

Voyage  du  lieutenant  Wissmann  a  travers  l'Afrique 81 

L'ÉMKMIATION  ITAUENNE  EN  AfRIQUE 87 

Bibliographie  : 

J.  Fahrngruber.  Ans  dem  Pharaonenlande HO 

George  Pearse.  The  Kabyles î)0 

Josef  Chavanne.  Âfrikas  Strôme  und  Flûsse 91 

J.  de  Chambrier.  Du  Jura  à  TAtlas ,  92 

Carte  : 

Itinéraire  de  Wissmann  à  travers  TAfrique. 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Societa  geografica  italiana.  —  Terzo  congresso  geograiico  internazionale,  tenuto 

a  Venezia,  dal  15  al  22  settembre  1881,  Volume  primo.  Notizie  e  rendiconti.  — 

Roma  1882,  iii-89,  404  p. 
Societa  geografica   italiana.  —  Statistica  délia  emigrazione  italiana  alPestero 

nel  1881.  —  Roma,  1882,  gr.  in-8^  XLIII  et  269  p. 
J.  de  Chambrier.  Un  peu  partout.  Du  Jura  à  PAtlas.  —  Paris  (Sandoz  et  Thuillier), 

1883,  in-12,  860  p.  Fr.  3,  50. 
Société  de  géographie  de  Lisbonne.  La  question  du  Zaïre.  Droits  du  Portugal. 

Mémorandum.  Édition  française.  —  Lisbonne  (impr.  Lallcmant  frères),  1883j 

in-8'',  80  p. 
Emile  de  Laveleye.  L'Afrique  centrale  et  la  Conférence  géographique  de  Bruxelles. 

—  Bruxelles,  1878,  in-12,  220  p.  et  2  cartes. 


Genève.  ~-  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


JOURNAL  MENSUEL 


t. 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIRIGÉ  PAR 

M.   Gnstaye  MOTlflEB 

Membre  do  la  CoromiBaion  internationale  de  Bruxelles  poor  Texploration  et  la  civilisation 

de  l'Afriqae  centrale;  mambro  correspondant  de  TAcadémio  d'Hipponc, 

et  des  Sociétés  de  géographie  de  Blarseille,  de  Nancy  et  do  Loanda. 

RÉDIQÉ  PAR 

M.  Charles  FAUBS 

Secrétaire-Bibliothécaire  do  la  Société  de  géographie  de  Oenèye ,  membre  correspondant  dos  Socictéa 

de  géographie  de  Lisbonne  ot  de  Loanda.' 


L'Afrique  paraît  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8<>  d'an 
moins  ^  pages  chacune  ;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
paraît  nécessaii*e. 

Le  prix  de  Tabonnement  annuel,  payable  d'avaHee»  est  de  dix  firancs* 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  TUnion  postale  (prpn)i('^re  zone);  pour  les 
autres,  11  fr.  5Ô. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  TAfrique,  dont  il  est  onvoy»>  deux  exemplairwi  2i 
la  Direction,  aura  droit  à  un  «ompte  rendu. 

Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  i\  M.  GastaTO  Sloynler, 
8,  rae  de  PAtlienéet  à  Genève  (Snlsse). 

S'adreMier  pour  les  abonnements  h  l'édlteor»  M»  Joies  Saadox, 
A  Genève  et  NeaclftAtel. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
i\\\ez  MM.  Sandoz  et  Thlillikr,  éditeurs,  4.  rue  de  Tournon,  à  Paris. 

Ch.  Delagrave,  libraire,  lo,  me  Sonfflot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  (iOur,  45.  rue  de  la  Régenc-e,  A  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères.  Hbraires.  Corso  ViUorio  Emmanuele,  21,  à  Milan. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Querstr..  29,  à  Leipzig. 

L.  Fribderighsen  et  O,  libraires.  AdtniraliluUstr,  3/4,  ii  Hambour);. 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  (iral)en  27.  Vienne  (Autriche). 

Trubner  et  0\  libraires,  Ludgate  Hill.  :)7/30.  à  lA>ndi'es  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


ATIS.  —  Nous  mettofis  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  ahofwés  un  ceHam 
nombre  d'exemplaires  complets  de  la  11*''^  et  de  la  ///'"«  année,  qu^  nom  pourrofis 
encore  céder,  jusqu^à  nouvel  ordre^  à  raison  de  fr,  T.  la  II""*  et  de  fr.  10.  la 
irr™*  année,  le  port  en  sus.  La  I"  est  épuisée. 


ÉCHANGES 

Sooiétés  de  géographie. 

Anvei's.  Halle.  Liabonno.  Marseille.        New- York.  Rome. 

Berlin.  Hambourg.  Loanda.  Montpellier.    Oran.  Ronen. 

Bruxelles.       lôna.  Lyon.  Mozambique.  Paris.  Vienne. 

Francforts/M.Lille.  Madrid.  Nancy.  Rochefort. 

Sociétés  de  géographie  conuneroiale. 

Bordeaux.  Paris. 

Missions. 

Journal  des  missions  évangéliqnes  (Paris). '(Ihurch  missionary  Intelligencer  nnd  Re- 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne).  cord  (Londres). 

Missions  évangéliques  au  XIX™«  siècle  Missionary  Herald  (Boston). 

(Neuchâtel).  AmericanMissionary  (New-York). 

Journal  de  TUnité  des  Frères  [moraves]  Foreign  Missionary  (New- York). 

(Peseux).  Régions  beyond  (Londres). 

Missions  catholiques  (Lyon).  (^hronicle  of  the  I^ndon  Missionary  So- 

Missions  d*Afrique  (Alger).  ciety  (Londres). 

Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon ).-Monthly  Record  of  the  Free  Church  of 
Missions -Blatt  (Barmen).  >     Scotland  (Edimbourg). 

Berliner  Missions-Berichte  (Berlin).  i  Missions  Field  (Londres). 

Heidenbote  (Bftle).  (Church  of  Scotland   home  and   foreign 


Missionary  Record  (Edimbourg). 
Missionary  Record  of  the  united  presby- 

terian  Church  (EdimlK>urg). 
Outrai  Africa  (Londres). 
Woman's    foreign    Tiiissionary    Sociely 


Evangelisches  Missions -Magazin  (Bâie). 
Clalwer  Missions -Blatt  ((]alw). 
Allgemeine  Missions- Zeitschrift  (Gliters 

loh). 
Glauliensbote  (Bàle). 
Africa  (Londres).  (Philadelphie) 

Divers. 

Exploration  (Paris).  \  Aus  allen  Welttheilen  (Leipzig). 

Moniteur  des  (]lolonies  (Paris).  African  Times  (Londres). 

Bulletin  des  Mines  (Paris).  \  Antislavery  Reporter  (Londres). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé-  Aborigine's  Friend  (I^ondres). 

rienne  (Alger).  African  Repository  (Washington). 

Bulletin  du  Lomice  agricole  (Médéa).        |  Observer  (Monrovia). 
Bulletin  de  l'Académie  d' H ippone  (Bone).  Esploratore  (Milan). 
Revue  géographique  internationale  (Paris).  (Cosmos  (Turin). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall).  Bollettino  délia  Societa  africana  dltalia 

Deutsche  Rundschau  fUr  Géographie  und      (Naples).. 

Statistik  (Vienne).  Esplorazione  (Naples). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell-  Marina  e  (^ommercio.eGiornale  délie  co- 

schaft  in  Deutschbind  (Berlin).  lonie  (Rome). 

Oesterreichische    Monatsschrift  fHr  den  Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Orient  (Vienne).  Africa  oriental  (Mozambique). 

Zeitschrift  fUr  wissenscbaftliche  Geogra-  0  Africano  (Quiliraane). 

phie  (fjahr).  ;  Jornal  das  colonias  (Li.sbonne). 

AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES , 

Tour  du  monde  (Paris).  'D' A.  Petermann's Mittheilungen  (Gotha). 

Revue  de  géographie  (Paris).  jProceedings   of  the   royal   geographical 


Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 
Indépendant  (Constantine). 
Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 
Bulletin  de  la  Société  khédiviale  de  géo- 


Society and  monthly  Record  of  geogra- 

phy  (Londres). 
Nataf  Mercury  (Durban) . 
(]lape  Argus  (Lipe-Town). 


graphie  (Le  Caire).  j  West  African  Reporter  (Sierra  Leone). 

Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

Pige» 

Bulletin  mensuel 03 

Nouvelles  complémeiitaii^es 104 

Explorations, DU  D'  Junkeb  sur  le  haut  Quelle. 106 

BimJOGRAPHIE  : 

La  question  du  Zaïre.  Droits  du  Portugal IVô 

Josef  Chavanne.  Afrika  im  Lichte  unserer  Tage 114 

Les  églises  monolithes  de  la  ville  de  Lalibéla,  par  A.  Uaffray 11  ri 

Carte  : 

Explorations  du  D'  Juiiker  sur  le  haut  Quelle. 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Afrika  im  Lichte  unserer  Tage.  —  Bodengestalt  und  geologischer  Bau,  von  Josef 
Chavanne.  —  Wien,  Pest,  Leipzig  (A.  Hartlehen),  1881,  în-12,  184  p.  et  carte. 
Fr.  3.  75. 

Pogge's  und  Wissmann's  Reisc,  von  Kimhundu  nach  Njangwe.  1880-1881. 
V*  ,000,000  Karte.  —  Beilage  zum  Globus.  (Lith,  Anst.  v.  Leop.  Kraatz)  Berlin. 

Ile  de  la  Réunion,  d'après  la  carte  de  M.  L.  Maillard  et  plusicui*s  plans  parcel- 
laires. —  Revue  et  augmentée  par  R.  M.  et  A.  M.  G.  —  Paris  et  St-Dcnis  (Réu- 
nion), 1883.  Carte  au  V«oo,ooo.  (Gravée  par  L.  Sonnet,  99,  boulevard  8t-Gerniaîn.) 

