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bo^
1^
^-^
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
TROISIÈME ANNÉE
■(bcdl:i i:
GENÈVE
.J. SANDOZ, ÉDITEUR
PARIS
SAMOOZ ET PISCHBACKEK i CHARI.E;
33, ta» de Saine, i ir,. n
BRUXELLES
UUQUIBOT, rne de le lUgene*, 45,
1881
"?S1> 1""
GeDève. — Imprimerie Charles SchQchardt
— 1 —
BULLETIN MENSUEL {4 juillet 188iy .
i
La troisième année de notre journal s'ouvre au lendemain de la
répression des Kroumirs et des troubles du sud de la province d'Oran,
et nons osons espérer que T Alg^érîe va pouvoir reprendre les œuvres
pacifiques que réclame le développement de la colonisation.
L'exploitation des mines de fer prend de jour en jour en Algérie une
plus grande importance. Depuis longtemps les Anglais ont apprécié
Texcellence des minerais de cette province pour la fabrication de l'acier ;
c'est avec les minerais de Mokta que la métallurgie anglaise fabrique
ses plus beaux ouvrages d'aj^er. Des métallurgistes américains viennent
de conclure un marché de 650,000 tonnes des minerais de Mokta et de
Tafna, pour les États-Unis, livrables en trois ans, au prix de 18 fr. la
tonne, dans le port de Bone.
Les progrès que le protectorat français a amenés en Algérie se feront
sentir aussi dans l'exploitation des richesses de la Tunisie ; déjà la
compagnie de Mokta fait étudier les gisements de plomb argentifère
signalés depuis longtemps près de Bordj Djedid. Le directeur de l'exploi-
tation de Mokta s'est rendu à Tabarca avec une nombreuse équipe d'ou-
vriers et de terrassiers, pour opérer des fouilles dans ces aiBeurements.
£n outre on a commencé à ouvrir, dans les montagnes des Kroumirs,
des routes qui en faciliteront l'accès. Les travaux du chemin de fer de
Tunis à Sousse ont été repris, et l'on étudie un projet de voie ferrée de
Djedeida à Bizerte par Mateur. Il est aussi question de l'entrée de la
Tunisie dans l'Union monétaire, ce qui serait un grand bienfait pour les
populations de la régence.
Nous sommes mieux informés aujourd'hui que nous ne l'avions été
par les journaux du mois passé, sur la mission italienne dans la Cyré-
nalque confiée au capitaine Camperio. Lui-même vient d'en rendre
compte dans V E&ploratore. D a visité le poste de Bengasi, créé par la
Société d'exploration conunerciale milanaise, et, suivant les Djebel-el-
Akdar, il s'est rendu à Derna, oîi il a posé les fondements d'un second
comptoir commercial, à la tête duquel a été placé un délégué de la
Société, M. Pietro Mamoli. Il a rectifié diverses erreurs sur les cartes
^ Noos rappelons à nos lecteurs que, dans notre BMetm mensuel, nous suivons
toi^ours le même itinéraire, partant de l'Algérie dans la direction de PËst pour
foire le tour du continent.
L'AFRiqUB. — TBOISIÈMI ANMÉK. — »* 1. 1
— 2 —
de ce pays, et envoyé une expédition scientifique sous la direction du
commandant Haimann et de M. Vittorio Pastore ; ceux-ci ont visité TAln
Mara, lac situé à Touest de Derna, mais ont dû revenir à Bengasi après
avoir eu beaucoup à souffrir de fatigues, de privations et de tentatives
d'attaques de la part de brigands arabes. Si M. Camperio n'a pas
atteint Tobrouk et le golfe de Bomba, c'est que ces parages n'offraient
aucune sécurité.
De Ndorouma, où le D' bunker avait établi sa première statiçn chez
les Niams-Niams, il a fait une reconnaissance au delà de l'Ouellé et
dépassé le point le plus avancé de Schweinfurth. Une expédition gou-
vernementale égyptienne chargée de recueillir de l'ivoire, se dirigeant
vers le sud, Junker s'adjoignit à elle. La tribu des Mangballas dont elle
traversait le territoire voulut l'entraîner à faire la guerre aux Abarm-
bos, habitant au delà de l'Ouellé. Quoique Junker eût déclaré qu'à
aucun prix il ne ferait cause commime avec les Mangballas, les Abarm-
bos n'en crurent pas moins qu'il était l'allié de ces derniers et ren-
voyèrent ses messagers et ses présents. Alors il entra en négociations
avec Mambanga, puissant prince des Mangbattous, établis à l'est des
Abarmbos avec lesquels ils vivent en paix. Tout en refusant l'entrée de
son territoire à l'expédition de l'ivoire, ce prince avait envoyé des pré-
sents à Junker en l'invitant à venir le voir. Celui-ci se sépara de la
troupe égyptienne, et, la main dans la main du prince Mambanga, il tra-
versa le fleuve, puis envoya un message aux Abarmbos ; après quelques
pourparlers, il réussit à rétablir la paix et à obtenir, soit des Abarmbos,
soit des Mambangas, l'ivoire qu'ils avaient à livrer à l'expédition égyp-
tienne, à laquelle il le lit porter sur la rive septentrionale de l'Ouellé
qu'elle ne devait pas franchir. Après cela il résolut de pousser plus
avant et envoya un de ses hommes, Faradj Allah, avec ses bagages, par
rOuellé au confluent de la Gradda et du Kibali, pendant que lui-même
gagnait ce point par terre. De là il s'avança encore jusqu'à une sta-
tion plus au sud, et à cette occasion passa à l'ancienne résidence de
Mounza, roi des Mombouttous, dans le voisinage de laquelle se trouve le
tombeau de Miani. Les employés du gouvernement lui suscitant des dif-
ficultés, il comprit qu'il ne pourrait poursuivre sa route ; aussi résolut-
il d'éviter dorénavant les districts oii sont des fonctionnaires arabes, et
de s'établir pour la saison des pluies plus à l'ouest, à Bakongoi, au sud
de l'Ouellé ; il y a trouvé le meilleur accueil.
Kmln Bey» gouverneur de l'Egypte équatoriale, a fait un voyage
dans ses provinces pour inspecter les stations et en fonder de nou-
— 3 —
velles. Il a relevé son itinéraire de Fatiko à Wadelaï sur le Nil ; à deux
lieues en aval de cette dernière localité, il a vu à l'ouest de hautes
montagnes, qu'on lui a dit être dans le pays de a Boï. » D y a là une
confirmation de la situation des montagnes de Mboï de la carte de Jun*
ker qui les a découverte^. A la fin de 1880 ses gens ont fondé, à partir
de Rimo^ chez les Makarakas, de nouvelles stations un peu à Test de la
route de Junker. En janvier de cette année il a envoyé une expédition
pour ouvrir le territoire h l'ouest du lac Albert, et ses gens y ont aussi
créé des stations entre le pays des Mombouttous et Kallika. Il les
visitera, après un voyage chez Mbio, prince niam-niam.
Le territoire d'Obock vient d'être exploré par M. Denis de Rîvoyre,
déjà connu par son voyage en Abyssinie. D en a trouvé la situation
bonne pour servir de lieu de relâche aux vaisseaux français ; l'eau et le
bois s'y rencontrent partout ; les populations aux alentours sont sympa-
thiques et nombreuses. Il s'est mis en rapport avec les chefs indigènes,'
desquels dépendent les communications du littoral avec l'intérieur, et,
par des arrangements précis et formels, il est parvenu à s'assurer le con-
cours de chacun d'eux. Des représentants d'une compagnie française se
rendront prochainement à Obock, et porteront une lettre et de riches
présents du Président de la république au sidtan de Haussa qui, en 1862,
a vendu ce territoire à la France.
On annonce aussi le départ pour Obock, à la tête d'une expédition
commerciale de quatorze personnes, de M. Pierre Amoux, qui a long-
temps liabité le Choa. U est vraisemblable que ces deux nouvelles se
rapportent au même fait. D'Obock il ne sera pas difficile de créer des
communications régulières avec le Choa, dont le prince veut entrer en
relations permanentes avec la France.
M. 4l« Thomson a quitté Londres le 6 mai pour se rendre à Zan-
zibar, d'ob il ira faire l'exploration géologique de la Bovouma pour le
sidtan de Zanzibar. Pendant son séjour en Angleterre il a publié les
résultats de son premier voyage, sur lesquels nous aurons sans doute
Toccasion de revenir; aujourd'hui nous n'en relèverons qu'un fait, assez
important au point de vue économique, mais si extraordinaire que
nous ne le citons qu'en faisant nos réserves. D'après les observations du
D' Robb, médecin du consulat anglais à Zanzibar, le climat de cet'te
lie aurait subi depuis quelques années un changement très favorable.
La quantité de pluie aurait diminué de plus de moitié, depuis la visite
de Biirton en 1857; on l'estimait alors à 3»,50 tandis qu'aujourd'hui
eUe n'est plus que de 1"',27 par an. Cette diminution des pluies serait
— 4 —
due à réclaircissement des bois épais, à la disparition des manguiers et
aux progrès de la culture du sol, qui a remplacé manguiers et forêts
par le giroflier et le palmier à coco. Les réformes introduites dans le
genre de vie, par les soins éclairés du sultan et du D"* Kirk, ont aussi
contribué à améliorer les conditions sanitaires Hé cette île.
Les missionnaires romains de rOupoundi ont envoyé quelques-uns
des leurs à Touest du Tanganyika, dans le Massanzé dont les habitants
les avaient sollicités à deux reprises de venir s'établir au milieu d'eux.
Au débarquement des missionnaires au pied du village de Mouloneoua,
un des deux principaux lieutenants du sultan vint leur offrir l'hospitalité
dans sa maison, et craignant que les vagues ne brisassent leur bateau,
avec plus de cent hommes du village il le hissa sur la plage et le mit en
lieu sûr. Hommes, femmes et enfants, se chargèrent de leurs bagages
et les portèrent à la maison disposée pour euk. Le sultan réunit son Con-
seil au lieu de l'assemblée; l'oflScier qui avait reçu les missionnaires
célébra, dans un chant improvisé pour la circonstance, les vertus paci-
fiques des blancs en opposition aux habitudes féroces de leurs voisins,
et toute la foule témoigna son contentement et sa reconnaissance par
des battements de mains. Ensuite, à la tête de tous les gens du village,
le sultan accompagna les missionnaires, qui devaient choisir un terrain
pour y établir une station, et ce choix fait, le sultan et ses deux lieute-
nants se mirent à en arracher le manioc en s' écriant : c'est le terrain
des Ouassoungous (blancs), que personne n'y fasse plus de plantations !
M. F.-€. Selous déjà connu par de précédents voyages au Kafoué
et au Chobé, affluents du Zambèze, est revenu en Angleterre après avoir
en dernier lieu exploré, avec M. J.-S. Jameson, l'Oumnyati et l'Oum-
pouli, tributaires du même fleuve au N.-E. du pays des Mashonas, dépen-
dant des Matébélés. Partis des bords de l'Oumfouli, non loin de Consti-
tution's Hill, les voyageurs suivirent la rivière jusqu'au kraal de Lo
Magondi, vassal de Lo Bengula, qui connaissait M. Selous pour lui
avoir précédemment apporté de l'ivoire, et les reçut très amicalement.
Ils apprirent de lui que, contrairement aux indications de toutes les
cartes de l'Afrique australe publiées jusqu'ici, l'Oumpouli ne se verse
pas directement dans le Zambèze, mais qu'il se jette dans l'Oumnyati,
ce qui décida M. Selous et son compagnon à le suivre jusqu'au confluent
des deux rivières, pour s'assurer de l'exactitude de ce renseignements
En route ils rencontrèrent une cataracte à laquelle ils donnèrent le nom
de Beaconsfield et qui, lorsque la rivière est gonflée par les pluies, doit
oflrir un spectacle grandiose, la largeur totale des trois bras qui la for-
— 5 —
meDt étant d'au moins 300". De là un guide Banyaï les conduisit jusqu'à
la jonction de TOumpouli et de rOumnyati.
Le rapport du major Musgrave, résident anglais à liValIfish Bay,
fait ressortir l'erreur commise en annexant ce territoire, les diflB-
cultés qui peuvent en, résulter pour l'Angleterre et la nécessité d'y
remédier promptement. Les instructions télégraphiques du gouverne-
ment, le 23 février 1878, portaient de ne pas dépasser 16 à 20 kilo-
mètres à l'intérieur, mais le commandant Dyer avait proclamé terri-
toire britannique le district de Rooibank, à 33 kilomètres de Wallfish
Bay, dont les habitants sont menacés par les Héréros. La guerre peut
se terminer sans que le territoire britannique soit envahi, mais le
contraire peut arriver aussi. En attendant, l'insécurité dqpaine à
Wallfish Bay.
Stanley a fixé l'emplacement de sa seconde station à Isangila, à
50 kilom. environ de Vivi. Pour atteindre ce point il a dû traverser un
pays très accidenté, oîi la population est disséminée et qui n'offre pas de
ressources. Les difficultés ont été augmentées par la masse de bagages
h transporter, provisions, bateaux, etc., le tout pesant 42 tonnes, poids
énorme vu la nature du pays et des moyens de transport. Il lui a
fallu jeter des ponts sur des rivières, combler des ravins, s'ouvrir, la
hache à la main, une route à travers d'épaisses forêts, faire sauter des
rochers, ou bien faire traîner les wagons à bras d'hommes le long des
flancs de montagnes abruptes. Encore s'il eût pu avancer avec tous les
bagages à la fois ! mais la chose n'était pas possible. Il devait frayer la
voie avec un groupe de pionniers, et, après s'être un peu avancé, faire
une halte, dresser un camp, puis revenir en arrière prendre par frag-
ments le reste du convoi, jusqu'à ce que tout ce matériel fût réuni. D a
reçu de Ténériffe 20 mules, dont il espère de bons semces. 11 a à sa dis-
position une flotille composée d'un petit vapeur, La Belgique, de trois
chaloupes à vapeur, V Espérance^ VEn Avant, et le Royal, et de deux
bateaux en acier. La Belgique et V Espérance servent aux communica-
tions entre Vivi et Banana, tandis que le reste de la flotte est destiné
à la navigation sur le Haut Congo.
Le roi d'Adansi qui, dans la guerre de 1873-1874, s'était allié avec les
A^ehantis» est venu avec plusieurs rois voisins à Elmina pour réclamer
l'amitié du gouverneur anglais. Le prince Buaki, beau père du roi actuel
des Âchantis, y est aussi arrivé, avec une suite de 453 personnes, chargé
d'un message de paix pour sir Samuel Rowe. Tous ont été reçus avec de
grandes démonstrations de joie. Le gouverneur a donné audience à cha-
/
— 6 —
cun des rois à son tour. Puis le prince Buaki a remis son message de la
part du roi, qui a blâmé ses précédents envoyés pour avoir parlé de
guerre ; il y a eu malentendu : le roi désire la paix avec les Anglais ;
comme preuve que ses dispositions pacifiques sont sérieuses, il a chargé
le prince Buaki de remettre au gouverneur 2000 onces d'or, et de le
prier d'agir comme médiateur entre lui et la reine d'Angleterre. Le
gouverneur a répondu qu'il serait heureux de transmettre ce message,
en priant la reine de l'accueillir favorablement. Le prince Buaki a
ensuite visité le télégraphe ; on l'a engagé à essayer le téléphone, et il
a été très surpris et réjoui de voir qu'il pouvait s'entretenir avec une
personne de sa suite placée entièrement hors de vue.
Jusqu'ici il n'y avait pas de banque dans les colonies anglaises de
l'Afrique occidentale ; l'on s'en étonnait, et beaucoup de négociants
étaient empêchés de nouer des rapports avec ces colonies, par la diffi-^
culte d*obtenir des informations sûres relativement à l'état du commerce
de leurs diverses places. Il vient de se fonder un établissement, la.
Bank of li¥est AfHca, au capital de 500,000 Livres ster., ayant,
son siège à Londres et des succursales k Sierra Leone, à Lagos, et
plus tard à Cape Coast, à la Gambie et partout où les exigences du com-
merce le rendront nécessaire.
M. Gallieni ainsi que M. Derrien» chef de la mission topographi-
que chargée d'étudier la route du Sénégal au Niger, sont arrivés à Bor-
deaux avec les membres des deux expéditions. Celle de M. Gallieni avait
pour but l'exploration du pays compris entre Bafoulabéet le Haut-Niger,
et la conclusion de traités avec les chefs indigènes de ces contrées, sur^
tout avec Ahmadou, le prince le plus puissant des rives du Niger. Les
chefs Mandingues du pays qui avoisine Bafoulabé, les Toucouleurs de
Fangalla, les Peuls de Gouniokoro et les chefs du Kita, ont adhéré avec
empressement aux traités de protectorat proposés et à la construction de
blockhaus sur leur territoire, afin d'être ainsi mis à l'abri des attaques
de leurs ennemis. Nous avons déjà dit l'importance du poste de Kita,
occupé pair la colonne expéditionnaire du colonel Borguis Desbordes
accompagnant la mission topographique de M. le commandant Derrien.
Relevons seulement dans le récit de celui-ci les principales opérations
au point de vue topographique. Aux environs de Médine, jusqu'à l'an-
née dernière le poste le plus avancé des possessions françaises au Séné-
gal, il débuta par la mesure d'une base de triangulation sur le plateau
de Felou. Puis il fit le relevé du terrain jusqu'à Kita, oîi il mesura
une nouvelle base et compléta les levés de ce plateau. Le colonel Borguis.
— 1 —
Desbordes ayant reçu des instructions qui rengageaient à arrêter là
cette première campagne, et à se borner à établir une forte base d'opé-
rations qui permît de s'avancer ensuite avec sûreté vers le Niger, dont
on n'est plus qu'à 200 kilom., Derrien revint à Bafoulabé en suivant
une route nouvelle par le pays de Gangora, au sud du Bakhoy, région
inexplorée, par laquelle le chemin de fer sera beaucoup plus facile à
construire que par Fangalla et la rive droite du fleuve. La plaine est
continue ; l'eau abonde ; les populations sont paisibles ; les produits ali-
mentaires ne feront pas défaut; aussi peut-on espérer que cette région,
désolée naguère par les incursions des musulmans, retrouvera la sécu-
rité et deviendra prospère sous le protectorat français.
NOUVELLES GOMPLËBIENTAIRES
Trois missions scientifiques françaises explorent actuellement la Tunisie ; l'une,
confiée à M. Roux, a pour but d'étudier les ressources et les richesses de la vallée
de la Medjerda; une autre dirigée par MM. Gagnât et Gosselin est essentiellement
archéologique ; la troisième, confiée au colonel Perrier, dressera la carte du pays
eotre la Medjerda et la mer.
Le D' Freund, archéologue allemand, a exploré la Cyrénalque de Dema à Ben-
gasi, où il organise actuellement une caravane pour se rendre à Tripoli par terre.
Une mission de 72 personnes est arrivée au Caire avec des lettres et des cadeaux
du roi d'Abyssinie pour le khédive.
Piaggia est arrivé à Khartoum, d'où il se mettra en route pour le Caire.
Le comte Pennazzi et le capitaine Qessone sont arrivés à Naples après avoir
accompli au voyage d'exploration de Massaoua à Kassala, séjourné à Ghedareff et
à Galabat, et étudié le cours des rivières Dender et Rahab, affluents du Nil bleu,
dont ils ont fait le relevé. Ils disent vouloir entreprendre, au mois d'octobre pro-
chain, une nouvelle exploration, dans un pays inconnu mais très riche, qu'ils
mettraient en communication avec Assab.
M. YoBsion parcourt le Soudan égyptien, le Kordofan et le Darfour, pour y
recueillir des données' sur l'anthropologie et l'ethnographie.
MM. Demietn et Michieli, agents de la Société italienne de commerce en Afrique»
sont partis de Khartoum pour la côte de la mer Rouge, à la tête d'une caravane de
700 chameaux chargés de marchandises diverses.
M. le D' C. Keller, de Zurich, se propose de faire l'hiver prochain un voyage
d'exploration dans la mer Rouge.
L'expédition italienne dirigée par le voyageur italien Giulietti, chargé de relever
le cours du Gualima, a été massacrée à 20 kil. d'Assab.
M. Lantz a été envoyé par le gouvernement français en mission à Madagascar,
pour étudier l'histoire naturelle des parties inconnues de l'île, et M. Pélagaud
- 8 —
aux îles Maarice et de la Réunion, qu'il doit explorer au point de vue de la géolo-
gie et de l'ethnographie.
L'association commerciale de Lisbonne a provoqué une souscription patriotique,
dont le produit sera offert au gouvernement, pour concourir avec lui à la fondation
de stations civilisatrices dans les colonies portugaises africaines.
Une commission composée de quatre ingénieurs civils, d'un chimiste et d'un mé-
decin, et placée sous la direction de M. d'Andrada, attacha militaire du Portugal à
Paris, s'est rendue au Zambèze pour y étudier les ressources minéralogiques, com-
merciales et autres, de la concession de la Compagnie générale du Zambèze .
Le major Malan, fondateur de la « Native African missions aid association, > et
qui publiait un journal trimestriel « l'Afrique, » est mort le 17 mai.
Le Parlement colonial du Cap a décidé d'autoriser dans les délibérations l'usage
facultatif de la langue hollandaise.
Le Comercio do Portugal annonce que des négociations seront prochainement
ouvertes pour déterminer les bases d'un traité avec la Grande-Bretagne (?), garan-
tissant au Portugal la possession du territoire entre l'Ambriz et le Congo.
Il est question de l'établissement d'un petit chemin de fer, système Decauville,
entre l'Ogôoué et l'Alima.
M. Matheis est envoyé par le gouvernement français en mission, pour explorer la
région qui s'étend entre le coude du Niger et le lac Tchad.
D'après une dépêche du gouverneur du Sénégal, un traité de paix avantageux et
honorable pour la France a été conclu avec Abdoul-Boubakar, qui avait attaqué
la brigade topographique chargée d'établir une ligne télégraphique dans le Foutah.
LE PALMIER-DATTIER '
Dans les plantations de palmiers, la proportion des plantes mâles
aux plantes femelles est de 1 à 50, car il suffit d'un petit nombre de
plantes mâles pour féconder toute une forêt. La fécondation peut se faire
d'une manière naturelle, parle vent, les oiseaux, etc., mais alors elle est
imparfaite. Le plus ordinairement elle est artificielle; lorsque les fleurs
sont épanouies et que les étamines sont couvertes de pollen, les cultiva-
teurs enlèvent les rameaux des fleurs mâles et les secouent sur les fleurs
femelles, ou les attachent simplement dans le voisinage des régimes qui
doivent se charger de fruits.
Les palmiers peuvent en porter dès la cinquième année, mais ce
n'est guère que vers 12 ou 15 ans qu'ils en donnent une quantité rému-
^ Voir la livraison de juin 1881.
— 9 —
nératrice ; à 30 ans ils sont «n pleine valeur, et ne commencent à pro-
duire moins qu'à 80 ou 90 ans; ils peuvent même vivre jusqu'à 200 ans.
Les fruits ne mûrissent pas tous en même temps, mais successivement,
en sorte qu'on peut avoir des (lattes mûres pendant plusieurs mois. Dans
Toasis de Sivah, Rohlfs en a mangé d'excellentes dès le 23 février, à l'épo-
que qui, d'ordinaire, est celle de la floraison ; il semble pourtant que ce ne
soit que là qu'on trouve des palmiers portant en même temps des fleurs
et des fruits mûrs. La récolte proprement dite n'a lieu qu'en septembre
et en octobre. Dans le Tidikelt, les premières dattes mûrissent en mai et
ne manquent plus jusqu'en automne. Aux limites équatoriales de la zone
des palmiers il y a double récolte, avant et après les pluies des tropi-
ques ; à Eanem, à Sokoto, à Socotora, en mars et à la fin de décembre.
Le rendement d'un palmier dépend de son âge, de la quantité d'eau
d'irrigation et aussi de la zone où il croît. Les fruits sont plus abondants
et meilleurs dans les oasis de l'intérieur que dans celles de la lisière du
Sahara; cependant, ici encore, moyennant des soins, la production peut
être très forte ; dans certaines dépressions, les régimes de dattes pen-
dant d'arbres protégés contre les vents et exposés à une chaleur ren-
forcée par la réflexion des rayons solaires sur les parois de sable, four-
nissent des dattes excellentes, charnues, onctueuses, sucrées. A Biskra,
chaque palmier donne en moyenne un demi-hectolitre de dattes par
année, soit 30 kilog. environ ; mais dans les oasis du Souf, d'Ouargla et
du Mzab, la moyenne atteint aisément 70 kilog. ; dans l'Oued Rir, région
intermédiaire, la moyenne est d'environ 55 kilog.
Pour la récolte, on cueille avec soin les meilleurs fruits ; on les met
dans des corbeilles, et pour les ordinaires on secoue les régimes ou on les
coupe, mais ceci ne peut se faire qu'au moment de la récolte générale. Le
plus souvent elle a lieu avant la pleine maturité; les dattes sont ensuite
étendues au soleil, qui achève de les mûrir et les sèche, ce qui permet de
les conserver. En beaucoup d'endroits on préfère les manger non mûres.
Les variétés produites par la culture sont très nombreuses, de 15 à 20
dans le Bileduldjerid tunisien, une trentaine chez les Mzabites, 70 dans
les oasis de Lybie et 75 dans celles des Zibans. On en fait différentes
catégories d'après la consistance, la forme, le goût, l'épaisseur, la cou-
leur, l'époque delà maturité, etc. D'après la consistance on les distingue
en dures et en molles ; les premières sont les plus estimées, parce que,
séchées, on peut les conserver plus longtemps et les exporter. Quant aux
molles, on ne peut les conserver que dans des vases ou dans des outres
où on les serre pour les préserver le plus possible du contact de l'air en
— 10 —
vue d'empêcber la fermentation. Il y en a de si délicates (celles de l'Oued
Draa) que la moindre humidité les fait fondre comme du sucre.
Les plus estimées pour Texportation sont celles dites dégla ou mus-
cades ; elles sont mielleuses et sucrées, surtout celles qui se récoltent en
janvier et en février. Après la dégla vient la hora, moins fine, moins
recherchée, et dont la récolte se fait en octobre et en novembre ; puis la
hamma ou ktichi, datte sèche, de qualité conunuBe, mais que TArabe
préfère comme nourriture ordinaire, car il la trouve plus digestive que
les dattes pourvues d'une plus grande quantité de sucre, aussi peut-on
rappeler le pain quotidien de la tente. Il en existe d'autres variétés que.
les nomades utilisent, en les mélangeant avec d'autres de meilleure qua-
lité ou en les réduisant en gâteaux portatifs, peu appétissants, c'est vrai,
mais qui suffisent à leur frugalité. Ces gâteaux (agatœh) délayés dans
l'eau, peuvent fournir une boisson nourrissante et rafraîchissante. Dans
certaines régions c'est la provision des caravanes. Avec des dattes
sèches on fait aussi une espèce de farine et de pâte. En pressant les
dattes on peut en extraire un sirop très apprécié, que Ton prend avec
du pain. Celles qui sont moins bonnes ou ont été abattues par le vent
servent à faire une espèce d'eau-de-vie, peu goûtée des Européens. On
peut encore faire une sorte de vin en répandant le soir de l'eau sur de&
dattes ; le lendemain la boisson est faite.
Mais le vin de palmier (lakmi) est de beaucoup préférable. Il est
fourni par la sève de l'arbre. Si celui-ci est un palmier très vieux, sur le
point d'être sacrifié, on coupe le bouquet terminal en ménageant les
palmes iinplantées au-dessous ; si l'arbre doit être conservé, on enlève
les feuilles du pourtour de la couronne, sans léser celles du cœur, et Ton
entretient chaque jour la plaie ouverte pour que la sève coule plus long-
temps ; de cette manière on peut, pendant 3 ou 4 mois, obtenir chaque
jour de 8 à 10 litres de vin. On laisse ensuite la plaie se cicatriser; déjà
Tannée suivante le palmier porte de nouveaux fruits. Au bout de deux
ans on peut recommencer l'opération ; il y a des arbres qui la supportent
trois fois. Ou bien on fait une incision au-dessous du bouquet terminal,
et la sève est amenée à l'aide d'un roseau dans un pot en terre (kasserijy
suspendu à proximité. L'époque de la floraison étant celle oii la
sève circule le plus abondamment, est le meilleur moment pour se pro-
curer le vin de palmier. Les musulmans sont autorisés à en boire;
Mahomet lui-même l'estimait beaucoup. Dès le second jour ce liquide
fermente, devient aigre-doux, très alcoolique ; mais comme il est diffi-
cile de constater à quel moment il passe à l'état de vin, le croyant peut
se livrer sans danger à son goût pour cette boisson enivrante.
— 11 -
Les Arabes mangent encore le chou, le cœur du palmier, les feuilles
les plus délicates; mais pour cela il faut sacrifier Tarbre, car un palmier
dont les feuilles centrales ont été arrachées dépérit infailliblement, aussi
ne mange-t-on le chou que des arbres tombés ou trop âgés.
On se sert aussi, comme fourrage, des noyaux de dattes amollis dans
l'eau ou moulus. En voyage, quand les chameaux n ont trouvé dans la
journée aucune pitance, ils acceptent celle-là à la condition que le cha-
melier la leur ingurgite avec la main jusque dans le gosier.
Les dattes sont encore employées comme monnaie; l'ouvrier est payé
avec des dattes ; ou bien elles forment un objet de cotnmerce important
dans le territoire du désert et sur ses bords. Sans doute, les plantations
de palmiers réclamant un sol particulier et une irrigation spéciale,
rendent possible la culture d'autres plantes k leur ombre : céréales ou
arbres fruitiers. Dans les oasis de la région méditerranéenne, on cultive
du mais, de l'orge, des fèves, des pois, des oignons, des choux, des raves,
des tomates, des aubergines, desnnelons, des concombres; on plante
aussi des abricotiers, 'des pêchers, des figuiers, des amandiers, des
mûriers, des grenadiers, des oliviers, des pommiers, des pruniers, etc.;
la couronne des palmiers les garantit contre les rayons trop ardents du
soleil; on y récolte même de la luzerne comme fourrage et du coton dont
on fait des vêtements, mais, en général, de l'Oued Draa au Fezzan, les
oasis ne produisent pas assez de céréales, et leurs habitants sont obligés
de s^adresser à ceux du Tell, pour recevoir d'eux le blé et le mais qui
leur font défaut, en échange des dattes qu'ils produisent ; aussi, h la fin
de mai, époque de la récolte de l'orge dans le Tell, et dans les mois de
septembre et d'octobre, où a lieu la récolte des dattes dans le Sahara,
y a-t-il un mouvement très considérable de caravanes entre les deux
pays. Chaque oasis, chaque localité a certaine tribu du Tell qui lui
apporte annuellement des céréales et en reçoit l'équivalent en dattes.
L'exportation en est aussi très considérable : la seule oasis de Sivah en
fournit h la Basse-Egypte 30,000 quintaux, pour le transport desquels il
faut de 6 à 7000 chameaux; d'octobre en mars, des caravanes d'une cen-
taine de chameaux en apportent tous les jours, et il en reste encore
30,000 quintaux dans les magasins pour la consommation de l'oasis.
L'oasis de Dachel en exporte de 4000 à 5000 charges, qui sont expédiées
en Europe où elles sont préférées à celles de la Tripolitaine.
Le palmier n'est pas utile aux habitants du désert par son fruit, sa
sève, son ombre seulement ; les autres parties de là plante sont égale-
ment d^un prix inestimable, vu que c'est le seul arbre qui existe en quan-
tité on peu considérable dans cette région.
— 12 —
n atteint de 15 à 25 mètres, mais crott très lentement; son tronc est
si élastique qu'un orage très violent peut bien le courber jusqu'à terre,
ou Tarracher avec le terrain sur lequel il est enraciné, mais ne peut pas
le briser. D'ordinaire son tronc a de 0",30 à 0",60 de diamètre. Quand
il a vieilli et qu'on constate qu'il ne donnera plus que de mauvais fruits,
on le découronne, puis on le coupe. Là où une civilisation supérieure a
développé le goût de la construction des maisons, on s'en sert pour faire
des poutres, des perches, d'épais madriers destinés à confectionner des
portes pour les maisons des ksours ; à Rhat, elles consistent simplement
en morceaux de tronc de palmier liés ensemble par des courroies de
cuir. Le bois étant rare au désert, cela donne du prix à celui du pal-
mier, quoiqu'il ne soit pas de bonne qualité.
Dans la zone des palmiers, où il ne pleut presque pas, les palmes aussi
sont très appréciées ; beaucoup de maisons en pierre ou en briques en
sont couvertes ; on les enduit alors d'argile ou de chaux ; mais souvent
l'on se contente de huttes (gourbis) fabriquées simplement de feuilles de
palmier; elles font d'excellentes couvertures pour les toits, car elles
interceptent la chaleur tout en laissant circuler l'air. Cette architec-
ture se voit beaucoup dans l'oasis de Djofra et dans le Fezzan.
Avec les fibres des palmes, les indigènes confectionnent divers ouvrages
de sparterie, des nattes, des tissus, des sandales, des éventails, des
paniers, des chapeaux; avec les filaments qui garnissent l'aisselle des
branches autour du tronc, ils fabriquent des cordes. Enfin la souche
leur fournit un combustible qui donne une chaleur intense.
En un mot, le palmier fournit aux habitants du désert nourriture pour
eux-mêmes et pour leurs bestiaux, boisson, habitation, vêtement, com-
bustible ; seulement il ne leur fournit tout cela que dans une mesure
restreinte, ce qui les oblige à chercher ailleurs le complément nécessaire
pour la satisfaction de leurs besoins, et donne accès chez eux aux
influences d'une civilisation supérieure.
EXPÉDITION DU D^ LENZ AU MAROC ET A TOMBOUCTOU
Nous reprenons le récit de cet important voyage au point où nous
Pavons laissé dans notre précédente livraison,, c'est-à-dire à l'entrée du
Sahara proprement dit, à Tendouf. Le voyageur n'y resta que peu de
temps. Arrivé le 5 mai 1880 il en repartit le 10, après avoir dit un adieu
cordial à son ami, le cheik AU, dont l'appui lui avait été précieux. Ce
— 13 —
dernier lui avait encore préparé la voie du Soudan central, eu lui four-
nissant le meilleur guide qu'on pût trouver, un vieillard qui avait déjà,
parcouru cinquante fois environ la distance qui sépare Tendouf
d'Araouan, dernière étape avant Tombouctou. Le docteur dut lui don-
ner 600 francs, mais il n'eut qu'à se louer de sa conduite. La petite
caravane comptait, outre le D^ Lenz, deux interprètes, un guide, qua-
tre domestiques, en tout huit personnes. Neuf chameaux portaient les
marchandises, les provisions et dix-huit grandes outres pleines d'eau.
On peut voir, par la carte qui accompagne cet article et qui a été
dressée d'après celle publiée par la Eevue de Géographie, que les voya-
geurs atteignirent bientôt la région des dunes de sable appelée Iguidi.
Là, ils observèrent un phénomène singulier. « Tout à coup, dit Lenz,
on entend dans le désert, conime sortant d'une dune de sable, un son
prolongé, étouflfé, assez semblable au bruit d'une trompette. Il dure
quelques secondes, puis il cesse pour reprendre dans une autre direc-
tion. » Le voyageur anxieux se demande si ce n'est point le signal de
ralliement de hordes pillardes et trouve, après bien des recherches, que
c'est le sable lui-même qui résonne. Il suppose que cela provient du
choc des grains de quartz brûlants, qui sont simplement posés les uns
sur les autres et qui se trouvent continuellement en mouvement. Les
dunes de sable du Sahara peuvent se déplacer, absolument comme celles
des Landes ou de la Hollande ; aussi est-il souvent très difficile aux gui-
des de retrouver leur route, parce que les anciens points de repère
n'existent plus. C'est, à cela que Lenz dut de perdre deux domestiques.
Le premier, Hassan, Tunisien engagé à Tendouf, eut l'imprudence
de vouloir, pendant la nuit, retrouver un bâton qu'il venait de perdre,
il s'écarta de la caravane et ce ne fut que vingt minutes après son départ
qu'on s'aperçut de son absence ; on alluma des feux, on déchargea des
fusils, tout fut inutile ; il avait disparu pour toujours. Le second, Sidi
Mohamed, étant fatigué, courut en avant de la caravane, s'étendit par
terre et s'endormit; quand les voyageurs passèrent près de lui, il ne les
entendit pas et une demi-heure après seulement, on constata qu'il man-
quait ; il fut impossible de le retrouver. On doit forcément admettre que
ces deux malheureux sont morts de soif.
Le 29 mai, la caravane atteignit l'Ouad Teli, lit desséché d'une
ancienne rivière, où il suffit de creuser à peu de profondeur pour trouver
de Peau. Près de là se trouve la petite ville de Taodeyni, habitée par
des Arabes de la tribu des Oulad Dhra'a. On y voit de célèbres mines de
sel qui sont exploitées, d'après Barth, depuis l'année 1596. Le gisement
— 14 —
est très vaste et consiste en cinq coucbes, dont les trois supérieures n^ont
qu'une faible valeur, tandis que la quatrième est la plus exploitée. La
cinquième gît dans l'eau. Le sel qu'on en retire ressemble beaucoup à.
du marbre. Le terrain est concédé par petites parcelles aux marchands^
par un caïd qui y demeure ; il prélève, comme indemnité, la cinquième
partie du sel extrait, tandis que le reste devient la propriété de l'exploi-
tant. Le prix du sel est soumis à de grandes fluctuations, selon les sai-
sons de l'année et la situation politique du pays. Tout celui qu'on tire
des mines est transporté à Tombouctou. Chaque année, des milliers de
chameaux partent pour cette ville chargés chacun de quatre plaques de
sel longues d'un mètre. Il y a près de Taodeyni les ruines d'une ville
antique, on y trouve des murs de terre et de sel, et même des restes de
charpentes, des ornements, des instrumenta en pierre fort bien faits.
Taodeyni occupe le fond d'une dépression qui n'est qu'à 148 mètres au-
dessus de la mer, tandis que la hauteur moyenne de la plaine saharienne
est de 250 à 300 mètres.
Entre Taodeyni et Araouan, où le voyageur arriva le 9 juin, le sol se
relève et l'on traverse de grandes plaines de sables, parsemées de petites
dunes et de collines, de grandes étendues couvertes de blocs de pierre
qu'on nomme El-Djemia, un immense champ d'alfa appelé El-Merftya,
et enfin, une grande zone de dunes, au milieu de laquelle est Araouan.
Cette ville, située dans une région si déserte, où l'on ne trouve pas la
plus petite plante, a cependant beaucoup d'eau. Les végétaux sont com-
plètement desséchés par les vents brûlants du sud, et les chameaux doi-
vent être menés fort loin pour pâturer. Araouan est un point central des
caravanes, où s'arrêtent tous les marchands venant de Fez et de Maroc,
de Tendouf, du Touat, du Tafilet, etc. Une grande tribu arabe, celle des
Berêbich, habite dans les environs d' Araouan et son cheik a une maison
dans la ville. Elle prélève sur toutes les caravanes un droit de passage,
s'engageant en revanche à veiller à la sécurité des marchands sur la
route d' Araouan à Tombouctou. Ce droit est de 65 fr. pour un chameau
chargé d'étoflFes, et de 48 fr. pour celui qui porte d'autres articles.
On voit combien les transactions dans le désert sont difficiles, puisque
les caravanes courent toujours le risque d'être pillées par les coupeurs
de route, et que, si elles veulent se prémunir contre ce danger, elles doi-
vent payer des sommes relativement considérables.
Araouan a été fondée en 1670, et l'un des descendants du fondateur^
le chérif Sidi-Mohammed-Ben-Harib, occupe une position considérable
dans la ville. Lenz apprit aussi qu'un certain Abd-el-Kerim, l'un des
— 15 —
meurtriers de M"* Tinné, habite Araouan. On lui dit que cette dame
avait dû son maliieur, non seulement à ce que les objets qu'elle possé*
dait avaient tenté la cupidité des indigènes, mais encore à ce qu'elle
avait eu l'imprudence de donner le nom de Mohammed à son petit chien,
ce qui avait excité la colère des Arabes. On raconta aussi au voyageur
que tous les effets du major Laing, assassiné en 1825 au nord de Tom-
bonctou, ses vêtements, ses livres, ses flacons de médicaments, deuxbou-
tdlles de vin et quarante-cinq pièces de cinq francs, sont conservés aujour-
d'hui encore à Araouan. Il paraîtrait que d'autres motifs que la cupidité
avaient armé le bras de ses meurtriers.
La ville insalubre d' Araouan est très peu peuplée pendant la plus
grande partie de l'année, parce que les Arabes qui y possèdent des mai-
sons n'y séjournent qu'à l'époque du passage des grandes caravanes.
A Araouan, le D' Lenz congédia le guide qu'il avait engagé à Ten-
douf, il vendit ses chameaux, en ne perdant, malgré la faiblesse de ces
pauvres bêtes, que la moitié de leur prix d'achat, et en loua d'autres
pour faire la route d' Araouan h Tombouctou. Quittant la première de
ces villes le 26 juin, il atteignit sain et sauf la seconde, le but de tous
ses efforts, le 1*'' juillet. A une journée de marche au sud d'Araouan, les
dunes font place à la grande forêt de mimosas de l'Azaouâd, qui s'étend
jusqu'à Tombouctou et même beaucoup plus au sud. L'explorateur con-
stata qu'il était bien arrivé à la vraie limite du Sahara, car avant Tom-
bouctou le paysage change. La monotone plaine est remplacée par des
districts déjà riches en végétaux et en animaux, quoique l'altitude ne
change presque pas. Araouan, est à 255'' et Tombouctou à 245". i
Ainsi ce désert du Sahara, réputé si terrible, avait été complètement
et heureusement franchi, et cela, en quarante-trois jours seulement, si
l'on prend Tizgui comme point de départ et Tombouctou comme point
d'arrivée, et absti'action faite des temps d'arrêt à Tendouf, à Taodeyni
et à Araouan. Cela montre que l'énergie et une volonté ferme peuvent
renversa: bien des obstacles. Lenz prend place, à ce point de vue, à côté
de Livingstone et de Stanley.
Quant au désert lui-même, il est bien moins affreux que ne le dépei-
gnent la plupart des livres de géographie. On trouve des puits tous les
huit ou neuf jours de marche environ ; or, le D' Lenz nous dit que les
chameaux peuvent facilement se passer d'eau pendant ce laps de temps>
et que, pour sa petite caravane, les outres que portaient les bêtes de
somme étaient suffisantes. Il raconte aussi que la température est beau-
coup moins forte qu'on ne le croit généralement. Quoiqu'il ait voyagé
— 16 —
pendant la saison la plus chaude de Tannée, le thermomètre n'a marqué
que très rarement plus de 45'» et s'est maintenu en moyenne entre SS*» et
SÔ"" centigrades. La petite caravane du docteur avait pris dès son départ
l'excellente habitude de voyager la nuit. On levait la tente entre cinq
ou six heures de l'après-midi et l'on marchait jusque vers sept heu-
res du matin. A ce moment, on faisait halte pour toute la journée. C'est
pour cette cause que Ton avançait si rapidement, tandis que les grandes
caravanes ne font que quatre lieues par jour, et restent près de trois
mois pour aller seulement de Tendouf à Tombouctou.
Lenz affirme que le sol saharien n'est pas aussi stérile qu'on le
croit communément. Dans l'Iguidi, en particulier, on trouve en beau-
coup d'endroits du fourrage pour les chameaux, et l'on voit souvent des
troupes d'antilopes et de gazelles s'enfuir à l'approche d'une caravane.
Du reste, un peu plus au sud, au cœur du Sahara, le 28 mai, le ciel se
couvrit de nuages sombres et il tomba de la pluie. Le vent dominant
dans la partie occidentale du Sahara est celui du nord-ouest qui tempère
la chaleur. Quelquefois, surtout près d'Araouan, on ressent un terrible
vent du sud (enchacli) qui chasse le sable brûlant et cause de grandes
souflrances aux voyageurs.
Lenz donne des détails assez nombreux sur la fameuse ville saha-
rienne de Tombouctou. Nous comparerons sur quelques points sa des-
cription à celle que nous a laissée Barth. Nous ne parlerons pas de celle
de Rerfé Caillé, car elle est fort inexacte, et quant au major Laing, toutes
ses notes sont encore à Araouan.
Tombouctou n'a jamais été le centre d'un grand royaume. Fondée
vers l'an 1100 à peu près, par une fraction des Touaregs, à l'endroit où
ils avaient coutume de stationner, elle a grandi pendant des siècles, tan-
tôt se gouvernant elle-même, tantôt soumise aux puissants empires qui
existaient autour d'elle.
Elle joua un rôle important dans les luttes que se livrèrent ces diffé-
rents États, en particulier le Sonrhaï et le Maroc. Une fois môme, vers
1600, elle fut livrée aux flammes par une armée marocaine, et peu s'en
fallut que toute la population ne fût massacrée.
Dans la première moitié de notre siècle, Tombouctou a souvent été en
butte à des attaques des Touaregs, des Bambaras ou des Foulbes du
Massina. Actuellement les habitants sont, pour la plupart, des Arabes
ou des nègres sonrhaï, mais il s'y trouve aussi des indigènes de toutes
les parties du Soudan. Tombouctou n'est gouvernée, ni par un roi, ni par
un sultan ; une sorte de maire qui prend le titre de kahia, nous dit
— 17 —
Lenz, administre Tombouctou, et cette fonction est héréditaire dans la
famille des Rami, arrivée dans le pays à la suite d'El-Ehal, sultan du
Maroc. Ce dernier, pour favoriser les nombreuses relations qui existaient
entre la grande ville et son pays, avait fait planter, le long de la route que
devaient suivre les caravanes, des pieux qui servaient de points de repère.
Outre le kahia, on respecte beaucoup dans la ville la vieille famille des
chérifis El-Bakkaï. C'est sous la protection du père du représentant
actuel de cette maison que Barth s^était mis, et il n'eut pas à s'en repen-
tir. Ce descendant de la grande famille, nommé Abadin, est un homme
jeune, savant et ambitieux, qui jouera certainement plus tard un grand
rôle dans l'histoire de Tombouctou.
Le D' Lenz, d'après les conseils qu'il reçut, ne suivit pas l'exemple
de Barth, mais alla plutôt s'adresser au kahia, qui lui rendit le séjour de
Tombouctou le plus agréable possible. H lui donna une jolie maison et
lui fit servir chaque joiu* un repas abondant et succulent, dont le pain de
froment, le beurre et le miel, la viande de mouton et de bœuf, dés pou-
lets et du gibier faisaient les frais.
Lenz, de même que Barth, représente Tombouctou comme une ville
bien déchue. Avant d'arriver dans la cité le voyageur le remarque, car il
passe par une large ceinture de terrains vagues, où se rencontrent d'im-
menses amas de ruines qui se sont accumulées dans le cours des siècles.
Si Tombouctou n'est pas très vaste, elle se distingue de toutes les autres
villes de l'Afrique centrale par ses constructions solides. Il y a un très
grand nombre de jolies maisons carrées, parmi lesquelles beaucoup ont
un étage; elles sont construites en briques. D'après Barth, le nombre
de ces maisons était de 980 à l'époque de son passage (1853).
Les rues ne sont pas toutes régulières ; elles ont une largeur assez
grande pour permettre à deux cavaliers venant en sens opposé de s'évi-
ter et ont au centre une rigole pour l'écoulement des eaux, qui descendent
en abondance des plates-formes des maisons lors des grandes pluies.
Les palais où résidaient autrefois les gouverneurs de la ville, ainsi que
la citadelle que les troupes marocaines avaient élevée, n'existent plus.
Il n€ reste, comme monuments publics, que trois grandes mosquées, que
Barth et Lenz signalent tous deux; l'une d'elles, celle de Sankore, située
dans le quartier le plus élevé et surmontée comme les autres de beaux
minarets, donne à l'ensemble de la ville un aspect fort imposant.
Lenz donne à Tombouctou 20,000 habitants, tandis que Barth n'évalue
la population qu'à 13,000 âmes; mais ils sont d'accord sur le fait que
les foires y attirent ime nombreuse population flottante.
— 18 —
Actuellement Tombouctou n'est point prospère. L'industrie et le
commerce y deviennent de jour en jour moins actifs, à cause des guen*es
que se livrent sans relâche les Touaregs, commandés par le grand chef
Fandagoumou, et les Foulbes du Massina, que conduit Abadin. La guerre
menaçait de se rallumer lors du passage de Lenz.
Tombouctou n'est en aucune manière une place productrice et indus-
trielle, comparable à Eano par exemple. Toute l'activité se porte sur le
commerce avec l'étranger. Ce commerce suit trois routes principales ;
la première est celle du Maroc, la deuxième celle de Ghadamès et la
troisième la voie du fleuve dans la direction du sud-est. Autrefois, le
principal objet du trafic était For; mais aujourd'hui il a cédé la place
aux esclaves, qu'on tire principalement du Bambara oh la population est
douce et se livre à l'agriculture, et qu'on expédie sur le Maroc, Tunis et
la Tripolitaine. Actuellement, le commerce de l'or est très réduit.
Des plumes d'autruche arrivent des contrées du Soudan, un peu de
gomme et d'ivoire du Haut-Sénégal : du nord, les caravanes apportent
du sel de la mine de Taodeyni, des cotonnades bleues de provenance
anglaise, du corail, du sucre, du thé et de la farine.
L'unité de monnaie est le mithgâl d'or, que Lenz donne comme valant
11 à 12 fr., tandis qu'au temps de Barth il en valait seulement 6 à 7 ; la
valeur de l'or s'est donc accrue dans une proportion énonne. Pour beau-
coup de transactions on se sert de coquillages appelés kaouri, dont il
faut 4,500 pour faire cinq francs; on comprend que pour des achats
de quelque importance cette monnaie est fort incommode, car le temps
qu'il faut pour la compter est nécessaû*ement très long.
Il y a à Tombouctou, comme dans la plupart des villes arabes, des
écoles, des bibliothèques, etc. Lenz a souvent reçu la visite de savants.
Il se faisait passer pour un médecin turc, mais il s'apercevait bien que
parmi les gens inteUigents on ne le considérait pas sérieusement comme
tel. n avait plus de bonheur pour la pratique médicale, car il donnait
souvent des consultations à des malades atteints pour la plupart d'oph-
thalmies. Ses remèdes (le plus souvent des sels anglais) étaient inoften-
sifis, car il savait que, dans le cas où le médicament aurait eu des suites
fâcheuses, on n'aurait pas manqué de l'en rendre responsable.
Tombouctou est située à une journée de marche au nord du Niger ;
la ville a beaucoup d'eau, et Lenz y essuya plusieurs orages très forts
accompagnés de pluie.
Ce voyageur nous confirme un fait déjà cité par quelques géographes ;
c'est que les Arabes regardent le Niger comme étant le même fleuve que
le Nil, à cause de sa direction vers l'est dans la région de Tombouctou.
— 19-
Le docteur quitta cette dernière ville le 17 juillet 1880, après avoir
reçu les adieux des principaux notables, en particulier de Fandagoumou,
et accompagné pendant quelques instants par une foule de plusieurs
milliers de personnes. Il déclare qu'il n'a eu qu'à se louer de la conduite
des habitants à son égard; ils ne lui ont pas suscité le moindre embarras.
Pour atteindre le Sénégal, Lenz pouvait suivre la route facile des
caravanes par le nord du Soudan ; mais, voulant visiter les pays Bam-
baras, il prit par le sud, et dès l'abord son chemin fut hérissé de dan-
gers. Là oii il voulut passer, des bandes de pillards, appartenant à la
tribu des Oulad Allouch, occupai^t tous les sentiers, arrêtaient toutes
les caravanes et inspiraient le plus grand effroi aux populations. Lenz,
qui ne trouvait que difficilement des gens pour l'accompagner dans une
région aussi dangereuse, fut attaqué avant la petite vUle de Basikounnou,
par ces brigands qui commencèrent par s'emparer de la plus grande
partie de ce qu'il possédait et firent mine ensuite d'en vouloir à sa vie.
L'intervention du chérif, son interprète, qui se présenta comme le des-
cendant du prophète, lui fut d'un grand secours.
Basikounnou, où s'arrêta Lenz, est le centre d'un pays très beau mais
désert, formant une grande plaine fertile, parsemée de mimosas dans le
Ras-el-Mâ à l'est, et de baobabs à l'ouest, entre Basikounnou et Sokolo
ou Kala. La route entre ces deux villes fut longue et pénible ; un des
serviteurs de Lenz y mourut du typhus , ses deux interprètes furent
malades, et parfois lui seul se trouva à peu près bien.
A Sokolo, ville peuplée par 10,000 Bambaras. indépendants du sultan
Âhmadou de Ségou, un chef arabe^ parent du sultant du Maroc, reçut
admirablement les voyageui'S. De là sept jours de marche les conduisi-
rent à Goumbou située au N.-O. Cette ville en forme réellement deux,
séparées par un étang et pouvant compter ensemble 30,000 habitants.
Au bout de quelques semaines Lenz et les siens arrivèrent à Bakhouinit,
qui n'a que la moitié de l'importance de Goumbou. Le chef d'un village
des environs leur offrit de les conduire à Médine, poste français sur le
Sénégal, en passant par Nioro et Kouniakari. Nioro, le frère du sultan
Âhmadou, lui prit son dernier fusil et quelques couvertures, en lui disant
qu'il r^ardait cela comme un cadeau. A Kouniakari réside Bachirou, le
plus jeune des frères d' Ahmadou. Entre ces deux villes Lenz trouva des
villages nombreux, construits au milieu de grandes plantations de mais,
de sorgho, de canne à sucre, d'arachide, de coton. A partir de Kou-
niakari, avant laquelle on ne rencontre pas d'eaux courantes, le sol
s'abaisse vers le Sénégal, les rivières paraissent et la flore se transforme.
— 20 —
Lenz arriva* le 2 novembre 1882 à Médine, où il fut accueilli par
M. Pol, chef d'escadron d'artillerie. De là à St-Louis, par le fleuve, le
voyage fut très agréable, et à St-Louis même le gouverneur et la popu-
lation firent au grand voyageur une belle réception.
Le docteur Lenz a taxé de chimérique le projet de M. Donald
Mackenzie, tendant à inonder le désert, puisque le Sahara occidental se
maintient à une altitude de 280* ; il a déclaré bon et utile, mais diffi-
cile et coûteux, rétablissement de lignes feri'ées deTAlgérie au Soudan.
Il a constaté cependant que ce dernier projet n'est pas d'une réali-
sation impossible, et qu'il augmenterait d'une façon considérable la pro-
duction du Soudan, appelé à un grand avenir si l'influence des Arabes
y est contre-balancée, et plus tard annulée, par celle des puissances
européennes.
BIBLIOGRAPHIE '
Lettbes 8UB LE Tran8-Sahabi£n. Coustautine (Imp. Marie), 1881,
in-8% 52 p. avec carte. — M. F. Abadie a réuni dans cette brochure des
lettres adressées par lui à V Indépendant de Constantine, du mois de
novembre 1879 au mois de mars 1881, sur le Trans-Saharien dont il est
un zélé partisan. Opposé au tracé par le Hoggar, qu'a étudié la mission
Flatters dont il ne méconnaît pas l'utilité au point de vue géographique,
il recommande instamment la ligne Ouargla-Insalah comme ne devant
donner lieu à aucune complication avec la Turquie, l'Angleterre ou le
Maroc, et pouvant continuer facilement les lignes des trois provinces
d'Oran, d'Alger et de Constantine. Indépendamment des considérations
pratiques et économiques qui paraissent à l'auteur militer en faveur de
ce tracé, ses lettres sont remplies de détails intéressants sur cette région,
ses produits, ses habitants, etc., dus à la connaissance précise que lui
ont donnée un long séjour à Constantine et des relations avec plusieurs
des grands chefs du pays. La carte qui les accompagne indique d'une
manière détaillée les lignes Ouargla-Insalah-Tombouctou et celle de Tri-
poli par Ghadamès à Insalah, ou à Rhat et àKano.
■ On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 18, rue du Rhône, à Genève»
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et cwib'sée.
}
— 21 —
BULLETIN MENSUEL ( 1" août 1881 ).
Les troubles qui vienueut de se produire daus le sud de l'Algérie
peuvent faire craindre que le régime civil, appliqué depuis peu h la colo-
nie, ne cède momentanément la place au régime militaire. Quoi qu'il en
soit, ils ont déjà eu pour effet de démontrer la nécessité d'occuper plu-
sieurs points avances du Sud pour prévenir les incursions dont les pos-
sessions françaises sont constamment menacées par les tribus limitro-
phes. Le télégraphe a annoncé que le ministre de la guerre prépare la
création de plusieurs forts dans le Sud. Cette mesure appellera rétablis-
sement prochain des chemins de fer de pénétration, dont la Commission
de reboisement a dénjontré l'urgence tant au point de vue des intérêts
de la colonisation qu'à ceux de la domination française. Si le poste de
Géryville eût été relia à Saïda, les troupes françaises et la population de
ce district n'auraient pas eu autant à souffrir de la part de Bou-Amema
et de ses partisans. La Compagnie franco-algérienne offre de prolonger
sa Ugne jusqu'à Tiout, en passant par le Kreider et Témouline, d'od
elle jetterait un embranchement sur Géryville, qui se trouverait ainsi
relié avec Saïda. En outre, elle offre de construire en trois mois la ligne
jusqu'au Kreider, point alimenté par des sources abondantes. Ces offres
de la Compagnie franco -algérienne auraient l'avantage de procurer
immédiatement du travail aux populations éprouvées par la sécheresse
et par l'insurrection. En outre, l'ouverture de pareilles voies de commu-
nications inspirera plus de sécurité aux colons. Il en est parti d'Alsace,
en juin, un grand nombre recrutés dans les territoires annexés ; et une
Société dauphinoise vient de se créer en France, au capital de trois mil-
lions, en vue de fonder trois nouveaux villages dans le département de
Constantine, pour y installer à ses frais deux cents familles dauphinoises.
Elle se chargera de construire pour chaque famille une maison d'habita-
tion à laquelle sera ajouté un lot de terrain. A cet effet elle a obtenu
de l'administration supérieure une concession de 2400 hectares dans la
région de Batna.
Un télégramme du 20 juillet d'Alexandrie au Daily News^ annonce
que le khédive proclamera très prochainement l'abolition de l'esda^
-vw^^e en Ég^^ypte. Le cheik-ul-islam prépare les articles d'un décret,
qui rendra l'esclavage domestique impossible à l'avenir. Les famillQ3
qui possèdent des esclaves n'en seront pas privées, mais il sera interdit
d'en accepter de nouveaux. Cette réforme importante est due entière-
l'aFRIQUE. — TROISIËMB ANNÉE. — N^ 2. 2
— 22 —
ment à Tinitiative du khédive, dont les efforts persistants sont parvenus
à vaincre une opposition fortement enracinée.
Rohlfs est revenu d' Abyssinle avec des pleins pouvoirs de la part du
négous pour négocier un traité de paix entre ce dernier et le khédive.
Le roi Jean y a mis, comme condition siyie qiia non la cession de la part
de l'Egypte de ZouUah et de Haufila sur la mer Rouge. Rohlfs croit qu'il
importe beaucoup au commerce qu'une communication soit ouverte avec
l'Abyssinie, séparée jusqu'ici du reste du monde par la zone de terri-
toires sur lesquels l'Egypte prétend avoir des droits le long de la mer
Rouge. Si l'Angleterre appuie le négous, l'Allemagne en fera autant,
pense Rohlfs, la cession se fera à l'amiable et sa mission pourra abouth*.
D'après une lettre de Junker de Palembata, le commerce de l'Egypte
avec les pays nègres des Mombouttous et des Niams-Niams, est à peu
près nul, ou tout au moins de peu d'importance pour le nègre, surtout
si on le compare avec le commerce d'échange qui se fait avec le centre
de l'Afrique, par la côte de Zanzibar ou par celle de l'Ouest. L'importa-
tion pour les nègres se réduit à des perles de verre et à du cuivre. Les
draps et le reste n'arrivent pas en quantité suffisante pour les besoins
des Arabes, aussi les nègres ne peuvent-ils en recevoir. Junker vit en
très bonne intelligence avec les indigènes. « Les nègres, » dit-il, « m'ap-
portent gratuitement des vivres pour mes hommes et pour moi, et refu-
sent absolument de donner quoi que ce soit contre un prix quelconque.
C'est une coutume qu'on ne peut faire disparaître ; elle date de l'épo-
que où les marchands d'esclaves les exploitaient et les maltraitaient.
Je fais tous mes efforts pour modifier de semblables usages, et fais de
mon mieux pour donner une bonne idée des voyageurs civilisés. Si je
voulais brusquer violemment les usages établis, et mépriser l'hospitalité
qui est si généreusement offerte ou si nettement refusée, je froisserais
inutilement les gens et ferais plus de mal que de bien, car j'ai remar-
qué qu'on n'obtient l'hospitalité des nègres qu'à la condition de ne
jamais heurter leui-s droits. »
D'accord avec le D' Kirk, le sultan de Zanzibar a pris récemment
une mesure énergique pour réprimer la traite qui, malgré la vigilance
des croiseurs-anglais, se fait du continent à l'île de Pemba, oU de petits
bateaux conduisent toujours des esclaves en contrebande. Il a envoyé
sur le continent le lieutenant Matthews avec un détachement des trou-
pes de Zanzibar, en lui donnant des pleins pouvoirs sur les autorités
locales de la côte. Le chef de l'expédition garda le secret sur sa mission,
prit ses hommes à la parade, et sans leur rien dire de leur destination.
O'J
5>aas leur permettre de dire adieu à leurs amis, les fit monter à bord et
partit avec eux. Des maisons furent fouillées, on y trouva des esclaves ;
plusieurs trafiquants, et parmi eux le principal meneur, ont été saisis et
conduits à Zanzibar.
Nous ne savons rien des expéditions internationales, si ce
n'est que les difficultés qu'elles ont rencontrées ne font que stimuler le
zèle des officiers belges à y prendre part ; plus de deux cents d'entre
eux ont demandé à faire partie des missions africaines ; une nouvelle
expédit^pn partira sans doute prochainement, car le Nord annonce que
deux officiers se préparent aux divers travaux qui les attendent à
Karéma, l'un en apprenant le rétamage des casseroles, d'une très grande
importance sous une latitude où la propreté est bien essentielle ; l'autre,
en s'exerçant à manier le marteau du forgeron, et à travailler la tôle du
matin au soir, afin de pouvoir faire les réparations nécessaires à la coque
et à la machine du petit steamer, le Camhior, qui sillonne les eaux du
Tanganyika.
M. le baron v. Sclioeler, chef de l'expédition allemande, a été
malade de la fièvre à Kikoma, non loin de Tabora. Il comptait revenir à
Zanzibar, en laissant à la station MM. Bôhm D% Kaiser et Reichard.
M. Sepgfère devait aussi revenir de Tabora à Zanzibar pour se
reposer de grandes fatigues qu'il avait eu à endurer ces derniers temps.
Il a écrit que Nioungou, l'allié de Mirambo, était mort après une défaite
àr Mgombéro, petite ville qu'il avait soumise peu auparavant.
Sous la direction de l'évêque Steere de Zanzibar, la Mission des
Universités fait des progrès constants vers le IVyassa $ M. Johnson,
missionnaire à Masasi, suivant la Loujenda, s'est rendu à Mataka, à
650 kilomètres de Zanzibar ; quoiqu'il n'eût pas d'instruments, il a pu
lever assez approximativement le cours de cette rivière, dont la source
est encore un mystère. Les natifs s'accordent à dire qu'elle sort d'un
grand lac à l'est du Nyassa ; ce ne peut être le Chiroua qui est trop au
Sud ; il faut qu'il y ait au N.-N.-E. de ce dernier un nouveau lac encore
à découvrir. M. Johnson espérait pouvoir faire, de Mataka, des excur-
sions dans le pays entre la Loujenda et le lac Nyassa, en sorte qu'avant
qu'il soit longtemps la source de cette rivière sera déterminée. Le jeune
roi de Mataka lui a fait très bon accueil ; il a vécu longtemps à Quili-
mane, parle le souahéli, a des idées assez justes sur les Européens et
les Arabes, et s'est montré satisfait de la venue des missionnaires ; il a
donné à M. Johnson deux huttes, pour lui et ses aides. L'établissement
<l'une station à Mataka permet d'espérer voir la traite qui règne encore
— 24 —
entre la Rovouma et la Loujenda, et dont cette ville est le centre V
disparaître comme elle a disparu des districts de Masasi et de Living-
stonia ; mais il faudrait pour cela pouvoir en fonder d'autres, aussi vitfr
que possible, entre Masasi et Mataka éloignées l'une de l'autre de
325 kilomètres environ. M. Johnson a déjà choisi les deux points où elles
devraient être établies : Majéjé, à la jonction des routes des caravanes,
et Mtalika, résidence du principal chef des Yaos. Avec les stations déjà
existantes de Néouala et de Mkouéra, à 100 kilomètres et 25 kilomètres
de Masasi, elles formeraient une chaîne non interrompue, de ^anzibar
jusqu'à Mataka dans le voisinage du Nyassa. L'influence pacifique des
missionnaires y sera la très bien venue. Une incursion des Makouan-
gouaras avait causé ime famine cruelle à Mataka, dont les habitants
devaient manger des herbes, des champignons et des masoukaus, le
fruit que l'on mange quand on est à court de vivres, dit l'évêque Steere,
à peu près de la grosseur d'une petite poire, plus rond, avec une peau
rude, et trois noyaux ; la chair en est douce et fondante, plus semblable
à celle de la poire qu'à tout autre fruit d'Europe ; chaque noyau con^
tient une petite plante toute formée (?), avec des feuilles vert foncé, qui en
ouvrent la coque dès que le fruit tombe, ce qui arrive dès qu'il est mûr.
Suivant une dépêche de Durban au Times, les affaires du Transvaal
prennent une mauvaise tournure. Le Triumvirat qui dirige les affaires
des Boers, aurait refusé de payer la somme de 1,200,000 livres sterL
réclamée pour dépenses faites dans le pays depuis l'annexion et la guerre
de Sécocœni. La commission aurait oflfert une diminution de 600,000 liv.
sterl. en échange de la cession d'une partie du pays, à l'est du 30"*. On
a également refusé ces propositions. Une grande inquiétude règne à
Pretoria ; l'on affirme que les indigènes de Lydenbourg se préparent à
une insurrection.
D'après un rapport de Sir Bartle Frère à la Société des Arts de Lon-
dres, la houille occupe le premier rang dans les ressourcjes miné-
rales de l'Afrique australe. On s'est fait jusqu'ici une idée très
imparfaite de l'étendue et de la valeur des terrains houillers déjà con-
nus, qui ne forment qu'une partie très minime de ceux qu'un nouvel
examen a fait reconnaître exister entre la mer et les tropiques. On en a
trouvé dans le voisinage de Beaufort-West, et des deux côtés des mon-
tagnes qui suivent la direction de la cote depuis les monts Nieuweweld
* Mataka est la ville la plus grande que Livingstone ait vue dans cette région ;.
elle a 3000 habitations.
— 25 —
<32'' lat. S.) jusqu'à la rivière Oliphant (24°). Il en existe de vastes gise-
ments dans plus d'une partie de la vallée du Zambèze, au N.-E. du
Transvaal, dans le bassin de la Rovouma, dans les territoires de Natal
et du Zoulouland. Sir Evelyn Wood put longtemps approvisionner de
combustible une grande partie de sa colonne, dans les lits de houille qu'il
trouva le long de la frontière de ce dernier pays. Ce qui empêche le
développement de l'exploitation de ces terrains, c'est le manque d'un
transport à bon marché. Il en est de même pour le minerai de fer, qui
abonde dans le voisinage des terrains houillers. Depuis peu de temps on
exploite des mines de cuivre dans le Namaqualand ; il en existe de plus
importantes encore dans le Damaraland, où elles auraient été décou-
vertes et exploitées par les Bushmens et les tribus sauvages au nord* des
Damaras.
Les missionnaires américains ont dû quitter Benguela, où ils
souffraient de la fièvre, sans attendre plus longtemps les porteurs que
devait leur envoyer le roi du Bilié. Ils sont montés à Ballounda, à plus
de 300 kilom. de la côte, où ils ont eu une entrevue amicale avec le roi,
qui veut les avoir dans ses États, aussi y fonderont-ils probablement une
station ; de là ils n'avaient plus guère que 80 kilom. à faire pour attein-
dre Bihé; ils ont fait assez de progrès dans la connaissance de l'am-
bounda, la langue du pays, pour que l'un d'eux, M. Sanders, puisse
s'entretenir avec les natifs.
Le D' Pog^e qui se rend à Moussoumbé, avec le lieutenant Wis-
mann a heureusement atteint Malangé, d'où il a dû repartir à la fin
d'avril ou au commencement de mai. Il a trouvé cette ville, ainsi que
Poungo à Dongo, bien déchue depuis son dernier séjour ; alors il y avait
dans ces deux villes un certain nombre d'Européens; aujourd'hui, par
suite de décès et de départs, il n'y en a plus qu'une dizaine. Les affaires
y vont mal, les prix des produits du pays ont baissé en Europe, mais les
nègres persistent à en exiger le même prix que précédemment. Ils pré-
fèrent aller les vendre à Dondo, où, grâce au service régulier des
bateaux, ils peuvent les écouler à un prix plus élevé qu'à Malangé. Le
D** Bucliner et le major de Meclioixr étaient aussi arrivés dans
cette dernière localité, où ils comptaient faire un assez long séjour avant
de reprendre leur marche vers Saint-Paul de Loanda.
MM. Crud^in^ton et Bentley, de la mission baptiste de San Sal-
vador, ont heureusement atteint le Congo h Vivi, d'où ils se sont rendus
à Stanley Pool, en 21 jours. Arrivés à une ville sur la rive septentrio-
nale, ils apprirent que Savorgnan de Brazza y était venu, et avait passé
— 20 —
à Ntamo sur l'autre rive, où il avait laissé trois hommes. Les mission-
naires traversèrent le fleuve 'dans un grand bateau, mais à leur arrivée
à Ntamo ils trouvèrent 150 à 200 natifs armés de couteaux et de lances,
et qui s'informèrent du but de leur visite. Ils durent rester sur le rivage^
pendant que les chefs délibéraient. Ensuite on leur permit d'entrer dans
la ville, mais l'attitude des indigènes était telle qu'ils crurent prudent
de s'en aller. Le sergent français laissé par de Brazza pour garder la
station, les engagea à se rendre h Nshasha où se trouvait le principal
chef ; ils y allèrent, mais apprenant que les gens de la ville se dispo-
saient à sortir en grand nombre pour les attaquer, ils retraversèrent le
fleuve et revinrent à Stanley Pool, d'où ils redescendirent en quinze
jours à Vivi, où ils rencontrèrent Stanley qui leur fit très bon accueil. Le
Comité de la mission baptiste a décidé de leur expédier un bateau
d'acier semblable à ceux qu'emploie Stanley, de manière à ce qu'ils
puissent se servir de la voie du fleuve pour le transport des personnes et
des provisions.
De son côté la mission Me Call a reçu la chaloupe à vapeur Le Living-
^stone qui lui était destinée, et l'essai qui en a été fait de Banana à Noki
(vis-à-vis de Vivi) a parfaitement réussi. Cette distance de 160kilom.
environ a été franchie en 22 heures en remontant le fleuve, et le retour
à Banana s'est eff'ectué en 7 heures de navigation. La station de Para-
balla se développe : elle a fondé trois écoles, l'une à Paraballa, et les
deux autres dans deux villes du voisinage, Madouda's Town et Idia-
da'sTown; dans cette dernière ville le roi et quelques-uns des chefs
encouragent l'œuvre par leur présence, et par les eflForts qu'ils font pour
l'emporter sur les enfants dans la lecture, l'écriture et le calcul. Un des
missionnaires, M. Craven a été malade et doit venir se reposer en
Angleterre, il y amènera avec lui deux jeunes indigènes, pendant le
séjour desquels le Comité fera imprimer un vocabulaire de la langue
fyoteet quelques ouvrages élémentaires pour les écoles. Il enverra, pour
remplacer M. Craven, deux missionnaires qui arriveront à Banana à la
fin d'août, et remonteront le fleuve pour atteindre, avant la mauvaise
saison, Stanley Pool où ils aideront à ériger les maisons de la station.
Une lettre de Savori^nan de Brazza à sa mère, publiée par
V Exploration, renferme des renseignements très importants sur les pro-
grès déjà réalisés dans le Haut-Ogôoué, et sur les facilités des commu-
nications à établir entre les deux stations de Franceville et de Brazza-
ville. L'Ogôoué peut être remonté jusqu'à la première, à 700 kilom. de
l'Atlantique. Dans son premier voyage l'explorateur avait mis deux ans
— Tl —
pour franchir cette distance ; alors, le fleuve étant coupé en trois zones
«listinctes, dans lesquelles le droit de navigation était exclusivement
résen'é à des populations différentes, il fallait changer trois fois de
pagayeurs et de pirogues, ce qui était la source d'ennuis infinis et de
dépenses considérables. A mesure qu'on passait d'une tribu à l'autre, les
marchandises augmentaient de valeur dans une proportion énorme; chez
les Adoumas, la troisième des peuplades riveraine-, 4 kilog. de sel
payaient un esclave. Aujourd'hui des indigènes de toutes les races,
sachant manier une pagaye, peuvent remonter tout le fleuve, depuis la
c>ôte jusqu'à la station de Franceville, qui dispose, au premier oi'dre du
chef, de 1000 à 1500 pagayeurs, pour armer de 80 à 100 pirogues, pou-
vant amener tous les trois mois, de la côte à la station, de 80 à 100 ton-
nes de marchandises. Ce premier poste est à 290 kilora. de Brazzaville,
mais le point oîi l'Alima a été rencontrée n'est qu'à TOkilom. environ de
Franceville ; ce sera la voie la plus courte entre l'Atlantique et le Congo
moyen . On pouiTa traverser le pays peu accidenté, presque sans travaux
préalables, avec des chariots chargés de 400 à 500 kilog. Il y aurait, à
partir de Franceville, 5 à 6 kilom. de route à établir à travers une
forêt : un peu au delà un pont à constniire sur la Koni, de 25 mètres de
large et de 2 mètres de profondeur, puis en cinq ou six endroits, mais
sur de faibles parcours, des bouts de route à faire. Avec les porteurs que
l'on trouve facilement dans le pays dont la population est très dense et
pacifique, on peut fraîner sans trop de peine de Franceville à l'Alima
des vapeurs démontés en pièces de 150 à 200 kilog. Quant aux marchan-
dises portées à dos d'hommes, on peut à chaque voyage en transporter
2.500 kilog. avec 100 porteurs, à 25 kilog. par charge. Plus tard le trans-
port pourra s'effectuer par ânes ou par voitures. Savorgnan de Brazza
recueille déjà le fruit de ses travaux dans le Haut-Ogôoué. La station
de Franceville est devenue un refuge pour les esclaves qui cherchent la
liberté dans les limites de son territoire. Les populations riveraines
reconnaissent ce droit d'asile et admettent l'affranchissement de tout
esclave qui se place sous sa protection ; 104 esclaves, hommes, femmes
et enfants, y ont jusqu'ici recouvré la liberté.
La rivière Opobo qui se jette dans la baie de Biafra, entre le Vieux
et le Nouveau Calabar, a été récemment le théâtre d'atrocités révoltan-
tes, de la part du chef Ja Ja qui y exerce un très grand pouvoir, grâce
aux canons Krupp et aux fusils Sniders et autres dont il dispose. La
ville d'Opobo sur la côte, compte une demi - douzaine de maisons
anglaises trafiquant avec lui et ses gens qui servent d'intermédiaires
— 28 —
entre elles et les producteurs du principal article de commerce de cette
région, l'huile de palme. Ja Ja jouit d'un monopole qu'il exerce parfois
de la manière la plus arbitraire sur les natifs et sur les Européens.
Quant à ces derniers, il ne permet qu'à un certain nombre d'entre eux de
trafiquer avec ses gens, et s'ils encourent son déplaisir, il empêche leur
commerce jusqu'à ce qu'il ait obtenu l'obéissance à ses vues. Entre le
Vieux Calabaretl'Opobo coule la QuaEbo,dont les riverains allouèrent
à une maison anglaise un terrain pour y établir une factorerie avec
laquelle ils comptaient faire des affaires. Dès que Ja Ja en fut informé,
il s'efforça de les en détourner, et leur envoya des présents pour les enga-
ger à ne trafiquer qu'avec lui ; mais ses offres furent refusées. Alors, sans
avertissement préalable, il envoya contre eux 50 canots pleins d'hommes
armés jusqu'aux dents, qui tuèrent tous ceux qui ne purent s'enfuir,
brûlèrent sept villes, détruisirent les fermes, s'emparèrent du bétail et
de tous les objets sur lesquels ils purent mettre la main, puis se rendi-
rent à la factorerie qu'ils bouleversèrent, sans cependant oser la détruire
par peur de l'autorité anglaise. Après cela ils retournèrent à Opobo
emmenant avec eux leur butin et cent prisonniers, hommes, femmes et
enfants, qu'ils massacrèrent impitoyablement, malgré les supplications
d'Européens qui avaient pu entrer dans la ville, et qui ne purent sauver
que quelques jeunes filles en les rachetant. L'extension du protectorat
britannique à la côte et aux rivières des baies de Biafra et de Bénin
serait un grand bien pour les intérêts et la liberté de ces peuples.
L'exploitation des mines de la Côte d'Or fournit les résultats les
plus satisfaisants. Le directeur de « l'Effuenta i» annonce qu'il a déjà
2000 tonnes de minerai prêt à être mis en œuvre au mois d'août ; dans
quelques mois l'exploitation sera de 50 tonnes par jour ; elle peut monter
jusqu'à 100 tonnes. D'après le témoignage d'un correspondant de la
Société royale de géographie de Londres, naguère sceptique quant au
succès des opérations minières par des Européens de la colonie de la
Côte d'Or, et qui depuis quatre mois a visité toutes les mines exploitées,
non seulement la richesse en est exceptionnelle, mais encore elle dépasse
toute idée, aussi toute compagnie acquérant une concession et travail-
lant convenablement lui paraît-elle assurée de réussir.
Le D' Bayol chargé de se rendre à Timbo pour tracer, soit par la
Falémé, soit par le Bakoy, une route commerciale qui relie le Fouta
Djallon aux établissements français du Sénégal, est arrivé à Boké le
9 mai, et le 19 il éuit à Pompo, d'oii il a renvoyé à Rio Nunez une
partie des porteui*s et des bagages, afin de pouvoir avancer plus vite.
— 29 —
Malgré les pluies et les difficultés de ravitaillement, il espérait arriver à
Timbo vers le 10 juin, et pouvoir y cimclure avec les chefs du Fouta
Djallon des conventions qui assurent à la France le commerce de cette
régimi. De là il passera dans le Bouré oîi abonde le minerai d'or, 6t dont
les habitants sont, comme les Mandingues, leurs toisins du Nord, indus-
trieux et relativement plus civilisés que les autres noirs de cette partie
de rAfrique. Leur caractère plus pacifique que celui des populations du
Bélédougou, toujours en lutte avec les Toucouleurs, engagerait M. Bayol
à préférer h Bamakou, Koumakana chez les Mandingues, comme tête
de hgne de la route du Niger. La sécurité des communications commer-
ciales lui paraîtrait mieux garantie.
KOXTVEU.ES GOKPIiÉMENTAIRES
M. le colonel Périer instaUe le service topographique de la Tunisie et dresse une
carte du pays des Eroomirs qui sera publiée prochainement ^
D'après une correspondance d'El-Obéid, des Arabes revenant du Bomou ont
rapporté avoir rencontré Matteucci et Massari avec une caravane de chevaux et de
chameaax chargés d'ivoire, présent du sultan du Bomou.
Le D' Schweinfurth est revenu à Suez, après une exploration d'un mois dans l'ile
de Socotora, où il a trouvé une flore très abondante ; les forêts constituent la princi-
pale richesse de l'ile.
Quarante phares de grande portée vont être établis dans la mer Ronge pour en
rendre la navigation, pendant la nuit, moins dangereuse.
A la suite du massacre de l'expédition Giulietti, deux vaisseaux italiens ont été
envoyés à Assab, pour y stationner pendant l'enquête que le gouvernement égyptien
a ordonnée, en vue de découvrir les meurtriers et de les punir ; ils seront appuyés
par un vaisseau anglais.
Les établissements français et anglais fondés à Salar, sur la côte S.-O. de Mada-
gascar, ont été pillés par des indigènes Mahapélés sous la conduite de leur roi
RépaUle; les colons ont dû se réfugier à bord d'une baleinière.
Le IV* Hîldebrand est mort le 29 mai à Antananarive ; il avait trouvé de grandes
richesses botaniques et zoologiques dans les monts Ankaratra, au sud de cette ville.
Les chefiB Bassoatos ont accepté les conditions de sir Hercules Robinson et com-
BMncé à payer l'indemnité qui leur est imposée.
Le gouvernement colonial a présenté au Parlement un projet d'extension des
lignes de chemins de fer : Beaufort-Hopetown, Cradock - Colesberg , Colesberg-
^ Deux autres cartes importantes sont en voie de publication : l'une de l'Afrique
éqoatoriale orientale, sous le patronage d'un comité de la Société de géographie
de Londres; l'autre de toute l'Afrique équatoriale, au V>ooooo, par Guido Cora.
— 30 —
Hopetown, Qaeenstown-Aliwal et Wynberg-Kalkbay, pour une longaeur de 940
ktlomètres. Le point de jonction des lignes occidentale et orientale serait à 290 kilo-
mètres de Beaafort sor le prolongement rers Hopetown.
Le transport portugais, IncUa , à destination de Loanda, a embarqué une partie
des installations nécessaires à l'établissement des deux premières stations commer*
ciales portugaises de la côte occidentale. Elles seront organisées à Pinstar de celles
qu'a fondées l'association internationale de Bruxelles,
Le gouverneur de la Côte d'Or a mis pour condition à la conclusion d'un traité
avec le roi des Achantis l'abolition des sacrifices bumains dans les États de ce der-
nier. Le roi ayant demandé qu'un représentant du gouverneur lui fît visite,
M. Maloney, secrétaire colonial, a accompagné le prince Boaki qui est retourné à
Coumassie.
Les matériaux nécessaires à la construction du chemin de fer du Sénégal vont
être transportés sur le haut fleuve, l'entente avec le roi du Foutah garantissant la
sécurité du passage. Il y a encore quelque difficulté avec le roi du Cayor au styet
du passage de la voie sur son territoire, mais on espère une solution satisfaisante.
M. Gh. SoUer, voyageur an Maroc, a heureusement pu échapper aux pillards
berbères sous les coups desquels on disait qu'il avait succombé.
LES LANGUES DE L'AFRIQUE
Il existe encore de grandes lacunes dans la connaissance des langues
de rAfrique : plusieurs d'entre elles sont complètement ignorées, pour
d'autres nous ne possédons que des vocabulaires bien imparfaits, et
leurs rapports mutuels nous échappent. Quoi qu'U en soit, nous devons
être bien reconnaissants envers ceux qui, au prix de grands labeurs,
s'efforcent .de nous orienter dans cette partie du champ du développe-
ment intellectuel de Phumanité : les savants, les explorateurs, les sociétés
missionnaires, la société biblique de Londres. Parmi les savants, Frédéric
MuUer, dans son Esquisse de la science du langage, Lepsius, pour le
Nord de T Afrique, le D*" Bleek, pour le Sud du continent, et le D' Kœlle,
pour l'Afrique occidentale, ont rendu sous ce rapport de très grands
services. S'appuyant sur ces autorités, M. Robert N. Cust, secrétaire
honoraire de la Société royale asiatique, a présenté, le l^'^mars de cette
année, à la Société des Arts de Londres, un tableau d'ensemble de ces
langues, dont nous voudrions donner un résumé à nos lecteurs.
Les langues africaines connues peuvent être rattachées à six grandes
familles :
1° Sémite;
— 31 —
2* Cîhamite;
S^ Nubienne-Foulah ;
4* Nègre, proprement dite ;
5*" Bantou;
&" Hottentote et Bushmen.
Chacune de ces familles a ses caractères propres et se subdivise à son
tour en un certain nombre de groupes.
V Les langues sémitiques bien connues ressemblent aux langues indo-
européennes par la flexion, plus belle chez elles, et plus symétrique que
dans ces dernières. Elles forment deux branches : Tune celle de la
côte septentrionale de TAfrique, Tautre celle de TAbyssinie. La con-
quête de rÉgypte par les Hycsos et le séjour des Hébreux dans le Delta
n'ont pas laissé de traces dans la langue ; en revanche, il reste de celle
des Phéniciens de Carthage des inscriptions monumentales. Plus tard
sont venus les Arabes, et leur langue s'est répandue avec eux de manière
à dominer à Tripoli, à Tunis, en Algérie et au Maroc, sous une forme
un peu différente de celle que parlent les tribus d'Arabie. — Du sud
de l'Arabie eut lieu, à travers la mer Rouge, une troisième invasion, à
laquelle se rattache le ghéez, la langue parlée en Abyssinie, avec
ses dialectes dérivés: le tigré moderne et l'amharique. Mais l'arabe
s'étend en Afrique bien au delà des bornes des États dont la population
est sédentaire. Il est le véhicule de la pensée dans une grande partie du
continent, soit chez les Bédouins nomades, soit chez les marchands et les
trafiquants d'esclaves, soit chez certaines races dominantes, comme celle
du Ouadal; enfin, c'est l'instrument de la diffusion du mahométisme et
de toute civilisation en dehors du contact des Eui-opéens. Jusqu'à pré-
sent, il a eu le champ libre ; mais, on peut supposer que ses progrès se-
ront arrêtés par ceux que font maintenant l'anglais, le français, le hol-
landais, et par la culture de nombreux indigènes prêts à tendre la main
aux Européens civilisés.
2* La famille des langues chamites comprend trois groupes : l'égyptien,
le lybien et l'éthiopien, probablement en relation l'un avec l'autre, mais
les travaux qui pourraient nous faire connaître leurs rapports manquent
encore. Les langues du groupe égyptien ne sont plus parlées ; toutefois,
l'étude de l'égyptien proprement dit, d'après des documents qui nous
permettent de remonter à 4000 ans avant l'ère chrétienne, autorise à
dire que, sous le rapport de l'antiquité, aucune langue ne peut rivaliser
avec lui. Sous l'influence gréco-chrétienne, il est devenu le copte, qui,
à son tour, a disparu devant l'arabe et n'existe plus que comme langue
— 32 —
ecclésiastique. — Le groupe lybien n'a pas eu de littérature ; aujourd'hui,
on peut en rattacher tous les dialectes au berbère. Les Français ont
beaucoup contribué à le faire connaître. — Le groupe éthiopien se trouve
le long de la mer Rouge, mêlé à la branche abyssinienne-sémite sus-
mentionnée : il comprend entre autres le somali, le galla, le foulacha, le
dankali. Le lac Victoria-Nyanza occupe, au point de vue philologique et
ethnographique, une position remarquable. Les familles chamite, bantou,
nubienne*foidah et nègre s'y heurtent mutuellement. On croit que
Mtésa est d'origine galla et règne sur des sujets bantous ; mais nous con-
naissons trop peu les tribus qui habitent au nord du lac Victoria pour
rien affirmer à cet égard d'une manière certaine.
3° Tandis que les langues des deux familles précédentes sont des lan-
gues à flexion, toutes les autres sont agglutinantes. La famille nubienne-
foulah est la moins connue et celle dont la classification reste la plus
douteuse. Elle habite au milieu des nègres et sur leur frontière orien-
tale, mais se distingue d'eux au point de vue physique et ethnographi-
que, et occupe ime position intermédiaire entre les familles chamite et
nègre proprement dite. — Le groupe foulah se trouve sur la côte occi-
dentale. Les populations qui s'y rattachent s'estiment fort supérieures
aux nègres ; on les trouve mêlées aux nègres depuis le bas Sénégal à
Touest jusqu'au Darfour à l'est, et de Tombouctou au nord jusqu'au
Yoruba au sud, sous les noms de Peuls, de Foulahs, de Foulbés, de
Fellatas, etc., parlant sept dialectes différents, mais c'est la langue du
Foutah-Djallon qui en est le type principal; elle se distingue par l'em-
ploi d'affixeset de genres rationnels et irrationnels. — Le groupe nubien
s'étend k l'est des Foulahs jusqu'au groupe éthiopien chamite. Les
Nubiens purs habitent aujourd'hui la vallée du Nil, de la première à la
seconde cataracte. D'après les récits de Schweinfurth, ils forent une
race dominante mahométane, supérieure en pouvoir et en civilisation
aux tribus païennes du même groupe, au milieu desquelles ils font des
incursions comme marchands ou chasseurs d'esclaves. Parmi ces tribus,
nous citerons les Changallas, qui habitent sur les bords de l'Atbara, et
que nous ont fait connaître les rapports du missionnaire romain Bel-
trame; les Ouakouavis et les Masal, au milieu desquels travaillent les
missionnaires protestants de Mombas, peut-être aussi les tribus des
Mombouttous et des Niams-Niams, découvertes par Schweinfurth et Jun-
ker dans le bassin du Nil et de l'Ouellé; malheureusement, un incendie
a détruit les matériaux linguistiques recueillis par Schweinfurth, et il
faut attendre de nouvelles recherches pour pouvoir assigner sa vraie
place à la langue de ces tribus.
— 33 —
4* Vient ensuite la âuniUe nègre qui est loin de s'étendre dans toute
rAfrique, mais qui forme le noyau de la population. Circonscrite au sud
et à Test par la famille Bantou, serrée au nord par la famille nubienne-
foulah et déportée par millions en Amérique, elle se fût éteinte dans des
guerres intestines, si elle n'eût pas eu une vitalité extrême. Pour M. Cust
le centre des nègres purs est la région comprise entre le Sénégal et le
Niger, mais on y trouve actuellement beaucoup de nègres rendus à la
liberté par les croiseurs europé^s, ou revenus d'Amérique, et qui y ont
apporté des éléments étrangers. D'ailleurs, la famille nègre s'étend bien
au delà de cette région, de la côte occidentale à la vallée du Nil, et l'on
peut y distinguer trois grands groupes, celui de la côte occidentale, celui
du bassin du lac Tchad, et celui du Haut-Nil. Quant aux langues de
cette famille, tout ce que nous en savons n'est que provisoire ; nous igno-
rons leurs diversités, leurs rapports réciproques, les variétés de leurs
dialecte, et nous manquons d'informations complètes sur celles dont
nous avons des vocabulaires ou des grammaires. Elles n'ont point de lit-
térature. En outre, d'après le témoignage de Moffat, il en naît pour
ainsi dire sous nos yeux, et, d'après le D** Kœlle, d'autres disparaissent;
Schweinfurth, Livingstone, Stanley, Nachtigal, Rohlfs, presque chaque
explorateur apporte des exemples de nouveaux vocabulaires ou de vagues
indications de langues nouvelles qui ne sont pas comprises de ceux qui
viennent après eux. Frédéric MuUer indique 24 groupes se rattachant à
cette famille, et M. Cust en ajoute un vingt-cinquième pour les peu-
plades pygmées, dont nous ne connaissons guère que la langue des
Akkas. n y en a II qui représentent des langues isolées, sans rapport les
unes avec les îiutres, ce qui prouve notre ignorance à leur égard, le phé-
nomène de langues isolées ne pouvant se présenter que très rarement.
Parmi les 14 autres, les unes appartiennent aux populations nombreuses
des Sousous, des Veys, des Temnés, du Yoruba et du Nupé ; sur la côte
occidentale, les plus connues sont celles des Mandingues, des Yolofs,
des habitants du Bomou et des Ibos ; ces langues sont parlées à Sierra-
Leone, à Libéria, tout le long de la côte de Guinée et dans la partie du
Niger que nous connaissons. Au bassin du lac Tchad appartient un
groupe de langues très peu connues, et dans celui du Bahr el Ghazal les
voyageurs nous ont révélé l'existence des Baris, des ChiUouks, des Den-
kas, etc. Ces derniers forment une grande tribu sauvage, habitant dans
hi' région du Nil-Blanc, entre le 12° et le 6° lat. N., et au milieu de
laquelle a longtemps vécu le missionnaire Beltrame. Il a pu rédiger de
leur langue une grammaire très développée et un vocabulaire de plus de
— 34 —
2000 mots» que la Société italienne, de géographie vient de publier dans
ses Mémoires, sous le titre : OrammaHca e vocabulario délia Imqua
denka, D est à remarquer que les clicks, qui forment un trait caractéris-
tique des langues des Bushmens, des Hottentots et des Cafres, existent
dans les langues des tribus du Haut-Nil. C'est à la famille nègre qu'ap-
partient le haoussa, la langue commerciale de TAfrique centrale, qui
dépasse de beaucoup les limites du pays occupé par les Haoussas. On le
parle jusqu'à Tripoli ; mais un fait qui prouve combien nos matériaux
linguistiques sont encore incomplets, c'est que, tandis qu'un savant l'at-
tribue à la famille chamite, un autre le rattache à la famille nubienne-
foulah, et le troisième en fait un groupe des langues nègres.
S"" C'est au ndssionnaire Krapf qu'appartient l'honneur d'avoir décou-
vert que toutes les langues parlées au sud de l'équateur, à l'exception
de celles des Hottentots et des Bushmens, ne forment qu'une famiUe, la
famille Bantou. En effet, malgré son extension d'un océan à l'autre, le
génie de ces langues, leurs accents, leurs vocabulaires prouvent qu'elles
proviennent toutes d'une langue-mère. D'après le D** Bleek, les traits
caractéristiques en sont : des mots polysyllabiques, la rareté des diph-
thongues, l'emploi du préfixe ba pour le pluriel des noms, le petit nombre
des adjectifs au lieu desquels on se sert ordinairement du participe,
l'indication des cas au moyen de prépositions, la formation de différentes
sortes de verbes et des temps passés en changeant la terminaison ; la
forme la plus simple du verbe est le singulier de l'impératif. Les lois de
l'euphonie ont créé, entre telles et telles des langues de cette famille, des
différences si grandes qu'elles en ont fait des langues tout à fait dissem-
blables. La partie du continent oii elles sont parlées étant incomplètement
explorée jusqu'ici, M. Cust n'adopte que provisoirement la classification
eh trois groupes : Tun méridional, l'autre oriental, le troisième occiden-
tal, comprenant chacun plusieurs subdivisions. — Au premier groupe
appartiennent les langues des Cafres, des Béchouanas et des Tekézas.
Parmi les langues cafres, on distingue celle des Zoulous et des Xosas,
connus d'ordinaire sous le nom de Cafres ; ce sont les plus pures, celles
d'oii l'on peut supposer que sont nées les autres, les premiers émigrants
Bantous étant sortis de chez les Cafres ; la ressemblance frappante qui
existe entre les langues du groupe oriental et celles du groupe occidental
semble indiquer que tous les deux se rattachent à une émigration posté-
rieure contemporaine. On rattache h ce groupe les langues des Pondos,
des Fingos, des Zouasis, des Matébélés, et, au nord du Zambèze, celles
des Mavltis, des Ouatoutas ou d'autres dont les noms sont évidemment
— 35 —
d'origine zoulou. — Les langues béchouanas sont parlées par la grande
majorité des populations qui habitent rintérieur de rAfrique, au sud du
tropique du Capricorne ; séparées des Cafres par les monts Drakensberg,
elles s'étendent au sud jusqu'au fleuve Orange, à Touest jusqu'au désert
de Ealahari, et au nord jusqu'au lac Ngami. Il faut distinguer encore les
Béchouanas de l'est : Bassoutos, Batsetsés, Bamapélas, Bapoutis, etc.,
parlant le sessouto, le setsetsé, le sémapela, le sépouti; de ceux de
l'ouest : Barolongs, Batlapis, Bakouénas, Bamangouatos et les Barotsés
du Zambèze, décrits par M. Coillard et le D" Holub. Les mots de ces
langues béchouanas sont durs, et leur prononciation offre un contraste
frappant avec le langage mélodieux des Zoulous, auquel elles ressemblent
cependant plus qu'au cafre. — Les langues tékézas sont parlées au nord
de la baie de Delagoa, et dans le voisinage de Lorenzo Marquez ; elles
l'étaient aussi par les tribus qui occupent les côtes du pays des Zoulous
et qui les ont abandonnées pour adopter le cafre, et le sont encore par
quelques tribus de Natal. — Le groupe oriental de la famille Bantou com-
prend les langues du bassin du Zambèze, celles de Zanzibar et celles des
lacs Victoria et Tanganyika. C'est surtout aux missionnaires que nous
devons ce que nous savons de celles du bassin du Zambèze : au D' Reb-
mann, qui a donné un dictionnaire des langues de quelques tribus des
bords du Nyassa; à M, Riddel, qui en a écrit la grammaire ; à M. Ma-
ples, qui a fait connattre la langues Makoua et celle des Yaos, parlées sur
le plateau entre le lac et la côte du Mozambique. La branche des langues
de Zanzibar s'étend des confins du territoire de Mozambique, le long de
la côte de l'Océan indien, jusqu'au pays des Gallas, où la famille Bantou
rencontre celles des Chamites et des Nubiens-Foulahs. C'est le souahéli
qui y domine ; le D' Krapf et l'évêque Steere en ont mis par écrit la
grammaire et le dictionnaire. Quant aux autres langues de la côte, nous
n'avons encore que de courts vocabulaires, mais les travaux des mission-
naires et des explorateurs les feront toujours mieux connaître. Quelque
récentes que soient les missions du Tanganyika et du Victoria-Nyanza,
on leur doit déjà des études sur les langues de l'Ouganda et de POu-
nyamouési. Celles que parlent les tribus à l'ouest du Tanganyika. entre
le Congo et le Zambèze, sont encore inconnues, mais M. Cust suit de
près les explorations des Sociétés de géographie et de missions, et ajou-
tera à son tableau tout ce qu^il pourra apprendre sur les langues de cette
région. — Le long de la côte occidentale, du pays des Namaquas au mont
Cameroon, s'étend le groupe occidental de la famille Bantou qui com-
prend les Héréros du Damaraland, les Chindogas de l'Ovampo, dans la
— 36 —
langue desquels on a imprimé des ouvrages religieux et des grammaires;
les langues des tribus au nord du Cunéné, dans les possessions portu-
gaises, ne nous sont connues que très imparfaitement ; nous ne savons
que très peu de chose de la langue des états du Mouato-Yamvo et devons
à Serpa-Pinto ce que nous connaissons de celle des Ganguellas du bas-
sin du Quanza, à Stanley quelques notions des langues parlées près de
réquateur. Plus au nord, et jusqu'au mont Cameroon, les explorateurs et
les missionnaires nous ont fourni des renseignements plus complets sur
les langues des Mpongoués, des Dikélés, des Douallas, des Isoubous et
des Bakélés.
6"" Enfin, à Textrème sud de TAfrique se trouve la famille Hottentote-
Bushmen, qui n'a été préservée d'extinction que par l'arrivée des Anglais
et des missionnaires chrétiens, et dont l'étude peut jeter du jour sur le
caractère des populations primitives du continent, car il s'agit de peu-^
plades refoulées par la grande invasion de la famiUe Bantou venue du
nord. Le groupe Hottentot comprend quatre dialectes : le nama, parlé
au nord du Namaqualand ; le kora, siu* le fleuve Orange ; un troisi^e
par les Hottentots de l'est, et un quatrième, très altéré, dans le voisi-
nage de Capetown ; il faut y ajouter le langage parlé par les Griquas,
mélange de hollandais et de hottentot. Frédéric Muller estime que c'est
un langage unique, sans rapport avec aucune autre forme de langue
africaine ou non. Ce qui le caractérise surtout, ce sont les quatre a clicks,»
produits par les différentes positions de la langue : le click dental, pres-
que identique avec le bruit exprimé par les Européens pour marquer
leur indignation ; le click latéral avec lequel ils stimulent les chevaux ;
le click guttural, analogue au bruit d'un bouchon de Champagne, et le
click palatal, pareil au claquement d'un fouet. Plusieurs linguistes fort
distingués rapprochent les Hottentots de la famille chamite, mais dans
rétat actuel de nos connaissances, on ne peut affirmer qu'une chose,
c'est qu'ils sont les survivants d'une race qui a disparu de partout
ailleurs et. qui, vu l'absence de document écrit, n'a point laissé de traces.
— Enfin le groupe Bushmen pré^nte une langue isolée peu développée,
monosyllabique, qui n'a point de genres, dans laquelle la formation du
pluriel est très irrégulière; en effet il n'y a pas moins de 60 manières de
le former ; la réduplication du nom est la plus ordinaire et la plus natu*
relie. On croit que ce sont eux qui les premiers ont employé les clicks,
et qu'ils les ont conununiqués aux Hottentots et aux Cafres de la famille
Bantou, car aux quatre clicks déjà indiqués comme trait caractéristique
de la langue des Hottentots, les Bushniens en ajoutent un cinquième et
— 37 —
I
un sixième, quelquefois même un septième et un huitième, nou seule-
ment devant des voyelles et des gutturales, mais encore devant des
labiales. Les Européens ne peuvent presque pas exprimer de tels sons.
Un autre trait qui caractérise les Bushmens, c'est que, tandis qu'on n'a
trouvé aucune trace d'écriture au sud de l'équateur, les Bushmens sont
arrivés à dessiner d'une manière surprenante, sur les parois de leui-s
grottes et de leurs rochers, des figures d'animaux, d'hommes, des scènes
de danse, de chasse, de guerre, et ont cultivé cet art jusqu'aux temps
modernes, car les Boers figurent dans quelques-uns de ces combats. Le
dessin de quelques-unes des figures est excellent. Frédéric MuUer
^time qu'on les retrouve jusqu'au Cunéné et au Zambèze et même au
delà, en sorte que pour le moment on ne peut pas arriver à une conclu-
sion certaine à leur égard.
Le mémoire de M. Cust, basé, non sur des hypothèses, mais sur des
faits, est très important, en ce sens qu'il montre le point atteint aujour-
d'hui dans la connaissance des langues de l'Afrique. En classant et eu
condensant tout ce que l'on en sait actuellement, son auteur a rendu un
grand service aux explorateurs et aux missionnaires.
EXPÉDITION DE M. JAMES STEWART DU NÏASSA AU TANGANYIKA
(avec carte).
Nous avons déjà résumé * pour nos lecteurs le rapport fait par
M. J. Thomson de son voyage de Zanzibar au Nyassa et au Tanganyika,
et signalé sa rencontre à Pambété avec M. J. Stewart, ingénieur de la
station missionnaire de Livingstonia. Aujourd'hui nous arrive le mémoire
présenté à la Société royale de géographie de Londres p&r ce dernier,
auquel sont dus les travaux d'exploration les plus récents autour du
Nyassa, ainsi que l'étude du meilleur tracé de route entre les deux lacs.
D est reparti pour commencer les travaux de cette voie de communication,
qui permettra de pénétrer le plus facilement, le plus sûrement et avec
le moins de frais, jusqu'au nord du Tanganyika. Nous voudrions extraire
de son mémoire ce qui nous paraît le plus important, en commençant
par quelques détails sur ses découvertes autour du Nyassa à partir de
Livingstonia.
A l'époque du voyage d'Elton et de Cotterill (1877), on ne connaissait
« Voir 2"** année, p. 138.
o
guère de port sûr le long des bords du lac Nyassa que celui de Living-
stonia, près du cap Maelear, au sud du lac. La navigation, rendue diffi-
cile par le vent qui se précipite des montagnes, devenait souyent péril-
leuse pour Vllala, le vapeur de la Société des missions de Téglise libre
d'Ecosse. Dès lors, une dizaine de bons mouillages ont été découverts
sur la côte occidentale, entre autres à Kota-Kota, h Ounaka, à Ban-
daoué, à Nykaka, à Kouta-Bay, à Deep-Bay et ù T embouchure de la
Rombaché, au nord du lac. On en compte déjà trois sur la côte orien-
tale, et l'exploration de cette côte que vient de décider la Société en
fera sans doute connaître d'autres encore. Aujourd'hui que l'on sait où
trouver un refuge, les tempêtes fréquentes sur le lac sont beaucoup
moins à craindre. Il y a, en outre, deux bons dépôts de combustible, ce
qui permet de faire en quinze jours le tour du lac pour lequel il fallait
autrefois six semaines. De mai en octobre, où règne le vent du sud, c'est
plaisir de se rendre de Livingstonia au nord du lac. En revanche, pen-
dant cette période, le vent n'étant pas chargé d'humidité, il tombe rare-
ment de la pluie, ce qui est un obstacle sérieux aux progrès de l'agii-
culture, les céréales d'Europe ne pouvant prospérer sans irrigation. La
saison des pluies correspond à celle de la mousson du Nord-Est, pendant
laquelle le vent apporte de TOcéan Indien les masses chargés de vapeurs;
elle s'ouvre au Nyassa au commencement de décembre ; plus au nord, à
Pambété sur le Tanganyika, un mois plus tôt. Les mois de juillet à
novembre sont les meilleurs pour voyager autour du lac Nyassa; aupara-
vant la végétation embarrasse la marche, empêche la vue et rend les
observations plus difficiles ; dès le mois de juillet, au contraire, elle est
brûlée, les sentiers sont débarrassés et la vue est libre.
Le but de l'expédition de M. Stewart était de faire le relevé du ter-
rain entre les deux lacs, de Karonga, près de Kamboué Lagoon, à Pam-
bété, et d'étudier la possibilité d'y construire une route. Il put profiter
des bons offices des natifs de Livingstonia qui sont déjà d'un grand
secours pour les recherches géographiques. Ayant appris à connaître les^
missionnaires, travaillant pour eux, s' adressant à eux pour des conseils,
ils les estiment et sont toujours prêts à les conduire partout où ceux-ci
le désirent; avec eux les voyages se font sûrement, car ils peuvent fra-
terniser avec les indigènes de toutes les tribus qu'ils rencontrent, et
facilement, parce que, connaissant la langue des envahisseui's Mangones,
qui ont parcouru tout le pays et y ont laissé la connaissance de leur
idiome, ils peuvent servir d'interprètes aux missionnaires ; ceux qui
accompagnaient M. Stewart lui ont rendu sous ce rapport de grands-
— 39 —
î^rvices dans les montagnes de Maliouandou et de Mamboué; en outre;,
ils se contentent d'un salaires! modique, que l'expédition de M. Stewart,
qui dura trois mois et dix jours, ne lui coûta que 87 1. s.
Parti de Livingstonia le 10 septembre de l'année dernière sur VHala^
âvec trente natifs, gardes et porteurs, il rencontra, à Bandaoué,
M. J. Moir, d'Edimbourg, un des fondateui"s de la « Livingstonia cen-
tral African Company, » qui devait l'accompagner, et avec lequel il com-
mença par explorer quelques points de la région occidentale du Nyassa.
De Mombéra, dont le chef leur donna douze nouveaux porteurs qui
furent en même temps d'excellents guides, ils passèrent dans la vallée de
la Rikourou, de 10 kilomètres de large, h 1200 mètres au-dessus de la
mer, d'un climat frais et salubre, la plus fertile que M. Stewart ait vue.
Pendant la saison des pluies, la partie la plus rapprochée de la rivière
devient un véritable marais ; elle est couverte de hautes herbes où se
tiennent les éléphants, les buffles et les zèbres. La portion la plus occi-
dentale, arrosée par de nombreux cours d'eau limpides, dont plusieui'S
sont employés à l'irrigation, est bien cultivée et produit tout ce dont
Ifô natifs ont besoin. Dans les derniers 25 kilomètres de son cours, la
rivière descend de 700 mètres à travei'S des gorges profondes. L'eau qui
en y entrant est bien claire, en ressort chargée d'une teinte d'argile
bleuâtre qui permet de la suivre à une certaine distance dans les ondes
transparentes du lac. Un peu au delà de l'embouchure de la Rikourou,
vers le nord, ils rencontrèrent les gorges de la Chisindiré, dans laquelle
on a trouvé du charbon h IGO mètres au-dessus du lac, dans un banc
d'argile incliné de 45° vers l'ouest. La couche est compacte, et, à 2 kilo-
mètres et demi de la côte, elle a plus de 2 mètres d'épaisseur:
M. Stewart l'a suivie sur une longueur de 200 mètres et l'a trouvée
affleurant çà et là à la surface. Il a fait un bon feu de cette houille qui a
très bien brûlé. Un échantillon en a été soumis à l'examen de M. Car-
rother, conservateur du département botanique au British Miiseum, qui
lui a trouvé l'apparence d'une bonne houille anglaise, et estime qu'elle
doit être de la même époque que le charbon d'Angleterre.
De là les voyageurs passèrent les monts Waller et atteignirent Deep
Bay, d'oii la rive du lac incline fortement vere l'ouest jusqu'à Kamboué
Lagoon. M. Stewart avait cru d'abord que ce point offrait un bon
mouillage, mais après l'avoir bien examiné, il a reconnu qu'il n'en est
rien. Très bon port quand le navire y est entré, il n'existe pas moins
une barre qui en rend l'accès difficile. La Roukourou qui, jusqu'à l'an-
née auparavant, s'y jetait dans le lac, a changé son cours, et maintenant
— 40 —
son embouchure se trouve plus au sud ; sou lit précédent est ensablé.
Les conditions de cette ligne de côte ne sont pas stables et bientôt Kani-
boué Lagoon ne pourra plus servir de port. A Karonga, Vllala leur
amena de nouveaux porteurs et des marchandises d'échange pour la
continuation de leur voyage vers le Tanganyika.
Quittant les bords du Nyassa, le 14 octobre, ils atteignirent en une
marche de 18 kilomètres le pied des montagnes de TOuchoungou, dans
lesquelles ils entrèrent par la vallée de la Roukourou. Les villages
ouachoungous, auxquels des plantations de bananiers donnent un aspect
pittoresque attrayant, leur parurent remarquablement propres. Pendaut
deux jours le chemin fut rapide et raboteux, mais moins qu'ils ne s'y
attendaient, et M. Stewàrt qui a traversé plusieurs des passages condui-
sant du lac aux montagnes, estime que c'est le plus facile de tous et
qu'une route y est tout à fait praticable. Le quatrième jour, on atteint
Maliouandou, à 1300 mètres au-dessus de la mer; la chaîne est traversée
6t l'on n'a plus devant soi, au sud et à l'ouest, qu'un plateau uni s'éten-
dant à perte de vue. Le chef de Maliouandou les reçut très cordiale-
ment, échangea des présents avec eux et leur donna des guides. Mal-
heureusement M. Moir souffrait beaucoup d'ampoules et d'enflure aux
pieds, ce qui l'empêcha de continuer ; il dut retourner au Nyassa, tan-
dis que M. Stewart poursuivit seul sa route vers le Tanganyika. Bientôt
il atteignit Ghiouinda, village à quelques kilomètres au sud du mont
Liréché, la montagne la plus élevée de ce district. Le chef en est
influent, il a du gros et du menu bétail en nombre considérable. En cer-
tains endroits le sol est bon, mais la plus grande partie en est pauvre ;
les natifs le fument avec la cendre des branches d'arbres qu'ils y éten-
dent et auxquelles ils mettent le feu. Le village est situé sur la Songoué
qui se jette dans le Nyassa. En amont, à l'ouest, la vallée est bornée
par les monts Âouioua, hauts et bien marqués au sud, près de Chiouinda,
tandis que vers le nord ils se fondent en un plateau élevé, habité
par les Ouachoungous, décemment vêtus, la toile abondant parmi eux.
Un peu au delà sont les villages des Ânyamouangas, chez lesquels
M. Stewart trouva la trace du passage de M. Thomson, qu*il suivit dès
lors jusqu'au Tanganyika. Le 28 octobre il campait sur la Méra qui
porte ses eaux au Chosi, affluent du Chambézé et que l'on peut envi-
sager comme une des sources les plus reculées du Congo. Le 30, il
atteignait Mamboué, à 1500" d'altitude ; il y reçut la visite du chef,
Jeune homme d'environ 20 ans, vêtu de la tête aux pieds de beau drap
à la mode arabe, vif et intelligent, mais très peu à son aise lorsque
— 41 —
M. Stewart lui montra aon fusil ; au bruit de la batterie il s'éloigna, et
se mit presque à courir en voyant une carabine chargée en une ou deux
secondes. Mamboué occupe la partie la plus élevée du plateau ; à 3 kilom.
au delà on commence à redescendre vers le Tanganyika. En beaucoup
d'endroits le sol est très riche ; il pleut abondamment ; le climat est
frais et tonique ; dans presque tous les villages le nombre des chèvres et
des moutons est considérable. M. Stewart n'a vu nulle part la tsetsé
dans tout le vaste espace qui s'étend des bords du Nyassa jusque près
du Tanganyika, oîi on la retrouve.
Dans toute cette partie, la route suivie est remarquablement facile ;
de 1300" à Maliouandou, elle s'élève à 1800" à la ligne de faîte qui
sépare le bassin du Nyassa de celui du Tanganyika, et tout le long de
cette ligne il n'y a pas une montée diflScile ; l'eau abonde, même dans la
saison sèche. H y a de bons bois, mais en petite quantité. M. Stewaii;
n'y a point vu les belles forêts décrites par quelques voyageurs. Les
populations lui ont paru pacifiques et industrieuses, ne désirant que de
pouvoir cultiver leurs jardins et travailler le fer, dont M. Stewart a
trouvé du minerai sur toute sa route ; en certains endroits il a remar-
qué d'anciens travaux d'exploitation; sur les flancs d'une colline, par
exemple, il n'a pas compté moins de huit fourneaux, en bon état, à quel-
ques centaines de mètres leg uns des autres, de 3 mètres de hauteur,
d'un diamètre d'un mètre et demi à la base, et d'un mètre dans la
partie supérieure. Ils devaient pouvoir contenir une demi -tonne de
minerai.
La décente jusqu'au Tanganyika ne prit que deux jours ; elle est
douce et facile, la pente n'étant guère que de 1 7o« La distance de
Karonga à Pambété, par le chemin suivi par M. Stewart, est de 400 kilo-
mètres, mais pour revenir au Nyassa il l'a abrégée de 50 kilomètres.
A Pambété il trouva M. Thomson qui y était arrivé la veille, et
employa les quelques jours qu'il y passa à faire les observations néces-
saires pour fixer la longitude de cette localité, par 29**, T, 20" à l'est de
Paris, entre les données de Stanley et celles de Thomson, et pour déter-
miner la hauteur du lac, qu'il trouva conforme aux mesures de Living-
stone. D regagna ensuite les rives du Nyassa à l'époque qu41 avait fixée
pour son retour.
Les résultats de ce voyage sont des plus favorables à l'établissement
d'une voie de communication entre les deux lacs. M. Stewart a jugé
nécessaire que trois sociétés distinctes unissent leurs efforts pour l'exé-
cuter, et la faire servir aux progrès du christianisme et de la civilisation ;
— 42 —
il â demandé que la mission de Livingstonia créât une station h
Malipuandou, que la « Livingstonia Central-African Company » étendît
•et développât ses opérations commerciales jusqu'au Tanganyika, enfin
que la Société des missions de Londres adoptât à Tavenir la route du
Chiré et du Nyassa pour ceux de ses missionnaires qui travaillent sur les
bords du Tanganyika et à Touest de ce lac; qu'elle plaçât sur ce lac un
vapeur et qu'elle établît une station à Mamboué. En même temps,
M. James Stevenson, membre de la Société de géographie de Londres
et du comité des missions de l'Église libre d'Ecosse, offrait un don de
4,000 liv. sterl. pour la création de cette route que M. Stewart était
disposé à construire. Dès lors les sociétés intéressées ont accepté les
conditions qui leur étaient proposées, et ses ont déclarées prêtes à exécu-
ter chacune la part de l'ouvrage qui lui incombe. La Société écossaise a
décidé de fonder chez les Ouachoungous une mission dont Maliouandou,
à 80 kilora. du Nyassa, sera le centre. De son côté, la Société des mis-
sions de Londres établira une station à Zomba, à 30 kilom. au S.-E. du
Tanganyika et fait construire pour ce lac un steamer sur le modèle de
Vllala, La « Livingstonia Central-African Company » s'est chargée de
l'entretien de la route ; à cet effet 1,000 liv. sterl. lui ont été remises sur
le don de M. Stevenson ; 2,000 liv. sterl. ont été réservées pour la con-
struction de la route de Maliouandou au Tanganyika, et la Société écos-
saise a reçu 1,000 liv. sterl. pour le tronçon de Karonga à Maliouandou.
Après avoir été pourvu d'instruments de précision par la Société de
géographie, M. Stewart s'est remis en route de Londres le 13 mai, avec
un certain nombre d'artisans évangélistes, afin d'arriver au Nyassa à
l'époque favorable pour commencer les travaux. Il estime qu'ils pour-
ront être achevés en trois ans. Ce sera déjà un moyen puissant de civili-
sation. Les indigènes au milieu desquels l'entreprise s'exécutera pren-
dront l'habitude de se servir des articles de commerce européens, et
quand viendra le moment où devra être transporté le vapeur de la
Société des missions de Londres, il y aura là un corps d'hommes tout
formés pour ce transport. Les pièces de ce steamer arriveront facilement
au lac Nyassa ; quoiqu'il doive appartenir à la Société des missions de
Londres, la mission de Livingstonia sera très heureuse de rendre à
celle-ci tous les services qui seront en son pouvoir. Placé sur le Tanga-
nyika, il commandera la navigation de ce lac de 640 kilom. de longueui',
et complétera la ligne presque directe de 2240 kilom., de l'embouchure
du Zambèze au nord du Tanganyika. La communication est déjà ouverte
jusqu'au nord du Nyassa à 1300 kilom. de l'Océan. Quand la route
~ 43 -
entre les deux lacs sera terminée, M. Stewart la remettra aux sociétés
qui travaillent à Téducation et à la civilisation de l'Afrique centrale.
BIBLIOGRAPHIE
Floren'tix Floriot. David Livingstone et sa. mission sociaue.
Paris (Charavay frères), 1881, in-18**, 329 p. av. illustr. et 4 cartes, 3fr.
50 c. — Quelque intéressantes que soient les découvertes africaines, les
hommes auxquels elles sont dues nous intéressent encore davantage, et
parmi ceux-ci, il n'en est point dont la vie exerce sur nous plus d'attrait
que celle de Li\ingstone, l'initiateur auquel doivent être rapportés tous
les progrès de l'exploration moderne. M. Floriot le suit avec une admi-
ration respectueuse dans toutes ses expéditions du sud au centre, du
Zambèze à Saint-Paul de Loanda et à Quilimane, au Nyassa, au Loua-
laba et au lac Bangouéolo, jusqu'au moment où il expire en priant pour
que la liberté se lève sur l'Afrique. S'attachant surtout à la grande idée
de Livingstone, l'ouverture de l'Afrique à un commerce légitime, lucra-
tif, pour faire disparaître le trafic spoliateur, la traite, et remplacer le
travail servile par le travail libre, et la vie pastorale nomade des indigè-
nes par la vie agricole sédentaire, il marque avec soin les diverses pha-
ses de ces explorations, sans cependant tomber jamais dans la séche-
resse. Tout ce qui fait vibrer l'âme sensible de son héros, merveilles de
la nature, souffrances et joies de l'humanité, trouve un écho en lui
et donne à ses pages un caractère poétique qui y ajoute un grand charme.
Abyssisia, giornale di ux viaggio di Pippo ViGONi. Milano (Ulrico
Hœpli), 1881, grand S**, 246 p. avec illustrations et carte. 8 fr. — Atta-
ché à l'expédition envoyée en Abyssinie, par la Société d'exploration
commerciale de Milan, sous la direction de Matteucci, l'auteur décrit
d'un style très animé les contrées parcourues, et répand sur tous ses
tableaux une couleur locale qui les rend très vivants. Chemin faisant il
donne des détails fort intéressants sur le pays, son climat, et ses pro-
ductions, sur l'histoire du peuple abyssinien, ses mœurs et sa religion.
S'il n'a pas à louer souvent le caractère des Abyssiniens, il n'en est pas
' On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 13, rue du Rhône, à Genève,
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 44 —
de même de celui du roi Jean. Son accueil sympathique et ses procédés
bienveillants lui ont acquis l'estime et la reconnaissance des voyageurs
italiens. M. Vigoni pense qu'il est né avec le génie nécessaire pour être
roi d'Ethiopie, mais qu'il est à craindre que ses efforts pour introduire
la civilisation dans ses états n'aboutissent pas à un résultat bien satis-
faisant, vu l'indiflFérence complète de ses sujets pour quelque améliora^
tion que ce soit ; ils se complaisent dans leur état presque sauvage, et
ne voient aucune nécessité d'en sortir.
M. Vigoni n'en croit pas moins que si le roi facilitait les voies de com-
munication, et abaissait les droits de péage pour les caravanes, le
commerce et l'industrie en profiteraient bientôt et feraient valoir les
richesses jusqu'à présent inexploitées que renferme l'Abyssinie.
Notices scientifiques, historiques et économiques sur Alger et
l'Algérie. Alger (Ad. Jourdan), 1881, 1 vol. in-18°, 420 p. avec illustr.
et carte. — Lorsque l'Association française pour l'avancement des
sciences eut choisi Alger pour le siège du Congrès de 'cette année, le
Comité local d'organisation fit appel aux savants les plus compétents de
cette ville, professeurs, médecins, ingénieurs, jurisconsultes, pour obte-
nir d'eux des travaux sur tous les sujets propres à faire bien connaître
l'Algérie aux membres du Congrès et au public. Leurs mémoires
devaient éviter les longs développements. De nombreux collaborateurs
se mirent à l'œuvre, et fournirent au Comité la possibilité de publier
dans la première partie de ce volume, sous une forme très condensée, la
matière de nombreux ouvrages de géographie, d'histoire naturelle,
d'histoire et d'économie politique algérienne. La seconde partie ren-
ferme une description rapide, mais complète d'Alger et de ses environs,
un exposé des conditions spéciales qui font de cette ville une station
hivernale de premier ordre, des renseignements sur l'enseignement
public et sur les nombreuses sociétés scientifiques d'Alger, dont l'acti-
vité justifie pleinement le choix qu'avait fait de cette ville l'Association
française.
Wr Rosùr de/.
Y/l/S££,. 5'^ânnée. Ji^'î, JoÙt mi.
— 45 —
N.
\ \
• / o /-v n\ I • I I r- '~. '. •
yo v-^ U L- I L I inx . . ,•
BULLETIN MENSUEL (o septembre 1
En se retirant vers Toasis de Figuig, au delà de la frontière S.-O. de
TAl^rie, Bou-Amema a attiré dans cette direction les troupes fran-
çaises, qui établissent un camp retranché à Méchéria, à 100 kilomètres
au sud du Kreider, localité qui deviendra la base d'une expédition à
entreprendre en automne contre Fif^uif^. Cette oasis a été, depuis 1830,
le point de concentration de toutes les insurrections qui ont ravagé le
sud de la province d'Oran ; c'est le pays natal de Bou-Amema ; c'est là
qu'il est allé chercher quelques semaines de repos, pendant la durée des
chaleurs qui rendent impossible le parcours du Sahara, et c'est là que
le général Saussier veut poursuivre l'agitateur pour mettre fin à l'insur-
rection. Située sur territoire marocain, Figuig est habitée par des popu-
lations qui échappent à l'autorité du sultan de Fez, et qui, par leur
turbulence menacent constamment de lui créer des difficultés avec la
France. Un projet de chemin de fer de Saïda par le Kreider jusqu'à
Méchéria, a été voté par les Chambres. Plus tard cette ligne pourra
être poussée dans la direction d'Insalah. Ce serait une première étape
du Trans-Saharien, dont les études sont suspendues. Pour le moment,
il ne paraît pas que l'on songe à reprendre l'exploration commencée
par le colonel Flatters. Au dire d'un soldat indigène, échappé comme
par miracle au désastre de cette mission, quelques hommes de l'escorte
seraient encore vivants et prisonniers des Touaregs.
Un des membres de la première expédition Flatters, M. F. Bernard,
capitaine d'artillerie, vient de pubUer le journal de son voyage chez les
Touaregs, qui renferme d'intéressants détails sur le lac Meng-
hoagh, non mentionné jusqu'ici dans les ouvrages sur le Sahara, ni mar-
ciué sur la carte de Duveyrier. Il est formé par les eaux de la Tijoujelt,
un peu au S.-O. de Tajenout. A l'époque où le capitaine Bernard le
visita, il avait 1100" de long et 110" de large environ, mais la grandeur
en varie suivant les saisons. Les Touaregs disent qu'il ne tarit jamais ;
la température diminuant à mesure qu'on y descend la sonde, on est
obligé d'admettre qu'il y a une source qui l'alimente, autrement il
pourrait être rangé dans la catégorie des lacs temporaires, trouvés au
nord de Tajenout, sur la route suivie par Duveyrier, de Ghadamès à
Rhat. Les bords en sont plats et argileux ; la rive méridionale avait des
baies, et était couverte de tamarins et de plantes en fleurs. Les eaux en
étaient douces, mais légèrement saumâtres à l'extrémité orientale, où
l'APRIQUB. — TROlSièMB AMNÊE. — K** 3. S '
— 46 —
les dépôts apportés par la Tyoujelt forment des bas-fonds. Au milieu
du lac, dont les eaux sont très poissonneuses, une petite île était fré-
quentée par des bécassines, des hérons et d'autres oiseaux semi-aquati-
ques. Quant à sa profondeur, elle était, à quelque distance du bord,
de 4 à 5", mais vers le milieu les explorateurs trouvèrent des fissures
transversales de plus de 8" de profondeur.
Les faits relatifs à la Tunisie étant entièrement du domaine politi-
que, nous pouvons nous dispenser d'en parler.
L'intendance générale sanitaire d'Én^ypte, établie h Alexandrie
depuis 1866, et à laquelle, non seulement l'Egypte, mais aussi les pays
de l'Europe ont dû d'être préservés de la peste dans les dernières ^
années, vient d'être réorganisée sous le nom de Conseil sanitaire
niaritime et quarantenaire, siégeant au Caire. Ce conseil a la
surveillance du service de santé dans l'Egypte tout entière (écoles,
hôpitaux, lazarets, quarantaines, etc.). Il a pour mission de prendi'e
toutes les mesures propres à prévenii* l'introduction. en Egypte d'épidé-
mies ou d'épizooties, ou leur transpoit dans des pays étrangers ; poui*
cela il doit veiller sur les convois arriyant du dehors et spécialement sui*
le pèlerinage de La Mecque ; à cet égard il a été institué sept princi-
paux fonctionnaires à Alexandrie, Rosette, Damiette, Port-Saïd, Suez,
Souakim et Massaoua.
M. Albarf^ues de Sostène, chef de l'expédition espagnole chargée
par S. M. Alphonse XII de remettre des présents au négous, a profité
de son séjour en Abyssinie pour faire des explorations scientifiques.
Jusqu'ici tous les voyageurs prétendaient que le Sémiène n'avait point
de neige ; mais personne, au dire des habitants du Bas Sémiène, n'en
avait jamais fait l'ascension. M. deSostène a voulu se rendre compte par
lui-même s'il y tombait de la neige. D en a gravi le pic le plus élevé, le
Bakhuit, qui, d'après ses observations, doit être à plus de 5000" au-
dessus du niveau de la mer, et l'a trouvé couvert de neige ; il y existe,
dit-il, des réservoirs naturels, où les glaces doivent être éternelles, le
froid y étant excessif. Les diflScultés de l'ascension expliquent que les
voyageurs s'en soient abstenus jusqu'ici. En effet M. de Sostène a dû
grimper continuellement sur les parois de précipices vertigineux, s 'ac-
crochant aux plantes, posant le pied sur des saillies de roc, se servant de
crochets, de cordes à nœuds, prenant garde aux crevasses recouvertes
par des plantes et de hautes herbes, et luttant contre le froid qui peu à
peu paralysait ses mouvements. La neige et la glace ne peuvent d'ail-
leurs pas être aperçues du pied de la montagne, le pic du Bakhuit étant
presque toujours entouré de brouillards.
— 47 —
Le P« DepelcMn, supérieur de la mission du Zambèze, a essayé de
fonder une station chez les Baton^as, au delà du fleuve. U partit
en mai 1880 de Tati, avec d'autres missionnaires et dix noii-s, sous la
conduite de M. Walsh, vieux chasseur, qui, peu après le départ, blessé
grièvement par un accident de wagon, dut être transporté à grand'
peine à Panda-ma-Tenka, sur la Panda ; puis, avec 60 porteur, il se
dirigea vers le gué de Ouanki sûr le Zambèze, d'où il envoya le
P. Teroerde et le F. Vervenne à Mouemba, chez les Batongas. Dans le
trajet de retour vers Panda-ma-Tenka il tomba malade, et bientôt
Ton apprit que les deux missionnaires de Mouemba l'étaient également ;
on leiu" porta immédiatement du secours, mais quand on arriva, le
P. Teroerde avait succombé et le F. Vervenne dut être .ramené à
Panda-ma-Tenka. Le roi de* Mouemba a autorisé les missionnaires à
revenir, mais à condition qu'ils lui amènent un wagon chargé de muni-
tions et de poudre. Les Batongas se sont montrés sympathiques aux
missionnaires et les ont aidés dans leurs tribulations. Cette tribu occupe
toute la rive septentrionale du Zambèze, depuis les cataractes jusqu'à
rUe de Cabiemba, (le Nyampanga des dernières cartes), à peu près, au
confluent du Kafoué et du Zambèze. D'après M. Selous, qui a exploré
cette région, ils étaient établis là longtemps avant l'anivée des Makolo-
i(» et des Barotsés qui les ont asservis ; leurs plus cruels ennemis sont
actuellement les Chakoundas, descendants d'esclaves qui se sont enûiis
des possessions portugaises. Dans ces derniei*s temps des métis poitu-
gais ont exercé parmi eux de tenîbles ravages. Au dire des Missions
catholiques, quand ces mulâtres veulent se procurer des esclaves, ils
demandent au commandant de la station de Tété un permis de guerre,
sous prétexte que la tribu des Batongas nuit au conmierce des blancs ;
puis ils lancent sur eux les Chakoundas, qui ne reviennent de ces expé-
ditions que chargés de butin, et ramenant des fenunes et des enfants,
attachés ensemble par des chaînes de fer ou par de longues et fortes
perches de bois qui les empêchent de s'enfuir. M. Selous a vu ces hor-
reurs de ses propres yeux ; dans une de ses explorations, il a trouvé tous
les villages Batongas pillés et incendiés ; quelques vieillards et quelques
femmes âgées étaient tout ce qui restait de l'ancienne population. Au
mois de novembre, M. Walsh étant rétabli, le P. Depelchin s'est rendu
avec lui chez les Barotsés^ pour demander l'autorisation d'établir une
missiou au milieu d'eux ; il l'a obtenue, et a dû y envoyer deux mis-
sionnaires.
Les difficultés que nous signalions le mois passé dans les négociatioas
— 48 —
entre les représentants des Boers et la commission royale anglaise ont
été aplanies, et une convention a été signée le 4 août, dont voici les
principales clauses : la reine d'Angleterre conserve la suzeraineté du
Transvaal ; le droit d'y avoir un ministre résident exerçant les fonc-
tions de consul général ; le droit d'y faire passer ses troupes en cas de
guerre imminente avec une puissance étrangère ou avec un État indi-
gène ; le contrôle sur les relations étrangères du Transvaal, et le privi-
lège de protéger les indigènes contre les procédés parfois un peu rudes
des Boers. L'abolition de l'esclavage et la liberté des cultes sont garan-
ties. Les importations anglaises ne souffiriront aucune restriction en
dehors de celles imposées aux autres pays. Le gouvernement a dû être
remis aux Boers le 8 août. M. Hudson a été nommé résident anglais.
M. Modie, membre du vollcsraad du Transvaal, est venu en Europe,
et a réussi à obtenir l'assentiment et l'appui de maisons très accréditées,
pour la construction du chentin de fer de Pretoria à la frontièi'e
portugaise. D'autre part une pétition de 118 négociants et habitants
de LiourenaBo Marques demande au gouvernement portugais que
la voie fen'ée soit construite le plus tôt possible, de la baie de Delagoa
à la frontière du Transvaal. Les signataires font valoir le fait que
leur ville s'est agrandie en prévision de cette nouvelle voie de com-
munication, que des maisons étrangères s'y sont établies, et que l'ajorn*-
nement de l'entreprise éloignerait les nouveaux arrivés.
Un projet de M, le commandant Bridet, de la marine française,
d'établii* des eommanicatioiis téléf^rapltiques entre les ilea
Maseareisnes et Mada^asear, pour prévenir à temps de l'ar-
rivée des tempêtes, a été présenté récemment à l'Académie des sciences.
Les cyclones de la mer des Indes passent d'abord à l'île Maurice, puis
à la Réunion, puis à Madagascar ; mais ils abordent l'île Maurice 18 et
même 24 heures avant d'atteindre la Réunion. Avec des moyens d'aver-
tissement on pourrait éviter, dans cette dernière île, des dégâts analo-
gues à ceux qu'y a causés le cyclone du 21 janvier, qui avait passé
le 20 à Maurice. D suffirait pour cela d'un câble télégraphique sous-ma-
rin de 185 kilomètres, dont la pose ne serait point difficile.
Nos lecteurs se rappellent la caravane de Boers arrivés au sud du
Cunéné, après avoir perdu la moitié des leurs dans leur long voyage à
à travers le désert de Kalahari. Le bon accueil qu'ils ont reçu des
autorités portugaises du sud de la province d'Angola, les a engagés à
demander au gouvernement une concession de terrain dans cette région
fertile et l'autorisation de fonder une colonie à HuiUa. Une convention a
— 49 —
été conclue entre le gouvernement de Mossamédès et les délégués des
Boers, par laquelle chaque famille a reçu 200 hectares de terrain en
friche, à la condition de se soumettre aux lois portugaises ; ils ne paie-
ront ni dîmes ni droits pendant les dix premières années à paitir de la
concession. En cas d'attaque de la part des ijidigènes, ils auront le droit
de se.défendre, mais devront en informer immédiatement les autorités
administratives. Les indigènes ne pourront être dépossédés des terrains
nécessaires à leurs plantations. L'exercice du culte des nouveaux colons
s^era toléré. La colonie a reçu le nom de San ^anuario^ du nom
du vicomte de San Januario, alors ministre de la marine et des colonies.
L'autorité supérieure établira une route dans la chaîne de Chella, pour
faciliter l'échange des produits. L'armement de la forteresse de HuiDa
sera amélioré pour la sécurité des colons. Pour s'assurer une quantité
d'eau suffisante aux besoins de leurs cultures, ceux-ci ont dérivé les
eaux des rivières Névé et Canhanda, au moyen d'un canal de 5 à 6 kilo-
mètres de 1",50 de largeur et de 1" de profondeur moyenne, à la cons-
truction duquel ils ont travaillé avec tant d'ardeur qu'au bout de
25 jours il était terminé, et que chaque famille était abondamment pour-
vue d'eau. Le gouvernement a pris les mesures nécessaires pour assurer
à la colonie les secours d'un médecin et d'un phannacien, et fait tra-
duire en hollandais le code national, pour les colons qui s'administreront
eux-mèmeis sous la surveillance de l'autorité portugaise.
L'insuccès de la tentative de Btlchner pom* atteindi-e le Congo
depuis Moussoumbé, et la présence de Stanley sur le Congo inférieur,
ont engagé la Société allemande ponr Fexplopation de l'Afri-
que éqnatopiale à adopter une nouvelle base d'opérations poui* une
prochaine expédition, qui partira de la côte occidentale au nord de
réquateur, dans le voisinage du Cameroon. Il n'y a là qu'une étroite
bande de côte, de TOcéan à la partie du continent qui réclame l'explo-
ration, entre l'Ogôoué et le Bénoué. La Société espère pouvoir confier
cette expédition à Bûchner, quand il sera reposé de ses fatigues.
M. Flei^l a remonté le IViicep de Babba à Boussa, malgré les diffi-
cultés qu'of&e la navigation dans cette partie du fleuve, dont le lit
rétréci est semé de rochei's qui en certains endroits s'étendent sui'
toute sa largeur. Au conmiencement de décembre il a atteint l'île
d'Ikouâ, près de Yaurie, et comptait remonter au nord vers Gando et
Sokoto, pour redescendre ensuite au sud-est par Kano, Jacoba et Yola à
Ngaundéré, dans la région des sources du Bénoué.
C'est par le Niger inférieur que s'est terminée l'expédition de Mat-
— 50 —
teucci et de Massari, un des plus grands triomphes de l'exploration
contemporaine de l'Afrique, douloureusement payé par la mort de son
chef. En attendant un rapport sur ce voykge, voici quelques détails
empruntés à une lettre de Matteucci à la Patrie de Bologne, écrite en
vue des Canaries, le 27 juillet. Du Ouadaï, oii les avaient laissés les der-
nières nouvelles, les explorateurs ont pu, grâce à la protection du roi de
cet État, atteindre le Bornou, malgré la guerre que se faisaient les petits
souverains de territoires qu'ils devaient traverser. Quoique entouré de
tribus sauvages, le Bornou leur a paru civilisé au point de pouvoir mar-
cher de pair avec les États de l'Europe. Mais c'est Kano qui leur a
laissé la meilleure impression. L'ordi'e et la paix y régnent ; la popula-
tion très nombreuse en est industrieuse. La capitale a plus de 50000
habitants, auxquels il faut joindre une foule de marchands et d'acheteurs
venus de loin. Les Européens l'atteignent diflBicilement, parce que les
routes du nord sont fermées par les Bédouins du désert et encombrées
par les Arabes de Ghadamès ; mais quand on y a pénétré on y jouit
d'une Uberté complète, à la seule condition de ne pas porter l'habit
européen. Personne ne vous demande : d'où venez-vous ? où allez-vous ?
que voulez-vous ? quelle foi professez-vous ? Musulman ou non, vous êtes
confondu dans la foule, et vous pouvez vous livrer à loisir à l'étude de
ses coutumes, de son commerce, de ses idées, etc. De Kano les voya-
geurs gagnèrent le Nupé dont le roi les reçut avec ime afFabiUté toute
particulière, et, à leur demande, fit grâce au fils d'un roi et à plusieurs
sauvages qu'il avait faits prisonniers dans une des dernières guerres. Du
Nupé ils ne purent gagner l'Atlantique par terre, la guerre sévissant
toujours entre les royaumes d'Illori et d'Ibadan qu'ils auraient dû tra-
verser. Mais, dès que le directeur général de la « United African Com-
pany, » eut appris à Akassa leur présence à Egam, il vint les y chercher
sur mi des vapeurs de la Compagnie, les ramena à l'Atlantique et les
embarqua sur le Coanza en partance pour Liverpool. Matteucci soufirait
déjà de la fièvre ; il en avait eu plusieurs accès en Afrique, mais il était
soutenu par l'idée de rentrer bientôt en Italie, de revoir ses parents»
ses amis, et de leur faire part des résultats de son expédition. Malheu-
reusement, à son arrivée k Londres il fut pris d'un accès si| violent qu'il
y succomba, malgré les soins les plus empressés de ses amis et des
médecins. Sa dépouille mortelle a été transportée à Bologne sa ville
natale ; à son passage à Paris, la Société de géographie a tenu à rendre
hommage à cette nouvelle victime de la science, qui, par cette traversée
du continent, de la Mer Rouge k l'Océan Atlantique, a pris place à côté
(le Livingstone, de Cameroii, de Stanley et de Serpa Pinto.
— 51 —
L'année dernière le roi de Odé dans le Yoraba avait envoyé une
ambassade à Lagos au gouverneur anglais, qui en avait profité pour
demander Tabolition des sacrifices humains encore en usage dans les
funérailles chez les gens de Odé. Cette demande n'eut pas de résultat
inunédiat, car après le retour de l'ambassade 15 personnes furent
encore égorgées h Odé, à l'occasion de la mort du premier ministre ;
mais plus récemment le consul anglais, M. Hewitt, ayant fait une visite
officielle au roi et passé huit jours à Odé, a réussi, après de longs pour-
parlers, à conclure un traité portant l'abolition des sacrifices humains.
Sir Samuel Rowe a été remplacé, conune gouverneur général des colo-
nies anglaises de la côte occidentale d'Afrique, par S. Exe. Arthur
ElIbAitk Havelock qui, à son arrivée à Sierra Leone, a adressé aux
chefe aborigènes une lettre, dans laquelle il les assure de son désir de
maintenir et d'affermir les relations amicales entre eux et le gouverne-
ment britannique ; mais en même temps il leur déclare que le gouver-
nement anglais est décidé à mettre fin aux guerres et aux actes de vio-
lence, qui nuisent au commerce et à la prospérité de la colonie, et il les
engage à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour accroître la richesse
ot la civilisation de leurs peuples, en protégeant les voyageurs et les
marchands qui se rendent chez eux, ou qui traversent leur territoire
pour venir k la côte ou se rendre dans l'intérieur.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Les Chambres françaises ont voté une somme de 50 millions, à employer en
acquisitions de terres et en travaux de colonisation en Algérie.
Une Société française pour la protection des indigènes dans les colonies, ana-
logue à la Société anglaise d'Exeter-Hall, est en voie de^création à Paris.
D'après les calculs de M, de Lesseps, au sujet du projet de M. Roudaire, le
bassin du Cbott Rharsa, inondé, aurait deux fois, et celui du Chott Meirir, 14 fois
la superficie du lac de Genève.
Il est question en Angleterre d'envoyer deux nouveaux consuls à Souakim et à
Khartoum, pour y veiller à l'exécution des conventions relatives à la traite.
Un nouveau voyageur, M. Jean de Muller, se propose de pénétrer dans la région
au sud du Fazogl et de Fadasi.
Une lettre de Cecchi annonce le retour de cet explorateur pour le mois de
septembre. Antinori et Antonelli prolongeront encore leur séjour à Let Marefia.
Dans son exploration de la côte du pays des Somalis, M. G. Revoil a trouvé des
vestiges d'une colonie grecque, à laquelle se rattacherait une tribu Gallas de cou-
leur blanche; les armes, le costume, l'idiome et les profils photographiés de per>
sonnages de cette tribu confirmeraient cette opinion.
— 52 —
M. Shouwer se dirige vers le lac Victoria et de là poursuivra sa route vers
Zanzibar. Il est accompagné d'un Italien, M. Rachetti.
Une nouvelle expédition internationale belge est en voie d'organisation; elle sera
dirigée par M. le capitaine adjoint d'état-major Hanssens, et M. le sous-lieutenaut
d'artillerie Vandevelde. M. Popelin qui, avec M. Roger, avait quitté Karéma pour
aller fonder une station sur la côte occidentale du Tanganyika, a malheureuse-
ment succombé à un accès de fièvre et à une maladie de foie.
M. Bloyet, chef de la station du Comité français à Condoua, à dû venir à Zanzi-
bar pour se reposer de ses fatigues.
Deux sociétés de géographie ont été fondées dans les colonies portugaises afri-
caines, l'une à Mozambique, l'autre à Loanda.
Le P. Antuses, chargé de fonder une mission à Zoumbo, sur le Zambèze, est
parti de Lisbonne pour Mozambique. Il établira en outre à Zoumbo luie station
météorologique et un comptoir commercial.
Un service régulier vient d'être créé entre St-Denis (île de la Réunion),
Mayotte et Nossi-Bé, avec escale à Ste-Marie de Madagascar, en coïncidence avec
celui des paquebots français de Marseille à la Réunion.
On a trouvé dans les papiers de feu le capitaine Phipson Wybrants, mort dans
l'exploration du pays d'Oumzila, un relevé très minutieusement dressé de la Sabia,
une des grandes rivières de l'Afrique australe, qui se jette dans le canal de
Mozambique. La partie supérieure de son cours était à peu près inconnue ; le tracé
de M. Wybrants permettra de corriger les erreurs des anciennes cartes.
Par suite de l'arrangement des affaires du Transvaal, Secocoeni, dont le terri-
toire avait été annexé par les Anglais, sera mis en liberté.
Le major de Mechow, qui a exploré le district de Loanda, est arrivé à Lisbonne,
ramenant deux jeunes nègres qui appartiennent à la même tribu, mais sont com-
plètement différents quant à la forme du crâne et à la couleur de la peau.
Outre les deux stations fondées à Yivi et à Isangila, Stanley a chargé le lieute-
nant Harrou d'en établir une troisième à Manyanga, où M. Me Call a déjà installé
des missionnaires. Stanley souffre d'une lièvre bilieuse d'un caractère alarmant.
Le vicomte d'Agoult, explorateur français du Nigei;, est mort à Brass-River.
Le D*^ Bayol a réussi à atteindre Timbo, et revient à la côte. — M. Gaboriau
se rend aussi à Timbo, à la tête d'une expédition commerciale.
Une nouvelle expédition entreprise sous les auspices de M. C.-A. Verminck de
Marseille, et dirigée par M. Zweifel, va partir de Freetown pour Timbo, Falaba
et les sources du Niger.
M. Borguis-Desbordes, commandant de la colonne expéditionnaii-e qui accom-
pagnait la mission topographique du Haut-Sénégal, est rentré en France.
La fièvre jaune a de nouveau éclaté au Sénégal avec une intensité exception-
nelle. Le gouverneur de St-Louis, amiral de Lanneau, en est mort. Avant d'être
atteint par la maladie il avait réussi à conclure deux traités de paix avantageux
pour la France, l'un avec les Oulad £ly, l'autre avec les chefs du Bosséa.
-53-
LE CHOBÉ
L'hydi'ogi'aphie de l'Afrique méridionale doit certaiiieineut be«aucoup
aux explorations modernes. Sans parler des progrès qu'ont fait faii-e à
la connaissance des gi'ands lacs et des deux principaux fleuves, le Zani-
bèze et le Congo, les voyages de Livingstoue et de Stanley, que ne
devons-nous pas aux ti*avaux de Savorgnan de Brazza sur l'Ogôoué, à
ceux de Schùtt sur les affluents du Congo entre le Cassai et le Quango,
à ceux de Capello et Ivens sur cette deniière rivière, ainsi que sur le
Quanza et ses tributaires ? D est vrai que, malgré tout ce qu'ils nous
ont appris de ces fleuves et de ces rivières, nos connaissances hydi'ogra-
phiques touchant cette région demeurent très incomplètes, et qu'il
nous reste, à cet égard, beaucoup à apprendi*e. Ce n'est qu'en réunis-
sant tous les renseignements fournis par les divei"s voyageurs qu'on
amve à posséder une notion quelque peu exacte des grands fleuves et
de leurs principaux affluents. C'est sur l'un des grands tributaires de la
rive di'oite du Zambèze, le Chobé, que nous voudrions aujourd'hui atti-
rer l'attention de nos lecteui's, en nous aidant des données foiu'nies par
Liviiigstone, dans son premier voyage au Zambèze, et plus récemment
par MM. Selous, Bradshaw et le major Serpa Pinto *.
Au dire de ce dernier voyageur, qui a traversé cette rivière à ses deux
extrémités, le nom de Chobé est inconnu des indigènes ; ceux de la
région des sources l'appellent soit le Couando soit « la mère des rivières, »
ceux de la partie inférieure le Linyanti ; cela n'a rien d'étonnant, la
plupart des rivières de l'Afrique portant des noms diff^érents dans les
diverses parties de leui* cours. Mais comme depuis 1853, époque à
laquelle Livingstone en découvrit le confluent avec le Zambèze, le nom
de Chobé a été employé d'ordinaire parles trafiquants et les chasseurs,
en pai'lant du coui-s inférieur du Couando, on peut sans inconvénient
l'appliquer à la rivière tout entière.
Elle prend sa source dans un marais dont Sei'pa Pinto a déteiminé la
position par 12^59' lat. S. et 16°38' long. E. de Paris, à 1362» au-
dessus du niveau de la mer, un peu au S.-E. du Bihé, et à 300" au-
dessous du plateau de Cangala, dont les eaux descendent, vers l'ouest à
l'Atlantique par le Quanza, vers l'est à l'Océan Indien, par le Loungo-e-
oungo, affluent du Zambèze, et vers le sud, au Macaricari, par le Cou-
bango. Après avoir coupé près de leur source les tributaires de ce
1 Tfoi
Voir la carte annexée à cette livraison.
— c4 —
dernier, Serpa Piuto eut à traverser une contrée déserte d'où sortent
plusieurs des affluents du Chobé. Il descendit l'un d'eux, le Coubangoui,
dans son bateau de caoutchouc, et y trouva une antilope aquatique,
espèce que les crocodiles ont chassée de la partie inférieure de la rivière,
où Livingstone l'avait vue en 1860. Ensuite il rencontra le Couchibi,
autre affluent du Chobé, près duquel ses noii*s lui amenèrent un jour
deux chasseurs dont la couleur blanche le frappa ; il se fit conduire à
leur bivouac, et y trouva un groupe de Mucassequers, dont le teint lui
rappela les Gambaragaras de Stanley. Ils ont les yeux obliques des Chi-
nois, les pommettes saillante,s, les lèvres grosses, la tête parsemée de
petites touffes d'une laine très courte, et vivent par petits groupes, sans
chefs, complètement libres dans les vastes espaces qui séparent le Cou-
bango du Chobé, toujours eiTants, ne dormant jamais deux fois dans le
même campement. Les hommes de cette tribu sont si forts, que les traits
qu'ils décochent sur un éléphant s'y enfoncent tout entiei's. Es se nou-
rissent de racines et du produit de leui' chasse ; lorsque ces ressources
leur manquent ils nouent des relations avec leurs voisins les Ambuellas,
avec lesquels ils échangent de l'ivoire contre des vivres.
A quelques kilomètres au-dessous de sa source, le Chobé est déjà im
cours d'eau considérable, et, de l'avis de Sei^pa Pinto, c'est la rivière la
plus importante pour le développement futur de cette région ; en effet,
tandis que le cours moyen du Zambèze est souvent interrompu par des
rapides et des cataractes, le Chobé offre, sur une longueur de 1000 kilo-
mètres environ, une route fluviale qui, malgré beaucoup de méandres,
est utilisable presque depuis la source jusqu'à l'embouchure dans le
Zambèze. Les tributaires de son cours supérieur, le Queimbo, le Cou-
bangoui, le Couchibi et le Chicouloui sont également navigables. Le
vieux négociant SUva Porto qui, déjà dans les années 1852-1854, tra-
versa le continent, de Benguela au cap Delgado, a affirmé à Serpa
Pinto que lui et d'autres trafiquants ont descendu le Couchibi et le
Chobé jusqu'à Linyanti, la ville principale des Makololos à l'époque de
Livingstone, aujourd'hui déserte par suite des guerres qu'ont faites à
ces derniers les tribus voisines. L'embouchure du Chobé étant à une
altitude de 940*", il ne descend que de 422" depuis sa source.
A partir du point où Serpa Pinto a traversé cette rivière poui* se diri-
ger vers le Zambèze, nous ne savons, sur la continuation de son
cours, pendant 800 kilomètres environ, que ce que Silva Porto en a dit
à l'explorateur portugais.
Mais si les renseignements sur la pllis grande partie du cours moyen
,. ■ t.
— 00 —
du Chobé D0U8 font encore défaut, en revanche nous en devons à
MM. Selous et Bradshaw, ainsi qu'à Liviiigstone, d'assez détaillés sur
les 200 kilomètres qui précèdent immédiatement son embouchure.
M. Selous qui a exploré cette répcion à trois reprises, en 1874, en
1877 et eu 1879, pendant la saison sèche, du commencement de juin à
la fin de septembre, rapporte qu'au dire des indigènes, à Mtembanjé, à
200 kilomètres environ du confiu(3nt avec le Zambèze, un bras se détache
du Chobé, et sous le nom de Machabé court vers le sud, puis vers le
sud-est, tantôt dans des marais dans lesquels on n'aperçoit plus la
rivière, tantôt dans un lit de 15™ de large. A son tour le Machabé se
divise en deux bras dont l'un le Mababé, coule vers le nord et va se
perdre dans un lit de roseaux, l'autre, le Tamalakan (le Taraounaklé de
Liviugstone), se dirige vers le sud et porte ses eaux au Botlétlé. On se
rappelle qu'en remontant ce dernier cours d'eau, arrivé à l'embouchure
du Tamalakan, Livingstone, s'informant d'où il venait, reçut pour
réponse qu'il descendait d'un pays où il y avait tant de rivières que per-
sonne ne pourrait en dire le nombre ; il comprit que la région qui se
déployait devant lui n'était pas l'immense plateau sablonneux des géo-
frophés, et la pensée de trouver un fleuve navigable, qui pût permettre
d'arriver à cette contrée entièrement inconnue, s'empara de son esprit
pour y grandir de jour en jour. Quant au Tamalakan, l'eau en était si
transparente, si fraîche et si douce, qu'il pensa qu'elle provenait de la
fonte des neiges.
M. Selous, qui est essentiellement chasseur, a suivi le Mababé et le
le Machabé dans une partie de leur cours, mais n'a pas remonté ce der-
uier jusqu'à l'endi'oit où il se détache du Chobé ; il en quitta les bords
pour remonter vers le nord et atteignit bientôt la Sounta, autre émis-
saire du Chobé, très plein aussi à cette époque, et dont les eaux rou-
laient très fort en septembre 1879, 'jusqu'au delà de Goh-ha-hill où
elles se perdaient dans des marais. L'année auparavant, la crue ayant
été moins forte, elles s'étaient arrêtées à moitié chemin. Au nord de la
Sounta l'on rencontre de grandes plaines d'alluvion comprises entre
deux bras du Chobé, et dans lesquelles celui-ci se répand à mesure
qu'il monte, pour y former de vastes lagimes. Les natifs y creusent des
fossés de 70 centimètres de profondeur, pour prendre le poisson qui y
pénètre aux hautes eaux et ne peut plus en sortir quand les eaux ont
baissé.
Toute la contrée au sud du Chobé est très marécageuse. Avant
d'atteindre les bords de la rivière, Livingstone vit sa marche entravée
- 56 —
par de petits coui'S d'eau de 6™ de large et de plus de 1"* de profondeur,
qui augmentaient à masure qu'il avançait vers le nord. Les éléphants y
ayant fait d'énormes trous en allant d'un bord à l'autre, ses bœufs y
enfoncèrent, cherchèrent à en sortir par un etîort désespéré et cassèrent
le timon de sou chariot, eu sorte qu'il dut se mettre dans l'eau jusqu'à
la poitrine et y travailler pendant plusieurs heui'es. Cette grande quan-
tité d'eau provenait du Chobé, et l'uu des bras qui lui barra longtemps
le passage n'était, suivant lui, que l'un de ceux par lesquels cette rivière
envoie au sud-est la surabondance de ses eaux.
Une remarque générale faite par M. Selous sur le Chobé, le Machabé,
le Mababé et le Tamalakau, c'est la ciiie simultanée de leurs eaux pen-
dant la saison sèche, de juin en septembre. Tous ces cours d'eau
sortent alors de leur lit marqué par des roseaux, et inondent la plaine
jusqu'à une certaine distance. Le Mababé entre autres, à sa plus grande
hauteur, dépasse de plus de 1 '/a kilomètre ses limitas du commence-
ment de juin. Et, chose étonnante, tandis que le Chobé et ses émissairas
commencent, dès que la saison des pluias est passée, à déborder et à
inonder la plaine marécageuse à travers laquelle ils coulent, et qu'ils
atteignent leur maximum de hauteur à l'époque de l'année où la chaleur
est la plus intense, le Zambèze, au contraire, baisse dès que la saison
des pluies est finie et pendant toute la saison sèche. Il semble qu'il y ait
là un fait analogue à celui qui se produit en Suisse, oîi les coui-s d'eau
qui descendent des Alpes atteignent leiu- maximum de hauteur pendant
l'été et leui' minimum pendant l'hiver, tandis que ceux qui viennent du
Jura sont bas en été et hauts à la fin de l'hiver. Aussi, à première vue,
puisque le volume d'eau du Chobé augmente dès que la température
s'élève, on serait porté à croire qu'il doit avoh* ses sources dans de hau-
tes montagnes, sur lesquelles la neige persiste pendant la saison la plas
chaude de l'année. Mais, si tel était le cas, les Mambaiis, natifs de la
côte occidentale, qui trafiquent pour des maîtres portugais et descen-
dent la rivière et le Zambèze chaque année, les aimaient vues et signa-
lées. Il devrait d'ailleurs en être de même pour le Zambèze, dont quel-
ques affluents sortent de la même région, en particulier le Loungo-e-
oungo, la Ninda et le Nhengo, traversés également par Serpa Pinto qui
ne signale point de montagnes neigeuses dans cette partie de l'Afrique.
A mesure que de Mtembanjé l'on descend le Chobé, une superficie
de terrain toujours plus considérable se trouve sous l'eau pendant l'inou-
dation; tout le pays, aussi loin que la vue peut s'étendre, est conmie un
lac immenise. L'alluvion qui y est déposée rend le sol très fertile; le.s
— 57 —
oatiÊ Toat cultivé jusqu'au moment oii les Matébélés de Mosilikatsé
vinrent ravager la rive méridionale, et les obliger à passer sur la rive
septentrionale. Ici Ton ne trouve plus latsetsé, tandis qu'elle infeste
encore toute la région au sud du Chobé. Sui' la rive septentrionale est
située la ville de Ramasokatan, au delà de laquelle la rivière fait un gi*and
coude vers le nord, pour reprendi*e ensuite son coui-s et le poursuivre
vers l'est jusqu'à son embouchure. Elle s'élargit parfois jusqu'à attein-
dre 40O". On y rencontre des îles, et, à quelques kilomètres du con-
fluent, des rapides, les seuls de tout le cours de la rivière, formés par
une chatue de rochers, courant vers le nord sur une longueur de 800" et
créant aussi des rapides dans le Zambèze. Quelques-unes des îles de ces
rapides sont couvertes d'un sable sonore, qui crie quand on marche
dessus. En certains endroits les bords de la rivière sont couverts de
forêts épaisses ou de longues herbes, dans lesquelles se tiennent des trou-
pes d'hippopotames. D y a quelques années il y avait encore là des
éléphants et des buffles, mais l'introduction des armes à feu parmi les
natifs les a presque tous chassés.
Non loin de l'embouchure se trouve la ville d'Impalera (Mparii*a
de Livingstone) par 22"* 59' long. E. et 17'' 49' latitude S:, à une
altitude de 979" d'après les déteiminations de Serpa Pinto. Naguère
encore tmpalera était occupée par les Masoubias, sous un chef nommé
par les Barotsés, mais, aux dernières nouvelles reçues par M. Bradshaw,
ils avaient dû s'enfuir devant ceux-ci au delà du Chobé, avec l'intention
de s'établir sur les bords du Mababé, dans les états de Khamé roi des
Bamangouatos, et Impaiera était déserte. A l'époque où elle étaitencore
habitée, les Masoubias devaient, pendant la crue annuelle du Chobé,
quitter poui' quelque temps leui'S habitations, dans lesquelles les eaux
s'élevaient à 70 centimètres.
Vis-à-vis d'Impalera est établie une station commerciale, dans le voi-
sinage de laquelle est une source thermale saline, dont la température
est si élevée qu'on peut à peine y tenir la main. Le sol enviromiant est
spongieux, mais, à moins d'un mètre de profondeiu*, on trouve le roc
compacte. Chaque année, quand la rivière monte, la source est couverte
par les eaux du Chobé ; puis, quand celles-ci ont baissé, on trouve sur le
sol et sur toutes les plantes d'alentour une épaisse croûte d'un sel
pur et fort. La source donne naissance à un cours d'eau tranquille,
peu profond, d'un mètre de large, qui se rend au Chobé ; il est rempli
de petits poissons qui ne paraissent pas incommodés par la chaleur de
Teau.
«
— 58 —
Au confluent le Chobé a encore 200" de large ; la berge de la rive
méridionale a 4"" de hauteur, tandis que la rive opposée est couverte de
roseaux à trois kilomètres de distance. A l'époque de la crue des eaux,
qui montent de 5 ou 6 mètres, tout l'espace compris entre la rivière et
le Zambèze n'est qu'un grand lac.
Toutefois, M. Selous estime que depuis un certain nombre d'années
le régime des eaux de cette région subit des modifications sensibles.
D'après Baines, le Tamalakan était si plein, en mai 1863, qu'à l'endroit
ot il se verse dans le Botlétlé ses eaux couraient à la fois au S.-E. et au
S.-O. Autrefois le Botlétlé montait si haut chaque année, que ses eaux
débordaient et se répandaient dans une grande saline appelée Ntoué-
toué, mais depuis quelques aimées il ne l'a point atteinte. D'ordinaire
son inondation s'avance vers le sud jusqu'aux jardins des Makalakas
soumis à Khamé, qui se servent de ses eaux pour leurs cultures;
en 1879 elle leur a manqué et ils ont perdu toutes leurs récoltes.
En 1877 et en 1879, M. Selous a trouvé à sec une immense étendue de
pays qui avait été complètement inondée en 1874, et il a appris de«
indigènes, qu'en 1878 le Chobé s'était élevé moins haut qu'en 1877 et
surtout qu'en 1874. Au reste, cette diminution des eaux n'est pas le fait
du Chobé seulement. Livingstone la signalait déjà dans le désert de
Kalahari, et les missionnaires qui travaillent dans le Damaraland la
constatent également. En ce qui concerne le bassin du Chobé en parti-
culier, outre les lacunes que présentent encore nos comaaissances à cet
égard, l'hydrographie de cette région appelle de nouvelles explorations
pour déterminer exactement, soit l'époque de la saison des pluies, soit
celle de la crue de la rivière et de ses émissaires. D'après Bradshaw,
l'inondation commence en janvier et dure jusqu'à la fin de mars et
même en avril ; d'après Selous elle a lieu de juin à septembre. Les
futurs explorateurs ne manqueront pas d'étudier cette question.
LES PY6MÉES DE L'AFRIQUE
L'an dernier nous avons entretenu nos lecteurs des peuplades anthro-
pophages de l'Afrique. Aujourd'hui nous voudrions leur parler d'une
autre particularité remarquable des races de ce continent, et en étudier
les peuples nains.
Au premier abord le lecteur se montrera peut-être quelque peu
incrédule; il parlera d'observations mal faites, de récits exagérés.
-- 59 -
de contes de fées, mais il aura tort, car les voyageurs qui nous ont donné
des renseignements au sujet de ces peuplades sont pour la plupart con-
nus pour leur esprit inipartial, leur jugement sain, et la justesse de leurs
observations. Sans doute, il ne faut pas croire que les pygmées afiricains
ressemblent aux anciens nains des fabulistes. Les deux mots pygmées et
nains ne s'appliquent pas strictement, avec le sens que nous leur don-
nons d'ordinaire, aux tribus dont nous parlerons plus loin. Ce que Ton
peut dire, c'est qu'il existe des races africaines dont les individus sont
certainement de 15 à 20 centimètres plus petits que la généralité des
autres hommes.
Les anciens auteurs, Hérodote et Aristote entre autres, signalent
l'existence d'un petit peuple au delà du désert, près de la région des
lacs oii le Nil prend sa source. Mais leurs affirmations ne reposent que
sur des traditions, tandis qu'aujourd'hui un ^sez grand nombre de
voyageurs mentionnent ces races d'après leurs propres observations.
Du Chaillu parcourant lé pays des Achangos {V5S' lat. S. et 11°56'
long. E.), découvre une tribu de chasseurs nomades nonmiés Obon-
gos. Leur couleur est d'un jaune sale, moins foncé que celui des Achan-
gos. Leurs cheveux croissent par petites touffes. Ils mènent une vie
misérable sous des huttes de feuillage, ne mangeant que des racines
ou des animau^ pris au piège. Quant à leur taille, elle n'est que de
quatre pieds sept pouces (1",39). Jusque-là rien de trop extraordinaire ;
mais nous hésitons à croire Du Chaillu lorsqu'il nous dit que leur (Mrps
est extrêmement velu. On peut penser qu'ici le voyageur a donné libre
carrière à sa fantaisie, et ce qui nous confirme dans cette opinion,
c'est que Du Chaillu, qui a vu un grand nombre d'Obongos, n'a pas
observé lui-même ce singulier caractère, mais s'appuie sur les récits des
indigènes pour l'attribuer à la race entière.
Un ancien auteur, Battel, parle aussi d'un peuple nain, les Ma-
timbos ou Dongos, qu'il place dans la même région que celle oii Du
ChaiUu trouva les Obongos. Les auteurs portugais du commencement
du dix-septième siècle, et à la même époque Dapper, décrivent un peu-
ple pygmée que les premiers appellent Bakkas-Bakkas, le second Bak-
késbakkés ou Mimos. D'après Dapper ces petits honunes se rendent
invisibles par l'effet d'un ceitain art diabofique, et ils tuent les éléphants
sans se donner beaucoup de peine.
D'autre part, le voyageur Escayrac de Lauture, d'après les rapports
des indigènes du Baghirmi, signale à l'ouest du lac Koéi-Dabo, situé à
60 journées de marche au S.-S.-E, de Maséna (capitale du Baghirmi),
M
I
. I
— 60 —
la peuplade des Mala-Ghilagés (hommes à queue), dont la taille serait
petite et qui auraient le teint plutôt blanc. Schweinfiirth croit que la
mention de la queue dont ces petits hommes sont gratifiés n'est que
récho d'une fable répandue dans tout le Soudan.
C'est encore dans cette partie de l'Afrique que le révérend Koellé a
placé les peuplades naines des Kenkôbs et des Betsônes, sur lesquelles
il a eu, à Freetown, des renseignements de témoins oculaires, qui lui ont
parlé aussi d'un lac ou d'une grande rivière appelée Liba ou Riba;
c'était près de là qu'existait cette petite race dont les individus n'avaient
que trois ou quatre pieds de haut, et portaient les cheveux longs comme
la main avec une grande barbe. Ils vivaient exclusivement du produit
de leur chasse et étaient très habiles à poursuivre le gibier.
En réunissant tous les renseignements que nous venons d'énumérer,
nous pourrions déjà affirmer qu'il se trouve dans la région centrale de
l'Afrique, entre les lacs Albert et Tchad, un groupe de peuplades appar-
'tenant à une race de plus petite stature que les nègres. Mais ce qui
précède est encore bien peu de chose, et les traits caractéristiques de
ces peuples seraient presque inconnus, sans les voyages importants de
Schweinfiirth, Miani, Mamo et ChaiUé^ong,
Schweinfiirth, dans son expédition aux pays des Niams-Niams et des
Mombouttous, vit un grand nombre de petijg hommes, que les indigènes
nonmiaient Akkas et qui accompagnaient le roi Mounza. La rencontre
qu'il fit au sud de la résidence de ce chef, chez Moummeri, de plusieurs
centaines de guerriers akkas, est assez caractéristique pour être racon-
tée. « Un soir je me vis entouré, dit-il, d'une foule de petits bonshommes
qui me parurent jouer aux soldats, et que je pris pour des gamins d'une
rare insolence. Ils avaient l'arc tendu et me visaient d'un air qui me fit
éprouver une certaine irritation. « Ce sont des Akkas, me dirent mes
« Niams-Niams. Tu les prends pour des enfants ; ce sont bel et bien des
0 hommes, et des hommes qui savent se battre. » L'arrivée du chef, qui
>1nt me saluer, mit fin à la scène et m'empêcha d'étudier davantage
son petit régiment. » Mais Schweinfiirth put observer à loisir les Akkas
du roi Mounza* et en donner une description détaillée,
t Miani de même rencontra des Akkas nains, appelés aussi par las
ii]Ldigènes Mabongos. Quand Miani« de retour de ses voyages, parla de
ce peuple, on nia qu'il l'eût jamais vu. Dans une seconde expédition,
dont il n'est malheureusement pas revenu, il eut la joie de pouvoir s'em-
parer de deux Alîkas, qui fiirent recueillis par Schweinfiirth. Ce dernier
amena les Akkas au Cab*e, (^ota ils furent conduits en Italie oh nous les
retrouverons.
— 61 —
Deux femmes Akkas ont été vues par le voyageur autrichien Marno :
la première était une petite fille de dix à douze ans ; la seconde avait
vingt-cinq ans. En contact avec les cannibales Niams-Niams, ces Âkkas
croyaient que Marno les achetait pour les manger, mais des présents
les calmèrent bientôt.
Enfin les Akkas ont été observés et même photographiés par le colo-
nel ChaiUé-Long.
On peut donc dire que l'existence de ces tribus naines au centre de
TAfirique, s'étendant probablement sur un grand espace, n'est plus con-
testable.
C'est le D*" Schweinfurth qui, sans contredit, a le mieux observé les
Akkas et nous a donné sur leurs mœurs les plus grands détails. Il put
même prendre avec lui Tun d'eux, que le roi Mounza lui avait donné en
échange d'un chien. Ce nain, du nom de Nsévoué, avait un teint clairet
mesurait l^ïéO. Le docteur espérait l'amener sain et sauf en Eiux)pe,
mais il mourut à Berber d'une dysenterie causée par sa gloutonnerie.
La couleur des Akkas est d'un brun mat assez clair, celui du café peu
brûlé. Ceux que Schweinfurth a vus avaient peu de barbe et une cheve-
lure courte et laineuse. Mais, d'après les récits qu'on lui fit, ceux qui se
rencontrent phis à l'ouest ont au contraire une forte barbe, qu'ils arran-
gent en longues pointes raidies avec de la poix. Les Akkajs ont la tête
grosse et hors de toute proportion avec le cou mince et taible qui la
supportef. Les bras ainsi que le corps sont d'une longueur anormale.
La poitrine, plate et resserrée dans le haut, va s'élargissant jusqu'à
rénorme panse qui fait ressembler les Akkas, si âgés qu'ils soient, aux
enfants égyptiens et arabes. Le dos est fortement arrondi ; l'épine dor-
i^ale est tellement souple, qu'après un repas copieux, le centre de gra-
vité se déplace et la partie lombaire de l'échiné se creuse. Les genoux
sont gros et noueux, les autres articulation^ de la jambe saillantes et
anguleuses, et, les pieds tournés plus en dedans ^e ceux des autres
Africains. L'allure serait difficile à qualifier : c'est un balancement,
accompagné de soubresauts qui se propagent dans tous les membres ;
Nsévoué n'a jamais pu porter un plat sans en répandre plus ou moins le
contenu. Les mains sont d'une déhcatesse remarquable. Mais ce qui
caractérise la race, c'est la tête. L'angle facial des Akkas est de soixante
à soixante-dix degrés. La mâchoire se projette en museau, d'autant plus
accusé que le menton est fuyant. Le cr&ne est large, presque sphérique,
et présente un creux profond à la racine du nez. Les Akkas ont d'énor-
mes oreilles, à l'inverse des auprès peuplades de la même région ; en
— 62 -
revanche leurs lèvres sont moins épaisses. Leur visage est très mobile.
Le jeu des sourcils, la vivacité des yeux, les gestes rapides des mains et
des pieds leur donnent un aspect infiniment drôle.
Quant aux deux Akkas amenés en Italie, et placés sous la protection
du comte Miniscalchi à Vérone, Taîné, Thibaut, a vraisemblablement
19 ans ; sa taille est de l",42 ; on croit qu'il a atteint son maximum de
croissance ; en revanche le cadet, Chaïralla, croît encore ; il a|l"',41, et
Ton suppose qu'il a 16 ans. La forme du crâne semble se rapprocher de
celle des dolychocéphales ; le prognatisme est très marqué, la bouche
grosse, avec des lèvres épaisses s'écartant l'une de l'autre ; les dents
sont extrêmement blanches. Une touffe de poils uoh-s laineux commence
à poindre sur les joues, au menton et à la lèvre supérieure de Thibaut ;
Chaïralla au contraire n'a encore aucune trace de barbe. Tous deux
parlent, lisent et écrivent l'italien, mais ils ont oublié leur langue
maternelle et l'arabe qu'ils avaient appris dans leur enfance. Us jouis-
sent d'une bonne santé, et se conduisent généralement bien, mais ils
sont extrêmement enfants dans leurs inclinations.
Les renseignements que nous avons sur les Obongos, les Matimbos,
les Kenkôbs, sont trop vagues pour que l'on puisse dire si, avec les Akkas,
ils ne constituent qu'un seul peuple disséminé sui' plusieiu^ points, ou
si, faisant partie de la même race ils forment des variétés, des groupes
différents ayant quelques caractères communs. La comparaison a pu
cependant se faire entre les Akkas et un autre peuple de petite taille,
les Bushmens du sud de l'Afrique. Les deux tribus ont entre elles une
ressemblance frappante. Le véritable Bushmen ne mesure qu'un mètre
quarante-quatre centimètres , c'est-à-dire seulement quelques centi-
mètres de plus que les Akkas. La couleur est la même chez les uns et
chez les autres. Aucun des deux peuples n'a de barbe ; la forme du corps,
de la tête et des oreilles des Bushmens est tout à fait analogue à celle
des Akkas. La seule différence sensible est dans l'œil, que les Bush-
mens ont très petit, à peine visible, tandis que chez les Akkas il est
bien fendu et largement ouvert.
Enfin, ce qui est aussi caractéristique, les peuplades naines sont
toutes d'mie timidité farouche à l'égard des étrangers, et se trouvent
complètement isolées au milieu des autres peuples africains, qui les
exècrent et les regardent comme très peu supérieures au singe. Cepen-
dant, si pour les Bushmens, cette mésintelligence avec les peuplades
voisines se traduit par une sorte de chasse organisée contre eux, les
Akkas au contraire sont bien traités par les Mombouttous au milieu
— 63 —
d^uels ils vivent, parce que ces derniei^s les craignent et qu'ils en ont
besoin, les nains étant d'excellents chasseurs. D'api*ès Du Chaillu, les
Achangos accordent de même leur protection aux Obongos.
Taudis que, poui* M. Hartmann, cette petitesse de coi'ps et ces carac-
tères particulière ne séparent pas suflisamment les peuples nains des
autres, poui* Schweinfurth au contraire, ces tribus ne sont que les
débris d'une race autochtone, qui va disparaissant de tous côtés par
suite des gueires continuelles dont l'Afrique est le théâtre.
Schweinfurth rattache aussi à cette même race le petit peuple
uain des Dokos, qui habitent au sud de Kaffa et sont très connus à Zan-
zibar, oii on les appelle Bérikimos ou gens de deux pieds.
Quant aux populations pygmées de Madagascai* appelées Kimos, le
savant docteur ne croit pas qu'il y ait entre elles et celles de l'Afrique
centrale des liens de parenté ; il appuie son opinion sur le fait que tout
à Madagascar, flore, faxme, habitants, diffère de l'Afrique.
Pour terminer nous donnerons un tableau comparatif des peuplades
pygmées de l'Afrique avec d'autres nations du globe.
Gentimètret. Centimètres.
Patagonien 178-180 Indigène des îles Anda-
man 156
Cafre 179 Bushmen 144
Européen 165 Lapon 144
Xègre 165 Obongo 133à 152
Chinois 163 Akka 135 à 150
Australien 162 Esquimau 130 (?)
BIBLIOGRAPHIE '
Conte Luigi Pennazzi, Sudan orientale. Napoli, 1881, in-12, 50 p.
— Voulant montrer de quelle importance serait pour l'Italie, au point
de vue commercial, l'ouverture de la vaste région comprise entre le Haut-
Nil et la mer Rouge, le comte Louis Pennazzi a exposé, dans une con-
férence tenue au Club africain de Naples, les résultats des observations
qu'il a faites dans un premier voyage à Sennaheit, Kassala, Sennaar,
Keren, etc. Cette expédition, enti'eprise avec le capitaine Bessone, n'était
' On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 13, rue du Bhône, à Genève,
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et dvilùfée.
— 64 —
d'ailleurs qu'un voyage de préparation à une série d'explorations qu'il
va commencer. Il s'avancera par Kassala et Galabat vers le pays des
Grallas, puis traversera le Grodjam et une partie de l'Amhara, et descen-
dra sur Assab en cherchant une route courte, facile et sûre, qui per-
mette d'attirer vers la colonie italienne les caravanes allant aujourd'hui
h Massaoua et à Souakim. Après avoir payé un juste tribut d'éloges à
Gressi, et constaté les résultats obtenus par les explorateurs Antinori,
Cecchi, Blanchi, Matteucci et Massari, il a recommandé aux Sociétés
italiennes de concentrer leurs efforts : le Club africain de Naples, sur
Assab ; la Société de géographie de Rome, sur le Choa ; la Société com-
merciale de Milan, sur la vallée du Nil, et la Société milanaise d'explo-
ration, sur la Cyrénaïque.
Du Mont Pappua et de sa synokymie avec le Djebel-Nador, par
Alexandre Pcqner^ vice-président de l'Académie d'Hippone. Constan-
tine (typ. L. Arnolet), 1880, in-8, 31 p. et pi. — Jusqu'ici la tradition
avait fait, tantôt du massif de l'Edough qui domine Bone, tantôt du
Babor ou encore de l'Aurès, la retraite de Gélimer, roi des Vandales,
fuyant devant Bélisaire. Par une étude complète et sagace des textes
de Procope, secrétaire du général de Justinien, et des lieux décrits dans
son histoire de la guerre des Vandales, M. Papier montre qu'il y a
beaucoup plus de raisons pour identifier le mont Pappua de l'auteur
grec avec le Djebel-Nador. Une inscription trouvée dans ce massif, à
l'entrée de la mine de Hammam N'baïls, où les Romains exploitaient
déjà les gisements de minerai de zinc dans lesquels la société de la
« Vieille Montagne » trouve .encore à puiser si largement, vient à
l'appui de l'opinion exposée dans cette savante dissertation.
Zanzibar, la côte orientale d'Afrique et l'Afrique équatoriale,
par Alfred Rahaud. Marseille, 1881, in-8**, 88 p. et 2 cartes. — Le rôle
important que Zanzibar paraît appelé à jouer dans les destinées de
l'Afrique équatoriale, a engage le savant président de la Société de
géographie de Marseille à réunir dans ce mémoire tout ce que l'on sait
de cette île, qu'un séjour d'une année lui a fourni l'occasion d'étudier
complètement. Après un récit des péripéties de son voyage, qui per-
mettent d'apprécier les progrès réalisés depuis 1853 dans les moyens de
communication, il donne un résumé de l'histoire de Zanzibar et y joint
la revue de toutes les expéditions qui ont pris cette île conmie point de
départ pour pénétrer dans l'intérieur.
y-
'-•1
— 65 — /^
l'(BODL:LIBr.ri
BULLETIN MENSUEL (5 octoiyra 1881). \:^/> -. ^- "e .^
En attendant que commence la pampagne d'automne projetéecôïïlre
l'oasis de Figuig ', le point autour duquel se concentrent les préparatifs
de cette expédition est Méchéria, qui, par les avantages de sa posi-
tion et par ses ressources en eau, deviendra un des postes français les
plus importants de Textrême sud. Situé un peu au delà de Géryville,'
dans une contrée assez montagneuse, il est sur la ligne d'eau qui con-
duit à Tiout et à Moghar. Ses puits sont célèbres par l'abondance, la
limpidité et la fraîcheur de leurs eaux que l'on trouve à 1 ou 2 mètres
du sol. H n'y a là que quelques habitations ; c'est une simple station
d'eau oti s'arrêtent les caravanes. Mais en fortifiant ce point on peut
dominer tous les ksours jusqu'à Figuig, à la condition qu'il soit relié
avec les postes du Tell par une voie ferrée; c'est à cela que servira la
ligne de Saïda à Méchéria. La section de Salda au Kreider avance rapi-
dement. Si l'oasis de Fi||^a% est plus tard occupée par les Français,
la colonie y gagnera un lieu d'échange important. Les marchandises les
plus diverses y arrivent, d'ime part de Tafilet et de Fez qui lui font par-
venir tous les objets de fabrication européenne venus de Gibraltar par
Mogador et Tanger, et d'autre part du Soudan dont les produits lui
sont apportés par des caravanes. Elle est admirablement cultivée et le
régûne des eaux y est réglementé d'une manière supérieure. Ses habi-
tants sont très belliqueux, et si les Ouled Sidi Cheicks font alliance avec
eux, la conquête de cette oasis pourra coûter aux Français plus de sang
qu'ils ne le pensaient d'abord. — Les incendies auxquels ont eu recours
les Arabes coûteront déjà des sacrifices d'argent considérables.
En Tonisie, l'occupation de Gabès, de Sousse et de Sfax par les
Français n'en laisse pas moins l'intérieur en proie à l'agitation provo-
quée par le fanatisme des Arabes.
M. Godefroy Roth, envoyé en mission dans les oasis à l'ouest
d'Alexandrie, par le service pour la répression de la traite, a communi-
qué aux journaux allemands des renseignements intéressants sur son
expédition, en particulier, sur l'oaaia de Sivirah, à la frontière occi-
dentale du territoire égyptien. D'Alexandrie, il a mis 24 jours pour
franchir les 175 kilomètres qui la séparent de la Méditerranée. L'arrivée
^ En vue des événements qui vont se passer dans le sud de la province d^Oran
et au Figuig, nous donnons, de cette province et du territoire marocain de la fron-
tière, une carte que nos lecteurs trouveront à la fin de cette livraison.
l'aFUQUB. — TBOlSlilCB ÀNN^B. — N® 4. 4
— 66'—
d'un Européen était un spectacle si nouveau pour les habitants, qu'elle
excita chez eux une vive curiosité mélangée d'une certaine méfiance.
Le village situé au milieu de l'oasis compte à peu près 2,000 âmes ; il
est entouré de murs flanqués de tours carrées; les rues en sont étroites,
tortueuses et couvertes en partie par des planches et des étoffes pour
garantir les passants contre les ardeurs du soleil, A deux journées de
marche du village se voient encore les ruines du temple de Jupiter
Ammon. Plus de 50 sources alimentent l'oasis, mais peu d'entre elles
donnent de l'eau véritablement douce. La plupart contiennent des eaux
saumâtres qui sortent de la terre à une température de près de 30°, et,
pendant les chaleurs torrides de l'été, dégagent des miasmes qui engen-
drent des fièvres paludéennes. A trois jours de marche de Siwah, dans
la régence de Tripoli, se trouve l'oasis de Djerbah où réside le cheik Sidi-
el-Mahedi, honune d'une haute intelligence et d'une grande bonté, dont
l'influence s'étend sur toutes les populations du désert, depuis les États
de Tripoli jusqu'à ceux du Soudan. On lui doit l'établissement, au
milieu du Sahara, de plus de cinquante stations où- les caravanes trou-
vent de l'eau et reçoivent l'hospitalité. Aussi a-t-U été surnommé par
les tribus du désert le bienfaiteur des Bédouins.
Nous n'avons pas à entrer dans les détails de l'agitation militaire
dont le Caire a été le théâtre et qui a amené Chérif-Pacha à la tête
du ministère. Signalons cependant comme un progrès pour l'Egypte,
l'établissement d'un Conseil d'État, et, d'après le Standard, le projet
du khédive de proclamer l'abolition complète de l'esclavage.
Un voyageur de commerce français, M. Pinchard, parti d'Aden, au
mois de mai 1879, pour le compte d'une maison de Lyon, en vue de cher-
cher la route la plus courte de Harrar au pays des Aronasis Gai-
las, au sud du Choa, d'en étudier les produits, et de nouer des relations
avec les chefs pour ouvrir une voie nouvelle au commerce français, est
arrivé récenmient au Caire, après avoir réussi à engager le chef des
Aroussis à entrer en rapport avec les Européens. De Harrai*, U s'est
dirigé vers l'Hawach qu'il a remonté, sur im parcours de 130 kilomè-
tres, jusqu'à Rounni, possession du roi Ménélik. Il a porté à celui-ci
quelques présents à Ankober, et a reçu de lui un laisser passer l'autori-
sant à requérir, pour l'alimentation de sa caravane pendant sa tra-
versée du Choa méridional, 500 rations de pain par jour, 9 tètes de
bétail, de l'hydromel, du beurre, etc. A Finfinny, il fut retenu pendant
cinq mois et demi par la saison des pluies, après laquelle il se rendit à
Syrss, dans le Kaffa, dont la reine le reçut avec une royale hospitalité.
''■ %v.
— 67 —
De là, continuant sa route vers le pays des Aroussis, il put constater
que les plaines du Kaffa sont arrosées par de nombreux cours d'eau,
bien cultivées, peuplées d'habitants doux, loyaux et hospitaliers, et que
le gibier y abonde. Sur les frontières du Kaffa, en revanche, la grande
tribu des Moummenys se montra hostile. Enfin, après avoir traversé
les montagnes qui séparent le territoire de cette tribu de celui des
Aroussis, il arriva dans la capitale de leur chef, El-Hadj-Oua-Ria-Kharou,
qui lui fit un excellent accueil, et lui promit de s'entendre avec les chefs
des tribus voisines, pour ouvrii' au commerce avec l'Europe la route de
son pays aux frontières égyptiennes au sud de Harrar. Il recevrait
volontiers du cuivre, des étoffes, des verroteries, en échange de café,
de dents d'éléphants, de poudre d'or et de pierres précieuses. M. Pin-
chard regagna Harrar directement en trente-quatre jours, mais il estime
qu'à l'avenir, et avec des caravanes bien organisées, on pourra accom-
plir le trajet de Zeila au pays des Aroussis en trente-cinq jours.
M" Touvier qui, du Choa, avait dû se transporter à Harrar, se propose
d'aller fonder une mission dans ce pays et au Kaffa.
D'après un rapport du capitaine Bloyet arrivé à Zanzibar pour y
rétablir sa santé, l'Oasan^ara, où il a fondé la station du Comité
national français, est un pays fertile, mais mal cultivé. Le sol fournit en
abondance du manioc, des ponmies de terre douces, du riz, du sésame,
des cannes à sucre, du maïs, etc. ; en revanche, il y a peu d'arbres frui-
tiers et de bois de construction, mais beaucoup de gibier : gazelles,
antilopes, girafes, zèbres, etc. Le ciel est presque toujours nuageux, les
nuits sont fraîches, spécialement vers le matin. Les habitants, appelés
Ouachensis par les Arabes établis dans le pays, sont d'une nature bonne
et timide, mais ne cultivent que juste ce qui leur est nécessaire pour
vivre, encore les travaux sont-ils presque tous faits par des femmes; les
hommes passent la plus grande partie de leur temps à boire du pombé
et à fumer. Quant au nom de Condoa donné à la station, il y a eu
erreui*. Ce nom est celui du pays compris entre la rivière Mkondoa
d'un côté, et Mbouri, Kofaranhi et les monts Nyangara de l'autre. Le
nom de la localité où est la station française s'appelle Koaâ Mgoungou.
MM. O'Flaherti et Stokes ont accompagné les trois ambassa-
deurs Ouagandas jusqu'à Roubaga, où ils ont été reçus très cordialement
par Mtésa, qui s'est montré très satisfait des présents envoyés par
la reine d'Angleterre. On espère que le retour de ces trois chefs faci-
litera les rapports que les voyageurs anglais pourront avoir avec le roi.
Les difficultés rencontrées jusqu'ici poui* faire parvenir aux mission-
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— 68 —
naires de rintérieur ce qui leur est nécessaire, ont engagé le Comité de
la Société des missl ons anglicanes à chercher, pour agent à Zan-
zibar, un hoimne bien qualifié qui sera chargé des affaires matérielles à
traiter h la côte pour les missions de l'Ousagara, de TOunyamouési et
de l'Ouganda, Le Comité voudrait trouver un homme qui pût en même
temps se charger du commandement du steamer le Henri Wright des-
tiné à la mission de l'Afirique orientale, comme le Henry Venu est atta-
ché à celle du Niger. En outre, le Comité a désigné M. Stokes conmie
conducteur et surintendant des caravanes de la côte à l'intérieur, desti-
nées aux missionnaires ; il aura à exercer spécialement son ministère
auprès des porteurs et des gens des pays que traverseront les caravanes.
Sur la demande de la Société de Géographie de Lisbonne, le gouver-
nement portugais a décidé d'établir, sur différents points de l'intérieur
de ses provinces africaines des stations civilisatrices qui viendront
en aide aux explorateurs en leur donnant les renseignements qu'ils dési-
reront, et en les secourant selon leurs besoins. Elles inviteront au travail
les tribus sauvages, les protégeront contre les violences de leurs voisins,
leur faciliteront les rapports commerciaux par l'écoulement de leurs
produits, et initieront les indigènes à l'emploi des instruments agricoles
européens. Chaque station sera établie dans une enceinte suffisamment
vaste comprenant les bâtiments et dépendances, les terrains et planta-
tions nécessaires à son entretien. Son personnel se composera d'un chef
pris parmi les officiers de l'armée, d'un médecin-chirurgien, d'un chape-
lain, d'une douzaine de maîtres-ouvriers, charpentiers, serruriers,
maçons, agriculteurs, etc. ; le nombre des serviteurs et apprentis indi-
gènes sera limité seulement par les ressources de l'exploitation. Le cha-
pelain devra enseigner la langue portugaise et donner l'instruction pri-
maire. Des maisons de commerce pourront entretenir dans la station
des agents pour trafiquer avec les indigènes. Enfin la station poiura
offrir l'hospitalité à toute caravane commerciale. En outre, et pour faci-
liter à ses ressortissants leur établissement dans ses colonies, le gouver-
nement portugais a promulgué un décret par lequel il s'engage à trans-
porter gratuitement ceux qui s'astreindront à rester cinq ans au moins
dans une station. Au port d'embarquement, ils recevront des instru-
ments de travail, des objets pour leur usage personnel, des armes défen-
sives et une somme de 170 francs environ. Une garantie sera exigée en
prévision de non-exécution des engagements pris. Dans le chef-lieu de
chaque province sera fondé un comité administratif chargé d'organiser
le travail des émigrants, de protéger leurs intérêts et d'aider au déve-
loppement agricole de la province.
— 69 —
Avant de quitter le Transvaal, Sir H. Bobinson a présenté
MM. Kruger, Pretorius et Joubert à une grande assemblée de natifs
réunis de toutes les parties du pays, auxquels il a annoncé que leurs
intérêts ont été pris en considération dans les négociations qui ont
abouti à la convention. Les lois qui les concernent sont maintenues, et
aucun décret affectant leurs intérêts ne peut être mis à exécution sans
l'approbation de la reine. Une commission spéciale désignera de vastes
emplacements que les tribus indigènes pourront occuper en paix, et
dont le gouvernement du Transvaal, d'une part, et les indigènes de
l'autre, devront respecter les limites. Sir H. Robinson a présenté les
natifs au résident anglais, M. Hudson, chargé de veiller à l'exécution
des articles du traité qui les concernent ; mais il leur a fait bien com-
prendre que M. Hudson n'est pas le gouverneur du pays, qu'illes aidera
de ses conseils, mais que, le cas échéant, ils devront porter leurs plain-
tes auprès de qui de droit; il les a engagés à obéir à la loi et à fer-
mer Toreille à toutes les tentatives de ceux qui voudraient les engager
à s'y soustraire. H les a prévenus que l'esclavage ne sera pas toléré, ni
rien qui en approche, mais leur a rappelé que le travail salarié n'est pas
l'esclavage, et qu'ils ne s'élèveront que par un travail honnête. Ils pour-
ront d'ailleurs aller et venir librement dans le pays, ou en sortir pour
chercher ailleurs de l'occupation ou pour tel autre but légitime. En ter-
minant. Sir H. Robinson a insisté sur le besoin qu'a le Transvaal d'in-
dustrie, d'unité et de paix, et engagé à l'union de tous les efforts pour
le bien du pays, à l'oubli des querelles passées et à la bonne harmonie.
Depuis plus d'un an, nous n'avions pas eu de nouvelles de Tristan
d'Acanha, dont les habitants ont fort peu de communications avec le
reste du monde ; ils ne voient guère que les équipages des vaisseaux en
passage qui viennent se ravitailler. Depuis le mois de février de cette
année, ils ont un pasteur, M. Dodgson, que leur a envoyé la « Société
anglaise pour la propagation d^ l'Évangile» et à la correspondance
duquel nous empruntons des détails qui compléteront ceux que nous
donnions dans notre 1" année, page 212. A part quelques familles de
race blanche, les habitants sont des mulâtres; leur peau est d'un brun
clair; leurs cheveux sont laineux; tous parlent anglais. Outre la pêche
quand le temps est cabne, leurs principales occupations sont la garde de
leurs bestiaux, le soin de leurs vergers où ils ont en abondance des
pommiers et des pêchers, et la culture de leurs champs de pommes de
terre. Dodgson a trouvé l'île beaucoup plus belle qu'il ne se la repré-
sentait; le climat en est très salubre. Les habitants vendent des peaux
— 70 —
de chats sauvages et d'oiseaux de mer : albatros, pinguoins et autres,
aux vaisseaux de passage qui leur apportent, en échange, du café, du
thé, du sucre, etc. Le propriétaire de la meilleure maison l'a prêtée
pour le culte et pour Técole, suivie de jour par 45 élèves de 9 à 15 ans,
et le soir, par 20 personnes de 15 à 23 ans, qui travaillent pendant la
journée. I^es enfants sont intelligents et ont un grand désir d'apprendre,
M. Fleii^el est revenu à Rabba après avoir passé à Sokoto et à Gando,
et y avoir obtenu des lettres de recommandation des souverains de ces
deux États pour leurs vastes territoires. S'il n'a pas réussi à combler
toute la lat^une qui existait dans nos connaissances du cours du Niger,
il n'en a pas moins relevé l'espace entier, jusqu'ici complètement
inconnu, de Yaotui à Gomba, et celui de Yaouri à Boussa, que les frères
Lander avaient parcouru en 1870, mais qui n'était tracé que très gros-
sièrement et à une petite échelle dans leur carte. Après avoir atteint
Gomba, il aurait voulu pousser jusqu'à Say, mais, à aucun prix, ses
bateliers n'ont voulu remonter plus haut. Ils ont pourtant consenti à le
transporter, lui et ses marchandises, à Bimi-n-Kebbi sur un affluent
important du Niger, le Goulbi-n-Gindi. De ce point, il a encore cherché à
atteindre Say, mais il n'a trouvé personne pour l'accompagner, une
tribu piDarde, les Keifris, harcelant les indigènes jusque sous les murs
des grandes villes pour enlever des honmaes et du bétail. Pendant son
séjour à Bimi-n-Kebbi , plusieurs fois, dans la nuit, retentit le cri
d'alarme, mais quand on arrivait au secours des victimes, il était trop
tard pour reprendre aux habiles pillards le butin qu'ils avaient fait. La
route de Gando à Sokoto et à Vourno, quoique très fréquentée, et le
long de laquelle s'étendent beaucoup de plantations et de villages, n'était
pas entièrement sûre dans les endroits où il y avait des bois à traverser.
Les petites caravanes devaient attendre d'être renforcées par d'autres
pour contmuer leur marche. Il sera intéressant d'avoir des détails sur
Gando, Sokoto et les grandes villes des États Fellatas, et sur les évé-
nements qui s'y sont passés depuis le voyage de Barth, il y a 30 ans. On
peut aussi espérer que, grâce au sauf-conduit du souverain de Sokoto,
l'exploration projetée des sources du Bénoué, et l'étude des rapports de
cette rivière avec les autres cours d'eau de l'Afrique équatoriale, seront
couronnées de succès. La Société africaine allemande a alloué à M. Fie-
gel pour cette expédition un subside de 25,000 francs. Il enverra à la
Société sa carte du relevé du Niger.
Le roi de Dahomey et ses amazones ont envahi le territoire situé
au nord-ouest d'Abbeokouta, et y ont détruit les villes de Zgano et
\
— 71 —
d'Okepo, peuplées de plusieurs milliers d'habitants; ceux qui n'ont pu
s'échapper ont été emmenés à Abomey, pour y être réduits en esclavage
ou sacrifiés à la fête annuelle que célébrera le souverain, et à l'occasion
de laquelle une autre incursion sç fera sur Ischin, dans le Yorouba.
Le D' Bayol, chargé de se rendre à Timbo pour y conclure un traité
avec le chef du Fouta-Djallon, est heureusement arrivé à Timbi, à
323 kilomètres de Boké, sur un vaste plateau, admirablement cultivé,
et à 1200 mètres au-dessus du niveau de la mer. Entre la vallée du
Kakrima et Timbi il y a même des altitudes de 1350 mètres ; partout
dans cette région élevée, le climat est salubre, aussi le D' Bayol pense-
t-il, qu'une fois le chemin de fer du Haut-Sénégal construit, elle pour-
rait fournir un excellent sanitarium pour les soldats et les marins éprou-
vés par le climat de la côte. Il a suivi constamment la ligne de faîte,
et pu bien étudier la topographie du pays parcouru. De Timbi, il n'avait
plus que trois jours de marche jusqu'à Timbo.
Quant à l'épidémie de fièvre jaune mentionnée dans notre dernier
numéro, elle a continué à sévir à Saint-Louis, faisant, parmi les
Européens surtout, mais aussi parmi les indigènes, un très grand nom-
bre de victimes. Après le contre-amiral de Lanneau, gouverneur de la
colonie, beaucoup d'officiers, de soldats et de marins ont été emportés
par le fléau. La mission de Paris a été cruellement frappée par la mort
de M. Golaz, qui s'était rendu à Saint-Louis au commencement de cette
année, pour y seconder* M. Taylor dans l'œuvre que celui-ci poursuit
auprès des esclaves fugitifis; il a succombé h la fièvre, ainsi que
sa femme et leur petit garçon. D'après les derniers avis du Sénégal,
l'épidémie a gagné les ambulances tle Bakel, et quant à Gorée et à
Dakar, épargnées jusqu'ici, on commençait à craindre pour leur situa-
tion sanitaire. Espérons que la découverte que vient de faire un méde-
cin de Mexico, de la cause de la fièvre jaune, qui serait due à la présence
de parasites excessivement petits envahissant les tissus, mettra les
médecins sur la voie pour y trouver un remède. Le nouveau gouverneur
de la colonie, M. le colonel Canard, et les médecins nécessaires pour le
service sanitaire ont dû partir pour Saint-Louis. En revanche, la mission
que le colonel Borguis Desbordes devait poursuivre dans le haut du
fleuve est ajournée à l'année prochaine.
— 72 —
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Dès les premiers jours d'octobre, la Galle et Bizerte seront mises en communi-
cation directe par un câble sous-marin.
Une mission scientifique française se rendra à Thèbes, où l'on a récemment
découvert 36 sarcophages de rois et de reines, renfermant des momies, des rou-
leaux de papyrus, des milliers de joyaux et de talismans, et où Ton doit entre-
prendre de nouvelles fouilles, importantes pour l'histoire de l'ancienne Egypte.
— Non loin du Caire on vient de découvrir une table de pierre portant une
inscription trilingue, la troisième avec celle de Rosette et de Tanis.
Le résultat sommaire de l'enquête faite à Bailul par Ruschdi-pacha, en pré-
sence des commandants des navires italien et anglais stationnés dans ce port,
constate que les coupables du massacre de l'expédition du capitaine Ginlietti doi-
vent être recherchés parmi les tribus insoumises de l'intérieur, au delà des limites
de la juridiction égyptienne. Le consul italien a fait ses réserves sur la procédure
et la conclusion de l'enquête, et déclaré que ce ne sera que sur les rapports du
commissaire Branchi et du commandant Frigerio, que son gouvernement sera en
mesure de se prononcer soit sur l'enquête, soit sur les mesures ultérieures à psen^e.
Une compagnie franco-éthiopienne, fondée en vue de créer à Obock des établis-
sements commerciaux, a fait partir de Marseille une expédition ayant à sa tête
M. Arnaud, chargé de présents et de lettres du Président de la République pour
le sultan d'Aoussa, qui en 1862 a vendu ce territoire au gouvernement français.
D'après une lettre de M. Albarguès Sostène, le meurtre du voyageur Lucereau
a eu lieu par ordre d'Abou-Bekre, gouverneur de Zeila, et de Hakem, gouverneur
de Harrar, grands trafiquants d'esclaves. A ce sujet, les cabinets de Londres et de
Paris ont arrêté les bases d'une action commune de nature à empêcher le retour
de pareils méfaits, en réclamant du gouvernement égyptien des mesures énergi-
ques pour la répression de la traite, et en insistant sur le châtiment des fonction-
naires notoirement compromis.
M. Ledoux, consul général de France à Zanzibar, signale dans l'Afrique équa-
toriale une grande famine. Des tribus poussées par le désespoir ont pillé des
caravanes.
Un des évangélistes indigènes laissés par M. Coillard chez les païens au sud du
Zambèze, écrit que Lo Bengula, roi des Matébélés, se montre très hostile à
Ehamé, roi de Shoshong, et ne cherche qu'un prétexte pour lui faire la guerre.
La ligne télégraphique de Ladysmith (Natal) à Bloemfontein (État libre) est
terminée.
M. Succi, délégué de la Société italienne de commerce avec l'Afrique, est de
retour à Milan, d'un voyage à Madagascar et aux Comores. Le souverain d'une do
ces lies lui a accordé une concession très avantageuse pour la Société italienne.
M. Nuno Queriol a été nommé chef de la première station civilisatrice portu-
gaise à fonder près du Congo.
— 73 —
Dans son exploration du Quango, M. le major de Mechow a découvert trois
grandes cascades, auxquelles il a donné les noms des empereurs d'Allemagne et
d'Aatriche et du roi de Portugal.
M. Amelot, ingénieur, est parti pour le Congo, où il va rejoindre la mission
belge.
Le P. Augouard, missionnaire apostolique du Congo, s'est rendu à Stanley-Pool
ponr y fonder une station romaine.
M. P. Nève, ingénieur au service de l'expédition dirigée par Stanley, est mort de
la fièvre à Isangila.
M. Bonnat qui, après être rentré en France l'année dernière, avait été rappelé
au mois de mai dans l'exploitation des mines d'or de la Compagnie qu'il avait
créée, est mort d'une fluxion de poitrine.
M. Sala, envoyé avec M. Butikofer par le musée de Leyde à la côte occidentale
d'Afrique, pour y faire des collections botaniques et zoologiques, a succombé à
une fièvre maligne à Cap Mount, dans la république de Libéria.
LES ACACIAS GOMMIERS EN AFRIQUE
Qui ne connatt la gomme, son aspect, ses propriétés adoucissantes et
ses usages? D est donc superflu d'en faire la description. Qu'il nous
suffise de dire qu'on en distingue deux sortes : la gomme arahiqtœ et la
gomme adragante, tout à fait différentes Tune de l'autre. La première
est soluble dans l'eau, tandis que la seconde ne se dissout pas, mais
absorbe une forte proportion du liquide, se gonfle, et forme un muci-
lage tenace et épais.
Nous ne parlerons pas de la gomme adragante qui est propre à l'Asie ;
mais nous comptons dii'e quelques mois de la gomme arabique, parce
que, si elle mérite son nom, attendu que c'est de l'Arabie qu'on l'a tirait
primitivement, elle donne lieu aujourd'hui k une industrie très lucrative
en Afrique, et à un grand commerce entre l'Afrique et l'Europe.
La gomme dit arabique nous est fournie par plusieurs espèces d'aca-
cias dont les principales sont :
1° L'Acacia vera ou gommier rouge, arbre commun en Arabie et en
Afrique, de l'Egypte au Sénégal ;
2* Ia' Acacia Adansonii croît dans la Sénégambie, et donne une gomme
rouge que l'on mélange avec la gomme arabique;
3*" L'Acacia seyel appartient aussi à la flore sénégalaise. Il fournit
une bonne gomme dure, blanche et vitreuse;
4* L'Acacia verék ou se^iegalmsis donne la meilleure gomme. D est
— 74 —
répandu dans l'Afrique, du Sénégal au cap BlancLa grande forêt du
Sahel, voisine du fleuve, est presque entièrement composée d'arbres de
cette espèce ;
5** L'Acacia gummifera fournit* la gomme dite de Barbarie. On le
rencontre dans toute la région septentrionale de l'Afrique.
Enfin, il faut citer encore deux arbres qui ne font pas partie de la
flore africaine. L'Acacia arabica qui se trouve dans l'Asie méridionale
et dont le produit s'appelle gomme de Vlnde^ et V Acacia decurrens qui
croît en Australie aux environs de Port Jackson. Il fournit une gomme
qui diifère, sous plusieurs rapports, de la gonmie arabique.
Les acacias gommiers étant aussi répandus en Afrique qu'en Arabie,
on a établi dans le commerce deux variétés de gomme arabique : la
gomme arabique vraie ou turique, appelée ainsi parce que c'est de la
petite ville de Tor située près de l'isthme de Suez, qu'elle vient principa-
lement, et la gomme du Sénégal qui nous arrive des bords de ce fleuve et
de la région de la Gambie. Les négociants préfèrent cette seconde
sorte à la première qui, du reste, coûte plus cher en France oîi elle est
frappée d'un droit destiné à favoriser l'industrie sénégalienne.
Le commerce d^la gomme est très actif au Sénégal, mais les forêts qui
bordent le fleuve ne donnent pas toutes des produits d'une égale impor-
tance. Le commerce a établi des distinctions que, pour être complets, nous
devons signaler. Toute la gomme qtd se récolte dans la Sénégambie est
apportée par les Arabes à St-Louis pour l'exportation; mais avant l'ex-
pédition, elle est classée de la manière suivante : 1** gonmie du bas du
fleuve ou du Sénégal proprement dite; 2* gomme du haut dufl^euve ou
de Oalam; 3** gomme friable dite de Sadra-beida; 4** marrone.
Disons un mot de chacune de oe^ variétés. Les deux premières sont
les plus estimées.
Celle du bas du fleuve, est produite presque exclusivement par
l'acacia verek. C'est un arbre de moyenne taille, ne dépassant pas
généralement sept mètres de hauteur. Son bois, très dur, est recouvert
d'une écorce grise, et ses branches tortueuses et épineuses s'étalent
en grand nombre dans tous les sens. Le liquide gonmieux suinte à
travers l'écorce et se solidifie sous forme de larmes globuleuses, dures,
blanches, ternes et ridées à l'extérieiu*, vitreuses à l'intérieur. Ce
sont les Arabes qui vont chercher cette gomme dans le pays de pro-
duction et la revendent ensuite aux négociants de St-Louis. H y a, à ce
sujet, de continuelles contestations entre Arabes et Européens, et les
tribunaux sont constamment saisis de procès concernant le commerce
— 75 —
de la gomme. Ce commerce prend le nom de traite, et les Maures qui
s'en occupent s'appellent des traitants. Les forêts qui produisent cette
substance sont situées assez en avant dans le désert ; les plus vastes
sont celles d'Alfatak et d'El-Ebiar. C'est après la saison des pluies, au
mois de novembre, que l'on commence la récolte. Cette première traite
est appelée petite traite, parce qu'elle donne peu. Pendant les pluies,
récorce se gonfle et se distend ; les vents chauds venant du désert qui
soufflent ensuite la sèchent brusquement. Alors elle se contracte, se fen-
dille, et la gomme s'échappe par les gerçures qui se produisent. La
grande récolte se fait du mois de mars aux mois de juin et de juillet.
On la nomme la grande traite.
Dès que soufflent les premiers vents, les Arabes établissent leurs cam-
pements dans le voisinage des forêts d'acacias. Leurs esclaves vont
d'arbre en arbre, et recueillent, dès qu'ils y apparaissent, les globules de
gomme. Puis, chaque nègre va porter le sac qu'il a rempli à son maître,
et celui-ci enfouit cette gonrnie encore fraîche dans le sol. C'eist pour
cela que la surface des boules présente toujours quelques grains de sable.
Le produit s'appelle alors gomme enterrée ou non-marchande. Ce pro-
cédé lui fait perdre une partie de son poids et de sa valeur. L'appro-
visionnement terminé, on le charge à dos de chameaux, d'ânes ou de
mulets et on le transporte sur les marchés ou escales fréquentées à cer-
taines époques de l'année par un grand nombre de négociants.
La gomme du haut du fleuve ou de Galam se récolte dans les forêts
d'acacias vera. Sa valeur n'est pas tout à fait aussi grande que celle de
la variété précédente, mais elle est cependant très recherchée. Elle se
trouve en morceaux irréguliers, anguleux, brisés et en petits fragments
brillants. La récolte se fait de la même manière que celle de la gomme
du bas du fleuve.
La gomme friable ou de Sadra-beida est moins estimée que les
précédentes; les négociants européens n'en reçoivent presque pas,
et elle n'est employée que lorsque les premières sortes manquent et se
vendent cher. Elle provient du désert qui s'étend sur la rive droite du
Sénégal à partir de Galam, et c'est un arbre épineux, de six mètres de
hauteur environ, qui la fournit. Cet arbre s'appelle Sadra-beida ou arbre
blanc, à cause de la couleur de son écorce. Les Arabes font la récolte en
janvier et février autour de Bakel et la vendent immédiatement au mar-
ché de cette localité.
Enfin, les marrons sont des fragments de gomme. Ils sont assez gros
et leur couleur est rouge ou blanche. Les négociants les mêlent fré-
quemment à la gomme du Sénégal.
— 76 —
Les principaux points de production sont les pays des Maures Braknas
et Trarsas (rive droite), le pays de Galam, le Bondou et le Bambouk ;
on reçoit également quelques gommes du Oualo, du Cayor et du Djolof
situés sur la rive gauche.
Le commerce de la gomme au Sénégal se fait depuis très longtemps.
En 1715 déjà les négociants gagnaient le cent pour cent sur la gomme
qui se traitait à l'escale du désert ou des Trarsas. De 1740 à 1758, le
millier de livres de gomme valait 36 francs. Depuis cette époque, il
baissa encore de prix; mais à partir de 1791, une hausse progressive se
produisit, et actuellement il coûte 450 francs. Pour donner une idée de
l'importance du commerce de la gomme, nous dirons que pendant le
mois de mars, dans la seule escale de Bakel, il se traite près de 100,000
kilogr. de cette substance. Aussi peut-on estimer à environ 20 millions
de francs le mouvement commercial auquel elle donne Ueu sur les bords
du Sénégal et de la Gambie.
La gomme arrive en Europe surtout par Bordeaux, puis par Marseille,
Nantes, Amsterdam, Rotterdam, Anvers et Hambourg. La France en
reçoit chaque année 5500 tonnes dont 3000 environ d'Egypte et 2300 du
Sénégal.
Sans doute, c'est la Sénégambie qui, en Afrique, est le principal pays
producteur de la gomme arabique, mais le Soudan oriental, et en.parti-
cuUer le Darfour, le Kordofan, sont remarquables aussi pour leurs forêts
de gommiers qui fournissent une gomme de très bonne qualité. Les
caravanes de TAmhara, en Abyssinie, en transportent à Massaoua et à
Souakim. Le pays des (rallas, l'Enarea, le Kaffa et la péninsule des
Somalis en exportent également par les ports de Zeila, Berbera et Tad-
joura. L'énorme bénéfice (le cent pour cent) qu'offre cet objet de com-
merce pris sur place, a engagé des maisons européennes à créer dans le
Soudan égyptien des établissements pour y acheter de la gomme et l'expé-
dier directement en Europe. Une maison anglaise, dont le siège prin-
cipal est à Khartoum, a des ramifications à Galabat, à Sennaar, au Kor-
dofan, et même au Darfour, et 14 agences le long du NU pour assurer ses
relations avec la Basse-Egypte; une maison française, également établie
à Khartoum, a acquis im grand nombre de chameaux, et organisé un
service spécial de transports pour que la marchandise lui arrive sans peite
de temps; enfin une maison italienne, après une première expérience
faite avec une caravane de 400 chameaux chargés de gomme et d'autres
marchandises, a trouvé l'opération si fructueuse qu'elle a fondé à Khar-
toum une succursale qui fournit à l'Italie la gomme que l'industrie de ce
pays devait tirer précédemment d'Alexandrie ou du Caire.
— 77 —
*
L'Algérie fournit aussi une gomme dite gomme de Barbarie, d'une
qualité inférieure. «
Dans le pays du Cap se trouvent des forêts exploitées, d'un acacia
gommier appelé acacia capensis. La gomme qu'on en retire est importée
en Angleterre depuis 50 ans en quantités assez grandes ; mais elle est
considérée comme très inférieure à la gomme du Sénégal. On peut
l'assimiler à celle de Sadra-Beida, car elle est comme celle-ci très
cassante.
De ces quelques lignes on peut déduire que la gomme donne lieu à un
commerce assez considérable en Afrique ; mais il ne faut pas s'en exagérer
l'importance ni admettre sans réserve l'opinion de certains voyageurs
d'après lesquels les Arabes, dans leurs courses à travei-s les déserts, se
nourriraient imiquement de gomme. Cette alimentation ne peut être
que temporaire, car de nombreuses expériences ont prouvé que l'usage
prolongé de cette substance produit la mort par inanition.
INDICATIONS HYGIÉNIQUES
Tous ceux qui s'intéressent aux découvertes des explorateurs en Afri-
que sont péniblement frappés des difficultés qu'opposent à ceux-ci soit
l'insalubrité des côtes basses, des deltas des fleuves ou de certaines val-
lées intérieures*, soit le manque d'eau dans le Sahara ou sur les hauts
plateaux de l'Afrique méridionale, soit les pluies diluviennes des régions
tropicales et les torrents d'eau qu'elles font déborder dans les plaines,
soit le fléau de la tsetsé. Encore s'il ne s'agissait que de difficultés !
mais combien ont payé de leur vie leur dévouement à la science et à la
civilisation! C'est par centaines que l'on compte ces nobles victimes ;
qu'il nous suffise de rappeler les noms des plus récentes, parmi les plus
connus: MM. Maes, Crespel, Wautier , Deleu, Popelin, Debaize, Madoni,
Fraccaroli, Gessi, Matteucci, D' Smith, Keith Johnston, Elton, Stahl,
Phipson Wybrandt, Pinkerton, Hildebrandt, Bonnat. Combien de mis-
sionnaires n'ont pas moissonnés les fièvres entre la côte de Zanzibar et
les lacs, ou à la côte occidentale! à la côte d'Or, la mission bâloise vient
de perdre quatre de ses agents dans l'espace d'un mois. Il n'est pres-
que pas une expédition qui ne voie tel ou tel de ses membres atteint de
* Voyez les deux articles de M. le D** H.*C. Lombard, sur les conditions sani-
taires du continent africain, 2™*> année, p. 121 et 143.
— 78 -^
la fièvre ou de la dysenterie ; pour ne parler que de deux de celles qui
sont en cours, Stanley est malade et MM. Moustier et Billet, qui accom-
pagnent le D' Bayol, souffrent de fièvres paludéennes. D'après les Mis-
sions d^ Afrique, pas un des missionnaires romains n'y a échappé.
Ni les dfficultés, ni les dangers n'arrêteront le mouvement de l'explo-
ration, non plus que les efforts des chrétiens d'Europe et d'Amérique
pour le relèvement des noirs. Mais n'y a-t-il rien à faire pour diminuer
ou écarter les obstacles et les périls auxquels s'exposent généreusement
voyageurs, savants et philanthropes?
La Commission internationale de l'Association africaine a reconnu
l'importance de cette question. Dans sa session de 1877, à Bruxelles,
sur la proposition des délégués autrichiens, et dans l'intérêt des explo-
rateurs de l'Afrique, elle décida d'engager les voyageurs à indiquer,
dans leurs rapports, les moyens préservatifs employés par eux pen-
dant leurs voyages en Afrique, pour se garantir contre les maladies habi-
tuelles du pays, et exprima le vœu que les comités nationaux servissent
d'intermédiaires entre le comité exécutif et les voyageurs qui voudraient
bien rédiger des notes sur les meilleurs moyens préservatifs à employer.
N'est-il pas du devoir de tous de propager les idées qui pourraient con-
tribuer à sauver tant de vies précieuses ? A ce titre, nous sommes heu-
reux de donner place dans notre joural à quelques notes qu'un ami de
l'œuvre africaine a bien voulu nous remettre, et que nous accompagne-
rons de quelques développements-
Les explorateurs ne pourraient-ils pas se charger de graines à^euccûi^tus, pour
les planter dans des emplacements dont la situation paraîtrait favorable à des
stations futures, mais dont les' environs ne présenteraient pas encore un degré
suffisant de salubrité ? Les essais heureux faits en Algérie et ailleurs, pour accli-
mater cette précieuse essence, sont de nature à encourager ceux qui voudraient
Pintroduire dans les régions qu'ils visitent. J'ai reçu tout récemment quelques ren-
seignements nouveaux sur cet utile végétal. Dans un établissement d'acclimatation
on a cultivé 45 variétés d'eucalyptus, et la préférence a été donnée à Veueahfptus
amygdcUina, pour les raisons suivantes : 1® Son développement est très rapide ; il
croît de 70 pieds en 8 ans ; 2^ Ses propriétés hygiéniques ont une efficacité quatre
fois plus grande que celles de l'eucoZyptMS globtdus ; 3<» Son bois est très dur, ce
qui le rend inattaquable aux insectes et éminemment propre aux constructions
navales, en sorte qu'en en faisant des plantations, on se préparerait pour l'avenir
une source d'exportation ; 4*» Son écorce peut trouver plusieurs applications indus-
trielles ; 5*» Il vient bien dans tous les sols et résiste aux vents et aux tempéra-
tures variables.
L'acclimatation de VE, globtdus en Afrique a eu surtout pour but
— 79 —
l'assainissement de terrains marécageux destinés à la colonisation. Ses
racines sont tellement avides d'eau qu'elles desséchent le terrain tout
autour du pied de l'arbre, tandis que ses feuilles verticales exhalent des
principes essentiels qui jouent dans l'atmosphère le rôle de désinfectant
oxygéné. On retire des feuilles une essence qui a des propriétés stimu-
lantes, fébrifuges et antiputrides. Les essais tentés en Algérie pour
assainir les plaines de la Macta et de l'Habra, l'emplacement du lac
Fetzara desséché, ainsi que les environs de Biskra et ceux d'Aïn Mokra,
au moyen de VE. ghbulus ont parfaitement réussi; depuis sa plantation
les fièvres intermittentes ont sensiblement diminué en fréquence et en
gravité. H avait été question d'en planter sur la côte occidentale d'Afri-
que, à la côte d'Or, dans le delta du Niger, au Calabar; nous ne savons
si ce projet a été mis à exécution. En revanche sa culture a considéra-
blement amélioré l'état sanitaire de Zanzibar et de Lorenzo Marquez.
Les bons résultats obtenus avec l'JE^. glcibulus ne peuvent qu'encourager
à faire des essais avec VE, amygdalina qui, outre les avantages susmen-
tioimés, a encore celui de résister mieux au froid que le ghbulus, et
d'atteindre une hauteur de 140 mètres,. tandis que ce dernier ne dépasse
guère 110 mètres. Après le Wellingtonia, VE. amygdalina est le plus
grand des végétaux connus.
Si l'eucalyptus assèche les terrains où il croît, Varhre à pluie^ le Tamdi caspi des
Péruviens, condense au contraire avec énergie Phumidité de l'air pour la verser
autour de lui, et cela d^autant plus abondamment que la chaleur et la sécheresse
sont plus grandes. Or la partie méridionale de l'Afrique tend à se dessécher de
plus en plus, comme l'a démontré M. Brown dans un travail publié en 1876. Créer
des plantations de cette essence dans les lieux élevés et secs permettrait de modi-
fier avec le temps les conditions hydrologiques d'une contrée et de conquérir sur
le désert de nouveaux espaces qui se fertiliseraient en attendant que le colon vint
les cultiver. On pourrait associer au Tamdi caspi Varhre à lait du Venezuela, Brom-
mum galactodendran, laboratoire naturel de lait condensé, analogue à la crème et
très nutritif. Toutefois cette espèce végétale exige une température de 22° centi-
grades et un certain degré d'humidité.
La question de l'extension des déserts par suite du dessèchement de
terres autrefois arrosées par de nombreux cours d'eau, est une question
capitale, pour l'Afrique comme pour les autres continents, et importante
pour la colonisation aussi bien que pour l'exploration au nord ou au sud
du continent noir. On a constaté que dans le Sahara, au sud du Cunéné,
au Kalahari, sur les plateaux des Karrous, etc. ^ ont circulé des rivières
qui ont disparu de la surface du sol, par suite du déboisement des terres
— 80 —
qui reçoivent maintenant beaucoup moins d'eau de pluie que précédem-
ment et peuvent demeurer des années sans qu'il y en tombe une goutte.
Les Karrous, en particulier, sont sans rivières et sans arbres, et, pendant
la saison sèche, leur sol argileux et rougeâtre se durcit presque à l'égal
de la tuile ; toute végétation y meurt, à l'exception de celle des plantes
grasses qui seules y conservent un reste de verdure. Quand les pluies
arrivent, ces plateaux se couvrent d'une verdure éclatante et les colons
y amènent de toutes parts leurs troupeaux, mais cela ne dure qu'un
mois ; bientôt le soleil a desséché les plantes, le désert reparaît et les
hommes ainsi que les animaux doivent abandonner ces lieux devenus
inhabitables. On se souvient encore de la sécheresse de deux ans qui a
sévi de 1876 à 1878 sur toute l'Afrique australe, oîi la terre, devenue
dure conrnie la pierre, ne pouvait recevoir la charrue, où les récoltes
séchaient sur pied, où les feuillages étaient grillés, les fontaines avaient
disparu, bœufs et moutons mouraient par milliers, de faim et de soif. Dans
le pays des Héréros, des Damaras et des Namaquas, de même qu'au
Sahara, les rivières ne sont plus que des ouadis oîi l'eau coule par inter-
mittence et seulement après des pluies' très abondantes. Les missionnai-
res Bœhm et Bemsmann y ont signalé, comme un fait très grave, la
diminution toujours plus marquée des pluies tropicales. La rivière Cuisip,
qui se jetait autrefois dans l'Océan, à Wallfish Bay, est à sec depuis
14 ans ; d'autres rivières ont cessé de couler depuis plus de 20 ans. Mais
dans ces parties de l'Afrique ', comme au Sahara, il existe des cours
d'eau souterrains, dont il serait facile de faire jaillfr l'eau au moyen de
forages, comme le font les Arabes dans le désert, ou les Français au sud
de l'Algérie. Toutefois,, pour ramener les eaux à la surface du sol, le
meilleur moyen est le reboisement, car, en général les forêts régulari-
sent le régime des eaux, et exercent sur la température comme sur
l'atmosphère un effet de pondération et d'équilibre. En effet, elles
accroissent la proportion des eaux de pluie et favorisent l'alimentation
des sources et des nappes d'eau souterraines. En outre, le couvert des
arbres de la forêt ralentit dans ime forte proportion l'évaporation de
l'eau reçue par le sol et contribue par là au maintien de la fraîcheur de
celui-ci et à la régulaiisation du régime des sources. Quant aux essences
* D'après le Natal Mercury, M. Molyneux, ingénieur, en étudiant les Karrous
au point de vue de la houille, a constaté qu'ils renferment d'immenses provisions
d'eau cachées sous la surface du sol, et qui ne demandent qu'à être exploitées pour
transformer le désert en champs fertiles.
— 81 —
à employer pour le reboisement, le Tamdi caspi et V arbre à lait, indi-
qués par notre correspondant, pourront rendre de grands services. Le
premier, trouvé près de Moyobamba au Pérou, atteint 16 mètres de hau-
teur, et 1 mètre de diamètre près du sol ; il absorbe en très grande quan-
tité l'humidité de l'air ambiant, et cette humidité retombe en gouttes de
pluie sur la terre altérée, si bien que, dans les lieux manquant de pente,
une petite mare se forme au pied de l'arbre. Sa puissance d'absorption
surtout en été est grande quand les fleuves sont bas, les sources faibles,
l'eau rare "partout. — L'arbre à lait de la province de Cumana, dans le
nord de l'Amérique méridionale, servira plutôt à la nourriture des habi-
tants des régions sèches, oii la vache ne peut exister par suite de la pré-
sence de la tsetsé. Quoique pendant plusieurs mois de l'année aucune
ondée n'arrose son feuillage, que ses branches paraissent mortes et des-
séchées, son tronc n'en fournit pas moins un lait doux et nourrissant,
dont les habitants des heux où il se trouve font grand usage. On peut
y joindre encore le masarandiiba, qui fournit aux habitants de Para un
lait qu'ils boivent avec leur thé ou leur café, et le raveyiala de Madagas-
car, nonmié souvent arbre du voyageur, parce que les feuilles contien.- .
nent à leur base une eau qu'on peut obtenir en perforant le pétiole.
Semés ou plantés dans les Keux envahis par le désert, oîi exposés à des
sécheresses prolongées, ces arbres, en y ramenant la végétation, y rap-
pelleraient les habitants qui ont dû émigrer, et empêcheraient les
voyageurs et les missionnaires d'être exposés aux horreurs de la soif,
comme cela arrive trop souvent, comme ce fiit le cas, en particuUer,
pour Livingstone dans le désert de Kalahari.
Quant aux maladies principales auxquelles succombent souvent les
Européens, la dysenterie et les fièvres paludéennes, notre correspon-
dant signale comme moyen préventif à employer, les feuilles du baobab.
Les indigènes de la Sénégambie recueillent les feuilles du baobab (Adcmsonûi
Hgitata), qui apparaissent à Pépoque des pluies, ils les font sécher soigneusement,
puis les réduisent en une poudre d'un beau vert nommée ccUo, qu'ils conservent à
l'abri de l'humidité. On emploie aussi avec succès l'enveloppe du fruit. Adanson a
éprouvé les bons effets de cette poudre, qui l'a préservé des dysenteries et des fiè-
vres inflammatoires auxquelles les Européens sont fréquemment exposés au Séné-
gal. Il est vrai qu'il s'agit ici des fièvres du Sénégal, mais ne pourrait-on pas oppo-
ser ce remède à celles de la région équatoriale? Le baobab s'y rencontre, et
quoiqu'il n'y existe pas en forêts compactes comme au Cap Vert, il ne serait cepen-
dant pas difficile de se procurer cette poudre comme médicament; elle paraît avoir
plus d'effica<ûté que le tamarinier.
— 82 —
A propos des bons effets éprouvés par Âdansou de Tusage de la pou-
dre de baobab, il n'est peut-être pas inutile de rappeler la recomman-
dation faite aux Européens par M. Bonnat, qui avait résidé en Guinée
et pendant six ans à Coumassie, d'adopter la nourriture et le genre de
vie des indigènes. On sait combien ils sont moins accessibles aux mala-
dies auxquelles succombent les blancs. Peut-être la cause en est-elle
qu'ils peuvent braver impunément les poisons qu'on respire dans ces
parages, saturés qu'ils en sont dès leur enfance. Dans une des expédi-
tions du Niger, de 62 blancs embarqués sur V Albert, 55 eurent la fièvre
et 23 succombèrent; sur 15 nègres d'Amérique, 6 eurent la fièvre, pas
un ne succomba, et de 76 natife de la côte d'Afrique, pas un n'eut la
fièvre. M. Boimat était persuadé que l'intérieur de la Guinée et même
une partie de la côte ne seraient pas plus dangereux pour les blancs que
pour les noirs, pourvu que les premiers renonçassent au régime alimen-
taire substantiel de l'Europe, pour se mettre à celui des gens du pays.
Avec une nourriture frugale, il a pu se livrer à des travaux agricoles
dans le pays des Achantis, pendant dix heures par jour, sans être
inconunodé. Schûtt raconte aussi dans son journal que, par nécessité, il
s'accoutuma peu à peu h quelques-uns des mets das indigènes, sans en
éprouver aucun mal; avant lui, Falkenstein avait fait l'expérience qu'on
peut parfaitement manger les mets africains, quand on s'est un peu fait
au climat. Si cela est vrai d'une manière générale, et si l'emploi du
calo a préservé Adanson des maladies du Sénégal, on ne peut qu'en
recommander l'usage à tous les Européens qui s'établissent ou qui
voyagent dans des districts où la malaria et la dysenterie sévissent avec
moins d'intensité qu'au Sénégal. Les indigènes s'en servent pour leur
nourriture, en le mêlant à leurs aliments, notamment au couscoussou.
Dans ce moment oîi la fièvre jaune fait tant de victimes au
Sénégal, il est bon de donner le plus de publicité possible au succès
obtenu par le D' La Caille dans le traitement d'un certain nombre de
cas de fièvre jaune à Rio de Janeiro. Il a employé l'acide phénique et
ses dérivés, sous forme d'injections hypodermiques ou de potions, et
pas un de ses malades n'a succombé; cependant deux d'entre eux
étaient dans im état très grave ; l'un d'eux était hors de danger le troi-
sième jour, l'autre était rétabli au bout de sept jours,
(A suivre.)
— 83 —
BIBLIOGRAPHIE '
Eh TuKisiE. Récit de rexpédition française, voyage en Tunisie, his-
toire, par Albert de la Berge. Paris (Firmin-Didot et C"), 1881, 378 p.
et carte, 3 fr. 50. A peine tenninée, l'expédition contre les Kroumirs est
déjà racontée et commentée jusque dans ses plus petits détails. L'his-
toire rectifiera probablement beaucoup de faits d'une importance
secondaire; quant aux grands traits de la guerre : ses causes, la prise de
Kef et de Tabarka, le traité du Bardo et la soumission de toutes les
petites tribus de la confédération des Kroumirs, ils sont devenus du
domaine pubUc et peuvent nous être esquissés sous leur véritable jour.
M. Albert de la Berge, correspondant du Siècle, ne nous cache pas qu'il
a fait une œuvre de compilation ; n'ayant pas été dans la contrée, il
s'est formé une bibliothèque tunisienne d'une quarantaine de volumes, à
laquelle il a joint ime trentaine d'articles de journaux et de revues, et
voilà quels ont été les éléments de son livre. Il en a tiré un excellent
parti: la campagne militaire et l'action diplomatique ne pouvaient
guère être exposées d'une manière plus lucide, et nous croyons que la
lecture de ce livre serait excellente pour ceux qui ont suivi l'expédition
dans les journaux, et qui, par conséquent, ne peuvent pas se faire une
idée complète de l'enchaînement des faits. Dans la seconde partie du
volume, l'auteur nous donne une boime description de la Timisie. Il
examine le sol de la contrée, ses productions, ses races, son industrie,
son gouvernement, et, dans la troisième partie, il conclut par l'histoire
du pays, nous le montrant habité d'abord par les Carthaginois, puis par
les Romains, les Arabes et les Berbères. La domination turque, les intri-
gues des beys, les luttes entre les diverses dynasties nous sont racontées
dans un chapitre spécial. Enfin, le volume se termine par ime circulaire
de M. Barthélémy Saint-Hilaire et par le texte du traité du Bardo.
BEiTRiEGE zuR Entdeckungsgeschichte Afkika's. Vicrtes Heft.
Reisen im Sudwestlichen Becken des Congo, von Otto H. Schutt.
Herausgegeben von Paul Lindenberg. Mit 3 Karten, von Kiepert
Berlin (Dietrich Reîmer), 1881, in-8**, 180 p. — Lors du retour de
Schûtt en Europe, nous avons rendu compte de son expédition au pays
de Louba, et donné un itinéraire qui permettait de le suivre jusqu'au
Zaïre *. Aujourd'hui nous arrive le récit détaillé de son voyage, dont il
^ On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 13, rue du Rhône, à Genève,
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
• Voy. I" Année, p. 154-168, et la carte qui accompagne l'article.
— 84 —
venait de commeircer la rédaction au moment où il a été appelé au ser-
vice du Japon. Obligé de Tinterrompre, il en a confié le soin à un ami
des découvertes africaines, M. Paul Lindenberg, qui s'est acquitté con
amore de la tâche dont il avait été chargé. Partout on reconnaît com-
bien SchUtt était admirablement qualifié pour la mission spéciale à
laquelle l'avait appelé la Société africaine-allemande, de faire très soi-
gneusement la topographie des régions qu'il devait traverser et d'en
dresser des cartes aussi exactes que possible. D'après son journal on
voit que l'ingénieur s'y est appliqué pendant tout le voyage, et surtout
pendant ses stations en différents endroits, dès Malangé, d'où il fit vers
la Quanza, au sud, une excursion qui lui permit de découvrir par 10^6'
lat. S. et 14^21, long. E., la magnifique cascade à laquelle il donna le
nom de l'impératrice Augusta. La précision de ses observations n'enlève
rien à l'intérêt des descriptions dont son journal est semé, qu'il s'agisse
de l'Angola, de sa végétation, de sa météorologie, de sa faune, de son
ethnographie ; ou des périls que lui font courir les Bangalas, dont il
raconte succinctement l'histoire ; ou encore de la marche pendant la
saison des pluies le long du cours supérieur du Louélé, du Quicapa et
du Louachimo, jusqu'au 6** 50' lat. S., à la résidence de Maï sur le Zaïre,
et de là au sud, chez le Mouata Mousevo, fils du Mouata Yamvo. A côté
des difficultés que créent aux explorateurs les caprices des porteurs et
la malveillance des chefs ou des populations, il a soin de noter celles qui
résultent de la climatologie de ce plateau intertropical dont ses obser-
vations aideront à déterminer la météorologie. — Des trois cartes dres-
sées par Kiepert, la première, au Vcooooo^ donne non seulement l'itinai-
raire de Schtitt, de Saint-Paul de Loanda à Poungo-a-N'Dongo, mais
encore celui du voyage de H. v. Barth, en 1876, dans les districts de
Bengo et de Luculla, avec diverses indications des traits physiques qui
caractérisent le pays, et une vue des chutes de la Luculla ; la deuxième
et la troisième, au Viooooooi présentent très exactement et très nette-
ment toute la région traversée par Schûtt, avec beaucoup de notes géo-
graphiques et ethnographiques d'une grande valeur. Elles rectifient
une erreur des anciennes cartes, d'après lesquelles le vaste plateau
entre le Quango et le Cassai n'avait aucun cours d'eau important, et le
montrent coupé au contraire par une quantité de rivières dont quel-
ques-unes, comme le Couilou et le Loangué, sont plus considérables
que le Quango et, avec le Quengué, portent directement leurs eaux au
Zaïre.
1
lAfMQ(f£ EXFlORÉi & aVWSii
— 86 —
été satisfait et attend les missionnaires, qui pouiTont, dans un prochain
voyage, arriver à Rhat sans difficulté. En quittant le campement de
Fenalt, ils prirent, pour revenir à Ghadamès, la l'oute de Touest, afiîn
de voir les Touaregs Ifouras, qui les reçurent très bien et leur donnè-
rent l'assurance qu'ils ne sont point opposés à ce que les Français visi-
tent leur pays ; ceux qui veulent les en empêcher sont les négociants de
Ghadamès qui craignent pour leur commerce.
Une grande agitation règne à Khartoum, par suite d'une insun'ec-
tion qui a éclaté au mois d'août dans l'île d'Aba, sur le fleuve Blanc, à
l'instigation d'un faquir, MohanuiiLed Ahmed, de Dongola, qui pré-
tend avoir reçu d'Allah la mission de fonder un nouveau royaume de
Dieu, dont La Mecque serait le centre. D a recruté beaucoup d'adhé-
l'ents, et menace le repos et les propriétés des habitants de Khartoum
et des environs. Les consuls d'Autriche et de France, MM. Hansal et
Vossion, ont eu avec Réouf pacha une conférence, après laquelle um^
commission d'enquête s'est rendue à Aba pour interroger Mohaauned
Ahmed. Ses réponses n'ayant pas été satisfaisantes, ime expédition mili-
taire a été envoyée de Khartoum pom* s'emparer de lui. Mais les troupes
hésitèrent à faire feu sur les faquirs qui l'entouraient, et furent assail-
lies par 5 ou 600 hommes armés de lances, qui leur tuèrent beaucoup de
monde. Là-dessus Mohanmied Ahmed dépêcha des messagers h tous les
chefe du voisinage, pour les sommer de se joindre au cortège triomphal
qui devait le conduire h La Mecque. De son côté Réouf pacha a réuni
toutes les troupes disponibles des garnisons de Sennaar, de Fachoda,
du KordofEin et de Berber, pour marcher contre les rebelles. La sécurité
de Khartoum est d'autant plus compromise, qu'on peut craindre un sou-
lèvement des esclaves qui y forment plus de la moitié de la population,
et pourraient saisir cette occasion de recouvrer leur liberté. En outre,
le pays ayant souffert d'une grande sécheresse, la disette est à la poite.
Marno bey a dû partir avec Réouf pacha pour se rendre sur le théâtre
de l'insurrection.
De Khartoum, M. Shouver, explorateur hollandais, s'est dirigé
vers Fazogl, d'où il a fait plus au sud une excursion préliminaii^e à son
voyage à travers le pays des Gallas, pour lequel il devait attendre la
fin de la saison des pluies. Sa dernière lettre était datée de Béni Schan-
gol sur la route de Fadasi, suivie par Marno en 1870. Il a avec lui un
natif du pays des Gallas, et se propose, comme premier but, de détermi-
ner la position des sources du Sobat, et de découvrir les lacs que l'on
croit exister sm* le haut plateau, entre le Nil Blanc et Kaffa. Après avoir
— 87 —
achevé cette partie de sa tâche, il se diiîgera vers le Victoria Nyanza.
Toutes ses sympathies sont pour les Gallas ; à la force et à la beauté
physique qui les caractérisent, ils joignent beaucoup d'intelligence et
m
une grande délicatesse de sentiments.
La route qu'il a l'intention de suivre poiu' se rendre au Victoria
Nyanza sera peut-être plus sûre que celle du Nil et de l'Ounyoï-o qui,
d'après Emin Bey, gouverneur des provinces égyptiennes équato-
riales, n'offre pas de sécurité. Celui-ci a fait rétablir deux stations, l'une
à Foweira, gardée par 40 soldats, l'autre à Fada, près des rapides du
même nom, avec 70 honunes de garnison. D a en outre cherché à
renouer ses relations avec Kabréga, qui lui a envoyé des présents à Lado
et une invitation à se rendre à sa résidence. Emin Bey a ajourné sa
visite à trois mois. Des gens de Kabréga ayant, il y a longtemps déjà,
assailli et tué, dans un village près de ses frontières, Mréko, oncle
maternel de Mtésa, celui-ci laissa dormir cette affaire ; mais, au mois de
juin de cette année, il envoya contre Kabréga ime armée qui dévasta
une grande étendue de pays, et emmena en captivité im très grand
nombre de femmes et de jeunes (illes. En outre il a fait savoir à Kabréga
qu'il le considère comme son vassal, et rOunyoro comme sa propriété.
Emin Bey écrit aussi que les steamers circulent entre Dufilé, Wadelaï
et Mahagi, sur la côte occidentale du lac Albert, où il a étabh une très
belle station. Il compte explorer le pays à l'ouest de ce lac. Le chef de
Torou, Ntali, lui a offert de lui en faire voir l'extrémité S.-E., le district
des monts Gambaragara.
Des dépèches récentes de Zanzibar annoncent que Mirambo est de
retour d'ime expédition guemère, qu'il a faite dans la première partie
de cette année au nord et à l'est de ses états , et dans laquelle il a
atteint l'extrémité sud du Victoria Nyanza. Outre les razzias ordinaires
de bestiaux et d'esclaves qu'il a faites, il a noué des relations amicales
avec Mtésa, en vue d'ouvrir une route de commerce à l'ouest du lac ; les
préliminaires en seraient la soumission des tribus indépendantes et
puissantes qui vivent entre les territoii'es de ces deux chefe. Il faut
espérer que si ce fâcheux projet réussit, il aura au moins pour effet l'ou-
verture, aux voyageurs européens, d'une route sûre et moins coûteuse
que celle qu'ils suivent d'ordinaire aujourd'hui. Dans une visite que les
missionnaires Copplestone et Southon ont faite à Mirambo, celui-ci leur
a dit que la route jusqu'au Smith's Sound est praticable, et sûre pour
des caravanes ayant des guides fournis par lui. Des hommes n'ayant
pas de charge peuvent y arriver en quatre jours ; les caravanes en met-
— 88 —
tent neuf. D leur a donné avec bienveillance tous les renseignements
qu'ils lui ont demandés, et leur a promis que des guides conduiraient
en tout temps les missionnaires à travers ses états.
M. Hore, de la station d'Oudjidji, a trouvé à Katété» à l'ouest du
Tanganyika, un district dont le chef est une femme, la snltaiie
Houéma. Ayant appris que M. Hore venait lui faire visite, elle se
rendit à sa rencontre avec une grande suite de dames; étant montée sur
la Galebasse, la barque du missionnaire, elle examina avec soin tout ce
que M. Hore lui fit voir dans le bateau, puis le fit remarquer et l'expli-
qua à ses femmes. A en juger par son extérieur, elle peut avoir 40 ans,
et paraît très capable; elle est entourée d'un grand respect. Son mari,
qui était avec elle, n'est pas le chef, mais seulement le « mari du chef »
comme on l'expliqua à M. Hore. Elle témoigna au missionnaire un grand
désir de voir les blancs s'établir au milieu de ses sujets; elle leur don-
nerait, le teiTain dont Us auraient besoin.
Le P. Duparquet, de la mission de la Cimbébasie, dont nous
avons rapporté le voyage à la résidence du roi Kipandeka\ en a fait
• im nouveau pour compléter l'exploration de l'Ovampo, dont il n'avait
pu visiter que les deux grandes tribus de l'est, sans pouvoir atteindre
le Cunéné, ni établir des communications régulières avec la colonie por-
tugaise de Mossamédès. M. Erickson, ancien compagnon d'Anderson,
et le plus influent des négociants de la contrée, en même temps chas-
seur et ornithologue, ayant le projet de faire, avec tout son personnel,
une grande chasse sur les bords du Cunéné, le Père Duparquet obtint
la permission de l'accompagner. Ils partirent d'Omarourou au milieu
de juin, avec un Anglais du Cap, M. Jordan, qui avait négocié avec le
gouvernement portugais l'établissement des Boers dans la province
d'Angola et tenait à les y introduire lui-même. Prenant la route de
l'Oukouambi, iLs atteignirent d'abord Ouvouzia, près de Vomaramba *
d'Okipoko qui, formé par les eaux du Cunéné, entre le territoire des
Ojidongonas et celui des Ovahingas, traverse ensuite le pays desOmba-
landous, l'Ongangéra, l'Oukouambi, et se jette dans le lac Etoscha. Le
roi Nihombo ne fit pas entrer les voyageurs dans son palais, mais les
reçut, comme il le fait d'ordinaire, à la porte, entouré d'un nombreux
personnel de gardes. Comme toutes les habitations des chefs de l'Ovampo ,
sa demeure est un labyrinthe de petits couloirs formés de troncs d'arbres
* Voir l'« année, p. 231.
^ Les omarambas sont les déversoirs des rivières au moment de la crue des eaux.
— 89 —
très étroits, plantés profondément dans le sol et juxtaposés les uns aux
autres de manière à former des enceintes concentriques très fortes. Une
seule porte étroite et bien protégée donne accès à tout ce système de
fortifications, qui ne pourrait être pris qu'avec des obus et des pièces de
canon : de simples fusils et les engins indigènes, sagaies, flèches, etc.,
n'auraient aucune efficacité contre ces palissades. Tout autour du palais
€t de la ferme, on a creusé de grandes pièces d'eau sur les bords des-
quelles croissent de grands roseaux. Partout dans le sous-sol on trouve
une Dappe d'eau inépuisable, qui donne de la fertilité au pays ; les arbres
fruitiers y abondent, mais les forêts y font défaut ; elles ont sans doute
^ié détruites pour faire place aux cultures, de sorte qu'il faut aller très
loin pour se procurer du bois à brûler. Encouragé par l'espoir de voir
une station missionnaire attirer les négoQants dans son pays, le roi qui
désire beaucoup avoir des gens pour faire le commerce d'ivoire et de
plumes d'autruche, offrit du terrain au Père Duparquet pour une mis-
sion. Celui-ci continua son voyage au Cunéné où nous le retrouverons
quand les Missions catholiques auront donné la suite de son exploration.
Nous ajouterons seulement aujourd'hui, qu'après un court séjour en
Europe, le Père Duparquet s'est embarqué le 5 octobre à Lisbonne pour
retourner en Cimbébasie, et qu'avec lui sont partis plusieurs mission-
naires, chargés de fonder dans le district de Huilla une station, qui devra
en même temps assurer des communications faciles avec celles de la
vallée du Zambèze occidental et de l'Ovampo.
Le CJonfl^ attire de plus en plus l'attention des sociétés commerciales
ou missionnaires. Il est question de la formation de deux sociétés com-
merciales belges pour le Congo, et la maison hollandaise la plus impor-
tante du cours inférieur du fleuve songe à s'établir prochainement à
Stanley-Pool. Entre Isangila et Mbou, où le fleuve est navigable, les
missions baptistes créeront une station, et un bateau à vapeur, construit
d'après les indications et les dessins de Stanley, y sera placé pour
faciliter les conmiunications. Enfin, d'après Y American missionary,
les presbytériens américains, qui ont ime station sur l'Ogôoué, ont l'in-
tention d'ouvrir ime route entre ce fleuve et Stanley-Pool.
M. Edflperley, missionnaire à Creek-Town, sur le Vieux Cala-
bar, a fait récemment un voyage d'exploration à l'intérieur, jusque
chez les Akounakounas. Il remonta d'abord le fleuve jusqu'à Okou-
riké, chef-lieu de la tribu, au milieu de laquelle son arrivée excita un
grand étonnement. Hommes, femmes, enfants, aflluèrent de toutes parts
eu poussant des exclamations de surprise. La plage sablonneuse et
— So-
lange sert de lieu de marché et de rendez-vous général. La route
qui conduit à la ville, à 3 ou 4 kilomètres de là, est bien entretenue. Des
deux côtés elle était garnie de curieux , tandis qu'une foule pressée
devant et derrière le voyageur ouvrait et fermait la marche. La ville
peut avoir de 3 à 4000 habitants; les maisons en sont petites et serrées
les unes contre les autres; celle du roi est petite également. Il fit au
voyageur un accueil très amical, et lui dit avoir appris de ses pères que
les Akounakounas et les blancs se rencontreraient un jour comme amis,
n n'avait pas cru voir ce jour ; le voyant, il en était très content. 11
avait été à bord de VÉtkiopia quand le consul Beacroft explora le Cala-
bar, mais la population locale voyait aujourd'hui un blanc pour la
première fois. En apprenant l'intention du missionnaire de remonter
la rivière, il l'engagea à rester à Okouriké, où se réunissent les habi-
tants des autres villes, et, comme d'ordinaire on ne remonte pas plus
haut, il lui offrit de les engager à venir le voir; mais M. Edgèrley per-
sista dans^son dessein. Il passa d'abord devant la ville d'Itou, au-delà
de laquelle la rivière s'élargit; à gauche règne la jungle africaine,
avec des trouées dans les endroits où les villes de l'intérieur sont en
communication avec la rivière ; à droite, on aperçoit des cabanes sous
des cocotiers et d'autres arbres, sur une pente rapide qui descend vers
le rivage. Cette longue file d'habitations, d'un kilomètre et demi de
long, forme quatre villages, Aboni, Ekpesîm, Ousadja et Emoumourou,
renfermant ensemble ime population plus considérable que celle d'Okou-
riké. M. Edgèrley en visita les quatre chefs, puis se rendit au village
d'Abangouen, à quelque distance de la rive opposée; les indigènes le
reçurent très bien et l'écoutèrent attentivement. Mais des Ebos du
Nouveau Calabar, qui se trouvaient dans le village, leur parlèrent du gin
qu'ils reçoivent des blancs et les engagèrent à en demander au mission-
naire, ce qu'ils firent. M. Edgèrley refusa et leur dit qu'il reviendrait
quand ils ne lui demanderaient plus de gin. Là-dessus, les indigènes
' se tournèrent contre les Ebos comme contre de mauvais conseillers, et
prièrent M. Edgèrley de rester au milieu d'eux, mais il dut repartir
pour Creek-Town,
Les conditions sanitaires de Saint-Louis se sont suffisamment amélio-
rées pour que l'expédition, qui doit continuer les opérations conunen-
cées l'an dernier entre le Sénégal et le Ni^^er puisse être reprise.
EUe sera commandée par le lieutenant-colonel Bornais Desbordeiii^
et se composera d'mie compagnie d'ouvriers d'artillerie, d'un détache-
ment d'artilleurs et d'une compagnie d'infanterie de marine. Ces trou-
— 91 —
pes, embarquées à Tembouchure du Sénégal sur les avisos qui doivent
leur feire remonter le fleuve, passeront devant Saint-Louis sans s'ar-
rêter, et éviteront ainsi le danger des fièvres. Elles rejoindront, à
Riehard-ZoU, l'un des points les plus salubres de la colonie, les" troupes
indigènes, spahis et tirailleurs sénégalais, qui doivent également faire
partie de l'expédition : c'est là que s'organisera l'énorme convoi que
Ton est obligé d'emmener pour une campagne de six mois, dans un pays
dont la moitié seulement a été explorée l'an dernier. De Kayes, point où
elle débarquera près de Médine, la colonne gagnera Bafoulabé et Kita,
où elle retrouvera les tirailleurs indigènes laissés au printemps pour
garder le fort construit par la première expédition. En même temps
qu'on commencera les travaux du chemin de fer, pour lequel les maté-
riaux doivent être actuellement parvenus à Médine, la colonne conti-
nuera sa marche en avant, et ùra établir, sur les bords du Niger, le fort
qui doit un jour servir de tête de ligne au chemin de fer.
NOUVELLES GOMPLËMENTAIRES
L'apparition du choléra asiatique au Hedjaz a engagé le gouvernement français
à interdire, dans l'intérêt de la santé publique, à tous les indigènes algériens, le
départ pour La Mecque, et à imposer une quarantaine de sept jours aux navires
venant de l'extrême Orient.
Une ligue, dite ligué de reboisement, s'est constituée en Algérie pour remédier au
déboisement de la colonie.
Le ministre de la guerre a envoyé en Tunisie plusieurs officiers chargés d'assu-
rer le service topographique. Le dépôt de la guerre a commencé à livrer la pre-
mière feuille de la carte de la Tunisie, levée par le colonel Périer.
L'administration militaire française va faire poser environ 40 kilom. de chemin
de fer, du système Decauville, de Sousse dans la direction de Kairouan.
Une dépêche du Caire annonce la mort de Mgr Comboni, vicaire apostolique de
l'Afrique centrale.
Les missionnaires Ladd et Snow sont en route pour la région du Sobat, où doit
étxe établie la nouvelle mission Arthington.
L'agence Stefani annonce que l'Italie .a déclaré au gouvernement égyptien que
l'enquête sur le massacre de l'expédition Giulietti n'est pas suffisante.
D'après VAgence Reuter, M. Roger devait partir avec l'expédition belge et
135 indigènes, pour rejoindre Stanley sur le Congo.
Trois des missionnaires romains de l'Ouroundi ont été massacrés dans leur habi-
tation, près du Tanganyika ; trois autres ont réussi à s'échapper. Les dernières
lettres des missionnaires signalaient le péril qu'ils couraient de la part des noirs,
— 92 —
égarés par les calomnies des marchands arabes à l'égard de ceux qui s'efforcent
d'abolir la traite.
La LwingsUmia Central Africcm Company a établi une factorerie à Inhamis-
sengo, à l'embouchure du Zambèze ; il s'y trouve déjà deux comptoirs européens,
l'un portugais, l'autre français.
M. Païva d^ Andrada a laissé une partie de ses hommes à Tété, où sont des mines
de houille. La plus riche présente une couche de charbon de 10"^ d'épaisseur, dont
la qualité est excellente. Lui-même s'est rendu avec le reste de son personnel
dans le district de Manica à la recherche de mines d'or.
Le gouverneur général de Mozambique, M. le vicomte de Paço d'Arcos, a
engagé les industriels et les agriculteurs du chef-lieu de la province à faire venir
de Macao un détachement de coolies. Le manque de ressources ne le leur ayant
pas permis, il a pris l'initiative d'en demander 200 à titre d'essai.
MM. Creux et Berthoud, de la mission vaudoise au nord du Transvaal, s'effor-
cent d'ouvrir une route directe de Yaldézia à la baie de Delagoa.
Tl s'est formé au Transvaal une compagnie au capital de 200,000 livres, pour
exploiter les terrains aurifères de Tati.
Une dépêche de Fort-Amiel, du 6 octobre, annonce que des Zoulous se sont
révoltés, et ont mis à leur tête Oham, le frère de leur ancien roi Cettiwayo.
Les colons de Natal, mécontents de la forme actuelle du gouvernement, deman-
dent l'institution d'un régime parlementaire, sur le modèle de celui qui a été
accordé à la colonie du Cap.
La reine de Madagascar a nommé pour la première fois des ministres et des
secrétaires d'état, et a en même temps édicté une loi relative à leurs fonctions.
Une maladie résultant de l'acclimatement s'est déclarée dans la nouvelle colonie
des Boers de San Januario. Le gouvernement y a envoyé une ambulance.
Après avoir été très dangereusement malade d'une fièvre bilieuse, Stanley a
recouvré assez de force pour se rendre à Manyanga et de là à Stanley Pool.
Un bateau à vapeur à deux hélices a été commandé à une maison anglaise, pour
la station civilisatrice portugaise qui doit être établie sur le Congo.
M. le comte H. d'Arpoare, envoyé par le gouvernement du Portugal dans ses
possessions de la Guinée, y a trouvé une vigne sauvage, dont la découverte peut
être très importante pour l'avenir de la viticulture. Il doit repartir de Lisbonne
pour l'Afrique le 5 décembre.
Une société s'est formée à Libéria, sous le titre de « Libéria interior associa-
tion, » en vue de développer le commerce avec l'intérieur, de rechercher les
moyens de transport et l'emploi de bêtes de somme propres au pays, et de s'occu-
per des intérêts commerciaux, agricoles et politiques de la colonie à l'intérieur.
Le collège de Libéria sera transféré dans un district rural, et l'on joindra aux
études classiques l'enseignement d'un travail manuel, pour apprendre aux natifs
l'usage pratique des instruments perfectionnés de l'industrie européenne.
— 93 —
INDICATIONS HYGIÉNIQUES
(Suite ».)
Les voyageurs sont souvent obligés de traverser des marécages ou des jungles,
où la chaleur, agissant sur une végétation exubérante, donne naissance à des
miasmes qui affaiblissent et empoisonnent les plus fortes constitutions. Or, le café
torréfié a la propriété de neutraliser rapidement et complètement les effluves végé-
taux et animaux, grâce à Podeur empyreumatique qu'il doit à une huile essentielle,
la caféone. Le prix de celle-ci est très élevé, ^ car elle coûte environ 10,000 fr.
le kilog., mais elle agit en quantité pour ainsi dire infinitésim^e. Inunergés dans
une dissolution aqueuse de cette huile, les vêtements conserveraient longtemps un
principe aromatique, et le voyageur porterait en quelque sorte avec lui une
atmosphère préservatrice contre les émanations paludéennes.
La maladie peut provenir aussi de Phumidité dans laquelle doivent vivre les
explorateurs, obligés de franchir des rivières ou des marécages d'une largeur sou-
vent considérable, et de laisser ensuite leurs vêtements sécher sur le corps. Ne
serait-il pas possible d'adopter un vêtement de caoutchouc tout d'une pièce, sorte
de pantalon à pied interceptant l'eau jusqu'à la ceinture? La transpiration ne se
dégagerait pas complètement, mais cet inconvénient serait certainement moindre
que celui de laisser les substances organiques de l'eau pénétrer par les pores.
Dans l'expédition contre les Achantis, en 1873, on donna des chemises en caout-
chouc aux soldats anglais qui pouvaient être forcés de dormir sur un terrain
humide et vaseux. Pourquoi ne ferait-on pas la même chose pour les expéditions
I pacifiques, qui s'aventurent dans des pays peu connus mais que l'on sait être mal-
sains?
Cette idée dous paraît devoir être agréée par tous les explorateurs de
l'Afrique, spécialement par ceux qui voyagent dans les régions centrales
• intertropicales, où les cours d'eau à traverser sont très nombreux, et oîi
la saison des pluies les fait déborder et transforme leurs bords en vastes
; marais. Entre les averses, le soleil est ardent et fait passer les voya-
I geurs d'une grande humidité à une chaleur intense, contraste perpétuel,
I bien propre à ruiner les constitutions les plus robustes. Dans la région
parcourue par Schûtt (entre le 7° et le 10° lat. S.), pendant la saison
sèche, de mai en août, il y a à l'intérieur d'abondantes rosées, puis pen-
dant les huit autres mois, presque sans interruption des pluies régu-
lières, de 6 heures du soir à 5 heures du matin, ou de 7 h. du matin à
midi, ou de midi au soir. « Le voyage à cette époque n'est pas agréable,
* Voir la livraison d'octobre, p. 77.
— 94 —
dit Schtttt, pas de jour où Ton u'ait toute la partie inférieure du corps
complètement mouillée, soit par la pluie, soit par la rosée qui, tous les
matins, couvre l'herbe quand il n'a pas plu pendant la nuit, ou par
l'eau, en passant à gué les innombrables ruisseaux qui , h cette époque ,
sont tous gonflés. Mais le soleil, qui déjà alors projette ses rayons pres-
que verticalement, vous sèche dans les intervalles ; souvent, pendant une
marche, il faut passer par les deux états, humide et sec; on s'y accou-
tume par l'exercice de tous les jours, puis on ne s'en inquiète plus. En
mars et en avril, où les jherbes ont deux fois la hauteur d'un homme,
c'est le corps tout entier qui est mouillé pendant les heures de pluie,
après quoi, quand vient le soleil, on est sur le point d'étouffer. » L'expé-
rience faite pendant la gueiTe des Achautis devi'ait, ce nous semble, être
mise h profit par tous les explorateui's.