Les  églises  monolithes  de  la  ville  de  Lalibéia  (Abyssinie),  par  Achille  Raffray.  — 
Album  gr.  in-4**  de  20  planches  lithogr.  et  14  p.  de  texte.  — Paris  (Vve  A.  Morel 
et  C%  1882.  Fr.  30. 

L'Algérie.  —  Impressions  de  voyage  (1873  et  1881),  par  J.-J.  Clamagerau,  séna- 
teur. 2«  édit.  —  Paris  (Germer-Baillière  et  C*),  1883.  In-18,  424  p.  Fr.  3.  50. 

Algérie  et  Sahara.  Le.^fénéral  Margueritte,  par  le  général  Philebert.  —  Paris 
(Direct,  du  Spectateur  militaire,  39,  nie  de  Grenello),  1882,  in-8*»,  4(>8  p.  Fr.  7.  «). 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


JOURNAL  MENSUEL 

JULdS      Ï4AP4DOZ,      ÉI>i;rEllTK 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIRIGÉ  PAR  ^ 

M.   Gastave  HOTNIER 

Membre  de  la  CommiBSion  intftrnationale  de  Brnxellos  ponr  Vejcploration  et  la  cirllisation 

do  l'Afiriquc  centrale;  membre  correspondant  de  l'Académio  d'flippone, 

et  des  SociétcB  de  gt'og^raphie  do  Marseille,  de  Nanry,  de  Loanda  et  do  Porto, 

RÉDIGÉ  PAR 

M.  Charles  FâUBE 

Secrétairc-BibliotliécaU-e  de  la  Société  de  géographie  do  Genève,  membre  oorrospond.int  des  Sociét/'s 
de  géog^'aphio  do  Lisbonne,  do  Loanda.  do  Porto  ot  de  Snint-Gnll. 


L'Afrique  paraît  \o  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8«  d'au 
moins  20  pages  rhacune;  le  texte  est  acrompajîné  de  cartes,  chaque  fois  que  c^^la 
paraît  nécessaire. 

Le  prix  de  l'abonnement  annuel,  payable  d'aTance»  est  de  dix  IVancB, 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  l'Union  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  H  fr.  50.  ' 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  aora  droit  ft  an  compte  rend».  ^ 

Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction   :i  M*  GnstaTe  Iloynier,  s 
8,  rue  de  l'Athénée,  ft  Genève  (Suisse). 

S'adresser  ponr  les  abonnements  ft  l'éditear,  Ht.  Jales  Sandox, 
à  Genève  et  NencliAtel. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Sandoz  et  Turiu.iRR,  éditeurs,  4.  rue  do  Tournon,  à  Paris. 

Ch.  Delacjhavk,  libraire,  lo,  rno  Soufïlot,  à  Paris. 

MuQCARnT.  libraire  de  la  Cour.  \»),  rno  de  In  l^éjîence,  à  Bruxelles. 

DuMOLAHD  frères,  libraires.  Corso  Viltorio  Emmannelp,  21.  h  Milan. 

Fj-A.  Hrockuacs,  libraire,  Querstr..  29.  j'i  Leipzig. 

L.  Friederichskn  et  O,  liliraires.  Admiralilàlsslr.  3;i.  à  Hnmbourir. 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Craben  27,  Vienne  (Autricfio). 

TRCBNERet  V?\  libraires,  Ludgate  Hill.  Tiz/SO.  l\  Londres  E.  C. 
Et  rhez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


ATIS.  —  Nous  viettom  à  la  disposition  de  7ios  nonveau,r  ahonnh  un  certain 
tiombre  d'exemplaires  comx)lets  de  la  II"'''  et  de  la  III*'''  année,  que  nou't  piynrrons 
encore  céder,  jusqu'à  nouvel  ordre^  à  raison  de  fr.  7.  la  //'"*  et  de  fr,  10.  la 
jjjrnv  année,  le  port  en  sus.  Im  I'"*'  est  épuisée. 


ÉCHANGES 


Sociétés  de  géographie.  • 

Anvofs.  Halle.  Lisbonm».  Marseille.        Nmv-York.  Romc^. 

Berlin.  IL'irnboiirf;.  Loanda.  Montpollier.    Oran.  lioiien. 

Bnixollos.       UwH.  Lyon.  Mozambique.  Paris.  Vienne 

Francforts/M.  Lille.  Madrid.  Nancy.  Rochefort. 


liordeaux 


Sociétés  de  géographie  commerciale. 

Paris.  Porto. 

Missions. 


îNtint-Gall 


Jonrnal  des  missions  évatigêliqnes  (Paris).  (Ihureh  missionary  [ntelli«:enrer  and  He- 
Biilletin  missionnaire  (Lausanne).  '  cord  (F.(mdres). 

Missions  évan;-'éliques  au   XIX "»«  siècle  Missionary  Herald  (Boston). 

(Neuehâtel).  American'Missionary  (New-York). 

Journal  do  l'Unité  des  Frères  fmoraves]  fr'oreifjn  Missionary  (New-York). 

(Peseux).  j  l{e{?ions  heyond  (tendres). 

Missions  catholiques  (Lyon).  Clironicle  6f  the  Lof)don  Missionarv  iSo- 


Missions  d'Afrique  (Alger). 

Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 

Misî^ions-Blatt  (Barmen). 

Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 

Heidenhole  (Bâle). 

Evangelisches  Missions -Magazin  (Bûle). 

(^alwer  Missions -Blatt  (dalw). 

AllgeH)eine  Mis-sions-Zeitschrift  (Giiters- 

loh). 
Glauhensbote  (Bâle). 
Africa  (Londres). 


ciety  (F^ondres). 
Montlily  Record  of  the  Fret»  Glnirrli  of 

Scotland  (Edimbourg). 
Missions  Field  (Londres), 
(ihurch  of  Scotland    home  and   foreigi» 

Missionary  Record  (Edimbourg). 
Missionarv  Record  of  the  uiiited  presby- 

terian  (îhun^h  ^Edin^bourg). 
Central  Africa  (Londres). 
Woman*s    foreign    missionarv    Societv 

(Philadelphie). 


Divers. 


Exploration  (Paris). 
Moniteur  des  (Colonies  (Paris). 
Bulletin  des  Mines  (Paris). 


',  Afric^n  Times  (Londres). 
Antislavery  Reporter  (Londres). 
;  Aborigine's  Friend  (Londres). 
Bulletin  de  l'Association  scientifique  algê-!  African  Repository  (Washington). 

rienne  (Alger).  Observer  (Monrovia). 

Bulletin  du  (^omice  agricole  (Médéa).        ]  Esploratore  (Milan). 
Bulletin  de  i*Académie  d'Hippone  (Bone).(>)smos  (Turin). 

Revue  géographique  internationale  (Paris).  Bollettino  délia  Sociela  africana  d'Itaha 
Handels-Zeituug  (Saint-fiall).  (Naples). 

Deutsche  Rundschau  fdr  Géographie  und;  Esplorazione  (Naples). 

Slatistik  (Vienne).  Marina  e  (iOmmen-io.eGiorna le  délie  co- 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell;!     lonie  (Rome). 

schafl  in  Deutschland  (Berlin).  ,  Bolelin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Oesterreichische    Monatsschrift  fur  den' Africa  oriental  (Mozambique). 

Orient  (Vienne).  ;0  Africano  (Quilimane). 

Zeitschrift  fUr  wi.s.senschaftliche  Geogra-  Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

phie  (Jjahr).  As  colonias  portuguezas  (Lisbonm^). 

Ans  allen  Welttheilen  (Leipzig).  , 

AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 
Revue  de  géographie  (Paris). 
Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 
Indépendant  (donstantine). 
Mtmiteur  de  l'Algérie  (Alger). 
Bulletin  de  la  Société  kliédiviale  de 
graphie  (Le  Gaire). 


geo- 


Eh 


Dr  A.  Petermann's  Mittheilnngen  ((jotha). 
Proceedings    of  the   royal    geogra phical 

Society  and  monthly  Record  of  geogra - 

phy  (Londres). 
Natal  Mercury  (Durban). 
Cape  Argus  ((Jaiie-Town). 
West  Africain  Reporter  (Sierra  Leone). 

etc. 


.-L= ai. 


SOMMAIRE 

BrLLETlN   MEKSITEL 117 

Nouvelle??  coini)léiiieiitaii'es 130 

Exrr.oRATioNs  du  D'  Jïjxkkr  sur  lk  ilvdt  Ouellk  (suite  et  tin). .  140 


Bibliographie  : 


\ 


Societii  d'esplorazioue  commerciale  in  Africa 145 

ÉmiJo  de  Lavcleye.  J/Aft'ique  centrale  et  la  (  onféreuce  de  Bruxelles.  145 

Carte  daPîle  de  la  Réunion : 146 

J.-J.  Clamagoran.  L'Algérie 146 

Pliilebert.  Algérie  et  Sahara.  Le  général  Marguerittc ,  147 

L.  van  Deventer.  La  Hollande  et  la  baie  de  Delagoa *  147 

Pigeonneau.  L'avenir  commercial  de  la  France  en  Afrique 148 


OUVRAGES  REÇUS  : 

La  Hollande  ot  la  baie  de  Delagoa,  par  M.  L.  van  Deventer.  —  La  Haye  (Martimis 

Nijhoff),  1883,  in-8°,  80  p.  Fr.  2.  70. 
Adrian  Balbi's  allgemeine  Erdbeschreibung.  Siebente  Auflage.  Vallkommen  neu 

Irearbeitet  von  D'"  Joscf  Cliavanne,  mit  400  Illust.  und  150  Karten. —  Wien,  Pest, 

Leipzig  (A.  Hartleben),  gr.  in-8".  Lieferungen  17-24.  Fr.  1  (par  livraison). 
L'avenir  commercial  de  la  France  en  Afrique.  Conférence  par  M.  Pigeonneau.  — 

Paris  (V«  Eug.  Belin  et  jSls),  1882,  in-8^  IG  p.  et  carte. 
Prof.  A.  Brunialti.  —  Scoperte,  commerci,  colonie  degli  Earopei  nei  bacini  delP 

Ogoué  e  del  Congo.  —  Iloma  (Giuseppe  Civili,  via  del  Mercede,  9),  1883,  iii-8*', 

19  p. 
Congrès  national  des  Sociétés  françaises  de  géographie.  4'"«  session.  Lyon,  1881. 

Compte  rendu  des  séances.  —  J^yon  (Soc.  de  géogr.,  6,  rue  de  l'Hôpital),  1882, 

iu-8",  410  p.  et  cartes. 
Meiuc  Mission  i^ach  Abessinien,  von  Gerhard  llohlfs.  —  Leii»zig  (F.-A.  Brockhaus), 

1883,  in-S*,  348  p.  avec  gravures  et  carte.  Fr.  IG. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Scbuchardt. 


JOURNAL  MENSUEL 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIRIOÉ  PAE 

H.   Gnstave  MOYNIEB 

Membre  de  1a  CommisBion  internationale  do  Braxellos  ponr  l*oxpIoration  et  la  ciyilisaHon 

de  l'Afrique  centrale;  membre  correspondant  do  l'Acadérolo  d'Hippone, 

et  des  Sociétés  de  géographie  de  Marseille,  de  Nancy,  de  Loanda  et  do  Porto. 

KÉDIQi  PAA 

M.  Charles  FAUBB 

Secrétaire-Bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie  de  Genève ,  membre  eorrcspondant  dos  Snciétéa 
de  géographie  de  Lisbonne,  do  Loanda,  do  Porto  et  de  Saint-&ail. 


L'Afriqtie  parait  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d*âu 
moins  20  pages  charune  ;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
paraît  nécessaii'e. 

Le  prix  de  Fabonnement  annuel,  payable  d'avanee»  est  de  dix  Aranes, 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  TUnion  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  il  fr.  50. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  anra  droit  ii  an  compte  rendu' 


Adressçr  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  k  M.  GnstaTo  Hfoynier, 
8,  rne  de  l'Athénée»  à  OenèTO  (finisse). 

S'adresser  ponr  les  abonnements  ii  l'éditenr»  m.  Jules  Sandos» 
à  Genève  et  NenehAtel.    . 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Sandoz  et  Thuillier,  éditeurs,  4.  rue  de  Tournon,  à  Paris. 

Gh.  Delagbave,  libraire.  15,  nie  Soufflot,  à  Paris. 

MuouARDT,  libraire  de  la  Cour,  45.  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  libraires,  Corso  Vittorio  Emmanuel e,  21.  à  Milan. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Querstr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Friederichsen  et  C^%  librain^,  Admiralitakslr,  3/4,  à  Hambourg. 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,- Vienne  (Autriche). 

Trubner  et  C*%  libraires,  Ludgate  Hill,  57/59.  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


ATIS«  —  Nous  mettons  g>  la  di^osition  de  nos  nouveaux  ahonTiés  un  certain 
nombre  d^exemplaires  complets  de  la  II'^'^  et  de  la  III"^'  année,  qiie  nous  jpottrrotw 
encore  céder,  jusqu'à  nouvel  ordre^  à  raison  Je  fr.  7,  la  J/"'*  et  de.fr.  10,  la 
ZCr™"  année,  le  port  en  sus.  La  P»  est  épuisée. 


ÉCHANGES 


Anvers. 
Berlin. 
Brème. 
Bruxelles. 


Berlin. 


Sooiëtës  de  géographie. 

Francfort  s/M.  Lille.  Marseille.        New- York . 

Halle.  Lisbonne.  Montpellier.    Oran. 

Hambourg.      I^yon.  Mozambique.  Paris, 

léna.  Ahdrid.  Nancy.  Rocheforl. 

Sociétés  de  géographie  oommeroiale. 

Bordeaux.  Paris.  Porto. 

Missions. 


Rome. 

Rouen. 

Vienne. 


Saint-Gall. 


Journal  des  missions  évangéltques  (Paris).  jC^hurch  missionary  Intelligencer  and  Re- 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne).  |     cord  (ï^ndres). 


Missions  évangéliques  au  XlXm»  sièclej  Missionary  Herald  (Boston). 

(Neuchâlel).  l  American  Missionary  (New -York). 

Journal  de  I  Unité  des  Frères  [moraves]!  Foreign  Missionary  (New- York). 


(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d'Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions- Blatt  (Bannen). 
Berliner  Mission s-Berich te  (Berlin). 
Heidenbote  (Bàle). 

Ëvangelisches  Missions -Magazin  (Bâlo). 
('alwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgemeine  Missions-Zeitscbrift  (Gdters- 

loh). 
Glaul)ensbote  (B&le). 
Afriea  (Londres). 


Régions  beyond  (Londres). 

Cbronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  (Ihurrb  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Churcb  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
teriai|.i!ihurch  (Edimbourg). 

Central  Afriea  (Londres). 

Woman's  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Divers. 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  Lomice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  F  Académie  d*Hi[)pone  (Bone). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  fUr  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fUr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrîft  fttr  wissenschaftliche  Géogra- 
phie (Lahr). 

Aus  allen  Welttheilen  (Leipzig). 


African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Observer  (Monrovia). 

Esploratore  (Milan). 

Cosmos  (Turin). 

Boilettino  délia  Societa  africana  d'Italia 
(Naples). 

Ësplorazione  (Naples). 

Marina  e  Commercio,  c  Giornale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Afriea  oriental  (Mozambique).  * 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 
Revue  de  géographie  (Paris). 
Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 
Indépendant  (Gonstantine). 
Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 
Bulletin  de  la  Société  khédiviale  de 
graphie  (Le  Caire). 


Dr  A.  Petermann's  Mittheilungen  (Gotha). 
Proceedings   of  the  royal   geographical 

Society  and  monthly  Reconl  of  geogra- 

phy  (Londres). 
Natal  Mercury  (Durban), 
géo-  Cape  Argus  (ilipe-Town). 

West  African  Reporter  (Sierra  Leone). 

Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 


Bulletin  mensuel 149 

Nouvelles  complémentaires 163 

L'esclavage  a  Madagascar  (!•'  article) 167 

Correspondance  de  Khabtoum 170 

Bibliographie  : 

V      Mein^  Mission  nach  Abesslnien,  von  Rohlfs 173 

Léon  Michel,  Tunis 174. 

Charles  Buet,  Madagascar. , 175* 

Souvenirs  de  l'expédition  de  Tunisie,  par  Girard 176 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Ed.  Robert  FlegePs  Reise  von  Eggan  nach  Bida,  und  von  dort  ûber  Keffi  nach 

Loko,  1881,  von  Richard  Kiopert.  Karte  Vsooooo. 
Sociedade  de  geographia  de  Lisboa.  A  questao  do  meridiano  universal.  Parecer 

da  secçao  de  nautica  relator  J.-B.  Ferreira  d'Almeida.  —  Lisboa  1883,  in-8^, 

45  p. 
Livres  snr  l'Afrique.  Catalogue  de  la  librairie  de  Martinus  NghofT,  à  la  Haye 

(Nobelstraat  18).  N«  171,  octobre  1882,  in-8«»,  26  p. 
Léon  Michel.  Tunis.  2"«  édition. —  Paris  (Garnier  frères),  1883,  iB-12,  314  p.  Fr.  3, 
Charles  Buet.  Madagascar,  la  reine  des  îles  africaines.  —  Paris  (Victor  Palmé). 

1883,  în-8«,  391  p.,  avec  gravures.  Fr.  6. 
Souvenirs  de  l'expédition  de  Tunisie,  par  M.  6.  Girard.  —  Paris  (Berger-Levrault 

et  C«),  1883,  in-8S  56  p.  Fr.  2. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


JOURNAL  MENSUEL 

s     SAIVDOZ,     ÉDI 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE    ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIKIOÉ  PAB 

H.   GnstETe  MOYHIBB 

Membre  de  la  CommiMion  internationale  de  Bnixelles  pour  l'exploration  et  la  oiTilisation 

de  rAfriquQ  centrale;  membre  correspondant  do  rAoadémio  d^Hippone, 

et  des  Sociétés  de  géographie  do  Marseille,  de  Nancy,  de  Loanda  et  de  Porto. 

SÉDIQâ  PAK 

H.  Charles  FAUKE 

SoorétiUre-Bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie  de  Osnève ,  membre  correspondant  dos  Soj:>iétés 
de  géographie  de  Lisbonne,  de  Loanda.  do  Porto  et  de  Saint-Gall. 


L'Afrique  paraît  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d'au 
moins  ^0  pages  chacnne;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
paraît  nécessaire. 


Le  prix  de  l'abonnement  annuel,  payable  d'aTaoee,  est  de  dix  ffïrai 
port  compris,  pour  tous  les  pays  de  TUnion  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  11  fr.  SÔ. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  ii  an  compte  renda. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  à  91.  Gustave  Mojnier, 
Sy  rue  de  l'Atliénée,  ft  QenèTe  (Suisse). 

S^adresser  pour  les  abonnements  à  réditeur,  91.  Jules  SandoB» 
ii  Genève  ou  a  NeneliAtel. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Sandoz  et  Thum-lier,  éditeurs,  V  rue  de  Tournon,  à  Paris. 

Ch.  Delaurave,  libraire.  13,  rue  Soufllol,  à  Paris.  ^ 

MuQUARDT,  libraire  de  la  (^our.  4o.  rue  de  ki  Kégence.  à  Bruxelles. 

DuMOLAHD  frères,  libraires,  (^rso  Villorio  Emmanuele,  21*  à  Milan. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Querstr.,  29,  k  Leipzig. 