L'eau, pour laquelle les caravanes précipitent leur marche et qui leur cause si
souvent des déceptions cruelles, est fréquemment alcaline et nitreuse ou couverte
de conferves qui la rendent absolument impotable. Dans le premier cas elle tue
les animaux, comme Stanley l'a éprouvé dans son voyage au Tanganyilca ; dans le
second elle peut causer la dysenterie. On peut y remédier au moyen d'un filtre à
charbon combiné avec une petite pompe, dont la disposition permettrait d'obtenir
une eau plus abondante et suffisamment pure. La paroi du corps de pompe (en
caoutchouc ou en forte toile) se replierait sur elle-même, et la tige du piston
serait articulée, de manière à donner à l'appareil le plus petit volume possible.
M. le D** Dutrieux recommande de faire cuire l'eau et même de la distiller.
Ces moyens nous paraissent préférables au goudron ou aux deux
gouttes d'acide phénique par litre ajoutées à l'eau, conseillés par d'au-
tres. L'expérience acquise par le D' Bourru, qui a voyagé dans les pays
tropicaux, les lui fait envisager comme illusoires; l'eau phéniquée, en
particulier, serait détestable au goût, mais non assainie. Il recommande
comme beaucoup meilleur le filtre au charbon, en citant comme exemple
l'expérience faite dans la guerre des Achantis, où chaque soldat anglais
en était pourvu. Le résultat en fut excellent; il le serait sans doute poui*
tous les explorateurs.
Les voyageurs ne pourraient-ils pas faire usage du coca (erythroxyloti coca) con-
tre l'action débilitante des climats tropicaux? Les habitants du Pérou, et surtout
les indigènes vivant sur les hauts plateaux des Andes, s'en servent pour neutra-
liser les effets de la raréfaction de l'air. Son emploi leur permet d'endurer plus
longtemps la faim, et les rend capables de porter de lourds fardeaux. Il modère la
transpiration qui est une cause d'affaiblissement, sans l'arrêter tout à fait. Dans
— 95 —
un voyage pédestre, j'ai récemment fait l'expérience que je pouvais, grâce au coca,
marcher vite, sans oppression ni fatigue, même par un chaud soleil; j'étais cepen-
dant vêtu assez chaudement et je portais un sac. On peut le prendre en dissolu*
tion dans du cognac ou le boire en infusion comme le thé.
Quelque avantage que puisse présenter l'usage du coca pour les explo-
rateurs, souvent exposés dans leurs longues marches à souffrir de la
faim, d'après l'ingéniexir Bresson qui a travaillé sur les plateaux des
Andes, dans le désert d'Atacama, les Européens qui n'ont pas l'habi-
tude du coca dès leur enfance ne pourraient s'en servir sans consé-
quences fâcheuses. Il est vrai que les indigènes de ces plateaux sont
funateurs passionnés des feuilles du coca et qu'ils en mâchent continuel-
lement. Le coca leur est presque plus essentiel que le boire et le man-
ger; il leur fournit les moyens de se passer jusqu'à un certain point de
nourriture et de boisson. Leur système nerveux en reçoit une excitation
qui empêche l'épuisement. Indiens, soldats, muletiers peuvent, grâce au
coca, faire des marches prolongées sans vivres, trottant sans s'arrêter
dans des sables brûlants et mouvants, toujours contents, pourvu qu'ils
aient dans la bouche un peu de coca. Mais ils y mêlent un alcali qui
neutralise un principe acide contenu dans la feuille.
En terminant, notre correspondant suggère l'idée d'un moyen propre
à garantir de la piqûi^e de la tsetsé les animaux propres à être employés
comme bêtes de somme .
Sur l'initiative de S. M. le roi des Belges, dit-il, on a essayé d'introduire en
Afrique des éléphants apprivoisés de l'Inde. A supposer que Ton arrive à dresser
en assez grand nombre ceux d'Afrique, pour pouvoir les employer comme bêtes de
charge, le cheval, l'âne, le bœuf, n'en resteront pas moins d'une utilité évidente.
Malheureusement la tsetsé {glossita morsUans) tue ces animaux, et l'on se rap-
pelle que Burton, Cameron et Stanley perdirent presque toutes leurs montures.
Ils ont vu sur leur route d'immenses prairies qui semblaient n'attendre que des
troupeaux, mais que la présence de la tsetsé laissait désertes. Les seules bêtes lai-
tières étaient les chèvres : les vaches devaient être reléguées dans des districts non
envahis par la terrible mouche. Le taon, qui chez nous tourmente le bétail, a pu
être combattu au moyen de Vcissa fœtida, dont on frotte le corps de l'animal et
dont l'odeur écarte l'insecte hostile. La tsetsé ne pourrait-elle pas être éloignée
par le même procédé? Dans ses explorations du Zambèze, Livingstone décrit deux
autres mouches qui, sans être aussi dangereuses que la précédente, harcèlent con-
tinuellement les animaux domestiques, et auxquelles ce remède pourrait être opposé
avec succès.
— 96 —
Le fléau de la tsetsé pourra diminuer d'intensité par suite de l'exten-
sion des cultures, comme c'est déjà le cas à Livingstonia , ou par le
fait de la diminution des fauves, principalement des buffles, car on la
trouve surtout dans les forêts habitées par ces animaux; mais, en atten-
dant, les explorateurs ont à compter avec elle. Un des moyens de sous-
traire les bêtes de somme à sa piqûre et à la mort, c'est de leur faire
traverser de nuit, au clair de lune et dans la saison froide, les lieux
hantés par elle. Les mouches sont alors engourdies et incapables de
piquer. Ou bien, si Ton doit voyager de jour, pendant la saison chaude,
que l'on se serve du moyen recommandé par notre ami, ou de celui qu'a
employé le D' Hildebrandt dans ses explorations de l'Afrique orientale.
Malgré la triste expérience faite dans leurs voyages au nord du Zangue-
bar par le baron de Decken et par New, qui y avaient perdu leurs ânes
par la piqûi*e de la mouche dondoroho, il prit avec lui un âne, qu'il con-
serva en le frottant tous les jours avec du pétrole, surtout aux oreilles,
aux naseaux, aux endroits où la peau est tendre. Cette odeur mettait en
fuite non seulement la dondorobo, mais encore les moustiques et d'au-
tres insectes des plus désagréables. On peut aussi se servir d'eau de
quassia ou d'huile de cade.
Il ne faut négliger aucun des moyens pioposés pour aplanir les diffi-
cultés créées aux explorateurs et aux colons par les conditions spéciales
du continent africain. Nous ne doutons pas de leur efficacité. Le climat
de plusieurs parties de l'Afrique se modifiera, des régions insalubres
seront assainies, les marécages céderont la place aux cultures, des travaux
appropriés amélioreront le régime des eaux, la fièvre perdra de son
intensité, et reculera devant les défrichements. Tel a déjà été le cas
pour la côte de Libéria, qui était très insalubre, mais dont l'insalubrité
a beaucoup diminué par suite des perfectionnements agricoles qui y ont
été apportés, particulièrement dans le district de Monserado, ou à Bre-
verviUe et à Arthington, régions actuellement des plus salubres. Les
études spéciales que le Comité des missions de Bâle compte faire faire
par un médecin, des conditions sanitaires de la côte d'Or, des fièvres
de cette région, de leur traitement, du régime, des habitations, des vête-
ments, etc., serviront non seulement aux colons et aux missionnaires,
mais encore, nous l'espérons, à tous ceux qui se consacrent aux décou-
vertes qui restent à faire dans le continent africain, et à la civilisation
(le ses habitants.
— 97 —
EXPLORATION DE U DANA PAR CL DENHARDT'
Lors de la fondation de T « African exploration fund » au mois de
mai 1877, panni les questions inscrites dans le programme de cette
société figurait l'étude de deux routes, l'une de Mombas à l'extrémité
S.-E. du Victoria Nyanza parle Kilimandjaro, l'autre, delà baie deFor-
mose à l'extrémité N.-E. du |même lac, par la Dana et le Kénia. Le
Comité préféra faille explorer le pays situé entre Dar-es-Salam, le
Nyassa et le Tanganyika, et l'on sait le succès de l'expédition de Thom-
son. Les Anglais n'ont cependant pas perdu de vue la région au nord du
Zanguebar. A la demande de plusieurs sections de l'Association britan-
nique pour l'avancement des sciences, le Conseil de cette Société a pris
une résolution, en vue de provoquer une expédition qui devrait exploi-er
scientifiquement la chaîne des montagnes neigeuses de l'Afrique équa-
toriale. A cet effet il s'est adressé à la Société royale de géographie de
Londres, et a offert im subside de 100 L. pour aider à couvrii' les frais
de l'expédition ■. L'attention va donc se porter d'une manière spéciale
sur cette contrée.
On admet généralement aujourd'hui que les première explorateurs
dans cette région furent les missionnaires Krapf et Rebmann qui, en
1848 et 1849, dans leurs excursions de Mombas à l'intérieur, aperçurent
d'abord le Kilimandjaro, puis le Kénia, et s'avancèrent ensuite jusqu'à
la Dana qui descend de cette dernière montagne, mais sans pouvoir faire
Tascension de celle-ci. Cependant, d'après M. le capitaine Verstraete,
membre de la Société belge de géographie, ces grandes montagnes ont
été connues en Europe avant la découverte de Krapf et Rebmann. Dans
la Description de VÉthiopie au Prête Jan, publiée à Anvers en 1558, on
trouve une longue dissertation sur le rôle que jouait alors « certaine mon-
tagne de mer\'eiUeuse hauteur et grandeur'» que l'auteur place précisé-
ment où se trouve le Kilimandjaro, et où, dit-il, tous les enfants de
l'empereur d'Ethiopie sont élevés et retenus, jusqu'à ce qu'ils soient
appelés au trône. C'est là une coutume qui s'est observée de temps im-
* Voir la carte qui accompagne cette livraison.
* Au moment de mettre sous presse, nous apprenons que M. Thomson vient
d'être chargé, par la Société royale de Géographie de Londres, de visiter la région
située entre Pocéan Indien et le Kilimandjaro, à partir de Mélinde au nord jusqu'à
Pangani au sud. Il doit commencer ce mois-ci cette exploration.
* Cf. Bulletin de la Société belge de géographie, 1881, p. 403-420.
— 98 —
mémorial dans cet empire, afin que les compétitions y fussent rendues
impossibles. » Dans une carte de Dapper de 1668, une rivière qui se
verse dans TOcéan Indien h Mélinde porte le nom de Quilmaçi (eau du
Quilimandja), et au commencement du siècle suivant, les géographes
rappellent Quilimango, les nègres disant Kilimango ou Kïlimami pour
Kilimandjari^ eau de source royale, c'est-à-dire rivière qui provient du
Kilimandjaro ou de la montagne d'oîi descendent les rois.
Quoi qu'il en soit, on se rappelle l'opposition que rencontra l'annonce
de Krapf et Rebmann de sommets neigeux dans l'Afrique équatoriaJe, et
les voyages qui furent entrepris pour vérifier le fait. Dans une première
expédition, le baron de Decken, accompagné du géologue Thomton,
gravit, en mai 1861, le Kilimandjaro jusqu'à une élévation de 2530",
releva le lac Jipé et découvrit que la Daflfeta, qui le traverse, est le cours
supérieur de la Roufou, qui débouche à Pangani dans l'Océan. L'année
suivante, il se rendit une seconde fois au Kilimandjaro avec im autre
géologue, le D' Kersten, et entreprit de nouveau l'ascension de la mon-
tagne ; il réussit à atteindre une hauteur de 4222", à constater que le
Kilimandjaro a deux pics, l'un de 5285", l'autre de 6115", que toute
végétation y cesse dès 8600" à 3700", et que la limite des neiges perma-
nentes y est à 5000". Toutefois, écrivait le D' Kersten au D' H. Barth,
« la plus grande partie delà neige se présentait sur le sommet occidental,
du côté du N.-O., à l'abri des vents chauds de la côte ; sur le sommet
oriental la neige, qui couvre souvent la cime entière de très grand matin,
est toujours fondue quelques heures après dans les parties basses ; ce
n'est que dans les parties supérieiu'es qu'il en reste perpétuellement. «
N'ayant pu achever l'exploration du massif tout entier du Kilimand-
jaro et du Kénia dans cette seconde expédition, le baron de Decken en
entreprit une troisième en 1865, avec Richard Brenner, et pourvu de
deiLx bateaux à faible tirant d'eau, construits tout exprès pour remonter
les rivières. Après plusieurs essais infructueux sur divers cours d'eau, il
voulut remonter la Djouba, qui se verse dans l'Océan aux environs de
l'équateur, mais il succomba dans une attaque des SomaUs. Brenner
explora ensuite les rives de la Dana et poussa jusqu'à la Djouba.
En 1871, nouvelle tentative d'ascension du Kilimandjaro par les mis-
sioimaires New et Bushell, qui atteignent la limite des neiges et, en
redescendant vers le N.-E., découvrent le lac Tchala. En 1876, Hilde-
brandt tenta d'explorer le Kénia, mais ne put pas dépasser Kitoui, à
126 kilom. de la montagne. Des brigands wakouafis lui barrèrent le
passage et essayèrent de le tuer. D avait cependant, par un temps serein,
— 99 —
réussi à distinguer nettement de Kitoui le sommet du Kénia, et pu
mesurer, avec une boussole, Tangle Kitoui, Eénia, Kilimandjaro, qui a
une importance très grande pour la cartographie.
Enfin, Clément Denhardt, ingénieur berlinois, parfit, vers la fin de
Tannée 1877, pour Zanzibar en vue d'explorer cette môme région. Il s'y
était préparé depuis plusieurs années ; le D' Petermann l'y avait encou-
ragé, et lui avait procuré l'appui de protecteurs riches et de sociétés
savantes ; le D' Kersten, qui avait accompagné de Decken , lui avait
donné d'excellents conseils et avait dressé lui-même le plan de l'expédi-
tion. Il était d'abord question de remonter la Djouba, dans l'exploration
delaqueUedeDecken avait succombé; mais les conditions dans lesquelles
se trouvaient les populations des bords de cette rivière firent renoncer à
ce projet, et l'on se rattacha à la Dana, qu'il était nécessaire d'étudier
d'une manière précise, afin d'avoir une base solide et sûre en vue d'opé-
rations ultérieures. L'expédition devait chercher à atteindre le Kénia,
en employant la Dana comme la voie la plus courte pour parvenir h la
montagne ; puis explorer les volcans au N. et au N.-O. du Kénia; étudier
les afduents que les grands lacs, réservoirs du Nil, reçoivent des monta-
j^nes neigeuses et de la chaîne qui forme la ligne de partage des eaux
entre le NU, la Dana, la Djouba et les autres rivières de la cote ; enfin
visiter les sources de la Djouba. Elle pouvait aussi, à partir de la Dana,
traverser le pays qui s'étend au N. vers Harrar, et au N.-O. vers
l'Ënarea, le KaflFa et le Choa. Clément Denhardt était accompagné de
son frère Gustave, et devait rejoindre à Zanzibar le D' Fischer de Barmen,
qui était parti le premier pour visiter le sultan de Wito, reconnaître dans
quelles conditions se trouvait le pays, et préparer les voies àl'expédition.
(îrâce à cette étude préliminaire, celle-ci put s'accomplir sans grandes
difficultés jusqu'à Massa sur la Dana, où Gustave Denhardt fut atteint
de la dysenterie, ce qui obligea son frère à le ramener à Zanzibar, d'où,
après avoir encore fait la triangulation des envii'ons de Mombas et de la
côte jusqu'à Pangani, il revint en Europe au commencement de juin
1879, tandis que le D' Fischer se fixait à Zanzibar. Ils ne furent pas
troublés par des aventures émouvantes ; aussi les études géologiques que
put faire le D' Fischer, et les travaux géodésiques et géographiques aux-
quels les deux frères purent se livrer tranquillement n'en ont que plus de
valeur. Ils se sont efforcés en particulier d'obtenir, par des détermina-
tions astronomiques nombreuses et par la triangulation, un réseau précis
pour le levé des côtes et des rivières, en faisant marcher de front les
études magnétiques et météorologiques. Quoique la caite qui accompagne
— 100 —
le rapport de Cl. Denhardt, publié par les Mittheilungeti de Grotha, et
diaprés laqueUe a été dressée celle que nous joignons à cette livraison,
ne doive être envisagée que comme une esquisse, le tracé de la Dana
n'en pourra pas moins servir de base aux expéditions ultérieures.
De Mélinde, où les pluies les retinrent plusieurs semaines, les voya-
geurs explorèrent la côte jusqu'à Kipini, à Tembouchure de TOsi. Là ils
procèdent à Tachât des marchandises d'échange nécessaires, et se procu-
rent des canots pour remonter TOsi et la Dana, et bientôt ils atteignent
Kau sur TOsi, résidence de Sald ben Ali, représentant du sultan de
Zanzibar, revêtu d'im pouvoir absolu, redouté dans tout le pays, et qui
s'efforce de les empêcher de pénétrer plus avant dans l'intérieur. Malgré
cela ils obtiennent d'indigènes, demeurant en amont de Eau, les canots
dont ils ont besoin, et, de l'Osi, Us passent, par le canal Bélésoni, dans
la Dana, qu'ils remontent d'abord jusqu'à Mounjouni, non sans avoir été
arrêtés un certain temps par les Bararettas Gallas de Ngao et d'Enga-'
tana, auxquels Sald ben Ali a persuadé de leur faire payer un fort tribut,
pour les empêcher d'aller plus avant. De Mounjoimi iljs poursuivent leur
exploration sans inteixuption jusqu'à Massa, chef-lieu du district de
Malakoté. Redescendus en toute hâte à Tjarra, par suite de la maladie
de G. Denhardt, ils peuvent encore étudier le cours de la Dana jusqu'à
la mer. S'ils ne purent la remonter jusqu'à sa source, ni exécuter tout
le plan qu'ils s'étaient tracé, les résultats de leur expédition n'en sont
pas moins importants, par les renseignements qu'ils nous fournissent sui*
le bassin de la Dana, sur la flore et la faune de cette région, et surtout
sur son ethnogi*aphie, les indigènes wapokomos et wagallas les ayant
toujours accueillis très favorablement. Ils les pressaient même de s'éta-
blir au milieu d'eux, leurs rapports avec les blancs leur paraissant de
beaucoup préférables à ceux qu'ils ont avec les mahométans, dont ils
doivent subir sans mot dire toutes les vexations.
Avec la Djouba, la Dana est le fleuve le plus considérable de l'Afrique
orientale équatoriale ; elle est navigable, pour des bateaux de 1" de tirant
d'eau, jusqu'à Haméjé, à 30 journées de l'embouchure; sa largeur varie
de 30"* à 100* ; sa profondeur de 4" à 10"; sa vitesse est de 6 kilom.
à l'heure. De Massa à l'embouchure, elle ne reçoit plus d'affluents. A
l'époque des hautes eaux elle inonde le pays à plusieurs kilomètres de
distance, entre Tjarra et Engatana. De Ngao à Tjarra les Wapokomos
ont construit des digues, dans lesquelles ils ont ménagé des ouvertures
pour irriguer régulièrement les terrains rapprochés du fleuve. Il s'y
forme de vastes nappes d'eau, comme des lacs ; les explorateurs purent
— 101 —
s'en servir pour éviter un grand nombre de méandres de la rivière.
Après la saison des pluies l'eau en redescend au fleuve. Entre la Dana
et rOsi se trouve le Bélésoni, canal naturel que les Wapokomos ont mis
deux ans à élargir, pour en faire une voie commerciale commode entre
les deux fleuves, même pendant la saison sèche. D a environ 7 kilom. de
longueur et 2" de largeur, et traverse un pays plat et marécageux ; par
places cependant il se rétrécit, jusqu'à n'avoir plus que 0" 75 de large,
en sorte qu'aux contours les canots heurtent souvent le bord. La pro-
fondeur en varie de 0" 75 à 1" 5 ; le courant, rapide à l'endroit oîi il
sort de la Dana, se ralentit ensuite. La végétation croît rapidement, et
fermerait le canal sans le passage continuel des bateaux.
Les Wapokomos prétendent qu'aux hautes eaux la Dana est en com-
munication avec le Kilifi et le Sabaki; il n'y a là rien d'impossible, étant
donnée la nature du pays. D ne serait pas difficile d'y ouvrir un canal
comme celui qui unit l'Osi et la Dana. Celle-ci reçoit des eaux de plu-
sieurs lacs, du Chaggababou sur la rive droite, du Doumi et du Mokan-
goué sur la rive gauche. Jusqu'en 1873, le Chaggababou formait un lac
très distinct, près de la Dana et en rapport avec cette dernière ; mais
cette année-là une inondation extraordinaire ouvrit un autre lit au
fleuve, de manière que celui-ci se trouve maintenant très rapproché du
lac, au point de le toucher et de former avec lui, même dans la saison
sèche, une nappe d'eau d'où n'émerge plus que l'étroite bande de terrain
qui formait atitrefois la ligne de séparation entre le lac et le fleuve. Le
Chaggababou est alimenté par quelques sources et par la Tarsaa qui
sort d'un étang. Sa largeur varie de 200 à 5000", sa profondeur de 3" à
12". L'eau en est verte, transparente, potable, et sa couleur tranche
fortement avec la teinte rougeâtre de la Dana. Des prairies, des bou-
quets de bois, et de magnifiques perspectives donnent à ses bords l'aspect
d'un parc.
La largeur et la profondeur de l'Osi entre Kipini et Kau ne le cèdent
pas à celles de la Dana ; sa vitesse est de 4 à 5 kilom. à l'heure.
La marée se fait sentir dans l'Osi jusqu'au Bélésoni, et dans la Dana
jusqu'à moitié chemin de Tjarra.
La Dana a deux crues, qui dépendent des deux saisons pluvieuses. La
grande crue va de la fin de mai à la fin de septembre, et produit la
grande inondation qui a lieu en juin; le niveau des hautes eaux se
maintient jusqu'à la fin de septembre, après quoi elles baissent rapide-
ment ; la petite crue cononence à la fin d'octobre et dure jusqu'à la fin
de décembre. C'est au milieu de mai que le niveau des eaux est le plus
bas. ' (A suivre.)
— 102 —
CORRESPONDANCE
Mo^Dsîear le Directeur,
Permettez-moi de relever quelques erreurs qui ne peuvent vous être imputées et
qui existent dans votre page 46.
Il s'agit sans doute du BucihU, pic saillant du Simen, que j'ai gravi le 12 mai 1846
pour y observer Phypsomètre, qui m'a donné 4664 mètres pour l'altitude. Dans ma
Géodésie d^Éthio^, je préfère 4510 mètres, car cette altitude résulte de l'ensem-
ble de cinq relèvements que j'ai publiés. J'ai vu le Buahit des centaines de fois.
C'est par exception qu'il est enveloppé de nuages ou qu'on y trouve de la neige.
C'est ce qui m'est arrivé quand j'y montai, mais sans avoir besoin de mes mains,
bien que la pente soit forte. Je n'ai pas vu de précipices dans les environs, mais les
nuages peuvent m'en avoir caché.
Malgré le désir assez naturel d'augmenter la hauteur des montagnes en pays
peu connu, la vérité m'oblige à dire que le Bas Daj&n, qui est le plus haut point
du Simen, n'a guère plus de 4620 mètres, chiffre auquel j'ai dû m'arrêter, vu l'ac-
cord des relèvements que j'ai faits, en azimut et en hauteur, de trois stations éloi-
gnées. Le 12 mai, à 11 heures du matin, l'air était à 8,2 degrés sur le Buahit, ce
qui est loin d'être un froid excessif. Comme les chefs du pays voyaient alors avec
jalousie les ascensions au Stmen, j'ai eu soin d'exclure de ma suite les habitants
du pays inférieur et voisin; ils peuvent donc continuer à croire que je ne suis pas
monté au Buahit. Le voyageur cité par vous paraît ne pas dire à quelle époque de
l'année il y a trouvé de la neige, ce qui aurait été intéressant. Bien des fois, en
regardant ce pic de loin, pour y rattacher mes triangles de géodésie expéditive,
j'ai pu constater que le Buahit était rarement blanchi par la neige.
Tout en vous louant de votre soin à reproduire toutes les nouvelles venues
d'Afrique, permettez-moi encore de réclamer contre celles de M. Pinchard. En
disant le Kaffa, il semble indiquer, dans votre page 66, le pays indépendant situé
sous le 7"« degré de latitude N. vers le 84"»* degré à l'est de Paris. Or il y a fort
loin de là au pays des Galla Arusi. S'il s'agit d'un autre Kaffa, le voyageur aurait
dû le dire. Je viens de recevoir une l(;ttre de Harar, et le chef de mission qui me
l'écrit n'a pas l'intention de fonder une mission en Kaffa, par la simple raison
qu'elle fut fondée il y a longtemps par Mgr Massaïa.
Agréez l'assurance de mes sentiments distingués.
Antoine d'ABSADiE,
de rinetitut.
Paris, 25 octobre.
Nous remercions sincèrement notre savant correspondant de nous avoir signalé
les erreurs dans lesquelles nous sommes tombés, en rapportant, d'après V Explora-
tion du 21 juillet, qui reproduisait un article du journal VÉgf^te^ d'Alexandrie,
l'ascension du Bakmt par }1. Albarguès de Sostène, chef de l'expédition espa-
gnole en Abyssinie. — Quant aux nouvelles, de M. Pinchard, c'est encore à l'JEur-
plorationy numéro du 15 septembre, que nous les avons empruntées; au reste,
M. Tournafond, directeur de cette Revue, qui était à Venise quand elles ont été
publiées, a, depuis son retour, exprimé ses regrets de la publication de cet article.
CRéd.).
— 103 —
BIBLIOGRAPHIE '
Dr Mogadob a Bisksa. Mabocet Ai.aÉBi£, "p^T Jules Leclercq. Paris.
(Challamel aîné), 1881, m-8°, 258 p. et carte. — M. J. Ledercq, avec
lequel nous avons déjà visité les Canaries, nous fait faire, dans ces
pages, un véritable et chaimant voyage en zigzag de Tanger h Biskra,
en passant par Mogador et Rabat, sur la côte occidentale du Maroc.
Par le caractère entièrement mauresque de ses rues et de Tarchitecture
de ses maisons, cette dernière ville est la plus oiiginale de celles où U
nous promène. Puis voici Tlemcen, francisé et offrant avec Rabat le
plus parfait contraste, et bientôt, sous le ciel bleu de l'Afrique, à travers
les vallées de la Eabylie, nous faisons Tascension de la LeUa Kredidja
(2308 mètres), qui est après le pic de Chelia dans le massif de TAurès
(2312 mètres), la plus haute montagne de TAlgérie, avec des troupeauK
et des bergers qui rappellent ceux de nos Alpes, et des difficultés qui
feraient le bonheur des alpinistes ; enfin Gonstantine et Biskra plus con-
nues, mais auxquelles le talent du conteur fait découvrir de nouveaux
charmes.
QuATBE MOIS DANS LE Sauara, jourual d'uuvoyage chez les Touaregs,
.suivi d'un aperçu sur la deuxième mission du colonel Flatters, par
F. Bernard. Paris (Delagrave), 1881, in-18*, 170 p. avec illustrations et
carte, 3 fr. 50 c. — Indépendamment de Pintérêt que ne peut manquer
d'exciter un ouvrage écrit par un compagnon du colonel Flatters, ce
volume, dépouillé de Pappareil technique des rapports publiés jusqu'ici
sur les missions chargées des étudas du Trans-Saharien, a tout l'attrait
d'un journal de voyage dans le Sahara. La monotonie du désert dispa-
raît, en présence du tableau des efforts déployés par l'homme qui s'y
avance pour lui ravir ses secrets, et de la peinture des détails relatif
aux oasis, à la végétation ou à la faune, aux phénomènes électriques
ou météorologiques, trombes, pluies diluviennes, tornades, etc. Ce qui
intéresse le plus ce sont les vues d'un homme qui a étudié le Sah^fifa sur
place, et qui, malgré les difficultés créées par un grand désastre, n'en
croit pas moins à la possibilité d'une entreprise de laquelle dépend la
civilisation de cette partie de l'Afrique.
* On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 18, rue du Rhône, à Genève,
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
tùa
ff
— 104 — f.
 PROPOS DU BAILWAir TBA1Ï8-8AHABIEK. RÉFLEXIONS £T OBSERVATIONS
HYGIENIQUES ET MÉDICALES, par J. MossB. Parîs (Gahnann-Lévy), 1881, 4
in-S*", 73 p. — Jusqu'ici le projet du Trans-Saharien a provoqué des
publications techniques ou d'économie sociale; il était bon qu'une plume
autorisée traitât la question au point de vue hygiénique et médical.
Quoique destinées avant tout aux Européens qui seront appelés à se
rendre en Afrique pour travailler à cette œuvre gigantesque, soit au
Sahara, soit au Sénégal, ces pages, auxquelles les conditions présentes t
de l'Algérie et de Saint-Louis donnent un grand intérêt d'actualité,
seront extrêmement utiles à tous ceux qui sont envoyés dans ces deux
colonies. Et d'une manière générale, tous les explorateurs et les colons
obligés de se préparer à l'acclimatement en Afrique, y trouveront des
conseils précieux sur l'alimentation, le vêtement, l'usage de l'eau, le
travail, etc. Signalons, en particulier, quant à la nourriture, le conseil,
déjà donné par d'autres auteurs, de modifier ses habitudes avec les
changements de milieu^ et, à propos du chemin de fer, la recommanda-
tion de multiplier les ressources en eau, pour servir aux besoins des
immigrants et transformer le sol en y ramenant la végétation.
):
'•H
\i
Six SEMAINES EN Algérie. Notos dc voyagc d'un membre du congrès
scientifique tenu à Alger (avril 1881). Paris (V A. Morel et C'*), 1881,
in-8% 176 p. 3 fr. — Il est intéressant de parcourir l'Algérie, d'Oran à
Biskra, avec le temps d'arrêt nécessaire pour participer aux travaux et
aux fêtes du congrès, en compagnie d'un savant, artiste en même \
temps, aux yeux duquel rien n'échappe et dont les observations sont
toujours rendues dans un style qui en rehausse la valeur. Il est intéres-
*sant surtout de parcourir la colonie à la veille de l'agitation qu'y a
créée le soulèvement de Bou-Amema. Après les pages de la presse quoti-
dienne, ne parlant que de préparatifs militaires et d'engagements meur-
triers, quand ce n'est pas d'incendies et de pillage, on se repose à la
lecture de ce volume, qui vous fait toucher du doigt les bienfaits dont
jouissait l'Algérie, il n'y a que quelques mois; on mesure l'étendue du
mal 'que lui font les conditions actuelles du pays, et l'on hâte de tous
ses VŒUX le moment où la pacification du sud rendra à ses habitants la
possibilité de reprendre les travaux de la paix.
-i'i
- 105- {"éoDLiUER)- •
BULLETIN MENSUEL (
o décembre 1881)S^lODl9^^
De retour à Ghadainès, de Texpédition chez les Touapea^s AsEg^ers
que nous avons racontée dans notre précédent Bulletin, le P. Richard
a bien vite pris les mesures nécessaires, pour profiter des facilités qui
s'offraient à lui de se rendre à Rhat» en vue d'y fonder une station.
Sachant de quelle importance sont des guides sûrs, il a choisi les siens
avec le plus grand soin parmi des indigènes éprouvés depuis trois ans,
et ayant tous leurs intérêts à Ouargla. Après avoir écrit à Ikheuoukhen et
à Fenalt, et avoir reçu des communications verbales qui ne lui laissaient
aucun doute sur la bienveillance de ces chefe, il s'est mis en route pour
Rhat avec deux autres missionnaires ^
Aux termes de la convention conclue, en 1880, entre l'Angleterre et la
Turquie pour la suppression de la traite dans la mer Roa§^,
tous les esclaves et les navires capturés doivent être, remis aux autorités
ottomanes du port le plus voisin, qui jugent les cas selon la loi musul-
mane. Cette clause annulant presque entièrement les autres articles du
traité, VAntislavery Society s'est adressée à Lord Granville, pour attirer
son attention sur ce défaut de la convention, lui rappelant les CommiS"
idons mixtes qui seules ont rendu efficaces les traités analogues conclus
avec l'Espagne et le Portugal, et le priant de charger l'ambassadeur
anglais à Constantinople d'agir en vue d'obtenir im amendement de la
convention, dans le sens de l'établissement de commissions semblables.
D'après les dernières lettres des explorateurs de l'Association
internationale africaine, M. Ramaeckers espérait avoir complète-'
ment terminé les constructions de la station de Karéma à la fin de la
saison sèche. Il avait remonté la coque du petit canot en acier qui lui
avait été envoyé, mais sans pouvoir mettre en place la machme à vapeur,
quelques-uns des tubes ayant été perdus pendant le transport, et les
rechanges demandés n'étant pas encore arrivés. M. Ramaeckers a pu
toutefois naviguer à la voile avec le CamUer^ qui a fort bien tenu le lac,
quoiqu'il ftt im gros temps. — Depuis la mort de M. Popelin à Lutéké,
près de Mtoua, M. Roger qui l'accompagnait est revenu à Karéma, d'où
il a ramené à la côte les soldats de son chef. Arrivé à Zanzibar le 10 sep-
tembre, il y fut rejoint un mois plus tard par le D' van den Heuvel, qui
* Nous donnons avec cette livraison une carte de l'Algérie, de la Tunisie et du
Sahara central, permettant de suivre les événements actuels et les itinéraires des
deux missions Flatters.
l'aFRIQVB. — TB018IÂUB AHinfeE. — N^ 6. 6
— 106 —
remplira provisoirement à Zanzibar les fonctions d'agent correspondant
de l'Association africaine, et a été remplacé à Tabora par M. Becker,
précédemment attaché en qualité de second à la station de Karéma.
M. Roger a été chargé d'enrôler un certain nombre de Zanzibarites et
de les conduire au Congo, oii ils remplaceront les travailleurs de Stanley
lorsque l'engagement de ceux-ci expirera. H est parti de Zanzibar le
19 octobre. — Les voyageurs du Comité national allemand, éta-
blis à Kakoma, étaient tous les trois en parfaite santé. Sur l'invitation
de la princesse Discha, chef de l'OugoUnda, ils transféreront leur sta-
tion, à Gounda, chef-lieu du district. Un traité, conclu avec la princesse
et les grands du pays, leur concède le terrain pour la construction d'une
maison et les champs nécessaires à l'entretien du personnel de la sta-
tion. M. Bloyet, chef de la station du Comité national français, a
été malade, cependant il était assez bien rétabli pour songer à repartir
pour le Condoa, avec sa femme qui l'a rejoint à Zanzibar. La présence
d'une Européenne dans une station civilisatrice de l'Afrique orientale ne
peut avofr que d'heureux résultats.
Les missionnaires de l'Oupoundi, dont trois ont été massacrés,
avaient commencé par racheter de jeunes noirs poui* les élever, et, à cet
effet, ils avaient créé un vaste établissement, situé au milieu de la
tribu des Roumoungués. Les Wabickaris, voisins de ceux-ci, mais en
hostilité perpétuelle avec eux, demandèrent aux missionnaires de venir
s'établir chez eux, ce qui ne put leur être accordé, leurs terres étant
basses et insalubres. Lrités de ce refus, ils cherchèrent à plusieurs
reprises à enlever aux missionnaires quelques-uns de leurs élèves, pour
les*réduire de nouveau en esclavage. Ayant réussi à en prendre un, ils
se le virent réclamer par les missionnaires, qui menacèrent même de
recourir à la force. Alors, conduits par leur chef, ils envahirent en
armes le territoire des Roumoungués, attaquèrent la station, tuèrent trois
des missionnaires à coups de flèches, puis s'enfuirent comme épouvantés
de leur œuvre. Les Roumoungués suppUèrent les survivants de s'éloigner
pour ne pas s'exposer à de nouvelles attaques. De leur côté, les mis-
sionnaires du Massanzé, au delà du Tanganyika, informés de la position
critique dans laquelle se trouvaient leurs frères, s'empressèrent de fréter
une barque pour venir les chercher, eux et leurs élèves, et les conduire
dans le Massanzé.
L'insalubrité de la station d'Oudji4Ji a obligé deux des ndssionnaires
de la Société de Londres, atteints de la fièvre, à quitter cette localité.
L'un d'eux, M. Wookey, a dû revenir en Angleterre; l'autre, M. Hutley,
— 107 —
s'est arrêté dans rOupambo, pour permettre au D' Southon de se
rendre à Mtoua, dans rOn^^aha, qu'avait dû quitter également
M. Palmer, aussi malade de la fièvre; en outre, les efforts qu'il avait dû
faire pour venir en aide à M. Popelin, lui avaient causé une attaque de
paralysie temporaire. M. Griflith restait seul ^u delà du Tanganyika,
séparé de ses collègues de TOurambo par le lac et un territoire de plus
de 300 kilomètres. Le D' Southon n'a pas voulu le laisser ainsi isolé. Le
Comité de Londres s'est demandé s'il ne devait pas renoncer pour un
temps aux stations du Tangaj;iyika et se replier sur l'Ourambo ; mais les
nombreuses populations qui entourent le lac, le bon accueil qu'elles ont
toujours fait aux missionnaires, et la considération que le Tanganyika
est la voie la meilleure pour pénétrer chez les multitudes qui occupent
la grande vallée du Congo, l'ont engagé à persévérer dans ses progrès
vers l'ouest, jusqu'à ce que ses missionnaires aieçit rejoint ceux des
sociétés anglaises qui remontent le fleuve. D'après le témoignage de
M. Hutley, il y a au nord d'Oudjidji, près du lac, à une certaine hau-
teur, des endroits salubres, et MM. Palmer et Griffith croient que l'on
peut en trouver aussi à l'ouest de Mtoua, non loin de la station actuelle.
Pour compléter la ligne de communication par le Nyassa, proposée par
M. James Stevenson, le Comité créera une station nouvelle au sud du
Tanganyika, et fournira aux missionnaires un vapeur, pour leur per-
mettre de visiter les tribus établies le long des 1500 kilomètres de côte du
lac, d'acquérir une connaissance complète du pays, et de choisir les sites
les meilleurs pour l'emplacement de futures stations. En même temps
que le steamer sera placé sur le lac, on commencera à donner aux natifs
une éducation industrielle, sous la direction de mécaniciens attachés à
la mission.
M. "W. Beardall, constructeur de la route de Dar-es-Salam, dans
la direction du Nyassa, a été chargé, parle sultan de Zanzibar, d'explorer
le bassin de la Roufl^l et de son tributaire l'Ouranga. Malgré la rapi-
dité du courant et, dans certains endroits, le peu de profondeur de l'eau,
il a pu remonter la première en bateau jusqu'à Korogéro. Les villages
sont nombreux le long de la rivière. Korogéro en est le principal chef,
mais son autorité a beaucoup diminué depuis que sa ville a été brûlée,
ses gens tués ou dispersés, et lui-même fait prisonnier par les Mahen-
gués. U doit leur payer un tribu annuel, dont il prélève une partie sm-
les i>etits che£s du voisinage. Les Mahengués considèrent cette partie du
pays conmie une espèce de réserve pour la chasse aux esclaves. Trop
habiles pour dépeupler d'un seul coup tout le pays, ils y font des incur-
— 108 —
sions périodiques, brûlent un ou deux villages et emmènent des esclaves.
Aussi, après les récoltes, les indigènes de la Rouâgi se cachent-ils, eux
et leur grain, dans les îles basses de roseaux qui garnissent cette partie
de la rivière. Us n'y sont pas aisément surpris, les Mahengués craignant
les crocodiles qui abondent dans ces retraites marécageuses. De Koro-
géro, Texpéditiou dut poursuivre sa marche à pied, les cataractes de
Pangani, au-dessous de l'embouchure de la Ruaha, ne permettant pas
aux bateaux de remonter plus haut. M. Beardall s'avança jusqu'au con-
fluent de la Lououégo et de l'Ouranga, et , aux cascades de Chougouli.
Il y apprit que des caravanes de Quiloa y passent continuellement, pour
acheter des esclaves et de l'ivoire. L'impossibilité de trouver des guides
pour aller plus loin et l'approche de la saison des pluies l'obUgèrent à
revenir à la côte. En arrivant à Nyan'toumbo, à peu de distance de
l'océan, un de ses hommes, descendu à terre, vit une caravane d'environ
50 esclaves qui attendait de pouvoir traverser la rivière pour continuer
sa marche vers le nord ; le propriétaire s'était caché, quand il avait appris
la présence du bateau de M. Beardall dans le voisinage.
La Société de géographie de Mozambique se propose de faire faire
une reconnaissance des principaux golfes et des rivières du Uttoral, et
d'organiser une expédition au lac Nyassa en partant de Sangoul. De sou
côté, le ministre portugais de la marine et des colonies présentera, à la
rentrée des Chambres, un projet en vue de la construction du chemin
de fer de Lourenzo Marquez à la frontière du Transvaal. La ligne, dont
le coût est estimé à 7,500,000 francs, serait construite aux frais de l'État.
Le gouvernement doit en outre procéder à une nouvelle adjudication du
service postal officiel, par steamers, entre la métropole et les ports de la
province de Mozambique. Actuellement, ce service est fait, via Suez, pai*
la « British India Company, » en vertu d'un contrat échéant en 1882, qui
probablement ne sera pas renouvelé, le transbordement réglementaire
à Aden ne permettant pas à la province de Mozambique de jouir des
avantages que des communications rapides avec la métropole pourraient
lui assurer.
Le P* Depelchin a visité à la fin de mai la station de Panda-ma-
Tenka, à 80 kilom. des chutes du Zambèze, dont le personnel a beau-
coup souifert de la fièvre, U compte bâtir sur un plateau, du côté Est de
la vallée, un sanitorium, planter dans la vallée beaucoup d'eucalyptus
pour assainir le pays, et creuser im puits pour se procurer de l'eau
potable. Le roi des Barotsés lui a fait exprimer le désir de voir les mis-
sionnaires, et a envoyé à Mparira des bateaux pour les transporter à
Katonga, sa résidence.
— 109 —
D'après le Standard, Mopocb, chef indigène de Lydenbourg, dans le
Transva&ly a pris les armes pour combattre les Boers. H avait déclaré
au résident anglais que, si les troupes britanniques quittaient le pays,
]ui et sa tribu se battraient jusqu'au dernier homme, plutôt que de se
soumettre aux Boei^^ Les blancs du district sont en fuite. Une grande;
inquiétude règne également dans le district de Wakkerstrom, oii les
Cafres se préparent à quelque entreprise. On craint que tous les indigè-
nes du Transvaal ne se soulèvent, et que les Boers ne puissent leur
résister. Deux mille hommes de troupes anglaises sont à Newcastle,
prêts à toute éventualité.
D'Ouvouzia, où nous avons laissé le P. Duparqnet, dans son explo-
ration de rOiranipo, il a traversé le district des Ombalandous ou
Omx)dous-miti, (hommes des arbres), surnom qu'ils doivent à l'habitude
qu'ils ont de combattre du sommet des baobabs, d'où ils décochent
leurs flèches contre leurs ennemis. Cette tribu est constituée sous une
forme républicaine. Riche et puissante, elle est entourée de tous côtés
par d^autres peuplades hostiles, et, n'ayant accès ni sur les fleuves, ni
î?ur les routes du Damara, elle a été jusqu'ici peu visitée par les négo-
ciants. Les autres tribus lui font une guerre acharnée, mais sans pou-
voir l'exterminer. Pour écarter d'elle les négociants, elles leur faisaient
les descriptions les plus terribles de la prétendue férocité des Ombalan-
dous; mais le P. Duparquet a trouvé chez eux une population douce et
inoffensive qui l'a parfaitement accueilli. Ils avaient même envoyé une
ambassade aux Boers, dans le Kaoko, avec des bœufs et 300 sacs de blé,
en retour de quelques munitions de chasse. Le pays abonde en gibier.
En quittant Oumatouzia on arrive, en trois heures de marche,, au pre-
mier village del'Ombandja. Le roi, Ikéra, fait au P. Duparquet l'accueil le
plus cordial. Agé de 40 à 50 ans, il a une physionomie franche et joviale,
est bon et affectueux envers ses sujets, mais ruisselle d'une huile mélan-
gée d'une teinture rouge, au point qu'il est impossible de lui toucher la
main ; il en est de même de tout le personnel du palais. « C'est, dit le
missionnaire, le roi le plus débonnaire et le plus aimable que j'aie ren-
contré en Afrique. » — « Mon cœur, » lui dit Ikéra, « est avec vous, et
je tiens à ce que vous restiez ici pour apprécier mes dispositions et celles
de mon peuple. Je vous donnerai le terrain que vous voudrez; vous
retournerez ensuite à Omarourou, puis vous viendrez construire partout
oîi vous voudrez. » Après quelques recherches , un emplacement fut
choisi près des grandes fontaines d'Owars f le roi l'accorda, tout en
regrettant que le P. Duparquet s'installât de l'autre côté de l'orna-
— 110 —
ramba : « Quand celui-ci, » dit-il, « sera rempli d'eau, comment poui--
rons-nous nous visiter? » Le missionnaire le rassura en lui promettant
de construire, au travers de Vomaramba, une chaussée pour réunir sa
mission à Thabitation du roi. — M. Erickson rejoignit le P. Duparquet
à Ombandja avec le wagon de M. Dufoup. Celui-fii avait éprouvé des
difficultés dg la part de Kipandéka, qui d'abord Tavait bien accueilli,
puis lui avait demandé de faire du négoce avec lui , mais il n'avait que
du bétail à vendre, et M. Dufour, qui cherchait de l'ivoire et des plumes
d'autruche, lui déclara qu'il n'achèterait pas de bétail. Le roi lui enjoi-
gnit alors de quitter son territoire ; à quoi M. Dufour répondit qu'il était
venu non pour négocier, mais poiu* visiter le pays, qu'il ne le quitterait
qu'à son gré et non d'une manière aussi expéditive. Là-dessus, Kipan-
déka lui interdit le feu et l'eau ; il envoya ses gens au wagon du voya-
geur, éteindre le feu et jeter l'eau qui était dans les barils ; puis on
enunena ses bœufs et ses chevaux, et le personnel eflfrayé prit la fuite.
M. Dufour resta seul dans son wagon, déclarant qu'il mourrait plutôt
que de partûr. Il vécut ainsi pendant trois jours, d'une fetçon assez pré-
caire, jusqu'au moment où l'aimonce de la venue de plusieurs wagons
rendit le roi plus traitable; avant l'arrivée de M. Erickson, il avait déjà
renvoyé bœufs, chevaux et personnel à M. Dufour, qui vint à Ombandja.
H a visité les mines de cuivre d'Otavi, qui sont d'une richesse extrême.
M. Dufour mesura la hauteur d'Ombandja au-dessus de la mer et
trouva 1250", ce qui indiquerait qu'Ombandja est un des points les plus
élevés de l'Ovampo. De là, l'expédition prit la route de l'Ondongona,
dans la direction du Cunéné, qu'elle atteignit à Kilavi. Les eaux du
fleuve sont extrêmement limpides et coulent lentement sur un lit do
sable blanc. Partout, sur la rive gauche, il est limité par des cliffs,
(rochers escarpés le long des rives), extrémité du plateau de l'Ovampo.
Cette ligne de diffs a des coupures qui donnent naissance aux oxnarambas
dont l'Ovampo est sillonné. Il est plus bas que le fleuve et s'abaisse, des
rives de celui-ci jusqu'à Ondonga, de 80" au moins ; la pente se continue
jusqu'au lac Etosha, qui occupe la plus grande dépression de toute la
contrée. Le roi de Hombi, Shahongo, reçut les voyageurs avec beaucoup
de bienveillance, et témoigna le désir d'entrer en relations commerciales
avec M. Erickson.
Les stations missionnaires se multiplient le long du Conf^o.
M. Comber en a créé à Isangila et à Mbou sur la rive septentrionale
du fleuve, et n'attend que des renforts pour en fonder à Ibiou et à Stanley
Pool . Un bateau d'un genre nouveau a été construit à son usage en Angle-
— 111 —
terre, par M. Sidney Comber qui va devenir médecin missionnaire. Ce
bateau a été fait de toile à voile, enduite d'un mélange de noir de fumée
et de goudron, La toile en est tendue au moyen de cannes fixées dans
des anneaux de cuivre. D ne pèsera pas plus de 60Kvres, et pourra faci-
lement être divisé, de manière à être porté par deux personnes. Il peut
aussi être transformé en tente. M. Me Call compte ajouter deux nou-
velles stations aux trois que possède déjà la « Livingstone inland mis-
sion, » à Palaballa, Banza Montiko et Manyanga; l'une des nouvelles
serait placée à moitié chemin entre Manyanga et Stanley Pool, l'autre
à Stanley Pool même. Pour cette dernière, le Comité a déjà reçu de la
veuve du missionnaire Hemy Reed, de Tasmanie, un steamer qui sera
appelé le Henry Jieed, et un ami de la mission s'occupe à recueillir
en Amérique la somme nécessaire pour le transport du steamer, de
Mataddi à Stanley Pool.
Le P. Aiif^ouard est arrivé à Isangila en suivant, à partir de Vivi,
la pouto de Stanley 5 elle est interrompue 'trois fois entre ces deux
points pour le service des "vapeurs. « Cette route, » dit-il, a est un tra-
vail vraiment gigantesque ; on ne peut imaginer comment Stanley a pu
déplacer, en si peu de temps, cette quantité énorme de terre, d'arbres
et de rochers. En certains endroits elle traverse la forêt, tantôt ver-
doyante, tantôt encombrée par de grands rochers qu'il a fallu faire
sauter avec de la poudre. Ailleurs, elle arrive droit sur le Congo et le
domine à pic. Presque en face, deux cataractes, l'une en amont, l'autre
en aval, grondent avec un fracas horrible et roulent au milieu des mon-
tagnes leurs flots écumants. Malgré le peu d'enthousiasme des noirs
pour les beautés de la nature, les porteurs ne pouvaient retenir leurs
cris d'admiration et de stupeur. » Stanley va continuer sa route vers
Stanley Pool, où il conduira le petit bateau à vapeur, à roues VEn avant.
Il naviguera pendant 30 kilomèti'es, et le reste du chemin s'effectuera
par terre. Il veut terminer ce travail avant le mois de mars prochain,
époque à laquelle expire son engagement.
Une lettre de Sairoripnan de Brazasa à sa mère nous apprend qu'il
■
a dû faire un nouveau voyage à Franceville, pour ravitailler la sta-
tion et reprendre, auprès des tribus riveraines, l'influence perdue par
son absence; sans cela il aurait fallu à ses aides, MM. Ballay et Mizon,
plusieurs mois avant de pouvoir disposer de moyens de transport sérieux.
A son départ de chez les Okandas, il souffrait d'une violente dysenterie
qui l'avait complètement épuisé. A Boue il voulut faire passer les piro-
gues avec leur chargement au-dessus des rapides ; la sienne chavira et,
1
— 112 —
pour la retirer, il dut passer plusieurs heures dans Teau; la dysenterie
le reprit et il se meurtrit grièvement le pied gauche. A peine guéri, il
voulut se mettre à conduire lui-même sa pirogue, mais la blessure se
rouvrit; Tinflammation s'y mit; il dut avoir recours aux médicaments
du pays et, malgré un apaisement presque instantané de la douleur,
l'effet de ces remèdes fut désastreux. Il envoya une pirogue chercher
de Tacide phénique et du nitrate d'argent à Marchogo, et un nouveau
pansement cicatrisa la plaie. On put alors le transporter à Franceville,
où il arriva le 6 avril et où il fut reçu avec de grandes démonstrations de
joie. Il y trouva une route construite pour gagner le village sans trop
forte pente, et un pont de 40 mètres pour traverser le lac ; ime très
longue case sert de maison d'habitation et de magasin pour le personnel
de la station; il apportait avec lui des semences, et allait tâcher d'intro-
duire la culture des orangers, du café, de la vanille, etc.
Malgré les progrès déjà réalisés sur la côte de Gmnée, les sacrifices
humains persistent encore dans les grands états du Dahomey et des
Achantis. Le missionnaire wesleyen John Milum a fait un voyage
dans le Dahomey, et rapporteque le roi Grélélé, qui y règne depuis 27 ans,
a fait sacrifier chaque année au moins 200 persoimes; sa résidence,
Abomey, n'est cependant qu'à 20 lieues de la côte, et les villes qu'il
attaque pour y faire des prisonniers de guerre en vue de ces sacrifices
n'en sont guère qu'à 30 lieues. Il venait de détruire la ville de Mikkam,
à l'ouest du Dahomey, et d'en ramener 17,000 captifis. H a un marché
d'esclaves. M. Milum l'a vu mettre en vente 20 hommes et 30 femmes.
Un petit-fils du roi acheta un jeune garçon pour 4 sous; une fillette, qui
paraissait une princesse, acheta une jeune fille ; après quoi les chefs à leur
tour firent leurs achats. Le roi fit présent de jeunes femmes à quelques-
uns de ses braves, ce qui donna lieu à des danses en signe de reconnais-
sance. Des transactions de cette nature continuèrent pendant plus d'une
semaine. — De son côté, le roi des Achantis a fait mourir récemment
200 jeunes filles, pour employer leur sang à faire du mortier en vue de
réparer im de ses édifices. Le représentant du roi étant à la côte, on
espère qu'une enquête sévère sera faite à cet égard. Le prince Buaki
est, en effet, arrivé à Accra, avec le capitaine Lonsdale qui l'avait
accompagné à Coumassie. Il est chargé par son souverain de conclure
avec l'Angleterre un traité, qui ouvrira au commerce les routes de l'inté-
rieur du pays des Achantis. Sir Samuel Rowe et les principaux d'Accra
Tout très bien reçu; mais il est probable que le représentant anglais
mettra comme condition au traité l'abolition des sacrifices humains.
~ 113 —
Au mois de septembre, M. Ramseyer, missionnaire qui, avant la der-
nière guen-e avec l'Angleterre, avait été retenu prisonnier à Coumassie
pendant quatre ans et demi, y a fait une visite avec un de ses collègues,
et y a trouvé un accueil extrêmement cordial.
L'exploitation des différentes mines de la Côte d*Or progresse :
Textraction du minerai s'opère rapidement, les machines nécessaires
pour le broyer s'installent les unes après les autres. Deux compagnies
nouvelles sont en formation. Le capitaine. F. Burton, compagnon de
Speke dans l'expédition qui, en 1857, aboutit à la découverte duTanga-
nyika, va se rendre à Axim, pour y examiner les travaux d'une mine
dont la direction lui a été confiée. Des démarches sont faites pour le
tracé d'une ligne de chemin de fer léger, de la côté aux districts miniers.
A Sierra Leone l'agriculture devient l'objet d'une attention parti-
culière, soit chez les natifs, qui font venir des semences de diverses par-
ties du monde, soit chez les Européens, dont plusieurs appliquent à la
culture les facilités qu'offre le capital. — Un autre fait intéressant vient
de se produire à l'Université libre de Bruxelles. M. W. Renner, natif de
Sierra Léone^ s'est présenté pour subir les trois examens de doctorat en
médecine, et les a passés avec le plus grand succès. D compte retourner
en Afrique, pour y exercer sa profession sur la côte de Guinée.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
M. Godwin, ingénieur au Caire, a adressé au gouvernement égyptien un rapport
tendant à démontrer la nécessité de prolonger le réseau des chemins de fer jus-
qu'au Soudan égyptien, en employant alternativement la voie du fleuve et la voie
ferrée. .
Avant de mourir, Mgr Comboni avait fait l'exploration du Djebel Nouba, et
dressé une nouvelle carte des pays qui l'entourent. Il se proposait de fonder une
mission dans la province du Bahr-el-Ghazal, à la demande de Lotfus-bey, nommé
gouverneur en remplacement de Gessi.
Une expédition allemande, sous la direction de M. le baron de Muller, partira de
Massaoua ou de Souakim pour le pays des Gallas.
MM. Cuzzi et Michieli, agents de la Société italienne de commerce avec l'Afri-
que, sont partis pour Khartoum où ils doivent faire dos achats de gomme.
MM. Pictro Biazzi, de Bergame, et Fausto Benedetti, de Brescia, doivent se ren-
dre dans la mer Rouge, pour explorer les côtes des Somalis au point de vue com-
mercial.
D'après une lettre d'Emin Bey à VEsploratore, le D*^ Junker a été complètement
dévalisé dans le Mombouttou ; Emin Bey lui a envoyé dc3 secours et a dû se ren-
dre lui-même dans ce pays par le Makaraka.
— 114 —
M. Soleillet se propose de fonder entre Zeila et Obock une colonie eommerciale
Le comte Pennazzi, qui a déjà exploré le Soudan, repartira prochainement pour
le pays des Gallas, d'où il cherchera à se rendre directement aux grands lacs de
l'Afrique orientale.
Le D** Stecker a réussi dans son voyage au lac Tsana, dont il a envoyé une très
bonne carte à la Société africaine-allemande. Il a dû ensuite se rendre dans la
province de Zaboul (Abyssinie orientale), où il voulait faire l'ascension des
monts Kollo et Dschimbst; après cela, il comptait visiter les pays nègres à l'ouest
du lac Tsana, se rendre de là au Kaffa et, s'il le peut, revenir à la côte de Zanzi-
bar par le lac Sambourou, le Kénia et le Kilimandjaro.
Le D'^ Kirk a quitté Zanzibar pour deux ans.
Deux des missionnaires anglais de l'Ouganda, MM. Pearson et Lichtfield, sont
revenus en Angleterre.
Dans son exploration de la Rovouma, M. Thomson n'a pas trouvé le charbon
que l'on disait affleurer le long des bords de la rivière.
M. Chauncy Maples, de la mission des Universités, a fait un grand voyage de
reconnaissance dans le pays presque inconnu situé au sud de la Rovouma, dans la
direction de la Louli, et aux soiu*ces de la Loendé.
Trois missionnaires de Blantyre, congédiés à la suite des affaires qui ont trou-
blé cette station, n'ont pu se rendre à la côte par suite d'un conflit existant entre
le chef Tchipitoula et un certain Matékénié, portugais demi-sang, décidé à ne lais-
ser passer aucun Anglais, et par lequel M. Ramsay, ingénieur de la Société com-
merciale écossaise africaine, venait d'être assassiné avec ses gens sur la route de
Quilimane.
Le chef zoulou Oham a repoussé les Abaqualousis au delà de ses frontières,
dans le Transvaal, en leur tuant beaucoup de monde.
Cettiwayo a été autorisé à se rendre en Angleterre au mois d'avril prochain.
Le P. Antunes, professeur à Braga, est parti le 15 octobre avec deux aides et
trois ouvriers, pour aller fonder à Huilla, près de Humpata, où sont les Boers,
des écoles pour les garçons, fils de colons, de Boers et d'indigènes, et pour les
filles, sous la direction de maîtresses choisies ; il compte aussi créer une ferme et
une école professionnelle des arts et des métiers nécessaires à la vie africaine. Le
gouvernement portugais lui a accordé la concession des terrains demandés, se
réservant d'approuver les règlements qui devront régir ces divers établissements.
Le capitaine Capello sera chargé de la direction de la station civilisatrice que le
gouvernement portugais a l'intention d'établir au Bihé.
Le ministre portugais de la marine et des colonies présentera prochainement
aux Chambres un projet relatif à la concession du chemin de fer de Loanda à
Ambaca.
L'association espagnole la Exploradora organise son expédition pour la région
comprise entre la baie de Corisco et le lac Albert.
Le roi et les chefs de Odé Ondo, dans le Yoruba, se sont engagés par un traité à
ne plus tolérer aucun sacrifice humain dans leur torrîtoiro.
— 115 —
Le gouverneur de Sierra Leone a Pintention de visiter les chefs des tribus qui
habitent le long de la Rokelle, en vue d^établir parmi eux une paix permanente.
La mort de M. Golaz au Sénégal ne privera pas longtemps M. Taylor de l'aide
dont il a besoin; plusieurs jeunes gens se sont offerts au Comité des missions évan-
géliqucs de Paris, pour être; envoyés à Saint-Louis.
LA MOUCHE TSÉTSÉ
Tout le monde sait qu'il n'y a pas de plus gi*and ennemi de l'explora-
teur et du colon, dans l'Afrique australe, qu'une vulgaire petite mouche
appelée tsétsé. Les voyageui-s qui ont visité cette contrée la signalent
tous comme leur ayant causé plus ou moins de dommages. Le sujet
étant ainsi des plus actuels, nous voudrions aujourd'hui parler de cet
insecte, étudier sa conformation physique, l'effet de ses piqûres, et enfin
les moyens, s'il y en a, de débarrasser l'Afrique de ce fléau.
M. Bafaiier pense que la tsétsé n'est autre que le zebud des Ghaldéo-
Persans et que la cynomyia des Grecs.
Une mouche , analogue à la tsétsé et produisant les mêmes effets, fut
signalée pour la première fois par Bruce, sous le nom de zinib, en Abys-
sinie, vers 1770. Beaucoup plus tard, en 1837, le capitaine Harris indi-
quait sur sa carte une a région abondante en mouches qui causent des
ravages parmi le bétail. » D'autre part, vers 1850, Gordon Cumming
attirait sérieusement l'attention sur la tsétsé. Le major Vardon donna
des détails plus précis que Gordon Cumming, et rapporta en Europe les
premiers échantillons, qui ont permis au naturaliste Westwood de
décrire l'espèce. Enfin plusieurs voyageurs, entre autres Oswell, Living-
stone et Kirk, ont ajouté beaucoup h nos connaissances sur cet insecte.
D'après les échantillons reçus de M. Vardon, M. Westwood a constaté
que cette mouche est une nouvelle espèce du genre Oloesina de Wiede-
mann. Il la désigne sous le nom de Olossina morsitans. Le genre Glossma
avait été établi sur une seule espèce, la Glossina hngipàlpis de Sierra
Leone, mais M. Westwood a constaté l'existence de deux nouvelles
espèces africaines du même genre, l'une venant de l'Afrique occidentale-
tropicale, l'autre de la Côte d'Or. Ce savant ne partage pas la manière de
voir du marquis de Spineto, qui a voulu assimiler l'insecte découvert par
Bruce à une représentation qui se trouve sur les monuments égyptiens.
La tsétsé est brune, presque de la même nuance que l'abeille ordinaire.
ËUe a à peu près la taille de la tnouche commune d'Europe, mais elle en
diifère sur un point essentiel, ce qui pennet toujours de la reconnaître.
— 116 —
Quand la tsétsé est au repos, les ailes, étendues le long du dos, se recou-
vrent à leurs extrémités. Le corps est aussi un peu plus large et plus plat
que celui de la mouche des appartements. La tsétsé porte, sur la région
supérieure de l'abdomen, trois ou quatre raies jaunes et transversales.
Sa trompe, une fois plus longue que sa tête, ressemble à une soie
cornée. Lorsqu'on a sur la main une de ces mouches, et qu'on la laisse
agir sans la troubler, on voit sa trompe se diviser en trois parties, dont
celle du milieu s''insère assez profondément dans la peau; l'insecte
retire ensuite cette tarière, l'éloigné un peu et se sert alors de ses man-
dibules qui, sous leur action rapide, font contracter à la piqûre une
teinte cramoisie; l'abdomen de la mouche, flasque et aplati auparavant,
se gonfle peu à peu, et, si l'insecte n'est pas tourmenté, il s'envole
tranquillement aussitôt qu'il est gorgé de sang. La démangeaison qui
suit la piqûre n'est pas plus douloureuse pour l'homme que celle causée
par un moustique, mais elle prouve que quelque substance irritante est
en même temps injectée, et que son effet est de causer une congestion
locale qui facilite la succion du sang. D faut bien noter cependant qu'on
n'a encore découvert aucun organe qui sécrète cette substance irritante.
Disons, à ce sujet, qu'il serait bien à désirer qu'un voyageur rapportât
une de ces mouches conservée dans l'alcool ; jusqu'à présent tous les
spécimens ont été gardés secs, et, dans cet état, il n'est pas possible de
distinguer si, oui ou non, il y a une glande à venin, ni quelle est la
nature de ce venin.
La mouche tsétsé a un bourdonnement particuUer, discordant, que
l'on n'oublie jamais quand on l'a entendu une fois. Grâce à la longueur
de ses ailes, elle est d'ime vivacité remarquable et très difficile à saisir
pendant le milieu du jour ; mais, le soir et le matin, la fraîcheur de la
température lui enlève une pailie de son agilité. Rapide comme ime
flèche, elle s'élance du haut d'un buisson sur le point qu'eUe veut atta-
quer. Sa vue doit être très perçante, car un voyageur, M. Chapman,
raconte qu'ayant à son vêtement un trou presque imperceptible fait par
une épine, U voyait souvent la tsétsé, qui ne pouvait traverser le drap,
s'élancer et venir, sans jamais manquer son but, le piquer dans le petit
espace qui n'était pas protégé.
La piqûre de la tsétsé est morteUe pour le bœuf, le cheval, le chien
d'Europe. Elle n'a aucun effet fâcheux, au contraire, sur les animaux
sauvages, tels que le buffle, l'éléphant (qu'il soit originaire d'Afrique ou
importé d'Asie), l'aiitilope, la gazelle, le zèbre, le chien indigène, et sur
certains animaux domestiques comme le porc, l'âne, le mulet et la
— 117 —
chèvre. Il faut ajouter cependant que, quant à l'âne, les voyageurs sont
divisés d'opinion, et que, d'autre pai*t, Livingstone ayant soumis à
répreuve de la tsétsé des chameaux et des buffles, qu'il avait pris pour
transporter ses bagages dans des districts infestés de mouches, croit
que celles-ci ont eu une grande influence sur le sort de ses bêtes, qui
sont toutes mortes au bout de peu de temps. Mais il ne se prononce
pas , positivement à cet égard, étant certain qu'il y avait eu de très
mauvais traitements exercés par les conducteurs.
Il y a trop peu de différence entre la natiu^e du cheval et du zèbre,
du bœuf et du buffle, pour qu'il soit possible d'expliquer d'une manière
satisfaisante pourquoi les uns meurent tandis que les autres paissent
impunément au milieu des tsétsés. De même, comment expliquerait-on
que le jeune veau, tant qu'il est nourri de lait, peut être piqué sans
danger, tandis que pour le chien c'est le contraire ? Si le lait fonne la
nourriture de celui-ci, il succombe infailliblement, tandis que, d'après
M. de Castelnau, s'il est exclusivement nouiri de gibier, il acquiert
à l'égard de la piqûre l'immunité des animaux sauvages. Ces singula-
rités firent tout d'abord croire à Livingstone que ces ravages étaient
produits par quelque plante et non par l'insecte ; mais le major Yardon
trancha la question, en allant à cheval sur une petite colline infestée de
tsétsés ; il ne permit pas à la bête de manger un seul brin d'herbe, ne
resta dans cet endroit que le temps nécessaii*e poui* regarder le pays et
pour saisir quelques-unes des mouches qui piquaient sa monture ; dix
jours après, le malheureux cheval était mort.
Chez le bœuf, l'effet immédiat de la piqûre ne semble pas avoir plus
de gravité que chez l'homme, et ne trouble pas l'animal. Mais, quelques
jours après, on entend, lorsqu'il mange, un bruit sourd sortant de son
corps ; de ses yeux et de son mufle, d'après Livingstone et Oswell,
s'écoule un mucus abondant ; la peau tressaille et frissonne comme sous
l'impression du froid ; le dessous de la mâchoire inférieure et les pau-
pières commencent à enfler. M. Gordon Cununing nous dit qu'un de ses
chevaux, piqué par la tsétsé, avait, avant de mourir, la tête et le corps
enflés de la manière la plus lamentable ; ses yeux l'étaient tellement
qu'il ne pouvait plus rien voir. Le bœuf s'émacie de jour en jour, bien
qu'il continue de paître ; l'amaigrissement s'accompagne d'une flacci-
dité des muscles de plus en plus prononcée, et, après quelque temps de
souffrance, l'animal se consume et meurt. Les bœufs qui ont un certain
embonpoint au moment oti ils sont piqués, sont pris de vertige, comme
s'ils avaient le cerveau attaqué ; ils deviennent complètement aveugles.
— 118 —
et meurent fort peu de temps après. La pluie et les changements subits
de température qu'elle amène, hâtent les progrès de la maladie ; toute-
fois elle se prolonge dans tous les cas pendant un certain temps, et sur
ce point les voyageurs sont généralement d'accord. Gordon Cumming
croit que ce temps varie d'une semaine à trois mois, et Oswell de trois
à douze semaines. Ce dernier voyageur pense qu'il suffit de 3 ou 4 mou-
ches pour tuer un gros bœuf. Livingstone raconte qu'il perdit, pendant
son voyage chez les Banâjoas, 43 bœufs magnifiques ; les ayant surveillés
avec soin, il était persuadé qu'une vingtaine de tsétsés tout au plus
s'étaient posées sur eux. A l'autopsie d'un bœuf piqué par la mouche, on
remarque que la graisse a fait place à une matière jaunâtre, molle et
visqueuse. Le tissu cellulaire, placé immédiatement sous la peau, est
boursouflé, comme s'il était formé d'une quantité de bulles de savon j
toutes les chairs sont molles ; le cœur, les poumons, le foie, ou l'un au
moins de ces organes, est malade. Le cœur est d'une telle flaccidité
qu'il ressemble à de la chair qui aurait trempé dans l'eau, et que les
doigts qui le saisissent se rencontrent en le pressant. Le sang, épais et
albumineux, est si diminué en quantité et altéré en qualité, que les mains
en sont à peine tachées pendant la dissection . La piqûre de la tsétsé serait
donc un véritable empoisonnement du sang.
Les ravages produits par la mouche sont terribles dans l'Afrique
australe. Combien de bergers négligents ont perdu tous leurs troupeaux
pour les avoir laissés paître dans des prairies infestées de tsétsés !
Livingstone raconte qu'une imprudence involontaire fit périr presque
tout le bétail de la tribu des Makololos, qui^ sans le savoir, étaient
venus s'établir dans un district fréquenté par le redoutable insecte. Le
voyageur Oswell perdit 49 bœufs sur 57. D'après M. Bainier, en 1863,
dans les seules possessions portugaises du Congo, plus de 20,000 têtes
de bétail périrent par suite des piqûres de la mouche venimeuse.
Aussi doit-on comprendre que les indigènes aient une peur affi'euse
de la tsétsé, qu'ils cherchent à connaître d'une manière exacte ses can-
tonnements préférés, et que, devant traverser dans leurs pérégrinations
un district infesté, ils choisissent le clair de lune d'une nuit d'hiver,
parce que, d'après Oswell, la tsétsé ne pique pas pendant les 5uits de
la saison froide.
Le docteur Kirk croit que la mouche se rencontre surtout sui* les col-
lines, dans les forêts ouvertes et les pays bien boisés, et manque dans
les grandes plaines herbeuses. Du reste tous les voyageurs s'accordent
à dire que ses cantonnements sont très tranchés et qu'elle ne change
— 119 —
pas de localité. Dans le récit de ses premiers voyages, Liviiigstone dit
que, s'étant engagé pendant la nuit dans un endroit qu'infestait la
tsétfié, il s'empressa de fuir dès le matin vers l'autre bord d'une rivière
qu'il suivait, certain de ne l'y pas rencontrer ; cette rivière était le
Chobé; plus loin il reprend cette thèse, que ce cours d'eau sépare nette-
ment, sur une partie de son cours, la région qu'habite la mouche de
celle où l'on n'en trouve aucune ; fait d'autant plus singulier que des
indigènes transportaient souvent, d'une rive à l'autre, des morceaux de
viande crue couverte de tsétsés.
D'une manière générale, la mouche tsétsé se rencontre dans la partie
équatoriale et australe de l'Afrique, dans toute la largeur du continent.
Le voyageur Arnaud croit qu'elle est identique à une mouche qu'on ren-
contre dans le Sennaâr, entre le lô"* et le !!"*• degrés de latitude Nord,
oïl ses piqûres tuent les animaux domestiques. Les propriétaires des
troupeaux sont obligés d'abandonner cette contrée pendant la saison où
elle est le plus inquiétante, c'est-à-dire pendant les mois de janvier à
mai, pour se réfugier sur les bords du Nil où on ne la retrouve que très
rarement. M. Arnaud ayant été piqué par une de ces mouches, la plaie
qui en est résultée a duré plus de 4 mois avec des démangeaisons. Le
capitaine Burton a rencontré la tsétsé entre le Tanganyika et la côte,
dans le pays d'Ounyamouézi. En revanche il faut dire que M. Broyon
ne croit guère à l'existence de la mouche dans cette région, car ayant
constanmient avec lui, dans ses divers voyages, en particulier dans
rOunyanyembé, une vache et d'autres animaux domestiques, il n'en a
perdu aucun de la piqûre de la tsétsé.
La région la plus infestée est certainement le bassin du Zambèze.
Livingstone a trouvé la mouche redoutable sur un très grand nombre
de points, particulièrement près du confluent du Chobé et du Zambèze,
des chutes Victoria, et des bourgades de Linyanti et de Seshéké. Il fau-
drait citer cependant ime assertion de M. Hartmann, qui, si elle se
vérifiait, serait d'une grande importance, poiutant elle ne concorde pas
avec celle de M. Bainier, rapportée plus haut, a D'après des documents
authentiques, dit-il, la Olossina morsitans se rencontre dans la région
des chutes Victoria et sur la côte du Loango, sans qu'on ait constaté
un seul cas d'animaux domestiques ayant péri par suite de ses piqûres.
On voit toutefois là des bœufs périr d'autres maladies faciles à diagnos-
tiquer. Il semble, par conséquent, que si la tsétsé y cause quelque
désordre, elle n'y est nuisible qu'à un faible degré. » Les environs du
lac Ngami, le territoire des Betchouanas et le pays arrosé par le Lim-
— 120 --
popo sont spécialement cités par les voyageurs, comme ne pouvant conr
venir à l'élève du bétail par suite de la présence de la tsétsé. Des
Griquas ayant voulu traverser la partie nord-ouest du Transvaal,
perdirent successivement toutes leurs bêtes de somme, durent abandon-
ner leurs wagons et revenir à pied. Il est toutefois peu probable que la
mouche se trouve au sud du tropique du Capricorne. C'est du moins
l'opinion de M. Vardon.
On s'est souvent demandé s'il y aurait un remède quelconque à la
piqûre de la tsétsé. A cela tous les explorateurs et en particulier Living-
stone répondent qu'ils n'en connaissent aucun. L'animal piqué est con-
damné. Y aurait-il alors des mesures préventives ? On pense que l'inocu-
lation resterait sans effet, car des animaux légèrement piqués n'en
meurent pas moins l'année suivante sous l'influence de piqûres plus
nombreuses. Le capitaine Foot croit qu'une application de paraffine,
faite de temps en temps, aurait pour effet d'éloigner cette mouche.
Hildebrandt, de son côté, conseille l'emploi du pétrole (v. ci-dessus, p. 96).
Peut-être y aurait-il des essais à faire dans ce sens. Quoi qu'il en soit,
disons-le en terminant et en nous appuyant sur un grand nombre de
voyageurs, la mouche tsétsé diminue et tend heureusement à dispa-
raître. Il est un fait certain, c'est que le buffle sauvage, la gazelle, etc.,
étant chassés d'une contrée, la mouche est chassée elle-même. Dans le
Zoulouland, à Livingstone et sur beaucoup d'autres points visités par
Livingstone, la mouche, qui abondait autrefois, ne se rencontre plus
aujourd'hui. Par suite de la multipUcation des armes à feu et de la
chasse acharnée que l'honmie livre à tout gibier et surtout au buffle, on
peut prévoir la disparition lente et graduelle de l'insecte terrible, et
l'époque où, sur certains points aujourd'hui infestés de l'Afrique cen-
trale, les colons pourront s'établir sans crainte.
EXPLORATION DE LA DANA, PAR CL. DENHARDT'.
(Suite et fin.)
La plaine dans laquelle -coulent l'Osi et la Dana, s'étend du Sabaki
jusqu'à la Djouba, avec de petites ondulations entre les fleuves. Au bord
de la mer, eUe est bornée par des dunes et des collines argileuses, repo-
^ Le nom de Kitoui, omis par inadvertance dans la carte de notre précédent,
livraison, doit ^ro plac(^ snr Pitinéraire deMombas au Kénia, entre Kinoa et Ndiango.
— 121 —
sant sur des formations coralligènes. A riiitérieur elle s'élève peu à peu
jusqu'à rOukambani, où elle forme un grand plateau surmonté de mon-
tagnes isolées, ramifications du Kénia, qui se prolongent jusqu'à Ta-
kauQgou et à Mombas.
Le long de la Dana, Télévation est insensible ; Massa n'est qu'à 300°"
au-dessus de la mer. Les sources de la rivière doivent, d'après Krapf et
d'après les indigènes, se trouver dans le massif du Eénia. En amont de
Haméjé, ses bords sont rocheux, son eau devient mugissante, et elle n'est
plus navigable. Les Souahélis de ce district l'appellent Gourourouma
(tonnerre). Elle sort du lac Taka Abajila, situé au cœur des montagnes,
qui paraît fournir aussi des eaux aux lacs Lorian et Sambourou au N.
et au lac Baringo à l'Ouest.
Près des rivières la plaine est couverte d'un gazon court et savoureux;
plus loin, d'herbes plus fortes et plus dures et de mimosas. Au bord des
fleuves croissent les palétuviers, aussi loin que remonte la marée. Les
habitants en emploient le bois pour la construction de leurs maisons et
de leurs bateaux, et l'écorce pour préparer et teindre les cuirs. Au delà
s'étendent des forêts de palmiers. Dans les districts de Ndoura et de
Soubakini, la plupart des troncs sont desséchés, les Wapokomos ayant
coupé la couronne des arbres pour en fabriquer une boisson spiritueuse
qu'ils aiment beaucoup, L'Adansonia digitata, très abondant à la côte,
devient rare à partii* de Tjarra, et manque tout à fait au delà d'Enga-
tana. De fortes lianes et des broussailles, en enlaçant les troncs énormes,
foiTnent un fourré épais où l'air et la lumière ont peine à pénétrer.
La plaine n'offre pas de plantes alimentaires ; ceux des habitants qui
ne sont pas pasteurs doivent se vouer à l'agriculture. Chez les popula-
tions musulmanes de la côte, la culture des terres est réservée aux
esclaves. Les gens de Kipini et de Kau considèrent le tenitoii'e de la
Dana inférieure conmie leur propriété, et les Wapokomos qui y sont
établis comme leurs serviteurs. La principale culture est le riz. De
Tjarra au district de Ndéra, s'étendent, des deux côtés de la Dana,
d'iinnienses champs de lîz, qui fournissent la plus grande partie de la
quantité nécessaire à la consommation de l'AMque orientale-équatoriale.
En amont de Ndéra, jusqu'à Haméjé, les rives élevées du fleuve ne per-
mettant plus cette culture, le doura et le maïs remplacent le riz ; on
cultive aussi des fèves, différentes espèces de pois, des patates, du ma-
nioc, la canne à sucre, des bananes, des melons et du tabac. C'est daiLs
les terrains salés du voisinage de la mer, que les cocotiers réussissent le
mieux ; on en trouve jusqu'à Tjarra.
— 122 —
Comparée à celle d'autres pays tropicaux, la faune est pauvre en
espèces et en beaux exemplaires ; les couleurs en sont peu voyantes,
comme celles de la végétation. Les plaines herbeuses servent de lieu de
pâture à des troupeaux de girafes, d'antilopes, de buffles et de zèbres.
Les éléphants se rencontrent en grand nombre dans tout le bassin de la
Dana jusqu'à la mer. Dans les rivières et dans les lacs vivent beaucoup
de crocodiles et d'hippopotames. Les rhinocéros abondent dans les forêts
de leurs bords; et les autruches dans les steppes. Les fauves, loups, léo-
pards, hyènes, chiens sauvages et chacals, ne manquent pas non plus.
Outre les Arabes, les Souahélis, les Wanikas et quelques petites tribus
établies à la côte, on distmgue dans cette région cinq peuplades : les
Somalis, les Wagallas, les Wapokomos, les Wabonis et les Wassanias.
Depuis les voyages de Decken et de Brenner, les relations ethnographi-
ques ont considérablement changé. Les Somalis sont devenus le peuple
dominant. Après avoir passé la Djouba, ils se sont avancés jusqu'à la
Dana et au Sabaki, mettant tout à feu et à sang, exterminant et refou-
lant devant eux les Wagallas, qui jadis s'étendaient du Sabaki à la Djouba.
Depuis 1874, on peut considérer la Dana comme la limite entre les Wa-
gallas et les Somalis ; encore ceux-ci font-ils paître leurs troupeaux jus-
qu'au Sabaki, et, quoique la lutte entre les deux peuples soit terminée
pour le moment, les Somalis n'en capturent pas moins des Wagallas à
toute occasion. Les Wapokomos ont peut-être plus encore à souffrir des
Somalis dévastateurs, qui, à chaque instant les assaillent, tuent les
hommes et emmènent comme esclaves des jeunes gens et des femmes.
Actuellement les opprimés ne résistent plus ; indifférents, ils fuient tout
au plus devant leurs oppresseurs, et changent de place, dans l'idée que
Dieu a donné la victoire et la force aux Somalis, jusqu'à ce que les blancs
viennent s'établir au miUeu d'eux pour les délivrer. Aujourd'hui on
chercherait en vain une tribu Galla sur la rive gauche de la Dana. En
revanche on y rencontre les tribus Somalis des Wabérés, des Désar-
gentas, des Baraouas, des Elaïs, des Tounés, des Kalallas et des Waled-
jidos.
Les malheurs qui accablent les Wagallas les ont rendus pacifiques; ils
ne font plus souifrir de leurs vexations continuelles les Arabes et les
Souahélis de la côte. Les gouverneurs arabes paient bien encore de temps
à autre un tribut au sultan wagalla, mais aujourd'hui c'est plutôt un
présent, dont l'usage cessera prochainement. Les Gallas dépendent déjà
des mahométans de la côte, auxquels ils doiVent de n'avoir pas été com-
plément exterminés par les Somalis. Tandis qu'autrefois ils avaient en
— 123 —
horreur tout autre mets que la chair et le sang de leurs bœufs et le lait
de leurs vaches, et méprisaient les cultivateurs, à présent que les Somalis
leur ont pris leur bétail, ils^se sont faits bergers chez les habitants des
côtes, ou s'engagent comme porteurs ou cidtivateurs. Ils ont aussi établi
des champs de riz et de doura sur les bords du Sabaki, pour se nourrii*
eux-mêmes et pour trafiquer.
Les Wabonis, les Wassanias et les Walangoulos vivent disséminés
parmi les WagaUas, avant lesquels ils occupaient ces plaines et qui les
ont asservis. Ils leur ressemblent pour le physique, la langue et les
mœurs. On ne peut pas leur assigner un district spécial, la chasse dont
Us vivent les obligeant à changer constamment de demeure. H paraît
cependant que les Wabonis habitent surtout la rive gauche de la Dana
inférieure; les Wassanias entre la Dana et le Sabaki, et les Walangoulos
entre celui-ci et le district de Teïta. Ils livrent le produit de leur chasse
aux Wagallas dont ils sont en quelque sorte les vassaux, sans prendre
cependant à l'égard de ces derniers la position humble et méprisée
qu'ont prise les Wapokomos.
Ceux-ci ne ressemblent en rien aux Wagallas leurs maîtres, si ce n'est
par le teint qui est brun. Us diffèrent d'eux par la taille, la langue et les
mœurs, et se rapprochent beaucoup plus sous ce rapport des Souahélis,
des Wanikas, des Wakambas et des Wadchaggas. Ce sont aussi des
émigrants. Leurs traditions font mention d'une grande migration de
peuples, qui les a forcés de quitter leurs demeures situées sur une haute
montagne neigeuse d'oii descendent beaucoup de rivières ; ils en suivi-
rent une et atteignirent la Dana, sur les bords de laquelle ils s'établirent.
Quelques-uns pensent qu'ils demeuraient primitivement sur le Kénia ;
d'autres, sur le Kilimandjarcf. A l'appui de cette dernière opinion on
peut citer le fait qu'un district du Kilimanc^aro s'appelle Pokomo. On
ne peut indiquer l'époque de l'émigration des Wapokomos ; en tous cas
ils occupaient cette région avant les Wagallas et les Souahélis.
Les Wapokomos sont grands et bien constitués, beaucoup d'entre eux
mesurent 2" ; ils sont généralement plus forts de corps que les Wagallas
qui sont très élancés. Quoiqu'ils aient les cheveux courts et frisés, ils
n'appartiennent pas àla race nègre. Comme les autres peuplades voisines,
ils ont des idées très confuses de la divinité. Leur nombre, de Tjarra à
Massa peut s'élever à 15,000, outre cela on peut en compter, au delà de
Massa, 10,000 vivant paisiblement au miheu des restes des Kokaoués,
des Wabonis et des Wassanias. Jusqu'au district de Korkorro, ils culti-
vent avec soin la terre, et ne trafiquent ou ne chassent que d'une ma-
— 124 —
nière accessoire; dans le district de Korkon'O, en revanche, ils se livrent
diavantage à la chasse et laissent à leurs femmes la culture des champs.
Les seuls artisans que Ton trouve chez eux sont des constructeurs de
canots. Ils achètent aux Souahélis et aux Wagallas tous leurs ustensiles
et leurs ornements de métal. Les Wapokomos de la Dana inférieure
jusqu'à Mounjouni sont considérés et traités conmie des esclaves par les
Arabes et les Souahélis. En amont de Mounjouni ils échappent U l'autorité
des habitants de la côte, qui, à partir du district de Soubakini, ne sont
plus que leurs inférieurs.
Laborieux et pacifiques, les Wapokomos sont encore éminemment
sociables. Jamais leurs huttes ne sont isolées ; eUes forment toujours des
villages, établis sans exception dans les forêts le long de la rivière, tout
près de l'eau, avec un côté ouvert sur le fleuve ; la plupart sont entourés,
du côté de la forêt, d'ime forte palissade de 3" à 4" de haut. Dans les
localités oU les attaques des Somalis sont les plus fréquentes, les villages
sont toujours construits sur la rive droite de la Dana. Les champs des
Wapokomos ne s'étendent qu'à quelques centaines de mètres de la
rivière ; aussi ne peut-on plus parler d'un pays habité par ce peuple
comme le portaient les anciennes cartes. Ils désignent le pays qui s'étend
le long de la Dana, du nom des deux grandes tribus Gallas qui l'occu-
paient autrefois, les Kokaoués sur la rive gauche, et les Bararettas sur
la rive droite. Ce territoire se divise en districts dont chacun a un chef-
lieu, avec un ancien qui est au-dessus de tous ceux des autres villages du
district. Ces anciens n'ont pas de chef commun; l'administration est
tout à fait patriarcale ; les anciens sont toujours les hommes les plus
âgés, distingués par leur caractère ou par leur fortune. Ils possèdent
l'autorité, et toute la population leur obéit volontiers.
Les districts traversés par l'expédition sont, à partii* de Tjarra, ceux
de Kalindi, Ngao, Engatana, Muina, Ndéra, Grouano, Kinakombé,
Ndoura, Soubakini, Malaloulou et Massa ; au delà sont les districts de
Boura, Touni, Kidori et Korkorro.
Les Wapokomos pratiquent la circoncision et se tatouent. Leur vête-
ment ne consiste qu'en une pièce d'étoffe, descendant des reins au genou.
Ils portent autour du cou des chaînettes de fer ou de laiton, et des col-
liers de perles blanches, noires et rouges; aux poignets, à l'avant-bras,
aux chevilles des pieds et aux oreilles, des anneaux de plomb ou de
cuivre. Les femmes se parent de colliers de fils de cuivre, auxquels sont
attachées des coquilles. Les Wapokomos sont très moraux. Si quelqu'un
offense une femme, ne fût-ce que par des propos légers et moqueurs, il
— 125 —
est puni par les anciens d'une amende, qui consiste d'ordinaire en pièces
de calicot. Comme chez presque tous les peuples de TAMque orientale,
le mariage revêt la forme d'une vente. Le jeune homme doit donner au
père de la jeune fille du calicot, du fil de cuivre, des perles, du riz, etc.
La polygamie est plus restreinte que chez les mahométans, et la femme
n'est pas considérée comme esclave, ainsi que cela se voit chez les mu-
sulmans et chez d'autres peuples de l'Afrique ; elle travaille avec son
mari et partage ses joies et ses peines.
Les Wapokomos aiment la danse et le chant. Leurs armes sont l'arc
et les flèches, la massue et la lance. Leurs aliments, le riz, le mais, les
pois, les fèves, les bananes, le manioc, les melons, les cocos, la chair de
toute espèce d'animaux ; celle qu'ils estiment le plus est ceUe de l'hip-
popotame. Comme excitant, ils ont une boisson sphritueuse faite de miel
et de jus de palmier. Hommes et femmes mâchent le tabac et le prisent,
souvent dès leur plus tendre enfance.
La grande fertilité du sol, jointe à l'activité des Wapokomos, a donné
lieu à un grand trafic sur la Dana et l'Osi. Les Wapokomos au service
de la population musulmane de la côte en sont les intermédiaires, comme
conducteurs des bateaux de transport. Les trafiquants remontent jusqu'à
Haméjé, la dernière localité habitée par des Wapokomos. De là ils
descendent avec leurs marchandises jusqu'à Kau, où elles sont embar-
quées pour Lamou, les ports de la côte, et Zanzibar. L'argent n'étant
pas employé dans le pays, le commerce se fait tout entier par échange.
Les articles d'exportation sont le riz, le tabac, les dents d'éléphants
et d'hippopotames , les cornes de buffles et la graisse de poisson en
quantité considérable ; outre cela, mais en quantité moins grande, du
miel, de la cire, des peaux, de l'orseiUe, de la sparterie et de la poterie.
Quant à l'importation, elle consiste en cotonnades, couteaux, bêches,
haches, aiguilles, fil de cuivre ou de fer, perles et sel.
Les conditions sanitaires sont bonnes en général. Les maladies les
plus fréquentes, la malaria et la dysenterie, sont d'ordinaire peu dange-
reuses, si ce n'est en cas d'épidémie.
Depuis des siècles, le territoire de la Dana a eu une importance capi-
tale pour la côte orientale de l'Afrique et pour d'autres parties de
l'Orient, comme pays producteur ; à moins de grands bouleversements,
il la conservera sans doute. Aussi longtemps que les farouches Somalis,
qui occupent le bassin de la Djouba, n'auront pas adopté des idées plus
pacifiques, la Dana demeurera le fleuve le plus important pour l'explo-
ration de cette partie de l'Afrique, et la sympathie de ses populations
— 126 —
envers les blancs les disposera favorablement pour les entreprises mis-
sionnaires ou scientifiques, qui y porteront la civilisation européenne.
BIBLIOGRAPHIE '
Ai^GERiEK vsD TuNESiEN, von H. Kiepett Vaoooooo» — Parmi les
cartes que les expéditions françaises en Tunisie et dans le Sud Oranais
ont fait naître, celle-ci peut être comptée comme une des meilleures.
Ainsi que le dit M. IQepert, elle a été dressée, en ce qui concerne
l'Algérie, d'après les cartes du dépôt de la guerre revisées jusqu'en 1867,
complétées au moyen des cartes administratives et de chemins de fer de
1876 et 1880. Poui* la Tunisie, M. Kiepert s'est servi des cartes de
V. Guérin (1862) et de G. Wilmanns (1874). La carte va jusqu'à Ouar-
glajBt comprend, par conséquent, tout le bassin des Chotts, aussi bien en
Algérie qu'en Tunisie. L'auteur a marqué par une teinte violette la
partie des Chotts tunisiens au-dessous du niveau de la mer; il donne,
en outre les délimitations actueUement existantes entre les territoires
m
civils et les territoires militaires. Les deux teintes, qui ont dû être
employées pour les indiquer, nuisent peut-être, dans une certaine mesure,
au coup d'œil, en ce qui concerne le Petit Atlas. Le relief du Grand
Atlas et des Hauts Plateaux est, au contraire, fort bien dessiné. Ajou-
tons que la carte contient toutes les ligues de chemins de fer (sauf celle
de Saïda au Kreider), et qu'on peut y suivre les opérations militaires
actuelles. Tous les noms indiqués dans les dernières dépêches venant du
Sud Oranais s'y trouvent.
Algeria, TimisiA e Tkipolitania, di Attilio Brunialti. Milano (Fra-
telli Trêves) 1881, in- 18, 274 pages et carte, 3 fr. 50. — Si nous faisons
abstraction du côté politique de ce volume, nous devons lui reconnaître
un réel intérêt. Pour chacun des États mentionnés dans le titre, l'auteur
a tenu compte des découvertes dues aux grands explorateurs modernes,
allemands et finançais aussi bien qu'italiens. Son patriotisme ne lui fait
point méconnaître les progrès réalisés en Algérie sous la domination
firançaise, depuis la conquête jusqu'à la guerre des Kroumirs, non plus
que l'importance relative des deux projets, de la mer saharienne du
capitaine Roudaire et du chemin de fer trans-saharien. Les ressources
^ On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 18, rue du Rhône, à Genève,
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique eocplorée et civilisée.
— 127 —
que l'Afrique septentiionale peut offrir au commerce européen, envisagé
comme élément de civilisation, y sont également exposées avec grand
soin, surtout celles de la Tripolitaine, pour lesquelles l'auteur avait à sa
disposition les travaux des derniers explorateurs italiens, MM. Campe-
rio, Bottiglia et Haymann. La carte au Vsooooo d^ '^ régence de Tunis et
des pays limitrophes, dressée par M. Guido Cora, répond pleinement à
l'étut actuel de nos connaissances sur cette région.
Description géographique de Tunis et de la régence, par le com-
mandant Villot. Paris (Challamel aîné), 1881, in-8**, 48 p. et carte. —
Les pei-sonnes qui suivent la marche des événements de Tunisie, trouve-
Yowt dans ces pages un résumé succinct de tout ce que les auteurs les
plus consciencieux ont écrit sur ce pays, soit auxpoints de vue historique,
ethnographique, administratif et militaire, soit à celui de la géographie
physique et politique des quatre régions volcanique, maritime, centrale
et saharienne qui le composent. Un croquis au Veooooo de la Régence,
facilite l'étude de la topographie, si importante pour comprendre les
épisodes de la lutte qui s'y poursuit entre le fanatisme et la civilisation.
Th. Vernes d'ârlandes. En Algérie, a travers l'Espagne et liî
Maroc. Paris (Cabnann Lévy) 1881, in-18*», 420 pages, 3 fr. 50. — A
mesui-e que l'Algérie attiré un plus grand nombre de voyageurs, les
livres qui nous la font mieux connaître se midtiplient. On ne peut que
s'en féliciter quand l'auteur est doué d'un grand esprit d'observation,
car, à côté des faits déjà connus, il en révèle toujours de nouveaux ou
signale des détails qui avaient échappé à ses devanciers. Dans ce voyage
k travers des pays occupés autrefois, ou habités encore aujourd'hui
par les Arabes, M. Vernes d'Arlandes s'intéresse à tout ce qui lui paraît
digne de remarque au point de vue de la nature et de l'art, ou lui rap-
pelle les souvenii-s d'une ancienne civilisation. Mais il s'attache surtout
à faire ressortir le contraste que présentent actuellement les popidations
arabes et les Européens établis en Algérie. Sans méconnaître ce qui
reste de bien chez celles-là, il aime à relever tout ce qu'ont fait les
Français pour tirer la colonie de. la demi-barbarie dans laquelle ils l'ont
trouvée, et les moyens employés par eux pour y répandre de plus en
plus la civilisation : chemins de fer, plantations pour assainir les parties
insalubres, œuvres de secours, colonisation, etc. A propos de celle-ci, il
passe en revue les divers systèmes patronnés par les différents régimes
qui se sont succédé en Algérie, il constate les insuccès partiels de ces
NOTA. — li» Birectton rappelle qu'elle refn^^tte de ne pon-
TOir donner h son BCIilifiTIN MEBISlJfili toote l'extension dési-
rable» mais qu'elle se teit toujours un plaisir d'indiquer A ses
abonnés les sources oA se trouTont des renseignements plots
complets sur les teits qui les intéressent.
- 128 - i
tentatives, les critiques auxquelles elles ont donné lieu, de la part de
ceux qui comparent la colonisation française en Algérie avec celle des i I
Anglais en Amérique et en Afrique, mais tient compte équitablement de
la différence des conditions dans lesquelles se sont trouvés les colons ^^^
anglais dans ces deux continents et les Français en Algérie. _
Central-Afrika, nach den neuesten Forschungen bearbeitet, von _
D' Joseph Cliavanne. Vioooooo (Hartleben, in Wien). — M. Joseph Cha-
vanne s'est déjà fait connaître par une grande carte murale d'Afrique,
qui est une des meilleures à l'heure actuelle. D continue brillamment
en nous donnant une carte de l'Afrique centrale. Disons tout d'abord
(luelles sont ses bornes. Elle s'étend, en latitude, du 10** Nord au 12*"
Sud, et en longitude, d'un océan à l'autre, avec un carton à grande
échelle pour le canal de Zanzibar. On peut donc dire que M. Chavanne
a voulu surtout figurer le cours complet du Congo, auquel, par paren-
thèse, U ne donne nulle part le nom de Livingstone, et la 'vaste contrée
qui, au nord et au sud de ce fleuve, est encore complètement inconnue.
Il a voulu donner les résultats de tous les voyages accomplis jusqu'à ce
jour, avec les itinéraires, afin que plus tard l'on pût suivre facilement
les routes que feront connaître les voyageurs futurs. Ce qui fait le grand
mérite de la carte dont nous parlons, c'est son exactitude et sa clarté.
Elle est agréable à l'œil et témoigne, jusque dans ses moindres détails,
qu'une main habile l'a exécutée. Nous voudrions insister sur un point
important pour la géographie africaine ; M. Chavanne donne une nou-
velle solution de la question si controversée de l'Ouellé. D'après lui, cette
rivière n'est le cours supérieur, ni du Chary, ni de l'Arououimi de Stan-
ley, mais d'un affluent du Congo, aussi découvert par Stanley, l'Oukéré.
L'auteur conduit l'Ouellé par des courbes successives, lui donnant les
noms de Bere, puis de Bomo et d'Oukéré jusqu'au Congo. C'est appa-
remment d'après Potages que M. Chavanne a établi ce tracé, quoique ce
voyageur n'ait pu en mdiquer qu'une partie.
ENTRAL
ÎIER
eux explorations du colonel FLATTERS.
LiOd
JVa^^ Jiilo. Jlbfrt SarbUn
— 129 —
BULLETIN MENSUEL {2 janvier 1882).
La Société de géographie de Paris a reçu d'un de ses membres,
M. F. Bernard, établi en Al|çérîe et bien placé pour être au courant
des affaires du Sahara, quelques renseignements intéressants sur la
«tebka d'Amadg^hor, au sud de laquelle a eu lieu le massacre de la
mission Flatters. Elle est située par é^'lG' long. E. (un peu plus à l'est
que ne l'indique la carte de M. Barbier) et par 25"* 16' lat. N., mais elle
a une étendue plus faible que celle qu'on lui attribuait. La mine de sel
est dans une dépression d'im kilomètre de diamètre, près du massif du
Hoggar dont les pentes s'arrêtent brusquement près de la sebka.
Des trois autres côtés s'étend une grande plaine, traversée par quel-
ques oueds, avec un peu de végétation, mais sans fruits et sans eau.
Aux environs de la sebka le sol est généralement humide quoique très
ferme ; le sel est très blanc et d'excellente qualité. M. Bernard travaille
à une carte de la région parcourue par la mission Flatters, à l'aide des
documents publiés par le service central des affaires indigènes.
Tout en travaillant à rendre libre la navigation du Nil Blanc, Marno
a utilisé ses expéditions poiu* faire un levé détaillé d'une grande partie
du Bahr-el-Gebel, du Bahr-el-Seraf, et du territoire compris entre le
Bahr-el-Abiad et le Bahr-el-Ghazal, Il a confirmé l'existence, au con-
fluent de ce dernier et du Bahr-el-Gebel, d'un lac (lac Nô) qui peut
diminuer pendant la saison sèche, et se réduire exceptionnellement dans
certaines années, mais il n'en reste pas moins, quoi qu'aient pu dire
certains voyageurs, une vaste nappe d'e^u de 6 à 8 kilomètres de lon-
gueur sur 2 à 4 kilomètres de largeur.
MM. Ladd et Snow, chargés de se rendre au confluent du Sohat et du
Nil, pour y choisir un emplacement convenable à l'établissement de la
mission Arthini^ton, ont dû passer de Souakim à Berber sur le Nil,
où ils auront trouvé un vapeur pour achever leur voyage. Une fois le
lieu de la mission fixé, ils retourneront en Amérique ; M. Snow y acquerra,
pour le service de la mission sur le Nil, un steamer, qui portera le nom
de Charles Sumner, tandis que M. Ladd formera un corps de mission-
naires. Quand la station sera fondée, on créera encore un établissement
dans le genre de l'institution de Lovedale, pour apprendre aux jeunes
natifs de cette région les procédés de l'industrie moderne.
ïlimn bey, gouverneur des provinces égyptiennes équatoriales, a
réussi à rétablir l'ordre dans les vastes territoires soumis à son adminis-
tration. Plusieurs des chefe, qui étaient autrefois des adversaires déclarés
L^AFBiqUB. — TB018IÈMB AHHÉB. — N*» 7. 7
— 130 —
du gouvernement égyptien, se sont complètement rattachés à lui ; il sait
parfaitement s'y prendre pour se maintenir en bonnes relations avec les
indigènes et avec les princes les plus puissants du voisinage. La confiance
que Tautorité égyptienne a dans cet habile gouverneur Ta engagée à
ajouter cette année à ses provinces les territoires de Rohl et d'Amadi^
une partie du pays des Niams-Niams et tout celui des Mombouttous. Au
mois de mars il a visité la province de Lattouka, à l'est du Nil, entre les
4° et 5° latitude nord, et les 30** et 31° longitude est. F. Lupton,
actuellement gouverneur du Bahr-el-Ghazal, en a dressé une carte accom-
pagnée d'observations météorologiques et hypsométriques. Il a de plus
rédigé ud vocabulaire de la langue des Lattoukas, qui diffëi-e de toutes
celles du voisinage.
Des difficultés se sont élevées entre la mission de Frère Toi;vn et le
waU dç Mombas, au sujet de plusieurs Arabes qui ont causé des troubles
dans les établissements des esclaves libérés. En outre, l'administra-
tion de Frère Town a donné Ueu à quelques reproches, en employant
dans certains cas les châtiments coi-porels pour maintenir l'ordre et la
discipline. Après en avoir conféré avec le D' Kirk, le Comité des mis-
sions a jugé nécessaire d'envoyer à Frère Town, comme son» délégué,
M. Price, le fondateur de cette œuvre (en 1814), en le chargeant d'étu-
dier l'organisation actuelle des établissements, leurs rapports avec le
gouvernement de Zanzibar, les meilleurs moyens d'étendre la mission,
et pour mettre à son service un steamer, le Henri Wright Le D' Kirk
estime que Mombas est un bon point de départ, pour l'extension des opé-
rations missionnaires parmi les tribus de l'intérieur; mais la présence
d'esclaves libérés, au milieu de populations chez lesqueUes règne encore
l'esclavage, est une source de complications sans cesse renaissantes. Aussi
espère-t-oji que le temps viendra bientôt où, non seulement la traite,
mais aussi l'esclavage lui-même, seront abolis dans tout le territoire
du sultanat de Zanzibar, et que le gouvernement anglais appuiera les
efforts des missionnaires pour faire pénétrer la civilisation dans ces para-
ges. Malgré la vigilance des croiseurs le long de la côte orientale d'Afiri-
que, il s'y produit toujours des faits de traite qui demandent une sévère
répression. Le capitaine anglais M. Brownrigg, commandant d'un vais-
seau de guerre, ayant surpris à Pemha, le 3 décembre, un bâtiment
arabe qui était rempli d'esclaves et qui avait arboré le pavillon français,
l'attaqua avec 10 hommes dans un canot; mais les Arabes réussirent à
s'échapper, après avoir tué le capitaine Browmngg avec quatre de ses
hommes. L'amirauté anglaise a envoyé au vaisseau de guerre Philmnel^
stationnant à Zanzibar, l'ordre de bloquer l'île de Pemba.
— 131 —
La Société de géographie de Paris a reçu communication de lettres
donnant des nouvelles de l'expédition envoyée récemment à Mozambi-
qae, pcmr s'enquérir des ressources minérales et autres du bassin du
Zambèze. Au nord du fleuve For ne serait pas assez abondant pour cou-
vrir les frais d'exploitation ; mais les indigènes ont trouvé du charbon
en grande quantité sur les bords de la Moatizé. Le long de la Moarazé
existent des couches fournissant de l'huile, déjà mentionnées par Thorn-
ton, et de nombreux villages dont les habitants sont hospitaliers. Le
pays est très beau, mais, à une vingtaine de kilomètres du Zambèze, il
est peu sûr. Une partie de l'expédition s'est rendue à Manica, oU les
explorateurs portugais ont signalé l'existence de mines d'or. Elle a été
arrêtée dans sa marche par des troubles survenus de la part des indi-
gènes contre l'autorité des Européens.
La région du Bembé, de l'Incomaté et du Chinguiné, dans le Mozam-
bique, a été explorée • récemment par M. Diodeciano das IVeveM
qui, dans un rapport à la Société de géographie de Lisbonne, la pré-
sente conmie réunissant, mieux que beaucoup d'autres parties de l'Afri-
que, toutes les conditions de salubrité et de ressources pour la colonisa-
tion. Ami du roi Ounizila, il a acquis une grande influence dans ce
district, et obtenu la concession de l'embouchure du Bembé et d'un
territoire adjacent très étendu, qu'il veut ouvrir, avec l'assentiment du
gouvernement portugais, à la colonisation et au conamerce. Il demande à
la Société d'envoyer dans ce pays une expédition scientifique. M. Rî-
chapds qui a repris le projet de Pinkerton, de fonder une mission dans
les États d'Oumzila, a quitté Inhambané le 24 juin, et pris une route
plus éloignée de la mer que celle de Pinkerton. Partout sur son chemin
les natifs l'ont bien accueilli et lui ont fourni gratuitement, à lui et à sa
caravane, des vivres en abondance. Plusieiu^ chefs lui ont témoigné le
désir de s'instruire et de recevoir chez eux une mission et des écoles. La
région qu'il a traversée lui a paru salubre et exempte de la fièvre ; ses ânes
lui étaient d'un grand secours et ne semblent pas avoir eu à souflBrir de
la tsétsé, dont il ne parle pas. Aux dernières nouvelles il n'avait plus que
quelques jours de marche à faire pour atteindre le Sabi, et espérait arri-
ver au kraal d'Oumzila dix jours plus tard. D avait rencontré des gens
de ce grand potentat, armés de fusils et revenant d'une chasse ; l'accueil
amical qu'il avait reçu d'eux lui donnait bon espoir de réussir.
H semble qu'il n'y ait pas de limites aux richesses diaihantifères de
l'Afrique australe. De nouvelles mines ont été découvertes dans le dis-
trict de Hanovre (colonie du Cap). Elles sont situées' entre les deux
— 132 —
lignes de chemins de fer votées dans la dernière session du parlement :
Cradock-Colesberg et Beaufort-Hopetown, avec lesquelles il sera facfle
de les relier par des embranchements. Ce district étant plus productif
et plus rapproché des ports que le Griqualand-West, cette découverte
en fera promptement un des plus importants de la colonie.
Le F. Baparquet a remonté le long du Cunéné jusqu'à Ololika,
par 16*50' longitude Est, un peu au nord-ouest d'Ikéra, dont M. Dufour
a déterminé la position par IT'S'. De septembre à janvier on peut y
passer le fleuve à gué, mais en août les eaux étaient trop grosses. Des
Portugais de Houmbi vinrent visiter les voyageurs, et leur fournirent des
renseignements sur les transports de Houmbi à Mossamédës. En général
ils sont pauvres et travaillent pour le compte de deux maisons de Mos-
samédës, auxquelles ils expédient du bétail en retour des marchandises et
des provisions que celles-ci leur envoient. Quand arrive la saison sèche, ils
traversent le fleuve à gué et se répandent parmi les tribus de TOvampo
auxqueUes ils portent eau-de-vie, fusils, perles, etc. Dans quelques
années Timique commerce de l'Ovampo sera la vente du bétail; le mono-
pole en appartiendra aux Portugais de Mossamédès, qui l'expédient sur
toute la côte occidentale jusqu'au /rabon. Le P. Duparquet fit une visite
aux Portugais de Houmbi et descendit jusqu'à la rivière Caculovar,
aflluent du Cunéné, qui vient des hauteurs de Huilla et dont l'eau est
blanchâtre et boueuse. Au delà du Cunéné le pays ressemble au reste de
l'Ovampo. Les baobabs y forment de véritables forêts; le coton améri-
cain y croît très bien ; l'oranger et le citronnier y prospéreraient, mais
on ne les y cultive pas encore. Sur la rive droite, le fleuve n'est pas bordé
par des cUffs comme sur la rive gauche ; aux hautes eaux il se répand
au loin dans le pays; aussi les Portugais doivent-ils s'établir à une dis-
tance considérable, pour se mettre à l'abri des inondations, et dans la
saison sèche ils n'ont pourboire que l'eau du Caculovar, qui est détesta-
ble. Revenu à Ikéra le P. Duparquet fit faire les défrichements nécessai-
res sur le terrain de la station, et le roi lui promit de veiller à ce que
personne ne s'y établît pendant son absence. A son passage chez le roi
Nihombo, celui-ci lui donna un personnage de sa maison pour l'accom-
pagner à Omarourou. Aux fontaines d'Ombika il trouva des Berg-Dama-
ras et des Bushmen, vivant exclusivement de racines sauvages et de
gibier. Les Bushmen sont d'ailleurs disséminés dans le pays ; chacune de
leurs tribus a son nom particulier ; elles conunencent à être pourvues de
fusils, et ne tarderont pas à se faire respecter des tribus voisines. Malheu-
reusement elles s'en servent aussi pour se détruire les unes les autres.
— 133 —
Les missionnaires de la station de Ste-Marie du Gabon vont fonder
une nouvelle mis^i^ion, sur l'Og^oué, comme station intermédiaire
entre l'établissement central et celles qu'ils se proposent de créer entre
le haut du fleuve et le Congo ; un emplacement favorable a été choisi ;
les indigènes ont accueilli les missionnaires avec beaucoup de sympathie.
L'un de ceux-ci a fait visite au roi chrétien Og^a, ancien élève de la
mission du Gabon et principal chef du pays. Il a 33 ans, parle le fran-
çais et l'écrit très convenablement. Quoique jeune il exerce une grande
influence morale dans tout le Gabon ; il n'a qu'une femme, chrétienne
conune lui, parlant et écrivant aussi le français, et quatre de leurs
enfants reçoivent l'instruction dans les établissements des missionnaires.
Ceux-ci ont un facile accès auprès des Pahouins qui, refoulés de l'inté-
rieur, se répandent le long du littoral sur une étendue d'une centaine de
lieues du nord au sud. Dans les seuls affluents du Gabon on en compte
plus de 100,000 ; toutes les branches de cette peuplade parlent le même
idiome, ce qui rend la tâche des missionnaires plus facile. Les autres
peuplades, qui seules jusqu'ici trafiquaient directement avec les commer-
çants d'Europe et d'Apérique, sont jalouses des nouveaux arrivés, les
déprécient en toute occasion, et ont cherché à les repousser, mais les
Pahouins, plus nombreux, n'en ont pas moins contiimé leur marche en
avant. Ils sont accessibles au christianisme^ et ceux qui sont élevés par
les missionnaires restent auprès de ceux-ci, servent les conmierçants
et les fonctionnaires français, ou suivent les explorateurs à l'intérieur.
Le gouverneur de Sierra-Léone, sir Havelock, ayant été informé qu'une
guerre nmsible aux intérêts de Sherbro était sur le point d'éclater
entre des chefs indigènes, s'est rendu à Bonthé, a réuni les principaux
chefs, leur a rappelé le traité qu'ils avaient signé avec sir Samuel Rowe,
son prédécesseur, et par lequel ils s'étaient engagés à maintenir la paix
à Sherbro. Après leur avoii* dit qu'il coimaissait les mauvaises disposi-
tions de certains chefc à Tégard du gouvernement, il chargea ceux qui
étaient présents d'informer les autres que, si quelques troubles éclataient,
ils en seraient responsables, et qu'il enverrait ses agents pour les saisir
et les conduire à Freetown; puis il leur laissa le temps de la réflexion.
Le lendemain ils se réunirent de nouveau et annoncèrent au gouverneur
qu'ils étaient décidés à garder le traité, à communiquer ses paroles
aux autres chefs, et à s'efforcer de les faire tenir tranquilles, pour que
la paix de Sherbro ne fût pas troublée.
M. Gaborîaud, que M. Aimé Olivier avait chargé d'obtenir de
Talmamy du Foutah Djallon, Ahmadou, la confirmation du traité d'ami-
— 134 —
tié conclu avec son prédécesseur et la concession d'un chemin de fer,
est revenu de Timbo, après avoir réussi pleinement dans sa mission. Aux
termes du traité, Ahmadou autorise la construction d'un chemin de fer
devant aboutir à la côte, et concède les ten-ains pour la construction. II
s'engage à foumii* les travailleurs nécessaires, à veiller à la sûreté de
l'exploitation, et accorde à M. Olivier le droit d'établir dans le pays,
sans payer aucune redevance, des factoreries ou comptoirs commer-
ciaux. M. Olivier a publié tout récemment le récit de son voyage, sur
lequel nous reviendrons prochainement.
Le dernier numéro du Bulletin de la Société de géographie commer-
ciale de Bordeaux annonce le succès de la mission du D' Bayol. Il a
conclu avec les chefs du Foutah Djallon, Ibrahima Sory, résident à
Denhol Fella, et Ahmadou de Timbo, un traité qui cède à la France
1° le pays de Kantora sur la rive gauche de la Gambie; 2^ le Foreah ;
8** le pays de Kakaudy (Boké) qui appartenait déjà à la France; 4** le
Bio Pungo, en demandant l'établissement d'un poste à Korirera;
h'* Kaporo, Soumbaya, Dubreka et tous les pays tributaires jusqu'à la
Mellacorée; 6** toute la Mellacorée. La guerre qqi sévit dans la région
des sources du Niger l'a empêché de s'y rendre; il a dû revenir à Labé.
pour se diriger sur la vallée de la Falémé, et redescendre à St-Louis.
On craignait que le campagne d'hiver de la mis^sion topo^paphi-
que du Ha.ut-Séiiég;al ne fût compromise par l'état sanitaire de la
colonie. Mais, arrivée à Dakar le 30 octobre, la mission a trouvé des
ordres précis lui défendant de descendre à terre; elle a été immédiate-
ment transportée à Podor, et de là un nouveau vapeur a pu, grâce à la
hauteur exceptionnelle des eaux, la conduire jusque près de Médine, oii
elle est anivée le 10 novembre pour repreiuke ses travaux.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Le gouvernement français étudie sérieusement la question de la pose d'un câble
direct entre Marseille et la Goulette.
MM. Hondas et Basset, professeurs à Alger, ont reçu du gouvernement une mis-
sion scientifique pour Kairouan.
M. Gagnât, précédemment chargé d'une mission archéologique en Tunisie, inter-
rompue par les derniers événements, va reprendre la route de l'Afrique.
Les relations commerciales que la Société milanaise d'exploration en Afrique a
créées avec l(;s deux stations de Bengasi et de Derna, dans la Cyrénaïque, devien-
nent de jour en jour plus actives. Les stations météorologiques qu'elle y a établies
communiquent directement avec le bureau météorologique de Rome.
— 135 —
Un établissement pour l'élève des autruches a été créé près du Caire et donne
déjà d'excellents résultats. Il est question d'en établir un dans la Haute-Egypte.
Piaggia est à Khartoum, d'où il se rendra chez les Gallas.
Une dépêche du Caire annonce que le faux prophète Mohammed Ahmed * de
Dongola, à la tète de 1500 hommes, a anéanti 350 égyptiens sous les ordres du
gouverneur de Fachoda. Eéouf pacha a demandé des renforts.
La partie orientale du Soudan égyptien vient d'être placée sous l'autorité du
gouverneur général des côtes de la mer Rouge. •
M. Schouver a réussi à atteindre Fadasi, où il a eu la fièvre; il s'en est remis,
mais son compagnon de voyage, M. Rachetti, y a succombé. Il a dû attendre que
la saison des pluies fût passée, pour pénétrer plus an sud dans la région des lacs.
M. Riccardi, de Terni, est au Caire, d'où il partira pour l'Abyssinie et le Choa.
M. Massari a raconté, le 18 décembre, à la Société italienne de géographie, la
traversée du continent africain, qu'il a accomplie avec le regretté Matteuci.
Une compagnie française, au capital de 600,000 fr., s'est formée pour l'exploita-
tion du commerce et des mines do cuivre d'Obock. M. Soleillet, son directeur, est
parti d'Iîurope le 17 décembre.
Le D*" G. Keller, de Zurich, va commencer dans la mer Rouge l'exploration que
nous avons annoncée précédemment. Il a l'appui de plusieurs sociétés scientifiques,
et du Département fédéral du commerce et de l'agriculture.
Un steamer anglais ayant fait côte par le brouillard près du cap Guardafui, a
été attaqué par plusieurs centaines de sauvages. L'équipage dut se réfugier dans
les chaloupes, et fut recueilli par un navire qui le ramena en Angleterre.
D'après une communication de M. Hore, à la Société royale de géographie de
Londres, à laquelle il a présenté sa carte du Tanganjâka, le courant du Loukouga
sVst beaucoup ralenti, ce qui indiquerait un abaissement du niveau du lac.
Une compagnie américaine a fait, au Portugal, des propositions pour la con-
struction du chemin de fer de la baie de Delagoa à la frontière du Transvaal.
Lo gouvernement du Transvaal a soumis au Volksraad deux projets, pour la
construction d'un chemin de fer de Pretoria à Lourenzo Marquez, et a été auto-
risé à adopter celui qui lui paraîtra le plus avantageux. D'autre part, M. Strauss,
ingénieur de Christiania, a présenté au gouvernement du Transvaal un projet de
chemin de fer, de Pretoria aux mines de diamants de Kimberley.
M. et M"« Mabille, qui ont passé un certain temps en Eiu-ope, repartiront en
janvier pour le Lessouto, accompagnés de M. Krûger de Strasbourg, qui va pren-
dre la direction du séminaire théologique de Morija.
M. et M"* Coillard reprendront en mai le chemin du Zambèze.
La guerre entre les Héréros et les Namaquas traîne en longueur, malgré les
efforts déployés par les missionnaires pour rétablir la paix entre les deux partis.
Le D' Buchner est arrivé à Loanda et "revient en Europe.
La Société de géographie de Loanda se propose de faire faire des explorations
à l'intérieur.
' Cf., n<» 5, p. 86.
— 136 —
■
Des observations récentes, faites par Stanley, ont fixé la longitnde de Stanley
Pool par 13' 27' à Test de Paris, et non 14° 40' comme le portait la carte de son
voyage. La longueur du fleuve obstruée par les cataractes et les rapides, de Stanley
Pool à Yellala, serait raccourcie de 117 kilom.
Un télégramme de Londres annonce que M. Me Call, après avoir fondé trois sta-
tions missionnaires sur le Congo, se disposait à pousser plus avant, lorsqu'une mala-
die l'obligea à revenir à la côte, où il s'embarqua. Il est mort à Madère.
Le D' Ballay est parti de Rochefort le 5 décembre, pour rejoindre Savorgnan
de Brazza sur l'Ogôoué.
Un comité a été formé en Angleterre pour s'occuper du tracé du chemin de
fer des mines de la Côte d'Or; l'ingénieur va se rendre sur les lieux.
L' American Missionary Society a l'intention de faire construire, pour la mission
de Men'di (Libéria), un steamer qui sera appelé le John Brown.
M. Cb. Soller, chef de la mission anglaise qui a découvert les sources du Draà,
dans l'Afrique occidentale, est aujourd'hui complètement rétabli des suites des
blessures qu'il avait reçues des Berbères. Il se prépare à partir pour l'Afrique avec
une mission du gouvernement français.
L'ESCLAVAGE EN AFRIQUE
Le trafic des esclaves étant le mal le plus apparent dont ait souffert
l'Afrique, et le premier obstacle à surmonter pour y faire pénétrer la
civilisation, on comprend que ce soit contre la traite qu'aient été dirigés
tout d'abord les efforts des gouvernements et des sociétés qui se sont
proposé de relever les nègres. A l'appel de l'Angleterre, les puissances
de la chrétienté, pressées pctr un sentiment commun de commisération
et de justice, s'unirent en 1815, au congrès de Vienne, pour mettre fin à
l'exportation des esclaves. Non content d'agir sur les acheteurs, le gou-
vernement anglais négocia avec un grand nombre de chefs de la côte
occidentale, de la Gambie au Congo, des conventions, aux termes des-
quelles la vente des esclaves et leur transport dans d'autres états devaient
cesser entièrement. H en fit autant sur la côte orientale avec l'iman de
Mascate. Les nègres saisis par les vaisseaux croiseurs étaient mis en
liberté, et d'ordinaire conduits dans les colonies d'esclaves libérés à
Sierra Leone, aux Seychelles, à Socotora, et aux Indes. A la côte occi-
dentale, l'exportation des noirs fiit à peu près arrêtée ; mais, à la côte
orientale et dans la mer Rouge, malgré l'activité des croisières, la traite
se poursuivit, jusqu'au moment oîi les explorateurs de l'Afrique centrale
dénoncèrent les atrocités sans nom auxquelles elle donnait lieu dans
l'intérieur, et, par leurs révélations, provoquèrent la création de l' a Asso-
— 137 —
dation internationale africaine,» dont un des principaux buts est la sup-
pression de la traite. En même temps (1877) l'Angleterre concluait avec
l'Egypte une convention, défendant expressément l'exportation d'escla-
ves nègres des possessions égyptiennes, ainsi que leur importation dans
ce pays. Nous avons dit les efforts faits par Gordon pacha et par Grossi
pour faire disparaître ce trafic de la région du Bahr-el-GhazaI, les mesu-
res prises par le gouvernement du khédive contre les trafiquants qui, par
Assiout, cherchaient à introduire des esclaves dans la Basse-Egypte, et
les démarches réitérées de 1' « Antislavery Society,» pour obtenir la sup-
pression effective de la traite dans toute l'étendue du territoire égyptien • .
Mais, comme chacun le comprend, elle ne pourra être réellement sup-
primée, que lorsque l'esclavage lui-même aura disparu des institutions
et des mœurs africaines. Aussi longtemps qu'un état le tolérera ou le
reconnaîtra légalement, s^s ressortissants se croiront autorisés à en ache-
ter. Pour supprimer la traite il faut arriver à l'abolition de l'esclavage
lui-même. C'est bien ce dernier but que se sont pioposé les sociétés
amies des noirs et les gouvernements de la chrétienté. L'esclavage est en
effet la racine du mal, qu'il faut attaquer. C'est lui qui permet aux maî-
tres de posséder leurs semblables comme leur propriété, sans leur recon-
naître aucun des droits que Dieu a donnés à l'homme, ni celui de dévelop-
per ses facultés pour arriver à la vertu et au bonheur, ni celui de possé-
der le fruit de son travail et de goûter les douceurs de la vie domestique.
C'est lui qui contraint des millions d'êtres humains à s'user au service
de maîtres qui les tiennent dans une dépendance perpétuelle et dans tme
ignorance complète, les rabaissent au niveau de la brute, se servent de
la force de leurs bras, ou de leurs facultés, comme d'instruments pour
satisfaire une avidité sans bornes ou des désirs coupables. C'est lui qui
émousse dans le cœur des maîtres les sentiments naturels de justice et
de bienveillance à l'égard de leurs semblables, relftche les liens de la
fidélité conjvgale, et rend souvent les propriétaires cruels jusqu'à la
férocité. Quoique régnant encore dans la plus grande partie de l'Afri-
que, il a cependant été déjà aboli sur plus d'un point.
Malgré la résistance des colons européens, l'émancipation fut d'abord
proclamée, il y a 50 ans, dans les colonies qui dépendaient de la cou-
ronne d'Angleterre, moyennant une indenmité pécuniaire. A son tour, la
France donna la liberté à ses esclaves en 1848, et quoique le gouverne-
ment du Sénégal se soit montré, jusqu'à une époque récente, dur pour
* Cf. !'• année, p. 88, 133; II«" année, p. 39, 66, 86, 106; III«* année, p. 106.
— 138 —
les esclaves fugitifs, aigourd'hui il ne peut plus y avoir d'esdaves sur un
territoire appartenant à la France. Aussi avons-nous été surpris de
trouver, dans des notes extraites du journal de voyage de M. Lécard et
publiées par le Sahara (n"" du 25 août 1880)^ des détails qui pourraient
faire croire que les marchés d'esclaves de Kouniakary, Ségou, etc., écou-
lent beaucoup de captifs dans les postes français de Médine et de BakeL
D'après les bruits recueillis par ce voyageur, les marchands sont des
Toucouleurs, des Sarracolets, des Orcoloffs, ag^ts de traitants français;
ils vendent les jeunes gens aux commandants pour en faire des tirail-
leurs, les autres sont dirigés sur le Foutah, le Toro, le Oualo, et le
Cayor. Â Tarrivée à Kouniakary de Texpédition dont faisait partie
M. Lécard, les prix haussèrent, les marchands ayant cru qu'elle était
chargée d'acheter des esclaves pour le compte du gouvernement. Nous
supposons que ce trafic a cessé, car il n'a point été mentionné à la
Chambre, lors de la discussion de la question des esclaves qui se réfu-
gient dans les établissements français du Sénégal.
Dès 1854 le Portugal déclarait libres, à la condition d'un service limité
après leur Ubération, les esclaves appartenant à l'état, aux municipali-
tés, aux établissements charitables de l'Ordre de la Miséricorde ; puis
ceux qui relevaient des églises, et les enfants nés de femmes esclaves, k
condition de servir gratuitement les maîtres de leurs mères jusqu'à 20
ans; puis tous les esclaves qui toucheraient le sol de Madère ou des
Açores, des provinces de Mozambique et d'Angola, de la Haute-Guinée
et des îles du golfe de Guinée. Si, malgré ces déclarations, le gouverne-
ment portugais a trop longtemps toléré l'esclavage, depuis 1878 il
s'efforce d'en bannir tout vestige de ses possessions africaines. Le
P. Duparquet, dans son exploration del'Ovampo, a constaté que l'impor-
tation des esclaves est réellement prohibée dans la colonie portugaise,
et qu'aucun esclave ne peut être vendu à Mossamédès. a Cependant, »
dit-il, « les Portugais de Houmbi en achètent encore quelques-uns dans les
tribus voisines, mais ils les cèdent aux indigènes pour du bétail. »
Le bey de Tunis lui-même a proclamé l'abolition dans ses états.
D'une manière générale, on peut dire que là où prédomine l'influence
européenne l'esdavage a disparu.
Pourtant, au Transvaal, le service domestique et l'apprentissage
n'étaient que des formes modifiées de l'esclavage. Les Boers défen-
daient aux natifs de passer d'^un district dans un autre et les forçai^it
de travailler avec ou sans salaire; ils s'attribuaient le droit de fustiger
leurs domestiques cafres pour la plus légère offense; ils attaquaient
— 139 —
même des kraals isolés, disant à ceux qui les occupaient qu'ils venaieiit
diércher des bestiaux qu'on leur avait enlevés, puis, sans tenir compte
des protestations d'innocence de la part des Cafres, ils tiraient sur le
kraal, tuaient les vieillards et saisissaient les enfants, qui devenaient leurs
apprentis, ou plutôt leurs esclaves. D'autre part, le gouvernement actuel
du Transvaal reproche à l'autorité anglaise d'avoir, en 1878, soumis
800 Cafres h un apprentissage qui ressemble à l'esdavage, et a demandé
au Volksraad de lui donner les pouvoirs nécessaires pour libérer ces
Cafres avec leurs enfants. Dans la dernière guerre des Zoulous et dans
celle des Bassoutos, des indigènes faits prisonniers ont été emmenés par
des fermiers du Griqualand-West, qui ont fait d'eux des demi-esdaves,
les obligeant à travailler les sept jours de la semaine. Nous ne doutons
pas que les Boers n'observent fidèlement la convention récente conclue
avec l'Angleterre, et qu'au Transvaal, comme à Kimberley, le principe
du travail libre en faveur des natife ne l'emporte définitivement.
Ailleurs l'esclavage règne encore, quoique légalement aboli.
A Madagascar, par exemple, dont la reine en a décrété la suppression
en 1874, il y a un marché hebdomadaire d'esclaves à Tananarive. Ce
ne sont plus, il est vrai, des esclaves de Mozambique, mais l'esdavage
domestique subsiste toujours. Posséder un esclave passe pour un signe
d'honorabilité; il est peu de Hovas qui n'en aient un ou plusieurs; quel-
ques-uns en ont un grand nombre. B y en a même dans toutes les églises
et les congrégations ; telles d'entre elles sont essentiellement compo-
sées d'esclaves. D'après un résumé de dix ans de travaux des missions
de Londres, presque tous les pasteurs, les diacres et les prédicateurs,
aussi bien que les membres des églises en possèdent ; on les achète ou on
les vend sur ce marché près de Tananarive. Le gouvernement a cepen-
dant prescrit des règles pour diminuer la rigueur de l'esclavage domes-
tique et accroître le bien-être des esclaves ; par exemple, dans les lois
qui en règlent la vente, il est interdit de séparer un jeune enfant de ses
parents. B faut reconnattre que l'esclavage à Madagascar n'est pas
cruel. Les esdaves sont, d'ordinaire, aussi libres que les enfants, et sou-
vent traités avec les mêmes égards. En outre, ils sont assez indépen-
dants de leurs maîtres; si un esdave est fatigué du sien, ou s'il s'estime
maltraité, il ne lui est pas difficile d'en trouver un qui lui plaise davan-
tage. Néanmoins, l'institution est mauvaise, et l'opinion publique se pro-
nonce toujours plus hautement contre elle. Mais le pays n'est pas encore
mûr pour l'abolition complète et a besoin d'y être préparé. C'est le but
de plusieurs des artides des lois constitutionnelles promulguées le
— 140 —
29 mars de cette aimée. Ainsi, les propriétaires d'esclaves de la province
d'Imérina ne peuvent pas les faire vendre dans les provinces éloignées,
sous peine de confiscation et d'une amende, de 100 dollars; celui qui se
chargerait de les conduire, sans prévenir de leur envoi, devrait payer
10 bœu& et 10 dollars. D'autre part, les esclaves qui sont dans des pro-
vinces éloignées ne peuvent être vendus que là; toute vente doit être
enregistrée devant le gouverneur, sinon elle est envisagée comme un
enlèvement d'homme. Quiconque louera des esclaves pour les envoyer
travailler dans des parties éloignées du pays, sans en demander l'autori*
sation au propriétaire, paiera 10 schellings par esclave pour chaque
miois d'absence, et 30 dollars au propriétaire pour chaque esclave qui
mourrait en route. Il est interdit de faire des esclaves un commerce
lucratif; le propriétaire d'esclaves peut seul les vendre; quiconque sera
pris en faisant le commerce, devra payer 10 bœufe et 10 dollars par
esclave. Ceux-là seuls peuvent en acheter qui ont l'intention de les gar-
der pour leur propre service. L'acheteur et le vendeur doivent se rendre
au bureau désigné par le gouvernement, pour faire enregistrer la vente.
n y a aussi des clauses fixant les conditions auxquelles l'esclave peut
acquérir sa liberté, soit par son travail, soit avec l'aide de ses amis.
A Zanzibar, depuis la conclusion du traité conclu en 1873 entre l'An-
gleterre et le sultan, et par lequel ce prince a aboli la traite dans tous
ses Ëtats, l'esclavage est devenu une sorte de servage. On ne vend plus,
on n'achète plus d'esclaves sur le marché pubUc, mais bien dans un
endroit qui ressemble à une agence domestique. A la ville, les esclaves
reçoivent un salaire pour leur travail ; à la campagne, ils ont pour leur
entretien autant de terre qu'ils en peuvent cultiver; ils ne donnent à
leurs maîtres que cinq jours par semaine, et le plus souvent ils ne tra-
vaillent que le matin ; ils peuvent, le reste du temps, travailler pour eux
et leur famille. Si un esclave fait des économies, il peut se racheter; de
plus, s'il est maltraité, il a le droit de forcer son maître à le vendre. En
cas de vente, il n'est pas permis de séparer les membres d'une même
famille; quand une propriété se vend, les esclaves sont vendus a vecelie.
Leô maîtres, à Zanzibar, sont généralement bienveillants et presque
paternels. Il arrive rarement qu'un esclave se rachète lui-même; il
emploie de préférence ses économies à se payer à son tour un esclave,
pour cultiver plus facUement son bien-fonds. Quoique les Africains aient
beaucoup moins d'aversion que les blancs pour l'esclavage, on ne peut
pas douter que la vue de travailleurs libres, comme ceux des établisse-
ments pour les esclaves Ubérés ou des stations missionnaires, à Frère
— 141 —
Town, Bagamoyo, Masasi, etc., n'éveiDe le sentiment de la liberté chez
beaucoup d'esclaves de cette partie de la côte, et celui de la justice chez
les chefs et chez les maîtres, pour leur faire comprendre qu'il ne leur est
pas permis de posséder leurs semblables. Les missionnaires de Masasi
ont conclu avec Matola, le puissant chef du peuple Yao, qui habite près
de la Rovouma, un traité par lequel il s'est engagé à n'acheter ni ne
vendre aucun esclave. Il observe fidèlement le traité, et a fait savoir qu'il
ne veut rien avoir à faire avec les trafiquants d'esclaves. Son peuple
jouit de la paix, et peut se livrer à la culture de champs de riz et de blé
cafre, ce qu'il ne pouvait pas faire auparavant.
L'Ouganda, où Mtésa proclamait, il y a deux ans, l'abolition de l'es-
clavage, est aujourd'hui replongé par son souverain dans des guerres
avec les peuples voisins, essentiellement pour faire des esclaves. Il paratt
que c'est dans cette classe de la population que la prédication des mis-
sionnaires romains trouve le plus facile accès . Ce ne serait pas la pre-
mière fois que des esclaves, devenus chrétiens, auraient préparé le relè-
vement du peuple qui les avait asservis.
Plus constant que Mtésa, le roi du Choa, Ménélik , après avoir déclaré
la traite abolie, s'est efforcé de la supprimer et a réussi à faire cesser
l'exportation publique par Ankober, sans pouvoir cependant empêcher
des transports clandestins pour la mer Bouge.
Dans le royaume du négous la traite n'existe plus d'une manière
ostensible, mais peut-on dire qu'elle ne se pratique pas en secret ? Les
Abyssins chrétiens n'admettent pas l'esclavage en principe. Cependant,
dans les guerres qu'ils font aux frontières de l'Egypte ou au pays des
Gallas, les gouverneurs ramènent des centaines de prisonniers, hom-
mes, femmes et enfants. Dernièrement, Ras-Adal, gouverneur du God-
jam, ayant soumis des tribus gallas, recevait, ea payement détaxes qu'il
leur avait imposées, 200 enfants de 8 à 16 ans, et les envoyait au roi,
qui les distribuait à ses grands pour s'acquitter de ce qu'il leur devait.
Quant à l'Egypte, nous ne répéterons pas ce que nous avons dit à
plusieurs repiîses des esclaves nègres du Kordofan, duDarfour, du Haut-
Nil, introduits en cachette dans les villes du Delta ; des moyens employés
par les agents de l'autorité égyptienne, pour recruter des hommes pour
l'armée et des femmes pour les harems ; ou des distributions d'esclaves
libérés aux pachas ou aux beys, dans les maisons desquels ils trouvent
l'esclavage domestique. Sauf sur les vastes plantations de coton et de
sucre de Tex-khédive, il n'y a pas d'esclaves dans les campagnes; les tra-
vaux de l'agriculture sont exécutés par les fellahs, et payés. L'esclavage
— 142 —
agricole n'existe donc pas; l'esclave égyptien, n'est qu'un domestique de
maison, rarement maltraité, le maître^ par politique, étant généralement
bon pour lui, parce qu'il sait qu'un esclave maltraité peut toujours obtenir
sa liberté en en appelant au consul anglais. Il est vrai qu'il n'en est pas
de même dans toute l'étendue du territoire égyptien. A Souakim, par
exemple, presque tout le travail manuel est fait par des esclaves, qui sont
la propriété d'hommes riches auxquels ils doivent apporter le fhiit de
leur labeur de chaque jour. Quelques-uns de ces maîtres ont jusqu'à
20 esclaves femmes, qui font le service de porteuses d'eau dans la ville;
elles doivent rapporter un dollar par jour à leurs maîtres, qui ne les
nourrissent que de maïs et de lait. Souvent aussi les marchands font
passer leurs esclaves poui* des domestiques, en les munissant de papiers
de libération jusqu'au port d'embarquement.
L'esclavage domestique est répandu dans toutes les grandes villes de
la Haute et de la Basse-Egypte, et aussi dans celles de l'Egypte moyenne.
C'e^t lui qui peuple les harems ; et quant aux esclaves hommes, ils abon-
dent chez les pachas et chez les beys; même chez les Égyptiens qui ne
sont point élevés en dignité, on en trouve un, deux ou davantage. Si
la grande majorité n'en a pas, c'est qu'elle est trop pauvre pour en
acheter. Les sectes chrétiennes indigènes, copte et syriemie, imitent les
musulmans, et autorisent leurs adhérents à se servir d'esclaves domesti-
ques achetés. Les scribes, les joailliers, les marchands riches, en ont éga-
lement. Les étrangers eux-mêmes, les agents consulaires des puissances
chrétiennes et leurs fonctionnaires subalternes, dans la vaUée du Nil, font
faire leur cuisine par des esclaves, hommes ou femmes.
Sans doute l'esclavage domestique disparaîtra. Par la convention
conclue en 1877 entre l'Angleten-e et l'Egypte, les ventes privées d'es-
claves ou leur transfert de famiUe à famille doit être aboli en
Egypte en 1884, dans le Soudan et les autres dépendances égyptiennes
en 1889. L'abolition est appuyée par le khédive, qui est monogame,
déteste l'esclavage et fait tous ses efforts pour le supprimer, ainsi que
les harems, conséquence de la polygamie. Il est secondé par Chérif-Pacha,
également monogame et sous le ministère duquel a été conclue la con-
vention de 1877. Il y a, en outre, tout un parti qui veut plus que la sup-
pression de la traite, et demande l'abolition totale de l'esclavage. Tou-
tefois, on reconnaît que l'on ne peut y procéder que graduellement, en
commençant par empêcher l'accroissement du nombre des esclaves.
A cet effet, l'aAntislavery Society» a présenté, à l'examen du khédive
et de son gouvernement, un projet de recensement et de contrôle
— 143 —
qui garantirait aux propriétaires la possession de leurs esclaves actuels,
tout en les empêchant d'en augmenter le nombre. Mais il rencontre de
l'opposition, particulièrement chez les propriétaires de harems et chez
les docteurs de la loi musulmane, qui prétendent que l'esclavage est
sanctionné par la loi, les prophètes, le Coran et ses commentateurs. Ds
soutiennent qu'un esclave, émancipé sans le consentement de son
maître, n'a aucun titre légal à la liberté; que, par exemple, il ne
pourrait pas se marier sans l'approbation de son propriétaire, et qu'à
sa mort ce qu'il posséderait devrait faire retour à son maître. Ils
sont dans l'erreur, car si Mahomet a laissé subsister l'esclavage, qui
existait avant lui, il n'en a pas moins recommandé l'émancipation des
esclaves qui se montrent dignes de la liberté, et, tout en reconnaissant
l'esclavage, le Coran fait beaucoup pour en diminuer les rigueui's et en
limiter l'étendue; il ne considère comme seuls vrais esclaves que les pri-
sonniers de guerre et leurs descendants; par conséquent les pauvres
nègres du centre de l'Afrique, enlevés par les traitants, ne sont pas du
tout des esclaves au point de vue de la loi musulmane, là oii elle est
prêchée dans sa pureté, en sorte que quant à ces esclaves-là, qui forment
le gros de la population servile, aucun dogme sacré ne serait violé par
un décret proclamant leur émancipation. H faudrait que les docteui-s
pussent prouver qu'en aucun cas l'émancipation ne pourrait être décrétée
par l'état, et ils ne voudront pas mettre en question la souveraineté du
khédive, qui poun'ait faire ce qu'a fait le bey de Tunis, sans violer la
loi musulmane. En outre, dès aujom'd'hui, le consentement du proprié-
taire n'est pas toujours nécessaire pour l'affranchissement de l'esclave.
En cas de mauvais traitement, il est libéré sans aucun égard pour les
droits de son maître. Le pécule des esclaves émancipés ne revient pas
non plus toujours à leur ancien propriétaire. D'après la loi, il passe
d'abord à leurs héritiers naturels, et ce n'est qu'à défaut d'héritiei'S
qu'il retourne au propriétau-e. Dès que l'état a effectué la manumis-
sian, elle produit tous les effets de l'émancipation par les propriétaires
eux-mêmes, et tous les droits civils de la liberté sont, ipso facto, concé-
dés à l'esclave libéré. Le khédive ne pourrait peut-être pas, par un sim-
ple décret, abolir un droit sanctionné par la religion et le Coran, mais
l'esclavage n'a pas ce caractère sacré ; il n'est que toléré par le Coran,
et son abolition ne produirait pas, dans les conditions sociales des popu-
lations musulmanes, une perturbation aussi grande que le prétendent les
partisans de l'esclavage domestique. Dans l'Inde anglaise, où l'on crai-
gnait de grands troubles à son occasion, les esclaves de familles maho-
métanes sont devenus sans difficulté des domestiques libres.
— 144 —
Les mesures prises en Egypte, pour empêcher l'arrivée au Caire et à
Alexandrie des caravanes qui alimentaient d'esclaves les marchés de ces
deux villes, les ont fait refluer vers la Cyrénaïque et la Tripolitaine oii,
malgré l'abolition de l'esclavage' par la Turquie, cette institution sub-
siste avec la traite, sa conséquence presque forcée. Les Arabes de ces
deux pays ont fait de telles razzias d'hommes, dans les oasis voisines de
leurs domaines, que les indigènes se sont repliés vers l'intérieur, en
abandonnant une partie de leui* territoire ; c'est à cela qu'est due l'ab-
sence d'habitants dans l'oasis de Koufarah, visitée seulement à l'époque
de la récolte des dattes.
Chez les Touaregs, les hommes des dernières conditions aussi bien que
les nobles ont des esclaves nègres amenés du Soudan, vendus à vil prix,
et employés à la garde des troupeaux, à la conduite des caravanes et au
service intérieur des familles. Toutefois, le pays étant pauvre et le tra-
vail manquant dans une contrée oîi l'agriculture est presque nulle,
l'esclavage ne peut pas y prendre un grand développement.
Il n'en est pas de même au Maroc, qui est, avec la Tripolitaine, un
des principaux débouchés des caravanes d'esclaves du Soudan, depuis
que l'abolition leur a fermé l'Algérie et la Tunisie. Dans presque toutes
les villes il y a un marché ; généralement les esclaves sont promenés
dans les rues pendant les trois jours qui précèdent la vente, accompagnés
d'un crieui* qui fait ressortir les qualités et les avantages de chaque indi-
vidu. Il est vrai qu'une fois vendus ils sont traités avec douceur, comme
les autres serviteurs musulmans qui font, en quelque sorte, partie de la
famille. Si les maîtres ont le droit de les revendre selon leurs convenan-
ces, eux, de leur côté, en cas de mauvais traitements, ont le droit d'exiger
qu'on les vende aux enchères publiques pour passer en d'autres mains.
Chez les FeUatahs, MM. Mage et Quintin ont constaté que l'armée
compte une moitié d'esclaves ; c'est même à ces derniers que le sultan
Hadj-Omar a dû une bonne partie de sa fortune. Pour vaincre les
Bambaras, les Malinkés et les Soninkés de la vallée du Niger, il s'en-
toura d'une petite troupe d'esclaves et de disciples libres; chacun des
succès qu'il l'emporta avec eux lui donna des captifs pour augmenter ses
troupes, et des richesses pour gagner des disciples, ce qui lui permit
d'étendre ses courses jusque près de Médine et de Tombouctou. Ahma-
dou a vu sa force diminuer par le fait des révoltes des tribus soumises
par son père, mais le phénomène d'une armée d'esclaves conmiandée
par des chefs esclaves méritait d'être mentionné.
Au Bomou, au Baghirmi et au Ouadal, à côté d'une population s'occu-
— 145 — •
pant activement d'industrie et d'agriculture, se montre la plaie hideuse
de l'esclavage consacré par un principe religieux ; les souverains musul-
mans de ces trois pays ne se font aucun scrupule d'attaquer les nègres
idolàtres,pour en faire des esclaves et les vendre. Dans le Baghirmi,
Nachtigal a été témoin de chasses dirigées contre des populations qui
refusaient de se soumettre à un souverain mahométan et aux lois de
l'islam. Réfugiées sur les arbres de leurs forêts, elles y étaient assiégées
par leurs ennemis, qui, à coups de flèches ou de fusils, en tuaient les
principaux défenseurs, puis escaladaient chaque arbre l'un après l'autre
pour s'emparer des survivants blessés, des femmes et des enfants. Le
sultan du Bornou, dit Rohlfs, est un gros marchand, qui se procure des
esclaves par des razzias sur les peuples environnants, ou sur ses propres
sujets aussi longtemps que ceux-ci n'ont pas embrassé l'islamisme. La
plus grande partie des habitants de ce riche pays vivent dans des transes
continuelles, car à chaque instant leurs villages peuvent être envahis,
leurs champs dévastés, leurs maisons incendiées; on prendra leurs
enfants et on les tuera eux-mêmes s'ils résistent. La ville de Kouka, la
capitale du Bornou, est un des marchés d'esclaves les plus abondamment
pourvus. D est rempli de malheureux de tout âge et de tout pays. Le
lundi, il en arrive des milliers qui sont mis en vente ; les auties jours, on
est sûr d'en trouver de petites troupes de quelques centaines. La grande
caravane de Kouka à Mourzouk en compte 4000, et il faut 2000 hommes
armés pour lui servir d'escorte. De Mourzouk, les trafiquants s'effor-
cent de les faire passer en Turquie, en Arabie et en Perse.
Dans toute la partie de l'Afrique oîi prédomine l'influence musulmane,
régnent aussi l'esclavage et la traite; et s'il faut reconnaître d'un côté
que l'islamisme a été l'agent d'une civilisation supérieure auprès de cer-
taines tribus, chez lesquelles il a fait disparaître les sacrifices humains et
le cannibalisme, de l'autre, on doit constater que nulle part il n'a pro-
testé contre l'esdavage, et qu'il est plutôt devenu un instrument de bar-
barie, chez des princes qui ont cru méritoire de réduire en esclavage des
populations nègres idolâtres pour les vendre aux musulmans.
Mais ce n'est pas seulement au sein des populations placées sous l'in-
fluence musulmane que règne l'esclavage. Les Kroumens de la Guinée
méridionale, par exemple, ne sont en réalité que des esclaves, que les
Européens achètent des chefis et des princes nègi'es. On les trouve sur-
tout le long du Congo inférieur. Les factoreries hollandaises de Banana,
Quillo et Massabé en ont quelques centaines, y compris un certain nom-
bre de fenmies. Ils portent la chaîne et ne doivent jamais être inoccu-
• — 146 —
pés. Ds peuvent se marier, mais leurs enfants deviennent la propriété de
leurs maîtres.
D'une manière générale, l'esclavage existe dans toutes les tribus nègres
de l'Afrique centrale, chez lesquelles dominent la polygamie, et où cha-
que homme a autant de femmes qu'il peut en acheter ou en enlever. On
sait les guerres que se livrent les tribus, uniquement en vue de faire des
esclaves. Même en temps de paix, le nègre enlève sur les chemins les
enfants, les femmes et les hommes sans défense. Ou bien on le voit,
pour de l'eau-de-vie, de la poudre, des fusils, des cotonnades, de la quin-
caillerie, vendre les membres de sa propre famille. Parfois, ce sont des
tribus entières qui sont réduites en esclavage. Dans le royaume des
Barotsés, le plus puissant des états du Zambèze moyen, une soixantaine
de peuplades grandes et petites, sont, ou tributaires ou positivement
esclaves des Barotsés, les seuls hommes libres du pays ; les serfs et les
esclaves ne peuvent obtenir leur liberté que du bon plaisir du roi. Dans
la région de Seshéké, un esclave coûte une vache, un canot ou deux
couvertures de coton ; au nord du Zambèze les prix sont encore plus modi-
ques. Au sud du fleuve, chez les Matébélés, le roi lance ses troupes sur
ses voisins, auxquels il fait la guerre de la manière la plus impitoyable,
n'épargnant que les enfants. Dans l'Ouroua, à l'ouest du Tanganyika,
Cameron a rencontré un chasseur d'esclaves revenant un jour avec cin-
quante-deux femmes liées ensemble, pour la prise desquelles il avait
détruit au moins dix villages, ayant chacun une population de 100 à 200
âmes ; quelques habitants avaient échappé, mais le plus grand nombre
avaient été brûlés dans leurs villages ou tués en essayant de défendre
leurs femmes et leur famille.
Comment remédier au mal ? Dans la Tripolitaine et au Maroc, les puis-
sances européennes, qui y ont des représentants, devraient agir comme
elles le font à l'égard de l'Egypte. Mais au Soudan, au Bornou et dans
l'Afrique centrale, comment arriver à abolir l'esclavage? On n'y par-
viendra qu'en réunissant tous les efforts des associations commerciales,
philanthropiques et missionnaires, pour faire comprendre aux naturels
que l'esclavage, loin d'être pour eux une source de richesse, est le plus
grand obstacle à leur prospérité, lem* montrer combien la valeur de
l'homme ouvrier agricole l'emporte sur ceUe de l'homme marchandise,
et les amener à remplacer le trafic des esclaves par un commerce légi-
time. C'est ce qu'avait essayé de faire Gessi au Bahr-el-Ghazal, où il
avait appris aux indigènes à récolter du coton, du caoutchouc, des tama-
rins, et h les envoyer au marché de Khartoum.
— 147 —
En même temps, il faut multiplier les stations civilisatrices et hospita-
lières, à l'orient, à l'occident et jusqu'au centre du continent, en leur
donnant, comme l'a celle de Brazzaville, le caractère d'un asile pour les
esclaves fiigitifis, puisque toutes les tribus du voisinage reconnaissent
que les esclaves qui se placent sous la protection de cette station
recouvrent, par ce seul fait, leur liberté. H faut surtout développer l'œu-
vre missionnaire, puisque les expéiiences faites partout prouvent que là
oîi le christianisme s'est établi l'esclavage a disparu, et que si celui-
ci essaie d'y renaître sous la forme de l'esclavage domestique, comme à
Madagascar, il provoque des protestations qui en amèneront la suppres-
sion. En apprenant au maître à travailler lui-même et à voir dans les
autres hommes des frères, le christianisme lui fera comprendre qu'il lui
est interdit de faire de ceux-ci sa propriété ; il lui inspirera le respect de
leurs droits, ainsi que le désir de les voir jouir avec leurs familles du
finit de leur travail, et de contribuer pour sa part à leur bonheur et à
leur progrès, sachant qu'il a comme eux le même Père dans les cieux.
CORRESPONDANCE
A Poccasion de Tarticle sur la mouche tsétsé, publié dans notre dernier numéro,
M. Guillermo Rieman, chef en second de l'expédition espagnole en préparation
pour l'Afrique centrale, nous communique, avec prière de Pînsérer dans notre
joamal, l'extrait suivant d'un projet qu'il a exposé, au mois de mars dernier, à
M. Strauch, secrétaire général de l'Association internationale africaine;
« Quant aux moyens de transport, on connaît les difficultés contre lesquelles
ont à lutter les voyageurs qui n'ont que des nègres pour porteurs.
« Pour y obvier, «S. M. le roi Léopold a eu l'heureuse idée d'attacher quatre
éléphants à la deuxième expédition internationale.
« Quelque utiles que soient les éléphants pour les transports en général, ils ne
réunissent cependant pas, du moins les éléphants des Indes, toutes les conditions
nécessaires aux bêtes de somme pour l'Afrique; les derniers rapports l'ont prouvé.
« Le projet que je prends la liberté de vous soumettre, en vous priant de
l'accueillir avec bienveillance, consisterait à employer un animal moins coûteux
que l'éléphant, mieux doué que l'âne, le seul animal qui jusqu'ici ait pu résister
aux attaques de la tsétsé, — la mule espagnole, et spécialement le macko,
< Je suis persuadé qu'elle résisterait aux piqûres de la tsétsé, parce que l'on sait
par expérience qu'une espèce congénère, l'âne des Canaries, a été employée avec
succès dans les régions envahies par l'insecte venimeux. En outre, la mule espa-
gnole unit à une grande force de résistance, la vitesse et la prudence du cheval.
« Pour la rendre complètement invulnérable, on pourrait se servir du procédé
— 148 —
suivant. Ija peau et les poils de la mule n'étant pas suffisants pour la préserver de
la tsétsé, si l'on ne vent pas la munir d'une couverture, on devrait lui attacher sur
le dos une bande de cuir allant de la tête à la queue, et des deux côtés de laquelle
serait fixé un filet, plongé dans une solution de benzine ou d'acide carbolique. »
BIBLIOGRAPHIE
DER ORIENT, von A.voH Schtodger-Lerchenfeld. Vienne (A.Hartleben),
illustré de 215 gravures sur bois, avec 4 cartes et 28 plans, fr. 20,25 ;
édit. de luxe, 23,65. — Cet ouvrage, qui devait compter 30 livraisons, est
maintenant complètement terminé. Pour juger dans son ensemble le
travail de M. de Schweiger-Lerchenfeld, il faut avant tout en saisir Tidée
fondamentale. Nous ne connaissons pas d'ouvrage'qui présente, d'une
manière aussi vivante que celui-ci, les foyers primitife de la civilisation,
la Grèce, l'Assyrie, la Babylonie, l'Egypte, théâtre d'événements si
remarquables et si saisissants. Pendant longtemps nous avons été accou-
tumés à voir l'histoire proprement dite^ la géographie, l'ethnologie et
l'histoire de la civilisation, traitées comme des sciences indépendantes,
strictement séparées l'une de l'autre. L'auteur de 1' «Orient» a essayé
d'abattre les barrières élevées entre elles, et de faire concourir toutes
les sciences susdites à im même but. Il a peint à grands traits le monde
classique du sud de l'Europe orientale, de l'Asie antérieure et du bassin
du Nil, sa civilisation, l'histoire de ses peuples, les représentants des
grands événements et ces événements eux-mêmes. Les pays se présen-
tent à nous tels que l'exige chaque changement de scène. Nous avons
donc ici une géographie de la civilisation, science qui jusqu'à présent n'a
eu ni maître ni école. L'approbation unanime que cet ouvrage a rencon-
trée, et le fait que, dans l'espace' d'une année, il a été traduit en dix
langues différentes, — succès dont peu d'ouvrages allemands peuvent se
glorifier, — prouvent que l'essai a parfaitement réussi.
* On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 13, rue du Bhône, à Genève,
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et cimlisée.
V^>-- ***iA' N
•(bodlilibrV;
149 — V^--.__^^,^^^^^
BULLETIN MENSUEL (6 y&Ticr 1882).
Parmi les travaux importants exécutés récemment en Algérie, le
dessèchement du Iao Fetzara, qui empestait les plaines de B6ne, mérite
une mention particulière. Situé à 18 kilomètres au sud-ouest de Bône,
entre l'Edough (1004") et d'autres montagnes moins élevées dont il rece-
vait les eaux, il n'était séparé que par d'insignifiantes levées de terre
des plaines de la Seybouse à l'est et de l'Oued-el-Kébir de Jemmapes à
l'ouest. Sa profondeur était, suivant la saison, de 1",5 à 3*,5, sa surface
de 13000 hectares, et sa moyenne d'eau de 184 millions de mètres cubes.
Au nord et à l'ouest surtout des marais l'entouraient, et en été il lais-
sait à découvert de vastes plages, d'où se dégageaient des miasmes pes-
tilentiels. L'eau du lac était salée. Les travaux ont commencé en 1877 ;
un canal de 15727"" a emmené les eaux à la Méboudja, tributaire de la
Seybouse; de plus, le lit de la Méboudja a été régularisé sur une lon-
gueur de 11750". Actuellement le travail est terminé; déjà l'on peut
constater une amélioration très sensible dans l'état de la santé publique
à Bône et dans tous les environs, où la mortalité a beaucoup diminué
ainsi que les cas de fièvre paludéenne.
Dans notre Bulletin de décembre, nous annoncions le départ de Oha-
damès du P. Richard et de àexûi autres missionnaires pour Rhat,
en vue d'y fonder une station. Dans un précédent voyage chez les Toua-
regs Azguers, le P. Richard avait été reçu avec beaucoup de cordialité.
Toutefois, Mgr Lavigerie avait, après le massacre de la colonne Flat-
ters, reconunandé aux missionnaires de Ghadamès de surseoir à tout
voyage dans le Sahara, et, à l'époque de la campagne de Tunisie, le
redoublement de haine contre la France, parmi les tribus de l'intérieur,
l'avait engagé à renouveler cette sage recommandation. L'apaisement
de la Tunisie, et les assurances des chefe de la caravane qui devait con-
duire à Rhat le P. Richard et ses deux compagnons , les engagèrent à
partir. Mais une dépèche de Ghadamès, arrivée à Tripoli le 4 janvier, y a
apporté la douloureuse nouvelle qu'une bande de Touaregs, dans laquelle
se trouvaient plusieurs des meurtriers de la caravane Flatters, avait tué
les trois missionnaires le surlendemain de leur départ, tout en épargnant
leur escorte. Les environs de Ghadamès étaient remplis de Touaregs, et
lei Pères demeurés dans la ville n'osaient en sortir de peur de tomber
entre leurs mains. Trois des meurtriers ont été arrêtés et emprisonnés par
le pacha turc de Ghadamès. Mgr Lavigerie, actuellement installé à Tunis,
a expressément défendu aux missionnaires de renouveler leurs tentatives
L'AFRIQUE. — TROISIEME ÂHHÉS, — N*» 8. 8
— 150 —
de pénétrer dans rintérieur de TAfrique par le Sahara, aussi longtemps
que dureront les excitations dont la Tunisie est le prétexte. En outre, il
a fait demander au pacha turc d'épargner les meurtriers, les mission-
naires ne voulant se venger qu'en redoublant de dévouement, pour reti-
rer ces populations de la barbarie.
Après avoir fait explorer le plateau de Barka, et fondé dans la Cyré-
naïqne les deux stations de Bengasi et de Derna, la « Société mila-
naise d'exploration commerciale en Afrique » projette pour cette année
un voyage avec une caravane arabe, de la côte de la Méditerranée au
Ouadaï, à travers le désert lybique et les oasis d'AudjUa, de Djalo,
de Eoufara et de Wanianga. Son but est de nouer des relations com-
merciales soit avec le souverain du Ouadal, soit avec les tribus éta-
blies le long de cette route, la plus courte de l'Italie au cœur du conti-
nent, et d'établir des communications régulières entre le centre et
les stations italiennes de la côte. Elle se propose en outre de fonder une
première colonie agricole à l'Est du plateau de Barka, près des ports
naturels de Tobrouk et de Bomba, et attend de Constantinople le fir-
man de concession des terrains nécessaires à cet effet. Enfin elle compte,
si les circonstances sont favorables, faire explorer les routes de l'Abyssi-
nie vers Assab.
M. RalTray, vice-consul de France à Massaoua, chargé d'une mis-
sion en Abyssinie, a eu l'occasion, en se rendant au camp du roi qui
était en expédition contre les Adels, d'explorer les montagnes duZaboul
et le pays des Gallas-Ilayas, encore inconnus. Pour s'y rendre, il a suivi
assez longtemps la route de l'expédition anglaise, l'a quittée à la hauteur
du lac Achangui, puis, inclinant vers le sud-est et traversant la plaine
des Gallas-Rayas, il a atteint les monts du Zaboul. C'est une petite
chaîne de 2000" à 2200", parallèle au système éthiopien, auquel elle se
relie au nord par les contreforts qu'habitent les Azebous-Gallas, et au
sud par ceux qui descendent des plateaux duOuadela. Toute cette région
appartient au bassin éthiopien, dont les eaux s'écoulent à l'est dans le
lac Aoussa. Du Zaboul, M. Rafifray a visité, vers l'ouest, le mont Aboï-
Miéda, où sont les sources du Tellaré et du Tacazzé, tributaires du Nil^
et celles de la Goualima, tributaire d'un lac du pays des Danakils. Puis il a
longé ce massif montagneux jusqu'au mont Abouna-Yousef, dont il a
franchi le col à une hauteur de 4300". D y a trouvé une faune entomolp-
gique semblable à celle des sommités des montagnes de l'Europe. Enfin,
il s'est rendu à Lalibala, où il a trouvé dix églises du V"' siècle, monoli-
thes, taillées dans le roc dont elles sont complètement isolées, sauf par
— 151 —
la base ; elles communiquent entre elles par des tranchées à ciel ouvert
et des souterrains; les proportions en sont grandes, et l'architecture
remarquable.
Antinorl a écrit au D' Schweinfùrth qu'U a appris au Choa Texis-
tence, au sud-est de Kafiia, d'une tribu nombreuse de pygmées, nommés
Dakos par les gens de Kaffa, et Diukis par les GaUas. Petermann place
les Dokos sur la rive gauche du fleuve Omo, qui forme le cours supérieur
du Djouba. H doit y en avoir à la cour du roi de Kaffa et chez le roi des
Mombouttous. Gomme ils sont à peu près sous la même latitude que les
Akkas, on peut supposer qu'ils appartiennent à la même race. Si les
guerres et des difficultés de toutes sortes n'avaient pas empêché l'expé-
dition italienne de Cecchi et de Chiarini de pénétrer dans cette région,
elle aurait résolu cette question. Antinpri comptait quitter le Choa en
décembre. Cecchi et Antonelli sont déjà revenus en Europe.
De retour d'un voyage d'exploration h la côte orientale d'Afrique et
au golfe Persique, M. Denis de Ryvolre a provoqué l'établissement
d'une ligne régulière de bateaux à vapeur qui, sous le titre de Servioes
de rOrient, mettra bientôt la France en conmiunication directe avec
rOrient. A partir du commencement de cette année, la compagnie fran-
çaise de navigation, qui s'en est chargée, fera partir chaque mois, de
Marseille, un bâtiment français pour Bassorah, en touchant Djeddah,
Obock, Mascate, Kurrachee et Bouchir. Deux voyages d'essai ont déjà
été effectués. A Oboek il y aura un dépôt de charbon, régulièrement
alimenté par des paquebots français et oh les vaisseaux de toutes les
marines pourront s'approvisionner. Obock pourra ainsi devenir une colo-
nie importante.
Le R. dFohnflion» de la « Mission des Universités » dans le district de la
Rovouma, a fait récemment un voyage au lac que les natifs disent exister
aux sources de la liovjenda, affluent de la Rovouma. U suivit la route
commerciale de Mouembé à Mponda, près de l'endroit oii le Chiré sort
du Nyassa, puis la quitta pour aUer visiter le lac en question. Le sentier
était bien marqué jusqu'à un endroit nommé Chiloua par les Yaos. H
arriva en vue d'un grand lac, avec quelques lies et des bords herbeux,
fourmillant d'hippopotames et d'oiseaux aquatiques. Il en atteignit la
rive, et le vît s'étendre au sud-est. En même temps, il put découvrir le
mont Mangoche, peu élevé, à l'est de Mponda, près du Nyassa. Pendant
un jour de marche, il suivit les bords du lac vers le nord, jusqu'à un
endroit où celui-ci se rétrécit, puis en un joui* et demi il gagna la ville
d'Amaramba, sur la Loujenda qu'il suivit jusqu'à Mouembé. H suppose
— 152 —
que le lac qu'il a vu est le Chlroua de Livingstone, dont la partie sep-
tentrionale n'avait pas encore été visitée.
M. Ë. O'Neill, coasul anglais à Mozambique, a exploré, dans la
seconde moitié de Tannée dernière, différentes parties de la région peu
connue qui borde les possessions portugaises de la côte orientale. En
juillet il s'est rendu à la rivière Angoche, à 145 kilomètres au sud du
port de Mozambique, où les Portugais ont formé le nouvel établissement
de Parapato, sur la rive septentrionale. L'ancienne capitale du district,
Anf^oohe» est située sur une île, en amont dans la rivière. Il y existe
un commerce actif en produits du sol, ainsi qu'en caoutchouc et en
ivoire. La ville ne compte pas moins de trente maisons de Banyans,
de Battias et d'Hindous. De là, M. O'NeiU a fait un voyage à l'intérieur,
par la route de commerce arabe, peu connue des géographes, qui va de
Kisanga, vis-à-vis de l'île de Ibo aux rives est et sud du Nyassa. Elle est
beaucoup plus courte que celle de la Rovouma suivie par Livingstone,
Steere et d'autres voyageurs anglais. A sept jours de marche de la côte,
à MouaUa, résidence du puissant chef Makoua, elle se divise en deux
embranchements, l'un se dirigeant sur Matarika, où il rejoint la route de
Quiloa au Nyassa, l'autre plus au sud. M. O'Neill a suivi ce dernier. Le
10 septembre il était à Gavala, ville située à 175 kilomètres N.-N.-O.
de Mozambique. A 65 kilomètres de la baie de Mokambo, le pays à
l'intérieur est boisé, couvert d'une végétation épaisse, abondant en
caoutchouc, bien cultivé et populeux; puis il devient rocheux et coupé
de montagnes. A 230 kilomètres de la côte, M. O'Neill arriva en vue de
la magnifique plaine de Chalaoué ; couverte de villages, elle s'étend au
loin vers le sud-ouest et se termine par des montagnes de 1000^ à 1500*.
n a entendu parler de pics couverts de neige, qui doivent se trouver à 6
ou 7 jours de marche à l'ouest. Il essaiera de s'y rendre pour s'assurer
de l'exactitude du fait.
D'après la Sentinelle de Maurice, l'amiral Jones, pendant un séjour
à Mada^ascapy a conclu avec la reine Ranavalo II un traité, qui per-
met à celle-ci de prélever des droits sur les produits de l'île tout entière,
sans distinction de provenance. Elle serait appuyée par le gouvernement
britannique contre les Tsakalaves, aujourd'hui encore indépendants des
Hovas, malgré toutes les tentatives de ceux-ci pour les assujettir. La
reine a fait une commande de 35000 fusils Remington ; dès que cette
commande sera exécutée, l'Angleterre enverra 4 ou 5 transports prendre
sur la côte Est 35000 Hovas, pour les conduire et les débarquer à la côte
ouest, avec des instructions pour cerner les Tsakalaves et toutes les
— 153 —
autres tribus, et les obliger à se soumettre au gouvernement Hova. Dès
ce moment une proclamation de la reine interdira tout commerce avec
Textérieur par la côte ouest; qui sera gardée par des troupes régulières^
Tous les embarquements de bœufs et autres produits devront se faire à
rSst, moyennant des droits prélevés selon un tarif régulier. Les colons
français de la Réunion s^en sont émus. Us craignent que les ports de la
côte ouest de Madagascar, d'où ils tirent en particulier leurs bœufe, ne
leur soient fermés.
Les explorateurs allemands Po^^f^ et IVIssniaim ont dû renoncer
à aller à Moussoumbé, par suite de contestations entre le Mouata-
Yamvo et les Quiocos, qui rendent pour le moment la route ordinaire
impraticable. Us se sont dirigés vers Mieketta, à 8 journées de marche
au nord-est de Kimboundou. Se fondant sur des renseignements favora-
bles, que Ton peut croire sérieux, ils ont pris, comme premier but de
leur voyage, le territoire du chef Moukengué, dans le pays des Tuchilan-
gués. Le chemin qui y conduit suit pendant 36 jours de marche la rive
gauche du Quicapa au Cassai * ; puis, après avoir traversé celui-ci, il faut
15 jours pour atteindre le confluent du Louloua et du Cassai' où réside
Moukengué. A une certaine distance au nord-est de ce point, doit se
trouver le grand lac dont Schûtt a entendu parler. Les TuchOangués
jouissent d'une réputation de grande bienveiUance. Le seul obstacle que
prévît le D' Pogge, était que le chef kaloundou Ealangoulo, vassal du
Mouata-Yamvo, ne leur barrât le chemin. Mais, comme sa capitale est
assez éloignée de la route suivie par les voyageurs, ils espéraient, en dou-
blant de vitesse, pouvoir échapper à ce danger.
MM. Bentley et Grenfell, partis d'Isangila avec 27 hommes le
12 août dernier, ont fondé une station à Hanyamf^ près des catarac-
tes de Ntombo, où Stanley a établi un dépôt. La station n'est séparée
que par un petit ruisseau du poste belge, établi au sommet d'une colline
de 80" de hauteur. Les natifs sont très bien disposés, et forment un
contraste frappant avec leurs voisins, les Basoundis, dont il faut traver-
ser le territoire pour arriver à Manyanga, et qui, lorsqu'ils sont en petit
nombre s'enfuient et se cachent, tandis qu'en force, ils attaquent les
voyageurs et les dépouillent. Il n'y a d'ailleurs, à travers leur pays, pas
de route pour le transport régulier des provisions, et, entre Isangila et
^ Voir la carte de Schûtt. I'* année, p. 160.
* A plusieurs centaines de kilomètres au nord du point le plus éloigné atteint
par Schfltt.
— 154 —
Manyanga, Ton doit employer la voie du fleuve, quelque mauvaifie et
dangereuse qu'elle soit. A Manyanga, les missionnaires rencontrèrent le
P. Aiif^ouaFd qui revenait de Stanley-Pool. Conformément aux instruc-
tions de Savorgnan de Brazza, le chef de Nshasha, sur la rive gauche du
Congo, lui a permis de bâtir une station à lui, en sa qualité de Français»
mais il est décidé à refuser, aux représentants d'autres nationahtés»
Tautorisation de s'établir dans son voisinage.
Une expédition rasse se prépare, pour explorer la région, encore
inconnue, comprise entre le mont Cameroon, l'Adamaoua et le Congo»
où sont les sources du Calabar, du Bénoué, des affluents nord du Congo,
de ceux de la rive gauche du Chari et des rivières qui se versent dans la
baie Cameroon. Elle sera placée sous la direction de M. Rofl^oaslnsld,
lieutenant de la marine impériale russe. Le point de départ en sera Vic-
toria, au pied du Cameroon. Là eUe se partagera en deux divisions :
l'une passera par Moungo, au pied oriental du Cameroon, se dirigera au
nord-est vers BaloDg, d'oii elle gagnera le confluent des deux rivières
qui forment le Vieux-Calabar, et les suivra jusqu'à leurs sources, puis
tournera au sud vers Pebot, dans le Bayong, par ô** latitude nord et
9''40' longitude Est. En attendant l'arrivée de la seconde division, elle
fera un relevé hydrographique et topographique du pays. L'autre divi-
sion établira une station géographique dans le territoire du Cameroon,
et, à cet effet, achètera deux terrains, l'un dans une des baies de la côte,
l'autre à Mapania dans la montagne. Sur ce dernier sera fondé un
observatoire météorologique, sous la direction de M. li. Janikouskl»
et, sur celui de la côte, la station proprement dite, dépôt d'instruments
et laboratoire pour la préparation des collections zoologiques, botani-
ques, anthropologiques et ethnologiques. Deux ingénieurs y resteront
pour s'occuper des levés; le reste du personnel de la seconde division se
rendra aussi, par Moungo et Balong, directement à Pebot, pour y rejoin-
dre la première, et s'avancer avec eUe vers lelacLiba à TEst. L'expédi-
tion compte partir de Hambourg ou de Liverpool au milieu d'avril. Elle
sera munie d'un vapeur à roues, VExphrator^ démontable, de 12",55
de long sur 2",ôO de large, et qui a fait sa com*se d'épreuve en novembre
sur le lac Onega. Les frais de l'expédition sont supportés par les explo-
rateurs eux-mêmes.
Après avoir quitté Timbo, le D' Bayol a exploré, en revenant à
Médine, le pays montagneux de Tami^^ué, peuplé et fertile, qui fait par
caravanes un commerce important avec le Haut-Sénégal. Puis il s'est
engagé dans le Bélédoufl^ou, au miheu de forêts désertes qui s'éten-
— 155 —
dent jusqu'à la Falémé, et oh Texpédition se vit bientôt barrer le chemin
par une bande de Malinkés. Mais le sang-froid et le courage du D' Bayol
lui permirent de forcer le passage, et le chef du pays, Réké-Madi, con-
clut avec lui un traité, par lequel il plaçait son pays sous le protectorat
de la France. Au delà de la Falémé, il a traversé tout le Bambouk
jusqu'à Médine, et a pu juger de la fertilité de ce district, qui renferme
en outre de riches gisements aurifères. Aujourd'hui le D' Bayol est ren-
tré en France, accompagné de quatre envoyés de l'almamy de Timbo et
des chefs du Tambouk, avec un interprète sénégalais qui a déjà fait plu-
sieurs voyages en France. Les délégués nègres viennent se rendre compte
de la civilisation du pays avec lequel leurs souverains ont conclu des
traités, qui permettront à l'influence civilisatrice de la France de s'éten-
dre sans obstacles du Rio-Kunez jusqu'au Haut-Sénégal. Le D*" Bayol a
acquis la conviction que les hauts plateaux qu'il a parcourus offriront
aux Européens d'importants débouchés, et pourront plus tard recevoir
des colons civilisateurs, le climat y étant assez tempéré pour permettre
aux blancs d'y vivre, et d'y exploiter les richesses minéralogiques et
agricoles du pays.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Le Télégraphe annonce qu'un survivant de la mission Flatters est actuellement
prisonnier chez les Touaregs.
M. Bourmancé, architecte, a été adjoint à la mission scientifique de M. René
Gagnât, en Tunisie.
Rohlfs a écrit au secrétaire de « l' Antislavery Society > qu'il espérait pouvoir se
rendre à Londres en janvier, et de là au Caire, pour y négocier, de la part du roi
d'Abyssinie, la paix avec le khédive, sous les auspices du gouvernement anglais,
dont il réclame l'appui en faveur du négous.
M. Maspéro, directeur des musées égyptiens, a réussi à découvrir l'ouverture de
la pyramide de Meydoum, qui passait jusqu'ici pour impénétrable.
M. Godefroy Roth, qui a fait preuve de tant de zèle lors de l'arrivée des cara-
vanes d'esclaves à Siout, a été attaché à Giegler pacha, à Khartoum, pour la sup-
pression de la traite.
D'après Piaggia, le capitaine Casati doit être dans le Mombouttou.
Le Giomaie deHa Colonie, du 28 janvier, annonce la nouvelle de la mort de Piaggia.
Litalie perd en lui un de ses voyageurs les plus ardents et les plus intelligents.
M. Tagliabue, correspondant de Vl^ploratore, a fait, de Massaoua, une excur-
sion chez les Bogos, où il a étudié spécialement les plantations de tabac.
Une expédition missionnaire suédoise est partie en novembre de Massaoua pour
le pays des Gallas, en passant par Berber, Khartoum, Sennaar et Famaka. Le
— 156 —
missionnaire Arrhénios, qui la conduit, est accompagné entre autres d'un jeune
Galla, qui a été instruit pendant 4 ans à Stockholm.
Le D' Krapf, un des pionniers de la mission dans l'Afrique centrale, rient de
mourir. Entré au service des missions anglicanes en 1837, il voyagea dans le Tigré,
le Choa et PAmhara. N'ayant pu pénétrer chez les Gallas par le nord, il conçut le
projet d'attaquer le continent par l'Est, et, en 1844, commença avec son ami Reb-
mann la mission de Mombas. Ses voyages donnèrent l'impulsion aux découvertes
des 25 dernières années. Depuis 1856 il était revenu en Wurtemberg, et s'occupait
surtout de travaux littéraires, sur les langues de l'Afrique orientale.
Le successeur du D*" Eirk à Zanzibar est le colonel Mills, qui auparavant occu-
pait le poste de consul général et agent politique anglais à Mascate.
Une nouvelle expédition belge se forme sous la direction de M. le sous-lieutenant
Grang ; elle suivra de près celle du capitaine Hansens, prête à partir.
Le capitaine Foot, commandant du vaisseau. ISu^j^, a accepté un appel du
sultan de Zanzibar, en vue de la suppression de la traite qui parait concentrée à
Pemba. La barque arabe à laquelle le capitaine Brownrigg a livré combat a été
capturée. Les gouvernements français et anglais sont saisis de la question.-
M. Ledoulx, consul de France à Zanzibar, a annoncé le retour de la mission qui
avait été reconnaître les mines dans la région du Zambèze inférieur.
Le Landan 8tanda/rd a reçu de Durban une dépêche annonçant le retour de
M. Richards, missionnaire, qui a été très bien accueilli par Oumzila. Le roi lui
a permis d'établir une mission dans ses états.
Les missionnaires vaudois de Yaldézia ont fait partir 3 évangélistes, pour recon-
naître la route qui les amènerait directement de Yaldézia à Lorenzo Marquez.
Une compagnie américaine a offert de se charger de la construction du chemin
de fer de Lorenzo Marquez à Pretoria. Le gouvernement du Transvaal a accordé
la concession. Celui de Lisbonne ne s'est pas encore prononcé.
Une nouvelle mine d'or a été découverte dans le district de Heidelberg.
Deux compagnies sont en formation, pour l'exploitation de deux mines de houille
découvertes sur la ferme de Cyfergat et dans les monts Stormberg, toutes deux
dans le district Albert, au nord-est de la Colonie du Cap.
M. John Smith Moffat, le seul fils survivant du missionnaire Moffat, va être
envoyé au Lessouto comme représentant britannique. Né à Kourouman et élevé
en Angleterre, il a ensuite passé près de 25 ans en Afrique et exercé, dans le
Transvaal, une magistrature civile auprès des indigènes, dont il a totgours protégé
les intérêts matériels et moraux.
D'après le Jomal dos Coîonias, 400 familles de Boers du Transvaal se disposent
à rejoindre ceux de leurs compatriotes qui ont fondé la colonie de San Januario
dans le district portugais de Mossamédès.
M. Valcke, sous-lieutenant du génie, est revenu du Congo à Bruxelles.
Savorgnan de Brazza a fondé sur l'Alima une troisième station, à l'endroit où
aboutira la route qui doit conduire du bassin de l'Ogôoué à celui du Congo. Cest
là que sera remontée et lancée la chaloupe que lui conduit le D' Ballay. M. Mizon,
— 157 —
d^à arrivé en septembre à la station dn Haat-Og6oué, a dû rejoindre Savorgnan
de Brazsa sor l'Alima, et prendra la direction de la station dn Congo.
Sor une quarantaine de médecins, qui se sont présentés pour accompagner à la
Côte d'Or M. Prœtorins, sous-inspecteur de l'Institut des missions de Bftle, le
Comité a fait clioiz de M. le D' Ernest Mœhli, bftlois d'origine.
Aux anciennes compagnies minières de la Côte d'Or, sont venues s'ajouter : la
Tctcquah Ocld Mines Company et la Otiinea Coast Gold Mming Compcmy.
Cameron, intéressé dans l'exploitation des mines de la Côte d'Or^ a fait un court
voyage en Angleterre, et il est déjà reparti pour la Guinée.
M. Cliaper, ingénieur dvil des mines, est chargé d'une mission dans la possession
française d'Assinie, pour y faire des collections destinées à l'État
Dans une guerre survenue entre la tribu des Paums et celle des Yeys, soutenus
par le gouvernement de Libéria, ces derniers ont été battus et en partie massacrés,
les survivants se sont réfugiés à Cape Mount, où des secours leur ont été donnés pas
les missionnaires américains. Le gouvernement des États-Unis a envoyé le vapeur
Eêâex pour appuyer les troupes de Libéria, contre les Paums qui interceptaient
les communicadons entre Monrovia et le N. 0., d'où l'on tire l'huile de palme.
M. Joubert, inspecteur en chef de la marine, a reçu du ministère français l'ordre
de se rendre au Sénégal, pour constater l'état dans lequel se trouvent les diffé-
rents services, à la suite de l'épidémie qui a si longtemps régné dans la colonie.
Une section de la Société de géographie de Lisbonne s'est formée à Horta, chef-
lieu de Fayal, une des Açores, et a commencé à chercher les moyens d'établir une
station de secours pour les naufragés, mesure réclamée depuis longtemps dans ces
parages, où surviennent fréquemment de violentes tempêtes.
EXPLORATION DU LAC TZANA PAR LE D' STECKER'
L'Âbyssinie a été souvent nommée une Suisse africaine^ non seule-
ment paj-ce qu^elle est un haut pays, essentiellement montagneux, dont
certaines sommités dépassent 4000" et se couvrent de neige, mais aussi
parce que de ces montagnes descendent, dans des vallées profondément
découpées, une multitude de rivières qui se précipitent entre d'énormes
blocs de rochers, ou forment de magnifiques cascades', ou déposent le
limon de leurs eaux dans de nombreux lacs, parmi lesquels le Tzana
remporte sur tous les autres par son étendue. Il est, en outre, remar-
quable par le pittoresque de ses îles basaltiques, et de ses bords, tantôt
' Voir la carte qui accompagne cette livraison.
' Lejean en estime le nombre à 3 ou 4000, et dit qu'elles n'ont pas un cadre
moins saisissant, moins varié, moins relevé de contrastes vigoureux que les casca^
des de la Suisse.
— 158 —
plats et couverts d'une herbe dont la hauteur dépasse celle d^un cava-
lier, tantôt parsemés de crevasses abruptes, tantôt couronnés de colon-
nes de basalte, ou de masses de rochers recouvertes d'une végétation
luxuriante. Dans ce bassin se versent plusieurs rivières considérables,
entre autres le Nil Bleu qui, après y être entré au sud-ouest, ne tarde
pas à en ressortir par l'extrémité sud, ce qui lui a fait donner le nom de
berceau du Nil bleu, par un des voyageurs qui ont précédé le D' Stecker
dont nous voulons rapporter l'exploration, d'après les Mittheilungen de
la « Société africaine allemande. »
Nous ne pouvons aujourd'hui raconter les expéditions tentées dans ce
pays depuis le XVII"* siècle, à la recnerche des sources du Nil, mais
nous espérons bien y revenir un jour. Disons seulement que les voya-
geurs qui ont passé auprès du lac Tzana, ont touché quelques points
de ses bords, au nord, à l'est ou au sud, indiqué approximativement sa
forme et ses dimensions, et marqué leur itinéraire sur des cartes qui,
comparées à celle du D' Stecker, dont nous donnons une reproduction,
font comprendre à première vue combien nps connaissances étaient
imparfaites, et combien le D' Stecker a été bien inspiré en se proposant
spécialement pour but l'étude de ce lac.
Nos lecteurs se rappellent qu'il accompagnait Rohlfe, chargé de remet-
tre au négous des présents de la part de l'empereur d'Allemagne. Dès
le départ de Rohlfe de Debra-Tabor, le 16 février de l'année dernière,
il se prépara à cette exploration. Mais l'autorisation royale, et l'ordre
du souverain au gouverneur du Béguéméder de lui laisser visiter cette
province, et de lui fournir pour lui et sa caravane les vivres nécessaires
pendant le voyage, retardèrent son départ jusqu'au 28 mars. Se diri-
geant alors vers Eorata dans la partie sud-est du lac, il passa par
Wansagué. La Goumara y coule entre de hauts rochers de porphyre,
de trachyte et de tuf, et ses bords sont couverts d'une végétation tro-
picale; des palmiers sauvages, le bananier colossal aux feuilles cramoi-
sies, et le bananier abyssin formant bouquet au ras du sol, donnent au
pays un caractère particulier. En certains endroits, la rivière est pro-
fonde et poissonneuse, sa surface est animée par des troupes d'oies et
de canards, tandis que des papillons aux couleurs splendides voltigent
sur les fleurs de ses rives. Wansagué a, sur la rive gauche, des eaux
thermales déjà signalées par Bruce ; la source jaillit à une hauteur de 2
ou 3"; la température en est de 37"*. Le roi Jean, qui, à l'instar des
princes de l'Europe, aime beaucoup à faire une cure de bains, y a fait
construire, pour recevoir les eaux, un bassin au-dessus duquel s'élève
— 159 —
un édifice où les Abyssins qui font la cure affluent tout le jour. C'est,
dit le D' Stecker, Ostende ou Trouville en miniature. C'est aussi le seul
endroit de toute TAbyssinie oîi il ai£ trouvé quelque chose qui rappelle
les auberges de l'Europe; d'ordinaire l'Abyssin reste chez lui et y pré-
pare sa boisson favorite, la bière. Mais à Wansagué, il y a des auberges
proprement dites, c'est-à-dire des huttes où sont reçus les baigneurs.
Elles sont construites en paille, petites et coniques comme toutes les
habitations du pays. Sur une colline s'élève la villa royale, consistant
en deux ou trois huttes plus grandes. Une autre source, plus rappro-
chée de la Goumara que la première, n'a que 32"*, et n'est guère fré-
quentée que par ceux qui sont atteints de maladies graves.
De Wansagué, Stecker descendit à Korata, la locaMté la plus impor-
tante, la plus pittoresque des bords du lac et la plus visitée par les
Européens. Un promontoire basaltique, au •dos arrondi couvert de jar-
dms, projette dans le lac son extrémité escarpée ; chacun de ces jardins
renferme l'habitation d'une famille riche, ou aisée tout au moins.
Renommé pour l'excellente qualité de son café, Eorata est encore le
marché le plus considérable du lac, quoique, à l'époque où Stecker s'y
trouvait, la ville ne comptât pas plus d'un miUier d'habitants. Sous
Théodoros elle en avait 3000, et, d'après Raffray, 2000 en 1873 ; une
grande partie étaient mahométans. La population a beaucoup diminué,
par suite de l'ordre donné par le roi Jean, à tous les musulmans de ses
états, de se faire chrétiens. Un très petit nombre de familles musulma-
nes adoptèrent le symbole copte, la plupart des autres émigrèrent à
Galabat. La fièvre aussi a contribué à la dépopulation de Korata.
Stecker y passa quinze jours pour en déterminer la position (par
IV 44' 22",5 latitude nord et 35^ 8' 7",5 longitude est), faire des
excursions aux alentours en vue de coDections minéralogiques, botani-
ques et zoologiques, gravir le Gougouvié, de 2190 mètres, important
pour la cartographie, en ce qu'il est visible de tous les points des bords
du lac, et au pied oriental duquel il découvrit le charmant petit lac Ajas-
sat, mais surtout pour reconnaître les îles qui s'étendent parallèle-
ment à la côte, de Korata h l'embouchure de la Goumara, et pour faire
un grand nombre de sondages en vue de s'assurer de la profondeur des
eaux dans cette partie du lac.
Poursuivant sa route vers le sud, il atteignit bientôt le point où le
Nil Bleu quitte les eaux du lac, près des îles Kentafami et Debra
Mariam, ayant 100" de large et 8" de profondeur. Il fourmille d'hippo-
potames énormes. A 8 kilomètres en aval, près de Woreb, il forme
— 160 —
une cataracte imposante; toute la contrée, très romantique^ ofEre en
outre un champ extrêmement riche pour les observationB et les colleo-
tionfi d'histoire naturelle. •
De là, le D' Stocker comptait traverser le Nil Bleu pour explorer la
cdte occidentale, et, tout d'abord, la presqu'île de Zegui, très impor-
tante au point de vue cartographique. En effet, les cartes antérieures
donnent toutes, sauf celle de Cosson, à cette partie du lac une forme
complètement inexacte, tantôt arrondie, tantôt presque rectangulaire,
tantôt coupée en deux bras par un promontoire allongé s'avançant du
sud au nord ; dans celle de Cosson, on commence à entrevoir une pres-
qu'île, toutefois la forme en est justement l'inverse de la réalité ; l'ex-
trémité en est tournée vers le sud, tandis qu'elle regarde le nord. Mais
le territoire de la rive droite du fleuve et la côte sud-ouest du lac, le
Mietcha, l'Abaldar et le Wendigué, jusqu'au promontoire de Bahrdar
Georgis, avec les grandes lies Dek et Dega, dépendent du roi du
Godjam, le négous Tekla Haimanot, pour lequel l'offider qui accompa-
gnait Stecker prétendit n'avoir reçu aucun ordre. Stecker eut beau
lui répéter qu'il avait reçu du roi des rois, le négous de toute l'Abyssi-
nie, l'autorisation de faire le tour du lac, et de visiter les territoires de
Tekla Haimanot, aussi bien que ceux du gouverneur du Béguéméder, il
ne put rien obtenir et dut rebrousser chemin. Il envoya alors immédia-
tement un courrier au gouverneur du Béguéméder et au roi Jean, pour
obtenir la permission d'explorer les états du roi du Godjam.
En attendant, et pour ne pas perdre de temps, il résolut d'étudier les
côtes orientale et septentrionale du lac, et se rendit; par Sara, au Reb,
dont il explora l'embouchure. De là, il gagna l'île Mitraha, dont les prê-
tres ne voulurent pas lui fournir de vivres avant qu'il eût visité leur
église, c'est-à-dire avant qu'il leur eût remis un riche présent. Aussi
continua-t-il sa marche jusqu'à l'île Kalamoudch, à 10 kilomètres
plus au nord, à travers le Lamgué, la partie la plus belle des. bords du
lac, renopimée pour ses arbres imposants. Leurs troncs séculaires sont
tout couverts de loranthacées parasites à fleurs roses et pourpres, et
de gui vert-olive, et entourés de cucurbitacées et de convolvulacées, qui,
formant tantôt des dômes de verdure du plus bel effet, tantôt de vraies
galeries,* répandent l'ombre la plus fraîche. Les oiseaux tisseurs suspen-
dent leurs nids aux acacias séculaires, en quantité si grande que
Stecker en a compté 872 sur un seul de ces arbres.
De l'île Kalamoudch, où il devait attendre la réponse du roi, l'explo-
rateur fit une excursion à Ambo, au nord du lac, et à la Goumara,
T^
— 161 —
qu'il ne faut pas confondre avec la rivière de même nom près de laquelle
sont les sources thermales de Wansagué. Enfin, le 2 mai, il reçut de
Naretti, qui remplit actuellement les fonctions de ministre de la maison
du roi, un message Tinformant qu'il avait dû écrire au roi Jean, alors à
Jedchou, et qu'il lui enverrait la réponse de celui-ci au mont Gorgora,
ajoutant que le gouverneur du Béguéméder n'avait, en effet, reçu
d'ordres que pour sa province, et que si Stocker voulait visiter les états
du roi du Godjam, sans attendre la réponse royale, il le pouvait, aucun
obstacle ne devant lui être suscité; mais que le gouverneur du Bégué-
méder ne pouvait lui donner aucune garantie, ni permettre à l'officier
qui l'avait accompagné jusque-là de passer le Nil Bleu. Pour gagner
du temps, Stecker fit une courte visite à Gondar; il en dressa le plan,
et déjà, le 9 mai, il se remettait en route pour le mont Gorgora, peu
connu jusqu'alors. Le 10, il campait au pied de la montagne, et le len-
demain, il faisait l'ascension de la cime la plus élevée, le Goraf (2134"").
Cette exploration lui fournit des résultats très importants au point de
vue de la structure géologique de ce massif montagneux. Il trouva dans
le haut des restes visibles d'un fort courant de lave, qu'il put suivre jus-
qu'au bord du lac, des cratères à demi éboulés, et des cônes d'éruption
bien marqués. Les couches supérieures de la montagne consistent en
schistes cristallifères, tandis que la base est formée des mêmes couches
de grès que celles dans lesquelles on a découvert, près de Tchelga, des
gisements carbonifères. Du sommet du |Goraf, il eut pour la première
fois une belle vue de la côte occidentale du lac, et put faire quelques
observations importantes pour déterminer certaines positions, puis U
redescendit à son campement en face des lies Yirsida Mariam et Angara
Aunt Tekla Haimanot. Gette partie du lac est extrêmement riche en
hippopotames énormes, qui s'y ébattent tout à leur aise, n'étant pas
poursuivis par les Wohitos comme à Eorata, à Mitraha et au Nil Bleu,
n est interdit aux Abyssins d'en manger la chair, une secte seule, pro-
prement païenne, envisage la chair de ces monstrueux pachydermes
comme un vrai régal. De leur peau on fabrique quantité d'objets d'un
beau travail, courbaches, peignes, poignées de cannes et de sabres,
rênes, etc. Stecker n'a pas trouvé dans le lac Tzana d'autres grands
mammifères. II a pris auprès des indigènes des renseignements sur le
ja bahar tseda^ peut-être du genre lamantin, dont parle Heuglin, mais
personne n'a pu lui en donner; il l'a cherché partout sans le trouver ;
son nom même en amharique est inconnu. Aussi Stecker estime-t*il
qu'il faut admettre qu'il n'y a pas de lamantins dans le lac Tzana.
— 162 —
En revanche, il a découvert au moût Gorgora une coquille remarqua-
ble, dont la forme rappelle celle de Thuître, et dont on trouve au
bord du Tzana Técaille et Tanimal vivant, qui, avec du jus de citron,
a le goût de Thuître. Stocker Pavait déjà trouvée dans le Nil Bleu, et il
la retrouva plus tard dans une roche éruptive de Tîle Dek. Il ne peut
s'expliquer le fait, que par l'hypothèse qu'à une époque où le lac exis-
tait déjà, il y a eu au sud une grande éruption. D'après lui, le lac s'est
formé à l'époque tertiaire, ensuite d'une puissante commotion volcani-
que au nord, dans les monts Grorgora. Le Nil Bleu, qui, auparavant,
n'était qu'une rivière peu importante, et décrivait le grand arc, indiqué
sur la carte par des flèches autour des îles Dek et Dega, a été, par Ut,
refoulé vers les rives sud-ouest et sud, quoiqu'on p|(iisse, encore
aujourd'hui, très bien suivre son cours primitif. De Zegui, par exemple,
on aperçoit très distinctement deux courants du fleuve dans le lac,
comme deux filets d'argent ; ils sont également très sensibles quand on
traverse le lac entre Korata et Zegui. Il y a eu plus tard, au sud, un
second mouvement d'éruption auquel sont dues les îles Dek et Dega,
ainsi qu'un grand nombre d'autres le long de la côte orientale, et tous
les blocs d'origine volcanique qui sont dispersés dans la vallée du Nil
Bleu et obstruent le cours du fleuve.
Du mont Gorgora, Stecker passa le Sar Wouha, qui forme la limite
entre le Dembéa et le Dagossa, pour commencer l'exploration de la côte
occidentale, et, quoique la réponse du roi Jean ne lui fût pas encore
parvenue, il ne s'en décida pas moins à visiter aussi le Wendigué, qui
fait partie des états du négous Tekla Haimanot. Le mont Dengelber
forme la frontière entre les territoires d'Aléfa et de Wendigué, H arriva
sans difficulté et sans aventures à Konséla, la première localité du
Wendigué. Là, il fut témoin d'un phénomène solaire remarquable ; le
soleil avait un halo de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, et, vers 10
heures 45 minutes, il se forma également autour du soleil une croix,
nuancée des mêmes couleurs ; le phénomène dura une dizaine de minu-
tes, et plongea les Abyssins dans l'étonnement et la stupeur. Us se rap-
pelèrent qu'un halo de ce genre s 'était produit le jour de la prise de
Magdala et de la mort de Théodoros, et ils en augurèrent que le voyage
non autorisé de Stecker dans les états du négous Tekla Haimanot, n'au-
rait pas une heureuse issue.
Sans rien prévoir de fâcheux, Stecker continua sa marche vers Wen-
digué ; mais à peine avait-il mis le pied dans le village, qu'il vit venir à
lui une foule de soldats, de badauds et de fenunes, le choum (gouver-
— 163 —
neur de la localité) en tète, pour lui demander de produire une lettre de
recommandation de Tekla Haimanot, et, comme il n'en avait point, on
voulut l'empêcher de passer. En vain chercha-t-il à faire comprendre
qu'il avait une autorisation du roi des rois d'Abyssinie pour visiter ces
pays. Le choum s'emporta en cris furieux, prétendant que l'explorateur
n'était nullement l'ami de Sa Majesté salomonienne, qu'il venait de
Météma, et voulait introduire par contrebande des caisses de marchan-
dises soumises aux droits d'entrée. Stecker fit faire halte et dressa ses
tentes près du lac, afin de porter plainte auprès du gouverneur de la
province, Litch Abai. Malheureusement, celui-ci s'était rendu dans les
états nègres de Chlmeledchani, à l'ouest de Wendigué, et il fallut l'at-
tendre. Un courrier lui fut envoyé et revint au bout de trois jours.
Stecker avait mis ce temps à profit pour visiter l'embouchure du Nil
Bleu, qui, à son entrée dans le lac, a 10 mètres de large, et pour explo-
rer la chaîne volcanique de l'Atchéfer, mais sans pouvoir faire l'ascen-
sion de l'Abenna, la cime la plus haute, un messager de Litch Abal
l'ayant rappelé à Wendigué. Le gouverneur fit fustiger le choum du
village, et promit à Stecker de l'accompagner au Nil Bleu. Tout sem-
blait faire espérer à l'explorateur qu'il pourrait atteindre le but de
son voyage, la presqu'île de Zegui, d'où il comptait regagner Bahrdar,
et achever ainsi le tour du lac. Mais le lendemain, 20 mai, lorsqu'il se
rendit avec sa caravane auprès de Litch Abaï, celui-ci prétexta ne pou-
voir prendre sur lui la responsabilité de le laisser traverser le pays,
sans un ordre précis du négous Tekla Haimanot, et l'explorateur dut
revenir sur ses pas le long de la côte occidentale.
Le 22 mai, il atteignait de nouveau Gorgora, traversait deux jours
plus tard la savane, de plusieurs kilomètres de long et de large, au nord
du lac, remarquable par la végétation luxuriante de ses bambous qui
forment de véritables forêts, et, par Ferkaber et Ifag, sur la route de
Gondar à Debra Tabor, il regagnait cette résidence le 28 mai. Là il
apprit enfin que le roi Jean lui avait donné une autorisation pour voya-
ger dans les états du négous Tekla Haimanot, mais que le gouverneur
du Béguéméder, auquel des ordres à cet égard avaient été donnés, était
parti, n ne revint que le 31 mai, et Stecker ne put se remettre en route
que le 2 juin. Il se dirigea vers Makdéra Mariam, marché important à
16 Mlom. au S.-O. de Debra Tabor, et bientôt il se retrouva à Korata,
d'où il fit en tankoa la traversée du lac jusqu'à la presqu'île de Zegui.
La tankoa est une embarcation particulière au lac Tzana, et peu agréa-
ble pour ceux qui n'y sont pas habitués. C'est un radeau rectangulaire,
— 164 —
composé de bottes de paille solidement liées, fort épais et d'un tirant
d'eau de plus de 0",60 ; il n'y a. pas de bordage ; Tembarcation ne peut
pas couler, mais elle chavire facilement. Les bagages se mettent à
Tarrière ; à Tayant se tient le passeur, armé d'un bâton qui lui sert à
pagayer, car Teau est trop profonde pour pouvoir pousser de fond. Dans
la presqu'île de Zegui, Stecker fit l'ascension de la plus haute cime, le
Tekla Haimanot (2074"), puis une excursion rapide à Livlivo, au sud-
ouest de Zegui, et une autre plus longue à Adina, dans le voisinage de
l'embouchure du Nil Bleu, c'est-à-dire près du point qu'il avait atteint
le 18 mai en venant de Wendigué. De là il fit en quatre heures, en tankoa,
le trajet de la côte à l'Ile Dek, mais ne put visiter celle, plus intéressante,
de Dega, vu qu'il n'est permis à aucun étranger d'en fouler le sol, con-
sacré à saint Etienne. Elle n'est habitée que par des moines. Après une
traversée extrêmement pénible de douze heures en tankoa, il rentrait à
Zegui. Ce qui rend célèbre la presqu'île de ce nom, ce sont ses caféiers.
Toute la montagne n'est pour ainsi dire qu'une immense plantation de
café. Quelques arbres ont jusqu'à 1"" de circonférence. La plus grande
partie du café est transportée à Météma ; le reste, en quantité beaucoup
moins considérable, à Massaoua. Toutefois la qualité n'en est pas aussi
bonne que celle du café de Korata. La plupart des habitations {tokula)
de la presqu'île de Zegui sont en pierre ; comme presque toutes les loca-
lités du lac Tzana, ses villages se distinguent avantageusement de ceux
de l'intérieur, par un cachet particulier de propreté et d'hospitalité.
Stecker aurait voulu pouvoir profiter de l'occasion qui lui était offerte
pour visiter les états du négous Tekla Haimanot, les monts Atchéfer, et
surtout les états nègres de l'ouest, connus sous le nom collectif de Chi-
meledchani. Mais, en rentrant à Korata, il y trouva un courrier du roi
Jean, qui l'attendait pour l'accompagner auprès de Sa Majesté, laquelle
devait passer la saison des pluies au Zaboul. Quoiqu'il lui en coûtât de
renoncer à ce projet, il pouvait considérer comme terminée l'exploration
du lac Tzana. Elle lui a du moins permis d'en donner une carte beau-
coup plus exacte que celles de ses devanciers. D'après ses calculs, la
superficie en est de 2,980 kil. c, — environ la moitié de celle du lac
Aral, et cinq fois celle du lac de Genève, — celle de toutes les tles
ensemble est de 50 kil. c. ; les îles Dek et Dega à elles seules en ont
44. Pendant ses excursions en tankoa, il n'a pas fait moins de 30 son-
dages, et a trouvé la .plus grande profondeur (72") entre l'île Dega et la
presqu'île de Zegui ; entre Zegui et Korata 68", et entre Adina et l'Ile
Dek une série de fonds de 32" à 47" ; mais il estime qu'il doit y avoir
— 165 —
entre les tles Dek et Dega et les monts Gorgora des profondeurs de 100^ ;
seulement, avec les embarcations fragiles des Abyssins, on ne peut guère
se hasarder à foire une traversée dans cette direction. U a fait, en divers
endroits du lac, des observations hypsométriques d'après lesquelles la
hauteur du lac au-dessus du niveau de la mer doit être fixée à 1942"" ^
Du lac Tzana, Stecker a été envoyé au lac Achangui par le négous,
qui, le tenant pour un ingénieur, voulait avoir son avis sur un canal à
ouvrir dans un promontoire montueux, où le roi a Tintention de se faire
construire un palais. jQ en a profité pour faire le relevé du lac Achangui
et des environs. Après cela, il voulait se rendre au Eaffa, en repassant
par le lac Tzana. De là, si ses intentions se réalisent, il gagnera Fazogl
et rSnnaréa. Dans une campagne militaire, le négous Tekla Haimanot
a rendu le Kaffa tributaire du roi d'Abyssinie. Muni des recommanda-
tions de ce souverain, Stecker pourra explorer ce pays sans avoir à
redouter le sort de Ghiarini, et nous pouvons espérer que les résultats
de son prochain voyage seront aussi importants que ceux de son explora-
tion du lac Tzana.
CONFÉRENCE DU D' BUCHNER A LOANDA
Nous avons annoncé, dans les Nouvelles complémentaires de notre
dernier numéro, l'arrivée du D' Buchner à Loanda*. Il y a passé quel-
ques jours et y a fait, sur son expédition au cœur du continent, une
conférence, dont nous analyserons ici les passages les plus importants.
Nos lecteurs se rappellent que le D' Buchner a été envoyé en Afrique
par la « Société africaine allemande, » avec mission de tâcher d'opérer la
traversée du continent, de la ,côte occidentale à Zanzibar, en passant
par Nyangoué. Son premier but cependant devait être Moussoumbé,
capitale de l'état du Mouata Yamvo.
Arrivé à Loanda en décembre 1878, il gagna d'abord Malangé, à
^ Yoici, d'après M. James Jackson, raltitude des principaux lacs de l'Afrique :
Lac Tchad 244™ Lac Moero 914™
Nyassa 464 » Tanganyika 940
Kassali ou Kilondja . . . 533 » Bangouéolo 1124
Chiroua 610 » Victoria 1270
Albert 829 » Dilolo 1445
Ngami 893 » Tzana 1942
* Le D' Buchner était attendu à Berlin yers le milieu de janvier.
— 166 —
500 kilom. de la côte, y engagea 120 porteurs, et s'associa à une cara-
vane de 40 ambaquistes (noirs d'Âmbaca voyageant pour leurs affaires
particulières). Il traversa sans difficulté le territoire des Songes, des
Minoungos et des Quiocos, jusqu'à Kimboundou. Au delà, un des trois
principaux chefs des Quiocos voulut l'obliger à s'arrêter auprès de lui,
et, sur son refus, prit une attitude belliqueuse , cependant tout finit par
s'arranger à l'amiable. Buchner a été frappé, conune son prédécesseur
Schûtt \ des progrès faits par les Quiocos. H en distingue deux tribus :
l'une, celle du Mona-Eissengué, établie le long du Louachimo, l'autre,
celle du Mona-Einiama, habitant le long du Cuilou et du Loangoué. Us
ont envahi l'antique royaume des Loundas, paresseux et débauchés,
sur lesquels ils l'emportent déjà par le nombre dans certains districts, et
ils menacent même de couper les communications du Mouata Yamvo
avec Cassangé et l'Angola. Les Loundas voudraient les expulser, mais la
puissance du Mouata Yamvo diminue, quoique le souverain conserve
encore son prestige.
La marche de l'expédition fut retardée par la fièvre, dont Buchner
fut atteint ainsi que son personnel, et aussi par les pluies et par les dif-
ficultés du passage des principales rivières, le Quicapa, le Louachimo,
le Quimboué, le Louhemba, le Cassai, le Louloua etleLuisa. Enfin, elle
arriva à Moussoumbé le 10 décembre 1879, quatre mois et demi après
avoir quitté Malangé.
Le Mouata Yamvo, auquel Buchner devait remettre des présents de
la part de l'empereur d'Allemagne, le reçut très bien ; il fait, ainsi que
ses gens, grand cas des verroteries, des armes, de la poudre et des mar-
chandises venues d'Europe. Retenu à Moussoumbé par la saison des
pluies, l'explorateur se construisit une maison de bois et des magasins
pour ses marchandises. Il y passa six mois, en assez bonnes relations
avec le souverain, et put étudier les habitudes commerciales du pays.
Comme dans tout l'intérieur, il les a trouvées très défectueuses. Quand
on ne peut cacher ses marchandises, on doit les remettre au chfsf, qui
les reçoit comme un dû et ne paie que peu à peu, en ivoire ou en escla-
ves ; le négociant doit patienter et réclamer de temps à autre. Deux
mots résument tout le commerce mdigène : spoliation et mendicité ;
aussi les négociants bangalas et ambaquistes, qui se rendent dans le
royaume du Mouata Yamvo, prennent-ils d'ordinaire peu de choses avec
eux* Buchner croit que depuis Rodriguez Graça, sa caravane est la plus
* Voir I" année, p. 156. ^
— 167 —
riche qui se soit présentée à Moussoumbé. Il chercha à faire compren-
dre au roi que, ne voyageant pas pour affaires, ne demandant pas
d'esclaves, et Fivoire ayant peu ou point de valeur pour lui, il ne pou-
vait se soumettre au régime ordinaire. Malgré les collections scientifi-
ques et les instruments qu'il lui montra, le Mouata Yamvo ne s'en
obstina pas moins à le considérer comme un négociant, lui demandant
de hii procurer beaucoup d'étoifes, d'armes et de poudre. Quand Buch-
ner voulut aller vers le nord, le roi s'y opposa, craignant que si l'explo-
rateur mourait en route, on ne l'accusât de l'avoir fait assassiner.
Les ambaquistes, qui ne songeaient qu'à obtenir des esclaves pour les
vendre aux Quiocos, le retenaient également. Il eut aussi à subir les exi-
gences de la loukokécha\ cette reine, plus ou moins indépendante, qui
siège à côté du roi sans être sa femme. Le Lounda était autrefois une
gynécocratie ; la loukokécka en serait un souvenir historique ; à l'ori-
gine son pouvoir était égal à celui du roi, mais aujourd'hui, il a beau-
coup diminué.
Buchner s'estime heureux de n'avoir perdu à Moussoumbé qu'un tiers
de ses marchandises, tandis que Pogge y avait perdu presque toutes les
siennes. Ses instruments et ses travaux n'excitèrent pas la méfiance ; il
put prendre des photographies des principaux dignitaires, ainsi que du
roi et de la loukokécha ; il put même exercer la médecine auprès des
familles des grands du pays, et trouva le Mouata Yamvo moins cruel
que les chefs du centre n'en ont la réputation.
Le moment favorable pour voyager étant arrivé, Buchner se disposa
à partir^ tout en laissant O'oire au roi qu'il retournait dans son pays,
n reprit jusqu'au Louloua la route par laquelle il était venu. Après avoir
passé le Louloua il tourna vers le nord-ouest et, arrivé au Lousanzéjé,
s'arrêta quelques jours pour congédier une partie de ses porteurs, leur
grand nombre devenant trop onéreux ; il remit une partie de ses collec-
tions à ceux qui retournaient à Malangé. Ensuite il longea le Cassai
jusqu'à la frontière des états du Mouata Yamvo, où commence le terri-
toire des Toukongos indépendants. N'ayant pas de guide, et les indi-
gènes ne voulant pas, par crainte du roi, lui indiquer le chemin, il erra
dans une contrée marécageuse, et mit ô jours, d'une marche continuelle
du matin au soir, pour franchir 50 kilom. Ensuite il fut arrêté par des
menaces de guerre des indigènes, qui firent déseii;er avec armes et
bagages une partie de ses porteurs, tandis que ceux qui restaient mena-
* V. I'« année, p. 196.
— 168 —
çaient d'en faire autant s'il poussait plus avant vers le nord. Alors il se
décida à regagner la côte occidentale entre le 8"" et le T'' latitude sud,
traversa le Louhemba, et, ayant obtenu un guide, voulut aller visiter le
chef Tambou-a-Eabong, au nord du 7^, un des six ou sept princes du
Louba. Mais son guide le conduisit chez un autre chef, beaucoup moins
considérable. La marche était rendue difficile par les rivières et les val*
lées parallèles les unes aux autres, parles marécages, et, dans les gorges
du Quihoumbo, par une végétation exubérante. En outre, plus Buchner
avançait, plus la population indigène, nombreuse en ces quartiers, deve*
nait pressante dans ses demandes d'armes et de poudre, en sorte qu'il
dut redescendre vers le sud-ouest. Sur son passage il rencontra, non loin
de l'endroit où deux ans auparavant Schûtt avait été obligé de rebrous-
ser chemin ' , un chef louba qui était en guerre avec les Loundas et
voulut l'empêcher d'avancer. N'ayant avec lui qu'une petite troupe,
peu rassurée, il préféra se retirer et se rendre à Kahoungoula, d'où il
espérait pouvoir pousser vers le nord jusqu'au 5% dans le pays des
cannibales. Mais le chef de Kahoungoula, toujours ivre, le voyant isolé,
devint impertinent et voulut s'approprier les marchandises qui lui res-
taient. Buchner dut prendre des précautions pour assurer sa sécurité.
Il s'efforça de gagner l'amitié du chef et de se rattacher ses porteurs,
dont la moitié l'avaient déjà abandonné. Au moyen d'un présent consi-
dérable, il obtint du chef un guide pour le conduire chez le Mouata-
Eoumpana, mais avant de partir le guide reçut l'ordre secret de le
fourvoyer, ce dont Buchner n^ s'aperçut que longtemps après avoir
quitté Kahoungoula. Il se décida alors à chercher en toute hftte im bon
chemin vers le nord. Mais ses porteurs, s'étant concertés avec les indi-
gènes, désertèrent, sauf huit auxquels Buchner offrit une augmentation
de salaire pour le conduire jusqu'à la résidence du Mouata-Koumpana.
Leur refiis fit échouer cette dernière tentative de l'explorateur pour péné-
trer plus avant dans l'intérieur du continent. Ne pouvant emporter ce
qui lui restait de marchandises, il en brûla une partie, et, confiant le
reste à une caravane de Bangalas, il se dirigea vers Cassangé et Malangé,
par uoe route un peu à l'ouest de celle de Schûtt. De Moussoumbé à
Malangé son voyage avait duré neuf mois. En retraversant plus au nord
^es rivières qu'il avait passées au sud en allant à Moussoumbé, il a
constaté que le système hydrographique du Cassai est bien tel que
Schûtt l'a esquissé, mais il ne croit pas que, même après avoir reçu tous
» V. I** année, p. 157.
— 169 —
ses tributaires, ce fleave puisse être comparé au Loualaba de Stanley.
Dans la saison sèche, sous le S"", il n'a pas plus de 120" de largeur, avec
3*5 de profondeur et une vitesse de 3 kilom. à Theure ; il est même infé-
rieur au Quanza à Dondo, quoiqu'il soit le plus grand fleuve de cette
région.
Le plateau que Buchner a traversé à Tintérieur a à peu près le même
caractère que celui de Malangé. Situé à une altitude de 1060°', il est
coupé par de nombreux cours d'eau, petits et grands, qui ont creusé
des vallées profondes, où croissent des forêts épaisses et une végétation
exubérante, analogue à celle de Goloungo-Àlto et de Gasengo dans TAn-
gola, tandis que la partie horizontale du plateau a Taspect d'une
steppe, ne produisant guère que du chaume ou des arbustes noueux et
rabougris, rarement assez grands pour ottm de l'ombre au voyageur.
Quoique sablonneux, le sol n'en est pas moins généralement fertOe et
ces vastes territoires seraient excellents pour l'élève du bétail, mais
celui-ci est rare. Les Quiocos abattent les arbres des forêts pour déve-
lopper leurs cultures, tandis que les Loundas paresseux récoltent les
firuits des arbres, plutôt que de défricher ou de labourer la terre. Buch-
ner n'a pas vu de gibier ; il faut pénétrer assez loin pour en trouver.
Quant à la géologie, le pays est assez uniforme. Les couches du ter-
rain sont presque partouthorizontales, et, dans les vallées, on voit régu-
lièrement le granit et le gneiss en bas, puis, en montant, des graviers
plus ou moins durs, et enfin une terre rouge qu'on peut appeler latérite.
Buchner n'a rencontré ni pétrifications ni laves. La région qu'il a tra-
versée ne lui a pas paru riche en minéraux. Le fer abonde, mais il est
d'une qualité très inférieure à celui d'Europe ; le cuivre, que l'on voit
dans le Lounda, et même à Malangé, vient de Cazembé ; le sel des Ban-
galas provient d'une mine de peu de valeur. Les indigènes de l'inté-
rieur remplacent ce condiment par les cendres de certaines plantes.
Ce qui manque à l'intérieur ce sont les moyens de faire valoir les
terres excellentes qu'on y rencontre, et la sécurité, pour explorer les
vastes territoires qu'il reste à étudier avant de pouvoir y implanter la
civilisation.
RAPPORT DES AMBASSADEURS WA6ANDAS A MTÉSA
Nos lecteurs se rappellent que Mtésa envoya en 1880 trois ambassa-
deurs en Angleterre. A son retour l'un d'eux, Saabadou, fit à son maître
un rapport verbal, qui a été traduit à MM. Mackay et Pearson par
— 170 —
Mousta, jeune homme de Zanzibar servant d'interprète. Nous le repro-
duisons ici d'après VAU^gemeine Missions Zeitschrift.
(( Quand nous atteignîmes Rionga (Foweira, à la frontière du royaume
de Mtésa), nous y laissâmes nos femmes, puis on nous ôta nos fusils, nos
lances, nos boucliers, même nos grosses cannes. Aussi pensions-nous
que Mtésa nous avait vendus comme esclaves aux hommes blancs. Nous
cheminâmes pendant trois mois à travers un désert, avant d'arriver à
Ehartoum; puis deux nouveaux mois dans un autre désert, oii nous
vîmes des montagnes conune nous n'en avions jamais vu auparavant.
Nous arrivons à un Nyanza (la mer Rouge) et montons sur un vaisseau.
0 mon maître! c'était un vaisseau grand comme une colline! Puis nous
entrons dans la capitale du roi des Turcs (Égyptiens). Toutefois nous
remarquons bientôt que ce sont les Bazoungous (Européens) et non les
Turcs qui gouvernent le pays, et que les Turcs n'ont aucune autorité.
« Nous naviguâmes ensuite sur un autre Nyanza (la Méditerranée),
jusqu'à une île (Malte). On nous dit qu'elle appartient à la reine d'An-
gleterre; nous crûmes naturellement que la reine y habitait et que le
but de notre voyage était atteint. Mais point du tout; il fallut aller tou-
jours plus loin, et comme on nous disait que nous n'étions pas encore
à moitié chemin, nous pensions que nous n'en verrions jamais le bout.
Nous passâmes devant un pays européen, mais tous les gens ressem-
blaient aux Arabes (Alger), puis nous touchâmes à une grande île d'Eu-
rope, mais ce n'était pas la capitale (Lisbonne). Nous étions entrés dans
le troisième Nyanza (l'Océan Atlantique).
« Enfin, après bien des jours, nous abordons en Angleterre. 0 quelle
infinité de grands vaisseaux nous y vîmes (à l'embouchure de la Tamise) !
Quand nous aperçûmes tous ces mâts, l'idée nous vint que c'était une
forêt dont les arbres croissaient dans l'eau. En remontant le fleuve,
tous les capitaines des navires criaient du haut des mâts :
a Les Bougandas arrivent, faites place aux Bougandas ! » et inuné-
diatement les gros bâtiments se retiraient (Flatterie pour la vanité de
Mtésa).
(c Nous débarquons à Londres. La reine (la Société des missions)
envoie à notre rencontre un chef, avec une voiture et deux chevaux ; en
général, il y a tant de chevaux en Angleterre qu'on peut à peine les
compter. Les maisons sont toutes construites en pierre; 6 mon maître!
magnifique! magnifique!! On construit deux longs murs en pierre (les
côtés des rues), à perte de vue, et à l'intérieur de ces murs se trouve la
maison. En tout, ce n'est qu'une maison, mais si divisée, qu'un grand
— 171 —
nombre de gens peuvent y habiter. Impossible de compter le nombre de
personnes qui demeurent dans une maison (ils croyaient qu'un côté de
la rue n'était qu'une seule maison). Oh! Londres est une très grande
ville, il n'y a que des maisons en pierre comme d'ici à Bouhouézi
(à 30 kilom. environ de Roubaga).
« Nous arrivons à une place oîi un grand chef (le secrétaire des mis-
sions, Grant) nous tend la main en s'écriant: «ah! Bougandii! Bou-
ganda! Bouganda! »
(c Au bout de deux jours (beaucoup plus tard), la reine nous fit cher-
cher. Nous vîmes une foule de dames, toutes habillées de même, en
sorte qu'il nous fut impossible de savoir qui était la reine. La maison de
celle-ci est grande conune d'ici à Naboulagala (colline à plus de 3 kil.).
« Le lendemain, nous allâmes sur une grande prairie pour voir les
soldats. Chaque mutongole (capitaine) a des militaires qui portent un
uniforme différent. Nous étions dans un gari (voiture), et la reine dans
un autre. Cette fois-là, nous la vîmes seule, en sorte que nous la recon-
nûmes. Ensuite, nous visitâmes l'endroit où l'on fait les canons ; poui*
un de ceux-ci, il faut 200 tonnelets de poudre, et le boulet vole comme
d'ici à Nyamagoma (à plus de 10 kilomètres à l'ouest de Roubaga).
Après quoi, nous vîmes combien de fusils magnifiques on fabrique. Un
ouvrier nous montra celui qu'il venait d'achever, oh ! et il était si beau !
Puis, nous nous fimes montrer comment ils préparent la poudre. Enfin,
nous allâmes à un endroit où l'on fait des étoffes de laine pour vête-
ments et nous vîmes faire boîista (blanchir la toile).
<( Après avoir passé quelques jours à Londres, nous nous rendîmes en
un autre endroit où nous ne passâmes que peu de temps. Mais nous
n'y allâmes pas à pied, nous montâmes dans une maison de bois (voi-
ture de chemin de fer), qui partit d'elle-même en nous emmenant tous.
« A notre retour à Londres, nous ftmes part à la reine de notre désir
de retourner à Janda. Mais elle nous dit : « Pas encore, vous n'avez pas
encore vu mes animaux. » Nous allâmes donc voir les animaux (au Jar^
din zoologique). Tous les animaux s'y trouvent. Il nous fallut d'abord
trois jours pour voir les lions, puis deux jours pour les léopards, trois
jours pour les bufBies, plusieurs jours pour les éléphants et six jours pour
les oiseaux. (Ils n'ont été en tout que trois heures au jardin zoologique,
mais ils ont évidemment voulu dire par là qu'il y a beaucoup d'animaux).
On y trouve tous les oiseaux de tous pays. Nous vîmes ensuite les croco-
diles. Magnifique! Magnifique! Magnifique! Les crocodiles ne sont
point sauvages. On appelle le crocodile et on lui présente un morceau
— 172 —
de chair qu'il prend inunédiateinent de la main de Thomme. » — Mtéga
demande d'où Ton tire toute la nourriture pour les animaux. — « On
leur donne des vaches et des chèvres. » — Mtésa : « Jette-t-on aux ani*
maux les vaches et les chèvres vivantes? » — a On tue toujours les bètes
et on ne donne que de la chair de bêtes tuées. — Nous vîmes encore
des serpents, des éléphants, et toute espèce d'animaux. » — Mtésa
s'adressant à ses che& : « Entendez-vous, combien d'animaux les Euro-
péens donnent à leur reine. » Le katikiro (premier ministre) répondit :
(( Il faut qu'elle soit une souveraine bien puissante. » (Mtésa fit com-
prendre à ses chefs qu'ils pourraient le rendre aussi puissant, en lui
donnant autant d'animaux).
« On nous montra ensuite des vaches, des moutons et des chevaux
(l'exposition d'agriculture). Quelle masse de vaches et de moutons ont
les Européens ! Puis nous vîmes des milliers de porcs, chacun avec six
petits ; ces porcs servent de nourriture à la reine.
« Nous ftmes alors nos adieux à la reine (il n'y eut plus d'audience) ;
elle nous donna un vaisseau avec lequel nous vînmes en un mois à Zan-
zibar, tandis que notre voyage pour aUer nous avait pris douze mois.
« A Zanzibar nous vîmes Saïd-Bargasch qui nous fit des présents,
mais il n'a qu'un petit pays. Les Arabes te trompent, Ô mon maître,
quand ils te disent qu'ils ont un grand pays à la poiiani (à la côte). La
côte appartient aux Anglais, et les Arabes sont leurs esclaves. L'Angle-
terre est un grand pays. C'est une grande île, comme d'ici à Zanzibar ;
elle est entourée d'îles si nombreuses qu'on ne peut pas les compter.
On y construit tant de ponts sur les rivières , qu'on n'a pas besoia d'al-
ler par eau pour passer d'une rive à l'autre.
a 0 mon maître ! nous n'avons point de pays ! Le territoire de chaque
chef anglais est aussi grand que le Bouganda, le Bounyoroet le Bousogo
réunis. (« Répète-le, » dit Mtésa, « j'aime à entendre dire la vérité. ») —
« Nous n'avons point de pays, Ô mon maître. » — (« Entendez-vous, » dit
Mtésa à ses chefe, « nous n'avons point de pays. ») — « En Angleterre,
chaque homme n'a qu'une femme, mais chaque fenmie a trente enfants ! »
— (Tous : « Oh ! beaucoup, beaucoup, beaucoup d'enfants ! ») — « Ils
ont encore dans leurs maisons d'autres femmes, mais ce ne sont pas
leurs femmes ; elles s'occupent du travail de la maison. Quand les Euro-
péens viennent ici, ils n'ont point de femmes, mais quand ils retournent
en Angleterre, ils deviennent de grands chefe et reçoivent une femme
en récompense de leurs services.
« Nous avons vu aussi une église qui a de très grosses cloches. (Saint-
— 173 —
Paul?) Quand ou soime ces cloches, tu pourrais les entendre d'ici à Bou-
sogo (& 25 kUom.). L'intérieur de Téglise est de bois et de pierre. Les
Européens n'ont qu'une religion.
« L'intérieur de la maison de la reine est tout de glaces, d'or et d'ar-
gent, et nous étions assis sur des sièges d'ivoire. »
(Ici Mtésa s'écria : a halte! » et congédia les chefs, en donnant l'ordre
à Saabadou de ne communiquer qu'à lui seul ce qu'il avait vu en
Angleterre.)
CORRESPONDANCE
Nous ayons reçu de l'explorateur hollandais Schuver une lettre que nous pu-
blions ici, en la faisant précéder et suivre de quelques mots, d'après V Exploration,
les Mittheilungen de Gotha et les Pràceedings de la Société de géographie de
LondreSy pour faire connaître à nos lecteurs la marche du voyageur jusqu'à
Fadasi, et les résultats de son exploration jusqu'au commencement d'octobre.
Parti du Caire le 1*' janvier de l'année dernière, il remonta le Nil et le suivit
jusqu'à Korosko, d'où il traversa en 9 jours le désert de Nubie, et gagna Abou-
Hammed ; de là, longeant de nouveau le Nil, il atteignit Berber en 5 jours. Le
19 mars, il arrivait à Ehartoum. Pendant les quelques semaines qu'il y passa, il
acquit la certitude que Réouf pacha emploie contre la traite autant d'énergie et
de bonne volonté que Gordon pacha; mais peut-être ne dispose-t-il pas des mêmes
moyens d'action le long du Nil Blanc.
Le 4 avril, il repartait de Khartoum avec 12 chameaux chargés, un compagnon
fidèle, Giacomo Bachetti, un domestique galla, et un gamin darfourien. De Khar-
toum à Sennaar, où il arriva en 3 jours, il suivit une route assez éloignée du Nil
Bleu, à l'ouest de celle de Mamo. La population du pays traversé est arabe et
hospitalière, douce et riche en esclaves. A Sennaar, il rencontra Pîaggia qui n'avait
pu dépasser Beni-Changol, et retournait à Khartoum. Notre Bulletin d'aujour-
d'hui annonce la mort de Piaggia.
Depuis une année, une ligne télégraphique, malheureusement menacée par les
termites, relie Sennaar à Famaka, voisine de Fazogl, la dernière station égyptienne,
que Schuver atteignit le 28 avril, après un voyage rapide et heureux à travers les
plaines, monotones et boisées d'arbustes épineux, qui bordent le Nil Bleu. La sécu-
rité y est complète, mais la rareté des habitants fait que les voyageurs y sont
exposés à manquer de vivres. Les chefs nègres du Berta sont bienveillants envers
les Européens, et n'exigent pas d'eux le tribut qu'ils font payer aux marchands
arabes. Le pays est très giboyeux jusqu'à Beni-Changol, où il arriva le 21 mai. Il
dat y rester plus de quinze jours, ensuite de troubles occasionnés par des trafi-
quants d'esclaves, qui avaient renversé le principal chef et aidé*à une famille de
fellahs à prendre sa place. Gr&ce à Pappui du commandant de Fazogl, Schuver
— 174 —
put repartir le 6 juin, après atoir dû échanger ses chameaux contre des ânes, les
montagnes ne permettant pas aux chameaux de dépasser Beni-Changol. D^à, les
torrents étaient grossis par les pluies, le passage en était difficile, en sorte ^u'il
mit 6 jours de Beni-Changol à Fadasi. Entre ces deux points, il fit l'ascension du
Djebel Dendelou, la sommité la plus élevée et l'observatoire naturel du pays, à
8 kilomètres au sud de Fassouder. De là, il put reconnaître la ligne de partage
des eaux entre le Nil Blanc et le Nil Bleu, et constater que le Toumat, affluent de
ce dernier, prend sa source dans les monts de Sori, à l'ouest de Fassouder, et non
comme l'indiquent Marno et la carte de Petermann, un demi-degré plus au sud. Il
faut d'ailleurs distinguer deux Toumats : celui qui se jette dans le Nil Bleu à Fazogl,
et un autre, affluent du Jabous, passant à Belletafa, et que l'on traverse en se
rendant à Fadasi. Dans ce deniier endroit, Schuver tomba malade, par suite du
changement delà température; l'air âpre des montagnes avait remplacé la chaleur
modérée dont l'expédition avait joui auparavant. Rachetti, malade également, fut
enlevé au bout de cinq jours. A peine rétabli, Schuver se mit en route le 30 juillet,
pour explorer la région au sud de Fadasi. On trouvera le récit de cette excursion
dans la lettre suivante :
Fadasi, 18 octobre 1881.
Monsieur le Rédacteur de V Afrique eo^plorée et civilisée, à Genève.
Monsieur,
Je n'ai jamais dit à personne, où que ce soit, que je voulusse aller du Caire au
Cap'. Si tel avait été mon dessein, je ne serais pas à Fadasi. Ce sont de pures fan-
taisies de journalistes en quête d'un article, à Paris comme au Caire.
Du 28 juillet au 8 septembre, j'ai exploré le pays des Léghas-Gallas, à 1^ au
sud de Fadasi. Aucun Européen n'y avait jamais pénétré,, non plus qu'aucun tra-
fiquant arabe. Pour m'y rendre, j'ai dû traverser le territoire des Amans, nègres
féroces. Le roi des Léghas-Gallas me fit une réception magnifique et m'accabla de
tendresses ; puis il s'est tourné contre moi, parce que je n'ai pas voulu lui prêter
ma carabine à neuf coups pour exterminer ses ennemis, les Addos-Gallas et les
Séjos-Gallas. Jusqu'alors les armes à feu étaient inconnues chez ces tribus. Le roi
devint furieux, et ce ne fut qu'après beaucoup de contrariétés et à force de
menaces que je pus quitter son pays.
Dès lors j'ai tenté de visiter les tribus nègres des Ghoumous et des Kiris, igno-
rées jusqu'ici et fort intéressantes toutes deux. A moitié chemin, je dus revenir
sur mes pas, mon guide ayant pris la fuite en voyant l'attitude menaçante d'une
bande de 60 chasseurs d'esclaves. Dans trois jours, je pars avec un nouveau guide,
^ Nous avions dit cela, en dénaturant involontairement le nom du voyageur
(n""* année, p. 150), d'après le CKomaie déUe CciUmie. Le dernier numéro de VAn-
tida/cery Eeporter renferme encore une carte indiquant l'itinéraire du voyageur
hollandais, de Khartoum à Cape-Tovn en ligne directe.
— 175 —
dftns la même direction. Si j'en reyiens, j'irai visiter le Berta occidental et les
montagnes d^Insingh, de Gomocha et de Kehli, d'où j'ai reçu des invitations. Le
chef des Chibous-Gallas, qni demeure au S.-E. de Fadasi, m'en a aussi adressé une,
mais je dois attendre, pour me rendre auprès de lui, que le Jabous ait baissé.
Je croyais pouvoir organiser une expédition de 50 hommes pour aller d'ici à
Zanzibar, à travers les pays nègres, en faisant un grand détour à l'ouest pour
éviter les tribus Gallas. Mais la chose me parait bien difficile ; toutes les bêtes de
somme, &nes et chameaux, meurent sur ces hauts plateaux : j'en ai fait la triste
expérience. Les porteurs manquent absolument, car il n'y a pas de routes de cara-
vanes dans cette région. Dès lors, comment transporter les 6,000 livres de cuivre,
verroteries, munitions, etc., qu'il faut pour cette expédition. A moins que je ne
change de nouveau d'avis, il est probable que je me contenterai d'avoir ouvert la
rcuU qui mène d'ici dans l'intérieur, exploré les territoires des Léghas-Gallas et
des Chibous-Gallas, des nègres Amans, Ghoumous et Kiris, et le Berta occidental,
et dressé une bonne carte de tous ces pays, puisque, au mois de juin 1882, je
compte m'embarquer à Massaoua, pour Bagdad et le Turkestan.
La traite est à peu près insignifiante dans ces quartiers. Il n'y a pas de chas-
seurs d'esclaves de profession. Le tout se borne à des razzias faites par les gens
des chefs de Gomocha, Fadasi, Insingh, Tenfach et Bambachi, chez les nègres,
pour les besoins locaux. C'est tout au plus si l'on exporte chaque année cent jeunes
noirs; encore les Arabes qui font le commerce du sel les emmènent-ils un à un.
Quant aux GaUas que l'on vend ici, ils sont amenés par les Chibous-Gallas et les
Léghas-Gallas eux-mêmes, qui font la chasse contre leurs voisins. Souvent ils vien-
nent vendre des enfants de leur propre tribu, restés sans protection par suite de
la mort de leur père. J'ai acheté mes domestiques denkas et goumous, à raison
de 100 francs par tête, et une petite fille galla pour 70 francs. Le payement se fait
en sel. D va sans dire que dès qu'ils entrent à mon service ils sont libres.
Le pays des Léghas-Gallas est rempli d'esclaves : Denkas, Jambos, Amans,
Goumas. Un grand nombre sont venus volontairement chez les Gallas, pour se
dérober aux poursuites des chasseurs d'esclaves du Sobat. Ces derniers ne vien-
nent que très rarement vendre leurs noirs aux Gallas. Je pense qu'ils les dirigent
sur Gomocha, et je vous renseignerai là-dessus lorsque j'aurai visité cette localité.
Si j'ai pris la liberté de vous écrire, c'est parce que votre publication, que j'ai
reçue récemment pour la première fois, m'est très sympathique.
J'ai pu, au moyen de six passages méridiens d'étoiles, fixer la latitude de Fadasi
par 9^4d'30" lat. N; tandis que Mamo, dépourvu d'instruments, l'avait indiquée
par d^'d'. Vous voyez par là que les cartes laissent beaucoup à désirer. Le point
le plus méridional que j'aie atteint est à peu près sous le 9** lat. N., à la limite
sad des Léghas-Gallas, la tribu la plus occidentale des Gallas.
Mes observations ont été faites à mercure découvert^ avec deux sextants magni-
fiques, et des étoiles des deux côtés du zénith. Elles ne sont donc guère contesta-
bles. J'ai fixé de même la position de :
$
— 176 —
Beni-Changol 10'*32'20" lat. Nord.
Famaka 11*»18'45" »
Roseires 11*»66'37" »
Sabounabi 12'34' »
Khartoum (limite N. de la ville) 16'37'8" »
la sixième caUracte 16**27'16" »
la pyramide de Meroë 16*52' »
Dans une prochaine lettre je yôus parlerai des longitudes.
Yenillez agréer, etc. Juan-Maria Schutkr.
Les résultats de cette excursion au sud de Fadasi sont donc :
10 L'exploration du territoire des nègres Amans, arrosé par les affluents du
Jabous.
2^ L'exploration du territoire des Léghas-Gallas, près des sources du Jabous, à
1° au sud de Fadasi.
S"" La constatation que le Jabous prend sa source à 1^ plus au sud que ne
l'indique la carte de Petermann.
4<> Que le lac Baro et la rivière du même nom, coulant vers l'ouest, sont à
1<^ au sud de Fadasi. ^
5° La délimitation exacte de la ligne de partage des eaux entre les deux
Nils,jusqu'au8^ *
Au point extrême de son excursion, Schuver a fait l'ascension du mont Wallel
(3700^), ce qui lui a permis devoir les plaines du sud, et d'en déterminer les points
principaux. La saison des pluies les rendant marécageuses, il n'a pu y poursuivre
alors son voyage; mais il comptait employer les derniers mois de l'année, avant de
se remettre en route, à compléter sa carte jusqu'au 8®, et à rédiger ses notes sur
les pratiques religieuses et les coutumes des habitants de ces pays, inexplorés jus-
qu'ici.
BIBLIOGRAPHIE
Le Sahaba, Souvenirs d'une mission à Goléah par Auguste Choisy.
Paris, (E. Pion & C**). 290 pages, avec carte. — L'auteur de ce livre
fut chargé, pendant Thiver 1879-1880, par M. de Freycinet, alors ministre
des travaux publics en France, d'étudier la région saharienne au sud de
la province d'Alger, au point de vue du tracé de la ligne du chemin de
fer. Mis à la tête d'une petite troupe et accompagné de plusieurs ingé-
nieurs, d'un médecin, et d'un lieutenant, M. Ghoisy partit de Laghouat
* On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 13, rue du Rhône, à Genève,
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 177 —
en janvier 1880, et se dirigea but El-Goléah, qu'il atteignit le 17 février
par rOued-Nili, les puits de Zebbacha, Âln-Massin et £1-Hajssi. D'El-
Goléah rexpédition, après avoir poussé une pointe vers le sud, revint à
Biskra par Ouargla, Touggourt et l'Oued-Rir.
L'ouvrage est surtout consacré à la relation du voyage de Laghouat
à El-6oléah, et à la description de cette oasis. M. Choisy ne donne pas
de renseignements sur les questions techniques concernant le tracé du
chemin de fer, mais il entre dans de fo^ intéressants détails sur le
Sahara algérien, sur cette région réputée si terrible et qu'il ne trouve
ni déserte, ni couverte de sables, comme on le lui avait annoncé, sur-
tout entre Touggourt et Biskra. A l'époque du voyage de M. Choisy, il
y avait déjà quelques velléités de soulèvement chez les Ouled-Sidi-Cheik ;
l'expédition faillit s'arrêter aux puits de Zebbacha et rebrousser che-
min, par suite des nouvelles alarmantes apportées par les courriers.
Quant à l'oasis d'El-Goléah, cette possession extrême mais seulement
nominale de la France, M. Choisy la dépeint comme presque ruinée. Il
y fut très bien reçu par le cheik et put à loisir la visiter, lever des
plans, questionner les habitants, notamment les nègres esclaves venus
du Soudan. L'esclavage, en effet, existe encore à El-Goléah, mais ces
nègres, il faut le dire, jouent bien plus le rôle de serviteurs, et même
d'amis, que celui d'esclaves. Il est rare, par exemple, qu'ils soient mal-
traités.
SûDAFsiKA UND sEiKE BswoHNEB, vou D' Wangemo/nfij Missions-
direktor, Berlin 1881, in-8*', 6 fr. 25. — Ce travail sérieux est divisé
en quatre parties distinctes. Dans la première, intitulée a La lutte déci-
sive dans l'ÂMque australe, » l'auteur examine la distribution des co-
lons d'origine européenne et des peuples de couleur dans la colonie du
Cap et les pays voisins, qu'il a visités lui-même. Il parle ensuite, sur-
tout au point de vue historique, de chacun des états qui se partagent le
sud de l'Afrique, République du fleuve Orange, Natal, Transvaal, et
montre la haine qui existe entre les différentes races.
La seconde partie est une étude excellente sur les conditions géo-
graphiques, géologiques et climatériques du pays, sur la situation de
l'agriculture et de la civilisation. Il y est parlé de tous les ports, villes,
villages, églises, écoles, et de l'état dans lequel se trouvent le commerce
et l'industrie. Cette deuxième partie a pour titre « La deuxième con-
quête de l'Afrique australe, » l'auteur voulant montrer, après l'histoire
de la conquête par les armes, celle par la civilisation.
— 178 —
« La troisième conquête de rAfrique australe » (titre de la troisième
partie), est la conquête calme et douce par les missionnaires. L'auteur
passe en revue toutes les stations relevant des treize sociétés mission-
naires qui sont à Tœuvre dans cette partie de TÂfrique.
Enfin, dans la quatrième section, M. Wangemann étudie la manière
dont les blancs ont traité les indigènes, et la position prise par eux à
regard de la mission.
A la fin de Touvr^ge se trouve une série de gravures intéressantes,
qui représentent des scènes de la vie dans AMque australe, et donnent
une idée de la natui'e du pays, des paysages principaux que Ton peut
y admirer, de sa flore et de sa faune.
Une bonne carte, à Téchelle de Vaasoooo) de la colonie du Cap et des
régions voisines termine cet important volume. Une foule de détails s'y
rencontrent. Les dernières lignes de chemins de fer y sont tracées, et
des bourgades même peu importantes s'y trouvent. Au nord, dans le
Transvaal, la ligne de démarcation entre la région infestée par la tsétsé
et la région non atteinte, est nettement marquée. Des signes et des
chiffres, qui correspondent à un répertoire complet, fournissent les noms
et positions de toutes les stations missionnaires, ainsi que l'indication des
sociétés desquelles elles relèvent.
La France au Soudan, par Oazeau de Vautibault. Paris (Challamel)
1882, in-8**, 29 p. et carte, fr. 2. — Dans notre compte rendu de la bro-
chure de M. Gazeau de Vautibault sur le Tranê-Saharien et le Tram-
continental africain \ tout en tenant compte à l'auteur de son ardeur
enthousiaste à doter la France d'un vaste empire colonial en AMque,
par la création d'une voie de communication rapide de la côte au cœur
du continent, nous estimions hypothétiques les avantages présentés par
le tracé qu'il proposait, de la baie de Biafra aux sources du Faro et du
Bénoué, au Ghari et au Bahr-el-Ghazal. Dès lors aucune exploration
nouvelle n'est venue lever le voile qui recouvre encore la région à tra-
verser. Flegel qui, avec l'appui de la Société africaine allemande, se
propose de remonter aux sources du Bénoué et d'étudier le pays qui
s'étend entre ces sources et le Congo, a consacré cette année à relever
une partie du Niger encore inconnue ; l'expédition espagnole de M. Ira-
dier est encore en préparation, ainsi que celle de M. Rogozinski annoncée
dans notre Bulletin de ce jour. Nous attendrons, pour nous prononcer
^ Voir 1I«« année, p. 207.
— 179 —
sur la nouvelle brochure de M. Gazeau de Vautibault en faveur du
même tracé, ainsi que sur les données orographiques et hydrographiques
de la carte qui raccompagne, les résultats des explorations projetées.
Mous n'avons pu trouver nulle part le récit de voyages dans la région
susmentionnée, soit du P. Duparquet, soit d'explorateurs de la Société
africaine allemande, au témoignage desquels en appelle Tauteur. Le
P. Duparquet n'a pas, que nous sachions, dépassé les frontières du
Loango ; le D' Lenz a dû s'arrêter au 2"* lat. N., et le pays qui s'étend
de la baie de Cameroon aux sources du Faro et du Bénoué est compris
entre les 4** et 6"*. Comber, qui le dernier a exploré les environs du
mont Cameroon, dit que « le pays à l'Est de celui qu'il a visité est le
moins connu de toutes les parties de l'Afrique, et qu'il reste en blanc
dans nos cartes les plus récentes. Du Congo supérieur aux états musul-
mans du Soudan, et du pays des Niams-Niams à l'Atlantique, la contrée
est entièrement inexplorée. » Nous manquons donc des connaissances
nécessaires pour nous prononcer sur la salubrité des côtes, les disposi-
tions des tribus, les facilités et les avantages qu'elles peuvent offrir pour
la construction d'un chemin de fer.
Liste p&ovisoibe de bibliogbaphies géographiques spéciÀLEs, par
James Jackson. Paris (Société de géographie), 1881, in-S"*, 340 pages. —
Jusqu'ici, lorsqu'on voulait faire l'étude d'un pays, on était souvent
embarrassé de savoir oti trouver la liste des ouvrages à consulter. Doré-
navant, en ouvrant le livre de M. Jackson, on obtiendra sans peine ce
renseignement ; aussi la Société de géographie de Paris a-t-elle, en le
publiant, fait une chose utile à tous ceux qui s'occupent de recherches de
ce genre. Archiviste-bibliothécaire de la Société de géographie, l'auteur
a profité des ressources qu'offrent les bibliothèques de Paris, de New-
York, de Boston et de Washington, et, quoique sa Uste ne soit que pro-
visoire, elle n'en sera pas moins d'une grande utilité à tous ceux qui
voudront puiser aux sources de l'érudition. Pour notre part, nous lui en
exprimons nos sincères remerciements, car il ne siguale pas moins de
71 bibliographies relatives à l'Afrique, savoir: 10 pour l'Afrique en
général, 4 pour l'Afrique occidentale, 39 pour l'Afrique septentrionale,
7 pour l'Afrique orientale, 12 pour les îles voisines de l'Afrique. Pour
chaque ouvrage signalé, M. Jackson a soin de donner la transcription
fidèle et intégrale du titre, le lieu et la date de la publication, le nom de
l'éditeur ou de l'imprimeur, le nombre des volumes, le nombre des
pages, le format, les numéros des pages oti se trouve la bibliographie, le
— 180 —
titre de la bibliographie, le nombre des articles compris dans la liste,
enfin, les noms et prénoms des auteurs.
Guide hygiénique et médioal des voyageuhs dans l'Afbique inteh-
TROPiCALE, par les D" Ad. Nicolas, H. Lacaze et Signol. Paris (Emile
Martinet), 1881, in-8*, 98 p. ^ Tous ceux qui connaissent l'insalubrité
de telles ou telles parties du continent africain, applaudiront à la publi-
cation de conseils pratiques, destinés, soit à prévenir les maladies aux-
quelles sont exposés les voyageurs qui s'y rendent, soit à en faciliter la
guérison. A la demande du D' Dutrieux, attaché à l'une des expéditions
de l'Association internationale africaine, la Société de médecine pratique
de Paris, à laquelle il avait communiqué son Étude des maladies et de
V acclimatement des Européens dans V Afrique intertropicale, a fait étu-
dier, par des experts, les conditions hygiéniques de cette région, les
maladies spéciales qui y sévissent, le traitement à y appliquer, et aussi
les soins à donner aux bêtes de somme employées par les explorateurs.
La brochure dans laquelle sont résumés les résultats de leurs recherches
renferme d'excellents avis, sur le vêtement à adopter en voyage, sur les
précautions à prendre pour le campement, pour le couchage, et aussi
pour l'établissement des stations civilisatrices et hospitalières. La partie
médicale proprement dite est traitée avec un soin tout particulier, et
accompagnée d'une liste de médicaments dont les voyageurs devront
toujours être pourvus. Si le chapitre de l'hygiène vétérinaire est très
borné, cela provient sans doute de ce que l'on ne sait pas encore par
quelles bêtes de somme on pourra remplacer les porteurs, ni par quel
moyen on réussira à les mettre à l'abri des attaques de la tsétsé. En
attendant, la Société de géographie et la Société de médecine pratique
de Paris, qui se sont unies pour publier ce travail, ont rendu service aux
voyageurs, et tous ceux qui s'intéressent à l'Afrique leur en sont très
reconnaissants.
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iCëHlIIcf;,-
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— 181 — -^^/T.'r-.TTT^-'v'.;
BULLETIN BI-MENSUEL {3 axml 1882).
Une société s'est constituée à Paris sous le titre de : Société des
Études du NU, en vue d'étendre nos connaissances sur ce fleuve et sa
vallée, et d'en exploiterles richesses d'une manière rationnelle. A cet effet,
elle examinera soigneusement les conditions hydrographiques du fleuve,
le système actuel d'exploitation des eaux, et les améliorations à apporter
à l'irrigation. En outre, elle étudiera les moyens de faire du Nil une voie
de conmiunication facile et sûre, de la Méditerranée aux lacs de l'équa-
teur. La Société se divise en trois sections, composées : la première, de
techniciens, la deuxième de financiers, la troisième de savants. L'initia-
tive en est due à M. de la Motte qui, depuis plusieurs années, s'occupe
d^ conditions de production de la vallée du Nil. Déjà en 1880, il a
attiré l'attention des savants sur les avantages qu'offre le Nil pour l'ou-
verture du continent africain. Une conunission s'est rendue en février
on Egypte et en Nubie afin de préparer, au point de vue politique et
économique, le terrain des futurs travaux de la Société.
Le D' Schweinfurth écrit du Caire à VAntislavery Reporter que les
nouvelles du Soudan deviennent de jour en jour plus alarmantes.
Mohammed-Ahmed paraît avoir complètement gagné les Baggaras,
Arabes aussi barbares que fanatiques, vivant uniquement de la chasse à
rhomme ou aux bêtes. Leur pays est une plaine immense de savanes
entre le Nil Blanc et le Kordofan. La rareté de l'eau la rend dangereuse
pour les étrangers qui s'aventurent à la traverser. Au commencement
(le décembre, le mudir de Fachoda, Rachid bey, se crut assez fort pour
attaquer Mohammed-Ahmed sans attendre les ordres du gouverneur
général, Réouf pacha. Après une marche très fatigante, à travers un
pays désert où ses soldats souffrirent beaucoup de la soif, il rencontra
l'ennemi dans le Dar-îJbuba, près du Djebel Gedir. Les Baggaras
prirent l'offensive et, au premier choc, les Égyptiens furent mis en
déroute. Le massacre fiit indescriptible ; trois honmies seulement de la
troupe du mudir échappèrent. Cerné par les Chillouks et les Baggaras,
Fachoda est exposé à un assaut de la part de Mohammed-Ahmed ; 200
soldats ont été envoyés pour renforcer la garnison ; Griegler pacha s'y
est aussi rendu. — Les nouvelles du Darfoup ne sont pas rassurantes
non plus. On se demande comment M. G. Roth pourra atteindre Chekka,
le poste auquel il doit se rendre comme surveillant de la traite, et qui
est situé au milieu de la plaine des Baggaras-Rizegats. — D est encore
question d'une révolte d'une grande tribu arabe qui occupe la région
L'AFRIQUE. — TROISIÈHE ANNÉE. — N® 9. 9
\
— 182 —
entre les deux Nils, et dont le chef s'est réfugié dans les steppes, où il
défie les troupes du gouvernement, qui le fait poui-suivre pour meurtre
de trois soldats envoyés pour percevoir les taxes.
Les craintes que Ton éprouvait au sujet du D' Junker ont été dissi-
pées par une lettre de Lupton bey, le successeur de Gessi au gouverne-
ment du Bahr-el-Ghazal; il écrit à Giegler pacha, de Meshra-el-Rek, au
milieu de décembre, que Junker a été peu de temps auparavant au
Djebel-Amadi, dans le pays des Niams-Niams, puis s'est rendu dans le
Mombouttou. a H a été, dit Lupton, à 5 journées à l'ouest de TOudlé,
à une rivière nommée Marquar, dans le pays du sultan Kayambaro,
dont la capitale est dans une île, au milieu de la rivière qui est très
large. Les gens de Sassa disent que, vers le sud» TOuellé et le Marquai*
se réunissent. » Le D' Schweinfiirth, qui a transmis ces nouvelles aux
Mittheilungen de Ootha, ajoute : « Lupton, arrivé de Ehartoum à
Meshra-el-Rek, a dû laisser repartir le vapeur, avant d'avoir atteint les
seribas oîi devaient être les lettres de Junker. Il n'a donc pu donner
que des nouvelles apprises par oui-dire. Le vapeur de Lado apportera
sans doute des renseignements plus détaillés. — Marquar est l'équi-
valent anglais de Maqua; c'est un nom que l'Ouellé porte dans le pays
des Âmadi. On peut espérer que Junker a réussi à suivre l'Ouellé assez
loin vers l'ouest, et qu'il y étendra le champ de nos connaissances. »
Avant de commencer son exploration dans la mer Rouge, le D*" Kel-
1er, de Zurich, a fait des études zoologiques dans le canal de Suez»
et choisi comme station principale le lac Timsah» pour y observer les
phénomènes qui se rattachent à l'échange des deux océans au point de
vue de la faune. Jusqu'ici on n'avait pas fait d'observations à cet égard,
n a trouvé dans le lac Timsah de grands poissons venus, les uns de la
Méditerranée, les autres de l'Océan Indien. Mais, malgré l'union des
deux mers, l'échange mutuel ne s'opère que lentement. Les lacs amers
traversés par le canal sont un obstacle à ce qu'il se fasse plus rapide-
ment. Le D' EeUer a découvert un animal-plante, inconnu jusqu'ici,
en forme d'épongé, d'une belle couleur violette, et auquel il a donné le
nom de Lessepaia violacea. A Suez, l'explorateur a constaté que, malgré
l'augmentation de la cb'culation (en 1880, 2017 navires avaient passé
par le canal, en 1881 il y en a eu 2727, soit 710 de plus), les espérances
conçues pour le développement commercial de cette localité ne se réa-
lisent pas; en eifet, il y a plutôt diminution de trafic et de population.
L'avenir semble réservé à la localité de Terre Plein, où sont établis des
employés, des pilotes, et qui, par sa position à la sortie du canal, pren-
— 18B —
dra rang plus tard parmi les cités importantes. M. de Lesseps Ta nom-
mée PorlrTe^irfllc» en Thonneur du souverain de TÉgypte. De Suez,
M. Relier s'est rendu à Souakim, que le D' Schweinfiirth lui a recom-
mandé de prendre comme centre de ses travaux.
Antlnori continue son exploration scientifique du Choa ; ses collec-
tions ornithologique et entomologique prospèrent ; dans la première se
trouvent, écrit-il au D' Schweinfiirth, beaucoup d'espèces précieuses,
dont plusieurs appai:tiennent à l'Afiique australe et n'avaient pas encore
été rencontrées dans le nord par les voyageurs précédents. La seconde
est riche en exemplaires de nouvelles espèces de coléoptères, de lépidop-
tères et d'hyménoptères. Quant aux mammifères, les quadrumanes y
occupent le premier rang. D'après un de ses compagnons, revenu de
Géra et de Kaffa, il doit y avoir un singe blanc dans la grande forêt
située entre les royaumes de Gomma, de Dschimma, de Gouma et de
Géra. On doit y trouver aussi Vahasamho, carnassier qui tient le milieu
entre le lion et le léopard, à manteau clair et à poil court.
Le D' Stecker a quitté l'Abyssinie pour se rendre au KafFa. Le roi
Jean lui a donné des lettres de recommandation pour le négous du God-
jam, Tekla Haimanot, pour la reine de Géra et pour le sultan de KaiFa:
il a chargé le premier de le faire escorter jusqiw'au Kaffa, et prié instam-
ment le souverain de ce dernier état de faciliter de toutes manières la
continuation de son voyage vers le sud. Les perspectives sont d'autant
plus favorables que, tout récemment, de grandes embassades sont arri-
vées de Géra et du Kaffa, apportant de riches présents d'hommage au
roi d'Abyssinie. Le D' Stecker espère pouvoir traverser ensuite tout le
pays qui s'étend de Kafi'a à Zanzibar.
Grâce à l'initiative de M. de Rivoyi'e, un service régulier de bateaux
à vapeur touchant à Obock» inauguré par la Société française des
steamers de l'Est, relie actuellement le golfe Persique à la France. Lo
conunandant De la Grange, s'est rendu à Obock avec mission d'exami-
ner les mesures à adopter pour y améliorer les conditions de la station
maritime proprement dite. Un employé de commerce l'accompagne poui*
déterminer l'emplacement le plus favorable à un vaste entrepôt com-
mercial. — M. Soleillet est arrivé à Obock le 12 janvier et s'y est installé
à côté des établissements de la Compagnie franco-éthiopienne. Dès lors,
celle-ci a eu des difficultés à l'occasion de deux Danakils, tués dans son
voisinage. Ses membres ont abandonné Obock et ont été, le 21 janvier,
rapatriés à Aden par M. Soleillet. Une dépêche postérieure annonce que
M. Amoux, directeur de la compagnie susmentionnée, qui n'avait pas
voulu quitter Obock, y a été assassiné.
— 184 —
Des lettres de M. Ledoulx, consul de France à Zanzibar» annon(;jeDt
qu'une guerre de Mirambo contre Simbo a empêché les courriers de
M. Ramœckers d'arriver à la côte. Le premier a remporté une victoire
qui le laisse maître de l'Ounyanyembé. Une escorte armée a été envoyée
de Zanzibar, avec mission de traverser les lignes pour rapporter des nou-
velles de la station internationale. Le vainqueur a commencé à bâtir^
sur le passage des caravanes, une ville qui portera son nom, et oii les
négociants arabes et autres auront à payer l'impôt. — M. Cambier^
qui était revenu de la station de Karéma, s'est marié en Belgique et est
parti avec sa jeune femme pour Zanzibar, oti il s'établira en qualité de
représentant de l'Association internationale africaine. B sera
bientôt rejoint par M. Vanderhelst, ancien drogman de la légation belge
à Constantinople, qui vient d'être nommé consul à Zanzibar. — Une
nouvelle expédition, commandée par deux oflSciers de l'armée belge, y
débarquera dans quelques mois, pour s'enfoncer immédiatement dans
l'intérieur et aller relever à Karéma le capitaine Ramœckers, qui ren-
trera en Europe. A ce propos, nous sommes heureux de pouvoir ajouter^
d'après le Moniteur helgCj qui nous arrive au moment de mettre sous
presse, que le dernier courrier de M. RamsBckers a apporté de très
bonnes nouvelles ; l'état sanitaire de la station est excellent. Les con-
structions de l'établissement, entièrement achevées, font l'admiration
des indigènes; les plantations d'arbres fruitiers et de légumes d'Europe
sont en plein rapport, et les relations avec les petits sultans nègres voi-
sins très amicales. — M. et M"*' Bloyet sont heureusement arrivés à la
station française de l'Ousagara. Un des hommes de la station a été
blessé par des bandes pillardes de Wadoês, et par les gens d'un Arabe
fanatique, Saïd-ben-Omar, qui déteste les blancs ; huit des coupables
ont été arrêtés et punis ; d'autres Arabes ont témoigné leurs vifs regrets
de cette agression. La variole sévit avec violence aux environs de la sta-
tion.