L.  Frikderichsen  et  O^,  libraires,  Admiralitâlsstr,  3/4.  à  Hambc»urg. 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Graljen  27,  Vienne  (Autriche). 

Trubnkr  et  0\  libraires,  Ludgate  Hill.  57/59.  à  Londres  E.  il. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  p«Tys. 


A  VIS.  —  Nom  mettofis  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  abonnés  un  certain 
nombre  d'exemplaires  complets  de  la  IL''''  et  rfe  la  lU"'^  année^  que  nous  pourrons 
encore  céder,  jusqu'à  nouvel  ordre,  à  raison  de  fr.  7.  Ja  //•"«  et  de  fr.  10.  la 
///me  année,  le  port  en  sits.  La  I'*  est  épuisée. 


ÉCHANGES 

Sooiétés  de  géographie. 

Anvars.  Francforts/M.  Lillo.  Marseille.       Ne.»w-York.  Home. 

Berlin.  Halle.  Lisbonne.  Montpellier.    Oran.  Rouen. 

Brome.  Hambourg.      F^yon.  Mozambique.  Paris.  Vienne. 

Bruxelles.  léna.  Madrid.  Nancy.  Rocheforl. 

Sociétés  de  géographie  commerciale. 

Berlin.  Bordeaux.  Paris.  Porto.  Saint-Gall. 

Missions. 

Journal  des  missions évangéliques  (Paris)., Church  missiooary  Inlelligencer  and  Re- 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne).  cord  (Londres). 

Missions  évangéliques  au  XlXmo  siècle  Missionary  Herald  (Boston). 

(Neuchâteh.  American  Missionary  (iSew-York). 

Journal  de  1  Unité  des  Frères  [moraves]  Foreign  Missionary  (New- York). 

(Peseux).  Régions  beyond  (Londres). 

Missions  catholiques  (Lyon).  Clironicle  of  the  London  Missionary' So- 

Mismons  d'Afrique  (Alger).  ciety  (Londres). 


Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 

Missions -Blatt  (Barmen). 

Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 

Heidenbote  (Bâle). 

Ëvangelisches  Missions -Magazin  (Baie). 

(lalwer  Missions- Blatt  (Calw). 

AHgemetne  Missions-Zeitschrift  (GUters- 


Monthly  Record  of  the  Free  (Ihnrch  of 

Scotland  (Hldimbourg). 
Missions  Field  (Londres). 
(]hurch  of  Scotland   home  and   foreign 

Missionary  Record  (Edimbourg). 
Missionary  Record  of  the  uniled  v 


terian  (Mmrch  (Edimbourg). 


presby 


loh).  [Central  Africa  (Londres). 

Glaubensboto  (Bâle).  iWoman's    foreign    missionary    Society 

Africa  (Londres).  j     (Philadelphie). 

Divers. 

Exploration  (Paris).  I  African  Times  (Londres). 

Moniteur  des  (Colonies  (Paris).  |  Antislavery  Reporter  (Londres). 

Bulletin  des  Mines  (Paris),  j  Aborigine's  Friend  (Londres). 

Bulletin  de  PAssociation  scientifique  alg»»-  African  Repository  (Washington). 

rienne  (Alger).  Observer  (Monrovia). 

Bulletin  du  (.omice  agricole  (Médéa).        '•  Ksploratore  (Milan). 
Bulletin  de  l'Académie  d*iîippone  (Bone).,  Cosmos  (Turin). 

Revue  géographique  internationale  (Paris),  liollettino  délia  Sociela  africana  dltalia 
Handels-Zeitung  (Saint-Gall).  (Naples). 

Deutsche  Rundschau  fOr  Géographie  und  Esplorazione  (Naples). 

Statistik  (Vienne).  Marina  e  Commercio,  e  Giornale  délie  cd- 

Mîttheilungen  der  afrikanischen  Gesell-      lonie  (Rome). 

schaft  in  Deutschland  (Berlin).  ;  Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Oesterreichisohe    Monatsschrift   fUr  den' Africa  oriental  (Mozambique). 

Orient  (Vienne).  0  Afric^no  (Quilimane). 

Zeitschrift  fQr  wissenschaftliche  Geogra-j  Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

phie  (Lahr).  '  As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Ausallen  Welttheilen  (Leipzig). 

AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 

Tour  du  monde  (Paris).  iD»"  A.  Petermann's  Mittheilungen  (Gotha). 

Revue  de  géographie  (Paris).  Proceedings    of  the   royal   geographical 

Revue  maritime  et  coloniale  (Paris).  Society  and  monthly  Record  of  geogra- 

Indépendant  ((ionsUntine).  phy  (Londres). 

Moniteur  de  l'Algérie  (Alger).  jNatid  Mercury  (Durban). 
Bulletin  de  la  Société  khédiviale  de  géo-  (>ape  Argus  ((iape-Town). 

graphie  (Le  Caire).  iWest  African  Reporter  (Sierra  Leone), 

Etc.,  etc. 


SOMMA  11!  K 

Piif;PB 
Bl'LLETIN  MENST'EL 1  77 

Nouvelles  complémeiitairep ISfi 

L'esclavage  a  Madagascar  (Suite  et  tin] 197 

Note  sur  la  Carte  de  la  SÉxÉ(;AMmE  ai;  Nigrk lîK) 

Correspondance  : 

Lettre  de  Lisbonne  sur  les  travailleurs  engagés  pour  Saint- 
Thomas 198 

BlBIJOGRAPIUE   : 

Société  française  et  africaine  d'encouragement 2(X) 

Carte  : 

Routes  suivies  par  des  Européens  entre  la  côte  de  Séuéganibie  et 
le  Niger. 

i 

'   OUVRAGES  REÇUS  : 

Voyage  extravagant  mais  véridique  d'Alger  au  Cap,  exécuté  par  huit  jsersonnages 
de  fantaisie  et  leur  suite,  raconté  par  Julien  Vinson  et  Paul  Dive.  Paris  (Drey- 
fus), 1882,  in- 12",  300  p. 

Société  française  et  africaine  d'encouragement.  Rapport  annuel.  Paris  (Impr. 
Chaix),  liB83,  in-8^  12  p. 

Travaux  de  l'association  des  sociétés  suisses  de  géographie,  dans  sa  seconde  ses- 
sion, à  Genève,  les  29,  30  et  31  août  1882.  Genève  (Soc.  de  géogr.),  1883,  in-8*', 
206vpages  et  cartes.  Fr.  4. 

Joseph  Vallot.  Etude  sur  la  flore  du  Sénégal.  Paris  (Jacques  Lechevalier),  1883, 
1«'  fasç.  gr.  in-S**,  80  p.  et  carte.  Fr.  4. 

Afrika  als  Handeîsgebiet.  West- Sud- und  Ost-Afrika,  von  Fritz  Robert.  Wien 
(Karl  Gerold's  Sohn),  1883,  in-S«,  350  p. 

Le  Congo.  Article  du  Courrier  dea  États-Unis  et  réponse  d'un  membre  de  l'Asso- 
ciation internationale  africaine.  Bruxelles  (Typ.  Guyot,  12  rue  Pachéco),  1883, 
in-S*»,  17  p.  * 

Madagascar,  Slaverv  and  Cliristianity,  by  Robert  Needbam  Cust.  Ix)ndon  (Wells 
Gardner,  Darton  and  C'\  2,  Paternoster'Buildings,  E.  C),  1883,  in-8«,  8  p. 

Suite  aux  Lettrés  sur  le  Transsaharien,  publiées  j^ar  A.  Brière.  (Chez  l'auteur, 
percepteur  à  Sus-Saint-Léger,  Pas-de-Calais).  1883,  in-8°,  5(>  p. 

Adrian  Balbi's  AUgemeine  Pirdbeschreibung.  Vollkomraeu  neu  bearbeitet  v.  I)*"  Josef 
Chavanne.  Lief.  25-HO.  Wien  (Hartleben),  in-8*',  mit  lllustr.  und  Karteu. 

Reiseberichte  von  Richard  Brenner  iiber  die  Expédition  nach  Ostafrika  (1870-71) 
an  das  kaufm.  Directorinm  in  St.  Gallen;  in-4",  122  p. 

Die  kaufmànnische  Corporation  und  das  kaufmànnisclie  Dircctorium  in  St.  Gallen 
in  den  Jahren  1864-1880.  St.  Gallen,  1882,  in-4",  99  p.  * 

Abyssinien  und  die  iibrigen  Gebiete  der  Ostkiisio  Afrikas,  von  proî.  D"^  R.  Hart- 
mann. Leipzig  (G.  Frey(ag),  und  Prag  (F.  ïonipsky),  1^83,  iu-12",  304  p.  avei* 
gravures.  Fr.  1.  25.  ' 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


JOURNAL  MENSUEL 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE    ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIRIGÉ  PAR 

H.   GnstaTe  MOYNIER 

Membre  de  U  Commission  internationale  de  Bruzellot  pour  rexploratlon  et  la  eiviHaation 

de  rÂfriqne  centrale;  membre  correspondant  do  l'Académiu  d'Hippono, 

et  des  Sociétés  de  g(»ograptile  de  MarsotUe,  de  Nancy^  do  Loanda  et  de  Porto. 

BiDIOÉ  PAR 

M.  Charles  FAURE 

Socrétaire-Bibliothéeaire  de  la  Société  de  géographie  de  Genève ,  membre  corrrapondant  dos  Sociétét 
de  géographie  de  Lisbonne,  dé  Loanda.  do  Porto  et  de  Saint-OalL 


V Afrique  paraît  le  premier  lundi  de  cliaque  mois,  par  livraisons  in-S»  d*an 
inoiQs  20  pages  chacune  ;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  rabonnemeot  annuel,  payable  d'aTan^e»  est  de  dix  flranes» 

port  compris,  pour  louis  les  pays  de  Tllnion  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  il  fr.  80. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  TAfrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  1^  an  eompie  renda. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaetion  à  9I.  OustaTe  Bfoyaler» 
9,  rae  de  l'Athénée»  1^  Génère  (Suisse). 