M. Ledoulx a visité la mission de Ba^amoyo, qui a actuelle-
ment 500 enfants noirs des deux sexes, destinés à fonder plus tard des
stations dans l'intérieur. Deux des membres de la station de Mdabou-
rou, dans l'Ougogo, se sont rendus à Tabora pour y étudier l'oppor-
tunité d'y fonder un orphelinat semblable à celui de Bagamoyo; ils
étaient munis de lettres de Saïd Bargasch, et ont été bien reçus par le
gouverneur de Tabora, qui leur a promis son appui. M. Van den Heuvel
qui devait revenir à la côte, leur a vendu sa maison, bonne habitation»
solidement construite, vaste et située dans un endroit salubre près de
— 185 —
la ville, plus deux hectares de jardin avec arbres fruitiers, contigus à
une vaste étendue de terrain propre à la culture du froment et de la
vigne, en même temps qu^à Textension de rétablissement; les mission-
naires auront des aides pour la culture et pour les ateliers de menui-
serie, forge, etc. — Les survivants de la mission de TOuroundi se sont
tous installés à lIoiiloneiKra^ dans le MassanaBé» plus salubre que
rOuroundi. Le P. Dromaux, venu à Oadjidji pour y faire des provi-
sions de sel, de perles d'échange, de pioches, etc., écrit que les guer-
riers de cette localité, au nombre de 300, sont aUés guerroyer au nord
du lac et sont revenus en triomphe, ramenant un butin considérable
d'esclaves et de troupeaux. Bikari, le chef de TOuroundi, voulut les
arrêter pour prélever sur eux un tribut, mais il fat battu, ses gens tués,
«t les femmes et les enfants faits prisonniers. Les rois du voisinage, alliés
contre les vainqueurs, furent également défaits, et, après un pillage
de six jours, les hommes d'Oudjidji rentrèrent chez eux. M. Ledoulx a
prié Saïd Bargasch de donner des ordres pour que les notes et autres
.objets ayant appartenu aux missionnaires de TOuroundi fussent recueil-
lis et expédiés à Zanzibar. — Les missionnaires de Moulonewa fournis-
sent des renseignements sur la tribu des UVabembés qui habitent un
peu plus à Touest dans les montagnes, anthropophages, mangeant leurs
morts et leurs prisonniers de guerre. Un Arabe d'Oudjidji s'étant
rendu dans l'Oubembé pour son commerce et ayant été saisi et mangé
par les naturels, un de ses amis fit contre ces derniers une expédition,
dont le résultat fat la destruction de plusieurs villages et la réduction de
leurs habitants en esclavage. — A Oudjidji, la station de la Société des
missions de Londres a dû être abandonnée, la position faite par les
Arabes aux missionnaires et aux explorateurs européens étant devenue
intenable. Le Rév. Hutley, qui la dirigeait, revient en Angleterre pour
exposer la situation à ses supérieurs.
Depuis le retour des envoyés de Mtésa, celui-ci a tout à fait changé
de conduite à Tégard des missionnaires de TOu^^anda; il leur envoie
chaque jour des bananes, du lait, de la bière, de temps à autre une
chèvre grasse. Le prestige et l'influence des Arabes ont beaucoup dimi-
nué. M. O'Flaherty a fait comprendre aux missionnaires romains que le
pays est assez grand pour les envoyés des deux confessions, et qu'ils
devaient s'unir pour enseigner le christianisme aux païens. Dès lors ils
ont vécu en bonne harmonie. M. Mackay a construit une maison ; le
roi lui a donné du terrain pour en bâtir d'autres à l'usage des ouvriers
dé la mission et pour leur jardin ; il a fourni aussi les travailleurs et les
— 186 —
matériaux ; des parents ont demandé à M. Mackay de former leurs fils
aux métiers de forgeron et de charpentier. Mtésa Ta aussi consulté
sur les moyens de rendre son pays prospère. M. Mackay Ta engagé à
créer des marchés où les paysans pussent vendre et acheter, à ne pas
piller le pays et à mettre fin à la traite. Il paraît disposé à suivre ces
conseils, mais il n'ose agir contre ses chefe, dont la fortune consiste en
grande partie en esclaves. Il voudrait abolir la traite et empêcher les
Arabes de venir dans ses états ; il faudrait seulement que les négociants
européens les remplaçassent, pour apporter dans l'Ouganda les mar-
chandises dont son peuple a besoin. En attendant M. Mackay a réussi
à opérer une transformation avantageuse à Boubaga. Les huttes de
roseaux, avec leurs toits de chaume descendant jusqu'à terre, étaient
malsaines ; l'extrémité du chaume qui pourrissait dans le sol et la saleté
de l'intérieur produisirent une épidémie semblable à la peste noire qui
ravagea l'Europe en 1665. Les missionnaires conseillèrent au roi des
mesures hygiéniques propres à arrêter le fléau ; les rues et les ruelles
furent nettoyées ainsi que l'intérieur des huttes ; ordre fut donné d'en-
sevelir les morts au lieu de les jeter comme auparavant dans des marais
pestilentiels, où on allait ensuite chercher l'eau à boire ; ces mesures
ont produit un effet excellent. M. Mackay a de plus fait creuser, dans
une pente du terrain de la station, un puits qui fournit en abondance de
la bonne eau, au grand étonnement des indigènes qui ne tarissent pas
en éloges sur l'habileté des Basongous.
Les travaux de la route du IVyassa au Tan^^nyika sont com-
mencés. Le D' Laws de Livingstonia et M. J. Stewart se sont d'abord
rendus avec Vllala à Bandaoué, où l'on crée un nouvel établissement,
puis M. Stewart est allé à Maliouandou à 80 kilom. de l'extrémité nord
du lac, pour y fonder un sanitorium. Quant à la route, un nombre suf-
fisant de volontaires de Kasongo et d'Impango se sont, offerts à lui. De
son côté la Société des missions de Londres a fait les démarches néces-
saires pour envoyer son steamer auxiliaire à Quilimane ; il aura plus de
voilure, mais moins de force de vapeur que Vllala. De Quilimane au
Nyassa, il sera transporté par « l'African Lakes Junction Company, »
puis M. Stewart le fera passer par la route nouvelle au Tanganyika.
Après son excursion au lac Chiroua, le Rev. Johnson de la Mis-
sion des Universités apprit, à son retour à Mataka, que les gens de
la localité s'étaient emparés de ses biens et se les étaient distribués.
Le capitaine Foot, chargé par Saïd Bargasch de réprimer la traite»
avait eu affaire avec leurs caravanes d'esclaves, et l'on prétendait que
— 187 —
M. Johnson lui avait envoyé des renseignements qui lui avaient permis
de les arrêter. Dès lors le missionnaire dut venir à Zanzibar pour se
reposer ; il en est reparti le 2 décembre avec 30 porteurs Mbouénis pour
se rendre à Ngoi, sur la rive orientale du Nyassa ; de là il compte pou-
voir agir dans tout le pays d'alentour, jusqu'à Mataka. De Masasi,
MM. Maples et Goldfinch ont fait un voyage jusqu'à Mozambique, à
travers un pays presque entièrement inexploré. A 450 kilom. de Masasi,
ils firent l'ascension du mont Nicoché, d'où la vue s'étend au loin sui-
une plaine déserte, dans laquelle la ville du chef CUTarou apparaît
comme une oasis. Les Mavitis sont établis dans cette région. Pendant
que les missionnaires étaient auprès de Chivarou, 20 d'entre eux s'avan-
cèrent dans une attitude menaçante, brandissant leurs lances et se cou-
vrant de leurs grands boucliers. En apercevant les Européens, ils com-
mencèrent leiu% danses guerrières, saisirent leurs assagaies entre leurs
dents, firent semblant de les jeter, et se précipitèrent avec véhémence
vers les missionnaires, puis déposèrent leurs assagaies et leurs bou-
cliers, et allèrent se ranger sur l'herbe sous un arbre, à quelques mètres
de l'endroit où siégeaient les missionnaires et Chivarou. Ils envoyèrent
à celui-ci un parlementaire demander le motif de la visite des étrangers.
Chivarou répondit que les missionnaires n'étaient ni des Banians, ni
des Arabes, ni des Portugais, mais des Anglais venus dans des inten-
tions pacifiques, et qu'ils lui avaient conseillé à lui et à ses gens de
s'adonner aux arts de la paix. En même temps, drapé dans son grand
manteau, il se promenait en long et en large avec une démarche royale.
Moyennant quelques présents faits par les missionnaires, il obtint que
les Mavitis s'en allassent. Quoiqu'il y ait paix entre eux et lui, ils s'at-
taquent toujours aux caravanes des Yarfs ; le seul moyen de traverser
leur territoire, c'est de s'adresser à Chivarou, de les rencontrer chez
lui, et de leur faire quelques présents. De là MM. Maples et Goldfinch
se rendirent à Mwaliya, capitale du sidtan du Méto, près de laquelle ils
rencontrèrent une caravane d'esclaves, composée de 2000 personnes,
venant de Makanjila et se rendant à Kisanga pour y porter de l'ivoire.
M. Maples la vit plus tard à Kisanga; les maîtres se promenaient
ouvertement dans la ville, sans crainte des autorités portugaises;
de leur côté les esclaves allaient oîi ils voulaient. Les porteurs de
M. Maples n'ayant pas voulu s'aventurer plus au sud, il dut revenir
directement à la côte, et renoncer à l'occasion de constater la réalité de
l'existence de montagnes neigeuses sur la route de Mozambique. Tous
les gens du Méto parlent du mont Irati dans les mêmes termes et le
— 188 —
placent au même endroit, à quatre jours et demi de marohe (210 kilom.)
de Mwaliya, d'où, par un temps clair, on peut apercevoir son pic blanc,
dans une direction S. E. Dans la saison chaude il paraît avoir des
fissures ; des ruisseaux de neige fondue descendent dans la vallée. Le
sultan de Mwaliya donna aux missionnaires un guide qui les conduisit
jusqu'à Louli, à travers un pays monotone, dont le sol est stérile, et
n'offre d'intérêt ni pour le voyageur, ni pour le commerçant.
Âpres 16 mois d'absence de GouboalouAjo, les missIonnalreH
romains envoyés chez Oamxila sont revenus à leur station centrale.
Auparavant, ils ont dû se rendre à Sofala pour y acheter du calicot et
autres objets, atin de reconnaître les services qu'Oumzila leur avait ren-
dus. Le P. Wehl mourut à la côte, qui est basse, marécageuse, presque
toujours inondée, et oii régnent des fièvres paludéennes. De retour à
Oumgan, oii était resté le wagon, le P. Desadeleer envoya porter au roi
les objets qui lui étaient destinés, et lui demander une escorte jusqu'aux
frontières des Matébélés. Le roi fiit très content des présents des mis-
sionnaires, mais très contrarié de ne pouvoir donner l'escorte, ses gens
étant occupés à une expédition militaire. Malgré cela, le voyage se fit
heureusement jusqu'à Gouboulouayo ; le gibier ne manqua pas : bufiles,
antilopes, zèbres, hippopotames, abondent dans ce pays ; les missionnai-
res virent aussi im rhinocéros blanc, espèce devenue tellement rare, que
le gouvernement anglais a promis 250,000 fr. à celui qui en amènerait
un spécimen vivant à Londres. Les Mashonas qui avaient été si hostiles
aux missionnaii-es l'an dernier, se sont, cette fois-ci, montrés pleins de
prévenances pour eux; de kraal en kraal, des jeunes gens venaient leui*
offrir leur aide pour frayer le chemin. — M. Blchard», missionnaire
américain, a heureusement exécuté son voyage au kraal d'Oumzila, eu
vue de fonder une mission dans les états de ce souverain. Arrivé à Masi-
kouéna, où réside le premier induna (officier militaire) • du territoire
d'Oumzila, il dut y attendre 37 jours une autorisation du roi, qui avait
donné l'ordre de ne pas laisser entrer de blancs dans ses états sans l'en
avoir informé. Ayant reçu une réponse favorable, il gagna la Sabi, qu'il
suivit sur une longueur de 50 kilomètres jusqu'au delà de Sandaba, puis,
se dirigeant directement sur le kraal d'Oumzila, il traversa une jungle
épaisse, au delà de laquelle se trouve un beau pays, bien arrosé, qui
va en s'élevant toujours davantage, jusqu'à une altitude moyenne de
500". Le 10 octobre, il atteignait le but de son voyage. Les natife appel-
lent la localité où est situé le kraal du roi, Oumoya Muhlé {Anle de boiis
vmts). Le roi était assis sous un arbre avec quelques-uns de ses indunas ;
— 189 —
il ^t grand, un peu maigre, mais bien proportionné; sa figure est intel-
ligente et agréable. M. Richards lui exposa le but de son voyage, et le
résultat des négociations fut qu^Oumzila demanda que cinq missionnaires
vinssent s'établir avec leurs famUles dans ses états. Le pays est abon-
dant en bois, en eau «t en pierre ; il est salubre et offre de bons empla-
cements poiu* rétablissement de la mission.
Chaque année, un certain notnbre de trafiquants descendent avec leurs
wagons à bœufe de Lydenbourg, dans le Transvaal, à la côte, à travers
le district de la tsétsé, en profitant de la saison fraîche. Un autre chemin
conduit de Liorenzo Marquez à Pretoria, en passant par le IXe^w
Scotland. Un voyageur allemand, M. Gustave Schivab Ta récem-
ment exploré. Après plusieurs expéditions en bateau sur différentes
rivières, en vue d'ouvrir un chemin par eau qui le portât à travers le
district de la tsétsé, si possible, jusque dans le voisinage du New Scot-
land, il se rendit au Transvaal par Natal, et en 1881 , pendant la guerre,
il partit de Derby (New Scotland) pour tenter de nouveau de découvrir
la route cherchée. Il arriva au bord de la Tombé, avec ses wagons à
bœufe qu'a y laissa pour se rendre à pied à Lorenzo Marquez. De là, il
fit transporter ses marchandises par eau jusqu'à l'endroit où il avait
laissé ses wagons. Sans attendre le chemin de fer, on pourrait faire
remonter la Tombé à des bateaux à vapeur plats, et établir, à l'endroit
où M. Schwab a fait halte, une espèce d'entrepôt, d'où l'on transporte-
rait les marchandises en wagons jusqu'à Derby et de là à Pretoria.
La paix n'est pas encore rétablie dansleLiessouto. Letsié a accepté
sincèrement la sentence arbitrale de Sir Hercules Robinson; son fils
Lerotholi, l'un des instigateurs du soulèvement, s'est rangé à l'avis de
son père. Il n'en est pas de même de Massoupa, frère de Letsié, l'autre
promoteur de la rébellion, qui résiste à toutes les sollicitations, aveuglé
par les soi-disant prophétesses qui lui prédisent qu'il deviendra le grand
chef des Bassoutos. M. Orpen, le résident anglais, a fait un vigoureux
effort pour le capturer, avec la coopération de Letsié et de Lerotholi,
mais il n'a pas réussi. Ils ont rassemblé 10,000 cavaliers à Masérou;
M. Orpen s'est mis à leur tête, a marché sur Thaba-Bossiou, la forte-
resse de Massoupa, l'a prise sans résistance, mais Massoupa et ses hom-
mes n'y étaient plus. Deux des fils de Letsié, gendres de Massoupa, ont
refusé d'aller plus loin; M. Orpen est resté avec un tiers de ses forces,
et voyant qu'il ne pouvait pas beaucoup compter sur les hommes princi-
paux, il s'est replié sur Masérou. Que fera la majorité des Bassoutos ?
Le missionnaire Dieterlen croit qu'elle sympathise avec Massoupa; s'il
— 190 —
remporte, le paganisme reprendra le dessus, et Tœuvre dès missionnai-
res sera très compromise. D'après une dépêche de Cape Town du 21
février, le gouvernement colonial a fait savoir aux chefe bassoutos que
la sentence arbitrale de Sir Hercules Robinson devait avoir son plein
effet le 15 mars.
Les Européens établis à UlTallfish Bay, craignant d'être attaqués
par les Damaras qui menaçaient la localité, le major Musgrave, résident
anglais, s'est rendu à Cape Town, pour réclamer en leur faveur la pro-
tection de l'autorité coloniale. Celle-ci envoya par le Wrangler un petit
corps de troupes sous le commandement du capitaine Whindus, accom-
pagné de M. le D' Hahn, qui connaît très bien les relations des Damaras
et des Namaquas. Arrivés à Wallfish Bay le 21 janvier, le capitaine et
le D' Hahn descendirent à terre, et, dès le 23, eut lieu à Rooibank, à
30 kUom. environ, une réunion à laquelle assistèrent les chefs Namaquas,
entre autres Abraham et Lazarus Zwartboi, en guerre avec les Damaras
et la seule cause de danger pour les Européens de Wallfish Bay. Le
D' Hahn leur fit comprendre que s'ils combattaient les Damaras, ils ne
devaient pas le faire à l'abri du territoire britannique ; à quoi Abraham
Zwartboi répondit que les Namaquas avaient seulement cherché un
refuge pour leurs femmes et leurs enfants, qu'ils n'y resteraient pas et
qu'ils allaient vers le nord rejoindre leur peuple ; que d'ailleiu^ ils dési-
raient la paix. D y a en effet des tentatives faites de divers côtés pour
amener la cessation des hostilités. Dès lors, le D' Hahn a jugé que les-
blancs résidant à Wallfish Bay ne couraient aucun danger, et qu'une
garnison coloniale n'était point nécessaire.
D'après les renseignements de M. Bentley et du P. Augouard, Stan-
ley a pu faire le trajet d'Isangila à Manyanga, sur le Congo, entière-
ment par le fleuve, et aujourd'hui le servie^ entre ces deux pomts est fait
par le Boyal, qui ne tire pas plus d'un mètre d'eau. Il est vrai que pour
franchir les rapides, l'équipage doit sauter à terre et haler le vapeur au
moyen d'un câble, et qu'aux basses eaux le service fluvial doit être
interrompu. Sur presque toute la largeur du fleuve il y a des rochers,
qui émergent et qui rendent la navigation extrêmement périlleuse. Au-
dessus de la station de Manyanga, Stanley a dû faire une route de
11 kilom. le long des cataractes de Ntombo Makata, au delà desquelles
VEn Avant reprend la navigation sur une longueur de 20 kilom., avec
de nouveaux rapides à passer, pour lesquels il faut faire la manœuvre in-
diquée ci-dessus. Le terrain situé entre la rivière Mata et les cataractes
de Ntombo Makata a été cédé par les nati& à l'expédition belge. Les
— 191 —
missionnaires baptistes se sont établis dans le voisinage ; ils peuvent de
là atteindre facilement les villes de la rive droite du Congo, et en canot
celles de la rive opposée. Beaucoup de marchands traversent de la rive
gauche aux marchés de Manyanga et de Ntombo. M. Gillis, qui était
rentré en Belgique, est reparti pour fonder un comptoir à Boma sur le
Congo inférieur, et M. Yalcke, dont nous annoncions le retour dans
notre dernier numéro, est reparti pour une des stations de Tintérieur.
Pour le moment les stations de l'Association internationale sur le
Congo sont au nombre de trois : Yivi, Isangila et Manyanga* ; Stanley a
créé en outre un poste avancé entre Manyanga et Stanley-Pool; quant
à ce dernier point, les chefe des Batékés, essentiellement belliqueux,
semblent peu disposés à le laisser s^ii^taller chez eux. Lorsque le
P. Augouard le visita, au mois d'août de Tannée derrière, il le trouva
établi dans un bas-fond resserré entre le fleuve et une forêt épaisse, à
deux kilomètres de tout village. Défense expresse avait été faite de lui
vendre aucime nourriture. Les indigènes manifestèrent également des
dispositions hostiles à Tégard des gens du P. Augouard, qu'ils voulaient
renvoyer, disant n'avoir pas besoin d'eux. Un jour que le missionnaire
s'entretenait avec Stanley, 12 Zanzibarites, qui étaient allés au loin poui*
lui acheter des vivres, revinrent avec la sinistre nouvelle que les trois
principaux chefe de Stanley-Pool avait décidé de faire mourir quiconque
lui en vendrait, et tous les blancs qui ne seraient pas partis au bout de
trois jours. Le P. Augouard se rendit en toute hâte chez le roi, qui le
rassura en lui disant que lui. Français, n'avait rien à craindre. Dès lors
le missionnaire est revenu à Landana, mais il se prépare à retourner à
Stanley-Pool dès que les circonstances lui paraîtront favorables. Espé-
rons que lorsque Savorgnan de Brazza s'y rendra de nouveau, il usera
de son influence pour obtenir des chefs Batékés, que les explorateurs,
les missionnaires et les commerçants puissent s'y établir, à quelque
nationalité qu'ils appartiennent.
Après avoir visité dans la saison sèche Okonriké, chef-lieu des
Akoimakounas, sur le Cross Hiver, M. Edg^erley, de la mission des
Presbytériens unis d'Ecosse, y a fait un nouveau voyage dans la saison
des pluies, pour se rendre compte des conditions du pays en vue d'une
extension de l'œuvre. Son examen a porté sur l'état de la rivière et sm*
les habitudes des populations. De Creektown, il a remonté la rivière avec
un bateau à seize rameurs prêté par le roi, jusqu'à Oumon, lieu de mar-
* Voir la carte des itinéraires de Comber au Congo, II™« année, p. 208.
— 1^2 —
ché, au bord de Teau qui, par uoe crue de 4 mètres, avait envaU les
rues, y répandant du limon, ce qui occasionnait des miasmes. La ville
était remplie de gens vivant misérablement, dans des maisons qui se
détériorent pendant la saison sèche où ils habitent dans leurs fermes, et
qu'ils ne font pas réparer pour les deux mois qu'ils y passent chaque
année. On y trouve une nombreuse population mêlée, qui vient trafiquer
avec les gens du Calabar. De là M. Edgerley remonta jusqu'à Ana, si-
tuée sur un sol un peu élevé et pierreux où la pluie s'écoule facilement,
ce qui permet de maintenir la ville propre et salubre. Quoique la rivière
eût monté de 5 mètres, l'eau n'atteignait pas les maisons. A Okouriké»
où il s'arrêta, le bateau put passer sur la route même qu'il avait suivie
dans la saison sèche. Les gens réparaient leurs maisons et faisaient des
bateaux. La ville ne serait pas insalubre comme l'est Oumon. Pour
entretenir les communications entre Creektown et Okouriké, il faudrait
un petit steamer de 10 à 12 mètres de long, tirant peu d'eau pour la
saison sèche, et fort contre le courant pour la saison des pluies. Ce
serait une économie de temps, de force et d'argent.
M. Troupel explore actuellement le Soudan, et a transmis à la Société
de géographie d'Oran des renseignements détaillés sur son récent
voyage à Ilopi au nord du Yoruba, visitée par Rohlfe en 1867. Située à
80 kilom. au sud du Niger, sur un magnifique plateau, elle a environ
100,000 habitants, et fait un commerce considérable avec le Bambara,
le Bomou, le Haoussa et l'Adamaoua à l'est, avec les Achantis à l'ouest,
et avec Lagos sur la côte. Le sol contient du marbre, du minerai de
fer en grande abondance et à fleur de terre, et une pierre bleu clair, qui
a la transparence du verre, à laquelle les noirs attachent beaucoup
de valeur ; ils la nomment segni. Parmi les productions du sol : mais,
millet, gomme, olives, dattes, arbre à beurre, M. Troupel signale spé-
cialement une petite graine blanche, qui contient beaucoup d'huile et
que les indigènes appellent méoi. Les bêtes de somme sont les bœufs en
petit nombre et de petite taille, sauf le bœuf à bosse qui devient colossal,
les chevaux, généralement petits, les mulets et les ânes, malingres par
suite des fatigues et des mauvais traitements qu'on leur fait endurer,
enfin les chameaux que l'on trouve encore à Ilori, mais qui ne descen-
dent pas plus au sud. Les forêts sont rares ; il y a cependant des four-
rés d'arbustes à indigo, que les noirs récoltent et emploient pour teindre
leurs étoffes. La population se compose de Yorubas, anciens posses-
seurs de la ville, de Foulanes, envahisseurs du Haoussa et, en 1870,
conquérants de Ilori, dont Wè forcèrent les habitants, fétichistes, à
— 193 —
embrasser rislamisme sous peine d^être vendus comme esclaves, enfin
de Haoussas devenus musulmans aussi par la force des armes. Presque
tous ont des esclaves hommes et femmes, du prix moyen de 140 k
150 fr. Les femmes Haoussas ont de chaque côté des tempes neuf raies,
faites avec un couteau rougi au feu, et qui, passant sur les joues, vien-
nent se joindre au coin de la bouche, tandis que les femmes Yorubas
sont marquées sur les joues par trois traits verticaux, au-dessous des-
quels sont tracées souvent trois ou six lignes horizontales. Les fenmies
Haoussas chiquent la fleur du tabac, ce qui fait devenir leurs dents
rouges, et même noires quand elles en font abus. Le commerce européen
pourrait trouver là un marché avantageux, si les voies de conmiunica-
tion étaient meilleures. Mais, de Lagos, il faut tout faire porter sur la
tête des indigènes, qui emploient jusqu'à Dori 17 jours de marche, pai*
des entiers où les ânes et les mulets ne peuvent passer chargés.
La mission du Haut Sénég^al a éprouvé de grandes difficultés, par
isuite de la baisse des eaux qui empêche la navigation au-dessus de
Médine ; les chalands, qui transportaient le matériel de la colonne du
commandant Borg^is Desbordes, n'ont pu remonter le fleuve qu'à
grand' peine. Le 25 décembre un premier convoi de 178 Chinois est
arrivé à Bakel pour les travaux de la voie ferrée, et s'est mis en route
pour Eayes. Le lendemain le chef de l'expédition était à Bafoulabé.
Kayes paraît situé trop haut sur le fleuve comme base d'opérations, les
avisos ne pouvant remonter jusqu'à Bakel que cinq mois de l'année.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Sept brigades topographiques ont été constituées, pour la campagne de 1882, en
vue de la carte de P Algérie. Elles opéreront dans les trois provinces simultanément.
Le chemin de fer de Constantine à Batna sera inauguré au mois de mai pro-
chain. Les études de la ligne de Batna à Biskra sont terminées; une nouvelle
compagnie demande la concession de la voie ferrée de Biskra à Ouargla, et des
ingénieurs en étudient le tracé.
La Chambre des Députés a approuvé le projet de convention passé entre PÉtat
et la compagnie de Bône-Guelma^ pour l'exécution d'un chemin de fer de Soukarras
à Sidi-el-Hamessi, en vue de relier le réseau algérien à la Tunisie.
Mgr Lavigerie, promoteur des missions d'Alger, a transféré à Malte le collège
qu'il avait établi précédemment à Saint-Louis de Carthage, pour préparer à la
faculté de médecine des nègres de l'Afrique équatoriale et du Soudan.
Une dépêche de Tripoli aux journaux anglais annonce que 600 indigènes algé^
— 194 —
riens, de la tribu des Chambas, se dirigent vers Gbadamès, pour demander la puni-
tion des Touaregs qui ont assassiné les missionnaires et maltraité les Chambas.
La Société d'exploration commerciale de Milan a envoyé, à la fin de février, à
Derna, M. Grabaglio, comme auxiliaire de M. Mamoli dans cette station; il sera
spécialement chargé des observations météorologiques, ainsi que des levés topo-
graphiques et hydrographiques. '
Le conseil des ministres, au Caire, a décidé en principe l'abolition complète d&
l'esclavage en Egypte. Abdelkader pacha a été nommé gouverneur du Soudan. Une
administration spéciale du Soudan a été créée au Caire, avec mission de préparer
le budget de cette province et de réorganiser le service militaire en vue du main-
tien de l'ordre, surtout sur la frontière abyssinienne; il devra prendre des mesures
pour la suppression complète de la traite.
D'après le Standardy des études seraient faites dans le dessein de fortifier les
extrémités du canal de Suez.
. Des ambassadeurs d'Abyssinie sont attendus au Caire pour régler la question
des frontières, et chercher à obtenir que des consuls des deux pays soient établis
en Egypte et en Abyssinie.
M. W.-F. Miéville a été nommé consul anglais à Ehartoum.
M. Mundo, explorateur italien, visite les tribus Changallas^ au N.-E. de Fadasi^
entre le Jabous et Didésa.
Le bruit de la mort du capitaine Casati s'étant répandu en Europe, le Bulletin
de la Société italienne de géographie annonce que, d'après une correspondance de
Khartoum, le voyageur était encore il y a quatre mois à Gorgouro, dans le Mom-
bouttou.
Une expédition abyssinienne a pénétré jusqu'à Saka dans l'Ënaréa, et Saka
doit maintenant payer à l' Abyssinie un tribut annuel de 100 jeunes gens des deux
sexes, 50 peaux de léopards, 6 pièces de cotonnade, 50 épées et 50 esclaves noirs.
Dschima-Bachifa, les Nounou-Gallas et les Liben-Gallas ont également été placés
sous le joug abyssin; le roi des Légas craint beaucoup d'être aussi subjugué.
Toutes les tribus gallas de l'ouest sont en guerre les ungs contre les autres.
Le Moming-Post annonce que les longues négociations entre le gouvernement
italien et celui de l'Angleterre, concernant l'établissement d'une station navale
marchande italienne à Assab, ont abouti à une convention, qui servira de base à
un modtis vivendi entre l'autorité italienne d' Assab et l'autorité anglaise d'Aden.
Le gouvernement britannique reconnaît le protectorat italien sur le sultan de
Beilul. Les négociations se poursuivent à Constantinople et au Caire pour obtenir^
de la part de la Turquie et de l'Egypte, la ratification de cette convention.
D'après « l'Exploration, » les Français fondent une colonie sur le territoire
d'Ibnih, acheté à un chef africain, à 3 jours de distance d' Assab.
La maison de M. Bienenfeld, consul d'Italie à Aden, organise une expédition
commerciale au Choa et au pays des Gallas, sous la direction de M. Labatut, qui &
déjà fait trois voyages au Choa, et de M. Abiatre, agent de la susdite maison à
Zeila et à Bulhar sur la côte des Somalis.
— 195 —
Mgr Tanrîn Cahagne, vicaire apostolique des Gallas, a fait, de Harrar, une
excarsion chez les Gallas, et y fondera une station autour de laquelle il espèrq
grouper une colonie chrétienne.
Pour la répression de la traite sur les côtes du Zanguebar, le gouTemement
anglais a acquis VHarrier et VUndinej deux des meilleurs yachts de la flotte de
plaisance an^aise, qui sont partis pour leur destination.
M. J. Thomson semble avoir renoncé à explorer la partie du continent entre la
côte et le Kilimandjaro. Il s'est embarqué à Zanzibar pour revenir en Angleterre.
M. Euss, ingénieur des mines, a envoyé à la Société de géographie de Paris un
rapport sur le voyage au Zambèze de la mission que dirigeait M. Palva d'Andrada;
à ce rapport est jointe une carte, le résultat le plus important du voyage.
La Société royale de géographie de Londres a reçu de M. O'Neill, consul
anglais à Mozambique, le rapport sur le voyage à l'intérieur dont nous parlions
dans notre dernier numéro ; avec la carte qui l'accompagne, ce rapport sgoute
beaucoup à nos connaissances de cette partie de l'Afrique. Le pic que les indi-
gènes lui ont dit être toujours couvert de neige s'appelle Namuli.
Le gouverneur d'Inhambané, M. Schwalbach, a fait, en août dé l'année dernière,
une expédition au lac Nharrimé, et fourni de nouveaux renseignements sur la
région au sud du pays de Gasa; elle parait bonne pour la colonisation.
Après avoir travaillé avec un zèle infatigable à recueillir les ressources néces-
saires à l'établissement d'une nouvelle mission, M. Coillard repartira avec sa
femme, au mois de mai prochain, pour aller fonder une station entre le Zambèze
et le lac Bangouéolo.
Après avoir parcouru Madagascar et les Comores et avoir obtenu du sultan
d'Anjouan, capitale de ces dernières, une importante concession commerciale,
M. Giovanni Succi est revenu en Italie, en vue de former une compagnie qui, pro-
fitant de la dite concession, s'occuperait de l'échange des produits commerciaux
entre l'Italie et les côfes orientales de l'Afrique et les îles adjacentes.
M. P. Adam, de l'île Maurice, se propose de relier cette île avec celle de la
Réunion par la télégraphie optique, ce qui permettra, en attendant le câble sous-
marin^ de recevoir à la Eéunion l'annonce des cyclones par les signaux de Maurice.
D'après une lettre de Capetown, la maison Erickson et C*'', d'Omarourou, a été
informée que M. H. Dufour a été assassiné près de Benguéla, et que les autorités
portugaises ont puni les indigènes soupçonnés d'être les meurtriers ; les chevaux
et l'argent de M. Dufour ont pu leur être repris et remis à l'agent consulaire de
France à Loanda.
Un naturaliste français, M. L. Petit, qui a déjà fait des explorations dans les
parages du Congo, principalement à l'est de Landana, est reparti pour la même
station, d'où il se propose de s'avancer dans les montagnes du Caaka, pour étudier
les cours d'eau qui en descendent.
L'importance des intérêts français en Afrique a amené la fondation d'une société
qm, sons le nom de « Compagnie coloniale de l'Afrique française^ » approfondira
les questions coloniales et soutiendra les colons de race française. Une section
— 196 —
xpurement scientifique et géographique fera faire des voyages d'exploration.
M. C. Laroche, président de la Société, nous informe qu'un des membres de celle-ci,
M. G.- A. Blom, est parti le 9 mars, envoyé en mission au Gabon, emportant, sur
un voilier frété par PÉtat, les matériaux nécessaires à la construction d'une
église et d'un pont.
La Church missionary Society crée à Lokodja, près du confluent du Niger et du
Bénoué, une école pour apprendre aux instituteurs indigènes la langue anglaise, et
la langue iho parlée le long du Niger inférieur.
A l'imitation des missions médicales qui existent en Angleterre et en Amérique,
la Société des missions de B&le a l'intention d'établir dans ses divers champs de
travail, en commençant par l'Afrique, des hôpitaux et dispensaires médicaux. A
cet effet, un de ses élèves étudie la médecine à l'université de Bâle; un autre
jeune homme, licencié en théologie de l'université de Tubingen, y étudie les
sciences médicales pour se mettre ensuite au service de la mission bàloise.
Le roi du Dahomey fait de grands préparatifs pour attaquer Ischin et d'autres
villes du Yoruba.
Sir Samuel Rowe, gouverneur de la Côte d'or, a informé le gouvernement
anglais que, d'après l'enquête à laquelle il s'est livré, il n'est pas vrai que le roi
des Achantis ait récemment ordonné le massacre de 200 jeunes filles, pour mêler
leur sang à la construction d'un nouveau palais. La dépêche ajoute qu'un tel mas-
sacre ne serait plus possible, le roi des Achantis n'ayant plus d'esclaves. Le projet
seul d'un tel massacre suffirait pour soulever tout le peuple de Coumassie.
Deux nouvelles compagnies minières : la Swaney estâtes and gold mining Com-
pany, et la Wa^aw {Gold Coast) mining Company ont été créées pour l'exploita-
tion de l'or. La première aura en outre des plantations de café, de thé, de quin-
quina et autres produits.
M. Barham, arpenteur de mérite, a été chargé des études préparatoires pour la
construction d'un chemin de fer, du littoral de la Côte d'or à la région minière de
Wassaw. Le pays à traverser est riche en métaux précieux, en huile de palme et
en caoutchouc.
M. Musy, compagnon de M. Bonnat dans ses explorations du Yolta et du pays
des Achantis, a succombé aux suites de fièvres pernicieuses.
La route de Grand Bassa à l'intérieur est devenue, depuis le commencement de
novembre, impraticable pour le commerce, des natifs arrêtant tout trafic.
Dans un conflit entre des chefs Timnehs et l'almany Bochary, chef Sousou, les
premiers ont détruit par le feu la ville de Fouricarial, dans le voisinage de Malle-
cory, et pillé les établissements français et anglais qui s'y trouvaient. L'absence de
plusieurs chefs et employés des factoreries fait craindre qu'ils n'aient été assassinés.
Le roi de la rivière Rio-Pungo, dont l'embouchure appartient à la France, a
déchiré, en présence du résident français, le traité conclu avec la France, sous
prétexte que les commerçants avaient diminué les prix d'achat des produits indi-
gènes. Les pirogues, qui apportaient ces produits du haut de la rivière, sont arrê-
tées au passage. Toutes les factoreries sont fermées.
— 197 —
Une compagnie au capital de 150,000 liv. sterl. a été créée, sous le nom de
River Gambia Trading Company, pour développer le commerce par la Gambie,
qui est navigable sur une longueur de 640 kilomètres.
La mission envoyée par le ministre de la marine au Sénégal et composée de
MM. Joubert, inspecteur en chef, et Waltfaer, inspecteur adjoint du service de
santé, est revenue à Pariç le 24 février, ainsi que le délégué envoyé par
M. Pasteur au Sénégal pour y étudier la fièvre jaune. La garnison de Saint-Louis
a été changée, et le département de la marine a pris des mesures pour que les
troupes fussent installées le plus sainement possible; en attendant que les locaux
qui doivent servir à leur casernement fussent entièrement refaits en pierre, brique
et fer, il a fait édifier des baraquements confortables dans des sites aérés.
VOYAGE DE MATTEUCCI ET DE MASSARI, DE LA MER ROUGE
AU GOLFE DE GUINÉE'
Les voyageurs italiens eu Afrique semblent devoir, dans la seconde
moitié de notre siècle, faire remonter leur patrie au rang illustre où
l'avaient élevée ses explorateurs, à la fin du moyen âge et au commen-
cement de l'époque moderne. Sans doute beaucoup d'entre eux succom-
bent dans leurs efforts pour ouvilr le continent mystérieux et le mettre
en relation avec la mère patrie : Ghiarini, Matteucci, Gessi, Piaggia,
pour ne pai'ler que des deuils les plus récents ; mais beaucoup sont
encore à l'œuvre : Antinori, Antonelli, sans oublier Savorgnan de Brazza,
qui, s'il travaille poui' la France plus spécialement, n'en est pas moins
italien de naissance ; d'auti'es sont revenus en Italie poui* rieprendre des
forces en vue de nouvelles explorations : Cecchi, Blanchi, Camperio, etc.
Nous avons précédemment annonce le succès de l'expédition de Mat-
teucci, douloureusement acheté par la mort de son chef. Aujourd'hui
nous voulons la suivre à travers tout le continent, de Souakim aux bou-
ches du Niger, d'après le rapport qu'en a présenté à la Société de géo-
graphie de Rome le lieutenant Massari, compagnon de Matteucci.
Ce fut au retour d'un voyage en Abyssinie, que le D' Pellegrino Mat-
teucci conçut le projet d'une exploration destinée à ouvrir à l'Italie la
route de Tripoli au Ouadaï. Attribuant aux riches bagages de Rohlfe
l'insuccès de la tentative de ce dernier, dépouillé dans l'oasis de Kou-
fera, il proposa à une maison de commerce de Tripoli, en relation avec
le sultan du Ouadaï, de se joindre à une caravane, et de se présenter
au sultan susmentionné comme employé de cette maison .
* Voir la carte qui accompagne cette livraiflon.
— 1Ô8 —
Sur ces entrefaites, le prince Don Giovanni Borghèse résolut de s'as-
socier à l'expédition et d'en prendre les frais à sa charge. Alors, pour
éviter les dangers que présentait la route du nord, on décida de tenter
de pénétrer dans le Ouadaï par l'est, en traversant les possessions
égyptiennes. Matteucci demanda au ministère de la marine qu'un offi-
cier pût l'accompagner ; le lieutenant Massari fut désigné et pourvu des
instruments indispensables pour faire les observations scientifiques.
Du Caire, où l'expédition se trouva réunie au commencement de
février 1880, les trois voyageurs, auxquels s'était joint le frère du
prince Borghèse, Don Camillo, se rendirent par Souakim h Korosko sur
le Nil, et de là à Khartoum où Don Camillo Borghèse les quitta pour
revenir en Italie, et où conmience, à proprement parler, l'expédition
dont nous voulons rendre compte. Signalons cependant en passant les
plantations du cheik Ahmed, chef du désert de Korosko, qui a su créer
là un véritable jardin, dans lequel il a réuni quantité d'arbres et de
plantes de diiférentes espèces, et où se trouvent des bosquets de citron-
niers et des bois de palmiers ; notons aussi, dans la navigation de Berber
à Khartoum, les moulins à eau établis le long du Nil ; des bœufis les
font mouvoir pour arroser les champs et leur faire produire deux
récoltes par an.
Les progrès, réalisés à Khartoum depuis quelques années, rendront
plus facile à l'avenir l'approvisionnement des explorateurs, qui choisiront
cette ville comme point de départ de leurs expéditions dans l'Afrique
centrale. Les nombreux Européens qui y sont établis y ont apporté une
très grande quantité d'objets nécessaires aux voyages à l'intérieur :
étoffes, vêtements, ustensiles pour l'usage domestique, provisions ali-
mentaires, en sorte que les voyageurs feront mieux de les acheter là,
que de les apporter d'Europe. Les frais jusqu'à Khartoum seront consi-
dérablement diminués.
De cette ville, l'expédition traversa, avec la caravane qu'elle y avait
formée, le Nil, dont elle suivit la rive gauche jusqu'au gros vOlage
d'Abou Guérad, d'où elle prit une direction S.-O. vers Coursi, au nord
d'El-Obéid, capitale du Kordofan. Le long du Nil le sol est plat, puis
il devient onduleux, et dans le voisinage d'El-Obéid se trouvent quelques
montagnes. Le terrain est sablonneux : la végétation consiste en acacias
épineux, çà et là si touffus qu'en peu de temps on en a les vêtements, le
visage et les mains déchirés. En approchant d'El-Obéid on remarque
les premiers baobabs ; c'est en effet la limite septentrionale de ces
immenses représentants du règne végétal afiicain. A part les environs
— 199 —
de Coursi, le pays traversé jusque là est peu peuplé. El-Obéid a, d'après
Massari, de 30 à 40,000 habitants, mais risque de voir sa population
diminuer beaucoup, par suite du manque d'eau qui augmente d'année
en année. Tandis qu'il y a six ou sept ans on trouvait encore l'eau à
une petite profondeur, aujourd'hui on ne la trouve que dans les puits de
20" à 25"; encore n'y en a-t-il que deux ou trois bons, et l'eau doit-
elle se vendre au marché. Le gouvernement égyptien, qui prélève de
très fortes taxes sur les habitants, ne s'inquiète pas d'améliorer cet état
de q|ioses si préjudiciable à la population.
Tout autre est l'état d'Abou-Harras, oîi l'eau abonde ^t où l'on
amène, pour les y abreuver, des milliers de bestiaux. En revanche, entre
Abou-Harras et Fogio, le sol est tout à fait sablonneux ; en outre, le
terrain un peu élevé ne retient pas l'eau des pluies, qui s'écoule vers des
points situés plus bas. Cependant les habitants n'y manquent pas d'eau,
ils s'abreuvent, eux et leurs bestiaux, en partie avec le suc des melons,
en partie avec l'eau qu'ils recueillent, pendant la saison des pluies, dans
les réservoirs pratiqués dans les troncs des énormes baobabs, dont on
trouve de vastes forêts dans cette région.
Le passage des caravanes et des soldats n'en est pas moins pour les
habitants une source de diflScultés. Le Darfour a eu d'ailleurs beaucoup à
souffiîr de la guerre que lui a faite l'Egypte pour se l'annexer. C'est à
peine si El-Fascher, sa capitale, où les voyageurs arrivèrent au commen-
cement de mai, se relève de ses ruines. D s'y formait autrefois des cara-
vanes de 10,000 personnes, qui allaient faire la chasse à l'honmie dans le
Dar-Fertit, au sud. Aujourd'hui ces expéditions ont cessé, maisles explo-
rateurs italiens n'en ont pas moins trouvé à El-Fascher et à des centaines
de kilomètres au delà, quantité de^Darfouriens, réduits en esclavage par
les troupes qui devaient leur apporter la civilisation ; à El-Fascher, on
peut avoir un beau garçon pour 40 à 50 francs. Kobé, un peu à l'ouest
de l'ancienne capitale du Darfoui*, naguère florissante par son industrie
et son commerce, est aujourd'hui en ruines ; Kab-Kabia, détruite aussi
par la guen'e, était en reconstruction lors du passage de l'expédition
italienne, qui dut s'y arrêter pour se pourvoir de nouveaux serviteurs et
de chameaux, ce en quoi l'appui du gouverneur égyptien, passionné
pour les Européens, lui fut d'un grand secours. De là à Abou-Gheren,
aux contins des possessions égyptiennes, le pays continue à être mon-
tueux, l'eau est plus abondante, le terrain moins sablonneux, la végé-
tation plus vigom*euse. Les seuls habitants de ce pays frontière sont les
soldats, dont les cabanes sont construites autoui* d'une forteresse, ayant
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poui* toute protection un fossé que l'on pourrait franchir d'un bond, et
une clôture d'épines sèches qu'une allumette détruirait en un instant.
Cependant la position en est bonne, établie qu'elle est sur le bord élevé
d'un torrent, de manière à commander la rive opposée.
D'Abou-Gheren, deux routes conduisent à Abêchr, capitale du
Ouadaï, l'une courte et directe par Tineat (celle de Nachtigal), l'autre
plus longue, à travers le petit royaume de Tama, tributaire de l'Egypte.
Espérant trouver plus facilement dans le Dar-Tama un messager à
envoyer au sultan du Ouadaï, pour lui demander l'autorisation d'entrer
dans ses états, Matteucci choisit la dernière route, et, à peine arrivé à
Abou-Gheren, il pria le commandant du lieu de demander au roi de
Tama un guide pour l'accompagner. Desservi par ce fonctionnaire,
musulman fanatique, il dut retourner à El-Fascher et réclamer, par
télégramme, l'intervention du gouverneur général du Soudan, qui donna
l'ordre de fournir une escorte militaire aux voyageurs italiens et fit pré-
venir le roi qu'il eût à les bien recevoir. Le roi leur envoya son fils, qui
vint les prendre pour les conduire à Gneri, capitale du Dar-Tama.
Pendant le séjour de l'expédition à Abou-Gheren, le lieutenant Mas-
sari profita de tous les moments où le ciel était débarrassé de nuages,
pour faire des observations astronomiques et météorologiques, sans
penser d'abord qu'elles pussent avoir pour effet de le faire passer pour
sorcier. Malheureusement la saison des pluies était en retard, les
semailles n'avaient pu se faire, et le pays était menacé d'une famine.
Aussi attribua-t-on bientôt h l'observateur le retard des pluies ; il eut
beau dire au commandant que, n'étant pas plus grand qu'Allah, il ne
pouvait pas faire à volonté le beau ou le mauvais temps, l'oflBcier ne lui
en demanda pas moins un matin de ne plus empêcher la pluie de tomber.
Dès lors, il dut se garder de faire ses observations devant témoins.
Le 5 septembre 1880, après 64 jours d'aiTêt à Abou-Gheren, l'expédi-
tion se remit en marche sous la direction d'Hidris, fils du roi de Tama,
dont le territoire, voisin de TÉgypte, est très pauvre, les habitants étant
obligés de payer au gouvernement du khédive des taxes exorbitantes.
Ils récoltaient alors une petite céréale qui croît en abondance dans ce
pays , assaillaient et détiniisaient les fourmilières pour y prendre le pftu
de blé qui y est conservé, et faisaient la chasse aux sauterelles, pour les
rôtir et en apprêter un mets qu'ils trouvent délicat. La population de
Gneri reçut les voyageurs avec de grandes démonstrations de joie : coups
de fusil, musique, cavalcades, et les accompagna au petit campement
préparé poui* eux : six cabanes entourées de haies. Deux jours après
— 201 —
leur arrivée fls eurent une audience du roi qui, selon la coutume,
demeura séparé d'eux par un rideau, mais leur témoigna le plaisir qu'il
avait k les voir en le faisant tenir soulevé tout le temps de l'audience.
Après la récitation du premier chapitre du Coran, il s'adressa, dans la
langue du pays, à quelques-uns de ses gens qui lui tournaient le dos et
qui répétèrent aux voyageurs ses paroles en arabe. D demanda à ceux-ci
des nouvelles de leur roi, de leurs parents, de leurs amis, de tous les
chrétiens ; Matteucci répondit que tous se portaient bien et le révéraient.
D leur demanda ensuite ce qu'ils désiraient de lui, et, sur leur prière,
adjoignit à une lettre pour le sultan du Ouadaï, dans laquelle étaient
exposées leurs intentions pacifiques, une missive conseillant à ce souve-
rain de les bien accueillir, vu qu'ils n'étaient pas des Turcs (c'est-à-dire
des Égyptiens), mais des chrétiens animés de bons sentiments. Il chargea
un de ses gendres de porter les deux lettres. Matteucci lui offrit quel-
ques présents qui parurent le satisfaire, aussi donna-t-il en retour aux
voyageurs de beaux et bons chameaux, des bœufe, des vaches, des chè-
vres, du blé, du beurre, du miel et du seP. Ce petit royaume, situé dans
les montagnes les plus hautes de cette partie de l'Afrique, est assez peu-
plé. Aussi longtemps qu'il fut indépendant, il était riche en esclaves et en
ivoire ; mais aujourd'hui qu'il est tributaire de l'Egypte, ces deux objets
de trafic font défaut; la traite est prohibée, et le gouvernement du khé-
dive s'est attribué la propriété exclusive de l'ivoire. Dès lors, le com-
merce est presque nul ; les chameaux et les bœufs de bonne race y abon-
dent, mais sont à vil prix ; le sel manque absolument, et le peu qui en
arrive du Zaghana au nord-est est bientôt acheté par les plus riches ; la
grande majorité des habitants le remplace par l'eau de cendres bouillies,
dont ils assaisonnent leurs aliments. Comme monnaie, on se sert de
cotonnades et de perles de Venise, très petites et blanches, qui se ven-
dent par rouleaux. Devant des supérieurs, les subordonnés s'agenouillent,
et pour les saluer ils battent des mains à l'unisson, d'abord fort et len-
tement, puis plus doucement et plus vite.
La réponse du sultan de Ouadaï n'arrivant pas, et les explorateur^
commençant à douter du succès de leur entreprise, le prince Borghèse
renonça k pousser plus avant et revint en Europe par la voie du Nil,
rapportant l'itinérafa^ de la première partie du voyage et le journal de
l'expédition. Restés seuls, Matteucci et Massari obtinrent enfin, à force
de patience et de prudence, l'autorisation d'entrer dans le Ouadaï oh,
depuis Nachtigal, aucun Européen n'avait pénétré. Ils franchirent en
cinq jours la distance de Gneri à Abêchi\ traversant des campagnes
— 202 —
fertiles mais dépeuplées, dont les villages, entourés d'une haute palis-
sade en osier, semblaient abandonnés. Par crainte des égyptiens, le
Ouadal a fermé ses voies de communication avec l'Orient, et n'entretient
de relations commerciales qu'avec Bengasi, par Koufara, au nord, et
le Baghirmi et le Bomou à l'ouest. Pendant les premiers jour» qui sui-
virent leur arrivée, les voyageurs furent traités avec beaucoup de cir-
conspection. Lorsqu'ils furent conduits à la maison du roi, celui-ci ne
se laissa point voir, et, de l'intérieur d'une tente qu'il avait fait dresser
dans la cour et dans laquelle il se dérobait aux regards, il leur adressa
les demandes accoutumées, après quoi il leur dit qu'ils étaient libres de
partir quand ils le voudraient et de se diriger où il leur plairait.
Trois routes s'oflFraient à eux pour sortir du pays : I* celle par laquelle
ils étaient venus, et à laquelle ils renoncèrent pour ne pas refaire le
même chemin et ne pas éveiller des soupçons ; ^ celle qui conduit direc-
tement au nord à travers le Sahara; mais pour la prendre ils auraient
dû attendre 4 ou 5 mois, afin de se joindre à la caravane annuelle qui,
après avoir apporté au Ouadaï les marchandises européeniies : étoffea,
armes et quincaillerie, en remporte des plumes d'autruche et des dents
d'éléphants; S"" celle de l'ouest qui mène à Koukat d'oii il est plus facile
de revenir en Europe. Ce fut celle qu'ils choisirent, et, sans prolonger
leur séjour à Abèchr, ni revoir le roi, ils partirent le 7 novembre,
regrettant peu cette ville, semblable à toutes les villes un peu civilisées
de l'Afrique, dont les habitants, quoique musulmans, s'enivrent facile-
ment, sont querelleurs, enclins à se servir du couteau qu'ils ont toujours
au bras, et dont l'industrie est très peu développée. La seule chose que
l'on y fasse vraiment bien ce sont les couteaux, avec leurs gatnes, mais
le coton se file et se tisse très mal, et les vases qui servent conmie usten-
siles de cuisine laissent beaucoup à désirer.
A une cinquantaine de kilomètres à l'ouest d'Abèchr sont les der-
nières collines, au delà desquelles on entre dans la vaste plaine qui
s'étend jusqu'à Kano, à environ 1400 kilomètres à l'ouest. L'expédition
ne tarda pas à rencontrer le Batha qui va se verser dans les lagunes de
Fitri, et qui, comme tous les cours d'eau de cette région, est à sec pen-
dant la saison chaude. Toutefois, si l'on creuse dans son Ut, on trouve
toujours de l'eau à une faible profondeur. Les Arabes y stationnent
pendant la saison sèche ; les lions et les léopards pendant la saison des
pluies. Le Batha fertilise le pays ; le long de ses rives s'étendent des
forêts d'arbres gigantesques, à travers le feuillage desquels les rayons
du soleil ont de la peine à pénétrer ; il y a aussi des pahniers doum^ pro-
— 203"—
duîsant un fruit dout Técorce est douce et savoureuse ; aussi les habi-
tants s'en servent-ils en guise de sucre.
A environ 300 kilomètres d'Abêchr, on enti-e dans le petit état
de Midogo, dépendant du Ouadal, et entourant une montagne de 600*"
au-dessus de la plaine. Sur la pente méridionale se trouve la capitale,
Midogo, dont les habitants vont chercher Teau à des sources fraîches et
cristallines qui jaillissent entre d'énormes pierres, et qu'ils atteignent
en sautant avec une agilité surprenante de roche en roche, leurs ampho-
res sur la tète. Une quantité de gros singes se tiennent pendant le jour
assis sur les rochers, regardant ce fourmillement de femmes, d'enfants
et d'esclaves qui montent et descendent ; la nuit ils entrent dans les
habitations pour dérober tout ce qu'ils trouvent de mangeable.
De Midogo, l'expédition eut à traverser le royaume de Boulala, aussi
dépendant du Ouadal, mais dont le sultan est tenu pour plus noble que
celui d'Abêchr lui-même. La capitale en est Yaoua, située sur les bords
de la lagune de Fitri, où les voyageurs ne s'arrêtèrent pas, le voisinage
de l'eau attirant une quantité énorme de mouches nuisibles aux bêtes et
surtout aux chameaux. Le sol est imprégné dTiumidité, et si fertile qu'il
produit detix récoltes^ par an. Le. pays est riche en antilopes et en
gazelles, mais le bcefuf y est presque inconnu et la brebis y est rare ; les
habitants se nourrissent presque exclusivement de polenta, assaisonnée
de feuilles sèches broyées et bouillies, et d'une bière fabriquée avec de
la farine de froment. Us sont plus industrieux que ceux du Ouadaï pro-
prement dit; on voit plus de gens occupés à filer et à tisser; les huttes
sont aussi en "paille, mais mieux finies et mieux garanties contre la
pluie et les insectes ; la poterie est plus perfectionnée. Au delà de Yaoua,
le pays est plat et dépeuplé, mais en entrant dans le Baghiimi on
retrouve de nombreuses collines, au pied de chacune desquelles se trouve
un petit village. On passe bientôt sur les bords du Bahr-el-Ghazal, émis-
sah-e du lac Tchad, dont les eaux se perdent dans le désert vers le nord.
La végétation devient admirable, et la faune est extrêmement riche :
oies, canards, échassiers, autruches, singes, antilopes, bœufe sauvages,
rhinocéros, sangliers, hippopotames, girafes, lions, etc. On commence
aussi àr rencontrer de magnifiques chevaux, amenés des confins du désert
par les Arabes. Parmi ceux-ci on voit beaucoup d'hommes complè-
tement noirs, mais aussi des types parfaits de la race. Ds vivent de
rélève du bétail, s'occupent à peine d'agriculture, et se nourrissent
presque exclusivement de lait caillé et de viande. Accompagnés par les
che& de ces Arabes, Matteucci et Massari atteignirent enfin les rives du
— 204 —
■
Chari, le premier vrai fleuve qu'ils eussent rencontré depuis qu'ils
avaient quitté les bords du Nil. Ils débouchèrent d'une forêt touffue
juste vis-à-vis de la ville de Ghilféi, et leur étonnement fut gi'and en
apercevant, de l'autre côté du fleuve, une ville bien bâtie, tout entourée
de hauts murs, au-dessus desquels apparaissait la paitie supérieure des
maisons ; il augmenta à la vue des habitants, habillés beaucoup mieux et
plus proprement que ceux qu'ils avaient vus jusque-là; leurs vêtements
faits de cotonnades européennes de couleur, à rayures ou à fleurs, cou-
vrent tout le corps. Beaucoup d'hommes étaient occupés à teindre en
bleu les étoffes du pays ; un plus grand nombre encore filaient le coton,
le tissaient en bandes larges de 5 centimètres, ou cousaient ces dernières
pour en faire de grandes robes. Un marché très fréquenté et bien fourni
se tenait à l'une des portes ; il y venait de loin des gens pour vendre ou
acheter. Comme au Ouadaï, on se sert, pour les petites dépenses, de
parfums en guise de monnaie ; mais au Bornou, acheter est chose facile,
tandis qu'au Ouadaï il est rare de trouver quelqu'un qui veuille vous
vendre un peu de lait ou de blé, ou un poulet.
Au delà du Chari, on n'a pas l'habitude de donner la nourriture aux
voyageurs étrangers, ni de les loger; en revanche, pour une petite dose
de parfum ils achètent ce qui leur est nécessaire. Jusqu'à Kouka, la route
longe le lac à travers de belles forêts, coupées par trois cours d'eau
difficiles à traverser avec des bêtes et des bagages, vu la pauvreté des
moyens de transport. L'on rencontre beaucoup de villes entourées de
murs; chacune d'elles a, à un jour fixe de la semaine, un grand mai*ché
auquel se rendent les gens des districts voisins, en sorte que l'on voyage
souvent en nombreuse compagnie. La ville de Kouka, fondée par le père
du sultan actuel du Bornou, le cheik Omar, est divisée en deux par-
ties : l'une à l'ouest où siégeait le souverain défunt, l'autre à l'est où
réside le chef actuel. Elle compte environ 40,000 habitants. Il s'y tient
chaque jour, à l'intérieur des murs, un marché fréquenté par 4000 per-
sonnes environ, et le lundi, hors des murs, un grand marché où accou-
rent au moins 30,000 personnes. Ces marchés fournissent la ville du
nécessaire, et quand, pour une cause extérieure, une révolte ou une
guerre, les marchands ne viennent pas, la capitale souf&*e de la famine.
Les hommes ont la passion des vêtements, ils en portent jusqu'à 10 et
même 12, de couleiu^ variées, et ressemblent à de vastes cloches. Les
femmes passent des heures entières, un petit miroir à la main^ à se frotter
les dents avec les fleurs fraîches du tabac, pour se les.teindre en rouge
foncé et en noir. Tous les nègres, du Bornou au Niger, ont la passion du
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gowrou, espèce de châtaigne rouge qui, mâchée, laisse dans la bouche
une saveur agréable. La monnaie courante est le talari de Marie-Thé-
rèse, valant environ 6 fr. 26 cent. ; cependant pour les petites dépenses
on se sert de coquilles ; c'est ici qu'on conunence à les rencontrer.
Lé Bornou est riche en chevaux de grande race, mais il est difficile
d'en trouver qui résistent à la fatigue. Pour leur donner des formes
arrondies^n les nourrit de son, dont on fait une pâte avec de l'eau et
du sel, puis on en forme des boulettes, dont on introduit 70 ou 80 par
jour dans la bouche du cheval. A la première fatigue la graisse dispa-
raît, l'animal ne peut plus manger l'avoine sèche et s'aflFaiblit de jour
en jour. Les bœufs et les chameaux de Kouka sont bons ; on peut avoh*
un bœuf pour 200 fr., un chameau pour 50 fr., un cheval pour 300 fr.
De Kouka à Tripoli la route la plus courte passe par le Kauar et
Mourzouk ; on peut la parcourir en 3 mois ; l'eau n'y manque jamais plus
de 3 jours. Matteucci et Massari l'auraient prise pour le retour, si la
tribu des Ouêlad Slimans, au nord du lac Tchad, n'eût pas, peu aupa-
ravant, dépouillé toutes les caravanes qui passaient par là. L'autre
route pour Tripoli passe à Sinder, à l'ouest de Kouka, et remonte vers
la Méditerranée par Asben et Rhat, mais elle est plus longue, et en cer-
tains endroits on doit voyager pendant sept jours sans rencontrer de
puits. Ls y renoncèrent également pour revenir par Kano et le Niger. ^
Quand on entre sur le territoire de Kano, un des états haoussas gou-
vernés par le sultan de Sokoto, on est émerveillé de voir combien la
culture et la population augmentent. Contrairement à ce que les voya-
geurs avaient vu dans la partie de l'Afrique qu'ils venaient de traverser,
les champs se succédaient sans interruption ; plus de terres incultes, plus
d'espaces déserts. Les jardins contiennent beaucoup de plantes d'indigo,
de tabac, des ognons, des patates douces ou des tomates. L'on rencon-
tre aussi beaucoup de baobabs , au pied desquels croissent d'autres
arbres moins grands, dont le feuillage se mêle aux rameaux dépouillés
de ces arbres géants. Sur la route, c'est un va-et-vient continuel de gens
affairés qui se rendent à tel ou tel marché, leur corbeille de marchandise
sur la tête ; une quantité de femmes se tiennent assises au bord du che-
min, offrant aux passants de l'eau à boire ou des aliments à acheter pour
quelques coquillages.
A mesure que l'on approche de Kano, le mouvement augmente. La
ville est située dans une plaine et entourée d'un haut mur, de l'enceinte
duquel on voit surgir deux collines. pierreuses et les têtes d'un nombre
infini de dattiers gigantesques et d'autres arbres. L'intérieur n'est pas
— 206 —
entièrement rempli par les miaisons ; celles-ci ne couvrent que la sixième
partie du terrain, le reste est occupé par des plantations ou par de lar-
ges fdssés, qui font rarement défaut dans les villes africaines, et dans
lesquels on jette les immondices ; on en tire aussi Targile qui sert à
construire les maisons et à fabriquer des ustensiles de cuisine.
La population de Kano dépasse 50,000 habitants. La circulation est
énorme ; tous vont au marché ou en reviennent, et, comme si la foule
des marchands ne sufGisait pas, des troupes de fillettes se promènent
dans les rues en criant la marchandise qu'elles portent dans leurs cor-
beilles : petits pains, polenta, épis de mais bouillis, ognons cuits, dattes,
sucre, etc. D est intéressant d'observer un compteur de coquilles, assis
devant un gros tas de cette monnaie ; il en prend une poignée qu'il
compte lestement en les séparant 5 par 5 ; un bon compteur peut en
compter de 250 à 300,000 en un jour. Les coquilles sont mises dans des
nattes de jonc, et on en forme des paquets de 50,000 pièces. C'est avec
ces paquets que l'on 'paie et que l'on fait le commerce. Le nombre des
^estropiés et des aveugles est énorme; au lever et au coucher du soleil
on en voit des vingtaines se rendre au marché pour y mendier ; il est
rare qu'un habitant de Kano passe auprès de l'un d'eux sans lui donner
quelques coquilles. Beaucoup de négociants de Ghadamès apportent à
Kano les produits européens, et en emportent surtout de l'ivoire.
Quand Matteucci et Massari passèrent à Kano, le roi n'y était pas; il
se trouvait à Takaï, à 50 kilom. au sud-est, pour une guerre contre des
sauvages révoltés. Les 15 jours qu'ils y passèrent, après tant de fatigues
et de privations, furent des jours de repos de corps et d'esprit. Ils
auraient aimé à y prolonger leur séjour, mais la saison des pluies appro-
chait, et ils ne voulaient pas la passer en Afrique. Ils se dirigèrent vers
Bidda, capitale du Nupé, par les territoires de Zaria et de Gouari.
Au sortir de Kano les cultures cessent ; on entre dans la région mon-
tagneuse qui s'étend jusqu'au Niger presque sans interruption. Elle est
pittoresque et semée de riants villages. Sur la route on ne trouve plus
de marchés, mais souvent des caravanes de 500 ânes venant des pays
d'au delà du Niger, chargés du fsuneux gourou. Zaria et Gouari n'offrent
rien d'intéressant. En revanche Bidda, sans être aussi étendue que
Kano, a une population aussi nombreuse ; au milieu de la ville court un
ruisseau, auquel les femmes vont puiser de l'eau; les maisons, couvertes
en paille, sont presque entièrement cachées par les arbres. Le bana-
nier y est conmiun, et le palmier fournit une huile rouge avec laquelle
on cuit la viande. La population est encore plus industrieuse que celle
— 207 —
de Eano. Le coton y est filé et tissé d'une manière remarqual)le, en
bandes larges de 5 centimètres, blanches ou rayées de bleu et de blanc,
ou entremêlées de soie rouge et de coton blanc et bleu à raies. Ces
bandes sont réunies ensuite pour former ces grands vêtements que Ton
va vendre jusqu'à Abêchr. L'art de travailler le cuivre y est aussi très
développé.
Les voyageurs ne restèrent que peu de jours à Bidda, et descendirent
à Egga, dans des canots que le sultan du Nupé avait fait préparer pour
eux ; les Européens des factoreries de la United African Company de
Londres n'étaient pas à Egga, mais il s'y trouvait des noirs civilisés de
Sierra Leone et de Lagos, qui les accueillirent et les traitèrent avec
l'hospitalité la plus cordiale, jusqu'au moment où l'agent général,
M. David Mac Intosh, vint les prendre sur un vapeur de la Compagnie
et les transporter en quatre jours à Acassa, aux bouches du Niger, d'où,
en juillet 1881, ils revinrent en Europe. De Souakim à Acassa, ils
avaient parcouru ime distance de 5,000 kilomètres, dont 1,100 en pays
inexploré auparavant. C'était en outre la première fois que des Euro-
péens traversaient l'Afrique de la mer Rouge au golfe de Guinée.
Nos lecteurs savent déjà la mort de Matteucci survenue à Londres.
Les fatigues, de l'expédition avaient épuisé ses forces. Au moins a-t-il
emporté en mourant la satisfaction d'avoir ouvert, avec le Ouadaï,
des relations, dont l'Italie et la Société d'exploration commerciale en
Afrique se sont empressées de profiter. En outre, n'ayant jamais
employé la violence ni la dureté envers personne, pas même envers leurs
serviteurs, les explorateurs italiens ont dû laisser, partout où ils ont
passé, une très bonne opinion d'eux et de leur patrie. Même au Ouadaï,
où l'accueil avait été froid d'abord, on leur a demandé de faire en sorte
que leur pays demeurât en rapports avec cet état, leur promettant que
quand ils reviendraient ils seraient bien reçus par tous. Us ont frayé la
voie aux voyageurs, qui profiteront sans doute des bonnes dispositions
des indigènes du Ouadaï, et feront de ce pays une base d'opération,
pour explorer les vastes territoires qui s'étendent jusqu'au Congo.
CORRESPONDANCE
A Monsieur Gustave Moynier, directeur de V Afrique explorée et civUiaée,
ChAteaa da Mont-Glonne par Saint-Floront-le- Vieil (Maine et Loii'e),
le 17 février 1882.
Monsieur le Directeur,
Pans le dernier numéro de votre excellente Betme, vous avez publié sur la
— 208 —
France au Soudan, ma dernière brochure, ^m compte rendu qui renferme quelques
erreurs et inexactitudes. Je vous demande la permission de les rectifier.
Vous semblez dire que l'on manque aujourd'hui des connaissances nécessaires
pour se prononcer sur la salubrité des côtes (du golfe de Biafra), sur les disposi-
tions des tribus, sur l'orographie et l'hydrographie de tout le pays à l'intérieur.
Je vois que tous n'avez pas consulté avec une attention suffisamment rigoureuse
les écrits du capitaine W. Allen, de Burton, de Eerhallet, de Beichenow, etc.
Les cartes de la marine indiquent, sur une grande longueur, les profondeurs d'un
certain nombre de rivières du golfe de Biafra. Les pays qui sont sur les rives
gauche et droite de ces cours d'eau ont donc été explorés dans une certaine mesure,
comme leur fond lui-même.
Les cartes du ministère des Travaux Publics échelonnent une multitude de
localités, depuis la c6te jusqu'au Bayong, jusqu'aux sources des affluents sud du
Bénoué, jusqu'à la partie méridionale de l'Adamaoua. Ces pays ne sont donc pas
complètement inconnus, comme du reste l'Adamaoua lui-même qui, entre paren-
thèses, est pour le moment mon seul objectif.
Sans doute. Monsieur le Directeur, il y a une grande partie de l'Afrique centrale
sur laquelle on n'a que des données vagues, comme le prouve la récente carte de
l'Afrique centrale de M. le D' Joseph Chavanne. Mais il y a d'autres parties qui,
je vous prie de le croire, sont connues à des degrés divers.
Le D"" Lenz, dites-vous, « a dû s'arrêter au 2° lat. N. » Je tiens de lui-même
qu'il est allé au Cameroon, c'est-à-dire au 4*" lat. N.
« Le P. Duparquet, ajoutez- vous, n'a pas, que nous sachions, dépassé les fron-
tières du Loango. » Or, je tiens de M. de Rouvre le fait suivant et je le consigne
avec son autorisation. A son récent passage à Paris, le P. Duparquet a fait visite
à M. de Rouvre, qui a été pendant huit ans directeur de la factorerie de Banane ;
il lui a appris qu'il avait pénétré à 25 lieues au delà de l'embouchure du Cameroon,
et il s'est autorisé de cette exploration pour approuver tout ce que lui rapportait
M. de Rouvre sur mes projets et mes brochures.
Quant à la Société allemande pour l'exploration de l'Afrique équatoriale, c'est
d'elle que j'ai voulu parler, quand j'ai écrit que les explorateurs reconnaissaient
maintenant avec moi que les côtes du Biafra étaient désormais la seule base d'opé-
ration possible, pour explorer les dernières parties inconnues de l'A&ique équato-
riale.
Je borne là cette lettre déjà longue. Je compte sur votre loyauté. Monsieur le
Directeur, pour qu'elle soit insérée dans votre Bévue. Je serai heureux de vous la
compléter au moment opportun, et je vous prie de croire à l'expression de mes
meilleurs sentiments.
Gazeau de Vautibault,
promoteur du Trans-Continental africain.
— 209 —
BIBLIOGRAPHIE '
KuFHA. Reise von Tripolis nach der OaseKufra, von Gerhard Rohlf s.
Leipzig (P. A. Brockaus), 1881, in-8% 559 p., tableaux météorologiques,
illustr. et 3 cartes, fr. 21.25. — Le 25 octobre 1878, arrivait à Tripoli
le fameux voyageur allemand Gerhard Rohlfe, accompagné du docteur
Antoine Stecker. Son projet était de traverser le Sahara et d'étudier
ensuite le Soudan et la région inconnue qui s'étend entre le Chari et le
Congo. Tout faisait présager un brillant succès à cette expédition, étant
donné surtout qu'elle avait pour chef le célèbre explorateur qui avait,
en 1861 visité le Maroc, en 1866 le Bomou et le bassin du Niger, et en
1868 la Tripolitaine et le désert de Lybie.
Rohlfe et ses compagnons commencèrent immédiatement leurs collec-
tions d'histoire naturelle dans l'oasis de la Menchiya. Les chameaux
étaient rares, et par suite très chers ; malgré cela, l'expédition ayant
d'abondantes ressources en argent, et la paix paraissant régner dans les
oasis du désert de Lybie, le départ s'annonçait sous des auspices très
favorables. De Tripoli, Rohlfs se dirigea sur Sokna. Là il attendit vai-
nement d'Europe les présents qui lui avaient été annoncés pour le sultan
du Ouadaï ; mais, coname le séjour dans cette oasis lui coûtait fort cher,
il partit pour celle d'Audjila. De là, à cause des obstacles sans nombre
qu'il rencontrait, il revint à Benghasi, sur la côte de la Méditerranée.
Mais ne se décourageant pas et voulant tenter encore une fois de tra-
verser le Sahara, il fit de grandes dépenses pour se procurer des dro-
madaires, et, bien équipé, il repartit le 4 juillet 1879, se dirigeant en
ligne droite vers le Ouadaï. Malheureusement cette nouvelle tentative
devait échouer encore. Dans l'oasis de Koufara, les Arabes se soulevèrent
contre les Européens ; ils s'emparèrent de tous leurs bagages et des pré-
sents destinés au sultan du Ouadaï. Peu s'en fallut même qu'on n'atten-
tât à leur vie. Dépouillés, abandonnés par leur escorte, Rohlfs et ses
compagnons revinrent à Benghasi. Ils eurent un moment l'espoir de
recommencer leur voyage, mais ils reconnurent bientôt qu'ils devaient
y renoncer complètement, du moins en suivant cet itinéraire, et quelque
temps après, ils quittèrent la Tripolitaine.
Ce sont ces expéditions malheureuses que Rohlfe a racontées dans le
^ On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 18, rue du Rhône, à Genève,
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et dmlisée.
— 210 —
bel ouvrage que nous avons sous les yeux. Quatre chapitres sont con-
sacrés spécialement à la description de Eou&ra, oasis magnifique dont
RohUEs a rectifié la position. L'eau y abonde, les palmiers-dattiers s'y
rencontrent en nombre considérable, et le commerce, alimenté par les
caravanes qui vont régulièrement du littoral de la Méditerranée au
Soudan, est très actif.
La première partie du livre est exclusivement consacrée à la narra-
tion du voyage de Weimar à Eoufara. La seconde partie se compose de
mémoires de Rohlfs, sur les routes de la Tripolitaine et sur la tempéra-
ture des sources dans cette partie du Sahara. D'autre part, le D' Hann
donne les résultats généraux des observations météorologiques de Rohl&,
le D' Peters étudie les amphibies, le D' Karsch les espèces d'animaux,
le D' Ascherson les végétaux trouvés par l'expédition à Koufara.
Des illustrations et des cartes des oasis de Eoufara et de Djofra et de
l'itinéraire complet du voyage enrichissent beaucoup ce volume, qui fait
faire un pas considérable à la scieoce géographique en ce qui concerne
la Tripolitaine.
Sahara et Soudan, par le D' Ovatave Nachtigal, ouvrage traduit de
l'allemand, par Jules Gourdault. Tome I", Tripolitaine, Fezzan, Tibesti,
Eanem, Borkou et Bomou. Paris (Hachette et C"), 1881, in-8°, 552 p.,
99 gravures et cartes, 10 fr. — Sahaba ukd Sudan, von D' Gustav
Nachtigah Zweiter Theil. Borku, Eanem, Bornu und Baghirmi. Berlin
(Paul Parey), 1881, in-8'*, 765 p., illust., table météorologique et4 cartes,
fr. 26,70. — Presque en même temps viennent de paraître, d'une part la
traduction en français, par Jules Gourdault, du tome premier et de la
plus grande partie du tome second du grand ouvrage de M. le D' Nach-
tigal, et, d'autre part, en allemand, ce second volume lui-même, où le
savant voyageur décrit, avec le talent qu'on lui connaît, le Borkou et
les trois états qui entourent le lac Tchad : le Eanem, le Bomou et le
Baghirmi. Nous examinerons ces deux publications ensemble, et comme
nous avons déjà parlé longuement (T. I, p. 200), du premier volume de
l'édition allemande, dans lequel étaient décrits spécialement la Tripo-
litaine, le Fezzan et le Tibesti, nous passerons rapidement sur ces
pays.
M. Nachtigal, que sa santé avait contraint, en 1861, de quitter son
service de médecin dans l'armée, s'était rendu à Alger et à Tunis,
n relate, en quelques pages, son séjour dans cette dernière ville et l'im-
pression que son aspect produisit sur lui. Chargé plus tard, par le voya-
— 211 —
geur RohUs, de porter au sultan du Bomou les présents du roi de Prusse,
il quitta Tripoli en 1869, fit un séjour à Mourzouk, capitale du Fezzan,
et aDa explorer le Tibesti ou pays des Tibbous, qui n'avait jamais été
jusqu'alors visité par un Européen. Dans cette excursion terrible, il fut
souvent en butte aux agressions des indigènes, qui le retinrent même
prisonnier pendant un mois. Seul^ sans guide, sans chameaux ni baga-
ges, il réussit à s'échapper et à regagner Mourzouk, épuisé par la faim
et à demi nu.
Après s'être reposé de ses fatigues pendant l'hiver, Nachtigal repartit
de Mourzouk au printemps de 1870, pour le Bomou, dans la capitale
duquel il entra au mois de juillet. Après avoir remis au sultan les présents
dont il était chargé, le voyageur explora dans tous ses détails le lac
Tchad, et il consacre de longues pages à la description de cette impor-
tante nappe d'eau. Il en cite tous les affluents qui, à part le Ouaubé et
le Ghari, ne sont presque que des ruisseaux. Quant au Bahr-el-Ghazal,
c'était autrefois non un affluent mais un émissaire, qui portait les eaux
du lac dans la grande plaine nommée Bodélé S notablement plus basse
que le niveau du Tchad. (Le lac Tchad est à 244", et le Bodélé à
200".) Aujourd'hui le Bahr-el-Ghazal est complètement privé d'eau, mais
son dessèchement ne date pas de longtemps. La cause de ce phéno-
mène réside dans les changements incessants du littoral, variations qui
sont provoquées elles-mêmes par le fait que les alluvions, apportées par
le Ghari, se déposent tantôt sur un point, tantôt sur un autre. A l'heure
qu'Q est le lac «dévore» sa rive occidentale, selon l'expression des
indigènes, c'est-à-dire qu'il porte ses eaux de ce côté tandis que les riva-
ges orientaux sont abandonnés.
Au printemps de 1871, le docteur Nachtigal explorait le Kanem et le
Borkou, où dominent les tribus féroces des Ouêlad Sliman, et, sans pou-
voir atteindre l'extrémité méridionale de son voyage dans le Tibesti, il
aperçut du moins les dernières ramifications du massif des monts Tarso.
C'est dans cette expédition qu'il put étudier le Bahr-el-Ghazal, la grande
plaine du Bodélé et la région nord du lac Tchad. D eut encore l'occasion
de visiter le tombeau de son compatriote Maurice von Beurmann, voya-
geur prussien qui fiit assassiné par les officiers du sultan du Ouadal.
Le 9 janvier 1872, Nachtigal rentrait à Kouka. En ce moment, le sul-
tan Ali, du Ouadal, était en guerre avec Abou Sékin, roi du Baghirmi. La
capitale des états de ce dernier prince, la ville de Massenia, avait même
^ Voir la carte qui accompagne ce numéro.
— 212 —
été prise, mais Âbou Sekin, suivi de ses gaerriers, s'était retiré dans la
région méridionale où il était beaucoup plus difficile de le poursuivre.
Nachtigal résolut d'aller visiter le roi détrôné, à travers des contrées
complètement inconnues, et, au mois de février 1872, il quittait de nou-
veau Kouka pour s'enfoncer dans lé sud. La description du Baghinni
est le morceau capital et entièrement neuf de son ouvrage. Autrefois, on
ne savait absolument rien du pauvre peuple des Gabenis, qui vivent
dans des villages construits sur les arbres, et chez lesquels Abou Sekin se
pourvoyait d'esclaves. A sa suite, Nachtigal dut mener la vie répugnante
de chasseur de chair humaine; il réussit enfin à quitter le roi et put
rentrer à Kouka. Il en repartit le 1" mars 1873 pour accomplir la der-
nière partie de son voyage, le retour par le Ouadaï et le Darfour. Le
récit détaillé de ce retour n'a pas encore été publié, mais il est impa-
tiemment attendu par tous les géographes.
L'éloge des œuvres de Nachtigal n'est plus à faire. On connaît sa
savante méthode, son talent d'observateur, sa profonde érudition. Les
descriptions des contrées qu'il a parcourues sont de véritables monu-
ments en géographie, et des sources auxquelles les géographes de
l'avenir viendront puiser largement.
La traduction française n'est pas aussi complète que l'original; des
détails ont été retranchés ; l'on doit cependant remercier M. Jules Gour-
dault d'avoir fait connaître au public français un voyage aussi remar-
quable. Nous ne pouvons qu'en reconmiander la lecture, aidée par les
cartes nombreuses et d'une magnifique exécution qui ornent l'ouvrage,
et qui sont aujourd'hui les plus complètes que l'on possède sur toutes
ces contrées. Chacun sera captivé par le récit aussi simple qu'original
de l'éminent explorateur.
D^'Ph. PaulitschJce. Afrika, kommebziell, politisch und statistisch.
Leipzig (Metzger und Wittig). 1882, in-8% 134 p. à 2 col. — L'on doit
déjà ai^ D' Pauhtschke une histoire complète de l'exploration de l'Afri-
que, de l'antiquité jusqu'à 1880 *. Dans ce nouvel ouvrage, rédigé pour
le manuel qui accompagne l'Atlas d'Andrée, le savant professeur de
Vienne a condensé, dans le nombre de pages le plus restreint qu'il fût
possible, tous les renseignements utiles sur les conditions physiques du
continent et des îles qui s'y rattachent, sur l'histoire des découvertes,
les races, le climat, les produits, l'industrie, les mesures, les moyens
* Voir II°»« année, p. 43.
— 213 —
d'échange et les relations commerciales de chacune des parties de TÂfri-
que. Avec une connaissance très exacte des voyages et des écrits des
plus grands explorateurs modernes, il a exposé d'une manière très claire,
qui rend agréable la lecture de son livre, les données de tous genres
qu'il leur a empruntées ; et comme il le *cite toujours, ceux qui voudront
avoir sur tel ou tel sujet des informations plus complètes, pourront
aisément remonter aux sources les plus sûres et les plus autorisées. Tou-
tefois, pour devenir d'un usage général, ce volume devrait être accom-
pagné d'un index alphabétique, qui en rendît la consultation plus facile.
Nous ne doutons pas que, dans une prochaine édition, l'auteur ne donne
ce complément indispensable, comme il l'a fait pour son premier
ouvrage.
(histav Fritach. Die Einoeboreken Sud Afeika's, mit zahlreichek
iLLUSTRAJ'IOinSK, ZWANZIG LITH0G2APHI8GHEK TAFELlif, UND EOTEM AtLÂS
ENTHALTEKD SECHZIO IN KuPFEB RADIBTE PoETBAITKÔPFB. BrOSlaU
(Ferdinand Hirt), 1872, in-4% 528 p. Fr. 100. — D est extrêmement
difficile de faire aujourd'hui une étude exacte et complète des popula-
tions indigènes de l'Afirique australe. Les unes, refoulées par les conqué-
rants, sont remontées vers le nord dans des déserts où l'on ne peut
guère les suivre, ou n'existent plus que par petits groupes disséminés au
milieu des peuples nouveaux installés dans les vastes territoires qu'eUes
occupaient autrefois. D'autres plus puissantes se sont maintenues, mais
subdivisées en clans si nombreux, qu'on peut à peine retrouver l'unité
de la race. D'autres encore, demeurées dans les districts oii se sont
établis les colons et les mineurs, sans se fusionner avec la race blanche,
ont cependant emprunté aux nouveaux arrivants plus civilisés beaucoup
de choses, qui ont modifié sensiblement le type primitif. Enfin, l'influence
d'un gouvernement régulier et des travaux des missionnaires en a élevé
déjà un certain nombre au-dessus de leur première condition.
D est cependant très utile de les connaître telles qu'elles étaient avant
l'introduction au milieu d'elles d'éléments étrangers. C'est ce que s'est
efforcé de faire M. Gustave Fritsch, qui, déjà en 1868, a publié un des
meilleurs récits de voyages dans cette partie de l'Afrique. Ayant eu le
bonheur d'y arriver en 1863, avant que la décadence de la vie nationale
des indigènes, déjà commencée, eût subi l'influence de l'invasion d'émi-
grants amenée par la découverte des mines d'or et de diamants, il a pu
encore prendre sur le fait leur physionomie, leur caractère et lem^s
mœurs. Il s'est ensuite proposé de les présenter tels qu'il les avait
— 214 —
vus, d'exposer leur condition physique, de décrire leur apparence exté-
rieure, les traits qui, dans leur manière de vivre, leur appartiennent en
propre, pour conserver aux anthropologistes d'aujourd'hui, et à ceux de
Tavenir, quand les tribus auront tout à fait disparu, une image fidèle, qui
pût servir à expliquer l'origine et le développement delà race humaine,
à combler des lacunes, à dissiper des préjugés.
Pour obtenir une connaissance exacte des faits et reproduire fidèle-
ment ceux-ci, il n'a reculé devant aucune difficulté : ni devant ceUe
qu'oppose la superstition des indigènes, qui refusent souvent de se laisser
photographier, ni devant celle qu'offre la reproduction de la photogra-
phie par la lithographie et par la gravure, ni devant la nécessité de pro-
duire toujours deux projections, l'une de face, l'autre de profil, pour
donner l'idée la plus approximative des types originaux, ni devant
l'obligation de répéter maintes et maintes fois les observations physiolo-
giques, sur le teint, pour en déterminer la nuance, d'après la,table des
couleurs de Broca, et sur le squelette pour mesurer le crâne, le bassin,
la taille, etc. Un simple coup d'œil jeté sur les planches et sur les
tableaux dont l'auteur a fait suivre son ouvrage (sans parler des nom-
breuses illustrations et de l'Atlas qui accompagnent le texte), suffit pour
donner une idée du travail qu'il s'est imposé, et du soin qu'il a pris pour
donner une image vivante, en même temps que fidèle, de ces indigènes,
de leur vie domestique, de leurs chasses, de leurs guerres.
Quant au fond même de l'ouvrage, après avoir distingué nettement les
Hottentots et les Bushmens de tous les autres indigènes qu'il réunit sous
le nom collectif de Bantous, il étudie successivement trois grands groupes
de ceux-ci, le groupe des Ama-Xosas et des Ama-Zoulous à l'est, celui des
Betchouanas au centre, et celui des Héréros et des Damaras à l'ouest.
Pour éviter les répétitions, il prend les Ama-Xosas comme les repré-
sentants les plus caractéristiques de la race des Bantous, en indique la
distribution géographique, expose en détail leurs aptitudes corporelles
et spirituelles, et décrit leur vêtement, leurs armes, leurs ustensiles, leurs
habitations, leurs us et coutumes, etc.
Ce type bien étudié, il le prend comme terme de comparaison, indique
rapidement ce que les autres ont de commun avec lui, et développe les
points sur lesquels Os en diffèrent : par exemple, chez les Zoulous, le
système militaire introduit par Chaka, pour maintenir intacte l'autorité
royale, et les modifications qu'il a fait subir soit aux institutions patriar-
cales, soit aux kraals pacifiques des Xosas transformés chez les Zou-
lous en camps fortifiés, soit à la condition de la femme, inférieufe à ce
— 215 —
qu'eUe est dans les autres tribus, quoique parfois les parents féminins
d'un chef ou la mère d'un souverain mineur jouent un rôle important.
Chez les Betchouanas, il fait ressortir la coupe de leur yisage et leur
physiononûe plus douce que celle des Xosas et des Zoulous ; la régula-
rité de la figure, presque européenne des Bassoutos, et l'influence de
l'éducation civilisatrice des missionnaires sur la formation des traits; il
note encore, chez ce dernier peuple, l'extension donnée aux terres culti-
vées, et la plus grande part laissée aux sentiments du cœur dans les rela-
tions de la vie conjugale.
Chez les Ova-Héréros, il signale entre autres la différence des armes,
l'arc et les flèches remplaçant l'assagaie et le bouclier des autres tribus
bantoues; la vie plus instable que leur impose l'élève du bétail, leur
occupation essentielle, qui ne leur permet pas non plus d'être aussi bien
organisés que les Bantous de l'est ; la rareté de la polygamie, la haute
position qui en résulte pourlafenmie, et la coutume particulière en vertu
de laquelle l'héritage d'un chef passe aux enfants de sa sœur.
Après cela, M. Fritsch donne, d'après Bleek, une indication sommaire
des langues du sud de l'Afrique, des traits caractéristiques de celles des
Bantous, et de la construction de celles des Hottentots et des Bushmens.
Puis il aborde l'étude de ces deux dernières familles, rattachant à la pre-
mière (Koi-Koin), les Hottentots coloniaux, les Namaquas, les Koranas
et les Griquas, tous parfaitement distincts des Bushmens. Il relève, chez
les Hottentots coloniaux, leur mobilité plus grande que celle des Bantous,
leur facilité à apprendre d'autres langues sans accent, la construction
de leurs habitations, dressées en quelques instants et facUes à trans-
porter ; chez les Namaquas, la multitude de leurs clans, les modifications,
rapides que leur a fait subir l'influence des Européens, et la vie de famille,
plus intime que chez les Xosas et les Zoulous. Ses observations sur les
Bushmens, dont la taille ne dépasse pas 1",44, l'engagent à les rapprocher
des Obongos de Du Chaillu, des Akkas de Schweinfurth, des Dokos de
Hartmann et de Krapf. Il leur reconnaît un amour de la liberté qui
n'existe au même degré ni chez les Bantous, ni chez les Hottentots, et
un talent d'imitation qui, dans le dessin, se manifeste par la ressem-
blance des formes et la sûreté de la main, comme on peut facilement
s'en convaincre par la planche de dessins des Bushmens qui se trouve à
la fin du volume.
Enfin, l'auteur a joint à ce travail savant, consciencieux et complet
d'ethnographie comparée sur les tribus indigènes de l'Afrique australe,
un résumé historique de leurs rapports entre elles et avec les Européens,
— 216 —
depuis rétablissement des premiers colons hoUandais jusqu'aux guerres
avec les Bassoutos, à Tassujettissement des Betchouanas par les Boers
du Transvaal, aux luttes desHéréros et des Namaquas, et à la fondation
de la République du fleuve Orange.
Et pour que rien ne manquât à son ouvrage, il y a ajouté la liste, avec
indications bibliographiques, des documents officiels, des voyages, des
traités d'anatomie et d'ethnographie qu'il a consultés, sans oublier une
table des matières, et im Index alphabétique très détaillé, qui facilite
beaucoup la tâche de ceux qui veulent faire des recherches spéciales sur
tel ou tel sujet particulier.
Avant de poser la plume, nous voudrions cependant foire une réserve.
Nous reconnaissons que M. Fritsch s'est efforcé de voir les choses par
lui-même, sans se laisser influencer par les opinions de ses devanciers, et
aussi de saisir les faits sur le vif, pour remonter ensuite de ce qui est
visible au domaine invisible. Dans ce dernier domaine, il a constaté chez
toutes les tribus des instincts religieux, des besoins plus ou moins pro-
fonds, des idées, non réduites en systèmes, qui généralement se tradui-
sent par un culte rendu aux esprits des ancêtres, la divinité se concen-
trant pour eux dans ces esprits. Mais peut-on conclure de là qu'aucun
des peuples de l'Afrique australe n'a, ou n'avait avant l'arrivée des
Européens et des missionnaires, l'idée d'un Dieu parfaitement distinct
des esprits des ancêtres, et, par exemple, que le Dieu des Hottentots
n'est que l'esprit d'un de leurs grands chefs décédés ? Nous en appelions
au témoignage d'un ami de M. Fritsch lui-même, M. Théophile Hahn,
élevé au milieu des Hottentots, voyageur et explorateur distingué qui,
déjà en 1869, a publié, dans le Jahresbericht delà Société de géographie
de Dresde, un mémoire dans lequel il montre que la prière, dont il est
parlé dans un de leurs chants, ne peut s'entendre que de riuvocation
adressée à un être supérieur, Tsuni-Goam, sur lequel il vient encore de
faire paraître un nouvel ouvrage : Tmini Ooam ; VEtre suprême des
Koi'Koin. Il a appliqué aux noms des dieux et des héros des flottentots
la méthode employée avec tant de succès pour les mythologies des Aryas,
et rendu un grand service à ceux qui s'occupent de l'étude des religions.
M. le Professeur Max Muller le signale à l'attention des universités de
l'Europe. En terminant, nous pouvons l'indiquer comme devant complé-
ter, sur ce point spécial, le savant ouvrage d'ethnographie comparée
auquel nous avons consacré ce compte rendu détaille.
Jacob de NeufviUe. Notes au crayok sue l'Algérie. Paiis (Impri-
— 217 —
mené Chaix). 1882, in-8*, 14 p. — Dans ces notes prises à la course par
M. de Neufville, dans un voyage qu'il vient de faire en Algérie, l'auteur
mentionne les ressources de la colonie sur les principaux points, Oran,
Alger, PhilippeviDe, Bône, Bougie; il signale ce qu'il y a à faire au point
de vue des voies de communication, et encourage les Français à entre-
prendre l'exploitation des oasis de palmiers-dattiers, dont peu d'Euro-
péens s'occupent.
Ck)MHEirr j'ai traversé l'Afrique, depuis l'Atlantique jusqu'à
l'Ogéak Indien, a tilavers des régions inconnues, par le major Serpa
Pinto. Paris (Hachette et C*«), 1881, 2 vol. in-8% 456 et 468 p. avec 15
cartes et 84 gravures, 20 fr. — Ce titre, qui rappelle celui d'un ou-
vrage de Stanley et qui est un peu emphatique, puisque le bassin du
Zambèze n'est plus rangé parmi les régions inconnues depuis le voyage
de livingstone, ne fut pas celui auquel le major s'arrêta tout d'abord.
Sa première idée avait été : La Carabine du*JRoi, parce que, dans un
moment de détresse intense, au milieu du pays des Barotsés, il avait dû
son salut à une carabine de précision dont le roi de Portugal lui avait
fiait présent à son départ. Il faut féliciter le voyageur de ce changement,
car outre que La Carabine du Roi rappelait trop Mayne Reid et Gus-
tave Aimard, U semble que, la famille Coillard l'ayant tiré d'un péril des
plus graves, il était injuste de ne pas la mentionner aussi. C'est dans
cette pensée que le major a intitulé la première partie de son livre : La
Oarahine du Boi, et la seconde : La famille Coillard.
On connaît l'itinéraire de cette magnifique expédition. Parti le
4 décembre 1877 de Saint-PhUippe de Benguéla sur l'océan Atlantique,
Serpa Pinto arriva au milieu d'avril 1879 à Durban sur l'océan Indien,
après avoir traversé le pays de Bihé, celui des Barotsés, descendu le
Zambèze, exploré la région comprise entre le Zambèze et le Lhnpopo,
d'où il gagna la mer par le Transvaal et le pays de Natal.
On lui doit la reconnaissance du cours du haut Coubango, des afSuents
de cette rivière et de ceux du Zambèze, du lac Macaricari ou plutôt de
la chaîne de lagunes qui le composent. C'est lui qui nous a révélé le phé-
nomène si étrange de la rivière Souga ou Botletlé, qui coule tantôt dans
on sens tantôt dans l'autre, suivant l'abondance des pluies dans telle
ou telle région.
A son arrivée en Europe, Serpa Pinto avait été violemment attaqué
par des écrivains portugais, qui critiquaient, soit le plan de son voyage,
soit ses théories et même ses découvertes. M. et M"' Coillard, ces vail-
— 218 —
lants missionnaires qui avaient rencontré Serpa Pinto au centre de
TÂfrique, défendirent son honneur et le réhabilitèrent aux yeux de tous.
On voit dans le courant du Uyre que, de son côté, le major cherche con-
stamment à réduire à néant toutes les accusations portées contre lui, en
insistant surtout sur le point de vue purement géographique et topogra-
phique de son exploration. De nombreuses cartes dressées par lu; sont
des documents précieux. Il y a même à la fin de Touvrage un fac-similé
autographié d^un de ses croquis manuscrits.
D'autre part, si les remarques concernant Tethnographie sont nom-
breuses, les observations sur la faune et la flore manquent complètement.
On s'aperçoit bien vite que Fauteur n'est ppint un naturaliste, mais
un officier d'état-major, habile dans l'art de lever les plans, mais qui se
préoccupe peu de la vie animale ou végétale qui l'entoure.
Son style est vivant, quelquefois même un peu trop coupé, un peu trop
abondant en superlatifs. La narration, qui présente un réel intérêt, est
riche en anecdotes de tous genres, en faits émouvants. Du reste, les
grandes théories, les jugements à premier examen ne coûtent rien à Serpa
Pinto. Les amis_des missions y trouveront, entre autres, des apprécia-
tions concernant l'œuvre et ses agents, et un hommage sincère rendu
à M. et M"' Coillard, pour la manière dont Ds remplissent leur tâche si
ardue.
R. de Lannoy de Bmy. Carte d'AFRiQUE au Vaoooooo- — Commencée
en 1875, cette carte, dont M. R. de Lannoy de Bissy, capitaine du génie,
avait pris l'initiative, et que le ministère de la guerre a adoptée en 1881 ,
comprendra 62 feuilles. Le tableau d'assemblage et les feuilles 53, 54,
58, 59 et 60, nous ont été envoyés; celles-ci comprennent Barmen, Kou-
rouman, Port-NoUoh, la colonie du Cap et Pietermaritzbourg, c'est-à-
dire la partie la plus méridionale du continent. L'échelle au Vaoooooo ^t
déjà très grande, et sera suffisante pour la plupart des feuilles, d'autant
plus que des cartons donneront en détail les villes, les ports et les autres
localités remarquables. Les Vs ^'^ feuilles sont en préparation, et l'on
peut espérer que, grâce au procédé de la zincographie, adopté pour la
reproduction, la publication marchera rapidement. Sans doute, cette
édition, qui ne donne que la planimétrie, manque d'élégance, mais elle
peut s'exécuter promptement, ce qui est une condition essentielle pour
une telle carte, qui doit embrasser toute l'Afrique, oii les exploratioas
deviennent de plus en plus nombreuses. Au reste, cette première édition
sera suivie d'une seconde en chromolithographie, qui donnera en outre
le relief du terrain.
— 219 —
Die GoLDKtiSTE UKD WSSTUCHE SKLAVSKKttSTS, aOWIE DA8 BÛDUCHE
âsakts-Reich in West-Afbika, Basel, 1873. — Ce titre est celui d'une
carte, à grande échelle, publiée par la Société des missions de Bile, à
l'époque de la captivité de MM. Ramseyer et Eflhne à Coumassie, et
d'après les travaux des missionnaires A. Riis, Strômberg, Locher, etc.
Elle présente la côte de Guinée comprise entre l'embouchure du Volta
à l'est, et le Prah à l'ouest, donne les limites du protectorat anglais dans
cette région, et indique toutes les stations des missions de Brème et de
B&le, ainsi que des missions wesleyennes, enfin le lieu de captivité des
missionnaires chez les Achantis.
Die Colonisation Afrika's.-A. Die Fbanzosen in Tunis, vom Stand-
puNKTE DEK Ebfobschtjng und Civuisisung Afkika's, vou D^EmilHolub.
Wien (Alfred Hôlder), 1881, in-S**, 16 p. — Frappé du contraste entre
la facilité avec laquelle la civilisation pénètre chez les populations de
l'Afrique australe, et les difficultés que lui oppose, dans la partie septen-
trionale du continent, le fanatisme musulman, le D' Holub accueille avec
satisfaction l'occupation de la Tunisie par la France, dans l'espoir que
prochainement la Tripolitaine et le Maroc deviendront des colonies de
l'Italie et de l'Espagne. Une fois l'influence européenne solidement éta-
blie dans tout le nord de l'Afrique, il ne doute pas que la civilisation ne
fasse des progrès rapides jusqu'au centre, par l'établissement des colons.
Pour cela, il conseille aux conquérants civilisateurs d'acquérir le respect
des tribus nomades et d'exercer une influence pacifique, en s'entourant
de tous les renseignements utiles sur le pays et les habitants, et en
tenant compte des qualités et des conditions climatologiques du premier,
ainsi que du degré de civilisation et des us et coutumes des indigènes.
Cakte DU Sahara tripoliïain, par le P. L. Richard, Vaoooooo- — Nos
lecteurs se rappellent l'exploration intéressante des missionnaires de
Ghadamès chez les Touaregs Azghers, en vue de fonder une station à
Rhat, et l'espoir de succès que le bon accueil de cette tribu leur avait fait
concevoir, espoir bientôt déçu par l'assassinat du P. Richard, au début
d'un second voyage. Quoique la carte actuelle n'ait plus à cet égard
qu'un intérêt rétrospectif, elle n'en est pas moins utile pour l'étude du
Sahara tripolitain ; bien gravée et facile à lire, elle donne une connais-
sance exacte de cette partie du Sahara qui s'étend des chotts tunisiens, à
travers les dunes de l'Erg, le long de l'Oued Igharghar, jusqu'au pla-
teau central oii se trouvent Rhat et Idelès. Elle sera bonne à consulter
— 220 —
lorsque les explorations pourront être reprises ; espérons que ce moment
ne se fera pas longtemps attendre.
Cakte de l'Ovampo, par le B. P. Duparquet — Dans leur numéro
du 20 août 1880, les Missions catholique ont publié un croquis de
rOvampo, qui permettait de suivre l'exploration du P. Duparquet dans
cette région. La carte nouvelle que nous avons reçue, gravée avec
soin, complète et rectifie sur certains points la précédente ; elle donne
une idée très nette du réseau d'omarambas qui caractérise cette vaste
plaine, de la position des résidences des chefe des nombreuses tribus qui
rhabitent, des anciennes stations des Boers émigrés du Transvaal, des
routes des wagons, des sources qu'on y rencontre, et des gués du Cunéné
dans la saison sèche. Elle forme donc un utile complément à la cartogra-
phie de la rive méridionale du cours inférieur du Cunéné.
ReLÂZIONË DELLA GoMMISSIOKE DELLA CaMEKA DI CoMMERCIO E DEL
Club africano di Napoli sulla pesca della madreperla da iniziabsi
dagl' Italtani ad AflSAB. Napoli (Michèle Capasso), 1881, in-8'*, 19 p.
— M. Branchi, vice-consul italien à Assab, ayant proposé à son gouver-
nement d'engager les Italiens à entreprendre la pêche des perles à
Assab, le ministre du commerce a chargé une conmiission, composée de
délégués de la Chambre du Coi^tunerce et du Club africain de Naples,
d'étudier la convenance d'entreprendre cette pêche. La Commission a
examiné la question à tous les points de vue, et rapporté, par l'organe
de MM.. Turi et Careri, que, pour une foule de raisons, parmi lesquelles
nous ne relèverons que les principales : l'état précaire de l'établissement
d'Assab au point de vue politique, la quasi impossibilité d'y fonder une
colonie productive, la difficulté de prouver avec l'Abyssinie des relations
commerciales, les résultats négatife des essais de commerce tentés jus-
qu'ici à Assab, le manque d'eau, l'aridité du sol, le peu de sécurité
depuis le massacre de Beilul, le chiffi*e peu encourageant des produits
de la pêche, les difficultés suscitées par les indigènes, etc*, elle n'estime
pas devoir appuyer la proposition susdite, et pense qu'il faut attendre
d'avoir plus de lumières, sur la position politique d'Assab et sur la
possibilité d'y créer ime colonie commerciale et industrielle, avant d'en-
courager les Italiens à la pêche des perles dans cette baie. Rédigé
avant la conclusion de la convention entre l'Angleterre et l'Italie au siget
d'Assab, ce rapport témoigne du sérieux avec lequel la Commission
s'est acquittée de sa tâche, et se distingue par sa parfaite lucidité.
E Massari
1680 -mu
îf'kil.
IJAr^e *x/>/f/u t/^cM/itu. . MfS. . Jvn7 /âSf.
— 221 —
BULLETIN BI-MENSUEL (5 juin 1882).
Un des événements les plus importants pour T AlKérie, pendant les
deux mois qui se sont écoulés depuis la publication de notre dernière
livraison, a été Tachèvement de la vole ferrée du Ereider à Méchéria,
qui permet de franchir en vingt heures les 352 kilomètres séparant ce
dernier point de la Méditerranée. Ce sera, nous Tespérons, un moyen
puissant d'arriver à la pacification définitive du Sud-Oranais. Prolongée,
comme il en est question, jusqu'à Aln-Sefra ou à Âln-Sfissifa, à la fron-
tière marocaine (V. la carte, ni"* année, p. 84), cette ligne servira à
prévenir le retour de surprises comme celle du Chott-Tigri, où une mis-
sion topographique a été attaquée par des Arabes qui lui ont fait subir
de grandes pertes, à elle et aux deux compagnies qui Tescortaient. Le
chemin de fer d'Alger à Laghouat, dont le tracé est à l'étude, aurait à
peu près la même longueur (475 kilom.); celui de Constantine à Batna
va être livré à la circulation ; la section de Batna à Biskra sera terminée
dans trois ans, et les études pour son prolongement jusqu'à Ouargla
sont achevées.
La recherche des moyens de pacifier le sud de l'Algérie et de la Tuni-
sie a ramené l'attention sur le projet de mer Intépleure de M» le
comniandant Roodaire (Y. T* année, p. 34)^ un peu perdu de vue
depuis deux ans. L'actualité que lui a donnée lé rapport de M. de Frey-
cinet au président de la République, nous a engagés à accompagner cette
livraison d'une carte, dressée sur celle de M. Roudaire dans son rapport
sur la mission des Chotts. Nos lecteurs pourront mieux se rendre compte
de la question, rectifier l'erreur dans laquelle on tombe souvent quand
on parle de mer saharienne, et mieux comprendre le rapport que doit
présenter prochainement la commission générale nommée pour étudier
ce projet. Us verront qu'il ne s'agit pas d'inonder le Sahara, mais sim-
plement de créer, au sud de la Tunisie et de l'Algérie, un vaste bassin,
d'une surface égale à 17 fois environ celle du lac de Genève, en faisant
pénétrer les eaux de la Méditerranée dans les chotts Djerid, Rharsa et
Mebîr, par un canal traversant l'isthme de Gabès et les seuils qui sépa-
rent les chotts les uns des autres. L'exécution du projet soulève des ques-
tions très complexes, dans l'examen desquelles nous ne pouvons pas
entrer ici. Qu'il nous suffise aujourd'hui de dire que M. de Freycinet l'a
jugé digne d'être étudié d'une manière approfondie par le gouvernement,
et que, sur sa proposition, il a été nommé une grande conmiission char-
gée de déterminer la suite qu'il convient d'y donner.
l'afriqub. — TROibhu: AHKÉE. — K*> 10. 10
— 222 -'-
Quelque peu sérieux qu'il nous paraisse, nous ne pouvons passer sous
silence le projet de M. ChannebAt, publié par le Bulletin de la Société
américaine de Géographie, pour le développement des ressources de
TÂfrique centrale par un chemin de fer de la Méditerranée au
Soudan. L'auteur fait partir sa voie ferrée du cap Misratah, à Test de
Tripoli, et la conduit au lac Tchad et h Kouka, par Sokna, Mourzouk, la
vallée du Konar semée d'oasis, et Bilma, célèbre par ses mines de sel
et rendez-vous général des caravanes du nord du Soudan. La longueur
n'en serait que de 2434 kilom. ; plus courte que toute autre ligne trans-
saharienne, celle-ci serait, à en croire M. Channebôt, la plus facile et la
plus praticable. La plus grande hauteur en serait au col Nischka, dans
les monts Goudah, h 624" au-dessus de la mer. La ligne entière serait
divisée en 1 1 sections, et compterait 58 stations, dont l'auteur indique
les*noms et les ressources. Il ne manque à ce projet que l'indication des
études sur lesquelles il repose, et celle des moyens d'exécution.
M. llanioli, délégué de la Société milanaise d'exploration
en Afrique, et administrateur de la station de ])erna, a été arrêté
par l'ordre du kaïmakan de cette ville, près de Rass-el-Tin, pendant un
voyage sur mer. Avec les trois hommes qui l'accompagnaient, il fiit
ramené à Derna sous une forte escorte, accueilli par la population avec
toutes sortes d'insultes, et ne fiit remis en liberté qu'après avoir subi un
long interrogatoire de la part du kaïmakan. Les consuls européens de
Bengazi demandèrent au gouverneur une réparation immédiate qui leur
fut refusée, sur quoi ils décidèrent de fréter un voilier pour aller cher-
cher les Européens établis à Derna, et les faire sortir de la ville avant
que la population surexcitée en vînt à des voies de fait. Dès lors,
M. Mamoli est arrivé à Milan, où a eu lieu une séance de la Société
d'exploration, dans laquelle il a fait un rapport sur son voyage. Les dif-
ficultés qu'il a rencontrées n'empêcheront pas la Société milanaise de
poursuivre son but pacifique, en ouvi*ant de nouveaux débouchés au
commerce italieh. D'accord avec la Société italienne de géographie, à
Rome, et sur la proposition de M. Carlo Benzi, elle a nommé une com-
mission chargée d'organiser une nouvelle expédition pour l'est et le
centre de l'Afrique. ,
Les missionnaires américains, MM. Ladd et Snoiv sont heureuse-
ment arrivés à Khartoum» où ils ont été très bien accueillis, le bruit
s'étant répandu qu'ils venaient pour fonder des écoles, dont le besoin se
fait grandement sentir. D n'y en a d'aucune sorte, aussi les enfants
manquent-ils complètement d'éducation. Une personne avait domié, il
— 223 —
y a ua certain temps, uu grand morceau de terrain pour y construire
une école, mais on ne s'en est pas servi jusqu'ici. Si les missionnaires
Tacceptent, ils pourront en fonder une dès qu'ils le voudront. Giegler
pacha, revenu de son expédition contre Mohamed-Ahmed, ne leur con-
seille pas d'aller pour le moment au Sobat; ils devront vraisemblable-
ment attendre, pour aller explorer cette région, que le gouverneur
envoie un vapeur à Gondokoro. Le pays n'est pas sûr ; le Darfour et le
Kordofan sont en insurrection, le mudlr de la première de ces provinces,
Emiliani, qui, depuis 1878, maintenait l'ordre à Kab-Kabia, Kolkol et
Dara, vient de mourir, et son décès laisse à peu près le champ libre aux
insurgés.
Quoique le €r»ll»liat soit une province égyptienne, et que le décret
du khédive sur l'abolition de la traite y ait été proclamé, le trafic de»
esclave» y est encore un des principaux objets de commerce. Chaque
année, des marchands abyssiniens ou arabes en amènent de 5 à 6000 du
p&ys. des Galla» et du Sciamgalla ; ce sont surtout des jeunes gens de
12 à 15 ans. Le prix en varie suivant la couleur : un garçon de 12 à 15
ans, très noii*, se vend de 200 à 250 fr., et seulement de 125 à 150 fr.
s'il est d'un teint plus clair; une jeune fille du même âge coûte de
300 à 400 fr., lorsqu'elle est très noire, et de 175 à 300 fr., si elle est
d'une nuance plus claire. Loin de réprimer la traite, le gouverneur du
Gallabat en profite en prélevant un impôt de 50 fr. pour chaque esclave
vendu, 25 fr. du vendeur et 25 de l'acheteur. Il serait bon qu'un consul
européen fùt établi dans ce district.
D'après une lettre du 6 janvier, d'Agoldi, au sud-ouest de l'Âbyssinie,
le voyageur hollandais Scbuvep a visité en décembre le pays des tribus
Bertas indépendantes, qui habitent les vallées profondes à l'ouest de
Fadasi, arrosées par le Yal et le Ror, tributaires du Nil Blanc, au nord
du Sobat. Il a réussi à atteindre Kizir et a fait l'ascension des monts
Banghé; il a pu déterminer les sources du Yal, affluent du Nil Blanc, et
résolu l'énigme géographique résultant du fait que le Sobat et le Jabous
passaient pour prendre leur source dans un seul et même lac. En efiet,
les Arabes croient qu'il y a relation entre le Nil Bleu et le Nil Blanc, par
Tunion des tributaires des deux fleuves, le Jabous et le Sobat au sud de
Fadasi ; dès lors le pays entre les deux Nils serait une île (ghesireh).
Cette erreur s'explique par le fait qu'il y a deux Jabous * portant leurs
* Le mot Jabous est chez quelques peuplades un terme générique, pour désigner
un cours d'eau permanent.
— 224 —
eaux, Fun au Nil Bleu, Tautre au Nil Blanc. Le Jabous du Nil Bleu a
fia source principale, la plus méridionale, au pied du mont Wallel, par
8^50' latitude Nord. La source la plus orientale du Yal, affluent du Nil
Blanc, est dans une vallée du versant occidental des monts Chougrous,
dont la base orientale est baignée par le Jabous du Nil Bleu. Dans le
territoire des nègres Amans, le Yal porte le nom de Yalasat, mais aprëa
avoir passé les défilés des monts Banghé, en formant une suite de cata-
ractes qui le font descendre de 650^ sur un parcours de 20 kilom., il
prend, dans le pays de Berta, le nom de Jabous. M. Schuver l'a suivi
jusqu'à la jonction de TOwé, la principale rivière des vallées au sud de
Gomashé. De là, il passe dans les plaines des Bourous, et prend le nom
de Yal, qu'il garde jusqu^au confluent avec le Nil Blanc.
Ïa Esphratore a enfin reçu des nouvelles du capitaine Caaati, de
Tangasi, résidence d'un chef des Mombouttous. Sa santé est de nouveau
bonne, mais il a été gravement malade, et a été privé de tout par un
incendie. Il n'en compte pas moins exécuter son projet de suivre l'Ouellé^
pour résoudre la question de son cours, et déterminer s'il fait partie du
bassin du Congo, ou s'il se dirige au lac Liba, ou au lac Tchad. Il a visité
quelques villages akkas ainsi que le tombeau de Miani, non loin de
Ndorouma, et il a envoyé un itinéraire de la route qu'il a parcourue de
Meshra-^él-Ilek jusqu'à Tangasi; malheureusement les instruments lui
manquent, et ses relevés ne sont basés que sur la boussole et le pas de
sa monture. Il a rencontré le D' Junker, et comptait se rendre auprès
d'Emin Bey pour se pourvoir du nécessaire avant d'entreprendre l'explo-
ration de rOuellé. Il est accompagné d'un Arabe et de quatre Akkas qui
lui sont très affectionnés. Les Mittheïlungen "de Gotha nous apprennent
en outre que le capitaine Gasati, après avoir été, pendant 60 jours, traité
presque comme un prisonnier par le prince Azanga, a réussi à s'enfuir
et à se réfugier dans les stations égyptiennes.
£iiàln Bey continue à visiter avec beaucoup de zèle les provinces du
cours supérieur du Nil Blanc soumises à son administration, et emploie
ses voyages à relever soigneusement le pays qu'il parcourt pour combler
les lacunes des cartes existantes. Dans quelques mois, l'Institut de
Gotha publiera une carte de ses levés dans le Latouka, à Test du Nil,
et jusqu'à l'Albert Nyanza. Dans les mois de septembre à décembre de
l'année dernière, il s'est rendu dans le mudirieh du Rohl, à l'ouest du
Nil, ajouté depuis peu à son gouvernement ; la carte qu'il en donnera
complétera nos données sur le pays entre le Rohl et le NQ, et éclaircira.
quelques points douteux des itinéraires antérieurs. En février et eu
— 225 —
mars de cette année il a été à Khartoum, et il doit maintenant être en
route pour le pays des Niams-Niams et le Mombouttou, d'où il ira à
TÂlbert Nyanza, en passant par les stations qu'il a fondées Tannée der-
nière chez les Amadi, le long du cours supérieur du Kibali. Il espérait
rencontrer le D' «lunker qui lui a envoyé une carte de ses travaux le
loDig de rOuellé, très riche en détails intéressants sur les peuples et les
tribus de ce pays. Le Journal de Saint-Péterebourg a publié deux lettres
du D' Junker à sa famille, apportées à Khartoum par Emin Bey. Après
avoir envoyé, de Ndorouma, son quartier général chez les Niams-Niams,
M. Bohndorf, son compagnon de voyage, vers le nord-ouest, chez le
prince Sassa, Junker s'est dirigé vers le sud, chez les Amadi, sur la
rive septentrionale de TOuelié; là il a passé le fleuve pour aUer à Bakan-
gal, mais il a été obligé de rester plusieurs mois chez les Abarambos et
a été piUé. Avec Taide des gens de Sassa il a pu repasser TOuellé, et a
dû attendre jusqu'au mois d'août chez les Amadi une occasion pour se
remettre en route vers le sud. Une forte station égyptienne a été établie
à deux jours de marche à l'est des Amadi, dans la partie orientale du
territoire des Abarambos, à la frontière ouest du Mambanga, non loin de
l'endroit où, en 1880, Junker traversa TOuellé, dans son voyage au
Mambanga. Le voyageur y est allé h la fin d'août, en suite d'une invi-
tation du commandant de la station, et c'est de là. qu'il a écrit, le 16
novembre, la première des lettres sus-mentionnées. Dans la seconde,
datée du 26 décembre, du pays des Abarambos, il écrit que ceux-ci ont
été chfttiés, et que le prince de Bakangaï lui a envoyé des présents et
des gens pour le mener dans son pays ; il allait s'y rendre; de là, il vou-
lait retourner au Mombouttou où il comptait arriver à la fin de février.
Nos lex^teurs se rappellent que Rohlfs avait reçu du négous d' Abys-
«Inle pleins pouvoirs pour négocier la paix avec l'Egypte § le roi Jean
y mettait cependant, comme condition^7ie qua non, la cession d'un port
sur la mer Bouge. Le gouvernement allemand était disposé à lui aider,
si le gouvernement anglais coopérait à cette œuvre de pacification.
L'arrivée au Caire, l'an passé, d'une ambassade du négous, a &it croire
au représentant anglais dans cette ville que la paix existe entre l'Abys-
sinie et l'Egypte ; mais il n'en est rien : il ne s'agissait que d'une ambas-
sade privée, pour obtenir un ahowta (grand-prêtre copte) pour l'Église
abyssinienne. Des lettres reçues par RohlÊ montrent que la guerre sévit
toujours sur les frontières des deux pays. L'Abyssinie n'a pas cessé de
considérer conune sa propriété le pays de Kéren et des Bogos, que Mun-
zinger lui a enlevé et qu'elle pille, ce qui donne lieu à des conflits san-
— 226 —
glants. Le gouvernement du khédive paraît s'inquiéter fort peu que des
centaines d'hommes soient massacrés chaque année loin de sa capitale ;
ses employés et ses officiers y trouvent leur avantage, en s 'emparant des
jeunes Abyssiniennes dont ils font des esclaves pour leurs harems. Le
roi Jean désire le retour de Rohlfis; celui-ci s'est adressé à « l'Antislavery
Society » pour chercher à obtenir l'appui du gouvernement anglais, d'au-
tant plus tenu d'intervenir, que la conquête du pays de Keren et des
Bogos par les Égyptiens a été une des conséquences de la campagne
des Anglais en Abyssinie.
Le D' Keller a terminé l'exploration dont il avait été chargé dans la
mer Rou^, par des études sur le commerce de Souakim. L'expor-
tation pour l'Europe est assez considérable ; elle consiste essentiellement
en gomme, en peaux, en dents d'éléphants, en coquilles à perles, et en
animaux vivants venus du Soudan pour les jardins zoologiques. Quant h
l'importation, l'Angleterre fournit des étoffes légères de laine|; la France,
de la faïence ; la Suisse, du lait condensé ; la Grèce, des spiritueux. Le
peuple de la côte et de l'intérieur est fort et intelligent, et a jusqu'ici
résisté aux côtés dangereux des influences étrangères. Le sol serait
rémunérateur, mais il faudrait une administration énergique pour
apprendre aux habitants à le faire valoir. Le D' Keller a en outre feit
des observations multipliées sur les Nubiens de la côte et de l'intérieur»
poui' s'assurer jusqu'à quel point ce peuple a le sens des couleurs, et il
a constaté que, contrairement à l'opinion que les peuples primitifs ne
distinguent ni le bleu, ni le violet, les Nubiens de la côte distinguent
toutes les couleurs du prisme, du rouge au violet, ainsi que les diverses
nuances des couleurs, pour lesquelles ils ont des noms spéciaux. Les
Nubiens des montagnes distinguent le noir, le blanc, le rouge et le vert»
ainsi que l'orangé, mais pas le jaune clair qu'ils confondent avec le vert»
ni le bleu, qu'ils ne distinguent p|ts du noir ; ils ont aussi de la peine k
reconnaître le violet.
Autorisés par le roi du Cboa, deux des missionnaires de Grischona»
qui étaient à Ankober, se sont établis dans le pays des Gallas» à Balli»
lief royal de Ménélik. Le Choa et le territoire des Gallas, jusqu'à
l'Haouasch, sont divisés en tiefis plus ou moins grands, que le roi remet k
ses amis et à ses hôtes qui doivent se reconnaître ses vassaux ; d'ailleurs»
tout étranger est hôte du roi, qui prescrit ce que le vassal doit recevoir
des fonctionnaires. Balli est bas, chaud, et n'a pas d'eau de source ; il
faut se contenter de l'eau tombée dans la saison des pluies et recueillie
dans des fossés ouverts. A un kilomètre cependant se trouve un lit de
— 227 —
ruisseau à sec ; en creusant à quelques mètres de profondeur, ou ren-
contre une bonne eau potable. Les habitants sont des Gallas passable-
ment mélangés de gens du Choa émigrés. Sur Tordre du roi, les Gailas
païens se sont fait baptiser, les prêtres leur ont appris à observer les
jours de fête, mais sans leur donner d'instruction, et en les laissant sui-
vre leurs traditions païennes. Ds vivent entre eux dans des guerres per-
pétuelles, sans pouvoir devenir indépendants. L'un des missionnaires
leur rend de grands services en soignant les malades ; une école a été
fondée pour les enfants, qui seront aussi formés à divers métiers.
Les divergences de vue qui régnaient entre l'Italie et l'Egypte au
sujet d'Assab ont été aplanies. Le ministre italien des aifaires étran-
gères présentera prochainement un projet de loi sur l'administration du
territoire acquis par l'Italie. Assab serait déclaré territoire franc et
aurait un caractère commercial. Les Italiens qui y sont établis ont
demandé, par l'intermédiaire du chevalier Branchi, commissaire royal,
la cession gratuite d'un terrain à une société italienne qui se chargera
de -construire des magasins, l'achèvement des travaux du port, et la
construction d'un phare. En attendant, le conunaudant Dionisio a été
envoyé en mission à Assab avec trois ingénieurs. Outre le port en con-
struction, il en sera fait un autre spécial pour les barques qui servent h
la pêche des perles.
L'Association internationale africaine a fait une nouvelle
perte, qui sera vivement ressentie par tous ceux qui s'intéressent à la
civilisation de l'Afrique. M. Ramaecl^ers, qui avait remplacé M. Cam-
bier à Karéma, y est mort de la dysenterie le 25 février. Dès son arrivée,
il avait travaillé sans relâche à compléter les travaux de son prédéces-
seur, avait donné de l'extension aux cultures, avait su attirer à Karéma
des indigènes qu'il avait déterminés à s'y fixer et s'était acquis le res-
pect et la confiance des chefs des tribus voisines. MM. les lieutenants
Storms et Constant sont partis pour Zanzibar où les attend le capi-
taine Gambier. Ce ne sera pas sans peine qu'ils atteindront Karéma.
Mirambo a brûlé le plus puissant village de cette région, levé des tributs
sur tous les autres, et obtenu la soumission de toutes les tribus campées
jusqu'à une journée de marche de Karéma. Le lac s'étant retiré à 500"
de cette localité, il aurait pu l'investir; heureusement, il ne l'a pas fait.
MM. les D" Bœlim et Kaiser ont fait heureusement un voyage de
trois mois, de Gonda, station du Ckiniité national ailemand» au
Tanganyika. Leur station paraît très favorable à l'agriculture et à l'élève
du bétail. Les vastes iehamps qu'ils possèdent sont cultivés gratuitement
— 228 —
par les gens de la princesse de Gonda. Us espèrent récolter plus que le
nécessaire pour Tentretien de leur personnel, et écouler le surplus à
Tabora, qui souffi*e fréquemment de disette. La station n'est pas encore
bonne pour le commerce, nuds M. Reicshard comptait faire, à ses
frais, un voyage à l'intérieur pour acheter de l'ivoire.
M. le missionnaire liasit, de Mamboya dans l'Ousagara, a obtenu sur
les Masialî des renseignements qui lui font croire qu'un voyageur, brave
sans forfanterie, et aimable sans servilité, connaissant le souahéli et la
langue des Masaï, pourrait, avec une caravane bien organisée, traveiser
leur pays, de Pangani ou de Mombas, et atteindre, par le lac Baringo,
la rive septentrionale du Yictoria-Nyanza. Le nombre des hommes
devrait dépasser un peu celui des colis, pour que la caravane ne îùi pas
arrêtée si quelque porteur tombait malade. La question des vivres serait
un peu difficile, dans un pays dont les habitants vivent de viande de
bœuf et de lait, et négligent la culture des légumes si indispensables aux
porteurs de Zanzibar. Les indigènes Ouarimas et Souahélis qui le tra-
versent souvent, partent d'ordinaire de Pangani, se dirigent au nord* ou
à l'ouest jusqu'aux frontières des Masaï ou des Ouakouafis, oii ils se
reposent un certain temps, pour recueillir les informations sur le temps
que leur prendra le passage à travers le pays des Masaï jusqu'à l'en-
droit qu'ils désirent atteindre. Lorsqu'ils savent le nombre de jours
qu'il lem* faudra, ils achètent des natifs la quantité de farine nécessaire ;
chaque homme en prend jusqu'à 10 kilogrammes en sus de son colis.
D'après un indigène, on peut aller de Pangani à Ousoukouma en soixante-
six jours. Dans le cas où la Société de géographie de Londres se décide-
rait à envoyer une expédition, de Pangani ou de Mombas à la côte
orientale du Victoria-Nyanza, M. Last pourrait procurer, comme por-
teurs, des hommes de la vaUée de la Louhéga dans le Ngourou. Il signale
aussi l'existence d'une tribu pygmée, les Ouamdidikimos, à quatre-vingt-
dix jours de marche au N.-O. du Ngourou.
M. Griflith qui réside à Mtoua, un des centres de la mission de Lon-
dres à l'ouest du Tanganyika, a visité l'Ousoma, au nord de l'Ougouha,
et est entré en relations avec le chef Kabamba qui l'a reçu avec beaucoup
de bienveillance. Sa ville est située sur une hauteur, près du lac ; elle
est entourée de grands bananiers et compte environ 150 maisons, dispo-
sées très irrégulièrement, sans former des rues comme dans l'Ougouha;
les natifs cultivent de grands champs de cassaveet de maïs. Le chef por-
tait un vêtement rouge et un turban blanc ; entouré de ses anciens, il
exprima à M. Griffith le désir de voir des blancs s'établir chez lui, et lui
— 229 —
demanda de venir pour tuer les éléphants qui ravagent ses champs, les
armes de ses si\jets étant trop faibles pour ces gigantesques créatures.
n aurait aussi voulu avoir des charmes pour réunir plus de gens dans sa
ville, et pour détruire les lions et les léopards, qui tuent, dit-ïl, beaucoup
de monde; les sorciers de l'Ougoma passent pour avoir le pouvoir spécial
de charmer ces animaux et de les envoyer à leur gré dans un dis'trict ou
dans un village ; lions ou léopards tuent les gens de jour comme de nuit,
mais sans jamais être vus. A une demi-journée dans l'intérieur sont les
plaines populeuses et les villages dePOubogoué, d'où les Ouagomas tirent
les esclaves qu'ils vont vendre à Oudjidji.
La station de Mouloneiva, dans le Massanzé, a été renforcée par
quatre missionnaires romains de Tabora, et trois auxiliaires de Mdabou-
rou. Le chef de la localité a fait un voyage à Oudjidji, oii il a eu une
entrevue avec le gouverneur arabe, qui lui a conseillé de vivre en bonne
intelligence avec les missionnaires et d'éviter toute espèce de querelles.
Le P. Moncet fait des relevés scientifiques et soigne les malades ; ses
collègues s'occupent de l'instruction des enfants. Mouruma, sultan du
nord du lac, est venu leur proposer de fonder dans ses États une station ;
un établissement siu* le territoire de ce chef, à une quinzaine d'étapes
du Victoria-Nyanza, serait un moyen de relier les missions de l'Ouganda
à celle du Tanganyika. La création de celles du Haut-Congo a été retar-
dée par le massacre du F. Deniaud et de ses compagnons, destinés à
présider à ces fondations plus lointaines. On avait déjà préparé les
approvisionnements nécessaires pour la caravane qui devait les conduire
dans les États du Mouata-Yamvo ; ils ont été pillés ou livrés aux flammes.
Une nouvelle caravane partira dans le courant de l'été prochain.
La construction de la roote entreprise pour unir le Nyassa an
Taiifi^anyika a été interrompue par le massacre d'un certain nombre
de natife au service de M. James Stewart. Celui-ci avait pris pour base
de ses travaux Chiouinda (V. la carte de la région du Nyassa, III"*"
année, p. 44), à 140 kilom. à l'ouest de l'extrémité septentrionale du
Nyassa ; il avait avec lui quelques ouvriers anglais et des natifs chrétiens
du sud du lac. Des caravanes, conduites par des blancs, et composées
des natifs les plus civilisés, se rendaient régulièrement au lac pour en
rapporter les provisions nécessaires. Une de ces caravanes, n'ayant pas
de blancs et comptant des natifs de Chiouinda, paraît s'être livrée à
quelques actes de maraudage, en traversant le territoire d'un chef
nommé Mombouéra. Quoi qu'il en soit, celui-ci attaqua la caravane qui
perdit 19 hommes, les uns tués, les autres vraisemblablement pris et
— 230 —
vendus à des trafiquants d'esclaves. Le chef de Chiouinda appela ses
voisins à son aide pour déclarer la guerre à Mombouéra. M. Stewart
réussit heureusement h prévenir Teffusion du sang ; Mombouéra témoi-
gna le désir de faire la paix et offiît, comme compensation, des bestiaux
qui furent acceptés. M. Stewart qui avait fait transporter son matériel
au bord du lac, va recommencer ses travaux, en prenant pour base d'opé-
ration Karonga, sur le Nyassa.
Les évangéiistes envoyés des Spelonken à la baie de Delagoa sont de
retour à Valdéada. Ils ont trouvé la tsétsé sur leur route. Le gouver-
neur portugais de Lorenzo Marquez, tout en étant personnellement
favorable à M. Creux, lui a fait savoir que les lois du pays défendent
rétablissement de missions protestantes en territoire portugais; mais
celui-ci ne s'étend pas au loin à l'intérieur, et, là où M. Creux désire
établir une mission, les Portugais paient tribut aux che& magouambas.
Magoud, le plus puissant des chefe du pays, a bien reçu les évangéiistes,
et leur a demandé de lui ramener prochainement un missionnaire. De la
mer on peut arriver chez lui directement en barque par le Comati. Mal-
heureusement les Portugais et les Banyans ont introduit dans le pays
une ivrognerie e&oyable. La station de Yaldézia sera renforcée par
l'envoi d'un nouveau missionnaire, M. Jaques, qui partira l'été prochain,
accompagné d'un jeune agriculteur chargé de seconder les missionnaires
dans leurs travaux manuels.
Le gouvernement de la colonie du Cap a proposé au Parlement d'annu-
ler la proclamation prescrivant le désarmement des Bassoutos» et de
nommer une commission chargée, soit de dédommager de leurs pertes
les marchands européens et les indigènes loyaux, soit de rechercher le
système d'administration qui aurait le plus de chances de pacifier le
pays. Le ministère britannique a approuvé les propositions pacifiques de
l'autorité coloniale. On espère suimonter ainsi la désaffection des Bas-
soutos et voir l'ordre se rétablir. Les impôts se paient sans difficulté ;
Letsié et Lérothodi ont donné l'exemple ; tout le bétail de la contribu-
tion de guerre a été livré, et en sus 8891 têtes, qui ont été remises aux
loyaux. Les démarches de M. Coillard en Angleterre avant son départ
pour l'Afrique, et de M. Mabille auLessouto, n'ont pas été étrangères à
ce changement de politique.
Les opérations des con^ia^^ie» des mines de houille de la
Colonie du Cap s Great Stormberg, Cyfergat, et Lidwe Coal Mining
Companies, ont commencé. D'après leEast London l)i8patch,M.Yf . Moly-
neux a été envoyé à Molteno, pour faire rapport sur les ressources
— 231 —
géologiques de ce district, et sur les meilleurs moyens d'en exploiter les
houillères. Son rapport au gouvernement colonial présente les gisements
des Stormberg comme inépuisables ; le charbon en est bon pour le chauf-
fage des appartements, pour le gaz, la vapeur, et l'industrie manufactu-
rière. L'extension de la ligne East London-Queenstown, à Burghers-
dorp et Aliwal, passera par Molteno et Cyfergat, où les opérations
minières pourront s'exécuter sur une grande échelle. La qualité et la
quantité de cette houille rendra la colonie indépendante à cet égard de
la mère-patrie.
Dans une dépêche de lord Kimberley à sir Hercules Robinson, publiée
dans le Bliie Book^ le ministre anglais rappelle que ^Vallfish Bay a
été proclamé territoire britannique à la demande de la colonie du Cap,
et pour surveiller le seul port de toute une longue côte, par lequel puis-
sent passer, pour l'intérieur, des armes et des objets de conunerce.
Après avoir annoncé que le gouvernement de la reine ne changera rien
à l'état de choses actuel, si le Parlement du Cap continue à. maintenir
les établissements de cette place, il ajoute qu'il ne voit pas l'avantage
de conserver une possession si éloignée de la colonie, et exposée aux
attaques de natifs hostiles, puisque l'occupation de cette localité n'a pas
arrêté l'importation d'armes et de munitions, le commerce étant d'ail-
leurs à peu près insignifiant et n'ayant pas beaucoup d'avenir. Dans le
cas oii le Parlement du Cap ne ferait pas le nécessaire poui* protéger
cette place comme portion de la colonie, il y aurait lieu, dit lord Kim-
berley, d'offrir aux quelques Topnaars qui restent encore, de les trans-
férer dans telles ou telles localités sûres du pays des Namaquas, et de
renoncer à tout exercice d'autorité anglaise à Wallfish Bay. — L'inter-
vention du D'Hahn, mentionnée dans notre dernier numéro, ne s'est pas
bornée à la conférence avec les chefs Namaquas $ il s'est encore rendu
dans le Damaraland< à Okahandya pour voir les chefs des Hépépos, et,
grâce à ses démarches et à celles de missionnaires chez les Namaquas et
les Héréros, des négociations de paix ont été commencées ; les Bastards
de Rehobot ont conclu une paix séparée avec les Héréros ; il en a été de
même des Zwartboï, et l'on peut espérer que bientôt les hostilités ces-
seront complètement dans cette région.
Le consul anglais de St-Paul de Loanda a communiqué à Lord Gran-
yille des extraits de lettres d'un Anglais établi à Mossamédès, M. Bent,
qui a visité les Boers établis à Humpata, k 200 kilom. environ de la
côte. Le gouvernement portugais leur a donné 2500 liv. sterl. pour ouvrir
une route jusqu'à Mossamédès. Us sont au nombre de 420, laborieux,
— 232 —
pacifiques, entièrement sous la loi et la protection des Portugais, dont un
oflBcier réside au milieu d'eux avec une demi-douzaine de soldats. Une
canalisation de 5 à 6 kilom. amène Teau devant chacune de leurs mai-
sons ; le sol est fertile, et leur fournit en abondance blé et légumes de
toutes sortes ; ils comptent cultiver le coton et la vigne. Le cuivre et le
fer ne sont pas rares ; dans le voisinage il y a du gibier, entre autres
des éléphants et des autruches. Les indigènes Gambos ont fait deux ten-
tatives pour chasser les Boers de Humpata, mais ils ont été repoussés et
maintenant ils les laissent tranquilles. On attend l'arrivée d'une troupe
de Bastards, descendants de Boers et de Hottentots, qui s'établiront k
100 kilom. au sud de Humpata. Les Portugais espèrent beaucoup de ces
établissements pour l'exportation de l'ivoire et des plumes d'autrpche.
Il s'est formé, sous le nom de Cong^ and mntral africsan
Company, une société commerciale pour acquérir les factoreries pos-
sédées jusqu'ici par M. Zagury à Banana, Quissanga, Boma, Âmbriz,
Loanda, Dondo, etc., ainsi que les navires et les vapeurs adaptés h la
navigation sur le Congo et autres fleuves, et faisant le service entre les
susdites factoreries. Le but de la Société sera d'étendre et de dévelop-
per les relations commerciales avec cette partie de l'AMque. M. Zagury,
qui y a passé 12 ans, en sera le directeur. Deux lignes de steamers feront
le service entre la côte occidentale africaine et l'Angleterre.
Lors de la visite que le P. Augouard a faite à Stanley Pool, le ser-
gent Malamine, laissé par Savor^nan de Brazza à la garde du dra-
peau français, lui a conmiuniqué une copie du traité d'annexion que
son chef avait conclu avec les princes indigènes de cette partie du fleuve.
Il est conçu en ces termes :
a Au nom de la France, et en vertu des droits qui m'ont été accordés
le 10 septembre 1880, par le roi Makoko, j'ai pris possession du terri-
toire situé entre les rivières lue et Impila, le 3 octobre 1880. En témoi-
gnage de quoi j'ai arboré le drapeau français à Okila, en présence des
che& Oubanghis, venus à Nkouma pour un but commercial, et des chefs
Batékés : Ntaba, Lecanho, NgsBcala, Ngasko et Jenna, vassaux de
Makoko, et en présence aussi de Ngalième, représentant officiel de
Makoko, à cet effet. J'ai remis à chacun de ces chefe un drapeau fraa-
çais pour qu'ils l'arborent sur leurs villages, en témoignage de la prise
de possession que j'en ai faite au nom de la France. Ces che&, informés
par Ngalième de la décision de Makoko, se sont inclinés devant sa réso-
lution, ont accepté le drapeau, et, par leur marque empreinte sur cet
instrument, ont attesté leur adhésion à la cession du territoire de
— 233 —
Makoko. Le sergent Malamine garde le drapeau fraaçais, et fera provi-
soirement les fonctions de chef de la station française de Nkouma. En
remettant à Makoko ce document fait à triple, revêtu de ma signature
et des marques des chefs, ses vassaux, je lui ai formellement notifié ma
prise de possession de cette partie de son territoire pour l'établissement
d'une station française. Fait à Nkouma, royaume de Makoko, le 3 octo-
bre 1880. Signé : Pierre Savorgnan de Brazza, second lieutenant de
marine ; + Ngalième, -|- Lecanho, + Ntaba, + Ngœko, + Jeûna. »
Il n'y a là rien qui oblige les chefs de Stanley Pool à interdire l'accès
du territoire aux explorateurs et aux missionnaires de nationalité non
française, mais leurs procédés, à l'égard de Stanley et des missiomiaires
anglais, ont besoin d'explications que ne manquera pas de fournir Savor-
gnan de Brazza, ce dernier va revenir en France pour faire les prépa-
ratifs de l'expédition qu'il doit conduire sur le Congo, avec le D' Ballay,
pour le compte du ministère de l'instruction publique.
MM. Clarke^ Richards et In^hani» de la <« Liivinij^iitone
Inland Mission) » pailis de Banza Manteka, ont traversé le long de
la rive méridionale du Congo, sui* une étendue de 65 kilom., un pays
qui jusqu'ici n'avait été visité par aucun Européen. Us ont rencontré
beaucoup de villes et de villages très peuplés, des natifs généralement
familiers et amicaux; de grands jardins bien cultivés entourent la
plupart des villes. Pendant leur voyage, ils ont vu beaucoup de traces
d'éléphants et de buffles, et quelquefois les animaux eux-mêmes. A
Bemba.ils traversèrent le ileuve, et, remontant le long de la rive droite,
ils atteignirent Stanley Pool, où ils comptaient reconnaître le pays et
choisir un emplacement pour y fonder une station. Les chefs de Stanley
Pool, qui d'abord s'étaient montrés bien disposés, devinrent bientôt hos-
tiles et refusèrent de leur laisser traverser le fleuve pour revenir par la
rive méridionale. Ils durent redescendre par la rive droite jusqu'à la
rivière Nkenké, près de laquelle ils acquh'ent du chef d'Inkissi un ter-
rain pour ime station. Avant de se mettre à consU'uire, ils vinrent à
Bemba, oU les lettres qu'ils trouvèrent les décidèrent à commencer par
explorer toute la rive sud du Congo, de Bemba jusqu'à Stanley Pool,
afin de chercher quelle sera la meilleure voie pour le transport du stea-
mer le Henry Reed, qui doit naviguer sur le coui's moyen du fleuve. Ils
ont dû partir pour cette exploration au milieu de janvier. — Le 26 avjîl
sont partis de Liverpool des renforts pour cette mission, entre autres,
M. William Appel, qui a fait des études pratiques d'asti'onomie pour
pouvoir poursuivre des travaux géographiques dans l'Afrique centrale, et
— 234 —
M. A. Sims, qui espère fonder h Stanley Pool un « Cottage Hospital »
et un Dispensaire pour les Européens et les natife. Ce dernier possède
des connaissances étendues en zoologie et çu botanique, et étudiera
la faune et la flore de ce pays. Il nous a informés directement qu'il
accueillerait avec plaisir les voyageurs et leur donnerait tous les secours
et informations qui seront en son pouvoir.
Dans l'espoir que MM. Pogge et Wissmann pourront atteindre la rési-
dence du chef des Tuchilangués, Mukengué, au confluent du Louloua et
du Cassaï, et de là descendre au Congo par une route nouvelle, le comité
de la Société africaine allemande a formé le plan d'une expédi-
tion, chargée d'aller à leur rencontre en remontant le Congo au delà de
Stanley Pool. La direction en sera confiée au D' Bûchner, que ses
expériences dans l'Afrique centrale rendent tout particulièrement pro-
pre à une mission de ce genre. Mais, comme les ressources dont dispose
la Société sont en grande partie absorbées par les frais de la station du
Comité national à l'est du Tanganyika, et du voyage de M. Flegel dans
l'Adamaoua, celui du D' Btlchner sera ajourné au printemps de 1883.
Le Comité préparera l'expédition pendant l'hiver prochain.
Des indigènes du Congo inférieur ayant massacré un équipage
européen, le commandant du Gabon donna ordre au capitaine de la
canonnière le Marabout de se rendre au Congo, pour punir les meur-
triers. Quand le navire arriva devant la ville de Ningé-Ningé, à 65 kil.
de l'embouchure du fleuve, les natifs ouvrirent le feu sur les Français,
tuèrent le D' Chassaigne et blessèrent plusieurs hommes. Là-dessus, le
capitaine de la canonnière fit bombarder la ville. Les marchands euro-
péens dont les propriétés ont été détruites se sont transportés au Gabon.
Le blocus a été établi autour de Ningé-Ningé.
Après avoir, avec l'appui du roi du Nupé, exploré une partie du Niger
inconnue jusqu'ici, et visité Sokoto, M. Flegel s'est rendu de Bida à
Loko sur le Bénoué, où il espérait trouver les marchandises dont il a
besoin pour son voyage dans l'Adamaoua, et qu'on devait lui envoyer de
Lagos par les steamers de la « United African Company. » Ne les y ayant
pas trouvées, il dut se rendre en toute hâte à la côte, pour les y chercher
et pour se pourvoir des instruments les plus nécessaires qui lui man-
quaient. Le 4 janvier, un vapeur de la susdite compagnie le ramenait à
Lokodja, au confluent du Niger et du Bénoué, d'oîi il allait repartir pour
Loko où l'attendait sa caravane. D a dû dès lors remonter le Bénoué
jusqu'à Ribago, pour passer de là, par le Mayo Kebbi et les marais de
Toubouri, au Chari, au lac Tchad et à Kouka (V. la carte de l'hydro-
graphie du Soudan central. H"* année, p. 64).
— 235 —
Dans une séance récente de la Chambre des Communes, M. Labou-
chère a attiré l'attention du gouvernement sur la traite qui se pratique
encore à La^^s, d'où elle devrait avoir disparu depuis que cette partie
de la côte est devenue possession anglaise. Un correspondant de VAfri-
can Times écrit en eflfet de Lagos que, malgré tout ce qui a été fait pour
détruire l'esclavage le long de la côte, il y a. encore des sujets anglais
qui, ayant des propriétés à Lagos, possèdent des esclaves dans des pays
situés au delà des limites des territoires britanniques, et font la traite
lorsqu'ils ont besoin d'argent. Leurs esclaves s'échappent parfois et
viennent à Lagos.
Vers la fin de février, on pouvait craindre au Sénégal un soulèvement
général des peuplades nègres des bords de la Cazamance. Les Man-
dingues, conduits par leur puissant chef Sounkary, se révoltèrent, atta-
quèrent le poste français de Sedhiou et le bloquèrent. Une colonne
mOitaffe dut être expédiée de Dakar pour porter secours aux assiégés.
Elle prit d'assaut le village de Bakoum, résidence ordinaire de Sounkary,
dont elle mit l'armée en fuite; après avoir débloqué Sedhiou, brûlé
Médina et s'être emparée de plusieurs autres villages, elle renti'a à Sed-
hiou, où la majeure partie des chefs mandingues vinrent faire leur sou-
mission et payer la contribution de guerre imposée par le^ vainqueurs.
Le gouvernement français demande aux Chambres un nouveau crédit
de 7,000,000 fr. environ pour le chemin de fer du Haut-Sénég^al.
Un poste définitif sera établi à Bafoulabé ; celui de Kita sera agrandi ;
deux nouveaux postes seront construits, l'un à mi-chemin de Kita au
Niger, l'autre à Bamakou. En même temps, on étudie un tracé de voie
ferrée à construire de Kayes par Senoudebou, à un point en amont de
Bakel, accessible toute l'année aux navires dont le tirant d'eau ne
dépasse pas 0",60. Actuellement, ils ne peuvent remonter à Kayes que
cinq ou six mois de l'année ; aussi est-il urgent de créer une voie plus
accessible par la vallée de la Falémé. Le projet de loi présenté au3ç
Chambres prévoit que la voie ferrée de Kayes à Bafoulabé sera terminée
dans deux ans. Au delà de Bafoulabé, il n'y aura pas de travaux d'art
très difl&ciles h exécuter pour atteindre la partie navigable du Niger. —
La Société de géographie de Paris a reçu la carte en six feuilles des levés
exécutés par les ofiiciers de la mission topog^raphique» sous les
ordres du commandant Derrien, attachée à l'expédition du lieutenant-
colonel Borguis Desbordes. Elle donne, au Viooooo» l'itinéraire de la colonne
entre Médine et Kita, avec le plus de terrain qu'il a été possible d'en
relever à droite et à gauche. La cinquième feuille donne le lac ou étang
' — 286 —
Bambiri, dont on croyait les eaux tributaires des deux bassins ; elles se
déversent auN.-E. dans un affluent du Banioulé, affluent lui-même pro-
bablement du Sénégal. Il y a aussi un itinéraire de Kita à Mourgoula,
avec vues et plans de détail. Jusqu'à présent on n'avait pas d'itinéraii-e
aussi complet s'avançant aussi loin vers le Niger. — On peut d'ailleurs
envisager la route commerciale du Sénégal au Niger comme ouverte par
rèxpédition que le lieutenant-colonel Borgpuis Desbordes vient
d'exécuter à 45 kilomètres au delà du Niger, dans le Kénériadou^ou^
pays commerçant qui, depuis l'année dernière, demandait la protection
française. Parti le 16 février de Kita, avec une compagnie de tirailleurs
indigènes, une section d'artillerie, un peloton de spahis et quelques fan-
tassins européens, il était le 18 à Mourgoula, oU il confirma Talmamy
dans l'idée que la politique de. la France est une politique depaix^ ayant
pour but d'obtenir des voies commerciales dans le pays ; le 23, il attei-
gnait Nafadjié à deux jours de marche du Niger. Sur la rive, droite du
fleuve, un chef redouté, Samory, ruinait le Kénériadougou, et depuis
sept mois en tenait assiégée la capitale Kénéria. Borguis Desbordes mar-
cha sur cette ville pour la débloquer, mais à son arrivée, le 26 février,
Samory l'avait prise, en avait tué une partie des habitants et réduit le
reste en captivité. Il fut d'ailleurs bientôt mis en fuite par la colonne
française, qui rentra ensuite à Kita ; sur toute la route de Kita au Niger,
elle avait été bien accueillie, parles mêmes indigènes qui précédemment
avaient attaqué la mission Galliéni. Le capitaine Piétri, attaché à cette
mission, a été envoyé à Kita pour prendre le conunandement de ce poste ;
il a rencontré à Médine le lieutenant-colonel Borguis Desbordes, dont la
mission pour 1882 est terminée.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
L'École supérieure des lettres d'Alger a commencé la publication d'un BiiUeiin
de Carrespondance africaine^ qui sera utile pour l'éjude de la géographie ancienne
de l'Afrique septentrionale.
Au Congrès des sociétés françaises de géographie, qui se réunira cette année à
Bordeaux, doit être examinée la question de la création d'une école supérieure de
géographie et d'exploration, dans une des grandes villes du nord de l'Afrique :
Alger» Tunis, Alexandrie ou le Caire.
Un gisement de houille, dont les couches paraissent étendues et profondes, a été
découvert à Bou-Saada^ à l'ouest d'Alger. Il résulte des analyses faites par
M. Tingry, chimiste au service des mines, que ce combustible est de bonne qualité.
— 237 —
Un surrivant de la mission Flatters, recueilli au sud de Géryville, a rapporté que
des nègres de Tombouctou, armés d'arcs et de flèches, sont arrivés dans le douar
d'un chef Touareg qui l'avait pris à son service comme berger. Ayant appris le
projet des Français de venir chez eux, ils voulaient s'opposer à leur passage.
Les trois missionnaires d'Alger^ restés h Ghadamès après le massacre du
P. Richard et de ses deux compagnons sur la route de Rhat, sont heureusement
arrivés à Tripoli. Ils auraient aussi été massacrés s'ils avaient voulu regagner
l'Algérie par le Sahara ; mais, sur le conseil de leurs supérieurs, ils attendirent
une escorte turque, que le consul général de France à Tripoli réussit à obtenir du
pacha de cette ville, où ils furent ramenés sains et saufis.
Le capitaine Gill, du génie royal anglais, arrêté à trois jours de marche de
Bengazi, a aussi été ramené à Tripoli, les autorités turques refusant de lui per-
mettre de continuer son voyage, parce qu'elles ne pouvaient pas lui garantir une
sécurité suffisante.
La commission de la Société des études du Nil s'est rendue du Caire aux cata-
ractes, sur deux dahabiés remorqués par un vapeur de l'État. Le gouvernement
égyptien lui a adjoint le colonel Mouktar bey, bien connu par ses voyages et ses
travaux sur le Haut-Nil, et un ingénieur égyptien.
Le gouvernement italien enverra prochainement au roi d'Abyssinie une mission
chargée de lui remettre des présents de la part du roi Humbert et de resserrer
en même temps les relations d'amitié entre les deux pays.
M. Antoine d'Abbadie, qui a été longtemps en Abyssinîe, rapporte que les
indigènes bravent impunément les miasmes des régions basses, pernicieux pour les
Européens, et attribuent leur immunité à l'usage quotidien de fumigations de
soufre.
Le vice-consul italien à Suez est parti pour diriger une nouvelle enquête, au sujet
du massacre de l'expédition Giulietti.
Ensuite d'une demande de M. Prîce, fondateur de l'établissement de Frère Town
pour les esclaves libérés, le Comité des missions anglicanes a décidé d'y envoyer
deux nouveaux missionnaires, un mattre d'école et, si possible, un médecin. Les
agents actuels de la Société, s'occuperont d'étendre l'œuvre à l'intérieur.
La station anglaise de l'Ouganda sera renforcée de plusieurs missionnaires,
d'un artisan et d'un médecin.
A Blant3rre s'est fondée, parmi les jeunes gens, une association contre l'usage du
pamhé, aussi démoralisant dans ses effets que les boissons spiritueuses en Europe.
M. O'Neill, consul anglais à Mozambique, a fait une exploration des rivières Qui-
zungo, Tejoungo et Licoungo, et compte se rendre à Blantyre et au lac Nyassa,
pour constater si le Chiroua et le Eiloua sont bien un seul et même lac d'où sort
la Lotgenda.
Une Compagnie se propose de construire des lignes télégraphiques de Tété à
Quilimane, et de Mozambique à Inhambané et Lorenzo Marquez, pour mettre ces
localités en communication avec Lisbonne ; elle fonderait aussi 12 stations météo-
rologiques.
— 238 —
La Commission africaine de la Société de géographie de Lisbonne a présenté
une proposition tendant à constituer immédiatement à Manica, dans la province
de Mozambique, une station civilisatrice.
D'après le rapport du missionnaire Richard, les ânes de sa caravane, dans son
voyage aux États d'Oumzila, ont été garantis des atteintes de la tsétsé par des
lavages quotidiens d'ammoniaque.
On a reçu à Bruxelles de bonnes nouvelles du P. Depelchin, que l'on disait
avoir été assassiné près du Zambèze. Il est arrivé en bonne santé à Grahamstown
à la fin de février, et se propose de retourner prochainement, avec un renfort de
missionnaires, chez les Batongas du Zambèze, où le chef Moëmba lui a concédé,
pour la mission, une vallée qui descend jusqu'au fleuve. De là il compte étendre le
champ de ses travaux jusqu'au lac Bangouéolo.
Le chemin de fer de Saint-Denis, à la Réunion, a été ouvert à la circulation en
février.
Une députation de plusieurs centaines de Zoulous des plus influents, parmi les-
quels deux frères de Cettiwayo, est arrivée à Pietermaritzbourg, pour demander
le retour de l'ancien roi, comme devant contribuer à la pacification du Zoulouland.
M. le baron de Dankelmann, météorologiste distingué de Leipzig, engagé par le
Comité d'études du Haut-Congo, vient de partir pour rejoindre Stanley. Il est
muni des meilleurs instruments météorologiques et pourra fournir, sur cette région,
des renseignements climatologiques très utiles pour les explorateurs.
M. R. Arthington, de Leeds, a fait don à la mission baptiste du Congo d'une
nouvelle somme de 25,000 fr. pour aider aux frais de construction d'un vapeur
démontable, le Plymouth, destiné à la navigation du cours moyen du fleuve. U sera
en acier et muni de deux hélices; pour pouvoir manœuvrer plus facilement au
milieu du courant et des bancs de sable, il aura 20™ de long et ne tirera que
30 centimètres d'eau.
M. Nuno Queriol a accepté le commandement du vapeur le Julio de VUhenaj
destiné à la station civilisatrice portugaise du Congo.
M. le D' Hûbbe-Schleiden, de Hambourg, se dispose à parcourir l'Allemagne
pour y recruter des colons, à l'effet de fonder une grande colonie allemande dans
le centre de l'Afrique, dans le bassin du Congo.
M. Blom, agent de la « Compagnie coloniale de l'Afrique française » est arrivé
le 30 mars au Gabon, et s'est dirigé vers l'intérieur qu'il se propose d'explorer.
Le Comité des missions anglicanes a appelé l'évêque du Niger, M. Samuel
Crowther, et le Rev. J.-B. Wood de Lagos, à une conférence où seront arrêtées les
mesures à prendre pour développer la mission du Niger. Le consul Hewitt, revenu
de la c6te de Guinée, a exposé, au sous-comité qui s'occupe des missions d'Afrique,
la nécessité d'ouvrir des communications commerciales directes avec les tribus de
l'intérieur, et insisté sur l'utilité d'établir sur le Niger des écoles industrielles, où
les chrétiens noirs puissent être préparés aux professions manuelles.
L'ingénieur de la Wassaw light BaUway Company, débarqué à Dixcove, le
28 février, a fait une première étude du tracé proposé, de la côte aux mines d'or.
— 239 —
Quoique le résultat en soit favorable, il examinera une autre route, qui ne néces-
sitera, paratt-il, point de travaux d'art difficiles.
M. Çretignière, membre de la Société de géographie commerciale de Paris, est
parti pour Assinie, afin d'étudier les gisements aurifères de cette possession fran-
çaise.
Les Gamans ont attaqué Inquansah, village près de Coumassie, et fait beaucoup
de prisonniers. Les Achantis se préparent à la guerre. Il y a à craindre que le
conflit ne soit très sanglant, car les deux États sont puissants et leurs populations
belliqueuses.
Le Comité des missions de Bâle a autorisé le missionnaire Hamseyer, d'Abétifi
dans le pays des Achantis, à faire un nouveau voyage à Coumassie, pour chercher
à obtenir du roi ]a permission d'y établir une station missionnaire.
Une pétition a été présentée au Sénat et à la Chambre des représentants de
Washington, pour demander l'établissement, avec subside du gouvernement, d'une
ligne de bateaux à vapeur, entre un port des États-Unis et Libéria.
Le ministre italien est parti de Tanger avec sa suite pour Fez, où il doit remet-
tre au sultan du Maroc des présents de la part du roi d'Italie.
BIBLIOGRAPHIE '
James Sibree. Madagabcah. Géographie, Naturgeôchichte, Ethno-
graphie DER Insel, Sprache, Sitten \thd Gebkedche ihrer Bewoh-
SEB. Leipzig (F. A. Brockhaus), 1881, in-8°, 424 pages et 2 cartes, 10 fr.
— D' H. Lacaze. Souvenirs de Madagascar. Paris (Berger-Le\Tault
et C**), 1881, in-8**, 166 pages et carte, 4 fr. — Des deux ouvrages que
nous réunissons dans ce compte-rendu, le second, d'une importance
beaucoup moins grande que le premier, renferme des observations
recueillies pendant un voyage, de la Réunion à la partie orientale de la
côte de Madagascar, avec une visite à Antananarive, et une excursion à
rintérieur, au nord de la rivière Manangoure. L'attention du D' Lacaze
s'est portée surtout sur la colonisation française, dont il donne l'histoii-e,
et dont les essais infructueux l'engagent à insister pour que l'on renonce
aux idées de conquête, qui surgissent encore de temps à autre. Le peu
de temps que l'auteur a pu consacrer à ce voyage explique les lacunes
de ses observations ; les sources auxquelles il a puisé (surtout l'ouvrage
de Flacourt, représentant, de 1648 à 1654, de la Compagnie d'Orient
' On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 13, rue du llLône, à Genève,
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 240 —
patronnée par Richelieu), les erreurs ethnographiques que l'on peut
signaler dans ces pages ; et l'époque où il a fait son voyage (1868-69), les
doutes qu'il exprime sur la possibilité du relèvement des populations de
Madagascar. C'était après les persécutions sanglantes qui avaient désolé
cette île, et au moment où commençait le règne de la souveraine actuelle,
Ranavalona II, qui a proclamé la liberté de conscience. Les progrès con-
statés dès lors auraient pu modifier les idées du D' Lacaze.
M. James Sibree était dans des conditions toutes différentes. Un
séjour de beaucoup d'années dans les provinces du centre et plusieurs
voyages, l'avaient familiarisé avec le pays et les habitants d'une grande
partie de l'île. Fondateur et, depuis cinq ans, éditeur de V Antananarivo
Annual, annuaire scientifique de Madagascar, il avait donné un centre
commun aux recherches des explorateurs de l'île. Aussi a-t-il pu, à
l'aide des riches matériaux que lui fournissaient ses expériences person-
nelles et les écrits de ses collaborateui's, composer un ouvrage beaucoup
plus complet que ne l'étaient les travaux précédents sur Madagascar.
U Histoire physique, naturelle et politique de Madagascar y de M. Gran-
didier, sera certainement considérable^ mais jusqu'ici il n'en a guère
paru que le quart. M. J. Sibree a pu, en outre, exposer d'une manière
systématique tous les faits récenmient découverts, relatifs à la flore exu-
bérante du pays, à sa faune exceptionnelle, à l'origine, à la langue, aux
mœurs et à la religion de ses habitants. L'étude approfondie de la flore,
dont certaines espèces appartiennent à la presqu'île de Malacca, et ceDe
de la faune, — à laquelle manquent toutes les grandes espèces africaines
de mammifères : hyène, zèbre, antilope, léopard, lion, girafe, éléphant,
etc., tandis qu'elle possède des espèces inconnues en Afrique, entre
autres celle des lémuriens, — l'engagent à admettre l'opinion de plu-
sieurs naturalistes, conmie Wallace et Geoffroy de Saint-Hilaire, d'après
lesquels Madagascar et les îles voisines sont les restes d'un grand conti-
nent, indépendant de l'Afrique et dont la partie orientale a été submer-
gée. Dans l'ethnographie, tout en signalant les éléments africains intro-
duits par les esclaves amenés de la côte de Mozambique, et ceux qu'ont
apportés dans l'île les Arabes en relation avec Madagascar depuis nom-
bre de siècles, il fait ressortir surtout le fait que le costume des habitants,
leurs qualités physiques et intellectuelles, leur langue et leurs idées reli-
gieuses, obligent à admettre des rapports entre eux et les Malais des
archipels de la Mélanésie et de la Polynésie. La revue des progrès
accomplis depuis 1868, époque à laquelle les missionnaires purent
reprendre leurs travaux, n'est pas moins intéressante: langue écrite
— 241 —
rendue aux habitants de Ttle; système complet d'écoles; développement
du commerce d'importation et d'exportation, de l'industrie et des arts;
élévation du niveau moral; cessation de la polygamie dans la province
d'Imerina., et diminution des cas de divorce, ainsi que de l'abus des
boissons spiritueuses, au point que la population d'Imerina est devenue
Tune des plus sobres du monde ; création d'une université, d'une litté-
rature populaire et de journaux scientifiques, voilà tout autant de faits
qui permettent d'espérer que Madagascar prendra un jour une place
d'honneur parmi les États civilisés.
L'auteur de cet ouvrage, dont la traduction allemande facile à lire
nous en fait désirer une française aussi bonne, avait l'intention de con-
sacrer un chapitre spécial aux légendes, aux chants et aux proverbes
des indigènes de Madagascar ; rappelé subitement en Angleterre, il a dû
y renoncer pour le moment. Mais nous espérons qu'il pourra traiter ce
sujet en détail, dans un ouvrage à part qui deviendra un complément
important de celui que nous venons d'analyser.
Skizzen aus West-Afrika. Selbsterlebnisse von 2)' Oscar Lem.
Berlin (A. Hofinann et C**) 1878, in-8'*, 346 p. et carte. La grande répu-
tation que son voyage du Maroc à St-Louis du Sénégal, par Tombouctou,
a value au D' Lenz, ne doit pas faire oubUer les services rendus à la géo-
graphie par ses précédentes explorations au Gabon et à l'Ogôoué. La
découverte des soui'ces de ce dernier, et les relations nouées par Savor-
gnan de Brazza avec les tribus du haut fleuve, ont fait faire à nos
connaissances hydrographiques et ethnographiques de cette partie de
l'Afrique des progrès considérables, mais il est équitable de rappeler
que, lorsque le D' Lenz fit le relevé de l'Ogôoué, en 1876, il signala le
premier le changement de direction du cours du fleuve, à partir du pays
des Banchakas; tandis que de là son cours vers l'océan est d'est en ouest,
en amont il coule du S.-E. au N.-O.; il indiqua aussi la position approxi-
mative de ses sources par 2" ou 3" lat. S., ajoutant que le Congo, depuis
son coude au nord de TÉquateui-, courant du N.-E. au S.-O., il ne pou-
vait y avoir qu'un seuil étroit entre les bassins des deux fleuves. Entré
en 1874 au service de la Société allemande pour l'exploration de l'Afri-
que équatoriale, Lenz passa trois ans dans cetts région, étudia d'abord
la géologie des côtes de la baie de Corisco, puis entreprit plusieurs voya-
ges le long du Gabon et de l'Ogôoué, tâchant de pénétrer toujours plus
avant dans l'intérieur, malgré les diificultés qui avaient fait échouer
l'expédition de MM. Marche et de Compiègue.
— 242 —
Ces Skizzen ne sont pas un récit de ses voyages dans le sens propre
du mot ; c'est plutôt un recueil de monographies, plus ou moins indé-
pendantes les unes des autres, sur la géographie de ces côtes peu explo-
rées jusqu'en 1874, et sur les conditions sociales de leurs populations.
Chacun des chapitres de ce volume traite d'une question spéciale, par
exemple, la colonie française au Gabon, la chasse aux éléphants, etc.,
ou d'une tribu en particulier que l'auteur s'eflForce de décrire sans pré-
jugés, telle que son séjour au miheu d'elle lui a permis de la voir. Tout
en faisant la part de ce que l'imagination a donné d'un peu trop coloré
aux récits de Du ChaiUu, il reconnaît que le fond en est vrai en général.
Nous ne pouvons pas relever tout ce que ces monographies, complètes et
d'une lecture facile pour tous, renferment d'instructif et d'intéressant;
nous signalerons cependant l'étude sur les Fans cannibales, et celle
sur les Abongos, pygmées de l'Ogôoué, à l'occasion desquels l'auteur
entre dans des considérations générales sur les anthropophages et sur
les peuples nains de l'Afrique, assez analogues à celles qu'a publiées
notre journal (II"» année, p. 99 et 115, et ni"» année, p. 58). Notons
encore son chapitre sur le conmierce à la côte occidentale d'Afrique,
celui sur les lacs de l'Ogôoué, et dans le dernier, consacré à St-Paul de
Loanda, Thistorique des tentatives faites par les Portugais pour attein-
dre, de Loanda, la côte orientale. Une carte-esquisse permet au lecteur
de s'orienter facilement dans la région explorée par le voyageur.
Ednwndo de Amicis. Le Maroc, traduit de l'italien pai* Henri Belle.
Illustré de 174 gravures. Paris (Hachette et C% 1882, gr. in-4% 408 p.,
30 fr. — Tous ceux qui se rappellent la verve et l'esprit déployés par
de Amicis dans le récit de ses précédents voyages à Constantinople, en
Espagne, à Paris, en Hollande, seront heureux de retrouver ces mêmes
qualités dans ce volume, pour la publication duquel la librairie Hachette
a su réunir le luxe du papier et de la typographie à celui des gravures
des meilleurs artistes. Amateur d'aventures, de détails piquants, de
curiosités de toutes sortes, de Amicis a eu, dans ce voyage, la bonne for-
tune d'être attaché à la grande ambassade italienne envoyée, en 1875, à
Fez, par Victor Emmanuel, pour porter les présents de ce souverain au
jeune sultan du Maroc, Mouley-el-Hassan, monté sur le trône en 1873,
et pour chercher à obtenir du gouvernement marocain des concessions,
destinées à faciliter certaines branches du commerce entre l'Italie et le
Maroc. Cette occasion unique a permis à l'auteur de voyager pendant
deux mois, de Tanger à Fez et à Mequinez, au milieu de populations
— 243 —
fanatiques, sans courir de dangers ; nous ne dirons pas sans recevoir
d'injures, car la haine pour les chrétiens est inculquée dès Tenfance aux
indigènes, dans les écoles et dans les mosquées, pour les éloigner de
toutes relations avec les races civilisées. La protection de l'escorte four-
nie à Tambassade a eu outre valu à de Aiuicis la possibilité de voir le
pays et les villes mieux que les voyageurs ordinaires, de pénétrer là où
ceux-ci ne sont pas admis, et en particulier d'assister à l'audience accor-
dée à l'ambassadeur italien par le sultan, de l'aveu de tout le persomiel
de l'ambassade, le plus beau et le plus aimable des monarques musul-
mans. La présence de deux peintres italiens de grand talent, MM. Biseo
et Ussi, attachés aussi à cette mission, galopant toujours l'album et le
crayon à la main, a permis d'illustrer ces pages de dessins pris sur
nature, et en particulier de la scène de la grande audience dans laquelle,
dit l'auteur, la figure du sultan est merveilleusement saisie. Le voyageur
fixe les yeux sur tout, et dans ses observations écrites jour par jour,
notées sous l'impression du moment, nous avons la peinture des choses,
plus saisissable que dans une description longuement élaborée. Pendant
la marche de la caravane, il en étudie les personnages un à im, pour les
faire figurer et parler dans son livre, tels qu'il les a vus et entendus.
Dans la campagne, il nous présente l'admirable variété d'effets pittores-
ques de l'escorte dus à la configuration du pays, et dans les villes, les
aspects non moins variés qu'ofi're le tableau de murailles, de portes, de
tours, de ruines, de boutiques de toutes sortes ; et avec cela combien de
figures, belles, grotesques, horribles, bouflbnnes, étranges, il fait défiler
devant nous ; c'est une vraie fantasmagorie de pachas, de nègres, de
tentes, de mosquées, de tours crénelées, etc. Dans ses notes, nous avons
en outre, prises sur le fait, les moeurs et les habitudes intimes de ce
monde marocain, où, malgré le voisinage de l'Europe, se sont gardées
si vigoureuses et si pures les coutumes arabes et la foi musulmane. Les
femiUes juives et berbères l'ont très bien accueilli, et il a pu saisir sur
le vif les particularités de leur existence. La traduction de M. H. Belle,
premier secrétaire d'ambassade, rend avec fidélité et élégance le texte
de l'auteur, dont le style a toute la grâce et la légèreté françaises, et
que l'on peut nommer à bon droit le plus français des Italiens.
Pbojet d'exploration dans l'Afrique centrale par l'Ouellé,
par M. Léon Lacroix. Lille (Imprimerie Danel), 1881, 28 p. et carte. —
L'hydrographie de la région comprise entre le Chari et le coude septen-
trional du Congo est encore très peu connue, et jusqu'à ce que des
— 244 —
explorateurs y aient pénétré, nous en serons réduits à des hypothèses
phis ou moins plausibles. Dans Texposé de son projet, M. Lacroix, qui
se propose de remonter le Nil et le Bahr-el-Ghazal, pour gagner TOuellé
et par celui-ci TOcéan Atlantique, passe en revue les principales suppo-
sitions émises à l'égard de TOuellé. Il rejette avec raison celle de Peter-
mann et de Stanley, d'après laquelle TOuellé serait le cours supérieur
de TÂronouimi; elle n'est plus admissible, en effet, depuis que le
D' Potages a suivi TOuellé jusqu'à O'^SO' à l'ouest du méridien sous
lequel l'Ârououimi se jette dans le Congo. Est-il aussi fondé à mettre de
côté celle de SchweinAirth : que l'Ouellé formerait le cours supérieur du
Chari, parce que, dit-il, le Chari, dans son cours inférieur, a ses crues
en mars, tandis que cette époque serait le moment des plus basses eaux
de l'Ouellé ? Nous ferons d'abord remarquer que le Chari a deux crues
régulières, l'une en mars, l'autre en août. Nous avons déjà signalé
cette dernière dans notre article sur l'hydrographie du Soudan central
(H"" année, p. 60), où nous avons ad.opté l'hypothèse de Schweinfurth,
et nous croyons encore aigourd'hui que, quelle que soit l'époque des
basses eaux de l'Ouellé, le Chari peut avoir une crue en mars, s'il reçoit
de la région équatoriale des affluents qui lui apportent le tribut des eaux
qui y tombent en février. Ces cours d'eau venant du sud doivent ren-
contrer l'Ouellé qui arrive de l'est, et en porter les eaux au Chari.
Cette supposition, d'ailleurs, s'accorde jusqu'à un certain point avec
une partie de la triple hypothèse qu'émet M. Lacroix après avou* rejeté
les précédentes. D'après lui, l'Ouellé gagnerait l'Océan à travers le lac
Liba, d'oh un embranchement formerait le coui's supérieur du Bénoué,
tandis qu'un autre bras, moins considérable, serait un des affluents de
l'Ogôoué. Ce qu'il peut y avoir de vraisemblable dans cette hypothèse,
c'est, d'après les rapports des indigènes, que l'Ouellé, au sortir de la
région montagneuse mentionnée par Potages, alimenterait un grand lac,
ou même une série de lacs, analogues au lac Tchad, et dont les limites
varieraient suivant les saisons, tantôt immenses, tantôt restreints, mais
à bords marécageux. Que ces lacs, ou l'un d'eux soit le Liba de nos
cartes, nous l'ignorons, et les géographes n'en auront la certitude que
lorsqu'un voyageur l'aura exploré. Mais ce qui n'est plus admissible,
depuis les travaux de Flegel sur le Haut-Bénoué, c'est que, du lac ali-
menté par l'Ouellé, celui-ci se rende directement au Bénoué pour en
former le coui-s supérieur. En effet, ayant remonté l'affluent du Niger
jusqu'à Bibago, Flegel a constaté qu'avant sa jonction avec le Mayo-
Kebbi, le Bénoué n'est qu'un cours d'eau petit et peu hnportant, pre-
— 245 —
nant 8a source au 8.-E., dans ]es montagnes de TAdamaoua méridional,
et que c^est le Mayo-Kebbi qui parait fournir au Bénoué la plus grande
partie de ses eaux. Celui-ci reçoit bien de celles de TOuellé, mais indi-
rectement par le Chari, le marais de Toubouri et le Mayo-Kebbi.
Quant au second embranchement, qui devrait former un des affluents
de rOgôoué, on ne peut plus supposer que PAlima se dirige vers le nord>
depuis que Savorgnan de Brazza Ta descendue jusqu'au Congo. Nous
n^avons su trouver, dans les renseignements fournis par MM. Marche
et de Compiëgne, rien qui permît d'admettre que TOkono ou Tlvindo
serait cet embranchement. D'autre part, s'il y avait un cours d'eau joi-
gnant le grand lac salé du nord, dont parle Brazza, à l'Ogôoué, ce
serait par là que les indigènes des sources de l'Alima seraient approvi-
sionnés de sel, tandis qu'ils tirent ce condiment de l'Atlantique.
Quoi qu'il en soit, nous le répétons, dans l'état actuel de nos connais-
sances, nous en sommes encore réduits à des hypothèses, qui ont du
moins l'avantage de stimuler le zèle des explorateurs et d'en susciter d^
nouveaux. Heureux serons-nous si M. Lacroix peut réaliser son projet
et si son expédition, de concert avec celles de Casati et de Junker le
long de rOuellé supérieur, et de M. RogozinsM, s'avançant de la baie
de Biafra vers le centre, réussit à lever enfin le voile qui recouvre cette
partie du continent.
Une AV3sirruBs a Tombouctou, par M. Prévast-Diiclos. Paris (Fir*
ndn-Didot et 0% 1882, in-12, 394 p. et carte, 3 fr. Ce livre est une
œuvre d'imagination. L'auteur raconte comment un corps d'armée
anglais, allié à quelques hordes de nègres, vient faire le siège de Tom-
bouctou. Les rares soldats qui défendent la ville ne pourraient lutter
avec succès contre les assiégeants ; mais leur commandant, un Français»
a tant de ressources, découvre avec tant d'à propos un arsenal bien
pourvu dans leç fondations d'une mosquée, que Tombouctou est bientôt
délivrée. Placez dans ce cadre une révolte des habitants contre les
blancs, un onde amoureux de la nature et qui trouve une foule de plan-
tes nouvelles dans la flore de Tombouctou, une jeune fille qui cherche
son fiancé au centre de l'Afrique, apprend qu'il est mort et se marie à
un prince Touareg qui se trouve être un prince allemand, et vous aurez
le canevas de cette histoire. On lit ce livre en riant, sans remarquer
qu'en m^e temps on s'instruit, on apprend à connaître la géographie
exacte de ces régions, soudaniennes et sahariennes, les mœurs de leurs
habitants, et enfin les noms des voyageurs qui ]es ont visitées.
— 246 —
Carte du Congo depuis son embouchure jusqu'à Stanley Pool, par
le JS. P. Augonard (Missiœis catholiques). — LMmportance toujours
plus grande que prend aujourd'hui le cours inférieur du Congo, par le
fait des travaux de Stanley et de l'établissement des stations mission-
naires et autres qui s'y multiplient, donne un prix tout particulier à une
carte spéciale comme celle-ci. On ne peut pas dire que le dessin four-
nisse une idée très exacte de la vallée que le fleuve s'est creusée, depuis
les premières cataractes jusqu'à Vivi, dans les terrasses qui supportent
]e plateau centi*al africain. En revanche la quantité de noms de localité
indique bien le grand nombre d'habitants qui peuplent ses deux rives,
surtout la rive septentrionale, et au milieu de tons ces noms se distin-
guent nettement les grands centres de population, les lieux de marché,
les trois stiitions de Stanley, et celles des missions romaines dans le bas
du fleuve. Nous aurions désiré que le P. Augouard eût indiqué, par un
signe, les six stations de la « Livingstone Inland Mission » et de la « So-
ciété des missions baptistes. »
>
Richard Kiepert. Vorl^ufigk Uebersicht, von D' Max Biichner's
Reise in Lmida, 1878-1881. Vsooooot.- — A la publication de la Société
de géographie de Loanda, de laquelle nous avons extrait l'analyse de la
conférence du D' Btichner, publiée dans notre avant-dernier numéro
(pages 165-169), était joint un croquis de son itinéraii-e de Malangé à
Moussoumbé et de son retour par une route plus septentrionale. Le
savant cartographe Richard Kiepert a dressé, pour accompagner le rap-
port de Bûchner qui a été publié dès lors dans les Mittheihingen de
la Société africaine allemande, une carte-esquisse embrassant tout le
pays compris entre la côte et le Loualaba, les sources du Cassai au sud,
et les limites du royaume de Lounda au nord. Elle permet de suivre
très facilement l'itinéraire du voyageur, eu le comparant à ceux de
Pogge et de Schûtt, et de se rendre compte de tout ce qui reste à faire
pour déterminer les parties encore inconnues des rivières de ce plateau.
Espérons que l'expédition de MM. Pogge et Wissmann, qui se dirige
plus au nord, pourra en relever de nouvelles sections, de manière à per-
mettre d'en donner une carte plus complète.
L'Afrique d'après les explorations modernes, par l'abbé Charles
Bœmy, Paris (Sandoz et Thuillier), 1882, gr. in-8% 20 p. — Parmi les
travaux entrepris pour vulgariser les résultats des découvertes contempo-
raines en Afrique, la conférence de l'abbé Raemy, donnée à Fribourg,en
— 247 —
Suisse, uous parait être un des meilleurs et des plus populaires. Le
style simple en demeure totgours noble, et elle témoigne d'une connais-
sance étendue et exacte des faits. L'auteur a des accents émus sur la
traite et une sympathie vraie pour l'œuvre inaugurée à Bruxelles, en
1876; aussi ne doutons-nous pas que ses auditeurs n'aient répondu avec
empressement à son appel en faveur de la régénération de l'Afrique, et
que tous ceux qui le liront ne fassent de même.
jy E, Chappet. Études sur les côtes occidentales de l'Afkique,
Lyon (Imprimerie générale), 1881, in-8**, 29 et 30 pages et carte. — Des
deux études réunies dans cette brochure, après avoir paru dans le Bul-
Mn de la Société de géographie de Lyo^i, la première est un résumé
de la relation de M. Féiis, médecin de première classe de la marine
française, d'une campagne faite en 1876 à la Côte des Esclaves. La
seconde étude fait connaître l'œuvre entreprise, de 1860 à 1863, par le
missionnaire italien Borghero à la côte du Dahomey, son voyage à la
capitale de cet État et une excursion au mont Cameroon.
0. Mac Carihy. Caste du Sud-Oranais et des parties ldotrophes
DU Maroc. Vsooooo- — M. Mac Carthy, le savant président de la Société
de géographie d'Alger, prépare une publication cartographique qui
embrassera successivement la plus grande partie de l'Afrique septen-
trionale, de la Méditerranée au golfe de Guinée, et de l'Atlantique à la
vallée du Nil. Vu l'importance actuelle du Sud-Oranais et des parties
limitrophes du Maroc, il a commencé par cette région, en s'aidant des
travaux du dépôt de la guerre et du cadastre, de ceux des généraux
Wimpfen, Colonieu, de Colomb, et des explorateurs Caillé et Rohlfe,
contrôlés par ses propres observations le long de la frontière marocaine;
aussi sa carte offre-t-elle toutes les garanties désirables de sincérité.
Le relief du terrain y fait défaut, c'est vrai, mais des lignes obliques
représentent les axes des principales chaînes de l'Atlas, et des chiffres
placés près de certains points indiquent leur altitude.
Kabyles et Kroumirs, par Charles Farine. Paris (Ducrocq), 1882,
in-8', 423 p., avec illustr., 7 fr. — Cet ouvmge ne présente guère d'in-
térêt d'actualité malgré son titre. C'est le récit d'un voyage accompli
dans la Kabylie, il y a plusieurs années, et que M. Charles Farine publia
sous le titre : A travers la Kabylie. Ce livre obtint du reste beaucoup
de succès à son apparition. Plusieurs chapitres ont été remaniés, d'au-
tres ajoutés, enfin un assez grand nombre de croquis ont été intercalés
— 248 —
dans le texte. Quant aux Kroumirs, il n'en est fait mention que dans
le dernier chapitre, en même temps que de Texpédition de Tunisie.
Dans cet ouvrage, le lecteur pourra trouver une très bonne description
d'Alger et de la Province de Constantine, de Philippeville, Bone,
Sétif, etc., mais surtout une excellente étude des mœurs des peuplades
de la Kabylie. On voit que Tauteur a séjourné dans ces contrées et a su
en observer les institutions caractéristiques.
D' Friedrich Embacher. Lexikon dsb Reissx uin> Entdeckuhgen.
Leipzig {Biblioffraphisches Institut) 1882, in-8*, 400 pages, 5 fr. 65. —
A mesure que grandit l'intérêt pour les explorations, on éprouve tou-
jours plus vivement le besoin d'un livre oU l'on puisse trouver les rensei-
gnements essentiels sur les voyages célèbres des temps anciens et moder-
nes, et qui nous dise en même temps quand, par qui et conunent ont
été découverts les pays et les peuples éloignés. Jusqu'ici nous n'avions
pas d'ouvrage pratique à consulter à cet égard. Le D' Embacher, auquel
nous devons déjà un tableau synchronique des explorations de notre
siëde, vient de rédiger un petit volumOi qui permet à toute personne
cultivée de s'orienter au milieu des voyages de tous les temps. U a divisé
son ouvrage en deux parties, dont la première, la plus étendue, renferme
par ordre alphabétique les biographies des voyageurs célèbres, avec des
indications bibliographiques exactes de leurs écrits, de leurs cartes, et
d'articles de journaux périodiques allemands, anglais et français, pour
faciliter les recherches des lecteurs qui tiennent à connaître tous les
détails de la vie d'un voyageur ou de ses explorations. Dans la seconde
partie, plus restreinte, il a £Edt une revue historique des voyages de
découvertes par (urdre topographique. Une trentaine de pages y sont
consacrées à l'Afrique. Tous ceux qui s'intéressent à la géographie et à
l'ethnographie apprécieront les services que leur rendra ce volume.
P.'F. Desvernine, La Frange eh AFBiauE et la colonisation rapods.
Paris (Imprimerie Chaix), 1881 , in-8^, 8 p. — Dans ces quelques pages,
l'auteur propose l'immigration chinoise en Algérie, comme le moyen le
meilleur de civiliser cette colonie, de diminuer les chances de révolte de
la part des Arabes, et de développer les ressources du pays.
249 —
■ .' ' '
I . I •
: I (
BULLETIN TRIMESTRIEL {4 septembre 1882):
( )•
vi
Le prolongement de la voie ferrée au delà de Mécfaéria, dont nous
parlions dans notre dernière livraison, parait décidé ; en effet, Tautorité
militaire de TAl^érie a chargé une brigade d'opérateurs, sous les
ordres.de M. Meunier, de se rendre à Aïn-Sefra \ et de faire les études
préliminaires pour rétablissement d'un chemin de fer jusqu'à ce point-
là ; M. Meimier a en outre reçu des instructions relatives à des projets
ultérieurs, et il se propose d'étudier les diverses vallées qui conduisent
d'Aln-Sefra à Ain Sflssifa, Ich et Figuig. Les populations des ksours de
cette oasis souffrent beaucoup de l'interruption des relations commer-
ciales avec le territoire algérien, par suite de l'insurrection des tribus
soulevées par Bou-Amema et Si-Sliman. Elles ont choisi récemment des
délégués, qui se sont réunis et ont décidé de demander au gouverne-
ment français de reprendre les relations amicales, telles qu'elles exis-
taient précédemment, entre l'oasis de Figuig et les possessions françaises.
— Sur la fronti^e orientale de l'Algérie, la construction du chemin
de fer de Soukarras à Grhardimaou* est poussée avec activité, et
l'ingénieur qui en est chargé croit pouvoir afiSrmer qu'avant 18 mois les
trains de Bône arriveront directement à Tunis. D'après le Moniteur de
V Algérie, une brigade d'opérateurs a été envoyée, à la demande du
ministère de la guerre, par la compagnie Bône-Guetana, pour étudier
un prolongement du chemin de fer de Tebessa, dans la direction de
Gafea et de Gabès. Le tracé en est facile; à partir de Tebessa il
suivrait une pente peu accidentée, puis de vastes plaines. La brigade
est déjà rentrée à Bône après avoir heureusement accompli sa mis-
sion.
VAntislavery Society a profité de la réunion, à Constantinople, de la .
conférence appelée à régler les affaires de l'Egypte» pour attirer l'at-
tention du gouvernement anglais sur l'esclavage et la traite, qui
existent encore en Turquie et en Egypte. Beaucoup de membres du
parlement ont appuyé une demande de cette société, tendant à ce que la
question de la suppression de la traite fût soumise aux chambres ; rap-
pelant les résolutions prises par celles-ci en 1815, lors du Congrès de
Vienne, et, en 1822, à l'occasion du Congrès de Vérone, ils ont insisté
* V. la carte, S"* année, n* 4, p. 84.
* V. la carte, 2«« année, n» 11, p. 228.
L'AFRI<2VE. — TROISIÈMS AXSÈi. — M<* 11. 11
— 250 —
pour que des instructions spéciales sur ce point fussent données aux plé-
nipotentiaires anglais à Constantinople. Le ministère a fait répondre, par
lordGranville, que la conférence ne devant s'occuper que de la suppres-
sion de la révolte militaire, ne pourrait pas aborder cette question. Mais
TÂntislavery Society est revenue à la charge, en demandant que, dans
le cas où la force des événements nécessiterait une révision plus étendue
des rapports des puissances européennes et de TÉgypte, le gouverne-
ment anglais insistât pour que la traite et l'esclavage fussent supprimés
d'un consentement général. Elle a fait remarquer, en outre, à lord Gran-
ville que l'objet de la conférence étant le maintien des droits du souve-
rain et des libertés du peuple égyptien garantis par les firmans du çul-
tan, et le strict accomplissement des engagements internationaux de
l'Egypte, ceux-ci comprenaient la suppression de la traite, promise à
réitérées fois par des firmans. Plusieurs députés des chambres fran-
çaises ont adressé au gouvernement une demande analogue.
Après avoir choisi, pour champ de travail de cette année, la partie de la
T^allée du Nil de Siout à Assouan, le D' Schioveinfurth l'a explorée
dans les mois d'avril et de mai, en vue de compléter la carte d'Egypte.
Remontant par la rive gauche, il a parcouru la vallée de Battagha, entre
Abydos et Farchut, vallée grandiose où l'on peut voyager presque tout
le jour à l'ombre, entre des parois perpendiculaires de roches de 160"
de haut. Il n'estime pas réalisable le projet de M. de la Motte, de régu-
lariser le cours du Nil au moyen d'un barrage près du confluent de
l'Oued Chalt; il estime que ce serait une ruine pour l'Egypte : le bas-
pays jusqu'à Âssouan serait appauvri, la navigation serait arrêtée, le
limon du Nil se déposerait en amont d' Assouan, et l'eau qui descendrait
au delà serait plus salée que l'eau de mer, car, pour les travaux à exé-
cuter, il faudrait creuser dans une couche de véritable sel de cuisine, et
tout canal que l'on mènerait le long du bord du désert vers l'Egypte
moyenne ne fournirait que de la saumure. — Schweinfurth a exploré
plusieurs vallées qui débouchent dans celle du Nil, et constaté partout
d'anciens dépôts du fleuve, qui permettent de conclure à un abaissement
de la vallée principale, non seulement pour l'intervalle en amont de
Selselé, où était autrefois la première cataracte «^«anais aussi entre Siout
et Abydos, où l'explorateur a trouvé, le long de la lisière du désert, des
dépôts du Nil à plusieurs mètres au-dessus du lit actuel du fleuve. — La
récolte était extrêmement abondante, mais les troubles du Caire ont
ruiné les espérances qu'elle promettait. — Une lettre de Khartoum a
informé Schweinfurth de l'état du Soudan, où Mohammed Ahmed
— 251 —
a réussi à soulever beaucoup de localités contre le gouyernement égyp-
tien. Les tribus arabes du Senaar ont attaqué la ville du même nom,
brûlé toutes les maisons excepté celle du gouvernement, défendue par
quelques soldats, massacré natifs et étrangers, et envoyé une partie de
leurs forces à Eaoua sur le NU-Blanc. Près de Messalamié, le cheik
Ahmed Taka s'est déclaré indépendant du gouvernement égyptien.
Toutes les communications par poste ou télégraphe avec Senaar ont été
interrompues, ainsi que celles avec le Darfour, Tinsurrection ayant
également éclaté dans le Eordofan. Le nouveau gouverneur, Âbdel-
Kader pacha devait tenir tète à l'ennemi partout, avec peu de troupes.
Au point de vue de la suppression de la traite, où attendait beaucoup
de Giegler pacha, nonmié chef de ce nouveau département, qui a fait
choix, pour l'aider, de bons fonctionnaires, MM. Roth et Berghoff, et a
adressé 4 tous les mudirs des instructions spéciales relatives à la traite ;
mais il est à craindre que ses bonnes intentions ne soient momentané-
ment paralysées par les troubles politiques du Delta.
L'expédition auédoiae» conduite par le missionnaire Arrhénius,
a cependant pu remonter le Nil-Bleu de Khartoum à Earkodsch, où le
gouverneur égyptien la reçut très bien, fit déposer ses bagages dans les
magasins de l'État, lui procura une maison, et mit même sa propre
demeure à la disposition des missionnaires. De Earkodsch elle prit, le
long de la rive droite du fleuve, la route de Famaka, la dernière statit)n
militaire égyptienne, à la frontière du pays des Gallas, reliée avec
Khartoum par le télégraphe, et avec Berber et Souakim par un service
postal hebdomadaire. Mamo, chargé de la surveillance de cette fron-
tière, lui fit bon accueil, et aida M. Ârrhénius des conseils que put lui
suggérer son expérience de ces régions. Quelques-uns des membres de
l'expédition devaient pousser jusqu'à trois journées de marche plus au
sud, à Beni-Changol, et y conférer avec le cheik de l'endroit sur la ,
meilleure route à prendre pour pénétrer chez les Gallas. Ils devaient en
outre y louer des ânes et acheter les morceaux de sel qui servent de
monnaie chez ces peuples. Mais bientôt les missionnaires tombèrent
malades, les Gallas de la frontière ne voulurent pas les recevoir, etMarno
leur conseilla de se rendre à Matama, ville du Galabat, pour tâcher
d'atteindre de là le pays des Gallas. Il paraît qu'ils ont échoué. Un
télégramme de M. Hansal, au consul de Suède et Norwège à Alexandrie,
lui a annoncé la mort de M. Arrhénius, qui avait dû revenir à Ehartoum
avec les autres membres de l'expédition.
L^ Antislavery Reporter a reçu, par l'intermédiaire du D' Schwein-
— 252 —
forth, des renseignements sur la traite dans la province de Rohl
(Haut-Nil), visitée Tannée dernière par un inspecteur chargé de mettre
fin à cet odieux trafic. Â peine arrivé dans le district d^Amadi, les chef»
nègres qui habitent près des seribas vinrent se plaindre à lui qu'on leur
enlevât constamment leurs gens, spécialement les jeunes garçons et les
jeunes filles. Il trouva à Biti plus de 200 Mombouttous captifs qu'il ren-
voya au Makaraka, pour que, de là, ils regagnassent leurs villages. A
Suffi, le jour de son arrivée, 266 personnes furent réclamées par leurs
parents. Le gouverneur d'Ayak, De-fa-Allah, détesté et redouté de tous
les nègres du pays, jusqu'au Mombouttou, avait enlevé plus de 400 escla-
ves des deux sexes et de tout âge aux tribus voisines, Agahrs, IQtchs»
Atots et Mandaris. Dans cette seule localité, boulevard de la traite, il
n'y avait pas moins de 1500 esclaves ; à Roumbek, 3000.
Le D' Ëmin Bey a communiqué aux Mittheilungen de Ootha une
lettre du D' tiunker, de laquelle nous extrayons les détails sui-
vants :
Le prince des Mambangas \ que l'explorateur avait réconcilié avec
l'expédition égyptienne chargée de recueillir de l'ivoire dans la région
de rOuellé» s'est tourné plus tard contre celle-ci, et, à l'approche de
son chef, Bahid Bey, se retira et alla camper à quelque distance à l'est ;
Bahid Bey laissa une troupe de 70 hommes chez les Mambangas, et
autant chez les A-Barambos, puis s'avançant avec le colonel Haouasch,
à 10 kilom. au delà de l'Ouelld, dans la direction du S. 0., il étabUt son
camp sur une colline, d'où l'on découvrait le fleuve avec ses groupes
d'tles, au delà le pic Augba, et plus loin les montagnes des A-Madis. Le
camp du prince Mambanga fut attaqué et ses troupes dispersées ; lui-
même échappa, mais son enfant de prédilection, à peine âgé d'un an»
fiit fait prisonnier avec d'autres de ses gens. Une partie de l'expédition
égyptienne poursuivit les fuyards jusque près du fleuve Mayo, qui, à.
deux jours de marche au sud de l'Ouellé, se dirige aussi vers l'ouest»
Des centaines de fugitifs se présentèrent pour livrer leurs armes, et le
colonel Haouasch sut, par des voies pacifiques, gagner les habitants de
ce district, qui avaient pris la fidte. Pendant que cette troupe avait
opéré par terre, une division avait agi sur l'OueUé, accompagnée des
canots des MangbaUas, dont Haouasch avait obtenu la coopération pour
le gouvernement égyptien. C'est dans cette partie de l'OueUé que
commencent les groupes d'tles qui se prolongent vers l'ouest, et sont^
' V. 3»* année, p. 2.
■»•
-- 253 —
comme les rives voisines, habitées par les Embatas, bateliers de la
tribu des Mangbattous. Se croyant en sécurité dans leurs îles, ils ne
se laissaient pas approcher et refusaient les embarcations pour le
passage du fleuve, mais le corps auxiliaire de Texpédition les contrai-
gnit à reconnaître la suprématie du gouvernement. Le prince
Mambanga avait réussi à se sauver vers Test, auprès de Sanga, autre
prince Mangbattou, que Texplorateur italien Casati a visité. Dès lors
Mbittima, fils de Uando, a été créé souverain du pays des Mambangas,
et Bahid Bey qui voulait d^abord étendre son expédition jusque chez
les A-Barambos est revenu à son camp, au mont Madjann, dans le ter-
ritoire des Mambangas ; le colonel Haouasch a été envoyé vers Touest,
et le D' Junker s'est joint à lui ; il a marché avec lui deux jours dans la
direction N. 0. Ëmin Bey n'arrivant pas, le D' Junker a expédié à
Bakangal un messager, qui est revenu au bout de cinq jours avec des
gens du chef, et une invitation de celui-ci pour le voyageur qu'il aime-
rait à voir ; il lui envoyait comme présent un chimpanzé et trois dents
d'éléphant. Junker comptait se rendre à Bakangal; puis, en deux
jours, en marchant vers le sud, atteindre le Mayo, au delà duquel il
espérait pouvoir faire encore deux journées de marche. De là, il voulait
revenir chez les Mangbattous à l'est, à travers les territoires de Eanna,
de Bouli et de Sanga. L 'Quelle offre une excellente voie fluviale pour
le transport de l'ivoire, et pourrait, moyennant deux ou trois stations,
être ouvert jusqu'à son confluent avec le Mayo ; par là, les riches ter-
ritoires des Â-Barambos seraient acquis à la domination égyptienne.
Sur la rive méridionale du Mayo, régnent les princes puissants
Bakangal et Kanaa, ainsi que leurs frères et leurs fils ; leur autorité est
beaucoup mieux établie que celle des chefs au nord du Mayo. L'incer-
titude des limites, entre les gouvernements d'Emin Bey et de Lupton
Bey, a causé de grandes difGicultés aux voyageurs et aux fonctionnaires.
Lés chefs hâtaient de leurs vœux la venue d'Emin Bey, qui avait quitté
Ehartoum à la fin de mars, et doit avoir rejoint le D' Junker, avec
lequel il compte entreprendre une expédition au S.-O. de Bakangal, dans
la direction de l'Ârouimi. M. Eraldo Dabbene, ancien oflicier de cava-
lerior est parti de Ehartoum pour Lado, afin de se joindre à eux pour
ce voyage. La Société de géographie de Rome l'a pourvu d'instruments
pour les observations géographiques.
Les vides causés par la mort dans les rangs des explorateurs de
l'Asiiociation internationale se comblent rapidement. M. Falke,
lieutenant du génie belge, arrivé à Zanzibar en même temps que
— 254 —
M. Cambier, y a organisé une caravane de 200 Zanzibarites, avec
laquelle il est parti pour le Congo par la voie du Cap. MM. Stonns et
Constant se sont rendus au Tanganyika, le premier pour y prendre la
direction de la station de Earéma, en remplacement du capitaine Ramsec-
kers ; le second devait en fonder une nouvelle sur la rive occidentale du
lac, mais sa santé Ta déjà obligé à revenir en Europe. — Â Condoa,
station du Comité national fïcançals» les défrichements ont été
poussés avec activité, des champs ont été créés, et des villages s'élèvent
là oii auparavant il n'y avait que fourrés et broussailles. En revanche,
la petite vérole y sévit avec violence ; les fourmis blanches y perforent
les murs et dévorent tout ; les fauves, lions, panthères, hyènes visitent
régulièrement la station. L'année a été extrêmement pluvieuse; du
6 novembre 1881 au 24 avril de cette année, il était tombé 1",086 d'eau
et la saison des pluies n'était pas encore finie; aussi la M 'Condoa, qui
passe à 700 mètres de la station, avait-elle débordé et produit une véri-
table inondation. La guerre régnait toujours dans l'Ourori, d'où les
populations s'enfuyaient pour venir s'établir dans l'Ousagara, où la pré-
sence des blancs leur inspirait confiance. Le capitaine Bloyet a dû venir
au mois de juillet à la côte, pour se ravitailler et expédier ses collec-
tions.
Quant à l'expédition du Comité national allennand, le D' Rei-
chard a envoyé im rapport sur la station de Gronda, où, sous l'influence
du gouverneur de Tabora, des difficultés ont été suscitées aux explora-
teurs, qui ont dti réclamer l'intervention de Sald-Bargasch. LesD"Bœhm
et Kaiser ont aussi feit parvenir au comité un récit de leur voyage au Tan-
ganyika, avec un itinéraire qui a permis à M. Richard Eiepert de donner
une carte des routes suivies par les voyageurs allemands dans cette
région. Une exploration ultérieure de la Wala, par les D" Bœhm et Rei-
chard, n'a pas pu y être indiquée, le rapport et la carte qui l'accompa-
gne étant arrivés à Berlin après l'achèvement du travail de M. Kiepert.
Les Mittheilungen de la Société africaine allemande en donneront une
reproduction dans un prochain numéro.
Le 5 juillet s'est embarqué à Marseille, pour Zanzibar et l'Afrique
équatoriale, un nouvel explorateur français, M. G^rand» auquel le
ministère de l'instruction publique a confié une mission scientifique,
quoique ce soit à ses frais, et poussé par l'amour de la science géogra-
phique, qu'A entreprend ce voyage. H se propose de passer trois ou qua-
tre mois à Zanzibar, pour préparer sa caravane et se femiiiliariser avec la
langue des indigènes, le souahéli ; puis il se dirigera vers le lac Ban-
— 255 —
gonéolo, soit par la route de CamdBron et de Stanley, que fréquentent
les caravanes et qui, par Tabora, conduit à travers l'Ounyamouési sur
les rives du Tanganyika, soit par la route plus salubre qu'a explorée
Tannée dernière J. Thomson, et qui, partant de Dar-es-Salam, mène
à Textrémité nord du Nyassa et au Tanganyika. Il est accompagné de
M. J. Lapert, qui a fait partie de la mission Grallieni, et s'est distingué,
sous le colonel Borguis-Desbordes. Ils emportent avec eux un bateau
démontable, solide, que M. Griraud a fait construire en Angleterre, et
avec lequel il compte faire la circumnavigation du lac Bangouéolo, sur
les bords duquel Livingstone est mort en 1873. Pendant qu'il fera
l'exploration de ce lac, sa caravane en longera le littoral septentrional,
pour se rendre ensuite avec lui au lac Moéro. De là û descendra pro-
bablement le Congo, comme l'a fait Stanley, jusqu'à Ntamo, la station
fondée par Savorgnan de Brazza, qui lui a remis son pavillon comme
emblème de paix.
Les missionnaires anglais, destinés à renforcer les stations du
Vicibria-Nyanza et du Tanganyika, sont bien arrivés à Zanzibar, où
M. Stokes avait déjà fait les préparatife nécessaires pour ceux qui
devaient se rendre dans l'Ouganda. Les armées de Mtésa, envoyées
dans rOusoga et à Gambarayma, en ont ramené beaucoup de butin,
bestiaux et esclaves, après y avoir ravagé les terres, dévasté les villages
et conmiis de grands massacres. Les Arabes cherchent à ressaisir leur
influence sur Mtésa et à obtenir qu'il éloigne les missionnaires euro-
péens. Bs se présentent à lui comme les seuls bienfEtiteurs du pays,
auquel, disent-Us, ils fournissent tout, étoffes, fusils, poudre, etc., et en
même temps ils s'efforcent de faire croire au roi que les blancs sont des
espions envoyés pour étudier le pays, qu'ils ont beaucoup de fusils, et
créeront sur place une année dont ils se serviront pour s'en empa-
rer. Dans une séance solennelle, à laquelle assistaient l'Arabe Suliman,
le P. Lourdel et M, O'îlaherty , le premier dépeignit tous les blancs qu'il
connaissait à la côte. Anglais, Français, Portugais, Américains, Hollan-
dais, sous les plus tristes couleurs, mais « les pires de tous, dit-il, ce
sont les Anglais; dévoreurs de pays, ils ont englouti l'Amérique, et
rinde, et la côte de Zanzibar. » — « Oui, répondit M. O'Flaherty, nous
avons englouti tout Zanzibar, gens et maisons, bestiaux et arbres, tout ;
il n'y a plus à la côte que des pierres, et nous allons les engloutir aussi ;
nous engloutirons ce pays, mais pour cela il faut auparavant que nous
reprenions des forces, aussi demandé-je au roi une chèvre pour me récon-
forter. » La réponse de M. O'Flaherty mit Mtésa en belle humeur, et il
— 256 —
ordonna à son intendant de donner la chèvre demandée. M. Mackay a
fait nn essai d'atteler un bœuf et une vache à un char fabriqué par les
missionnaires ; l'essai a réussi et a produit un grand effet sur les Wagan-
das, qui ne s'imaginaient pas qu'on pût employer des bœufe pour le tra-
vail. Mais il reste toujours dans l'esprit de Mtésa quelque chose des
accusations des Arabes contre les Européens. Il ne veut plus permettre
à ses gens d'apprendre à lire, pour qu'ils n'acquièrent pas des connais-
sances supérieures aux siennes ou à celles des chefe Wagandas. Il
souffre continuellement, s'aigrit de jour en jour, et a récenunent con-
damné à être brûlé vif un indigène catholique, qui a subi courageuse-
ment ce supplice, avec une centaine d'autres sujets du roi. On n'en pré-
pare pas moins à Alger un nouveau départ de missionnaires pour
l'Afrique centrale orientale.
Dans un voyage qu'a fait le P. Baur pour visiter les stations de
Mhonda et de Mandera, fondées par les missionnaires de Bagamoyo, il
a traversé l'Oudtiéy entre le Vouami et le Eingani, dont les habitants,
originaires du Manyéma, sont encore cannibales, et oii les Arabes et les
explorateurs ne s'aventurent 'guère. Leurs champs sont bien cultivés ;
ils ont des troupeaux de moutons et de chèvres ; mais, en général, leurs
villages sont placés sur le sommet des montagnes et cachés dans des
fourrés, ou entourés de lianes, d'épines, de broussailles ; plusieurs sont
fortifiés par des palissades faites de grosses pièces de bois et de troncs
d'arbres. A la mort des chefs, on enterre avec eux quelques femmes qui
doivent être leurs servantes dans l'autre monde, on organise des danses,
on fait de grands festins, on boit du sang dans des crânes, on se régale
de chair humaine. Pour cela, les Wadoés font des chasses à l'honune.
La chair des Wahamis, leurs voisins, leur paraît supérieure à toute
autre; à certaines époques de l'année, ils vont se poster à l'affût dans
les broussailles, aux confins de l'Oukami, se jettent sur les passants, les
saisissent et les entraînent h leurs villages. Souvent les caravanes sont
arrêtées, ou sont obligées de prendre un chemin plus long et plus diffi-
cile, parce que les porteurs ne se soucient pas de servir de pâture à ces
cannibales. A l'arrivée du P. Baur dans leur pays, les Wadoés accou-
rurent de leurs villages, entourèrent la petite caravane ; puis, se mon-
trant l'un à l'autre tel ou tel des porteurs : « Que celui-là serait bon! »
disaient-ils en faisant claquer leur langue, a Moi, je n'en voudrais
pas, disait un autre, il sent l'Arabe; mais ce grand-là, qui ressemble à
une girafe, doit être excellent! » Heureusement pour les porteurs, les
Wadoés n'avaient pas de grandes cérémonies à ce moment-là. Au reste.
— 257 —
ils n'aiment pas à parler de ces pratiques sanguinaires. Le père de Sald
Bargasch a cherché à les exterminer. On les a traqués comme des bêtes
&UYes, les prisonniers ont été vendus à yil prix, pour quelques épis de
mais ; on n*est pas arrivé à les déloger de leurs broussailles, ni du som-
met de leurs montagnes ; les Arabes ont dû se retirer, la guerre a cessé,
et ils sont restés libres et anthropophages. Ils n'ont pas d'esclaves, et
la polygamie n'y est pas générale; seuls les chefs ont plusieurs femmes.
La Société des mlssioits de Londres a envoyé cinq nouveaux mis-
sionnaires, dont un médecin, pour renforcer les stations du Tan^a-
nytka. Partis avec M. le capitaine Hore et sa femme (la première Euro-
péenne qui se rende k ce grand lac), ils ont emmené avec eux deux
artisans missionnaires, et un marin qui sera le pilote de la mission. Es
emportaient un canot de sauvetage en acier, démontable, et seront suivis
d'un navire plus grand, qui sera pourvu d'une machine à vapeur;
M. Hore en aura le commandement. Ils sont aussi munis du nécessaire
pour commencer un enseignement industriel aux indigènes, afin de tra-
vailler à leur relèvement matériel, en même temps qu'ils poursuivront
leur relèvement spirituel. Deux des missionnaires resteront à Ourambo,
auprès du D' Southon, qui y continue son œuvre médicale ; toi\jours en
bons rapports avec Mirambo, il a pu nouer aussi des relations amicales
avec des che& influents venus dans la localité. Deux autres mission-
naires rejoindront M. Griffith au delà du Tanganyika, à Boutonga, où il
a transféré la station de Mtoua, et oii il est à l'abri de la fièvre, ce vil-
lage étant à plus de 100 mètres au-dessus du lac. Des emplacements
convenables seront choisis pour de nouvelles stations; les vapeurs
serviront à entretenir de firéquentes communications entre les éta-
blissements missionnaires des bords du lac, et à visiter les tribus qui
l'environnent. — M. Hutley, qui a passé cinq ans au Tanganyika au
service de la Société des missions de Londres, a fourni au limes des
renseignements sur les progrès des traEquants arabes et sur leurs
caravanes d'esclave» le long de la route de Nyangoué à Zanzibar, par
Mtoua et Oudjidji. Tabora, Oudjidji et Nyangoué sont les trois grands
centres de l'influence arabe et du commerce des esclaves et de l'ivoire.
Chaque année, le nombre des trafiquants arabes augmente, et ils
s'avancent plus loin à l'intérieur, à la recherche de l'ivoire qui devient
plus difficile à obtenir dans les districts de l'est; à mesure qu'ils avan-
cent vers l'ouest, les esclaves deviennent plus nombreux et moins coû-
teux; chaque marchand en a autant qu'il le veut, et ces esclaves désirant
imiter leur maître dans l'exercice de l'autorité, s'en procurent d'au-
— 258 —
très qui, à leur tour, ont aussi des esdaves pour aller leur chercher de
Teau, acheter des vivres, etc. De cette manière, l'esdavage pénètre
toujours davantage dans la vie sociale des indigènes. M. Hutley a connu
à Oucyidji plusieurs des Arabes mentionnés par Livingstone, et les a
vus commettre toutes les atrocités racontées dans le a Dernier journal »
de celui-ci. A l'arrivée des missionnaires anglais, ils cadièrent leurs
mauvais traitements par peur du gouvernement britannique, mais peu à
peu ils se montrèrent tels qu'ils sont. M. Hutley a vu venir de TOugouha
une caravane de 3000 personnes, en grande majorité esclaves, apparte-
nant à Hamed-ben-Mahomed et à d'autres Arabes influents. Les vivres
étant rares pour les natife, il était impossible de nourrir toute cette
multitude, aussi beaucoup mouraient de £aim, et à la suite de la cara-
vane on trouvait des cadavres de personnes tuées ou mortes d'épui-
sement. Une autre fois, le nommé Syed-bin-Habib amena 300 esclaves
du Manyéma, mais 50 seulement atteignirent l'Ounyanyembé. Il est
difficile de dire combien d^claves amenés aux marchés d'Oudjidji et de
Tabora arrivent à la côte.
MM. J. Johnson et Janson, de la Mission des Universités, ont tra-
versé tout le plateau de Masasi au Nyassa, M. Johnson dressant, che-
min âdsant, la carte du voyage, des montagnes et des affluents de la
Rovtfuma, jusqu'à la ligne de partage des eaux entre le bas^n de cette
rivière et celui du Nyassa, tandis que M. Janson rédigeait le journal de
l'expédition. Malheureusement, M. Janson est mort peu de temps
après l'arrivée de celle-ci à Masanjé, village de plus de 1000 maisons,
au milieu d'une population nombreuse dont le chef, jeune, simple et
agréable, a fait bon accueil aux missionnaires. M. Johnson a rencontré à
Chitesi M. James Stewart, venu avec VHala de la station de Bandaoué,
pour achever le levé de la côte orientale du lac jusqu'à Livingstonia au
sud. Après avoir terminé ce travail, il est reparti pour lever la partie de
la côte au nord de Chitesi. Quand il aura atteint l'extrémité nord, il
jugera si l'état du pays permet de reprendre le travail de la route entre
les deux lacs, interrompu par l'attaque du chef Mombéra.
D'après une source autorisée de MosBamibique, les Portugais ont
l'intention d'occuper militairement un ou deux points du Haut-Chiré ou
du Nyassa; une expédition à cet effet a dû partir en avril ou en mai ; on
craint que cela n'amène des conflits avec les indigènes. H est également
regrettable que le gouvernement portugais ait rappelé M. Sarmento,
gouverneur général de Mozambique, qui, avec M. O'Neill, représentant
anglais dans cette colonie, surveillait avec vigUance l'exportation d'es-
— 259 —
claves à Madagascar et aux Comores, surtout aux tles Johanna et
MohiOa, où les plantations de sucre réclament beaucoup d'ouvriers.
D'autre part, le gouvernement portugais a autorisé Témigration, à
Mayotte et à Nossi-Bé, des indigènes habitant les possessions portugaises
de la côte orientale d'Afrique, émigration qui, sous un nom déguisé,
peut amener le renouvellement de la traite.
La concession d'un port franc dans l'Ile Johanna, obtenue par
M. G. SuccI pour les marchandises italiennes, a engagé l'Association
maritime de 6ènes à nommer une commission, pour examiner le projet
de M. Succi relatif aux rapports commerciaux à établir entre l'Italie et
cette partie de l'Afrique orientale. La commission s'est déclarée favo-
rable à ce projet ; des statuts vont être élaborés pour une société com-
merciale, et, dès qu'un nombre suffisant d'adhésions auront été recueil-
lies, un comité d'initiative sera constitué à Gênes. Le roi d'Italie appuie
ce projet et a promis de s'intéresser à sa réalisation, en le recommandant
à l'attention du ministre des affaires étrangères, M. Mancini.
Ensuite d'une communication de M. Palva d'Andrada à la commis-
sion africaine de la Société de géographie de Lisbonne, sur son explora-
tion au nord et au sud du Zambèze, cette conmiission a formulé le vœu
que le gouvernement portugais envoie un délégué auprès d'Onmzilay
pour régler les rapports de ce souverain avec les postes de Sofala et de
Senna, ainsi que la question de la sécurité des communications des con-
trées dépendant du conmiandant militaire de Manica, soit avec ces postes
soit avec la côte, et celle de l'installation d'un résident portugais auprès
d'Oumziia. Elle voudrait en outre qu'un représentant officiel fftt envoyé
à Gomgosa, au S.-O. de Senna, avec un petit détachement de soldats,
et que le commandant de Manica reçût un renfort d'hommes d'élite,
possédant les aptitudes voulues pour créer des postes de civilisation.
La situation du pays des Zoulous n'est pas satisfaisante; la popu-
lation indigène est mécontente des chefe que le gouvernement anglais a
établis sur le pays, en particulier de Oham, frère de Cettiwayo, et de
John Dunn, que les Zoulous accusent d'être la cause de tous leurs maux.
Oundabouko, parent de l'ancien roi, est entré en conflit avec Oham, et a
restauré le système de gouvernement contre lequel avait été dirigée la
guerre des Zoulous : s'il réussissait à se rendre maître du Zoulouland
septentrional, la situation de Natal pourrait devenir critique, car il
poursuivrait vraisemblablement ses succès vers le sud, et John Dunn ne
saurait guère résister à l'invasion de son territoire, beaucoup de ses
sujets menaçant de fafre défection. En attendant, Cettlinrayo est arrivé
— 260 —
en Angleterre pour plaider lui-môme sa cause auprès de la reine. D est
accompagné de trois clie& zoulous, d'un médecin, zoulou aussi, et de
M. Henrique Shepstone en qualité d'interprète. H viendra à Paris passer
une dizaine de jours, et s'y rencontrera peut-être avec un autre souve-
rain afiricain, le roi de M'Has, Abbéo» l'un des principaux tributaires
du roi de Dahomey, qu'aijaène en Europe un Français résidant depuis
longtemps dans ses États, et qui était attendu à Marseille vers le 10 août.
Les missionnaires romains, conduits au Zambëze par le P* Depel-
chin, se préparent à s'établir définitivement dans la vallée des Barot-
ses. Après avoir obtenu du roi Lebuschi l'autorisation de se rendre auprès
de lui, ils se dirigèrent de Séchéké vers Nariale, sur la rive gauche du
fleuve, en face du kraal royal, et résidence de Matowka, sœur aînée^e
Lebuschi, en réalité reine des Barotsés. Elle reçut les missionnaires
avec de grands honneurs et leur demanda de s'établir au milieu de son
peuple. Conmie atnée de la famille royale, elle aurait eu droit à l'empire
des Barotsés, mais, ne voulant pas occuper ce poste dangereux, elle a
laissé le trône à son frère Lebuschi. De son côté, celui-ci fit bon accueil
aux missionnaires, agréa leur demande, la fit ratifier dans une assem-
blée publique, et les pria de rester auprès de lui. H n'a rien de sauvage ;
jeune encore, il porte le costume européen, est simple, gracieux et poli.
Il accorda aux missionnaires une pièce de terre, sur les hauteurs qui
dominent la vallée des Barotsés au sud-est, et leur promit des esclaves
pour leur aider aux travaux de construction. Il leur permit également
d'établir une seconde station à Séchéké où ils auront une ferme, et leur
demanda de lui amener une charrue et un wagon. Il enverra de Les-
chôma des canots pour prendre leurs bagages et les faire transporter
chez lui. L'induna Ratow, chargé de garder la route qui mène du
Zambèze à la vallée des Barotsés, devra condmre l'expédition. Outre ces
deux stations, le P. Depelchin se propose d'en fonder une autre k
Mowemba, plus bas sur le Zambèze, dont le chef lui a aussi demandé
des missionnaires.
Notre Bulletin était sous presse quand nous avons appris, par les
Mittheïlungen de la Société (africaine allemande, l'heureuse arrivée du
D' Po^i^e à Maquen^né <• Nous donnerons les détails de sa lettre
dans notre prochaine livraison. Disons seulement aigourd'hui que le
chef de Muquengué a o£fert de conduire lui-même l'expédition aile*
mande au lac Moucambo, d'où elle comptait gagner Nyangoué. Après
«
^ Voir la carte de Schûtt, V année, p. 160.
— 261 —
cela M. Wissmann se dirigera sur Zanzibar, tandis que le D' Pogge
reviendra à Muquengué, pour y attendre l'arrivée d'une nouvelle expé-
dition. Les plans du D' Buchner, qui devait partir au printemps pro-
chain, pour aller, par le Congo, à la rencontre de ses compatriotes,
seront sans doute modifiés.
Une nouvelle expédition bel^e a été envoyée au Con^o» sous le
commandement de M. Hansens, capitaine-adjoint d'état-major, accom-
pagné de M. le lieutenant Nillis, du D' Pechuel-Lœsche, qui a fait partie
de l'expédition allemande à la côte du Loango en 1878, de deux sous-
lieutenants, MM. Van de Yelde et Grang, et de M. Gillis, industriel de
Braine-le-Comte, chargé spécialement de chercher à établir un courant
commercial entre la Belgique et le Congo. Le steamer qui les a conduits
à Yivi avait un chargement de marchandises destinées aux échanges. Un
mécanicien et un charpentier devront remettre en état les constructions
des stations de Yivi, Isanghila et Manyanga. Mais le Comité d'études du
Congo a déjà reçu la nouvelle de la mort de M. le sous-lieutenant Yan
de Yelde, enlevé par la fièvre dans un trajet entre deux stations du
Congo. — Une autre expédition devait partir au milieu d'août, compo-
sée de MM. les lieutenants Havart et Coquilhat, et de M. Parfonry , sous-
lieutenant. — D'après le dernier numéro des Régions heyond, Stanley
s'est avigicé àplus de 300 kilom. (?) au delà de Stanley-Pool et y a fondé
une nouvelle station. — La Compagnie belge du commerce africain a
aussi expédié à la côte occidentale d'Afrique un navire, VAkassa, avec
un chargement de marchandises et des échantillons d'articles d'expor-
tation de Manchester, du Portugal, de la Hollande et de la France.
Le but de cette expédition est de chercher à établir des comptoirs sur la
côte. Elle a pris à bord la charpente et les boiseries d'une factorerie ;
c'est une sorte de chalet suisse à deux étages, le rez-de-chaussée servfint
de magasin. Elle a recruté deux sous-gérants indigènes et douze krou-
mens, qui courront à l'intérieur pour recueillir l'ivoire, l'huile de
palme, etc., et apprendre aux caravanes le chemin de la factorerie.
La guerre sévissant toujours entre les tribus du IToruba, le roi
d'Oyo, Alafin, qui a plusieurs fois essayé de rétablir la paix, mais dont
l'autorité n'a pas été respectée par les belligérants, s'est adressé au
Rév. J. B. Wood, à Lagos, pour le prier de réclamer l'intervention de
l'autorité britannique, afin d'empêcher l'extinction de la race du
Yoruba. Sir Samuel Rowe a engagé les diverses tribus en guerre à lui
envoyer des messagers dûment autorisés, pour les entendre ; M. Johnson,
agent natif de la Société des missions à Ibadan, a appuyé cette invita-
— 262 —
tion, et a réussi à décider les chefs d'Ibadan^ de Jesha, des Ondos, à
envoyer des délégués à Lagos avec ceux d'Âlafin. Le gouyemeur de la
cote d'Or s'y est rendu de son côté, a entendu leurs opinions, et leur a
donné des avis qui permettent d'espérer le rétablissement de la paix.
Sir Samuel Rowe fait tout ce qu'il peut pour développer les relations
commerciales de la Côte d'Or avec les villes de l'intérieur, par le
Yolta; mais, en dehors des limites du protectorat anglais, les négociants
se heurtent à de grandes difficultés. Dernièrement, des trafiquants partis
de Hortey, petite ville près de Quittah, avec des passeports de l'officier
du gouvernement pour Salaga, par le Yolta, se sont vus obligés de
rebrousser chemin. Ayant débarqué à Engabee, ville appartenant au roi
de Panto, Dagado, des Houssas, armés de fusils, de lances, d'arcs et de
flèches, et conduits par un chef nommé Otouman ICatto, les firent saisir,
leur firent lier les mains derrière le dos, et, après leur avoir imposé le
paiement d'une assez forte somme, les renvoyèrent à la côte.
Un grand intérêt a été éveillé en Angleterre par les rapports du
capitaine Burton et du commandant Gameron, revenus récemment
de la Côte d^Or, où ils avaient été chargés d'étudier l'exploitation
uiinière des nombreuses compagnies créées depuis trois ans. Leurs
récits sont des plus favorables, et, si l'on tient compte des difficultés
opposées par l'insalubrité du climat, du manque de voies de communica-
tion, des défectuosités des machines, etc., on peut considérer les résultats
obtenus jusqu'à présent comme très encourageants. L'opinion de Came-
ron est qu'il y a là une nouvelle Californie, et, vu l'élévation du taux des
salaires à la côte, et la difficulté où l'on sera de trouver des ouvriers
poiu* l'exploitation des mines, il propose de faire venir des Chinois, pour
voir si la race mongole supporterait ce travail dans un pareil climat.
D'après ce qu'il a vu à la Côte d'Or, il croit que l'on trouvera aussi de
l'or au Tanganyikaj où certains terrains sont de la même formation que
ceux des environs d'Axim. Il a entendu parler de pierres précieuses
trouvées dans ces mêmes terrains, et pense qu'ils doivent renfermer des
grenats, des rubis, etc. C'est aussi l'opinion d'un explorateur allemand,
M. Paul Dahse, qui, après trois voyages entrepris pour étudier la for-
mation géologique de ces districts, en a rapporté des échantillons, qu'il
a soumis à l'examen du directeur des mines bavaroises, M. le professeur
Gtlmbel, de Munich. Les analyses, auxquelles celui-ci a soumis ces échan-
tillons, lui font croire que les formations géologiques d'une partie de la
Côte d'Or sont les mômes que celles de la célèbre province de Minas
Geraes au Brésil. Aussi M. Dahse a-t-il obtenu une concession, pour
l'exploitation de laquelle il a constitué une société anglo-allemande.
— 263 —
Les Chambres françaises ont adopté le crédit demandé pour la con-
struction du chemin de fer de Dakar à, St-Lioais« Une conven-
tion avait été conclue à cet effet avec le roi du Cayor, dont le terri-
toire, qui s'étend du Sénégal au Gap Vert, devait être traversé par la
voie ferrée; mais, dès lors, ce souverain a écrit au gouvernement du
Sénégal une lettre, dans laquelle il refuse absolument le passage par ses
États au a navire marchant sur terre; » il craint de se voir, lui et ses chefs,
réduit ^1 esclavage ; il menace de rompre avec le Sénégal toutes rela-
tions commerciales, et même de quitter le pays avec toute la population.
Dans le haut Sénégal, depuis le retour de la colonne du lieutenant
colonel Bor^^uis-Desbordes à Eita, le chef Samory a brûlé les vil-
lages Malinkés de la rive gauche du Niger, jusqu'à Nafadjé, à 7 étapes
de Eita. Après avoir rétabli les fortifications de ce poste, la mission
topographique s'est remise en route pour gagner Bafoulabé, avant que la
saison des pluies rendît les chemins impraticables. Les instructions don-
nées par le ministre de la marine au nouveau gouverneur, M. le capi-
taine de vaisseau Vallon, sont de commencer les travaux du chemin de
fer entre Eayes et Bafoulabé, sans s'occuper pour le moment du cours
du Niger. Deux projets sont en présence, l'un le long des rives du fleuve,
l'autre passant à l'intérieur par Fanamdoba; il est probable que ce sera
le tracé le long du fleuve qui l'emportera. Jusqu'à Bafoulabé le Sénégal
n'a pas de courbes très sensibles, ni de pentes bien rapides ; la voie fer-
rée peut suivre la berge de la rive gauche ; il n'y a presque pas d'œu-
vres d'art à entreprendre.
Jusqu'ici le commerce des céréales sur la côte du Maroc était très
restreint, le sultan ne permettant que le transport de très petites quan-
tités de blé et d'orge, à peine suffisantes pour la nourriture des famiUes
des habitants, protégés ou sujets étrangers, qui devaient préalablement
obtenir, des consuls ou des ministres desquels ils dépendaient, un permis
limité. Gr&ce aux démarches du ministre de France, M. Ordega, le sul-
tan a accordé l'établissement du libre cabotage pour six mois, et en con-
séquence tout le monde pourra transporter des céréales d'un point à
l'autre de toute la côte. Il peut y avoir là, pour le commerce français, des
avantages d'autant plus grands que, d'après les rapports des agents
consulaires à Mogador et à Tanger, le Maroc serait menacé d'une disette,
et le sultan, préoccupé des besoins de la population, a abaissé de 10 à
5 7o 1^ droits de douane, sur l'entrée des céréales d'Europe.
— 264 —
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
M. Yalentin de Gorloff a fait, de Laghonat à Ouargla, un voyage dans lequel ses
obserrations sur la coloaisation française dans le Sahara septentrional l'ont plei-
nement satisfait, surtout celles sur les travaux de M. Fourreau, fon^^teur de la
Compagnie de l'Oued-Rir, qui, par ses puits artésiens, a transformé en plantations
de palmiers de vastes étendues de sables précédemment stériles.
Deux des assassins de la mission Flatters, natifs d'Ouargla, ont été amenés à
Alger.
Tout en reconnaissant que la création de la mer intérieure est réalisable, et qu'à
aucun point de vue elle ne peut être nuisible, la Commission, chargée d'examiner
le projet de M. Roudaire, n'a pu engager le gouvernement à intervenir dans les
dépenses qu'entraînerait son exécution. Celle-ci demeure laissée à une entreprise
particulière, comme pour Suez et Panama. M. de Lesseps a proposé la fondation
d'une société décidée à tenter l'entreprise à ses risques et périls, et qui ne deman-
derait à l'État que la concession de forêts et de terrains, ai\jourd'hui inexploités
et sans valeur.
Un câble sous-marin a été posé pour relier Bône à Bizerte.
M. Guérard, ingénieur en chef du service maritime à Marseille, s'est rendu à
Tunis pour y faire les premières études nécessaires à la création d'un port de
commerce.
Le célèbre voyageur Rohlfs a été nommé consul général de l'empire allemand à
Tripoli.
Quatre caravanes sont arrivées dernièrement du Bomou à Tripoli, apportant
des plumes d'autruche pour une valeur considérable. Elles n'avaient pas d'esclaves,
quoique l'esclavage subsiste toigours à Tripoli, où les achats et les ventes se
font à l'intérieur des maisons.
Avant que les hostilités eussent éclaté entre l'Angleterre et Arabi Pacha,
M. de Lesseps s'occupait de la question de faciliter la navigation du canal de
Suez, où les points de croisement des navires ne sont pas suffisants. Il avait deux
projets en vue : ou élargir le canal dans toute sa longueur, ou creuser un canal
nouveau, parallèle à l'ancien, et communiquant avec ce dernier en plusieurs
endroits.
M. Yossion, vice-consul de France à Ehartoum, nommé consul à Gabès, est
revenu à Paris, où il a exposé, dans une des salles de la Société de géographie,
toute une collection d'objets de commerce, d'armes, de vêtements, de photographies
de t3rpes et de paysages du Soudan égyptien et du Haut-Nil, du pays des Kiams-
Niams, des Mombouttous et des pygmées.
Le baron de Hardegger, de Grussbach en Moravie, prépare pour l'hiver
prochain une expédition dans le Soudan égyptien. Il prendra Khartoum comme
base d'opérations dans le Senaar, le Eordofan et peut-être le Darfour méri-
dional; ses observations porteront essentiellement sur l'hypsométrie et l'ethno-
— 265 —
graphie. Il tâchera d'iostaller une station météorologique à Khartoum. Le pro-
fesseur Paulitschke prendra part à l'expédition, ainsi qu'on géologue et un
photographe.
Le soulèvement des populations du Haut-Nil, sous Mohamed- Ahmed, a obligé les
missionnaires américains de renoncer pour le moment au projet de fonder des
stations dans cette région.
Rohlfs a renoncé à négocier la paix entre le négous d'Abyssinie et PÉgypte, le
gouYemement anglais considérant que les deux pays ne sont pas en état d'hos-
tilité.
D'après une lettre du 15 février, le D' Stecker a été retenu longtemps à Makalé,
par les hostilités entre l'Egypte et l'Abyssinie. Il devait quitter cette ville le len-
demain et comptait arriver à Kaffa au commencement de juin, explorer ensuite
au sud le Gambirri, habité, dit-on, par des pygmées, et le lac Sambourou, puis
atteindre la côte orientale en février 1883.
Sous les auspices de la «Société africaine d'Italie» (ancien Club africain de
Naples), et avec l'appui de M. Rocca, banquier à Naples, Gustave Bianchi et le
professeur licata se rendront en Abyssinie, accompagnant un envoyé italien
chargé de remettre au roi Jean des présents de la part du souverain d'Italie,
armes, brillants, bottes à musique de Genève, etc., et de nouer des relations avec
les sultans ses voisins. MM. Bianchi et Licata exploreront ensuite la partie occi-
dentale de l'Abyssinie et descendront à Assab, en cherchant à ouvrir une route
commerciale pour la station italienne.
M. C. Gregori se propose d'explorer le pays situé entre les montagnes à l'Est de
l'Abyssinie et la mer Bouge, le cours du Gualima, du Melli et de l'Haouasch infé-
rieur, n partira probablement en octobre.
L'ingénieur Messedaglia, ancien fonctionnaire égyptien au Soudan, a été chargé
d'étudier sur place les travaux à entreprendre pour la création d'une colonie ita-
lienne à Assab. — Le gouvernement voudrait que les diverses sociétés italiennes
de commerce et d'exploration se fondissent en une seule, pour développer le com-
merce italien dans la mer Rouge et à Assab, ou bien qu'il se constituât à cet effet
en Italie une grande compagnie, qu'il encouragerait par une subvention annuelle.
— Plusieurs maisons considérables ont demandé de pouvoir établir à Assab leurs
dépôts de charbon.
Une Société commerciale s'est fondée récemment à Milan, pour l'acquisition des
produits africains qui afflueront à Assab.
Le comte Pierre Antonelli, qui a fait partie de la seconde expédition Martini,
revenu temporairement en Italie, va repartir pour le Choa, où le marquis Antinori
a prolongé son séjour pour assurer le maintien de la station italienne de Let-
Marefia; il a dû aussi accompagner le roi Menelik dans une exploration au lac
Zouai, au sud du Choa.
Une caravane du Choa est arrivée à Obock, où M. Soleillet entretient de bonnes
relations avec les indigènes, ainsi qu'avec les sultans de Rahelta, de Ta^joura, et
des Haoussas. Mgr. Taurin compte fonder une station missionnaire à Obock.
— 266 —
La Société de géographie commerciale de Milan a décidé de fonder à Harrar
une station, qui servirait à la fois au commerce et à l'exploration. Harrar est nn
important marché, sur la route des caravanes du pays des Gallas, du Eaffa, du
Gouma et de PEnarea à Zeîla. M. Pierre Sacconi sera chargé de développer les rela-
tions commerciales, et la Société d'exploration conservera la direction des études
géographiques des rivières Uohi et Nogal, la station commerciale servant de lieu
de ravitaillement pour les explorateurs. Le gouvernement italien a accordé à cet
effet une subvention à la Société.
M. Swenson, Suédois, a entrepris, avec M. le baron von Muller, un voyage d'ex-
ploration à Berbera et à Harrar.
Une commission, formée de membres de la Société de géographie de Rome et de
la Société d'exploration de Milan, a été chargée d'organiser une expédition pour
l'Afrique équatoriale orientale, sous la direction de MM. Carlo Benzi et Ulysse
Grifoni, qui seront chargés d'explorer le cours de la Djouba.
Le Conseil de la Société de géographie de Londres a décidé d'envoyer une
expédition dans l'Afrique orientale, pour explorer les monts Eénia et Kilimandjaro,
et le pays qui s'étend de ces montagnes à la côte orientale du Victoria Nyanza.
M. J. Thomson en sera le chef et se rendra, au commencement de l'année pro-
chaine, à Zanzibar, pour y organiser sa caravane.
D'après les rapports de MM. Price et Menzies revenus en Angleterre, la mission
de Frere-Town jouit d'une période de paix. A Foulladoyo, à 100 kilomètres de
cette station, et en dehors de son contrôle, s'est produit un mouvement indigène
sous l'initiative d'un natif de Giriama, Abe-Sidi, qui y a constitué une communauté
chrétienne à laquelle se sont rattachés des esclaves fugitifs. M. Price, qui a visité
Foulladoyo, croyait y rencontrer beaucoup d'hommes à demi sauvages, et a été
tout surpris d'y trouver un établissement paisible, où règne le meilleur ordre.
M. Holmwood, consul anglais à Zanzibar, a recommandé à la Société des mis-
sions anglicanes l'établissement d'une communication régulière, par vapeur, entre
Mombas et Zanzibar. Outre les services qu'elle rendrait à la mission, elle serait
utile à tous les gens de la côte et aiderait à lutter contre le commerce des
esclaves, dont 10,000 environ passent annuellement en contrebande entre Pangani
et Pemba.
Des Hovas ayant occupé des îles et des villages de la côte occidentale de Mada-
gascar, dont les chefs sont sous le protectorat français, et la reine Ranavalona H
ayant décrété, contrairement au traité de 1868, une loi punissant de dix ans de fers
tout Malgache qui vendra des terres aux blancs, M. Bandais, consul de France à
Tananarive, a été chargé de présenter des réclamations au gouvernement de la
reine. N'ayant pas obtenu, dans un délai fixé, de réponse satisfaisante, il a quitté
la capitale et s'est rendu à Tamatave.
On a commencé à la Réunion des essais de culture de la vigne sur une assez
grande échelle. — A l'île Maurice l'exportation de la vanille et des fibres des
feuilles d'aloès augmente chaque année, à côté de celle du sucre et du rhum.
Une nouvelle expédition a été envoyée de Yaldézia à la baie de Delagoa, dans
— 267 —
le voisinage de laquelle s'établiront trois des évangélistes indigènes, chez le chef
Magoad, dont le^ village est le lieu de naissance de Pun d'eux.
MM. Davenport et C*', banquiers américains, ont signé avec le gouvernement
portugais une convention, pour la construction du chemin de fer de la baie de
Delagoa aux frontières du Transvaal, et M. de Castilho, ancien gouverneur de
Lorenzo Marquez, a présenté aux Certes un Mil, proposant que le gouvernement
reçoive les pouvoirs nécessaires pour établir une ligne télégraphique de la baie de
Delagoa au Transvaal. — De son côté, le gouvernement du Transvaal a fait avec
M. Moritz Unger, appuyé par un syndicat de banquiers parisiens, une convention
qui sera soumise a^ Yolksraad dans sa prochaine session, et qui est relative à la
construction du chemin de fer de Pretoria à la frontière portugaise. M. Unger
verserait une caution de 20,000 liv. sterl., et devrait construire la ligne en cinq
ans. L'établissement d'une ligne télégraphique a aussi été décidé à Pretoria.
On a découvert, près de Lydenbourg, de nouvelles mines d'or qui attirent beau-
coup de gens de Lydenbourg, de Middlebourg et de Pretoria. On a également
trouvé de la galène en quantité considérable, un grand dépôt de cobalt et du
minerai d'argent, près de la Steelport River.
n s'est constitué récemment à Paris, sous le nom de « Société française et afri-
caine d'encouragement » une association qui a pour but de venir en aide, par tous
les moyens en son pouvoir, à la grande cause du relèvement de l'Afrique par le
christianisme. Jout en maintenant son œuvre distincte de celle des missions pro-
prement dites, elle encouragera les missionnaires européens ou indigènes, princi-
palement ceux qui sont le plus avancés dans l'intérieur, en leur fournissant un
matériel plus complet que celui dont se compose d'ordinaire leur modeste bagage :
instruments agricoles, canots portatifs, médicaments, tentes, semences d'arbres
fruitiers et autres, etc. Elle a nommé M. Casalis pour son président honoraire, et
a puissamment contribué à compléter, d'une manière utile, l'équipement de la mis-
sion du Zambèze que dirige M. Goillard.
Le Lessouto est tranquille, quoique les trafiquants et les résidents aient l'im-
pression qu'une explosion pourrait avoir lieu d'un moment à l'autre. Gordon, le
nouveau commandant des troupes coloniales, ayant ordonné certains mouvements
de troupes, Masoupha envoya des émissaires dans les villages du district de Mase-
rou, pour faire préparer les armes; les Bassoutos lui ont obéi volontiers; de grands
meetings ont été tenus, et les mouvements de troupes ont été contremandés. Le
conseil législatif de la Colonie du Cap ayant demandé au gouvernement anglais
d'être libéré de toute dépense ultérieure relative au Lessouto, lord Kimberley
a répondu qu'il ne fallait pas s'attendre à ce que l'on prit, en Angleterre,
aucune mesure pour décharger la Colonie de sa responsabilité à l'égard du pays
annexé.
Le général Gordon est d'avis que les limites des terres des natifs devraient
être ûxées par des actes légaux, et que l'on devrait procéder légalement contre
tout empiétement au delà de ces limites. Les natifs en seraient contents, et il ne
faudrait plus beaucoup de troupes pour maintenir l'ordre.
— 268 — •
La Chambre du Commerce de Capetown a été nantie de la question de l'éta-
blissement d'une communication avec PEurope, par un câble sous-marin placé le
long de la côte occidentale d'Afrique, et relié avec la ligne qui passe à Saint-
Vincent.
P'après un contrat conclu entre le gouTemement et la Compagnie nationale de
navigation à vapeur pour l'Afrique portugaise, un service régulier de bateaux à
vapeur sera organisé entre Lisbonne et Mossamédès, touchant aux principaux
ports des possessions portugaises de l'Afrique occidentale.
M. le D' Kœpfner, naturaliste, étudie l'histoire naturelle et les productions
agricoles de la province portugaise de Mossamédès. Il a commencé ses explora-
tions par les terres cultivées le long, des bords des rivières Crok, Saint-Nicolas,
Bero et Giraul.
M. Bagster, missionnaire américain, est mort à Ballounda. L'école tenue par
M. et M"* Nichols prospère. M. Sanders a pu atteindre Bihé, où le roi Chilemo l'a
bien accueilli et lui a permis de choisir un emplacement pour une station.
Au mois d'avril dernier, les frères Machado, négociants de Malangé, ont orga-
nisé une expédition pour les grands marchés d'ivoire de Cachéché et de Caban.
L'itinéraire projeté devant traverser des pays habités par des tribus cannibales,
leur caravane comptait 700 hommes armés; des marchands indigènes l'ont accom-
pagnée pour profiter de cette nombreuse escorte. Un officier portugais, membre
de la Société de Géographie de Loanda, devait s'y joindre pour faire des obser*
vations scientifiques.
Le vapeur le Henri Seed, destiné à la navigation du Congo moyen, aura 20" de
long sur 3",5 de large. II sera conduit au Congo par M. Craven, qui partira de
Londres en septembre, avec un renfort de missionnaires, dont l'un est un bon
ingénieur-architecte.
M. L. Petit, naturaliste, installé à Landana, a fait avec le D' Lucan une excur-
sion jusqu'à Yivi, et se propose d'explorer dans une prochaine campagne les mon-
tagnes de l'intérieur, pour y étudier les Balalis et les Batékés signalés par Savor-
gnan de Brazza.
M. Rogozinski a équipé au H&vre pour son expédition la Lucie Marguerite^ qui
transportera les voyageurs au golfe de Cameroon ; s'ils réussissent à atteindre le
lac Liba et les sources des affluents de la rive droite du Congo, ils les suivront
jusqu'au grand fleuve, par lequel ils reviendront à la côte. L'explorateur Nordens-
kiôld a fourni à M. Rogozinski un compagnon expérimenté, dans la personne du
capitaine suédois Een.
Les hostilités continuent entre les habitants de Bonny et les populations du
Nouveau Calabar. Il y a des combats tous les jours, mais pas de grande bataille.
Le gouvernement anglais a donné des instructions à Madère, pour qu'une canon-
nière se rendît au Nouveau Calabar et y protége&t les intérêts anglais.
La Société des missions anglicanes a nommé, comme secrétaire de la mission du
Niger, le Rév. Th. Phillips, qui a été consacré à Londres par l'évêque Sam. Crow-
^er ; c'est le premier eççléaiMtique blanc ordonné par un évoque noir. Les pr^ugés
— 269 —
de race étant totgoura vivaces, il y a là un fait important, qui consacre aaz yeux
de tous Pégalité des noirs et des blancs.
M. Quinemant, membre de la Société de géographie commerciale de Paris, a
rejoint, sur le Niger, M. le capitaine Mattei qui explore cette région.
Un conflit a éclaté entre la tribu des Gamans et les Achantis; le roi Mensah de
Coumassie ayant fait tuer des messagers que lui envoyaient les Gamans, ceux-ci
attaquèrent des villages achantis, et firent 200 à 300 prisonniers. Us demandèrent
ensuite à Sir Samuel Rowe d'intervenir, pour opérer une réconciliation entre eux
et les Achantis. Le roi des Achantis a accepté la médiation anglaise. Le capitaine
Lonsdale a été envoyé à cet effet à Coumassie, et va se rendre chez les Gamans.
'— Deux Français se sont aussi rendus à Coumassie : Pun, le P. Moreau, chef
de la mission romaine d'Elmina, pour y fonder une station; l'autre, M. Brun,
consol français dans la même ville, invité par le roi Mensah, qui Ta reçu en grande
pompe et lui a fait des présents considérables. — La Société des missions wes-
leyennes a également envoyé le Rév. J. Hayfron à Coumassie, pour obtenir Pauto-
risation de reprendre les travaux qu'elle y poursuivait autrefois.
Le sultan du Maroc a envoyé à Madrid une ambassade, pour offrir au roi d'Es-
pagne un terrain situé le long de la Méditerranée, en compensation de celui de
Santa Gruz de mar Pequena sur l'Atlantique, que le traité de Yad Bas attribue à
l'Espagne. Les Certes seront appelées à régler définitivement cette question.
La mission italienne a été reçue avec de grands honneurs par le sultan Sidi
Muley Hassan qui, à son tour, a remis au ministre plénipotentiaire de riches pré-
sents pour le roi d'Italie.
D'après un nouveau tableau statistique que vient de publier le D' Behm, dans
les JE^rgângungdiefte des MittheUungen de Ootha^ il y a lieu de faire quelques cor-
rections à celui que nous avons donné (11"^* année, p. 166),
La superficie totale du continent serait de 29,823,253 kilomètres carrés,
et sa popuUtion de 205,823,260 habitants.
Le Maroc a 6,140,000 »
Le Sahara 2,500,000 »
L'Egypte 16,400,000 »
k. 0. hftUtantfl.
La superficie de l'Afrique portugaise occidentale est de 809,400 pour 9,000,000
> de l'État libre du fleuve Orange 107,439 > 133,518
» duTransvaal 285,363 » 815,000
de PAfrique anglaise du sud 667,218 » 1,728,492
> des tles africaines 625,942 » 4,902,600
— 270 -
EXPÉDITIONS DE SAVORGNAN DE BRAZZA, ENTRE L'OGQQUÉ
ET LE C0N60 '
Le 23 juin dernier, à la fin d'une séance extraordinaire tenue par la
Société de géographie de Paris dans le grand amphithéâtre de la Sor-
bonne, M. Ferdinand de Lesseps, qui la présidait, en remerciant la foule
qui venait d'applaudir le récit fait par Savorgnan de Brazza de ses
voyages entre l'Ogôoué et le Congo, prononçait ces paroles : « Vous
applaudissez avec raison le récit de notre voyageur. U vous donne, bien
que sommairement, les résultats de deux ans et demi d'explorations qui
marqueront une date dans l'histoire de la géographie. La plus courte
voie d'accès au cœur de l'Afrique a été trouvée, et l'avenir se chargera
de démontrer l'importance considérable de ce fait, bien mieux que ne
le pourrait une relation. » Nous sommes en effet arrivés à un moment
décisif dans l'histoire de l'ouverture du continent africain. Les difficultés
rencontrées par les nombreuses expéditions parties de la côte orientale,
dans le voisinage de Zanzibar, ont fait naître l'idée qu'il serait plus
facile de pénétrer dans l'Afrique équatoriale par la côte occidentale.
Depuis le grand voyage de Stanley, cette pensée a pris de la consistance.
La grande vallée du Congo est apparue comme la porte ouverte sur
l'intérieur de l'Afrique ; Stanley-Pool, au-dessus des cataractes du cours
inférieur du fleuve, en serait la clef. Dès lors, Stanley a entrepris de
mettre en communication, par une route le long des rapides, Vivi et
Stanley-Pool, et les sociétés de commerce et de missions ont rivalisé
d'ardeur pour atteindre ce dernier point, afin d'y établir des factoreries,
des stations missionnaires, et des bateaux à vapeur qui exploreront tout
le bassin du Congo moyen, pour y porter les bienfaits du christianisme
et de la civilisation. Mais en présence des difficultés créées par les cata-
ractes du Congo, on s'est demandé s'il n'y aurait pas une voie plus facile
et plus courte, moins coûteuse et plus sûre, pour parvenir à Stanley-
Pool. Les derniers travaux de Savorgnan de Brazza pendant les années
1880 à 1882, dans la région comprise entre l'Ogôoué et le Congo, sem-
blent fournir une réponse favorable à cette question ; nous voudrions les
résumer, d'après l'exposé qu'il en a fait à la Société de Paris.
Avant lui, cette région n'était pas tout à fait inconnue. Dès 1817, le
missionnaire anglais Bowdich avait fourni sur l'Ogôoué quelques rensei-
gnements, basés sur les indications des indigènes et des marchands,
' Voir la carte qui accompagne cette livraison.
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d'après lesquels ce fleuve, venant duN.-E., se divisait squs Féquateur en
deux bras, dont l'un se dirigeait au N.-O. vers le Gabon, l'autre au S.-O.
vers le Congo. La construction d'un fort français sur le Gabon, en 1843,
facQita l'établissement de factoreries françaises, américaines et anglaises
dans ce district, et les colons français commencèrent à y faire de nom-
breuses reconnaissances et des levés cartographiques. Mais ce furent
surtout les voyages de Du Chaillu qui, dès 1856, attirèrent l'attention
sur le pays compris entre la baie de Corisco et le Cap Lopez, et sur
rOgôoué, qu'il remonta jusqu'au confluent du Ngounié et un peu au delà.
Toutefois, en 1857, on se représentait encore l'Ogôoué comme prenant
sa source au N.-E. dans la Sierra de Cristal. L'impulsion donnée, Grif-
fon du BeUay et Serval marchent sur les traces de Du Chaillu ; l'Anglais
Walker remonte l'Ogôoué jusqu'au delà de Lopé, et constate qu'il y
coule parallèlement à l'équateur ; puis Marche et de Compiègne s'avan-
cent à leur tour jusqu'aux deux affluents du fleuve, l'Ofoué et l'Ivindo,
d'oii les attaques des Ossyébas, en 1874, les obligent à rebrousser che-
min.
Mais déjà la Société allemande pour l'exploration de l'Afrique, frappée
de l'immense espace encore inconnu qui s'étend du Bénoué et du Chari
au Congo, s'était proposé d'en faire le champ d'une exploration métho-
dique, en prenant comme base d'opération la côte du Loango, entre le
cap Lopez et le Congo. Elle avait fait partir en 1873 une expédition
nombreuse, qui comptait entre autres le D' Gtissfeldt, le professeur Bas-
tîan, le D' Falkenstein, et MM. Soyaux, botaniste, Pechuel-Lœsche,
naturaliste, Lindner, technicien. De Tchintchocho, où elle établit sa
station centrale, elle devait s'avancer peu à peu dans l'intérieur, taudis
que sur son aile gauche, le D' Lenz ferait l'exploration de l'Ogôoué, et
qu'à son aile droite, le capitaine de Homeyer pénétrerait par l'Angola
vers le Congo. Au nord de l'embouchure de ce dernier fleuve, trois routes
naturelles pouvaient condmre à l'intérieur les explorateurs de l'expédi-
tion centrale : le Louisa-Loango, le Loema et le Quillou; le D' Gttss-
feldt qui la dirigeait choisit celui-ci, comme le plus grand, le remonta
jusqu'aux cataractes de Boumina, que n'avait encore atteintes aucun
explorateur, puis, s'écartant du fleuve, parvint, à travers plusieurs
chaînes de montagnes, jusqu'au village de Ngouella, à 120 kilomètres
environ de l'embouchure du Quillou dans l'Atlantique. Avec son collègue
M. Pechuel-Lœsche, qui y fit une excursion en 1875, il constata que ce
fleuve qui, pour la largeur, le cède peu au Rhin est, dans sa partie
inférieure, bordé d'une zone de forêts très épaisse jusqu'au delà du pays
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de Mayombé, et, qu'entre Mayombé et Ngouella, la navigation en est
rendue difficile, pour ne pas dire périlleuse, par les rapides et cataractes
de Gotou, de Boumina, etc., où la rapidité du courant est augmentée
par le resserrement du lit du fleuve ; de 350" à 400" de largeur moyenne,
il est réduit en quelques endroits à un canal de 25", par le rapproche-
ment des parois de rochers entre lesquelles il s'est frayé un passage.
Pendant la saison des pluies, ses eaux montent de 4" à 5" dans les par-
ties larges de son cours, et de 8" à 9" dans les endroits où il y a rétré*
cissement. En amont de Ngouella, il £ait un coude dans la direction
N.-E. ; au-delà, les indigènes ne purent rien en dire aux explorateurs
allemands, si ce n'est qu'il décrit un grand arc à droite, tandis qu'aupa-
ravant on croyait qu'il descendait de la Sierra Complida. Les indigènes,
craignant les cannibales de l'intérieur, ne voulurent pas les conduire
plus avant ; ils durent revenir à la côte et à Tchintchocho, où, déjà en
1876, la station allemande dut être abandonnée, par suite de l'insalu-
brité du pays et des difficultés créées par les indigènes. Néanmoins, pen-
dant les trois années qu'avait duré leur exploration, ils avaient fourni
sur cette partie de la côte quantité de renseignements utiles, moins
importants que les résultats obtenus par Savorgnan de Brazza, mais
dont il faut tenir compte pour bien apprécier la valeur de ces résultats.
Lorsque notre voyageur reçut, en 1875, la mission de reconnaître
l'importance réelle de l'Ogôoué, comme voie de communication vers
l'intérieur, ainsi que l'état des populations qui habitent ces contrées et
les ressources commerciales que le pays peut présenter, l'idée que ce
fleuve prenait sa source au loin dans l'intérieur régnait encore généra-
lement. Au dire des indigènes, il devait, en amont des cataractes qu'il
forme en traversant la Sierra de Cristal, offrir une voie navigable sur un
long parcours. Pendant tout son premier voyage avec MM. Marche et
Ballay, de 1875 à 1878, où il atteignit l'Alima et la Licona, et parvint jus-
qu'au village d'Okanga, il ignora la découverte que Stanley faisait juste-
ment alors de la grande courbe du Congo, à deux degrés au nord de l'équa-
teur, et la direction N.-E.-S.-O. du cours inférieur du fleuve. L'Alima
et la Licona ne se présentèrent point à lui comme des affluents probables
du Congo ; l'hostilité des indigènes Apfourous et Oubandjis s'opposa à
ce qu'il descendît complètement la première de ces rivières, et le manque
de ressources l'empêcha de reconnaître la seconde. Malgré son désir
d'éclaircir le problème de l'hydrographie de cette partie de l'Afrique,
cette question devenait toujours plus obscure pour lui. Au moins avait-il
réussi, pendant ce premier voyage, à dissiper les craintes, les défiances.
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rhostilité des tribus indigènes des bords de rOgôoué, il s'était fiBanilia-
risé avec beaucoup de peuplades différentes, avait aboli des monopoles
particuliers, contraires au développement des relations commerciales par
le fleuve, et n'avait cessé de combattre l'esclavage; enfin, il avait uni
toutes les tribus riveraines dans un même sentiment de bienveillance à
regard des blancs. Par là il avait beaucoup facilité sa tâche future.
A son retour à la côte, la nouvelle de la reconnaissance du Congo par
Stanley lui fit immédiatement comprendre que TÂlima devait être un
affluent du grand fleuve, et la différence de structure des vallées de
rOgOoué et du Bas-Congo lui fit entrevoir la possibilité d'atteindre plus
tellement Stanley-Pool par la première, qu'en remontant directement
celle du Congo. Sans doute il fallait renoncer à l'idée, caressée jusque-
là, que rOgôoué pût devenir la voie commerciale pour l'intérieur, mais
TÂlima navigable pouvait le devenir. En effet, l'accès à cette rivière,
large de 100", et profonde de 5" au point où l'avait traversée de Brazza,
est relativement facile par l'Ogôoué. De ce dernier fleuve à l'AUma, la
distance n'est que de 120 kilom., et le pays qui sépare les deux bassins
ne présente guère que des collines sablonneuses de moyenne hauteur,
offrant plusieurs passages très favorables au transport des marchandijses,
sans la difficulté d'une végétation épaisse ; du point atteint sur l'Alima,
des vapeurs d'un faible tonnage pourraient descendre facilement au
Congo ; tandis que le long du fleuve, de Vivi à Stanley-Pool, sur une lon-
gueur de 220 kilom., 32 cataractes et rapides interrompent plus ou moins
la navigation. Aussi, pendant que Stanley entreprenait, à frais énormes,
le travail gigantesque de la construction d'une route entre les cataractes
du Congo, et faisait hisser le long de montées abruptes des vapeurs
démontables, pour faciliter les communications et. les transports sur les
parties navigables du fleuve, de Brazza se proposa d'explorer de nou-
veau le pays entre le Haut-Ogôoué et l'Alima, dans l'espoir de trouver
là une route qui répondît aux besoinis du commerce ; en même temps, il
voulait établir, par des procédés pacifiques, des relations commerciales
avec les indigènes des bords de l'Alima et du Congo, pour en faire pro-
fiter toutes les nations. Sur la demande du ministère de l'Instruction
publique, le parlement français lui accorda, à lui et au D** Ballay qui
devait l'accompagner, une nouvelle subvention ; deux chaloupes à vapieur
démontables, dont l'une leur fut offerte par le Comité français de l'As-
sociation internationale africaine, furent construites pour la navigation
sur l'Alima et le Congo ; le ministre de la marine mit à leur disposition
deux mécaniciens et quelques matelots sénégalais, et, à la fin de décem-
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bre 1879, de Brazza quittait de nouveau TEurope, pour aller fonder sur
le Haut-Ogôoué et le Congo deux stations civilisatrices.
Au commencement de janvier 1880, il arrive au Gabon, où il retrouve,
prêts à le seconder, ses interprètes et ses porteurs, anciens esclaves qu'il
avait rendus à la liberté et qui s'étaient établis dans la colonie française.
Après avoir pris, chez les Inengas et plus loin, toutes les dispositions pour
faciliter les relations commerciales et les futurs transports de personnel
et de matériel, il remonte TOgôoué. L'abandon obtenu précédemment,
de chaque tribu riveraine, de ses prétentions exclusives sur les différen-
tes parties du fleuve, et l'organisation d'un service général de transport
confié aux Adoumas et aux Okandas, les piroguiers par excellence du
bassin de l'OgÔoué, lui permirent de fixer sans hésitation, dès la fin de
janvier, à Nghimi, près du confluent de l'Ogôoué et de la Passa, à 220*
d'altitude, et à 815 kilom. de l'Océan, l'emplacement de la première
station, en conmiunication directe avec l'Atlantique, et à proximité de
l'Alima. La vente d'un village et de plantations, commencées près de
Nghimi par une tribu qui avait eu l'intention de s'établir là, et à laquelle
la venue des blancs parut une garantie de paix, facilita l'établissement
immédiat de la station, et, en juin 1880, Franceville était fondée.
Avant de se remettre en route pour le Congo, l'explorateur envoya
son aide, M. Michaud, avec 770 hommes et 44 pirogues, aux factoreries
de Lambaréné, pour y chercher MM. BaUay et Mizon, sur l'arrivée des-
quels il comptait, et qui devaient amener avec eux le personnel des sta-
tions. Mais différentes causes avaient retardé leur départ de France.
Ignorant ce délai, de Brazza partit pour l'Alima vers la mi-juin 1880,
ayant avec lui une dizaine d'indigènes, un sergent nommé Malamine, et
un Batéké du nom d'Ossia, qui parlait tous les idiomes de l'Ogôoué et
du Congo inférieur, et l'avait accompagné dans ses précédents voyages,
en qualité d'interprète; entièrement dévoué à sa personne et à ses pro-
jets, il assura par ses conseils le succès de l'expédition. Induit en erreur
par les premières indications de Stanley, qui plaçaient Stanley-Pool à
150 kilom. plus à l'est qu'il ne l'est réellement, de Brazza visait, à son
départ de Franceville, un point du Congo beaucoup trop à l'est. Sortant
du bassin argileux de l'Ogôoué dont les vallées humides sont cachées
sous d'épaisses forêts, et les collines couvertes de hautes herbes, il
monta vers le plateau accidenté, sablonneux et déboisé des Achicouya,
qui sépare le Lékéti, branche méridionale de l'Alima, de la Mpama (la
Mpaka de Stanley), l'un et l'autre à 450^ d'altitude, et atteignit, par
825", la ligne de faîte entre les bassins de l'Atlantique et du Congo*
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Tous les indigènes de cette régioi\ appartiennent à la peuplade des
Batékés, réputés cannibales, et chez lesquels règne l'esdavage. Néan-
moins les Achicouyas le reçurent avec des cris de joie, ainsi que les
Âbomas du plateau au delà de la Mpama, qui dépendent du puissant
chef Makoko. Tandis qu'il descend en radeau la rivière Léfini (le Law-
son de Stanley), un chef, vassal de Makoko, se présente à lui avec des
paroles de paix de la part de son suzerain, et s'o&e à lui servir de guide.
 Ngampo il quitte son radeau, traverse à pied un plateau inhabité, et,
après deux jours de marche, arrive un soir à 11 heures en face de
rimmense nappe d'eau du Congo, qui apparaissait au N.-E. comme une
mer, et coulait majestueusement, sans que le sommeil de la nature fUt
troublé par le bruit de son faible courant. Cette partie du pays est habi-
tée par les Oubandjis, de la même famiUe que les Âpfourous de l'Alima
qui, dans le premier voyage de Brazza, l'avaient attaqué et l'avaient
empêché de descendre cette rivière. Les Oubandjis naissent, vivent et
meurent, avec leurs familles, dans les belles pirogues sur lesquelles ils font
seuls les transports d'ivoire et de marchandises, entre le Haut-Alima et
Stanley-Pool. Us sont les maîtres de la navigation, et de Brazza devait
traiter avec eux. Il leur fit offrir, par le chef de Ngampey, le choix entre
une cartouche et le pavillon français, l'une, symbole de guerre, l'autre,
emblème d'une paix profitable aux intérêts de tous. Puis, leur laissant le
temps de la réflexion, il se rend chez Makoko, qui le reçoit des plus cor-
dialement, a heureux de recevoir le fils du grand chef blanc de l'occi-
dent, et voulant que de Brazza pût dire, à ceux qui l'ont envoyé, que
Makoko sait bien recevoir les blancs, qui viennent à lui non en guerriers
mais en hommes de paix. » En effet, pendant les 25 jouïs que de Brazza
passa chez Makoko, il fiit traité avec toutes sortes d'égards; il profita
de ces bonnes dispositions pour conclure le traité dont nous avons donné
le texte dans notre dernier numéro (p. 232), et qui fut ratifié dans une
assemblée solennelle de tous les chefs immédiats et vassaux de Makoko.
Celui-ci appuya de toute son influence la démarche de l'explorateur
auprès des Oubandjis, dont 40 chefis, représentant toutes les tribus de la
rive droite du Congo, de l'équateur à la résidence de Makoko, descen-
dirent avec toute une flottille de magnifiques pirogues, jusqu'à Ngan-
chouno. Alors Savorgnan de Brazza leur rappelle les gages de paix qu'il
a donnés jusqu'ici, en vivant en bonne harmonie avec les tribus dont il a
traversé le territoire, leur expose son désir d'installer une station dans
le Haut-Alima, et une autre à Ntamo, pour en faire des lieux d'échange
entre les produits de l'Europe et ceux de l'Afrique, et leur fait compren-
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dre que des relations commerciales, profitables aux intérêts de tons, ne
peuvent s'établir que dans la paix. Mais de tristes souvenirs risquent de
faire échouer les négociations. Après une longue discussion, un des cheJEs
Oubandjis s'avance avec fieii;é et gravité vers Savorgnan de Brazza, et
lui montrant un îlot voisin : ce Regarde cet Uot, » lui dit-il, « il semble
placé là pour nous mettre en garde contre les promesses des blancs, car
il nous rappelle qu'ici le sang des Oubandjis a été versé par le premier
blanc que nous avons vu. Un des siens qui l'a abandonné te donnera à
Ntamo le nombre de ses morts et de ses blessés, mais je te dirai que
nos ennemis ont pu échapper à notre vengeance en descendant le fleuve
comme le vent ; seulement, qu'ils n'essaient pas de le remonter. » On se
rappelle qu'entre le confluent du Lawson et Nganchouno, un jour, pen-
dant que l'on préparait le déjeûner, Stanley fut surpris par une décharge
de plusieurs coups de feu; six de ses hommes tombèrent ayant chacun
une blessure. Les autres saisissant leurs armes, engagèrent avec les
assaillants une lutte acharnée, qui se termina au bout d'une heure par la
retraite des sauvages. Stanley avait 14 blessés \ Quoique Stanley n'eût
livré en cet endroit qu'un combat défensif, Savorgnan de Brazza eut
beaucoup de peine à dissiper les craintes des chefs Oubandjis, et à leur
persuader que les relations pacifiques qu'il leur proposait assureraient
leur tranquillité contre toute éventualité. Il y réussit pourtant ; la paix
fut conclue, après que de part et d'autre on eut enterré la guerre, sous
les emblèmes de balles et de poudre, et un pavillon français fiit donné
aux chefs Oubandjis, qui en voulurent tous pour pavoiser leurs pirogues.
Après cela de Brazza descendit, dans une des belles pirogues des
Oubandjis, le fleuve jusqu'à l'étang de Stanley, sur la rive droite duquel
est Ntamo, la clef du Congo moyen, suivant l'expression de l'explorateur
qui allait la prendre, a-t-il dit, non pour fermer la voie, mais pour en
assurer la neutralité. Makoko lui ayant accordé le choix de l'emplace-
ment de la station du Congo, il choisit le territoire compris entre les
rivières Impila et Djoué (le Gordon Bennett de Stanley), et le !•' octo-
bre 1880, trois mois après son départ de Franceville, il jetait les bases
des établissements, auxquels la Société de géographie de Paris, d'accord
avec le Comité français de l'Association internationale africaine, a
donné le nom de Brazzaville. Il avait, dans ce second voyage, parcouru
un itinéraire de 500 kilom., dans un pays inconnu auparavant, salubre,
fertile, habité par des populations nombreuses et pacifiques, facile à
^ A travers le continent mystérieux, t. Il, p. S24.
— 277 —
traverser avec des ânes et des chariots, et qui, pensait-il, ne présen-
terait pas de difficultés pour rétablissement d'une voie ferrée.
Toutefois cela ne suffisait pas encore à de Brazza. Il voulut trouver la
voie qui permettrait de mettre Ntamo en cooojuunication avec TAtlan-
tique, de manière à répondre le mieux aux conditions d'économie de
bras, de temps et d'argent. C'est à résoudre ce problème qu'il a en
dernier lieu appliqué ses efforts.
Ntamo se trouve au débouché de la vaUée de la Djoué sur le Congo.
En remontant cette vallée on arrive à un seuil, qui sépare le bassin du
grand fleuve de celui de l'Atlantique. Derrière ce seuil coule le N'Douo,
affluent du Niari, qui se jette dans l'Océan sous le nom de Quillou. De
Brazza conçut le projet d'explorer la vallée du Niari, et, laissant le
sergent Malamine avec trois hommes à la garde du poste de Ntamo, il
partit dans cette direction avec le reste de ses gens. Mais bientôt il
rencontra de la défiance chez les Babouendés, qui exploitent les mines
de cuivre et de plomb dont cette partie du pays abonde ; il dut se replier
vers le Congo, et descendre de la vallée de la Lpuala à NdambiMbongo,
où il rencontra Stanley. L'entrevue de ces deux explorateurs fut ce que
l'on peut attendre de deux caractères généreux, poursuivant, par des
voies différentes, un but identique, l'ouverture de l'Afrique centrale et
le relèvement de ses tribus par le commerce.
Moins d'un an après son départ du Gabon, de Brazza touchait à
Libreville, où l'attendait une cruelle déception. Ni le D' Ballay, ni le
personnel des stations n'étaient arrivés. Alors , et, quoiqu'il eût besoin
de repos, sentant qu'il ne pouvait laisser sans ressources les braves gens
qui gardaient Franceville et Brazzaville, à 800 et 1200 kilomètres à l'in-
térieur, à peine arrivé, il repartit avec sa petite troupe, deux marins, et
plusieurs indigènes, charpentiers, jardiniers, etc. En remontant l'Ogôoué
sa pirogue chavira aux chutes de Boue, et il prit la dyssenterie (v. p. 1 1 1) ;
néanmoins, en février 1881, il se retrouvait h Franceville, où les travaux
avaient été poussés si énergiquement, que la station vivait déjà de ses res-
sources, et que tout y était prêt pour recevoir le matériel destiné à la
navigation surl'Alima. Il avait choisi, pour le lancement d'un des va-
peurs que devait amener le D'^Ballay, le confluent del'Obia et de la Lé-
kiba, tributaires de l'Alima. Il s'agissait dès lors d'ouvrir une route qui
rattachât ce point à FranceviUe. B explora de nouveau le pays pour fixer
le meilleur tracé, se procura 400 travailleurs, défricheurs et terrassiers,
organisés par escouades, sous la surveillance de quelques Grabonais et
la direction de ses aides, Michaud, Amiel et Guiral, et bientôt une large
— 278 —
et longue trouée à travers la forêt fut transformée en une route prati-
cable, avec deux ponts sur le Ngialikou et le Lékéti. Après cela, il lui
fallut organiser un service général, pour obvier à l'inconvénient du chan-
gement perpétuel des porteurs. Ceux de TAlima, qui n^étaient jamais
venus à Franceville, étaient d'ailleurs hésitants ; mais bientôt la crainte
de voir le commerce, det^tte station à Ntamo, prendre la voie de terre,
les engage à appeler de Brazza ; celui-ci se rend au milieu d'eux en sep-
tembre 1881, et, dans une réunion solennelle, à laquelle assistent tous
les chefe venus de 50 kilomètres à la ronde, il les persuade et obtient
d'eux tout ce qu'il désire, pour l'installation d'une station sur le Haut-
Alima) et pour le service de transport entre cette rivière et l'Ogôoué.
Attendant toujours l'arrivée du D' Ballay et des vapeurs pour l'Alima, il
élève des cases pour le personnel de cette station et prépare tout pour
le lancement des bateaux. Mais le D' Ballay était retenu au Gabon par
des avaries aux machines ; seul M. Mizon, désigné pour prendre la direc-
tion de FranceviQe, y était arrivé à la fin de septembre. De Brazza y
revint de son côté, remit la station aux mains de son successeur, puis,
reprenant l'exploration de la partie supérieure du Niari à laquelle il avait
dû renoncer dans son précédent voyage, il traversa dans son milieu
toute la contrée entre l'Ogôoué et le Congo. Avant de quitter France-
ville, toutefois, il envoya des marchandises à Malannne, à Ntamo ; puis
il gagna Nhango sur la Mpama; de là, poursuivant sa route à travers
des montagnes sablonneuses, il toucha aux sources du Lékéti, de la
Mpama, et enfin, le 8 février de cette année, à celles de l'Ogôoué qu'il
avait remonté pour la première fois six ans auparavant. Un mois plus
tard il était sur les bords du Niari qui, à l'endroit oh il le traversa, a de
80 à 90 mètres de large. Non loin de là sont les mines de cuivre et de
plomb, dont le voisinage l'avait obligé à se détourner de sa route en
venant dô Ntamo. Des bords du Niari il aperçut, au milieu des monta-
gnes qui encadraient à moitié l'horizon, la coupure qui livre un fEicile
passage pour se rendre de cette vallée à Ntamo, par la Djoué. Longeant
quelque temps la rive gauche du Niari, il en trouva la vallée assez large,
plate, semée de petites cultures, et se prolongeant à peu près droit à
l'ouest; et, tandis que le Congo traverse les terrasses du plateau à la
façon d'un escalier, le Niari, jusqu'à son confluent avec la rivière Lallî,
coule sans un rapide sur un terrain uniforme et fertile, habité par une
population très dense qui fit bon accueil à l'expédition. En revanche,
s'étant écartée du Niari pour monter sur un plateau au sud, elle y
trouva des indigènes qui lui refusèrent l'eau, le feu et même une place
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pour se reposer hors de leur village. Une lutte s'engagea, et force fut à
de Brazza de battre en retraite avec ses gens. Après une marche forcée,
il atteignit le sommet des montagnes au pied desquelles s'étend la plaine
verdoyante du Loundima ou Loema ; sur le versant occidental il ren-
contra un groupe de villages Mboko, où le minerai de cuivre se ramasse
à fleur de terre. Le 17 avril il était à Landana sur PAtlantique, où la
mission française et la colonie européenne lui firent oublier, à lui et à ses
gens, par leurs marques d'intérêt et d'affection, toutes les fatigues, les
misères et les privations dont ils avaient souffert.
Les nombreuses observations hydrographiques, hypsométriques et
météorologiques que Savorgnan de Brazza a faites, pendaut ces deux
ans et demi, dans ce pays immense, seront publiées plus tard. Mais
« dès aujourd'hui, tous ceux qui s'intéressent à l'ouverture de l'Afrique
applaudiront aux travaux par lesquels il a déterminé les bassins inté-
rieurs et maritimes de cette région, ainsi que les passages entre ces
bassins, et les voies de communication les meilleures ; au point de vue
philanthropique, c'est beaucoup aussi d'avoir fondé trois stations
hospitalières, et gagné les bonnes dispositions des populations.
Des deux voies étudiées pour parvenir à Brazzaville, l'une, par
rOgÔoué, Franceville, l'Alima et le Congo, est la plus longue ; mais elle
a des cours d'eau utilisables, et n'a que 120 Mlom. de route, à travers
un pays abondant en ressources, dont la population est animée des
meilleurs sentiments. Sur cette route, déjà carrossable, le transit par
porteurs et bêtes de somme est assuré, et pourra se faire plus facilement
encore par chemin de fer, système Decauville. L'autre par le Quillou,
le Niari et la Djoué, préconisée aujourd'hui comme la plus courte, et
par laquelle on parle déjà de faire passer un chemin de fer, a encore
besoin d'être reconnue en détail. Jusqu'à présent, le Quillou n'a été
remonté qu'à une centaine de kilomètres de l'Océan ; la barre en est
difficile à franchir ; dans son cours inférieur il forme des rapides, qui ne
sont pas sans danger pour la navigation. Au delà de Ngouella et du
confluent de la Lalli et du Niari, on peut supposer, comme de Brazza l'a
entendu dire, que la rivière ne forme plus de rapides jusqu'à l'endroit
où il l'a traversée, mais, à partir de ce point, il reste encore à explorer
le passage entre la vallée du Niari et celle de la Djoué.
Quoi qu^il en soit, Savorgnan de Brazza paraît tout disposé à se
charger d'achever cette reconnaissance, et nous espérons qu'il lui sera
accordé de mener cette grande œuvre à bonne fin, pour que, soit par le
Niari, soit par l'Alima, ou encore par les deux voies à la fois, des
— 280 —
relations s'établissent entre rAtlautique et Ntamo, dans Tintérèt de
tous, des noirs conune des blancs, des commerçants comme des mission-
naires, à quelque nationalité qu'ils appartiennent.
BIBLIOGRAPHIE
De l'Atlantique au Niger, par le Foutah Djallok, cariœt de
VOYAGE DE Aimé Olivier i vicamte de SandervaL Paris (P. Ducrocq),
1882, in-8*', 407 p. avec illust. et carte, 7 fr. — Le Niger et le Soudan,
par le même, in-8'*, 4 p. — Les expéditions multipliées entreprises récem-
ment, de là côte occidentale d'Afrique à Timbo, pour atteindre le Niger
par la route la plus courte, donnent un intérêt particulier au volume de
M. Olivier, le chef de la première exploration (1880), à laquelle se ratta-
chent intimement celles de M. Gouldsbury, gouverneur anglais de la
Gambie (mars 1881), de M. Gaboriaud, envoyé de M. Olivier à l'ahnamy
de Timbo (juin 1881), et du D' Bayol, chargé d'une mission oflBicielle du
gouvernement français auprès du même souverain (juillet 1881).
Depuis longtemps M. Olivier méditait ce voyage, auquel il était
encouragé par M. de Chasseloup-Laubat, ancien ministre de la marine,
alors président de la Société de géographie de Paris, qui croyait à
l'avenir d'une route par le Foutah Djallon. Il partit, avec Tintention de
chercher le point de la côte qui pourrait être relié le plus facilement par
un chemin de fer au Niger navigable, de gagner le fleuve au confluent
du TanMsso, et de le descendre jusqu'à la hauteur de Sakatou pour
étudier le Soudan. Une guerre du roi de Timbo avec son voisin de Din-
guirray ne lui permit pas d'atteindre le Niger. Mais son carnet de
voyage renferme des informations très utiles, sur sa reconnaissance de la
côte et des rivières au sud de Boulam, et sur son itinéraire vers l'inté-
rieur, à partir de Boulam à l'embouchure du Rio-Grande, par le Labé
jusqu'à Timbo, et un peu au delà jusqu'à C!onkobala, avec retour par
Timbi à Boké sur le Rio-Nunez, à travers les dix États qui forment le
royaume de l'almamy de Timbo. Chemin faisant, on apprend à con-
naître en détail ce pays accidenté, formé de cinq vallées parallèles entre
elles, séparées par de longues chaînes de montagnes granitiques qui se
relient à un plateau central, de 1000" d'altitude moyenne, dont la tem-
^ On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 13, rue du Rhône, à Genève^
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique exjfioriit et dwlisée.
— 281 —
pérature rappelle le climat de la France, moins les froids de Thiver, et
qui partout est arrosé par de belles eaux courantes, même dans la saison
sëehe. L'auteur note avec soin tous le» végétaux dont l'exploitation
serait utile, les nombreux gisements de minerai de fer, et donne le traité
conclu avec Talmamj de Timbo, en présence de tous les chefe importants
du Foutah Djallon, pour la construction d'un chemin de fer. Nous
regrettons seulement que le but n'en soit pas simplement d'établir une
voie de conmiunication pour faciliter les relations commerciales entre la
côte et l'intérieur, mais plutôt de se rendre mattre d'un pays dont les
habitants, esclaves ou libres, quelque noirs qu'ils soient, sont pour nous
plus que «des bêtes apprivoisées, n'ayant au moral, comme au physique,
pas de sensations très supérieures à celles des animaux. » Nous compre-
nons très bien que ces noirs se défient des blancs qui viennent chez eux
avec de semblables préventions, et quoique M. Olivier, dans les quelques
pages : Le Niger et le Soudan, dise bien qu'il ne faut pas porter la
guerre dans le Foutah Djallon, nous craindrions beaucoup, si le chemin
de fer qu'il préconise, en opposition à celui du Sénégal à Bamakou, était
jamais construit dans l'intention de mettre la France en possession de
ce pays, que ce ne fût pas « la civilisation qui ftt le voyage de Timbo, »
comme il le dit à la fin de son volume, mais la guen*e, aussi nuisible aux
vrais intérêts de la France qu'au relèvement des noirs.
Léon de Bisson. La Tbipolitaine et la Tunisie. Paris (Ernest
Leroux), 1881, in-16, 147 p. — Écrit avant les derniers événements de
Tunisie, ce petit voluma ne dit rien, naturellement, de ce qui se passe
aujourd'hui dans cette partie de l'Afrique. Une carte et des plans de
Tripoli et de Tunis ajouteraient à la valeur de ces pages, pour les voya-
geurs en vue desquels M. de Bisson les a rédigées ; ils pourront cepen-
dant, son livre à la main, s'orienter facilement dans ces deux villes et
dans leurs environs ; ils seront également très reconnaissants à l'auteui-
des informations pratiques qu'il leur fournit sur les itinéraires d'excur-
sions autour de Tunis, sur les tarifs de débarquement, les bateaux à
vapeur, les chemins de fer, les postes et les télégraphes, les mesures et
les monnaies, ainsi que de ses conseils sur les précautions à prendre
pour voyager sur le littoral ou dans l'intérieur.
DlB ÂFBIKA-LiTEBATUR IN DEE ZeIT VON 1500 BIS 1750, VOU D' Phi"
lipp Paulitschke. Wien (Brockhausen und Brâuer), 1882, in-8% 122 p.
— Au Congrès international de géographie de Venise, le célèbre voya-
geur Bohl& insista sur la nécessité d'avoir des biographies des différents
— 282 —
continents. Le D' Paulitschke, qui depuis un grand nombre d^années
s'occupe de l'Afrique, et auquel nous devons déjkVEocploration du con-
tinent africain, des plus arftiens temps jusqxCà nos jours (voy. H"*
année, p. 43), et V Afrique au point de vue commercial, politique et sta-
tistique (voy. ni"* année, p. 212), a voulu faciliter la tâche du futur
biographe de l'Afrique, et préparer le terrain pour la période de 1500 à
1750. Pour cela il a réuni les indications bibliographiques des sources,
d'où procèdent nos connaissances sur l'Afrique jusqu'au milieu du
XVin** siècle. Il les a fait précéder d'une dissertation sur le progrès des
connaissances géographiques de l'Afrique de 1500 jusqu'à Banville, avec
une liste spéciale de 13 ouvrages sur le Nil, de 1552 à 1698. Quant au
catalogue bibliographique proprement dit, il renferme des indications de
manuscrits, 'd'ouvrages et de cartes, nouveaux ou d'une valeur pratique ;
elles sont divisées en deux parties, l'une embrassant les généralités
sur toute l'Afrique, l'autre les ouvrages spéciaux pour le nord, l'ouest,
le sud ou l'est du continent. Dans chaque cas elles sont rangées par
ordre chronologique et donnent, en tout, les titres de 1212 ouvrages.
SwAHiu Ex£Bas£8, by Edw. Steere. London (George Bell and Sons),
1882, in-16, 183 p. — La langue souahéli est la plus importante de
l'Afrique orientale, de la côte de Mozambique au pays des Gallas, et
jusque très avant dans l'intérieur. C'est celle dont se servent le plus
grand nombre des missionnaires dans cette partie du continent, du
Victoria Nyanza au Tanganyika; c'est également celle qu'ont employée
Stanley et Gameron dans leurs voyages à travers l'Afirique, d'un océan
à l'autre. Le missionnaire Krapf, qui vient de mourir, en a donné une
grammaire, et un dictionnaire qui est sous presse; et l'évêque de
Zanzibar, M. Steere, auquel on doit déjà une grammaire et la
traduction en cette langue de grandes parties de la Bible, a rédigé un
petit guide pratique à l'usage de ceux qui désirent arriver à parler
correctement le souahéli. Ces exercices nous paraissent très bien
appropriés à leur but ; sans pouvoir fournir des exemples de toutes les
formes de phrases, ils donnent les plus importantes, laissant de côté
celles qui ne sont employées que rarement, et qui pourront être apprises
facilement quand on en aura besoin: '
A. J. Wauters. De Bruxelles a Eabémà. Bruxelles (A. N. Le Bègue
et C'*), 1882, in-16, 130 p. — Destiné à faire connaître le voyage de
la première des expéditions de l'Association internationale africaine, et
le travail du capitaine Cambier à Earéma, ce petit volume a tout
— 283 —
Tattrait des récits qui rapportent les fùbles commencements d'une
grande œuvre. Les détails sur les obstacles de toutes sortes rencontrés
par le voyageur, font mieux ressortir le mérite de celui qui a frayé la
voie aux expéditions subséquentes, beaucoup plus facOes ; et la descrip-
tion de rétat de Earéma, h Tarrivée des Européens, fait comprendre
toute la valeur de leur travail, de leurs constructions, de leurs cultures
au milieu des indigènes. En terminant, M. Wauters fait entrevoir quel
sera l'avenir de l'Afrique centrale, lorsqu'une nouvelle génération de
nègres, formée à la culture des terres et aux différents métiers, sous les
yeux des Européens, aura fourni des honmies intelligents, instruits et
honnêtes, qui pourront être placés à la tête de comptoirs, pour expédier
en Europe les produits de l'intérieur et recevoir ceux des industries des
pays plus civilisés.
22. N. Cust Notice of the scholars who havb contriboted to the
EXTElirSION OF OUR KNOWLEDGE OF THE LANGUAGES OF AfRICA. IU-S**,
16 p. — Nous devons déjà à*M. R. N. Cust, secrétaire honoraire de la
Société royale asiatique, un tableau d'ensemble des langues de l'Afrique,
dont nous avons donné un résumé à nos lecteurs (m* année p. 30-37).
Dans la notice sus-mentionnée, il passe en revue les noms de tous ceux
qui ont consacré leurs forces et leurs talents à nous transmettre la
connaissance de ces langues: voyageurs non savants, rédacteurs de
simples vocabulaires ; savants, auteurs de grammaires, de dictionnaires,
d'ouvrages de philologie comparée sur les langues africaines ; ou encore
vulgarisateurs, pour le grand public, des connaissances fournies par
d'autres. H a soin de rattacher les noms de ces nombreux auteurs et les
titres de leurs ouvrages aux six familles de son tableau d'ensemble :
sémite, chamite, nubienne-foulah , nègre proprement dite, bantou,
hottentote et bushmen. Enfin, il indique les grandes bibliothèques dans
lesqueUes se trouvent déjà des collections plus ou moins complètes
d'ouvrages philologiques sur les langues africaines.
V. Largeau. Le Sahaba algérien. Deuxième édition, Paris
(Hachette et C**), 1881, in-18, 352 p. avec illust. et 3 cartes. — Depuis
son premier voyage (1875) à Ghadamès, oii il se proposait de créer un
courant d'affaires commerciales avec l'Algérie, M. Largeau a fait deux
nouvelles explorations dans la région saharienne, la dernière, en parti-
culier, pour reconnaître la voie par laquelle il serait possible de faire
passer le Trans-saharien. Il a pu combler les lacunes de la première
édition du Sahara, parue en 1877, et corriger des imperfections qui s'y
— 284 —
étaient glissées. Des observations nouvelles, des notes nombreuses rela-
tives à la flore, à la faune, au climat du désert, des illustrations
beaucoup meilleures, et trois cartes spéciales de rOued-Rihr et de ses
itinéraires à Ghadamës, fçnt presque de cette seconde édition une
œuvre nouvelle. M. Largeau croit toujours à la possibilité du Trans-
saharien, pour lequel il recommande la ligne Ouargla-Insalah-Tombouc-
tou, qui se rapprocherait des lignes d'eau. Seulement, il voudrait qu'une
expédition militaire vengeât au plus vite la mort du colonel Flatters, et
que la France occupât le Hoggar, après quoi Ton construirait des
villages fortifiés, qui seraient autant de stations du chemin de fer. Mais,
n'en déplaise à Tauteur, au point de vue de Texploration et de la
civilisation de l'Afrique, une politique pacifique nous paraît de beaucoup
préférable.
Ernest de Weber. Quatre ans au pays dksBoebs, 1871-1875. Traduc-
tion par Jules Oourdault. Paris (Hachette et C**), 1882, in-18, 386 p. avec
iUust. et carte. — Dans cette traduction, faite avec soin et abrégée avec
l'autorisation de l'auteur, M. Gourdault a donné au public français une
série d'épisodes et de tableaux, destinés à faire bien connattre les choses
et les scènes exposées avec plus de détails par M. de Weber, dans son
ouvrage : Vier Jàhre in Afrika. Arrivé dans l'Afrique australe à l'épo-
que de la découverte des mines de diamants, l'auteur nous fait assister
à l'origine de ce mouvement, qui emporta vers le Griqualand-West des
milliers de mineurs, aux infortunes de la vie de ceux-ci, éboulements,
inondations, conflit entre les détenteurs du sol et le gouvernement bri-
tannique devenu maître du pays par annexion ; et aussi aux transforma-
tions que subit l'exploitation, à mesure qu'elle passa, des mains de parti-
culiers, entre celles des grandes compagnies qui y apportèrent les per-
fectionnements fournis par l'industrie moderne. La seconde partie est
consacrée au voyage de M. de Weber, de Kimberley à Durban, à tra-
vers la république de l'État Libre et la colonie de Natal, aux descrip-
tions sympathiques de la vie des Boers de l'État Libre, des progrès de
la civilisation dans le petit État de Taba N'Chou et au Lessouto, ainsi
qu'à celles des mœm*s des Zoulous et de leur organisation militaire soufi
Chaka. Deux chapitres spéciaux, fournis à M. Gourdault par l'auteur,
sur la dernière guerre des Zoulous et la restauration de la république
du Transvaal, présentent exactement et impartialement les faits des
années 1879 et 1881, tout en laissant entrevoir les difficultés qui pour-
ront résulter de l'organisation donnée au Zoulouland, et de la position
du Transvaal, république autonome sous la suzeraineté de l'Angleterre.
— 285 —
E, CoBSon. Pbojet de création em Algébie et en Tunisie d'ukk
HER INTÉRIEURE. Poris (GautUer Villars, imprimeur-libraire), 1882,
îii-4", 52 p. et carte. — Dès Torigine du projet du capitaine Roudaire,
M. Gosson, qui avait fait une étude spéciale des cultures des oasis, et
de celle du palmier-dattier en particulier, t'en est déclaré l'adversaire,
et Ta combattu à plusieurs reprises dans les séances de TAcadémie des
^dences. A Toccasion de la nomination par le gouvernement de la
commission chargée d'étudier ce projet, il a cru devoir en examiner à
nouveau les bases et les résultats espérés par M. Boudaire. n y oppose
des raisons techniques, appuyées de l'opinion du capitaine Baudot et du
commandant Parisot, qui faisaient partie de l'expédition de 1874-1875.
Sans négliger les considérations politiques et commerciales, il déve-
loppe surtout les arguments tirés de la météorologie, de l'hygiène et
des cultures de cette région, pour prouver que la création de cette mer
serait une inutilité et un danger pour le pays. Les observations de
M. de Lesseps, sur les expériences faites au bord du lac Mensaleh dans
risthme de Suez, ne l'ont pas convaincu. Quant à la commission, elle
ne paraît pas avoir vu de danger dans ce projet, puisque c'est surtout
la question des frais d'exécution qui l'a engagée à ne pas encourager
le gouvernement à prendre cette entreprise sous son patronage.
Publications de M. G. Rolland, ingénieur des mines : Observa-
tions MÉTÉOROLOGIQUES. — SiLEX TAILLÉS. — MiSSION TRANS-8AHA-
RiENNE. — Terrain crétacé du Sahara septentrional. — Grandes
DUNES, etc. — Attaché à la mission dirigée par M. Choisy et chargée
d'étudier, au sud de la province d'Alger, les deux tracés de Laghouat à
El Goléah, et de Biskra à Ouargla, en vue du Trans-saharien, M. Bolland
a fait servh* cette exploration à une étude savante de la géologie et de
la météorologie du Sahara algérien, dont il a communiqué les résultats
à plusieurs sociétés scientifiques, dans les documents ci-dessus mention-
nés. Le plus complet de ces mémoires, celui sur le terrain crétacé du
Sahara septentrional, est accompagné d'une bonne carte géologique du
Sahara, du Maroc à la Tripolitaine et de l'Atlas au Hoggar ; sans doute
ses observations personnelles ont porté sur le Sahara algérien, mais,
pour les parties à l'est et à l'ouest de ce dernier, il a mis à profit les
renseignements fournis par d'autres voyageurs; il a même donné,
d'après Lenz, un aperçu de la géologie du Sahara occidental jusqu'à
l'océan Atlantique, et un autre, d'après Zittel, jusqu'à la mer Rouge.
Ses observations sur les grandes dunes lui ont permis de constater que
— 286 —
leurs éléments provienaent* de la désagrégation des roches sons les
influences atmosphériques, et que TamonceUement des sables est dft
entièrement au vent; en outre elles ont mis en lumière la relation qui
existe entre les chaînes de dunes et le relief du sol, et le fait que les
grandes dunes sont sensiblement fixes en plan et invariables dans leur
topographie générale. — Dans ses a Observations météorologiques,» tout
en admettant, avec M. Pomel, que le climat actuel doit avoir toujours
existé historiquement dans ses traits généraux et caractéristiques, il
n'en reconnaît pas moins que le Sahara est de plus en plus pauvre en
pluie, en végétation, en sources et en habitants. La découverte de nom-
breux silex taillés, pointes de flèches et débris de taille, à El-Hassi,
entre Laghouat et El-6oléah, le conduit à la même conclusion.
L'Algérie, par Maurice Wakl. Paris (Germer Baillière et C"), 1882,
in-8% 344 p. — Certes, s'il fut une époque où l'on se plaignit du peu
d'intérêt que les Français portaient à leur colonie de l'Algérie, ce repro-
che ne peut les atteindre aujourd'hui. Chaque mois, presque chaque
semaine voit éclore un certain nombre de volumes, qui étudient la
question algérienne sous quelques-unes de ses faces. Les remèdes pro-
posés pour améliorer la situation coloniale sont toujours très dififérents
les uns des autres, souvent irréalisables, mais ils ne témoignent pas
moins d'une heureuse tendance, et des. efforts faits par la France pour
donner à l'Algérie le bonheur et la prospérité.
Parmi les nombreux livres récemment publiés, celui de M. Maurice
Wahl doit occuper l'une des premières places, non seulement à cause de
la situation de son auteur, professeur au lycée d'Alger, ce qui lui a
permis d'étudier sur place les sujets dont il nous entretient, mais surtout
grâce à l'esprit impartial, calme et serein qui a présidé à sa composition.
On ne trouvera pas dans ce volume de ces phrases à grand effet, mais
vides de sens, qui abondent dans un si grand nombre d'ouvrages. L'étude
au contraire ne s'égare pas, elle est profonde, elle va droit au but ;
nous sommes persuadé que ceux qui liront ce livre en retireront une
connaissance approfondie de l'état actuel de lai colonie, et des divers
agents dont il faut tenir compte dans l'œuvre de colonisation.
L'ouvrage de M. Maurice Wahl n'est pas une description politique de
l'Algérie, de ses provinces, de ses ports, de ses marchés de l'intérieur,
etc. n est divisé en six livres, et nous ne saurions dire lequel nous a paru
le meillem*, tant l'intérêt se soutient d'un bout à l'autre. Il serait trop
long de suivre l'auteur dans tous ses développements ; qu'il nous suffise
— 287 —
de donner les grandes divisions de son ouvrage. Dans le premier livre,
l'auteur étudie le sol, c'est-à-dire l'orographie ou les trois régions du
Tell, des Hauts Plateaux et du Sahara; dans le deuxième, l'histoire du
pays avant la prise de possession par la France : le Nord de l'Afrique
sous les Carthaginois, les Romains, les Vandales, les Turcs ; dans le troi-
sième, la conquête française, l'expédition d'Alger, les exploits d'Abd-el-
Kader et sa défaite ; dans le quatrième les habitants, les deux grands
groupes arabe et berbère, puis les Israélites, les Français, etc., le mou-
vement de la population ; dans le cinquième les questions politiques qui
se rattachent à l'Algérie : institutions, gouvernement, organisation admi-
nistrative des indigènes, instruction des indigènes, les colons; enfin dans
le sixième, les forces productives du sol : agriculture, forêts, élevage du
bétail, industrie, commerce, voies de communication et crédit.
Algérie et Sahara : V La question africaine ; 2"" Les âges de pierre
du Sahara central, par Lucien Eabourdin. Paris (Challamel aîné et
Guillaumin et C% 1882, in-8% 165 p. et carte. — Cet ouvrage se compose
de deux parties entièrement distinctes. Dans la première; sous le titre
de « Question africaine, » l'auteur passe en revue plusieurs points fort im-
portants concernant la politique algérienne, le Trans-saharien, etc., et
intéressant l'avenir de la colonie. Dans la seconde, il tire de l'étude du
premier voyage de la mission Flatters, dont il faisait partie comme <5hef
de section, des conclusions au sujet de la pré-histoire et de l'ethnogra-
phie africaines.
Nous ne saurions être d'accord avec M. Rabourdin lorsque, après avoir
montré que les insurrections diverses que les Français ont eu à maî-
triser ont une cause générale, il déclare que cette cause réside dans le
fait de la substitution du régime civil au régime militafre. Ce dernier sys-
tème, qu'il croit excellent pour l'Algérie, a au contraire le fâcheux effet
d'exciter l'Arabe contre l'Européen et d'arrêter la colonisation. Nous
croyons, eii ce qui concerne le soulèvement des peuplades africaines du
Nord, qu'il provient bien plutôt d'une recrudescence de l'esprit musul-
man, laquelle fait sentir ses effets non seulement en Algérie et en Tunisie,
mais aussi à TripoU, en Egypte et ailleurs. Quant aux autres questions
examinées par M. Rabourdin, il n'y a, croyons-nous, qu'une vqix pour
appuyer ses conclusions : création d'escadrons de méharis, pour faire la
guerre du désert ; assainissement des oasis en comblant leurs fossés et en
remplaçant les puits indigènes par des puits tubulaires ; amélioration du
personnel des fonctionnaires civils; enfin, continuation de l'étude des
voies de communication de l'Algérie avec le Soudan.
— 288 —
La seconde étude à laquelle se livre M. Rabourdin, à propos du premier
voyage de la mission Flatters, concerne un siget beaucoup plus spécial,
sur lequel il est impossible de se prononcer avec certitude à Theure actu-
elle : les populations pré-historiques deTAfrique.
Du fait que de nombreux dépôts de pointes de flèches, de couteaux,
de pointes de lances en sUex se rencontrent près de Ouargla, de Temas-
sinin, d'Aïn el Taïba, dans la vallée de Tlgharghar, il croit pouvoir con-
clure qu'il existait certainement, aux temps pré-historiques, de nombreu-
ses peuplades sédentaires dans le Sahara, et qu'il est probable que ces
peuplades sahariennes de Tâge de la pierre communiquaient avec TAsie
méridionale et la Malaisie.
ASSAB ET LES LIKITES DE LA SOUVERAINETE TURCO-ÉGTPTIEinfrB DAIÏS
LA MER Rouge. Rome, 1882, in-é*", 37 pages et 2 cartes. — Relazionb
MIIOSTERIALE E DISBGNO DI LEGGE PRE8EKTATE AL PARLAMENT0 ITAUAKO
DAL MINISTRO DEGU AFFARI ESTERI (M. MaUCini) NELLA TORNATA DEL
12 GiuGKo 1882. Rome, 1882, in-é"*, 66 pages et 2 cartes. — Le gouver-
nement égyptien ayant contesté la validité de Tacquisition, par l'Italie,
du territoire de la baie d'Assab, dont la Compagnie Rubattino était en
possession depuis onze ans, en prétendant que, dès 1540, la Porte aurait
exercé de fait et de droit, sur toute la côte occidentale de la mer Rouge,
une souveraineté dont elle lui aurait fait cession, le gouvernement ita-
lien a soumis les prétentions de l'Egypte à un examen sérieux, exposé
dans le premier des documents susnommés. La lecture en est {adlitée
par deux cartes, l'une générale, de toute la partie méridionale de la mer
Rouge depuis Souakim, l'autre spéciale, du territoire d'Assab enclavé
entre Bedoul et Rahelta. Les conclusions du mémoire sont que, au delà
de Massaoua, la côte a toujours été considérée conmie n'ayant d'autre
maître que les tribus plus ou moins nomades qui l'occupent, traitant
d'égal à égal avec les Européens, disposant de leur territoire, en faisant
des cessions selon leur bon plaisir, et refusant constamment de recon-
naître la prétendue suzeraineté de la Porte. Le second document ren-
ferme le rapport présenté par M. Mancini, ministre des affaires étran-
gères, de concert avec les ministres des finances, de l'agriculture et du
conmierce, à la Chambre des députés, à l'appui du projet de loi sur la
constitution et l'organisation d'une colonie italienne h Assab. Parmi les
pièces annexes qui l'accompagnent, se trouvent la convention passée
entre le gouvernement italien et la Compagnie Rubattino, et celles par
lesquelles les chefs DanakUs ont cédé leur territoire à M* Sapeto, repré-
sentant de la susdite compagnie.
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— 289 —
BULLETIN BIMENSUEL {6 nmyemhre 1882.)
A mesure que T Al^^pie recouvre la tranquillité, que la guerre des
Kroumirs et le soulèvement des Arabes au sud de la province d'Oran
lui avaient fait perdre, l'attention des esprits se reporte sur les besoins
de la colonisation et de Tindustrie, et sur les moyens d'y pourvoir. Le
président de la république a préparé un projet de loi, demandant que le
ministre de l'intérieur soit autorisé à acquérir des terres en Algérie pour
la cH^lonisation, jusqu'à concurrence de 37,000,000 fr. ; cette somme,
qui figurerait au budget général de TÊtat, serait répartie sur les exercices
1883 à 1887. D'autre part M. Pouyanne, ingénieur en chef des mines h
Alger, a fait une reconnaissance des terrains de Bou-Saâda dans lesquels
de la houille avait été signalée, pour se rendre compte de l'impor-
tance de ces affleurements carbonifères. Il en a trouvé sur plusieurs
points et à dififérentes hauteurs, des deux côtés de la rivière qui traverse
cette région ; celle du niveau inférieur est la meilleure ; la couche en
est aussi la plus épaisse. D'autres affleurements ont été découverts à
80 kilom. de Bou-Saflda ; il y aurait là, semble-t-il, un véritable bassin
houiller. Une société est en formation pour l'étude et l'exploitation de
ces gisements, qui attireront en Algérie de nouveaux colons et donneront
naissance à de nouvelles industries. L'extension des voies ferrées en
sera aussi facilitée. La ligne d'El-Guerrah à Batna vient d'être inaugu-
rée ; la Compagnie de la mine de plomb argentifère de Eef-Oum-Teboul
en a construit une pour le transport de ses minerais jusqu'à la mer ;
enfin, au conmiencement de l'hiver, seront entrepris les travaux d'art de
la ligne de Soukarras à Ghardimaou, dont les ingénieurs viennent de
terminer les études.
La répression de la révolte d'Arabi pacha aidera, nous l'espérons, à
l'extinction de la traite et de l'esdavag^e en Êg^ypte. Après la
réponse négative de M. Gladstone à la demande de l'Antislavery
Society, de saisir de cette question la conférence de Constantinople,
cette société lui a adressé une nouvelle lettre, dans laquelle elle rappelle
la responsabilité imposée, relativement à la question de l'esclavage, au
gouvernement de S. M. par sa position actuelle en Egypte. Le Comité
insiste, respectueusement mais sérieusement, auprès du premier mi-
nistre, sur l'importance de prendre des arrangements administratifs
tels que, non seulement ils donnent aux firmans et aux édits, émanés de
temps à autre de la Turquie et de l'Egypte, leur plein et légitime efifet,
L'AFRIQUE. — TROISIÈKB ANN^E. — N<* 12. 12
— 290 —
mais encore qu'ils assurent la complète suppression de la traite et
Textinction de Tesclavage. L'Angleterre est d'ailleurs tenue de réaliser
entièrement les principes de sa politique autiesclavagiste , dont le
caractère désintéressé et bienfaisant ne peut manquer de recevoir l'ap-
probation collective de l'Europe et des pays chrétiens du monde entier.
Comme le fait remarquer le Times, la lettre de l'Antislavery Society
demande l'extinction de Tiustitution légale de l'esclavage, aussi bien
que la suppression de la traite ; en effet, l'œuvre civilisatrice ne sera
rendue, efficace que par cette extinction. Sans doute l'esclavage est une
institution ancienne dans ces pays ; toléré par la loi de Mahomet, il est
accepté par les maîtres et les esclaves comme une partie de l'ordre de la
nature ; mais cela ne change pas la position des hommes, des femmes
et des enfants qui senties victimes des chasseurs d'esclaves. En réponse
à la lettre sus-mentionnée, M. Gladstone a informé l'Antislavery Society
qu'il ne manquerait pas de conférer avec lord Granville sur ce sujet, et
que, quoiqu'il ne vît pas encore ce qu'il pourrait faire, il espérait que
l'on trouverait un moyen de faire quelque chose. A ce propos l'attention
des partisans de la suppression de la traite se porte de nouveau sur le
général Gordon , qui avait été chargé de réorganiser les troupes colonia-
les de l'Afrique australe et de pacifier le Lessouto, et qui vient de don-
ner sa démission de ces fonctions.» Le moment paraît favorable pour
frapper un grand coup, qui hâterait la suppression de la traite partout,
en lui coupant tous les chemins vers la côte orientale de l'Afrique.
L'Egypte, qui possède le Soudan où il faut aussi rétablir l'ordre, fait
remarquer VAfrica, s'étend jusqu'à l'équateur, et ses postes militaires
atteignent l'Albert Nyanza, oU Gordon a placé un steamer. De l'extré-
mité sud de ce lac au Tanganyika il n'y a guère que 500 kilomètres,
occupés en grande partie par le Monta Nzigé, dont Stanley a vu le
golfe Béatrice. Si le gouvernement britannique faisait un arrangement
avec le khédive pour la suppression de la traite, il ne serait pas impossi-
ble à un officier habUe de former un cordon qui s'étendrait du Nil au
Tanganyika, sur lequel sera bientôt placé un steamer. Quand la route
du Tanganyika au Nyassa sera construite, et que la communication par
vapeurs sera établie de ce dernier lac au cours inférieur du Chiré, il ne
resterait plus que la courte ligne du Chiré à Quilimane, surveillée par
les Portugais, pour avoir une série non interrompue de postes d'observa-
tion qui, du Nil au Zambèze, fermeraient complètement le passage aux
caravanes d'esclaves vers l'océan Indien.
La situation du Soudan ég^yptien est des plus critiques; le faux
— 291 —
prophète Mohamed Ahmed, après avoir surpris et massacré le corps
de troupes envoyé de Fachoda contre lui, a marché sur le Eordofan
dont les villes se sont soumises à lui, à l'exception de la capitale El-
Obéid, que 20000 hommes de ses troupes ont investie, pendant que lui-
même s'avance contre Khartoum avec 60,000 hommes. Le gouverneur de
cette ville, Abd-el-Kader pacha, a fait son possible pour la mettre en état
de défense, et le conseil des ministres, présidé par le khédive, lui a
envoyé Tordre de tenir bon jusqu'à l'arrivée de renforts qui vont lui
être expédiés. A cet effet le conseil a décidé d'enrôler, en aussi grand
nombre que possible, des troupes nègres, et d'en donner le commande-
ment à Ismall-Eyoub-Pacha, ancien ministre de la guerre. Mais la gar-
nison de Khartoum pourra-elle tenir jusqu'à l'arrivée de ces troupes V
Elle ne compte, d'après un correspondant du Standard au Caire, qu'un
millier d'hommes, et la population de la ville paraît disposée à accueillir
Mohamed Ahmed.
La pacification du Soudan est d'autant plus urgente que, d'après
M. y ossion, ancien consul français à Khartoum, le commerce de cette
province a considérablement diminué depuis que, pour prévenir la traite,
les produits, ivoire, gomme, etc., ont été monopolisés par le gouverne-
ment. Autrefois le commerce était Ubre, et l'on comptait, pour l'ivoire
seulement, le long du Nil Blanc et du Bahr-el-6hazal, une vingtaine
d'établissements, qui en recueillaient annuellement près de 300,000 kilog. ,
pour une valetu* de quatre millions de francs. L'échange y attirait
pour une valeur égale de marchandises européennes : cotonnades, mous-
selines, draps rouges, quincaillerie, etc. Aujourd'hui que la plus grande
partie de l'ivoire est prélevée à titre d'impôts par les agents du gouverne-
ment, ce n'est que pour le surplus que s'effectuent les échanges en
nature. Les troupes égyptiennes établies dans les différents districts,
jusqu'aux grands lacs de l'équateur, recueillent celui qu'apportent les
peuplades au milieu desquelles elles vivent; il est centralisé à Lado, puis
expédié par le Nil à Khartoum, où il est vendu *aux maisons d'Europe
du Caire, qui ont des comptoirs dans cette ville. Mais la quantité en
a beaucoup diminué depuis le monopole ; auparavant 6500 cantars ^
d'ivoire étaient transportés annuellement à la mer Rouge ; en 1881 il
n'y en a eu que 2500. U faut espérer qu'une fois le Soudan pacifié et la
traite abolie, l'administration égyptienne trouvera le moyen de renoncer
AU monopole, de rendre à cette province son ancienne liberté conuner-
' Le cantar équivaut à kilog. 44,55.
— 292 —
ciale et de substituer le travail libre au travail servîle. Ce serait un pro*
grès considérable, pour Khartoum en particulier, le centre de tout le
eonunerce du Soudan; en effet, sa population est de 45,000 habitants,
dont 35,000 sont des esclaves venus de toutes les tribus du Nil Blanc et
du NU Bleu.
U est d^autant plus nécessaire que T Angleterre saisisse Toccasion of-
ferte par ses succès en Egypte, qu'à la faveur des troubles survenus dans-
ce pays, une forte recrudescence de la traite s'est produite sur le Haut
Nil. Dans notre dernier numéro, nous citions à cet égard les renseigne*
ments fournis par le D' Schweinfurth à VAntislavery Reporter; aujour-
d'hui ce sont les missionnaires suédois qui, obligés de revenir à Khar-
toum, disent avoir été empêchés d'avancer vers le sud, jusqu'au pays
des Gallas où ils devaient se rendre, par les Égyptiens qui regardent
les missionnaires comme des espions et des adversaires de la barbarie:
qu'entraîne la traite à l'intérieur. Os ont rencontré, à l'ouest du Nit
Bleu, quantité de caravanes de pauvres esclaves enchaînés ; ceux qui se^
trouvaient trop faibles pour suivre la marche étaient abandonnés sans^
pitié, périssaient de faim ou étaient dévorés par les fauves. Quant aux
survivants, ils étaient vendus, les filles pour les harems, les adultes pour
servir comme domestiques, et beaucoup d'hommes mutilés comme gar-
diens des harems.
D'après une lettre du baron von MuUer à la Neue Freie Presse de
Vienne, son exploration du pays au nord du plateau d'Abyssinie ne
s'est pas effectuée sans dangers. Les hostilités ayant de nouveau édaté^
entre l'Egypte et l'Abyssinie, et le meurtre et le pillage régnant autour
de Massaoua, il dut sortir de cette ville de nuit avec douze hommes armés,
et gagner Mbérémi, au bord de la mer, pour longer les savanes et tra-
verser ensuite une plaine unie comme une table, jusqu'à la muraille
gigantesque des montagnes qui supportent le plateau d'Abyssinie. Che-
min faisant il put inscrire dans son itinéraire plusieurs cours d'eau non
encore marqués sur les cartes. Après avoir atteint le Falkat à son con-
fluent avec le Tsewi, il remonta le premier en s'enfonçant toujours plus,
dans les montagnes de Habab, pays désert, oii l'on ne rencontre pas un
être humain et où l'on souffre des variations considérables de la tem-
pérature, la chaleur étant insupportable au soleil, tandis qu'à l'ombre^
des rochers, grâce à l'altitude de cette région^ on est saisi par le froid.
Les vivres étant épuisés et le gibier manquant, il fut obligé de tuer»
pour se nourrir lui et ses gens, des chevaux et des mulets. Par le col de
Kelhat il arriva dans le bassin du Meenet, puis traversa la vallée du
— 293 —
Baraka, et, par Daga, atteignit enfin Eassala ; il suivit encore rAtbara
jusqu'à Hasaballa ; mais rinsécurité du pays, parcouru par des banded
d'insurgés, l'obligea à revenir en hftte par Lenhit à Massaoua. Dès lors
il s'est rendu à Zella, pour traverser de là le pays des Gallas Isas^
Adals et Gadoboursis, monter sur le plateau des Gallas Nolis et gagner
Harar, d'où il est revenu à ZelIa. Son excursion chez les Gallas a bien
réussi; il en a rapporté des observations astronomiques, hypsométriques
€t barométriques, ainsi que ctes collections d'armes et d'ustensiles.
La partie méridionale de l' Abyssinie a été récemment le théâtre
d'hostilités entre les deux rois du Choa et du Godjam, Ménélik et
Ras Adal, tributaires du négous, tous deux ambitieux et cherchant à
étendre leur territoire aux dépens de leurs voisins les Gallas. Sous pré-*
texte qu'il ne pouvait plus supporter l'arrogance de Bas Adal, Ménélik
lui a déclaré la guerre, l'a vaincu et fait prisonnier, puis a parcouru le
Godjam en saccageant et dévastant tout sur son passage. Après cela il
a envoyé au négous des présents, et une lettre dans laquelle il déclarait
se considérer toujours comme son sujet, prêt à se conformer à ses ordres,
et lui demandait de prononcer entre lui et Bas Adal. Il s'est en effet
présenté devant le roi Jean avec Bas Adal enchaîné, et le tribunal,
auquel la cause a été soumise; a jugé que Bas Adal avait eu tort d'insul^
ter le roi du Choa dans son propre pays. — La mission italienne est
partie en octobre pour porter au négous des lettres du roi d'Italie, le
remerciant de la coopération qu'il a prêtée avec le roi du Godjam pour
la délivrance de Gecchi, et lui faire comprendre l'utilité de relations
commerciales entre son pays et l'Italie. Des lettres du marquis Anti-
nori annoncent qu'il n'a pas pu aller au lac Zouay, comme il le dési-
rait. En revanche, un voyage chez les Adas Gallas lui a permis de recon-
naître deux petits lacs. Ménélik poursuit ses conquêtes vers le Eafia, et
comptait marcher contre les Aroussia Gallas, avec im de ses vassaux.
La nouvelle colonie d'Assab va recevoir de grands encouragements
de la part du gouvernement italien. Le ministre des affaires étrangères,
auquel en incombent la surveillance et le développement, a décidé d'y
créer im hôpital pour les marins, et un dépôt de charbon pour les navi-
res. En outre, il établira à Buia un port suffisant pour donner abri aux
embarcations arabes, un phare à Sannaba, et tout ce qui peut faciliter
le débarquement ou l'embarquement des marchandises. Une partie de
ces travaux sont déjà commencés et seront probablement terminés
avant la fin de l'année. Le gouvernement songe aussi à faire de grandes
plantations dans toute la colonie, à perfectionner et à rendre plus rapides
— 294 —
les communications entre Assab et les pays voisins, à établir une ligne
télégraphique jusqu'à Âden pour relier la colonie avec TEurope, et à
organiser une correspondance directe régulière avec lltaUe, par la
Société italienne de navigation. De son côté, la Société africaine dltalie
s'occupe du développement commercial italien par la voie d'Assab.
M. Pietro Serra Caracciolo, de l'ancien Club africain de Naples, envoyé
là-bas par une maison de commerce de cette ville pour étudier les
besoins des populations du voisinage d' Assab, a fait à son retour, sou&
les auspices de la Société napolitaine, un rapport à la suite duquel un
comité d'initiative a été nommé, et bientôt après une Société commer-
ciale colonisatrice pour Assab s'est constituée ; elle a décidé de demander
au gouvernement son appui et des concessions propres à faciliter ses
opérations. — La nouvelle Société commerciale milanaise, dont nous par-
m
lions dans notre dernier numéro, se propose de recevoir les marchandises
envoyées de l'Abyssinie, du Tigré, etc., pour les expédier sur les mar-
chés de l'Europe, et d'importer dans cette partie de l'Afrique tout ce
dont les indigènes ont besoin ; en même temps elle entreprendra les
travaux que le gouvernement se propose de faire, et fournira les navires
qui stationneront dans la rade d'Assab. — Au reste, la Société africaine
d'Italie encouragera les établissements commerciaux italiens sur toutes
les côtes du continent et les explorations à l'intérieur. A cet effet, elle a
décidé de décerner des médailles d'or aux premiers Italiens qui fonde-
ront des stations ou factoreries, soit agricoles, soit commerciales, sur
les côtes d'Afrique baignées par l'océan Indien ou par l'Atlantique,
sauf au Maroc ; de plus, une médaille d'or à l'ItaUen qui le premier
explorera, au point de vue scientifique et commercial, la région située
entre Assab, l'Abyssinie et le Choa d'un côté, et les grands lacs Albert
et Victoria Nyanza de l'autre, et une médaille d'or à l'ïtalien qui le
premier explorera la route delà Méditerranée au lac Tchad et à Kouka,
au point de vue commercial, et spécialement à celui des intérêts de
l'Italie; enfin, deux médailles d'or aux voyageurs, de quelque nation
qu'ils soient, qui exploreront les premiers et pourront déterminer soit
le cours de l'Ouellé, soit celui du fleuve Djouba.
Les relations commerciales entre l'Abyssinie et Obock paraissent bien
établies. La route nouvelle ouverte par M. Soleillet, entre celles de Mas-
saoua et de Zella aux mains des Égyptiens, ne traverse que des tribus
Danakils, indépendantes de l'Egypte, pasteurs et nomades, dont les deux
centres sur le Ûttoral sont Raheïta et Tadjoura ; à l'intérieur, leur ville
la plus importante est Haoussa. Le traité de 1862 a cédé à la France le
— 295 —
territoire qui s'étend de Raheïta à la baie de Tadjoura. H comprend
neuf tribus dont les chefs (ras) reconnaissent la suzeraineté du sultan de
Raheïta, allié de celui de Tadjoura, feudataire comme lui du sultan de
Haoussa, ami du roi du Ghoa. C'est avec le sultan de Raheïta que les
Français ont à traiter pour leurs relations avec les tribus du littoral.
Déjà au commencement de mai, Ménélik envoya à M. Soleillet un cour-
rier, avec une escorte de quelques Éthiopiens qui arrivèrent à Obock
sans difficulté. Dès lors, il a fait partir à la fin de juillet une grande
caravane de 200 chameaux, chargés d'ivoire et de marchandises précieu-
ses, qui est arrivée saine et sauve à Obock. M. Soleillet s'est ensuite
rendu lui-même par Haoussa à Ankober, où il comptait passer deux
mois pour en revenir avec une nouvelle caravane. Avant son départ,
cependant, il a installé un agent commercial à Segalla, port que le sul-
tan de Tadjoura a cédé à la France.
La région des montagnes neigeuses, du Kénia et du Kilimandjaro»
sera prochainement explorée par deux expéditions : l'une, que nous
avons déjà annoncée dans notre dernier numéro, entreprise par la
Société de géographie de Londres, sous la direction de M. Thomsoii,
qui devra partir de Mombas ; l'autre, dirigée par le D' Fîscliep, com-
pagnon de Denhardt, en 1879, dans son exploration de la Dana. Depuis
cette époque il a vécu à Zanzibar, comme médecin et naturaliste. Il a
renoncé le l** octobre à sa carrière médicale, pour réaliser le plan, mûri
depuis cinq ans, d'un voyage de découvertes dans l'Afrique orientale. Il
a proposé à la Société de géographie de Hambourg de faire une expédi-
tion spécialement hambourgeoise, à la condition que cette société y con-
tribuât pour 18,000 fr. £Ue a facilement réuni cette somme, et va se
trouver pour la première fois directement intéressée à une exploration
africaine importante. Le D' Fischer y est préparé par ses précédents
voyages dans la région de la Dana, 'par l'habitude des privations de
toutes sortes, et par la connaissance qu'il a acquise de la langue, des
mœurs et coutumes des populations africaines. Il compte partir de Pan-
gani, au sud de Mombas, en novembre, avec une des caravanes arabes
qui, formées de 600 ou 800 honmies, se rendent aux lacs africains
situés dans le territoire à l'est du Victoria Nyanza. Il a choisi Pangani
comme point de départ, parce que, de là, on atteint très vite un pays non
encore visité par des Européens, puis parce que la route de Pangani
traverse la région où se trouvent les montagnes neigeuses, et enfin parce
que l'expédition de J. Thomson prendra Mombas comme base d'opéra-
tions. Il paraît aussi que l'on trouve à Pangani des gens qui ont une Ion-
— 296 —
gue expérience de ces voyages. L'explorateur allemand pense séjourner
au lac Sambourou ou au lac Baringo, la dernière station des trafiquants
arabes, pour y faire des collections et explorer le pays environnant, et
spécialement le territoire des Boranis Gallas^ non loin du fleuve Djouba.
Il reviendrait par les pays Gallas ; son voyage durerait un an.
L'Afrique orientale vient de perdre un de ses missionnaires les plus
capables, TÊvêque Steere, de Zanzibar, dont le nom sera toujours
intimement lié à ceux de tous les hommes (fui ont travaillé à l'abolition
de la traite et au relèvement des noirs dails cette partie du continent.
C'est lui qui, le premier, a eu Tidée de créer, pour les esclaves libérés, des
stations dans leur propre pays, où ils retrouveraient une demeure, où la
liberté leur serait assurée, et où ils apprendraient à en user chrétienne-
ment. Dès 1874, il mit par écrit les langues souahéli et yao, traduisit et
fit imprimer la plus grande partie de la Bible et des ouvrages d'édifica-
tion, sans parler de manuels pour interroger les esclaves saisis en pleine
mer par les officiers anglais, de contes et de fables indigènes, qui font les
délices des nègres. A mesure qu'il apprit à connaître les esclaves libérés,
il comprit mieux tout le parti que l'on pourrait tirer, pour la civilisation,
du renvoi dans leur pays de ceux qui étaient élevés à Zanzibar. U fonda
successivement une série de stations jalonnant la route du Nyassa, en
renvoyant de la ferme de Mbouéni, près de Zanzibar, où ils étaient
élevés, des couples mariés, dans leur pays, pour y raconter letir libération,
y parler des ateliers de la mission, de l'imprimerie, des hôpitaux, de
l'œuvre qu'y accomplissaient les dames anglaises. Dans toute cette par-
tie de l'Afrique sa perte sera vivement ressentie. Mais ce sera surtout à
Zanzibar qu'elle sera déplorée par toutes les classes, indigènes et étran-
gers. Voyageurs et missionnaires en passage à Zanzibar lui demandaient
aide et conseil, assurés d'être toujours traités par lui avec une parfaite
courtoisie. Le D' Kirk, ancien cdrfiul général à Zanzibar, écrit à l'Antî^
lavery Reporter que sa perte ne peut être appréciée.
Le séjour de Cetti^M^ayo en Angleterre n'aura pas été inutile, nous
l'espérons, pour la pacification du Zoulouland, où l'organisation créée
par Sir Gamet Wolseley s'est montrée tout à fait défectueuse. Plusieurs
des chefs étaient cruels, tel autre incapable, tel autre encore, étranger,
n'avait pas su gagner la confiance de ses subordonnés. Il n'y avait ni
autorité centrale, ni cohésion entre les diverses tribus. Aussi tout le
monde était-il d'accord qu'il fallait un changement dans la forme de l'ad-
ministration de ce pays, pour prévenir la guerre civile et la ruine qui en
aurait été le résultat. Les Zoulous redemandaient leur roi ; le gouverna
— 297 —
ment anglais a autorisé celui-ci à retourner dans ses États. Avant de
repartir, Cettiwayo a témoigné toute sa reconnaissance pour la réception
qui lui a été &ite, et déclaré qu'il considérera toujours la reine conune
sa mère, quoiqu'il s'en retourne pauvre, car avant la guerre il avait des
milliers de têtes de bétail dont la vente le faisait vivre ; John Dunn a
promis de faire son possible pour qu'elles lui soient rendues, mais le roi
n^a pas confiance en John Dunn. U a vu ce qu'est la civilisation, et
il désire devenir civilisé, lui et son peuple. Avant son départ d'An-
gleterre, il a reçu une députation de l'Aborigines' Protection Society,
à laquelle il a dit qu'en retournant dans son pays il pardonnera
à tous ceux qui l'ont offensé, et qu'il sera toujours très con-
tent d'avoir auprès de lui un résident anglais ; il aimerait qu'il y en eût
un aussi sur la frontière du Trausvaal, pour maintenir la paix entre les
Boers et les Zoulous. Une délégation de la National Tempérance League
s'est également fait présenter à lui, pour attirer son attention sur le
mal que les spiritueux introduits par les trafiquants font aux natife. Il a
répondu aux délégués que son peuple, comme peuple, était partisan de
l'abstinence des spiritueux, en ce sens qu'il n'en consomme pas ; la bière
que boivent les Zoulous n'est pas enivrante comme les liqueurs euro-
péennes. Lui-même avait interdit l'entrée des spiritueux dans ses États;
mais fl ne suffit pas que lui leur ferme la porte ; il faudrait que l'admi-
nistration de la colonie de Natal s'opposât à l'exportation de ces liqueurs
dans le Zoulouland. H a réclamé à cet effet l'appui de la Société et du
gouvernement anglais. Parti de Plymouth le 2 septembre par le ^u&ian,
il est arrivé à Gapetown, où il a rendu visite à Sir Hercules Robinson,
avec lequel 0 devait conférer avant de se rendre dans ses États.
Quoique les rapports qui nous arrivent sur les mines d'or dernière-
ment découvertes entre Eknds Spruit et la Eaap River, à 100 kilom.
environ de Lydenbourg, dans le Transvaal, soient assez contradic-
toires, les mineurs y affluent de toute la colonie du Cap, de Natal, de
Eimberley ; il y est même arrivé des Écossais de Melbourne. D'après le
Natal Mercury y l'or y est distribué assez également, près de la surface
du sol, aussi bien que plus profondément ; il semble qu'il y en ait de
deux sortes, celui de la partie supérieure d'une couleur légèrement claire,
celui de la couche plus profonde, d'une teinte plus foncée. Les plus
grosses pépites, d'une demi-livre, ont été trouvées au sommet de la mon-
tagne de Spitz Eop, à plus de 2000 m. au-dessus de la mer. Une com-
mission du gouvernement s'est rendue de Pretoria h ces mines, pour
examiner la question des concessions et de l'exploitation. Le Bulletin des
— 298 —
Mines amiOQce qu'il a été octroyé à M. Otto de Rothschild de Londres,
et à MM. Guibaud et Franck de Tours, Tautorisation d'exploiter les
gisements qui se trouvent sur le territoire de leur ferme de Spitz Kop ;
c'est une concession immense, dont les propriétaires cherchent à consti-
tuer une société pour Texploitation avec des capitaux anglais et français.
L'attention du gouvernement de la Colonie du Cap a été attirée sur
le mal que l'extension de la vente des spiritueux, depuis la guerre
du Liessouto, fait aux indigènes, afin qu'il prenne des mesures
vigoureuses pour y obvier, sans quoi l'œuvre civilisatrice de plus de 50
années risque d'être détruite. Un grand malaise continue d'ailleurs à
régner dans ce pays, par suite de l'insoumission de Masoupha. Les
Bassoutos sont dans l'incertitude, ne sachant qui gouverne, des chefe
ou des magistrats anglais. Beaucoup de gens n'ont confiance ni dans le
gouvernement brit^omique, ni dans les che&, et se préparent à émigrer
pour entrer au service des colons, plutôt que de continuer à vivre dans
un pays qui appartient on ne sait à qui. Letsié a fait tenir un pitso
tout près de Thaba-Bossiou, où Masoupha entretient un foyer d'intri-
gues et d'agitation. On croit qu'il finira par céder sans effusion de sang,
mais on attend avec impatience l'arrivée de la Commission chargée de
payer aux loyaux des sommes équivalentes aux pertes qu'ils ont subies,
et d'établir l'administration du pays sur des bases acceptables.
M. F. W. North, ingénieur des mines de la Colonie de Il^Atal, a fait
dernièrement un rapport très favorable sur les mines de konille décou-
vertes près de Dundee, dans les divisions de Klip River et de Newcastle,
à 300 kilom. environ de la côte. U en ressort que le charbon de ces mines
est de plusieurs qualités, et qu'il peut très bien être employé pour les
locomotives ; certaines parties pourront servir à faire du gaz, d'autres
un bon combustible de maison, etc. Les veines exploitables atteignent
3 m. d'épaisseur; le contenu petit en être évalué à 2,073,000,000 de ton-
nes, représentant une valeur de quatre milliards de livres sterling. Il y a
en outre, dans la même région, de grands dépôts de fer magnétique, qui
peut être converti en acier pour tous les instruments nécessaires à l'in-
dustrie et à l'agriculture. Une société vient de se fonder sous le nom de
a South Afirican Coal and Iron Company, Umited, Dundee, Natal, » au ca-
pital de 20,000 L., avec siège àPietermaritzbourg, pour l'exploitation de
la houille et du fer de ces mines. Elle a obtenu du gouvernement une
vaste concession de quelques milliers d'acres, située dans un endroit très
salubre, sur un plateau dominé au nord, à l'ouest et au sud par les monts
Biggars; à l'est senties collines qui bordent la rivière Buffalo. Elle est
— 299 —
très bien placée pour devenir le centre d'une grande exploitation houil-
lère et de manufactures de fer ; l'eau y abonde ; la route de Pieterma-
ritzbourg à Newcastle la traverse. L'extension du réseau des voies
ferrées la reliera à Lady Smith, et par suite avec l'État libre d'Orange,
le Transvaal, le Griqualand West, le Zoulouland et la Colonie du Gap,
Cette exploitation aidera beaucoup au développement industriel de
l'Afrique australe, et y facilitera aussi l'établissement de nouvelles lignes
de chemins de fer et de télégraphes.
Quoique les éléphant» aient presque disparu des possessions britan-
niques de l'Afrique australe, les environs de Port Êlisabetli ont
encore d'assez grandes troupes de ces pachydermes, qui foun*agent dans
toutes les directions et font beaucoup de mal aux plantations. Deux pro-
priétaires, M. Kelsey et Newsome, en ont vu récemment venir des monts
Orassberg une cinquantaine, suivis d'une arrière-garde de 20 à 30. Ils
paraissent attirés par le spekboom, fourrage qui abonde dans ce district
et doBt ils sont très friands. Vu la défense du gouvernement on ne tire
pas sur eux ; ils peuvent ainsi s'approcher impunément jusqu'à une cen-
taine de mètres des habitations.
L'expédition austro-hongroise du D' Emile Holub commencera
«n avril 1883, et se subdivisera en trois parties. U fera d'abord un
voyage de 6 à 8 mois, de Capetown dans l'Afrique australe civilisée, puia
Ma autre d'égale durée dans le pays des Betchouanas, enfin une explo-
ration au nord du Zambèze, aussi loin qu'il pourra la pousser. Dans
chacune de ces régions, il étudiera spécialement la minéralogie et la géo-
logie, la botanique et la zoologie, ainsi que l'ethnographie, et fera des
•collections en rapport avec ses observations. En outre, le long des côtes
il fera des sondages; dans le second voyage, il s'occupera de détermina-
tions de latitude et de longitude; le troisième sera consacré à l'exploration
du pays des Barotsés, aiusi qu'à la constatation de l'existence d'un lac
intérieur signalé dans cette région, et de l'extension du groupe de lacs
salés qui caractérise l'axe longitudinal de l'Afrique australe.
Grâce aux efforts des missionnaires de la Société de Barmen pour
amener une cessation des hostilités entre les Xamaquas et les Héré^
ros, un traité de paix a pu être signé ; en voici les principales stipula-
tions. Les bieiïs enlevés pendant les hostilités restent la propriété de
leurs possesseurs actuels. Les communications entre la Colonie du Cap
et le Damaraland demeureront libres pour les voyageurs et le commerce.
Quant à la question des limites entre les Héréros et les Namaquas, une
commission sera nommée par les deux parties pour l'examiner, et le
J -
— 300 —
gouvernement du Cap est prié de désigner un commissaire ou un repré-
sentant pour la trancher. Les chefis Namaquas n'ont pas tous adhéré au
traité, mais l'opposition des réfractaires n'est pas à craindre. Les signa-
taires se sont engagés à ne pas faire d'excursion sur le territoh:^ d'au-
tres tribus, et, pour prévenir le retour d'hostihtés sanglantes, ils ont
décidé de nommer des a Commissions de paix, » l'une pour le Nord,
l'autre pour le Sud du pays ; elles devront régler les contestations qui
pourraient survenir. Leurs membres seront nommés par les chefe res-^
pectifis des deux parties, et recevront d'eux pleins pouvoirs pour agir
en leur nom. Enfin, pour mettre un terme à l'habitude de quelques tri-
bus d'aller vivre et chasser sur le territoire des autres, les signataires
du traité ont stipulé que ceux qui voudront aller d'une partie du pays
dans une autre, devront être munis de passeports délivrés par leurs
chefe.
Nous voudrions pouvoir consacrer un article spécial à l'exploration
du Quang^o» dont le major de Meclio^xr vient de rendre compte à la
Société de géographie de Berlin. Le nombre de pages dont nous dispo-
sons ne nous le permet pas. Nous dirons seulement que, contrairement
aux appréhensions qu'il aurait pu avoir, d'après ce qui lui avait été dit
de l'hostilité des populations dont il devait traverser le territoire à par-
tir de Malangé, il a trouvé partout le meilleur accueil dans le bassin de
ce grand afiiuent du Congo, qu'il a descendu sur une longueur de 340
kilomètres en ligne directe, et jusqu'à 1*',36' au delà du point extrême
atteint par les explorateurs portugais Capello et IvensS soit jusqu'à
5** 5' de latitude sud. Là, une barre de rochers, de 700 à 800 pas de long
sur 800 à 1000 de large, l'a arrêté. Il aurait dû, pour pouvoir la franchir,
attendre pendant cinq mois le retour de la crue des eaiix ; la misère qui
régnait dans le pays ne le lui permettant pas, il a été obligé de revenir
sur ses pas. Mais la plus grande partie du cours inférieur de cette
rivière a été parcourue par Stanley qui, d'après le récit qu'il en a fait
au Stanley Club à Paris, a remonté le Quango jusqu'à plus de 300 kilom.
de son embouchure dans le Congo, et par conséquent a dû s'approcher
beaucoup de la barre qui a empêché le major de Mechow de pousser son
exploration plus avant. Les découvertes de ces deux voyageurs se corn-
plètent mutuellement.
Nous ne sommes sans doute pas seuls à déplorer la division qui vient
d'éclater entre les deux grands explorateurs duCon^o et de l'Og^ôoué»
* Voir la carte, 2™« année, p. 44.
— 301 —
Autant nous avons applaudi aux efforts déployés par chacun d'eux pour
ouvrir, par des voies différentes, Tintérieui* du continent à la civilisation
européenne, autant nous regrettons de les voir désunis au moment où
leurs efforts ont été couronnés de succès par l'établissement de deux
stations à Stanley Pool : l'une, sur la rive droite, Brazzaville, est la
station du a Comité national français, » l'autre, sur la rive gauche,
Leopoldville, est la station du « Comité d'études du Haut Congo ; » nous
voudrions pouvoir dire de l'a Association internationale africaine, » mais
cette dénomination ne répondrait pas à la réalité. Sans entrer dans le
débat dont les grands journaux politiques fournissent tous les détails h
leurs lecteurs, nous nous bornerons à recueillir les renseignements qui
en ressortent sur l'œuvre de Stanley, laquelle jusqu'ici avait été entourée
d'un profond mystère. H importe de la distinguer nettement de l'œuvre
poursuivie par l'Association internationale dans l'Afrique orientale, et
par ses stations à Tabora et à Karéma, dans lesquelles prédomine le prin-
cipe scientifique et humanitaire, posé à la base de l'Association dans la
Conférence de Bruxelles. Sur le Congo, il s'agit beaucoup plus de comp-
tons commerciaux, créés sous le patronage d'une Société commerciale, au
nom de laquelle Stanley s'est chargé d'ouvrir une route le long des
cataractes du fleuve, pour faciliter l'importation, à l'intérieur du conti-
nent, des produits des manufactures belges et anglaises. Sans doute,
S. M. le roi des Belges, président de l'Association internationale, a pris
sous son patronage la Société commerciale ou Comité d'études du Haut-
Congo, et, à l'arrivée de Stanley à Bruxelles, a reçu l'explorateur pour
conférer avec lui. Mais il n'en résulte pas que l'œuvre de celui-ci relève
de l'Association internationale, parfaitement étrangère aux spéculations
commerciales de la Société sus-mentionnée, aussi bien qu'à celles de la
Société nouvelle fondée à Bruxelles le mois dernier, au capital de
2,500,000 francs, pour profiter de l'exiftoration de l'Afrique équatoriale
au point de vue de l'exportation et du placement des produits belges,
quoiqu'elle compte parmi ses actionnaires le frère du roi et le Comité
belge d'études du Haut-Congo. Quoi qu'il en soit, et quelque regretta-
ble que soit le débat soulevé par la rivalité des intérêts commerciaux
européens, la conciurence aura pour effet l'exploration plus complète
des voies d'accès au cœur du continent, l'importation des marchandises
européennes à des conditions plus favorables pour les indigènes, que s'ils
demeuraient exposés aux exigences d'une compagnie unique et souve-
raine, et, grftce aux missionnaires dont les stations se multiplient tous
les jours le long du fleuve jusqu'à Stanley Pool, la civilisation ne se pré-
— 302 —
sentera pas à eux seulement sous la forme de Tintérêt commercial, mais
en même temps sous celle du dévouemen{ et de la charité.
M. Mizon, directeur de la station de Franceville, continue
l'œuvre de Savorgnan de Brazza sur l'Ogôoué pour empêcher les diver-
ses tribus de guerroyer entre elles et pour réprimer les exactions des
traitants à Tégard des nègres. Il a parcouru cinq ou six fois les hauts
plateaux qui séparent le bassin de l'Ogôoué de celui de TÂlima, a établi
des relations avec les Batékés des bords ae cette rivière, construit des
pirogues aptes à franchir les rapides de l'Ogôoué, et formé les Adoumas
au métier de piroguiers. En les réunissant aux Okandas, aux Inengas,
aux Gallois, etc., on peut rassembler 4000 pagayeurs, nombre qui paraît
suffisant actuellement, pour descendre à la côte tous les produits des
bassins de l'Ogôoué et des affluents septentrionaux du Congo. Les noirs
savent maintenant exploiter le caoutchouc, et peuvent très bien se passer
des traitants qui avaient jusqu'ici monopolisé le commerce. M. Mizon
n'en estime pas moins qu'il y a encore beaucoup à faire, et qu'en particu-
lier au point de vue géographique, il faudrait terminer la reconnaissance
de l'Ogôoué et celle de ses principaux affluents.
Les missionnaires d'Igbébé, au confluent du IVigep et du Bénoué,
ont pu empêcher les sacrifices humains qui, d'après la coutume du pays,
devaient avoir lieu à la mort du roi Akaia, survenue le 18 avril dernier.
Dès que la nouvelle s'en répandit, le sacrifice commença par celui d'un
homme dont le sang fut employé à laver tous les ustensiles, coupes, cale-
basses, etc., dont le roi avait coutume de se servir. Les esclaves du
monarque défunt s'enfuirent dans toutes les dh-ections, pour se cacher et
échapper à la mort qui les menaçait. Une jeune femme de Ibo, achetée
par le roi et qu'il avait nonmiée sa déesse, devait être la principale vic-
time. Elle n'essaya pas d'échapper, mais resta auprès du corps du roi
pour le garder jusqu'au moment des funérailles. Le missionnaire Wil-
liams, appuyé par deux natifs agents commerciaux, fit tous ses efforts
pour empêcher qu'on ne la mît à mort avec d'autres sujets du roi. Us
réussirent à obtenir que les chefe leur remissent cette femme résignée,
en échange de laquelle on sacrifia une chèvre blanche dont le sang
servit aux cérémonies ordinaires. L'étonnement du peuple fut extrême;
jamais on n'avait entendu dire qu'à la mort d'un roi il n'y eût pas eu
de sacrifices humains. Quant à la succession au trône, il y a deux ou
trois prétendants, mais il faut, pour être élu, appartenir à la famille
royale, et en même temps être riche et capable de soutenir la dignité
suprême. L'attention se porte sur la sœur du roi, Atabijé, qui a adhéré
— 303 —
an christianisme ; si elle était élue^ ce serait un appui ponr la missiou
en même temps qu'un gage de progrès. La position dlgbébé est
favorable, en ce sens qu'on peut facilement communiquer de là avec
Loko sur le Bénoué, et avec Idda et Onitza sur le Niger. Le poste
le plus avancé de la mission est Kipo Hill, dans les États du roi de
Bidda, souverain animé de sentiments nobles et qui témoigne franche-
ment son amitié aux missionnaires.
n y a eu guerre entre le roi Onmorou de Bidda et les Kédis rebel-
les, qui avaient maltraité des marchands anglais et français établis sur
les bords du Niger. Ceux-ci se rangèrent du côté des partisans du roi
dont Tarmée, soutenue par deux vapeurs, Tun anglais, l'autre français,
passa le iieuve, battit les Kédis et les mit en déroute. Dans leur fiiite,
ceux-ci attaquèrent Shonga et en brûlèrent la factorerie, ainsi que
la ville de Saré, entre Shonga et Uorin, dont les habitants avaient refusé
de se joindre à eux contre Oumorou.
Dans son dernier numéro, VAfrican Times a publié une lettre d'un
ïiatif de Sierra Leone, M. Barber, qui se trouvait au mois de mars à
Bidda dans le Xupé, en route pour Tomliouctou. Il avait quitté
Lagos en février 1881 et passé par Okelyrarapoh, le Yorouba et une
partie des pays Haoussas. Un peu dépourvu de provisions de voyage à
son arrivée à Bidda, il se proposait de faire une excursion à Egga, afin
d'y acheter ce dont il avait besoin pour son exploration. Le roi de
Bidda, en guerre avec le chef d'Egga, le retenait, et les communica-
tions entre Egga et le Nupé étaient interrompues ; cependant il avait
trouvé moyen d'expédier sa lettre, qui toutefois a mis six mois pour
parvenir à la côte. M Barber a promis des détails ultérieurs sur son
voyage à Tombouctou.
M. Th. Barham, ingénieur anglais, chargé de faire les études d'un
chemin de fer entre la côte et les mines d'or de IVassa^MT^ a
terminé ses travaux, dont le résultat est tout à fait concluant en faveur
du tracé de la ligne d'Âxim à Tacquah. D'après le Bulletin des Mines,
auquel nous empruntons ces détails, toutes les parties du pays qu'il a
explorées sont criblées de puits, qui, depuis un temps immémorial, ont été
creusés pour en extraire du minerai. Ds ont un peu plus de 0",60 de
diamètre, et descendent généralement à 50 mètres. A cette profondeur,
beaucoup d'entre eux passent pour être reliés à des galeries allant dans
différentes directions. L^ sol des collines est assez friable, pour que les
indigènes puissent y creuser des puits avec les moyens très primitife
qu'ils possèdent, et en même temps il est assez résistant pour qu'on
— 304 —
puisse laisser les puits ouverts et sans réparations, de génération en
génération, sans avoir besoin de les soutenir par des moyens artificiels.
Dans un sentier suivi par M. Barham, ils se succèdent à 1 mètre de dis-
tance, quelquefois même à 0",60 et 0",30, en sorte qu'il faut marcher
avec les plus grandes précautions pour ne pas s'exposer à un accident.
Les indigènes prétendent que le pays traversé par le chemin de fer
projeté forme, sur presque tout le parcours^ un district aurifère des plus
riches. M. Barham se félicite des bonnes dispositions qu'U a rencontrées
auprès des diverses populations qu'il a eu l'occasion de visiter. — Les
diverses compagnies minières de cette région accélèrent les travaux pré-
paratoires à l'exploitation. Des machines nouvelles sont inventées pour
extraire l'or et l'affiner. Une société vient de se former à Londres, sous le
titre de « the Électro-Amalgamàtor Compagny (limited), » en vue de l'ex-
ploitation de certains brevets , pour l'extraction de l'or au moyen de l'élec-
tricité ; un autre, « l'African Dry Placer Gold Amalgamating Company
(limited), » a pour but la fabrication et la vente d'un amalgamateur, qui
peut traiter 200 tonnes de quartz broyé par 24 heures. — L'étain paraît
aussi abonder dans cette région. M. le professeur Gumbel, de l'école des
mines de Munich, a analysé des spécimens de roche de la Côte d'Or, et
trouvé que la dixième partie de cette roche est du minerai d'étain, con-
tenant 78 7o d'étain et 20 Vo d'oxygène ; une tonne de cette roche ren-
ferme de 65 à 70 kilog. d'étain. D'après les rapports des minéralogistes
qui ont exploré le pays, la couche de cette roche est très épaisse et se
prolonge très loin dans la montagne.
M. E.-W. Blyden écrit de Monrovia, au Foreign Mi88io)iary, que le
Soudan occidental, à l'est de Libéria et de Sierra Leone, est agité
par un mouvement extraordinaire de propagande musulmane. Une
guerre sainte a été proclamée par plusieurs puissants chefs mahométans,
contre les tribus encore païennes. Samoudou, chef riche et instruit de la
ti'ibu des Mandingues de Eonia, à l'est de Libéria, où senties cités floris-
santes de Mousardou et de Médine, poursuit, avec une armée de
30,000 fantassins et de 3000 cavaUers, la conversion des païens à l'isla-
misme. Ses troupes marchent contre le puissant royaume de Soulima,
dont Falaba est la capitale, à 400 kilom. de Sierra Leone. Pendant plus
de 50 ans elle a résisté aux attaques périodiques des Foulahs mahomé-
tans. Le roi de Falaba a dit à M. Blyden que, d'après une tradition de sa
famille, l'adoption d'une nouvelle religion entraînera la ruine de son
pays ; mais, ajouta-t-il, le Soulima ne deviendra mahométan que quand
nos villes auront été réduites en cendres et nos gens tués. Actuellement
— 305 —
Samoudou pai*att décidé à les convertir par la force. Un autre chef
puissant de la tribu des Seracoulies s'avance vers la côte, avec une
nombreuse armée, et le mot d'ordre : a Combattez-les jusqu'à ce qu'ils
ne soient plus séparés et que Dieu seul soit adoré. »
M. Taylor a résolu de développer l'œuvre qu'il poursuit au Sénén^l
en faveur des esclaves fùs^itlfa» et de créer aux environs de Saint-
Louis une colonie d'esclaves libérés. Le gouvernement lui a accordé à
cet effet une concession de huit hectares de terrain, et il n'attend que
les fonds nécessaires pour y installer ses protégés. L'autorité sénégalaise
l'a prié de se charger de l'éducation de vingt garçons libérés, pour
l'entretien desquels une subvention sera demandée au conseil général
dans sa prochaine session. Nos lecteurs se rappellent que, depuis la mort
de M. et M""" Golaz, M. Taylor est resté seul sur la brèche, et ils seront
heureux d'apprendre que trois élèves des Missions de Paris se préparent
à aller le seconder. — Depuis quelque temps, la question indigène
préoccupe aussi les esprits à Saint-Louis. On cherche les moyens les
plus propres à gagner la masse des natifs aux institutions civilisatrices
de la mère patrie. Le Conseil général a créé trois écoles, deux de garçons
et une de filles, oii seront instruits les enfants des indigènes qui, tout en
tenant à leur religion, paraissent disposés à acquérir la connaissance du
français.
Le ministre de la marine et des colonies a fait un nouveau règlement
organisant la direction et l'administration du Haut Séné|i;al. Désormais,
tous les services constitués dans la colonie, en vue des opérations sur le
haut fleuve, relèveront directement du gouverneur et seront complète-
ment distincts des services coloniaux. En outre il est créé plusieurs
postes spéciaux : un chef des services civils du Haut Sénégal, un directeur
des ateliers de la marine, un autre de l'atelier du chemin de fer. Le
conmiandant de la marine de la colonie reste chargé de la direction du
chantier d'approvisionnement établi à Saint-Louis, et de la flottille
affectée au transport du personnel et du matériel entre Saint-Louis et le
haut du fleuve. Le colonel Bors^alsi Desbordes est parti avec toute
sa colonne pour sa troisième campagne entre le Sénéf^l et le Nig^er.
Il devra d'abord assurer le ravitaillement des postes de Bafoulabé et de
Kita, puis se porter sur le Niger à Bamakou, pour y conmiencer la
construction de deux forts, destinés à protéger la fiiture ligne d'accès au
grand fleuve. Pendant ce temps M. Jacquier, ingénieur des ponts et
chaussées, entreprendra les travaux de la voie ferrée du Sénégal au Niger.
Le personnel des travaux compte, outre 80 ingénieurs, conducteurs,
— 306 —
chefe de chantiers et ouvriers français, 600 ouvriers marocains, recrutés
à Oran, autant d'ouvriers indigènes, et 200 à 300 Kroumen. Le matériel
nécessaire à l'exécution des travaux est déjà sur les lieux, grâce à l'acti-
vité du colonel Bourdiaux, qui a passé à Kayes (tête de ligne actuelle) la
saison des pluies ; le personnel du chemin de fer y trouvera dès abris
solidement construits et des magasins organisés ; un petit chemin de fer
Decauville permettra de mener rapidement les travaux, et de commencer
dès les premiers jours la pose de la voie. L'expédition du colonel
Borguis Desbordes étant en avance, pour la saison, sur les deux précé-
dentes, pourra profiter plus longtemps du fleuve comme moyen de
transport jusqu'à Kayes, ou tout au moins jusqu'à Bakel. La présence
dans Je Haut Sénégal de la colonne expéditionnaire, pendant les deux
précédentes campagnes, a déjà contribué beaucoup au développement de
l'agriculture et du commerce dans cette région. Les indigènes de Bafou-
labé, frappés des prix rémunérateurs qu'ils obtenaient de leurs grains, ont
ensemencé de nouvelles terres, et des caravanes portant du sel, des
toiles de Guinée et de l'or, parcourent régulièrement les routes du Niger
à Eita et à Bafoulabé.
NOUVEIiliES GOMPIiËMENTAIRES
Un corps expéditionnaire va être envoyé au ksar de Metlili, pour y créer un
poste militaire qui sera, pour Pextrême sud de la province d'Alger, une sentinelle
avancée, comme le poste d'Aïn Sefra l'est devenu pour le sud de la province
d'Oran. Le nouvel établissement militaire servirait À protéger le Mzab, situé entre
Goléa et Ouargla, et avec lequel la colonie française entretient des rapports ami-
caux, contre les agressions de tribus ennemies venant du sud; il y exercerait aussi
une surveillance active des caravanes, pour empêcher le commerce des esclaves et
l'introduction, en contrebande, de la poudre et des armes de provenance étrangère.
Le congrès national des sociétés françaises de géographie réuni à Bordeaux, a
décidé de demander au gouvernement de nommer une commission supérieure,
analogue à celle instituée pour l'examen du projet Boudaire, pour donner son
avis sur les moyens employés pour pénétrer au Soudan.
M. Manen, ingénieur hydrographe, est chargé d'étudier dans tous leurs détails
les côtes de la Tunisie, de dresser la carte de ses ports, et de se rendre compte du
régime de ses marées.
Le ministère de l'instruction publique et des beaux-arts a organisé une expédi-
tion scientifique, chargée d'explorer la Tunisie tout entière. En même temps
qu'elle s'occupera de recherches archéologiques et géologiques, elle devra étudier
aussi la flore et la faune du pays.
— 307 —
M. le D' Defoumoux a exploré, en août et septembre, le Maroc et l'Algérie,
au point de vue archéologique. Il s'est renda ensuite en Tunisie, et le long de la
route du Eef a relevé l'emplacement de villes et de monuments romains. Le chérif
de la grande mosquée de Kairouan lui a communiqué des manuscrits, dont il se
servira pour reconstituer une partie de la géographie historique de l'Afrique
ancienne. De Kairouan il compte se diriger sur Tombouctou.
Le bey Sidi-Mohamed-es-Sadock est mort le 18 octobre, après avoir régné pen-
dant vingt- trois ans. Son frère et successeur légitime, Sidi-Ali-Bey, a pris aussitôt
le pouvoir.
Un journal officiel de Tripoli rapporte, d'après une lettre reçue du Fezzan, que
de grands gisements de minerais de différentes sortes : plomb, étain, zinc, fer>
cuivre, argent et or, ont été découverts entre Tripoli et le Fezzan. Il y aurait
même des diamants.
Le correspondant du Standard, à Vienne, a télégraphié à ce journal qu'on parle
de l'intention qu'aurait l'Angleterre de s'annexer le port de Massaoua, afin d'y
établir un dépôt de charbon pour les navires anglais, et d'assurer la sécurité de
ce port par le prestige du pavillon anglais.
Le nouveau steamer, le Henry Wright, destiné à la mission de Mombas, est à
peu près terminé et commencera prochainement son service entre Mombas et
Zanzibar.
D'après les dernières lettres de Freretown, la crainte régnait dans cette station,
par suite du voisinage d'un rebelle nommé Mbaruk, qui avait établi son camp près
de Baba!. Il déclarait bien qu'il n^était pas hostile à la mission, mais son amitié
serait encore plus dangereuse pour elle que son hostilité, en inspirant des soup-
çons aux gei\s de Mombas.
La British Association a accordé une subvention de 500 liv.' sterl., pour qu'un
naturaliste, M. Atchinson, puisse prendre part à l'expédition de M. J. Thomson
au Victoria Nyanza par le pays des Masa!. M. Atchinson restera au Kilimandjaro
pour y faire des collections botaniques et zoologiques, pendant que M. Thomson
se rendra au Victoria Nyanza.
Le missionnaire Farler, de la station de Magila, a envoyé à la Société de géo-
graphie de Londres une carte originale, dressée par lui sur des renseignements
fournis par les indigènes, et indiquant des routes, inconnues jusqu'ici, de Pangani
à la côte S.-E. du Victoria Nyanza, à travers le pays des Masaï.
Le D' James Pétrie, gradué de Puniversité d'Aberdeen, a été envoyé à Magila,
comme médecin missionnaire polir l'Afrique orientale équatoriale.
Les missionnaires partis pour renforcer les stations des lacs Victoria Nyanza et
Tanganyika sont heureusement arrivés à Zanzibar. M. Stecker avait tout préparé
pour qu'ils pussent continuer leur voyage sans délai. Le sultan Saïd Bargasch a
donné un sauf-conduit et des lettres de recommandation pour Mtésa, à ceux qui
se rendent à Roubaga. Ils devaient, voyager jusqu'à Mamboya, première station
de la Société des missions anglicanes, avec les missionnaires de la Société de
Londres destinés au Tanganyika, sous la conduite de M. Hore, accompagné de sa
— 308 —
femme et d'un jeune enfant, qui seront vraisemblablement restés dans cette station
salubre, tandis que M. Hore devait retourner avec M. Swann à Zanzibar, pour y
recevoir le bateau en acier, démontable, envoyé après eux d'Angleterre.
Le capitaine Bloyet, directeur de la station du Comité national français dans
l'Afrique orientale, est venu à Zanzibar à la fin de juillet, pour y faire divers
achats d'étoffes et de provisions. U a expédié en France le relevé de ses obser-
vations météorologiques et deux caisses d'objets d'histoire naturelle.
Le dernier rapport des missionnaires de Tabora signale un grand progrès dans
le service du transport des lettres. Les malles sont devenues très régulières, et
rien ne se perd en route. Les chemins étant plus sûrs, il ne faut que trois ou
quatre hommes pour le voyage de Mpouapoua, aller et retour. Les Wanyamouésis
employés comme courriers se montrent très capables, et il y a avantage à se servir
d'eux, parce que, dans le voyage de retour, revenant chez eux, ils s'arrêtent
moins en route que les autres indigènes. La station d'Ouyouy vient malheureuse-
ment de perdre le D' Southon qui, tout en remplissant les fonctions de mission-
naire, avait rendu, comme médecin, de grands services à la population.
La commission africaine de la Société de géographie de Lisbonne a approuvé
un projet, exposé par l'ingénieur M. J.-J. Machado, d'une expédition topographi-
que et géologique dans la province de Mozambique, dont le but principal serait de
déterminer les frontières de cette possession portugaise, du côté du Transvaal au
sud, et de celui du Zanguebar au nord. La commission insiste pour que l'expédi-
tion aille déployer le drapeau portugais sur le Nyassa, que les Portugais, prétend-
elle, pourraient annexer à la province de Mozambique, parce que ce sont eux qui
l'ont découvert I
Une concession de 5000 hectares de terrain dans la Zambésie, a été accordée à
M. F. Courret pour la culture du café et de l'indigo.
Le gouverneur général de la province de Mozambique a décidé d'envoyer à
Oumzila une expédition, à la fois polftique, commerciale et scientifique, dont il a
confié la direction à M. Cardozo^ officier portugais, et à laquelle sera attaché un
médecin, M. Mendonça Franco.
Un projet de loi sera présenté aux Certes, pour autoriser le gouvernement à
établir dans la province de Mozambique plusieurs lignes télégraphiques, d'une
longueur totale de 980 kilomètres : de Mozambique à Quilimane, en touchant à
Angoza; de Quilimane à Tété, et d'Inhambané à Lorenzo Marquez. Cette dernière
ville est déjà reliée à Mozambique par la ligne du Cap à Aden.
M. l'ingénieur J.-J. Machado est arrivé à Lorenzo Marquez, pour procéder aux
études du chemin de fer du Transvaal.
Le conflit entre le gouvernement français et celui de la reine de Madagascar,
dont nous parlions dans notre dernier numéro, est entré dans la voie diplomatique.
L'ambassade delà reine est arrivée à Paris; les journaux politiques ayant fourni
à cet égard tous les renseignements désirables, nous pouvons nous dispenser d'en
parler.
Les familles de MM. Jacques et Mingard, parties pour renforcer la mission de
— 309 —
Yaldezia, sont heureusement arrivés à Darban, qu'elles ont pu quitter très promp-
tement pour se rendre à Pietermaritzbourg, où elles devaient faire leurs prépa-
ratifs pour leur long voyage par terre. Plusieurs élèves missionnaires se préparent
à aller renforcer les stations vaudoises. L'un d'eux, licencié en théologie, vient de
partir pour l'Angleterre où il doit achever sa préparation; il pourra se rendre au
Transvaal l'année prochaine.
Un certain nombre de Boers du Transvaal ont formé le projet de constituer
une troisième république, sur la territoire cédé par un chef cafre, Montsiva.
M. Georges Hudson, résident anglais, s'est rendu à Pretoria avec la mission de
s'opposer à cette création.
D'après un télégramme de Capetown, M. J.-C. Mears, établi au Transvaal depuis
longtemps, a obtenu une concession pour la création de fabriques de lainages.
Il s'est engagé à payer une redevance de 100 1. st. par an, et à l'augmenter d'au-
tant chaque année, de manière à verser au trésor 2100 1. st. la 21'^« année. De son
côté, le gouvernement du Transvaal s'est engagé à protéger cette industrie nais-
sante, par un impôt de 20 % ad valorem sur tous les lainages importés ultérieurement.
Secocœni, rendu récemment à la liberté par les Anglais, a été assassiné par un
de ses parents, Mampoer, qui, à son tour, a été mis à mort par les gens de sa
victime.
M. Weitzecker, ministre de l'église vaudoise des vallées du Piémont et pasteur
à Nice, a offert pour dix ans ses services au Comité des missions de Paris, en vue
du remplacement de M. Coillard dans sa station de Léribé au Lessouto, pendant
que ce dernier irait fonder la nouvelle mission du Zambèze. Un jeune vaudois,
M. Jalla, accompagnera M. Weitzecker.
M. P.tD. Hahn a dressé une carte au ^jneono de la culture de la vigne dans la
colonie du Gap. D'après une petite brochure qui l'accompagne, le nombre des
ceps plantés s'est élevé de 56 millions à 70 millions, de 1866 à 1875.
M. Th. Hahn a publié une nouvelle carte en quatre feuilles du pays des Grands
Namaquas, différant des anciennes cartes en beaucoup de points. La position des
localités a été déterminée par des observations astronomiques et des opérations
trigonométriqnes.
Les Boers de la colonie de San-Januario^ dans la province de Mossamédès, sont
en butte aux attaques des tribus indigènes de Huilla; n'étant pas protégés par les
autorités portugaises comme ils auraient besoin de l'être, ils se disposent à émi-
grer; on ne dit pas encore où ils se rendront.
La mission du Bihé va être renforcée par l'arrivée de nouveaux missionnaires.
La dernière malle du Congo a apporté la nouvelle de la mort de M. W. Appel,
jeune voyageur au service de la Société des missions baptistes. Il s'était préparé
aux observations astronomiques et à la cartographie, et la Société de géographie
de Londres l'avait muni d'instruments. Il devait faire le relevé de Stanley-Pool.
Parti d'Angleterre en mai, il a été enlevé par la fièvre à Banana, pendant qu'il
se disposait à faire le relevé de la rivière Mposo et des observations hypsométri-
ques sur les collines voisines.
— 810 —
Une nouvelle expédition belge, composée de MM. Haneuse et Legut, sous-officiers
du génie, et de M. le D' Allard, est partie pour le Congo. — M. Harou, lieutenant-
adjoint d'état-major, qui a déjà été au Congo où il a fondé, sous la direction de
Stanley, la station de Manyanga, se propose d*y retourner au milieu de novembre.
L'abbé Guyot, qui a voyagé pendant trois ans de suite, de 1879 à 1882, dans
l'Afrique équatoriale, et dont on avait annoncé la mort l'an dernier, est de retour
à Paris, mais il ne doit pas y faire un long séjour, car il se prépare à entreprendre
une nouvelle exploration au Congo.
Le navire Akassa, envoyé par la Compagnie belge du commerce africain, avec
un chargement de marchandises, pour établir des factoreries à la c6te occiden-
tale d'Afrique, a réussi dans sa mission ; plusieurs agences ont été installées sur
différents points de la côte. Malheureusement le commandant de l'expédition^
M. Jaubert, est mort à la hauteur du cap Palmas; M. Rigod, un de ses amis,
ancien compagnon de M. Soleillet, le remplacera dans la direction de l'expédition,
et continuera l'établissement de comptoirs belges dans les districts de l'Angola et
du Congo.
M. le D' Ch. Passavant, de Bftle, se propose d'explorer la partie de l'Afrique
équatoriale comprise entre la côte de la Guinée inférieure et le lac Albert.
Le Nouveau Temps, de Saint-Pétersbourg, annonce que l'expédition Rogozinsky
a rencontré des obstacles, qui ont forcé les organisateurs d'y renoncer.
Après avoir duré quatre ou cinq mois, la guerre entre les habitants de Bonny
et ceux du Nouveau Calabar s'est terminée, grâce à la médiation du consul anglais,
M. W.-H. Hewitt.
M. W.-A. Forbes, préparateur à la Société zoologique de Londres, est parti
récemment pour la Guinée supérieure où il explorera les bords du Niger.
Flegel a notablement avancé dans son exploration ; parti de Sokoto le 9 mars,
il était le 7 avril à Awoï, sur la route entre Lafia Bérébéré et Wasé, au nord du
Bénoué, dans le gouvernement de Bautschi, province du royaume de Sokoto. Il
avait beaucoup souffert d'une alimentation insuffisante et irrégulière; quoique
encore très faible, il se sentait un peu mieux et allait continuer sa route vers l'est,
comptant se fortifier dans l'Adamaoua, qu'on lui a dît plus frais et plus riche en
ressources alimentaires.
Le roi de Porto Novo a demandé au roi de Dahomey de se joindre à lui, pour
détruire la ville d'Okeodan, contre laquelle vont marcher les troupes dahoméennes
avec 20,000 amazones.
M. le D' Msehly est parti avec M. Prsetorius, sous -inspecteur des missions de
Bâle, et M. Preiswerk, secrétaire de la Société, pour visiter les stations bftloises
de la Côte d'or. M. Msehly y fera une inspection médicale, qui s'étendra à tout ce
qui peut avoir une influence sur la santé de l'homme : le genre de vie, le vêtement,
l'habitation, l'eau, le sol, etc. Il donnera en même temps ses soins à ses compa-
gnons de voyage, si cela est nécessaire, aux missionnaires et aux nègres.
Le conflit entre les Achantis et les Gamans peut être considéré comme terminé,
les deux parties ayant promis d'accepter la médiation des autorités de la Côte
— 311 -
d'or. En revanche, le roi des Achantis n'a pas accordé au missionnaire Ramseyer
l'autorisation de fonder une station à Coumassie.
M. Claybrook, missionnaire de Grand Bassa (Libéria), a fait un voyage jusqu'à
Slaughie, chez les Mandingues, où le chef Seneo Sissi Pa bien accueilli; il était le
premier blanc qui visitât le pays; aussi les femmes et les enfants s'enfuyaient-ils à
son approche ; sur le marché il a vu beaucoup d'or, de fer et de cuivre ; le pays a
beaucoup de chevaux.
M, Butikofer, jeune naturaliste bernois, envoyé en 1880 par le muséum d'his-
toire naturelle de Leyde, à Libéria, pour y faire des collections zoologiques et
compléter la géographie du pays, est revenu passer quelque temps à Berne, pour
se remettre de la fièvre qu'il avait prise à Monrovia. Pendant deux ans qu'a duré
son expédition, il a exploré le plateau de Mandingo, et relevé très exactement la
rivière Saint-Paul et le « Great Fish Lake. »
Une expédition scientifique, industrielle et commerciale, en formation à Bor-
deaux, se propose de profiter des relations d'amitié nouées par M. Ollivier et le
D' Bayol avec les chefs du Fouta Djallon. Elle sera dirigée par M. P.-F. Caque-
reau, et fera les études nécessaires à la fondation d'une station à proximité de
Timbo, pour servir de trait d'union entre la colonie d'Assinie et les possessions
françaises du Sénégal.
Le choléra sévit dans les lies Bissagos sur la côte de Sénégambie.
Le D*^ Bayol a été chargé, par le ministère de la marine et des colonies, de visiter
le Diombokho, le Eaarta-Eingui et le Eaarta-Biné, contrées qui offrent un intérêt
considérable au point de vue de l'établissement du chemin de fer du Haut-Sénégal,
n sera, comme lors de Pexpédition de Fouta Djallon, accompagné de M. Noirot,
dessinateur-photographe. Sa mission est rattachée à la colonne expéditionnaire,
qui doit partir de Médine les premiers jours de décembre, pour continuer les tra-
Taux des deux campagnes précédentes.
M. le baron Servatius a été nommé gouverneur du Sénégal, en remplacement
du contre-amiral de Lanneau emporté par la fièvre jaune.
Le chef du Cayor a cessé de faire opposition à l'établissement du chemin de fer
de Dakar à Saint-Louis.
Le gouvernement espagnol a décidé de repousser la proposition faite à
l'Espagne par le Maroc, d'échanger sa possession de Santa-Cruz-de-Mare-Pequena,
contre un autre territoire qui lui serait accordé près de Ceuta.
EXPÉDITION DE MM. POGGE ET WISSMANN, A MUQUENGUÉ.
Nous avons dû nous borner à annoncer, dans notre précédente livrai-
son, l'arrivée du Dj Pogge à Muquengué, mais nous nous sommes
réservé de donner dans celle-ci les détails qu'il a fournis sur cette loca-
lité, visitée pour la première fois par un Européen. Disons d'abord, pour
— 312 —
donner une idée de la lenteur des communications à Tintérieur, que
sa lettre, écrite le 27 novembre 1881, de Muquengué, n'arrivait à
Malangé, à l'extrémité orientale des possessions portugaises de l'Angola,
que le 29 mai 1882, tandis qu'elle atteignait Loanda déjà le 15 juin et
était à Berlin le 28 juiUet.
Nos lecteurs se rappellent le premier voyagç de Pogge, à Moussoumbé,
capitale du Mouata YamvoS en 1875, et celui qu'y fit, de 1879 à 1881,
le D' Bûchner '. Les relations entre les voyageurs allemands et le chef
de ce grand royaume étaient de nature à faire espérer à la Société afri-
caine allemande, qu'elle pourrait facilement y fonder une station scien-
tifique et hospitalière, qui permettrait en même temps d'établir avec
cet État des relations avantageuses pour le commerce allemand. Le
D' Pogge, chargé de cette mission, partit dans l'automne de 1880,
accompagné de M. Wissmann qui comptait faire la traversée du con-
tinent jusqu'à Zanzibar.
Arrivés à Malangé dans les premiers mois de 1881, ils entrèrent en
relations avec M. G. J. de Sousa Machado, négociant portugais, dont
une caravane considérable se préparait à partir pour les marchés de
Gachéché et de Gabau. Ils quittèrent avec lui Malangé, et prirent la
route de Quimboundou, où M. Machado leur fit entrevoir l'opposition
que le Mouata Yamvo mettrait à les laisser franchir la frontière orien-
tale de ses États, et leur conseilla, s'ils voulaient entreprendre une explo-
ration qui n'eût encore été tentée par personne, de se rendre à Gachéché,
marché très important dans le bassin du haut Loualaba, très fréquenté
par les négociants arabes de Zanzibar, qui viennent y acheter l'ivoire
que l'on trouve là en quantité inépuisable. MM. Pogge et Wissmann
accueillirent cette idée avec empressement, et se dirigèrent vers le pays
des Tuchilangués, au nord, en suivant d'abord la route prise par Schûtt',
en 1878, dans son voyage à la résidence de Mal, au confluent du Zaïre
ou Gassal et du Louachimo. Le passage par le pays des Quiocos offiit
quelques difiSicultés, les indigènes prétendant avoir le monopole du com-
merce chez les Tuchilangués. A Hpngolo, ou Schûtt traversa le Tchikapa,
trois hommes, se disant envoyés du chef Eissengué, qui demeure entre
cette rivière et le Louachimo, se présentèrent pour recevoir des cadeaux
ou barrer le passage. En réalité ils se trouvaient occasionnellement dans
* V. 1" année, p. 191. »
* V. 3"»« année, p. 165.
* y. l'« année, p. 154, et la carte : Itinéraire de Schûtt dans l'Afrique centrales
— 313 —
ce district, où KLssengué les avait envoyés vendre des esclaves, et ils
cherchaient à en profiter pour obtenir des présents, soit pour leur chef, soit
pour eux-mêmes. Us auraient pu créer aux voyageurs de grandes difficultés,
mais se contentèrent de modestes cadeaux. Beaucoup mieux disposé, le chef
de Hongolo offrit de les faire conduire jusqu'au Cassai, pour trois tonne-
lets de poudre et quelques pièces de calicot. Ils engagèrent un neveu de
ce chef, Camba N'Guchi, qui avait été retenu prisonnier chez les Tuchi-
langués, à l'époque du voyage de Schtltt, et qui les accompagna, avec
ime escorte de 30 Quiocos armés, jusqu'à Muquengué. A dix journées
de marche au nord de Hongolo, le chef Kitari leur refusa le passage à
travers son pays, et menaça de les attaquer; mais les voyageurs lui
ayant fait dire qu'ils accepteraient la guerre s'il leur suscitait des diffi-
cultés, il parlementa et les laissa passer moyennant l'abandon de cinq
pièces de calicot. Le lendemain il leur apporta lui-même les présents
ordinaires en vivres, et leur dit, qu'ayant le désir d'aller chez les Tuchi-
langués, il cheminerait avec eux. Quoiqu'ils s'attendissent à des désa-
gréments plus graves de la part du chef Kahoungoulo, ils purent passer
par son tenitoire sans être arrêtés. Seulement une chéfesse, Gina
Bansa, vassale de Kahoungoulo, dont ils traversèrent le village, leur
envoya un message conçu en ces termes : « Vous croyez que mon pou-
voir est faible, et c'est pour cela que vous passez par mon pays, puisque
l'autre blanc, (Schtltt) a été obligé de rebrousser chemin près de Mal ;
mais vous vous trompez, ma puissance est aussi grande que celle de Mal ;
toutefois si vous payez bien, je vous laisserai passer. » En effet quelques
cadeaux levèrent les difficultés.
Après 44 jours de marche, ils atteignirent le Cassai, le 2 octobre, près
de Kikessa, dans le Pende, à une journée au nord de Mal, et déjà le
lendemain ils passèrent, dans huit canots, le fleuve qui en cet endroit
est très profond et a une largeur de 300 à 350 m. Arrivés sur l'autre
bord, ils rencontrèrent le marchand Silva Porto, qui se rendait de Bihé à
Cabau ; là ils reçurent la visite d'un chef Tuchilangué, Kinguengué, qui
trafiquait avec une caravane de Quiocos, et les pria instamment de ne
pas aller chez Muquengué, son voisin, naguère encore son suzerain, mais
de se rendre chez lui, disant qu'il les conduirait sans délai au lac Mou-
camba. Kinguengué leur faisant une bonne impression, il fiit convenu
que M. Wissmann irait avec lui, tandis que le D' Pogge se rendrait chez
Muquengué. Les deux explorateurs se séparèrent donc ; Wissmann,
accompagné d'une petite escorte, prit avec Kinguengué une route méri-
dionale, tandis que le D' Pogge se dirigea vers le Nord, et arriva chez
Muquengué le 30 octobre.
— 314 —
Ce chef bienveillant le reçut arec une grande joie, et dès le pre-
mier jour lui dit avoir appris que son vassal rebelle, Kinguengué, avait
offert de le conduire au lac, mais que c'était à lui, le plus âgé, le plus
puissant et le chef légitime, qu'appartenait le pays, et qu'il le conduirait
lui-même au Moucamba, et partout où il voudrait, quand cela leur
ferait plaisir. Aussi fiit-il de suite convenu qu'il l'accompagnerait d'abord
au lac, puis, de là, jusqu'au Loualaba.
L'intention du D' Pogge était en effet d'explorer, jusqu'à l'extrémité
septentrionale, le lac Moucamba, qui est à 10 journées de marche
de Muquengué, et de gagner ensuite Nyangoué. D'après les renseigne-
ments qu'il obtint, la route, à partir du lac, conduit en 6 jours chez le
chef de la tribu des Mobondés, Kachéché ; de là il faut deux jours pour
atteindre la rivière Loubilache, et deux autres jours encore pour arriver
à la résidence du grand chef Mobondi, Foumo-Kole. Ses informations
ne portaient pas plus loin.
Muquengué est situé à peu près sous le 6"" lat. S., entre 20 "" et
20''30' long. £. de Paris ; Kinguengué doit être environ sous le G'' 10'
lat. S., à une dizaine de kilom. au S. E. de Muquengué. Cette dernière
localité paraît au D' Pogge préférable à Moussoumbé pour l'établisse-
ment d'une station. Le voyageur n'y est gêné en aucune manière dans
ses desseins. Le chef, aussi bien que ses sujets, s'ingénie pour témoi-
gner son amitié à l'hôte étranger. D'après la loi du pays, tout sujet de
Muquengué doit fournil* des vivres gratis à l'étranger. Sans doute, cette
ordonnance n'est pas suivie très strictement, mais pendant le séjour
du D' Pogge, il a toujours obtenu à très bas prix les vivres nécessaires.
Les Tuchilangués lui ont en outre paru d'habiles agriculteurs ; partout
se rencontrent de vastes champs de manioc, de mais, de fèves, etc.; ils
cultivent aussi un peu de tabac, et beaucoup de chanvre, dont ils sont
fumeurs passionnés. Leur pays e3^ une plaine ondulée entre le Cassai et
le Louloua, partout fertile et richement arrosée. En certains endroits,
les rivières ont tellement raviné le plateau, qu'elles lui ont donné l'appa-
rence d'un pays montagneux. Du Cassai jusqu'à moitié chemin de Mu-
quengué règne la forêt vierge, entourant des clairières couvertes d'une
herbe basse, et où les indigènes établissent leurs villages et leurs plan-
tations ; ils se servent de feuilles de palmier pour couvrir leurs habita-
tions. La faune est pauvre ; la végétation forestière, en revanche, est
beaucoup phis riche qu'à la côte ou dans le Lounda ; les arbres frui-
a&TB abondent; il y a entre autres quatre espèces de palmiers, qui crois-
sent sauvages dans les forêts, mais que l'on rencontre aussi dans les
— 315 —
plantations; toutes les quatre fournissent du vin. Les Tuchilangués
emploient les fibres des jeunes feuilles de Tune des espèces à tisser de
belles étoffes. Le climat de Muquengué est plus chaud que celui de
Moussoumbé, et salubre. Pendant un mois que le D' Pogge y a résidé,
quoique Tespace dans lequel il demeurait, avec 100 personnes au moins,
fftt très restreint, il ne s'est pas produit un seul cas de maladie. Les
deux articles de commerce, offerts à bas prix par les Tuchilangués, sont
les esclaves et le caoutchouc ; les esclaves sont essentiellement des fem-
mes ; d'ailleurs la femme n'est à proprement parler que l'esclave de son
mari. Le caoutchouc est très abondant et peu dier ; on peut en acheter
2 à 3 kilog. pour 3 dés à coudre pleins de poudre. Le prix ordinaire
d'une esclave adulte est d'une pièce de calicot, ou 2 kilog. de poudre,
ou un mousquet. L'ivoire est rare; le grand marché en est à Cabau, à
8 jours de marche au N. N. 0. de Muquengué, sur le Louloua.
Le D' Pogge n'a pu obtenir des renseignements positifs sur les
limites du territoire des Tuchilangués. Muquengué prétend que son
royaume s'étend vers l'est jusqu'au lac, et qu'au delà commence
celui des Toukettés. Dans le pays des Tuchilangués se trouvent
beaucoup de grands chefis indépendants, comme Muquengué, Ein-
goengué, etc., dont les chefs plus petits sont tributaires, conmie dans
le Lounda. Chaque village, ou plusieurs villages ensemble, forment une
famille, les habitants se considérant en quelque sorte comme parents,
et sympathisant aux joies et aux peines les uns des autres. Quand
on arrive dans une localité, par exemple à Muquengué, et qu'on en
demande le nom, on reçoit pom* réponse : « ce sont les gens de Katchia, »
ou « Os appartiennent aux Katchias, ou à la famiUe des Katchias. » La
viDe peut avoir 1000 habitants, qui demeurent dans des huttes petites,
carrées, rappelant les constructions européennes. Elle est située entre
les sources de deux petites rivières, qui vont se verser au nord dans le
Louloua, et fournissent une bonne eau potable, fraîche. La seule chose
qui manquerait à une station établie à Muquengué serait une voie flu-
viale, qui permît d'explorer en bateau la région septentrionale encore
inconnue. Près de Mouloumba, où le D' Pogge a exploré le Louloua, cette
rivière a de 250 m. à 300 m. de large, mais ne paraît pas être très pro*
f<mde, et, en aval comme en amont de cette localité, il y a des rapides. Un
peu au nord de Mouloumba la rivière décrit un grand arc vers le N. 0.
Le D' Pogge a dû partir de Muquengué le 29 novembre. Il aurait
voulu se mettre en route le 28, mais le chef lui demanda un jour de
dâai pour achever la construction d'une butte fétiche, dans laquelle
— 316 —
devait être suspendue une chaîne de laiton, présent du docteur, et oU
il voulait déposer une boîte à musique que l'explorateur devait lui donner
comme récompense, dans le cas oii île voyage projeté au Loualaba réussi-
rait. Le chef avait le plus grand respect pour cette boîte. Un des inter-
prètes lui ayant persuadé que les sons de Tinstrument étaient la voix du
Fidi Moucoulo, le dieu des Tuchilangués, il écoutait avec dévotion le
bruit que faisait cette pièce. Le docteur l'ayantfait jouer un jour devant
lui, et Thuile manquant dans les rouages, les sons devinrent de plus en
plus lents ; le couvercle en fut levé à la grande stupéfaction de Muquen-
gué qui, s'adressant à la multitude serrée autour de lui, lui dit que
Tinstrument ne jouait pas comme à Tordinaire à cause du bruit que Ton
faisait, la voix du Fidi Moucoulo voulant être respectée.
Le chef comptait prendre avec lui pour le voyage ses femmes, au nom-
bre de 40 à 50 ; mais le D' Pogge lui fit dire qu'il ne voyageait pas avec
des femmes, qu'il l'autorisait cependant à en prendre quatre au plus, et
qu'eu outre sa suite ne devait pas dépasser 40 à 50 hommes ; à quoi
Muquengué répondit qu'il pouvait avoir, jusqu'au lac, une escorte plus
nombreuse, l'entretien ne lui coûtant rien ; il s'engagea à en renvoyer
la plus grande partie. Le 27 novembre il donna une grande fête d'adieux»
et fit distribuer sur la place du marché, où avaient lieu des danses, delà
bière en abondance ; les porteurs du. D' Pogge n'en reçurent pas moins
de 15 grandes calebasses, aussi étaient-ils très gais ; tout le camp reten-
tissait de leurs chants. La fête devait durer encore le lendemain ; le
docteur avait dû prêter à Muquengué un bélier, qu'il avait fait acheter
par ses gens au delà du Louloua, et dont le chef voulait manger publi-
quement afin de pouvoir, lui et ses gens, manger, pendant le voyage, de
la chair d'animaux domestiques. Les relations des Tuchilangués avec les
Quiocos et les Bangalas leur ont fait perdre une partie de leurs habi-
tudes traditionnelles ; par exemple la nouvelle génération ne se tatoue
presque plus, tandifir que les vieillards ont, à peu près tous, le corps orné
de très beaux dessins.
Le D' Pogge devait passer, le 29 novembre 1881, le Louloua au S. E.
de Muquengué, et rejoindre à Garimba M. Wissmann, avec lequel il
espérait pouvoir atteindre le Moucamba, puis Nyangoué. Si ce plan a
réussi, ils doivent avoir déjà quitté cette localité, M. Wissmann, pour se
diriger vers l'est et établir une communication avec les stations du
Tanganyika, et de la région comprise entre ce lac et Zanzibar, le D' Pogge,
pour revenir à Muquengué. Il comptait que, si tout allait bien, le voyage
de Nyangoué et retour lui prendrait six mois, et qu'il pourrait passer
— 317 —
encore six autres mois à Muquengué avant de se remettre en route pour
rOccident, à moins qu'une caravane de Malangé ne lui apportât des
marchandises; dans ce cas il pourrait attendre à Muquengué qu'une
nouvelle expédition allemande vînt l'y rejoindre.
CORRESPONDANCE
Nous avons reçu, le l*' octobre, de M. Juan-Maria Schoyer, la lettre suivante :
Ghébel Eouba (à trois journées à l'est de Famaka,
à une journée au nord du Nil Bleu); 8 juin 1882.
Monsieur,
J'ai répondu à votre bonne lettre que j'ai reçue, mi-avril, à Famaka, en vou»
envoyant une description de mon voyage, de janvier à mars, dans les pays de»
nègres Amans et Gbomas, au sud'Ouest de Fadasi. J'ai aussi demandé à M. le
Rédacteur des MittheUungen de Gotha, de vous faire parvenir une copie de ma
carte du pays situé entre Beni-Shangol et le lac Baro. Je crains que lettres et
carte n'aient été détruites par les bandes d'Arabes insurgés qui ont coupé la voie
Famaka-Khartoum ^ Nous avons appris qu'ils ont pillé un de nos courriers venant
de Khartoum.
Depuis 40 jours que je.8uis de nouveau sorti de Famaka, j'ai exploré la fron-
tière voisine, indécise et disputée, suivi le Nil Bleu sur un degré de longitude de
cours inconnu; visité la tribu singulière des Sienetyo, d'origine ancienne, au teint
jaune, habitant des crêtes de montagnes abruptes, et possédant une manière de
se vêtir, des coutumes et une langue qui diffèrent complètement de celles des>
Gallas et des Abyssins; exploré la rivière Bolassa (nom abyssin; les indigènes et
les Arabes l'appellent la Quisin), qui prend sa source à l'est et non au nord.
Ai:Û<>ui^d'hui je reviens d'une excursion au mont Kienien, en Abyssinie, habité par
des Shangallas mêlés de quelques Abyssins, et situé à 70 kilomètres à l'est de ce
lieu-ci. J'ai eu assez de peine à échapper fiux soldats abyssins qui, me prenant
pour un espion turc, voulaient m'emmener dans le Godljam chez Ras Adal. —
Demain je pars pour Abou Ramlé, à deux journées au nord de ce point-ci. Le
cheik de la localité m'a adressé une invitation assez polie, et j'espère pouvoir
explorer à peu près toutes les montagnes de cette région inconnue, avant de
retourner à Famaka.
Ignorant si la route de Famaka à Khartoum est déjà libre, je me borne pour
' Nous nous sommes empressés de demander à M. le D' Behm, rédacteur des
MUiheilungen de Gotha, s'il avait reçu la carte et le rapport mentionnés dans
cette lettre et qui ne nous sont point parvenus. Malheureusement ces documents^
ne sont pas non plus arrivés à Gotha.
— 318 —
aii^ourd'hui à ces quelques notes, réservant les détails ainsi que la carte pour le
jour où le Soudan sera pacifié.
Agréez, je vous prie, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.
Juan-Maria Schuver.
Famaka, 12 juillet 1882.
La route étant encore coupée, j'ai retrouvé ici, à mon retour, les lignes qui pré-
cèdent. J'ai visité Abou Ramlé, qui changera un peu de place sur la carte, puis
les montagnes de Minza et Diemr, habitées par les nègres Kidalo, les seuls parmi
les races noires d'ici qui aient une affinité de traits avec les nègres du Nil Blanc.
Depuis mon retour, le gouverneur Marno, autrichien, s'est tourné contre moi, a
séquestré les armes de l'expédition, m'accusant d'être en communication avec les
insurgés, de posséder des dépôts d'armes enfouies, et excitant contre moi les chefs
de la campagne, ce qui m'a beaucoup gêné. Il aura un jour à répondre de ces
faits devant le tribunal du Caire, mais, en attendant, il est à craindre qu'il n'indis-
pose le gouverneur général contre moi, car, dans ces temps de crise, un homme
accusé est un homme perdu, surtout depuis que des Grecs ont été surpris, à Eas*
sala, en flagrant délit de contrebande d'armes qu'ils faisaient passer en grande
quantité aux. Abyssins.
Nous n'avons ni poste ni télégraphe, et les 50 bachi-bozoucks turcs de la gar-
nison, mécontents de ne recevoir ni solde ni rations, décampent à l'improviste
pour chercher des lieux plus propices. Espérons que Içur sandchack (chef), vrai
type kurde, avec sa petite tête ronde et lisse, tiendra sa parole, et enverra nos
courriers à Khartoum. Nous restons ici avec 200 soldats noirs, plus ou moins de
confiance, un gouverneur de paille, 4 canons, et une mitrailleuse qui tire jusqu'à
un coup par minute. J.-M. S.
BIBLIOGRAPHIE
D. Felipe Ovilo y Canâles. La Mujek marroqui. Deuxième édition,
Madrid (Libreria de Fernando Fe), 1881, in- 12, 215 p. et planchés. —
Eu sa qualité d'officier du corps médical de Tannée, attaché à la léga-
tion d'Espagne à Tanger et membre du conseil sanitaire du Maroc,
l'auteur a pu se faire ouvrir bien des portes ordinairement fermées aux
Européens, et recueillir beaucoup d'observations, que d'autres, dans
des conditions moins £Eivorables, n'auraient pu faire. Aussi les détails
dans lesquels il entre sur la position de la femme au Maroc, comme iille,
épouse et mère, quelque exagérés que puissent paraître plusieurs d'en-
' On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 18, rue du Rhône, à Genèvai
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique exphrée et ewiiisée.
— 319 —
tre eux, doivent-ils être admis comme parfaitement authentiques; Tau*
teur a d'ailleurs soin de citer, à Tappui de ses observations personnelles^
les versets du Coran qui se rapportent à chacun des chapitres de son
livre. Les plus grands obstacles à la civilisation au Maroc lui paraissent
être la polygamie et l'esclavage, sources de corruption, de même que le
divorce, autorisé par le Coran sur le simple consentement mutuel des
époux. A la fin de sou livre, M. Ovilo y Canales a consacré aux Juives
marocaines un chapitre, dans lequel il proteste contre les faux bruits
répandus pour porter attemte à leur honneur en faisant douter de leur
moralité.
Les trois voyages de Mungo Pabk au Maboo et dans l'inteeueub de
l'Afeique (1787-1804), racontés par lui-même. Paris (Maurice Drey-
fous), in-12, 284 p., 2 fr. — Quoique Mungo Park soit surtout connu
comme le premier Européen qui ait atteint le cours moyen du Niger, le
voyage au Maroc, par lequel il débuta dans ses explorations du conti-
nent africain, a encore un grand intérêt, en ce qu'il nous permet de
comparer ce qu'était ce pays à la fin du XYIH*"' siècle, avec ce qu'il est
aujoui-d'hui. Qu'on lise seulement, par exemple, son récit de la traver-
sée de l'Atlas, en regard du voyage du D" Lenz dans la même régions
et l'on comprendra combien la sécurité y est moins grande de nos jours
qu'il y a 90 ans. Quant aux deux expéditions de Mungo Park au Niger,
au service de 1^ Société africaine de Londres, de 1795 à 1804, puis à
celui du gouvernement anglais, en 1805, eUes captivent d'autant plus
que ce sont les premières qui aient fourni à l'Europe des connaissances
exactes, sur une partie du fleuve dont l'embouchure et les sources
devaient être un mystère pendant si longtemps encore. On s'attache en
outre au voyageur qui, malgré les difficultés : maladies, guerres des tri-
bus, dangers de tous genres, va toujours de l'avant, pour remplir com-
plètement sa mission, et raconte toutes ses aventures, avec une simpli-
cité que peu de voyageurs ont su conserver à leurs récits.
VoM Cap zum Zambesi. Die Anfjexge dkr Zambesi mission, von
Joseph Spillmann, Freiburg in Breisgau (Herder'sche Verlagshandlung)
1882, in-8, 432 p., mit zahlreichen Illustrationen und Karten ; 8 fr. —
Nos lecteurs sont déjà plus ou moins au courant des progrès de la mis-
sion romaine du Zambèze, dans le vaste champ assigné h ses travaux,
^ y. Deuxième année, p. 242-243.
— 320 —
du Limpopo au 10'' lat. S., et du 19''40' long. E. de Paris aux fron-
tières des possessions portugaises orientales. Nous les avons indiqués au
fur et à mesure, dans notre Bulletin mensuel, mais sans pouvoir entrer
dans beaucoup de détails sur les voyages des missionnaires et sur leur
œuvre elle-même. Les personnes qui voudront les suivre jour après jour»
le peuvent facilement à Taide du volume sus-mentionné, dans lequel
Tauteur s'est proposé de donner Thistoire complète des débuts de cette
mission, depuis le mois de janvier 1879, à la fin de décembre 1881, k
Taide du journal très détaillé du P. Terœrde, et de ceux d'autres mem-
bres de l'expédition. Il en marque pour ainsi dire tous les pas ; après
l'insuccès de Shoshong, la première localité en dedans des limites du
territoire qui leur était assigné, mais où existait depuis de longues
années une mission protestante, il montre les missionnaires transpor-
tant leur base d'opération à Tati, à l'embranchement des routes du
Zambèze et de Gouboulouayo, et y établissant un poste solide pour
relier à la colonie du Cap les stations, plus avancées dans l'intérieur, de
Gouboulouayo au N.-E. et de Panda Matenka au N.-O. De là partent
bientôt deux expéditions, l'une à l'est vers le kraal d'Oumzila et la côte
de Sofala, l'autre vers le Zambèze, pour y choisir, sur la rive gauche du
cours moyen du fleuve, près de l'embouchure de la Cafoué, un point
central qui permette d'atteindre plus tard le lac Bangouéolo et le
Nyassa. Aux détails sur l'œuvre elle-même, — non seulement missionnaire,
mais encore civilisatrice, en ce sens que ses agents se proposent d'ensei-
gner aux indigènes les procédés .de ragricolture et de l'industrie euro-
péennes, les professions de forgeron, de serrurier, d'ébéniste, de méca-
nicien, etc., — l'écrivain en a joint de très intéressants sur la nature
du pays, la météorologie, la flore^ la faune, les causes du déboisement
de certaines régions, et l'ethnographie, d'après les journaux des mis-
sionnab*es. Il a en outre comp^létô leurs observations par celles de Bai-
nes, de Mauch, de Livingstone, de Mohr, de Holub et de Serpa Pinto,
aux ouvrages desquels il a aussi emprunté beaucoup d'illustrations.
Sans doute il ne s'agit guère encore que d'une œuvre de pionniers ; les
essais de fonder des stations à Mouemba sur le Zambèze et près du
kraal d'Oumzila n'ont pas réussi ; la maladie et la mort de plusieurs
des missionnaires, entre autres du P. Terœrde, ont obligé les survi-
vants à se replier sur Panda Matenka, Tati et Gouboulouayo ; le trans-
fert de la résidence de Lo Bengula, à une vingtaine de kilomètres plus à
l'ouest, obligera vraisemblablement les missionnaires de cette station à
se transporter eux aussi dans le voisinage de la nouvelle résidence
— 321 —
royale. Quoi qu'il en soit, on ne peut éprouver qu'un profond intérêt
pour ces débuts de leurs travaux, au miUeu de peuples très peu connus
jusqu'ici, de dangers de toutes sortes, de maladies et de deuils nom-
breux. La lecture du volume est facilitée par un index alphabétique, par
une carte générale des missions catholiques de l'Afrique australe, et
par trois cartes spéciales, qui permettent de suivre les voyageurs dans
leurs différentes expéditions.
De la colonisatiok chez LEiis PEUPLES MOBEBNEs, par Pavl Leroy*
Beaulieu. Deuxième édition. Paris (Guillaumin et O*), 1882, in-S"*,
659 p., f. 9. — L'éloge de M. Leroy-Beaulieu n'est plus à faire. Les
ouvrages de cet économiste éminetit sont connus et hautement appré-
ciés par la science moderne, et ses vues sur les problèmes sociaux de
notre époque donnent souvent lieu à des discussions savantes dans les
grands organes de l'opinion publique. Son livre sur la colonisation est
trop considérable, et l'importance du sujet qu'il traite trop grande, pour
que nous puissions l'examiner dans une simple notice bibliographique.
Nous préférons lui consacrer, surtout au point de vue africain, un article
de fond dans un de nos prochains niunéros.
COKFERENZE TENUTESI II? MlLANO NEL 1882 PBESSOLASOCIETAD'eSPLO-
BAzioKE COMMERCIALE nr Afriga. Milauo (Tipografia P.-B. BellinietC),
1882, in-8, 264 p., 3 fr. — La Société milanaise d'exploration commer-
ciale en Afrique a été certainement bien inspirée, quand elle a institué
des conférences, destinées à vulgariser les découvertes de ses voyageurs,
et les renseignements fournis sur la géographie, les produits et l'ethno-
graphie des pays visités par eux. Celles que renferme ce volume ne se
rapportent pas toutes à l'Afrique ; quelques-unes ont un caractère plus
général ; mais celles de ces monographies qui se rattachent directement
à ce continent sont du plus haut intérêt, soit par les sujets qu'elles trai-
tent, soit à cause de leurs auteurs. Assab ne pouvait pas ne pas avoir
sa place dans une série de conférences italiennes. L'auteur cependant
ne partage pas l'enthousiasme général au sujet de la nouvelle colonie,
et reconnaît que les routes qui mènent à l'intérieur ne sont pas sûres ;
aussi émet-il le vœu qu'on y construise des blockhaus pour protéger les
caravanes. — Le sujet des missions chrétiennes, et de leur importance
au point de vue de la science et de la géographie commerciale, nous a
paru traité d'une manière complète. Après tTvoir passé en revue les
divers champs de mission dans le continent et dans les îles, le confé-
— 322 —
rencier s'est attaché à montrer comment les missionnaires ouvrent la
voie aux explorateurs, au commerce et à la civilisation.
Dans les deux discours du comte Pennazzi, sur le Soudan oriental
et sur Piaggia et Gressi, on retrouve la compétence de Texplorateur qui
parle de visu du pays qu'il a étudié, et qui, connaissant par expérience
les difficultés des voyages dans la région du Haut Nil, sait apprécier à
leur juste valeur les travaux de voyageurs comme Piaggia et Gessi, et
rendre un hommage senti et mérité à ces martyrs de la science et de
l'humanité. — Non moins émus sont les accents de Cecchi lorsque, dans
sa conférence sur le pays des GaUas, il parle de son compagnon Chia-
rini, auquel il accorde une large part dans les découvertes hydrographi-
ques faites par les deux voyageurs dans les royaumes de Kaffa et de Eoro,
dont les produits acquerront une grande importance, lorsqu'une route
commerciale facile et sûre aura mis ces pays en communication avec la
côte de la mer Rouge.
ROUTEN DEE DEUT8CHEN 08TAFBIKANI8CHEN EXPEDITION, AUFGEKOM-
MEN von D' E. Kaiser^ 1880-1882. Karte, von Richard Kiepert. 'Asonoo-
— Cette carte accompagne le rapport que M. Reichard a adressé à la
Société africaine allemande, sur la station de Gonda, et le récit des
D" Bœhm et Kaiser de leur voyage au Tanganyika. Les deux docu-
ments ont été publiés dans la 3"' livraison de cette année des Mitthei-
lungen de la Société sus-mentionnée. La carte au V750000 indique la
route suivie de Tabora à Karéma, entre celle de Cameron au nord, et
celle de Cambier au sud. L'itinéraire de la côte à Tabora, donné dans
un carton au Vasooooo» ne s'écarte pas beaucoup de la route suivie par la
plupart des explorateurs.
Études ALGÉRiEimEs, par M. Ardouin du Mazet Paris (Guillaumin
et €*•), 1882, in-8% 365 p., t'GJ^^ M. Ardouin (du Mazet n'est qu'un
pseudonyme) a rempli longtenips les fonctions de secrétaire du bureau
arabe de Tlemcen. Sa vie s'est donc passée en Algérie, et c'est comme
habitant- qu'il a pu écrire sur ce pays. Aussi les articles qu'il envoyait
aux journaux, du fond de là'province d'Oran, étaient-ils acceptés avec
reconnaissance en France et à l'étranger, de telle manière que, dit
M. Drapeyron dans sa préface, « le publiciste du Mazet fdt connu, et
devint même une autorité en ce qui concerne les affaires algériennes,
tandis que le caporal Ardouin restait tout à fait ignoré. » Ce livre appar-
tient en quelque mesuré^aussi bien à l'histoire qu'à la géographie. Dans
la première partie, l'auteur passe en revue toutes les institutions politi-
— 323 —
ques et autres de rAlgérie; il donne sur chacune ses opinions person-
nelles et montre les progrès à réaliser. Il s'étend surtout sur les mines
et l'agriculture, car c'est là qu'est l'avenir de l'Algérie. La seconde par-
tie est l'exposé de deux conférences faites sur la province d'Oran, l'une
à la Société de géographie commerciale de Bordeaux, l'autre au Club
alpin de Lyon. La troisième partie donne, sous forme de lettres adressées
à Vlndépendancehelge^ l'histoire de l'insurrection deBou-Amema; enfin
la quatrième est un aperçu de la situation de l'Algérie à la fin de 1881.
M. du Mazet s'élève contre les décrets de rattachement des services
algériens au gouvernement de Paris.
On voit, en parcourant son livre, que M. du Mazet est d'avis qu'on ne
doit pas se faire d'illusions sur l'Algérie, mais que, d'un autre côté, il ne
faut pas abandonner la tftche, si rude soit-elle. Tout en critiquant
ceux qui veulent convertir les musulmans algériens, il montre une anti-
pathie absolue pour l'islamisme et croit, comme nous, que sans cette
religion, l'œuvre de régénération de l'Algérie serait plus avancée
qu'elle ne l'est. L'islam empêche tous progrès, à cause du fanatisme
violent de ses adeptes.
Exploration du Sahara. Les deux missions du lieutenant-colonel
Flatters, par le lieutenant-colonel V. Derrecagaix. Extrait du Bulle-
tin de la Société de géographie. Paris, 1882 in-8*, 143 p. et carte. —
Nombreux sont les ouvrages et les articles de journaux, qu'ont fait éclore
les deux missions Flatters, et particulièrement le désastre de la seconde
expédition. A côté du récit si intéressant de la marche des explorateurs
et de l'exposition des découvertes qu'ils ont faites dans une grande
région du Sahara, il faut signaler comme résultat de leurs études, le
mouvement qui se produit en France, en vue de créer des relations
entre l'Algérie et le Soudan. L'attention, ilans ce pays, a été un instant
détournée des événements politiques intérieurs et extérieurs pour s'oc-
cuper un peu des questions coloniales, si délaissées jusqu'alors.
Le livre de M. Derrecagaix nous parait devoir devenir l'ouvrage clas-
sique sur la matière, car c'est un exposé clair, préds et complet de
tous les événements qui se rattachent aux missions Flatters. Le récit de
la première expédition renferme les impressions de M. Derrecagaix,
qui en faisait partie; celui de la seconde a été composé d'après les
lettres de Flatters et de ses compagnons à leurs amis de, France, et
aussi d'après des articles de journaux. La partie concernant le désastre
de la mission est courte, l'auteur ne donnant que ce qui est acquis à
— 324 —
rhistoire, et n'ayant pas voulu se lancer dans le domaine des hypothèses
pour expliquer les causes du massacre. Il se contente de demander une
enquête de la part du gouvernement, et la punition des coupables, cela
surtout parce que l'exécution du châtiment aurait pour conséquence
Torganisation d'une nouvelle expédition de découvertes.
L'ouvrage se termine par les biographies de Flatters, Masson, Berin-
ger, Guiard, Roche et Dianous, victimes des Touaregs, et par une note
sur les travaux géologiques de Roche, lors de la première mission.
Une carte annexée à l'ouvrage donne les itinéraires des deux expédi-
tions. Pour la seconde, elle va jusqu'à la Sebka d'Amagdor.
CHÂBIaES L. NOBRIS NeWMâN. WiTH THE BoSBS IK THE TrANSVAAL
AND Orange Free State in 1880-1881. London (W.-H. Allen et O.)
1882, in-8*, 387 p. avec 2 plans et une carte. — Frappé des graves con-
séquences que l'ignorance des rapports existants entre les deux famiUes
de race blanche du sud de l'Afrique, les Boers et les Anglais, a eues
pour les populations de cette partie du continent, l'auteur s'est efforcé
de faire connaître ces relations le plus exactement possible, pour inspirer
à ses concitoyens des sentiments plus généreux à l'égard des Boers, les
premiers pionniers de la civilisation et de la colonisation dans l'Afrique
australe. Ayant acquis, pendant ^uu séjour de six années dans ce pays,
au service de la presse britannique et coloniale, et comme correspondant
spécial pendant les demièreâ guerres , une connaissance intime de son
histoire, de ses habitants, de levffs habitudes, il était bien qualifié pour
jeter du jour sur les nombreuses questions difficiles qui troublent et
troubleront peut-être encore pendant bien des années ces colonies. A cet
effet, après avoir brièvement r^iconté, d'après les sources les plus auto-
risées, les rapports des Anglais et des Boers, au Gap, à Natal, dans
l'État libre d'Orange et da|iS'4e Transvaal avant la dernière crise, il
expose, d'après ses propres ^sbservations^ les événements les plus récents,
avec sympathie pour les deux femodlles eu lutte, et il nous semble aussi
avec impartialité. Ayant vécu au milieu des Boers dans l'État libre et le
Transvaal, et ayant pu apprécier ces colons, incultes si l'on veut, mais
simples, vrais et braves, il n'hésite pas à reconnaître le tort des Anglais
à leur égard. Q relève surtout les fautes de la politique du gouvernement
britannique lequel, après avoir accepté, sinon commandé, l'annexion du
Transvaal par sir Th. Shepstone, a eu l'imprudence d'y envoyer un
gouverneur militaire, le colonel Lanyon, au lieu d'un magistrat dvil, au
grand mécontentement des Boers; selon l'auteur, malgré leurs pro-
— 325 —
testations après Tanaesion, ilfi auraient aceepté un gouverneur anglais
dont Tadministration aurait été basée sur leur constitution, conune le
leur avait promis sir Th. Shepstone. C'est du reste Topinion de celui-ci
qui, dans une lettre reproduite par M. Norris Newman, reconnaît que
tout le sang versé dans la dernière guerre aurait pu être épargné. Entré
dans le Transvaal, à la suite des docteurs envoyés par la Société de la.
Croix-Rouge de Cape-Town aii camp des Boers, il a vu ceux-ci de près^
et, en les disculpant des accusations de meurtre et de massacre portéa
contre eux, il peut affirmer que leur conduite envers tous, et envers lea
blessés en particulier, leur a gagné le respect de beaucoup de ceux qui
les méprisaient auparavant. Il espère aussi que les Boers auront 1&
sagesse de travailler, de concert avec Tautorité britannique et avec les
gouvernements voisins, pour le bien général et le progrès des Africaine
du Sud, à quelque nationalité, race ou couleur qu'ils appartiennent.
Ajoutons qu'il n'a rien négligé, pour peimettre à ses lecteurs d'acquérir
une connaissance des faits aussi exacte que possible : aux 2 plans et à
la carte mentionnés dans le titre, il a joint un tableau chronologique de
rhistoire de TAfrique australe, de 1486 au 16 décembre 1881, un glos*-
saire des expressions hollandaises et cafres les plus usitées, un appendice
renfermant tous les documents officiels, depuis l'annexion de 1877 à la.
convention de 1881, enfin des noticeë biographiques sur les principaux
chefe des Boers.
Majob voh Meghovt's EuAiïGO-Rsisi^ Eâbts von Righâbd Eiefert,
Vsoooooo* — ^ous avons mentionné à plusieurs reprises l'exploration da
miyor de Mechow dans le bassin du Quango, sans avoir cependant
obtenu jusqu'ici rien de complet sur se& longs travaux dans cette région.
La carte que nous avons reçue du D' Eiepert, provisoire, il est vrai,
mais dressée vraisemblablement sur les- données que M. de Mechow
vient de fournir à la Société de géographie de Berlin, complète celle des
voyageurs portugais Capello et Ivens. Quand M. Eiepert aura les obser-
vations faites par Stanley sur le cours inférieur de cette rivière, il en
dressera, nous n'en doutons pas, une carte complète. Telle qu'elle est,
celle qu'il a bien voulu nous envoyer marque un progrès dans l'explo-
ration du bassin méridional du Congo»
D' Émil Holub. Die colonisation Afbikâs. — Die Engubndeb in
SUD Afbika. — Die Stelluno des Abztbs in den transoceanisohen
Gebœten. Yom Standpunkte der Erforschung und Civilisirung. Wien..
— 326 —
(Alfred Hôlder, k.-k. Hof und Uiiiversi(kftts Buchh&ndler), 1882, iii-8,
24 et 23 p. — En même temps qu'il prépare sa nouvelle expédition
dans l'Afrique australe, le D' Holub profite de toutes les occasions qui
s'offi*ent à lui pour attirer Pattention de ses compatriotes sur cette
partie du continent, et pour stimuler leur zèle en faveur de la civilisa-
tion de ses habitants. Un article du journal de la « Fhilosophical society
of Capetown » et le compte rendu de la trésorerie générale de la colonie
du Cap pour 1881 , lui ont paru mériter d'être communiqués au public
de langue allemande, avec les observations que lui a suggérées l'expé-
rience qu'il a des questions d'économie politique. En effet, les réflexions
dont il accompagne les tableaux relatife à Taccroissement de l'impor-
tation et de l'exportation de cette colonie, sont des plus instructives, et
montrent que ces deux éléments de la prospérité de l'État sont en rap-
port direct avec le progrès de civilisation des noirs et de l'émigration
européenne au milieu d'eux. Tel est l'objet de la première des publica-
tiens sus-mentionnées. La seconde est un mémoire présenté au Congrès
des médecins et des naturalistes bohèmes réunis à Prague, au mois de
mai dernier ; il y fait ressortir, avec l'autorité légitime que lui donne la
connaissance qu'il a acquise du sud de l'Afrique, pendant un séjour de
sept années, et en citant l'exemple de Livingstone et de beaucoup de
docteurs de l'Afrique australe, les avantages que la qualité de médecin
peut procurer dans cette partie du continent ; médecin, anthropologue,
ethnologue, psychologue et naturaliste, il peut rendre, directement et
indirectement, les plus grands services à la science et à l'économie
nationale de la mère patrie. L'epcombrement de la profession médicale,
en Autriche comme ailleurs, l'a engagé à adresser, en terminant, un
appel à ses confrères et aux étudiants, à tourner leurs regards vers ces
régions qui leur sont ouvertes, pour aller y accomplir l'œuvre de soula-
gement et de compassion à laquelle ils se sont voués.
TA.BLE DES 1VCA.TIERES
DE LA TROISIÈME ANNÉE
BtJLLETiir MENSUEL», pAges 1, 21, 45, 65, 85, 105, 120, 149, 181, 221, 249. 289.
CORRESPONDANCE
Pagres
Lettres : de M. d'Abbadie 102
de M. G. Rieman 147
Pagee
Lettres : du voyageur SchdVer 817
de M. Gazeau de Vautibault. 207
ARTICLES DIVERS
Le palmier-dattier 8
Expédition du D' Lenz au Maroc et &
Tomboucton 12
Langues de l'Afrique 30
Expédition de M. James Stewart, du
î^jassa au Tanganyika 37
Le Chobô 53
Les Pygmées de l'Afrique 58
Les acacias gommiers en Afrique 73
Indications hygiéniques 77, 93
Exploration de la Dana par Cl. Den-
bardt 97, 120
La mouche tsétsé 115
L'esclavage en Afrique 186
Exploration du lac Tzana, par le D'
SUeker 157
Conférence du D' Buchner A Loanda. . 165
Rapport des ambassadeurs wagandas &
Mtésa 169
Voyage de Matteucci et de Massari de
la mer Rouge au Golfe de Guinée.. 197
Expéditions de Savorgnan de Brazza
entre l'Ogôoué et le Congo 270
Expédition de Pogge et Wissmann & Mu-
quengué 311
BIBLIOGRAPHIE
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barien 20
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Conferenze tenutesi in Milano in 1882.. 321
Coeeon (E.) : Création en Algérie d'une
mer intérieure 285
Cust : Scholars who hâve contributed
to the extension of our knowledge of
the languages of Afrika 283
Derreeagaix (V.) : Exploration du Sa-
hara 823
Vesvemine : La France en Afrique ... 248
^ Les faits consignés dans chaque Bulletin et dans les NouveUee eomplémentairee qui le suivent,
sont dassés d'après un ordre géographique constant, qui permet de les retrouver facilement.
— 328 —
Pages
Jh^parquet : Carte de TOvampo. , , . . . 220
jBSmbaeher : Lexikon der Reisen nnd £nt-
deckangen 248
J^arinê : Ktifftw et Eroomira 247
Floriot (F.) : David Livingstone et sa
mission sociale 4S
FriUth : Die Eingeborenen Sfid-Afrika's. 21 3
Qazeau de VautibatêU : La France an
Soudan 178
Goldkâste (Earte von) 219
miub : Die Colipiisation Afrika's. 219, 325
Jackson : Liste de bibliographies géo-
graphiques 179
KUpert : Algérien und Tunesien (Karte) 126
Id. Uebersicht von Bnohner's Reise
in Londa (Earte) 246
Id. Roaten der deatscben ostafrika-
niscben Expédition (Earte). . 322
Id, Major von Mechow's Eoango
Reise (Earte) 325
Zaeau (S.): Souvenirs de Madagascar. . . 239
Laerùtx: Projet d'exploration dans l'Afri-
que australe 243
Zôfinoy de Bissy : Carte d'Afrique... 218
Zargeau (V.) : Le Sahara algi^rien. . . £83
Ledereq (J.) : De Mogador A Biskra. '103
Zenz (jy) : Skizzen ans West-Airika. 241
Lêray'BeamUeu (F.) : De la colonisation 321
Zindenberg (F.) : Beitr&ge zur Ent-
deckungsgeschichte Afrika's 88
Mae Carihy : Carte du Sud-Oranais..^^ 247
Maiêô : A propos du railway trans-sa-
harien v»' 104
Mw%go Foarh : Trois voyages an Maroc
et dans l'intérieur de l'Afrique. . . : . 319
Naehtigal : Sahara und Sudan 210
/d. Sahara et Soudan 210
Ii«u/viUe (de) : Note« ao crayon sur
l'Algérie '. 216
meolas, Zaeat» et Signol : Guide hy-
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tertropicale 180
Ihrrii Ifitunnan : With the Boers in the
Transvaal. 324
Notices sur Alger et l'Algérie 44
Olivier (A.) : De l'Atlantique au N^er. 280
Chnlo y Canalee (D.-F.) : La Mujer
Inarroqui • 818
Papier (A.) : Du Mont Pappua et de
sa synonymie avec le Djebel-Nador. 64
FàuUUMe (2)' I^.) : Afrika 212
Id, Afrika Literatur 281
FeimoÈiti (comte L.) : Sudan orientale. 63
Pesca della madreperla ad Assab 220
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bouctou 245
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Babourdin (Z,) : Algérie et Sahara . . 287
Bcnny (l'abbé) : L'Afrique 246
Bichard : Carte du Sahara Tripolitain. 219
Bohl/i (8.) : Eufra 209
BaUamd (G.) : Observations météorolo-
giques '. 285
Sehiffeiger'Zerchen/eUd : Der Orient . . • 14S
Serpa FiiUo : Comment j'ai traversé
l'Afrique 217
JSibree : Madagascar 239
Six semaines en Algérie 104
SpUlmann (J.) : Vom Cap zum Zambesi 319
Steere (R) : SwahUi exercises 282
Vernes d'Arlandee : En Algérie 127
VUlût : Description de Tunis et de la
Régence 127
Wahl (M.) : L'Algérie 286
Wangemann i Stidafrika und seine Be-
wohner 1^7
WoiaUre (A.-J.): De Bruxelles A Earéma 282
Weber (E. de) : Quatre ans au pays
des Boers 284
GARTBS
Itinéraire du D' Lenz 20
Région du Nyassa , 44
Bassin du Chobé 64
Province d'Oran et territoire marocain
de la frontière 84
Région comprise entre l'océan Indien et
le Victoria Nyanza 104
Algérie, Tunisie et Sahara central, par
J.' F. Barbier 128
Le lac Tzana, d'après le D* Steeker,., 180
Itinéraire de Matteucci et de Massari.. 220
Bassin des Chotts algéro-tunisiens 248
Itinéraires de Savorgnan de Brazza, de
rOgôoué au Congo et au NiarL.... 288
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
• QUATRIÈME ANNÉE
1883
(bodlxibr
GENÈVE
J. SANDOZ, ÉDITEUR
PARIS
SANDOZ ET TBUILUER 1 CHARLES DELAOKATE
A, m« d« TtninDB, 1 ISi i" BaiilBi>t.
BRUXELLES
wiiicibdTt me de 1a Rèpinc? , A5.
1883
Genève. — Imprimerie Gharies Schachardt.
BULLETIN MENSUEL (i- janvier 1883.)
La question du développemeût de la colonisation en Algérie est
celle qui, pour le moment, occupe le plus l'administratioii de la colonie;
le gouvernement français y favorisera, par son appui financier, un cou-
rant d'immigration provenant des populations des départements de
France qui ont le plus souffert du phylloxéra. L'acquisition des teiTes
nécessaires à cette extension de la colonisatioji procurera en outre un
double avantage aux indigènes : celui d'une plus-value des terres qu'ils
conserveront, et celui de l'amélioration des procédés de culture que leur
vaudra l'exemple de leurs nouveaux voisins. — En même temps le con-
seil supérieui' de l'Algérie presse l'exécution des trois grandes lignes de
cheminii de fer qui doivent être prolongées vers l'intérieur : la pre-
mière aUant d'Alger à Laghouat et à Ghardaïa, avec embranchement
ultérieur sur Ouargla, de manière à relier le Mzab, nouvellement annexé,
au chef-lieu de la colonie ; la seconde, d'Oran à Aïn Sefra, et la troi-
sième, de Constantine à BLskra eijt à Touggourt. — Ghai'daïa, la princi-
pale ville du Mzab, aura un poste fortifié, et sera mise en communication
par une ligne télégraphique avec Laghouat et Alger au nord, Metlili au
sud, et Ouargla au S.-O. L'occupation du Mzab, combinée avec celle du
sud-oranais, complète une ligne solide d'avant-postes, qui permettra de
prévenir les insurrections dont le foyer se trouve d'ordinaire parmi les
tribus dissidentes du Sahara. D'après les journaux français un mouve-
ment de troupes se prépare pour le mois de janvier : une colonne par-
tira de Géryville et se dirigera sur Laghouat, d'où elle s'avancera vers
Je sud, afin d'appuyer une demande de réparation aux Touaregs pour le
massacre de la mission Flatters.
Le capitaine Bernard, ancien compagnon du colonel Flatters, a conçu
le plan tl'uue nouvelle expétiition isieientifique vers le Sou-
dan, pour laquelle il profiterait des renseignements fournis par les mis-
ijions précédentes sur la route à suivre. Elle serait organisée miUtaire-
ment, et assez forte pour se passer de l'appui douteux des chefs de tribus
et faire face à tout danger ; elle compterait vingt membres français,
80 cavaliers spahis, 100 tirailleurs, et 950 chameaux de bât. Profitant
<le la carte fournie par les deux missions du colonel Flatters, l'expédi-
tion irait droit devant elle, en suivant un itinéraire déterminé; tout en
avançant avec prudence, elle construirait à mesure un chemin de fer, et,
par un fil télégraphique, demeurerait en rapport avec les postes du sud
— 4 —
de rAlgérie, de maDière à eu obtenir, le cas échéant, les secours néces-
saires. Le chemin de fer ne serait qu'une voie de pénétration.
D n'est pas facile d'apprendre avec certitude ce qui se passe dans le
iSoudan égyptien. L'annonce de l'expédition envoyée du Caire au
secours de Khartoum paraît cependant avoir eu un bon effet. Le gou-
verneur Abd-«1-Kader aurait, d'après une dépêche télégraphique adres-
sée au gouvernement égyptien, battu les troupes de Mohamed Hamed ;
celles qui occupaient El-Obeïd auraient été repoussées, et l'arrivée d'un
premier détachement égyptien, parti de Souakim, aurait assuré la sécu-
rité de Khartoum.— Quand la révolte aura été complètement réprimée,
le gouverneur reprendra sans doute le plan qu'il a exposé aux princi-
paux négociants de cette ville, pour relever le commerce de cette partie
de l'Egypte. D'après ce plan, le commerce sera désormais libre dans le
bassin du Nil Blanc, à l'exclusion toutefois de l'ivoire qui demeurera le-
monopole du gouvernement. Pour mainteuir des communications régu-^
lières avec le haut fleuve, il partira tous les deux mois un steamer pour
le Bahr-el-6hazal ; d'autres iront, tous les quinze jours, de Khartoum à
Berber, à Sennaar et à Fachoda. — Pour rextinction de la traite il
sera créé un bureau spécial, avec un inspecteur général, deux secré-
taires et des soldats à ses ordres ; partout où le besoin s'en fera sentir,
le chef du bureau iqstallera des inspecteurs et un cordon militaire ; il
aura ainsi tous les moyens de surveiller les grandes routes et les che-
mins détournés, pour arrêter la contrebande d'esclaves aux frontières,
n y a déjà des inspecteurs à Nuba et à Chaka ; il y en avait un à
Fachoda, M. Berghoff, qui a été tué par les troupes du faux prophète,
lors de l'attaque tentée contre elles au Gebel-Guebir parYoussouf-
pacha. Des postes seront établis au Darfour, au Fazogl et dans le Gala-
bat ; des mesures rigoureuses seront prises à l'égard des ports de la
mer Rouge, ainsi que dans le Harar, et pour les stations intermédiaires
de passage à l'intérieur, El-Obeld, Messalamieh, Gadaref, réputées pour
être les principaux dépôts d'esclaves.
Ëmin-bey, administrateur des provinces de PÊ^ypte éqaato-
rlale, au gouvernement duquel a été ajouté le district du Sobat, s'est
rendu chez les Chillouks, dans le territoire desquels il veut établir une
station ; ils l'ont bien reçu, et ont offert de lui fournir les matériaux de
construction nécessaires. Il en créera aussi une chez les Toudjs, pour
maintenir les communications postales entre celles de Sobat et de Bor,
de manière à avoir un courrier tous les mois. A son retour à Lado, il a
reçu de Kabréga un présent d'ivoire, de sel et de café, avec une invita-
— 5 —
tion à venir chez lui, et l'offre de lui envoyer des gens pour l'escorter.
Mbio et d'autres princes Niams-Niams et Mombouttous l'ont instam-
ment prié de venir les délivrer des incursions des Danaglas du Bahr-el-
Ghazal. Sa province étant tout à fait tranquille, il comptait se rendre,
par une route inexplorée jusqu'ici, dans le Makaraka et dans le Mom-
bouttou, oU il a dû conduire M. ISraldo Dabbene, jeune Piémontais,
entomologiste distingué, qui avait offert ses services au gouvernement
égyptien pour une étude spéciale sur les insectes nuisibles h l'agricultm'e
^n Egypte, mais avait été empêché par la révolte d'Arabi-pacha d'exé-
<^uter son projet. Il s'était rendu alors au Soudan, oU il entra en rapport
avec Emin-bey, qui l'emmena à Lado, et l'a pris avec lui dans son
voyage où il compte rencontrer le D' Junker.
Avant de parler des explorations de ce dernier, nous devons communi-
quer à nos lecteurs un rapport fait à Lupton-bey, gouverneur de la pro-
vince du Bahr-el-Ghazal, sur la découverte d'un lac dans l'Afri-
que centrale A l'ouest de l'Albert IVyanza, lac de la grandeur
du Victoria. Depuis le premier voyage de sir Samuel Baker, l'existence
d'un lac plus occidental avait été annoncée plusieurs fois, sans avoir
jamais pu être constatée positivement. Tout récemment Rafal-Aga,
chef d'une des stations de Lupton-bey, dans le territoire des Niams-
.Niams, revenu d'un long voyage, a dit à son maître avoir vu, lui et quel-
ques-uns des membres de l'expédition, un grand lac dans le pays des
Barboas, tribu puissante, cuivrée, et vêtue d'étoffes singulières faites
d'herbes. Il en a rapporté des spécimens dont Lupton-bey a envoyé des
échantillons en Europe. Partie de Dem-Békir, par 6°,52' lat. N., et
24°, 2' long. E. de Paris, l'expédition marcha pendant 20 jours vers le
S.-O., jusqu'au Bahr-el-Makouar, qu'elle traversa après avoir visité plu-
sieurs tles très grandes, habitées par une tribu de nègres cuivrés appe-
lés Basangos. Le Makouar se verse dans l'Ouellé ; il est beaucoup plus
grand que ce dernier ; après leur réunion ils coulent dans une direction
O.-S.-O. Du Makouar, l'expédition atteignit en 10 jours de marche la
résidence du sultan de Barboa, qui fit bon accueil aux voyageurs ; un
trajet de quatre jours encore les amena aux bords du lac, nonuné par les
indigènes Key-rol-Aby. Quand le temps le permet les Barboas, qui habi-
tent à l'est du lac, le traversent en trois jours, dans de grands bateaux
qui portent parfois jusqu'à 60 hommes ; ils reçoivent des indigènes de la
région occidentale des perles de verre bleu, du fil de cuivre, des cauries,
et disent que ces objets sont apportés de l'ouest par des trafiquants qui
•emmènent des esclaves et de l'ivoire. D'après les renseignements qu'il a
— 6 — ,
recueillis, Lupton-bey place ce lac par 3%40' lat. N., et 20\40' long.
E. de Paris, Lorsqu'il a écrit cela, il préparait une carte de sa province,,
et allait se rendre dans le pays de Oumboungou à 15 joui-s de marche
à l'ouest de Dem-Siber où il se trouvait.
Le manque de place ne nous peimet pas de donner, dans notre Bulle-
tin mensuel, les détails de l'exploration du D' «luitker dans la région
de rOuellé ; nous les réservons pour un prochain article spécial que
nous accompagnerons d'une carte. Disons seulement aujourd'hui qu'il
a particulièrement étudié, en dernier lieu, les deux rivières Gadda
et Kibali qui forment l'Ouellé, et le Nomayo de Schweinfurth, le plus
grand des affluents de ce fleuve ; pour lui l'Ouellé forme indubitable-
ment le cours supérieur du Chari, taudis que l'Arouimi de Stanley est
identique avec une rivière nommée Népoko, qui a sa source au loin à
l'est, et tourne vers l'ouest au sud des routes conduisant du territoire
de Mounza à Bakangaï. Il signale aussi, dans la région au sud de l'Ouellé,
des marchandises provenant du sud et du sud-est, apportées sur le mar-
ché de Nyangoué. Les perles bleues, le fil de cuivre et les cauries rap-
portés par Rafaï-Aga à Lupton-bey, des bords du lac Key-el-Aby, ne
proviennent-ils point du même marché? Après son départ de Nyan-
goué, Stanley mentionne, parmi les suivants de Tippou-Tib, une bande
de 300 personnes qui, sous la conduite de Bouana Chokka devait se ren-
dre au N.-E., au Tata, le point extrême du parcours des Arabes ; ne
seraient-ce point ceux-ci qui apporteraient les marchandises susdites,
mentionnées expressément dans la liste que Stanley donne des aiticles
vendus à Nyangoué ? Quoi qu'il en soit Junker a aussi entendu parler
de l'existence d'un grand lac à une certaine distance au S.-O. de Kanna.
Les événements d'Egypte auraient fourni à l'Abys^îHîe l'occasion
de s'assurer, sur la mer Rouge, un débouché pour son commerce, si le
roi Jean n'eût espéré l'obtenir sans recommencer la guerre. On sp rap-
pelle la mission cohfiée à l'explorateur Rohlfe, et le refus de l'Angleterre
d'intervenir en faveur du Négous, sous prétexte que celui-ci n'était pas
en guerre avec l'Egypte. Mais, depuis la répression de la révolte d'Arabi-
pacha par les troupes anglaises, le gouverneur britannique a engagé la
khédive à céder au roi Jeau, moyennant redevance, le port de Ma.s-
saoua, et n'a pas eu de peine à obtenir cette cession. Cependant, par
une convention de 1877, que nous a révélée la publication italienne des
documents diplomatiques relatifs à Assab, l'Angleterre a reconnu à
rÉgypte la possession de toute la côte occidentale de la mer Rouge,,
depuis Suez jusqu'à Ras-Afoim au delà du cap Guardafiii, et le firman
— 7 —
de 1879, en vertu duquel le khédive actuel a succédé à son père, lui
interdit d'abandonner, sous aucun prétexte, aucune partie du territoire
annexé à ses États. Le sultan, auquel le khédive a demandé d'autoriser
cette cession, Ta refusée, et le consul anglais de Massaoua a été chargé
d'informer le roi d' Abyssinie, que l'Egypte ne peut lui céder ce port, qui
n'est habité que par des musulmans et a une grande importance pour
l'Egypte, comme station navale et commerciale. Toutefois l'AngleteiTe a
promis de faire de nouvelles démarches auprès du khédive, pour que
celui-ci cède à l'Abyssinie le petit port de Sagu ou celui d'Arkiko, près
de Massaoua. Le sultan consentira-t-il plus facilement à autoriser la
cession de l'un ou de l'autre de ces ports ? Quoi qu'il en soit, l'Angle-
terre a profité de sa position en Egypte pour reprendre le projet
qu'avait conçu, sous l'ex-khédive Ismaïl, une société anglaise puissam-
ment patronnée par le gouvernement, de relier la vallée du Nil à la
côte de la m<Br Rouge. Des démarches ont été entamées au Caire, en vue
d'obtenir la création d'une voie ferrée qui, partant de Berber, à 500
kilom. en aval de Ehartoum, déboucherait sur la mer Rouge au port de
Bérénice, à 100 kilom. au nord de Souakim.
Toujours anxieuse au sujet de tout ce qui pourrait menacer la route
des Indes, l'Angleterre s'est émue de la cession que le sultan Loelta a
faite de Sa^palo, dans la baie de Ta^joura, à M. Soleillet, qui, après
avoir fait mesm*er et délimiter sa concession, y a installé un comptoir,
sous la direction de M. L. Grand, ancien élève de l'école de commerce'
du Havre. La ville de Sagalo, à une cinquantaine de kilomètres au S.-O.
d'Obock, est, après le port de Tadjoura, la première station de la route
des caravanes qui se dirigent vers le Ghoa et l'Abyssinie par les lacs salés ;
aussi comprend-on l'importance, pour les établissements commer-
ciaux français d'Obock, d'avoir un comptoir sur ce point. Les indigènes
y ont très bien accueilli M. Soleillet ; ils craignaient les Égyptiens éta-
blis à Tadjoura, exposés qu'ils étaient à avoir le sort des paysans du
Harar, qui en sont réduits à couper les caféiers, parce que leur produit
total ne suffit pas à payer l'impôt, qui est de 80 Vo du produit brut des
bonnes récoltes. Près de Sagalo s'élève le mont Goba, abondamment
pourvu d'eaux vives et riche en pâturages. De cet établissement on
peut espérer un trafic important avec les Issas Somalîs, dont Sagalo
n'est séparé que par un petit bras de mer. La possession de Péiim, à
l'entrée du détroit de Bab-el-Mandeb, et celle des îles Moussa, à 18 kilo-
mètres de la côte de Tadjoura, auraient pu rassurer complètement les
Anglais.
— 8 —
La mission italienne à la tête de laquelle se trouve le comte Anto-
nelli, s'est rendue à Obock, pour y enrôler comme escorte les indigènes
envoyés à M. Soleillet par le roi Ménélik. Malheureusement elle ne retrou-
vera plus à Liet Maréfla, station scientifique de la Société italienne de
géographie^ le marquis AntinoH, qui y est mort le 27 août, à l'ftge de
70 ans. Passionné des explorations et des sciences naturelles, il était
parvenu à réunir des collections d'un prix inestimable pour les savants
désireux d'étudier les produits de cette partie de l'Afrique. Depuis un
certain temps on l'engageait à venir se reposer en Italie, mais il n'avait
pas voulu quitter sa station avant que la Société eût pourvu à son rem-
placement.— Ménéiilc a envoyé au roi d'Italie une lettre, dans laquelle
il rend compte des récents combats qu'il a dû livrer, pour affranchir plu-
sieurs peuplades voisines et ouvrir une voie de communication jusqu'à
Eaffa. — Quant à l'explorateur Bianclii, après avoir remis au négous
d'Abyssinie les présents du roi d'Italie, il devra se rendre & Baso dans
le Godjam, ob la Société milanaise d'exploration l'a chargé de fonder
une forte station commerciale, Baso étant un lieu où les Grallas des dis-
tricts limitrophes apportent leurs produits riches et variés. De là Bian-
chi étudiera le moyen de faciliter le passage à travers les rapides du Nil
Bleu, soit en construisant un pont qui relierait le Godjam au pays des
Gallas, soit en établissant un bac pour le passage régcdier des hommes
et des marchandises. Cela fait, il laissera à la station un représentant de
^la Société milanaise, puis, avec une forte escorte et une certaine quan-
tité de marchandises, il se dirigera vers Assab à travers le pays des
Assubo-Gàlias et des Danakils, inconnu jusqu'ici et en blanc sur |nos
cartes; chemin faisant, il étudiera le cours des rivières qui descendent du
haut plateau d'Abyssinie pour aller se perdre dans la plaine du sel. Pen-
dant ce temps, la Société d'exploration enverra au Godjam un autre de
ses représentants, avec des ressources en argent et en marchandises, et
la station de Baso pourra servir de point de départ pour une nouvelle
exploration importante vers l'ouest ou le sud. B y aura donc deux loca-
lités centrales en communication directe avec Assab, Let Maréfia qui
est devenu récenuuent un centre commercial, et Baso. Le comte Salim-
beni, ingénieur, et le professeur Licata de Naples, feront partie de l'expé-
dition.
Un grand mouvement s'est produit dans la station missionnaire de
Magila, dans l'OusamliaFa S et à Mbouego, localité voisine oh il y
* Voir la carte, I" année, p. 112.
— 9 —
avait une mosquée et une école musulmane. Les chefe de la communauté
mahométane de Magila demandèrent un jour une entrevue à M. Farler,
un des missionnaires de ce lieu, et se rendirent chez lui avec une cin-
quantaine d'anciens. Us lui dirent qu'après avoir tenu conseil, ils
s'étaient décidés à faire fermer la mosquée et avaient congédié l'institu-
teur, pour envoyer chaque jour les enfants à l'école des missionnaires ;
eux-mêmes voulaient se rattacher à la conmiunauté chrétienne. Le chef
du grand district d'Ousiangala vint aussi faire une déclaration analogue
au nom du peuple de Tengoué, et demander une école. Cette dernière
ville a im marché où affluent tous les neuf jours deux mille personnes au
moins, pour y trafiquer. D'autres villes encore désirent avoir des écoles.
— La station de Oumba, dans l'Ousambara également, ayant perdu
M. Wilson, dont l'école comptait 150 élèves, la mission des Universités y
a envoyé, au commencement de novembre, M. Woodward accompagné
du Rev. James Chala Salfey, ancien esclave, qui, après avoir fait de fortes
études et d'excellents examens, a été consacré par l'évêque d'Oxford.
Depuis l'établissement des missionnaires romains à Tabora^ dans la
propriété acquise par eux de M. le D' Van den Heuvel, ils ont fait
l'expérience de l'utilité que pourra avoir ce poste, pour les communica-
tions avec les stations déjà fondées au bord des gi-ands lacs Victoria et
Tanganyika. Ils ont proposé aux missionnaires anglais d'Ouyouy, chez
Miranibo, une entente pour l'expédition des courriers, de manière à ce
qu'il y ait un çervice régulier tous les mois. Ils espèrent pouvoir faire un
arrangement semblable pour la station de Roubaga. Us songent aussi à
développer la culture et l'industrie du coton qui pousse là- spontanément ;
jusqu'à présent personne ne l'exploite. Chaque année de nombreuses
caravanes vont chercher à grands frais, à la côte, les cotonnades d'Angle-
terre et d'Amérique, tandis qu'on pourrait utiliser le coton indigène.
Les nègres sont encore trop peu industrieux pour le faire, et les com-
merçants arabes et autres ont tout intérêt à les laisser dans leur igno-
rance. Les missionnaires comptent employer une partie des enfants de
l'orphelinat de Tabora à la culture, à la filature et au tissage du coton,
aussi demandent-ils qu'on adjoigne aux prochaines caravanes des caté-
chistes formés à filer, à monter un métier à tisser, à le manœuvrer, et
qui connaissent aussi un peu la teinturerie.
La station de Slasasii de la mission des Universités, a été attaquée
par les Wagwangwaras, tribu du nord-est de l'extrémité septentrionale
du Nyassa ; ils ont tué l'instituteur, natif de Zanzibar, deux catéchistes,
anciens esclaves libérés, et quatre enfants; d'autres furent blessés; beau-
— 10 —
coup de personnes s'enfuirent dans Içs forêts et sur les collines voisines,
d'autres se réfugièrent dans la maison des missionnaires, qui heureuse-
ment était entourée d'un mur de pierre. Les pillards prirent tout ce qui
leur tomba sous la main, et s'emparèrent de 40 personnes. Ils avaient
saccagé le temple, mais quand ils apprirent que c'était la maison de
Dieu, ils en rapportèrent les objets sacrés. Un certain nombre de prison-
niers purent être rachetés, et les Wagwangwaras promirent d'attendre,
à 100 kilom. de Masasi, la rançon des autres; cependant, attaquée par
une tribu du voisinage, ils se sont retirés dans leur pays, en emmenant
avec eux les prisonniers, ce qui rendra le rachat de ceux-ci beaucoup
plus difficile.
Les journaux politiques ont suffisamment parlé des affaires de Mada-
g^ascar pour que nous puissions nous dispenser d'y revenir. Mais
comme, dans ce moment, l'attention du public se porte beaucoup sur les
questions coloniales, nous donnons avec ce numéro une carte g^né-
pale d'Afrique, où sont marquées les possessions des divers États
européens, ainsi que les stations civilisatrices.
Le manque de bras pour la culture des terres à Mayotte, ïVossi Bé
et la Réunion, a fait désirer à la population de ces colonies fra.nçai-
ses, que la prohibition d'importer des travailleurs afiricains engagés fût
abrogée, et que l'on pût en recruter sur la côte d'Afrique, pour le tra-
vail libre. Mais il est presque impossible de conclure, avec les princes
nègres ou avec le Portugal, des traités pour le recrutement de travail-
leurs libres, sans favoriser ni développer la chasse à l'homme sur le con-
tinent. En eflfet pour fournir, contre de l'argent, des immigrants libres,
les princes africains feraient des guerres à l'intérieur. Le Portugal,
auquel il avait été demandé d'étendre à la Réunion l'émigration qui se
fait de Ibo, sur la côte, pour Mayotte et Nossi Bé, a refusé d'autoriser
cette extension ; il a envoyé des instructions aux autorités de Mozambi-
que, pour qu'elles exercent une surveillance stricte sur l'émigration dans
ces deux dernières îles.
Le missionnaire Beuster a fait jusqu'au Limpopo plusieurs voyages
de reconnaissance, dans l'intention d'étendre jusqu'à ce fleuve le champ
des missions de Berlin dans le Transvaal septentrional.
Le Limpopo forme la limite entre la tribu des Bavendas, au milieu des-
quels il travaille, et celle des Bakalangas, qui ont une autre langue et
d'autres mœurs. Les montagnes et le haut plateau qu'il a traversés,
au-delà des Zoutpansberg, pour atteindre la ville de Tchakadza, sont très
froids; le 27 août de l'année dernière, au milieu de l'hiver de cette région
— 11 —
tropicale, le froid était si intense que les chèvres et les moutons des
habitants mouraient en grand nombre; deshœufis même y succombaient.
Le pays est très riche en toutes sortes d'arbres; les Bavendas qui
accompagnaient le missionnaire en ont compté 120 espèces diflférentes,
palmiers-éventails, dattiers et autres, mahagonis, baobabs tous plus
grands les uns que les autres, etc. La capitale est construite sur le mont
Tchongané, entouré de rochers abrupts et de hautes cimes. Le coton
croît en abondance dans le pays, les indigènes le filent et en font un
objet de trafic ; le gibier abonde ainsi que les arbres fruitiers ; il y a égale-
ment de bons pâturages. La tsetsé qui, d'après les cartes, devait s'y
trouver autrefois, ne s'y rencontre plus aujourd'hui. — Un autre mis-
sionnaire allemand du Transvaal septentrional, M. Baumbach, a visité
les lacs salés d'où les monts Zoutpansberg tirent leur nom, et a constaté
que les Boers commencent à les exploiter. Jusques à ces derniers temps on
ne prenait que le sel qui s'était formé à la surface par l'évaporation,
mais maintenant les Boers creusent des fossés de 2'* de profondeur, dans
lesquels l'eau salée se rend et se cristallise ; ils mettent ensuite le sel en
tas, le lavent et le sèchent au soleil; d'autres le font cuire dans de gi'ands
pots de fer; il devient alors d'une blancheur éclatante et aussi fin que le
plus beau sel de table.
Un peu plus au sud, Hapoch, chef indigène, refuse de recoimaître la
commission des territoires des natife, instituée ensuite de la convention
conclue entre le Transvaal et l'Angleterre, et ne veut ni payer les
impôts, ni obéir aux lois; il se prétend l'égal du gouvernement. Il
refuse entre autres de livrer Maupoer, le meurtrier de Secocoeni, qui s'est
réfugié auprès de lui. Son fils a très mal reçu le représentant des Boers
et M. Hudson, le résident anglais, venus pour parlementer. A la tête
d'un certain nombre de chefs natifs, retranché dans ses montagnes
pleines de grottes et entourées d'un labyrinthe de retranchements où
l'on ne peut pénétrer qu'avec un guide, il brave le gouvernement qui
a dû lever des troupes pour marcher contre lui. Sa retraite est
presque imprenable; un premier assaut a été repoussé, et Mapoch, se
considérant comme vainqueur, exige que les Boers du voisinage lui
paient tribut. Il peut en résulter de graves embaiTas pour le gouverne-
ment du Transvaal, encore trop faible pour obtenir, des autorités de la
baie de Delagoa, la répression de la contrebande très active de fusils,
munitions, boissons et marchandises, apportés aux natifs par les Cafres
de ces possessions portugaises.
La situation du Liessouto est toujoui*s très critique. Les assurances
— 12 —
que le général Gordon a données à Massoupa, des intentions amicales dir
gouvernement anglais, n'ont fait qu'aifermir ce chef dans ses idées de
résistance et l'on peut craindre qu'une nouvelle rébellion n'éclate pro-
chainement. Néanmoins l'école normale de Morya, dirigée par M. Mabille^
s'est rouverte ; Lerotholi y a envoyé son fils aîné avec sept autres jeunes
gens. Le comité des missions de Paris a décidé que M. .Boegner, direc-
teur actuel de l'œuvre, partira au mois de janvier pour aller visiter les
stations françaises. Deux jeunes • missionnaires neuchâtelois viennent
d'entrer au service de ces missions : l'un, M. E. Jacottet, pour le Lessouto,,
l'autre, M. Jeanmairet, pour accompagner M. Coillard au Zambèze et y
travailler avec lui. M. Coillard ayant dit un jour, pendant son dernier
séjour en France, qu'il avait perdu un de ses compagnons de voyage,
faute d'un canot en fer, qui lui eût permis de faire chercher promptement
à son quartier le quinquina dont il aurait eu besoin pour soigner le
malade, plusieurs personnes de Nantes ont eu l'idée de lui en donner
un, et l'ont fait construire sur ses indications. D est en tôle d'acier, et se
démonte en pièces assez légères poui* ne pas excéder la charge ordinaire
d'un mulet. U a un peu plus de 8 mètres de longueur, et se divise en
huit tranches dont les quatre du milieu sont cylindriques et identiques,
de manière qu'on peut, au besoin, supprimer l'une ou l'autre, ou en
intervertir l'ordre, sans que l'assemblage en souffre. Il porte des caissons
à air, qui le rendent insubmersible pour le cas oîi il chavirerait ; il peut
contenir de 6 à 8 personnes et une quantité suffisante de bagages.
L'essai en a été fait avant de l'expédier ; il a été rempli d'eau, et l'on a
constaté qu'il flotte parfaitement ; six hommes ne peuvent le faire enfon-
cer. U porte à l'arrière les mots : Messager de paix, — Église de Nantes.
M. Combep a écrit de Ntombo, sur le Congo, qu'il a fait une course
à Stanley Pool, afin d'y préparer un établissement pour la mission
baptiste, sur un terrain cédé par M. Braconnier, chef de la station de
Léopoldville, à 10 minutes de Ntamo, ville populeuse et résidence de
Ngaliéma*, principal chef des Batékés. Elle est le centre d'un commerce
important ; un quartier à part est destiné aux Bayansis qui, des villes du
Choumbiri, descendent le Congo dans leurs flotilles de canots, pour ven-
dre leur ivoire à Ngaliéma ; à son tour, celui-ci le vend aux Bazombos, aux
Makoutas et aux Babouendés qui habitent en aval. M. Robert Arthington,
de Leeds, a donné à la Société des missions baptistes, pour le service du
^ Est-ce le chef dont le nom se trouve au bas du traité conclu par Savorgnan
de Brazza avec Makoko ?
— 13 —
Congo moyen, un vapeur (le Peace\ du poids de six tonnes, construit
d'après les dessins de M. Grenfell et de Stanley. Il ne tire que 0",30
d'eau, a deux machines, et sa vitesse moyenne est de 20 kOom. à l'heure ;
si Tune des machines est endommagée, on peut epcore obtenir lOkilom.
de vitesse pendant la réparation. Il peut être démonté en 800 pièces,
d'un poids ne dépassant pas les forces d'un porteur ; il. sera expédié
démonté à l'embouchure du Congo, et de là 800 hommes le transporte-
ront à Stanley Pool. Actuellement le trajet de Banana au Pool peut se
faire en 20 jours : de Banana à Moussouca par steamer hollandais ou
missionnaire ; de Moussouca à Baynesville (station baptiste à 20 kilom.
en aval de la rivière Kivilo) par la route de Paraballa ; de Baynesville à
Manyanga par bateau missionnaire en acier; enfin de Manyanga à
Stanley Pool par la route de Stanley le long de la rive droite du fleuve
jusqu'aux cataractes d'Inkissi, oîi l'on traverse le Congo au-dessus des
chutes ; puis, par terre, le long de la rive gauche, à travers le pays des
Bavoumbous qui ont un caractère pacifique, tandis que les Batékés
de l'autre rive sont très sauvages. M, Comber loue beaucoup Stanley
pour avoir construit la route le long des cataractes ; auparavant les
missionnaires baptistes ont vainement cherché à atteindre Stanley Pool
par terre depuis San Salvador, les natife, trafiquants d'ivoire, les en ayant
toujours empêchés. Des trois premières stations qu'elle a le long du
Congo, Moussouca, Isanghila et Manyanga, la Société baptiste renon-
•cera aux deux premières qui ne lui servent guère que de dépôts, et en
créera deux autres nouvelles, l'une, entre Moussouca et Vivi, à Wanga-
wanga, pour servir de lieu de débarquement à la mission de San
Salvador, l'autre, à Baynesville en amont d'Isanghila. La route qui
unira ces deux nouvelles stations est un peu plus longue que celle de
Vivi à Isanghila, mais elle n'ofite pas les inconvénients auxquels on est
exposé par celle-ci, surtout au point de vue de l'approvisionnement de
gi-audes colonnes de porteurs, à travers cette partie de pays peu peuplée ;
-en outre elle a l'avantage de passer par les stations de la Liviugstone
Inland Mission, ParabaUaet Banza Mantéka.
Nous ne reviendrons pas sur les faits par lesquels le monde poUtique
^t scientifique français a témoigné h Savorg^nan de Braasza sa
reconnaissance pour les services qu'il a rendus à la cause de l'explora-
tion et de la civilisation de l'Afrique, ni sur la ratification du traité
conclu avec Makoko; mais nous ne tairons pas la satisfaction avec
laquelle nous avons entendu le gouvernement français s'exprimer au
«ujet de l'expédition qui va être envoyée à Brazzaville, sous la direction
— 14 —
de Savorgiian de Brazza; elle sera chargée de fonder des stations:
scientifiques, hospitalières et commerciales, sans autres forces militaires
que celles strictement nécessaires à la protection des établissements qui
seront successivement créés. Le comité national français de l'Associa-^
tion internationale africaine, a remis au gouvernement de la Répu-^
blique, avec l'assentiment de S. M. le roi des Belges, les trois stations
qu'il avait fondées sur TOgÔoué, l'Alima et le Congo. Il ne lui reste plus
que la station de Condoa, près de la côte orientale.
Fle^el continue son exploration avec une persévérance infatigable^
et paraît vouloir laisser de côté la ville de Yola, capitale de l'Adamaoua,
où Barth, en 1851, fut obligé de rebrousser chemin, et où lui-même, il y
a trois ans, ne fut pas bien accueilli. Le 4 mai il était à Béli, à l'ouest
de Wukari, au sud du Bénoué, d'où il écrit aux Mittlidlungen de
Gotha : a J'avance lentement mais sûrement vers mon but, quoique à
grands fixais. J'ai surmonté le misérable état de santé où je me suis
trouvé pendant des semaines, plusieurs de mes gens m'ont été infidèles,
mais en somme j'avance. Je ne suis plus qu'à onze jours de marche de
Kontcha, dans l'Adamaoua méridional. Le pays est montagneux, mais
beau et agréable. Des bateliers m'ont fait traverser le Bénoué le 10 avrils
entre Ibi et Danfouza; il avait peu d'eau et beaucoup de sable. Wukari
est beaucoup plus peuplée qu'en 1879 ; elle est remplie de Haoussas qui
mettront bientôt tin à l'indépendance du royaume de Kororofa. De là,
j'ai gagné Bantandji, qui appartient à un gouvernement nouvellement
formé du royaume de Sokoto, et dont le chef-lieu est Bakoundi. Il a été
fondé par un chef, Bourba, chassé de Mouri, qui l'a agrandi et y règne
avec une grande puissance. De Bantandji j'ai atteint, en quatre jours
de marche, Bakoundi, à travers une forêt où retentit jour et nuit le
rugissement menaçant des lions ; puis, en un jour et demi, Béli sur le
Kogin-Tarabba qui se jette dans le Bénoué. Cette ville appartenait
autrefois au royaume de Djoukou ; il y a encore un roi de cette tribu.
J'ai obtenu des renseignements sur des cannibales et des nains qui doi-
vent habiter au loin au S.-E. Demain nous continuerons notre marche
vers l'Est. » Le comité de la Société africaine allemande voudrait qu'il
se dirigeât vers le S.-E. pour explorer la ligne de partage des eaux»
encore inconnue, du Bénoué, du Chari et du Congo.
M. le sous-inspecteur Prétorius, M. Preiswerk et M. le D*" Mâhly»
envoyés par la Société des missions de Bâle pour visiter les station»
b&loises de la côte de Guinée, sont arrivés à Accra en bonne santé,,
le 17 novembre. Ils ont fait la traversée avec l'évêque Cpowtlier qui
— 15 —
retournait au Niger; il avait avec lui deux de ses petits-fils, dont l'un a
étudié à Cambridge, est maître es arts, et a déjà fait imprimer un
« Essay » sur Sierra Leone, dans lequel il demande que l'instruction
publique y soit perfectionnée ; l'autre a appris en Angleterre l'imprime-
rie et la photographie, pour exercer ces professions à Lagos. L'évêque
avait encore avec lui deux jeunes nègres élevés en Angleterre, l'un lui
aidera pour la mission du Niger, l'autre sera commerçant à Sierra
Leone. M. Crowther approuve beaucoup la Société des missions de Bâle
d'avoir introduit l'industrie européenne dans ses stations; il estime que
toutes les écoles de garçons, en Afrique, devraient avoir en même temps
des classes industrielles et agricoles. Miss Nassau, attachée depuis long-
temps à la station missionnaii-e américaine du Gabon, et qui y retournait
par le même navire, a également approuvé le système des stations bâloi-
ses qui, par leur industrie, ont rendu de grands seiTÎces à toutes les
missions de l'Afrique occidentale. Les menuisiers et les serruriers
d'Accra, a-t-elle dit à M. Prétorius, sont recherchés partout. M. le
D' Mâhly a pu obtenir de très utiles renseignements de M. le D' Smith,
établi depuis 16 ans à Sierra Leone, et qui a fait le voyage avec les délé-
gués bâlois. L'évêque Crowther a encore émis, sur l'état religieux de la
Guinée septentrionale, un jugement qu'il est bon de noter. « Beaucoup
de voyageurs, » a-t-il dit, « tiennent tous les Africains vêtus de la lon-
gue robe musulmane pour des adhérents réels du mahométisme ; c'est
une erreur; des milliers de nègres portant ce costume adorent encore
les fétiches. En outre, les Afiicains qui ont passé à l'islamisme ne sont
pas aussi inaccessibles qu'on le croit communément à la vérité chré-
tienne. Beaucoup de ces mahométans fréquentent notre culte, et y con-
tribuent pour des constructions ou des agrandissements de locaux;
beaucoup de chefs, et même des prêtres lisent avec intérêt la bible en
arabe. » Un nègre, M. Johnson, aide de l'évêque Crowther, a été étudier
l'arabe en Palestine, pour travailler parmi les mahométans du Niger.
L'exploitation des mines de la Côte d'Or prend uu développement
de plus en plus considérable. Après avoir çu à lutter pendant trois ans
contre toutes sortes de difficultés: climat, transport, installation de
machines, traitement du minerai, etc., les premières compagnies com-
mencent à envoyer de l'or en Europe; elles achètent de nouvelles
concessions pour étendre leurs propriétés. Axim est devenu le centre de
de ce vaste champ aurifère; un véritable marché d'or s'y est établi. Les
dernières nouvelles fournies par le Bulletin des Mines y signalent une
affluence exceptionnelle d'Européens et d'indigènes : les Euro^péens à la
— 16 —
recherche de concessions, les rois et chefs indigènes dans le désir de
tirer le meilleur parti possible de la valeur qu'a données à leurs
richesses, jusqu'alors inexploitées, l'initiative de la Compagnie minière
de la Côte d'or d'Afrique. Il n'y a pas moins de vingt sociétés à l'œuvre
aujourd'hui, le rendement de l'exploitation des premières compagnies
dépassant toutes les prévisions.
M. Btltigkofer, assistant au musée de Leyde, a fait récemment,
à la société de géographie de Berne, un rapport détaillé sur l'état
politique et social de la Hépublique de Lilbéria, oU il a passé plusieurs
années. D en ressort que les engagements financiers contractés par le
gouvernement libérien envers l'Angleterre, et des dédommagements
réclamés par celle-ci pour des trafiquants anglais qui ont perdu des
marchandises dans une guerre en 1871, ont mis la république dans une
situation précaire. Au printemps de 1882, l'Angleterre chercha à obtenir
ce dédommagement par la force, en menaçant Monrovia d'un bombar-
dement, et réclama comme compensation les territoires appartenant à
Libéria dans les pays de Manna, de Galhna et de Kassa. Après de
longues négociations, elle a consenti à ajourner jusqu'en 1886 le moment
où elle fera usage de son droit. Au point de vue social, l'état de
Libéria laisse aussi beaucoup à désir.er, malgré les progrès déjà réalisés
et les efforts faits par les musulmans et surtout par les missionnaires
américains pour relever les indigènes. Quoique la loi interdise l'escla-
vage, beaucoup de Libériens ont des domestiques (boys) dont le sort
diffère peu de celui des esclaves. Le système de crédit, reposant sur la
maxime que l'homme le plus riche est celui qui a le plus de dettes, est
ruineux au fond. En outre, la contrebande et l'eau-de-vie font beaucoup
de mal aux producteurs et aux fermiei-s. Un des obstacles au progrès de
la civilisation à Libéria provient de l'impossibilité pour les Européens
d'y acquérir légalement du terrain pour des plantations de café. Le
genre de vie, l'habitation, le costume, tout est très simple; le vêtement
des femmes toutefois fait exception ; elles s'habillent à la dernière mode
de Paris. Les vêtements confectionnés sont un des principaux articles
d'importation ; parmi ces derniers, les étoffes dans lesquelles l'apprêt
est tout sont les plus recherchées ; le nègre ne comprend pas la diffé-
rence qu'il peut y avoir dans la qualité des marchandises ; il veut tout
avoir pour un certain prix, et donne un shelling pour un mouchoir,
un chapeau, un mètre d'étoffe, ne s'inquiétant pas si celle-ci est bonne
ou mauvaise, si elle dure peu ou longtemps.
Grâce à la loi française, qui assure la liberté à tout esclave touchant
— 17 —
le sol français, il s'est produit dans la banlieue de Saint-Liouis une
augmentation considérable du nombre des esclaves libérés ; mais cette
circonstance ofire de sérieux embarras au point de vue de l'hygiène ; en
outre il est difficile de fournir de Toccupation à ces hommes, que leur
position antérieure n'a pas préparé au travaU libre. Pour y remédier, et
en l'absence du gouverneur, M. Servatius, qui vient seulement d'arriver
à Saint-Louis, le ministre de la marine et des colonies a prescrit de
rechercher s'il ne serait pas possible de les grouper dans les territoires
qui avoisinent le littoral, entre Saint-Louis, Rufisque et Dakar, en leur
donnant, sous des conditions à déterminer, des concessions dans la
mesure de leur activité. En créant des villages indigènes, et en habi-
tuant ces affranchis, sous une direction intelligente, à un travail régulier
qui leur serait profitable, on développerait en eux le sentiment de la
solidarité, et ils pourraient devenir capables d'exercer une bonne
influence sur les autres natifs.
NOUVELLES GOMPLËMENTAIRES
Une œuvre de mission a été commencée chez les Kabyles de l'Algérie, mahomé-
tans moins fanatiques que les Arabes, sédentaires, industrieux et généralement
pacifiques. M. Mayor, aidé d'un missionnaire anglais, M. Pearse, a été appelé dans
trois villages kabyles, où on lui a offert de prêcher dans la mosquée.
Le général de division Thomassin doit visiter les ksours de l'est de la province
d'Oran, pour voir si les tribus déportées et internées dans le Tell, pendant la der-
nière insurrection, ne pourraient point être replacées sur leurs anciens territoires,
et s'il ne serait pas possible de faire de nouveau alliance avec les chefs du sud,
qui occupent la ligne conduisant aux oasis du centre africain.
M. A. D. Langlois, membre de la Société de géographie d'Oran, a commencé la
publication d'une carte économique et administrative de l'Algérie, au Vsooooo, pour
laquelle il a visité chaque localité, afin de contrôler sur place les renseignements
qu'il possédait. La partie consacrée à la province d'Oran est achevée; celles des
provinces d'Alger et de Gonstantine sont en préparation.
M. Tarry, membre de la Commission du chemin de fer trans-saharien, a commu-
niqué à la Société de géographie de Paris une carte manuscrite, au Vtooooo^ de la
partie du Sahara algérien qui comprend le cercle de Laghouat, dont relèvent les
oasis de Metlili et de Goléah, ainsi que celles du Mzab et de la vallée de Ouargla.
M. Manem, ingénieur hydrographe, a terminé la première partie de la mission
dont le ministre français de la marine l'avait chargé sur les côtes de la Tunisie.
Les travaux, interrompus pendant l'hiver, seront repris au mois de mai.
Huit brigades topographiques ont été organisées à Tunis pour faire, dans la
— 18 —
Régence, les levés de certaines parties non parcourues jusqu'ici. Elles ont dû
commencer leurs opérations le 1^' décembre.
Le gouvernement prussien a chargé M. le D' J. Schmitt, disciple de Mommsen,
d'une mission épigraphique en Tunisie, où il doit recueillir les inscriptions qui
n'ont point encore été relevées, pour en enrichir le supplément au YIII"* volume
du Corpus inscriptionum latinarum, que l'Académie de Berlin publiera bientôt.
Un câble sous-marin relie maintenant Zarzis à Sfax, par Djerba et Gabès. Il est
probable qu'il sera prolongé jusqu'à Tunis.
Malgré l'abandon du gouvernement, M. de Lesseps n'a point renoncé à l'idée de
créer une mer intérieure dans les chotts. Il a remis au gouvernement français une
note de M. Roudaire, demandant qu'on n'aliène pas les terrains qui pourraient
être ultérieurement nécessaires à la mise en œuvre de son projet, s'il parvient,
comme il en a la conviction, à en démontrer la possibilité. M. Roudaire va repartir
pour la Tunisie, avec un groupe d'ingénieurs et d'entrepreneurs.
La Compagnie du canal de Suez a décidé de créer à El-Kantara, à Timsah et
au kilom. 133, trois grandes stations, pouvant recevoir à la fois de 50 à 60
navires. D'autre part, une société anglaise se propose d'en ouvrir un autre
commençant entre Alexandrie et Aboukir et se dirigeant vers Suez, par Tantah et
le Caire. Mais M. de Lesseps af&rme que la Compagnie a le monopole des com-
munications entre les deux mers, ce qui exclut la possibilité d'une concurrence.
Une réunion organisée par la Société anglaise pour l'abolition de l'esclavage a
adopté une résolution, invitant le gouvernement à exiger l'exécution des décrets
qui abolissent l'esclavage et interdisent la traite dans toute l'étendue de l'Egypte.
M. Gladstone a répondu qu'il profitera de toutes les occasions possibles pour en
assurer la suppression.
M. d'Arnaud-Bey, qui a exploré la région du Nil Blanc de 1840 à 1842, a dressé,
d'après ses levés et ses observations astronomiques, une carte de ce pays jusqu'au
4'',35' lat. nord. Indépendamment de sa valeur géographique^ elle pourra servir de
base à une étude des changements qui se sont opérés dans le cours du Haut-Nil
depuis 40 ans.
n s'est constitué récemment une Société commerciale colonisatrice pour Assab,
avec un capital de 5,000,000 de fr. pour 30 ans. Le gouvernement italien lui a
accordé l'exemption des droits de douane sur le territoire d' Assab.
M. Severino Fagioni, négociant de Gênes, a soumis au gouvernement italien un
projet relatif à la fondation d'une colonie industrielle à Assab, où des Génois se
rendront probablement au commencement de l'année 1883.
Le D' Fischer, de Zanzibar, a dû quitter en novembre la côte orientale, pour son
expédition au Kilimandjaro et au Eénia, et de là au lac Sambourou, la station
extrême des trafiquants arabes; il restera là le temps nécessaire pour faire des
collections scientifiques et des excursions dans les territoires environnants, en par-
ticulier, si possible, dans celui des Boranis Gallas, non loin du fleuve Djouba. —
J. Thomson est parti de Londres à la fin de novembre pour Zanzibar, afin
— 19 —
d'y organiser la caravane avec laquelle il se rendra en mai de Pangani aux mon-»
tagnes neigeuses de l'Afrique orientale et au Victoria Nyanza. Comme il ne pourra
que difficilement se procurer des provisions en route, il devra porter tous ses vivres
avec lui. — Outre ces deux explorateurs, la région du Kiliman(^aro et du Eénia en
verra arriver un troisième, M. le baron von Mûller qui, après avoir étudié en der-
nier lieu le pays de Harar, se propose de se rendre aussi aux montagnes neigeuses
africaines. '
Chouma, l'ancien serviteur de Livingstone, eât mort.
Dans notre dernier numéro, nous avons raconté la marche de l'expédition du
D' Pogge et du lieutenant Wissmann jusqu'à Muquengué. De là ils ont atteint
Nyangoué sur le Loualaba. Poursuivant sa route vers la côte orientale, M. Wiss-
mann est arrivé à Zanzibar, ayant ainsi traversé toute l'Afrique de l'ouest à l'est.
Le D' Pogge est revenu à Muquengué, pour y établir une station scientifique et
hospitalière au nom de la Société africaine allemande. — Le gouvernement de l'em-
pire allemand a porté à 125,000 francs la subvention en faveur des (explorations
entreprises par cette société.
M. Giraud a quitté Zanzibar, pour commencer son expédition au lac Bangouéolo.
M. Storms, envoyé par l'Association internationale africaine pour remplacer, à
Earéma, M. Ramœckers, est heureusement arrivé à Tabora.
Après avoir accompagné jusqu'à Makourou, sur la route de Mpouapoua, la
caravane des missionnaires pour le Victoria-Nyanza et le Tanganyika, M. Hore est
revenu à Zanzibar, pour y recevoir le bateau en acier destiné à la station d'Oud-
jidji. Celui-ci fut démonté pour le transport, puis M. Hore se remit en marche avec
220 porteurs pour rejoindre l'avant-garde qui, aux dernières nouvelles, avait déjà
dépassé Mpouapoua.
M. Hore aura le commandement de la flottille missionnaire d'Ou(^idji, et sera
secondé par le pilote Swann. MM. Penry et Jones se rendront au-delà du lac, à
Boutonga, dans l'Ougouha, auprès de M. Griffith, demeuré seul depuis le départ
de M. Hutley. Deux missionnaires artisans, MM. Brooks et Dunn, établissent une
station industrielle à l'extrémité sud du lac.
Le D' James Stewart a terminé l'exploration de la partie nord-est du Nyassa,
sans réussir à y trouver un port Après cela, il a repris les travaux de la route de
ce lac au Tanganyika, dont il a déjà construit 12 kilom. à partir de Karonga ^
Le niveau du Nyassa a remonté, en sorte que l'iZoZa, cédé à l'Afrikan Lakes
Company, a pu, sans danger, naviguer sur le Chiré.
Le P. Depelchin a fondé à Tati une école que fréquentent assidûment une tren-
taine d'élèves, grands et petits. La station de'Panda-Matenka voit arriver tous
les huit jours des noirs des rives du Zambèze, qui suivent régulièrement les
instructions des missionnaires. Lorsque des renforts seront arrivés, le P. Depelchin
ira organiser les stations au delà du Zambèze.
^ y. la carte, II^" année, p. 148.
— 20 —
M. Sforitz Unger négocie à Lisbonne avec le gouvernement portugais, au sujet
de la section du chemin de fer de la frontière du Transvaal à la baie de Delagoa.
L'exploitation des mines de Kimberley souffre beaucoup de l'augmentation inces-
sante du prix de la main-d'œuvre, en même temps que de la baisse du diamant.
Tandis que le prix moyen du diamant a baissé de 76 fr. à 40 fr. le karat, le prix
de la main-d'œuvre a quadruplé ; les hommes que l'on payait 12 fr. par jour en
reçoivent actuellement 60.
Une commission spéciale a présenté au Volksraad de l'État libre un mémoire,
pour recommander la construction d'un chemin de fer de Blœmfontein à Harri-
smith, reliant ainsi la colonie de Natal à la république du fleuve Orange, en vue
de fournir à celle-ci le combustible nécessaire au développement de l'exploitation
minière et de l'agriculture. «
Une maladie provenant de fatigue vient d'enlever subitement à la colonie de
Natal M. l'ingénieur Molyneux, qui a rendu de grands services par l'exploration
des houillères de la colonie du Gap, de l'État libre, du Transvaal et surtout de
celles du voisinage de Dundee, et par la constitution de la Compagnie destinée à
exploiter ces dernières.
Une dépêche de Durban annonce que Cettiwayo a signé les conditions de la
restauration de son gouvernement dans le Zoulouland. Il est actuellement au Cap
et compte se rendre au commencement de janvier à Port Durnford, où il sera
transporté par une canonnière anglaise. Le résident anglais le recevra et l'ac-
compagnera jusqu'à Ouloundi, où il sera réintégré dans la dignité royale, et repren-
dra l'autorité suprême sur la partie du Zoulouland qui lui est rendue.
La plupart des villes de la colonie du Cap sont désolées par une épidémie de
petite vérole, qui exerce surtout ses ravages parmi les indigènes.
Quoique Baïlounda soit sous le 12^ au sud de l'équateur, son altitude lui assure
un climat salubre, qui permettra aux missionnaires américains de se dispenser
d'établir un sanitarium. Au milieu de juillet, ils étaient obligés de faire du feu
tout le jour pour se chauffer, et chaque nuit il y avait une forte gelée.
Il s'est fondé à Stettin une société pour la colonisation; elle portera d'abord
son attention sur la côte occidentale d'Afrique, entre le Cap Lopez et Ambriz.
M. Thollon, Eous-chef de l'École de botanique au Musée d'histoire naturelle de
Paris, est chargé d'une mission au Gabon, où il devra recueillir des collections
représentant le cycle complet de la végétation de la colonie.
La Compagnie coloniale de l'Afrique française, qui se proposait de concourir à
l'exploration et à la colonisation de l'Afrique, a dû renoncer à cette œuvre; néan-
moins, elle publiera, en 23 feuilles, une carte de ce continent, où seront marquées
les grandes explorations faites depuis 20 ans.
Le ministre de la marine française a prononcé le retrait de la concession des
îles Munda, au Gabon, faite précédemment à un commerçant du Havre.
Des indigènes du Gabon ont empoisonné plusieurs commerçants portugais.
D'autres ont attaqué des factoreries portugaises, françaises, anglaises et hollan-
— 21 —
daises des environs de Cabînda et de Molemba ; une corvette portugaise les en a
châtiés.
^Exploration annonce que l'expédition organisée par M. Hogozinski est partie,
le 13 décembre, du Havre pour l'Afrique. Il paraît que les obstacles qui, d'après
le Nouveau Temps de Saint-Pétersbourg, avaient engagé à y renoncer, ont pu être
levés.
Une guerre est imminente entre les habitants du Vieux Calabar et ceux d'Amon,
le marché le plus avancé dans l'intérieur, le long de la Cross River. La cause en
est une offense faite par ces derniers à un chef puissant du Vieux Calabar, dont
ils ont fait sombrer un bateau et tué les sujets qui le montaient.
Le consul anglais de Bonny, M. Hewitt, doit se rendre à l'intérieur pour punir
des natifs qui ont attaqué une factorerie anglaise, l'ont pillée et détruite, et ont
tué neuf employés.
M. Quinemant, membre de la Société de géographie commerciale de Paris, a
rejoint le capitaine Mattei, agent consulaire français à Brass, qui a remonté le
Niger jusqu'à Lokodja, puis le Bénoué jusqu'à Loko, à 120 kilom. du confluent du
Niger; il compte le remonter jusqu'à Senga. Il a à son service un natif de Lokodja,
qui a accompagné Barth dans ses voyages et peut lui donner d'utiles renseigne-
ments géographiques.
Une compagnie a été créée, à Monrovia pour l'acquisition d'un steamer perfec-
tionné, qui puisse faire le service du transport des personnes et des marchandises
de la côte aux établissements de l'intérieur, le long de la rivière St-Paul jusqu'au
point où commencent les rapides.
L' American missionary Society a donné à la mission de Mendi, entre Libéria et
Sierra Leone, un vapeur, le John Brown, qui sera d'une grande utilité pour les
missionnaires, routes et bêtes de somme faisant complètement défaut dans cette
partie de la côte de Guinée. Le gouverneur général anglais de la côte occidentale
a convenu avec M. St-John, chargé de l'administration de ce bateau, de lui confier
les envois du gouvernement entre Freetown et Mendi, qui est une dépendance
anglaise.
Le commerce de Sherbro est sérieusement menacé par une guerre qui sévit dans
le Boom, dont la ville principale, Ghab, est sur le point d'être attaquée par les
Mendis.
La partie du Quiah remise par l'Angleterre aux chefs natifs, en 1841, est un
centre de traite; c'est aussi la route principale pour le transit d'esclaves de Sher-
bro et de Mendi dans le Boullom. Les deux chefs de ce district, Boccarie Bom-
bolie et Lamina Vannokoh, extorquent de l'argent à leurs sujets ou saisissent
les femmes et les enfants pour les faire vendre sur le marché d'esclaves. Il est
regrettable que le gouvernement britannique ait renoncé à son protectorat sur ce
territoire.
MM. Zweifel et Moustier se sont remis en route pour les sources du Niger, avec
l'intention de descendre ensuite le fleuve jusqu'à son embouchure.
— 22 -
M. Corre, médecin à Boké, a envoyé à la Société de géographie de Paris d'im-
*
portants documents sur la topographie, la géologie, l'histoire naturelle et l'ethno-
graphie de la région du Rio Nunez.
M. J.-B.-A. Horton, directeur de la Compagnie du chemin de fer de Wassaw et
d'une des compagnies minières de la Côte d'Or, a fondé à Sierra Leone la < Bank
commercial of West Africa, > avec succursales à Cape Coast Castle, Lagos et
Bathurst.
Le D' Bayol, arrivé à St-Louis le 31 octohre, y a immédiatement organisé sa
caravane et a dû en partir le 15 novembre pour l'intérieur. — Le colonel Borguis-
Desbordes est en route pour Cayes, où il va organiser la colonne expéditionnaire
chargée de construire un poste à Bamakou, près du Niger. — M. le capitaine Val-
lière est reparti pour se joindre à l'expédition du haut fleuve.
M. Cattus, pharmacien à Paris, est parti pour remonter le Sénégal, et gagner le
Niger qu'il tâchera de descendre jusqu'à l'océan.
Le sultan du Maroc a consenti à laisser l'Espagne occuper l'île de Santa-Cruz
de Mar Pequena, au sud de Mogador, qu'elle lui avait cédée en 1860, après la
guerre hispano-marocaine. Cette île a pour l'Espagne une grande importance^
pour les pêcheries et le commerce avec l'archipel des Canaries.
L'ŒUVRE DE STANLEY AU CONGO
ET L'ASSOCIATION INTERNATIONALE AFRICAINE
Nous avons cru devoir, dans notre dernier numéro, distinguer l'œuvre
entreprise par Stanley, pour le compte du a Comité d'études du Haut-
Congo, » de celle que poursuit, dans l'Afrique orientale, « l'Association
internationale, » sur la base exclusivement scientifique et humanitaire
posée dans la conférence de Bruxelles, en 1877. La confusion que font
les meilleurs esprits, qui continuent à les attribuer toutes deux à l'Asso-
ciation, nous conduit à y revenir aujourd'hui, car l'agitation créée
autour de l'entreprise du Congo risque de compromettre l'oBUvre de
l'Afrique orientale. Celle-ci, malgré les deuils, les difficultés de toutes
sortes, et la présence d'explorateurs relevant de trois sociétés différentes
(l'Association internationale et les Comités nationaux français et alle-
mand), s'accomplit dans une paix qui ne ressemble en rien à la rivalité
créée à l'occident par la concuiTence des intérêts.
Née à la faveur du mystère dont a été entourée dès son début l'entre-
prise du Congo, — mystère réclamé, au dire de Stanley, par S. M. le roi
des Belges, ou, d'après le témoignage d'une personne que nous avons
lieu de croire bien infoimée, par Stanley lui-même, — cette confusion a
— 23 —
été entretenue par les principaux organes de la presse belge, au lan-
gage desquels nous avions cru pouvoir nous fier, vu qu'il n'a jamais été
contredit pai* les intéressés. D y a peu de jours encore, nous recevions
de Bruxelles deux brochures, l'une {Le secret de V Association interna-
tionale africaine^ par le major X), qui confond d'une manière absolue
les deux œuvres, et rend l'Association internationale responsable des
torts qu'elle attribue à l'entreprise de Stanley, l'autre {L'Association
internatuynale africaine et le Comité d'études du Haut-Congo^ par un
de leurs coopérateurs), qui ne nous paraît pas non plus de nature à faire
cesser l'ambiguïté. L'auteur de cette dernière publication estime que le
comité exécutif de l'Association internationale a été autorisé à élaborer
le plan d'une expédition qui, partant de la côte occidentale irait au
devant de celle venant de Zanzibar, mais il ne justifie pas cette assertion
que nous croyons erronée. H nous apprend, en outre, que le Comité
d'études a adopté de son propre chef le drapeau de l'Association inter-
nationale, estimant que l'analogie des deux institutions l'y autorisait.
Le malentendu n'est pas facile à dissiper; sans doute, le Comité
d'études publiera un rapport sur ce qu'ont fait ses agents au point de
vue scientifique; mais pour le moment, Stanley, représentant d'une
société fondée et soutenue par S. M. le roi des Belges, se croit encore
obligé de garder le silence. Nous tâcherons néanmoins de dégager des
renseignements fournis par les documents dont nous disposons, la vraie
physionomie de son œuvre. Nous pourrons nous tromper, mais nous
aurons pour excuse l'extrême rareté des sources officielles, et, si des per-
sonnes mieux informées consentent à redresser nos erreurs involontaii'es,
nous leui' en serons reconnaissants.
Nous nous garderions bien de mettre en doute les intentions scientifi-
ques et humanitaires des membres du Comité d'études du Haut-Congo,
et de leurs agents, non plus que la réalité des services que pourra rendre
l'œuvre technique par laquelle ils ont commencé; mais ces intentions et
ces services n'empêcheront pas que l'entreprise n'ait un caractère spé-
cial, qui la diiférencie foncièrement de celle de l'Afrique orientale, e.t ne
permet pas, selon nous, de l'abriter sous le même drapeau.
« La pensée en fut suggérée en 1878, » dit le coopérateur des deux
œuvres, « par la mémorable expédition de Stanley, lequel, revenu depuis
quelques mois en Europe, ne fut pas étranger à la constitution de la
société qui allait en poui'suivre la réalisation. »
L'idée ne pouvait en être venue lore de la conférence de Bruxelles, en
1877, les découvertes de Stanley étant encore ignorées. Dans la séance
— 24 —
du 20 juin, M. Versteeg, délégué hollandais, avait oflfert gracieusement
de la part des directeurs de V Afrikaansche Handelsvereeniging de Rot-
terdam, pour les expéditions, le transport gratuit de leurs bagages et de
leurs fonds, l'hospitalité dans les factoreries du Congo, et le libre usage
de leurs magasins. Le lendemain, M. Yeth, second délégué néerlan-
dais, avait attiré spécialement l'attention de la conférence sur l'intérêt
que présentaient les explorations au Congo, les rapports probables de ce
fleuve avec le Loualaba, et les avantages olferts parles cours d'eau pour
les voyages en Afrique. Mais l'Association s'était ralliée de préférence au
projet du comité exécutif, de diriger une expédition par la voie de Zanzi-
bar, avec mission d'établir des stations au Tanganyika ou à quelque point
au delà. Elle avait statué aussi que, dans l'intervaUe des sessions de la
Commission internationale, le comité était autorisé à en établir de nou-
velles, mais évidemment sur le même parcours.
D'après le rapport présenté au Comité national suisse par son délé-
gué, la première expédition arrivée au Tanganyika devait s'enquérir de
ce qu'avait fait Stanley, et, suivant les progrès réalisés par lui et l'état
politique du pays, décider s'il fallait établir la station principale aux
bords du Tanganyika ou y faire un simple dépôt, et fixer la base des
opérations futures h Nyangoué, ou à tout autre endroit à désigner dans
le Manyéma.
Le compte rendu de la conférence, publié dans la Beviie scientifique
de Paris, nous apprend encore que la Commission internationale défen-
dit même aux explorateurs de se porter au sud et au sud-ouest, où ils
auraient rencontré bien vite les traces de Cameron, ou à l'ouest, où l'on
supposait Stanley occupé à résoudre le problème du Loualaba. Au nord-
ouest s'ouvrait un angle à peu près droit, qui embrasse un espace
immense, encore blanc sur nos cartes, de 15"* en longitude et de 12"* en
latitude ; c'était vers cet inconnu que devaient s'avancer les voyageurs de
l'Association.
Telles étaient les directions données au Comité exécutif, qui les suivit
consciencieusement pour l'organisation des premières expéditions, ainsi
que le témoignent les communications faites en son nom aux Comités
nationaux par le secrétaire général. .
Pendant ce temps, Stanley était revenu en Europe au commencement
de 1878, et, tout en préparant la publication de ses découvertes à travers
le continent mystérieux, il avait suggéré l'idée de constituer une société
commerciale pour exploiter les régions qu'il venait de parcourir. Mais,
comme il l'a rappelé récemment devant les Chambres du Conmierce et
— 25 —
de rindustrie de Londres, les sommes nécessaires pour une telle entre-
prise, selon l'avis de M. Bradshaw de Manchester, effrayèrent les capi-
talistes anglais, et empêchèrent la constitution de cette société en
Angleterre. Alors il s'adressa à l'Association internationale africaine, à
laquelle fut présenté un mémoire proposant la création d'une société au
capital de trente millions de francs, pour établir des comptoirs commer-
ciaux sur le haut fleuve, et, à cet effet, relier par chemin de fer les deux
parties navigables du Congo, établir la navigation à vapeur, et placer
des stations dans les îles de la rivière supérieure, pour servir de centres
et de dépôts commerciaux. Stanley espérait obtenir les concessions,
nécessaires, le concours des chefs du pays, et des conventions qui lui
garantiraient la propriété du territoire parcouru par le chemin de fer,
écartant ainsi l'éventualité de la prise de possession* du pays par des
concurrents qui, au moyen de mesures douanières ou autres, auraient
pu mettre la société sur un pied d'infériorité. Les bénéfices nets étaient
évalués à cinq millions de francs par an.
La société fut à la veille d'être constituée, mais, au dernier moment,
deux des grands industriels qui devaient y entrer se retirèrent. On n'en
parvint pas moins à former le Comité d'études du Haut-Congo, au nom
duquel Stanley se chargea d'ouvrir une route le long des cataractes.
Quoiqu'il se fdt adressé à l'Association internationale, et qu'il ait dit
dernièrement au banquet du Stanley Club à Paris, qu'il a été temporai-
rement au service de cette association, on ignore les rapports qui ont
pu exister entre lui et le Comité exécutif, les avis ofl&ciels de celui-ci
n'en ayant jamais fait mention. La création du Comité d'études, au
capital de un million de francs, constitué le 25 novembre 1878 à Bruxel-
les, par un acte authentique dans lequel sont intervenus des souscrip-
teurs belges et étrangers, ne ressemble en aucune manière à la fondation
de l'Association internationale, après les deux conférences de 1876 et 1877,
auxquelles avaient été appelés les principaux explorateurs, les prési-
dents des Sociétés de géographie, et des délégués de tous les Comités
nationaux d'Europe et d'Amérique. Le but des deux Sociétés ne diffère
pas moins. Tandis que l'Association se propose uniquement la création
de stations scientifiques et hospitalières, le Comité d'études, a voulu,
avant tout, chercher s'il existait un moyen pratique d'établir une com-
munication régulière entre le Bas Congo et le cours supérieur du fleuve ;
puis s'enquérir s'il serait possible de nouer des relations commerciales^
avec les peuples qui habitent le bassin du Haut-Congo, et d'y intro-
duire, en échange des produits du sol africain, les objets manufacturés.
— 26 —
de l'Europe. Il pouvait bien s'inspirer de vues philanthropiques et scien-
tifiques, se charger de faire des expériences, des tentatives d'explora-
tion, renoncer à se livrer lui-même à des opérations commerciales, mais
le but qu'il se proposait devait déterminer le caractère des études dont
il chargeait le directeur de l'entreprise.
Stanley le sentait bien, lorsqu'il écrivait au Daily Telegraph : a Je
commence une autre mission qui a un grand objet pour but. Je suis
chargé d'ouvrir et de tenir ouverts, si c'est possible, tous les districts et
les contrées que je pourrai explorer, pour le profit du monde commer-
cial. » Et, après trois anâ de travaux, voici, d'après VŒsterreichische
Monatsschrift filr den Orient, comment il a caractérisé son œuvre au
Congo : (( Les cinq stations fondées et les routes qui les relient, ont été
établies pour frayer la voie à une transformation civilisatrice, au moyen
des relations conmierciales ; le monde du négoce trouvera dans le roi
des Belges, protecteur et créateur de cette grande oeuvre, un ami fidèle
et bienveillant. Un des principaux mandats conférés par le Comité
était de bien faire comprendre aux indigènes la signification vraie du
mot « commerce, » dans le sens d'échange moral, légitime, de marchan-
dises, et de répandre des idées justes à cet égard. On commence déjà à
le comprendre jusques assez avant dans l'intérieur. Les capitalistes qui
songent à faire des aifaires avec le grand continent noir devront se ser-
vir de ces stations et de ces routes ; c'est par cette voie qu'ils devront
faire leurs expéditions, et par cette voie que devront descendre à la côte
les produits bruts que fournit le pays. Ceux qui s'aventureraient à l'in-
térieur sans se servir de cette voie dépenseraient beaucoup plus, et ris-
queraient de créer des complications avec les tribus hostiles. »
Grâce à la libéralité des membres du Comité d'études et de son
auguste protecteur, ainsi qu'à l'énergie et à l'indomptable persévérance
de Stanley, la route est ouverte. Au commerce européen de profiter de
ce moyen d'atteindre le cours moyen du Congo, navigable sur une lon-
gueur de plus de 800 kilomètres. Stanley estime que les appréciations
de M. Bradshaw, relativement au trafic à espérer, sont de beaucoup
inférieures aux chances réelles.
Au reste, avant même l'ouverture de la route le commerce a songé à
se servir de cette voie. Quoique le rapport présenté au Comité national
belge dans sa séance de 1880, par M. le colonel Strauch, secrétaire
général de l'Association internationale, ne mentionnât que les explora-
teurs envoyés au Tanganyika, une expédition due, suivant les journaux
belges, à l'initiative du Comité de l'Association, et de laquelle l'industrie
— 27 —
belge attendait de grands résultats, était organisée, déjà à cette
époque, sous 'la direction de MM, Gillis, industriel, et Geoffroy, ingé-
nieur, chargés de suivre Stanley sur les bords du grand fleuve, pour y
établir les premiers comptoirs d'échange. M. Gillis semblait spéciale-
ment qualifié pour cette mission ; il avait déjà vécu six ans dans la
Guinée septentrionale, comme gérant d'une factorerie hollandaise,
avait fait le commerce avec les indigènes, connaissait les besoins des
populations, les articles d'importation et d'exportation, et la manière
dont se traitent les affaires. A son retour, un an plus tard, il exposa
devant le Comité central de l'Union syndicale de Bruxelles le résultat
de son expédition au point de vue commercial, développa en même
temps les bases d'une société à constituer pour l'exportation des pro-
duits des fabriques belges, et remit aux membres de l'Union des échan-
tillons des marchandises qui se vendent sur les bords du Congo, en
offrant de donner tous les renseignements concernant la fabrication et
les conditions d'exportation de ces produits. Au commencement de cette
année-ci, M. Gillis est retourné au Congo avec une expédition belge,
sur un petit steamer, le Héron, destiné au service exclusif du Comité
d'études, et emportant un chargement d'articles d'échange. Aujour-
d'hui M. Gillis, d'après l'auteur de la brochure : L'Association interna-
tionale et le Comité d'études du Haut Congo, est le représentant d'une
maison belge et dirige deux factoreries, l'une à Mboma, l'autre à Noki.
Quoique les transactions commerciales auxquelles il se livre le concer-
nent personnellement, il existe entre lui et l'entreprise dirigée par Stan-
ley un échange de services réciproques ; ainsi, M. Gillis s'est chargé de
faire gratuitement les transports des expéditions au Congo, comme le
faisait avant lui une compagnie étrangère {V Afrikaaïische Handelsvear-
eenigingf)^ et le Comité d'études lui procure en retour des facilités
équivalentes en Europe.
Le coiu-ant commercial entre la Belgique et le Congo s'étend. Une
compagnie belge de commerce africain, exceptionnellement favorisée
par la présence à sa tête de voyageurs qui ont rapporté d'utiles rensei-
gnements, a fait récemment partir VAkassa, avec un plein chargement
et la mission d'établir des comptoirs sur la côte, ainsi qu'une factorerie
centrale au Congo. La compagnie a à son service deux sous-gérants
indigènes, et douze Kroumens, employés noirs, qui courent dans l'inté-
rieur pour acheter l'huile de palme et l'ivoire et apprendre aux cara-
vanes le chemin de la factorerie. D'autre part, au commencement de
novembre, une nouvelle expédition, organisée par le Comité du Haut
— 28 —
Congo et composée de MM. Van den Heuvel, Schaumann, et du nègre
Daoula, compagnon de Stanley, a quitté le port d^Anvers par le Hark-
away, steamer de 600 tonneaux. Ce navire emportait une cargaison de
tissus de coton, 144,000 petits miroirs, une énorme quantité de perles
de verre, 500 vêtements brodés d'or, de longues robes de chambre en
étofife rouge, très appréciées par les naturels du Congo, des semences
de tous les légumes cultivés en Belgique, des armes et quelques centai-
nes de kilos de poudre. L'expédition se rendra à la cinquième sta-
tion, Ibaka, créée par Stanley à l'embouchure du Quango, et pous-
sera, à un moment donné, plus avant pour y fonder de nouvelles
stations. Arrivé au Congo le Harkaway a dû échanger sa cargaison
contre une autre déjà toute préparée, produit d'échanges antérieurs,
composée d'ivoire, d'huile de palme, de gomme copal et d'arachides,
dont le navire le OénércU Brialmont devait auparavant ramener une
partie en Belgique. Stanley, indisposé en ce moment, n'a pu accompa-
gner l'expédition ; il a dû aller passer quelques semaines à Nice pour se
reposer, avant de reprendre la route du Congo '.
Loin de nous la pensée de blâmer les organisateurs de l'entreprise du
Congo, d'avoir fait prédominer le but commercial sur le but scientifique
et humanitaire, poursuivi à la côte orientale par l'Association interna-
tionale. Nous comprendrions même que le Comité d'études s'adonnftt
à des opérations commerciales, pour diminuer les frais que nécessitent
le transport, tant des expéditions multiples qu'il a envoyées directe-
ment au Congo, que des convois de nègres (400) amenés de Zanzibar k
Stanley, la paie et l'entretien de ce nombreux personnel, les concessions
de terrain, le matériel des stations, les navires destinés aux communica-
tions sur les parties navigables du fleuve, etc. Mais, puisqu'il s'agit de
deux sociétés bien distinctes, il importe que l'on sache nettement ce qui
doit être attribué à chacune d'elles. Elles ont toutes deux leur place
marquée dans l'œuvre africaine. Il peut y avoir union de l'œuvre
scientifique et humanitaire de l'Association internationale et de l'œuvre
pratique, commerciale et industrielle du Comité d'études, mais il ne
faut pas que l'on puisse confondre les deux entreprises ; chacune d'elles
doit suivre sa voie spéciale, faire ses expériences, concourir par les
^ Nous ne nous expliquons pas le sens d'une annonce de VArmy and Navyy
journal officiel de l'armée et de la marine anglaises, d'après laquelle trois jeunes
officiers capables, énergiques, de la marine américaine^ sont demandés pour com-
mander les stations que Stanley a fondées au Congo.
— 29 —
procédés qui lui sont propres au but commun, pour que Ton puisse
juger de l'efficacité des moyens employés et rendi*e à chacune ce qui lui
est dû. Nous serons des premiers à nous réjouir des grands services que
les directeurs^ de l'œuvre du Congo aui'ont rendus au commerce des
deux mondes, et de tous les progrès que, par là, ils feront faire aux noirs
dans la voie de la civilisation ; mais nous craindrions que la prolongation
de Pimbroglio qui subsiste depuis trois ans ne causât un préjudice très
grave à l'Association internationale, à laquelle l'obscurité qui plane sur
l'œuvre de Stanley a déjà nui plus qu'on ne le croit généralement.
En effet, jusqu'en 1880, les communications du Comité exécutif aux
Comités nationaux de la plupart des États de l'Europe et de l'Amérique,
ont entretenu la sympathie universelle pour la noble cause patronnée
par S. M. le roi des Belges; les rapports sur les marches des premières
expéditions étaient lus avec intérêt, les adhésions se multipliaient, les
contributions étaient versées avec empressement, l'Association interna-
tionale pouvait donner 40,000 fr. à chacun des Comités nationaux
allemand et français. Mais, lorsque les travaux du Congo eurent
commencé, et que le secret dont on les entoura se fut étendu' peu à peu
aux explorations de l'Association à la côte orientale, le zèle se refroi-
dit. Quoique les Comités français et allemand aient continué à donner,
dans leurs publications particulières, des rapports sur les travaux
de leurs propres explorateurs à Condoa et à Kakoma (aujourd'hui à
Oounda) ; quoique le chef du cabinet de S. M. le roi des Belges ait
communiqué au Daily Teleg7'aph un rapport sur les progrès de Stanley
au Congo, le Comité exécutif de l'œuvre internationale a persisté à se
taire sur le compte de ses voyageurs ; tout au plus a-t-il permis à la
presse belge d'enregistrer les noms de ceux qu'il envoyait, le décès de
plusieurs ou le retour de quelqu'un d'entre eux.
Lors de la conférence de Bruxelles, en 1877, on avait prévu des
sessions périodiques de la Commission internationale, composée des
présidents des principales sociétés de géographie et des délégués des
Comités nationaux. Cette commission n'a plus été convoquée. La
plupart des Comités nationaux n'ayant plus rien à communiquer à
leurs adhérents ne les ont plus réunis, et ne leur demandent plus de
-contributions. Le Comité exécutif lui-même, privé des lumières et de
l'expérience du D' Nachtigal, devenu consul général de l'empire
allemand à Tunis, continue-t-il à se réunir? S'est-il complété, et par
qui a-t-il remplacé le savant explorateur allemand ? Nous l'ignorons, et
cependant c'est lui que la Commission internationale a chargé de diriger
— so-
les entreprises et las travaux propres à atteindre le but de l'Association,
et de gérer les fonds fournis par les gouvernements, les Comités natio-
naux et les particuliers. Elle lui a donné pour cela des pouvoirs très
étendus mais non illimités. C'est donc à lui qu'il appartient de ramener,
à l'œuvre excellente dont S. M. le roi des Belges s'est fait le généreux
promoteur, la sympathie générale avec laquelle elle a été accueillie à son
début, en renouant avec les Comités nationaux les rapports suivis des
premières années, pour que ceux-ci à leur tour puissent ranimer
l'intérêt languissant de leurs membres, stimuler leur dévouement et
leur demander de nouveaux sacrifices. Alors le Comité exécutif ne sera
plus arrêté par l'insuflSsance de ses ressources, ses explorateurs pourront
franchir le Tanganyika, planter le drapeau de T Association sur le
liOualaba et marcher à la rencontre des expéditions de Stanley qui,
sous un drapeau différent, se seront sans doute avancées jusqu'au pied
des cataractes du Congo supérieur, en aval de Nyangoué.
Que le Comité d'études, de son côté lance ses vaiDants pionniers
toujours plus avant dans l'intérieur, pour continuer à ouvrir plus com-
plètement au commerce l'immense bassin du Congo et de ses affluents.
Que les négociants de toute nationalité portent aux indigènes les
produits les meilleurs de notre civilisation, sans oublier qu'un des
caractères du conmierçant civilisé est de ne pas songer seulement à son
intérêt particulier, mais d'avoir égard aussi à celui des autres. Que les
exploratem^, les philanthropes et les missionnaires — qui, ne l'oublions
pas, ont eu leur station à Manyanga et ont atteint Stanley Pool
avant la fondation de Léopoldville, — unissent leurs efforts à ceux des
commerçants, pour dissiper les préventions inspirées aux noirs par
les mauvais traitements dont ils ont été si longtemps les victimes de la
part des blancs. Qu'ils leur aident à secouer le joug de l'ignorance, de
la superstition et des mauvaises habitudes, pour adopter les idées, les
mœurs et les bienfaits de la civilisation chrétienne.
CORRESPONDANCE
VAntûdavery Reporter a publié la lettre suivante, adressée au secrétaire de la
Société pour l'abolition de l'esclavage par un jeune nègre de 19 ans, délivré par
Gordon-pacha, qui Penleva à une caravane d'esclaves et le présenta à M. le D^ Fel-
kin, lors de son retour de l'Ouganda par la vallée du Kil. M. Felkin se l'attacha,
en qualité de domestique, et trouva en lui un serviteur d'une fidélité remarquable.
— 31 —
qui plus d'une fois exposa sa vie pour sauver celle de son maître. Il accompagna
M. Felkin en Angleterre, et vit maintenant avec lui à Edimbourg. La lettre tout
entière a été écrite par lui.
8 novembre 1882.
Cher Monsieur.
Je suis bien content d'apprendre que vous allez venir en aide aux esclaves en
Afrique et leur rendre la liberté. J'ai été esclave, et je suis fâché de dire que les
esclaves servent de monnaie aux Arabes ; quand ils ont besoin d'argent ils vont en
Afrique, y prennent les jeunes enfants, et si le père ou la mère de ceux-ci ne veut
pas se les laisser prendre, ils tuent les parents, puis emmènent les enfants. Si
la mère a un nourrisson dans ses bras, ils le prennent et l'assomment contre une
pierre, ou le jettent dans la rivière, et emmènent la mère comme esclave.
Quand un homme riche a un grand nombre d'esclaves, il les attache avec une
chaîne par le cou, et forme ainsi une bande de 40 hommes, une autre de femmes,
une autre de jeunes garçons, enfin une quatrième de petites filles. Quand la fatigue
les fait tomber, il leur ôte la chaîne et les tue d'un coup de fusil; presque toutes
les petites filles meurent ou sont tuées ainsi.
Avant que les Arabes vinssent dans notre pays, nous étions tous très heureux ;
les enfante sortaient et jouaient tout le jour ; quand ils rentraient le soir à la
maison, ils paraissaient très contents, quelquefois ils chassaient tout le jour. Nous
avions beaucoup de vaches, de moutons et de chèvres; nous les aimons beaucoup
et nous leur donnons à toutes des noms; nous aimons beaucoup la musique et la
danse. Mon père mourut alors que j'étais un petit enfant, et avant l'arrivée des
Arabes.
Lorsque ma mère se rendit à son ouvrage, les Arabes vinrent et m'emmenèrent.
Quand elle vint me réclamer, ils lui dirent : « Amenez-nous deux ou trois garçons
aussi bons que le vôtre, et nous vous rendrons votre fils; » ma mère leur dit : « Je
ne peux pas enlever des garçons d'autres gens, ce serait trop mal ! » alors ils ne
voulurent pas me laisser aller, et elle cria très fort.
Après cela, ils me taillèrent quelques marques sur le visage, ce qui me fit beau-
coup souffrir pendant plus ^e deux mois,
Les Arabes ont brûlé nos maisons, ils ont pris tout ce qui nous appartenait et
nous-mêmes; il ne reste plus que très peu de gens de notre tribu.
Quand j'étais esclave, j'entendais d'ordinaire les Arabes demander à Dieu de
leur donner des milliers d'esclaves. Mais je serais bien content d'apprendre qu'il
n'y a plus d'esclaves, et j'espère que les Anglais feront pour eux tout ce qu'ils
pourront.
Adieu Monsieur,
Je vous salue,
Ali Mahoom.
A Chas. A. Allen, Esq.
— 32 —
BIBLIOGRAPHIE •
Trois mois kn Tunisie, Journf^ d'un volontaire, par Jean Luœ.
Paris (Auguste Ghio) 1882,. m-12, 201 p. 3 fr. 50, — Ce journal d'un
soldat, poussé en Tunisie par le désir de voir ce pays et de se battre
«entre les Arabes, fournit une lecture intéressante, en ce sens que, rédigé
au jour le jour, il donne une idée exacte de la vie militaire si étrange et
si mouvementée en Afrique. Mais on ne peut pas demander à T auteur
rétude des moyens de faire entrer les Arabes dans le courant de la
civilisation européenne ; il ne voit en eux que des sauvages ; pour les
vaincre il faut, pense-t-il, devenir sauvage comme eux, brûler leurs
récoltes, tarir leurs puits, couper leurs oliviers et vider leurs silos !
Toutefois il reconnaît que la France, ne voulant pas faire la conquête de
la Tunisie, ne pouvait appliquer ce système dans la dernière guerre. Dès
lors il la juge inutile : il eût suffi, à son avis, d'occuper les ports de
commerce, voie dans laquelle il se félicite de voir le gouvernement entrer
largement.
Emile Jonveaux. Deux ans dans l'Afrique orientale. Tours (Alfred
Mame et fils) 1881, in-8*, 207 p. avec illust. et 2 cartes. — Sous ce titre,
qui pourrait faire croire qu'il s'agit ici d'une exploration par un nouveau
voyageur dans l'Afrique orientale, M. Jonveaux, qu'une longue étude
des ouvrages de Bruce, Lejean, Baker, Speke et Grant a familiarisé
avec leurs voyages, a voulu vulgariser leurs découvertes en Nubie, en
Abyssinie et le long du Nil, jusqu'aux lacs Albert et Yictoria-Nyanza et
À l'océan Indien. Si la forme de journal, adoptée par l'auteur, offirait
l'avantage de donner plus de couleur à son récit, elle l'exposait, dans ce
voyage imaginaire, à commettre quelques inexactitudes que l'on ne
rencontrerait certainement pas sous la plume d'un explorateur réel, par
exemple à attribuer à la première de ces rivières seulement les crues
périodiques du grand fleuve et le limon fertilisateur qu'il répand sur les
campagnes à l'époque de l'inondation, etc. Cela n'empôche pas toutefois
qu'il n'ait présenté un tableau généralement exact de l'aspect géogra-
phique du pays, des tribus indigènes et de leurs mœurs, illustré de
gravures empruntées aux ouvrages des voyageurs susmentionnés.
* On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 18, rue du Rh6ne, à GenèTe,
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique epi^aiorée et civUisée,
-33-
Cependant l'on peut se demander si Tauteur, qui a publié son livre
Tannée dernière, n'eût pas mieux atteint son but, qui était de faire
connaître TAfrique orientale, de la vallée du Nil à Zanzibar, en s'aidant
aussi, soit pour son texte, soit pour les cartes dont il Ta accompagné, des
voyages des explorateurs postérieurs à Speke et à Grant.
AsfiAB. DocuH£]SïTi DiPLOMATia. Roma (Typ. Eradi Botta), 1882, in-4'',
227 p. et carte. — Assab, per Oarlo de Amezaga. Home (Giuseppe Civelli)'
1880, in-8'*, 57 p. avec pi. et 8 cartes, 3 fr. — GibikaIca, per Oiuseppe
Haimann. Roma (Giuseppe Civelli) 1882, in-8'', 141 p. avec illust. et
carte, 4 fr. — Nous devons à la bienveillance de M. Mancini, ministre
des affaires étrangères du royaume d'Italie, les trois publications sus-
mentionnées. La première renferme tous les documents diplomatiques
relatif aux négociations échangées entre l'Italie, l'Egypte, l'Angleterre
et la Turquie, depuis l'acquisition d 'Assab par la compagnie Rubattino
en 1870, jusqu'au projet de convention de cette année-ci, qui n'a pas
abouti. Parmi ces 228 pièces, nous avons remarqué surtout une conven-
tion, ignorée généralement, quoiqu'eUe ait été conclue en 1877 entre
l'Angleterre et l'Egypte, et par laquelle l'Angleterre a reconnu la juri-
diction du khédive sur toute la côte des Somalis, jusqu'à Ras-Hafoun,
au delà du cap Guardafiii, à condition qu'aucune partie de l'Egypte et
des contrées placées sous son administration ne pût être cédée à quelque
titre que ce fdt à aucune autre puissance étrangère. Ce document expli-
que pourquoi le khédive se considère actuellement comme souverain de
toute la côte occidentale, depuis Suez jusqu'à Ras-Hafoun, et pourquoi
la Turquie et l'Egypte ont refusé de signer la convention de cette année,
quoique dans le texte de celle-ci, sous l'influence de l'Angleterre, le
gouvernement italien s'engageftt à reconnaître la souveraineté de la
Sublime-Porte et de l'Egypte sur tout le reste de la côte occidentale de
la mer Rouge, au sud aussi bien qu'au nord d'Assab.
La seconde publication est un mémoire sur Assab, publié en 1880 dans
le Bulletin delà Société italienne de géographie; rédigé par M. Carlo de
Amezaga, commandant dans la marine royale, il contient une monogra^
phie complète de la nouvelle possession italienne, au point de vue géogra-
phique, politique et météorologique; en outre, l'auteur a fait une part
convenable à la climatologie et à l'hygiène, et il a accompagné son savant
travail de cartes, de dessins et des portraits des sultans auxquels l'Italie
doit la concession du territoire de la colonie.
Enfin, dans la troisième publication, extraite aussi du Bulletinde la
— 34 —
Société italienne de géographie (1882), M. G. Haimann a donné un récit
plein de charme de ses aventures pendant son exploration de la Cyré-
nalque, dont il a étudié à fond la géographie, l'histoire, le climat, la
faune, la flore, les produits minéraux, Tethnographie, les antiquités,
Tadministration, et particulièrement Tagriculture, Tindustrie et le com-
merce. Si ces trois derniers éléments de la vie d'un peuple recevaient
une impulsion efficace, M. Haimann croit que la Cyi'énaïque, autrefois
très avancée dans la civilisation, pourrait retrouver son ancienne pros-
périté. C'est à la lui rendre que tendent les efforts de la Société mila-
naise d'exploration commerciale. La proximité de cette région, et une
certaine sympathie de ses habitants pour les Italiens, permettent d'espé-
rer que la continuation et le développement des relations nouées entre
les deux pays, procureront à tous les deux de grands avantages.
L'auteur a joint à son étude un tableau de ses observations météorolo-
giques pendant son voyage à l'intérieur, un catalogue des collections
zoologiques qu'il a rapportées, et une carte de la Cyrénaïque, avec les
itiaéraires de son expédition et de celle de M. Manfred Camperio, prési-
dent de la Société milanaise susmentionnée.
D' Enql Holub. SiEBEN Jahre in Afeika. Wien, (Alfred Hôlder) 1881,
2 Bande, in-8° mit 235 Original-Holzschnitten und vier Karten, 528 et
532 p. — D' EmL HoLUB und Aug. Pelzen. B£iTBi«:a£ zoe Ornithologie
Sud-Afrikas. Wien (Alfred Hôlder) 1882, in-8% mit 2 Tafeln in Farben-
druck, Holzschnitten und 32 Zinkographien und einer Kaite, 384 p. —
Après les deux opuscules du D' Holub dont nous avons rendu compte
dans notre dernier numéro, nous devons parler aujourd'hui des ouvra-
ges les plus considérables qu'il ait écrits depuis son retour en Europe
en 1880. D'une activité prodigieuse et d'une générosité dont on voit peu
d'exemples, au lieu de se ménager des loisirs en vendant les 30000 objets
des collections minéralogiques, botaniques, zoologiques et ethnographi-
ques qu'il avait rassemblés dans ses voyages, il les a distribués enti*e
93 institutions scientifiques d'Autriche et de l'étranger. Puis, pour se
procurer les ressources nécessaires à la nouvelle exploration qu'il
projette, il a fait de nombreuses conférences, de Vienne à Hambourg,
dans toutes les villes un peu importantes d'Autriche, de Hongrie et
d'Allemagne. Plusieurs de ses discours sont populaires : les Elephanten
Jagden in Siid-AJrika, die Nationalôkonomische Bedeutung der
Afrikaforschung, et celles qu'il a publiées sous le titre commun :
Die Colonisation Afrikas, D'autres travaux ont un caractère plus
— 35 —
scientifique, par exemple récrit : Uéber einige Fossilien mis der
Uitenhage Formation in Sud-Afrika^ rédigé avec le concours de
M. le professeur Neumayr. Mais les plus impoitantes de ses publications
sont ses Sieben Jahre in Afrika et ses Beiirage zur Ornithologie Sudr
Afrikas.
Dans la première, il a raconté les aveutui*es de ses trois voyages dans
l'Afrique australe, de 1872 à 1879, De tous les explorateurs de cette
partie de l'Afrique, aucun n'était entré dans des détails aussi précis;
rien n'échappe à ses regards; il observe tout avec les yeux d'un natura-
liste exercé, d'un explorateur scientifique, d'un chasseur ardent, et
décrit tout ce qu'il a vu avec le talent d'un artiste consommé. Aussi
a-t-il répandu un chaime tout particulier sur des sites déjà connus
par des récits antérieurs, comme sur des scènes familières de la vie des
colons et des indigènes des tribus entre l'Orange et le Zainbèze, ou du
royaume des Maroutzé Maboundas qui a remplacé celui des Makololos.
Les colons eux-mêmes disent qu'aucun ouvrage ne peint mieux les
tableaux caractéristiques de l'Afrique australe, les incidents de chasse»
les occupations quotidiennes, les amusements et les coutumes des natifs.
Aucun voyageur n'a fait preuve de plus d^esprit d'observation, et de
plus de talent pour reproduire les aspects divers de la nature africaine.
D l'a fait dans un langage qu'il a su mettre à la portée de tout le monde,
en accompagnant ses descriptions de dessins très nombreux pris sur
nature, ce qui rend son ouvrage précieux pour l'ethnographie et la
topographie de l'Afrique australe. Nous n'avons garde d'oublier la
beauté de la typographie de ces deux volumes, luxe qui, s'il n'ajoute
rien à la valeur du texte, n'ôte rien, loin de là, au charme de la lecture.
Non moins richement imprimé est l'ouvrage sur V Ornithologie du sud
de r Afrique, pour la publication duquel M. A. v. Pelzen a prêté son^
concours au D' Holub, et dans lequel l'esprit d'observation de l'explo-
rateiu* se manifeste encore mieux que dans le précédent. Amateur de la
chasse, il ne s'y livrait cependant qu'autant qu'il le fallait pour se
procurer sa nourriture, mais il aimait surtout à se retirer dans les
endroits écartés où l'homme n'a point encore pénétré, et où des cen-
taines d'oiseaux ont fixé leurs demeures. Là il épiait tout ce que le
savant désire apprendre sur le choix du gîte des oiseaux, leur nourriture
et la construction de leurs nids, leur vie de famille, leurs amis et leurs
ennemis, leur tempérament, leur vol, etc. Il en détermine la distribution
et indique les services divers qu'ils rendent aux habitants ; il fait ressor-
tir surtout l'importance de l'autruche parmi les animaux domestiques,
— 36 —
et montre que cet oiseau apprivoisé reprend peu à peu possession des
territoires d'où Tautruche sauvage a été chassée, sans que la qualité des
plumes de la première équivale à celles de la seconde. La classification et
la description scientifique des oiseaux sont dues à M. v. Pelzen. Nous ne
connaissons pas de plus beUes planches en chromolithographie que celles
qui accompagnent ce volimie, dont les illustrations sont également
soignées. Enfin nous sommes heureux de penser que les lecteurs de
langue française pourront bientôt, grâce à la traduction qui paraîtra
prochainement, faire plus ample connaissance avec Tauteur, et nos
abonnés lui seront reconnaissants conune nous de l'espoir qu'il nous a
donné en nous envoyant ces beaux volumes, que, dans son prochain
voyage, il pourra, de temps à autre, nous feire parvenir un rapport pour
notre journal.
A. Bmère. Lettres sue le Thans-Sahabien. Paris (Bureau du jour- .
nal la Réforme des chemins de fer), 1881, in-8'',43 p. — La prolongation
de la voie ferrée Arzeu-Salda jusqu'au Kreïder, a fourni à M. Brière
l'occasion de réunir en une brochure des articles de journaux, publiés
de 1879 à 1881 , et dans lesquels il avait préconisé ce tracé, pour la ligne
étudiée alors c('un chemin de fer destiné à relier TAlgérie au Sénégal
par Tombouctou. Cette prolongation due à une cause tout occasionnelle,
ne nous paraît pas, autant qu'à l'auteur, justifier le choix d'un tracé le
long du méridien d'Oran, choix qui l'oblige à atténuer beaucoup, dans
son exposé, les difficultés de la traversée des dunes.
Maeokko, von Edmondo de Amicis, librement reproduit de l'italien
par Amand von Schweiger Lerchenfeld, avec 165 illustrations origina-
les. Vienne (A. Hartleben's Verlag), 1882, in-4% broché 18 fr., relié
21 fr. 65. — Le lecteur trouvera dans ce magnifique ouvrage, tout ce
que le Maroc actuel offre au pomt de vue historique, ethnographique,
social et politique. C'est une reproduction libre de l'ouvrage original
italien, dont l'auteui* est célèbre, par ses talents brillants, bien au delà
des limites de sa propre patrie. On a rarement déployé plus d'habileté
dans la description d'un pays de l'Orient. Ce volume, ouvrage de luxe
dans la pleine acception de ce mot, peut donc être offert comme étrenne
littéraire d'un intérêt tout à fait actuel et d'une valeur scientifique J
durable. Sa reliure riche et élégante, ornée de sujets empruntés à
rOrient, lui assure dans toute bibliothèque particulière, ou sur chaque
table de salon, une place distinguée.
— 37 —
BULLETIN MENSUEL (5 février 1883.)
Le comte L. Pennazasi qui, sous rimpulsion du capitaitte Cam-
perio, président de la Société milanaise d'exploration, a déjà fait dans
la partie orientale du Soudan é^^yptien un voyage dont le récit vient
de paraître en deux volumes, est reparti pour une seconde expédition
avec M. Godio. Ils se rendront de Massaoua à Kéren, chez les Bogos
dont le pays est très riche en cassia. De là, munis d'une carte dressée
par le professeur Guido Cora, ils suivront le cours de la Barka, puis se
dirigeront vers l'ouest sur Kassala; tournant alors vers le sud, ils cher-
cheront à s'ouvrir, entre les deux voies connues, une route nouvelle
jusqu'à Matammé dans le Galabat, aux frontières de l'Abyssinie. Ils
enverront un message au négous, pour lequel ils emportent des présents,
entre autres deux paratonnerres perfectionnés, et deux téléphones qui
ont l'avantage de fonctionner sans piles (?). S'ils obtiennent l'autorisa-
tion de pénétrer en Abyssinie, ils se rendront à Gondar, où ils étudieront
la voie la meilleure pour leur retour. Ils seront accompagnés d'un cer-
tain nombre de touristes italiens, tous membres de la Société d'explora-
tion commerciale de Milan.
Les Abyssinii» sont descendus de leurs montagnes et se sont avancés
à deux heures de Massaoua, à Ombokoulou qu'ils ont saccagé. Ils ont
massacré une trentaine d'habitants, enlevé 7000 moutons, 4000 têtes de
bétail, sans compter les chevaux, les chameaux et les ânes. Prévenue à
temps, la garnison de Massaoua aurait pu les arrêter, mais elle n'a pas
bougé, les Abyssins lui inspirant une profonde terreur. Dans une lettre
à VAntislavery Reporter^ le voyageur Rohlfis exprime l'idée que le seul
moyen de pacifier l'Abyssinie, c'est de lui rendre les pays des Bogos
et de Mensa, ou une valeur équivalente en argent.
Le ministère de l'instruction publique de France a chargé M. Aubry,
ingénieur civil des mines, et M. Hamon, docteur en médecine, d'une
mission au Choa et dans les pays Gallas. Le premier devra y faire des
études topographiques, géologiques et minéralogiques ; le second y entre-
prendra des recherches médicales et d'histoire naturelle. Ces explora-
teurs sont partis de Marseille le 21 janvier, accompagnés de M. A. Héron,
officier de cavalerie, et de M. J. Héron, qui remplira les fonctions de
secrétaire. Ils se joindront à M. Brémond, qui a déjà exploré le Choa
et noué des relations d'amitié avec Ménélik, dont il a apporté des
présents au président de la République. Pendant son séjour en France,
L' AFRIQUE. — QVATRiil» ANHIÊB. — H^ 2. 2
— 38 —
il a su intéresser un groupe de capitalistes parisiens à un projet
d'exploitation du Choa, en vue d'ouvrir un débouctié à certains articles
d'exportation essentiellement français. D débarquera avec ses compa-
gnons à Obock, d'où ils se rendront à Ankober par Annor, la vallée du
Haouasch et les pays Gallas. La mission emporte de riches présents pour
le sultan d'Aoussa et pour le roi du Choa. — M. Soleillet est à Anko-
ber ; il a obtenu du roi Ménélik, pour la société qu'il représente : P la
concession d'un vaste territoire agricole ; 2° le droit de greflfer de véri-
tables forêts d'oliviers, dont la société partagera pendant vingt-cinq ans
le produit avec le roi; 3** enfin, le droit de construire un chemin de fer
d'Obock h Farré-Choa, en contournant le lac Aoussa, et en suivant la
rive gauche du Haouasch. H est parti d'Ankober pour Eaffa.
M. S^venson, missionnaire suédois, a profité de l'expédition de
M. le baron von Muller h Harar» pour y faire un voyage de reconnais-
sance avec deux élèves abyssins de la station suédoise de Mkullo, près
de Massaoua. Le pacha de Zeila, Abou Beker, les a bien reçus, et leur a
donné un soldat turc pour les accompagner à travers les territoires des
Issas-Somalis et des Gadiboursis, des bandes pillardes rendant le pays
peu sûr. Après avoir passé les premiers contreforts du plateau habité
par les Gallas, ils firent halte h Balloa, aux environs de laquelle ils ont
trouvé des champs, pour l'irrigation desquels l'eau des ruisseaux a été
habilement employée ; les moindres coins de terre y sont cultivés jusque
très haut sur les pentes des montagnes. Le gouverneur de Harar, Nadi
pacha, leur fit très bon accueil, et ne mit aucune opposition à ce qu'ils
ouvrissent une mission parmi les Gallas; il a seulement réservé l'autori-
sation du khédive pour l'achat d'un terrain. De ce point, la mission
suédoise pourra pénétrer chez les Gallas du sud, plus facilement que par
l'ouest, comme l'expédition de M. Arrhénius avait essayé de le faire.
M. G. Révoil, qui a exploré précédemment le pays des Somalis, est
parti pour Zanzibar, chargé, par le ministère de l'instruction publique
de France, d'une mission scientifique sur la côte orientale d'AMque.
A Zanzibar, il formera sa caravane pour s'avancer dans l'intérieur tout
en réunissant les marchandises et les présents destinés aux chefe qu'il
devra se rendre favorables. U sera secondé dans ses préparatifs par
M. GrefFiilhe, agent général du sultan Sald Bargasch pour les opérations
maritimes et commerciales. La mission de M. Révoil durera deux ans.
Une lettre de Bruxelles, du 17 janvier, nous informe que l'Asso-
oiation internationale africaine a reçu la correspondance de
MM. Storms et BecsiceF» qui, à la date du 3 octobre, étaient tous les
— 39 —
deux en bonne santé. M. Storms a atteint Karéma le 27 septembre ; il
avait quitté la côte le 9 juin; son voyage n'a donc duré que trois mois et
demi ; c'est le plus rapide qui ait eu lieu jusqu'ici. La population noire
de Karéma se développe graduellement; elle comprend aujourd'hui cin-
quante familles, dont chacune est établie dans une case, construite au
centre d'une parcelle de terrain suffisante pour M fournir sa subsis-
tance. M. Becker a complété les installations primitives de Karéma ; il
y a construit une vaste borna de 250 mètres de longueur, et creusé un
puits où l'on se procure actuellement l'eau qu'il fallait auparavant aller
puiser au lac ; il a ouvert de nombreux chemins pour faciliter le défri-
chement de la campagne ; enfin, il a transformé en un magnifique
bateau à voiles, l'ancien bateau à rames acheté par M. Popelin. M. Storms
rend compte avec éloges des travaux accomplis par M. Becker. Il se
prépare à son tour à en entreprendre de nouveaux très considérables,
pour satisfaire aux besoins qu'il prévoit. M. Becker est resté encore un
mois à Karéma après l'arrivée de M. Storms. Il se proposait d'en partir
au commencement de novembre dernier ; il aurait voulu pouvoir y rester
plus longtemps, mais il devait ramener à la côte les askaris dont le
terme de service étai^ expiré. Après les avoir licenciés, il reviendra en
congé en Europe, où des affaires de famille le rappellent. Toutefois il
émet dès à présent l'espoir que le Comité lui permettra de retourner à
Karéma a où j'ai vécu heureux, » écrit-U, « au milieu de ces gens que
j'ai su arracher à l'esclavage. » M. Becker sera remplacé auprès de
M. Storms par un jeune Belge, M. Maluin, qui partira dans les premiers
jours de février pour Zanzibar, où s'organise en ce moment la caravane
qui doit le conduire à Karéma.