S'adresser  pour  les  abonnements  à  Téditeur,  M.  Jules  Sandos, 
Èi  C^enève  ou  à  NenebAtel. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Sandoz  et  Thuillikr,  éditeurs,  4.  rue  de  Tournon,  à  Paris. 

Ch.  Delagrave,  libraire.  1*^,  rue  Soutïlol,  à  Paris. 

MuouARDT,  libraire  de  la  Cour,  45.  rue  de  la  Hégenre,  à  Bruxelles. 

DuMOLAKD  frères,  libraires,  Corso  Vil torio  Emmanuele,  21,  â^ilnn. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Querstr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Frikderichsen  et  (^*«,  libraires,  Adimraliiatsstr,  3/4,  à  Hanibtiurg. 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Aulriciie). 

Trubneu  et  O.  libraires,  Ludgale  Hill.  57j39.  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pn\s. 


ATIS.  —  Nous  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouveaxtv  abonnés  mi  certain 
nombre  d^exemplaires  complets  de  la  11'^^^  et  de  la  Iir*^^  année,  que  nom  poun^ons 
encore  céder,  jusqu'à  nouvel  ordre,  à  raison  de  fr.  7.  la  U"*  et  defr.  10.  la 
HT™*  année,  le  port  en  sus.  La  J"  est  épuisée. 


Anvers. 
Berlin. 
Brème. 
Bruxelles. 


ÉCHANGES 

Sociétés  de  géographie. 

Francforts/M.Lille.  Marseille.        New- York. 

Halle.  Lisbonne.  Montpellier.    Oran. 

Hambourg.      Lyon.  Mozambique.  Paris, 

léna.  Madrid.  Nancy.  Rochefort. 


Rome. 

Rouen. 

Vienne. 


Saint-Gall. 


Sociétés  de  géographie  coznmerciale. 

Berlin.  Bordeaux.  Paris.  Porto. 

Missions. 

Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 'Church  missionary  Intelligencer  and  Re- 
Bnlletin  missionnaire  (Lausanne).  |     cord  (Londres).' 

Missions  évangéliques  au  XÏX^e  siècle  Missionary  Herald  (Ejoston). 

(Neuchâtel).  |  American  Missionary  (Xew-York). 

Journal  de  TUnité  des  Frères  [moraves];Foreign  Missionary  (Ne w-York). 

(Peseux).  ,  Régions  beyond  (Londres). 

Missions  catholiques  (Lyon).  Chronicle  of  the  London  Missionary  So 

Missions  d'Afrique  (Alger).  ciety  (Londres). 

Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon).  Monthly  Record  of  the  Free  Chureb  of 


Missions -Blait  (Barmen). 
Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 
Heidenbote  (Bâie). 

Ëvangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 
'  (lalwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgemeine  Missions-Zeitsclirift  (Gllters 

lob). 
Glaubensbote  (Bâle). 
Africa  (Londres). 


Scotland  (Edimbourg). 
Missions  Field  (Londres). 
Church  of  Scotland  home  and   foreign 

Missionary  Record  (Edimbourg). 
Missionary  Record  of  the  united  presby- 

terian  Lhurch  (Edimbourg). 
Central  Africa  (Londres).  . 
Woman's    foreign    missionary    Socielv 

(Philadelphie). 


Divers, 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  Comice  aj^ricole  (Médéa). 

Bulletin  de  T Académie  d*Hij)pone  (Bone). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  fUr  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaft  in  Deutschiand  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fur  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  fUr  wissenschaftiiçhe  Géogra- 
phie (Lahr). 

Aus  allen  Welttheilen  (Leipzig). 

Chamber  of  Commerce  Journal  (Londres). 


African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend  (TiOndres). 

African  Repository  (Washinjfton). 

Observer  (Monrovia). 

Esploratore  (Milan). 

Cosmos  (Turin). 

Bollettino  délia  Societa  africana  d'Italia 
(Naples). 

Esplorazione  (Naples).. 

Marina  e  Commercio,  e  Giomale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Africa  oriental  (Mozambique).- 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  porluguezas  (Lisbortne). 

Revista  de  Estudos  Livres  (Lisbonne). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  inonde  (Paris). 
Revue  de  géograpbie  (Paris). 
Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 
Indépendant  (('onstantine). 
Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 
Bulletin  de  la  Société  khédiviale  de  géo- 
graphie (Le  Caire). 

-Etc. 


Dr  A.  Petermann*s  Mittheilungen  (Gotha). 
Proceedings   of  the  roval   geographical 

Society  and  monthly  Record  of  geogra- 

phy  (Londres). 
Natal  Mercury  (Durban). 
Cape  Argus  (C^pe-Town). 
West  African  Reporter  (Sierra  Leone). 

etc. 


:j 


SOMMAIRE 

Bulletin  mensitel 201 

Nouvelles  coniplémeutaires 212 

La  part  des  Suisses  dans  l'explojration  et  la  civilisation 

DE  l'Afrique 215 

Correspondance  : 

Question  des  travailleui-s  eiif^agés  pour  Saint-Thomas 220 

Abandon  du  Darfour  par  TÉgypte 230 

BiBLlOGRAPraE  : 

Voyage  extravagant,  mais  véridique,  d'Alger  au  Gap,  par  Julien 

Vinson  et  Paul  Dive 231 

Études  sur  la  Flore  du  Sénégal,  par  Joseph  Vallot 231 

Abyssinien  und  die  ubrigen  Gebiete  der  Ostkûste  Afrikas,  von  prof. 
D'  R»  Hartmann , / , %     232 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Denis  deRivoyre.  Obock,  Mascate,  Bouchire,  Bassorah.  Paris  (Pion  et  ۥ),  1883, 

în-12,  292  p.  avec  gravures  et  carte.  Fr.  4. 
The  water  highways  of  the  interior  of  Africa,  with  notes  on  slave  liunting  and 

the  means  of  its  suppression,  by  James  Stevenson.  Glascow  (James  Maclehose 

&  Sons),  1883,  in-S*»,  28  p.  et  cartes.  ^ 
Beitrâgezur  Kenntnis  Madagaskars. —  I.  Madagaskar  und  das  Hovareich.  Vortrag, 

von  J.  Audebert.  Berlin  (Ferd.  Dummler),  1883,  in.8«>,  64  p.  Fr.  1,60. 
IV  u.  V.  Jahresberichte  der  Geographischen  Gesellschaft  in  Bern  1881-82-83  mit 

Karten.  Bern  (B.  F.  Haller),  1882  et  1883,  2  vol.  in-8^ 
Societa  d'esplorazione   commerciale  in  Africa.   Conferenze  teuutcsi  in  Milano. 

Volume  IL  Conferenze  del  1883.  Milanq,*1883,  in-8°,  151  p. 
Le  pays  des  Zendjs  ou  la  Côte  orientale  d'Afrique  au  moyen  âge,  par  L,  Marcel 

Devic.  Ouvrage  couronné  par  l'Institut.  Paris  (Hachette),  1883,  in-8^,  280  p. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


JOURNAL  MENSUEL 

J  V  1-iW.S     !=-AIS"I>OSe.      ÉDITEUR 


LAFRmUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

M&IGÉ   PAR 

H.   OnstaTO  HOTNIEB 

Meinbce  de  la  CommisBion  internationale  do  Braxellos  pour  l'exploration  et  la  civiliaatioo 

de  TAfrique  centrale;  membre  correspondant  do  rAcadôniio  d''HtpponCf 

«t  des  Sociétés  de  géographio  do  Marseille,  de  Nancy,  do  Loanda  et  d«  Porto. 

RÉPIOÊ  Par 

H.  Charles  FAUBE 

Sccrétuiro^Bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie  de  Genève ,  membre  correspondant  dos  Sociétés 
do  géographie  de  Lisbonne,  de  Loanda,  do  Porto  et  de  Saint-Gall. 


L'Afrique  paraît  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  ih-8o  d'au 
moins  20  pages  chacune;  le  texte  est  ac-compagné  de  cartes,  chaque  Jois  que  cela 
paraît  nécessaire. 

Le  prix  de  Fabonnement  annuel,  pajrafile  d'avanee,  est  de  dix  franes» 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  TUnion  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  11  fr.  50. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exempkires  k 
la  Direction,  a  droit  h  an  eonlpte  rendu. 


Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  à  H*  Gustave  Moirnler* 
89  rue  de  l'Athénée»  h  Genève  (Snisse). 

S'adresser  pour  les  abonnements  h  l'éditeur»  M.  Jules  Sandox» 
ih  Genève  ou  Ik  NeuehAtel* 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Sandoz  et  Thuillier,  éditeurs.  4.  rue  de  Tournon,  à  Paris. 

Ch.  Delagkave,  libraire.  15,  rue  Soufllol,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  (Dour,  45,  rue  dt»  la  llégence,  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  libraires.  Corso  Vittorio  Emmanuelej  21.  à  Milan. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Querslr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  FiUKDEHicHSEN  et  0%  libraires,  Adniiralitiitsslr,  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27,  Vienne  (Autriche^, 

Trubner  et  0\  libraires,  Ludgatc  Hill.  57/59.  à  Londres  E.  C 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  p:iys. 


AVIS*  —  Notis  mettmis  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  qbonnés  un  certain 
nombre  d^ exemplaires  complets  de  la  II^'°  et  de  la  III"'*"  année,  que  nom  pourrons 
encore  céder,  jusqu^à  nouvel  ordre,  à  raison  de  fr.  7.  la  II"'''  et  de  fr.  10.  la 
HT"*  année,  le  port  en  sus.  La  I"^  est  épuisée. 


Anvers. 
Berlin. 
Brome. 
Bruxelles. 


ÉCHANGES 

Sociétés  de  géographie. 