Trois missionnairesi d'Alg^er sont arrivés à Zanzibar pour y
établir une maison de procure, qui permettra de suivre d'une façon plus
régulière les progrès des missions à l'intérieur, et de pourvoir avec plus
d'opportunité à leurs besoins. Une nouvelle station sera fondée dans les
états de Simba Mouéni, entre Mrogoro et Mahlé, avec deux mission-
naires et quinze ou vingt familles chrétiennes qui serviront de noyau à
la colonie. Le R. P. Etienne étudie en outre les moyens de s'établir
dans l'Oadoaéy à Rizato ou dans les environs, au milieu d'une tribu
anthropophage, à peu de distance de la côte. — De retour d'un récent
voyage à Oudjidji et à Moalonéoaa, les deux stations des missions
d'Alger au Tanganyika, le P. Guyot en a rendu compte à la Société de
géographie de Paris. Les détails qu'il a donnés sur les nègres de
l'Afrique centrale sont de nature à détromper ceux qui se les représen-
— do-
tent comme des brutes sanguinaires. A part ce qu'il appelle a les mau-
vaises tribus, les tribus inhospitalières, » les nègres qu'il a vus sont de
grands enfants, qui raffolent de la danse, du bruit, des colifichets; il
faut être indulgent avec eux. Les plus grands obstacles proviennent des
trafiquants arabes. Le P. Guyot partira prochainement pour le Congo.
La question du combustible devient très sérieuse pour la plupart des
sociétés de Kimberley. D'après le Bulletin des MineSy la houille y
coûte de 375 à 450 fi\ la tonne, encore renferme-t-elle 25 Vo de pierres.
Le bois est tout aussi cher, et, jusqu'à ce que le chemin de fer en con-
struction soit ouvert, on brûlera des charbons anglais, malgré la décou-
verte d'immenses gisements houillers dans les districts voisins. De très
beaux diamants ont été trouvés près de Hébron, au nord de Kimberley.
Un des propriétaires-fermiers de la localité est venu à Kimberley,
demaiider l'autorisation de concéder ses terrains à des entreprises
minières. On est du reste convaincu que toute la province doit contenir
des diamants, et que les mines en cours d'exploitation ne sont rien en
comparaison de celles qu'on découvrira ultérieurement.
Au Lessoato deux des principaux membres du gouvernement colo-
nial ont eu, avec des chefs Bassoutos des deux partis (national et loyal),
une entrevue, dans laquelle ils ont émis l'idée quet si les choses ne s'ar-
rangent pas à l'amiable, plutôt que d'abandonner le pays, ils demande-
ront au gouvernement anglais des troupes pour soumettre Massoupa
et ceux de son parti ' . — Les missionnaires réorganisent peu à peu
leurs écoles. En outre ils veulent suivre dans les montagnes, à l'est de
Morija, la population qui s'y est jetée ; leurs évangélistes passeront deux
ou trois chaînes élevées, pour arriver au cours supérieur de la Makha-
leng ; ils espèrent pouvoir fonder prochainement une annexe importante
dans ce coin de pays ; autrefois les natife croyaient que le sorgho n'y
mûrirait pas à cause des gelées, mais les essais des deux ou trois der-
nières années prouvent le contraire. — Pour le moment, les deux chefs
Joël et Jonathan sont en guerre et se livrent des combats dans le voisi-
nage de Léribé. Le premier a été battu et s'est enfui avec des milliers
d'hommes, de fenunes et d'enfants, et 12,000 bœufe, dans les Maloutis;
on espère que Lerothodi usera de son influence pour prévenir un combat
ultérieur : Massoupa a rapçelé plusieurs de ses fils du théâtre des trou-
bles. MM. Coillard et Christol, seront rejoints, pour la mission du Zam-
^ Une dépêche nous apprend, à la dernière heure, que le Conseil législatif de
Capetown vient d'abroger la loi d'annexion du Lessouto.
— 41 —
bèze, par M. Jeanmaîret, parti avec M. et M"* Boegner, chargés de
visiter les stations françaises du Lessouto. M. E. Gautier, de Genève,
fera avec les missionnaires l'exploration du Zambèze.
D'après les Mitiheilungen de Ootha, Stanley, dans sa navigation sui*
le Quàng^o, est arrivé au confluent d'un tributaire venant du S.-E. à
160 kilom. d'Ibaka, et l'a remonté sur une longueur d'environ 200 kilom.,
c'est là qu'il a rencontré cette vaste nappe d'eau dont il a fait le tour,
et à laquelle il a donné le nom de lac Léopold II, quoique Thomson ait
déjà baptisé de ce nom le lac Hikoua, à l'est du Tanganyika. Il a con-
staté que ce nouveau lac a 112 kilom. de long, et une largeur de 10 à
60 kilom. Ce serait vraisemblablement le lac Aquilonda des anciennes
-chroniques, moins grand toutefois que ne le disaient celles-ci. Pendant
que Stanley rétablissait sa santé à Madrid, il apprit que les indigènes,
avec lequels il avait entretenu des relations amicales, avaient commencé
à donner des signes de mécontentement ; aussi est-il parti inmiédiate-
ment pour le Congo, où il est arrivé en même temps que 300 Zanzibarites.
Le D' Pechuêl Lœsche, qui avait pris le commandement de l'expédi-
tion belge au Cong^o, pendant son absence vient de rentrer en Europe,
sûr que l'expédition ne court aucun danger. Il est vrai qu'il a reçu
un coup de fusil au bras ; toutefois, il n'a pas été blessé, comme on l'a
dit, dans une attaque des indigènes contre Stanley-Pool, mais pendant
qu'il se rendait de Manyanga à cette dernière station. Une troupe
d'indigènes, qui était cachée dans un bois, a tiré sur l'expédition.
Depuis que les Chambres françaises ont alloué 1,275,000 fr. à la mis-
sion de Savorg^nan de Brazza, celui-ci a organisé son expédition, et
fait partir quatre Français en avant-garde pour les stations du Haut
Ogôoué, sous la conduite de M. de Lastour, ingénieur, qui a déjà voyagé
dans la région du Zambèze. De Brazza lui-même côïnpte pouvoir partir
en février. Quoique devenue nationale, son expédition n'en conservera
pas moins le caractère pacifique qui a valu à son chef l'accueil bienveil-
lant des populations de l'Ogôoué et du Congo. D'après le plan de Brazza
il s'agit de reprendre son exploration au point même oîi il l'a laissée, et
d'assurer, par la fondation de stations et de postes, le maintien et le
développement de la situation déjà acquise, en même temps que le libre
parcours des deux voies qu'il a suivies, l'Ogôoué et le Quillou (Niari)^
Huit stations principales, reliées par douze postes, formeraient deux
routes ininterrompues jusqu'à Brazzaville, l'une, du Gabon par l'Ogôoué
* Voir la carte, IIT«« année, p. 288.
■^ 42 —
et rAlima; la seconde, de T Atlantique par le Quillou et la vallée du
Niari. Sur la ligne de l'Ogôoué et de l'Alima, il y aurait FranceviUe,
avec quatre postes ; sur le Congo, Brazzaville avec une station de second
ordre et deux postes, et de TÂtlantique h Brazzaville, une station de
premier ordre, une autre de second ordre et six postes. En outre, dans
la région de la côte seraient établies deux stations de premier ordre, à
Mayombé et à Punta-Negra, reliées aux précédentes par une station de
second ordre. De Brazza croit pouvoir réaliser son plan en deux ans ; il
ne s'agit, bien entendu, que de stations scientifiques, hospitalières et
commerciales, sans autres forces militaires que celles strictement néces-
saires à la protection des établissements qui seront créés successivement ;
en effet, il n'a été mis à sa disposition que 150 laptots, tirailleurs séné-
galais, et 30 marins pour le service des embarcations. Le comte Jacques
de Brazza, naturaliste^ distingué, va partir pour le Congo oU il suivra
son frère dans ses explorations.
Les avantages commerciaux révélés par les explorations de Stanley et
de Brazza, à la côte occidentale d'Afrique et dans le bassin du Congo,
ont provoqué des rédamationei du Portug^al sur les territoires
s'étendant, le long de la côte, au nord de Cabinda jusqu'à l'embouchure
du Quillou, et sur la rive gauche du Congo jusqu'au confluent du
Quango. La concession, faite à la France par Makoko, au nord du ô''12\
se trouve en dehors des territoires réclamés par le Portugal. En revan-
che les stations de Yivi, Isanghila, Léopoldville, et même celle d'Ibaka,
sont situées dans la partie du continent sur laquelle le Portugal prétend
avoir des droits, quoiqu'il ait été empêché jusqu'ici d'en prendre posses-
sion. Jusqu'à ces derniers temps l'Angleterre les a contestés; il semble-
rait,, d'après le Diario de Lisbonne, qu'aujourd'hui des négociations ont
été renouées entre les deux gouvernements, qui concluraient un traité
délimitant exactement les territoires supposés appartenir au Portugal ;
celui-ci signifierait à la France (et sans doute aussi au Comité d'études
du Haut-Congo) sa prise de possession nominale et céderait ensuite ses
droits à l'Angleterre. D'autre part, la Hollande estime avoir des droits
antérieurs et supérieurs à ceux de toute autre nation, partant à ceux
du Portugal, sous le prétexte qu'elle a depuis 150 ans des comptoirs
sur la côte du Loango. La section hollandaise de l'Association interna-
tionale africaine a demandé au parlement que la Hollande s'entendît
avec l'Allemagne, l'Angleterre, la Belgique et l'Amérique, pour régler
cette question. En outre, voyant que l'entreprise du Comité d'études
du Haut-Congo, à laquelle elle avait contribué, tourne au profit exclusif
— 43 —
des Belges, elle a décidé de verser désormais entre les mains de la
Société néerlandaise de géographie toutes les sommes qu'elle recueillera,
pour qu'elles soient remises ultérieurement à une nouvelle Association
africaine, composée exclusivement de Hollandais et devant travailler
uniquement dans l'intérêt néerlandais. D'après une dépêche de Rotter-
dam du 10 janvier, la nouvelle Société africaine est déjà constituée et
envoie deux navires pour remonter le Congo.
Les missionnaires de la Liiving^stone inland mission multiplient
leurs stations le long du Con^o inférieur. Appelés par plusieurs chefs de
la rive gauche, vis-à-vis de Banana, ils en ont fondé une à Kimorie; en
outre, sur la même rive et au delà duLoukoungou, ils ont acquis un ter-
rain pour en créer une en face de Manyanga. Ils ont eu, il est vrai, un
peu de peine à entrer en rapport avec les gens de Ndounga et de Ngombi,
un combat ayant eu lieu peu auparavant entre les indigènes de cette
région et les gens de Stanley. Cependant, M. Comber ayant obtenu, pour
venir les voir, la permission de passer par les villes des chefs Ndoungas,
M. Clarke, un des missionnaires, put à son tour l'accompagnera travers
les villes susdites, dont les habitants déposèrent leurs sentiments hosti-
les. La station du Loukoungou sera placée sur un bon terrain, qui a
une abondante source d'eau potable et des matériaux de construction;
l'air en est salubre. Les missionnaires croient qu'il sera facile de l'unir
à la station précédente par une route carrossable, les collines qui l'en
séparent étant peu nombreuses, ainsi que les cours d'eau à traverser. —
M. Craven, venu précédenmient en Angleterre pour cause de santé, est
retourné au Congo, emmenant avec lui les deux jeunes Fyotes qui ont
aidé à mettre par écrit la langue de leur tribu. Ils ont été remplacés dans
l'institut de M. Grattan Guinness par deux nouveaux arrivés, qui ont été
très surpris de voir les champs et les bois couverts de givre ; ils croyaient
que c'était du sel; n'ayant jamais vu de glace, leur étonnement a été
grand quand ils virent qu'ils pouvaient marcher sur l'eau. — H y a en
outre chez M. Grattan Guinness un jeune Dinka, Sélim, réduit en escla*
vage par des Arabes qui l'avaient conduit dans l'Ouganda, d'où M. Wil-
sonl'a amené en Angleterre. Le Comité espère pouvoir le renvoyer plus
tard au milieu de son peuple, par l'Arouimi, quand le Henry Beed pourra
remonter le Congo jusqu'à cet affluent.
Dans une rencontre avec les missionQaires de la Livingstone inland
mission, Savorgnan de Brazza s'est montré plein de courtoisie et de bien-
veillance peureux, et a promis de leur aider volontiers quand ils voudront
atteindre le Congo moyen par la route de l'O^ôoué. H existe déjà
— 44 —
depuis plusieurs années sur ce fleuve, à Kangoué, une station mission-
naire américaine. Le Rev. Nassau, qui la dirige, en a fondé une nouvelle à
Talagoug^a , le poste commercial le plus avancé ; là, le fleuve est plus
resserré qu'à Kangoué, mais on y est aussi plus exposé aux attaques
des Fans, cannibales que craignent beaucoup les autres tribus ; aussi
M. Nassau dût-il accompagner les natife dans une forêt, pour y couper les
bambous nécessaires à l'achèvement du toit de son habitation; ils n'y
seraient pas allés seuls. Dans les derniers temps, les Fans se sont mon-
* très très mal disposés ; ils *ont tiré sur des canots qui passaient sur le
fleuve, attaqué les gens de la station pendant que ceux-ci péchaient,
ainsi qu'un canot de provisions envoyé de Kangoué à Talagouga pour la
mission; les indigènes effrayés rebroussèrent chemin, et M. Reading,
missionnaire à Kangoué, dut revenir avec eux pour amener le canot à
Talagouga. Ces détails sont donnés par M""* Nassau, la femme du mis-
sionnaire, restée seule à la station en l'absence de son mari.
M. Ch. 1¥. Thompson a fait un voyage d'Accra à Prasu, ce qui
lui a permis de donner de nouveaux renseignements sur 100 kUomètres
de pays encore inconnus, entre Isabang et le Prah, comprenant le cours
de ce fleuve au nord de Cocochinchin. Ce rapport confirme les idées que
l'on se faisait de la richesse aurifère d'Ag^oana et de la province
d'Akim, et l'importance du développement des ressources végétales de
la colonie. Dans les villages, près d'Asafou et de Mansué, on recueDle de
l'or; Insuaim, résidence du roi de l'Akim occidental, est entourée de
plantations ; l'agriculture y est très soignée ; les habitants^ exportent
l'huile de palme et les Haoussas viennent y acheter la noix de cola qui
y abonde. Plus au nord, près de Iribie, on récolte beaucoup de gomme.
Un peu plus à l'ouest, M. le commandant R. Miippay Rumsey , de
la marine royale, a fait un relevé de la rivière Ancobra et du district
aurifère d'Axîm. Il résulte de ses observations que, de l'embouchure à
Akanko, l'Ancobra a une largeur moyenne de 80 à 100 m., et une
profondeur de 6 à 8 m. Au delà, la rivière se rétrécit graduellement;
mais, à 40 kilom. au sud de Tomento, elle a encore dé 35 à 40 m. de
large, et une profondeur suffisante pour que les navires, qui réussiraient
à passer la barre à l'embouchure, puissent la remonter jusqu'au delà de
Inframangio. Son régime diffère de celui du Volta ; en effet, tandis que
celui-ci a ses plus hautes eaux en septembre et redescend graduellement
jusqu'en mai, l'Ancobra monte jusqu'en juin et redescend jusqu'en sep-
tembre, ce qui provient vraisemblablement de ce que cette rivière et son
principal affluent, la Bonsah, reçoivent une multitude de petits cours
— 45 —
d'eau sur une longueur de 80 à 100 kilom. à partir de la mer,
et qu'elles subissent par conséquent les influences du climat des côtes,
croissant avec les pluies et diminuant dès qu'elles sont passées, tandis
que le Volta reçoit ses eaux de Tintérieur et dépend du climat du pla-
teau. Le commandant Rumsey traversa le pays boisé de Tomento, à Test
de la rivière, jusqu'à Bonsah. De là à Tacquah, centre du district aurifère,
le pays présente une succession de chaînes de montagnes courant du nord
au sud, et deux lignes parallèles de Test à l'ouest; les mines sont surtout
à l'est ; mais le quartz exploitable s'étend probablement le long du versant
occidental de cette chaîne. La difficulté du transport depuis la côte
pourrait être écartée, si le gouvernement faisait une route de Lifra-
mangio jusqu'à Bonsah. M. Rumsey a dressé la carte de l'Ancobra,
depuis son embouchure jusqu'au confluent de la Bonsah, avec des son-
dages, et un relevé du district minier, de Tomento à Tacquah.
D'après le Bulletin des MineSy le commandant Cameron, président
du conseil d'administration de TAfrioan Gold Coast Syndioate,
a quitté Liverpool le 6 janvier à bord du Nubia, allant à Âxim pour se
rendre compte des travaux exécutés sous la direction de l'agent de cette
société, arpentage, levé de plans, tracé de routes, déblaiement des ter-
rains, et préparation d'échantillons de quartz qui doivent être expédiés
en Angleterre.
L'administrateur de la Côte d'Or, M. Alfred Molony , a attiré l'atten-
tion des natife de la colonie sur l'importance du développement du com-
merce du caoutchouc. Il a envoyé à Kew plusieurs spécimens du
Landolphia Owariensis^ qui se trouve partout dans la colonie, mais sur-
tout dans les districts d'Axim, d'Aquapim et de Croboé. C'est une
plante de 4 à 6 pouces de diamètre près du sol, qui se divise et
grimpe aux branches des arbres voisins. M. Dyer, assistant dhrecteur des
jardins royaux de Kew, après avoir examiné les spécimens qui lui ont été
envoyés, a fait un rapport des plus favorables sur le caoutchouc blanc
que l'on peut en extraire, « le meilleur, » dit-il, « de l'Afrique occiden-
tale ; recueilU avec soin, il pourra être vendu sur le marché de Londres
en aussi grande quantité que l'on voudra. » Mais il recommande d'user
de beaucoup de précautions dans l'extraction du suc, pour ne pas épuiser
l'arbre par des incisions trop profondes.
Le collège de Libéria où des instituteurs nègres donnent l'instruc-
tion à la jeunesse africaine de cette partie de la côte occidentale, devra
subir des modifications nécessitées par les conditions particulières de
l'Afrique. Il avait été organisé sur des modèles étrangers, sans tenir
— 4(5 —
compte de la nature du peuple et du pays. Aujourd'hui, on propose de
le transférer à Tintérieur, en vue de la santé du corps et de l'esprit des
élèves, poui* qu'ils puissent employer une partie de leur temps à des tra-
vaux manuels, et aider ainsi à l'administration à se procurer les ressour-
ces nécessaires. Quant aux programmes, ils étaient dressés jusqu'ici
d'après ceux des collèges d'Europe et d'Amérique; mais les résultats
moraux et intellectuels n'ont pas été heureux de tous points. Dans tous
les pays de langue anglaise, l'esprit des jeunes nègres se révolte con-
tre les tableaux que font de leur race les livres de géographie ou d'his-
toire, les voyages ou les romans. Quand ils ont quitté le collège, ils les
retrouvent dans les journaux et les revues. Aussi M. Blyden, le directeur
du collège, estime-t-il que l'Africain doit être élevé d'après des méthodes
spéciales , et désormais les moyens de culture employés à Libéria seront
essentiellement les classiques et les mathématiques; les auteurs grecs et
latins, dans lesquels il n'y a pas un mot contre le nègre, prépareront
les élèves aux études scientifiques*ultérieui*es, et les mathématiques les
rendront capables de se vouer aux travaux pratiques; l'étude de l'arabe
et de quelques-unes des langues des natife sera aussi cultivée, afin que les
jeunes Africains de Libéria puissent entrer en rapport avec les nègres de
l'intérieui*, et apprendre à mieux connaître leur pays.
M. Vohsen, agent de M. Verminck, s'est rendu auprès des chefe du
pays de Yonnie, qui l'avaient invité à venir opérer entre eux une
réconciliation, pour que la route de l'intérieur vers Freetown, fermée
par leurs hostilités, pût être ouverte au commerce comme auli'efois.
Ds désiraient surtout voir rétablir à Rotoumba la factorerie de M. Ver-
minck, que leurs guerres intestines avaient fait abandonner. M. Vohsen
a mis, comme condition préliminaire de ce rétablissement, le désarme-
ment des tribus belliqueuses et la conclusion de la paix, ce qui a été
accepté. Après quoi il a remis aux chefs des présents de la part de
M. Verminck.
La construction de la voie ferrée de Dakar à. Saint-JLoaiB
par le Cayor, a rencontré des difficultés, le chef du Cayor, Lat-N'dior,
voulant s'opposer au passage de la colonne d'exploration de M. Borguii»-
Denbordef», mais l'énergie de M. Servatius, nouveau gouverneur du
Sénégal, lui a fait comprendre l'inutilité de son opposition, et la colonne
a pu partir pour le Haut-Fleuve, où elle a dû ravitailler les postes de
Bafoulabé et de Kita, et pousser jusqu'au Niger pour établfa* un nouveau
foit à Bamakou. — MM. Bayol et Noirot, chargés d'aller dans le
Kaarta rassurer les chefs sur les intentions des Français, ont eu de la
— 47 —
peine à remonter le Sénégal dont les eaux étaient basses. De Bakel, ils
ont dû se rendre à pied à Médine, puis traverser le fleuve pour prendre
la route du Nyoro, par Kounyakari. La mission amicale et diplomatique
du D' Bayol ne sera pas facile, les gens du Kaarta craignant que le'colo-
nel Borguis-Desbordes n'aille combattre les Toucouleurs de Ségou, ce
qui les exposerait aux représailles de ces belliqueux voisins. — D'après
le Compte rendu de la Société de géographie de Paris, on emploie
depuis plusieurs mois, pour le service du Haut-Sénégal, des véhicules dits
voitures d'exploration, métalliques, étanches et démontables, ce
qui permet de s'en servir sous n'importe quel climat, sans avoir à craindre
l'action du soleil ni celle des termites. Uiie fois la caisse démontée, ce
véhicule peut être mis à l'eau, et servir de bateau pour faire passer de
l'autre côté d'une rivière hommes et marchandises.
NOUVELLES GOMPIiÉMENTAIRES
Préoccupé des moyens de propager l'instruction chez les indigènes de l'Algérie,
le gouvernement français y a envoyé M. Buisson, directeur de renseignement
primaire au ministère de l'instruction publique, qui a dû visiter les écoles d'Alger,
Oran et Constantine.
Le commandant Derrien, du service géographique, et 24 officiers, travaillent à
la rectification de la carte de la province d'Oran, à l'est du chef-lieu. Leurs tra-
vaux devront être terminés le 15 mai.
Le général Saussier a fait en décembre une reconnaissance du pays autour de
Mécheria. Dans la crainte d'une nouvelle et prochaine prise d'armes des indigènes
de l'extrême sud, une campagne a été décidée pour le printemps.
Les études pour le creusement de la mer intérieure des Chotts vont recommencer.
M. Michel Baronnet en dirigera les travaux techniques. Le 6 janvier M. Roudaire
était à Tébessa; le matériel de sondage était tout prêt. M. de Lesseps ira rejoindre
l'expédition dès que celle-ci aura terminé ses opérations préliminaires.
Le Conseil supérieur de l'Algérie a demandé la construction immédiate de la
ligne du chemin de fer d'Alger à Laghouat et à Gardaïa, avec prolongement
ultérieur sur Ouargla; il demande aussi la prompte construction de la ligne de
Biskra à Touggourt.
Trois détachements des ateliers de sondage se sont rendus dans les oasis de
Mraler, de Touggourt, et sur les bords de l'Oued Mia, dans la région d'Ouargla^
pour y rechercher des eaux jaillissantes et relever de leurs ruines les anciens
villages des Mzabites, dont les oasis étaient autrefois si florissantes. M. Tarry
estime qu'elles avaient autrefois plus de deux millions de palmiers; il en reste
150,000 à peine. Le régime climatérique a changé : les pluies sont devenues rares,
les puits ont disparu; la nappe souterraine est à plus de lôO"* de la surface du
— 48 —
sol, et le Mzab périrait si on ne lui rendait pas, par des forages artésiens, les
conditions de caltore nécessaires.
MM. Mamoli et Gabaglio, délégués de la Société milanaise d'exploration com-
merciale en Cyrénalque, sont retenus à Derna par le caïmacan, qui ne veut pas les
laisser se rendre à Bengasi. Le vice-consul italien de cette ville a dû protester con-
tre l'espèce d'emprisonnement dans lequel les retient l'autorité turque. — M. Gus-
tave Kuhmer, naturaliste du musée de Berlin, s'est rendu à Bengasi, avec des
lettres de recommandation du professeur Ascherson pour la station italienne.
Nous avons mentionné, dans notre dernier numéro, le projet d'un nouveau canal
allant d'Alexandrie à Suez par le Caire; les ingénieurs en étudient le tracé.
Quant à l'ancien, la commission des travaux a tenu à Paris une réunion, dans
laquelle a été arrêté le programme des améliorations à y apporter pour les
nécessités du trafic; elles comportent entre autres la création d'un nouveau bassin
à Port Saïd, un agrandissement de la gare d'Ismaïlia et l'élargissement du canal
à Suez. La question d'un second canal parallèle au premier a été ajournée.
La Société des missions anglicanes a décidé d'envoyer au Caire M. F.-A. Klein,
précédemment missionnaire à Jérusalem, pour y reprendre, parmi les populations
musulmanes, l'œuvre qu'elle avait commencée en 1825 et qui avait été abandonnée.
Le D' Schweinfurth a employé la dernière saison d'été à l'étude des environs
de la vallée du porphyre, à 50 kilom. environ des pentes du Gebel Darkhan. Le
D' Oscar Schneider, à Dresde, a publié une carte de cette exploration, avec une
monographie sur le porphyre des anciens.
Une lettre du Caire annonce que M. Wissmann est arrivé dans cette ville le
l«r janvier. Entre le lac Moucamba et Nyangoué il a traversé le territoire d'une
tribu de nègres nains. Du lac Tanganyîka à Zanzibar son voyage s'est fait sans
grandes difficultés, grâce à l'aide que lui a prêtée Mirambo.
ï)u Caire est partie, pour Khartoum et le Kordofan, une expédition anglo-
égyptienne qui compte plus d^une centaine d'officiers anglais. M. Messedaglia y a
été attaché avec le titre de bey. Les dernières nouvelles du Soudan annoncent que
le faux prophète est en marche sur £l-Obéid et que la ville ne pourra se défendre
plus d'une quinzaine de jours, de sorte que les renforts qui ont été envoyés du
Caire ne pourront arriver à temps, pour prévenir l'occupation d'El-Obéid par
les rebelles.
Lupton-bey a relevé le Bahr-el-Ghazal, depuis l'embouchure du Bahr-el-Arab
jusqu'à Mechra-el-Rek, ce qui a permis aux MittheUungen de Gotha d'en donner
une carte-esquisse, d'après laquelle cet affinent du Nil Blanc, un peu en amont
de Doubba, forme deux lacs, l'un à l'est, l'autre à l'ouest; plus haut encore il tra-
verse de vastes marais herbeux; les éléphants y paraissent nombreux.
M. C. Gregori est parti pour explorer les régions situées à l'est de l'Abyssinie.
De Khartoum il montera sur le plateau abyssin, d'où il descendra vers les terri-
toires habités par les Afars et traversés par le Gualima et le Melli affluent de
l'Haouasch.
— 49 —
Le ministre de la marine italienne a ordonné l'armement du vapeur le Cariddiy
qui devra transporter à Assab le personnel et le matériel destinés à cette station,
n y conduira aussi la mission commandée par Bianchi pour l'Abyssinie.
Le gouvernement français a décidé de fonder une colonie dans la baie de Tad-
jourah, dont l'annexion a été négociée par l'explorateur français M. Soleillet.
Cette colonie aurait pour but d'entrer en rapports commerciaux avec les peuples
habitant dans le sud de l'Abyssinie. Il serait aussi question d'établir, dans la baie
de Ta^jourah, une station navale française et un grand dépôt de charbon.
Les frères Sacconi ont fondé une station commerciale à Harar; ils y ont trouvé
un commerce actif; mais la ville est infestée par la variole et il y règne une telle
incurie, que des hyènes et des léopards envahissent la cité de nuit et dévorent les
malheureux varioleux abandonnés dans les rues. M. Pierre Sacconi, membre cor-
respondant de la Société milanaise d'exploration, a l'intention de faire des excur-
sions cl^ez les tribus du voisinage encore inconnues.
M. le t)' James Pétrie^ gradué de l'université d'Aberdeen, a été envoyé à Magila
dans l'Ousambara, comme médecin missionnaire.
D'après une correspondance des côtes orientales d'Afrique, publiée par le Wes-
tern Moming News^ le croiseur Undme est arrivé aux îles Comores à un moment
où la traite s'y pratiquait sur une vaste échelle, et il a pu capturer huit bâtiments
négriers dans l'espace de quelques jours,
Une lettre de M. Ledoulx, consul de France à Zanzibar, annonce que les explo-
rateurs établis à Gondah, station du Comité national allemand, vont la quitter
pour se diriger vers le lac Bangouéolo.
Les missionnaires anglais envoyés au Victoria Nyanza, MM. Stokes, Ashe et Wise,
partis d'Ouyouy, ont dû rebrousser chemin après avoir fait 100 kilom. de marche
vers le nord, les habitants d'un village leur demandant de payer le hongo en fusils
et en poudre^ ce qu'ils n'ont pas voulu faire.
Un traité de commerce a été signé à Lisbonne le 11 décembre 1882 entre le
Portugal et le Transvaal. Il exempte les produits du sol des deux pays des droits
d'entrée et de transit dans les deux États, et certaines denrées destinées au Trans-
vaal des droits de débarquement dans la baie de Loreigo Marquez. Ce traité a
été approuvé par le gouvernement britannique, autorité suzeraine du Transvaal.
Des combats ont eu lieu entre les adhérents de Mapoch et les Boers, qui ont
repoussé les Cafres, pris du bétail, des graines, et construit des forts autour des
grottes où les indigènes se sont réfugiés. Le gouvernement du Cap leur a prêté
deux canons et des munitions. Cinq des chefs rebelles ont fait leur soumission; on
s'attend à ce que Mapoch soit bientôt pris.
Les hostilités entre les Boers et Mapoch n'ont pas permis aux missionnaires
vaudois, qui se rendent à Yaldézia, de prendre la route directe par Marabastadt;
ils ont dû passer par Pretoria.
Une concession a été accordée pour 30 ans à M. Lubie d^ Londres, pour la
création d'une banque nationale à Pretoria.
— 50 —
Les missionnaires wesleyens ont fondé Tannée dernière une station chez les
Swazies, dans la partie orientale du Transvaal, avoc Pintention de s'avancer vers
le nord jusqu'à ce qu'ils aient rejoint la mission du pays d'Oumzila. Us ont encore
deux autres bases d'opérations, à Pretoria et chez les Barolongs, d'où ils marchent
en avant^ créant des stations et des sous-stations, de manière à en former nne
chaîne très forte, tous ces établissements s'appuyant les uns les autres.
Il est question de fonder à Natal une école industrielle et agricole pour les
natifs.
Gettiwayo s'est rendu à Port Dumfort sur un navire de guerre anglais. Le
résident anglais l'a reçu avec de l'infanterie et de la cavalerie, et l'a escorté
jusqu'à Ulundi, pour l'y installer roi de la partie centrale du Zoulouland; la partie
méridionale restera à John Dunn ; la partie septentrionale sera donnée au chef
Usibebu. Cettiwayo et John Dunn devront recevoir chacun un résident anglais. *
Le gouvernement anglais examine la question de subsides à accorder à la Com-
pagnie des Messageries, pour un service régulier de steamers de Natal à Tamatave
et à Maurice.
Le D' F.-O. Nichols écrit de Baïlounda^ que la petite vérole y exerce ses ravages
comme dans la colonie du Cap, et qu'il y en a beaucoup de cas parmi les natifs.
M. Ferreira de Amaral a fait une visite à la colonie des Boers de Humpata,
qu'il a trouvée en grand progrès. Les propriétés sont abondamment pourvues
d'eau, au moyen de canaux créés par les colons ; leurs produits sont si abondants
qu'ils ont déjà pu en exporter l'année dernière à Mossamédès; le gouverneur de
Mossamédès leur a envoyé des semences, entre autres du chinchona de Saint-
Thomas.
L'évèque d'Angola a fondé à Huilla une mission, sur une propriété de 2000 hec-
tares de terres très fertiles.
Une société s'est fondée à Londres sous le titre de « Congo and Central African
Company, » au capital de 250,000 livres sterling, pour trafiquer le long de la côte
occidentale d'Afrique et spécialement sur le Congo, en se servant de la route
construite par Stanley.
Le P. Augouard compte fonder une station sur la rive droite de Stanley-Pool,
sur un terrain que lui a cédé Savorgnan de Brazza.
Le Flirt et le Pioneery bâtiments de la marine royale anglaise, ont remonté la
rivière Akassa, pour punir les natifs qui avaient incendié la factorerie de Wari
Creek. Le Pioneer, tirant peu d'eau, a pu remonter jusque près du village, l'a
bombardé et brûlé, après quoi une partie de l'équipage ayant débarqué l'a détruit.
Le capitaine Lonsdale, chargé par le gouverneur de la Côte d'Or de se rendre
à Eoumassîe, s'est avancé de là jiisqu'à Salaga. M. C. Y. £. Graves l'a accompagné
jusqu'à Abrouno, puis il a pris une route à l'est, jusqu'à Kratshie sur le Voila,
après quoi il est remonté au nord vers Salaga.
Les natifs voisias de Libéria fabriquent des ihstruments, agricoles et autres,
d'un fer si pur que, chauffé, il devient malléable au point qu'on peut le mettre au
moule sans le faire fondre. Un spécimen de ce fer a été analysé par le D' A. A.
— 51 —
Hayes, géologue de l'état da Massachusets, qui l'a trouvé composé de 98,40 "/o de
fer pur et de 1,60 °/o de quartz, oxyde magnétique, cristaux de fer et zoolithe.
QUELQUES MOTS SUR LA COLONISATION EUROPÉENNE EN AFRIQUE,
p
▲ PROPOS DE l'ouvrage DE M. PAUL LEROY-BBAULIEU SUR LA COLONISATION ^
On ne peut nous demander de résumer en un article, tel que ceux que
comporte le format de notre journal, un livre de 650 pages, nourri et
substantiel comme le sont toujours ceux de M. Leroy-Beaulieu, et dans
lequel tous les coups portent, tous les détails, tous les chiflEres ont leur
importance et viennent directement à l'appui de la thèse que l'auteur
prétend prouver. Nous ne pourrions donner ici qu'un pâle aperçu du
volume, si nous voulions le considérer dans son ensemble ; aussi préfé-
rons-nous, après avoir indiqué ses grandes divisions, ne parler, d'une
manière spéciale, que de la colonisation au point de vue africain.
L'auteur étudie d'abord, dans une première partie, le côté historique
et géographique de la question. Le livre premier est consacré à la colo-
nisation antérieure au XEL"** siècle, aux efforts des Espagnols, des
Portugais, des Hollandais, des Anglais, des Français, des Danois et des
Suédois, pour créer des empires coloniaux puissants et durables.
Chemin faisant, le savant écrivain montre que Tesprit étroit qui prési-
dait alors à la fondation des établissements commerciaux, la dépendance
dans laquelle on les maintenait, les privilèges énormes que l'on accor-
dait aux compagnies marchandes, le travail forcé imposé aux indigènes,
le mauvais régime des terres, empêchaient les colonies de progresser et
de donner tous les fruits qu'on pouvait, semblait-il, en attendre.
Dans le livre deuxième, sur la colonisation au XIX™ siècle, les
premiers chapitres roulent sur les colonies de plantation ou d'exploita-
tion, fondées en général dans la région tropicale. Elles sont destinées h
fournir à l'Europe les denrées coloniales dont elle a besoin et attirent
surtout les capitaux. Telles sont les Antilles, les Philippines, Java,
La Réunion, etc. Un chapitre de 100 pages environ traite de l'Algérie, et
un autre, beaucoup plus court, des autres possessions françaises. Les
colonies anglaises, l'Australie en particulier, sont étudiées en détail,
^ De îa colonisation chez les peuples modernes, Paris (Gaillaamin) 1882, in-8'',
659 pages, fr. 9.
— 52 —
sauf rHindoustan, pays dont Thistoire et la description exigeraient des
volumes et dont Tauteur ne donne qu'un rapide aperçu.
Le côté purement scientifique de la colonisation est traité dans une
seconde partie qui est intitulée : Doctrines. Peu d'écrivains étaient plus
compétents que M. Leroy-Beaulieu pour étudier les questions de l'émi-
gration humaine, de l'émigration des capitaux, du commerce colonial et
de son utilité pour la métropole, enfin du meiUeur régime applicable
aux établissements d'outre-mer. Il serait trop long, et surtout sans
rapport direct avec notre journal, de suivre l'auteur sur ce terrain de
haute économie politique, oii il est passé maître. Nous préférons résumer
rapidement pour nos lecteurs ses vues sur la colonisation africaine.
Il n'y a pas, comme on le voit d'après le plan que nous venons
d'exposer, de chapitre spécial consacré à l'Afrique. Il nous a fallu glaner
çà et là les appréciations de l'auteur sur ce sujet, actuellement si
brûlant surtout en ce qui concerne l'Algérie. M. Leroy-Beaulieu a, en
eflfet, il y a quelques mois, publié sur cette colonie, dans la Bévue des
Deux-Mondes, un article fort remarqué, dans lequel il expose, comme
dans son grand ouvrage, d'une manière nette et tranchée, son opinion,
fort différente de celle qui prévaut parmi les députés algériens et les
membres du gouvernement.
La plus importante des colonies françaises \ non seulement de l'Afri-
que mais du monde entier, est sans contredit l'Algérie. Sa position
est exceptionnelle; située aux portes de l'Europe, h la lisière de
l'Afrique, elle commande une grande ligne de côtes, et donne à la
France une influence immense sur le bassin méditerranéen. C'est préci-
sément à cause de cette situation si avantageuse, que beaucoup de per-
sonnes s'étonnent que la France n'en ait pas tiré un meilleur parti.
Dans les mains d'une nation colonisatrice, comme l'Angleterre, disent-
elles, l'Algérie serait devenue une véritable puissance avec laquelle il
faudrait compter. M. Leroy-Beaulieu réfute victorieusement, selon nous,
cette assertion. Pour lui, la colonisation de l'Algérie est sans précédents
et sans analogies dans l'histoire ou dans le temps présent. Jamais,
dit-il, une entreprise coloniale n'a offert à un peuple civilisé d'aussi
grandes difficultés que l'Algérie. Elle n'est pas une terre vacante, comme
^ Les possessions françaises en Afrique sont : L'Algérie, la Tunisie, le Sénégal
et ses dépendances, le Gabon, Obock, la Réunion, Sainte-Marie, Mayotte,Nos8i-Bé
et quelques points sur les côtes de Madagascar (Yoir la carte des possessionB des
Européens, dans notre numéro de janvier).
— 53 —
Tétaient à Torigine TAustralie, le Canada, la Nouvelle-Zélande et les
États-Unis ; elle ne peut donc être comme eux une colonie de peuplement.
D'autre part, tout le sol n'est pas occupé et cultivé par une popula-
tion dense, de mœurs douces, et ne peut devenir une colonie d'exploita-
tion, comme le sont les Indes pour l'Angleterre et Java pour la Hollande.
Les difficultés que rencontre l'Angleterre dans l'Afrique australe sont
peu de chose, à côté de celles que les Français doivent surmonter en
Algérie, car les Arabes sont plus nombreux, plus intelligents et plus
guerriers que les Cafres et les Zoulous. En un mot, M. Leroy-Beaulieu
croit que mille autre puissance européenne, sans en excepter l'Angle-
terre ni la Hollande, n'eût obtenu dans ce pays, en un temps aussi bref,
un aussi grand succès. Tout en faisant la part de l'amour-propre
national daps les appréciations qui précèdent, on peut, sans crainte
d'être démenti, dire quilles progrès réalisés par la France en Algérie,
depuis la conquête il y a 50 ans, sont considérables.
Aujourd'hui 400,000 Européens vivent en Algérie, tandis que le
Canada, en 1763, lorsque les vicissitudes de la guerre le firent perdre
pour la France, ne contenait que 60,000 Français, quoiqu'ils en ftissent
mattres depuis deux siècles. Le pays du Cap et la colonie de Natal ne
comptent pas aujoui'd'hui 300,000 Européens, quoique le mouvement
d'émigration vers ces contrées ait commencé depuis 300 ans. La terre
de l'Algérie est productive, le climat y est doux, du moins dans le Tell,
on y trouve du travail; cela suffit pour expliquer le rapide peuplement
du pays. Puis, les naissances dans la population européenne s'élevant
en 1880 à 13,123 et les décès à 12,185, l'augmentation serait assez rapide
même sans l'émigration. Les Français ne constituent que les 45 pour 100
de la population européenne totale. Les Espagnols et les Italiens sont
fort nombreux et augmentent sans cesse. Il y a aussi beaucoup d'Alle-
mands, de Suisses et d'Anglo-Maltais. Mais toute cette population tend
à se fusionner, à cause de l'influence de l'école, des mariages mixtes et
du grand nombre des naturalisations.
Les indigènes, au nombre de deux millions huit cent mille environ,
sont aussi en voie d'accroissement rapide. En 1880, on a compté chez
eux 68,107 naissances contre 61,134 décès.
Le commerce algérien représente la quinzième partie du commerce
extérieur de la France. De 1877 à 1880, les importations se sont élevées
de 216 à 303 Va millions, et les exportations, de 133 à 168 millions.
Il ne faut pas s'étonner que les importations dépassent les expor-
tations. C'est le cas pour toute colonie, qui, pendant sa période
— 54 —
d'enfance ou d'adolescence, reçoit de l'étranger plus qu'elle ne lui
rend. Elle attire les capitaux, qui s'y introduisent le plus souvent sous
la forme de machines, d'instruments agricoles, etc.
Il n'y a guère plus de quinze ans que l'on a commencé à exploiter
sérieusement les ressources de l'Algérie, et l'on peut maintenant recon-
naître qu'eUes sont considérables. Au point de vue minéral, elle possède
le fer, le cuivre, le plomb argentifère, le zinc, la houille, etc. A la fin de
1880, il n'y avait pas moins de 36 mines concédées ; la production des
minerais de toute nature avait été de 644,000 tonnes, et le nombre des
ouvriers occupés de 2,414. Les mines de Mokta-el-Hadid, près de Bône,
et de la Tafna senties principales; elles produisent un excellent minerai
de fer, qui prend la route de l'Angleterre et des États-Unis.
Malgré l'importance de ces gisements, c'est bien certainement l'agri-
culture qui est la première richesse de l'Algérie? On peut reprocher à ce
pays de manquer d'humidité, mais combien de contrées qui présentent
ce désavantage n'en sont pas moins productives! L'Algérie à 11 ou 12
millions d'hectares de terres cultivables ; c'est h peu près le tiers de ce
qu'il y en a en France ; les Européens en possèdent plus du dixième, et
les meilleures. Les pâturages et les céréales occupent la plus grande
partie de ces terrains, mais la culture des céréales ne s'étend guère.
Sur les terres des Européens, la récolte est relativement d'un tiers plus
élevée que sur celles des indigènes. Ce n'est que depuis sept ou huit ans
que l'on s'est mis à cultiver la vigne. Les premiers colons lui préféraient
le coton, qui produit 15 fois moins. La question des vignobles en
Algérie est à l'ordre du jour, maintenant qu'un implacable ennemi
s'acharne à la destruction des vignes françaises. Il y a aujourd'hui
17,000 planteurs pour 24,000 hectares; c'est encore peu de chose, tou-
tefois le mouvement est donné ; des sociétés financières se fondent, et
les vignerons du midi de la France se transportent en foule en Afrique.
L'alfa, Cette herbe des hauts plateaux qui se sème d'elle-même et ne
demande d'autres soins que ceux de la récolte, donne lieu à une exploi-
tation active. On en exporte actuellement 70,000 tonnes par an, dont la
plus grande partie va en Angleterre pour être convertie en papier. C'est
à peine si 2,000 tonnes sont expédiées en France.
Les voies de communication, qui seules permettront de développer la
production algérienne, sont de plus en plus nombreuses. Il y a 10,500
kilomètres de routes, et 10 millions de francs sont consacrés chaque
année à en construire de nouvelles. On travaille aussi au creusement des
puits. Les chemins de fer exploités ont environ 1200 kilomètres de Ion-
— 55 —
gueur. Us sont surtout nombreux à Test et h l'ouest, mais il y a au cen-
tre une lacune qui sera comblée dans deux ou trois ans.
On compte en Algérie 229 bureaux de poste ou de télégraphe ; mais
les colons se plaignent de ce que les relations avec l'Europe ne sont ni
assez régulières ni assez fréquentes. Il serait temps, semble-t-il, d'éta-
blir un courrier quotidien, puisque le mouvement des passagers est de
plus de 1600 par jour en moyenne. Au point de vue de l'instruction, les
Européens d'Algérie occupent une des meilleures places parmi les grou-
pes de population du monde. On y compte 710 écoles primaires suivies
par 49,000 élèves, mais l'enseignement secondaire est trop rudimen taire;
il est moins bien organisé que l'enseignement supérieur, puisque Alger
a une université, dont les facultés de droit et des lettres sont particuliè-
rement fréquentées.
L'Algérie coûte beaucoup moins à la France qu'on ne le croit. Elle
suffit par ses propres ressources à presque toutes ses dépenses ordinai-
res et civiles : la France n'intervient que pour quelques travaux extraor-
dinaires, et se charge aussi de l'entretien de l'armée, tandis que
l'Angleterre met ce dernier fardeau à la charge de l'Inde.
Par tout ce qui précède, il est bien prouvé que l'Algérie est dans une
période de prospérité, qu'elle se peuple et s'enrichit, et toutes les déci-
sions du gouvernement de la métropole doivent tendre à continuer
l'œuvre patiente et féconde accomplie depuis 50 ans. En ce moment on
s'occupe beaucoup de l'organisation de l'Algérie ; de nombreux projets
qui, aux yeux de leurs promoteurs, doivent faire progresser rapidement
la colonie, sont devant le parlement. M. Leroy-Beaulieu, lui, ne le croit
pas. La question qui le préoccupe surtout est ceUe des indigènes. Que
veut-on faire d'eux ? demaude-t-il. Sous le règne de Louis-Philippe, quel-
ques écrivains parlaient de les refouler dans le désert ; cette théorie a
encore des pailisans. Or, rien ne serait plus inique, plus absurde.
Jamais un peuple conquérant n'a réussi à refouler un peuple conquis ;
il s'est juxtaposé ou fusionné avec lui, mais il n'a pas pu le faire dispa-
raître; du reste, les révoltes récentes de l'Algérie peuvent donner une
idée des guerres interminables qui seraient la conséquence d'une
pareille mesure? Les 150,000 Indiens des États-Unis jettent de temps à
autre dans l'inquiétude l'énoiine population européenne de ce pays ; que
serait-ce si deux millions et demi d'Arabes étaient aux prises avec 400,000
Européens ?
Il faut donc vivre avec eux et avoir à leur égard une politique pru-
dente, qui n'ait pas pour conséquence des troubles agraires, comme ceux
— 56 —
de rirlaûde. Or, M. Leroy-Beaulieu croit que l'ou entrerait dans une
mauvaise voie, en consacrant des sommes énormes à Tachât, par voie
d'expropriation forcée, de 400,000 à 500,000 hectares aux Arabes, pour
constituer des centres européens. Les 140,000 colons ruraux que compte
TAlgérie possèdent ensemble 1,200,000 hectares, qui, mieux cultivés,
pourraient suffire à une population agricole de 400,000 âmes environ. Il
n'est donc pas nécessaire, si les terres confisquées par les Français au
moment de la conquête et après Tinsurrection de 1870 sont épuisées et
vendues à des colons européens, d'en acquérir de nouvelles. D'ailleurs
cette expropriation ne serait pas excusable ni à l'honneur de la France.
On dépouillerait par force des indigènes qui ne demandent pas mieux
que de conserver leurs terres et de les cultiver ; on formerait une popu-
lation flottante, sans occupation, qui quitterait les campagnes pour les
villes, et là, pourrait causer de grands embarras au gouvernement. Puis,
la colonisation officielle n'a produit, d'après M. Leroy-Beaulieu, que
de mauvais résultats. Les colons, trop réglementés, préfèrent s'établir
libres de toute entrave et quittent peu à peu les terres du gouvernement,
n serait préférable de ne pas adopter le système de l'expropriation, mais
attendre les fruits de l'achat à l'amiable, toujours plus fréquent, des
terres aux indigènes, du morcellement et de la culture plus intensive
des vastes espaces que possèdent déjà les Européens.
D'autre part, il est indispensable de soumettre les Arabes à un régime
administratif et politique qui soit plus empreint de bienveillance. Il faut
quitter les procédés humiliants et soupçonneux, et agir avec plus de fran-
chise et de bonté. Croirait-on qu'un Arabe, chevalier de la légion d'hon-
neur, ne peut, par exemple, s'absenter de Cherchell, où il réside, pour
aller faire sa récolte dans une propriété à 30 ou 40 kilom. de là sans
solliciter un permis du maire, et ce fonctionnaire, par mauvaise humeur,
peut le lui faire attendre et même le lui refuser ! Un choix meilleur de
fonctionnaires civils s'impose. On raconte qu'un ténor, faisant ses débuts
sur le théâtre d'Alger et n'ayant pas eu l'agrément du public, aurait
quitté la scène et serait devenu commissaire civil. Des mattres d'étude,
impuissants à tenir une classe de 25 ou 30 bambins, seraient allés admi-
nistrer 10 ou 15,000 Arabes. Il est temps de constituer un personnel
administratif colonial, bien préparé et connaissant la langue arabe.
Enfin, M. Leroy-Beaulieu demande qu'on augmente considérablement
le nombre des écoles arabes, — il y en a aujourd'hui une trentaine, —
et qu'on arrive à résoudre le problème de la représentation des indigè-
nes dans le parlement, oii ils pourront faire entendre leurs plaintes et
éclairer bien des questions, obscures pour la plupart des députés.
— 57 —
Nous laissons h Tauteur toute la responsabilité de ses appréciations,
mais il nous semble que la plupart de ses demandes sont tout à fait
légitimes, et qu^elles s'imposent à Tattention du gouvernement.
Parmi les autres possessions continentales de la France en Afrique, la
plus importante est le Sénégal. C'est, à cause du climat insalubre, plutôt
une colonie de commerce et d'influence que d'agriculture et d'immigra-
tion. Quelques Européens, au nombre de 300 environ, sont établis à
Saint-Louis, à Gorée, à Dakar et dans quelques comptoirs de l'intérieur,
et ils étendent leurs relations dans un rayon de près de 800 kilom. Le
commerce du Sénégal est stationnaire, ou plutôt il a décru dans une
certaine proportion, surtout quant à l'importation. Il est temps que, par
l'établissement de lignes ferrées, qui coûtent d'ailleurs peu de frais de
construction dans ces contrées, la colonie reçoive une nouvelle impulsion.
Il y a peu d'importance à attacher aux comptoirs d'Assinie et de
Grand Bassam sur la Côte de Guinée. Il est diflBcile du reste de donner
le nom de colonies à de simples blockhaus, près desquels sont groupées
quelques huttes européennes, pour un trafic assez borné d'ivoire, de bois
d'ébène, de sandal et d'huile de palme. Le Gabon semble être d'une plus
grande utilité pour la France, puisqu'il pourrait devenir le point de
départ d'une ligne de pénétration conduisant dans la région du Congo.
Le petit port d'Obock, sur le golfe d'Aden, se trouve dans le voisinage
du détroit de Bab-el-Mandeb. C'est avant tout une station sur la route
des Indes, et il serait bien difficile de dire dès aujourd'hui, vu l'insa-
lubrité du climat et le peu de bienveillance que témoignent les indi-
gènes, si les projets de colonisation de M. Soleillet, sur les rivages de la
baie de Tadjoura, seront couronnés de succès.
Parmi les îles africaines appartenant à la France, Mayotte, Nossi-Bé
et Sainte-Marie ensemble comptent à peine 27,000 habitants, parmi
lesquels quelques Européens. Ces colonies microscopiques n'ont guère
d'importance qu'à cause de leur proximité de Madagascar, île sur laquelle
la France cherche actuellement à étendre son influence.
L'île de la Réunion a, dans ces derniers temps, été particulièrement
affligée par des crises industrielles et agricoles. Elle ne compte que
182,130 habitants, disséminés sur 251,676 hectares. Prise dans son
ensemble, elle est, comme ses voisines, une fabrique de sucre ; 40,000
hectares sont consacrés à cette culture, 3700 seulement à celle du café
et 541 à celle du tabac. Faute de port et à cause des cyclones, elle a
été jusqu'à ces derniers temps une côte inhospitalière. La France ayant
— 58 —
conseuti à d'énormes sacrifices pour faire à la Réunion un port et un
chemin de fer, il faut espérer que cette lie entrera désormais dans une
ère de prospérité agricole et industrielle.
Si les Anglais ne possèdent pas en Afrique une terre aussi importante
que TAlgérie ' , la colonie du Cap, sous le rapport de la position et du
climat» ne le cède à aucune terre européenne.
Elle est située sur une des grandes voies de communication du monde
— la plus grande avant le percement de l'isthme de Suez ; — d'une salu-
brité exceptionnelle, elle est accessible k toutes les races humaines sans
crise d'acclimatement ; enfin, elle oSre le phénomène de la réunion sur
un même sol des produits les plus variés, la soie, les vins, les fruits, le
blé, en même temps que des bois de grand prix. Malgré ces avantages
immenses, les HoUandais, sur lesquels les Anglais l'ont conquis au com-
mencement du siècle, n'avaient rien su tirer du Pays du Cap. Leur
régime était déplorable ; toute liberté politique manquait. Lorsque les
Anglais arrivèrent, ils se trouvèrent en face d'une population travail-
leuse, économe, austère: les Boers. On chercha par l'immigration
anglaise ou allemande à faire contre-poids à l'élément hollandais.
Les Boers protestèrent contre une sorte d'infériorité politique dans
laqueUe on aurait voulu les placer, et un grand nombre émigrèrent pour
fonder les établissements de Natal, de l'Orange et du Transvaal.
Au point de vue politique, la domination anglaise fut pour le Cap un
grand paâ en avant, car, dès 1853, le Cap recevait une constitution qui
instituait une législature élective. Au point de vue commercial, ce fut
un grand soulagement : les colons se trouvèrent enfin délivrés du mono-
pole et des mille règlements dont la Hollande les avait accablés. Une
bberté de conmierce pleine et entière leur fut accordée. La métropole
n'intervint que pour protéger leur produit principal, le vin. Ce sont des
descendants de calvinistes français émigrés qui ont, les premiers, cultivé
le fameux vin de Constance, qui fut pendant un temps le plus renommé
du monde. Aujourd'hui ce cru a perdu sa vieille réputation, par suite de
l'établissement d'une multitude de petites maisons de commerce qui, à
la recherche de profits excessife, ont détérioré ce précieux produit et lui
ont, à la longue, enlevé son renom.
^ Possessions anglaises en Afrique : Pays du Cap ; Natal ; Sierra Leone ; Côte
d'Or et autres points sur la c6te de Guinée et en Sénégambie ; Des de PAscen-
tion, Sainte-Hélène, Tristan d'Acunha, Maurice, Seychelles, Amirautés, Socotora
et Périm.
— 59 —
Le Cap est d'une étendue à peu près égale \ la France, tandis que
Natal a une surface onze fois plus petite. La population s'accroît
rapidement ; elle double presque en 20 ans. L'agriculture présente un
grand développement, mais les plantes tropicales, la canne, le café, le
coton, le tabac, sont de plus en plus négligées. Il y a 1 Va million de
tètes de gros bétail au Cap, et plus de 12,000,000 de moutons. Une
industrie nouvelle tend à prendre une grande extension ; c'est l'élevage
de l'autruche, dont les fermiers retirent un grand profit — 200 £r. par
tête et par année — par suite de la vente des plumes.
Le Cap et Natal ont, à côté de l'élève du bétaU, des richesses considé-
rables à exploiter : l'extraction de la houille, du cuivre, des diamants, et
les gisements de guano que renferme l'île d'Ichaboe, déclarée possession
britannique en 1861. Ce sont là des éléments de prospérité qui promet-
tent à la colonie un avenir solide, alors même que la route d'Europe aux
Lddes ou en Au^ralie par le Cap serait complètement abandonnée.
De la colonie de Sierra Leone * les Anglais n'ont pas retiré tous les
fruits qu'ils en attendaient. Fondée en 1787, elle avait pour but de pro-
curer un asile aux esclaves enlevés aux négriers ou achetés par le gou-
vernement. Mais les efforts les plus louables se sont heurtés contre la
paresse, l'apathie, le penchant à l'ivrognerie des nègres. L'influence de
la religion et de l'école a cependant eu pour conséquence une améliora-
tion progressive dans l'état du peuple, et, à l'heure actuelle, la colonie
de Sierra Leone, à laquelle on joint l'île de Sherbro, a un mouvement
d'échanges toujours plus considérable.
Sur les bords de la Gambie, les Français et les Anglais luttent
d'influence, mais les établissements européens ne peuvent guère y
acquérir une grande importance, à cause de l'insalubrité du climat.
La Côte d'Or et les régions voisines vont prendre un rapide développe-
ment, par suite de la découverte des riches gisements aurifères deWassaw,
dont notre Bulletin mensuel enregistre réguUèrement les progrès.
Des îles anglaises dans l'Océan Atlantique Sainte-Hélène est la prin-
cipale, non seulement à cause des événements historiques dont son nom
évoque le souvenir, mais parce qu'elle est la plus fertile. L'Ascension
n'est qu'un rocher, stérile en majeure partie. Les Anglais y ayant trans-
porté à grands frais de la terre végétale prise sur la côte de Guinée, on
^ M. Leroy-Beaulîeu ne fait mention dans son livre que des colonies du Cap et
de riatal. D nous a cependant paru utile de donner quelques détails sur les autref<
possessions, si intéressantes à beaucoup d'égards, de l'Angleterre en Afrique.
— 60 —
a planté quelques arbres, et TUe a pris un aspect plus riant. Enfin, Ttle
de Tristan d'Acunha jouit d'un climat doux et nourrit une population
bien calme, bien paisible, qui ne se doute guère du tumulte qui règne
sur la terre, puisque c'est à peine si elle voit d'année en année un vais-
seau lui apporter des nouvelles du reste du monde.
L'île Maurice, dans l'Océan Indien, est très florissante, grâce à ses
richesses naturelles et à l'entière liberté dont le commerce y jouit. La
population est de 325,000 habitants, sur lesquels on compte 32,000 créo-
les d'origine française et fort peu d'Anglais. Le mouvement du com-
merce est de 120 millions de francs. Le gouvernement colonial de Mau-
rice s'étend sur l'île Rodrigue, qui est sans importance, et sur les
archipels des Seychelles et des Amirautés, qui, entourés de récifs
madréporiques, jouissent d'un climat doux, sont fertiles mais peu
peuplés.
Les possessions portugaises en Afrique ' , dit M. Leroy-Beaulieu, ne
furent pas tout d'abord de véritables colonies, dans le sens étroit du mot,
mais une chaîne de comptoirs et de points de ravitaillement, défendus par
des forteresses. Tous les lieux que les Portugais occupaient sur les côtes
étaient les différentes étapes de leurs premiers et périlleux voyages ; ils
étaient placés à des points géographiques qui dominaient la route com-
merciale d'alors ; c'étaient des escales où les vaisseaux pouvaient se
radouber, se mettre à couvert et s'approvisionner ; c'étaient des relais,
qui servaient également, en cas de guerre avec d'autres puissances, pour
la protection des bâtiments nationaux. Quand les premiers naviga-
teurs trouvaient des îles inhabitées, ils y déposaient des cochons, des
chèvres et d'autres animaux, qui, abandonnés h eux-mêmes, se multi-
pliaient avec rapidité et servaient après quel((ues années à ravitailler
leurs vaisseaux. Quand, la navigation se perfectionnant, les vaisseaux
de commerce cessèrent de suivre les côtes et purent, à travers la haute
mer, fournir un long trajet sans s'arrêter, ces stations perdirent la
plus grande partie de leur valeur. Plus tard elles reprirent de l'im-
portance, par suite de l'extension du commerce des esclaves. La traite
des nègres fut, au point de vue pécuniaire, une source de profits assez
notables pour le Portugal. Ce n'est pas que les colonies d'Afrique en
devinssent réellement plus prospères ; au contraire, tout étant tourné
^ Possessions portugaises : Angola; Mozambique; iles Açores, Madère, du Cap
Vert, Biasagos, St-Thomas et du Prince.
— 61 —
vers la traite, les autres sources de revenu, Tagriculture et le trafic des
productions naturelles du pays, étaient abandonnées, a A force de vendre
des esclaves, dit M. Vogel, on a dégarni les plantations, fait fiiir les tra*
vailleurs, exaspéré la population indigène, et, par Tappât d'infâmes pro-
fits, fait de ces provinces un exutoire de la société portugaise. Qui donc
aurait voulu salir son nom en s 'intéressant à des entreprises si aven-
tureuses et si honteuses? » Les colonies portugaises d'Afrique, qui ne
devaient une prospérité factice qu'à la traite, perdirent toute importance
par son abolition. L'Angola et la capitainerie générale de Mozambique
ne sont plus guère aujourd'hui que des épaves de l'ancien empire por-
tugais. Depuis quelques années, cependant, le gouvernement se préoc-
cupe de tirer parti de ces riches régions par l'étabUssement de routes et
de chemins de fer ; mais les capitaux lui manquent, et c'est pour cette
cause que la construction si désirée d'une ligne ferrée de Lorenzo Mar-
quez, sur la baie de Delagoa, à Pretoria, capitale du Transvaal, se fait
si longtemps attendre.
Parmi les îles africaines appartenant au Portugal, les Açores et Madère
doivent être plutôt considérées comme des provinces que comme des
colonies. Elles sont du reste riches et prospères, par suite de leur admi-
rable position au point de vue commercial, de leur doux climat, de leurs
productions naturelles et du gouvernement libéral qui les régit.
On ne peut en dire autant ni de l'archipel du Cap Vert, ni des îles
St-Thomas et du Prince au fond du golfe du Guinée. Leur climat est si
malsain, qu'elles ne peuvent guère donner lieu à une colonisation sur
une grande échelle.
A part les îles insalubres de Fernando-Po et d'Annobon dans le golfe
de Guinée, les possessions espagnoles en Afrique * sont de véritables
provinces de la métropole. Les établissements sur la côte de Maroc n'ont
d'importance qu'au point de vue militaire. Quant aux Canaries, le climat
est chaud, mais sain ; la terre est fertile, mais les majorats et l'étendue
des terres domaniales en friche retardent les progrès ; beaucoup d'habi-
tants intelligents et laborieux émigrent aux Philippines et au Venezuela.
Dans cette revue des colonies européennes en Afrique, nous n'avons
pas à parler des possessions turques % leurs relations avec la Turquie
n'ayant jamais été de la nature de celles de colonies à métropole. Le
' Possessions espagnoles en Afrique : Ceuta et Santa Cruz de Mar Pequana,
lies Canaries, Fernando-Po et Annobon.
* Possessions turques : Egypte et Tripolitaine.
— 62 —
gouvernement de la Porte ottomane, qui n'a rien fait pour coloniser
rÉgypte et la Tripolitaine, ne les considère que comme une source de
revenus.
H est donc superflu de nous y arrêter, et nous préférons, en terminant,
signaler les tentatives de l'Italie, de la Belgique et de l'Allemagne, pour
accroître leurs relations avec TAfirique. La première de ces puissances a
déjà mis le pied sur le continent par la fondation de son comptoir d'Assab.
Quant aux deux autres, elles se contentent, pour le moment, d'envoyer
leurs voyageurs dans le plateau central et d'y établir des stations civilisa-
trices.
Réjouissons^nous de voir l'attention de l'Europe se porter sur la terre
africaine. A notre époque, et par suite des principes élevés qui animent
les promoteurs de ces projets, il ne pourra en résulter que du bien, et ce
sera un pas en avant, vers une régénération de l'Afrique que nous appe-
lons de tous nos vœux.
CORRESPONDANCE
Ehartoum, 27 décembre 1882.
Monsieur le Directeur de U Afrique explorée et civilisée^ à Genève.
Monsieur,
Comme j'en avais le pressentiment, l'hostilité jalouse du gouverneur de Famaka,
m'a obligé à abandonner les parages du Haut-Nil-Bleu vers la fin d'octobre.
Encore ai-je à me féliciter d'avoir entrepris le voyage de Kbartoum de ma pro-
pre initiative, car, peu de jours après mon départ de Famaka, on y reçut un ordre
du gouverneur général du Soudan, de m'expédier à Kbartoum, afin que je m'y
justifiasse de l'accusation portée contre moi d'être en connivence avec les insur-
gés. Mon voyage n'a pas été tout à fait inutile du reste, car il m'a donné l'occasion
de rectifier le cours du Nil-Bleu. En faisant l'ascension de la montagne de Maaba,
entre Famaka et Roseires, je découvris, à son sommet, un^ immense caverne en
forme de cheminée inclinée, dans laquelle une vingtaine dé femmies et de jeunes
filles nègres étaient occupées, tout en chantant, à recueillir des milliards de sca-
rabées, gros comme l'ongle de l'index, qui s'y trouvaient en si grande abondance,
que les moissonneuses n'avaient qu'à déplacer quelques-unes des pierres roulantes
de la grotte, pour les voir jaillir littéralement comme des fontaines d'eau débor-
dantes. On fait cette récolte ainsi annuellement ; les animaux récoltés sont grillés
sur des plaques en fer et conservés à titre de friandises, ou comme ingré-
dient de la sauce de la p&te de pain, pendant le reste de l'année. Ce scarabée est
le même que celui qui, connu des Arabes sous le nom de anÔÂide^ est une des
plaies des champs de doura dans le Soudan inférieur. Mais le fait que les nègres
Hamègues et Tabis le récoltent est nouveau.
Entre Sennaar et Kbartoum, parcours que je pus faire en bateau à vapeur, ie
fus surtout frappé par l'apparence des embouchures des deux grands affluents du
Fleuve Bleu inférieur : le Rahad et le Dinder. Ce ne sont que des fossés de 70"
à 80"* de large et d'une profondeur de 2™ environ. Même à cette époque, où le
— 63 —
Fleuve Bleu conserve encore à peu près le maximum de sa crue, ces deux affluents
ne lui apportaient déjà presque plus d'eau. Le rôle que leur attribue sir Samuel
Baker, dans la crue des deux Nils réunis, a donc été fort exagéré ; et ce n'est ni
à PAtbara, ni au Rahad, ni au Dinder, mais bien au Fleuve Bleu lui-même, grossi
par ses affluents (permanents) du pays des Gallas et du Godjam, qu'incombe le
soin de pourvoir annuellement la Basse-Egypte et le Delta du limon fertilisant
auquel ces dernières terres doivent leur existence.
Une recrudescence d'insurrection vient de se révéler au Fleuve Bleu, la ville de
Karkodj ayant de nouveau été attaquée et partiellement réduite en cendres par les
Arabes.
Je crains bien que l'année prochaine ne se montre pas favorable à la continua-
tion de mes explorations. En tous cas je vous dois encore des notes plus détaillées
sur les précédentes, et vous les recevrez bientôt.
Agréez, Monsieur, l'expression de ma considération distinguée,
Jùan-Maria Schvver.
BIBLIOGRAPHIE '
Patjl Gaffarel. L'Algérie. Histoire^ conquête et colonisation. Paris,
(Firmin Didot etC"), 1883, iii-4% 708 p. avec 3 cartes, 4 chromo, et plus
de 200 gravures ; 30 fr. — Si les ouvrages sur l'Algérie se multiplient,
on ne peut pas s'attendre à en voir paraître beaucoup de l'importance
de celui que vient d'écrire le savant doyen de la faculté des lettres de
Dijon, M. Paul Gaffarel, et que MM. Firmin Didot et C'* ont édité avec
un art qui approche de. la perfection. Ils ont voulu que le texte et les
illustrations se prêtassent un mutuel concours, que « de la combinaison
des divers éléments de gravures qui permettent maintenant de rendre
le fait historique dans toute sa vérité, de représenter la nature dans
tout son pittoresque et les productions de l'art et de l'industrie dans
toute leur splendeur, il résultât copmie un livre à côté du livre, l'un
expliquant l'autre et se contrôlant mutuellement. » Quoique intimement
unies, les deux œuvres n'en sont pas moins distinctes. Dans la première,
le livre proprement dit, M. Gaffarel expose d'abord d'une manière com-
plète l'histoire de l'Algérie avant 1830, sous les dominations carthagi-
noise, romaine, vandale, grecque, arabe et berbère ; puis il donne l'his-
toire succincte des relations entre la France et l'Algérie avant l'expé-
dition de 1830 ; vient ensuite celle de la conquête, divisée en trois
périodes : la première, de la résistance turque terminée par la prise de
Constantine, la seconde, de la résistance arabe représentée surtout par
* On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 13, rue du Rhône, à Genève,
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique ea^aHorée et civQiaée,
— 64 -
Abd-el-Kader, mais prolongée jusqu'aux dernières insurrections du sud
Oranai&, et la troisième, de la résistance nationale des Kabyles, des
Kroumirs et des Touaregs de race berbère, couche humaine primi-
tive, qui a précédé tous les envahisseurs sur le sol de TAlgérie. Dans le
récit de ces longues luttes, sans cesse renouvelées, M. Gaffarel ne s'est
proposé qu'une chose, transmettre à la postérité, avec méthode, clarté
et impartialité, les choses mémorables dont il avait à parler.
Dans la seconde partie consacrée à la géographie physique, économi-
que, politique et descriptive, il a saisi avec une grande sûreté de coup
d'œil les multiples aspects de la nature de l'Algérie. Économiste, il a
donné un traité complet sur la production minérale, végétale, animale,
industrielle et commerciale, sur l'importation et l'exportation, ainsi que
sur les voies de conununication de la colonie, s'appuyant toujours sur
les documents les plus authentiques et les plus récents. Dans la géogra-
phie politique, il a abordé tous les problèmes actuels : bureaux arabes,
royaume arabe, régime civU et régime militaire, assimilation, autono-
mie, colonisation, etc., et il a résumé les débats sur ces graves questions,
avec la précision d'un homme qui connaît à fond les sujets dont il parle,
montrant, avec une parfaite bonne foi, le chemin parcouru, les fautes
commises, les progrès accomplis, les écueils actuels et le moyen de les
éviter. Il a joint à son ouvrage im index bibliographique de 14 pages, le
plus complet qui existe.
L'œuvre littéraire est rendue vivante pour les yeux par les illustra-
tions, au choix desquelles a présidé un goût parfait, soit pour les quatre
grandes chromolithographies, auxquelles la couleur donne un grand
charme, en leur conservant ce qui constitue l'originalité de la colo-
nie algérienne, soit pour les nombreuses gravures hors texte et les
gravures dans le texte presque à chaque page, d'après des photogra-
phies, des tableaux de la galerie historique de Versailles, etc. Outre un
certain nombre de cartes spéciales et de plans, l'ouvrage est accompagné
de trois cartes distinctes des provinces d'Alger, de Constantine et
d'Oran, au Vsooooo» d'une exactitude et d'une exécution irréprochables.
Ce volume est une véritable encyclopédie algérienne, et ceux qui l'au-
ront étudiée connaîtront leur Algérie à fond. Mais l'auteur a visé à
mieux qu'à la faire connaître, U a voulu la faire aimer ; ceux qui l'au-
ront vue dans son livre désireront ardemment la voir en réalité.
— 65 -
BULLETIN MENSUEL (5 mars 1883.)
Le développement des relations entre la France et F Algférie va don*
ner Heu à une amélioration dans le service des voyageurs entre Mar-
seille et Alger, qui aui*a prochainement, une fois par semaine, un
« rapide, » réduisant la traversée à 30 heures, ce qui représente à peu
près la marche la plus prompte qu'il soit possible d'atteindre aujour-
d'hui. A cet eflfet, la compagnie Transatlantique fait construire deux
grands navires, aménagés pour le transport des passagers. D'autre
part le réseau des chemins de fer se complète : on va procéder aux
études de la ligne de Blidah à Alger, qui font partie des travaux d'en-
semble relatifs à la construction de la voie d'Alger à Laghouat; on
installe les chantiers des nombreux travaux d'art à exécuter sur la ligne
de Soukaras à Ghardimaou ; en outre, d'après le Bulletin géographique
de Bordeaux, les Chambres françaises ont voté, et le gouverneur général
a concédé à la compagnie de l'Est Algériep, la ligne de Beni-Mansour à
Bougie, et ceDe de l'oued Tikester vers Bougie, par le Bou Sellam et
l'oued Amazin. La première, d'une longueur de 97 kilom. desservira la
riche vallée du Sahel, la seconde de 85 kilom. reliera Bougie à Sétif, et
lui amènera, avec les produits agricoles des vastes plaines sétifiennes,
les produits miniers de fer, plomb et cuivre échelonnés le long du Bou
Sellam et de l'oued Amazin. Les magnifiques forêts de l'Akfadou, sur
les flancs du Djuijura, apporteront aussi à la première les produits de
leurs diverses essences forestières. D'après le Progrès de Sétif, la com-
pagnie des Aciéries de Firminy aurait l'intention de créer des hauts-
fourneaux à Bougie, pour l'exploitation des riches mines du djebel
Anini, qui n'attendaient pour être ouvertes que la création de la ligne
directe de Sétif à Bougie. Jusqu'ici on n'avait pas établi de hauts-four-
neaux en Algérie ; ce fait constituerait une révolution dans la métallur-
gie de la colonie.
En Tttiiisie, les mines de fer de Tabai*ca, que l'on dit très riches,
vont être exploitées sur une grande échelle, mais le minerai devra en
être envoyé aux hauts-fourneaux de Marseille. Les ingénieurs français de
la compagnie Bon&-Guelma et de celle des BatignoUes se sont rendus à
Tunis, pour résoudre définitivement la question du port qui doit être
creusé dans le lac Bahira, afin de faciliter l'arrivée des paquebots dans la
capitale de la régence et d'y développer le commerce. Dans le sud, àBou-
Edura et à Gabès, les indigènes trouveront bientôt de grandes ressour-
L'AFRIQUE. — QUATRIÈME AN7ÏÉE. — N<» 3. 3
— 06 —
ces, grâce à la corapagiiie Anglo-Française qui s'est formée pour Tex-
pioitation d,e Talfa, et qui construira un chemin de fer, du port de la
Skira jusqu'au plateau oU elle a sa concession. Elle aura ses batenux
pour transporter Talfa en Angleterre.
L'Augleten-e concentre à Souakim les troupes égyptiennes qui, sous
la conduite de nombreux officiers anglais, doivent être envoyées dans le
Soudan contre Mohamed Ahmed. Les forces de celui-ci ont franchi le
Nil, et 30,000 insurgés bloquent Kaouah, point stratégique à 100 kilom.
de Khaitoum. Les habitants en sont réduits à la dernière extrémité, par
suite du manque absolu de vivres. Pour assurer la sécurité de K-har-
touin, le gouverneur, Abd-el-Kader pacha. Ta transformée en île, au
moyen d'un canal de 5" de lai'geui' et de 8™ de profondeur, creusé entre
les deux fleuves. Les garnisons d'El-Obeïd etdeBara, dansleKordofou,
n'ont pu tenir contre les troupes du faux prophète qui les entouraient :
réduites à une extrême misère, elles ont dû se rendre. Les missionnaii^es
romains des stations d'El-Obeïd et de Delen ont tenté de s'échapper,
mais, arrêtés par les soldats du nialidi, ils ont été sommés, sous les plus
terribles menaces, de renoncer au christianisme. Sont-ils vivants ou
moits? Mgr Sogaro, successeur de feu Mgr Comboni au vicariat apos-
tolique de l'Afiique centrale, qui se préparait au Caire à se mndre au
Soudan, l'ignorait encoi*e à la tin de janvier. Il est à craindre que les
insurgés ne les aient massacrés, car Mohamed Ahmed se présente tou-
jours plus ouvertement comme Tadversaii'e des chrétiens et de tous
ceux qui, en Egypte et en Abyssinie, s'allient avec eux. Dans uu mes-
sage aux chefs indigènes de l'Abyssinie, il les a invités à tirer eux aussi
l'épée pour la cause d'Allah, et à se joindre à son aimée, leur pro-
mettant « de l'or, de l'argent, des armes et de belles esclaves.» —
M. Godfried Roth, domicilié à Schekka, et M. Robers, tous deux inspec-
teurs du sei-vice contre la traite au Soudan, ont été également faits
prisonniers.
D'après le Dailf/ Netvs, les chasscui-s d'esclaves se joignent tous à
Mohamed Ahmed, sous lequel ils espèrent pouvoir poursuivre impunément
leur odieux ti*afic. Avec le inaMi, ils comptent chasser les Égyptiens du
Soudan. Le seul moyen de les réduire serait l'abolition de l'esclavage
dans la Basse-Egypte. La demande d'esclaves supprimée, et les ports de
la mer Rouge fermés, ils devraient torcément renoncer à la traite.
Baker pacha estime que la défaite du mahdi aiTêterait le trafic des escla-
ves du Soudan avec Tripoli, par le Kordofan et le Darfour. De son côté,
Schweinfurth croit que Tabolition de l'esclavage nécessitera la créa-
— 67 —
lion d'asiles, oîi les esclaves devront être ëduqués et protégés, jusqu'à
<ie qu'ils puissent travailler et s'entretenir eux-mêmes. Il y a des milliers
<i'enfants, nés dans l'esclavage et l'ignorance, qu'il faut élever pour en
faire des êtres raisonnables et civilisés.
La rébellion s'est étendue au Sennaar dans le voisinage de TAbyssi-
nie. L'insécurité de cette région rend très difficile à M. «I.-M. Sehiiv#»r
la continuation de son exploration. Dans notre précédent numéro nous
avons publié une lettre de lui, datée, le 27 décembre, de Khartoum, oîi
il s'était réfugié. Dès lors les Mittlmlungen de Ootha en ont reçu une
de Famaka du 25 septembre, renfeiinant des détails sm*uu voyage qu'il
41 foit dans les montagnes h l'est de Famaka et au nord du Nil Bleu, après
nous avoir écrit le 8 juin du Ghébel Kouba (v. III"' année, p. 317). Il a
fait, pendant la saison des pluies, l'ascension du plus haut sommet des
monts du Fazogl, et visité les montagnes des nègres Kadalos, en pai*ti-
cuUer le village de Godiou, à 650" au-dessus de la plaine, sur les rochers
les plus sauvages que l'on puisse imaginer, dans la partie septentrionale
des monts Goumous. De là il a pu relever une grande étendue de pays,
jusqu'au Dinder, et coiTiger plusieure erreurs des cartes anciennes. —
M. Schuver présente le pays de Kadalo comme le plus beau qu'il ait
vu jusqu'à présent en Afrique. Quoique les rochera lie s'y élèvent pas à
plus de 650" au-dessus de la plaine, l'œil y rencontre partout les colon-
nes les plus admii*ables, les formes les plus bizarres de granit rouge,
imitant des piliers de basalte et offrant un contraste parfait avec les
vallées, qui ont une végétation luxuriante. La langue des Kadalos est un
mélange de goumou, de berta et de quelques restes d'un langage plus
4incien. Comme leui*s voisins les Kamegs, ils sont assez bien vêtus et
tissent eux-mêmes leur dmnour, sorte de toile de coton indigène. Leur
pays abonde en girafes. L'explorateur y a trouvé un arbre nommé dam-
hoiisch, inconnu jusqu'ici, pense-t-il, en Europe, et qui ne se i-encontre
que dans les fentes de rochers de la partie supérieure des monts Kada-
los. Le fruit se trouve dans une enveloppe de la longueur d'une fève qui
contient quatre graines, dont le goût aix)matique tient à la fois du poi-
vre et de la muscade ; on les mêle avec le café, ou bien on les fait infu-
^er comme celui-ci. L'exploration du pays de Kadalo a été inten-ompue
par l'attitude hostile du cheik Mahmoud des monts Minza, qui, excité
par un derviche du mahdi, souleva contre Schuver la population, en sorte
•qu'il dut s'enfuir à Khartoum. Il ne pensait pas pouvoir, pour le moment
du moins, continuer son exploration vers le sud, le gouverneur de
Faniîika lui ayant confisqué ses armes, et la rébellion empêchant la for-
— 68 —
mation d'une escorte digne de confiance. En outre, la mort de Piaggia
le laissait sans compagnon de voyage européen. Il rapporte encore que^
Ras-Âdal, roi du Godjâm, a profité des troubles actuels du Soudan pour
étendre son territoire jusqu'à une journée et demie au sud de Kouba,
en soumettant la grande tribu des Woumbaras Grallas, jusqu'ici indé-
pendante, au nord du Nil Bleu, et les Beri-Beitas, dont il a dévasté le
territoire, pour le couvrir ensuite, selon la mode abyssinienne, d'un
réseau de colonies militaires. — Une lettre de M. Soleillet d'Ankober
annonce que Ras Goubana, le plus important des feudataires de Mené-
lik, a soumis à celui-ci tous les pays Gallas jusqu'à Kaifa, dont le roi est
devenu tributaire de celui du Choa. M. Soleillet a obtenu de Ras Goubana
l'autorisation de se rendre à Kaffa.
Les renforts de la Société des missions ang^licanes, destinés à la
station du Victoria I^yansea, se sont rendus d'Ouyouy à Ourambo,
pour tâcher de découvrir une nouvelle route par le pays de Mirambo..
M. Copplestone, qui connaît très bien ce dernier, les a accompagnés, et
a trouvé Mirambo parfaitement disposé à leur égard. Il leur a donné un
guide pour les conduire jusqu'à un village qui lui appartient à l'extré-
mité sud du lac, d'où ils auront pu gagner facilement Roubaga.
D'après les Misélons d'Afrique^ les missionnaires romains éta-
blis dans le Massanzé, sur la rive occidentale du Tan^anyilca) ont fait
un voyage au nord du lac, chez Mvrouma, sultan de la rive occidentale du
Roussizi. Les missionnaires firent avec le chef l'échange du sang, eu
signe d'alliance, mais le quittèrent ensuite sans s'être engagés définiti-
vement à s'établir chez lui. Une seconde excursion les conduisit jusque*
dans l'Ousighé, chez Roussavia, aussi au nord du lac, mais sur l'autre
rive du Roussizi. L'Onsi^iié est un pays très riche; sa population est
la plus considérable et la mieux groupée de toutes celles qui sont
répandues sur les bords du lac. Dans l'intérieur, entre le lac et les mon-
tagnes qui s'élèvent à quelques kilomètres, il y a également de nombreux
villages. C'est dans l'un d'eux qu'habite le sultan Roussavia. H reçut les
missionnaires dans sa case, sur une natte neuve préparée pour eux, con-
serva devant eux la gravité qui convient à un chef de son importance, et
ne fit paraître ni crainte, ni étonnement, ni admiration. Il leur fit une
impression beaucoup meilleure que le jeune Mvrouma, son rival, sur la
rive droite du Roussizi, et, comme ses sujets sont plus nombreux et son
district plus salubre, c'est chez lui qu'ils résolurent de s'installer. « Si
mon pays vous plaît, » leur dit-il, a il -vous est ouvert; je vous verrai
avec plaisir chez moi ; cherchez un lieu qui vous agrée. » Ils choisirent, à
— G9 —
moins d'un kilomètre du lac, près de la place du marché, sur une émi-
nence au pied de laquelle coule un ruisseau limpide, un endroit qui leur
])arut propre à la culture ; ils y fonderont une station . Ds sont rentrés
dans celle d'Oudjidji, où le gouverneur arabe, Mouini Héri, qui repré-
sente le sultan de Zanzibar sur la rive orientale du Tanganyika, leur a
<lit avoir reçu l'ordre de les protéger. — Enfin ils préparent encore, sur
la rive occidentale au fond du golfe de Burton, l'établissement d'un autre
poste, pour y transporter leur orphelinat de Moulonéoua, et y asseoir
solidement la base de villages chrétiens en dehors de l'influence musul-
mane. — Le même journal nous apporte de nouveaux renseignements sur
rOuemba au sud du Tanganyika et au nord du lac Bangouéolo, exploré
en partie par Livingstone, mais oii très peu d'Arabes ont conduit leurs
caravanes; aussi les esclaves y sont-ils à très bon marché, et les étoffes à
un très haut prix. Poui* s'y rendre de Tabora, on traverse plusieurs
rivières, dont une seule dans des canots que les indigènes font d'écorces
d'arbres cousues ensemble, et qui ne peuvent pas contenii* plus de trois
personnes. Les esclaves dans l'Ouemba sont vendus à vil prix : un
adulte, de 15 à 20 fr., ou de 2 à 5 dotis de calicot; un enfant, de 5 à
10 fr. ou de 1 à 2 dotis; quelquefois, on peut acheter deux esclaves pour
HO ou 25 livi-es de sel.
Depuis assez longtemps déjà, M. Reichard, qui a accompagné à
Gonda les explorateurs de la Société africaine allemande se pro-
posait de faii-e , à ses frais, une excursion de trois mois au delà du
Tanganyika, pour y acheter de l'ivoire, revenu* le vendre à la côte et
entreprendre après cela une nouvelle expédition à l'intérieur. MM. les
D" Bôhm et Kaiser ont résolu de profiter de l'occasion, pour aller
explorer une région moins connue que celle de Gonda. D'ailleurs cette
station, entre Tabora et Earéma, leui* paraissait un peu superflue au
point de vue des intérêts de l'Association internationale, et, après
l'expérience qu'ils avaient faite sui* son insalubrité pendant la saison
des pluies, ils étaient décidé à l'abandonner. Ils ont tourné ieui*s regards
vers les bords du lac Moeroy pays qui, en ce qui concerne l'histoire
naturelle, est tout à fait inconnu. De là ils comptent explorer le cours
supérieur du Congo, jusqu'au point où Stanley l'a atteint. Comme Us
ont appris que des amhaquistes^ trafiquants d'ivoire de l'ouest, arrivent
jusqu'au lac Moero, ils pensent qu'ils pourront aussi étudier la topogra-
phie du pays entre ce lac et la station que le D' Pogge fonde à Muquen-
gué. Le D' Kaiser devait partir le pi^emier, pour faire une excursion
-dans rOufipa et rejoindre le gros de l'expédition.
— 70 —
Sur ces entrefaites, les établissemeots créés par les explorateui'S
allemands à Weidatannsheil) à Touest de Gouda, pour leurs collec-
tions, leurs munitions et leurs armes, ont été consumés pai* un incendie,
causé pai' un feu d'herbes allumé par leurs gens, à quelque distance de
leur campement, un jour de grand vent et malgré leurs recommanda-
tions. Le D' Bôbm, qui travaillait à Weidmannsheil, ne put sauver que
quelques armes, devenues poui* le moment inutiles, par le fait que toutes
les munitions (2500 cartouches et 5 tonneaux de poudre) ont fait explo-
sion ; archives, rapports originaux, correspondance, mémoires orqitho-
logiques, ouvrages scientifiques, collections, aquarelles, etc., tout a été
détruit. Le D' Bôhm n'a conservé que ce qu'il avait sui' le corps et les
armes susmentionnées. Les indigènes ont témoigné aux explorateurs^
beaucoup de sympathie, et leur ont fourni des vivres et des couvertures.
Les voyageurs ne se sont pas laissés ébranler par cette catastrophe, et
reprendront leur projet de voyage h l'intérieur quand leurs pertes
auront été réparées. Le D' Kaiser s'est mis en route le 1" septembre
pour rOufipa, mais il a été ari'été par un accès de fièvre à Oukalanga,
entre l'Ougounda et le Manyara. Le 5 septembre, le lieutenant Storms a
passé à la station de Gonda, se rendant à Karéma.
Avant de quitter le Tan^an^ika, disons encore que le vapeur i^
hélice donné, par M. R. Ârthington de Leeds et d'autres amis, à la
Société des missions de Londres, pour le service des stations des bojQds de
ce lac, est terminé et a été expédié démonté à Quilimane, accompagné
par M. James Roxburgh, ingénieur. L'Âfirican Lakeç CompaAy le trans-
portera par le Chiré et le Nyassa au sud du Tangauyika, où M, Box-
burgh, aidé du capitaine Hore et de MM. Swann, Dunn et Brooks, qui
l'y ont précédé, le remontera pour le lancer sur le lac. Il portera le
nom de : La Bonne Nouvelle^ en kisouahéli, HabariNjetna.
Nos lecteurs se rappellent l'attaque de la station de Masiaai par les
Magwangwaras (v. p. 9), et la retraite de ceux-ci \ers Majéjé, avec le&
captifs qu'ils avaient faits et que M. Maples espérait pouvoir racheter.
A cet effet, ce dernier envoya quelques-uns de ses gens à la côte, à
Lindi, y acheter les étoffes nécessaires pour la rançon des prisonniei's,
après quoi il les expédia à Majéjé; mais les Magwangwaras avaient
quitté ce lieu après avoir tué les enfants. D'après le Central A/rica, jonr-
nal de la mission des Universités, ils rencontrèrent à Majéjé Edward
Abdallah, le guide de la caravane envoyée à }/[. Johnson, à Ngol, sur le
Nyassa, cinq mois auparavant. 11 avait vu alors les Magwangwaras, qui
lui avaient exposé leur plan à peu près eu ces termes : « ces Européens.
— 71 —
nous prêchent la paLx avec tous les hommes ; nous ne pouvons l'accep-
ter; Dieu lions a donné une œuvi-e à faire : la guen^e. Que les Européens
engagent la lutte avec nous. S'ils nous vainquent, nous reconnaîtrons
que leurs paroles sont vraies et que Dieu est avec eux ; nous avons appris
que ceux qui viennent dans le pays sont braves et forts ; nous en ferons
l'épreuve à Masasi ; nous les surprendrons avant le lever du soleil, nous
emmènerons leurs gens et tout ce que nous pourrons prendi*e de leurs
biens. Nous ne les tuerons pas cette fois, mais nous veiTons s'ils sont
braves ; s'ils ne sont pas forts, nous comprendrons que nous pouvons
avoir raison d'eux, et nous reviendrons une seconde fois pour les détmîre
entièrement. Quand nous les aurons tués, nous prendrons le cœur du
chef et nous l'emporterons comme un channe, avec lequel nous pourrons
soumettre tous les blancs qui viendront dans le pays. » Dans ces circon-
stances, M. Maples a dû renvoyer à Zanzibar tout ce qui restait de la
communauté d'esclaves libéi'és de Masasi, soit 57 colons adultes et
12 enfants. Les missionnaires sont demeurés auprès des Yaos devenus
chrétiens, mais ils ont cherché avec eux un lieu qui offre plus de sécurité
que Newala. La plupart des Yaos non chi'étiens se sont enfuis dans le
pays des Makondés, et les Makouas vers la colline de Chirouzi, où leui*s
ennemis n'ont pas osé les poursuivre, de peur des roches qu'on aurait
pu rouler sur eux. — Dans ime lettre du 19 novembre à VAntlslavenj
Reporter^ M. Maples écrit qu'il ne se rappelle pas avoir jamais vu
autant de caravanes d'esclaves traverser le pays des Yaos pour se ren-
dre à la côte, aussi bien par la route de Masasi que par celle de la
Rovouma. La demande doit en être très forte dans la région de Quiloa
«t de Lindi. Ces caravanes demeurent d'ordinaire un ou deux mois k
quelque distance de Lindi; leurs esclaves sont vendus, puis elles retour-
nent vers l'intérieur «vec des colis d'étoffes, de fil de cuivre, etc.
D'après le Natal Witness, les mines d'or de Tati, entre le pays
des Matébélés et celui des Bamangouatos de l'est, sont de nouveau
exploitées. L'ancienne société, la London and Limpopo Gold Mining
Company, fondée par sir John Swinbum, n'a pas réussi ; mais plusieui-s
èe ceux qui avaient été à son service, persuadés que le pays est riche en
or, ont demandé à Lo Bengula une concession qui leur a été accordée.
Les spécimens de quartz qu'ils ont envoyés à Natal renferment une très
forte proportion d'or ; mais les machines nécessaires pour une exploita-
tion sur une grande échelle leur font défaut. M. Westbeech, qui le pre-
mier est allé trafiquer au nord du Zambèze, dit qu'il y a, le long de la
Machona, un district aurifère très riche ; mais les natifs, craignant de
— 72 —
voir leur pays annexé, ne veulent pas permettre d'eu exploiter le quartz.
Néanmoins, M. Westbeech a réussi à s'assui'er de la rïchesse de ce dis-
trict; sous prétexte de se laver les mains, il reçut l'autorisation de se
rendie à la rivière, et, eu quelques instants, il y recueillit assez d'or
poui' s'en faire un anneau.
Le Bulletin des Mines annonce que six sociétés se sont formées dans
le Tran^vaal, pour exploiter la région aurifère de Lydenbourg. D
donne en outre un tableau d'ensemble des gisements aurifères de cette
république. Ceux de Spitzkop ont le développement supei*ftciel le plus
considérable ; après eux viennent ceux de Pilgrim's Rest qui contiennent
des endroits assez riches ; puis ceux de Mac Mac, presquç épuisés, mais
dont deux ou trois points valent encore la peine d'être exploités ; enfin
ceux de Waterfall Creek, qui comportent ciiiq exploitations distinctes,
dont trois sur la fenne Lisbonne et deux sui* la ferme Berlin. MM. Hol-
lard et Keet, de Capetown, ont reçu de Lydenbourg quelques caisses de
quartz aurifère, dépassant en richesse tout ce qu'a foui'ui jusqu'ici le
Transvaal. Quelques-uns de ces blocs contiennent plus d'or que de
gangue. M.Hollard a l'intention d'apporter ces minerais en Europe. —
D'autre part, le Naial Mercury annonce que M. Hollard, venant du
Transvaal, s'est embarqué à Durban poui- l'Angleterre, avec quantité
d'échantillons d'or et de quartz aurifère, de différents points des mines
de Lydenbourg. L'un d'eux est une pépite de 8 pouces de long et d'une
largeur in-égulière, toute d'or, sauf un peu de matières terreuses, du
poids de 25 onces et d'une valeui* de 240 Uv. sterl. envii'ou. Il avait
aussi avec lui une masse de minerai d'argent de 15 livres, presque toute
de métal, trouvée à 25 kilom. de Pretoria, et estimée devoir contenir
240 onces d'argent par tonne. M. Hollard a été accompagné au Trans-
vaal par un géologue ingénieur des mines, M. Stuait, délégué d'un syn-
dicat de Londies, auquel il doit faire rapport sur ces gisements. M. Stuart
dit qu'eu aucun pays du monde il n'a vu des mines aussi riches. U a fait
une autre découverte ; pi'ès de Wakkerstrom, il a trouvé de beaux spéci-
mens de nibis et de grenats, et il dit avoir aussi trouvé, dans le Trans-
vaal, des topazes, des diamants et d'autres pierres précieuses. Quant
aux mineurs des environs de Lydenbourg, ils recueillent 5 onces d'or
par jour, sans machines, simplement avec le pic et la bêche.
Jusqu'à pi-ésent, le besoin d'eau se faisait grandement sentii* à Kîin-
berley^ pour l'exploitation des mines, et pour la population qui est de
80,000 habitants, dont 20,000 blancs. Le service des eaux a été con-
cédé à une compagnie qui a fait une piise d'eau dans le Vaal, à plus
— 73 —
de 50 kilom. de Kimberley, y a établi des pompes à vapeur, refoulant
Teau dans d'inunenses réservoirs, d'oti elle est dirigée sur la ville et sur
les concessions diamantifères. Elle fournit quatre millions de gallons ^
par an. Pour remédier aux difficultés que rencontrent plusieurs des socié-
tés minières, on a proposé de les fusionner toutes en une seule. D'après
une lettre de Kimberiey au Bulletin des Mines, une réunion des direc-
teurs de celles de Dutoitepan a été provoquée par M. Granel, agent des
Rothschild, qui a soutenu chaudement ce projet de fusion. Les avanta-
ges en seraient principalement de permettre d'exploiter toutes les con-
cessions d'une même façon, de choisii' celles qui seraient jugées les meil-
leures, et de permettre l'écoulement raisonné et graduel des diamants,
ce qui aurait pour effet immédiat d'en relever le cours. Les sociétés de
Dutoitspan semblent avoir accepté cette idée, mais sa réalisation, pom*
ce district seulement, exigerait un capital d'au moins 25 millions.
Depuis longtemps, le gouvernement de la Colonie du Cap et les
particuliers se préoccupent des moyens de remédier aux funestes con-
séquences des fréquentes sécheresses, dont souffrent certaines parties de
l'Afrique australe. M. Clark, de Beaufort, a cherché à découvrir des
plantes fouiTagèi*es qui pussent résister à la sécheresse, et il a réussi à
en trouver une, le hokhara clover (trèfle de Bokhara), qui parait réunir
toutes les conditions nécessaires ; elle croît comme la luzerne, et peut
être coupée plasieurs fois par an. Les fenniers du district de Beaufort
vont se mettre àla cultiver. Une botte de ce trèfle, soumise à l'inspection
de M. Garcia, commissaire civil, mesurait 2 m. 60 de hautem*; le trèfle
avait atteint cette taille en deux mois, sans recevoir une goutte d'eau,
sauf la pluie tombée en décembre, alore qu'il avait déjà plus de 2'",30.
Il fournit un excellent fourrage. On espère que sa culture sera un grand
bienfait pour les colons en général, et surtout pour les fermiei-s des
karous dout le sol, riche d'ailleurs, demeui*e stérile, faute d'eau.
D'apr&s VEjojwrt, la Compagnie belg^ du commeree afri*
csain, fondée il y a un an h Bruxelles, et dhigée par M. Ad. Burdo,
ancien agent de l'Association internationale atricame à la côte orientale,
a établi une factorerie à Ambpisette, marché important de la côte
de Guinée. Le pi'emier voyage de VAkassa, navire de la compagnie,
a été très fructueux, et M. Rigod, agent de la société à Ambrisette,
l'engage à fonder, sans délai, des factoreries sur d'autres points de la
côte. Des agences ont été créées à Manchester, Hambourg, Lisboime et
* Le gaUon équivaut à 4,5i litres.
— 74t-
AniBterdam, pour la vente des produits africains et pour Tachât des arti-
cles de rindustrie européenne, destinés aux échanges avec les nègres,
aux factoreries et aux expéditions. Parmi les articles d'exportation,
rJEScpori mentionne particulièrement les cotonnades, les chemises teintes
en coton et d'autres vêtements, les chapeaux de paille, les miroirs, la
verroterie, le fil de fer et de laiton, les couteaux, les ustensiles en
fer, les armes, les munitions, la viande, les liqueurs, etc. Le succès
de la première opération de la Compagnie belge de commerce afri-
cain a engagé celle-ci à se transformer en Société anonyme. D'après une
correspondance de Bruxelles à la Frankfxirter Zeitung, une assemblée
des actionnaires est convoquée à Bruxelles pour le 27 février, et des
maisons anglaises et allemandes prendront part à cette entreprise.
La Chambre de commerce de Manchester s'est émue des négociations
entamées entre le Portugal et l'Angleterre, au sujet de la reconnaissance
par celle-ci des droits que le gouvernement portugais prétend avoir sui-
la côte du fjoan^o, jusqu'au 5'',12' lat. sud. Quoique cette reconnais-
sance n'ait pas encore un caractère définitif, le journal 0 commercio de
Portugal annonce qu'on a reçu à Lisbonne le projet de la convention pai-
laquelle ces droits seront reconnus. Le Portugal céderait à l'AngleteiTe
le fort de Saint-Jean-Baptiste d'Ajouda, qu'il possède encore près de
Whydah, sur la côte des Esclaves, ce qui compléterait la chaîne des éta-
blissements britanniques dans cette partie de l'Afrique, et il occuperait
Cabinda et Molemba au nord de l'embouchure du Congo, jusqu'ici sans
garnisons portugaises. Une escadre, à laquelle s'adjoindront les vais-
seaux des stations de l'Angola, est déjà partie pour cette destination,
ce qui hâtera sans doute 1^ reconnaissance demandée à l'Angleterre,
laqueDe jusqu'à présent l'avait toiyours refusée. La Chambre de com-
merce de Manchester avait, déjà le 13 novembre, présenté au Foreign
Office une adresse, demeurée sans réponse, dans laquelle elle deman-
dait que l'indépendance du territoire du Congo fftt proclamée, et que
le fleuve restât ouvert au conmierce de toutes les nations. Elle est
revenue à la charge, dans une nouvelle adresse à laquelle lord Grand-
ville a promis d'accorder toute l'attention que le sujet mérite. En effet,
les droits du Portugal une fois reconnus sur l'embouchure du Congo, le
commerce de l'Angleterre, comme celui des autres nations de l'Europe,
se trouverait placé sous le contrôle portugais.
L'incertitude qui, pendant longtemps, a régné au siyet de la réalisa-
tion de l'expédition Ro^osBinski^ pour la baie de Cameroon et le lac
Liba, en a modifié considérablement le personnel. La majeure partie de
— 76 —
ceux qui devaient y prendre part se sont retirés ; mais le chef de l'entre-
prise, Polonais d'origine, a trouvé parmi ses compatriotes de nouveaux
compagnons de voyage, avec lesquels il s'est embarqué le 13 novembre
au Havre, sur la Lticie-MargueritSy paVfaitement aménagée pour le but
qu'il se propose. M. Rogozinski a avec lui un géologue, un météorologiste,
un mécanicien et un ingénieur.
M. Caqucrean prépare à Bordeaux une expédition pour le Fonta
DJallon» oii il se propose de fonder une colonie. Le climat de ce plateau,
de 500" à 1000" d'altitude, est salubre, le sol en est fertile, les minerais
précieux ou utiles y abondent, ainsi que les bois de luxe et les objets de
commerce. L'expédition partira de Bordeaux pour Saint-Louis, puis se
rendra à Boké sur le Rio Nunez. De là elle se dirigera sur Timbo, et
tâchera d'atteindre Babbila sur le Niger, où eUe choisira un endroit con-
venable pour y créer un centre commercial, en communication directe
avec Dinguirray, Timbo et Boké, d'une part, et avec Bamakou, Médine
et Saint-Louis, de l'autre. A Babbila, l'expédition se divisera en trois
sections : la première explorera le Niger au nord, jusqu'à Bamakou,
pour rejoindre le colonel Borguis Desbordes et le D' Bayol, et revenir
ensuite au confluent du Tanldsso et du Niger, et à Timbo, à travers le
Bouré ; la seconde reviendra directement à Timbo par Dinguirray ; la
troisième remontera le Niger au sud, jusqu'à Soulima, et rentrera par
Farabana à Timbo ; là seront signés les traités et les concessions néces-
saires, après quoi la première section regagnera Boké par le même itiné-
raire qu'à l'aller, la deuxième par le Rio Pungo, et la troisième, par le
Rio Cachée et Labé. Elles feront les études nécessaires à l'établissement
d'une voie ferrée, sur celle des trois routes qui offrira le moins de diffi-
cultés. Au retour à Bordeaux, on organisera une seconde expédition,
composée d'ouvriers de métiers, qui iront avec M. Caquereau jeter les
bases de la nouvelle colonie.
M. C Doclter, professeur à Gratz, a exploré les lies du Cap Vert
et a reconnu que cet archipel ne doit pas sa formation exclusivement à
une activité volcanique récente ; les anciennes roches, gneiss, ardoises,
etc., sur lesquelles s'élèvent des masses calcaires, font nattre l'idée qu'il
est plutôt le reste d'un ancien continent qui, vraisemblablement, s'éten-
dait fort loin le long de la côte d'Afrique, mais dont l'union avec le conti-
nent africain n'est pas certaine, les formations calcaires n'ayant pas été
constatées, à cette latitude, le long de la côte d'Afrique. Les cartes
topographiques des îles du Gap Vert faisaient défaut jusqu'à présent;
le D' Doelter en adressé qui, nonobstant l'imperfection des moyens dont
— 76 —
il disposait, font cependant faire un progrès marqué à la cartographie
de ces îles. — Le professeur Doelter a ensuite remonté le Rto-Grande
jusqu'au Fouta Djallon, mais il^ a été arrêté dans sa marche vers Test,
par une guerre des Foulahs et par l'hostilité des almamys de Labé. Il
dut se hftter de rebrousser chemin, et redescendre aux tles Bissagos
et Bissao, pour remonter ensuite le Rio-Géba jusqu'à la factorerie de ce
nom. Il croit que le Rio Grande n'est pas exactement marqué sur les
cartes, et doute de l'identité de cette rivière avec le Tomani.
Une colonne expéditionnaire, sous les ordres du colonel Wendling, est
entrée dans le Cayor, pour assurer la constiniction du chemin de fer
de Dakar à Saint-Louis. Le roi Lat-Dior s'est retiré devant les troupes
françaises et a rejoint Alboury, roi du Diolof, ennemi de la France, qui
a conclu avec Abdoul-Boubakar un traité d'alliance offensive et défen-
sive, auquel Ely, roi des Maures Trarsas, serait sur le point d'adhé-
rer. La petite wmée est arrivée à Soyrières, capitale du Cayor, et
l'a brûlée par mesure d'intimidation. Le colonel Wendling a ensuite
constitué un autre gouvernement, et conclu avec lui un traité qui porte
la date du 16 jaïtvier 1883. Par cet acte, les habitants du Cayor se sont
placés sous le protectorat de la France et ont accepté sa suzeraineté. Le
nouveau souverain, Ahmadi-N'Goué-Fal, porte le titre de damél et le
pouvoir est déclaré héréditaire dans sa famille. Cette pacification du
pays va permettre de commencer les travaux du chemin de fer.
La colonne du Haut-Sénégal est partie de Kita pour Bamakou, sur le
Niger, où elle est arrivée le !•' février. Toutefois eUe n'a pas atteint son
but sans rencontrer de la résistance. Après avoir passé le Baoulé le 13
janvier, eUe arrivait le 16 devant Daba dont elle dut faire le siège. Pour
faire brèche, il ne fallut pas moins de 214 coups de canon,, et la colonne
d'assaut se battit pendant une heui*e. La dépêche du colonel Borguis Des-
bordes, qui annonce ce fait d'armes, confesse que les pertes des Fran-
çais ont été relativement très grandes.
Quant au chemin de fer du Haut-Sénégal, il a commencé à fonction-
ner sur un parcours de 2400 mètres, entre Khayes et Médine. Une pre-
mière locomotive du moins a accompli ce trajet avec sept wagons, le
19 décembre dernier. Les nègres ont battu des mains en voyant la ma-
chine s'ébranler au milieu des sifflets retentissants et des tourbillons de
fumée, et ils ont couru derrière le train jusqu'à perdre haleine. Les
environs de Khayes sont déjà transformés. Dans la plaine inculte, oii
Ton ne voyait il y a quelques mois que des cases en pisé et des huttes
servant au logement des officiers, s'élèvent aujourd'hui les bâtiments
— 11 —
réservés pour le commandant et le personnel des travaux, Thôpital,
les magasins, etc.
NOUVELI.B8 COMPLÉMENTAIRES
Une mission scientifique dirigée par M. Bourlier, membre dn Conseil général de
l'Algérie, s'est rendue à Touggourt, et devra explorer les environs d'Ouargla, où
l'on se propose d'attirer des familles du Mzab.
Le commandant Roudaire a télégraphié à M. de Lesseps que les opérations ont
commencé à Tozeur, et qu'il a trouvé à l'est une dépression ayant H*" de moins
que celle de Kriz; un sondage y est établi; le sol paraît sablonneux. M. de Lesseps
y enverra des entrepreneurs pour préciser les conditions de l'exécution et les
dépenses de la création de la mer intérieure.
MM. Hondas et Basset, envoyés en mission en Tunisie pour y étudier les anti-
quités arabes, ont adressé à l'Académie des sciences de Paris une collection des
estampages pris dans les principales mosquées de Kalrouan. Ces textes coufiques
fourniront quelques dates utiles pour l'histoire des nombreuses dynasties locales
du nord de l'Afrique après la conquête arabe.
Afin d'empêcher la dégradation des monuments anciens en Tunisie, colonnes, sta-
tues, inscriptions historiques, etc., un musée sera créé à Tunis, pour y réunir toutes
les antiquités qui pourront être trouvées, soit dans les propriétés de l'État, soit
dans celles des particnliers.
Rohlfs écrit à VAntialavery Reporter y que les missionnaires suédois de M'Kullo,
près de Massaoua, l'ont informé que les Abyssiniens ont de nouveau pillé les pro-
vinces qu'ils estiment leur appartenir, quoiqu'elles soient occupées par les Égyp-
tiens depuis l'annexion opérée par Munzinger. Les missionnaires sont sans cesse
exposés à être chassés des villages qui sont situés dans la banlieue de Massaoua.
Un des deux Akkas amenés en Italie, en 1873, par le voyageur Miani, vient de
mourir à Vérone, d'une maladie de poitrine.
M. Godio écrit à VEsplorcuiane de Naples, que l'expédition dont il fait partie
avec le comte Pennazzi, après avoir traversé rapidement les pays déjà connus des
Bogos, des Barréas et des Barkas, explorera la région de 350 kilom. carrés, encore
inconnue, entre le Gasch et le Takazzé, pour chercher à y ouvrir une route afin
d'atteindre par là cette dernière rivière. Au delà, les voyageurs suivront un cer-
tain temps l'itinéraire de M. d'Abbadie, puis gagneront Gaiabat à travers les
forêts vierges de cette partie de l'Abyssinie. Ils fixeront la suite de leur itinéraire
à Métemma.
Le comte P. Antonelli écrivait d'Assab, le 23 novembre, à la Société italienne de
géographie, qu'il allait 9e rendre au Choa, et n'attendait pour partir que l'arrivée
de quelques chameaux qu'on devait lui envoyer de Aoussa pour compléter stf cara-
vane. Il avait reçu d'Anfar, chef de Aoussa, la promesse de le protéger pendant
son voyage à travers le territoire de ce prince.
— 78 —
Une société italienne a obtenu du gouvernement, pour 99 ans, une concession
pour Pexploitation des salines d'Assab. M. Toselli, agent des salines piémontaises,
compte y appliquer le système d'exploitation des salines de Sardaigne. Les pro-
duits en seront exportés aux Indes.
M. Pierre Sacconi a écrit à la société milanaise d'exploration commerciale en
Afrique, qu'il fera très prochainement une excursion au S.£. de Harrar, dans POu-
gaden, chez les Amaden, très peu connus jusqu'ici.
M. Mancini proposera aux Chambres italiennes de conclure un arrangement
avec la Société italienne de navigation, pour obtenir que ses malles directes pour
les Indes touchent à Assab, et qu'elles y portent les marchandises et les lettres,
que les colons doivent actuellement faire chercher à Aden.
Les environs de Mombas ont été dernièrement infestés par un parti de marau*
deurs Wakuafis, de ]a grande tribu des Masaïs, dont M. J. Thomson doit traverser
le territoire, pour se rendre de la côte au Victoria Nyanza par le Kilimandjaro.
Couverts de leurs longs boucliers, ils s'avançaient avec hésitation dans l'intention
d'enlever du bétail; les natitjg auraient pu leur tirer dessus, mais M. Wakeiield, de
la station missionnaire, sachant le mauvais effet que le sang répandu pourrait
avoir pour l'expédition de M. Thomson, leur ordonna de n'en rien faire. Aprèç
de vaines menaces, la troupe des Wakuafis prit la fuite, h l'ouïe d'un coup de fusil
tiré par un fermier du voisinage.
D'après le Central Afriec^ la Société d'exploration belge se propose d'envoyer
une expédition au nord de l'Ousambara, dans le pays des Gallas. Un ou deux des
jeunes Gallas élevés dans les stations missionnaires de Kingani et de Mbouéni
accompagneraient l'expédition comme interprètes, ainsi que l'a fait Robert Feruzi
qui traversa l'Afrique avec Stanley.
M. Maluin, qui doit remplacer à Karéuia le lieutenant Becker, est parti pour
Zanzibar.
Le mouvement du port de Zanzibar augmente chaque jour. Le sultan vient
d'acheter à la « Peninsula and oriental Company » trois grands bateaux à vapeur,
à ajouter aux trois qu'il possède déjà. Ils feront des services réguliers le long
de la côte, à l'expiration des contrats postaux de la « British India Company. »
Le service de ces steamers est fait par des officiers et des machinistes allemands.
L'élément allemand acquiert une certaine importance à Zanzibar et sur la côte
orientale d'Afrique.
M. O'^eill, consul anglais à Mozambique, a obtenu du « Foreign Oftice > un
('X>ngé, pour entreprendre un voyage de Mozambique à Blantyre, par Quilimane,
le Chiré, la rive orientale du lac Kiloua et le pays montagneux inconnu à l'est de
ce lac. La société de géographie de Londres lui a voté un subside de 200 1. st., et
lui a remis les instruments nécessaires pour les observations géographiques.
Une convention passée entre la France et le Portugal ayant autorisé les indi>
gènes libres du Mozambique à s'engager comme travailleurs agricoles dans les
colonies françaises, le vapeur Héloïse est arrivé à Ibo pour y recruter des ouvriers;
mais les natifs effrayés ont pris les armes, et se sont assemblés pour empêcher
— 79 —
rengagement de leurs compatriotes. Les soldats portugais sont intervenus et ont
dispersé les indigènes. Dans la lutte, 75 de ces derniers ont été tués ou blessés-
VHélaise a dû repartir sans avoir pu engager aucun travailleur indigène.
Le DaUy News publie une dépêche annonçant que le pavillon français Hotte sur
la côte N.O. de Madagascar. Vu l'irritation des indigènes, l'autorité de Tamatave
a invité les membres des colonies étrangères à ne pas s'aventurer dans l'intérieur,
où leur vie serait en (fanger.
Une famine terrible exerce de grands ravages aux Comores, par suite des guer-
res continuelles que se font deux prétendants, Saïd-Ali et Mossafoum, ce dernier
patronné par le sultan de Zanzibar. A la faveur de ces désordres, la traite sévit
de plus en plus dans ces parages; il ne se passe pas de semaine où le schooner
anglais le Harrier ne capture quelque embarcation chargée d'esclaves. Les cha-
loupes à vapeur du Landon en ont délivré au moins 400 depuis le mois d'août.
Les partisans de l'abolition de la traite, sous toutes ^es formes, s'efforcent
d'obtenir l'abrogation du traité par lequel les habitants de Natal sont autorisés à
aller recruter des travailleurs à Mozambique, ce qui a pour conséquence le réta-
blissement de la chasse à l'homme sur la côte orientale sud de l'Afrique.
Sous la conduite d'un guide indigène, et par des chemins de traverse très peu
fréquentés, les missionnaires vaudois ont pu, de Pretoria, atteindre, sans mauvaise
rencontre, la petite ville de Marabastad, dans le nord du Transvaal, assez éloignée
du théâtre de la guerre pour qu'on n'ait plus d'inquiétude à leur sujet.
Un correspondant des Zoutpansberg, au nord du Transvaal, écrit au Ncttcd
Mercury qu'une grande famine règne aux Spelonken, aux Blueberg et dans le dis-
trict de Mialiétzié; quantité de Cafres sont morts de faim.
Un nouveau combat a eu lieu entre les Boers et les partisans de Mapoch qui
ont été défaits. Boshkop, une des clefs de leur forteresse, est occupée par les Boers,
qui ont employé la dynamite pour faire sauter une des grottes qui leur servent de
retraite.
Le major Machado, ingénieur portugais, est arrivé à Pretoria après avoir fait,
pour l'étude du chemin de fer de Lorcnzo Marquez à la frontière du Transvaal,
deux reconnaissances, l'une par la vallée d'Incomati, l'autre par la Motalla : toutes
deux offrent un tracé facile et peu coûteux ; toutefois le major Machado donne la
préférence au premier, qui serait un peu moins long.
Une dépèche de Capetown, reçue pendant que notre dernier numéro était sous
presse, annonçait que le Conseil législatif de la Colonie du Cap venait d'abroger
la loi d'annexion du Lessouto. Cette nouvelle était prématurée. M. Sprigg, ancien
ministre a, il est vrai, demandé la révocation de l'acte qui a annexé le Lessouto à
l'empire britannique, mais le Parlement du Cap a repoussé cette demande, et
donné raison au cabinet actuel qui proposait de rouvrir des négociations avec les
Bassoutos. L'indépendance du Lessouto ne pourrait, en tout cas, être prononcée
qu'avec l'agrément du gouvernement britannique.
Le D' Holub repartira en mai prochain pour l'Afrique australe.
M. Silva Porto vient de rentrer à Benguéla, après avoir fait" à l'intérieur une
— 80 —
longue exploration, dont il a envoyé la relation à la Société de géographie de
Lisbonne. MM. Pogge et Wissmann Pavaient rencontré, le 3 octobre 18&1, sur la
rive droite du Cassaï, au nord de Maï ; il se rendait alors à Cabau, un des grands
marchés de l'Afrique centrale.
M. le capitaine Cambier, agent de TAssociation internationale africaine à Zan-
zibar, a touché à Capetown le 9 janvier, revenant du Congo où il avait conduit
300 Zanzibarites à Stanley qui y arrivait de Cadix avec 3000 tonnes de marchan-
dises à transporter à Stanley-Pool. La veille de son départ de Banana, dans un
repas auquel l'avait invité le chef de la factorerie hollandaise, Stanley ayant dit
qu'il allait préparer une chaude réception à Savorgnan de Brazza, on lui a
envoyé de Bruxelles pour lui et pour ses agents l'ordre de respecter, de la manière
la plus scrupuleuse, les acquisitions faites par M. de Brazza sur le territoire du
roi Makoko. La présence de Stanley à Banana a été démentie par le Journal des
Débats, qui lui-même l'avait annoncée ; mais les journaux hollandais sont si
précis à cet égard, qu'il est difficile de révoquer en doute leur récit.
/ M. Joseph Palmarts, qui a fait partie de l'expédition américaine au pôle nord, a
été envoyé au Congo, avec un officier autrichien, un négociant d'Anvers, M. Defrère,
et un mécanicien. Tous quatre se proposent de rejoindre Stanley.
Savorgnan de Brazza a reçu du gouvernement français le matériel et les canon-
nières démontées destinées à naviguer sur le Congo moyen, et l'autorisation de
faire choix de quatre officiers de vaisseau, de trois médecins et du personnel de
maîtres et marins nécessaire à sa mission. Il doit s'embarquer le 7 mars à Lisbonne.
— D'après une dépêche de Marseille plusieurs des officiers qui feront partie
de l'expédition se sont embarqués, à bord du paquebot des messageries mari-
times le Niger, partant pour le Sénégal.
Une lettre du consul de France à Naples annonce, dit VEocplorationf qu'une
expédition commerciale est partie, sans bruit, de Naples pour le Loango.
La Société allemande de colonisation, fondée récemment, a l'intention de faire
de l'île espagnole de Fernando-Po, dans le golfe de Guinée, le noyau d'un établis-
sement allemand, et d'acheter plus tard cette île à l'Espagne.
Les Missions catholiques signalent les grands progrès faits par les musulmans
au sud du Niger, par suite de la décadence du Yorouba et des guerres incessantes
que les diverses tribus se livrent entre elles. Jusqu'à ces derniers temps, ils étaient
tenus en respect sur la rive gauche du fleuve, mais ils ont pu le franchir, et
s'avancent maintenant par Ilori, Ibadan, Abeokouta, Porto Novo, Whydah, jus-
qu'au Yolta. Ils se fixent de préférence dans les centres commerciaux, y établissent
des mosquées et y ouvrent des écoles.
M. Forbes, préparateur à la Société zoologique de Londres, envoyé au Niger
pour y faire des collections, a été retenu par la fièvre à Chonga, petit entrepôt de
commerce à 80 kilom. en aval de Rabba. Il comptait profiter du passage d'un
bateau à vapeur, pour essayer de remonter jusqu'à Sokoto, puis revenir de là direc-
tement en Angleterre.
M. le D' Maehly a déjà rendu de grands services aux missionnaires bàlois de la
— 81 —
Côte d'Or et aux populations qui avoisinent leurs stations. Dès son arrivée à
Christiansborg, il a trouvé des malades à soigner, et, chaque matin, petits et grands
se pressent à la porte du « père des racines, » comme ils l'appellent, pour obtenir
de lui la guérison, ou du moins le soulagement de leurs souffrances.
La section de la Société de géographie de Lisbonne, établie aux Açores, a fait
imprimer, en français et en anglais, des instructions destinées aux navires qui se
rendent dans le port de Horta, afin qu'ils puissent se mettre en garde contre les
dangers des tempêtes subites qui se déchaînent fréquemment dans ces parages.
M. Georges Pouchet, professeur au Muséum d'histoire naturelle de Paris, qui, il
y a 25 ans, accompagna Escayrac de Lauture dans la région du Haut-Nil, va se
rendre aux Açores, pour une mission scientifique.
La commission espagpdole chargée de déterminer les limites de la colonie que
l'Espagne veut établir à Santa Cruz de Mar Pequena, s'est rendue à Mogador où
l'ont rejointe les représentants du sultan du Maroc, qui doivent procéder à la
remise du territoire cédé à l'Espagne. La Compagnie de colonisation anglaise,
établie au cap Juby, en revendique la propriété, et s'oppose à la prise de posses-
sion par l'Espagne du pays que le Maroc doit lui remettre. Le ministre des affaires
étrangères d'Espagne a réclamé l'exécution du traité de 1860, et la remise immé-
diate du cap Juby.
M. fionelli a fait un voyage de Tanger à Fez par Salé et Mequiuez, et a
recueilli des observations intéressantes sur la climatologie, l'hydrographie, les
ressources agricoles, l'exportation et l'importation, ainsi que sur l'administra-
tion de cette partie du Maroc.
VOYAGE DU LIEUTENANT WISSMANN A TRAVERS L'AFRIQUE '
A la fin de Tanuée dernière est arrivée à Berlin la nouvelle que le
lieutenant Wissmann, envoyé avec le D' Pogge dans T Afrique centrale
par la Société africaine allemande, était heureusement arrivé à Zanzibai*,
après avoir traversé le continent de l'ouest à Test. Son nom vient ainsi
s'ajouter à ceux de Livingstone et de Serpa Pinto qui, eux aussi, ont
pris pour point de départ la côte occidentale, tandis que Cameron,
Stanley, et plus récemment Matteucci et Massari sont partis de l'est,
les deux premiers de Zanzibar et les deux derniei*s de la côte de la mer
Rouge. Mais si, de Loanda et de Benguela, Livingstone et Serpa Pinto
se sont dirigés vers le Zambèze supérieur pour gagner, l'un l'embou-
* Voir la carte à la fin de la livraison. Cette carte était déjà dressée, diaprés le
récit de M. Wissmann, lorsque nous avons eu connaissance de celle publiée par
VEgphraiortj d'après la carte même de ce voyageur.
^82 —
chure du grand fleuve, l'autre Port Durban, Wissmann, parti de
Loanda, sous le O"" lat. S. environ, est remonté jusque près du 4°, à
Nyangoué, au cœur du continent, poui' redescendre de là à Zanzibar
sous le 6° . Son itinéraire jusqu'à Nyangoué passe entre ceux de Cameron
et de Stanley.
Son rapport n'a pas encore été présenté à la Société africaine alle-
mande, ni publié dans les Mittheilungen de cette Société, mais la
Si Oalîer HandeU-Zeitung vient de donner de lui deux lettres *, d'où
nous extrayons quelques détails.
Nous laissons de côté les détaUs qui, dans la première lettre ^ datée
de Kidimba, résidence du prince tuchilangué Kinguengué, se rappor-
tent au voyage des deux explorateurs allemands de Loanda par Malan-
gué et Kimboundou, le long du Tchikapa jusqu'au Cassai, et dont nous
avons déjà parlé (III"* année, p. 3 1 1-317). Après avoir quitté le D' Pogge,
qui se rendait chez Muquengué, Wissmann suivit Kinguengué vers
le sud-est, jusqu'à la ville située sur la rive gauche du Louloua, par
6%8',45"lat. S. et 22° (?)environ long.E. de Paris, à une altitude de 600-.
La rivalité des deux grands chefe des Tuchilangués ne l'empêcha pas de
faire visite à son compagnon de voyage, à une bonne journée de marche
au N.-O., ni d'échanger avec lui une correspondance, aussi régulière,
dit-il, que si elle eût été placée sous la direction du D' Stephan. Kidimba
lui parut, comme Muquengué au D' Pogge, une localité sûre et tran-
quille; la population en était bienveillante, et voyait dans l'homme
blanc un être tellement supérieur, que toute difficulté avec les indigènes
paraissait invraisemblable ; aussi pouvait-il écrire : o d'ici la route est
ouverte, non seulement vers le nord, jusque chez Louquengo, chef
toukété, qui désire beaucoup avoir un blanc auprès de lui, mais encore
vers l'est et vers le sud. » Nos lecteurs se rappellent que les voyageurs
allemands choisirent la route du N.-E. pour atteindre Nyangoué par
l'extrémité sud du lac Moucamba et par Cachéché. Laissant une partie
de leurs marchandises à Muquengué, sous la garde de leur interprète
Germano, qui devait en outre faire construire la maison de la station
projetée par le Comité national allemand, ils quittèrent leurs postes
* Le n<» 3 du Compte rendu de la Société de géographie de Paris, vient de don-
ner une traduction de ces deux lettres in extenso, et les MittheUungen de la
Société africaine aîletnande nous apportent, au dernier moment, la seconde.
• Cette lettre, datée du 17 novembre 1881, a mis plus d'une année pour arriver
à fierlin.
— S3 —
respectifs à la fin de novembre 1881 , pour reprendre leur voyage ensem-
ble, avec peu de porteurs, il est vrai, mais accompagnés parMuqueugué
lui-même et 200 Tuchilangués, formant une forte caravane.
Le Louloua marque la limite entre le territoire des savanes et des
forêts dé TAfrique occidentale, et celui des vastes prairies à population
très dense de l'Afrique centrale. Au milieu de décembre, les explorateurs
atteignirent par 5*',45',25", lat. sud, le lac Moucamba, moins grand que
ne l'avaient prétendu les Tuchilangués. Là, une révolte parmi les por-
teurs les obligea à en renvoyer le plus grand nombre, et à remettre leurs
charges aux Tuchilangués. Traversant alors le pays extrêmement peuplé
des Bachilangués, de la famille des Baloubas, — comme toutes les tribus
qui I^bitent à Test du Cassai, jusqu'au lac Moucamba (Sancorra) et au
delà, — ils arrivèrent le 5 janvier 1882 au bord du Loubi, belle rivière,
parée de la flore tropicale la plus riche, et qui se jette dans le Loubila-
che*. Après l'avoir passé, ils se trouvèrent introduits dans un monde
nouveau, où les villages sont propres et beaux, les maisons jolies et
vastes, entourées de petits jardins enclos de haies, alignées les unes à
côté des autres en rues bien droites, tirées au cordeau et ombragées de
pabniers et de bananiers. Là vivent les Bassongués, race belle et forte,
à l'abri jusqu'ici de toute influence du dehors, nombreux, abondanmient
pourvus de toutes les choses nécessaires à la vie, que leur fournit une
nature luxuriante, habiles à travailler le fer, le cuivre, l'argUe, le bois,
à tisser des étoffées et à tresser des corbeilles. Ils sont déjà dépendants
du roi de Cachéché, quoique cette dépendance ne soit guère que nomi-
nale. En deux fortes journées de marche, à travers une forêt vierge
peuplée de beaucoup d'éléphants, de buffles et de phacochères (cochons
k verrues), les explorateurs atteignirent le 14 janvier la résidence de
Cachéché, sur la rive gauche du Loubilache, par 5**,7',18", chef-lieu du
royaume de Kotto, qui comprend les Bassongués et quelques autres tri-
bus. Le souverain passe pour féticheur; c'est sur ce préjugé que repose
la puissance de ce prince âgé, aveugle et mystérieux.
Au bout d'une semaine de séjour chez lui, Pogge et Wissmann voulu-
rent se remettre en route vers l'est, mais Cachéché leui^ refusa la per-
mission de passer le Loubilache, dans l'espoir qu'ils lui aideraient dans
une expédition contre les Bakoubas (Louquengos) qui, du nord, avaient
pénétré dans ses états. En outre, les porteurs qui leur restaient refu-
' C'est le nom donné en occident au Sankouron, affluent de la rive gauche du
Congo.
— 84 —
sërent, sauf cinq, d'aller plus loin, et de leur côté les Tuchilangués,
déclarèrent quUls voulaient rebrousser chemin. Cachéché faisait circuler
avec soin dans la caravane des histoires épouvantables de cannibales,
pour effrayer les porteurs et les Tuchilangués, qui auraient tous pris la
fuite si les voyageurs eussent tenté un coup d'état contre lui. Après
lui avoir fait comprendre qu'ils ne Tappuieraient pas dans Texpé*
dition qu'il projetait, et ne lui feraient point de cadeaux, Pogge et
Wissmann cherchèrent, par des fusillades de nuit et des feux d'artifice,
à lui rendre leur voisinage désagréable : puis ils refusèrent aux porteurs,
pour le cas où ceux-ci retourneraient vers l'ouest, tout moyen de subsis-
tance, et leur enlevèrent leurs armes. Quant à Muquengué, ils lui firent
envisager ce qu'aurait de honteux son retour sans eux, et l'empr^e-
ment avec lequel son rival Kinguengué, l'ami de Wissmann, leur amène-
rait une escorte ; en même temps ils le menacèrent de ne pas retourner
chez lui : le D' Pogge serait resté chez Cachéché avec les marchandises,
et Wissmann aurait cherché tout seul une route vers l'est. Muquengué
consentit enfin h continuer de les accompagner, et le 12 février ils passè-
rent le Loubilache, qui a 150" de large et roule paisiblement ses eaux
d'un jaune clair entre des parois abruptes de grès, ou, quand la vallée
s'élargit, à travere des forêts vierges. Il est formé de deux rivières, le
Loubiranzi et le Louembi.
Pendant six semaines les explorateurs durent traverser des prairies
richement arrosées, habitées par les belliqueux Bassongués, par les
Bénékis, dont les villages ont jusqu'à 17 kilom. de long, et par les
Kaléboués, chez lesquels ont déjà pénétré les Arabes pillards, et qui,
pour la plupart, évacuaient leurs villages à l'approche des blancs. Le
8 mars ils arrivèrent au bord du Lomami. Pendant tout ce ti*ajet ils
avaient dû, d'un village à l'autre, s'orienter au moyen de la boussole ;
en outre, vu l'hostilité des villages entre eux, leurs guides les avaient
souvent induits en en-eur. Presque toutes ces tribus, comme les Tudii-
langués eux-mêmes, sont cannibales.
Du Loubi jusqu'au Tanganyika, Wissmann a rencontré les restes
d'une peuplade, les Batouas (les Watouas de Stanley), qu'il pense avoir
été la population primitive de ce pays. Petits de taille, laids et maigres,
malpropres et sauvages, les Batouas, méprisés des tribus Baloubas, n'ha-
bitent que de misérables huttes de paille, ne formant que des hameaux ;
ils n'ont point de cultures, n'élèvent que quelques poules, et ne vivent
que de chasse et de fruits sauvages. Ils ont un langage pailiculier ; leurs
armes et leurs ustensiles témoignent d'une industrie de beaucoup infé-
— 85 —
rieure à celle de leurs voisins ; ils ont poui- la chasse une bonne race de
lévriers, mais ne se servent que de traits à pointes en fer.
Pogge et Wissmann passèrent le Lomami sous le 5/42',30", et, leure
articles d'échange étant complètement épuisés, ils se dirigèrent au
N. N. E. vers Nyangoué, dans l'espoir d'obtenir, sur ce marché arabe,
des marchandises à crédit. Des pluies abondantes ayant produit de véri-
tables inondations, ils durent traverser des marécages, dans lesquels les
herbes entrelacées rendaient la marche extrêmement difficile. Le 2 avril
ils amvèrent au bord du Loufoubou, nommé à tort par Stanley Kasou-
kou ; la rivière de ce nom coule plus au nord. Le Loufoubou était trans-
formé en une vaste mer ; il fallut construire deux canots pour la traver-
45er. Enfin, le 16 avril ils atteignirent le Loualaba et le 17 Nyangoué,
pai' 4",13',14". Les Arabes les accueillirent très bien et leur accordèrent
le crédit nécessaire, en soite qu'ils purent se restaurer dans cette oasis
à moitié civilisée, au milieu du désert des populations cannibales. Là ils
décidèrent que le D** Pogge retournerait à la station de Muquengué avec
la caravane, pour y attendre une nouvelle expédition allemande, pu, le
cas échéant, repartir pour la côte, tandis que Wissmann continuerait sa
marche vers l'est, afin d'étudier la voie la meilleure pour relier les
travaux des explorateurs allemands à l'est du Tanganyika avec ceux
qu'il venait d'accomplir dans l'Afrique centrale. Pogge quitta Nyangoué
le 5 mai; quant à Wissmann, n'ayant plus avec lui que quatre porteurs
de la côte occidentale, il chercha d'abord à se joindre à une caravane
d'Arabes qui devait partir pour Zanzibar, mais, les semaines s'écoulant
dans une vaine attente, il se mit en route seul, le 1" juin. Abed-ben-
Salim, un des cheiks de la colonie arabe de Nyangoué, lui prêta
20 esclaves et 10 fusils, mais à Eassongo, établissement arabe, ces
esclaves, qui déjà tout le long du chemin s'étaient conduite en vrais
pillards, livrèrent bataille aux Arabes de la localité. Estimant ne pouvoir
atteindre le Tanganyika avec de telles gens, Wissmann envoya un messa-
ger à leur maître Abed-ben-Salim qui, pour toute réponse, lui fit dire :
« qu'il lui faisait cadeau de tout esclave désobéissant qu'il tuerait. » Il
poursuivit sa marche avec sa petite caravane, mais, avant d'arriver au
Tanganyika il eut des difficultés avec les Bena WuUowas, qui lui avaient
pris une de ses armes, et avaient répondu à sa demande de la restituer
-ea lui lançant des traits empoisonnés ; un des pillards fut tué, plusieurs
autres blessés, et il recouvra son fusil.
La route qu'il prit passe d'abord au sud de celle de Cameron et de
Stanley, puis la coupe à Ca-Bambarré, d'où il arriva à Rouanda sur le
— 86 —
Tanganyijîa, à la station des missionnaires angLais, oii M Griffith lui
donna ThoepitaUté la plus aimable, et d'où il fit an Loukouga une
excurfeion de quatre joure, pour élucider la question encore controversée
de cet émissaire du Tanganyika. Puis il se rendit à Oudjidji, oii il échan-
gea ses porteurs de Nyangoué contre 20 Ounyamouésis qui devaient le
conduire à Tabora. Ayant Tintention de faire visite à Mirambo, il prit»
à partii* d'Oudjidji, une route au nord du chemin des caravanes, et con*
duisant à Ouha. Mais bien vite il dut, par des marches de nuit et des.
détours, chercher à échapper à une horde de Wawinzas, qui voulaient le
rendre responsable des dévastations commises dans leur pays par
Tippou-Tib, Arabe bien connu de Cameron et de Stanley. En outre,
les Ouhas, qui méprisaient sa petite troupe, lui suscitèrent des difficultés,
et cent d'entre eux, qui étaient ivres, l'enserrèrent de si près qu'il ne
leur échappa, ainsi que les quatre poiteurs de la côte demeurés avec lui,
qu'en les menaçant de la vengeance de son ami Mirambo.
-Celui-ci le reçut très cordialement (avec deux bouteilles de Champagne
et un bœuf gras). Il passa chez lui trois jours, et le quitta rempli
d'admiration pour ce roi nègre, sur le compte duquel l'Europe, dit-il, se
trompe complètement. Le 5 septembre il arriva à Tabora, où les mission-
naires romains lui firent un accueil très amical. De là il visita la station
du Comité national allemand à Gonda, où il rattacha ses travaux géo-
graphiques h ceux du D' Kaiser, déjà parti eu avant-garde pour l'explo-
ration que comptaient faire à l'intérieur les D"Bôhm et Reichardt. Puis
il se remit en route pour la côte avec Tippou-Tib, les expériences qu'il
venait de faîpe lui ayant appris que, dans l'Afiîque orientale, il ne faut
voyager qu'avec une troupe suffisante. Jusqu'à Mpouapoua, ils suivirent
la grande route des caravanes à travers l'Ougogo. Là ils se séparèrent;
Tippou-Tib prit le chemin au sud vers Bagamoyo, et Wissmann, après
quelques jours employés à chasser, prit celle du nord qui aboutit à
Saadani. Enfin, en novembre il amva à Zanzibar, d'où il renvoya dans
leur pays les quatre porteurs de la côte occidentale, tandis qu'il expédia
à Hambourg, par un voilier, ses collections ethnologiques. Lui-même
s'embarqua sur un navire français jusqu'à Suez ; un refroidissement
pris dans la mer Rouge le retint au Caire, d'où il écrivit à la Société
africaine allemande la lettre à laquelle nous avons emprunté ces détails,
en attendant le rapport complet qu'il ne manquera pas de donner sui*
l'exploration, si importante à tous les points de vue, du pays absolument
inconnu jasqu'ici, compris entre le Louloua et Nyangoué.
— 87 —
L'ÉMIGRATION ITALIENNE EN AFRIQUE
Le progi*anirae du troisième congrès géographique international, qui a
eu lieu à Venise en 1881, renfermait la question suivante : Quelles sont^
dans les divers états de TËui'ope, les classes qui fournissent le plus fort
contingent d'émigrants, et quelles sont les causes qui dirigent le courant
de rémigration vers telle ou telle région déterminée? M. L. Bodio,
directeur de la statistique officielle en Italie, y a répondu d'une
manière complète en ce qui concerne Témigration italienne, dans un
volume intitulé : Statistica délia emigrazione italiana aU'estero nel
1881, d'où nous extrayons les détails qui se rapportent à l'Afrique.
D'une manière générale, c'est surtout vers la Tunisie, l'Algérie et
l'Egypte que se dirigent les émigrants italiens. L'émigration dii-ecte
en Tripolitaine est à peu près nulle; il y est bien anivé, en 1881,
81 émigrants de langue italienne, mais, déjà la même année, 72 d'en-
tre eux sont retournés à Sfax, d'où les événements de Tunisie les
avaient obligés de s'enfuir. Au Maroc, il arrive, de Gibraltar, quelques
Italiens qui ne font guère que passer.
Quant aux trois pays susmentionnés, la Tunisie, l'Algérie et l'Egypte,
le nombre des immigrants est d'environ 2500 à 2G00 par an, sans aug-
mentation bien sensible pendant les cinq dernières année;s, qu'embras-
sent les études de M. Bodio ; il était de 2544 personnes en 1876, et de
2654 en 1881 : 265 pour la Tunisie, 837 pour l'Egypte et 1552 pour
l'Algérie.
En Tunisie, il est vrai, la construction du chemin de fer, de Tunis à
la frontière algérienne, de 1876 à 1878, a fait monter le nombre des
immigrants italiens à 585 ; mais, une fois les travaux finis, la plupart
revinrent en Italie ou passèrent en Algérie. Ce sont les paysans de l'île
de Pantellaria et de la Sicile qui fournissent à l'émigration directe en
Tunisie le contingent le plus fort, et la cause en est souvent la misère.
Ce sont essentiellement l'agriculture et le comnierce qui engagent des
émigrants italiens à se diriger vers Tunis et les environs, où ils trou-
vent une seconde patrie, la colonie italienne y comptant 8300 âmes.
L'Algérie en attire un beaucoup plus grand nombre. En 1866, la
population de langue italienne y était de 32000 âmes environ; elle
diminua par suite de la guerre franco-allemande, mais elle est remontée
et dépasse un peu aujourd'hui le chiffre sus-indiqué. La majeure
partie des Italiens fixés définitivement dans le pays proviennent des
régions méridionales du royaume, et sont établis dans la province de
— 88 —
Cîonstantine, particulièrement à Philippeville, Bone et La Galle. Cette
dernière ville est presque italienne^ car, sur 4000 habitants, 2500 sont
des Italiens. Parmi les Italiens d'Algérie, beaucoup appartiennent à des
famUles pauvres provenant d'une immigration ancienne ; les familles,
ayant perdu leui^ che&, ont mieux aimé rester en Algérie, où elles
sont secourues par des sociétés de bienfaisance, que de retourner en
Italie, où elles n'avaient plus d'appui.. Les Génois, qui étaient très nom-
breux dans les premières années de la conquête, sont rares maintenant,
la plupart s'étant dirigés vers l'Amérique. Les Piémontais et les Lom-
bards, presque tous teiTassiei*s, mineurs et maçons, ne sont que des
^migrants temporaires. L'Italie centrale et la Vénétie en fom'uissent
très peu. L'émigration annuelle, qui s'élève à 1500 personnes environ,
provient surtout des provinces méridionales, de la Sardaigne, du Pié-
mont, de la Lombardie, du midi de la France, de l'Espagne, de la
Tunisie et quelque peu de l'Amérique. Elle se compose de deux caté-
gories bien distinctes : l'une de pêcheurs embarqués sur des bateaux
français, soit pour se procurer, dans la pêche du corail, un travail mieux
rétribué, soit pour se soustraire au service militaire : l'autre, de maçons,
<ie tailleurs de pierre, de mineurs et de manœuvres, qui cherchent à être
employés dans les travaux publics. Il y a aussi des marins et des culti-
vateiu's, qui demeurent généralement longtemps dans la colonie et
demandent la naturalisation fi*ançaise ; les autres, quand ils ont trouvé
du travail et qu'Us ont amassé un petit pécule, reviennent en Italie. Le
gouvernement français n'empêche ni ne favorise l'immigration, quoiqu'il
ne voie pas de bon œil la grande agglomération de population italienne
dans la province de Constantine.
En Egypte, c'est la colonie italienne qui est la plus importante après
<^elle des Grecs. D'après la statistique officielle d'Amici bey, directeur
général de la statistique égyptienne, les Grecs étaient en 1878 au nom-
bre de 29,963 et les Italiens à celui.de 14,524 ; après eux venaient les
Français (14,310), les Anglais (3,795), les Autrichiens (2,480) et les
Espagnols (1,003). La colonie italienne y est une des plus anciennes,
<luoique, pendant les siècles qui suivirent la conquête musulmane, le
courant d'immigration se soit arrêté, la vie des chrétiens n'y étant pas
en sûreté. Elle se composait de Livournais, de Florentins, de Pisans et
de Vénitiens voués au commerce. La tolérance religieuse de Méhémet
Ali et de Sald pacha, le commerce et les grands travaux pubUcs, et sur-
tout le percement de l'isthme de Suez ont attiré beaucoup d'Italieiifi,
essentiellement des ingénieurs et des ouvriers. Cependant ce fut surtout
— 89 —
à l'époque de la guerre de sécession d'Amérique que l'Egypte vit affluer
le plus d'émigrants. L'exportatiou du coton américain étant alors
arrêtée, la culture et le commerce de ce produit végétal prirent en
Egypte des proportions colossales et procurèrent à ce pays de grandes
richesses, dont beaucoup d'étrangers cherchèrent à avoir leur part.
Puis vinrent les fêtes splendides données à l'occasion de l'ouverture du
canal de Suez, et la création de l'Opéra italien au Gaire^ doté avec une
munificenée royale par le khédive Ismall Pacha, qui augmentèrent le
courant de l'immigration italienne. La crise financière fit repartir pour
l'Italie une foule d'émigrants ; plus'tard le rétablisi=^ement-des finances,
l'institution des tribunaux mixtes, l'introduction d'un système hypothé-
caire régulier, en attirèrent de nouveau un grand nombre. Sans doute la
colonie italienne en Egypte n'est, ni pour la richesse ni pour l'influence,
égale aux colonies française et anglaise ; mais elle y jouit d'une grande
considération par les talents de beaucoup de ses membres, entre autres
Amici bey, Sala Pacha auquel a été confiée la répression de la traite,
Bonola, secrétaire général de la société khédiviale de géographie du
Caire, et beaucoup d'autres, avocats, médecins, ingénieurs, architectes,
etc. Les chefs d'industrie et les ouvriers italiens sont recherchés en
Egypte pour leur habileté, leur intelligence et leur diligence. D faut
noter encore que c'est la langue italienne qu'ont adoptée les tribunaux
mixtes, pour la rédaction des actes et documents, et que la colonie ita-
lienne a créé, au Caire et à Alexandrie, de bonnes écoles, parmi lesquel-
les se distingue surtout le collège national italien, fondé à Alexandrie
en 1861. D'après VEssai de statistique générale de V Egypte, de toutes
les colonies c'était celle des Italiens qui, en 1878, fournissait aux écoles
d'étrangers, à Alexandrie, le plus grand nombre d'élèves (1773); les
Grecs, 1477 ; les Français, 548 ; les Anglais, 453 ; les Maltais, 255 ; etc.
Li€S derniers événements d'Alexandrie et du Caire ont dû modifier ces
données ; mais nous n'avons pas encore les documents qui permettront
d'apprécier l'étendue des changements qu'ils y ont apportés.
BIBLIOGRAPHIE
J. Fahrnobuber. Aus DEM Phàraonenlande. Wien uud Wûrzburg
(Léo Woerl), 1882, in-32% 339 p. avec illustrations.— Pendant un séjour
' On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 13, rue du Rhône, à Genève,.
tôos les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 90 —
de cinq ans à Jérusalem, l'auteur de ce petit volume a fait en Egypte
plusieui's excursions, dans lesquelles il a visité toutes les localités les plus
intéressantes de la vallée dû Nil jusqu'à Thcbes. Il a eu la bonne pensée
de réunir les observations qu'il y a faites et les impressions qull eu a
rapportées, et de les présenter sous là forme d'un voyage, pour ceux qui
ne peuvent se rendre en Orient, comme pour les nombreux pèlerins
autrichiens et bavarois qui, chaque année, visitent l'Egypte en allant à
Jérusalem. Il n'a pas visé à leur fournir un guide ; en effet il b'y a dans
son volume ni plans ni cartes ; mais il peut les préparer à leur excursion,
en les promenant à l'avance dans le^ villes, le long du NU, au milieu des
monuments de l'empii-e des Pharaons, et en leur faisant bien connatti-e
les divei*s types de la population, dont il décrit avec exactitude les mœui-s
el les usages. Nous avons regretté de ne rencontrer dans son livre que
deux lignes sur les travaux des missions protestantes ; en revanche les
catholiques y trouveront des rcnseij?néments complets sur les nombreux
établissements de leur confession, non seulement sur ceux de la partie
de la vallée du Nil visitée par Tauteur, mais encore sur les stations mis-
sionnaires de Khartoum et sur celles du Kordofan et du Darfour, avec
d'intéressants détails sur les travciux de feu Monseigneur Comboni,
l'apôtre du Soudan égyptien.
George Pëàrsk. Tue Kabyles. London (Morgan and Scott), 1882^
in-S*", 40 p. et deux cartes. — Nous avons mentionné dans notre avant
dernier numéro (p. 17) l'œuvre missionnaire entreprise chez les
Kabyles de l'Algérie. La brochm*e de M. Peai'se en fait connaître les
débuts et les premiei's succès, ainsi que les rapports des missionnaires
avec les colons de diverses nationalités établis dans la- Grande Kabylie,
entre Dellys et Bougie. La sympathie de l'auteur pour les indigènes,
dont il loue spécialement l'amour du tmvail, la fmgalité, l'intelligence
])rompte, ne pouvait manquer de lui gagner les cœurs. Dans les quel-
ques pages qui précèdent son rappoit, M. Pearse nous fait connaître les
institutions des Kabyles ; il monti*e comment ils ont réalisé la démo-
ci*atie pure sur la base la plus simple et la plus naturelle, et comment
ils échappent h la recrudescence du fanatisme musulman qui se fait
sentir tout le long delac/yte septentrionale d'Afrique, du Maroc jus-
qu'à l'Egypte. M. Teai-se a donné, dans un appendice, un itinéraire
dans la Grande Kabylie, pour ceux qui voudraient voir pai* eux-mêmes
les quatre groupes de tribus au milieu desquelles il travaille; deux
cartes, l'une générale l'autre spéciale, accompagnent l'ouvrage.
— 91 —
D' JosKF Chavankb.Ai''rika8 Strômk und Flûssk. Wien, Pesth, Leipzig-
(A. Hartleben), 1883, in-8% 232 p. et carte. — La géographie de
rAfrique doit déjà au D' Ghavaime, non seulement son ouvrage sur le
Sahara, et la belle carte murale physique dont nous avons déjà parlé
(I" année p. 160), mais encore un travail solide sur l'orographie et
la géologie de ce continent (Afrika im Lichte unserer Tage). A laide de
renseignements disséminés dans une foule de publications, le savant
auteur avait comblé une grande lacune dans la géographie africaine, et
redressé beaucoup d'en*eurs qui régnaient encore au sujet du relief de
rAfrique. Cet ouvrage en appelait un sur Thydi^ographie, et la détenui-
nation des bassins des grands fleuves, sui* lesquels Tatteution s'est por-
tée dès la plus haute antiquité.
Après avoir tracé à grands traits l'histoire de l'hydrographie afri-
caine depuis Hérodote, et montré la position relative des principaux
cours d'eau, le D' Chavannc expose, dans ce nouveau volume, les résul-
tats auxquels il est arrivé dans l'étude de la nature de ces fleuves et de
ces rivières, de leur importance pour les explorations et pour l'extension
de la civilisation, et du développement des entreprises commerciales,
en s'aidant de tout ce que l'on peut savoii* aujourd'hui de leur navigabi-
lité, de la périodicité de leui^s crues, de leur profondeur et de leur vitesse.
U passe en revue toutes les rivières appartenant aux ti*ois grands bassins
extérieurs de la Méditerranée, de l'Atlaiîtique et de l'Océan indien, puis
celles des trois bassins intérieui'S, du lac Tchad pour tout le Sahara,
du lac Ngami pour le déseit de Kalahari, et des lacs salés pour la
plaine des Danakils. Pour l'étude de chacun des grands fleuves et de
leurs principaux affluents, il a tenu compte de toutes les données four-
nies par les explorateurs, et cherché à résoudre les problèmes qui se
rattachent aux parties encore inconnues, par ce que Ton sait de l'hy-
drographie des teiTitoires voisins. On comprend, et le D*" Chavanne lui-
même Ta compris, que les découvertes de Junker dans le couii? moyen
de rOuellé, dont il faisait, avant de les connaître, un affluent du Congo,
modifieront vraisemblablement les résultats auxquels ses patientes
études l'avaient conduit; la quantité d'eau qu'il attribuait, comme
apport de TOuellé, au bassin de l'Atlantique, devrait être repoitée au
bassin du Chari. D'autre paît, le tracé de quelques-uns des affluents de
la rive gauche du Congo, entre Muquengué et Nyangoué, devra être
coiTigé dans la caile, et les données hydrographiques en seront modi-
fiées dans le texte, quand MM. Pogge et Wissmann auront fait rapport
à la Société africaine-allemande sur leur voyage du Louloua au Loua-
— 92 —
laba. Ces modificationfi, apportées à Touvrage du D' Chavanne, en
feront le volume le plus utile à consulter pour l'étude de toutes les ques-
tions relatives à l'hydrographie de l'Afirique. Oserions-nous cependant
demander à l'auteur de bien vouloir, pour faciliter les recherches, join-
dre un index alphabétique de tous les cours d'eau et lacs étudiés par
lui, h la prochaine édition qu'il donnera sans doute, lorsque les expédi-
tions de Junker et de Casati d'un côté, et celles de Flegel, et de Rogo-
zinski de l'autre, auront fait mieux connaître l'hydrographie de la
région encore inconnue entre le cours moyen de l'Ouellé, le Charî, le
Congo et le golfe de Guinée?
Un peu partout. Du Juba a l'Atlas, par J. de Chantier. Paris
(Sandoz et Thuillier), 1883, in-12, 360 p., fr. 3,50. — Écrit d'un style
léger et facile, ce livre sera lu avec beaucoup d'intérêt par tous ceux
qui n'aiment pas les longues périodes, les dissertations et les théories
abstraites. Les anecdotes y foisonnent, et, si toutes ne se lient pas,
d'une manière bien rigoureuse, avec le sujet, l'auteur ne s'embarrasse
pas pour si peu ; pourvu qu'il fiasse rire, il est satisfait. Néanmoins il fait
preuve d'une grande justesse d'observation, ses remarques, le plus sou-
vent, ne sont pas profondes, mais elles sont toujours fines et spirituelles»
et, dans sa courte étude comparative entre les divers groupes de popu-
lation d'Alger, les Juifs, les Kabyles, les Arabes et les Nègres, il fait
toucher au doigt les analogies et les contrastes, rien que par la foule de
petits faits qu'il cite et qui en apparence n'ont aucune liaison entre eux.
Cet ouvrage est le récit d'un voyage rapide accompli par deux amis,
MM. de Chambrier et Jequier, de Neuchâtel en Algérie par la Grande-
Chartreuse, Nîmes, etc. La partie africaine, forme un peu plus de 100 p.»
que M. de Chambrier consacre presque uniquement à la description de
la ville d'Alger et des diverses races qui l'habitent, excepté toutefois des
Européens dont il ne parle que, fort peu. Il passe en revue les principaux,
édifices, tels que la Kasbah, la grande mosquée, le palais du gouverneur»
celui de l'archevêque, qui ont un caractère mauresque très marqué.
L'auteur s'attarde, pour le plus grand plaisir du lecteur, à décrire la
vie à Alger, telle qu'elle se déroule dans les bazars, les boutiques des
barbiers qui sont les médecins, les cafés, les ruelles, etc. Enfin, après
le récit d'une visite dans lé sanctuaire où la secte religieuse des
Alssaouas accomplit ses rites étranges, le livre se termine par la descrip-
tion de plusieurs localités voisines d'Alger.
A'.'J. Men/Si3
93
BULLETIN MENSUEL {2 avril 1883.)
Nous avons fait une erreur, dans notre dernier numéro, en annonçant,
d'après le Bulletin géographique de Bordeaux, que Bougie allait
être relié directement à Sétîf, par une voie ferrée concédée à la compa-
gnie de l'est algérien. Des personnes parfaitement renseignées par leurs
correspondants de Sétif, nous ont informés des retards que rencontre
ce projet. En présence des frais énormes que coûterait l'établissement
d'une voie large pour cette ligne, le gouvernement a demandé une nou-
velle étude, pour un chemin de fer à voie étroite de Bougie à Biskra
passant par Sétif. Mais le rapport de l'ingénieur en chef, M. Lebiez, n^^
paraît pas favorable à ce projet qui serait impraticable, ou du moins très
dispendieux. — Le Moniteur de V Algérie nous a apporté des nouvelles
de l'exploration commencée dans l'oasis d'Ouarg^la par M. Bourlier,
chargé de réunir les éléments d'un grand travail sur le Sahara, et de
préparer les puits artésiens et le dégagement des anciennes sources
actuellement obstruées, pour donner une vie nouvelle à cette région.
M. Bourlier estime que l'on pourra rendre là plusieurs milliers d'hecta-
res à la culture du palmier. — On a appris à Ouargla qu'il y a encore
quatre survivants delà mission Flatters, en esclavage chez les Touaregs;
l'Arabe qui en a apporté la nouvelle, est le même qui a recueilli les
autres survivants trouvés sous sa tente par le goum d'Ouargla. Il se
fait fort de les racheter tous les quatre pour une .somme de 2000 francs,
et de les ramener à Ouargla. — Le désastre de l'expédition Flatters ne
décourage pas les voyageurs qui désirent faire pénétrer dans le Sahara
la civilisation européenne. M. Foureau, qui a déjà exploré le désert avec
MM. Largeau et L. Say, a quitté Ouargla en février, avec une petite
troupe composée de deux Français parlant l'arabe et de quelques
indigènes éprouvés. L'expédition se propose de traverser le Soudan ; à
cet effet elle a fait choix de chameaux vigoureux, capables de fournir
de très longues courses en très peu de temps. Il est à craindre qu'elle
ne rencontre de grandes dilïicultés, car, aux dernières nouvelles, les
Ouled-Sidi-Cheiks menaçaient la frontière méridionale de la province
d'Alger.
Depuis que le commandant Roudaire a recommencé ses opérations de
sondages dans la région des Chotts^ il en a envoyé presque tous les
jours les résultats à M. de Lesseps, qui a pu annoncer à l'Académie des
sciences que jusqu'ici on n'a rencontré partout que le sable. Toutefois,
l'aFRIQUE. — QUATRIÈME ANKÉE. — N*» 4. 4
— 94 —
avant de se prononcer sur la possibilité ou la facilité de creuser le canal
entre la mer et les chotts, M . de Lesseps a voulu revoir une fois encore
et étudier lui-même le terrain ; il est parti avec un habile ingénieur,
M. Léon Dru, qui vérifiera les sondages déjà faits, et en fera d'autres
aussi nombreux qu'il sera nécessaire pour constater d'une manière
certaine l'état des teiTains que devrait traverser le canal. Le 14 mars
M. de Lesseps arrivait à Tunis; le 21 il a visité l'oued Melah (v. carte
des Chotts, III"' année, p. 248). Avant la reprise des travaux , il avait
écrit à Abd-el-Kader pour réclamer son intervention en faveur des explo-
rateurs européens ; et, comme il l'avait fait une première fois (voir
I" année, p. 81), l'émir a adressé à tous les chefs religieux et militaires
des districts de la Tunisie et de l'Algérie que visiteront les ingénieurs
français, une lettre qui doit être lue publiquement dans toutes les
mosquées et dans toits les campements de la région des chotts, pour
leur recommander d'accorder, à ceux qui ont conçu l'idée de percer
l'isthme de Gabès, toutes facilités et secours de paroles et de fait.
Le peu de place dont nous disposons ne nous permet pas de donner
à nos lecteurs tous les renseignements fournis par M. Hansal, consul
général d'Allemagne à Khartoum, sur la révolte du Soudan, et "pu-
bliés ^p^rVOesterr eichische Monatschrift fiir den Orient. Nous devons
nous borner à ce qui nous paraît le plus important. On avait espéré
pouvoir envoyer directement au Kordofan les colonnes égyptiennes du
Caire, pour abattre d'un seul coup la puissance de Mohamed Ahmed.
Mais les rebelles surent manœuvrer de manière à les obliger à se divi-
ser, pour se porter sur plusieurs points des environs de Khartoum.
Abd-el-Kader s'avança sur Messalamié, mais il y rencontra une résis-
tance qui lui fit comprendre qu'il ne pouvait être question d'envoyer des
troupes au Kordofan avant que toute la presqu'île de Sennaar, entre les
deux fleuves, fût complètement pacifiée. Tout ei\ cherchant à organiser
et à instruire le mieux possible les troupes et les officiers qui lui
arrivaient, il fit fabriquer des boules, armées de quatre pointes et des-
tinées à être jetées en avant de l'ennemi, afin de le retenii* à distance,
les révoltés combattant nu-pieds ou chaussés seulement de sandales
très minces. En attendant, l'armée du Mahdi, qui s'était dispei-sée après
sa défaite près d'El Obeïd, s'était reformée et interceptait les commu-
nications entre Khartoum et le Kordofan où, d'après les dépêches
reçues au Caire, El-Obeïd et Bara sont tombées aux mains des insurgés,
et où Mohamed Ahmed retient captifs MM. G. Roth et Robers, inspec-
teurs du service de la traite, qu'il ne veut relâcher que contre une forte
— 95 —
ranc^on. Tous deux, au reste, sont traités humainement, et peuvent
<!irculer libinement dans la ville de Bara. — Le colonel Stewart, arrivé k
Khartoum pour étudier la situation politique du pays, promettre des
secours de troupes et engager les sujets du khédive h demeurer fidèles
m\ gouvernement, s'est occupé en même temps des moyens d'établir
des communications commerciales avec la mer Rouge, pour le moment
•oii la révolte sera complètement réprimée. M. Hansal estime peu avan-
tageux le projet de chemin de fer de Souakim h Berber, le port de
Souakim étant insuffisant, et Berber, station de passage des caravanes,
ne pouvant prétendre à devenir une ville industrielle et commerciale.
D'ailleurs les cataractes qui existent entre Berber et Khartoum ne
peuvent que retarder la navigation et la rendre dangereuse. Le tracé le
meilleur, le plus court et le plus économique serait, suivant M. Hansal,
^l'Akik à Khartoum par Gos Regeb. Un embranchement sur (xadaref
attirerait sur cette ligne le commerce d'une partie de l'Abyssinie.
M. Hansal voudrait que l'Angleterre profitât de sa position actuelle en
Egypte, pour hâter la construction d'une voie feri'ée qui mît la mer
Rouge en communication avec le Soudan, et qu'elle fît nommer Gordon
Pacha gouverneur de cette province, aucun autre chef militaire ne
jouissant, parmi les classes inférieures de la population, d'une popularité
égale à la sienne. Lui seul pourrait établir au Soudan la liberté commer-
dale, abolir le monopole, régler la question de l'esclavage, développer
l'agiiculture, remettrez l'ordre dans les finances, réformer l'administra-
tion, ce dont le Soudan a le plus urgent besoin. — D'après des dépêches
du Caire, Abd-el-Kader a réussi à reprendre Sennaar aux troupes du
faux prophète, qu'il a rejetées au delà du Nil Bleu.
En envoyant à la Société khédiviale de géographie, au Caire, une carte
nianusci'ite de la région au sud de Béni Schangol et de Fadasi, oîi sont
les sources du Toumat, du Jabous et du Yal, M. tl. M. Schuver y a
joint des notes explicatives sur des observations de longitudes et de lati-
tudes, de hauteui-s, etc., ainsi qu'un vocabulaire de la langue des
IjiomaM. Ces nègres sont de la même race que les Amams, mais plus
nombreux et dans une situation plus propre à garantir leur indépen-
dance et leur isolement. Ils habitent une chaîne de montagnes étendue
et profondément ravinée, au N. 0. des Légas Gallas, qui, quoique de
beaucoup supérieurs en nombre et en organisation, n'ont jamais pu les
subjuguer. Les Gomas n'entretiennent pas de relations avec les Denkas
<lu lac Baro et du Sobat, desquels ils sont séparés par un désert boisé
de trois à quatre journées de marche. M. Schuver croit qu'ils sont les
— 96 —
restée d'une race aborigène, refoulée dans les montagnes parles inva-
sions successives des Gallas venant de Test, puis des Denkas venus du
sud, et qu'ils ont des affinités avec les Changallas, tribu nègre enclavée
dans la partie occidentale du territoire des Gallas, au sud du Nil Bleu.
Le voyageur italien, L. Çaprotti, écrit de Gudru, dans le Choa, h
V Esploratore, que M. Monti a réussi, dans ses excursions de chasse, à
pénétrer dans le pays des Gallas au sud de Fadasi, en passant le
Jabous, ce que n'avaient pu faire jusqu'à présent ni Marno, ni Gessi, ni
Matteucci, ni Schuver. Mais il y a été retenu prisonnier et même vendu
conune esclave, pour deux mulets chargés d'ivoire et 30 bœufe.Un gêné-
rai du roi du Godjam, ayant appris qu'un blanc était esclave chez les
Gallas, voulut le racheter, et ordonna qu'on le lui amenât, ce qu'il
obtint, non sans peine, car les Gallas le tenaient caché ; ils n'osèrent
cependant pas s'exposer au courroux du général qui avait 20,000 hom-
mes sous ses ordres. Monti fut libéré et envoyé au roi du Godjam, qui
l'engagea à rester auprès de lui, mais le voyageur ayant manifesté le
désir de se rendre d'abord dans le Gallabat pour s'y pourvoir de diffé-
rentes choses, le roi lui donna monture, serviteurs, argent et tout ce dont
il pouvait avoir besoin pour ce long voyage, et le pressa amicalement de
revenir ensuite auprès de lui. C'est déjà au roi du Godjam que Gecchi,
retenu prisonnier par la reiue de Ghéra, a dû sa libération. — Il résulte
de renseignements recueillis par M. Çaprotti, que le roi d'Abyssinie aurait
décidé que des territoires des Gallas conquis par .les rois du Choa et du
Godjam, le Kaffa et les pays à l'ouest, seront réunis à ce dernier, tandis
que les districts à l'est du Kaffa appartiendront à Ménélik. D'autre part
le bruit courait que le pays des Gallas tout entier serait donné à un
officier de l'armée du roi Jean. Dans tous les cas la conquête de ces ter-
ritoires par l'Abyssinie les ouvrira à l'exploration et au commerce. —
Une lettre de M. Brémond, chef de l'expédition française au Choa, nous
informe que le roi d'Abyssinie est gravement malade, et qu'en vertu
d'une convention conclue entre les deux souverains, Ménélik se prépare
à le remplacer sur le trône.
Le courrier de Zanzibar a apporté de bonnes nouvelles de la station
de Karéma, dont le personnel se compose actuellement de 65 askaris,
et de 100 indigènes, hommes, femmes et enfants, établis à demeure sur
les terrains appartenant à l'Association internationale. La partie
cultivée par eux est déjà très étendue. Au départ de la lettre de
M. Storms, le 10 novembre 1882, l'époque delà moisson était prochaine,
et la récolte s'annonçait comme devant être abondante. L'état sanitaire
— 97 —
du personnel était satisfaisant. — De son côté M. Ledoulx, consul de
France à Zanzibar, communique que M. Cambier se proposait de nou-
veau de transporter 4()0 Zanzibarites au Congo, mais qu'il n'a pu en
réunir que 230. — M. Giraud, après avoir formé sa caravane à Zanzi-
bar, s'est transporté avec tout son matériel à Dar-es-Salam d'où il est
parti le 10 décembre. Il comptait traverser l'Ousagara, passer entre le
Nyassa et le Tanganyika, relever le Tchambési, le descendre sur son
bateau démontable, jusqu'au lac Bangouéolo, puis se diriger vers le lac
Jloero, et de là essayer d'atteindre le Congo par la voie la plus pratica-
ble. Dans une lettre à M. Ledoulx, M. Giraud exprimait sa satisfaction
sur le début de son exploration, et sur les bonnes conditions de sa cara-
vane.
Nous n'entrerons pas dans les détails du conflit soulevé entre les
Hovas et les agents du gouvernement français à Jlladag^ascar ; les
journaux politiques en parlent suffisamment. Mais nous indiquerons,
d'après une communication du Foreign Office à VAfrican Times ^
les modifications à l'article 5 du traité de 1865, adoptées le 16 février
dernier : « Il est permis aux sujets anglais, aussi bien qu'aux sujets
de la reine de Madagascar, et aux sujets de la nation la plus favo-
risée, de louer ou donner à bail, teiTes, maisons, magasins ou autres
propriétés, dans les États de S. M. la reine de Madagascar, à condition
que les baux conclus par des sujets anglais soient enregistrés au consu-
lat britannique, et par un fonctionnaire malgache désigné à cet eifet.
S. M. la reine de Madagascar accorde à ses sujets le droit de louer leure
propriétés à leur gré, mais il est interdit aux sujets malgaches de faire
aucune vente de terre aux étranjgers. Les sujets anglais seront libres
de construire à leur gré des maisons sur le terrain à eux loué, et la reine
de Madagascar s'engage à faire tout ce qui sera en son pouvoir pour les
protégei', eux et toute propriété qu'ils pourront acquérir à l'avenir ou
qu'ils auront pu acquérir avant que le présent article ait eu force de loi.
Les impôts seront les mêmes pour eux que pour les sujets malgaches ou
pour ceux de la nation la plus favorisée. L'article aura force de loi dès le
1" septembre 1883. » — Nous ne savons pas si, dans les négociations avec
les autorités françaises et anglaises, les envoyés malgaches ont cherché
à obtenir, pour le gouvernement de la reine de Madagascar, l'autorisa-
tion d'imposer fortement le rhum importé de Maurice et de la Réunion,
mais les missionnaires déplorent les effets de ce trafic ; ils le considèrent
comme désastreux pour le commerce de la côte et de l'intérieur de l'fle,
non moins que ruineux pour la population, dont il détruit l 'énergie, et qu'il
— 98 —
réduit à un état d'indifférence absolue poui' tout ce qui est un peu supé-
rieur à sa condition actuelle. La quantité de rhum importée Tannée der-
nière, de Maurice seulement, s'est élevée à 2,1 16,183 litres. — Il eût été
opportun également, nous semble-t-il, que les gouvernements de France-
et d'Angleterre profitassent de la présence des ambassadeurs malgaches
à Paris et à Londres, pour insister auprès d'eux sur l'urgence de prépa-
rer à Madagascar l'abolition de l'esclavage, car, de l'aveu de cea
envoyés, dit VAntislavery Reporter, la proportion des esclaves et des
hommes libres, dans l'île, est de trois pour un. Les sociétés missionnai-
res auraient sans doute appuyé les gouvernements, vu qu'elles souffrent
d'un état de choses qui oblige les chrétiens de Madagascar à employer,
poui' leurs travaux doitiestiques ou autres, des hommes qui les servent
volontairement et qu'ils payent, c'est vrai, mais qui, néanmoins, appar-
tiennent à des propriétaii'es auxquels ils doivent remettre une partie de
leur gain, ce qui rend assez illusoire la faculté que la loi leur reconnaît
de se racheter. Mais la question de l'esclavage à Madagascar est assez
importante pour que, malgré les détails dans lesquels nous sommes
entrés dans notre article sur l'esclavage (III"* année, p. 139,) nous y
revenions dans un prochain numéro.
La population de l'île Maurice prend de plus en plus une physiono-
mie asiatique, par le fait de l'immigration hindoue ; on y compte, en effet,
sur 366,000 habitants environ, 250,000 Hindous, coolies, boutiquiers, tra-
fiquants, colons, propriétaires, au milieu desquels sont noyés les créoles
africains et malgaches, ainsi que quelques milliei-s de Chinois, d'ailleui-s
très entreprenants. Les enfants des coolies devant former la future popu-
lation coloniale, le gouvernement commence à se préoccuper de leur
éducation. Sur 116,000 enfants au-dessus de 14 ans, que compte l'île,,
d'après le recensement de 1881, 25,000 au plus reçoivent l'instruction,
soit à la maison, soit dans les écoles officielles, soit dans celles des mis-
sions cathoUques, anglicanes ou presbytériennes. Cette année, le budget
colonial anglais contient, pour la première fois, une somme destinée à
la création de cent écoles hindoues ; c'est déjà une mesure importante,
mais il en faudrait de 400 à 500, pour élever les enfants hindous de Mau-
rice.
Depuis un certain temps l'attention des gouvernements anglais et
français s'est portée sur la nécessité d'établir une conununication télé-
graphique entre Maurice et la Réunion, surtout pour* annoncer
l'approche des cyclones et prévenir les grands dommages qu'ils causent
aux vaisseaux^ aux propriétés et aux personnes. A défaut d'un câble
— 99 —
sous-marin, on en est venu à l'idée de se servir de Théliogi^aphe, employé
avec tant de succès dans la campagne de l'Afghanistan, et entre l'Espa-
gne et le Maroc, sur une distance de 288 kilora., par le général Ibanez. La
distance entre les deux points les plus élevés des deux îles est de 215 kil.
Le colonel Mangin a construit un appareil, au moyen duquel l'approche
des cyclones pourra être annoncée de Maurice à la Réunion, 24 à 38
heures avant que ces ouragans atteignent cette dernière île.
On se souvient que dans la convention de Pretoria, le gouvernement
anglais s'est réservé la question des intérêts des indigènes et de la poli-
tique des natifs. Mankoroan, chef Betchouana de l'ouest du Transvaal,
auprès duquel se trouvait alors un agent britannique, qui maintenant s'est
joint aux Boers, a fait appel à l'intervention anglaise contre ces derniers,
qui ont occupé une partie de son territoire et menacent de s'étendre
encore plus vei's l'ouest. Des Boers ont en outre exercé des déprédations
dans un territoire cédé aux Anglais par Mankoroan. La « question des
Boers » a été posée devant le parlement, mais, soit dans la Chambre des
Lords, soit dans celle des Communes, tout en reconnaissant l'obligation
morale de protéger les tribus indigènes contre les envahisseurs, pei-sonne
n'a proposé de recommencer la guerre contre les Boers. — Quant à la
gueiTe intérieure du Transvaal, Mampoer et Mapoch ont attaqué plu-
sieurs chefs cafres partisans de Secocoeni, auxquels ils tuèrent une ving-
taine de personnes, honmies, femmes et enfants ; mais, à leur tour, les
indigènes du pays de Secocoeni vinrent au secours de leurs chefs et fer-
mèrent la retraite aux gens de Mapoch ; ceux-ci se trouvèrent pris entre
deux feux et perdirent 500 des leurs, entre autres un frère de Mampoer
et un des principaux capitaines de Mapoch. La plus forte des positions
de ce dernier a été prise par les troupes du gouvernement des Boers,
et l'on ne doute pas que la guerre ne soit bientôt finie-
La paix, que les missionnaires de Barmen avaient réussi à rétablh' entre
les Hérérosii et un certain nombre de chefs IVamaquas, n'a pas été
de longue durée. Un de ces derniers, Jan Afrikaner, ayant continué à
piller les Bastards, ceux-ci appelèrent à leur secours les Héréros avec
lesquels ils attaquèrent les Namaquas. Jan Afrikaner fut battu et obligé
de se réfugier dans une gorge d'iui accès très difficile au cœur des mon-
tagnes. Ses adversaires se firent indiquer sa retraite, cherchèrent à l'y
enfenner, et reprirent la plus gi*ande partie du bétail qu'il leur avait
enlevé, mais lui-même réussit à leur échapper en s'enfonçant toujours
davantage dans les montagnes. Plus tard il en est sorti pour attaquer
Ilehoboth, avec des renforts Namaquas, mais les Héréros out volé au
— 100 —
secours des Bastards, et, aux dernières nouvelles, une grande bataille était
attendue à l'Est du pays des Héréros. Après la déception qu'ont eue les
missionnaires au sujet de la paix, ils en sont venus à craindre que la
tranquillité ne puisse être rétablie que lorsqu'un des partis aura été
complètement battu. Les païens commettent de telles horreurs à l'égard
dès prisonniers, que les chrétiens, impuissants à les en empêcher, neveu-
lent plus se mettre en campagne avec eux. — Deux missionnaires sué-
dois ont trouvé, à six journées de marche au Nord d'Omarourou, près
de Otyomatanga, de grands clans de Damaras, dans un district assez
pauvre en sources permanentes, mais où les pluies sont fréquentes et où
le fouiTage et les bois abondent. Un des missionnaires de Barmen s'y
rendra pour explorer le pays, et, comme il serait très difficile de com-
mencer une œuvre de mission pour les Damaras disséminés au milieu
des Héréros qui les maltraitent, on leui* conseillera de se rendre auprès
de leurs frères ; ce serait là que la Société de Bannen mettrait à exécu-
tion son projet de mission en faveur des Damaras.
Une nouvelle expédition est partie d'Ostende pour Liverpool, où un
steamer l'attendait pour la conduire à l'embouchure du Cong^o. Elle
est conmiandée par M. le lieutenant Vankerckhoven et compte, outre
plusieurs officiers belges, un capitaine de navire anglais, un lieutenant
hongrois, et un mécanicien allemand. Ce dernier accompagnera
M. Librechts, sous-lieutenant belge, qui se détachera du reste de l'expé-
dition dès que les voyageurs auront mis le pied sur le sol africain. Il
serait question, paraît-il, de relier l'embouchure du Congo à Zanzibar
au moyen d'une poste à pigeons ; du moins l'expédition a emporté avec
elle un certain nombre de pigeons voyageurs, pour les faire circuler sur
la ligne des stations du Comité d'études du Congo et de l'Association
internationale, et obtenir en quelques jours les nouvelles qui actuelle-
ment mettent quelques mois pour parvenir de la côte occidentale à la
côte orientale. — M. Peschuël Loesche qui, pendant neuf mois, a tenu
la place de Stanley sur le Congo, de retour en Europe, a donné à la
Société de géographie de Brème, sur la région qu'il a explorée, deux
conférences dans lesquelles il a entre autres rectifié les idées que l'on se
fait généralement de la partie du fleuve où sont ce qu'on appelle les
cataractes du Congo. En réalité il n'y a de chute verticale que celle
d'Isanghila, de 5" de hauteur ; celle de Yellala ne tombe pas vertica-
lement, mais comme l'eau sur la roue d'un moulin; ailleurs il n'y a que
des rapides ; le fleuve court en écumant sur un plateau incliné de
15 p. *^/j)o, parsemé de rochei's au milieu desquels il bouillonne et forme
— 101 —
des tournants. Les pluies au nord et au sud de Téquateur tombant à des
époques différentes, il monte de septembre à décembre, et de juin à
août. A l'époque des hautes eaux, de petits vapeurs de 10 à 15 tonnes,
munis de fortes machines, peuvent passer à Isanghila où la chute a
complètement disparu. M. Peschuël Loesche qui, on se le rappelle, a eu le
bras gauche fracassé dans une lutte sanglante de six heures avec les
indigènes, devra renoncer aux voyages ; il consacrera ses loisirs aux pro-
grès de la science géographique.
Les combats qui ont eu lieu entre les gens de Stanley et les natifs,
ont arrêté la marche en avant des missionnaires de la Living^s-
tone Inland Mission. Après s'être portés à 50 kilomètres au delà
de leur station de Moukimboungou, ils furent empêchés de passer par les
villes des Ndoungas, et obligés de fonder une nouvelle station sur la
Loukounga, au milieu d'une population d'ailleurs très bien disposée à
leur égard. Pour le moment, ils s'estiment heureux de travailler dans un
territoire que ne traverse pas la route ouverte le long des rapides du
Congo, car les combats sus-mentionnés ont créé des sentiments d'hosti-
lité entre les natifs et les blancs. D'après le numéro de mars des Regiam
heyond^ on aurait tiré sur les gens deBrazza dont plusieurs auraient été
tués, sur le territoire de Stanley, près de Yivi. Aussi les missionnaires de
la société sus-mentionnée veulent-ils éviter autant que possible de se trou-
ver mêlés à aucune troupe de gens armés, et, renonçant à s'établir à Stan-
ley Pool, se borner actuellement à travailler dans la région qui avoisine
leurs stations, à 50 ou 60 kilomètres l'une de l'autre, sur une étendue de
170 kilomètres. Depuis cinq ans qu'ils l'habitent ils n'ont jamais eu do
conflits avec les indigènes, qui les respectent et leur confient leurs
enfants. Ils ont appris la langue du pays, préparent plusieurs élèves à
devenir instituteurs, et trouvent auprès des indigènes empressement à
leur fournh' les produits du pays et à leur servir de porteurs le long de
la route d'une station à l'autre.
Les missionnaires baptistes établis à lllanyan§^ et à Stan-
ley Pool, où leurs stations prendront les noms de Wathen et de
Arthington, en l'honneur de deux des principaux soutiens de leur
œuvre, se sentent de plus en plus obligés de s'affranchir de la protection
des Zanzibarites annés des expéditions belges. Après l'attaque dans
laquelle M. Peschuël Loesche a été blessé, ils ont compris que la route
le long de la rive septentrionale du fleuve, de Manyanga à Stanley Pool,
ne serait plus sûre que pour des cai*avanes fortes et bien armées, et ils
en ont cherché une sur la rive méridionale. Là les Belges, après avoir
— 102 —
brûlé la ville de Ngombi, dont le chef Lutété s'était montré disposé à
attaquer les caravanes, ont fait une nouvelle route jusqu'à Stanley Pool,
et le lieutenant Valcke, qui en était chargé avec 180 Zanzibarites nouvel-
lement arrivés, a fondé une station à Ngombi, et organisé un sei-vice de
caravanes entre ce point et Stanley Pool. Les missionnaires en ont un indé-
pendant de celui des Belges, en sorte que, tous les quatre ou cinq jours, les
natifis qui demeurent le long de la route voient passer une caravane. La
sécurité des transports est plus grande, mais les prix de toutes choses ont
beaucoup augmenté. Heureusement les missionnaires ont pu obtenir des
natife comme porteurs, ce qui les dispensera d'aller chercher à la côte
des Krooboys, comme ils devaient le faire les premières années. —
A Stanley Pool, M. Comber a dû s'efforcer de faire comprendre à Nga-
Liéma que son œuvre était toute différente de celle des Belges, qu'il ne
venait ni pour acheter de l'ivoire, ni pour trafiquer, mais pour instruire
son peuple; qu'il ne lui donnerait ni fusils, ni poudi*e, ni rhum, mais
qu'il apprendrait à lire aux enfants et soignerait les malades. Après
avoir fait construire une maison sur le teiTain concédé à la mission
par le Comité d'études du Congo, il a commencé une école. Le petit
vapeur le « Peace » ouvrira aux missionnaires la voie en amont du fleuve,
où ils songent déjà à fonder tme nouvelle station, près du confluent du
Quango. Elle portera le nom de Liverpool.
Alors même que nous ne serions pas renseignés par les publications
missionnaires sur les combats qui ont eu lieu entre les indigènes et des
blancs ou des gens au service des expéditions belges, le fait que les cara-
vanes des Zanzibarites amenées successivement à l'embouchure du
Congo, sont immédiatement pourvues d'armes, et que, de son côté, de
Brazza qui, pendant les huit années de ses explorations précédentes, n'a
jamais entretenu que des relations pacifiques soit avec ses porteurs
indigènes, soit avec les autres natife des territoires qu'il traversait, a
reçu pour son expédition des milliers de fusils, indique qu'il s'est pro-
duit un changement dans les dispositions des populations de cette région
à l'égard des blancs. Si, ce qu'à Dieu ne plaise, les actes d'hostilité se
renouvellent, le monde civilisé devra se féliciter qu'il y ait, sur les deux
rives du fleuve, des missionnaires pour guérir les maux causés par la con-
currence commerciale. Le Mmiteur de V Algérie a eu connaissance d'un
document émané de M. Braconnier, chef de la station de Léopold ville,
qui aurait voulu imposer aux missionnaires rengagement de ne secourir
que les membres de la Société dont Stanley est l'agent. Il n'est pas
besoin de dire que les missionnaires ont refusé de signer cet étrange
i
I
— 103 —
engagement. Pour le moment, les puissances de l'Europe ne semblent
pas songa* à se mettre d'accord pour garantir la neutralité du Congo et
la liberté commerciale en faveur de toutes les nations. Le Portugal et
r AAipleterre continuent à négocier. Contrairement à ce que nous
avons annoncé dans notre précédent numéro, le Portugal a déclaré que,
pendant les négociations, aucun vaisseau de guerre ne sera envoyé à
Cabinda et à Molemba; et M. le sous-secrétaire d'État aux affaires
étrangères, lord Fitz Maurice, en réponse aux craintes manifestées par
quelques membres des Communes, au sujet de la conclusion d'un traité
qui pourrait compromettre le développement du commerce anglais dans
rA&ique équatoriale, a promis que le gouvernement ne fera rien qui
puisse prendre la Chambre par sui'prise. Il est d'autant plus urgent de
ne rien précipiter à cet égard, que les amis de l'Antislavery Society,
ainsi que ceux de« Sociétés missionnaires sont aussi anxieux que les
commerçants anglais , de voir le gouvernement portugais maître du
com's inférieur du Congo, et que tous sont d'accord pour demander la
neutralité et la libre navigation du fleuve. — M. de Brazza s'est embar-
qué à Bordeaux le 20 mars. D'après une lettre du Gabon, du 2 février,
une partie de l'expédition est arrivée hem'eusement dans la colonie et a
dû repartir pom* le Haut Ogôoué. M. Ballay, le compagnon de Brazza,
était en route pom* Brazzaville.
M. Gowans, directeur en Afrique de la Gold Coast Company, est
venu en Angleteri'e, afin de faire choix des appareils les plus convenables
pour appliquer à l'exploitation des mines d'Abboutuyakoon les procédés
les plus rapides, les plus économiques et les plus efficaces . 11 a vu occa-.
sionnellement en Australie d'aussi riches minerais, mais rien qui puisse,
comme étendue, êti'e comparé à ce gisement aurifère. Il n'éprouve aucune
diflSculté à se procm'er à la Côte d'Or tous les travailleui-s dont il a
besoin, grâce à la fermeté et au tact avec lesquels il traite les indigènes ;
aussi n'approuve-t-il pas l'idée qui a été émise de faire venir pour le tra-
vail des mines des coolies hindous ou des Chinois. — M. Barham, l'ingé-
nieur chargé des études préliminaires d'un chemin de fer à la Côte
d'Or, a communiqué son rapport à une réunion tenue à Londi-es ; il con-
clut à l'établissement d'une ligne d'Axim à Tacquah, sur une longueur
de 64 kilomètres.
Le roi du Ballng, Sago Bamakha, a conclu récemment "avec M. le
capitaine Bonnîer, revêtu de plems pouvoirs par le colonel Borguis
Desbordes, commandant supérieur du haut-fleuve, un traité par lequel
le Bafing est placé sous le protectorat de la France, qui aura le droit
— 104 —
d'y exécuter les grandes voies de communicatiou qu'elle jugerait utiles.
Les Français pourront y feire librement le commerce, sur le pied d'une
parfaite égalité avec les indigènes ; les caravanes et les marchandises
seront scrupuleusement respectées dans leurs personnes et dans leurs
biens. Le roi s'est en outre engagé à donner aide et protection à tous
les Courriers et à tous les convois, par terre ou par eau, venant des
postes français de Kita et de Bafoulabé. — A peine arrivé à Bamakou
sur le Niger, le colonel Borguis Desbordes a fait commencer les travaux
d'un fort qui sera bientôt en état de recevoir une garnison d'hivernage ;
la colonne expéditionnaire reviendra à Saint-Louis.— Quoique la mission
du D' Bayol fftt absolument pacifique, elle n'en a pas moins subi le
contre coup des événements du Haut-Sénégal. Ahmadou de Ségou ayant
donné l'ordre formel de ne permettre à aucun Européen de traverser le
Kaarta, le D' Bayol pense qu'il sera obligé de descendre plus au sud,
dans le Bambouk et le Fouta-Djalon, déjà parcouru par lui, mais^ oU il
reste, dit-il, encore beaucoup d'études à faire.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
La Société khédivîale de géographie, au Caire, a été saisie de plusieurs proposi-
tions : 1** de fonder un musée ethnographique africain, auquel serait rattaché un
musée commercial; 2^ de faire des études sur les voies de communications les plus
rapides avec le Soudan et la région des lacs ; 3^ d'explorer le pays entre F*adasi,
Lado et le cours du Sobat.
Un groupe de commerçants napolitains a chargé M. le professeur Licata de se
rendre à Assab, pour y recueillir des renseignements scientifiques et commerciaux
sur cette possession italienne.
La Société italienne, qui a obtenu une concession pour Texploitation tlu sel à
Assab, a Pintention de conclure avec les souverains d'Abyssinie, du Choa et du
Godjam, des contrats pour leur fournir la quantité de sel nécessaire à leurs États.
Ce condiment qui, vu son prix élevé (Fr. 0,76 le kilogramme), est un article réservé
aux classes aisées, pourra ainsi devenir d'une consommation générale. £n outre,
les souverains étant intéressés à garantir leurs caravanes contre la rapacité des
tribus indépendantes au milieu desquelles elles devront passer, la route d' Assab
au Choa et au Godjam deviendra sûre.
La Société africaine allemande a pourvu à ce que ses ei^plorateurs reçussent le
plus promptement possible tous les objets nécessaires au remplacement de ce qu'a
détruit l'incendie de Weidmannsheil, pour qu'ils puissent reprendre immédiate-
ment leur projet de voyage au lac Moero. Malheureusement, le D' Kaiser est mort
en novembre sur les bords du Tanganyika.
— 105 —
La caravane des missionnaires anglais, conduite par M. Stokes, a atteint l'extré-
mité sud du Victoria Nyanza, un peu à l'ouest de Kagheî.
M. Last, de la station de Maraboia, a fait une nouvelle excursion au delà de
Ngourou, et visité quelques villages des Masaï où il a été bien reçu ; il a pu
recueillir beaucoup de renseignements sur la langue, les coutumes, les conditions
sociales de ces tribus, réputées si féroces, et sur le meilleur moyen d'établir avec
elles des relations amicales.
M. Selous a traversé de nouveau la partie septentrionale du pays des Matébélés
jusqu'au Zambèze, le long de la Panyane ou Hanyane. Il a atteint le Zambèze
près de l'embouchure de l'Oumsengaïsi, d'où il a suivi la rive méridionale du
fleuve jusqu'à Zoumbo ; puis il est revenu à son campement de chasse, près de
l'Oumfoulé. La plus grande partie du territoire qu'il a parcouru était incon-
nue jusqu'ici. La géographie lui devra à cet égard des renseignements aussi utiles
que ceux qu'il a fournis précédemment sur la région du confluent du Chobé et du
Zambèze.
Le chef Letsié a écrit, au nom de ses fils et des principaux Bassoutos, au Parle-
ment du Cap, pour demander que le Lessouto ne fût pas abandonné, la plus grande
partie de la tribu désirant demeurer sous la protection du gouvernement. Une
commission, présidée par M. Sauer, ministre des affaires indigènes, s'est rendue
au Lessouto pour recueillir les avis des Bassoutos.
Une dépêche de Maritzbourg annonce que Mnyamana et seize autres puissants
chefs zonlous ont publié la déclaration suivante : « Comme chefs zoulous, nous
protestons auprès de la reine contre le partage de notre pays, dont on n'a laissé
qu'un tiers à Cettiwayo, tandis que tout le peuple désire rester sous son autorité. »
Le P. Depelchin est arrivé du Zambèze à Port Elisabeth, amenant avec lui deux
lions.
M. P. Ewald, naturaliste d'Halberstadt, partira prochainement pour faire des
études dans la colonie du Cap, l'État libre de l'Orange et le Transvaal, d'où il
reviendra, à travers le désert de Kalahari, chez les Damaras, pour remonter
ensuite le long de la côte occidentale jusqu'au Congo.
Le gouverneur de la Colonie du Cap, Sir Hercules Robinson, a fait remettre au^
membres du Parlement colonial un recueil des lois et coutumes des indigènes, pré-
paré par une commission spéciale, pour servir de base à des relations internatio-
nales, où l'on ait^ autant que possible, égard aux idées et aux besoins des popula-
tions, et où les cas de mécontentement, pour ne s'être pas bien compris, soient
moins fréquents.
M. Resteau va revenir d'Ambrisette, où il a installé la première factorerie de la
Compagnie belge du commerce africain ; en attendant, il a envoyé les plans d'au-
tres établissements que' la Compagnie fondera dans la région au sud du Congo.
M. L. Petit, naturaliste, a fait de Landana une excursion sur le Haut Chiloango
jusqu'à Toumby ; il en a rapporté de belles collections d'oiseaux, et plusieurs spé-
cimens de chimpanzés et de gorilles mahiéma. Pendant son séjour à Toumby, il a
assisté à l'ensevelissement du prince Macaille N'Gom, mort depuis plus d'un an,
— 106 —
mais qu^on avait, selon l'usage, conservé dans sa case, fumé et enveloppé dans des
tissus, jusqu'après la nomination d'un successeur.
La « British and African Steam Navigation Company, » qui a déjà 20 navires pour
le service de la côte occidentale d'Afrique, en a fait construire deux autres, d'an
faible tirant d'eau, pour pouvoir leur faire franchir les barres des rivières basses.
Ils seront appelés le Logos et le Calabar,
Le Comité des Missions anglicanes a accepté, pour ses stations du Niger, les ser-
vices de M, le D' Percy Brown, qui s'est offert pour travailler dans une partie du
champ des missions.
Ne pouvant consentir à renoncer à aucun des territoires de la république de
Libéria, le sénat de Monrovia paraît disposé à soumettre la question des limites
septentrionales de cet État, au sujet desquelles il est en désaccord avec l'Angle-
terre, à l'arbitrage des États-Unis ou des grandes puissances civilisées.
Le Wyoming amène des États-Unis en France le prince Ulysse Parklew, futur
souverain du royaume de Fessah, allié à la république de Libéria. Ce prince, âfé
de 16 ans, est élevé à l'européenne; deux précepteurs, MM. Brown et Stewai*t,
l'ont conduit en Amérique; après lui avoir fait visiter la FrancCi l'Angleterre et
l'Allemagne, ils le reconduiront au Pcssah.
Le nouveau roi du Cayor a fait visite au gouvei'neur de Saint-Louis, auquel il a
promis d'aider de toutes ses forces à la construction de la voie ferrée. Dans deux
ou trois semaines la section de Dakar à Rufisque sera terminée.
Les travaux du chemin de fer du Haut-Sénégal continuent avec activité; Médine
est relié à Kayes.
Jusqu'ici la pêche du corail sur les côtes d'Afrique se faisait surtout dans la
Méditerranée, devant la Calle. Depuis quelques années les pêcheurs vont dans
l'Atlantique, spécialement aux îles du Cap Vert, dont le professeur Greef a étudié
les coraux, qu'il a ti'ouvés identiques à ceux de la Méditerranée. En 1879 et 1880,
le produit de la pêche à l'île de Thiago a été de 3000 kilog. ; il y avait en parti-
culier des coraux rouge pâle très estimés. Dès lors il s'est formé des sociétés
pour exploiter les côtes du Cap Vert.
M. Piazzy Smith a communiqué au journal anglais Nature, d'après une cor-
respondance de Santa Cruz, capitale de Ténériffe, que le pic de Teyde, qui n'avait
pas eu d^éruption depuis 1798, est de nouveau entré en activité au commencement
de 1883; un fleuve de lave est descendu de son sommet encore couvert de neige.
EXPLORATIONS DU 0' JUNKER SUR LE HAUT OUELLÉ >
Dès la plus haute autiquité, les problèmes relatifis à Thydrographie de
l'Afrique ont occupé les esprits. Hérodote, Ptolémée et ses successeurs,
* Cette livraison est accompagnée d'une carte dressée sur celles du D"* Junker,
— 107 —
ont porté leur attention sur le système du Nil ; après eux Tétude géné-
rale du cours inférieur des grands,fleuves fut reprise par les Portugais,
qui lui firent faire des progrès. Mais c'est surtout à Livingstone que se
rattachent les travaux qui devaient permettre de résoudre les grandes
questions du Zambèze, du Nil et du Congo ; l'impulsion donnée par lui
fit surgit» la pléiade des Speke, des Grant, des Burton, des Baker, des
Cameron, des Stanley, des Serpa-Pinto, et aujourd'hui, quoiqu'il reste
beaucoup à faire, on peut dire que les bassins de ces grands fleuves sont
assez approximativement déterminés. Celui de l'Ouellé en revanche l'est
encore fort peu ; aussi est-ce vers lui que se portent actuellement les
regards. Ce n'est pas qu'il ait été complètement laissé de côté jusqu'ici.
Déjà en 1855, Escayrac de Lauture, et après lui les fi'ères Poncet,
Heuglin, Miani, Piaggia, Schweinfiirth surtout, avaient fourni des ren-
seignements qui auraient pu faire comprendre l'Importance de cette
étude ; mais il est difiicile de pénétrer au delà du bassin du Nil, oti les
brigandages exercés pai' les chasseurs d'esclaves, et par les expéditions
égyptiennes en quête de l'ivoire, dont le gouvernement a le monopole, ont
causé chez les Niams-Niams et les Mombouttous une défiance bien natu-
relle. En outre le danger auquel le cannibalisme de ces populations
expose les voyageurs explique pourquoi ils ont été, jusqu'à présent, si
peu nombreux dans cette région,
Tout le monde se rappelle la marche de Schweinfiirth « au cœur de
l'Afrique » de 1868 à 1870, ses relevés des affluents du Nil Blanc, sa
découverte des sources du Djour au mont Baginsé, et celle des Akkas,
peuple de pygmées déjà mentionnés par Aristote. On n'a pas oublié
non plus l'enthousiasme dont il fût saisi à son arrivée au bord de
l'Ouellé, le 19 mare 1870 ; celui de Mungo Park, posant la première fois
le pied sur les rives du Niger, n'avait pas été plus grand. « Depuis mon
départ de Khaitoura, dit Schweinfiirth, la même question agitait mon
esprit : le fleuve coulait-il de l'est à l'ouest ? Si ses eaux se dirigeaient
vers l'est, le problème jusqu'alors inexpliqué de la plénitude du lac
Mvoutan était résolu ; si elles coulaient à l'ouest, elles n'appartenaient
pas au système du Nil. Enfin l'Ouellé m 'apparut, il envoyait au cou-
chant ses flots semblées et profonds. » C'est à ce voyageur que nous
de Schwemfui*th et de Potagos. Pour les dernières explorations, nous avons dû
nous contenter d^indications approximatives, la carte du D** Junker, qui accom-
pagnait un de ses rapports aux MittheUim^e^i de Gotha ne leur étant pas par-
venue, non plus que ce rapport.
— 108 —
devons nos premières infonnations sur la Gadda et le Kibali, qui forment
rOuellé, sur le volume de leurs eaux, leurs crues, leur altitude (de
700 m. environ), comme sur les montagnes au sud . de la résidence
de Mounza, contreforts occidentaux delà chaîne que Baker avait vue au
N.-O. du Mvoutan, et dont il estimait la hauteur h 2500 m. De toutes
les observations qu'il avait faites et des renseignements qu'il avait
recueillis, il concluait que TOuellé ne pouvait appartenir qu'au bsussin
du Chari. Les Mombouttoi^ et les Niams-Niams donnaient tous à
rOuellé une direction 0. N.-O. ; plusieurs d'entre eux l'avaient suivi
pendant des jours et des jours, jusqu'à un endroit ob il s'élargit au
point que les arbres de l'autre rive ne sont plus visibles, et qu'enfin on
ne voit qu,e l'eau et le ciel. Us aflSrmaient que les riverains de la partie'
méridionale de ce lac, car ça devait en être un, étaient vêtus d'étoffes
blanches, et se mettaient à genoux pour dire leurs prières. Mais toutes
les questions par lesquelles Schweinfùrth chercha à résoudre le problème
n'aboutirent qu'à cette réponse dérisoire, que lui donna uç jour sou
interprète mombouttou, qu'à l'O. S.-O., où naquit Mounza, en un
endroit appelé Madimmo, il y avait une étendue d'eau aussi grande...
que le palais du roi ! Malgré son ardent désir d'arracher au cœur de
l'Afrique son secret, il dut revenir vers le nord, au Bahr-el-6hazal,
laissant à d'autres le soin de continuer les recherches commencées.
Miani s'est avancé vers l'ouest jusqu'à Bakangal, par 24'' 10' long.
E. de Paris. Potages a fourni, sur les affluents septentrionaux de l'Ouellé
jusqu'au 20'' 40', des renseignements qui ne peuvent être négligés dans
l'étude du cours moyen de ce fleuve. Mais aujourd'hui, nous voulons
nous en tenir aux parties explorées par le D' Junker, en amont du point
touché par Potages, en exposant d'abord les études du voyageur russe
dans la région des sources du Kibali et de la Gadda. C'est là en effet
que le conduisit son premier voyage, en 1877 et 1878. Encore nous bor-
nerons-nous à relever, dans cette première exploration à l'ouest du Nil
Blanc, dans les mudiriehs de Rohl et de Makaraka, les recherches qui
eurent pour but de déterminer le bassin et les sources du Djei, affluent
du Bahr-el-Ghazal, et la ligne de partage des eaux de ce tributaire
d'avec celles du Kibali, partie supérieure de l'Ouellé.
Dans ce premier voyage il était desceiidu de Kabayendi, dont il avait
fait son quartier général jusqu'à la sériba de Wau, près du Djour, tantôt
coupant, tantôt suivant l'itinéraire de Schweinfùrth ; et l'observation
qu'il fit déjà alora, des fréquents changements de place des établisse-
ments arabes pour l'exploitation de l'ivoire et de la traite, n'est pas sans
— 109 —
importance pour la cartographie. Un très petit nombre des séribas indi-
quées dans la carte de Schwéinfiirth se trouvaient encore, en 1877, à
l'endroit où elles étaient sept Uns auparavant. Tel était le cas de celles
de Roumbeck, dans le mudirieh de Rohl, et de Ghattas dans celui du
Bahr-el-Ghazal. Par suite de la mauvaise administration de Abd-es-
Ssammat et de ses gens, des 17 stations qui, à l'époque de Schweinfurth,
existaient de Ghattas à Gosa, il n'en restait plus que quatre en 1877 :
celles de Gosa, de Mandouggou, de Kanna et de Sirahr. Là où en 1808
régnait, dans les séribas, l'abondance eu grain et en bétail, Junker trouva
la misère. Sur tout ce parcours il ne vit pas une pièce de bétail, et sou-
vent même il dut céder de son blé aux propriétaires des séribas actuelles.
De grandes étendues de pays avaient été dépeuplées et ruinées, tous ceux
qui avaient pu échapper aux corvées et à l'esclavage avaient émigré et
trouvé un refuge chez Mbio, chef niam-niam. Mais nous laissons de
côté cette région déjà parcourue par Schweinfurth, pour suivre Junker
dans le Makaraka, oU les principales stations étaient alors celles de
Wandy, de Makaraka, de Kabayendi, de Rimo et de Ndirfi.
Depuis que le gouvernement égyptien avait monopolisé le trafic de
l'ivoire, elles étaient entre les mains de fonctionnaires égyptiens, appuyés
chacun de 150 soldats environ, chargés de veiller à l'exécution des
ordres donnés aux chefs nègres, Qt d'aider à la perception des impôts.
Au sud du Makaraka s'étend un territoire demeuré, jusqu'en 1877,
fermé aux explorations géographiques, quoique depuis longtemps les
agents des trafiquants arabes y fissent des incursions et des razzias-
poiu* se procurer de l'ivoire, des esclaves et du bétail. Pour obtenir
l'ivoire, ils entretenaient des relations amicales avec quelques chefe
puissants en pays éloignés ; ceux-ci l'acquéraient en forçant les chefs
moins forts à le leur livrer, puis chaque année le gouvernement envoyait
des expéditions pour le chercher : c'est ainsi que ces expéditions
visitaient les chefs de Ganda chez les Kakouak, de Lemihn chez les
Kalika, et de Luggar au sud du Kibali.
De Kabaye.ndi le D' Junker fit une excursion vers le S.-O., pour déter-
miner la Ugne de partage des eaux entre le Rohl, le Djau, le Tondj,
affluents du Bahr-el-Ghazal, et l'Akka, la Garamba et le Kotschou qui,
par le Pongou, portent leurs eaux à l'Ouellé.
Du côté du S.-E. le pays va en s'élevant, jusqu'aux sources du Kibali.
Le long de sa route le voyageur signale, à l'est les monis Keni, Korbé,
Mouga et Maja, et à l'ouest l'Ottogo et le Ouado, dans le voisinage
duquel le Djei prend sa source. Un peu au sud du Mouga s'ouvre la
— 110 —
belle vallée du Kindé, affluent du Bibé, le principal tributaire de la rive
droite du Djei. Les palmiers, les dattiers, les bananiers, que Ton y
retrouve après en avoir été privé longtemps, et de hauts acacias lui
donnent l'aspect d'un parc. Au delà se trouve la ligne de faîte entre le
Nil et rOuellé, sans hautes montagnes, dans un terrain rocheux, très
coupé. La végétation arborescente est moins abondante chez les Kalika,
qui sont esi^entiellement agricoles et élèvent du bétail ; nulle part
Junker n'a vu chez les nègres autant de bestiaux. Au sud de Lemihu, les
bois de haute futaie reparaissent dans la vallée du Kibali, mais plus
loin les arbres sont remplacés par des praiiîes et des champs cultivés de
doura à tiges de la hauteur d'un homme, de fèves, de courges, de
patates douces, etc. ; les collines en pente douce sont arrosées dans
toutes les directions par de petits cours d'eau, le long desquels seule-
ment croissent de magnifiques arbres ; tout y rappelle un district agi-i-
cole de notre Europe. Quant au Kibali il est foimé d'une multitude de
petites rivières qui descendent du vereant occidental des montagnes
situées au N.-O. de l'Albert Nyanza, et que Junker a appelées : monts
Gessi, Gordon, Baker, Emin, Speke, Schweinfurth, Junker, etc. Aux
endroits oîi il l'a traversé, chez les Kalika, près du 2** 40' lat. N., le
Kibali n'avait qu'une vingtaine de pas de large, et 0",70 de profondeur,
mais courait rapidement sur un lit de sable.
Les recherches du D' Junker sur le cours supérieur de TOuellé ne
devaient pas se borner à ce premier voyage. Revenu en Europe pour
se reposer quelques mois, il en repartit vers la fin de 1879, pour le pays
des Niams-Niams et des Mombouttous. Grâce aux recommandations de
Schweinfurth et aux soins de Gessi pacha, alors gouverneur du Bahr-el-
Ghazal,il gagna rapidement la sériba de Wau, point extrême N.O. de sou
expédition antérieiu'e, et de là, jusqu'à Dem-Békir, il suivit la route de
son prédécesseur. Mais, à peine y était-il arrivé^ que le bruit de sa
venue se répandit chez les Niams-Niams et y jeta l'eflroi. Accoutumés à
voir leur territoire parcouru et dévasté par les expéditions égyptiennes,
devant lesquelles paifois ils s'enfuient de leurs habitations et laissent
leurs champs sans culture, leurs inquiétudes se réveillèrent à l'ouïe de
l'arrivée de Junker, qu'ils prenaient pour un frère du gouverneur Gessi»
se le représentant suivi d'une nombreuse escorte militaire. Il fallut
que Ndorouma, un de lem'S grands chefs, qui perçoit lui-même des
autres princes niams-niams indépendants, l'ivoire à livrer au gouverne-
ment égyptien, et qui personnellement était disposé à satisfaire aux
demandes de celui-ci^ vint à Dem-Békir, pour s'informer des intentions
— 111 —
de Texplorateur. Junker eut beau lui donner Fassurauce qu'il ne vien-
drait chez les Niams-Niams qu'avec soq compagnon de voyage, Bohn-
dorf, et quelques serviteurs, Ndorouma ne fut tranquillisé que lorsque
dix soldats qui l'avaient escQrté jusqu'à Dem-Békir eurent été renvoyés-
Après cela Junker put commencer, le 7 mai 1880, sa marche vers le
S. £., à- travers le haut pays d'oii descendent plusieurs affluents du
Djour, à l'est de la ligne de faîte du bassin des principaux affluents de
rOuellé mentionnés par Potages, le Tsigo, le Proungo, le Béti. Il fran-
chit l'un de ceux-ci, le Rongo, sous le 6** lat. N., près de la résidence du
chef Issa, et en entrant dans le bassin de l'Ouellé remarqua un chan-
gement dans la végétation ; ce fut là en particulier qu'il rencontra les
galeries si admirablement décrites par Schweinfurth ; tandis que plus au
nord, les plantes disparaissent à l'époque de la saison sèche, ici, par
suite de l'abondance des eaux en toute saison, elles deviennent per-
manentes, et s'ajoutent à la flore de l'équateur pour donner à toute la
végétation un caractère spécial. Des arbres énormes, plus élevés que les
palmiers d'Egypte, croissent le long des rives des nombreux coui-s d'eau,
et y abritent des tiges moins élevées dont les cimes s'échelonnent sous
leur ombre. Vus du dehors, ces bois ressemblent à un mur de feuillage,
Tenceinte franchie, on se trouve dans une avenue, ou plutôt dans un
temple dont la colonnade soutient la ti*iple voûte. Les piliers de cette
nef ont en moyenne 30 mètres de hauteur, les plus bas de 20 à 25
mètres. Des galeries moins grandes s'ouvrent à droite et à gauche, et
donnent accès à des bas côtés remplis, comme l'avenue principale,
des murmures harmonieux du feuillage. Il passa ensuite près des sour-'
ces du Bokou, affluent du Mbomou qui, contrairement aux reniseigne-
ment fournis à Schweinfurth, pour sa carte, coule aussi vers l'ouest, et
enfin U s'arrête à la sériba Lacrima, non loin de la résidence de Ndo-
rouma, près de laquelle jaillit l'Ouerré, qui se dirige vers l'ouest, au
nord des monts Gangaras. Une fois établi là, il vit arriver des messa-
gers d'un grand nombre de princes niams-niams, qui commençaient
à voir en lui un protecteur contre les violences des expéditions égyp-
tiennes.
Nous ne reviendrons pas sur les détails que nous avons donnés
(II"" année, p. 131 et 211) de son séjour chez les Niams-Niams ; nous
avons hâte de le suivre vers l'Ouellé et chez les Mombouttous. Mention-
nons cependant auparavant les indications qui lui ont été données sur
l'existence, à l'ouest du pays de Ssassa, d'une grande rivière, au delà
de laquelle les habitants prient selon le rite mahométau ; ils seraient en
— 112 —
rapport avec l'Adaniaoua, d'où on leur amènerait des chèvres et des
moutons très beaux.
Profitant d'une expédition conduite par Sémi, chef niam-niam, habi-
tant au nord du Mbomou, et vassal du gouvernement égyptien qui lui
fournit des armes et des soldats nègres pour recueillir l'ivoire, il la sui-
vit à travers le territoire de Ndorouma, qui s'étend au S.-O. sur une
longueur de 85 kilom., et d'où descendent une quantité de rivières cou-
lant vers l'ouest pour se jeter dans l'Ouerré; d'autres se rendent à la
Goui'ba, qui a 25 pas de large au sud de Palembata, et que l'on ne peut
passer, non plus que le Mbrouélé qui en a 75, qu'avec l'agrément des
Mangballés, tribu mombouttoue de la rive septentrionale de l'Ouellé, pos-
sesseur des bateaux nécessaires pour passer ces deux rivières. Deux prin-
ces de cette tribu, hostiles aux Abarmbos, Mombouttous encore indépen-
dants de l'autre rive de l'Ouellé, cherchèrent à entraîner l'expédition
égyptienne dans leur parti contre leurs adversaires. Junker déclara qu'il
garderait une stricte neutitdité. Il n'en passa pas moins, avec Sémi et
ses gens, la Gourbaetle Mbrouélé, dans les bateaux des Mangballés, ce
qui fit croire aux Abarmbos queles Mangballés et l'expédition égyptienne
faisaient cause commune. Les Mangballés ayant fait entrer leurs bateaux
dans l'Ouellé, le cri de guerre retentit de toutes parts. Sémi attaqua
imprudemment lès canots des Abarmbos, pendant que Junker parlemen-
tait avec Mambanga, prince mombouttou, indépendant aussi, qui refu-
sait à Sémi l'entrée sur son territoire. Il se détacha de l'expédition égyp-
tienne, passa chez Mambanga, et, de sa résidence, par S"* ^6' lat. N. et
24 ""40' long. E. de Paris, il envoya chez les Abarmbos un message pour
les engager à faire la paix et à livrer l'ivoire qu'ils avaient en leur pos-
session. Il réussit à les persuader, mais il dut renoncer temporairement
à se rendre vers l'ouest, à travers le pays des Amadis, aux moDts
Gangaras et Badindés, jusque chez Rafaï, et passer des semaines chez
Mambanga. Depuis la mort de Mounza, si cruellement assassiné par
Youssouf pacha S c'est le plus puissant prince mombouttou, il n'a point
de rapports avec les stations égyptiennes, Ali, Abdallah et Abd-el-Mihn,
établies à l'est du Mombouttou, et s'oppose à la venue de soldats sur
son territoire; mais il est cannibale comme tous ses gens; on n'enterre
aucun mort et chaque décès est expié par le meurtre d'une victime
humaine que l'on mange. Sous tous les autres rapports, Junker a trouvé
cette tribu supérieure aux autres nègres, surtout par l'administration,
^ V. II™« année, p. 131.
— 113 —
les usages domestiques et la considération accordée aux femmes. Il fut
témoin, comme Schweinfurth Favait été, des horreurs conunises par ces
cannibales. Pour s'y soustraire, il envoya son serviteur Faradj-Allah avec
ses bagages, par bateau, à la sériba Ali, au confluent de la Gadda et du
Kibali, tandis que lui s'y rendit par terre, malgré les obstacles considé-
rables que présente l'état des chemins au sud de l'Ouelïé pendant la sai-
son des pluies. En effet, quoique le fleuve ait des borda élevés de 6 m. à
8 m. au-dessus du niveau de^s hautes eaux, ses petits tributaires du sud
débordent presque tous. Il visita la station de Abd-el-Mihn, puis remonta
vers le nord, à l'emplacement de la résidence deMounzaprès de laquelle
mourut Miani. Plus à l'est, ont été fondées, dans le pays des Gambaris,
des stations destinées à amener la soumission des princes indigènes. Les
diflScultés que les fonctionnaires égyptiens suscitèrent à l'explorateur lui
firent comprendre la nécessité d'éviter à l'avenir les employés arabes, et
de se rendre à Bakangal, plus à l'ouest, ob n'en stationne aucun, quoique
le chef de cette localité livre son ivoire au gouvernement égyptien.
Auparavant cependant, il revint, le 3 décembre 1880, à son quartier
général près de Ndorouma. U y reçut la visite du prince Ssassa qui habite
au sud du Mbomou, ainsi que celle du chef Kipa, qui réside dans la partie
occidentale du teiiitoire des Niams-Niams et l'invita à venir chez lui ; il
résolut de s'y rendre et de nouer de là des relations avec Bakangaï, au
delà de l'Ouellé. Pendant son absence, Bohndorf avait me^é, à l'aide
de la montre et de la boussole, la route depuis la frontière du territoire
de Ndorouma jusqu'à Kipa, et l'avait trouvée de 200 kilom. ; en cet
endroit, l'Ouerré avait 50 m. de large.
(A suivre.)
BIBLIOGRAPHIE '
La question du ZâIre. Droits du Portugal. Mémorandum. (Lallemant
frères), Lisbonne, 1883, in-8% 79 p. — Cette publication datéedu 24 décem-
bre dernier émane du Comité africain de la Société de géographie de
Lisbonne, et tend à étabhr les droits du Portugal sur tout le cours
inférieur du Congo. Elle pose en principe, tout d'abord, que la souve-
raineté d'un État civilisé sur les territoires qu'il déclare lui appartenir
se fonde, d'après le droit international, sur la découverte, la posses-
sion et la reconnaissance de ces territoires, et montre, par des exemples
empruntés à l'histoire, que la Russie, les États-Unis, la France, l'An-
* On peut se procurer à la librairie Jales Sandoz, 13, rue da Rhône, à Genève
tons les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et ewUisée,
— 114 —
gleterre se sont, en diverees circonstances, appuyés sur ces principes
pour faire reconnaître leur autorité sur certaines contrées. Reprenant
ensuite l'histoire de la Guinée méridionale, depuis les premiers voyages
des Portugais au XV"* siècle jusqu'à nos jours, le mémoire expose que
ces trois conditions sont remplies pour toute la région baignée par
l'Océan Atlantique, au sud du 5° 12' latitude sud. Cette ligne de démar-
cation est établie'pour la côte, mais, en ce qui concerne l'intérieur « la
ligne réelle de la frontière portugaise, dit le mémorandum, se conserve
indéterminée et dépendante des besoins et des résolutions de notre
administration et de notre politique coloniale. En ce qui concerne le
Zaïre proprement dit, il est clair que tout son cours inférieur est com-
pris daas notre province, et que celle-ci s 'étendant vers Test jusqu'à la
région de lacca et de Lunda, embrasse, de droit, une partie du cours
supérieur du même fleuve. » On le voit, si les revendications du Portu-
gal étaient admises dans leur entier, les stations de Brazzaville et de
Léopoldville, quoique se trouvant au nord du ô*'12' lat. sud auraient été
établies sur territoire portugais . Mais, d'après une lettre adressée au
Mémcyrial diplomatique, par M. le ministre de Portugal en France, les
terres cédées par Makoko à Savorgnan de Brazza se trouvent au delà
des limtes des possessions portugaises. Il y a néanmoins là une question
de droit international des plus délicates et l'on ne peut, en aucune
manière, préjuger la solution qui lui sera donnée par la diplomatie.
JosEF Chavanne. Afrika im Lichte unserer Taoe. Wien, Pest,
Leipzig. (Hartleben's Verlag), 1881, in-8*, 184 p. et carte, 3 fr. 75. —
En rendant compte, dans notre dernier numéro, de l'ouvrage du savant
géographe viennois sur l'hydrographie de l'Afrique, nous avons fait
allusion à celui qu'il avait publié l'année précédente sur l'orographie
de ce continent, pour rectifier les erreurs dans lesquelles on était géné-
ralement quant au relief de cette partie du monde, si différente, à cet
égard, de l'Asie, de l'Europe et de l'Amérique. Avant Livingstone il eût
été impossible de se faire une idée tant soit peu exacte de ses altitudes
relatives, des terrasses qui la bordent, des montagnes qui supportent
le plateau central, des dépressions de celui-ci, du caractère tout à fait
spécial des montagnes qui, à paît dans l'Atlas, dans les monts de Kong
et dans les monts Drakenberg, n'offrent rien de semblable aux chaînes
de l'Himalaya^ des Alpes ou des Andes. Mais, depuis une dizaine d'an-
nées, l'Afrique a été traversée de l'ouest à l'est et de l'est à l'ouest ; du
nord et du sud, les explorateurs se sont avancés presque jusqu'à l'équa-
teur, et les nombreuses expéditions qui se sont succédé ont fourni
— 115 —
assez (U indications précises pour que la lacune qui existait jusqu'ici dans
la géographie africaine pût être comblée. Seulement, ces indications
étaient disséminées dans la foule des publications que l'exploration afri-
caine fournit chaque jour en nombre plus considérable. Il a fallu les
soins les plus scrupuleux et une patience admirable, pour recueillir toutes
ces données, les classer avec ordre, et un grand talent d'exposition pour
présenter d'abord dans ses traits généraux le relief du continent, puis
celui de ses parties principales : l'Atlas, le Sahara, les différents pla-
teaux du Soudan, de l'Afrique australe et de l'Afrique centrale, celui do
TAbyssinie et enfin les montagnes qui s'élèvent à l'ouest de la mer
Rouge. Après avoir décrit en détail chacune de ces parties, avec les traits
spéciaux qui la caractérisent, le D"" Chavanne résume les développe-
ments dans lesquels il est entré, dans quelques lignes qu'on pourrait
appeler des profils, avec les principales cotes de hauteur, ce qui permet
de se représenter, même sans dessin, les accidents du terrain que Ton
vient de parcourir. Pour compléter l'impression que laisse l'étude de
son ouvrage, il a dressé une carte qui offre à l'œil les détails du relief
africain, au moyen de teintes nuancées indiquant les différentes altitu-
des de 3(X)" à 2500'" et au delà. Mais, comme pour le volume de l'hydi-o-
graphie, un index de toutes les hauteurs indiquées dans celui-ci en faci-
literait beaucoup la consultation.
Lk8 é(4U8es MONouTiiEs DE LA VILLE DE Lalibéla (Abyssinic), par
Achille Raffraj/, vice-consul de France. Album gr. in-é** de 20 planches
lithogr. et 14 p. de texte. Paris (Veuve A. Morel), 1882, fr: 30. — La
ville de Lalibéla, capitale de la province de Lasta dans le Tigré, était
déjà connue pour ses églises coptes taillées dans le roc, mais c'est
M. Achille Raffray qui le premier a fait une étude complète de ces cons-
tructions si étonnantes. Il avait déjà visité dans son premier voyage, en
187H-74, une église monolithe près de la ville de Solsota, et avait en
outre appris des naturels que, dans la ville de Lalibéla, on trouvait beau-
coup d'églises de ce genre ; mais il ne put les voir alors. Dans son der-
nier voyage, grâce à une permission du roi, il fiit plus heureux.
Lalibéla est une ville religieuse, et par suite se trouve en dehors des
routes parcourues par les Européens et les marchands. (ïrouvernée par
un moine, sa population se compose surtout de pèlerins qui viennent
prier dans les sanctuaires vénérés. Lalibéla renferme dix églises mono-
lithes, qui font, à proprement parler, partie intégrante de la montagne.
« L'architecte, dit M. Raffray, a fait creuser des carrières à ciel ouvert,
au milieu desquelles il a laissé un bloc qui ne tient plus à la montagne
— 116 —
que par sa base ; puis ce bloc a été travaillé extérieurement jusqu'à
simuler des murailles ; enfin on a fouillé Tintérieur, ménageant des
colonnes, des pleins cintres pour soutenir le plafond, et on a en dernier
lieu, percé des fenêtres pour y laisser parvenir l'air et la lumière. On a
ainsi des églises qui sont monolithes dans toute Tacception du terme. » Le
travail des ouvriers a donc été ici l'inverse de ce qu'il est d'ordinaire,
au lieu de construire on a creusé, et l'édifice ne se compose pas de
pièces ajustées, mais il est au contraire tout d'une pièce.
Taillées dans une roche rouge assez friable, et malgré cela parfaitement
intactes à l'intérieur, les églises présentent à l'extérieur beaucoup de
colonnes brisées ; plusieurs d'entre elles ont souffert de l'invasion musul-
mane.
Pour faire ressortir toutes les beautés et les traits caractéristiques de
ces églises, tels qu'ils nous sont représentés par les dessins de M. Rafiray ,
il faudrait des connaissances spéciales en architecture. Les différents
types d'ornementation que Ton remarque à LaUbéla ont conduit des
personnes compétentes à penser qu'elles ont été exécutées vers le xu* siè-
cle, probablement au temps où régnait le négous qui a donné son nom
à la ville. Les églises sont le travail, non des Abyssins mais d'ouvriers
égyptiens et syriens, sous la direction de Sidi-Meskal, dont le corps
repose sous le dallage de la principale de ces églises.
Le texte de l'ouvrage que nous venons de résumer pour nos lecteurs
comprend dix pages. U est accompagné de 20 planches ou dessins, qui
représentent non seulement chaque église dans son ensemble, mais
encore les traits caractéristiques de sa composition architecturale.
Ces dessins, qui se font remarquer par leur fini et leur élégance, sont
de M. Raflfray lui-même, artiste aussi distingué, paraît-il, que voyageur
consciencieux. L'aspect des façades de chaque église, leur distribution
intérieure, leur plan général, leur coupe, et leur vue d'en haut, permet-
tent de se faire une idée exacte de ces édifices, qui diffèrent beaucoup les
uns des autres dans leur aménagement et leur apparence générale. En
outre, M. Rafiray a dessiné un bas-relief de l'église de Golgotha repré-
sentant une statue de saint Georges, puis les détails des décorations
intérieures, dont les couleurs sont d'un fort bel effet, des croisées, des
colonnades, etc.
Tout cela est fort bien fait, et l'on doit remercier M. Kaffray d'avoir
fait connaître des constructions si originales, uniques au monde, et qui
forment certainement une des particularités les plus intéressantes de
l'Abyssinie.
i
Autour. /Hûrei
Afrique ênp/ûrée êr dvtiisée . ^*- Annit. /\f^4. Afril /W3.
— 117 —
BULLETIN MENSUEL (7 rmi 1883.)
Le voyage de M. de Lesseps daus la région des Chotts * a pleinement
réussi, et le rapport des ingénieurs invités par lui et par M. Roudaire à
se rendre sur les lieux, pour donner leur avis sur le projet de mer inté-
rieure, lui a permis d'aflirmer, dans une séance extraordinaii*e de la
Société des études maritimes et coloniales, que ce projet est parfaitement
réalisable. Il sera facile de créer, à l'embouchure de l'Oued Melah, un
port à l'abri de tous les vents et pour la construction duquel, ainsi que
pour les jetées, les matériaux seront extraits de la roche calcaire, consta-
tée par les sondages de M. Roudah-e, à la base du seuil de Gabès, dont le
volume est relativement peu important. Dans tout le parcours du canal,
en ligne droite, au travers du chott Djérid, l'absence complète de roches
permettra à tout bâtiment de naviguer avec une entière sécurité. Au
seuil qui sépare le chott Djérid du chott Rharsa, M. Roudaire a décou-
vert un passage qui évite complètement les roches signalées précédem-
ment à Kriz, et dont la commission avait estimé le volume à vingt-cinq
millions de mètres cubes. L'altitude du col de Tozeur est en outre infé-
rieure de 12 m. à celle du col de Kriz, et le nouveau tracé du canal en
cet endroit aura 4 kilom. de moins. Le sondage fait au point culminant
de ce passage a démontré qu'on ne rencontrerait que des sables. Vu la
nature des terrains à traverser, il sufiSra de creuser dans la partie d'allu-
vions un canal d'une largeur moyenne de 25 à 30 mètres, qui sera
agrandi par le courant lui-même. Cette tranchée pourra être exécutée en
cinq ans et pour le prix de cent cinquante millions de francs. M. Cosson,
dans une séance de l'Académie des Sciences, a présenté les mêmes objec-
tions qu'il avait déjà faites au projet de M. Roudaire, mais M. de Les-
seps ne doute pas que ses amis ne mettent à sa disposition les sommes
nécessaires, et va demander au gouvernement, sans garantie d'intérêt,
la concession d'une bande de terre de 30 kilom. autour des chotts ; ce ter-
rain est sans valeur actuellement, sauf les oasis qui resteront naturelle-
ment à leurs légitimes propriétaires, mais il de\dendra propre à la cul-
ture quand la mer intérieure lui fournira l'eau qui lui manque. M. de
Lesseps demandera également la concession de 100,000 hectares de forêts
dans les monts Aurès, au nord du chott Molrhir, jusqu'à présent inex-
ploitées faute de voies de communication. On sait l'ardeur que M. de
' V. lU""® année, p. 248, carte du bassin des chotts algéro-tunisîens.
L^ AFRIQUE. — QUATRIÈME ANNÉE. — N** 5. 5
— 118 —
Lesseps apporte à rexécution de ses projets, aussi peut-on s'attendre à
le voir commencer prochainement des ti'avaux qui, indépendanmient de
leurs résultats agricoles, politiques ou militaires, ne pourront qu'exercer
une influence civilisatrice sur les populations du sud de l'Algérie et de la
Tunisie. Lors de son passage à Tozeur, elles lui ont exprimé leur satis-
faction de le voir arriver dans leur pays, et ont promis de lui aider dans
ses travaux.
M. le ministre de l'instruction publique de France prépare une grande
mission scientifique et archéologique en Tunisie, pour laquelle il
demandera aux Chambres un crédit de 115,000 fr. Elle durera trois ou
quatre ans; une partie de la mission, composée de naturalistes, sous la
direction de M. Cosson, membre de l'Institut, parcourra la Tunisie
pour l'étudier à un point de vue scientifique et pratique; elle doit en
effet rechercher les moyens de rétablir un régime des eaux conforme aux
besoins de l'agriculture, et de reboiser les montagnes et les plateaux, de
façon à rendre à la Régence la prospérité dont elle jouissait autrefois;
l'autre partie, qui compte de jeunes savants déjà rompus aux fouilles et
aux recherches archéologiques, sera placée sous l'autorité &b MM. Tis-
sot, Perrot et Desjardins, membres de l'Institut.
D'autre part, un crédit de 120,000 fr. sera demandé aux Chambres,
pour rendre permanente la mission temporaire envoyée au Caire en
1880, et en faû'e un « Institut d'archéologie orientale. » Dirigée au début
par M. Maspero, cette dernière mission a passé sous la direction de
M. Lefébure, lorsque son chef fut chargé de la direction du musée de
Boulacq. Les membres du nouvel Institut devront présenter tous les ans
les résultats de leurs travaux à l'Académie des Inscriptions et Belles-
Lettres. Une imprimerie sera annexée à la mission.
Il résulte d'un message de lord Dufferin à lord Granville sur la ques-
tion de l'esclavage, publié par VAntislavery Reporter, que la Con-
vention de 1877 entre rAngleterre et l'Egypte s'est montrée
défectueuse, en ce qu'elle n'indiquait pas la peine applicable aux diffe-
rents cas de contravention. Les bureaux d'affranchissement au Caire ont
libéré, en un peu plus de cinq ans, plus de 8000 esclaves ; mais un grand
nombre de ceux-ci ont été envoyés au Soudan, oli il est possible qu'ils
aient été vendus de nouveau. Sous la direction du comte Sala, le service
pour l'abolition de l'esclavage a presque arrêté l'introduction de nou-
veaux esclaves dans l'Egypte proprement dite, du moins celle de gran-
des caravanes ; mais il y en arrive toujours quelques-uns de contrebande
et il en vient aussi quelques blancs k Alexandrie. En revanche, dans la
— 119 —
mer Rouge, il en est expédié de 2000 à 5000 aunuellement de Massaoua
et surtout de Zeïla; les vaisseaux anglais ne peuvent arrêter la traite; la
mer Rouge étant très étroite, les bateaux peuvent, par un bon vent, la
traverser à la faveur de la nuit et de là tolérance des autorités égyptien-
nes et turques. Les équipages anglais ne peuvent pas débarquer et agir
sur territoire égyptien, même lorsqu'ils savent que des esclaves sont ras-
semblés sur un certain point pour être transportés en Arabie au premier
moment favorable. Les fonctionnaires des diverses provinces tirent, dû'ec-
tement ou indirectement, de la traite une bonne partie de leur revenu;
le gouvernement égyptien n'a d'ailleurs jamais essayé de les révoquer ni
de les punir, quoique son attention ait été souvent attirée sur leurs
méfaits. Dans l'Egypte propre, où les esclaves blancs sont, à peu d'excep-
tions près, en la possession de membres de la famille du khédive et de
riches pachas, l'abolition immédiate de l'esclavage serait, dit lord Duf-
ferin, très mal vue dans cette classe et causerait une perte d'argent
considérable, pour laquelle il faudrait trouver une compensation. Il y a
cependant en Turquie une coutume très générale, en vertu de laquelle
les esclaves peuvent, au bout de sept ans de service, réclamer leur
liberté ou même la recouvrer spontanémeût ; ii ne semblerait pas très
difficile d'introduire cette coutume en Egypte. Au Soudan, oh l'esclavage
I>révaut partout, l'abolition causerait beaucoup de mécontentement et
peut-être des troubles, quoique aucune mesure abolition niste ne pût occa-
sionner un désordre plus grand que celui qui existe aujourd'hui dans ce
malheureux pays. Lord Dufferin propose que l'Angleterre fasse avec
l'Egypte une nouvelle convention, par laquelle l'esclavage cesserait entiè-
rement dans cet État et ses dépendances, sept ans après la signature
du traité.
Quant aux moyens de préparer l'abolition, l'enregistrement qu'on a
souvent proposé est presque impossible dans l'Egypte propre, la plupart
des esclaves étant dans les harems, et au Soudan il est impraticable.
Pour y supprimer la traite, il faudrait déclarer Massaoua port franc,
puis construire des routes avec des stations de Souakim à Berber, et de
Souakim àKassala et à Galabat, afin d'amener le commerce sur des routes
déterminées et de rendre la surveillance plus facile ; cependant la cons-
truction d'une voie feiTée de Souakim à Berber ferait plus, pour la sup-
pression de la traite, que toute autre mesure. Il faudrait aussi établir des
bureaux d'affranchissement à Khartoum, El-Obeïd, Kassala, Berber
Souakim, et dans d'autres localités importantes, et un service pour
l'abolition de l'esclavage, analogue à celui que commande le comte
— 120 —
Sala, devrait être créé et diiigé par des Européens, au service desquels
seraient mis des bateaux à vapeur pour faire la police du fleuve. Aucun
Arabe ne devrait être autorisé à se rendre au Soudan ou au Bahr-el-
Ghazal sans passe-port, et sans quelque garantie qu'il n'y achètera pas
d'esclaves. Mais avant tout, il est nécessaire que le gouvernement égyp-
tien sache que l'Angleterre veut sérieusement la suppression de la traite,
et que tous les fonctionnaires, depuis le gouverneur général jusqu'à
l'employé subalterne, comprennent que leur intérêt est d'empêcher la
traite et non de l'encourager. Il faudrait encore nommer des consuls
anglais à Khartoum, Souakim et Massaoua, et des agents consulaires
pour d'autres localités. Quant à la mer Rouge, il serait urgent de for-
mer un corps de police suflisant à Souakim, Massaoua et en d'autres vil-
les, qui devraient le payer aussi longiemps que des esclaves seraient
exportés de la côte dont ces villes auraient le contrôle, et aussi de réta-
blir, sous le commandement d'officiers anglais, un service de la mer
Rouge pour la suppression de l'esclavage ; le commandant aurait pleins
pouvoirs pour agir sur terre aussi bien que sur nïer, et le corps de police
spécial sus-mentionné serait à ses ordres ; il occuperait dans les provin-
ces de la côte la même position que le comte Sala dans l'Egypte propre.
Les gouverneurs résidant dans des forteresses d'oîi l'on exporterait des
esclaves devraient être révoqués.
Pour pouvoir songer à appliquer ces mesures au Soudan, il faudrait
que ce pays fût pacifié; malheureusement, il n'en est rien. D'après une
lettre de M. Hansal, de Khartoum, aux Mittheilungen de la Société de
géographie de Vienne, la révolte, née d'un prétexte religieux, devient
de plus en plus nationale, et le mot d'ordre des rebelles est l'extermi-
nation des étrangers. L'Egypte devra mettre tout en œuvre poiu* empê-
cher l'incendie de s'étendre au delà des frontières du Soudan. D existe
dans le monde mahométan une sorte de parti protestant, qui veut réfor-
mer les doctrines existantes soi-disant falsifiées. Le mahdi appartient à
ce parti, qui a en Perse des représentants très savants; il a déjà réformé
les prières, le nombre des services religieux et plusieurs dogmes. Son
père, Nubien de Dongola, vint, il y a 40 ans, à Khartoum avec ses fils ;
ouvrier charpentier, il établit, pour construire des bateaux, un chantier
dans la forêt vierge près de Lahauin, qui fournit d'excellent bois de
construction. Le père mort, les fils continuèrent son travail, et, quand la
forêt eut été complètement exploitée, ils transportèrent leur chantier
dans l'île d'Aba, oh le bois abondait. Pendant que les aînés travaiUaient
ainsi, le plus jeune des fils, Mohamed-Ahmed, né à Khartoum en 1848»
— 121 —
îjuivait les leçons du scheik Fakit-el-Emin, le plus grand poète du Sou-
dan, établi dans l'île de Tenté, vis-à-vis de Khartoum, sous lequel il
étudiait le Koran et les sciences. Ses études terminées, il se rendit
auprès de ses frères à Aba, avec des marchandises pour en trafiquer.
Par ses connaissances et sa piété, il acquit une grande autorité sur les
Baggaras ; puis sa réputation se répandit parmi les tribus établies à
l'est du Nil Blanc; enfin, profitant des faiblesses et de l'incapacité du
gouverneur général du Soudan, il se présenta comme prophète. — Mal-
gré l'annonce de victoires remportées sur le NU Bleu par Abd-el-Kader,
gouverneur de Khartoum, le khédive a rappelé celui-ci et l'a remplacé
par Ali-Addin pacha. Un télégramme du 28 avril, envoyé au Daily Chro-
nicïe, annonce que le faux prophète est campé avec ses troupes à sept
heures de marche de Khartoum. Il demande la reddition de la place,
menaçant de hvrer un assaut dans quelques jours.
Les Missions catlioliques nous ont apporté des renseignements sur le
Kopdofan et le Baptour, d'où Mgr Sogaro, vicaire apostolique de
l'Afrique centrale en remplacement de feu Mgr Comboni, a reçu des nou-
velles des missionnaii-es du Gebel Nouba et d'El-Obeïd. Un Israélite, qui,
jusqu'au 12 février, avait pai-tagé avec les missionnaires d'El-Obeïd les
rigueurs du blocus de cette ville, lui a appris que ceux du Gebel Nouba
ont été pris, vers la mi-septembre 1882, par quelques oflBciers arabes du
mahdi, et conduits devant celui-ci, qui les exhorta avec courtoisie et
chercha, mais en vain, h leur persuader de renoncer au christianisme
poui* embrasser l'islamisme. Ils durent le suivre jusque près d'El-Obeïd,
qui était bloquée et souffrait de la disette : le dokhon (espèce de millet)
se vendait 12,000 fr. le quintal, la viande de chien 80 fr. le kilog., un
œuf 5 fr., une poule 150 fr. Le mahdi envoyait les siens jusqu'au second
fossé, creusé autour de la résidence du mudir d'El-Obeïd, pour engager
les habitants qui s'y étaient réfugiés à se donner à lui avec leurs biens,
et les soldats à céder toute résistance. Le 19 janvier, la famine les
obligea de se rendre; le mahdi leur promit qu'il ne serait touché ni aux
personnes ni aux biens. L'occupation s'effectua avec un ordre qu'il eût
été impossible de désirer plus parfait de la part d'une population civi-
lisée. Ce n'était toutefois qu'une ruse du mahdi pour soustraire tout le
butin à la rapacité des soldats et des Arabes ; il ordonna aux habitants
de tout laisser dans leurs maisons, les fit sortir de la ville et les réunit
dans un lieu oii ils furent entourés et surveillés; mais au fur et à
mesure qu'ils passaient, ils étaient visités et dépouillés de l'argent ou
des objets précieux qu'ils possédaient. Lorsque la ville fut entièrement
— 122 —
•
évacuée, le malidi commaDda à ses plus fidèles serviteurs de rassembler
tout le butin dans la forteresse d'El-Obeïd, et, s'étant imaginé qu'avant
le départ quelques-uns avaient enfoui leur argent, il fit faire des perqui-
sitions partout, dans les tombes, dans les puits et même dans les cloa-
ques. Les missionnaires d'El-Obeld furent pris et réunis à ceux du
Gebel-Nouba. Aux dernières nouvelles, ils étaient en bonne santé;
Mgr Sogaro espérait pouvoir les racheter pour une forte rançon.
L'expédition du comte Pennazzi est heureusement arrivée à Kas-
sala, d'où elle comptait repartir vers la fin de février pour remonter
pendant quelques jours le Gasch, jusque sous le méridien d'Alghedem, et
traverser de là le pays inconnu de la tribu des Basen pour rejoindre le
Bahr-Setit, au point extrême atteint par d'Abbadie dans sa marche de
Gondar vers le N.-O. Cette exploration faite, M. Pennazzi se proposait
de prendre une route S.-O. vers Galabat, à travers les forêts vierges de
la mahzaga ou kolla d'Abyssinie. S'il rencontrait trop d'obstacles dans
cette direction, soit par suite de la nature du terrain, soit par le fait des
bêtes sauvages qui infestent ces lieux déserts, il devait descendre le
Bahr-el-Saiaam jusqu'au confluent de l'Atbara, et remonter celui-ci
jusqu'à Galabat, d'où, par le Sennaheit, l'expédition reviendra à Mas-
saoua. Quoique le voyage à travers le pays des Basen barbares et pil-
lards soit relativement dangereux, elle espérait pouvoir le parcourir
sans suites fâcheuses, grâce aux lettres du gouverneur général de Kas-
sala, par lesquelles il ordonnait aux chefs de tribus de fournir aux voya-
geurs, contre payement, les guides et les chameaux nécessaires ; il avait
en outre mis à leur disposition une escorte de quatre bachi-bozouks.
Arrivé à Massaoua vers le miUeu de février, avec le personnel de la
troisième expédition de la Société milanaise d'exploration eu Afiique,
Bianehi a pu organiser très rapidement sa caravane pour l'Ahy»-
niiiiie, le gouverneur de Massaoua ayant donné l'ordre de tenir prêts
à cet effet une quarantaine de chameaux. Blanchi a en outre été favorisé
par l'arrivée des gens qui l'avaient servi dans son expédition précédente ,
et qui, informés de sa venue, lui avaient amené d'Abyssinie douze
mulets de selle. D est parti pour Aïlet, oii il comptait compléter sa
caravane, mais au lieu d'y trouver des mulets, il a dû louer des bœufe
poiu- monter jusqu'à Adoua. De là il se rendra chez les Wollo GaDa5»
au sud de l'Abyssinie, oîi le roi Jean se trouve actuellement.
Le comte P. Anionelli est parti d'Assab pour le Choa, après avoir
obtenu du sultan Mohammed-ben-Anfari le passage à travers le terri-
toire des Aoussas, à la condition d'être adopté par les tribus du sultan.
— 123 —
Cette adoption a lieu au moyen d'une incision sur le bras du parent
futur, et sur celui d'un indigène désigné par le sultan, après quoi ils se
sucent réciproquement la plaie. Cette cérémonie équivaut à celle de
réchange du sang dans l'Afrique centrale. Le sultan a donné en outre
une garantie certaine de sa protection, en envoyant à Antonelli son
sceptre ou bâton de commandement, respecté à l'égal de la parole du
souverain. Grâce à cette bienveillance, Antonelli a pu, sous la conduite
de Bassito,' son frère de sang, chargé du transport et de la surveillance
des bagages, traverser un territoii'e très peu hospitalier jusqu'ici, en
recevant partout l'accueil le plus sympathique. La route suivie passe à
l'ouest du mont Mussali (2062°'); escarpée et accidentée, par suite des
bouleversements volcaniques, elle est fatigante pour les chameaux ; mais
l'eau y abonde, ainsi que les pâturages. Bassito conduisit d'abord la
caravane d'Antonelli à sa résidence de Madghul, dans une vaUée située
enti-e le Mussali et les monts Wehema; fermée à l'est, elle reçoit les
eaux de la saison des pluies, qui y forment un lac de 5 kilom. de long
sur 2 kilom. de large. Le terrain d'alluvion du lit de ce lac serait très
productif s'il était cultivé, mais les Dauakils estiment que travailler à
la ten-e c'est se dégrader ; aussi se contentent-ils de l'élève du bétail
dans leurs gras pâturages. Le climat de cette région est salubre, la
température modérée; dès lors, Antonelli croit cette route pour le Choa
de beaucoup préférable à celle de Zeïla par Harar. Il en loue surtout la
sécurité ; chameaux et mulets sont envoyés au pâtui*age sans gardiens.
L'autorité du sultan Mohammed-ben-Anfari est reconnue et respectée,
tandis que, sur la route de Zeïla, chaque petit chef est roi, et, suivant
son caprice, protège les voyageurs ou les fait dépouiller. Antonelli s'est
eflForcé, sur sa route, de faire comprendre aux populatipns qu'accorder
le passage aux caravanes pour Assab est une source de gain qui n'est
pas à dédaigner, et à les rassurer contre l'appréhension qu'elles ont de
voir les Italiens se répandre dans l'intérieur pour occuper ensuite le
pays militairement. Elles ne sont pas opposées au commerce, mais elles
ont besoin d'être persuadées que, par la prise de possession d'Assab,
ritalie ne s'est proposé que la protection et le développement du com-
merce, et non la conquête des territoires danakils. Antonelli n'était pas
parfaitement sûr de l'accueil que le sultan ferait à sa demande de lui
présenter lui-même les cadeaux du roi d'Italie, un des prêtres de
Mohammed-ben-Anfari lui ayant prédit que le jour où il verrait volon-
tairement un chrétien blanc il mourrait. C'est pour cette raison que
jusqu'ici il n'a jamais voulu admettre aucun Européen en sa présence.
— 124 —
Outre ces données, Antonelli a communiqué à la Société de géo-
graphie de Rome plusieurs lettres du Choa : l'une, de l'interprète indi-
gène du marquis Antinori, annonçant qu'après la mort de son maître,
et avec l'aide de M. Teyssier et du D'' Alfieri, il a numéroté et déposé
dans une cabane, dont la porte a été fermée, tout ce qui appartenait au
défunt, y compris ses livres et ses collections, pour être remis au nou-
veau chef de la station de Let-Maréfia ; une autre lettre écrite en ita-
lien par le jeune Nakeri, indigène auquel Antinori a appris à lire et à
écrire et qu'il aimait beaucoup. Brave, fidèle, intelUgent, il adoucissait
un peu, pour le pauvre vieillard, la perte de sa main droite ; c'est lui
qui a fait presque toutes les collections d'oiseaux et de manmiifères qui
viendront enrichir le musée italien. Attaché à Antinori comme un fik à
son père, il n'avait d'autre ambition que celle de venir avec son maître
en Italie. Il écrit de Let-Maréfia le 11 novembre 1882 :
« Cher comte Antonelli,
« Si vous venez vite j'en aurai un grand plaisir. Depuis la mort de
M. le marquis, je suis demeuré comme un imbécile, je ne puis rien faire;
je ne peux pas même aller à la chasse. Tout est fermé ; nous sommes
restés bouche béante. Avant votre arrivée, je ne peux venir avec aucun
manuscrit ni avec les collections. Je vous salue, — Nakeri. »
Antonelli a encore reçu une lettre de MénéUk, lui exprimant la joie
qu'il éprouve de son prochain retour, et une de Walde Tzadebs oflScier
du roi, qui lui parle du mariage de la fille de Ménélik avec le fils du
négous, et lui annonce que la maison de Let-Maréfia est gardée par un
soldat du roi, que tous les serviteurs du marquis Antinori sont à leur
poste comme auparavant, et qu'U est attendu avec impatience.
Soleillet a écrit d'Ankoberà M. G. Gravier, président de la Société
normande de géographie, qu'il a assisté aux fêtes du mariage de la fille
de MénéUk. Après cela il est allé voir Ras-Goubana, qui a soumis à Méné-
lik tous les pays Gallas jusqu'au Kaffa. Ce dernier royaume fit partie
autrefois de l'empire d'Abyssinie ; les négous y résidèrent à plusieurs
reprises; de nos jours il n'a été visité que par M. Arnaud d'Abbadie.
Stecker, que Soleillet a rencontré dans le pays de Iguen, devait s'y ren-
dre ; il a adopté la coutume abyssine de jeûner le mercredi et le ven-
dredi, et porte au cou une croix en or avec le cordon chrétien en soie
bleue. Soleillet a été bien reçu par Ras-Goubana qui avait chez lui, en
villégiature, M. Éloi Pineaud, capitaine au long cours, au service de la
maison Tramier Lafage et C'* de Marseille. Ras-Goubana a permis à
— 125 —
Soleillet de voyager dans tout le territoire où il commande, mais pas au
delà du Kaifa où son autorité n'est pas reconnue. Les lettres venues direc-
tement du Choa ne font aucune mention d'un projet de Ménélik d'atta- "*
quer le Aoussa, et d'étendre ses états jusqu'à Tadjoura et à Harar. Cette
nouvelle, envoyée de Harar par M. Sacconi à VEsploratore, ne repose
vraisemblablement sur aucun fondement.
La mission française au Choa, dirigée par M. Brémond, dont nous
avons parlé (p. 37 et 38), est envoyée par la société nouvelle des « Facto-
reries françaises du golfe Persique et de l'Afrique orientale, » fondée par
M. Denis deRivoyre avec l'appui de M. Pierson, négociant. Cette société
se propose de nouer des relations commerciales avec le Choa par Obock,
oïl elle a installé un comptoir dirigé par M. Picard qui y a déjà séjourné
plusieurs mois. Les indigènes d'une tribu voisine sont venus le trouver,
leur chef Diny en tête; ils se sont mis à sa disposition, et, chose rare
pour des indigènes, ils se sont empressés de travailler, sous sa direction,
à l'installation matérielle du comptoir, ainsi qu'aux réparations des
bâtiments acquis de la « Société franco-éthiopienne » qui les avait aban-
donnés après le meurtre de M. Amoux. Ils apportent déjà des peaux,
des plumes d'autruche, de la gomme, etc., en sorte que le commerce
d'échange s'établira facilement. M. Aubry, ingénieur des mines au
service de la nouvelle société, écrit à M. Pierson qu'il a fait des
sondages à l'effet d'obtenir de l'eau potable pour la factorerie, et que
son opération offre toutes chances de réussite, des nappes d'eau douce
étant répandues sous toute la contrée. En outre, la possession d'Obock
est en grande partie sur des bancs de coraux, qui forment des falai-
ses, contiennent beaucoup de coquillages marins, et sont composés
essentiellement de carbonate de chaux. De la sorte, la factorerie aura
sous la main la chaux pour les constructions et l'eau pour l'aUmentation.
Il sera facile d'établir à Obock un dépôt de charbon pour les vaisseaux
firançais, qui pourront s'y approvisionner d'eau potable.
La Société de géographie de Marseille a reçu de Zanzibar des nou-
velles des expéditions parties de la côte orientale. Nous extrayons du
Sémaphore qui les a publiées ce qui nous a paru le plus important.
M. Storms, chef de la dernière des expédition» internationale!»,
est parvenu à Karéma en^trois mois et demi; c'est le plus court laps de
temps employé à ce parcours. M. Becker est revenu à Zanzibar.
M. Maluin qui devait accompagner M. Storms a été forcé par une hépa-
tite aiguë de revenir en Europe. Le sultan Saïd-Bargasch ne voit pas de
bon œil les enrôlements de Zanzibarites opérés pour le compte du Comité
— 126 —
d'études du Haut-Congo. Il s'est d'abord opposé à ce que M. le capi-
taine Cambier, agent de l'Association internationale à la côte orientale,
engageât les derniers porteurs demandés par Stanley ; il a fallu de puis-
santes interventions pour l'obliger à y consentir, et encore il n'en est
parti que 200, au lieu de 400 que cherchait à réunir M. Cambier. En
l'absence de celui-ci, c'est M. Becker qui a rempli à Zanzibar les fonc-
tions d'agent de l'Association.
M. Bloyet, chef de la station du Comité national français» a
fait visite aux missionnaires anglais de Mamboya, pour obtenir d'eux
des graines de différentes sortes. Sa femme a été gravement atteinte
par la fièvre ; actuellement elle en est remise.
M. Girauii, paiti de Dar-es-Salam le 10 décembre, a dû renvoyer à
la côte, à la dix-septième étape, son compagnon de voyage, M. Lapert,
qui souffrait d'un gonflement énorme à la tète, pris d'abord pour une
hydropisie. M. Ledoulx, consul de France à Zanzibar, a reçu des nou-
velles de M. Gii-aud, du 18 janvier, de Mgounda, dernier village S.-O. du
Mkoutou, par 7° 27' lat. S. et 34** 33' long. E. Vu son éloignement de
la côte, il ne poun*a sans doute plus envoyer de courrier jusqu'à son
arrivée à Kai'éma, où il comptait s'arrêter quelque temps. Un bruit
répandu par des Arabes a fait croire un moment à la mort violente de
l'explorateur français, mais, d'après les indications de latitude et de
longitude, on peut espérer que cette nouvelle n'est pas fondée.
M. Hore, de la station des missions anglaises d'Oudjidji, a dû ren-
voyer en Europe sa femme et son enfant, pour ne pas perdre ce dernier.
Après l'avoii* remis en bonnes mains. M"*' Hore est repartie pour rejoin-
dre son mari, qui doit avoir mis à flot, sur le Tanganyika, l'embarcation
à voiles constmite en Angleterre sur ses indications. L'autre bateau à
vapeur, démonté et destiné h être transporté au Tanganyika par le
Chiré, le Nyassa et la route que construit M. J. Stewart, est arrivé à
Zanzibar. — Le D' Baxter, de la station missionnaii'e de Mpoua-
poua, a fait une excursion chez les Masaï. — M. Révoîl doit avoir ter-
miné ses préparatifs de départ pour l'intérieur. Le but de son expédi-
tion n'a pas encore été indiqué.
Le comité de la mission de Living^stonia a pris une. mesure impor-
tante pour le développement de l'institution des agents missionnaires
natife. Il a décidé de faire élever à Lovedale quatre jeunes Cafres chré-
tiens, qui se consacreront ensuite à l'évangélisation et à l'éducation
industrielle de leurs compatriotes dans l'Afrique centrale orientale.
D'après des lettres du D' Laws, de Bandaoué, le lac Nyassa a été agité
— 127 —
par de violentes tempêtes, et Vllala a été très exposé. Les mission-
naii'es ont été aussi inquiets par suite de mouvements des Angones. Un
des tils de Mombera et un autre chef étant morts, la cause en fut attri-
buée aux Anglais ; le poison d'ordalie fut administré à deux poules, qui
heureusement le vomirent, sm-quoi les Anglais furent reconnus innocents.
Dès lors Mombera s'est montré plus amical que jamais.
Laissant aux journaux politiques le soin de renseigner nos lecteurs sur
ce qui a rapport aux négociations des ambassadeurs malgaches à Lon-
dres, à Washmgton et à BerUn, nous nous bornons, en ce qui concerne
niadag^ascap, à ce qui appartient plus directement à l'exploration et
au développement de la civilisation dans cette île. M. Cowan qui s'est
déjà fait connaître par les informations qu'il a publiées sur Madagascar,
après y avoir fait plusieurs voyages, se propose d'y retourner pour en
explorer la partie méridionale encore peu connue. Il consacrera deux
ans à ces nouvelles études, en commençant à Ambahy, sur la côte S. E. ;
de là il gagnera, en traversant l'intérieur de l'île, le point le plus méri-
dional qu'il ait atteint dans un précédent voyage, puis il poussera au sud-
ouest vers la contrée habitée par la tribu des Mahafalis et s'an*étera à la
rivière Anoulouhy. De là, il remontera vers le Nord à travers le pays des
Sakalaves, jusqu'à Majanga. Comme il sera continuellement en rapport
avec les indigènes, et rencontrera dans son exploration les différentes
formations géologiques de l'île, il espère obtenir, de son nouveau voyage,
des résultats de nature à faciliter la solution de problèmes importants.
Quant au développement de la civilisation à Madagascar, les essais faits
poui* y implanter l'industrie du sucre réussissent, et cette fabrication
pourra prendre une grande extension, lorsque les lois foncières malga-
ches auront été réformées dans le sens de la liberté d'achat du sol par
les étrangers. Un correspondant du Standard lui donne à ce sujet les
renseignements suivants. Deux maisons anglaises et deux maisons
créoles de Maurice ont créé, non loin de Tamatave, des exploitations qui,
l'année dernière, ont exporté 5000 tonnes de sucre. Le sol vierge de l'île
a une couche d'humus de 2" à 3", et n'a pas besoin d'être fumé pour
recevoir des plantations de cannes ; celles-ci y atteignent de 6" à 10" de
haut, ce qui n'arrive jamais à Maurice. Le correspondant n'a rien vu
non plus d'aussi riche dans les parties les plus fertiles de l'Inde, même
dans celles où l'irrigation vient en aide aux efforts de la nature et de
rhomme ; à Madagascar la pluie suffit. Il n'y a pas là de cyclones comme
à Maurice, où tous les trois ou quatre ans un de ces ouragans tenibles
balaie le sol, et, pour deux ou trois années fait sentir ses tristes effets
— 128 —
sur la culture des cannes. Pour le moment le travail est fait par des
Malgaches, de beaucoup supérieurs aux Zoulous et aux Cafres; à Natal
il y a aussi des fabriques de sucre, mais les ouvriers sont moins bous
que les coolies de l'Inde. Le correspondant suggère l'idée de faire
venir de ces derniers à Madagascar. Quoique le Malgache ne coûte
que 17 sheUings par mois, travail et nourriture compris, et que Ton eu
paye au coolie 33 à Maurice, il y aurait encore une économie à employer
des coolies,' deux de ces derniers faisant plus de travail que trois Malga-
ches, et la qualité étant supérieure. En outre, il n'y a pas de démarches
préliminaires à faire pour amener des coolies à Madagascar, ni pour les
renvoyer au terme de leur engagement ; aussi les regards des créoles de
la Réunion et de Maurice se tournent-ils vers cette île, où ils forment
déjà le noyau de l'élément étranger.
M. Wilcox, missionnaire américain chez les Zoulous, a visité Inh&m-
bané, dans les possessions portugaises, dans l'intention de fonder uiie
mission pour les indigènes des villages situés le long de la baie du
même nom. D y a là environ 10,000 habitants, dont les plus éloignés
pourraient être atteints, en 3 ou 4 heures. L'entretien de la station coû-
terait peu, les navires pouvant y aborder; le travail et les provisions,
oranges, citrons, figues, bananes, maïs, riz, noix de coco, patates dou-
ces, cannes à sucre y abondent; les ananas sauvages y croissent partout.
La population, dont le noyau est formé d'Amatongas, est sédentaire et
agricole; l'instruction des enfants serait plus facile que chez les Zoulous,
où beaucoup d'enfants sont employés à la garde des bestiaux. Les indi-
gènes fabriquent plusieurs boissons enivrantes, entre autres une eau-de
vie d'un fruit nommé caju\ tous les trafiquants vendent surtout du
rhum et des spiritueux, et cependant ils se plaignent que les natifs sont
paresseux et aiment mieux boire que travailler. Quelques Portugais
étaient favorablement disposés à l'égard de M. Wilcox et de son projet ;
ils ont besoin d'instituteurs, et, le gouvernement n'en envoyant point, ils
seraient heureux de voir s'ouvrir des écoles tenues par des missionnai-
res ; mais le gouvernement n'a pas voulu autoriser M. Wilcox à fonder
une station.
Les missionnaires du Transvaal se sont émus de la position faite
aux missions établies dans ce pays par une loi nouvelle, en opposition
à la convention passée avec le gouvernement anglais, d'après laquelle
entière Uberté de religion doit être accordée à tous, ainsi que protection
contre toute vexation. Une commission a été nommée pour inspecter,
au nom du Volksraad, toutes les stations missionnaires, pour savoir ce
— 129 —
qu'où y enseigne, et limiter les droits des missionuaii-es sur leurs égli-
ses; on exige qu'ils remettent la liste complète des noms des membres
ot des catéchumènes de leurs communautés. Le missionnaire doit indi-
quer le salaire de ses catéchistes et le sien propre ; il devra enseigner
dans la langue des Boers à l'école ; aucun missionnaire étranger ne
pourra fonder de nouvelles stations. — M. Creux, de la station d'Élim,
dans les Spelonken, écrit à la Commission de l'Église libre vaudoise, que,
pour la population noii*e et blanche, il y aurait grand avantage à ce que
la mission pût enseigner aux noii-s des métiers, et procurer aux blancs
des légumes, de la faiine et des denrées. En réponse à ce désir, M. le
missionnaire P. Berthoud, revenu en Suisse pour cause de santé, a pro-
voqué la fondation d'une société industrielle, auxiliaire de la mission
vaudoise, dont les opérations consisteraient surtout dans une exploita-
tion à entreprendre dans les Spelonken, en vue de développer les res-
sources du pays et de le civiliser, tout en soutenant l'œuvre mission-
naire. Un agent chargé de faire une expertise partira très prochaine-
ment. En même temps M. Berthoud enseigne la langue sigwamba aux
élèves qui se préparent à aller renforcer la mission vaudoise ; la Com-
mission vient d'en faire autographier les éléments, préliminaires d'un
travail beaucoup plus étendu que prépare M. Berthoud sur les langues
des Bantous. M. et M"** Jacques et M. Mingard sont heureusement
aiiivés aux Spelonken.
Le département des mines de Matai a publié, avec cartes d'ensem-
ble et cartes spéciales, profils géologiques et tracés de chemins de fer,
le rapport de M. F. W. North sur les fl^iseineiite hoaillers de cette
colonie. Ils se trouvent très étendus, surtout dans le comté de Klip
River,, dans la partie septentrionale de la colonie, près de Newcastle; en
quantité moins considérable aux sources de l'Oumwoti et sur une bande
au bord de la mer, de la Tugela jusque près de Durban. Il ressort de ce
rapport qu'il existe dans le comté de Klip River des charbons de diffé-
rentes qualités, en couches exploitables de 1 à 3 mètres d'épaisseur, et
pouvant être employés, soit pour le chauffage des locomotives, soit pour
la préparation du gaz; que la superficie de ces gisements est de 1350
milles carrés, contenant plus de deux milliards de tonnes de charbon.
Une grande partie de ces houillères se trouvent sur des terres de la cou-
ronne, ou sui* des propriétés privées, sur lesquelles le gouvernement s'est
réservé le droit de les exploiter; mais pour que l'exploitation en soit
lucrative il est absolument nécessaire de créer des communications par
voies ferrées.
— 130 —
Le D' Holub compte partir pour T Afrique australe à la tin de mai ;
pour le moment, il termine à l'Institut militaire géographique de Vienne
les études nécessaires pour acquérir la connaissance pratique des obser-
vations scientifiques. Son expédition prendra le nom d'Expédition austro-
hongroise. Dans une conférence qu'il a donnée à Vienne le 20 mars, il a
engagé ses compatriotes à se rendre dans le sud de l'Afrique comme
colons. D essaiera de diriger vers les territoires des Betchouanas les émi-
grants autrichiens qui aujourd'hui se rendent en Amérique. Il fera avec
les chefe des contrats pour obtenu*, en propriété ou à bail, des terres
dans des contrées fertiles et salubres, pour y installer des agriculteurs
laborieux et des artisans actifs ; chaque colonie aurait son comité élu
par elle, et ne devrait pas compter plus de 200 familles ; peu à peu ces
établissements pourraient former une chaîne du sud au nord, jusqu'au
Zambèze, par lequel ils pourraient se mettre en communication avec
l'Océan indien.
En présence des intérêts différents du Portugal, de la France, de
l'Angleterre, de la Hollande, de l'Allemagne et des États-Unis, dans les
territoires du cours inférieur du Cong^o, il semble de plus en plus
lU'gent que la question de la navigation de ce fleuve soit traitée dans
une réunion spéciale de délégués des puissances susnommées. Le Vati-
can lui-même se trouve en conflit avec le Portugal, à l'occasion de la
juridiction spirituelle qu'il a accordée au cardinal Lavigerie, le promo-
teur des missions d'Afrique, sur les stations qu'il a fondées dans l'Afri-
que équatoriale et sur les territoires qui les avoisinent. Nos lecteurs
sont suflftsamment renseignés par les journaux politiques sur les pré-
tentions des puissances ; nous pouvons donc nous en tenir aux faits nou-
veaux concernant l'exploration et la civilisation de cette région. — Men-
tionnons d'abord le départ d'une nouvelle expédition, pour le compte
du Comité d'études du Haut Congo, sous la direction de M. Théodore
Westmar, attaché au consulat général de Suède et Norwège à Bruxel-
les, accompagné de M. Sundvalson, officier dans la marine marchande
suédoise, et de M. Waverings, sous-officier dans l'armée belge. — Puis,
la formation à Londres d'une société commerciale, la « Congo and cen-
tral African Company », pour exploiter la côte occidentale d'Afrique et les
territoires que traverse la route de Stanley. — Quant à l'œuvre de Stan-
ley, les dernières nouvelles communiquées à V African Tinies nous ont
appris que l'on fait à Vivi de grands préparatifs pour la construction
d'un chemin de fer, système Decauville, destiné à relier cette station
située sur la hauteur, à plus d'un kilomètre du Congo, avec les bords du
— 131 —
fleuve où abordent toutes les provisions et le matériel des expéditions
dont elle est le dépôt général. Une nouvelle station créée à Bolobo, à
1100 kilomètres delà côte, est venue s'ajouter aux Six qui existaient déjà
à Vivi, Isanghila, Manyanga, Lutété (Ngombi), Stanley Pool (Léopold-
ville) et Ibaka. Quatre petits vapeurs ont été envoyés au Congo, dont
trois étaient déjà à flot, et le quatrième était transporté par sections, de
Manyanga à Stanley Pool. Les stations anciennes exercent déjà leur
influence civilisatrice sur les indigènes du voisinage. A Vivi on a intro-
duit des bêtes à cornes, inconnues jusqu'ici dans la contrée; à Léopold-
ville on s'occupe beaucoup d'agriculture; des essais ont été faits pour
y introduire les légumes d'Europe, et ils ont réussi ; on a été moins heu-
reux avec les ponmies de terre. Enfin, la station de Bolobo a été fondée
au milieu d'un pays fertile et très peuplé. Stanley se hâte d'en créer de
nouvelles pour assurer, par des contrats avec les chefs indigènes, le droit
de route et les positions les plus favorables à ses établissements. — Les
missionnaires romains ne se hâtent pas moins. Le cardinal Lavigerie a
envoyé les PP. Guyot et Baudonnet au Congo, pour explorer le coui*s
du fleuve, de Stanley Pool à Nyangoué, afin d'y préparer l'établis-
sement de deux stations nouvelles. Les missionnaires d'Alger sont déjà
établis dans lé Massanzé, à l'ouest du Tanganyika. Une caravane en est
partie il y a quelques mois pour descendre le Congo, mais eUe a été
détruite par des nègres pillards ; aussi le cardinal Lavigerie a-t-il résolu
de faire prendre désormais à ses missionnaires du Haut Congo la route de
l'ouest, au lieu de celle de Zanzibar. — Mais, à mesure que la navigation
à vapeur s'établit sur le cours moyen du fleuve*, et que des stations mis-
sionnaires y sont créées, il importe que la civilisation portée aux indigè-
nes soit protégée contre le danger d'être ruinée par le trafic de gin et
de rhum des marchands européens. Nous espérons que ceux qui aiu*out
à régler la question de la liberté commerciale et religieuse dans cette
région, sauront prendre les mesures nécessaires pour assurer aux indigè-
nes les bienfaits de notre civilisation, sans les exposer à ses inconvénients:
Nous espérons aussi que, malgré les provisions d'armes dont sont pom--
vues les expéditions de Stanley et de Brazza, la concurrence que se font
les deux explorateurs conservera un caractère pacifique.
Il est vrai qu'une partie de l'avant-garde de l'expédition de Brazxa,
arrivée à Libreville, au Gabon, à la fin de janvier, prévoyait, en par-
* Au dernier moment nous apprenons que les Hollandais on fait construire à
Londres trois chaloupes démontables pour le Congo.
— 132 —
tant pour le Haut-Ogôoué, des difficultés de la part des Pahouins des
bords du fleuve, irrités contre les blancs à l'occasion d'attaques surve-
nues depuis le départ de Brazza pour l'Europe. Après de longs pré-
paratifs, celui-ci est reparti pour reprendre son exploration au point
où il l'avait laissée, et assurer, par la fondation de stations et de postes,
le parcours des deux voie^ qu'il a suivies, l'Ogôoué et le Niari(Quillou).
Les établissements de cette dernière vallée devaient, dans le plan pri-
mitif de Brazza, être reliés à l'Atlantique par deux stations de premier
oj'dre à fonder à la côte, à Mayombé et Punta-Negra ', non loin du
point oîi le Quillou débouche dans l'Océan et au nord du 5° 12, par con-
séquent en dehors des limites du territoire réclamé par le gouvernement
portugais. C'est sans doute en exécution de ce plan, qu'une autre partie
de l 'avant-garde de Brazza a débarqué à Punta-Negra, ce qui a amené la
protestation du commandant portugais de la canonnière jBen^o, dont ont
parlé les journaux politiques, et l'envoi dans ces parages de vaisseaux
anglais et portugais. Il ne paraît pas que le gouvernement britannique
veuille tenir compte de l'opposition des chambres de commerce, ni de celle
des sociétés philanthropiques et missionnaires de l'Angleterre, à la con-
clusion d'un traité reconnaissant les droits du Portugal dans le district
du Congo. S'il faut en croire une dépèche de Londres à la Correspondance
politique, l'an-angement est déjà conclu, et le traité sera avant peu sou-
mis aux Chambres.
Depuis un certain temps, le gouvernement colonial anglais se préoc-
cupe sérieusement de la question de l'établissement d'une route ou
d'une voie ferrée, reliant ses possessions de la Côte d'Or avec l'inté-
rieur. Divers motife l'ont déterminé à adopter le tracé de Cape Coast
Castle à Denkera, au sud du pays des Achantis, dont le roi Mensah
vient de donner sa démission ; une députation chargée d'en informer offi-
ciellement le gouverneur. Sir Samuel Rowe, est en route pour la côte.
Les exploitations minières et les établissements européens à Wassaw
pourront en retirer de grands avantages, si le gouvernement colonial
en profite pour hâter l'exécution de son projet; la voie ferrée, partant de
Cape Coast Castle, traverserait les districts aurifères de Taquah et
d'Abosso.
D'autre part, M. A. Verdier, résident de France à Assinie et Grava
BaHsam, qui possède déjà de grands établissements sur ces deux points
de la côte, se propose d'établir des relations commerciales avec Coa-
* Voir p. 42.
— 133 —
maMsie, au moyen de quelques postes de commerce écheloimés sur la
route qui mène d'Assiuie au pays des Achantis. Les Séfiiis, autrefois tri-
butaires des Achantis, mais, depuis4a guerre de 1873, indépendants et
reconnus comme tels par les Anglais, pourraient susciter des obstacles à
ce projet ; toutefois on espère qu'il n'en sera rien. M. Brun, résident
français à Elmina, qui, l'année dernière, a fait un voyage à Coumassie
et a noué de bons rapports avec les chefe du pays, dit qu'il est facile
d'obtenir d'eux toutes les concessions désirables. Coumassie pourrait
devenir un entrepôt central, d'où les relations s'étendraient, soit du côté
du Soudan en traversant les monts de Kong, soit vers Salaga, à dix
jours au N.-E. de Coumassie, point très important pour les caravanes
de l'intérieur qui s'y réunissent. Trois jeunes français, MM. Prost, Lan-
chler et Veuve, encouragés par M. Brun, ont résolu d'aller se fixer h
Coumassie, emportant avec eux une forte pacotille commerciale et indus-
trielle. Ils ont en outre appris des professions manuelles qu'ils se propo-
sent d'enseigner aux indigènes : M. Prost, l'art de fabriquer des briques
et des tuiles et de les durcir par la cuisson ; M. Lanchier, l'art de distil-
ler, et de fabriquer de l'alcool ; M. Veuve, l'art de manier les outils
employés dans la grande et dans la petite industrie des métaux.
M. Brun leur facilitera l'entrée dans la ville de Coumassie. Ils trouve-
ront à Elmina des porteiu*s achantis commandés par un officier du roi,
qui les introduiront dans la capitale. Le roi a promis à M. Brun de bien
recevoir ceux de ses compatriotes qui viendraient enseigner à son peuple
quelque chose des arts industriels européens.— M. Brun a appris que, dans
les endroits les moins fréquentés des monts de Kong, se trouvent des
blancs qui ne vivent qu'entre eux et dont l'origine est inconnue ; on sup-
pose qu'ils viennent du nord de l'Afrique, d'oU ils auraient été chassés
par les Arabes à l'époque de leur grande invasion.
Un chef indigène nommé Nippy, qui habite à l'Est de la rivière San-
quin, entre les comtés de Bassa et de Sinoe, et dont le territoh'e s'étend
jusqu'à la baie de Baflfoo, dans la partie orientale de la répubUque de
Liibéria, s^est adressé à M. Roberts, sénateur, pour le prier de deman-
der à « r American colonisation Society, » de lui envoyer un pasteur,
un instituteur et des colons. « Mon pays est beau, » dit-il, « bien boisé,
riche en arbres à caoutchouc; la rivière est très poissonneuse ; mes bes-
tiaux prospèrent; il n'y a pas dans le voisinage de tribus belliqueuses
pour me tourmenter. Je ne voudrais pas mourir avant d'avoir vu ériger
ici un temple et une école pour mes enfants. Je voudrais qu'il vînt ici des
émigrants ; je suis convaincu que les nègres d'Amérique sontmes frères.»
— 134 —
M. Roberts, en appuyant cette demande, ajoute qu'aucune partie de
Libéria n'est plus salubre ; le sol en est fertile, le café y est indigène, le
caoutchouc y abonde, le riz, la canne à sucre, toutes les plantes des tro-
piques y croîtraient parfaitement. La baie de BaflFoo forme un port excel-
lent ; ce serait même le meilleur point de la côte pour y établir un chan-
tier de construction de navires. M. Roberts propose de donner le nom
de Lincolnville à la future colonie. — Pendant l'année dernière le
commerce de Libéria s'est étendu à l'intérieur et développé le long
des côtes : une maison américaine a établi d^s agences de Robertspoit
à Harper ; une maison hollandaise en a créé à Manna, un des territoires
de la république au N. 0. Trois nouveaux ports ont été ouverts au com-
merce, ce qui porte à neuf le nombre de ceux où les étrangers n'ont
aucun droit à payer. Une loi a été votée par le sénat, autorisant l'établis-
sement d'une ligne télégraphique de Monrovia à Harper, et garantissant
aux employés anglais des stations intermédiaires la protection du gou-
vernement. On a fait beaucoup aussi pour s'opposer à l'intempérance ;
un certain nombre de groupes d'abstinents se sont formés, pour lutter
par tous les moyens légaux contre la fabrication, la vente et l'usage des
liqueurs fortes comme boissons, dans le territoh*e de la république. — Deux
pasteurs américains, MM. Stewart etBrowne, qui ont accepté des places
au collège de Libéria, ont été chargés d'accompagner en Angleterre, en
France et en Allemagne, le jeune prince Ulysse Parcoulo,âgé de 16 ans,
qui doit être investi du gouvernement du Pessah^au N.-O. de Libéria.
Il avait été conduit en Amérique par un riche Libérien, qui est mort il y
a peu de temps. Il a promptement acquis de l'instruction, et se vouera
h la civilisation de sa tribu. — Il s'est formé à Saint-Paul, dans le Minne-
sota, sous le nom de « Libéria Educational Aid Society, » une société
qui a pour but de soutenir les fils des chefs natifs pendant leurs études
au collège de Libéria.
Le Sénat de la république française sera prochainement appelé à voter
sur le projet de loi relatif aux limites des possessions de la France
et de l'Angleterre dans la partie de la côte occidentale d'Afrique qui
s'étend de Sierra Leone au Rio IVuneas. La convention rédi-
gée par les délégués des deux états a établi, entre les bassins des
rivières Mellacorée et Scarcies, une ligne de démarcation qui assure à
l'Angleterre le contrôle complet des Scarcies, et à la France celui de la
Mellacorée. En outre, l'Angleterre reconnaît à la France la possession de
l'île de Matakong et des îles au nord de la dite ligne de démarcation, à
l'exception des îles de Los qui continuent d'appartenir à l'Angleterre,
— 135 —
ainsi que celle de Yellaboy et les autres de la côte jusqu'à Sierra
Leone. Les deux gouvernements s'engagent réciproquement à s'abstenir
d'occuper aucun territoire, d'exercer ou de favoriser l'exercice de leur
influence politique au delà de la ligne de démarcation sus-mentionnée.
La Chambre des députés a déjà adopté cette convention, qui mettra un
terme aux nombreuses contestations soulevées quant à la souveraineté
de tel ou tel point de cette partie de la côte.
Le capitaine Delanneau, chargé par le colonel Borguis-Desbordes
d'une mieision topog^paphique dans le bassin du Badingho. a
envoyé à son chef un rapport d'oii nous extrayons les renseignements
suivants, relatifs à l'orogi'aphie et à l'hydrographie de cette région.
Quoiqu'elle soit montagneuse les mouvements de terrain sont peu accen-
tués ; les sommités sont arrondies ; les vallées larges sont arrosées par
des ruisseaux ou des rivièi-es, qui, à l'altitude de 400"" environ, acquiè-
rent de l'importance. Ce ne sont plus des marigots, desséchés quinze
jours après l'hivernage; une eau courante y entretient une belle végéta-
tion arborescente, mais les diflicultés du passage augmentent d'autant.
On peut en conclure que les grands fleuves du pays, le Bakhoy, le
Baoulé, le Badingho et le Sénégal, sont alimentés par des affluents qu'ils
reçoivent dans la partie supérieure de leur cours, tandis que dans leur
cours moyen ou inférieur ils ne reçoivent que peu ou même pas de tribu-
taires. Le capitaine Delanneau a relevé deux passages diflSciles : celui
du Badingho, qui coule au nord de Bintandian, où il forme un vaste
marécage que les animaux, même déchargés, ont de la peine à traver-
ser; cependant l'eau s'évapore dans la saison sèche; et celui de la mon-
tagne entre Bintandian et Baiandougou, dont les pentes sont rapides et
rocheuses; toutefois la difficulté n'en est pas insurmontable.
Le docteur Bayol n'a pas pu pénétrer dans le Kaartn, dont le chef
de Kouniakary lui a refusé l'entrée. Parti de Bafoulabé le 15 janvier, il
parcourut d'abord le Khasso oriental et le Tomara» où il fit une
riche collection de roches, de bois et d'oiseaux. Arrivé à Touba, capitale
du pays, le chef toucouleur de Diala l'obligea à rebrousser chemin vers
Bafoulabé. Son excursion n'aura cependant pas été inutile pour la géo-
graphie. Il a pu relever exactement 71 kilom. d'un pays inexploré et très
montagneux, et faire une collection minéralogique complète. Il a trouvé
dans le lit du Ganboma, grande rivière venant de Dialafara, une roche
métallifère blanche, sur laquelle il n'ose pas se prononcer. La flore est
belle, il a traversé une forêt d'ébéniers du Sénégal de 10 kilom. d'éten-
due. Les oiseaux ont un plumage magnifique ; les antilopes, les lions, les
— 136 —
panthères sont les hôtes des forêts d'acacias épineux et de callcédrats
qui couvrent le pays. Sa collection de bois comprend 45 espèces différen-
tes; celle d'oiseaux 150 espèces. Si la position du Eaarta ne s'améliore
pas, il reviendra en France.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Un projet de loi, affectant 50 millions de francs à l'achat de terrains pour la
création de 200 nouveaux villages en Algérie, sera présenté aux Chambres fran-
çaises à la reprise de leur session.
M. Yves Guyot, membre du Conseil municipal de Paris, et M. Bruière, fonction-
naire supérieur de l'assistance publique, se sont rendus en Algérie pour y étudier
les conditions d'installation de colonies agricoles, à l'usage des enfants assistés du
département de la Seine.
Le conseil général de Constantine a émis le vœu que le chemin de fer de
Biskra à Touggourt, première section de la ligne Biskra-Ouargla, soit exécuté
dans le plus bref délai; la longueur de cette section serait de 210 kilomètres
environ. '
On a commencé cette année à creuser des puits dans l'Oued Mya, aux environs
d'Ouargla, et cet essai a bien réussi ; aussi songe-t-on à coloniser cette vallée. —
M. Tarry, qui a déjà exploré cette région, va de nouveau entreprendre un voyage
dans le sud pour y créer, dans le Sahara, des pépinières qui permettent de recon-
stituer les massifs boisés de ces contrées, et de régulariser les cours d'eau des
ouadi Mya, Igharghar, Djeddi, Mzab et Nça.
M. Bourlier, envoyé en mission à Ouargla, a fourni à M. le gouverneur général
de l'Algérie d'utiles renseignements sur l'état des populations du sud : les Touaregs
d'Insalah sont en guerre avec ceux qui campent au delà du Hoggar et qui, alliés
aux habitants du Fezzan, marchent sur Insalah. C'est sans doute à ces hostilités
qu'il faut attribuer le retour à Biskra de M. Foureau, qui était parti pour un
voyage dans l'intérieur de l'Afrique.
Une compagnie franco-anglaise s'est constituée pour explorer de vastes étendues
de terrains à alfa, dont elle a obtenu la concession, près de Gabès.
Une nouvelle mission hydrographique, dirigée par M. l'ingénieur Manem, a été
envoyée par M. le ministre de la marine sur les côtes de Tunisie.
Il s'est fondé à Naples un « Comité italien pour la Tripolitaine, » où il se pro-
pose de provoquer et d'encourager les établissements italiens, en même temps qu'il
étudiera tout ce qui pourra contribuer au développement des relations entre ce
pays et l'Italie. Il a aussi l'intention d'y créer des stations scientifiques et indus-
trielles, et de populariser la connaissance de tout ce qui concerne cette région.
L'uléma turc Ahmed Tewfik Effendi, devenu chrétien, a été envoyé au Caîrey
pour y travailler parmi les mahométans sous la direction du missionnaire Klein.
— 137 —
Le khédive a donné à miss Whately du terrain à bâtir, pour ses écoles du Caire,
qui comptent 200 filles et 300 garçons; plus des deux tiers des filles et la moitié
des garçons sont musulmans.
Le DaUy-Netos annonce que le gouvernement égyptien a décidé d'envoyer au
Soudan un ingénieur, pour examiner un projet de cliemin de fer de Ehartoum à
Souakim.
Mgr. L. de Gonzague-Lasserre, coadjuteur du vicaire apostolique des G allas,
Mgr. Taurin, n'ayant pu obtenir du gouverneur égyptien de Harar l'autorisation
de fonder des établissements dans les pays gallas limitrophes, a été envoyé avec
quelques missionnaires au Choa, pour chercher à ouvrir une mission chez les
Gallas du voisinage.
Les deux expéditions du D' Fischer et de J. Thomson, pour le Kilimandjaro et
le Kénia, ont eu de la peine à se procurer le nombre nécessaire de porteurs.
Thomson a quitté Mombas le 10 mars, après avoir réussi à engager Manya Sera,
l'ancien chef-porteur de Stanley. Le D'^ Fischer était parti peu auparavant.
Le Henry Wright, destiné à la mission de Frère Town et aux stations de la
côte orientale d'Afrique, a été lancé le 10 mars à Blackwall; les parties en bois
sont en bois de teck, pouf pouvoir résister à la chaleur des climats tropicaux.
Les Magwangwaras ont rendu, sans rançon, 23 des prisonniers chrétiens qu'ils
avaient faits à Masasi. Les marchandises destinées à les libérer ont été employées
à racheter des Makouas et des Yaos, leurs voisins qui, comme eux, avaient été
réduite en captivité. Les colons de Masasi, qui avaient été amenés à Zanzibar,
retourneront à leur station dès que le moment paraîtra opportun.
D'après un rapport du P. Guillet aux Missions catholiques sur son voyage de
Tabora au Massanzé, le manque de troupeaux de bœufs dans les campagnes de
l'Afrique équatoriale doit être attribué beaucoup moins à la tsétsé qu'aux incur-
sions des Eougas-Rougas. Les indigènes en possédaient autrefois^ mais^ attaqués
continuellement par ces pillards qu'attirait l'appât du butin, ils ont cessé d'en
élever. Les tribus qui se sentent en force pour défendre leurs troupeaux en possè-
dent ; les tribus faibles et timides préfèrent vivre en paix et n'en pas avoir.
M. O'Neill va entreprendre un voyage d'exploration dans la région entre
Mozambique et le Nyassa. Son but principal sera l'étude des rives orientale et
septentrionale du lac Chiroua, et l'ascension de la montagne un peu au N.-E.,
qu'on lui a dit être couverte de neige. La Société de géographie de Londres lui a
fourni un subside de 200 livres sterling.
Un comité s'est formé en Norvège pour soutenir la mission médicale déjà com-
mencée à Madagascar, afin d'attirer au christianisme la population indigène par
une activité médicale exercée dans un esprit chrétien.
Un jeune médecin de Rostock, M. le D' Havermann, a été nommé médecin par-
ticulier de la reine de Madagascar, à laquelle il portera quantité de meubles,
entre autres un trône commandé par elle.
Un vaisseau de Durban ayant échoué sur la côte S.-O. de Madagascar, a été
pillé par les Sakalaves, qui comptaient réduire l'équipage en esclavage, lorsqu'un
— 138 —
négociant blanc vint au secours de celui-ci; il en prit le personnel sur son navire,
et put le renvoyer à Natal par un autre bâtiment.
Les partisans de Mapoch ont évacué plusieurs des grottes d'où ils résistaient
aux Boers. Deux de leurs principaux chefs négocient avec le général des troupes
du Transvaal.
Un représentant du Transvaal est venu en Angleterre, pour demander au goa-
V ornement anglais de renoncer à la suzeraineté que celui-ci s'est réservée par la
convention de 1881.
Le gouvernement britannique accordera des pensions aux chefs betcfauanas,
Mankoroane et Montsia, dont les Boers ont envahi le territoire, et les installera
dans les possessions anglaises.
Un éboulement considérable a eu lieu dans les mines de diamants de Kimberley ;
il a recouvert une grande partie des concessions des principales compagnies et a
arrêté le fonctionnement des machines de plusieurs autres.
Il s'est fondé à Londres, au capital de 3,000,000 fr., et sous le nom de « Diamond
Fields Collierier Company, » une société pour l'exploitation d'importants giseinents
houillers dans le district de Kronstaadt (État libre de l'Orange). Le principal
débouché sera Kimberley. Ces houillères étaient déjà exploitées, mais, faute d'un
capital suffisant pour acheter et installer les machines nécessaires, elles ne pou-
vaient fournir jusqu'à présent que des quantités très restreintes de combustible.
Cettiwayo reconstruit des kraals militaires, et réclame comme ses sujets des
Zoulous établis dans le territoire de réserve, qu'il prétend lui appartenir. John
Dunn proteste contre l'arrangement actuel à l'égard du Zoulouland, et attend la
réponse du gouvernement anglais poiir régler sa ligne de conduite.
Par suite de la décision du parlement du Cap de reprendre les rapports avec les
Bassoutos, en leur accordant une grande liberté de se gouverner eux-mêmes,
M. Scanlen, président du Conseil des ministres, et M. Sauer, ministre des affaires
indigènes, se sont rendus au Lessouto pour conférer avec les chefs et le peuple.
C'est le capitaine Blyth, ami de feu le major Malan, qui a été nommé agent du
gouvernement dans le Lessouto. Les Bassoutos voudraient être placés directement
sous la protection du gouvernement anglais, mais si celui-ci refuse d'accéder à
leur désir, ils aimeront mieux dépendre du gouvernement colonial du Cap que
d'être abandonnés. Ils ont reçu très favorablement la proposition de constituer un
Conseil des natifs.
Ensuite d'une grande sécheresse dans le Namaqualand, où il n'est pas tombé
de pluie depuis le 15 août 1881, la disette y est extrême; bœufs, moutons et chè-
vres meurent faute de fourrage; le gouvernement du Cap a envoyé, aux Namaquas,
aux Bastards et aux Hottentots qui l'habitent, du blé et des semences, et un comité
s^est formé pour leur venir en aide.
Lord Mayo a fait un voyage et un long séjour dans la région du Cunéné, d'où
il a rapporté de nombreux matériaux géographiques.
Quoique la loi portugaise interdise l'esclavage dans les colonies africaines, le
Di* Nichols écrit, au Foreign Migsûmary, qu'à Catoumbella, dans la province de
— 139 —
Benguéla, des Portugais possèdent des esclaves, et qu'il ne peut décrire les bruta-
lités dont il a été le témoin dans cette province.
La mission bâloise à la Côte d'Or a de nouveau perdu, dans l'espace d'un mois,
trois de ses missionnaires. M. Preetorius, dans son voyage d'inspection, a souffert
de la dysenterie et de la fièvre; actuellement il est en route pour revenir en
Europe. Le D*" Maehly est resté à la Côte d'Or pour y continuer son œuvre médi-
cale très difficile, tout manquant aux nègres pour faire un traitement raisonnable.
Le gouvernement anglais a accepté l'offre que lui ont faite plusieurs rois du
pays situé entre la république de Libéria et Sherbro, de lui céder une bande de
territoire de 30 kilomètres de long et de 2 kilomètres et demi de large. La domi-
nation anglaise s'étendra donc sans discontinuité de Sierra Leone aux frontières
nord de Libéria.
Les chefs de la rivière Magbeli, près de Sierra Leone, se sont réunis et ont
conclu entre eux une paix qui a rouvert au commerce le cours de cette rivière,
par laquelle quantité de produits de l'intérieur sont amenés à la côte.
M. Caquereau organise son expédition au Fouta Djalon ; il s'est assuré le con-
cours d'hommes possédant des connaissances scientifiques, commerciales et indus-
trielles. Il compte que la colonie qu'il va fonder pourra servir, dans la suite, de
trait d'union entre celles d'Assinie et du Sénégal, par les sources du Niger, le
Bouré, Bamakou et Kita.
Les chemins de fer du Sénégal avancent rapidement ; la section de Dakar aura
bientôt rejoint Rufisque ; sur le haut fleuve, on compte avoir posé à la fin de la
campagne de 16 à 20 kilomètres de rails.
Un traité a été conclu entre le gouverneur du Sénégal et le roi du Baol, par
lequel ce royaume est placé sous le protectorat de la France, qui acquiert le droit
d'y créer un chemin de fer, des routes, des lignes télégraphiques, et garantit au
roi ses états contre toute tentative de la part du damel du Cayor. L'ancien damel
Lat N'dior a cherché à reprendre son royaume et a obligé son successeur à se
réfugier dans le poste français de Betelar ; le capitaine Dupré a dès lors battu
Lat N'Dior et l'a rejeté sur le Djolof.
Le nombre des esclaves libérés par 1%, fait de leur arrivée sur terre française
augmente rapidement à St-Louis. Il y a parmi eux beaucoup d'enfants les plus
jeunes restent aux soins de leurs mères; ceux qui ont atteint l'âge où un enfant
peut déjà rendre quelques services sont placés dans des familles de colons.
Lors de la pose de la première pierre du fort de Bamakou, sur le Niger, le colonel
Borguis-pesbordes a exprimé le vœu que tous les travaux des expéditions fran-
çaises, du Sénégal au Niger, servent à faire disparaître l'esclavage qui fait partie
intégrante de l'organisation sociale des populations de cette région.
Le ministre de la marine a chargé d'une mission au Bouré, M. Colin, qui a déjà
visité les possessions françaises du Sénégal, et qui s'est embarqué à Saint-Nazaire,
le 20 avril.
Un décret du gouvernement de Madrid a autorisé la pose d'un cable télégra-
phique reliant Cadix aux Canaries, et celles-ci au Sénégal.
— 140 —
M. Jacotin^ aspirant de marine et membre de la Société de géographie de Paris,
est reparti pour les Canaries, où il avait commencé des levés qu'il vent terminer.
Une compagnie anglaise a obtenu par traité, au Maroc, la concession d'une
bande de terrain, où elle a fait choix d'un point appelé à devenir le port de la
province de Sous. Les chefs Indigènes avec lesquels l'agent anglais a fait marché,
lui ont promis qu'ils parviendraient à détourner du côté de l'établissement anglais
tout le commerce de l'intérieur de l'Afrique qui a pour objectif Tombouctou, et
qui passe actuellement par le Maroc et par le port de Mogador.
Le Maroc a enfin permis à l'Espagne d'envoyer des officiers et des topographes,
pour étudier le territoire de Santa-Cruz de Mar Pequena qu'elle veut occuper,
vis-à-vis des Canaries. Un délégué de l'empereur du Maroc, chargé de faire la
remise de ce territoire à l'Espagne est arrivé à Mogador.
EXPLORATIONS DU D' JUNKER SUR LE HAUT OUELLÉ '
(Suite et fin.)
Junker se remit en route le 7 janvier 1881, dans la direction S.-O.;
en février il passa TOueUé et arriva chez les Amézimas qui habitent
entre ce fleuve et le Bomokandi, le plus puissant de ses affluents méridio-
naux. Les Amézimas, parents des Abarmbos, le dépouillèrent de presque
tout ce qu'il avait, en sorte qu'il dut repasser l'Ouellé et demeurer plu-
sieurs mois chez les Amadis dans une inaction forcée. Le sud de l'Ouellé
était en guerre ; plusieurs che& des séribas égyptiennes établies dans le
Mombouttou attaquèrent Mambanga, qui leur tint tête et réussit même
à leur enlever 50 fusils. Il fit appel à la médiatioi^ de Junker, qui préféra
ne pas intervenir. Mais, après ce premier succès, il dut se retirer devant
des renforts égyptiens envoyés par Emin^bey, et commandés par le colo-
nel Haouasch, qui établit une station fortifiée non loin de l'endroit où
Junker avait passé l'Ouellé en 1880. H soumit les Abarmbos, puis fit
demander à Junker, retenu chez les Amadis, de venir à sa station pour
s'employer à la pacification. En même temps que l'appel d'Haouasch,
Junker reçut une lettre de Casati, qui venait d'arriver dans cette région ;
cela le décida à quitter les Amadis. D se dirigea à l'est vers l'Ouellé, et
arriva en un endroit oîi la rivière offre un coup d'oeil très pittoresque»
grâce à des rives abruptes dominant un groupe d'îles habitées par les
Embatas, tribu mombouttoue qui a pour chef Errouka. De la rive sep-
tentrionale il put mesurer le mont Madjann, au sud de l'Ouellé, dans le
pays des Abarmbos ; il trouva aussi un lieu favorable pour déterminer la
* Voir p. 107, et la carte, p. 116.
— 141 —
hauteur du groupe de montagnes des Amadis, et obtenir ainsi une bonne
triangulation pour la construction exacte de la carte de ce pays. Le ter-
rain ondulé est traversé par une multitude innombrable de petites riviè-
res, coulant toutes vers le S.-O. et tributaires du Tong, affluent de
rOuellé qui en cet endroit forme un coude vers le sud. Se dirigeant au
N. E. Junker atteignit la station de Haouasch, en traversant le territoii*e
très peuplé des diverses tribus soumises des Abarmbos. D n'y trouva pas
Casati, qui était encore chez les Mombouttous de Test. Les troupes de la
station qui avaient dû repousser un assaut de Mambanga, et voyaient
les munitions sur le point de leur manquer, espéraient que l'arrivée de
Junker ferait prendre aux affaires une meilleure tournure. Junker usa
de toute son influence sur Mambanga pour l'engager à faire la paix. Il
lui envoya des présents par un messager chargé en même temps de lui
demander un rendez-vous, auquel il promit de se trouver sans escorte
militaire. Une 'entrevue eut lieu dans laquelle Junker n'avait avec lui
qu'un interprète, tandis que Mambanga était entouré de guerriers armés
de lances ; sans, pouvoir le décider à venir à la station, il obtint cepen-
dant une suspension des hostilités, mais pour cela il dut faire l'échange
du sang avec Mambanga, et promettre de se rendre à sa résidence pour
des négociations ultérieures. Comme il tenait beaucoup à établir une
paix définitive, qui seule pouvait lui ouvrir les routes de Bakangaï et de
Kanna plus au sud, il alla à cette résidence, à 20 kilom. à l'ouest de la
station d'Haouasch. Il y passa 7 jours, pendant lesquels il chercha par
tous les moyens possibles à persuader Mambanga de venir à la station
égyptienne. Mais il eut beau dire que le temps des brigandages était
passé, que le gouvernement égyptien voulait trafiquer en paix avec les
princes nègres, que ceux-ci auraient à traiter désormais avec les trou-
pes régulières d'un puissant état bien réglé, que l'ordre était donné de
respecter son autorité de chef et, le cas échéant, de le protéger contre
ses ennemis du dehors, toutes ces paroles et beaucoup d'autres furent
inutiles, le sorcier mombouttou ayant prophétisé malheur à Mambanga,
pour le cas oti il se rendrait à la station. Junker dut se contenter de la
promesse du prince nègre de cesser temporairement toute hostilité ; mais
il profita de ces longues négociations, auxquelles Casati, arrivé du Mom-
bouttou, put assister, pour décider à la paix quinze chefs Abarmbos,
alliés de Mambanga. Peu rassurée par les promesses de celui-ci, la gar-
nison de la station d'Haouasch ne voulut pas laisser repartir Junker
avant d'avoir reçu des renforts. Casati alla à Tangasi et de là chez
Ssanga, frère de Mounza, h deux jours de marche plus au sud.
— 142 —
Ces négociations avaient absorbé les mois de septembre- à décem-
bre 1881. Bahid-bey, mudir du Makaraka, ayant amené des renforts h
Haouasch, Mambanga s'enfuit vers l'ouest ; Junker suivît les troupes
envoyées pour le poursuivre et pour occuper le territoire le long de la
rive méridionale de l'Ouellé ; il marcha avec elles jusqu'au point où, en
février 1881, il avait passé le fleuve, et réussit à recouvrer une partie de
ce dont il avait été dépouillé par les Amézimas. Bahid-bey ayant donné
aux troupes l'ordre de revenir à la station, il dut renoncer à poursuivi-e
sa marche vers l'ouest, mais, pendant son séjour chez les Amézimas, il
avait expédié un de ses serviteurs et quelques hommes de cette tribu,
avec des présents, à Bakangaï, qui demeure à quatre jours de marche
plus au sud, et lui envoya en retour un chimpanzé, ainsi que des défenses
d'éléphant, avec une invitation à se rendre à sa résidence. Marchant
alors directement vers le sud, Junker atteignit en deux jours le Borao-
kandi (le Nomayo de Schweinfurth), qui se jette dans l'Ouellé à 4 ou 5
journées plus à l'ouest, par 4*^ lat. N. environ et 23*", 40' long. E. de
Paris. Au point oii Junker le passa il n'a pas moins de 175 pas de large ;
les mots Nomayo et Quelle signifient tous les deux fleuve, rivière, grande
eau, l'un en mombouttou, l'autre en niam-niam, le vrai nom de l'Ouellé
est' Makoua (le Bahr-el-Makoua de Lupton). Le pays compris entre le
Makoua et le Bomokaudi est habité par les Abarmbos; à l'ouest de
ceux-ci et au delà du Bomokandi, le long de la rive méridionale du
Makoua, vivent les A-Babouas (les Barboas de Lupton) qui parlent une
langue parente de celle des Mombouttous. Du Bomokandi à la résidence
de Bakangaï, Junker ne mit qu'une journée; reçu par lui avec beaucoup
d'afl:abilité, il y resta 15 jours, et en emporta l'impression que c'était le
prince le plus puissant qu'il eût jusque-là rencontré dans l'Afrique cen-
trale.
Partant de là dans la seconde moitié de janvier, Junker continua son
voyage vers l'Est, en se tenant à un ou deux jours de distance au sud du
Bomokandi; au bout de dix jours il arriva chez Kanna, chef dont le ter-
ritoire n'a pas encore été visité par les expéditions égyptiennes; Kanna
et ses voisins, ne connaissant que leur système de pillage, ne veulent rien
avoir à faire avec elles. A deux fortes journées de marche vers le sud,
habite Ssanga, chez lequel Gasati s'était rendu. Les deux voyageurs se
rencontrèrent de nouveau à Tangasi, au delà du Bomokandi.
Pour employer le temps qui lui restait avant la saison des pluies, Jun-
ker se rendit en mars dans le pays montagneux des Momvous, à six
jours de marche à l'est de Tangasi; là se trouvent la sériba de Gango»
— 143 —
et les sources de la Gadda. Daos cette excursion il retraversa le Bomp-
kandi, qui a là encore 60 pas de large, puis il revint à la station de
Kubbi, entre la Gadda et le Kibali, par 3%40' lat. N. et 26%5' long. E.
de Paris. De là il comptait se diriger de nouveau vers le sud^ traverser
une quatrième fois le Bomokandî pour atteindre nne petite station égyp-
tienne, revenir vers l'ouest à travers les territoires des princes mombout-
tous indépendants, frère et fils de Mounza, qui lui avaient envoyé des
messagers, et terminer ses explorations vers le sud à la résidence de
Mbélia et de Ssanga, au sud du Haut-Bomokandi, pour rentrer à Tan-
gasi vei-s la fin d'avril 1882.
Comme Junker a eu soin de relever tous les itinéraires et de recueillir
tous les renseignements possibles, pour la construction d'une carte de
territoires encore plus méridionaux, nous pouvons espérer connaître pro-
chainement la topographie exacte de cette région. En attendant, il nous
apprend que le Bomokandi, d'après la largeur qu'il a au sud de la rési-
dence de Mounza, doit prendre sa source au loin à l'est; il court d'abord
parallèlement à l'Ouellé, à 50 kilom. ; ses trois principaux affluents méri-
dionaux sont le Makongo, le Pokko et le Telli, tous trois de plus de
50 pas de large. Le Makongo prend sa source au sud du territoire de
Bakangal qu'il limite à l'ouest, tandis que le Pokko, traversé par Junker
dans sa marche de Bakangaî à Eanna, le limite à l'est, et a ses soiu*ces
dans le pays des Mabodes, à trois journées au sud de Eanna ; quant au
Telli, il vient du territoire de Ssanga; Junker l'a passé en allant de
Kanna vers le Bomokandi. A trois ou quatre jours de marche au sud de
BakangaY, coule vers l'ouest la Mbélima, qui va se jeter directement dans
rOuellé en aval du Bomokandi. Les A-Babouas la nomment Nandou.
*
D'après tous les renseignements reçus par Junker, c'est au sud de la
Mbélima qu'il place la ligne de partage des eaux entre l'Ouellé, qui est,
suivant lui, indubitablement le cours supérieur du Chari, et l'Arouimi de
Stanley, affluent du Congo. L'Arouimi a pour origine une rivière plus
forte que l'Ouellé, la Népoko, qui coule vers le S.-O. et reçoit sur sa rive
septentrionale un autre cours d'eau considérable, la Nava, qui court vers
l'ouest à quatre jours au sud delà route suivie par Junker. D'après divers
renseignements qu'il a recueillis, il doit exister un lac au sud de la
Nava ; les Proceedings de la Société de géographie de Londres le placent
par 2"* lat. N. et 22°40' long. E. de Paris; ce ne pourrait être le lac
Key-el-Abi qui, d'après le rapport de Lupton-bey, devrait se trouver par
3^40' lat. N. et 20^40' long. E. de Paris.
Ses provisions étant épuisées, Junker a dû revenir à son quartier gêné-
— 144 —
rai près de Ndorouma, pour visiter encore les pays à Touest, et chercher
à résoudre le problème du cours inférieur du Makoua .
D'après une lettre de Lupton-bey, le D' Junker se trouvait, aux der-
nières nouvelles, à quatre jours de marche de la résidence de Zimio, un
des chefe Niams-Niams ^
S'il a mis un tel soin à l'étude hydrographique de cette région, c'est
qu'elle lui paraît avoir une très grande importance au point de vue com-
mercial, surtout pour le transport de l'ivoire des provinces équatoriales,
en particulier de celle du Bahr-el-Ghazal, dont Lupton-bey est le gou-
verneur, résidant à Djour Ghattas, tandis que celle du Bahr-el-Gebel est
placée sous l'autorité d'Emin-bey, qui réside à Lado. Le Makoua peut
o&ir un grand avantage au commerce, si l'on établit des stations le long
des rivières du pays des Abarmbos. On a déjà expédié de l'ivoire par
canots jusqu'au confluent de la Gadda et du Kibàli, mais les bateaux
pourront, du Kibali, remonter dans le Dongou, et de celui-ci dans l'Akka,
dont le cours supérieur se rapproche beaucoup des tributaires du Nil
Blanc. Quand au développement de l'exploitation de l'ivoire, Junker
estime qu'il est de toute nécessité, pour le gouvernement égyptien, d'oc-
cuper ces régions le plus loin qu'il pourra vers le sud, le terrain pouvant
lui être disputé par les marchands de Zanzibar établis à Nyangoué, car
leur approche est déjà signalée par l'apport, dans le pays au sud du
Makoua, de marchandises provenant de ce grand marché de l'Afrique
centrale. A notre avis, et au point de vue de la civilisation, il y a mieux
à faire qu'à encourager le gouvernement égyptien et ses agents dans
l'extension à de nouveaux territoires du système de ce monopole prati-
qué par les moyens mentionnés plus haut. Puisque l'Angleterre s'est
chargée de réformer l'administration égyptienne, nous espérons qu'elle
ajoutera à son programme, renfermant déjà la suppression de la traite et
de l'esclavage, celle des abus qu'entraîne le monopole de l'ivoire. Puisse-
t-elle obliger le gouvernement du khédive à laisser aux populations de
l'Afrique équatoriale la libre disposition de leurs biens, pour dissiper
leur méfiance bien naturelle à l'égard des blancs, et les disposer à rece-
voir les philanthropes et les missionnaires qui iront leur porter les bien-
faits de la civilisation chrétienne.
* Dans la séance du 23 mars de la Société de géographie de Vienne, le D** Lenz
a annoncé que le D' Junker est de retour de son voyage à rOuellé, et qu*il tâchera
de regagner TÉgypte.
— 145 —
BIBLIOGRAPHIE '
SOCEETA d'eSPLORAZIONE COMMERCIALE IN AfRICA. MiloUO (TipOgF.
P.-B. Bellini et C*'), 1883, in-8**, 14 p. — Après avoir contribué plus que
personne à la fondation et au développement de la Société d'exploration
commerciale en Afrique, le président de son comité, M. Manfred Cam-
perio, le savant directeur de VEsploratorej a exposé d'une manière très
concise, dans ces quelques pages, le but qu'elle s'est proposé en faveur
du commerce italien, et les expéditions qu'elle a envoyées, dans la mer
Rouge d'abord et en Abyssinie, puis en Cyrénaïque, enfin celle qui vient
de partir de Naples, sous la direction de G. Blanchi. Ce dernier, accom-
pagné de l'ingénieur C.-A. Salimbeni, devra établir dans le Godjam,
à Baso, une station destinée à servir d'intermédiaire au commerce
entre les pays Gallas et Assab ; puis il construira un pont sA* le Nil
Bleu. De Baso l'expédition descendra à Assab, par Sokoto et la Plaine
du sel. M. Salimbeni, ainsi que M. Monari qui s'est joint à l'expédition,
contribue aux frais de l'entreprise, pour laquelle a été dressée une
carte de l'Abyssinie, corrigée d'après les indications de Cecchi et de
G. Blanchi et publiée dans VEsplœatore.
L'Afrique ceîïtraije et la conférence de Bruxelles, par Emile de
Laveleye, avec deux cartes, Bruxelles, (Ubrairie européenne de
C. Muquardt), 1878, în-1 2, 219 p. — Ce livre a été écrit au lendemain de la
Conférence de Bruxelles, alors que tous les regards se portaient vers
l'Afrique centrale, pour l'exploration de laquelle venait d'être fondée
l'Association internationale. M. de Laveleye montre quelle est l'œuvre à
accomplir en Afrique, décrit les avantages que présente ce continent en
ce qui concerne sa flore, sa faune et ses richesses minérales; il parle
enfin des brillantes espérances qui étaient dans le coeur de chacun, en
voyant l'élan qui avait accueilli l'idée de S. M. le roi des Belges. Sans
doute elles n'ont pas été complètement réalisées ; il n'en est pas moins
intéressant de relire, à quelques années de distance, les appréciations
émanant d'une plume autorisée.
Cette étude est accompagnée d'un exposé des premières découvertes
de Stanley sur le Congo, d'un article de M. Bujac sur les Égyptiens
dans l'Afrique équatoriale, article dans lequel l'auteur se prononce pour
' On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 13, me du Rhône, à Genève,
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 146 —
l'annexion du bassin du Haut-Nil à TÉgypte, enfin d'une carte du
Congo d'après Stanley, et d'une carte générale de l'Afrique.
Carte de l'île de la Réunion, d'après la carte de M. L. Maillard
et plusieurs plans parcellaires. Revue et augmentée par R. M. et A. M. G.
Paris et St-Denis (de la Réunion) 1883. — Cette carte a été faite sur-
tout au point de vue des missions catholiques; elle donne en effet la
désignation des paroisses et des établissements religieux. Mais, étant h
l'échelle de Vaooooo » elle peut fournir une idée très complète de la confi-
guration de l'île, et des villes, des villages, même des hameaux. Les gran-
des routes, les chemins vicinaux, et jusqu'aux sentiers sont scrupuleu-
sement indiqués. Les lignes ferrées, achevées en 1881, sont aussi mar-
quées, et l'on voit que, déjà à cette époque, les villes de St-Pierre et de
St-Beuoît étaient ou allaient être reliées avec la capitale, St-Deuis,
par une ligne contournant la partie N. E. de l'île ; la voie fen*ée ne
doit pas s'étendre, à la partie S. E. etE. oii, comme l'on peut s'en rendre
compte en examinant la carte, les difficultés sont plus grandes, h cause
de la nature montueuse du pays, et l'utilité moins directe, attendu que
les localités de cette région sont moins importantes. En 1881 le chemin
de fer ne circulait pas encore entre le nouveau port, situé à la Pointe des
Galets, et St-Denis. Enfin, le système complet des montagnes et des
rivières qui en découlent est donné d'une manière très nptte, grâce à la
teinte spéciale des montagnes, et l'on distingue fort bien la grande
chaîne centrale, avec le Piton des Neiges pour principale sommité,
ainsi que les bassins des rivières des Galets, du Mât et de St-Etienne,
qui y prennent leur source et ont creusé trois vastes cirques à sa base.
L'Algérie. Impressions de voyage, suivies d'une étude sur les insti-
tutions kabyles et la colonisation, par J.-J. Œamageran. 2™' édition.
Paris (Germer-Baillière et C**), 1883, in-18, 421 pages, 3 fr. 50 avec
carte. — La première édition de ce livre renfermait la relation d'un
voyage effectué par M. Clamageranen 1873, à travers les trois provinces
d'Alger, d'Oran et de Constantine, et les impressions de l'auteur en ce
qui concerne le développement matériel et moral de l'Algérie, le régime
commercial, le régime des terres, la colonisation, etc. Dès lors, M. Cla-
mageran a fait en Algérie une courte excursion, à l'occasion du Congrès
des sciences, réuni à Alger en avril 1881. Après avoir pris part aux tra-
vaux de cette assemblée, il consacra quelques jours à visiter les envi-
rons de la ville, afin de se rendre compte des progrès accomplis depuis
1873. C'est au Congrès lui-même et aux résultats de ses observations
— 147 —
qu'il consacre les six chapitres nouveaux qni terminent le volume. Cet
examen comparatif présente le plus vif intérêt, car il permet de consta-
ter qu'un grand pas en avant a été accompli, pour tout ce qui tient au
conunerce, à la culture de la vigne, aux chemins de fer, à l'instruction
publique, etc. Mais il reste encore beaucoup à réformer, et l'honorable
sénateur, sans faire d'une manière aussi vive que M. Leroy-Beaulieu le
procès de l'administration coloniale, énumère dans le dernier chapitre,
intitulé desiderata, tous les points faibles du régime algérien ; il demande
en particulier au gouvernement d'accorder aux indigènes une protection
plus efficace et quelques droits pohtiques.
Algérie et Sahara. Le général Margueritte par le général Phileherf.
Paris (direction du Spectateur militaire)^ 18S2, in-8**, 468 pages,
7 fr. 50. — Le général français Margueritte était un soldat africain dans
toute l'acception du mot. Il prit, il est vrai, une part brillante à l'expé-
dition du Mexique et vit les débuts de la guerre franco-allemande, mais
la presque totalité de sa vie se passa en Afrique, soit à combattre les
Arabes, soit à administrer les districts algériens. Il est vraiment le fils
de ses œuvî*es, car, à 15 ans, il prenait du service dans la gendarmerie
maure, n'ayant d'autres titres que son courage, son intelligence et sa
connaissance de la langue arabe; mais son intrépidité et son adresse le
firent bientôt mettre à plusieurs reprises à Tordre du jour de l'armée,
et lui permirent de s'élever de grade en grade, à travers les luttes
sans cesse renaissantes dont l'Algérie fut le théâtre, jusqu'à la dignité
péniblement gagnée de général de brigade (1867). La guerre franco-
aUemande le trouva commandant de la division d'Alger. Rappelé en
France, il fut. placé à la tête de la première brigade de la division Du
Barail, et mouiiit des suites d'une blessure reçue à Sedan.
C'est un de ses compagnons d'armes, le général Philebert, qui a écrit
la biographie de Margueritte. D a composé ce livre pour montrer, dit-il,
que le travail et l'intelligence suffisent pour se faire ici-bas une large
place, et que les hautes destinées sont à la portée de tous.
A côté du récit des luttes algériennes, on lira avec plaisir les chapitres
qui traitent de l'administration de l'Algérie, des chasses de Margueritte
dans l'Atlas et de son Essai sur la poésie arabe.
La Hollande et la baie de Delagoa, par M. L. Van Deventer. La
Haye (Martinus Nijhoff), 1883, in-8%80 pages, 2 fr.70. — Les territoires
arrosés par le Congo ne sont pas les seuls, en Afrique, qui donnent lieu
actuellement à contestation quant au droit de propriété. M. Van Deven-
ter, par la brochure que nous avons sous les yeux, introduit une sorte
— 148 —
de question de la baie de Delagoa. Il prétend que le Portugal détient
indûment la région que baigne ce petit golfe, attendu que l'occupation
portugaise de cette contrée n'eut lieu qu'à la fin du XYIII"' siècle, épo-
que à laquelle les Hollandais s'y étaient établis depuis longtemps et y
avaient fondé une factorerie qu'un fort protégeait. La question a son
importance, surtout en ce qui concerne le Transvaal, dont la baie de
Delagoa est le débouché naturel; il est évident que si ce territoire
appartenait à la Hollande, il serait depuis longtemps relié au pays
des Boers par un chemin de fer. L'auteur demande donc que la Hollande
et le Portugal s'entendent à l'amiable à ce sujet, pour arriver à une
solution qui pifermette au Transvaal d'écouler facilement les produits de
son sol.
Tout en souhaitant, nous aussi, l'établissement d'une voie ferrée dans
ces parages, nous nous demandons si la Hollande serait bienvenue à
revendiquer des droits sur la baie de Delagoa, puisque, d'après l'auteur
lui-même, elle avait abandonné son comptoir lorsque le Portugal s'est
emparé du golfe ; eUe a d'ailleurs, en 1875, laissé sans protester le maré-
chal de Mac Mahon, pris pour arbitre par le Portugal et l'Angleterre au
sujet de ces mêmes territoires, les adjuger à la première de ces puis-
sances.
*
L'avenir. COMMERCIAL de la France en Afrique. Conférence de
M. Pigeonneau. Paris (Vve Eugène Belin et fils), 1882, in-8°, 16 pages
et carte. — C'est un sujet bien souvent traité, et cependant loin d'être
épuisé, que celui de l'importance du continent aMcain comme débouché
pour les produits des manufactures européennes. M. Pigeonneau, dans
une conférence qu'il a faite au mois de novembre dernief , a su résumer
d'une façon très claire, spécialement au point de vue français, l'état
actuel de la question. Il a montré qu'il est nécessaire de trouver de nou-
veaux marchés extérieurs pour les exportations françaises, et que la
seule région où s'ouvre au conmierce un avenir illimité, est l'Afrique
centrale ; mais le grand obstacle consiste dans le manque de voies de
pénétration conduisant sur le plateau intérieur. Il faut donc s'occuper
en premier lieu des régions africaines qui se présentent dans les meU-
leures conditions au point de vue des routes d'accès, c'est-à-dire de celles
qui sont baignées par des fleuves navigables dans leur cours moyen : le
Niger et le Congo. Aussi le conférencier exhorte-t-il le gouvernement
français à poursuivre dans ces parages l'œuvre commencée par de hardis
explorateurs, et le commerce à en profiter.
— 149 —
BULLETIN MENSUEL (4 juin 1883.) '
L'influence acquise par TAngleterre en Ê^gypte ne peut manquer d'y
donner une grande impulsion aux travaux pour voies de communication,
soit par eau, soit par chemins de fer. De quelque manière que soit réso-
lue la question du canal de Saez, par l'élargissement du canal actuel,
ou par le creusement d'un second canal le long du premier avec des
ouvertures dans celui-ci, ou enfin par le percement d'un nouveau canal
à travers le delta, d'Alexandrie à la mer Rouge, comme le voudraient
les armateurs anglais, il n'est pas douteux qu'il ne soit répondu aux
besoins croissants de la navigation. Quant aux voies ferrées, Mason-
bey propose au gouvernement égyptien d*en construire une de Wadi-
Halfa à Amarah en Nubie, d'où le Nil est navigable jusqu'à Meravoui,
sauf sur quelques points où l'on établirait des tramways ; pour le Sou-
dan oriental, il recommande une ligne de Tokar, au sud de Souakim,
par le Ehor Baraka, à Kassala, puis à Ehartoum ou à Abou Haras ;
elle aurait l'avantage de traverser un pays fertile et cultivé. Les con-
sens de l'Angleterre pour ime ligne ferrée de Souakim à Berber sem-
blent devoir l'emporter. D'après le Standard^ une compagnie serait
déjà constituée à cet effet.
Avant tout il faudrait, pour réaliser ce projet, que le Soudan demeu-
rât possession égyptienne. Or, malgré la victoire remportée par le géné-
ral Hicks sur les troupes du mahdi, il n'est nullement certain que celles-
ci, maîtresses déjà de la capitale du Kordofan, ne finissent pas par
s'emparer de Khartoum. La dernière lettre de M. Hansal à VOesterrei-
rJiische Monatschrift fiir dm Orient annonce, qu'après la capitulation
d'El-Obeïd, les soldats égyptiens ont dû prêter serment de fidélité au
mahdi et ont été incorporés à ses troupes ; gouverneur, fonctionnaires,
armée, trésor, armes et munitions, tout est au pouvoir de MoJiaiiied-
Ahmed, qui répartit ses troupes entre le Darfour et le Sennaar, d'une
part pour économiser ses provisions, et de l'autre pour y attiser la
révolte. Les ulémas de Khartoum ont composé un mémoire pour prouver
qu'il n'est pas le vrai prophète; ils l'ont fait imprimer et répandre dans
»
^ Les matières comprises dans 906 Bulletins mensuels et dans les Nouvelles corn"
pJcmentaires j sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à l'est, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
L'AFRIQUE. — QUATRIÈME AHIÎÉE. — N® 6. 6
— 160 —
le pays ; un exemplaire est tombé entre les mains du mahdi, qui en a
appelé à ses victoires pour prouver que lui, pauvre fakir, n'aurait pas
pu accomplir ces exploits s'il n'était pas le prophète, et si Allah ne lui
avait pas conféré l'autorité en lui donnant son appui et sa protection.
Ce langage exerce sur le peuple une influence beaucoup plus grande
que les arguments des lettrés, et aifermit la foi au mahdi. M. Hansal a
fait son possible pour obtenir la mise en liberté des missionnaires pri-
sonniers du mahdi, auquel il a adressé un message amical, sans allu-
sions politiques ni religieuses. D'autre part, des démarches ont été faites
par la Société de géographie conmierciale de Saint-Gall, et par un de
ses membres correspondants au Caire, M. Wild, en faveur de notre com-
patriote M. G. Roth, aussi prisonnier du mahdi. Malheureusement, les
explications données par le khédive ne sont pas absolument rassurantes,
car il n'a pas pu obtenir la libération des pachas égyptiens détenus par
Mohamed- Ahmed. Néanmoins il a promis d'écrire au nouveau gouver-
neur du Soudan, Aladdin pacha, pour lui recommander de prendre tout
particulièrement à cœur cette affah-e.
Les Mittheïlungen de Gotha ont reçu de M. J.-M. Schuvep des
renseignements, qui complètent les données qu'il a fournies précédem-
ment sur l'ethnographie de la région qu'il a parcourue entre le Jabous
et le Sobat. Afillo, à trois jours de marche au S.-E. de Léga, est gou-
vernée par une aristocratie galla ; les Siebou, les Korro et les Zeyau-
Gallas, comme les Wallégas, ont une organisation républicaine, tandis
que, à l'ouest des Légas^ d'autres tribus ont une constitution monar-
chique. Le voyageur hollandais a obtenu d'un jeune nègre gmrîbil, que
lui vendirent les Gallas, d'utiles informations sur son pays qui se trouve
sur un affluent de la rive droite du Sobat, par 9°20' lat. N. et 31°40'
long. E. de Paris. Les Gambils nomment leur rivière Comandchie, ou
Fleuve des vaches^ parce que, dans les mois de sécheresse, leurs nom-
breux bestiaux ne trouvent de fourrage que dans le voisinage de ce cours
d'eau. Le pays est riche en autruches et en éléphants ; il y a aussi dans
les forêts des arbres dont le fruit {kigelien\ de 0",60 de long, pèse de
5 à 7 kilog.; les indigènes l'amollissent dans l'eau, puis le font cuire et
le mangent. Le principal village des Gambils est Comandschog, sur la
Comandchie, mais le jeune nègre de M. Schuver lui en a nommé une
trentaine d'autres, en particulier Kepil, marché auquel se rendent les
' Légas-Gallas, qui fournissent aux Gambils le fer, le cuivre et les perles
de verre dont ils ont besoin. Ceux-ci évitent le Nil Blanc, dont ils sont
séparés par de vastes forêts. Il y a quelques années, les Denkas, assail-
— 151 —
lis et pillés par les Arabes du Sobat, se dédommagèrent de leurs pertes
en attaquant les Gambils, auxquels ils enlevèrent tous leurs bestiaux
après de sanglants combats; les survivants s'enfuirent chez les Légas et
dans les pays gallas méridionaux, oîi ils se livrèrent volontairement
comme esclaves; d'autres errent encore dans les solitudes, entre le pays
des Légas et le fleuve Baro ; peu d'entre eux sont restés dans leur pays
d'origine. Les Gambils élevaient des porcs et mangeaient des poules et
des œufs, ce que beaucoup de Légas-Gallas et de tribus Denkas ont en
abomination. Pour obtenir de la pluie, ils jetaient dans la Comandchie
une vache écorchée ; plus elle saignait et rougissait l'eau de la rivière,
plus Toracle devait être favorable. Quant au type des Gambils, d'après
le nègre de M. Schuver, ils se distinguent avantageusement de la masse
des esclaves des Denkas ; ils ont la charpente solide, les extrémités bien
formées, le visage rond et bienveillant; ils se brisent les deux incisives
du milieu de la mâchoire inférieure, et portent sur le front deux petites
cornes de gazelle ou de chèvre attachées ensemble.
Le comte P. Antonellî continue heureusement son voyage difficile ;
aux dernières nouvelles reçues par la Société italienne de géographie, il
était à Gombo Koma, résidence de Mohamed Anfari, célèbre chef des
Aoussas. Ce sultan, qui n'a jamais voulu recevoir des blancs, lui a fait
très bon accueil, l'a traité avec beaucoup de courtoisie et lui a fourni
des chameaux de rechange, pour la poursuite de son voyage vers le Choa.
Le district de Gombo Koma est montagneux ; de là au Choa le pays
doit être plat, et riche en lacs qu'Antonelli a l'intention d'explorer. Il
espère que le reste du chemin sera moins fatigant que la première par-
tie, surtout pour le chameau, peu fait pour les routes de montagnes.
Un correspondant de la Vossische Zeitung communique à ce journal
que, le négous étant gravement malade, Ménélik prend toutes les
dispositions nécessaires pour lui succéder et se faire couronner roi
d'Abyssynie. D appartient aux Abyssins-unis, catholiques. Ses relations
d'amitié avec la France et l'Italie ouvriront l'Abyssinie tout entière au
commerce. Il sera beaucoup plus empressé que le roi Jean à favoriser
l'introduction des arts et des sciences dans son royaume, et à y attirer
des Européens, pour gagner l'amitié de l'Europe et un appui contre ses
voisins musulmans, en particulier contre l'Egypte et contre les chas-
seurs d'esclaves. Sans doute, le négous actuel n'est pas insensible aux
procédés bienveillants des princes européens, et fait bon accueil aux
voyageurs, toutefois il ferme strictement ses états à l'importation des
marchaDdises et des coutumes européennes.
— 152 —
Les missionnaires de Saint-Crischona, MM. Mayer et Greiner, se sont
définitivement établis à Balli chez les Gallas, à sept jours de marche^
au sud d'Ankober, et à cinq au nord du lac Zoual, près de la nyiëre-
Modocho, tributaire de THaouasch. Jusqu'à ce fleuve, tout le pays^
appartient à Ménélik, et la population est composée de gens du Choa et
de Gallas. Le roi a fait baptiser par centaines des Gallas, qui ont aboli
rinfanticide et le meurtre des parents âgés, usages du pays. La langue
galla disparaît devant Tambarique que doivent parler les fonctionnaires.
La traite a beaucoup diminué, depuis que le gouvernement a interdit
l'exportation d'esclaves par les ports de Tadjoura et de Zella, mais elle
existe encore au Choa. Les missionnaires ont dû commencer par faire
une clôture autour de la propriété que Ménélik leur a donnée, pour se
gai-antir contre les hyènes ; puis ils ont construit une habitation pour
laquelle ils se sont servis de branches d'un grand figuier sauvage, révéré
comme sacré par les Gallas, auxquels ils ont expliqué que le bois a été
donné aux hommes pour leur usage et non pour Tadorer ; ils comptent
défricher et convertir en culture une partie d'une grande forêt qui
abonde en sangliers. Il existe dans le lac Zoual cinq lies, où les descen-
dants de l'ancienne famille royale d'Abyssinie vivent dans la retraite.
Les insulaires ont un roi, et sont indépendants des tribus voisines.
Le dernier numéro de VEsploratore renferme une correspondance de
M. P. Saoconi» de Harrar» qui donne une triste idée de l'adminis-
tration égyptienne dans cette province, annexée depuis quelques années
aux états du khédive. Le peu de place dont nous disposons ne nous per-
met d'en donner qu'un très court extrait. Quoique la garnison de Har-
rar se compose de 5000 soldats, sans compter les fonctionnaires civils et
les bachi-bozouks, le gouvernement du Caire n'a envoyé depuis quatre
ans aucune solde pour tout ce personnel. Les soldats jettent les hauts-
cris ; le gouverneur, pour se les attacher et sortir d'embarras, augmente
les tributs déjà très lourds, et paye les troupes avec des denrées et des
bestiaux à un prix qui dépasse le double de leur valeur. Le soldat se
dédommage dans les achats qu'il fait aux indigènes. Le système d'ex-
torsion se propage. Les natifs, de leur côté, irrités et découragés, cher-
chent à se venger. Un chef de tribu laisse-t-il paraître son mécontente-
ment, ou bien est-il accusé par l'un de ses subordonnés, vite on l'empri-
sonne ; on lui laisse cependant une certaine liberté, dont il se sert d'or-
dinaire pour correspondre avec ses anciens sujets ; bientôt la tribu se
soulève et fournit le prétexte d'une de ces razzias énormes, dont M. Sac-
coni cite plusieurs exemples pour montrer comment les gouverneurs de.
— 153 —
Harrar civilisent leur province ; nous regrettons beaucoup de ne pouvoir
en parler d'une manière détaillée. Cependant disons encore que, d'après
\e Bulletin de la Société italienne de géographie, le gouvernement égyp-
tien a destiné 200,000 fr. à l'établissement d'une ligne télégraphique
de Zeïla à HaiTar, et que Nahdi pacha, gouverneur de Harrar, dans
une conférence de la Société khédiviale de géographie, a présenté cette
province comme ayant un grand avenir; il a engagé les voyageurs et
*les négociants européens à s'y rendre pour étudier le pays des Gallas,
où le climat salubre, le sol fertile, le travail assidu et l'industrie des
habitants leur promettent de grands avantages.
D'après un télégramme de Zanzibar au journal Le Soir y M. G. Ré-
voil s'est rendu à Magadaxo, pour pénétrer de là dans la région au sud
du pays des Gallas. Magadoxo, située sous le 2^* lat. N., appartient au
sultan Saïd Bargasch, qui a accordé au voyageur français tous les
moyens possibles pour assurer le succès de sa mission. La population
est un mélange de nègres, d'Abyssins chrétiens et d'Arabes. M. Révoil
se dirigera probablement vers le Webbi Sourrali, qui se jette dans le lac
Balti, et de là, vei-s Chitti, au sud des pays Somalis qu'il a visités trois
fois. S'il peut pénétrer jusqu'aux montagnes qui bordent le Choa méri-
dional, il nous rapportera des informations toutes nouvelles sur cette
région, jusqu'ici fermée aux explorateurs.
Les missionnaires de la station de Ribé, près de Mombas, ont acquis
la certitude que les indigènes qui ont répandu l'efîroi daus le pays, il y a
quelques mois, ne sont pas des Masals conmie on le croyait, mais des
gens d'Aroucha, au sud du Kilimandjaro et à l'ouest de la Louvou.
Leurs traces ont été rencontrées entre Pangani et Jomva, une des sta-
tions de la mission ; sur une distance de plusieurs milles, l'herbe était
foulée. Dans le district de Giriama , ils se sont nourris des fruits du
papayer, et ont mangé tous les légumes qu'ils ont trouvés sur leur pas-
sage, ce que n'auraient fait ni les Masals ni les Wakuafis, qui se nour-
rissent de viande et boivent du lait. Ils ont aussi pris dans les huttes des
natife des instruments d'agriculture, ce que n'auraient pas fait non plus
des Masals ni des Wakuafis, qui ne retournent jamais une motte de
terre. C'était la première fois que les gens d'Aroucha venaient jusqu'à
Ribé, qui a été la limite de leurs incursions vers le nord. — M. Wakefield,
de la station de Ribé, a demandé au Comité des méthodistes-unis, dont
il relève, de pouvoir établir une mission chez les Gallas méridionaux,
dont il a visité déjà quatre fois le pays. Le comité a pris sa proposition
en sérieuse considération, et des arrangements ont été combinés avec
— 154 —
Abou Chora et Chakala, deux prédicateurs indigènes, qui partiront de la
Dana pour aller frayer les voies à la mission.
A Toccasion d'une visite à Maandja, grand prince de rOug^nda»
dont le nom est aussi celui du léopard, les missionnaires romains ont
rapporté aux Missions d'' Afrique uije superstition du pays, qui fait de
tous les hommes des esclaves du léopard. U a, au milieu d'un bois sacré,
sa hutte entourée de roseaux ; tout individu qui passe par là coupe reli-
gieusement un peu d'herbe qu'il jette près de la case du maandja en
guise de tribut, et conune témoignage de sujétion ; s'il y manquait, il
craindrait qu'avant peu de jours le féroce seigneur ne lui ftt payer cher
sa rébellion. Parfois, durant la nuit, le léopard vient visiter les maisons
où l'odeur des chèvres l'attire ; il essaie d'abord de s'ouvrir un pas-
sage à travers la palissade de roseaux; les indigènes pourraient l'assom-
mer d'un coup de hache, lorsqu'il n'a encore pu passer que la tête au
travers du trou, mais ils aiment mieux faire du tapage pour l'épouvan-
ter ; ils se croiraient perdus s'ils touchaient à un poil de la bête. Si le
léopard ne se sauve pas, ce sont les natifs qui s'enfuient, en laissant
leurs chèvres entre ses griffes. Après cela ils croient que le léopard ne
saurait leur faire aucun mal : « Maandja, » disent-ils, a a pris nos chè-
vres, c'est son bien ; mais maandja ne mange pas les honmies ; nous
sonmies ses esclaves ; s'il nous mangeait, il mangerait son bien, et alors
qui lui fournirait des chèvres ? »
L'influence des missionnaires anglais établis à Mpouapoaa leur a
■
valu l'affection des indigènes, qui voient en eux de véritables protecteurs;
en effet, depuis leur installation, les caravanes s'abstiennent de piller les
récoltes comme elles le faisaient auparavant ; les tribus belligérantes ont
aussi renoncé à faire des incursions sur le territoire voisin de la station.
Les missionnaires ont acquis un terrain très fertile, pour fournir des
légumes à leur personnel et aux Européens de passage. En revanche,
ils ont de la peine à avoir régulièrement, à l'école, les enfants, qui sont
généralement employés à garder les vaches et les chèvres de leurs
parents. M. Price, qui a exploré l'Ousagara proprement dit, voudrait
que la Société des missions anglicanes y fondât une station ; les natife
lui ont paru plus intelligents que ceux de l'Ougogo, et, comme il n'y a
pas de troupeaux à garder, il serait plus facile d'y instruire les enfants.
M. Last, de la station de Mamboia» écrit à la Church missianary
Society que les soldats du sultan de Zanzibar, placés sous le com-
mandement du capitaine Matthews, ont gâté les villages de l'Ounya-
mouézi, où ils ont été cantonnés. U a visité les tribus des Mégis, des
— 155 —
Mangahéris, des Waïtoumbas, des Wasagalas, des Wangourous et des
Masaïs au nord, et il a pu étudier sept langues ou dialectes différents,
dont plusieurs sont de la même famille : le magi et le sagala sont
assez semblables entre eux, ainsi que le ngourou et le zegouha; le
kamba est plus distinct ; enfin le houmba et le masal sont parents entre
eux, mais tout à fait différents des cinq autres. M. Last a fait des voca-
bulaires de plusieurs milliers de mots pour quatre de ces langues, fera
de même pour les autres, et rédigera la granmiaire de chacune d'elles ;
les granunaires megi, kamba et ngourou, sont déjà terminées.
Les missionnaires romains établis dans le Massanzé, à Touest du
Tanganyika, ont aussi rédigé une grammaire et un vocabulaire de la
langue des indigènes de cette région. Au reste, les hommes de ce dis-
trict, grands voyageurs, savent un peu les langues de tous les pays, et ne
parlent presque jamais la leur qu'ils laissent aux femmes. Leur langage
à eux n'est qu'un mélange de kisouaheli, de kirondi, de kijiji, de kivira
et de kimassanzé, compris dans toute cette partie de l'Afrique. Quand
un missionnaire leur parle dans la langue du pays, ils lui répondent dans
cet idiome universel qu'ils trouvent plus à leur goût. — Les orphelins
recueillis par les missionnaires leur sont très attachés, et recourent à
eux pour juger toutes leurs contestations ou leurs paris. Un jour ils vin-
rent leur soumettre une gageure assez curieuse. Il s'agissait de savoir
si, oui ou non, les blancs avaient des doigts aux pieds. La raison de ce
démêlé était qu'un des élèves avait vu, entre les mains d'un des mission-
naires, un pied de fer dont on se sert .pour ressemeler les souliers ; ce
pied étrange n'avait point de doigts; pour les noirs, ce ne pouvait être
que le pied d'un des blancs qui avait été coupé. — Les missionnaires
ont fait récemment une excursion dans les montagnes de leurs voisins,
les ^Wabeinbés, réputés cannibales. Aucun d'eux cependant ne s'est
enfui à l'approche des blancs, comme les Wamassanzés l'avaient prédit.
Au contraire, ces fiers et rudes montagnards, qui n'ont jamais laissé les
étrangers pénétrer chez eux, ont accueilli avec empressement les mis-
sionnaires, et leur ont offert droit de cité dans les villages de trois de leurs
principaux chefs. — Une quatrième caravane de missionnaires d'Alger
est partie pour aller renforcer la station du Massanzé.
Le dernier Blue Book soumis au Parlement anglais renferme de nom-
breux documents relatifs aux îles Comores, et en particulier aux négo-
ciations dont le consul britannique, M. Holmwood, a été chargé pour y
préparer la suppression de la traite. Il existe déjà, depuis 1844, des
traités par lesquels les rois de ces îles se sont engagés à ne plus per-
— 156 —
mettre rimportation de nouveaux esclaves, et, à plusieurs reprises, ces
engagements leur ont été rappelés ; mais, comme rien jusqu'ici n'a été
fait pour les obliger à les tenir, ils se sont imaginés que TAugleterre
n'était pas fermement décidée à mettre fin à ce trafic; ils n'ont cherché
qu'à éviter les croiseurs anglais, et, grâce à la position favorable de ces
îles, ils y ont parfaitement réussi, car le nombre des esclaves y est
actuellement de 27,000. M. Holmwood a pu constater qu'il y arrivait
plus d'esclaves que les travaux de la terre n'en réclamaient, que le sur-
plus était revendu, ou échangé pour recruter les harems, bref que tous
les propriétaires étaient compromis dans ce genre d'aflaires. Dans
les îles Johanna et Mohilla, en particulier, où les plantations de cannes
à sucré sont une source de gros revenus, la proportion des esclaves est
très forte. Dans la première, sur une population de 15,000 à 16,000 habi-
tants, il n'y a pas moins de 5000 esclaves, dont 1500 sont des domesti-
ques, les autres travaillent sur les plantations, et 1500 d'entre ces der-
niers sont employés par des planteurs européens et américains, entre
autres par M. W. Sunley, ex-consul de Sa Majesté britannique. Quoique
ceux-ci soient généralement bien traités, ils n'en sont pas moins exposés
à être vendus, sans égard pour les liens de la famille. L'île de Mohilla,
beaucoup plus petite que celle de Johanna, a environ 2000 esclaves ;
Grande Comore en a un beaucoup plus grand nombre. A une seule
exception près, les sultans actuels de ces îles ont paru ignorer les enga-
gements pris par leurs prédécesseurs. D'après les dû'ections de lord
Granville, M. Holmwood a conclu avec eux de nouveaux traités, par
lesquels ils se sont engagés à supprimer immédiatement tout trafic d'es-
claves, à faire enregistrer les 27,000 esclaves actuels de ces îles, à les
libérer complètement le 4 août 1889, et à proclamer, à cette date, l'abo-
lition de l'esclavage lui-même. D'ici là, des mesures seront prises pour
protéger tous ceux qui sont encore esclaves, en les plaçant sous la sur-
veillaDce de consuls anglais. Ja Antislaverj/ Reporter, auquel nous avons
emprunté ces renseignements, a publié, outre de nombreux extraits du
Blue Book, une lettre du sultan de l'île Johanna à lord Granville, pour
lui exposer les dangers auxquels Texpose, de la part de ses sujets et des
Européens propriétaires et trafiquants d'esclaves, le traité qu'il vient
de conclure, et pour réclamer la protection britannique.
Le numéro de mai du Central Africa nous a apporté le compte rendu
de M. Porter sur sa mission auprès des Maguranf^^varas, pour le
rachat des prisonniers faits par ceux-ci à* Masasi. U a eu affaire surtout
avec le chef Sonjela, soumis lui-même à un suzerain qui habite dans la
— 157 —
région du cours supérieur de la Rovouma. Sonjela lui a témoigné du
plaisir de sa venue, et le désir de faire la paix. D'un âge moyen et d'une
intelligence supérieure, ce chef a de la dignité et un certain sentiment
du droit. Il rendit immédiatement les captifs qui se trouvaient dans son
voisinage immédiat, mais il ne fut pas facile de trouver les autres, les
Magwangwaras se les étant partagés, et leurs villages étant très dissé-
minés; en outre, une fois les captifs retrouvés, on eut beaucoup de peine
à persuader à ceux qui les avaient pris de les rendre. L'autorité de Son-
jela dans ces matières paraît très limitée. Il a posé, comme condition de
paix, le payement d'un tribut annuel en sel et en marchandises, et, con-
sidérant les missionnaires comme étant virtuellement les maîtres du
district où se trouvent les stations de Masasi et de Neouala, il a insisté
pour que ce fussent eux qui payassent ce tribut au nom de la commu-
nauté chrétienne et de tout le district. Il est vrai que les Makouas de
cette région se reconnaissent comme vassaux des Magwangwaras., Aussi
M. Maples a-t-il réuni à Masasi les chefs et les anciens du voisinage,
pour leur expliquer que le tribut de sel réclamé par les Magwangwaras,
comme condition de paix, devait être payé par eux, les maîties du sol,
et non par les missionnaires qui ne le sont point. Sonjela a demandé à
M. Porter de venir s'établir dans un de ses villages et d'y fonder une
station. Mais la question n'est point résolue. M. Porter est persuadé
que, malgré les protestations d'amitié et de paix, il y aura de nouvelles
incursions des Magwangwaras, comme celle de l'année dernière. Dans
ce cas, et si la station de Masasi ne peut être maintenue, celle de
Neouala, par sa position forte, pourra devenir un lieu de refuge pour les
chrétiens de la première.
Le transfert de la station de Livin^stonm à Bandaoué ajété heu-
reux pour la santé des missionnaires, et aussi pour la nombreuse popu-
lation du nouveau district où ils sont établis. Préoccupés du développe-
ment industriel des indigènes et des soins médicaux à donner aux
malades, en même temps que de leur œuvre proprement dite, ils en
emploient un gi'and nombre à défricher le sol, à couper et à préparer le
bois pour bâtir, à faire des briques, à aider aux constinictions, à semer
du maïs ou d'autres céréales. Il est vrai que les indigènes qu'ils emploient
ne se montrent pas encore très disposés à travailler avec suite ; après une
quinzaine de jours de labeur, ils se reposent pendant une quinzaine éga-
lement. Les maladies sont nombreuses, et beaucoup de malades vien-
nent de 20 kilom. à la ronde consulter les missionnaires ; le Comité des
missions de l'église libre d'Ecosse enverra un médecin pour les seconder.
— 156 —
— De son côté, M. J. Ste^vart est assez avancé dans la construction de
la route entre les deux lacs, pour pouvoir y faire passer le steamer La
Bonne nouvelle, déjà transporté à l'extrémité N.-O. du Nyassa. B a
écrit de Mouembera, à 110 kilom. de la côte, sur les bords d'une rivière
permanente, petite, mais d'une eau de montagne pure et fraîche, qu'il
a choisi un très bon emplacement pour une nouvelle station, près de
Mall^vandoa, et y a construit une habitation suffisante pour les deux
premières années ; il compte aussi y créer une école, pour les Choun-
gous, dont il a appris la langue, et avec lesquels il vit en bonne intelli-
gence. L'altitude du plateau est de 1300", et celle des montagnes de
1800"; eUes sont couvertes d'arbres verts toute l'année; vers l'ouest,
cependant, la vue n'est bornée par rien, le sol n'est pas très bon pour
la culture, mais l'élève des moutons et des vaches y prospère. — Lors-
(l\xe la route du Nyassa au Tanganyika sera terminée, M. Stewart se
rendra au Tchambésy pour en faire le relevé.
M. F.-C. Seloas dont nous avons précédemment mentionné les
explorations sur les deux rives du Zambèze moyen, a envoyé, aux Procee-
dings de la Société de géographie de Londres, un rapport sur un nouveau
voyage qu'il a fait l'année dernière au nord du pays des Machonas,
entre l'Oumfoulé et le Zambèze, dans une région que n'avait encore
parcourue aucun Européen, et dont la géogmphie physique était indi-
quée par les cartes antérieures d'une façon tout à fait erronée. Traver-
sant la région qui s'étend du cours supérieur de l'Hanyane jusqu'au
Zambèze, près du confluent de l'Oumsengaïsi, il suivit de là la rive
méridionale du fleuve jusqu'à Zoumbo, et constata que, tandis que les
cartes placent l'embouchure de l'Hanyane à l'ouest de Zoumbo, cette
rivière se jette dans le Zambèze, à plus de 20 kilom. en aval, à l'est. La
chaîne des monts Oumvoukoués, qu'il suivit à distance, se dirige en Ugne
droite vers le Zambèze, jusqu'à Kebrabasa. A l'ouest de cette chaîne,
s'en élève une autre, courant de l'est à l'ouest, et qui se dresse comme
une muraflle à 300 m. de hauteur. Entre ces montagnes et le fleuve le
pays est parfaitement plat ou légèrement ondulé, mais non pas monta-
gneux comme le présentaient les cartes dressées jusqu'ici. Le long du
pied des montagnes l'eau est assez abondante, mais plus loin, l'Oum-
sengaïsi, l'Hanyane et leurs tributaires deviennent des rivières sablon-
neuses, à lit très large, avec peu ou point d'eau apparente; la Voan-
goua qui se jette dans l'Hanyane, près de l'embouchure de celle-ci dans
le Zambèze, a 300 m. de large, mais très peu d'eau. Tout le pays par-
coura par M. Selous est plus ou moins peuplé de Machonas, ou de tribus
— 159 —
alliées. Près du mont Inyambaré, et en d'autres endroits, il.y a de grands
troupeaux de bestiaux. La tsetsé abonde au pied des montagnes ; aussi,
quand le voyageur arriva à Zoumbo, était-il, ainsi que ses compagnons
cafres, très affaibli par suite des piqûres incessantes de la mouche.
Nous extrayons d'une lettre de M. Coillard à M. le missionnaire
P. Berthoud, qui a bien voulu nous la communiquer, les renseignements
suivants sur le Le»souto. M. Germond, de la station de Thaba-
Morena, va revenir en Europe pour raison de santé. Les églises du Les-
soutô ont célébré le cinquantième anniversaire de la fondation de la mis-
sion française dans cette partie de l'Afrique. Dans une conférence qui a
eu lieu en mars à Hermon, il a été décidé d'ajourner, jusqu'en octo-
bre ou novembre prochain, le départ de l'expédition du Zambèze que doit
diriger M. Coillard, accompagné de MM. Christel, Jeanmairet et Gau-
tier. Le Transvaal étant trop agité pour pouvoir le traverser en sécurité,
les voyageurs reprendront le chemin du désert de Kalahari. M. Coillard
est ti*ès encouragé par les nouvelles qu'il reçoit du Zambèze; un jeune
artisan anglais, plymouthiste, a réussi à pénétrer jusque-là; il se pro-
pose d'y commencer une mission, indépendante de toute société, et tra-
vaille à garder la porte franchement ouverte aux missionnaires du Les-
souto. En revanche, les détails que M. Coillard fournit sur l'état des
Bassoutos sont attristants ; beaucoup des hommes les meilleurs ont été
tués pendant la guerre, et la jeunesse a perdu son sérieux dans la vie des
camps. La situation était très tendue entre les Bassoutos, qui voudraient
s'affranchir complètement de l'autorité coloniale et les partisans des
Anglais. Les ministres du gouvernement du Cap ont essayé de convoquer
iespitsos qui n'ont eu aucun succès, les chefs du parti national n'ayant
pas voulu y assister. On a cependant ébauché un projet de constitution
rendant aux che£s à peu près toute leur autorité et leurs privilèges. Si
Masoupa l'eût accepté, un essai en aurait été fait, sinon le pays devait
être abandonné par la Colonie du Cap ; le seul espoir qui fût alors resté
aux partisans des Anglais eût été que le gouvernement de la reine reprît
le Lessouto comme colonie de la couronne. D'après les derniers télégram-
mes de Durban, les deux partis en sont venus aux mains ; les partisans
des Anglais ont remporté la victoire. Quant à l'autonomie que le gouver-
nement colonial voudrait accorder au Lessouto, les Boers de l'État libre
du fleuve Orange ont rappelé que les Anglais ont promis de les protéger
contre les Bassoutos. D'autre part, les Boers du Transvaal se plaignent
des désordres provoqués dans le Zoulouland par le retour de Cettiwayo.
Deux chefs zoulous, Oham et Usibepu, ont attaqué celui-ci et ont fait
subir à ses troupes des pertes importantes.
— 160 —
Le D' Holub a dû s'embarquer en mai à Hambourg pour Capetown,
où il fera d'abord une exposition de tout ce qu'il emporte, afin de donner
une idée des produits de l'industrie austro-hongroise. Pendant ce temps,
il fera avec MM. Bolus et Mac Owen, botanistes, et M. Trimen, entomo-
logiste, des excursions le long de la côte, à l'est de Capetown, pour en
étudier l'histoire naturelle. Ensuite, il se rendra à Clan-William, où il
étudiera, sur les pentes du haut plateau, la formation silurienne qui y
est très riche ; puis, aux mines de cuivre de Springbokfontein, dans le
pays des Petits Namaquas, pour y recueillir des échantillons de minéraux
africains, en faveur des musées de l'Europe généralement peu riches en
objets de ce genre. Après cela, il se dirigera vers les monts Katkop, à
l'est, où doivent se trouver encore des Bushmen demeurés dans leur état
primitif, sans contact avec les Européens. De là, par Beaufort et Graaff-
Reinet, au cœur de la Colonie du Cap, il explorera le Karrou au point de
vue de la flore et de la faune, en même temps qu'il étudiera les gisements
dans lesquels se trouvent les grands sauriens qu'on y a signalés. A Port
Élizabeth et à Grahamstown, il fera une nouvelle exposition, avant de se
lancer dans l'intérieur, où il compte explorer d'abord la Cafrerie, l'État
libre, le Griqualandwest, puis le pays des Betchouanas et le Transvaal
occidental, ainsi que les lacs salés des territoires des Bamangwatos de
l'est et de l'ouest, jusqu'au lac Ngami et au pays des Matébélés. Pous-
sant alors jusqu'aux cataractes du Zambèze, il s'établira en amont dans
la vallée du grand fleuve, pour en explorer la flore au point de vue phar-
maceutique, et pour étudier, plus complètement qu'il n'a pu le faire la
première fois, l'état des Maroutsés-Maboundas. Si le successeur de
Sepopo lui refuse l'entrée de son royaume, il se tournera vers l'est où
habitent les Machoukouloumbés, tribu très intéressante au point de vue
ethnographique, et de chez eux il se dirigera vers le lac Bangouéolo.
Enfin, si les circonstances le lui permettent, il descendra le Louapoula
jusqu'au lacMoero, puis le Loualaba jusqu'à l'endroit où le Congo tourne
à l'ouest, et cherchera à gagner le Soudan par le plus court chemin.
Après l'installation de l 'avant-garde de l'expédition de Brazza à Punta-
Negra, Brazza lui-même est arrivé à LioaRg^c», un peu plus au nord, et
plus près de l'embouchure du Quillou, par la vallée duquel, ainsi que par
celle de son affluent, le Niari, il compte établir la communication la plus
directe et la plus facile entre l'Atlantique et Brazzaville sur le Congo
moyen (v. la carte, III"* année, p. 288). D'après un article du Temps,
en arrivant en vue du Quillou, il a trouvé ce point déjà occupé par les
agents de Stanley ; de son côté, le Standard a annoncé que le drapeau
— 161 —
français aurait été substitué à celui de T Association internationale afri-
caine, sur un poste établi par Stanley dans une localité dont on ne dit pas
le nom. Les détails nous manquent pour constater ce qu'il peut y avoir
de fondé dans les nouvelles données par ces deux journaux. Nous aurions
de la peine à comprendre que, malgré les reconmiandations de S. M. le
roi des Belges à l'agent du Comité d'études du Congo, Stanley qui, jus-
qu'ici, n'a travaillé qu'en vue d'ouvrir l'Afrique au commerce par la
route du Congo inférieur, fût allé fonder, à l'embouchure du Quîllou, une
station qui ne peut en aucune façon être rattachée à l'ensemble de celles
qu'il a créées le long du Congo, de Vivi à Stanley Pool et au delà.
D'autre part nous ne pouvons nous empêcher d'appréhender que les
100,000 fusils à pierre cédés à la mission de Brazza par la Chambre fran-
çaise, ne servent à des opérations militaires. M. Ferry a motivé, il est vrai,
cette mesuie en disant que ces armes, hors d'usage en Europe, sont la
monnaie courante auprès des indigènes. Elles constituent en effet un des
principaux articles d'importation à la côte occidentale d'Afrique ; depuis
nombre d'années, Birmingham en fait un conmierce considérable. Les
chasseurs eux-mêmes, dans les plaines de l'Aftique, les préfèrent aux
fusils à percussion, parce qu'on y trouve partout des silex, tandis que,
lorsque les capsules sont épuisées, on ne peut pas les remplacer, et que
l'arme devient alors inutile. Si le fait de l'établissement d'un poste à
l'embouchure du Quillou, sous le patronage du Comité d'études et à
l'ombre du drapeau international se confirmait, nous y verrions un
motif de plus de regretter que la Commission executive de l'Association
internationale africaine ait permis à Stanley et à son Comité d'abriter
leur entreprise particulière sous cette noble bannière, emblème d'une
oeuvre exclusivement philanthropique et civilisatrice.
La mission des Presbytériens-unis d'Ecosse au Vieux Calabar pour-
suit ses efforts, pour pénétrer dans l'intérieur par la Cross River.
M. Edgerley a fait, avec trois de ses collègues, une exploration en amont
de la rivière, jusqu'à 400 kilom. de Calabar, et à 160 kilom. du point
qu'il avait atteint dans un précédent voyage. Les tribus du haut fleuve
l'ont reçu comme un libérateur, dont elles espéraient qu'il saurait met-
tre fin à l'état d'hostilité dans lequel elles vivent depuis longtemps. Elles
ont demandé que des missionnaires allassent s'établir au milieu d'eUes.
Malheureusement, M. Edgerley, atteint de la fièvre et épuisé par les
fatigues du voyage, est mort à son retour à Duke Town. En revanche,
la Société a engagé, pour son œuvre au Vieux Calabar, M. Cari Ludwig,
Suisse, ancien élève du polytechnicum de Zurich, qui, après avoir tra-
— 162 —
vaille un certain temps comme mécanicien et architecte, a demandé à
être employé comme missionnaire en Afrique.
D'après une correspondance de Bida à VExploratioji, la Compagnie
française de l'Afrique équatoriale, établie sur le IVI^^er, entretient de
très bons rapports avec les chefs indigènes. Le sultan de Bida, Moleki,
a compris qu'il ne devait pas garder le monopole du commerce avec les
Européens ; il a accordé à tous le droit de trafiquer librement dans ses
états, et a promis à M. Mattéi, consul de France et agent de la Compa-
gnie sus-mentionnée, de le laisser remonter le cours du fleuve jusqu'à
Chenga, pour y établir une factorerie. Les directeurs ont fait construire
un vapeur spécial, auquel, par reconnaissance, ils ont donné le nom de
Sultan Moleki,
Le gouverneur de la Côte d^Or témoigne un vif intérêt pour l'indus-
trie minière ; il visite chacun des districts de cette région, pour se ren-
dre compte par lui-même de la valeur des gisements et pour étudier en
quelle mesure le gouvernement peut hâter l'ouverture du pays, et déve-
lopper l'exploitation dps mines par l'établissement de bonnes routes.
D'autre part, M. Barham, ingéniem* delà « Wassaw light railway Com-
pany » a présenté son rapport sur les tracés qu'il a étudiés, en vue de la
construction d'un chemin de fer à voie étroite pour cette exploitation. Il
a relevé deux tracés : l'un partaat de Bushna, près de Dixcove, l'autre
d'Axim, et recommande surtout ce dernier, qui toucherait les concessions
de plusieurs des compagnies minières, et serait vraisemblablement la
première section du chemin de fer qui, un jour, se prolongera jusqu'aux
monts de Kong. M. P. Dahse a réussi à s'assurer pour cinquante ans la
possession d'un gisement d'étain qu'il a découvert près de sa concession,
et compte pouvoir en commencer l'exploitation dès l'automne prochain.
— Un ingénieur de mines australien a trouvé un riche gisement dans
une des concessions de la Compagnie minière de la Côte d'Or d'Afrique,
au bord de la mer, à l'embouchure de l'Ancobra, dans une situation
très favorable aux transports et aux approvisionnements.
Jusqu'ici il n'y avait pas de ligne directe de navigation entre
Londres et la côte occidentale d'Aflrique. Quoique les neuf
dixièmes des passagers et une forte proportion des marchandises pro-
vinssent de Londres, c'était Liverpool qui avait monopolisé ces commu-
nications. Le développement du trafic entre la métropole, le Niger et le
Congo, a amené la constitution d'une Société « Anglo African Steamship
Company, » au capital de 500,000 liv. sterl., qui fera construire des stea-
mers répondant aux exigences du commerce africain, c'est-à-dire d'un
— 163 —
fort tonnage quoique d'un faible tirant d'eau, pour franchir les barres
des principales rivières d'Afrique, et diminuer les avaries et les frais
causés par le mode actuel du transbordement.
M. le D' Colin dont nous annoncions dans notre dernier numéro le
départ pour le Sénégal, a été chargé par le ministre de la marine de se
rendre au Bouré, au Ouassalou, et dans tous les pays aurifères qui entou-
rent le Haut Niger. Il a pour instruction de s'assurer de l'existence des
gisements aurifères dans ces districts, et le cas échéant, de passer avec
les chefs des traités concédant ces terrains au gouvernement français ;
si les chefe refusent d'aliéner le sol, il s'efforcera d'obtenir, pour les
Français, l'autorisation d'y trafiquer en toute sécurité. Enfin, il devra
fournir sur ces pays tous les renseignements géographiques et scientifi-
ques qu'il pourra recueillir. Il compte être au Niger en juillet, consacrer
toute la saison des pluies à des excursions dans les pays voisins et ren-
trer en France au mois d'avril de l'année prochaine.
La brigade télégraphique de l'expédition Borg^uîB-Desbopde»,
chargée de la construction de la ligne qui doit relier Kita à Bamakou, a
été attaquée sur les bords du Niger, par la population d'un village hos-
tile à l'installation du télégraphe dans cette contrée. Elle a réussi à
repousser l'ennemi. D'autre, part un combat a eu lieu entre la colonne
expéditionnaire et Samory, à 6 kilom. au sud de Bamakou ; les troupes
de ce dernier ont été battues. Les travaux des deux sections du chemin
de fer Dakar-Saint-Louis et Khayes-Bamakou se poursuivent régulière-
ment ; 16 kilom, de la voie sont posés dans le Cayor, et le pont qui doit
traverser le haut fleuve l'est également ; un train y a passé le 4 avril. Le
gouvernement a présenté à la Chambre un projet de loi ouvrant un nou-
veau crédit de 4,667,000 fr. pour la continuation de ces travaux.
NOUVEIiliES GOMPIiÉMENTAIRES
Le gouyernement français soumettra prochainement aux Chambres un projet
de loi, pour la construction d'une voie ferrée de Soukarras à Tébessa.
M. de Hérisson a rapporté, de sa nouvelle exploration archéologique en Tunisie,
deux grandes mosaïques provenant de Carthage, les plus belles que l'on ait trou-
vées jusqu'ici en Afrique.
Dans l'assemblée annuelle de la Société de topographie de Paris, M. de Lesseps
a proposé de donner à la mer intérieure le nom de mer de Eoudaire.
M. Waille, professeur à l'Ecole des lettres à Paris, a été chargé par M. le
ministre de l'instruction publique d'une mission dans la Cyrénaîque.
— 164 —
■
La vallée du Chor Baraka, qui aboutit à la mer Rouge au sud de Souakim, et
que n'avait pu explorer l'expédition de Heuglin et Munzinger, a été visitée, de
janvier à mars, par deux chasseurs anglais, MM. Gascoigne et Melladew. Le Chor
Baraka descend des montagnes du Dembela en Abyssinie, et reçoit, dans le voisi-
nage de la frontière, l'Aradeb sur sa rive gauche et le Garasit sur sa rive droite.
Le capitaine Casati a parcouru le pays des Niams-Niams, en suivant plusieurs
routes non fréquentées jusqu'ici par les voyageurs européens. Il a couru de grands
dangers, a été retenu prisonnier pendant deux mois chez le prince Azanga, et n'a
pu se soustraire à sa captivité que par la fuite.
D'après une communication de Eohlfs à la Société de géographie de Berlin, le
D*^ Stecker a vainement essayé de traverser les pays gai las, et devra revenir en
Europe.
Le D' Schweinfurth viendra prochainement à Halle, pour conférer avec le
D' £. Riebeck sur les résultats de leur exploration de Sokotora.
J. Thomson, parti de Mombas, était à la fin de mars à Boura, à 160 kilom. de la
côte ; il comptait arriver le 1<" avril à Tavata, au pied S.-E. du Kilimandjaro, et
passer au nord de cette montagne en allant à Kavirondo. — Le D*^ Fischer a
atteint une localité au sud de Chaga, et y est resté pour attendre une caravane.
Les missionnaires anglais, envoyés pour renforcer la station de Roubaga, ont
tous été retenus par la fièvre à Msalala, au sud du Victoria-Nyanza.
I^e P. Livinhac, des missions d'Alger, qui depuis cinq ans dirige la station de
Roubaga, a été nommé vicaire apostolique du Victoria-Nyanza.
M. Giraud, qui se rend au lac Bangouéolo, descendra le Tchambésy sur son
bateau démontable ; puis, par le Louapoula, il gagnera le lac Moero, et par le
Louvoua et le lac Kamolondo, rejoindra le Loualaba et le Congo.
D'après un projet de traité entre le Portugal et le sultan de Zanzibar, les deux
gouvernements s'engageraient à ce qu'aucun de leurs sujets ne vendît ni n'achetât
d'esclaves dans leurs territoires respectifs. Quiconque serait pris et convaincu
d'avoir pratiqué la traite serait livré à son gouvernement, puni en conséquence, et
ses esclaves seraient mis en liberté.
Une insurrection ayant éclaté parmi les chefs indigènes des bords du Chiré, une
canonnière portugaise et des troupes ont été envoyées pour la réprimer.
M. F. Moir, de la « Lakes african Company^ > a réussi à remonter le Zambèze,
de Quilimane jusqu'à Tété, malgré les rapides de Lupata et la hauteur des eaux
du fleuve, qui dans une seule nuit a monté de 10 pieds.
Le port de Saint-Pierre, à la Réunion, sera prochainement ouvert au commerce.
Au nord du Transvaal, il y a eu guerre en mars. Makatou, chef des Bavendas
des Zoutpansberg a attaqué ceux des Spelonken, ainsi que les Magwambas et les
blancs de ce district, mais il a été repoussé avec perte et demande la paix.
MM. les D'* Bachmann et Wilms, de Munster, ont dû partir en mai pour un
voyage de plusieurs années en Afrique, spécialement dans le Transvaal, qu'ils
comptent explorer au point de vue botanique et zoologique; ils s'efforceront aussi
de développer les relations commerciales entre l'Afrique australe et l'Allemagne.
— 165 —
Mapoch, fatigué de la guerre, a fait demander aux Boers les conditions qu'ils
mettraient à la paix. Le chef des Boers exige quMl se rende sans conditions.
Dans les dix dernières années, la production des plumes d'autruche dans la
colonie du Cap s'est élevée de 26,685 livres, pour une valeur de 158,124 liv.
sterl. à 253,951 livres, valant 1,093,989 liv. sterl., mais le prix moyen en est
descendu de 6 à 4 liv. sterl., ce qui a forcé beaucoup de fermiers à renoncer à
l'élève des autruches.
Le consul des États-Unis à Saint-Paul de Loanda a fait, sur la Quanza, une
excursion dans laquelle il a rencontré deç gisements de houille, de cuivre et d'or.
Il compte en faire en juin une nouvelle, en amont de Dondo, au moyen d'un
radeau de caoutchouc, muni de voiles et de rames. Il croit que ce sera le chemin
le plus court et le meilleur pour parvenir au Bihé.
L'ambassadeur anglais à Lisbonne a dû faire au gouvernement portugais des
représentations, sur le mode de recrutement de travailleurs pour l'île Saint-Thomas.
On les prend dans l'intérieur, puis on les amène à Beuguéla ou à Novo Redondo,
où, au vu et au su des autorités, on les vend à des agents de l'île, de 4 à 6 liv.
sterl. en marchandises, pour cinq ans, à l'expiration desquels il devrait être pourvu
au retour de ceux qui voudraient rentrer dans leur patrie ; mais cela n'a jamais
lieu ; ils doivent se réengager forcément et ne peuvent jamais devenir travailleurs
libres.
Le P. Bichet, de la station des missions de saint François Xavier, dans une île
du lac Ajingo, a fait, du Rhemboê, affluent de la rive gauche de l'estuaire du
Gabon, une exploration par terre jusqu'à l'Ogôoué, accompagné d'un médecin,
d'un naturaliste et de deux officiers de marine, qui ont fait le relevé cartographique
de l'itinéraire et déterminé la position de plusieurs localités.
L'explorateur allemand Robert Flegel a réussi à découvrir la source du Bénoué,
et a aussi reconnu celle du Logone, tributaire du Chari ; il a déteilniné à 1600"
d'altitude la ligne de faîte entre les deux bassins du Niger et du lac Tchad, dis-
tinction qui n'a rien d'absolu, puisque, d'après une précédente découverte du même
explorateur, à l'époque de la crue d«s eaux, le Chari déverse une partie des
siennes par les marais de Toubouri dans le Bénoué, et par celui-ci dans le Niger.
A la suite de négociations conduites par le capitaine de la corvette française le
Dupetit, le gouvernement de la république a rétabli son protectorat sur le royaume
de Porto-Nuovo et les localités dépendantes.
Nous annoncions dans notre dernier numéro que M. Prsetorius, après avoir ter-
miné l'inspection des stations missionnaires bâloises à la Côte d'Or, était en route
pour revenir en Europe. Mais la maladie dont il avait souffert s'est aggravée, et la
mission bâloise, déjà si cruellement éprouvée l'année dernière, a encore eu la
douleur de le perdre; il est mort à Accra le 7 avril. Un de ses compagnons de
voyage, M. Preiswerk, est seul revenu à Bâle.
D'après le Oold Coaat Times^ tout l'Achanti est en révolte ouverte contre le roi
Mensah, prisonnier de ses sujets et dont on ne sait s'il est vivant ou mort, les
communications avec Coumassie étant interrompues. Une députation des chefs les
— 166 —
plus puissants et les plus influents est venue à Cape Coast Castle, où elle attend
l'arrivée du gouverneur pour lui présenter une pétition, à l'effet d'être admis dans
le protectorat anglais. Ils ont amené avec eux 6000 guerriers, et proclamé leur
résolution de ne reconnaître ^cun roi en remplacement de Mensah.
Un correspondant de Sierra Leone a annoncé au Standard que Gbow, chef d'une
des tribus des territoires récemment annexés par l'Angleterre, entre Libéria et
Sierra Leone, a attagué les nouveaux établissements anglais, s'est emparé de la
ville de Bamyah près de Camalay, en a fait massacrer un grand nombre d'habi-
tants, et a envoyé les autres à l'intérieur pour y être vendus comme esclaves. Il a
immédiatement fortifié la ville conquise et fait annoncer aux Anglais qu'il compte
s'y maintenir. Ses guerriers ont pillé et saccagé les villages environnants. Une
colonne est partie de Sierra Leone, et d'autres troupes seront envoyées de Sher-
bro à son secours si l'affaire prend de l'importance.
Trois nouveaux explorateurs, MM. Artaut, Squirion et Kuck sont partis de
Marseille avec des marchandises d'échange pour Boké, où ils ont installé un
comptoir. Après cela, ils ont réuni les porteurs et les interprètes nécessaires pour
pénétrer dans l'intérieur et aller en fonder à Bombaïa un second, qui correspondra
et fera des échanges avec celui de Boké. Si leurs affaires prospèrent, ils en établi-
ront un troisième à Timbo, et étendront ainsi successivement le cercle de leur
exploration commerciale.
Des missionnaires catholiques se proposent de partir prochainement pour le
Haut-Sénégal, afin d'y fonder une station.
La commission scientifique, chargée des dragages qui seront exécutés cette
année sous la direction de M. Milne E Iwards^ partira le l*^*" juin pour explorer la
côte occidentale d'Afrique jusqu'aux îles du Cap Vert, et reviendra faire une sta-
tion aux Açores.
Une société de navigation s'est constituée à Barcelone sous le nom de « Compa-
nia hispanoafrîcana,» au capital de dix millions de francs, pour établir deux lignes
de steamers, entre les principaux ports espagnols de la Méditerranée et les Cana-
ries, l'une d'elles touchant aux escales de I4 côte occidentale d'Afrique.
L'archipel des Açores va être doté d'une ligne de communication télégraphique
avec le continent ; le câble sera atterri à San-Miguel, l'ile la plus rapprochée de
Lisbonne, et à Florès, la plus distante du continent.
L'expédition scientifique envoyée au Maroc par le gouvernement espagnol, sous
la direction de M. Bolivar, est revenue à Madrid après avoir exploré les parties
les plus remarquables de l'empire nord-africain.
M. Bonelli, revenu récemment du Maroc, dont il a exploré la partie septentrio-
nale, de Rabat à Mequinez et à Fez, a publié une carte au '/i 000000, d'après laquelle
les affluents méridionaux du Sebou diffèrent du tracé des cartes antérieures.
M. Saturnino Jimenez, voyageur espagnol, est parti pour aller explorer plusieurs
points du littoral nord-ouest de l'Afrique. Il reviendra par Santa-Cruz de Mar
Pequena.
— 167 —
L'ESCLAVAGE A MADAGASCAR
En même temps que Tattention publique a été attirée sur Madagas-
car, par le retrait de la liberté accordée auparavant auK étrangers
d'acquérir des terres dans cette lie, Tintérêt des sociétés missionnaires
et des philanthropes a été sollicité en faveur des multitudes qui, malgré
les efforts tentés pour Tabolition de la traite, y sont encore tenues en
esclavage. Plusieurs fois déjà ^ nous avons fait allusion à telle ou telle
mesure prise pour diminuer les maux qui en résultent; mais les
aveux des ambassadeurs malgaches à Londres, sur Ténorme propor-
tion de la population servile des états de leur souveraine, et la position
difficile qu'elle crée aux blancs, aux missionnaires et aux Malgaches les
plus éclairés et les mieux pensants, nous font croire que le moment est
opportun pour étudier en détail cette question, dont nous voudrions pou-
voir hâter par nos vœux une solution conforme aux principes de la civi-
lisation chrétienne.
D'après VAnUslavery Reporter, les envoyés de la reine de Madagas-
car ont avoué que les Vs de la population de cette île, grande comme la
France, la Belgique et la Hollande réunies, sont des esclaves; sur
4,000,000 d'habitants environ, il y en aurait 2,400,000 privés de la
liberté. $
Avant 1877, on distinguait parmi eux trois classes:
V Celle dés Zazas-Hovas, de même origine que les Ho vas, les maîtres
actuels delà plus grande partie de l'île, mais réduits aujourd'hui en ser-
vitude, soit comme débiteurs insolvables, la loi malgache autorisant le
créancier à vendre un débiteur, ainsi que sa femme et ses enfants, soit
comme coupables de crimes politiques ou d'autres délits. Naguère
encore, la femme et les enfants d'un homme condamné à mort étaient
vendus comme esclaves, et la loi prononçait la peine de mort contre tous
ceux qui passaient à l'ennemi, cherchaient à se procurer les femmes des
princes et des ducs, cachaient une arme quelconque sous leur vêtement,
fomentaient une révolution, entraînaient des hommes hors du terri-
toire hova, volaient les cachets ou contrefaisaient les signatures, décou-
vraient, fouillaient ou dénonçaient une mine d'or ou d'argent, etc.
Beaucoup d'esclaves de cette première classe étaient libres autrefois ou
descendent de parents nés libres ;
* V. I" année, p. 65; II™« année, p. 95; III™« année, p. 139.
— 168 —
2* La classe des Anà^voB, les esclaves proprement dits, forme le plus
fort contingent de la population servile ; elle est composée surtout des
descendants des prisonniers faits par les Hovas dans leurs nombreuses
expéditions guerrières, surtout sous Radama I et Ranavalona I, pendant
la première moitié de ce siècle. En effet ces immigrants, les derniers
venus dans l'île, étaient encore, au commencement de ce siècle, tribu-
taires des chefs sakalaves; mais, par la force et par la ruse, ils réussi-
rent à s'affranchir et à subjuguer leurs maîtres ; sous les règnes des
deux souverains susnommés, ils étendirent leur domination sur le centre,
l'Est et une partie du Nord-Ouest de l'île, où ils commirent des atroci-
tés inouïes, ravageant le pays par le fer et le feu, massacrant impitoya-
blement les hommes des districts conquis, même quand ils se soumet-
taient, et traînant dans l'Imérina des multitudes de femmes et d'enfants
qu'ils vendaient comme esclaves; aussi sont-ils encore détestés parles
descendants de leurs victimes, 40 et 50 ans après leur conquête ;
S** Les esclaves dits Mozambiques^ provenant des innombrables Afri-
cains achetés par les Arabes, sur la côte d'Afrique, pour un mousquet à
pierre d'une valeur de 12 à 15 fr., ou pour quelques brasses d'une mau-
vaise cotonnade, transportés dans les dhows h travers le canal de Mozam-
bique, et débarqués sur toutes les côtes de Madagascar, d'où on les con-
duisait sur les marchés de l'île ; là, ils étaient revendus facilement de
100 à 150 francs. Sans doute, déjà en 1865, l'Angleterre avait conclu
avec le souverain de Madagascar, la reine Rasouahérina, un traité en
vertu duquel il ne pouvait plus être amené dans l'île d'hommes d'au delà
des mers pour y être vendus comme esclaves. Mais, malgré les efiorts
du gouvernement pour appliquer ce traité et malgré les croisières britan-
niques, les dhows arabes n'en continuèrent pas moins l'importation
d'Africains sur la côte occidentale, d'où ils se répandaient dans toutes
les parties du pays ou l'autorité des Hovas n'était pas reconnue, et aussi
dans celles où ils étaient établis, beaucoup de fonctionnaires étant inté-
ressés à cet odieux trafic K En 1874, la reine Ranavalona eut beau
rappeler ce traité, ordonner que les Mozambiques amenés dans son
royaume depuis 1865 devinssent isanny ambaniandro (honmies libres),
sujets de la reine, ne pouvant plus être considérés comme esclaves, et
menacer de jeter dans les fers pour dix ans ceux qui cachaient des
* D'après une note fournie par M. Alfred Grandidier, Téminent explorateur de
Madagascar, au Bulletin de la Société de géographie de Marseille, les Arabes
importaient alors dans l'île de 7 à 8000 esclaves annuellement.
— 169 —
Mozambiques récemment amenés comme esclaves ou ne les afiranchis-
saient pas, Madagascar n'en demeura pas moins, jusqu'en 1877, un des
principaux marchés de la traite dans T Afrique orientale. Un grand nom-
bre d'Africains continuèrent à être transportés par les- Arabes dans les
ports de l'île, où ils étaient introduits furtivement ; o n leur enseignait le
malgache, puis quand ils savaient la langue, on les faisait monter vers
l'intérieur, où l'on pensait qu'ils ne seraient pas reconnus, et où on les
faisait passer pour d'anciens esclaves.
Voyant que son ordonnance demeurait sans effet, la reine de Mada-
gascar, cédant aux instances de l'Angleterre, résolut d'affranchir, non
seulement les Africains introduits par contrebande depuis 1865, mais
tous les esclaves dits Mozambiques, et de donner à sa proclamation une
solennité inusitée. Elle la fit imprimer et envoyer dans toutes les parties
du royaume, pour y être lue partout le même jour et à la même heure,
et, le 20 juin 1877, en donn» lecture devant une assemblée (kahari) de
50,000 personnes, à Andahala, vaste plaine au milieu d'Antananarivo.
Pour prévenir le mécontentement des possesseurs d'esclaves mozam-
biques, la reine commençait par dénoncer les violations du traité passé
avec l'Angleterre ; elle déclarait coupables ceux qui achetaient des Afri-
cains aussi bien que ceux qui les vendaient, et aussi ceux qui cachaient
les vendeurs et les acheteurs ; enfin elle proclamait l'affranchissement
de tous les Mozambiques arrivés dans son royaume, soit les anciens soit
les nouveaux, dont elle faisait ses sujets. Personne ne pouvait réclamer
l'argent donné pour l'achat d'un Mozambique ; quiconque le réclamerait
serait puni par elle. En même temps, et pour pourvoir aux besoins de
ses nouveaux sujets libres, dont les gouverneurs, ofl&ciers, juges, chefs
de cantons et chefe nobles devaient inscrire le nombre exact, afin de le lui
faire savoir, elle leur prescrivit de donner aux Mozambiques de leur dis -
trict des terres à cultiver, afin qu'ils pussent vivre, en prévenant ceux-ci
toutefois qu'ils ne pourraient les vendre, ces terres étant à elle. Les
Mozambiques étant ignorants, il aurait été h craindre qu'on ne les trom-
pât, et qu'on n'achetât à vil prix les terrains qu'elle leur concédait; ils
auraient risqué de ne plus rien avoir pour se nourrir. Ceux qui achète-
raient des terres aux Mozambiques, en seraient pour leur argent. Les
gouverneurs devaient engager ces affranchis à bien travailler pour vivre.
S'il y en avait qui ne pussent pas se procurer leur subsistance, les gou-
verneurs devaient leur donner de quoi manger, et les encourager à
travailler avec énergie. Enfin, si la reine apprenait que des Mozambi-
ques fussent morts de faim ou à la suite de mauvais traitements, quel
— 170 —
qu'en fût l'auteur elle l'en rendait responsable et le menaçait de châti-
ment.
Les anciens esclaves mozambiques importés par les Arabes sont donc
en grande majorité libres aujourd'hui*, mais beaucoup de femmes sont
restées chez leurs anciens possesseurs. On se tromperait cependant si
l'on s'imaginait qu'il n'y a plus d'esclaves africains dans l'tle de
Madagascar. En dehors du territoire sur lequel s'étend le pouvoir des
Hovas, il reste, à l'ouest et au sud, un tiers de l'île dont les tribus sont
encore indépendantes, et, dans beaucoup de parties éloignées du centre,
l'autorité de la souveraine est très précaire. Grâce aux facilités que la
côte occidentale offre aux Arabes pour échapper aux croiseurs anglais,
leurs dhows continuent à importer des captife nègres. En 1881 , le gouver-
neur portugais de Mozambique informait VAntislavery Reporter qu'il
se faisait encore une exportation considérable d'esclaves africains à
Madagascar et aux Comores ; et, plus récemment, un rapport du capi-
taine Molyneux, de la corvette anglaise Ruhy, évaluait à un millier
le nombre d'esclaves africains importés annuellement chez les Sakala-
ves, oîi l'esclavage est une institution reconnue par la loi, institution qui
a tellement pénétré dans leurs habitudes et dans leurs lois, ainsi que
dans leur vie civile et politique, qu'il faudra une réforme complète avant
d'y faire cesser la traite. L est même vraisemblable que celle-ci se pour-
suivra clandestinement dans le royaume des Hovas, aussi longtemps que
l'esclavage y subsistera. D'après la correspondance du consul britanni-
que de Mozambique, publiée dans le dernier Blue Book présenté au
Parlement, il est encore exporté à la côte occidentale de Madagascar
environ 4000 esclaves africains.
(A suivre.)
CORRESPONDANCE
Aux renseignements donnés (p. 149) sur le Soudan, nous ajoutons les détails
suivants, extraits d'une lettre de Khartoum écrite, le 21 avril, par Pun de nos cor-
respondants particuliers.
^ M. G. Kurze, rédacteur des MittheUungen der geographischen GeséUsduifl fur
Hiûringen, zu lena, rapporte, à l'occasion d'un récit de voyage de deux mission-
naires norwégiens dans la partie Sud-Ëst, de Madagascar, que les esclaves mozam-
biques, retenus par leur maîtres contre l'ordre de la reine, se sont enfuis, et ont
fondé, dans la forêt vierge, sur le cours supérieur de l'Inamorona, un état libre,
que les Hovas, pour de bonnes raisons, n'osent pas attaquer.
— 171 —
Des 9,000 hommes de renfort qui nous sont arrivés récemment d'Egypte, et
qu'il faut porter à 11,000, en y ajoutant les esclaves noirs enrôlés de force pour le
service, 2,500 sont occupés sous Abd-el-Kader (Pex-gouverneur général) à la
pacification du Nil Bleu ; 7,000 ont été emmenés il y a 15 jours à Kawa, où le
général Hicks avec son état-major anglais poursuit ses préparatifs pour la cam-
pagne du Kordofan ; 1500 ont dû être laissés à Ehartoum pour protéger la ville
contre quelque coup de main de la part des bandes d'Arabes pillards, réunis aux
monts Haraza, à quatre journées à l'ouest de Ehartoum.
La route du Sennaar soit par eau, soit par terre est libre, mais, pour la mainte-
nir telle, il a fallu immobiliser 1200 soldats répartis sur différents points. Abd-el-
Kader est a lié jusqu'à Karkodj et au Gebel Goulé, et a eu avec les insurgés quel-
ques escarmouches, transformées en victoires éclatantes dans les bulletins télégra-
phiés au Caire. Les chefs de plusieurs grandes tribus fidèles, telles que les
Abou-Rôfs, les Hamadas, les Chougrias, qui avaient fourni plusieurs milliers
d'auxiliaires à Abd-el-Kader, se sont retirés, dégoûtés de la mollesse avec laquelle
se poursuit cette campagne.
Du côté du Nil Blanc, le général Hicks qui, avant-hier a fait une courte appa-
rition à Ehartoum, afin de correspondre directement par télégraphe avec le Caire,
a reconnu que la campagne du Kordofan, c'est-à-dire la marche sur El-Obeïd, ne
pourra pas commencer avant la mi-juin, lorsque la saison des pluies aura pourvu
les déserts à traverser de flaques d'eau et de pâturages. Outre les six mitrail-
leuses Nordenfieldt dont il dispose, il attend encore 12 pièces Erupp de monta-
gnes, 2000 bachi-bozouks et 800 cavaliers. D'ici à la mi-juin les opérations se
borneront à harceler les Arabes, en leur fermant le plus possible l'accès des
méehéras, endroits où les rives, ordinairement escarpées, du fleuve offrent une
pente douce qui permet de mener les troupeaux à l'abreuvoir. Les bachi-bozouks
ayant donné des signes peu rassurants de mécontentement, par suite de l'arriéré
de leur solde, Hicks s'est emparé ici de tout l'argent qu'il a trouvé en caisse, et a
prouvé au Caire la nécessité de nouveaux secours pécuniaires.
Les nouvelles qui nous parviennent du Kordofan sont assez contradictoires. Les
unes prétendent que les insurgés sont fortement impressionnés par les arrivages
continuels de renforts égyptiens ; d'autres disent qu'ils combattront à outrance,
ou qu'ils ne s'opposeront à la marche sur El-Obeld que dans le cas où ils auraient
la chance de pouvoir enlever par surprise les chameaux de l'expédition, et qu'ils
se contenteront de ruiner £l-Obeïd de fond en comble, après quoi ils se retireront
dans les montagnes, pour harasser de là les convois qu'il faudra envoyer du Nil
Blanc à £l-Obeld. Comme toujours il y a ici des timides et des exaltés. Il paraît
cependant certain qu'une partie des Arabes du Kordofan a conduit la masse des
vieillards, des femmes et des enfants sur la rive droite du Nil Blanc, et a installé
ces bouches inutiles dans le pays inaccessible qui s'étend entre le Kor-Adar et le
Sobat, ce qui paraît indiquer une résolution de combattre à outrance. On se pré-
occupe aussi, mais pas assez, de la probabilité de voir les Arabes, au lieu de
s'opposer à la marche sur El-Obeïd, profiter de la saison pluvieuse pour se jeter
— 172 —
en masse sur le riche pays de Dongola, patrie de Mohamed- Ahmed, qui y compte
de nombreux adhérents. Ce dernier a été bien faussement représenté comme un
ennemi des chrétiens et surtout des Européens. Aucun des excès, peu nombreux,
commis jusqu'à ce jour contre ces derniers dans le Soudan ne peut être mis à sa
charge; au contraire, il a toujours donné les ordres les plus stricts pour qu'il ne
fût touché ni à la personne, ni à la propriété des Européens. Sennaar n'a point été
brûlé par les Arabes, et ne garde aucune trace de l'occupation par les insurgés
l'année dernière ; au contraire, ils ont maintenu l'ordre, et le pillage des magasins
européens n'a eu lieu que pendant les jours d'anarchie qui ont suivi leur départ;
le massacre de quatre Européens, entre Sennaar et Khartoum, a été le fait de la
tribu turbulente et adonnée au brigandage, même en temps ordinaire,* des Gawa-
glas, qui ne sont point des partisans du mahdi. Le lieutenant de ce dernier, qui
visita Earko^j l'année passée, ne suggéra l'idée d'aucun acte de violence contre
les résidents chrétiens, et, si les missionnaires prisonniers à El-Obeld ont été per-
sécutés pour leur faire, changer de religion, c'est absolument contre les intentions
de Mohamed- Ahmed. Il lui est souvent impossible de contrôler le fanatisme ou
la haine des étrangers parmi les éléments si divers qui constituent son armée.
Plusieurs de ses gens sont à bon droit exaspérés des mauvais traitements qu'ils ont
subis de la part des représentants du gouvernement égyptien. Je connais person-
nellement deux Européens qui, ayant fait naufrage, il y a deux ans, non loin
de l'Ile où résidait Mohamed-Ahmed, ont été recueillis et traités par lui avec la
plus grande hospitalité. La majeure partie des Arabes comme il faut qui ont pris
part au mouvement nient formellement que Mohamed- Ahmed se soit proclamé
mahdi; ils disent qu'il prétend seulement être envoyé de Dieu pour affranchir le
Soudan de la domination égyptienne et réformer les abus qui se sont peu à peu
introduits dans l'islam.
Le nouveau gouverneur général Aladdin pacha déploie une activité fiévreuse,
comme c'est d'ordinaire le cas chez chaque nouveau gouverneur, pendant les deux
premiers mois ; malheureusement il connaît peu les langues européennes. La colo-
nie européenne et les Arabes intelligents demeurent unanimes à réclamer avec
instances la venue de Gordon. Le Bahr-el-Ghazal et la Province équatoriale sont
restés en dehors du soulèvement, qui est essentiellement musulman et antiégyptien.
Dans chacune des provinces de grandes quantités d'ivoire sont prêtes à être diri-
gées sur Khartoum, mais les bateaux à vapeur sont à présent exclusivement occu-
pés au transport des provisions, pour les 7 ou 8000 hommes de troupes campées
sur le fleuve Blanc, aux environs de Kawa.
M. Marqnet, chef de la principale maison de commerce de Khartoum, vient
d'installer à Souakim une machine pour égrener le coton; il en existe d^'à une à
Tokar, à 60 kilom. au sud de Souakim, et à 10 kilom. de l'embouchure du Khor-
Baraka. La même maison montera prochainement à Khartoum une fabrique de
savon d'huile de sésame, et un moulin à vent à farine, entreprises auxquelles sont
assurés des bénéfices considérables.
On se plaint beaucoup de l'introduction par la « Société italienne de commerce
— 173 —
africain» de produite de contrefaçon et de mauvaise qualité, bougies, sucre, etc.^
surtout de boissons alcooliques, dont elle importe des quantités énormes; leur
effet à lui seul compromet tous les avantages que le Soudan pourrait retirer de
ses relations multipliées avec PEurope.
P. S. Le mahdi se trouve solidement établi sur le Gebel Ghedire (Gebel Gadero
des cartes), à cinq jours de marche au S. 0. d'El-Obeld, où il a fait bâtir une
ville, centre d'un commerce immense en esclaves, chameaux, bœufs, or, etc., et qui
a reçu le nom de Jcoursi (siège) de Mohamed Ahmed. Les lettres aux Gallas et
aux Abyssins, publiées sous son nom par plusieurs journaux, sont apocryphes, et
ont été rédigées par des derviches du Soudan oriental ; mais il est certain qu'il
est en relations suivies avec les sultans du Ouadaï et du Baghlrmi.
BIBLIOGRAPHIE '
Meine mission nach Abessiniek, auf Befehl Sr. Maj. des deutschen
Kaisers im Winter 1880-81 untemommen von Oerhard Rohlfs. Leip-
zig, (F. A. Brockhaus,) 1883, in-8., 348 pages, 20 gravures et carte.
16 fr. — Nos lecteurs se souviennent de l'échec éprouvé parle voyageur
Rohlfs, dans son projet de traverser le Sahara pour arriver au Soudan
par la Tripolitaine. Ayant dû revenir en Europe, après s'être contenté
de visiter la grande oasis de Kufra, il n'y fit qu'un assez court séjour
et en repartit bientôt pour l'Abyssinie, chargé de porter au négous des
présents de la part de l'empereur d'Allemagne. Le D' Stocker, qui avait
accompagné Sohlfs dans son excursion à Kufra, fut aussi son compagnon
de voyage pendant la première partie de son expédition en Abyssinie.
Comme le dit l'auteur dans sa préface, l'Abyssinie est aujourd'hui un
pays que l'on peut considérer comme découvert, grâce aux nombreux
explorateurs portugais, anglais, français, allemands et italiens qui l'ont
parcouru dans presque tous les sens. Cependant, le voyage d'un homme
de la compétence de Rohlfs, même s'effectuant dans des régions déjà,
visitées, est de la plus haute importance. Tout le monde connaît son éru-
dition, la précision qu'il apporte dans ses descriptions, la profondeur de
ses vues et la justesse de ses jugements. C'est l'explorateur accompli.
Nous voudrions pouvoir parler d'une manière complète de sa dernière
expédition, d'autant plus que les recueils périodiques n'ont fait que la
mentionner sans la suivre dans ses détails.
' On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 13, me du Bhône, à Genève,,
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 174 —
Le voyage s'est effectué de novembre 1880 en avril 1881. Parti de
Massaoua, Rohlfe séjourna quelque temps àHotumlou, d'où il fit Tascen-
sion du mont Guédem, qu'il décrit dans tous ses détails. Puis il gagna
l'Hamaseu, la province la plus septentrionale de l'Abyssinie, et visita sa
capitale Zazéga, dont le gouverneur Ras-Aloula lui fit les honneurs. C'est
là qu'il trouva M. Gustave Lombard, envoyé par le gouvernement fran-
çais. Continuant sa route vers le sud, le voyageur arriva le 17 janvier à
Âdoua, et de là, traversant un assez grand nombre d'afiluents du Takazé,
à Sokota, le plus grand marché de sel du pays. Puis, en 13 joui-s,
il atteignit la résidence du négous dans le Débra-Tabor, nom qui (îst
celui d'un district entier et non d'un lieu particulier. La réception du
rôi Jean fut très cordiale ; des cadeaux furent échangés, et Rohlfs fut
chargé par le souverain de négocier un traité entre ce dernier et le khé-
dive. Les événements qui ont eu lieu dès lors en Egypte ont fait ajourner
ces projets. Quittant le Débra-Tabor le 17 février 1881, Rohlfe revint par
Gondar et Axoum à Adoua, et de là à la côte, par une route qui diffère
peu de celle qu'il avait suivie à l'aller .
On sait que Stecker se sépara de l'expédition dans le Débra-Tabor,
et qu'il fit en deux fois l'exploration complète du lac Tzana, exploration
dont nous avons rendu compte en son temps dans notre journal (Voir
IIP année, p. 157). Les deux voyageurs ont été grandement aidés dans
leur mission par les frères Naretti, dont l'un remplit les fonctions de
ministre de la maison du négous.
L'ouvrage de Rohlfs qui renferme, outre le récit du voyage, deux cha-
pitres sui* l'histoire contemporaine de l'Abyssinie, est accompagné d'une
très belle carte dressée par Hassenstein, un des nombreux élèves de
Petermann. Inutile de dire qu'elle a été mise au courant de toutes les
explorations récentes, et qu'elle est la meilleure que l'on puisse consulter
pour cette partie de l'Abyssinie,
Tunis, par Léon Michel, Deuxième édition. Paris (Garnier frères),
1883, in-12, 314 pages, 3fr. — Il ne faudrait pas s'attendre à trouver
dans ce livre un tableau de l'état actuel de la Tunisie, car sa première
édition date de 1867. Celle d'aujourd'hui a été, il est vrai, revue
et comgée, et, par l'adjonction d'un chapitre et de quelques notes, les
éditeurs ont tenu compte dans une certaine mesure des événements
survenus depuis peu. Malgré cela, cet ouvrage ne peut être regardé que
comme une étude de mœurs, et Ton sait qu'à cet égard les descriptions
sont toujours vraies, car l'Orient ne change guère.
Les premières pages sont consacrées aux ports de Stora et de Philip-
— 175 —
peville. Là, depuis quinze années, la transformation a été considérable,
et les renseignements donnés sur le commerce, l'industrie et les transports
ne sont plus exacts aujourd'hui. 11 en est de même pour ce qui concerne
l'activité et l'aspect de la Goulette, le port de Tunis. De grands paque-
bots et de nombreux navires de commerce ont pris la place des quelques
bricks et goélettes qu'y vit l'auteur du récit, le gendarme français celle
de l'ancien douanier tunisien, et la nouvelle milice créée par le général
Forgemol s'est substituée aux misérables sentinelles tunisiennes.
C'est la description de Tunis, de ses environs, des ruines de Carthage,
du palais du Bardo, qui occupe la plus grande partie du volume. Plusieurs
chapitres parlent des habitants ; d'autres donnent le récit de la visite du
voyageur au café arabe, à l'hôtel maure, aux soutes ou bazare, à la
kasbah, au palais de Dar el Bey, etc. Tout cela est écrit dans un style
facile et clair, en même temps que fleuri, et nous nous expliquons très
bien la sympathie avec laquelle la première édition de ce livre fut
accueillie par le public.
Madagascar, la reine des îles africaines, par Charles BiieL
Paris (Victor Palmé), 1883, in-S**, 391 pages, avec illustrations, 6 fr,
— La reine des îles ou des côtes africaines (car le livre porte alternati-
vement ces deux titres) c'est sans contredit Madagascar, qui se place
immédiatement après Bornéo et la Nouvelle-Guinée pour la grandeur,
et dont l'avenir est certainement plus brillant que celui de ces deux
terres malsaines et si peu connues. M. Buet ne nous donne pas un récit
de voyage à Madagascar. Il a pensé qu'au moment oit une ambassade
malgache visite l'Europe et l'Amérique, il était bon de faire connaître la
reine des îles africaines, surtout, dit-il, de montrer quels intérêts
considérables la îYance y possède, et quels moyens elle devrait employer
pour les servir. Pour cela, il a résumé les renseignements donnés par
quelques auteurs et par les Annales de la propagation de la foi, journal
des missions catholiques. On le voit, ce livre a été écrit spécialement
à un point de vue français et catholique ; en effet, il étudie aussi bien
Phistoii'e politique et missionnaire de Madagascar, l'organisation sociale
des peuples qui l'habitent et les questions qui se rattachent à ses desti-
nées politiques, que sa géographie, sa constitution, ses productions, ses
richesses zoologiques ou minérales, etc. Madagascar, chacun le sait, est
une terre spéciale, tout à fait distincte de l'Afrique par sa faune, sa flore
et sa formation géologique, et, chose heureuse au point de vue de la colo-
nisation, à part le caïman, les animaux féroces ne s'y rencontrent pas.
D'autre part, comme elle présente des plaines basses, des plateaux et
— 176 —
des montagnes, on peut y cultiver presque toutes les plantes de la terre,
grâce à la superposition des climats. Mais le littoral est loin d'être
salubre; les miasmes qui s'élèvent des marais côtiers empoisonnent Tair,
et les fièvres y sont plus à craindre que les armées indigènes. Les
gouvernements européens ne s'en préoccupent pas et, profitant des
dissentiments qui existent entre les nombreux peuples de l'île, plus d'un
cherche à dominer sur une partie au moins de cette magnifique terre.
Il faut reconnaître toutefois que Madagascar, pour des causes assez diffi-
ciles à comprendre, n'avait pas excité, jusqu'à une époque bien récente,
les jalousies des puissances. Le feu probablement couvait sous la cendre;
aujourd'hui il vient d'éclater.
M. Buet a joint k sa description un chapitre sur les colonies anglaises
de l'océan Indien, et une étude très intéressante de l'île de la Réunion,
dans laquelle il traite, en particulier, la question des travailleurs et des
engagés noirs, hindous, chinois ou annamites, si importante pour les colons.
Notons que l'ouvrage est enrichi de nombreuses gravures.
Souvenirs de l'expédition de Tunisie, par M. B. Girard. Paris,
(Berger-Levrault et C"), 1883, in-8, 56 pages, 2 fr. — Le contenu
de cette brochure a été extrait de la Bévue maritime et coloniale^ publi-
cation du ministère français de la marine. Cet opuscule renferme, sous
une forme simple, des renseignements spécialement destinés aux marins
et aux voyageurs. L'auteur décrit le port de la Goulette, les ruines de
Carthage, la ville de Tunis, la côte de Tunisie, et dit quelques mots, en
terminant, de la Tripolitaine et de l'île de Crète. Cet ouvrage sera très
utile à consulter, en particulier le chapitre qui traite de l'administration
de la Tunisie, de sa statistique, de son climat, de son agriculture, de
son commerce, en un mot de l'état actuel du pays. On y trouvera
des indications précieuses sur le climat, qui est parfaitement salubre et
l'un des meilleurs du monde, car le thermomètre se maintient entre 7*
et SI"" centigrades ; sur les productions, dont les principales sont une
huile d'olives très estimée, des dattes qui passent pour les meilleures de
l'Afrique, et l'alfa; sur Tindustrie, la fabrication d'articles de sellerie
et d'étoffes ; la pêche des éponges, renommées pour leur finesse et leur
solidité ; le commerce, qui a beaucoup augmenté depuis l'occupation
française. Lorsqu'on voudra faire valoir toutes ces richesses, que la
Tunisie sera dotée d'un gouvernement régulier «et d'une plus grande
liberté de commerce, elle deviendra l'un des pays les plus prospères ;
cela ne fait de doute pour personne.
— 177 —
BULLETIN MENSUEL (i> jtiUlet 1883.) »
Le général Hicks a remporté une grande victoire sur les indigènes du
Nil-Bleu, mais il est obligé, par la saison des pluies, d'ajourner jusqu'au
mois d'août son projet d'expédition contre l'armée du mahdi concen-
trée dans le Kordofan. En outre d'après des lettres de Khartonm du
5, du 12 et du 26 mai, de M. J.-III. Schaver, les rencontres des troupes
égyptiennes avec les bandes du Nil-Bleu n'ont qu'une importance secon-
daire. Le manque de place ne nous permettant pas de publier ces lettres
in extenso, nous n'en extrayons que ce qui nous paraît le plus impor-
tant. Le susdit engagement a eu lieu le 29 avril à Marabieh, sur la rive
orientale du Nil-Blanc, près de l'île d'Aba qui a été le berceau de l'in-
surrection. Les insurgés durent abandonner leurs positions, en laissant
sur le terrain 200 morts, parmi lesquels deux des chefe influents du Nil-
Bleu, depuis longtemps en hostilité ouverte avec Mohamed- Ahmed, qui
ne leur avait pas permis de passer dans ses territoires à l'ouest du Nil-
Blanc. Les survivants se retirèrent vers le sud, jusqu'au Gebel-Aïn ou
Gebel-Nyemati, oîi le général Hicks les poursuivit, les battit de nouveau,
leur enleva 2,000 bœufs, et détruisit les radeaux qu'ils avaient préparés
pour passer le Nil-Blanc afin de se rendre dans le Kordofan. Néanmoins
le gros des troupes de Mohamed-Ahmed, celles qui ont une certaine
discipline et sont pourvues d'armes européennes, sont intactes, et se
recrutent incessamment.
Outre ces détails sur la révolte du Soudan, M. Schuver nous annonce
le retour à Ehartoum, par un steamer arrivant de Lado sur le Haat-
^il^ de M. Eraldo Dabbene, officier piémontais, parti il y a plus d'une
année en compagnie d'Emin-bey ; il rapporte une collection importante
d'insectes, mais sa santé est délabrée. Le capitaine Casati était de
retour à Lado le 1" avril, et se disposait à repartir pour l'intérieur
afin d'explorer le cours de l'Ouellé. Emin-bey se préparait à se rendre
dans le Makaraka. Le vapeur susmentionné a apporté 200 quintaux
d'ivoire. Il y a eu quelques désordres sur le Haut-Nil, les nègres Baris
ne voulant ni payer le tribut ni fournir des porteurs. Le gouverneur de
* Les matières comprises dans nos BuUetins mensuels et dans les Nouvelles com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à Pest, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
L^ AFRIQUE. — QUATRIÈME AIWÉE. — N<> 7. 7
— 178 —
Fachoda signalait une disette terrible dans cette ville, les ChiUouks
refusant depuis longtemps d'y apporter des vivres.
Plusieurs des mi88ioiiiia.ipe8 pomainsy prisonniers du mahdi,
amenés du Gebel-Nouba à El-Obeïd, sont morts par suite des fatigues
de la marche et des privations qu'ils ont dû subir. La Société mOanaise
d'exploration commerciale en Afrique a fait un appel pressant à la sym-
pathie des Italiens en leur faveur, et a envoyé une première somme de
2,000 fr. à Mgr Sogaro, vicaire apostolique du Soudan, pour racheter
les survivants. L'évêque de Vérone, protecteur de la mission de l'Afri-
que centrale, a aussi organisé à cet effet des quêtes dans toute l'Italie.
En même temps, M. Mancini a chargé le représentant de l'Italie au
Caire de rechercher, d'accord avec le gouvernement égyptien, les
moyens de sauver ces missionnaires, et lord Granville a promis d'y coo-
pérer. D'autre part M. G. Wild, membre correspondant delà Société de
géographie commerciale^ de la Suisse orientale à Saint Gall, écrit du
Caire, que, d'après des nouvelles récentes, notre compatriote, M. Gott-
fkied Roth, inspecteur du service de la traite au Soudan, n'est point,
et n'a jamais été prisonnier du mahdi, et qu'il se trouve dans le Dar-
four, province qui jusqu'ici est demeurée fidèle à l'Egypte. Toutefois
M. Wild ne peut garantir cette nouvelle.
Le D' Schweinfiirth a reçu du D' Junker une lettré du 16 octobre
datée du territoire de Semio, à quelques jours au sud du district de Mfio.
Depuis le 14 avril de l'année dernière l'explorateur paraît avoir continué
son voyage au sud de rOuellé,dans le pays autrefois régi par Mounza.Le
résultat de cette dernière excursion a été le relevé de la grande rivièi-e
Nepoko (V. la carte, p. 116), à sept jours de marche au S.-E. de l'anciemie
résidence de Mounza. Junker n'hésite pas à l'identifier avec l'Arouimi
de Stanley ; il aurait donc pénétré dans le bassin du Congo. Ensuite il
quitta le pays des Mombouttous, pour revenir, après une absence de
17 mois, à son quartier général de Ndorouma, où il avait laissé ses pro-
visions et ses collections sous la garde de Bohndorff. De là, après
27 jours d'une marche rendue fatigante par la saison des pluies, il attei-
gnit, le 27 septembre, le pays de Semio, chef niam-niam, chez lequel
s'était rendu Bohndorff . Ayant souffert plus d'une année de privations
de toutes sortes, il fiit extrêmement content de retrouver intactes, pro-
visions et collections. Malheureusemenl Bohndorff avait payé son tribut
au climat insalubre de cette région, et était réduit à un état si misérable,
que, sur les instances de Junker, il se décida à revenir en Europe. Pour
envoyer ses collections à Khartoum il fallut une trentaine de porteurs ;
— 179 —
elles auraient été plus complètes si, pendant ses explorations, il avait pu
en trouver un nombre suffisant. Il comptait passer encore un mois chez
Semio, pour rédiger ses notes de voyage, puis reprendre la suite de son
exploration vers l'Ouest, et revenir en Egypte cette année-ci avec deux
pygmées Âkkas.
La Société de géographie de Paris a reçu communication d'une lettre
de M. RéiFoil au ministre de l'Instruction publique de France, qui l'a
chargé d'une nouvelle mission au pays des Somalis. Cette exploration
semble devoir s'accomplir dans les meilleures conditions. Tout en pré-
parant son expédition h Zanzibar, M. Révoil a exploré l'intérieur de
rtle, pour former ses gens aux préparationii^ zoologiques, et déjà il a pu
envoyer, au Muséum d'histoire naturelle de Paris, des collections ethno-
graphiques et zoologiques de l'tle, peu étudiée jusqu'ici au point de vue
scientifique, les voyageurs n'en faisant guère que leur point de départ
pour l'intérieur du continent. Pendant ce temps, les boutres, descendant
la cote Somali par la mousson du N.-E., ont amené à Zanzibar les chefs
influents du littoral, avec lesquels il a pu, avec l'aide du consul de
France et de M. Greffulhe, entrer en relation, pour préparer le terrain
de son exploration future. Il comptait partir de Zanzibar avec un Arabe,
frère du secrétaire particulier de Saïd-Bargasch, agent de la maison
Roux de Fraissinet, établi depuis longtemps à Magadoxo, point de la
côte par lequel U pénétrera chez les Somalis. Le sultan de Zanzibar lui
a donné des lettres de recommandation pour les che& de la côte et de
l'intérieur, sur lesquels son autorité peut avoir de l'influence. De Maga-
doxo il se rendra à Guélédi sur le Ouébi, pour atteindre ensuite Gana-
neh, sur le Djoub ; il y séjournera assez longtemps pour étudier et
déterminer avec exactitude le cours de ce fleuve, et pour réunir et clas-
ser les collections qu'il enverra à la côte. De Gananeh il remontera vers
le nord chez les Ougadines, puis se dirigera sur Harrar et Zeïla, ou bien,
si les circonstances et l'attitude des populations le lui permettent, il
reviendra vers le Kafifa, et pourra continuer l'étude hydrographique de
cette région, commencée il y a quelques années par Cecchi et Chiarini.
Aux renseignements que nous avons donnés dans notre précédent
numéro sur l'esclavage anx CJomopes, nous devons en ajouter de
nouveaux publiés par le Times^ d'après un récent rapport du consul
anglais, M. Holmwood. L'agent le plus actif de la traite dans ces para-
ges est un Arabe nommé Ali-ben-Omer, qui a fait de Grande-Comoré le
centre de ses opérations, et s'est efforcé d'évincer les deux souverains
de rtle, les sultans Moosa-Fum et Abdullah, auxquels il reprochait
— 180 —
d^avoir fourni aux croiseurs anglais des informations qui leur avaient
permis de saisir plusieurs de ses bateaux négriers. Le sultan de File
Johanna lui a fourni de l'argent, des armes et des soldata De son côté,
Sald-Bargasch a soutenu Moosa-Fum, qui a dû s'enfuir de sa ville assié-
gée, dont toutes les maisons étaient remplies de cadavres ; il a été fait
prisonnier par les gens d'Ali-ben-Omer, et empoisonné le même jour.
Les survivants de son parti se sont réfugiés dans les montagnes, ob ils
se sont nourris d'herbes aussi longtemps qu'ils l'ont pu ; il en est mort
un nombre considérable. Plus de 1,500 personnes, chefe, fenmies,
enfants, ont également péri de faim à Iconi. Les soldats de Sald-Bar-
gasch ont dû capituler, et <^t été vendus comme esclaves ; le sultan de
l'île Johanna en a été le principal acheteur.
Un chasseur hollandais, M. Botha, s'est rendu du Transvaal au
Kaoko, pour y chasser l'éléphant, et a visité la colonie des Boërs
établis dans cette partie des possessions portugaises (province de Mes-
samédës). H a trouvé le pays excellent pour l'agriculture, bien arrosé,
mais peu propre à l'élève du bétail, vu son insalubrité pour ce dernier.
Les moutons qu'y ont importés les Boêrs sont presque tous morts, et,
de leurs chevaux, ceux-là seuls survivent qu'ils ont gardés dans les
écuries. La route de Humpata à Mossamédës, construite par le gouver-
nement portugais, est terminée, et les fermiers peuvent maintenant con-
duire leurs céréales à ce port de mer. Avec un wagon tratné par des
bœu& on peut s'y rendre en huit jours. On construit une église pour les
colons ; le Rev. Cachet, qui les a visités l'année dernière, a promis de
leur envoyer un pasteur et un maître d'école ; pour le moment, c'est un
des Boêrs qui remplit ces fonctions. Nos lecteurs se rappellent les souf-
frances endurées par les Boêrs, dans leur ndgration du Transvaal à
Humpata, à travers le désert de Kalahari; M. Botha croit qu'en choisis-
sant une saison favorable, et la route qui passe par le lac Ngami, on
peut faire ce voyage sans difficultés.
Le P. Dupapquet, auquel la géographie doit déjà des renseigne-
ments si détaillés sur l'Ovampo, a transmis aux Missions catholiqties
une lettre de feu M. Dufour, son ancien compagnon de voyage, sur le
pays des Amboellas, oh celui-ci fut assassiné, et oh le missionnaire
fonde en ce moment une nouvelle station, entre le Cunené et le Cou-
bango. Nous en extrayons ce qui nous a paru le plus intéressant. Les
masses d'eau qui inondent l'Ovampo ne proviennent pas du Cunéné
ni du Coubango, mais des hauts plateaux plus au nord ; ceux-ci se
succèdent de l'ouest à Test, et sont séparés par de larges vallées (orna-
— 181 —
rambas), au fond desquelles se trouve en toute saison, en abondance,
Teau qui filtre des hauteurs. Le plus important de ces omarambas est
celui qui descend du plateau central d'Obambi, à 1 ,500" environ d'alti-
tude, et, après un parcours de 80 kilomètres, forme, à 250" plus bas, le
soi-disant lac d'Évaré, simple rivière formant sur presque tout son
parcours de larges flaques d'eau, remplies de poissons, de crocodiles et
même d'hippopotames. Les Âmboellas occupent les deux rives du Cou-
bango ; ils diffèrent par le type et la langue des tribus de l'Ovampo, avec
lesquelles ils n'entretiennent pas beaucoup de rapports, tandis qu^ils ont
avec les Bangaras, au nord, des relations commerciales régulières; ils
échangent avec eux de la cire et du miel qu'ils ont en abondance, et un
peu d'ivoire, contre de la toile et des perles. Ils cultivent du maïs, du
blé, des haricots, et ont des troupeaux, mais peu nombreux. La végé-
tation n'est plus la même que dans l'Ovampo oîi prospère le palmier,
remplacé le long de la Quitanda, qui traverse leur pays, par des saules,
et par le Jicus élastica (arbre à caoutchouc), dont Us ne savent pas
tirer parti. L'altitude de ce district le rend salubre. L'organisation poli-
tique diffère aussi de celle de l'Ovampo. Les villages, qui ont souvent de
200 à 300 habitants, sont distants les uns des autres de 10 à 12 kilomè-
tres ; chacun d'eux a son chef complètement indépendant.
La Société africaine allemande a reçu de Muqueng^ué un rapport du
D' Pogffpe» qui complète sur beaucoup de points celui du lieutenant
Wissmann, dont nous avons donné un extrait accompagné d'une carte
provisoire, (p. 81 et 92). Quelque intéressants que soient les détails
nouveaux qu'il renferme, le manque de place ne nous permet pas de les
publier. Nous devons nous borner à ceux qui se rapportent à la station
de Muquengué. Celle-ci fut fondée par l'interprète Germano, préposé à
la garde des marchandises pendant le voyage h Nyangoué. Â son retour,
le D'' Pogge fat charmé de trouver toute construite une habitation spa-
cieuse, solide, au milieu d'une grande place carrée, bien propre, à
laquelle aboutissent de larges chemins, et qu'entourent des plantations
de bananiers entre lesquels paissent des troupeaux de chèvres. La mai-
son est située à 200" de la résidence du chef, et à proximité d'un ruis-
seau, d'une eau potable très bonne, qui coule dans une large gorge,
profonde de 20" à 25", dont les flancs sont couverts d'une forêt vierge.
Le terrain sablonneux convient à la culture du manioc, du maïs, des len-
tilles, etc. Pogge a fait une plantation de riz, et a vu son exemple suivi
par les indigènes ; il a aussi planté des goyaviers, des limoniers, des
caféiers; au delà du Louloua, on trouve beaucoup d'ananas sauvages.
— 182 —
Le seul animal domestique que Ton rencontre actuellement à Muquen-
gué est le pigeon. Jusqu'en 1874 on y élevait beaucoup de chèvres et de
porcs, mais, à cette époque, les Baloubas, qui habitent entre les Tuchi-
langues et les Bachilangués, et dont les principaux chefe sont Muquen-
gué et Kissengué, introduisirent chez eux une sorte de culte du riamba
(chanvre sauvage), que Ton fume dans presque toute TÂfrique mais
nulle part autant que chez eux, et qui produit chez les fumeurs une sorte
d'ivresse. Le pays où règne le culte du riamba s'appelle le Louboukou
(Amitié); les hostilités y sont interdites, même le port d'armes ; l'hos-
pitaUté y est de règle; une sorte de vie publique, de camaraderie s'est
établie entre tous les be>ia riamba (fils du chanvre sauvage), et exerce
son influence sur tous les événements importants de la vie. Devenu bena
riamba en 1874, Muqueugué, selon le désir de sa sœur, Sangoula,
renonça à tous les usages et à la nourriture des tchiplumhas (non
fumeurs de chanvre), proscrivit tous les animaux domestiquas à l'excep-
tion du pigeon, et les fit détruire, ainsi, que les plantations d'ananas, de
bananiers et de palmiers, le vin de palmier étant interdit ; la seule bois-
son fermentée permise est la bière de lentilles. Lors de l'arrivée des
voyageurs allemands à Muquengué, en octobre 1881, ils n'y trouvèrent
ni poules, ni chèvres ; mais, depuis le retour de Pogge, Muquengué a
donné l'ordre à ses gens d'avoir des poules et des chèvres, et de replan-
ter des bananiers ; les chefs d'au delà du Louloua lui ont déjà apporté
plusieurs tributs de chèvres. L'explorateur dépeint ce chef comme très-
favorable aux blancs, prêt à écouter leurs conseils, point mendiant comme
la plupart des chefe indigènes, et disposé à fournir aux voyageurs guides
et gens pour les accompagner4 Pogge a envoyé Germano à Malangé
pour y chercher des lettres du Comité national allemand, et, dans le cas
où celui-ci enverrait à Muquengué de nouveaux voyageurs, pour y enrô-
ler des porteurs afin d'amener ceux-ci à la station par le plus court che-
min. Si le Comité n'a personne à envoyer, Pogge reviendra en Europe,
au terme des trois ans pour lesquels il s'est engagé. On peut espérer
qu'en attendant il profitera de son séjour à Muquengué pour étendre
ses découvertes vers le nord, oh le grand marché de Cabau, sur le Lou-
loua, et le cours inférieur du Cassai doivent attirer son attention. A
propos de ce dernier, il n'a entendu parler d'aucune cataracte, depuis
son confluent avec le Quicapa jusqu'à son embouchure dans le Congo.
Les journaux belges nous apportent les nouvelles suivantes des agents
du Comité d'Études du Hant-Con§;a* M. Avert complète les
installations d'Isanghila, où est arrivé M. Roger amenant deux balei-
— 183 —
iiiëres, destinées à assurer les communications entre cette station et
Manjanga. — M. Parfoury, occupé à la reconnaissance d'une route au
sud du fleuve, ayant commis Timprudence de sortir sans casque, avec
un simple chapeau de feutre, a été frappé d'insolation. Transporté à
Manyanga, il a succombé au bout de peu de jours, malgré les soins
dévoués de M. Gillis et du D' Van den Heuvel. — M. Kallina, chef d'une
des stations, s'est noyé à Stanley Pool, en passant le fleuve en pirogue.
Stanley a transporté à Stanley Pool le canot à vapeur Le JSo^aZ, ce qui,
avec VAssodation internationale africaine et VEn avants porte à trois le
nombre des embarcations à vapeur dont il dispose actuellement pour
remonter la partie navigable du fleuve. Plusieurs journaux ont annoncé
comme imminent un conflit entre lui et Savorgnan de Brazza , mais
aucun fait n'est venu confirmer ce bruit. Le Comité d'Études paraît très
désireux de ne rien permettre à ses agents qui puisse troubler l'accord
qui doit régner entre les explorateurs du Congo. D'après une brochure
(Le Congo) qui vient de paraître à Bruxelles, un des chefe de Stanley*
Pool, Poumou Mtaba, ayant reçu du roi Makoko des territoires con-
sidérables, conclut, le 21 décembre 1882, avec les représentants du
Comité, un traité qui les autorisait à bâtir une nouvelle station indé-
pendante à Mfiva, entre les rivières Impila et Djoué, sur la conces-
sion de Makoko à Savorgnan de Brazza. Lorsque Stanley arriva au
Congo, le 14 janvier suivant, il fit évacuer Mfiva, oii ses agents s'étaient
établis.
Les procédés de M. Van de Velde, chef de la station du Comité
d'Études à l'embouchure du Quillou» envers l'agent de Brazza chargé
de reconnaître la côte depuis le Gabon jusqu'à Loango, permettent aussi
d'espérer que, sur ce point non plus, il n'y aura pas de conflit, quoique
nous ne comprenions pas encore le nvotif pour lequel Stanley a créé cette
station, sur une voie qu'il sait être la base d'opération de Brazza pour
atteindre Brazzaville par la vallée du Niari. Lorsque le Sagittaire arriva
à cette station, la mer étant mauvaise et l'accès de la côte dangereux,
M. Van de Velde s'empressa de venir en aide à l'équipage du vapeur
français pour le débarquement. Le commandant visita deux factoreries,
l'une française, l'autre hollandaise, établies au bord du Quillou, prit les
renseignements dont il avait besoin sur les ressources de la localité et
sur (la navigabilité du fleuve, et repartit ensuite pour Punta-Negra et
Loango. Quant à de Brazza lui-même, il est arrivé au Gabon le 21 mai;
son personnel était dans de bonnes conditions et a dû être immédiate-
ment acheminé sur Lambaréné, station située sur l'OgÔoué, à 200 kiL
— 184 —
de Tembouchure du fleuve. D 'après des renseignements du Gabon, publiés
par le Temps, les maisons étrangères, dont les &ctoreries sont établies
siu* le bas Ogôoué, ont cherché à agir sur les populations riveraines dans
un sens hostile aux Français, en sorte que le commandant du Grabon
s'est vu obligé d'interdire à leurs factoreries de vendre aux indigènes
des armes et des munitions. On espère beaucoup que la venue de Brazza,
très- populaire parmi les tribus de l'intérieur, neutralisera les mauvaû:
effets de ces agissements malveillants. — Deux jeunes Français entrepre-
nants viennent de fonder au Gabon la première exploitation agricole qui
ait été établie dans ces parages par des Européens.
Dans notre dernier numéro, nous annoncions la découverte faite par
Fleg^el des sources du Bénoué. Dès lors les Mittheilungen de la Société
africaine-allemande nous ont apporté des détails sur son voyage, et sui*
ses projets d'exploration future. De Yola, au sud du haut Bénoué, où il
se trouvait à la fin de juillet 1882, il s'avança jusqu'à Boundang sur le
Faro, qui y forme trois bras et inondait le pays ; puis, l'ayant traversé et
se dirigeant vers le mont Borongou, il découvrit la ligne de faîte
entre cette rivière et le Bénoué. Continuant sa marche vers le sud-est^
tantôt dans le bassin du Faro, tantôt dans celui du Bénoué, il atteignit,
le 17 août^ la première des sources de ce fleuve, et les jours suivants
d'autres encore, jusqu'à ce que, ayant gravi une pente abrupte, arrivé
sur le sommet de la montagne, en forme de dos, il apprit des indigènes
que c'était là que se trouvait la source proprement dite du Bénoué. Ses
ressources étant épuisées, il est redescendu à Lokodja pour les renouve-
ler, en même temps que pour compléter ses observations, afin que la
carte qu'il prépare soit plus exacte, et aussi pour accoutumer les popula-
tions aux allées et venues des blancs et leur inspirer confiance, enfin,
pour expédier ses collections au Musée de Berlin. La première partie de
la mission dont il avait été chargé, la détermination du bassin du
Bénoué, est remplie. Si la Société africaine allemande lui accorde les
subsides dont il aurait besoin pour poursuivre ses explorations, il étu-
diera les rapports du lac Tchad et du Bénoué, par le marais de Toubouri
et le Mayo-Kebbi, ainsi que les conditions politiques et ethnographi-
ques des populations des territoires situés entre le lac Tchad et le Niger,
l'histoire du commerce et de l'industrie des Haoussas et des Fouldes,
comme porteurs de la civilisation dans le Soudan oriental. Mais, avant
tout, il retournera dans l'Adamaoua, pour explorer plus complètement
le pays au sud du Bénoué, et tâcher d'atteindre par là Bagno, la clef du
Vieux Galabar, puis le pays des peuples nains Gandafous, et l'Océan.
— 185 — f
Après avoir laissé à Bamakou une garnison de 100 tirailleurs sénéga-
1
lais, le colonel Bor^^is-Desbordes a remonté, pendant une centaine
de kilomètres, la rive du Niger, pour rejeter les bandes de Samory dans
la direction du Bouré. Il a ensuite regagné, par Koundou, le bassin du
Sénégal, et est arrivé à Badombé près de Bafoulabé, le 17 mai ; le 2 juin
il était à Khayes. Un transport a été envoyé au Sénégal pour recevoir le
personnel de Texpédition dès son arrivée à Saint-Louis. Le colonel et
ses hommes sont attendus en France prochainement. — De son côté, le
D"" Bayol écrit à un ami de Marseille que les circonstances politiques
ne lui ont pas permis d'aller à Nioro dans le Kaarta, les indigènes redou-
tant de voir les Français s'installer sur le Niger. Après trois mois
d'attente, le gouvernement a renoncé à l'envoyer dans ce pays, et en
revanche l'a chargé d'une exploration dans une région encore inconnue,
voisine du Sahara. U a dû quitter Bamakou le 16 avril, pour se diriger
vei-s le Nord-Est. — Quoique Bamakou ait beaucoup perdu de son
importance depuis l'époque de Mungo-Park, où c'était un grand marché
en même temps que la résidence du chef, c'est encore un lieu de passage
pour les caravanes du Kaarta qui se rendent dans les pays situés aux
sources du Niger, afin d'y échanger du sel contre des esclaves. On peut
espérer que la traite cessera lorsque le prix du sel baissera. Aujourd'hui,
une banne de sel s'échange contre un esclave de 200 ou 250 fr. Quand
on pourra fournir la même quantité de sel pour 5 ou 6 fr., les esclaves
perdront toute leur valeur. L'apport, à des prix modérés, des marchan-
dises d'Europe, sera donc un des moyens de faire disparaître l'escla-'
vage. Quant à la navigation du Niger en aval de Bamakou, sur une
étendue de 15 kilon). le fleuve s'étend beaucoup, et a de nombreux
rapides et des barrages de pierres et d'herbes ; à Sotuba les eaux se pré-
cipitent par trois chenaux creusés entre les rochers, et dont aucun n'est
praticable dans la saison sèche; aux hautes eaux les pirogues passent en
suivant les bords du fleuve. Après Sotuba, le Niger reprend son cours
normal, et jusqu'à Segou, ne présente plus de barrages aux eaux basses.
Un de nos compatriotes, M. Demaffey, ingénieui* des mines, atta-
ché aux expéditions du colonel Borguis-Desbordes et du D' Bayol, a
projeté, avec l'appui de son chef, une exploration dans une partie du
territoire du Haut-Sénégal inconnue jusqu'ici. De Bakel, il compte se
rendre par terre à Senoudebou, capitale du Bondoii , sur la rive gau-
che de la Falémé, presque à sec au commencement de mai, puis explo-
rer le Bainbouk, entre cette rivière et le Bafing. Son voyage doit
durer une trentaine de jours.
— 186 —
M. le D' Bourru, secrétaire général de la Société de géographie de
Bochefort, a bien voulu nous donner des détails sur rexpédltton
Bcientiflqne du Talismaii confiée à M. Milne Edwards et annoncée
dans notre dernier numéro (p. 166). Nous regrettons de ne pouvoir com-
muniquer sa lettre tout entière à nos lecteurs. Faute de place, nous ne
pouvons que mentionner les appareils de sondage et de draguage dont le
Talisman est pourvu, et avec lesquels on peut atteindre jusqu'à 8000".
de profondeur. L'un des plus remarquables est celui qui permet de stop-
per instantanément la sonde au moment où elle touche le fond, par les
plus grandes profondeurs, ce qui est la principale difficulté des sondages ;
aussi l'appareil susmentionné est-il particulièrement précieux. Ajoutons
encoi*e, aux renseignements que nous avons donnés le mois passé sur cette
exploration, que le Talisman relâchera àMogador, et que, dans l'archi-
pel du Cap Vert, il explorera en particulier, certains îlots, habités par
dès sauriens inconnus ailleurs.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
L'état-major français fait faire, sur la frontière de la province d'Oran, des étu-
des relatives à l'établissement de voies de communication entre Oran et Fez.
Depuis l'annexion du Mzab à l'Algérie, la traite des nègres, amenés naguère
dans ce district d'où ils étaient expédiés au Maroc et en Tripolitaine, a cessé, ainsi
que le commerce clandestin de la poudre avec les indigènes.
La Ligue de reboisement de l'Algérie se propose de concourir à l'œuvre de créa-
tion de la mer intérieure, en reboisant les sources et les rives des anciens affluents
des chotts, pour leur rendre l'abondance d'eau qu'ils avaient autrefois.
Un survivant de la mission Flatters a été ramené à Ghardaïa, avec des papiers
de peu d'importance.
Un indigène de Touggourt a écrit à M. H. Duveyrier, que le commencement de
cette année a été exceptionnellement favorable pour le Sahara, où il est tombé
vingt fois de la pluie en quelques mois. — En revanche une caravane de Trouds,
venant de Ghadamès, a rapporté que les Touaregs Azdjers organisent \ine expé-
dition contre les Hoggars qui leur ont razzié 60 chameaux, ainsi que des esclaves
qu'ils escortaient, et tué un certain nombre de leurs gens.
M. le D' Pasqua, établi à Tripoli, a envoyé à la Bévue de Géographie^ rédigée
par M. L. Drapeyron^ quelques notes sur une excursion de 82 jours qu'il a faite
avec des officiers supérieurs du génie, de Tripoli à Urfell, en passant par Tad-
joura, l'oued Msid, la belle plaine de Dj effara, et le riche district de Misrata.
M. G. Ruhner, attaché au musée botanique de Berlin, a fait un séjour de quatre
mois à Bengasi, d'où il a rapporté des collections botaniques importantes. De son
— 187 —
côté, le D' Schweinfurth a exploré la baie de Tobrouk, et ses recherches au point
de vue botanique, jointes à celles de M. Buhner, ont ajouté à la flore de la Gyré-
naïque une centaine de plantes nouvelles.
Quoique la question du canal de Suez ne soit pas encore résolue, il ressort
cependant du rapport présenté par M. de Lesseps à l'assemblée des actionnaires,
le 4 juin, que la Compagnie est disposée à répondre aux besoins croissants du
commercé; soit en facilitant la circulation, soit en abaissant les tarifs.
Une commission a été nommée par le gouvernement égyptien, pour examiner le
projet de chemin de fer de Souakim à Berber. Les négociants du Caire, intéressés
dans le commerce avec le Soudan, préféreraient l'achèvement de la ligne de
Wadi-Halfa à Hamara, qui leur conserverait le transit dont bénéficie PÉgypte.
L'expédition italienne dirigée par Blanchi est arrivée à Adoua, d'où elle a dû
se rendre à Samera où se trouvait le négous, auquel elle devait remettre les pré-
sents du roi d'Italie. Blanchi estime avantageux, pour la station qu'il est chargé de
fonder dans le Go^jam, que le roi Jean ait maintenu comme gouverneur de cette
province, ainsi que du Damot et des pays gallas tributaires. Ras Adal, le libérateur
de Cecchi. Il espère recevoir de lui tout ce dont il aura besoin.
M. Soleillet est revenu de Kaffa au Choa, rapportant de son voyage de trois mois
de nombreux renseignements géographiques et ethnographiques. En rentrant à
Ankober, il a appris que le pacha de Zeïla, Abou-Beker, avait formé le projet de le
faire assassiner, comme Lucereau et Arnoux. Ménélik, désigné par le négous pour
lui succéder, enverra en France une ambassade qu'accompagnera M. Soleillet.
M. Franzoï, rédacteur de la Gazette de Turiny fait dans ce moment un voyage
en Abyssinie et au Choa. Ménélik l'a reçu à Debra-Beheran.
MM. Binns et Wray, missionnaires de la station de Rabaï, près de Mombas, se
sont avancés dans l'intérieur jusqu'au village du chef Mouakimsoutou, sur le ver-
sant occidental d'une montagne de 1500™ de hauteur, à plus de dix journées de mar-
che de la côte. Le bon accueil du chef, les a engagés à y construire une habitation,
pour laquelle le bois et le fer avaient été apportés par la caravane.
Les troubles du Soudan ayant rendu les Arabes de l'Ouganda plus audacieux*
les missionnaires romains ont quitté temporairement Roubaga, et sont allés fonder
deux nouvelles stations à l'extrémité S.-E. du Victoria Nyanza.
M"'*' Last, femme du missionnaire de Mamboïa, et la première Anglaise qui ait
résidé si avant dans l'intérieur, est morte des suites d'une insolation.
M. Hannington, un des missionnaires anglais destinés à renforcer la station de
l'Ouganda, a dû revenir en Angleterre pour cause de santé. Aux dernières nouvel-
les, ses collègues se disposaient à traverser le lac pour se rendre à Roubaga.
Le Henri Wright^ destiné au service des missions anglaises de la côte orientale
d'Afrique, est parti pour sa destination le 5 mai.
L'association internationale africaine a envoyé M. Beine remplacer M. Maluin,
obligé par la maladie de revenir en Europe.
M. Bloyet, chef de la station du Comité national français à Condoa, signale une
iiV^ursion des Mafitis à cinq jours de marche du village. Cette peuplade turbu-
— 188 —
lente, dont les méfaits sont nombreux, a détruit un grand village, et massacré ou
réduit en esclavage une partie de la population. M. Bloyet travaille à la carte de
POusàgara, et enverra prochainement de nouvelles collections.
Les missionnaires romains de Bagamoj'O ont fondé à Mrogoro une nouvelle sta-
tion qui prend déjà un certain développement ; les cases primitives de torchis et
de chaume sont successivement remplacées par des constructions en pierre ; le
terrain couvert de broussailles et de forêts se défriche, et sera planté d^ caféiers.
Le bateau de sauvetage, transporté par sections de Zanzibar au Tanganyika,
par la caravane des missionnaires anglais, sous la direction de M. Hore, est arrivé
à Oudjidji le 23 février. Dès qu'il aura été remonté, le Rev. Dineen se rendra à
Pextrémité sud du lac, où il choisira un emplacement pour une nouvelle station,
et fera les préparatifs nécessaires pour la réception du vapeur la Banne Nouvelle^
amené par la route du Nyassa au Tanganyika.
Le Créole annonce que Pétablissemeut de signaux optiques entre la Réunion et
Maurice a réussi.
M. Antonio Cardoza, lieutenant de vaisseau de la marine portugaise^ et ancien
gouverneur de Quilimane et d'Inhambane^ est rentré en Europe pour se reposer
d'un voyage d'exploration de huit mois, exécuté par ordre de son gouvernement.
D'Inhambané il s'est dirigé, par Mulama et Pachano, vers la chaîne de montagnes
qui court ensuite au nord. Il a atteint Maringa, traversé le Sabi, et est arrivé à
Goanha dans le voisinage du kraal d'Oumzila. De là il à descendu le Gorongosa,
puis il est revenu à Inhambané en suivant^e littoral.
Une réunion nombreuse de membres de la Société de géographie de Lisbonne,
de commerçants et d'industriels portugais, convoquée par M. l'ingénieur Machado,
s'est occupée de la question du chemin de fer de Lorenzo Marquez à Pretoria.
Daus la séance d'ouverture du Yolksraad du Transvaal, le secrétaire d'État a
annoncé que, dans l'opinion du gouvernement, le moment était venu d'ouvrir des
négociations avec l'Angleterre, en vue de modifier la convention par laquelle le
Transvaal a recouvré son autonomie sous la suzeraineté de S. M. la reine Victoria.
Lord Reay, écossais d'origine et hollandais de naissance, actuellement pair
d'Angleterre, vient d'être nommé commissaire du gouvernement au Transvaal,
avec des pleins pouvoirs pour traiter toutes questions et conflits qui pourraient
surgir entre les Boërs, les* Bechuanas et d'autres tribus.
Un corps de partisans de Cettiwayo a fait irruption dans le Transvaal.
Deux missionnaires allemands, MM. Schroeder et Hocrmann, ont été assassinés
dans le Zoulouland.
Les églises du Lessouto ont célébré, le 31 mai, le cinquantième anniversaire de
la fondation de la mission française dans ce pays. — M. Paul Germond, a dû quitter
temporairement sa station de Thaba Mor(ina, pour venir en Suisse se reposer de
ses travaux de 23 années au service de cette mission. — Un armistice a été conclu
entre les partisans de l'indépendance du Lessouto et ceux de la soumission. à
l'autorité anglaise.
Une société s'est formée en Angleterre, sous les auspices de plusieurs philan-
— 189 —
thropes chrétiens, pour établir une sorte de coioiiie chrétienne dans PAfrique
méridionale, d'après les principes déjà appliqués dans divers pays païens par les
Frères Moraves. Le gouTernement de Natal a accordé à cette société 3,400 acres
de terrain à des conditions avantageuses. Six familles chrétiennes ont déjà été
établies sur ces terres, et d^autres se préparent à suivre ces pionniers. Mais le gros
de la colonie consistera en jeunes gens des deux sexes, âgés d'à peu près 15 ans,
pris dans la classe indigente de l'Angleterre et préalablement formés à diverses
industries.
Le vapeur le Henry Beed destiné au service de la « Livingstone inland mission, »
sur le cours moyen du Congo, a dû quitter l'Angleterre en juin. M. Billington
missionnaire ingénieur qui^ en a dirigé la construction, l'accompagne, et, après
l'avoir fait transporter par sections à Stanley Pool, devra le faire remonter. Les
missionnaires se sont assuré un terrain, et ont fait construire une maison et un
hangar pour cette opération. Ils n'auront pas là de station permanente, les mis-
sionnaires baptistes en ayant déjà une à Léopoldville.
D'après une communication faite à la Société de géographie de Stockholm^
l'expédition de M. Rogozinsky, qui devait explorer la région encore inconnue com-
prise au sud des sources du Faro et du Bénoué, en partant du golfe de Guinée,
n'aura pas lieu. Un de ses membres, M. le capitaine Een, voyageur suédois, s'est
rendu auprès de Stanley sur le Congo.
La Compagnie française de l'Afrique équatoriale a fait prier le ministre de la
marine d'envoyer un navire de guerre à Brass, à l'embouchure du Niger, où elle
possède aujourd'hui une vingtaine de factoreries.
Les négociations entamées entre l'Angleterre et le Portugal au si^et de AVhydah,
ont eu des inconvénients pour le commerce de la localité. Le roi du Dahomey,
prenant ombrage du projet des Portugais de la céder aux Anglais, a consigné
dans leurs maisons tous les blancs de ses états. Le trafic est ainsi suspendu.
M. J. Barber, explorateur indigène, est revenu du Niger à Cape Coast Castle.
Les négociants de Cape Coast Castle ont conçu le projet de faire construire un
chemin de fer, de la côte à Denkira dans le pays des Achantis, et ont demandé
au gouverneur, Sir Samuel Kowe, l'autorisation de constituer pour cela une com-
pagnie. Ils sollicitent du gouvernement une garantie d'intérêt de 5 °lo.
Le gouverneur de la Côte d'Or ayant reçu plusieurs députations d' Achantis, a
envoyé deux délégués^ MM. Kirby et Barrow, pour visiter les districts agités de
ce pays. Ils doivent recueillir tous les renseignements possibles sur la situation
actuelle des affaires dans l'Achanti, et sur les questions qui divisent le roi et ses
sujets. Cette mesure avait d'ailleurs été sollicitée par le roi lui-même, qui avait
dernièrement envoyé un agent confidentiel à Sir Samuel Rowe, pour le prier de
déléguer quelques officiers chargés de faire une enquête.
Les troubles du Cayor sont terminés ; le chef Samba Lobé a fait sa soumission
entre les mains du gouverneur du Sénégal, M. Servatius, qui lui a accordé l'auto-
risation de retourner dans le Cayor comme simple particulier.
Une ligne télégraphique sera établie pour relier Saldé à Bakel, afin de complé-
— 190 —
ter les communications télégraphiques avec le haut fleuve, et de faciliter les rap-
ports commerciaux de Dakar, Rufisque et Saint-Louis avec Bakel, centre impor-
tant où se font, à Pépoque de la traite de la gomme, de nombreuses transactions
par rechange de marchandises françaises contre les produits indigènes.
La commission du budget des Chambres françaises a décidé d'accorder de nou-
veau quatre millions et demi, pour la continuation de la voie ferrée de Ehayes à
Bafoulabé, réservant la question du prolongement jusqu'à Bamakou.
Le marquis Risoal, directeur du journal espagnol El Dia, vient d'envoyer au
Maroc une expédition chargée d'explorer l'intérieur du pays, surtout la côte
méridionale, de nouer des relations commerciales avec les indigènes, et de prépa-
rer les voies à l'influence colonisatrice de l'Espagne.
D'après VAUgemeine Zeitung, Tanger a encore un marché d'esclaves, où les prix
indiqués sont de 275 fr. pour une esclave, 175 fr. pour un garçon de 8 ans, et
270 fr. pour une jeune fille de 20 ans. L'expédition espagnole d'exploration au
Maroc a signalé des marchés semblables à Tetouan et à Rabat. Le nombre des
esclaves vendus annuellement dans cette dernière ville est évalué à 800.
L'ESCLAVAGE A MADAGASCAR
(Suite et fin. — Voir p. 170.)
Quoi qu'il en soit de la traite des Mozambiques, les esclaves Zazas-
Hovas et Andevos sont loin d'être égaux entre eux. Non seulement le
mariage n'est pas permis entre un homme libre et une esclave, mais les
Zazas-Hovas qui, d'hommes libres qu'ils étaient sont devenus esclaves
pour insolvabilité ou pour quelque autre cause, ne contractent pas
mariage avec les esclaves proprement dits, les Andevos, dont ils se tien-
nent séparés, les regardant comme leurs inférieurs.
De même, les esclaves du souverain se distinguent de ceux des chefs et
des particuliers. Les premiers se divisent en Malgaches et en Noirs; les
Malgaches remplissent les fonctions d'écuyers, de pages, de valets de
chambre et peuvent épouser des femmes libres; les Noirs servent dans
l'armée, et peuvent y arriver à des grades élevés ; il y en a qui sont offi-
ciers du palais, d'autres occupent des emplois civils. Les esclaves des
chefe occupent une position supérieure à celle des esclaves des simples
hommes libres, et ceux des honmies libres sont estimés à un plus haut
prix que ceux des soldats ; si, par exemple, l'esclave d'un homme libre
s'enfuit et est repris, le propriétaire doit payer 10 shellings à celui qui
l'a repris, tandis que, s'il s'agit de l'esclave d'un soldat, celui-ci ne doit
donner que 7 shellings à celui qui le lui ramène. Parmi les esclaves delà
— 191 —
même classe, le droit d'aînesse joue un certain rôle; ainsi, dans un
voyage, de deux frères esclaves, c'est toujours le plus jeune qui, si ses
forces le permettent, doit porter tout le bagage. Il y a aussi des esclaves
qui possèdent eux-mêmes des esclaves.
Quant à la cou^^tion des esclaves en général, elle était sans doute
autrefois plus dure qu'aujourd'hui. Nous ne pensons pas que l'on
rencontre encore à Madagascar des scènes semblables à celle dont
M. Désiré Charnay fut témoin en 1862, sous le règne de la reine
Rasouahériua. Un matin il fut réveillé par le son d'une cloche sinistre,
appelant au travail des esclaves de la reine, rebelles et fugitifs, et par le
bruit de chaînes lourdement traînées, sur le sol d'une cour où se
déroulait une longue colonne de nègres attachés deux à deux; leurs
jambes, également reliées par de gros anneaux, ne se mouvaient qu'avec
peine ; leurs pas ne pouvaient dépasser la longueur de leurs pieds ; des
guenilles informes couvraient leurs membres déchirés; quelques-uns
n'avaient pour tout vêtement qu'un lambeau de paillasson, noir dé
fange ; leurs figures étaient abruties par la souffrance.
Depuis la conversion de la reine Ranavalona II et d'une partie des
Hovas au christianisme, l'adoucissement des mœurs s'est fait sentir en
ce qui concerne l'esclavage. Et d'abord, dans leurs dernières expéditions
guerrières conti-e les SakaJaves, en 1873, les Hovas n'ont pas fait
d'esclaves comme précédemment; aussi les indigènes des territoires
envahis par les conquérants se demandaient-ils avec étonnement ce
qu'était la nouvelle religion de l'Imérina, pour qu'on ne les emme-
nât plus violemment comme esclaves. En outre, dans le cas d'un délit
politique commis par un Hova, sa femme et ses enfants ne sont plus,
comme autrefois, condamnés à être vendus. Quoique les Hovas soient
généralement d'une nuance moins foncée que les Sakalaves, le préjugé
de couleur n'existe pas à Madagascar, comme c'était le cas en Amérique,
où les blancs, s'estimant de beaucoup supérieurs aux noirs, s'arrogeaient
le droit de les posséder et de les maltraiter à leur gré. D'ailleurs, comme
nous l'avons vu, beaucoup de Hovas, de libres qu'ils étaient sont
devenus esclaves. Enfin, il n'y a pas de grandes plantations de coton ou
de cannes à sucre et de café, comme en Amérique, et, quand on parle de
l'esclavage à Madagascar, il ne faut pas se représenter des troupeaux
d ^hommes et de femmes travaillant dans de vastes plantations, toujours
tremblants sous le fouet d'un inspecteur brutal, ou craignant de voir
leurs enfants arrachés de leurs bras pour être vendus dans des parties
éloignées du pays. *
— 192 —
Sans vouloir amoindrir les maux qui découlent pour l'esclave du fait
seul de la perte de la liberté, et tout en admettant que les rapports qui
nous viennent de Madagascar respirent un peu le même esprit quQ ceux
qui, pour excuser l'esclavage aux États-Unis, représentaient les relations
entre mattres et esclaves, dans les États du Sud, comme tout à £ait
patriarcales, nous croyons qu'actuellement on ne trouve plus dans le
royaume des Hovas que l'esclavage domestique. Les esclaves sont géné-
ralement traités avec humanité, comme des membres inférieurs de la
famille, souvent même comme les enfants de la maison, et, d'autre
part, les esclaves âgés, hommes ou fehimes, sont considérés par les
enfants de leurs mattres comme des parents, auxquels ils donnent les
noms de a petit père » et de « petite mère. » A l'exception de ceux qui sont
attachés à la personne des mattres, pour les soins domestiques et pour les
travaux agricoles, que partagent souvent avec eux les femmes et les
enfants de la maison, beaucoup sont libres de leur corps et de leur
temps; on ne réclame d'eux qu'un simple honunage de vassalité le jour
de l'an hova (fête de Fandroana), l'apport d'un fagot, par exemple.
Dans la maison, on leur laisse une certaine liberté d'action; à table, ils
prennent part à la conversation de leurs mattres et donnent leurs avis
avec une assez grande liberté. Dans la campagne, ils possèdent leurs
champs de riz qu'ils cultivent pour eux et leur famille, et peuvent
ainsi se procurer la nourriture la plus nécessaire. A Antananarive il n'en
est pas de même, les terrains étant trop chers, mais ils ont d'autres
moyens de gagner de l'argent. Madagascar manquant complètement de
grandes routes et de voitures à roues, tous les transports de voyageurs,
de bagages et de marchandises se font à dos d'hommes, et par des
esclaves. Mais ceux-ci peuvent se louer comme porteurs, ainsi que comme
ouvriers, comme domestiques, et généralement pour toutes sortes de
travaux, en traitant directement avec ceux qui veulent les occuper.
U est vrai qu'il n'y a rien de fixe en ce qui concerne le quantum que
l'esclave doit remettre à son possesseur sur son gain ; parfois le mattre
n'en prend qu'une pai-tie, petite ou grande ; parfois il ne prend rien,
mais alors l'esclave doit louer un autre homme pour faire son service
auprès de son mattre ; parfois un mattre dur prend tout ; la loi lui en
donne le droit. L'argent gagné par l'esclave peut servir à le racheter,
quoique ce rachat lui soit très difficile, surtout lorsqu'il est marié et qu^il
a des enfants, le prix payé pour le travail étant extrêmement modique ;
en effet, pour une marche qui peut varier de six à huit heures par jour,
un porteur reçoit 60 centime?, et 20 centimes en sus pour sa nouiTiture.
— 193 —
Quant le propriétaire a prélevé sa part, combien l'esclave peut-il écono-
miser? Et combien d'années devra-t-il servir avant de pouvoir se
racheter? Quant à l'esclave loué comme domestique, nous ne savons pas
quel salaire il reçoit, mais ce doit être assez peu de chose, à en juger par
ce que rapporte M. Sewell (éditeur du Friend, journal de la mission
quaker) qui, après avoir eu à son service, pendant neuf ans, un homme
et une femme esclaves, dut payer, à son départ de l'île, 1500 francs
pour les affranchir; il ne paraît pas qu'ils eussent pu économiser beau-
coup sur leur salaire. La somme exigée pour le rachat des enfants étant
trop élevée, ceux-ci durent rester en esclavage. D'après l'organe de la
mission quaker qui, la première, a lutté contre l'institution de l'escla-
vage à Madagascar, et s'est eflForcée d'en adoucir les rigueurs, le prix
moyen de la rançon serait de 2250 francs pour un mari, sa femme et deux
enfants. Mais ici encore il n'y a rien de fixe; tout dépend du plus ou
moins d'humanité du propriétaire. Aussi n'a-t-on eu que rarement
recours au rachat. Les missionnaires romains cependant ont racheté des
enfants pour leurs orphelinats.
Quelque patriarcal que puisse être le traitement des maîtres à l'égard
de leurs esclaves, il n'est pas moins certain que ceux-ci sont la propriété
de possesseurs qui peuvent les vendre selon leur bon plaisir, par con-
trat privé, séparant soit la femme de son mari soit les enfants de leurs
parents *. Quoique la vente des Mozambiques ait été interdite, celle des
Zazas-Hovas et des Andevos est autorisée, entourée toiyours de quelques
formalités légales pour en écarter les traits les plus odieux. Le posses-
seur d'esclaves peut les vendre à telle personne qui en a besoin pour son
propre service, sans toutefois séparer les ^'ewwe« enfants de leurs parents ;
acheteur et vendeur doivent se rendre à un bureau désigné par le gou-
vernement pour y faire enregistrer la vente. En outre, les propriétaires
d'esclaves de la province d'Imérina ne peuvent pas les faire vendre dans
les provinces lointaines ; et celui qui loue des esclaves ne peut pas les
* M. Cameron, correspondant du Stcmdard^ lui écrit : Il y a encore à Antananarive,
tous les vendredis, jour où se tient le grand marché de la semaine, une place pour
les esclaves; hier j'y ai vu plus de 150 personnes mises en vente. C'étaient surtout
des jeunes garçons et des jeunes filles; leur expression de désespoir, pendant que
les acheteurs les tâtaient, examinaient leurs dents, les faisaient marcher ou courir,
faisait pitié. J'ai vu des scènes lamentables, de mères pleurant lorsqu'elles étaient
séparées de leurs enfants, et d'enfants criant amèrement de devoir quitter leurs
compagnons d'enfance.
— 196 —
charité propagé par le christianisme aura pénétré la masse du peuple
Hova, que la législation pourra abolir Tesclavage qu'elle sanctionne
encore. Aussi importe-t-il qu'aux efforts faits tout spécialement par les
missionnaires quakers, dignes descendants des Fox, des Penn et des WU-
berforce, les agents des Sociétés de Londres et de l'Église d'Angleterre,
ainsi que ceux des missions norwégienne et romaine qui travaillent dans
rtle, joignent les leurs, pour entraîner la mission indigène à renoncer à
l'esclavage, et à agir de manière à faire comprendre h tous que, quelle
que soit la bonté du maître pour ses esclaves, elle ne supprime pas l'in-
justice de l'institution, et que le travail honore celui qui l'accomplit.
Quoi qu'il en soit, la question de l'attitude que les missionnaires anglais
ont à prendre en face de l'esclavage a été traitée dans une réunion de la
« Society for promoting Christian knowledge, » où Sir Bartle-Frere a
fait comprendre aux missionnaires qu'un jour viendra, où ils remercie-
ront ceux qui signalent ce mal pour le faire disparaître de l'église. Mada-
gascar est la seule des missions de l'Église anglicane où im missionnaire
anglais ait ou emploie des esclaves. Partout ailleurs en Afrique, à Zan-
zibar comme à Magila et à Mombas sur la côte orientale, à Sierra Leone
conmie à Lagos sui* la côte occidentale, dans les régions où l'atmo-
sphère est le plus imprégnée des influences de l'esclavage, où les agents
des missions sont eux-mêmes des esclaves rachetés, les missionnaires
n'emploient que des serviteurs ou des travailleurs libres. Dans les cir-
constances particulières où se trouve Madagascar, au moment où les
Anglais reprochent aux Français d'agir contre le gouvernement Hova,
en vue de pouvoir tirer de cette île des esclaves pour leur colonie de la
Réunion, rien n'est plus propre à étouflFer la sympathie des philanthropes
anglais pour les Malgaches, que le maintien de l'esclavage et l'emploi
d'esclaves par des agents et des missionnaires de l'Église anglicane. Si
ces derniers ne peuvent pas ouvrir une croisade contre cette institution,
qu'au moins ils adoptent comme devise : « Pour nous et nos familles
nous ne nous semrons pas d'esclaves. » Comme le dit M. Cust, si l'on
appuie les missionnaires non conformistes dans leurs réclamations auprès
de la reine, pour qu'elle décrète l'enregistrement des esclaves rachetés
et fixe un prix raisonnable auquel le rachat ne pourra pas être refusé,
on ne tardera pas à voir la fin de l'institution servile à Madagascar.
— 197 —
NOTE SUR LA CARTE DE LA SÉNÉ6AMBIE AU NIGER '
Depuis un certain nombre d'années, la France a compris que le déve-
loppement de sa colonie du Sénégal dépend de celui des communications
avec le Niger, et elle a multiplié les expéditions qui peuvent assurer l'ou-
verture de la voie de ce grand fleuve, sur lequel la navigation à vapeur
ne tardera pas à être établie. Il nous a paru qu'une carte qui donne-
rait l'état des connaissances actuelles, pour le grand triangle compris
entre Saint-Louis, Freetown et Tombouctou, ne manquerait pas d'intéres-
ser nos lecteurs, d'autant plus, qu'à notre connaissance il n'en existe
pas de bien satisfaisante pour cet ensemble. Nous avons voulu, en
même temps, mettre sous leurs yeux les quatorze itinéraires suivis par
les principaux voyageurs, de Mungo-Park à Borguis-Desbordes.
Quant aux communications, le chemin de fer à travers le Cayor
conduira bientôt de Dakar à Saint-Louis, et permettra d'éviter les
obstacles que l'on rencontre pour débarquer à l'embouchure du Séné-
gal, dont l'accès est rendu difficile par une barre. De là les vapeurs peu-
vent atteindre Khayes pendant trois mois de l'année. Aussi est-ce de ce
dernier point que partira une nouvelle section de la voie ferrée, qui se
construit en ce moment et qui mènera directement à Bafoulabé; elle
sera probablement prolongée plus tard jusqu'à Bamakou, sur le Niger.
Une ligne praticable de 1600 kilomètres sera donc ouverte, et, si
l'on y ajoute la partie navigable du Niger en aval de Sotuba, près de
Bamakou, qui ne compte pas moins de 1200 kilomètres, on comprendra
toute l'importance des travaux qui permettront sous peu de pénétrer
jusqu'au cœur du Soudan, détournant ainsi vers Saint-Louis le mou-
vement commercial de Tombouctou qui, à l'heure actuelle, suit la voie
du Nord par le Sahai*a, le Maroc et TripoU.
D'autre part, au point de vue géographique et commercial, les tenta-
tives faites plus au sud, dans le Fouta-Djallon et le bassin supérieur du
Niger, ne présentent pas moins d'intérêt. Notre carte, dressée d'après
les publications les plus récentes des Mittheilungen de Gotha, fait ressor-
tir tout ce qui reste à découvi*ir dans cette région : les affluents de
droite du Haut-Niger sont inconnus ; les données que nous possédons sur
la zone située entre l'itinéraire de Caillé et celui d'Anderson, de même
que sur le Ehabou, et les pays des Soussous et du Mindi, sont très
^ Voir la carte qui accompagne cette livraison.
— 198 —
approximatives. Espérons que des imitateui-s prochains de Zweifel,
Moustier, Gouldsbury, Sanderval, etc., nous fourniront des renseigne^
ments sur ces régions importantes. Nous en attendons de Zweifel lui-
même, qui s'est remis en route pour les sources du Niger.
CORRESPONDANCE
Au rédacteur de V Afrique,
Lisbonne, 9 juin 1883.
Dans votre excellent journal V Afrique explorée et cmlisée, du 6 de ce mois, je
trouve, Monsieur, cette nouvelle complémentaire :
« L'ambassadeur anglais à Lisbonne a dû faire au gouvernement portugais des
représentations, sur le mode de recrutement des travailleurs pour Plie Saint-Thomas.
On les prend dans l'intérieur, puis on les amène à Benguela ou à Novo Redondo,
où, au vu et au su des autorités, on les vend à des agents de l'île, de 4 à 6 liv.
sterl., en marchandises, pour cinq ans, à l'expiration desquels il devrait être
pourvu au retour de ceux qui voudraient rentrer dans leur patrie; mais cela n'a
jamais lieu; ils doivent se réengager forcément et ne peuvent jamais devenir tra-
vailleurs libres. »
J'ignore, Monsieur, si l'ambassadeur anglais à Lisbonne a fait ou dA faire des
représentations à ce sujet, mais je peux vous affirmer que, pendant ma résidence
à Loanda et à Saint-Thomas, on a observé strictement les prescriptions de la loi
qui règle à présent le travail libre, et je vous assure, avec l'autorité de mes connais-
sances pratiques, que :
1° Les travailleurs engagés dans l'intérieur de la province d'Angola sont consi-
dérés sous tous les rapports comme des hommes libres, et ceux qu'on amène
d'autres pays, quand ils arrivent dans nos possessions, le sont également. Ainsi,
les uns et les autres, sous la garde des lois portugaises, sont engagés pour le
compte du propriétaire devant les autorités respectives, afin de servir dans les
fermes de la province d'Angola ou de celle des îles de Saint-Thomas et du Prince.
2^ Les autorités qui ont, d'après la loi, le devoir de faire les contrats et de les
faire observer rigoureusement, sont nommées par le gouvernement, et ne peuvent
jamais admettre une condition qui ne soit pas prévue par la loi.
3** Les travailleurs qui sont engagés pour Saint-Thomas ne peuvent s'embarquer
qu'après avoir fait ce contrat, et ne peuvent pas commencer leur travail sans que
le dit contrat ait été ratifié par les autorités compétentes de l'île.
4? Les premiers travailleurs engagés en vertu de cette loi l'ont été en 1877,
après la prise du brick Ovarense à Sierra Leone, prise considérée comme illégale
par les tribunaux anglais à Londres; par conséquent ces contrats ne sont échus
que maintenant. Je sais qu'il n'y a eu qu'un nombre très limité de travailleurs qui
— 199 —
aient voulu retourner dans la province d'Angola, et pas un dans son pays à l'inté-
rieur, ce queje n'admire pas; ils ont fait leur choix en toute liberté ; presque tous
ont préféré de nouveaux engagements et sont restés dans Pile, où ils s'habituent
à vivre en bonne harmonie avec les Européens, jouissant de tous les bénéfices qui
résultent des lois d'un pays humain et civilisé comme le Portugal.
5*^ Les Erooboys de Libéria et les naturels d'Accra qui, à la fin de 1875 et 187G
ont été engagés pour les travaux agricoles de Saint-Thomas, fourniraient beaucou])
d'exemples à l'appui de mes assertions. La plupart de ces gens, rapatriés à l'ex-
piration de leur contrat, sont retournés librement dans Plie quelques mois après,
pour s'engager de nouveau, en déclarant qu'ils préféraient les possessions portu-
gaises, ne trouvant nulle part ailleurs des avantages et des salaires équivalents.
6® Les agents qui vont chercher des travailleurs à l'intérieur de l'Afrique ont
besoin certainement, comme vous le savez bien, de donner des présents et des
gratifications aux chefs et aux roitelets des territoires d'où ils tirent ces indigènes,
et de ceux par lesquels ils transitent ; en outre, ils doivent fournir des aliments et
des vêtements aux engagés et payer d'autres frais encore, jusqu'au moment de
leur 'embarquement sur les paquebots à destination de l'île; à toutes ces dépenses
s'ajoute naturellement leur commission; mais l'argent qu'ils dépensent ne peut
être considéré, en aucune manière, comme le prix de vente d*un esclave, ainsi qu'on
pourrait le déduire de votre « nouvelle, » sûrement due à des renseignements
erronés.
Je vous prie. Monsieur, de publier ces informations dans votre prochain numéro ;
j'en prends Pentière responsabilité et vous prie d'agréer mes salutations empres-
sées. Henrîque de Carvalho.
En regard de la lettre qui précède, on nous permettra de donner m extenso,
pour notre justification, le texte du document officiel dont notre « nouvelle »
n'était, comme on en pourra juger, que le fidèle résumé. Il est extrait des Dépêches
sur la traite, soumises au Parlement anglais dans le Blue-Book de janvier 1882 à
mars 1883, sous le n^ 53.
M. Baring à Senhor Serpa.
Lisbonne, 7 décembre 1882.
M. le Ministre, le premier secrétaire d'État de S. M. pour les affaires étrangères
m'a chargé d'attirer l'attention du gouvernement de S. M. Très Fidèle, sur le sys-
tème adopté dans Pile de Saint-Thomas, pour fournir aux planteurs des travail-
leurs indigènes du continent africain.
Pendant les deux dernières années, 3000 personnes des deux sexes ont été
importées dans Pile.
On les prend dans l'intérieur (they are first captured in the interior), puis on
les amène à Novo Redondo et à Benguela, où on les vend aux agents des planteurs
de Saint-Thomas, à des prix qui varient de 4 à 6 liv. sterl. en marchandises. Ils
sont enregistrés et engagés par Pautorité gouvernementale pour une période de
— 200 —
cinq ans, à l'expiration desquels on doit fournir le passage de retour à ceux qui
veulent retourner dans leur pays. Comme l'offre n'est jamais faite, ou que l'occa-
sion n'est jamais offerte, ils ne peuvent jamais quitter l'tle; ils sont donc obligés
de s'engager de nouveau, et ne deviennent jamais travailleurs libres.
n est vrai que, généralement, l'on prend grand soin de ces travailleurs, et que les
autorités font preuve d'un zèle recommandable à veiller à ce qu'ils reçoivent
régulièrement leur salaire mensuel. Les plaintes pour abus ou mauvais traitements
de la part d'employés sont aussi soigneusement examinées.
Toutefois, le gouvernement de S. M. en admettant pleinement les bons traite-
ments accordés aux soi-disant immigrants à leur arrivée à Saint-Thomas, a de
bonnes raisons de craindre que le procédé employé actuellement, pour recruter
des travailleurs, n'encourage directement les chefs indigènes à entreprendre des
guerres et à faire des prisonniers dont ils puissent disposer à leur profit.
En conséquence, lord Granville m'a chargé de faire à Y. Exe. des représenta-
tions à ce sujet, et j'ose vous exprimer l'espoir que, dès que les faits arriveront à
la connaissance du gouvernement de S. M. Très Fidèle', des mesures seront prises
pour prévenir les maux qu'appréhende le gouvernement de S. M. *
(Signé) Walter Baring.
BIBLIOGRAPHIE '
Société française et afeicainb d'encouragement. Rapport annuel
du P' mars 1882 au 1*' avril 1883. Paris (Imprimerie Chaix), 1883,in-8%
12 p. — Nous avons annoncé, il y a environ un an (III année, p. 267),
la fondation de la « Société française et africaine d'encouragement, »
destinée à venir en aide, par tous les moyens en son pouvoir, à la grande
cause du relèvement de l'Afrique par le christianisme. Son premier rap-
port rend compte de l'activité déployée par le Comité en faveur de la
mission du Zambèze, sous les ordres de M. Coillard, des émigrés des
Hautes-Alpes aux Trois-Marabouts dans la province d'Oran, de la mis-
sion du Sénégal dirigée par M. Taylor, et de celle du Lessouto. Les
objets fournis à ces vaillants pionniers du christianisme et de la civilisa-
tion : canot portatif, tente perfectionnée, graines de plantes et arbres
fruitiers, armes de chasse, secours en vêtements, linge, médicaments^
etc., répondent bien au but de la Société d'encouragement, d'améliorer
le plus possible leur sort matériel et leurs moyens d'action.
' On pent se procurer à la librairie Jules Sandoz, 13, rue du Rhône, à Genève,
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
^rce e/cwiiisée N?7. JuMetJSSS.
— 201 —
BULLETIN MENSUEL (6 août 1883.y
M. Tinnan, gouverneur général de rAlsérte, a obtenu du gouver-
nement la présentation d'un projet de loi, pour convertir, en un capital
immédiatement disponible de 50 millions, le crédit de 2 ou 3 millions
inscrit chaque année au budget pour la colonisation de TAlgérie. Cette
somme sera employée à la création de 165 centres de colonisation. Pour
prévenir le retour d'abus comme ceux qui se sont produits dans des cas
analogues, les terrains enlevés aux indigènes par voie d'expropriation
devront leur être payés intégralement avant la prise de possession. Ces
nouveaux villages seront créés surtout en faveur des cultivateurs fran-
çais atteints par le phylloxéra. Le gouverneur général a reçu plus de
22,000 demandes de concession, provenant pour la plupart des dépar-
tements phylloxérés.
La question du canal de Suez est suffisamment traitée par les jour-
naux politiques, pour que nous puissions nous dispenser d'en parler.
Les rapports officiels publiés en Egypte, sur les événements du Sou-
dan, ne pouvant être accueillis avec une entière confiance, nous
extrayons des lettres de notre correspondant à Ehartoum, M. J.-M. Schu-
ver, ce qui nous paraît le plus important. La région du Nil-Bleu est tran-
quille. La garnison de Sennaar a remporté un avantage sur les partisans
du mahdi, qui étaient revenus se fixer dans les monts Moyé et Sagadi, à
rO.-S.-O. de Sennaar. Le 23 mai, le général Hicks est rentré de Kawa
à Ehartoum, estimant que, pour le moment, l'ouverture de la campagne
du Eordofan n'est pas possible. M. Schuver craint que, pendant cette
période d'inactivité et de pluies, quantité de soldats ne soient mis, parla
maladie, hors d'état de reprendre les armes quand il faudra commencer
une nouvelle campagne. Une partie des tribus du Kordofan semble vou-
loir se soumettre, mais notre correspondant ne s'y fie pas. — Des Grecs
d'El-Obéid sont devenus musulmans et reçoivent, par tête, chaque mois,
70 fr. pour leur subsistance. Un Syrien, nommé Stambouliades, en grande
faveur auprès du mahdi, les protège, ainsi que les autres Européens.
Loin de se laisser abattre par la défaite de ses adhérents, Mohamed
^ Les matières comprises dans nos Bulletins mensuels et dans les Nouvelles com-
ptëmentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à PEst, longeant ensuite la côte orientale du'continent et
revenant par la côte occidentale.
L'AFRIQUE. — QUÂTRlàXE ANNÉE. — N^ 8. 8
— 202 —
Ahmed a envoyé de nouvelles lettres à Khartoum pour annoncer sa pro-
chaine arrivée. Le général Hicks fait traofifonn^ les travaux de défense
du précédent gouverneur, Abd-el-Kader, en enceinte formidable, pourvue
de bastions à feux croisants \ Ces renseignements s'accordent avec ceux
que transmet à un journal arabe d'Egypte , le Mar-elrAschvak, un de
ses correspondants de Khartoum, d'après lequel le mahdi réunit ses par-
tisans et se dispose à prendre Tofiensive contre les troupes égyptiennes,
que les pluies empêchent de manœuvrer et tiennent enfermées dans
Khartoum. Ce même journal signale la présence au Soudan d'un repor-
ter du Daily Newe^ M. W.-C. Donovan, qui semble être en même temps
chargé par le gouvernement britannique d'une mission particulière.
D'après ce reporter, et contrairement à tout ce qui a été dit jusqu'à pré-
sent, le mahdi travaillerait à l'abolition de l'esclavage. Mgr Sogaro, qui
a été obligé par le climat de Khartoum de revenir au Caire, n'est pas de
cet avis. Il a écrit de Souakim, aux Missions catholiqties, que, d'après
les dires de quelques négociants grecs venus du Sennaar, les missionnai-
res prisonniers du mahdi ont été achetés par un cheik, qui compte en
faire une spéculation en exigeant d'eux une forte rançon. On hésitait
d'abord à vendre lé supérieur, le R. P. Louis Bonomi, mais, à la fin, il
fut cédé à un prix quadruple des autres. Toutefois, ces nouvelles méritent
confirmation. Le bruit qui avait couru, et d'après lequel le mahdi aurait
fait massacrer les chrétiens prisonniers, a été démenti par l'agence Ste-
phani, sur des nouvelles reçues de Khartoum. Le général Hicks a télé-
graphié au Caire que les missionnaires italiens sont tous vivants.
Le D' Schweinfùrth, au Caire, et M. Hansal, à Khartoum, ont reçu
d'JEmin-bey et du IF «innkep des lettres dont nous ne pouvons don-
ner qu'un extrait. Le courrier qui les a apportées de Lado au Caire n'a
mis que 45 jours pour franchir cette distance de 3000 kilom. Sous l'admi-
nistration d'Emin-bey, les provinces équato(riales deviennent une source
de revenus pour le gouvernement égyptien. D a su inspirer aux indigè-
nes le goût du travail ; le blé, le maïs prospèrent; les arbres friiitiers des
Indes, le bambou de Birmanie et de Chine ont été introduits et répandus
le plus possible ; des animaux domestiques : dindes, canards, oies, lapins,
etc., ont été acclimatés. Les magasins du gouvernement regorgent des
produits du pays : ivoire, tamarin, plimies d'autruche, beurre de Galam,
* D'après le Moming Post, des pourparlers ont lieu entre des émissaires
anglais et le faux prophète, relativement à la cession de Kbartoum, et à l'établis-
sement d'un royaume nègre sur le Haut-Nil sous le protectorat de PAngleterre.
— 203 —
huile d'arachides, peaux, etc., dont Emin-bey envoie à Khartoum des
quantités considérables. Profitant des conseils du D' Junker au sujet des
lacilités offertes pour le transport des produits du pays des Mombouttous,
par rOuellé et le Eibali, il en a abrégé de beaucoup la durée. Après avoir
reconnu la route du Kalika au Nil \ il a fait une excursion par Bimo et
Kabayendi vers Touest, pour visiter le pays du sultan Mbio. Mais, en y
arrivant, il apprit que ce prince, malgré les promesses de Lupton-bey,
gouverneur du Bahr-el-6hazal, de s'abstenir de toute mesure violente à
son égard, avait été attaqué et fait prisonnier parles forces réunies dans
cette province. Eu outre, les Denkas, dans le voisinage de Djour-Ghattas,
résidence de Lupton-bey , et les Bongos qui habitent plus au sud, s'étaient
révoltés contre le gouverneur, qui s'était trouvé dans l'impossibilité
d'envoyer à Slatin-bey, au Darfour, les renforts que celui-ci demandait
contre les partisans du mahdi. Emin-bey a dû établir une nouvelle route
par le Makaraka, Gosa, Mandouggou et Wau, pour l'échange des com-
munications entre Lado et le Bahr-el-Ghazal, Les envois jjie lettres, du
pays de Semif, oii a été le D' Junker, à Lado, et retour, se sont faits très
régulièrement, grâce à la fidélité des chefs nyams-nyams, auxquels Jun-
ker a su inspirer confiance, et qui se sont transmis consciencieusement
de l'un à l'autre toutes les dépêches adressées à l'explorateur, ainsi que
les caisses des collections envoyées par celui-ci, de chez Semio h Lado, sur
une distance de plus de 800 kilom. en ligne directe. Lado paraît devoir
devenir le centre des communications de cette partie de l'Afrique centrale
avec la Méditerranée et la mer Bouge. Aujourd'hui le trajet de Lado
au Caire se fait en 45 jours ; lorsque la voie ferrée unira Souakim à Ber-
bçr, il sera abrégé de 15 jours. La lettre du D' Junker, du 1" août 1882,
à M. Hansal, ne contient pas ^e renseignements nouveaux sur ses explo-
rations dans le bassin de l'Ouellé, si ce n'est qu'étant parti de Eubbi
(voir la carte) pour se diriger vers le sud, il traversa le (Bomokandi ;
puis, continuant à marcher vers l'ouest par un chemin très difficile, il
passa la ligne de partage des eaux de cet affluent de l'Ouellé, et arriva
dans le territoire d'un prince mombouttou nommé Mombélé ; là il attei-
gnit, à 6 fortes journées de marche de Tangasi, la Népoko, cours supé-
rieur de rArouimi,< probablement à son coude le plus septentrional,
avant qu'elle tourne au S.-O. pour se rendre au Congo. Dans une lettre
adressée à Emin-bey, le D' Junker exprime le désir de se rendre à une
sériba de Bafal-Agha, au delà de l'Ouellé, dans le pays des Ababouas, à
l'ouest de Bakangal.
^ Voir la carte de l'exploration du D" Junker sur le Haut-Ouelié, p. 116.
— 204 —
VEgpIûratore a enfin reçu du capitaine Casati des lettres qui vont du
10 septembre 1881 au 13 avril 1883. Parti pour le Bahr-el-GhazaI, il a
exploré le pays des Âbacas, des Nyams-Nyams et des Bambas, visité les
séribas de Kubbi, de Gango et de Tangasi, et relevé le Bomokandi.
Retenu prisonnier chez le sultan Ssanga, il réussit à s'échapper et se
rendit à Eanna et à Bakangal, puis dans le territoire des Nyams-Nyams,
d'oii il tenta de pénétrer chez [les Ababouas, mais il ne put y réussir,
alors il campa le long de TOuellé, dont il fit le relevé, avec une escorte
de 30 hommes mis à sa disposition par Emin-bey.
L'expédition Godio-Pennazzl est rentrée en Italie, après avoir
exploré un territoire nouveau entre Kassala et Matama. De Souakim,
eUe atteignit Kassala par la route des caravanes, puis remonta le Gascb
jusqu'aux monts Sogoda, et, par le pays des Basons, elle arriva aux
monts Tokora et à la station d'El-Héféra sur le Taccazzé. Après une
excursion dans la niazaga d'Abyssinie, elle se dirigea vers le S.-S.-O.,
franchit le Salaam et parvint à Matama. Le retour s'opéra par la vaUée
de l'Atbara jusqu'à Kassala, et, delà, par la vallée de BarKa et par Keren
à Massaoua. L'expédition a fait d'importantes collections d'histoire
naturelle.
M. Aubpy a employé le temps pendant lequel l'expédition fi^nçaise
organisait à Ob€>ck sa caravane pour le Choa, à faire des études assez
complètes sur la nouvelle colonie française. Le plateau qu'elle occupe est
supporté par d'immenses falaises, et coupé par une vallée terminée par
un delta oU aboutissent les torrents ; au delà, du N.-E. au S.-O, s'étend
une chaîne de hautes montagnes, dont M. Aubry a étudié la formation ;
il a en outre exécuté des sondages et fait des recherches pour trouver
de l'eau douce, et constaté la présence de sources chaudes et sulfureuses.
Dans son entrevue avec le sultan Mohamed-Anfari, Antonelli a
demandé à ce prince d'engager ses sujets à porter leurs marchandises à
Assab, de tenir ouverte une route allant de cette colonie italienne à
Ifat, dans le Choa, d'établir des stations le long de cette route, et de^
permettre aux Italiens de voyager librement et en toute sécurité sur le
territoire du sultan, qui punirait sévèrement tout Danakil coupable
d'injures envers un sujet italien, de même que les autorités italiennes
châtieraient tous ceux de leurs ressoilissants qui feraient tort à des sujets
d'Anfari. Celui-ci a répondu favorablement à ces demandes, et a promis
d'envoyer, avec l'expédition italienne, un de ses représentants au roi
Ménélik. Si celui-ci conclut un traité d'amitié avec le roi d'Italie, Anfari
signera de son côté une convention avec ce même souverain, et tous les.
— 205 —
Italiens qui voudront venir chez lui seront les bienvenus. — Ménélik a
€crit,à la Société italienne de géographie à Rome, une lettre en amhari-
<iue, dont Mgr Massaia a fait une traduction publiée dans le Bulleti7i de
cette société. Le roi attendait avec impatience Tarrivée d^Antonelli, pour
s'entendre avec lui au sujet des collections et des documents laissés par
le marquis Antinori, et sur lesquels il veille avec soin.
M. Soleillet a adressé de KaJTa, à M. le ministre de Tinstruction
publique de France, un rapport sommaire sur son voyage à partir
d'Obock. Nous y avons remarqué les particularités suivantes. De la mer
à l'Haouasch, le vaste plateau que Ton traverse rappelle, par ses gran-
des ondulations, sa flore et sa faune, les plateaux du Sahara. Au point
où Soleillet a passé THaouasch, par 10° lat. N. et 38° long. E. de Paris
environ, la rivière coule au milieu d'un massif volcanique, remarquable
par le grand nombre de sources thermales qui Tarrosent. D'Obock à
Kaffa, l'explorateur a constaté presque partout la présence du fer ;
mais les nombreuses pierres noires qui brûlent, au dire des indigènes, et
et qui ont fait croire à la présence de la houille, ne sont, du moins celles
qu'il a vues ou qu'on lui a apportées, que des pierres schisteuses ou des
lignites sulfureux. Partout encore, d'Obock à Kaffa, Soleillet a constaté
que la protection de Ménélik suflSt pour assurer la sécuiîté du voyageur ;
toutes les tribus recoimaissent son autorité. D'autre part, une lettre
écrite d'Ankober, depuis son retour du Eafi'a, donne des détails sur son
voyage et son séjour dans les territoires au sud-ouest du Choa. D'Anko-
ber, il a traversé de grands plateaux cultivés et couverts de pâturages,
et a atteint la Guébé, affluent de l'Oromo qui se jette dans l'Océan
Indien. Après l'avoir franchie, il est entré dans le Djema, royaume
musulman vassal du Choa, qu'aucun Européen n'avait encore visité. Le
eaféier y compose presque exclusivement le sous-bois des forêts ; les
fruits sèchent sur les arbustes sans qu'on songe à les ramasser ; la popu-
lation, qui ne fait pas de commerce à l'extérieur, n'en cueille que juste
ce dont elle a besoin pour elle-même. Le roi du Djema et sa mère fii'ent
bon accueil à M. Soleillet et lui donnèrent \ne escorte pour l'accompa-
gner jusqu'à Kaffa, où deux Européens seulement, M. d'Ao'cadie et
Mgr Massaia, avaient pénétré avant lui. Le Kaffa est formé d'un réseau
de petites vallées bien abritées, entourées de hautes montagnes ; à en
juger par la beauté de sa végétation, il doit être extrêmement fertile ; le
café y est indigène ; on l'y cultive en abondance; il y est très beau, très
bon et à vil prix. M. Soleillet est revenu à Ankober par le Guéra, le Limou
et le Goma, pays tributaii-es du Choa.
— 206 —
Des deux explorateurs qui se rendent au Victoria Nyanza par le Kllî-
kiidjapo, M. ë. Thornson a pris une route passant au nord de cette
montagne, tandis que le D' Flsohep en a suivi une qui Ta conduit par
le pied S.-O. de ce massif. Parti de Mombas, Thomson s'est rendu assez
rapidement à Mdara et à Boura, eu explorant, avec autant de soin que
le lui permettait la vitesse de sa marche, la région du Talta, Isi première
terrasse que Ton rencontre à partir de la côte, et sur laquelle ses con-
naissances géologiques nous promettent d'instructifis renseignements. De
Boura il s'est dirigé sur Taveta, pour remonter ensuite vers le nord, con-
tourner le Kilimandjaro, et atteindre la rivière Sabaki pour la remonter
et en explorer les sources. Le 5 mai il est arrivé à Dgare-na-Erobi, par
3*^5' lat. S. et 34% 40' long. E. de Paris. Là il apprit que le D' Fischer,
parti de Tanga par une route plus méridionale, n'était qu'à quelques
journées de marche en avant de lui. A la tête de 800 hommes (les 350 de
sa caravane, et sans doute ceux d'une autre caravane, à laquelle la
sienne s'étant adjointe), il s'était ouvert, parla force, une route à travers
le territoire des Masaïs, mais plusieurs de ceux-ci avaient été tués, entre
autres un de leurs chefs. Dans ces circonstances, et ne se sentant pas en
force pour tenter le passage au mDieu de ces tribus surexcitées, Thom-
son quitta de nuit Dgare-na-Erobi, revint à Taveta, oh il fit camper
ses hommes, puis redescendit, avec quelques-uns seulement, à Mombas
pour y prendre des renforts. Il comptait en repartir promptement pour
Taveta, et passer de là' à Aroucha, par une route au sud de celle qu'il
avait suivie dans sa première tentative.
Nous sommes sans nouvelles des expéditions internationales, non plus
que de celles des Comités nationaux français et allemand. En revanche
nous avons appris par une lettre de M. Ledoulx, consul de France à
ZajàadlMip que Mgr. Lavigerie a fait partir six nouveaux missionnaires
destinés à renforcer les stations du Victoria Nyanza, de Tabora, d'Oud-
jidji et du Massanzé. M. Ledoulx ajoute que les missionnaires romains
des stations de la côte ont enrichi la littérature souahéli, — qui, grâce aux
missions protestantes, possède déjà quelques livres élémentaires, — d'un
dictionnaire français-souahéli et souahéli-français, qui va être Uvré à la
publicité*. Cette œuvre a une importance' majeure, la langue souahéli
étant parlée du Cap Guardafui à Sofala, dans tout le territoire qui
s^étend de la côte au Tanganyika, et en outre à Sokotora, aux Comores,
à Mayotte, à Nossi-Bé et même à Madagascar.
* Nous rappelons quMl existe déjà des grammaires de la langue souahéli, par
Steere et Krapf, et que ce dernier en a laissé un dictionnaire qui est sous presse.
— 207 —
D'après une lettre de M. Maples au journal Central Africa, les mis-
sionnaires de MasAsi ne croient pas prudent de conserver cette station,
où la vie de leurs indigènes serait constamment exposée aux attaques
des Magwangwaras. Ils songent même à renoncer à l'annexe de Néou-
ala, et cherchent pour s'établir un point plus près de la côte. Un
moment ils ont eu l'intention de se transporter sur le plateau de
Makondé, au-dessus de la résidence du chef Matola, bienveillant à leur
égard ; mais l'incertitude sur la question de savoir si des forages pour-
raient y amener de l'eau potable les empêcha de rien décider à ce sujet.
Ils penchaient plutôt pour un établissement à Lilimbi, à une journée et
demie de la côte, à égale distance de Kimbaré et de Sudi. L'eau y est
abondante et excellente ; le sol fertile convient parfaitement à la culture
du riz et de la canne à sucre. A 8 kilomètres de Lilimbi se trouve
Msua, d'où l'on peut descendre en bateau jusqu'à Sudi, à 40 kilom.
Le chef de Lilimbi est un Makondé, nommé Chikambo, favorable aux
missionnaires. Les hommes envoyés à Lindi, pour y acheter des marchan-
dises destinées à obtenir la liberté des derniers captifs des Magwang-
waras, étaient attendus à Masasi, et devaient en repartir pour Ngoï.
Il résulte d'explications données à la Chambre des députés de Lis-
bonne par le ministre de la marine, que le gouvernement britannique a
adressé au Portugal une note, pour appeler l'attention du cabinet de
Lisbonne sur les périls que pourrait faire courir, aux missions anglaises
de Blantyre et de Livingstonia, la prolongation des hostilités entre le
chef CMpitula et les autorités portugaises , les nègres, dans leurs
guerres contre les Européens, traitant indistinctement tous les blancs en
ennemis. Au reste, au dire du ministre portugais, la prise d'armes de
Chipitula n'a pas l'importance que lui ont attribuée certains journaux.
Ce chef, poursuivant une de ses femmes qui s'était réfugiée au poste
portugais de Messingir, attaqua ce poste ; mais le gouverneur de Quili-
mane prit immédiatement les mesures nécessaires pour repousser cette
attaque. En outre, le gouverneur général de Mozambique lui envoya une
canonnière, qui a dû lui permettre d'agir vigoureusement et prompte-
ment poiur rétablir l'ordre dans ce district.
Laissant aux journaux politiques le soin de renseigner nos lecteurs sur
les incidents du conflit franco-malgache, nous compléterons ce que nous
avons dit dans nos deux précédents numéros sur l'esclavaiBi^e à. Mada-
gasear, paroles renseignements suivants que le missionnaire Moss, après
un voyage à Mandritsara et à Anonibé, a communiqués au journal The
Chrorticle, de la Société des missions de Londres. Un voyage avec un
— 208 —
missionnaire, dans une partie reculée de l'île, est considéré par Tesclave
comme une occasion favorable pour se soustraire aux tourments d'un
maître dur et tyrannique. Pour obvier à ce danger, il faut que l'esclave
présente au voyageur le consentement de son maître, par écrit, avant
de pouvoir être engagé pour Jie voyage. En outre, il faut envoyer aux
ofiBciei-s du gouvernement son nom et ceux de son maître et du voya-
geur, avant de pouvoir obtenir le passeport nécessaire. Mais ces précau-
tions servent à peu de chose, car l'esclave qui songe à s'échapper donne
des noms supposés, ou présente un faux certificat de consentement,
qu'on n'a pas le temps de changer ni même d'examiner. Pendant un
certain nombre de jours, tout va bien; puis l'esclave se dit malade, il
faut le renvoyer, le voyageur croit qu'il retournera chez son maître,
mais en réalité ce n'est pas son intention, et le maître ne le voit pas repa-
raître. Deux fois, pendant son voyage, M. Moss en a fait l'expérience. Je
ne sache rien, dit-il, de plus démoralisant, ni de plus contraire à tout
progrès dans les institutions sociales des Malgaches, que l'esclavage
domestique.
Une compagnie au capital de 300,000 L. st., s'est formée sous le titre
de Graskop Gold Miiiinip company, pour acheter la concession de
Graskop Farm, située au centre des districts aurifères les mieux connus
et les plus riches du district de Lydenbourg, dans le Tranavaal» à
1500" ou 2000" au-dessus de la mer. Les études faites ont constaté que
l'or est distribué à peu près partout sur la propriété. Dans les terrains
élevés on trouve de nombreux filons dans une formation de quartz, tandis
que dans les terrains bas il y a abondance de dépôts aurifères alluviaux,
aussi bien qu'ample approvisionnement d'eau pour les travaux hydrau-
liques. La concession peut être atteinte, de la baie de Delagoa, par une
bonne route de 190 kilomètres, ou de Capetown, en dix jours, par chemin
de fer et voiture de poste, en passant par Kimberley, ou encore de
Natal, en six jours seulement, par chemin de fer et voiture .
Les Regimxs beyond^ journal de la Livingstone Inland Mission, nous
apportent le récit du voyage d'un jeune missionnaire M. Amot, de
Durban à Lea-lui, résidence du roi des Barotsés, sur le Haut-Zam-
bèase. Parti de Natal à la fin de l'année 1881, il passa les monts Dra-
kensberg, puis le Vaal, et arriva à Potchefetrom, oii il se reposa quelques
Jours. Traversant ensuite le Transvaal, il atteignit le Limpopo et Scho-
chong à la fin de mars, après un voyage de 35 jours. Le chef Khamé le
reçut très cordialement. La condition morale exemplaire de la ville, la
stricte prohibition des spiritueux, la poUtique noble et désintéressée du
— 209 —
souverain, et la bonté comparative d^son peuple le remplirent d'admi-
ration. Là il apprit le sechuana, dans Tintention de pénétrer phis avant
dans rintérieur, puis, au bout de cinq mois, il se mit en route pour le
Zambèze, à travers le désert de Kalahari, malgré les lions, les léopards
et les hyènes qui y abondent, malgré les guerres intestines des indigènes,
et surtout malgré la disette d'eau dont il eut beaucoup à souffrir. Heu-
reusement sa santé fiit toujours bonne pendant ce voyage, et, quoique
souffirant de la faim et de la soif, il tit parfois 60 kilomètres par jour.
Arrivé au Zambèze, il y trouva les Barotsés indisposés contre les mis-
sionnaires, qui, après leur avoir promis de les instruire les avaient quit-
tés. Lorsqu'ils comprirent que M. Ârnot était décidé à s'établir au
milieu d'eux, ils l'accueUlirent favorablement et lui permirent de tra-
verser le fleuve; mais, avant d'arriver à Lea-lui, il tomba malade de la
fièvre, et reçut les soins d'un Anglais, M. Blockley, marchand établi à
Panda-ma-tenka. Au bout de quelques semaines il put se remettre en
route, et, sur tout son passage, jusqu'à Lea-lui, il reçut l'accueil le plus
empressé de la part des natifs. Sa dernière lettre, écrite de Lea-lui,
raconte la réception amicale que lui fit le roi, auprès duquel l'introduisit
M. Westbeech, autre marchand anglais, établi à Panda-ma-tenka, qui
l'avait précédé et lui facilita son premier établissement.
Le gouvernement portugais a reçu de l'Angola un mémorandum, signé
par les principaux résidents et négociants de cette province, réclamant
roccupation effective des territoires situés au nord d'Ambrlz, mesure
indispensable, disent-ils, pour assurer la sécurité du commerce danâ cette
région, et afin d'y rendre possible le développement régulier de beau-"
coup d'entreprises, pour lesquelles l'incertitude de la situation actuelle
constitue une entrave des plus sérieuses et des plus nuisibles. Cette
demande semble prouver que l'occupation de cette région par les Portu-
gais n'a point été effective jusqu'ici, ce que confirment les expériences
jEaites par les membres de l'expédition allemande à la côte du Loango,
du Chiloango au Congo, et les paroles de l'un d'eux, M. le D' Gûssfeldt,
rappelées par M. G. Darmer, dans le dernier numéro des VerhancUun'
gen de la Société de géographie de Berlin. D'après lui, jamais aucune
puissance européenne n'a réussi à s'établir sur un point quelconque de
la côte du Loango. Le Portugal l'a essayé, mais, de fedt, les nègres y ont
conservé leur complète indépendance. Ce fiit toujours avec des chefe
nègres que l'expédition allemande eut à traiter, comme Stanley l'a fait
pour le Comité d'études du Haut-Congo, et de Brazza pour la France.
Diaprés une dépêche adressée de Londres au Temps ^ Stenley a
— 210 —
signé un traité avec le chef d'un territoire situé à plus de 200 kilomètres
de Stanley-PooL D'autre part, un correspondant du Journal de Oenève
lui écrit, d'Amsterdam, qu'il s'est procuré la copie de deux traités
conclus, au nom de Stanley, par le lieutenant Valck et deux de ses collè-
gues, lieutenants également. D'après l'un de ces traités, rédigé en fran-
çais, le roi Jonga de Selo reconnaît la souveraineté du Comité d'études
du Haut-Congo, aux agents duquel il accorde droit de séjour et de com-
merce, s'engageant à fournir la corvée, en échange de quoi, Stanley et
le Comité promettent de donner à perpétuité à Jonga et à ses descen-
dants deux pièces d'étoffe. L'attention du gouvernement belge a été
attirée sur cette question de souveraineté reconnue au Comité d'études
du Haut-Congo, et M. Frère-Orban a répondu que le gouvernement
belge est étranger à l'œuvre du Comité. Il n'en est pas moins vrai quHl
y a là un nouveau sujet de complications dans la question du Congo, et
un nouveau motif de désirer qu'elle soit étudiée par une commission,
nonmiée ad hoc, de délégués des principaux états civilisés, chargés d'éta-
blir la neutralité de cette grande voie commerciale. Nous croyons savoir
qu'elle sera prochainement traitée à Munich, dans la réunion annuelle
des membres de l'Institut de droit international. — Quoi qu'il en soit,
les Zanzibarites employés par Stanley ne paraissent pas devoir rendre
facile la t&che de ceux qui travaillent à introduire la civilisation sur les
rives du Congo. Armés de fusils à tir rapide, ils sont, pour les natifs et
leurs chefs, un sujet d'e&oi beaucoup plus que de considération. — La
maladie continue à faire des victimes dans les rangs des employés du
Comité d'études ; V Étoile belge a annoncé la mort de M. Grangh, sous-
lieutenant au régiment des carabiniers, et de M. Roubinet, mécanicien.
Mais Stanley ne cesse pas non plus de faire de nouvelles recrues. C'est
ainsi que, d'après VAfrican Times, il a enrôlé 200 hommes de la tribu
belliqueuse des Haoussas, qui se rendront au Congo à titre de travail-
leurs. Quelques centaines de Haoussas seront aussi conduits à Stanley
par le capitaine Lonsdale, qui a déjà fait une expédition à Coumassie,
et auquel le Colonial Office a permis de conclure, pour trois ans, un
engagement avec la Société internationale d'exploration du Niger et du
Congo (?) Le Standard annonce qu'il est déjà parti avec sa suite pour le
Niger, et qu'il doit s'ouvrir une route par terre, jusqu'à ce qu'il rencon-
tre Stanley sur le Congo. H est autorisé à enrôler autant d'hommes qu^il
le jugera nécessaire pour la sécurité de l'expédition. On annonce aussi,
de Loanda, que Stanley se prépare à fonder à Molemba une station et de
grands entrepôts pour le commerce de l'ivoire.
— 211 —
Au Gabon, arrivent des colons français, pour y fonder des établisse-
ments agricoles ; afin de favoriser l'extension des cultures locales, en
les protégeant contre la concurrence du dehors, le commandant supé-
rieur de la colonie a été autorisé à augmenter les droits d'entrée sur les
produits similaires de provenance étrangère. D'autre part, il a interdit
aux factoreries eui'opéennes d'importer des armes ou des munitions pour
les vendre aux indigènes, devenus plus ou moins hostfles aux projets de
Brazasa. Celui-ci, après avoir remplacé les marins des postes de Loango
et de Punta-Negra par des hommes faisant partie du personnel de la
mission, est parti pour l'intérieur. Que trouvera-t-il sur le Haut-Congo,
dans le territoire que lui a concédé Makoko ? Le Jornal do Commercio,
de Lisbonne, a annoncé que ce chef a été déposé, non par sa tribu, mais
par un suzerain dont le nom n'est point indiqué ; et une dépêche de Lis-
bonne donne le nom de son successeur, qui s'appelle Mpumo-Ntaba.
Le gouvernement de Libéria n'a pas reconnu l'annexion, à la colo-
nie de Sierra L<éone, du territoire sur lequel plusieurs rois de la côte
avaient demandé à l'Angleterre d'étendre son protectorat. Le Sénat de
Monrovia, croyant avoir des droits sur une partie de ce territoire, a
demandé au gouvernement de Washington d'intervenir en sa faveur
auprès du cabinet anglais, pour l'amener à renoncer aux prétentions
basées sur la demande des rois sus-mentionnés. Le président des États-
Unis a saisi avec empressement cette occasion de manifester son intérêt
pour la république de Libéria, et des négociations ont été entamées avec
l'Angleterre pour tâcher d'arranger le différend à l'amiable.
La Société de géographie de Rochefort a reçu, de Ténériffe, des nou-
velles de Texpédition du Talisman. De Mofl^ador aux Canaries»
eUe a fait pendant huit jours des draguages, de 5 h. du matin jusqu'au
coucher du soleil, quelquefois même relevant la dernière drague à la
lumière des lampes Edison. EUe a recueilli une ample moisson de choses
curieuses : poissons rares, crustacés nouveaux, éponges siliceuses, etc.
Entrée dans l'archipel des Canaries par le détroit de la Bocayna, entre
Lanzarote et Fuerteventura, elle s'est ensuite dirigée vers le motdllage
de Ténériffe. M. Milne Edwards s'est rendu à Orotava avec le personnel
civil de l'expédition ; M. Filhol, professeur à la faculté des sciences, et
M. Poirault, préparateur au Muséum et photographe de l'expédition,
devaient effectuer l'ascension du pic de Teyde pour y faire des observa-
tions. De Ténériffe, le Talisman doit encore explorer l'archipel des
Canaries» puis il se dirigera vers les lies du Cap-Vert, en fouillant pen-
dant une vingtaine de jours la partie de l'Atlantique comprise entre ces
— 212 —
deux groupes dalles. Après uoe relâche à Saint-Vincent, il fera route
pour les Açores, en explorant la mer des Sargasses.
La commission espagnole envoyée à Mogador pour prendre possession
du territoire de Santa Craz de Mar Peqaena, cédé àFEspagne par
le Maroc, se trouve dans un grand embarras, par le fait qu'il n'existe pa&
moins de quatre points désignés sous ce nom par les explorateurs et les
Sociétés de géographie. Elle incline à occuper Tendroit de ce nom qui se
trouve dans le sud du Maroc, mais les délégués marocains cherchent à
l'en détourner, les tribus du littoral ayant déjà laissé la « North AMcan
Company » établir des comptoirs sur cette partie de la côte. Le sultan
du Maroc oSre à la commission espagnole le choix de l'emplacement qui
pourrait le mieux convenir k l'Espagne pour y établir un port, sur une
ligne de côtes de 160 kilom. au sud de Mogador; mais le gouvernement
espagnol, comprenant que la création d'un port et d'un établissement
sérieux sur cette côte sera très coûteuse, et entraînera un déploiement
de forces considérable, paraît disposé à se rattacher à la proposition faite
par le sultan en 1882, d'échanger le Santa-Cruz introuvable, contre un
territoire plus rapproché de la Méditerranée et du détroit de Gibraltar.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Le gouvernement français a décidé de continuer la voie ferrée de Méchéria à.
Aïn-Sefra.
Le colonel Négrier^ a établi à Aln-Aïssa, à 80 kilom. de Méchéria, dans une
gorge encaissée entre de hairtes montagnes boisées, un sanitarium, où les soldats
malades sont envoyés en convalescence.
A la suite des travaux topographiques exécutés dans le Sud-Oranais, sous la
direction du capitaine de Castries et des lieutenants Brosselard et Delcroix, une
carte au ^«ooooo a été dressée de cette région jusqu'à Figuig, dont la position se
trouve pour la première fois déterminée par des observations scientifiques.
M. H. Duveyrier a communiqué à la Société de géographie de Paris, que les
topographes français en Tunisie ont découvert, au S.-£. de Bahiret-£1-Biban, tout
pr^s de la mer, un immense chott, nommé Boû-Guer&ra, qui s'étend à peu près du
S. au N. Dans le voisinage on a trouvé des ruines romaines importantes.
M. Linant de Bellefonds, un des plus anciens explorateurs de la vallée du Nil et.
du Soudan, père de celui qui a visité Mtésa, vient de mourir au Caire à i'&ge de
SS ans.
Sous le titre de « Factoreries françaises du Grolfe Persique et de l'Afrique orien-
tale, » il s'est formé une société pour le commerce franco-oriental d'importation et.
d'exportation.
— 213 —
La mission italienne dirigée par Bianchi est heureusement arrivée à Samera, où
se trouvait le roi d'Abyssinie auquel elle a remis les présents du roi d'Italie.
Mgr Lasserre, coadjuteur du vicaire apostolique des Gallas, a obtenu de Méné-
lik l'autorisation de s'établir, avec deux missionnaires, chez les Ittous Gallas qui
lui sont soumis.
M. G. Bevoil a quitté Zanzibar le 1*' mai pour son expédition chez les Somalis,
mais la mousson du S.-O. n'a pas encore permis de recevoir de ses nouvelles à
Zanzibar.
Le bruit s'est répandu de la mort du roi Mtésa, mais, d'après les dernières
lettres reçues de l'Ouganda par la Société des missions anglicanes, datées du
28 février, il était toujours vivant et rien ne faisait pressentir sa fin.
Un traité d'amitié, de commerce et de navigation entre l'Italie et Madagascar a
été signé à Londres, par M. Nigra et les ambassadeurs Hovas, sur la base du trai-
tement de la nation la plus favorisée.
Malgré son aversion pour les missionnaires, Makatou, chef des Bawendas des
Zoutpansberg, qui refusait de se soumettre aux Boers, a cédé aux invitations de
MM. Creux et Beuster, missionnaires aux Spelonken, et a consenti à payer un tribut
au gouvernement du Transvaal.
Le major Machado, qui était venu à Lisbonne pour conférer avec le gouverne-
ment portugais au sujet du chemin de fer de la baie de Delagoa à Pretoria, est
reparti pour le Transvaal, afin de compléter le tracé de la section d'Incomati à
Pretoria. Une société s'est fondée à Lisbonne pour demander la concession de
cette ligne.
Une dépêche de Durban a annoncé la mort de Cettiwayo, tué avec toutes ses
femmes, son fils, son frère et la plupart de ses chefs par Usibepu, qui triomphe dans
tout le Zoulouland.
La Colonie du Cap s'étant montrée impuissante à administrer le Lessouto, le
gouvernement anglais s'est décidé à reprendre le protectorat sur cet État, à la
condition que l'État libre d'Orange protège ses frontières, et que la Colonie du
Cap paie une partie des dépenses passées.
M. Pettersen et M. le D' Sims ont fondé à Stanley-Pool une nouvelle station
pour la Livingstone Inland Mission. M. Sims a bien vite commencé à soigner les
malades, ce qui lui a gagné la confiance des indigènes. Ceux-ci ne travaillant pas
encore suffisamment pour faire produire à leurs terres les provisions nécessaires
au nombreux personnel européen établi à Stanley-Pool, le prix des denrées y a
beaucoup augmenté. Le vapeur le Henri Reed^ destiné au Haut-Cougo, partira
au commencement d'août.
La Société de géographie de Berlin a chargé une commission d'élaborer un
plan pour les explorations ultérieures en Afrique, sur la base des découvertes les
plus récentes, et spécialement de celles faites par Flegel, Pogge et Wissmann
dans leurs derniers voyages.
M. Mattéi, consul de France à Brass, a envoyé à la Société de géographie de
Paris des notices sur plusieurs localités de la région du Niger : Onitza, Igbébé,
— 2U —
Egga, Loko, Lokodja, etc., ainsi qu'une carte photographiée du bassin du
Niger.
Il ressort d'un rapport du Rév. Philipps^ missionnaire natif à Ode-Ondo, dans
le Yoruba, que le traité conclu il y a deux ans avec le roi de Ondo, par le gouver-
neur de Lagos, a été annulé. Le roi a écrit au gouverneur que ni lui ni ses chefe.
n'ont pu triompher de leurs appréhensions, quant aux résultats de l'abolition des
sacrifices humains à Ésu et à Oramafé, deux divinités révérées depuis un temps
immémorial.
Sur la demande de plusieurs chefs de la Côte des Esclaves, le protectorat de la
France a été établi sur les territoires de Petit-Popo, Gyand-Popo et Porto-Seguro,
entre les possessions anglaises de la Côte d'Or et Whydah, au delà de laquelle se
trouve le territoire de Porto-Novo, sur lequel le protectorat français était déjà
reconnu.
La Compagnie française du Niger a perdu quatre de ses employés, MM. Four-
tier, Clairambault, Robin et Thomas; l'un s'est noyé, les autres sont morts de la
fièvre ou ont été empoisonnés.
Le Rév. D** Flickinger a fait une excursion le long des rivières sur lesquelles
doit naviguer le John Broum pour la mission américaine de Mendi. Après en avoir
mesuré la largeur et la profondeur, il est revenu en Angleterre donner à M. Ed-
ward Hayes, de Stratford, des ordres pour la construction du steamer.
Le D' Rock, qui était parti de Boké sur le Rio Nunez, pour se rendre au Fouta-
Djallon, a été arrêté par l'almamy, qui ne veut plus laisser de blancs arriver dans
son pays. Le voyageur eut beau en appeler aux traités conclus avec MM. Olivier
de Sanderval et le D*" Bayol, il fut maltraité et dépouillé de tout ce qu'il possédait.
Il dut revenir à Boké; cependant il n'était point découragé, et comptait faire une
nouvelle tentative pour pénétrer dans l'intérieur.
Le chef indigène Ghowé ayant commis des incursions sur le territoire de Sher-
bro, voisin de Sierra Leone, le major Talbot a brûlé la ville de Kwatamaha»
massacré les habitants de Kahun et fait raser Jalliah, après l'avoir pillée et
brûlée.
Les membres de la première section de la Société de géographie commerciale de
Paris ont protesté, au sujet de la convention franco-anglaise relative à la délimi-
tation des possessions anglaises et françaises sur la côte occidentale d'Afrique. Ils
trouvent cette délimitation défectueuse en ce qui concerne le Fouta-Djàllon et les
îles de Loos, et demandent que la ligne de démarcation passe par le 9" lat. N.^
sauvegardant le Fouta-Djallon et les sources du Niger.
M. Demaffey est revenu du Sénégal après avoir pu réaliser son projet d'explo-
ration dans le Bambouk, dont nous avons parlé dans notre dernier numéro. Nous
y reviendrons. Il avait précédé à Saint-Louis la colonne expéditionnaire du colonel
Borguis'Desbordes, qui ne put entrer dans la ville où on la croyait ravagée par le
typhus. Ramenée en France par le Richelieu, elle est retenue en quarantaine aa
lazaret de Pauilhac. Son chef est resté à Saint-Louis.
M. H. d'Arpoare, agronome du gouvernement portugais à la côte de Guinée, y a
\
— 215 —
fait des essais de cépages sur une vigne tubéreuse, à laquelle il a donné son nom :
« vitis arpoarii. » Ses essais paraissent avoir très bien réussi.
M. Claude Trouillet, qui se rend au Fouta-Djallon, a passé à Boulam, et a
envoyé à la Société de géographie de Paris quelques notes intéressantes sur cette
!le^ qui fait partie de Parchipel des Bissagos.
M. Seignac, commandant de Nossi-Bé, a été nommé gouverneur du Sénégal en
remplacement de M. Servatius, décédé.
M. Jaques, déjà précédemment missionnaire à Sedhiou^ retournera prochaine-
ment à Saint-Louis pour aider M. Taylor.
Quelques amis de la mission française au Sénégal ont fait venir en France trois
jeunes nègres, qui seront élevés dans la colonie agricole de Sainte-Foy, et préparés
à retourner à St-Louis comme cordonniers, tailleurs, menuisiers, peut-être même
instituteurs et évangélistes.
Le projet de loi relatif à la pose d'un câble télégraphique sous-marin, entre Pile
de Ténériffe et Saint-Louis du Sénégal, a été voté par les Chambres françaises.
Une expédition hydrographique a été faite aux côtes du Maroc par le capitaine
de Kerhallet et M. Vincendon Dumoulin, ingénieur hydrographe.
A l'occasion du trafic des esclaves signalé récemment dans plusieurs places du
Maroc, une interpellation a eu lieu dans le Parlement anglais. Lord £. Fitzmaurice
a répondu que le Foreign Office s'occupe de ce sujet, et que les documents qui s'y
rapportent seront prochainement soumis aux Chambres.
LA PART DES SUISSES
DANS l'exploration ET LA CIVILISATION DE l' AFRIQUE
Nous n'avons pas la prétention d'attribuer aux Suftses une part con-
sidérable dans l'œuvre africaine ; comparée à celle qu'y ont prise et qu'y
prennent encore les Portugais, les Anglais, les Français, les Allemands,
les Italiens et les Belges, la nôtre paraît même fort restreinte ; et sans
doute, auprès des noms de Livingstone, de Cameron, de Stanley, de
Serpa-Pinto, de Savorgnan de Brazza, de Lenz, de Pogge et Wissmann,
de Matteucci et Massari, pour ne nommer que les plus réputés, les noms
des explorateurs suisses pâlissent singulièrement. Cependant, le ciel
étoile ne nous présente pas seulement des astres de première grandeur,
et, quelque modeste que soit notre place dans le champ de l'exploration
et de la civilisation de l'Afrique, il est intéressant de voir combien un
peuple petit comme le nôtre, sans colonies sur la côte d'Afrique, et sans
subsides de la part des gouvernements ou des sociétés de géographie, a
pu fournir de voyageurs et de missionnaires, pour concourir à la décou-
— 216 —
verte de ce continent et au relèvement intellectuel et moral de ses habi-
tants. Aussi croyons-nous que, même pour nos abonnés de l'étranger,
l'exposé que nous allons faire ne sera pas sans intérêt.
D va sans dire que nous ne renoncerons pas à parler de ceux des
Suisses qui, ne pouvant organiser d'expéditions personnelles, se sont mis
au service de sociétés étrangères, telle que la Société africaine de Lon-
dres, de gouvernements étrangers comme celui de Berlin, ou de sociétés
missionnaires protestantes comme celle de Paris. A cet égard nous
aurons à réclamer comme Suisses plusieurs voyageurs, originaires de la
partie allemande de notre patrie, et que M. W. Eoner, le savant rédac-
teur de la Zeitschrift der Oeséllechaft fur Erdkunde de Berlin, dans
un mémoire sur la part des Allemands dans la découverte et l'explora-
tion de l'Afirique, a classés parmi ses compatriotes:
Ce fut au service de la Société africaine de Londres qu'entra
J.-L. Burckardt, Bâlois d'origine, quoiqu'il fût né à Lausanne et qu'il
eût fait une partie de ses études à Neuchâtel. Mungo-Park, parti de la
côte de la Sénégambie, venait d'ouvrir la route du Soudan et de faire
connaître une partie du cours supérieur du Niger, lorsque, en 1806, échap-
pant au service militaire français auquel les Suisses étaient alors sou-
mis, notre concitoyen se rendit à Londres, pour y étudier avec ardeur
l'arabe et les sciences naturelles, afin de se mettre aux ordres de la
a Société africaine. » Celle-ci, il est vrai, ne l'envoya pas au Niger, mais
en Syrie d'abord, pour s'y familiariser avec la langue, l'Mstoire et la
géographie des Arabes, amsi qu'avec l'Islam, et pour explorer le pays
au delà du Jourdain. Ce ne fut qu'au bout de trois ans, qu'elle le chargea
d'étudier la vallée du Nil. L'expédition française, sous Bonaparte, avait
frayé la voie aux explorations eu Egypte ; Méhémet-Ali se préparait à
reculer le plus loin possible, vers les régions du Haut-Nil, les limites de
son pachalik, lorsque Burckardt, revêtu du costmne arabe et sous le
nom de cheik Ibrahim, arriva au Caire. Le pacha le munit de lettres de
recommandation, et, en féviîer 1813, il remonta de Syène, ïwès
d'Assouan, jusqu'à la frontière du Dongola, d'où il fut expulsé conmie
espion du pacha. Sans se laisser découi*ager pai* cet insuccès, il s'adjoi-
gnit, comme marchand musulman, à une caravane qui chaque année se
rendait, à travers le désert de Nubie, à Chendi et à Sennaar, puis s'atta-
chant à ime autre caravane, il traversa, par une route inconnue jusque-là
aux Européens, tout le pays, de Chendi à Berber et à Souakim. De là,
après avoir ^1sité La Mecque et la presqu'île du Sinal, il revint au Caire,
pour s'y préparer à se rendre avec une caravane, par le Fezzan, à Tom-
— 217 —
bouctou et au Niger ; mais la mort vint l'empêcher de réaliser son projet.
Il n'en avait pas moins ouvert la vallée du Nil, du Caii-e jusqu'à Chendi,
sur une longueur de plus de 2000 kilomètres, et frayé la route par
laquelle son ami Belzoni devait étendre ses recherches archéologiques
bien au delà des cataractes du Nil.
Les expéditions de Méhémet-Ali, pour soumettre à son autorité la
Nubie et la province de Sennaar, favorisèrent les explorations le long du
Nil. Peu après celles de Cailliaud et de Kuppel, un de nos compa-
triotes, le baron Henri Menu de Minutoli, général au service de Prusse,
mais né à Genève où il avait fait une partie de ses études, fut chargé, en
1820, de diriger la première expédition allemande, entreprise sous le
patronage de l'Académie royale des sciences de Berlin et aux frais du
gouvernement prussien. Elle comptait plusieurs savants et artistes,
entre autres les deux naturalistes Ehrenberg et Hemprich, et devait
explorer à Thèbes, à Gizeh, à Sakkarah et à Méroê ces monuments, dont
il était réservé à Lepsius et à ses compagnons de révéler la splendeur.
Méhémet-Ali ayant refusé à Minutoli l'autorisation de suivre les troupes
envoyées pour subjuguer le Dongola, l'explorateur dut renoncer à son
plan primitif et se tourna vers la Cyrénaïque ; mais là encore il rencontra
le mauvais vouloh* du pacha de Derna, qui ne lui permit pas^ de passer
la frontière de cette province. Après avoir visité les places du littoral,
l'expédition se dirigea, de Birs-el-Ghor, à travers le désert de Lybie,
vers l'oasis de Siwah, ou de Jupiter Ammon, explorée précédemment
par Browne, par Hornemann et par Cailliaud ; elle Tétudia à son tour
très soigneusement, au point de vue de la géographie, de l'archéologie
et de l'histoire naturelle, et plusieurs de ses membres en donnèrent des
descriptions riches d'informations utiles, avant les importantes explora-
tions par lesquelles Rohlfs détermina la dépression de cette partie du
désert de Lybie ; les collections de MinutoU, achetées plus tard pour le
célèbre Musée égyptien de Berlin, constituent une partie des trésors
archéologiques de cette institution. Après l'exploration de Toasis de
Siwah, Minutoli revint à Alexandrie et au lac Mareotis par mie route
encore inconnue, puis il remonta le Nil jusqu'à Assouan, dans l'inten-
tion de pénétrer plus au sud, mais il dut y renoncer pour ne pas risquer
de provoquer des troubles sérieux, et laisser à Hemprich et Ehrenberg,
adjoints à l'une des expéditions de Méhémet-Ali, le soin d'étudier la côte
jusqu'à Massaoua, et la chaîne côtière jusqu'aux sources thermales
d'Aïlet. Plus heureux que la plupart de ses compagnons, Minutoli put
revenir en Europe. Il ne tarda pas à prendre sa retraite du service
— 218 —
prussien, et vint vivre à Lausanne, dans sa propriété, oîi il mourut eu
1846, après avoir eu le bonheur de voir ses travaux, d'abord assez peu
estimés, ainsi que ceux de ses collègues, mieux appréciés, lorsque les
heureuses découvertes de Lepsius et de ses successeurs eurent fait com-
prendre l'importance des labeurs de ceux qui en avaient été les pionniers.
Un autre Genevois, Ch. Didier, qui, déjà avait fait une première
excursion à Tanger et à Tétouan, réussit, en 1854, à remonter de
Souakim à. Eassala et à Khartoum, la nouvelle métropole du Soudan»
par une route différente de celle qu'avaient suivie, en 1832, Malzac et
de Vaissière, et à travers une région dont la plus grande partie n'avait
pas encore été décrite, ce qui lui permit d'enrichir la géographie d'un
certain nombre de noms qui ne se trouvaient encore ni sur les cartes,
ni dans les livres. De Kassala, qui depuis la conquête de Méhémet-Ali
était devenu le poste avancé de l'Egypte contre l'Abyssinie, il aurait
désiré pousser jusque dans ce dernier pays, dont Théodoros se faisait
couronner souverain pour l'arracher à l'anarchie qui le dévorait depuis
de longues années, et le ramener à son unité primitive, mais son guide
refusa de l'y conduire. Quoi qu'il en soit, le journal de son voyage,
Cinquante jours au désert, écrit chaque soir, fut comme un daguerréo-
type qui, ayant pris sur le fait les sites et les hommes, fit connaître ce
pays, nouveau alors, avec une exactitude que la plus sûre mémoire livrée
à elle-même n'aurait jamais atteinte. H avait pensé à donner une carte
de son voyage, et en avait réuni les éléments, mais la perte de la vue
lui a rendu ce travail impossible. Au reste, on peut suivre une gi*ande
partie de son exploration sur la carte di'essée par un autre de nos com-
patriotes, Werner Munzinger, et publiée dans les Mittheilungen de
Gotha. La place dont nous disposons ne nous permet pas de relever
dans ce voyage tous les faits qui le mériteraient. Bornons-nous à dire
qu'en 1854 déjà, il plaçait la source du Nil Blanc vers le 4** ou 5** lati-
tude sud, si non plus loin encore, et qu'avant les expéditions de Brun-
Rollet et des frères Poncet dans la région du Bahr-el-Ghazal, il pensait
que le Nil Blanc pouvait n'être qu'un affluent du Nil définitif qui, sous le
nom de Myslad venait de l'ouest et naissait dans les régions voisines du
Niger. Dans le volume : Cinq cents lieues sur le Nil, qui complète celui
sur le désert de Nubie, il dit d'après les récits de marchands rencon-
trés à Khartoum, qui avaient poussé jusqu'au 3*" latitude nord, qu'il
existe, entre les 4** et 5° parallèles, un rapide assez semblable aux
cataractes du grand Nil, et très difficile, pour ne pas dire impossible
à franchir, le premier qu'on rencontre depuis Khartoum, et qu'à
— 219 —
cette latitude commencent à paraître les montagnes qui, selon toute
apparence, sont les premiers échelons de la vaste chaîne de l'équateur.
Parmi les tribus du sud il mentionne les Berri et les Kouendas, voisins
de la ligne équatoriale, chez lesquels les marchands de Zanzibar venaient
faire des échanges. Il entendit aussi parler d'une tribu blanche ; seule-
ment il estimait que ce ne pouvaient être que les Portugais, qui avaient
des comptoirs sur les côtes de l'Océan Indien. N'était-ce pas plutôt la
tribu blanche signalée par Stanley dans le3 monts Gambaragaras, et
les Kouendas ne sont-ils point les habitants de l'Ouganda? Quoique les
renseignements fournis par Ch. Didier ne reposassent que sur les asser-
tions des marchands sus-mentionnés, ils n'en étaient pas moins l'annonce
des découvertes dues, d'abord aux missionnaires autrichiens des stations
du Haut-Nil jusqu'à Gondokoro, et plus tard à Baker, à Speke et à
Grant. — De Khartoum, notre compatriote revint jusqu'à Boulak, en
72 jours, dont il passa 46 sur le Nil. Arrivé par le fleuve à Berber,
il traversa de là le désert de Nubie jusqu'à Korosko, puis reprit la voie
fluviale jusqu'à Siout, alors, comme de nos jours encore, en relations
suivies avec le Darfour, d'où les caravanes y amenaient régulièrement
un riche approvisionnement d'esclaves, ce qui faisait de ce marché, pour
cet article, le mieux pourvu et le plus fréquenté de l'Egypte.
Les expédition» de Werner Munzinger, de Soleure, ont eu beaucoup
plus de retentissement que celles de Ch. Didier, qui voyageait seul
et à ses frais, tandis que Munzinger fut successiveipent au service d'une
maison de commerce du Caire, puis à celui de la Société africaine alle-
mande, et enfin à celui du khédive lui-même. Après avoir étudié les
sciences naturelles, les langues orientales et l'histoire à Berne, à Munich
et à Paris, il se rendit en 1852 au Caire pour y compléter ses études lin-
guistiques, et l'année suivante à Alexandrie, oii il entra dans une maison
de commerce, qui le chargea d'une expédition mercantile dans la mer
Rouge, dont il explora divers points du littoral autour de Massaoua. En
1855 il se fixa à Eeren, chez les Bogos dont il parcourut en tous sens le
territoire, ainsi que celui des Beni-Amer, des Bazens, des Bareas et des
Kounamas, dont il étudia avec soin les usages et la langue. Les talents
qu'il déploya dans ces explorations le firent choisir, en 1861, pour l'adjoin-
dre à l'expédition allemande que devait diriger Heuglin avec Kinzelbach,
et qui avait pour mission de se rendre, par le Kordofan et le Darfour, au
Ouadaï, pour y rechercher les traces de Vogel. Heuglin ayant décidé de
pousser jusque dans l'Abyssinie méridional^ Munzinger et Kinzelbach
se détachèrent de lui et, par Keren, le pays de Maréa, indépendant de
— 220 —
l'Abyssinie et de TÉgypte, et dans lequel aucun Européen n'avait encore
pénétré, ils se rendirent au Kordofan, d'oîi ils tentèrent vainement de se
frayer un chemin à travers le Darfour. Après trois mois passés à El-
Obéid, à attendre Tautorisation de franchir la frontière, ils durent rebrous-
ser chemin et revenir, par le Mareb, au nord de rAbyssinie, jusqu'alors
inexploré, et par TAtbara, à Khartoum. Plus tard, lors de la guerre des
Anglais contre Théodoros, il rendit de grands services à l'armée britan-
nique, et pénétra alors de la baie d'Hanfila, à travers le pays des A&rs,
inconnu avant lui, jusqu'au lac salé d'AIelbad, situé au-dessous du niveau
de la mer. En 1871, après avoir fait avec un autre de nos compatrio-
tes, G. Wild, une excursion autour de Massaoua, il fiit placé par le
khédive à la tête de l'armée égyptienne chargée d'envahir l'Abyssinie,
dont il annexa ensuite à l'Egypte la partie septentrionale, ainsi qu'une
partie du pays des Somalis jusqu'au 42** , 40' long. E. de Paris, en même
temps qu'il explorait, pour le service du khédive, le pays des Gallas, le
long des frontières de l'Abyssinie et du Choa. Nommé gouverneur du
Soudan oriental, (provinces de Massaoua, de Souakim et de Tokar),
avec le titre de pacha, il accompagna en 1872 l'expédition de Hildebrand
par Keren, la vallée de la Hodeï et une région montagneuse, encore
inconnue alors au point de vue de la géographie et de l'histoire naturelle.