(k)nstantine.  léna.  Madrid.  Nancy. 

Francfort  8/M.  Lille.  Marseille.        New- York. 

Halle.  Lisbonne.  Montpellier.    Oran. 

Hambourg.  Lyon.  Mozambique.  Paris. 


Rocheforl. 
Rome. 
i\ouen. 
Vienne. 


Saint-Gall. 


Sociétés  de  géographie  commerciale. 

Berlin.  Bordeaux.  Paris.  Porto. 

Missions. 

Journal  des  missions  évangéliques  (Paris).  C.hurch  missionary  Intel ligencer  and  Re 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne).  i     cord  (Londres). 

Missions  évangéliques  au  XlXrae  siècle!  Mi.ssionary  Herald  (Boston). 

(Neuchâtel).  American  Missionary  (New -York). 

Journal  de  TUnité  des  Frères  [moraves]jForeign  Missionary  (New- York). 

(Peseux).  Régions  beyond  (Londres). 


Missions  catbolîques  (Lyon). 

Missions  d'Afrique  (Alger). 

Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 

Missions -Blatt  (Barmen). 

Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 

Heidenbote  (Bâle). 

Evangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 

(lalwer  Missions -Blatt  (Calw). 

Allgemeine  Missions-Zeitschrift  (GUtei*s- 

loh). 
Glaubensbote  (Bâle). 
Africa  (Londres). 


Cbronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  R'Mîord  of  the  Free  Churoh  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  Lhurch  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Woman's  foreign  missionarv  Socielv 
(Philadelphie). 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  (lalonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  TAssociation  scientifique  algcV 
rien  ne  (Alger). 

Bulletin. du  (Comice  agricole  (Mèdêa). 

Bulletin  de  F  Académie  dHii)pone  (Bone). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Handels-Zeitung  (Saint-Oall). 

Deutsche  Rundschau  fUr  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanis^hen  Gesell- 
schaft  in  Deutschiand  (Berlin), 

Oesterreichische  Monatsschrift  fttr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  fUr  wissenschaftliche  Géogra- 
phie (fjahr). 

Ans  allen  Welttheilen  (Leipzig). 

Chamber  of  Commerce  Journal  (Londres). 


Divers. 

African  Times  (Londres), 

Antislavery  Reporter  (I^ondres). 

Aborigine's  Friend  (Londres). 

African  Rejiository  (Washington). 

Observer  (Monrovia). 

Esploratore  (Milan). 

(Cosmos  (Turin). 

Bollettino  délia  Societa  africana  d'Italia 
(Naples). 

Esplorazione  (Naples). 

Marina  e  Commercio,eGiornaledellc  co- 
lonie (Rome). 

Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Revista  de  Ëstudos  Livres  (Lisbonne). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 
Revue  de  géographie  (Paris). 
Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 
Indépendant  ((^onslantine). 
Moniteur  de  TAlgérie  (Alger). 
Bulletin  de  la  Société  khédiviale  de  géo- 
graphie (Le  Caire). 


Dr  A.  Petermann's  Mittheilungen  (Gotha). 
Proceedings   of  the   royal    geographical 

Society  and  monthly  Record  of  geogra- 

phy  (Londres). 
Natid  Mercury  (Durban). 
Cape  Argus  (Cape-Town). 
West  African  Reporter  (Sierra  Leone). 


Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

Page» 

BlTLLKTIN  MENSUEL 233 

Nouvelles  complémentaires 244 

Expéditions  i>u  colonel  Borgnis  -  Desbordes  du  Skkègal  au 

Niger,  par  M.  Alexis  Demaffey,  ingénieur  des  raines 247 

BlBIJOGRAPHIE  : 

Fritz  Robert.  Afrika  als  Haudelsgebiet. 254 

Denis  de  Rîvoyre.  Obock,  Mascate,  Bouchire,  Bassorah 256 

J.  Stevenson.  The  water  highways  of  the  interior  of  Africa 255 

J.  Audebert.  Beitràge  zur  Kenntniss  Madagaskars 256 


OUVRAGES  REÇUS  : 

De  Brazza,  Stanley,  Léopold  II  roi  des  Belges.  Le  droit  des  gens  dans  l'Afrique 

équatoriale,  par  M.  Antonin  Deloiime.  Toulouse,  1883,  in-S®,  75  p. 
Regnauld  de  Lannoy  de  Bissy.  Carte  d'Afrique,  feuilles  10, 17,  23,24,  31, 32,55,59. 

Paris,  1883. 
Journal  of  the  American  geographical  Society.  T.  XIII.  1881,  in-8''. 
Tlie  Congo  neutralized,  by  Emile  de  Laveleye  (Reprinted  from  the  Contemporary 

Review,  June  1883),  in-8^  24  p. 
La  libre  navigation  du  Congo,  par  Sir  Travers  Twîs.  (Extrait  de  la  Revue  de  droit 

international,  1883),  in-8**,  8  p. 
Propaganda  per  PAfrica.  Relazione  di  M.  A.  M.  Mizzi.  Malta  1881.  In-8*»,  22  p. 
Jacques  Hervé.  L'Egypte.  Paris  (Jodvet  et  C"),  1883,  in-12,  252  p.  illust.  et  carte, 

2  fr.- 
Laurent  Crémazy.  Notes  sur  Madagascar.  Paris  (Berger-Levrault  et  C),  1B8.% 

in-8^  25  p. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


JOURNAL  MENSUEL 


L'AFRIQ€E 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DIBIGâ  PAR 

M.   GnstaTe  MOTNIER 

Membre  de  la  Commission  internationale  de  Bruxelles  pour  l'exploration  et  la  civilisation 

de  rAftîqne  centrale;  membre  correspondant  de  TAcadémie  d^Hippono, 

et  des  Sociétés  de  géographie  de  Marseille,  de  N^icy,  do  Loanda  et  de  Porto. 

RÉDIGÉ  PAR 

M.  Charles  FAURS 

Secrétaire-Bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie  de  Genèyo ,  membre  correspondant  des  Sociétés 
de  géographie  de  Lisbonne,  de  Loanda,  do  Porto  et  de  Saint-Gsll. 


L*Afriquê  parait  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8°  d*aa 
moins  20  pages  chacune  ;  le  texte  est  accx)mpagné  de  '  cartes,  chaque  fois  que  ceta 
parait  nécessaire. 

Le  prix  de  rabonnemeut  annuel,  payable  d^avanee,*  est  de  dix  franes, 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de  l'Union  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  ii  fr.  5Ô. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  TAfrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  h  nn  «oiiipte  rendu* 

Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaetion  à  M.  GasiaYe  Mojrnler* 
Hf  rue  de  l'Atliéiiée»  h  Genève  (Suisse). 

S*adreMier  pour  les  abonnentento  h  l'édilenr,  M»  Jules  Sandos, 
i^  Genève  ou  Ik  MeueliAtel. 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse. 
Chez  MM.  Sandoz  et  Thuiujer,  éditeurs,  4.  rue  de  Tournon,  à  Paris. 

(ih.  Delagravb,  libraire.  15,  rue  Soufflot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  Cour,  4r>,  rue  do  la  Régence,  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  libraires.  Ck)rso  Y^itlorio  Enimanuele^  24,  k  Milan. 

F,-A.  Brogkhaus,  libraire,  Querstr.,  29,  à,  î^eipzig. 
,        L.  Friedbrichsen  et  C}%  libraires.  Adiniralitâtsstr.  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Gnïl)en  27,  Vienne  (Autriche). 

Trubnbr  et  C**.  libraires,  Ludgate  ïlill.  57/59.  k  Londres  E.  C 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


ATIS*  —  Nous  mettons  à  la  disposition  de  fios  nouveaux  abonnés  un  certain 
nombre  d*exemplaires  complets  de  la  ZT™*  et  de  l^  ILD^*'  ann/e,  que  nous  pourrons 
encore  céder,  jusqu^à  nouvel  ordre^  à  raison  de  fr,  7,  âi  i/™«  et  de  fr.  10.  la 
JU"*  année,  le  port  en  sus.  La  r^  est  puisée. 


ÉCHANGES 

Sociétés  de  géographie. 

(k)nstantine.  léna.  Madrid.  Nancy. 

Francforts/M.  Lillf*.  Marseille.        New- York. 

Halle.  Lisbonne.  Montpellier.    Oran. 

Hambourg.  Lyon.  Mozambique.  Paris. 

Sociétés  de  géographie  commerciale. 

Bordeaux.  Paris,  Porto. 

Missions. 

Journal  dos  missions  évangéliques  (Paris). 'Church  missionary  Inlelligencer  and  Re 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne).  cord  (Londres). 

Missions  évangéliques  au  XlXme  sièclel  Missionary  Herald  (Boston). 

(Neuchâtel).  |  American  Missionary  (New- York).  • 

Journal  de  l'Unité  des  Frères  [uioravesjiForeign  Missionary  (New- York), 

(Peseux).  !  Régions  beyond  (Londres). 


Anvers. 
Ik^rlin. 
Brème. 
Bruxelles. 


Berlin. 


Rocheforl. 
Rome. 
Rouen. 
Vienne. 


Snint-Gall. 


Missions  catholiques  (Lyon). 

Missions  d'Afrique  (Alger). 

Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 

Missions -Blatt  (Bannen). 

Berliner  Missions-Berichte  (Berlin). 

Heidenbote  (B&le). 

Ëvangelisches  Missions -Magazin  (BÂle). 

(^*alwer  Missions -Blatt  (C^alw). 

Allgemeine  Missions-Zeitschrift  (GQters- 

loh). 
Glauhensbote  (Bâle). 
Africa  (Londre.s). 


Citron icle  of  the  l^ondon  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Church  of* 
Scolland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland   home  and   foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  tlie  united  presby- 
terian  (church  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Woman's    foreign  .  missionarv    Sociely 
(Philadelphie). 