Pendant son administration il dota Massaoua d'un aqueduc important,
de routes, et d'une ligne télégraphique qui relie Eassala à Souakim, à
travers le pays montagneux de Mensa et des Bogos, et s'eflForça par
tous les moyens possibles de développer le comjnerce et l'agriculture. En
1874 il fit encore, avec Haggenmacher, une exploration de la partie sep-
tentrionale du pays des Somalis, et mourut l'année suivante près du lac
Assal, dans une expédition entreprise de Tadjoura contre les Gallas, qui
avaient fait irruption sur le territoire de son gouvernement. Le5 nom-
breux travaux qu'il a publiés dans les Mittheïlungen de Ootha, ainsi que
ses Osi Afrikanische Studien, se rapportant essentiellement aux pays
qui, de la mer Rouge au Nil, forment la frontière septentrionale de
l'Abyssinie et le territofre contesté entre ce dernier pays et l'Egypte,
où se rencontrent les populations musulmanes et chrétiennes, ont une
importance majeure. Fidèle à la méthode de Cari Kitter, il a fait ressor-
tir avec perspicacité l'influence que les différences géographiques des
deux pays, l'Egypte et l'Abyssinie, ont eue sur le développement histo-
rique de leurs populations, Enfin, ses expéditions ont fourni au D' Peter-
mann la possibilité de dresser, pour cette partie de l'Afrique, une carte
beaucoup plus complète et plus précise que celles que l'on possédait
auparavant.
— 221 —
Au nombre de ses compagnons de voyage, nous avons déjà nommé
G.-A. Haggenmacher, de Winterthour, qui, après avoir fait, de Khar-
toum, plusieurs voyages de commerce sur le Nil, s'attacha à Muu-
zinger, et fut, en 1874, chargé par le khédive de Mve une exploration
dans le pays des Somalis. Parti de Berbera, il se dirigea vers le sud, à
travers un pays non encore visité par des Européens, franchit une série
de collines jusqu'à la chaîne des monts Marge, et, continuant toujom*s
vers le sud, il traversa la plaine Schilmalé jusqu'au pays des Habar
Gerhagis, oîi commeuce, à proprement parler, le plateau des Somalis
qu'il parcourut jusqu'à Libaheli, par S"" 30' lat. N. et 42° 10' long. E., le
point le plus méridional de son voyage. Les résultats de son exploration,
exposés dans les Mittheilungen de Qotha^ ont fourni de précieux rensei-
gnements sur la géographie physique, l'ethnographie, l'agricultm-e,
l'industrie, le conunerce et l'histoire du pays parcouru, ainsi que sur
Harrar, et sur les conditions météorologiques de Berbera. Il fit encore
en 1875 une courte excursion à Galabat, puis s'adjoignit à l'expédition
de Munzinger contre les Gallas, et succomba avec son chef près du lac
Assal.
Nous avons rendu compte en son temps du voyage de M, le D"" Rel-
ier, professeur au polytechnicum de Zurich, chargé, de 1881 à 1882, par
la Société de géographie commerciale de Saint-Gall, d'une exploration
dans la mer Rouge, et signalé l'importance de ses observations scientifi-
ques sur l'échange de la faune des deux bassins de l'Océan Indien et de
rOcéan Atlantique par le canal de Suez. Nous renvoyons nos lecteurs à
ce que nous en avons dit^ El"' année, p. 182 et 226.
Pourrions-nous quitter cette partie de l'Afrique, sans avoir rappelé
très spécialement les services qu'a rendus à la cause de la civilisation
M. Gottfried Roth, de Wettingen (Argovie), par la part qu'il a prise
à la suppression de la traite? Déjà en 1880, il avait fait d'Alexandrie, à
travers le désert, un voyage à l'oasis de Siwah, en vue de la traite, et
tiansmis à la Société de géographie commerciale de Saint-Gall des détails
très complets sur la géographie et l'ethnographie de cette reine des
oasis, qu'il avait explorée en tous sens, pendant deux mois et demi;
il avait mentionné l'expédition d'esclaves à Tripoli, au Caire et dans
d'autres localités de la côte, et signalé, à dix journées de marche de
Siwah, les Madchabrés, fameux trafiquants d'esclaves du Sahara, qui
vont, jusqu'au Ouadal et au Bomou, en acheter pour les conduire à Tri-
poli. Dès lors il explora encore les oasis de Chargeh, de D&chlé, de Fara-
£ah et de Barieh, et dressa la carte des routes par lesquelles les esclaves»
— 222 —
amenés du Darfour dans Toasis de Chargeh, et cachés là. pour échapper
à la vigilance des agents de la suppression de la traite, sont conduits
dans la vallée du Nil, soit en amont de Siout, soit à Siout même, soit
encore dans la Basse-Egypte, le Fayoum et au Caire. Nos lecteurs se
rappellent le zèle déployé par G. Roth en faveur des esclaves amenés
clandestinement à Siout (II™* année p. 39). Sans doute nous n'avons
ici ni un Wilberforce, ni un Buxton, non plus qu'un Channing ou un
Suinner, mais, s'il est beau de plaider la cause des esclaves dans une
séance du parlement d'Angleterre, àla tribune de Washington, ou dans
une chaire des États-Unis, il est honorable aussi pour un instituteur
de Siout, oti les marchands d'esclaves ont pour complice toute la popula-
tion de la ville, y compris les autorités et le gouverneur, de courir là oîi
il apprend que les trafiquants du Darfour ont amené des centaines
d'esclaves, femmes et enfants, et, au péril de ses jours, de pénétrer dans
l'antre de ces lions pour leur arracher leurs victimes. Le gouvernement
du khédive a jugé que cette conduite n'était pas sans gloire, puisqu'il a
honoré notre compatriote d'une mission de confiance, en le chargeant de
la surveillance de la traite au Soudan et au Darfour. Nous aussi nous
dirons : Honneur à Gottfried Roth ! Puissent se confirmer les bonnes
nouvelles qui nous ont rassurés à son sujet, afin qu'à mesure qu'il
fera de nouvelles découvertes dans l'Afrique centrale, il soit un instru-
ment de délivrance pour un grand nombre de ces captifs auxquels il veut
porter la liberté !
Dans un autre ordre d'idées, nous n'aurons garde d'oublier la tenta-
tive faite par plusieurs maisonô des cantons de Saint-Gall et d'Appen-
zell, à l'instigation du Directoire commercial de Saint-Gall, de nouer
des relations avec le pays des Somalis sur la mer Rouge, et le Zangue-
bar sur la côte orientale d'Afrique. Quoique l'entreprise n'ait pas
été couronnée de succès, l'idée en fait honneur à ceux qui l'ont conçue,
ainsi que le fait d'y avoir attaché l'explorateur Richard Brenner, un des
compagnons les plus distingués du baron de Decken dans ses expédi-
tions au Kilimandjaro et au pays des Somalis. Son rapport au Directoire
commercial renferme des informations très utiles sur la géographie,
l'ethnographie et le commerce de cette partie de l'Afrique, Si les élé-
ments d'abord, la maladie et ensuite la mort du chef et de ses compa-
gnons ont fait échouer leurs efforts, il en est cependant demeuré quelque
chose dans le développement de la maison E. Widmer et C*' à Zanzibar,
dont les relations avec la Suisse ont facilité les entreprises ultérieures
qui ont eu pour objet la côte orientale du continent.
— 223 —
Il n'a pas tenu à la Suisse d'avoir des explorateurs attachés aux expé-
ditions organisées à Zanzibar par V Association internationale pour la
civilisation de l'Afrique centrale, car, à l'offre faite par la Commission
executive, de présenter des candidats pour ces voyages, le Comité suisse
africain répondit avec empressement; mais ses indications demeurèrent
sans résultat. D n'en est pas moins vrai que, lors des conférences de
Bruxelles, la Suisse y fiit représentée en 1877 par le président de la
Société de géographie de Genève, M. H. BouthUlier de Beaumont, et
par M. G. Moyuier, délégué de sou Comité national. Ce dernier, à la
suite de cette mission, fonda V Afrique explorée et civilisée, le seul jour-
nal de langue française qui s'efforce de faire connaître, chaque mois, les
faits les plus saillants de l'activité scientifique et civilisatrice sur tous les
points de ce vaste continent. En outre, les dons du Comité suisse, ainsi
que ceux envoyés directement de Saint-Gall et de Zurich, ont témoigné
de la sympathie effective, prise par nos concitoyens, à cette grande œuvre
scientifique et humanitaire .
Quoique les candidats éventuels de la Suisse pour les expéditions de
l'Association inteniationale n'y aient pas été admis, elle n'en a pas moins
eu un de ses fils dans ce champ de travail, arrosé déjà de tant de sueurs
et du sang de tant de victimes. M. Philippe Broyon, qui avait acquis une
grande expérience des voyages dans cette partie de l'Afrique, et avait
travaillé, avec le missionnaire Price, à ouvrir une route carrossable de
Saadani à Mpouapoua, mit au service des expéditions internationales une
complaisance sans bornes, et, par ses conseils sur l'organisation des cara-
vanes, sur la manière de se conduire avec les habitants, sur les dangers
à éviter et sur les précautions à prendre, il leur rendit des sei-vices
incontestables. Si le caractère international que devaient avoir les expé-
ditions organisées à la côte orientale, pour la fondation de stations scien-
tifiques et hospitalières à l'intérieur, a été méconnu, la faute n'en est pas
à la Suisse, et quoiqu'elle ne soit pas à, l'honneur réservé aux explora-
teurs belges, et à ceux des Comités nationaux aUemand et français, il
était équitable de rappeler que, par ses sacrifices, elle avait été à la
peine, dès le début des travaux de l'Association.
Au reste, longtemps avant que les explorations de Livingstone eussent
ouvert la voie à l'œuvre civilisatrice de l'Afrique centrale, la Suisse
avait commencé à prendre une part active à l'œuvre entreprise dans
l'Afrique australe, au Lessouto, par la Société des missions protestantes
de Paris, au service de laquelle travaillent six de nos compatriotes :
M. Maitin, du Jura bernois, fondateur de la station de Bérée, depuis
— 224 —
40 ans; M. P. Germond, Vaudois, qui a créé celle de Thabana Morena,
depuis 22 ans; M. Ëllenberger, auquel est due celle de Massitissi, ainsi
que MM. Ad. Mabille et Duvoisin, tous aussi Vaudois et depuis vingt
ans en Afrique. L'année dernière M. Jeann^airet, de Neuchâtel, s'y
est rendu avec l'intention d'accompagner au Zambèze et au lac Ban-
gouéolo, M. Coillard, qui se propose d'aller fonder une mission au cœur
même de l'Afrique centrale. Quant aux travaux de nos compatriotes au
Lessouto, nous pouvons dire qu'ils contribuent pour une bonne part à
cultiver et à étendre le champ défriché par les premiers niissioimaires
français. Il y a 50 ans, le pays était un désert, tant la guerre l'avait
dévasté, il était couvert d'antilopes, d'autruches, d'élans, de gnous, de
lions, etc. ; ces bêtes se sentaient tellement chez elles qu'à peine dai-
gnaient-elles se déranger pour laisser passer les voyageurs. Aujourd'hui
les Bassoutos sont vêtus ; les arbres fruitiers et les légumes d'Europe
prospèrent ; aux huttes grossières, oii l'on n'entrait qu'en rampant, ont
succédé des cottages à l'européenne ; l'agriculture a teUement progressé,
que le Lessouto est devenu un des pays producteurs pour toute la colo-
nie du Cap.
A côté des Suisses qui partagent les travaux des missionnaires français
au Lessouto, nous devons mentionner M. Th. Vemet, de Genève, qui»
après avoir visité ce pays, en a dressé une carte très soignée. L'impres-
sion n'en a pas encore pu avoir lieu, mais elle a servi à M. Krûger pour
celle qu'a publiée dernièrement la Société des Missions de Paris.
. Si nos compatriotes au Lessouto sont au service d'une Société mission-
naire dont le siège est à Paris, ceux que nous avons au nord du Trans-
vaal relèvent d'une Société exclusivement suisse, celle de la Mission
romande, fondée par l'Église libre du canton de Vaud, à laquelle vien-
nent de se rattacher, pour cet objet, les églises indépendantes de Genève
et de Neuchâtel. Nos lecteurs se rappellent larégion des Spelonken, dont
M. le missionnaire Paul Berthoud a dressé une carte, que nous avons
accompagnée d'un article * sur le pays et le peuple où travaillent depuis
une dixaine d'années nos compatriotes du canton de Vaud, dans les deux
stations d'Elim (Waterfall) et de VaJdesia, et avec eux quelques évangé-
listes indigènes formés à Morija (Lessouto). Le champ cultivé par
MM. Creux et Paul Berthoud a été arrosé du plus pur de leur sang»
puisqu'ils y ont perdu l'un et l'autre plusieurs enfants, et M. Berthoud,
la compagne de sa vie. Mais leur travail n'a pas été vain, car Qs ont
1 V. II"« année, p. 61, et la carte, p. 168.
— 225 —
pu y fonder une école, mettre par écrit la langue sigwamba, dont
M. P. Berthoud, obligé de revenir temporairement en Suisse pour réta-
blir sa santé, et remplacé par son frère, M. Henri Berthoud, a rédigé
une grammaire, imprimée par ses soins, ainsi qu'un recueil de cantiques
en sigwamba. Sous Tinfluence de nos compatriotes, des indigènes sont
devenus explorateurs et ont traversé tout le pays qui sépare les Spelon-
kende l'Océan Indien, pour étudier les emplacements favorables à réta-
blissement de stations dans cette partie du territoire d'Oumzila, où l'un
de ces noirs va se fixer. En outre, la langue sigwamba étant, d'après le
témoignage de M. Laws, de la station de Bandaoué sur le Nyassa, com-
prise et parlée par la population qui habite le plateau situé entre le Nyassa
et le lac Bangouéolo, les travaux linguistiques de MM. Creux et Berthoud
pourront servir au relèvement des tribus établies bien au delà des limi-
tes du champ actuel de la mission romande. A mesure que celle-ci y
enverra de nouveaux missionnaires — déjà M. P. Berthoud se prépare à
y retourner au commencement de l'année prochaine, — nos compatriotes
pourront se porter, comme vont le faire MM. Goillard et Jeanmairet,
jusqu'au èœur de l'Afrique. Disons encore que, pendant son séjour en
Suisse, M. P. Berthoud a travaillé à provoquer la fondation d'une
société industrielle, qui aurait pour but de développer l'agriculture et les
ressources des Spelonken, et d'y porter ainsi un nouvel élément de civili-
sation.
Nous ne pouvons pas quitter les champs de travail où des Suisses sont
à l'œuvre dans l'Afrique australe, sans rappeler le major Malan, d'ori-
gine suisse, quoique au service anglais, grand ami des missions dans
cette partie de l'Afrique, 'de celle du Lessouto en particulier, et fon-
dateur du journal Ajrica, destiné à fournir trimestriellement, aux lec-
teurs anglais, les renseignements les plus importants sur les missions en
Afrique ; c'est le seul journal anglais qui soit rédigé à ce point de vue.
Les missionnaires de l'Institut de Bâie qui, depuis 55 ans, travaillent
à la Côte d'Or, décimés par la fièvre et recevant toujours de nouveaux
renforts, ont droit à une large place dans cet exposé. Tous n'étaient pas
des Suisses, nous le savons, mais ces derniers seuls forment une liste
trop longue pour que nous puissions la donner ici. Depuis J.-G. Schmid,
d'Aarbourg, un des quatre premiers missionnaires envoyés en 1828 à
Christiansborg, qui y mourait déjà l'année suivante, jusqu'à 'Jean Jordi,
de Sumiswald» qui était enlevé à la mission l'année même oii elle célé-
brait son jubilé cinquantenaire, la Suisse avait vu ensevelir onze de ses
fils dans les stations bfiloises de la Côte d'Or ; et depuis cinq ans, com-
— 226 —
bien de nouvelles victimes n'a pas faites le climat de cette région, jus-
qu'au dernier voyage entrepris par M. le sous-inspecteur Prétorius avec
M. Preiswerk et M. le D' Mfthli. Le premier a payé de sa vie l'accom-
pUssement du devoir sacré d'aller visiter, sur le champ de bataille, ceux
qui y combattent depuis tant d'années ; quoiqu'il ne fût pas Suisse, nous
ne pouvons pas ne pas payer un juste tribut de regrets à celui qui a
exposé ses jours par pur dévouement à quelques-uns de nos compatrio-
tes. M^ Preiswerk est revenu à BâJe, mais M. le D' Mâhli est resté à la
Côte d'Or, pour en étudier les conditions sanitaires et chercher si pos-
sible, soit pour les missionnaires soit pour les indigènes, des préserva-
tifs contre les peniicieuses influences du climat; après que M. Preiswerk
l'eut quitté, il a fait un voyage à Abétifi, la station bâloise la plus avan-
cée à l'intérieur, dans le pays des Achantis, où travaille depuis plusieurs
années M. Ramseyer, un des plus anciens missionnaires actuels de Bâle
à la Côte d'Or. Celui-ci, parti en 1864, et placé à la station d'Anum, eut,
en 1869, la douleur de la voir pillée par les Achantis, qui le firent pri-
sonnier avec sa famille et son collègue M. Ktthne ; emmenés à Coumas-
sie ils y furent î'etenus captîfe jusqu'au 23 janvier 1874, oîi la victoire des
Anglais leur valut la liberté. — Outre les quarante écoles fondées dans
leurs stations, les missionnaires ont établi des ateliers et des magasins,
introduit diverses industries, développé le commerce jusqu'à Salaga ;
un bateau à vapeur, au service de la Société commerciale missionnaire,
remonte le Volta jusqu'aux rapides de ce fleuve; ils ont bâti des villages
hospitaliers, et fait si bien que, sur plusieurs points, la forêj vierge avec
ses miasmes pestilentiels commence à perdre du terrain. Sans doute ces
progrès dans la civilisation n'ont été obtenus qu'au prix de sacrifices
douloureux, mais glorieux en même temps, et nos compatriotes peuvent
en réclamer une bonne part.
Sur un autre point de la côte de Guinée, nous rencontrons M. J.Bûti-
kofer, d'Inkwyl, (canton de Berne) jeune savant attaché au Musée royal
hollandais à Leyde, qui, pendant deux ans et demi, a parcouru le terri-
toire de la république de Libéria. Remontant en bateau la rivière Saint-
Paul jusqu'aux rapides, il s'est ensuite avancé parterre, malgi'é la forêt
vierge, par monts et vaux, à travers gorges et torrents, jusque sm: le
haut plateau des Mandingues, d'où la fièvre l'a obligé à revenir k Mon-
rovia d'abord puis en Europe, où il a rapporté de beUes collections pour
le musée de Leyde, et des observations d'un grand intérêt sur l'état
politique et social de la république de Libéria.
Nous ne sommes pas loin des sources du Niger, dont la découverte»
— 227 —
due sans doute à Tinitiative de M. Verminck de Marseille, n'en a pas
moins rendu illiisti'e le nom de M. Marius Zweifel, deGlaris, après ceux
deMungo Park, de Laing, de Winwood Read empêchés de les atteindre
(I'^ année, p. 131, II"' année, p. 118, 184 et carte p. 188). La gloire
dont il a été honoré n'a point refroidi son zèle, puisque, à l'heure
actuelle, il est de nouveau en route pour la même région, avec l'intention
de descendre le grand fleuve, de ses sources jusqu'à son embouchure,
pour ouvrir, par cette grande voie, le Soudan an commerce européen et
à la civilisation .
Nous avons pu saluer, ce mois-ci, le retour du Niger de M. Demaffey,
de Genève, ingénieur des mines, attaché aitx expéditions de M. le colo-
nel Borguis Desbordes et du D' Bayol sur le haut Sénégal et le Niger,
et qui^ revenu de Bamakou à Bakel, a exploré seul le Bambouk entre la
Faléraé et le Bafing, sur lequel il nous rapporte des renseignements très
intéressants.
Enfin, nous devons une mention spéciale à l'œuvre de la Compagnie
genevoise des colonies suisses de Sétif, créée en 1853 pour introduire et
faire pénétrer la civilisation dans une région oii l'indigène vivait en
nomade, presque sans rien cultiver, en l'amenant peu à peu, par l'exem-
ple et sous l'influence des colons européens, à adopter une vie sédentaire
et à travaiUer. Quoique la Compagnie ait eu à lutter, en 1855, avec le
choléra, en 1856 avec le typhus, en 1867 avec la famine et souvent avec
les sauterelles, elle a réussi, grâce au dévouement intelligent de son pré-
sident, M. le comte Sautter de Beauregard, à amener peu à peu les indi-
gènes h adopter des procédés de culture moins grossiers; elle a introduit,
pour amélk)rer le bétail petit et faible dn pays, des bœufs et des vaches
de race schwytzoise , qu'elle a acclimatés ; puis , grâce à des croise-
ments, elle a transformé la race ancienne, et aujourd'hui deux bœufis
de Sétif fournissent le travail de quatre bœufe d'autrefois; enfin, la
production annuelle en céréales des ten'ains concédés à la Compagnie
pourrait alimenter la population d'une ville de 80,000 âmes. Les indi-
gènes sont devenus sédentaires et plus travailleurs qu'ils ne l'étaieût
aupai*avant. L'influence de cette œuvre civilisatrice s'est étendue beau-
coup au delà des limites de la concession. Actuellement la Compagnie
fait beaucoup pour reboiser les ravins ; elle établit, le long des cours
d'eau et près des sources, des plantations de trembles, de peupliers et
surtout de frênes, cette essence résistant mieux que d'autres aux
influences fâcheuses du iroid des hauts plateaux et de la chaleur du
vent du Sud.
Sans doute, la part des Suisses dans l'exploration et dans la civilisation
— 228 —
de l'Afrique est petite auprès de celle des autres peuples de TEurope ;
Cependant, nos lecteurs ont dû, conune nous, en faisant cette revue,
éprouver quelque chose de ce qui arrive quand on contemple le ciel
étoile. On n'y aperçQit d'abord que quelques étoiles ; si Ton regarde un
peu plus attentivement, de nouveaux astres apparaissent que Ton
n'avait pas remarqués, et si l'on porte sa vue plus avant, on en distingue
de nouveaux encore, et toujours davantage. Que serait-ce, si nous
avions pu leur parler des voyages de MM. les professeurs Chaix dans la
vallée du Nil et Th. Studer à l'embouchure du Congo ; de l'ingénieur
Ug au Choa, des missionnaires Gobât et Waldmeyer en Abyssinie,
Greiner et Meyer chez les Qallas, Gonin au Transvaal, Perrelet à l'île
Maurice, Ludwig au Yieux-Calabar, Golaz et Jacques au Sénégal,
May or en Kabylie ; des botanistes, Schônlein, Brunner et Doge, à la
côte de Guinée ; de J. Brun au Maroc et au Sahara, de Desor et Escher
de la Linth au Sahara algérien, de L. Borel en Tunisie; des explora-
tions archéologiques d'Ed. Naville dans la Basse-Egypte; etc. Combien
de Suisses et sur combien de points de l'Afrique !
Nos compatriotes ont donc fait réellement quelque chose. Mais ne
nous bornons pas à en prendre acte ; voyons plutôt, dans ce qu'ils ont
pu faire, un gage de ce qu'ils feront, maintenant que, sous l'impulsion
donnée par les trois Sociétés suisses de géographie, le goût pour cette
science se développe ; que, grâce aux coi^érences de MM. P. Berthoud,
Th. Vernet, ou d'autres délégués des missions de Bâle et de Paris, le
nombre de nos missionnaires augmente ; que les nouveaux débouchés
commerciaux invitent nos négociants à joindre leurs efforts à ceux des
autres nations de l'Europe, et à porter aux indigènes de l'Afrique les
produits de notre industrie suisse. Seulement, nous demandons aux
négociants suisses de ne leur envoyer que des produits utUes : des coton-
nades de Saint-Gall, Zurich, ou Appenzell ; — M. Peschuêl Loesche disait
récemment à Halle, qu'au Congo, les mouchoirs de Glaris, aux cou-
leurs voyantes, sont recherchés comme article de payement ; — du lait
condensé, dans les régions où la présence de la tsetsé ne permet pas
l'élève du bétail ; même des boîtes à musique de Genève, car on sait le
charme exercé sur les natifs par celles qu'ont emportées dans leurs explo-
rations , Junker chez les Mombouttous, Pogge et Wissmann à Muquen-
gué.Mais qu'ils s'abstiennent par-dessus tout d'y expédier des spiritueux,
qui tuent le moral des natifs et les abrutissent, avant de les faire périr !
Et ici, quoique notre article soit déjà bien long, nous ne pouvons pas
ne pas rappeler que, déjà en 1878, M. G. Moynier présenta au Comité
suisse-africain, de la part de M. le D' Christ-Socin de Bâle, une pro-
— 229 —
position tendant à faire prohiber le trafic de Teau-de-vie d'une manière
absolue, par une Commission internationale qui serait chargée de
réglementer le commerce du Congo, Adoptée par le Comité national
suisse dans sa séance du 9 février 1878, la proposition de M. Moynier
fut transmise à la Commission executive de Briixelles, dont le secrétaire
général, M. Greindl, répondit « qu'elle serait prise en considération,
dans la mesui'e du possible. » Nous ne savons pas dans queUe mesure
elle l'a été, et nous ne voyons pas encore très bien comment la Commis-
sion internationale, dont nous appelons la création de tous nos vœux,
pourra y répondre; mais, avant toute prohibition légale, les Suisses peu-
vent prendre la résolution de n'importer de spiritueux dans aucune
partie de l'Afrique. Qu'ils la prennent et qu'ils la tiennent, et ils assu-
reront par là à notre patrie la plus belle part dans la civilisation de ce
continent !
CORRESPONDANCE
QUESTION DES TRAVAILLEUE8 ENGAGES POUR 8T-TH0MA8
Noas avons reçu de M. Henrique de Carvalho, au sujet de la question des
travailleurs engagés pour Pile de Saint-Thomas, une nouvelle lettre que sa
longueur ^e nous permet pas de publier in extenso. Nous devons nous borner à
en donner l'analyse.
Tout en reconnaissant la fidélité du résumé que nous avons publié de la
dépêche sur la traite des noirs, contenue dans le n? 53 du Bîue Book, de janvier
1862 à mars 1883, M. de Carvalho réclame, au nom du Portugal, contre les assertions^
de la dépêche elle-même. Il nous fait connaître, d'après une information qu'il a
reçue, la réponse de M. Serpa à l'ambassadeur anglais à Lisbonne, M. W. Baring.
Dans son exposé du mode de recrutement des travailleurs dans l'intérieuf de la
province d'Angola pour l'tle de Saint-Thomas, le ministre portugais aurait
affirmé : « que les premiers cotitrata de ces travaiUews, faits en pleine liberté^ au
vu et au su des autorités, seront écfms au commencement de 1884, cinq ans après la
mise à exécution de la loi de décembre 1878, qui règle le nouveau système de travail
dans les colonies portugaises d'Afrique. » Il a déjà été répondu à une représen-
tation analogue du gouvernement anglais en 1880, qu'à l'expiration du contrat
les propriétaires devront, de par la loi, remettre aux travailleurs qui auront
satisfait à toutes les conditions de leur engagement, le prix du passage pour
retourner dans leur pays par les paquebots mensuels, occasion qui s'ofi^re toujour»
pour se rendre de l'Ile à la côte d'Afrique. Aussi M. de Carvalho conteste-t-il
l'exactitude de la déduction du gouvernement anglais, que ces travailleurs soient
obligés de s'engager de nouveau et ne deviennent jamais travailleurs libres. Il
rappelle que le 15 octobre 1875, trois ans avant l'abolition du travail forcé, tous
les propriétaires affranchirent leurs travailleurs (16,000) et les conduisirent st
— 230 —
l'autorité supérieure de Plie pour leur donner la liberté, sans aucune réserve
quant au droit à deux ans de service qiû leur était garanti par la loi. Malheu-
reusement ces afifrancfais ne surent pas tous faire un bon usage de leur liberté, et
beaucoup d'entre eux devinrent le iléau des propriétés agricoles. D'autres sont
devenus propriétaires, d'autres encore vivent honnêtement, quoique sans .travail,
grâce à la richesse de la végétation.
M. de Carvalho conclut en assimilant le système de recrutement incriminé par
le gouvernement anglais, à celui que pratiquent, à Landana et à Zanzibar, les
missionnaires romains, et^ à Mozambique, les agences anglaises de recrutement de
travailleurs pour Natal et la colonie du Cap; il protesté contre l'abominable
traite des nègres, et en appelle au mémoire récent de M. James Stevenson siu* les
Grandes voies fluviales de V Afrique et sur la traite^ où il n'est pas question de
traite dans la provinoe d'Angola, ni de routes par lesquelles ces travailleurs, soi-
disant esclaves, seraient amenés de l'intérieur aux ports de l'Atlantique, dans les
possessions portugaises.
ABANDON DU DABFOUR PAS l' EGYPTE
Au dernier moment, nous recevons de M. Schuver une lettre, que la gravité de
la nouvelle qu'elle contient nous engage à publier in extenso :
Khartoum, 19 jiiin 1883.
Monsieur,
Je viens de recevoir, du général Hicks lui-même, des nouvelles extrêmement
intéressantes : Le Darfour a été définitivement éoaaU par les troupes égyptiennes.
Au mois d'avril dernier, sur des ordres reçus du Caire, un courrier est parti
d'ici pour £1-Facher, avec les instructions suivantes pour Slatin-bey : Concentrez
les garnisons du Darfour à El-Facher; tâchez d'installer un gouvernement
national quelconque sous un des descendants de l'ancienne dynastie darfourienne,
puis «^abandonnez le Darfour, soit par la route de Dongola, soit parcelle du
Bahr-el-Ghazal.
Ces instructions sont parvenues à Slatin-bey, qui a évacué El-Facher , et qiû,
après avoir livré un combat aux Arabes Hamr, s'est retranché dans une forte
position stratégique à Oum Changa, sur la route d'El-Obéid. Il est probable qu'il
cherche l'occasion de se joindre à la garnison de Fodcha, avant d'entreprendre la
marche vers le Bahr-el-Ghazal. On attend avec anxiété des nouvelles ultérieures
de ses mouvements.
En tous cas, vu les opinions émises par Lord Dufferin au sujet de la politique à
suivre au Soudan, on peut admettre que la question, si longtemps agitée, du main-
tien ou de l'abandon du Darfour, vient d'être résolue.
De ce côté-ci, aucun espoir de voir les opérations recommencer avant la fin de
la saison des pluies, soit fin septembre, à moins que les dissensions que l'on dit
avoir éclaté dans le camp de Mohamed- Ahmed ne prennent une tournure sérieuse,
ce que personne ne peut dye.
— 231 —
BIBLIOGRAPHIE'
Voyage extravaciant, mais véridique d'At^ger au Cap, par Julien
Vinsonet Paul Dice. Paris (M. Dreyfous), 1883, in-12, 300 pages, 2 fr.
— Ce livre est peut-être l'un des meilleurs de la Bibliothèque d'aven-
tures et de voyages que publie la librairie Dreyfous. Jusqu'à présent elle
renferme surtout des ouvrages qui, à notre avis, n'ont plus qu'un inté-
rêt historique, par exemple, ceux qui racontent les voyages de Cook, de
Mungo-Park, etc. Il est sans doute bien préférable de faire connaître
les explorateurs contemporains, dont les noms sont dans toutes les bou-
ches, mais dont souvent, dans le grand public, on igûore les travaux
considérables. Il a pai'u à MM. Vinson et Dive, qu'un livre qui donne-
rait, sous une forme attrayante, le résumé des expéditions récentes, ne
manquerait pas d'être bien accueilli. Leur attente ne sera pas trompée.
Des deux auteurs, l'un a déjà visité une partie des pays oii il conduit
ses lecteurs, Tautre vit continuellement dans l'étude et la pratique des
sciences physiques et naturelles. Ils étaient donc convenablement pré-
parés pour mener à bien un travail de ce genre, c'est-à-dire pour faire
connaître ce qu'il y a de plus saillant et de plus instructif dans les récits
des derniers explorateurs. Ils ont pu qualifier d'extravagant le voyage
qu'ils font accomplir à leurs personnages de fantaisie, à travers toute
l'Aû-ique, d'Alger au Cap, par le Sahara, Tombouctou, le Niger, le lac
Tchad, le Nil, le Tanganyika^ le Nyassa et le pays des Zoulous, mais ils
ont eu dans une certaine mesure, le droit de l'appeler véridique, puis-
que toutes les découvertes racontées ont été réellement faites par des
voyageurs connus. A la fin du livre, se trouve un appendice, oii les lec-
teurs trouveront l'origine exacte des aventures attribuées aux person-
nages du récit et la justification de ce qui pourrait les surpendre.
JosBJPH Vallot.- Études sur la flore pu sékegal. Paris (Jacques
Lechevalier) 1883, l"fasc., in-8'*, 80 p. 4 fr. — Ne pouvant encore entre-
prendre de rédiger une flore détaillée du Sénégal, vu que, dans peu
d'années, les découvertes des expéditions qui s'y multiplient l'auraient
rendue très incomplète, M. Vallot a eu l'heureuse idée de réunir les tra-
vaux botaniques sur cette région, dispersés dans de nombreux ouvrages,
et d'y ajouter une étude complète de l'herbier du Muséum d'histoire
^ On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 13, rue du Rhône, à Genève,
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civilisée.
— 232 —
naturelle de Paris. D a préparé ainsi un cadre, où viendront se placer
les plantes nouvelles qui ne manqueront pas d'arriver au Muséum, main-
tenant que les communications entre le Sénégal et le Niger sont défini-
tivement assurées. Il a adopté pour ces études la forme d'un catalogue
méthodique, dans lequel sont indiqués tous les noms des localités oti ont
été trouvées telles ou telles plantes, et ceux des personnes qui les ont rap-
portées. Un abrégé historique des explorations botaniques de l'Afrique
centrale, contenant la liste des voyageurs avec l'indication des pays par-
courus par eux, de l'époque de leurs voyages, des herbiers où se trouvent
leurs plantes, et des ouvrages où elles ont été publiées, précède ces étu-
des, auxquelles est jointe une carte des explorations botaniques au
Sénégal.
Abyssikien und die ubrigen Gebiete der Ostkùste Afbikas, von
prof. D' R. Hartmann, Leipzig (G. Freytag), Prague (F. Tempsky),
1883, in-S**, 303 p. illustr. et carte. — La librairie Freytag publie une
série de volumes destinés à exposer l'état de toutes les branches des con-
naissances humaines. Six volumes seront consacrés à l'Afrique où chaque
jour de nouveaux pays sont découverts et de nouveaux peuples étudiés,
en sorte qu'un livre, datant de trois ou quatre ans, n'est déjà plus au
courant et demande à être revisé. Il appartenait au savant auteur de
l'ouvrage sur Les peuples de V Afrique de décrire la région où les grou-
pements divers de familles et de races sont le plus intéressants, mais
dont l'étude est la plus difficile. La côte orientale d'Afrique renferme^
en effet, à côté les uns des autres, des nègres, des tiiW se rattachant
à la race blanche, des souahélis qui peuvent être r^ardés comme fai-
sant partie du groupe des races mixtes ou mélangées, et enfin des Ara-
bes et des Européens. Ces peuples divers présentent, dans leur manière
de vivre, dans leurs mœurs, leur conformation, et leur couleur des parti-
cularités des plus curieuses, que M. Hartmann pouvait mieux que per-
sonne faire ressortfr.
Son livre est l'exposé de nos connaissances sur l'état actuel de ces
pays. Il traite successivement de l'Abyssinie, qui forme la partie princi-
pale du volume, du pays des Gallas, du Somal, de l'Afer ou Afar, etc.
Puis, descendant plus au Sud, il étudie les tribus nègres de la région
équatoriale de l'Afrique orientale, la domination arabe sur la côte de
Zanzibar, et enfin les possessions portugaises de la province de Mozam-
bique. De nombreuses illustrations contribuent à rendre agréable la lec-
ture de ce volume.
— 233 —
BULLETIN MENSUEL {3 septembre 1883. y
En attendant la construction d*un chemin de fer entre TÂlgérie et le
Sénégal, un ancien colon en Algérie a proposé de former, à travers le
Sakara, des oasis peu distantes les unes des autres, au moyen de plan-
tations de palmiers et de baobabs. En même temps seraient placés, le
long de ces cultures, une conduite d'eau et un fil télégraphique. Plus
tard on planterait d'autres arbres dans les intervalles entre les oasis
ainsi créées.
La Société de géographie de HaDe a reçu communication des
résultats de l'exploration que M. le professeur D" Schmidt avait été
chargé de faire en Tunisie et en Alfl^érie. Après avoir passé une
dizaine de jours à Tunis, à étudier les mœurs des divers groupes de
populations de cette vUle, Use dirigea, par Béja et Soukarras, vers Cons-
tantine, d'où il fit diverses excursions, l'une au sud, h l'oasis de Biskra,
l'autre au nord, à Philippeville. Ayant reçu de l'Académie des Inscrip-
tions de Berlin le mandat de compléter la coUec^on des documents épi-
graphiques grecs et latins de cette région, il en a rapporté un grand nom-
bre, ainsi que des inscriptions berbères, et d'autres en caractères toua-
regs qu'on n'a pu déchifrer jusqu'ici. A l'occasion de la communication
de M. Schmidt, le professeur Eirchhoff a rappelé l'opinion de Nachti-
gal, d'après laquelle le nord de l'Afirique serait soumis à un dessèche-
ment séculaire, qui ferait avancer le désert vers le nord.
Parmi les projets auxquels a donné lieu la discussion sur l'améliora-
tion des moyens de communication entre la Méditerranée et la mer
^ôùge, à travers l'istiime de Suez, nous devons mentionner celui d'un
chenUn de fer pour navires, proposé par MM. Clark et Stanfield
à la Chambre de Commerce de Londres. Us se chargeraient de construire
des machines qui, en trois minutes, élèveraient de 12 mètres des navires
de 6000 tonnes, auxquels ils feraient traverser l'isthme en six heures,
sur an chemin de fer dont la construction, dans leur opinion, coûterait
la moitié moins qu'un second canal et exigerait la moitié moins de
temps.
^ Les matières comprises dans nos Bulletins menmds et dans \e% Nouvelles com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à TËst, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
L'AFRIQUE. — QUATRIÈME ANNÉE. — N« 9. 9
— 234 —
Les Proceedings de la Société de géographie de Londres et les Mit-
tJieilungen de Goth^ nous apportent des détails extraits de lettres de
Liupton-bey sur ses explorations dans sa province du Bahp-el-Gh»-
zal. A la fin de Tannée derni^e il était à Anyower, à quatre jours de
marche à TO . de la résidence de Semio oti était Junker , par 6 %42' lat. N .
et 23° long. £. de Paris. Il a découvert une grande rivière du nom de
Pappi, qui prend sa source dans les montagnes au'S.-O. de Hofra-en-
Nahas, se dirige vers le sud et reçoit de nombreux tributaires, entre
autres le Wille, que la carte de Schweinfurth Indique comme apparte-
nant au bassin du Bahr-el-Arab. Lupton-bey a traversé deux fois le
Parpi, par 7%30' lat. N. et 22%56' long. E., puis par 6%46' lat. N. et
22'', 52' long. E. de Paris. Au premier point, la rivière avait 15" de lar-
geur et 5 à 6" de profondeur, et au second, 80" de large sur 10" de pro-
fondeur, avec une vitesse plus grande. Dans la aaison sèche, elle est
guéablë en beaucoup d'endroits, mais ne tarit pas comme les autres
rivières de ce pays. Sous le V'flO' lat. N. elle forme une grande cataracte
nommée Ginder; au delà elle coule entre des collines, a des rives
abruptes et boisées, etjForme des méandres entre des rochers. Le pays
qui Tavoisine est fertile et très peuplé de nègres Kredjs et de Bendas.
On y cultive le dourrha, le mais, plusieurs espèces de fèves, du tabac, etc.;
parmi les arbres on remarque surtout le palmier à huile, le figuier et
l'arbre à soie de Piaggia {eriodendron anfractuosum) ; les éléphants y
abondent. — Jusqu'ici les steamers qui naviguent oecasionnellemeut de
Ehartoum au Bahr-el-Ghazal ne se sont guère avancés que jusqu'à Mes-
hra-el-Rek. Lupton mentionne un steamer en construction à Ehartoum.
d'un tirant assez faiUe pour naviguer sm* le Djour, tributaire du Babr-
el-Ghazal, et qu'il a l'intention de fah-e remonter jusqu'à Wau, s^i
120 kilom. au S.-O. de Meshra-el-Rek*.
De son côté, Emin-bey» pour obvier aux inconvénients causés dans
la navigation du Nil-Blanc par les obstructions du fleuve, a l'intention
de faire une route de Bohr, sur le Nil-Blanc, au Sobat. — Il a reçu du
sud des nouvelles d'après lesquelles la guerre régnait entre Mtésa et
Kabréga. Un grand nombre d'Arabes de Zanzibar se sont établis chez
Kabréga, en venant directement du Earagoué sans toucher l'Ouganda.
Mrouli était occupé par les Ounyoros ; de là, une route conduit à Mparo-
Nyamoga, dans la direction du lac Albert.
n ressort d'une lettre de Rohlfe à VEsploratore^ qu'à Galabat, la
* Voir la carte, p. 116.
— 235 —
traite est plus florissante que jamais. Les inspecteurs de ce trafic qui
s'y trouvent sont des Grecs, qui [^encouragent pour recevoir un bak-
chiche. D'autre part, un correspondant du Phare d'Alexandrie hd écrit
<l'Hodelda, que depuis quelque temps cette ville et les localités voisines
8(mt remplies d'esclaves importés de la côte africaine de la mer Bouge,
et que la vente de ces pauvres créatures se fait presque en public. — On
comprend dès lors que le comte de Fife ait attiré Tattention de la Cham-^
bre des Lords sur la recrudescence de la traite an Sondan. S'ap*
puyant sur Taffirmation de Schweinfurth : qu'aucun fonctionnaire égyp-
tien n'a jamais été puni sérieusement par son chef pour sa conduite
relativement à l'esclavage, et sur le rapport du colonel Stèwart attes-
tant qu'aucune maison importante engagée dans le commerce des
esclaves n'a jamais été molestée, parce qu'il y a trop d'intéressés à ce
trafic et que les notables sont trop puissants et trop influents, il a insisté
sur la nécessité de profiter de l'ascendant que l'Angleterre a acquis dans
les a&ires de l'Egypte, pour s'attaquer à la racine même du mal, et
arrêter la demande d'esclaves en réclamant l'abolition de l'institution
légale de l'esclavage en Egypte. Rappelant ensuite que, d'après le traité
Cimclu en 1877 entre l'Angleterre et l'Egypte, la traite doit être décla-
rée abolie l'année prochaine dans ce dernier pays, il a demandé que
l'autorité à cet égard fdt remise aux mains de quelque Européen résolu,
qui comprit les devoirs, qu'impose l'influence civilisatrice acquise par
l'Angleterre. Tout en faisant remarquer que l'état de désorganisation
dans lequel se trouve le Soudan est très défavorable au succès de
mesures pour la suppression de la traité, lord Grandville a annoncé que
le gouvernement anglais a désigné, comme consuls pour le Soudan, deux
homfnes capables, dont l'un, M. Auguste Baker, résidera à Khartoum,
et l'autre, M. Moncrieff, à Souakim, pour appuyer les autorités qui tra-
vaillent à l'abolition de l'esclavage. — Dans une^réunion d'adhérents de
l'Antislavery Society, tenue à Valentines, près d'Uford, lord Grandville
a abordé la question de l'abolition immédiate de l'esclavage en Egypte.
La Société a promis d'appuyer ses vues, et a exprimé le vœu que l'in-
fluence de l'Angleterre en Egypte ne soit pas employée à soutenir un
gouvernement qui permettrait encore à un homme de réduire en escla-
vage son semblable. Les missionnaires Wilson, de l'Ouganda, et Farler,
de l'Ousambara, ont donné des renseignements sur l'esclavage dans ces
deux parties de l'Afrique.
Le journal le Ten^ps nous a appris que, d'après une lettre particulière
de M. Solelllet» ce voyageur, après son excursion au Kaffa, en a fait
— 236 —
une nouvelle le long du Nil Bien. Grâce à la faveur du roi Ménélik»
il a pu visiter les monts Dauba, Eollacha et Tanis, la province de Salalé^
le grand marché de Djairo, au point de jonction des montagnes du
Godjam et de rAmhara, ainsi que le célèbre monastère de Debra-Liba-
nos. Le dimanche 29 avril, jour de la Pftque éthiopienne, il se trouvait à.
Ânkober, où Ta rejoint le comte Antonelli, chef de Texpédition ita-
tienne, qui a heureusement ouvert la route d'Assab au Choa. malgré le
projet du pacha de Zella, Abou-Beker, qui a tenté de le £eiire assassiner^
comme il Tavait essayé pour M. Soleillet.
Nous avons annoncé daos notre précédent numéro le retour à Mom-
bas de J. Tkomson» obligé de renoncer à s'avancer à travers le pays
des Masal par la même route que le D' Fischer, et de venir à la côte
prendre des renforts et renouveler ses provisions. De Mombas il a écrit
à la Société de géographie de Londres, aux Proceedings de laquelle
nous ^npruntons ce qu'il dit de sa marche, à partir de Taveta, le long
du pied du Kilimandjaro. Retenu trois jours par les ruses d'un chef
pillard, Mandara, il en profita pour tenter une ascension de cette mon-
tagne, au-dessus de la région des forêts, k plus de 3000". Ensuite, pen-
dant cinq jours, il chemina dans un terrain coupé de torrents impétueux^
dont le passage lui opposa souvent de grandes difficultés. Pendant tout
ce temps, il n'entrevit la partie supérieure du Kilimandjaro qu'à de
courts intervalles, à l'approche du lever et du coucher du soleil. Une
seule fois il eut la vue du sommet pendant une demi-heure. Le pic infé-
rieur n'avait pas de neige; le supérieur en avait une calotte légère, qui
descendait un peu plus bas du côté du sud et brillait conune de l'argent
poU au soleil du matin, contrastant fortement avec le profil sombre et
rocheux du Kimawenzi. Tout autour roulaient d'énormes cumulus
blancs; puis un rideau de stratus étendit sur toute la scène un voile
mystérieux d'un gris uniforme. Quoique propre à toute espèce de cul-
tures, le pays qui entoure la base de la montagne est complètement
inhabité par crainte des Masal; mais il fourmille de gros gibier : buffles,,
rhinocéros, zèbres, éléphants, etc. — Thomson espérait pouvoir repartir
de Mombas avec une caravane arabe.
M. Ledoulx, consul de France à Zanzibar, a communiqué à la Société
de géographie de Paris des nouvelles du capitaina Bloyet, chef de la
station du Comité national français h Condoa. A sept journées de
marche de cette localité, les Wahéhés, descendus de leurs plateaux,,
avaient attaqué une caravane et tenaient la campagne, mais sans inspi-
rer de crainte à M. Bloyet. Le consul signale l'état prospère des
— 237 —
«ions romaines de Mhonda et de Mandera, autour desquelles se
sont groupés des villages qui acquièrent de jour en jour plus d'impor-
tance. Les produits des environs y affluent, la monnaie y remplace déjà
réchange, et, dans quelques années, au lieu des broussailles et de la
solitude, s'élèveront là des centres populeux. Les missionnaires ont
réussi à fonder une nouvelle station à Mrogoro, ville principale des Was-
sigouas. Le chef Goméra s'opposa d'abord à leur projet ; mais le sultan
Sald-Bai^asch lui ayant ordonné de les bien recevoir, il a déposé ses
préventions et leur a permis de s'établir dans ses États.
M. le lieutenant Becker, revenu temporairement de Karéma, se
prépare, par des études spéciales à l'Institut géographique militaire de
Bruxelles, à y retourner l'hiver prochain. Il a obtenu un grand crédit
auprès des noirs, qui, dans leur simplicité, lui attribuent, comme à
d'autres blancs, le pouvoir de disposer de la pluie et du beau temps. Pen-
dant son voyage de Karéma à Zanzibar, les habitants des villages qu'il
traversait, souffrant d'une sécheresse prolongée, venaient lui demander
de la pluie. Ayant remarqué que la pluie le suivait dans sa marche de
l'ouest à l'est, il promit gravement qu'il pleuvrait si on le dispensait de
payer le hongo, ce qui lui fiit accordé. La pluie ne manqua pas, et sa
popularité s'en acciiit de beaucoup.
Dans une visite que le P. Guillet a faite d'Oudjidji au Massanzé, il
a constaté que l'emplacement choisi pour la station de ee district, à
l'ouest du Tanganyika, est insuffisant. Il a exploré le f^olfe de Bupton,
pour y chercher un lieu plus convenable à cette mission, en même temps
qu'il se proposait de reconduire chez lui, dans l'Oubouari, un chef,
Kisamba, dont les villages étaient ravagés par l'esclave de l'Arabe
Wangouana. Dans le fond du golfe, il visita un plateau couvert de beaux
arbres, mais sans habitants; près de là coule le Nembré,- dans une
plaine où croît le papyrus, avec quelques hameaux dont les indigènes
vinrent au-devant de lui, et lui témoignèrent le désir de le voir s'établir
au milieu d'eux, pour être mis à l'abri des exactions de leurs voisins.
Remontant ensuite vers le nord, jusqu'à la pointe de Vanza (Pannza, de
la carte de Stanley), il n'y rencontra que la dévastation et un silence de
mort. Kisamba, debout, à l'avant du bateau, criait de toute sa force,
annonçant l'arrivée des blancs. Quelques formes humaines sortirent de
derrière les rochers oti elles se tenaient cachées. Kisamba apprit que
plusieurs membres de sa famille avaient été massacrés, pour n'avoir pas
voulu suivre le vainqueur en esclavage; alors il s'élança dans la mon-
tagne, d'où il ramena bientôt au rivage une longue file de femmes et
— 238 —
d'enfante qui s'y étaient réfi^ié&»;et demanda au miflaiOBAaire de k»
conduire au Massanzé^ oii ils seraient en sûreté. Le P. Guiltet y con-
sentit; mais rinsuffisance de Tétabliss^n^t du Massanzé n'en fut que
mieux constatée, aussi a^t^n résolu de le transférer sur le plateau de
Kassoukou, au fond du golfe de Burton.
M. O'NefU est parti de Mozambique pour le lae Chiroua. D'après
les dernières informations qu'il avait reçues, il commençait à douter que
la Lujenda en fût l'émissaire. Les opinions des trafiquants nati& qui
avaient voyagé dans cette partie de l'Afrique différaient beaucoup les
unes des autres. Les uns la font sortir d'un lac Amaremba ou Mnaremba;
un autre, qui, l'année dernière, a passé du la€ Chîroua au lac Amaramba,
prétend qu'il n'y a point de communication entre eux, et que le seuil
qui les sépare est très élevé; il décrit l' Amaramba comme un lac long,
beaucoup plus petit que le Chiroua, mais ayant deux îles. Le lac vu par
Johnson et supposé par lui être le Chiroua, ne serait-il point l'Ama-
ramba? C'est ce que l'expédition de M. O'Neill ne manquera pas de
nous apprendre.
M. liVilllaiii99 associé de la Société de géographie de Londres, a
récemment traversé, avec sa femme et son fils, âgé de sept ans, le
pays des Bamanf^ivatos. Après avoir voyagé le long du Limpopo,
et traversé le Marico et le Notuani, ils s'éloignèrent du Limpopo, fran-
chirent un désert sans eau de 120 kilom., et eurent le bonheur de ren-
contrer un Anglais, M. John Benuion, de Schoschong, qui leur montra
le chemin jusqu'à la capitale de Khamé. Celui-ci était alors en guerre
avec les Matébélés ; son frère Khamané, qui remplissait les fonctions de
régent, donna des guides à M. Williams pour le conduire au pays des
Matébélés. Le voyageur devait laisser sa femme à Tati, se rendre à
Gouboulouayo, chez Lo Bengula, et y prendre de nouveaux guides et
porteurs, pour s'avaucer avec sa femme et son fils jusqu'aux chutes
Victoria, en passant par Panda-ma-Tenka, oii il comptait laisser son
wagon pour faire porter de 1&, en litière, sa femme jusqu'au Zambèze.
D'après un Blue Book communiqué au parlement anglais, le gouver-
nement britannique n'admet pas que la Colonie du Cap ait le droit de
répudier la charge qu'elle a acceptée en 1871 de gouverner le Lesaouto,
ni que l'État libre d'Orange puisse réclamer autre chose, si ce n'est que
l'Angleterre se charge pour une bonne part de maintenir la paix sur la
frontière, ni enfin que les Bassoutos soient en droit de revendiquer le
rétablissement de leurs anciennes relations avec la Couronne d'Angle-
terre. Cependant le gouvernement anglais reconnaissant les efforts
sérieux faits par la Colonie du Cap pour gouverner le Lessouto, est dis-
— 289 —
poBé à mettre à Tépreuve, provisoirement, le désir des Bassoutos de
redevepir sujets de la Couronne d'Angleterre, à la condition : l"" qu%
prouvent d'une manièfre satisfaisante leur désir de rester sujets de la
Couronne, et Eussent leur possible pour payer les impôts stipulés et pour
obéir au baut-K^mmissaire ; 2* que TÉtat libre d'Orange prenne les
mesures nécessaires pour prévenir toute incursion dans le Lessouto,
faute de quoi le gouvernement anglais sera déchargé de toute responsar
bQité ultérieure ; S"" que la Colonie du Cap se charge de rembourser au
haut-commissaire tous les droits de douane, taxes et autres revenus pro-
venant de l'importation de marchandises dans le Lessouto. La dépêche
du ministre des colonies conclut en disant, qu'il est bien entendu que le
gouvernement anglais ne prétend nullement, par cette intervention,
accepter une responsabilité permanente à l'égard du Lessouto. Si les
parties plus spécialement intéressées dans la question ne lui prêtent pas,
autant qu'il est possible, leur concours, le gouvernement anglais ne se
considérera pas comme tenu de continuer son intervention.
Une expédition organisée en vue de fonder un établissement
allemand en Afrique a été entreprise par une maison de commerce
de Lubeck, qui a envoyé un agent, M. Yogelsang, dans le pays des
Grands-Namaquas, au nord de la colonie du Cap, pour acheter aux
Hottentots la baie d'Anipra Peqnena, par 26 ^",37' lat. S. et
12"*, 47' long, E. de Paris, ainsi qu'un territoire de 50 à 60,000 hectares
à l'intérieur. La baie est protégée contre les vagues par trois grandes
îles ; le mouillage en est excellent. Dans les montagnes parallèles à la
côte, se trouvent l43s établissements des indigènes au milieu desquels
travaillent les missionnaires rhénans de la station de Béthauie. La mai-
son Luderitz qui a pris l'initiative de cette expédition ne doute pas qu'il
ne s'y trouve des gisements de cuivre, comme il en existe plus au sud
dans le pays des Petits-Namaquas ; elle compte faire explorer le pays h
ce point de vue, et a tenu à s'assurer l'exportation du minerai, par la
possession d'un port sûr et d'un accès facile. Un petit sehooner à deux
mâts fera un service régulier entre le nouvel établissement et Capetown.
Le dernier numéro des Proceedings de la Société de géographie de
Londres renferme un rapport de lord M ayo sur l'expédition qu'il a
faite, l'année dernière et au commencement de celle-ci, avec M. H.-H.
Johnfitton» naturaliste, de Mossamédès au Cuiiéné. Après une
excursion au sud, le long des Montagnes Noires jusqu'à la Coroca, ils se
dirigèrent vers l'est, gravirent la Serra de Chella, dont ils suivirent la
crête jusqu'à la latitude de Humpata, où ils visitèrent la station des
Bœrs qui les reçurent avec une hospitalité des plus aimables. Lord Mayo
^
— 240 —
a trouvé cette colonie très prospère, et favorisée par un climat très sahi-
bre, la température du plateau sur lequel elle est établie demeurant la
même à peu près toute Tannée. A Huilla, ils rencontrèrent le P. Dupar-
quet dont la station missionnaire est aussi très florissante, et qui y fait
construire un collège pour des élèves de Saint-Paul de Loanda, Pair de
Huilla étant beaucoup meilleur que celui de la côte. De là, descendant
vers la rivière Quimpanpanini, ils arrivèrent à Commandantes Drift, la
dernière ferme portugaise avant d'atteindre Humbé, près du Cunéné.
Les rhinocéros abondent dans le voisinage ; plus loin ce sont les zèbres,
les antilopes, les éléphants, etc.; dans le Cunéné, les hippopotames.
Toute cette région est encore très riche en gibier, quoique les Chibiquas
qui habitent la partie méridionale de la Serra de Chella soient essentiel-
lement chasseurs et voués à Télève du bétail. Us ont émigré, il y a
150 ans, du pays au sud du Cunéné, et appartiennent à la tribu des
Damaras, avec un mélange d'Ovampos et d'autres tribus ; leur langage
ressemble à celui des Ovampos. Les Hottentots avaient fait récemment
irruption à ti*avers le Cunéné, attaqué le village palissade des Chibi-
quas, en sorte que ceux-ci s'étaient dispersés dans les villages voisins du
fort portugais de Gambos. Lord Mayo en rencontra une troupe nom-
breuse à la chasse ; ils étaient munis de curieux instruments en fer, à
tête en forme de lance, avec lesquels ils frappent l'éléphant, auquel ils
coupent les muscles au-dessus des pieds de derrière ; après l'avoir ainsi
mis dans l'impossibilité de fmr, ils le tuent avec leurs assagaies. Ds
n'ont point d'armes à feu et sont de purs sauvages. Sur la route de
Humbé, on rencontre des plantations considérables de bananiers et
d'orangers, et beaucoup de baobabs. Quant au Cunéné, où les voyageurs
allaient chasser l'hippopotame, ils l'ont trouvé beaucoup plus petit qu'ils
ne s'y attendaient, et point navigable à l'endroit oU ils l'atteignirent,
près de Humbé. A son embouchure il y a une barre ; à une centaine de
kilomètres en amont, des rapides, et, à l'endroit oîi le fleuve franchit la
Serra de Chella, une cataracte. Les Boers prétendent que les hippopo-
tames y abondent, et que les éléphants soDt nombreux dans les monta-
gnes le long de ses rives. Lord Mayo et Johnston remontrent la vallée
jusqu'au village d'Ekamba, dont les femmes donnent à leur chevelure
l'apparence d'un énorme papillon de chaque côté de la tête. La saison
des pluies venues, ils résolurent de revenir à la côte, mais un accès de
fièvre et de rhumatisme retint lord Mayo à Humbé, où les missionnaires
romains le soignèrent avec beaucoup de dévouement. Au retour il passa
par la route que le gouvernement portugais a fait construire pour fad-
- 241 —
liter les voyages des Boei*s avec leurs wagons lorsqu'ils se rendent à la
côte, mais il put constater d'autre part combien sont élevés les droits
dont sont frappées les marchandises importées dans la province de
Mossamédës.
Invité par Stanley à aller le rejoindre sur le Conn^, M. II.-II.
Johnston y a fait des études très intéressantes sur la flore et la faune
des trois régions : de la côte à la première cataracte, de Yellala à Stan-
ley-Pool, et de ce point à Bolobo, limite de son champ d'exploration.
Revenu en Europe, il a rapporté que Stanley se préparait, le !•' mai,
h partir de Léopoldville avec une flottille de trois vapeurs et de beaucoup
de canots indigènes, pour un voyage en amont du fleuve jusqu'aux chu-
tes de Stanley, à 1600 kilom. de distance. Il dit aussi que Stanley a fait
alliance avec plusieurs des chefs qui possèdent la rive septentrionale du
Congo, à une très grande distance au delà de Stanley-Pool, et qu'il a
signé des traités pour faire échec à de Brazza, quoique la commission de
l'Association internationale de Bruxelles lui ait intimé l'ordre de conser-
ver des relations amicales avec l'expédition française et de reconnaître
les droits acquis par la France sur le Congo. Parmi les nouveaux agents
du Comité d'études envoyés à Stanley, M. Johnston mentionne
M. Roger, autrefois agent de l'Association internationale dans une des
expéditions de Zanzibar au Tanganyika, et qui est arrivé, au Congo avec
deux baleinières, pour tenir ouvertes les communications par le fleuve
entre Isanghila et Manyanga. D'autre part, deux géographes anglais.
Sir Frédéric Goldsmith et M. E. Delmar Morgan, ont été chargés d'une
mission spéciale au Congo, d'oii est revenu l!d. Braconnier. — En outre,
la Pall Mail Gazette annonce que M. Verey, ingénieur, a été chargé
par le Comité d'études de conduire à Stanley un steamer, sur lequel il
l'accompagnera le printemps prochain dans un long voyage, pour explo-
rer des régions inconnues jusqu'ici.
D'après une communication du D^ Schweinfurth, le D' Emile Riebeck
prépare une expédition pour l'exploration des pays voisins du Nin^er,
du Bénoaé et du lac Tcliad. Elle sera confiée .à M. G. Adolphe
Kraase qui, par un long séjour dans le nord de l'Afrique, a acquis une
connaissance parfaite des difficultés que présentent ces entreprises, et
des langues de l'Afrique centrale entre le Chari et le Haut-Sénégal,
entre autres du foui et du kanouri. M. Krause se propose de remonter
le Niger, depuis son embouchure jusqu'à 600 ou 800 kilom.; après quoi
il s'établira dans un endroit convenable qui lui permette de profiter
des occasions favorables pour de futures excursions à l'intérieur. Il
— 242 —
pense choisir, pour son premier quartier général, Kipo-Hill, station mis-
sionnaire près d'Egga, ou Chonga, près de Rabba, et étudiera d'abord
la langue et l'ethnographie des Fellatas et des Haoussas-Mousouks.
Deux missionnaires des stations du Vieux CaJabar, MM. Beedie
et Edi^erley, ont fait récemment un voyage en amont de Creek-Town,
pour visiter, le long du fleuve, la grande peuplade des Atams, la prin-
cipale tribu des Akounakounas, et chercher un endroit favorable à un
établissement au milieu d'eux. Accompagnés d'un homme d'Atam qui
avait été fait esclave dans sa jeunesse, vingt ans auparavant, ils parvin-
rent d'abord à Umon, gouvernée par deux chefs, l'un civil, l'autre reli-
gieux, puis à Dcotana, dont le chef leur fit un accueil cordial et se mon-
tra disposé à recevoir un Européen dans sa ville. De là ils visitèrent
Biakpan, ville industrieuse et entourée d'avenues proprement tenues, où
jusqu'ici aucun Européen n'avait pénétré. Us y trouvèrent des Inokons,
indigènes qui voyagent d'un lieu à un autre, et sont les principaux trafi-
quants des marchandises d'Europe, qu'ils vont chercher aux marchés de
la côte, oii ils conduisent des esclaves comme objets d'échange. Le chef
de Biakpan demanda un instituteur aux missionnaires, et leur promit
d'envoyer ses fils au Vieux Calabar pour leur éducation. MM. Beedie et
Edgerley durent redescendre à Creek-Town, où le dernier ne tarda pas
à succomber à un accès de fièvre.
Le rapport de M. Barham, ingénieur du syndicat de la Wassaiv
Liii^ht Raili^ay Company, recommandant le tracé d'Aium A
Tacquah, expose que la construction de cette ligne pouiTa se faire
sans difficulté. Il y a abondance de bois pour toute espèce de tra-
vaux ; partout le terrain est bon ; l'eau est suffisante dans la saison
sèche et abondante dans la saison pluvieuse ; la main-d'œuvre n'est pas
coûteuse ; on peut trouver facilement à la côte les charpentiers et les
forgerons nécessaires . Si, au début, les denrées alimentaires doivent
être importées, bientôt l'impulsion donnée à la culture par l'ouverture
du pays fournira céréales et légumes en quantité suffisante, le sol con-
sistant en dépôts d'alluvion très riches. Une députation sera chargée de
demander au ministre des colonies, lord Derby, d'insister auprès du
gouvernement de la Côte d'Or, pour qu'U accorde à la compagnie sus-
mentionnée son appui moral et une garantie d'intérêts de 4 Vo) comme le
fait généralement le gouvernement des Indes pour les chemins de fer de
cet empire. .
Le gouverneur de Sierra Liéone» ayant été informé qu'une assemblée
devait avoir lieu dans le district de Sherbro^ où des personnes accusées de
— 243 —
sorcellerie seraient brûlée/S, écrivit aux chefs pour leur signaler la
folie de tels procédés et leur ordonner d'y mettre fin. En réponse, il
reçut une lettre signée par tous les chefe déclarant qu'avant la réception
de son message, on avait déjà brûlé 34 personnes qui avaient avoué
avoir pratiqué la sorcellerie, mais, qu'à la lecture de sa lettre, on avait
libéré le reste des captives qui, sans cela, eussent aussi été sacrifiées.
Les chefs ont promis de s'abstenir de semblables pratiques à l'avenir.
Le refus du roi de Nioro de laisser le D' Bayol et son compagnon, le
lieutenant Quinquandon, entrer dans le Eaarta, a engagé ces explo-
rateurs à visiter la région à l'est de ce dernier pays. Ils ont pu parcourir
un territoire inexploré jusqu'ici, entre le Niger et la route suivie par le
D'Lenz, dans son voyage de Tombouctou au Sénégal, relever 360 kilom.
de pays nouveaux, et recueillir quantité de renseignements sur la topo-
graphie et la population de plusieurs districts placés dès maintenant
sous le protectorat de la France, en vertu de traités conclus par le
D' Bayol avec les chefs indigènes. Le point extrême de cette exploration
a été Donabougou à l'est de Mourdia '. Cette dernière localité, une des
plus importantes du pays, a un marché considérable. Des caravanes y
arrivent chargées de plaques de sel qu'elles échangent contre de l'or,
des captifis, et surtout du mil, qui fait défaut dans le pays. De Segala
à Sokolo, il n'y a que deux journées de marche, et, de ce dernier point,
on peut atteindre Tombouctou en quatre jours. Mais la route de cette
dernière ville a été fermée avec obstination aux voyageui*s. Le pays des
Bambaras les a vivement intéressés ; quant aux plaines des environs de
Mourdia, elles sont composées d'un sol sablonneux, couvert seulement
de maigres arbustes, et qui semble indiquer l'approche de la région
saharienne. Revenus à Bafoulabé, le D' Bayol et son compagnon ne
tarderont sans doute pas à donner un rapport complet sur leur explora-
tion.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
Le gouvernement français a déposé sur le bureau de la Chambre un projet de
loi déclarant d'utilité publique la ligne de Bougie à Beni-Mansour, et un projet de
convention à passer avec la Compagnie de PEst algérien pour l'exécution de la
ligne de Sétif à Bougie.
Jusqu'à présent la province de Tripoli était privée de lignes télégraphiques;
l'administration turque est sur le point d'en faire poser trois : l'une, de Tripoli à
» Voir la Carte, p. 200.
— 244 — •
Benghazi, une seconde, de Tripoli à laïrontièreS.-E. de la Tunisie, et la troisième,
de Tripoli à Ghadamès ; celle-ci toutefois ne sera posée qu'après les deux autres.
L'entomologiste italien Dabbene, qui explorait la région du Haut-Nil, a rapporté
à Khartoum de riches collections.
Aux dernières nouvelles de Lado, le capitaine Casati se trouvait dans cette ville,
préparant une nouvelle expédition ; il comptait cette fois se rendre dans le pays
des Gallas.
D'après une lettre de Massaoua, du 12 juin, le D" Stecker, arrivé à Adoua^ allait
redescendre à la côte.
Une dépêche du Caire, publiée par le Standard, annonce que l'envoyé égyptien
Nalb-Mohammed est revenu de sa mission en Abyssinie. Le roi Jean, satisfait de
l'occupation de l'Egypte par les Anglais, parait disposé à renouer ses relations
avec le khédive. Il était en guerre avec Ménélik, mais les hostilités étaient sus-
pendues pendant la saison des pluies.
Les Bédouins des environs de Souakim se sont joints au parti du mahdi, et ont
causé dans la ville des désordres, pour la répression desquels le gouvernement du
khédive a dû envoyer des troupes du Caire. Les Abyssiniens menacent aussi de
faire irruption dans le pays.
Le baron MuUer organise, pour le compte de la Société coloniale allemande, une
expédition dans la région de la Dana.
Le Hen/ry Wright^ destiné aux stations de la Société des missions anglicanes, sur
la côte orientale d'Afrique, a rencontré dans l'Océan Indien une mousson si forte,
qu'il n'a pu pousser jusqu'à Zanzibar; il a dû revenir à Aden pour quelques
semaines. *
Sir John Kirk, consul-général anglais à Zanzibar, est retourné à son poste. —
Trois vice-consuls anglais ont été nommés pour les villes de Lamou, Mombas et
Quiloa.
Une chaloupe à vapeur sera mise à la disposition du missionnaire Farler pour
son œuvre dans l'Ousambara.
La mort de Mtésa paraît définitivement confirmée. D'après VAfriean Times^
l'attention des Égyptiens étant forcément détournée des régions équatoriales, le
peuple de l'Ouganda pourra régler la question de la succession sans l'intervention
d'aucune puissance étrangère.
Le gouvernement portugais a fait avec la c Castle Mail Packets Company » une
convention par laquelle cette compagnie s'est engagée à établir une communication
régulière entre Lisbonne et Mozambique. Les navires à vapeur toucheront au
Congo, où le nombre des émigrants portugais augmente de jour en jour, au Cap,
à Lorenzo Marquez, à Inhambané et à Mozambique.
Une ligne télégraphique va être établie entre Quilimane et Tété.
D'après le Diario de Noticias, la maison Amourous de Paris va établir un
chemin de fer, système Decauville, le long de la baie de Conducia, dans le voisi-
nage de Mozambique, pour faciliter l'exportation du sel que l'on y exploite.
Le gouvernement du Transvaal ayant décidé d'envoyer en Angleterre des com-
— 245 —
missaires pour traiter la question de la Convention, la mission dont avait été
chargé lord Reay est ajournée. — Le gouvernement anglais protestera, nous n'eii
doutons pas, contre la résolution du Volksraad de dissoudre les deux tribus de
Mapoch et de Mampoer, qui ont fait leur soumission, et d'en répartir les indigènes,
pour la durée de cinq ans, entre les fei-miers boers en qualité d' « indented ser-
vants » ce qui constitue une sorte d'esclavage temporaire.
La nouvelle de la mort de Cettiwayo ne s'est pas confirmée. Quoique blessé, il a
pu s'échapper; ses partisans se sont ralliés et ont livré une nouvelle bataille k
l'armée d'Usibepu, qu'ils ont mise en déroute.
L'ancien missionnaire Robert Moffat, beau-père de Livingstone, rentré en
Angleterre depuis 1870, après avoir travaillé 50 ans chez les Betchouanas, est mort
le 10 août à Leigh, près de Tunbridge, dans 1^ Kent, à l'Âge de 87 ans et demi.
Les Boers de l'ouest du Transvaal, qui, après avoir été appelés par les deux
chefs indigènes en lutte, Mankoroanee et Montsida, se sont partagé leurs terri-
toires, dont ils s'étaient emparés, et se sont, d'un commun accord, constitués en
république indépendante, sous le nom de Stellaland.
MM. les D'" Bachmann et Wilms sont heureusement arrivés à Capetown, d'où
ils ont déjà commencé à envoyer à V Exporta le journal de la Société de géogra-
phie commerciale allemande, des rapports intéressants sur la botanique et la zoo-
«
logie des environs de cette ville.
Pour prévenir le retour de la sécheresse et de la disette, dont les habitants du
Namaqualand ont eu à souffrir récemment, le D' Théophile Hahn propose de
restaurer les travaux d'irrigation commencés il y a longtemps à Ëbenezer par la
mission rhénane. Quand son père quitta cette station en 1847, le pays, arrosé
artificiellement par l'eau de l'Olifant-River, produisait d'abondantes récoltes, la
population était riche en bétail et fournissait des milliers de moutons à Capetown.
Le capitaine Balfour, ingénieur, a dressé le plan d'un barrage qui répondra au
vœu du D'^ Hahn, et rendra la prospérité aux districts de Clanwilliam et de Harde-
veldt, ainsi qu'à celui des mines de cuivre de cette région.
Une maison de commerce de Capetown qui a des intérêts considérables dans le
Damaraland, se propose d'y envoyer une expédition pour explorer le pays.
Le D' Hopfemer, qui a traversé tout le territoire de Mossamédès au Damara-
land, est en route pour revenir à Hambourg, où il compte fonder une société en
vue d'un établissement dans cette région.
Les missionnaires américains établis à Baïlounda se proposaient d'explorer le
pays dans la direction de Dondo, mais les porteurs qu'ils avaient engagés leur ont
fait défaut, le roi Kouikoui ayant interdit à ses gens d'accompagner les mission-
naires, qu'il trouvait trop peu favorables à ses guerres.
L'exploitation du caoutchouc dans les possessions portugaises de la Guinée
inférieure semble prendre une certaine extension. Deux chargements considérables
de ce produit sont arrivés récemment de Mossamédès à Loanda pour être réexpé-
diés en Angleterre. On a aussi constaté l'existence de sources importantes de
pétrole, dans les territoires de Libongo et de Canhembé qui sont d'un accès facile.
— 246 —
Le bateau à vapeur le Peace, démonté en 800 pièces, est arrivé à Pembouchure
du Congo, sous la direction de MM. Grenfell et Doke, chargés de le faire trans-
porter de Underhill, la première station des missions baptistes, à Stanley-Pool.
Malheureusement M. Doke a été enlevé par la fièvre quelques semaines après son
arrivée au Congo. — M. Hartland, un des premiers compagnons d'œuvre de
M. Comber, est mort à la station de Baynesville.
Afin de favoriser les cultures locales en les protégeant contre la concurrence
étrangère, le gouvernement français a autorisé le commandant supérieur du Grabon
à augmenter les droits perçus à l'entrée sur les produits similaires de la colonie.
Le schooner qui portait l'expédition Rogozinsky a fait naufrage dans la baie
d'Amboise, au fond du golfe de Guinée. L'équipage a été sauvé. Plus tard, cepen-
dant, un Allemand, docteur de l'expédition, s'est noyé, en se rendant à Victoria
avec ses collègues, pour faire l'ascension du mont Cameroon. Beaucoup d'instru-
ments scientifiques ont été perdus.
On vient de construire en Angleterre un vapeur en acier, pour continuer l'explo-
ration du Niger en amont de Rabba, et celle du cours supérieur du dénoué; d'un
faible tirant d'eau, il pourra passer dans le Mayo Kebbi, et, par les marais de
Toubouri et le Logone, jusqu'au lac Tchad.
Les marchands de Porto-Novo ayant refusé de payer les impôts que le roi veut
prélever siu* eux, celui-ci a interdit à ses gens de faire aucun commerce avec les
Européens.
Le capitaine Barrow et les autres commissaires du gouvernement de la Côte d'Or
sont revenus de Coumassie. Ils ont réussi à prévenir une guerre entre les deux
anciens souverains, Koifee et Mensah. Une grande partie des Achantis désirent la
restauration du roi Koifee.
Le gouvernement britannique a accepté la cession du territoire de Kittim, con-
sentie par la reine Massah, sur la côte voisine de Sherbro.
Des troubles ont éclaté dans le district du cours supérieur des Scarcies» oik les
tribus luttent entre elles à main armée. Le gouvernement de Sierra Leone, ne se
sentant pas assez fort pour garantir la sécurité des intérêts des négociants anglais
dans ces parages, a publié une proclamation dans laquelle il décline toute respon-
sabilité à cet égard. Il réclame avec insistance la nomination d'un agent spécial,
ayant le pouvoir de signer, au nom du gouvernement, des traités avec les chefs indi-
gènes, pour aider à la pacification du pays.
M. Trouillet qui se prépare à explorer le Fouta-Djalion, a envoyé à la Société
de géographie de Paris des renseignements sur le poste portugais de Bouba, situé
au bord du Rio-Grande, fleuve magnifique et couvert de la plus belle végétation.
Il n'existe pas encore d'ouvrages dans la langue du Fouta-Djallon ; M. Trouillet
l'étudié, pour la mettre par écrit, et il a commencé un dictionnaire fouta-4jallonnais.
Le chemin de Dakar à Rufisque a été inauguré à la fin de juillet.
Deux nouveaux missionnaires protestants seront prochainement envoyés à Saint-
Louis pour aider à M. Taylor, qui désire s'avancer vers le Haut-Sénégal jusque
chez les Bambaras.
— 247 —
Après avoir étudié la faane profonde de la côte d'Afrique jusqu'à quelques
lieues de Dakar^ l'expédition du Talisman est allée relâcher à St- Vincent, puis
elle s'est dirigée sur l'île Branco, qu'aucun naturaliste n'avait encore explorée, et
oCl elle a pu observer de près de grands lézards qu'on ne trouve nulle part ailleurs.
Elle devait encore se rendre à la mer des Sargasses avant de rentrer en France!
La Poil Mail Gazette annonce que Sir J. Drummond Hay, chargé d'affaires
d'Angleterre au Maroc, a reçu de lord Granville des instructions lui enjoignant
de faire à l'empereur des représentations pressantes, relativement à l'esclavage et
aux ventes publiques d'esclaves constatées dans les principales villes du pays. A
Tanger, le journal El Mogràb El Aksa annonce les prix auxquels sont vendues
les différentes classes de nègres et de négresses.
Le rabbin Mardochée, connu par ses voyages à Tombouctou, est reparti pour
une nouvelle exploration au Maroc, en compagnie d'un officier français, M. Charles
Faucanet.
Une compagnie française a soumis au gouvernement espagnol un projet pour la
construction d'un tunnel sous-marin par le détroit de Gibraltar.
Le comte d'Arpoare, agronome du gouvernement portugais pour les possessions
de la Guinée supérieure, est décédé sur le vapeur qui le ramenait à Lisbonne.
EXPÉDITIONS DU COLONEL BORGNIS-DESBORDES
DU SÉNÉGAL AU NIGER '
Le colonel Borgnis-Desbordes vient de terminer sa troisième campa-
gne dans le Soudan occidental. H peut être intéressant de jeter un coup
d'œil sur Tensemble de l'œuvre qu'il a accomplie de 1880 à 1883.
En 1879, des ofGiciers avaient remonté le Sénégal jusqu'à Bafoulabé,
et dressé une carte des régions travei'sées, mais ils n'avaient guère
dépassé ce point. La contrée qui s'étend entre Bafoulabé et Bamakou
était à peu près inconnue.
Au commencement de 1880, le capitaine Gallieni fut chargé d'explo-
rer la vallée du Bakhoy et d'atteindi-e le Niger, en étudiant la route la
plus facile pour mettre en communication le Haut-Sénégal avec le Haut-
Niger. Il devait en outre passer des traités avec tous les chefis indigènes
qu'il rencontrerait sur son chemin, et surtout avec Ahmadou, roi de
Ségou. On sait que la mission Gallieni fut attaquée et pillée par les
Bambaras du Bélédougou ; elle réussit, cependant, en dépit de grands
obstacles, à remplir en partie le programme qui lui avait été tracé.
A la fin de 1880, le colonel Desbordes entreprit sa première campa-
* V. la carte, p. 200.
— 248 —
gne. Il construisit un fortiu à Bafoulabé et posa la première pierre du
fort de Kita. Le village fortifié de Goubanko, qui voyait de mauvais œil
l'arrivée des blancs, et dont la population turbulente inquiétait sans-
cesse les caravanes de Ihulas qui traversaient le pays de Kita, fut pris
d'assaut et détruit.
La campagne de 1881-1882 fut employée à la construction du fort de
Bafoulabé, ainsi qu'à celle du foitin de Badombé et du fort de Kita. La
fièvre jaune qui sévissait au Sénégal rendit cette campagne difficile, et ne
permit pas au colonel d'aller s'établir sur le Niger, comme il en avait
eu l'intention. Pour se rendre à Kita, il suivit le Sénégal et le Bakhoy
jusqu'à Badombé, puis il se dirigea vers le Gangaran, au sud, et gagna
Kita par le gué de Noja, pour imposer respect aux gens du Gangaran,
qui montraient peu de sympathie pour les Français.
Un ennemi déclaré des Français, Samory, faisait beaucoup parler de
lui sur le Niger. Samory est un Malinké qui se donne pour un envoyé
du prophète. Musulman fanatique, il est énergique, intelligent, ambi-
tieux surtout. Captif évadé, il vécut quelques années chez le chef du
Bissadougou, oii il sut se former un parti et s'empara du pouvoir. Dès
lors, il ne songea plus qu'à conquérir tous les pays qui l'entouraient.
Son influence s'étend aujourd'hui sur le Bouré et sur une partie du
Manding, c'est-à-dire jusqu'à la vallée du Bakhoy.
Il assiégeait la ville de Kéniéra, sur la rive droite du Niger. Des
envoyés de cette ville étaient venus demander du secours au fort de
Kita. Un officier indigène envoyé auprès de Samory par le commandant
de Kita fiit retenu prisonnier, mais réussit à s'échapper.
Le colonel résolut de pousser une pointe jusqu'à Kéniéra. Avec une
poignée d'hommes, il gagna le Niger par Mourgoula, Niagassola et
Nafadié, passa sur la rive droite, et marcha sur Kéniéra. Lorsqu'il y
arriva, les habitants épuisés par la famine, venaient de se rendre. Le
colonel en chassa Samory ; mais ses troupes étant trop peu nombreuses
et trop fatiguées pour qu'il pût songer à le poursuivre, il revint à Kita.
L'objectif de la troisième campagne, entreprise au mois d'octo-
bre 1882, était la construction d'un fort à Bamakou sur le Niger. La
colonne expéditionnaire, comprenant environ 550 soldats, de nombreux
muletiers, etc., 300 mulets ou chevaux, partit de Khayes, le 20 novem-
bre. Pendant son court séjour dans cet endroit malsain, elle avait été
très éprouvée par les fièvres paludéennes. Dès le début de la campagne,
presque tous les chevaux arabes moururent, et l'on eut beaucoup de
peine à les remplacer par des chevaux du pays, car ceux-ci sont' rares.
— 249 —
Le 19 décembre, la colonne arrivait au fort de Kita. Le colond repar-
tit immédiatement pour Mourgoula, forteresse toucouleur dans le
Birgo ; les habitants étaient Malinkés, mais la yille se trouvait sous la
domination d'Ahmadou ; un almamy, choisi par ce dernier, la gouver-
nait en son nom. En dépit de la bienveillance que lui avaient témoi-
gnée les Français, cet abnamy faisait tout ce qu'il pouvait pour leur
nuire. Le colonel lui donna une heure pour quitter la ville, en empor-
tant tout ce qui lui appartenait. L'almamy comprit que toute résistance
était inutile ; il se soumit, fiit très bien traité et se rendit avec son
ministre, Suleyman, àNioro(Kaarta),auprësdeMontaga, frèred'Ahma-
dou. Suleyman est, paraît-il, un homme fort intelligent, mais faux et
méchant. C'est sur ses conseils que Talmamy aurait adopté une politi-
que hostile à la France.
Peu après les Toucouleurs qui résidaient à Mourgoula quittèi'ent cette
ville ; les MahDkés eux-mêmes manifestèrent le désir d'aller s'établh*
ailleurs. La ville fut détruite.
La colonne expéditionnaire se remit en route le 7 janvier pour
Bamakou. L'intention première du colonel Desbordes était de suivre la
route de Niagassola et Kafadié, et de redescendre ensuite le Niger en
infligeant une leçon à Samory, si celui-ci tentait, ce qui était probable,
de s'opposer à son passage. Mais ses troupes, — les soldats européens
du moins, — ayant déjà beaucoup souffert des effets du climat, il se
décida à prendre le chemin le plus court à travers le Fouladougou et
le Bélédougou. D'après les renseignements qui lui avaient été fournis, il
croyait pouvoir arriver au Niger, par cette route, sans th'er un coup de
fusil.
Mais on apprit en approchant du Baoulé, que les habitants de quel-
ques villages du Bélédougou, en particulier ceux de Daba, la capitale,
se préparaient à s'opposer par la force au passage de la colonne. Ces
gens avaient pris part au pillage de la mission Gallieni et craignaient
des représailles.
Le colonel marcha droit sur Daba, situé un peu au N. de la route
suivie par Gallieni, et s'en empara après un vif combat. Ce village, très
bien fortifié, était défendu par un tata (muraille en tei^e argileuse) de
l'"20 d'épaisseur à la base. Les cases diffèrent de celles à toit de
chaume que l'on rencontre ordinairement en Afrique ; elles sont cons-
truites en argile ; le toit plat est soutenu par de fortes pièces de calice-
drat (acajou du Sénégal.)
Les Béléris (Bambaras du Bélédougou) croyaient Daba imprenable.
— 250 —
Ce rapide succès les frappa de stupeur. Ils se sont très vaiUammeût bat-
tus. Les hommes sont en général grands, vigoureux, et ont l'air un peu
farouche. On a trouvé dans leurs villages des instruments de mumque
relativement perfectionnés.
Poursuivant sa route vers le Niger, le colonel Desbordes passa devant
le village de Dio, près duquel avait eu lieu Tattaque de la mission Gal«
lieni. Les habitants épouvantés par le sort de Daba, s'étaient enftds
dans la montagne. Le colonel fit rechercher les ehe&, les convoqua au
camp, et après leur avoir expliqué que les Français venaient en amis,
qu'ils n'en voulaient ni à leur vie ni à leurs biens, mais qu'ils ne laisse*
raient aucun attentat impuni, etc., il leur rennt le village tel. qu'ils
l'avaient laissé. Cet acte de clémence, joint à l'acte de vigueur de
Daba, fit une excellente impression. A partir de ce moment le Bélédou-
gou était pacifié. Des courriers et des convois isolés purent le traverser
sans crainte.
Le 1" février, la colonne arrivait à Bamakou, où elle fut très bien
accueUlie par les habitants. Le ô, on posait la première pierre du fort,
et le pavillon français était salué de 11 coups de canon.
Tout le monde mit la main à la construction du fort. Des hommes du
village furent employés au transport de la pierre qu'il fallut aller cher-
cher à un kilomètre. Ce fortin, composé de deux pavillons en maçonne-
rie et d'un tata,est placé à 300 mètres au S.-O. du village de Bamakou.
Celui-ci est situé dans une plaine à un kilomètre du Niger, et à peu près
à la même distance de la chatne de montagnes (haute de 200^ à 250" au-
dessus de la plaine), qui sépare le bassin du Niger.de celui du Sénégal
L'altitude de Bamakou est d'environ 330 mètres. La largeur du Niger,
en cet endroit est considérable. A 10 kilomètres en aval, et à 8 kilomètres
en amont se trouvent des rapides.
L'État de Bamakou^ habité par des Bambaras, alliés de ceux du Bêlé-
dougou, comprend une dizaine de villages ; le plus important est celui
de Bamakou (8 à 900 hab.), autrefois, grand marché, mais dont le
commerce est aujoui*d'hui à peu près nul.
On sent cependant que les gens de Bamakou ont subi l'influence des
marchands maures qui les visitaient jadis en grand nombre ; ils mi
l'instinct du commerce. Les cauries leur servent de monnaie.
Le colonel Desbordes eut beaucoup de peine à se procurer le mil
nécessaire pour les chevaux et les mulets. H fallut aller en chercher au
loin, dans le Bélédougou.
A 30 kilomètres au sud de Bamakou, une armée de Samory se tenait
— 351 -
ea observation. Le 2 avril, elle s'avança & 6 kilom. du camp ; le colo-
oel la repoussa après uu vif combat qui dura 1 V2 h. Les Français
poursuivirent les troupes de Samory, complètement démoralisées, jus*
qu'à une centaine de kilom. au sud de Bamakou, le long du Niger, brû-
lant plusieurs villages.
Le colonel revint ensuite, avec sa colonne à Khayes où ils s'embarqua
au commencement de juin. Une garnison a été laissée dans le fort de
Bamakou, bien approvisionnée en vivres et munitions; elle est comman-
dée par le capitaine d'artillerie Ruault.
Pendant cette campagne, la ligne télégraphique qui s'arrêtait à Kita,
a été prolongée jusqu'à Bamakou ; elle va maintenant de Bamakou à
Bakel, et de Saldé à Saint-Louis. Elle est interrompue entre Bakel et
Saldé, le roi du Foutah, Abdoul-Boubakar, s'étant énergiquement
opposé à ce qu'on la fasse passer dans ses États.
Les travaux exécutés par la brigade topographique sont considéra-
bles ; ils complètent ceux de l'année dernière et comprennent une partie
du Gangaran, du Fouladougou, du Bélédougou jusqu'à Bamakou, et le
Birgo.
La construction du chemin de fer de Khayes à Bafoulabé a été pous-
sée avec toute l'activité possible. On a réussi à établir, non sans peine,
16 kilom. de voie. Le plus grand obstacle est provenu de l'insalubrité du
climat de Khayes. Le directeur n'a eu, en moyenne, que le tiers de son
personnel valide ; 600 ouvriers marocains sur lesquels on comptait beau-
coup, n'ont pas répondu à cette attente ; plusieurs sont morts, presque
tous ont été malades.
Le D' Bayol avait été chargé par le colonel Desbordes d'une mission
à Nioro, auprès de Montaga, chef du Kaarta-Kingui, et frère d'Ahma-
dou. Retenu à Saint-Louis par des circonstances indépendantes de sa
volonté, il n'arriva à Médine qu'au mois de décembre. Une première
tentative qu'il fit pour pénétrer dans le Kaarta par Koniakary n'eut pas
de succès. Une seconde, faite à Bafoulabé, vers le milieu de janvier
ne réussit pas davantage. Il parvint jusqu'à Touba (70 kilom. de Bafou-
labé), dans le Tamora, où il fut très bien reçu, mais où il apprit que
les chefis du Kaarta s'opposaient formellement à ce qu'il allât plus loin.
H reprit la route de Bafoulabé-
La population du Kaarta est de race Bambara, mais placée sous la
domination des Toucouleurs. Il sufGit de jeter un coup d'œil sur la carte
pour voir quelle est l'importance stratégique de ce pays relativement à
la ligne de ravitaillement des forts français, de Médine au Baoulé. En
— 252 —
outre le Kaarta est riche en bestiaux et en chevaux. U serait donc k sou-
haiter qu'on entretînt avec lui des relations amicales ; malheureusement
il semble qu'il en doive être autrement. H est probable que le renvoi de
Talmamy de Mourgoula, et la destruction de cette ville qui en a été la
suite, n'ont pas été sans avoir un grand poids sur la décision qu'a prise
Montaga (ou plus vraisemblablement Ahmadou), de ne permettre à
aucun blanc de pénétrer dans le Kaarta.
Le D' Bayol rapporta de sa courte expédition à Touba d'intéressants
échantillons de roches, en particulier, un échantillon de calcaire cristal-
lin, n croit ce pays riche en métaux. Renonçant à tout espoir d'aller à
Nioro, il projeta une exploration dans le Bambouk, mais le colonel Des-
bordes l'appela au mois d'avril à Bamakou, pour le charger d'une mis-
sion politique dans le Bélédougou septentrional.
La région qui s'étend entre Bafoulabé et Bamakou est à peu près
déserte. Elle a été, comme on le sait, ravagée par le père d'Ahmadou,
Al-Hadj-Omar. Il est probable que les indigènes, Malinkés ou Peuhls, en
voyant la tranquillité assurée dans toute la vallée du Bakhoy par la pré-
sence de postes français, s'y établiront de nouveau. La richesse fores-
tière de cette contrée est peu considérable. Dans le Fouladougou et le
Bélédougou, le karité (arbre à beurre) se rencontre en assez grande
abondance. Tous les villages cultivent le mil et les arachides, mais strie-
tement ce qui est nécessaire pour leur subsistance. Le bétail n'est
pas nombreux. Le Bélédougou et l'état de Bamakou produisent un peu
de riz, du coton, de l'indigo, mais en petite quantité. Les gens de
Bamakou, habiles tisserands, fabriquent une jolie étoffe de coton.
Les montagnes qui forment la vallée du Sénégal, de Khayes à Bafou-
labé, celle du Bakhoy, et celle du Niger à Bamakou, sont composées
essentiellement de grès à stratification en général horizontale. Jusqu'à
présent, on n'y a pas découvert de fossiles. Dans quelques endroits, sur-
tout dans le Bélédougou, apparaissent, au milieu des grès, des roches
d'aspect granitique, composées de hornblende, de quartz et de feldspath.
Le minerai de fer est abondant, les indigènes l'utilisent pour en fabriquer
des couteaux et des outils grossiers. On n'y trouve pas d'autres métaux.
La France et l'Islam se trouvent aujourd'hui en présence sur le
Niger, à Bamakou. D est peu probable qu'ils réussissent à s'entendre
pacifiquement avec Ahmadou, encore moins avec Samory. Le premier
ferme la route de Tombouktou, le second, celle du Bouré et du Ouas-
soulou, les pays riches en or.
L'expérience a prouvé que les soldats de Samory ne pouvaient tenir
— 253 —
tête à une poignée d'hommes pourvus de fusils à tir rapide et disciplinés
à Teuropéenne; toutefois Ton a vu que Ton avait affaire, non plus à des
bandes armées, mais à des troupes pourvues d'une certaine organisation
militaire. La tactique de leurs chefe consiste à harceler l'ennemi et à se
faire poursuivre par lui, tactique fatale aux blancs sous ce climat meur-
trier. Quoi qu'il en soit, une fois qu'un bon fort en maçonnerie s'élèvera
à Bamakou, on n'aura pas à se préoccuper outre mesure du voisinage de
Samory, et il est probable que le temps n'est pas loin où une campagne,
poussée avec vigueur dans le sud, en remontant vers les sources du
Niger, mettra fin aux exploits de cet ambitieux aventurier, et fera pas-
ser le Manding et le Bouré sous le protectorat de la France.
Ahmadou, de son côté, dispose d'une armée nombreuse et disciplinée.
Par le Kaarta il menacerait la ligne de ravitaillement de la colonne qui
opérerait sur le Niger. Un jour ou l'autre cependant, il faudra en finir
avec ce souverain musulman, comme on en finira avec Samory et avec
Abdoul-Boubakar. Comme on le voit, il y a encore bien des coups de
fiisil à tirer pour que l'on puisse profiter des résultats acquis. On com-
prend de quelle importance est pour la France une alliance avec les
Bambaras du Bélédougou, fétichistes, les plus valeureux guerriers du
Soudan occidental et les ennemis mortels d'Ahmadou. Le D' Bayol est
actuellement en mission auprès d'eux et, d'après les nouvelles parvenues
de lui à Saint-Louis à la fin de juin, il se montrait très satisfait des
résultats déjà obtenus.
Le jour où une voie ferrée reliera Bamakou, à la partie navigable du
iieuve Sénégal, le Niger sera véritablement conquis, car aujourd'hui, la
grande, on pourrait presque dire la seule difficulté, c'est le ravitaille-
ment et le transport des troupes. Le ravitaillement de la colonne expé-
ditionnaire, pendant la campagne qui vient de se terminer, a été des
plus pénibles, et ce n'est que grâce à des prodiges d'énergie et d'activité
de la part des officiers chargés de ce service, que l'on a pu le mener à
bien. Le chemin de fer du Haut Sénégal est donc, au point de vue mili-
taire, d'une utilité, sinon d'une nécessité incontestable ; mais, il ne faut
pas se le dissimuler, pendant un grand nombre d'années, il ne trans-
portera que des troupes, des vivres et des munitions, car le seul com-
merce — méritant ce nom — qui se fasse aujourd'hui dans le Haut
Niger, c'est cdui des esclaves.
Alexis DemAffey,
Ingénieur des mines.
/
— 254 —
BIBLIOGRAPHIE >
Afbika als Handelsgebiet. West- Sud- ukd Ost-Afrika, von Fritz
Robert Wien (Cari Gerold's Sohn), 1883, in-8% 35p p. — Quoique la
littérature africaine s'enrichisse tous les jours de nouveaux ouvrages, et
, que, dans plusieurs de ceux-ci, le point de vue commercial soit occasion-
nellement traité, cependant il n'en existait point jusqu'ici, qui répondis-
sent aux nouveaux besoins créés, pour le commerce, par les relations
multipliées depuis une dizaine d'années entre TEurope et l'Afrique.
Aussi M. F. Robert a-t-il été bien inspiré, lorsqu'il a conçu le projet de
faire connaître les différentes régions du continent qui attirent le plus
l'attention du monde commercial, comme débouchés pour les princi-
pales industries européennes, et comme pays de production pour cer-
taines marchandises, déjà importantes dans le commerce ou destinées à
le devenir.
L'expérience acquise par l'auteur, comme rapporteur du gouverne-
ment austro-hongrois lors de l'Exposition universelle de Paris en 1878,
et des études spéciales sur le Gabon, la Sénégambie et Madagascar,
publiées dans le Bulletin de la Société de géographie commerciale de la
Suisse orientale à Saint-Oall, l'avaient bien préparé à entreprendre un
travail d'ensemble pour le continent tout entier. Mais les derniers évé-
nements de la Tunisie et de l'Egypte, devant modifier d'une manière
notable les conditions commerciales delà partie septentrionale de l'Afri-
que, et les données statistiques de la partie centrale étant pour le
moment très incomplètes, il n'a traité, dans ce premier volume, que des
pays de l'Ouest, du Sud et de l'Est du continent. D s'est acquitté de sa
tâche avec une conscience scrupuleuse, apportant le plus grand soin à
ne fournir que des renseignements parfaitement certains ; pour cela il a
eu recours aux documents officiels du Colonial oflSce à Londres, du
Ministère de la marine et des colonies à Paris, des consulats allemand,
américain, anglais, belge, français, italien et portugais à Vienne, du
gouvernement de la Colonie du Cap, de la Commission centrale de sta-
tistique, de plusieurs Chambres de commerce et Sociétés de géogra-
phie, etc., etc. Aussi les informations qu'il fournit sur les relations com-
merciales des colonies européennes en Afrique, soit avec la mère patrie,
soit avec d'autres pays comme la Belgique, l'Allemagne, la Suisse, ou
r Autriche-Hongrie, peuvent-elles être admises comme très sûres.
' On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz^ 13, rue du Rhône, à Genève,
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et civOisée,
— 255 —
Peut-être pourrait^»! désirer, eoimme perfectionnement, pour le
second volume en préparation, que les données statistiques fassent pré-
sentées sous forme de tableaux, et que, pour faciliter les recherches, un
Index fat ajouté à la fin de Fouvrage. Une bonne carte d'Afrique au
point de vue commercial serait également très utile.
Quoi qu'il en soit, et tel qu'il est, ce premier volume fournira au
grand public une lecture int^essante, et au commerçant une source
abondante de renseignements précieux. La nationalité de Tauteur, le
plaçant sur un terrain neutre et désintéressé, est une garantie que,
dans la seconde partie de son ouvrage, les événements politiques récents
et les £aits commerciaux dont il ain*a à s'occuper seront traités avec
rimpartialité qui a présidé à la rédaction de la première partie.
Denis de Rivotbe. Obock, Mascate, Bouchibe, Bassobah. Paris,
(E. Pion et G% 1883, iû-12 illustr. 292 p. et carte, 4 fr. — Après avoir
fait, en 1866, une première exploration de la mer Rouge et de la zoDe
entre la mer et l'Abyssinie, dans l'idée de créer, en faveur de la France,
un établissement commercial à Obock, M. Denis de Rivoyre en a fait
une seconde, jusqu'à Bassorah et à Bagdad, dans l'intention de faciliter
le développement du commerce français jusqu'au golfe Persique. Ce
nouveau volume renferme le récit de ce voyage, qui dépasse de beaucoup
les limites de l'Afrique, mais dont les premiers chapitres sont consacrés
à la possession française d'Obock, à sa géogri^phie, et aux avantages
que cette nouvelle colonie présentera, lorsque les relations nouées avec
Ménélik et le Choa seront définitivement établies. En rapport avec le
pacha de Zeïla, Abou-Beker, M. de Rivoyre le disculpe du meurtre du
voyageur français Lucereau, dont l'opinion générale le rendait responsa-
ble. En outre, il donne sur le pays qui s'étend au delà de la zone litto-
rale, et sur Harrar en particulier, des renseignements qui confirment
ceux de M. P. Sacconi, actuellement établi dans cette ville, pour une mis-
sion de la Société milanaise d'exploration commerciale en Afrique.
The water highways of the interior of Africa, with notes on
Slave hunting and the means of its suppbession, with maps, by
James Stevenson. Glasgow (J. Maclehose and Sons), 1883, in-8*, 28 p.
et 3 cartes. — Le généreux promoteur de la construction de la route
entre le Nyassa et le Tanganyika a résumé, dans ce mémoire substan-
tiel, sur lequel nous reviendrons prochainement, les résultats acquis siu*
l'hydrographie des grands fleuves de l'Afrique, et montré l'emploi que
l'on peut faire de ces grandes voies fluviales au point de vue commer-
— 256 —
cial. Des trois cartes qui raccompagnent la première est une réduction
de la grande carte de Ravenstein^ destinée à £edre connaître toutes les
découvertes les plus récentes dans TAfrique équatoiiale; dans la
seconde sont indiqués les points sur lesquels le commerce par eau est
interrompu par des rapides et des cataractes ; la troisième présente
les principales régions exploitées par les chasseurs d'esclayes, et les
routes suivies par leurs caravanes pour conduire leurs victimes à la côte.
Beitr^ge zur Kenntniss Madagaskars. I. Madagaskar und das Hova-
reich. Vortrag von J. Audebert. Berlin (Ferd. Dummler), 1883, in-8*,
64 p. Fr. 1,60. — De la grande terre de Madagascar, la seule province
qui nous soit bien connue, grâce aux travaux des missionnaires, est celle
d'Imérina, avec la capitale Antananarive. Le climat fiévreux et les perr - cl
sécutions auxquelles les Européens ont été longtemps en butte, éloi-
gnaient de rtle les voyageurs, et M. Audebert nous dit, dans son avant-
propos, qu'il ne connaît, en fait d'auteurs allemands qui s'en soient
occupés, que M"* Ida PfeiflFer, le D* Peters de Berlin, qui a séjourné sur
la côte occidentale, et le D' Hfldebrandt. Quant à lui, chargé par le gou-
vernement hollandais d'une exploration du pays au point de vue zoolo-
gique, il a pu visiter en détail la côte orientale et une partie de l'inté-
rieur, et ne nous fait part que de ses impressions personnelles, exposées
d'ailleurs en toute franchise. Il débute par quelques renseignements
purement géographiques sur la position de l'île dans l'Océan Indien, sur
ses côtes et ses ports naturels, dont le meilleur est la baie de Diego
Suarez, à l'extrémité N.-E., dans laquelle une flotte entière pourrait
trouver un bon mouillage. Viennent ensuite l'indication des principales
villes et des places de commerce les plus importantes, la division de l'He
en trois régions physiques : celles des côtes, des plateaux et des monta-
gnes, le catalogue de 81 des fleuves que Madagascar envoie à la mer,
enfin les observations météorologiques qu'a faites l'auteur lui-niême. La
question du climat et de son influence sur les Européens est traitée
d'une manière complète. Les 35 dernières pages sont entièrement con-
sacrées à l'étude des peuples divers qui se partagent l'île, et des tenta-
tives faites par les Anglais et les Français pour y établir leur influence.
L'auteur se prononce pour les Français, dont la première occupation
date de 1642. La question de Madagascar devenant brûlante aujour-
d'hui, on lira avec intérêt ces pages, surtout celles qui renferment des
renseignements sur l'armée des Hovas.
— 257 —
BULLETIN MENSUEL (i- octobre 1883.y
Quoique les nouvelles du Soudan én^yptien aient été rares depuis
quelques mois, sans doute par suite de Tinaction dans laquelle la saison
des pluies a obligé le général Hicks à se tenir, il semble résulter des
quelques dépêches parvenues récemment au Caire, que ce général se pré-
pare à rouvrir la campagne contre les troupes du mahdi, pour reprendre
El-Obeïd et Bara. Sa situation est rendue difiScile par le fait du soulè-
vement des Arabes des environs de Souakim, occupant la route de
Berber, par laquelle auraient pu lui être envoyés des renforts de
l'Egypte, où l'on a fait des préparatifs pour lui expédier 2000 soldats en
cas de nécessité. En outre plusieurs chefs du Sennaar, qui étaient venus
à Khartoum faire leur soumission, se sont rendus dès lors à El-Obeïd
auprès du mahdi, auquel ils ont donné l'assurance que, quoiqu'ils aient
accepté le pardon du khédive, ils n'en sont pas moins toujours attachés
à la cause du prophète. On craint que lorsque le général Hicks opérera
son mouvement en avant, les bandes rebelles ne viennent se placer entre
sa colonne et Khartoum, et ne cherchent à couper sa ligne de retraite '\
Les Missions catholiques ont reçu des informations sur le sort des
missionnairesi prisonniers du mahdi, par l'entremise du
naessager envoyé de Khartoum pour lui proposer de les racheter. Après
avoir répondu qu'il y penserait, le mahdi paraît ne plus s'être occupé de
cette proposition, et le messager est revenu sans réponse. Quoiqu'il en
soit, depuis la prise d'El-Obeïd, aucun des missionnaires n'est mort, ni
n'a été mis aux fers ; les sœurs de charité non plus n'ont point été
vendues, comme le bruit en avait couru. Le mahdi a même défendu, sous
les peines les plus sévères, d'injurier ou de brusquer aucun des membres
du personnel de la mission ; il les cite aux siens comme des modèles de
fermeté": a Voyez, » dit-il, « ces infidèles, comme ils se maintiennent fer-
mes dans leurs fausses croyances, tandis que, pour la plupart, vous avez
^ Les matières comprises dans nos BuUetins mensiiels et dans les Nouvelles com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à PEst, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
* Au moment de mettre sous presse, une dépêche du Caire annonce que le
mahdi a remporté une grande victoire à Pest de Khartoum, et que la panique est
grande dans la Haute^f ypte.
l'AFRIQUE. — QUATRIÈME ANNÉE. — N® 10. 10
— 258 —
si peu de foi en moi ! » Un Égyptien, fugitif d'El-Obeïd, a rapporté que
le mahdi a envoyé à trois reprises ses troupes contre celles de Slatin-
bey, gouverneur du Darfour, et que trois fois elles ont été battues avec
de grandes pertes. Il a ajouté que Slatin-bey n'était plus qu'à trois
journées d'El-Obeïd.
Le rapport du lieutçnant-colonel Stewart sur le Soudan, auquel nous
faisions allusion dans notre précédent numéro (p. 235), renferme, sur les
projets de chemm de fer pour relier Khartoam à, la mer
Roiifl^e et sur la traite, des renseignements que nous résumons
d'après les citations qu'en fait VAntislavery Repœ-ter. Le premier tracé,
de Souakim àBerber, de 400 kilom., s'élèverait par une pente uniforme
jusqu'au Wadi Haratir, d'oîi l'aspect général du pays est celui de
plaines alternant avec des collines, jusqu'au delà d'Ariab, à 200 kilom.
de la mer ; pour atteindre Berber, la voie ferrée n'aurait plus qu'à tra-
verser une plaine ouverte et unie. La diflBiculté sur cette ligne serait de
se procurer l'eau nécessaire ; il n'y a ni rivières ni ton*ents, et les seules
pluies qui tombent sont quelques fortes averses en hiver. Entre Berber
et Khartoum la communication aurait lieu parla voie du fleuve. D'après
le second tracé, on établirait une ligne directe de Khartoum, ou plutôt
d'un point sui* la rive droite du Nil Bleu, vis-à-vis de cette ville, jusqu'à
la mer. Elle traverserait une plaine parfaitement unie jusqu'à Gos-Red-
jeb, d'où elle descendrait à Souakim, ou mieux encore à Alik-es-Saghir,
à 50 ou 60 kilom. plus au sud, oîi se trouve un port naturel beaucoup
meilleur que celui de Souakim. Cette dernière ligne serait il est vrai plus
longue que la première, mais elle aurait le grand avantage de mettre
Khartoum en communication directe avec la mer. En outre, on pourrait
faire des embranchements sur Sennaar et Galabat, chefe-lieux des plus
riches districts du Soudan, et y attirer le commerce de l'Abyssinie.
Quant à la traite, le rapport de M. Stewart indique d'abord les
tribus qui fournissent le plus d'esclaves ; ce sont, outi-e celles de l'Afri-
que équatoriale, les tribus des Denkas, des Nouers, des Gyangés, des
Bongos et celles qui habitent le massif du Djebel-Nouba, ainsi que les
Bertas des montagnes de Beni-Schangol près de Fazogl. Les esclaves
denkas et ceux du Djebel-Nouba sont les plus estimés, parce que ce sont
les plus intelligents. Outre les esclaves noirs, il y en a de blancs, appelés
Abyssiniens, qui appartiennent aux tribus Gallas au sud du Choa, mais
qui ont été pris et vendus par des Abyssiniens. Les routes suivies par
les trafiquants d'esclaves sont celles d'El-Obeïd à Dongola, d'Omchanga
à Dongola, de Kobbé à Assiout, de Khartoum ^4, Debba, d'El-Ob^d
— 259 —
à Debba, de Kassala à Souakim et à Massoua, de Berber à Souakim et
de Souakim à Korosko^ enfin du Ouadaï à Mourzouk et à Tripoli. Les
marchands d'esclaves s'en tiennent à quelque distance, mais ils viennent
de nuit aux puits creusés le long de ces routes. Un des moyens proposés
par le colonel Stewart pour diminuer la traite serait de faire occuper ces
puits, a Par exemple, » dit-il, « si l'on occupait, sur la route de Kobbé à
Assiout, le second puits qui est à deux jours de Kobbé, et le troisième à
deux journées encore au delà, il serait impossible à aucune caravane de
se rendre au puits suivant, à dix jours de distance, sans s'arrêter pour
prendre de l'eau. Les routes pourraient ainsi être mieux surveillées
qu'elles ne le sont actuellement. »
Le D' Stecker est redescendu du haut plateau d'Abysainie à
Massaoua, d'oîi il a écrit à Rohlfs : a Du Godjam j'ai visité Goudron,
Eedida, Choro-Tchomen, Seka, Siwo, les rivières Goudié et Didessa
(peut-être le cours supérieur de la Djouba). De Gouma j'ai dû revenir
sur mes pas, et j'ai été fait prisonnier parMénélik qui me croyait espion
de Tekla Haïmanot. Près de Tchabbo, j'ai découvert le lac Wontchi.
Amené à Finfinni, j'ai obtenu ma liberté, grâce à l'intercession du
marquis Antinori, qui vivait encore. J'ai visité ensuite les Adas-Gallas,
les monts Sékoualé, et me suis rendu au lac Zoual ; à 60 kilomètres au
sud de ce dernier, j'en ai découvert un autre, le lac Miété, dans un pays
galla nommé Adia, habité par lu tribu pillarde des Arousis-Gallas. Sur
les instances du roi Jean, j'ai dû rebrousser chemin et l'ai rencontré
près du lac Haïk. A l'est de l'Abyssinie, j'ai encore exploré l'Antcharo,
l'Argobba, le Tcheffa et le Rikhé, pays gallas qu'aucun Européen
n'avait encore visités. » Le D' Stecker rapporte des cai*tes qui ajouteront
à nos connaissances sur cette partie de l'Afrique. D s'est arrêté quelque
temps à Massaoua, pour ne pas s'exposer au choléra en Egypte.
D'après une communication de la a Eastern Telegraph Company, »
M. J. ThonAson a regagné, le 2 septembre, avec de nouvelles provi-
sions et des renforts, son campement de Taveta, d'où il se disposait à
pailir le 8, par le pied nord du Kilimandjaro, pour Mosira (ou Msiro), par
1^ 50' lat. S. et 33° 20' long. E. de Paiis, sur la route du Victoria
Nyanza. ~ Dans une des dernières séances de la Société royale de
géographie de Londres, M. Farler, missionnaire de l'Ousambara, a
fourni, sur le pays des Masaïs» des renseignements d'après lesquels
on peut espérer que l'explorateur anglais réussira à atteindre le Victoria
Nyanza. Pour cela deux moyens s'offrent à lui : ou bien de voyager len-
tement, avec une des caravanes de Souahélis, de 2000 personnes, qui
— 260 —
mettent 20 jours pour faire ce trajet ; ou bien de conduire très rapide-
ment, en cinq jours, une caravane moins nombreuse mais bien armée,,
en nouant des relations amicales avec le grand chef Mbaratiani. Le
père de celui-ci, originaire de l'Ougogo, est arrivé il y a trente ans dans^
le pays des Masaïs, où il épousa la fille d'un de leurs chefis. Par son
habileté dans la sorcellerie il acquit une telle influence, que les Masals-
rélurent pour leur chef. Aujourd'hui c'est son tils qui exerce le pouvoir.
Les trafiquants le disent sensible et bon, et pensent que, si Thomson lui
fait des présents, il obtiendra de lui tout ce dont il pourra avoir besoin.
En huit ou dix marches, il pourra atteindre des tribus agricoles pacifi-
ques, qui reçoivent très bien les commerçants. Le pays paraît être plat
et salubre ; l'air est frais et agréable ; les Masals élèvent des troupeaux
considérables de bestiaux ; en plusieurs endroits ils ont creusé des
puits qui leur servent de réservoirs pour abreuver leurs bêtes. Sur les
frontières des Masaïs habite la tribu des Wandorobos, qui vivent de
chasse et fournissent beaucoup d'ivoire aux trafiquants. Malheureuse-
ment, la caravane de Fischer ayant tué un chef favori de Mbaratiani et
deux femmes, fait inouï jusqu'ici, les Masaïs ont résolu d'en tirer ven-
geance sur le premier blanc qui se présentera. H est vrai que tous ne
sont pas d'accord.
Les explorateurs du Comité national allemand, MM. Bcehmet
Reichard, ont envoyé de Karéma à Berlin le journal de feu leur com-
pagnoii , le D' Kaiser, ainsi que la carte qu'il a dressée du lac Hikoua.
De Karéma ils se disposaient à traverser le Tanganyika jusqu'à l'embou-
chure du Lofoukou, pour se rendre ensuite au lac Moero par une route
plus méridionale que celle qu'ont suivie les précédents voyageurs. — Le
parlement allemand a voté un subside de 125,000 francs pour les explo-
rations dans l'Afrique centrale.
Les missionnaires de Masasi ont définitivement reconnu que cette
station, exposée aux excursions des Magwangwaras, ne pouvait plus
convenir à un établissement d'esclaves libérés. Le district où elle se
trouve n'est, à proprement parler, ni dans le pays des Makouas, ni dans
celui des Yaos ; il est composé de territoires détachés, tantôt d'une
tribu, tantôt d'une autre, dont les habitants, chassés là par les vicissi-
tudes de la guerre, sont peu unis entre eux et ne peuvent pas Oj^poser
une résistance conunune aux Magwangwaras. Ceux-ci devaient envoyer
cette année une troupe de leurs gens pour percevoir le tribut de sel que
les Makouas se sont engagés à leur payer. M. Maples, aidé du chef
Matola, a cherché un emplacement favorable où il pût transférer le per-
— 261 —
:sonael de la station de Masasi. De Ghilonda, il a gravi le plateau escarpé
-des Makondés, et a atteint les sources des deux rivières Ndoumbi et
Mahouta, qui se rejoignent à mi-chemin d'une gorge profonde, pour se
perdre plus bas dans les sables, sauf à Tépoque des pluies où leurs
«aux s'étendent jusqu'aux rives de la Rovouma, dont elles deviennent
4es tributaires. Il est entré là sur le territoire habité par Bakari, ami de
^oumanga^ le plus puissant chef des Makondés, ami aussi de Matola,
droit, sobre et courtois avec les étrangers. Les sujets de Bakari sont
nombreux, et le pays est fertile ; peut-être Matola et quelques-uns des
émigrés de Masasi s'y établiront-ils. Peut-être aussi M. Maples choisira-
t-il de préférence le territoire de Noumanga, qui a défriché tout le
<^entre de la forêt des Makondés, où l'on n'est pas exposé aux atta-
-ques des tribus voisines. Le sol en est encore plus fécond que celui
-de Masasi ; la rivière Mianga, affluent de la Bovouma, le traverse ;
elle ne coule pas dans la saison sèche, mais, au moyen de puits peu
profonds, on peut toujours avoir de l'eau potable. Avant de prendre une
décision, M. Maples voulait encore examiner l'emplacement de Hitanda-
Himba, un peu au nord de Noumanga. Il s'y trouve un petit lac très
poissonneux, sans crocodiles, près de la source de la rivière Mihamboué,
^affluent de la Rovouma ; autrefois les bords en étaient infestés par des
lions, ce qui lui a valu son nom de lac des lions ; aujourd'hui ces hôtes
dangereux ont à peu près disparu.
M. Moritz Unger a réussi à former, pour la construction du port de
XiorensEO Marquez et du chemin de fer de la baie de
Delag^oa à, Pretoria, un comité financier parisien, et les négocia-
tions avec le gouvernement portugais ont heureusement abouti, en
«orte que les travaux du port et de la voie ferrée commenceront
prochainement. Le gouvernement a remis à bail au comité sus-men-
tionné le port de Lorenzo Marquez pour 21 ans. Les droits de douane ne
devront pas être moindres de 3 %» ni dépasser 6 % cid valorem, et
devront être perçus par deux commissaires, nommés, l'un par le
gouvernement, l'autre par les concessionnaires. Ces droits de douane,
itinsi que ceux du port et des docks, sont concédés par le gouvernement,
à titre de garantie d'intérêt pour les travaux du port et du chemin de
fer au taux de 7 Vo P^ &&• L^ concessionnahres se sont engagés à
dépenser au moins 200,000 L. st. pour les travaux du port; un dixième
de cette somme devra être consacré à l'érection des bureaux du gouver-
nement, de la douane» de magasins, d'entrepôts, etc. Quant à la voie
ferrée, elle aura la même largeur que les chemins de fer de la Colonie du
— 262 —
Cap. Elle devra être commencée dans un an, et terminée jusqu'aux
monts Lebombos dans l'espace de trois ans. Le terme convenu pour
l'achèvement des travaux du port est de cinq ans. Ainsi, le port longtemps
négligé de Lorenzo Marquez va s'ouvrir au commerce avec le Trans-
vaal, et le chemin de fer rendra plus facile l'accès aux mines d'or ainsi
que l'exploitation de celles-ci par les procédés de l'industrie européenne '.
— Le major Machado est revenu à la baie de Delagoa, afin de complé-
ter le tracé de la voie ferrée de la frontière portugaise à Pretoria. — En
attendant, les autorités portugaises sont en négociations avec le roi
swazie Umbandine, pour ouvrir une route jusqu'à Derby, dans la Nou-
telle-Écosse. — Les Zoulous ont fait sur ce point irruption dans le
Transvaal, où ils y pillent et brûlent tous les kraals.
M. Henry M. A. Cutfield, commandant de VUndine, employé à la
suppression de la traite dans le canal de Moasamblque, a
envoyé à VAntislavery Reporter des détails navrants sur l'état de plus
de cent esclaves pris sur une barque arabe, destinés aux plantations de
sucre de l'île Johanna, une des Comores, dont le sultan a récemment
conclu avec l'Angleterre un traité par lequel il s'est engagé à supprimer
immédiatement le trafic des esclaves dans son île. Enlevés à leurs
familles, à 300 kilomètres au sud de Mozambique, ces malheureux, parmi
lesquels se trouvaient 80 femmes et enfants, étaient entassés et telle-
ment exténués qu'une vingtaine seulement pouvaient marcher. On fit
cuire pour eux du riz et des patates douces ; quand ils virent ces mets,
ils se précipitèrent dessus avec une avidité brutale, chacun s 'efforçant
d'en avoir tun peu plus que les autres. Le commandant est persuadé
qu'on en délivrerait trois fois autant, s'il y avait, pour ce service, un
plus grand nombre de navires, et en particulier un petit vapeur; la
quantité des barques qui traversent le .canal avec des cargaisons analo-
gues est considérable, mais elles peuvent se réfugier dans des criques ou
des passages oîi il n'est pas possible aux croiseurs de les suivre. En
conséquence, les lords de l'Amirauté ont ordonné la construction de
deux cutters à vapeur, de sept mètres de long, munis de tous les perfec-
tionnements réclamés par le service auquel ils sont destinés ; ils seront
* Le Cape Argus, auquel nous avons emprunté ces informations, renferme,
dans son dernier numéro, que nous recevons pendant l'impression de cette livrai-
son, un avis de M. Carvalho, consul de Portugal à Capetown, qui les déclare
erronées. Nous réservons donc notre jugement sur ce point jusqu'à plus ample
informé.
— 263 —
envoyés dans le canal de Mozambique, pour être mis à la disposition des
commandants de V Undine et du Harrier, qui y sout en station pour la
suppression de la traite.
Le rapport de M. David Jones, ingénieur des mines, sur les travaux et
les résultats de la première année d'exploitation des mines de
houille de Cyferg^t, ouvre à la colonie de IVatal, et à TAMque
australe en général, des perspectives encore plus favorables que celles
qu'avaient fait entrevoir les premiers rapporteurs. La quantité de char-
bon, évaluée par M. Dunn à 1,800,000 tonnes, dépasse 4,300,000; la
qualité aussi est meilleure qu'on ne l'avait cru d'abord, et pourra être
employée pour les locomotives ordinaii^. En outre, le travail^des indi-
gènes l'emporte sur celui des blancs, avec lesquels M. Jones a eu beau-
coup de difficultés; aussi a-t-il peu à peu renoncé aux Européens et
introduit dans l'exploitation des natifs, ne gardant que deux blancs
pour contre-maître et surveillant. Les noirs ont une aptitude spéciale
pour ce genre de travail, et leurs prétentions étant trois fois moins
élevées que celles des l?lancs, les frais d'exploitation sont réduits des
deux tiers. M. Jones dit avoir rarement trouvé en Angleterre, en Amé-
rique, aux Indes, en Australie et à la Nouvelle-Zélande, des conditions
meilleures pour exploiter des mines à peu de frais et sûrement.
Une correspondance particulière, adressée de Capettomm au Journal
de Genève, fait un assez triste tableau des conséquences qu'a eues dans
la Colonie du Cap la manie des spéculations. Aux mines de diamant,
de nombreuses compagnies ont joué, soit le rôle de dupes, en achetant
des terrains à des prix exorbitants et en entraînant dans leur ruine les
imprudents dont elles avaient gagné la confiance, soit le rôle d'exploiteurs
ne faisant les afiaires que de gros capitalistes. Dans les districts du Sud-
Ouest, le fermier, jadis travaillant et cultivant le sol, a acheté un
incubator, et attendu paresseusement que sa machine américaine ame-
nât Téclosion artificielle d'autruches, dont les plumes se sont . trouvées
tout à coup trop abondantes pour le marché. Partout les champs et le
bétail ont été délaissés pour une spéculation quelconque,rendue malheu-
reusement trop facile par l'escompte qu'ont pratiqué avidement un grand
nombre de banques. Et cependant les diamants ne manquent pas, la
plume d'autruche ne souffre pas des caprices de la mode, le prix de la
laine est plus élevé que jamais, et l'élevage des moutons serait rémuné-
rateur, ainsi que la culture des céréales, puisque la production de la
Colonie est loin de répondre à sa consommation, et que l'Amérique et
l'AustraUe doivent lui envoyer des grains. Malgré cet état de crise, le
— 264 —
correspondant signale des progrès notables dans les moyens de commu-
nication : extension des voies ferrées, augmentation du nombre des
stations télégraphiques, diminution des taxes postales, espoir de l'entrée
de la Colonie dans l'Union postale dès le !•' octobre, etc. Suivant lui, le
mal ne vient que de la spéculation ; aussi espère-t-il que, la lièvre une fois
passée, les habitudes de travail régulier reprendront et que l'équilibre
se rétablira.
L' Export annonce que M. Lttderitz, de Brème, est parti le 1 9 août pour
aller organiser les établissements qu'il a l'intention de créer sur la
concession récemment achetée à An^^ra Pequena, pour laquelle
il a obtenu, du ministre des adirés étrangères de l'empire allemand,
rautorisation d'arborer le pavillon national et la protection d'une
corvette allemande, la Garola. M. Vogelsang, chef de l'expédition (voy.
p. 239) a déjà engagé un certain nombre de Topnai*s (Hottentots de la
tribu des Namaquas) qui gîtent dans des huttes faites de côtes de baleine
et de peaux de chacals, se nourrissent de poissons et d'oiseaux de mer,
et portent des vêtements européens, obtenus, par échanges, de trafi-
quants du Cap venus pour chercher à Angra Pequana des peaux de
chiens marins. A la tête de ces gens, organisés militairement, il s'est
rendu à Béthanie où réside le chef hottentot Joseph, auquel appartient
tout le territoire jusqu'à la côte, pour obtenir la concession désirée. Là,
en présence de quarante dignitaires indigènes, la demande de M. Vogel-
sang fut exposée en hollandais par M. de Jongh, membre de l'expédition,
et traduite par un instituteur de la mission rhénane versé dans la langue
du pays. Après délibération, une pipe, présentée d'abord au roi, circula
entre tous les assistants ; la décision fut communiquée, et le contrat,
rédigé en hollandais, fut signé par le roi et plusieurs de ses grands;
puis l'expédition revint à Angra Pequena, où une députation du roi
Joseph ne tarda pas à descendre pour recevoir le prix convenu. Au com-
mencement d'août était parti de Brème, pour la même destination, un
grand schooner, la Meta, de 40 tonnes, conamandé par le capitaine
Biester, qui connaît très bien les eaux de l'Afrique occidentale. Pour
le moment, onze Européens — neuf Allemands, un Hollandais et un
Suisse — sont entrés au service de cette colonie, que la presse allemande
considère comme les prémices des colonies germaniques. Le Tilly a
transporté à Angra Pequena le matériel nécessaire à l'érection de plu-
sieurs maisons de bois, des marchandises d'échange, de la poudre et des
armes. — Ce point du littoral était déjà visité par des trafiquants du
Cap, qui y venaient échanger du tabac, des munitions, des spiritueux,
— 265 —
contre des peaux, des plumes d'autruche et du bétail. Les ports de la
Colonie du Cap, conune ceux des possessions portugaises, étant, soumis
à un système de droits d'entrée assez élevés, et Angra Pequena devant
être un port franc, ce dernier pourra acquérir promptement une assez
grande importance. — A la première nouvelle de la fondation de cette
colonie, M. Lûderitz a reçu quantité d'offres et de demandes de toutes
les parties de l'Allemagne. — D'autres expéditions allemandes visent
encore cette portion du continent africain. Deux explorateurs ont étudié
des gisements de cuivre le long de la rivière Knisi, à 35 kilomètres en
amont de Zwartbank. Une maison de commerce, qui a des intérêts au
Damaraland, y projette une exploration.
Le comité des missionsi barptiste» d'Angleterre a envoyé à Under-
hill, la première de ses stations sur le Con^o, une maison de bois, avec
dépendances, dont M. Crudgington a fourni le dessin. Elle sera placée
sur des colonnes de fer, à un ou deux mètres du sol pour laisser l'air
circuler par-dessous. — De Stanley-Pool, M.Comber a écrit pour demander
des renforts, le nombre des missionnaires ne répondant plus à celui des
stations déjà fondées, et le lancement prochain du Peace^ sur le cours
moyen du fleuve, permettant d'aller en créer de nouvelles à 150 et 300
kilomètres au delà. M. Grenfell, attaché à ce vapeur, compte remonter
le Congo jusqu'à l'embouchure de l'Ibari Nkoutou, de l'Ikelemba, du
Mboura, et de l'Arouimi. M. Comber écrivait aussi que Stanley devait
se rendre, avec une flottille de trois petits vapeurs et une canonnière
en acier, au delà de Bolobo pour y fonder de nouvelles stations.
Le nombre des vapeurs destinés à la navigation sur le Con^^o
augmente peu à peu. Un nouveau steamer, la Ville d'Anvers^ construit
à Londres, pour le Comité d'études du Haut-Congo ', a dû partir au
milieu de septembre ; il fera le service entre Banana et Vivi. C'est vrai-
semblablement encore pour le même Comité, et non, comme les journaux
l'ont annoncé, pour l'Association internationale africaine, que le roi des
Belges a fait construire un steamer d'un nouveau modèle, à transporter
par sections sur le cours moyen du Congo. D'un très faible tirant d'eau,
il sera monoroiie, c'est-à-dire que le propulseur consistera en une roue
* UÉtoUe belge qui nous apporte cette nouvelle, et en général les journaux
belges, confondant constamment le Comité d'études et l'Association internationale
africaine, nous nous efforçons de distinguer toujours ces deux Sociétés, la confu-
sion ne pouvant que porter préjudice à l'Association internationale, purement
scientifique et humanitaire.
— 266 —
unique placée à rarrière. La coque pourra être divisée en plusieurs sec-
tions, dont chacune sera flottable et pourra recevoir de grandes roues
ordinaires. Celles-ci, mises en réserve quand le bateau sera à flot,
permettront de se servir de chacune des sections comme de voitures pour
le transport par terre. Tant que la profondeur de l'eau le permettra on
se servira du steamer ; dès qu'on le jugera nécessaire, on le halera à
terre, en entier ou par sections, et il servira au transport des marchan-
dises et des approvisionnements. — Quant au voyage que Stanley doit
avoir accompli sur le haut fleuve, nous en ignorons complètement les
détails et les résultats. D'après des nouvelles apportées parle steamer
Oabon, parti de Loango le 12 août, il était revenu à Banana, à l'embou-
chure du fleuve; l'état sanitaire de son état-major paraissait peu
satisfaisant ; une de ses embarcations a chaviré dans le Congo, et M. le
sous-lieutenant Janssens, de l'armée belge, s'est noyé, ainsi qu'un
missionnaire français. M. Auguste Schaumann, lieutenant autrichien,
parti avec Stanley en 1882, a été atteint de la fièvre et de la dysenterie,
et a succombé dans le trajet pour revenir en Europe, qù sont rentrés
MM. Van de Velde et Bach. En revanche, M. Duverge, ancien consul
américain à Loanda, s'est joint à l'expédition de Stanley.
Les descriptions que les récits des correspondants de journaux nous
apportent des stations de Vivi et de Stanley-Pool, ne ressemblent en rien
à celles des stations scientifiques de l'Association internationale ou des
Comités nationaux allemand et français à la côte orientale. Depuis qua-
tre ans que Stanley est à l'œuvre à la côte occidentale, nous n'avons
vu dans aucun journal belge, anglais ou américain un rapport scienti-
fique de lui ou de ses subordonnés \ Le seul écrit de ce genre qui nous
soit parvenu est celui de M. Johnston sur la flore et la faune du Congo,
auquel nous avons fait allusion dans notre dernier numéro. — Quant au
caractère humanitaire de l'œuvre de Stanley, les descriptions sus-men-
tionnées, le grand nombre de noirs, Zanzibarites, Haoussas, Erooboys,
recrutés aux deux extrémités du continent et armés de fusUs à tir rapide,
les détails fournis par les reporters qui l'ont vu au milieu de ses gens à
Vivi, et qui le représentent entouré de ses soldats et d'une escorte de
princes nègres, dans l'équipage d'un roi encore plus que d'un explora-
teur, tout cela n'est pas de nature à nous rlissurer. Nous ne dirons rien
du bruit qui a couru, d'après lequel il aurait, à l'aide de ses Zanziba-
' Les derniers numéros des BuUetma des Sociétés royales de géographie de
Bruxelles et d'Anvers, sont eux-mêmes muets sur les travaux de l'explorateur.
— 267 —
rites, empêché la libre navigation et le commerce sur le Haut-Congo,
mais le moindre rapport de sa main sur ses explorations et sur ses
projets serait le bienvenu, auprès de tous ceux qui désirent voir l'œuvre
civilisatrice se poursuivre en paix à l'intérieur du continent.
Devons-nous rattacher à l'œuvre du Comité d'Études du Congo la
fondation de stations sur le littoral de l'Atlantique au nord de l'embou-
chure du grand fleuve ? Nous l'ignorons. Quoi qu'il en soit, le journal
belge VExcursioîi nous a appris que le lieutenant-adjoint d'état-major,
M. V. Hapou, membre d'une des premières expéditions belges au
Congo, reparti en janvier pour l'Afrique centrale, se trouve aujourd'hui
à Massabé, près de Landana ', où il a fondé une première station.
Son personnel se compose de 137 hommes, appartenant à des nationa-
lités différentes, dont les Zanzibarites, les Erooboys, les Mosses et les
Cabindas, constituent les principaux éléments. Le dernier courrier
annonçait son départ de la côte pour l'intérieur, et lui prêtait l'intention
d'établir encore deux autres stations.
Cette dépêche ne nous rassure pas davantage. C'est à Landana, nos
lecteurs se le rappellent, que de Brazasa est arrivé à la côte après
avoir découvert la vallée du Niari dans son troisième voyage ^ Massabé
se trouve à l'embouchure du Loema, qui coule à peu près parallèlement
au Niari, et se jette dans l'Atlantique au sud du Quillou, là où
l'expédition de Brazza a trouvé récenmient des gens de Stanley prêts
à lui disputer le droit de s'établir en cet endroit, qu'il avait choisi
comme point de départ de la voie de communication la plus courte entre
l'Atlantique et le Congo moyen. M. Harou a-t-il pour mission de
s'opposer à la réalisation du plan de Brazza d'ouvrir l'Afrique par la
vallée du Niari? Encore ici nous sommes dans l'ignorance. Cela n'empê-
che pas de Brazza de remonter l'Ogôaué, Dès son arrivée au Gabon, il a
expédié deux membres de son expédition, MM. deMontagnac et Miche-
let, avec 20 laptots, fonder un poste sur l'Alima, tandis que M, le lieu-
tenant Decazes; son chef d'état-major, surveillait l'installation de
Lambaréné, dépendant de la station de N'jolé. D y avait trouvé M. de
Lastours, qui avait amené une flottille de 60 pirogues montées par
800 pagayeurs adoumas, accourus au-devant du chef de la mission fran-
çaise, et devant remonter avec quatre-vingts tonnes de marchandises.
M. Decazes, revenu au Gabon, devait attendre la Seiidre et VOhimo,
qui apportaient un complément de matériel, et remonter avec ce dernier
^ Depuis de longues années, Landana a une station de missionnaires romains.
• Voir la carte, HI"» année, p. 288.
— 268 —
navire le bas Ogôoué, en inspectant le poste du cap Lopez, puis rejoin-
dre de Brazza, à la fin de juillet, après Tarrivée d'un nouveau convoi.
Les plantations de café créées au Oabon par la maison Woermann
et O* de Hambourg, sous la direction de M. Soyanx, botaniste atta-
ché à l'expédition allemande du Loango, sont en voie de prospérité, et
ont fourni & celui-ci l'occasion de juger des aptitudes des nègres libres à
être employés comme ouvriers pour des travaux agricoles. Au début ^
M. Soyaux fit venir une cinquantaine de nègres de Libéria, auxquels il
en adjoignit autant du Gabon. Avec eux il planta des milliers de pieds
de café, sur le terrain dépendant de la ferme de Sibangoué, située par
0° 26' lat. S. et 7' 11' long. E. de Paris ; il abattit la forêt vi^ge^
ouvrit une route jusqu'à la côte, et, quoique ses travaux ne datent que
de quelques années, il a déjà pu apporter à Edimbourg des échantillons
de café, que les premiers courtiei's déclarent d'excellente qualité, meil-
leurs même que ceux de Libéria. Toutes les opérations ont été faites par
les noirs sus-mentionnés, sous la surveiliance de trois aides européens et
d'un ingénieur, M. Schrau, qui a passé trois ans avec Stanley. Tandis
qu'auparavant le nègre du pays ne travaillait que quand cela lui conve-
nait^ peu à peu il a conunencé à s'engager pour des semaines, puis pour
des mois ; le personnel de la plantation s'est accru et les travaux se font
plus rapidement. D'après les nouvelles que M. Soyaux reçoit de la ferme
de Sibangoué, les Mpongoués aussi y arrivent maintenant pour demander
du travail ; il estime que c'est le peuple de l'avenir pour ce pays ; ils
sont agriculteurs, c'est là l'essentiel. Avec eux on pourra cultiver, sur
ce sol si riche, toutes les plantes utiles des tropiques. M. Soyaux a dû
repartir en septembre pour Sibangoué. B veut encore étudier la question
de l'aptitude des indigènes à devenir de petits fermiers, vendant leurs
produits aux grands fermiers qui travaillent au moyen de forces méca-
niques. Avec de la patience il espère y arriver. H ne craint pas la con-
currence, et met son expérience à la disposition de tous.
M. Ernst Vohsen, chargé avec MM. Hart et Keller,par la Com-
pagnie du Sénégal et de la côte occidentale d'Afrique, d'explorer le pays
de Timmani, à l'est de Siepra-Léone, et d'en dresser une carte, a
réussi à rectifier plusieurs erreurs existant dans la carte du major Laing,
la seule employée jusqu'ici. Les nouveaux voyageurs ont pu reproduire le
relief du terrain, indiquer les divisions administratives du pays, et explo-
rer le cours des rivières Bagrou et Bampanah. Dans la carte de Laing,
la Bampanah est indiquée comme affluent de la Camaranca, tandis que
celle-ci n'est qu'un tributaire du Bompé et a ses sources au mont Miseri.
— 269 —
La Bampanah se jette dans le Jong, ua des affluents les plus importants
du Sherbro.
Le D' Bayol est rentré en France, rapportant des traités d'amitié
conclus avec six chefe de territoires situés entre le Sénégal et le
Niger, ainsi que la carte qu'en a dressée le lieutenant Quiquandon. Ce
pays étant resté en dehors des itinéraires de Mungo-Park, de Mage, de
Soleillçt et de Lenz, était encore inconnu des Européens. Il en a trouvé
la population plus clairsemée qu'on ne le supposait, vraisemblablement
par suite des guerres qui depuis quarante ans ont ensanglanté cette
région. A l'époque où il l'a traversée, il ne s'y trouvait aucun ruisseau
offrant un courant. Les habitants tirent leur eau de puits qui ont de
^5 à 30 mètres de profondeur et qu'ils entretiennent avec soin. Les
Bambarras, vigoureux, mais ivrognes et cruels, aiment cependant le
travail ; leurs champs sont bien cultivés ; chaque Bambarra doit défricher
une étendue de terrain proportionnelle à la quantité de personnes qu'il
peut employer et, celui qui a les champs les mieux entretenus est
•estimé à l'égal de celui qui a accompli un exploit de guerre.
Le Réveil du Maroc demande que les puissances européennes mettent
fin à la traite qui déshonore les Légations et les Consulats, « parce
que,» dit-il, « c'est sous les yeux des représentants de l'Europe au Maroc
que les esclaves sont traînés d'une rue à l'autre comme de véritables
bêtes de somme. » Amenés dans la province de Sous par les caravanes
de Tombouctou, ils sont vendus dans les foires trimestrielles de cette
province, et conduits ensuite sur les marchés des différentes villes du
royaume, où l'on mutile les jeunes gens pour faire d'eux des gardiens
des harems. Lord Granville a chargé le représentant de S. M. britan-
nique au Maroc de faire des représentations à l'empereur, et de l'en-
gager à se mettre au niveau des monarques civilisés, en prenant des
mesures pour l'abolition de l'esclavage dans se-s États.
NOUVELLES COMPLÉMENTAIRES
L'explorateur autrichien Ernest Marno est mort à Khartoum.
Le journal arabe Nusret annonce que le roi Jean d'Abyssinie, ayant appris que
:8on vassal Ménélik se proposait d'envoyer une ambassade à Paris pour solliciter
le protectorat de la France, lui a déclaré la guerre et a fait envahir le Choa par
une armée abyssinienne.
La Société géographique de Rome a été informée du retour à Assab du comte
Antonelli, qui rapporte du Choa les collections du marquis Antinori.
Quatre jeunes commerçants milanais se sont établis à Assab, d'où ils se rendront
— 270 —
aux divers ports de la mer Rouge pour y faire des échanges de marchandises
italiennes.
L'avènement de la nouvelle reine de Madagascar, Ranavalo III, n'a point amené
de changement dans les rapports avec la France, le premier ministre de la feae
reine ayant conservé le pouvoir. — A la suite des mesures prises par les Hovas
contre les missionnaires romains, deux de ceux-ci sont morts.
Les hostilités entre le chef Ghipitoula et les Portugais continuent dans la
région du Chiré. Quoique ceux-ci aient promis de ne pas empêcher le passage, et
que Ghipitoula soit amical pour les missionnaires de Blantyre, ceux qui vont ren-
forcer cette station ne remontent pas le fleuve sans danger. Il en est de même de
ceux qui se rendent à Livingstonia.
M. O'Neill, qui se dirige vers le lac Chiroua, est arrivé à Shalawé par 14*" 15' lat.
S. et se'' 32' long. E. de Paris, à 500™ d'altitude.
Le roi des Matébélés, Lo Bengula, est en guerre avec les Bamangwatos dont il
convoite le pays, et avec les Mashonas. Le commerce est arrêté dans la région qni
s'étend du Limpopo au Zambèze.
Les Portugais ont essayé de s'assujettir le chef Magoud, dans le territoire
duquel les missionnaires vaudois du nord du Transvaal ont placé un de leurs
aides indigènes. Magoud a refusé de payer le tribut qui lui était réclamé, en disant
que, vassal d'Oumzila, il ne ferait sa soumission que si ce dernier faisait la sienne.
Une dépêche de Durban, du 12 septembre, annonce que le chef betchouana
Montsiva a détruit Fort William pendant l'absence des volontaires blancs, et s'est
emparé de leurs armes et de leurs munitions. Les blancs de la république nouvelle
du Stellaland sont divisés, et l'on s'attend à des hostilités entre eux. Un grand
nombre de Boers sont entrés dans le Zoulouland par le territoire de réserve ; on
dit qu'ils veulent prêter assistance à Cettiwayo.
Les missionnaires moraves de la Cafrerie britannique redoutent pour cette région
de graves complications. Un grand nombre de fermiers et de commerçants ont
déjà quitté le pays. Il est question d'une conjuration, dans laquelle les tribus
cafres donneraient la main aux tribus du Lessouto.
Des négociants de Lisbonne ont constitué une compagnie pour la navigation de
la Quanza; ils ont fait construire à cet effet en Angleterre un bateau à vapeur, le
Serpa Pinto, qui devait être livré au mois de septembre.
De riches Mécènes allemands se sont chargés des frais d'une expédition nouvelle
du lieutenant Wissmann, qui retournera à Muquengué, pour tenter de là une
exploration dans la direction du Congo, afin d'étudier le système hydrographique
de cette partie du plateau central africain.
Le gouverneur de la colonie d'Angola a envoyé de Loanda une ambassade à
San Salvador^ pour saluer le roi nègre dom Pedro, qui de son côté enverra an roi
de Portugal une mission dont ses fils feront partie.
La Livingstonia Inland Mission a fondé une station nouvelle à Ngoma's Town,
à 100 kilom. en amont de Stanley-Pool.
IjC Journal de Genève annonce que l'Association internationale africaine (?)
— 271 —
s'occupe en ce moment de rechercher des colons, qui rece?raient gratuitement des
terres dans les contrées du Congo dont Stanley a pris possession. Il s'agirait tout
d'abord d'attirer des Allemands, et déjà les journaux prussiens parlent de la
création d'un consulat allemand. — En Belgique, il ne s'est pas constitué moins
de six sociétés commerciales qui veulent exploiter le Congo.
M. Flegel a offert à la Société africaine allemande de faire une nouvelle expé-
dition dans l'Adamaoua, pour pénétrer par là dans la région parfaitement inconnue
qui s'étend jusqu'au Congo, ou, s'if échoue, pour revenir vers l'ouest au mont
Cameroon. Le gouvernement de l'empire allemand a accordé une somme de
50,000 fr. pour cette exploration. D'autre part, quelques particuliers de Lagos, où
Flegel résidait depuis son dernier voyage, lui ont aussi fourni des fonds, avec les-
quels il est parti pour reprendre son exploration du bassin du Niger et du
Bénoué, afin de l'ouvrir à la science et au commerce.
Le capitaine Lonsdale, chargé d'engager pour Stanley 600 Haoussas avec femmes
et enfants, s'est rendu de Lagos à Sokoto et à Kano, emportant pour 2000 liv. sterl.
de marchandises et muni de ressources importantes. Il est accompagné d'un lieu-
tenant suédois, M. Erusensterna, de M. A. -H. Porter, ancien négociant de Lagos et
de deux autres Anglais.
La mission envoyée à Coumassie par le gouverneur anglais, Sir Samuel Rowe,
paraît avoir réussi et la guerre civile pourra être évitée. Les routes sont de nou-
veau ouvertes au commerce et les communications libres de l'intérieur à la côte.
La fièvre de spéculation règne à Axim et dans les districts aurifères de la Côte
d'Or. Par suite du climat et des conditions d'exploitation, les travaux des mines
avancent lentement. Le commandant Cameron, directeur de la West African
Goldfields Company, a introduit sur sa concession les procédés hydrauliques
employés en Californie,
D'après une dépêche de Sierra-Léone, la reine de Massah, avec le consentement
de chefs indigènes, a autorisé l'annexion d'un territoire voisin de Sherbro aux posses-
sions anglaises, qui s'étendront ainsi sans interruption de Sièrra-Léone à Libéria.
M. Trouillet^ qui se préparait par des études sur la langue du Fouta-Djallon à
explorer ce pays, est mort à Boubah, à l'embouchure du Rio Grande.
Le journal espagnol El IHa publie une dépêche de Ténériffe, du chef de l'expé-
dition commerciale au Maroc, portant que la commission hispano-marocaine, char-
gée de régler la question de Santa-Cruz de Mar-Pequena, a été dissoute après
avoir examiné la côte jusqu'au cap Juby. Les délégués marocains insistaient pour
réserver à leur pays Puerto-Sanfanto, tandis que les Espagnols désiraient que le
cap Noun leur fût cédé par le Maroc. Après la dissolution de la commission, à
Mogador, les délégués marocains n'ont rien voulu signer.
n s'est constitué à Barcelone, sous le nom de « Compagnie hispano-africaine,» une
société de commerce et de navigation, dont le but est de développer les relations
commerciales de l'Espagne avec l'Afrique, par l'établissement de factoreries et par
la création d'un service régulier de bateaux à vapeur, pour lequel le gouvernement
accordera une subvention.
— 272 —
LA QUESTION OU CONGO DEVANT L'INSTITUT DE DROIT
INTERNATIONAL
I
Lettre- eircnlaire h IHessieurB les membres et MiBOclés
de l'Instjitat de droit International.
Genève, le !•»' Juillet 1883.
Messieurs et chers confrères,
Vous avez tous lu, sans doute, dans la dernière livraison de la Revue
de droit international \Vintéress9inte étude que notre honorable vice-
président, M. de Laveleye, a consacrée à la neutralité du Congo, sujet
plein d'actualité, sur lequel, à mon tour, je désire attirer de nouveau
votre attention.
Je dis « de nouveau, » parce que, jadis, j'ai déjà invité une première
fois rinstitut à tourner ses regards de ce côté. En présence de l'asser-
tion de M. de Laveleye, que « c'est depuis trois ans à peine que l'atten-
tion se porte vers le Congo, » qu'il me soit permis de rappeler que
je vous en ai entretenu il y a cinq ans, lors de notre session de Paris,
dans la séance du 5 septembre 1878 ^ À cette époque, il ne fiit pas donné
suite à ma suggestion, qui ne présentait pas un caractère d'urgence ; on
ne soupçonnait pas alors que le majestueux cours d'eau parcouru pour
la première fois par Stanley en 1877, c'estrà-dire l'année auparavant,
pût être à la veille, en quelque sorte, de devenir l'objet de compétitions
dangereuses. L'événement a prouvé néanmoins que le moment aurait
été favorable pour s'en occuper, afin de prévenir les conflits que l'on a
vus surgir dès lors, et qui pourraient bien n'être que le prélude de faits
plus regrettables.
Quoi qu'il en soit, j'ai été heureux de voir M. de Laveleye plaider
spontanénient, avec la légitime autorité dont il jouit, la cause que j'avais
* T. XV, p. 254.
* Voy. Annuaire de 1879-1880, t. I, p. 155.
— 273 —
antérieurement portée devant vous, et j'espère qu'il aura réussi à vous
convaincre de sa justesse.
Je n'ai pas la prétention de refaire, après lui, l'exposé des motifs qui
militent en faveur de la neutralisation du Congo, car je ne saurais m'en
acquitter d'une manière plus pei*suasive. Je vous rappellerai seulement
que, depuis peu, les nations civilisées, en quête de débouchés pour leurs
produits industriels, pleines de zèle pour les découvertes géographiques
et de sollicitude pour les habitants du continent noir, ont multiplié les
établissements de toutes sortes, soit le long des rives du Congo, soit
dans la contrée avoisiuante, et que plusieurs associations commerciales
viennent de se former pour y trafiquer. Mais, hélas ! les blancs qui s'y
rencontrent n'y vivent pas tous en bonne hannonie, et c'est d'autant
plus grave que les éléments inflammables n'y manquent pas. De plus,
les teiTitoires sont mal délimités dans cette partie de l'Afrique, et 1( s
droits de souveraineté qui les concernent ont déjà fait, récemment, l'objet
de contestations de mauvais augure.
Cet état de choses ne laisse pas d'être inquiétant. « Si les explorateurs
des autres nations, » dit M. de Laveleye, « imitent l'exemple de M. de
Brazza et plantent leur drapeau national sur les stations qu'ils fondent,
nous aurons bientôt, sur les bords du Congo, des territoires français,
anglais, allemands, portugais, italiens et hollandais, avec leurs frontières,
leurs forts, leurs canons, leurs soldats, leurs rivalités et peut-être, un
jour, leui's hostilités. N'est-ce pas déjà trop de voir nos fleuves d'Euroi)(»
hérissés, des deux côtés, d'armements formidables? Faut-il reproduire
ctîtte déplorable situation jusqu'au milieu de l'Afrique, et donner aux
nègres, que nous prétendons civiliser, le triste tableau de nos antagonis-
mes et de nos querelles ? » Or c'est à conjurer ce péril, pour « ne laisser
place, dans ces régions qui s'ouvent à l'Europe, qu'à la noble et pacifique
concurrence du commerce libre, des explorations scientifiques et des mis-
sions chrétiennes et humanitaires,» que servirait la neutralité du Congo.
M. de Laveleye cite, à l'appui de son opinion, celle du célèbre voya-
geur allemand Rohlfs, celle de M. de Lesseps, les démarches concordantes
de plusieurs sociétés auprès du gouvernement anglais. Il se fonde aussi
sur un précédent de même nature, celui concernant la navigation du
Danube, pour en conclure que le projet qu'il préconise n'est pas irréali-
sable. Je le crois moi-même fermement, et c'est à cause de cela que je
souhaite fort que l'Institut évoque l'affaire à lui. Il y a là une œuvi'e
utile à accomplir, ou tout au moins une question importante à examiner.
Je ne pense pas que, quant au fond, il se produise parmi nous de
— 274 —
sérieux dissentiments, ni que nous ayons beaucoup de peine à tomber
d'accord sur les clauses à Insérer dans un traité, destiné à garantir la
libre circulation et le libre négoce sur le grand fleuve africain. Élaborer
le texte d'une semblable convention ne constituerait donc pas un travail
bien méritoire ; mais, à mon avis, cela ne devrait être, de notre part,
que Tacheminement à une action plus directe sur les gouvernements.
Peut-être môme pourrait-on s'en dispenser.
Les États civilisés sont tous plus ou moins intéressés à ce qu'aucune
puissance ne s'attribue un droit exclusif de passage sur tout ou partie
de cette magnifique artère fluviale, qui donne accès dans le vaste bassin
de rAfrique équatoriale ; mais aucun d'eux n'a manifesté jusqu'ici l'inten-
tion de se mettre en avant pour provoquer une entente dans ce sens, et
il est douteux que, livrés à eux-mêmes, ils sortent de leur réserve. La
question se trouve dans une phase analogue à celle qui, en 1864, a pré-
cédé la signature de la Convention de Genève. L'opinion publique récla-
mait alors la neutralisation du service sanitaire des armées ; les gouver-
nements, de leur côté, ne demandaient pas mieux, au fond, que de la
proclamer, mais il fallait quelqu'un pour leur donner une impulsion
décisive, et ce fut un comité tout à fait privé qui s'en chargea, avec
succès. Aujourd'hui de même, quoique l'idée de neutraliser le Congo ne
paraisse pas devoir soulever d'objections majeures, la diplomatie hésite
à en prendre l'initiative, et, pour qu'elle s'y décidât, il suflSrait peut-être
de la mettre formellement en demeure d'agir.
Or, peu de voix seraient mieux qualifiées pour cela que celle de l'Listi-
tut de droit international. Notre compagnie revêt un caractère d'impar-
tialité si fortement accentué, qu'elle ne peut être suspecte à personne ;
d'autre part sa compétence est indiscutable ; enfin cela rentre tout à fait
dans son programme : ne s'agit-il pas, en eflfet, de a contribuer au main-
tien de la paix » (Statuts, art. 1 , 4**), et de tendre à la « consécration
officielle d'un principe reconnu conmie étant en harmonie avec les
besoins des sociétés modernes? » (Statuts, art, 1, 3**).
Si l'Institut adopte mon point de vue, comme il impoile que sa tenta-
tive réussisse, je demanderai expressément qu'il ne se borne pas à faire
connaître ses vœux aux gouvernements, mais qu'il entame avec eux des
pourparlers plus positife, et les continue jusqu'à ce qu'il ait trouvé un
souverain de bonne volonté, qui consente à inviter les autres États à
une conférence ad hoc. U est indispensable que nous poussions les choses
jusque-là; autrement nous risquerions fort de n'avoir donné qu'un coup
d'épée dans l'eau, ce qui serait fâcheux à tous égards.
— 275 —
Yeuillez réfléchir à ma proposition avant notre prochaine assemblée,
et permettez-moi d'espérer qu'à Munich, au mois de septembre prochain,
il sera pris à son sujet une décision conforme à mes désirs.
Agréez, Messieurs et chers confrères, l'assurance de mes sentiments
distingués.
G. MOYKIER.
II
Mémoire la h rinstltut de droit International, h Mnnleliy
le 4 «eptembre 1888.
*
Messieurs,
Par une lettre-circulaire, datée du !•' juillet dernier, je vous ai
annoncé mon intention de provoquer de votre part l'examen de la ques-
tion de la neutralité du Congo. Aujourd'hui, puisque vous voulez bien
m'accorder la parole, j'essaierai de préciser l'objet de ma proposition,
qui me paraît se rattacher au § 9 de l'ordre du jour de cette session :
« Examen de toutes propositions dont l'urgence serait reconnue par
l'assemblée. »
Je vous en rappellerai, au préalable, les considérante en quelques
mots.
Sur la côte occidentale de l'Afrique, vers le 6° de latitude sud, s'ouvre
l'estuaire d'un fleuve qui apporte à l'Océan un volume d'eau considéra-
ble, mais qui, à 180 kilomètres de la côte, est obstrué par des récifs et
des rochers abrupts, si bien qu'on l'a considéré jusqu'à nos jours comme
de minime importance, comme une sorte d'impasse, analogue à son
voisin le Gabon. Qu'y avait-il au delà des chutes de YellaJa? On l'igno-
rait et ne s'en inquiétait guère.
Mais les choses ont subitement changé de face, quand Stanley, venant
de l'orient, eut débouché à Boma et révélé les richesses du cours supé-
rieur du Congo, navigable, sans compter ses affluents nombreux et puis-
sants, sur un parcours d'environ 1600 kilomètres en amont des catarac-
tes. Aussitôt des expéditions géographiques, humanitaires, religieuses
— 276 —
et commerciales, se sont organisées pour aller explorer, chacune à son
point de vue, le bassin de la splendide artère fluTiale que Fintrépide
voyageur venait de baptiser du nom de Livingstone, que d'autres dési-
gnent sous le nom de Zaïre, mais qui est plus généralement connue sous
celui de Congo. Aujourd'hui, ce cours d'eau et ses abords sont devenus
le point de mh*e de toutes les nations.
Tant d'intérêts divers poursuivis avec ardeur sur une même piste,
devaient faire entrevoir la possibilité de conflits plus ou moins prochains.
Ce fut ce qui m'engagea à vous inviter, il y a cinq ans déjà, à mettre à
l'étude la question de savoir quelles mesures préventives il y aurait à
prendre contre cette éventualité.
Les faits postérieurs n'ont pu que me confirmer dans l'opinion qu'il y
a réellement quelque chose à faire sous ce rapport. Je considère mainte-
nant comme urgente, une détermination précise des droits que chaque
nation peut revendiquer dans ces lointains parages.
L'installation des nouveau-venus, sur les rives du fleuve et sur ses
eaux, se développe avec une extrême rapidité, et la politique commence
h s'en mêler, ainsi que Stanley l'avait prédit lors de sa découverte ' ; aassi
est-il devenu nécessaire d'aviser à une déclaration de principes, propre
à prévenir des incidents regrettables. D en est temps encore, mais le
danger est réel, s'il est vrai, comme on l'afiirme, que les exploratem^s
de cette régipn ne sont pas tous animés d'une égale bienveillance les uns
envers les autres. Je sais bien qu'en haut lieu les sentiments de mes-
quine jalousie ne sauraient avoir accès, et qu'en particulier les instruc-
tions données à Stanley et à ses agents, par le comité pour le compte
duquel ils travaillent, leur interdisent tout acte d'hostilité envers les
voyageurs étrangers ; elles leur imposent même le devoir d'entretenir
avec ceux-ci de bonnes relations, et de leur prêter assistance au besoin.
Je sais aussi que les armements qui se font n'ont pour but que la défense
des territoires occupés, à l'exclusion de toute idée de conquête par la
force. Néanmoins, il ne faut pas s'aveugler au point de se* figurer que,
pour avoir été pacifiques jusqu'à présent, les rivalités n'existent pas, et
que la présence de soldats aux ordres des concurrents ne constituent pas
un véritable péril. Déjà les rapports avec les Africains, faciles au début,
commencent à être fort tendus ; les gens de Stanley ont échangé des
coups de fusil avec les indigènes, et la route frayée à grands frais entre
* Lettre du 5 sept. 1877 (Voy. V Afrique centrale et la Conférence de Bruxelles^
par E. de Laveleye, p. 217).
— 277 —
Manyanga et Léopoldville est devenue si peu sûre, que les missionnaires
n'osent plus s'y hasarder \
Mes appréhensions, partagées par de très bons juges en cette miatière,
se sont déjà fait jour en divers pays.
La Chambre de commerce de Manchester a présenté ^ au Foreign
Office une adresse, pour demander que l'indépendance du territoire du
Congo soit proclamée, et que le fleuye reste ouvert au commerce de
toutes les nations. — Des œuvres missionnaires et une grande société
philanthropique, « l'Antislavery Society, » ont suivi cet exemple. — La
Chambre de commerce de Rotterdam a pris peur de son côté; et a péti-
tienne auprès du cabinet de La Haye. — A Berlin, un voyageur bien
connu, M. Rohlfs, a publié un sérieux appel à son gouvernement dans le
même sens. — La a neutralité du Congo » figure dans les tractandas de
la Ligue internationale de la paix et de la liberté, qui doit s'assembler
ce mois-ci à Genève. — Vous connaissez tous. Messieurs, l'étude qu'a
publiée sur ce sujet notre honorable vice-président, M. de Laveleye % et
vous savez qu'il a pu invoquer, à l'appui de sa thèse, l'opinion de M. Fer-
dinand de Lesseps. Selon lui, le a Congo semble à la veille de devenir le
théâtre des rivalités et des jalousies des États européens. » — Je puis
citer encore l'avis concordant de trois autres de nos confrères : M. Gess-
ner * et Sir Travers Twiss *, qui ont écrit tout récemment sur la matière,
et M. Lorimer. Ce dernier m'a adressé ses vœux chaleureux pour le suc-
cès de mon initiative, ajoutant, par manière d'encouragement, « qu'elle
n'est pas de celles qui doivent rencontrer de l'opposition. »
Il y a donc, de l'avis général, une situation inquiétante dans l'Afrique
équatoriale. Ceux qui s'en alarment paraissent croire qu'on en conjure-
rait les périls, en plaçant les agissements des blancs sous le contrôle
collectif des puissances civilisées. Ils souhaitent que les intérêts géné-
* Missianary Herald (de Londres), 1883, p. 83.
» Le 13 novembre 1882.
' Bévue de droit international^ t. XV. p. 254.
• Zur Neutralisirung des Congo (Die Gegenwart^ 28 Juli 1883).
^ La libre navigation du Congo (Mewie de droit international^ t. XV).
— 278 —
raux de rhumanité, qui sont en jeu au Congo, soient sauvegardés parla
reconnaissance expresse de règles tutélaires.
Pour se rendre bien compte de la portée des aspirations dont il s'agit,
il convient de préciser le but que l'on se propose d'atteindre.
On a beaucoup parlé de neutraliser le Congo, mais, en réalité, l'état
de choses que l'on caractérise, en droit international, par le mot « neu-
tralité, » n'est nullement ce à quoi l'on aspire. Cette expression n'a de
sens que par antithèse, et là oii il n'y a pas de belligérants^ il n'y a pas
de neutres. Or, on envisage essentiellement ici l'état de paix. Moi-même,
je ne me suis pas servi de ce terme, lorsque, en 1878, je vous ai entre-
tenus du même sujet. Je ne l'ai employé, dans ma lettre de juillet der-
nier, que pour bien faire ressortir la connexité de ce document avec
le travail de M. de Laveleye, auquel il se référait. D'autre part le
verbe internationaliser^ que Sir Travers Twiss adopte, à l'imitation de
Rohlfe, ne me paraît pas beaucoup plus juste.
Le but poursuivi est la liberté pour tout le monde de naviguer, soit
sur le Congo lui-même soit sur ses affluents dû*ect8 et ses autres tribu-
taires ', et d'y trafiquer pacifiquement en tout temps. On vise à ce que
le droit de circuler sur ce vaste réseau fluvial ne puisse pas devenir
l'objet d'un monopole, à ce que l'accès en soit toujours permis, et à ce
qu'aucune entrave ne soit mise à l'activité civilisatrice d'un peuple
quelconque dans ses parties navigables. Les intérêts de la production
européenne, du commerce, de la colonisation, du progrès en un mot,
seraient admirablement servis par un semblable régime, et le bassin du
Congo se trouverait ainsi mieux partagé, économiquement parlant, que
les États du vieux mondeauxquels il serait redevable de cette supériorité.
C'est bien là ce que veulent les réclamants, puisqu'ils demandent, en
général, que l'on fasse pour le Congo quelque chose d'analogue à ce que
le Traité de Paris, du 30 mars 1856, a fait pour le Danube. Cet acte
international statue, en eflfet, que, sauf les règlements de police, aucun
obstacle ne sera mis à la navigation (art. 15) et que les pavillons de
toutes les nations seront traités sur le pied d'une parfaite égalité
(art. 16). Ce n'est pas aux membres de l'Institut de droit interna-
tional qu'il est nécessaire de rappeler que ces dispositions, à leur tour,
n'ont été que l'application, à un cas particulier, de principes généraux
inscrits dans le Traité de Vienne du 9 juin 1815 •, et visant tous les
fleuves qui séparent ou traversent plusieurs États.
' Ëngelhardt : Du régime conventionnel des fleuves intemationauXy p. 196.
• Art. 108 et suiv.
,— 279 —
Longtemps après la conclusion de ce dernier traité, on s'est dit, en
élargissant Thorizon des diplomates d'alors, que la liberté des mers,
ouvertes à tous les pavillons, devait entraîner logiquement celle de toute
navigation fluviale contiguê, puisque les fleuves ne font qu'un avec la
mer'. On en a conclu que monopoliser un fleuve, en accaparer l'usage,
serait le détourner de sa destination normale •. Aussi Bluntschli a-t-il
formulé cette maxime en disant : a Les fleuves et les rivières navigables,
qui sont en communication avec une mer libre, sont ouverts en tout
temps aux navires de toutes les nations. Le droit de libre navigation
ne peut être aboli, ni restreint, au détriment de certaines nations ^ »
Pourtant cette doctrine, à laquelle souscrivent tous les jurisconsultes
et que l'opinion publique ratifie, n'est point encore admise sans conteste
dans la pratique *. Cela vient de ce que, lorsqu'on a cherché à l'appli-
quer aux principaux fleuves de l'Europe et de l'Amérique, on s'est
heurté à des résistances provenant d'anciens droits acquis, de coutumes
invétérées ou d'intérêts soit politiques, soit fiscaux, et de ce que cer-
taines obscurités du texte de 1815 ont permis à plus d'un État d'éluder
les obligations qu'il semblait lui imposer. Il en est résulté que ce n'est
que graduellement que l'on s'est rapproché de l'idéal, sans l'atteindre
jamais complètement, au travers d'un dédale de compromis et d'arran-
gements successif.
On conçoit donc fort bien que, dès que l'utilité du Congo comme voie
de communication a été reconnue, on ait songé à lui appliquer les règles
promulguées en 1815, puis développées par la science et par le progrès
des idées libérales.
Les hommes les plus compétents admettent que ce cours d'eau a une
importance de premier ordre. D'après le voyageur Schweiufurth, par
exemple, « il est indiscutable que le Congo sera, dans un avenir pro-
chain, le seul ciemin praticable à suivre » pour pénétrer au cœur du
continent \ De Brazza pense de même «. Stanley estime que, a celui qui
possédera le Congo aura le monopole du commerce avec le bassin
' Bluntschli : Droit international codifié, ad. § 314.
* Engelhardt, p. 92. ( Cf. Carathéodory : Du droit international concernant les
grands cours d'eau^ p. 26).
' § 314.
* Engelhardt, p. 63 et 200.
* L'Exploration, 1883, 2«»« sem., p. 107.
* Compte rendu des séances de la Société de géographie de Paris, 1882, p. 299.
— 280 —
immense qu'il arrose. Ce fleuve, » dit-il, a est et sera toujours la
grande route commerciale de l'Afrique centrale de l'Ouest \ » Avoir la
faculté d'y naviguer constituera donc un intérêt majeur pour les États
civilisés ou les colonies qui se fonderont^indubitablement dans l'Afrique
équatoriale, car il sera leur principal et peut-être leur seul débouché vers
la mer. L'heure présente, d'autre part, est propice pour agir dans ce
sens, puisque la liberté désirable existe maintenant au Congo, en tant
qu'elle dépend des blancs, et que, pour l'y faire régner, il n'y a par
conséquent aucun sacrifice à réclamer d'eux. Les nègres y consenti-
raient moins facilement. Chacune de leurs tribus interdit aux autres de
trafiquer sur ses eaux*, et s'opposerait par conséquent au commerce
des Européens s'ils voulaient forcer le passage ; mais, pour commencer,
cela importerait peu. La chose capitale serait qu'un accord s'établît
premièrement entre les races civilisées, lesquelles s'entendraient ensuite
pour amener les indigènes à composition.
Un traité international aurait donc moins à créer la liberté de navi-
gation qu'à en garantir la perpétuité et l'extension ; mais il serait sage
de se hâter, pour profiter de circonstances aussi heureuses qu'éphé-
mères: Qui sait si quelqu'un des riverains d'aujourd'hui, s'attribuant
un monopole sur la partie du fleuve qu'il détient, ne créera pas ainsi
un obstacle à la consécration internationale du régime actuel ? On peut
voir au Zambèze, par exemple, le Portugal percevoir des droits sur les
navires et les marchandises.
Ici je dois faire remarquer que, pris à la lettre, le texte de 1815 ne
serait pas applicable à toute l'étendue du Congo. Il y est dît, en effet,
que la liberté de navigation doit régner seulement a du point où chaque
rivière devient navigable, jusqu'à son embouchure » (art. 109). Or,
d'après cela, il semblerait que le Bas-Congo, en aval des chutes de Yel-
lala, fût seul dans les conditions voulues, tandis que le Congo moyen,
situé en amont de cataractes infranchissables , dût être considéré
comme une sorte de mer intérieure ' ne relevant juridiquement que des
États limitrophes. Je n'estime pas cependant que cette conclusion soit
fondée, et j'en vois la preuve dans la manière dont on a interprété les
traités quant au Danube. Là aussi, aux Portes de Fer, il y a des rapides
et des écueils que font obstacle à la navigation, et l'interceptent même
* Lettre du 5 septembre 1877, p. 217.
* Stevenson : 2he water highways of tke interior of Africa, p. 19.
^ Rapport de Brazza (Bevtie maritime et coloniale^ août 1683, p. 406).
— 281 —
complètement à certaines époques de Fannée; néanmoins, la liberté a
été proclamée aussi bien au-dessus qu'au-dessous de cette barrière
naturelle, sans que Ton ait tenu compte de la solution de continuité,
autrement que pour ordonner des travaux de correction propres à la
supprimer ^ Que Tobstruction soit plus complète au Congo qu'au
Danube je ne le conteste pas, mais je dis qu'étant de même nature elle
ne doit pas être considérée comme plus insurmontable, aujourd'hui sur-
tout que l'honmie se fait un jeu de percer les montagnes, de couper les
isthmes et de passer sous les détroits. On cherchera, et l'on parviendi-a,
n'en doutez pas, à frayer un chemin aux embarcations entre le Stanley-
Pool et l'Atlantique ; aussi peut-on à bon droit considérer, par anticipa-
tion, le fleuve tout entier conmie formant une voie navigable continue.
Seulement, il faut prévoir le cas oii le passage rendu accessible plus
tard ne serait pas, en aval du Stanley-Pool, le lit actuel du Congo, mais
celui de quelque autre rivière du voisinage ou d'un canal artificiel, pour
stipuler expressément que ces issues ou c^s voies d'accès futures seront
envisagées comme des bouches du fleuve, et que, par conséquent, la
liberté de navigation y régnera comme sur le Congo lui-même.
* *
*
Dans le cas où la « neutralisation » qu'il désire pour le Congo ne
serait pas obtenue, M. de Laveîeye se contenterait, comme pis aller, de
celle des stations hospitalières et des stations missionnaires, créées ou à
créer par des associations privées '.
Si je comprends bien sa pensée, il voudrait, par là, empêcher qu'une
puissance quelconque ftt main basse sur les terres cédées à ces sociétés
parles indigènes, et pourvoir à ce que leurs établissements demeuras-
sent toujours des asiles inviolables, privilèges justifiés par leur destina-
tion philanthropique.
Cette proposition subsidiaire nous transporte dans un nouvel ordre
d'idées. Non seulement elle ne concerne plus l'usage du fleuve, mais elle
ne soulève pas une question de droit naturel ; il ne s'agit plus ici que de
savoir s'il y aurait convenance et utilité à placer certains territoires
sous une loi d'exception.
^ Conférence de Londres, 1871. (Cf. Engelhardt, p. 131.)
• Revue de droit international, t. XV, p. 255.
— 282 —
Je m'associe pleinement aux vues humanitaires qui ont inspiré h notre
éminent confrère la motion dont je parle, mais il ne me semble pas que
les stations qui en sont Tobjet puissent être mises au bénéfice de la
faveur qu'il sollicite. Je ne les trouve ni assez bien définies, ni assez
stables, pour qu'un traité international leur confère des droits qui
auraient nécessairement pour corrélatifs des devoirs.
U va de soi que ces organismes n'étant pas des États, seules personnes
juridiques entre lesquelles les traités internationaux fassent loi, leurs
représentants ne sauraient en aucun cas être admis comme parties con-
tractantes dans un acte de ce genre. Mais se présentent-ils du moins
comme des compagnies fortement organisées, et disposant de moyens
suflSsants pour faire, par exemple, respecter au besoin la neutralité
qu'on leur reconnaîtrait? Pour ne parler que du « Comité d'études
du Haut-Congo, » le plus en vue de tous, sait-on seulement quel est
au juste son programme d'action, comment il fonctionne, quelles
garanties U offre pour l'avenir ? Tout ce qu'on en peut dire, c'est
qu'une personnalité auguste, faite pour inspii-er la plus grande con-
fiance, en est l'inspiratrice, mais pour le reste il s'enveloppe de mystère.
Ce comité ne doit pas être confondu avec « l'Association internationale
africaine » quoique S. M. le roi des Belges ait été le promoteur de tous
deux, et se soit acquis par là un double titre à la gratitude des amis de
l'humanité. Sur le Congo, c'est le « Comité d'études » seul qui est en
cause. On a coinparé l'œuvre de ce comité à celle de la Croix-Rouge \
comme si ce rapprochement devait fournir un argument en faveur de
la neutralisation des stations, mais je vois là, tout au contraire, un pré-
cédent en sens inverse. Malgré leurs instances, les sociétés de la Croix-
Rouge n'ont pas trouvé grâce devant la conférence de Genève, qui s'est
refusée à les mentionner dans la convention du 22 août 1864, et, à l'heure
qu'il est encore, leurs membres, leurs agents, leurs ambulances, ne sont
pas considérés ipso facto comme neutres en temps de guerre. On voit
qil^ la diplomatie est circonspecte quand il s'agit de créer une situation
exceptionnelle. Elle veut savoir non seulement si ceux qu'elle en gratifie
en sont dignes, mais encore s'ils sont capables de s'acquitter des obli-
gations qui découlent pour eux des privilèges qu'elle leur octroie. Dans
le doute, elle s'abstient sagement.
Puis, indépendamment des personnes, il faut se rendre compte des
' Bévue de droit international^ t. XY, p. 257.
— 283 —
choses. Or, le nombre et l'emplacement des stations sont essentielle-
ment variables ; sans cesse il s'en crée de nouvelles, et l'abandon gra-
duel des anciennes n'aurait rien de surprenant. Passe encore si leurs
détenteurs pouvaient invoquer des droits de souveraineté, à eux cédés
par des chefe indigènes. De Brazza dit bien que, le long de la route
tracée par Stanley, « les terrains propres à être utilisés sont la propriété
du Comité d'études du Congo; » il ajoute a qu'il est défendu de s'y éta-
blir sans demander à Stanley une autorisation spéciale et reconnaître
ainsi, au Comité d'études, ou la souveraineté ou la propriété exclusive du
sol *. » Mais, d'autre part, le Comité d'études, représenté par a un de
ses coopérateurs, » avoue que, loin d'avoir la libre disposition du sol
qu'il occupe, il n'en est pas même propriétaire, puisqu'il n'en a pris
possession qu'en vertu d'un « bail perpétuel, moyennant une rente men-
suelle % » et il sufl5rait, semble-t-il, qu'il cessât d'en payer (rie loyer, »
comme dit Stanley lui-même ', pour que son droit s'éteignît. Si donc,
par une déclaration générale, on lui accordait un privilège, on ne pour-
rait apprécier sufBsamment la portée de cette concession.
Les établissements neutralisés pourraient aussi se modifier et changer
de nature. Exclusivement scientifiques et hospitaliers, et sans nationa-
lité à l'origine, ils deviendront forcément le noyau de centres commer-
ciaux. D'autre part, ils cesseront peut-être de relever d'une association
libre, pour passer aux mains de quelque État régulièrement constitué.
Tel a été déjà le cas pour Brazzaville, où le drapeau français a été sub-
stitué à celui de l'Association internationale africaine. On doit s'attendre
également à voir surgir des stations officielles portugaises d'un carac-
tère mixte, c'est-à-dire à la fois « hospitalières, scientifiques et commer-
ciales, » car un arrêté royal du 18 août 1881 en a prescrit la fondation'.
Je veux bien admettre que ni la France, ni le Portugal ne se propo-
sent d'en changer le caractère, mais il est probable que, tôt ou tard, ils
seront conduits, par la force des choses, à les transformer en lieux de
garnisons, ou à leur donner quelque autre destination qui les déna-
turera.
* Revue maritime et coloniale, août 1883, p. 413.
* L'Association internationale africaine et le Comité d'études du Haut- Congo,
par un de leurs coopérateurs, p. 21.
■ Discours de Stanley à Paris (Voy. Deloume ; Le droit des gens dans V Afrique
éqttatoricde, p. 51).
* Deloume, p. 20.
— 284 —
Pour ces divers moti&, j'estime que la neutralisation des stations hos-
pitalières serait tout au moins prématurée. Mais, cette combinaison
écartée, demandons-nous s'il ne conviendrait pas de doter tous les ter-
ritoires du bassin du Congo que des États civilisés se seraient appro-
priés, de franchises pareilles à celles des eaux qui les arrosent. La réali-
sation de cette idée serait-elle désirable et possible ?
Désirable, d'abord, cela ne me paraît pas douteux. Nous sommes dans
un siècle oti Ton tend à abaisser les barrières qui isolent les nations ; ce
serait donc travailler dans le sens de ces efforts que d'empêcher, entre
les divers peuples qui possèdent ou posséderont des établissements au
Congo, la création d'entraves à leurs relations soit réciproques soit avec
d'autres pays, par une entente a priori. Cela ne vaudrait-il pas mieux
que de laisser se reproduire, sur la terre africaine, les complications
que des préjugés séculaires ont fait naître et perpétué en Europe?
Arborer là-bas le drapeau du libre échange, du libre parcours, ainsi
que du libre établissement, sur terre comme sur eau, serait agir dans
l'intérêt bien entendu du monde entier. Et il n'est pas moins urgent
de prendre cette mesure que de légiférer au sujet du fleuve lui-même,
puisque dans ce moment, et jusqu'à nouvel ordre, les transports doi-
ve^it nécessairement se faire par terre dans la zone des cataractes. —
En second lieu, cette combinaison serait-elle possible? Je n'y entrevois,
pour ma part, aucun empêchement et je ne découvre aucun intérêt
national qui s'y oppose. Un peu de bonne volonté suffirait pour en
fau'e une réalité.
*
Dans les pages qui précèdent, j'ai indiqué comment, à mon sens, la
question du Congo, au point de vue du droit international, doit être
résolue, et recommandé qu'elle le soit dans un sens largement progressif
et hbéral; mais je n'ai pu entrer dans l'examen des nombreux détails
que comporterait une convention conclue sur cette base.
Ainsi, je n'ai rien dit des restrictions à apporter à la liberté que je
préconise par des règlements de police, dans Tintérèt de la sécurité et
de l'ordre public. Les conventions fluviales existantes fourniraient pour
cela de précieuses indications.
La traite des esclaves, d'autre part, devrait faire l'objet d'une inter-
diction formelle, en attendant que les traitants y renoncent spontané-
— 285 —
ment, comme on Ta vu sur l'Ogôoué, lorsqu'ils trouveront plus d'avan-
tages à. devenir commerçants ^ Par la même occasion, il faudrait que
les États signataires du traité s'engageassent h bannir l'esdavage des
territoires soumis à leur domination.- — Dans cet ordre d'idées, je signa-
lerai incidemment l'opinion originale d'un publiciste anglais ^ qui, dans
ime brochure récente, en même temps qu'il réclame la libre navigation
sur le Congo et ses affluents, propose d'appliquer à la répression de la
traite les trois fameuses a règles de Washington » que nous avons étu-
diées jadis '. Il voudrait qu'on s'en servît contre les États qui n'exerce-
raient pas ime surveillance suffisante pour empêcher le départ des cara-
vanes de chasseurs d'esclaves, ou pour assurer le châtiment des individus
qui, à leur retour, seraient reconnus pour en avoir fait partie. On sévi-
rait, en vertu du même principe, contre les gouvernements qui n'empê-
cheraient pas le départ des bâtiments négriers.
J'attirerai aussi votre attention sur l'importation des spiritueux. C'est
là une grosse question, qui n'a pas été suffisamment étudiée jusqu'à
présent, mais sur laquelle j'ai réuni un dossier volumineux et qui fera
prochainement l'objet d'une monographie dans le journal que je publie *.
D ressort d'une infinité de témoignages, que les blancs qui trafiquent
avec les noirs ne se font généralement aucun scrupule de spéculer sur
la passion de ces pauvres gens pour l' eau-de-vie, le rhum et autres
poisons du même genre. Ces spiritueux exercent parmi les indigènes de
l'Afrique des ravages analogues à ceux de l'opium parmi les Chinois. Il
serait temps de mettre un frein à cet abus funeste, qui se rattache
directement à l'objet du présent mémoire.
Je ne me suis pas occupé non plus de ce qui adviendrait en cas de
guerre, éventualité qu'il faut cependant prévoir et régler. Je voudrais
qu'il fût bien entendu que les querelles qui s'élèveraient entre les con-
tractants, sur un autre point du globe, n'auraient pas leur contre-coup
au Congo, et que, en pareille occurrence, tous les pavillons, même enne-
mis, ne continueraient pas moins à y entretenir des rapports pacifiques •.
* De Brazza {Revue maritimey août 1883, p. 405).
' Stevenson, p. 24.
* Communications et documents relatifs à la fondation de VInstitut de droit
international, p. 167.
* V Afrique explorée et civilisée.
* Gessner(Dte Gegenwart).
— 286 —
Ce serait alors une véritable neutralisation de cette partie de TAMque.
En temps ordinaire, Taccès du fleuve ne serait pas plus interdit aux
navires de guerre que le littoral maritime ; la présence de semblables
vaisseaux pourrait y être nécessaire aux riverains, soit comme porte-
respect, soit comme arme en cas de légitime défense, et l'intérêt général
n'exige pas qu'on les en prive. Quant aux conflits locaux, qui auraient
leur source ou leur objet dans le pays même, il serait téméraire d'inter-
dii*e absolument l'immixtion des habitants dans les démêlés de leurs
voisins, où ils peuvent avoir des intérêts vitaux engagés. Mais ce que
l'on peut fort bien faire, c'est de déclarer que, dans cette circonstance,
la circulation sur le fleuve et l'usage des ports non bloqués seront tou-
jours libres, au moins pour les neutres, sauf quant au transport de la
contrebande de guerre *.
n serait indispensable encore d'établir, comme pour le Danube, une
commission internationale *, composée de représentants des États inté-
ressés, et qui serait chargée soit de remplir, pour le compte de la com-
munauté, certaines fonctions administratives ou techniques, soit de
veiller en permanence à l'observation du traité, ce qui contribuerait
probablement à prévenir bien des conflits.
D'ailleurs, ce serait le cas de proclamer que tous les différends qui
s'élèveraient à ce sujet, ou même, d'une manière générale, que tout
différend qui surgirait entre les riverains du Congo serait réglé par
voie d'arbitrage, et que l'on suivrait pour cela la procédure tracée
par le règlement élaboré dans le sein de l'Institut de droit interna-
tional \
Enfin, il devrait être convenu que le traité sera fréquemment revisé.
Nous ne sommes, en effet, qu'au début d'un grand mouvement qui s'ac-
centue de jour en jour, et qui modifiera considérablement l'état de
choses actuel, en conduisant beaucoup d'habitants de l'Europe et de
l'Amérique dans la région du Congo. Cette affluence y créera une situa-
tion que l'on peut bien pressentii- dans ses traits généraux, mais qui est,
quant à ses détails, entourée encore de trop d'incertitudes pour qu'il
soit prudent de la soumettre dès maintenant à une réglementation minu-
tieuse et inflexible. Sur beaucoup de points il faut compter ici avec
l'imprévu et laisser le temps faire son œuvre. Comment, par exemple,
' Cf. Engelhardt, p. 181.
' Cf. Bévue de droit internatiofuil, t. XV, p. 255,
* Bulletin, p. 90.
— 287 —
déterminer actuellement Taire géographique à laquelle le traité serait
applicable? Il est évident que cela dépendra d'explorations futures,
nécessaires pour que Ton ait des notions précises et complètes, soit sur
le Congo lui-même, soit sur ses affluents qui sont pour la plupart des
rivières considérables.
# *
*
Un dernier point me reste à examiner. Entre quelles puissances
devrait être conclu Tarrangement dont je viens d'esquisser les grandes
lignes ?
Le traité de Vienne du 9 juin 1815, qui m'a servi de phare dans cette
étude, statue (art. 108) que ce sont a les puissances dont les États sont
séparés ou traversés par une même rivière navigable » qui « s'engagent
à régler d'un commun accord tout ce qui a rapport à la navigation de
cette rivière; » mais cette clause n'a été rédigée qu'en vue de cours
d'eau séparant ou traversant des États civilisés, tandis que le Congo
coule presque tout entier en pays sauvage. Elle n'est donc pas appli-
cable dans l'espèce. D'ailleurs on ne s'y est pas toujours conformé, et
l'on pourrait citer plus d'un traité de navigation signé par des non-
riverains.
D'après cela, il n'est pas superflu de se demander qui aurait qualité
pour statuer à l'égard du Congo*
H n'y a pour le moment que deux puissances européennes, le Portugal
et la France, qui prétendent à la souveraineté sur quelques sections des
rives du fleuve. D est donc hors de doute que, selon le vœu du Congrès
de Vienne, et puisqu'il ne s'agirait de rien moins que de grever leurs
domaines d'une servitude, celles-là devraient être au premier chef par-
ties dans l'acte.
Ensuite viendraient celles dont les ressortissants ont déjà de grands
intérêts dans la contrée. On sait que les Anglais y possèdent des facto-
reries et des postes missionnaires, les Hollandais de nombreux comp-
toirs, les Belges des stations hospitalières; la Grande-Bretagne, les
Pays-Bas, la Belgique, seraient donc naturellement désignés pour inter-
venir.
Je pense même que l'on devrait aller plus loin, et accorder cette
faculté à toute puissance, maritinîe ou non, qui en manifesterait le
désir. Il n'en est aucune, en effet, qui, à un moment donné, ne puisse se
— 288 —
trouver dans le cas de tourner ses regards vers le bassin du Congo, pour
y écouler les produits de son industrie, pour y diriger ses émigrants ou
dans quelque autre intention, et qui ne puisse être appelée à réclamer,
en faveur de ses nationaux, tel ou tel des avantages garantis par le
traité. Toutes d'ailleurs pourraient désirer légitimement s'associer à un
acte qui aurait le caractèr/i d'une manifestation éclatante en faveur des
idées de justice et de paix, et dont la portée, à ce point de vue, serait
considérable.
Selon Sir Travers Twiss S il y aurait lieu de conclure deux arrange-
ments distincts, l'un pour le Bas, l'autre pour Haut-Congo. Pour Je
Bas-Congo, l'on imiterait le régime appliqué aux bouches du Danube,
c'est-à-dire celui en faveur duquel je plaide dans ce mémoire ; mais,
pour le Haut-Congo, vu les « conditions très anormales du pays qu'il
arrose, » on se contenterait d'un protocole de désintéressement, à l'in-
star de ce qui a été fait lors de l'examen de la question d'Orient *. ■— Je
ne vois pas très bien, quant à moi, pourquoi la convention relative au
Bas-Congo ne pourrait pas être étendue virtuellement au fleuve tout
entier. Cela signifierait, en premier lieu, que la Conunission internatio-
nale y veillerait partout aux intérêts généraux dans la mesure du pos-
sible, puis que les puissances européennes, à mesure qu'elles s'établiraient
sur le cours supérieur, se soumettraient aux prescriptions concernant les
riverains. Un protocole de désintéressement impliquerait le renoncement
à tout6 conquête, même pacifique, dans le bassin du Haut-Congo ; or,
je doute fort que les puissances civilisées veuillent y consentir. Aucune
d'elles, je m'assure, ne songe à dépouiller violemment les détenteurs
actuels, blancs ou noirs, de ces pays, mais il est fort naturel que les
gouvernements qui y*voient quelque avantage, cherchent à obtenir de
gré à gré, de la part des occupants, des concessions territoriales, et
qu'ils y arborent leur drapeau. M. de Laveleye s'effraie à tort de cette
perspective. Il n'y a rien là que de normal et de conforme au droit des
gens. On doit même s'attendre à ce que l'exemple donné, sous ce rap-
port, par la France au Stanley-Pool, trouve des imitateurs empressés.
Pourquoi dès lors, ceux que cette prévision concerne se lieraient-ils les
mains, en se déclarant désintéressés dans la question ? Je ne le com-
prendrais guère.
* Bévue de droit intemaiiondl, t. XV.
« Cf. Bévue de droit international; t. XIV (1882), p. 581.
— 289 —
Quant aux nègres, il est bien évident qu'on les laisserait de côté,
mais la conduite à tenir à leur égard devrait faire l'objet d'une entente
consignée dans le traité. Celui-ci, après avoir prévenu les dangers pro-
venant de rivalités ou d'égolsmes nationaux de la part des représentants
de la race blanche, aurait à empêcher, autant que possible, que les chefs
indigènes missent obstacle à l'application chez eux des principes aux-
quels les Européens auraient promis de se cenformer. On pourrait pro-
bablement obtenir cela peu à peu par la douceur, c'est-à-dire par la
persuasion et par l'exemple. De Brazza n'a-t-il pas réussi, par ce seul
moyen, à faire renoncer les peuplades des bords de l'Ogôoué au mono-
pole des transports fluviaux qu'ils s'attribuaient * ? Sur le Congo lui-
même, ne voit-on pas déjà les sujets de Makoko, qui autrefois se mon-
traient jaloux de se réserver un droit exclusif de navigation, ne plus s'en
prévaloir depuis qu'ils ont arboré le pavillon français ', et laisser notam-
ment Stanley remonter le fleuve pour aller créer des établissements en
amont? D y aurait là une belle campagne à entreprendre, dont les tro-
phées ne coûteraient pas une goutte de sang, et qui servirait, plus que
les batailles les plus mémorables, à propager la civilisation. Le soin de
la conduire rentrerait très natureUement dans les attributions de la
Commission internationale, laquelle aurait d'autant plus de prestige
aux yeux des nègres, qu'elle leui* parlerait au nom de tous les blancs
réunis dans une commune pensée.
Malgré ma prédilection pour l'emploi des procédés pacifiques à l'égard
des indigènes, je ne vais cependant pas jusqu'à vouloir désarmer les
étrangers. Ce n'est pas me contredire, je pense, que d'accorder à ces
derniers le droit de tenir les noirs en respect et de réprimer par la force
les actes de piraterie, les attaques violentes ou autres crimes, dont ils
auraient été les victimes*. Stanley, dès 1877, reconnaissait qu'il y
avait là une nécessité impérieuse, et que, pour se développer, le com-
merce naissant aurait besoin d'une protection contre le brigandage.
Mais l'illustre voyageur estimait qu'une seule puissance suflSrait pour
cela. C'eût été pour elle un bien lourd fardeau ; aussi, pour l'en dédom-
mager, réclamait-il, en retour, la reconnaissance de sa domination sur
de vastes territoires. « Pourquoi donc, écrivait-il, ne pas décider immé-
diatement qui régnera sur les rives du Livingstone * ?» Il ne faut pas
' Retue maritime^ août 1883, p. 398.
• Bévue maritime^ août 1883, p. 408.
• Deloume, p. 68.
• Lettre du 5 sept. 1877, p. 217.
— 290 —
regretter, je croîs, que ce vœu n'ait pas été exaucé sur l'heure, et que
tout le bassin du Congo ne soit pas tombé au pouvoir d'un seul peuple.
Politiquement, cette situation aurait été fâcheuse, et la police du fleuve
se fera tout aussi bien, si ce n'est mieux, par la Commission inter-
nationale dont j'ai parlé plus haut, pourvu qu'on l'investisse de pou-
voirs suffisants, qu'elle ne l'aurait été par un Etat irresponsable quel
qu'il fût.
*
Et maintenant, quelle probabilité y a-t-il que l'initiative que je viens
de prendre, en portant devant vous. Messieurs, la question du Congo,
aura pour effet la conclusion d'un traité conforme aux vues que j'ai eu
l'honneur de vous exposer ?
Je ne suis pas éloigné d'espérer, je l'avoue, qu'elle portera cet heu-
reux finiit. J'en ai pour garants les dispositions favorables que l'on peut
s'attendre à rencontrer pour cela, aussi bien chez les puissances intéres-
sées que dans le sein de notre Institut.
Ce n'est pas comme pour le canal de Suez, dont nous nous sommes
occupés naguère. Les deux cas, en effet, quoiqu'on ait établi un rappro-
chement entre eux, ne sont pas assimilables *. Pour le canal, il s'agissait
de prendre des précautions, afin d'empêcher sa détérioration ou sa fer-
meture en cas de guerre *, et aucune mesure propre à atteindre ce but,
ne put parvenir à concilier les intérêts considérables qui se trouvaient en
conflit sur ce point \ Poui* le Congo, au contraire, conmie les intérêts des
diverses puissances sont presque identiques, et que c'est en vue de l'état
de paix qu'une entente est désirée, les chances de succès sont tout autres.
Il n'y a pas à redouter, par exemple, que les États riverains trouvent,
comme on le craignait en Egypte, « leurs droits d'indépendance compro-
mis et même leur dignité lésée *, » par les propositions auxquelles on leur
demanderait de souscrire.
En ce qui concerne la France, n'oublions pas que de Brazza a dit
qu'il prenait possession de Ntamo, « le point commercialement stratégi-
que autour duquel s'agite la question du Congo % » « non pour fermer
* Gessner (Die GegenwartJ.
» Annuaire de 1879-80, t. I, p. 335.
» Ibid., 350.
* Ibid., 336.
* Bévue maritime, août 1883, p. 407.
— 291 —
la voie, mais pour en assurer la neutralité * , » de même qu'il a ouvert
l'Ogôoué au commerce "européen, et non exclusivement au commerce
français. A la Chambre des députés, d'autre part, un orateur * a pu affir-
mer que le but du gouvernement était « simplement de fonder des stations
scientifiques, hospitalières et commerciales. » La présence d'un détache-
ment armé à Brazzaville, pour protéger la place ', n'implique nullement
des visées conquérantes ou belliqueuses, de même qu'en temps d'hosti-
lités la présence d'un poste de police auprès d'un hôpital militaire ne
constitue pas une violation de la Convention de Genève. La France
semble donc s'associer aux vues de son explorateur^ et être prête à con-
sentir à ce qu'il a appelé la « neutralité » du Congo, par quoi il enten-
dait apparemment la liberté de navigation et de commerce, rien de plus,
rien de moins.
Quant au Portugal, j'ai eu, au premier abord, quelques doutes sur
son acquiescement, en me reportant à un épisode du Congrès interna-
tional de géographie commerciale tenu à Paris en 1878. Dans la séance
du 27 septembre, l'une des sections « émit le vœu que les Chambres de'
commerce s'associassent aux efforts faits par les gouvernements, les
sociétés de géographie et les particuliers, pour faciliter et multiplier les
expéditions ayant pour but l'exploration du bassin du Congo et de
l'Afrique équatoriale *. » Mais les délégués portugais s'élevèrent forte-
ment contre cette prétention, a C'est un vœu tout à fait politique,
dirent-ils ; il porterait atteinte aux droits indiscutables du Portugal sur
le Congo. Les délégués seraient forcés de se retirer si ce vœu était dis-
cuté, car ils ne peuvent autoriser par leur présence quelque discussion
ou délibération que ce soit, directe ou indirecte, renfermant l'idée d'une
ingérence étrangère quelconque dans la politique et dans l'administra-
tion coloniale du Portugal. » L'énergie de cette protestation a été expli-
quée tout dernièrement, dans un important document de provenance
portugaise, par cette remarque que le texte du vœu de Paris, tel que je
l'ai rapporté ci-dessus, n'est pas très conforme à la « suggestion ini-
tiale, laquelle, » dit l'auteur, « enveloppait une question de police et de
protection internationale sur noire grand fleuve africain \ « L'Institut
' Coînpte rendu des séances de la Société de géographie de Paris, p. 290.
* M. Bouvier (Séance du 20 novembre 1882).
* Le Congo. Article du Courrier des États-Unis et réponse d'un membre de
l'Association internationale africaine, p. 17. — Deloume, p. 68.
* Compte rendu, p. 182.
^ La question du Zaïre. Droits du Portugal. Mémorandum, p. 48.
— 292 —
serait-il exposé, d'après cela, à rencontrer aujourd'hui la même résis-
tance patriotique au moment de traiter le même siyet ? J'aime à croire
qu'il n'en est rien, car nous nous plaçons ici exclusivement sur le terrain
du droit, sur lequel aucun Portugais éclairé ne refusera de nous suivre.
Au surplus les intérêts économiques du Portugal ne seraient pas plus
compromis que sa souveraineté par le nouvel ordre de choses.
L'Angleterre, la Hollande et la Belgique, que j'ai indiquées comme
devant concourir à l'œuvre civilisatrice avec la France et le Portugal,
seraient-elles moins bien disposées ? C'est peu vraisemblable. Elles n'ont
pas, comme cela se rencontrait pour deux d'entre elles dans l'affaire du
canal de Suez, des colonies importantes ni un grand courant commer-
cial déjà créés dans les parages auxquels la voie navigable donne accès,
et avec lesquels elles redoutaient de voir leurs communications intercep-
tées. Toutes, sous ce rapport, se trouvent sur un pied d'égalité, et elles
n'auraient pas demoti£s particuliers pour se montrer plus difficultueuses
les unes que les autres.
Ces cinq États formeraient donc un premier noyau, autour duquel
d'autres puissances viendraient certainement se grouper avec empresse-
ment, et le protocole resterait ouvert pour celles qui, dans la suite, se
décideraient à les imiter.
Dans l'hypothèse que l'Institut sera, lui aussi, favorable à ma propo-
sition, dans quelle mesure et de quelle manière lui appartiendra-t-il de
travaiUer à ce qu'elle aboutisse à des conséquences pratiques ?
Je me permettrai de vous rappeler, pour vous mettre sur la voie de la
réponse à faire à cette interrogation, un paragraphe de nos statuts, que
nous avons trop négligé jusqu'à présent, et qui fournit une indication
pour le cas actuel. D est dit, dans l'article premier, que « l'Institut a
pour but de favoriser le progrès du droit international » par divers
moyens, entre autres a en poursuivant la consécration officielle des prin-
cipes qui auront été reconnus comme étant en harmonie avec les besoins
des sociétés modernes. » Je souhaite donc qu'après nous être mis d'ac-
cord sur la manière dont la question cUi Congo doit être résolue, nous
usions de toute notre influence, pour amener les gouvernements inté-
ressés à se mettre à l'œuvre. A cette fin, nous ne déviions pas nous con-
tenter de leur transmettre nos vœux, mais, comme le veulent nos sta-
tuts, nous aurions à « poursuivre » ce résultat, c'est-à-dire à recourir,
s'il le fallait, à des démarches instantes et réitérées.
Ne perdons pas de vue que le temps presse. La situation se compli-
— 293 —
que de jour en jour, et, plus on attendra pour lui chercher une solution,
plus fl sera malaisé de la résoudre conformément aux saines doctrines.
L'intervention de l'Institut de droit international m'apparatt donc
comme tout à fait opportune, profitable à l'humanité, et peut-être glo-
rieuse pour lui. Je serais heureux, pour ma part, de l'avoir provoquée,
en posant devant vous. Messieurs, la question du Congo.
G. MOYNIER.
m
Résolatloii.
L'Institut de droit international, dans sa neuvième session tenue h.
Munich du 4 au 8 septembre 1883, après avoir entendu la lecture du
mémoire qui précède, l'a renvoyé à l'examen d'une commission, com-
posée de :
MM. Arktz, professeur de droit à l'Université de Bruxelles ;
Makquasdsen, professeur de droit à l'Université d'Erlangen»
membre du Reichstag de l'Empire allemand ;
Renault, professeur à la Faculté de droit de Paris, directeur
des Archives diplomatiques;
Sir Travers Twiss,
et l'auteur du Mémoire.
Cette commission a reconnu que l'Institut n'avait pas le temps, avant
la clôture de sa session, de peser suffisamment les considérations pré-
sentées par l'auteur du Mémoire, pour pouvoir se prononcer catégori-
quement sur toutes ses conclusions, mais elle s'est trouvée unanime
pour proposer la résolution suivante, qui a été votée par l'Institut, après
discussion, en séance plénière, le 7 septembre :
L'Institut de droit international exprime le vœu que le principe
de la liberté de navigation pour toutes les nations soit appliqué
au fleuve du Congo et à ses affluents, et que toutes les puissances
s'entendent sur des mesures propres à prévenir les conflits entre
nations civilisées dans l'Afrique équatoriale.
L'Institut charge son Bureau de transmettre ce vœu aux
diverses puissances, en y joignant, mais seulement à titre d'infor-
mation, le mémoire qui lui a été présenté par l'un de ses membres^
M. Moynier, dans la séance du 4 septembre 1883.
— 294 —
BIBLIOGRAPHIE '
!¥•' U. V*' JaURË8BERIGHT£ DEB GEOGRàPHlSCHEK GeSELUSCHÂFT IN
Bebn, 1881-82-83. Redigirt vou O. Beymond-le Brun. Bem{B. -F. Hal-
ler) 1882 et 1883, 2 vol. in-8% 151 et 234 p. mit Dlust. u. Karten. —
 côté de communications très substantielles concernant toutes les
régions de la terre, nous trouvons dans ces deux volumes un assez grand
nombre d'articles qui intéresseront les amis de l'Afrique. D'abord, dans
le volume de 1881-82, une étude comparative de M. le D' Beck, sur les
tracés que Livingstone et Serpa Pinto ont donnés du Haut-Zambëze.
Jusqu'à Serpa Pinto, le Zambèze supérieur ne nous était guère connu que
par les travaux de Livingstone, qui en avait dressé une carte complète.
Serpa Pinto ayant suivi le Haut-Zambèze sur un assez grand parcours,
et en ayant fait un relevé très exact, il était intéressant de comparer les
deux tracés. Les deux cartes qui accompagnent l'article de M. Beck
permettent de se rendi*e compte, d'un seul coup d'œil, des différences,
assez faibles d'ailleurs, qui existent entre les deux dessins. — M. Rey-
raond-le Brun donne ensuite le récit du voyage du missionnaire G. Bel-
trame sur le Nil Blanc et chez les Denkas ? Puis vient une notice du
D' Lenz sur les peuples nains et sur les tribus cannibales de l'Afrique
occidentale ; le savant voyageur expose les observations qu'il a faites
pendant son séjour dans le bassin de l'Ogôoué, sur les trois groupes de
populations de cette région, les Bandons, les Abongos, peuplade naine,
et les Fans anthropophages. — Dans le volume de 1882-83, relevons
en particulier les Notes d'un voyage en Tunisie par M. Louis Borel,
élève de l'École supérieure de télégraphie de Paris. L'auteur y donne,
sous forme de notes, écrites d'un style simple et facile, beaucoup de
détails fort intéressants sur les villes qu'il a particulièrement visitées :
Sousse, Gabès, Djerba, Zarzio, La Goulette et Timis. — Dans le « Fouta-
Djallon et les chemins de fer français au Niger, » M. Ch. Hoch ajoute à
l'analyse de l'expédition de M. Aimé Ollivier, l'exposé de ses vues sur
la colonisation française dans cette région. — Notre bulletin mensuel a
déjà parlé (p. 16) de l'iinportante communication de M. Batikofer, à la
Société de géographie de Berne, sur la république de Libéria.
Conferenze tenutesi in Milano kel 1883 presso la Soceeta d'bs-
PLOBAzioNE COMMERCIALE IN Afmca. Milano (Tipografia P. B. Bellini et
C), 1883, in-8*, 151 p. et cartes. — Le succès obtenu l'année dernière
^ On peut se procurer à la librairie Jules Sandoz, 13, rue du Rh6ne, à Ge&èTe,
tous les ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique eot^orée et civilisée.
— 295 —
par la Société milanaise d'exploration commerciale en Afrique Ta enga-
gée à continuer à faire donner, pendant l'hiver, des conférences desti-
nées à vulgariser les connaissances géographiques, surtout les décou-
vertes africaines, et tout spécialement celles qu'ont faites les voyageurs
italiens. Nous avons rendu compte de la précédente série de ces confé-
rences (III** année, p. 321). — Dans la première de celles relatives à
l'Afrique, que renferme ce nouveau volume, M. le professeur Gottardo
Carollo a raconté les explorations de Brazza et de Stanley. D termine
par des vœux pour que les Italiens prennent part à cette œuvre, et en
particulier pour que Casati, explorateur de l'Ouellé, atteigne le Congo
par le nord. — Dans une seconde conférence, M. Brunialti transporte
ses auditeurs dans le Soudan égyptien, qu'ont plus spécialement exploré
les Italiens : Miani, Piaggia, Antinori, Matteucci, Chiarini, etc. L'admi-
ration vouée aux voyageurs, et plus particulièrement à ceux qui ont
payé de leui' vie leur dévouement à la science ou à la suppression de la
traite, comme Gessi, ne lui fait point méconnaître la valeur des travaux
des missionnaires Beltrame, Comboni, Massaia, malgré les épreuves par
lesquelles ont à passer à l'heure actuelle ceux du Kordofan, du Darfour
et du Choa. Il voudrait que, à l'exemple de l'Angleterre, de la France et de
l'Allemagne, l'Italie contribuât par ses subsides à l'exploration et àla civi-
lisation de l'Afrique, mais qu'elle s'abstînt d'y créer des colonies politiques.
Le pays DK8 ZfiNDJs ou LA CÔTE Orientai«e d'Afbique au moyen
AGE, par L. Marcel Devic. Ouvrage couronné par l'Institut. Paris
(Hachette), 1883, in-8**, 280 p. — Cet ouvrage de géographie historique
a dû coûter à son auteur de longs et difficiles travaux, par suite de la
pénurie des documents sur la matière. Remontant aux temps les plus
anciens, M. Devic étudie tout ce que les Hindous, les Grecs, les Romains
et les Arabes, nous ont fourni sur la côte orientale de l'Afrique, intéres-
sante à tant d'égards, puisqu'elle était explorée et habitée à une épo-
que très reculée. Après avoir décrit la contrée et les villes, petites ou
grandes, de même que les îles voisines, l'auteur étudie les mœurs des
Zendjs, habitants de cette région au moyen âge, telles que nous les
dépeignent les géographes ou les voyageurs. Puis il passe en revue les
productions du pays, et décrit le commerce actif qu'y faisaient et qu'y
font encore les Arabes.
Évidemment cet ouvrage n'est pas aussi actuel que ceux qui s'occu-
pent de colonisation ou de voyages, mais les personnes qui le liront
avec attention n'auront pas i s'en repentir, car elles apprendront à con-
naître l'état de l'Afrique orientale à une époque où les Européens la
— 296 —
croyaient plongée dans la plus grande barbarie, siyet intéressant sur
lequel il n'existait jusqu'à aigourd'hui que des documents épars, qu'il
faut remercier M. Devic d'avoir recueillis.
L'Egypte, par Jacques Hervé, Paris (Jouvet et C*') 1883, In-12'*,
252 p. avec 87 gravures et 2 cartes ; 2 fr. — Voici une monographie fort
bien faite, aussi intéressante qu'instructive, et dont la lecture offre
un vrai délassement. La plus grande partie est consacrée à l'his-
toire de l'Egypte depuis Menés, le premier Pharaon, jusqu'aux derniers
événements dont elle a été le théâtre. Mais l'Egypte, c'est le Nil ; aussi
les premières pagas donnent-elles la description du fleuve et de ses
crues. Puis vient, avec la succession des vingt-six dynasties, un tableau
complet de la civilisation de l'antique Egypte, que l'auteur ressuscite,
pour ainsi dire, et fait revivre sous nos yeux, avec ses lois, ses cou-
tumes, ses monuments, son commerce, son industrie. Il nous montre
ensuite ce que devient la vallée du Nil lorsqu'elle passe sous la domina-
tion des nombreux conquérants qu'a tentés ce merveilleux pays, où la
nature, tout en prodiguant ses dons, n'a pas établi, pour les défendre,
une ceinture de fortes barrières naturelles. Mais la partie la plus belle
de l'ouvrage est celle dans laquelle il présente, après la campagne de
Bonaparte, l'exposé du magnifique développement de l'Egypte durant
notre siècle, depuis l'époque où Méhémet-Ali la débarrassa presque
complètement de la tutelle de la Porte, jusqu'à celle de l'occupation
anglaise, avec les circonstances qui sont encore dans la mémoire de tous,
mais que M. Hervé a, le .premier, su rassembler suivant la méthode
historique, et cela avec un tact politique malheureusement trop rare.
La description politique de l'Egypte nous a paru suflSsamment com-
plète; celle de la Nubie et du Soudan égyptien est plus rapidement
faite; ces pays sont, en effet, d'une importance moindre, et cependant,,
quel magnifique avenir n'attend pas la viUe de Khartoum, si heureuse-
ment fondée par Méhémet-Ali au confluent des deux Nil, lorsqu'une
ligne ferrée la reUera avec Souakim, son port naturel sur la mer Rouge !.
Un chapitre spécial est consacré à l'histoire et à la description du
canal de Suez, dont on trouvera un relevé fort bien fait sur la carte de
la Basse-Egypte placée en tête du volume ; celle-ci renferme aussi l'in-
dication des lieux historiques, tels que Tell-el-Kébir, Kafr-Douar, etc.
Une autre carte comprenant la Haute-Egypte, la Nubie et le Soudan
égyptien jusqu'au Sennaar, et plus de 80 gravures, complètent heureu-
sement cet ouvrage, auquel, croyons-nous, le public ne manquera pas de
réserver le meilleur accueil.
— 297 —
BULLETIN MENSUEL (5 novembre 1883. y
Le ministre-résident français à Tunis, M. Gambon, a fait récemment
une tournée dans la Kroumirie, où il a pu constater les progrès
accomplis depuis deux ans, dans ce pays que ne traversait aucune route,
où les soldats du bey chargés de recouvrer l'impôt n'osaient pénétrer,
et dont les habitants passaient pour barbares. Aujourd'hui des routes
conduisent au cœur du pays ; les Kroumirs se livrent non seulement
aux travaux de la terre, mais encore à tous ceux que leur oflErent les
Français : exploitation de forêts, de mines, etc. ; les sources d'eau sont
très abondantes, et dans peu de temps la Kroumirie sera une des parties
les plus riches de la Tunisie.
Ce n'est plus guère que par les dépêches des journaux anglais que
nous arrivent quelques renseignements sur l'état des choses au Soudan.
Encore ces dépêches sont-elles d'une teUe nature qu'elles ne nous
apprennent rien de précis. En effet, tandis que le Daily-Netvs recevait
le 5 octobre, par la voie de Khartoum, l'annonce que les troupes égyp-
tiennes avaient fait un mouvement en avant, mais que 300 hommes
étaient tombés malades dès les premières étapes par suite de la chaleur,
— que, le 18, lui parvenait|du Caire une nouvelle envoyée par Hicks-pacha,
d'après laquelle le Kordofan était tranquille, le cheik principal d'El-Obeïd
soumis avec 300 cavaliers, et l'on ne s'attendait à aucune résistance, —
le Standard au contraire représente les recrues destinées à l'armée qui
opère dans le Soudan comme si mal disposées, qu'on est obligé de les
conduire enchaînées jusqu'au lieu de leur destination; d'après ce même
journal, le madhi possède toutes les sympathies des populations de la
Haute-Egypte, et l'on craint beaucoup pour la situation du général
Hicks *.
Ces contradictions nous font vivement regretter d'être privés depuis
^ Les matières comprises dans nos Bulletins memuda et dans les Nouvelles corn-
jplémentcMres y sont classées suivant un ordre géographique constant^ partant de
l'Algérie, puis allant à PEst, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
* Au moment où nous mettons sous presse, le Mémoricd diplomatique annonce
qu'il a été décidé, au War-Office, qu'on enverra au général EQcks des renforts pris
sur le contingent qui est en Egypte ; ils devront contribuer à assurer la défaite
du mahdi, le gouvernement britannique attachant une extrême importance à en
finir le plus vite possible avec le faux prophète.
L'AFRIQUE. — QUATRIÈME AVKÉS. — H<» 11. 11
— 298 —
plusieurs mois de la correspondance régulière que voulait bien nous
envoyer M. J.-lIé Sckuver. Après avoir passé sept mois à Khartoum,
il en est parti le 14 juillet pour le Bahr-el-GhazaU ob le vapeur IstMi-
lia le transportera jusqu'à M eskra-el-Rek. Sans doute ce voyage
à Touest et au sud-ouest de son itinéraire primitif ne rentrait pas dans
ses plans ; ses bagages sont encore à Famaka sur le Nil Bleu, mais, dans
rimpossibilité de reprendre cette route pour le moment, il a préféré à
rinaction dans la capitale du Soudan une excursion à Meshra-el-Rek,
d'oii il se rendra à Dem-Suleiman , chef-lieu du mudirieh du Bahr-
el-Ghazal, qu'il prendra comme point de départ d'un voyage plus lointain.
0
La Société milanaise d'exploration en Afrique a reçu, de TexpéditioD
italienne en Abyssinie, des nouvelles en date du 21 juillet, de Saméra,
résidence du roi Jean, qui a bien accueilli les propositions du gouverne-
ment italien. Les pluies étant survenues et ayant fait déborder tous les
cours d'eau, rendirent pendant quelque temps impossible toute commu-
nication avec la côte. Blanchi se préparait à se rendre, dès que la
saison pluvieuse serait passée, de Socota à Assab, pour étudier la région
encore inconnue située entre le plateau éthiopien et la colonie italienne,
et ouvrir une route directe de l'ouest à l'est vers Assab, au milieu de
populations réputées sauvages. L'ingénieur Salimbeni se disposait à
partir pour le Grodjam, où il devait fonder une station, et, si les circon-
stances le lui permettaient, construire un pont sur le Nil Bleu, pour
mettre l'Abyssinie eu communication avec les pays Gallas, d'oîi provien-
nent presque toutes les marchandises que l'on veut attirer à Assab.
De son côté, le comte Antonelli a réussi à ouvrir au commerce une
poHte du Choa à, Assab» et a conclu des traités d'amitié avec Méné-
lik, avec Mohamed Anfari, sultan de l'Aoussa, et avec les chefe des tribus
danakils. Une caravane de 400 chameaux et de 800 hommes descend du
Choa à Assab, oh elle apporte de l'ivoire, du café, des plumes d'autruche,
des peaux brutes, et d'autres produits de ce pays. Antonelli est revenu
en Italie, mais retournera prochainement au Choa, où le roi Ménélik
demande à avoir nm représentant du roi d'Italie ; de son côté il en
enverra un à Bome. Outre la station italienne du Choa, il en sera créé
une chez les Aoussas. La Chambre de commerce de Naples a demandé
au ministre des affaires étrangères des informations sur le moyen de
conclure des échanges avec la grande caravane. — D'après les journaux
anglais, Ménélik a fait annoncer au résident britannique à Aden qu'il a
conquis le royaume de Kaffa, et l'a annexé à ses états. — M. Laccardi,
agent de la Société milanaise d'exploration, établi à Massaoua a été
nommé consul italien dans cette viUe.
— 299 —
La Société de géographie de Hambourg verra bientôt revenir le
D' Fischer qui a annoncé son retour à la côte. Parti de PftDgaai à la
fin de décembre 1882, il se dirigea vers le nord en passant par Paré,
Arufiha et Sirigari, où il eut avec les Masals des démêlés dans lesquels
sas gens en se défendant tuèrent quelques-uns 4es natifs. La satiefaoticm
ordinairement exigée pour les morts ayant été payée en fil de iér, les
deux partis se séparèrent en bons termes. Fischer continua sa manche
vers le lacBaringo, et n'en était plus qu'à six jours de mardie, lorsque
ses porteurs refusèrent d'aller plus loin. Trois mille Masals en armes
occupaient la route qui mène au lac, et, pour forcer le passage à travers
la forêt vierge oti ils étaient postés, la caravane du docteur ailemmid
eût risqué de perdre toutes ses ressources. £n revenante a pris iin<die-
min plus à l'ouest, autour du lac Naivasha et le long du lac Natron,près
du volcan Doeyo Ngai, puis de là, par Ângarouka, au mont Mérou. Près
du lac Naivasha il découvrit une source abondante d'eau chaude ; quoique
tout le pays parcouru soit de nature volcanique, on n'y voit pourtant
plus de volcans. Le D' Fischer a rapporté beaucoup d'ivoire et de riches
collections de minéraux, de plantes, d'oiseaux et de mammifères, ainsi
que des objets se rapportant à l'ethnographie du pays.
Le missionnaire Ghauncy Maples, écrit de MasaMsi, le 20 juin,
qu'il a terminé son exploration du pays des Makondés. Noumanga l'a
très bien reçu et l'a traité royalement durant quatre jours , pendant
lesquels le missionnaire a pu étudier tout ce district, et se former une
opinion sur la possibilité d'y transporter l'établissement de Masasi. C'est
l'endroit le plus sûr à 300 kilom. à la ronde. Mais les indigènes ne sont
peÂDt disposés à aller s'établir aussi loin. M. Maples songeait à les
installer à Néouala, où Matola lui a donné une maison construite l'année
dernière, n s'attendait à voir arriver un détachement de Magwangwai^as,
pour la perception du tribut de sel que les Makouas de Masafii se sont
engagés à leur payer pour conserver leurs vies et leurs propriétés.
Néouala est beaucoup meilleur que Masafii pour résister aux attaques
de ces sauvages, mais Noumanga l'emporte encore de beaucoup sur
Néouala.
La mission romande aux Spelonken sera prochainement renforcée
d'une manière notable ; outre M. P. Berthoud qui se dispose à y retour-
ner, le conseil de la Société a décidé d'y envoyer M. Sug. Thomas,
licencié en théologie, qui vient de faire un stage médical chez le D' Laid-
low à Glascow, et une institutrice de Neuchâtel, M"* J. Jacot, qui s'est
aussi préparée à pouvoir donner des soins aux malades. Ces nouveaux
— 300 —
agents seroot pourvus d'instruments de chirurgie, de livres d'hygiène et
de médecine, de remèdes et de provisions diverses ^ Le Journal religieux
de Neuchfttel a publié des extraits de lettres d'un de nos compatriotes^
M. Gautier, en ce moment en séjour auprès des missionnaires vaudois,
avec Tun desquels, M. H. Berthoud, il se proposait de faire un voyage
de Valdézia au Limpopo, pour apprendre à connaître ce pays, traversé
jusqu'ici par des chasseurs seulement ; comme ce sont des Magwamba^
qui rhabitent, il importe aux missionnaires d'étudier soit la route, soit
le cours du Limpopo, pour le moment oîi la mission aura reçu des ren-
forts et pourra s'étendre au delà des Spelonken. Les voyageurs comp-
taient prendre avec eux douze chasseurs indigènes et quatre jeunes
gens* Les bœufs de M. Berthoud devaient transporteries bagages jusque
chez Schilowa, à moitié chemin du fleuve environ. Leur voyage devait
durer trois ou quatre semaines, si ce n'est plus*.
Le D' de Dankelman, naguère agent du Comité d'Études du Haut
Congo, a eu l'occasion de visiter plus au sud Mossamédès, à la côte,
ainsi que Huilla et Humpata, à l'intérieur. Il n'a pas trouvé à Huilla
le P. Duparquet, qui explorait le pays entre le Cunéné et l'Okavango.
Quoique cette station missionnaire n'ait qu'un an de date, elle lui a fait
une très bonne impression. Les missionnaires comptaient ouvrir le
1" octobre la station météorologique décrétée par le gouvernement por-
tugais qui leur a fourni les instruments nécessaires. H en existe déjà à
San Salvador et à Loanda. Le D' Dankelman, longtemps attaché à la
station de Vivi, avait été envoyé à Mossamédès pour y acheter des pois-
sons, en vue de l'arrivée d'un convoi de Chinois attendus au Congo.
L'importation de ces travailleurs, que la direction de l'entreprise du
Congo se propose de substituer aux nègres, semble indiquer qu'elle
renonce à l'espoir d'amener les natifs à un travail régulier.
L'apparition de ces Chinois sur la scène du Congo n'est pas la seule
surprise que nous aient apportée les nouvelles du mois passé sur l'œuvre
de Stanley. D n'est pas toujours facile de séparer la vérité d'avec
l'erreur, dans les correspondances des journaux ; certains détails nous
paraisseut tellement exagérés, qu'avant de les donner à nos lecteurs,
' Un mécanicien et un meunier partiront aussi avec les missionnaires.
' Pendant l'impression de ce numéro, nous avons appris que les voyageurs,
ayant dû laisser leur char et leurs bœufs à la limite de la région infestée par la
tsétsé, ont été obligés de revenir à Valdézia, sans avoir pu atteindre le Limpopo^
leurs provisions et leurs munitions étant épuisées.
— 301 —
nous voulons attendre d'en avoir la confirmation de la part de personnes
autorisées ; pour aujourd'hui nous nous bornerons aux faits certains, eu
commençant par les renseignements fournis à la Société de géographie
de Londres par M. H.-H. J^ohnston» et publiés dans le dernier
numéro des Proceedings de cette Société, sur son voyage au Conf^o, à la
tin de décembre 1882 et au commencement de cette année-ci. Il signale
d'abord le long de sa route, entre les deux stations missionnaires de
Underhill et de Palaballa, sur la rive méridionale du fleuve, des villages
prospères, entourés de plantations de bananiers ou de plantains, et dont
les maisons sont propres et bien bâties, les champs de mais et de cassave
bien cultivés, les habitants doués d'un certain savoir-vivre. A Palaballa,
les indigènes le salueîrt d'un good moming, emprunté sans doute au
langage des missionnaires de la Livingstone Inland Mission, qui ont là
une école dans laquelle l'enseignement est donné en langue fiote et en
anglais. Des ennuis de porteurs l'obligèrent à revenir à Vivi, oîi Stanley
lui donna tout ce qui était nécessaire à son expédition et trois de ses
meilleurs Zanzibarites. De Manyanga, au lieu de suivre la route lon-
gue et difficile de la rive septentrionale, Johnston prit, jusqu'à Léopold-
ville, la route de la rive gauche, qui traverse un pays dont la population
«st plus aimable et plus courtoise que celle de l'autre bord. De Stanley-
Pool une canonnière le transporta à Bolobo, à 400 kilom. en amont, oU
se trouvait alors la dernière station de Stanley. En remontant l'Étang de
Stanley, il longea des tles couvertes de la plus belle végétation et peu-
plées de troupes d'hippopotames. Au delà des Dover Cliffii, le Congo a
de 600° à 1000° de large ; dans son cours, jusqu'à la station de Msouata,
à 180 kilom., il ne reçoit qu'un affluent un peu considérable venant du
S.-E., dont les eaux, d'un noir indigo, coulent, pendant plusieurs miUes,
côte à côte avec celles du Congo qui sont jaunâtres, sans se mêler
celles-ci. La rive septentrionale est inhabitée, par suite des guerres qui
ont dépeuplé le pays. La station de Msouata, une des plus jolies du
Congo, est entourée de nati& d'un caractère aimable, dont les senti-
ments à l'égard des blancs sont extrêmement courtois. Un peu en
amont, M. Johnston signale le curieux promontoire de Ganchou, langue
de terre, moitié île, moitié presqu'île, sur laquelle est construit un village
gouverné par un chef du même nom. En descendant le fleuve, Stanley
n'y avait vu qu'un nid de pirates, tandis que les habitants en sont très
pacifiques. Au delà se trouve l'embouchure de la Wabouma (l'Ibari
Nkoutou de Stanley, nom ignoré des indigènes). A son confluent avec
le Congo elle est aussi large que la Tamise à Westminster ; d'un côté
— 302 —
Ton recentre d'abord des baaes de sable, puis clés roch^ns au delà des-
quels le chenal devient profond et la naiigatkm plus facile. EUe sort du
lac Léopold n, qui s'étend jusque sous le 1 ""éO' ; après avoir coulé parai-
lèlement au Congo,: dans un lit assez étroit, elle s'élargit beaucoup,
comme le Congo, dans son cours supérieur, puis se rétrécit de neuveaa
avant son confluent avec le Quango ; les eauL de ces deux rivières se
distinguent sur un long parcours, celles de la Wabouma sont indigo,
tandis que celles du Quango sont limoneuses et jaun&tres; elles se
varsent dans le Congo par S"" 20\ Les Bayansis qui habitent cette
région sont de belle race, beaux de visage, et par les formes du corps
rappellent les statues grecques. Passionnés pour la musique, ils ont en
outre un grand art pour décorer leurs ustenâlePet leurs armes. Leur
langue appartient à la famille des langues bantoues ; plusieurs mots en
sont presque identiques avec le souahéli ; aussi les Zanzibarites peuvent-
ils se faire comprendre d'eux.
A ces renseignements géographiques sont venus s'en ajouter d'autres,
fournis par Stonley lui-même dans une lettre du 11 juillet à M. Marston
de Londres, que nous avons trouvée dans le Liverpool Mercury. Après
avoir donné la liste des huit stations qu'il a foodées, de l'embouchure du
Congo jusque sous l'équateur, à Yivi, Isangila, Manyanga, Léopoldville,
Msouata, Bolobo, Loukoléla — le nom de celle de l'équateur n'est pas
indiqué ' — il ajoute qu'entre ces stations, qui sont les principales, il y en
a de plus petites, dans les endroits ob la population est le plus dense.
a J'ai aussi découvert, continue-t-il, un autre lac, le Mantoumba, au
nord du lac Léopold II. La population de ses rives est si dense que, s'il en
était de même dans tout le bassin du Congo, celui-ci aurait environ
49,000,000 d'habitants. Je n'ai jamais vu de ma vie des trafiquants aussi
vi& que le sont ces gens ; tout est propre à la vente, et toutes l^us
pensées sont dirigées vers le gain honnête qu'ils pourront en retirer. Un
trafiquant est sacré dans ce pays[; nul ne le moleste ; chaque chef est tenu
de le protéger, car, d'après leurs idées, il appartient èi la classe qui
apporte l'argent dans le pays. Vous verrez dans mon ouvrage : « A tra-
vers le continent mystérieux* » que j'ai parlé des féroces Irébous.
Représentez-vous mon étonnement, en me voyant appelé par eux pour
mettre un terme à une guerre intestine. En les quittant, j'ai laissé ches
* D'après une carte du D' J. Chayanne, publiée dans le demiM* numéro de la
Dewt9cheBund9dkau fur geogrojphie und HaUsHk^ cette station s'apj^ltêrafl ncengo.
» T. II, p. 318.
— 803 —
eux deux hommes qui y seront en parfaite sûreté, aussi bien que s'ils
étaient sous la protection de la force métropolitaine de Londres. Vous
pouvez être sûr que, si j'avais le moindre doute quant à leur sécurité, je
n'exposerais jamais la vie de mes gens. J'ai aussi remonté la rivière qui,
sur ma carte, porte le nom d'Ikelemba. C'est la Mobinda ; le nom d'Ike-
lemba est celui d'un petit affluent supérieur du Congo. La rive gauche
de la Mobinda est semée de villages, entre lesquels il n'y a qu'un espace
très restreint ; mais les habitants en sont très sauvages, et il faudra du
temps pour les amener à reconnaître Futilité de marchands blancs. Je les
trouvai tous disposés à combattre, mais la vitesse et le bruit du stea-
mer les empêchèrent de se précipiter sur nous, comme Favaient fait les
Bangalas. Quand nous regagnâmes le Congo, nous crûmes arriver en
pays civilisé ; nos hommes, occupés à défricher et à bâtir, étaient dans
les meilleurs termes avec les natife. Les indigènes deTéquateur avaient
ridée bizarre que le Stanley qui avait descendu le Congo, et « Bula
Matari » qui le remonte et bâtit partout, étaient deux personnages dif-
férents ; le premier ne pouvait être que Tagent du second qui, sans
doute, étaitle vrai chef. Ils ont été très surpris d'apprendre que Stanley
et le a briseur de rochers » étaient une seule et même personne. Les
Bangalas visitant fréquemment les districts de l'équateur, je demandai
comment l'on m'y recevrait? « Vous n'avez qu'à agiter un bâton, me
répondit -on , et ils se tiendront tranquilles. » Tout marche d'une
manière satisfaisante; nous n'avons pas à nous plaindre. Jusqu'ici il n'y
a pas eu de paroles fâcheuses échangées entre nous et les natiUs ; ce qu'il
y a de mieux, c'est que le chef le plus attaché à ses traditions recherche
notre alliance et nous fournit des porteurs. Environ 400 indigènes trans-
portent maintenant des marchandises pour nous, là où il a fallu une
année pour engager les plus réfractaires à nous en donner un. Avec le
temps la nature de ces gens changera, et l'on peut légitimement espé-
rer, qu'avec de la patience et de bons traitements, tous les transports
nécessaires se feront par des porteurs indigènes. J'ai sous mes ordres
2000 hommes, 75 Européens, 17 stations et une flotille de 12 navires. »
Ce grand nombre d'hommes aux ordres de Stanley ne nous surprend
pas ; nous avons mentionné les convois réitérés de Zanzibarites amenés
par des agents de l'Association internationale, ceux de Kroomens de la
côte de Guinée, et de Haoussas du bassin du Niger. Quant aux dix-sept
stations auxquelles il fait allusion, il faut, po\ir atteindre ce chiffre, ajou-
ter à celles mentionnées dans la lettre que nous avons traduite, cinq
stations dont la Oazette de Bruxelles nous a apporté les noms ; elles sont
— 304 —
déjà inscrites dans la carte dont M. Johnston a accompagné son rapport
à la Société de géographie de Londres ; ce sont : Philippeville, Bodolph-
stadt, Baudoinville, Franktown et Stephanieville, qui se trouvent toutes
dans la vallée du Quillou et du Niari, en dehors du bassin du Ck)ngo,
sur le chemin par lequel de Brazza a annoncé vouloir ouvrir la voie la
plus courte de l'Atlantique à Brazzaville'. Avant de quitter le Congo,
ajoutons encore que Stanley a conclu, le 7 janvier de cette année, avec
deux che£s de Palaballa, station de la Livingstone Inland Mission, un
traité qui semble devoir fermer au commerce la route par laquelle passait
jusqu'ici tout le trafic, de l'intérieur à l'embouchure du Congo.
Pour créer des stations le long du Qoillou, les agents de Stanley ne
pouvaient pas éviter d'entrer en conflit avec ceux de Savorgnan de Brazza.
Après l'occupation de Loango et de Punta Negra, un de ces derniers,
M, Cordier, conclut le 12 mars de cette année-ci, avec le roi de Loango
et avec le chef Manipembo, souverain de la province du Quillou, des
traités par lesquels toute la rive gauche du Quillou était placée sous le
protectorat de la France, et acheta tout le terrain qui borde la baie de
Loango. Il en acquit un autre près des cataractes de Gotou, en aval de
Mayombé '. Le 20 mai, le capitaine EUiot, agent de Stanley, signa à son
tour, avec le même chef Manipembo, un traité que nous reproduisons
in eûàenso^ parce qu'il peut servir à donner une idée des traités conclus
au nom du Comité d'Études du Haut Congo :
Article !•'. Le chef Manipembo reconnaît qu'il est hautement désirable
que le Comité d'Études du Haut Congo crée et développe dans ses États
des établissements propres à favoriser le commerce d'échange, et à assu-
rer au pays et à ses habitants les avantages qui en sont la conséquence.
A cet eflFet, il cède et abandonne en toute propriété au Comité d'Étu-
des : les territoires compris dans les limites de la factorerie de M. Saboga
à Chissanga, jusqu'à Rudol&tadt, et de Rudolfetadt à Manianga Matati,
rive gauche du Quillou, sur 40 kilomètres de RudoLEstadt à l'intérieur,
tous les territoires de tous les États; puis la moitié de la rivière de
Quillou (Sud) avec toutes les tles, jusqu'à Manianga Matati, à Pexception
des concessions données à MM. Saboga, Aquello, W. A. H. V. Silva
Silveiro, Saboga et Picho, sur la rive gauche du QuiDou.
Art. 2. Il affirme solennellement que ces territoires font partie inté-
grante de ses États, et qu'il peut librement en disposer.
' Le capitaine belge Hanssen a été tué sur cette route par des indigènes, tan-
dis qu'il cherchait à aller par terre de Manyanga au Niari.
» V. la carte, in»« année, p. 228.
— 305 —
Art. 3. La cession du territoire est consentie moyennant un présent,
une fois donné, de 200 pièces de corail rouge, 1000 longs d'étoffe, 25
barils de poudre, 24 habillements, une pipe de rhum, 25 fusils, une caisse
de cuivre, 25 caisses de genièvre, 100 pièces de faïencerie, 25 caisses de
liqueurs, une caisse de matchetes, et une rente viagère mensuelle de 3
longs d'étoffe plus 1 gallon de rhum, que le chef prénonuné déclare avoir
reçu^
Art. 4. La cession du territoire entraîne l'abandon par le chef pré-
nommé, et le transfert au Comité d'Études, de tous les droits souve-
rains.
Art. 5. Le Comité d'Études s'engage expressément à laisser aux indi-
gènes, établis sur les territoires cédés, la propriété et la libre jouissance
de la terre qu'ils occupent actuellement pour leurs besoins, et promet de
les protéger, de défendre leurs personnes et leurs biens contre les agres-
sions ou les empiétements de quiconque porterait atteinte à leur liberté
individueUe, ou chercherait à leur enlever le fruit de leurs travaux.
Art. 6. Le chef accorde en outre au Comité :
1** La concession de toutes les voies de communication à ouvrir actuel-
lement ou dans l'avenir dans toute l'étendue de ses États.
Si le Comité le juge à propos, il aura le droit d'établir et de percevoir
à son profit des péages sur ces voies, pour s'indemniser des dépenses
auxquelles leur construction aura donné lieu.
Les voies ainsi ouvertes comprendront, outre la route proprement
dite, une zone de vingt mètres à droite et à gauche de celle-ci. Cette zone
fait partie de la concession, comme la route elle-même, et demeure
comme elle la propriété du Comité.
2^ Le chef s'engage en outre à fournir à chaque station, £etct(Hrerie ou
établissement, établi sur son territoire, des « servants » ainsi que des
travailleurs pour la construction et l'entretien de la route et des établis-
sements du Comité d'Etudes. Les hommes fournis par le chef seront
payés suivant un contrat fait d'un commun accord pour les salaires.
S^ Le droit de trafiquer librement avec les indigènes faisant partie de
seB États.
4* Le droit de cultiver la terre non occupée, d'exploiter les forêts, d'y
faire des coupes d'arbres, de récolter le caoutchouc, le copaJ, la eire, le
miel et généralement tous les produits naturels qu'on y rencontre, de
pêcher àtaa les fleuves, rivières et cours d'eau et d'exploiter les mines.
Il est eatendu que le Comité peut exercer tous les droits mentionnés
au paragraphe 1, dans toute l'étendue des territoires cédés.
— 306 —
Art. 7. Le chef prend rengagement de joindre ses forces à celles du
Comité, pour repousser les attaques dont il pourrait être Tobjet de la
part d'intrus de n'importe quelle couleur.
Art. 8. Le prince Manipembo accorde au Comité Tunique et exclusif
droit de construire en tout temps des chemins de fer sur toutes les par-
ties de ces territoires, et de refuser à tout autre le droit de construire
des chemins de fer sur n'importe quelle partie de ces territoires.
A l'exception de l'art. 8, le traité conclu avec les che& de Palaballaest
à peu de chose près le même.
Dans un article intitulé a la Vérité sur la question africaine, » le Jour-
nal des int&retê maritimes d^ Anvers, après avoir aflSrméque ni le Comité
d'Études, ni l'Association internationale africaine, n'ont eu la prétention
de créer en Afrique une souveraineté au sens propre du mot, s'exprime
ainsi au sujet des traités sus-mentionnés : « En traitant avec les rois afri-
' cains, si Stanley s'est réservé tous leurs droits, y compris celui de dispo-
ser de la vie et de la liberté des habitants, c'était à seule fin de se
prémunir contre des revendications futures. Il ne voulait pas qu'à un
moment donné, par exemple, un roi indigène pût venir s'emparer de la
personne ou des biens d'un des habitants du territoire cédé, ou établir
des barrières sur les routes, des taxes sur les fleuves et rivières, etc., etc.
Ces traités en somme ne lient que les rois nègres et ne sont valables
que contre eux. Il est évident qu'ils deviendraient caducs et inopérants
si Stanley cherchait à s'en prévaloir pour régler le droit des gens dans
ces contrées ; mais c'est précisément pour cela que le voyageur africaine
réclamé le protectorat de l'Angleterre. »
En effet, dans une lettre du 23 juillet, de Léopoldville, dont M. John-
ston a donné lecture à la section de géographie de l'Association
britannique des sciences, réunie le 24 septembre à Southport, Stanley,
faisant complètement abstraction du Comité d'Étjudes du Haut Congo et
de son auguste protecteur, adjure l'Angleterre de ne pas permettre que
les millions de sujets britanniques qui émigrent pour chercher une nouvelle
patrie, comme leurs ancêtres de l'Amérique et des Indes, soient dépouil-
lés de leur droit d'aînesse sur ce fleuve découvert par un Anglais,
Livingstone, sur cette voie ouverte par l'argent anglais et américain, et
sur ces nations dont l'affection a été gagnée à l'aide des produits des
manufactures anglaises !
Le Comité d'Études du Haut Congo paraît avoir formellement désa-
voué son agent, et l'Angleterre elle-même n'a pas répondu avec em-
pressement h la demande de Stanley. Quoi qu'il en soit, Sir F. Golds-
— 307 —
mith, accompagné d'un légiste, arrivé à l'embouchure du Congo le
3 septembre, a continué immédiatement son voyage vers le haut fleuve.
Le mystère qui entoure sa mission ne tardera sans doute pas à
s'éclaircir. Mais, à mesure que les événements se déroulent, nous ne
pouvons que hâter de nos vœux le moment où les gouvernements, invités
à s'entendre sur les mesures à prendre pour assurer la libre naviga-
tion du Congo en faveur de tous, nommeront les commissaires auxquels
ils remettront le soin de s'OCcuper de cette question. L'urgence en est
d'autant plus grande, que le nombre des Européens qui se porteront dans
cette région peiit devenir prochainement assez considérable, si l'on
répond aux vœux du Comité d'Études. D'après le journal V Export, qui
dit tenir ce renseignement de source sûre, cette Société désire fonder des
colonies sur les territoires acquis par Stanley, et a chargé ses délégués,
pour le cas oii des expéditions ie quelque nation que ce soit voudraient
s'y établir, dé leur donner gratuitement le terrain nécessaire. Avant
tout, elle voudrait créer des colonies sur les stations du Congo, et voir s'y
développer une nouvelle espèce de villes libres. Un des membres les plus
éminents de la Société africaine engageait récemment les industriels et
les négociants allemands à s'établir dans ces stations, oii un consulat
pourrait facilement être créé, pour le plus grand avantage des commer-
çants et des explorateurs allemands.
Quant à Savors^nan de Brazaca, il a échelonné quatre postes le
long de rOgôoué : au cap Lopez, à Lambaréné, à N'jolé et près des chu-
tes de Boue, dans le pays des Okandas. Le 9 juin il a quitté Lambaréné,
avec 1 1 Européens, 60 laptots et 57 pirogues montées par BOO Adoumas.
Il allait créer un cinquième poste dans le pays de ces derniers, pour
compléter la chaîne qui doit relier la côte de l'Océan à Franceville, sur
un parcours de 850 kilom. environ. Le D' Ballay, Jacques de Brazza,
frère du chef de l'expédition, et le sergent Malamine devaient, dans les
premiers jours d'août, être rendus chez Makoko, pour le pays duquel
ils étaient partis six semaines auparavant. On ne savait rien à France-
ville du renversement de ce chef par ses sujets. De Brazza devait se ren-
dre chez lui, après avoir conduit jusqu'à Franceville le convoi des piro-
guiers avec lesquels il remontait le fleuve.
Un des correspondants du Bulletin des Mines écrit de Londres à ce
journal qu'il a appris de Sir Charles Bright, occupé en ce moment de la
pose du cftble sou^-mariii de la ligne du Sénéfl^al, qui doit passer
par les Canaries» que, dès que ce travail sera terminé, le gouvernement
anglais fera prolonger cette ligne tout le long de la <îôte occidentale
— 308 —
d^Afrique Jusqu'au Cïap en passant par la Côte d'Or. La communi-
cation télégraphique avec Cape-Coast, pourra déjà être établie Tannée
prochaine. L'importance qu'ont prise les exploitations minières de la
Côte d'Or, et l'avenir qui leur paraît réservé, ont été les motife déter-
minants de cette décision.
En se rendant au Cameroon, M. Rogozinski a visité Monrovia et les
provinces de la république de lilbéria. D a trouvé dans la jeunesse
une instruction qui lui a paru de très bon augure pour le développement
de cet État. A Monrovia, en particulier, il a rencontré de jeunes Libé-
riens très intelligents, qui ont étudié dans les universités d'Europe. Le
long de la rivière Saint-Paul, il a visité des plantations de cannes à
sucre et de café, appartenant à des colons libériens, qui emploient des
machines à vapeur pour la fabrication du sucre.
Le chemin de fer du Cayor, qui sera terminé dans deux ans, donnera
k la culture du sol une grande impulsion ; les indigènes n'ayant plus
besoin de perdre la moitié de l'année au transport de leurs récoltes,
auront le temps de travailler davantage et produiront beaucoup plus.
D'autre part, les grandes maisons de la côte devront installer des comp-
toirs partout oîi des gares seront établies. Déjà la Compagnie occidentale
de la côte d'Âfirique (ancienne maison Yerminck), demande à acheter
des terrains autour d'un certain nombre de gares pour y établir des fac-
toreries.
Le transport de l'État la Sarthe a conduit sur le Haut Sénégal de
nombreux ouvriers, destinés à renforcer le personnel des travaux du che-
min de fer. Le même bâtiment transporte 70 voitures en tôle, soit pour
le service de la voie ferrée, soit pour le convoi qui devra ravitailler le
fort de Bamakou. Les voitures sont de deux types : la voiture fermée
qui sert au transport des vivres et des munitions, et la voiture de charge
ordinah'e, sorte de charrette que l'on recouvre au besoin d'une simple
bâche. Toutes les parties s'en démontent facilement, et chaque voiture
forme le chargement de deux mulets, en sorte qu'on peut les attrier de
la façon ordinaire, ou les charger à dos de mulet si l'on a à franchir un
passage difficile. De plus, les caisses qui constituent la partie principale
de ces voitures étant complètement étanches, quand on à à passer les
marigots que l'on rencontre fréquemment au Sénégal, on peut s'en ser-
vir comme de petits chalands et former avec elles des ponts de bateaux.
On pourrait même, avec certaines modifications de détail, constituer des
trains de chalands qui rendraient de grands services sur le Niger.
Dans l'espoir de recevoir prochainement des renforts de la
— 309 —
protestante de Paris, M. Taylor a conçu le projet de développer les
écoles qu'il a fondées à Saiiit-liOul% d'établir une station annexe dans
l'île de Sor, la grande voie par laquelle passent toutes les caravanes
venant de l'intérieur, et de créer une mission chez les Bambaras. Pour
celle-ci, il sera nécessaire de faire un voyage jusqu'à Bamakou, pour
choisir l'emplacement le plus favorable à une station, soit à Bafoulabé.
soit à Eita, soit sur le Niger même. Mais aujourd'hui que la route a été
frayée par la colonne expéditionnaire du colonel Borgnis-Desbordes, ce
voyage, aller et retour, peut se faire facilement en trois mois.
D'après une dépêche de la légation espagnole à Tanger, le sultan a con-
senti à livrer la baie située près de l'embouchure de la rivière Yem, située
sur le territoire de Sous, au sud de Mogador, point indiqué par les com-
missaires espagnols comme étant le site de Santa €ruz de Map
Pequena, cédé par le traité de 1860, après l'expédition d'O'Donnell au
Maroc, et vainement réclamé dès lors par plusieurs gouvernements. Le
Maroc avait bien essayé d'échanger Santa Cruz contre un autre terri-
toire près du détroit de Gibraltar, mais le marquis de la Vega de
Armijo exigea Santa Cruz de Yeni, pour contrecarrer l'influence de la
compagnie North African, établie au cap Juby et dans le territoire de
Sous. L'intention du gouvernement espagnol est d'établir un poste, un
comptoir et des fortifications à Yeni, ainsi qu'une escadrille pour proté-
ger les pêcheries de la côte sud, fréquentées par les habitants des îles
Canaries en vertu du susdit traité.
NOUVELLES .COMPLÉMENTAIRES
M. A.-D. Langlois qui, depuis plusieurs années a entrepris l'exécution d*une
carte générale économique de l'Algérie, dont la partie occidentale lui a valu la
médaille d'or de la Société de géographie de Paris, explore actuellement la pro-
vince de Constantine.
Des brigades topographiques, chargées de reviser et d'établir, en certaines par-
ties encore mal connues, la carte de la Tunisie, ont dû partir à la fin d'octobre; elles
sont aa nombre de six, et relèveront spécialement la portion de territoire comprise
entre Sfax et Gabès.
Ali Mahoom, jeune esclave libéré à Ehartoum par Gordon-pacha, et donné au
missionnaire Felkin qui l'a élevé en Angleterre, a été engagé par le consul Baker,
et il est parti il y a quelques semaines pour Khartoum.
Le l>' Stecker est rentré en Autriche, Après avoir parcouru, à l'est et au sud-est
de l'AbyBsime,une douzaine de districts où n'avait encore pénétré aucun Européen.
n en rapporte des cartes ainsi que des collections d'histoire naturelle.
— 310 —
Le mouillage d'Aden étant trop petit, et les navires tovgours plus nombreux qui
y relâchent perdant un temps précieux pendant la mousson du sud-ouest, des
armateurs anglais ont créé un vaste entrepôt de charbon à Périm, dans le détroit
de Bab-el-Mandeb. Toutes les dispositions sont prises pour que les plus grands
bâtiments puissent y faire leur charbon en quelques heures.
D'après des lettres particulières adressées d'Aden à VEsphratore^ M. Pierre
Sacconi, membre correspondant de la Société milanaise d'exploration, a été assas-
siné pendant son voyage de Harar dans l'Ougaden. Une lettre de Mgr Taurin
Cahagne confirme le fait. L'assassinat a eu lieu à Kumagot, localité très peaplée,
à une journée du Webbi.
La Société de géographie de Marseille a reçu de bonnes nouvelles de M. 6.
Revoil, chargé d'une nouvelle expédition chez les Somalis. Parti de Magadoxo, il
est parvenu, à travers un pays qu'aucun Européen n'avait visité jusqu'ici, à la
ville de Ganané, sur le Djoub supérieur, à 150 kilom. environ en amont de Berdera,
où le baron de Decken fut assassiné en 1865 par les Somalis.
D'après VAfrican limes^ les deux sultans des îles Johanna et Mohilla se sont
décidés à abolir l'esclavage dans leurs territoires dès le 4 août 1889, et le consul
anglais aux îles Comores «les a inscrits sur la liste des monarques éclairés et civilisé8.>
Le transport du vapeur la Bonne Nouvelle, destiné au Tanganyika, s'est fait
heureusement de Quilimane au lac Nyassa. M. Roxburgh, qui dirige cette opéra-
tion, espère qu'avant la fin de l'année il aura traversé le plateau qui sépare les
deux lacs, et que le steamer pourra être remonté promptement par le capitaine
Hore et ses collègues de la Société des missions de Londres.
Le gouvernement britannique a nommé le capitaine Foot comme consul dans la
région du Nyassa et des autres lacs, pour supprimer la traite et développer la
civilisation et le commerce dans l'Afrique centrale; il sera secondé dans ces fonc-
tions par le commandant C.-E. Gissing, en qualité de vice-consul.
La « Castle Mail Packets Company, » qui vient d'établir une ligne de vapeurs
de Lisbonne à Mozambique, a décidé d'en créer en outre une directe de Maurice
à Algoa-Bay, ot un steamer prendra mensuellement la malle apportée d'Europe.
Ce service alternant avec celui des Messageries maritimes pour Maurice, cette
Ile recevra désormais les dépêches d'Europe tous les quinze jours.
Une députation du Volksraad du Transvaal, composée de MM. Krûger, Dutoit
et Smit, a quitté Pretoria et vient en Angleterre pour négocier la revision de la
Convention.
Un rapprochement s'est produit au Lessouto entre deux des fils de Molapo et
Jonathan, demeuré fidèle au gouvernement colonial. Ce fait hâtera le rétablisse-
ment de la paix dans le district de Léribé, jusqu'ici un des plus éprouvés par la
guerre civile. M. Coillard et ses compagnons de voyage partiront pour le Zambèze
le 5 décembre.
Un gisement de houille important a été découvert à 30 kilom. au nord-ouest de
Natal. On en a aussi trouvé de très bonne qualité à 7 kilom. de Bethulie, dans
l'Etat libre du fleuve Orange.
— 311 —
D'après une lettre du missionnftîre Bam, de Béthanie, M. Vogelsang, chef de
l'expédition allemande à Angra-Pequena, a promis de s'abstenir, ainsi que ses
agents, de l'importation de spiritueux dans le pays des Namaquas. Ils s'efforceront
d'apprendre aux indigènes à faire un commerce honnête et à entreprendre toutes
sortes de travaux pour pouvoir gagner quelque chose.
Le Comité national allemand ne pouvant fournir les 376,000 francs nécessaires
à la nouvelle expédition du lieutenant Wissmann, le roi des Belges a offert de
défrayer de ses propres deniers toutes les dépenses de ce voyage d'exploration.
Trois missionnaires français, et quelques frères exerçant des métiers manuels, se
sont rendus à Stanley-Pool pour y établir une mission. L'abbé Guyot, qui avait été
chargé par Mgr. Lavigerie de l'exploration des rives du Haut Congo pour y fonder
des stations, s'est noyé dans le fleuve, avec le lieutenant Janssen, en revenant de
la Wabouma où ils étaient allés créer, celui-ci une station pour le Comité d'études,
et le premier une mission. Leur canot était monté par onze Zanzibarites, dont
huit ont été noyés.
D'après un télégramme de Madère, les Français ont pris possession d'El-Obey,
île située à environ 50 kilom. de leurs établissements du Gabon. Ils ont l'intention
d'en créer au Vieux Calabar.
Malgré les difficultés qu'a rencontrées l'expédition Rogozinski, plusieurs de ses
membres ont réussi à s'établir dans la région du Cameroon, sur la petite île Mon-
dola, à quelques centaines de mètres de la terre ferme. Le climat en est plus
salubre que celui de Victoria.
Le Comité des missions de l'Église presbytérienne unie d'Ecosse fait construire,
pour ses stations sur le Vieux Calabar, un steamer en acier, dont la direction sera
confiée à M. Ludwig, ingénieur suisse, parti récemment pour cette région.
La guerre des Achantis s'est terminée par la victoire de Mensah sur l'ancien roi
Coffee Ealkali, mais un nouveau candidat au trône a fait son apparition en la
persoime de Quacoa-Duah, ûeveu du roi défunt du même nom.
Le D' Bayol a été nommé lieutenant-gouverneur du Sénégal.
ELMINA
Ebnina est située dans cette partie de la côte occidentale d'Afrique
qui, à partir du Cap des Palmes, par 5'' environ de latitude N., prend une
direction générale vers Test, parallèlement à TÉquateur, et forme le côté
nord du golfe de Guinée, dont la limite inférieure est marquée par le
cap Lopez ; elle appartient à la Côte d'Or. C'est àElmina que conunence
la région dite « montueuse » qui s'étend jusqu'à la rivière Yolta et qui,
par la constitution de son sol, est plus favorable aux Européens que la
région dite « palustre » qui s'étend entre le Volta et les embouchures du
Niger, et oti les émanations fébrigènes de la lagune sont mortelles.
— 312 —
Elmina est le premier établissement européen créé sur la c6te de
Guinée par les Portugais qui, en 1481, sous le règne dé Jean n, y con-
struisirent un fort.n tomba en 1637 au pouvoir des Hollandais, auxquels
il fat définitivement cédé en 1641 par la couronne de Portugal.
La légende indigène raconte que les Hollandais forent accueillis comme
de généreux amis, comme des libérateurs, et l'on rapporte que les Afri-
cains eurent vite connaissance de l'accueQ fait à leurs nouveaux protec-
teurs par un roi de Ceylan : « Venez, disait-il, venez et bâtissez des
forts dans mon île; moi, ma femme et mes enfants, s'il le faut, nous vous
porterons les pierres et nous broierons le mœrtier. » La haine contre les
Portugais était donc aussi grande en Afrique que dans les Indes* Mais
comment ces paroles d'un roi asiatique étaient-elles arrivées de l'autre
côté du continent africain ?
De même que toutes les villes indigènes qui ont subi l'occupation euro-
péenne, Elmina a vu son nom changer bien des fois : Mina d'abord, puis
Saint-Georges de la Mina, quand le fort y eut été construit ; enfin
Elmina ^ Ce dernier nom est encore peu connu des indigènes de l'inté-
rieur qui continuent, ainsi que les natife du pays, à appeler leur ville
Aidna.
A l'époque de l'occupation européenne, Elmina faisait partie du
royaume des Achantis ; pendant l'occupation portugaise, de même que
pendant l'occupation hollandaise, le roi des Achantis reçut un tribut
annuel comme compensation du territoh'e qu'on lui avait enlevé. Depuis
que les Anglais occupent cette portion de la côte, ils ont cessé de payer
ce tribut.
La population d'Elmina qui se souvient de son origine, professe une
antipathie innée contre les Anglais ; tant qu'elle est restée au pouvoir
des Hollandais, elle s'est considérée comme n'ayant point cessé de (aire
partie de la mère patrie. Aujourd'hui qu'elle est soumise à la loi anglaise,
elle enveloppe dans une même réprobation les Anglais, qu'elle considère
comme des usurpateurs, etlesFantis qui ont courbé l'échiné devant leurs
conquérants.
Elmina a environ 15,000 habitants, dont une grande partie proviennent
de l'Achanti. Ils appartiennent à la race noire, mais n'ont pas du tout
les traits qui caractérisent spécialement cette race. Ils ont le nez régu-
lier ; leurs yeux allongés appellent assez ceux des descendants de la race
caucasique ; enfin leurs lèvres n'ont pas cette exubérance qui donne
^ Elmina, en langage fanti signifie « bleu ».
— 313 —
surtout un cachet de laideur aux noirs en général. U y a beaucoup de
mulâtres issus d'unions contractées par les Hollandais, mais cette race
disparaîtra bientôt, aucun Européen ne s'étant allié depuis Toccupation
anglaise à des familles du pays.
Les che& indigènes d'Elmina sont au nombre de six ; leurs fonctions
sont bien restreintes pour ne pas dire nulles ; elles se bornent à régler
les palabres que les indigènes ont entre eux et qui ne relèvent pas du
domaine de la justice ; là oîi leur rôle est le plus sérieux, c'est dans les
fêtes ou dans les relations avec les fétiches.
Le gouvernement anglais entretient à Elmina une garnison composée
de 150 Haoussas. Le recrutement de cette troupe se fait sur le Haut
Niger, et le chef qui la fournit reçoit du gouvernement britannique une
somme annuelle assez élevée. Ces Haoussas sont mahométans ; ils habi-
tent un village parfaitement distinct du reste de l'agglomération , séparé
d'eUe par les mœurs autant que par l'antipathie dont on les entoure,
antipathie bien motivée par les abus dont ils se rendent coupables et par
le peu d'honorabilité qu'on leur attribue généralement. Ils font, ou
doivent faire, la police de la ville et gardent les prisonniers internés dans
la vieille forteresse de San-Jago, située sur une petite colline dominant
la ville. C'est la prison principale de la colonie, servant en même temps
de maison centrale et de bagne. La potence y est souvent dressée. Les
prisonniers pour simples délits descendent chaque matin, sous la garde
de Haoussas, pour balayer les rues principales, l'hôpital, le château, et
pour chercher la nourriture de leurs codétenus ; ils sont enchaînés deux
à deux. Quelques évasions ont eu lieu de cette maison de détention; il me
paraît impossible qu'elles aient pu arriver sans la participation non pas
d'un, mais de plusieurs gardiens. Aurais-je plus de confiance dans les
détenus que dans leurs surveillants? Je suis souvent à me le demander,
lorsque je considère attentivement les uns et les autres.
Cape-Coast est mieux partagée sous le rapport de la garnison, elle a '
au moins de vrais soldats, propres et disciplinés, appartenant au 2°'* régi-
ment West-Indian (régiment des Antilles).
La ville est généralement assez bien bâtie, les rues spacieuses sont
ordinairement ombragées par de superbes pabniers ou d'autres arbres
habitués au climat équatoriaL On peut la diviser en quatre quartiers.