Divers. 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  Comice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  l'Académie  d'Hippone  (Bone). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  fttr  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fUr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  fUr  wissenschaflliche  Géogra- 
phie (Lahr). 

Aus  allen^Welttheilen  (Leipzig). 

Chamber  of  Commerce  Journal  (Londres). 


African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Observer  (Monrovia).. 

Espioratore  (Milan). 

Cosmos  (Turin). 

Bollettino  délia  Sociela  africana  d'Itâlia 
(Naples). 

Esplorazione  (Naples). 

Marina  e  Commercio,  e  Giornale  délie  co- 
lonie (Rome), 

Boletin  de  la  Exploradora  (Viloria). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Revista  de  Estudos  Livres  (Lisbonne). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 
Revue  de  géographie  (Paris). 
Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 
Indépendant  ((^onstantine). 
Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 
Bulletin  de  la  Société  khédiviale  de 
graphie  (Le  Caire). 


Dr  A.  Petermann's  Mittheilungen  (Gotha). 
Proceedings   of  the  royal   geographical 

Society  and  monthly  Record  of  geogra- 

phy  (Londres). 
Natil  Mercury  (Durban). 
géo-!Cape  Argus  (Cape-Town). 

jWest  African  Reporter  (Sierra  Leone). 

Etc.,  etc. 


SOiMMAIRE 

Pagei 

Bulletin  mensuel 257 

Nouvelles  complénientaire^ 269 

La  question  du  Congo  devant  l'Institut  de  droit  interîîa- 

TioNAL,  par  M.  G.  Moynier 272 

Bibliographie  : 

Jahresberiçhte  (1er  geographischen  Gesellschat't  iu  Berii. 294 

Conferenze  tenutesi  in  Milano  nel  1883 204 

Le  paya  des  Zcndjs,  par  Marcel  Devic 296 

L'Egypte,  par  Jacques  Hervé 296 


OUVRAGES  REÇUS  : 

Mission  raudoise.  Leçons  de  sigwamba,  langage  des  Magwambas,  par  le  mission- 
naire P.  Berthoud  (Autographie  d'un  cahier  d'étudiant).  Lausanne  (impr. 
J.  Chappuis),  1883,  in-4<>,  46  p. 

Bukn  ya  tsikwembo  tsinwe  na  tisirao  ta  hlengeletano.  Lausanne  (impr.  Georges 

^  Bridél),  1883,  in-12,  56  et  94  p. 

Adrian  Balbi's  allgemeine  Erdbeschreibung.  Siebente  Auflagc.  VoUkommen  neu 
bearbeitet  von  D'  Josef  Chavanne.  Mit  400  Illustr.  und  150  Karten.  Wien,  Pest, 
Leipzig  (A.  Hartleben),  in-8^,  Lief.  31-37. 

Carte  du  Haut-Sénégal,  levée  sous  la  direction  de  M.  le  commandant  Berrien, 
Viooooo,  6  feuilles.  —  Cartes  et  plans  de  la  mission  topographique  du  Haut- 
Sénégal. 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuchardt. 


JOURNAL  MENSUEL 

JUXJES     SAPfZtOZ.     ÉDITEUR 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE   ET    CIVILISÉE 


JOURNAL  MENSUEL 

DZUQlt  FA& 

H.   GnstaTe  MOTSIER 

Meiubr€  de  la  CommiMÎoD  internationale  de  Bruxelles  pour  rexploration  et  la  ciyiliBatioa 

de  rAfriqne  oentiale  ;  membre  correspondant  de  rAoadémio  d*Hippone , 

et  des  Sooiétés  de  géographie  de  Marseillei  de  Nanoyi  de  Loanda  et  de  Porto. 

fttolOÉ  FAX 

H.  Charles  FAUBS 

Seoritaire-Bibliothécalre  de  la  Société  de  géographie  de  Genève ,  membre  correspondant  dos  Sociétés 
de  géographie  de  Lisbonne,  de  Loanda,  do  Porto  et  de  Saint-Oall. 


L* Afrique  parait  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-8o  d'au 
moins  20  pages  chacune;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que. cela 
paraît  nécessaire.  • 

Le  prix  de  Tabonnement  annuel,  payable  d'aTanee,  est  de  dix  francs» 

port  compris,  pour. tous  les  pays  de  T Union  postale  (première  zone);  pour  les 
autres,  11  fr.  50. 

Tout  ouvrage  nouveau  relatif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  i^  vu  «ompte  rendu* 

Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaelion  à  M*  Gnsteve  Mojmier» 
9»  rue  de  1* Athénée»  k  Genève  (SaUise). 

S'adresser  ponr  les  abonnements  k  l'éditeur»  H.  Jules  Sandos» 
EL  Genève  ou  h  NeuebAtel* 

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Chez  MM.  Sandoz  et  Thuillier,  éditeurs,  4,  rue  de  Tournon,  à  Paris. 

Ch.  Delagrave,  libraire,  15,  rue  SoufiQot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  Cour,  45.  rue  de  la  Régenpe,  à  Bruxelles. 

DuMOLARD  frères,  libraires,  Corso  Yittorio  Ëmmanuele^  21.  à  Milan. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire.  Querstr.,  29,  à  Leipzig. 

L.  Friederichsen  et  C*«,  liljraires,  Admiralitâtsstr,  3/4,  à  Hambourg 

Wilhelm  Frick,  libraire  de  la  Cour,  Graben.27,  Vienne  (Autriche). 

Trubner  et  C»%  libraires,  Ludgale  Hill,  57/59,  à  Londres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


ATIS*  —  Nous  mettons  à  la  disposition  de  nos  nouveaux  abonnés  un  certain 
nombre  d'exemplaires  complets  de  la  11"^^  et  de  la  IIP*'**  année,  que  nous  pourrons 
encore  céder,  jusqu'à  nouvel  ordrCy  à  raison  de  fr.  7.  la  II^*  et  de  fr,  10.  la 
in^*  année,  le  port  en  sus,  La  r^  est  épuisée,  ^ 


Anvers. 
Berlin. 
Brome. 
Bruxelles. 


Berlin. 


ÉCHANGES 

Sociétés  de  géographie. 

Constântine.  léna.  Madrid.  Nancy. 

Francforts/M.  Lille.  Marseille.       New-York. 

Halle.  Lisbonne.  Montpellier.    Oran. 

Hambourg.  Lyon.  Mozambique.  Paris. 

Sooiétée  de  géographie  ooxnineroiale. 

Bordeaux.  Paris.  Porto. 

Mifl8ioa8. 


Hochefort. 
Rome. 
Rouen. 
Vienne. 


Saint-Gall. 


Journal  des  missions  évangélîqaes  (Paris). 
Bulletin  missionnaire  (Lausanne). 
Missions  évangéliques  au  XIXin«  siècle 

(Neuchâtel). 
Journal  de  l  Unité  des  Frères  [moraves] 

(Peseux). 
Missions  catholiques  (Lyon). 
Missions  d*Afrique  (Alger). 
Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 
Missions- Blatt  (Barmen). 
Berliner  Missions-Bericnte  (Berlin). 
Heidenbote  (B&le). 

Ëvangelisches  Missions -Magazin  (Bàle). 
Calwer  Missions -Blatt  (Calw). 
Allgemeîne  Missions-Zeitschrift  (GUters- 

lob). 
Glaubîensbote  (Bâie). 
Africa  (Londres). 


Church  missionary  Intelligencer  and  Re- 
cord (Londres). 

Missionary  Herald  (Boston). 

American  Missionary  (New -York). 

Foreign  Missionary  (New-York). 

Régions  beyond  (Londres). 

Chronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres)! 

Monthly  Record  of  the  Free  Church  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland  home  and  foreign 
Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  Church  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Woman's  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Divers. 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Alger). 

Bulletin  du  Comice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  T Académie  d'Hi])pone  (Bone). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

Handels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  fUr  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheilungen  der  afrikanischen  Gesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fOr  den 
Orient  (Vienne).,- 

Zeitschrift  f(lr  wissenschaftliche  Géogra- 
phie (Lahr). 

Aus  allen  Welttheilen  (Leipzig). 

Chamber  of  Commerce  Journal  (Londres). 


African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine*s  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Observer  (Monrovia). 

Esploratore  (Milan). 

Cosmos  (Turin). 

Bollettino  délia  Societa  africana  d'Italia 
(Naples). 

Ësplorazione  (Naples). 

Marina  e  Commercio,  e  Giornale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  cobnias  (Lisbonne). 

As  colonias  portugoezas  (Lisbonne). 

Revista  de  Estudos  Livres  (Lisbonne). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 
Revue  de  géographie  (Paris). 
Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 
Indépend  int  (Constântine). 
Moniteur  de  l'Algérie  (Alger). 
Bulletin  de  la  Société  khédiviale  de 
graphie  (Le  Claire). 


Dr  A.  Petermann*s  Mittheilungen  (Gotha) 
Proceedings   of  the   royal   geographica 

Society  and  monthly  Record  of  geogra 

phy  (Londres). 
Natal  Mercury  (Durban), 
géo-  Cape  Argus  (Cape-Town). 

Wast  African  Reporter  (Sierra  Leone) 

Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

Paire» 

Bulletin  mensitel » 297 

Nouvelles  complémentaires 309 

Elmina,  par  M.  J.  Prost. , .'. : 311 

BiBUOGEAPHIE  : 

Notes  sur  Madagascar,  par  Laurent  Crémazy 326 

.    Boku  ya  Tsikwembo  tsinwe  na  Tisimo  ta  Hlengeletano,  et  Leçons  de 

sigwamba,  par  P.  Berthoud 327 

An  international  protectorate  of  tfae  Congo  Rirer,  by  Sir  Travers 

Twisa. 328 


OUVRAGES  REÇUS  : 


Les  colons  du  Tanganyika,  par  Armand  Dubarry.  Paris  (Firmin-Didot  et  C'*),  1884, 

in-12,  317  p.  Fr.  3. 
An  international  protectorate  of  the  Congo  River,  by  Sir  TravcTS  Twiss,  D.  C.  L., 

F.  R.  S.,  etc.  London,  1883,  in-8'>,  19  p- 


Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schucbardt. 


'  ■       ^laJÉJ 


L'AFRIQUE 

EXPLORÉE    ET    CIVIL 


j  i:j 


JOURNAL  MENSUEL 

niRIGJÊ   PAR 

M.   OnBtETO  MOTNIEB 

Membre  de  la  CommiBsion  interuationalQ  de  Brnxellos  pour  l*ozpIoriltion  et  Ift  cmlis&tion 
*         de  TAfriqne  centrale;  membre  correspondant  de  rAcadémio  d^Hlppone,  *  " 
et  dea  Sociétés  do  géographie  do  Marseille,  de  Xancy,  de  Loanda  et  de  Porto. 

RKIïIGÉ  PAR 

H.  Charles  FAURE 

Secrétaire-Bibliothécaire  de  la  Société  de  géographie  de  Genève ,  membre  corrcspondnnt  dos  Sociétéa 
de  géographie  do  Lisbonne,  de  Loanda,  do  Porto  et  do  Saint->Gnl1. 

L'Afrique  parait  le  premier  lundi  de  chaque  mois,  par  livraisons  in-S»  iVdxf 
moins  20  pages  rharune  ;  le  texte  est  accompagné  de  cartes,  chaque  fois  que  cela 
paraît  iiécessaire. 

Le  prix  de  l'abonnement  annuel,  payable  d'avance ,  est  de  10  flraiic»» 

port  compris,  pour  tous  les  pays  de^  l'Union  postale  (premit^re  zone)  ;  pour  les 
autres,  11  fr.  SO.  .  ' 

Tout  ouvrage  nouveau  relalif  à  l'Afrique,  dont  il  est  envoyé  deux  exemplaires  à 
la  Direction,  a  droit  h  un  eompte  rendu. 

Adresser  tout  ce  qui  concerne  la  rédaction  à  Jfl*  OnutaTe  Mojrnler» 
Hf  rne  de  l'Athénée,  h,  Genève  (Suisse). 

S'adresser  pour  les  abonnements  h  l'éditeur,  M.  H.  Georfc,  il 
Gené¥e  on  à  BAle* 

On  s'abonne  aussi  : 
Dans  tous  les  bureaux  de  poste  de  la  Suisse, 
(ihez  MM.  Ch.  Delagrave,  libraire,  lo,  nie  Soufflot,  à  Paris. 

MuQUARDT,  libraire  de  la  C.our,  45.  rue  de  la  Régence,  à  Bruxelles. 

Dumolard  frères,  libraires.  Corso  Vit torioEmmanuele,  21.  h  Milnii. 

F,-A.  Brockhaus,  libraire,  Querstr..  î!9,  à  Leipzig. 

L.  Frikderichsbn  et  («*«,  libraires.  Adn)iraliiaisstr,  3/4,  k  Hnmbourg 

Wilhelm  Fkick,  libraire  de  la  Cour,  Graben  27.  Vienne  (.Autriche). 

ÏRUBNER  et  C'\  libraires,  Ludgate  Hill.  57/59.  à  Lon<lres  E.  C. 
Et  chez  les  principaux  libraires  de  tous  les  pays. 


AVIS.  —  Nous  rnettom  à  la  dispositimi  de  nos  nouveaux  abonnes  un  certain 
nombre  d'exemplaires  complets  de  la  II"'",  de  la  IFI"**'  et.  de  la  /r»""  aniues.  Iai 
P*  est  épuisée. 


ÉCHANGES 

Sociétés  de  géographie. 

Constantine.  Hambourg.  Lvon.  Nancy. 

Francforts/M.  léna.  Aiadrid.  New- York. 

Greisswald.  Lille.  Marseille.  Oran. 

Halle.  Lisbonne.  Montpellier.  Paris. 

Sociétés  de  géographie  commerciale. 

Bordeaux.  Paris.  Porto. 

Missioxui. 

Journal  des  missions  évangéliques  (Paris). 'Chnrch  missionary  Intelligencer  and  Re- 
BuUetin  missionnaire  (Lausanne).  i     cord  (Londres)."     ' 

Missions  évangéliques  au  XJX^e  sièclel  Missionary  Herald  (Boston). 

(  Nenchâtel  ) .  '  American  Missionary  (New  -  York  ) . 

#iMirnal  de  TUnité  des  Frères  [moraves]Foreign  Missionary  (New- York). 

(Peseux).  i  Régions  beyond  (Londres). 


Anvers. 
Berlin. 
Brème. 
Bruxelles. 


Berlin. 


Roohefort. 
Rome. 
Rouen. 
Vienne. 


Satnt-Gall. 


Missions  catholiques  (Lyon). 

Missions  d'Afrique  (Alger). 

Annales  de  la  propagation  de  la  foi  (Lyon). 

Missions-Bbtt  (Bannen). 

Berliner  Missions-Berichtp  (Berlin). 

Heidenbote  (BAle). 

Ëvangelisches  Missions -Magazin  (Bâle). 

C^ilwer  Missions -Blatt  ((^alw). 

Allgemeine  Missions-Zeitschrift  (GClters- 

loh). 
Glaubensbq^.  (Bâle). 
Africa  (fjondres). 


Chronicle  of  the  London  Missionary  So- 
ciety (Londres). 

Monthly  Record  of  the  Free  Church  of 
Scotland  (Edimbourg). 

Missions  Field  (Londres). 

Church  of  Scotland   home  and   foreign 

•    Missionary  Record  (Edimbourg). 

Missionary  Record  of  the  united  presby- 
terian  Lhurch  (Edimbourg). 

Central  Africa  (Londres). 

Woman's  foreign  missionary  Society 
(Philadelphie). 


Exploration  (Paris). 

Moniteur  des  Colonies  (Paris). 

Bulletin  des  Mines  (Paris). 

Bulletin  de  l'Association  scientifique  algé- 
rienne (Aljjer). 

Bulletin  du  (iOmice  agricole  (Médéa). 

Bulletin  de  l'Académie  d'Hippone  (Bone). 

Revue  géographique  internationale  (Paris). 

[faudels-Zeitung  (Saint-Gall). 

Deutsche  Rundschau  fUr  Géographie  und 
Statistik  (Vienne). 

Mittheihingen  der  afrikanischen  (jesell- 
schaft  in  Deutschland  (Berlin). 

Oesterreichische  Monatsschrift  fttr  den 
Orient  (Vienne). 

Zeitschrift  fUr  wissenschaftiiche  (îeogra- 
phie  (Lahr). 

Aus  allen  Welttheilen  (Leipzig). 

(ihamber  of  Coïnmerce  Journal  (Londres). 


Divers. 

African  Times  (Londres). 

Antislavery  Reporter  (Londres). 

Aborigine's  Friend  (Londres). 

African  Repository  (Washington). 

Observer  (Monrovia). 

Ësplotatore  (Milan). 

Cosmos  (Turin). 

Bollettino  délia  Societa  africana  d'Italia 
(Naples). 

Esplorazione  (Naples). 

Marina  e  Comraercio^  e  Giornale  délie  co- 
lonie (Rome). 

Boletin  de  la  Exploradora  (Vitoria). 

Africa  oriental  (Mozambique). 

0  Africano  (Quilimane). 

Jornal  das  colonias  (Lisbonne). 

As  colonias  portuguezas  (Lisbonne). 

Revista  de  Estudos  Livres  (Lisbonne). 

Réveil  du  Maroc  (Tanger). 


AUTRES  PUBLICATIONS  CONSULTÉES 


Tour  du  monde  (Paris). 
Revue  de  géographie  (Paris). 
Revue  maritime  et  coloniale  (Paris). 
Indépendant  (Constantine). 
Momteur  de  l'Algérie  (Alger). 
Bulletin  de  la  Société  khédiyiale  de  géo- 
graphie (1^  (iiaire). 


Df  A.  Pelermann's  Mittheilungen  (GoUia) 
Proceedings   of  the   royal   geographica 

Society  and  monthly  Record  of  geogra 

phy  (Londres). 
Natal  Mercury  (Durban). 
Cape  Argus  (Cape-Town). 
West  African  Reporter  (Sierra  Leone) 


Etc.,  etc. 


SOMMAIRE 

BULLKTIN  MENSUEL ^ 829 

Nouvelles  complémentaires 337 

Les  GBANDE8  VOIES  FLUVIALES  DE  l' AFRIQUE 331) 

Partie  de  i.' Afrique  voisine  du  détroit  de  Bab-jsl-Masdeb.     .  347 

Bibliographie  : 

Carte  du  Haut-Sénéf?al  (mission  DerrienJ 348 

Mission  Galliéni.  Itiii.^aires  de  Vallière  et  Piétri 349 

Les  colons  du  Tanganyika,  par  A.  Dubarry 350 

Table  des  matières  de  la  quatrième  ankée 351 


OUVRAGES  REÇUS  : 


_  m  

Edmond  Desfossés.  Affaires  d'Orient.  Le  protectorat  français  en  Tunisie,  avec 

texte  et  commentaire  du'traitc  de  Kassar-Saïd.  —  Paris  (Challamel  aine),  1B82, 

in-8^  27  p.  Fr.  2.  ' 
De  la  réorganisation  administrative  et  financière  do  la  Tunisie,  avec  texte  officiel 

du  traité  de  Kassar-Saïd,  par  Edmond  Desfossés.  —  Paris  (Giallamel  aine),  1882, 

in-8°,  41  p. 
De  la  lecture  dés  cartes  étrangères,  par  Henri  Mager.  —  Paris  (Aug.  Ghio),  1883, 

in-12,  lOOp.Fr.l, 


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Genève.  —  Imprimerie  Charles  Schuebardt. 


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