D'abord le quartier dit européen, oii l'on rencontre les marchands prin-
cipaux, et soi-disant un hôtel, où les capitaines de navires américains se
reposent quand ils viennent à terre. Ce quartier renferme quelques mai-
sons construites par les Hollandais ; elles ont généralement une véranda
— 314 —
et sont disposées de façon à profiter de chaque moment de brise, pour
que les habitants n'aient pas trop à souffrir de la chaleur. C'est donc le
beau quartier. En second lieu» le quartier dit de Java, véritable petite
colonie où habitent les noirs retraités par le gouvernement de la Hol-
lande. Cette nation recrutait sur la Côte d'Or ses meilleurs soldats pour
les colonies, et principalement pendant la guerre d'Atchin elle eut à se
louer de leurs bons services. La majeure partie de ces retraités arrivant
de Sumatra, et il en arrive tous les jours, se retirent à Elmina' ; ils for-
ment une véritable agglomération, ayant son chef qui prévient le consul
de tout ce qui lui paraît louche, Tinforme des décès, des disputes, des
vols, etc.; bref, cette petite cité conserve une certaine discipline mili-
taire, et vit suivant les habitudes contractées hors du pays. Le quartier
indigène proprement dit occupe une immense étendue ; il entoure pour
ainsi dire les deux quartiers susmentionnés. Vient enfin le quartier
habité par les Haoussas et dont j'ai parlé précédemment.
A l'exception des quelques maisons construites par les Hollandais,
toutes les habitations sont faites de la même manière. Des briques
séchées au soleil et delà dimension de 0", 25 de longueur, 0", 15 d'épais-
seur et de largeur, forment le gros de la construction ; des bambous ou
d'autres grosses branches sont disposés de façon à recevoir la toiture qui
consiste en herbe de Guinée. Sans cette toiture, qui est réellement
affi^use, les maisons, généralement bien blanchies à la chaux, seraient
d'un joli aspect. Inutile de dire que l'on ne tait jamais de feu dans l'inté-
rieur des maisons, ou du moins bien rarement^ quand le temps ne permet
absolument pas de se servir du trépied, en terre ou en pierre, placé devaot
chaque maison et oU la ménagère fait cuire son /o?i-/ou. Si ce n'était
pour fiiire cuire ce mets favori, ce feu serait je crois bien inutUe ; je ne
l'ai vu servir ici qu'à cet usage culinaire.
La fabrication du fou-fou, nécessite beaucoup de temps et de patience.
Elle consiste à broyer d'abord sur une pierre, par le frottement d'une
autre pierre, une certaine quantité de piment (moko). Ce piment réduit
en morceaux très petits est mis dans un plat en fer, avec les légumes dont
on dispose et qui sont, pour le pays, une sorte de tomate ressemblant
assez à celle de France, des oignons et une espèce de concombre exces-
sivement mou. Si le bouillon doit être fait avec de l'huile de palme, d'ara-
chides ou simplement avec de l'eau, on verse l'un ou l'autre de ces
liquides, et l'on place sur le feu. On coupe alors en morceaux, soit un
' Le motif en est que le consul hollandais, chargé du payement de leur pen-
sion de retraite, réside en cette ville.
— 315 —
poulet, soit de la viande, soit encore du poisson, et on laisse cuire à petit
feu le tout ensemble jusqu'à ce queTélément substantiel du bouillon soit
bien cuit. Pendant cette cuisson, qui .dure généralement une bonne
heure, on prend des plantains ou des ignames préalablement soumis à
rébuUition, et on se prépare à en faire le fou-fou proprement dit. Deux
femmes y travaillent, Tune pilant dans un mortier en bois creusé dans
un arbre, avec un pilon de l'",50, de hauteur, l'autre ramenant sans cesse
la pâte sous le pilon en plongeant de minute en minute sa main dans
Teau fraîche, pour empêcher la pâte d'adhérer aux parois du mortier.
Cette opération dure au moins une demi-heure. La pâte préparée, on lui
donne la forme d'un gros œuf d'autruche, et chacun se sert, en arrosant
cette dite pâte du bouillon qui vient d'être préparé. Aucun métal ne doit
être employé dans les apprêts de ce mets national, et j'avoue que, m'étant
mis quelquefois à le manger à la méthode indigène, j'y ai réellement
reconnu une saveur particulière qui n'existe pas quand on se sert d'une
cuiUer. Quoi qu'il en soit, je ne recommande pas le fou-fou aux estomacs
délicats, ni aux gosiers faits aux sucreries. Leur désillusion serait trop
grande, car pour manger un bon fou-fou il faut avoir un palais d'acier»
Tel est le plat qui sert de base à tout repas, et souvent même fait seul
les frais du repas. Quand j'aurai cité le dakotm et les poissons séchés
au soleil, j'aurai mentionné tous les éléments de la nourriture indigène»
Le dakoun est le pain des noirs. Sa préparation est simple : des graines
de mais bien blanchies, ébouillies et ensuite écrasées entre deux pier-
res, puis pétries. La pâte en est très blanche. Les femmes qui s'emploient
à cette préparation ne se trompent pas dans le poids de leur pain ; elles
le mesurent en prenant autant de pâte que les deux mains peuvent en
contenir ; le paquet est entouré de feuilles et le tout sèche petit à petit
sans aucune cuisson.
Les indigènes mangent en outre d'énormes escargots qui, pendant les
pluies, habitent sur les plus hauts arbres des forêts, et en descendent à
la belle saison. Ils en font également sécher pour la mauvaise saison.
Cet aliment n'est que secondaire et forme pour ainsi dire un plat extra.
L'Européen qui ne peut s'habituer à la nourriture indigène en est
réduit à vivre chaque jour de poulet, et quelquefois de mauvais mouton
ou de chèvre. S'il veut s'affranchir de ce régnne et consommer les nom-
breux aliments importés en conserves, il est bientôt malade et forcé de
rentrer en Europe.
L'année se divise en deux saisons principales, la saison sèche et la
saison pluvieuse ; la première, de novembre à mai, la seconde, de mai à.
— 316 —
novembre. Pourtant, vers la fin de juillet, les grandes pluies peuvent être
considérées comme finies ; à cette époque commence la saison des smoks
ou brouillards, qui est des plus malsaines. De grands coups de vent,
nommés tornades, se font sentir en mars, avril et mai. Un vent du
désert, appelé harmattan, souffle parfois dans le mois de décembre, et
dure quatre ou cinq^ jours de suite ; il vient du nord ou de Test-nord-
est. La température est très élevée, sans atteindre pourtant celle de
Cape-Coast ; la moyenne de la saison sèche est de 32° ; celle de la sai-
son pluvieuse de 29° *. Les nuits sont très fraîches. La température élevée
coïncide avec une humidité excessive.
Elmina reste néanmoins un des points les plus salubres du golfe de
Guinée. Les Européens y sont exposés-, en toute saison, aux fièvres
paludéennes et à la dysenterie qui est la maladie la plus meurtrière. Il
est bon de prévenir les accès de fièvre en prenant de temps à autre un
peu de quinine. Mon premier accès de fièvre a été provoqué par les dou-
leurs que me causait une crise rhumatismale, dont j'ai eu beaucoup à
soufirir pendant la saison pluvieuse, malgré toutes les précautions prises
pour éviter la grande humidité.
Les indigènes eux-mêmes sont souvent atteints de fièvre intermit-
tente, de dysenterie et de variole ; cette dernière maladie leur laisse
généralement une inflammation des yeux et souvent les rend aveugles.
La gale n'est pas rare, mais on n'y fait pas attention.
Les indigènes comme les Européens sont sujets à une maladie assez
bizarre. Un insecte très petit, appelé giger par les Anglais, et connu
des matelots français sous le nom de chique, pénètre entre chair et peau
et y dépose des œufe. Si l'on ne s'en aperçoit pas immédiatement, ces
oBufe éclosent et les insectes pénètrent plus avant. Beaucoup d'indigè-
nes restent estropiés par manque de soins. Dès que l'on sent, surtout
aux pieds, une démangeaison, il faut se hâter de regarder, et avec une
aiguille on sort aisément l'insecte : par une pression un peu forte les
œufs sortent, la plaie est bien lavée et l'on en est quitte pour une légère
soufirance.
Le service médical laisse beaucoup à désirer. Un docteur de l'armée
anglaise indigène, assisté d^un médecin indigène, est chargé du service de
l'hôpital colonial. Quand on est admis dans cet hôpital il faut pourvoir à
sa nourriture. Cet hôpital manque de tout.
1 La température, à la saison pluvieuse, varie dans les appartements de 27**
— 317 —
Je n'ai qu'à me louer des soins qui m'ont été donnés par le docteur
indigène. U m'a soigné avec dévouement. J'ai plus de confiance en lui
qui connaît le pays, le climat, etc., qu'en toute la science, assurément
plus profonde, du médecin anglais, qui passe six mois dans un poste
et six mois dans l'autre, et n'a pas le temps d'étudier assez les conditions
elimatériques du pays.
Le manque absolu de système de vidange ne me paratt pas étranger,
non plus, aux maladies qui régnent parfois h l'état ^idémique. Chaque
jour, à marée basse, les indigènes creusent sur la plage, à 10 mètres
des habitations, de petites fosses dans lesquelles ils déposant leurs ordu-
res. La fosse est recouverte ensuite d'un peu de sable. Cette peine est
bien inutile, car des bandes de porcs, qui errent sur la plage, labourent
le sable en tous sens, et quoiqu'ils ti*ouvent là, ainsi que de nombreux
vautours, leur seule nourriture, ils en laissent jusqu'à la marée haute
des détritus, qui répandent des miasmes assurément peu favorables à
la santé. Habitant une maison sur le bord de la mer, je suis souvent
obligé de me réfugier dans une chambre située de l'autre côté et de
renoncer ainsi à la brise de mer, toigours fraîche mais souvent imprégnée
de ces exhalaisons fétides.
Le gouvernement ne s'est emparé de cette, question que pour nommer
un inspecteur sanitaire, dont les fonctions consistent à empêcher de jeter
ou déposer des ordures dans les rues.
Le fétichisme est pratiqué par les Ve ^^ 1^ population d'Elmina. Les
L'autre partie professe le protestantisme, de la secte wesleyenne.
wesleyens ont de nombreux établissements scolaires et des missions
dans chaque centre important de la côte. Leurs pasteurs sout des natifs
du pays, sous la direction d'un directeur européen qui réside à Accra»
Ils ont beaucoup d'adeptes à Elmina; leur temple est une grande maison
de construction récente, sans aucune particularité.
Des religieux catholiques romains, appartenant aux missions africai-
nes dont le siège est à Lyon, sont venus récemment s'installer à Elmina.
Us font construire, sur une colline à peu de distance de la viUe, les
bâtiments nécessaires au culte et aux écoles. Ils ne sont donc à peine
installés et pourtant déjà ils ont de nombreux élèves. D n'est pas inu*
tile de dire que les classes se font en langue anglaise; comme du reste
dans toutes les écoles. Dans les premiers temps de Touverture de
récole, plusieurs pères de famille, après que leurs enfants eurent passé
plusiears mois à la mission, vinrent demander aux missionnaires une
indemnité pécuniaire, pour le temps soi-disant perdu par ces enfants»
— 318 —
Il fallut discuter longtemps ayant de les persuader qu'ils devraient
plutôt payer eux-mêmes. Ces indigènes savaient pertinemment qu'ils
seraient éconduits, mais ce trait les caractérise : profiter de n'importe
quelle occasion pour avoir 3 ou 6 pence, à convertir généralement en
rhum.
Un dicton populaire français dit a travailler comme un nègre » quand
on veut parler d'un homme travaillant au-dessus de la moyenne. Tra-
vailler comme un nègre d'Elmina voudrait presque dire : faire peu d'ou-
vrage. En effet, les indigènes trouvent leur nourriture sans culture,
n'ont aucun des besoins de nos ouvriers européens, et s'abandonnent à
un dolcefar niente d'où ils ne sortent qu'à de rares intervalles.
Les bateliers forment la partie la plus travailleuse des noirs d'El-
mina ; leur métier est pénible et ils ne sont guère plus rétribués que les
autres ouvriers. Leur salaire est de 1 sh. 6 par jour, plus 3 pence,
somme due à tout individu que l'on emploie et qui lui est donnée le
matin pour l'achat de sa nourriture. Une équipe de bateliers est géné-
ralement composée de 10 rameurs et de leur chef qui tient la barre, pour
les canots de construction européenne. Us emploient une journée pour
aller et revenir d'Elmina à Cape-Coast, avec un chargement complet du
canot. Si leurs services ont été bons, on aUoue h l'équipe une gratifi-
cation de 1 sh. destinée à l'achat de rhum.
Les manœuvres, terrassiers, maçons ou employés à divers titres
comme commissionnaires, porteurs, etc. sont payés 1 sh. par jour. Les
hommes occupés soit à la construction, soit aux travaux agricoles,
fournissent 8 heures de travail, de six heures à dix, et de midi à quatre
heures, mais il travaillent avec mollesse ; il faut leur mâcher la besogne,
être toujours présent et les stimuler au besoin à l'aide d'une canne, si
l'on veut avoir quelque chose de fait à la fin de la journée.
Les boys (domestiques) reçoivent 1 L. st. par mois ; qu'on habite
chez soi ou à Thôtel, il faut en avoir un ou plusieurs. Un cuisinier a la
même solde.
Le boy affecté à mon service personnel a pour mission de faire ma
chambre, d'entretenir et mettre au soleil chaque jour mes vêtements et
mes chaussures, de nettoyer mes armes et de faire quelques commis-
sions. Un autre va puiser de l'eau au Sweet River (6 kil.), chercher les
plats à la cuisine, et aide au premier qui n'a que peu à faire. Un troi-
sième enfin se livre aux travaux les moins agréables, lave la vaisselle,
fait les voyages de la maison à la plage, etc., etc. Enfin tous les trois
servent à table, ou du moins sont présents aux repas. L'un chasse les
— 319 —
mouches, l'autre apporte les plats et le troisième prépare la citronnade
que je bois ordinairement à mes repas, le vin vendu sur la côte n'étant
pas potable.
Un seul boy suffirait largement pour ces différents services, mais il
est d'usage d'en avoir plusieurs. Outre cela, les environs de la maison
sont toujours occupés par quelques enfants, qui s'amusent et ne deman-
dent pas mieux que de trouver une occupation chez un blanc. Mes boys
savent profiter de l'occasion, et je ne les verrais jamais si je n'exigeais
toujours la présence de l'un d'eux en dehors de leur travail.
On passe généralement un traité avec un noir pour être blanchisseur,
et on le paye à raison de 12 sh. par personne et par mois. Je n'ai jamais
eu en France de linge aussi propre ni aussi bien repassé qu'à Elmina.
Les blanchisseurs se servent d'un amidon fabriqué par eux avec du
kassadah (manioc) et d'un liquide, également de leur fabrication, com-
posé de diverses matières et plantes du pays, en guise de savon. Le
liage est d'une blancheur immaculée.
J'espère arriver à. connaître plus tard les divers procédés de fabrica-
tion de ces matières, ainsi que les plantes qui entrent dans leur compo-
sition, mais, comme pour les remèdes locaux dont j'ai reconnu l'effica-
cité, les indigènes tiennent à en conserver les procédés et ce n'est que
par surprise que j'arriverai à un bon résultat, si je ne puis décider un
initié à me divulguer ses secrets.
Quoique abondante à Elmina, la végétation n'y revêt pas cette exu-
bérance si commune h la zone équatoriale ; il faut, d'un côté, parcourir
quelques kilomètres avant de rencontrer des cultures, et de l'autre
traverser la lagune avant de pénétrer dans le busch.
Elmina est à proprement parler une presqu'tle ; d'un côté la mer, de
l'autre une immense lagune oti croissent en nombre immense les palé-
tuviers ; un seul côté, dans la direction de Cape-Coast, est libre ; c'est
aussi le plus étroit. Encore y a-t-il quelques marécages, dernières
limites de la lagune, aux époques de hautes marées. La colline qui
domine Ehnina et qui est entourée de maisons était, il y a peu de temps
habitée par de nombreux tigres ; il y en a peut-être encore, mais ils sont
assurément peu nombreux. >
D'une hauteur moindre que la colline de San-Jago et en face d'elle, à
rextrémité de la ville, est une autre colline, habitée par des alligators
et quelques fauves. Les alligators y ont le voisinage de la lagune et s'y
plaisent beaucoup. Me promenant un jour avec un missionnaire, nous
en flmes fuir un dans le bush. D pouvait avoir, d'une extrémité à l'autre,
— 320 —
environ 3 mètres 50. Nous pûmes suivre sa trace dans la broussaille,
car, écrasant tout sur son passage dans*une fuite désordonnée, il y avait
ouvert un véritable chemin. Malheureusement nous n'avions pas d'armes.
De grandes quantités de serpents habitent cette colline, oti il n'est pas
prudent de s'aventura saos de longues bottes. La chasse y est impos-
sible, en raison des fourrés impénétrables dont elle est couverte.
A peine sorti d'Elmina on trouve des champs de mais, du côté d'Ab-
sim d'immenses champs de cannes à sucre, et partout des patates, igna-
mes, tomates et piments. Comme fruits, les ananas, les bananes, les
mangos, les cocos, les citrons croissent en abondance. A quelques milles
dans l'intérieur on rencontre quelques troupeaux de buffles, dont la
chasse est excessivement difficile ; mais on peut se rattraper sur les
tigres, les singes, les cerfe qui foisonnent. Q y a beaucoup d'oiseaux au
plumage multicolore, des perroquets, des toucans, des aigles, etc., etc.
La race des reptiles est largement représentée, depuis le serpent minus-
cule jusqu'au gigantesque boa. Le R. Père Moreau tua récemment, à
20 minutes de la ville, le plus beau de ces animaux. qu'il m'ait été donné
de voir. 11 mesurait 6"50 environ. D'immenses forêts se trouvent à peu
de distance d'Elmina. Les arbres y atteignent de gigantesques propor-
tions^ entre autres l'arbre h pain, l'odum, le teek, le coussiawa. Le
caoutchouquier y crott en abondance. Ces forêts sont peuplées d'une
grande quantité de fauves. Les fougères arborescentes y ont des dimen-
sions incroyables.
Dans la ville d'Elmina, les vautours sont assurément les agents les plus
acti& de la voirie ; ils pullulent et sont si peu sauvages qu'il hxA sou-
vent leur donner un coup de pied pour pouvoir suivre sa route ; ils ne se
dérangent pas. Les indigènes ne leur font aucun mal, et dans l'intérieur,
en pays achonti, par exemple, il est défendu, sous les peines les plus
sévères, de les détruire. Ce sont eux, en effet, qui se chargent de &ire
disparaître les cadavres souvent si nombreux, des victimes des sacrifices
humains.
Dons une excursion à Porto-Novo, j'ai vu les corp& de deux noirs à
qui on avait coupé la tète, dévorés en deux heures par une bande afin-
mée de ces animaux voraces. Us étaient une centaine environ, aecrai-
pagnés de quelques corbeaux. Les uns et les autres sont des animaux
fétiches.
Une différence bien grande existe dans la mani^^ de se vêtir, entre
les habitants de la Côte d'Or et ceux des côtes voisines.
En effBt, le costume des naturels de la Côte d'Ivoire, par exemple, est
— 321 —
tellement primitif qu'il en devient indescriptible ; il ne consiste pour les
hommes qu'en un chapeau, de préférence haut de forme, ou, suivant
leurs moyens, d'un couvre-chef quelconque, duquel ils n'auraient garde
d'enlever l'étiquette en carton, généralement suspendue à un fil assez
long et oii le prix était marqué. Cette étiquette est considérée comme
un ornement faisant partie intégrante du chapeau. D n'est pas rare de
voir un naturel ayant toute sa garde-robe sur la tête, c'est-à-dire deux
et même trois chapeaux les uns dans les autres.
A Elmina, les enfants seulement portent, jusqu'à l'âge de 7 ou 8 ans,
le costume de nos premiers parents. A partir de cet âge ils prennent le
pagne. Ce vêtement, porté uniformément parles hommes et par les fem-
mes, consiste en une pièce d'étoffe, d'une longueur ordinaire de 4 à 5
mètres et d'une largeur de l^Tô à 2 mètres, dont ils se drapent à la
manière antique. Ce vêtement est plus ou moins riche ; quelques chefs
ont des pagnes soit en velours, soit en soie, brodés d'or ou d'argent,
d'une assez grande valeur. Pour vaquer à leurs travaux comme pour
rester chez eux, les individus des deux sexes portent simplement un mor-
ceau d'étoffe enroulé à la ceinture. Les femmes portent toutes des col-
liers et des bagues ; elles ont en outre, dès le bas âge, une ceinture de
perles qu'elles portent à nu et à laquelle les hanches servent de support ;
à cette ceinture est fixée, par derrière, un rouleau d'étoffe qui ressem-
ble assez à ce que nos compatriotes du beau sexe appellent tournure ;
Tusage en est plus pratique chez les femmes indigènes, car il sert de
point d'appui aux enfants qui sont portés sur le dos ; il empêche aussi le
pagne de coller au corps. Elles portent un bracelet en perles et ont un
ornement pareil au-dessous des genoux. Leurs cheveux sont générale-
ment ramenés sur le sommet de la tête. Hommes et femmes sont propres
et tiennent leurs enfants d'une manière convenable. Les hommes fument
la pipe dès leur jeunesse, et les femmes font également usa-ge du brûle-
gueule àè8 qu'eUes arrivent à un âge mûr; quand elles n'ont pas la pipe
à la bouche, elles mâchent une sorte de racine d'arbre qui a une certaine
amertume. Dans une réunion, on ne possède souvent qu'une seule pipe,
mais on se la passe de l'un à l'autre, et eUe revient à son propriétaire
lorsqu'on se sépare. Chaque famille possède, en plus ou moins grande
quantité, des bijoux en or; lors d'une cérémonie quelconque, chacun les
prête à la personne fêtée, qui se promène alors dans toutes les rues de
la ville, chargée d'un poids d'or considérable, ressemblant à une vérita-
ble châsse, et suivie de nombreuses femmes qui chantent en l'accompa-
gnant, frappant dans leurs mains pendant tout le temps de la prome-
— 322 —
nade. Ces cérémonies n'ont lieu que pour les femmes, mais à tout pro-
pos : à la nubilité, avant et après le mariage, & la naissance d'un enfsiit,
après un veuvage ou à la guérison d'une maladie grave.
Un service régulier de navigation relie la côte occidentale d'Afrî<iiie
avec l'Angleterre. Un départ a lieu de Liverpool le samedi de chaque
semaine ; la British and Âfrican steamsfaip C"" et l'African steamship
C** assurent ce service, alternant entre elles pour les steamers. La dis-
tance est de 6000 kilomètres d'Elmina à Liverpool, et le trajets'effeetue
en une moyenne de 24 & 25 jours. Il est bon de dire, pour expliquer la lon-
gueur de la traversée, que les escales sont nombreuses : Madère, Téné-
riffe, Canaries, Gorée, Batiiurst, Sierra-Léone, Cape Palmas, les Jack-
Jack, Grand-Bassam, Âssinie et Axim. Suivant l'heure de leur passage
devant Elmina, les steamers s'y arrêtent ou continuent jusqu'à Cape-
Coast. Le courrier est alors porté de cette ville à Elmina, où la distribu-
tion est £Eiite en dépit du bon sens. J'ai reçu des lettres du même cour-
rier en 4 et 5 distributions, le lendemain, le surlendemain même de leur
arrivée ; des lettres pour Elmina ont séjourné 47 jours dans les casiers
du bureau de poste de Cape-Coast sans être apportées à leurs destina-
taires. Réclamations interdites !
A destination d'Angleterre, les steamers ne s'arrêtent à Elmina que si
l'agent de Cape-Coast prévient le capitaine qu'U y a des passagers ou
des marchandises h y prendre.
Le service postal a lieu deux fois par semaine pour Cape-Coast, le mer-
credi et le samedi soir.
Le seul moyen de transport est l'homme. Tout fardeau se porte sur la
tête, quelle que soit la distance à parcourir; le poids peut aller jusqu'à
45 ou 50 kilogrammes. L'indigène n'a aucune force dans les bras, mais,
une fois son fardeau sur la tête, il part gatment! et ne semble pas s'aper-
cevoir de ce qu'il porte.
C'est ainsi que, par tous les temps, les femmes généralement employées
à cette corvée ou les boys partent au point du jour, avec une énorme
calebasse sur la tête, pour chercher l'eau près d'Absim, village situé à
quelques kilomètres d'Elmina et où passe le Sweet-River. Ils sont de
retour sans qu'une goutte d'eau soit tombée de leurs récipients, remplis
consciencieusement jusqu'au bord.
Pour les longues courses ou excursions on se sert du hamac ; cebii-ci
est assujetti à un énorme bambou, qui sert de point d'appui aune toiture
protectrice contre les ardeurs du soleil. Aux extrémités est fixée une
planchette, sous laquelle deux hommes peuvent placer la tête recouverte
. — 323 —
d^n morceau d'étoffe ou d'une sorte de petit coussin. Il est bon de choi-
sir pour porteurs deux homtnes assez grands qui se mettent à rarrière,
tandis que deux plus petits marchent à l'avant. La iSatigue est moins
grande que si des individus de même taille vous portaient horizonta-
lement.
On se sert de canots soit pour aller à Cape-Coast chercher les caisses
trop lourdes pour être portées par un homme, soit encore pour se rendre
à Chamah, Dixcove ou Secondée, villages importants du littoral où il se
fait quelque commerce avec Ebnina.
Les possessions portugaises de la côte occidentale d'Afrique acquirent»
vers l'année 1 520, un grand intérêt commercial par le trafic des esclaves ;
on peut faire remonter à cette époque l'établi^ement des villes princi-
pales de la côte de Guinée et aussi la prospérité d'Elmina. Jusqu'au
jour où cette vUle appartint définitivement à l'Angleterre, et où le pro-
tectorat de cette nation s'étendit jusqu'au Prah, les navires américains
fréquentaient le port en grand nombre, et les Hollandais même y faisaient
un grand commerce. Mais tout est bien changé ; les impôts qui frappent
l'entrée des marchandises ont en grande partie détruit le commerce et
l'Achanti ne s'approvisionne plus à Ebnina. On n'apporte même plus
autant de marchandises de rintérieur,et il faudra donner une impulsion
bien grande si l'on veut voir le commerce prendre un nouvel essor.
Les principaux articles dont on peut faire le commerce avec l'Europe
sont : l'huile de pahne, les amandes de palme, l'ivoire, la gomme, le
beurre végétal, les peaux de tigres et de singes, les arachides, le bois 4e
campéche, le gingembre, etc. Je ne parle pas de l'or dont on pourrait,
avec de grands capitaux, faire le commerce le plus productif.
Les articles importés et dont la consommation est la plus importante
consistent en lainages, étoffes à bon marché pour pagnes, fiisUs,poudrey
bleu d'outre-mer, rhum, tabac en feuilles, articles de quincaillerie, fer-
ronnerie, métaux bruts et ouvrés, porcelaines, faïences, bois de con-
struction, horloges (coucous), parfumerie, plats de cuivre, pipes, riz, bis-
cuits, ainsi que les provisions et liquides de consommation usuelle.
Quelques brimborions dits articles de Paris, tels que byouterie (doublé
or), instruments de musique à bon marché, jouets d'enfants, etc., se
veodent en petite quantité. Enfin, toute chose dont le prix est abordable
pour la bourse, généralement peu garnie, des indigènes, est d'une vente
certaine, car ce sont tous de grands enfants, envieux de tout ce qu'ils
voient. Ils vont même plus loin ; s'ils ne peuvent acheter , ils viennent
sans hésiter demander qu'on leur fasse cadeau de la chose qui excite
— 324 — ,
leur convoitise. Pour demander, Taplomb ne leur manque pas. Je dois
dire aussi que souvent ils s'approprient volontiers sans autres formes ce
qu'ils désirent ; aussi doit-on regarder les mains d'un client bien plus que
sa figure, car en toute circonstance elle reste impassible et ne risque pas
de le trahir.
L'industrie n'a pas de représentants à Elmina. Seuls quelques Âchan-
tis y travaillent l'or ; leur habileté est remarquable ; avec des outils
primitifs ils fabriquent des bagues et des colliers très jolis ; en leur don-
nant un modèle on peut-être certain qu'ils le reproduiront exactement.
Quelques autres Âchantis travaillent habilement dans d'autres petits
métiers ; ils brodent avec goût les pagnes des habitants riches, font des
sandales ; quelques-uns travaillent le fer avec assez d'habileté.
A leurs moments perdus, les Haoussas travaillent à la confection de
nattes, qui rappellent celles de provenance marocaine ou algérienne.
A peu de distance d'Elmina sont les mines d'or de Tacqua, exploitées
par une compagnie française ; les difficultés que rencontre le transport du
matériel nécessaire à l'exploitation, de la côte à destination, fait que le
rendement n'est pas aussi productif qu'il pourrait l'être. Néanmoins les
résultats sont meilleurs de jour en jour, et, grâce à l'habileté et à l'expé-
rience du directeur de la compagnie, M. Vérillon, ces mines ne peuvent
que prospérer.
J'aurais beaucoup à dire si je voulais apprécier, à tous les points de vue,
ce qu'il y a à faire pour ramener le commerce achanti sur la Côte d'Or.
Mes tentatives personnelles auront-elles un bon résultat ? Je l'ignore,
mais elles tendront toutes à diriger ce commerce sur les deux petites
colonies inomentanèment françaises, de Grand-Bassam et d'Assinie,
qui doivent devenir les marchés d'approvisionnement du peuple achanti.
Le chef-lieu de la colonie est Accra. Je ne parle de Cape-Coast que
comme vUle de garnison, siège des représentants des compagnies de
navigation, résidence des autorités judiciaires du Western district, et
des principaux trafiquants de la contrée.
Malgré le peu d'améliorations que le gouvernement y apporte,
Ehnina est forcément appelée tôt ou tard h, un bel avenir, si le conmierce
de l'intérieur n'en est pas détourné. Sa position géographique et topo-
graphique en feront peut-être, dans un délai plus ou moins long, le chef-
lieu de la colonie. Elmina doit efiacar Cape-Goast. Son climat est plus
sain, ses productions plus nombreuses, son port plus sûr. Il est possible
en tout temps d'y débarquer les marchandises d'un navire, tandis qu'à
Cape-Coast il faut souvent attendre deux et même trois jours avant de
— 325 —
pouvoir aborder à la côte.Toutes ces considérations doivent donc, avec le
temps, attirer à Elmina les Européens qui trafiquent à Cape-Coast et qui
n'ont, en raison de la distance qui sépare ces deux localités (12 kilom.)»
aucune raison pour habiter un endroit de préférence à Tautre.
L'Angleterre possède la majeure partie de ces côtes qui avoisinent lei^
plus riches contrées. Elle vient encore de s'annexer le pays situé entre
la colonie de Sherbro et la République de Libéria (avril 1883). Ce terri-
toire comprend les embouchures des grandes rivières Gallinas, Dibbeah,
Shymah et autres ; le commerce des pays de Gondo et de Veys va bien-
tôt se détourner de Monrovia pour aller à Sougary, à Bobertsport et k
Gallinas, où des comptoirs vont s'établir. Voilà donc la domination
anglaise étendue sans discontinuité de Sierra-Léone aux frontières nord
de Libéria. Cet état de choses effraye celui qui habite la côte d'Afri-
que et qui voit comment les choses s'y passent. J'ai longtemps mûri le
projet de me fixer sur un point de la côte, encore indépendant à l'heure
actuelle; j'y ai complètement renoncé, quand j'ai eu connaisance des
agissements d'envoyés anglais qui, avec la patience qui les caractérise
et un peu de ruse, arriveront à faire mettre cette contrée sous le protec-
torat de leur nation, et au besoin pousseront jusqu'à l'annexion. Il n'y
a que le premier pas qui coûte.
Le cabinet de Saint James est notre maftre en matière coloniale et il
n'en coûterait pas beaucoup de suivre quelque peu ses principes, ne
fût-ce que par amour-propre national.
Les vues d'un pauvre explorateur sont plus étroites assurément que
celles de nos gouvernants, mais ses appréciations sont sincères, et,
rêvant rextenaion du domaine colonial de sa patrie et la prospérité
de son commerce, il serait largement récompensé s'il voyait son idéal
commencer à se réaliser.
J'appliquerai donc à la côte occidentale d'Afrique, si nous devons
rester simples spectateurs de la prospérité de l'Angleterre, ce que
M. Sutil, ingénieur français résidant au Fezzan, proposait au gouverne-
ment du roi Louis-Philippe pour le Sahara :
a D'établir des consulats français, comme devant permettre à la
« France de faire pénétrer dans ces contrées inconnues des germes de
« civilisation, d'ouvrir un vaste et riche champ aux explorations des
a savants, et enfin de donner à notre conunerce d'immenses débou-
a chés. »
Le mouvement colonial a pris en France une extension indéniable, et
les hommes ne manquent pas qui sont prêts à affronter les fatigues, les
— 326 —
privatiouB, les déboires, les souffranoes physiques et morales, ainsi que
les dangers de toute sorte qui doivent surgir au début. C'est un devair
pour notre pajs d'utiliser ces dévouements.
Je ne puis mieux terminer qu'en citant ces paroles de Paul SoleiUet,
qui a consacré sa vie aux explorations afrieatnes : « Nous devons rem-
<( plir TAfirique, oti il ne peut plus y avoir de vraie gloire militaire pour
<( une puissance européenne, non du bruit de nos annes, mais des
« œuvres vivantes de notre génie civilisateur. »
Elmina, le 7 juin 1883.
J. Prost.
BIBLIOGRAPHIE '
Notes sub MADAiOAscAB, par Laurent Orémazy, conseiller à la cour
d'appel de la Réunion. Paris (Berger-Levrault et Œ*)^ 1^83, in-8*,
25 pages. — Cette étude, qui a déjà paru dans la Beviut maritime et
coloniale, est surtout destinée aux marins ; écrite dès lors d'un style
sobre et substantiel, elle n'est pas d'une lecture &cile. L'auteur par-
court la côte de la grande île, de Bombétok (Bembatouka) au N.-O., à
Mahanaro (Manourou) à l'est, en passant par le sud, et s'arrête devant
chaque mouillage, dont il indique les avantages et les inconvénients. Il
constate que le rivage occidental de Madagascar ne présente qu'un petit
nombre de ports accessibles aux gros navires, et qu'il est, en revanche,
précédé le plus souvent de récifs qui le rendent inabordable. Cette partie
de l'île est habitée par les Sakalaves, dont les chefs ou rQis sont vassaux
des Hovas qui occupent, dans la contrée, un certain nombre de postes
fortifiés. Durement opprimés autrefois par leurs maîtres, les Sakalaves,
qui sont d'ailleurs d'excellents guerriers, relèvent aujourd'hui ia tête,
se sentant soutenus par la France. En ce qui concerne cette puissance,
il paraîtrait, d'après une note de l'auteur, que toute la partie nord-occi-
dentale de Madagascar, de Boina au cap d'Ambre, lui aurait été régu-
lièrement cédée par la reine des Sakalaves, en vertu d'un traité du
17 juillet 1840. C'est sur cette question, bien controversée, on le sait,
que porte, eu partie du moins, le différend entre la France et le gouver-
nement malgache.
. V On peut se procurer à la hbrairie Jules Sandoz, 13, rue du Rh6ne, à Genève,
te«s. les ouvrages dont il est reudu compte àdkViAM Afrique eseplorée et àviUsée,
— 327 —
BuKu Yk TsiKWEMBO T8IHWS NA Tignco TA Hlenoeletako. Lausaïuie,
(G. Bridel), 1883, m-12, 150 p. — Leçonb de sigwamba par le mission-
naire P. Berthoud (autographie d^un caàier d^étudiant). Lausanne,
(impr.*lith. J. Chappuis), 1883, in-4% 46 p. — A mesure que TAfirique
est plus complètement explorée, le nombre des tribus connues augmente,
et aussi celui des langues à mettre par écrit. Les explorateurs peuvent
fournir ^es notices granmiaticales, comme Pont fait Nachtigal pour la
langue ou Baghirmi, Barth pour celles de plusieurs tribus des bords du
lac Tchad, Schweinfurth pour celles desDinkas et des Chillouks du
Hajit-Nil, etc. Quant aux grammaires proprement dites, elles ne peuvent
guère être rédigées que par des missionnaires, qui, résidant pendant de
longues années au milieu des indigènes d'une même tribu, sont mieux
placés pour se rendre compte de toutes les particularités de sa langue
et nous en faire comprendre soit le mécanisme, soit les rapports avec les
autres idiomes de la même famille, ainsi que l'ont fait M. Gasalis, pour
le sécfaouana, MM. Krapf et Steerie, pour le souahéli, etc. Le sigwamba,
dont les deux ouvrages susmentionnés sont les premiers documents
imprimés, appartient à la famille des langues bantoues ; il est parlé
surtout par les Magwambas, au milieu desquels nos compatriotes,
MM. P. BerthcAid et Creux, ont fixé leur résidence dans les Spelonkëh,
au nord du Transvaal. De ces deux ouvrages, le premier renferme plu-
sieurs morceaux de la Bible, traduits, et 53 cantiques composés sur
difiërents rythmes par les missionnaires. Quant au second, c'est la
reproduction des leçons données par M. P. Berthoud aux élèves qui se
préparent à Lausanne à aUer renforcer les stations des Spelonken, et
en créer de nouvelles au milieu de tribus parlant la même langue, car,
d'après le témoignage de M. Laws, de la station de Bandaoué sur le lac
Nyassa, le sigwamba a été porté au delà du Zambèze, sur le plateau qui
s'étend entre les lacs Nyassa et Bangouéolo, et il est compris et parlé
par beaucoup d'indigènes de cette région. M. Cust, auquel nous devons
déjà la classification des langues de l'AMque, nous dira mieux que per-
sonne ce qui caractérise celle-ci entre toutes celles de la même famille.
Ce qui nous a frappé, c'est la richesse des formes verbales et des combi-
naisons propres à exprimer toutes les idées d'un peuple enfant. Sans
doute les mots abstraits lui font défaut, mais nous ne doutons pas
qu^elle ne s'enrichisse sous l'influence des leçons des missionnaires, et
qu^elle ne crée, selon le génie qui lui est propre, tous les termes et toutes
les formes dont elle aura besoin, à mesure que les Magwambas feront
des progrès dans la culture intellectuelle et morale. Nous savons que
»*»
— 328 —
M. Berthoud prépare une œuvre plus considérable sur les langues ban-
toues. Puisse-t-il, au milieu des travaux qu^il va bientôt reprendre aux
Spelonken, la continuer et la mener à bonne fin.
An intehnational pbotectorate of the Congo Riveb, by Sir Tra-
vers Twiss, D. CL.., F. R. S. London, (Pewtress et C% 1883, in-S",
19 p., — Dans le mémoire sur la question du Congo devant l'Institut
de droit international, publié dans notre dernier numéro, MrMojmier
a exposé (p. 288), l'idée particulière développée par M. Travers Twiss
dans la Reime de droit internationaL Nous nous bornons à y renvoyer
nos lecteurs, en ajoutant toutefois que l'auteur, frappé de l'état d'anar-
chie qui règne sur le Congo, et désireux d'empêcher que l'œuvre civili-
satrice européenne n'échoue par le fait de rivalités ou de dissensions
entre les blancs , insiste fortement pour que les nations dont les ressor-
tissants ont des factoreries sur ce fleuve s'entendent, et décident à quelle
loi seront soumis les conmierçants qui y trafiquent, puis devant quelle
juridiction ils seront assignés s'ils enfreignent cette loi. Il montre l'abso-
lue nécessité d'un contrôle international exercé, comme pour le Danube,
par les grandes puissances civilisées. Si l'Europe a hésité jusqu'ici à
appliquer h l'Afrique les principes de liberté proclamés au Congrès de
Vienne en 1815, au sujet de la navigation des fleuves, le moment est
venu de les étendre à ce nouveau continent, tout en tenant compte des
circonstances particulières du Congo. Sans doute l'organisation des indi-
gènes sur les rives du fleuve est encore celle de la tribu ; la souveraineté
territoriale^ dans le sens où elle a remplacé la souveraineté personnelle
en Europe, y est encore inconnue. Cependant la souveraineté personnelle
est reconnue par les trafiquants européens , puisque chaque factorerie
arbore le pavillon de la nation dont elle réclame la protection, quand elle
eA lésée par un chef indigène ou par un marchand d'une autre natio-
nalité. Il y a là un élément d'ordre dont il faut profiter, avant que le
désordre se soit introduit parmi les foules qui, par cette voie, se précipi-
teront au cœur de l'Afrique. Les puissances qui se concerteront pour
établir une convention comme celle du Danube, pourront inviter les
autres à y accéder ; ensemble elles pourront convenir que chaque État
autorisera son commissaire à exercer une juridiction consulaire sur les
sujets de l'État qu'il représentera, aussi bien dans les eaux du Haut
Congo que dans celles du bas fleuve. Un accord international en ce sens
serait digne de la civilisation de notre époque , et pourrait prévenir les
difiicultés inuninentes.
— 329 —
BULLETIN MENSUEL (3 décembre 1883.y
L'atteution du consul général de S. M. britannique à Tripoli a été
attirée sur le fait que, chaque année, des caravanes du Soudan, du Bor-
nou, du Ouadaï et de Timbouctou arrivent en janvier et en février à
Gfaadamès, ou elles amènent de Tivoire, de la soude, du séné, de la
poudre d'or, des plumes d'autruche, des peaux, et aussi des esclaves
des deux sexes. Le consul est chargé de s'enquérir si ces esclaves ne
sont point emmenés par Tripoli vers les ports de la Turquie.
Le capitaine Foot, employé quelque temps au service de la suppres-
sion de la traite à la côte orientale d'Afrique, a envoyé à l'Antislavery
Society un plan industriel, en faveur des «éscslaves libérés en Ef^ypte
et de ceux qui, devenus libres de droit par la mort de leur propriétaire,
demeurent sans asile. D'après un rapport de lord Dufferin, communiqué
au Parlement anglais, sur 8092 esclaves libérés, du mois d'août 1877 au
mois de novembre 1882, il n'y en a eu que 26 employés à l'agriculture et
23 envoyés à l'école; 1626 hommes et 1994 femmes ont pu suivre leurs
goûts particuliers. Le capitaine Foot voudrait que le khédive ftt don, en
faveur des esclaves libérés, d'une zone de terrain arable dans la Basse-
Égjrpte; U y en a suffisamment le long du canal d'eau douce, ne récla-
mant que l'irrigation et la culture pour acquérir la fertilité des autres
parties de l'Egypte. Si le gouvernement du khédive ne veut pas donner
du terrain, une souscription pourra être ouverte pour en acheter. Un
asile y serait établi, comme ferme et école industrielle, sous le contrôle
direct du gouvernement anglais, mais sous la dépendance de l'autorité
égyptienne. Les règlements devraient avoir la sanction du khédive, et
être approuvés par le représentant de S. M. britannique en Egypte.
Chaque année le gouvernement égyptien voterait un subside pour Tentre-
tien de cette réserve en faveur des esclaves libérés, jusqu'à ce que le
représentant anglais juge&t qu'eUe peut se suffire à elle-même. Ceux
d'entre les esclaves libérés qui auraient des aptitudes pour l'agriculture,
seraient établis dans des maisons séparées sur des lots de terre arable ;
s'ils étaient célibataires, on leur permettrait de se marier. Us paieraient
^ lies matières comprises dans nos BulUtins me/mtels et dans les NoumUeê com-
plémentaires y sont classées suivant un ordre géographique constant, partant de
l'Algérie, puis allant à PEst, longeant ensuite la côte orientale du continent et
revenant par la côte occidentale.
l'AFRIQUE. — QUATRIÈME ANKIÊB. — H® 12. 12
— 330 —
uue légère redevance annuelle, comme le font les esclaves libérés de la
mission des Universités, à Zanzibar et à la côte orientale. On enseignerait
le commerce à ceux qui voudraient s'y vouer. On établirait des écoles
pour les deux sexes jusqu'à Tàge de 13 ou 14 ans. Les garçons seraient
astreints à certaios exercices, semblables à ceux qui sont en usage dans
la plupart des écoles anglaises. En outre un bateau-école, organisé selon
des règles analogues à celles des vaisseaux-écoles anglais (English Indus-
trial Trainings Sfaips), serait attaché à Tinstitution. Les esclaves libérés
pourraient devenir chauffeurs, charpentiers, marins, etc. Une école mili-
taire serait établie sur la réserve pour fournir l'armée, la police, les gar-
des consulaires. Quant aux filles, on leur enseignerait la cuisine, le blan-
chissage, les travaux à l'aiguille, et généralement ce qu'ont besoin de
savoir de bonnes servantes. Les esclaves libérés pourraient quitter la
réserve avec la permission de l'autorité.
Mais, pour que les mesures proposées en vue de former les esclaves
libérés h quelque travail utile, et d'une manière générale pour que les
moyens adoptés pour l'abolition de l'esclavage aboutissent, il faudrait
que tous les représentants de^ États civilisés auprès du gouvernement du
khédive, et tous les membres des colonies européennes en Egypte, fus-
sent unanimes à réprouver la barbarie d'une institution qui permet à
l'homme de posséder son semblable à titre de propriété. Or malheureu-
sement, d'après une correspondance particulière du Caire, ce n'est pas le
cas; tels consuls et tels colons européens, appartenant à ce qu'on appelle
la bonne société, sont favorables au maintien de l'esclavage et se moquent
des partisans de l'abolition, fournissant ainsi un appui aux tergiversa-
tions du gouvernement égyptien, qui ne peut se résoudre à faire le
nécessaire pour préparer l'abolition promise dans les traités avec
l'Angleterre.
La cause de la civilisation du Soudan est gravement compromise, par
le massacre du détachement égyptien envoyé de Souakim pour ravitail-
ler les garnisons de Singat et de Tokhar, chargées de garder la route
par laquelle des renforts peuvent être expédiés à Ehartoum. Actuelle-
ment cette route se trouve entre les mains des partisans du mahdi qui
menacent Souakim, en sorte que l'armée commandée par Hicks-pacha
est coupée de sa base d'opérations \ Le gouvernement du khédive a sans
doute décidé d'envoyer h Souakim un millier de bachi-bozouks ou de
' Les dernières dépêches annoncent que cette année elle-même a été massacrée
dans le défilé de Kashgate, près d'£l-Obeld.
i
— 331 —
nègres, mais, d'après le Bosphore, Razaloula, général abyssinien, a battu
un corps de bachi-bozouks sur territoire égyptien près de Massaoua.
Le comte Antonelll a rapporté en Italie les collections faites au
Choa par le marquis Antinori, et ramené deux Abyssiniens serviteurs de
ce dernier. Ses rapports confirment et complètent les données fournies par
ses lettres. Les dispositions du sultan d'Aoussa en particulier, naguère
encore hostiles aux Européens, leur sont devenues très favorables.
Mohammed-Anfaii a chargé l'explorateur italien de remettre au roi
Humbert quatre superbes autruches, comme témoignage de son désir de
vivre en bon voisin avec la colonie italienne d'Assab. Grâce h cet heu-
reux changement, Antonelli a pu faire en trente-sept jours le trajet
qui, à son premier voyage, lui en avait demandé cent sept. Les lacs du
pays des Aoussas sont au nombre de quatre ; ils sont alimentés par le
fleuve Haouasch, dont le cours se termine au lac Abhebbad. D'autres lacs
de ce pays ftmrnissent du sel en grande quantité ; le sel est, avec les tha-
1ers à l'eflSgie de Marie-Thérèse, la valeur adoptée pour les échanges.
D'après ce qu'Antonelli a vu de l'Haouasch, il conseille, pour éviter
ce fleuve qui, à l'époque des hautes eaux, est un grave empêchement à
la marche des caravanes, de suivre, à partir de la station de Dobé, la
route de Gafra et le cours du Melli, affluent de l'Haouasch. Le voyage
du Choa à Assab ne serait plus que de 20 jours. Antonelli a rapporté des
renseignements intéressants sur les peuplades Danakils qui avoisinent
Assab ; les hommes sont forts et robustes ; les femmes, belles jusqu'à 25
ou 30 ans, deviennent ensuite déformées et défigurées par l'efiet des
mauvais traitements dont elles sont l'objet ; on les emploie comme de
vraies bêtes de somme. Leur corps est bizarrement tatoué d'une espèce
de dessin en relief, que l'on fait en tailladant la peau avec une pien^e
aiguisée et en frottant les coupures avec des herbes aromatiques ; en se
cicatrisant ces coupures forment une espèce d'ourlet, qui ressort sur le
fond, la teinte en étant plus claire que le ton de la peau. — Deux nou-
velles caravanes du Choa doivent descendre à Assab en décembre et en
avril. Antonelli compte repartir pour Assab, de manière à s'y trouver à
l'arrivée de celle de décembre.
Le D' Schweinfurth a communiqué à VEgyptian Gazette des rensei-
gnements sur l'assassinat du voyageur Pierre Sa<5ooiil, envoyé à
Harar par la Société milanaise d'exploration en Afrique. Après avoir
bien appris la langue des Somalis,ilse proposait de gagner, par O^^eii,
le Webbi, qui se jette dans l'océan Indien. Le sultan d'Ogaden l'avait
prévenu que son pays était troublé par la guerre ; les populations dont
— 832 —
Saceoni traversait le territoire avaient une attitude hostile ; néanmoins
il continua sa marche, jusqu'au moment oti, entouré par une troupe de
Somalis, il dut s'arrêter. Attaqué une nuit par cinq d'entre eux, il fut
percé de coups ; son journal de voyage, qu'il avait instamment recom-
mandé à ses domestiques, fut saisi et jeté au feu. La région au sud de
Harar étant complètement inconnue, la perte des notes de ce voyagem^
est extrêmement regrettable.
Après avoir, dans deux précédentes expéditions, exploré le pays des^
Benadirs et des Medjourtmes, dans le promontoire qui s'avance entre le
golfe d'Aden et l'océan Indien et se termine par le cap ^ Guardafui,
M. G. Revoll a résolu de pénétrer, par le Djouba, jusqu'au cœur
même de cette partie encore inconnue du continent africain. Arrivé do
Zanzibar à Magadoxo, avec des lettres de recommandation de Sald-Bar-
gasch pour le gouverneur de cette dernière ville, il y a passé plusieurs
semaines à organiser sa caravane et à recueiUir des coUeftions ethno-
graphiques et zoologiques. De Magadoxo à Guelili, sur le Webbi, il a été
victime des exactions des tribus somalis qui se disputent le territoire
compris entre les deux villes et la possession de la route qui les relie. Il
fallut que le cheik de la tribu des Gobrons, tributaire du sultan de Zan-
zibar et résidant h Guelili, envoyât 200 de ses goums au-devant du voya-
geur, pour tenir en respect des bédouins qui lui barraient le passage.
Arrivé à Guelili le 24 juin, M. Revoil dut séjourner plus d'un mois dans
cette ville, traversée par le Webbi qui roulait alors des eaux boueuses et
jaunâtres; ces eaux sont peuplées d'ibis, de pluviers, d'oies sauvages:
sur leurs rives se rencontrent d'énonnes crocodiles et s'ébattent des cyno-
céphales et des singes-papillons. Quoique la végétation soit moins luxu-
riante qu'on ne pourrait l'imaginer le long de ce cours d'eau voisin de
l'équateur, le paysage est cependant des plus pittoresques et des plus
animés. Çà et là sont installés des marchés de grains, de bétail et des
boucheries en plein vent. Les Somalis passent d'une rive à l'autre sur
de petits bateaux, glissant le long de câbles en lianes. La terre est cul-
tivée, et il y a de belles prairies. Les indigènes circulent dans la ville
sans armes. Des esclaves ounyamouésis et gallas sont employés aux
travaux les plus pénibles. Moins guerriers que les Somalis du cap Guar-
daftti précédemment visités par M. Revoil, ceux de Guelili sont plus
fourbes, plus rapaces, plus cruels et de mœurs plus relâchées. Les négo-
ciations avec le cheik Omar-Yousouf , au sujet de l'itinéraire que le voya-
geur comptait suivre pour se rendre à Gananeh, sur le Djouba, traînant
€n longueur, le gouverneur de Magadoxo dut le menacer de la colère du
— 333 —
saltan de Zanzibar, pour le faire consentir à assurer Texplorateur de sa
protection à des conditions raisonnables. Revôil put enfin se mettre en
route vers la fin de juillet, et, d'après une dépêche de Zanzibar apportée
sans doute à Magadoxo par les caravanes, il est arrivé à Gananeh à la
fin d'août. Il considérait le trajet qu'il venait de faire comme une des
parties les plus difficiles de sa mission. De Gananeh, il avait Tintention
4e se rendre chez les Gallas, et de regagner le littoral du golfe d'Aden
i>oit par Harar, soit par le Choa.
M. ^W. P. Johnson, agent de la mission des Universités à la côte
orientale du lac Hfyassa., a écrit au comité de cette Société pour propo-
ser de s'établir à Mbampo, le meilleur port de cette côte, d'oîi il pour-
r<iit facilement envoyer chez les Magwangwaras un catéchiste cafre.
En outre, il demande que la Société fournisse aux missionnaires un stea-
mer, pour pouvoir visiter mensuellement toutes les villes de la côte orien-
tale. Enfin il voudrait, en vue des besoins des vapeurs du Nyassa et du
Tanganyika, être autorisé à construire un bateau-école, qui lui permtt de
donner à quelques indigènes une éducation propre à les former à la navi-
gation sur ces deux lacs. Il croit que des établissements sur la côte orien-
tale des lacs sont le système le plus efficace pour combattre la traite. '
M. J. Steiwart, chargé par M. Stevenson de la construction de la
route entre le Nyassa et le Tanganyika, a fait, de la station de Mali-
wanda, vers l'ouest, au mont Mapouroumouka, une excursion pendant
laquelle il a traversé les affluents de la Songoué, qui se verse dans le
Nyassa, ceux de la Longoua, qui se rend au Zambèze, et ceux du Tcham-
bezi, qui forme le lac Bangouéolo. Les sources du Tchambesei sont à
310 m. au-dessus du niveau de ce lac, et, à l'endroit où elles se réunissent
pour former une rivière un peu considérable, celle-ci n'est pas navigable,
la pente de la montagne sur laquelle elle descend étant trop forte.
Mais, à mesure qu'on avance le long de la route du Tanganyika, on ren-
contre des cours d'eau qui se versent dans le Tchambezi à une altitude
de 200 m., ce qui permet d'admettre que cette rivière peut être navigable
sur un parcours de 160 kilom. à travers le plateau.
Le Journal de Genève a publié des extraits du récit d'une excursion
<ie quelques semaines faite par deux de nos compatriotes, MM. E.
Gautier et H. Berthoud — ce dernier, missionnaire à Yaldézia, au
nord du Transvaal — dans le bassin du Llmpopo pour étudier la pos-
sibilité d'établir une route à wagons jusqu'à ce fleuve, navigable dans
toute la partie inférieure de son cours, et pour acquérir des notions pré-
cises sur la population de la région qui s'étend entre les derniers établis-
— 334 —
sements européens et le Limpopo. Les explorateurs ont eu à traverser
de vastes étendues boisées, n'ofirant ni forêts proprement dites, ni gran-
des plaines découvertes, nommées massavas parles indigènes, marécages
verdoyants en été, lorsque les rivières coulent avec impétuosité après la
saison des pluies, mais d'un aspect aride en hiver, après quelques mois
de sécheresse, quand Therbe a jauni, que les rivières ont cessé de couler,
et que leur lit desséché ne présente plus que de loin en loin une flaque
d'eau ombragée de grands arbres. Souvent même, à la suite d'un incendie
allumé par des chasseurs boêrs ou par des indigènes, le sol est couvert
au loin de cendres noirâtres ; le feu n'a respecté que les arbres de haute
futaie; tout le reste est calciné. Le récit de M. Gautier nous fait con-
naître les vallées de la Tabi et du Schinguézi, affluents de l'Oliphant-
River, le principal tributaire du Limpopo ; les bateaux peuvent remonter
de l'océan Indien jusqu'au confluent de ces deux grands cours d'eau. Il
nous introduit dans la demeure de Shilowa, chef de la population la plus
dégradée qu'il ait jusque-là rencontrée en Afrique, nombreuse malgré
l'aspect misérable du pays où sont dressées les huttes de ces sauvages,
pour qui les hommes blancs sont un spectacle tout nouveau, et qui pren-
nent les voyageurs pour les esprits de leurs ancêtres revenus sur terre
pour les visiter. Il nous montre, sur les bords du Schinguézi, des Mag-
wambas, surnommés par le^ Boêrs,;Knopnausen (nez boutonné), en rai-
de l'usage bizarre de se faire des incisions depuis le haut du front jus-
qu'au bas du nez, ce qui leur défigure entièrement le visage en y
formant une ligne de boutons. Ces indigènes, de mœurs très douces,
font déjà partie de l'empire d'Oumzila; Us vivent essentiellement de
chasse; les antilopes, les sangliers, les autruches, les girafes et les buffles
sont encore assez abondants dans cette région; les lions et les hyènes s'y
rencontrent aussi. A mesure que diminueront ]es buffles, dans les excré-
ments desquels la tsétsé dépose ses œufe, on peut espérer voir diminuer
aussi cette mouche, vrai fléau comme on sait pour les bêtes de somme.
D'après le récit de M. Gautier, elle se tient de préférence dans les lieux
abrités du vent et où la température est élevée. Quoique la chaleur fût
ardente et que les nuits fussent froides, le thermomètre marquant par-
fois 32° et même 38° de jour, tandis qu'au lever du soleil il n'indiquait
que 2° Va grâce à l'absence de pluie pendant cette excursion, les voya-
geurs purent rentrer à Valdézia sans avoir eu à souffrir de la fièvre.
Les délégués du Transvaal, arrivés en Angleterre, ont remis à
lord Derby un mémoire sur les réclamations qu'ils sont chargés de pré-
senter au gouvernement anglais. D'après les journaux, ces réclamations
— 335 —
portent : V sur un changement du nom de TÉtat du Transvaal, tel que
Ta fixé la convention conclue avec le gouvernement anglais, en celui de
République du sud de T Afrique ; 2^ sur la remise de la somme dont le
Transvaal s'est reconnu débiteur envers l'Angleterre par la convention ;
3** sur la question de la suzeraineté de la couronne d'Angleterre ; et 4°
sur celle du protectorat que le gouvernement britannique s'est réservé
sur les populations indigènes du Transvaal et des territoires voisins.
La situation des missionnaires de la Société rhénane dans le Dama-
raland devient très précaire. Les Héréros ne pouvant point recevoir de
munitions par Wallfishbay, où le fonctionnaire anglais exerce à cet égard
une surveillance stricte, tandis que leurs adversaires, les Namaquas, en
obtiennent du Cap autant qu'ils en veulent, ces derniers peuvent exercer
leurs razzias sur les bœufs des Héréros, sans que ceux-ci puissent leur
opposer grande résistance. Des missionnaires même sont exposés à
leurs actes de pillage et s'attendent à devoir quitter le pays. D'autre
part les héritiers du voyageur Andersen, mort en 1867, semblent déci-
dés à faire valoir un acte de donation, par lequel le chef Kamahéréro lui
aurait cédé les meilleures places du Damaraland, entre autres Otyo-
zondyupa avec tout le territoire montagneux d'alentour. Le fils d'Ander-
son a remis son affaire à deux juristes de Capetown, qui ont envoyé l'acte
susmentionné à deux des Européens les plus âgés de Okozondyé, en leur
demandant si réellement ce document avait été ainsi rédigé, et si Kama-
héréro le reconnaîtrait encore. Pour peu que la réclamation devienne
sérieuse, il en résulterait pour le pays, d'après le témoignage des
blancs, une perturbation plus grande encore que celle qu'a causée la
guerre. En effet, les chefs en possession des places et des pâturages
cédés ne voudront pas reconnaître la donation qui en a été faite. Il paraît
hors de doute que l'acte qui la stipule n'a pas eu lieu d'une manière
légale ; à côté de la signatiu'e d'Anderson, il n'en porte aucune d'autres
Européens, quoique, à l'époque où il a été rédigé, il y en eût dans la
localité ; il est revêtu de la signature, c'est-à-dire une croix, de Kama-
héréro, et de celle de quelques indigènes au service d'Anderson. Kama-
héréro a confirmé la donation; mais les chefs d'Okozondyé, dont il a
aussi fait cession disent : « Kamahéréro n'a aucun droit de donner notre
pays ; de toute ancienneté il nous appartient ; nous l'avons défendu au
prix de notre sang. Quoique nous ayons quelquefois suivi le conseil de
Kamahéréro, il n'a jamais rien eu à dire ici. Lorsque cet acte a été
rédigé, il venait seulement d'être reconnu comme chef du pays sur lequel
il règne maintenant. »
— 336 —
Le gouverneur de Saint-Paul de Loanda a fait occuper Maseu^bi et
le territoire qui s'étend jusqu'au Chîloango et à la Luisa-Loango, deux
rivières qui se réunissent à 50 kilom. de la côte, et se jettent dans la
mer près de Landana, à 30 kilom. environ de Punta-Negra et de la baie
de Loango, dont les Français ont pris possession. Un traité a été conclu
avec le roi de la localité; il prohibe l'esclavage, garantit la liberté com-
merciale à tous les étrangers, proclame la liberté de conscience, et
assure protection aux missions scientifiques.
L'expédition polonaise, dirigée par le capitaine Rog^ozlnakl, a acquis
l'île de Mandoleh, dans la baie de Cameroon, pour y établir une station. De
là une partie de son personnel s'est rendue, au mont Cameroon, puis à
Bakoundou sur la rivière Moungo, pour y passer la saison des pluies. Le
Courrier de Varsovie a publié une lettre du chef de l'expédition, datée
de 6akoundou-ba-Namwidi, le 20 août. Rogozinski organisait sa cara-
vane pour s'en aller à la recherche des lacs. Il comptait envoyer à la
côte le rapport sur son voyage par ses nègres, qu'il considérait comme
la poste la plus sûre. « Les nègres, dit-il, ne perdent jamais de papiers,
parce qu'ils croient que là où tombe un papier écrit par un Européen,
un fétiche surgit immédiatement. » Il a expédié pour le musée de Varso-
vie des collections ethnographiques, se réservant de rapporter lui-même
les collections zoologiques. Malgré la pluîe, la santé de ses gens était
bonne, et il espérait voir les lacs dont les indigènes lui parlaient.
Le D' Bayol, nommé récemment aux fonctions de lieutenant-gouver-
neur du Sénégal, établira sa résidence à Benty et aura à sa disposition
un vapeur, pour pouvoir se transporter sur les différents points de son
gouvernement, depuis la Cazamance jusqu'aux Scarcies. Sa connaissance
du pays et des populations africaines est un gage de succès pour le
développement de la colonie. On a profité cette année de la saison des
hautes eaux, pour faire remonter à Khayes des steamers conmie jamais le
haut fleuve n'en avait porté ; on a pu ainsi expédier dans cette
région une grande quantité de matériel, et une partie du personnel qui
doit prendre part aux travaux du chemin de fer *. En même temps on
formait la colonne qui doit aller ravitailler le poste de Bamakou. Elle
emmènera avec elle un bateau à vapeur, démonté en un grand nombre
de pièces dont la plus lourde ne dépasse pas 50 kilogr.; il sera remonté à
Bamakou et lancé sur le Niger pour en compléter l'exploration.
* Le steamer Aîésia^ de Marseille, transporte à Dakar 750 ouvriers pour les
travaux de la ligne de Dakar à Saint-Louis.
— 337 —
NOUVEUâES COMPLÉMENTAIRES
Un service rapide Tient d'être institué entre Marseille et Alger ; il y aura deux
Toyages par semaine, le mardi et le samedi, effectués par quatre paquebots à
grande vitesse, qui feront la traversée en 29 ou 80 heures.
Le D^ Junker adû revenir en Europe, pour rétablir sa santé compromise par son
séjour de quatre ans et demi dans les bassins du Bahr-el-Ghazal et de l'Ouellé.
Les missionnaires romains, partis de Zella pour le Choa, y sont heureusement
arrivés et ont été reçus avec bienveillance par Ménélik, qui les a installés à Ali-
namba, lieu de marché où aboutissent les caravanes de Zella et d'Harar.
Aux dernières nouvelles reçues de J. Thompson à Zanzibar, l'explorateur anglais
se trouvait à Wandarobo, mais rencontrait des difficultés de la part de ses gens>
terrorisés par les Masaïs.
Le Hewry Wright, destiné au service des stations missionnaires anglaises de la
côte orientale, est arrivé à Zanzibar le 21 septembre.
D'après le Church Miasùmary Intelligence and Eé|port, la mort de Mtésa n'est
point confirmée. Les missionnaires anglais envoyés pour renforcer la station de
l'Ouganda ont dû arriver à Roubaga ; Lukongué, roi de l'Ile Oukéréoué, a cordia-
lement invité deux d'entre eux à se rendre chez lui.
Un correspondant du Friend of the Free State écrit à ce journal que la tsétsé a
disparu de la route du Transvaal à la baie de Delagoa, où quantité de wagons se
rendent maintenant pour y chercher les marchandises d'Europe, dont naguère
encore on allait se pourvoir à Durban par une route beaucoup plus longue. La
nouvelle route a tout en sa faveur : la baie est commode et sûre, les droits sont
peu élevés, la distance jusqu'à Lydenbourg courte, et la nature du pays est telle
que l'on peut se servir de bœufs tout l'hiver pour les transports.
Le renversement de Cettiwayo a plongé le Zoulouland dans un vrai chaos.
Enivré par ses succès, Usibepu a mis le pays à feu et à sang; il s'empare de tous
.les territoires limitrophes à sa portée et refuse de reconnaître l'autorité du gou-
vernement britannique. D'après une dépêche de Durban, une partie de son armée
a été mise en déroute par une bande de Zoulous, sous le commandement du chef
Umnyamana.
L'acquisition d'un territoire à Angra Pequena par la maison Lûderitz de Brème
et l'installation de ses agents, rencontrent une certaine opposition de la part des
colons anglais du Cap, dont les relations commerciales avec cette partie de la
côte se sentent menacées par la concurrence allemande.
Le D' Hôpfner, jeune géologue, chargé par le gouvernement de l'empire alle-
mand de faire des recherches minéralogiques dans l'Ovampo et le Damaraland,
est revenu à Berlin. Dans une séance de la Société de géographie de cette ville,
il a rendu compte de son voyage de Mossamédès à Humpata, puis au delà du
Canéné jusqu'aux villages du Damaraland, avec retour à Wallfishbay. Il repartira
prochainement pour la même région.
— 338 —
Les explorateurs portugais Capello et Ivens ont été chargés, par leur gouyeme-
ment, de reprendre la suite de leur exploration et d'achever les cartes et relevés
topographiques de la partie septentrionale de la province d'Angola et du territoire
qui s'étend jusqu'au Congo. Us doivent partir de Lisbonne le 6 décembre.
Le lieutenant Wissmann est parti pour le Congo, accompagné par le D' Wolff
et par deux frères, MM. Mûller, lieutenants tous les deux.
M. Humblot, naturaliste français, est chargé d'explorer au point de vue bota-
nique les bassins du Congo, de l'Ogôoué et du Gabon.
Le P. Augouard est parti de Landana pour aller fonder une station à Brazza-
ville.
S^vorgnan de Brazza, dont la mort a été annoncée par erreur, était le 3 novembre
à Franceville sur l'Ogôoué, tandis que son aide, le D"* Ballay, allait descendre par
l'Alima au Congo avec une chaloupe à vapeur ; de son côté, M. Mizon, naguère
préposé à l'une des stations de l'Ogôoué, se rendait vers Mayombé par le QuîUou,
étudiant la route directe entre l'Atlantique et le Congo. Le ministère de l'instruc-
tion publique, d'accord avec celui de la marine, a fait partir, par le Niger,
MM. Dufourcq, Labeyrie, Faucher, Coste, Didelot, Manas et Froment, pour ren-
forcer les postes du littoral et de l'Ogôoué.
Le Congrès géographique et colonial espagnol, réuni en novembre à Madrid,
s'est occupé de la question de la colonisation de Fernando-Po et de l'exploitation
de cette tle pour la production de café, cacao, sucre, coton, tabac, etc.
Un télégramme de Madère annonce que plusieurs canonnières anglaises de la
station des côtes de Guinée ont fait une expédition sur le Niger, et qu'elles ont bom-
bardé les deux villes d'Ado et d'Ëgan, à 180 et à 360 kilom. de l'embouchure du
fleuve, pour punir le roi d'Ado de sa conduite envers des sujets anglais.
Le D' M&hly se propose de faire, avec le missionnaire Muller d'Abouri, un
voyage de reconnaissance le long du Yolta jusqu'à Salaga, où se trouvent diffé-
rentes tribus otschis pacifiques, afin de préparer une extension urgente de l'œuvre
de la Société de Bàle à l'intérieur, et d'étudier la possibilité d'installer des stations
dans des localités plus salubres.
La guerre civile de l'Achanti s'est terminée par le triomphe du prince Quacoe
Duah, le protégé des Anglais, qui retient prisonnier Calcalli, l'ancien roi, détrôné
par ces derniers en 1874 et dont les partisans ont été massacrés. Quant au roi
Mensah, il est tombé dans un profond mépris.
Les ingénieurs anglais chargés des travaux préparatoires pour la pose du câble
sous-marin de Cadix à Ténériffe, qui doit avoir un embranchement sur le Sénégal,
ont procédé aux travaux d'atterrissement à Ténériffe. On pense que l'Europe sera
reliée au Sénégal en janvier prochain.
M. Satumino Zimenes, chef de l'expédition espagnole au N.-O. de l'Afrique, est
revenu à Madrid, après avoir exploré la côte de Santa-Cruz de Mar Pequena et
l'intérieur du Maroc jusqu'à Mequinez et à Fez.
— 339 —
LES GRANDES VOIES FLUVIALES DE L'AFRIQUE
En annonçant (p. 255) le mémoire de M. Stevenson, nous avions l'in-
tention de revenir, plus tôt que Taboodance des matières ne nous Ta per-
mis, sur l'importante question des voies fluviales africaines, au point de
vue de l'exploration et de la civilisation de la zone équatoriale. Impor-
tante en eflfet, puisqu'un des grands obstacles au progrès de l'œuvre
scientifique et humanitaire qui s'y poursuit s'est trouvé dans la diffi-
culté et dans le coût des transports par terre. Tout le monde sait les
embarras que causent aux explorateurs, aux négociants et aux mission-
naires, l'obligation de se servir de caravanes de porteurs chargés dlnnom-
brables colis de marchandises d'échange,- de provisions, d'instruments,
etc. On n'ignore pas non plus l'insuccès des tentatives faites pour créer
des routes, bien vite recouvertes par une végétation exubérante, et
pour substituer aux porteurs des bêtes de somme, éléphants, bœufe ou
ânes, bientôt victimes du climat ou de la tsétsé. Quant aux frais de trans-
port, le seul chiflire de 10,000 fr. la tonne, de Zanzibar au Tanganyika,
suffit pour faire comprendre l'immense transformation que subira Tœuvre
africaine lorsque, pour pénétrer au cœur du continent, on pourra adopter
les grandes voies fluviales qui y conduisent.
H va sans dire que de longtemps il ne pourra, en fait de navigation
sur les fleuves de l'Afrique, être question de rien de semblable à ce qui
existe sur le Rhône, le Rhin ou le Danube pour TEurope, sur le Missis-
sipi ou l'Amazone pour l'Amérique, sur les fleuves de l'Inde ou de la Chine
pour l'Asie. Le relief du continent africain, avec son vaste plateau ceu-
tral bordé, sur presque toute sa périphérie, de plusieurs terrasses qui
ne laissent entre elles et la mer qu'une zone de terrain bas plus ou moins
étroite, crée, pour tous les fleuves venant de l'intérieur, des séries de
rapides ou de cataractes qui ne permettent de songer, pour aucun
d'eux, à une navigation non interrompue jusque dans la région de leur
cours supérieur, comme c'est le cas pour les grandes artères fluviales des
autres parties du monde. Le Niger seul pourra faire exception. Ce n'est
pas que ce grand cours d'eau soit exempt de rapides, infranchissa-
bles pour les bâtiments réclamés aujourd'hui par la navigation accélérée ;
les cataractes de Boussa sont encore un obstacle insurmontable aux va-
peurs, mais peut-être réussira-t-on un jour à les faire disparaître, et à
établir une conmiunication continue des bouches du Niger jusque près de
Bamakou. En attendant il m serait point impossible, à des vapeurs d'un
faible tirant d'eau, de pénétrer à l'époque des hautes eaux, par le grand
— 340 —
affluent du Niger, le Bénoué, et, par le Mayo-Kebbi et les marais de
Toubouri, jusqu'au lac Tchad, et de là, par le Chari et TOuellé jusque
dans le voisinage du Nil Blanc \ soit à plus de 3000 kilom. de Tocéan Atlan-
tique. Mais, au point oii nous ont conduits les explorations de Megel d'un
côté, et celles de Junker et de Casati de Tautre, nous ne pouvons encore
rien dire de positif à cet égard.
Il n'en est paô de même des trois autres grands fleuves de l'Afrique,
le Nil, le Zambèze et le Congo. Toutefois avant d'entrer, avec M. Ste-
venson, dans l'étude de la navigabilité de ces grandes voies civilisatrices,
qu'il nous soit permis de faire remarquer que si, au point de vue des
rapides ot des cataractes, l'Afrique ofbre une infériorité relativement
aux autres continents, d'autre part, la disposition de ses grands cours
d'eau lui crée un avantage que les autres parties du monde ne présen-
tent pas, celui de pouvoir, sauf quelques interruptions, pénétrer du nord,
de l'est et de l'ouest, par eàu, jusqu'au cœur du continent. En Europe,
en Asie et en Amérique des chaînes de montagnes ont opposé aux
communications rapides des obstacles que la science a surmontés, mais à
quel prix ! et encore, les frais de transport par les chemins de fer du Mont-
Cenis et du Saint-Gothard, comme par ceux des montagnes Rocheuses
et des Andes, dépasseront toujours le coût des transports par eau, même
avec transbordements, que l'on pourra établir sur les fleuves de l'Afrique.
n est naturel que nous commencions par le Nil, le mieux connu, et
celui sur lequel existent déjà des communications régulières par bateaux
à vapeur. En effet, cette grande artère qui s'étend du nord au sud, de la
Méditnrranée jusqu'au delà de l'équateur, est navigable jusqu'à la pre-
mière cataracte, près d'Assouan, à plus de 1100 kilom. de la mer. Il est
vrai qu'à partir de ce point, sur un parcours de 1000 kilom. environ,
jusque près de Ehartoum, il n'y a pas moins de six cataractes ou rapi-
des. Aussi a-t-on eu l'idée de faire un chemin de fer d'Assouan à Ghendi;
le tracé en a été levé, mais on n'en a construit que quelques kilomètres.
Un projet d'écluses pour franchir les cataractes a aussi été conçu, et
les plans en ont été dressés, mais on n'y a pas donné suite. L'idée de
Gordon-pacha, de gagner le Haut-Nil par la voie de Souakim sur la
mer Bouge, a beaucoup plus d'avenir ; c'est la route que prennent les
^ D'après une carte d^Emiii*bey, goaTerneur des proyinces éqaatoriales, publiée
dans la dernière livraison des MittheUungen de Grotha, an affluent du Nil-Blanc
prend sa source dans la même région que le Kibali, cours supérieur de l'OueUé.
(Voir la carte, page 116).
— 341 —,
voyageurs et les caravanes ; c'est aussi celle qu'a suivie le corps expédi-
tionnaire envoyé au Soudan. Une ligne de vapeurs réguliers relie déjà
l'Europe & Souakim, où l'on n'est plus éloigné de Berber que de 400
kilom. en ligne directe. La route actuelle qui unit ces deux localités, et
par laquelle les transports se font avec des chameaux, traverse un pays
désert, coupé de temps à autre par des chaînes rocheuses ; toutefois une
voie ferrée pourrait y être construite sans difficultés pour les ingénieurs ;
seulement il faudrait, pour éviter une étendue de sables mouvants, faire
un détour qui porterait la longueur de cette ligne à 450 kilom.
A partir de Berber, le Nil s'étend jusqu'à Lado sur le Nil-Blanc, à une
distance de 1450 kilom. en li^ne droite, sans autre interruption qu'un
rapide franchissable, à l'endroit que Ton appeUe la sixième cataracte.
L'altitude de Ehartoum, en amont de ce point, étant de 378 m. et celle
de Lado, de 465 m., la différence n'est que de 87 m., sur un parcours de
1550 kilom., soit une moyenne de 0" 05 environ par kilomètre. Le lit du
fleuve est profond; çà et là seulement il est étroit. De Ehartoum à
Fachoda, le Nil traversant des terrains en grande partie couverts de
forêts, les rives en sont fermes. De Fachoda à Lado, en revanche, il est
entouré de grands lacs et de marais, ce qui ne permet d'aborder que
sur un petit nombre de points ; dans ces marécages, la végétation déta-
chée des rives pendant l'inondation forme, au confluent du Bahr-el-
Ghazal, un grand dépôt qu'on appelle le SuM^ et dont il faut empêcher
l'accumulation, sans quoi l'on devra recommencer souvent les travaux
considérables de Marno et de Gessi. Mais cet inconvénient disparaîtra,
quand les communications seront devenues plus fréquentes, et que l'on
aura pris des mesures pour écarter les obstructions dès qu'elles com-
menceront à se produire.
Quant aux affluents des deux rives, on peut à peine considérer l'At-
bara comme navigable, mais le Nil-Bleu peut être remonté jusqu'à envi-
ron 500 kilom. de son embouchure, et le Sobat l'a été par des vapeurs,
sur un parcours de 320 kilom., à l'époque de la crue. D'autre part le
Bahr-el-Ghazal et le Djour sont navigables plus de la moitié de l'année
pour de petits vapeurs, jusqu'à Meshra-el-Rek et à Wau, et le Bahr-el-
Arab jusqu'au 25* 50' long. E. de Paris.
En approchant de Lado et de Gondokoro on entre dans la région mon-
tagneuse et la navigation devient difficile, jusqu'au moment où elle est
complètement arrêtée par un exhaussement du iiiveau général du pays ;
les rapides de Fola, qui s'étendent sur un parcours de plus de trois kilo-
mètres, sont infranchissables; mais immédiatement au-dessus, àDufilé,
— 342 —
la navigation peut reprendre jusqu'à Textrémité sud du lac Albert. D
est vrai que les rives du fleuve sont rendues inabordables par la végéta-
tion de papyrus et d'autres plantes aquatiques; mais le courant est pres-
que imperceptible. A droite et à gauche du fleuve, s'étend un pays ondulé
s'élevant graduellement vers le sud, jusqu'au niveau du grand plateau
central qui se prolonge dans la direction du Zambèze, et où se trouvent
les grands lacs. A 30 kilom. en amont de l'entrée du Nil dans le lac
Albert, la navigation est interrompue par les chutes de Murchison,
jusqu'à Foveira, à 40 kilom.; là il devient de nouveau navigable jus-
qu'aux chutes de Bipon, près du lac Victoria.
La navigation à vapeur a été établie sur le Haut-Nil par Samuel
Baker. En 1877 Gordon-pacha y avait déjà sept steamers, dont les uns
étaient de 60 tonnes. Il réussit à en transporter deux, par sections, en
amont de Dutilé. Aujourd'hui, il y a dix vapeurs dans les parties navi-
gables du Haut-Nil; quelques-uns sont de 120 tonnes. Tous les trois mois
un steamer part de Khartoum, et son arrivée à Lado correspond avec le
départ du vapeur qui fait le service de Dufilé à Magoungo, sur le lac
Albert. Qu'en adviendra-t-il à la suite des événements actuels?
En résumé, l'on compte, de Souakim à Magoungo, 2660 kilom. envi-
ron, et 200 kilom. de plus jusqu'à l'extrémité méridionale du lac Albert;
le transport par terre n'est nécessaire que sur un parcours de 600 kilom.,
tout le reste a lieu par vapeur^. Il est probable qu'on pourra faire dispa-
raître les obstacles que présente le fleuve, ou tout au moins qu'on pourra
réduire le portage de 30 ou 50 kilom.
Pour pénétrer dans l'Afrique centrale par la côte orientale, la grande
voie fluviale est le Zambèze, ou mieux encore son principal afiluent sur
la rive gauche, le Chiré, par lequel on peut atteindre le Nyassa et le
Tanganyika, et obtenir une conmiunication de 2000 kilom., dont 400 par
ligne de terre, et 1600 par eau (Voy. la carte, ni"* année, p. 44).
Livingstone, le premier, s'efforça dès 1861 de surmonter les obstacles
que présentent, sur un parcours de 100 kilom., les rapides du Chiré.
Mais ce ne fut qu'en 1875, que la mission de Livingstonia réussit à
faire transporter le petit steamer à héUce, l'iiaZa, démonté en 700 sec-
tions, en amont de ces rapides, ce qui permit d'avoir une voie par eau
de 640 kilom. (160 par le fleuve et 480 par le lac).
De Quilimane, au nord de l'embouchure du Zambèze, la navigation se
fait par la Lady Nyassa^ petit vapeur-salon qui, par la rivière Quaqua,
transporte les voyageurs en une semaine jusqu'à Katonga, à travers
— 343 —
une plaine d'alluvion, où le fleuve est large, mais bas, avec un portage
à Mazaro pour atteindre le Zambëze proprement dit, un peu en aval du
confluent du Ghiré, dont la riche vallée a une largeur de 25 à 30 kilom.
A gauche s'élèvent des montagnes qui, en quelques endroits, atteignent
1500 et même 2000 m. A Katonga, une route de 3 m. de large, longeant
les rapides du Chiré, s'élève graduellement vers Mandala et Blantyre,
jusqu'à une hauteur de 1000 m., puis redescend vers Matopé, sur le
Haut-Ghiré à 500 m. d'altitude. Le chef makololo Ghipitoula fournit
des porteurs qui, par cette route, transportent les marchandises en qua-
tre jours. De Matopé, VHala remonte le fleuve et le lac jusqu'à Karon-
ga, en une semaine, mais en jetant l'ancre chaque soir dans un des mouil-
lages de la côte occidentale. De Karonga, une route en pente douce
s'élève jusqu'à 1400 m., sur un plateau qui s'étend à des milliers de kilo-
mètres à l'ouest et au sud. Jusqu'à Zombé, à 250 kilom., on pourra
employer des wagons et des bœufs, la tsétsé ne se rencontrant pas dans
cette région ; elle reparaît à Zombé, d'oîi il y aura encore 22 kilom. de
portage. Le vapeur la Bonne Nouvelle doit être airivé a\i Tanganyika,
qu'il pourra parcourir jusqu'à son extrémité septentrionale en une
semaine.
Quant à la voie du Zambèze proprement dit, depuis son confluent avec
le Chiré jusqu'aux rapides de Kebrabasa, le lit du fleuve est large et peu
profond ; aussi Serpa Pinto pensait-il que, au point de vue d'une route
commerciale, le Ghiré serait préférable, quoiqu'il y ait 144 kilom. de por-
tage jusqu'à Tété. Livingstone apu, cependant, aux hautes eaux, remon-
ter le Zambèze, et les vapeurs de l'African Lakes Company font le
voyage de Tété en dix jours. En amont, les rapides de Kebrabasa, de 64
kilom. de longueur, sont infranchissables. Au delà, on a, jusqu'aux gorges
de Kariba, sur un parcours de 424 kilom., une voie fluviale pour des stea-
mers d'un faible tirant d'eau. A 50 kilom. en aval de ces gorges, la
Eafoué rejoint la rive gauche du Zambèze, et Serpa Pinto dit que, d'après
les reuseignements fournis par les natifs, elle est navigable jusqu'à
Kayinga (368 kilom.), station commerciale importante, d'où, par un por-
tage de 256 kilom., on arrive à Lialui, résidence du roi des Barotsés sur
le Haut-Zambèze, dont une partie aussi est navigable. Le cours moyen du
grand fleuve est obstrué par des cataractes, des chutes Victoria aux gor-
ges de Kariba, mais, depuis Impaiera en amont des chutes sus-mention-
nées, on entre dans le Chobé lequel, d'après Serpa Pinto, offre une route
fluviale de 1000 kilom. environ, qui permet de remonter jusque près des
sources de cette rivière, la plus importante, dit-il, pour le développement
futur de cette région (Voy. III* année, p. 54, et la carte p. 64).
— 344 —
Au point de vue des relations commerciales par le Zambèze, il faut se rap-
peler qu'en 1877 le gouvernement de Lisbonne a établi, pour la province
de Mozambique, un tarif, d'après lequel les marchandises en transit doi-
vent payer un droit de 3 Vo ; toutefois, ce tarif n'ayant point été confirmé
par des traités internationaux, peut être modifié selon le bon plaisir des
autorités portugaises.. En outre, les Portugais se servant de leurs colonies
africaines comme de lieux de déportation, permettent aux déportés de
s'établir à l'intérieur ; si ceux-ci y commettent des méf&dts et qu'on s'en
plaigne, l'autorité répond qu'ils sont en dehors du territoire portugais.
Leurs descendants, désignés sous le nom de demi-caste, sont une cause
de trouble pour les populations environnantes. A l'époque de Livings-
tone, le demi-caste Bonga était, par ses actes de piraterie, le fléau du
Zambèze. Un autre demi-caste, Mariano, ravagea par le fer et le feu
toute la vallée du Chiré, pour y faire des esclaves de traite. Peu avant
l'établissement du tarif, il s'installa à l'embouchure du Chiré, d'où il
chercha à chasser Ghipitoula et les autres che& makololos, qui, quoi-
qu'ils ne fussent pas des souverains parfaits, ont préservé la vallée des
maraudeurs Mangones ou Zoulous, ainsi que des Portugais demi-caste.
La route entre les lacs Nyassa et Tanganyika traverse, près de ses
sources, le Tchambezi, cours supérieur du Congo. Quoique M. James
Stewart, l'ingénieur de la route, ait constaté que, dans la première partie
de son cours il n'est pas navigable, il n'en reste pas moins une voie
par eau de 160 kilom. que l'on pourra descendre avec de petits vapeurs
jusqu'au lac Bangouéolo, et même jusqu'au lac Moero.
Mais c'est par la côte occidentale que s'ouvre, à la science et à la civi-
lisation, celle des routes fluviales africaines qui paratt avoir le plus
d'avenir, le Congo, reconnu déjà par Stanley sur une longueur de plus
de 1000 kilom., de l'embouchure jusqu'au confluent de l'Ikelemba. U est
vrai qu'une série de cataractes en brise le cours sur une étendue de
224 kilom., de Yivi à Stanley-Pool ; mais, dans cette partie même, entre
Isangila et Manyanga, Stanley a pu établir des communications par
vapeurs sur une distance de 118 kilom., pour unir deux sections de
route, de Yivi à Isangila, et de Manyauga à Stanley-Pool, où les rapides
étaient infranchissables. Aujourd'hui, les membres des expéditions belges
peuvent faire le voyage, de l'embouchure du Congo jusqu'à Vivi
(184 kilom.), par des vapeurs de toutes dimensions ; de Yivi à Isangila,
(83 kilom.), par la route taillée, en quelques endroits à grand peine et
à grands frais, dans les rochers qui surplombent le fleuve ; d'Isangila à
Manyanga (118 kilom.), par petit steamer, et de Manyanga à Stanley-
— 345 —
Pool (152 kilom.), par terre, le long d'une route plus jEacile, établie sur
la rive méridionale. De Léopoldville à Ikengo, la dernière . des stations
actuelles de Stanley (580 kilom.)) le fleuve est large, assez profond pour
que des vaisseaux aussi gros que ceux du Mississipi puissent y circuler ;
semé d'îles, il n'a aucun de ces Ilots flottants qui, sur d'autres fleuves,
rendent la navigation périlleuse. Plusieurs stations intermédiaires fondées
à Msouata, à Bolobo, à Loukoléla, dans les endroits oU la population est
le plus dense, sans en compter d'autres moins importantes, peuvent déjà
être considérées soit comme des bases d'opération, pour l'exploration
spéciale de telle ou telle partie du fleuve et des affluents voisins , soit
comme des centres de commerce ; tout au moins comme des lieux de
marché, où les natife des environs apportent leurs produits pour les
échanger contre les marchandises de provenance européenne; ou bien
encore comme des foyers, d'où l'influence missionnaire s'étendra peu à
peu parmi les tribus d'alentour, pour y porter les bienfaits de la civili-
sation chrétienne. Les missionnaires baptistes et ceux de la Livingstone
Inland Mission, dont les stations de Underhill,Palabella,Banza-Mautéka,
Bainesville, Loukoungo et Arthington sont sur la rive gauche du fleuve,
suivent une route de caravanes sur la même rive^
De la station de Msouata, à 140 kilom. de Léopoldville, Stanley et
Johnson ont déjà pu rectifier la direction d'un affluent du Quango, émis-
saire du lac Léopold II, ainsi que la situation de ce lac. Tandis que,
d'après les premières indications, l'un et l'autre se dirigeaient du S.-E.
au N.-O., la carte fournie par Johnson aux Proceedingë de la Société de
géographie de Londres place le lac du 1°,40' au 2 '',20', lat. S. dans
une direction N.-E. S.-O., que conserve son émissaire, la Wabouma,
à peuprès jusqu'à son confluent avec le Quango.
A 126 kilom. en amont de Msouata est la station de Bolobo, et, 147 kil.
plus haut, celle de Loukoléla ; enfin, remontant le fleuve au delà, sur un
pa-rcours de 168 kilom., on rencontre celle d'Ikengo, près de l'embou-
chure de la Mobinda, le plus grand des affluents méridionaux du Congo.
C'est vraisemblablement entre cette station et l'extrémité septentrio-
nale du lac Léopold II, que Stanley a découvert le lac Mantoumba, dont
. il parle dans une de ses dernières lettres, sur les bords duquel la popula-
tion est si nombreuse, qu'involontairement on est amené à la comparer
à celle qu'ont rencontrée Pogge et Wissmann dans leur voyage de
Muquengué à Nyangoué.
Peut-être, pendant que nous écrivons, tel ou tel des vapeurs de Stan-
ley a-t-il dépassé l'équateur pour remonter à 600 kilom. au delà, jus-
— 346 —
qu'aux chutes qui portent son nom, en aval de Nyangoué. Les renseigne-
ments qui lui ont été fournis sur les dispositions des tribus en amont
d'Ikengo, permettent d'espérer que la navigation pourra s'établir sur
tout le cours moyen du grand fleuve, sans rencontrer l'hostilité qui s'est
déclarée contre l'explorateur lors de sa descente du Congo. D a tous les
moyens nécessaires pour explorer non seulement le fleuve lui-même,
mais encore ses principaux affluents septentrionaux, la Bangala, l'Ukéré,
l'Arouimi, ainsi que ceux de la rive gauche, la Mobinda, l'Ikelemba et
le Sankourou. Les vapeurs des missionnaires baptistes et de la Living-
stone Inland Mission, le Peace et le Henry-Beed, contribueront pour
leur part à la reconnaissance hydrographique de cet immense bassin,
et serviront à propager la civilisation jusque dans les parties les plus
reculées du centre africain, sans parler du steamer que Brazza trans-
porte par l'Alima, et qui sera probablement, avant peu, rejoint jyar
d'autres.
Wissmann, de son côté, mettra certainement au service de S. M. le
roi des Belges, qui l'envoie au Congo, toute l'expérience qu'il a acquise
dans son premier voyage. On peut supposer que plusieurs des grands
affluents de ce fleuve, surtout ceux de la rive méridionale, ne pourront
pas être remontés jusqu'à leur cours supérieur ; quelques-uns pourront
avoir des cataractes, comme celles qui ont empêché le major de Mechow
de descendre le Quango jusqu'à son embouchure dans le Congo ; mais
peut-être aussi tel d'entre eux, le Sankourou, par exemple, sera-t-il
navigable jusqu'au cœur du continent, et l'apparition de steamers au
milieu de tribus réputées cannibales leur imposera-t-elle un respect salu-
taire, qui assurera la tranquillité des blancs, et leur permettra de fonder
là aussi des stations scientifiques, civilisatrices et commerciales.
Quant à la rive s,eptentrionale, si la pente de ce plateau est plus ou moins
analogue à celle de la partie oti coule l'Alima, navigable jusqu'à son con-
fluent avec le Congo, on est en droit d'espérer que les vapeui's pourront
remonter les autres affluents jusque très avant dans l'intérieur, et que
l'on arrivera à déterminer bientôt les limites septentrionales, encore bien
vagues du bassin du Congo. D'après la grandeur des pirogues et le déve-
loppement des flottilles des indigènes, en particulier de celles des rive-
rains de l'Arouimi, on peut légitimement supposer qu'il y a là encore
une voie fluviale navigable sur quelques centaines de kilomètres.
Comme voie d'accès au Congo nous devrions mentionner le Quillou-
Niari, le long duquel sont de nombreuses stations françaises et belgei>.
Mais, nous l'avons déjà dit, (Voy. III"' année, p. 279 et carte p. 288),
— 347 —
l'étude de cette rivière, au point de vue de la navigation, est à faire, les
rapides de son cours inférieur paraissant devoir être un obstacle absolu.
M. EDiot pourrait donner des renseignements sur le cours moyen, le long
duquel il a créé des établissements, mais il ne nous est parvenu aucun rap-
port des découvertes qu'il a pu y faire, ni de l'importance de cette route.
Toutefois le fait qu'il a jugé bon d'y fonder plusieurs stations, semble
prouver qu'il ne la croit pas inutile pour les communications à établir
de l'Atlantique à Stanley-Pool.
Les dernières lettres de Stanley ont montré avec quelle rapidité ont
marché les progrès de l'exploration, depuis l'installation de ses trois
vapeurs à Stanley-Pool. Sans doute il peut y avoir des moments d'arrêt :
néanmoins on peut entrevoir un avancement plus rapide encore, lors-
que, des stations fondées le long du fleuve et de ses affluents, au nord et
au sud, partiront, dans toutes les directions, des expéditions chargées
chacune d'explorer spécialement telle ou telle partie encore inconnue de
ce vaste territoire. Elles devront tôt ou tard se rencontrer avec les explo-
rateurs, les missionnaires et les commerçants qui remonteront, les uns
le Nil, jusqu'à Meshra-el-Rek et Wau, les autres le Niger, le Benoué', le
Chari et l'Ouellé jusqu'au Kibali, d'autres encore le Chiré, le Nyassa et
le Tanganyika, pour venir, par le Loukouga et le Loualaba, tendre la
main aux pionniers qui s'avancent vers Nyangoué par la grande artère
du Congo.
PARTIE DE L'AFRIQUE VOISINE DU DÉTROIT DE BAB-EL-MANDEB
La carte qui .accompagne ce numéro représente la vaste plaine qui
commencé au bord de la mer Rouge et du golfe d'Aden, et s'arrête au
pied de la formidable barrière des monts d'Abyssinie, dont la pente du
côté oriental est si forte, qu'on peut les comparera un véritable rempart,
tandis qu'à l'ouest Us vont mourir doucement sur le plateau abyssin.
Limitée au nord par la mer , la plaine se continue au sud de Harar, en
s'élevant peu à peu pour constituer bientôt le plateau des Somalis. Du
reste sa surface est très accidentée. Au sud , notre carte indique des
montagnes hautes de 1300 à 3200 m., mais plus au nord se trouvent des
dépressions au-dessous du niveau de la mer. L'une d'elles, la plus forte,
celle du lac Assal ( — 174 m.), est située à une faible distance de l'océan
Indien ; elle n'en est séparée que par un petit isthme et un rideau de
montagnes, dont l'une, le mont Gudah, a 914 m.; l'autre dépression, la
plaine salée d'Asale ( — 61 m.), est plus éloignée de la mer, et le fond
— 348 —
de la cuvette est ici occupé par le lac Alelbad. Ces deux lacs se trouyeift
aux deux extrémités d'une vaste région, parcourue par des nomades
appartenant aux tribus des Assab-Gallas, des Dogas, des Baias-Gallas,
des Aoussas, et qui est encore complètement inconnue. Rien ne dit que
)es explorations futures ne nous révéleront pas là une vaste dépression,
comparable, pour Timportancè, à celle de la mer Morte.
Depuis que l'Italie s'est établie à Assab et que la France cherche à
donner de l'extension à sa colonie d'Obock, l'attention se porte de ce côté,
et ce qui le montre, c'est le grand nombre de voyageurs dont notre carte
indique les itinéraires. Nos lecteurs auront là un tableau complet de ce
qui s'est fait jusqu'à ce jour, et de l'état actuel des connaissances géo-
graphiques pour cette région. Nous devons dire, cependant, que l'on
n'y trouvera pas marqués les voyages d'Antonelli (d'Assab au Choa p«r
le pays des Aoussas), de Soleillet (d'Obock au Choa par la môme région),
non plus que ceux d'Aubry et de Hamon, dont notre journal a récemment
parlé (p. 87). Le manque de données positives et complètes sur ces
explorations nous a empêchés d'en dresser les itinéraires d'une manière
précise. Quant à ceux de Lucereau, de von Mtiller et de Sacconi (de
Zeïla à Harar), nous les avons confondus avec celui de Giuliettî. La
route a été, en^eifet, si bien ouverte par ce dernier, que l'on peut pen-
ser que les explorateurs qui accomplissent le même voyage, et qui n'in-
diquent pas d'une manière spéciale leur itinéraire , se bornent à sui-
vre les traces de leur vaillant prédécesseur.
BIBLIOGRAPHIE
Carte du Haut-Senrgàl, dressée sous la dii*ection du commandant
Derrien et d'ime mission topographique. Cartes spéciales, plans de
villes, de gués, et prolils entre Bafoulabé et le Niger. 19 feuilles. — La
construction de la carte exacte d'une région européenne est déjà un tra-
vail compliqué et minutieux, qui exige beaucoup de soins. Aussi peut-on
se rendre compte des difficultés sans nombre qu'a dû vaincre la brigade
topographique, placée sous les ordres du commandant Derrien, pour
lover la carte au Viooooo du pays compris entre Médine et Kita. La végé-
* On peut se procurer à la librairie H. Georg, à Genèye et à B&le, tous les
ouvrages dont il est rendu compte dans V Afrique explorée et emlisée.
— 349 —
tation luxuriante, la nature rocheuse des bords du Haut-Sénégal et sur-
tout le climat brûlant et malsain, ont été autant d'obstacles qu'il a fallu
surmonter, pour faire les observations nombreuses au moyen desquelles
les officiers français ont pu dessiner les courbes de niveau, de 20 en
20 mètres, pour tout le territoire voisin du fleuve. D est bien peu de
contrées africaines, hier encore inconnues, dont on possède un relevé
aussi complet. La carte est divisée en 6 feuilles, qui se raccordent entre
elles par un ajustement fort simple, et il est facile, au moyeu de ce beau
travail et des profils qui l'accompagnent, de se faire une idée exacte du
Soudan occidental. On peut conclure de cet examen, que la hauteur du
pays qui sépare le Sénégal du Niger est plutôt faible. Les monts du
Manding ne dépassent pas 750 mètres, et la ligne de £eiîte entre les deux
bassins a été franchie par la mission à Soknafi, à 553 mètres au-dessus
du niveau de la mer. De là le terrain descend assez rapidement vers
^ Bamakou (dSl""), mais plus lentement dans la direction de Kita (360"*)
et de Bafoulabé (135"). De nombreux plans de viHes et de gués au
V50007 sur lesquels les courbes horizontales sont tracées tous les 5 mètres,
montrent quelle a été l'activité de la mission durant sa campagne
de 1880-1881.
Mission Galuéni. Itinéraires des capitaines Vallière et Piétri^ et
carte de la rive droite du Niger. 11 feuilles. — On sait que les capitaines
Vallière et Piétri, qui faisaient partie de la mission Galliéni, ont, en
1880-81, parcouru la région qui sépare le Haut-Sénégal du Niger, le
premier par le Bakhoy, le second en suivant le Ba-Oulé. Us ont donné,
de leurs itinéraires, Vallière 4 croquis au Vaooooo» ôt Piétri 6 ; mais Val-
lière a dressé en outre la carte au V2»uooo àxx pays situé sur la rive droite
du Niger, entre Tourella sur ce fleuve, et Nango, au S.-O. de Segou-
Sikoro. Ce relevé présente, surtout dans les environs de Nango, un
nombre considérable de localités, qu'on chercherait en vain sur les cartes
de la mission Galliéni publiées jusqu'à ce jour. Nous n'avons pas besoin
de faire ressortir toute l'importance de ces plans, construits avec une
grande précision, et qui sont toigours accompagnés de profils ou de la
projection verticale de la route parcourue. En les examinant, on se rend
compte, à première vue, de la nature accidentée du sol, et du grand
nombre de cours d'eau, pour la plupart assez puissants, qui l'arrosent.
Les affluents de la rive gauche du Niger, par exemple, ont tous de
20 à 30 mètres de large, et pourtant leur longueur est faible, puisque la
chaîne de montagnes d'où ils descendent suit de très près le fleuve.
— 850 —
D'autre part, le terrain n'est point stérile, car les deux voyageurs
signalent, le long de leurs itinéraires, des cultures et de vastes et belles
forêts; pourquoi faut-il qu'ils marquent aussi, à chaque instant, les
ruines de villes et de villages, incendiés et détruits pendant les nom-
breuses guerres qui ont désolé ces contrées?
Les colons du Tanganyika, par Armand Duharry, Paris (Firmin-
Didot et C**), 1884, in-18, 317 pages, fr. 3. — L'Afrique centrale offre,
pour les fictions romanesques, un milieu nouveau que les auteurs com-
mencent à exploiter. Après Une aventure à Tomhonctou (Voy.III*année,
p. 245), voici une nouvelle œuvre de fantaisie qui nous transporte
cette fois dans la région des grands lacs. Les nègres semblent avoir
remplacé les Peaux-Rouges, dont Cooper et Gustave Aymard avaient
fait les héros de leurs romans ; on quitte les savanes américaines pour
le Sahara , les forêts vierges et les jungles de l'Afrique. M M. Prévost-
Duclos et Duban7 ouvrent une voie nouvelle, qui paraît devoir être
féconde. Du reste, c'est la même méthode de composition. Là encore, la
bonne étoile et la carabine des blancs triomphent de la ruse, des flèches
et des javelots des sauvages. Cependant, au point de vue géographique,
les romans africains ont, jusqu'à présent, cet avantage sur les autres,
qu'ils font connaître au lecteur la configuration exacte du pays où l'ac-
tion se déroule, ses montagnes , ses fleuves, ses lacs et ses localités; ce
sontf au fond, des ouvrages de vulgarisation. Il faut donc remercier les
auteurs susnommés de ce qu'ils s'en tiennent à la réalité, quant aux
noms et aux mœurs des peuples chez lesquels ils conduisent leurs héros.
Le livre que nous avons sous les yeux , nous mène sur les bords du
lac Tanganyika , au nord d'Oudjiji. Là, un Français nommé Delorme
cherche à établir une station, pour y apprivoiser des éléphants. D a
pris avec lui sa femme et plusieurs Européens, et ce sont les aventures
de la petite troupe, ses querelles avec un chasseur anglais et avec
deux chefs nègres , son exploration du Tanganyika, qui remplissent le
volume. A la fin, Delorme, qui n'a pu domestiquer qu'un seul éléphant^
cherche à atteindre le Victoria Nyanza, mais il n'y parvient pas et doit
revenfr à la côte, par Tabora. Le récit, vivement mené, est plein
d'humour, a des situations dramatiques, et founnille d'anecdotes qui
en rendent la lecture facile et intéressante.
TA^BLE DES Mj^TIERES
DE LA QUATRIÈME ANNÉE
BUIiliETIN MENSUEL
Pages 3, 37, 65, 93, 117, 149, 117, 201, 238, 257, 297, 329.
CORRESPONDANCE
Page»
Lettre du nôgre Ali*Mahoom 30
Correspondance de Ehartoam 170
Pages
Lettre de Lisbonne (sur les travailleurs
â Saint-Thomas) 198, 229
Abandon du Darfour par TÉgypte 230
ARTICLES DIVERS
L'œuvre de Stanley au Congo, et l'Asso-
ciation internationale africaine 22
La colonisation européenne en Afrique. . 51
Voyage du lieutenant Wissmann A travers
l'Afrique 81
L'émigration italienne en Afrique / 87
Exploration du D' Junker sur le Haut
Quelle 106, 140
L'esclavage & Madagascar 167, 197
Note sur la carte de la Sénégambie au
Niger 190
La part des Suisses dans l'exploration et
la civilisation de l'Afrique 215
Expédition du colonel Borgnis-Desbordes,
du Sénégal au Niger, par A. Demaffey. 247
La question du Congo devant l'Institut de
droit international, par G. Moynier. 272
Elmina, par J. Prost 311
Les grandes voies fluviales de l'Afrique . . 389
Note sur la partie de l'Afrique voisine du
détroit de Bab-el-Mandeb 347
BIBLIOGRAPHIE
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Tage 114
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lande 89
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Oirard : Souvenirs de l'expédition de Ta-
nisie 176
Haimann (O.) : Cirenaïca 33
Hartmann (R.) : Abyssinien und die
âbrigen Gebiete -1er Ostkfiste Afri^kas 282
Hervé (J,) : L'Egypte 296
Holvb (K) : Siebta Jahre in Afrika. . . 84
Id. und Pelzen (A. von) : Bei-
triige znr Ornithologie Sûd-Afrikas. . . 84
Jahresberichte der geographischen GeselT-
schaft in Bem 294
Jonveaitx (E.) : Deoz ans dans l'Afriqne
orientale 82
LoivtUye (E. de) : L'Afriqne centrale et
la Conférence de Bmzelles 145
Lux (J.) : Trois mois en Tunisie 82
Michel (L.) : Tnnis 174
Mission Galliéni. Itinéraires de MM. Val-
liére et Piétri 849
Pearee (O.): The Kabyles 90
Possessions européennes et stations civili-
satrices 86
Itinéraire de Wissmann â travers l'Afri-
que 92
Explorations du D' Junker sur le Haut-
Ouellé 116
Pages
FhiUbert : Algérie et Sahara. Le général
Margueritte 147
Pigeonneau: L'avenir commercial de la
France en Afrique 148
Question du Zaïre (La). Droits du Por-
tugal 113
Raffray (A.) : Lee églises monolithes de
la ville de Lalibéla 115
lUvoyre (D. de) : Obock, Mascate, Bou-
chire, Bassorah 255
Hobert (F.) : Africa als Haiidelsgebiet. 254
Ro/dft (O.) : Meine Mission nach Abes-
sinien 173
Societ d'esplorasione commerciale in
Africa 145
Société française et africaine d'encourage-
ment 200
Stevenson (J) : The wather highvays of
the interior of Africa 255
Twist (Sir Travers) : An international
protectorate of the Congo river 828
VàOot (J.) : Etudes sur la ûore du Séné-
gal 231
Vinson (J.) et IHve (P.) : Voyage extra-
vagant d'Alger au Cap 231
CARTES
Routes suivies par des i!aropéeos «ntre la
côte de Sénégambie et le Niger 200
Partie de l'Afrique voisine du détroit de
Bab-«1-Mandeb 352
F. Novarm eyàt etciYilisée^.%No7amtre idSi
^c Alelbad
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JOURNAL MENSUEL
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIBIGK PAR
M. Gastaye HOTNIER
Mi'uibre de la OomiuiRBioii iiiteriiatjonalo de BruxcUos pour IVxploratioii et 1h civilisation
de rAfriquc centrale; inenihrH correspondant des îsocîétés de g. ograpliie
de Marseille ut de l'Ktst.
RÉDIGÉ PAR
M. Charles FAURE
Secrétnirc-BibUcthécalrc de la Société de çôoë^raphio de Genève, membre cornspondaut do la Société
de géographie de Lisbonne.
L'Afr'uiue paraît le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8o d'au
moins 20 pages chacune ; le texte est accoaij)ajîné de cartes, cliaque foi* que cela
parait nécessaire.
li'année eommeuce en juillet.
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port compris, pour tous les pays de fUnion postale (premii're xone); pour les
autres, 11 fr. 5().
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il sera envoyé «liuix exemplaires ji
la Direction, aura droit & un compte rendu.
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(Uiez MM. Sandoz et FiscHBACFiER, éditeurs, 33, rue de Seine, à Paris.
Delagrave, éditeur, lo, rue Soutîlot, à Paris.
MuQUARDT, éditeur, 4o, rue de la Hégenw», à Bruxelles.
Dumolard frères, i'orso Vit torio Ennnanuele, 21, à Milan.
A. -M. Mizzi, rédacteur de V Erunom i}ite de Malt?, à Malte.
Et chez les principaux libraires de tous pays
OUVRAGES REÇUS :
Lettres sur le Trans-SafaarieD, par F. Abadîe.-- Coastantine (Imp. Marie), 1881,
in-8<', 52 pages et carte.
The Languagea of Âfrîca, by Robert N. Ciist (dans le « Journal of the Society of
arts, London, 4 March, 1881).
Association française pour l'avancenient des sciences. — Notices scientifiques, histo-
riques et économiques sur Alger et PAlgérîe. — Alger (Ad. Jourdan), 1881, iû-12,
420 p. x)n deux parties, avec plan.
Abissinia, giomale di un viaggio di Pippo Vigoni. -^ Milano, 1881 (Ulricho Hoepli),
gr. in-8^',246 p. avec illust. et carte, fr. 8.
Florentin Loriot. David Livingstone et sa mission sociale. — Paris (Cbaravay frères),
1881, in-12, 830 p., avec gravures et cartes, fr. 3 50.
ECHANGES :
Sociétés de aéographie de : Anvers, Berlin, Bruxelles, Halle, Hambourg.
Lille, Lisbonne, Lyon, Madrid, Marseille, Montpellier, Nancy, Oran,
Pai-is, liochefort, Rome, Rouen» Vienne.
Sociétés de géograpliie commerciale de : Bordeaux, Paris, Rome.
Missions : Journal des missions évangéliques (Paris); Church missionary
intelligencer and record ; Missions-Blatt (Barmen) ; Berliner Missions-
Bericnte (Berlin) ; Missionary Herald (Boston) ; Bulletin missionnaire
(Lausanne); Missions évangéliques au XIX™* siècle (Neuchâtel);
Journal de l'Unité des Frères ^noraveâ] (Peseux); Heidenbote;
Evan^elisches Missions-Magazin ; GlaubensDOte (Bâle) ; Cal wer Mis-
sions-Blatt (Calw) ; Missions catholiques ; Annales de la propagation
de la foi (Lyon) ; Allgemeine Missions-Zeitschrift (Giltersloh) ; Ame-
rican missionary; Foreign missionary; The gospel in ail lands (New-
York); Missions d'Afrique (Alger); The régions beyond; Missionary
Chronicle (Londres).
Divers ; Deutsche Rundschau fur Géographie und Statistik (Vienne);
Exploration; France coloniale (Paris); African Times; Antislaverj
reporter; Aborigine's friend (Londi-es); Esploratore (Milan); Mitthei-
lungen der afrikanischen Gesellschaft m Deutschland (Berlin) ; Cosmos
(Turin); Aus alleu Welttheilen (Leipzig) ; Oesterreichische Monats-
schrift filr den Orient (Vienne) ; Âfrica oriental (Mozambique) ; Zeit-
schrift filr wissenschaîtliche Géographie (Lahr) ; African Repository
(Washington); Observer (Monrovia) ; Le Sahara (Paris); Bulletin de
l'Association scientifioue algérienne (Alger) ; Jornal das colonias
(Lisbonne) ; Boletin de la Exploradora ( Vitoria) ; 0 Africano (Qui-
limane); Revue scientifique (Paris); Bulletin du Comice agricole
(Médéa); Bulletin de l'Institut géographique international (Berne);
Bulletin du a Club africano di Napoli » (Naples).
f
SOMMAIRE
Bulletin mensuej .' 1
Nouvelles complémentaires 7
Le PALMIEB-DATTIER 8
Expédition du D*" Lbnz au Maroc et a Tombouctou 12
Bibliographie 20
Lettres sur le Trans-Saharien, par F. Abadie 20
Carte :
Itinéraire du D' Lenz.
1
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt,
JOURNAL MENSDEL f^P^^'
,ENÈVE. J. SANDOZ,- EBlTE^r, QBODL:
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
niRIGÉ PAR
H. Gustave MOTNISR
Membre de la CoimnisBion internationale de Bruxelles pour Texploratiou et la civiliBation
de rAfVique cPiitrale; membre correspondant des Sociét^tt de géogi-aphie
de Marseille et de l'Est.
RÉDIGÉ PAR
M. Charles FAURE
ISeorétaire-Bibliotbécaire de la Société de géo|praphio de Genève, membre correspondant de la Société
de géographie de Lisbonne.
L'Afrique paraît le pivrnitM* lundi do chaque mois, par livraisons in -8» d'au
moins 20 pages chacnno; le texie es! arcompagné de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaiiv.
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Le prix de ra]ionnemetit annuel, payable d^avauée» est de dix f^raues*
|K)rt compris, pour tous les pays de l^lînion postale (prennt^re zone); pour les
autres, H fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif à TAfrique, dont il sera envoyé deux exemplaires à
la Direction, aura droit à un compte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction au Directeur, IVff. OnstaTe Itfojrnierv
S, rue de l'Athénée, à Ctonève (Snisse).
S'adresser pour les abonnements h Téditeur, M. Jule.s Sandoz. à
Genève.
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('hezMM. Sandoz et Fischbachkr, éditeurs, 33, rue de Seine, h Paris.
Delaoravr, éditeur, 15, rue Soufllot, à Paris.
MuQUAHOT, éditeur, 45, me de la Régence, à Bruxelles.
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Journal des missions évangéliques (Paris). ,
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cord (Londres).*
Missions -Blatt (Bamien).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Missionary Herald (Boston).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XIX «"^ siècle
(Neuchâtel).'
iournal de l'Uni lé des Frères finoraves]
(Peseux).
Heidenbote (BAle).
Evangelisches Missions -Magazin (BAIe).
GlaulH^nsbote (Bâie).
Calwer Missions -Blatt (Calw).
Missions catholiques (Lyon).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Allgemeine Vissions-ZeiLschrift ((îlflers-
loh).
American missionary (New -York).
Foreign missionary (New-York).
Gospel in ail lands (New- York).
Missions d'Afrique (Alger).
Régions beyond (Loifidres).
Missionary' Chronicle (Londres).
Monthly Record of Ihe Free Church of
Scotland (Edinbnrgh).
Divers.
Deutsche Rundschau fdr Géographie und
Statistik (Vienne).
Exploration (Paris).
France coloniale (Paris).
African Times (Londres).
Antislavery reporter (Londres).
Aborigine's friend (Londres).
Ksploratore (Milan).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschiand (Berlin).
(k)smos (Turin).
Ans allen Welttheilen (Leipzig).
Oesterreichische Monatsscnrift fUr den
Orient (Vienne).
Africa oriental (Mozambique).
African Repository (Washington).
Zeitschrift fUr wissenschaftiiche Géogra-
phie (Lahr).
Observer (Monro\ia).
Le Sahara (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Jornal das colonias (Lisbonne).
Boletin de la Ëxploradora (yiloria).
0 Afric«ino (Quinmane).
Revue scientifique (Paris).
Bulletin du (iOmice agricole (Médéa).
Bulletin de rinstitut géographique interna-
tional (Berne).
Bulletin du (Wnh afrîcani (Naples).
Bulletin de T Académie d'Hippone (Bone).
SOMMAIRE
Page»
Bulletin mensi^ei 21
Nouvelles complémentaires 29
Langues de l'Afrique 30
Expédition de M. James Stewart uv Nyassa au Tanganyika 37
Bibliographie 43
Florentin Floriot. David Livingstone et sa mission sociale. . 43
Abbyssinia, giornale di un viaggio di Pippo Vigoni 44
Notices scientifiques, historiques et économiques sur Alger
et l'Algérie. 44
Carte :
Carte de la région du Nyassa.
OUVRAGES REÇUS :
Conte Luigi Penaazzi. — Sudan orientale. - Napoli (Eorico Detken), 18^1, iD'12,
50 p.
The Chmtian Express, a journal of missionary news and Christian work. — Ijoya-
dale, South-Africa, May 1, 1881, vol. XI, n» 129, in-4«.
Uuiversities mission to Central-Africa. Rcpoi*t for 1880-81 . — Londou, thc Mi^on
Office, 19, Delatray-street, Westminster, in- 12, 94 p. et carte.
Africa, a Quarterly Journal. — London (S.-W. Partridge aud C*", 9, Paternoster-
Row.), July 1881, n« 7, in-é'».
Genève. — Imprimerie Charles Schucbardt.
Ai
JOURNAL MENSliEL
.. .1. BANDOZ. BDlTEtlB
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DI&IGÉ PAR
M. Gustave HOTNIEB
MuAibrn de la Oommission intei-nationnlo de Bruxellos pour rexçloratlon et la civilisation
de rAfriqno centrale; membre correspondant des Sociétés de géographie
de Marseille et do l'Est.
EÉDIC^jê PAR
M. Charles FAUBE
Secrétaire-Bibliothécaire de la Société de géographie do Gouève,- membre coiTCspondiint do la Société
de géographie de Lisbonne.
U Afrique parallèle premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8« d'au
moins 20 pages chacune; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
paraît nécessaii-e.
T/année çommenee en: Jaillett "^
Le prix de 1 abonnefnent annuel, payable d'avance) est de dix' franes*
port c-ompris, pour toiîs les pays de l'Uuioiu postale (premier*^ zone); pcmr les
autres, il fr. 50.
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Tout ouvrage nouveau relatif k TAfrique, dont il sera envoyé deux exemplaires k
la Direction, aura droit À un eampte rendu.
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89 rue de l'Athénée, À Genève (Suisse).
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Genève.
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Chez MM. Sandoz et Fischbacher, éditeurs, 33, rue de Seine, h Paris.
Delagrave, éditeur, 15, rue Soufïlbt, à Paris.
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Missions.
Journal des missions t^vangéliques (Paris).
(^hurch missionary intell ipencer and Re-
cord (Londres).'
Missions -Blatt (Barmen).
Berliner Mi.ssions^Berichte (Berlin).
Missionary Herald j[Boston).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangôliques au XlX'ne siècle
(NeucMtel).
Journal de TUnité des Frères [moraves]
(Peseux).
Heidenhote (BÂle).
Ëvangelisches Missions -Magazin (Bâle).
Glaubensbote (BAIe).
(lalwer Missions -Blatt (Calw).
Missions catholiques (Lyon).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Ailgemeine Missions- Zeitschrift (GUtei-s-
loh).
American missionary (New- York).
Foreign missoinary (New- York).
Gospel in ail lands (New-York).
Missions d'Afrique (Alger).
Régions beyond (Londres).
Missionary Cbronicle (Londres).
Monthly Record of tlie Free (Ihurch of
Scotland (Ëdinburgb).
Mission Field (Londres).
Church of Scotland borne and foreigti
Missionary Record (Ëdinburgb).
Missionary Record of tbe united presby-
terian Ghurch (Ëdinburgb).
Divers.'
Deutsche Rundschau fUr Géographie und
Statistik (Vienne).
Exploration (Paris).
France coloniale (Paris).
African Times (Londres).
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Aborigine's friend (Londres).
Ësploratore (Milan).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschiand (Berlin).
(Cosmos (Turin).
Aus allen Welttheilen (Leiozig).
Oesterreichische Monatsscnrift ftir den
Orient (Vienne).
Africa oriental (Mozambique).
African ReiK>silory (Washington).
Zeitschrift fUr wissenschaflliche Géogra-
phie (Lahr).
Observer (Monrovia).
Le Sahara (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Jorual das colonias (Lisbonne).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
0 Africano (Quilimane).
Bévue scientifique (Paris).
Bulletin du Comice agricole (Médéa).
Bulletin de l'Institut géographique interna-
tional (Berne).
Bulletin du Club africain (Naples).
Bulletin de TAcadémie d'Hippone (Berne).
•
SOMMAIRE
Page»
Bulletin mensuei 45
Nouvelles compléiiieiittiii'es 51
Le Ciiobk 53
Le8 Pygmées de L'Afrique 58
Bibliographie 63
Conte Luigi Peuuazzi. Sudan orientale 63
Du Mont Pappua et de sa synonymie avec le .Djebel-Nadoi*,
par Alexandre Papier. 64
Zanzibar, par Alfred Rabaud 64
Carte. :
Bassin du Chobé.
OUVRAGES REÇUS :
Zanzibar, la côte orientale d'Afrique et l'Afrique équatoriale, par Alfred Ilabaud.
— MarseUle, 1881, in-8«», 88 p. et 2 cartes.
Les événements de Tunis. Du rôle de l'Italie et de l'action du gouvernement fran-
çais, par Paul Melon. — Paris (Rouviei;et Logeât), 1881, in-S**, 22 p.
Beitrâge zur Entdeckungsgeschichte Afrika's. Viertes Heft. Hcisen im Sûdwest-
lichen Becken des Congo, von Otto H. Scliûtt. Herausgegeben von Paul Linden-
berg. Mit 3 Karten von Kiepert. — Berlin (Dietrich Reimer), 1881, in-S*», 180 p.
Boletim da Sociedade de geographia de Moçambique. — Publicaçâo mensal. —
l'« série, n^- 1 et 2, juin et juiHet 1881, in-8°.
En Tunisie. Récit de l'expédition française, Voyage en Tiuiisie, Histoire, par
Albert de la Berge. — Paris (Firmin Didot et C% 1881, in-18, 378 p. et cart4î.
Fr. 3, 50.
D*" Ludwig Leiclihardt's Briefe an seine Angehôrigen. Herausgegeben von D' 8.
Neumayer und Otto Leichhardt. — Hamburg (L. Friederichsen et C**), 1881,
in-8", 215 p. avec portrait et carte.
Du mont Pappua et de sa synonymie avec le Djebel Kador. Commentaire sur
Procope, par Al. Papier. — Constantiiie (typ. L. Arnolet), 1880, in-8**, 31 p.
et planche.
Geuè?e. — Imprimerie Charles Schuchardt.
p
JOURNAL MENSUEL
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
niRIfll- PAR
M. Onstave MOTHIEB
Membre de la CommiBsion internationale de Brnxelloa jponr Pexploratton et la civiliaaiion
de l'Afriqne centrale; membre correspondant dee SociétcB de géographie
de Marseille et de l'Est.
RÉDIGÉ PAR.
M. Charles FAUBE
Secrétaire-Bibliothécaire de la Société de géographie de Ocnère, membre corrc8])ondAnt do la Société
de géographie de Lisbonne.
L'Afrique paraît le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-S» d'au
moins ^ pages chacune; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
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port compris, pour tous les pays de l'Union postale (première zone); pour les
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cord (Londres).
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Berliner Missions-Bt^richle (Berlin).
Missionary Herald (Boston).
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Missions évan|(éliques au XIX""*^ siècle
(Neuchâtel).
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Evangeliscbes Missions -Magazin (Bâle).
Glaubensbote .(Bâle).
Calwer Missions -Blatt (Calw).
Missions catholiques (Lyon).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Allgemeine Missions- Zeitscbrift ((ÎCÎters-
loh).
American missionary (New-York).
Foreign uiissoinary (New- York).
Go.spel in ail lands (New- York).
Missions d'Afrique (Alger).
Régions beyond (Londres).
Missionary Cbronicle (Londres).
Monthly Ri'cord of tlie Free (]|iur.-h of
Scotland (Edinburgh).
Mission Field (Londres).
(!!hurch of Sc/Otland home and foreign
Missionary Record (Edinburgh).
Missionary Record of the nnited presby-
teriaii Church (Edinburgh).
Divers.
Deutsche Rundschau fHr Geograplûe und;
Statistik (Vienne).
Exploration (Paris).
France coloniale (Pari-i). *'
Afriean Times (Londres).
Antislavery reporter (Londres).
Aborigine's friend (Londres).
Ësploratore (Milan).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschiand (Berlin),
("osmos (Turin).
Ans allen Welttheilen (Leipzig).
Oesterreichische Monatssclirifl fUr den
Orient (Vienne).
Africa oriental (Mozambique).
Afriean Reposilory (Washington).
Zeitschrifl fUr wissenschaftliche Géogra-
phie (Lahr).
Observer (Monrovia).
Le Sahara (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Jorna! das colonias (Lisbonne).
Boletin de la Ëxploradora (Vitoria).
0 Africano (Quifimane).
Revue scientifique (Paris).
Bulletin du Comice agricole (Médéa).
Bulletin de l'Institut géographique interna-
tional (Berne).
Bulletin du (llub africain (Naple.s).
Bulletin de rAcadéinie d'Hippone (Bone).
SOMMAIRE
PaçTft
BrLLETIN MKNSITEI ()5
Nouvelles coinplémeiitaires. 72
Les acacias gommiers ex Afrique 73
Indications hygiéniques 77
BlBLIOCJRAPHlE .^ 83
Eli Tunisie, par Albert de la Berge 83
Beitrâge zur Entdeckungsgeschichte Afrika's, von Paul
Liiulenberg 83
Carte :
Province d'Orau et territoire marocain de la frontière.
OUVRAGES REÇUS :
A propos ilu railway trans-saharicn. Réflexions et observations hygiéniques et
médicales, par Cli.-J. Masse. — Paris (Calmann-Lévy), 1881, in-8", 73 p.
De Mogador à Biskra. Maroc et Algérie, par Jules Leclercq. — Paris (Cliallamel
aîné), 1881, in-18, 258 p. et carte.
Description géographique de Tunis et de la Régence, par le commandant Vil lot.
— Paris (Challamel aîné), 1881, in-8", 48 p. et carte.
Quatre mois dans le Sahara, journal d'un voyage chez les Touareg, par F. Ber-
nard. — Paris (Delagrave), 1881, in-18, 170 p. avec illust. et carte. Fr. 3, 60.
Six semaines en Algérie. Notes de voyage d^m membre du congrès scientifique
tenu à AJgei- en 1881. — Paris (Vve A. Morel et C'»^), 1881, in-8", 17a p. Fr. B.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
JOURNAL MENSUEL
F: .1 . s A N t» O Z , K D 1 T E l
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
.lOlJIINAL MENSUEL
DIRIOK PA&
M. GastaTO MOTNIEB
Mcuilirn de l.i Commission intcrnfttionalo de Bnixellos ponr rcxplonUion et U ciTlIisaiion
d» l'Afriquo centrale; memlifo oorrespoiidant de rÀcadémie d^Uippone,
et dos Sociétcfl de géographie de Maraeillc et de VEat.
K&DÎQÉ FA&
M. Charles FAUBE
Secrét;ilre-Bîl>riotli('cnîre «Ir la Société do géogi-aphio de Genève, momlire coi-r> spondant do la Sociètû
de géographie de Lisbonne.
L'Afrique paraît 1;^ pivuiit^r liuuli île chaque mois, ])ar livraisons in-S^ d'au
moins iO pages chanims If^ l»*xte est acrompajrné de caries, chaque fois que c^la
paraît nt^cessaire.
li^année commence en Juillet*
Le prix de rahonnement annuel, payable d*avanc69 est de dfx francs»
|>ort c^impris, nonr Ions les pays de l'Union poslale ^première zime); ponr I»ks
antres, H h.''n).
Tout ouvrage nimveau relalif à l'Afrique, dont il sera envoyé deux exemplaires à
la Dire4'ti(m, aura «IroH î^ un eampte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction au Directeur, M. Gustave M aynler»
8, rue de rAtiténée» à, Genève (Suisse).
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Dëlagravk, éditeur, lo, rue Soutflot, j'i Paris.
MuQUABDT, éditeur, 45, rue de la Ré^'ence, à Bruxelles.
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Bruxelles. IJsbonue. Montpellier. New- York. l{oc4iel\)rl. Vienne.
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Sociétés de géographie commerciale.
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Missions.
Journal des missions évangéliques (Paris). | Glaubensbote (Bâle).
Bulletin missionnaire (Lausanne). iChurch missionary Intellipeneer and Re-
MLssions évangMiques au XÏX«>« siècle j cord (Londres).'
(Neuchûtel). 'Missionary Herald (Boston), v
Journal de TUnitt^ des Frères [moraves] i American missionary (New -York).
(Peseux). ' Foreign missionary (New-York).
Missions catholiques (Lyon). Régions beyond (ïiondres).
Missions d'Afrique (Alger). ' Cbronicle of the London Mijwionarv So-
Annales de la propagation de la foi (Lyon), ciety (Londres).
Missions-Bl )tt (Barmen). Monthly R(^cord of the Free ('burrh of
lierliner Missions-Bericbte (Berlin). Scotland (Edimbourg).
Heidenbote (Bâle). Missions Field (I^ondres).
Evangelisehes Missions -Ma gazin (Baie). iChurch of Scotland home and foreign
Calwer Missions -Blatl (Halw). Missionary Record (Edimbourg).
Allgemeine Mîssions-Zeit.<chrift (GCIters-i Missionary Record of the unite«l presbv-
loh). terian (^.hurch (Edimbourg).
Divers.
Exploration (Paris). ' Aus allen Weltlheilen (Leipzig).
France coloniale (Pari^). Zeitschrift ftir wissenschaftliche Geogra-
I^ Sahara (Paris). phie (F^ahr).
Bulletin de l'Association scientifique aigé- African Times (Londres).
Tienne (Alger). | Antislavery reporter (Londres).
Revue scientiiique (Paris). Aborigine's friend (Londres).
Bulletin du (]omice aarico
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
(>)smos (Turin).
agricole (Médéa).
Bulletin de l'Institut géographique interna-
tional (Berne).
Bulletin de rAcadémie d'Hippone (Bone).
Deutsche Rundschau filr G:H)graphie und Rivista Nuova (Naplcs).
Statistik (Vienne). jGiornale délie Colonie (Rome).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-' Boletin de la Ëxploradora (Vitoria).
schaft in Dentschland (Berlin). Africa oriental (Mozambique).
Oesterreichische Monatss.*hrift fUr den 0 Africano (Quilimane).
Orient (Vienne). . Jornal das colonias (LislK>nne).
SOMMAIUE
lU'JJ.KTlN MKXSl'EL . . , 85
Nouvplles comi^léiuontain^s ". îll
Indications iiY(ai':xiuLKH (SuitcM Uo
KXPLOUATlOi; DE LA DaXA VSW (Jl. I)K^'1IAUDT Îj7
(/OUJRESPOXDANCK :
Lettre de M. (rAb])a(lio ,. 102-
IhnLKXUiAPlUE :
De-Mogîulor à Biskra, par J. Lecl(»rc(| KK-î
Quatre mois dans le Sahara, par F. Bernard lOo
A propo>^ du railway tran.s-saharieu. Réflexious liv^iéniciues
et médicales, par J. Masse f KM
Six semaines en Algéri(î, par un membre du C'en«i:rès d'Al^c^r 104
C'a u TE :
Région coniprise entre l'océan Indien et le Victoria Nyauza.
OUVRAGES RE(;US :
Phi Algrric, à travt'ivs rKspagnc et 1p Maroc, j)ar 'rii.'A'criM'> irAriaiuU-s. -
Paris (Calmann Ji('vy), hSMl, in-is, 120 j). Y\\ ;-n 50.
Kartc voïi XiMitral Afrika, liach lU'ii iicncstoii Kor.scliinijioii bcarbuiict von
D" Josqjli C'havaime. V»««oo""- — Wion, Pcr^tli, Leijizig (A. liait Icb^ii). V\\ 5. :-îr».
Algoria, Tuni.sia e Tripolitania, di Attilio IJnunalti. — Milauo (Fratelli Trêves).
ISsi, iu-l^. 274 ]). ot farte. Fr. ÎJ. 50.
Karto v()n Al«îerien uiid Tunesien, bearlu'ilet voii lleinricli Kie]>crt. ''ïi>im«ooo. —
IJerlin (Dietricli lleimcr). Fr. 2.
.M^rérie, Tunisie et Sahara central, carte dressée et dessinée par J.-V, P»arl»ier.
* :nuMio(H>, Fr. I . . •
V
•e. - luiprîmerie Charles Schiicliapdt
A
JOURNAL MENSUEL
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
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PIRIGÉ PAR
M. Gustave MOTNIER
Membre de la. CommiBsion internationale de Bruxellot ponr Texploratton et la civilisation
de TAfriqne centrale; membre correspondant de I*Acadéroio d^Hippone,
et des Sociétés do géographie de Marseille et de VKêi.
RÉDIGJâ PAB
M. Charles FAUBE
•Scrrétaire-Blbliothécairc de la Bociôtô de géographie de Oenèvo, membre correspondant de la Société
de géographie do Lisbonne.
L* Afrique paraît le premier iundi de chaque mois, par Jivraisons in-8û d'au
iiioiijs 20 papes chacune; le texte est ac4;ompa}?né de cartes, cliaqiie fois qne cela
paraît nécessaire.
I«*aiiné« eonuneiiee «n Juillet,
Le prix de Tabonnenient annuel, payable d'avaneèt est de dix Tranes»
port compris, pour tous les pays 'de l'Unton postale (première zone); ponr l«»s
autres, H fr. 50. >
r •
Tout ouvrage nouveau relatif îil' Afrique, dont il sera envoyé deux exemplaires ii
la Direction, aora droit 4 on eempte rendu*
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(itiez MM. Sankoz et Fischbacheh, éditeurs, 33, rue de Seine, à Paris.
Delagrave, éditeur, 15, me Soufflot, h Paris.
MuQUAHDT, éditeur, 4o, rue de la Régence», à Bruxelles.
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A. -M. Mizzr, rédacteur de VÉ('tmo}iml.e de Malte, i\ Malle.
VA chez les principaux lilirain»s «le tous pays
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Anvers.
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Rouen.
Vienne.
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Haml)Oiirfi^. Madrid. Mozambique. Oran.
Lille. Marseille. Nancy. Paris.
Lisbonne. Montpellier. New-York. Roclieforl.
Lvon.
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Bordeaux. Paris.
Missions.
Journal des missions évangiMiques (Paris). | Glaul)ensbote (Bâle).
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Missions évangéliques au XlX^e siècle
(Neucbâtel).
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Missionary Herald (Boston).
Americanmissionary (New - York ) .
Foreign missionary (New- York).
Régions beyond (Londres).
Cbronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Montliîy Re^îord of the Free Cburcb of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Recoi'd (Edimbourg).
Missionary Record of the united pwsby-
terian (îhurch (Edimbourg).
Exploration (Paris).
France coloniale (Paris).
I^ Sahara (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algtS
rien ne (Al^er).
Revue scientifique (Paris).
Bulletin du Comice agricole (Médéa).
Bulletin de Flnstitut géographique interna-
tional (Berne).
Bulletin de l'Académie d*Hippone (Boue).
Deutsche Rundschau f(ir Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsscbrift ftlr den
Orient (Vienne).
Divers.
Aus allen Welttheilen (Leipzig).
Zeitschrift fUr wissenschaftliche Gef)gra
phie (Lahr).
African Times (Londres).
Antislavery reporter (Londres).
Aborigine's friend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin). -- ,
Rivista Nuova (Naples).
Giornale délie Colonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine).
Moniteur de TAlgérie (Alger).
Bulletin de la Société khédiviale de géo<
graphie (l^e (lâïve).
D' A. Petermann's Mittheilungen (Gotha).
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly ReconI of geogra-
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus (C^ipe-Town).
West African reporter (Sierra J^éone).
Etc.. etc.
, f
*.;w^ 1*' SOMMAIRE
t:..^
BVLLKTIN MKX6U£L I05
Nouvelles eomplémeutaireK Il3
La mouche T8ÉT8É 115
Exploration de la Dana par Cl. Denhardt (Suite et fiu) 120
BlBUOORAI^UlE :
Algérien uiid Tuuesieii, von Kiepert 126
iVlgeria, Tunisia e Tripolitania, di Attilio Biiuiialti 126
Description géographique de Tunis et de la Régence, par
le commandant Villot 127
En Algérie, à travers l'Espagne et le Mai-oc, par Th. Vernes
d'Arlandes 127
Central-Afiika, von D' J. Chavanue 128
Carte :
Algérie, Tunisie et Sahara central, par J.-V. Barbier.
OUVRAGES REÇUS :
The thirty-fourth annual report of the american Missionary Association.
October 1880. New-York, in-8% 112 p.
Genève. — Imprioierie Charles Schuchardt.
i_»A-
A
JOinONAL MENSUEL
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DZJUGÉ PAB
M. Gustave MOTNISR
Membre de U CommiBsion intemationftle de Biuxellee pour rexploration et la ciTilitation
. de l'Afriqne centrale; membre correspondant de rAoadémio d*Hippone,
et des Sociétés de géographie de Marseille, de Nancy et de Loanoa.
EÊDIQÉ F&R
H. Charles FAURE
Hecrétaire-Bibliothécaire de la Société de géographie de Genève , membre correspondant des Sociétés
de géographie de Lisbonne et de Loanda.
L'Afrique parait le premier. lundi de chaque moi$, par livraisons in-8o d*au
moins 20 pages chacune; le^texte est accompagnédecailes, chaque fois que cela
paraît nécessaire. *^ - '•
I«*année eommeiiee en JailliBtt
Le prix de rabonnèifient annuel, pàjrable d'aTanee» est de dix Dranes»
port compris, pour tous les pays de TUnion postale (première zone); pour les
autres, il fr. 5d.
I
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il sera ertvoyé deux exemplaires à
la Direction, aara droit à nn eompte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction au Directeur, m. GosiaTe Moynler»
8, rue de PAthénée» h GenèTe (Snimie).
S'adresser pour les abonnements à Téditeur, M. Jules Sandoz, à
Genève.
On s*abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse et de TAllemagne.
Chez MM. Sandoz et Fischbacher, éditeurs, 33, rue de Seine, à Pacis.
Delagrâve, éditeur, 15, rue Soufflot, à Paris. 1
MuQUAROT, éditeur, 45, rue de la Régence, à Bruxelle|^
DuMOLARD frères. Corso Vittorio Ennnanuele, 21, à Milai).
A. -M. Mizzi, rédacteur de VÉconomùte de Malte, k Malte.
Et chez les principaux libraires de tous pays.
ÉCHANGES
Anvers.
Berlin.
Bruxelles.
Halle.
Hambourg.
Lille.
Lisbonne.
Loanda.
Sociétés de géographie.
Lyon. Mozambique. Oran.
Jkfadrid. Nancy. Paris.
Marseille. New-Vork. Hochefort.
Montpellier.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Sooiététt de géographie oommeroiale.
Bordeaux. Paris.
Miflsioiui.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XlX^e siècle
(Neuchàtel).
Journal de TUnité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bâle).
Evangelisches Missions -Magazin (Bâle).
Calwer Missions -Blatt (Calw).
Allgemeine Mlssions-Zeitschrift (GUters-
loh).
Glaubensbote (Bftle).
Church missionary Intelligencer and Re*
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American missionary (New -York).
Foreign missionary (New-York).
Régions beyond (Londres).
Ghronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthiy Record of the Free Ghurch of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian Church (Edimbourg).
IHvers.
Exploration (Paris).
Frajice ^loniale (Paris).
Le Sahara (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alçer).
Revue scientifique (Paris).
Bulletin du Comice agricole (Médéa).
Bulletin de l'Institut géographique interna-
tional (Berne).
Bulletin de l'Académie d'Hippone (Bone).
Deutsche Rundschau fUr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift ftlr den
Orient (Vienne). I
Aus allen Welttheilen (Leipzig).
Zeitschrift fUr wissenschaftlicne Geogra
phie (Lahr).
Airican Times (Londres).
Antislavery reporter (Londres).
Aborigine's friend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia),
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Rivista Nuova (Naples).
Giomale délie Colonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das eolonias (Lisbonne).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
Bulletin de la Société khédiviale de géo-
graphie (Le Caire).
Etc.
Dr A. Petermann's Mittheilungen (Gotha).
Proceedings of the royal geographical
Society and monthiy Record of geogra-
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Ckipe Argus (Cape-Town).
West African reporter (Sierra Leone).
etc.
SOMMAIRE
Pages
BUU.ETIÎÎ MEUSIIEI 120
Nouvelles complémeutaii-es 134
L'esCIAVAOE EK Af'RIQUE 136
C0REE8PONDANCE :
Lettre de M. G. Riemaii 147
BiBUOGRAPUIE :
Der Orient, von A. vou Schweiger-Lerchenfeld 148
OUVRAGES REÇUS :
RecepçÀo e conferencia dô Ex"^. Sr. Lotirenxo Malheiro. Loanda, 1881, m-8'',
14 p.
A memoria de Luiz de Camôes. Loanda, 1881, in-8^ 26 p.
Guide hygiénique et médical des voyageurs dans l'Afrique intertropicale, publié
par la Société de géographie et la Société de médecine pratique de Paris. Paris
(E. Martinet), 1881, in-8°, 98 p.
Liste provisoire de bibliographies géographiques spéciales, par, James Jackson.
Paris (Société de géographie), 1881, in-S*», 340 p.
An^and V. Schweiger-Lerchenfeld. Der Orient. Wien, Pesth, Leipzig (A. Hartleben),
1881, in-8«, îllust. 808-cxLii p. plans et cartes, fr. 20,â5. .
Gazeau de Yautibanlt. La France au Soudan. Paris, 1882, gr. in-8**, 29 p., et
carte, fr. 2.
Gerhard Rohlf s. Kufra. Reise von Tripolis nach der Oase Kufra. Leipzig (F.-A. Brock-
haus), 1881, in-8®. 559 p., tab. météorologiques, illust., et 3 cartes, fr. 21,25.
D' Gustave Nachtigal. Sahara und Sudan. Borku, Kanem, Bqrnu und Baghimii.
Zweiter Theil. Berlin (Paul Parey), 1881, in-S^, 765 p. illust., tabl. météorologi-
ques, et 4 cartes, fr. 26,70.
Sud Afrika und seine Bewohner, von D*^ Wangemann, Missionsdirektor. Berlin
(Selbstverlag des Verfassers, Berlin NO, Ffiedenstrasse 6), 1881, in-8'', illust.,
et carte, fr. 6, 26. v
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
•jO'^y.
AVIS AUX ABONNÉS
L'AFRIQUE EXPLORÉE ET CIVILISÉE
Désii'euse de reporl«r du 30 juin au 31 décembre 1 882 l'échéance des abonne-
ments acluellemenl en cours, afin de faire coïncider dorénavanl l'année de publi-
cation du journal avec l'année civile, la Direction prend la liberté de vous informer
que les quatre numéros qui devraient encore être publiés mensuellement d'ici au
30 juin prochain, seront irrégulièrement espacés dans le cours de l'année 1882.
La périodicité des livraisons sera ainsi momentanément moins fréqu^te , mais
elles seront plus volumineuses, s'il le faut, pour que, au point de vue des Nouvelle»
d'Afrique, les abonnés soient aussi complètement renseignés qu'à Tordinaiie.
JOURNAL MENSUEL
JOURNAL HENSUEL
.-NEVE. J. SANDOZ, É D I T IS U B
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
M. Gustave HOTNIEB
Membre de la CommiBsion iBtemationale de Brozelloa poar ^exploration ot la eiyilisatlon
de l'Afriqne centrale; membre conreepondant de TAcadèmio d^Hippone,
et des Sociétéa de {géographie de Marseille, de Nancy ot de Loanoa.
RÉDIGÉ PAU
M. Charles FAUBE
Secrétaire-Bibliothécaire de la Société de gét^raphie de Genève , membre oonrcapondant des Sociétés
de géographie de Lisbonne et de Loanda.
L'Afrique parait le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8o d'au
moins 20 pages chacune ; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
paraît nécessaire.
Le prix de Tabonnement annuel, payable d'aTanee, est de dix ftranea»
port compris, pour tous les pays de l'Union postale (première zone); pour les
autres, 11 fr. SO.
Tout ouvrage nouveau relatif k l'Afrique, dont il sera envoyé deux exemplaires à
la Direction, aura droit h un compte renda.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction au Directeur, Bf • GnstaTe Bloyitiery
8, rne de TAtliénée» à GenèTe (Suisse).
S'adresser pour les abonnements h l'éditeur, M. Jules Sandoz, à
Genève.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse et de l'Allemagne.
Chez MM. Sandoz et Thuillier, 4. rue de Tonrnon, k Paris.
Delagrave, éditeur, 15, rue Soufilot, à Paris.
MuQUARDT, éditeur, 45, rue de la Régence, à Bruxelles.
DuMOLARD frères, Corso Vittorio Emmanuele, 21, à Milan. ♦
A. -M. Mizzi, rédacteur de VÉconomiste de Malle, à Malte.
Et chez les principaux libraires de tous pays
f
ÉCHANGES
Anvers.
Berlin.
Bruxelles.
Halle.
Hambourg,
léna.
Lille.
Lisbonne.
Sociétés de géographie.
Loauda. Montpellier. Oran.
hyon. Mozambique. Paris.
Ikïadrid. Nancy. Rochefort.
Marseille. New-York.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Sociétés de géographie commerciale.
Bordeaux. Paris.
Missions.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XCC^e siècle
(Neuchâtel).
Journal dcl'Unité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bâie).
Evangelisches Missions -Magazin (BÂle).
Calwer Missions -Blatt (Calw).
Allgemeine Missions -Zeitschrift (GUters-
loh).
Glaubensbote (B&ie).
Church missionary Intelligencer and Re-
cord (Londres),
Missionary Herald (Boston).
American missionary (New -York).
Foreign missionary (New-York).
Régions beyond (Londres).
Chronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Church of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian (church (Edimbourg).
Divers.
Exploration (Paris).
France coloniale (Paris).
Le Sahara (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Al^er).
Revue scientifique (Paris).
Bulletin dû Comice agricole (Médéa).
Bulletin de l'Institut géographique interna-
tional (Berne).
Bulletin de T Académie d'Uippone (Bone).
Deutsche Rundschau fUr Géographie nnd
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fUr den
Orient (Vienne).
Aus allen Welttheilen (Leipzig).
Zeitschrift fttr wissenschaftlicne Geogra
phie (Lahr).
African Times (Londres).
Antislavery reporter (Londres).
Aborigine's friond (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Ësploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Rivista Nuova (Naples).
Giomale délie Colonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
• i
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant ((^onstantine).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
Bulletin de la Société khédiviale de
graphie (Le Caire).
Dr A. Petermann's Mittheilungen (Gotha).
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Heconi of geogra-
phy (Londres).
Natal Mercurv (Durban),
géo- Cape Argus ((]lape-Town).
West African reporter (Sierra Leone).
Etc., etc.
1
-^- V. .
SOMMAIRE
Page*
Bulletin mensitel 149
Nouvelles complémentaires. ^ 155
Exploration du ïjlC Tzana , par le D*" Stecker 157
Conférence du D' Buchner a Loanda 165
Rapport des ambassadeurs wagandas a Mtésa 169
Correspondance :
Lettre du voyageur Schuver 173
Bibliographie :
Le Sahara, par A. Choisy 176
Sûdafrika und seine Bewohner, von Wangemann 177
La France au Soudan, par Gazeau de Vautibault 178
Liste de biWiographies géographiques, par J. Jackson . 179
Guide hygiénique et médical dans l'Afrique intertropicale,
par les D** Nicolas, Lacaze et Signol 180
Carte :
Le lac Tzana, d'après le D' Stecker.
OUVRAGES REÇUS :
Auguste Choisy. Le Sahara, souvenirs d'une mission à Goléah. Paris (E. Pion et €*•),-
1881, in-18o, 290 pages.
D*^ Ph. Paulitschke. Afrika, kommerziell, politisch und statistisch. Leipzig (Metzger
et Wittig), 1882, in-8*», 134 pages à 2 col.
Recepçào e conferencia do D' Max Buchner, explorador allem&o na sessào d'as-
sembleia da sociedade propagadora de conhecimentos geographico-africanos,
1 de setembro de 1881. Loanda, 1881, in-8**, 15 pages et carte.
Gustav Fritsch. Die Ëingeborenen Sud-Afrika's, mit zahlreichen Illustrationen,
zwanzig lithographischen Tafeln, und einem Atlas enthaltend sechzig in Kupfer
radirte Portraitkôpfe. Breslau (Ferdinand Hirt), 1872, in-4«, 528 p., fr. 100.
Jacob de Neufville. Notes au crayon sur T Algérie. Paris (Imprimerie Chats), 1882,
in-8°, 14 pages.
James Sibree. Madagascar. Géographie, Naturgeschichte, Ethnographie der Insel,
Sprache, Sitten und Gebràuche ihrer Bewohner. Leipzig (F.-A. Brockhaus),
1881, in-8°, 424 pages et 2 cartes, 10 fr.
D'' Oscar Lenz. Skizzen aus Westafrika. Berlin (A. Hofmann et C*»), 1878, 346 p.
et carte, 8 fr.
Edmondo de Amicis. Le Maroc. Traduit de l'italien par Henri Belle. Illustré de
174 gravures. Paris (Hachette et C*'), 1882, gr. in-4«, 408 pages. 30 fr.
D'* Gustave Nachtigal. Sahara et Soudan. Traduit de l'allemand par Jules Goor-
dault. T. I, Paris (Hachette et C^«), 1881, in-8*», 552 pages, 99 gravures et carte,
10 fr.
Comment j'ai traversé l'Afrique, par le major Serpa Pinto. Traduit de l^nglais
par J. Belin de Launay. Paris (Hachette et C»«). 1881, 2 vol. in-8«, 456 et
468 pages avec 15 cartes et 84 gravures, 20 fr.
Genève. •- Imprimerie Charles Schuchardt.
à^^"^
JOUnNAL MENSUEL
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIRIGÉ PAR
M. Gastave MOTNIEB
Membre de la Commission internationale de Bruxelles ponr Texploration et la civilisation
de r Afrique centrale; membre correspondant do PÂcadémio d*Qîppone,
et des Sociétés de géographie de Marseille, de Nancy et de Loanaa.
RÉDIGÉ PAR
M. Charles F AUBE
Secrétaire-Bibliothécaire de la Société de ^ographie de Génère , membre eorrtspoiidant des Sociétés
de géographie de Lisbonne et do Loandn.
L* Afrique paraît le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8o d'au
moins 20 pages chacune; le lexte^est accompagné de cartes, chaque fois que c^la
parait nécessaire.
Le prix de Tahonnement annuel, payable d'aTanèe, est de dix ftrancs»
port compris, pour tous les pays de l'Union postale (première zone); pour les
autres, 11 fr. 50,
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il sera envoyé deux exemplaires à
la Direction, aora droit à nu eompte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction au Directeur, M. Gnstave ]IIojrnier,
8, rne de TAthénée, k, Genève (Snisse).
S'adresser ponr les abonnements h Téditeur, M. Jules Sanooz, à
Genève.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse et de TAIlemagne.
Chez MM. Sandoz et Thuillier, 4, rue (Je Tournon, k Paris.
Dëlagrave, éditeur, 15, rue SoufHot, à Paris.
MuQUARDT, éditeur, 45, rue de la Régence, à Bruxelles.
DuMOLARD frères, (2orso Vittorio Emmanuele, 21, à Milan.
A. -M. Mizzr, ivdacteur de VÉronomûte de .\faltc, à Malte.
' Et chez les principaux libraires de tous pays
r
Anvers.
Berlin.
Bruxelles.
Hille.
ÉCHANGES
Sociétés de géograjAiie.
HamhourK. Loanda. Montpellier. Oran.
léna. lAon. Mozambique. Paris.
Lille. Madrid. Nancv. Bociieforl.
Lisbonne. Marseille. New-Vork.
Rome.
Houen.
Vienne.
Sociétés de géographie commerciale.
Bordeaux. Paris.
Missions.
Journal des missions èvangêliqnes (Paris). Glaul)ensbote (Bâle).
Bulletin missionnaire (Lausanne). i ('hiuvh missionary Intelligenrer and Be-
Missions èvangêliqnes au XIX»n« siècle cord (Londres).
(Nenchâtel). Missionary Herald (Boston).
Journal de TUnité des Frères [moravesj I American missionary (New -York).
(Peseux). , Foreign uïissionary (New- York).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger),
Annales de la propagation de la foi (Lyon)
Missions -Blatt (Bannen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenl)0te (Bâie).
ïlvangelisches Missions -Magazin (BAle).
(Lilwer Missions -Blatt (('alw).
Allgemeine Missions- Zeitscbrift (GCifers-
loh).
Begions beyond (Londres).
Chronicle of the Londoa Missionnry So-
ciety (Londres).
Monthly Becord of the Free (^hurih of
Scotland (Kdimbourg).
Missions Field (Londres).
(Ihurch of Scotland home and foreijjn
Missionarv Bd^ord (Kdimbourg).
Missionarv Beeord of the uniled presby-
terian (îhurrh (Edimbourg).
Divers.
Exploration (Paris). IZeitschrift fUr wissenschaftiiche Geogra-
France coloniale (Pari^). I phie (Lahr).
Le Sahara (Paris). ' Afriean Times (Jjondres).
Bulletin de PAssociatitm scientifique aigé- Antislavery reporter (Londres).
rienne (Alger).
Bulletin du (lomice agricole (Mèd(VT).
Bulletin de l'Institut géographique interna-
tional (Berne).
Bulletin de TAcadémie d'Ilippone (Bone).
Deutsche Bundschau fflr Géographie und
Stati.stik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deut.schiand (Berlin).
()esten*eichische Monatsschrift filr den
Orient (Vienne).
Aus allen Welttheilen (Leipzig).
Aborigine\s friend (Londres).
Afriean Bepository (Washington).
Obs(Tver (Monrovia).
Esploratore (Milan).
(iOsmos (Turin).
Bivista Nuo\a (Naples).
Giornale délie G(jlonie (Borne),
liolelin de la Exnloradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africajio (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Bévue de géographie (Paris).
Bévue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant ((^onstantine).
Moniteur de TAlgérie (Alger).
Bulletin de la ^'o-iétè khédiviale de géo-
graphie (Le (4Ûre).
Etr.
Dr A. Peterraann*s Mittheilungen (Gotha).
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Beconl oï geogra-
phy (Londres).
Natal Mercury (Durlwn).
(^ape Argus ((iape^Town).
West Afriean re|)orter (Sierra Leone).
, etc.
SOMMAIh'E
BrLl.KTlK BI-MEN8UEI 181
Nouvelles coinplémentaii'es îOo
VoYACiïS DE MaTTEICCI ET DE MaSSARI DE IJi MER RoUi^E AU
GoLB^E DE Guinée .• 1^7
CaiîRESPONDANCE :
Lettre de M. Gazeau de Vautibault 207
BlBLlOtiRAPlUE :
Kufra, voii Gerhard Rolilfs 2im
Sahara und Sudan, — Sahara et Soudan, par Nachtigal. 2W
Paulitschke : Afrika 212
Fritsch : Die Eingeborenen Sud Afrika's 21o
De Neufville : Notes au crayon sur l'Algérie 210
Comment j'ai traversé l'Afrique, par Serpa Pinto 217
De Lannoy de Bissy : Carte d'Afrique 218
Die Goldfciiste, u. s. w. (Carte) 219
Die Colonisation Afrika's, von Holub 219
Carte du Sahara tripolitain, par Richard 219
Carte de POvampo, par Duparquet 22C)
Pesca de la madreperla ad Assab 220
C.VRTE :
Voyage de Matteucci et de Massari.
OUVRAGES REÇUS :
Heguauld de Lannoy de Bissy. Carte de l'Afrique '-«ooouot» avec tahieau d'at»seni*
bla^e, feuille 53 (Barmen), 54 (Kourouman), 56 (Port-Nolloh), 59 (Capetown),
60 (Pietermaritzbourg), Paris, 1882.
Die Goldkiîste und westliche Sklavenkû^te sowic das sudlîche Asante-Reich iu
West- Afrika. Basel, 1873.
Léon Lacroix, Projet d'exploration dans PAû'ique centrale par l'Ouellc. Lille
(imprimerie L. Danel), 1881, in-S", 28 p.
I)"" Emil Holub. Die Colonisation Afrika's. — A. die Franzosen in Tunis, voni Stand-
punkte der Erforschung und Civilisirung Afrikas. Wien (Alfred Hôlder), 1881,
in-8^ 16 p.
Prévost-Duclos. Une aventure à Tombouctou. Paris (Firmin Didot et O*), 1882,
in-12, 304 p. et carte, 3 fr.
Publications des MissiA/m catholiques :
1. Carte du Sahara tripolitain, pour servir k l'intelligence d'un voyage chez les
Touaregs Azghers, par le P. L. Richard, missionnaire d'Alger, Vso^oooo. Fr. 0,75.
2. Carte de POvampo, par le R. V. Duparquet. 1881, fr. 1.
3. Carte du Congo, depuis son embouchure jusqu'à Stanley Pool, par le R. P. Au-
gouard.
Richard Kiepert. Vorlàutige Uebersicht von D^ Max Bftchuer's Reise in Lunda
1878-1881. Vsoooooo.
ly II. Lacaze. Souvenirs dé Madagascar. Paris (Berger-Levrault et C'*), 1881,
in-8", 166 p. et carte, 4 fr.
Relazione délia Commissione délia Caméra di Commercio e del Club Africano
di Napoli, sulla pesca délia Madreperla da iniziarsi dagl' Italiani ad Assab.
Napoli (Tipografia di Michèle Capasso), 1881, in-8", 19 p.
L'Afrique d'après les explorations modernes, par Pabbé Charles Ràïmy. Paris
(Siindoz et Thuillier, 4, rue de Tournon) 1882, gr. in-8", 20 p.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
Ud<f^
JOURNAL MENSUEL
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIjVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIftIOâ FAR
M. Gustave MOTNISR
Membre de 1r CominisBion internationale de Brnxellofl uonr Texploration et la civilisation
de TAfriqne rentralo; membre oorrespoudant do rAoadéuio d'Mippoius
et dea Sociétés de géographie de Marseille, de Nancy et de Loanda.
KÉDIOlfi PAR
M. Charles FAUBS «.
âecrètairo-Bibliothécairc de la Sooictô do géographie de Genève , membre corn spoiidnnt dos Sociétéa
de géographie de Lisbonne et do Loanda.
L'Afrique parait lo premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8" d'au
moins 20 pages chacune; le texte est acconî^agné de caries, chaque fois que r^Mj
parait nécessaire.
Le prix de 'rabonnement annuel, payable d'avaaee» est de dix
port comprisj pour tous les pays de Tllnion postale (première zone) ; pour le
autres, H fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il si^ra envoyé deux exeinplaires à
la Direction, aura droit ft un eainpte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction au Directeur, HI. Gnutave ]tfojriilery
9» rae de l'Athénée» ft Genève (SnlMe).
S'adresser pour les abonnements à réditeur, M. Jules Sandoz, à
Genève.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse et de l'Allemagne.
Chez MM. Sandoz et Tuuilmer, 4^ rue de Tournon, à Paris.
Dblagrave, éditeur, 15, rue Soufllot, k Paris.
Muquardt, éditeur, 45, rue de la Régence, .1 Hruxelles.
DuMOLARD frèi*es. Corso Vittorîo Emmanuele, 21, à Milan.
A. -M. Mizzr, rédacteur de VÉconomisU de Malte, à Malte.
Et chez les principaux libraires de tous pays.
ÉCHANGES
Anvers.
Berlin.
BruxelN^s.
Halle.
Sociétés de géographie.
Hambourg. Loanda. Montpellier. Oran.
léna. Lyon. Mozambique. Paris.
Lille. Madrid. Nancy. Rocheforfr.
Lisbonne. Marseille. New-York.
Sociétés de géographie commerciale.
Bordeaux. Paris.
Missions.
Glaubensbole (Bâle).
Rome.
Rouen.
Vienne.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évanfréliques au XlX^e siècle
(Neuchâtel).
Journal de TUnité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Al^er).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blitt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heideiibole (BAIe).
Ëvangeiisches Missions -Magazin (Bâle).
(lalwer Missions -Blatt (Calw).
Allgemeine Missions-Zeitschrift (GUters-
lob).
(]hurch missionary Intelligencer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American*^ missionary (New - York) .
Foreign missionary (New-York).
Régions beyond (Londres).
Cbronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free (^hurch of
Scotland (ICdimbourg).
Missions Field (Londres).
Chnrçh of Scotland home and foroign
Miâsionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united ])resby-
terian Church (Edimbourg).
Exploration (Paris).
France coloniale (Paris).
Le Sahara (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du Lomice agricole (Médéa).
Bulletin de Tlnstitut géographique interna-
tional (Berne).
Bulletin de TAcadéraie d'Hippone (Bons),
Deutsche Rundschau fiir Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Osterreichische Monatsschrift fUr den
Orient (Vienne).
Aus allen Welttheilen (Leipzig).
Divers.
2feitschrift f(lr wissenschaftliche Géogra-
phie (Lahr).
African Times (Londres).
Antislavery rejwrter (Londres).
Aborigine's firiend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Rivista Nuova (Naples).
Giornale délie Colonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambiqiu').
0 Africano (Quihmane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revne maritime et coloniale (Paris).
Indt^pendant (Constantine).
Moniteur de TAIgérie (Alger).
Bulletin de la Société khédiviale de géo-
graphie (Le (^ire).
Dr A. Petermann's Mittheilungen (Gotha).
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Record of geogra-
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus (Cape-Town).
West African reporter (Sierra Leone).
Etc., etc.
SOMMAIRE
Paffes
BVLLETIN BI-MENSUEn 221
Nouvelles coniplénieataires »... 2o7
BlBM0(4RAPHI£ :
Madagascar, von Sibree 239
Souvenirs de Madagascar, par H. Lapaze 2;iï)
Skizzen ans West-Afrika, von D' Lenz 241
Le Maroc, par De Amicis 242
Projet d'exploration dans l'Afrique australe, par Lacroix.. 24:î
Une aventure à Tombouctou, par Prévost-Duclos. 245
Carte du Congo, par le R. P. Augouard 24n
Uebersicht von Bûchner's Reise in Lunda, von Kiepert 240
L'Afrique, par l'abbé Ra?my. 24(i
Études sur les côtes occidentales d'Afrique, par Chappet 247
Carte du Sud-Oranais, par Mac Carthy 247
Kabyles et Kroumirs, par Farine 247
Lexikon der Reisen und Entdeckungen, von Einbacher 248
La France en Afrique, par Desvernine 248
Carte :
Bassin des Chotts algéro-tunisieiis.
OUVRAGES REÇUS :
D*" E. Chappet. Études sur les côtes occidentales d'Afrique. Lyon (imprimerie
générale) 1881, in-8«, 59 p.
0. Mac Carthy. Carte du Sud-Oranais et des parties limitrophes du Maroc;
V«ooooo, Paris, 1881.
I)e l'Atlantique au Niger par le Foutah-Djallon, carnet de voyage de Aimé Oli-
vier, vicomte de Sanderval. Paris (P. Ducrocq) 1882, in-8", 407 p. avec illust. et
carte. 7 fr.
Ch. Farine. Kabyles et Kroumirs. Paris (P. Ducrocq) 1882, in-8". 423 p. avec
illustr. 7 fr.
D*^ Friedrich Embacher. Lexikon der Reisen und Entdeckungen. Leii)zig (Biblio-
graphisches Institut) 1882, in-8^ 400 p., fr. 5.65.
I)*" Joseph Chavanne. Karte von Central-Amerika und West-Indieu. "Wien (A. Hur-
. - tleben) '/«sooooo, fr. 5.35.
Paul M. Ilauser. Das Klydoscop. Graphisches Tellurium und Darstellung der
wirksamsteu Anziehungs-StelUmgen von Sonne und Mond zur Erde, fur das
Jahr 1882. Wien (A. Ilartleben) 1882, in-8", 20 fr. avec tableau.
Léon de Bisson. La Tripolitaine et la Tunisie. Paris (Ernest Leroux) 1881, iu-lO,
147 p.
D"" Philipp Paulitschke. Die Afrika-Literatur in der Zeit von 1500 bis 1750. Wien
(Brockhausen und Brauer) 1882, in-8", 122 p.
P.-F. Desvernine. La France en Afrique et la colonisation rapide. Paris (Imprime-
rie Chaix) 1881, in-18, 8 p. .
Aimé Olivier. Le Niger et le Soudan. In-8", 4 p.
Edward Steere. Swahili exercises. London (George Bell and Sons) 1882, in- 16,
183 p.
A,-J. Wauters. De Bruxelles à Karéma. Bruxelles (A.-N. LeB^ie et O") 1882,
in-16, 130 p.
R.-N. Cust. Notice of the Scholars who bave contributed to thc extension of our
knowledge of the languages of Africa. (FroiMthe « Journal of thc Royal Asia-
tic Society of Great Britain and Ireland, ^ vof XIV. Part. 2). In-8«, 16 p.
/
Genève. — Imprimerie Parles Schuchardt.
^arl
JOURPiAL MENSUEL
GKNÈVE, J. SANDOZ, Ê D 1 T B II B
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
M. Gustave KOTNISS
Moinbro de la CommiasioD intorntfeionale de Brnxellea pour Texplontloo et la civiiintioB
de rAfriqne centrale ; membre correspondant de rAcadèmio d'Hlppone ,
et dea Sociétés de géogn^phle de Marseille, de Nancy et de Loancu.
KÂDIGli FA&
M. Charles FAUSS
Secrétaire-BibHotbécaire de la Société de fjpéographie de Genève , membre correspondant des Sooiétéa
de géographie de Lisbonne et de Loanda.
L'Afrique parait le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8o d'au
moins 20 pages chacune ; le texte est accompagné de caftes, chaque fois que cela
parait nécessaire.
Le prix de ^'abonnement annuel, payable d'avaaee» est de dix AranMiy
port compris^ jpour tous les pays de rtfnion postale (première zone); pour les
autres, il fr. du.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il sera envoyé deux exemplaires à
la Direction, aura droit à an eompie rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction au Directeur, M. Gustave Mejrnler»
89 rne de l'Athénée, ii Genève (Snlsse).
S'adresser pour les abonnements à 1 éditeur, M. Jules Sandoz, à
Genève.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse et de l'Allemagne.
Chez MM. Sandoz et Thuillier, 4, rue de Tournon, à Paris.
Dblagràve, éditeur, 15, rue Soufflot, à Paris.
MuQUARDT, éditeur, 45, rne de la Régence, à Bruxelles.
DuHOLARD frères, Corso Yittorio Ëmmanuele, 21, à Milan.
A. -M. Mizzi, rédacteur de ï Économiste de Malte, à Malte.
Et chez les principaux libraires de tous pays.
OUVRAGES REÇUS :
y. Largeau. Le Sahara algérien. Deuxième édition^ Paris (Hachette et C*«) 1881,
in* 18, 852 p. av. illust. et 3 cartes.
Ernest de Weber. Quatre ans au pays des Boers (1871-1875). Paris (Hachette
et €'<') 1882, in-18, 386 p. av. illust. et carte.
Report of the year 1881 of the Society for the propagation of the gospel in foreign
' parts. Westminster (Society's office, 19 Delahay Street) 1882, fti-8o, 191 p.
Ë. Cosson. Projet de création en Algérie et en Tunisie d'une mer intérieure.
Extrait des Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences. Paris (Gau-
thier-Villars) 1882, in 4», 52 p. et carte.
The last journal of the Rev. C.-A. Janson. Central African Mission. Occasional
paper N"* XIX, Westminster. (Offtce of the Universities mission) 1882, in-32,
40 p.
Publications de M. G. Rolland, ingénieur des mines : Observations météorologiques
faites au Sahara en janvier, février, mars et avril 1880; in-S**, 16 p. — Le gise-
ment de silex taillés d'El-Hassi (Sahara algérien), in 4^, 2 p. — Mission trans-
saharienne de Laghouat, El-Goléah, Ouargla, Biskra, in-8% 10 p. — Le terrain
crétacé du Sahara septentrional, in-8<^, 44 p. avec pi. et carte.— Poissons, crabes
et mollusques vivants rejetés par les puits artésiens jaillissant de l'Oued-Rir
(Sahara de la province de Constantine), in-4<^, 4 p. — Les grandes dunes de
sable du Sahara, in-8<^, 18 p. avec pi. — (Reproduit dans La, Ntxturey n« du
3 juin 1882.)
Lucien Rabourdin. Algérie et Sahara. Les ftges de pierre du Sahara central. Paris
(Challamel aîné, Guillaumin et C>«) 1882, in-S^, 165 p. et carte.
Maurice Wahl. L'Algérie. Paris (Germer Baillière et €*•) 1882, in-S*, 344 p. 5 f.
Assab et les limites de la souveraineté turco-égyptienne dans la mer Rouge. Mé-
moire du gouvernement italien. Rome 1^82, in-4<^, 37 p. et 2 cartes. — Provve-
dimenti per la costituzione e l'ordinamento di una colonia italiana in Assab.
Relazione ministeriale e disegno di legge présentât! al parlamento italiano dal
ministro degli affari ester!. In-4<», 66 p. et 2 cartes.
D. Felipe Ovilo y Canales. La mujer Marroqui. Madrid (Libreria de Fernando Fe)
1881, în-8<>, 215 p. av. planches.
Les trois voyages de Mungo Park au Maroc et dans l'intérieur de l'Afrique (1787-
1804) racontés par lui-même. Paris (Maurice Dreyfous), in-12, 964 p.
Joseph Spillmann. Yom Cap zum Zambesi. Freiburg im Breisgau (Herder'sche
Yerlagshandlung) 1882, in-8<>, 432 p. av. illust. et cartes.
Paul Leroy-Beaulieu. De la colonisation chez les peuples modernes. Deuxième
édition, Paria (Guillaumin et C***) 1882, in-8% 659 p. 9 f.
Conferenze tenutesi in Milano nel 1882 presso la Società d'esplorazione commer-
ciale in Africa. Milano (Tipografia P.-B. Bellini e C.) 1882, in-S», 264 p.
Routen der deutschen afrikanischen Expédition aufgenommen von D' Kaiser 1880-
1882, V^&oooo, von Richard Kiepert.
Adrian Balbi's Allgemeine Erdbeschreibung. Siebente Auflage, voUkommen neu
bearbeitet von D' Joseph Chavanne, mit 400 Illustrationen und 150 Karten.
Lief. 1 à 5, Wien (Hartleben); vollstandig in 45 Lieferungen, 1 fr.
SOMMAIRE
Pages
Bulletin tbihebtribl. ..,....; 249
Nouvefles complémentaires 264
EZPSPITIONS DE SaVOBGNâN DE BbAZZA ENTBE l'OgÔOUÉ ET LE
Congo. 270
Bibliographie :
De l'Atlantique au Niger, par Aimé Olivier. 280
La Tripolitaine et la Tunisie, par Léon de Bisson, 261
Afrika-Literatur, Ton D' Ph. Paulitschke. . , 281
Swahili Exercises, by Edward Steere 282
De Bruxelles à Karéma, par A.-J. Wauters 282
Scholars who hâve contributed to the extension of our knowledge of
the languages of Afrika, by R.-N. Cust 28S
Le Sahara algérien, par Y. Largeau : 28B
Quatre ans au pays des Boers, par £. de Weber 284
Création en Algérie d'une mer intérieure, par E. Cosson 285
Observations météorologiques,, etc., par G. Rolland 285
L'Algérie, par M. Wahl 286
Algérie et Sahara, par L. Rabourdin 287
Assab : Documents officiels italiens 288
Carte :
Itinéraires de Savorgnan de Brazza de POgôoué au Congo et au
Niari.
L'abondance des publications qui nous sont parvenues nous a obligés de sup-
primer, pour cette fois, la liste des périodiques que nous échangeons, et à])iaoer
relie des Outrages reçus à la troisième page de la couverture.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
flP^ ^' '^
JOURNAL MENSUEL
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
I
DUUOÉ PAR
M. GastaTO MOTNISB
Membre de lu ComtniMion intem&tionAlo de Brùxelloa ponr rexploration et la civUisKtion
de r Afrique centmle;
et des Sociétés
intem&tionAle de Bruxelles ponr rexploration et la ci^
nie; membre correspondant ae l'Aesdiêmio d'Hipuouet
de géographie de Marseille, de l«ancy et de Loanaa.
RÉDIGÉ PAR
M. Charles FAUBB
Secrétaire-Bibliothécaire de la Société de géographie de Genève , membre correspondant dos Socnétcs
de géographie de Lisbonne et de Loanda.
L'Afrique parait le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-S» d*au
mains iO pages chacune; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaire.
Le prix de rabomiement annuel, payable d'aTanee, est de dix Drancs,
port compris, pour tous les pays de l'Uiiion postale (première zone); pour les
autres, 14 fr. îh).
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il sera envoyé deux exemplaires à
ta Direction, aura droit ft an eampte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction au Directeur, lVI..Giistave Mejrnier,
9, rae de rAthénée, ft Genève (Suisse).
S'adresser pour les abonnements à Téditeur, M. Jules Sandoz, k
Geîiève.
On s'ahonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse et de TAIIemagne.
Chez MM. Sandoz et Thuillier, 4, rue de Tournon, .'i Paris.
Drlagravr, éditeur, 15, rue SouQlot, à Paris.
MuQUARDT, éditeur, 45, rue de hi Régence, fi Bruxelles.
DuvoLARO frères, (>)rso Vittorio Emmanuelê, 21, à Milan.
A. -M. Mizzi, rédacteur de V Économiste de Malte, à Malte.
Et chez les principaux libraires de tous pays
ÉCHANGES
Anvers.
Berlin.
Briixellp.s.
H»)le.
Sooiétto de géographie.
Hambourg. Loanda. Montpellier. Oran.
léna. Lyon. Mozambique. Paris.
LHle. Madrid. Nancy. Rochefort.
Lisbonne. Marseille. New-York.
Sociétés de géographie comuierciale.
Bordeaux. Paris.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Missions.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (r^ausanne).
Missions évangêliques au XlXm» siècle
(Neuchâtel).
Journal de l'Unité des Frères fmoraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger)..
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmen).
Berliner Mission s-Berich te (Berlin).
Heidenbote (Bâle).
Ëvangelisches Missions- Ma gazin (Bâle).
(^Iwer Missions -Blatt ((^Iw).
Allgemeine Missions- Zeitschrifl (GUters-
loh).
Glaubensbote (Bâle).
(Ihurch missionary Intel ligencer and Re-
cord (Londres).*
Missionary Herald (Boston).
American nûssionary (New -York).
Foreign missionary (New- York).
Régions beyond (Londres).
(]lironiclo of the London Mlssjonary So-
ciety (Londn^s).*
Motithly Record of the Free Cbun'h of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian Lhurch (Edinibourg). .
Woman's for.^ign missionary Society
(Philadelphie).
Divers.
Exploration (Paris).
France coloniale (Pari^).
I^ Sahara (Paris).
Bulletin des Mines (PariA).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du (^omice agricole (Médéa).
Bu'letiu de Tlnstitut géographique interna-
tional (Berne).
Bulletin de TAcadémie d'IIippone (Bone).
Deutsche Rundschau f(ir Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
scliaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische illonatssrhrift fUr den
Orient (Vienne).
Aus allen Welttheilen (Leipzig).
Zeitschrift fttr wissenschaftliche Géogra-
phie (f^hr).
African Times (Londres).
Antislavery reporter (Londres).
Aborigine's friend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
(Cosmos (Turin).
Rivista Nuova (Naples).
Giornale délie Colonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornaljdas colonias (Lisbonne).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritiuie et coloùiale (Paris).
Indépendant ((^nstanline).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
Bulletin de la Société khédiviale de géo-
graphie (Le C^ire).
Etc.
Dr A. Petermann*s Mittlieilungen (Gotha).
Proceedings of the royal geographica)
Society and monthly Record of geogra-
phy (Londres).
Natiil Mercury (Durban).
(]ape Argus (Cape-Town).
West African reporter (Sierra Leone).
, etc.
SOMMAIRE
BCLLBTIN BI-MEN8UEL. ; > - 289
Nouvelles complémentaires : . . . 306
Expédition de 'MM. Pogge et Wissmakn a Muquengué,. ..... 311
■ ■ /■
(/0BRE8P0NDANCE :
Lettre d\i voyageur Schuver 317
Bibliographie :
Ovilo y Canales, La Mujer marroqui. . . . v 31f^
Mungo Park, Trois voyages 319
Spillmann, vom Cap sura Zambesi. . . . , 319
Leroy-Beaulieu, Colonisation chez les peuples modernes 321
Conferenze tenutesi m Milane nel 1882 321
R. Kiepef t, Roliten der deutscben Expédition 322
Ardouin (du Mazet), Études algériennes 322
Derrecagaix, Les deux missions Flattêrs 823
Norrîs Newmann, With the Boers 324
R. Kiepert, Major von Mechow's Kuango^Reise 825
D' E. Holub, Die Colonisation Afrikas 825
TAm,E DES MATIÈRES DE LA TROISIÈME ANNÉE 327
OUVRAGES REÇUS :
Zweiundftinfzigster Jahres-Bericht der rheinischen Missions -Gesellschaft vom
Jahre 1881. Barmen (J.-G. Wiemann).1882,in-8°, 96 p.
Ardouin Du Hazet. Études algériennes. Paris (Guillaumin et C'*) 1882, in-8*,
365 p. 6 fr.
Twelfth Annual Report of the Woman's Foreign missionnary Society of the Près-
byterian Church. Philad^lphia, 1882, in-8«, 103 p.
y. Derrecagaix. Exploration du Sahara ; les deux missions du lieutenant-colonel
Flattêrs. Paris (Société de géographie) 1882, in-»8', 143 p. et carte.
Charles-L. Norris-Newman. With the Boers in the Trânsvaal and Orange Free
State in 1880-81. London (W.-H. Allen et C*») 1882, in-8«, 387 p. avec plans et
carte.
'Richard Kiepert. Major von Mechow's Kuango-Reise. Karte V«ooooo*>«
Adrian Balbi's Allgemeine Erdbeschreibung. Siebente Atiflage, vollkoramen ncu
bearbeitet von D^ Joseph Chavaone, mit 400 Illustrationeu und 150 Karten.
Lief. 6 à 10, Wien (Hartleben), vollst&ndig in 45 Lieferungen, 1 fr.
D' Emil Holub. Die Colonisation Afrikas. B. Die Englaender in Stid Afrika. Il Der
Export und Import des Caplandes. — Die Stellung des Arztes in den trans*
oceanischen Gebieten. Vom Standpunkte der Erforschung und Civilisining.
4. Heft. Wîen (Alfred Hôlder, k. k. Hof- und Universitafs-Buchhàndler), 1882,
in-8°, 24 et 23 p.
Genève. *- Imprimerie Charles Schuchardt.
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JOURNAL MENSUEL
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L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIRlOâ PAR
M. Gnfltave MOTHISB
Membre de la Commùtlon internationaTe de Bruxelles ponr rexploratioo et la ohrUlaatioB
de TAfirique centrale; membre correspondant de rAoadomie d*Hippona,
et dea Sociétés de géographie de Marseille, do Nancy et de Loanda.
BâDIQti PAS
M. Charles
Seorètaire-Bibliofhéeaire de la Société de géographie de Qenève , membre oorrespondani das Sociétés
de géographie de Lisbonne et de Loiotda.
L'Afrique paraît le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-So d'an
moins 20 pages chacune; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaire.
Le prix de Tabonnement annuel, payable d'aTaaee» est de dix
port compris, pour tous les pays de TUnion postale (première zone) ; pour les
autres, li fr. 50.
/Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, aura droit h un eompte rends*
Adresser tout ce qui concerne la rédaetloH i\ Hl. Gnutave XIoyMler,
8t me de TAtliéHée, h GenèTe (Suisse).
S'adresser pour les abonnemeiits h l'éditeur» H. Jnles Samdest
à GeHève et Bleiielilltel.
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Cliez MM. Sandoz et Thuillieh, éditeurs, 4. rue de Tournon, à Paris.
MuouAADT, libraire de la Cour, 45. rue do la Régence, à Bruxelles
DuMOLAKD frères, libraires, Corso Y ittorioËinniauuelo^ 21 « à Milan
F,-A. Brockhaus, libraire k Leipzig.
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Gral)en 27. Vienne (A«tri«'he»
Et chez les principaux lil)raires de tous les pays.
J
1
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Anvers. Halle.
Berlin. Hambourg.
Bruxelles. léna.
Francforts/M.Lille.
ÉCHANGES
Sociétés de géographie.
Lisbonne. Marseille. New- York.
Loanda. Montpellier. Oran.
Lyon. Mozambique. Paris.
Madrid. Nancy. Bochefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Sociétés de géographie commerciale.
Bordeaux. > Paris.
Mifisiomi.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XIX°><' siècle
(Neuchâtel).
Journal de FUnité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmeh).
Berlîner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bàle).
Ëvangelisches Missions -Magazin (Bâle).
Calwer Missions -Blatt (Calw).
Allgemeine Missions-Zeitsehrift (GUters-
loh).
Glaubensbote (Bâle).
Airica (Londres).
Church missionary Intelligencer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston)..
American missionary (New -York).
Foreign missionary (New- York).-
Régions beyond (Londres).
Chronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Church of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian Church (Edimbourg).
Woman's foreign missionary Society
(Philadelphie).
Divers.
Exploration (Paris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du CTomice agricole (Médéa).
Bulletin de TAcadémie d'Hippone (Bone).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau flir Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fttr den
Orient (Vienne).
Zeitschrift fUr wissenschaftliche Géogra-
phie (LaKr).
Ans allen Welttheilen (Leipzig).
African Times (Londres).
Antislavery reporter (Londres).
Aborigine's friend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Ësploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
BoUettino della Societa africana dltalia
(Naples).
Giornale délie Colonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine).
Moniteur de TAlgérie (Alger).
Dr A. Peterroann s Mittheilungen (Gotha).
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Recora of geogra-
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus ((^pe-Town).
West African reporter (Sierra Leone).
Etc., etc.
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SOMMAIRE
Bulletin mensuel 3
Nouvelles complémentaires 17
L'œuvke de Stanley au Congo et l'Association internatio-
nale AFRICAINE 22
Correspondance :
Lettre du nègre Ali-Mahoom 30
Bibliographie :
Jean Lux, Trois mois en Tunisie j 32
Emile Jonveaux, Deux ans dans l'Afrique orientale 33
Assab, Documenti diplomatici 33
Assab, par Carlo de Amezaga 33
Cirenaïca, par Giuseppe Haimann 33
Emil Holub, Sieben Jahre in Afiika 34
Emil Holub ond A. v. Pelzen, Beitrftge zur Ornithologie Sûd-Afrikas. 34
A. Brière, Lettres sur le Trans-Saharien 36
Edmondo de Amicis, MarokkO 36
Carte :
Possessions des Européens et stations civilisatrices.
OUVRAGES REÇUS :
Statuts de la Société française et africaine d'encouragement. Paris (Imprimerie
Chaix) 1882, in-8», 8 p.
Jean Lux. Trois mois en Tunisie ; journal d'un volontaire. Paris (Auguste Ghio)
. 1882, in-8o, 201 p. 3 fr. 50.
Emile Jonveaux. Deux ans dans l'Afrique orientale. Tours (Alfred Mame et Fils)
, 1881. in-8<», 207 p. av. illust. et 2 cartes.
Cario ae Amezaga. Assab. Roma (Giuseppe Civelli) 1880, iu-S^, 57 p. av. pi. et
3 cartes, 3 fr.
Giuseppe Haimann. Cirenaïca. Roma (Giuseppe Civelli) 1882, in-S^*, 141 p. avec
illust. et carte, 4 fr.
Assab. Docum^ti diplomatici presentate alla Caméra dal ministro degli affari
esteri (Mancini) nella tornata del 12 giugnq 1882; in-4^, 227 p. et carte.
Central Àfrican Mission. Report of anniversary services and meeting, 1882. West-
minster. In- 18, 50 p.
Le secret de l'Association internationale africaine, par le major X. Bruxelles
(C. Muquardt), 1882, in-8«, 15 p.
Adrian Balbi's. Allgemeine Erdbeschreibung. Siebente Auflage, voUkommen neu
bearbeitet von D"* Joseph Chavanne, mit 400 Illustrationen und 150 Karten.
Lief. 11-16. Wien (Hartleben), vollst&ndig in 45 Lieferungen, 1 fr.
D' Emn Holub. Sieben Jahre in Sûd-Afrika. Wien (Alfred HôJder) 1881, 2 Bande,
in-8^ mit 235 Original-Hoizschnitten und 4 Karten, 528 et 532 p.
D' Emil Holub uni Aug. von Pel^sen. Beitr&ge zur Ornithologie Sûd-Afrikas.
Wien (Alfred Hôlder) 1882, in-8°, mit 2 Tafeln in Farbendruck, Holzschnitten
und 32 Zinkographien, und einer Karte, 384 p.
Dix brochures du D"* Holub se rapportant à ses voyages en Afrique.
A. Brière. Lettres sur le Trans-Saharien. Paris (Bureaux du Journal la Réforme
des chemins de fer, 10, Chaussée d'Antin) 1881, in-8*, 43 p.
J. Farngruber. Ans dem Pharaonenlande.Wûrzbourg et Vienne (LeoWoerl),in-8*,
avec iilustr., 339 p.
L'Association internationale africaine et le Comité d'études du Haut-Congo, par
un de leurs coopérateurs. Bruxelles (Cnstitut national de géographie) 1882^
in-8^, 32 p.
Genève» — Imprimerie Charles Schuchardt.
JOURNAL MENSUEL
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
Dl&IOi PAR
M* Gnstave MOTNIBB
Membre de la Commission internationale do Bmxellea pour Texploration et la ciyllisation
■ do TAfrique centrale; membre correspondant de l^Aeadémio d^Hippone,
et des Société^ de géographie de Marseille, de Nancy et de Loanda.
KÉDIQti PAR
M. Charles FAUBE
Secrétaire-Bibliothéoaire de la Société de géographie de Genève , membre correspondant des Sociétés
de géographie d» Lisbonne et de Loanda.
L Afrique paraît le- premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8o d'au
moins 30 pages .chacune ; le texte est accompagné de cartes, chaque, fois que cela
paraît nécessaire.
Le prix de l'abonnement ai)nuel, payable d^aTantee» est de <Ux ftranca^
port compris, pour tous les pays de l'Union postale (première zone); pour les
autres, il fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, aara droit à uh compte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaetlon à 91* Gastave Slojnier»
8» rue de TAtliénée» A GenèTO (SalMe).
S*adre««er pour le« abonnements A l'éditeur, BI. Jules Sandoa»
A Genève et NeuehAtel.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Sandoz et Thuillier, éditeurs, 4. rue de Tournon, à Paris.
Ch. Dklagrave, libraire, lo, rue Soulïlot, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la Cour. 45. rue de la Régence, à Bruxelles.
DuMOLARD frères, libraires. Corso Vittorio Enimanuele, 21. à Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querstr.. 29, à Leipzig.
L. Friederichsë.n et C**, libraires, Adiniralitâtsstr, 3/4, à Hambourg.
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, (îraben 27, Vienne (Autriche).
TRpNER et 0\ libraires, Ludgate Iliil. 57/39, à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
.V».
ÉCHANGES
Anvers. Halle.
Berlin. Hambourg.
Bruxelles. léna.
Francforts/M. Lille.
Sociétés de géographie.
Lisbonne. Marseille. New-York.
Loanda. Montpellier; Oran.
Lyon. Mozambique. Paris.
* Madrid. Nancy. Rochefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Sociétés de géographie commerciale.
Bordeaux. Paris.
Missions.
Journal des missions evangéliqoes (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XlXmo siècle
(Neuchâtel).
Journal ÏÏe TUnité des Frères [moraves]
-(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bâle).
Ëvangelisches Missions -Magazin (Bâle).
Calwer Missions -Blatt (Calw).
Allgemeine Missions- Zeitschrift (GUters-
loh).
Glaubensbote (Bâle).
Afirica (Londres).
Church missionary Intelligencer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionary (New-York).
Régions beyond (Londres).
CLronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Church of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Ëdimboure).
Missionary Record of the united presby-
terian Church (Edimbourg).
Woman's foreign missionary Society
(Philadelphie).
Divers.
Exploration (Paris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du (!omice agricole (Médéa).
Bulletin de 1* Académie d*Hippone (Bone).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau fUr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilnngen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschbind (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fttr den
Orient (Vienne).
Zeitschrift fUr wissenschaftliche (jeogra-
phie (Lahr).
Aus allen Welttheilen (Leipzig).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Bollettino délia Societa africana d'Italia
(Naples).
Esplorazione (Naples^.
Giornale délie Colonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
Bulletin de la Société khédiviale de
graphie (Le Caire).
Dr A. Petermann's Mittheilungen (Gotha).
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Record of geogra-
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban),
géo- Cape Argus (Cape-Town).
West African Reporter (Sierra Leone).
Etc., etc.
SOMMAIRE
Pagpt
Bulletin mensuel ^ ^ 37
Nouvelles complémentaires 47.
Quelques mots suk la colonisation européenne en Afbique,
A PROPOS DE l'oUVRAOE DE M. pAUL LeROY^BeAULIEU SUR
la colonisation 51
Correspondance :
Lettre dç Khartoum, du voyageur Schuver 62
BiBUOQRAPHIE *.
L'Algérie, par Paul Gaffarel 63
OUVKAGES REÇUS :
Paul Gaflfarel. L'Algérie. Paris (Firmin Didot & C*«) 1888, iii-4% 708 p. 3 cartes,
4 chromolithographies et plus de 200 gravures sur bois. Fr. SO.
George Pearse. The Kabyles. London (Morgan & Scott), in-S^*, 40 p. et 2 cartes.
Emil Holub. Eine Culturskizze des Marutse-Mambunda-Heiches in Sûd-Central-
Afrika. Wien (Gerold & C**), 1879, in-S*, 210 p., illustr.
Emile De Laveleye. Les Français, les Anglais et le Comité international sur le
Congo. Bruxelles (C. Muquardt). Paris (Challamel Mné), 1888, in-8<», 29 p. «t
carte.
Joseph Chavanne. Afrikas Strôme und Flftsse. Wien, Pesth, Leipzig (A. Hartleben),
1883, in-8«, 229 p. et carte. Fr. 8. 75.
La Societa d'Esplorazione commerciale in Africa. Storia, spedizioni e progetti.
Milano, 1683, in-8o, 14 p.
Richard Eiepert. Der Wala Fluss, aufgenommen von D^ R. Boehm und P. Rei-
chard. Earte Vioooooo. 1883.
Genève. — Imprimerie Charles Schuçhardt.
JOURNAL MENSUEL
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DlftlGÉ PAR
M. Gnstaye MOTIÎIEB
Membre de la Commission internationale de Braxellea pour Pexploratioii et la ciyiliaation
de TÂfriqae centrale; membre oorrespondant de rÀoadémio d^fiippone,
et des Sociétés do géographie de Marseillei de Nancy et de Loanda.
KÉDiaii PAR
M. Charles FAUBE
Seorôtaire-Bibliothécaire de la Société de géographie de Oenèye , membre correspondant des Soeiétêa
de géographie de Lisbonne et de Loanda.
L* Afrique paraît le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-S® d'au
moins 20 pages chacune ; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaire.
Le prix de Tabonnement annuel, payable d'aTanee» est de dix Uranesy
port compris, pour tous les pays de l'Union postale (première zone) ; pour les
autres, 11 fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé- deux exemplaires à
la Direction, aura droit à un eompte rendn.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à m. Gastave TKKojWàïeT^
Hf rae de TAtliénée» 1^ GenèTe (Suisse).
S'adresser pour les abonnements h l'éditeur, M. Jnles Sandox,
h GenèTe et NencliAtel*
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Sandoz et ïhuillier, éditeurs, 4. rue dq Tournon, à Paris.
Ch. Dei^agrave, libraire, lo, rue Soufllol, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la Cour, 45, rue de la Régence, à Bnixellfts.
DuMOLARD frères, libraires, Corso Vittorio Emmanuele, 21, à Milan.
F,-A. BbockhauSj libraire, Querstr., 29, c'i Leipzig.
L. Fhiederichsen et C**, libraires, AdmiraJitâtsstr, 3/4, à Hambourg.
Wilhelm Fhigk, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Anlriclie).
Trubner et G^*, libraires, Ludgate Hill. 57/59. k Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de lous les pays.
ATIS. — Nous mettons à la disposition de nos nouveaux abonnés un eertam
nombre d'exemplaires complets de la 11^^ et de la IXT»* année, que notis pourrona
encore céder, jusqu'à nouvel ordre^ à raison de fr. 7. la I/'"" et de fr. 10. la
in^^ année, le port en sus. La P*" est épuisée,
ÉCHANGES
Anvers. Halle.
Berlin. Hambourg.
Bruxelles. léna.
Francforts/M. Lille.
Sociétés de géographie.
Lisbonne. Marseille. New- York.
Loanda. Montpellier. Oran.
Lyon. Mozambique. Paris.
Madrid. Nancy. Rochefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Sooiétéfl de géographie oommeroiale.
Bordeaux. Paris.
MiflBiona.
Journal des missions évangéliques (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XlX^e siècle
(Neuchâtel).
Journal de l'Unité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions • Blatt (mimen) .
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bâle).
Ëvangelisches Missions -Magazin (Bâle).
Galwer Missions -Blatt (Calw).
Allgemeine Missions -Zeiftchrift (GUters-
loh).
Glaubensbote (Bâle).
Africa (Londres).
Ghurch missionary Intelligencer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionary (New-York).
Régions beyônd (Londres).
Glironicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Ghurch of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Ghurch of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the nnited preshy-
terian Ghurch (Edimbourg).
Gentral Africa (Londres).
Woman's foreign missionary Society
(Philadelphie).
Divers.
Exploration (Paris).
Moniteur des Golonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-l
Tienne (Alger).
Bulletin du u)mice agricole (Médéa).
Bulletin de T Académie d'Hippone (Bone).
Revue géographique internatronale (Paris).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau f(ir Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fUr den
Orient (Vienne).
Zeitschrift fUr wis^enschaftliche Géogra-
phie (Lahr).
Aus allen Welttheilen (Leipzig).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine^s Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
Gosmos (Turin).
Bollettino delta Societa africana d'Italia
(Naples).
Ësplorazione (Naples).
Marina e Gommercio, e Giornale délie co-
lonie (Rome).
Boletin de la Ëfxploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Gonstantine).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
Bulletin de la Société khédiviale de
graphie (Le Gaire).
Dr A. Petermann*s Mittheilungen (Gotha).
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly ftecora of geogra-
phy (Londres).
Natil Mercury (Durban),
géo- Cîape Argus (Gape-Town).
West Airican Reporter (Sierra Leone).
Etc., etc.
SOMMAIRE
Page»
Bulletin mensuel , . 85
Nouvelles complémentaires '. " 77
Voyage du lieutenant Wissmann a travers l'Afrique 81
L'ÉMKMIATION ITAUENNE EN AfRIQUE 87
Bibliographie :
J. Fahrngruber. Ans dem Pharaonenlande HO
George Pearse. The Kabyles î)0
Josef Chavanne. Âfrikas Strôme und Flûsse 91
J. de Chambrier. Du Jura à TAtlas , 92
Carte :
Itinéraire de Wissmann à travers TAfrique.
OUVRAGES REÇUS :
Societa geografica italiana. — Terzo congresso geograiico internazionale, tenuto
a Venezia, dal 15 al 22 settembre 1881, Volume primo. Notizie e rendiconti. —
Roma 1882, iii-89, 404 p.
Societa geografica italiana. — Statistica délia emigrazione italiana alPestero
nel 1881. — Roma, 1882, gr. in-8^ XLIII et 269 p.
J. de Chambrier. Un peu partout. Du Jura à PAtlas. — Paris (Sandoz et Thuillier),
1883, in-12, 860 p. Fr. 3, 50.
Société de géographie de Lisbonne. La question du Zaïre. Droits du Portugal.
Mémorandum. Édition française. — Lisbonne (impr. Lallcmant frères), 1883j
in-8'', 80 p.
Emile de Laveleye. L'Afrique centrale et la Conférence géographique de Bruxelles.
— Bruxelles, 1878, in-12, 220 p. et 2 cartes.
Genève. ~- Imprimerie Charles Schuchardt.
JOURNAL MENSUEL
t.
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIRIGÉ PAR
M. Gnstaye MOTlflEB
Membre do la CoromiBaion internationale de Bruxelles poor Texploration et la civilisation
de l'Afriqae centrale; mambro correspondant de TAcadémio d'Hipponc,
et des Sociétés de géographie de Blarseille, de Nancy et do Loanda.
RÉDIQÉ PAR
M. Charles FAUBS
Secrétaire-Bibliothécaire do la Société de géographie de Oenèye , membre correspondant dos Socictéa
de géographie de Lisbonne ot de Loanda.'
L'Afrique paraît le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8<> d'an
moins ^ pages chacune ; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
paraît nécessaii*e.
Le prix de Tabonnement annuel, payable d'avaHee» est de dix firancs*
port compris, pour tous les pays de TUnion postale (prpn)i('^re zone); pour les
autres, 11 fr. 5Ô.
Tout ouvrage nouveau relatif à TAfrique, dont il est onvoy»> deux exemplairwi 2i
la Direction, aura droit à un «ompte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction i\ M. GastaTO Sloynler,
8, rae de PAtlienéet à Genève (Snlsse).
S'adreMier pour les abonnements h l'édlteor» M» Joies Saadox,
A Genève et NeaclftAtel.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
i\\\ez MM. Sandoz et Thlillikr, éditeurs, 4. rue de Tournon, à Paris.
Ch. Delagrave, libraire, lo, me Sonfflot, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la (iOur, 45. rue de la Régenc-e, A Bruxelles.
DuMOLARD frères. Hbraires. Corso ViUorio Emmanuele, 21, à Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querstr.. 29, à Leipzig.
L. Fribderighsen et O, libraires. AdtniraliluUstr, 3/4, ii Hambour);.
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, (iral)en 27. Vienne (Autriche).
Trubner et 0\ libraires, Ludgate Hill. :)7/30. à lA>ndi'es E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
ATIS. — Nous mettofis à la disposition de nos nouveaux ahofwés un ceHam
nombre d'exemplaires complets de la 11*''^ et de la ///'"« année, qu^ nom pourrofis
encore céder, jusqu^à nouvel ordre^ à raison de fr, T. la II""* et de fr. 10. la
irr™* année, le port en sus. La I" est épuisée.
ÉCHANGES
Sooiétés de géographie.
Anvei's. Halle. Liabonno. Marseille. New- York. Rome.
Berlin. Hambourg. Loanda. Montpellier. Oran. Ronen.
Bruxelles. lôna. Lyon. Mozambique. Paris. Vienne.
Francforts/M.Lille. Madrid. Nancy. Rochefort.
Sociétés de géographie conuneroiale.
Bordeaux. Paris.
Missions.
Journal des missions évangéliqnes (Paris). '(Ihurch missionary Intelligencer nnd Re-
Bulletin missionnaire (Lausanne). cord (Londres).
Missions évangéliques au XIX™« siècle Missionary Herald (Boston).
(Neuchâtel). AmericanMissionary (New-York).
Journal de TUnité des Frères [moraves] Foreign Missionary (New- York).
(Peseux). Régions beyond (Londres).
Missions catholiques (Lyon). (^hronicle of the I^ndon Missionary So-
Missions d*Afrique (Alger). ciety (Londres).
Annales de la propagation de la foi (Lyon ).-Monthly Record of the Free Church of
Missions -Blatt (Barmen). > Scotland (Edimbourg).
Berliner Missions-Berichte (Berlin). i Missions Field (Londres).
Heidenbote (Bftle). (Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian Church (EdimlK>urg).
Outrai Africa (Londres).
Woman's foreign Tiiissionary Sociely
Evangelisches Missions -Magazin (Bâie).
Clalwer Missions -Blatt ((]alw).
Allgemeine Missions- Zeitschrift (Gliters
loh).
Glauliensbote (Bàle).
Africa (Londres). (Philadelphie)
Divers.
Exploration (Paris). \ Aus allen Welttheilen (Leipzig).
Moniteur des (]lolonies (Paris). African Times (Londres).
Bulletin des Mines (Paris). \ Antislavery Reporter (Londres).
Bulletin de l'Association scientifique algé- Aborigine's Friend (I^ondres).
rienne (Alger). African Repository (Washington).
Bulletin du Lomice agricole (Médéa). | Observer (Monrovia).
Bulletin de l'Académie d' H ippone (Bone). Esploratore (Milan).
Revue géographique internationale (Paris). (Cosmos (Turin).
Handels-Zeitung (Saint-Gall). Bollettino délia Societa africana dltalia
Deutsche Rundschau fUr Géographie und (Naples)..
Statistik (Vienne). Esplorazione (Naples).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell- Marina e (^ommercio.eGiornale délie co-
schaft in Deutschbind (Berlin). lonie (Rome).
Oesterreichische Monatsschrift fHr den Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Orient (Vienne). Africa oriental (Mozambique).
Zeitschrift fUr wissenscbaftliche Geogra- 0 Africano (Quiliraane).
phie (fjahr). ; Jornal das colonias (Li.sbonne).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES ,
Tour du monde (Paris). 'D' A. Petermann's Mittheilungen (Gotha).
Revue de géographie (Paris). jProceedings of the royal geographical
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
Bulletin de la Société khédiviale de géo-
Society and monthly Record of geogra-
phy (Londres).
Nataf Mercury (Durban) .
(]lape Argus (Lipe-Town).
graphie (Le Caire). j West African Reporter (Sierra Leone).
Etc., etc.
SOMMAIRE
Pige»
Bulletin mensuel 03
Nouvelles complémeiitaii^es 104
Explorations, DU D' Junkeb sur le haut Quelle. 106
BimJOGRAPHIE :
La question du Zaïre. Droits du Portugal IVô
Josef Chavanne. Afrika im Lichte unserer Tage 114
Les églises monolithes de la ville de Lalibéla, par A. Uaffray 11 ri
Carte :
Explorations du D' Juiiker sur le haut Quelle.
OUVRAGES REÇUS :
Afrika im Lichte unserer Tage. — Bodengestalt und geologischer Bau, von Josef
Chavanne. — Wien, Pest, Leipzig (A. Hartlehen), 1881, în-12, 184 p. et carte.
Fr. 3. 75.
Pogge's und Wissmann's Reisc, von Kimhundu nach Njangwe. 1880-1881.
V* ,000,000 Karte. — Beilage zum Globus. (Lith, Anst. v. Leop. Kraatz) Berlin.
Ile de la Réunion, d'après la carte de M. L. Maillard et plusicui*s plans parcel-
laires. — Revue et augmentée par R. M. et A. M. G. — Paris et St-Dcnis (Réu-
nion), 1883. Carte au V«oo,ooo. (Gravée par L. Sonnet, 99, boulevard 8t-Gerniaîn.)
Les églises monolithes de la ville de Lalibéia (Abyssinie), par Achille Raffray. —
Album gr. in-4** de 20 planches lithogr. et 14 p. de texte. — Paris (Vve A. Morel
et C% 1882. Fr. 30.
L'Algérie. — Impressions de voyage (1873 et 1881), par J.-J. Clamagerau, séna-
teur. 2« édit. — Paris (Germer-Baillière et C*), 1883. In-18, 424 p. Fr. 3. 50.
Algérie et Sahara. Le.^fénéral Margueritte, par le général Philebert. — Paris
(Direct, du Spectateur militaire, 39, nie de Grenello), 1882, in-8*», 4(>8 p. Fr. 7. «).
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
JOURNAL MENSUEL
JULdS Ï4AP4DOZ, ÉI>i;rEllTK
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIRIGÉ PAR ^
M. Gastave HOTNIER
Membre de la CommiBSion intftrnationale de Brnxellos ponr Vejcploration et la cirllisation
do l'Afiriquc centrale; membre correspondant de l'Académio d'flippone,
et des SociétcB de gt'og^raphie do Marseille, de Nanry, de Loanda et do Porto,
RÉDIGÉ PAR
M. Charles FâUBE
Secrétairc-BibliotliécaU-e de la Société de géographie do Genève, membre oorrospond.int des Sociét/'s
de géog^'aphio do Lisbonne, do Loanda. do Porto ot de Snint-Gnll.
L'Afrique paraît \o premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8« d'au
moins 20 pages rhacune; le texte est acrompajîné de cartes, chaque fois que c^^la
paraît nécessaire.
Le prix de l'abonnement annuel, payable d'aTance» est de dix IVancB,
port compris, pour tous les pays de l'Union postale (première zone); pour les
autres, H fr. 50. '
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, aora droit ft an compte rend». ^
Adresser tout ce qui concerne la rédaction :i M* GnstaTe Iloynier, s
8, rue de l'Athénée, ft Genève (Suisse).
S'adresser ponr les abonnements ft l'éditear, Ht. Jales Sandox,
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Ch. Delacjhavk, libraire, lo, rno Soufïlot, à Paris.
MuQCARnT. libraire de la Cour. \»), rno de In l^éjîence, à Bruxelles.
DuMOLAHD frères, libraires. Corso Viltorio Emmannelp, 21. h Milan.
Fj-A. Hrockuacs, libraire, Querstr.. 29. j'i Leipzig.
L. Friederichskn et O, liliraires. Admiralilàlsslr. 3;i. à Hnmbourir.
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Craben 27, Vienne (Autricfio).
TRCBNERet V?\ libraires, Ludgate Hill. Tiz/SO. l\ Londres E. C.
Et rhez les principaux libraires de tous les pays.
ATIS. — Nous viettom à la disposition de 7ios nonveau,r ahonnh un certain
tiombre d'exemplaires comx)lets de la II"''' et de la III*''' année, que nou't piynrrons
encore céder, jusqu'à nouvel ordre^ à raison de fr. 7. la //'"* et de fr, 10. la
jjjrnv année, le port en sus. Im I'"*' est épuisée.
ÉCHANGES
Sociétés de géographie. •
Anvofs. Halle. Lisbonm». Marseille. Nmv-York. Romc^.
Berlin. IL'irnboiirf;. Loanda. Montpollier. Oran. lioiien.
Bnixollos. UwH. Lyon. Mozambique. Paris. Vienne
Francforts/M. Lille. Madrid. Nancy. Rochefort.
liordeaux
Sociétés de géographie commerciale.
Paris. Porto.
Missions.
îNtint-Gall
Jonrnal des missions évatigêliqnes (Paris). (Ihureh missionary [ntelli«:enrer and He-
Biilletin missionnaire (Lausanne). ' cord (F.(mdres).
Missions évan;-'éliques au XIX "»« siècle Missionary Herald (Boston).
(Neuehâtel). American'Missionary (New-York).
Journal do l'Unité des Frères fmoraves] fr'oreifjn Missionary (New-York).
(Peseux). j l{e{?ions heyond (tendres).
Missions catholiques (Lyon). Clironicle 6f the Lof)don Missionarv iSo-
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Misî^ions-Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenhole (Bâle).
Evangelisches Missions -Magazin (Bûle).
(^alwer Missions -Blatt (dalw).
AllgeH)eine Mis-sions-Zeitschrift (Giiters-
loh).
Glauhensbote (Bâle).
Africa (Londres).
ciety (F^ondres).
Montlily Record of the Fret» Glnirrli of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres),
(ihurch of Scotland home and foreigi»
Missionary Record (Edimbourg).
Missionarv Record of the uiiited presby-
terian (îhun^h ^Edin^bourg).
Central Africa (Londres).
Woman*s foreign missionarv Societv
(Philadelphie).
Divers.
Exploration (Paris).
Moniteur des (Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
', Afric^n Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
; Aborigine's Friend (Londres).
Bulletin de l'Association scientifique algê-! African Repository (Washington).
rienne (Alger). Observer (Monrovia).
Bulletin du (^omice agricole (Médéa). ] Esploratore (Milan).
Bulletin de i*Académie d'Hippone (Bone).(>)smos (Turin).
Revue géographique internationale (Paris). Bollettino délia Sociela africana d'Itaha
Handels-Zeituug (Saint-fiall). (Naples).
Deutsche Rundschau fdr Géographie und; Esplorazione (Naples).
Slatistik (Vienne). Marina e (iOmmen-io.eGiorna le délie co-
Mittheilungen der afrikanischen Gesell;! lonie (Rome).
schafl in Deutschland (Berlin). , Bolelin de la Exploradora (Vitoria).
Oesterreichische Monatsschrift fur den' Africa oriental (Mozambique).
Orient (Vienne). ;0 Africano (Quilimane).
Zeitschrift fUr wi.s.senschaftliche Geogra- Jornal das colonias (Lisbonne).
phie (Jjahr). As colonias portuguezas (Lisbonm^).
Ans allen Welttheilen (Leipzig). ,
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (donstantine).
Mtmiteur de l'Algérie (Alger).
Bulletin de la Société kliédiviale de
graphie (Le Gaire).
geo-
Eh
Dr A. Petermann's Mittheilnngen ((jotha).
Proceedings of the royal geogra phical
Society and monthly Record of geogra -
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus ((Jaiie-Town).
West Africain Reporter (Sierra Leone).
etc.
.-L= ai.
SOMMAIRE
BrLLETlN MEKSITEL 117
Nouvelle?? coini)léiiieiitaii'es 130
Exrr.oRATioNs du D' Jïjxkkr sur lk ilvdt Ouellk (suite et tin). . 140
Bibliographie :
\
Societii d'esplorazioue commerciale in Africa 145
ÉmiJo de Lavcleye. J/Aft'ique centrale et la ( onféreuce de Bruxelles. 145
Carte daPîle de la Réunion : 146
J.-J. Clamagoran. L'Algérie 146
Pliilebert. Algérie et Sahara. Le général Marguerittc , 147
L. van Deventer. La Hollande et la baie de Delagoa * 147
Pigeonneau. L'avenir commercial de la France en Afrique 148
OUVRAGES REÇUS :
La Hollande ot la baie de Delagoa, par M. L. van Deventer. — La Haye (Martimis
Nijhoff), 1883, in-8°, 80 p. Fr. 2. 70.
Adrian Balbi's allgemeine Erdbeschreibung. Siebente Auflage. Vallkommen neu
Irearbeitet von D'" Joscf Cliavanne, mit 400 Illust. und 150 Karten. — Wien, Pest,
Leipzig (A. Hartleben), gr. in-8". Lieferungen 17-24. Fr. 1 (par livraison).
L'avenir commercial de la France en Afrique. Conférence par M. Pigeonneau. —
Paris (V« Eug. Belin et jSls), 1882, in-8^ IG p. et carte.
Prof. A. Brunialti. — Scoperte, commerci, colonie degli Earopei nei bacini delP
Ogoué e del Congo. — Iloma (Giuseppe Civili, via del Mercede, 9), 1883, iii-8*',
19 p.
Congrès national des Sociétés françaises de géographie. 4'"« session. Lyon, 1881.
Compte rendu des séances. — J^yon (Soc. de géogr., 6, rue de l'Hôpital), 1882,
iu-8", 410 p. et cartes.
Meiuc Mission i^ach Abessinien, von Gerhard llohlfs. — Leii»zig (F.-A. Brockhaus),
1883, in-S*, 348 p. avec gravures et carte. Fr. IG.
Genève. — Imprimerie Charles Scbuchardt.
JOURNAL MENSUEL
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIRIOÉ PAE
H. Gnstave MOYNIEB
Membre de 1a CommisBion internationale do Braxellos ponr l*oxpIoration et la ciyilisaHon
de l'Afrique centrale; membre correspondant do l'Acadérolo d'Hippone,
et des Sociétés de géographie de Marseille, de Nancy, de Loanda et do Porto.
KÉDIQi PAA
M. Charles FAUBB
Secrétaire-Bibliothécaire de la Société de géographie de Genève , membre eorrcspondant dos Snciétéa
de géographie de Lisbonne, do Loanda, do Porto et de Saint-&ail.
L'Afriqtie parait le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8o d*âu
moins 20 pages charune ; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
paraît nécessaii'e.
Le prix de Fabonnement annuel, payable d'avanee» est de dix Aranes,
port compris, pour tous les pays de TUnion postale (première zone); pour les
autres, il fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, anra droit ii an compte rendu'
Adressçr tout ce qui concerne la rédaction k M. GnstaTo Hfoynier,
8, rne de l'Athénée» à OenèTO (finisse).
S'adresser ponr les abonnements ii l'éditenr» m. Jules Sandos»
à Genève et NenehAtel. .
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Sandoz et Thuillier, éditeurs, 4. rue de Tournon, à Paris.
Gh. Delagbave, libraire. 15, nie Soufflot, à Paris.
MuouARDT, libraire de la Cour, 45. rue de la Régence, à Bruxelles.
DuMOLARD frères, libraires, Corso Vittorio Emmanuel e, 21. à Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querstr., 29, à Leipzig.
L. Friederichsen et C^% librain^, Admiralitakslr, 3/4, à Hambourg.
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Graben 27,- Vienne (Autriche).
Trubner et C*% libraires, Ludgate Hill, 57/59. à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
ATIS« — Nous mettons g> la di^osition de nos nouveaux ahonTiés un certain
nombre d^exemplaires complets de la II'^'^ et de la III"^' année, qiie nous jpottrrotw
encore céder, jusqu'à nouvel ordre^ à raison Je fr. 7, la J/"'* et de.fr. 10, la
ZCr™" année, le port en sus. La P» est épuisée.
ÉCHANGES
Anvers.
Berlin.
Brème.
Bruxelles.
Berlin.
Sooiëtës de géographie.
Francfort s/M. Lille. Marseille. New- York .
Halle. Lisbonne. Montpellier. Oran.
Hambourg. I^yon. Mozambique. Paris,
léna. Ahdrid. Nancy. Rocheforl.
Sociétés de géographie oommeroiale.
Bordeaux. Paris. Porto.
Missions.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Saint-Gall.
Journal des missions évangéltques (Paris). jC^hurch missionary Intelligencer and Re-
Bulletin missionnaire (Lausanne). | cord (ï^ndres).
Missions évangéliques au XlXm» sièclej Missionary Herald (Boston).
(Neuchâlel). l American Missionary (New -York).
Journal de I Unité des Frères [moraves]! Foreign Missionary (New- York).
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions- Blatt (Bannen).
Berliner Mission s-Berich te (Berlin).
Heidenbote (Bàle).
Ëvangelisches Missions -Magazin (Bâlo).
('alwer Missions -Blatt (Calw).
Allgemeine Missions-Zeitscbrift (Gdters-
loh).
Glaul)ensbote (B&le).
Afriea (Londres).
Régions beyond (Londres).
Cbronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free (Ihurrb of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Churcb of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
teriai|.i!ihurch (Edimbourg).
Central Afriea (Londres).
Woman's foreign missionary Society
(Philadelphie).
Divers.
Exploration (Paris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du Lomice agricole (Médéa).
Bulletin de F Académie d*Hi[)pone (Bone).
Revue géographique internationale (Paris).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau fUr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fUr den
Orient (Vienne).
Zeitschrîft fttr wissenschaftliche Géogra-
phie (Lahr).
Aus allen Welttheilen (Leipzig).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Boilettino délia Societa africana d'Italia
(Naples).
Ësplorazione (Naples).
Marina e Commercio, c Giornale délie co-
lonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Afriea oriental (Mozambique). *
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Gonstantine).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
Bulletin de la Société khédiviale de
graphie (Le Caire).
Dr A. Petermann's Mittheilungen (Gotha).
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Reconl of geogra-
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban),
géo- Cape Argus (ilipe-Town).
West African Reporter (Sierra Leone).
Etc., etc.
SOMMAIRE
Bulletin mensuel 149
Nouvelles complémentaires 163
L'esclavage a Madagascar (!•' article) 167
Correspondance de Khabtoum 170
Bibliographie :
V Mein^ Mission nach Abesslnien, von Rohlfs 173
Léon Michel, Tunis 174.
Charles Buet, Madagascar. , 175*
Souvenirs de l'expédition de Tunisie, par Girard 176
OUVRAGES REÇUS :
Ed. Robert FlegePs Reise von Eggan nach Bida, und von dort ûber Keffi nach
Loko, 1881, von Richard Kiopert. Karte Vsooooo.
Sociedade de geographia de Lisboa. A questao do meridiano universal. Parecer
da secçao de nautica relator J.-B. Ferreira d'Almeida. — Lisboa 1883, in-8^,
45 p.
Livres snr l'Afrique. Catalogue de la librairie de Martinus NghofT, à la Haye
(Nobelstraat 18). N« 171, octobre 1882, in-8«», 26 p.
Léon Michel. Tunis. 2"« édition. — Paris (Garnier frères), 1883, iB-12, 314 p. Fr. 3,
Charles Buet. Madagascar, la reine des îles africaines. — Paris (Victor Palmé).
1883, în-8«, 391 p., avec gravures. Fr. 6.
Souvenirs de l'expédition de Tunisie, par M. 6. Girard. — Paris (Berger-Levrault
et C«), 1883, in-8S 56 p. Fr. 2.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
JOURNAL MENSUEL
s SAIVDOZ, ÉDI
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIKIOÉ PAB
H. GnstETe MOYHIBB
Membre de la CommiMion internationale de Bnixelles pour l'exploration et la oiTilisation
de rAfriquQ centrale; membre correspondant do rAoadémio d^Hippone,
et des Sociétés de géographie do Marseille, de Nancy, de Loanda et de Porto.
SÉDIQâ PAK
H. Charles FAUKE
SoorétiUre-Bibliothécaire de la Société de géographie de Osnève , membre correspondant dos Soj:>iétés
de géographie de Lisbonne, de Loanda. do Porto et de Saint-Gall.
L'Afrique paraît le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8o d'au
moins ^0 pages chacnne; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
paraît nécessaire.
Le prix de l'abonnement annuel, payable d'aTaoee, est de dix ffïrai
port compris, pour tous les pays de TUnion postale (première zone); pour les
autres, 11 fr. SÔ.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit ii an compte renda.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à 91. Gustave Mojnier,
Sy rue de l'Atliénée, ft QenèTe (Suisse).
S^adresser pour les abonnements à réditeur, 91. Jules SandoB»
ii Genève ou a NeneliAtel.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Sandoz et Thum-lier, éditeurs, V rue de Tournon, à Paris.
Ch. Delaurave, libraire. 13, rue Soufllol, à Paris. ^
MuQUARDT, libraire de la (^our. 4o. rue de ki Kégence. à Bruxelles.
DuMOLAHD frères, libraires, (^rso Villorio Emmanuele, 21* à Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querstr., 29, k Leipzig.
L. Frikderichsen et O^, libraires, Admiralitâlsstr, 3/4. à Hambc»urg.
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Graljen 27, Vienne (Autriche).
Trubnkr et 0\ libraires, Ludgate Hill. 57/59. à Londres E. il.
Et chez les principaux libraires de tous les p«Tys.
A VIS. — Nom mettofis à la disposition de nos nouveaux abonnés un certain
nombre d'exemplaires complets de la IL'''' et rfe la lU"'^ année^ que nous pourrons
encore céder, jusqu'à nouvel ordre, à raison de fr. 7. Ja //•"« et de fr. 10. la
///me année, le port en sits. La I'* est épuisée.
ÉCHANGES
Sooiétés de géographie.
Anvars. Francforts/M. Lillo. Marseille. Ne.»w-York. Home.
Berlin. Halle. Lisbonne. Montpellier. Oran. Rouen.
Brome. Hambourg. F^yon. Mozambique. Paris. Vienne.
Bruxelles. léna. Madrid. Nancy. Rocheforl.
Sociétés de géographie commerciale.
Berlin. Bordeaux. Paris. Porto. Saint-Gall.
Missions.
Journal des missions évangéliques (Paris)., Church missiooary Inlelligencer and Re-
Bulletin missionnaire (Lausanne). cord (Londres).
Missions évangéliques au XlXmo siècle Missionary Herald (Boston).
(Neuchâteh. American Missionary (iSew-York).
Journal de 1 Unité des Frères [moraves] Foreign Missionary (New- York).
(Peseux). Régions beyond (Londres).
Missions catholiques (Lyon). Clironicle of the London Missionary' So-
Mismons d'Afrique (Alger). ciety (Londres).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bâle).
Ëvangelisches Missions -Magazin (Baie).
(lalwer Missions- Blatt (Calw).
AHgemetne Missions-Zeitschrift (GUters-
Monthly Record of the Free (Ihnrch of
Scotland (Hldimbourg).
Missions Field (Londres).
(]hurch of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the uniled v
terian (Mmrch (Edimbourg).
presby
loh). [Central Africa (Londres).
Glaubensboto (Bâle). iWoman's foreign missionary Society
Africa (Londres). j (Philadelphie).
Divers.
Exploration (Paris). I African Times (Londres).
Moniteur des (Colonies (Paris). | Antislavery Reporter (Londres).
Bulletin des Mines (Paris), j Aborigine's Friend (Londres).
Bulletin de PAssociation scientifique alg»»- African Repository (Washington).
rienne (Alger). Observer (Monrovia).
Bulletin du (.omice agricole (Médéa). '• Ksploratore (Milan).
Bulletin de l'Académie d*iîippone (Bone)., Cosmos (Turin).
Revue géographique internationale (Paris), liollettino délia Sociela africana dltalia
Handels-Zeitung (Saint-Gall). (Naples).
Deutsche Rundschau fOr Géographie und Esplorazione (Naples).
Statistik (Vienne). Marina e Commercio, e Giornale délie cd-
Mîttheilungen der afrikanischen Gesell- lonie (Rome).
schaft in Deutschland (Berlin). ; Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Oesterreichisohe Monatsschrift fUr den' Africa oriental (Mozambique).
Orient (Vienne). 0 Afric^no (Quilimane).
Zeitschrift fQr wissenschaftliche Geogra-j Jornal das colonias (Lisbonne).
phie (Lahr). ' As colonias portuguezas (Lisbonne).
Ausallen Welttheilen (Leipzig).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris). iD»" A. Petermann's Mittheilungen (Gotha).
Revue de géographie (Paris). Proceedings of the royal geographical
Revue maritime et coloniale (Paris). Society and monthly Record of geogra-
Indépendant ((ionsUntine). phy (Londres).
Moniteur de l'Algérie (Alger). jNatid Mercury (Durban).
Bulletin de la Société khédiviale de géo- (>ape Argus ((iape-Town).
graphie (Le Caire). iWest African Reporter (Sierra Leone),
Etc., etc.
SOMMA 11! K
Piif;PB
Bl'LLETIN MENST'EL 1 77
Nouvelles complémeiitairep ISfi
L'esclavage a Madagascar (Suite et tin] 197
Note sur la Carte de la SÉxÉ(;AMmE ai; Nigrk lîK)
Correspondance :
Lettre de Lisbonne sur les travailleurs engagés pour Saint-
Thomas 198
BlBIJOGRAPIUE :
Société française et africaine d'encouragement 2(X)
Carte :
Routes suivies par des Européens entre la côte de Séuéganibie et
le Niger.
i
' OUVRAGES REÇUS :
Voyage extravagant mais véridique d'Alger au Cap, exécuté par huit jsersonnages
de fantaisie et leur suite, raconté par Julien Vinson et Paul Dive. Paris (Drey-
fus), 1882, in- 12", 300 p.
Société française et africaine d'encouragement. Rapport annuel. Paris (Impr.
Chaix), liB83, in-8^ 12 p.
Travaux de l'association des sociétés suisses de géographie, dans sa seconde ses-
sion, à Genève, les 29, 30 et 31 août 1882. Genève (Soc. de géogr.), 1883, in-8*',
206vpages et cartes. Fr. 4.
Joseph Vallot. Etude sur la flore du Sénégal. Paris (Jacques Lechevalier), 1883,
1«' fasç. gr. in-S**, 80 p. et carte. Fr. 4.
Afrika als Handeîsgebiet. West- Sud- und Ost-Afrika, von Fritz Robert. Wien
(Karl Gerold's Sohn), 1883, in-S«, 350 p.
Le Congo. Article du Courrier dea États-Unis et réponse d'un membre de l'Asso-
ciation internationale africaine. Bruxelles (Typ. Guyot, 12 rue Pachéco), 1883,
in-S*», 17 p. *
Madagascar, Slaverv and Cliristianity, by Robert Needbam Cust. Ix)ndon (Wells
Gardner, Darton and C'\ 2, Paternoster'Buildings, E. C), 1883, in-8«, 8 p.
Suite aux Lettrés sur le Transsaharien, publiées j^ar A. Brière. (Chez l'auteur,
percepteur à Sus-Saint-Léger, Pas-de-Calais). 1883, in-8°, 5(> p.
Adrian Balbi's AUgemeine Pirdbeschreibung. Vollkomraeu neu bearbeitet v. I)*" Josef
Chavanne. Lief. 25-HO. Wien (Hartleben), in-8*', mit lllustr. und Karteu.
Reiseberichte von Richard Brenner iiber die Expédition nach Ostafrika (1870-71)
an das kaufm. Directorinm in St. Gallen; in-4", 122 p.
Die kaufmànnische Corporation und das kaufmànnisclie Dircctorium in St. Gallen
in den Jahren 1864-1880. St. Gallen, 1882, in-4", 99 p. *
Abyssinien und die iibrigen Gebiete der Ostkiisio Afrikas, von proî. D"^ R. Hart-
mann. Leipzig (G. Frey(ag), und Prag (F. ïonipsky), 1^83, iu-12", 304 p. avei*
gravures. Fr. 1. 25. '
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
JOURNAL MENSUEL
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIRIGÉ PAR
H. GnstaTe MOYNIER
Membre de U Commission internationale de Bruzellot pour rexploratlon et la eiviHaation
de rÂfriqne centrale; membre correspondant do l'Académiu d'Hippono,
et des Sociétés de g(»ograptile de MarsotUe, de Nancy^ do Loanda et de Porto.
BiDIOÉ PAR
M. Charles FAURE
Socrétaire-Bibliothéeaire de la Société de géographie de Genève , membre corrrapondant dos Sociétét
de géographie de Lisbonne, dé Loanda. do Porto et de Saint-OalL
V Afrique paraît le premier lundi de cliaque mois, par livraisons in-S» d*an
inoiQs 20 pages chacune ; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
parait nécessaire.
Le prix de rabonnemeot annuel, payable d'aTan^e» est de dix flranes»
port compris, pour louis les pays de Tllnion postale (première zone); pour les
autres, il fr. 80.
Tout ouvrage nouveau relatif à TAfrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit 1^ an eompie renda.
Adresser tout ce qui concerne la rédaetion à 9I. OustaTe Bfoyaler»
9, rae de l'Athénée» 1^ Génère (Suisse).
S'adresser pour les abonnements à Téditeur, M. Jules Sandos,
Èi C^enève ou à NenebAtel.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Sandoz et Thuillikr, éditeurs, 4. rue de Tournon, à Paris.
Ch. Delagrave, libraire. 1*^, rue Soutïlol, à Paris.
MuouARDT, libraire de la Cour, 45. rue de la Hégenre, à Bruxelles.
DuMOLAKD frères, libraires, Corso Vil torio Emmanuele, 21, â^ilnn.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querstr., 29, à Leipzig.
L. Frikderichsen et (^*«, libraires, Adimraliiatsstr, 3/4, à Hanibtiurg.
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Aulriciie).
Trubneu et O. libraires, Ludgale Hill. 57j39. à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pn\s.
ATIS. — Nous mettons à la disposition de nos nouveaxtv abonnés mi certain
nombre d^exemplaires complets de la 11'^^^ et de la Iir*^^ année, que nom poun^ons
encore céder, jusqu'à nouvel ordre, à raison de fr. 7. la U"* et defr. 10. la
HT™* année, le port en sus. La J" est épuisée.
Anvers.
Berlin.
Brème.
Bruxelles.
ÉCHANGES
Sociétés de géographie.
Francforts/M.Lille. Marseille. New- York.
Halle. Lisbonne. Montpellier. Oran.
Hambourg. Lyon. Mozambique. Paris,
léna. Madrid. Nancy. Rochefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Saint-Gall.
Sociétés de géographie coznmerciale.
Berlin. Bordeaux. Paris. Porto.
Missions.
Journal des missions évangéliques (Paris). 'Church missionary Intelligencer and Re-
Bnlletin missionnaire (Lausanne). | cord (Londres).'
Missions évangéliques au XÏX^e siècle Missionary Herald (Ejoston).
(Neuchâtel). | American Missionary (Xew-York).
Journal de TUnité des Frères [moraves];Foreign Missionary (Ne w-York).
(Peseux). , Régions beyond (Londres).
Missions catholiques (Lyon). Chronicle of the London Missionary So
Missions d'Afrique (Alger). ciety (Londres).
Annales de la propagation de la foi (Lyon). Monthly Record of the Free Chureb of
Missions -Blait (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bâie).
Ëvangelisches Missions -Magazin (Bâle).
' (lalwer Missions -Blatt (Calw).
Allgemeine Missions-Zeitsclirift (Gllters
lob).
Glaubensbote (Bâle).
Africa (Londres).
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian Lhurch (Edimbourg).
Central Africa (Londres). .
Woman's foreign missionary Socielv
(Philadelphie).
Divers,
Exploration (Paris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du Comice aj^ricole (Médéa).
Bulletin de T Académie d*Hij)pone (Bone).
Revue géographique internationale (Paris).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau fUr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschiand (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fur den
Orient (Vienne).
Zeitschrift fUr wissenschaftiiçhe Géogra-
phie (Lahr).
Aus allen Welttheilen (Leipzig).
Chamber of Commerce Journal (Londres).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (TiOndres).
African Repository (Washinjfton).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Bollettino délia Societa africana d'Italia
(Naples).
Esplorazione (Naples)..
Marina e Commercio, e Giomale délie co-
lonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).-
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias porluguezas (Lisbortne).
Revista de Estudos Livres (Lisbonne).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du inonde (Paris).
Revue de géograpbie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (('onstantine).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
Bulletin de la Société khédiviale de géo-
graphie (Le Caire).
-Etc.
Dr A. Petermann*s Mittheilungen (Gotha).
Proceedings of the roval geographical
Society and monthly Record of geogra-
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus (C^pe-Town).
West African Reporter (Sierra Leone).
etc.
:j
SOMMAIRE
Bulletin mensitel 201
Nouvelles coniplémeutaires 212
La part des Suisses dans l'explojration et la civilisation
DE l'Afrique 215
Correspondance :
Question des travailleui-s eiif^agés pour Saint-Thomas 220
Abandon du Darfour par TÉgypte 230
BiBLlOGRAPraE :
Voyage extravagant, mais véridique, d'Alger au Gap, par Julien
Vinson et Paul Dive 231
Études sur la Flore du Sénégal, par Joseph Vallot 231
Abyssinien und die ubrigen Gebiete der Ostkûste Afrikas, von prof.
D' R» Hartmann , / , % 232
OUVRAGES REÇUS :
Denis deRivoyre. Obock, Mascate, Bouchire, Bassorah. Paris (Pion et ۥ), 1883,
în-12, 292 p. avec gravures et carte. Fr. 4.
The water highways of the interior of Africa, with notes on slave liunting and
the means of its suppression, by James Stevenson. Glascow (James Maclehose
& Sons), 1883, in-S*», 28 p. et cartes. ^
Beitrâgezur Kenntnis Madagaskars. — I. Madagaskar und das Hovareich. Vortrag,
von J. Audebert. Berlin (Ferd. Dummler), 1883, in.8«>, 64 p. Fr. 1,60.
IV u. V. Jahresberichte der Geographischen Gesellschaft in Bern 1881-82-83 mit
Karten. Bern (B. F. Haller), 1882 et 1883, 2 vol. in-8^
Societa d'esplorazione commerciale in Africa. Conferenze teuutcsi in Milano.
Volume IL Conferenze del 1883. Milanq,*1883, in-8°, 151 p.
Le pays des Zendjs ou la Côte orientale d'Afrique au moyen âge, par L, Marcel
Devic. Ouvrage couronné par l'Institut. Paris (Hachette), 1883, in-8^, 280 p.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
JOURNAL MENSUEL
J V 1-iW.S !=-AIS"I>OSe. ÉDITEUR
LAFRmUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
M&IGÉ PAR
H. OnstaTO HOTNIEB
Meinbce de la CommisBion internationale do Braxellos pour l'exploration et la civiliaatioo
de TAfrique centrale; membre correspondant do rAcadôniio d''HtpponCf
«t des Sociétés de géographio do Marseille, de Nancy, do Loanda et d« Porto.
RÉPIOÊ Par
H. Charles FAUBE
Sccrétuiro^Bibliothécaire de la Société de géographie de Genève , membre correspondant dos Sociétés
do géographie de Lisbonne, de Loanda, do Porto et de Saint-Gall.
L'Afrique paraît le premier lundi de chaque mois, par livraisons ih-8o d'au
moins 20 pages chacune; le texte est ac-compagné de cartes, chaque Jois que cela
paraît nécessaire.
Le prix de Fabonnement annuel, pajrafile d'avanee, est de dix franes»
port compris, pour tous les pays de TUnion postale (première zone); pour les
autres, 11 fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exempkires k
la Direction, a droit h an eonlpte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à H* Gustave Moirnler*
89 rue de l'Athénée» h Genève (Snisse).
S'adresser pour les abonnements h l'éditeur» M. Jules Sandox»
ih Genève ou Ik NeuehAtel*
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Sandoz et Thuillier, éditeurs. 4. rue de Tournon, à Paris.
Ch. Delagkave, libraire. 15, rue Soufllol, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la (Dour, 45, rue dt» la llégence, à Bruxelles.
DuMOLARD frères, libraires. Corso Vittorio Emmanuelej 21. à Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querslr., 29, à Leipzig.
L. FiUKDEHicHSEN et 0% libraires, Adniiralitiitsslr, 3/4, à Hambourg
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Graben 27, Vienne (Autriche^,
Trubner et 0\ libraires, Ludgatc Hill. 57/59. à Londres E. C
Et chez les principaux libraires de tous les p:iys.
AVIS* — Notis mettmis à la disposition de nos nouveaux qbonnés un certain
nombre d^ exemplaires complets de la II^'° et de la III"'*" année, que nom pourrons
encore céder, jusqu^à nouvel ordre, à raison de fr. 7. la II"''' et de fr. 10. la
HT"* année, le port en sus. La I"^ est épuisée.
Anvers.
Berlin.
Brome.
Bruxelles.
ÉCHANGES
Sociétés de géographie.
(k)nstantine. léna. Madrid. Nancy.
Francfort 8/M. Lille. Marseille. New- York.
Halle. Lisbonne. Montpellier. Oran.
Hambourg. Lyon. Mozambique. Paris.
Rocheforl.
Rome.
i\ouen.
Vienne.
Saint-Gall.
Sociétés de géographie commerciale.
Berlin. Bordeaux. Paris. Porto.
Missions.
Journal des missions évangéliques (Paris). C.hurch missionary Intel ligencer and Re
Bulletin missionnaire (Lausanne). i cord (Londres).
Missions évangéliques au XlXrae siècle! Mi.ssionary Herald (Boston).
(Neuchâtel). American Missionary (New -York).
Journal de TUnité des Frères [moraves]jForeign Missionary (New- York).
(Peseux). Régions beyond (Londres).
Missions catbolîques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (Bâle).
Evangelisches Missions -Magazin (Bâle).
(lalwer Missions -Blatt (Calw).
Allgemeine Missions-Zeitschrift (GUtei*s-
loh).
Glaubensbote (Bâle).
Africa (Londres).
Cbronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly R'Mîord of the Free Churoh of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian Lhurch (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Woman's foreign missionarv Socielv
(Philadelphie).
Exploration (Paris).
Moniteur des (lalonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de TAssociation scientifique algcV
rien ne (Alger).
Bulletin. du (Comice agricole (Mèdêa).
Bulletin de F Académie dHii)pone (Bone).
Revue géographique internationale (Paris).
Handels-Zeitung (Saint-Oall).
Deutsche Rundschau fUr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanis^hen Gesell-
schaft in Deutschiand (Berlin),
Oesterreichische Monatsschrift fttr den
Orient (Vienne).
Zeitschrift fUr wissenschaftliche Géogra-
phie (fjahr).
Ans allen Welttheilen (Leipzig).
Chamber of Commerce Journal (Londres).
Divers.
African Times (Londres),
Antislavery Reporter (I^ondres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Rejiository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
(Cosmos (Turin).
Bollettino délia Societa africana d'Italia
(Naples).
Esplorazione (Naples).
Marina e Commercio,eGiornaledellc co-
lonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Revista de Ëstudos Livres (Lisbonne).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant ((^onslantine).
Moniteur de TAlgérie (Alger).
Bulletin de la Société khédiviale de géo-
graphie (Le Caire).
Dr A. Petermann's Mittheilungen (Gotha).
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Record of geogra-
phy (Londres).
Natid Mercury (Durban).
Cape Argus (Cape-Town).
West African Reporter (Sierra Leone).
Etc., etc.
SOMMAIRE
Page»
BlTLLKTIN MENSUEL 233
Nouvelles complémentaires 244
Expéditions i>u colonel Borgnis - Desbordes du Skkègal au
Niger, par M. Alexis Demaffey, ingénieur des raines 247
BlBIJOGRAPHIE :
Fritz Robert. Afrika als Haudelsgebiet. 254
Denis de Rîvoyre. Obock, Mascate, Bouchire, Bassorah 256
J. Stevenson. The water highways of the interior of Africa 255
J. Audebert. Beitràge zur Kenntniss Madagaskars 256
OUVRAGES REÇUS :
De Brazza, Stanley, Léopold II roi des Belges. Le droit des gens dans l'Afrique
équatoriale, par M. Antonin Deloiime. Toulouse, 1883, in-S®, 75 p.
Regnauld de Lannoy de Bissy. Carte d'Afrique, feuilles 10, 17, 23,24, 31, 32,55,59.
Paris, 1883.
Journal of the American geographical Society. T. XIII. 1881, in-8''.
Tlie Congo neutralized, by Emile de Laveleye (Reprinted from the Contemporary
Review, June 1883), in-8^ 24 p.
La libre navigation du Congo, par Sir Travers Twîs. (Extrait de la Revue de droit
international, 1883), in-8**, 8 p.
Propaganda per PAfrica. Relazione di M. A. M. Mizzi. Malta 1881. In-8*», 22 p.
Jacques Hervé. L'Egypte. Paris (Jodvet et C"), 1883, in-12, 252 p. illust. et carte,
2 fr.-
Laurent Crémazy. Notes sur Madagascar. Paris (Berger-Levrault et C), 1B8.%
in-8^ 25 p.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
JOURNAL MENSUEL
L'AFRIQ€E
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DIBIGâ PAR
M. GnstaTe MOTNIER
Membre de la Commission internationale de Bruxelles pour l'exploration et la civilisation
de rAftîqne centrale; membre correspondant de TAcadémie d^Hippono,
et des Sociétés de géographie de Marseille, de N^icy, do Loanda et de Porto.
RÉDIGÉ PAR
M. Charles FAURS
Secrétaire-Bibliothécaire de la Société de géographie de Genèyo , membre correspondant des Sociétés
de géographie de Lisbonne, de Loanda, do Porto et de Saint-Gsll.
L*Afriquê parait le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8° d*aa
moins 20 pages chacune ; le texte est accx)mpagné de ' cartes, chaque fois que ceta
parait nécessaire.
Le prix de rabonnemeut annuel, payable d^avanee,* est de dix franes,
port compris, pour tous les pays de l'Union postale (première zone); pour les
autres, ii fr. 5Ô.
Tout ouvrage nouveau relatif à TAfrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit h nn «oiiipte rendu*
Adresser tout ce qui concerne la rédaetion à M. GasiaYe Mojrnler*
Hf rue de l'Atliéiiée» h Genève (Suisse).
S*adreMier pour les abonnentento h l'édilenr, M» Jules Sandos,
i^ Genève ou Ik MeueliAtel.
On s'abonne aussi :
Dans tous les bureaux de poste de la Suisse.
Chez MM. Sandoz et Thuiujer, éditeurs, 4. rue de Tournon, à Paris.
(ih. Delagravb, libraire. 15, rue Soufflot, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la Cour, 4r>, rue do la Régence, à Bruxelles.
DuMOLARD frères, libraires. Ck)rso Y^itlorio Enimanuele^ 24, k Milan.
F,-A. Brogkhaus, libraire, Querstr., 29, à, î^eipzig.
, L. Friedbrichsen et C}% libraires. Adiniralitâtsstr. 3/4, à Hambourg
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Gnïl)en 27, Vienne (Autriche).
Trubnbr et C**. libraires, Ludgate ïlill. 57/59. k Londres E. C
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
ATIS* — Nous mettons à la disposition de fios nouveaux abonnés un certain
nombre d*exemplaires complets de la ZT™* et de l^ ILD^*' ann/e, que nous pourrons
encore céder, jusqu^à nouvel ordre^ à raison de fr, 7, âi i/™« et de fr. 10. la
JU"* année, le port en sus. La r^ est puisée.
ÉCHANGES
Sociétés de géographie.
(k)nstantine. léna. Madrid. Nancy.
Francforts/M. Lillf*. Marseille. New- York.
Halle. Lisbonne. Montpellier. Oran.
Hambourg. Lyon. Mozambique. Paris.
Sociétés de géographie commerciale.
Bordeaux. Paris, Porto.
Missions.
Journal dos missions évangéliques (Paris). 'Church missionary Inlelligencer and Re
Bulletin missionnaire (Lausanne). cord (Londres).
Missions évangéliques au XlXme sièclel Missionary Herald (Boston).
(Neuchâtel). | American Missionary (New- York). •
Journal de l'Unité des Frères [uioravesjiForeign Missionary (New- York),
(Peseux). ! Régions beyond (Londres).
Anvers.
Ik^rlin.
Brème.
Bruxelles.
Berlin.
Rocheforl.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Snint-Gall.
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions -Blatt (Bannen).
Berliner Missions-Berichte (Berlin).
Heidenbote (B&le).
Ëvangelisches Missions -Magazin (BÂle).
(^*alwer Missions -Blatt (C^alw).
Allgemeine Missions-Zeitschrift (GQters-
loh).
Glauhensbote (Bâle).
Africa (Londre.s).
Citron icle of the l^ondon Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Church of*
Scolland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of tlie united presby-
terian (church (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Woman's foreign . missionarv Sociely
(Philadelphie).
Divers.
Exploration (Paris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du Comice agricole (Médéa).
Bulletin de l'Académie d'Hippone (Bone).
Revue géographique internationale (Paris).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau fttr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fUr den
Orient (Vienne).
Zeitschrift fUr wissenschaflliche Géogra-
phie (Lahr).
Aus allen^Welttheilen (Leipzig).
Chamber of Commerce Journal (Londres).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia)..
Espioratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Bollettino délia Sociela africana d'Itâlia
(Naples).
Esplorazione (Naples).
Marina e Commercio, e Giornale délie co-
lonie (Rome),
Boletin de la Exploradora (Viloria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Revista de Estudos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant ((^onstantine).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
Bulletin de la Société khédiviale de
graphie (Le Caire).
Dr A. Petermann's Mittheilungen (Gotha).
Proceedings of the royal geographical
Society and monthly Record of geogra-
phy (Londres).
Natil Mercury (Durban).
géo-!Cape Argus (Cape-Town).
jWest African Reporter (Sierra Leone).
Etc., etc.
SOiMMAIRE
Pagei
Bulletin mensuel 257
Nouvelles complénientaire^ 269
La question du Congo devant l'Institut de droit interîîa-
TioNAL, par M. G. Moynier 272
Bibliographie :
Jahresberiçhte (1er geographischen Gesellschat't iu Berii. 294
Conferenze tenutesi in Milano nel 1883 204
Le paya des Zcndjs, par Marcel Devic 296
L'Egypte, par Jacques Hervé 296
OUVRAGES REÇUS :
Mission raudoise. Leçons de sigwamba, langage des Magwambas, par le mission-
naire P. Berthoud (Autographie d'un cahier d'étudiant). Lausanne (impr.
J. Chappuis), 1883, in-4<>, 46 p.
Bukn ya tsikwembo tsinwe na tisirao ta hlengeletano. Lausanne (impr. Georges
^ Bridél), 1883, in-12, 56 et 94 p.
Adrian Balbi's allgemeine Erdbeschreibung. Siebente Auflagc. VoUkommen neu
bearbeitet von D' Josef Chavanne. Mit 400 Illustr. und 150 Karten. Wien, Pest,
Leipzig (A. Hartleben), in-8^, Lief. 31-37.
Carte du Haut-Sénégal, levée sous la direction de M. le commandant Berrien,
Viooooo, 6 feuilles. — Cartes et plans de la mission topographique du Haut-
Sénégal.
Genève. — Imprimerie Charles Schuchardt.
JOURNAL MENSUEL
JUXJES SAPfZtOZ. ÉDITEUR
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVILISÉE
JOURNAL MENSUEL
DZUQlt FA&
H. GnstaTe MOTSIER
Meiubr€ de la CommiMÎoD internationale de Bruxelles pour rexploration et la ciyiliBatioa
de rAfriqne oentiale ; membre correspondant de rAoadémio d*Hippone ,
et des Sooiétés de géographie de Marseillei de Nanoyi de Loanda et de Porto.
fttolOÉ FAX
H. Charles FAUBS
Seoritaire-Bibliothécalre de la Société de géographie de Genève , membre correspondant dos Sociétés
de géographie de Lisbonne, de Loanda, do Porto et de Saint-Oall.
L* Afrique parait le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-8o d'au
moins 20 pages chacune; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que. cela
paraît nécessaire. •
Le prix de Tabonnement annuel, payable d'aTanee, est de dix francs»
port compris, pour. tous les pays de T Union postale (première zone); pour les
autres, 11 fr. 50.
Tout ouvrage nouveau relatif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit i^ vu «ompte rendu*
Adresser tout ce qui concerne la rédaelion à M* Gnsteve Mojmier»
9» rue de 1* Athénée» k Genève (SaUise).
S'adresser ponr les abonnements k l'éditeur» H. Jules Sandos»
EL Genève ou h NeuebAtel*
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Chez MM. Sandoz et Thuillier, éditeurs, 4, rue de Tournon, à Paris.
Ch. Delagrave, libraire, 15, rue SoufiQot, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la Cour, 45. rue de la Régenpe, à Bruxelles.
DuMOLARD frères, libraires, Corso Yittorio Ëmmanuele^ 21. à Milan.
F,-A. Brockhaus, libraire. Querstr., 29, à Leipzig.
L. Friederichsen et C*«, liljraires, Admiralitâtsstr, 3/4, à Hambourg
Wilhelm Frick, libraire de la Cour, Graben.27, Vienne (Autriche).
Trubner et C»% libraires, Ludgale Hill, 57/59, à Londres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
ATIS* — Nous mettons à la disposition de nos nouveaux abonnés un certain
nombre d'exemplaires complets de la 11"^^ et de la IIP*'** année, que nous pourrons
encore céder, jusqu'à nouvel ordrCy à raison de fr. 7. la II^* et de fr, 10. la
in^* année, le port en sus, La r^ est épuisée, ^
Anvers.
Berlin.
Brome.
Bruxelles.
Berlin.
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Sociétés de géographie.
Constântine. léna. Madrid. Nancy.
Francforts/M. Lille. Marseille. New-York.
Halle. Lisbonne. Montpellier. Oran.
Hambourg. Lyon. Mozambique. Paris.
Sooiétée de géographie ooxnineroiale.
Bordeaux. Paris. Porto.
Mifl8ioa8.
Hochefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Saint-Gall.
Journal des missions évangélîqaes (Paris).
Bulletin missionnaire (Lausanne).
Missions évangéliques au XIXin« siècle
(Neuchâtel).
Journal de l Unité des Frères [moraves]
(Peseux).
Missions catholiques (Lyon).
Missions d*Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions- Blatt (Barmen).
Berliner Missions-Bericnte (Berlin).
Heidenbote (B&le).
Ëvangelisches Missions -Magazin (Bàle).
Calwer Missions -Blatt (Calw).
Allgemeîne Missions-Zeitschrift (GUters-
lob).
Glaubîensbote (Bâie).
Africa (Londres).
Church missionary Intelligencer and Re-
cord (Londres).
Missionary Herald (Boston).
American Missionary (New -York).
Foreign Missionary (New-York).
Régions beyond (Londres).
Chronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres)!
Monthly Record of the Free Church of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian Church (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Woman's foreign missionary Society
(Philadelphie).
Divers.
Exploration (Paris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Alger).
Bulletin du Comice agricole (Médéa).
Bulletin de T Académie d'Hi])pone (Bone).
Revue géographique internationale (Paris).
Handels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau fUr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheilungen der afrikanischen Gesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fOr den
Orient (Vienne).,-
Zeitschrift f(lr wissenschaftliche Géogra-
phie (Lahr).
Aus allen Welttheilen (Leipzig).
Chamber of Commerce Journal (Londres).
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine*s Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Esploratore (Milan).
Cosmos (Turin).
Bollettino délia Societa africana d'Italia
(Naples).
Ësplorazione (Naples).
Marina e Commercio, e Giornale délie co-
lonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das cobnias (Lisbonne).
As colonias portugoezas (Lisbonne).
Revista de Estudos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépend int (Constântine).
Moniteur de l'Algérie (Alger).
Bulletin de la Société khédiviale de
graphie (Le Claire).
Dr A. Petermann*s Mittheilungen (Gotha)
Proceedings of the royal geographica
Society and monthly Record of geogra
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban),
géo- Cape Argus (Cape-Town).
Wast African Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
SOMMAIRE
Paire»
Bulletin mensitel » 297
Nouvelles complémentaires 309
Elmina, par M. J. Prost. , .'. : 311
BiBUOGEAPHIE :
Notes sur Madagascar, par Laurent Crémazy 326
. Boku ya Tsikwembo tsinwe na Tisimo ta Hlengeletano, et Leçons de
sigwamba, par P. Berthoud 327
An international protectorate of tfae Congo Rirer, by Sir Travers
Twisa. 328
OUVRAGES REÇUS :
Les colons du Tanganyika, par Armand Dubarry. Paris (Firmin-Didot et C'*), 1884,
in-12, 317 p. Fr. 3.
An international protectorate of the Congo River, by Sir TravcTS Twiss, D. C. L.,
F. R. S., etc. London, 1883, in-8'>, 19 p-
Genève. — Imprimerie Charles Schucbardt.
' ■ ^laJÉJ
L'AFRIQUE
EXPLORÉE ET CIVIL
j i:j
JOURNAL MENSUEL
niRIGJÊ PAR
M. OnBtETO MOTNIEB
Membre de la CommiBsion interuationalQ de Brnxellos pour l*ozpIoriltion et Ift cmlis&tion
* de TAfriqne centrale; membre correspondant de rAcadémio d^Hlppone, * "
et dea Sociétés do géographie do Marseille, de Xancy, de Loanda et de Porto.
RKIïIGÉ PAR
H. Charles FAURE
Secrétaire-Bibliothécaire de la Société de géographie de Genève , membre corrcspondnnt dos Sociétéa
de géographie do Lisbonne, de Loanda, do Porto et do Saint->Gnl1.
L'Afrique parait le premier lundi de chaque mois, par livraisons in-S» iVdxf
moins 20 pages rharune ; le texte est accompagné de cartes, chaque fois que cela
paraît iiécessaire.
Le prix de l'abonnement annuel, payable d'avance , est de 10 flraiic»»
port compris, pour tous les pays de^ l'Union postale (premit^re zone) ; pour les
autres, 11 fr. SO. . '
Tout ouvrage nouveau relalif à l'Afrique, dont il est envoyé deux exemplaires à
la Direction, a droit h un eompte rendu.
Adresser tout ce qui concerne la rédaction à Jfl* OnutaTe Mojrnler»
Hf rne de l'Athénée, h, Genève (Suisse).
S'adresser pour les abonnements h l'éditeur, M. H. Georfc, il
Gené¥e on à BAle*
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(ihez MM. Ch. Delagrave, libraire, lo, nie Soufflot, à Paris.
MuQUARDT, libraire de la C.our, 45. rue de la Régence, à Bruxelles.
Dumolard frères, libraires. Corso Vit torioEmmanuele, 21. h Milnii.
F,-A. Brockhaus, libraire, Querstr.. î!9, à Leipzig.
L. Frikderichsbn et («*«, libraires. Adn)iraliiaisstr, 3/4, k Hnmbourg
Wilhelm Fkick, libraire de la Cour, Graben 27. Vienne (.Autriche).
ÏRUBNER et C'\ libraires, Ludgate Hill. 57/59. à Lon<lres E. C.
Et chez les principaux libraires de tous les pays.
AVIS. — Nous rnettom à la dispositimi de nos nouveaux abonnes un certain
nombre d'exemplaires complets de la II"'", de la IFI"**' et. de la /r»"" aniues. Iai
P* est épuisée.
ÉCHANGES
Sociétés de géographie.
Constantine. Hambourg. Lvon. Nancy.
Francforts/M. léna. Aiadrid. New- York.
Greisswald. Lille. Marseille. Oran.
Halle. Lisbonne. Montpellier. Paris.
Sociétés de géographie commerciale.
Bordeaux. Paris. Porto.
Missioxui.
Journal des missions évangéliques (Paris). 'Chnrch missionary Intelligencer and Re-
BuUetin missionnaire (Lausanne). i cord (Londres)." '
Missions évangéliques au XJX^e sièclel Missionary Herald (Boston).
( Nenchâtel ) . ' American Missionary (New - York ) .
#iMirnal de TUnité des Frères [moraves]Foreign Missionary (New- York).
(Peseux). i Régions beyond (Londres).
Anvers.
Berlin.
Brème.
Bruxelles.
Berlin.
Roohefort.
Rome.
Rouen.
Vienne.
Satnt-Gall.
Missions catholiques (Lyon).
Missions d'Afrique (Alger).
Annales de la propagation de la foi (Lyon).
Missions-Bbtt (Bannen).
Berliner Missions-Berichtp (Berlin).
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Ëvangelisches Missions -Magazin (Bâle).
C^ilwer Missions -Blatt ((^alw).
Allgemeine Missions-Zeitschrift (GClters-
loh).
Glaubensbq^. (Bâle).
Africa (fjondres).
Chronicle of the London Missionary So-
ciety (Londres).
Monthly Record of the Free Church of
Scotland (Edimbourg).
Missions Field (Londres).
Church of Scotland home and foreign
• Missionary Record (Edimbourg).
Missionary Record of the united presby-
terian Lhurch (Edimbourg).
Central Africa (Londres).
Woman's foreign missionary Society
(Philadelphie).
Exploration (Paris).
Moniteur des Colonies (Paris).
Bulletin des Mines (Paris).
Bulletin de l'Association scientifique algé-
rienne (Aljjer).
Bulletin du (iOmice agricole (Médéa).
Bulletin de l'Académie d'Hippone (Bone).
Revue géographique internationale (Paris).
[faudels-Zeitung (Saint-Gall).
Deutsche Rundschau fUr Géographie und
Statistik (Vienne).
Mittheihingen der afrikanischen (jesell-
schaft in Deutschland (Berlin).
Oesterreichische Monatsschrift fttr den
Orient (Vienne).
Zeitschrift fUr wissenschaftiiche (îeogra-
phie (Lahr).
Aus allen Welttheilen (Leipzig).
(ihamber of Coïnmerce Journal (Londres).
Divers.
African Times (Londres).
Antislavery Reporter (Londres).
Aborigine's Friend (Londres).
African Repository (Washington).
Observer (Monrovia).
Ësplotatore (Milan).
Cosmos (Turin).
Bollettino délia Societa africana d'Italia
(Naples).
Esplorazione (Naples).
Marina e Comraercio^ e Giornale délie co-
lonie (Rome).
Boletin de la Exploradora (Vitoria).
Africa oriental (Mozambique).
0 Africano (Quilimane).
Jornal das colonias (Lisbonne).
As colonias portuguezas (Lisbonne).
Revista de Estudos Livres (Lisbonne).
Réveil du Maroc (Tanger).
AUTRES PUBLICATIONS CONSULTÉES
Tour du monde (Paris).
Revue de géographie (Paris).
Revue maritime et coloniale (Paris).
Indépendant (Constantine).
Momteur de l'Algérie (Alger).
Bulletin de la Société khédiyiale de géo-
graphie (1^ (iiaire).
Df A. Pelermann's Mittheilungen (GoUia)
Proceedings of the royal geographica
Society and monthly Record of geogra
phy (Londres).
Natal Mercury (Durban).
Cape Argus (Cape-Town).
West African Reporter (Sierra Leone)
Etc., etc.
SOMMAIRE
BULLKTIN MENSUEL ^ 829
Nouvelles complémentaires 337
Les GBANDE8 VOIES FLUVIALES DE l' AFRIQUE 331)
Partie de i.' Afrique voisine du détroit de Bab-jsl-Masdeb. . 347
Bibliographie :
Carte du Haut-Sénéf?al (mission DerrienJ 348
Mission Galliéni. Itiii.^aires de Vallière et Piétri 349
Les colons du Tanganyika, par A. Dubarry 350
Table des matières de la quatrième ankée 351
OUVRAGES REÇUS :
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Edmond Desfossés. Affaires d'Orient. Le protectorat français en Tunisie, avec
texte et commentaire du'traitc de Kassar-Saïd. — Paris (Challamel aine), 1B82,
in-8^ 27 p. Fr. 2. '
De la réorganisation administrative et financière do la Tunisie, avec texte officiel
du traité de Kassar-Saïd, par Edmond Desfossés. — Paris (Giallamel aine), 1882,
in-8°, 41 p.
De la lecture dés cartes étrangères, par Henri Mager. — Paris (Aug. Ghio), 1883,
in-12, lOOp.Fr.l,
I;
Genève. — Imprimerie Charles Schuebardt.
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